Vous êtes sur la page 1sur 44

Introduction

Roches sédimentaires et roches magmatiques prennent naissance dans un domaine


thermodynamique bien défini. Les premières se forment à basse température et sous
pression habituellement faible. Les secondes, à température plus élevée (650 à
1 200 °C) et à des pressions variables pouvant aller de l'atmosphère (roches volcani­
ques de surface) à celles se chiffrant en kilobars, atteintes dès quelques kilomètres de
profondeur. Or, Les minéraux ne sont stables que dans des domaines définis, plus ou
moins vastes, de température (T) et de pression (P). OYl)'cVV\Vpff"r �t}{nplé lYp0PflS
MvdiXer'se.srvavi'ét.és d.it siVoé (fig. 8.11). Lors d'un cycle orogénique, les roches sont
entrainées pour des raisons tectoniques vers la profondeur, il y a transformation des
minéraux par réaction entre eux. De nouveaux assemblages apparaissent, typiques des
conditions P, T rencontrées durant ce parcours: c'est le métamorphisme.
Les roches réagissent donc à l'état solide aux changements des conditions P et T,
elles se transforment: c'est le métamorphisme qui peut se définir comme l'ensemble
des mod(fïcations intervenant à l'état solide dans la composition minérale et dans la
structure d'une roche soumise à des conditions de température et de pression diffé­
rentes de celles où elle s'est formée.
Les minéraux des roches issues de la profondeur et parvenu es en surface, par l e j eu de
l' or o genèse puis de l'ér osion ou par celui des éruptio ns volcaniques , se modifient aussi
c'est l'altération

température (° C]

200 600 800 1000

métamorphisme
de contact
/

/
/ I
I 10
,;;, /
/

½
0.5 � I
I

½ / g,J$i
I c,
I -�
20

� métamo, ph1sme / ·O ,;,,:,,


/ "'"'
cataclast1que / "$>
/
� /
30
/
1.0 /
/

';;;'
40 s

o..
2 �
"
-�" � c8
� 1.5 � �
0
h h
50

l.8 Les trois types de métamorphisme. La zone hachurée représente des conditions qui ne sont pas atteintes sur Terre (d'après
��; �
J

La recherche a montré qu'une matière initiale peut do nner des minéraux différents selo n 1es cond.t · ons
du milieu. Un cas exemplaire est celui du silicate d'alumine Al2SiO5 (fig 11 • 9). Se1 on, 1 es valeurs relative i '. s
. , . ·
du coup1 e pre:s� on-t�rnperature , il se_trouve sou s trois formes minéral o giques différentes : andalo usite (orthor-
h_ombique), s1�hmarn�e �orthorhom?1que) et dr:thène (triclinique). Selon que ]a roche co ntient l'une ou l'au­
'.e de ces especes mmerales , on d1stmgue trms domaines-de conditions de métamo rphisme différents que
� on �1�pelle «zo��s» (fig. 11.10). D'autres zon es peuvent être définies sur la base de minéraux sensible · s' aux
' ,
·
concl1tto ns du milieu.
De plus, on détermine l es co nditions de métamorphisme par l'ass· ociati ' on de minéraux pre,sents dans 1es
• ,
, Ja. trans,..ormat10n; ces associati o ns définissent différents faciès·, par exemple , le
roches· apres . f·ac1·,es «sch .1s-
, ,
� verts» est caracten· se, par 1 a presence d e chlorite , albite , épidote et actinote.
t"'s
En principe, le domaine des roches métamorphiques s'étend en température de 50- li ·c à
650-700 °C, et en pression de quelques atmosphères à quelques milliers d'atmosphères. L� :·rn­
cessus qui, à des pressions faibles ou moyennes et à des températures inférieures à 10l1 ·,·.
aboutit à une simple compaction et à un départ d'eau dans les minéraux fortement hydra,t,
doit être appelé diagenèse. On a donc successivement les phénomènes suiv,v;its : à basse
température le couple altération-sédimentation ; au-delà, la diagenèse, puis le
métamorphisme, la zone de transition étant celle de l'anchimétamorphisme.
Le degré le plus élevé du métamorphisme conduit à la fusion totale ou partielle des
roches dépendant fortement de l'hydratation du milieu. Ainsi le domaine de l' anatexie
(fusion partielle des roches), qui est limité par le solidus du granite, vient-il recouvrir
le domaine du métamorphisme. L'anatexie de la croûte continentale aboutit à la for­
mation in situ d'un magma de composition granitique (néosmne ou leucosome) qui se
mélange à la trame des roches métamorphiques (paléosome).
Si le métamorphisme affecte des roches sédimentaires, on parle de roches para­
métamorphiques ; s'il s'agit de roches magmatiques, cl'orthométamorphisme ; enfin,
s'il s'agit de roches déjà métamorphisées antérieurement on utilise le terme de poly­
métamorphisme. Une roche soumise à un degré élevé de métamorphisme, peut ulté­
rieurement être transformée jusqu'à fournir une roche de moindre degré
métamorphique: c'est la rétromorphose. Ceci se passe régulièrement pour des unités
tectoniques ci'abord enfouies lors des collisions continentales puis exhumées (remon­
tées) lors de l'évolution tardive des systèmes orogéniques. On parle de métamorphisme
prugrade pour une évolution à P et T croissantes, et rétrograde pour une évolution à
P ou T décroissante.

D!HtREh!TS TYPES DE MÉTAMORPHISME


On distingue classiquement le métamorphisme de contact, d'extension limitée (quel­
ques centimètres à quelques kilomètres), se développant autour d'une intrusion
magmatique et le métamorphisme régional ou général qui constitue des formations
étendues sur dizaines ou des centaines de kilomètres. Enfin, plus récemment, on a
défini un métamorphisme d'ultra-haute pression ou UHP qui se rencontre dans deux
contextes : celui de l'impact de météorites (astroblèmes) et celui des roches de très
grandes profondeurs comme les éclogites. \À..._X°� i'\.-o\<.1: c,"'-',� �1-� \,� 4

a. Un exemple de métamorphisme de contact : Jlt �\"Cvw¼>"\�l-v.) 1�


l'auréole du granite de Flamanville (Manche, France) C2..a..,G,cl�U:..:V........,.,
Sur la côte ouest du Cotentin (fig. 8.31), le granite de Flamanville (granite à amphi­
bole) est intrusif dans une série sédimentaire plissée constituée de schistes et de
calcaires (Silurien et Dévonien). Au contact du granite, sur environ 150 à 200 m, les
roches sédimentaires sont affectées ··ue modifications texturales et minéralogiques
(auréole de métamorphisme). La nature et l'importance de ces transformations
dépendent de deux facteurs :
- la distance par rapport au granite ;
la nature de la roche sédimentaire originelle.
Ainsi à partir d'une couche schisteuse, en se rapprochant du granite, on observe la
transition suivante :
- schistes à texture finement orientée (roche sédimentaire non transformée) ;
schistes tachetés (les taches correspondant à des petits nodules d'un minéral
nouveau : la cordiérite) ;
schistes noduleux et micacés : la roche perd alors sa texture orientée régulière et il
y a développement de micas et d'andalousite;
enfin, à proximité du contact, on passe à des roches dures, massives, à grains fins,
isotropes (les minéraux de cordiérite et cl' anda1ousite sont dispersés dans toute la
masse, il n'y a plus d'orientation préférentielle). On les nomme cornéennes car leur
aspect rappelle celui de la corne. ,_
Cette zonation traduit bien le rôle du corps granitique : les transformations sont
d'autant plus importantes qu'on s'approche de celui-ci.
Les grès ordoviciens sont moins transformés, on observe une simple recristallisation
en quartzites, de même_les calcaires dévoniens donnent par recristallisation des cipo­
lins (marbres) à minéraux ..La nature initiale de la roche intervient donc; on peut
d'ailleurs remarquer que l'auréole de métamorphisme est plus étendue clans les faciès
schisteux que dans les faciès gréseux (fig. 8.31).
Dans la majorité des cas, les roches métamorphiques de l'auréole ont globalement
la même composition chimique que celle des roches sédimentaires dont elles provien­
nent. Il y a eu un simple réarrangement minéralogique éventuellement accompagné de
départ d'eau et de CO? métamorphisme isochimique (ou topochimique).

FrrnJRE 8.31 - Carte du granite de Flamanville (Extrait de la carte Cherbourg 1/50 000).
y/e: granite de Flamanville ; ba : schistes et grès (Cambrien) ; S2 grès armoricain (Ordovicien
inférieur) ; S3 : schistes (Ordovicien moy.) ; S4 b-a : schistes et grès (Ordovicien supérieur) ; SS :
schistes et grès du Silurien; d2: calcaires et schistes du Dévonien. L'auréole de métamorphisme
de contact est représentée par un figuré de tiretés horizontaux en surcharge et par l'associatio.1 du
sigle y/e à celui du terrain (S2y/e = S2 métamorphisé). On notera, notamment au nord du mfü:sif,
que l'étendue de l'auréole est beaucoup plus réduite dans les grès (S2) que dans les formati,ms
schisteuses.
L'apparition de minéraux nouveaux traduit les modifications des conditions physi­
ques régnant au voisinage de l'intrusion. C'est principalement la chaleur dissipée par
le corps magmatique en cours de refroidissement qui est responsable des modifica­
tions, c'est un thennométamorphism,e, la pression joue peu ainsi que le monu·e la
texture isotrope des cornéennes.
On ne peut pas dire que la pression ne joue aucun rôle car l'injection de la masse gra­
nitique produit aussi une augmentation locale de pression et dans quelques rares
affleurements on a pu décrire, juste au contact du granite, quelques mètres de roches
foliées rappelant les micaschistes ou les gneiss.
Dans quelques cas, on-•'rencontre cependant, dans l'auréole, des roches dont la
composition suppose une migration d'éléments chimiques à partir de la masse grani­
tique intrusive (métasomatose), c'est le cas des skarns (sorte de cornéennes calciques)
à grenats qu2-en peut trn11ver en galet su:i:.k.1;1lage de Diél�_te_dans.X.�xemple du gfü"fîîte
�- De même la digestion des roches sédimentaires par le magma grani­
tique peut modifier la composition de celui-ci (endométamorphisme). La digestion
d'un banc calcaire se traduit par un enrichissement en chaux (granite à amphibole,
voire même diorite). Des parties non digérées peuvent demeurer à l'état d'enclaves à
l'intérieur de la masse intrusive. .

b. Un exemple de métamorphisme régional (ou métamorphisme général)


le massif de /'Arize (Arièg�� Js_ � �-e,
(pe m;ru;"if, �1ffi carte de Saint-Gitons 0150 000), appartient à la zone structurale
nord-pyrénéenne ; U:H-Contact tectauiqne Je sépare au sud..dn nw�if des Trnis-Sei-
....g11e11rs (j!,g.8.32). Il est principalement constitué d'une série d'âge paléozoïque (allant
clu Cambrien au sud au Carbonifère au nord). Au nord, la série (Silurien à Carbonifère)
correspond à <les roches sédimentaires peu ou pas transformées, il s'agit principale­
ment de schistes riches en matière organique et de calcaires qui présentent
fréquemment des fossiles (Graptolites, Tribolites, Brachiopodes, Polypiers). Cepen­
dant, dans les roches de l'assise la plus au sud (Silurien), on observe le développement
de minéraux nouveaux : la séricite, la chlorite qui donnent aux roches un aspect soyeux
et la muscovite. Nous sommes entrés dans le domaine du métamorphisme.
On trouve ensuite un complexe schisto-gréseux, à intercalations de bancs
calcaires ; cl' âge carnbro-ordovicien, il est caractérisé ar la aragenèse mi_néral�12ré­
céclente (séricite�1te, muscovite) et par la disparition des restes fossilifères. Plus
a,..1�-·--,-
--'
uu1Ji,_Ja structure des roches c!�'lQ--'-:--,;.---- . - - -
g� de façsrn impgrtante, elles sont formées de
-

lits de natul&_fllinérâ}ogique différente, alternativement clairs (quartz) et sombres


(fc�g_nésiens). On dit qu'elles présent�nt alors une foliation et non plus une
schistosité (fig.8.35); ce so1rtdes 1111caschistes à 2 micas caractérisés par l'apparition
d'un 111!.!1�!1!1 no.uv_�all. lil- biQt,i�. Au-delà, les micaschistes s'enrichissent en un
--
nouveau minéral, l' a.u.dalOJ1s.,ite associèe parfois à la cordiérite. Ensuite les feldspaths

-
q!,JJ_ n'étaien:.t que_mis:_roscopiq ues dans les roches précédentes se développent et
devi�nnent visibles �-- à l'œil nu, les -roches
- - sont alors appelées gneiss. De nombreux
changements minéralogiques sont concomitants : disparition de la inuscovite et de
l'andalousite, apparition de la sillimanite et du feldspath potassique (microcline).
Jusqu'aux micaschistes compris, les changements observés ne correspondent qu'à
de simples réarrangements minéralogiques ; dans les gneiss, l'apparition du micro­
cline correspond à un début d'anatexie (fusion partielle), la zone des gneiss à
sillirnanitc comporte donc des migmatites de type métatexites constitués par un
·q

paléosome de gneiss à sillirnanite et par un leucosome granitoïde. L'anatexie se


généralisant, on passe ensuite à des migmatites diatexites, roches beaucoup plus
homogènes, proches des granites d'anatexie, où le paléosome est réduit à des
enclaves surmicacées.

-
Schistes CARS.
fossiliferes
0 1 km

FIGURE B.32 - Le métamorphisme régional du massif de I' Arize'. (Ariège).


Extrait de la carte de Saint-Girons au 1/50 000. Carb = Carbonifère, Dév = Dévonien, Sil = Silu­
rien, Ord = Ordovicien, Camb = Cambrien.
l : isograde séricite +, chlorite +, muscovite +; 2: isograde biotite +; J : isograde andalousite
+ ; 4 : isograde muscovite-, andalousite-, sillimanite + et feldspath potassique (microcline) +.
Le figuré du Massif des Trois Seigneurs ne préjuge pas de sa nature géologique qui est complexe
(teri·ains sédimentaires secondaires, métamorphiques primaires et granitiques).

Par rapport à l'exemple précédent, on peut noter les différences suivantes:


l'étendue de la zone métamorphique ;
l'architecture anisotrope des micaschites et des gneiss ;
le passage progressif aux phénomènes cle fusion.
Différents minéraux apparaissent ou disparaissent successivement ; on peut carto­
graphier les lignes d'iso-apparitions (ou disparitions) de ces espèces minérales
(isogrades). Puisque les minéraux ne sont stables que dans un domaine particulier de
température et de pression on peut - si les espèces minérales index sont bien choisies
- définir ainsi des zones d'intensité de métamorphisme. Dans l'exemple du massif de
l' Arize on trace ainsi l'isograde de la séricite + et de la chlorite + (+signifiant
apparition), celui de la biotite +, celui de l'andalousite +, celui de la muscovite-, de
l'andalousite- (- signifie disparition), de la sillimanite + et du microcline +.
Les principales circonstances donnant naissance à un métamorphisme régional sont
l'enfouissement par
subsidence simple (partie profonde d'épais bassins sédimentaires);
- empilement d'unités tectoniques crustales dans le cas de l'orogenèse;
- subduction. La subduction peut alors concerner la lithosphère océanique (cas des
frontières de plaques en convergence) comme la lithosphère continentale (cas des
collisions continentales, exemple des Alpes ou !'Himalaya.
Dans les Alpes franco-italiennes (voir fig.7.56), les unités internes les plus
métamorphiques (faciès éclogites et schistes bleus, _fig.8. 40 et 41), issues du domaine
océanique (schistes lustrés à ophiolites), sont charriées sur des unités de la marge ,de
l'Europe. Ces dernières comprennent des unités inférieures relativement peu
métamorphiques (exemple de la partie basse du massif de Dora Maira), elles-mêmes
recouvertes tectoniquement par des unités de marge plus métamorphiques (exemple des
unités supérieures du massif de Dora Maira, dont les sous-unités de très haute pression à
coésite, cf ci-dessous).
Dans certains cas, à la suite d'une extension régionale conséquente, comme en Grèce
dans les Cyclades au Miocène ou dans le Basin and Range de l'ouest des États-Unis,
de grandes failles ductiles subhorizontales mettent en contact des unités profondes
métamorphiques avec des ensembles plus superficiels. Les unités métamorphiques
ainsi remontées constituent des dômes de roches métamorphiques nommés metamor­
phic core complex par les anglo-saxons. Au cours de la remontée, il se développe, au
' dépend des faciès de haute pression, un métamorphisme de haute température et basse
1

pression, qui peut atteindre le domaine de l'anatexie (fig 8.33).


15 km granite mylonitisé

FIGURE 8.33 - Le modèle du « métamorph.ic core complex » (d'après Jolivet et Nataf, 1998).
Postérieurement à la formation d'une chaîne qui a vu l'enfouissement à grande profondeur, par
chevauchement, d'unités froides et le développement de paragenèses de haute pression et basse
température, il s'établit un régime-extensif qui-aboutit à un réchauffement et à une remontée de
la limite fragile/ductile dans la croûte. Au cours de la remontée il se développe un métamorphisme
de haute-température et basse-pression au dépend des faciès de haute-pression préexistants.
Au cours de la formation de la chaîne de montagne, il y a un épaississement crustal qui
résulte, au moins dans la partie frontale, de chevauchements qui entraînent rapidemeilt,
des unités superficielles froides, en profondeur. Il se développe alors des paragenèses
de haute pression et basse température. Lors deJ'arrêt de la convergence ces roches se
trouvent soumises à une augmentation du gradient géothermique, il y a une remontée
de la transition fragile/ductile dans la croûte et la base de la croûte peut même atteindre
le point de fusion granitique. Les roches remontées par extension auront donc subit
un réchauffement et montreront une évolution vers la haute température voire vers
l' anatexié.
En France, il existe au niveau de la chaîne hercynienne dans le Massif Central des dômes
métamorphiques de haute température et basse pression (Velay, Montagne Noire) qui ont
une structure comparable et qui sont interprétées . par certains auteurs comme des
« metamorphic core complex ». Ainsi, en Montagne Noire (jig. 8.34) après la mise en place
des nappes du�flàhc sud, il s'établit un régime extensif qui provoque une remontée du
dôme de !'Espinouse. C'est pouquoi, partant de faciès métamorphiques de haute pression
comme les éclogites (fig. 8.34) on évolue vers de,s paragenèse de haute température et de
basse pression et la fusion (gneiss de Montagne Noire) au cours de cette remontée. La
zone de cisaillement ductile qui borde le dôme.au Nord évolue ensuite en faille normale
contrôlant la sédimentation dans des bassins stéphaniens (bassin de Graissessac).

sw dôme de gneiss
NE
nappes du Monts de
flanc sud Lacaune

10 km
décollement basal

FIGURE 8.34 - Interprétation du massif de gneiss de !'Espinouse (Montagne Noire, France) en terme
de « métamorphic core complex » (d'après Jolivet et Nataf, 1998).

Rappelons qu'au niveau des dorsales océaniques, les roches de la croûte sont aussi
soumises systématiquement à un métamorphfame régional. Les gabbros, les filons et
certains basaltes présentent en effet des paragenèses minérales riches en minéraux
hydroxylés et enrichies en Na, K, Ca, ... témoignant de réactions métamorphiques tra­
duisant la déstabilisation des assemblages originaux à basse pression et dans des
conditions de température allant de 800 °C (faciès amphibolites) à 350 °C (faciès des
schistes verts, voir fig. 8.41).

c. Le métamorphisme d'ultra-haute pression (UHP)


Ce métamorphisme est caractérisé par la présence de coésite (fig. 8.11), silice de très
haute pression, supérieure à 27 kbars, découverte d'une part dans des roches de grande
profondeur (éclogites) et d'autre part dans les cratères d'impact de météorites ou astro­
blèmes (métamorphisme d'impact ou métamorphisme de choc).
Le métamorphisme UHP a été mis en évidence dans des rochf?S ayant subi, au niveau
des chaînes de collision, un profond enfouissement avant de remonter vers. la surface.
La coésite est"souvent incluse dans les volumineux grenats très magnésiens (pyropes)
des éclogites, associés à des staurotides magnésiennes et à une nouvelle espèce miné­
rale, l'ellenbergite, alumino-silicate magnésien titanifère plus ou moins riche en
phosphore (Dora Maira, Monte Rosa, Grand Paradis dans les Alpes, chaîne des Calé­
donides en Norvège, Précambrien du Sahara). La coésite des éclogites de la chaîne
Qinling-Dabie en Chine orientale et celle des gneiss du Kazakhstan sont en outre asso­
ciées à des microdiamants, signe d'un métamorphisme encore plus profond (pression
supérieure à 40 kbars, température supérieure à 700 degrés soit une profondeur supé­
rieure à 120 km).
Quant aux coésites des astroblèmes, résultant d'un métamorphisme de choc, elles sont
parfois associées à une variété de silice de pression extrême (supérieure à 100 kbars), la
stishovite. En outre la structure des autres minéraux est modifiée (planaire pour le
quartz, en arêtes de poisson pour le mica), tandis que les roches prennent une structure
cônique emboîtée (shatter cane). Le plus ancien astroblème encore visible sur la Terre
est celui de Subdury dans l'Ontario (1 700 à 2 000 Ma), un des plus récents est le
Meteor Crater en Arizona (phot9 2).

8.3.2. LA STRUCTURE DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES


Ce survol des différents métamorphismes a mis en évidence deux types de roches qui
s'opposent par leur structure: d'une part les cornéennes dont la structure isotrope
montre que les minéraux ont pu se développer dans toutes les directions et d'autre part
les micaschistes et les gneiss dont la structure orientée (disposi tion en feuillets)
indique que les croissances cristallines se sont faites suivant des directions privilégiées.
C'est de cette disposition en feuillets qu'est tiré le terme cristallophyllien qui était uti­
lisé, autrefois, pour caractériser les terrains métamorphiques.
Les roches métamorphiques peuvent avoir subi des actions mécaniques qui ont déformé
optiquement ou même brisé certains minéraux, le quartz notamment, qui présente alors
une extinction progressive (extinction roulante) en lumière polarisée. C'est la structure
cataclastique (du grec cataclas briser).
Lorsque certains minéraux, ou groupements de minéraux (quartz, feldspaths, grenats)
forment des nodules alignés pouvant atteindre 1 à 3 cm de diamètre on a une structure
œillée (gneiss). Si les yeux s'allongent en amande.,..c'est la structure amygdalaire ou
glanduleuse. Ces structures traduisent la plupart du temps un apport de matériel mag­
matique qui vient se mélanger à la trame métamorphique.
L'étude structurale des roches métamorphiques a pour objet d'analyser non seulement
la nature du litage et des déformations (aspect statique ou géométrique), mais aussi le
nombre et l'âge des épisodes successifs- de déformation (aspect chronologique) ainsi que
la cinématique de la déformation (critères de sens de cisaillement, par exemple relation
entre les plans C et S: chapitre 7,fig. 7.39). C'est le domaine de la: tectonique analytique.
Trois grands types d.e litage peuvent exister dans les ensembles métamorphiques
régionaux:

a. La stratification (SO)
C'est le seul type qui est caractéristique des roches sédimentaires. La stratification est
produite par les variations de nature de la sédimentation souvent renforcées par des
processus diagénétiques ; elle aboutit au découpage en bancs (joints de stratification).
Elle peut être encore préservée alors que la schistosité est bien exprimée.
b. La schistosité (S)
Ce feuilletage mécanique marque le plan d'aplatissement de la matière. Il est souvent
parallèle à l'axe des plis éventuels (schistosité de plan axial). La schistosité est donc
souvent oblique par rapport aux phms de stratifications notamment dans les têtes de
plis (SO oblique sur S : fig. 7.37). En revanche dans les flancs des plis, SO et S peuvent
être confondus. La schistosité peut d'autre part se réfracter, c'est-à-dire changer
d'orientation entre des bancs présentant des contrastes de rigidité (argiles-grès par
exemple) (fig. 8.35A et B).

s
s

.....

�o.p. �

A B C

FTGURE 8.35 - Structures des roches métamorphiques.


A - plissement de la stratification (SO) et schistosité de plan axial (S) ;
B - réfraction de la schistosité dans un banc de grès ;
C- critères de sens de cisaillement (en haut feldspath déformé asymétrique; en bas, cristallisation
en ombres de pression (o.p.) à l'abri d'un minéral plus résistant).

De nombreuses observations montrent que, dans les régions plissées, la schistosité


n'apparaît nettement qu'à une certaine profondeur, lorsque la charge de sédiments atteint
une puissance de l'ordre de 5 km. La limite de la zone où apparaît le feuilletage oblique
par rapport à la stratification a été appelée, par Fomrnarier, front de schistosité (fig. 7.45).

c. La foliation
Dans les plans de foliation (fig. 7.38 à 7.40), on observe des ségrégations minérales ;
les espèces néoformées se concentrent le long de plans privilégiés. Au contraire de la
schistosité, les feuillets ont donc une constitution minéralogique variable ; de plus, la
cristallinité des minéraux augmente. Cette structure est typique des micaschistes et des
gneiss (photo 4).
On définissait aussi un front de foliation mais la profondeur de ces différents fronts sont très
variables en fonction du contexte géodynamique et de la position dans l'orogène (fig. 7.45)
8.3.3. U:S IDIFFl�HEH'ff!E5 ROCHfS MÉTAMORPHIQUES

Dans l'ancienne terminologie, lorsqu'une roche métamorphique c01respondait à une


simple transformation minéralogique, sans apport extérieur, on la n01mnait ectinite (du
grec, tension). Cette terminologie n'est plus utilisée.
Dans la nomenclature actuelle, on désigne la roche métamorphique par son nom ori­
ginel (anté-métamorphe) précédé du préfixe méta. On parle ainsi de méta-grès, de
méta-basalte ou de méta-granite ; malheureusement toutes les roches métamorphiques
ne présentent pas de critères suffisamment sûrs permettant d'identifier la roche-mère
(initiale) ou protolithe.
Nous proposons ci-dessous quelques exemples de transformations métamorphiques
appliquées à divers protolithes.

a. Quelques exemples
Série argileuse
En supposant l'argile fonnée essentiellement de kaolinite, silicate hydraté d'alumine
Si2O5Alz(OH\, le premier faciès pétrographique obtenu est celui de l'argilite, ou schiste
argileux, dû à la formation d'illite. Par déshydratation et cristallisation progressive, on
passe ensuite aux phyllades, ou aux schistes sériciteux et aux séricitoschistes. La séricitc
diffère de la kaolinite par une perte d'eau et un apport de potasse. Celle-ci est contenue
dans les impuretés de l'argile avec d'autres alcalins, du fer et du magnésium qui inter­
viennent dans les cristallisations ultérieures pour former de la chlorite et des grenats.
La séiicite peut se transformer en muscovite K.Alz(A1Si3 Ow)(OH,F)2 (micaschistes à
mica blanc), puis la chlorite en biotite (micaschistes à deux micas) : chlorite + alcalin
(muscovite) donnent biotite+ grenat (almandin).
Des plagioclases commencent à se f ormer en cristaux microscopiques. L'excès d'alu­
mine donne des silicates riches en Al : andalousite, staurotide, disthène, grenats (schistes
à minéraux). Dès que les feldspaths deviennent macroscopiques, on passe aux gneiss
bien caractérisés par l'alternance de lits riches en quartz d'une part et en feldspaths
d'autre part (photo 4). Le métamorphisme s'accentuant, la muscovite disparaît, rem­
placée par une varitté de feldspath potassique, le microcline :
KAlz(AlSi3 O 10)(OH, F)2+ 2SiO2 � Si3AlO8K + 2 Al2SiO5 + 2H2O
muscovite orthose silicate d'alumine
La forme minéralogique du.silicate d'alumine (Al2SiO5) est représenté par la sillimanite,
le disthène ou l' andalousite selon les conditions de pression et de température (jïg. 8.36).

Série siliceuse
Les grès purement siliceux se transforment en quartzites. La présence d'un peu d'argile
explique la formation de quartzites sériciteux ou chloriteux donnant des quartzites �t
muscovite et biotite. Les arkoses, initialement riches en feldspaths, se métamorphisent
en leptynites, roches très claires, formées essentiellement de quartz et de feldspath où
la foliation est en général peu apparente.

Série carbonatée
Un calcaire chimiquement pur recristallise en marbre blanc entièrement cristallin. En
général, la présence d'impuretés confère à la roche un aspect particulier: l'argile donne
naissance à des lits micacés (cipolins). La magnésie des calcaires dolomitiques peut se
transformer en serpentines.
0 ,---,----,---.------,----,----,---,-- 0

�2-f,,',e----;-�-+-----+----

�3+.--,=-=

C:
·� 4

�5--t'?'...;.,""""";:;:-=�:z:,,,;;:..,.
20

6!'---"-..-+

_ 90� 800 700 600 500 4 00 300 20 0 1 00 0


-
Degrés centigrades

FIGURE 8.36 - Le domaine de stabilité des trois silicates d'aluminium anhydres Al2SiO5 •
La sillimanite est un minéral de pression variable - haute température; l'andalousite de haute tem­
pérature et de pression faible ou moyenne ; le disth��e a un domaine fort étendu à température
moyenne.

Série calcaro-pélitique
Des marnes on passe aux schistes calcarifères appelés calcschistes dans les zones
internes des Alpes (briançonnais et nappe des schistes lustrés), qui renferment d'abord
de la séricite et de la chlorite, puis de l'épidote, de la zoïsite et de l'actinote.

Série carbonée
Les houilles se transforment en anthracites, mais la recristallisation affecte le vitrain
plutôt que le fusain. Un métamorphisme plus intense conduit à la formation de graphite.
Ces carbones métamorphiques peuvent apparaître dans des roches d'une autre série:
schistes anthraciteux, gneiss graphiteux.

Série granitique
Le granite faiblement métamorphisé (comme certaines protogines des massifs cristallins
externes, Mont-Blanc et Oisans en particulier) a une structure feuilletée et cataclastique
due à la déformation des cristaux de quartz qui présentent alors une extinction roulante
en lumière polarisée. La coloration verdâtre est due à la transformation de feldspaths et
de biotite en séricite et en chlorite. Les orthogneiss, sont d'anciens granites fortement
déformés dans lesquels les grands feldspaths prennent une forme d'amygdales plus ou
moins asymétriques selon le caractère co-axial (fig. 7.14) ou non co-axial de la défor­
mation (gneiss œillés, fig. 8.35C).

Série volcanique acide


Les rhyolites et les porphyres à quartz bien individualisés conduisent à la formation de
roches séricifeuses laminées, les porphyroïdes, puis à des ortholeptynites, lorsque les
minéraux ferromagnésiens sont très peu abondants.

Série gabbro-dioritique
Les faciès sont voisins de ceux de la série granitique, mais les minéraux ferromagné­
siens et calciques plus abondants sont représentés par la zoïsite, l'épidote, l'albite. Les
olivines sont souvent serpentinisées. Les métagabbros sont abondants dans le cortège
des ophiolites des Alpes (par exemple les massifs du Viso ou du Queyras).
Série volcanique basique
Les laves basiques (basalte) deviennent schisteuses et granulaires par. appant10n
d'amphibole, d'albite et d'épidote. On obtient des prasinites puis, dans les zones de
métamorphisme plus intense, des orthoamphibolites et des orthopyroxénites. Les éclo­
gites, roches riches en grenats et en omphacite (pyroxène sodique), proviennent de la
transformation du basalte et des gabbros à haute pression.

b. les migmatiques

Dans ce cas, la roche est formée d'une trame métamorphique ancienne (le paléosome)
plus ou moins perturbée par la cristallisation d'un matériel nouveau de composition
granitique issu de la fusion partielle des roches (le néosome). La cristallisation du
néosome conduit à la formation de lentilles ou les minéraux clairs (leucosome constitué
de quartz et feldspaths) abondent dans la partie centrale tandis que la périphérie est
enrichie en minéraux noirs réfractaires à la fusion (mélanosome). Lorsque le néosome
est intercalé, en lentilles, dans un paléosome qui demeure régulièrement orienté (c'est­
à-dire que la structure cristallophyllienne est conservée), la roche porte le nom de
métatexite (équivalent à l'ancien terme d'embréchite). Lorsque la proportion du
néosome augmente, le paléosome devient difficile à identifier ; la roche perd sa struc­
ture orientée. On parle alors de diatexites (équivalent à l'ancien terme d'anatexites)
qui par homogénisation progressive passent aux granites d'anatexie.

8.3.4. LES FACTEURS DU MÉTAMORPHISME


Les mécanismes de subduction et d'épaississement crustal ont pour effet d'enfouir les
roches. La pression et la température vont donc progressivement varier au cours de
l'enfouissement et être responsables des modifications minéralogiques et structurales.
Le métamorphisme est d'abord une simple conséquence de l'enfouissement par aug­
mentation de la température et de la contrainte isotrope (lithostatique). Cependant lors
des raccourcissements crustaux, les contraintes anisotropes - qui seules conduisent aux
déformations - jouent au�,s.i un rôle important dans la mesure où les fluides circulent
préférentiellement le long des cisaillements ductiles à toutes les échelles. Or les
fluides, en tant que vecteurs d'éléments chimiques, sont des facteurs essentiels du
métamorphisme.

a. la température

L'énergie thermique provient, pour l'essentiel, du flux de chaleur de la planète. La


température (T) augmente avec la profondeur. Les variations de T sont décrites par le
gradient géothermique. Celui-ci dépend pour une grande part de l'histoire tectonique de
la région ; le gradient moyen est de 3Q,°C/km mais il peut varier d'environ 50 °C/ km
dans les zones orogéniques jusqu'à seulement 6 °C/km sous les boucliers anciens.
La croûte continentale est le siège d'une radioactivité importante (U, Th, K), cause
principale de la température relativement élevée (800 °C) à la base de cette enveloppe.
Il peut exister localement des effets de« surchauffe» d'origine tectonique, hydrother­
male ou magmatique liés, par exemple, aux frottements au niveau des grands
décrocnements ou chevauchements, à des circulations de fluides ou à la présence de
plutons. De même lorsqu'une partie crustale profonde (chaude) est amenée à chevau­
cher une zone plus superficielle, elle réchauffe cette · dernière en provoquant un
métamorphisme inverse décroissant avec la profondeur.
'
Un apport local de chaleur supplémentaire, exceptionnel, provoqué par la montée
d'un corps magmatique est à l'origine du métamorphisme de contact.

b. La pression lithostatique et les contraintes orientées


En tout point de l'écorce terrestre la pression lithostatique est due au poids de roches
surincombantes. En prenant 2,5 comme densité moyenne des roches de l'écorce, on
arrive à une pression de 1 000 atmosphères à une profondeur de 4 000 m, de 5 kb à
environ 15 km et de 10 kb à 30 km. Il s'agit d'une pression isotrope, les roches sou­
mises à ces pressions ne présentent donc pas nécessairement d'orientation
préférentielle par déformation synmétamorphe. On connaît ainsi des gabbros alpins
présentant de magnifiques textures magmatiques non déformées mais seulement
transformées minéralogiquement dans les faciès schistes bleus ou éclogitiques. D'une
manière générale, les roches ne peuvent pas supporter des contraintes déviatoriques
élevées ; elles se déforment sous l'effet de contraintes orientées de quelques centaines
de bars seulement. Ces pressions qui constituentla partie anisotrope du tenseur des -·
contraintes sont ridiculement faibles par rapport à la pression lithostatique. Elles
n'ont que peu d'effet sur le métamorphisme, sauf en facilitant la déformation, et en
activant la circulation de fluides et donc les échanges entre les minéraux, condition
nécessaire pour que les réactions abçmtissent. C'est donc beaucoup plus par ces phé­
nomènes de circulation induits que par l'augmentation des contraintes qu'on explique
la relation classique observée entre orogenèse et métamorphisme (fig. 8.37).
L'augmentation de pression favorise, à partir des mêmes composants, l'apparition de
minéraux- plus denses. C'est un cas particulier de la loi de L�atelier : « un système
chinùque, comprimé à température constante, déplace son équilibre du côté où la réac­
tion se fait avec diminution de volume». Ainsi l'olivine réagit avec l'anorthite pour
donner des grenats avec une contraction de 17 %.
L'albite, seule, fortement comprimée, perd de la silice et donne un pyroxène, la jadéite,
soit globalement :
NaA1Si3O8 - NaA1Sip6 + SiO2
Becke avait noté, dès 1903, cette influence de la loi des volumes, amenant en profondeur
la genèse de certains nùnéraux. Il avait d'autre part remarqué que la température joue
en sens inverse de la pression pour bien des réactions résultant du métamorphisme.

c. Le facteur temps, préservation des assemblages, vitesse d'exhumation


La plupart des minéraux sont métastables, c'est-à-dire qu'ils se maintiennent sans
modifications sensibles en dehors de leur domaine de formation. C'est ce phénomène
qui nous permet d'observer à l'affleurement des paragenèses d'origine profonde. Les
réactions de formation des minéraux sont réversibles, mais bien souvent les roches sont
rapidement soustraites aux conditions P, T qui ont présidé à la genèse des assemblages
progrades et les réactions rétrogrades ne se produisent pas ou à des vitesses extrè­
mement faibles. Ainsi, des amphiboles, des pyroxènes, des grenats de haute pression
sont-ils parfaitement conservés à la surface de la Terre. La vitesse d'exhumation c'est­
à-dire de remontée des unités profondes est donc un facteur essentiel de conservation
. des assemblages métamorphiques. Si au cours de la remontée, les unités
métamorphiques restent dans des conditions intermédiaires pendant un temps assez
long, les paragenèses initiales pourront être partiellement ou totalement effacées. On
estime ces vitesses grâce aux datations radiochronologiques des différents assem­
blages. Pour estimer les températures décroissantes, on utilise les marqueurs de la
tose est ce processus d'échanges d'éléments chimiques véhiculés par les fluides. Elle
s'oppose ainsi au métamorphisme topochimique ou isochimique se produisant à
composition chimique constante. C'est ainsi que la transformation d'une dolomie sili­
cieuse en tal? nécessite l'apport d'eau et le départ de C02:
3CaMg(C0 3)2 + 4Si02 + HzO - Mg3Si40 10 (0H) 2 + 3CaC03 + 3C02.
La présence de pyroxènes et de grenats dans les skarns, roches voisines des cor­
néennes calciques, et qui dérivent des mêmes niveaux carbonatés, suppose un apport
de silicè. La mobilité des ions est d'autant plus grande que leur diamètre ionique est
plus petit. C'est ainsi qu'un «échange» hydrogène-sodium permet la formation de
muscovite à partir d'albite et d'orthose, dans les greisens, roches à quartz et mica des
coupoles granitiques.
6NaA1Si3 08 + 3K.A1Sip 8 + 6H - 3KA13Sip 10(0H)2 + 18Si02 + 6Na.
albite orthose·· muscovite
Le pouvoir dissolvant de l'eau croît rapidement avec la température et avec la présence
de minéralisateurs. Au voisinage de sa température critique (375 °C), l'eau dissout le
verre, la silice et plusieurs silicates. Au-delà de ce point critique elle se trouve dans un
état de fluide homogène supercritique où il est impossible de différencier plusieurs
phases. Cette température est atteinte vers 10 000 m dans les roches à gradient
géothermique normal. Les inclusions fluides des minéraux des toches érnptives et
métamorphiques sont des témoins piégés des solutions de fluides circulant en
profondeur.

8.3.5. ESTIMATION DE L'INTENSITÉ DU MÉTAMORPHISME


a. les paragenèses métamorphiques, calibration des conditions P, T :
géothermomètres-géobaromètres
La minéralogie expérimentale a montré qu'à chimisme global constant la composition
minéralogique change en fonction des conditions de température et pression. En faisant
les études pour divers minéraux, on peut ainsi obtenir des outils (les minéraux repères
ou minéraux index) pour déterminer les conditions P, T du métamorphisme. Citons
quelques exemples (fig.8.38):
- l'andalousite, la sillimanite et le disthène sont des minéraux typiques des roches alu­
mineuses (métasédiments). Ils ont la même formule chimique (Al2Si05), mais
cristallisent dans des systèmes différents. À relativement basse pression, mais haute
température, on rencontre l'andalousite. Ce minéral sera ainsi symptomatiquè du
métamorphisme de contact. À haute pression (jig.8.36), le disthène est stable pour
des températures assez faibles, on le rencontrera dans les séries ayant évolué au
cours d'un enfouissement rapide (subduction). La sillimanite se i·encontre pour des
conditions de température et de pression relativement élevées ;
- l'albite (NaAlSip8) devient jadéite (NaA1Siz06) + quartz (Si02) quand la pression
augmente;
- la muscovite (KA13Si30 10 (OH) 2) + quartz (Si02) se transforme en .orthose
(KA1Si3 0 8) + sillimanite (Al2Si05) + eau (HzÜ).
La signification de la présence ou de l'absence d'un minéral est cependant complexe
puisqu'il peut s'agir:
- D'un minéral dont la synthèse est typique du métam01phisme: sa présence montre
que Je domaine de stabilité de ce minéral a été atteint (par exemple la présence de
jadéite signifie forte pression). En revanche son absence est plus ambiguë
puisqu'elle peut indiquer soit:
- que le domaine de stabilité n'a pas été atteint;
- que le chimisme de la roche n'a pas permis sa synthèse (la jadéite, par exemple,
ne pourra cristalliser, quelle que soit la pression dans une roche sans sodium).
- D'un minéral incompatible avec les conditions du métamorphisme: sa présence
indique alors que le domaine d'instabilité de ce minéral n'a pas été atteint (la pré­
sence de rnuscovile indique, par exemple, que la température n'a pas dépassé
650 °C). Ici encore, l'absence du minéral est plus complexe, elle peut montrer soit:

Pression (Kbar)
IW
.
..
15 BT

Disthène Silli}hanite

10
MP
MT

BP
5 / HT
+
Gehlenite
0alousii. +
Wollastonite

Grenat / Anorthite
+ : +
Qu4/ Wollastonite
0-1----�--�-�-�-�--�--'c.---�---�---,
0 500 1000

FJUURE 8.38 - Quelques réactions expérimentales entre différentes phases solides


représentées sur le diagramme pression-température.
Les courbes d'équilibres univariants sont des droites; P = point triple des polymorphes SiAl2O5
(dont la position reste encore imprécise malgré de nombreux travaux expérimentaux). Les courbes
en traits rouges sont les courbes P-T pour les trois types de métamorphisme principaux de la clas­
sification de Miyashiro (cf infra) : climat dit de haute pression (jadéite-quartz); climat dit de
pression intermédiaire (disthène-sillimanite); climat dit de basse pression (anclalousite­
sillimanite).
- que le domaine d'instabilité a été atteint ;
- que le minéral n'était pas présent dans la roche originelle.
- D'un minéral mixte: on peut citer les feldspaths, minéraux présents dans les roches
magmatiques et sédimentaires et qui ne sont pas (ou peu) détruits par le
métamorphisme. Des néogenèses de feldspaths de métamorphisme peuvent, en
revanche, se produire par diverses réactions. Exemple :
muscovite +__guartz donne orthose + sillirnanite.
On voit donc que la présence (ou l'absence) d'un seul minéral ne donne que des
informations très fragmentaires sur la pression et la température atteintes par la roche.
Il est nécessaire d'étudier le plus de minéraux (ou de coupl�s) possibles (j-ïg. 8.38).
On recherche des minéraux dont les compositions permettent de fixer un des deux
paramètres P ou T du métamorphisme. Un géothermomètre est un assemblage miné­
ralogique dont la présence f ou la composition chimique, donne une bonne indication
sur les conditions de température. Un géobaromè_tre renseigne sur la pression. Dans
un diagramme pression-température, les conditions de stabilité des minéraux et les
réactions d'apparition-disparition sont représegtées par des courbes d'équilibre.
L'allure de ces courbes nous renseigne sur les pai·amètres P, T qui contrôlent les réac­
tions. Ainsi, si l'équilibre est très sensible à la pression, la courbe sera plus ou moins
parallèle à l'axe des températures. Il en va à l'inverse pour la sensibilité aux tempé­
ratures (fig. 8.39).
L'idéal est donc de pouvoir disposer au sein d'une roche donnée d'un bon géo­
thermomètre et d'un bon géobaromètre. En utilisant ce principe, on peut cerner un
champ de conditions possibles pour un assemblage. En pratique, on ne se contente pas
d'équilibre entre minéraux, on utilise souvent la distribution d'éléments chimiques
donnés entre deux espèces minérales (coefficient de partage), par exemple le Fe, le
Mg ou le Ca entre des grenats et des pyroxènes ou bien la teneur en un élément donné
au sein d'une seule espèce minérale (par exemple le Na dans les pyroxènes sodiques).
Ces teneurs sont mesurées directement à la microsonde électronique, sur lame mince
polie. Dans l'exemple de la figure 8.40, les conditions du métamorphisme des unités

p 1 2

2 baromètres (a,b)
a champ P,T du
métamorphisme pour
b
l'assemblage considéré

2 thermomètres (1,2)
To

FIGURE 8.39 - Géothermomètres et géobaromètres.


Dans un diagramme P, T, les courbes d'équilibres entre minéraux du métamorphisme peuvent
constituer de bons repères permettant de calibrer les conditions P et T du métamorphisme. Ce sont
des baromètres (exemple: a, b) ou des thermomètres (exemple: 1, 2) selon leur orientation dans
le diagramme. On peut ainsi cerner un champ de conditions P, T du métamorphisme en utilisant
des couples de géotherrnomètres et de géobaromètres.
alpines internes (fig. 7.54 à 56) du Queyras (schistes bleus) et du Mont-Viso (éclogites)
ont été determinées de cette façon à l'aide de plusieurs indicateurs (teneur en Si des
micas blancs, teneur en Na du pyroxène sodique, partage du Fe-Mg entre grenat et
micas blancs, présence ou absence de clinozoïsite, présence ou absence de lawsonite,
chimisme du grenat des éclogites, etc).

P kbar =différents

� équilibres
V�

µ /L
15 ":
:_.i: jK I utilisés

10
stabilité de la
5 � / glaucophane
,
/
/ Q: Queyras
V: Viso
300 400 500 600 T0

FtGURE 8.40 - Les champs P, T des conditions du métamorphisme des unités du Queyras (faciès des
schistes bleus) et du Mont Viso (faciès des éclogites) dans les Alpes internes franco-italiennes.
Ce diagramme permet d'illustrer l'utilisation des équilibres afin de délimiter les champs de sta­
bilité des assemblages métamorphiques (détail dans le texte).

b. Jsogrades, faciès et climats métamorphiques, chemins P, T, t

Les isogrades et les zones de métamorphisme


�··,

Au début du siècle, Banow et Tilley remarquent dans la série alumineuse, l'apparition


successive de certains minéraux en fonction de l'intensité du métamorphisme: chlo­
rite, biotite, staurotide, disthène, sillimanite. Ils les considèrent comme des minéraux­
repères dont l'apparition définit une ligne d'égâle intensité ou isograde.
C'est la méthode utilisée sur la figure 8.32 pour décrire le métamorphisme du massif
de l'Arize. On peut, de cette façon, délimiter des zones métamorphiques ; ainsi la zone
à biotite est délimitée par l'apparition de la biotite (qui la distingue de la zone à chlo­
rite) et par l'apparition de l'andalousite (la biotite ne disparaissant que beaucoup plus
tardivement,Jig. 8.32). Cette méthode___est encore très utile sur le terrain.
La zonéographie métamorphique
_Eecke et Grubenman ont essayé d'établir une zonation du métamorphisme où l'inten­
sité des transformations est assimilée à la simple profondeur. Dans ce système remanié
par Niggli en 1924, trois zones se succèdent de plus en plus profondes, précédées par
l' anchizone, intermédiaire entre diagenèse et métamorphisme. Nous les rappelons ici
uniquement à titre informatif, elles ont un intérêt limité car elles ne fournissent aucune
indication sur les gradients géothermiques concernés (haute ou basse température par
exemple).
L'épizane est le domaine dù métamorphisme de basse pression et d'apports chimiques
en présence d'eau à température faible. C'est la zone à séricite, chlorites, stilpnomélane,
antigorite, actinote, épidote, zoïsite, albite, glaucophane, grenats manga nésifères et car­
bonates.
La mésozane est le domaine d'un métamorphisme à pression et température plus élevées
dont les minéraux caractéristiques sont la biotite, la muscovite, la staurotide, le disthène les
amphiboles, l'almandin. L'albite, l'épidote, la zoïsite, les carbonates y sont encore présents.
La catazane, domaine d'importàntes recristallisations sous températures et pressions
élevées se caractérise par la sillimanite, l'andalousite, l'hypersthène, l'omphacite, la
jadéite, les grenats, les spinelles, les plagioclases calciques sont avec les biotites, les
feldspaths potassiques, les principaux minéraux.
En prenant simplement pour repère la série alumineuse, comme Barrow et Tilley, Jung
et Roques proposèrent une zonéogéographique qu'ils appliquent au Massif Central et
qui comprend, au fur .et à mesure que croît l'intensité du métamorphisme, les zones
d'isométamorphisme suivantes
- micaschistes supérieurs à chlorite et séricite ; ··
- micaschistes inférieurs à deux micas ;
- gneiss supérieurs à deux micas ;
- gneiss ultra-inférieurs à feldspath potassique, dépourvu de micas.

Les faciès métamorphiques


Une classification d'une application universelle où pression et température sont nette­
ment explicitées, quelle que soit la profondeur, a été proposée par Eskola. Ce sont les
faciès de métamorphisme définis non plus à partir de la série alumineuse, mais de la
série basique où la variété minérale est plus grande (fig. 8.40) Il regroupe ainsi, dans
un même faciès, des roches qui ont subi le métamorphisme dans des conditions phy­
siques voisines, quelle que soit leur composition. On distingue alors :
- faciès des zéolites (à laumonite, défini par la cristallinité de l'illite), qui marque la
transition entre diagenèse et métamorphisme (anchimétamorphisme, température
inférieure à 300 °C) .
- faciès à prehnite-pumpellyite (température un peu plus élevée, 350 à 400 °C, et
pression toujours modérée) .

- faciès des cornéennes (à amphibole, à pyroxène), caractéristique du métamor­


phisme de contact (température élevée, faible pression) ;
- faciès des schistes verts (zoïsite-épidote-albite) : basse température et faible pres­
sion
- faciès des schistes bleus à jadéite, glaucophane et lawsonite: basse température et
haute pression (métamorphisme alpin, zones internes) ;
- faciès à disthène et sillimanite : moyenne température et moyenne pression (massif des
Maures) appelé encore faciès barrovien (en hommage au géologue écossais Barrow);
- faciès à andalousite et sillimanite : haute température et faible pression

- faciès à andalousite et staurotide, intermédiaire entre les deux précédents

- faciès des amphibolites à hornblende et plagioclases : pressions élevées (2 à 3 kilo­


bars) et températures de 600 à 700 °C, voisines de la fusion ;
- faciès des granulites (absence de micas, pyroxènes, sillimanite, disthène, grenat
pressions et températures élevées atteignant Je domaine de l' anatexie ;
- faciès des éclogites, où gabbros et basaltes se transforment en une roche à pyroxène
et grenat : température élevée et pression considérable ;
- faciès des sanidinites, à sanidine, corindon et formes de haute température de la
silice comme celles qu'on trouve dans les briques et les poteries. C'est un faciès
de haute température instantanée et pression très faible, guère supérieme à la pres­
sion atmosphérique, qui concerne les roches au contact des laves ou en enclaves à
l'intérieur (métamorphisme de «cuisson» ou thermométamorphisme).
Un faciès correspond donc à un domaine défini de température et pression mais il
faut bien souligner que l'appartenance d'une roche métamorphique à un faciès de ce
système n'implique pas que la roche ait la composition de la référence basique. Ainsi
un basalte porté sous 6 kbar à 550 °C devient une amphibolite, ce qui donne le nom
au faciès, mais un gneiss à deux micas, plagioclases, quartz, feldspath potassique
appartient aussi au faciès amphibolites bien qu'il ne contienne pas d'amphiboles.
Les « climats » métamorphiques
Cette classification, qui représente un apport capital à la compréhension du
métamorphisme, a été élaborée par Miyashiro au cours des années soixante, à partir
de l'étude des ceintures métamorphiques de l'arc japonais.

Profondeur
P (kbar)
approximative

(km)

FACIES
14
50
DES

12
40
10

8 30

6 DES

.,,...,,.. 20

4 .- ,,,,.,,,,.
AMPHIBOLITES
GRANULITES

10
2

200 400 600 BOO


p.p, FACIÈS A PREHNITE-PUMPELLYITE S, F.A SANI0INITES

FIGURE 8.41 - Répartition des principaux faciès métamorphiques en fonction


de la température et de la pression.
Zone hachurée: conditions non réali sées dans-la nature. Les trois )jgnes pointillées correspondent
aux différents climats métamorphiques de Miyashiro : 1 haute pression/basse température, 2
moyenne pression - moyenne température, 3 basse pression. Comparer avec la figure 8.38.
Les variations relatives de la pression et de la température pe1mettent de définir des
« climats » métamorphiques qu'il ne faut pas confondre avec des intensités de
métamorphisme car dans chaque climat on peut rencontrer tous les degrés de
métamorphisme.
Suivant les gradients différents de pression et température on distingue :
Le climat BP-HT (basse pression-haute température)
Le gradient géothermique est fort : Ia--température croît très vite même pour une faible
profondeur. Ce climat aboutit à une série dite de type Abukuma-Rioké (du nom du
plateau japonais) ou encore à« andalousite-sillimanite » (du nom des minéraux carac­
téristiques). Ce climat conduit souvent à l'anatexie.
Le climat MP-MT (m_oy:nne pression-moyenne température)
Le gradient géothermique �st moyen. C'est le type barrovien. Il aboutit souvent à
l'anatexie. Les minéraux caractéristiques en sont le disthène et la sillimanite.
Le climat HP-BT (haute pression-basse température)
Le gradient géothermique est faible : la pression.-croît sans élévation notable de la
tempé rature. Les schistes bleus (à lawsonite et glaucophane, amphibole bleue) se
forment sous ce type qui n'aboutit jamais à l'anatexie.
Une roche évoluera différemment suivant le climat : par exemple, un basalte
deviendra successivement schiste vert puis amphibolite, puis granulite en climat MP­
MT. Il deviendra schiste bleu puis éclogite en climat HP-BT (fig. 12. 29).
La répartition de ces différents « climats » et faciès dans les zones orogéniques est
développée dans le chapitre 12, nous rappellerons que les zones de subduction se
caractérisent par deux ceintures métamorphiques
- une ceinture externe de type basse température-haute pression (à glaucophane),
- une ceinture interne de type haute température-basse pression (à andalousite et
sillimanite).
Les chemins P, T, t
En réalisant des datations géochronologiques sur des roches métamorphiques, on peut
intégrer le temps sur les diagrammes du type 8.38 et 8.41. On réalise des chemins
P.T.t., (pression, température, temps), traduisant de façon visuelle l'évolution des
séries métamorphiques dans les orogènes. Sur la figure 8.42 nous présentons 3 types
de chemins théoriques. Le premier montre une évolution rapide vers les hautes pres­
sions et basses températures (ex. éclogites) suivi par un retour sans réchauffement. On
peut supposer que les unités profondes ont été exhumées rapidement. Le second
montre un début d'évolution semblable mais un retour par des conditions de plus fortes
températures indiquant un réchauffement. Ceci n'est possible que si les unités ont pu
se rééquilibrer thermiquement ce qui suppose une exhumation lente. Le dernier cas se
rapporte à une évolution à température élevée conduisant à l'anatexie.

8.4. DUALITÉ DE L'ORIGINE DES GRANITES


ANATEXIE CRUSTALE ET FUSION DU MANTEAU
Les domaines du métamorphisme et de la fusion partielle se chevauchant, on est
donc amené à se poser le problème des relations entre métamorphisme et granitisa­
tion. Toutefois le problème de l'origine des granites dépasse largement le cadre du
(cf seconde partie). De nombreux auteurs distinguent ainsi les évolutions
<<horaires» des comportements « antihoraires». Cette distinction n'a de sens que si
l'axe des pressions, généralement ''en ordonnées, est toujours représenté de la
même façon : valeurs croissantes des pressions vers le haut de la figure. Dans ce
manuel, il a été choisi de représenter différemment un certain nombre de
diagrammes, la pression étant croissante en fonction de la profondeur, c'est-à-dire
vers le bas de la figu,J-"e. La signification des termes horaires et antihoraires est dans
ce cas inversée. Pour éviter les confusions, ces termes ne seront pas employés dans
la suite de l'exposé.

2.3 TEXTURES ET NOMENCLATURE··­


DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES
Les données qui précèdent fournissent les bases d'une systématique des roches
métamorphiques.

·2.3.1 Les principales textures des roches métamorphiques


Le développement des textures (fig. 2.9) est contrôlé par le régime de contraintes et
par la nature des minéraux des roches, c'est-à-dire par leur composition chimique.
Les textures granoblastiques caractérisent les roches constituées pour l'essentiel
de minéraux dont les formes sont relativement régulières (quartz, feldspaths, grenat,
cordiérite, pyroxènes, olivine, carbonates, etc.). Lorsque les contraintes sont
isotropes ou faiblement anisotropes au cours de la recristallisation, ces textures sont
proches de l'arrangement idéal correspondant à la minimisation de l'énergie de
surface, avec des joints de grains à 120 ° . Les contraintes plus nettement anisotropes
conduisent à la croissance préférentielle des grains parallèlement à la foliation et la
texture devient granoblastique orientée, l'orientation étant déterminée par la trace
de la foliation sur le plan d'observation. Une déformation très accentuée (forte
anisotropie de contrainte) mène à des textures blastoniylonitiques caractérisées par
des néoblastes de très petite taille parmi lesquels des porphyroclastes sontdispersés.
Les textures lépidoblastiques (de lepidos = écaille) sont caractéristiques des
roches très riches en minéraux phylliteux (chlorites et micas à habitus aplati)
disposés parallèlement à la schistosité. Les textures nématoblastiques (de nematos
= aiguille) sont caractéristiques des roches très riches en minéraux aciculaires
(amphiboles, sillimanite), dont 1 'orientation détermine souvent une linéation
d'allongement.
L'association dans une même roche, à l'échelle centimétrique, de niveaux riches
..en minéraux phylliteux ou aciculaires, et de niveaux riches en quartz et feldspaths,
détermine l'existence de textures mixtes, granolépidoblastiques et granonémato­
blqstiques, extrêmement répandues dans les séries métamorphiques issues de la
recristallisation des pélites et des grauwackes.
Figure 2.9 Principales textures des roches métamorphiques.
1 - Texture granoblastique : cornéenne, granofels ou marbre. 2 - Texture granoblas­
tique orientée et blastomylonitique (gneiss, leptynite). 3 - Texture granolépidoblastique
(gneiss, micaschiste). 4 - Texture granonématoblastique (amphibolite). 5 - Texture
porphyroblastique. 6 - Texture porphyroclastiq_iJe. 7 - Texture symplectitique (in Joanny,
1991) : intercroissances réactionnelles de clinopyroxène et de plagioclase dans une éclo­
gite. Échelles 1 à 6 : 1 mm à 1 cm; 7 : 0, 1 mm.
Le terme porphyroblastique désigne toute texture caractérisée par le développe­
ment de grands cristaux (porphyroblastes) généralement post-cinématiques. Le
terme porphyroclastique est utilisé··pour décrire la présence de cristaux antécinéma­
tiques déformés de grande taille (porphyroclastes).
Enfin la texture symplectitique (ou symplectique) est caractérisée par l'abondance
des an-angements réactionnels dans lesquels les cristaux néoformés sont restés sous
la forme de vermi�ules très fins imbriqués les uns dans les autres (symplectites). Ce
type de texture résulte de l'évolution de la coronitisation des minéraux réactionnels,
c'est-à-dire de leur transformation partielle, en couronne, répondant à une instabi­
lité. L'évolution symplectique, ou la coronit�sation, caractérise des évolutions
thermobariques rapides au cours desquelles les assemblages n'atteignent ni l'équi­
libre thermodynamique, ni l'équilibre textural. Les températures sont trop faibles en
fin d'évolution pour permettre la minimisation de l'énergie de surface et le recuü
des symplectites.

2.3.2 Nomenclature des roches métamorphiques


Comme il a été annoncé au début de ce chapitre, il n'est pas possible de parler de
classification. La nomenclature des roches métamorphiques est en effet essentielle­
ment descriptive et entre dans le cadre d'usages plus ou moins largement adoptés.
Elle présente un certain nombre de synonymes, dont les uns ou les autres peuvent
être employés selon les caractéristiques de la roche qu'il paraît souhaitable de faire
ressortir. Il est possfüle de se placer de 3 points de vue différents : nature du proto­
lithe, structure, ou composition minéralogique des roches.

a) Nature du protolithe
Si la roche initiale (protolithe) est encore clairement reconnaissable il est commode
de lui associer le préfixe méta. Métabasalte, métagranite, métapélite ou métachert
sont quelques exemples d'appellations largement employées. Dans le cas où le
protolithe n'est pas très bien identifié, mais si son origine - ignée ou
sédimentaire - est bien reconnue, les préfixes ortho- ou para- sont souvent
utilisés. Ainsi un orthogneiss est un granitoïde métamorphisé tandis qu'un para­
gneiss est une métapélite ou une ,nétagrauwacke.

b) Structure des roches


La nomenclature est ici principalement fondée sur l'absence ou la présence de
schistosité.

;> Les roches non schisteuses

Elles sont généralement caractérisées par des textures granoblastiques isotropes. Ce


sont des cornéennes ou des granofels, suivant la dimension moyenne du grain (infé­
rieure ou supérieure à 1/10 mm, respectivement). Ces termes ne s'appliquent pas
aux roches carbonatées.
► Les roches schisteuses
Ce sont des schistes lorsque les plans de schistosité sont relativement serrés (épais­
seur des lits interschisteux de l'ordre du mm). Ce sont des gneiss lorsque
l'espacement est de l'ordre du cm. En fait, l'usage courant en langue française
réserve le terme de gneiss aux roches granolépicloblastiques qui montrent l'alter­
nance à l'échelle du cm de lits quartzofeldspathiques et de lits micacés, ces derniers
étant extrèmement réduits ou absents dans les orthogneiss.
Le terme micaschiste désigne des schistes micacés à biotite et/ou muscovite.
Contrairement à un usage abusif, il n'existe aucune raison d'admettre à priori qu'un
gneiss corresponde à un degré de métamorphisme plus élevé que celui qui caracté­
rise un micaschiste et il faut conserver un caractère strictement descriptif à ces
termes. Une catégorie assez populaire de schistes est celle des schistes tachetés; ces
roches, généralement associées au métamorphisme de contact ( cf seconde partie),
sont caractérisées par des porphyroblastes de cordiérite et/ou d'andalousite, altérés
en produits phylliteux (mica blanc + chlorite), dispersés dans une matrice très fine,
granoblastique orientée.
Cette nomenclature établie sur la base de la structure concerne essentiellement
les métapélites, les métagrauwackes et les métagranitoïdes. Cependant, le terme de
schiste s' applique également à certaines métabasites : schiste vert (schiste à épidote
+ chlorite + épidote), schiste à glaucophane, etc.
Certains éléments texturaux permettent de compléter cette nomenclature en
faisant apparaître des caractéristiques remarquables des roches. Le cas le plus
typique est celui des gneiss œillés. Ces roches contiennent des éléments feldspathi­
ques et quartzofeldspathiques de grande dimension, dispersés dans une matrice
granolépidoblastique orientée à grain beaucoup plus fin. Dans un grand nombre de
cas, les yeux des gneiss œillés sont des éléments antécinématiques (fig. 2.10). Ces
«yeux» sont
- soit des porphyroclastes de feldspath potassique ou de plagioclase dérivant
d'anciens phénocristaux de granitoïdes; dans ce cas la structure œillée démontre
le caractère orthodérivé du gneiss;
- soit des amandes quartzofelspathiques plus ou moins effilées, dérivant du boudi­
nage syncinématique de filorinets granitiques anciennement inclus dans une
métapélite migmatisée; dans �Y cas les gneiss œillés sont paradérivés.

c) Composition minéralogique des roches


La nature des assemblages minéralogiques permet de préciser aèl libitum la descrip­
tion des roches métamorphiques (cornéenne à épidote; micaschiste à staurotide et
di:,:thène; gneiss à sillimanite et grenat; etc.). Elle est aussi à la base de la nomen­
clature usuelle concernant les métabasites et, d'une façon plus générale, de
l'ensemble des roches métamorphiques riches �? Ca.
Les termes d'amphibolite et de pyroxénite se définissent d'eux-mêmes, ainsi que
leurs équivalents plus précis : glaucophanite, diopsidite, etc. Biotitite, albitite,
épidotite sont également employés plus ou moins systématiquement. Chacun de ces
Figure 2.10 Texture des gneiss œi!lés.
a) Les «yeux» sont constitués par des monocristaux de feldspath potassique et de
plagioclase, antécinématiques, plus ou moins déformés et fragmentés; échelle =
3 cm. Cette . texture porphyroclastique dérive de la déformation et du
métamorphisme de granites porphyroïdes. La roche est un orthogneiss œillé. Gneiss
du Canigou, Pyrénées-Orientales, d'après Guitard, 1970.
b) Les «yeux» sont constitués d'un assemblage quartzofeldspathique granoblas­
tique comportant un peu de biotite; échelle = 5 cm. Ces yeux dérivent du
boudinage syncinématique (syn- ou tardimigmatitique?) de filonnets granitiques
injectés dans une métapélite au cours d'une phase de migmatisation. Il s'agit d'un
paragneiss œillé. Gneiss de Port-Navalo, Loire-Atlantique, d'après Johannes, 1988.

termes est souvent précisé par la mention d'un autre minéral important: de la parage­
nèse (amphibolite à épidote; pyroxénite à grenat; etc.).
Les éclogites sont des pyroxénites à grenat obligatoirement dépourvues de
plagioclase : caractère négatif, mais essentiel pour la définition de ces roches ;
l'usage veut que le clinopyroxène des éclogites (l' omphacite) soit relativement
riche en jadéite NaA1Si2O 6 , mais cet usage n'est pas toujours respecté.
Les roches carbonatées (à calcite et/ou dolomite) métamorphiques sont des
marbres lorsque la schistosité y est peu ou pas marquée ; dans le cas contraire le
terme de calcschiste est utilisé. Les marbres et les calcschistes sont presque toujours
des ,nétacalcaires, la probabilité de l'existence de métacarbonatites étant extrème­
ment réduite. Notons que le mot marbre a une acception beaucoup plus générale
dans l'industrie de la pierre, où il désigne toute roche susceptible d'acquérir un poli
suffisant pour l'utilisation ornementale. La plupart des marbres des marbriers sont
des granitoïdes, des anorthosites et des serpentines.
Parmi les différents termes présentés dans ce paragraphe, certains sont utilisés
non seulement pour caractériser pétrographiquement certains types de roches
(schistes verts, amphibolites, éclogites), mais aussi pour définir les conditions du
métamorphisme (cf chapitre 3). Les ambiguïtés qui découlent de ce double usage
sont soulignées plus loin.
11 Le métamorphisme
Dans le chapitre précédent, nous avons montré comment un sédiment meuble passe à l'état de roche
indurée. L'agent principal de cette transformation était le poids des sédiments plus jeunes accumulés au­
dessus de lui. Cet enfouissement est toutefois limité à quelques kilomètres d'épaisseur, puisque la diagenèse
ne concerne que des changements-minéralogiques légers. Nous avons vu par ailleurs au chapitre 6 que du
matériel géologique qui pénètre de plusieurs dizaines de kilomètres dans l'écorce terrestre subit une fusion
partielle et se transforme ainsi en magma. Que se passe-t-il entre ces deux situations extrêmes?
Le métamorphisme représente l'ensemble des transformations intervenant dans une roche à l'état solide,
sans passage par l'état magmatique. Suite à de fortes modifications physiques et chimiques, la composition
minéralogique de la roche, la texture (arrangement des cristaux) êf la structure (géométrie à l'échelle de
l'affleurement) sont affectés. Les facteurs principaux qui contrôlent le métamorphisme sont la pre&sion et
la température auxquelles s'ajoute l'action des fluides; ils sont interdépendants. Ces processus de modifica­
tion sont d'autant plus efficaces qu'ils agissent sur une longue durée.
Quelles sont les circonstances géologiques qui peuvent être source du métamorphisme? Il s'agit essen­
tiellement du phénomène des orogenèses. Voyons comment évoluent les conditions de pression et de tem­
pérature d'un volume élémentaire de roche pris dans une croûte continentale lors d'une collision de plaques
(fig. 11.1).
Une première phase, l'orogenèse proprement dite, conduit certaines parties de la lithosphère à un enfouis­
sement pouvant atteindre plusieurs dizaines de kilomètres, ce qui correspond à une augmentation de la pres-

pression
[GPa]
0.4

0.3

0.2

0.1

0.0 �-- .=--


- -
�- -
�- - -
----
300 400 500 600
températures r0 CJ

D phase de subduction (120-70 Ma)


D phase de surrection (35-40 Ma)
Fig. 11.1 Evolution des conditions de métamorphisme au cours d'un cycle orogenèse-érosion. Exemple des Alpes entre Viège et
Locarno (d'après [40]).
�ion et ùe la température. C'est ce que l'on appelle le lllétamorphisllle prograde. On comprend ainsi pour­
quoi le métamorphisme est intimement lié à la tectonique (chap. 12).
Que se passe-t-il en revanche lors de la phase érosive de la chaîne de montagne? Nous avons vu à pro­
pos de la théorie de l'isostasie (chap. 4) que l'arasement du relief conduit à une remontée des rûcbcs pro­
fondes vers la surface. Il en résulte pour notre volume élémentaire de roche une diminution de pression et
de température: c'est le métamorphisme rétrograde.
Fonclamentalemcnt, le métamorphisme crée une grande variété de roches. En effet, les conditions de
pression et de température ainsi que les fiux géochimiqucs sont fortement variables selon le contexte géo­
logique et tous les types de roches sont susceptibles d'être métamorphisés. Nous nous concentrons ici sur
les conditions les plus fréquentes du métamorphisme, soit le métamorphisme prograde.

11.1 Processus de transformation

A l'instar de la cliagenèsc, le métamorphisme est la résultante de plusieurs mécanismes qui agissent en


parallèle, sans pour autant qu'ils soient toujours activés ensemble. Nous en retenons ici trois principaux.

11.1.1 Modifications minéralogiques


Par le changement des conditions physiques du milieu, essentiellement décrites par la pression géosta­
tique (égale au poids de la colonne de tenains qui recouvrent la roche) et la température, un minéral peut
arriver dans un domaine d'instabilité thermodynamique; il se transforme alors en un nouveau minéral dés­
ormais stable dans ces conditions. Ce faisant, il peut également réagir avec d'autres minéraux de la roche
ou avec les fluide:; contenus dans celle-ci. Par exemple, les minéraux argileux se transforment en micas; uù
mélange quartz - argile peut donner des feldspaths (fig. 11.2); un mélange argile-calcite forme des amphi­
boles ou des pyroxènes.

pression profondeur
[Gl'a] [km)
0.5
limiteclc
0.4 stabilité 15

10

100 200 300 400 500 600 700 800 900 l 000
température-[-°CJ

Fig. 11.2 Transformation minéralogique d'un mé.!ange clc mica et cle quartz (cl 'après [351). Par augmentation de pression et de lempé­
rawre, il se fornie un feldspath potassique et un silicate d'alumine. Pour la forme cristalline de ce dernier, voir la figure 11.9.
Par ailleurs, on observe un remplacement des petits cristaux(quartz détritique, calcite biogène) par de nou­
veaux individus de plus grande taille. Les structures int�rnes des roches sédimentaires, comme des fossiles ou
des figures de sédimentation, sont partiellement ou totalement effacées par la recristallisation (fig. 11.3).

caJcii;e fÔ.ssilifère
/, , L;

t / ' 1 '

' '
I 1
, '

matrice microcristalline de calcite

MÉTAMORPHISME

Fig.11.3 Effacement des structures internes de la roche par la recristallisation. Le fossile dans Je marbre n'est esquissé que pour mon­
trer où il se trouvait.

Nous verrons plus Join comment ces diverses transformations minéralogiques aboutissent à de nouvel­
les roches en fonction du matériel d'origine.
A l'échelle des constituants intimes de la roche, des phénomènes de réorientation des cristaux se produi­
sent par le phénomène de dissolution sous pression. Voyons l'exemple d'un minéral en feuillet, par exem­
ple un mica, qui est orienté parallèlement à la contrainte dominante. Un lent processus de redistribution de
la matière se produit: les atomes du cristal qui sont face à la contrainte maximale ont tendance à migrer dans
les fluides d'imbibition de la roche et à se recristalliser sur les côtés du minéral, dans la direction de la
contrainte la plus faible(fig. l l .4). De cette manière, un granite, qui possède des micas dans toutes les direc­
tions, se transforme au cours du temps en un gneiss dans lequel tous les micas sont parallèles (fig. 11.5). Ce
phénomène ne doit pas être confondu avec la réorientation mécanique des minéraux par le laminage de la
roche(§ 11.1.3).
to �

s>

<? s>
11

ô
lf
= <? s) l
� r"'
12

--,,vv0
0vv-,.I <?

� �

0vv-,,,. migration fluide

Fig. 11.4 Recristallisation d'un minéral soumis à un champ de contraintes anisotrope. Exemple d'un mica orienté originellement dans
la direction de la contrainte majeure.

Fig. 11.5 Différence de texture entre un granite (haut) et un gneiss (bas) soulignée par la réorientation des micas et des feldspaths.
Photo Geolep, G. Grosjcan.

11.1.2 Transformations chimiques


Les transformations minéralogiques évoquées ci-dessus partent du principe que le milieu est chimique­
ment fermé (transformations dites «isochimiques»). Il n'en est pas toujours ainsi: le milieu peut modifier
son bilan chimique par des apports de milieux voisins ou par des exportations. On parle alors de métasoma­
tose. Ce sont surtout des substances volatiles comme H20, C02, F, Cl, B qui entrent en jeu. Par exemple, le
métamorphisme des carbonates en présence de silicates_.,clonne une réaction aboutissant à la cristallisation
de silicates de calcium (marbre à minéraux) accompagnée d'un dégagement de gaz carbonique; ce dernier
remonte vers la surface, faisant apparaîlre des sources saturées en gaz carbonique, comme en Basse-Engadine
(fig. 11.6).
NNW SSE
Inn
1
1 .,.jaillissement
1
1 dans les forages
Scuol

... ...
+
+ +
+
+
+
+ circulation
d'eau

CO2

Fig.11.6 Effets en surface du métamorphisme profond de roches carbonatées impures (par ex. argiles ou sill quartzeux): les eaux à
gaz carbonique des Grisons. Le gaz carbonique issu de la réaction avec les silicates se dissout clans les eaux souterraines. Elles devien­
nent acides et ont un fort pouvoir de dissolution des roches encaissanles. Les sources sont donc très minéralisées el saturées en CO2.
Lors de forages de prospection, on a observé des jaillissements d'une dizaine de mètres de hauteur dus au dégazage violent qui emporte
l'eau souterraine sous fo1me d'une émulsion gaz-liquide (phénomène de l'air-lift). Ces forages se sont obturés de façon naturelle par
cristallisation de calcite (d'après (22]).

11.1.3 Transformations mécaniques


Les contraintes mécaniques dans le sous-sol sont souvent anisotropes en raison de leur contexte tecto­
nique à grande échelle. A plus petite échelle, le c�ur d'un pli concentrique est par exemple le siège d'une
contrainte horizontale supérieure à la contrainte verticale. A la périphérie c'esr le contraire et les contrain­
tes horizontales sont même en traction (chap. 12).
Lorsqu'une contrainte domine les autres, pour l'une des raisons évoquées plus haut, on obtient un effet
de laminage très lent de la matrice rocheuse qui produit des dislocations des grains ou des minéraux; il appa­
raît au sein de ces derniers des zones de déformation préférentielle (fig. 11.7). Les minéraux planaires ou
allongés ont tendance à s'orienter parallèlement les uns aux autres, clans le sens de l' étirement de la matière.
Les transformations intimes de la roche lui confèrent donc en général une texture anisotrope. On peut obte­
nir des roches qui restent néanmoins nettement massives comme les gneiss et les marbres par exemple.
Pour décrire le caractère anisotrope que prennent les roches métamorphiques, on utilise différents termes
dont les définitions restent assez ambiguës. Le terme de foliation est utilisé pour caractériser des roches inten­
sément métamorphisées où il y a alternance de lits de minéralogie différente (lits quartzofelclspatiques et lits
micacés clans les gneiss). Lorsque la roche initiale est cl' origine sédimentaire, la foliation obtenue n'est géné­
ralement pas parallèle à la stratification, mais est plutôt perpendiculaire à la contrainte dominante dans le
massif. Le terme de schistosité comporte plusieurs sens. D'une part, il décrit un aspect feuilleté dans les
roches de moindre intensité métamorphique comme les schistes ardoisiers ou les chloritoschistes; la matrice
de la roche est ici plus fine et plus homogène que clans la foliation; la schistosité peut être clans ce cas para]-
(al) 4

état initial

(a2) 4

(a3)

zones recristallisées

(a) (b)

l/ig. 11.7 Transforrnalions intimes de la matière rocheuse par les processus de métamorphisme. (a) Comparaison entre défonnation
mécanique et recristallisation: (al) Minéral avant déformation. (a2) Le cristal est déformé par des plans de cisaillement; les quatre
points sont simplement décalés. (a3) La matière du haut et du bas du cristal s'est recristallisée sur les côtés; seuls les points centraux
demeurent visibles. (b) Lames minces présentant la déformation intrinsèque de la matière (largeur des photos: 1.14 111111): (bl)
Déformation d'un mica, ploiement du cristal, (dolomite, Val Piora, Tessin). (b2) Déformation interne d'un plagioclase, les macles sont
décalées les unes par rapport aux autres (gneiss à grenat de la Série du Tremola, Val Piora, Tessiu). Photos S. Schmidt, Université de
Genève.

lèle ou séquente à la stratification de la roche originale. D'autre part, le terme de schistosité est aussi utilisé
pour dénommer la réorientation par recristallisation que subissent les roches dans les plis similaires (chap. 12).
Ces ambiguïtés dans les définitions sont explicables par le fort lien entre les différents processus qui donnent
lieu à ces recristallisations. En effet, le métamorphisme est généralement accompagné de déformations tec­
toniques en profondeur; les deux phénomènes agissent,ensemble pour rendre la roche anisotrope.
A noter que le terme de schiste est utilisé aussi parfois dans des roches sédimentaires argileuses où on
entend ainsi souligner la structure laminée par la compaction (par exemple les flysch schisto-gréseux); cet
usage est à éviter.
pression
[0Pa]

0.5

0.4 disthène

0.3

0.2

0.1

0.0 �-.----.--,--.--,-----.--,- ,----,---,-


-
200 400 600 800 1000
température [° C]

Fig. 11.9 Trois formes minérales différentes pour la même substance: silicate d'alumine (Al2SiO5) en fonction des conditions méta­
morphiques du milieu (d'après ll05]).

Fig.11.10 Zones du métamorphisme alpin déterminées par la forme minérale des silicates d'alumine trouvés dans les roches (fig. 11.9).
(d'après l83)).

11.2.1 Métamorphisme régional


Le métamorphisme régional (ou gén�ral) est le type principal. Il correspond sur la figw·e 11.8 au domaine
d'augmentation à la fois de la pression· et de la température. L'intensité du métamorphisme va croissante
depuis la cliagenèse (près de l'origine des axes) jusqu'au début de la fusion et du magmatisme.
Ce type de métamorphisme affecte de très vastes régions, en dehors.de l'influence particulière d'intru­
sions magmatiques ou d'accidents tectoniques. Il se développe donc dans les zones de subduction et d'oro­
genèse. C'est dans le contexte du métamorphisme régional qu'est créée la grande majorité des roches méta­
morphiques.

11.2.2 Métamorphisme de contact


Dans le graphique de la figure 11.8, le métamorphisme de contact se situe très près de l'axe des tempé­
ratures. Cela signifie que c'est un métamorphisme essentiellement thermique. On rencontre de telles condi-
tions en profondeur au contact des chambres magmatiques, ou plus en surface près des cheminées volcaniques
(fig. 11.11) ou des dykes; c'est un phénomène à caractère local (jusqu'à quelques kilomètres). Ce métamor­
phisme génère une auréole de contact formée de roches de plus en plus métamorphisées au fur et à mesure
que l'on se rapproche de la roche intrusive (fig. 11.12).

croûte continentale croûte océanique

500 km

J métamorphisme régional, zone soumise à une orogenèse et zones de subduction


2 métamorphisme de contact, auréole autour d'un corps magmatique grâce à un apport de chaleur
3 métamorphisme cataclastique, zone de faille et de chevauchement

Fig. 11.11 Situation d'occun-ence des trois types de métamorphisme dans l'exemple d'une zone de subduction.

brèche de contact

zone altérée et fracturée


�,' · "'�
500m

' 4-'
';@ ''
... ·\·
. . . .. \.

CJ . (}_,.-�:] plan de
Pb-Zn-Ag Cu­ Cu-Mo veine de galène cisaillement
zone à pyrite

Fig. 11.12 Gisement métallifère issu du métamorphisme de contact. Le batholite granitique encore chaud a métamorphisé la roche
encaissante, ici un calcaire qui s'est transformé en marbre. Les différentes isothermes autour du massif intrusif sont soulignées par la
présence d'une zonation de minéralisation: essentiellement du cuivre proche de! 'intrusif, d'autres métaux plus à la périphérie. Exemple
schématisé d'un gisement Porphyry Coppers du type de Bingham, Utah.
Les fluides magmatiques à haute température provoquent une métasomatose en s'infiltrant dans les roches
encaissantes. Un cas typique est l'intrusion de granite dans une roche calcaire contenant du Mg qui donne
lieu à la formation d'un skarn (marbre à minéraux silicatés): les fluides provoquent un enrichissement de la
roche encaissante en éléme_nts majeurs, Si, Al, Fe et en éléments mineurs, Cl, F, B. Il apparaît ainsi des miné­
raux peu communs (grenat, pyroxène et amphibole calcique) et des réactions chimiques qui peuvent don­
ner naissance à des gisements polymétalliques et ainsi être exploités.

11.2.3 Métamorphisme cataclastique


Au droit des accidents tectoniques, on obsetve des pressions mécaniques particulièrement intenses; elles
entraînent des déformations de la roche qui conduisent à sa transformation à basse température, donc à rela­
tivement faible profondeur (dynamométamorphisme, fig. 11.8). Il en résulte un broyage, la cataclase, de la
roche d'origine qui acquiert un grain très fin (fig. 11.13); on obtient soit des débris en faible agrégation, par
exemple dans les kakirites, soit, par une recristallisation, une nouvelle roche indurée (mylonite).

Fig. 11.13 Texture d'une cataclasite, micro-brèche tectonique. Des éléments pfus ou moins grossiers sont pris dans une matrice très
fine avec une structure gneissique. Métagranodiorite cataclastique de la série d' Arolla.,._- Nappe de la Dent Blanche, Valais. Photo
Collection J. Bertrand, Université de Genève.

Les roches cataclastiques de type kakirite sont très _qélicates à traverser en travaux soute1rnins (fig. 11.14):
il n'est pas rare dans les tunnels que l'on pénètre subitement dans une zone broyée au sein d'un massif de
bonne tenue. Ce genre de situation peut entraîner des éboulements du front (débourrage) et un blocage du
chantier pendant plusieurs mois.
venues d'eau

niveau de l'eau souterraine équipement de forage

roche cataclastique
peu résistante ei
· ·imperméable

équipement pour la mise en place du soutènement

Fig.11.14 Traversée des roches cataclastiques par un tunnelier; cas de la galerie Cleuson-Dixence,Alpes valaisannes. La faible résis­
tance de ces roches, couplée à la retenue d'eau souterraine, a créé une chapelle d'effondrement dont les matériaux ont bloqué la machine
(d'après (29]).

11.3 Principales roches métamorphiques et leurs propriétés


La variété et la complexité des phénomènes métamorphiques s'ajoutent à l'importante diversité d'ori­
gine des roches initiales pour générer un nombre important de roches métamorphiques, d'où une typologie
et une nomenclature complexes elles aussi.
Nous présentons ci-dessous les principales roches qui sont issues d'un métamorphisme régional. Ceci
nécessite de définir d'abord une série de séquences qui illustrent le passage graduel de la matière de départ
vers des roches issues d'un métamorphisme croissant (à l'exception de la séquence ultramafique). On en
retiendra six pour le présent ouvrage.
Les différentes roches créées à partir de ces séquences sont synthétisées à la figure 11 .15.

11.3.1 Séquence pélitique (ou argilo-quartzeuse)


Cette séquence est traitée en premier car elle est particulièrement sensible à l'intensité du métamor­
phisme. Le matériel de départ est constitué d'un mélange d'argile et de particules quartzeuses (par exemple
une argilite microgréseuse). Nous avons donc un stock chimique constitué surtout de Si, Al, et divers cations.
A travers toute une série d'étapes évoluant par pression et température croissantes, les roches qui apparais­
sent vont mener au gneiss, aboutissement de la séquence.
séquences
roche initiale faible
métamorphiques

PÉLITIQUE ARGILITE schiste ardoisier chloritoschiste micaschiste paragneiss

GRÈS SILICEUX quartzite


QUARTZO-
FELDSPATHIQUE
GRANITE orthogneiss

CALCAIRE
CARBONATÉE marbre
DOLOMIE

CALCARO-PÉLITIQUE MARNES calcschiste amphibolite calcique

MAFIQUE GABBRO amphibolite alumineuse

Ul.:TRAMAFIQUE PÉR!DOTITE serpentinite*

* métamorphisme .rétrograde

Fig. 11.15 Les principales roches métamorphiques de six séquences de métamorphisme régional.

Schiste ardoisier
La transformation minéralogique se borne à celle des argiles et conduit notamment à la création de petits
micas blancs embryonnaires qu'on appelle séricite; la présence de micas donne un aspect lustré à la roche.
Cette dernière reste apparemment non cristalline. Elle se débite en plaques minces et souvent de couleur
noire, elle convient parfaitement pour la couverture des toits (ardoise, fig. 11.16).

Fig.11.16 Carrière d'ardoise de la Penrhyn Slate Company, Middle Granville, NY, 1890. Illustration de la schistosité de l'ardoise uti­
lisée pour les toitures. Photo Earth Sciences Photographie Archive, U .S. Geological Survey.
En effet, les argiles sont suffisamment transformées pour que le schiste résiste au gel et aux variations
de teneur en eau pendant plusieurs siècles. Sur de pl�s longues durées, la roche se fragmente et s'altère; c'est
pourquoi on la trouve rarement à l'affleurement.

Chloritoschiste
La transformation des argiles fait maintenant apparaître nettement la chlorite, phyllosilicate de couleur
verte. La texture de la roche est très feuilletée, privée encore de lits quartzeux continus. Cette roche est sen­
sible à l'altération superficielle efterid à se débiter en débris lamellaires de petite taille (fig. 11.17).

Fig.11.17 Micaschiste. NB: le chloritoschiste présente un aspect semblable, la chlorite remplaçant le mica noir ou le mica blanc. Photo
Geolep, G. Grosjean.

Micaschiste
Après le stade chlorite, la transformation des phyllosilicates aboutit aux micas (muscqvite et biotite). Le
quartz commence à recristalliser pour former des lits qui sont encore discontinus. La structure de la roche
reste finement schisteuse, mais à grain légèrement plus grossier (minéraux identifiables à l'œil nu) et devient
plus robuste grâce au quartz. Les micaschistes (fig. 11.17) sont un peu plus résistants que les chloritoschis­
tes, mais demeurent cependant :fragmentables par altération.

Gneiss
La recristallisation ne se limite plus au quartz, les feldspaths apparaissen_t. Avec le quartz, ils forment
des lits de minéraux clairs continus séparant les lits de phyllosilicates (foliation). La roche reste donc très
anisotrope, mais elle devient robuste et dure, grâce à cette ossature quartzo-feldspathique. Les gneiss sont
de bonnes roches de construction lorsqu'ils sont assez massifs. Le gneiss de cette séquence s'appelle para­
gneiss, pour se distinguer du gneiss produit à partir du granite (orthogneiss). Cette distinction est parfois
difficile à faire.-
11.3.2 Séquence quartzo-feldspathique
Cette séquence groupe différentes roches de départ riches en silice, quelle que soit leur origine. En fait,
il s'agit surtout de deux familles:
les roches détritiques- non argileuses et non carbonatées: grès et conglomérats à ciment siliceux qui
produiront les quartzites;
les roches magmatiques felsiques, qui donneront les gneiss.

Quartzite
Les quartzites sont principalement issus du métamorphisme de grès à éléments quartzeux et ciment sili­
ceux. A faibles pression et température déjà, une recristallisation du quartz des grains et du ciment efface
leur différence d'origine ainsi que la structure granulaire: il se forme ainsi une roche monominérale assez
homogène. Lors de la croissance de l'intensité du métamorphisme, le quartzite n'évolue plus notablement
si ce n'est que les cristaux de quartz sont de plus grande taille et que le quartz ordinaire peut être remplacé
par des variétés de haute température. Il devient alors difficile de distinguer sur échantillon quartzite et filons
de quartz d'origine magmatique.
Le quartzite est une roche de couleur blanche, beige ou verdâtre en raison de la présence de quelques
phyllosilicates. Dans les Alpes, les quartzites du Permo-Trias sont en couches décimétriques, souvent séri­
citeux (petits cristaux de muscovite) et riches en pyrite; à l'affleurement, l'oxydation de la pyrite donne une
patine (surface de la roche exposée à l'altération) de couleur brune. Ce sont des roches qui résistent au trans­
port détritique (fig. 11.18) grâce à la grande dureté du quartz et à leur faible altérabilité physico-chimique;
c'est la raison pour laquelle les alluvions sont fortement enrichies en quartzite par rapport à leur proportion
dans le bassin versant. La grande dureté du quartz pose des problèmes d'abrasion à la perforation (sondages,
tunneliers, etc.). Dans des zones à fort broyage tectonique, les couches de quartzites peuvent être fragilisées
par une intense microfracturation; dans de telles circonstances, en présence d'eau souterraine, le quartzite
peut même devenir une roche fluente, très instable en galerie.

Fig. 11.18 Quartzite. Le galet est tle forme parfaitement elliptique. Un éclat au marteau montre sa texture cristalline monominérale.
Photo Geolep, G. Grosjean.
Gneiss
Nous avons vu que l'on peut obtenir du gneiss par un fort métamorphisme de la séquence pélitique. On
peut en obtenir aussi par la séquence quartzofeldspathique en partant des roches magmatiques felsiques. La
roche subit une réorientation des minéraux qui la constituent, surtout par la recristallisation des micas. Il se
développe ainsi une foliation marquée par une succession de lits quartzofeldspathiques et de lits de. micas
(biotite ou muscovite). Ce type de gneiss (que l'on appelle orthogneiss) est assez semblable au gneiss obtenu
à partir de roches sédimentaires. Il diffère des roches magmatiques originales surtout par l'anisotropie de
ses propriétés; par exemple, le g;eiss résiste moins à un effort cisaillant parallèle à sa foliation que perpen­
diculaire; il est donc potentiellement mofüs stable en parois. Néanmoins, l 'orthogneiss présente globalement
de bonnes propriétés techniques; il est une excellente pierre de taiJJe (fig. 11.19).

Fig.11.19 Lorsque le gneiss est finement schisteux, on peut l'utiliser pour recouvrir les toits. Cependant, les plaques sont notablement
plus lourdes que des ardoises. Exemple du hammeau de Curogna (Cugnasco), Tessin. Photo Geolep, L. Cortesi.

11.3.3 Séquence carbonatée


Les divers calcaires et la dolomie sont les deux types de roches au départ de cette séquence. Selon leur
état de pureté en carbonates, on obtient des roches métamorphiques légèrement différentes.

Marbre
A des intensités faibles ou moyennes, les calcaires se transforment en marbre par recristallisation des
microcristaux de calcite. Si le calcaire originel est pur, on obtient une roche blanche homogène, massive, à
l'aspect cristallin, qu'on utilise en sculpture. Si la roche de départ comprend des horizons riches en fer, on
obtient des marbres rubanés colorés; selon ie degré d'oxydation du fer, il acquiert une couleur verte pour le
fer réduit, rouge pour le fer oxydé, ocre et beige pour le fer combiné aux hydroxydes. Lorsque la teneur en
magnésium des carbonates est élevée, on obtient des marbres dolomitiques. S_i le calcaire contient des impu­
retés argileuses ou quartzeuses (au sein de la matrice ou dans la série), quand le métamorphisme est intense,
il se produit une modification minéralogique: exportation du C02 et création de minéraux silicatés calci­
ques. Ces marbres sont appelés marbres à minéraux. Les marbres se présentent en couches d'épaisseur très
variable. Ils se comportent de manière assez ductile à haute pression; leur structure interne est donc fine­
ment plissée.
Quand les marbres sont en couches massives, ils peuvent être exploités comme pierre ornementale, dans
les carrières de Carrare en Italie par exemple (fig. 11.20 et fig. 11.21).

Fig.11.20 Carrière de marbre, Carrare, Italie. Carrière à ciel ouvert, découpage et évacuation des blocs. Photo Geolep, G. Franciosi.

marbre en Jlace

bloc de marbre

véhicule de tension
barre rigide avec 2 poulies

détail du câble avec s·es anneaux diamantés

fig. 11.21 Technique de découpage des blocs de marbre au moyen de câbles diamantés.
La dureté reste celle de la calcite (dureté 3), ce qui facilite le travail de la piene. A l'instar des calcaires,
Je marbre est soluble clans les eaux acides; il est clope soumis à la karstification et fonctionne comme roche
aquifère. Le terme de marbre, comme celui de granite, est aussi utilisé clans un sens très différent par l'in­
dustrie de la construction où il désigne une roche décorative polie, souvent indépendamment de sa compo­
sition; certains agrégats artificiels de roche coloi-ées entrent également clans cette appellation.

11.3.4 Séquence calcaro-pélitique.


Les marnes, par leur mélange de cakaire et d'argile, constituent le point de départ de cette séquence.

Calcschiste
Ce sont des roches finement litées et schisteuses de métamorpJ:1isme assez faible (fig. 11.22). La calcite
a recristallisé comme dans le marbre, donnant des lits assez compétents. Ils sont séparés par des schistes
provenant de l'abondante composante argileuse. C'est clans l'ensemble une roche peu résistante, très aniso­
trope et légèrement perméable.

Fig. 11.22 Calcschiste du Col d'Olen (versant italien du Mont-Rose). Photo Geolep, G. Franciosi.

Amphibolite
Lorsque le métamorphisme devient intense, la roche perd son carbone par exportation de CO2; des felds­
paths et des amphiboles calciques à prismes allongés cristallisent. La roche est faite d'une fine altei·nance
de lits d'amphiboles et de lits de feldspaths. Elle est généralement de structure assez schisteuse.

11.3.5 Séquence mafique


Comme dans le cas du granite, un métamorphisme prograde agit sur les roches magmatiques mafiques
surtout par une recristallisation orientée des minéraux, sans changer notablement la minéralogie de la matrice
originelle. Les roches obtenues présentent ainsi une orientation préférentielle des minéraux ferromagnésiens
allongés comme les prismes d'amphibole. La structure de la roche devient également plus anisotrope.
Amphibolite
Soumises à un métamorphisme moyen à intense, les roches mafiques tendent à acquérir une texture ruba­
née, matérialisée par une alternance de lits de plagioclases riches en chaux et de lits d'amphibole verte alu­
mineuse (fig. 11.23). La roche est plus massive que l'amphibolite de la séquence calcaro-pélitique.
A noter que les roches.. mafiques sont assez sensibles au métamorphisme rétrograde. Plissées dans les
chaînes de montagnes, elles se transforment en roches métamorphiques riches en albite (points blancs dans
la roche, d'un diamètre de quelques millimètres), en épidote et en chlorite (matrice verte): on les appelle
prasinites (fig. 11.24).

Fig.11.23 Amphibolite, Alpes suisses. Photo Geolep, G. Grosjean.

Fig. 11.24 Prnsinite, Corno Rosso versant italien du Mont-Rose. Photo Geolep, G. Franciosi.
Ce sont des roches fréquentes dans la partie centrale des Alpes; elles sont légèrement anisotropes en rai­
son de l'apparition des phyllosilicates. Elles sont ��sez sensibles à l'altération superficielle.

11.3.6 Séquence ultramafique


Les roches ultramafiques provenant du manteau sont en fort déséquilibre physico-chimique lorsqu'elles
sont plissées dans la partie supérieure des chaînes de montagne. Elles sont donc soumises surtout au méta-
·�
morphisme rétrograde.

Serpentinites
Les roches d'origine profonde composées d'une prédominance de silicates ferro-magnésiens, notam­
ment cl' olivine, subissent une transformation quasi-complète de le�r composants en remontant clans la croûte
supérieure. Ces ferromagnésiens très instables à faible pression et température se transforment par hydrata­
tion en serpentine (§ 5.2.1.3). La roche ainsi obtenue est d'un vert profond, presque noir à l'état sec
(fig. 11.25) avec une texture orientée d'une manière assez aléatoire. En travaux souterrains les serpentini­
tes présentent souvent des résistances assez faibles en raison de la présence de microsurfaces lustrées par
des cisaillements tectoniques qui fragilisent beaucoup le massif. Dans les Alpes, on les trouve en épaisses
séries clans les nappes internes de la chaîne; elles résultent du métamorphisme des roches ultrarnafiques et
mafiques des dorsales océaniques de la Téthys au Jurassique.

Fig. 11.25 Serpentinite fortement tectonisée, Monte Gazzo, nord de Gênes (Italie). Photo Geolep, G. Grosjean.

Vous aimerez peut-être aussi