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A ltamira

la cité des passions et des mystères


Un supplément non officiel pour Les Secrets de la 7ème Mer
Ce document est diffusé à titre gratuit et ne peut être vendu.
Il est distribué librement sur le site de l’éditeur www.cds-editions.com

CDS éditions
3, cité Magenta - 75010 Paris - www.cds-editions.com
Édito 2003
Nous vous l’avions promis : le voici ! Un numéro hors série de Cendre de Sphinx entièrement consacré à la ville
d’Altamira ! Pourquoi Altamira plutôt qu’une autre cille de Théah ? Tout simplement parce que Charousse a déjà été
fort bien décrite et exploitée dans « Voir Charousse et mourir », dans « Splendeurs et misères de Charousse » et autres
scénarios concoctés avec soin par l’équipe Siroz, parce que Freiburg ne devrait pas tarder à être traduit et enfin, parce que
nous, à Cendres de Sphinx, éprouvons une tendresse toute particulière pour la Castille : Altamira en a toute la saveur
(du moins nous l’espérons !), tout en étant beaucoup plus ouverte que les autres cités castillanes aux étrangers… et
aux étrangetés.
Je ne serai pas plus longue, ne voulant pas vous ennuyer avec un édito interminable, aussi me contenterai-je de
conclure par une petite précision : Altamira, vous le verrez, rengorge de « Beauté du diable » et autres « Séduisant » …de
sexe masculin – tout simplement parce que je me suis rendu compte que certains spécialistes de S7M oubliaient souvent
qu’il arrivait que les Héros soit des Héroïnes et que les joueurs soient des joueuses ! Sans rancune, Geof !

Pandore d’Angre

Édito 2012
Il n’y a pas grand-chose à ajouter. Ce supplément non officiel avait disparu depuis longtemps et grâce aux bons soins
d’une personne généreuse nous pouvons de nouveau vous l’offrir. Il sera découpé en plusieurs parties afin de facilité le
téléchargement et comporte quelques ajouts comme un article sur la peinture et une chronologie nous amenant jusqu’en
1670 pour Altamira.

Fablyrr

Crédits 2012
CDS éditions tiens à remercier particulièrement Anne Monteyne qui a pris du temps pour retapper toute l’ancvienne
version d’Altamira et qui a permis à cette nouvelle version d’exister. Les remerciements vont aussi aux généreux illustra-
teurs qui ont gracieusement prêté leurs oeuvres (les droits de ces images leurs appartiennent entièrement) : Julien Delval
(http://juliendelval.blogspot.com) et Olivier «Akae « Sanfilippo (http://akae.over-blog.com).

Auteurs : Pandore d’Angre et Fablyrr


Illustrateurs : Julien Delval, Fabien Fernandez et Olivier «Akae « Sanfilippo.
Maquette : Fabien Fernandez
L’araignée de glace - (1ère partie)
Medico, 1666
La tisseuse à la fourrure de velours bleu nuit avait élu domicile près de la grande fenêtre de la chambre. Immobile au
milieu d’un piège semblable à un flocon de neige, elle guettait, patiente, les proies imprudentes qui finiraient imman-
quablement par se prendre dans ses rets. Le reflet d’un rayon de soleil joua quelques instants sur le pelage de la créature,
la parant de l’éclat d’un saphir. Un papillon aux ailes multicolores se posa délicatement sur la toile, tenta de repartir,
s’englua dans les fils de soie, battit lamentablement des ailes et l’araignée bondit sur lui.
« Le jeu de l’amour et de la mort », pensa Sandra en baissant les yeux. L’éternelle rivalité entre les Streghe et les cour-
tisanes. Elle tourna résolument le dos à ce spectacle de cruauté nue, s’installa délicatement face à sa coiffeuse, puis ôta
lentement le long voile de dentelle noire qui recouvrait son visage, libéra ses lourdes boucles couleur de miel et plongea
ses yeux mordorés dans ceux de son reflet.
Les paroles sèches de sa mère lui revinrent en mémoire.
« Certaines femmes ont reçu l’amour en partage, mon enfant, mais nous, nous avons le pouvoir. L’amour dure le temps
d’une rose éphémère et s’envole avec le rayonnement de la jeunesse. Le pouvoir, lui, ne cesse de croître avec le temps – et
s’il est perdu, c’est par faiblesse, non parce que l’illusion de la beauté s’est fanée. »
Sa mère. Une sorcière demi-sang de Chiarisa, aussi peu douée dans la magie que brillante dans le Grand Jeu. Elle avait
épousé un comte Falisci, déjà assez âgé, qui lui apporta titre et statut tandis qu’elle lui offrait une dot consistante et deux
fillettes. Il mourut peu de temps après la naissance de la seconde, d’une maladie aussi étrange que virulente et laissa la
comtessa seule bénéficiaire de ses terres et de ses biens. Un frisson glacé remonta dans l’échine de la jeune femme.
« Elle l’a empoisonné. Et que me réserve-t-elle, à moi ? » murmura-t-elle à mi-voix.
Un coup léger frappé à sa porte lui apprit qu’elle ne tarderait pas à le savoir.
« Entrez ! »
Sa jeune sœur, Léa, pénétra timidement dans la pièce. Ses joues ordinairement pâles étaient teintées de rose et ses
yeux clairs brillaient légèrement.
« Mère vous réclame », annonça-t-elle. « Votre fiancé a tenu à vous rencontrer avant vos épousailles. » Sa voix tremblait
légèrement. Une expression d’envie passa fugitivement sur ses traits.
-  Je vois. J’en déduis, à votre ton, qu’il vous semble agréable et charmant. »
Flavio est… » Rouge de honte et de confusion, elle s’interrompit et porta la main à ses lèvres. « Pardonnez-moi,
Sandra, je… je suis désolée. »
Imperturbable, Sandra désigna sa chevelure à la senzavista. Léa se mordit les lèvres, s’empara d’un peigne d’ivoire et
commença à arranger la coiffure de la Lachesis.
« Vous n’avez pas toujours été ma servante, Léa. Je me souviens d’un temps où nous étions amies. D’un temps – pas si
lointain que cela – où une enfant de huit ans se jeta devant son aînée et reçut à sa place le poignard qui lui était destiné.
Il me semble que de tels actes de courage ne doivent pas être oubliés. Notre éducation nous sépare, ma chère Léa. Et
d’autres choses, encore, dont celle qui nous a donné le jour est responsable. » L’adolescente interrompit son mouvement.
« Continuez, Léa. Je ne tiens pas à les faire trop attendre… » Elle ferma quelques instants les yeux puis reprit : « Il est
difficile de correspondre avec quelqu’un lorsque l’on ne sait ni lire, ni écrire, n’est-ce pas ? Difficile de confier ses cha-
grins et ses doutes à quiconque lorsque l’on est traitée en esclave par sa propre mère – ou que l’on apprend à se méfier de
son ombre dans une pension qui a tout d’une prison ? Ah… je vois que vous en avez terminé. » Sandra posa son voile sur
son crâne. Il descendait jusqu’au bas de sa poitrine et ne laissait deviner que l’éclat de ses yeux et le carmin de ses lèvres.
« Je ne vous ai pas encore remerciée, il me semble. Venez me retrouver cette nuit dans la chapelle. Nous parlerons. »
Sur ces paroles, la Strega se leva, quitta ses appartements et descendit lentement le grand escalier de marbre sculpté
qui menait jusqu’au hall d’entrée du palazzo.
***
Assise sur une haute chaise de bois sculpté, sa mère lui tournait le dos. A ses côtés, se tenaient sa dame de compagnie
et son sénéchal, un petit être sec et désagréable. Sandra fixa un court instant la nuque étroite, surmontée d’un chignon
sévère celle qui croyait encore avoir tout pouvoir sur sa destinée, puis tourna son regard vers les trois personnes qui lui
faisaient face. Au centre se tenait un homme d’une cinquantaine d’années, encore svelte et musclé, vêtu de riches étoffes
ocres et brunes. Un peu en retrait, sur sa gauche, se trouvait son garde du corps, qui demeurait d’une rigidité de fer
mais était attentif au moindre mouvement. A sa droite, enfin, était assis celui qui devait répondre au nom de Flavio. Il
fut le premier à remarquer sa présence et leva les yeux vers elle - des yeux noirs, à l’éclat incroyablement intense, qui ne
semblaient éprouver nulle appréhension à son encontre. Il lui sembla qu’il parvenait à deviner ses traits derrière la cascade
de dentelles noires et elle ne put réprimer un mouvement de recul. Un léger sourire joua un instant sur les lèvres du jeune
homme, puis se dissipa au moment où la Clotho se tournait vers sa fille.
« Ah ! Vous voici enfin, Sandra ! Vous avez tardé.
Pardonnez-moi, mère. »
Elle s’installa de l’autre côté de la table basse, croisa les mains sur ses genoux et attendit. Une domestique vint peu de
temps après, portant sur un plateau d’argent une coupe de fruits frais et une carafe d’eau claire. Elle servit la jeune fille
puis se retira sans un bruit. Sandra se concentra quelques instants sur le contenu transparent du verre de cristal, cher-
chant discrètement à percer l’Arcane qui guidait la destinée de ce fiancé qu’elle voyait pour la première fois. Des nuages
orageux, une lourde pression moite comprimant ses poumons… Une sorte de malaise. Et aucune force, aucune faiblesse
discernable dans ce chaos. Tentant de dissimuler son trouble, elle chercha son nécessaire de couture et surprit le regard de
sa mère. Un regard qu’elle devinait, derrière le voile, froid, calculateur et satisfait. Un regard qui signifiait : « Vous m’avez
dépassée en sorcellerie, mais jamais ne le pourrez en puissance politique. Vous n’aurez ni amour, car vous ne connaissez
pas les arts des courtisanes, ni pouvoir parce que vous ne pourrez jamais agir à l’encontre de votre époux. »
Elle essaya de se concentrer sur son travail de broderie – d’ordinaire, cela lui occupait les mains tout en lui laissant le
loisir de réfléchir – mais en vain. Elle sentait les prunelles sombres de Flavio qui parvenaient à lire en elle comme dans
un livre, cela, elle en était sûre et avait l’impression que son cœur cognait de plus en plus fort dans sa poitrine. Elle était
troublée, elle avait peur, elle tremblait.
« Avez vous eu l’occasion d’écouter la Rosetta de Corradin, à l’opéra de la Felicita, mademoiselle ? » demanda le jeune
homme. Sa voix basse, grave et douce, était semblable à la caresse d’un chat. Sandra releva la tête, croisa une fois de plus
son regard et s’apprêtait à répondre lorsque sa mère l’interrompit :
« Sandra ne va pas dans le monde. A son âge, les jeunes filles sont bien trop influençables, je pense, pour qu’il soit
sain de les montrer partout. Après le mariage, bien sûr, c’est différent. Elles ont des responsabilités et guère de temps
pour batifoler.
Oui, bien sûr » répliqua le père de Flavio avec un sourire suave. « Et vous avez raison, madame. 
Eh bien, notre affaire est conclue, alors ? » s’enquit promptement la femme en se levant de son siège.
Un mois. Un mois me paraît suffisant pour préparer ce mariage. » conclut-il en prenant congé.
Pendant que son père et la Strega finissaient leur discussion, tout en se dirigeant vers les jardins du palazzo, le jeune
homme s’arrangea pour rester quelques minutes, seul, avec Sandra. La jeune femme n’avait pas bougé de son fauteuil,
aussi froide et immobile qu’une statue.
« J’imagine que vous n’êtes pas autorisée à porter des bijoux » dit-il tranquillement.
 On m’autorise à respirer, ce qui n’est déjà pas mal… » murmura-t-elle avec un soupçon de cynisme. « Mais elle ne
rentre jamais dans ma chambre.
Oh… Alors peut-être daignerez-vous accepter cette broche ? » Il lui tendit une petite araignée sculptée dans un cristal
bleu glacier. « Une sorte de gage de bonne volonté ?
Un gage de bonne volonté ? » reprit Sandra en prenant le présent avec un demi sourire. « Mais je ne puis vous offrir
de bénédiction en échange. Que voulez-vous ?
J’aimerais voir vos yeux… » répliqua-t-il en s’avançant vers elle.
A ce moment-là, une domestique pénétra dans la pièce.
« Monsieur… Monsieur votre père vous attend. »
Il fronça les sourcils, exécuta une profonde révérence et quitta le salon. Sandra eut un soupir de soulagement. Puis elle
se tourna vers la servante :
« Vous préviendrez la comtessa qu’à partir de ce soir, et ce, jusqu’au jour de mes noces, je dînerai seule, dans mes ap-
partements. » Sur ces paroles, elle se leva et regagna sa chambre.

***
La lune s’était levée, projetant son éclat en myriades de petits fragments colorés à travers les vitraux de la chapelle.
Assise sur un banc de prière, vêtue d’une chemise de nuit de coton pâle et ses cheveux noués en une simple queue
de cheval, Sandra attendait, les mains croisées sous son menton. Sa petite araignée bleue s’était nichée dans le creux de
son cou et se tenait parfaitement immobile, joyau couleur d’azur sur une peau de nacre. Enfin, la porte grinça et une
silhouette féminine se glissa furtivement dans le petit édifice. La Lachesis tourna la tête vers sa cadette et la salua d’un
sourire ténu.
 La nuit est belle, n’est-ce pas ma sœur ? »
Euh… Oui, sans doute… » répondit la senzavista d’un ton hésitant.
« Venez vous asseoir auprès de moi, Léa. N’ayez crainte, je n’ai nullement l’intention de vous nuire. » L’adolescente
vint s’installer timidement auprès d’elle. Sandra observa quelques instants son visage doux, ses grands yeux verts et ses
lèvres pleines – des traits assez proches des siens – et poursuivit : « J’ai fait la connaissance de Flavio, cet après-midi.
Et ? » l’interrogea avidement sa cadette.
-  J’aimerais comprendre ce qui l’a rendu si désirable à vos yeux. J’aimerais savoir comment vous l’avez rencontré, si
vous lui avez déjà adressé la parole… » Tout en parlant, Sandra se concentrait.
-  Je ne me mettrai pas en travers de votre route, Sandra. Je ne suis qu’une… »
Senzavista ? » coupa la jeune Strega d’un ton impatient. « Je vous le répète, ma sœur, je n’ai pas l’intention de vous
nuire. Je vous demande simplement de me parler de Flavio. »
Léa inspira longuement, cherchant ses mots et un peu de courage, puis se lança :
« La première fois que je l’ai vu, c’était près de la piazza della Ca d’Oro, il y a quelques semaines. Je revenais du mar-
ché, en compagnie de Rosetta… J’ai d’abord entendu son rire. » Un filament bleu partait du cœur de la senzavista, se
dirigeant dans une direction imprécise. « Un son chaleureux, profond… J’ai senti un frisson traverser mon échine et je
me suis retournée. Il était là, à quelques pas seulement, en compagnie de deux autres personnes. Son regard… Son regard
avait l’éclat d’un joyau. » Une silhouette se dessinait, montée sur un destrier couleur cobalt. « Il a croisé mes yeux, m’a
souri. Je n’ai pu m’empêcher de chercher à savoir qui était ce jeune homme et, en me renseignant, j’ai appris qu’il s’agissait
de Flavio Rienzi de Medico, dont la famille est connue dans toute la principauté pour la beauté de ses œuvres en verre
soufflé. On disait Flavio généreux et honorable, fin bretteur et beau parleur… » Le filament tournoyait sur lui-même,
devenant de plus en plus épais, sa couleur de plus en plus intense. « L’un des meilleurs partis du moment. On disait aussi
qu’il était fiancé, mais également très populaire auprès des courtisanes… Je l’ai revu une seconde fois, alors que je pas-
sais sur un pont. Ce jour là, il était au bras de l’une d’entre elles, masquée de perles et de plumes et entouré de plusieurs
compagnons. J’aurais tant aimé être à la place de cette femme ! La troisième fois, c’était aujourd’hui, mais je n’ai cessé
de penser à lui, de… » Sandra vit également deux autres fils de soie bleutée partir de l’adolescente, l’un, qui exprimait la
crainte et la jalousie, était tourné vers elle, l’autre, duquel émanait une haine profonde et une peur irraisonnée, se perdait
du côté du palazzo.
« Je pense que cela suffira. » dit enfin Sandra d’une voix calme. « Comme je vous l’ai fait remarquer ce matin, j’ai une
dette envers vous, Léa. Je vous dois la vie. Pensez-vous que vous feriez une bonne épouse, pour Flavio ?
Oh, oui ! Je saurais… Mais… Mais c’est impossible ! Vous lui êtes promise. Pas moi. Au mieux, je puis espérer être
sa vedova mais… »
Mais il ne connaît pas mon visage. » fit remarquer Sandra.
« Je ne suis pas une Strega ! » s’exclama l’adolescente. « Je ne connais rien à vos pratiques, je n’ai aucune instruction et…
Vous savez parfaitement jouer la comédie, Léa. Ce que j’ai appris de vous aujourd’hui montre que sous des dehors de
jouvencelle sage et effacée, vous dissimulez un esprit et un cœur passionnés. A présent, réfléchissez bien car je ne ferai
pas deux fois cette proposition : voulez-vous prendre ma place et devenir la femme de Flavio Rienzi de Medico ? »
Léa ferma les yeux, serra les poings contre ses lèvres et répondit enfin, avec feu :
- Oui ! Oui, de toute mon âme, oui ! »
Très bien. Flavio et vous serez donc unis dans un mois. Mais j’y mets cependant plusieurs conditions. Ne prenez pas
cette mine apeurée, ma sœur. Comme je vous l’ai déjà fait remarquer, je n’ai aucunement l’intention de vous faire du
mal.
Quelles… quelles sont vos exigences ? » murmura l’adolescente d’un ton à peine audible.
« La première – qui me semble évidente – est de ne jamais révéler à quiconque la vérité sur notre accord. Vous savez,
tout comme moi, que cela équivaudrait à notre condamnation à mort. La seconde est de ne jamais chercher à me revoir –
l’existence d’une sœur rentrée au couvent depuis quelques temps sera probablement mentionnée dans votre contrat, mais
rien de plus. La troisième est de me faire confiance, quoi que je puisse faire. Et la quatrième…
La quatrième ? »
La quatrième est de ne jamais rien regretter. Si vous acceptez sans réserve ce que je vous demande, Flavio sera à vous
et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider. Alors ? »
Pour toute réponse, Léa se jeta dans ses bras et l’étreignit de toutes ses forces. Dans un brouillard de larmes, Sandra
vit le filament qui les liait se renforcer d’une confiance retrouvée et celui qui était née en elle pour le jeune marchand se
perdre dans les méandres de la douleur.
***
Iolanda de Chiarisa, comtessa de Brunelli exultait. Encore quelques heures et elle serait à tout jamais débarrassée de
sa fille honnie. Encore quelques heures et le destin de la Strega serait à jamais scellé. Condamnée à vivre aux côtés d’un
homme qu’elle aimerait éperdument et sur lequel elle n’aurait jamais aucun pouvoir, Sandra passerait le restant de ses
jours, enfermée derrière les murs d’un palazzo, à porter les enfants d’un époux tout-puissant et élever ceux que ses maî-
tresses lui auraient donné. Car, elle n’en doutait pas, Flavio avait et aurait des maîtresses – peut-être même prendrait-il
Léa comme vedova, ce qui lui ôterait une dernière épine – celle de la honte – du pied.
Tout était parfait, admirablement planifié par ses soins.
Connais tes ennemis. Elle connaissait très bien Sandra – après tout, il s’agissait de sa propre fille – et il ne lui avait
fallu qu’un bref moment de concentration pour confirmer ce qu’elle ne pouvait que prévoir – qu’elle tomberait immé-
diatement amoureuse du beau Flavio.
Un sourire cruel joua un court instant sur ses lèvres minces. C’était une belle vengeance. Si quelqu’un avait osé lui
demander pourquoi, elle se serait fait un plaisir de lui expliquer – peut-être même lui aurait-elle épargné son courroux,
car cela l’aurait soulagée d’un poids et lui aurait permis de dévoiler au monde son génie. Elle, Iolanda de Chiarisa, simple
demi-sang, avait réussi à soumettre une Lachesis et lui imposer sa loi ! Et avant cela, elle avait manœuvré avec suffisam-
ment de subtilité pour se retrouver seule à la tête d’une petite fortune, élever deux enfants dans la plus pure tradition
vaticine et assouvir sa colère sans que nul ne puisse s’en douter. Sandra. Cette petite peste qui osait rejeter ses conseils,
défier son autorité et mettre en doute sa bonne foi – cette petite peste qui, par elle ne savait quel tour du destin, osait
posséder pleinement la magie Sorte – bientôt, ne serait plus qu’un mauvais souvenir.
Elle revêtit donc, aidée par sa dame de compagnie, sa plus belle robe de velours noir, se surprenant à fredonner de petits
airs d’opéra – Rosetta, justement. Comme si ses pimbêches de filles pouvaient ne serait-ce qu’entendre la musique ! Et,
malgré quelques légers étourdissements qui la saisirent lorsqu’elle se leva, elle décida qu’il s’agissait décidément d’une
très belle journée. La réception avait lieu chez elle, dans sa demeure et la cérémonie se déroulerait dans leur chapelle
privée. Signe de richesse, elle avait pour l’occasion ordonné que l’on serve une douzaine de bouteilles de vin Falisci aux
invités. Elle descendit donc majestueusement l’escalier de marbre qui menait dans la grande salle de sa demeure, s’arrêta
à plusieurs reprises pour reprendre son souffle et, après avoir salué quelques invités, sortit dans les jardins, afin de se
recueillir – ainsi que le devait une noble dame – auprès de Théus. Sandra était déjà là, agenouillée face à une statue du
Prophète, en prières. Iolanda s’approcha de sa fille. Sa vue se brouilla quelques instants, mais la comtessa se reprit rapi-
dement, s’appuyant sur le bénitier. Machinalement, elle se concentra et tenta de lire les filaments de la jeune femme.
Léa. Il s’agissait de Léa. Pas la moindre trace de magie en elle, une joie naïve, pleine d’espérance. La mâchoire crispée
de rage, la Clotho rejoignit l’adolescente d’un pas décidé et lui arracha son voile.
« Vous ! Espèce de petite garce usurpatrice ! Que signifie cette mascarade ? »
La jeune senzavista porta les mains à son visage et recula, effrayée.
- Où est votre sœur ? » 
- Mère… je… je peux tout vous expliquer… je… » bredouilla Léa, désespérée. Elle recula encore de quelques pas, se
retrouva acculée contre le mur de pierres brutes. La sorcière avança vers elle, menaçante.
« Léa… Léa… Léa… » chuchota-t-elle en tendant ses mains vers elle.
« Si j’étais vous, mère, je ne ferais pas ça. »
La Strega fit volte-face. Sandra se tenait juste derrière elle, entièrement drapée dans des voiles de dentelle couleur de
nuit. On ne distinguait de ses traits que des ombres mouvantes, qui semblaient être faites de l’essence même des ténè-
bres. Entre ses doigts gantés, elle tenait un carré de tissu noir brodé de vert, de rouge, de bleu et de jaune. La Lachesis
eut un geste léger et Iolanda sentit quelque chose s’affaisser en elle.
« Ceci est votre vie. » murmura Sandra en montrant son œuvre.
- Vous mentez ! Vous ne pouvez pas faire ça ! Vous n’êtes pas assez puissante ! »
- D’une certaine manière, vous avez raison. Et aujourd’hui, à l’heure où mon travail s’achève, j’en paye le prix. »
Elle découvrit lentement son visage et sa gorge. Ses yeux étaient injectés, profondément cernés. Ses joues étaient
creuses, ses lèvres exsangues. Et le plus effroyable était les griffures profondes qui entaillaient sa peau – comme si une
dizaine de chats s’étaient battus avec elle. Léa ne put retenir un cri de terreur. Sa mère chancela.
« Je suis heureuse de constater que malgré votre faible compréhension de la magie, mère, vous savez quand même
reconnaitre les brulures de la destinée et comprendre ce qu’elles signifient. Un mois. Un mois – c’est le temps qu’il m’a
fallu pour lier les filaments de votre existence à ceci.
Très bien. » La voix de la Strega était aussi tranchante qu’une lame. « En admettant que votre tapisserie contienne
réellement ma destinée, que voulez-vous de moi ?
Un serment. Et des aveux. »
Vous êtes bien exigeante, Sandra. »
Et vous n’avez pas le choix. Avouez que vous avez fait assassiner notre père. Avouez que, lorsque vous avez compris que
je possédais pleinement la magie, vous avez tenté de me tuer. Avouez que vous n’avez eu de cesse de briser ma vie – ainsi
que celle de Léa – à défaut de pouvoir la contrôler. Avouez que ce mariage n’a d’autre dessein que de me voir souffrir et
d’humilier un peu plus ma sœur. Avouez tout cela, jurez de ne pas compromettre les noces de Léa et de Flavio et je vous
rendrai ceci. »
Un sourire malveillant s’inscrivit sur les traits de la comtessa. Sa fille aînée était faible, sans défense et, quant à la
cadette, la terreur lui avait ôté le peu d’astuce qu’elle possédait.
« Saviez-vous, Léa, que votre sœur aime votre futur mari ? Saviez-vous qu’elle refuse de l’épouser parce qu’il ne pourra
jamais devenir son jouet ?
Taisez-vous ! » gronda Sandra.
Sa mère se jeta sur elle, afin de la renverser. Sandra serra le mouchoir entre ses mains ; la femme recula, prise d’un
violent étourdissement puis repartit à l’attaque, essayant de lui arracher le morceau de tissu et elles perdirent toutes deux
l’équilibre, heurtant violemment un banc d’église au passage. La Clotho se releva rapidement, tira des plis de sa robe un
poignard effilé et se précipita sur sa fille. Elles roulèrent à nouveau l’une sur l’autre, la jeune Lachesis parant comme elle
pouvait les assauts de la Strega, puis, soudain, la lame de la dague déchira le linge brodé. Le temps s’arrêta autour des
deux femmes, la comtessa regardant avec horreur ce qu’elle venait de faire, puis elle commença à suffoquer. Sa vue se
brouilla. Elle vit Sandra se relever, reculer de quelques pas, entendit des sifflements fendre l’air et sentit des langues de
fouet brûlantes déchirer sa peau et l’entraîner avec elles dans les abysses…
« C’est fini. » constata la Lachesis. « Elle est morte. » Calmement, elle rajusta sa tenue, traîna le cadavre ensanglanté
de la sorcière jusqu’au caveau familial, ferma la porte et remonta les escaliers qui la menaient jusqu’à sa cadette. Celle-ci
n’avait pas bougé. Ses lèvres tremblaient. Elle eut un geste de recul en voyant Sandra, puis reprit courage et s’avança au
devant d’elle.
« Que… que lui avez-vous fait ? » bredouilla-t-elle dans un souffle. « Et… que vous est-il arrivé ?
La destinée, Léa. » répondit la jeune femme d’un ton las. « Reprenez-vous, à présent. Et rajustez votre voile. Je rempla-
cerai la comtessa durant la cérémonie et dans les quelques jours qui suivront. Après, je disparaitrai de votre existence…
Ce sera, disons, mon cadeau de mariage. »
Sur ces mots, la Strega tourna les talons et alla rejoindre les invités.
La ville d’Altamira ensuite parce que plusieurs nobles montaginois y sont éta-
blis, enfin, parce que – comme aime à le clamer don Cordoba
Le port fluvial a été construit sur les terres de Rancho « l’Empereur ne fait pas le peuple » (ni la religion… mais
Soldano au XIIe siècle, par le haut Roy de Castille. Situé à ça, il le dit à voix basse et en privé). Il affirme également
la lisière de la forêt de Fendes, à la fois proche de l’Eisen, bien d’autres choses, sur la Vodacce, l’Eisen et quelques
de la Montaigne et de la Vodacce, c’est aujourd’hui l’un autres nations qui, si elles montrent son ouverture d’esprit
des principaux axes commerciaux de Théah. Altamira est et traduisent bien les sentiments des citadins, pourraient
construite en arc de cercle le long du Rio Grande (la Grande un jour lui valoir quelques problèmes avec l’Inquisition
Rivière). Il y a d’abord les docks et le port – marchand
d’abord, estival puis privé au fur et à mesure que l’on s’éloi-
gne du centre. Juste derrière les docks se trouve un quartier
marchand, aux rues pavées, dont l’axe principal, El Paseo
Des docks à el Paseo Largo
Largo, est constitué de petites échoppes, marchés, auberges Les docks
typiques et colorées. C’est dans cette partie de la ville (à
l’est) que l’on trouve la Guilde de San Marco et l’arène de Les docks, place forte de la famille Cordoba, sont instal-
la Venganza (au sud). Au cœur de la cité se trouvent l’Uni- lés le long du Rio Grande et vont de la limite est de la ville
versité d’Arciniega et la magnifique cathédrale de la Trini- jusqu’aux limites du quartier administratif (où les quais
dad, une bâtisse impressionnante et majestueuse, dont les abritent un port de plaisance). On y trouve des chantiers
trois clochers s’élèvent à plus de 45 m de haut. Viennent de construction navale, des bateaux à fond plat destinés
ensuite les haciendas et les ranchos, qui occupent une gran- au commerce fluvial, des fabriques de voiles et des ateliers
de partie de la cité. de menuiserie, des entrepôts, ainsi qu’un nombre impor-
C’est une ville chaleureuse, hétéroclite dans son archi- tant de tavernes et d’épiceries. Comme dans la plupart des
tecture, entourée de magnifiques jardins des maisons des villes, les docks ne sont pas spécialement bien fréquentés
grandes familles et s’étendant (pour le rancho de la lignée – surtout la nuit – mais néanmoins, il existe une milice
royale) jusqu’au Lago de los Reyes – le Lac des Rois. Si chargée de veiller sur la sécurité du quartier : payée par les
la guerre contre la Montaigne a développé des sentiments Cordoba, elle est dirigée par Milo Suarez de Soldano, un
« nationalistes » et une certaine méfiance envers les Tour- ancien marin vaguement apparenté à la famille, qui a tout
nesols1, il n’en demeure pas moins que c’est encore là récemment fait sienne l’école de Larsen. La milice mène
qu’ils seront le mieux accueillis, d’abord parce qu’Altamira une guerre souterraine à la garde vaticine, ce qui se traduit
est commerçante, cosmopolite et relativement tolérante, généralement par des «  embouteillages  » de bois au mo-
ment du passage de quelques soldats de l’église, des fausses
1 Surnom des Montaginois (dés qu’ils ont le dos tourné) informations, etc.
La famille Cordoba prend une taxe de 10% sur toutes
les activités commerciales de ce quartier qui ne lui ap-
partiennent pas directement.

La garde vaticine
Ce petit bâtiment de pierres frappé de la Croix du
Prophète abrite en son sein une bonne partie des sol-
dats de l’Église. Ceux-ci sont chargés de vérifier que les
embargos sont bien respectés, de dénicher les hérétiques
et, plus généralement, de les arrêter. Si la plupart de ces
hommes sont cependant assez laxistes en ce qui concer-
ne les objets mis sous embargo (Altamira est une ville
d’échange), en revanche, lorsqu’il s’agit d’hérésie graves
(recherches interdites, danses indécentes, etc.) ils sont
intransigeants. C’est néanmoins près de la cathédrale de
la Trinidad que l’Inquisition (pardon ! l’Église…) pos-
sède son siège administratif et sa cour, dirigée par Mon-
seigneur Lucas Ramirez de Ontivieros, juge et également
haut Inquisiteur.
Nino Sanchez de Riviera, le capitaine de la garde, est
un homme patibulaire, fondamentalement mauvais et
brutal qui a à la fois des liens avec l’Inquisition et la
pègre locale. Il a sous ses ordres deux compagnies d’une
dizaine d’hommes.
Tomas Lazaro de Soldano, lieutenant de Sanchez, est
un homme de foi, respecté de ses hommes et plus mo-
déré dans ses actes que son supérieur hiérarchique. Il Le kiosque de Marionnettes
est rentré dans les rangs de la garde vaticine, convaincu Peint de couleurs vives, c’est un petit chapiteau de tis-
que c’était là le meilleur moyen de servir Théus mais su et de bois, à ciel ouvert, tenu par un vieux comédien,
commence sérieusement à douter du bien-fondé de cer- son apprenti et sa petite-fille. On dit que les premiers
tains des agissements de l’Église et a plus d’une fois fait spectacles ont eu lieu durant le XIVe siècle et représen-
disparaitre des documents compromettants ou fermé les taient le départ de Cristobal Gallegos à la découverte de
yeux sur certaines «  hérésies  ». Nul doute qu’un jour, nouvelles terres. Cette tradition de marionnettistes se
Los Vagos s’intéressent à lui. transmet de maitre à disciple et exige une grande habile-
té, tant dans le maniement des délicates poupées de bois
La place de Los Reyes que dans la création des costumes (et, depuis quelques
temps, dans le choix des thèmes traités).
Entièrement pavée, abritant en son centre une fontai- Guillermo Perez de Soldano a près de soixante-dix
ne décorée de mosaïques, la place a été construite durant ans, c’est un petit homme frêle, aux yeux malicieux et
la dernière moitié du XIIème siècle. Si elle abrite une à la lingue moustache grise. Il regarde avec attendrisse-
fois par semaine un marché aux fleurs, le reste du temps, ment la relation amoureuse qui se noue entre sa petite-
elle est fréquentée par des artistes itinérants – peintres, fille et son protégé. Esmeralda Perez de Soldano est une
saltimbanques, danseurs et musiciens ainsi qu’un kios- belle jeune fille à la chevelure sombre et aux yeux verts.
que de marionnettes très appréciés des enfants. Malicieuse, impertinente, ses 20 ans ne l’empêchent pas
Les arcades construites autour de ce lieu abritent d’avoir la tête sur les épaules puisque c’est elle qui tient
quelques boutiques où l’on peut manger des tapas sur les comptes du kiosque. Elle coud également les cos-
le pouce, ainsi que deux auberges, généralement bondées tumes des marionnettes et danse admirablement bien.
dès le coucher du soleil. Garcia Marquez de Torres est l’élève du vieux Guillermo
et le fiancé jaloux et malheureux d’Esmeralda.

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El Corazon del baile El aliento
C’est ici, dans cette petite entreprise familiale, com-
Cette taverne, construite dans un ancien entrepôt
portant atelier et boutique, que l’on peut trouver les
marchand à ciel ouvert (et à présent recouverte d’un toit
meilleures guitares de Castille – ou du moins de la ville !
plat) est constituée d’une vaste salle comprenant tables
– L’art de luthier se transmet de père en fils et Roberto
disposées en arc de cercle, comptoir (ouvrant sur les cui-
et Bernardo Lorca de Soldano consacrent à leur labeur
sines) et une large piste de danse, ainsi que d’un étage
une passion et une patience infinies. Chaque instrument
auquel on accède, de chaque côté de la porte d’entrée,
est une pièce unique, parfois simple, parfois ornée de re-
par des escaliers de bois. Les tables y sont installées de
liefs discrets et, lorsque l’un de leurs clients les inspire,
manière à avoir une bonne vue sur ce qui se passe en
c’est alors une véritable œuvre d’art, mue par l’âme de
bas – et les alcôves permettent des discussions privées
son futur propriétaire, que les frères créent. Leur père,
ou intimes (il y a également trois chambres réservées
Ronaldo, trop vieux pour travailler le bois, tient le coté
aux jennys et à leurs clients). Salvador Lobos de Aldana
commercial de l’entreprise et a gardé une oreille suffi-
en est le propriétaire et Graziella, l’une des plus célè-
samment fine pour déceler la moindre imperfection dans
bres bailerinas de la ville, s’y produit chaque soir avec sa
la sonorité d’un instrument.
troupe.

Especias y vinos
La Madona
Giaccomo Vasquez de Falisci – fils d’une castillane et
La Madona est une auberge, comportant une cave amé-
d’un Vodacci, tient son magasin de vins et d’épices rares
nagée dans laquelle on peut boire, bavarder et écouter
avec la verve et le brio d’un maestro. Excellent vendeur,
de la musique, une salle au rez-de-chaussée qui fait of-
beau parleur, bon vivant, il a la réputation de détenir
fice de restaurant (on peut y déguster de succulentes
dans son antre des merveilles qui feraient pâlir d’envie
paellas et des brochettes de mouton), ainsi qu’un étage
les cuisines de certains chefs vodacci et montaginois.
comportant une dizaine de chambres. Plus calme qu’El
Parfois, les denrées qu’il se procure frisent l’illégalité
corazon del baile, elle n’en est pas moins très fréquentée
mais il paye ses taxes, va régulièrement à l’Eglise et l’In-
et appréciée des habitants d’Altamira, notamment des
quisition ferme généralement les yeux sur ce qu’il fait
membres de la Guilde de San Marcos.
(Altamira étant une ville multiculturelle, une « purge »
Cécilia et Paolo Fuente de Ontiveros sont les proprié- d’objets hérétiques ne commencerait pas par lui).
taires de ce lieu. Cecilia est une femme aux formes plus
que généreuses, au visage souriant et au caractère affable.
Elle tient les cuisines, aidée de deux apprentis. Son mari, Marché de la Paz
passionné de guitare, s’occupe de la partie administrative
Ce marché couvert est situé sur une petite place at-
de la maison et des représentations.
tenante à El Paseo Largo. On y trouve un foisonnement
de tissus et vêtements de toutes sortes, des brocards les
El Paseo Largo plus colorés aux camisa les plus humbles, un nombre
incalculable d’objets artisanaux provenant des diverses
La principale artère commerçante d’Altamira, «  la provinces de Castille, ainsi que des masques faits de cuir
grande promenade », située derrière les docks, traverse ou de papier mâché (utilisés lors des fêtes), diverses
la ville des abords du quartier administratif jusqu’à la denrées plus ou moins exotiques et des vendeur à la sau-
Guilde de San Marcos. On y trouve une débauche de vette, installés sur des tapis qui marchandent bijoux, bi-
petites échoppes, de marchés aux puces, de boutiques belots et objets « rares » (croissantins ou cymbr), prêts
d’artisanat et de souvenirs qui ne tiennent pas nécessai- à déguerpir dés que se manifestent les autorités locales.
rement compte des embargos de l’Église (sauf au niveau S’y produisent également, parfois, des bateleurs, mimes,
des postes de garde vaticins). Les petites places et les jongleurs ou cracheurs de feu d’origines variées. Une
squares qui séparent les commerces sont très animés  : fois par mois, le marché de la Paz se transforme en foire
spectacles de rues, feux d’artifices les jours de fête, mu- aux bestiaux – c’est-à-dire qu’il y a encore plus d’ânes et
siciens et petits restaurants à ciel ouvert y foisonnent. Il de mules qu’à l’ordinaire : paysans et éleveurs viennent
serait trop ambitieux de décrire entièrement cette avenue d’aussi loin que San Gustavo pour y vendre moutons,
pittoresque, nous nous contenterons donc d’en peindre vaches, animaux de bât mais surtout des chevaux.
quelques aspects

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El Afilador Idée de scénario :
A l’angle d’El Paseo et d’une petite ruelle peu fréquen- Aujourd’hui, c’est la San Marco. Un grand bal est
tée se trouve l’atelier d’un ciseleur, l’un des meilleurs de donné, pour l’occasion, à la Guilde des spadassins,
la ville au dire de ses clients en majorité des gentils- avec l’aide de la noblesse locale. Feux d’artifices et
hommes fréquentant la Guilde de San Marcos. Miguel duels amicaux seront à l’honneur et les personnages
de la Paz est un homme taciturne au visage en lame de y sont conviés. La soirée, riche en danses, en spec-
couteau et aux membres longs et maigres. Il ne parle pas tacles d’escrime et en panache, sera troublée par un
beaucoup mais sa mauvaise humeur est compensée par la évènement fort inattendu  : au beau milieu d’une
qualité de son travail et ses prix modiques. La proximité démonstration, un homme encapuchonné fera son
de La Sangria, l’une des tavernes les plus agréables d’El apparition et interrompra les festivités, en ôtant
Paseo Largo, n’est bien évidemment pas étrangère à l’af- sa cape  : il s’agit d’un Croissantin, armé de deux
flux de sa clientèle. courts cimeterres et désireux de faire valoir son
école auprès de la Guilde  ! Sera-t-il arrêté après
avoir défait plusieurs bretteurs en duel ? Attirera-
La Sangria t-il l’attention d’Eduardo de Montevada ? Sera-t-il
Hamacs, orangers, lauriers roses et sangria sont les utilisé par Antoine Valroux de Martise et Juan Se-
maitres mots de cet établissement, apprécié tant pour sa bastian Cordoba de Soldano pour se départager ?
nourriture de qualité que pour le calme et la fraicheur Les Héros devront-ils le défendre face à des soldats
de son jardin intérieur, en lequel les habitants d’Alta- de l’Inquisition mystérieusement prévenu ?
mira aiment à se prélasser durant la siesta et profiter
de son atmosphère douce et reposante. Le soir, grillades
et poissons y sont servis à la lueur des chandelles et au
doux son de la guitare de luis, le neveu du propriétaire,
chanteur, musicien et bateleur de son état.
La Sangria, rendez-vous des amoureux, appartient à
Domenico Secano de Gallegos, un ancien jardinier ori-
ginaire d’Avila. Sa femme Mona, tient les cuisines et son
fils Hugo se vante d’être le meilleur préparateur de bois-
sons de la ville.

La guilde de San Marcos


Située à l’est de la ville, sur le Paseo Largo, elle se pré-
sente comme une grande hacienda entourée d’un muret
de pierre, envahi par le lierre et le liseron. Au centre du
jardin se trouve une petite fontaine décorée de mosaï-
que. La bâtisse quant à elle, outre plusieurs salles d’ar-
mes destinées aux entrainements, comporte un bureau
pour chaque représentant, une salle de réunion, trois sa-
lons et, à l’étage, quatre chambres et deux dortoirs pou-
vant accueillir jusqu’à huit personnes chacun. Eduardo
Montevada occupe une demeure confortable, contigüe
au mur de la guilde (voir notre partie sur la Guilde de
San Marcos).

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De l’arène de la Venganza à los La casa de los Alcades
Caballos d’Altamira Ce vaste bâtiment carré, d’architecture austère, est
situé à la frontière du quartier administratif et de celui
L’arène de la Vengaza et l’école Torres de l’arène. Il fait fonction d’hôtel de ville et également
de palais de justice, qui traite là des affaires séculières.
L’Arène appartient à la riche famille de Cordoba, qui
Le chef des alcades, Domingo Rivera de Ontiveros, mène
gouverne et détient les clefs de la ville. Construite au
une guerre subtile et implacable à la cour religieuse de la
XIIe siècle par les premiers architectes de la cité, elle
ville, n’hésitant pas à s’allier au tribunal des guildes d’Al-
conserve encore les lignes simples et dénudées de l’épo-
tamira lorsque cela lui semble nécessaire. C’est un être
que, même si, au fil du temps et des modes, les gradins
retors, qui connait les lois sur le bout des doigts, possède
ont été agrémentés de bas-reliefs et si les portes par les-
le soutien inconditionnel de la famille du Gobernadore
quelles entrent toreros et toros sont ornées de magnifi-
(les Cordoba), la loyauté absolue de ses hommes et qui,
ques ouvrages de bois d’ébène sculpté. Si vous souhaitez
s’il tolère quelques infractions et un certain taux de cri-
en savoir plus sur l’art de la tauromachie et des corridas,
minalité, le fait en toute connaissance de cause.
nous ne saurons trop vous conseiller de vous reporter
aux pages du Supplément des Nations : Castille, qui s’y Il a sous ses ordres six alcades, répartis dans différents
rapportent. Les corridas suivent les mêmes règles depuis quartiers de la ville et la milice des docks dépend indi-
500 ans. À Altamira, elles ont lieu tous les quinze jours, rectement de lui.
le samedi et permettent aux habitants de la ville d’obser-
ver les progrès des jeunes novilleros (élèves). On peut Idée de scénario :
assister plusieurs fois par an, également, à des corridas
plus formelles, et, lors des visites du Roy, à de gran- Une nouvelle traverse la ville à la vitesse de
des festivités au cours desquelles tous les « Valientes2 » l’éclair ; Eduardo Montevada, maitre de la Guilde
(Courageux) désignés depuis sa dernière visite s’affron- de San Marcos, s’est fait voler sa lame – héritage
tent. C’est également dans une bâtisse construite contre qu’il tenait de son grand-père  ! Qui s’attirera les
le mur nord de l’arène que se trouve l’école de, Torres. A bonnes grâces du vieux spadassin en retrouvant
sa tête se trouve Don Felipe Cordoba de Torres, maitre l’objet volé ? Les Cordoba ? Les Ontivieros ? Les
d’armes et cousin du patriarche de la famille. Ce fut éga- Alcades ? Les personnages ? Et qui est l’auteur du
lement un excellent toréro dans sa prime jeunesse et il méfait ? Un membre des Doigts Agiles ? L’une des
siège généralement à la tête du comité chargé d’élire un grandes familles locale afin de la « retrouver » plus
Valiente. Felipe est un homme pieux, traditionnaliste, tard ? Le maitre de Leegstra, désireux d’étudier la
adversaire farouche de la belle Alicia Zaneta de Lazaro. lame ou encore Juan de la Noche, pour nuire à son
Malheureusement pour lui, il doit faire face aux velléi- ennemi ?
tés grandissantes de certaines couches féminines de la
population et ne peut refuser toutes les demandes. Et la
présence d’une école d’équitation dirigée par une femme
n’arrange rien.
2 Autrement dit, les toreros qui ont été jugés les plus méritants et coura-
geux par leurs pairs. Ces nominations ne s’effectuent jamais lors des corridas effec-
tuées par les novilleros

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Le quartier administratif argent) et, de manière discrète, de maison de Jennys. Il
est tenu par Baltazar Agudo, un homme à la mine austère
C’est ici que l’on peut trouver les différentes corpo- et peu avenante, que démentent son exquise courtoisie
rations, les représentants des Guildes marchandes, les et son gout exemplaire. Il tient à ce que certaines règles
prêteurs sur gages et autres usuriers, ainsi que le tribunal soient respectées en toutes circonstances et n’hésite pas
administratif, complètement – ou presque – contrôlé par à faire appel à ses hommes pour mettre le holà, de façon
la famille Cordoba. En ces lieux se font et se défont assez brutale, lorsqu’il y a des débordements dans son
affaires juteuses, contrats, commandes navales et autres établissement. C’est pourquoi on y trouve courtisans de
négociations. Aussi, contrairement à ce que l’on pour- toutes nationalités, marchands riches et prospères, aven-
rait croire, c’est un quartier assez animé, en lequel on turiers et pique-assiettes… C’est là tout le charme de
peut trouver maints établissements où se restaurer et se l’établissement. Les duels, ainsi qu’aime à le dire le pro-
divertir. priétaire des lieux, peuvent s’y décider, mais jamais s’y
dérouler, quelle que soit leur forme.
La maison des Corporations
L’hôpital de San Ramon
Quelques éminents Vendelars sont installés dans la vil-
le d’Altamira, fort propice aux échanges commerciaux… Les Castillans possèdent en matière d’avancée médi-
ainsi que quelques envoyés des princes marchands de Vo- cale et sanitaire l’un des systèmes les plus avancés du
dacce. Seule la guilde des spadassins possède une maison monde. Leurs progrès leur ont ainsi permis de préve-
indépendante (San Marcos). Si chaque corporation doit nir maladies et infections, d’inculquer un certain es-
payer des taxes et rendre des comptes à la famille Cor- prit d’hygiène parmi leurs pairs (et le reste de Théah
doba, des accords sont souvent effectués en sous-main finalement) et de découvrir certaines choses à propos
pour ajuster le cout de certaines opérations, en échange du corps humain. Financés par l’Église, les médecins et
de quoi il n’est pas rare que des membres de la Ligue chercheurs castillans connaissent aujourd’hui quelques
«  mécènent  » le départ de certains «  hérétiques  ». La difficultés à cause de l’Inquisition (allez faire admettre
Guilde des Charpentiers y est largement représentée, à un homme de Verdugo que la dissection est néces-
puisque c’est Don Jaime Sanchez de Cordoba, membre saire au progrès…) mais sont moins touchés par la ré-
influent de la famille Cordoba qui en occupe le siège. pression obscurantiste que d’autres savants (comme les
On y retrouve aussi la Guilde des Mineurs, la Guilde physiciens et les astronomes). L’hôpital de San Ramon,
des Marins, La Guildes des Tailleurs, la Guilde des vaste et austère, est sous tutelle de l’Église du Vaticine et
Forgerons et la Guilde des Jennys, personnifiée par la compte parmi ses membres de très grands chirurgiens et
belle mais néanmoins discrète Maeve O’Hara. Il y avait médecins. San Ramon se divise en deux parties distinc-
jusqu’en 1665 un élu de la Guilde des Imprimeurs mais tes : l’une réservée aux femmes, l’autre aux hommes. Les
la montée de l’Inquisition l’a contrait de fuir. Les vigiles premières y sont soignées par des nonnes, dirigées par
de la Maison des Guildes sont membres de l’école d’es- Madre Maria de San Ramon, une sœur qui a aidé plus de
crime de Larsen. Le capitaine de la garde, Allen Fersen, cent femmes à mettre au monde des enfants. Les seconds
est compagnon de son école et grand ami de Jaime. A sont soignés par des prêtres et des médecins. Le doyen
Altamira, la cour de justice des différentes corporations de l’hôpital est Padre Cecilio Vasquez, un homme de foi
possède plus d’importance que dans d’autres villes. La et de science, respecté par tous
présence d’un Cordoba n’y est pas étrangère, ni celle de
l’alcade d’ailleurs.
Los Caballos de Altamira
El abanico rojo Fondée il y a un siècle environ, par Don Pedro Gallegos
de Soldano, cette école mêle l’équitation classique pra-
Ce bel édifice, à l’architecture élégante aux murs ocre, tiquée par la noblesse théane et le spectacle. Située à
est l’un des hauts lieux de la cité d’Altamira. Construit l’extrémité du quartier administratif, dans une hacienda,
sur trois étages (un « rez-de-chaussée » et deux « cou- elle se compose de plusieurs bâtiments, de deux écuries,
loirs » donnant dans des pièces plus ou moins vastes, en d’un manège couvert (ce qui est extrêmement rare),
tout cas plus intimes), il fait office de restaurant luxueux, d’une carrière et d’un rond de longe, et ce, sans compter
de société de gentilshommes, où il est possible de boire les quelques hectares de pâturages se trouvant à l’exté-
un verre, de profiter de quelques tables de jeux (sans rieur de la cité. Au centre de la cour, on peut admirer

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la gigantesque statue d’un pur sang castillan cabré, sur quatrième à venir, que la cathédrale, illuminée de centai-
le socle de laquelle sont gravés ces mots : « Dos cuer- nes de cierges, résonnant du chant des citoyens, donne le
pos, solamente una alma  », la devise de l’école. Doña meilleur d’elle-même.
Catalina Avila de Soldano, maitre instructeur, dirige son Monseigneur Baltasar Reverte de Cordoba, l’évêque
école d’une main de fer et son franc parler lui a valu de la ville, est un homme à la foi sincère et bienveillante,
quelques rancunes. Pour plus de renseignements sur Los dont le seul tort est de se voiler la face vis-à-vis des abus
Caballos de Altamira, reportez-vous à la section qui y de l’Eglise. Son neveu, Domingo, aumônier de la garde
est consacrée. vaticine du quartier de la Trinidad, est un parfait exem-
ple de son aveuglement - aveuglement qui pourrait, un
De la Trinidad au jour, lui couter la vie et permettre à l’ambitieux jeune
Rancho Reyes Sandoval prêtre de prendre sa place ;

La Cathédrale de la Trinidad
La Universidad de Arciniega
Ce gigantesque édifice, dont le plus haut clocher
Créée par Alvaro Arciniega, l’université abrite l’une des
culmine à 45 mètres, est l’une des plus belles et des plus
plus grandes bibliothèques de Théah, plusieurs labora-
grandes de Castille. Inspirée tant de l’architecture go-
toires de recherches (mathématiques, sciences physiques
thique du Moyen Âge théan que des influences crois-
et biologie) et un observatoire. Depuis que son fonda-
santines, elle offre au regard un spectacle impression-
teur est activement recherché par l’Inquisition, les re-
nant. Vingt-quatre colonnes supportent la voute de la
cherches s’y font prudemment et les matières enseignées
nef, partie la plus ancienne de la cathédrale. Le transept,
sont bien plus classiques. L’Inquisition veille à cela. Les
construit à la Renaissance, comporte en ses extrémités
accès aux sous-sols ont prudemment été murés par les
deux magnifiques rosaces représentant les sept grandes
soldats de Théus et plusieurs laboratoires sont provisoi-
vertus qui guident la vie des Vaticins. Le chœur, avec
rement fermés. Cela n’empêche pas, bien évidemment,
ses différentes chapelles destinées à accueillir les fa-
une certaine activité clandestine de s’y dérouler… Les
milles nobles, est un mélange harmonieux des tournures
souterrains, quant à eux, ne sont bien évidemment pas
de différentes époques et abrite quelques une des plus
restés inoccupés et une populace hétéroclite et étrange
belles œuvres du peintre Claudio. La plus grande, ornée
s’y rassemble régulièrement, les différentes factions s’y
d’un retable représentant les rois Prophètes, appartient à
tolérant tacitement, conscientes que tout acte agressif
la famille royale. Enfin, la sacristie est un chef-d’œuvre
pourrait engendrer une guerre et bien pire encore. Pour
de finesse architecturale, dont les bas-reliefs rivalisent
plus de renseignements, reportez-vous à la section qui y
avec les moulures les plus grandioses de la Cité Vaticine.
est consacrée.
Mais c’est lors de la Noche Divina, durant la messe de
minuit qui commémore la naissance des Prophètes et du

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L’école de peinture
Près des ranchos, l’hacienda d’Almanzo Arciniega de
Soldano abrite depuis près de dix ans une école de pein-
ture inspirée par les œuvres de Don Efrain Rivera de
Aldana, artiste dont les travaux sur la perspective et la
manière révolutionnaire de peindre (sans croquis) ont
profondément marqué le pays. Almanzo était l’un des
disciples de Don Efrain et son école compte près de
quinze apprentis, d’origines sociales différentes. Alman-
zo surveille de près ses protégés, prenant garde à ce que
leurs travaux n’aillent pas à l’encontre des interdits de
l’église et leur assure logis et nourriture – et ses modèles
vivent généralement chez lui. Son école est également
ouverte à des élèves moins réguliers, généralement des
dons et des caballeros désireux de former leur gout ar-
tistique et d’apprendre l’art pictural. L’une de ses « mu-
ses », une jeune paysanne simplement nommée Natalia,
a récemment donné une nouvelle direction à ses cours en
suggérant d’elle-même l’étude de mouvements rapides.

Les ranchos
Les ranchos – qui comprennent également les habi-
tations de riches Castillans et d’ambassadeurs venant
de tout Théah (on trouve ainsi l’hacienda des familles
Vestini et Falisci, de nobles montaginois hostiles ou in- Idée de scénario :
différents à la guerre comme les St Michel de Glavène,
les Gautier de la Mothe et quelques Valroux de Martise, Un jeune noble vient d’arriver à Altamira afin de
qui ont avec les Cordoba le commerce fluvial en com- rencontrer sa fiancée. Elle est jeune, jolie, croyante
mun, quelques Highlanders, des Vendelars et plusieurs et très féminine... mais elle est aussi une étudiante
Eisenörs vaticin) s’étendent au sud ouest de la ville, sur acharnée de la faculté des Sciences Naturelles de la
plusieurs hectares. Ce sont de vastes demeures entou- Arcinienga, à tel point qu’il se pourrait qu’elle at-
rées de jardins, d’orangerais et de forêts, dans lesquel- tire bientôt l’attention du Collège Invisible comme
les les nobles de Castille viennent régulièrement passer celle de l’Inquisition, et elle n’a guère d’inclinaison
quelques mois. Nous ne décrirons ici que quelques uns pour le mariage…
d’entre eux. Mais si le fiancé – aidé des Héros – parvenait à
déterminer ce qu’il est advenu de son vieux profes-
seur de chimie, disparut voila une semaine, peut-
Rancho Cordoba
être gagnerait-il ses faveurs ?
Situé sur les rives du Rio Grande, le rancho de la A-t-il été arrêté en secret par l’Inquisition, est-il
famille Cordoba est l’un des plus ravissants de la cité : passé dans la clandestinité et exfiltré par le Collège,
niché au cœur d’une vaste orangeraie, l’hacienda est or- a-t-il été enlevé par un groupe de malfrat ou par
née de magnifiques jardins aux riches odeurs florales, des espions montaginois désireux s’approprier les
de fontaines décorées de mosaïques et de galeries cou- compétences et le savoir d’un éminent scientifique
vertes de rosiers grimpants. C’est au centre de ce pe- castillan ?
tit paradis que les maitres d’Altamira se sont installés,
en compagnie de leurs nombreux parents. Les Cordoba
organisent souvent de somptueuses festivités dans leur
rancho ainsi que des fêtes de charité. Don Guillermo Ri-
vera de Cordoba de Soldano, le patriarche de la famille,

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est un fervent vaticin qui respecte profondément les en- Hacienda Valroux de Martise
seignements du Prophète. C’est pourquoi il a lancé cette
idée de « kermesse » : les gains reviennent aux habitants Bien que la guerre entre la Montaigne et la Castille
les plus déshérités de la région et les donateurs ont une fasse rage, l’hacienda des Valroux de Martise est toujours
remise sur les taxes dues à la famille. Vivienne Bejarano habitée. Située juste à côté de Rancho Cordoba, elle des-
de Cordoba, sa nièce, est l’une des plus brillantes cour- cend directement sur les berges du Rio Grande, où les
tisanes des terres Soldano : c’est elle qui généralement Valroux possèdent un petit port de plaisance, ce qui leur
organise les fêtes données par la famille et s’occupe de permet de rester fidèles à leur coutume d’organiser des
recevoir les ambassadeurs étrangers. bals sur leurs bateaux fêtes que les Castillans apprécient
bien plus que les Montaginois. Victor Valroux de Mar-
tise possède à Altamira un « comptoir commercial » et
Hacienda de Fendes y est représenté par Célestin Ange Valroux d’Echiny qui
Rachetée au début de la guerre par un riche Caballero, a épousé il y a près de dix ans une bailerina apparentée
Don Tomas Lopez, l’hacienda appartenait à la traitresse aux Cordoba. Vivent également sur place quatre ou cinq
famille Ochoa. Située à l’extrémité ouest d’Altamira, gentilshommes exilés de Montaigne ainsi qu’Antoine
cette propriété, autrefois impeccablement tenue, part à Valroux de Martise.
vau l’eau. Les murs sont peu à peu recouvertes de lierre,
le jardin se transforme insensiblement en forêt et les Rancho Ontivieros
murs se lézardent. Le propriétaire est selon les rumeurs,
un vieil homme brisé par la vie qui ne désire qu’une cho- Situé non-loin des propriétés royales, le rancho On-
se, finir ses jours en paix. Mais la réalité est tout autre et tivieros est réputé pour ses jardins. Fins politiciens à la
bien plus sombre… Pour en savoir plus, reportez-vous à cour du Bon Roy Sandoval et gouverneur de Rancho
la section consacrée à la Fraternité de Ba… Soldano, les Ontiveros ont su mettre à profit toutes les
connaissances pour construire un lieu à leur image. Ain-
si, dés l’entrée dans leur propriété, de chaque coté d’une
allée bordée de citronniers, on peut admirer la chapelle
familiale brillant de mille feux sous le soleil castillan dés la venue de l’automne et est alors perpétuellement
et de l’autre un dédale de végétation. Au bout de l’al- animé par différentes festivités, allant de bals donnés
lée, on arrive dans une cour carrée, ornée en son centre dans les jardins à de simples chasses et réceptions « pri-
d’une magnifique fontaine vodacci et cernée par les trois vées » dans compter, bien sûr, les feux d’artifice organi-
bâtiments principaux de la famille (en face, un édifice sés sur les rives du lac. Les propriétés royales s’étendent
regroupant des appartements ainsi que des salons privés, de la lisière de la forêt qui borde Altamira à la rive nord
sur la droite une gigantesque salle de réception et sur la du Lago de Reyes – le lac des Roi. Elles sont composées
gauche les luxueuses écurées toujours propres). d’un grand palais dont l’architecture hétéroclite reflète
Outre la chapelle recouverte de dorures à la gloire de les aménagements qui y ont été faits à différentes épo-
Théus où officie régulièrement le Padre Juan Miguel ques, d’immenses promenades bordées de fleurs colo-
Ruiz de Ontiveros, la fierté de la famille est ce qu’ils rées et d’arbres fruitiers, de bois permettant d’organiser
nomment eux-mêmes « el laberinto ». Ce Jardin est avant des chasses à courre et d’un grand pavillon de chasse
tout le chef-d’œuvre de Lorenzaccio di Bessarion, le jar- de facture moderne (l’ancienne bâtisse a été détruite au
dinier attitré du rancho. Ce dernier, entièrement dévoué début du siècle par un incendie) dans lequel des pique-
aux Ontiveros, a conçu un labyrinthe dont seul le pa- niques sont souvent organisés pour le Roy et sa Cour.
triarche, habile politicien et fervent vaticin, Don Benito Les écuries royales, presque aussi prestigieuses que celles
Ontiveros de Soldano et lui-même connaissent tous les possédées par les Sandoval à la Cité Vaticine, comptent
plans et le secret qui sommeille en son centre. environ quatre-vingt chevaux, destinés à différents usa-
ges (corrida, chasse à courre, parade et reproduction) et
abritent les « deux fleurons des haras royaux » : Mimoso
Rancho Reyes Sandoval III el Valiente, un étalon gigantesque couleur de neige
Les membres de la lignée royale prennent généralement qui fut le destrier favori du Roy Salvador de Sandoval et
leurs quartiers d’hivers en ces lieux, aussi sont-ils toute est le père d’une bonne trentaine de poulains et, rareté en
l’année habités par des « cousins », des pique-assiettes ces terres où ce qui est croissantin est mis sous embargo,
et entretenus par divers maitres de chasse, majordomes Il Viento del Mar, un pur-sang croissantin à la robe aussi
et autres domestiques. La seule résidente permanente du noire que la nuit, récupéré voici six ans comme butin
rancho qui soit directement issue des Sandoval est Doña sur un navire ennemi. Ses rejetons, qui allient la rapi-
Elvira de Sandoval de Castillo, cousine germaine du dé- dité et l’endurance des deux races, comptent parmi les
funt roi Salvador, une femme qui a échappé à la peste montures préférées du jeune roi. Le maitre des écuries,
blanche mais qui, dit-on, en a gardé d’horribles séquelles Rafaël Pamplona de Yanñez, sert la famille Sandoval de-
physiques. Perpétuellement voilée de noir, elle occupe la puis plus de trente ans et veille sur ses « enfants » avec
fonction de sénéchal dans ces lieux où elle s’est retirée, un soin jaloux.
loin du regard du monde. Lorsqu’elle n’est pas recluse Les navires de plaisance réservés à la lignée royale
dans ses appartements ou dans le bureau, elle prie, des viennent directement des constructions fluviales des
heures durant, dans la chapelle familiale, située dans l’aile Cordoba et les dirigeants d’Altamira ont d’ailleurs établi
gauche du palais. Assez calme en été, le rancho s’anime l’un des ateliers d’armateurs sur les rives du lac.

18
Fin de la première partie
Retrouvez dans quelque temps la suite d’Altamira avec un scénario complet, des aides de jeu, tous
les PNJs de la ville ainsi qu’une évolution chronologique de la ville jusqu’en 1670 !

Mais en attendant profitez d’un article écrit par Anne Monteyne et agrémenté d’idées de scénarios
inédites.
Être peintre en 1668
Rapide présentation du métier de peintre durant les Temps Modernes 
Depuis l’époque Romantique, l’image que nous nous faisons généralement du peintre – ou de l’artiste en général – est
celle d’un génie torturé, soulevé par le Génie créateur, exprimant à travers un médium finalement secondaire une Vision
sublime, originale, perturbante et dénonciatrice, incompris du grand public, heurtant le bourgeois, séduisant l’avant-
garde et mangeant de la vache enragée mais n’en ayant trop cure, car c’est un artiste.
Le côté « artisan sous contrat » du peintre est totalement oublié, pire même, on considère avec un vague dédain ceux
qui se plient aux désirs d’un public et qui font « du l’art pour la soupe » (ça passe mieux à l’oral, désolé).
Cependant cette image d’Épinal du peintre n’apparaît qu’avec le Romantisme, c’est-à-dire dans les années 1800 – 1830.

Alors à quoi ça ressemble, le quotidien d’un artiste qui vit 150 ans plus tôt ?
Tout d’abord, les artistes sont avant tout des artisans de grand talent avec une grande maîtrise technique, cependant
ils ne sont pas (plus) affiliés à une guilde commerçante : ils passent du statut d’artisans dont l’accès à la profession et les
conditions de travail sont soigneusement encadrés par ses pairs à quelque chose de plus distingué, de moins « manuel »
et terre à terre, dont le statut est maintenant validé par ses pairs, réunis en « Académie », après validation d’un chef-
d’œuvre qui sera exposé à l’admiration du badaud dans ce qui est, grosso modo, l’ancêtre des Salons. La différence avec
les guildes marchandes ? L’artiste n’est plus considéré comme un vulgaire travailleur manuel mais s’élève doucement au
rang d’intellectuel…
Cependant les contraintes techniques de son art restent très importantes et empêchent, entre autre, toute spontanéité
dans la peinture. Oubliez donc les « peint sur le vif », c’est totalement impossible à l’époque qui nous intéresse !

Pourquoi est-ce impossible, dis donc ?


Et bien d’abord et principalement pour des raisons techniques : la peinture, c’est du pigment (minéral, végétal, ani-
mal…), un liant (œuf, huile…) et un diluant (essence pour l’huile, eau…) En occident, pour la « grande » peinture, on
utilise de préférence la peinture à l’huile, qui remplace la peinture à l’œuf dès la fin du moyen âge. Mais cette peinture,
qu’elle soit à l’œuf ou à l’huile, elle n’est pas disponible toute préparée, il faut la faire soi-même, ce qui signifie broyer
les pigments, préparer le mélange d’huile et de diluant qui va donner sa consistance à la pâte, éventuellement préparer
le support… Ca prend un temps fou et ne laisse donc pas de place à l’improvisation mode « oh, j’appliquerais bien un peu
de violet, tient, pour voir ! » (D’autant que les pigments naturels, ça coûte un bras, il n’y a qu’à voir le prix de certains pe-
tits plots d’aquarelle). Et ça demande aussi une bonne dose de savoir faire : mal broyés, les pigments n’ont pas la même
qualité ni la même couleur. Donc jusqu’au XIXe, le peintre, une bonne partie de sa formation consiste en « apprendre à
préparer les pigments »

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Mais pourquoi ils ne préparent pas à l’avance Donc pour toutes ces raisons, atténuées avec l’apparition
leur peinture pour l’utiliser ensuite comme ils de la peinture à l’huile en tube au XIX  siècle, la peinture,
e

c’est d’abord du croquis, de l’étude préparatoire (parfois à


l’entendent ?
l’huile, sur petit panneau, pour tester les masses chroma-
Mais parce que la peinture est 100% bio, sans agent tiques avant de passer au grand format) et puis enfin une
conservateur, sans stabilisant… et donc elle se « dégrade » version définitive, qui prend des jours, parfois des mois à
vite, c’est-à-dire qu’elle moisi où qu’elle sèche, c’est selon ! être achevée
Ces contraintes techniques expliquent en partie pour-
Bon, admettons qu’ils aient préparé leur coup quoi l’intérêt pour une peinture reflétant la vie n’apparaît
qu’assez tard, en réaction aux styles pompiers mais aussi
à l’avance, broyés leur peinture pendant des
parce qu’enfin, on a la possibilité de peindre dehors, dans
heures, etc. et qu’ils ont tous leur matériel la rue, sans devoir reconstituer des intérieurs en atelier…
sous la main, pourquoi ils ne peuvent pas pein- En partie parce que cela s’intègre également dans un mou-
dre rapidement, d’après nature, alors ? vement naturaliste plus vaste de volonté de dépeindre la
vie réelle et de rejet de l’artificialité dans l’art se traduisant
Et bien mon loulou – tu permets que je t’appelle mon par exemple dans les romans de Zola alors qu’en écriture,
loulou, tu viens de lire plusieurs paragraphes de ma main, il me semble qu’il y avait belle lurette que l’écrivain n’était
on est quasi intimes – c’est à cause des propriétés même de plus astreint à faire lui-même son papier, son encre et ses
la peinture à l’huile ! Celle-ci « sèche » lentement (en fait plumes…
elle ne sèche pas, elle polymérise, ce qui explique que des
années après la réalisation d’une peinture on peut encore
constater des réactions curieuses de la matière, mais pas- Oui mais bon, je ne joue pas aux Secrets de la
sons). La peinture à l’huile sèche donc lentement, d’autant Septième Mer pour faire de la reconstitution
plus lentement qu’elle est plus riche en huile, et il faut historique, moi !
donc attendre qu’une couche ait séché avant d’appliquer la
suivante, sous peine d’obtenir ce fameux et joli ton « caca Tout à fait d’accord, moi non plus je ne cherche pas la fi-
bouilli » que connaissent les enfants qui tentent d’obtenir délité historique… Cependant, les clichés – et celui de l’ar-
de nouveaux tons en mélangeant toutes les couleurs. tiste maudit en est un fameux – ne fonctionnent que parce
qu’ils amplifient jusqu’à l’exagération des éléments connus
et que surtout que ceux-ci ne heurtent pas les connaissan-
Donc il suffit de ne pas trop charger la pein- ces que nous avons à propos d’un certain sujet. Par exemple
ture en huile, si j’ai bien compris ? si vous êtes un minimum familiarisé avec l’Orient médié-
val, ça vous fera un peu tiquer de voir la geisha poser une
Non, mon loulou ! Car si la première couche, appliquée
bouilloire sur le feu, jeter dans une tasse un sachet de thé
directement sur la toile, peut être assez « maigre », il faut
en infusion (de la fameuse maison « Li peu ton ») et verser
ensuite enrichir les suivantes en huiles pour qu’elles adhè-
par-dessus l’eau bouillante !
rent sur les précédentes. C’est la fameuse règle du « gras
sur maigre ».
Et sinon, t’as des exemples de peintres et de
Alors peindre sur le vif, c’est vraiment impos- peinture de l’époque ?

sible, donc ? Oula, mais des tas ! Mais bon, tu n’as pas envie d’un
cours d’histoire de l’art accéléré, juste d’inspiration, je me
À l’époque qui nous intéresse, avec la peinture qui nous
trompe ? Ben commence déjà par aller farfouiller dans ton
intéresse, c’est-à-dire l’huile, oui, tu as tout compris ! Pein-
navigateur web préféré ou alors dans la base de donnée en
dre directement une pose spontanée, sur le vif, c’est donc
ligne d’un musée de peinture, sinon viens chercher bonheur
vraiment impossible : soit on ne respecte pas les temps de
là-dedans : tu peux classer par époque, par pays, par type
séchage entre les couches, soit le modèle est un paresseux
d’œuvre d’art… Ce n’est bien sûr pas un catalogue com-
aussi réactif qu’une souche et je ne parle même pas de l’an-
plet, mais devrais déjà vous fournir de belles idées :
ticipation nécessaire à prévoir qu’à tel ou tel moment, dans
telles et telles couches, on aura besoin de tels ou tels tons ! www.wga.hu/index.html
Cependant les croquis au crayon, au pastel, parfois même à Bon, d’accord, mais quand même, ce n’est pas un élé-
l’aquarelle sont bien plus spontanés et parfois constituent ment essentiel du jeu ni un moteur riche en possibilité
des tableaux à eux seuls, cependant plus périssables que scénaristique ?
l’huile, donc réservés à la « peinture de chambre » Ah non, vraiment ?
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Idées de scénario
La vengeance est un plat qui se mange épicé 
(Scénario un thème d’enquête policière, tendance Le Nom de la Rose)

Dévasté par la disparition d’une parente/amie, un vilain a décidé de se venger du peintre qui en a fait son modèle, du
mécène qui s’est pris de passion pour les portraits avant de s’amuser de la fille, de tous ceux qui en ont usé avec autant
de libéralité que si elle n’avait pas d’avantage de valeur qu’un bibelot dont on se sert puis qu’on abandonne… Officielle-
ment, ils ne sont pourtant coupables de rien, la fornication est un péché aux yeux de la loi mais pas un délit aux yeux de
la Justice, mais, entre nous, il est indéniable qu’ils sont responsables de sa déchéance et de son déshonneur !
Aussi, le Vilain a décidé de se venger par l’outil même qui fut sa ruine : la peinture. Non pas comme moyen de dénon-
cer, mais comme moyen de tuer : une série de gentilshommes, de peintre, d’apprentis mais aussi de commis d’épicerie
souffrent les uns après les autres de mystérieux symptômes d’empoisonnement. Aux Héros de comprendre l’origine de
leur maladie (une certaine qualité de pigment qui est aussi un redoutable poison lorsqu’il est ingéré, qui s’est retrouvé
commercialisé sous une autre appellation que la sienne) ce qui lie tous ces hommes (le commerce de la peinture) et, au-
delà ce qu’ils peuvent avoir en commun (une affaire de commerce de tableau et de filles pour certains, le malheur d’avoir
les mêmes fournisseurs pour les autres) et qui a un motif suffisamment grave mais également la possibilité et la capacité
d’empoisonner ces gens d’une façon aussi sophistiquée et retorse !

Plus de couleur !
(Scénario sur thème de quête et d’enquête / nuisance et développement)

Si de nombreuses couleurs peuvent être obtenues à partir de substances facilement disponibles (oxydes métaboliques,
terres, plantes, etc.), d’autres en revanche sont extraites de produits bien plus rare et plus exotiques. Il en va ainsi du bleu
Hiérophante, qui, en peinture, s’obtient à partir du lapis-lazuli, une pierre bleue extraite des montagnes croissantines, et
donc sous embargo de l’Église, comme tout ce qui vient du Croissant, mais qu’il était cependant possible de se procurer
sans trop de difficulté jusqu’à présent.
Or voila quelques mois qu’Almanzo joue d’une malchance inexplicable : vaisseaux coulés par des pirates, cargaison
saisie par les gardes vaticins, pillards… Aucune de ses commandes ne parvient jusqu’à lui, il n’a plus de bleu et personne
ne pouvant lui en fournir. Or il a absolument besoin : il y a cette commande d’un portrait du défunt hiérophante que lui
a commandé le Cardinal et dont il ne peut repousser d’avantage l’exécution. Désespéré, il suppliera les Héros de venir à
son aide…
Ces derniers parviendront-ils à remettre la main sur le précieux matériau confisqué en forçant les entrepôts de la garde
vaticine ou bien suivront-ils la piste des bandits dans le milieu interlope des malfrats et des petits recéleurs d’Altamira ?
Essaieront-ils plutôt de trouver un ersatz capable de remplacer le lapis-lazuli, ersatz (la guède, l’indigo) et où s’en procu-
reront-ils ? Auprès des teinturiers ou, de façon plus haute en couleur, directement auprès des producteurs de Montaigne
en passant le Rio Grande clandestinement ? Et cette malchance qui semble poursuivre Almanzo, est-elle vraiment due au
hasard ou à la malveillance d’un ennemi ? Qui aurait intérêt à voir le peintre se ridiculiser en ne parvenant pas à remplir
sa commande ? Quels seront les ennemis que se feront les Héros si finalement Almanzo parvient à l’honorer et que l’on
découvre leur implication dans son succès ?

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