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1.

— Faites-la entrer dans cinq minutes.


Alexei raccrocha et glissa son portable dans la poche intérieure de sa veste avant de se poster
devant la fenêtre. Situé au dernier étage de limmeuble, son bureau offrait une vue magnifique sur
Sydney et son célèbre Opéra.
Malgré lui, il fronça les sourcils en se remémorant ce qui sétait passé cinq ans plus tôt dans ces
mêmes locaux. Roman Montgomery, le fondateur de Montgomery Electronics, lavait humilié pour
avoir entretenu une liaison avec sa fille, Natalya.
À lépoque, elle occupait le poste dassistante personnelle de son père ; celui-ci navait pas
supporté quun petit Américain dorigine grecque et sans fortune fréquente sa progéniture. Il avait
éclaté de rire quand Alexei lui avait demandé la main de Natalya, avant de lui opposer un net refus. Il
avait poussé le vice jusquà lui faire un chèque pour le convaincre de disparaître pour de bon,
affirmant que sa fille sétait moquée de lui.
Alexei ne lavait pas cru. Durant des semaines, il avait tenté de contacter Natalya, en vain. En
désespoir de cause, il sétait rendu directement à son appartement, où lattendaient des agents de
sécurité. Loin de se décourager, il avait essayé de passer en force, un acte puéril et stupide qui avait
eu des conséquences désastreuses.
Il sétait fait arrêter et, même sil nétait pas resté longtemps en prison, lexpérience lavait
profondément marqué. Depuis, il navait plus quune idée en tête : se venger.
Quelques jours plus tard, il prenait un vol pour New York et fondait sa propre société
spécialisée en électronique. Son travail acharné et son instinct infaillible lui avaient rapidement
permis damasser une fortune et de gérer lune des entreprises les plus respectées dans le milieu.
En quelques années, son existence avait radicalement changé. Il possédait à présent de
magnifiques propriétés à travers le monde et était devenu lun des célibataires les plus convoités du
pays. Certaines femmes se jetaient littéralement à son cou, ce qui nétait pas pour lui déplaire —
même sil choisissait ses maîtresses avec soin. Mais, sil conservait une certaine affection pour
quelques rares privilégiées, aucune navait réussi à dérober son cœur.
Les yeux fixés sur locéan, Alexei ne put réprimer un sourire. Le moment était venu. Il avait enfin
obtenu ce quil désirait : le rachat de Montgomery Electronics.
Tout avait été organisé par sa filiale australienne. Ni la presse ni Roman Montgomery ne
savaient que cétait lui qui avait orchestré la manœuvre. Tout sétait déroulé comme il le souhaitait, et
il ne restait à présent plus quun seul point à régler : Natalya…
2.

Natalya inspira profondément pour se calmer. Ce rendez-vous avec le nouveau président de


lentreprise nétait quune formalité, non ?
Avisant la moquette flambant neuve et les bureaux décorés avec goût, elle ne put retenir un
sourire. Ce mystérieux homme daffaires savait ce quil faisait, et il lavait choisie pour devenir son
assistante personnelle ! Cétait à la fois extrêmement gratifiant et excitant.
Elle aurait sans doute besoin dune petite période dadaptation pour shabituer à son nouveau
patron — probablement un homme dune cinquantaine dannées passant ses journées à son bureau —,
mais elle était prête à relever le défi.
Elle vérifia une dernière fois sa tenue et sefforça de se détendre. Non, vraiment, elle navait rien
à craindre. Tout allait bien se passer.
Redressant la tête, elle frappa à la porte et entra directement, comme le lui avait indiqué Marc
Adamson, le conseiller juridique de lentreprise.
Son regard se posa aussitôt sur un immense bureau trônant au milieu de la pièce. À la fois
fonctionnel et élégant, il témoignait du bon goût de son propriétaire et de sa fortune. De luxueux
fauteuils en cuir renforçaient encore cette impression.
Tournant la tête, elle nota la présence de lhomme qui se tenait devant la fenêtre. Avec ses
cheveux noirs, il était bien plus jeune quelle lavait imaginé et très différent. Son jean noir et sa veste
de cuir mettaient sa silhouette en valeur, soulignant sa carrure.
Pour une raison inconnue, un frisson la saisit soudain, mais elle lignora. Ce nétait sans doute
quun effet du stress…

* * *

Sans un mot, Alexei se tourna lentement vers la jeune femme qui avait autrefois partagé sa vie.
Ses ravissants yeux sombres sécarquillèrent aussitôt, et elle pâlit. Ses lèvres sentrouvrirent, et il dut
lutter pour ne pas afficher un sourire satisfait.

* * *

Alexei ?
Natalya narrivait plus à réfléchir. Non, ce nétait pas possible…
Une foule de souvenirs la submergèrent : son sourire qui la rendait complètement folle ou la
façon dont il traçait le contour de ses lèvres du bout des doigts. Sa bouche sur la sienne, sa langue
explorant son corps tandis quelle soupirait de plaisir…
Sil navait pratiquement pas changé en cinq ans, il avait pourtant lair très différent. Son regard,
par exemple, était glacial. Il semblait également plus distant, presque détaché, comme sil sétait
endurci avec le temps…
Mais que lui voulait-il ? Et surtout, comment avait-il réussi à amasser une telle fortune en cinq
ans ? Cétait à ny rien comprendre.

* * *

Alexei contemplait son ex en silence. Il nota sa taille fine parfaitement mise en valeur par son
tailleur noir, qui dévoilait également ses jambes fuselées. Son maquillage discret soulignait ses traits
délicats et ses magnifiques yeux sombres. Quant à ses cheveux, ils étaient relevés en un chignon serré
qui lui donnait un air professionnel. Lespace dun instant, il neut plus quune envie : les détacher pour
les voir cascader sur ses épaules, comme autrefois, quand elle était encore cette jeune femme
souriante à la fois enjouée et incroyablement sensuelle qui le rendait complètement fou.
Se forçant à revenir à linstant présent, il demanda :
— Tu as perdu ta langue, Natalya ?

* * *

« Quest-ce que tu veux que je te dise ? », faillit-elle répliquer, avant de se reprendre. Elle
devait impérativement garder le contrôle de ses émotions.
— Je ne sais pas ce que tu cherches à faire, mais je nai pas lintention de participer à ton petit
jeu, rétorqua-t-elle froidement.
— Je ne joue pas, tu peux me faire confiance.
À ces mots, sa colère enfla.
— Te faire confiance ? Comment pourrais-je faire confiance à un homme tel que toi ?
— Tu ignores tout de lhomme que je suis, affirma-t-il, dun ton dangereusement calme qui la fit
tressaillir.
Cet homme navait rien de commun avec celui quelle avait connu, celui quelle avait aimé et
qui…
Ça suffit ! sordonna-t-elle. Ce nétait pas le moment de penser à cela.
— Assieds-toi, proposa-t-il en lui montrant un siège.
— Je préfère rester debout.
Loin de sen offusquer, il se contenta de hausser les sourcils.
— Le contrat que ton pantin ma fait signer ne comportait pas ton nom, ajouta-t-elle en relevant le
menton en un signe de défi.
— Mon pantin ? répéta-t-il dun air amusé. Marc Adamson est le conseiller juridique dAlexei
Delandros Electronics, ADE si tu préfères.
— À ce moment-là, je navais aucun moyen de le savoir !
Natalya sortit la liasse de documents de son sac pour les jeter sur le bureau dAlexei. Plusieurs
pages glissèrent au sol, mais elle sen moquait. Elle voulait le blesser autant quil lavait blessée en
disparaissant sans la moindre explication cinq ans plus tôt.
Il lui avait fait vivre un véritable enfer. Elle avait tout tenté pour le contacter, sans résultat. Son
dossier avait même été effacé du serveur de Montgomery Electronics, comme si Alexei avait voulu
sassurer quil ne serait jamais retrouvé. Elle narrivait plus à dormir tant elle cherchait une explication
à sa disparition ; jusquà ce quelle découvre quelle était enceinte…
Le désarroi avait rapidement pris le pas sur la surprise. Quétait-elle censée faire alors que le
père de son bébé avait disparu ? Nétait-il pas dans son intérêt de renoncer à le retrouver ? Elle ne
pouvait pas élever un enfant avec un homme qui ne souhaitait plus la revoir. Et sil tentait plus tard
den obtenir la garde ?
Malgré toutes ces incertitudes, Natalya avait décidé de mener sa grossesse à terme. Elle venait
de lannoncer à sa mère lorsquelle avait fait une fausse couche. En proie au chagrin et au désespoir,
elle aurait sombré si celle-ci nétait pas intervenue. Ivana lavait forcée à prendre des vacances en sa
compagnie, ce qui lui avait permis non seulement de panser ses plaies, mais également de se
rapprocher delle. De retour à Sydney, sa mère lui avait même proposé de sinstaller chez elle pendant
quelque temps.
« Tu es certaine que ça ira ? » avait-elle demandé.
« Oui, ne tinquiète pas. »
« Je taime, ma chérie », avait assuré Ivana en lenlaçant avant de remonter dans son taxi.
Le lendemain matin, Natalya avait repris son poste, bien décidée à oublier Alexei et ce qui
sétait passé. Et elle avait réussi : aujourdhui, elle avait tourné la page. Alors pourquoi se permettait-
il de débarquer ainsi dans sa vie ?
— Un million de dollars ne suffiraient pas à me convaincre de travailler pour toi, déclara-t-elle
sèchement.
— Tu as fini ?
— Oui.
Elle tourna les talons. La voix dure dAlexei larrêta dans son élan :
— Je te suggère de réfléchir à ce que tu fais.
Elle se tendit aussitôt, se retourna, puis plongea ses yeux dans les siens en sefforçant dignorer
les battements de son cœur. Même sil était bien différent de lhomme quelle avait connu, la froideur de
son regard nenlevait rien à son charme viril. Il était tellement sexy !
Lespace dun instant, elle simagina glisser les doigts dans ses cheveux pour lattirer à elle et le
laisser la dévorer comme autrefois, quand elle lui appartenait corps et âme.
Elle posa malgré tout la main sur la poignée, mais ne put se résoudre à lactionner. Alexei
appartenait à son passé. Elle navait aucune intention de commettre la même erreur et de retomber
dans ses bras, mais la fuite nétait pas non plus envisageable. Cétait une question de fierté. Elle devait
laffronter.
— Tu nas quà mettre ce contrat où je pense, lui lança-t-elle, bravache.
— Ce nest pas très prudent, commenta-t-il froidement.
— Si tu as quelque chose à dire, vas-y !

* * *
Alexei hésita un instant. Natalya avait toujours défendu sa famille avec ardeur, une qualité quil
appréciait énormément ; or il était sur le point de briser limage parfaite quelle en avait. Pour autant, il
ne pouvait pas se permettre de la ménager.
— Mon comptable a découvert lexistence de plusieurs comptes à létranger permettant de
transférer illégalement de largent en provenance de la société.
— Mon père ne ferait jamais une chose pareille ! sécria-t-elle, visiblement secouée par ses
accusations.
Cette fois, au moins, sa réaction était sincère ; contrairement à autrefois…
— Tu en es sûre ?
— Je serais prête à parier ma vie là-dessus.
Il lui tendit un dossier.
— Tu ferais mieux de jeter un coup dœil.
— Et si je refuse ?
Il la dévisagea avec attention. Une lueur de méfiance brillait dans ses yeux et une légère rougeur
colorait ses joues. Lespace dun instant, Alexei regretta ce quil était en train de faire. Il se reprit bien
vite.
— Ce rapport reprend les numéros de comptes et les dates des transferts. Il détaille également
les stratégies élaborées par ton père pour couvrir ses traces.
Natalya pinça les lèvres. Cétait impossible. Il cherchait à la tromper. Et sil y avait effectivement
eu fraude, son père ne pouvait pas être au courant.
— Lis-le, insista Alexei, comme sil savait exactement à quoi elle pensait.
Retenant un soupir, elle prit le rapport et reconnut aussitôt le logo, celui dune de sociétés les
plus renommées en matière de collecte dinformations.
Comme elle parcourait les différentes pages, son souffle se bloqua dans sa poitrine. Les preuves
étaient irréfutables, et elles menaient toutes à Roman Montgomery !
Ses jambes flageolèrent, et elle faillit sécrouler. Si ce rapport venait à être publié, son père
risquait de finir en prison…
Elle releva la tête et planta son regard dans celui dAlexei, qui lobservait avec attention.
— Ce nest pas tout.
— Quest-ce que tu veux dire ?
Alexei lui tendit un second dossier quelle ouvrit, le ventre noué. Il contenait des photos de la
double vie de Roman Montgomery : un appartement à Paris, occupé par sa maîtresse, un second à
Notting Hill où vivait sa seconde maîtresse. Des rapports prouvaient quil les entretenait depuis des
années et leur rendait visite lors de ses prétendus voyages daffaires.
Une vague de colère la balaya. Natalya fronça les sourcils comme une question simposait à son
esprit : pourquoi Alexei avait-il pris la peine dengager un détective privé pour enquêter sur la vie
privée et professionnelle de son père ? Que cherchait-il à accomplir ? Voulait-il les faire chanter ?
Inspirant profondément pour se calmer, elle demanda :
— Quas-tu lintention de faire avec ces informations ?
— Cela ne dépend que de toi.
À ces mots, Natalya se mordit la lèvre. Alexei se la représenta soudain gémissant de plaisir
alors quil prenait sa bouche avec passion. Il avait le bas-ventre en feu. Il prit un document et le tendit
à la jeune femme.
Natalya constata quil sagissait dune copie de son contrat.
— Je nai pas lintention de signer ça, dit-elle. Je ne veux rien avoir à faire avec ta société.
— Cest ton dernier mot ?
— Oui.
— Dois-je te rappeler ce qui risque darriver à ton père si je divulgue ces informations ?
Elle se figea. Non, elle avait sûrement mal entendu. Alexei nirait pas jusque-là !
Lespace dun instant, elle imagina la réaction de sa mère en découvrant la vérité. Une rage froide
lenvahit.
— Espèce de salaud !
— En voilà une façon de parler ! se moqua-t-il.
Natalya fulminait. Elle navait plus quune envie : effacer ce petit sourire satisfait de son visage
dun bon coup de poing.
— Que décides-tu ? reprit-il.
— Jai besoin dy réfléchir, répondit-elle dun ton sec.
— Je ne vois pas pourquoi. Soit tu acceptes de signer soit tu refuses. Cest très simple.
Natalya avait la gorge serrée. Elle navait pas le choix. Si elle ne sexécutait pas, le monde entier
découvrirait que son père avait détourné des fonds et trompé sa mère. Celle-ci ne méritait pas de
vivre un tel enfer.
— Donne-moi ce contrat ! ordonna-t-elle.
Elle lui lança un regard furieux, qui le laissa de marbre. Elle parcourut rapidement le document,
afin de sassurer quil était identique à loriginal — qui prévoyait quelle soit à sa disposition vingt-
quatre heures sur vingt-quatre et quelle laccompagne en voyages daffaires à létranger. Une clause
attira cependant son attention : la validité du contrat. Un an. Cétait bien trop long !
— Je souhaite que la période de validité soit limitée à trois mois.
— Cest hors de question.
Son refus sans équivoque raviva sa colère. Pour qui se prenait-il ?
— Pourquoi fais-tu ça ? Pour te venger ou pour me faire chanter ?
— Aucun des deux.
— Tu espères me faire croire une chose pareille ?
En guise de réponse, il se contenta de lobserver en silence.
— Quest-ce qui me garantit que tu ne divulgueras pas ces informations ? reprit Natalya.
— Je te donne ma parole.
— Ce nest pas suffisant, rétorqua-t-elle, ce qui sembla lirriter.
— Le rapport original se trouve dans un coffre à la banque.
— Et les copies ?
— Je les placerai dans le coffre quand tu auras signé le nouveau contrat.
— Je veux un reçu de la banque.
— Tu lauras, assura-t-il en sappuyant contre son bureau.
Elle prit un stylo et le fusilla du regard.
— Que les choses soient bien claires : je te déteste.
— Voilà qui devrait rendre notre relation intéressante, commenta-t-il avec amusement.
— Notre relation restera purement professionnelle.
Elle signa le contrat. Alexei en fit autant. Ensuite, Natalya sempressa de quitter son bureau, sans
un regard en arrière.
Alexei croyait-il vraiment sen tirer aussi facilement ? Elle navait dautre choix que de lui obéir,
mais il était hors de question de lui faciliter le travail.
Au contraire…
3.

Natalya rentra chez elle. Ollie, son chat birman, laccueillit en miaulant. Elle le caressa.
— Cest bon, jai compris. Tu as faim. Quest-ce que tu préfères : du poulet ou du poisson ?
Ollie ronronna. Elle lui remplit son écuelle.
— Ce sera du poulet. Voilà pour toi.
Elle se débarrassa de ses chaussures et se rendit dans la salle de bains. Elle navait quune
envie : prendre une bonne douche et se changer pour oublier cette horrible journée.
Une heure plus tard, elle était installée sur le canapé, son contrat à la main. Elle le parcourut
longuement, afin de vérifier une fois de plus si Alexei ne lavait pas trompée.
Satisfaite, elle le posa sur la table et alluma la télévision. Elle zappa dune chaîne à lautre. Il ny
avait absolument rien dintéressant. Elle se prépara à dîner, mais toucha à peine à son repas. Alors,
elle décida daller se coucher avec un bon livre. Cétait exactement ce quil lui fallait pour se détendre.
Une fois au lit, elle dut vite se rendre à lévidence : elle était incapable de se concentrer sur sa
lecture. Le visage dAlexei ne cessait de simposer à son esprit. Irritée et épuisée, elle abandonna et
ferma les yeux. Aussitôt, elle se retrouva projetée six ans plus tôt, le jour de leur rencontre.
Ils sétaient croisés lors dun dîner organisé par son père en lhonneur de ses employés. Avec ses
cheveux ébène et son charme ténébreux, Alexei avait immédiatement attiré son attention. Il lavait
longuement contemplée avant de reprendre sa conversation avec la magnifique jeune femme pendue à
son bras.
Pourtant, loin de se décourager, Natalya avait pris son courage à deux mains pour aller lui
parler. Lentement, elle avait traversé la salle, saluant au passage les invités de son père, jusquà ce
que lun dentre eux insiste pour lui présenter son fils. Quand elle avait enfin réussi à se débarrasser de
lui, le mystérieux inconnu avait déjà disparu. Aussi sétait-elle résignée à ne jamais le revoir.
Pourtant, quelques jours plus tard, elle lavait retrouvé au supermarché. Leurs regards sétaient
croisés, et il lavait invitée à prendre un café. Ils sétaient revus à de nombreuses reprises. Et elle était
tombée irrémédiablement amoureuse de lui…
Alexei était tout simplement parfait. Il la comprenait sans quelle ait besoin de parler, et sa façon
de la regarder, de lembrasser et de la toucher la rendait complètement folle. Aucun homme ne lui
avait donné autant de plaisir. Cétait la première fois de son existence quelle se sentait aussi vivante,
aussi heureuse.
Pourtant, un matin, Alexei avait disparu sans la moindre explication. Elle avait tenté de le
contacter, mais son numéro nétait plus attribué. Il avait même abandonné son travail au sein de
lentreprise de son père, la laissant à la fois désemparée et anéantie. Pourquoi lavait-il quittée ainsi ?
Combien de nuits avait-elle passées à se poser cette question sans jamais trouver de réponses ?
À présent, il était de retour ! Sauf quil ne ressemblait plus à lhomme quelle avait aimé. Il était
devenu un étranger sans pitié, bien décidé à se servir delle et à détruire la réputation de son père.
Un élan de rage la traversa, et elle se mit à trembler. Comment osait-il la faire chanter ?
Incapable de rester immobile plus longtemps, elle se releva dun bond, puis se lança dans le
nettoyage de son appartement. Elle avait besoin de faire quelque chose sans quoi elle allait devenir
folle…
Enfin, épuisée mais satisfaite, elle sombra dans un sommeil sans rêves.

* * *

Le lendemain matin, Natalya était toujours aussi en colère. Elle se rendit donc au centre sportif
pour une bonne séance de squash. Lexercice était dautant plus satisfaisant que cétait le visage
dAlexei quelle voyait chaque fois quelle frappait la balle.
— Quest-ce qui tarrive aujourdhui ? demanda Aaron, son partenaire. Je suis certain que tu me
caches quelque chose. Parle.
Natalya retint un soupir. Aaron la connaissait décidément trop bien. Elle nallait pas pouvoir lui
mentir.
Ils sétaient rencontrés à une soirée organisée par son père. Aaron était alors considéré comme le
parti idéal. Non seulement il était charmant et séduisant, mais il était également associé dans lun des
cabinets les plus réputés du pays. Peu de gens savaient quil entretenait une relation sérieuse avec un
autre homme.
— Ce nest rien, le rassura-t-elle. Je vais me débrouiller.
— Je nen doute pas. Et si on dînait ensemble ?
Natalya hésita. Aaron était lun de ses plus proches amis et savait mieux que personne lui
remonter le moral par son sens de lhumour.
— Je me charge de la réservation. Je passerai te prendre à 19 heures, reprit-il avec un sourire.
Et je ne te forcerai pas à me dire ce qui te travaille.
Elle finit par accepter.
Elle passa une agréable soirée et réussit même à se détendre, sans toutefois lui parler dAlexei.
Si elle lavait fait, elle aurait été forcée dadmettre quil avait encore le pouvoir de la bouleverser, ce
qui était hors de question. Ce qui sétait passé entre eux appartenait au passé.

* * *

Après une bonne nuit de sommeil, Natalya se leva de bonne heure et se prépara pour le déjeuner
prévu chez ses parents.
En voiture, elle ne put sempêcher de songer à ce quelle avait découvert : son père trompait sa
mère depuis des années, et elle navait rien vu. Il avait pourtant insisté pour se rendre à Londres et à
Paris sans elle, ce qui navait aucun sens puisque, en tant quassistante personnelle, elle était censée
laccompagner à toutes ses réunions professionnelles. Comment avait-elle pu être aussi aveugle ?
Et sa mère ? Était-elle au courant ? Avait-elle choisi de fermer les yeux ? Non, impossible.
Natalya serra les dents, furieuse : son père lui avait menti en se servant delle pour préserver les
apparences. Cétait la couverture parfaite quand on y réfléchissait…
Elle sengagea dans lallée et prit un instant pour se calmer. Les mensonges de son père lavaient
profondément blessée. Elle navait dailleurs quune envie : le forcer à sexpliquer, mais elle ne pouvait
sy résoudre. Sa mère risquait den souffrir. Elle navait dautre choix que de feindre que rien navait
changé…
— Dis-moi, ma puce, as-tu lintention de prendre des vacances avant de chercher un autre
emploi ? demanda Ivana.
Natalya retint une grimace. Le moment était venu, mais que faire : mentir ou dire la vérité ?
— Non, je ne pourrai pas prendre de vacances, répondit-elle avec un sourire.
— Cest dommage ! Jespérais pouvoir passer un peu de temps avec toi. On aurait pu aller faire
du shopping ou prendre rendez-vous pour un massage et une manucure.
— Pour qui vas-tu travailler ? senquit Roman, visiblement intrigué.
Son père nallait pas apprécier, mais elle navait pas le choix. Il finirait bien par le découvrir tôt
ou tard.
— La société ADE.
— Tu as lintention de travailler pour lentreprise qui ma forcé à prendre ma retraite ? sécria-t-il.
Lespace dun instant, Natalya faillit lui rappeler que son entreprise avait fait faillite, mais elle
renonça.
— Ça te pose un problème, papa ?
— Tu connais lidentité du président dADE ? demanda-t-il dun ton sec.
— Jai été reçue par son représentant juridique, commença-t-elle, mais je la connais oui.
Cela ne servait à rien de le lui cacher plus longtemps. La nouvelle allait rapidement faire la une
de la presse.
— Il sagit dAlexei Delandros, déclara-t-elle dune voix posée.
— Delandros ? sétrangla son père. As-tu perdu lesprit ?
Comme si elle avait le choix ! Cétait la seule façon de protéger sa mère.
— Il ma fait une offre que je nai pas pu refuser.
Les yeux de son père sassombrirent. Il serra les mâchoires dans un effort évident pour contenir
sa colère.
— Comment peux-tu envisager de travailler pour Alexei Delandros ?
Comme elle restait silencieuse, il insista :
— Quel poste vas-tu occuper ?
— Je suis son assistante personnelle.
À ces mots, Roman frappa du poing sur la table.
— Je vais appeler mon avocat.
— Cest inutile. Il te dira quil est trop tard puisque jai déjà signé mon contrat.
— Jespère que tu sais ce que tu fais, conclut-il froidement.
Lappétit coupé, Natalya repoussa son dessert. Elle avait toujours cru appartenir à une famille
aimante et unie, mais ce nétait quun mensonge. Son père nétait pas lhomme quelle avait cru. Cétait un
manipulateur, un voleur qui trompait son épouse depuis des années. Sa trahison était dautant plus
douloureuse quelle ne sétait doutée de rien.
Sa mère lui proposa de laccompagner dans le jardin, et Natalya accepta avec joie. Elle avait
besoin de se calmer, sans quoi elle risquait de prononcer des paroles quelle ne manquerait pas de
regretter aussitôt.
— Je minquiète pour toi, ma chérie, avoua Ivana. Tu sais que ton père a du mal à accepter la
situation. Non seulement il a dû vendre sa société, mais il doit se reposer entièrement sur moi et sur
largent dont jai hérité de ma mère.
La grand-mère maternelle de Natalya avait toujours détesté Roman Montgomery et sétait
violemment opposée au mariage de sa fille avec ce dernier. Elle sétait donc assurée que ses biens
reviendraient directement à sa petite-fille au décès de sa fille.
Natalya avait toujours adoré sa grand-mère, qui aimait lui raconter des histoires de son pays
natal.
— Ce ne sera pas trop difficile de travailler avec Alexei ? senquit Ivana en lui prenant la main.
Bien sûr que si, mais elle refusait de lavouer.
— Je ne suis plus aussi naïve quil y a cinq ans.
— Je le sais bien, mais…
— Jai tourné la page, la coupa-t-elle.
Vraiment ? Alors pourquoi ton entretien avec Alexei ta-t-il bouleversée à ce point ?
— Je lespère, soupira sa mère. Je ne veux pas te voir souffrir davantage.
— Je vais bien, maman, déclara-t-elle en lembrassant.
Cétait un mensonge, évidemment, mais un mensonge nécessaire, indispensable même, pour
éviter de linquiéter et de lui faire de la peine.
Ivana la raccompagna jusquà sa voiture, mais tenta au dernier moment de la retenir.
— Et si tu entrais boire quelque chose ?
— Une autre fois, maman.
— Tu nes pas restée longtemps, remarqua-t-elle.
— Jai des choses à faire, expliqua Natalya avec un sourire forcé. Il faut que je vérifie ma garde-
robe et que je prépare tout pour demain. Je taime, ajouta-t-elle en la prenant dans ses bras. Merci
pour le déjeuner.
Elle déverrouilla sa voiture et reprit :
— Je tappelle cette semaine.
Elle se glissa derrière le volant et démarra en trombe. Elle sétait sans doute montrée un peu trop
pressée de partir, mais elle avait fait de son mieux pour cacher sa colère et son chagrin.
4.

Natalya vérifia une dernière fois son reflet dans le miroir. Parfait ! Elle était à la fois élégante et
professionnelle.
Sans perdre une seconde, elle se mit en route et se glissa dans la circulation matinale. Elle
atteignit les bureaux dADE une quarantaine de minutes plus tard.
Elle se gara dans le parking souterrain et prit un instant pour se calmer. Elle navait rien à
craindre. Elle occupait ce poste depuis des années. Bien sûr, elle allait devoir sadapter à un nouvel
environnement et à un nouveau patron, mais elle en était capable.
Tout allait bien se passer, nest-ce pas ?

* * *

Natalya rejoignit la réception, où une jeune femme savança pour laccueillir.


— Natalya ? demanda celle-ci en lui tendant la main. Je mappelle Marcie. Je vais vous guider
jusquà votre bureau. Louise sera votre assistante. Son bureau se trouve juste après le petit salon, à la
droite du vôtre. Je vous la présenterai tout à lheure.
Natalya acquiesça et prit le temps dobserver les espaces parfaitement agencés et équipés de la
technologie dernier cri. Laménagement était radicalement différent de celui voulu par son père, et
bien plus efficace.
— Alexei est absent pour le moment, mais son bureau est à la gauche du vôtre. Il est accessible
via le bureau de sa secrétaire et leur salon privé.
Elle retint un soupir de soulagement. Ainsi, elle ne serait pas obligée de laffronter directement.
Arrivée à destination, Marcie continua :
— Voici lemploi du temps dAlexei pour la semaine. Je répondrai à toutes vos questions avant de
prendre mon vol pour les États-Unis.
Natalya parcourut le document et ne put sempêcher dêtre impressionnée. Arrivait-il à Alexei de
dormir ? Aussitôt, elle se le représenta, allongé, nu entre les draps. Avait-il une maîtresse ou une
petite amie ?
Concentre-toi ! Ce nétait pas le moment de penser à ça. Dautant quelle le détestait, à présent.
— Jai imprimé quelques documents qui vous seront très utiles, reprit Marcie en lui adressant un
sourire. Je suis certaine que vous vous débrouillerez très bien.
Déterminée, Natalya hocha la tête. Alexei lavait forcée à accepter cet emploi, mais elle était
bien décidée à devenir la parfaite assistante. Ainsi, il ne pourrait pas lui faire le moindre reproche.
Sa fierté était en jeu !
Quant à son cœur… Son cœur était bien à labri derrière les barrières quelle sétait construites
après quAlexei leut abandonnée. Il lui arrivait de sortir avec des hommes, de flirter pour samuser,
mais les choses nallaient jamais plus loin. Elle sétait promis de ne plus laisser aucun homme la
blesser, et sa vie lui convenait parfaitement comme elle était.
Du moins, cétait le cas avant quAlexei Delandros réapparaisse et bouleverse ses certitudes.
Comment avait-il osé revenir ainsi — et surtout, comment avait-il pu se servir des erreurs de son
père pour la placer dans cette situation ? Son comportement était intolérable, mais il allait bientôt
découvrir quil nétait pas facile de la déstabiliser.
La voix de Marcie la tira de ses pensées :
— Vous avez des questions ?
— Non, ça ira.
Marcie lui avait préparé des notes complètes, et elle avait déjà une certaine expérience dans le
domaine.
Tout allait bien se passer, nest-ce pas ?

* * *

Le lendemain matin, quand Natalya pénétra dans les bureaux de lentreprise, latmosphère était
très différente de la veille. En lieu et place dun sourire courtois, la réceptionniste affichait une
expression concentrée et leva les yeux au ciel en croisant son regard. Alexei Delandros visiblement
était déjà là et devait tenir à ce que tous ses employés adoptent son rythme de travail.
Pourtant, au lieu de rejoindre son bureau, elle choisit de discuter quelques instants avec la
réceptionniste. Son père avait toujours souligné limportance dentretenir de bonnes relations avec le
personnel.
Hélas, son portable sonna, interrompant leur conversation.
— Natalya, M. Delandros vous attend dans son bureau, annonça la secrétaire dAlexei.
Cette dernière najouta pas quelle devait sy rendre immédiatement, mais ce nétait pas nécessaire.
La demande, ou plutôt lordre, était on ne peut plus claire.
— Je serai là dans deux minutes, répondit-elle.
Elle adressa un petit signe de la main à la réceptionniste puis sengouffra dans le couloir.
Elle déposa son sac et son ordinateur dans son bureau, prit sa tablette et inspira profondément
avant de frapper à la porte. Tout allait bien se passer, nest-ce pas ? Il lui suffisait de sourire et de
faire son travail sans laisser Alexei la troubler. Rien de bien compliqué, en somme.
Elle entra. Elle eut un choc en le découvrant dans un costume trois pièces parfaitement ajusté qui
mettait son corps en valeur et renforçait son aura de virilité. Il semblait presque… dangereux.
— Bonjour, le salua-t-elle dune voix posée, malgré les battements désordonnés de son cœur.
— Tu es en retard, rétorqua-t-il froidement.
Natalya vérifia sa montre, qui indiquait 8 h 03.
— Je commence à 9 heures, lui rappela-t-elle.
— Tu nas pas pris la peine de vérifier ton portable ou ton ordinateur.
Bien sûr que si ! Elle lavait fait la veille au soir.
— Tu dois être joignable sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
— Encore un ultimatum ?
Les mots étaient sortis sans quelle puisse les empêcher.
— Je te rappelle que ces conditions figuraient dans le contrat que tu as signé, et Marc ten a parlé
durant votre entretien de vendredi.
Natalya retint une grimace. Elle avait déjà failli dans sa volonté de ne pas se laisser
déstabiliser…
Alexei se renfonça dans son siège pour observer Natalya. Avec son chignon serré, son
maquillage discret et son tailleur strict, elle offrait une image parfaitement professionnelle.
Lespace dun instant, il eut envie de se ruer sur elle pour glisser les mains dans sa chevelure et
prendre ses lèvres, afin de lui rappeler ce quils avaient partagé autrefois.
Il était évident que Natalya partageait son trouble. Elle avait beau tenter de le cacher, il nétait
pas dupe. Elle se raidissait en sa présence, et son rythme cardiaque saccélérait, comme en témoignait
la pulsation à la base de son cou.
Pour autant, il ne pouvait se résoudre à agir, pas pour linstant. Il aimait les femmes et le sexe,
mais les choses étaient différentes avec Natalya. Pour une raison inconnue, elle le fascinait, comme si
elle détenait la clé dun mystère quil devait impérativement résoudre.
Ignorant sa libido, il lui indiqua un fauteuil en cuir.
— Assieds-toi. Nous allons passer mon emploi du temps en revue.
Natalya ne put sempêcher dêtre impressionnée en notant la longue liste de rendez-vous et
dappels à passer. Alexei ne se ménageait pas.
— Réserve une table pour 13 heures, ordonna-t-il en lui donnant le nom dun restaurant réputé.
Appelle Paul, mon chauffeur, et demande-lui de préparer une voiture pour 12 h 45. Bien entendu, tu
maccompagneras.
Il plongea les yeux dans les siens. À ces mots, Natalya se crispa, mais elle nen laissa rien
paraître. Ce ne serait pas la première fois quelle assisterait à ce genre de déjeuner daffaires : son
père lemmenait également à ses rendez-vous.
— Jaimerais savoir qui nous allons rencontrer.
— Elle Johanssen et son assistant.
Natalya hocha la tête. Elanor — Elle, comme elle préférait être appelée — avait la réputation
dobtenir toujours ce quelle voulait, ce qui lui avait valu de nombreux surnoms peu flatteurs de la part
de ses concurrents.
Et voilà quelle sattaquait à Alexei. La discussion risquait dêtre intéressante.

* * *

Natalya luttait pour conserver un visage impassible dans lascenseur qui les menait au rez-de-
chaussée.
Comment Alexei faisait-il pour avoir un tel effet sur elle ? Il était tellement sexy, et si sensuel !
Cétait à ny rien comprendre, vraiment. Elle était censée le haïr pour lui avoir brisé le cœur, mais il
avait toujours le pouvoir de la bouleverser. Et dire quelle avait cru lavoir oublié…
Cela dit, elle ne pouvait se permettre de se laisser contrôler par ses émotions. Alexei lavait
abandonnée sans un regard en arrière. Elle devait impérativement garder ses distances. Il était à
présent son patron, et rien de plus.
Pourtant, elle ne put réprimer un frisson quand il lui demanda de sinstaller à ses côtés à larrière
de la voiture. Cherchait-il encore à limpressionner ?
Refusant de se laisser intimider, elle accepta et passa le trajet les yeux rivés sur le paysage qui
défilait. Une fois à destination, elle le suivit dans le restaurant, où un maître dhôtel affable les mena à
leur table.
Alexei navait visiblement pas lintention de commencer les négociations au bar, contrairement au
père de Natalya, qui cherchait à amadouer ses partenaires éventuels avec des alcools hors de prix.
Elle Johanssen arriva avec cinq minutes de retard, sexcusa avec un sourire de façade et prit
directement le contrôle de lentretien en commandant le vin. Natalya la regarda faire en silence,
amusée par son comportement, et attendit avec impatience la réaction dAlexei.
Celui-ci se contenta découter la liste de ses demandes avant de les refuser et de contre-attaquer.
— Vous êtes nouveau en ville, commenta Elle.
— Mais ce nest pas la première fois que je négocie ce genre daccord.
— Vous ne trouverez pas mieux que les termes que je vous ai proposés.
— Je ne partage pas votre avis.
— Dans ce cas, pourquoi ne pas vous adresser à quelquun dautre ? Je suis certaine que,
contrairement à ce qui se fait dans le milieu, les sociétés auxquelles vous pourriez faire appel ne
confieront pas votre dossier à lune de leurs filiales.
— Jen suis convaincu aussi, affirma-t-il.
La femme daffaires plissa les yeux. Alexei était à la tête dun immense empire. Il était dans son
intérêt de le compter parmi ses clients.
— Dans ce cas, les négociations sont terminées.
— Cest ce quil semblerait, rétorqua-t-il en haussant les épaules.
Le serveur apporta les entrées. Alexei et Elle se lancèrent dans une conversation sur la politique
et léconomie mondiale.
Le repas terminé, Alexei demanda à Natalya de régler laddition avec la carte de lentreprise.
Puis ils regagnèrent la limousine. À cet instant, Elle se glissa à côté de lui.
— Demandez à votre avocat de menvoyer une copie des termes que vous proposez.
— Ce serait une perte de temps.
— Je suis prête à faire quelques ajustements, confia-t-elle avec un sourire avant de séloigner.
Alexei resta silencieux comme ils sinstallaient à larrière de la voiture.
— On dirait quelle est échec et mat, murmura Natalya.

* * *

Natalya se trouvait dans le bureau dAlexei le lendemain matin lorsquun coursier vint déposer
une nouvelle proposition de contrat émanant dElanor Johanssen.
— Renvoie-le, ordonna-t-il après avoir parcouru le document. Ajoute une note précisant que
nous rejetons ses clauses et quADE se passera de ses services.
— Ce sont des clauses mineures, ne put-elle sempêcher de faire remarquer.
— Il ne me semblait pas avoir demandé ton avis. Tu étais présente durant la négociation, ajouta-
t-il dun ton sec. Je pense avoir été parfaitement clair.
— Cest vrai, mais elle…
— Elle joue avec moi, la coupa-t-il en plongeant son regard dans le sien. Je refuse de laisser
qui que ce soit me traiter de cette façon.
Elle cilla face à la dureté de sa voix, mais acquiesça.
— Cest entendu. Je vais le renvoyer.
— Par coursier.
— Bien sûr.
— Tu nas plus rien à ajouter ? senquit-il avec ironie.
— Rien que tu aies envie dentendre, rétorqua-t-elle en relevant le menton.
Cétait une petite victoire, mais elle nen était pas moins satisfaisante.

* * *

Alexei ne put retenir un sourire au moment où Natalya quittait son bureau. Elle navait plus rien
de commun avec la jeune femme quil connaissait. Elle ne souriait plus que rarement en sa présence,
ce qui naurait pas dû le troubler — et pourtant…
Sa froideur lui rappelait dautant plus ce qui lui était aujourdhui interdit, comme sa façon de se
mordre les lèvres quand il parcourait son corps, ses gémissements quand il la pénétrait et ses cris
quand la passion les emportait tous les deux.
À lépoque, il envisageait de lépouser et de fonder une famille avec elle ; puis elle lavait
abandonné sans explications.
Se renfonçant dans son siège, Alexei se tourna vers la fenêtre, qui offrait une vie magnifique sur
Sydney. Il était inutile de sappesantir sur le passé. Seuls le présent et le futur comptaient.
Il avait un objectif à atteindre et, cette fois, il allait lemporter…
5.

Ce nétait guère une surprise, les médias se passionnaient pour Alexei Delandros. Il était une
cible de choix, à la fois incroyablement beau, riche et sexy.
Natalya relut les instructions concernant la livraison dun bouquet de roses, et se rappela des
clichés qui avaient fait la une de la presse à scandale quelques jours plus tôt. On y voyait Alexei
accompagnée dune magnifique jeune femme. Il avait demandé que soit inscrit sur la carte : « En
souvenir dune soirée mémorable. »
Mémorable, vraiment ? Jusquà quel point ?
Furieuse contre elle-même, Natalya secoua la tête. La vie privée dAlexei ne la concernait pas.
Elle ne lintéressait dailleurs pas le moins du monde. Cétait un homme cruel, manipulateur et
terriblement arrogant.
Cela dit, elle devait bien reconnaître quil savait se montrer généreux. Il avait fait des dons
substantiels à de très nombreuses œuvres caritatives. Et il fallait admettre quil travaillait dur. Il
arrivait à laube et repartait en début de soirée. Cétait sans doute sa ténacité et sa volonté qui lui
avaient permis de se hisser au sommet et de gagner le respect de ses concurrents.
Quant à ses employés, ils semblaient également être tombés sous son charme. Les hommes
ladmiraient et les femmes ne pouvaient sempêcher de le dévorer du regard quand elles le croisaient
dans le couloir — ce qui irritait prodigieusement Natalya.
Elle était pourtant censée avoir tourné la page depuis longtemps. Tu parles ! Alexei hantait ses
rêves. Ce nétait plus lhomme quelle avait aimé autrefois. Cet Alexei-là était charmant. Ses yeux
brûlaient de passion contenue quand il la contemplait. Il lui donnait limpression quil la protégerait
toujours, quoi quil arrive. Et, un jour, il lavait abandonnée, lui brisant le cœur sans la moindre
explication.
Des nuits durant, elle avait passé en revue chaque conversation, chaque moment quils avaient
partagé, dans lespoir de trouver un indice, un signe qui lui aurait échappé. En vain. Finalement, elle
avait renoncé à comprendre et sétait promis de ne plus laisser aucun homme la faire souffrir de la
sorte.
Sa vie nétait pas vide pour autant. Elle avait de nombreux amis en qui elle avait toute confiance.
Aaron était lun dentre eux. Elle avait également sa mère et Leisl, sa meilleure amie, qui vivait en
Autriche depuis son mariage. Sans compter Anja, lune de ses plus proches amies, qui habitait
également à Sydney.
La sonnerie de son portable la tira de ses pensées. Elle ne put retenir une grimace en découvrant
le numéro de son correspondant.
— Jécoute, annonça-t-elle dune voix posée.
— Je requiers ta présence ce soir.
Quoi quil en dise, ce nétait pas une requête, mais bien un ordre. Cétait ainsi quAlexei la traitait
depuis le début, sefforçant sans cesse de la déstabiliser. Jusquici, elle avait réussi à se contrôler,
mais la situation devenait plus complexe de jour en jour.
— Je ne suis pas sûre dêtre libre.
— Fais en sorte de lêtre.
— Tu aurais dû me prévenir plus tôt.
— Ai-je besoin de te rappeler les termes de ton contrat ? lança-t-il dun ton sec.
Comme si elle pouvait les oublier…
— Est-ce trop te demander de faire preuve dun minimum de courtoisie ? demanda-t-elle dune
voix suave.
Elle retint son souffle, sattendant une réplique acerbe qui ne vint pas ; cette absence de réaction
la déçut.
— Ma voiture passera te prendre à 19 heures. Cest purement professionnel, ajouta-t-il alors
quelle sapprêtait à répondre. Réserve une table pour six entre 19 h 30 et 20 heures.
Il raccrocha et elle soupira. Bien sûr quil sagissait dun dîner professionnel. Elle nespérait pas
autre chose…
Malgré tout, elle eut le plus grand mal à choisir sa tenue. Elle se changea une bonne dizaine de
fois avant de sélectionner un pantalon noir et un chemisier dun vert de jade. Elle se maquilla avec
soin et laissa ses cheveux cascader librement sur ses épaules.
Vérifiant une dernière fois le contenu de son sac — tablette, portefeuille, portable, clés —, elle
sortit à lheure convenue. Dans la rue, elle sourit à Paul, qui lui ouvrit la portière.
— Merci.
Elle salua Alexei et sinstalla à ses côtés à larrière de la limousine. Il resta silencieux. Elle se
tourna vers lui et son souffle se bloqua dans sa poitrine quand les phares dune voiture illuminèrent
brièvement son visage : il était tellement sexy !
Malgré elle, les souvenirs des instants quils avaient partagés simposèrent à son esprit. Elle se
mordit les lèvres car une étrange chaleur se répandait dans son ventre. Elle devait impérativement se
reprendre !
— Pourrais-tu men dire plus sur ce dîner ?
— Cest inutile.
Merveilleux !
— Tu ne réponds rien ? demanda-t-il, sarcastique.
— Non.
Lespace dun instant, elle crut le voir sourire. Non, elle sétait sûrement trompée…

* * *

Les invités dAlexei étaient déjà installés quand ils entrèrent dans létablissement, lun des plus
chics de la ville. Parmi les quatre, Natalya en connaissait trois de réputation. Quant au dernier, il
sagissait de Jason Treymane, le fils de lun des plus riches hommes daffaires du pays.
— Natalya, sexclama-t-il avec une gaieté qui sonnait faux. Quelle chance davoir décroché le
poste dassistante personnelle du président dADE ! Il me semble que vous êtes de vieux amis, nest-ce
pas ?
Le sous-entendu ne lui échappa pas, mais elle lignora et lui adressa son plus charmant sourire.
Le repas se déroula comme elle sy attendait, et elle fit son travail en sefforçant de ne pas prêter
attention à la façon dont Jason lobservait, une lueur mauvaise dans les yeux.
Ils se connaissaient depuis longtemps, par lintermédiaire de leurs parents. À une époque, son
père avait considéré Jason comme le gendre idéal. Leur union lui aurait garanti un allié de poids dans
le monde des affaires. Néanmoins, la perspective dépouser Jason avait toujours été insupportable à
Natalya.
Un soir pourtant, elle avait trop bu et il avait tenté de profiter de la situation. Elle avait réussi à
séchapper avant quil ne soit trop tard, mais Jason ne lui avait pas pardonné de lavoir repoussé.
— La discussion tennuie, Natalya ? demanda-t-il, sarcastique.
En guise de réponse, elle résuma le contenu de ses notes.
— Je crois que jai tout, conclut-elle avec un sourire.
À ce moment-là, le serveur vint leur proposer du thé et du café.
Le dîner se termina sans autre incident, mais Natalya ne put retenir un soupir de soulagement
quand Alexei fit appeler son chauffeur.
La soirée avait été un véritable calvaire. Non seulement Jason sétait amusé à lui lancer des
regards lubriques durant tout le repas, mais il lui avait été impossible dignorer les battements de son
cœur dès que son regard croisait celui dAlexei. Que lui arrivait-elle ? Pourquoi se comportait-elle
comme une gamine ? Dautant quelle le détestait pour lavoir abandonnée cinq ans plus tôt, et pour
lavoir forcée à travailler pour lui.
— Je vais prendre un taxi, annonça-t-elle.
— Cest hors de question.
— Je tenverrai une copie de mes notes demain matin.
— Ma limousine est au coin de la rue, déclara-t-il après avoir consulté son portable.
— Jai déjà appelé un taxi.
— Annule-le.
— Non.
Elle se tendit. Alexei haussa les sourcils. Sil osait lui rappeler quelle était à sa disposition
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, elle ne répondait plus de rien !
— Tu as vraiment lintention de faire une scène ? linterrogea-t-il dune voix dangereusement
calme.
— Cest pour moi, affirma-t-elle en apercevant son taxi.
Sans un mot, Alexei traversa la rue, paya le chauffeur et revint se poster à côté de sa voiture
pour lui ouvrir la portière.
Natalya suffoquait de rage. Comment osait-il la traiter ainsi ? Pire encore, à en juger par la lueur
qui brillait dans ses yeux, sa colère semblait lamuser.
— Monte ! ordonna-t-il.
— Tu as oublié de dire « sil te plaît ».
Il étudia son visage, et elle retint un frisson. Sa réaction était puérile, mais cétait plus fort
quelle. Durant des années, elle sétait laissé porter par le courant, heureuse de satisfaire les demandes
de son entourage et de ses amis. Mais tout avait changé cinq ans plus tôt.
En surface, elle était restée la même, mais elle sétait endurcie et avait bien lintention de ne plus
laisser quiconque prendre des décisions à sa place et risquer de la faire souffrir de nouveau.
— Natalya…, gronda-t-il entre ses dents serrées, menaçant.
Elle capitula. Il était inutile de résister plus longtemps.
— Va te faire voir ! souffla-t-elle en sinstallant sur le siège arrière.
Alexei la rejoignit, mais elle lignora malgré sa rage. Ne disait-on pas que le silence était dor ?
— Tu as quelque chose à ajouter ? demanda-t-il.
— Pas pour linstant.
Elle garda les yeux rivés sur lextérieur. Le souvenir des instants quils avaient partagés simposa
soudain à son esprit. Elle se rappela la langue dAlexei traçant le contour de ses lèvres avant de
suivre la courbe de sa nuque et de descendre jusquà ses seins, et le véritable brasier que ces caresses
allumaient dans son corps.
Secouant la tête, elle sefforça de chasser ces images de sa tête. Ce nétait pas le moment de
songer à cela, dautant que cétait sans doute exactement ce quespérait Alexei. Il voulait la torturer, la
punir, pour une raison qui lui échappait.
Paul se gara devant chez elle. Natalya sortit de la voiture sans un mot.

* * *

— Nous rentrons à Seaforth ? demanda Paul.


Alexei acquiesça. Il y possédait une somptueuse demeure, décorée avec goût et entretenue par
une équipe demployés de maison. Cétait un endroit magnifique, acquis à la sueur de son front.
Il avait la réputation de ne pas ménager ses efforts pour obtenir ce quil voulait, mais il était le
seul à connaître la véritable raison du rachat de la société de Roman Montgomery et de son désir de
se venger de Natalya.
Pourtant, il fallait bien avouer quelle lavait surpris. Jusquà présent, elle jouait son rôle à la
perfection et se montrait toujours parfaitement professionnelle. À croire que la femme quil avait
aimée autrefois avait disparu. À moins quelle nait tout simplement jamais existé…
Il consulta sa montre et envisagea un instant dappeler lune de ses anciennes conquêtes, mais il se
ravisa. Il avait encore du travail.
6.

Natalya se concentra. La matinée avait été infernale : plusieurs réunions sétaient éternisées, une
présentation avait été reportée à cause dun incident imprévu. Lemploi du temps dAlexei avait été
complètement chamboulé, donc le sien aussi par ricochet. Au milieu de laprès-midi, ils navaient pas
encore rattrapé le retard accumulé.
— Tu as tout ?
— Bien sûr, répondit-elle.
Elle navait pratiquement pas dormi de la nuit et une migraine lui vrillait les tempes, mais son
travail navait pas à en souffrir.
Pourtant, elle ne put retenir un soupir de soulagement quand Alexei mit un terme à la réunion. Il
prit son portable, salua ses associés et quitta la pièce. Natalya le suivit.
Ils montèrent dans la limousine. Natalya savoura le silence qui régnait dans lhabitacle. Aucun
des deux ne prononça un mot de tout le trajet. Elle se dit quAlexei aussi avait besoin de ces instants
de calme.
— Demande à Louise de me faire un café, et fais livrer le dîner pour 18 heures, ordonna-t-il au
moment où ils entraient dans les bureaux de la société. Annule tes plans pour ce soir. On va travailler
tard.
— Je ne vais pas pouvoir.
— Débrouille-toi, rétorqua-t-il en sinstallant dans son fauteuil.
Lespace dun instant, Natalya faillit se mettre en colère, mais elle réussit à se contenir et gagna le
bureau de sa secrétaire.
— Tu as lair prête à en découdre, commenta Louise.
— Le président veut un café.
— Je men charge. Tu as besoin dautre chose ?
— Fais livrer un repas pour deux à 18 heures.
— Des préférences ?
Natalya donna à Louise le nom dun restaurant thaï tout proche. Elle attendit le départ de sa
secrétaire pour sautoriser un sourire : Alexei nappréciait pas du tout ce genre de cuisine… Cétait une
petite vengeance, mais elle nen était pas moins satisfaisante.
À 18 heures, elle descendit à la réception, paya le livreur et, une fois remontée, passa la tête
dans le bureau dAlexei pour le prévenir.
— Emporte la nourriture dans la salle de réunion. On mangera là.
— Je vais prendre ma pause à mon bureau.
Et avaler du café et une aspirine, ajouta-t-elle pour elle-même. Alexei plissa les yeux, mais se
contenta dacquiescer avant de reporter son attention sur son écran dordinateur.
Sa pause terminée, Natalya le rejoignit, et ils se mirent au travail.
Quelques longues heures plus tard, elle referma son portable.
— Quelque chose ne va pas ? demanda Alexei. Nous navons pas fini.
— Moi si, déclara-t-elle en laffrontant du regard.
— Tu espères te faire renvoyer ?
— Fais ce que tu veux, rétorqua-t-elle, les lèvres pincées.
Ce nétait sans doute pas une bonne idée de sopposer ainsi à lui, mais Natalya sen moquait. Elle
était épuisée et ne rêvait que de prendre un bon bain avant daller se coucher.
— Tu sais aussi bien que moi que ça narrivera pas, grommela-t-il. Tu devrais faire plus
attention à ce que tu dis.
— Pourquoi ?
— Abandonne, Natalya.
— Et si je refuse ?
Alexei ne prit pas la peine de répondre. Cétait inutile. Il avait tout pouvoir sur elle, ils le
savaient tous les deux. Elle aurait mieux fait de sexcuser et de lui avouer quelle était fatiguée et avait
la migraine au lieu de le défier, mais cétait plus fort quelle.
— Quinze minutes devraient suffire à tout boucler, finit-il par annoncer.
— Quinze minutes, pas une seconde de plus.
Il hocha la tête, et ils se remirent au travail.
Un quart dheure plus tard, Alexei donna le signal du départ. Elle lui souhaita bonne nuit et
regagna son bureau pour y récupérer ses affaires. Lorsquelle en ressortit, Alexei patientait, adossé à
la réception.
— Merci de mavoir attendue, murmura-t-elle.
Cétait un geste à la fois courtois et déconcertant. Elle étudia son visage dans lespoir dexpliquer
son comportement, en vain.
Les portes de lascenseur souvrirent. Elle sy engouffra, bien consciente de la proximité dAlexei.
Elle sefforça dignorer son parfum viril qui lenveloppait.
Lorsque la cabine simmobilisa à létage du parking, Natalya sortit en toute hâte. Alexei la suivit
jusquà sa voiture. Elle ne put retenir un frisson quand leurs mains se frôlèrent : ils avaient fait le
même mouvement vers la poignée de la portière. Natalya retira aussitôt sa main, comme si elle sétait
brûlée. Puis, sans un mot, elle se glissa derrière le volant. Elle adressa à Alexei un signe de la tête
avant de démarrer.
— Quel enfer ! marmonna-t-elle en débouchant dans la rue.

* * *

Quand Natalya ouvrit la porte de chez elle, Ollie laccueillit avec un miaulement. Elle lui donna
à manger et se réfugia dans sa chambre.
La journée avait été longue. En fait, ils avaient accompli en une journée ce qui aurait pris une
semaine si son père avait encore été aux commandes de lentreprise. Les mois qui avaient précédé la
vente, elle sétait efforcée de lui faire entendre raison, en vain. Roman Montgomery navait pas eu
dautre choix que de céder son entreprise à un acheteur dont il ignorait encore à lépoque que cétait
Alexei.
Alexei…
Les choses auraient-elles été différentes si elle avait réussi à le joindre en découvrant quelle
était enceinte ? Cette question lavait torturée des semaines, des mois durant, et voilà quil
réapparaissait dans sa vie sans la moindre explication.
Cherchait-il à la déstabiliser ou à lui rappeler les instants quils avaient partagés ? À lépoque,
elle le comprenait sans avoir besoin de parler. Il lui suffisait de plonger son regard dans le sien pour
tout savoir.
Quand il lembrassait, cétait pour mieux la séduire et la préparer pour la suite, quand il tracerait
un sillon de baisers brûlants dans son cou, quand sa langue jouant avec son clitoris lui arracherait des
gémissements de plaisir, quand un brasier se déclarerait en elle jusquà ce que toute raison
labandonne.
Les yeux fermés, elle tenta de repousser ses souvenirs. Sans succès. Alexei était gravé dans son
esprit et dans son cœur. Malgré tout ce qui sétait passé, une part delle-même ne pouvait sempêcher
despérer que tout ne soit pas perdu ; quun jour, peut-être, elle pourrait à nouveau le comprendre
simplement en glissant sa main dans la sienne ou en lui caressant le visage.
Ce nétait pourtant quune illusion. Elle ne pouvait se permettre de loublier. Ces dernières années,
elle sétait plongée dans le travail dans lespoir daider son père — et surtout de penser à autre chose.
Hélas, quand elle lui avait proposé de rejoindre le conseil dadministration, il avait refusé : selon lui,
un tel poste ne pouvait être occupé que par un homme. Les femmes nétaient que de fragiles créatures
qui finissaient irrémédiablement par se détourner de leur travail pour se marier et avoir des enfants.
Natalya avait tenté de lui faire entendre raison, lui avait énuméré les noms de femmes daffaires
influentes, mais Roman sétait contenté de sourires suffisants, affirmant quil ny avait aucune raison de
changer une équipe qui marchait.
La société traversait déjà une mauvaise passe, mais il navait pas voulu lécouter. Il était
convaincu quils finiraient par sen sortir. Il ne sétait pas douté un seul instant de ce qui les attendait…

* * *

Natalya poussa un profond soupir en se glissant dans la circulation. Une fois de plus, Alexei
lavait littéralement noyée sous les demandes diverses. Comment faisait-il pour tenir un tel rythme ?
Ces derniers jours avaient été un véritable enfer, et elle avait besoin de se défouler. Un flyer
pour une nouvelle salle de sport trouvé dans sa boîte aux lettres lavait guidée vers ce complexe
dernier cri réservé aux femmes.
En entrant, elle nota un groupe de jeunes femmes parfaitement coiffées et maquillées, habillées
de vêtements de sport à la mode, qui testaient les machines. Elle regretta aussitôt dêtre venue. Avec
son vieux T-shirt, elle allait faire tache. Heureusement, elle avisa un cameraman et se détendit
aussitôt : ils étaient sûrement en train de tourner une publicité.
— Ils ont presque fini, lui indiqua une employée. Les vestiaires sont à votre gauche. Ce sont des
cabines individuelles pourvues dun casier pour vos effets personnels et dune douche. Jespère que
vous apprécierez votre visite, ajouta-t-elle avec un sourire en lui tendant une clé. Nhésitez pas à
venir me voir si vous avez des questions.
Natalya acquiesça, rassurée. Les services proposés semblaient à la fois efficaces et
professionnels. Sans compter que létablissement était proche de son domicile.
Une fois changée, elle se lança dans une série dexercices. Elle se détendit au fur et à mesure, et
termina la séance par une longue douche bien chaude.
— Vous êtes en forme, commenta avec un sourire admiratif la jeune femme qui lavait accueillie.
Jespère que vous envisagerez de devenir membre.
Natalya la salua et sapprêtait à répondre quand son portable vibra. Elle jura doucement en
reconnaissant le numéro et attendit davoir gagné sa voiture pour lire le message :
Vérifie que ton passeport est en règle. Départ semaine prochaine pour New York.
A.

Natalya retint un soupir. Il était temps de se remettre au travail…


7.

La semaine se déroula suivant le même rythme infernal que les jours précédents, mais Natalya
tint bon. Alexei cherchait de toute évidence à la noyer sous le travail pour la forcer à commettre une
erreur. Or cela narriverait pas. Cétait une question de fierté.
À lapproche du week-end, elle envisagea dinviter son amie Anja au cinéma. Elle renonça au
dernier moment car elle se sentait étrangement agitée. Pourquoi ? La routine de son existence lui avait
parfaitement convenu jusquà présent. Elle lui offrait la sécurité et la garantie de ne plus souffrir.
Alors doù lui venait cette impression de vide ?
Une seule réponse lui vint à lesprit : Alexei…
Inutile de le nier, sa présence laffectait. Non seulement il hantait ses rêves, mais les souvenirs
des instants quils avaient partagés simposaient à son esprit aux moments les plus inopportuns. Et son
corps la trahissait dès quil approchait, comme lorsque leurs mains sétaient frôlées dans le parking.
Elle sétait immédiatement écartée, mais cela navait pas suffi. Lespace dun instant, cétait comme si
elle avait été frappée par la foudre. Se pouvait-il quAlexei ait ressenti la même chose ?
Et quand bien même cétait le cas, cela navait aucune importance. Alexei était revenu pour se
venger. Elle ne pouvait se permettre de loublier…

* * *

Le samedi matin, Natalya reçut un message de sa part lui demandant — ou plutôt, lui ordonnant
— de le contacter le plus rapidement possible. Irritée, elle pinça les lèvres. Non, mais pour qui se
prenait-il ?
Secouant la tête, elle remit son portable dans son sac. Alexei allait devoir patienter. Elle était en
sueur après sa partie de squash et avait besoin dune bonne douche.
Elle prit son temps, puis regagna le bar du club, où lattendait Aaron.
— Quelque chose ne va pas ? demanda son ami.
— Ça se voit tant que ça ?
— Je te connais.
Comme elle se contentait de lever les yeux au ciel, il reprit :
— Jen déduis que cest Alexei. Quest-ce quil veut ?
— Je nen ai pas la moindre idée.
— Et tu nes pas pressée de le découvrir.
— Pas le moins du monde, répondit-elle avec un sourire.
— Sois prudente, ma belle. Tu devrais éviter de te frotter à lui.
— Je ne suis plus la gamine naïve dautrefois.
— Et il nest plus le même homme.
Cétait peu dire… Un frisson la saisit. Ils regagnèrent le parking.
— Merci pour la partie, dit-elle en atteignant sa voiture.
— Et pas pour le conseil ?
— Pour ça aussi.
— Fais attention à toi, conclut Aaron en posant la main sur son épaule.
— Comme toujours, rétorqua-t-elle avec un sourire.
Elle attendit une heure avant de contacter Alexei, prenant le temps de faire quelques courses et
de les ranger.
— Laisse-moi deviner, déclara-t-il dun ton sec en décrochant, tu nas pas pu vérifier tes
messages car tu navais plus de batterie.
— Bonjour à toi aussi, rétorqua-t-elle dun ton enjoué.
— La matinée est finie depuis longtemps.
— Depuis trois minutes exactement, précisa-t-elle en vérifiant sa montre. Tu as essayé de me
joindre ?
Le silence qui suivit fut assourdissant, et Natalya ne put retenir un sourire satisfait.
— Jai un rendez-vous imprévu en fin daprès-midi, finit-il par dire. Paul passera te prendre à
15 h 30. Nous resterons à Melbourne pour la nuit.
— Je te rappelle que nous sommes samedi. Tu tattends réellement à ce que jannule tous mes
projets pour toi ?
— Oui.
— Et si je refuse ?
— Je te suggère de réfléchir à la situation, répondit-il froidement.
Natalya ferma les yeux pour se calmer. Sénerver était futile. Alexei avait toutes les cartes en
main. Elle navait pas le choix. Pourtant, elle aurait tant aimé pouvoir lui rabattre le caquet ! Hélas,
cétait impossible pour linstant.
— Je préférerais 15 h 45.
Elle ne pouvait se résoudre à capituler aussi facilement.
— Non.
— Quelles sont tes instructions ? demanda-t-elle dun ton courtois, passant outre sa colère.
Alexei lui donna le nom de lhôtel et du restaurant ainsi que le nombre de convives, sans oublier
des conseils sur sa tenue.
Il raccrocha et elle tira la langue — une réaction puérile, mais qui lui fit du bien. Puis elle
regagna sa chambre pour préparer ses affaires.
8.

Ils arrivèrent à lhôtel, lun des plus prestigieux de Melbourne, et senregistrèrent à la réception.
Lemployée leur tendit leurs cartes daccès avec un sourire auquel Natalya répondit de manière
mécanique.
Létablissement était semblable à ceux quelle fréquentait quand elle travaillait encore avec son
père, mais la situation avait bien changé depuis.
— Jaurais préféré avoir ma propre chambre, déclara-t-elle en entrant dans la suite.
— Où est le problème ? la provoqua Alexei.
— Jaime avoir mon intimité.
— Tu as peur de quelque chose ? demanda-t-il avec un petit sourire.
— Pas de toi, répondit-elle sans ciller.
— Dans ce cas, il ny a pas à discuter. Fais monter du café dans dix minutes et apporte ta
tablette.
Il prit son sac et disparut dans sa chambre.
Natalya appela la réception et se réfugia dans la seconde chambre. Elle se rafraîchit, déballa
ses affaires, puis retourna dans le salon, où lattendait déjà Alexei.
Il était installé devant son portable, les yeux rivés sur son ordinateur. Il avait ôté sa veste et sa
cravate, et avait remonté les manches de sa chemise, ce qui lui donnait un air à la fois détendu et
incroyablement sexy. La virilité dans toute sa splendeur.
Natalya se força à ignorer les battements désordonnés de son cœur. Pourquoi fallait-il quAlexei
soit aussi séduisant ?
Elle posa les cafés sur la table et se mit au travail de son côté. Elle prépara le contrat, vérifia
toutes les clauses, en modifia certaines, puis lenvoya par mail à Alexei. Elle consulta ensuite lemploi
du temps de la soirée. Ils devaient dîner avec quatre invités, dont trois hommes, tous bien connus
dans le domaine de lélectronique.
Son travail achevé, elle regagna sa chambre. Elle prit une douche et enfila un pantalon de soie
noir. Elle se maquilla et se coiffa. Ensuite, elle sélectionna une magnifique veste en soie rouge. Elle
glissa une fine chaîne dorée à son cou, des boucles doreilles discrètes et une montre assortie.
À 18 h 30, elle glissa son sac à main sous son bras et retrouva Alexei dans le petit salon.
Dès quelle laperçut, une vague de chaleur se diffusa dans son corps, à croire que son sang sétait
changé en lave incandescente. Il était une nouvelle fois irrésistible !
Son costume sur mesure soulignait son corps musclé, et sa couleur mettait en valeur ses yeux
sombres, qui paraissaient presque noirs dans son visage aux traits austères. Elle avait fréquenté des
hommes séduisants, mais aucun navait le pouvoir de la troubler autant que lui.
Sefforçant de reprendre le contrôle de ses émotions, Natalya suivit son patron dans lascenseur,
qui les mena au restaurant de lhôtel. Situé sur le toit, celui-ci offrait une vue magnifique de la ville.
Le repas se déroula sans accroc. Durant celui-ci, Natalya ne put sempêcher de remarquer les
regards langoureux et les sourires aguicheurs lancés en direction dAlexei par lassistante personnelle
de lun des businessmen, une blonde aux jambes interminables qui battaient des cils dès que les yeux
dAlexei se posaient sur elle. Elle ne lui en tint pas rigueur. Alexei était très séduisant, il était tout à
fait naturel quil attire lattention de la jeune femme. Quil réponde ou non à ses avances ne la regardait
absolument pas puisque sa relation avec lui était purement professionnelle.
Les négociations se compliquèrent lorsque les trois hommes exigèrent lajout de plusieurs
clauses au contrat. Alexei refusa, forçant ses interlocuteurs à revoir leur plan. Ils ne savouèrent pas
vaincus pour autant et firent une autre proposition quAlexei refusa également. Il annonça la fin du
repas en se levant et indiqua à Natalya de le suivre.
— Messieurs, les salua-t-il.
Visiblement paniqué, lun des associés tenta de le retenir :
— Nous allons en discuter et nous vous recontacterons demain.
— Jai une réunion prévue à 9 heures, demain.
Le sous-entendu était clair : ils étaient libres daccepter ses termes ou de renoncer à la signature
du contrat. Il ny avait pas de compromis possible…
Sans un mot, ils regagnèrent leur suite. Natalya ne put retenir un frisson quand Alexei sécarta
pour la laisser entrer. Leur relation était et resterait purement professionnelle quoi quil arrive…
— Bonne nuit, souffla-t-elle en se dirigeant vers sa chambre.
Elle était sur le point douvrir la porte lorsque la voix dAlexei retentit dans son dos :
— Je veux le rapport de la soirée dici demain 7 heures.
À ces mots, elle pinça les lèvres, mais réussit à ne rien laisser paraître de son irritation. Au
contraire, elle veilla à rester parfaitement courtoise en sadressant à lui :
— Je pourrais morganiser plus facilement si je savais ce qui nous attend demain. Je peux te
lenvoyer pour 7 h 30 ?
Lespace dun instant, elle crut voir une lueur amusée briller dans son regard.
— Nous ferons le point autour du petit déjeuner. Demande que le service de chambre le serve à
7 h 15.
Natalya hocha la tête. Cétait une petite victoire, mais une victoire néanmoins. Il ne lui restait
plus quà décider si elle préférait travailler tard ou se lever tôt…
Elle ouvrit la porte de sa chambre.
— Dors bien, dit Alexei dune voix enjouée.
Natalya ne lui accorda pas un regard.
— Je dors toujours bien, rétorqua-t-elle en refermant la porte derrière elle.
Un sourire aux lèvres, elle leva le poing. Avoir le dernier mot était décidément très agréable.

* * *
Alexei était déjà au travail quand elle le rejoignit. Il portait un costume, mais il avait remonté
ses manches et défait les deux premiers boutons de sa chemise. Il avait également abandonné sa veste
sur le dossier de la chaise. Leffet était tout bonnement dévastateur.
Il était toujours aussi beau. Son visage semblait plus marqué, mais cétait sans doute parce quil
avait le sourire rare ; il arborait en permanence un air sévère. Natalya ne put sempêcher de se
demander ce quelle ressentirait en lui caressant la joue.
Elle se mordit la lèvre. Ce nétait pas le moment de penser à ce genre de choses…
Natalya se servit une tasse de café et sinstalla à ses côtés pour vérifier lemploi du temps de la
journée. Il était chargé, comme toujours, et navait rien en commun avec celui que suivait son père
lorsquil dirigeait lentreprise. À cette époque, les réunions sorganisaient autour de brunchs qui ne
sachevaient souvent quen fin daprès-midi. Venait ensuite le dîner, copieusement arrosé, dont Roman
payait toujours laddition.
Au moment où Alexei referma son portable, elle glissa sa tablette dans son sac. Puis elle
attendit quil remette sa cravate et enfile sa veste.
Dans lascenseur, son cœur saffola lorsque Alexei la frôla. Comment faisait-il pour avoir un tel
effet sur elle ? Cétait à ny rien comprendre. Elle le détestait, non ? Alors pourquoi son parfum lui
faisait-il perdre la tête ? Sans parler de son aura virile, qui lui donnait envie de lui arracher sa
chemise pour parcourir son torse musclé, comme autrefois…
À lépoque, elle aurait pu se le permettre. Alexei aimait quelle le touche, et lui ne perdait jamais
une occasion de la caresser. Se souvenait-il de ces instants ? Lui arrivait-il de se réveiller au beau
milieu de la nuit torturé par le désir ? Cétait peu probable. Elle ne représentait plus rien pour lui.
Les portes de la cabine souvrirent enfin. Natalya le suivit jusquà la limousine.
— Aucune instruction de dernière minute ? senquit-elle en sinstallant à ses côtés.
— Non.
Ensuite, Alexei resta silencieux. Elle en profita pour réfléchir à ce qui les attendait dans la
journée.
Le chauffeur se gara devant un immeuble imposant. Ils gagnèrent les étages supérieurs, où une
charmante jeune femme les mena jusquà la salle de réunion.
Alexei salua ses interlocuteurs. À un moment, sa main frôla le bras de Natalya ; une fois de plus,
son rythme cardiaque saccéléra. Refusant de se laisser troubler, Natalya sassit et prépara sa tablette
ainsi quun petit enregistreur.
La réunion se déroula exactement comme elle sy attendait : Alexei refusa le moindre
compromis, une méthode risquée qui semblait irriter ses partenaires. La tension était à son comble
quand une pause déjeuner fut décidée. Alexei et elle mangèrent dans un petit restaurant proche du lieu
de la réunion et en profitèrent pour revoir les points du contrat.
De retour dans la salle de réunion, les négociations reprirent. La ténacité dAlexei porta ses
fruits. En se quittant, les deux parties fixèrent un autre rendez-vous pour le lendemain matin.
— Reporte notre vol à demain après-midi, ordonna Alexei dans la limousine qui les ramenait à
leur hôtel.
Natalya lui lança un regard noir.
— Tu savais quà notre époque il était possible de scanner et denvoyer des documents ? lança-t-
elle, cynique. Inutile daccumuler les rendez-vous.
— Cest vrai, concéda-t-il. Mais serais-tu en train de critiquer mes décisions ?
— Je donnais simplement mon avis.
— Qui ten a donné le droit ?
— Jignorais que cétait interdit, rétorqua-t-elle sèchement. Tu as oublié de le mentionner dans
mon contrat.
Sa réponse sembla amuser Alexei, qui ne relança pas.
Une fois à dans leur suite, il demanda :
— Commande-nous à manger pour 18 heures. Je prendrai le risotto aux fruits de mer. Je vais
faire du sport pendant une heure.
Sur ces mots, il regagna sa chambre.

* * *

Natalya retint un soupir. Durant la journée, comme elle se concentrait sur son travail, il lui était
plus facile doublier la présence dAlexei, même si elle était consciente de la chaleur de son corps
quand ils étaient dans lascenseur, ou de son parfum qui lenveloppait quand elle le frôlait.
La nuit, hélas, cétait une tout autre histoire : Alexei hantait ses rêves.
Elle avait toujours accompagné son père durant ses déplacements, partageant une suite comme
elle le faisait avec Alexei, mais elle ne sétait jamais sentie aussi nerveuse. Pire encore, il semblait
prendre un malin plaisir à la torturer comme sil cherchait à la déstabiliser.
Sil se montrait parfaitement professionnel en public, quand ils étaient seuls, il donnait
limpression de la surveiller. Que lui voulait-il, au juste ?
Autrefois, il suffisait à Natalya dun regard pour le comprendre. La situation était très différente
à présent. Pourtant, malgré lattitude dAlexei, malgré les efforts quelle faisait, elle se surprenait à
regretter les instants quils avaient partagés. Et la douleur davoir été abandonnée sans aucune
explication ne lavait jamais vraiment quittée.
Elle secoua la tête pour chasser ses sombres pensées. Puis elle appela le service de chambre,
avant denfiler son maillot et de prendre lascenseur pour rejoindre la piscine.
Vu lheure, la plupart des clients de lhôtel étaient déjà installés au bar ou dans le salon. Ravie
dêtre enfin seule, Natalya se débarrassa de son peignoir et plongea dans leau cristalline. Elle se lança
dans une série de longueurs, qui la laissèrent à la fois merveilleusement détendue et pleine dune
énergie nouvelle.
Avisant lheure, elle se décida à sortir, se sécha rapidement et reprit lascenseur. Il lui restait une
dizaine de minutes avant que le repas soit servi, bien assez pour prendre une douche et se changer.
Alexei était déjà installé dans le salon quand elle entra dans leur suite. Seigneur… Elle lui
adressa un petit signe de la main et se réfugia dans sa chambre, mortifiée. Pourquoi avait-il fallu quil
la surprenne dans cet état, les cheveux mouillés collés au crâne et le visage rougi par leffort ?
Elle se doucha en essayant de relativiser. Ce nétait pas si grave, après tout. Alexei lavait déjà
vue nue, abandonnée, donc peu importait quil lait aperçue sans maquillage ou mal coiffée…
Elle se rhabilla et releva ses cheveux en un chignon lâche. Par orgueil, elle prit le temps de
mettre du brillant à lèvres.
Inspirant profondément pour se donner du courage, elle sortit de la salle de bains. Ce nétait
laffaire que dune paire dheures ; ensuite, elle pourrait retourner dans sa chambre et vaquer à ses
occupations.
* * *

Contrairement à ce quavait espéré Natalya, leur petite réunion séternisa. Ils passèrent de
nouveau le projet de contrat au peigne fin. Alexei lui demanda son avis sur plusieurs points.
— Tu leur fais confiance ou tu penses quils vont encore tenter de modifier le contrat ? demanda-
t-elle.
— Un peu des deux.
— Si je comprends bien, ils veulent signer mais tiennent à ce que tu respectes leurs conditions.
Alexei plissa les yeux et hocha doucement la tête. Natalya était perspicace et très douée. Ce qui
navait rien détonnant : sans elle, son père aurait sans aucun doute perdu son entreprise depuis bien
longtemps.
— Cela narrivera pas, annonça-t-il froidement.
Natalya retint une grimace. Bien sûr que non. Alexei était un homme daffaires sans pitié qui ne
craignait pas de froisser ses interlocuteurs. Dautant quil était en position de force dans ces
négociations.
— Tu as déjà un chiffre en tête, avança-t-elle. Et je suppose quils vont offrir dix pour cent de
moins que ce quils sont prêts à accepter.
— Bien vu.
— Merci, dit-elle en inclinant la tête.
— Ton père te demandait-il ton avis avant de prendre une décision ?
— Parfois.
Mais uniquement quand il avait un peu trop bu. Il ne tenait dailleurs jamais compte de ses
recommandations.
— Mais il ne técoutait pas souvent, devina Alexei.
— Non, avoua-t-elle, la gorge nouée.
Il aurait pu vendre sa société deux fois le prix auquel Alexei lavait achetée sil lui avait fait
confiance, mais il navait jamais pu sy résoudre. Elle était sa fille et non le fils dont il avait tant rêvé
et qui aurait pris les rênes de lentreprise à sa retraite.
La voix dAlexei la tira de ses pensées :
— Tu le regrettes ?
— Pourquoi me poses-tu ces questions ?
— Je cherche à comprendre.
Elle termina son café, prit sa tablette et se leva.
— Je crois que nous avons fini.
Alexei acquiesça. Il fallait bien reconnaître quelle était efficace dans son travail. Mais, sur le
plan personnel, elle représentait un défi de taille. Elle semblait avoir érigé des murs autour delle.
Était-ce pour se protéger de lui, ou des hommes en général ? Difficile à dire. Cette question naurait
pas dû lintriguer et, pourtant, il se demanda brièvement sil arriverait un jour à faire tomber ses
barrières. Oui, sans aucun doute. Mais en avait-il envie ?
— Dors bien, dit-il.
Natalya ne répondit pas et ferma la porte derrière elle. Le silence était son arme la plus
efficace. Toutefois, elle aurait donné nimporte quoi pour moucher Alexei une bonne fois pour
toutes…
Épuisée par la journée, elle se déshabilla et se glissa sous les draps. Aussitôt, le visage dAlexei
simposa à son esprit. Irritée, elle sefforça de penser à autre chose et sombra dans le sommeil.

* * *

Natalya séveilla en sueur, le corps en proie à un désir brûlant et le cœur brisé. Elle avait encore
rêvé dAlexei, de sa bouche sur la sienne, de sa langue traçant des sillons incandescents sur sa peau,
du plaisir qui les emportait tous les deux, de la douceur et de la chaleur de ses bras quand il lenlaçait
avant de sendormir à ses côtés.
Se frottant les yeux, elle nota que ses joues étaient humides. Nallait-il jamais la laisser en paix ?
Réprimant un soupir, elle se leva et prit une longue douche pour se préparer à la journée qui
lattendait. Ils avaient encore du travail.

* * *

Leur petit déjeuner fut interrompu par la sonnerie du portable dAlexei. Il décrocha, et son regard
sassombrit dangereusement. De toute évidence, les nouvelles nétaient pas bonnes.
Il répondit à son interlocuteur dun ton sec avant de raccrocher. Il prit une gorgée de café.
— Ils ont demandé un délai de deux heures pour régler les derniers détails avec la banque,
annonça-t-il.
— Autrement dit, ils essaient de gagner du temps.
Cétait une tactique bien connue, mais qui navait pas la moindre chance daboutir avec Alexei.
— Si je comprends bien, nous allons devoir attendre, ajouta-t-elle.
Elle retint une grimace en comprenant quelle avait parlé au pluriel, comme lorsquelle travaillait
avec son père. Alexei navait pourtant pas demandé son avis…
— Ils ont mon numéro et lheure de mon vol, déclara Alexei. La balle est dans leur camp. Jai un
ami à voir, ajouta-t-il en consultant sa montre. Je serai de retour dans une heure ou deux. Dici là, jai
besoin que tu fasses quelques courses.
Natalya écarquilla les yeux.
— Tu veux menvoyer faire du shopping ?
— Ça te pose un problème ?
De nouveau, il lui sembla lire dans le regard dAlexei une lueur amusée, mais elle ne chercha
pas à sen assurer.
— Tu comptes me faire une liste ?
— Le voyage à New York ne sera pas uniquement consacré à mon travail, expliqua-t-il. Je vais
rendre visite à ma famille, et je ne compte pas arriver les mains vides.
Lespace dun instant, Natalya envisagea de refuser, mais elle ne put se résoudre à le défier
encore une fois. Le jeu nen valait pas la chandelle.
— Très bien, je ferai tes courses, dit-elle dans un soupir.
Il ne restait plus quà espérer que cétait une exception. Aider son patron à choisir des cadeaux
destinés à sa famille ne faisait pas partie des tâches dune assistante. Cétait bien trop personnel, et
leur relation devait demeurer professionnelle.
— Commençons par ma mère, proposa-t-il. Elle aime les livres.
— Quel genre de livres ? demanda-t-elle. De la fiction, des romans historiques, damour,
policiers ?
— Elle aime les romans policiers, mais il faut quil y ait une histoire damour.
— Des auteurs de prédilection ?
Sil ne se montrait pas plus précis, elle allait y passer la journée.
— Tu nen sais rien, conclut-elle face à son silence.
— Achète aussi des foulards, reprit-il comme sil ne lavait pas entendue. Pour ma mère et ma
belle-sœur. Elles les collectionnent.
— Y a-t-il des créateurs quelles affectionnent ?
Il lui cita quelques noms et lui tendit sa carte de crédit.

* * *

Après deux heures de shopping, Natalya rentra à lhôtel les bras chargés de sacs. Elle se
rappelait les rares occasions où Alexei lavait emmenée faire les magasins. Il insistait pour tout porter
et ne sécartait jamais delle. La proximité de son corps la rendait folle. Elle imaginait sans cesse ses
mains sur elle, et ce quils feraient quand ils auraient terminé leurs achats.
Dans le lobby de lhôtel, Alexei lisait le journal. Natalya dut secouer la tête pour chasser les
images érotiques de son esprit. Ces instants appartenaient au passé.
Le portable dAlexei sonna à linstant où elle le rejoignait. Il décrocha. Elle vérifia sa montre. Il
leur restait une heure et demie pour faire leurs bagages et rejoindre laéroport.
— Ils ont signé le contrat, annonça Alexei en raccrochant.
Le contraire aurait été surprenant…
9.

Lorsquils débarquèrent à laéroport de Sydney, ils furent accueillis par Paul.


— Bienvenue, les salua le chauffeur dAlexei avec un sourire. Le voyage a-t-il été un succès ?
Alexei le lui confirma. Paul récupéra leurs sacs, et ils le suivirent vers le parking où était garée
la limousine. Alexei et Natalya sinstallèrent à larrière. Il se plongea immédiatement dans un nouveau
dossier. Loin de lennuyer, le silence soulageait la jeune femme.
Le visage tourné vers la vitre, elle contemplait sans le voir le paysage qui défilait. Il lui tardait
de rentrer chez elle. Malgré ses efforts pour ne pas se laisser ébranler, la présence dAlexei lui pesait.
Sil navait tenu quà elle, elle aurait déjà démissionné depuis longtemps. Or cétait impossible. Elle
navait dautre choix que dobéir à son ex, même si elle ne rêvait rien tant que de se venger.
Ce nétait pourtant pas dans sa nature de se montrer agressive ou violente. Cétait cependant
arrivé une fois, lorsquelle était enfant. Un petit garçon dont elle avait oublié le prénom lui avait tiré
les cheveux jusquà la faire pleurer. Il sétait ensuite moqué delle. Furieuse, elle lui avait donné un
coup de pied, qui avait malencontreusement touché son entrejambe. Il sétait écroulé, les larmes aux
yeux, et son institutrice avait immédiatement appelé ses parents pour les mettre au courant. Pour une
raison inconnue, cet incident oublié depuis longtemps la fit sourire.
Quand Paul se gara devant chez elle, Alexei sortit pour lui ouvrir la portière. Le chauffeur lui
tendit son sac, mais Alexei sen saisit et laccompagna jusquà la porte.
— Ce nétait pas nécessaire, affirma-t-elle en sortant ses clés.
Alexei resta silencieux. Elle leva les yeux au ciel. Il était vraiment têtu ! Elle déverrouilla la
porte et se tourna vers lui, mais il avait déjà posé son sac sur le perron. Il regagna la limousine sans
un regard en arrière.

* * *

Irritée, Natalya referma la porte en poussant un juron. Elle saisit son portable et appela Ben,
avec qui elle partageait la maison et qui avait gardé Ollie durant son absence. Il décrocha aussitôt.
— Salut Ben, cest Natalya. Je peux venir chercher Ollie ?
— Bien sûr. Il est pressé de te voir. Je crois quil ta entendue rentrer.
— Jarrive, dit-elle en raccrochant.
Elle gagna la partie de la maison quoccupait Ben.
— Tu as fait bon voyage ? demanda celui-ci en laccueillant avec un sourire, Ollie dans les bras.
Son chat se mit à ronronner quand elle le prit. Il glissa la tête dans le creux de son cou.
— Je tai manqué, mon grand ? murmura-t-elle en le caressant. Je te remercie de têtre occupé de
lui, Ben.
— Pas de problème. Tu sais que tu peux compter sur moi.
Cétait vrai. Ben la traitait comme si elle était sa sœur. Il avait un petit chien prénommé Alfie,
dont elle soccupait quand il était en déplacement.
— Alors, comment sest passé ton voyage ?
— Je te dirai tout une autre fois, si ça ne te dérange pas.
— Pas du tout.
Elle sourit. Ben la comprenait car il avait lui aussi un travail prenant.
— Merci.
De retour chez elle, Natalya nourrit Ollie, avant de se changer et de se remettre au travail. Elle
vérifia une dernière fois le contrat et lenvoya à Alexei. Elle envisagea dajouter un émoji, renonça,
puis lenvoya dans un autre message quelques secondes plus tard.
Épuisée, elle prit une douche et alla se coucher. Cette fois, pas un seul rêve ne vint perturber son
sommeil.

* * *

Le lendemain matin, à peine sortie du lit, Natalya vérifia ses mails. Alexei navait pas encore
répondu. En parcourant le journal sur sa tablette, elle avisa un article annonçant que la société ADE
avait remporté un contrat juteux.
Natalya fronça les sourcils. Alexei naurait pas fait publier un communiqué de presse sans lui en
parler. Il allait sûrement devoir sadresser aux médias dans laprès-midi pour reprendre la main sur sa
communication.
Comme elle sy attendait, son père lappela quelques minutes plus tard pour lui parler du contrat.
Il affirma que lui aussi aurait pu remporter ce marché. Natalya tenta de lapaiser, en vain, et finit par
raccrocher, découragée.
De retour au bureau, elle tria les différentes invitations envoyées par des organisations
caritatives. Lorsque son père dirigeait encore lentreprise, il se rendait à pratiquement toutes les
soirées de ce genre ; il avait insisté pour quelle les accompagne, lui et sa mère, dès quelle avait eu
dix-huit ans.
— Je ferai parvenir une réponse quand tu auras fait ton choix, dit-elle en posant une pile de
cartons dinvitations sur le bureau dAlexei.
Elle saurait alors sil comptait sy rendre seul ou avec une invitée. Ce nétait pas de la curiosité
mal placée, ça faisait simplement partie de son travail… Et même sil ne lui disait rien, elle pourrait
toujours accompagner ses parents à la soirée — ils continuaient à être invités à tous les événements
de ce genre. Ainsi, elle pourrait découvrir le visage de la compagne dun soir dAlexei.
Stop ! Cela ne te regarde pas. Alexei a le droit de fréquenter qui il veut. Ne sois pas ridicule !
La sonnerie de son portable la tira de ses pensées. Alexei lui demandait de se rendre dans son
bureau.
Elle le rejoignit et sinstalla dans un fauteuil, sa tablette sur les genoux. Il souhaitait sans doute
reporter une réunion ou revoir un contrat.
Comme il restait silencieux, elle lui adressa un regard intrigué. Sans un mot, il ôta sa veste et
desserra sa cravate.
— Libère ta soirée de jeudi, dit-il enfin. Je veux que tu viennes avec moi à la soirée caritative.
— Je suis certaine que tu as toute une liste de jeunes femmes prêtes à tuer pour taccompagner.
— Aucune dentre elles ne possède ton sens de lobservation ni ton tact.
— Ce nest guère étonnant si elles passent la soirée à tenter de te séduire, rétorqua-t-elle dune
voix suave.
— Vois ça comme une autre facette de ton travail, déclara-t-il, lair amusé par sa remarque.
— Entendu, concéda-t-elle. Je marrangerai pour glisser mon enregistreur dans mon sac.
— Je te fais confiance. Tu as déjà assisté à ce genre dévénements par le passé.
Cétait vrai, mais la situation était très différente cette fois. Elle serait forcée de rester assise à
côté dAlexei, un sourire plaqué sur le visage alors quelle ne rêverait que de lui flanquer un bon coup
de coude dans les côtes. Sans compter quelle allait se retrouver face à des hommes daffaires et de
riches investisseurs — bref, les gens les plus influents du pays — qui étaient tous au courant de la
situation dans laquelle se trouvait à présent son père. Ils allaient sûrement se poser de nombreuses
questions en voyant la fille de Roman Montgomery accompagner lhomme qui avait racheté son
entreprise…

* * *

Natalya termina son maquillage et inspira profondément dans lespoir de se calmer. Sans succès.
Elle était pourtant habituée aux gentillesses hypocrites et aux commentaires mielleux de rigueur lors
de ce genre de soirées. Pourtant, elle était nerveuse. Alexei allait bientôt arriver.
Elle se passa une fine chaîne en or autour du cou, sélectionna un bracelet en diamant et des
boucles doreilles assorties — un cadeau de sa grand-mère —, et vérifia son reflet dans le miroir. Sa
robe couleur champagne mettait son corps en valeur et saccordait avec la chevelure qui lui cascadait
sur les épaules.
La sonnette retentit soudain. Elle sursauta. Puis elle récupéra son sac et se dirigea vers la porte.
Elle avait proposé à Alexei de le retrouver au palace où se tenait la soirée, mais il avait refusé,
insistant pour passer la prendre.
Elle ouvrit. Dans son smoking noir, il était à couper le souffle. En fait, il semblait sortir tout
droit dun magazine de mode. Il était limage même de lhomme viril, puissant et sexy à qui rien ni
personne ne résistait.
Ignorant la tension naissante dans son ventre, Natalya sinstalla à ses côtés dans la limousine, le
visage tourné vers lextérieur. Paul démarra.
À lapproche du palace, elle avisa les dizaines de photographes qui tentaient dattirer lattention
des invités pour obtenir un cliché. Paul stoppa au pied des marches et descendit pour lui ouvrir la
portière. Alexei lui frôla le bras ; une décharge électrique la parcourut.
Reprends-toi ! Tu es là en tant quassistante personnelle, rien de plus.
Un sourire aux lèvres, elle suivit Alexei vers latrium, où sétait rassemblée la majorité des
invités. Des serveurs circulaient entre les convives pour leur offrir du champagne.
Natalya salua brièvement plusieurs de ses connaissances, et présenta Alexei à plusieurs hommes
daffaires qui semblaient pressés de rencontrer celui qui avait racheté la société de Roman
Montgomery, ce qui nétait guère étonnant. La réputation dAlexei nétait plus à faire. Les médias
semblaient également très intéressés par sa vie privée, dont il refusait de parler. Il se contenta de
donner quelques informations générales.
— Natalya.
Elle se retourna en reconnaissant la voix de sa mère et la prit dans ses bras. Elle lui présenta
ensuite Alexei.
— Tu connais déjà mon père, dit-elle dun ton crispé en remarquant le sourire forcé de Roman.
— En effet, dit ce dernier. Je suis ravi que vous ayez engagé Natalya. Elle a toujours fait de
lexcellent travail.
Il nen dit pas plus mais Natalya comprit le sous-entendu : « Puis ma fille ma trahi pour se mettre
à votre service. »
— Ivana, ma chère, les interrompit une voix féminine qui sadressait à sa mère. On dirait que
nous sommes à la même table.
Il sagissait dElvira, la mère dAaron.
— Et vous êtes Alexei Delandros, bien sûr, reprit-elle en le saluant. Je suis ravi de vous
rencontrer en personne. Vous êtes aussi séduisant que sur les photos.
Se tournant vers Natalya, elle ajouta :
— Aaron est en train de garer la voiture. Al sest fait embarquer par lun de ses clients, mais je
suis certaine quil va réussir à séchapper.
Natalya retint une grimace. Ce nétait décidément pas son jour de chance. Elle partageait une
table avec Aaron et ses parents, Al et Ivana — qui ignoraient que leur fils était gay —, ses propres
parents et Alexei. Quel était lidiot qui avait approuvé ce plan de table ? Heureusement, il y aurait
dautres convives…
— Ils ouvrent les portes, annonça Elvira. On y va ?
Ils suivirent la foule, et Alexei en profita pour poser la main dans son dos. Natalya se crispa
aussitôt, mais resta silencieuse. Elle se contenta de le remercier lorsquil tira sa chaise pour quelle
sinstalle. Elle ne devait pas se laisser déstabiliser. Alexei cherchait simplement à se montrer
courtois. Pourtant, son cœur battait la chamade.
Elle ferma un instant les yeux afin de reprendre le contrôle de ses émotions et sécarta pour
mettre de la distance entre lui et elle. Son souffle se bloqua dans sa poitrine en découvrant que Jason
Treymane, lhomme avec qui son père voulait la fiancer et quelle avait repoussé, se dirigeait vers leur
table. Mais quavait-elle fait pour mériter cela ?
Elle plaqua un sourire sur son visage et ne laissa rien transparaître de son malaise.
— Champagne, Natalya ? proposa Alexei.
— Oui, merci.
Elle aurait préféré de leau plate mais préféra ne rien dire. Aaron haussa les sourcils,
visiblement surpris. Heureusement, le dîner se déroula sans accroc.

* * *
Lorsque les serveurs commencèrent à débarrasser les tables, deux heures plus tard, Natalya
poussa un soupir de soulagement. Elle allait enfin pouvoir séloigner dAlexei.
Lorchestre commença à jouer, et son père se leva.
— Et si nous allions danser, ma fille ? lui proposa-t-il.
Elle accepta, un peu surprise. Dès quils furent sur la piste, il lui lança, les dents serrées :
— Quest-ce qui te prend ?
— Je suis là en tant quassistante personnelle dAlexei, répondit-elle, comprenant immédiatement
où il voulait en venir. Ça fait partie de mon travail.
— Ma chérie, il se sert de toi pour se mettre en avant et rappeler à tout le monde que jai fait
faillite.
Natalya nota la colère qui brûlait dans son regard.
— Pourquoi ferait-il une chose pareille ? Les médias sont déjà au courant depuis longtemps.
— Tu nas donc rien appris, il y a cinq ans ? lui jeta-t-il dun ton moqueur. Ce type ta quittée sans
explication.
— Je ne vois pas ce que ça vient faire là-dedans. On devrait rejoindre les autres, ajouta-t-elle
sèchement.
Une fois revenue à table, Natalya savoura son café en regardant ses parents danser. Ils nétaient
plus que trois à table : Alexei, Jason et elle. Autrement dit, la recette parfaite pour un désastre…
Dailleurs, Jason se leva et sapprocha delle.
— À notre tour de danser.
— En fait, cest le nôtre, intervint Alexei en lui posant une main possessive sur lépaule. Si vous
voulez bien nous excuser.
Natalya adressa un sourire à Jason, mit sa main dans celle dAlexei et se laissa entraîner vers la
piste.
— Ce nétait pas nécessaire, murmura-t-elle.
— Tu en es sûre ?
Ignorant quoi répondre, elle préféra ne rien dire.

* * *

Le rythme de la musique ralentit. Alexei attira Natalya à lui. Il se délectait de son parfum discret
et féminin. Il était dailleurs à deux doigts de poser un baiser sur sa tempe comme il avait lhabitude de
le faire autrefois.
À lépoque, il croyait que Natalya était la femme de sa vie. Pour la première fois de son
existence, il avait envisagé de se marier et de fonder une famille. Il nageait dans le bonheur, jusquà ce
que Roman Montgomery le force à quitter le pays.
Bien décidé à réussir, il avait entamé des études de psychologie pour mieux comprendre les
comportements humains. Il se servait de ses connaissances durant ses négociations. En quelques
années, il était devenu un homme daffaires accompli, riche, respecté et craint dans le milieu. Il sétait
endurci, mais avait atteint ses objectifs. Son père aurait été fier de lui…
— On devrait y retourner, affirma Natalya quand le rythme de la musique saccéléra. Nous avons
rempli nos obligations.
— La danse en faisait-elle partie ?
— Bien sûr que oui.
Alexei la relâcha. Elle aurait presque réussi à le convaincre si elle ne sétait pas crispée quand il
lavait attirée à lui.
La soirée se termina par un discours de remerciement, puis la plupart des invités se rendirent
dans latrium pour attendre leur voiture.
— La limousine sera là dans quelques minutes, linforma Alexei tandis quelle récupérait son
manteau au vestiaire.
— Je peux prendre un taxi.
— Cest hors de question.
Elle ouvrit la bouche pour répliquer, mais se ravisa. Il était inutile de se donner en spectacle,
dautant que les taxis étaient littéralement pris dassaut.
— Tu obéis sans discuter, ironisa-t-il. Que tarrive-t-il, Natalya ?
— Ce serait une perte de temps.
« Et ne tavise pas de sourire », faillit-elle ajouter. Elle ne put sen assurer car Alexei montait
déjà en voiture.
— Vous avez passé une bonne soirée ? demanda Paul.
— Oui, répondit Alexei.
— Tout était parfait, renchérit-elle.
Après un court trajet, la limousine sarrêta devant chez elle. Elle ouvrit la portière.
— Merci de mavoir ramenée, dit-elle en sortant. Tu nas pas besoin de maccompagner. La
lumière de mon porche sallume automatiquement. Je ne risque rien.
Elle sortit ses clés et se dirigea vers la porte. Elle réalisa quAlexei lavait suivie.
— Je suis parfaitement capable datteindre la porte toute seule reprit-elle.
— Je nai jamais dit le contraire, rétorqua-t-il dun ton amusé.
Sa respiration se fit saccadée, et un frisson la saisit. Alexei était si proche…
— Tu vis seule ?
Cétait une question tout à fait normale, vu la taille du bâtiment.
— La maison est divisée en deux unités. Joccupe celle-ci et Ben loue lautre.
Alexei plissa les yeux. Cétait la première fois que Natalya lui parlait de cet homme. Qui était-
il ?
— Depuis quand ?
— Deux ans et demi, répondit-elle en désactivant lalarme.
Lorsquelle ouvrit la porte, Ollie se précipita vers elle et se frotta à ses jambes en ronronnant.
Elle le prit dans ses bras. Natalya soupira de bonheur. La vie serait tellement plus facile si les
humains pouvaient saimer les uns les autres dun amour aussi inconditionnel !
Elle salua Alexei et referma la porte. Puis elle gagna sa chambre et se prépara pour aller se
coucher.
Elle se glissa entre les draps, mais le sommeil tarda à venir. Elle se tourna encore et encore,
jusquà ce quOllie pousse un miaulement plaintif.
Repositionnant son oreiller, elle ferma les yeux, mais fut aussitôt assaillie par des images
dAlexei qui lui souriait avant de lembrasser avec tendresse. À lépoque, ses yeux brûlaient à la fois
de désir et damour, et elle avait cru que rien ni personne ne pourrait jamais les séparer.
Elle sétait trompée…
10.

Le soleil était déjà levé quand Natalya se réveilla. Sans perdre une seconde, elle se doucha,
shabilla et prit son petit déjeuner en consultant la presse.
Sa bonne humeur senvola lorsquelle aperçut un cliché dAlexei laidant à sinstaller dans sa
limousine. Langle choisi par le photographe donnait limpression quils étaient très proches. Mais le
pire était la légende en caractère gras :

LE MAGNAT DES AFFAIRES ET SON ANCIENNE MAÎTRESSE DE NOUVEAU ENSEMBLE ?

Folle de rage, elle arracha la page et la plia pour la glisser dans son sac.
La sonnerie de son portable retentit. Elle sursauta et jura en découvrant lidentité de lappelant.
— Bonjour, papa.
Ce fut tout ce quelle eut le temps de dire avant quil se lance dans une tirade interminable,
exigeant de savoir ce qui se passait entre Alexei et elle. Elle tenta bien de le calmer, mais finit par
perdre patience et raccrocha en prétextant quelle devait aller travailler.
Elle était coincée au beau milieu de la circulation lorsque son portable vibra, annonçant larrivée
dun message dAaron :
???

Natalya soupira. Lui aussi avait vu la photo et voulait des explications.


Son humeur sassombrit davantage quand elle arriva au bureau. La réceptionniste et dautres
employés lui adressèrent des regards curieux tandis quelle se dirigeait vers lascenseur. Cétait un
véritable enfer ! Les rumeurs allaient sans doute déjà bon train. Ainsi, Natalya Montgomery, fille de
lancien dirigeant de lentreprise, était également lancienne maîtresse du nouveau, Alexei Delandros…
Il fallait absolument y mettre un terme, sur-le-champ !
Elle sarrêta dans son bureau pour déposer ses affaires, saisit la page du journal avec le cliché
compromettant et se dirigea vers le bureau dAlexei. Ce nétait sans doute pas une bonne idée de
débarquer sans prévenir, mais elle était trop en colère pour sembarrasser de ce genre de détails.

* * *
Alexei ne sembla même pas surpris quand elle entra. Il se contenta de se renfoncer dans son
siège en la regardant approcher.
— Que les choses soient claires, déclara-t-elle dun ton sec, je veux bien jouer la parfaite
assistante personnelle, mais notre relation est et restera purement professionnelle. Il ny a et il ny aura
jamais rien dautre entre nous.
Il se contenta de hausser les sourcils.
— Ce qui veut dire ?
— Que je refuse de me retrouver dans ce genre de situation !
— De quelle situation parles-tu ?
— De ceci, répondit-elle en lui tendant larticle.
Il le parcourut. Le contenu neut pas lair de le gêner, ni même de lintéresser.
— Je ne contrôle pas la presse.
— Je veux que tu publies un démenti, déclara-t-elle dune voix tremblante.
Cétait plus fort quelle. Malgré tous les efforts quelle faisait, Alexei avait encore le pouvoir de
la déstabiliser. Dailleurs, tout était sa faute. Rien de tout cela ne serait arrivé sil navait pas insisté
pour la raccompagner.
— Tu ne crois pas que ça ne ferait que jeter de lhuile sur le feu ?
— Je men moque. Je ne supporte pas cette situation, dit-elle en serrant les poings.
— Dans ce cas, tu devrais peut-être tout expliquer aux médias, proposa-t-il dun air moqueur.
Natalya manqua suffoquer. Comment osait-il ?
Ivre de rage, elle lui lança un regard noir et quitta son bureau sans un mot.

* * *

Sa mauvaise humeur persista durant toute la matinée. Son téléphone narrêtait pas de sonner, et
elle reçut des dizaines de demandes dinterviews par mail. De toute évidence, les journalistes
navaient rien dautre à faire que de la harceler au sujet de sa vie privée !
Se massant les tempes pour combattre un début de migraine, elle commanda à déjeuner et
envoya un texto à sa mère. Puis elle vérifia les messages de la réceptionniste. Celle-ci avait noté
plusieurs appels de la presse, mais tous ne lui avaient pas été transmis. Autrement dit, certains
médias avaient réussi à parler à des employés de la société. Qui savait ce quils avaient bien pu leur
raconter… ?
Laprès-midi touchait à sa fin quand Alexei lui envoya un texto :
Voyage à New York, départ lundi. Voir mail pour détails. Demande confirmation. Alexei.

Natalya fronça les sourcils en découvrant le programme du voyage, qui devait durer deux
semaines. Alexei avait prévu de nombreux rendez-vous, deux déjeuners, trois dîners daffaires ainsi
quune visite à sa famille. Autrement dit, elle disposerait de temps libre pour faire les boutiques ou se
reposer.
Elle confirma sa présence, puis se tourna vers la fenêtre qui offrait une vue magnifique sur le
port de Sydney. Sa colère sétait envolée.
* * *

Le lundi matin, Natalya fut réveillée par la sonnerie stridente de son alarme. Lespace dun
instant, elle eut envie de la couper et de se rendormir, mais elle se ravisa. Il était convenu quAlexei
passe la prendre à 7 h 30. Elle navait pas une minute à perdre.
À lheure dite, la limousine se gara devant chez elle. Paul glissa ses bagages dans le coffre tandis
quelle sinstallait à larrière au côté dAlexei. Celui-ci leva brièvement les yeux quand elle le salua,
avant de replonger dans son journal. Natalya ne lui en tint pas rigueur. Au contraire, le silence lui
convenait parfaitement…
Une demi-heure plus tard, ils arrivèrent à laéroport. Natalya ne put sempêcher décarquiller les
yeux en découvrant le jet privé qui les attendait.
Ils se mirent au travail dès que lavion eut décollé, apportant quelques ajustements à leur emploi
du temps, vérifiant les détails de la première réunion prévue au programme.
— Il y a une chambre pourvue dune salle de bains privée, déclara Alexei. Tu devrais en profiter
pour dormir quelques heures.
— Et toi ?
— Je me reposerai plus tard. À moins que tu noffres de partager ton lit ? ajouta-t-il en plongeant
son regard dans le sien.
— Aucune chance !
— Détends-toi, Natalya, dit-il avec un petit sourire amusé.
Se détendre ? Cétait tout bonnement impossible quand il était si proche…
La chambre était plus vaste quelle ne sy attendait. Avec un grand lit, une petite garde-robe et un
fauteuil, elle offrait tout le confort moderne. En fait davion, le jet ressemblait davantage à un petit
appartement.
Natalya se déshabilla rapidement et se coucha. Elle sendormit aussitôt et se réveilla en pleine
forme quatre heures plus tard.
Après avoir vérifié une dernière fois son reflet dans le miroir de la salle de bains, Natalya
rejoignit Alexei. Elle décida de prendre un café. Une pointe de déception lassaillit lorsque Alexei
déclara quil allait se reposer à son tour.

* * *

Alexei sallongea et ferma les yeux. Le parfum floral de la jeune femme qui imprégnait les draps
mettait son corps au supplice. Malgré ses efforts, il se la représenta nue, les joues rosies par la
passion, en train de crier son prénom.
À lépoque, il avait cru quelle laimait et quils finiraient leur vie ensemble. Il sétait bien
trompé…
Cela dit, il devait bien avouer que le comportement de Natalya durant ces dernières semaines
était intrigant. Elle tentait de le cacher mais elle était troublée lorsquils étaient ensemble. En
témoignait le léger tremblement de sa main quand il lavait entraînée sur la piste de danse, ou sa
fébrilité quand il lavait raccompagnée chez elle.
Elle avait bien changé en cinq ans, certes, néanmoins peut-être que la jeune femme quil avait
connue navait pas entièrement disparu — une perspective à la fois excitante et fascinante…
Alexei se réveilla lorsque le jet se posa à Los Angeles pour refaire le plein. Il ne sétait pas
rendu compte quil sétait endormi.

* * *

À New York, un chauffeur les attendait dans le hall des arrivées ; à en juger par le sourire
amical dAlexei, ils se connaissaient depuis longtemps. Sans perdre une seconde, leurs bagages furent
rangés dans le coffre de la limousine garée devant le terminal.
Alexei resta silencieux durant le trajet. Natalya en profita pour observer la ville à travers les
vitres de la voiture. New York était une métropole cosmopolite où se côtoyaient riches et pauvres.
Elle vibrait dune énergie propre, qui lavait séduite lors de ses précédents voyages, avec son père.
Durant les jours qui suivirent, Natalya neut pratiquement pas le temps de souffler tant les
réunions senchaînaient. Mais ce rythme de travail soutenu avait au moins un avantage : il lui
permettait doublier ne serait-ce quun instant les sentiments quAlexei éveillait en elle dès que leurs
regards se croisaient.
Il navait pourtant plus rien de commun avec lhomme avec lequel elle avait partagé des moments
si intenses. À lépoque, ses yeux sombres brûlaient dune flamme passionnée qui lui promettait une nuit
de plaisir. Celui qui lui faisait face à présent semblait imperméable aux émotions de ceux qui
lentouraient. Il était froid, sans pitié et prêt à tout pour obtenir ce quil voulait.
Cependant, il nétait pas le seul à avoir changé. Elle nétait plus la jeune fille naïve qui croyait
que lamour pouvait abattre tous les obstacles.
Natalya revint au réel et observa son reflet dans le miroir. Sa robe dun rouge rubis soulignait sa
taille fine et dévoilait ses épaules. Elle saccordait parfaitement à son rouge à lèvres et à son sac.
Elle vérifia une dernière fois son maquillage et rejoignit Alexei, qui lattendait dans le salon.
Avec son costume noir et sa chemise dun blanc immaculé, il était à la fois élégant et incroyablement
sexy. Son parfum viril lenveloppa bientôt. Alors, ses sens séveillèrent. Seigneur, elle devenait
folle… Elle se détestait pour laisser son ex garder autant de pouvoir sur elle.
Heureusement, Alexei ne saperçut pas de son trouble. Il était en pleine conversation
téléphonique, dans une langue quelle ne connaissait pas.
Lorsque enfin il raccrocha, il lescorta jusquà la limousine et sinstalla à ses côtés. Natalya
respira avec calme pour freiner les battements désordonnés de son cœur. Elle devait impérativement
reprendre le contrôle de ses émotions avant quil ne soit trop tard…
11.

Natalya ne put sempêcher décarquiller les yeux en découvrant les tables somptueusement
décorées et dressées avec de la vaisselle de qualité. À en juger par le nombre dagents de sécurité qui
vérifiaient les cartons dinvitation et surveillaient les allées et venues des invités, le gala était réservé
à lélite new-yorkaise.
— Pourquoi moi ? demanda-t-elle soudain à Alexei.
— Pourquoi pas ?
— Cest une soirée privée. Ça ne fait pas partie de mes attributions.
— Tu sais aussi bien que moi que la frontière entre soirée privée et professionnelle est plutôt
floue.
Avant quelle ait eu loccasion de répondre, une magnifique blonde se glissa derrière Alexei et
noua les bras autour de son cou.
— Devine qui cest ? minauda celle-ci dune voix sensuelle qui lui donna envie de vomir.
Qui était-ce ? se demanda Natalya. Une amie, une ancienne conquête, sa maîtresse ?
— Stassi, répondit Alexei dun air amusé. Je reconnaîtrais ton parfum entre mille.
Il la força à lui faire face. La blonde éclata dun rire cristallin et posa un baiser léger sur les
lèvres dAlexei.
— Et vous êtes ? demanda-t-elle à Natalya.
Alexei la devança :
— Natalya, je te présente ma cousine Stassi.
— Comme vous le voyez, nous sommes de la même famille, soupira Stassi. Je nai
malheureusement aucun droit sur lui, même sil a déjà joué les chevaliers servants à de nombreuses
occasions. Alexei et vous êtes… ?
— … de simples amis, sempressa-t-il de préciser.
— Je vois, fit Stassi dun air entendu, souriante. De simples amis…
— Cest ça, confirma-t-il dun air impassible.
— Je suis son assistante personnelle, expliqua Natalya.
Stassi sourit.
— Tu as décidé de mêler le plaisir et les affaires à ce que je vois. Voilà qui est intéressant. Tu
es au courant que ta mère compte organiser un dîner en ton honneur ? continua-t-elle. Elle serait ravie
de faire votre connaissance, Natalya.
Elle retint une grimace. Rencontrer la famille dAlexei ? Cétait hors de question !
— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, marmonna-t-elle.
— Je suis certaine quAlexei arrivera à vous convaincre, dit Stassi avec un sourire mutin. Il est
très doué dans ce domaine… Il faut que jaille retrouver mes parents. Ils ont lintention de me présenter
un homme magnifique qui, aux dires de ma chère mère, serait le mari idéal. La soirée sannonce
amusante. Prends soin de toi, conclut-elle en embrassant son cousin sur la joue.
Se tournant vers Natalya, elle ajouta :
— Je serais heureuse de vous revoir.
Elle leur adressa un dernier sourire puis disparut dans la foule des invités.
— Ta cousine est charmante, déclara Natalya.
— Elle est aussi très intelligente, expliqua-t-il avec une fierté évidente. Elle est diplômée en
droit pénal et adore profiter de la vie. Malheureusement pour sa mère, elle na aucune envie de se
marier.
— Elle na sans doute pas encore rencontré lhomme de ses rêves.
— Le mariage est donc si important à tes yeux ?
Natalya garda le silence. Cétait une question piège à laquelle elle navait aucune envie de
répondre.
Sa réaction aurait été très différente cinq ans plus tôt. À lépoque, elle était persuadée que le
mariage était lunion sacrée de deux êtres prêts à passer le restant de leur vie ensemble dans lamour et
le respect de lautre, et à partager le meilleur comme le pire jusquà ce que la mort les sépare.
— Aucun commentaire, Natalya ?
— Je dirais que ça dépend des projets de chacun, répondit-elle avec un faible sourire.
— Quels sont les tiens ?
— Ça ne te regarde pas.
Une étrange étincelle salluma dans son regard et disparut aussitôt.
— On devrait prendre nos places, dit-il.
Un serveur les guida jusquà leur table. Natalya prit une gorgée de vin en observant les lieux. La
salle de bal était immense, mais il ne restait pas une seule chaise de libre.
Si elle avait lhabitude de fréquenter la bonne société, elle ne put toutefois sempêcher de se
sentir intimidée. La la plupart des invitées portaient des bijoux qui devaient coûter une fortune, et la
plupart dentre elles avaient un physique parfait.
Une voix féminine la tira de ses pensées. Cétait une femme très élégante installée de lautre côté
de la table :
— Alexei, mon chéri ! Je suis ravie que tu aies pu te joindre à nous. Le contraire maurait
étonnée, continua-t-elle avec un sourire. Je sais combien cette association te tient à cœur. Je vois que
tu as amené une amie. Nathalie, cest cela ?
— Natalya, la corrigea-t-elle avec un sourire.
— Vous êtes dorigine russe ?
— Non, jai reçu le prénom de mon arrière-grand-mère.
— Comme cest intéressant.
Cétait peu dire. Son arrière-grand-mère avait grandi dans une ferme dans le nord de lEurope. Sa
famille étant très pauvre, elle avait été forcée dépouser un homme quelle connaissait à peine. Ils
avaient eu quatre enfants. La plus jeune, sa grand-mère, avait rejoint les États-Unis quand elle était
encore adolescente. Elle avait trouvé un emploi dans un vignoble californien et travaillait également
comme couturière.
Elle avait fini par épouser le fils du vigneron et lui avait donné deux enfants. Malheureusement,
son mari, son fils et ses beaux-parents avaient tous péri dans un accident. Brisée par le chagrin, elle
avait vendu le domaine deux ans après leur décès pour commencer une nouvelle vie en Australie
avec sa fille Ivana, la mère de Natalya. Elle avait ouvert un magasin de vêtements pour enfants à
Sydney et avait même exporté ses créations dans le reste du monde.
Natalya lavait toujours admirée. Sa grand-mère avait travaillé toute sa vie pour sassurer que sa
famille ne manquerait de rien. Cétait une femme à la fois forte et aimante.
— Encore un peu de champagne ? lui demanda Alexei.
Natalya sortit de sa rêverie et secoua la tête.
La musique sarrêta soudain, et lorganisateur de la soirée entama un discours pour remercier ses
invités, avant de présenter les activités de lassociation et dencourager les convives à se montrer
généreux.
Le reste de la soirée se passa comme elle sy attendait — le dîner était excellent, les
conversations insipides pour la plupart. Natalya ne tarda pas à faire la comparaison avec les soirées
auxquelles elle avait assisté avec son père. Il buvait trop et elle se trouvait forcée de le calmer, sans
toujours y arriver.
Les choses étaient différentes ce soir-là, mais elle nétait guère plus détendue. La présence
dAlexei en devenait suffocante. Combien de temps encore allait-elle le supporter ?

* * *

— Nous dînerons chez ma mère, ce soir, annonça Alexei en prenant une gorgée de café.
Natalya faillit sétrangler. Il avait bien dit « nous » ? Impossible !
— Tu préféreras sans doute passer du temps seul avec elle, dit-elle.
Elle se reconcentra sur son écran dordinateur. Elle avait les notes des réunions de la veille à
retranscrire.
— Elle ta invitée, insista Alexei.
Surprise, elle releva la tête.
En lieu et place du costume sur mesure, il portait un jean noir et un T-shirt. Leffet nen était pas
moins dévastateur, dautant que ce haut moulant mettait en valeur ses épaules larges et son torse
musclé.
Physiquement, il navait pas beaucoup changé en cinq ans. Les traits de son visage étaient peut-
être un peu plus sévères, mais ça sarrêtait là. Il souriait moins, semblait plus réservé et réfléchi.
Cétait sans doute cet aspect de son caractère qui lui avait permis de devenir si riche aussi
rapidement. Il suffisait de le voir à lœuvre durant des négociations pour sen rendre compte. Il était
froid et sans pitié avec ses adversaires, mais savait également se montrer charmant avec ses
interlocuteurs — et sans doute avec ses maîtresses, songea-t-elle…
Lespace dun instant, Natalya eut envie de lexplorer de ses doigts et de le déshabiller pour mieux
apprécier la chaleur de sa peau. Son souffle saccélérerait sûrement quand sa main caresserait la fine
toison qui disparaissait dans son pantalon. Il ne lui resterait plus quà défaire sa ceinture et à le
toucher lentement pour savourer la fermeté de son membre durci par le désir.
Il la plaquerait alors contre lui pour goûter ses mamelons, puis descendrait du bout de la langue
jusquau cœur de sa féminité, lui arrachant des gémissements étouffés. Et, lorsquelle serait sur le point
de devenir folle, il la pénétrerait. Enfin, la jouissance les emporterait tous les deux.
Une lance de feu embrasa son ventre, et elle se força à songer à autre chose.
Le regard dAlexei sassombrit, comme sil avait lu ses pensées. Natalya fut soudain incapable de
bouger. Figée, elle mit plusieurs secondes pour baisser les yeux.
— Je devrai prendre des notes ? essaya-t-elle de plaisanter dune voix quelle espérait normale.
À sa grande surprise, il sembla réfléchir un instant.
— Cest possible, finit-il par répondre. Cest censé être un dîner en famille, mais mes deux frères
seront présents. Nous sommes associés sur le marché européen.
— Je suis certaine que tu nauras pas besoin de moi pour ça.
Il lui était déjà difficile de travailler aux côtés dAlexei et dassister à des galas en sa compagnie,
alors apprendre à connaître sa famille était au-dessus de ses forces.
— Ce nest pas ma place, insista-t-elle. Il vaut mieux que je…
— … ne vienne pas ? la coupa-t-il. Ma mère sattend à te voir et ma belle-sœur sera ravie que tu
sois là. Elle se plaint toujours de nêtre entourée que de mâles, et ce même si elle nous adore.
— Ce serait malvenu.
— De quoi as-tu peur, Natalya ? Tu crains dêtre forcée de passer la nuit là-bas ? se moqua-t-il.
Natalya se raidit, une boule au ventre soudain. Passer la nuit là-bas ? Dans la même chambre
que lui ? Quest-ce que la famille dAlexei savait delle, exactement ? Se pouvait-il quils soient au
courant de leur liaison passée ?
— Tu nas pas à tinquiéter, affirma-t-il.
Comme si cela suffisait à la rassurer ! La dernière chose dont elle avait besoin était de se voir
rappeler le passé. Elle avait tourné la page. Enfin, elle avait essayé… Quoi quil en soit, Alexei
navait pas besoin de savoir quelle navait jamais vraiment réussi à loublier. Il ne devait pas le
découvrir.
— Je sais bien que je nai rien à craindre, déclara-t-elle en relevant le menton. Et toi non plus.
Soudain, Alexei combla la distance qui les séparait, puis, sans lui laisser le temps de réagir,
lembrassa.

* * *

Alexei commença par prendre son temps avant dapprofondir son baiser.
Oh mon Dieu !
Natalya posa les mains sur son torse pour le repousser ; elle y renonça lorsque sa langue entama
une danse sensuelle avec la sienne. Pour peu, elle aurait pu se croire revenue cinq ans en arrière.
Cest délicieux…
Alexei la relâcha soudain, et le charme se brisa. Le corps brûlant dun désir inassouvi, Natalya
cligna des yeux. La réalité reprenait ses droits. Seigneur, quavait-elle fait ?
— Cétait censé être un test ? demanda-t-elle froidement.
Il ne fallait surtout pas quil sache à quel point ce baiser lavait bouleversée.
Son regard étincela presque, comme si sa réaction lamusait. La gorge de Natalya se serra.
Comment osait-il la traiter ainsi ? Quel salaud !
— Non, une réponse.
— Vraiment ?
Elle lui tourna le dos et gagna la salle de bains, afin de corriger son rouge à lèvres et deffacer
les traces de ce qui venait de se passer.
Vérifiant une dernière fois son reflet, elle inspira profondément pour se calmer. Elle avait
baissé sa garde, et Alexei en avait aussitôt profité. En quelques secondes, il lui avait donné
limpression que tout pouvait redevenir comme avant. Or ce nétait quune illusion. Elle ne commettrait
pas deux fois la même erreur.
Elle avait un rôle à jouer : celui de la parfaite assistante.
12.

Calista Delandros était une femme élégante qui vivait dans le quartier résidentiel très prisé de
Georgetown.
Elle enlaça longuement Alexei avant de se tourner vers Natalya, main tendue.
— Bienvenue chez moi, Natalya, laccueillit-elle avec un grand sourire. Le reste de la famille est
déjà au salon. Si nous allions les rejoindre ?
Natalya la suivit et en profita pour jeter un coup dœil aux nombreuses photos de famille
accrochées aux murs de la magnifique demeure. Celle-ci semblait meublée avec des pièces de qualité
qui avaient dû coûter une fortune tout en donnant une impression de confort.
Calista les mena jusquà un grand salon, où deux hommes étaient en pleine conversation. Les
frères dAlexei à en juger par la ressemblance évidente — ils étaient tous deux aussi grands que lui,
avec un visage séduisant aux traits similaires aux siens. Une jeune femme au ventre légèrement
arrondi était installée sur un canapé. Elle tenait la main dune petite fille.
— Cristos, dit Alexei en prenant dans ses bras un de ses frères, apparemment le plus âgé.
Se tournant vers elle, il reprit :
— Voici Xena, son épouse, et leur fille, Gigi. Et mon jeune frère, Dimitri.
Natalya gratifia chacun dun sourire et dun hochement de tête.
— Voici, Natalya, mon assistante personnelle, conclut Alexei en sadressant aux membres de sa
famille.
Sans se laisser démonter, Natalya affecta un air détendu. Elle allait se montrer courtoise,
professionnelle, et tout allait bien se passer.
Elle se pencha vers la petite fille aux cheveux noirs, qui lobservait avec attention.
— Tu as un très joli prénom, Gigi.
— Merci, répondit la gamine dune voix mélodieuse.
Soudain, elle repensa à cet enfant quelle aurait pu avoir, et qui aurait pu se trouver ici ce soir,
dans sa famille. Une lame lui transperça alors le cœur. Elle se ressaisit et se mêla à une conversation.
Dès ladolescence, elle avait accompagné ses parents aux nombreuses soirées auxquelles ils se
rendaient et y avait appris à se tenir en société. Une solide culture générale et une bonne dose de
charme lui permettaient en outre de se lier facilement avec nimporte qui.
Un sourire aux lèvres, elle prit une gorgée de vin tout en écoutant les échanges entre les
différents membres de la famille, qui semblaient très heureux de se retrouver. Il était évident quils
sentendaient bien et sinquiétaient les uns pour les autres.
Elle apprit que Cristos dirigeait la branche new-yorkaise de lentreprise familiale, tandis que
Dimitri supervisait les succursales situées dans dautres pays. Ce dernier faisait souvent le voyage
entre celles-ci, sans pour autant sacrifier sa vie sociale — qui devait être plutôt mouvementée à en
juger par la lueur malicieuse qui brillait dans son regard.
Calista expliqua à Natalya que leur famille avait des origines grecques, tout comme son mari
décédé quelques années plus tôt. Son amour pour son pays natal était dailleurs bien visible dans sa
collection de poteries classiques, et lorsque son accent transparaissait, en de rares occasions.
Xena, qui était tout aussi charmante que sa belle-mère, lui confia quelle était ravie dattendre un
garçon.
Chacun dentre eux lui posa des questions sur son travail et sur son expérience dans le domaine
de lélectronique, mais aucun ne se risqua à lui demander pourquoi elle sy intéressait ni comment elle
en savait autant.
À grande surprise, elle passa une très bonne soirée. Le repas était excellent et la compagnie très
agréable. Il était 23 heures quand Alexei offrit de la raccompagner.

* * *

— Tu ne tattendais pas à cela, nest-ce pas ? demanda Alexei en prenant le volant de son
élégante voiture de sport.
Il navait pas tort. La gentillesse et laccueil chaleureux de sa famille lavaient déconcertée. Après
tout, elle nétait que son assistante personnelle.
— Quentends-tu par là ? demanda-t-elle néanmoins. Que je suis surprise que tu ne leur aies pas
avoué que jétais la fille de Roman Montgomery ?
Il lui jeta un bref regard, avant de reporter son attention sur la route.
— Tu aurais préféré que je le fasse ?
— Tu aimerais sans doute que je te remercie, rétorqua-t-elle, menton levé.
— Abandonne, Natalya.
Latmosphère se modifia, soudain plus intime, et son pouls saccéléra.
Heureusement, Alexei sarrêta devant lhôtel avant quelle ait eu le temps de sinterroger
davantage. Un voiturier leur offrit de garer la voiture dans le parking souterrain. Alexei lui donna un
généreux pourboire, puis ils regagnèrent le lobby et lascenseur.
Tandis que la cabine montait vers létage de leur suite, Natalya se demandait combien de temps
elle allait pouvoir tenir aux côtés dAlexei.

* * *

Durant les jours qui suivirent le dîner chez Calista Delandros, Alexei organisa plusieurs
réunions avec ses deux frères et leurs assistants personnels.
Leur implication et surtout leur dévouement envers le patrimoine familial étonnèrent Natalya
autant que leur facilité à négocier des contrats compliqués tout en atteignant systématiquement leurs
objectifs. Ils étaient tenaces, obstinés et possédaient un sens inné des affaires.
Au terme dune journée particulièrement harassante, elle se glissa entre les draps, épuisée, mais
fut incapable de trouver le sommeil.
Lassée de contempler le plafond, elle senroula dans un châle et retourna dans le salon de la
suite. Sans bruit, elle écarta légèrement les tentures pour admirer les lumières de New York qui
scintillaient dans la nuit.
— Il est un peu tard pour profiter de la vue.
Natalya sursauta, surprise par la voix dAlexei. Il était dans la pénombre, assis dans un fauteuil.
— Cest plus efficace que de compter les moutons, rétorqua-t-elle.
— Tu narrives pas à dormir ? demanda-t-il en se levant. Quelque chose te tracasse ?
« Toi ! », eut-elle envie de crier. Sa présence devenait suffocante. Elle était forcée de laffronter
tous les jours, du soir au matin. Cétait à la fois épuisant et énervant. Dautant quelle ignorait toujours
pourquoi il avait insisté pour quelle laccompagne dans sa famille. En tant quassistante personnelle, il
était normal quelle assiste aux réunions, mais il navait pas besoin de linviter chez sa mère ni de la
présenter à ses frères et à sa belle-sœur.
Le pire était quelle ne pouvait même pas rentrer chez elle à la fin de la journée. Ils partageaient
une suite. Elle nétait à labri nulle part.
Le son de sa voix la tira de ses pensées. Il sétait rapproché delle.
— Va te coucher. Une journée chargée nous attend.
— Tu devrais peut-être suivre ton propre conseil.
Alexei resta un instant silencieux. Il ne pouvait avouer la vérité à Natalya, à savoir que cétait à
cause delle quil narrivait pas à dormir. Son image le hantait. Il ne rêvait dailleurs rien tant que de la
prendre dans ses bras pour lembrasser jusquà lui faire perdre la tête. Mais il ne pouvait sy résoudre.
Si elle avait été nimporte quelle autre femme, il laurait séduite avant de lui faire lamour, le cœur
bien à labri dans la poitrine. Mais il sagissait de Natalya. Ils avaient un passé commun qui lobsédait
tant quil en venait à remettre en question son désir de vengeance, ce qui navait aucun sens. Elle lavait
quitté, disparaissant de son existence sans la moindre explication. Il ny avait donc pas à hésiter.
Pourtant, quelque chose le troublait, comme si un détail lui avait échappé autrefois…
Sans pouvoir sen empêcher, il leva la main vers son visage pour lui caresser la joue. Natalya se
tendit.
— Arrête…
Elle avait le souffle court. Luttait-elle contre le désir quil lui inspirait ou contre elle-même ?
— Tu en es sûre ?

* * *

Natalya se mordit lintérieur de la joue. Elle ne pouvait pas, ne devait pas succomber au feu qui
brûlait dans ses veines et lui soufflait de laisser faire Alexei. Si elle ne le repoussait pas maintenant,
tous ses efforts pour loublier seraient réduits à néant.
Combien de nuits avait-elle passées le corps tremblant de désir en pensant à lui, pour se
réveiller ensuite les joues humides davoir pleuré, en colère contre lui mais surtout contre son
incapacité à tourner la page ? Le jeu nen valait pas la chandelle…
Sans lui adresser un regard, elle tourna les talons et regagna sa chambre.
Sans un mot, Alexei regarda partir Natalya. La vue de la ville était spectaculaire, mais sa beauté
lindifférait. Seuls comptaient le léger tremblement des lèvres de son ex quand elle lui avait demandé
darrêter et la rougeur de ses joues avant de senfuir.
Ces cinq dernières années, il sétait consacré corps et âme à son travail. Motivé par sa soif de
vengeance, il avait établi un plan parfait et il avait enfin atteint son objectif. Il avait gagné la partie.
Pourtant, loin de le satisfaire, la situation actuelle le perturbait. Il lui manquait quelque chose,
mais quoi ?

* * *

Le week-end arriva enfin. Natalya décida daller faire du shopping. New York regorgeait de
boutiques incroyables, et elle avait bien besoin de se changer les idées. Peut-être pourrait-elle
déguster une pâtisserie dans son café préféré ou sasseoir à Central Park pour observer les New-
Yorkais et simprégner de latmosphère si particulière de la ville.
Alexei neut pas lair ravi quand elle lui fit part de ses intentions, mais elle ne céda pas. Il lui
tardait de mettre de la distance entre eux.
— Veille à ce que je puisse te joindre en cas de besoin.
— Bien entendu, mais je te rappelle que cest mon jour de congé.
— Jai besoin de toi ce soir, annonça-t-il. Le groupe Delandros organise une soirée privée en
commémoration de lamour de mon père pour la Grèce. Ma mère a insisté pour que tu sois présente.
Natalya pesta intérieurement. Refuser une invitation de la part dAlexei nétait pas chose facile,
mais ce nétait pas non plus impossible. Par contre, si linvitation venait de sa mère…
— Je ne crois pas que ce soit…
— … approprié ? la coupa-t-il.
— En effet.
— Tu peux me dire pourquoi ? insista-t-il, visiblement amusé.
— Cest une soirée réservée à ta famille et à vos amis. Je ne suis que ton assistante personnelle.
— Dans ce cas, considère ça comme une invitation personnelle.
— Cela ne fait pas partie de notre accord, lui rappela-t-elle. Nos relations sont purement
professionnelles.
Il sourit.
— La frontière entre vie professionnelle et vie privée est de plus en plus floue.
— Je ne vois pas les choses de cette façon, rétorqua-t-elle avec sérieux.
Alexei préféra ne pas répondre. Il finirait bien par la faire changer davis. Il avait toujours été
très doué pour obtenir ce quil voulait, tant sur le plan professionnel que dans le privé. Cétait ainsi
quil en était venu à exceller dans lart de la séduction, ayant appris très tôt que lamour et le sexe
nétaient pas indissociables, loin de là. Il avait pris du plaisir et en avait donné, mais ce petit jeu
commençait à le fatiguer. Il voulait davantage…
— Ma mère sera déçue, dit-il dans lespoir de la culpabiliser.
Tous les moyens étaient bons pour arriver à ses fins.
Natalya soupira. Ainsi, Alexei avait décidé dutiliser la carte de la culpabilité…
— Cest bon, je viendrai.
— Je réserverai une limousine pour 19 heures, annonça-t-il avec un sourire satisfait.
— Je ne serai pas en retard, promit-elle.

* * *

Un sourire aux lèvres, Natalya emprunta lascenseur menant au lobby. Un employé offrit de lui
appeler une limousine ou un taxi, mais elle refusa. Elle avait envie de marcher, de flâner dans les
rues.
Elle fit les boutiques, achetant un cadeau pour sa mère et pour sa meilleure amie, ainsi quun
adorable petit nœud papillon pour chien destiné à Alfie, le fidèle compagnon de Ben. Elle sarrêta
ensuite dans un café pour déguster une part de tarte, avant de se rendre dans son magasin favori.
Laprès-midi touchait à sa fin quand elle regagna sa suite. Celle-ci était déserte, mais Alexei lui
avait laissé un mot.
Sans perdre une seconde, elle commença à se préparer, et réussit lexploit dêtre prête cinq
minutes avant Alexei.
Elle avait opté pour une jupe noire, une blouse assortie et une veste en soie rouge. Quant à
Alexei, il avait choisi un costume sombre taillé sur mesure qui mettait sa virilité en valeur. Il était à
la fois élégant et incroyablement sexy.
— Tu veux boire quelque chose avant que nous partions ?
Natalya secoua la tête. Elle devait garder les idées claires.

* * *

Dans la limousine qui les menait à destination, Natalya ferma un instant les yeux pour se calmer.
Dordinaire, elle était plutôt à laise en société, mais la situation était très différente : elle sapprêtait à
passer la soirée avec Alexei en présence de sa famille.
La voiture sarrêta devant un grand bâtiment. Le chauffeur leur ouvrit la portière.
— Souris, ordonna Alexei.
Ils rejoignirent Calista, Cristos, Xena et Dimitri, qui accueillaient tous les invités
personnellement. Un ticket numéroté leur fut remis.
Une fois tous les convives installés, la soirée débuta enfin. Entre les plats, les trois frères
Delandros se succédèrent pour raconter quelques anecdotes sur leur père, tandis que dautres invités
prononçaient des discours plus formels sur la région natale de lépoux de Calista.
Cétait un mélange assez étrange mais plutôt réussi, célébrant la mémoire dun homme qui avait
consacré sa vie à son travail et à sa famille.
Le dîner terminé, un orchestre se mit à jouer des airs légers, qui, expliqua Alexei, rappelaient
les après-midi dété sous le soleil étincelant de Santorin, lîle préférée de son père. Pour peu, Natalya
aurait pu sy croire.
— Je parie que vous ne vous attendiez pas à ça, dit Calista en lui adressant un grand sourire.
Natalya secoua la tête.
— Nous organisons une fête comme celle-ci chaque année, et largent recueilli va à ceux qui en
ont besoin. Les danses vont bientôt commencer, continua Calista, visiblement ravie. Les musiciens
vont jouer du bouzouki.
Elle sinterrompit un instant pour répondre à lun des invités, puis se tourna de nouveau vers
Natalya :
— Chaque invitation comporte un numéro permettant de remporter une croisière de dix jours
autour des îles grecques, ainsi quun séjour de trois jours dans la villa de Santorin.
Natalya sourit. Cétait une merveilleuse idée.
— Mon mari a travaillé dur pour permettre à nos trois fils davoir une solide éducation, reprit
Calista, et dapprécier les petits plaisirs de la vie sans oublier leurs racines.
— Il a fait du bon travail, et vous aussi, rétorqua Natalya, sincère.
— Je vous remercie.
La musique changea. Alexei invita sa mère à le suivre sur la piste. Ils furent rejoints par Cristos
et Xena. Dimitri vint se placer à côté de Natalya.
— À notre tour, annonça-t-il.
Elle hésita. Il sourit.
— Je ne mords pas, ajouta-t-il.
— Cest bon à savoir.
Dimitri était une version plus jeune dAlexei. Tout aussi grand et séduisant, il était également
aussi tenace et intelligent que son frère aîné. Il lui avait suffi de lobserver durant les négociations
pour sen rendre compte. Les frères Delandros étaient tous trois de redoutables hommes daffaires.
Elle suivit le cadet sur la piste de danse.
— Ça vous dérange si je vous serre dun peu plus près ? demanda-t-il.
Natalya étudia un instant son visage et comprit.
— Vous essayez dattirer lattention de quelquun ?
Il resta silencieux, et elle lui adressa un sourire complice.
— Je suis sûre que vous êtes très doué avec les femmes. Vous arrivez sans doute toujours à vos
fins mais, pour une raison inconnue, vous vous servez de moi pour attirer lattention de quelquun.
Puis-je savoir laquelle vous intéresse ? Serait-ce la jolie blonde qui vous dévore du regard ? Non, je
ne crois pas. Dans ce cas, est-ce la magnifique rousse qui semble en colère, celle qui porte une robe
couleur bronze et un pendentif en diamant qui souligne son décolleté ?
— Vous êtes perspicace, nota Dimitri en riant.
— Ça fait partie de mon travail.
— On dirait que vous avez du talent.
— Vous comptez me dire qui elle est ? demanda Natalya avec une grimace comique.
— Est-ce de la simple curiosité ou ça vous intéresse vraiment ?
— Ça mintéresse vraiment, répondit-elle sans hésiter.
— Cest une avocate, expliqua-t-il. Elle travaille dans la société de son père.
— A-t-elle un nom ?
— Si je vous le disais, je serais forcé de vous tuer après, répliqua-t-il en imitant un mafieux de
série télévisée.
Natalya éclata de rire.
— Cest bon, jai compris.
— Et si vous me parliez dAlexei ?
Surprise, elle fronça les sourcils. Pourquoi poser cette question ?
— Quy a-t-il entre vous exactement ? poursuivit Dimitri.
— Rien du tout.
— On dirait pourtant quil se passe quelque chose, insista-t-il avec un sourire.
— Je ne vois pas de quoi vous parlez.
La musique saccéléra, et Natalya y trouva un prétexte pour quitter son cavalier. Des éclats de
rire retentirent : certains couples tentaient de suivre le rythme sans y arriver, ce qui ne semblait gêner
personne.
Natalya sursauta quand Alexei apparut à ses côtés. Il lentraîna avec lui sans lui laisser loccasion
de refuser. Elle ne connaissait pas les pas…
— Ne tinquiète pas, je te guiderai, déclara-t-il, rassurant.
À croire une fois de plus quil lisait dans ses pensées…
Il tint parole. Après quelques minutes, Natalya réussit à maîtriser les pas. Elle ne put sempêcher
déclater de rire quand elle se trompa et quAlexei parvint à camoufler son erreur.
Sans plus réfléchir, elle se laissa emporter par la musique, par lambiance et par lhomme qui se
tenait à ses côtés. Lorsque le rythme de la mélodie ralentit et quil lattira à lui, elle dut faire appel à
toute sa volonté pour ne pas poser la tête sur son épaule et oublier le reste du monde.
Cétait impossible. Elle ne pouvait se le permettre. Ils avaient partagé trop de bons moments. Il
lui suffisait dailleurs de fermer les yeux pour se retrouver cinq ans plus tôt, à lépoque où ils étaient
heureux.
Alexei ressentait-il la même chose ? Lui arrivait-il déprouver de la nostalgie pour les instants
quils avaient partagés ? Non, cétait peu probable…
Pour autant, elle sautorisa une autre danse, une danse entre ses bras au son des bouzoukis et de
leur plainte lancinante qui lui serrait le cœur tant elle reflétait à la perfection ses sentiments.
Lorsque la chanson se termina, elle sécarta. Alexei la reconduisit jusquà leur table.
Des serveurs apparurent pour proposer du café. Calista organisait le tirage au sort. Elle annonça
le numéro du vainqueur, et une salve dapplaudissements retentit. La soirée touchait à sa fin.
De nouveau, les Delandros prirent le temps de saluer leurs invités et de leur adresser quelques
mots. Natalya profita de loccasion pour remercier Calista et saluer Xena, Cristos et Dimitri. Puis vint
le moment de remonter en voiture. Avec Alexei…

* * *

— Tu tes bien amusée ?


Natalya sourit.
— Oui. La salle était magnifique, et jai adoré la musique. Cétait vraiment merveilleux de voir
tous les amis de tes parents se rassembler pour célébrer la mémoire de ton père, raconter des
anecdotes et des souvenirs.
Alexei sentit une flèche de désir se ficher dans ses reins. Il navait plus quune envie : attirer
Natalya à lui pour prendre ses lèvres en un baiser enfiévré. Il avait besoin delle, besoin de son corps
contre le sien, besoin de senfoncer en elle pour assouvir cette faim qui ne le quittait plus depuis des
jours. Il se languissait de ses gémissements et de ses cris de plaisir. Aucune autre femme ne lui avait
jamais fait un tel effet.
Hélas, elle était incapable de lui offrir lamour, ce miracle de la nature, ce cadeau échangé entre
deux êtres liés jusquà la mort.
Il lavait longuement cherché, en vain. Les femmes quil rencontrait étaient plus intéressées par
son compte en banque que par son cœur. Il voulait davantage : une véritable relation, un échange
entre partenaires — voire entre époux.
La limousine ralentit pour sarrêter devant lhôtel. Il était tard, mais de nombreux clients
regagnaient leur chambre après une soirée au théâtre ou dans un bar. New York était à la hauteur de sa
réputation : la ville ne dormait jamais.
Dans le salon, Natalya ôta ses chaussures et sa veste, puis lui souhaita bonne nuit. Il la regarda
entrer dans sa chambre sans chercher à la retenir, se maudissant de ne pas avoir saisi sa chance.
Serrant les poings, il tenta dignorer les images qui simposaient à son esprit. Celles de Natalya,
nue, allongée sur les draps blancs, le corps brûlant au moment où il jouissait en elle. Nom dun chien !
Comment faisait-elle pour avoir un tel effet sur lui ? Cétait incompréhensible !
Il avait toujours eu du succès auprès de la gent féminine, et avait vécu de nombreuses liaisons.
Pourtant, aucune navait duré. Elles sétaient achevées après quelques semaines ou quelques mois.
Ses partenaires, choisies avec soin, savaient exactement à quoi sattendre. Il ne mentait pas, les
prévenait que leur liaison ne durerait pas. Cétait ainsi quil fonctionnait jusquici, et ils se séparaient
généralement en bons termes.
Natalya était la seule exception. Le souvenir des instants quils avaient partagés ne lavait jamais
quitté. Il resurgissait quand il sy attendait le moins, malgré tous ses efforts pour tourner la page. Elle
faisait partie de lui, avait élu domicile dans un coin de son cœur, et il navait pu len déloger. Ce nétait
pourtant pas faute davoir essayé…
Son sang-froid, sa détermination — ces qualités qui avaient fait de lui lhomme quil était devenu
— fondaient comme neige au soleil face au désir quelle éveillait en lui.
Malgré lui, son regard se posa sur la porte de sa chambre, et il savança. Elle était si proche…
Il lui suffirait dentrer et de lembrasser pour la convaincre. Elle ne le repousserait sans doute
pas. Après tout, elle avait tremblé quand il avait frôlé sa joue, la veille.
Pourtant, il ne put sy résoudre. Quelque chose len empêchait. Il y avait le risque quelle se refuse
à lui, même si cétait peu probable. Mais, surtout, il risquait de perdre son avantage.
Durant cinq ans, il avait travaillé comme un fou afin de réaliser ses objectifs et davoir enfin la
chance de se venger. Il avait réussi. Le moment était venu de célébrer sa victoire et non de commettre
la même erreur quautrefois. Il était hors de question de laisser Natalya gagner une seconde fois. La
défaite nétait pas envisageable…
13.

Alexei, Cristos et Dimitri se retrouvèrent souvent pendant les jours qui suivirent, mais toujours
pour parler affaires. Ils envisageaient de racheter Algamated, une société qui était deux doigts de la
faillite.
Natalya assista à toutes les réunions, prenant des notes pendant que les trois frères discutaient
stratégies en analysant les informations récoltées sur lentreprise en question.
— Algamated va accepter, affirma Dimitri lorsque Natalya leur servit le café. Ils nont pas le
choix.
— United pourrait leur faire une offre, intervint-elle, bien quaucun nait demandé son avis.
— Intéressant, commenta Cristos. Quest-ce qui vous fait dire ça ?
— Ils ont lhabitude de laisser leurs concurrents négocier, puis de faire une proposition juste
avant la signature de laccord.
Alexei plissa les yeux et se renfonça dans son siège.
— Ils ne font pas le poids face à nous, affirma-t-il.
— Vous semblez bien les connaître, Natalya, dit Dimitri en se penchant en avant.
Elle hocha la tête.
— Ils savent ce quils font, déclara-t-elle.
— Nous aussi, lança Cristos avec un regard éloquent à Alexei.
— Dans ce cas, nous devrions mettre au point un plan de secours et garder les négociations
secrètes, proposa ce dernier.
Natalya approuva dun hochement de tête. Deux ans plus tôt, United avait fait capoter un accord
longuement négocié par son père, ce qui lavait rendu fou de rage. Il avait eu limpression de sêtre fait
ridiculiser.
— On est daccord, conclut Dimitri. Et le titre dassistante personnelle est bien trop réducteur
pour Natalya. Je suis certaine que vos observations ont permis à Roman Montgomery déviter de
commettre des erreurs durant les négociations.
Natalya sourit. Cela aurait pu être le cas si son père avait accepté de lécouter, mais il la
considérait comme une incapable.
— Encore du café ? proposa-t-elle.
Tous trois refusèrent, et Natalya nota quAlexei lobservait avec attention. Refusant de se laisser
intimider, elle lui rendit son regard et posa le plateau sur la table.
La réunion se poursuivit. Dimitri était champion pour détendre latmosphère par ses remarques
spirituelles. Elle se surprit même à sourire quand il décrivit lun des hommes daffaires les plus en vue
de New York, puis adopta le ton pompeux de celui-ci pour sadresser à elle. Du coup, elle réussit à ne
pas trop penser à Alexei.

* * *

Lorsque la réunion avec ses frères sacheva, en fin daprès-midi, Alexei raccompagna Cristos.
— Natalya est une excellente assistante personnelle, déclara ce dernier.
— Je partage ton avis.
— Elle est également la fille de Roman Montgomery et la jeune femme qui ta accompagné lors
de ton séjour à Sydney.
— Je ne vois vraiment pas pourquoi tu men parles, dautant que ça ne te regarde pas.
Mais Cristos ne se laissa pas démonter pour autant.
— Tu ne mas pas dit pourquoi tu étais rentré à New York après ton voyage en Australie.
— Javais envie de voir ma famille, rétorqua Alexei dun ton neutre. Je croyais que cétait évident.
— Il y a plus que ça, affirma son frère. Jai remarqué que tu navais pas apprécié que Dimitri
flirte avec elle…
— Natalya est mon assistante personnelle.
— Dimitri aime flirter, tu le sais aussi bien que moi. Il nira pas plus loin. Pourtant, son
comportement ta énervé.
— Il navait pas sa place au milieu dune réunion professionnelle.
— Dimitri essayait de te provoquer, affirma Cristos dun air amusé. Et on dirait quil a réussi !
— Laisse tomber, ordonna sèchement Alexei.
Son frère leva les mains comme pour lapaiser et lui adressa un sourire avant de prendre
lascenseur.

* * *

Pour Natalya, le reste de la journée se passa selon une routine bien établie. Elle tapa son
rapport, lenvoya à Alexei ainsi quà ses deux frères et prit les réservations pour le déjeuner du
lendemain. Elle termina ensuite plusieurs dossiers en cours. Elle était sur le point de ranger ses
affaires lorsque le téléphone sonna. Les actionnaires dAlgamated étaient prêts à négocier.
Natalya retint un soupir. Elle était épuisée et ne rêvait que de prendre une bonne douche avant
de sinstaller devant la télé. Ce nétait visiblement pas au programme…
La réunion débuta une heure plus tard. Sans surprise, les frères Delandros atteignirent leur
objectif sans avoir à faire le moindre compromis. Les papiers furent signés. Il ne restait plus quà
remplir les formalités légales et la société leur appartiendrait.
— Félicitations, dit-elle quand Alexei eut refermé la porte de leur suite.
Elle allait enfin pouvoir se reposer. Quelques heures ne lui suffiraient sans doute pas, mais elle
navait pas le choix. Elle allait devoir se lever à laube pour taper un nouveau rapport. Décidément, ce
nétait pas pour rien quAlexei lui versait un salaire mirobolant…
Alexei observa le visage de son assistante. Elle avait des cernes sous les yeux et semblait
épuisée. Une bouffée de pitié et de culpabilité lenvahit. Elle lavait accompagnée sans se plaindre,
prenant des notes et participant aux réunions malgré sa fatigue évidente.
Sans un mot, il ôta sa veste et défit sa cravate. Il combla ensuite la distance qui les séparait et
commença à lui masser les épaules.
Paralysée par le choc, Natalya ne songea même pas à se réfugier dans sa chambre. Leût-elle
voulu, elle en aurait dailleurs été incapable. Les mains expertes dAlexei dénouaient les tensions,
apaisaient sa fatigue. Cétait tout simplement merveilleux.
Un soupir lui échappa quand il défit son chignon et passa les doigts dans ses cheveux. Il pressa
les lèvres sur son front, lui effleura ses tempes avant de descendre jusquà sa bouche pour lembrasser.
Natalya lui rendit son baiser, et le reste du monde sembla disparaître. Il ny avait plus quAlexei
et la douce chaleur qui se répandait dans son corps.
Pourtant, une idée simposa soudain à son esprit. Elle se tendit. Cétait exactement ce qui sétait
passé la dernière fois. Ils avaient couché ensemble sans songer au lendemain, puis elle était tombée
enceinte avant de faire une fausse couche.
Lobstétricienne lui avait assuré quelle pourrait avoir dautres enfants, mais il y avait des étapes à
suivre, des précautions à prendre pour que la grossesse arrive à son terme.
Elle sécarta doucement, en dépit de la petite voix dans sa tête qui lui criait doublier toute
prudence.
— Je ne couche pas avec nimporte qui, déclara-t-elle dune voix posée.
Cétait la vérité. Dautant quelle ne prenait pas la pilule. Que se passerait-il si Alexei navait pas
de préservatif ou si elle tombait enceinte malgré tout ? Cétait un risque quelle se refusait de prendre.
— Je te veux dans ma vie, dit-il doucement.
Surprise, elle plongea son regard dans le sien. Que voulait-il dire exactement ?
— Est-ce trop demander de retrouver ce que nous avons partagé autrefois ? ajouta-t-il en traçant
le contour de ses lèvres avec son pouce.
Son cœur se mit à battre la chamade. Il voulait quils aient une liaison ? Impossible…
— Je refuse de devenir ta maîtresse, murmura-t-elle, malgré le désir quil lui inspirait.
Une part delle-même était prête à tout pour quil lembrasse à nouveau, y compris à accepter
nimporte quoi sans se soucier des conséquences. Elle avait besoin de sentir les mains dAlexei sur
son corps, sa bouche sur la sienne quand le plaisir les emporterait tous les deux.
Cétait tellement tentant quelle faillit se jeter dans ses bras, mais par bonheur quelque chose la
retint. Alexei lavait déjà fait souffrir une fois. Il était hors de question de le laisser recommencer.
Furieuse contre elle-même, Natalya sécarta, récupéra sa veste ainsi que la clé de leur chambre
et senfuit. Il fallait impérativement mettre de la distance entre eux, sans quoi elle risquait de
commettre une erreur. Une de plus…
Pressée, elle dépassa lascenseur pour prendre les escaliers jusquà létage inférieur. Là, elle se
glissa dans la cabine juste avant que les portes se referment et gagna le rez-de-chaussée en quelques
minutes.

* * *
Il faisait frais dehors. Natalya remonta le col de sa veste avant de se mettre en route. Il nétait
sans doute pas judicieux de se promener dans la rue à une heure pareille, mais elle sen moquait. Elle
était bien trop bouleversée pour sarrêter à ce genre de détail. Elle avait besoin de marcher. Avec un
peu de chance, sa colère finirait par se calmer et elle pourrait analyser la situation pour prendre une
décision.
Hélas, loin de sapaiser, sa colère enfla à mesure quelle prenait conscience de sa stupidité.
Personne ne savait où elle était. Elle navait ni argent ni portable. Et sil lui arrivait quelque chose ?
Les larmes aux yeux, elle sapprêtait à faire demi-tour lorsquelle aperçut Alexei qui marchait
vers elle.
— Tu mas suivie ?
— Je suis resté quelques mètres derrière toi.
— Cest…
Sans lui laisser le temps de continuer, Alexei prit ses lèvres en un baiser passionné qui lui
coupa le souffle. Il la souleva et la pressa contre lui. La force de son désir lui arracha un
gémissement, et sa langue entama une danse sensuelle avec la sienne.
Incapable de réfléchir davantage, Natalya glissa les doigts dans ses cheveux pour le garder
contre elle. Elle sursauta quand un bruit de klaxon retentit.
— Prenez une chambre, cria un conducteur, avant déclater de rire.
La réalité reprit soudain ses droits, et Natalya tenta de repousser Alexei. En vain.
— Il faut quon parle, annonça-t-il en dardant sur elle un regard intense, les pupilles assombries
par le désir et par la colère.
Puis il la relâcha, tout en gardant sa main prisonnière de la sienne.
— Rentrons, ordonna-t-il
Il la traîna derrière lui, insensible à la douleur alors quelle le martelait de coups de poing. Il
navait pas le droit de la traiter ainsi ! Cétait inacceptable.
— Alexei, ralentis !
Elle avisa que les passants les observaient avec intérêt et se calma. La perspective de causer
une scène en public lui était insupportable.
— Sil te plaît, ajouta-t-elle dans un souffle.
— Tu as fini ? senquit-il, dune voix dangereusement calme qui la fit frissonner.
Alexei était furieux, tellement furieux quil navait probablement pas lintention de lécouter. Il
valait sans doute mieux ne pas lénerver davantage en continuant à le défier. Ils régleraient leurs
comptes à lhôtel.
Elle hocha la tête et Alexei ralentit enfin, avant de la relâcher.
Sans un mot, ils regagnèrent le palace. Ils néchangèrent même pas un regard dans lascenseur.

* * *

Refusant de se laisser intimider, Natalya garda la tête haute en suivant Alexei jusquà leur suite.
Elle attendit quil ait refermé la porte pour exploser :
— Je nen peux plus ! lança-t-elle dune voix forte. Je déposerai ma lettre de démission sur ton
bureau dès demain matin.
Cette situation ne pouvait plus durer. Alexei avait le pouvoir de détruire sa famille, mais elle
était tellement en colère quelle narrivait plus à réfléchir. La perspective de travailler à ses côtés et
davoir à laffronter tous les jours était insoutenable. Il lavait manipulée, lavait forcée à retomber dans
ses bras. Cétait impardonnable !
— Je ne te savais pas si lâche, commenta-t-il.
— Lâche ? semporta-t-elle. Cest toi qui mas embrassée !
— Tu aurais pu men empêcher, rétorqua-t-il sans se troubler. Tu ne las pas fait.
— Je ne suis plus la femme que tu as connue il y a cinq ans.
— Vraiment ?
— Tu y as veillé.
À ces mots, son regard sassombrit.
— Tu pourrais peut-être mexpliquer ?
Natalya secoua la tête.
— Cette conversation ne nous mènera nulle part.
— Je suis certain du contraire.
Le souffle de Natalya se bloqua dans sa poitrine. Elle avait limpression dêtre au bord dun
précipice, tiraillée entre lenvie de sauter et celle de sécarter pour se mettre en sécurité.
Une part delle-même brûlait de sen prendre à Alexei, de laisser sa colère exploser. Il
comprendrait peut-être enfin ce quelle avait ressenti quand il lavait abandonnée.
Lautre, plus raisonnable, craignait la réaction de son ex. Elle sétait reconstruite malgré la peine
et la douleur. Si elle navait pas réussi à loublier, elle avait appris à vivre avec sa souffrance.
Il était impossible de prédire comment Alexei allait réagir en lécoutant. Il nallait sûrement pas
lui présenter des excuses pour lavoir quittée. Il nétait pas du genre à reconnaître ses erreurs…
En revanche, il avait le pouvoir de la blesser bien plus profondément que cinq ans plus tôt. Et
sil lui avouait quil était parti parce quelle ne représentait plus rien pour lui ? Quelle nétait quune
passade, une liaison sans importance ?
Il était évident quil ne lavait jamais aimée, mais Natalya nétait pas prête à lentendre dire que les
instants quils avaient partagés ne signifiaient rien pour lui. Cétait au-dessus de ses forces.
— Tu es parti sans rien dire, murmura-t-elle pourtant, incapable de se retenir.
Le moment était venu de laffronter, et avec lui les démons du passé…
— Jai essayé de tappeler, mais mes appels nont jamais abouti. Je tai cherché partout. Jai
contacté les hôpitaux, tes collègues, mais personne na pu me dire où tu étais. Je tai envoyé des
dizaines de textos et de-mails, poursuivit-elle les poings serrés, alors que la colère prenait le pas sur
la tristesse. Je voulais des réponses. Je méritais une explication ! Je ne savais même pas si tu étais
encore en vie.
Sa voix se brisa tandis quelle se rappelait son désespoir et sa douleur. Malgré le temps, la
souffrance était encore bien présente.
— Tu nimagines pas ce que cest que de se réveiller chaque matin en espérant un appel ou un
message qui ne vient jamais, reprit-elle, les larmes aux yeux. Jai cru mourir de chagrin. Jen venais
presque à espérer ne jamais tavoir rencontré. Tu ne peux pas comprendre…
— Tu te trompes.
— Le pire cest que jignorais pourquoi tu étais parti, continua-t-elle comme sil navait rien dit.
Jai passé des jours à me torturer, à me demander ce que javais fait ou dit pour que tu mabandonnes de
cette façon. Et puis jai commencé à croire quil tétait arrivé quelque chose. Cétait la seule explication
possible. Sinon tu maurais contactée.
Alexei sapprocha et lui posa les mains sur les épaules.
— Attends une minute…
— Pourquoi ? demanda-t-elle avec hargne.
Il resta silencieux. Natalya ferma les yeux pour se reprendre. Alexei en profita pour lui prendre
le menton et la forcer à relever la tête. Elle était sur le point de lui ordonner de la relâcher quand il
prit ses lèvres.
— Je nai rien reçu, affirma-t-il en sécartant delle. Jamais.
Natalya se dégagea de létreinte dAlexei, incrédule.
— Tu espères que je vais te croire ?
— Jai laissé des messages sur ton répondeur, annonça-t-il au lieu de lui répondre. Je tai même
envoyé des textos. Tu nétais pas au courant ?
— Non, répondit-elle en secouant la tête.
Ce nétait pas possible. Alexei mentait, cétait la seule explication — même si elle était insensée.
Personne dautre navait accès à son téléphone ou à son ordinateur portable. Sans parler du courrier : il
navait pas pu être intercepté. À moins que…
Elle se figea au moment où un souvenir simposait à son esprit. Elle avait perdu son portable, et
son père avait alors proposé de le remplacer. Il avait également insisté pour en faire autant avec leurs
téléphones professionnels et avait changé de fournisseur. Son adresse mail avait également été
modifiée, pour une raison qui lui avait semblé parfaitement normale à lépoque. Mais à présent…
Cétait également à cette période que son père lui avait trouvé un autre appartement, plus
spacieux que lancien.
Seigneur…
Les sourcils froncés, Natalya sefforça de se rappeler chaque détail. Elle faillit se trouver mal :
la vérité lui apparaissait enfin.
— Comment a-t-il pu faire une chose pareille ? murmura-t-elle, dévastée.
Cétait un enfer, un cauchemar. Son père lui avait menti, lavait manipulée…
— Roman voulait que tu épouses un bon parti, et je nétais pas assez bien pour lui, déclara
Alexei.
— Dis-moi ce quil a fait, le supplia-t-elle. Je veux savoir.

* * *

Alexei hésita un instant. Finalement, il acquiesça. Natalya avait le droit de connaître la vérité,
même si elle risquait de le regretter. Alors, il mit de côté sa propre colère et son besoin dobtenir une
explication.
— Roman a exigé que je mette un terme à notre liaison. Il ma offert un chèque pour que je
disparaisse, mais je lai déchiré.
Natalya cilla. Comment son père avait-il osé aller jusque-là ? Ses actes étaient à la fois
incompréhensibles et impardonnables. Et le pire était que ses mensonges leur avaient coûté des
années ! Ils seraient peut-être toujours ensemble sil nétait pas intervenu.
Une nausée la saisit quand elle songea à son bébé. Aurait-il survécu si elle navait pas été aussi
malheureuse et désespérée ?
Natalya ferma les yeux, puis inspira profondément pour se calmer. Elle croisa le regard dAlexei
qui la fixait en silence, et elle réussit à se reprendre.
— Il ta renvoyé.
Ce nétait pas une question.
— Je suppose quil a aussi menacé de salir ta réputation, reprit-elle, et de se servir de ses
relations pour que tu ne trouves plus jamais un emploi dans une société délectronique.
Alexei ne prit pas la peine de répondre. Cétait inutile. Elle avait raison, elle le savait.
La rage la submergea. Alexei lattira à lui. Il posa les lèvres sur sa nuque, et elle poussa un
soupir. Il y avait quelque chose de magique dans sa façon de tracer une traînée de baisers brûlants sur
sa peau.
Une flamme de désir salluma dans son corps, et toutes ses hésitations disparurent. Elle avait
besoin de lui, besoin quil la touche et lui fasse oublier le reste du monde.
Comme sil lisait ses pensées, il la souleva et lemmena dans la chambre.
Avisant que Natalya pleurait, Alexei posa un baiser sur son front dans lespoir de la consoler.
Les yeux rivés aux siens, il la déshabilla lentement. Du pouce, il taquina la pointe de lun de ses seins
et mordilla doucement son jumeau. Cette caresse lui arracha des gémissements.
Natalya narrivait plus à réfléchir. Son sang semblait sêtre changé en lave incandescente. Elle
était sur le point de prendre feu. Alexei lui ôta son pantalon, caressa ses cuisses, puis effleura son
clitoris jusquà ce quelle se plaque contre lui en une prière muette. Elle avait tellement envie de lui !
Pressée de sentir sa peau contre la sienne, elle le débarrassa de ses vêtements. Elle apprécia la
fermeté de ses muscles et de son sexe dressé. Elle avait besoin de le sentir en elle, sur-le-champ !
Comme sil devinait son impatience, Alexei glissa un doigt en elle. De la paume, il lui massait le
clitoris. Il lamena ainsi lentement vers lorgasme. Natalya saccrochait à lui en haletant. Ce nétait pas
assez. Elle en voulait davantage…
Alexei la bascula sur le lit, et elle en profita pour lembrasser à son tour, explorer son corps.
Elle voulait lui donner du plaisir, lui faire connaître les sensations quil éveillait en elle.
Elle lui caressa le torse et déposa une myriade de baisers sur sa peau chaude, jusquà atteindre
son membre gonflé par le désir. Lentement, elle le caressa, en appréciant la longueur et la douceur.
Elle le goûta, et ne put retenir un sourire satisfait quand Alexei grogna. Il suffisait à son amant de
leffleurer pour lui faire perdre la tête, mais elle aussi avait du pouvoir sur lui.
Un petit cri lui échappa quand il lui saisit les poignets et la força à se coucher sur le dos. Sans
se presser, il lembrassa, descendit vers ses seins, quil prit dans sa bouche, avant de continuer son
chemin vers son entrejambe. Natalya se cambra aussitôt en gémissant. Un incendie sétait déclaré en
elle, menaçant de lembraser tout entière.
Dun mouvement souple, il se releva et la pénétra, lui arrachant un cri. Il attendit pour lui laisser
le temps de shabituer à lui.
Ivre de désir, elle noua les jambes autour de sa taille. Alexei sintroduit plus profondément en
elle, puis entama un mouvement de va-et-vient qui lui arracha des soupirs de bonheur. Enfin !
Une vague de plaisir monta en elle à mesure quil accélérait le rythme, et quelque chose se brisa
soudain en elle. Hurlant son prénom, elle laissa la jouissance lemporter. Son amant la rejoignit
aussitôt au septième ciel.
— Incroyable, murmura Natalya, le souffle court.
Elle ne sétait jamais sentie aussi bien. Cétait presque comme si, lespace dun instant, ils navaient
plus fait quun. Leurs corps, leurs cœurs et même leurs âmes sétaient unis.
Alexei sourit et lembrassa avec une douceur qui lui mit les larmes aux yeux.
Comment faisait-il pour avoir un tel effet sur elle ? Il lui suffisait de la toucher pour que le reste
du monde disparaisse. Elle oubliait tout quand elle était dans ses bras. Il ny avait plus que lui et les
délicieuses sensations quil était le seul à pouvoir éveiller en elle.
Son cœur rata un battement quand elle réalisa soudain quils ne sétaient pas protégés. Quavait-
elle fait — ou plutôt quavaient-ils fait ? Elle nétait pas la seule responsable. Alexei navait pas non
plus pris ses précautions. Il sétait laissé aveugler par la passion.
Comme sil avait deviné son changement dhumeur, Alexei plongea planta le regard dans le sien.
À croire quil tentait de lire dans son esprit. Elle le repoussa, mais il len empêcha. Ses yeux
sassombrirent dangereusement quand ses seins le frôlèrent.
Sans un mot, il la souleva dans ses bras et lemmena dans la salle de bains. Il la fit entrer dans la
douche et entreprit de la laver avec des gestes lents et précis qui la rendirent folle. Elle aurait voulu
lui rendre la pareille et lui donner autant de plaisir.
— Sois patiente, murmura-t-il avec un sourire sensuel. Ce sera bientôt ton tour.
Après lavoir fait jouir à nouveau, il tint parole et la laissa soccuper de lui.

* * *

Natalya était alanguie et lascive quand Alexei la déposa sur le lit. Il sallongea à ses côtés.
— Il faut que je te dise quelque chose, commença-t-elle dune voix tremblante, avant de
sinterrompre.
Cétait si difficile. Son père navait pas hésité un seul instant à lui mentir parce quil ne supportait
pas de la voir épouser un homme quil désapprouvait. Il avait été prêt à tout pour garder le contrôle de
son entreprise et sur la vie de sa fille.
Comment avait-il pu faire une chose pareille ? Perdre Alexei lui avait brisé le cœur. Elle avait
passé des jours à pleurer et à sinterroger sur les raisons de son départ. Si elle avait fini par tourner la
page, sa douleur ne lavait jamais quittée. Elle sétait certes atténuée avec le temps, mais elle navait
pas disparu pour autant.
— Jétais enceinte, réussit-elle à articuler avec difficulté.
Alexei lui prit le visage entre les mains, et elle fut tentée de détourner le regard. Cétait si
difficile et si douloureux de parler de lenfant quelle avait perdu.
— Pourquoi tu ne mas rien dit ? demanda Alexei dune voix blanche.
À ces mots, elle grimaça et eut limpression que le sang se retirait de son visage. Avisant sans
doute sa réaction, Alexei jura doucement.
— Je suis allée à ton appartement après mon travail.
Sa gorge se serra, mais elle se força à poursuivre. Il méritait la vérité.
— Tu nétais pas là. Je tai appelé, mais tu nas pas décroché.
Alexei se figea, le regard noir.
— Quand mas-tu appelé ? la pressa-t-il. À quelle heure ?
— Est-ce si important ?
— Oui, répondit-il en serrant les poings. Sil te plaît, essaye de réfléchir.
— Il devait être aux alentours de 18 h 30.
Autrement dit, une dizaine de minutes après que la police fut venue larrêter sur les ordres de
Roman Montgomery, calcula Alexei. Ils avaient également confisqué son portable.
— Nom dun chien…, murmura-t-il en réalisant ce quelle avait traversé.
Il aurait dû être à ses côtés, mais son père len avait empêché. Comment avait-il pu faire souffrir
ainsi sa propre fille ?
Une vague de colère monta en lui, et il eut soudain limpression de se retrouver cinq ans en
arrière, lorsque Roman Montgomery lavait humilié. À lépoque, il sétait promis de lui faire payer cet
affront un jour. Il avait dailleurs passé ces dernières années à mettre son plan au point, mais les
révélations de Natalya venaient de tout changer. Elle nétait pas complice de son père. Non, elle était
une victime, exactement comme lui.
Dans lespoir de lapaiser, il lui effleura le front de ses lèvres avant de lembrasser avec douceur.
— Il va le regretter, annonça-t-elle soudain.
— Natalya…
— Tu ne comprends pas ! le coupa-t-elle.
Au contraire, il ne comprenait que trop bien puisque cétait son désir de vengeance qui lui avait
permis de devenir celui quil était aujourdhui. Il avait eu besoin de prouver à lhomme qui lavait
ridiculisé quil était capable de réussir. Il avait été prêt à tout pour atteindre ses objectifs, y compris à
se servir de Natalya comme dune arme.
La culpabilité lui serra le cœur tandis quil réalisait combien son comportement avait dû la faire
souffrir. Et tout ça parce que son père leur avait menti à tous les deux…
Il jura entre ses dents serrées. Roman Montgomery était un vrai salaud, qui faisait passer ses
besoins avant ceux de sa famille. Il trompait sa femme depuis des années et avait brisé le cœur de sa
fille sans lombre dun remords. Lespace dun instant, il neut plus quune envie : flanquer un bon coup de
poing dans le mur, histoire de se calmer.
Comme si elle avait perçu son trouble, Natalya lui caressa doucement la joue.
— Natalya…
— Rien de ce que tu diras ne pourra mempêcher dexiger des explications de sa part, affirma-t-
elle dun ton belliqueux.
Il attendit un instant avant de répondre :
— Réfléchis un instant à ce que ça implique.
— Il ne mérite pas ma mansuétude. Pas après ce quil ma fait ; pas après ce quil nous a fait,
conclut-elle sombrement.
14.

Natalya inspira profondément pour se calmer. Elle ne devait surtout pas semporter. Non, elle
allait présenter les faits à son père, froidement, et écouter ses explications. Elle navait pas lintention
de causer une scène en public. Il nen valait pas la peine.
Comme elle sy attendait, son père avait changé le lieu du rendez-vous. Elle avait opté pour un
petit établissement sans prétention où ils pourraient discuter tranquillement, mais il avait insisté pour
réserver dans un restaurant gastronomique réputé.
Il était déjà installé quand elle entra, exactement comme elle lavait prévu. Cétait sans doute
ridicule, mais elle avait voulu le faire attendre pour se prouver que, cette fois, les rôles étaient
inversés — elle en position de force. Il ne se doutait pas de ce qui lattendait…
Elle sapprocha et laperçut en grande conversation avec la serveuse. Il souriait, se montrait
charmant tout en veillant à ne pas dépasser la limite. Natalya nétait pas dupe, surtout à présent quelle
connaissait la vérité. Cétait sans doute sa façon de lancer une invitation discrète, qui serait ou non
acceptée un peu plus tard…
Natalya posa une main sur lépaule de son père. Il la prit pour la porter à ses lèvres.
— Ma chérie, dit-il avec un sourire, tout en surveillant la serveuse du coin de lœil.
De toute évidence, il essayait toujours de limpressionner.
— Mieux vaut tard que jamais, conclut-il dun ton condescendant.
Natalya retint une grimace. Lui arrivait-il dêtre sincère, authentique ? Et dire quelle sétait
toujours amusée de le voir charmer son entourage…
— Que votre sommelier sélectionne son meilleur champagne, ordonna-t-il à la serveuse. Nous
avons quelque chose à fêter.
Natalya retint un sourire cynique. La bonne humeur de son père nallait pas durer… Elle sinstalla
en face de lui.
— Tu étais dans les embouteillages ? lui demanda-t-il.
— Jai eu du mal à trouver une place.
La serveuse apporta le champagne. Roman le goûta et acquiesça.
— Juste une coupe pour moi, dit-elle. Je travaille cet après-midi.
Ils choisirent chacun une entrée, mais Natalya refusa de prendre un plat ; elle commanda un
sorbet au citron pour le dessert.
Roman lui posa de nombreuses questions, auxquelles Natalya répondit. Elle attendit que le café
soit servi pour aborder le sujet qui lui tenait à cœur.
Elle se força à rester calme, mais ne put retenir un sourire en voyant son père se raidir puis pâlir
quand elle lui annonça quelle était au courant de tout ce quil avait fait pour la séparer dAlexei.
Au moment où son père ouvrait la bouche pour lui répondre, elle leva la main, autoritaire.
— Non. Nessaye pas de justifier tes actes. Ce que tu as fait est impardonnable. Tu mas menti et
tu mas manipulée pour obtenir ce que tu voulais.
— Je voulais ce quil y avait de mieux pour toi, avança-t-il.
Une vague de colère monta en elle, et Natalya lutta pour ne pas perdre le contrôle de ses
émotions.
— Sans me demander mon avis ?
— Delandros navait rien à toffrir, dit Roman dun ton sec. Il naurait jamais pu te donner la vie
que tu méritais.
À ces mots, Natalya faillit sétrangler. Et oublier ses bonnes résolutions. Heureusement, elle
réussit à se contenir.
Sans un mot, elle se leva et paya laddition. Toujours sans adresser un regard à son père, elle
sortit et marcha jusquà sa voiture. Elle se glissa derrière le volant, puis prit un instant pour se calmer.
Alexei était en visite à lusine de lentreprise. Il lui avait donc donné sa journée. Or elle navait
aucune envie de passer le reste de laprès-midi à songer à son père et à ce quil avait fait.
Une idée lui traversa lesprit, et elle appela sa meilleure amie. Quelques minutes plus tard, elle
quittait le parking pour gagner un quartier huppé.

* * *

— Merci de mavoir trouvé une place dans ton planning, dit Natalya en sinstallant sur la table de
massage.
Un bon massage et un soin, cétait exactement ce dont elle avait besoin pour oublier le déjeuner
avec son père. Elle poussa un soupir de bien-être lorsque Anja se mit au travail. Puis elle commença
à se détendre.
— Tu comptes me dire ce qui se passe ? demanda son amie. Ces derniers jours, de nombreuses
clientes mont demandé si les rumeurs entre toi et Alexei étaient fondées.
— Je sais bien que tu ne leur as rien dit.
— Tu me connais.
Anja ne la trahirait jamais. Elles se connaissaient depuis des années, Natalya lui faisait
entièrement confiance.
Pourtant, elle hésitait à lui parler dAlexei. Le sexe était incroyable, mieux que ça même, mais ils
navaient toujours pas abordé la question de leur futur. À supposer quils en aient un, bien sûr…
Il ny avait aucun doute dans son esprit : elle voulait davantage. Le problème était de savoir si
Alexei souhaitait reprendre leur relation ou sil la voulait uniquement dans son lit.
La voix dAnja la tira de ses pensées :
— Natalya ? Natalya, tu mécoutes ?
— Cest compliqué…
— Si vous avez des problèmes, vous navez quà les résoudre, déclara Anja avec un sourire en
coin. La fuite nest pas la solution.
— Dans ce cas, que proposes-tu ? demanda-t-elle en haussant les sourcils. Je devrais peut-être
me jeter sur Alexei et exiger quil me dise ce que je représente pour lui ?
— Cest ce que je ferais, en effet.
Natalya manqua éclater de rire.
— Je me ferai un plaisir de te le rappeler quand tu tomberas amoureuse.
— Ça ne risque pas darriver ! sexclama son amie.
— Cest ce que tout le monde dit.
— Ferme les yeux ! ordonna Anja. Je nai pas fini.
Elle poursuivit son massage. Natalya soupira.
— Dis-moi, reprit Anja, est-ce que tu me caches quelque chose ?
— Je nai rien à cacher.
Ce nétait pas tout à fait vrai, mais elle ne pouvait se résoudre à en parler pour linstant. Ce nétait
ni le lieu ni le moment. Sans compter quelle ignorait totalement où elle en était avec Alexei…

* * *

Dès quelle fut chez elle, son portable vibra, annonçant larrivée dun texto :
On dîne ensemble ce soir. Je passe te prendre à 18 heures. Alexei.

Natalya consulta sa montre. Elle avait largement le temps de se préparer.


Sans se presser, elle prit une longue douche et inspecta le contenu de sa penderie. Finalement,
elle opta pour une robe dun vert émeraude à la fois habillée et décontractée. Elle sélectionna
également des boucles doreilles et un collier assorti, ainsi que des chaussures noires à talons, un sac
et un foulard de la même couleur.
Quand la sonnette de la grille retentit, elle vérifia lidentité de son visiteur avant de sortir.
Alexei sortit de sa voiture pour laccueillir, et elle ne put sempêcher de se jeter dans ses bras.
Son parfum viril lenveloppa aussitôt.
Il était tellement sexy et séduisant dans son costume, avec sa chemise ouverte qui dévoilait son
torse musclé. Il lui brûlait dailleurs dy glisser les doigts pour savourer la douceur de sa peau.
Il lembrassa et plus rien neut dimportance. Il ny avait plus que son corps pressé contre le sien.
Elle aurait voulu ne jamais le relâcher et rester ainsi pour léternité.
La repoussant doucement, Alexei lui prit la main et la porta à ses lèvres avec un sourire.
— Je tai promis un dîner.
Sans lui laisser le temps de répondre, il lentraîna vers son Aston Martin. Il attendit quelle soit
installée sur le siège passager pour se glisser derrière le volant.
Au lieu de se diriger vers le centre, il prit la direction des quartiers huppés au nord de la ville.
Natalya était étonnée. Ces résidences qui valaient plusieurs millions de dollars appartenaient à lélite
et bénéficiaient de systèmes de sécurité dernier cri.
Alexei sengagea dans une rue ornée darbres, et sarrêta devant un large portail noir qui menait à
une demeure à deux étages.
Natalya fronça les sourcils en tentant de se remémorer lemploi du temps dAlexei. Avait-il été
invité à une soirée privée ? Non, cétait impossible. Elle naurait jamais commis lerreur de loublier.
Il sortit une petite télécommande de sa poche, et elle réalisa alors que la maison lui appartenait.
Curieuse, elle se tourna vers la vitre pour tenter dapercevoir les pelouses immaculées et les massifs
taillés avec soin. De magnifiques fleurs multicolores flanquaient lallée jusquà lentrée du bâtiment.
Au moment où il se garait, une femme dâge moyen apparut à la porte. Elle leur adressa un
sourire accueillant.
— Voici ma gouvernante, Lisette, expliqua Alexei en glissant un bras autour des épaules de
Natalya.
Il lentraîna dans un somptueux hall circulaire avec un sol en marbre. Un magnifique double
escalier menait à létage.
— Je suppose que vous souhaitez prendre lapéritif dans le salon ? demanda Lisette. Le dîner
sera servi à 19 heures dans la salle à manger.
— Merci, Lisette.
Celle-ci adressa un dernier sourire à Natalya et disparut. Alexei se dirigea vers lune des quatre
portes en bois massif ouvrant sur le salon. Il la referma derrière lui et vint se placer devant elle. Puis
il lui prit les lèvres. Très vite, il approfondit son baiser.
Natalya retint un gémissement. Comment faisait-il pour lui tourner ainsi la tête ? Il lui suffisait
de la toucher. Cétait incroyable !
Glissant les bras autour de son cou, elle se plaqua contre lui. Elle navait plus la moindre
hésitation, le moindre regret. Elle voulait parcourir son corps de ses mains, lui donner du plaisir
exactement comme autrefois.
Alexei tint son visage entre ses mains et lui caressa la joue en létudiant avec attention, les yeux
assombris par le désir.
— On dirait que tu as bien besoin dun verre. Quest-ce que tu veux boire ?
Natalya se mordilla la lèvre. Était-ce limpression quelle donnait en ce moment ? Sans doute.
Alexei avait toujours eu le don de la bouleverser.
— Une boisson sans alcool, répondit-elle.
Il valait mieux se montrer raisonnable. Elle navait pratiquement rien avalé depuis le déjeuner.
— Je prendrai du vin durant le dîner, ajouta-t-elle.
Alexei sélectionna deux verres en cristal, puis en remplit un de vin blanc et le second deau
plate. Il le lui tendit et Natalya but une gorgée pour se calmer.
— Jai discuté avec mon père aujourdhui, annonça-t-elle.
Alexei plissa les yeux.
— Il ta contrariée ?
— Pas vraiment.
Ce qui était plutôt étonnant. Sa décision lui avait causé énormément de peine cinq ans
auparavant, et découvrir quil lui avait menti depuis le début lavait également profondément blessée.
— Je lui ai dit ce que javais à dire, et je suis partie.
Alexei la dévisagea avec attention. Natalya avait de la force, mais il était évident que les actes
de son père la faisaient souffrir.
En quelques semaines, elle avait appris que celui-ci lavait manipulée et quil menait une double
vie. Pire, il sétait servi delle pour que son épouse ne se doute de rien. En songeant à Ivana, Alexei
fronça les sourcils. Celle-ci était riche et appartenait à la bonne société. Elle semblait également
aimer profondément sa fille. Comment avait-elle pu épouser un homme aussi égoïste que Roman
Montgomery ?
La voix de Natalya le tira de ses pensées :
— Ta maison est superbe !
— Je te la ferai visiter après le dîner.
Natalya acquiesça avec un sourire. Alexei se garda de lui dire quil avait dautres envies avec
elle.

* * *

Ils dégustèrent une entrée de fruits de mer, suivie dun saumon grillé accompagné dune salade,
puis de fruits frais au dessert.
Le repas terminé, ils prirent leur café sur la terrasse, qui offrait une vue magnifique depuis le
port jusquaux gratte-ciel qui étincelaient dans la nuit noire.
Natalya laissa échapper un soupir de contentement. La demeure dAlexei était incroyable et
serait parfaite pour une famille. Lespace dun instant, elle réussit presque à simaginer mariée à lui,
leurs enfants courant sur les pelouses. Hélas, la réalité reprit rapidement ses droits. Ils navaient pas
parlé damour ni dun futur commun. Elle ignorait toujours ce quelle représentait pour lui.
Comme sil avait perçu son trouble, Alexei lenlaça pour prendre ses lèvres. Natalya retint un
gémissement. Elle était au paradis. Sa chaleur, son parfum viril et sa sensualité la rendaient dingue de
désir. Elle avait tellement envie de lui…
La langue dAlexei trouva la sienne, et toute pensée cohérente labandonna. Il ny avait plus que la
bouche de son amant qui traçait un sillon de baisers brûlants sur sa peau — sa douceur presque
douloureuse lui faisait saigner le cœur.
Alexei interrompit son baiser et du bout des doigts caressa ses lèvres gonflées.
— Reste avec moi ce soir.
— Je suppose que ce nest pas une requête professionnelle ? le taquina-t-elle avec un sourire
malicieux.
— Pas du tout.
— En effet…
Alexei sourit et lentraîna à létage, dans sa chambre.
Sans se presser, il la déshabilla. Elle déboutonna sa chemise pour glisser les mains sur les
muscles fermes de son torse.
— Ne tarrête pas, ordonna-t-il.
— Je savoure le moment.
Elle lui défit sa ceinture.
— Tu as besoin daide ?
En guise de réponse, elle caressa son entrejambe, pressant la paume sur son membre en
érection.
— Je crois que ça va aller, répondit-elle, mutine.
— Dans ce cas, tu devrais peut-être te dépêcher.
— Tu naimes pas les préliminaires ?
— Bien sûr que si, mais je ne suis pas sûr que tu puisses les supporter.
— Tu veux parier ?
Comme émoustillé par ses paroles, Alexei lui parcourut le corps de ses lèvres, la caressant
jusquà ce quelle se mette à trembler et à gémir.
— Tu veux que je te dise que tu es la seule qui a compté ? murmura-t-il.
Sans lui laisser le temps de répondre, il la bascula sur le lit, se coucha sur elle et reprit sa
délicieuse torture. Natalya narrivait plus à réfléchir. Il ny avait plus que les merveilleuses sensations
quAlexei éveillait en elle et qui la faisaient se sentir tellement femme.
Enfin, il sintroduisit en elle. Natalya ne put retenir un cri. Il la prenait tantôt avec fougue tantôt
avec douceur. Chaque mouvement la rapprochait de lorgasme.
Soudain, son corps se cambra en même temps que celui dAlexei se tendait. Il chuchota son
prénom et sécroula sur elle, le souffle court.
Natalya ne sétait jamais sentie aussi bien. Le cœur dAlexei battait aussi fort que le sien. Elle ne
put sempêcher de poser les lèvres dans son cou, de savourer le goût de sa peau salée de
transpiration.
Après quelques instants, il se redressa et lui adressa un grand sourire. Puis il la souleva dans
ses bras pour lemmener dans la salle de bains.
Il ouvrit le robinet de la douche et la plaça sous le jet deau chaude. Il la savonna ensuite avec
lenteur, sattardant sur chaque centimètre de son corps.
Pour ne pas être en reste, Natalya lattira à elle avant de lui administrer le même traitement : elle
se glissait derrière lui pour sattaquer à ses épaules, puis descendit jusquà ses fesses musclées.
Un sourire aux lèvres, elle se plaça devant lui et lui effleura les tétons, qui durcirent aussitôt
sous ses doigts. Elle suivit le dessin de ses abdominaux musclés puis posa les mains sur ses hanches.
— Si tu tarrêtes là, la prévint-il, les yeux gorgés de désir, tu risques de le regretter.
— Je suis morte de peur, rétorqua-t-elle avec malice.
— Sorcière…
Il lembrassa à lui faire perdre haleine. Natalya ne put retenir un frisson quand, après avoir mis
fin à leur baiser, il lui lécha délicatement les seins. Dans le même temps, il lui massait le clitoris de
la main. Soudain, il la pénétra dun doigt, puis de deux. Natalya gémit et se mit à onduler les hanches.
Elle en voulait davantage. Une vague de plaisir monta en elle, menaçant de tout engloutir sur son
passage. Elle ne put retenir un cri quand lorgasme la prit par surprise.
Encore pantelante, secouée de spasmes de plaisir, elle agrippa le sexe tendu dAlexei et entreprit
de le caresser, lentement, de haut en bas, faisant jouer son pouce sur les zones les plus sensibles.
Lérection qui pulsait dans sa main prolongeait son excitation. Au moment où elle crut quil allait jouir
entre ses doigts, il lui bloqua le poignet. Puis il sortit de la douche et entraîna Natalya à sa suite vers
le lit. Là, il la fit sagenouiller et entra en elle dune seule puissante poussée. Natalya crut devenir
folle. Cétait tellement bon que cela en devenait presque douloureux.
Il accéléra le rythme de ses va-et-vient, et elle jouit une nouvelle fois en le sentant venir en elle
dans un long cri.
Le souffle court, elle seffondra sur le matelas. Alexei sallongea à côté delle et lenlaça. Il ne mit
pas longtemps à sendormir. Elle finit par limiter.

* * *
Natalya fut réveillée à laube par la bouche dAlexei sur la sienne. Ses mains parcouraient son
corps avec une douceur qui la bouleversa.
— Ferme les yeux, murmura-t-il en les couvrant tous les deux.
Il lui fit lamour, lentement, précautionneusement, comme sil craignait de la briser.
En début de matinée, ils se douchèrent, puis partagèrent le petit déjeuner sur la terrasse de sa
demeure. Ensuite, Alexei la ramena chez elle et lembrassa avant de partir.
Natalya nourrit Ollie, se changea et prit la direction du bureau.
Son travail, mais surtout la cadence infernale imposée par Alexei, lui fit oublier les nombreuses
questions qui la torturaient depuis quils avaient de nouveau couché ensemble. Ce qui était à la fois
une bénédiction et une malédiction.
Leur avenir était incertain. Ils nen avaient pas parlé, et elle ignorait toujours ce quAlexei
attendait delle. Toutefois, sen inquiéter ne servait quà langoisser davantage — au contraire dAlexei,
qui semblait parfaitement détendu.
Il navait eu aucun mal à se glisser dans la peau du patron lorsquil sentretint avec Marc
Adamson, avant de se rendre à une réunion et à un déjeuner daffaires. Cétait à croire quil ne sétait
rien passé entre eux. Il navait même pas lair fatigué, alors quils avaient à peine dormi !

* * *

Les semaines suivantes se déroulèrent selon le même schéma : le jour, Alexei se comportait en
patron intransigeant et, la nuit, il lui faisait lamour avec passion. Ils se retrouvaient chaque soir,
parfois chez elle mais le plus souvent chez lui, et ne se quittaient quau petit matin, heureux et
satisfaits.
Vint enfin le jour où il lui dit les mots dont elle avait toujours rêvé :
— Épouse-moi.
Lespace dun instant, Natalya fut tout simplement incapable de parler. Cétait à la fois inattendu et
merveilleux. Son cœur se serra, néanmoins. Alexei ne lui avait jamais dit quil laimait…
Comme elle restait silencieuse, il reprit :
— Je te veux dans ma vie.
« Je te veux », pas : « Jai besoin de toi ».
— Tu voulais sûrement dire : « dans mon lit », rétorqua-t-elle dune voix posée malgré sa gorge
serrée.
Elle se leva et commença à shabiller. Alexei la regarda faire en plissant les yeux.
— Je te veux aussi dans mon lit, concéda-t-il.
Natalya avait envie de hurler. Elle avait tellement imaginé, tellement souhaité cet instant quelle
brûlait daccepter sa proposition.
Malgré les années, malgré la douleur, Alexei ne lavait jamais vraiment quittée. Il était ancré
dans son cœur et le resterait probablement jusquà la fin de ses jours. Pour autant, elle ne pouvait pas
dire oui. Elle voulait plus que ce quil était prêt à lui offrir.
— Non.
— Tu ne souhaites pas te marier ?
Bien sûr que si, mais pas dans ces conditions.
— Jaime ma vie comme elle est mais, si je devais changer davis un jour, je crois que je
voudrais davantage.
Cinq ans plus tôt, elle sétait convaincue que leur amour était éternel et quil survivrait à tout.
— Quest-ce que tu veux dire par là ?
« Je veux ton cœur ! » faillit-elle hurler, mais elle garda le silence. Elle ne pouvait se résoudre
à lui dire la vérité. Cétait trop difficile.
Baissant la tête pour éviter son regard, elle récupéra ses affaires et se précipita dans le couloir.
Elle avait besoin despace pour réfléchir.
Le cœur battant, elle prit sa voiture et senfonça dans la circulation, en sefforçant de retenir ses
larmes.
15.

Alexei resta allongé, les yeux rivés sur le plafond. La réaction de Natalya nétait pas du tout
celle quil avait espérée.
Lart de la négociation navait plus aucun secret pour lui. Cétait son talent qui lui avait permis de
remporter autant de contrats et de développer son entreprise. Sa ténacité couplée à son sens du détail
avait fait de lui un homme daffaires reconnu et craint par ses concurrents. Mais, de toute évidence,
son expérience était inutile en matière de demande en mariage…
Lespace dun instant, une vague de colère le balaya. Il serra les poings pour ne pas se laisser
submerger par ses sentiments.
Malgré lui, des images du soir où il avait eu lintention de demander la main de Natalya, cinq ans
plus tôt, simposèrent à son esprit.
Il avait tout préparé : le champagne était au frais, ses roses préférées rassemblées en un
magnifique bouquet près du petit mot exprimant son amour. Il avait même été jusquà lui écrire un
poème ! Quant à la bague, cétait un anneau très simple, orné dun petit diamant. À lépoque, cétait tout
ce quil avait pu se permettre.
Malheureusement, Natalya nétait jamais venue. Il avait tenté de la contacter à plusieurs reprises,
mais son portable était coupé. Cétait à cet instant que la police avait débarqué pour larrêter…
Alexei chassa ces mauvais souvenirs. Ils appartenaient au passé. Cétait de lhistoire ancienne.
Les choses étaient très différentes à présent.
Se redressant, il prit son portable pour passer quelques coups de fil. Il annula deux rendez-vous
et commença les préparatifs nécessaires pour le lendemain.

* * *

Natalya ne sinquiéta pas quAlexei ne requière pas sa présence durant ses différents rendez-vous
de la matinée. En effet, Marc Adamson laccompagnait, et celui-ci ne se séparait jamais de son propre
assistant personnel. Elle ne sétonna pas non plus quil lui envoie un texto lui demandant de la
rejoindre en fin daprès-midi dans un restaurant situé de lautre côté de la ville.
Le choix de létablissement était surprenant, mais il lavait peut-être sélectionné pour éviter
dattirer lattention de la presse. Ce nétait pas son rôle de critiquer les décisions de son patron, même
sil sagissait dAlexei.
Par chance, elle trouva facilement une place de stationnement, juste derrière lAston Martin
dAlexei. Cette fois, elle fronça les sourcils : il faisait toujours appel à son chauffeur quand il avait un
rendez-vous daffaires…
Elle refusa de sinterroger davantage et entra dans le restaurant. Elle repéra aussitôt Alexei, mais
ne put cacher son étonnement en réalisant quil était seul. Il se leva et un serveur se précipita pour
tirer la chaise de Natalya.
— Il y a eu un problème ? demanda-t-elle. Tes invités sont en retard ?
— Je nattends personne, annonça-t-il en posant une main dans son dos. Sil te plaît, assieds-toi.
Perplexe, Natalya sexécuta.
— Ce nest pas une réunion ?
— Non.
— Alors, quest-ce quon fait là ?
Au lieu de répondre, Alexei lui adressa un sourire. Un autre serveur amena une bouteille de
champagne. Lespace dun instant, Natalya crut quil allait de nouveau lui demander sa main, avant de
rejeter cette idée. Elle avait refusé une fois, il nallait sûrement pas insister.
Le serveur remplit deux flûtes et séclipsa. Alexei lui en tendit une, prit lautre et la fit tinter
doucement contre la sienne.
— À nous.
Natalya voulut parler, mais en était incapable. Elle avait la gorge sèche et son cœur battait la
chamade.
Une douce musique séleva des haut-parleurs au moment où une serveuse se dirigeait vers eux
avec un plateau en argent sur lequel reposaient une rose rouge et une carte.
Alexei les prit et les déposa devant Natalya.
— Javais prévu une surprise, il y a cinq ans, déclara-t-il. Il y avait du champagne, ton repas
préféré et une bague pour sceller notre amour.
Les lèvres de Natalya se mirent à trembler, et elle ne put retenir ses larmes.
— Je taime, dit-il en lui prenant le visage entre ses mains. Je taime parce que tu es une femme
merveilleuse, intelligente et passionnée, aussi belle à lintérieur quà lextérieur.
— La nuit dernière…, commença-t-elle dune voix tremblante.
Alexei posa un doigt sur sa bouche pour la faire taire.
— Veux-tu mépouser ? Sil te plaît, ajouta-t-il en plongeant le regard dans le sien.
Quatre petits mots avaient suffi à la convaincre.
— Oui.
Avec un sourire qui illumina son visage, Alexei se leva et lattira à lui pour un baiser fervent.
Le monde autour de Natalya sétait évanoui. Il ny avait plus que leurs deux corps et leurs deux
cœurs qui battaient à lunisson.
— Il existe des milliers de poèmes et de chansons pour te dire ce que je ressens, murmura-t-
elle, mais je narrive pas à men souvenir. Tu es le seul homme que jaie aimé. Tu es lamour de ma vie,
mon âme sœur et je tappartiens, corps et âme, pour toujours.
Le regard dAlexei sassombrit.
— Je ne te laisserai pas loublier.
— Je nen attendais pas moins de toi, rétorqua-t-elle, malicieuse.
Il plongea la main dans sa poche et en sortit une bague ornée dun magnifique solitaire quil lui
glissa au doigt. Natalya eut soudain limpression que sa poitrine allait exploser. Cétait tellement…
parfait !
— Elle est magnifique.
Plus que ça même : cette bague était renversante ! Elle témoignait de la richesse et de la
puissance de lhomme daffaires quAlexei était devenu.
— Mais… ? demanda-t-il, comme sil se doutait quelle lui cachait quelque chose.
— Tu as toujours la bague que tu as achetée il y a cinq ans ?
— Pourquoi veux-tu le savoir ?
Cétait difficile à expliquer, mais songer quAlexei ait pu la conserver la bouleversait. Cétait un
symbole de leur amour, la preuve quil avait toujours eu lintention de passer le restant de ses jours
avec elle.
— Elle représente lamour que nous éprouvions lun pour lautre à lépoque, expliqua-t-elle en
remuant les doigts pour que le solitaire capte la lumière.
— Cest important pour toi ?
Elle ne valait probablement pas grand-chose comparée à celle quil venait de lui offrir, mais elle
avait une valeur inestimable pour Natalya.
— Oui, avoua-t-elle.
Alexei sourit.
— Tu as lintention de me dire pourquoi ?
Elle lui caressa la joue.
— Tu as besoin que je le fasse ?
Alexei secoua la tête. Il comprenait.
— Tu veux bien que jaccepte cette bague comme le symbole de lamour qui nous unira jusquà la
fin de nos jours, et que je la porte à lannulaire de ma main droite ?
Il fit une moue amusée.
— Et lancienne ?
— Je la glisserai à une chaîne en or que je porterai près de mon cœur, rétorqua-t-elle dune voix
douce.
Alexei contempla le visage de celle quil navait cessé daimer, ému par lamour qui se lisait dans
ses yeux. Cétait vraiment une femme exceptionnelle.
— Fais comme bon te semble.
— Merci.
— Je demanderai au bijoutier de te faire une alliance un peu plus large.
Et incrustée de diamants, ajouta-t-il intérieurement.
Natalya tenterait sûrement de le dissuader sil lui avouait ses intentions. Largent ne lintéressait
pas. Elle se moquait de son compte en banque. Elle laimait vraiment, et laimerait toujours.
— Ce sera parfait, murmura-t-elle en lembrassant.
Parfait. Exactement comme cette soirée, et ces instants magiques quils avaient partagés et dont
ils se souviendraient toute leur vie.
16.

Ils décidèrent dannoncer la nouvelle aux parents de Natalya, pour éviter quils lapprennent par
les journaux.
Bien quelle eût insisté pour porter sa bague de fiançailles à la main droite, celle-ci risquait
dattirer lattention des journalistes, qui ne manqueraient pas de faire de nombreuses suppositions.
Ivana méritait mieux.
Inspirant profondément, Natalya sefforça de se calmer. En vain. Elle était sur le point dinformer
ses parents, quils avaient invités à dîner, quelle allait se marier avec Alexei !
Dieu seul savait comment son père réagirait. Dautant quils ne sétaient pas parlé depuis le
déjeuner où elle lui avait annoncé être au courant de tout. Et il y avait Alexei. Qui avait toutes les
raisons den vouloir à Roman. Celui-ci lavait menacé avant de le faire jeter en prison, et ils allaient se
retrouver dans la même pièce !
— Tu tinquiètes beaucoup trop, lui reprocha-t-il. Je suis certain quIvana sera ravie.
— Je devrais peut-être la prévenir ?
— Pour quelle puisse en parler à ton père et le préparer avant notre dîner ?
Natalya retint un soupir. Alexei la connaissait trop bien.
— Quelque chose comme ça…
Il lui caressa le bras.
— Tout va bien se passer. Je suis sûr que Roman saura se tenir.
Sinon, songea Alexei, il se chargerait de le rappeler à lordre.
Natalya avait élaboré son menu avec soin, choisissant des plats que ses parents appréciaient.
Elle avait toujours été douée en cuisine, et cétait loccasion parfaite de montrer son talent.
Elle dressa la table avec une nappe et des serviettes héritées de sa grand-mère, des verres en
cristal et des couverts en argent. Elle ajouta même des bougies parfumées dans lespoir de détendre
latmosphère, puis elle monta se préparer.
Une fois prête, elle vérifia son reflet dans le miroir. Elle se tourna vers Alexei.
— Quest-ce que tu en dis ?
Il la rejoignit et déposa un baiser dans le creux de son cou.
— Tu es magnifique.
Natalya sourit, aux anges. Alexei était son roc, son univers, lamour de sa vie.
Ce soir-là, il portait un pantalon noir et une chemise dun blanc immaculé qui offrait un contraste
saisissant avec sa chevelure ébène. Il était tellement viril et sexy ! Et le plus beau était quil lui
appartenait comme elle lui appartenait. Ils sétaient retrouvés parce quils navaient jamais cessé de
saimer.
— Tout est parfait, reprit-il, et toi aussi.
— Si tu continues comme ça, tu vas me faire pleurer, et je…
Avisant la lueur amusée qui dansait dans le regard de lhomme de sa vie, elle changea la fin de sa
phrase :
— … je devrai refaire mon maquillage et tu te retrouveras tout seul pour accueillir mes parents.
— Lespace dun instant, jai cru que tu allais dire que tu serais forcée de me punir.
Natalya sourit malgré elle. Il lisait en elle comme dans un livre ouvert. Le désir quils
sinspiraient mutuellement finirait-il un jour par disparaître ? Probablement pas.
— Plus tard, murmura-t-elle en glissant le doigt sur son torse.
— Compte sur moi pour te le rappeler.
Il déposa un baiser sur son front.
— Tu es lamour de ma vie, affirma-t-il.
— Je pourrais en dire autant.
La sonnette retentit, la faisant sursauter. Déjà ? Pourvu que tout se passe bien…

* * *

Natalya enlaça ses parents. Alexei tendit la main à son père, qui laccepta.
Quand ils annoncèrent la nouvelle, Ivana poussa un cri de joie et sextasia longuement sur sa
bague. Même Roman sourit, et Natalya sautorisa enfin à se détendre. Tout allait bien se passer.
Le dîner se déroula dans une ambiance sereine. Roman fit des efforts pour entretenir la
conversation, et Ivana salua à de nombreuses reprises les talents de cuisinière de sa fille. Elle sembla
également ravie de découvrir le dessert : une variante de la pavlova inventée par sa grand-mère, de
la meringue croquante avec un cœur moelleux, couverte de crème fouettée et de fruits.
— Cétait délicieux, ma chérie, la complimenta Ivana une fois les assiettes vides. Laisse-moi
taider à débarrasser pendant que ton père fume son cigare.
Roman terminait toujours ses déjeuners et ses dîners par un cigare. Cétait pratiquement devenu
une tradition familiale.
— Je vais me joindre à vous, Roman, annonça Alexei en se levant.
Natalya les observa un instant, inquiète. Peut-être quavec un peu de chance ils en profiteraient
pour se rapprocher… Certes, leur relation nallait pas sarranger en une soirée. Il y avait bien trop de
colère et de rancœur entre eux. Mais ils pouvaient peut-être faire un pas en avant vers la
réconciliation. Après tout, Alexei allait bientôt faire partie de leur famille.
Comme si elle avait senti son angoisse, Ivana lui caressa doucement la joue.
— Tout va bien se passer.

* * *
Alexei referma la porte du salon et entraîna Roman vers la pergola, au bout de la terrasse. Il se
tourna ensuite pour lui faire face. Roman alluma son cigare. Alexei le laissa savourer sa première
bouffée avant dattaquer :
— Il y a cinq ans, vous avez pris des mesures exceptionnelles pour me séparer de Natalya. Vous
avez effacé les textos et les e-mails que je lui ai envoyés et supprimé les messages de son répondeur.
Jimagine que vous ne souhaitez pas que votre femme lapprenne ?
— Vous me menacez ?
— Non, je mefforce simplement de savoir si vous voulez assister au mariage de votre fille et
faire partie de la vie de vos futurs petits-enfants.
Roman ferma un instant les yeux, avant dincliner la tête.
— Cest ce que je souhaite.
— Dans ce cas, je crois que nous nous sommes compris.
Alexei lui tendit la main, et Roman la serra. Il orienta ensuite la conversation vers le panorama
qui soffrait à eux.
— Cest une vue magnifique, de jour comme de nuit.
— En effet, confirma Roman. Cette maison appartenait autrefois à la mère dIvana.
— Cest ce que Natalya ma expliqué.
— Cétait une femme forte, avec un sacré tempérament. Elle ne se gênait jamais pour dire ce
quelle pensait.
— Je sais quelle comptait énormément pour Natalya.
Roman hocha la tête.
— Et si nous retournions à lintérieur ? proposa Alexei. Nous devons trinquer au futur et à la
famille.
Tandis que tous les quatre prenaient le café au salon, Ivana en profita pour les inviter à déjeuner,
afin de préparer le mariage.
— Je ne voudrais pas gâcher ton enthousiasme, mais Alexei et moi nen avons pas encore
discuté, dit Natalya avec un sourire affectueux. Nous navons même pas encore réfléchi au lieu ou à la
date de la cérémonie.
— Tu sais très bien que cest le rêve de toute mère daider sa fille à préparer son mariage. Il y a
la robe, la salle, les fleurs et tout le reste.
— Je comprends, rétorqua Natalya en éclatant de rire, mais je dois dabord en parler avec
Alexei.

* * *

Lorsque les grilles se refermèrent sur la voiture des parents de Natalya, Alexei lattira dans ses
bras.
— On dirait que tu vas enfin pouvoir tenir ta promesse, dit-il dune voix rauque, des étincelles
de désir dans les yeux. En tout cas, Ivana semblait ravie.
Natalya sourit et lui caressa le visage.
— Tu ferais bien de te préparer. Elle va nous couvrir de magazines et déchantillons en tout
genre. Il faudrait dailleurs quon parle du mariage.
— Que dirais-tu dune cérémonie civile privée, réservée à la famille proche, dune lune de miel
sur une île paradisiaque, suivie dun mariage religieux formel devant la famille et les amis ?
Surprise, Natalya haussa les sourcils.
— Deux mariages ? Tu te moques de moi ?
— Penses-y.
— Je préfère éviter.
— Une petite cérémonie avec tes parents et quelques amis proches. Rien de compliqué. Puis un
déjeuner, ou un dîner si tu préfères quon le fasse en soirée. Ensuite, on pourrait prendre une semaine
pour se détendre dans un endroit privé, loin des touristes, continua-t-il en lui mordillant loreille. Je
sais déjà où on pourrait aller.
Natalya sentit quelle commençait à céder. La proposition dAlexei était très tentante…
— Et lautre cérémonie aurait lieu quand exactement ?
— Six ou huit semaines plus tard, répondit-il en déposant une pluie de baisers brûlants dans son
cou.
— Je crois que ça me plaît, finalement…
Quand Alexei la souleva, elle poussa un cri de surprise. Il lemmena dans la chambre. Sans
perdre une seconde, il la déshabilla et la posa sur le lit. Un gémissement lui échappa quand il massa
ses muscles endoloris, avant de la caresser longuement.
Heureuse et détendue, Natalya sendormit dans les bras de lhomme de ses rêves.

* * *

Planifier un mariage secret exigeait discrétion et ingéniosité. Pour éviter dattirer lattention des
médias, ils avaient décidé dorganiser la cérémonie dans les jardins de la magnifique propriété
dAlexei. Cétait le grand jour, et Natalya apportait la dernière touche à son maquillage.
— Je ne suis pas nerveuse, affirma-t-elle.
Ce nétait pas tout à fait vrai. Il suffisait dobserver le léger tremblement de sa main pour sen
convaincre. Si sa mère lavait remarqué, elle ne dit rien.
On frappa doucement à la porte. Lisette entra avec un plateau.
— Jai pensé quune tasse de thé vous ferait du bien.
— Comme cest gentil à vous ! déclara Ivana avec un sourire.
Natalya prit une gorgée de thé. Elle savoura sa chaleur réconfortante et ferma un instant les yeux
pour se calmer.
Elle navait vraiment aucune raison de sinquiéter. Alexei était lhomme de sa vie, son âme sœur.
Elle laimait de tout son cœur et de tout son être. Il saurait la rendre heureuse.
Ivana lui sourit tendrement. Natalya limita, puis se leva pour enfiler sa robe. Il sagissait dun
modèle en lin à manches longues, orné de fine dentelle, qui dévoilait son décolleté et sarrêtait à mi-
mollet. Ivana remonta la fermeture Éclair et sécarta pour observer un instant sa fille. Elle hocha la
tête dun air satisfait.
Natalya se glissa dans ses escarpins à talons aiguilles blancs et mit son petit chapeau assorti.
Alors, sa mère lui tendit un bouquet de roses blanches du jardin. Observant une dernière fois son
reflet dans le miroir, elle prit le bras dIvana et sortit retrouver Alexei, qui lattendait dans le salon.
Dès quelle laperçut, Natalya fut troublée, et excitée. Il était tellement séduisant dans son
costume noir sur mesure, avec sa cravate en soie assortie et sa chemise dun blanc éclatant !
Ils se rendirent dans le jardin, où Roman la conduisit jusquà la tonnelle représentant lautel.
Alexei ly avait précédé. Il se tenait là avec Cristos, son témoin, qui avait fait le voyage depuis New
York. Il laccueillit avec un sourire brûlant démotion et déposa un baiser léger sur ses lèvres avant de
se tourner vers lofficiant.
La cérémonie fut à la fois simple et émouvante. Natalya ne put retenir un sanglot étouffé quand
Alexei glissa lalliance à son doigt — un anneau incrusté de diamants.
Lofficiant les déclara mari et femme. Alors, Alexei lembrassa avec passion.
Ivre de bonheur, Natalya murmura :
— Je taime.
Le reste de la journée se déroula comme dans un rêve. Le déjeuner préparé par Lisette était
délicieux, et ses parents, ravis de la voir aussi heureuse. Roman, fidèle à lui-même, ne se montra pas
aussi démonstratif quIvana, mais il était visiblement content pour elle. Son épouse, en revanche, ne
put cacher sa joie à lidée que sa fille ait enfin trouvé lamour.

* * *

Quelques jours après la cérémonie, ils se rendirent sur une petite île privée qui appartenait à un
ami dAlexei.
La propriété offrait des services dignes des plus grands palaces, comme une piscine avec toit
ouvrant et une véranda équipée de chaises longues qui donnait sur un bassin extérieur. Celui-ci
semblait senfoncer dans les eaux turquoise de locéan, où un yacht était amarré à une longue jetée. Il y
avait même un héliport.
Lintérieur était tout aussi époustouflant : un grand salon, un bureau, trois suites avec salles de
bains privatives, ainsi quune pièce de loisirs équipée dun billard, dune table de ping-pong et dun
sauna.
Une petite équipe demployés était présente pour répondre aux demandes des invités. Elle était
composée dun couple marié ainsi que de leurs trois enfants. Laîné des deux garçons occupait le poste
de chef et son jeune frère pilotait lhélicoptère et le yacht. Leur sœur participait à lentretien et au
nettoyage de la propriété.
En clair, lîle était un havre de paix, loin du bruit et de lagitation des grandes villes, qui offrait
tout le confort moderne. Natalya y passa une semaine exceptionnelle avec Alexei. Au moment de
grimper dans lhélicoptère du retour, elle eut un pincement au cœur.
— On reviendra, lui assura Alexei.
Le pilote mit le moteur en marche, et lappareil décolla.
— Jai hâte, répondit Natalya.
La prochaine fois, ils seraient peut-être trois. Il lui suffisait de fermer les yeux pour imaginer
leur enfant en train de construire des châteaux de sable ou de sauter dans les vagues avec son père.

* * *
Natalya sourit en refermant la porte. Sa lune de miel avait été merveilleuse, mais elle était
heureuse dêtre rentrée. Dautant quelle vivait à présent avec son mari.
Elle avait décidé de sinstaller chez Alexei et avait mis en location, quelques jours après son
mariage, la partie de la maison de sa grand-mère où elle habitait. Ben lui avait alors expliqué que lun
de ses amis recherchait justement un logement. Il possédait des références impeccables ainsi quun
bon emploi, et elle navait pas hésité un instant avant daccepter sa candidature. Le déménagement
avait été très rapide.
Si tout allait pour le mieux, la semaine qui suivit leur retour fut cependant un véritable enfer
professionnel. Ils furent en effet forcés de travailler tard chaque soir pour rattraper le retard qui sétait
accumulé durant leur absence. Pour autant, Natalya ne pouvait pas se plaindre. Les journées étaient
certes éprouvantes, mais la présence dAlexei rendait les choses moins difficiles. Il lui suffisait de lui
sourire ou de croiser son regard pour que sa fatigue senvole…
En plus des dossiers à traiter et des nombreuses réunions, ils avaient également un grand
mariage à organiser. Aussi décidèrent-ils de faire appel à une professionnelle.

* * *

— Relève la tête, ordonna Anja. Je dois corriger ton fard à paupières.


Natalya sexécuta avec un soupir.
— Tu veux bien me rappeler pourquoi jai accepté ? marmonna-t-elle.
— Ivana te la demandé. Ta mère est dans son élément. Je ne lai jamais vue aussi heureuse. Et il
y a aussi Alexei, continua son amie dun air espiègle. Tu sais bien, le type super sexy que tu as
épousé…
— Ça va, jai compris.
— Alors, laisse-toi faire. Cest une belle journée, et lorganisatrice du mariage a fait du bon
boulot. Tout est en place. Les photographes vont bientôt arriver. Détends-toi.
Natalya leva les yeux au ciel.
— Je suis parfaitement détendue.
— Je nen doute pas.
— Jai quand même le droit davouer que je préférais notre premier mariage, renchérit Natalya.
Tout avait été parfait : la cérémonie, la joie dans le regard dAlexei, son émotion… Et surtout,
lévénement était privé !
— Bien sûr que tu as le droit. Mais uniquement quand tu es avec moi.
— Merci pour tout ce que tu as fait, Anja, déclara Natalya avec un grand sourire. Et surtout,
merci davoir toujours été là pour moi. Tu es ma meilleure amie, la sœur que je nai jamais eue.
Jespère que tu le sais.
— Et jespère que tu sais que je ressens la même chose, rétorqua son amie, visiblement émue.
Anja vérifia une dernière fois son travail, puis aida Natalya à enfiler sa robe de mariée. Celle-
ci semblait sortie tout droit dun conte de fées, avec son haut en dentelle qui épousait sa poitrine et
soulignait sa taille fine, et sa jupe bouffante en soie ivoire. Un long voile complétait sa tenue.
— Tu es magnifique, lui assura Ivana, les larmes aux yeux.
— Sil te plaît, ne pleure pas, maman, murmura-t-elle en lenlaçant.
— Je suis si heureuse pour vous deux.
— Je le sais, rétorqua-t-elle doucement. Je te remercie pour tout, maman. Tu tes toujours si bien
occupée de moi.
Et cétait vrai. Grâce à sa mère et à sa grand-mère, Natalya avait toujours été entourée de joie,
de rires et damour.
Ivana sécarta et la suivit vers les limousines qui les attendaient.
La première était réservée aux parents de la mariée, la seconde à la demoiselle dhonneur et aux
enfants dhonneur, la troisième enfin, conduite par Paul, lamènerait à léglise.
Au moment où la voiture se mettait en route, Natalya repensa au chemin parcouru. Si un an, ou
même six mois, plus tôt quelquun lui avait dit quelle épouserait Alexei, elle lui aurait ri au nez.
Pourtant, il lattendait en ce moment même à léglise que sa grand-mère avait tant aimée. Jamais elle
naurait pu imaginer que ses rêves deviendraient réalité…
Paul remonta une allée bordée darbres et ralentit en passant devant les photographes chargés de
capturer larrivée de la mariée et de son entourage.
Les flashs laveuglèrent brièvement. Natalya retint une grimace. La présence des journalistes ne
lui plaisait pas, mais elle navait pas le choix. Un événement de cette ampleur intéressait les médias.
Il valait mieux leur donner un accès limité à la cérémonie que de risquer la propagation de rumeurs
sans fondement ou de suppositions fantasques. Alexei et elle avaient donc donné une interview et
autorisé la publication dune photographie officielle quelques jours plus tôt.
La limousine sarrêta devant lentrée principale. Natalya inspira profondément pour se calmer. Un
sourire aux lèvres, elle sortit de la voiture. Ivana et Anja arrivèrent à leur tour. Natalya les surprit
toutes les deux en les embrassant.
Son père lui offrit son bras, et ils entrèrent dans léglise.
— Je ne veux que ton bonheur, murmura-t-il.
Natalya sourit. Le moment était venu doublier le passé et de tirer un trait sur les erreurs quil
avait commises.
— Je suis heureuse, papa, affirma-t-elle. Je te le promets.

* * *

Natalya se concentra sur le visage dAlexei, et lallée lui sembla soudain interminable. Il lui
sourit. Lamour qui brillait dans son regard lui coupa le souffle.
Les yeux dAlexei descendirent vers son cou, et elle faillit un instant porter la main à la fine
chaîne en or qui y était accrochée. Il était le seul à savoir que la bague quil lui avait offerte cinq ans
plus tôt reposait contre son cœur.
Quand elle arriva à sa hauteur, il lembrassa. Lespace dun instant, Natalya oublia où elle était.
Alexei sécarta doucement et lui prit la main, non sans lui adresser un regard éloquent, presque comme
une promesse silencieuse — « le meilleur est à venir… »
Ils prononcèrent leurs vœux, puis Alexei glissa lanneau orné de diamants à son annulaire comme
il lavait fait huit semaines plus tôt. Le prêtre les déclara mari et femme.
Alexei lembrassa, et des acclamations sélevèrent quand ils savancèrent dans lallée. À cet
instant, Gigi, qui tenait la traîne de Natalya trébucha, tomba et se mit à pleurer. Anja tenta bien de la
calmer, mais la petite fille lui échappa pour se jeter dans les bras de son oncle. Sans hésiter malgré
sa surprise et la solennité du moment, Alexei la souleva dans ses bras et déposa un baiser sur son
front.
Xena se leva pour calmer sa fille mais Gigi secoua la tête en saccrochant au cou dAlexei.
— Ce nest rien, assura-t-il avec un sourire.
Tant de tendresse émut Natalya. Elle pouvait déjà imaginer son mari cajoler ses enfants. Il ferait
un père merveilleux et serait toujours là, pour eux comme pour elle.

* * *

Quand Alexei lentraîna sur la piste pour la première danse, Natalya crut quelle allait mourir de
bonheur.
La cérémonie avait été magnifique. Malgré la présence de la presse et des nombreux invités,
elle avait eu limpression de vivre un rêve. Tout avait été parfait.
— Tu es lamour de ma vie, murmura Alexei en lattirant contre lui. Tu me complètes.
— Tu nimagines pas tout ce que jai envie de te dire. Je veux te toucher pour te prouver combien
je taime. Tu es mon âme sœur, mon univers.
Alexei la pressa plus étroitement contre lui, et la force de son désir contre son ventre la fit
frissonner.
— Partons ! proposa-t-il.
— Cest notre nuit, déclara-t-elle avec un sourire mutin. Cest à nous de décider.
Lorsque la musique sarrêta, ils firent rapidement le tour de la pièce pour remercier leurs invités
et saluer leurs familles. Puis, discrètement, ils montèrent dans la limousine qui les attendait.
— À la maison ? demanda Paul.
— Oui, sil vous plaît, répondit Natalya en posant la tête sur lépaule dAlexei.
Elle avait besoin de se retrouver seule avec lui pour lui donner son cadeau.

* * *

Quelques heures plus tard, elle était allongée contre Alexei. Son merveilleux mari lui avait fait
lamour avec passion et tendresse.
— Jai fait un test de grossesse ce matin, annonça-t-elle, émue. Il était positif.
Épilogue

Natalya avait limpression détouffer de bonheur. La vie était si belle…


— Mon petit chéri, murmura-t-elle en déposant un baiser sur le front de son fils.
Elle lui tapota le dos pour quil fasse son rot. À regret, elle le déposa ensuite dans son berceau.
Elle aurait préféré le garder plus longtemps dans ses bras pour savourer sa chaleur, lui caresser la
tête jusquà ce quil sendorme. Niklos était son petit miracle, sa plus grande joie.
Sans bruit, elle alluma la veilleuse et vérifia une dernière fois quil dormait avant de se diriger
vers la porte. Là, appuyé au chambranle, elle découvrit quAlexei lobservait avec un sourire.
— Ça fait combien de temps que tu es là ?
— Depuis un petit moment. Jaime vous regarder tous les deux, voir ce lien merveilleux que vous
partagez.
Bouleversée, Natalya eut du mal à répondre.
— Tu es un bon père, bafouilla-t-elle enfin.
Cétait peu de le dire. Il lavait soutenue tout au long de sa grossesse, insistant pour laccompagner
à chaque rendez-vous chez le médecin. Elle se souvenait encore de son émotion lors de la première
échographie, de son sourire quand ils avaient écouté son cœur. Et il adorait son fils, qui portait le
prénom de son grand-père.
Alexei lembrassa.
— Tu choisis bien ton moment, dit-elle dun air amusé. Niklos ne va pas se réveiller avant
plusieurs heures.
Cétait un enfant calme, qui ne pleurait pratiquement jamais, sauf quand il avait faim. Et il
commençait déjà à sourire…
— Cest notre moment, déclara-t-il. Je taime.
Il lembrassa. Natalya lutta un instant pour ne pas se mettre à pleurer. Comment aurait-elle pu
encore en douter ?
— Jai limpression que mon cœur va exploser dès que tu me touches, dit-elle, émue.
— Je ne supporte pas dêtre séparé de toi. Jai besoin de te sentir contre moi.
— Moi aussi.
Cétait plus que cela. Alexei était son univers. Cétait son visage quelle avait vu en premier après
la naissance de Niklos, sa joie quand il avait pris son fils dans ses bras pour la première fois. Et
lamour qui brillait dans ses yeux quand il les regardait était si intense, si évident, quelle devait
parfois se pincer pour se convaincre quelle ne rêvait pas.
— Allons au lit, proposa-t-elle en lui caressant le visage.
Alexei sourit.
— Tu as besoin de dormir. Tu dois reprendre des forces.
— Tu as raison, rétorqua-t-elle. Mais, dabord, je veux faire lamour avec mon mari.
— Je crois que ça peut sarranger.
Elle lentraîna vers leur chambre. Là, tous deux se noyèrent dans un océan de passion sensuelle.
TITRE ORIGINAL : ALEXEIS PASSIONATE REVENGE
Traduction française : EM M ANUELLE DETAVERNIER
© 2018, Helen Bianchin.
© 2018, HarperCollins France pour la traduction française.
Le visuel de couverture est reproduit avec lautorisation de :
Couple : © SHUTTERSTOCK/M AKSIM VOSTRIKOV/ROYALTY FREE
Tous droits réservés.
ISBN 978-2-2803-9655-4

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Cette œuvre est une œuvre de fiction. Les noms propres, les personnages, les lieux, les intrigues, sont soit le fruit de limagination de lauteur, soit utilisés dans le cadre
dune œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence.
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