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A mes chers parents et à ma fille

Amira ravie à la fleur de l’âge*

*Dédicace de la traductrice

1
Messaouda Bou Baker
TapetteTorchkana1

Traduit de l’arabe parManoubia Meski

1
Torchkana : surnom péjoratif qui désigne une personne homosexuelle d’origine masculine, l’équivalent de
lopette ou pédé.

2
Préface
Il aura donc fallu une plume féminine pour oser parler de la transsexualité.

Ce roman montre l’originalité de la production tunisienne actuelle en arabe.

Faut-il encore s’étonner si la première à renverser le tabou soit une femme.

Jean Fontaine

lCe livre qui fait l’objet de la présente traduction a connu deux publications. La première en 1999 et
la deuxième en 2006 aux é. Editions Sahr.Lorsqu’on m’avait proposé de traduire ce roman, j’ai
commencé à le lire, plus j’avançais dans lsa lecture, plus j’étais déterminée à le traduire pour
plusieurs raisons que je voudrais expliquer aux lecteurs. Pour ce qui est du contenu, la première est
le traitement d’un sujet tabou dans une société conservatrice et le courage d’avoir levé le voile sur
un phénomène social qu’on cherche à occulter malgré son extension et dont les bien que ses effets
psychologiques et sociaux méritent d’être étudiés. Je n’ai pas eu l’occasion de lire les critiques envers
concernant ce roman mais cela m’a beaucoup rappelé Flaubert et son oeuvreœuvre Madame
Bovary, surtout la scène du fiacre qui ’il luilui avait valut à cette l’époque un procès. La seconde est
la diversité des sujets sociaux évoqués, telle que la situation de l’écrivain et son statut dans notre
société. Sujet qui demeure d’actualité, traité sur un ton ironique. Ces sujets gravitent autour d’un
thèmesujet principal qui est la transsexualité présentée à travers le regard d’une famille illustre et
de la haute société.

Parmi ces sujets on découvre aussi l’histoire du mouvement national et le Youssoufisme, le


collectivisme et ses effets sur cette grande famille, l’éducation, le modernisme et l’abandon de la
Médina arabe, l’art à travers la peinture et la musique... Une panoplie diversité de sujets qui révèle
l’érudition de la romancière et sa maîtrise de l’écriture.

Pour ce qui est de la forme, procédés et techniques employés, j’étais à la fois ravie et surprise. En
effet la romancière manie ingénieusement la polyphonie et dirige ses personnages comme un maître
d’orchestre et une dramaturge soucieuse de les présenter dans différentes scènes de la vie privée à
travers des descriptions et surtout de dialogues et de confrontations qui dévoilent leur caractère.
Dans ces dialogues, elle emploie tous les genres de comique : comique de situation ; comique de
langage et comique de geste. Sans intervenir évoquer les procédés stylistiques et les emprunts
théâtraux qu’elle utilise se substituent aux commentaires pour exprimer ses points de vue. Beaucoup
de nombreuses de scènes nous font rire malgré la gravité du sujet qui raconte la souffrance du
protagoniste, traité comme un marginal, subissant à la fois les sarcasmes et le rejet de sa famille et
de la société. Cependant Torchkana finit par gagner l’empathie du lecteur et se démarquer par
rapport aux personnages dits « normaux » par ses qualités humaines et artistiques. Grâce aux
procédés employés le récit est dédramatisé et l’ironie qui est l’arme du protagoniste le rend
sympathique.

Par ailleurs, le récit n’est pas linéaire nous avons de temps à autre un flash-back et de gros plans,
procédés cinématographiques qui pourraient faciliter son adaptation au cinéma. En outre, le suspens
tout au long du roman conduit à des rebondissements dans le récit et réserve au lecteur des

3
surprises. A cela s’ajoute l’enchâssement du récit ou emboitement, (récit dans un récit). En effet, l’un
des personnages féminins dont le nom est Noura va prolonger le récit principal. Nous avons deux
narrateurs : la romancière et son personnage qui n’est pas sans rappeler la romancière elle-même.
Afin de faciliter la lecture et la compréhension des récits, nous avons choisi de présenter le récit de
Noura en italique.

Quant à l’approche de traduction que j’ai adoptée c’est l’herméneutique, basée sur les travaux de
George Steiner qui explique que la traduction n’est pas une science mais un «  art exact ». Le
traducteur authentique doit être à même de se faire écrivain pour saisir le vouloir dire de l’auteur du
texte original. Pour conclure, j’espère avoir réussi cette traduction en étant fidèle à l’esprit et la lettre
de ce roman.

Traductrice : D.Manoubia Meski Je propose de supprimer cette préface.

4
Dédicace

A Mourad qui est parti… sans me montrer son visagese retourner.

5
Le tambour retentit, comme pour suscitersuscitant par ses percussions , chez les
noctambules, l’éveil des bédouins noctambulesnomades, transhumants que le temps passé
semblait avoir avait ensevelis. 
Le marié, homme aux mœurs citadines dont le caractère avait été façonné selonle mode de
vie citadin , était pourtant d’origine bédouine. Son père avait tenu à le marier suivant selon
les rites de sa chère la campagne et les traditions de sa famille. On avait fait venir les
invités ;des banlieues, des quartiers de la capitale, des cimes des montagnes. T, tous étaient
réunis sous dans l’appartenance à une mêmeseule fraterierace.
L’une des femmes présentes, arrachée auivées du tumulte de la ville, s’était adressée à sa
voisine :
- J’ai le sentiment que ce qui manquait à mon mariage, c’est cette musique folklorique
qui échauffe le sang dans les veines…Puis elle rajouta jouta, en murmurant :
- Comment peut-ilComment doit se sentir être l’état d’un mariéun homme qui célèbre
son mariage sans tambour et qui gagne son refuge rentre chez lui sous le tintamarre
des klaxons des voitures ?...Ne serait-il pas comme un brin de basilic ?

Dans lae l’aile de la nuit s’élevase détachait une brise de fin d’été dont et le retentissement
royalfrémissement était perceptibleparvenait à l’ouïe. Ses échos déchiraient l’infini silence,
embrassant les montagnes avoisinantes du village. Au cœur du cercle de la fête, le
chevalun pur- sang arabe conservait le ventl’air de la gloire de cette ancienne famille. Il
excitait chez les hommes le désir et éveillait le souvenir des de victoires tribales, gravées
dans la mémoire des ancêtres et des conteurs.
La jument dont le chanfrein était teinté au henné se pavanait séduisante…  Sa silhouette en
alerte réagissait aux percussions incessantes, d’une mélodie habitée par l’histoire de la
cavalerie ;, les soirées d’al Jezia2 ; , les veillées et la poésie bédouine sous sous le clair de la
pleine lune et les jeux d’al Zakarades cornemuseurs3. La poudre qui échappait des
tromblons, poursuivait accompagnait les youyous des femmes que les collines, les plaines
et les pentes répercutaients’arrachaient, là où l’enclos des figuiers de barbarie entrelacés,
semblait protéger épiaient la gaieté joie de la cérémonie.
Le tambour, sultan instrument du du rythme par excellence battait son plein,
entretenantenflammant la joie et attisant les rêves audacieux… Devant le cheval, le corps
dressé et les membres musclés, se tenait, avec une grâce légendaire, la jument bigarrée,
ornée de colliers en laine chamarrée et de grelots en cuivre.
A la tête de l’assemblée féminine, en compagnie de ceux qui étaient arrivés avec elle de la
capitale, « al Hajja Kmar », était en train de savourer se délecter de la présence des villageois
de la famille , ; dles délices de la cérémonie et la crème du festin. Ce n’était pas seulement
parce qu’elle était la propriétaire des terrains agricoles environnants, mais à cause de pour

2
Al-Jezia-Al Hilalia : Personnage historique de l’époque Sanhajite. Elle est connue pour sa beauté légendaire
mais aussi pour ses qualités de cavalière et de guerrière.
3
Al Zakara : Troupe folklorique tunisienne.

6
son agréable compagnie et de sa noble descendance. Elle était respectée par les femmes et
écoutée par les hommes. Elle fit des produits de la terre une ressource et un avantage qui ne
tarissaient point pour les enfants de la grande famille ramifiée à laquelle elle appartenait à
l’origine et par alliance, après le décès de son mari. Pas un des jeunes qui avaient acquis de
l’instruction et atteint un niveau de savoir et assumaient de hautes fonctions, ne lui soit est
pas redevable. Il doit à ses bienfaits d’être un col blanc et sans que ses mains blanches ne
soientderrière ce bienfait. Il n’y a aAucune des jeunes filles qui avaient accédé à
l’Enseignement Supérieur et , avaient pu obtenir un diplôme de spécialité ou , s’étaient
mariées dans des conditions décentes sans quedont «  al Hajja Kmar » n’n’ait été la
bienfaitrice et la protectrice.
Lorsque « Nejmat al Ariss »4 avait commencé, le père du marié avait insisté pour qu’elle
suive soit de la fête et assiste à l’assemblée de la troupe«  al Ganeyaa 5» qui étaient était
assises assise autour d’elle et l’avaient vue saisie remarqué , en fin de soirée d’une anxiété
soudaine la saisissant . Quelques unes d’entre elles avaient cru que la soirée avait eu raison
de la femme sexagénaire, mais elle étaient bien loin d’en imaginer la vraie cause. sauf que
la cause était très loin de leur imagination . Son anxiété était chargée du centre de la place,
au moment où le tambour s’était calmé et le chanteur « ghaney »6avait terminé ses chants
montagnards en s’abandonnant à siroter le thé et le sirop de menthe.
En arrangeant ce qui avait glissé de son costume traditionnel en velours brodé et de sa
poitrine dont les signes de féminité avaient disparus, al Hajja Kmar murmura
secrètement : « Je l’emmène avec moi et je le regrette A c haque fois que je l’emmène, je
finis par le regretter»
La silhouette féminine vêtue de « Hrem »7 s’était dressée au centre comme si la place, qui
était couverte dès le soir de tapis traditionnels en laine et en lin et de nattes en plastique,
s’était retirée.
Elle parut dans une tenue féminine et un luxe de bijoux en or. Chaque fois que la poitrine
s’agitait, les longues boucles d’oreilles en ajar, 8 les colliers et les pinces entremêlés,
brillaient sous lesa lumière des lampes électriques, accrochées aux branches de l’eucalyptus
environnant.
La silhouette se dressa, gracieuse, svelte, la poitrine platesansproéminence des seins . Ses
bras non dénudés étaient enveloppés d’un « hrem » rayé dont les deux couleurs, blanc et
violet étaient séparées par un fin fil doré. Autour de la taille, une large ceinture en pure laine
« hzem bouchouyouyit » tissée par des mains ingénieuses l’attachait pour tenir une taille
dont le mouvement était coquet et marquer le déhanchement séducteur.
Des foulards rutilants en soie synthétique scintillant étaient attachés autour de la tête dont
quelques uns étaient noués derrière et au- dessus desquels était jeté un voile.
4
Nejmet al Ariss : cérémonie du henné, rituel pratiqué dans le mariage traditionnel tunisien. On applique cette
substance sur la main du marié, surtout chez les bédouins.  
5
Ghaneya : troupe de musique de chants traditionnels.
6
Ghaney : chanteur de chants traditionnels
7
Hrem : habit traditionnel porté généralement par les bédouines
8
En ajar : en acier doré et en verre de plusieurs couleurs.

7
Dans l’ombre, le visage dont on ne distinguait pas les traits, semblait trompait se dérober
auxles lumières. Cependant ce n’était pas difficile, pour quelqu’un d’assis loin du cercle, de
remarquer le rouge à lèvres épais, criard ; le khôl d’un noir profond autour des yeux et le
fard à paupières violet. En plus, quiconque verrait celui qui aurait jeté son regard sur les
manches blanches en dentelle aurait du mal à compter le nombre de bracelets, de bagues
qui semblaient rivaliser se concurrençaient en un carnaval de gitans.
Des voix aux timbres entremêlant és entre l’aigu aiguës et le graves, s’élevèrent à l’unisson,
en crescendo, de manière hystérique chez quelques jeunes. Les youyous atteignirent la
silhouette dressée comme un palmier épargné par que le souffle du vent n’avait pas encore
secoué .
Le tambour retentit et la baguettee bâton commença à envoyer sur sa peau des vibrations
préparant la les silhouettes en attente d’un signal de départ. La flûte gémit en une mélodie
étendue, en crescendo, puis entrecoupée, en synergie avec les battements doux du
tambour, en interprétant un rythme coutumier de danse bédouine.
La silhouette se tortilla en mouvements circulairesondulatoires . Puis les pieds nus bondirent
en se déplaçant et en percutant le sol suivant la cadence. Le corps excité commença à
tisser ses secrets, inventer son langage et libérer ses expressions enfouies. Ainsi se mit-il à
délivrer sa fougue contenue, ses appels aigus que les cordes vocales avaient retenus et les
gémissements de ses instincts libidineux.
Le corps se tordit de jouissance et les bras se tendirent en mimiques et en gestes
harmonieux. Les fesses branlèrent et soudain leur forme s’imprima sous les plis du « hrem ».
Les seins rebelles, disproportionnés par rapport aux épaules, aux traits de la grande et
maigre silhouette et à l’étroitesse du bassin, tremblèrent sous la dentelle blanche.
Rien de ces détails n’avait pu détourner le regard des mouvements harmonieux de la danse
avec grâce et légèreté, sur le rythme et le chant de la flûte.
La silhouette se dressa, les membres se calmèrent pour que seul le mouvement au niveau de
la poitrine et des épaules demeure et que les seins rebelles tremblent sur suivant l’intensité
du rythme. A leurs tressaillements répondit le chant frémissant et doux de la flûte. Le joueur
de flûte, les joues gonflées, le visage engorgé, le regard rivé sur la silhouette en transe,
avança vers elle…Il s’assit à moitié, sur son genou droit…Il suivit en se balançant l’accord de
sa flûte et le mouvement de la ceinture qui, proche de lui, tremblait.
Se joignit au duo, au milieu de la piste, le joueur du tambour, jetant le bâtonla baguette,
chancelant vers le sol, serrant ses jambes sous le bassin et le tambour entre le bras et la
cuisse…Les bouts des doigts percutèrent la peau du tambour et la paume de la main ouverte
et dure tomba sur son centre. Ainsi le rythme coula et l’hystérie de la danse s’intensifia.

***

8
Le marié et sa suite étaient accrochés au rythme de ce corps noyé dans la griserie de ses
mouvements, à la disposition des signes internes qui provenaient d’une force conductrice
se cachant cachée dans les cellules du corps et de ses glandes.
A l’horizon obscur, on percevait un brouillard dont la fumée vacillait des brasiers allumés. La
contagion du déhanchement et du balancement des muscles avait circulé parmi certains
assistants sauf que la silhouette transportée, enveloppée dans le « hrem » rayé, en
transpiration, n’avait rien laissé à la concurrence.
Un des ceux qui étaient présents parmi les hommes se’était penchaé vers son voisin le
questionnantet lui demanda :
- Qui est-elle ?
Son voisin sourit et murmura :
- Plutôt dis qui est-ce ?...
Puis il ajouta les yeux fixés sur la silhouette au milieu des danseurs qui l’entouraient et
dans laquelle l’épuisement avait glissé :
-J’espère que cette soirée passera dans le calme et qu’il ne la troublera pas par sa
présence. Pourvu qu’il retourne avec ceux qui sont arrivés de Tunis dans la première voiture.
Le village est petit et cette calamité ambulante, nous ne pouvons pas la supporter.

9
Chapitre 2

Dans le patio de l’ancienne maison à « El Hajjamine » s’était assise «  Hajja Kmar »


contemplant une foule de femmes agitant des tamis entre leurs mains en criblant
tamisant le reste de la farine de blé. Dès le matin, plus d’une demi-tonne de
« couscous fin »et « grosépais » était prête et étendue sur des draps blancs,dans tous
les coins de la cour, sous les rayons du soleil.
« Hajja Kmar» avait commencé à préparer les provisions de l’année. A proximité,
s’était assise Ghalia l’épouse de son fils sa bru serrant le pan de sa robe entre ses
cuisses, en pliant une jambe et en étendant l’autre. Le pan de la robe retenu par ses
genoux avait fait paraître ses mollets luisants et glabres, propres et sans duvet . En
face d’elle était dressée une table basse et ronde, couverte d’une nappe brodée, au-
dessus de laquelle était posé un service de à thé.
De l’intérieur du « Kanoun »9 embrasé, pas loin, l’amas de flammes exhalait l’encens
jeté par Ghalia dans le charbon. Celui-ci embaumait l’intérieur de la maison dont le
carrelage et les murs n’avaient étaient pas encore séchés séché de l’eau versée en
abondance par les femmes. Peut-être allégeraient- elles les souffles de la chaleur qui
s’étiraient et qui brûlaient l’inanimé et l ’animé et inanimé.

Ghalia tenait la théière en cuivre, en l’élevant très haut et le bec verseur orienté vers
le bec a bouche du verre de manière que le liquide, vert transparent et parfumé se
mette à y coulercoule . Ensuite, elle s’en alla avec le plateau plein, en l’approchant
des femmes et en criant :
- Hayfa ?… descends…nous avons terminé toutes les tâches…tu peux abandonner le lit,
nous n’allons pas fatiguer tes mains douces en te confiant une charge…descends
seulement pour boire le thé avant qu’il ne se refroidisse.
En haut de l’escalier , à peine une vingtaine d’année, sans se presser, traînant les pas,
apparut Hayfa , à peine une vingtaine d’année, les cuisses serrées dans un short gris, jetant
son regard sur les femmes, en aspirant les odeurs de l’encens, du thé vert, de la menthe et
de la terre mouillée des bacs. Elle sauta les marches de l’escalier jusqu’à la moitié…Soudain,
Nana ( tantemamie) Kmarlui lui cria dessus   :

- Enlève moi ce short…l’autre damné est dans la pièce d’en haut… ?


- Oh mamieNana depuis quand on a honte devant lui. ?
D’un regard perçant, Ghalia fixa sa fille qui retourna sur ses pas pour se changer. Puis
tenant un verre de thé, elle s’approcha de sa belle- mère :
- Si Mongi et les enfants avaient dit que mamieNana Kmar n’aurait pas dû l’emmener
avec elle chez des étrangers et à un mariage qui n’était pas celui de la famille.
La vieille répondit avec une nervosité apparente :
9
Kanoun : objet traditionnel en terre cuite braséro qu’on remplit de charbon à allumer soit pour se chauffer ou
pour cuire des aliments dans des ustensiles, à petit feu en terre cuite.

10
- Tout le monde était parti et le malheureux, qui se serait occupé de lui ? Ils auraient
dû rester avec lui puisqu’il leur fait honte…

Elle se tut un instant puis murmura :


- Paix à ton âme, mon fils Ahmed, tu es partit’étais retiré et tu m’avais laissée …
l’enfant va à sa perte et nous allons affronter la honte et la médisance.

***

11
Chapitre -3-

« Je veux devenir une fFemme »


« I want to be a w Woman »
« voglio essere una donnaVorrei essere Donna »

A travers la grande maison résonnèrent les échos d’un cri venant de l’étage au- dessus. La
femme sexagénaire avança, personnage principal de la maison de Si Chaouchi, «
mamieNana Kmar » comme ils l’appelaient tous…Elle avança avec d’unes pas lourds, ldes
genoux éprouvésreintés par le rhumatisme, les yeux vers le haut et les lèvres psalmodiant
des prières et marmonnantchuchotant des mots un langage incompréhensibles…la suivant
vers l’intérieur de la maison sa belle- fille et quelques enfants la suivaient vers l’intérieur de
la maison. La vieille les chassa au moment où elle se rendit compte de leur chahut
ascendant tandis que leur rire répriméretenu leur échappa. L’un d’eux murmura en
applaudissant, rompant le silence chargé d’anxiété des deux femmes :

- Torchkana a envie de dormir, il a passé la nuit à compter les étoiles !


- Torchkana…est devenu…une femme…
Avant que l’enfant n’ait terminé sa chanson sarcastique qui avaitayant excité ses copains qui
l’avaient rejoint en applaudissant, Ghalia le roua de coups avec sa chaussure. Au comble du
vacarme, Ghazi sortit de la pièce, les yeux plongés dans ceux de la vieille qui l’avait élevé dès
sa naissance et l’avait accueilli des mains de la sage femme…Elle échangea avec lui un regard
signifiant qu’elle l’autorisait à faire ce qu’il demandait en silence. les oreilles rouges de
colère, Iil commença à monter l’escalier avec des à pas perturbés alertes, les oreilles rouges
de colèreen direction de la pièce d’en haut où son cousin Mourad Chaouchi avait passé la
nuit et avait commencé la matinée avec ses cris nerveux qui avaient envahi empli le préau.
Peut-être ces cris avaient-ils arrêté un passant près de la maison ? Peut-être aussi avaient-ils
provoqué quelques enfants du voisinage, ce qui les avait hâté leur dépêchés d’arriver
arrivée, en applaudissant et proférant le surnom qu’une imagination tendancieuse avait
généreusement inventé. Ce sSurnom qui avaitayant collé à Mourad et était parvenu aux
enfants de la maison qui n’avaient pas hésité à le reprendre eu peur de le prononcer malgré
la rage ce qu’il suscitait de rage chez la femme âgée.
«  Torchkana est devenue une femme et a eu un garçon…a eu une fille…
L’impasse s’était habituée… les rues adjacentescollatérales étaient accoutumées ainsi que
les échoppes du quartier étaient accoutumées à entendre cela. Les hommes s’étaient
résolus à invoquer Dieu : « il n’y a de puissance, ni de force qu’en Dieu » ou à se frapper les
paumes des mains en répétant : « Il n’ ya de Dieu que Dieu »
Les voisines s’étaient , habituées au clin d’œil, en murmuraient : « Que Dieu nous
préserve ».

12
La voix en colère de Ghazi retentit :
- Mourad mon frère, épargne- nous cette ritournelle disque … Ne vas-tu pas rentrer
chez toi à Ezzahra ?... Ne peins- tu pas ?...N’as-tu pas dit que tu tete préparaies à
participer à à une exposition collective ?...N’est-il pas suffisant ce que est arrivé par
ta faute ne serait-il pas suffisant?

- Qu’est-il arrivé ?...Je transmets un message à voix haute à mamieNana Kmar…Je veux


qu’elle comprenne…Je veux ma part de l’héritage…la part de mon père de l’héritage,
du sien…Je veux mon argent…J’ai besoin de voyager…à …mais en quoi ça te regarde ?
Laisse- moi tranquille.

- Tu es un volcan de problèmes qui ne se calme point. Tu nous as épuisés et tu as attiré


sur ta famille la honte…Que Dieu te pardonne…

- Comment ça, enfant obéissant ? …Qu’est ce qui te dérange ?

- Etait –il nécessaire de danser la nuit de noces du « fils de Si Matri » ? Tu nous a


rendus la risée de la soirée, pire encore les langues nous ont déchiquetés…

- Qu’est –ce qui te gène  dans  ma danse ? Tout le monde danse…Tous dansent sur un
des rythmes…d’une façon ou d’une autre et à la fin la mort pourrie finira, avec ses
mouvements clownesques, par danser sur vos corps, ou bien n’es-tu pas d’accord
avec moi monsieur le professeur de philosophie ? 

- Le professeur de philosophie s’avoue vaincujette son arme dans cetteface à ta


discussion !

- Parce que la philosophie est en vérité un art… Et que tu philosophes en art…Alors que
tu es Ghazi, mon cousin, le plus loin qu’on puisse être de l’art…Je ne comprends pas
comment tu as pu choisir d’enseigner cette matière noble de la pensée…Tu es plutôt
proche d’un enseignant de principes de Commerce… de Sciences de Gestion…Tout ce
qui concerne les affaires de Finance et de Bourse.

- Que tu périsses ! Pédé…Laisse- nous tranquilles ces jours –ci…Ne vas-tu pas rentrer
chez toi ?...Ne vas-tu pas avoir avec tes cris pitié de la vieille ?...Laisse- nous en paix,
frère et que Dieu te vienne en aide.

- Vous voulez tous que je vous laisse tranquilles ? Dis à celle qui est la plus âgée de la
famille qu’elle rassemble la tribu et mettez-vous d’accord sur le fait de me donner ma
part…Je veux voyager…Je veux changer ma depeau…Je vais vous laisser la virilité,
enfants de Chaouachi…Je veux arracher me défaire de cette qualitécaractéristique…

13
- Mais tu es un homme…C’est ce que tes gènes disent affirment…De même la nature a
voulu que ce soit ainsi. Pourquoi s’insurger reniercontre ton sexe ? Ton affaire, frère
est curieuse. Tu aurais pu réaliser beaucoup de choses…D’autres du même sexe sont
fiers de leur virilité.

- Réaliser beaucoup de choses ? Qu’est-ce qui empêche une personne de le sexe


féminin de réaliser beaucoup de choses ? Puis pourquoi cette fierté ? Le premier
crime odieux sur terre a été commis par un homme et la première désobéissance
aussi. Est-ce cela qui suscite la fierté ?

- CelaÇa s’est passé sous lasur suggestion de la femme.

- Mais dis plutôt à cause de la faiblesse de l’homme qu’Adam a fait hériter à ses
descendants…Ne trouves-tu pas dans cela une raison suffisante pour que je choisisse
le sexe d’Eve.

- Tu choisis ! Tu choisis quoi ?...de changer la nature ?

- En quoi c’est bizarre ?...Puisque la nature m’a donné une occasion pour choisir en me
mettant entre deux situations…Je me détourne de celle présente et je m’efforce
d’obtenir celle qui me convient, mon for intérieur est contraire à mon apparence
externe…Si je demeure dans cette situation je meurs en étant un monstre …Tu
comprends un monstre?

- Plutôt dis que tu persévères dans la soumission…Tu ne te soucies plus de la situation


de ta famille face àavec tes désirs pervers de dépendance.

- Qu’est-ce que tu reproches à la soumission ? N’as-tu pas entendu que seul le soumis
gagne la jouissance, bénéficie du butin et atteint son but ? La soumission est une
sagesse, professeur de la sagesse, grâce à elle tu peux passer facilement à travers les
portes basses…Tu protèges ton corps contre le heurt de la poutre…D’habitude le vent
ne casse que les branches qui se croient solides et obstinées…Ahmed Chaouachi,
mon père et ton oncle dont la conduite te rend fier tu es fier de la conduite ne
croyait pas à la sagesse de la soumission ainsi le vent lui avait brisé son le dos…Il
l’avait l’a coupé en deux et son châtiment avait a atteint son épouse… Mourad a vécu
orphelin il n’a trouvé l’affection que chez les femmes…les femmes de la famille
Chaouachi parce que les hommes ont détourné de lui leur visage. Puis sache
philosophe de son temps que la soumission est de deux genres…s oumission que
celle que toi tu choisis toi-même sans que quelqu’un te piétine et te fais fasse
hériter le plaisir…et une soumission celle que tu pratiques sous la contrainte que à
laquelle même le plus viril des hommes parmi vous ne peut s’y se soustraire.
Soumission à laquelle on vous traîne à contre-coeur et vous fait hériter la
dépendance et l’humiliation humiliation…ainsi chacun de vous avale des couleuvres
et garde son chagrin au fond de lui sans brancher…De quelle soumission tu parles ?

14
Est-ce que mon état te fait de la peine vraiment ou bien tu ne te rends pas compte
que le tien est pire que le mien ?...Est-ce que tu veux que j’organise un mortuaire des
obsèques pour te pleurer sur toi et sur pleurer les hommes qui te ressemblent ?
-Tu es étonnant ! Tu n’as pas honte…Tu oses comparer ta soumission dégoûtante et
ta philosophie nauséabonde au souvenir de ton père ?...Tu es très loin d’Ahmed
Chaouchi, aucune comparaison possible. Il était un seigneur parmi les hommes mais
il est vrai que la braise ne laisse que des cendres. Ahmed Chaouchi était une artère le
cœur palpitante au sein d’un mouvement politique qui avait épousé la cause du
peuple. Es-tu conscient de cette dimension ?...Mais les temps ce sont les Etats ont
changé…Peut-être que l’Histoire ne l’avait pas cité parce qu’elle ployait sous le poids
d’intrus…Malgré cela son souvenir n’a pas disparu de l’Histoire authentique gravée
dans l’imaginaire collectif…C’est pourquoi toi tu n’es pas conscient de la valeur de
ton père…
-Oh cher Ghazi ! Tu parles de cette manière parce que tu n’es pas son fils et parce
que ta mère n’est pas Simone…Parce que tu te lèvest’insurges depuis une trentaine
d’années face àcontre mon oncle Si Mongi et ma tante Lella Al Beya…Que Dieu leur
donne la patience pour de supporter l’idiotie d’un rejeton comme toi…
-Il se peut qu’Ahmed Chaouchi soit un héros à tes yeux mais ce il n’en n’est est pas
ainsi pour moi…A mon avis, celui qui n’est pas capable d’assumer la responsabilité
d’un individu ne pourra pas soutenir la cause d’une collectivité…La preuve, l’échec de
ce mouvement au service duquel il a affronté le danger et sa liquidation comme un
chat chien enragé égaré à l’entrée d’un immeuble…Après tout, c’est Simone qui avait
perdu…Comment tu sais que je ne reconnais pas la valeur des choses ?...Est-ce que
toi en dehors du profit tu la reconnais vraiment ?...Ce qQue tu peux être minable
lorsque tu évoques mon père en présence de ta belle famille pour te vanter !…
Comme tu me rappelles la brebis qui se vante de la queue graisseuse du mouton…
Laisse-moi maintenant sinon je vais crier…Je m’en fous si je prétends que tu as
l’intention de me violer…Regarde je vais baisser mon pantalon et sortir nu devant les
femmes…

- Tu es vraiment dégoûtantrépugnant.

- C’est un sentiment partagé…S’il y avait une i la justice, existe j’aurais été décoré…Ne
suis-je pas celui qui débarrasse le monde de quelques unes de votre engeance
semence désagréable … Je les avale dans…Puis, je les jette dans les toilettes. Il y a des
semences telles, que c’est un péché qu’elles souillent les un utérus.

Ce n’était pas la première fois que Mourad (Torchkana) affrontait l’un des hommes
de la famille et il savait qu’elle ne serait pas la dernière, surtout avec Ghazi qui était
avait de son âge. Ils avaient étudié ensemble au lycée. Seule la spécialité les avait
séparés. Ghazi avait choisi la classe de philosophie tandis que et Mourad les Beaux-
arts.

15
Cela se passait fréquemment, même lorsqu’il les recevait dans son appartement
privé, en banlieue, à Ezzahra…Lorsqu’il où il était, selon son habitude comme à
l’accoutumé , en train de peindre un des tableaux de la collection qu’il préparait
pour l’exposition ou bien en train de
reproduire l’un des chefs- d’œuvre de Van Gogh (Van Gogh mon amour) comme il
avait l’habitude de le nommer. Une fois, ses cousins l’avaient surpris dans sa retraite,
en train de reproduire le portrait de l’artiste. Mais les traits n’avaient pas obéi à son
pinceau.
Ghazi commença à le taquiner, contemplant le tableau, il commentait :
- A cCe que je sacheis, Van Gogh n’avait pas hésité un instant à couper son oreille et à
l’offrir en gage d’amour à sa bien- aimée…Est-ce que tu aurais fait la même chose
avec une femme que le destin t’aurait fait aimer ?
Noureddine Chaouchi répliqua :
- Cet exemple ne correspond convient pas à la situation de Torchkana…
Mourad ne manqua pas de répondre car il prit garde de se préparer de manière
naturelle à tisser formuler des réponses rapides à la mesure de chaque question ou
commentaire. Du genre :
- Mon oreille ne suffit pas pour que je l’offre à une femme…Moi j’aime les femmes
non pas à cause de ce que vous cherchez chez elles mais plutôt parce que je suis
proche de leur nature fragile…à cause des secrets enveloppés dans les plis des
énigmes…parce que la femme est la mère de l’homme et la matrice des créatures…
parce que la Terre est féminin, le ciel est féminin, le soleil est féminin, la clémence
est féminin et l’amour est féminin…
Ghazi l’interrompit :
- L’enferLa Géhenne est féminin et le scorpionla vipère est féminin
Mourad laissa tomber ses couleurs et répliqua en l’interrompant à son tour
- Pourtant tu t’es précipité pour te jeter dans sa braise… tu as tendu ton bras à la
piqûre de son venin.
Le troisième de ses cousins, Kraeim Chaouchi, le plus âgé intervint :
- Tu as raison Mourad, la femme est tout ce que tu as dit et même plus mais n’oublie
pas qu’elle est maligne…« A force de ruse, elle mène mille mulets lorsqu’ils sont
rétifs avec un fil d’araignée ».
Mourad répliqua en fixant Ghazi d’un regard moqueur :
- N’y a-t-il pas maintenant un de ces mulets que tu as cités ?
Ghazi se précipita pour répondre :
-Laisse de côté les mulets maintenant et raconte- nous ce que tu peux offrir de tes
organes lisses et mous, à ta bien- aimée.

16
- Qu’est-ce que tu veux qu’il lui offre ? Ce que les femmes veulent généralement, lui,
il ne l’a pas et même et s’il en dispose c’est qu’ils sont il est dans un état non
insatisfaisant.
Mourad répliqua :
- Est- ce que toi tu te prétends que tu es dans un état satisfaisant à cent pour cent ?

Il ajouta en montrant du doigt ses deux cousins mariés :
- Qui de vous peut-il prétendre qu’il satisfait celle qui vit sous le même toit que
lui ?...Ou bien disons qui de vous ne s’est-il pas satisfait lui-même et n’a t-il pu faire
taire la faim de celui qui se lève et ne trouve pas les bras giron de son épouse, en
pensant aux prostituées du quartier et à ses femmes et filles, à défaut de celles-ci,
ayant une étable dans laquelle se trouve une vache ou une ânesse, ne s’est-il pas
précipité pour s’y rendre .
-
Très souvent, Mourad se retirait seul avec lui-même en se rappelant les récits que
confiait l’une ou l’autre des femmes de la grande famille, qu’une maison
traditionnelle ressemblant à une forteresse réunissait.
Il se souvint de Leila, l’épouse de son cousin, le benjamin Noureddine au corps
semblable à celui d’un taureau en plus d’un ventre de vache pleine…Tout le monde
savait qu’elle dormait une nuit sur deux grâce à des somnifères…Au cours d’une de
ses crises, elle s’était plainte de l’indifférence de son époux…et comment elle
n’obtenait de lui quand il venait vers elle que son ronflement et le poids de son
corps. Mais, très vite, ce qui avait pénétré plein et dur se retirait, épuisé, vidé, une
peauchair molle flasque, que toute tentative pour le la ranimer se soldait par un
échec…Mieux encore, elle craignait si elle la le faisait et réussissait en pensant à un
deuxième tour pour son compte comme le permettait la règle du jeu de la revanche,
qu’elle n’obtienne d’obtenir la même défaite…et au cas où elle se révolterait, il lui
lancerait sa parole habituelle : «  ton train est lent… trop lent. »

Mourad imagina la jeune femme serrant sa chemise de nuit autour de son corps
excité, les cheveux décoiffés, les yeux cernés…avançant vers l’endroit où se
trouvaient les somnifères…jetant l’un d’eux entre ses lèvres sèches et avalant une
gorgée d’eau, en levant des yeux flétris vers son « mâle », penché en face d’elle avec
son derrière à la forme géométrique distinguéeaux formes bien particulières,
impassible et indifférent, cherchant le pantalon de son pyjama pour l’enfiler, en se
dirigeant vers la salle de bain.

Il arrivait que Mourad rende visite aux époux à la maison estivale que Noureddine
avait achetée pour sa petite famille, à Ezzahra, pas loin de la mer. Alors il s’asseyait
pour observer son cousin qui avait entassé enserré son postérieur et ses cuisses dans
un short blanc et s’était allongé sur une chaise longue, fumant le narguilé, épiant
toute silhouette de fille d’Eve qui passait sur son chemin, devant la clôture du jardin

17
découvert, en et l’appelant s’il s’agissait d’une voisine. Il levait sa la tête, tendait
sonle cou, s’étirait, levant son postérieur de la chaise, en veillant à attirer l’attention
de la femme :
- « Lella» X bonsoir…»
« Sœur X bonne journée… »
« Madame, comment ça va le Monsieur ? »

« Il n’arrête pas d’aboyer » se dit Mourad à lui-même . Parfois, il avait envie de
l’injurier par une insulte qui lui était chère, qu’il avait apprise par cœur de Hajja 10
Kmar,qu’il trouvait correspondre parfaitement à son cousin.

Ghazi Chaouchi, son deuxième cousin numéro deux , professeur de philosophie était
dégoûté de sa fonction. A sa naissance, Hajja Kmar lui avait choisi un des prénoms de
garçons « Ghazi »11…Il semble que la pauvre à ce moment là avait ait souhaité que le
jour où celui qui était entre ses mains, en grandissant et en devenant solide,fort,
puisse vaincre la déception qui s’était ‘elle avait nourrie calcinée dans sa poitrine à
cause de la régression du déclin de la gloire de la famille Chaouchi…

En effet, il était «du genre conquérant »… …Dès qu’il était devenu fort et ayant avait
découvert l’arme la plus proche de lui intime que la nature avait accrochée en bas, il
s’était mis à conquérir les femmes instinctivement prêtes et quelques étudiantes
libérées, celles qui prenaient la pilule pour éviter toute de tomber enceinte
grossesse non désirée .

Les unes venaient vers lui pour assouvir leurs désirs. Même les vierges satisfaisaient
leur besoin en se conservant leur état . Il prenait avec habilité ses précautions pour
ne pas dépasser les limites. Ce qui lui avait valu une bonne réputation, celle d’un
connaisseur jusqu’à ce qu’il rencontre la fille d’un agriculteur «  Si Sadok Matri », ,
grand propriétaire agricole et immobilierterrien.

Si Sadok Matri resta debout au milieu des personnes qui étaient arrivées de la
capitale pour demander la main de sa fille et au fond de ses yeux toutes les
promesses du monde :
-Je veux un homme pour ma fille, je suis prêt à l’acheter, le bien estje vis dans la
prospérité prospère , l’essentiel c’est qu’il soit réellement un homme.
L’un des hommes avait pris le risque de commenter :
-La virilité ne s’achète ni ne se vend «   Si Sadok. »

- Au contraire, elle s’achète et se vend comme les têtes de veau, les bottes de foin,
les caisses de poisson, les boites de sardines, les lames à raser et les ballons de l’Aïd 12

10
Hajja : on désigne par ce terme une personne qui a été à la Mecque et a accompli un des cinq piliers de
l’Islam.
11
Ghazi signifie envahisseur, conquérant.
12
L’Aïd : fête religieuse chez les musulmans.

18
Elle se vend, mon cœur, et s’achète comme vous achetez à votre fille un caniche ou
un chiwawa ou bien comme vous achetez à votre épouse une voiture BMW. Toute
chose se vend et s’achète, les reins des humains, le cœur d’un humain. Le corps de
l’homme se vend en pièces de rechange…Je connais quelqu’un de son vivant on a
marchandé avec lui l’achat de sa peau…Eh oui…Sa peau était tatouée d’encre verte
du haut du talon jusqu’au cou…de beaux visages, des sirènes, des rapaces, des
couleuvres, enroulées autour d’arbres bizarres, des formes incompréhensibles,
enfantines, bombées, des lettres tordues, des lignes, que seul celui qui les a mises
comprendnne…Notre ami possédait sur la peau qui couvrait ses os et sa chair un rare
trésor. Tout se vend et s’achète en ce temps- ci des hommes : l’amour, la conscience,
la dignité, l’honneur, les titres. Est-ce difficile pour un homme d’acheter à sa fille un
époux ?

Tous se souvenaient comment Hajja Kmar avec son langage simple avait pu arrêter Si
Sadok Matri d’exposer ses idées, sa philosophie de prendre et de donner, la vente et
l’achat selon lui. Elle dit en retournant à l’essentiel :

-Nous, maintenant nous sommes devant un mariage et non dans un souk à la


criéecrieur.

Si Sadok voulait pour sa fille un époux «  propre…vertueux ».


Ghazi fut nettoyé…Soudain il changea et put ne pas prêter attention à toute
aucune silhouette féminine qui passait près de lui, sur son chemin et s’assoyait
s’asseyait devant lui, en classe.
Ghazi fut nettoyé, comme une assiette en porcelaine après son rinçage, des défauts
de sa conduite, de la poussière de ses conquêtes et aussi de ce qui lui restait de son
salaire mensuel et des indemnités que le ministère de l’Education versait dans son
compte courant. Une partie était destinée au carnet d’épargne logement et le reste
au magasin de prêt à porter pour hommes, au coin de la rue d’Allemagne et la rue
Sadiki, au centre ville. Mais son parfum et sa crème à raser de haute gamme, étaient
des achats par facilité. Ghazi prélevait de son salaire une bonne partie pour acheter
un cadeau à la fille de Si Matri…un précieux cadeau qui le rehaussait rajoutait à sa
considération aux yeux de sa belle famille. Souvent, une bouteille de parfum de Nina
Ricci ou de Gucci ou de Van Cleef. Il avait remarqué que sa fiancée était une
amatrice de parfum et une connaisseuse. Elle savait distinguer entre l’original de
l’imitation et la copie . Elle mettait son fiancé en garde pour qu’il ne tombe pas dans
le piège de la contrefaçon et qu’il vérifie la marque et la signature du créateur. De
son côté, Ghazi se souciait de montrer qu’il connaissait les parfums, ses points de
vente, la haute gamme et les noms de ses créateurs, les fleurs d’où était extrait tel ou
tel parfum et le climat sous lesquelles lequel elles vivaient. Sauf que cela n‘empêchait
pas son désir de pleurer chaque fois qu’il payait une bouteille de cent vingt cinq
millilitres, de Givenchy ou de Van Cleef, qu’il mettait entre les doigts de  sa fiancée,
dans le salon de la maison du père, au premier étage d’une villa luxueuse, à l’entrée
de la ville de Mateur…Il la tendait en se croisant les jambes en signe

19
d’élégance« des enfants de notables ». Il ne dépassait pas les limites d’un toucher
« innocent » des bouts des doigts de la jeune fille parce qu’il savait que la future
belle- mère de l’avenir était debout, épiant derrière la porte, vêtue de sa robe de
maison fleurie d’une variété de fleurs bizarres, avec entre ses dents une gomme à
mâcher. Il sentait qu’elle y implantait ses molaires et ses dents sauvagement à
chaque fois qu’elle se mettait debout pour lui parler d’un sujet en rapport avec son
mariage ou avec les traditions de la famille.

Mourad se souvint d’un jour où Ghazi, de retour de chez sa belle- famille, pour
apaiser sa colère s’était mis à insulter abondamment les belles- familles et les belles-
mères et tous ceux qui avaient créés créé les traditions de cérémonie et le rituel du
mariage…Il invoquait priait Dieu à de paralyser toute mâchoire et tout coin de
bouche qui mastiquaient la gomme parce qu’il croyait qu’il était devenu une gomme
soumise qui n’avait ni force ni puissance dans la bouche à l’haleine fétide de sa belle -
mère, qu’elle lançait d’une molaire à l’autre et se où elle appuyait avec fermait sur
elle avec un fracas terrifiant.

Mourad se rappela de Hajja Kmar, tapant sur son épaule, répétant l’un de ses
proverbes : « il n’y a pas de prix pour tout ce qui en vaut la peine est hors de prix. »
Ghazi lui répondit :
« Oh ! Nanatante, attendez le mariage consommé et je vais leur montrer la peine et
le prix. »

Ghazi avait oublié sa philosophie, son histoire ancienne et moderne, la dialectique de


Platon et le cogito de Descartes. Ce qui provoquait des douleurs dans les tripes de
Mourad…et aiguisait sa souffrance…Etait-ce celui lui celà Ghazi que la recherche
avait épuisé et qui avait recueilli les secrets de l’essence humaine. Il s’assoyait
s’asseyait à côté de lui pour jouer volontairement le rôle de Glaucon tandis que Ghazi
interprétait le vénéré Socrate. Mourad rompait le jeu et son cerveau allait presque
exploser à cause des hallucinations de son cousin. Un jour il avait invoqué Dieu pour
que ce dernier’il meure l’emporte et qu’il se débarrasse de ses récriminations, ses
sophismes et ses délires métaphysiques. Il le narguait en disant :

-Pourquoi Socrate est-il mort alors que je te vois bien vivant devant moi ?

Ces séances ne se tenaientn’ayant plus lieu, Ghazi avait changé. Il était devenu selon
Mourad une fourmi méprisable qui courait derrière les grains de blé des champs du
riche, Si Sadok. Une fois, Mourad avait réagi lorsque son cousin avait cherché à
justifier la nécessité de ce mariage et son bon choix qui correspondait
correspondant à ses futurs plans.
- La poule est plus convaincante que toi.

20
Ghazi s’attendait à toutes les insultes possibles de la part de Mourad qu’il faisait
subir, à lui, à tous ceux qui s’y frottaient et que sa langue atteignait. Mais il fut surpris par
la comparaison.
-Pourquoi la poule ?
-Parce qu’elle est plus convaincante que toi. Elle excède en grouillements et
hurlements mais en fin de compte elle pond un œuf de couleur blanche même si ce
n’est qu’unpas plusieurs . Elle compose avec ses deux cuisses et un morceau de la
poitrine un repas qui associe à la saveur une valeur nutritive pour le corps. Mais toi,
mon cousin, nous sommes parvenus à entendre des grouillements et ne pas voir
d’œufs comme le récit l’adage du bruit du moulin et de la farine…13 et je ne pense
pas que ta chair séduise les cannibales, elle est devenue semblable au caoutchouc
après que ta belle- mère a sucé tout son sang. La fiancée de ton cœur mon fils habite
le château de la suceuse de sang…14Celui qui demande sa main est dépouillé,
dépouillé, dépouillé…

Des anecdotes que Mourad avait conservées et qu’il ne craignait pas d’étaler
embellies par son style au point que celui qui les entendait croyait qu’elles étaient
nouvelles et récemment composées, comme celle de l’arrière-pensée qu’il avait
classée sous le titre « vos actes signifient vos intentions ».

-« Est-ce qu’il existe un individu sage et équilibré qui offre à sa belle- mère une
bouteille de parfum au nom Poison, de Dior, mis en boîte dans une enveloppe en
papier doré bien soigné, surtout si la belle- mère est très prudentecirconspecte à
l’égard de chaque mouvement effectué par son beau- fils, celui pour qui elle éprouve
un rejet étrange comme si elle avait pressenti en tant que mère sur la défensive qu’il
n’allait pas prochainement procurer à sa fille le bonheur souhaité ? 

Quel diable avait-t-il recommandé à l’épouse de Si Sadok Matri d’interroger son fils,
le petit, sur le nom du parfum que lui avait offert Ghazi et son synonyme a
signification en arabe ? Quelle avait été la sa déception !
A l’une de ses visites Ghazi fut surpris par une bouteille qu’on lui lança sur le visage,
poursuivie par les cris de sa belle- mère. Au début, il n’avait pas compris…Il sourit,
perplexe, rigolant :
- Le parfum ne vous a-t-il pas plu Madame ?
- Son nom ne m’a pas plu…s’agit-il de l’une de tes intentions ? As-tu l’intention
d’empoisonner ma vie ?

Cette nuit, une forte tempête éclata entre Mateur et Tunis la capitale, si ce n’était la
clémence de Dieu et l’ingéniosité de Hajja Kmar les conséquences auraient été
désastreuses.

13
Le récit du moulin et duet le blé donnent lieu à est un proverbe arabe qui signifie beaucoup de bruit pour
rien.
14
Il s’agit de la chanson d’un chanteur égyptien célèbre, décédé, Abdelhalim Hafedh.

21
Kraiem Chaouchi, le cousin numéro trois de Mourad ou Kraiem, le comédien comme
l’appelait Hajja Kmar était un homme de Théâtre.
« Kraiem, le comédien » tout simplement, malgré ses diplômes supérieurs en art
théâtral, drame et mise en scène. Il avait interprété des rôles importants sur la
scène théâtrale , participé à plusieurs événements hors du pays et écrit des pièces
qu’il avait mises en scènes scène pour plusieurs troupes.
Il s’était consacré à l’enseignement des principes de cet art ancien mais il était resté
pour Hajja Kmar « Kraiem, le comédien ». Il n’avait pas réussi à repousser ses railleries
lorsqu’elle se moquait de lui devant l’assistance, en répétant qu’ «  Ali, le fils de Omak
Traki15 » faisait plus rire, donnait du plaisir, provoquait le sourire et l’hilarité que les pièces
de théâtre de « Kraiem » que l’arabe littéraire et le langage difficile caractérisaient…en plus
de « Shakespeare qui faisait partie de toutes les sauces » selon elle.
Ce qui avait compliqué la situation c’était lorsqu’elle avait regardé vu sur l’écran une
séquence d’une pièce qui portait la signature de « Kraiem », jouée par une troupe d’avant-
garde. Elle fut étonnée par les visages barbouillés, étranges et les comédiens se tordant
tortillant selon elle « comme des couleuvres en argile ».
Si « Kraiem », le comédien, avait brisé toutes les coutumes et s’était marié avec une femme
qu’il avait choisie sans demander l’avis de sa famille…Une femme écrivaine dont le nom était
cité constamment cité dans les journaux…Elle avait cinq publications et la suite était restait à
venir. Sa valise ne se vidait pas, elle se déplaçait entre les colloques organisés autour de la
pensée et la littérature.
- Kraiem, où est Noura ?
- Dans un colloque…
- Pourquoi n’est-elle pas avec toi ?
- Elle écrit « Hajja » !
- Que Dieu te vienne à ton en aide, mon fils.
« Laissons le malheur couvert par un torchon N’étalons pas notre linge sale » disait-elle dans
sa retraite, en secouant la tête, comme quelqu’un qui ne pouvait rien, contre la fatalité. Elle
s’était souvent interrogée sur cette femme qui soit elle était soit dans un colloque ou
biensoit en train d’écrire… « Est-ce qu’elle cuisine comme la plupart des femmes ? Est-ce
que le placard de sa cuisine est fourni d’ustensiles et de provisions ? Est- ce qu’elle maîtrise
vraiment cet art ? …Pourquoi jusqu’à maintenant n’a-t-elle pas eu d’enfant ?...
« Dommage pour ta jeunesse mon fils Kraiem, mon fils, ta semence lignée se perd, c’est
regrettable… »
La vieille était convaincue que la femme qui travaille avec son cerveau et le verse sur le
papier était incapable de travailler avec ses doigtsmains…
«  Qu’est-ce que c’est que ce mariage ? Que Dieu te vienne en aide Kraiem, mon fils !

15
Personnage d’une comédie télévisée tunisienne, intitulée Om traki, maman du personnage comique.

22
Noura était venue en fin d’après- midi rendre visite à «   al Hajja », , ses cheveux n’étaient
pas coiffés ni ses sourcils épilés. La fatigue paraissait clairement sur ses traits. La vieille
femme leva son regard sur elle. Ses lunettes,son regard transperçantscrutateur, s’arrêtèrent
s’arrêta sur les jambes de la jeune femme couvertes d’un duvet noir, de la jeune femme.
Elle n’avait pas pu se retenir :
« Oh ! ma fille c’est honteux assieds- toi, Ghalia va te préparer du sucre à épiler »
Un éclat de rire de Noura fut entendu puis elle expliqua son engagement d’être au rendez-
vous à l’imprimerie et à voix basse elle rajouta ajouta à voix basse en l’embrassant :
-J’ai «  la lame Gillette de Kraiem »   !...

***
Une nuit, Mourad se réveilla en sursaut pour répondre à quelqu’un qui frappait à la porte
de son appartement à Ezzahra.16Il rencontra le visage de Kraiem avec les traits bouleversés.
Ce dernier se jetas’affala sur la première chaise qu’il trouva puis se leva en se dirigeant vers
la vitrine en verre pour retirer l’une des bouteilles rangées. Il se versa un peu de boisson
alcoolisée petit verre de dans un verre à whisky, l’avala d’un seul coup puis remit la
bouteille à sa place. Il s’éclaircit la voix et commença à parler, tandis que Mourad le
regardait silencieux sans aucune réactionbroncher :
-Les gouttes d’eau coulent encore sur son corps nu et le puisard siphon de douche évacue le
reste de l’eau utilisée, l’odeur de son savon parfumé s’exhale dans tous les coins de la
maison, pénètre dans mon nez, dans mes entrailles, dans mon ventre, O ! Mourad, mon
frère…lorsque je l’ai vue se  jeters’affaler sur la chaise mobile, derrière son bureau, celui qui
se dresse dans notre chambre à coucher. .. Ma chambre à coucher n’est plus destinée à
dormir et ni à se reposer…elle est devenue une chambre pour archives, rayons de livres et
de papiers, piles de journaux et coupures d’articles. En plus d’un grand nombre de crayons
et stylos de tout tous genres qu’elle range dans des bocaux, des vases et des petits couffins
éparpillés ça et là. La commode que les femmes utilisent en principe pour ranger les
bouteilles flacons de parfum et les produits de maquillage, ma femme l’utilise pour mettre
les dictionnaires et les livres manuels de grammaire. Mon épouse se parfume de
complément direct et indirect et se maquille les yeux par l’indicatif et l’impératif…Elle court
derrière ce qui s’accorde et ce qui ne s’accorde pas, d’ailleurs je ne fais pas la différence
entre eux. Elle a terminé par accrocher au mur la liste de conjugaison des verbes
pronominaux comme toi tu as fait pour la reproduction d’une œuvre de Van Gogh, à tel
point que lorsque j’ai sommeil et que je suis allongé sur mon lit je vois des bâtons signes
dansant et des silhouettes qui sur des lettres dansent et mon épouse qui les poursuit avec
ses lunettes et alors que je moi tenaisnt le bout de sa chemise de nuit, la priant de me
laisser dormir : « S’il te plaît…je dors »

16
Ezzahra nommé Saint- Germain avant l’Indépendance se situe en banlieue sud de Tunis.

23
Elle se jette directement de la salle de bain sur sa chaise, derrière le bureau, les cheveux
dégoulinant d’eau, plongeant la tête dans ses papiers. Ainsi, je comprends qu’aucun
prétexte ne me permettra de l’approcher d’elle et que ce n’est pas la peine d’y d’ insister.
Elle est plus loin de moi que la muraille de Chine. Les idées tenaces qui assaillent sa tête sans
rendez-vous, s’emparent plus rapidement d’elle que moi…Je me suis appuyé sur toutes mes
conceptions modernes et progressistes de la liberté, mon respect pour la création et les
créateurs et les défauts de la création et j’ai imploré la patience.
Il se trouve que j’ai assisté à un des colloques auquel a participé mon épouse à côté
d’écrivaines et des personnes du domaine. Les peines du créateur y ont été évoquées et j’ai
entendu, O ! Mourad mon frère, beaucoup de paroles…Des paroles qui m’ont laissé penser
que je fais partie d’une catégorie d’animaux sauvages, un individu issu d’une tribu d’hommes
brutaux et frustres, même si la civilisation avait adouci leur caractère leur cruauté demeure
cachée derrière les masques et les gants en soie…Je m’attendais à ce que ma digne épouse
intervienne pour m’excepter de ceux qui font l’objet de leur colère pour que la vérité puisse
l’emporter…qu’elle se souvienne au moins que je n’ai jamais proféré un « ouf » ni une
réprimande mais j’étais plutôt soucieux de sa quiétude e l’ai plutôt portée dans les bras du
repos. J’ai supporté sa fuite et son absence…J’étais heureux de sa réussite et malheureux de
son échec…
J’ai enduré les insomnies, ses absences, les vives querelles, l’excès de paroles, sans compter
les livres ’envahissement envahissant des livres jusqu’au lit, le tas de poussière et l’araignée
logée entre les vieux journaux au point de ne plus pouvoir respirer…Je dois chercher le plus
tôt possible un appartement plus spacieux pour que ma femme puisse s’isoler dans sa
propre chambre, avec son attirail de connaissance, de littérature, de paperasse et tous ses
crayons. Ce qui me sauvera de l’invasion des acariens et de la poussière en direction de
plein les mes poumons…
Ah Mourad ! je suis venue vers elle au début de la nuit, faillant éclater…depuis un mois je ne
l’ai pas touchée…lorsqu’elle a commencé à prétexter la surexcitation de ses nerfs, des
douleurs au niveau du dos, des maux de tête et qu’elle n’a pas la force pour une partie au lit
et que demain elle ira mieux…Qui me dit que je vais serai en vievivre demain ?...Puis, que
puis-je faire aux des vibrations aigues entre mes côtes et le du feu qui s’empare de tout mon
corps ?...Que dois-je faire, se me conduire comme un adolescent, aller chez ma voisine ou
prendre ma voiture et se me rendre dans une maison close ?...Que dois-je faire avec Noura ?
Mourad était retourné au lit, s’était couvert d’un drap en tenant le bout comme quelqu’un
qui se préparait à se plonger dans un sommeil profond…Mais le ton de Kraiem, qui soudain
avait changé deétait passé de la frustration au reproche, l’avait poussé à se découvrir la
tête :
-Que dis-tu ?
-J’ai dit que c’est vrai tu ne fais pas partie de la classe des hommes, ton indifférence n’a rien
de la virilité.

24
-Est-ce que tu considères virilité le fait de frapper à ma porte tard la nuit et de déverser sur
ma tête tes soucis insignifiants soucis, que tout le monde connait, et dont on a appris les
actes ? jusqu’aux détails N’essaye pas de les dorer à nouveau, dis que tu es venu pour une
raison claire sans roublardise …Vos femmes vous rejettent, vous cherchez à vous consoler
dans les bras de Mourad…Mourad ne veut pas de toi maintenant…Mourad veut choisir…Sur
les rayons des livres, dans la pièce à côté tu vas trouver des publications de feu Abdallah
Wanouss17 que j’ai achetées dernièrement…plonge dedans…le pauvre est décédé, le cancer
l’a emporté du monde de tes semblables. Tu peux transformer ses œuvres en pièces de
théâtre, mauvaises, hideuses et médiocres comme tes soucis…
Cependant Mourad savait parfaitement que ses paroles n’allaient pas convaincre son cousin
et qu’il était loin de s’y attacher lui- même. Il existait un fil imperceptible qui les attachait
l’un à l’autre et un monde secret que tous les deux possédaient et auquel aucun tiers
troisième ne pouvait accéder.

*****

Chère Anouchka

Voici le soleil comme tu l’as laissé hier soir, dans leau giron cœur des nuages nordiques…Rien
n’a changé dans le ciel sauf excepté la concentration du brouillard. A côté de mon lit, sur Sur
la ma petite table de chevet, se voit toute la beauté dules jardins concentrent leur beauté
dans le bouquet de fleurs captivant attrayant que tu m’as apporté avant ton voyage. Le La
blancheur de la chambre de la clinique rougit rougeoie devantface à ses sa couleurs
harmonieuses . Tout a changé mué en moi bien que le monde soit resté stableinchangé…
C’est Il est vrai que le miroir reflète la même image mais le un bouleversement a eu lieu…
(Extrait d’une lettre de Nada à Anouchka)

17
Saadallah Wannous est un critique littéraire et dramaturge, né en 1941 dans le village Hussein al Bahr, mort
le 15 mai 1997.

25
Chapitre 4

Nada contempla le morceau de voile lâche, au niveau du centremilieu de la silhouette


masculine et plongea sa la main dans un récipient d’eau pas loin d’elle. Puis, elle
s’approcha avec beaucoup de délicatesse du corps herculéen, qui se dressait en face
d’elle jusqu’à la moitié, silencieux, s’abandonnant aux attouchements féminins. Elle
toucha les côtes et les limites de la taille. La promenade des doigts s’arrêta à l’orifice
du nombril puis se mit à arranger les plis du morceau de voile noué entre le cordon
ombilical et le pelvis. Elle suivait louvoyait les lueurs de lumière descendant de la
lampe électrique accrochée au coin, qui louvoyaient et dessinaient l’ombre de sa main
sur un corps laiteux et scrutait avec les bouts des doigts collés sur les surfaces non
lisses, le reflet de la lumière qui faisait faisant briller la face polie.

La brise du fin du mois d’avril était en train de se faufiler faufilait vers Nada, au rez
de chaussée de la villa,à l’architecture française, de style très ancien, de la famille de
Bois. La femme avait senti l’écoulement de la transpiration sur son cou et sur ses bras
la poussière d’argile blanche collant à ses cheveux courts à la garçonnets garçonne
et à son cou. Elle abandonna son corps à la chute d’eau tiède, laissant la porte
ouverte pour voir au coin, au au-dessus de la table la moitié de la stature de couleur
brune s’imprégner des reflets de la lumière et du jeu de l’ombre sur l’argile qui
commençait à se dessécher.

-J’espère que tu n’auras pas encore donné au nouveau- né un nom. C’est moi qui vais
le faire…Je serai sa marraine.

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C’est ainsi qu’Anouchka, joueuse de violon avait abordé son amie Nada de retour
d’un concert musical, organisé par l’une des associations caritatives, sur la place de la
Piazza Del Popolo à Rome, au profit des victimes des inondations dans les villages de
montagne, au Nord. Elle lança son petit sac en cuir comme convenu et se dirigea vers
la sculpture géante en rajoutant :

-Comme il est excitant cet homme.  ! Nous sommes seules Nada…Qu’est-ce qui se
passe si tu soulèves un peu le voile ?

- Coquine, c’est ça ce que la marraine pense de son protégé ?


Nada avait répliqué en recommençant à fixer les détails de la sculptée et en
poursuivant :
-Je crois que tu penses l’emmener à l’église pour qu’elle soit baptisée… On appelle ça,
ma chérie, dans mon pays et dans nos Hammams traditionnels « Tayeb18 ». Il masse
celui qui le demande dès alors qu’il se lave.
Anouchka l’interrompit, en se croisant les mains, sur un ton suave :

-Ah Nada ! Emmène-moi un jour là -bas, je voudrais être massée par les mains de…
comment tu as dit ?
-« Tayeb »…Il faut que tu saches que le Hammam chez nous n’est pas un lieu de
massage et par conséquent ce Hercule ne se trouve que dans le Hammam des pour
hommes…
La joueuse de violon s’approcha de son amie :
-Dis-moi la vérité Nada…ne t’a-t-il pas…ne t’a-t-il pas massé une fois ?
-Je ne m’en souviens pas…beaucoup de choses que j’ai e les ai oubliées et d’autres
que j’éduque mon esprit à les effacer…
Anouchka s’aperçut du silence qui tomba soudain entre les deux, elle se retira vers le
hall en direction de l’aile du vieux veuf Alain de Bois tandis que Nada s’embarquait
dans le train de son unique et double mémoire.

18
Tayeb : c’est quelqu’un qui lave et masse les hommes dans les hammams traditionnels .

27
Chère Anouchka.

(…)Très souvent, j’ai le sentiment d’habiter des au cœur de ruines entassées entre
mes côtes comme une bête caméléon triste…Cela qui me pousse à me venger de
embellir ces ruines par une touche de beauté que je mets autour de moi et qui me
donne l’illusion d’être serein…

Extrait d’une lettre de Mourad à Anouchka

28
Chapitre -5-

L’appartement d’Ezzahra était fut le monde privé jardin secret de Mourad


(Torchkana). Ses amis les plus intimes l’avaient baptisé « maison de l’artiste ».
Dès que vousauriezUne fois traversé la porte traversée vers la grande salle vous
respireriez «  l’odeur des diffuseurs d’l’air fraîche frais  » et vous rencontreriez
verrez une lumière tamisée dont les lampes se étaient cachées cachaient dans au
milieu desles plantes d’appartement, aux coins,. Elles qui faisaient faisaient l’objet
d’une grande protection de la part de Mourad.
A droite de l’entrée un sofa, doté à sa gauche d’un porte- téléphone rappelait
rappelant les des meubles anciens du style «  Louis Philippe ». .
Sur les murs de l’entrée était accroché dans des cadres élégants un ensemble de
tableaux à de Van Gogh que Mourad avait reproduits avec au son pinceau, au cours
d’un été. Il avait réussi à reproduire tous les détails des tableaux : Les Tournesols, la
Chambre à coucher,le Pont de Langlois, à Arles, la Terrasse du café de nuit, sauf le
portrait de Van Gogh dont l’expression du le regard et son expression étaient restées
cachées derrière son mystère, se dérobant à l’imitation.
Cependant, on le voyait debout devant les tableaux, fier surtout de la Terrasse du
café de nuit dans la réalisation duquel il qu’il pensait avoir excellé dans sa
réalisation plus que son créateur même, et que Van Gogh s’il ressuscitait et qu’il
voyait la reproduction déchirerait l’original face à elle .

L’appartement apparaissait fait à la mesure d’une seule personne. Mais, en dépit de


l’exiguïté de ces trois chambres, son propriétaire l’avait rendu en avait fait un objet

29
d’art pour le plaisir des yeux l’œil et la jouissance de l’âme. En effet, celui qui
pénètrerait dans la salle de séjour s’imaginerait être dans une maison chinoise. Tous
les meubles et le décor faisaient penser à l’environnement social chinois et au goût
raffiné et distingué de ce tte race peuple. L’induit L’enduit qui couvrait les meubles
était d’un rouge foncé tandis que les peintures et les gravures étaient soit de
couleur soit noire soitou dorée. De même que les Les couleurs du tapis oriental
étaient aussi en harmonie avec l’ensemble car elles s’accordaient avec les canapés et
l’armoire qui ressemblait à un coffre de à bijoux géant avec sa décoration
majestueuse, qu’on aurait fait venir d’un temple bouddhiste, destinée à garder, les
dons et les cadeaux précieux. Non moins belles les Les étagères en bois sur
lesquelles étaient rangés des bibelots divers aussi beaux n’étaient pas en reste.
Comme une touche, pour confirmer cet environnement de beauté se dressait un
paravent dont les quatre côtés représentaient une œuvre d’art réalisée avec une
perfection rare. Il Elle se manifestaitcontrastait par une sa présence royale le
distinguant parmi avec les autresmeubles, étreignant représentant un fleuve calme,
zigzaguant entre les jardins de lotus, surmonté de ponts en bois. Sur Les les rivages
rives du fleuve les oies d’Asie se pavanaient, allongeant leur cou d’orgueil, vers
l’horizon.

Le paravent séparait la salle en deux parties, une partiela première en salle de séjour
et l’autre en atelier de peinture dans lequel étaient entassées des affiches. Des
tableaux dont certains étaient achevés jonchaient le parterre dont certains étaient
achevés, d’autres abandonnés depuis des années et quelques uns vivaient
l’accouchementattendaient de naître du pinceau et des couleurs.
Sur une étagère en bois de style royal, Mourad avait placé des sculptures dont
quelques unes faisaient partie de sa création et d’autres de copies de sculpteurs
célèbres comme une petite sculpture d’Hercule et une autre de Neptune, à côté de
deux autres de Rodin et de sa maîtresse Camille Claudel.

La chambre à coucher qui était étroite et dont la dont la superficie ne devait pas
dépasser dépassait pas trois mètres tellement elle était étroite, n’en était pas
moins un vaste monde vaste. Celui qui y accèderait serait saisi d’un sentiment
d’étendue grâce à une large glace, fixée au mur tout au long de la pièce qui reflétait
tout ce qui s’y trouvait, ce qui rendait double doublait l’espace.
Le lit sous en forme d’un de cercle apparaissait double. Des oreillers en velours noir
et bordeaux bordeaux en occupaient lase partageaient sa moitié tandis que le
couvre- lit était un haïk dont lesavec des bordures étaient en satin pourpre, . Il était
brodé de fils de soie dans le style des brodeuses gitanes d’Espagne. les rideaux des
fenêtres étaient confectionnés dDu même tissu étaient confectionnés les rideaux des
fenêtres. A gauche s’étendait un dressing. Mais ce qui restait nu des murs, à droite
de l’entrée était couvert de photos agrandies, d’Alain Delon dans toute son
élégance, d’Elvis Presley exhibant les muscles de sa poitrinepectoraux et biceps de
ses bras , d’Ali Riahi19 avec sa coiffure originale et de Marlon Brando. Pour compléter
19
Ali Riahi : chanteur et compositeur tunisien, né le 30 mars 1912 à Tunis, mort le 27 mars 1970.

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le tout, il y avait aussi Anthonny Quinn dans le rôle de Zorba le grec exécutant sa
célèbre danse. Tous voisinaient sur ce mur autour d’un dans un étrange dialogue
étrange .
Etaient-ils des compagnons de divertissement pour le maître de maison céans qui
conversait avec eux dans un langage que Mourad (Torchkana) seul pouvait
déchiffrer ? Etaient-ils des chevaliers de séduction qui allumaient leur amoureux au
fouet du désiravec une tige de jouissance bizarre  ? Etaient-ils sincères, gardaient-ils
son secret et le silence sur ses crises aux moments de solitude mortelle qui
envahissait ses nuits pendant de longues périodes, sincères et discrets à propos de
ses larmes et sanglots, cachant sa la tête entre les oreillers, sincères et discrets avec
leurs yeux sur le point de palpiter et leurs lèvres tout près de parler ?
Il lui arrivait qu’il s’asseyaitde s’asseoir les jambes croisées sur son le lit, discutant
avec celui-ci ou celui- un tel ou tel autre là ou bien il les faisait tous participer par
avec des questions et des éclaircissements demandes d’explication pour lesquelles il
n’attendait aucune réponse. Il arrivait aussi quelquefois qu’il confie ait à celui-ci son
rêve libidineux d’une chaude nuit d’étreinte qui ne s’apaisait pas ou bien il
déversait son dégoût des gens et de quelques personnes à qui il avait ouvert son
cœur et qui se rétrécissaient de stupides n’avaient su les conserverité. Entre lui et
eux se dressaient l’incompréhension ’incompréhension et l mésintelligence a
compréhension.

Celui quiVisitant visiterait l’appartement de Mourad, on aurait le sentiment d’être


chez un homme qui n’étaitpas « a normal » et qui était , d’une autre étoffe. Il et ne
pourrait s’empêcher d’en être fasciné. Même lorsqu’il r en entreranit dans la
cuisine, il serait agréablement surpris par le goût raffiné qui se révèlerait révèle à
travers le rangement des ustensiles de cuisine, la brillance de la faïence et des murs
comme si derrière tout cela on devinait les doigts d’une femme habile, une
maîtresse de maison de premier ordre.
Mais quelle que soit l’habilité de la maîtresse de maison et les touches féminines
dans la le décoration , le rangement et la propreté, celui qui ouvrirait la salle de bain
de l étonnant’appartement étonnant de Mourad ne pourrait imaginer qu’une jeune
femme puisse le dépasser en quoique ce soit. Comparée à Mourad, elle paraîtrait
plutôt d’un goût médiocre et primitif et d’une imagination et d’un sens esthétique
limités…
La baignoire ressemblait à une orbite céleste entre ciel et terre. Autour d’elle
jaillissaient des chutes d’eau des montagnes d’argile, de verdure et de rochers. Des
oiseaux prêts à voler semblaient s’arrêter aient soudain pour contempler ce monde
fabuleux.
La salle de bain était bien singulière différente de celles communes . Le visiteurOn la
croirait «  prendrait pour un Temple temple des ’eaux et d’échanges entre la
créatures aquatiques d’eau avec l’eau.  » C’est ainsi que Mourad commentait son le
décor qui attirait l’attention, lorsque Hajja Kmar, l’une de ses visiteursen visite, ou
une autre femme éprouvaient le besoin de l’utiliser.

31
En effet, il ne s’agissait pas d’un endroit pour se débarrasserdéfaire des saletés du
corps autant qu’il était un lieu pour l’élever vers une jouissance nirvanique, sous le
flot d’eau bénite qui le couvrait dans sa nudité et son état premier, proche de lsa
naissance et versà la lumière.
Ce n’était pas un endroit pour accomplir une nécessitésatisfaire un besoin mais
plutôt un lieu d’aisance de repos pour un le corps accablé par ses les écarts, sa la
fougue et sala soif. C’était alors qu’il s’abandonnait dans un tout relâchement
relâché à l’eau, comme s’il s’apprêtait à renaîtrese prêtait à une renaissance .

Chère Anou…

Tu m’as demandé une fois pourquoi j’ai accepté lece surnom de « Torchkana » et
que je ne me suis pas révoltésans me révolter ? Ce qui mérite vaut que je me révolte
est hors de portée contre lui , ma révolte ne peut l’atteindre …Est-ce que je peux me
révolter contre la nature ? Montre- moi le chemin que je dois à suivre et je le ferai…
et Qque la mémoire de notre ancien quartier et mon enfance fragilisée gardent le
surnom « Torchkana »

32
Extrait d’une lettre de Mourad à Anouchka

Chapitre 6

« Au nom de Dieu le bienfaiteur et le protecteur…qui t’a fait ça ? Que Dieu t’aide à te
repentir, mon fils… »
Hajja Kmar ramassa sa « fouta »20, s’appuya sur ses les mains et se leva en titubant,
marchant surfoulant le bout de son habit. Elle tira Mourad depar le son bras
devant les au vu et au su yeux des femmes tandis quealors le mouvement des tamis

20
Fouta : habit traditionnel que portaient les femmes citadines. Il entourait la taille en arrivant jusqu’aux
chevilles et au dessus duquel on mettait une « blousa ».

33
s’arrêtait entre leurs mains. Elle sortit une clé du de vêtement qui couvrait sa
poitrine et le la mit dans la main de son petit fils : « Monte cacher ton visage… »

Il se précipita vers le lit qui occupait le devant de la chambre, de l’étage au -dessus.


Quelques secondes plus tôt il tendait son visage tuméfié à la vieille qui lui passait des
compresses trompées dans l’eau froide sur son œil au beurre noir et les hématomes
à lamarques bleues à côté de la mâchoire. mâchoire Elle appuyait avec le bout du
doigt sur le coin du sourcil en mettant un peu de café moulu sur la blessure qui
saignait encore. En même temps sa langue ne s’arrêtait pas de psalmodier des
prières sa litanie :

-Que Dieu t’aide à te repentir Mourad et pardonne aux mauvais enfants…les enfants
du quartier. Encore une fois, pourquoi tu as été les voir ?

-NanaMamie , je jure sur ta tête je n’ai pas mis mes pieds là- bas …des têtes à claque
m’ont suivi je ne les connais pas…J’étais en train de peindre une porte cochère et un
portillon dans le quartier djerbien…

-« - Par la gGrâce de Dieu ! »… …Qu’est ce qui t’a conduit dans ce quartier les portes
de la Médina et de Bir Lahjjar ne t’ont pas suffi… ? Peins autre chose bonté divine !

-Oh Nana mamie ! Je veux me concilier avec moi -même…Je ne suis pas dans ma
peau, dis à mon oncle de me donner l’héritage de mon père…J’ai envie de foutre le
camp…Je veux changer de peau…à ce moment -–là tu ne verras plus alors mon
visage…

- Ce visage, je l’aime…Je veux que tu sois un homme…comme ton père et ton grand-
père, je veux te marier et te voir remplir la maison d’enfants.

-Avoir des enfants ! Pourquoi Nana mamie?...et je deviensdevenir comme mon père


pourquoi Nana mamie ? Mon grand-père était fortuné, il gouvernait la moitié du
pays. Qu’est ce qu’il qui lui manquait par rapport au Bey ? Tandis que mon père avait
commis un crime envers moi et « Simone »et il est mort assassiné à l’entrée d’un
immeuble à l’étranger etavec les tracts trempés dans son sang…Moi, je veux devenir
une femme…une femme…

C’était comme si la vieille avait été piquée par une tige de poireaufouettée, elle se
dépêcha vers la porte en invoquant Dieu contre le diable et en psalmodiant des
prièrestous les diables. Puis, elle ordonna qu’on apporte à son favori le plateau à
manger ; ,des fruits, de l’eau glacée, des serviettes propres et la théière car il ne
quitterait pas la chambre du premier étage avant qu’il ne soit d’être guéri.
Quelques uns avaient pratiqué des attouchements sur son visage imberbe. C’était
alors qu’il avait ramassé ses affaires éparpillées et s’était jeté dans le premier taxi,
tout près d’une rue principale en direction d’El Hajjamin

34
***
C’étaitIl était dix- sept heures.

Heure de pointe, un samedi après- midi. et c’étaient les Centres Commerciaux, …


Des plateaux en métal et en verre, s’agitaient agitaient avec des silhouettes
humaines et les magasins comme des pièces de dés coloréses se collaient aux
plateaux bruyants.
Les mannequins, derrière les vitrines dans leur stupeur, étaient comme de plus en
plus immobilesinertes. Sur l’escalier mécanique, Mourad se faufilait en arrière et
entre parmi les corps…Il s’y collait…les touchait…n’arrivait pas à les compter. Son
regard égaré était rivé sur les bras solides et les silhouettes rembourrées dans des
pantalons Lee Cooper et Mako…la transpiration sueur coulait sur leurs les
membresmuscles. Dans l’air, des odeurs de tabac se mêlaient à des odeurs celle de
du parfum dissous dans l’écoulement affadi de la transpiration…Quelques uns
s’approchaient de lui : « …Vive Badiaa… »21Mourad les fixa…leur tête ne lui inspirait
pas confiance…leur odeur le dégoûtait…l’un d’eux murmura à l’un de ses
compagnons :« Torchkana, l’enfant d’El Hajjamin ». Les mains se tendaient,
touchaient son épaule et son cou : « Sois le bienvenu… »
L’un d’eux osa toucher son menton lisse, glabre…Il écarta la main insolente et se
retira. Il fuit entre la foule… chercha la plus proche sortie de la porte arrière…se jeta
dans une rue collatéraleadjacente…puis dans l’avenue Habib Bourguiba. Il poursuivit
à travers l’avenue de France, en direction de la rue « Fabrikit el Thilj ». Il fit halte
devant une boutique d’antiquités et héla quelqu’un appela l’un d’eux  :  

-« Azza »…donne-moi l’objet que je t’avais confié…

Le jeune l’accueillit souriant, portant un chevalet plié et un porte- documents sous


son bras :

-Salut Mourad…comme d’habitude, tu vas peindre la porte.

- Maudite porteQu’elle périsse…ce n’est pas encore achevé.

-Je te conseille de changer de direction et d’aller à« Bir Lahjjar »…et « Tourbet El


Bey ».

-Ce sont des travaux que j’ai réalisés depuis des années…Je veux du nouveau…
- Dis que tu aimes les portes en ruinevermoulues , usées…

- Bien entendu…pour les faire renaître, ignorant…les désaltérer avec mes couleurs
ainsielles rentreraient dans une vision différente…Toi par exemple…si je peins ton

21
Badiaa : un sarcasme pour signifier l’homosexualité du personnage.

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portrait tu seras un autre…tu seras plus important que maintenant…différent de
Azzaqui se déplace entre le vieux bois, les vers, la poussière et l’odeur de la peinture.

Soudain, Mourad constata que le jeune ne lui prêtait pas attention. Son regard était
égaré vers ce qui était derrière lui.

-Mourad…la bande est derrière toi, elle te veut…que Dieu te vienne en aide…

Il mit sous le bras le chevalet, la trousse des couleurs et le papier et suivit son
chemin…Il baissa la tête contemplant fixant le pavé de la ruelle, en se dirigeant
vers « Al Hafsia ».Il avait compris que la situation se compliquait surtout qu’il était
poursuivi avec insistance et qu’il tenait fermement à son choix, à ses options était
obstiné pour ce qui était de son choix et de ses critères.

Chapitre -7-

« Torchkana a envie de dormir, il a passé la nuit à compter les étoiles »…..

36
-Bonjour Torchkana.
-Bonjour la joue de « Romana »
s de grenade
Du patio, la voix de Hajja Kmar s’éleva, chassant les enfants qui galopaient vers la
chambre au- dessus en se partageant la charge du plateau pour le petit déjeuner de
l’hôte de la terrasse.

-Je ne veux pas entendre ce nom chez moi…Il s’appelle Mourad…son prénom est
Mourad…Mourad… !

Une petite fille était à la tête du cortège, elle s’étira au niveau de la serrure en
collant ses lèvres contre le bois et murmura :

-Bonjour Torchkana…

Baillant, elleSa voix, en baillant lui répondit :


-Bonjour la joues de de « Romana »grenade

- Maman t’a envoyé un beignet.

La porte s’ouvrit, Mourad en pyjama était debout sur le seuil.Il taquina la délégation
des enfants éparpillés sur l’escalier, attrapa la petite fille de sous ses aisselles, elle
s’enfuit de peur, en trébuchant dans de grandes chaussures de femme, à l’intérieur
desquelles se perdaient ses pieds. Il se précipita vers elle en la serrant dans ses bras :

« Une graine de fève est tombée…elle a disparu dans la babouche de l’ogre. »


Elle lui échappa à nouveau :

-Laisse- moi…Ma mère me dit de ne pas nous approcher de toi et de ne pas entrer
dans ta chambre surtout lorsque tu es seul.
Mourad baissa ses les bras…renversa le plateau du petit déjeuner sur l’escalier. Une
larme lui coula sur sa la joue. Le groupe d’enfants s’écarta de lui . L’un d’eux prit le
risque de répéter la chanson, en applaudissant :

« Torchkana a envie de dormir, il a passé la nuit à compter les étoiles… »


Sa voix s’amenuisa se perdit dans la voixcelle rauque, menaçante de Hajja Kmar.
L’enfant s’enfuit en après avoir reçu recevant une chaussure lancée du préau.
Soudain les voix se turent. La vieille femme se précipita vers l’escalier. Mourad lui fit
éviter épargna la peine de monter l’escalier, il ramassa sur son chemin les objets
éparpillés du café…enfouit sa tête dans la poitrine qui s’offrait à lui avec tendresse et
générosité…

37
-NanaMamie, je n’aime pas que les petitspoussins me fuient…surtout les poussins
ceux de la maisonchez nous…ils me sont très chers…
Il abandonna son visage dans les plis du vêtement parfumé de «    poudre de talc » et
de l’huile de jasmin. Il sentit renifla la transpiration de la vieille femme. Cette odeur à
laquelle il s’était accoutumé depuis sa tendre enfance.
Commebien il aimait cette femme !
Il s’imagina que le monde entier pourrait lui tourner le dos sauf cette femme…sauf
cette poitrine…
De son regard il obtenait une e sérénité débordante abondante chaque fois qu’il
avait le cœur oppressé et qu’il était mal dans sa peau et son corps, qui étaient en
désaccord avec la masse de ses sensations.

Il s’abandonna à ses mains, aux compresses et à l’eau de fleurs d’oranger. Elle prit
prenant soin de son visage endommagé. Mourad se lança se laissa aller aux souvenirs
derrière sa mémoir e, sautant les années de dérouteremontant le temps .

***
Vêtu d’un tablier noir, il se rendait àfréquentait l’école de garçons de Bab Djedid. De
retour, il était habitué àavait l’habitude de passer par Souk al Assr et àde s’attarder
devant le marchand de beignet « zlabia » et de citronnade. Puis, il tournait prenait à
droite en direction de Souk El Maar…

Il lui arrivait d’entrer qu’il rentre  sali par la boue du chemin ou les détritusordures
du souk…
Une boule dans la gorge, la bouche sèche. Des doigts invisibles se tendaient pour
presser soncœur de dedans faisant jaillir une douleur violenteau moment où il se
rappelait un beau visage, radieux comme une poupée, en colère…en se rapprochant
de lui, silencieux, elle tendit une main blanche, fine pour attraper saisir l’enfant par
l’oreille l’oreille de l’enfant et le tirer jusqu’au siège de Hajja Kmar. Elle lui montra
son état répugnant et son tablier déboutonné, leva son doigt en indiquant la pendule
accrochée au mur puis le tira de son oreille vers l’extérieur de la demeure d’El Hajja,
silencieuse, à pas sûr, pour lui donner une fessée.

La même jeune femme qui enflamma son derrière de coups retourna pour le serrer
contre sa poitrine et entre ses maigres bras. Cette poitrine dont la dimension n’était
pas la même que celle dela poitrine de Nana Kmar ou des autres femmes de la
maison…car elle était presque comparable à celle d’un homme. Ses seins à force
d’être trop petits flottaient dans son large soutien.
La même jeune femme comptabilisait ses erreurs, les retards de à son retour à la
maison et entreprenait des rondes de fouilles de son cartable à l’improviste. Gare à
lui si elle trouvait des morceaux de craie qui finissaient en poudre et s’infiltraient
entre les cahiers et les livres.

38
La même jeune femme restait des heures dans la cuisine pour préparer la confiture
et la galette aux raisins secs qu’elle glissait tous les matins dans son sac en
tissuétoffe.
La même femme qui avait placé son lit au coin de sa chambre, le bordant et déposant
sur son front le baiser de la nuit, avant de dormir, s’asseoyait pour démêler ses
cheveux blonds. Sa chemise de nuit découvrait ses épaules et ses bras laiteux. Alors
A ce moment là, l’enfant se souvenaint des images qui ornaient les contes des
princesses et des les houris des contes fées. Il contempla le visage que le miroir
décoré ajouré reflétait. Soudain, une angoisse s’empara de lui et le paralysa au lit, en
voyant à la vue de sa mère qui pleuraitpleurer. Ses sanglots étouffés arrivaient à ses
oreilles.
Il se rappela le jour où il avait jeté les couvertures, avait glissé de son lit et s’était
approché d’elle, nus pieds, en pleurant à son tour pour et en entourerant ses
épaules avec de ses petits bras tandis qu’elle était assise.

-Maman…qu’as-tu ?...Simone ne pleure pas…ne pleure pas…


Il approcha d’elle l’eau et une petite boîte où elle rangeait de divers médicaments.
Elle prit quelques uns calmement. Elle, lui sourit puis , tendit ses doigts sous ses
aisselles en jouant, le titilla avec lui et en riant. Ensuite elle le remit vite au lit et
éteignit aussitôt la lumière.

Il dormait dans la chambre à coucher à de sa mamanmère . Il s’y était habitué depuis


qu’il était bébé surtout que « Maman Simone » comme le lui avait expliqué « Nana
Mamie Kmar » et éclairci fait comprendre à ses cousins « n’a pas d’homme…son mari
est décédé ».

Enfant, un jour il lui avait demandé :


-Nana Mamie Kmar, qui est le mari de Simone ?
Elle lui répondit en se frappant les mains :
-Oh  mon cœur ! Son homme mari est ton père Si Ahmed Chaouachi…un homme, un
vrai…
Elle approcha l’enfant d’elle, en enfouissant son visage dans l’odeur du talc et de
l’huile de jasmin. Il sentit sa généreuse poitrine opulente se soulever par dans un
long soupir…
« Paix à ton âme Ahmed mon fils, ta vie, tu l’as perdue vainement…ils ont brisé ta
jeunesse…qu’est-ce qui t’a entraîné vers la politique pour que tu sois sacrifié ?… »

« C’est quoi la politique Nana Mamie Kmar ? »


Interrogea l’enfant en levant la tête.
La femme le gronda, irritée.
«  Tais-toi, cette histoire ne te concerne pas… »

***

39
Une fois, il était rentré tard, poussiéreux, plus hideux que jamais, ses pas l’avaient
conduit jusqu’aux alentours d’El Gorjani, derrière des enfants qui l’avaient harcelé et
lui avaient arraché pris sa toupie. Un de ses camarades avait bondi pour le venger. Il
était connu pour son doux caractère et son comportement souple fin au point que
certains d’entre eux le comparaient à une fille.
Il était sûr que la punition de Simone allait cette fois- ci dépasser la fessée pour un
autre moyen plus dur. Peut-être allait-elle lui retirer la boîte de couleurs et les
feuilles de dessin comme elle l’avait prévenu la dernière fois. Il n’y avait rien de plus
détestable pour lui que d’être privé de sa gouache et des feuilles blanches sur
lesquelles il dessinait au crayon des formes différentes sortes de fleurs, d’oiseaux qui
n’avaient rien de semblable dans la réalité. Il se plaisait à passer des heures plongé
dans ses lignes et couleurs, sans jamais s’ennuyer.

Il retourna à pas lourds, il entra sous le porche se traînant vers le préau . Il fut surpris
par l’absencede ne pas voir l des pots de basilic, d’œillets et des plantes que Nana
Mamie Kmar entassait et de voir sur une banquette en marbre, par lesainsi que deux
rangées de chaises et les quelques hommes qu’il connaissait, assis, silencieux…
Nana Mamie Kmar parut silencieuse elle aussi. Il vit la tristesse sur son visage, elle le
serra contre sa poitrine, lui enleva son tablier et le débarrassa de son sac. Elle les
confia à des mains volontaires qui bougeaient autour de l’enfant. Certains lui
mouillaient son le visage, d’autres passaient leur main sur ses cheveux…Une femme
arriva avec un torchon mouillé pour lui enlever la poussière des ses jambes et nouer
les lacets de ses chaussures. Il vit les femmes de la maison bouger de façon différente
de leurs habitudes inhabituelle et leurs yeux étaient rouges. Un homme s’approcha
de lui, le prit par la main et le conduisit en dehors de la maison…Il sortit de la ruelle.
En en passant par le quartier, les commerçants le fixaient avec un regard anormal
étrange…Un homme descendit près de la rue, ouvrit la porte d’unee sa voiture, fit
asseoir l’enfant à sa droite et se lança en traversant à travers les avenues du centre
ville, en observant le silence jusqu’à l’arrivée dans un quartier dont l’architecture et
la forme de ses bâtiments étaient était différentes différente de celles celle de la
Médina. L’homme le fit descendre puis entrer dans une des maisons. Il se pencha sur
lui, en lui disant :

-Cette maison est celle de Ghalia, la femme de ton oncle Si Mokhtar. Tu vas rester
avec les enfants, ils sont de ton âge.
Là- bas, des enfants l’entourèrent. L’un d’eux parla en rompant un silence qui avait
relativement dura duré :
-C’est toi dont la mère est mortequi as perdu sa mère ?

***

L’odeur due la poudre de talc et de l’huile de jasmin s’exhalait du giron de Nana


Mamie Kmar. A l’âge de neuf ans, Mourad lutta contre la rougeole. La femme lui
faisait boire une tisane composée de fenugrec, de cannelle et de raisins secs. Elle lui

40
faisait respirer, de près, jusqu’à l’éternuement l’odeur due poisson grillé, en
approchant de son nez rougi la fumée du gril. Elle lui entoura enveloppait sa la tête et
son le visage d’un voile rouge puis fermait les fenêtres, en l’isolant du reste des
enfants. Entre le sommeil, l’éveil et la fièvre ses paupières s’alourdissairent, il
entendait les des voix des de femmes comme si elles montaient du fond d’un puits :
-Nana MamieKmar, ceci est une assiette de fruits secs pour Mourad.
-Nana Mamie Kmar, ceci est du lait de chèvre.

- Merci pour le réconfort et le soutien que vous m’apportez. Je vous souhaite une
longue vie…Que Dieu soit avec lui, mon garçon est orphelin, le pauvre.

La fièvre était tombée, Mourad se sentant en forme s’empara de l’assiette de fruits


secs et de la bouteille d’eau. Il supplia Nana Mamie Kmar qui n’avait pas quitté le lieu
depuis qu’il a contracté son atteinte de la rougeole :
-NanaMamie, parle-moi de mon grand-père et d’Ahmed, le grand…
Il ne restait plus à la femme que d’acquiescercepter.

***

Ahmed Chaouchia rriva dans la Capitale à Tunis au début de la révolution de 1864


dans les campagnes, sans argent ni effets. Il se réfugia sur les hauteurs du Mausolée
de Sidi Belhassen El Chedly, dormit des jours entre les tombes du cimetière d’EL
Djellez et celui de Sidi Ahmed Sakka. Il travailla comme portefaix et porteur d’eau
puis il rejoignit intégra un chantier de bâtiment…Il réussit à attirer l’attention sur lui
et fit preuve d’habilité dans tout ce qu’on lui avait confiaité. Ce qui ’il lui permit de
progresser et de passer d’ouvrier à un maître de chantier…Une fois, il partit avec
quelques ouvriers pour chercher des pierres hors de l’agglomération, il découvrit
dans une des grottes grotte un coffre au trésor plein de pièces en or. Il le
dépoussiéra, enleva le plâtre puis se dirigea vers les divers souks de a ville, en entrant
par la grande porte. Il n’avait pas encore atteint la vingtaine que le temps se
montrait ait été généreux avec lui après avoir été parcimonieux, pour suppléier à ce
qui ’il lui manquait.

A l’époque, le commun des mortelson prétendait que ces trésors qu’on découvrait
de temps à autre dans les grottes, ses propriétaires les y avaient étaient cachés par
leurs propriétaires là-bas dans des circonstances contraignantes et malheureuses, au
temps lors des de raids ou de la tyrannie du pouvoir. Souvent, ces trésors confiés à
l’inconnu étaient enduits de larmes de ceux qui les avaient déposés. Ils étaient
témoins témoignait de leur chagrinpeine, de la répression et de la coercition qu’ils
avaient vécues.C’est la raison pour laquelle, la peine de ces personnes, qu’ondont on
n’ entend plus parler d’eux et dont on n’a plus de nouvelles, poursuivrait comme une
malchance et porte- malheur celui qui s’emparerait du trésor. La malédiction
tomberait sur lui et même sur ses petits enfants, en dépit de ce que le trésor v lui

41
apporterait apporterait d’aisance et de changement de situationpassage du besoin à
l’aisancee la suffisance à la richesse .

Sauf que l’éclat de l’or faisait oublier la superstitions et les croyances . suspicions.
C’est ce qui arriva à Ahmed Chaouchi qui devint chez les plus grands du Souk Si
AhmedChaouchi22. Il se maria avec trois jeunes femmes vierges et une veuve. Elles
avaient mis au monde trois garçons. Ils étaient tous atteints d’épilepsie sauf son fils Si
Taeib, né de la plus jeune des épouses. Il fut né naquit la nuit du 27 du mois de
Ramadan… « Une nuit de Baraka  , dit que l’homme raconta à sa famille, où des
grâces miracles se produisent et à l’heure où la clémence de Dieudivine, à une de
ses heures, descend sur touche ses les fidèles et les comble de bienfaits. Durant
cette nuit les djinns sont étaient enchaînés ce qui constitua serait une chance pour
l’enfant né sous de bons augures auxquels les esprits ne purent nuiree nouveau né
qui échapperait au sort de ses frères car ils ne peuvent pas atteindre celui né sous
d’heureux auspices … »
L’homme eut peur que ses épouses mettent à exécution unedes machinations que
ses femmes pourraient tramer contre son fils. Il les répudia et se contenta de la mère
de son enfant.
A sa mort, Si Taieb fut son le seul héritier d’un ensemble de biens immobiliers à
Téboursouk, des échoppes à la Médina et desdes plantations d’oliviers oliveraies au
Sahel. Il se maria avec la fille d’un artisan en chéchias de qui il eut son premier
enfant. Dès sa naissance, on vit à la forme de son crâne qu’il n’était pas normal il
parutn’être pas normal à cause de la forme de son crâne .

On racontait raconte que la sage femme en contemplant ses traits avait oublié de
mâcher les grains de cumin prêts dans l’assiette, à proximité, pour les répandre sur le
visage du nouveau- né, comme il était de coutume pour que son visage soit attirant
et beau. Mais soudain elle se ressaisit, mâcha les grains de cumin sans enthousiasme
puis les répandit sur le visage du nouveau- né, au grand crâne hypertrophié et au
visage laid, sans conviction. Les femmes racontèrent que le visage de Si Taieb, le père
de l’enfant, devint sévères’assombrit et pâleit à la vue du en contemplant le
nouveau- né, son aîné, au moment où la sage femme le lui confia dans ses langes
pour qu’il prononce la formule « Dieu est grand, le loue et atteste qu’il est unique et
que Mohamed est son prophète »,à la gloire de Dieu et dise l’appel à la prière dans
à l’oreille du nouveau- né, comme de coutume…L’homme se ressaisit et cria aux
femmes qui murmuraient :
-Allez pousser des youyous, béni soit ce que Dieu nous donne est
béni(mabrouk).accorde.
Parmi les prénoms qu’ilet il le nomma ui donna « Al Mabrouk », (le béni).
On dit raconte que l’une des proches de la femme qui venait d’accoucherparturiente
était stérile et médisante. On l’avait entendue répéter, dans la cuisine :

« L’enfant n’a ni charme ni beauté et la déception a été grande pour les parents. »
22
Si : particule distinctif signifiant le respect, accordée aux personnes notables ..

42
Lorsque sa belle- mère avait entendu entendit parler de ce qui s’était passé, elle jura
que son fils ne manquerait pasde la répudiera tout de suiteaussitôt. Cette décision
avait plu à l’époux qui n’avait pas hésité à obéir à sa mère.
Quelques uns, en commentant avaient murmuré :
-Voici les signes annonciateurs de porte- malheur et de mauvais augure que Si Taieb
a hérités de son père.
A peine Mabrouk avait-il atteint « Al Mabrouk » deux ans que la malformation
congénitale et le retard de croissance organique parurent.

L’imam de la Mosquée de Saheb Ettabaaprononça ces propos :


-Demandez pardon à Dieu de vos fautesRepentez-vous. Dites rien ne peut nous atteindre
sauf ce que Dieu a prescrit pour nous a prédestiné …Ni malédiction ni balivernes. C’est la
volonté de Dieu.
Si Taieb ne prêtait pas attention aux ragots qui n’étaient pas soumis à une logique. Sa
foi en Dieu et au Destin était forte. Lorsque son enfant décéda suite à une fièvre et
une diarrhée aigues il glorifia Dieu et le loua pour cette aimable fin. Comme si le
Destin voulait le récompenser, il eut un garçon sain. Parmi les prénoms qu’il choisit
pour lui Il le nomma (Al Mustapha).23Comme si la Baraka de ce prénom l’avait
touchée touché il grandit avec une belle tailleconstitution, reçut une part de savoir
puis rejoignit ses oncles et maitrisa la confection des chéchias, au Souk El Hafsi. Il eut
son propre écusson particulier et avait tenu à importer la laine et la soie de
l’Europe, de même le carmin et la centaurée. Lorsque son père, Si Taieb, avait senti la
mort proche il le maria à sa cousine germaine par bienveillance égards à son pèrequi
la lui recommanda avant de mourir. A force d’être faible et malade, elle mourut en
accouchant de garçons jumeaux, Ahmed et Mongi.

Le hasard fitAlors que Si Mustapha au moment où il était en train de négocier une


affaire avec un commerçant du Souk, ce dernier l’invita chez lui et lui proposa
d’épouser sa fille unique « Lella Kmar ».
Son père lui dit :
-Je me suis marié avec sa mère alors que j’étais en étant apprenti, le Souk était
difficile et le maitre de la boutiquele bey de la corporation ne pardonnait pas. Elle
m’avait soutenu par l’effort et la ruseles idées jusqu’à l’amélioration de ma situation,
en devenant à mon tour «    un maitre »patron qui qui commande ordonne
aux ouvriers. Je pense que ma fille ressemble à sa mère. Elle est la meilleure il n’y a
pas mieux qu’elle pour élever Si Ahmed et Si Mongi.

Je veux que mes enfants s’instruisent et aient des diplômes…Je ne veux pas qu’ils
travaillent au Souk. C’était la volonté de « Lella Kmar » à laquelle son époux Si
Mustapha ne pouvait s’opposer, pour plusieurs raisons, dont la plus importante

23
Al Mustapha : un des noms attribués au Prophète Mohamed, Paix et Bénédiction sur lui.

43
était que la femme s’était attachée aux deux enfants, depuis qu’ils étaient au berceau
et les avaient élevés comme s’ils étaient ses propres enfantsles siens.
Ils grandirent en bonne santé, forts. Elle avait tenu à ce qu’ils aient une belle
apparence pour en être fière d’eux devant la famille et les voisins. Sa procréation
tardive ne l’avait pas empêchée de se dévouer à l’éducation des jumeaux. Tandis que
Si Mustapha Chaouchi était très occupé pris par les problèmes relatifs à ses biens. Il
fut contraint dans les circonstances instables de la guerre de vendre ses plantations
d’olivieraies dans le du Sahel, en laissant quelques immobiliers et terrains proches
de Tunis. De même il avait remarqué que l’artisanat qui régnait sur le Souk à une
époque donnée était menacé par l’extension française.

Lella Kmar emmena les jumeaux, vêtus de leurs plus beaux habits, à la mosquée « Al
Zanâyiz », à Bab Al Jezira et les confia au meddeb24…Le jour où Ahmed et Mongi
arrivèrent avec leur tablette décorée et ornée, en ayant appris par cœur le un quart
du Coran, elle envoya une un grande grand écuelle plateau de Mahkouka25 au
Koutteb26. Lorsque‘ils avaient achevé de l’apprendre en entier, elle offrit un repas à
Sidi Mehrez27 pour célébrer l’événement et organisa une fête de circoncision pour les
trois enfants.
Elle envoya les jumeaux à l’école des sœurs de Bab Jedid puis à l’école française sauf
qu’après la deuxième Deuxième guerre Guerre mondiale les enfants arabes avaient
été séparés de ceux de la communauté étrangère c’était alors qu’ils rejoignirent
l’école d’Alaoui ’Alaoui…Ils obtinrent le Certificat de fin d’Etudes Primaires
brillamment et accédèrent au Lycée AlaouiSadiki…

La différence entre les jumeaux avait commencé à paraitre clairement… Ahmed avait
surpassé Mongi et avait un caractère bien trempé en comparaison à avec celui de
son frère. Il avait développé un comportement rebelle. Ilrefusait le conformisme. En
famille, il s’attardait dans les discussions et provoquait parfois quelques conflits, sauf
que Lella Kmar réputée pour sa forte personnalité était soucieuse de maintenir la
convivialité e calme du vivre ensemble entre les frères.

***
Hajja Kmar revint du tourbillon de son récit, murmura à son petit fils qui luttait contre
le sommeil, attiré par l’histoire de ses ancêtres :
-Ton père Si Ahmed voulait terminer ses études…il fut envoyé à Paris…dommage qu’il n’était
pas resté avec son frère !…Paris l’avait attiré et il s’y était embarqué dans de grands
combats…Paix à son âme.

24
Maître, personne qui enseigne aux enfants le coranCoran
25
Mahkouka : une pâtisserie tunisienne.
26
Koutteb : école coranique.
27
Sidi Mehrez : un saint tunisien dont le mausolée ou Zaouia est situé à la rue Sidi Mehrez, au quartier de Bab
Souika

44
Elle s’aperçut de la main fiévreuse du petit qui, glissait de sous la couverture pour
essuyer des larmes qui coulaient sur ses joues. Distraite, elle s’arrêta de parler et de dévoiler
fouiner dans le récit d’un passé, celui de la grande famille.

Chapitre -8-

Ce jour de décembre, Nada avait senti que le ciel assombrienveloppé d’un épais
brouillard était sur le point d’e s’abattre sur étouffer le paisible les âmes du calme
quartier.
Des vieilles vêtues de noir défilaient. Quelques unes étaient accrochées au bras
d’hommes silencieux, repliés sur eux-mêmes sous leur chapeau foncé, à cause de la
brise glaciale.

Le père Antoine précédait la foule des consolateurs et du cortège funéraire funèbre de


Madame Suzanne de Bois.
Nada était debout, avec sa grande taille, à proximité de l’endroit de l’inhumation. Son
manteau noir paraissait un peu court. De même qu’elle avait l’air gêné dans ses
chaussures noires, au haut talon dont la pointure dépassait les quarante.

Elle détourna son regard de la tombe creusée vers le prêtre qui lui faisait y était en
face. Ce dernier, en glissant ses mains dans les manches de sa soutane, semblait
pressé d’accomplir l’oraison funèbre et l’inhumation. Son nez rouge ne cessait de
couler devant les yeux, des vieilles qui le fixaient, des yeux comme ceux des poissons
qui agonisent. Puis, son regard se posa sur les bouquets de roses blanches, de glaïeuls
et d’œillets de violettes dont les couleurs brisaient contrastaient avec le tissu noir du
tissu enroulé dans le brouillard.

45
Nada s’approcha de la tombe, jetant une pelletée de terre sur le cercueil de sa grand-
mère et posant un bouquet d’œilletsde violettes . Elle revint pour soutenir le vieux
Alain de Bois, accablé par le chagrin, le poids de la solitude à venir, ses quatre- vingts
ans et sa grande maison privée d’unsans enfant ou un petit fils…La seule fille qu’il
avait mise au monde dans sa jeunesse décéda hors de son pays à l’étranger en lui
laissant Nada…Il n’avait qu’à l’accepter avec son comportement bizarreses volte-face.

Nada prit la main du vieux, ajusta le col de son manteau et arrangea la mise de son
cache- col. Elle le conduisit sur le chemin bourbeux, entre les tombeaux en
marbrejusqu’à la voiture. Il resta quelque temps debout pour recevoir les
condoléances de ceux qui étaient arrivés endes retardataires.

Dans son pays, les femmes ne marchent pas dans les cortèges funèbres et ni
n’assistent pas au rite funéraire.

Des larmes coulèrent sur sa joue. La pluie commença à ruisseler surles tombes en
marbreet les bouquets déposés de fleurs, roses blanches, œillets violettes et glaïeuls
géants.

Chapitre- 9-

Mourad avait bien rincé la théière. Il avait laissé la fenêtre de la cuisine entrefermée de
même celles de l’appartement. Ainsi, une couche de poussière s’était élevée, couvrantavait
couvert les meubles, le lit et les bibelots. Il chercha le service deà thé vert et s’assura que la
menthe sèche n’était pas épuisée. Sans menthe il ne pouvait pas obtenir ce qu’il voulait.
« Si vous voulez atteindre le summum de la jouissance en sirotant un verre de thé
prenez soin du bouquet de menthe, lavez bien le thé avec deà l’eau tiède jusqu’à ce
que sa feuille s’ouvre et que les impuretés disparaissent. Ne sucrez pas trop, soyez
modéré, puis mélangez bien le liquide entre la théière et le verre de manière à laisser
flotter à la surface du verre une écume ».
Mourad se souvint de cette recette et de la voix de son auteur avec son dialecte
marocain qui sonnait dans ses oreilles…Paix à l’âme de Hadj Hammed, le gardien de
la résidence, après lui le thé avait perdu de sa gloireon attrait et du e son rituel qui lui
convient cérémonieux…Il célébrait le thé l’après-midi au même titre que le rite de sa
prière.

Il observa l’enveloppe élégante qu’il avait retiré de la boite boîte aux lettres ce
matin…Deux invitations écrites avec desen lettres latines penchées comme des ailes
d’oiseaux, l’une lui était adressée et l’autre à Madame Noura Chaouchi.
Sur son invitationétait mentionnée : « Cher Mourad…Ne manquez pas d’être
présent… Je vais jouer à l’ouverture en hommage à Simone et Serina…Je
t’embrasse ».

46
Anouchka

 J’y manquerai…Est-ce raisonnable ?...Je laisserai tomber tous les rendez-vous…sauf


celui –là qui me réunit avec toi, Simone et Serina…Ah Serina…Peut-être sa maman
aurait souhaité la voir debout sur scène comme toi, que des personnes
retiennnentdraient leur souffle à cause d’elle, que leur cou se tende rait vers elle et
qu’elle soerait applaudie avec ferveur par des milliers. Des milliers se tiendraient
debout d’admiration, exactement comme toi lorsque je t’ai vue cet été à l’Opéra de
Paris, au Théâtre de Vienne et au Théâtre Municipal de Tunis. J’ y manquerai
manquer , est-ce possible ?
Même Noura cette folle va s’y précipiter sans hésitation…et elle écrira sur toi une
troisième et une quatrième fois. Elle marchera pieds nus dans le hall du théâtre, en
me disant : « Je suis ivre Mourad…Anouchka n’est pas un être commun, elle est une
descendante des Dieux. Le violon entre ses mains a une âme en accord avec la
passionardente pour la maîtresse de son cœur…Le violon chante cette passion…

Celle-là Telle était Anouchka de Clair, la violoniste ou Anou, diminutif dont se servait
Mourad pour l’appeler. Elle descendait d’un père français et d’une mère russe qui
avait un lien de parenté avec feue Simone. Elle était réputée dans le milieu musical
international, pour son excellente interprétation desplus belles et célèbres
compositions de Chopin, Schubert et Bach.Elle enseignaitla musique, à Paris et
participait constamment, à des concerts en duo avec des musiciens internationaux.
Elle avait donné des concerts en solo Des concerts avaient été organisés à son
honneur , en Amérique du Sud et dans des pays d’Orient.
Une fois, Mourad lui avait écrit : « J’aurais souhaité être un écrivain afin de composer
un roman sur Simone…un roman qui ne compterait pas moins de cinq cents
pages… ». Il se souvint qu’elle lui avait répondu : « Pourquoi ne pas commencer ? Toi
tu en as envie et tu possèdes les qualités requises…Commence à me parler d’elle…
Nous allons construire l’histoire de Simone comme tu le désires ».
Un jour, elle lui avait écrit qu’elle était en train d’écrire un morceau de musique au
nom de Simone. Il lui avait répondu : « Certes, tu réussiras, le violon entre tes mains
t’obéit…Moi, je ne peux pas agencer les mots. Je vais essayer avec les couleurs et le
pinceau. Je vais peindre Simone enceinte de Serina, la fille que j’aurais dû être sauf
que les choses se sont mélangées entre les cellules, dans l’obscurité de l’utérus.
Tu sais Anou si j’étais maître du le destin je n’aurais pas mis Ahmed Chaouchi sur le
chemin de Simone…elle aurait pu vivre heureuse sans lui…Si j’étais le maître du
destin je l’aurais laissée vivre dans sa famille, en Normandie et rencontrer un homme
riche qui se serait consumé dans sa passion…Il l’aurait fait voyager sans limites à
travers le monde…
C’était une femme de de la douceur d’unee la brise…l’humidité l’avait tuée entre les
murs de la maison antique, dans cette ville ancienne…Elle était deavait la
transparence de la lumière, l’ombre des préaux

47
et des alcôves l’avait tuée… Qu’est ce qui a fait qu’Ahmed Chaouchi lui est tombé
dessuss’était abattu sur elle  ? Tu sais Anou, il était riche mais il avait tourné le dos à
sa fortune…Il aurait dû ne pas se marier étant donné qu’il était engagé dans une
cause. Il aurait dû ne pas lier son avenir au sien puisque son esprit était occupé par
l’avenir d’un peuple et les affaires d’une société…C’était un chemin rude, parsemé de
cailloux, de ronces et d’épines. Pourquoi l’avait- il tirée derrière lui les pieds nus ?
Une femme comme Simone avait besoin d’un homme qui se consacre à elle, remplit
ses nuits de sones souffles souffle et éclaire ses journées par son amour…Simone
avait été jetée comme un objet d’ameublement précieux, dans un coin de palais
oublié…Simone comme une belle toile fut emprisonnée dans un cadre en or,
accroché à un clou, dans un coin sombre…Simone était créée faite pour l’amour, la
brise, la mer, le vaste espace, les rues des villes animées de vie et de mouvement,
pour danser, rire, porter des vêtements dernier cri, embaumer son corps de couleur
blanc laiteux des plus rares parfums, pour que Van Cleef etGivenchy composent
réent pour elle une composition unique de parfum unique…Ses doigts étaient ont
été crées pour jouer du piano et non pour allumer un brasier afin de fabriquerde
faire de la confiture…Simone que t’est-il t’était-il arrivé pour que tu tombes
amoureuse d’Ahmed Chaouchi ? »

A une des rencontres, Anouchka lui dit une fois : « As-tu oublié l’amour
Mourad ?...Sans doute Simone avait aimé Ahmed au point de l’avoir accepté tel qu’il
était et de vivre avec sa famille en l’attendant…Est-ce que tu sous-estimes l’amour
Mourad ? »
-« Je ne comprends pas…je ne connais pas l’amour…l’amour n’a aucun sens pour moi,
maintenant…

***
Au moment où Anouchka s’était installée dans le patio du Palais el Housseini, avec sa
belle silhouette, proportionnelleélancée, à la taille fine, ajustant le violon dans un
mouvement confiant, entre l’épaule et son cou d’albâtre, elle parut comme une
déesse de l’Olympe.
Lorsqu’elle avait touché avec son archet le centre de l’instrument allongé et soumis
comme un corps féminin, avec ses traits aérodynamiques, une nuée de papillons,de
petite taille, aux couleurs fluorescentes, s’était envolée loin et s’était mise à tourner
autour des colonnades en marbre,en voltigeant dans les coins du palais antique qui
se paradait dans des costumes de gravures et d’ornements orientaux, en taquinant
les lampes dont la lumière était tamisée puis enet caressant avec leurs ailes les
mosaïques des murs, les dentelles blanches accrochées aux fenêtres d’en haut, les
balcons en bois poli et les portes fenêtres…

Dès que la maîtresse du violon, au cou blanc laiteuxse mettait à jouer pour
interpréter les émotions à travers les cordes, une mélodie progressive jaillissait
tremblante…en crescendo puis en decrescendo… Anouchka faisait vibrer les cordes
des cœurs en recueillement, même si l’archet n’avait pas été relâché…Elle avait

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l’ivresse du créateur confiant et la jouissance de ceux qui écoutaient ces mélodies qui
se déversaient.
Les mélodies entre flux et reflux envahissaient l’assistance en l’inspirant comme si les
airs arrivaient aux oreilles excitées : « Voici la beauté suprême…Voici le génie
créateur…C’est ainsi qu’il faut panser les griffures de la mélancolie à la surface de la
poitrine…Coupez les griffes de l’animal intrus …Purifiez-vous des imperfections de
l’ennui et de la lassitudeu spleen… »

La maîtresse du violon vêtue d’un silence majestueux était pleine demagieque ses
doigts faisaient bruire. Ainsi, ceux qui étaient présents finirent par se prêter
allégeance à l’écoute et à la soumission…Ces ses doigts questionnaient, se
révoltaient, acceptaient, se résignaient…
Anouchka, l’ambassadrice de l’art serrait dans ses bras le violon. Flamboyante
comme quelqu’un qui porterait les secrets des temples pharaoniquesantiques , elle
se pavanait entre les colonnades en marbre, envoyant une musique céleste du fin
fond de l’Histoire, de la mémoire mythologique, du début de la naissance du premier
homme, de la nuit des temps.

Mourad s’était penché, en murmurant à Noura qui était enivrée et dont les yeux à
demi clos ne remuaient plus :
« -Il me semble renaître…Chaque fois que j’écoute Anouchka d’autres sensations se
forment en moi et une autre têteesprit. Je me libère de tous mes ennuis. Mais nous
allons sortir tout à l’heure dans des rues qui m’importunent et un monde réel qui se
moque de ma dualité intérieure…Oublier mon angoisse Noura…Oublier qui je suis… »

Noura lui attrapa sala main…Il tremblait, le regard égaré…elle serra ses doigts comme
pour l’empêcher de pleurer…
-Reste ici…Ne pense pas au prochain instantà l’avenir mais plutôt savoure celui qui
t’entoure avec de toute sa douceur…Sois ce que tu désiresvoudrais être être , maintenant…
Mourad poussa un cri sans s’en rendre compte :
-Serina…la petite fille que Simone aurait mérité de mettre au monde…C’est ainsi
que je voudrais être…
***
Il savait très bien qu’il ne pouvait inviter Anouchka ce soir ni discuter avec elle. Il devait se
contenter de la saluer, de l’attendre chez lui et d’accomplir lui rendre quelques affaires
services pour elle . Une série d’invitations l’attendait en commençant par le Centre Culturel
Français, la Direction de l’Institut Supérieur de musique et certaines personnes du domaine.
Mais il était sûr de sa visite particulière qu’elle avait pris l’habitude de considérer comme
une étape de repos, suite à ses rencontres médiatiques et ses visites officielles…Elle prendra
son sac et frappera à la porte de son appartement au premier rayon de soleildès l’apparition

49
d’un fil de lumière, en chaussant des baskets et en portant un pantalon jean et une
chemise blanche nouée au niveau de sa taille frêle…Il sautera pour lui ouvrir la porte, il
l’embrassera sur les joues et prendra son sac…Elle se jettera sur le canapé et la discussion
entre eux prendra son cours…Elle ne changera pas de place mais lui, il bougera entre la
cuisine, la chambre à coucher et la salle de bain…Il lui préparera ce qu’elle désire et fera
couler son bainen jetant dans l’eau tièdeune quantité d’œillets de violettes, quelques
gouttes de parfum et lui sortira du dressingune tenue d’intérieur robe de chambre…
Après le bain, elle aura le temps de manger et de regarder Mourad, devant sa toile, plongé
dans ses couleurs, tantôt il lui parlera, tantôt il se tournera pour discuter avec sa toile…Un
rituel auquel ils s’étaient habitués…
Elle se dirigera versles albums de musique, en cherchant ceux de Mohamed
Abdelwaheb.28Ce qu’elle choisissait le plus souvent c’étaient le « la Gondole » ou «  El
Karnak » .La plupart du temps, elle restait allongée sur le canapé, silencieuse puis se mettait
à discuter longuement à propos d’un sujet inattendu :
« Qu’est –ce qui nous arrive Mourad ?...Pourquoi je ne jouis pas d’un tel calme là-bas, à
Paris ?...Je suis toujours sur l’aile du ventpressée…Qu’est-ce qui se passe ?...La vitesse nous
enroule, nous tire des bouts des oreilles et nous nous y abandonnons comme des animaux
rampants, aiguisés aiguillonnés par un bâton invisible…Chaque chose tout court avec
rapiditérapiditement…les moments de joie et les oraisons funèbres …les cérémonies
funéraires, les leçons de vie et les séances de musique.Tout s’accélère et court…la ville avec
ses bâtiments, son agitation, ses habitants, ses manifestations, ses rues, ses trottoirs, ses
affiches, ses trains et métros, ses camions et les pas des humains…
Toute chose Mourad…toute chose…La campagne avec sa nature, ses couleurs et ses
caractéristiques cherche à tomber dans les bras de la civilisation…Même le bétail, mon ami,
le troupeau de moutons et de bœufs se précipite pour quitter les sentiers des prairies et
aller vers la folie et l’extermination…Nos lois…Nos idées…Les mots sur nos lèvres…Nos
brèves salutations…Nos félicitations concises…Nos fêtes sacrées, nos anniversaires… Les
discours et les informations télévisées…L’éclatement des conflits et des guerres et les
pourparlers de paix…Soudain nousaussitôt devenons jeunes soudain aussitôt nous
vieillissons…Aussitôt nous aimons aussitôt nous haïssons et nous oublions…Aussitôt nous
sommes heureux aussitôt nous sommes malheureux…Rien ne laisse une trace profonde…
Que se passe t-il Mourad ?...
Il arrivait que Mourad l’interrompe pour placer un mot ou un commentaire mais très
souvent il restait silencieux, l’écoutant calmement, plongé dans ses couleurs, si bien qu’elle
passaità un autre sujet qui n’avait rien avoir avec le précédent. Elle s’engageait dans des
monologues sans fin, allongée sur le dos contemplant un point dans un des coins du salon ou
bien à moitié penchée , tenant le plateau à manger, en grignotant de temps à autre.

***

28
Un grand chanteur classique égyptien.

50
Cela faisait des années qu’il a connuconnait Anouchka, à l’occasion d’une , en rendant visite
qu’il rendait à ses oncles en Normandie…Il avait entendu des discussions des propos à son
sujet sur elle …Elle était au début de sa notoriété lorsqu’il l’avait écoutée un soir dans le
salon au tissu d’ameublement bleu, chez son grand-père, et qu’il avait pleuré…Il avait
beaucoup pleuré…Elle jouait un morceau dedu Chopin…Soudain elle s’arrêta, s’approcha de
lui en jouant un concerto de Bach. Il lui avait parlé longtemps de Simone avant de se quitter
et lui avait promis de peindre un portrait d’elle en train de jouer.
L’été qui succéda à cette première rencontre, suivant, il était au rendez-vous, acclamé par
toute la famille même son vieux grand-père, le bourgeois qui avait retiré l’emballage de la
toile audu portrait d’Anouchka avec ses cheveux blonds, relevés versle haut et le violon
couché entre son menton et son épaule…
Elle ne s’étonna pas de son désir de devenir une femme mais plutôt lui promit d’être à ses
côtés le jour où il serait convaincu de se faire examiner par un spécialiste et opéreret que si
les médecins confirmeraient assuraient le succès de l’opération et la prédisposition de son
corps.
Il lui parla de son attirance envers le sexe masculin et comment il n’avait jamais été attiré
par les femmes. Autant il était proche de leur monde autant il refusait l’idée de coucher avec
une femme, pas même par curiosité.
Il demeura habité par le sentiment d’être souillé chaque fois qu’il rencontrait Anou. Il
s’asseoyait en face d’elle en contemplant les traits de sa féminité et un sentiment plus amer
de frustration s’emparait de lui, celui d’être privé d’un plaisir…Il n’était ni une femme pour
que son complexe disparaisse, ni un homme pour qu’il se conduise comporter en tant que
comme tel avec elle.
La présence d’Anou le rendait heureux surtout qu’elle le fait de se sentaitir bien avec lui, de
respectaiter son mode de vie au sein dedans son rêve fou, entre les murs de son
appartement. Il n’oublieraitjamais le jour où elle était restée ébahie devant le dressing
qu’elle était invitée à ouvrir pour exprimer son avis sur les vêtements parfaitement rangés,
avec soin, celui d’une femme maniaque. Des sous- vêtements féminins de luxe, une lingerie
fine de grandes marques. Anouchka regardait chaque les pièces une à une avec admiration
ou commentait en souriant :
-C’est le trousseau d’une mariée… Tu as des ensembles de haute gamme. Je t’envie même si
je ne suis pas très exigeante dans le choix des marques pour mes sous-vêtements. Ton goût
m’a surpris…
Alors qu’elle Lorsqu’elle était en train de les contempler, elle remarqua observait les
taillesmesures au- dessus de la moyenne comme s’ils étaient confectionnéspour une femme
de grande taille, à la poitrine large…Soudain, elle s’aperçut qu’elle était en train de caresser
le rêve de Mourad, en dévoilant le monde de Serina que la nature aurait dû mettre dans le
ventre de feue Simone à la place de Mourad…Elle s’assura que Mourad ne se contenterait
pas du rêve mais qu’il avait l’intention de le réaliser et d’atteindre ce qui pour lui était l’état
naturel en ce qui le concernait .

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« - J’aime beaucoup les poupées…J’aurais i souhaité pouvoir jouer avec dans mon enfance…
Ah Anou si tu savais combienje les aime. »Puis il se dirigea vers le dressing pour sortir une
poupée vêtue d’une robe blanche avec plusieurs plis et des rubans en soie…
Au moment où elle le quittait, de retour chez elle, l’abandonnant à ses rêves, elle se
rendaitcompte plusqu’à aucun moment de la nécessité de consacrer un peu de temps à la
visite de quelques chirurgiens spécialisés dans cette chirurgie complexe…
Elle décida de ne pas se prêter au tourbillon de la raison qui la mènerait loin, avec des
questions dont elle était sûre qu’elles ne regardaient que Mourad…Elle avait souhaité que
Simone n’aurait pas été ne fût pas vaincue par ses poumons et ses crises d’asthmes
d’asthme et qu’elle serait restéerestât au côté de Mourad pour connaître son avis sur ses
intentions…Est-ce qu’elle aussi aurait préféré Serina… ?
***

Chapitre 10dix

Dans cette antique maison normande antique, en Normandie, le vieux veuf Alain de
Bois était assis dans le séjour du premier étage ravalant son chagrin. Nada s’était
approchée de lui, ayant allumé le feu de la cheminée avant qu’il n’arrive ne revienne
de sa promenade matinale comme de coutume. Elle avait demandé à la domestique
de chercher le bois qui était presque épuisé. En aucun cas le chauffage au bois ne
devait manquer dans cette ancienne maison, le vieux refusait le chauffage avec les
moyens modernes et le froid était rude en cette saison.
Elle approcha de lui la petite table roulante oùon avait déposé un plateau à déjeuner,
composé d’une soupe aux poireaux, de quelques morceaux de fromage, de tranches
de viande de dinde et d’une bouteille de vin.

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-Il faut que tu manges sinon si tu continue à t’obstiner Susie Suzi dans sa tombe se
fâcherait. Ton abstinence va t’affaiblir et tu ne seras plus capable d’assister à la
messe de dimanche. Le banc de la famille de Bois, à l’Eglise du quartier restera vide.

Nada s’était tue un moment pour voir l’effet de ses paroles…C’était le seul moyen
d’aider le vieux à échapper auxsortir des griffes du chagrin. Elle rajouta ajouta en
l’observant tendre sa main vers une tranche de viande :
-Crois-tu pouvoir marcher jusqu’au cimetière pour déposer sur sa tombe un bouquet
de violettes ? Alors Occupes-toi de ta santé pour conserver le souvenir de SuziSusie.

Le vieux dirigea un regard triste en direction d’un ensemble de photosinsérées dans


des cadres élégants, posés sur la vitrine du e buffet en verre . Ses yeux se rivèrent sur
une photo de Suzanne vêtue d’une robe d’été et portant un chapeau en dentelles,
cachant ses cheveux blonds…Son sourire rayonnait et ses yeux, dont la couleur
naturelle entre le bleu et le vert pers quela dont la photo en noir et blanc avait fait
disparaître ne montrait pas la couleur, brillaient. Il murmura tristement :
-SuziSusie…Oh ma chérie ! Mon ange gardien je suis resté seul…Tu as rejoins rejoint
Simone et vous toutes deux vous m’avez laissé…
-C’est ça grand-père, où suis-je partie alors ou bien tu n’as pas envie que je reste avec
toi dans cette maison ?
-Mais non …Mais non, tu es une partie de Simone et par conséquent une partie de
mon cœur puis n’oublie pas que je suis un invité chez toi, cette maison sera ta
propriététienne. C’est la volonté de Suzanne. Elle en avait mis informé l’avocat au
courant . C’est un désir que je partage. Ne désires-tu pas avoir une galerie d’art?
Suzanne aimait beaucoup tes créations en argile et en peinture. Elle allait commencer
à décorer l’espace si elle était restée vivante. Fais vite, je voudrais assister à
l’inauguration de l’exposition à venir. Je voudrais que les Parisiens viennent chez nous.
Anouchka va passer ses vacances ici. Je crois qu’elle n’a pas d’engagements ce
printemps et je vais faire en sorte qu’elle reste à tes côtés pour préparer la salle.
Nada s’était approchée du vieux en croisant ses les genoux, puis avait posé sa tête à
avec sa coupe cheveux à la garçonne sur les genoux du vieux qui s’était tu suite
àaprès son long discours.

Ce matin, sa conversation avec elle était pour la première fois d’un genre nouveau
après son silence qui avait duré une cinquantaine d’années depuis après le jour du
décès de sa campagne pendant une cinquantaine d’années. Elle attrapa ses mains
qui tremblaient et les avait serrées serra contre sa poitrine. Elle resta longtemps
ainsi puis se redressa avec des les yeux rougis et murmura avec d’une voix au timbre
joyeux :

-Grand-père que pensesdirais-tu si nous baptisions la salle d’exposition : « Espace


Simone d’Art » ? Peut-être organiserons-nous des concerts à avec Anouchka et ses
musiciens. Je vais peindre le portrait de Suzanne dans une toile gigantesque qui fera
partie des éléments fondamentaux de la collection permanente de la salle…Oh Dieu !

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Oh grand-père !...Mange et bois un verre de ce vin envoyé ce matin par le père
Antoine avec l’un de ses élèves. Les fêtes de Noël arrivent il faut que tu t’y prépares
pour les célébrationser comme le fait de coutume toute la famillechez les de Bois…

- Ah les fêtes de Noël sont la spécialité de ta grand-mère. Comme elle était
magnifique Suzanne en quand elle faisaint bouger tout le monde autour d’elle pour
préparer les fêtes ! Cette maison ne connaitra pas dorénavant des de fêtes de Noël
comme c’était le cas à l’époque de Suzanne. Je ne te sous-estime pas ma fille, toi tu
n’es pas de la même religion. Nada l’interrompit sur un ton rassurant :

-Ma religion ne m’interdit pas de célébrer le Christ et Simone ne me pardonnera pas


de ne pas mettre un sapin de Noël pour te satisfaire.

-Je ne suis pas sûr ma petite si que tu peux supporter le froid d’hiver de laen
Normandie. Ici le vent glacial souffle violemment depuis la mer et arrive jusqu’aux
marches de nos maisons. Ce n’est pas la mer que je connais là -bas chez vous. Elle est
violente, de la violence de la nature normande et sa force. Autant elle se distingue par
sa beauté virginale, ses rochers, ses plaines, ses forêts, ses fleuves, ses arbres et ses
côtes, autant son froid est rigoureux, sa mer est violente, son brouillard est épais et
sa pluie est torrentielle. Nous, nous résistons en buvant du cidre et du vin et en
mangeant des de la charcuterie tranches de viande de porc , du camembert et de la
soupe aux poireaux. Tu vois chacun on devient robuste comme un roc et avec sous la
peau de sondu visage le sang est sur le point de gicler. Nada l’interrompit :

-Qui te fait croire que je ne suis pas capable de le supporter ? N’ai-je pas dans mes
veines du sang normand moi aussi ?
Le vieux leva la tête…la regarda avec tendresse :
-Toi tu ressembles à Simone. Elle était frêle et n’était pas attirée par le brouillard du
Havre. Elle rêvait d’un pays dont le soleil dissiperait dissipe le brouillard. Il continua en
secouant la tête :
-Il me semble que le destin avait réalisé son rêve. Moi c’est le contraire, je suis
normand, un authentique normand, de l’avis du fils de cette contrée Guy de
Maupassant lorsqu’il dit : « J’aime beaucoup cette province. C’est l’une des régions du
monde qui enchante l’œil. L’individu l’adore avec ses sens. Nous, que la terre a
enchantés nous conservons des souvenirs attendrissants, de sources, de forêts, de
fleuves, de collines que nous voyons quelques fois et cela produit en nous l’effet
d’événements heureux. » J’aime ce pays, et j’aime y vivre parce que j’y ai mes racines, ces
profondes et délicates racines, qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses
aïeux, qui l’attachent à ce qu’on pense et à ce qu’on mange, aux usages comme aux
nourritures, aux locutions locales, aux intonations des paysans, aux odeurs du sol, des
villages et de l’air lui-même.

***

54
Il y a longtemps, depuis que la maladie l’avait obligé à s’éloigner du vacarme des
ports, du bruit de l’usine la distillerie du cidre et dela dureté des négociations
commerciales, le vieux s’était contenté au début de longues promenades aux
alentours du port. Puis l’étendue des promenades quotidiennes avait été réduite
depuis la mort de Suzanne et il s’était accommodé à rester assis devant la grande
fenêtre du séjour, à côté de la cheminée. A longueur de vue, il promenait A perte de
vue, un regard assoiffé des sonder les secretsde l’isthme où se rencontrent les eaux
de la Seine chargées de parfums de Paris jusqu’au golfe du Havre, pour se jeter avec
sleses récits de son voyage dans la Manche au à la couleur grisâtre. Des récits qu’elle
avait rassemblés sur son passage à travers les villes, les forêts pour embrasser le
brouillard du nord dans un tumulte sans pareil…

Le vieux s’asseyait en observant le mouvement des bateaux de pêche et des navires


se dirigeant vers le port ou le quittant ou jetant l’ancre.
Un jour il l’appela avec d’ une voix à peine audible si ce n’était n’eût été le silence
absolu de la maison à deux étages :

-As-tu entendu parler, Nada de l’histoire du prisonnier de Gisors ? Ce dernier , en dépit


de l’obscurité, du silence, fes fers et du froid quiavaient qui l’ oppressé oppressaient
ses côtes et de la mort quil’avait attendu à la fin, il avait pu les défier et demeurer
éternel grâce au cri d’amour, de passion pour la vie qu’il avait creusé gravé dans la
pierre…Il avait pu avec un clou creuser graver sur les murs de sa cellule ce dont les
gens peuvent se souvenir de luiqui le rendait mémorable. La mort l’avait rattrapé
mais ses dessins creusés sont restés. Vois-tu comme la pierre est fidèle à l’homme ?
C’est pourquoi j’aime cet élément solide de la nature. J’adore les montagnes, les
rochers et les volcans. Nada as-tu essayé la sculpture sur pierre, c’est différent de
l’argile ? Si j’étais comme toi j’aurais essayé. Pour moi, le genre type de sculpture le
plus puissant, le plus expressif et le plus beau est celui qui s’exerce sur la pierre. As-tu
entendu parler des villes des civilisations anciennes et des temples qu’on ne peut
compterinnombrables et que la main de l’homme a creusés dans la pierre ?La mort
et le temps rougissent face à la pierre dépositaire de ce que l’homme lui avait confié,
c’est pourquoi ils la révèrent et c’est pourquoi j’aime cet élément.

Le vieux s’était assoupi et arrêté de parler comme s’il était épuisé à tel point que le
verre avait failli tomber de ses mains affaiblis. Nada l’avait couvert jusqu’à la moitié
d’une couette en laine et s’était retirée en emportant le plateau à déjeuner et la
bouteille de vin que le vieillard n’avait pas touchée et qui était restée cachetée.

Cette bouteille allait devait rester cachetée telle quelle et conservée par Nada dans la
chambre du vieux qu’elle laissera comme elle était et veillera à ce que la domestique
une fois par semaine y fasse un grand ménage.
Le vieux veuf venait de rendre son dernier soupir.
***

55
Chapitre 11

-Qu’aurais-tu préféré si l’occasion de choisir s’était présentée à toi, Noura cette


femme quedont des gènes particuliersavaient déterminé les traits extérieurs et
intérieurs ou bien aurais-tu souhaité un jour être un homme ?

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Noura enleva ses lunettes et fronça ses sourcils tant la question l’avait étonnée bien
qu’elle ait pris l’habitude de ne pas être surprise par Mourad et que toute chose
provenant de lui paraissait normale. Mais quelque soit la réponse bien entendu, elle
lui échapperait étant donné que la négation ou la confirmation directe sans
explication les conduiraient au monde de Freud et cela ne pourrait ni lui suffire ni le
convaincre.
Il avait posé la question en alors qu’il terminaint de lire le premier chapitre d’une
nouvelle qu’elle était en train d’écrire, en incarnants’identifiant à un personnage
masculin dont elle adopta les caractéristiquesla personnalité et le langage.

-Je n’ai jamais été en désaccord voulu renier avec mon sexe. A aucun moment je
n’’aisouhaité être autre que Noura…et surtout pas un homme, ce qui fait que je
n’hésite pas à composer le personnage que je veux sur le papier !

Un silence s’était établi entre eux…Noura était retournée s’asseoir sur le banc en
marbre, l’un des beaux éléments installés dans le patio.
La main de Mourad s’étendit vers la théière posée sur une table basse…Il s’en servit,
en prenant une galette d’une assiette puis posa une autre question…Noura était
restée le dos contre la faïence savourant une fraicheur pendant une sieste qui avait
contraint tout le monde à demeurer dans les chambres.
-Crois-tu que c’est ce soit facile de se mettre dans la peau d’un homme, toi la femme
élevée dans une société arabe ? Quelque soit la proximité de la femme del’homme, cela
reste relatif.
Elle sourit et jeta un regard malicieux :
-Est-ce qu’il s’agit d’un interrogatoire ? Est-ce que tu t’es orienté vers le journalisme
pour m’interviewer…Dis-toi que de ta part, je m’attends à tout ce qui ne peut traverser
l’esprit…
-Tout sauf cela. Le journalisme est devenu comme les belles femmes de cette
époque, en elles, tout est artificiel : les cheveux, les ongles, sans parler de ce que la
chirurgie esthétique apporte comme réparation…

-Toi tu accuses injustement le journalisme. Je vois que tu le mésestimesen tant que


quatrième pouvoir !

- Crois- moi le pouvoir de Nana Kmar sur la tribu Chaouchi est plus tranchant. Sois
rassuréeet réponds,je ne te trahirai pas.

-Je te mentirai si je te disais que j’imagine un succès satisfaisant en incarnant le


personnage d’un homme dans ce roman. Il est exactement relatif comme ceux des
écrivains hommes qui avaient écrit en s’identifiant à la femme. C’est vrai que
l’homme a parlé à sa place et traité ses problèmes à travers ses thèses et ses œuvres

57
artistiques mais il a imaginé l’expression de vérité sur elle à partir de sa vision et de
ses significations. C’est vrai aussi qu’il a abordé toutes les questions en rapport avec
elle qu’elles soient importantes ou moinsnon. Mais il est resté au seuil de ses secrets,
en dehors de la grande porte de l’âme, en marge de sa vraie souffrance interne, à la
surface de la blessure et au bord de son mystère.
La plume de l’homme consacrée à la femme a suscité l’admiration sauf que la
démonstration est tout le temps influencée par ses choix en tant qu’homme et les
échos de musique et de mélodies composés autour d’elle, interprétés par des voix de
différents niveaux. Ce qui fait que l’énonciation porte l’odeur des parfums qu’il a
choisis pour elle selon son goût. Par conséquent, la femme n’a pas pris l’initiativede
découvrir les profondeurs qui sont restées en deçà de ses attentes…

-Où sont l’inspiration, la suggestion ? N’est-elle ce pas sa première et sa dernière


source ?

-Sûrement mais l’image qu’il donne d’elle ne la reflète pas et sa vérité reste occultée.

- C’est cela le beau secret de la vie, porter nos secrets au plus profond de nous-
mêmes…Même nous, il nous arrive de nous égarer d’eux .

Il se tut en quittantpartant, puis rajouta  il ajouta :


-Quand est-ce que tu penses terminer ce travail ?

-A la fin de l’automne prochain…Avec l’apparition de la saison de neige. Je voudrais


que mes mots sortent comme des braises qui mordent les doigts des curieux s’ils
plongent dedans et caressent chaleureusement ceux qui se contententd’une causerie
agréable pendant la nuit.

- Alors, je vais te devancer en organisant ma première exposition personnelle.

- C’est merveilleux !

Il vit la femme bondir de sa chaise comme quelqu’un qu’on avait mordu. Elle
applaudissait comme une petite fille surprise d’être invitée à jouer. Elle était la
première à avoir cru en son talent «  Il fallait juste qu’il fouille plus pour le
découvrir ». C’est ce qu’elle disait à ses cousins. « En effet, il doit fouiller pour le
trouver comme pour une truffe sous le sable…Et si tu l’aidais Qu’est-ce que ça fait si
tu l’aides toi aussi Noura ? Ghazi la taquinait Aavec ce commentaire et d’autres
Ghazi la taquinaitencore…

-ça suffit de participer aux expositions collectives où tu es restéentre ses flancs


inconnu…Tu peux organiser une exposition personnelle, rien que toi !
La proposition de Noura qui n’avait pas cessé de l’obséder avait fini par se
concrétiser.

58
« Je vais peindre Simone…Oui Simone… »

***

Noura précédait les membres de la famille Chaouchi qui étaient arrivés à la galerie
pour assister au vernissage de la première exposition de Mourad Chaouchi. A l’entrée
étaient accrochés les tableaux selon les thèmes : Nature morte dans un milieu
étrange, bateaux de pêche naviguant, en mouvement et aux couleurs harmonieuses.
Au centre de la salle, sous les lumières, on avait fixé les tableaux pour lesquels
Mourad avait organisé l’exposition, dont le sujet était Simone.

Neuf toiles à l’huile dont le sujet principal était une seule même belle femme, au
printempsà la fleur de l’âge,enceinte. Lacouleur clair obscur se mêlait aux touches de
lumière et d’ombresur les traits du visage. La femme gardait la même position sur
toutes les toiles. Elle paraissait assise, la main sur le ventre dont la rondeur
augmentait d’une toile à l’autre. Le mouvement du visage changeait aussi, de frontal,
decôté à latéral, jusqu’à sa disparition dans la neuvième toile où on ne voyait plus
qu’une mèche de cheveux tombant sur la joue, la limite de l’oreille et le cou. Tandis
que la rondeur du ventre avait disparu totalement et la main s’était relâchée au
dessous de la taille.
En bas des tableaux une étiquette portait le titre correspondant à chaque mois de la
grossesse, selon l’arrangementorganisation des œuvres : le premier mois « A
l’amour » ; le second mois « A l’espoir » ; le troisième « A la formation » ; le
quatrième « Au rêve » ; le cinquième « Aux épanchements du cœur » ; le sixième « A
la savoureuse souffrance » ; le septième « A l’heure Zéro » ; le huitième « A l’adieu » ;
le neuvième « A la déception ».

-Où est le bébé ?...Pourquoi l’accouchée la parturiente se détourne-t-elle de


nous ?...Pourquoi la neuvièmetoile est-elle d’une telle tristesse ?...Parle Mourad
C’est ainsi que Ghazi commençaà taquiner son cousin. Souvent, il forçait ses
retraites, dans son appartement à Ezzahra, s’arrêtant près de lui, le contemplant plongé
dans la peinture des portraits de Simone, et commentant son silence prolongé :
-Le moment d’accoucherment n’est-il pas encore arrivé de pour cette belle femme enceinte
qui a assailli tes toiles n’est-il pas encore arrivé ?
Mourad répondait comme s’il se parlait de la peinture à lui-même :
-Pas encore… c’est plutôt mieux pour elle de rester dans cet état…Certes, c’est mieux ainsi…
L’embryon pourrait la décevoir…Peut-être souhaiterait-elle une fille et son utérus lui livrerait
un garçon ou bien le contraire…Laissez- la ignorer ce qu’elle porte dans son ventre.
Ghazi insista, en plaisantant et en attrapant une des toiles qu’il mit sous son aisselle :

59
-Je vais prendre la pauvre chez un gynécologue pour lui faire une échographie…Je veux
satisfaire ma curiosité.
C’était totalement clair le succès des travaux de Mourad. Noura s’était arrêtée auprès du
registre des signatures, observant celles des artistes plasticiens célèbres qui ont visité
l’exposition.
Elle les avait vus longtemps s’arrêter devant l’ensemble des toiles de Simone. Est-ce que
l’âme de Simone accompagnait son fils unique et errait dans les coins de la salle ? Sa
distraction et son silence étaient-ils une sorte de communication discrète entre eux ?
Il paraissait, contrairement à son habitude, il semblait avoir l’esprit ailleurs. M, moins bavard
avec les visiteurs, de temps à autre il s’emblait absent.
Une fois, conduisant sa voiture, de retour d’une cérémonie de signature d’un de ses livres, il
lui demanda :
-Que ressens-tu à la parution d’un de tes livres ?
Elle lui répondit aussitôt, surprise comme si elle attendait la question :
-Je sens de la mélancolie… et l’anxiété de l’accouchéela dépression post-partum.
- dépression post-partumL’anxiété de l’accouchée ?
-Certes, un mélange de tristesse, de mélancolie et de peur qui s’empare de la femme après
avoir mis son bébé au monde. Dans sa surprise, elle désire pleurer et chercher l’isolement.
Mais c’est un état qui ne dure pas longtemps.
-Selon toi, cela ne cache t-il pas un sentiment d’insatisfaction ?
-Peut-être, cet état chez moi reste difficile à déterminer.
Il resta un moment silencieux puis rajouta :
-Rimbaud avait découvert tôt le jeu, c’est pourquoi il l’avait quitté, dégoûté. Il avait délaissé
la plume levé le crayon et s’était tu. Il fut brûlé par son enfer. Il était égaré dans un monde
de beauté, il devint égaré dans un monde de laideur.
- Ton ami Von Gogh avait lui aussi décidé l’exil très tôt, mais avecdans une scène
dramatique différente.
Elle rajouta ajouta souriante :
-Moi, je ne préfèren’aimerais pas errer dans le désert pour le commerce des armes et je ne
crois pas non plus au suicide au moins avant de vider tout ce que nous avons en nous pour
laisser une empreinte : une pyramide de la taille de celle de Khoufou khéops ou bien une
épopée qui épuisera le cerveau, par exemple. Nous, nous sommes d’une catégorie humaine
autre et d’un temps différent des tempsautres…
Il l’interrompit en détournant le sujet la conversation:

60
-Nous sommes la génération de la rechute, de la frustration, du vide spirituel …la génération
de l’avilissement comme le disait Kmar, la grande dame de la tribu Chaouachi…
Très souvent, Mourad et Noura abordaient différents sujets et posaient des questions dont
les réponses n’étaient jamais définitives même s’ils attendaient des réponses catégoriques.
-Qu’est ce qu’il a ce bavard pour à être silencieux aujourd’hui ?
C’est comme ça qu’il célèbre le rendez-vous qu’il a longtemps attendu et pour lequel il avait
travaillé pour tenir sa promesse envers l’âme de Simone !
Ses cousins s’étaient approchés de lui, Noura s’était préparée pour le soutenir face au flot
des taquineries à venir, tout en sachant sa langue bien affilée qu’elle n’avait pas sa langue
dans sa poche.
Karim commença :
-Où est le bébé, Mourad ? Pourquoi la belle cache-t-elle son visage dans la dernière toile ?
-Mona Lisa de Da Vinci porte son mystère dans son sourire et la belle de Mourad dans son
ventre et l’étrange regard qu’elle jette sur nous. Viens, frère, explique nous cette énigme.
Ghazi avait prononcé ces mots en tirant son cousin de sa stupeur, vers leur cercle.
-Pourquoi cherchez- vous une explication ?
-Laisse tomber l’explication et le regard, dis- nous où est le bébé ? Un garçon ou une fille,
Mourad ?
- Ni garçon ni fille, avait commenté commenta l’un d’eux.
- Un monstre donc…Le bébé est un monstre !
-Plutôt, il lui ressemble…
Mais Mourad n’était pas d’humeur à suivre les plaisanteries de ses cousins ou à les
affronter.
Ghazi avait insisté en souriant :
-Mourad, sois sûr que je ne te trahirai pas…Reconnais, l’as-tu tué ? Longtemps tu as attendu
ce bébé…Ta neuvième toile m’a choqué…
Mourad avait parlé avec une voix qui semblait provenir du fond d’un puits.
C’était un rêve mensonger…J’ai attendu comme vous le moment de l’accouchement…Très
souvent nous vivons dans l’attente de quelque chose qu’on voit grandir pour découvrir à la
fin que c’est un mensonge. Un grand mensonge
****
Extrait des lettres de Mourad à Anouchka

61
« (…) puis ma chérie je voudrais me transformer en sexe fémininfemme ! Peut-êtremettrais-
je au monde ce sauvage qu’aucune des femmes de la famille Chaouachi n’avait enfanté…Je
le chargerai de mes désirs, de ma violence et de ma fureur… »

Chapitre -12-

62
-Où nous proposes-tu de célébrer cet évènement artistique ?dans l’antre, àEzzahra ou bien
au Palais de la tribu à El Hajjamine ?
- tout Sauf ça…cria Ghazi devant à ses cousins. Pourquoi ne nous invite t-il pas à une
soirée dans l’ un des hôtelshôtel … Sa réussite ne mérite t-elle pas une générosité
distinguée ?
Mourad les regarda un instant qui paraissait long puis parla avec froideur :
-Partez…Laissez-moi et partez…Je ne veux pas de votre présence à mes côtés ce soir.
-Ah Torchkanava se consacrer à ses rendez-vous…
Karim fit un clin d’œil en souriant malicieusement :
-La bête ’oie a finalement bougée son désir charnel l’aiguise…Le débauché, j’ai cru
qu’il avait abandonné ses penchants…

- C’est plutôt vous qui êtes accrochés à la queue de vos instincts qui vous balancent
dans toutes les directions, comme ils veulent. Mais moi mon comportement est
contraire au vôtremoi, je maîtrise pleinement mes désirs, je les refoule jusqu’au
moment où j’ai envie de les satisfaire. Je le fais selon un rituel que j’ai conçu
conformément à mon humeur.

Noura les avait devancés tous vers la voiture, certaine qu’ils n’allaient pas tarder à la
rejoindre, fuyant la langue affilée ( acérée, tranchante ) de Mourad…Ils s’étaient
tous habitués tous à son insolence qui clôturait leurs disputes traditionnelles très
souvent déclenchées par des tirs coups de revolver de Ghazi pour agacer son
cousin…

-Vous ne pouvez pas voir l’hôte particulier le visiteur privilégié attendu par Mourad,
celui qui va l’accompagner le reste du soir et toute la nuit.

63
Chapitre -13-

La magique banlieue nord, la banlieue de Sidi Bou Saïd était accrochée à une colline
comme un oiseau vert avec des tâches tâcheté de blanchesblanc , déployant ses
ailes comme pour voler, sans pour autant le faire. Les vagues bleues arrivaient
jusqu’au rivage, saluant le mausolée comme un adorateur disciple en présence du
maîtredignitaire.
Mourad dDe retour de ses promenades, dont il ne s’ennuyait jamais, Mourad se
sentait chargé, portant dans son esprit, sa conscience et ses sens toutes les
composantes de la banlieue, en commençant par les portes de dimension et de
formes variées avec ses peintures, ses clous en métal brillants et noirs, ses verrous
de style ancien, ses moucharabiehs29 et fenêtres décorées d’ornements entrelacés et
ajourés, peintes toutes d’une couleur unique pour préserver le cachet du lieu. C’était
ce bleu clair composé du souffle des vagues et de l’infini bleu du ciel, comme s’il
revenait, avec les ruelles, les recoins, le pavé, les marches des maisons fleuries,
entourées de bacsà plantes et les terrasses en faïence qui racontaient la nuit aux
haies et clôtures des jardins des histoires de visiteurs fréquentant les lieux à
l’occasion des fêtes.
Il revenait avec les images des jardins qui semblaient suspendus où poussaient des
bougainvilliers, des agaves , de roses trémières, de jasminr et de cestreau nocturne
dont les feuilles alourdies les fleurs du parterre dans les ruelles couvertes de rosées
par les soirs frais célébrant le saint patron des mers sidi Bou-Saïd comme dit la
chanson
Paragraphes suivants n’ont pas été traduits

empli de détails divers pour parcourir à travers la mémoire d’autres promenades plus
précises qu’il peignait, en s’arrêtant sur des détails emmagasinés, un moment qu’il
exprimait sans tarder.

Mourad était habitué à se divertir en cherchant quelque chose qui n’avait pas été
représentée par un artiste de passage ou un résident dans ses toiles…un détail qui
n’avait pas été saisi par les curieux, une découverte qu’il pouvait savourer et qui avait
échappé aux habitants qui passaient passant devant sans lui accorder de l’intérêt. Il
voulait se sentir le seul à s’en emparer…Il était sûr qu’il existait des choses cachées
qui ne se montraient pas au regard de tout le monde car il pensait que les beaux
endroits qui attiraient l’attention conservent toujours quelques secrets exactement
comme la femme…Elle ne les dévoile qu’à celui qu’il qui lui voue un attachement
sincère et profond.

Plus le cadre était attrayant plus il représentait pour Mourad une source d’excitation
extrême.Ce soir- là il sentit une sécheresse dans sa gorge…il rangea ses couleurs,
29
Moucharbieh : balcon en avant-corps, muni d’un grillage fait de petits bois tournés et assemblés permettant
de voir sans être vu, fréquemment utilisé dans l’architecture arabo-musulmane traditionnelle.

64
abandonna sa peinturepour respirer la brise à la fenêtre du café auquel il s’était
habitué depuis des années et aux visages qui le fréquentaient, hiver comme été.
Il lâcha la bride à ses pieds, enjambant les charmants escaliers, bifurqua vers une
ruelle en pente, en direction de la mer. Il frappa àune porte voûtée, en bois,dont la
moitié cachait un liseron. La porte s’ouvrit sur une silhouette d’homme quiaussitôt
souhaita le bienvenu à celui qui avait frappé à sa porte.Mourad sourit en scrutant son
ami d’un regard languissant et en parlant d’une voix basse :
-Veux-tu m’inviter à boire un verre j’ai la gorge sèche… ?
Il demeura s’abreuvant de plaisir, voyant son ami se diriger vers l’extérieur de la
maison, l’accueillant…puis le saluant en lui serrant sa la main… Ce dernier prit
l’initiative de l’interroger :

-Avec plaisir ! Veux-tu que nous nous rendions à notre endroit habituel ou bien
préfères-tu que nous restions à la maison ?
Mourad esquissa sur ses lèvres un sourire mystérieux…Il lança un regard significatif
aux yeux de son ami puis répondit avec la même voix basse :
-Je préfère que nous restions à la maison.

***

65
« Est-ce qu’il faut-il dévoiler nos secrets et se mettre à nu comme une preuve de nos
bonnes intentions et de la vérité de ce que nous ressentons ou bien nous devons-nous
consolider le mur du silence pour ne pas tomber ?
Dis-moi Anouchka…Je suis entre le marteau et l’enclume… »

Extrait d’une lettre de Nada à Anouchka

66
Chapitre -14-

« Je suis Nada, la petite fille de Monsieur’ Alain de Bois qui a rejoint Simone et Suzi
Susie avant les fêtes de Noël d’une semaine, l’année dernière…Le descendant de la
famille du Baron de Bois, l’agriculteur le fermier normand. Je suis Nada Chaouchi je
porte j’ai dans mes veines le sang de Simone de Bois. Je vous souhaite à tous la
bienvenue chez mon grand-père. Sans aucun doute son âme vole dans les coins de cet
espace que j’ai tenu à créer sous ses encouragements. Cet espace demeurera ouvert
à tous ceux qui sont au service de l’art, en pour rendre hommage et pour
immortaliser l’illustre famille de Bois, ancêtres de Simone, celle dont le nom sera
porté à l’entrée de cet espace. »

Le vacarme des applaudissements se répandit dans la salle noyée dans la lumière et


les fleurs, grouillante de visages connus de la scène artistique, venus des villes
françaises et de Rome, invités par Nada et Anouchka, à côté du père Antoine et des
notables de la région.

Nada s’était penchée sur Anouchka, et lui en murmurant murmura  :

-Cette cérémonie est en hommage au vieux…Je souhaite qu’ils partent sans tarder…Je
m’ennuie et je ne peux supporter ce carnaval.

-N’oublie pas Nada que tu es devenue une Dame de la haute sSociété tu as des
obligations à remplir comme dans le cas de pareilles situations, sans compter que tu
es une artiste qui a un cachet particulier.
Elle baissa sa la voix, levant le doigt en direction d’un homme au milieu de la salle qui
n’arrêtait pas de poursuivre la maîtresse de maison, en la fixant dès l’ouverture du
vernissage :
-Veux-tu qu’il s’en aille vite lui aussi ou bien qu’ils s’en aillent tous et que lui, il reste ? Allons,
soit tu vas t’occuper de ce monsieur ou biensoit tu me laisses moi faire…J’en ai assez de la
solitude, je pense à une liaison et cette fête est une occasion unique.
Nada s’était aperçue qu’il s’avançait vers elle, de avec sa taille moyenne autour de la
quarantainequarantenaire. Il tendit la main la saluant :
-Georges Hazem.

67
-Bienvenu
-Il y a des toiles qui captent attirent l’attention. Elles ont un flamboiement étrange, il semble
Madame que vous y ayvez versé de votre âme.
Nada sourit et avança accompagnant l’homme dans tous les endroits recoins de l’exposition.
Elle apprit qu’il était Libanaislibanais, qu’il travaillant travaillait à Londres et qu’il était venu
à Paris pour acheter des oeuvres d’art. Lorsqu’il l’invita à dîner elle répliqua en souriant 
-Maintenant, vous êtes un invité parmi nous, il est de notre devoir en premier de vous
honorer, je vous prie d’accepter mon invitation à dîner dans la villa de Bois. 
Le monsieurL’homme se pencha en murmurant des mots de remerciement choisis de
remerciement, jetant le regard sur la taille de son interlocutrice en fixant ses mains et sa
poitrine.

***

68
Chapitre 15

L’après- midi de cette journée, dans le quartier «  d’El Hajjamine », , celui qui passait
aux alentours de l’ancienne Médina Médina tout passant aurait été serait attiré par
un mouvement non accoutumé chez les Chaouchi. Sa curiosité l’auraite pousserait
poussé à traverser la porte grande ouvertedu préau, croyant qu’il s’agissait d’une
cérémonie de circoncision ou un mariage ou peut être la célébration d’un retour du
pélérinagepèlerinage…

Karim Chaouchi s’était se trémoussé trémoussa sur son siège puis se redressa en
serrant ses dents :

-Ces mascarades ne vont –elles pas cesser ?

- L’affaire est entre les mains de Hajja Kmar, va la critiquer et tu verras tes projets
d’avenir emportés par le vent, essentiellement ta maison indépendante et le
remboursement de tes dettes à l’imprimerie. Noura ne va pas s’arrêter d’écrire. Elle
a un nouveau manuscrit qui a besoin d’un premier versement à l’éditeur.

Noureddine répliqua à voix basse :


-Notre vieille pense que les djinns et les diables ont élu demeure dans cette maison
ancienne et ravagé les esprits de ses maîtres petits et grands et qu’il est temps de les
affronter. C’est pourquoi elle a mis en place un programme purificateur de défense
qui a commencé par la « Tijaniyya »30, vendredi dernier et se termine par « al
issawiya » aujourd’hui.

Ghazi allongea ses les jambes, croisa ses les mains et dit sur un ton pas non moins
moqueur :
-Espèce d’ingrat, moi je ne vois pas d’objection à ces manifestations soufis qui d’après moi
participent à la revivificationdu patrimoine populaire. Ce qui est encore plus important, c’est
que cette semaine festive que Nana Kmar honore pour nous tous, absorbe l’ennui et la

30
Tijaniyya : confrérie dont le Patron est Sidi Ahmed Tijani, enterré au Maroc.

69
lassitude de cette grande maison dont les murs succombent sous votre charge, celle de vos
femmes et de vos enfants. C’est un changement que je ne peux qu’apprécier. Elle a réussi,
que Dieu la préserve à chasser la monotonie répugnante de la vie des Chaouchi, à
commencer par le feuilleton des larmes jérémiades de Leïla et l’indifférence manifestéede
son mari, l’homme d’affaires remarquable !en passant par les discours incessants sur le
théâtre de Karim. Puis, j’en ai marre, du silence du père et de sa retraite et aussi de la
froideur des relations avec l’oncle Mokhtar qui dès que tu réussis à l’impliquer dans une
discussion sa femme et ses enfants ne tardent pas à arriver, l’ambiance flamboie et
l’énervement atteint son comble. Il semble qu’il ne s’entende pas avec les membres de cette
grande maison sauf avec son frère dans le désastre qui a fait tomber les calculs de tout le
monde et fait perdre les terres du Sahel et Téboursouk dans la foulée du Projet manqué de
la Collectivisation par la voie des coopératives. Ils nous ont fait hériterés la pauvreté…
Il s’était tu un moment pour prendre un verre de thé d’un plateau qu’une des
femmes présentait à ceux qui étaient là, puis se tourna vers Mourad qui l’interrompit
en le visant comme par une flèche :

-Quant à toi Ghazi, parlons- en sans crainte, la famille Chaouchi s’est focalisée sur la
conduite de ta belle famille, en particulier ta belle- mère que Dieu la préserve et
qu’elle soit un ange de justice divine envoyé au plus mauvais des mécréants.

Pendant ce temps, Noura et Leïla étaient en train de jouer le rôle d’intermédiaire


entre Hajja Kmar et les femmes chargées des préparatifs du er ce qui était nécessaire
au festin. Elles communiquaient ses ordres et s’occupaient de ce qui pourrait être
dicté par les circonstances.
Elles surveillaient les jattes de couscous et les bols de sauce en train d’être posés
devant les récitateurs du Coran et les invités, puis ramassés et remplacés par des
plateaux de fruits, suivis de plateaux de thé.

Les hommes s’étaient aperçus que les deux femmes dissimulaientquelque chose de
visible dans le regard échangé qui trahissait leur complicité, au moment où Leïla
s’était approchée de Mourad en essayant d’étouffer son rire, murmurant :
-Hajja Kmar a décidé de t’accompagner chez «    notre maître el Cheikh » pour
t’exorciser e soumettre toi en particulier à une opération de purification …elle dit que « la
malédiction du coffre au trésor» te poursuit, de même que tu es habité par une djinn et que
c’est elle qui t’a ordonné de te transformer en femme…
Ghazi était le premier à sauter sur l’euphorie de la taquinerie :
-Bien sûr, j’ai senti que mon pauvre cousin est était victime d’un monde occulte, qu’il est
ligoté par tous ses organes…Certes tous ses organes. Je comprends maintenant le secret de
cet excès de provisions dans le réfrigérateur qui dépasse le besoin d’une seule personne. Le
malicieux ! Il abrite sous son toit une djinn sans que nous le sachions. 
Karim répliqua en étouffant de rire :

70
-N’est-ce pas avec elle avec quique tu avais rendez-vous le soir du vernissage, c’est pourquoi
tu nous as chassés à la clôture pour t’isoler avec elle ?Cependant j’ignoraise ton attirance
vers le sexe féminin. Que ferons-nous maintenant que la chef de la tribu se consacre à toi ?
Ils se turent lorsque Mourad parla avec un sang froid inhabituel :
-Je pense que même si les djinns soutenus par les diables se rassemblent, ils ne peuventfaire
revenir Hajja Kmar sur sa décision. Je voisPour moi cette démarche est comme une faveur
qui augmente votre envie. Moi qui accapare toute l’attention, n’imaginez pas que je vais me
révolter contre elle en lui montrant que je suis contre toutes les valeurs et que je n’excepte
ni ses cheikhs, ni ses devins. Bien au contraire je vais m’amuser un peu…
Puis il rajouta en les quittant en direction des récitateurs du Coran :
-Je vais commencer par faire connaissance avec le « consultant » qui s’occupera bientôt de
ma santé physique et psychologique.
Mourad s’était assis sur la natte, en face du cercle, contemplant les traits des Cheikhs
récitateurs du Coran, en les dévisageant, les imaginant dessinés au crayon noir sur une toile
donnant lieu à un thème riche. Peut-être saisirait-il prochainement l’occasion pour la
réaliser. Il s’arrêta de suivre les lignes et les traits du visage pour s’intéresser aux paroles
d’un Cheikh qui occupait la place d’honneur. Il présuma qu’il était le Maître de la
confrérie.En sirotant le thé, le Maître se mit à narrerà l’auditoire, avec aisance et éloquence,
comme s’il lisait dans un livre ouvert, des nouvelles de son grand-père, le marabout Sidi
Ahmed Ben Aïssa.
Mon grand-père raconta :
Lorsque l’homme vertueux retourna chez lui au Maroc, entouré des secrets de la passion
pour l’éternité, fortifié par la baraka des marabouts, la gratification des saints et le respect
des vénérables Oulémas, les maisons exhalèrent le musck de la Mecque et un parfum
provenant du paradis se répandit à travers cet homme vertueux. Une grâce que Dieu
n’accorde qu’à celui qu’il choisit et veut.
Il s’était entouré de personnes bienveillantes l’élite du pays : des pieux, des derviches, des
croyants à la foi consolidée, habités par la foi Dieu, qui avaient pénétré les secrets de la vie
au point de voir tomber ses tentations, faiblir son attraction et découvrir son artifice. Ils
avaient préféré comparaître devant le plus puissant et se vouer à son adoration en
choisissant l’homme vertueux, versé dans la théologie, comme un lieu de rencontre où ils se
réunissaient pour apprendre la Tariqa et les rites mystiques. Ils invoquaient Dieu, récitaient
des louanges, attirant vers eux les gens hostiles et les regards. C’était ainsi que la paix et la
sérénité descendirent sur l’âme envahiedu désir ardent de se perdre dans l’adoration du
maître du grand mystère, le Clément et le Miséricordieux.
Mon grand- père raconta :
Lorsque l’homme pieux conquit des disciples et adeptes, le Sultan de la Médina craignit la
discorde alors il le chassa et l’éloigna du pays vers l’errance, lui et ceux qui l’avaient suivi. Le
marabout et ses compagnons s’égarèrent jusqu’à ce que la fatigue ait épuisé leur force, la

71
canicule ait desséché leurs veines et jusqu’à entendre crier leurs entrailles.Dieu interpella
l’homme vertueux en l’’inspirant : « Ordonne à tes compagnons de manger des cailloux de la
terre, de ses épines, de ses bestioles, de ses serpents et de ses scorpions, grâce au maître du
mystère ils seront salutaires et d’une grande fraîcheur, comme fut le cas du feu dans
l’histoire d’Abraham du patriarche Ibrahim.

Aussitôt que le Cheikh termina son récit,des youyous s’élevèrent et des mains bougèrent
pour préparer les tambourins à un autre tour de chants soufis. Le Cheikh essuya sa barbe et
leva les yeux en direction de Mourad. Entre les deux, une fumée épaisse d’encens cachait la
vue. Il fit signe à Mourad de s’approcher de lui. De sa place, ce dernier le contempla
longtemps, puis s’éleva, enjamba ceux qui étaient assis à ses côtés jusqu’à ce qu’il soit arrivé
jusqu’au milieu du cercle. Il s’approcha du Cheikh, en se tenant droit, les mains dans les
poches de son pantalon. La main du Cheikh s’était tendue vers lui, en l’attirant au point de
le contraindre à s’agenouiller. Il lui adressa la parole à voix basse, en le regardant sans ciller :
-C’est comme ça que tu obéis à ton Cheikh, mon fils ! Ce n’est pas important, je vais faire de
toi un homme en dépit des djinns et des diables, tu n’as qu’à avoir confiance en moi…nous
nous verrons, ce n’est pas la peine de déranger El Hajja. Viens seul, montre leur que tu n’as
peur de rien et viens chez moi.
***

72
Chapitre -16-

Le soir tomba brûlant du désir d’étreindre la ville de Sousse et la tirer de son indifférence
vers son aile nébuleux. Ses bâtiments lui lancèrent des flèches de lumière matinale et
unevive clarté…

Bonsoir Hadhramaout Hadrumète31…


Derrière la vitre de la voiture, Mourad avait commencé à contemplaiter le bleu gris mêlé à
un nuage de brouillard. Il se crut qu’il était face à une toile réaliste d’une rive normandeavec
une différence, celle de la mer blanche relativement calme…
Karim Chaouchi était en train de fredonner des morceaux d’une chanson orientale…les
mains sur le volant lorsqu’il laissa derrière lui la belle ville de Hergala32
Son cousin rompit le silence :
-Ces hôtels sont tellement agréables que tu t’éclates. Puis rajouta :
-Quant à toi, tu as comme d’habitude exagéré en dansant.
-Et toi comme la plupart du tempsles autres, tu ne comprends rien à la danse. Moi je danse
pour ne pas mourir. Pour moi, c’est pareil le fait peu m’importe de danser sur une piste
dans l’un des hôtels ou boîte ou bien au milieu d’un mariage bédouin, le plus important, 
c’est le rythme. Je danse pour tuer l’ennui qui loge dans ma tête. Combien j’ai imaginé mles
cellules en furie de la folle, éparpillées devant moi comme des vers répugnants que je
piétineraisdétritus nauséabonds et moi en train de les piétiner !Combien j’ai plus souhaité
fouler beaucoup d’autres choses ! Vous, vous ne savez connaissez pas la folie des cellules…Je
voudrais être un individu normal, aux traits clairs qui aime comme tout le monde.La danse
me fait oublier que je ne suis pas ainsi. Au moment où je danse, ce corps révèle ses secrets à

31
Hadhramaout : nom donné au Xe siècle par les Phéniciens, venus de Tyr au Liban, à l’actuelle ville de Sousse.
32
Hergala :ville côtière du golfe d’Hammamet, située à une vingtaine de Kms au nord de Sousse.

73
travers tous les discours que vous ne voulez pas entendre. Lorsque je suis en nage dans la
transpiration je pénètre dans une même vague dans les masses de chair humaine qui
bougent autour de moi au point de m’approcher plus de leurs cellules et je les interroge
dans une langue qu’elles ne comprennent que lorsqu’elles interprètent à travers la chair les
rites d’une certaine danse. La danse est une rébellion qui m’empêche de mettre mes les
mains autour de votre cou …elle apprivoise un fauve qui dort dans souscette peau fine qui se
dissout comme la mélodie d’un violon, sous les doigts de l’étreinte lorsque la jouissance
infernale l’assaillitl’assaille.Quand je danse je pratiqueles rites de l’amour qui m’est interdit.
Comprends- tu ça Karim ? Est-ce que Noureddine comprend quelque chose aux rites de
l’amour, à l’exception de monter les femmes comme s’il montait des juments soumises ?
-Doucement frère, tout ça parce que je t’avais dit que tu as exagéré en dansant ?J’ai cru en
te regardant agité, entournant et sautant sur scène que tu allais regagner la chambre épuisé,
mais au contraire tu n’as pas arrêté de m’absorber comme une éponge assoiffée.
-Peut-être préfères- tu la froideur de Noura ?A cette occasion sais-tu de quoi le Cheikh
m’avait parlé ?Il dit que la djinn qui m’habite ressemble à la femme de mon cousin…
Karim jeta de sa bouche un chewing-guam, en interrogeant :
-Qui …Leïla ?
-Non Noura…
-Est-ce que ta djinn écrit comme elle ou bien elle est passionnée de danse et de peinture
comme toi ?
-Imagine, je lui ai posé la même question que toi. Tu sais ce qu’il m’a répondu ?
Il se mit à imiter l’intonation du Cheikh, en amplifiant sa voix et en allongeant les lettres :
-« Tu cherches l’apocalypse, mon fils…Ce n’est pas suffisant qu’ils soient des djinns, tu veux
encore en plus qu’ils écrivent »
Son cousin étouffa de rire. Puis, soudain un silence tomba entre eux durant lequel il aperçut
Mourad dans un état d’hébétude. Ce dernier parla d’une voix triste et basse comme s’il se
parlait à lui-même :
-Pourquoi ne comprends-tu pas que je souffre…Je marche sur la braise avec desles pieds
écorchés !
Une larme coula de ses yeux. Karim avait remarqué que Mourad n’était pas comme
d’habitude, il paraissait accablé d’une angoisse dissimulée.
-Je n’ai jamais vu tes larmes si abondantes. Il semble que ton affaire est soit vraiment
sérieuse ?
-Quoi ! Maintenant seulement tu as compris que c’est une affaire sérieuse. Auravais-tu
imaginé que je plaisantais ? Il aurait fallu que toi et Ghazi plus que quiconque
comprenniezent que je ne plaisante pas. Vous en particulier, les deux intellectuels dans la
famille Chaouchi. Heureusement qu’il y a Noura et les lettres d’Anouchka !

74
Il se tut en poursuivant avec un sourire amer :
-Est-ce que toi tu crois à cette histoire de malédiction du coffre au trésor de ton grand-père ?
Cette malédiction qui poursuit la famille Chaouchi. Ah si j’avais eu la chance de tomber sur
ce trésor !
-Et la malédiction ?
-Arrête ton délire. Il n’ ya pas de malédiction plus affligeante que celle du besoin d’affection,
celle de se sentir en exil dans sa propre famille et en soi habite une créature dénaturée, si je
l’avais trouvée ma vie aurait changé !
Il baissa la vitre, la brise du soir le caressa, il poursuivit sa discussion en fouillant dans ses
appréhensions :
-Que ce qui est arrivé soit anéanti ! !ton père et ton oncle n’avaient-ils pas réfléchi avant de
mettre en risque péril ce qu’ils ont hérité et qui leur a été confié en le jetant dans la paume
de la main du tyran ?
- tu veux dire le « collectivisme 33» ? Est-ce qu’ils avaient le choix… ?Tout le pays contraint
avait jeté dans la paume de la main du tyran ce qu’il possédait, en espérant le meilleur…
Personne ne pouvait choisir, s’y opposer ouni y échapper…Le sort du gouverné est entre les
mains de celui qui tient la cordeles rênes…
-Tous ont été conduits à la faillite.
-C’est la nature de tous les genres d’expériences, soit elles sont couronnées de succès soit
elles se terminent par un échec.
-Mais ils pouvaient ne pas risquer toutes les terres …les oliviers du Sahel, les agrumes deu
Cap-Bon, Dakhla, des hectares que la vision ne pouvait limiterà perte de vue…Sans compter
les champs de blé et de luzerne à Touborsok, les arbres fruitiers de toute sorte et le bétail.
-Ne remue pas le couteau dans la plaie, je t’en prie mon cousin…Remercie Dieu que le
courant n’ait pas emporté les échoppes du souk et la grande maison d’El Hajjamine protégée
par Hajja Kmar…Elle avait caché ses bijoux et parures et les actes de ce qu’elle avait hérité de
son père et fut sauvée du courant, grâce à Dieu. Elle avait supporté les charges de toute la
famille, suite au désastre. Elle avait financé les procès perdus des terres, entre les cours
d’appel et de cassation. Elle avait versé la dot de Ghalia et celle de ma mère et s’était
occupée de Simone.
Mourad rajouta ajouta en l’interrompant :
-Elle m’a acheté l’appartement d’Ezzahra et m’a ouvert un compte courant, je sais tout cela…
Mais cela serait-il arrivé si ton père et ton oncleavaient attendu…
-Auraient attendu quoi ? Le collectivisme à cette époque était une expérience globale.

33
Collectivisme : expérience socialiste tunisienne, initiée par Ahmed Ben Salah, adoptée dans les années 1960,
soldée par un échec.

75
-Dis plutôt qu’il était un ouragan qui avait cassé les branches fragiles et la famille Chaouchi
malgré leur grande richesse. Des branches fragiles puisquta ‘nt qu ’ils ne seront pas maîtres
de leur destin la malédiction les poursuivra…Ce n’est pas celle du coffre au trésor mais plutôt
celle de mon père Ahmed Chaouchi, l’homme politique, l’opposant.
On entendait plus le bruit de la voiture que Karim avait stationnée à droite.
-Pourquoi tu t’es arrêté et dans ce désert en particulier ?
-Pour te jeter hors de la voiture et me débarrasser de l’ennui que tu as fait tomber sur moi
avec ton discours mortel.
Mourad descendit de la voiture, tira son compagnon du volant et prit sa place.
-Ce n’est pas moi qui ai fait que l’histoire de ta famille soit de cette manière aussi sombre…
Aller Allez monte et dortdors. Pour ne pas discuter avec toi je vais conduire à ta place.
***

76
Chapitre 17

Mourad relut la lettre qu’il avait retirée de la boîte à ses cousins :

« (…)Je t’écris de la ville de Rouen qui se situe au cœur de la Normandie, terre natale
de ton grand-père…Au prochain voyage tu dois la visiter…Je ne peux te la décrire,
comme dit Giles Blas. Il faut la voir, c’est la ville de Gustave Flaubert et Corneille.
Quand tu seras là je ne manquerai pas de te faire découvrir Etretat, c’est l’une l’un
des rares beaux endroits du monde, sa beauté est sculptée dans les rochers. La
vague amoureuse et le brouillard ornent le front de ses rives, rocheuses et blanches…
Il faut que tu voies les deux passages percés dans le rocher par une main géante et
invisible, qui forment les deux portes célèbres d’Etretat, que tu t’arrêtes là où les
peintres et les poètes s’étaient arrêtés. Il faut que tu prennes plaisir à admirer la
jambe en pierre tendue sans avoir quitté sa place dans l’eau. Un pas silencieux dans
les profondeurs de la merqui la tente de voyager et de lever l’ancre mais elle ne le
fait pas, elle continue plutôt à dialoguer avec l’aiguille géante, chicanière, formée par
les vagues, racontant la légende de la belle Etretat noyée et les rendez-vousdes
amoureux dans «  la Chambree salon des Demoiselles »…  
Viens cet été, le premier mois j’organise des concerts en Normandie puis je me
consacrerai à toi. Je termine par une nouvelle qui te rendra heureux. Je t’ai pris
rendez-vous chez un chirurgien qui s’occupera de toi à la suite des premières
consultations. Il ne te reste plus qu’à t’organiser et t’y préparer. N’oublie pas de me
contacter avant la série de concerts et de déplacements. »

Félicitations, frère !
Noureddine bredouilla en retirant le bec de tuyau du narguilé d’entre ses lèvres pour
s’occuper du tison qui commençait à s’éteindre. Leïla arriva portant des verres de thé
qu’elle distribua aux personnes de la famille Chaouchi, assises dans la grande salle de
la maison antique. Ses lèvres prononcèrent une question dirigée versposée à
Mourad :

77
-Tu vas donc voyager au début de l’été ?
Ghazi n’attendit pas la réponse :
-Il va voyager en été en chemise et pantalon et retourner en hiver avec un manteau
de femme en fourrure de femme et en chaussure à talon haut.
Leïla le fixa avec un regard réprobateur :
-Il est le plus courageux de toute la famille Chaouchi.

Ghazi continua à la taquiner :


-Elle t’accuse de lâcheté Noureddine, ne te laisse pas faire.
-Tu es le dernier à parler de lâcheté, la fille de Si Matri et sa mère a fait de toi une
poupée entre leurs mains, en plus de ton échec à enseigner et à transmettre les
concepts de philosophie aux étudiants.

-Au diable la philosophie, l’enseignement et les élèves ! Que sais- tu de la philosophie


et de l’enseignement ? L’enseignant rentre en classe comme s’il rentrait dans un
ring. Il suffit qu’il y ait trois téméraires dans le groupe pour que la balance bascule.
Mieux encore, quelques fois l’un d’eux rompt le fil de tes idées et ta concentration
sur le texte avec une insolence indescriptible. S’il te provoque et que tu essayes de
l’affronter un rustre de cow- boy surgit de la salle face auquel tu restes impuissant.
Parfois tu souhaites envoyer un coup de poing sur la gueule du rebelle et soudain le
règlement interne de l’école se dresse devant toi avec tous ses articles. J’ai enseigné
dans des classes lorsque je traverse les marches où je dois m’armer je m’arme de
toute ma s les moyens de patience lorsque je traverse les marches et je les quitte
épuisé, ébranlé et la volonté brisée. Je n’oublierai jamais l’élève qui m’a écorché
avec ses concepts. Ma question était simple : Quel estQu’est-ce que le cogito
cartésien de Descartes , juste pour le rappeler rappel  ? Il m’a répondu : « Qui est
Descartes ? Je ne le connais pas et il ne me connait pas c’est pourquoi, je ne veux pas
apprendre ce qu’il dit. Regardez, moi j’apprends ce que disentceux-ci. » et il a
poursuivi en sautant comme s’il était piqué et en bredouillant des morceaux d’une
chanson à laquelle les élèves ont répondu répondirentpar des applaudissements et
des reprises.
Ces élèves vivent à notre époque et leur cogito est le nôtre. Est-ce qu’il y a quelqu’un
parmi vous qui accepterait de continuer dans cette situation ?

Mourad était en train d’écouter son cousin avec une indignation apparente.
-Ne peux-tu pas évaluer les choses autrement ?
Ghazi avait saisi le narguilé, mis le bec du tuyau entre ses lèvres, les yeux rivés sur la
braise il questionna :
-Comment d’après toi ?
- La foi est le meilleur moyen. Croire en ton choix. N’as-tu pas choisi de ton propre
gré d’enseigner la philosophie ? Ne nous ’avais-tu pas cassé nosles oreilles avec les
systèmes des Anciens, des Modernes et des Contemporains, soit tu ne crois pas
profondément au métier d’enseignant soit tu es habité par l’échec. Cette catégorie

78
d’élèves dont tu viens de parler est la même qui assiste aux cours d’autres
enseignants dans des matières différentes. Est-ce que tous les enseignants sont
unanimes face à ton attitude défaitiste ?Dis plutôt que tu n’es valable bon que dans
les insultes et les chicaneries. Toi mon cousin tu es fait pour être un burlesque,pitre,
oriente tes préoccupations vers le domaine de Karim.

-Attends… attends (Karim intervint dans un geste théâtral) répliquant :


-Le théâtre n’est pas un art de pitrerie, qui accepte quiconquen’importe qui.
-Est-ce que monsieur le professeur tu me vois quiconque comme tel ?
- Ton échec dans l’enseignement n’encourage pas ton intégration dans le domaine
théâtral qui nécessite la patience de Jobet la résistance de Socrate.

Mourad reprit la discussion en poursuiviant  la discussion:


-Tu n’as qu’à entreprendre le commerce, les transactions et le marché de l’offre et la
demande, surtout que ton beau- père te soutient avec son nom, son expérience et
son argent.
Les traits de Ghazi s’assombrirent :
-Il me semble à la fin que nous servons pour à quelque chose, le drame tombe sur toi,
Mourad. C’est toi qui es resté accroché entre la terre et le ciel et qui ne connais pas
de stabilité.
-Pas du tout mon cousin, le chemin est clair devant moi. Vous n’avez qu’à vous
mettre d’accord les Chaouchi pour me donner ce la part qui me revient de l’héritage
de mon père et je réglerai mon affaire. Anouchka m’a pris rendez-vous chez un
chirurgienpour commencer les consultations.
Il poursuivit comme s’il se parlait à lui-même  :
-Dans le crâne de cette tête, la nature a tissé un cerveau de fille et les cellules ont
tricoté un corps de garçon, lequel des deux dirige ?
Karim l’interrogea d’un air sérieux :
-As-tu pensé au pourcentage de l’acceptation, Mourad ?
-L’acceptation de qui ?
-Ta famille et la société.
-Le pourcentage de leur acceptation ne m’intéresse nullement. Même si c’est zéro
sur mille, je ne reviendrai pas sur ma décision. Vous vous conciliez tous avec votre
corps et votre cerveau et vous me refusez cela pour moi  ?Vous faites l’amour, vous
tombez amoureux, vous procréez. L’amour insuffle dans votre cœur paix et sérénité
ou inquiétude et souffrance. Le plus important, c’est que vous le viviez sainement et
non dénaturé. Je veux vivre dans mon corps en sérénité et qu’il déclare sa vraie
identité !Ce désaveu que je lis dans vos yeux et surtout ceux de Hajja Kmar va se
transformer en curiosité puis finir en habitude.

Noureddine s’agita sur son siège en commentant :


-Dieu, le Clément a épargné notre oncle sinon il aurait reçu un choc en voyant son fils
unique, qui en principe devait perpéturer son nom par une descendance.
Mourad rigola :

79
-Conserver son nom ! Si le souvenir de ton oncle t’intéresse, l’Histoire du Mouvement
National en est le garant. Les journaux de l’Histoire Nationale ne font pas
disparaître’omettent pas son nom de la liste du plus dur des partis de l’opposition
que le cinquantenaire les années cinquante avait aient connu. C’est vrai que
l’expression « Youssefiste »34 et le nom de Ben Youssef étaient interdits dans les
assemblées et que celui qui osait les prononcer s’attirait des ennuis et on l’accusait
d’appartenance, sauf que la vraie Histoire gravée dans la mémoire collective finit par
rendre justice à ceux qui l’ont réalisée et jeter la lumière sur eux quelle que soit
l’obscurité qui les entourententoure . Qu’est ce que je peux rajouter de plus à ce qu’il
a fait ? Sans oublier, qu’il préférait sa cause à moi…

Ghazi répliqua avec ardeur :


-Parce que seul tu ne pèses pas devant la collectivité.
-Je suis son propre fils c’est ce qui me distingue de la collectivité et j’avais des droits
sur lui. Il aurait pu m’accorder un peu d’intérêt et tout le reste pour la collectivité.

Il se tut un instant puis rajouta en ravalant sa salive, énervé :


-Même si Ahmed Chaouchi était parmi nous je ferais en sorte, avec insistance, de me
dévêtir de l’habit masculin sans tenir compte de son avis. Il avait sa cause moi j’ai la
mienne.
Ghazi lui répondit :
- Aucune comparaison entre les deux causes. Entre les deux, c’est la distance entre le
ciel et la terre ! Cause d’un individu et cause d’une collectivité.Ce qu’elles ont en
commun, c’est la rectification de l’identité…
-Il s’agit de la cause d’un peuple, d’un combat, de politique et non de la cause de
cellules, d’oestrogènes, de masculinité et de féminité. Toi, tu es très loin des partis et
de la politique, occupe- toi de tes couleurs et de tes sculptures !

-Mes couleurs et mes sculptures demeurent et résistent plus que la politique parce
que la recherche dans les nouvelles sciences est source de sérénité. Elle est plus
clémente et apaisante que les ouragans de la politique.
  -La politique Mourad est la fameuse pierre célèbre du Mythe de Sisyphe, à la seule
différence qu’elle a plus d’un Sisyphe qui sont volontairement prêts à la soulever jusqu’en
haut.
Mourad l’interrompit :
-Mais à chaque fois, il dégringolait jusqu’en bas. En effet, Sisyphe a affermi notre
volonté et nos conceptions mais il s’est épuisé de souffrance et d’obstination.
-Comment ça, l’ingénieux ! demanda Ghazi.
Mourad répondit en se mettant debout, près à quitter l’assemblée :
34
Youssefiste : nom attribué aux partisans de Salah Ben Youssef, adversaire de Bourguiba, leader du parti
youssefiste qui défendait une Indépendance intégrale de la Tunisie et non partielle comme ce fut le cas. Il fut
assassiné avec quelques compagnons.

80
-Si j’étais à la place de Sisyphe j’aurais laissé la pierre descendre de tout son poids jusqu’où
jusqu’à ce qu’elle finit de finisse par s’arrêter. Puis, je me servirais d’une hache pioche et la
découperais en morceaux pour la rendre en faire un amas de cailloux. Ensuite, je la
transporterais en petite quantité au plus haut objectif. L’essentiel pour moi c’estce qu’elle
arrive là où elle doit arriver, en finissant par la vaincre. Je la briserais avant qu’elle ne brise
mon dos.

Chapitre -18-

Il y a des odeurs que l’éponge du temps ne peut absorber. Le lieu demeure accroché à elles
comme si son âme y en dépendait. Les éléments témoins de l’instant d’exhalation de
l’essence de l’odeur en sont humectés. L’odeur de Simone était encore là ou bien c’était ce
que Mourad imaginait chaque fois qu’il rentrait dans la chambre privée de sa mère. Il
retirait les rideaux anciens, en mousseline de tous les recoins, des murs silencieux et du
mobilier antique. Sur la commode étaient placés des objets décoratifs en argent et des
bouteilles flacons de parfum de haute gamme que la grande glace réfléchissait chaque fois
qu’un rayon de lumière pénétrait de la fenêtre d’en face ou de la porte qu’on ouvrait
rarement. Toute chose était restée resté telle tel que la défunte l’avait laissée sauf les
marques de Hajja Kmar par nécessité de sauvegarde.
« Je l’aimais plus que mon propre enfant. La maladie qu’elle soit maudite !et mon fils Si
Ahmed que Dieu lui pardonne ! ». Des expressions que Hajja Kmar répétait chaque fois
qu’on évoquait Simone. Elle s’opposait à la curiosité des femmes de voir ses meubles et ses
affaires. Même Mourad, il n’avait bénéficié d’un traitement de faveur qu’après un effort
considérable car il avait fini par convaincre la vieille, en lui promettant de ne rien changer ni
prendre. Devant son insistance, elle céda en retirant la clé de sa garde robe. Elle la lui remit
contrariée, en le poursuivant jusqu’au patio, levant la voix, mettant en garde petits et grands
qui oseraient le rejoindre.Ce jour- là, il se dirigea directement vers une étagère secrète,
construite derrière une poutre en bois ciselé. Sa main sentit une boîte enveloppée dans un
morceau de tissu, caché à l’intérieur d’un tapis de prière plié qui aiguisa sa curiosité et attira
son regard. Il y avait des coupures de journaux arabes et français, des photos jaunies dont
les couleurs avaient changé sous l’effet del’humidité, qui à l’envers portaient des indications
de dates et de noms en français, que les personnes âgées du quartier évoquaient en les
associant au Mouvement National et à la sphère du pouvoir. Il y avait aussi des photos de
son père dans des différents endroits de Paris et d’autresdans les endroits les plus célèbres
en Normandie, enn compagnie de Simone radieuse,dans la grâce de la cinquantaine et la

81
mode de l’époque. Il mit de côtétout cela et tendit ses doigtsla main, en appréhendant ,vers
un paquet de lettres attachées par un ruban de soie.
Ici palpite l’âme d’Ahmed Chaouchi, ses idées lointaines s’entremêlent et son esprit anxieux
s’enflamme. Un ensemble de lettres de dates différentes parmi lesquelles des longues et des
courtes, des lettres écrites lentement, d’autres rapidement, d’autres chiffrées par des
symboleset des signes, seul le destinataire peut les comprendre. Elles étaient toutes
adressées à Simone et écrites en français. Il commença à regarder examiner l’une d’elles.
« Paris, août 1955
Pourquoi n’es- tu pas passer passée me voir à Paris après les fêtes de Noël en Normandie ?
Pourquoi as-tu voyagé directement à Tunis ? Est-ce que Mourad compte plus que moi dans
ta vie ? J’ai voulu te rejoindre au Havre mais ma présence à la maison était nécessaire. Le
Secrétaire Général en personne du parti était venu lui-même chez nous. Les choses vont
très mal entre les deux camps. Excuse- moi Simone, peut-être que je te fais supporter plus
que tu ne peux. J’aurais dû m’occuper plus de toi et de ta santé mais je suis attaché à la
cause. Je te prie encore une fois de confier la garde de Mouradà Hajja Kmar et viens. Reviens
Simone j’ai besoin de toi ! Moi, je ne peux pas retourner, ma présence ici est plus bénéfique.
D’ici je peux bouger à un moment des plus difficiles qui nécessite la résistance. Toi tu
respectes cela sans doute. Je me souviens encore de ta position, tous les camarades en
parlent. Nous avons des amis français indépendants comme toi qui croient à la liberté des
peuples et la dignité humaine. Je pense que tu suis les nouvelles de la désuniondiscorde
dans les journaux. C’est malheureux et frustrant ! Ah Simone ! Je suis épuisé et j’ai besoin de
toi n’eût été si ce n’est la situation. »
Mourad plia le papier jauni avec des doigts énervés et saisit une autre lettre.
« Es-tu satisfaite de ce qui se passe. Ne dis pas que c’est plutôt pour éviter de faire couler le
sang. Je suis adepte de Mao Tsé Toung et il me plaît lorsqu’il dit : « Si vous ne voulez pas qu’il
y ait un de fusil brandissez le vôtre ». Certes Simone,nous avons été envahis par la violence
et les armes et notre terre et celle de nos voisins ne peuvent être récupérées que par la
violence et les armes. Ne me dis pas que «  l’essentiel est dans la finalité et qu’il s’agit de la
politique des étapes, le plus important est la vie des innocents. »Quelle vie sous l’esclavage
et la dépendance ? Je ne veux pas que mon fils grandisse sous un double drapeau. Puis, nous
sommes tous unis comme les doigts d’une main, aucun d’eux ne doit bouger seul. Soit la
lumière envahit toute la maison sinon un des coins ne suffit pas. Les membres du nouveau
parti sont du côté de Ben Ammar. Les pourparlers ont eu lieu ici à Paris et le retour du
Secrétaire Général dela Conférence de Bandung va provoquer une tempête. Tous refusent
les accords et les membres de la Commission d’Indépendance du Maghreb arabe ne ferment
pas l’œil. Peut-être vais-je voyager irai-je en Allemagne, ne t’inquiète pas et prends soin de
toi. Dans ta dernière lettre tu ne m’as pas parlé des résultats des consultations et des
échocardiographies. Qu’a-t-il dit le médecin au sujet de l’opération chirurgicale ? Est-elle
nécessaire Simone ? Simone, ma chérie comment se fait-il que ce grand cœur patient se
fatigue ? Comment tombe t-il malade ? » 

82
Mourad changea de place, appuya avec ses des bouts des doigts sur ses tempes et retourna
poursuivre son voyage à travers les lettres d’Ahmed Chaouchi et de son épouse Simone.
« Paris, mars 1958.
(…)Je contemple Paris le matin et je doute du retour à mon appartement le soir. Je n’ai pas
reçu des de nouvelles du groupe en Tripoli. Il semble que mon entrée en Tunisie est soit
devenue devenu impossible. Mon nom figure sur la liste noire…Viens Simone. Laisse nous
nous rencontrons-nouser chez ton père au Havre. Ton voyage est mille fois plus facile que
ma sortie dans les rues de Paris, rassuré. Vous n’allez pas recevoir de moi un messager
comme d’habitude. Prends soin de toi au cas où tu refuserais de venir.
Les journaux focalisent sur la discorde entre Salah Ben Youssef et Tahar Lassoued. Je pense
que les complotss’aggravent entre les deux hommes et ceci cela accentue la crise. Simone
c’est vrai que tu es retournée à l’enseignement ? C’est merveilleux ! J’espère que
l’enseignementqu’il ne t’épuisera pas. Peut-être que ton cœur ne supportera pas la
fatigue… »
C’était la dernière lettre d’Ahmed adressée à Simone. Elle avait reçu des nouvelles d’une
succession série d’assassinats dans les rangs du Mouvement d’opposition et les griffes de
l’élimination corporelle s’étaient tendues vers Ahmed Chaouchi, un de ces jours, à l’aube
lorsqu’il était en train de quitter l’appartement, sur l’escalier d’un immeuble dans un des
quartiers quartier de Paris vers la fin de 1959.

83
Chapitre -19-

A la fenêtre de sa maison, en bas, Hajja Kmar n’avait pas pu se retenir en apercevant


Mourad fermant la porte de la chambre,tenant la boîte antique qui contenait les papiers
sous son aisselle. Elle le vit ranger la clé dans sa poche.Un cri de stupeur s’échappa lui
échappa de sa bouche en raison de ce que son petit fils venait de faire, surtout qu’il avait
l’habitude de se conformer à ses instructions plus que quiconque. Le pire c’était qu’il avait
manqué à ses promesses et tendu la main à ce qui concernait revenait à Simone et Ahmed.
Elle cria sur lui, en quittant sa place :
-Mourad où tu vas ? Donne- moi, mon fils s’il te plaît, la clé et ce qui est sous ton bras.
Il ne s’était pas tourné vers elle et s’était dirigé vers le préau. Noura était fut la première à
sursauter à la voix nerveuse, inaccoutumée de la vieille. Elle avait pressenti ce qui était
arrivé. Il lui avait parlé au cours d’une sieste, le regard distrait, adossé contre la pierre à la
margelle du puits et la main touchant l’intérieur d’un bac à basilic, en il disant :
-Simone aimait ce bac. Elle ne prenait soin que de lui et l’arrosait. Elle se penchait sur le
puits, en regardant son orifice étroit avant de faire descendre le sceau puis elle retirait la
corde doucement. Son visage se reflétait dans les remous de l’eau. Elle savourait le
bruissement de l’orme puis s’asseyait longtemps ici, dans ce même endroit, arrosant les
feuilles mouillées. Un parfumqu’elle chérissait s’exhalait autour d’elle comme si c’était un
cadeau qu’on lui offrait indépendamment de toute la famille.
Je restais debout, pas loin, heureux, comparant la couleur de ses yeux à celle des feuilles et
du ciel. Simone pourquoi es-tu partie très tôt ?
Noura se souvint d’avoir été surprise par ce qui se lui trottait dans sala tête :

84
-Je suis en train de penser à prendre les affaires de Simone chez moi, dans mon
appartement. J’ai besoin de tout ce qui conserve son souffle et sa trace.Jecrois que c’est
mon droit. Que Qu’en penses-tu ?
Elle resta à ce moment- là silencieuse, elle lui manquait la réponse qui pourrait satisfaire
l’homme. Devant son insistance elle chercha le moyen de le convaincre :
-La maison de Simone est ici, là où la famille avait célébré son mariage. Un mariage
traditionnel, conforme au modèle des familles tunisoises illustres. Sa maison est ici, là où elle
avait vécu avec Ahmed Chaouchi des instants de bonheur malgré leur brièveté tout le
monde s’en souvient. Sa maison est ici là où elle avait élevé son fils, en l’absence de son
mari. Cette maison est celle qu’elle avait aimée et avait préféré garder tout le mobilier qui
s’y trouvetrouvait. Elle n’avait jamais pensé changer l’ameublement ni les bibelots. Elle avait
plutôt apprécié le goût de Hajja Kmar. Très souvent, de retour des séances d’enseignement
de ses cours du au Lycée Carnot, elle s’asseyait à côté de sa belle mère contemplant ses
doigts fins brodant avec du fil de soie sur un tissu en lin. C’est alors qu’elle essayait avec
ténacité de l’imiter. Quelle fut sa joie lorsqu’elle envoya à sa famille, en Normandie son
premier ouvrage de broderie !
Sa maison est ici, là où elle se retirait de longues heures, sans qu’une femme n’ait osé
affranchir franchir sa retraite. Ton oncle Si Mongi Chaouchi éprouvait pour elle un amour et
un respectconsidérables. Ce qui faisait que toute la famille traitait cette belle étrangère
pareillement.
Durant l’absence de son époux, il s’occupait d’elle, deses affaires et déplacements. Le jour
où on l’avait ramenée du lycée, épuisée suite à la première crise cardiaque, il avait confié ses
affaires à son frère Si Mokhtar et s’était consacré à la soigner et l’accompagner à Paris. Il
demeura vigilantface à durant toutes les étapes du traitement jusqu’à ce que la mort ait
triomphé.
Ce jour là, dans l’après-midi, il resta debout en recevant les condoléances des lointains et
des proches comme il l’avait fait pour son époux et frère une année et quelques mois
auparavant. Il veilla sur le transport de son corps jusqu’au Havre, en Normandie et avait
assisté à la cérémonie funéraire.
Sa maison est ici, là où elle avait choisi de son propre gré de vivre. Elle avait la possibilité de
déménager dans le quartier occidental, surtout que quelques étrangers avaient essayé de la
tenter. Mais elle avait préféré El Hajjamine, la maison de la famille Chaouchi et le préau de
Hajja Kmar, même après l’assassinat de son époux Ahmed Chaouchi, Paix à son âme.
Sa maison est ici, là où son mari avait voulu qu’elle vive, le jour où il l’avait ramenée de Paris.
Ils firent avaient fait connaissance à l’Université. Elle étudiait l’Histoire de l’art et lui la
littérature française. Il n’adhérait pas encore à un parti alors qu’elleétait partisane de la
souveraineté des Peuples, opposante au colonialisme, amoureuse du soleil et fuyant le
brouillard de son pays. Elle détestait boire le cidre et la soupe aux poireaux. Elle aimait le
vin corse et les assiettes en céramique. Sa maison est ici Mourad, déclara Noura, sans
hésiter.

85
Ce jour- là, il la laissa et retourna dans son appartement à Ezzahra où il demeura plusieurs
semaines puis revint sans évoquer le sujet encore une fois. Mais il semble que les choses
aient été différentes cette fois –ci. Son état et son silence l’effrayèrent :
-Que se passe t-il Mourad ? Ne respectes-tu pas le souvenir des défunts. C’est la dernière
chose à laquelle je m’attendraise provenant de la part d’un artiste comme toi.
La voix tremblante de la vieille se fit entendre :
-Je jure sur le Coran que je le pressentais venir . Ce garçon n’est plus le même.
Le visage de la femme changea de couleur. Elle avança en traînant ses les pas sous le poids
de ses genoux enflés, le dos courbé, essoufflée, de son front dégoulinait la sueur.
Il s’arrêta sans l’affronter et parla en lui tournant le dos :
-Nana tante que Dieu te garde je ne veux pas te mettre en colère, j’ai droit à tout ce qui est
dans la maison de Simone et ne dis plus que je suis un enfant s’il te plaît. Il claqua la porte
derrière lui.
Aucun des Chaouchi n’avait coutume de voir un tel comportement de Mourad, ni entendu
une telle vibration dans sa voix, ni un entêtement envers El Hajja.
La vieille se laissa tomber sur une chaise qu’on lui avait rapidement apportée. Elle prit une
gorgée du verre d’eau qu’on lui avait tendu puis murmura :
-Appelez-moi Mongi et Mokhtar. Qu’ils laissent les bazars aux ouvriers et viennent, je ne
peux plus supporter.

***

86
Chapitre -20-

Mourad fut étonné. Sa stupeur fut était telle qu’il se plongea dans un l’étang de du
silence. N’était-ce pas lui qui avait remué ciel et terre pour que la famille Chaouchi se
réunisse ? Les voici qui réalisaient un tant soit peu quelque chose de rare dans le
parcours de leur histoire qui avait perdude sa gloire à mesure que le temps avançait
et le scintillement de l’aisance régressait dans la grande maison antique, au quartier
El Hajjamine.

Mourad se confia à lui-même : « Quelque soit ce qui va arriver quoi qu’il arrive il
semble que j’aie réalisé quelque chose de très important ». Il espéra que tous lui
accorderaient un peu de silence et de relâchement dans leur position pour
immortaliser cet événement à travers une peinture qui porterait sa date et qui serait
accrochée à l’entrée du préau. Soudain il éclata d’un fou rire qui laissa tous ceux qui
étaient dans la salle se retourner vers lui et l’observer. Hajja Kmar, le fixa du regard,
avec des les yeux à demi mi-clos qui n‘exerçaient plus l’ancien pouvoir sous lequel il
était élevé.
Ghazi avait envie d’aller vers lui, de l’attraper au cou comme un chat dégoûtant et de
le jeter dehors. Mais il savait d’avance la conséquence de son acte car la langue
affilée de Mourad pouvait êtrese déclenchée déclencher sans retenue. Ce dernier
fut surpris par la présence de son oncle Si Mokhtar, l’homme qui vivait calmement
dans la grande maison. On ne le voyait presque pas, ni n’entendait ses pas, ni sa voix
au moment de son départ et de son arrivée. Il consacrait la moitié de la journée à
s’occuper des dossiers de comptabilité des boutiques et de ce qui était sauvé des
propriétés de la famille Chaouchi. Le temps qui lui restait, il le passait au Mausolée de

87
Sidi Mehrez ou bien celui de Sidi Brahim El Riahi. Il avait adhéré à des confréries
musulmanes, à un monde que les membres de sa famille ne pouvaient comprendre
et abandonner la responsabilité de gestion des affaires privées de ses enfants à son
épouse Ghalia.

-Bien mon fils, ne nous fais-tu pas partager ton rire ? Tu m’as rappelé ton père, Paix à
son âme, Si Ahmed,  avant que Paris ne l’engloutisse. Il était le premier à répandre le
rire à la maison.

Hajja Kmar s’était réjouie d’entendre son fils unique qu’elle avait eu de Si Chaouchi.
Elle était contente de le voir présent à sa droite, la soutenant à affronter ses craintes
et ses pensées lancinantes. Mais aussitôt, elle sentit son sang bouillonner dans ses
veines à la voix de son petit fils lançant : 

-Vous, vous provoquez ma pitié. Certes, tous sans aucune exception, même les
morts. Il me semble que leur âme tourne autour de vous. Je vois des ailes remuer,
attendant un signal de départ vers d’autres horizons. Est-ce que vous auriez assisté
avec ponctualité si El Hajja vous avait informés de son intention à restaurer la grande
maison et aussi convaincu, grâce à l’éloquence dont Dieu l’avait dotée, du rêve de
l’immigration qui vous hante tous. Oh que c’est laid ce que quelques uns d’entre vous
cachent !

Ghazi bondit de son siège en se plaçant au milieu de ses frères épiant son père et
essayant le plus possible de surveiller ses bévues de langage :

-Tu dis cela alors que tu es le premier à avoir quitté cette maison et s’installer pour
t’établir seul en rompant avecles traditions familiales ?
-Certes mon cousin, je suis le premier à avoir quitté cette maison que j’aime plus que
vous tous, petits fils de Chaouchi. Je l’ai quittée contraint, sous la suggestion de tes
frères et l’approbation dissimulée de tanteNana Kmar et d’autres et je ne suis pas
fâché contre cela car je reste où je veux. La maison d’Ahmed et Simone est mon
monde privé même si Nana tient à garder la clé. Moi personnellement cela ne me
dérange pas, j’en ai obtenu une copie de manière à ne plus déranger El Hajja. Je
frapperai à la porte de la maison de Simone et l’ouvrirai quand je veux.

Il poursuivit en feignant d’ignorer ce qui affecta la vieilleen colère, perturbée.

-J’ai abandonné cette maison malgré moi parce que mon mode de vie vous déplaît et
que vous avez choisi de m’exclure.

Hajja Kmar remua sur son siège pour mettre fin à une discussion dont elle sentait
qu’elle allait mal finir qu’elle sentait aller mal se terminer.
-Il n’y a plus de respect ni honte, ça c’est toi Ghazi qui enseigne la mesure et la
modérationaux enfants ?

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-Nana tante qu’as-tu,tu dors sur tes deux oreilles ? Ghazi n’enseigne plus aux
enfants, Dieu les a épargnés et il a dans sa tête d’autres projets en tête.

Soudain, tous se turent. Ghazi avalasa langue, Mourad s’arrêta également de parler
en s’évadant dans ses pensées, contemplant la famille réunie et parlant à lui-même
« Qui sont ces gens Mourad ? »
Aussitôt la question traversa son esprit comme si dans sa tête retentissaient des
tambours agités qui ne voulaient pas se calmer. « Qui sont-ils ? ». Il promena son
regard sur les visages autour de lui en les scrutant comme s’il les voyait pour la
première fois.

Voici El Hajja Kmar, le personnage numéro un dans la famille. Les hommes


l’appelaient « El Hajja Kmar » et les femmes et les enfants « Nana Kmar » tandis que
Ghazi par galanterie, lorsqu’ils étaient en bonne entente,il l’appelait « la lune du
monde ».35Mais Mourad continua à l’appeler comme lorsqu’il était petit « Nana tante
Kmar », appellation chargée des odeurs de la poudre du talc et de l’huile de jasmin.
Les traits de la vieille trahissaient le passage du temps à travers des fossettes qui
continuaient à témoigner de la beauté du visage. Elle couvrait son corps excédé par
le poids d’une tenue qu’elle n’avait pas changée depuis qu’elle était jeune fille chez
ses parents : « blouza et fouta »36dont le tissu, la couleur et l’ornementation
changeaient selon les occasions. Mais la forme restait la même conformément à une
esthétique, un goût précis et une époque déterminée. En vain, des femmes avaient
essayé de la tenter à porter une robe ou un tailleur mais elle répondait à leurs
propositions par une expression à laquelle tous s’étaient habitués et qu’elle
prononçait avec assurance et coquetterie minauderie :« Que Dieu me préserve ».

Son fils Si Mokhtar partageait à droite, son siège sur le sofa. La canitie avait
couvertchaque poil de son visage etde l’occiput tandis alors que la tête était cachée
sous une chachia de couleur cramoisie qui semblait sortir à l’instant des doigts de
l’artisan. Quant à son corps qui avait tendance à l’obésité, héritée de sa mère, il était
enfoui dans une djebbagrise qui s’ouvrait sur un collet et des manches de chemise
blanche récemment repassée.A gauche du sofa était assis Si Mongi Chaouchi nu-tête,
ses cheveux grisonnants prêtaient à son visage une expression de dignité et de
beauté. Il incarnait l’élégance qu’on lui connaissait, une élégance qui n’avait pas son
pareil dans les familles du quartier El Hajjamine ni dans celui occidental voisinant. En
celail rivalisait avec les hauts fonctionnaires des Institutions de la place d’El Kasbah.
Son élégance était rare et orpheline dans la famille. Aucun de ses trois enfants ne
l’égalait. Si Mongi était l’homme numéro un dans la famille. Il tenait les rennes des
affaires qui concernaient la grande famille. Depuis des années il était soucieux de
consulter à chaque fois El Hajja Kmar. Il avait essayé de représenter son frère Ahmed
Chaouchi, selon une procuration légale, à la tête des bazars et des terres éparpillées
35
Le nom Kmar signifie la lune.
36
Fouta et blousa : habit traditionnel que portaient les tunisoises et citadines, à l’époque.

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entre Grombalia et Testour, en plus des biens d’El Hajja Kmar, sous forme de terres
agricoles et de boutiques louées. Elle partageait ces biens confiés avec son fils et son
frère Si Mokhtar qui avait fait preuve de compétence en tenant les dossiers de calculs
et avait préféré quitter le service de relations publiques au souk.Leur parcours tout
au long des années n’avait pas connu de différend ni de trouble malgré ce qu’ils
avaient traversé comme situations critiques et malheurs.

Deux hommes faisant partie des proches avaient aussi assisté. Le premier était un
Cheikh, Imam à la mosquée de Sidi Ben Arous et le deuxième un Notaire à Bab el
Djedid.Ce dernier avait établi plusieurs contrats de mariage à la famille.
Lorsque les femmes avaient gagné chacune sa place, Mourad en contemplant les
visages de l’assistance s’était senti étranger parmi eux, bien que ce soit sa famille. Il
réfléchit en s’évadant:

«  Est-ce que Simone aurait été assise parmi eux si la mort ne l’avait pas arrachée ?
ou bien elle aurait été en compagnie d’Ahmed Chaouchi si lui aussi la mort ne l’avait
pas attrapé par trahison ? Aurait-il pu occuper une place parmi eux ? Je ne pense pas
à la base qu’une telle réunion aurait pu avoir lieu. C’est comme si la famille Chaouchi
avait tout le temps besoin d’un névrosé parmi ses membres. Actuellement, tous les
yeux se dirigent vers la malédiction héritée, elle se pose sur moi après Ahmed
Chaouchi dont l’assassinat est attribué par El Hajja à la malédiction du coffre au
trésor, d’une façon ou d’une autre. C’est de cette manière qu’ils réfléchissent. Que
c’est dur d’enlever une idée gravée dans le cerveau de l’un d’eux ! »

Lorsque Mourad revint de son évasion, tous étaient en train de suivre en silence la
voix d’El Hajja Kmar qui tremblotait et dont les mots étaient entrecoupés. De temps à
autre elle essuyait son nez avec un mouchoir blanc qu’elle pliait pour sécher une
larme sur sa joue.

Elle sursauta :

-Ce n’est pas Mourad seul qui a changé, vous tous vous avez changé. Tu ne sais plus
démêler le vrai du faux. Chacun de vous veut être indépendant, chacun veut
connaitre sa part d’héritage alors que nous sommes encore vivants !
Elle éclata en sanglots qui arrivèrent jusqu ’à l’ouïe ‘aux oreilles des enfants qui
étaient exclus de la réunion. Quelques uns d’entre eux se faufilèrent les uns après les
autres vers la salle jusqu’au siège de la vieille, entourèrent ses genoux un moment et
leurs yeux effrayés suivirent les traits de la vieille énervée. Ils furent exclus de la salle
encore une fois accompagnés par un sourire rassurant d’El Hajja Kmar. Si Mongi
Chaouchi leva la tête et regarda le plafond :

-Que voulez-vous de moi, personnellement mes enfants ?

Ghazi fut le premier à s’apprêter à parler. Il paraissait énervé, préparé à l’occasion.

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-J’ai besoin de terminer la construction de ma maison, n’imaginez pas que je vais
tendre la main à mon beau -père. Je ne pense pas non plus pouvoir organiser une
cérémonie de mariage digne du nom de cette famille.

Si Mongi bredouilla en appuyant son coude sur le bout du sofa, touchant d’un
mouvement lent et régulier son menton, il répliqua :
-C’est logique…très logique
-J’ai besoin de ma part d’héritage laissé par mes ancêtres.
La voix de Noureddine s’infiltra pour saisir l’instant de silence qui suivit les propos de son
père comme s’il avait peur que quelqu’un d’autre le précéderait et exposerait sa cause :
-J’ai besoin d’assurer une somme qui me permet de devenir associé dans l’une des
sociétés les plus réputées sur la scène économique, car ses bénéfices attendus
dépassent l’imagination. De même, je vais déménager pour m’installer dans l’un des
quartiers d’El Menzah. La nécessité de vivre exige cet endroit. Ici ce n’est pas autorisé
d’installer un chauffage moderne ni un climatiseur.

El Hajja Kmar l’interrompit :

-Grâce de Dieu ! Pourquoi mon cher ! Ceux qui ont habité ici ce se sont-ils plaints à
toi de la canicule diurneou du froid glacial nocturne ? La maison est en pierre et
marbre elle peut durer des siècles.

-Nana tante pardonne moi, ce n’est pas ce que je voulais dire.

Noureddine, se tourna vers son père pour compléter ses propos et commenta :

-J’ai loué une boutique de prêt à porter à Leïla dans un quartier huppé et les enfants
ont aimé l’endroit et comme vous le savez Leïla se plaint de l’humidité, rester ici ne
lui convient plus.

Son père leva sa tête encore une fois en bredouillant :

-C’est logique…très logique.

Mourad sursauta au milieu de l’assemblée :

-Je pense que je suis prioritaire pour exposer ma cause. Ne suis-je pas l’initiateur de
cette réunion qui rarement s’organise dans cette famille ? Puis mon affaire et ma
position sont différentes de vos situations, tous. Supposons qu’Ahmed Chaouchi soit
en vie et réclame d’une manière ou d’une autre ce qu’il qui lui est dû et la part que
vous avez des biens de son père ? Répondez-moi à sa place, moi j’ai besoin

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maintenant de son argent…de sa part. Ma situation est différente de celle de mes
cousins, n’est-ce pas Cheikh Tahar ?

Il prononça ses mots en se tournant vers le Notaire comme s’il le réveillait de son
sommeil, sauf que le vieux avait préféré se taire en le fixant d’un regard
hésitanttandis que Mourad poursuivait :

-Ce qui revient à mon père c’est ce que vous, oncle Si Mongi vous avez et vous aussi
oncle Si Mokhtar, exactement pareil, ce qui devait lui revenir m’appartient.

-Mais mon fils tu veux le bien que Dieu nous a donné pour le dépenser dans ce qui
fâche Dieu et cela ceci est un péché.

Mourad se retourna en direction de la voix tandis que son oncle Si Mokhtar le


poursuivait avec son regard étrange et le timbre de sa voix auquel Mourad n’était pas
habitué à entendre à force de le voir garder le silence.

-Quoi mon oncle, comment vous savez que je vais fâcher Dieu ? PuisDieu est plus à
même de garder les biens de ses créatures. Il est le meilleur mandataire et seul juge L
Il est plus riche que ce que avez hérité tous et acquis comme biens. Quant à moi,
dans ce monde j’ai nécessairement besoin d’argent et c’est mon droit. Dieu vous
ordonne de donner aux gens leurs droits à celui qui en a droit son droit et vous le
savez plus mieux que moi.

Ghazi murmura à ses frères en se dérobant au regard de son père :


-Un pervers qui reconnait croit en Dieu !
poursuivant , La voix énervée de Mourad se fit entendre, poursuivant :
-Quelle est ma part des terres du Sahel que vous avez cédées ? Je ne pense pas que
mon père s’il était parmi vous l’aurait accepté. Quelle est ma part des terres
agricoles de Tastour et des bazars ? Je n’ai pas besoin, contrairement à ce que vous
pensez, de vous demander des comptes. Je n’ai pas oublié comment mon oncle Si
Mongi s’était conduit avec Simone et je ne pense pas qu’elle, là où elle est, soit
satisfaite aujourd’hui de ma position à votre égard. Mais je n’ai pas trouvé d’autres
solutions pour obtenir suffisamment d’argent pour le voyage, le règlement de mon
problème et de quoi payer la clinique.

- Il s’agit de quel problème mon neveu ? Ne me pousse pas à commettre envers toi
des erreurs de propos et d’actes ? Si tu avais demandé de l’argent pour ce qui est
connu par tout le monde : la construction d’une maison ou la réalisation d’un projet
ou un voyage d’études ou de recherche ou un mariage ceci cela aurait été
raisonnable, mais toi tu demandes la folie, lafolie elle-même. Comment tu réclames
ce qui te revient de l’héritage de ton père pour le dépenser sur ce qui nuit à son nom
et porte atteinte à son souvenir ? Comment puis- je te procurer ses biens pour que tu

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changes de peau ? Où se trouve le droit qu’il a sur toi à de conserver son nom ? Est-il
raisonnable que je te soutienne pour cela ? N’est-ce pas là l’extrême folie ? Eclairez-
moi si je me trompe, Dites le moi Cheikh Tahar et toi monsieur l’Imam et vous les
petits enfants Chaouchi…

Cheikh Tahar parla avec d’ une voix grave :


-Vous avez plutôt raison Si Mongi. Dieu le très haut dit : «  C’est lui, qui vous donne
forme dans l’utérus comme il veut »

Si Mongi se tourna vers El Hajja Kmar :


-Parle Hajja, n’est-ce pas celui-là que tu as élevé plus que ses cousins. Tu l’as pris en
charge depuis la mort de sa mère Simone, Paix à son âme ?

-par la Grâce de Dieu, moi j’ai élevé un homme, il est né garçon j’ai veillé à ce qu’il
soit circoncis, je l’ai envoyé à l’école et j’ai souhaité le marier pour compléter la
moitié de sa religion avant de mourir…mais les limites ont été dépassées. Que Dieu
punisse les responsables …  

Hajja Kmar changea de position, s’essuya son le front et son le nez et poursuivit sur
un ton tranchant. Son nez et ses joues ridées devinrent rouges :

-Où vous étiez, enfants de Chaouchi lorsque ce problème avait commencé dès alors
qu’il était petit ? Vous m’aviez laissée me débrouiller seule jusqu’à manquer
l’occasion de trouver une solution puis vous l’avez chassé de la maison. Pourquoi
vous n’avez pas essayé à ce moment là d’y mettre un terme avant qu’il ne soit pour
les grands et petits Torchkana ?…Mourad le fils de Si Ahmed Chaouchi, d’un faubourg
à l’autre devient Torchkana ! Puis elle se remit à sangloter et les têtes des enfants,
auprès de la porte, tantôt paraissaient tantôt disparaissaient.

Cheikh Tahar avait jugé utile d’intervenir encore une fois :


-Prie Dieu Hajja qu’il te prodigue ses conseils, rien n’est perdu, Mourad est encore
entre tes mains et continue à t’obéir. Il est bien né, son père est d’une bonne famille.

Le silence régna un moment. Ghazi se pencha encore une fois en murmurant à ses
frères :
-Il parait que Cheikh Tahar n’a pas entendu parler de Mourad Torchkana.
Son frère aîné lui donna un coup de poing en faisant attention à considérant Mourad dont
les traits du visage avaient changé de couleur et la voix avait du mal à sortir de sa gorge.
-Ecoutez-moi tous, je suis né une fois jour sans l’avoir choisi et je vais renaître de
nouveau selon mon choix.Je vais fixer la date et choisir ma physionomie et mon
prénom, chose que personne d’entre vous ne peut faire. Je suis déterminé et je fais
tout pour y arriver même si vous êtes unanimes à me désapprouver. Je suis promis
pour une nouvelle vie. Donnez-moi mon dû puis reniez-moi si vous voulez, cela n’a

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plus d’importance pour moi. Ne vous inquiétez pas mon oncle Si Mongi à propos du
nom de mon père, il était actif au sein d’une cause chargée d’immortaliser son nom
dans les journaux des militants. La vraie Histoire n’exclut personne. Je veux obtenir
de vous et de mon oncle Si Mokhtar la part d’héritage de mon père et la
destinationl’usage que j’en ferai ne regarde personne. Je voudrais que l’affaire soit
réglée entre nous sans aucun intermédiaire. Je ne voudrais pas non plus que mes
propos soient interprétés comme une menace. Je ne veux pas perdre ma famille,
pourquoi vous cherchez à ce que cela se produise ?

-Mon fils, est-ce que tu t’imagines que la part de ton père, Paix à son âme est à la
mesure de ce aussi important que tu as entendu sur les au sujet biens légendaires de
Chaouchi ? Les oliveraies au Sahel, les plantations de vigne à Grombalia et les champs
de blé à Tastour Testour ont été ballotés par le destin depuis le règne du Bey et sous
la colonisation qui avait fait que les propriétaires terriens ne percevaient que le un
cinquième des rentes de leurs biens confisqués au profit des colons, en vertu d’une
législation foncière coloniale. Puis ce qui avait été sauvé et qu’on avait protégé de la
convoitise du bey, de l’invasion des chrétiens et de la guerre avait été détruit par
l’expérience collectiviste. Suite à l’échec de cette dernière en 1969, nous avons
souffert le martyre pour récupérer non pas toutes les terres mais juste quelques
unes. Sachez tous que l’héritage de la famille Chaouchi n’est plus pas comme ce que
les langues transmettent. Par ailleurs, ce discours est destiné en particulier à toi
Mourad, mon neveu. Nous étions obligés moi et ton oncle et moi à vendre quelques
boutiques en ruine, au cœur du Souk dont la marchandise était devenue invendable.
Au début nous les avions louées comme entrepôts puis nous avions préféré les
vendre pour envoyer l’argent à ton père qui en avait besoin à Paris et qui le réclamait
et si tu veux en être sûr les dossiers sont conservés chez ton oncle Si Mokhtar.
J’atteste devant vous tous que je ne dissimulerai aucune page de ces dossiers, vas-y
tu as aussi des lettres que nous avions reçues de ton père, de Paris, d’Allemagne,
d’Egypte où il nous réclamait l’argent.
De même que les rapports des procès que nous avions intentés pour récupérer nos
terres, suite à l’échec de l’expérience collectiviste te renseignent sur ce que nous
avons perdu en dépit de nos efforts. Mon fils, nous avions des aspirations que le
temps fit capoter. Nous avions soutenu ton père et la cause à laquelle il croyait.
Nous avions parié sur lui, participé à l’expérience que tout le peuple avait servie avec
tous les moyens qu’il possédait mais tout cela s’est soldé par un échec.

Si Mongi toussota et avala un verre d’eaud’un seul coup. Il s’essuya la bouche et se


tourna vers son frère :
-Que dit Si Mokhtar devant au sujet de ce que demande son neveu ?

Tous posèrent leur regard sur les traits du visage de Si Mokhtar. Il parut bouleversé,
il leva sa la main droite vers sa tête en enlevant la Chéchia. Il se frotta le cuir chevelu
puis remit la Chéchia. Après un moment de silence il parla :

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-Je lui dis à lui et à ses cousins que je ne suis pas de ceux qui se mettent au travers de
quelqu’un qui aspire à une vie meilleure, comme de choisir un logement indépendant
ou se marier, ou voyager ou étudier comme vous l’aviez dit Si Mongi, c’est le principe
même de la vie et les exigences du Progrès. La maison trouvera toujours ceux qui la
peuplent mais plutôt insuffleront entre ses murs et recoins une nouvelle âme qui
conservera l’histoire de la famille. Mais ce que je n’accepte pas et auquel je refuse à
de me rendre, c’est de donner ce qui revient à mon frère, le défunt Si Ahmed, Paix à
son âme, à son fils Mourad qui manifeste des signes de folie. Cela me brise le cœur.
Ce qu’il qui lui est dû est préservé devant Dieu et les hommes. Je ne m’oppose pas à
ce qui pourrait être bénéfique à son fils mais à ce qui le déshonorerait. Peut-être est-
il de notre devoir de le faire soigner et de le conduire chez un médecin pour remédier
au mal. Le jour où il reprendra ses esprits et se mariera je lui donnerai la part
d’héritage de son père.
Dès qu’il eut fini termina de parler, Mourad se révolta en se dirigeant vers la porte et en
tonnant avec une voix étranglée par les sanglots :
-Mon malheur vient de vous famille Chaouchi ! Vous allez voir…
-Puis-je parler mon oncle ?
Ils se tournèrent tous en direction de la voix. Noura lança un regard étrange à son
beau- père.
-Non (son mari Karim intervint, en poursuivant) :
-Non, je te prie Noura reste neutre.
-Mais je porte le nom de cette famille et je ne peux plus garder le silence.
-Si, il le faut. Il y a des limites qu’il ne faut pas dépasser et cette réunion est familiale et ne
concerne que les enfants Chaouchi et personne d’autres. Dis ce que tu veux dans tes feuilles
et livres, qu’ils soient lus par qui veut et rejeter rejetés par qui veut. Tu n’as rien avoir dans
ce qui se décide pour l’avenir de chacun de nous, je te prie de te taire.
Elle se leva de son siège :
-Alors, je me retire de votre réunion, vous n’avez pas besoin de plus de bibelots. Je ne serais
pas intervenue si je ne savais que cette réunion est était composée d’un jurisconsulte
musulman, d’éducateur et de personnes cultivées.
-Reste, ma fille.
Si Mongi prononça cette phrase en indiquant faisant signe à son fils de se taire :
-Reste, je sais que tu aimes mon neveu et que tu éprouves beaucoup d’affection envers pour
lui. Est-ce que tu penses que nous étions durs avec lui ?
-Certes, un peu. Mourad porte un grand rêve, soudain il vous voit l’assassiner. Je ne vous
demande pas d’ouvrir votre cœur à son rêve. Nous sommes très loin de cela, mais calmez
calmez-le et ne le prenez pas pour un fou. Il n’est pas fou Si Mokhtar, il porte plutôt en lui un

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rêve auquel nous ne nous sommes pas habitués et qui n’a jamais traversé l’esprit de
quelqu’un d’entre vous.
Si Mongi reprit la discussion, il paraissait avoir saisi une idée imprévue :
-Est-ce qu’il désire encore posséder une galerie d’art, d’après ce que j’ai entendu ? Ceci cela
ne pourrait-il pas l’occuper et le faire renoncer à son rêve insensé ?Si c’est cela à quoi il
aspire il n’a qu’à choisir le logement là où il veut, l’équiper comme il le souhaite et que le
contrat soit à son nom.
Jusque là, El Hajja Kmar était silencieuse, soudain elle poussa un soupir en se frappant les
mains :
-J’ai le sentiment que cette histoire ne va pas bien se terminer

Chapitre -21-

Edith Piaf avec sa belle voix mélodieuse et enfantine interprétait les gémissements de
l’accordéon.
Nada dit :
-J’éprouve une nostalgie envers un monde dont je ne perçois pas les traits en écoutant cette
chanteuse bohémienne. Est-ce que tu aimes ses chansons tristes Hazem? (Elle avait préféré
l’appeler ainsi par son nom).
Georges Hazem répondit :
-J’apprécie les voix distinguées qui nous pénètrent profondément en les écoutant quand on
les écoute, sauf que je n’ai pas connu des voix qui ont une telle influence sur moi comme
celles des montagnards de chez nous, au Liban et le « Ouf,Ouf » qui soulèvent les rochers des
fleuves, sans oublier « al mijana »37
-Chaque individu est épris de ce qui appartient à son propre pays. Qu’est-ce que tu disQue
dirais-tu alors si tu écoutes écoutais un morceau du Malouf tunisien ?
-As-tu laissé ta famille là- bas ?
-Ma famille est dans ma mémoire et mon cœur, des endroits qui ne subissent pas de
variations. Je les porte avec moi, entre mes paupières comme une couverture dans mon exil,

37
Al mijana : chant montagnard, libanais.

96
une compagnie dans la solitude et un secours contre l’égarement. Toi, as-tu laissé ta famille
à la montagne ?.
-Quelques uns sont là- bas et d’autres en à Chypre. Mais ceux qui étaient au Sud se sont
répartis entre la Syrie, le Liban et la Jordanie tandis que quelques jeunes ont rejoint la
Résistance. Plusieurs lieux, mais nous aspirons à un seul qui nous réunit tousface au
malheurdela dispersion.
-Maudite soit la guerre ! C’est le feu ! Si ses flammes nous ne vous atteignent pas, sa
chaleur,safumée et ses cendres parviendront jusqu’à vos yeux.
Nada s’étaittue un instant puis continua à parler en changeant de sujet, en partie plus
lumineux.
-Parle moi de tes affaires à Londres est-ce que le marché correspond à tes ambitions ?
-Ces derniers temps cela va beaucoup mieux, au point que la cadence pour répondre aux
attentes m’a épuisé. Imagine que c’est la première fois que je jouis d’un repos de deux
semaines après quatre années de travail continu et de voyage entre les marchés
internationaux.
- C’est la rançon du commerce et de la récolte fructification de l’argent.
Georges Hazem l’interrompit :
-Pas exactement, c’est une affaire plus grande que celle de récolter fructifier son de
l’argent. Il y a ceux qui l’accumulent de plusieurs manières sans quitter leur place. Mais
lorsque la question devient un défi entre les hommes d’affaires, les distributeurs, les
intermédiaires, le jeu de l’offre et de la demande et les fluctuations de la Bourse, chacun de
nous soit il on dévore soit on le est dévoredévoré, car ces situations contradictoires et
pleines de surprises, exigent de vous la vigilance.
Georges changea de ton et sourit :
-Oh, je suis désolé. Qu’est-ce qu’on a à faire de discuter de ce sujet, surtout que c’est loin du
monde de l’artiste que tu es.
-Ce n’est pas grave !
Elle prononça cette phrase puis se leva de la table du déjeuneren faisant signe à son hôte de
la suivre vers le balcon afin de prendre un thé.
Il s’arrêta un moment devant un espace qui ressemblait à un jardin accroché suspendu,
entourant le balcon. Il contempla le tronc du liseron dont les feuilles couleur de tuiles
envahissaient l’espace du mur, tandis que des pots de géranium et de lysdes tulipes étaient
répartis tout au long de la petite muraille.
Nada lui tendit un verre de thé en poursuivant le discours :
-S’écarter parfois des sujets habituelsqui nous préoccupent et de nos spécialités est bénéfique
pour notre santé psychologique, menacée par l’ennui. Souvent l’artiste est las, dégoûté par

97
ce qui l’entoure, il a besoin de prendre l’air et de s’évader. Je te cite l’exemple qui m’a
inspirée dans la série « Quartier des poissonniers » suite à ma rencontre avec un poissonnier
dont le bateau de pêche est tombé en panne et n’a pu sortir en mer avec les autres bateaux.
Il était de très mauvaise humeur au point d’avoir subide me faire subir sa colère en raison de
ma curiosité manifestée. Mais plus tard, nous sommes devenus des amis et j’étais invitée à
seme rendre dans le quartier des poissonniers, en ville. C’était une visite agréable, pleine
d’inspiration qui a donné naissance à une série complète de peintures à l’huile. Je crois que tu
les avait avais vues lors de l’exposition.
-Certes, je me souviens de ce qui a attiré mon attention dans cette série, ce sont les
différentes techniques de traitement. Nous sommes habitués à voir les bateaux soit en mer s
, soit au bord des plages et non dans les yeux des pêcheurs ou à côté des entrepôts, appuyés
sur des troncs de pin. Combien j’ai admiré la petite barque, à son bord une quantité de chats
et ce mât qui se dressait avec fierté, portant des nids d’oiseaux !
-C’est rare que le ciel de la Normandie soit bleu, c’est ce qui la distingue. Au début, je n’ai pas
apprécié la couleur grise et l’excès de brouillard, moi qui viens d’un pays toujours ensoleillé.
Mais lorsque je me suis habituée aux matinées normandes et aux soirées havraises, j’ai aimé
ce climat et compris le secret de sa beauté. La nature de ce climat est authentique. Les
éléments qui la composent sont harmonieux et se complètent. Elle est d’une beauté forte et
violente, exactement comme l’amour, c’est comme cela que j’imagine l’amour.
-Tu l’imagines ou tu le vis ?
La question l’avait surprise, elle se retrancha derrière le silence. Cependant elle demeura
calme, le regard distrait, puis murmura :
-Il semble que son beau cortège s’est se soit égaré du chemin du cœur et je n’ai pas pensé à
m’y rendre. Je crains d’être arrivée en retard, car l’amour n’est que cette première
palpitation, la secousse qui transforme les blessures de la vie et son ambiance.Mais ce qui est
resté n’est que l’écho, celui de cette secousse qui nous donne l’illusion de vivre. Tandis que
celui qui est conscient que la secousse s’est calmée, il estarrivé à la vacuité de la fin.
Nada abandonna son siège et marcha vers la frise sur laquelle elle appuya son dos. Elle était
vêtue d’une robe en organza, couleur miel, moulante, sans manches avec une fente à partir
des genoux jusqu’en bas. Elle avait une belle taille, des épaules larges et de gros seins. Ses
cheveux lui descendaient jusqu’aux épaules. Elle ne portait seulement qu’un collier en
ambre.
Georges se mit à contempler la femme qui était en face de lui, svelte comme la statue d’une
déesse.
Il s’avisa soudain de lui poser une question qui l’obsédait depuis qu’il l’avait rencontrée :
-Est-ce que tu pratiquais le sport comme par exemple l’athlétisme ?
Nada sourit en retournant s’asseoir auprès de lui :
-Pourquoi cette question ?

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- C’est juste une pensée. Puis il rajouta comme pour se reprendre :
-Peut-être parce que j’ai pensé t’inviter à l’ouverture de la course des chevaux, sous le
Patronage du Prince de Galles, aux environs de Londres. J’ai reçu une invitation pour deux
personnes. Je serai heureux que tu m’accompagnes. Si tu veux y assister et traverser la
Manchevers le Royaume, téléphone- moi.
- C’est une invitation très agréable, ça sera une occasion pour visiter Londres. Si j’ai un
empêchement quelconque je te mettrai au courant pour que tu choisisses une belle
Londonienne.
-Laisse -moi essayer avec une belle qui a dans ses veines à la fois du sang arabe et normand.
-Nous descendons tous d’Adam. Il n’y a pas de différences essentielles relativement à ton
objectif.
-Si, toi principalement tu mérites une attention particulière.
***

-Que veut-il dire par cette phrase « Toi principalement tu mérites une attention particulière »,
Anouchka ? Est-ce qu’il connait le secret ? Est-ce qu’il a lu les journaux à scandale de chez
vous qui n’épargnent personne ?
Anouchka avait déposé de côté son violon sur lequel elle adossa l’archet sans se presser, car
elle était en train de réviser quelques notes. Elle avait réfléchi avant de répondre :
-Je ne crois pas Nada sinon ça aurait été dès le premier instant ou bien est-ce par curiosité ?
Puis supposons qu’il connait connaisse le secret, en quoi ça le concerne ? Est-ce que vous
vous êtes promis quelque chose de sérieux ?
-Pas à ce point, mais je suis inquiète.
-Il n’y a rien d’inquiétant. Qu’est-ce qui t’empêche de pratiquer les rapports normaux entre
un homme et une femme ?
- Comprends-moi Anouchka, peut-être que son attitude envers moi est dictée par la curiosité.
Je ne suis pas un cobaye de laboratoire, je suis un être à la recherche de l’amour.
-Admettons qu’il le saitsache, est-il raisonnable de rendre ton expérience secrète après avoir
enduré toutes les souffrances ?
Nada s’était approchée de son amie, elle la regarda dans les yeux :
-Dis-moi Anouchka comment me trouves-tu ?
-Une femme, une femme artiste.
-Belle ?

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-Tu as suffisamment de quoi attirer un homme ; tes yeux, tes lèvres, la couleur de tes beaux
cheveux naturels.
-Mon corps, Anouchka, je sens qu’il me trahit !
-C’est faux, celui qui te voiton te prendrait pour une gitane espagnole.
Nada s’était allongée sur le sofa, face au plafond. Son regard se promena dans ses recoins,
elle murmura :
-Est-ce un autre corps qui enveloppe mon âme ou bien est-ce une autre créature qui est à
l’intérieur, je ne comprends pas. Qu’est-il arrivé, j’avais un objectif que j’ai cherché à réaliser
en l’honneur de mon humanité ?
Anouchka haussa le ton, en indiquant un tableau récent : 
-Arrête s’il te plait, termine ce que tu as commencé. Il vaut mieux produire quelque chose de
beau au lieu de réfléchir de manière absurde et frustrante. Est-ce qu’il s’agit d’un nouveau
sujet ?
-Certes, un élément de toute une grappe c’est une toile d’une nouvelle série que j’ai
l’intention de réaliser qui représenterait des Cheikhs, des mausolées d’une époque lointaine.
Chapitre -22-

Hajja Kmar se frappa la poitrine, se saisit sa la têtecouverte d’un foulardentre ses mains
tremblantes et hurla :
-Quel malheur ! Mon fils est mort…mort…mort
-ça suffit Nana,tante, remets toi à Dieu.
Karim Chaouchi essaya de calmer la vieille mais ce n’était plus possible, elle fut rejointe par
tous ceux qui habitaient la maison, femmes et enfants.
Il bredouilla en quittant le lieu :
- Quelle comédie !
Il retourna, désorienté d’Ezzahra, en compagnie de ses frères. Ils avaient frappé plusieurs
fois à la porte de l’appartement durant pendant trois jours.
Tous se demandèrent « Où peut-il être ce fou ? »
Trois semaines s’étaient écoulées depuis le jour de la réunion de la famille Chaouchi où
Mourad avait disparu sans donner de ses nouvelles à la famille . Hajja Kmar en fut inquiète
et menaça d’une grève de la faim si ses cousins continuaient à l’ignorer.
Ils retournèrent chacun de son côté, sonnèrent, frappèrent à la porte, l’un d’eux Ghazi
proféra une série d’insultes envers Mourad…Les habitants de l’Immeuble faillirent se jeter
sur eux.

100
Sans le révéler, Karim avait pensé alerter la police puis préféré attendre. Un silence tomba
entre les trois frères. Ghazi parut angoissé :
- S’il était mort dans l’appartement on aurait senti l’odeur ! Malheur à toi, frère !
Son frère l’engueula, la voix en colère :
-C’est ce que tu souhaites à ton cousin ? Je n’ai n’aurais jamais pensé que tu es étais aussisi
rancunier. Sache qu’il y a des cadavres qui n’exhalent pas d’odeurs. Des cadavres dont le
cœur est mort et seul le corps se promène entre les vivants. Ils se nourrissent et vont à la
selle. Ils sont rancuniers, agresseurs et insignifiants… j’ai le sentiment que Mourad est dans
l’appartement et qu’il ferme ses les oreilles pour ne pas nous entendre. Les clés que nous
avons sont inutiles, il a changé la serrure. Il est déçu de vous, laissez-le tranquille.
La vieille recommença à hurler :
-C’est qu’il n’a pas voulu ouvrir ! Il s’est cloitré pour mourir de faim et de chagrin.
Aucun des membres de cette ceux qui faisaient partie de cette famille n’avait vu Al Hajja
pleurer avec autant de chagrin comme si tout était terminé, qu’elle était sûre de sa mortet
qu’on avait ramené son corps inerte. 
Mourad ouvrit la porte. La vieille faillit sauter avec deux ailes invisibles à son cou. Il scruta un
instant son visage triste. Elle était adossée contre la porte et tout soncorps essoufflé à cause
des deux étages qu’elle avait montés péniblement. Son voile avait glissé au en-dessous de
de sa taille. Il se demanda surpris : « Est-il possible que Hajja ait vieilli à ce point ? Quand est-
ce que ces rides ont envahi ses joues tout le temps roses ? Où sont-elles les mèches de
cheveux épaisses et colorées ? Pourquoi ne sont-elles plus que quelques cheveux minces,
collés autour du visage que la sueur qui coule abondamment entre les rides du front
jusqu’au cou a aplatis ?
Il n’aurait jamais ouvert la porte s’il n’avait pas reconnu sa voix et le tapage qui distinguait
ses mouvementsdans le couloir, devant l’appartement.
L’enfant qui avait grandi dans ses bras étant bébé puis devenu homme refusant sa
masculinité n’osait quelque soit la situation laisser la porte fermée face à la vieille. Il se
détourna pour lui céder la place afin de la laisser ’entrer. Elle marmonna en lui lançant un
regardplein de reproches et de réprimandes. Elle renonça à tout ce qu’elle allait faire et
programmé au moment de le retrouver, comme lui tirer les oreilles, ls’approcher d’elle en
l’assommant, de se baisser pour le frapper au cou comme auparavant. Elle aurait souhaité
pleurer à chaudes larmes. Méritait-elle cette situation, elle qui l’avait élevé et aimé ?
Elle observa son visage pâle, ses yeux creusés et ses cheveux hérissés. Elle sentit l’odeur de
vin et de repas avarié surprenant brutalement le visiteur. Mourad avait détourné son regard
vers les tableaux accrochés au mur tandis que Hajja Kmar avait demeuréne cessait de
l’observer.
Mourad avança vers la salle de séjour en l’abandonnant à son silence, son indignation, son
dégoût et aux larmes qui menaçaient d’échapper. Il avait préféré ne pas les voir. Il s’allongea

101
sur le premier sofa et attendit l’éclatement de la tempête qui pouvait tarder mais qui
éclaterait sûrement. Il tendit ses oreilles pour entendre ses mouvementset ses protestations
contre cette situation.Il l’entendit parler au téléphoneavec téléphone d’ une voix chargée de
colère et de chagrin.
-Le rebelle, il se porte bien…Envoyez – moi une femme pour nettoyer cette écurie.
Elle haussa la voix pour dicter une liste de produits de nettoyage et de détergents. Mourad
leva la tête en se demandant si la situation nécessitait cette mise en alerte : « Que Dieu te
pardonne, lune du monde, je ne pense pas que le temps puisse te vaincre même s’il a ravi la
fraîcheur de ta beauté et ta santé ! Tout cela à cause d’un plat de nourriture gâté ou un
morceau de viande putréfié au fond d’un récipient et quelques affaires mouillées dans un
bac à lave linge ?»
Il présuma : « Peut-être qu’il s’agit d’une souris piégée dans une sourcière qui sent
mauvais… c’est possible. »
Il fallait qu’il reste dans sa chambre à coucher ne la quittant que pour faire ses besoins. Il
devait réfléchir calmement en retrait de tous, ayant décidé de ne quitter l’appartement que
lorsqu’il aurait trouvé une solution.
Il ignora tous ceux qui étaient venus successivement frapper à sa porte. Il avait s’était
couvert sa la tête d’oreillers en l’enfouissant dedans et éclata en sanglots retenus. Il ne
pouvait se conduire de cette manière avec El Hajja qui par sa présence avait rompu sa
retraiteet mit fin à sa solitude par un silence plus éloquent que la parole qui révèle une
réprimande sévère. Il cacha sa colère et la laissa jouir d’une tutelle illusoire. Il ne faisait plus
preuve de soumission comme avant. Il décida tout à coup de sortir et de ne rentrer que tard
la nuit. Il se dirigea vers le chemin qui conduisait à la plage. Le vent marin fouetta son visage,
il avança vers lui en écoutant le bruit des vagues. Soudain il fut pris d’une nostalgie envers
les pinceaux et la boîte de couleurs. Un monde auquel il se rendait serein, délivré de tous les
moyens de défense dont il avait besoin lorsqu’il se trouvait souvent en confrontationplus
avec les proches qu’avec les étrangers.
***

102
Chapitre -23-

A l’entrée de l’impasse El Hajjamine, une petite fille se dandinait en tenant dans la main
droite un récipient bidon à de lait caillé . Son visage s’illumina par un sourire en apercevant
Mourad avec sa grande taille et sa démarche lente et dansante. Sa main libre chercha l’autre
pour applaudir : « Voici Torchkana de retour… »
Elle se mit à chercher avec ses yeux les enfants sortis de l’école. Certes, ils auraient
enflammé la ruelle avec leur chansonnette familière devenue une formule de bienvenue à
laquelle ils se sont habitués sauf Hajja Kmar et la famille.
La petite fille manifesta sa joie d’accueillir Mourad, elle saisit de sa main tendue la confiserie
puis s’éclipsa dans l’un des chemins, entre les maisons plongées dans les agitations d’avant
midi et les échos des séances matinales qui provenaient des radios et auxquels s’étaient
mêlésdes voix de femmes, des cris de bébé et des toux continues d’un vieux assis sur la
marche de l’une des maisons.
Mourad avait dépassé la ruelle de la maison Chaouchi enpoursuivant son chemin sans se
soucier ets’était engagé en direction du Souk El Asr. Il salua brièvementle potier et ouvrit ses
narines à l’odeur du pain frais répandue à l’entrée de la rue El Marr sauf qu’il s’apprêta à
leur faire éviter épargner les odeurs des abats de la boucherie qui se trouvait à l’entrée de la
grande rue. Il se dépêcha en heurtant les pierres du pavé qui datait de l’ancienne époque,
sous lesquelles étaient stockés de la poussière, de la boue et des eaux puantes…
Il s’introduisit abattu et épuisé, à travers des sentiers en toile d’araignée, vers Ras El Darb,
dégoûté des sacs de poubelle.

103
Une fois il sentit qu’il échangeait la malédiction avec la ville. Il était envahi de dégoût et de
révolte en la traversant de bout en bout, de l’entrée de la rue Zarkoun jusqu’aux environs
d’El Halfaouineen pénétrant la toile d’araignée dont il avait appris les sentiers, les recoins,
les chemins et la place par cœur. Il l’arpentait de tous les côtés soit pour trouver de
nouveaux sujets à peindre ou pour errer sans but à la recherche d’un vieux vieil ami ou pour
méditer sur le murmure des pierres antiques qui dataient de l’époque des Beys, de leur cour,
de la famille et du temps de leur gloire et apogée.
Très souvent le périple s’arrêtait au quartier El Gorjani, à côté de la Mosquée el hawa,
Mourad se demandait dans quel endroit de ces étendues que les bâtisses avaient grignotées
son ancêtre avait-il trouvé le coffre au trésor, qui fut le début de sa grandeur et de sa
condition parmi les notables ?
Il aimait cette parcelle de terre ramifiée sur la carte géographique du pays. Il l’avait
découverte au cours d’une leçon de géographie où il avait commencé avec un crayon à
délimiter des frontières imaginées sur la carte, à proximité de la main tendue au sein de la
mer. Il expliqua à ses camarades « d’ici l’entrée de Bab El Djazira » puis il monta vers « El
Hajjamine » avec une ligne perturbée en mettant un point à l’entrée de leur ruelle. Ensuite Il
continuason circuit en allant vers la place El Kasbahet le faubourg Bab Souika en indiquant
avec des points les mausolées connus : Mausolée Sidi Mehrez, Kotteb Sidi Ibrahim El Riahi, la
mosquée Sidi Ben Arous, Lella Arbia, en montrant avec une joie discrète les Hammams où il
se rendait petit avec Hajja Kmar : Hammam Thelja, Hammam Rmimi, Hammam Sidi El
Halfaoui . Il se tut un instant, le pouce dans la bouche puis poursuivit : « Voici la maison de
tante Mnaa, la harkassa ( tatoueuse)  », « ici l’impasse où habite Lella Znikha la
hannena.maquilleuse. Ici les bazars Chaouchi…
-Est-ce que cela fait partie de la géographie, Mourad ?
Un de ses camarades hurla en le taquinant et en l’interrompant :
-Je crois que tu as oublié l’échoppede Hmida al Tahar, dans la rue du Pacha.
Dans la clameur de rire, le camarade poursuivit :
-l’as-tu oublié ? Quant à lui, je ne pense pas qu’il t’ait oublié ! On raconte qu’il avait failli
quitter la maison le jour de ta circoncision en disant qu’il ne circoncit pas les filles.
Combien il détestait la physionomie de cet enfant qui était devenu un ophtalmologiste, dans
la rue El Djazira,  que la vie les avait séparés mais dont la haine avait demeuré ! Mourad le
tabassait mais rarement le vainqueur se taisait de chagrin, surtout lorsque les enfants
déchiraient sa carte annotée avec le crayon et l’encre rouge. Il les regardait triste et vaincu
détruire sa ville et ses faubourgs.
Il avait appris à se taire et conserver sa ville avec ses monuments, ses étendues, ses ruelles,
ses boutiques, ses palais cachés, ses mosquées, ses mausolées, ses Kottebs dans sa poitrine,
entre ses côtes saufun seul édifice qu’il avait souhaité enlever de la ville pour le mettre

104
ailleurs, c’était l’échoppe de Hmida el tahar. 38Mourad rêvait de voir la Maison Modèle, le
Magasin Général et le Colisée sur la Place de Bab Souika ou à El Halfaouine. Très souvent, il
interrogeait Hajja Kmar sur ces espaces commerciaux qui étaient différents des bijouteries
du Souk et d’El Attarine :
-Pourquoi Nanatante n’ont-ils pas été construits à Bab Souika ?
Hajja Kmar tenait à fournir la seule réponse qu’elle avait pour échapper à cette question
répétitive :
-Parce que Bab Souika appartient aux arabes Arabes et ces espaces sont la propriété des
Italiens et des Français.
C’était la grande joie lorsqu’il accompagnait Hajja Kmar et sa belle fille Ghalia, toutes
élégantes dans une rare promenade à la Maison Modèle et au Magasin Général et dans la
plus heureuse occasion au Colisée, au cœur du quartier européen.
Longtemps il répétait les noms de ces magasins de grande renommée, à cette époque,
comme le faisait Hajja Kmar, jusqu’au moment où il s’était aperçu au cours d’une séance de
français qu’il prononçait mal les noms. Il en riarit et essaya en vain de les prononcer
correctement.
Autant il était contentde ses promenades dans ces lieux avec les deux femmes, autant il
s’ennuyait à accompagner Hajja Kmar chez le coiffeur Joseph près de la gare. Combien il
détestait ce Joseph avec ses petits yeux et ses cheveux gris collés ! Il n’aimait pas ce qu’il
faisait à la tête d’El Hajjaen la transformant de façon étrange, inhabituelle pour l’enfant qu’il
était. De même l’odeur de cette femme au sein de laquelle il avait grandi et à laquelle il
s’était habitué disparaissait dans le salon de Joseph pour être remplacée par une autre
étrange et différente. Maintes fois il quittait le salon au bord des larmes, en adressant des
reproches et en protestant :
-Pourquoi Nanatante tu t’es transformée ! Ton odeur, je ne l’aime pas !
Il n’aimait pas non plus l’odeur des européennes qu’il trouvait au salon s’amusant avec
Joseph, surtout la femme qui était tout le temps là- bas au point qu’il croyait qu’elle y
habitait avec lui.
Elle C’ étaitune vieille, laide, aux cheveux blonds en chignon, qui tenait à l’embrasser sur le
cou et sur le bout du nez en glissant discrètement sa main au bas de son ventre, entre ses
cuisses devant les yeux des femmes qui riaient, tandis que Hajja Kmar était entre les mains
de Joseph, livrée à ses multiples coiffures.Il était heureux parce que le salon de Joseph se
trouvait à l’extérieur des ruelles de sa Médina…Sa Médina chérie qu’il avait
arpentaitarpenté en long et en large.
Un jour, en se promenant à travers ses ruelles uséeset ses monuments délabrés,il sentit une
révolte s’emparer de lui contre l’état dégradantle délabrement, jusqu’à la ruine, dans lequel
la Médina était tombée.Sa révolte était telle qu’il avait envie de crier en regardant la saleté
38
Hmida Tahar est un barbier traditionnel qu’on faisait venir pour circoncire les petits garçons musulmans.
Aujourd’hui la circoncision est confiée aux médecins.

105
envahissante et les détritus éparpillés face à la joie manifeste des chats qui souillaient l’âme
des récits anciens. Leurs griffes s’étendaient étouffant les belles empreintes, anciennes,
gravées par des doigts qui s’étaient éteints avec leurs maîtres et leur souvenir.
Ici, à travers ces ruelles se tissaient des histoires d’amour qui commençaient par des
matinées royales et finissaient par des nuits embellies d’allégresse, de causerie nocturne,
de joutes poétiques, de soirées musicales,de chants religieux et de mariages. La Médina
avait une histoire d’amour qui faisait qu’elle se pavanait comme une belle enveloppée dans
le secret de sa séduction et de son charme. Qu’était- il arrivé à la Médina pour qu’elle soit
humiliée par les griffes de la laideur, de l’indifférence et de la négligence à l’intérieur comme
à l’extérieur ?
Mourad avait l’impression d’être entouré de tout ce qui traversait son esprit de souvenirs et
de pensées au point d’avoir des maux de tête. Il pressa le paset poursuivit son chemin en
directionde la dernière ruelle à Ras El Darb. Depuis quand il n’avait pas vu son ami Hamadi El
Ghoul ? Quant à Hamadi c’était une altération de son vrai prénom Mohamed mais El Ghoul
un surnom donné par ses camarades, inspiré de son corps volumineux, de sa grande taille et
de ses muscles impressionnants. Il était son camarade de classe durant l’enfance. Mais il
avait quitté l’école sans rien obtenir ce qui le conduisitmena à travailler dans des
boutiquesCependant, malgré sa gentillesse, sa générosité et sa bonne nature, il connut la
prison et y passa trois bonnes années… Ce n’était pas pour une question de vol ou de crime,
c’était à cause de sa vaillance démesurée en donnant une leçon à quelques voyous qui
avaient osé violer son territoire, Ras El Darb. Cette conduite avait consolidé sa position
auprès des habitants et l’avait valorisé aux yeux de ses voisins.
Tout le monde savait qu’il était marchand de Lablali et de fast food mais les particuliers
savaient aussi qu’il était fournisseur de vin local et d’importation, le populaire et la haute
gammequ’il vendait à sa clientèle, chacun selon ses attentes. Très souvent son épouse le
remplaçait lorsqu’il partait en voyage ou il s’absentait pour faire des courses.
« Pourquoi fréquentes-tu le fils d’El Ghoula, à Ras El Darb, Mourad, mon cœur ? ».Hajja Kmar
s’était habituée à lui adresser des reproches, suite à une dénonciation en rapport avec cette
relation. Mourad répliqua :
-Nana tante il s’appelle Hamadi El Ghoul, c’est vraiment un homme, il a un cœur en or et des
paroles mielleuses il, ne fait pas de mal.
  ***

La petite porte antique récemment peinte en noir s’ouvrit devant Mourad,ses clous en
bronze répartis sous forme géométrique harmonieuse paraissaient comme des de petites
ampoules lumineuses. Hamadi surgit avec sa grande taille, son corps imposant et son gros
ventre. Il poussa un cri en découvrant le visiteur :
-Mourad tu es encore ici, j’ai cru que tu étais parti en voyage et que tu avais changé de peau
sans m’en informer !

106
Puis comme s’il s’était souvenu de quelque chose, il baissa la voix, tira la porte derrière lui
sans faire de bruit, attrapa Mourad par son bras et continua à parler  :
-Ma femme est revenue ce matin après un abandon qui a duré trois semaineset une retraite
chez ses parents. Parmi les conditions de son retour, celui de : renoncer à te voir et à te
fréquenter.
Mourad réagit sans enthousiasme, en plaisantant :
-A ce point elle est jalouse de mon charme ?
-Frère, qu’est-ce qui t’a conduit ici ?
Le visage de Mouradse crispa et devint rouge :
-Je ne t’ai jamais vu dans cet état Hamadi, as-tu perdu ta force et ta puissance ?
-La situation et les enfants Mourad. Sans cette brave femme ma vie ne réussiraserait un
échec pas puis les enfants m’ont épuisé.
Hamadi fixa son ami, en posant sa main sur son cou en signe d’une d’ affection de longue
date puis murmura :
-Ne dis pas que tu es venu pour une partie qui épuisera mes muscles…Moi Mourad je suis
repentant.
Mourad sourit en le frappant de son coude sur le flanc.
-Est-ce que tu continues à vendre ce qui abîme les poumons la nuit et ce qui détériore les
intestins le jour ?
-Tu critiques le meilleur repas local et, le plus savoureux, pour lequel je suis concurrencé par
les Hôtels les plus prestigieux qui le présentent à leur clientèle en fin de soirée ? Qu’est-ce
que tu reproches au « lablabi » ? Il n’est plus considéré comme un repas populaire. Il a
envahi la haute classe et il est entré discrètement dans les grandes salles des ministères et
les bureaux des banques. Un bol de Lablabi c’est comme un pantalon en jean, il a aboliles
différences entre les créatures de Dieu.
Mourad l’interrompit :
-J’ai appris qu’on a dressé une liste portant les noms des repas traditionnels de quelques
peuples pour les introduire à l’avenir dans le régime alimentaire des habitants de l’Espace. Il
s’agit du riz chinois avec des grenouilles, la Harira marocaine, la Taamia égyptienne, la Pizza
italienne et le Lablabi tunisien. La commission du tri s’était rendu compte de la valeur
alimentaire de ce genre de repas et de ses bienfaits sanitaires innombrables surtout pendant
les saisons de froid.
Les deux amis étaient arrivés à l’entrée de Bab Djedid où se trouvait l’une des deux
échoppes de Hamadi, innovéerénovée avec de nouveaux meubles, des glaces sur les murs
et de belles lampes en néon.
-Je vois Hamadi que tu as changé l’enveloppe!

107
-Mais le contenu, non, tels que les pois chiches de Béja, les jarrets de bœuf et les épices
produits de ma belle- mère.Est-ce que tu veux un grand bol ou un petit ?
-Mourad, assis à côté du siège de son ami très ennuyé répondit:
- Ni l’un ni l’autre…
-Quoi ? Est-ce que l’air marin d’Ezzahra a eu un effet sur tes intestins, enfant de notables ?
-L’enfant de notables, ils l’ont fait souffrir jusqu’au dégoût, Hamadi. Je me sens de plus en
plus étranger parmi eux. J’étouffe chaque fois qu’ils m’entourent. Le rejet entre nous se
substitue à l’affection, je suis seul avec ma douleur comme si je ne faisais pas partie de leur
propre sang. Je suis accablé par mon rêve. Lorsque je leur annonce ma détermination à le
réaliser c’est comme si le monde allait s’écrouler sur leur tête et sur celle de mes ancêtres.
Je ressens de la haine envahir mon cœur, Hamadi. J’essaye d’échapper à son attaque
imminente.
Hajja Kmar, cette brave femme sur la poitrine de laquelle que j’aime toujours me reposer
sur sa poitrine , imagine que je l’ai laissée dans l’appartement d’Ezzahra , révoltée en silence.
Je n’ai lui ne lui ai même pas adressé le salut. J’ai vu qu’elle estétait de leur côté en tendant
sa main pour lever plus haut le mur qui nous sépare. Est-ce que je dois être seul dans
l’obligation d’aimer et d’être loyal envers mes racines ? N’ont-ils pas pitié de la branche ?
-Qu’est-ce que tu leur demandes exactement Mourad ? N’as-tu pas un logement
indépendant ? N’as-tu pas rejeté leur avis pour tout ce que tu voulais réaliser ?
-J’ai besoin d’aller à Paris, une parente à Simone m’a pris un rendez-vous chez un chirurgien
là –bas et j’ai besoin d’argent.
-En as-tu besoin de beaucoup ?
Mourad regarda profondément dans les yeux de son ami tandis qu’il et il avait senti une
vague d’amour et de sérénité l’envahir. Il posa sa main longtemps sur le bras de son ami et
demeura silencieux.
Hamadi sourit, se pencha sur lui en libérant son bras de la main chaleureuse qui tremblait et
en plaisantant pour dissiper la gêne installée entre eux.
-Mourad ne dit pas que tu penses à…j’ai dit que je me suis repenti.
Mourad leva sa main et ses yeux étaient remplis emplis d’une tristesse profonde :
-Pas du tout, je ne suis pas venu pour ça, je désespère de toi Ghoul. Il me semble que ton
épouse t’a rendu doux comme un agneau et a épuisé ton tes membres.
- Tout change Mourad sauf toi. Ce rêve fou pèse sur ton cerveau et serre tes côtes.
Cependant, mon cœur et ma poche sont toujours ouverts pour toi.
Mourad s’était senti débarrassé de son agitation, il se leva prêt à partir :

108
-Réfléchis à équiper tes échoppes d’un tableau de peinture ou deux, c’est un plaisir pour les
yeux et un moyen pour aiguiser l’appétit.
***
 

Chapitre -24-

Mourad était certainement l’un des élémentsessentiels de la famille Chaouchi qui ne devait
pas manquer à leur scène théâtrale.
Ils arrivèrent en cortège bienveillant avec des bouquets de fleurs, armés de mots d’excuse et
d’expressions de doux reproches. Leur vacarme lui parvenait à partir du parc de l’immeuble
où leurs voitures étaient stationnées.
Il s’était penché pour les observer traversant successivement le trottoir vers l’entrée : Karim
avec son gros ventre, Ghazi vêtu d’un beau costume, marchant à côté de sa fiancée, la fille
de Si Matri, Noureddine, derrière lui Leila élégamment habillée avec sa démarche
nonchalante, puis Noura en fin du cortège, portant un bouquet gigantesque de roses
blanches. Mourad se pencha pour examiner son aspect. Il ne pouvait ni se changer ni se
laver. Il était couvert de poussière. Il ne s’attendait pas à leur arrivée, il avait passé la veille
et le lendemain matin à trier ses tableaux pour emballer quelques uns afin de les expédier
aux acheteurs. Il avait réussi à signer des contrats à des prix différents avec quelques
magasins modernes récents et certains hôtels du Sahel sur la côte.
Il n’avait pas cherché à prendre soin de son apparence. Il avança vers la porte pour l’ouvrir
et céder le passage à ses cousins et leurs femmes qui s’étaient précipités à l’intérieur de
l’appartement en une vague de tumulte que Mourad soudain avait appréciée en sentant
qu’elle lui manquait depuis la fameuse réunion qu’il avait quittée avec amertume.
Au moment où ils étaient en train d’examiner son état et ses cheveux ébouriffés, il les
devança en disant : 

109
-Embrassez-moi ou bien rentrez chez vous. Les femmes d’abord par dépit contre leur beauté
et vous les hommes contre la belle élégance à laquelle je n’étais pas habitué, surtout chez
Ghazi. Tout cela pour me voir ?
Il parlait en s’amusant avec les boutons de manchette de Ghazi, laissant une tâche de
peinture sur sa veste. Ce dernier lui adressa silencieux, un regard de reproche et se dirigea
avec sa fiancée vers les tableaux accrochés aux murs.
Tous s’étaient tus un moment puis s’étaient retournés vers Noura qui était chargée de les
représenter réconcilier à l’occasion pour calmer le jeu. Karim avait préparé théâtralement le
terrain à sa femme pour prendre la parole :
-Je vous prie Mesdames et Messieurs d’écouter ce que notre délégué va annoncer au sujet
du Pacte de Paix entre nous et notre cousin. Je prie Dieu, le tout puissant pour à ce que ses
efforts ne se soldent pas par un échec comme ceux de la question du Moyen Orient. Sachez,
Dieu vous bénisse, que sa réussite dépend beaucoup de vous.
Mourad avait déposé des bouteilles de jus et quelques verres sur l’une des tables puis
interrompit son cousin :
-Epargnez-moi vos discours et n’importunez pas Noura par le raccommodage de vos
brèches. Je suis étrangement prêt à vous pardonner pour retourner et rendre votre vie
pénible.
Ghazi lui tendit le verre de jus et lui murmura :
-Tu es un mal nécessaire.
Mourad chuchota dans l’oreille de Ghazi :
-Quant à toi mon cousin tu es comme le trou du cul, puant mais indispensable. Puis il
rajouta  en haussant la voix en direction de la fille de Si Matri :
-Que Dieu te vienne en aide ma belle, c’est le plus mauvais qui soit dans la grappe de raisins.
Leïla avait détourné le sujet pour parler d’elle :
-Mourad ne me félicites-tu pas ?
-De tout mon cœur, annonce moi la bonne nouvelle. Es-tu enceinte d un autre Chaouchi ?
Noureddine répondit en portant un narguilé qu’il avait rapidement préparé en soufflant dans
le tuyau.
-Quelle nouvelle, la tribu ne suffit-elle pas ? Leïla est devenue une femme d’affaires, elle va
ouvrir un magasin de deux pavillons, en Banlieue Nord.
-Deux pavillons en une fois ! Cela veut dire que tu vas voler haut. Bienvenu au nouveau
capitalisme. La contagion du commerce hérité par la famille Chaouchi t’a certes atteinte.
Il indiqua à Ghazi :

110
-En bas de l’armoire tu vas trouver une bouteille de champagne, je n’imagine pas une
occasion meilleure que celle-ci pour la boire.
Leïla, sur un ton joyeux lui dit :
-A l’occasion, nous allons organiser une fête pour l’inauguration du Magasin magasin et je ne
pense pas que tu n’y assistes pas.
-Rien que pour tes yeux j’y serai. Parle- moi du Magasin magasin et de ce que tu vas exposer
à la vente dans les deux pavillons.
- Le premier pavillon au rez- de de-chaussée est destiné à la restauration rapide quant à celui
du premier étage, il est réservé aux jeux d’enfants, dernier cri.
Mourad demeura pensif quelques instants, posant sa main sur son menton, puis répliqua :
Ah ! C’est merveilleux, espérant espérons que les choses évolueront pour toi afin que tu
puisses vendre àcôté de tout cela des pneus de voiture, des outils de construction, des
produits de nettoyage et des contraceptifs…
-Qu’est-ce que cela veut dire ? Interroge Noureddine en promenant son regard entre les
personnes assises.
-Tu es un enfant du Souk et au courant de la tendance du nouveau commerce, l’intégration
de tous les produits sans la catégorisation est signe de réussite des grands espaces
commerciaux « Super Market Leïla »…Puis pourquoi t’étonnes-tu ? As-tu oublié Hmida El
Jerbi à Bab El Fella ? Il avait appliqué cette approche sans savoir écrire un mot mais il
maîtrisait les opérations d’addition et de soustraction les plus dures…Ne vendait-il pas des
produits variésde toutes sortes…
Le début est bon Leïla, surtout ton choix du fast food, c’est le projet le plus réussi. L’individu
ne craint absolument plus le spectre de la famine en marchant entouré de part et d’autre
d’avenues, de rues, de ruelles, parfois d’échoppes de kafteji, de véhicules de vendeurs de
merguez, d’œufs durs, jusqu’à l’accès selon la hiérarchie au McDonald’s et aux Pizzeria
italiennes.
Une fois, je me suis posé la question sommes-nous un peuple gloutonqui ne se suffit pas de
ce qu’il mange chez lui, Il complète ce manque dans la rue, ou bien nos maisons n’ont pas de
cuisine ?Crois-moi Leïla tu as choisi le meilleur chemin créneau du commerce. Il n’y a rien de
tel pour faire gagner en abondance comme les produits qui finissent rapidement dans leur
transformation dans les poubelles et les égouts. D’ailleurs, la cuisine préparée à la maison ne
plaît plus.
Rym le gronda en le tirant de l’épaule :
-Arrête s’il te plaît, tu es dégoûtant. Qu’est-ce qui t’a pris ? Laisse- nous savourer ta boisson.
Ghazi cria :
-Attention Rym, est-ce que tu continues à avoir confiance en ce fou ? Qui sait de quel
mélange va-t-ilil va nous abreuver à la place du champagne ?

111
Mourad répliqua :
-L’expert en miel ne peut être trompé par le sucre fondu, buvez rassurés, mes félicitations
Leïla.
Leïla avait repris la discussion en essayant de répandre l’ambiance de gaieté :
-J’ai encore du nouveau, j’ai préparé mes affaires et mes meubles pour déménager dans la
nouvelle maison.
-Grand bien pour toi et les enfants. Ce sont des mutations fondamentales.
Leïla poursuivit :
Noura va pouvoir profiter des deux chambres vides. Elle destinera l’une aux enfants et
l’autreà une bibliothèque.
Mourad commenta, en regardant Noura et son mari :
-Comment cela, n’avez-vous pas l’intention d’avoir un logement indépendant et de changer
de lieu Noura ?
Son mari répondit contrarié :
-Sa mère l’avait mise au monde dans un musée et coupé son cordon ombilical avec les
ciseaux d’El Jezzia El Hilaliya. Sous la maison de ses parents ils ont découvert un ancien
Temple Romain. Une fois, je me suis demandé si interrogé m’avait elle aimé pour ma
personne ou bien parce que je ressemble à un Général Romain dont elle était amoureuse ?
Leïla rajouta  ajouta :
-Noura est ainsi depuis que je l’ai connue. Elle adore l’antiquitél’Antiquité.
-Je suis passionnée par le goût esthétique de l’antiquitél’Antiquité, il me semble que la
beauté y a élu demeure et qu’elle refuse de passer aux nouveautés de la vie moderne.
Karim s’était retourné comme quelqu’un qui vient de se rappeler quelque chose :
-J’ai oublié de vous parler du nouveau de Noura. Il semble qu’elle prépare un travail que
vous ignorez. Elle le cache à tout le monde. J’ai remarqué depuis quelques temps qu’elle
était plongée dans un brouillon qui pèse lourd.
-C’est ainsi Noura !
Mourad sur un ton dépourvu de son habituelle ironie lui adressa des reproches :
-C’est la première fois que tu commences un travail et tu le poursuis selon ce que je viens
d’entendre sans m’en parler.
Noura était embarrassée. Elle n’avait pas apprécié les propos de son mari comme s’il avait
révélé un secret qu’elle aurait souhaité qu’il soit gardégarder.
Elle répondit sur un ton qu’il qui ne convainquit pas Mourad :

112
-Il s’agit de vieux textes éparpillés que j’ai voulu corriger et reformuler.
-Laisse cela pour la saison de sécheresse mais à présent tu as encore beaucoup à donner et
ton imagination est en pleine épanouissement. Nous attendons de toi des écrits complets du
niveau de ce qui avait précédé et mieux encore.
Il se tut un instant. Il avait senti qu’elle cherchait à changer de sujet :
-Je compte sur toi Mourad pour ce qui concerne la bibliothèque. J’ai besoin de ton aide pour
le design et les étagères des livres.
***

Marrakech, le…
« …L’individu pourrait fouler une terre,enveloppé de son exilmais l’écho de ses pas finirait par
arriver jusqu’aux murailles et soudain un sourire chasse son inquiétude et la sérénité
l’envahit. Une sérénité qui détruit toute flétrissure, c’est alors que s’étendent des ponts,
poussent des ailes et l’étranger se presse vers ceux à qui il doit ce moment de bonheur…les
nuages de l’ennui se dissipent, les distances parcourues se dissolvent et s’anéantissent et la
mémoire de l’épuisement s’endort.
NB. Un large public avait apprécié mes tableaux. Ma joie est plus grande que mon désir
ardent de te retrouver, désolé… » 

Un extrait des lettres de Nada à Anouchka

113
Chapitre -25-

-As-tu des nouvelles de Georges Nada ?


-Non, je n’en ai plus. Cela est arrivé à ma demande.
Anouchka s’occupa à contempler le dernier tableau de Nada qui séchait à la fenêtre pendant
que cette dernière se plongeait dans ses pensées. Elle se souvint encore du contenu de la
lettre qu’elle lui avait envoyée suite à son invitation à Londres.
« …Il m’est impossible d’assister, les sentiments n’ont pas besoin d’être mis à l’essai. Ils sont
comme un choc électrique soit ils vous secouent soit non. J’étais en train de vous envoyer une
carte du port de Rouen, une des villes normandes. Il se trouve que des bateaux l’ont traversé
à l’occasion une seule fois. Je vous prie, je voudrais que votre passage et votre arrêt à mon
havre…soit pour une occasion unique, une seule. C’est beaucoup mieux. Je suis une femme et
non une souris de laboratoire. »
Nada se rappela sa réponse rapide dans une lettre éloquente, tendre et concise :
« …Je vous salue Madame, je suis ébloui par ce que vous avez accompli pour vous-même… Je
suis au courant de tout…Vous êtes tellement courageuse que je ne pourrai pas me retrouver
face à vous encore une fois…Comme vous le souhaitez mon passage à votre havre…
demeurera une occasion unique qui ne se répètera pas.
Adieu Madame
Georges Hazem

114
Anouchka l’arracha à son évasion.
-Je n’imagine pas que cette viesoit normale pour une femme comme toi, de ton âge, enterrée
dans une maison obscure telle une cave et silencieuse telle une tombe. Aucun humain ne s’y
trouve, à part le vieux domestique…tous les endroits exhalent l’odeur de la peinture et la
cigarette. Tu n’as pas fait de rencontres au cours de tes voyages ? Tu n’as pas organisé des
évènements, est-ce raisonnable ?
Aussitôt Nada fut attirée vers ce qui était emmagasiné dans sa mémoire.
Elle était en train de se préparer à organiser une exposition pour ses dernières peintures à
Fès, la ville historique marocaine, dont le charme, les qualités du lieu et ses recoins l’avaient
séduite…Au début, elle n’avait pas aperçu l’homme,…Un dernier morceau d’une chanson
éternelle, merveilleuse et une voix mélodieuse, au summum de sa beauté, parvinrent à ses
oreilles.
« Oh mon amour ! Chaque chose est déterminée par la fatalité.
Nous n’avons pas choisi d’être malheureux.
Peut-être notre destin, un de ces jours nous réunira
Etant donné la difficulté de se rencontrer. »
Elle s’était arrêtée devant la boutique d’où de fortes mélodies se répandaient, chargées de
l’expression: « Ne dites pas que nous l’avons voulu mais c’est la chance qui l’a voulu ».
Une voix masculine au timbre agréable et àl’accent maghrébin marocain l’interpella :
-Est-ce la chance qui a voulu que vous vous arrêtiez Madame près de ma boutique ?
J’aimerais que vous rentriez pour choisir quelques parfums pour vous.
Elle avança vers la boutique, attirée par son décor et ses produits puis elle regarda son hôte
en contemplant sa taille et ses traits. Ce dernier désigna la radio cassettele phonographe en
déclarant :
-Y a qu’elle qui me transporte de joie, je l’écoute et les beaux rêves me reviennent,je
souhaiterais être écrivain pour écrire un livre sur l’amour à la hauteur deses douces
mélodies, de la finesse de ses expressions, de la force de son interprétation et de la dimension
de son charme. C’est la Diva de la chanson arabe, nourrie des chants de la passion.
Elle s’assit pour écouter d’autres morceaux d’une autre chanson…puis une autre. Elle sirota
du thé avec des confiseries.
Dès le lendemain, il frappa à sa porte la nuit, sa main s’approcha de la sienne, il lui offrit un
bouquet de lys et une cassette de la chanson d’Oum Kalthoum « laylatou Hob ».
Il joua avec folie à travers son corps toutes les mélodies excitantes et elle peignit en couleur
de sa soif tous les méandres de leur rencontre. L’aube vint l’arracher à elle, la radio
cassettephonographe s’arrêta sur la voix d’Oum Kalthoum et les morceaux magiques
s’envolèrent avec le parfum du lys.

115
« Ne dites pas que nous l’avons voulu c’est la chance qui l’a voulu ».
***
Sur « la Place Jemaa el Fnaa »à Marrakech, Nada fut attirée par un autre visage, celui d’un
homme d’affaires, d’un autre genre. Il acheta trois de ses tableaux et l’invita à dîner. Lorsque
la rencontre arriva toucha à sa fin et l’invitation royale s’acheva, il lui murmura à sesaux
oreilles :
-Voudriez-vous m’épouser et rester ici ?
Elle prolongea son séjour et fut enfiévrée par une réflexion stérile. Au moment où il retourna
chercher la réponseà sa demande, elle avait déjà quitté l’hôtel et n’avait pas eu le courage de
lui laisser un mot à la réception.
« Je me marie ? Que puis-je faire de ce cœur têtu qui traîne sur les marches de l’amour ?
Anouchka était assise face à son amie en qu’elle sentant sentait qu’elle était totalement
absente, plongée dans un lieu et un temps autres.
Elle lui dit en la secouant :
-Je te conseille si tu comptes habiter définitivement ici de changer de meubles, ils sont
valables pour un musée.
Nada sursauta en et répondant répondit avec indignation :
-Sauf ça !La maison doit garder son cachet, ses caractéristiques et sa couleur. Il y a des récits
et une histoire que le temps avait tissés dans cette maison antique qu’il ne convient pas de
détruire comme si on enlevait une toile d’araignée de l’un de ses d’un recoins.
Nada se leva pour chercher une boisson, en changeant de sujet :
-Laissons tomber tout cela, as-tu du nouveau ?
-Certainement, une composition en solo. Si Franz SchubertChopin était vivant il se serait
incliné d’admiration.
-Vas-y fais- moi écouter. Quelle est son nom ?
-Evasion
Anouchka souleva avec un geste royal son violon. La mélodie se répandit à travers la maison.
Dans la grande salle, le vieux domestique tira la chaise en bambou et la plaça contre la
fenêtre. Il enroula roula une cigarette puis regarda à travers la vitre le ciel nuageux et le
pamplemoussier bigaradierr chargé de fruits.

116
« …Si c’était possible à chacun de faire son propre examen de conscience, il serait horrifié
de voir ses contradictions et son impuissance parfois face à ce qu’il dévoile et ce qu’il cache.
J’ai compris cela dans le flux de positions contradictoires de ma famille envers moi… »
Extrait d’une lettre de Mourad à Anouchka

117
Chapitre-26-

Chère Anouchka
Je suis entré dans la peau d’un commerçant et j’ai relativement réussi. Il semble que j’aie
reçu le commerce en héritage, ce qui m’a beaucoup aidé. J’ai proposé mestableaux à
quelques hôtels et restaurants. Les transactions que j’ai contractées sont irréelles selon
moi ! Je n’ai jamais connu un enthousiasme comme celui que je ressens en ce moment…De
même je n’ai jamais senti une angoisse aussi poignante dans mes précédentes crises que
celle qui me serre mes côtes . En dépit de tout cela j’ai envie de danser pour célébrer ma
relative réussite à l’instar de quelques tribus primitives qui célèbrent chaque occasion avec
la danse, même les cérémonies funéraires. Je veux danser pour célébrer ma proximité de
l’objectif que je me suis fixéet par dépit contre l’angoisse qui trouble ma joie…
Y a pas mieux que d’être le seul danseur sur la piste, tu exécutes des mouvements ordinaires
ou bien inventés à partir d’un accord intérieur supposé, jusqu’à ce que la sueur coule de ton
corps et les pores de ta peau transpirent, c’est alors que tu résistes à la fatigue au point que
les genoux se plissent et te fassent font tomber par terre pour écouter la danse du sang qui
coule dans tes veines, poursuivant le jeu.De même, je ne me sens plus dégoûtant comme je
l’étais.
Est-ce un autre corps qui embrasse mon âme ou bien une autre créature dans mon corps ?
Cette question qui m’a détruit ne m’ennuie plus, elle a perdu de son impact sur moi…J’ai un
objectif que je dois atteindre et je vais le réaliser pour honorer mon humanité
Dans une lettre que tu m’avais adressée, tu avais mentionné la nécessité d’informer mes
grands parents « De Bois » de ce que je compte faire. Laisse cela pour moi, je trouverai bien

118
un moyen de les informer qu’ils seront les grands parents d’une petite fille et non d’un petit
fils. Je dis bien les informer et non demander leur avis.
***

Mourad n’aurait jamais imaginé que ses pas allaient le conduire finalement à Al Kallaline plus
précisément au mausolée Sidi Ahmed Ben Aïssa alors qu’il n’avait pas encore pris de décision
en ce qui le concernait.
Etait-il contraint ou bien sa curiosité l’avait poussé à visiter Al Cheikh Fillali, maître de l’une
des troupes d’Al Issawiya. On dit qu’il était Cheikh savant, apprécié des hommes et
particulièrement des femmes. Mourad se souvint de sa première rencontre avec lui, dans la
grande maison d’el Hajjamine. Il ne pouvait nier l’impact du récit sur son grand père Sidi
Ahmed Ben Aïssa et son départ de Meknès
Le désir de le peindre tel qu’il l’avait vuoccupant la place d’honneur parmi les récitateurs du
Coran et dans son regard un secret étrange qu’il aurait souhaité découvrir, ne l’avait pas
quitté.
Mourad s’était longuement dérobé aux prières de Hajja Kmar de se rendre chez le Cheikh
afin de bénéficier de sa Baraka,« Peut-être que Dieu changera ce qui est en toi ». La vieille en
était obsédée. Elle le lui répétait avec insistance chaque fois qu’elle se trouvait tête à tête
avec lui jusqu’à ce que les larmes remplissent ses yeux et que sa voix soit émue. C’était alors
que Mourad apitoyé se lança vers elle, l’embrassant son sur le front, lui promettant sans
ardeur qu’il irait chez le Cheikh non pas par conviction mais pour l’apaiser.
Ce n’était pas facile cette fois-ci car il l’avait trouvée un matin, déterminée, en train de
porter son sefsari39en soie et dans sa main un couffin dont le contenu était protégé par une
serviette.

39
Sefsari : voile typiquement tunisien que portaient les femmes.

119
Elle avait entendu à l’aube ses pas se diriger vers la chambre de Simone et la porte se
fermer. Il était de retour du Hammam. La vieille pensa que c’était une occasion unique car il
était dans un état de purification
Au lever du soleil, elle se précipita pour frapper à la porte,ce qui n’était pas dans ses
habitudes :
-Mourad, il est tard dépêche toi, nous allons partir.
Il était endormidormait. Il fit un effort pour ouvrir ses yeux et comprendre ce que disait El
Hajja mais sa tête était vide. Il ne se rappela pas avoir fixé avec elle un rendez-vous…Il se
tourna sur le côté, frotta les yeux, en levant la voix de manière à être entendu par la vieille :
-Que Dieu soit loué où tu vas ?
-Lève- toi tu le sauras.
Son retour dans la grande maison était récent et la trêve entre lui et sa famillesa famille et
lui était encore fragile, n’importe quelle discussion au début de cette matinée pourrait avoir
des effets néfastes.
Devant un pot de menthe, sur une petite table, Hajja avait préparé le plateau pour le petit
déjeunerde Mourad afin d’éviter tout retard puis s’était assise devant lui afin de l’informer
sur ce qu’elle comptait faire. Il sentit qu’il était pris au piège, Il réfléchit, peut-être qu’il lui
était possible d’ajuster la décision catégorique.
-Nana tante laisse- moi aller seul.
-Non, j’y vais avec toi.
-S’il te plaît Nana tante, je vais tout seul sinon tu ne me reverras plus.
La vieille baissa son sefsari, posa son couffin, se frappa les paumes, s’approcha de son visage
en le fixant :
-Je te fais jurer surte conjure par Sidi Mehrez et sur la tête de Si Ahmed et Simone que tu
vas le voir…
Mourad soupira en imaginant le mausolée du Sultan de la Médina Sidi Mehrez avec tous ses
piliers l’encercler et les cheikhs sortis de leur tombeau pour l’attendre à l’entrée d’el
Hajjamine et exaucer les prières de la vieille.
Ahmed Chaouchi lui était apparu maculé de sang, dans le hall d’un immeuble d’un quartier
de Paris, le fixant avec un regard étrange. Tandis que Simone, elle, était dans un coin obscur,
plongée dans un silence terrifiant, en lui tournant le dos.
Il n’en était pas question. Il pouvait se désintéresser de toute chose sauf de Simone. Certes,
il était capable de supporter l’indifférence de toutes ces personnes, excepté celle de sa
mère.
-J’y vais !

120
  ***

Les serviteurs du haut lieusanctuaire étaient en train de préparer le vaste patio pour la
cérémonie de l’après-midi.Imaginez le nombre de femmes, de vieilles et de jeunes filles et
quelques hommes dans un vacarme, en attente du commencement d’el Hadhra…
Mourad sentit le parfum de l’encens et de l’ambre s’exhalant des encensoirs, entre les
piliers du haut lieusanctuaire, essuyant l’ancien dôme, le tombeau, les tapis et les étendards,
traversant les chambres. C’est alors que les anciens murs s’en imbibèrentet on entendit les
voix des récitateurs, les chants des adeptes et les acclamations de l’assistance.
« Le Cheikh Fillali doit être certainement occupé par son rituel dans l’une des pièces. C’est
une occasion pour observer ses traits » pensa Mourad.
Il avait souhaité saisir cette occasion pour commencer à dessiner les traits de son visage et
sa taille enveloppée dans la djebba et le burnous qu’il plaçait autour de lui avec un geste
étudié.
Qu’arriverait-il s’il lui fournissait l’occasion de le peindre et lui rendrait un service plus
important que celui dont rêvait Hajja Kmar, tel que la baraka ou un miracle obtenu grâce à
lui ?
Il entra dans l’une des pièces, là où était assis le Cheikh, en train de réciter des louanges. 
Il laissa ses chaussures à l’extérieur…attendit jusqu’à ce qu’il leva la tête puis le salua
brièvement.
Le Cheikh répondit en retirant vers lui les pans de son burnous :

121
-Bienvenu, mon fils, Marhaba…Est-ce que tondjinn t’habite encore et t’empêche de voir
distinguer le bien et du le mal ?
-Quel djinn,Cheikh ?
-Le prophète (Paix et Bénédiction sur lui) dit : « A chacun de nous fut destiné un djinn
appartenant aux djinns et une autre faisant partie des anges ».
Mourad s’était tu, en il approchant approcha le couffin, cadeau de Hajja Kmar au Cheikh. Ce
dernier l’attrapa en glissant sa main sous la serviette pour découvrir ce qu’il qu’elle
contenaitient, en murmurant :
-Que Dieu augmente sa fortune et lui procure la santé. Cette femme est brave et bonne, tu
lui dois beaucoup. Elle te voue de l’amour et de l’affection, tu fais partie d’elle comme la
pupille de ses yeux. Pourquoi ne reviens- tu pas au sérieux et ne t’éloignes-tu pas des
tentations de Satan que Dieu avait maudit ?
-Je ne suis pas un égaré, Cheikh, comme vousl’imaginez. Peut-être ai-je voulu quelque chose
que Dieu avait voulu.
-Demande pardon à Dieu, ce n’est que l’égarement insufflé par Satan. Mourad, mon fils, tu
es bien né, d’une bonne famille, tes oncles sont des notables. Ils ne lésinent pas à accomplir
leur devoir envers les nécessiteux. En bons musulmans, ils s’acquittent chaque année de la
Zakât, participent à l’édification des mosquées et la restauration des Mausolées. Pourquoi
tends-tu vers ce qui provoque le courroux de Dieu et qui est contraire à ta religion ?Ta
grand-mère m’a parlé des lettres que tu reçois de Paris, que Dieu leur pardonne, ils t’ont nui
et ne t’ont pas aidé. Mon fils détourne toi d’eux et compte seulement sur Dieu.
Mourad fit un effort pour se taire et respecter le Cheikh, en se rappelant le visage de Hajja
Kmar le suppliant de bien se comporter…Il regarda le dévot en lui disant sur un ton calme et
poli :
-Si Cheikh, pour que je soisêtre franc avec vous, je suis venu pour satisfaire Hajja Kmar et
pour convoiter la peinture de votre portrait. Je ne suis pas venu pour écouter des propos sur
Satan. Je ne suis pas son allié étant donné que je n’ai jamais cherché à nuire à quelqu’un.
Pourquoi vous n’expliquez pas ce que j’ai comme quelque chose que Dieu m’avait destinée
et ce que je projette de faire correspond à mon destin ?. Croyez-vous que je n’ai pas la foi ?
Peut-être que j’ai vécu des situations où j’étais plus proche de mon créateur que celui assis à
votre place et ayant a votre statut. Dieu est le vôtre et le mien, il écoute plusle désemparé
que le serein. Comment imaginez-vous que Satan m’habite ?
Le Cheikh s’agita en déclarant : « Il n’y a de puissance ni de force qu’en Dieu. »
Mourad poursuivit :
-Ô ! Cheikh, écoutez-moi, comment savez-vous que je puisse être utile aux gens tel que je
suis alors que je n’ai pas pu être utile à moi-même en me procurant la sérénité et la
quiétude. Je ne suis pas bien, mon cerveau appréhende le monde en tant que sexe féminin.
Je meurs d’envie de don et de maternité en tant que femme. La nature m’a octroyé plus de

122
gènes féminins, tout cela Dieu le sait. C’est lui qui facilite la voie du savoir à ceux qui le
souhaitent, Dieu l’a rattachée à son trône. La science est parvenue aux moyens de ma
guérison, pourquoi vous vous opposez vous et les autres ? Puis ne croyez-vous pas que rien
ne pourra nous atteindre que ce que Dieu avait prévu pour nous ?
-Que Dieu me pardonne, « il n’y a de puissance ni de force qu’en Dieu ».
Mourad se leva et se dirigea vers ses chaussures, en se tenant silencieux, à la recherche de
l’air à respirer pour sa poitrine qui étouffait. Lorsqu’il arriva à la place Bab Souika il sentit
une soif brûlante serrant sa gorge à tel point qu’il ne pouvait plus prononcer un mot.

***

Chapitre -27-

Dans le parc adjoint parking du au nouveau quartier commercial, Noura avait garé sa
voitureson « Austin » et attendu l’arrêt de son ronflement. Elle y en descendit, claqua la
porte plusieurs fois jusqu’à ce qu’elle soit fermée, tourna la clé et leva ses les yeux vers le
gigantesque complexe commercial qui était en face d’elle. Voici le nouveau monde de Leïla.
A sa première visite au quartier, Leïla lui avait demandé son avis sur l’endroit, elle se
précipita de répondre :
-Je me sens en exil.
-Est-ce que tu vas vivre ici ? Qu’est-ce que tu as ô !femme avec l’histoire cette histoire d’exil
de l’exil?Donne- moi ton avis sur l’architecture, sur les grandes et vastes avenues et les
visages des gens ici.
- Ce qui est important c’est que ce quartier te plaise, je suis contente pour toi.
Lorsqu’elle parvint au deuxième étage où se trouvait le magasin de Leïla, elle prit l’escalier
mécanique pour se rendre à l’étage au- dessus, au deuxième pavillon et adressa un salut.
Leïla s’empressa de répondre en plaisantant :
-J’ai appris ton arrivée en entendant le ronflement de l’Austin.

123
-Le plus beau c’est que son ronflement augmente lorsque je prends le chemin ouest, en
direction de ce quartier, ne te fâche pas Leïla, les murs et les pierres m’affrontent avec un
mutisme que je ne supporte pas. C’est là-bas où j’ai grandi et où je me suis installée, dans la
Médina antique. Les pierres parlent, les murs racontent et le pavé des ruelles murmurent
des récits qui ne finissent pas et tous ont une histoire pleine d’exploits et d’événements.
Leïla l’interrompit :
-Mais ces quartiers sont récents, ils auront certainement une histoire.
-Ce n’est pas comme tu l’imagines, l’Histoire ne se fabrique pas comme des bouteilles en
plastique et des canettesboites de jus…Elle ne naît pas de rien. L’Histoire a besoin de temps,
de racines, de générations, d’action et d’épreuves. La Médina avait connu la douceur de la
gloire et l’horreur des conflits et des guerres. Les résistants y avaientvécu les plus dures
périodes de lutte contre les assaillants depuis la confrontation avec les Espagnols, ensuite
avec l’armée française, dès la naissance du mouvement national. Le sang des martyrs
avaient teint ses pierres et ses espaces cachés et apparents…
Dans la Médina s’était développé le réseau des grandes familles ancestrales et les
composantes de l’authenticité et du goût qui distinguaient les tunisois qui avaient connu
gloire et grandeur. Au sein de la Médina antique rayonne la grande Mosquée d’où se sont
distingués des jurisconsultes et des Oulémas qui ont transmis le savoir à travers le pays et à
l’étranger.
-Peut-être pour toi c’est une question d’adaptation pour toi, quant à nous, nous nous
sommes adaptés aux grandes avenues où se perdent les pas et je ne peux plus me déplacer
du magasin à l’appartement sans voiture.
-L’essentiel c’est que tu sois bien.
Leïla leva la tête en faisant signe à l’une des vendeuses de s’occuper d’une cliente qui
paraissait hésitante devant la vitrine.
Noura poursuivit ses remarques, en sirotant un jus commandé par Leïla :
-Cette galerie est magnifique c’est comme si on marchait entre les vitres et les chutes de la
lumière.
-Je n’imagine pas que tu préfères Souk al Grana à ce complexe.
-Est-ce que tu en doutes ? Puis elle rajouta en riant :
-Vends-tu sur une charrette en bois le l’oliban, le Khôl de l’Inde, l’encens et le henné ?
Vends –tu à côté des transistors des baskets fabriqués en Chineet à côté des ustensiles en
cuivre et des rouleaux de tissu importés des peignes de cheveux et des gants parisiens ? Dis-
moi,tu renies ces échoppes d’où tu as acheté le trousseau de ton mariage, vilaine ?
-Laisse tomber tout cela, où sont arrivés tes calculs ?
Les traits des deux femmes avaient pris un air sérieux. Noura répondit en regardant ses
chaussures :

124
-Trois mille
Elle poursuivit ennuyée :
-La pratique littératureire n’enrichit absolument pas celui qui l’exerce. Nous sommes très
loin du professionnalisme et l’écrivain ne peut pas compter sur ce que lui rapporte le livre,
crois-moi Hamadi al Ghoul est plus riche que moi et ses poches sont pleines, car le
commerce du « lablabi » et du fast food est très rentable, tandis que moi je suis épuisée de
courir derrière les Libraires et les Editeurs pour recouvrer ce qui reste d’argent de mes
livres…C’est tout ce que j’ai, trois mille dinars qu’un pseudo-chanteur de troisième catégorie
peut gagner en une soirée.
Leïla l’interrompit :
-Laisse tomber le papier, l’écriture et la prise de tête…viens avec moi et dirige le magasin,
c’est une occasion pour gagner beaucoup d’argent, offrir ton Austin au musée et acheter une
voiture moderne.
-Non, je ne suis pas douée pour le commerce, je suis amatrice d’épuisement. Qu’a- tu fais
toi, de ton côté ?
-J’ai gagné le double de la sommece que tu as gagné. Si tuavais attendu la fin de L’Aïd et les
fêtes de fin d’année tu aurais vu la recette augmenter.
- Mourada vendu certainement quelques tableaux…A l’occasion de son retour à la maison
Hajja Kmar organise un festin. Il m’a a promis aussi de m’aider à ranger la bibliothèque. Je
vais t’attendre pour lui donner la somme. J’imagine sa joie en la recevant. Que Dieu
pardonne aux enfants Chaouchi, les frais de la chirurgie sont un lourd fardeau, nous ne
serions pas dans cette situation s’ils avaient accepté son désir et son choix.
Noura avait le pressentiment que ce qui attendait Mourad ne serait pas plus clément que sa
situation actuelle. Telle qu’il l’imaginait, l’intégration ne serait pas facile ni socialement, ni
juridiquement, ni psychologiquement car il se sentirait plus étranger dans son propre milieu.
***

125
Chapitre -28-

Mourad regarda les piles de livres, transportées dans la pièce vacante de la grande maison,
suite au déménagement de Noureddine et de sa famille dans le nouveau quartier résidentiel,
à l’ouest de la capitale.
Avant de déplacer les livres, Hajja Kmar avait tenu à faire badigeonner la pièce, peindre la
porteet les fenêtres et réparer avec du plâtre les fissures. L’opération de transport des livres
s’était effectuée dans une ambiance enthousiaste, en présence de Mourad dont le retour fut
source de bonheur pour la vieille comme si un rayon de soleil était revenu dans la maison
après s’être longtemps éclipsé.
Noura parut ennuyée du retard des étagères en bois…Elle patienta en feuilletant quelques
livres dérobés à sa vue depuis quelques temps. Mourad indiqua avec un mouvement
circulaire ce qui remplissait le parterre en disant :
-Que veux-tu de tout cela, Noura ?
Elle répondit en suivant le mouvement de sa main :
-Le monde, le monde entiermon ami, de Confucius, Hérodote, Imru al KaissImrou’l Qais , al
Ghazali jusqu’à l’Histoire l’essentiel de la Pensée pensée Modernemoderne.
-Pauvre de lui, mon cousin !
-Comment cela ?

126
-Il n’a pas réussi à te contenir, toi seule, comment ça va être si tu lui transportais le monde
avec toi ?
Noura s’agita soucieuse. Les étagères avaient pris du retard et le rangement des livres
nécessitait l’effort d’une journée entière pour occuper leur place.
Hajja Kmar demeura à chasser les enfants les empêchant de toucher aux livres et se
plaignant d’un temps où les commerçants et les artisans ne respectaient plus le rendez-vous
n’ayant plus de parole, répétant sans arrêt :
-Ne vous ai-je pas dis de chercher un menuisier de l’époque qui tient sa parole, vous n’avez
pas voulu m’écouter !

***

Chapitre -29-

Noura et Leïla poussèrent un soupirrespirèrent d’aise en voyant la vieille sécher les traces de
ses larmes sur ses joues qui avaient repris leur couleur habituelle et s’apprêter pour la prière
du soir. N’importe quel gémissement aurait provoqué un vacarme dans la maison Chaouchi
si ce n’était l’adresse des deux femmes qui s’étaient isolées avec la vieille, chez elle, après le
diner. Une discussion très tendue avait duré entre les trois femmes…
Noura serra entre ses mains la main de la vieille :
-Ô! Nanatante, Mourad a décidé, rien ne le fera revenir sur sa décision. Est-ce que tu
acceptes qu’il fasse un crime ? Nous avons amassé une petite somme pour lui selon nos
moyens pour éviter qu’il tende sa main à ses amis et qu’il soit humilié.
Hajja Kmar retira son foulard, hérissa ses cheveux gris et raides, avec un geste nerveux et se
mit à se lamenter :
-Pauvre de moi ! Qui va porter ton nom Ô ! Ahmed, Ô ! Chaouchi…La malédiction du coffre
au trésor nous poursuit de génération en génération…Laissez- moi chialer, je le considère
mort…je n’ai pas besoin de votre argent, c’est moi qui lui donne l’argent…je le tue avec mes
mains…je vendrai l’échoppe et mes bijoux…qu’il fasse ce qu’il veut, il ne me reverra plus…
Elle éclata en sanglots dans sa chambre, appuyée sur son lit tellement elle ne pouvait plus se
tenir sur ses jambes. Des tremblements parcoururent son corps et une pâleur couvrit sa
peau rose. Les deux femmes se précipitèrent pour la ranimer avec des gouttes d’eau de fleur

127
d’oranger, en massant ses membres jusqu’à ce qu’elle se soit calmée et plongée dans un
état analogue à la stupeur.
Les deux femmes s’assirent la surveillant dans un silence et une inquiétude sans pareils. Elles
n’avaient jamais vécu une situation aussi alarmante du fait de cette aventure dont Hajja
Kmar , elle-même, faisaitétait partie prenante.

***

Noura était debout entre le scieur et le la bruit bruyante scieuse des outils à bois , dans
l’une une des menuiseriesmenuiserie . Elle avait préféré se rendre le matin pour se
consacrer tôt à l’arrangement, surtout qu’elle n’avait pas vu Mourad arriver comme il l’ avait
promis. Peut-être s’était-il abandonné au sommeil ? Mais ce qui était arrivé, elle ne pouvait
l’imaginer. Mourad s’était égaré sur une monture qu’elle lui avait préparée sans le savoir. 
La veille, Hajja Kmar fut très agitée, suite à ce qui s’était passé entre elle et ses belles -filles
tandis que Mourad passa la nuit bouleversé, en proie à une souffrance intérieure, depuis
qu’il avait tendu sa la main après avoir hésité, sur les brouillons de Noura.
Il était dans l’obscurité, désespéré de dormir, alors il se leva pour chercher un livre. La
curiosité le poussa vers les classeurs aux feuilles portant des travaux réalisés dont il avait lu
tous les chapitres en compagnie de Nouraet d’autres abandonnés à propos desquels il était
le premier à avoir donné son avis.
Son regard s’arrêta sur un dossier qu’il aperçut entre les classeurs et qui avait attiré son
attention de façon particulière. Il sentit uneeut envie de le consulter. Il n’y avait rien que
Noura, dans ses habitudes lui cachait, surtout lui, comme c’était le cas avec elle pour ses
tableaux,car elle fouillait entre anciens et récents et jetait le regard sur ceux qui étaient en
train de sécher.
Qu’aurait-il pu faire à sa curiosité, son angoisse et son insomnie ? Ce n’était qu’un coup d’œil
entre les pages, rien de plus. Il n’était pas exclu que Noura l’informerait sur son ton
particulier chaque fois qu’il était question d’une nouvelle création littéraire, un ton mêlé
d’angoisse, de joie et d’hésitation.

128
-Mourad, donne-moi ton avis là-dessus ton avis?
C’était certainement ce qu’elle allait faire avec ce dossier violet qui comprenait un brouillon
qui ne dépassait dépassant pas les cinquante pages.

***
Mourad parcourut le début du brouillon, allongé sur le lit antique sous la lumière de l’abat-
jourqui se projetait sur les lettres entremêlées en lignes penchées, sur la feuille blanche.
L’étonnement parut sur son visage dès le commencement.
« Quoi ? Anouchka, Nada, De Bois…C’est quoi ça Noura ?Quel est ce travail, qui est Nada ? »
Il relut les pages : « Je suis Nada la petite fille de Monsieur Alain de Bois qui avait rejoint
Simone et Suzi Susie avant les fêtes de Noël d’une semaine, l’année dernière… »
De temps à autre, il leva la main, en s’agitant pour changer de position, serrant ses tempes,
murmurant dans l’obscurité, abasourdi : « Qu’a-tu fais Noura ? Est-ce ton roman…Suis-je
Nada ? » Puis il retourna à la même position en continuant la lecture des pages.

Marrakech, le…..
« Il arrive que l’individu souhaite que le temps ne soit pas le même et ni les gens aussinon
plus…Mais, un seul pas suffit dans un voyage d’exil et d’éloignement de tout ce qui est
coutumier pour qu’il se transformer en un poisson abreuvé de la mer et de son sel, qu’on
avait rejeté sur le sable…»
Extrait des lettres de Nada à Anouchka
Mourad, stupéfait, examina les pages qu’il avait éparpillées devant lui et poursuivit sa
lecture enfiévrée : « Nada s’était allongée sur le sofa, dans l’obscurité, se rappelant les
détails de l’expérience délicate et dangereuse qu’elle avait traversée, corps et âme. A chaque
étape, elle cherchait l’équilibre et tentait de fusionner totalement dans la peau qu’elle avait
choisie.
Elle se souvint du jour où Anouchka l’avait surprise, assise devant la glace, pliant ses les
jambes et observant son apparence. Elle commença par interroger son amie :
-Prière Anouchka, comment les dames s’assoient d’habitude lorsque l’une d’elle porte un
vêtement moulant et court ?
Anouchka avait du mal à répondre :
-L’affaire ne m’a jamais inquiétée. Je n’y avais surtout pas pensé, moi qui restais des heures
parfois devant les spectateurs. Mon seul souci se focalisait sur l’archerSoucieux du seul
archer, les cordes et la notation musicale.

129
- C’est parce que c’est différent pour toitu n’as pas besoin d’apprendre, c’est quelque chose
d’instinctif. Dès la naissance, tu appartiens au sexe féminin, avec toutes les composantes
psychologiques et biologiques. Une belle femme, douce et tout ce qui provient de toi est ainsi.
Les choses sont différentes pour moi, abandonner le pantalon pour les robes et les jupes est
un grand problème.

La sonnerie la fit sursauter, elle tendit la main pour allumer la lumière et se pressa de se
changer. Elle entendit le vieux domestique traîner ses pas dans le corridor durez-de- chaussée
pour ouvrir la porte qui lui rappelait celle des petites églises des villages marins qu’elle avait
rencontrées lors de ses visites chez ses grands parents. La voix du vieux lui parvint saluant la
visiteuse avec une ardeur qu’on lui reconnaissait rarement :
-Anou ma petite, comme je suis content de te revoir !
Elle imagina Anouchka penchée avec sa belle taille svelte pour déposer deux baisers furtifs
sur la joue ridée du vieux.Elle l’entendit l’informer de son retour du voyage.
-Finalement l’oiseau migrateur est de retour à son nid.
Nada se précipita pour la saluer puis elle lui offrit à boire en commentant :
-Tu sais très bien que mon vrai nid n’est pas ici.
-Qu’est -ce qui t’empêche d’intégrer ton nid ?
-Le temps ne convient pas.
-Le temps qui convient c’est à nous de le procurer selon notre bon vouloir et notre
détermination.
-Ce n’est pas possible dans toutes les situations.
-Pense au retour et tu vas voir que la date ne dépend que d’un geste de toi.
-Je retourne ?
-Certes tu retournes, tu dois affronter tout le monde là-bas ?
-Je viens de me rappeler, j’ai reçu une lettre de l’avocat, les choses sont encore obscures. Il
parait que la décision qui fera suite à l’appel ne sera pas comme je veux. Le texte de lois
n’est pas en ma faveur, seules les ruelles de la Médina, ses remparts et ses places vont
m’accueillir. Pour respirer la brise de mon pays natal, il faut que je m’y faufileou je m’y
introduise sous couvert d’une jurisprudence étrangère. 
-Ce qui est important, c’est la finalité mais le moyen c’est subsidiaireest passager.
-Mais non je veux un moyen provenant de ma famille. Je veux ma place telle que j’ai choisi
d’être, sous le soleil de ma patrie, mes racines sont là-bas. Je veux un chez moi. Je veux être
une mère…

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-Il existe dans les rêves des endroits d’oùil faut absolument détourner notre esprit pour être à
l’abri des griffes de la déception. Je souhaite que tu comprennes ça, Nada.
-Je ne suis pas d’accord avec toi, il n’y a pas de limites au rêve. Ni les lois ne peuvent le
régulariser, ni les décisions législatives face auxquelles il se tiendra impuissant et frustré, ni
visas et passeports n’exigent une identité pour y accéder. D’ailleurs, j’ai dépassé l’étape le
stade du rêve, j’œuvre à réaliser ce que je désire, être une mère. Je dois trouver un moyen.
-As-tu parlé une autre fois, de ce sujet avec ton médecin ?
- Il n’a rien de nouveau et l’avis de la science en ce qui concerne mon état est clair, je ne peux
pas porter en moi un fœtus.
- Tu es une femme Nada, cela n’est-il pas suffisant ?
-Je veux être une femme mère. Je vais réaliser cela comme je l’ai fait pour la première et
difficile étape. Je dois d’abord choisir l’homme de la semence. La question à présent dépend
du texte juridique et de la cour d’appel.
-Et l’affrontement là-bas avec la société et la famille ?
-Une affaire qui demeure reportée…
Mourad se mit debout. Les pages s’éparpillèrent du dossier violet :
« Pourquoi Noura ? C’est comme ça que tu planifies mon avenir…je ne suis pas Nada et je ne
serai pas comme Nada dans son impuissance à aimer et à s’adapter…d’ailleurs, pourquoi ne
serai-je pasune mère ? Et mon rêve d’accoucher…avec la procréation je serai pour mon
enfant ce que Simone et Ahmed Chaouchi n’ont pas pu être envers moi. Malheur à vous
tous ! Malheur à toi Noura !Quelle agression ! Fallait-il que ta plume fouille dans ma sphère
cette fois-ci ?Etait-il nécessaire que tu l’enfonces comme une lame dans la profondeur de la
blessure ?Pourquoi envahis-tu par ta curiosité mon futur ?
Si tu avais tiré une balle sur moi, cela aurait été plus clément. Si tu m’avais poussé d’une
hauteur dans le vide écrasantdu haut d’un gouffre, cela aurait été plus miséricordieux.
Malheur à ton journal qui a devancé mon rêve ! A l’enferAu diable tous ces papiers…

***

131
Chapitre -30-

« Torchkana a pris la fuite »


L’information fut transmise de bouche à oreille modifiée et commentée. Sa famille se rendit
aux postes de police, à la morgue des hôpitaux, aux stationnements postes de la Garde
nationale de sécurité routière, aux asiles de fous et de ceux qui avaient perdu la
mémoire.des amnésiques Elle le chercha également dans les Mausolées et chez les
Marabouts…Pour terminer son cousin lança un avis de recherche accompagné de sa photo
dans les journaux quotidiens.
Depuis la nuit de la disparition de Mourad, Noura n’avait pas retrouvé le brouillon de son
dernier travail littéraire. Le dossier violet avait disparu avec toutes ces ses feuilles.
***
Plus d’un an s’écoula.
Noura accompagnait Hajja Kmar, au regard nourri de chagrin profond, dont le mouvement
s’était alourdi et la taille rétrécie comme si elle portait le poids de ses années, vers le poste

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de police le plus proche où les agents s’étaient habitués à la voir jour après jour et à écouter
la question malheureuse qu’elle prononçait : « Avez- vous une informationdes nouvelles ?
Avez-vous trouvé Mourad ? »
Face à la pitié de tous et la réponse insatisfaisante, Noura retira Hajja Kmar avec tendresse
pour la ramener à la maison et la conduire vers sa chaise antique, en face du bac de menthe
et la vieille s’enfonça dans un silence profond.
Très souvent, Noura se faufilait vers la maison de Simone, s’asseyait face aux tableaux de
Mouradet s’abandonnait à un monologue sans fin : « Est-ce que je t’ai fait perdre ton rêve
sans le savoir, mon ami ? Est-ce moi qui ai démoli l’édifice de tes aspirations que la prudence
avait construit de tous les côtés, avec mes délires enfiévrés ? T’ai-je tué avec de mes
propres mains, Mourad ? T’ai-je détruit d’où là où je pensais que jete
construisais construire ?
Le talent s’est desséché et la plume aussi, mon ami…Je suis dégoûtée du bureau, de la
bibliothèque, des feuilles et de l’écriture…Même les couleurs de tes tableaux orphelins
s’étaient desséchées. Quels mots pourraientpeuvent-ils te faire revenir ?
***  

Chapitre -31-

Trois informations…et une seule vérité :


La première information :
« Dans une ville en dehors de l’agglomération, on a vu un homme aux traits fatigués, aux
pas pesants , avec sous le bras un paquet de feuilles, chercher une carrière ancienne de
pierres. Lorsqu’on lui avait a demandé pour quelle raison, il a répondu qu’il veut voulait
enterrer le coffre au trésor de son ancêtre. »
La deuxième information :
« Dans une des plages de la Banlieue Sud, des pêcheurs avaient ont trouvé le corps d’un
noyé dont les traits avaient disparus… Dans la salle d’autopsie de l’hôpital et pour la
première fois dans l’histoire de l’humanité, la médecine légalelégiste était incapable de
déterminer le sexe de la dépouille ».
La troisième information :

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« Les cercles de récital religieux de la troupe el Aissaouia40et les assemblées des cérémonies
religieuses ont perdu la trace de Cheikh El Fillali… De retour du Maroc quelqu’un avait
raconté qu’il l’avait vu à la Place Jemaa el Fna, à Marrakech en compagnie d’un jeune à
l’allure d’un adepte des cercles d’el Aissaouia, au visage glabre. Il l’accompagnait dans ses
allées et venues. »

40
El Aissaouia : une confrérie et un ordre mystico-religieux soufi marocain, fondée par Sidi Mhammed Ben Aissâ
(1465-1526/ 882-933 H). Ses adeptes se trouvent en Afrique du Nord, notamment en Tunisie.

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