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LES FEMMES ILLUSTRES

DE LA FRANCE
par

OSCAR HAVARD

Nouvelle édition réalisée à partir de celle de 1885,


illustrée des 73 gravures de l’ancienne édition

Éditions Saint-Remi
– 2018 –
À ma chère femme,
à la compagne et
l’auxiliaire de mes travaux,
ce livre est dédié.
O.H.

Éditions Saint-Remi
BP 80 33410 CADILLAC
saint-remi.fr
I
LA FEMME CHRÉTIENNE

A umières
moment où l’Église vint apporter aux hommes les lu-
de l’Évangile, le vieux monde se décomposait.
Sans doute, l’art, la science et la littérature illuminaient encore de
leurs clartés déclinantes le paganisme épuisé ; mais des signes
partout visibles annonçaient l’universelle décadence. Les intelli-
gences étaient à bout, les épreuves finies, les mystères comblés.
L’humanité touchait au désespoir...
Cherche-t-on à pénétrer le secret de cet avortement et de cette
lassitude, on découvre sans étonnement que, parmi les causes qui
précipitent la déchéance des peuples, l’une des plus puissantes et
des plus actives est l’infériorité sociale de la femme.
Chez les races primitives, qui demandent, soit à la chasse, soit
à la pêche, l’entretien d’une vie nomade, la perversion des idées
religieuses va de pair avec le mépris du sexe le plus faible. La
femme est achetée, vendue, répudiée, condamnée aux plus durs
travaux. Comment l’homme s’attacherait- il au foyer domestique ?
Les nécessités de son aventureuse existence le tiennent presque
toujours éloigné de sa hutte ou de sa tente. Celle que la nature fit
sa compagne ne songe pas d’ailleurs à se révolter contre le joug
qui l’opprime. C’est sans murmure qu’elle subit une servitude
dont aucune joie familiale ne tempère les rigueurs. Bête de som-
me avilie et résignée, la femme ne soupçonne pas sa dégradation
et ignore sa noblesse.
Les peuples de l’Orient voient, il est vrai, briller les premiers
rayons de la lumière qui devait, dans le cours des siècles, épurer
les idées et sanctifier les mœurs. Mais que de ténèbres encore !
Les sévères distinctions des castes, les préjugés barbares, les su-
perstitions du polythéisme entravent le développement moral de
la femme et méconnaissent sa dignité originelle. C’est le spectacle
que nous offrent la Chine, l’Inde, la Perse, et, six siècles après
l’ère chrétienne, l’Arabie. En vain Confucius, Zoroastre, Manou
et Mahomet déposent-ils dans les livres sacrés des Chinois, dans
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le Zend-Avesta, dans les Védas et dans le Coran, quelques vérités


surnaturelles obscurcies par de nombreuses erreurs : l’immobilité
des mœurs antiques paralyse le progrès. Sur le seuil du harem
expire toute noblesse et toute vertu. Esclave créée uniquement
pour reproduira l’espèce humaine, la femme n’a pas même l’idée
de se cabrer contre la fatalité de son sort. Jeune, elle est d’abord la
« propriété » de son père, et, plus tard, la « chose » de son époux.
Vieille, elle gravit le calvaire de toutes les humiliations et de toutes
les hontes : créature déclassée, trafiquante de secrets magiques, un
peu sorcière, toujours misérable, dédaignée par les uns, repoussée
par les autres, c’est tout au plus si elle obtient un sourire des en-
fants dont elle guide les premiers pas. Enfin, le jour arrive où,
accroupie comme une chienne dans un coin de la tente, les che-
veux en désordre, le dos à peine couvert de guenilles fétides, dé-
crépite, dévorant en cachette les reliefs de tous les repas, elle ne
reçoit pour toutes caresses que les coups de son seigneur et les
quolibets de la valetaille. La dernière heure sonne. L’approche de
la mort nimbe-t-elle au moins la femme de l’auréole qui lui a
manqué pendant la vie ? Hélas ! Quand son dernier souffle
s’exhale, l’époux, les enfants, la famille célèbrent à l’envi ce dé-
nouement comme une délivrance.
Une autre ère semble un moment s’ouvrir pour la Grèce. Par-
mi les tribus qui forment l’agrégation hellénique, quelques-unes,
électrisées par le patriotisme, déploient un génie qui nous éclaire
encore de ses lueurs. Un ciel toujours clément, une nature sou-
riante paraissent les prédisposer à des mœurs plus indulgentes. Le
culte du beau enivre la mélodieuse Hellade. Avide de la beauté
infinie, le peuple grec la cherche, la poursuit sans jamais y renon-
cer, de siècle en siècle, dans l’airain, dans la pierre, le chant et le
rythme de la parole. À peine l’a-t-il rencontrée sous une forme
qu’il la poursuit sous une autre. Il s’élève, il retombe ; jamais cet
idéal souverain n’est entièrement voilé pour lui. Les yeux fixés sur
le beau, il s’avance sans se lasser, ni se déconcerter à travers les
débris des religions et des empires.
Mais, après avoir orné ses dieux au dehors, les enrichit-il au
dedans ? Le sens de la beauté morale accompagne-t-il, chez le
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 5

peuple grec, l’enthousiasme pour la splendeur physique ? Non,


hélas ! Aristophane, en qui, par excellence, se personnifie le Grec,
Aristophane bafoue les divinités auxquelles il sacrifie. Il achève
l’hymne par une épigramme, et la prière par un ricanement. Il
invente pour ses comédies de petits dieux espiègles qui se mo-
quent des grands ; il promet à un roitelet le sacrifice solennel d’un
moucheron. Prométhée, cette figure jusque-là si austère, se cache
sous un parasol pour que l’oeil de Jupiter ne l’aperçoive pas. Tou-
te la Grèce fait de même. Aussi, lorsqu’à la fin saint Paul apparaît
dans l’Aréopage pour annoncer non plus la beauté fragile du poè-
te, du statuaire, du potier ou de l’architecte, mais la Beauté vi-
vante et éternelle, tous les juges, à part Denys, semblent entendre
un langage inconnu.
Dans la femme, qu’est-ce que vénère donc la Grèce ? Elle ho-
nore l’harmonie des lignes, la grâce des contours, le front radieux,
les lèvres qui boivent et versent l’ambroisie, le regard serein ; mais
l’âme, mais le mens divinior ? La Grèce l’ignore. Pour l’Hellène, la
femme est une statue, un objet d’art ; ce n’est point la compagne,
ce n’est point surtout la moitié de l’homme. Reléguée dans le gy-
nécée, elle n’en sort que pour se mêler à des divertissements où se
compromet la dignité de son sexe.
Le mariage la relève-t-il ? Il l’abaisse. Pour le compatriote de
Socrate, le mariage est tantôt un marché, tantôt un mal nécessaire.
Jamais consultée, la jeune fille n’éprouve même pas la tentation
de repousser le fiancé que sa famille lui choisit. Dans les temps
homériques, le fiancé achète sa future. Plus tard, sous Périclès, les
parents, au contraire, dotent leur fille ; et si cette dernière est ré-
pudiée, la dot retourne à la famille. Dans les deux cas, que devient
la dignité de l’union conjugale ? Un pacte pécuniaire qui la pro-
fane et la contamine.
Mais poursuivons. Le traité conclu, un sacrifice offert aux
dieux sous les auspices desquels l’union se contracte donne au
mariage la consécration religieuse. C’est l’hiver, dans le cours de la
pleine lune, que les flambeaux de l’hyménée s’allument. Le ban-
quet nuptial groupe autour de la même table les voisins et les
amis des deux familles. Le festin terminé, les femmes s’emparent
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de la jeune fille, la parfument, la couronnent et l’installent sur le


char qui doit la conduire à la maison de l’époux. Escorté d’un
ami, celui-ci vient prendre place auprès de sa fiancée. Le véhicule
s’ébranle : tympanons et trompettes d’éclater aussitôt en joyeuses
fanfares. Derrière, une torche à la main, la mère de la jeune fille
s’avance triste et courbée, menant, pour ainsi dire, le deuil des
souvenirs tendres et des douces joies que le char emporte.
Cependant on arrive. Debout, au seuil de la maison, la mère de
l’époux reçoit et embrasse la jeune femme. Cris, chants, éclats de
rire retentissent. Le reste de la journée se passe en fêtes, mais,
faut-il le dire ? en fêtes plus scandaleuses encore que frivoles, où
se trahit l’incurable légèreté de l’Hellène.
Rendons à la Grèce cette justice que la polygamie lui répugne.
Mais si l’homme de l’Attique est monogame, il est, hélas ! aussi
concubinaire. À côté de la femme légitime vit et siège une autre
femme… Que devient alors la pureté du foyer domestique ? C’est
l’adultère élevé à la hauteur d’une institution.
Mais comment le paganisme respecterait-il la femme ? En Asie
comme en Grèce, il ne voit en elle que la propagatrice nécessaire
de l’espèce. D’après le témoignage d’Hérodote, les femmes, chez
les Babyloniens, sont vendues à l’encan. La polygamie sévit parmi
les Perses comme parmi les Thraces. À la mort du mari, les fem-
mes se disputent pour connaître celle que préférait le défunt ; dès
que l’accord est fait, l’épouse privilégiée se pare de ses plus beaux
atours, et monte sur le bûcher où le corps de son maître est livré
aux flammes. En Arménie, les familles les plus distinguées consa-
crent leurs filles à la déesse Anaïtis. Chez les Mèdes, chaque
homme s’enorgueillit de cinq épouses, et c’est un honneur pour
une femme de compter plusieurs maris. Les Indiens s’adjoignent
plusieurs femmes qu’ils échangent pour une paire de bœufs ; les
plus pauvres conduisent leurs filles au marché pour les vendre.
En Égypte, les rapports des deux sexes dérogent à tous les usages
reçus. Les femmes vont au dehors traiter les affaires, pendant que
les hommes filent la laine et tissent la pourpre à la maison.
Arrivons maintenant à Rome. À peine gravissons-nous les
pentes du Janicule que nous respirons un air plus pur. Seule, la loi
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 7

romaine donne du mariage une idée sublime : « C’est, dit-elle,


l’union de l’homme et de la femme soumis à la vie commune et
partageant ensemble tous les droits divins et humains. » Noble et
expressive définition qui fait pressentir et qui contient, pour ainsi
dire, en germe, la formule sacrée du rituel catholique. Mais la loi
est-elle du moins appliquée ? Les Romains obéissent-ils à la char-
te liturgique que leurs législateurs ont burinée sur l’airain et sur le
marbre ? C’est triste à dire ; mais la loi romaine reçoit à chaque
instant un cruel démenti ; les mœurs et la législation, tout contre-
dit la théorie dans laquelle se pavane la fierté romaine. Au lieu de
l’égalité promise, l’historien ne voit dans le mariage romain
qu’inégalité et servitude.
Et d’abord, inégalité de devoirs. La loi exige de la jeune fille la
pudeur et de l’épouse la fidélité ; mais que sont ces vertus ? Ren-
fermées dans le gynécée, l’homme ne les connaît pas. La société
ne se charge-t-elle point d’ailleurs de déconsidérer la femme lors-
qu’elle l’admet aux cérémonies du culte d’Isis et aux mystères de
la « bonne Déesse » ? Le mariage n’égalise pas mieux les condi-
tions. Le jour où le rite de la « confarréation » associe les époux,
la seule prérogative dont le législateur se résigne à gratifier la
femme, c’est un traitement pareil à celui de la fille du mari. À la
division de l’héritage, l’épouse reçoit une part d’enfant. Voilà tou-
te la munificence à laquelle daigne condescendre l’époux.
Le Romain honnête se marie pour obtenir des héritiers, libero-
rum quaerendorum causa. Plaire et propager : c’est pour satisfaire à
ces deux conditions que la femme a sa place au foyer domestique.
Si la femme se courbe sous le poids de la douleur ou des années,
si des rides précoces sillonnent son front, les portes du domicile
conjugal s’ouvrent. Au nom du maître, l’affranchi vient intimer à
l’épouse vieillie l’ordre de plier bagage : Collige sarcinulas, dicit liber-
tus, et exi.
Une union aussi précaire ne pouvait être éternelle. Aussi le di-
vorce sous toutes les formes et pour tous les motifs rompt-il à
chaque instant le lien conjugal.
Cette solution est si commune, que les légistes se trouvent
obligés de distinguer plusieurs sortes de divorce : le divorce des
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gens de bien, le divorce par lassitude et le divorce par calcul, ce-


lui-là même, pour le dire en passant, dont se servit Cicéron quand
il répudia Terentia pour obtenir, avec une femme mieux pourvue,
une dot nouvelle qui lui permit de désintéresser ses créanciers.
Citons aussi le divorce par générosité, comme celui de Caton, qui,
désireux de récompenser Hortensius, lui transféra sa femme à
titre d’épouse.
Voilà le rôle avili que le mariage romain fait jouer à la femme ;
mais celle-ci subit-elle sans murmure cette dégradation et cette
infamie ? Non ; la femme trouve sa vengeance dans l’iniquité
même de la loi. Le divorce qui l’opprime, elle s’en arme à son
tour et le fait servir à ses représailles et à ses calculs. Elle aussi
divorce pour se remarier, et se marie pour divorcer. Saint Jérôme
raconte qu’il a vu ensevelir une femme dont dix-sept maris
avaient accepté la main. Cette égalité que les hommes n’ont pas
voulue dans la vertu, les femmes la retrouvent dans le vice. On les
voit, comme les hommes, boire et s’enivrer ; elles ont également
une place d’honneur dans l’amphithéâtre ; elles donnent le signal
de l’égorgement du dernier gladiateur, qui vient se débattre à leurs
pieds en demandant grâce. Quand enfin la frénésie des combats
du Cirque agite la société romaine tout entière, quand des cheva-
liers et des sénateurs descendent dans l’arène, les femmes les y
suivent, et le peuple romain a le plaisir d’assister à des combats de
matrones court vêtues. Voilà pourquoi Sénèque peut dire avec un
désenchantement que justifie le débordement des mœurs :
« La femme n’est qu’un animal sans pudeur. Si on ne lui donne pas
beaucoup d’éducation, beaucoup de savoir, je ne vois en elle qu’une créa-
ture sauvage, incapable de refréner ses passions. »
Soyons juste pour les barbares. La condition civile des fem-
mes, soit dans la Gaule, soit dans la Germanie, avant
l’établissement du christianisme, est préférable au despotisme de
l’ancienne législation romaine. Les Germains et les Celtes ont
pour leurs femmes une vénération particulière, ils reconnaissent à
plusieurs d’entre elles le don de prophétie ; ils écoutent volontiers
leurs conseils ; enfin ils ne supportent pas que la plus petite injure
faite à l’une d’elles reste sans réparation ou sans vengeance.
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 9

Une prêtresse gauloise


Plutarque, dans son traité sur les Actions des femmes célèbres,
explique de la façon suivante les motifs de la condescendance que
les Gaulois montrent pour leurs compagnes.
« Avant de traverser les Alpes pour s’établir en Italie, les Gaulois eurent
entre eux une grande querelle ; ils étaient sur le point d’en venir aux armes,
quand les femmes éplorées, se jetant au milieu deux, parvinrent à calmer
leur colère. Jugeant elles-mêmes le différend qui causait tant d’émoi, elles le
terminèrent avec une sagesse et une équité si grandes que, depuis cette
époque, les Gaulois ont toujours fait appel au même arbitrage. »
D’après le même Plutarque, quand les Gaulois conclurent un
traité avec Annibal, il fut stipulé qu’en cas de litige les femmes de
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la Gaule seraient les arbitres du procès. Faut-il citer encore


l’histoire tragique de Gamma, prêtresse de Diane, femme gallo-
grecque, qui préféra la mort au déshonneur de convoler en se-
condes noces avec le meurtrier de son mari ?
« Rien ne surprit plus les Romains, dit M. de Montalembert, que
l’austère chasteté des femmes germaines ».
Le respect religieux des hommes pour ces compagnes de leurs
travaux et de leurs périls, dans la paix comme dans la guerre, les
honneurs presque divins dont ils entouraient les prêtresses ou les
prophétesses qui tantôt présidaient à leurs rites religieux, tantôt
les menaient au combat contre les violateurs du sol national, tout
ce culte étrange et inusité frappe d’étonnement les descendants
dégénérés des Scipions.
Chez les Germains, le mariage est soumis à des lois sévères, et
la monogamie strictement observée. Si, dans des cas rares, un
homme a plusieurs femmes, cette pluralité d’épouses n’est qu’une
distinction extérieure, une marque du rang. La femme n’apporte
pas de dot, mais l’homme en donne une à la femme. Les parents
assistent à la réception des présents nuptiaux et les estiment. Ces
cadeaux n’ont aucun rapport avec la toilette féminine. Race de
guerriers, les tribus germaniques donnent des armes de guerre ou
des ustensiles et des meubles domestiques : un cheval harnaché,
un taureau, un bouclier, une lance, une framée sanglante. La
femme, de son côté, offre à son mari une pièce d’armure, afin de
se rappeler qu’elle est destinée à partager le sort incertain du guer-
rier. Et ce n’est point là un fade et métaphysique symbole. Les
femmes germaines enflamment souvent le courage de leurs maris
pendant le combat, et décident plus d’une fois de la victoire. Cet-
te vie agitée compromet-elle la sévérité des mœurs ? Non.
L’adultère est rare et la punition en est sévère, instantanée et li-
vrée à l’arbitraire des maris. Aussi les femmes sont-elles fort res-
pectées par les Germains, et ce respect est-il encore justifié par la
superstition populaire qui voit en elles ses prophétesses.
Qui ne se rappelle les Cimbres, que Marius eut tant de peine à
vaincre, et dont les femmes rivalisaient d’audace et d’héroïsme
avec les hommes ? Guerrières indomptables autant qu’irrépro-
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 11

chables épouses, elles donnèrent aux Romains une leçon de pu-


deur et de grandeur d’âme, dont les futurs sujets de César
n’étaient déjà plus dignes. Sommées de se rendre, elles demandè-
rent que leur chasteté fût respectée et que Marius les donnât pour
esclaves aux vestales, mettant ainsi leur honneur sous la protec-
tion de celles qu’elles tenaient pour vierges et prêtresses. Le
consul refusa : alors, sans hésiter, elles se tuèrent toutes avec leurs
enfants, préférant généreusement la mort à la honte.
Les Anglo-Saxons sortaient précisément de ces contrées bai-
gnées de la mer du Nord, que les Cimbres avaient habitées : ils se
montrèrent dignes de descendre d’eux, autant par la fougue irré-
sistible de leurs guerriers que par l’ascendant incontesté de leurs
femmes. Chez eux, moins encore que chez les autres barbares, on
ne rencontre aucune trace de ce vieil esprit romain qui met
l’épouse in manu, dans la main de son mari, c’est-à-dire sous ses
pieds. La femme est une personne et non une chose, garantie
contre le moindre outrage par des pénalités sévères, protégée par
le respect universel ; elle vit, parle, agit pour elle-même. Elle hé-
rite, elle possède, elle dispose de ses biens, parfois même elle dé-
libère, elle combat, elle gouverne comme les plus fiers et les plus
puissants d’entre les hommes.
Nulle part l’influence des femmes n’est plus efficace, plus re-
connue et plus prolongée que chez les Anglo-Saxons, et nulle part
elle n’est plus légitime et plus heureuse.
« Toutefois, dit M. de Montalembert, on s’abandonne à une étrange il-
lusion, si l’on se figure que ce respect traditionnel des races germaniques
pour la femme fût assez puissant, assez universel, pour comprimer chez les
barbares tous les excès de la passion la plus redoutable, de l’instinct le plus
impérieux de l’humanité déchue. »
Sans doute, les barbares, d’après les témoignages des Pères,
sont plus chastes que les Romains de l’empire ; mais si les débau-
ches romaines ne contaminent pas les Germains, leur âme est
trop souvent souillée par les penchants les plus vils et par les ap-
pétits les plus désordonnés. Les canons des conciles, les articles
des Pénitenciels et les aveux de certaines légendes nous révèlent
des attentats sans nom.
12 LES FEMMES ILLUSTRES DE LA FRANCE

Nous venons de dire que les femmes de race germanique sont


d’ordinaire investies d’un prestige tutélaire. Mais cette auréole
enveloppe-t-elle indistinctement toutes les femmes ? Non ; elle
illumine seulement celles que les Germains considèrent comme
les égales ou les supérieures des guerriers ; quant aux malheureu-
ses créatures qui végètent dans les conditions inférieures et sur-
tout dans les déplorables profondeurs de l’esclavage et du ser-
vage, qui dira leur sort ?
Les efforts obscurs et sublimes que durent déployer tant de
jeunes captives, tant de filles esclaves ou serves, pour se dérober
aux gynécées des princes, aux impitoyables ardeurs des barbares
victorieux, aux caprices tyranniques du maître, Dieu seul les a
connus, Dieu seul les a récompensés : « l’Histoire attentive et
sincère ne peut, dirons-nous avec Montalembert, que constater le
résultat général, qui fut glorieux et immense ».
Seul, le christianisme pouvait restituer à la femme sa place na-
turelle dans la famille, remanier de fond en comble l’institution du
mariage, et rétablir tout ce que le paganisme avait méconnu. Avec
le christianisme, la fin principale du mariage n’est pas la procréa-
tion des enfants. Saint Augustin le dit dans, un admirable langage,
et c’est aussi la doctrine de Tertullien : la fin principale du mariage
est de donner l’exemple.
Dans le mariage chrétien, tout se partage et rien ne se rompt ;
tout se partage : devoirs, condition ; des devoirs égaux s’imposent
aux deux parties contractantes. Toutes les deux doivent apporter
une même espérance, un cœur égal aux mêmes chaînes destinées
à les unir toujours, et saint Jérôme le dit avec son âpre et énergi-
que langage :
« Autres sont les lois de César, autres les lois du Christ ; autres les déci-
sions de Papinien, autres les préceptes de Paul. Les païens lâchent le frein à
l’impudicité des hommes et se contentent de leur interdire l’adultère des
femmes mariées. Chez nous, ce qu’on défend aux femmes, on ne le permet
pas aux hommes, et, sous un même devoir, l’obéissance est égale. »
Voilà ce qui rend le christianisme lourd au monde païen, ce qui
le rend lourd aux Juifs, et lourd aux barbares.
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 13

Sanctifié par un amour supérieur, le mariage est ramené à sa


forme, à son unité et à sa dignité originaires. À la place d’Ève,
mère du genre humain, l’humanité trouve en Marie une seconde
mère. Comme de la première femme était provenue la chute, Ma-
rie est proposée aux femmes comme le prototype de l’obéissance,
de la sainteté, de l’amour maternel. Elle élève son sexe à une hau-
teur que ni le paganisme ni le judaïsme n’ont connue. L’union des
sexes dans le mariage devient un sacrement ; désormais le lien
conjugal est indissoluble.

Un mariage chrétien aux premiers siècles de l'Église


La loi romaine admettait le divorce sans limites. Telle est la
puissance d’une coutume invétérée, que les empereurs, devenus
chrétiens, n’osent pas toucher au divorce, ou plutôt n’y touchent
qu’avec une étonnante timidité.
14 LES FEMMES ILLUSTRES DE LA FRANCE

Mais, grâce à Dieu, cette réserve ne se maintient pas : où tré-


buchait la sagesse des empereurs, là ne chancelle pas l’Église
Dès 416, le concile de Milève interdit aux époux divorcés de
convoler à d’autres noces ; le divorce est donc par là même
converti pour toujours en une simple séparation de corps. De là
toute la théorie chrétienne du mariage. Dorénavant, le mari est le
chef de la femme ; il doit l’aimer, la respecter comme lui-même et
ne jamais s’en séparer. De son côté, la femme n’est plus une es-
clave, mais une compagne investie des mêmes droits que son
époux, et soumise aux mêmes devoirs. Si le mari reste la tête, la
femme prend un rang qui, tout en la plaçant sous la dépendance
du mari, l’élève à son niveau social. Elle doit, suivant la loi chré-
tienne, obéir à son époux comme au Seigneur, non en esclave,
mais librement, de même que l’Église obéit au Christ, son chef.
Pleine de condescendance pour l’époux qu’elle s’est choisi, la
femme va au-devant de ses désirs et se fait gloire de déférer doci-
lement à ses conseils. Ornée de vertus, de grâce et de dignité, elle
ne se complaît ni dans le faste des habits, ni dans la pompe des
fêtes : la modestie, voilà sa parure.
Une religion qui fortifiait le cœur contre les tentations et pla-
çait le bonheur dans l’accomplissement du devoir, n’était-elle pas
faite pour solliciter l’attention des philosophes et des honnêtes
gens ? En comparant les vertus morales, dont le christianisme
était le principe, aux désordres qu’enfantaient les doctrines païen-
nes, il était impossible que les Gentils ne fussent pas frappés de la
supériorité de l’Évangile. Si à cette considération on ajoute les
tendres sollicitations d’une femme aimée, on conçoit sans peine
que l’époux païen se sentit peu à peu envahi par le désir de deve-
nir un jour membre d’une société où se déployaient de si belles
vertus.
C’est à ce mouvement intellectuel et moral que fait allusion
l’Apôtre lorsqu’il écrit aux Corinthiens : « Je me réjouis donc de
ce qu’en toutes choses je puis me confier en vous. »
Grotius commente ainsi la pensée de saint Paul :
« On voyait déjà les preuves de l’heureuse influence que les femmes
exerçaient sur la société. Leur chasteté, leur modestie, leur soumission, le
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 15

soin qu’elles prenaient de leur ménage, toutes leurs vertus, en un mot, ins-
piraient à leurs époux un vif attachement, non seulement pour elles, mais
aussi pour la philosophie vraiment divine dans laquelle elles avaient été éle-
vées. Les Gentils répétaient dans leur admiration ce que disait Libanius :
« Que de vertus dans les femmes chrétiennes ! »
Dès les premiers temps de l’Église, les femmes chrétiennes
concourent puissamment par leur chasteté, leur piété, leur dé-
vouement, leur foi vive et persévérante, au triomphe des nouvel-
les doctrines. L’admiration que les païens eux-mêmes leur accor-
dent atteste éloquemment le rôle admirable qu’elles jouent dans
l’évolution religieuse dont le christianisme est l’instrument. Elles
comprennent ce qu’avaient ignoré ou méconnu les civilisations
primitives et l’antiquité tout entière : la dignité de leur sexe, la
sainteté du mariage, la sublimité des affections de fille, d’épouse
et, de mère. Platon, Socrate, Cicéron ont-ils jamais, par exemple,
plus exalté les sentiments d’une mère que ne l’a fait l’Évangile ?
Et d’abord, les mères se font un saint devoir de nourrir dans le
cœur de leurs enfants l’amour du christianisme, dont les diacres
de l’Église avaient pour mission de leur faire connaître les princi-
pes. C’est de la sorte qu’est élevée Perpétue, qui subit le martyre à
Carthage, sous le règne de l’empereur Sévère.
Toute la famille de l’héroïne était chrétienne, à l’exception de
son père. Les détails de la procédure vont nous montrer quelle foi
vive animait, dès cette époque, les servantes du Christ.
Perpétue avait à peine vingt-deux ans quand elle fut arrêtée.
Mère d’un enfant encore à la mamelle, la jeune femme se trouve
donc obligée de lutter à la fois contre la délicatesse de son sexe et
les poignantes angoisses de son amour maternel. Comment subi-
ra-t-elle l’épreuve ? Attaché, comme nous le disons plus haut, aux
pratiques du paganisme, le père de Perpétue se rend dès le pre-
mier jour à la prison pour conseiller à sa fille de renoncer à la foi.
Sans s’émouvoir, Perpétue présente à son père un vase placé près
d’elle : « Puis-je, dit la jeune mère, désigner ce vase autrement que
par son nom ?
— Non, sans doute, répond le vieillard.
— De même, répliqua Perpétue, je ne puis être autre chose
que ce que je suis, c’est-à-dire Chrétienne. »
16 LES FEMMES ILLUSTRES DE LA FRANCE

Peu de jours après, les prisonniers reçurent le baptême. Le


front encore humide de l’eau lustrale, Perpétue dit à son père :
« Le Saint-Esprit m’a parlé pendant le baptême et m’a inspiré de
solliciter de Dieu la patience ». Cette précieuse vertu n’allait-elle
pas, dès l’instant, lui devenir nécessaire ? Quand les prisonniers
furent conduits au cachot, la nature, chez la jeune femme, tressail-
lit aussitôt de terreur. « L’épaisseur des ténèbres me glace d’effroi,
s’écrie la sainte. Oh ! Quelle affreuse journée ! La chaleur suffo-
cante, le grand nombre de prisonniers, les traitements barbares
des soldats, le souvenir de mon enfant, les alarmes qu’il me cause,
que de tourments à la fois ! »
Après avoir distribué la communion aux futurs martyrs, les
diacres demandèrent et obtinrent que les chrétiens fussent sépa-
rés des autres prisonniers. Perpétue prend son enfant dans ses
bras, l’allaite, le comble de caresses, le recommande à sa mère, et
se sent dès lors soulagée : « Dès que j’eus mon enfant, dit-elle, la
prison devint un palais pour moi. »
Prévenu que les prisonniers chrétiens vont subir un second in-
terrogatoire, le père de Perpétue tente auprès de la jeune femme
une nouvelle démarche : « Ma fille, lui dit-il, aie pitié de mes che-
veux blancs ! Aie pitié d’un père qui est digne de porter ce nom !
Si je t’ai élevée jusqu’à la fleur de ton âge, si je t’ai préférée à tous
tes frères, ne m’expose pas au mépris des hommes ! Vois ta mère,
vois ton jeune enfant !... Si tu meurs, comment te survivra- t-il ?...
Renonce aux sentiments élevés qui t’entraînent, pour ne pas nous
précipiter dans l’abîme ; car, si tu meurs de la main du bourreau,
qui de nous, désormais, osera se montrer ? »
Et, tout en donnant cours à sa douleur, le vieillard se jette aux
pieds de sa fille ; il baise ses mains, il l’arrose de ses pleurs, en la
nommant « la couronne et la joie de sa vieillesse » !
« Les cheveux blancs de mon père me brisent le cœur, soupire
Perpétue, et je vois avec douleur que, de toute ma famille, lui seul
ne se réjouit pas de mes souffrances. »
Elle ajoute : « Lorsque je paraîtrai devant les juges, la volonté
de Dieu s’accomplira ; l’existence ne nous appartient pas ; notre
vie est entre les mains du Seigneur ! »
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 17

L’heure du jugement était arrivée.


L’infortuné vieillard espérait encore sauver Perpétue : il voulut
essayer un suprême effort pour ébranler sa persévérance.
« Aie pitié des cheveux blancs de ton père, dit le gouverneur
romain à la jeune chrétienne ; laisse-toi fléchir par ton jeune en-
fant ; offre un sacrifice pour la prospérité de l’empereur !...
— Je ne le ferai point.
— Es-tu chrétienne ?
— Je suis chrétienne !
Dès ce moment, le sort de la jeune femme est décidé. Elle
pleure, mais est-ce sur elle ? À Dieu ne plaise ! Elle ne songe qu’à
son père : « La douleur de mon vieux père me déchire l’âme,
comme si j’éprouvais moi-même le malheur qui va le frapper ! »
Condamnés à être jetés aux bêtes, les chrétiens retournent
avec joie dans leur prison. Mais Perpétue ne peut comprimer plus
longtemps les émotions de sa tendresse maternelle. Elle supplie
son père de lui envoyer son jeune fils pour l’allaiter une dernière
fois : le vieillard ne veut point y consentir. C’en est trop : rentrée
en prison, Perpétue chancelle sous le poids de la douleur.
Le geôlier lui dit alors :
« Toi qui succombes à tes angoisses, que deviendras-tu quand
tu seras jetée aux bêtes féroces ? Tu veux donc braver le supplice
en refusant de sacrifier à l’empereur ? »
Elle répondit : « Je souffre maintenant, mais bientôt un autre
souffrira pour moi, parce que je souffre pour lui. »
Suivant un usage des Carthaginois, qui sacrifiaient à Baal des
victimes humaines, les esclaves du cirque étaient revêtus d’habits
pontificaux. On voulut donner aux martyrs le costume des prê-
tres de Saturne, aux femmes celui des prêtresses de Cérès. Les
chrétiens refusèrent de se soumettre à ce travestissement. « Nous
sommes ici volontairement, dirent-ils, pour garder notre liberté.
Nous sacrifions notre vie pour ne pas faire ce qu’on exige de
nous. » Les païens n’insistèrent pas. Qui soufflait cet héroïsme à
Perpétue ? Le Dieu de l’Évangile. Et sur quel type la courageuse
jeune femme fixait- elle les yeux ? Sur le type de la Vierge mère.
Inauguré de bonne heure, le culte de la Vierge fait entrer la réha-
18 LES FEMMES ILLUSTRES DE LA FRANCE

bilitation de la femme dans les mœurs aussi bien que dans le


dogme. « Ce culte, dit Ozanam, commence aux catacombes. Dans
des fresques du IIIème siècle, figure déjà la Vierge avec l’Enfant. »
Ainsi, cette image radieuse, qui devait en quelque sorte couvrir de
ses rayons la déchéance des femmes, brille déjà dans les hypogées
du christianisme primitif, avant d’en sortir accompagnée d’une
théorie de vierges et de martyres. C’est en fondant la profession
publique de la virginité que le christianisme oblige la société
païenne à reconnaître et à confesser la vertu des femmes.
À la gentilité, qui n’admet pas l’égalité morale des sexes, le
christianisme oppose aussi le courage des Perpétue et des Félicité
devant les chevalets. Et quels supplices n’imagine pas d’abord la
barbarie romaine pour contredire l’estime dont l’Église entoure la
femme, et pour venir à bout des vierges chrétiennes ! Aucun raf-
finement ne coûte aux juges. Dans une apologie du christianisme,
écrite en 199, Tertullien interpelle dans les termes suivants cer-
tains juges d’Afrique qui condamnèrent une jeune fille au dés-
honneur :
« En livrant une femme chrétienne à l’infamie plutôt qu’aux lions, vous
nous rendez vous-mêmes témoignage que la perte de l’honneur nous paraît
moins supportable que toutes les tortures ! »
Eusèbe et saint Ambroise signalent les mêmes faits. Le pre-
mier rapporte que le juge Aquila, d’Alexandrie, furieux de
l’impassibilité de Potamienne, menaça la jeune vierge de la livrer
aux gladiateurs. Au huitième chapitre de son ouvrage sur les mar-
tyrs de la Palestine, Eusèbe cite une femme que la perspective des
plus lâches opprobres ne put intimider : « Nos persécuteurs or-
donnent, dit à son tour saint Ambroise, ou de sacrifier les vierges
chrétiennes ou de les déshonorer. » Puis il ajoute : « La pureté de
l’âme est préférable à celle du corps ; faisons tous nos efforts
pour conserver l’une et l’autre. »
Les Actes des Martyrs, de Ruinart, renferment une foule de dé-
tails à cet égard ; la conduite de Sabine offre surtout un vif intérêt.
Le privilège d’une condition libre ne réussit pas toujours à
soustraire les femmes au martyre. Parmi les héroïnes des persécu-
tions, figurent Irène, Théodora, Agnès, Dyonisia, toutes chrétien-
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 19

nes d’une naissance illustre. Et les persécutions n’atteignent pas


seulement les jeunes filles : le respect dû à la vieillesse ne suffit
pas pour modérer la fureur des bourreaux. Veut-on savoir, par
exemple, quel est l’âge de Théodore d’Ancyre et des sept vierges
immolées avec lui ? Soixante à soixante-dix ans. Le souvenir des
honteux traitements infligés à ces dignes chrétiennes ne put
s’effacer : les Actes des Martyrs, d’une époque plus récente, en re-
tracèrent la mémoire, qui subsiste encore aujourd’hui dans les
légendes de l’Église romaine.

La Sainte Vierge et les Rois Mages


Il résulte des Actes du martyre d’Agape de Chionia et d’Irène,
suppliciées toutes les deux à Thessalonique, sous Galère-
Maximin, que les vierges chrétiennes furent aussi condamnées à
des travaux publics. Le juge dit à Irène : « J’ai ordonné aux gar-
des et à l’exécuteur public de te dépouiller de tes vêtements et de
te conduire dans une maison de réclusion, où tu ne recevras
qu’un pain chaque jour : il est défendu aux gardes de t’en laisser
sortir. » Le pain dont il est ici question est celui que recevaient les
esclaves des deux sexes, condamnés aux travaux publics.
Pour justifier leur conduite à l’égard des jeunes chrétiennes, les
juges invoquent les lois impériales ou s’autorisent des édits qui
20 LES FEMMES ILLUSTRES DE LA FRANCE

leur sont adressés par les empereurs. La relation du martyre de


Didyme et de la vierge Théodora met dans la bouche du juge
païen ces paroles :
« Jeunes vierges ! L’empereur ordonne, ou que vous offriez un
sacrifice aux dieux, ou que vous soyez renfermées dans une mai-
son de réclusion, afin que toutes les femmes soient témoins de
votre obéissance ou de votre châtiment. »
« La servante de Dieu, ajoutent les Actes, fut conduite dans une
maison d’arrêt. »
Une des plus grandes gloires de la femme chrétienne fut in-
contestablement d’initier le monde aux vertus de la vie claustrale.
Montalembert raconte en termes admirables le vaste et remar-
quable mouvement qui précipita, vers la deuxième moitié du IVè-
me
siècle, les plus nobles matrones romaines vers les mortifica-
tions monastiques. Nos lecteurs nous permettront de résumer ces
pages, où la tendresse et l’élévation du cœur sont soutenues par le
souffle de la plus haute éloquence.
La première matrone romaine qu’attirent les séductions de
l’ascétisme est Marcella. À peine saint Jérôme vient-il renouveler à
Rome les enseignements et les prodiges de l’aréopage d’Athènes,
en y ajoutant l’exemple de sa propre vie, que Marcella, suivie de
sa mère Albine et de la noble Asella, s’empresse de prendre
l’illustre Dalmate pour guide. Elle étonne le saint docteur par sa
science des saintes Écritures, elle le fatigue par sa soif d’en savoir
toujours plus qu’il ne peut en enseigner ; elle lui fait craindre de
trouver en elle un juge plutôt qu’un disciple. Dans son palais du
mont Aventin, elle réunit, sous la présidence de ce controversiste
sans pair, les plus doctes d’entre les chrétiens et les plus pieuses
d’entre les patriciennes, pour puiser dans ses prédications et dans
ses gloses une lumière et une force nouvelles. Après avoir ainsi
donné la première à Rome le vrai modèle de la femme chrétienne,
elle passe ses trente dernières années dans une villa suburbaine,
transformée en monastère.
Vers le même temps, une autre veuve, Furia, qui compte par-
mi ses aïeux le grand Camille, sollicite de saint Jérôme une ins-
truction sur son état. Jérôme lui trace un règlement qui n’est autre
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 21

chose qu’un apprentissage à la vie religieuse. Bientôt après, en l’an


400, le docteur est appelé à conduire dans la même voie la jeune
Salvina, fille du roi de Mauritanie et veuve de Nebridius, neveu de
l’empereur Théodose, grand ami des moines et des pauvres. Sal-
vina devint à Rome et à Constantinople le modèle des veuves.
Mais la plus illustre de toutes ces dignes matrones est Paula,
dont la mère descend en droite ligne de Paul-Émile et du jeune
Scipion, dont le père prétend faire remonter sa généalogie jus-
qu’au roi des rois, jusqu’à l’homérique Agamemnon, et dont le
mari était de la race des Jules, et par conséquent de la progéniture
d’Énée. Le plus noble sang de Rome coulait donc dans les veines
de ces saintes femmes immortalisées dans l’histoire chrétienne par
le génie de saint Jérôme. Qui ne connaît les filles de sainte Paula,
Blesilla la veuve, morte si jeune, si aimable, si savante, après avoir
été mariée à un descendant de Camille, et Eustochie la vierge, à
qui Jérôme fit l’honneur de dédier le code de la virginité chré-
tienne ?
Pauline, la troisième des filles de Paula, devint l’épouse de
Pammachius, un patricien aussi noble par sa naissance consulaire
que par ses vertus. Devenu veuf et héritier des grands biens de
Pauline, il embrasse aussi la vie monastique et mérite d’être pro-
clamé par Jérôme le général en chef des moines romains, « le
premier des moines dans la première des villes ».
« Lorsqu’il marche dans la rue, ajoute le saint docteur, il est accompa-
gné des indigents que Pauline a dotés et logés dans sa maison. Il purifie son
âme au contact de leurs sordides manteaux... Qui aurait cru qu’un arrière-
petit-fils des consuls, qu’un ornement de la race des Camille, pourrait se ré-
soudre à traverser la ville sous la robe noire d’un religieux, et ne rougirait
pas de reparaître ainsi vêtu au milieu des sénateurs ? »
Pammachius est à la fois secondé et dépassé dans ses œuvres
de charité par une veuve d’un cœur plus grand encore que son
nom : c’est Fabiola, issue de cette prodigieuse race des Fabius,
dont trois cents se firent tuer en un seul combat pour Rome, et
qui la sauva en lui donnant le grand homme contre lequel le bras
d’Annibal ne sut pas prévaloir. Mariée à un affreux débauché, elle
avait profité de la loi romaine pour le répudier et se pourvoir d’un
22 LES FEMMES ILLUSTRES DE LA FRANCE

époux plus digne ; mais bientôt, éclairée par la foi, elle rachète
cette faute par une expiation publique dans la basilique du Latran
et consacre sa viduité à une longue et féconde pénitence. Le pre-
mier hôpital qui se fonde à Rome l’est par ses mains. Non seule-
ment Fabiola recueille les pauvres malades ramassés sur les places
de la ville, mais elle les sert et les nourrit de ses propres mains ;
elle lave leurs plaies et leurs ulcères, elle frictionne leurs membres
endoloris ; elle assiste les moribonds dans leur agonie. Elle met
tant de tendresse et de maternité dans sa sollicitude, que les pau-
vres valides appellent la maladie pour devenir les clients de Fabio-
la. Des indigents sa générosité s’étend aux religieux. Elle ne se
contente pas de pourvoir aux besoins de tous les cénobites des
deux sexes à Rome et dans le Latium : elle va de sa personne ou
par ses envoyés soulager l’indigence des monastères cachés dans
les replis des plages de la Méditerranée et jusque dans les îles,
partout enfin où les chœurs des moines élèvent vers le ciel les
accents rythmés des mélodies liturgiques.
Ces héroïnes chrétiennes achèvent l’histoire romaine et ou-
vrent les annales de l’ordre monastique : Autour d’elles se multi-
plient à Rome les monastères d’hommes et de femmes, où cha-
cun se prépare, par la prière, le jeûne et l’abstinence, aux formi-
dables crises de l’avenir. Quand Rome est prise et saccagée pour
la première fois par les Goths, en 410, les soldats d’Alaric, en
pénétrant dans la ville éternelle, trouvent Marcella calme et intré-
pide dans son palais claustral du mont Aventin. Ils demandent de
l’or à cette vénérable mère des monastères romains, et ils refusent
de croire à la pauvreté volontaire qu’atteste une tunique gros-
sière : ils l’accablent de coups de bâton et de fouet. Marcella de-
meure insensible à ces avanies ; mais elle se prosterne devant les
barbares et obtient grâce pour la pudeur de la jeune religieuse qui
lui sert de compagne.
Toutes ces saintes et généreuses femmes, qui nous les a révé-
lées ? C’est l’homme dont le génie fut leur oracle. Pendant qua-
rante ans, saint Jérôme, à Rome d’abord, puis à Bethléem, instruit
les matrones romaines, les gouverne, les convie aux biens suprê-
mes. Promoteur de cette émigration extraordinaire qui précipite
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 23

pendant les premières années du Vème siècle un si grand nombre


de nobles Romains et de chrétiens de l’Occident vers la Palestine
et l’Égypte, il se fait tout à tous et montre dans toutes les
conjonctures un cœur à la hauteur de la bonne et de la mauvaise
fortune.
À mesure que les âmes se pénètrent davantage des vérités de la
foi et s’adonnent à la pratique des vertus chrétiennes, un irrésisti-
ble attrait les pousse vers les contrées qui furent à la fois le ber-
ceau de la religion chrétienne et de la vie monastique.
Bien que jeune encore et attachée à l’Italie par les liens les plus
légitimes et les plus doux, l’illustre Paula s’élance sur les traces de
Jérôme, avide de visiter la solitude qu’ont parfumée les vertus des
Paul et des Antoine. Elle quitte sa patrie, sa famille, ses enfants
même, et, seule avec sa fille Eustochie pour compagne, traverse la
Méditerranée, débarque en Syrie, parcourt avec une ardeur infati-
gable la Terre Sainte et tous les lieux cités dans l’Écriture, descend
en Égypte, pénètre dans le désert de Nitrie, entrouvre les cellules
des saints solitaires, se prosterne à leurs pieds, les consulte, les
admire, puis s’arrache avec peine à ces régions bénies pour re-
tourner en Palestine. Fixée à Bethléem, elle y fonde deux monas-
tères : l’un pour les hommes, que Jérôme semble avoir gouverné ;
l’autre, très vaste et très peuplé, pour les femmes, où elle
s’enferme elle-même avec sa fille et une foule de vierges de diver-
ses conditions et de divers pays. Toutes deux y finissent leurs
jours, ainsi que la jeune Paula, qui, poussée par une vocation irré-
sistible, vient rejoindre son aïeule et sa tante pour vivre et mourir
auprès du tombeau de Jésus-Christ, justifiant de la sorte la tendre
sollicitude dont saint Jérôme avait entouré son berceau. L’aïeule y
remplit, ainsi que sa fille, l’office de balayeuse, de cuisinière, de
lampiste, sans pourtant que ces multiples emplois les empêchent
de reprendre avec persévérance leurs anciennes études grecques
et hébraïques. Mais plus que l’étude, plus même que la pénitence,
la charité domine toutes les pensées et toutes les actions de cette
généreuse Romaine. Paula prodigue son patrimoine en aumônes,
et ne laisse jamais partir un pauvre sans l’avoir préalablement
gratifié d’un secours.
24 LES FEMMES ILLUSTRES DE LA FRANCE

La religion affaiblit-elle l’amour maternel et filial ? À Dieu ne


plaise ! Aux funérailles de Blesilia, sa fille aînée, Paula ne peut
comprimer sa douleur et tombe sans mouvement ; on craint pour
sa vie. Il faut que Jérôme, dans une lettre éloquente, use de toute
son autorité pour lui commander la résignation aux volontés d’en
haut, et démontre avec sa dialectique enflammée que l’excès de la
douleur est un scandale aux yeux des païens et un déshonneur
pour l’Église. Quand, vingt ans plus tard, Paula meurt dans son
couvent de Bethléem, l’amour filial enfante un nouveau miracle.
Après avoir prodigué à sa mère les soins les plus tendres, Eusto-
chie, à genoux devant le lit de mort de sa mère, à la porte de la
grotte où le Sauveur est né, obtient à force de prières et de larmes
la grâce de mourir en même temps et d’être ensevelie dans le
même cercueil que sa mère.
Elle vient aussi à Jérusalem et à Bethléem, la noble Fabiola,
dont nous avons dit les largesses envers les pauvres de Rome.
Saint Jérôme et sainte Paula lui témoignent la plus affectueuse
sympathie. Mais elle ne reste pas en Palestine. La crainte de
l’invasion des Huns la rappelle dans la Ville Éternelle.
Vers la même époque, une autre femme illustre et sainte, issue
d’une autre branche de la famille des Marcellus, Mélanie
l’Ancienne, fille d’un consul, mère d’un préteur, célèbre dans tou-
te l’Église par son éclatante vertu et son dévouement aux moines,
devient la souche de toute une nombreuse lignée de saintes âmes,
qui rompent avec le patriciat romain et foulent aux pieds son
faste et ses pompes pour goûter le pain monastique.
Restée veuve à vingt-deux ans, ayant perdu en l’espace d’un an
son mari et deux de ses fils, n’ayant plus qu’un seul petit enfant
qu’elle confie à des mains chrétiennes, Mélanie quitte Rome et
cingle vers l’Égypte, afin de consoler sa douleur et de réchauffer
sa foi par le spectacle de la vie que mènent les solitaires.
Quand les ariens font éclater contre les orthodoxes une des
persécutions les plus atroces dont l’histoire ait gardé le souvenir,
Mélanie met sa vie et sa fortune au service des confesseurs de la
vraie doctrine. Elle dérobe les uns aux recherches des bourreaux,
elle encourage les autres à comparaître devant le tribunal des Ma-
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 25

gistrats persécuteurs. Pendant trois jours, elle nourrit à ses frais


les cinq mille hommes qui se trouvent à Nitrie. En vain un nom-
bre incalculable d’évêques et de moines orthodoxes sont-ils dé-
portés en Palestine, elle les y suit. Sous le déguisement d’une ser-
vante, c’est elle qui porte aux prisonniers les secours qu’exige leur
dénuement. Faut-il s’en étonner ? La piété la retient dans la Terre
Sainte ; retirée à Jérusalem, elle y fait bâtir un monastère, où elle
réunit cinquante vierges.

Une martyre chrétienne aux premiers siècles de l'Église


26 LES FEMMES ILLUSTRES DE LA FRANCE

Cependant le fils unique que Mélanie avait laissé à Rome et qui


en était devenu préteur avait épousé Albina, sœur de Volusien,
préfet de la ville, un des plus nobles personnages du temps. De ce
mariage était née une fille, nommée Mélanie, comme son aïeule,
et que sa mère avait fiancée toute jeune à Pinianus, fils d’un gou-
verneur d’Italie et d’Afrique, et descendant de Valerius Publicola,
le grand consul de l’an 1er de la République romaine. À son tour,
Mélanie se sent atteinte par la nostalgie de la vie pénitente et
n’éprouve qu’un invincible dégoût pour les pompes de la déca-
dence romaine. Désireuse d’aider sa petite-fille à marcher dans la
voie du salut, Mélanie l’Ancienne quitte Jérusalem pour aller la
rejoindre à Rome. Après s’être arrêtée à Nole, où elle visite Pau-
lin, elle poursuit sa route vers Rome, qui la reçoit avec un respect
et une admiration universels. Elle fait d’abord la conquête du
mari de sa nièce, Apronianus, patricien du rang des clarissimes.
Puis elle confirme sa petite-fille, Mélanie la Jeune, déjà mère de
deux enfants qu’elle a perdus, dans la résolution de garder la
continence.
On entendait alors s’approcher le lourd pas des barbares.
D’année en année, les tribus germaniques resserraient autour de
Rome leur cercle de fer, et s’apprêtaient à franchir les murs sa-
crés. Ces pressentiments de la ruine de l’empire secondent et
achèvent l’œuvre ébauchée par les prédications de saint Jérôme.
Mélanie presse ses proches, ses concitoyens, de jeter leurs riches-
ses dans le sein de Dieu et des pauvres, plutôt que de les laisser
en proie à la rapacité des Goths. Enfin, en 409, un an avant la
prise de Rome par Alaric, toute cette sainte et noble dynastie se
met en marche pour le désert. Mais auparavant, la jeune Mélanie,
héritière de tant d’opulentes lignées, affranchit ses huit mille es-
claves et distribue aux églises, aux hôpitaux, aux monastères et
aux pauvres les vastes domaines qu’elle possède en Espagne et en
Aquitaine, dans la Tarraconaise et dans les Gaules. Elle ne se ré-
serve ceux de la Campanie, de la Sicile et de l’Afrique que pour
subvenir à de futures largesses. Un prêtre dalmate devient le dis-
pensateur de ses aumônes : la Thébaïde et la Palestine reçoivent
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 27

des secours immenses. C’est autant de pris sur l’ennemi, autant


d’arraché aux griffes du lion barbare. Puis l’on s’embarque.
Après avoir vu mourir son fils et l’avoir pleuré comme une
mère chrétienne doit pleurer, Mélanie l’Ancienne abandonne le
reste de sa famille pour regagner le couvent de Jérusalem, où elle
meurt quarante jours après son retour. Chef en quelque sorte de
la caravane monastique, Mélanie la Jeune la mène de Carthage à
Tagaste. Là, de concert avec Pinianus, elle fonde deux monastè-
res, l’un de quatre-vingts moines et l’autre de cent trente religieu-
ses. Les deux nobles et saints époux y passent sept ans au milieu
de leurs compagnons et de leurs compagnes sous la livrée de la
pauvreté. Mélanie gagne sa vie en transcrivant des manuscrits, ce
qu’elle fait avec autant de rapidité que d’adresse, pendant que son
mari cultive un jardin. Ils se dirigent ensuite vers l’Égypte, pour y
trouver et pour y secourir de leurs aumônes les solitaires de Nitrie
et des environs. Arrivés à Jérusalem, les deux époux se séparent.
Pinianus, l’ancien préfet de Rome, continue son métier de jardi-
nier en compagnie de trente autres moines. Mélanie, n’ayant pas
encore trente ans, se fait recluse dans une cellule sur le mont des
Olives, où elle reste quatorze ans ; plus tard, elle construit une
église et un monastère pour quatre-vingt-dix pénitentes, sur l’un
des sites où Notre-Seigneur s’était arrêté en portant sa croix.
C’est ainsi que ce chœur de saintes femmes, de nobles veuves,
de généreuses patriciennes, dont Marcelle, Paula et Mélanie sont
les coryphées, transmet le flambeau des lumières et des traditions
monastiques, de saint Athanase à saint Augustin, en passant par
saint Jérôme.
Mais cette Rome, dans les premiers siècles chrétiens, a-t-elle
seule le privilège de s’enorgueillir des Marcelle, des Mélanie, des
Fabiola, des Eustochie et des Paula ? L’Italie compte-t-elle seule
alors parmi les nations chrétiennes ? Non ; au IIème et au IIIème
siècle, quand l’Église tout entière est encore dans l’enfantement
laborieux des persécutions, la Gaule apporte son tribut à ce ma-
gnifique témoignage rendu à la foi par le martyre.
Elles sont nôtres, en effet, elles sont de notre sang et de notre
race, ces admirables vierges du IIème et du IIIème siècle qui, dans les
28 LES FEMMES ILLUSTRES DE LA FRANCE

tourments, déploient la même constance que les athlètes les plus


intrépides, la même intelligence des mystères de la foi que les plus
savants docteurs. Leurs noms mêmes, dans cette époque tour-
mentée et terrible, semblent comme les symboles des vertus pour
lesquelles elles ont plus particulièrement combattu et souffert.
C’est sainte Foi, martyrisée à Agen, en 288, pour avoir refusé
de sacrifier à Diane, et qui, étendue sur un brasier ardent, endure
cet affreux supplice avec tant de courage, que la seule vue de son
intrépidité fait des saints et des martyrs de trois nobles jeunes
gens du pays, Caprain, Prime et Félicien.
C’est sainte Colombe, qui souffrit à Sens, en 257, sous le règne
de Valérien, pour défendre en même temps sa virginité et sa foi.
C’est sainte Macie (286) qui, dans une petite ville du Soisson-
nais, n’ayant pas voulu offrir à Jupiter une adoration sacrilège, est
brûlée vive après avoir eu, comme sainte Agathe, les seins coupés,
et avoir confondu les puériles et violentes injures d’un consul
romain par la noblesse et la fermeté de ses réponses.
C’est sainte Blandine, cette admirable vierge, choisie dans les
rangs les plus humbles de la société, puisqu’elle était esclave, pour
faire éclater en sa présence, par un saisissant contraste, les senti-
ments les plus nobles et les plus mâles vertus.
C’est sainte Benoîte, qui, venue de Rome dans la Gaule avec
sainte Léobérie et saint Romain, dans le but de convertir nos an-
cêtres, est d’abord souffletée, puis fouettée et enfin décapitée à
Origny-sur-Oise, pour expier le crime dont elle s’était rendue
coupable en arrachant aux ténèbres de l’erreur les adorateurs des
faux dieux.
Après avoir cité les vierges, faut-il citer les mères ? C’est sainte
Augusta, héroïque mère de saint Symphorien d’Autun. À l’aspect
des lâches qui vont immoler son fils, la froide impassibilité du
consulaire Heraclius, qui dirige cette marche funèbre, ne peut
ébranler la fermeté d’Augusta. Aussi généreuse que la mère des
Machabées, unissant comme elle un mâle courage à la tendresse
d’une mère, elle vient, non pour attendrir Symphorien par ses
larmes, mais pour l’affermir et l’animer par ses discours, et la foi
qui fait triompher la mère de toute la tendresse qu’inspire la na-
CHAP. I : LA FEMME CHRÉTIENNE 29

ture ne paraît pas moins admirable que celle qui fait triompher le
fils des horreurs de la mort : « Mon fils, mon fils Symphorien,
s’écrie-t-elle, pense au Dieu vivant ! Courage ! Nous ne pouvons
craindre la mort, la mort qui mène à la vie. Lève ton cœur en
haut, mon fils ; suis Celui qui règne aux cieux ! »
N’est-ce pas ici le cas de répéter et d’admirer une fois de plus
la profonde parole de saint Paul :
« Dieu a choisi les faibles selon le monde pour confondre les forts » ?
TABLE DES MATIÈRES

I– LA FEMME CHRÉTIENNE .............................................................. 3

II – SAINTE BLANDINE ....................................................................... 30

III – LA FEMME MÉROVINGIENNE ....................................................44

IV – SAINTE GENEVIÈVE .................................................................... 63

V– SAINTE CLOTILDE ........................................................................ 76

VI – SAINTE RADEGONDE, REINE DE FRANCE...............................93

VII – SAINTE BATHILDE, REINE DE FRANCE ..................................108

VIII – LA FEMME CARLOVINGIENNE.................................................118

IX – SAINTE ODILE PATRONNE DE L’ALSACE ...............................133

X– L’ABBAYE DOUBLE DE FONTEVRAULT .................................147

XI – LA FEMME FÉODALE .................................................................158

XII – BLANCHE DE CASTILLE.............................................................188

XIII – ISABELLE DE FRANCE................................................................201

XIV – MARGUERITE DE PROVENCE ...................................................213

XV – CHRISTINE DE PISAN .................................................................223

XVI – JEANNE D’ARC ............................................................................232

XVII – ANNE DE BRETAGNE ................................................................259

XVIII – LA FEMME AU XVIÈME SIÈCLE....................................................272

XIX – SAINTE CHANTAL.......................................................................290

XX – MADEMOISELLE LE GRAS,
FONDATRICE DES FILLES DE LA CHARITÉ ....................................307
580 TABLE DES MATIÈRES

XXI – MADAME ACARIE,


FONDATRICE DU CARMEL EN FRANCE .......................................... 324

XXII – MADAME DE LONGUEVILLE.................................................... 338

XXIII – MADAME DE MAINTENON ....................................................... 350

XXIV – HENRIETTE DE FRANCE ........................................................... 367

XXV – MADAME DE SÉVIGNÉ .............................................................. 376

XXVI – MADAME DE MIRAMION........................................................... 387

XXVII – LA FEMME AU XVIIIÈME SIÈCLE................................................. 403

XXVIII – MARIE-ANTOINETTE................................................................. 421

XXIX – MADAME LOUISE DE FRANCE ................................................. 437

XXX – LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION .......................................... 452

XXXI – MADAME ÉLISABETH, SŒUR DE LOUIS XVI........................... 483

XXXII – MADAME DE STAËL ................................................................... 502

XXXIII – MADAME RÉCAMIER.................................................................. 518

XXIV – SŒUR ROSALIE ........................................................................... 533

XXXV – JEANNE JUGAN........................................................................... 545

XXXVI – MADAME BARAT


FONDATRICE DE LA SOCIÉTÉ DU SACRÉ-CŒUR-DE-JÉSUS .. 565

TABLE DES MATIÈRES .............................................................................. 579

TABLE DES ILLUSTRATIONS ................................................................... 581


TABLE DES ILLUSTRATIONS

Une prêtresse gauloise...............................................................................9


Un mariage chrétien aux premiers siècles de l'Église................................ 13
La Sainte Vierge et les Rois Mages .......................................................... 19
Une martyre chrétienne aux premiers siècles de l'Église........................... 25
Saint Irénée, un des premiers apôtres de la Gaule..................................... 33
Sainte Blandine refuse de sacrifier aux idoles. .......................................... 39
Cloître de l'Abbaye de Luxeuil................................................................. 49
Théodechilde demande la vie et la liberté du captif.................................... 55
Sainte Geneviève secourt les Parisiens pendant la famine......................... 67
Saint-Etienne-du-Mont : la neuvaine de Sainte Geneviève....................... 69
La châsse de Sainte Geneviève à Saint-Etienne-du-Mont.......................... 73
Le Baptême de Clovis............................................................................... 85
Sainte Radegonde en appelle à Saint Médard. .......................................... 99
Sainte Bathilde secourant les malheureux. ............................................. 111
Assassinat de Chilpéric 1er dans la forêt de Chelles. ................................ 113
Ruines de l'Abbaye de Jumièges............................................................. 115
Charlemagne, d'après une estampe de Dürer ......................................... 121
Sainte Odile voyant son père pour la première fois................................. 139
Les pèlerins de Sainte-Odile, d'après le tableau de G. Brion.................... 143
Cloître de l'abbaye de Fontevrault ......................................................... 151
Portrait supposé de Laure de Noves, dite la Belle Laure.......................... 171
Clotilde de Surville................................................................................ 179
Julienne Du Guesclin à Pontorson (d’après E. Delacroix) ...................... 185
Entrée de saint Louis et de Blanche de Castille à Reims.......................... 189
Les adieux de saint Louis et de Blanche de Castille ................................. 199
Saint Louis, statue de Guillaume........................................................... 205
Un jour, le roi Saint Louis, trouva sa sœur filant ... ............................... 209
Marguerite de Provence à Damiette....................................................... 215
Blanche de Castille et Marguerite de Provence. ...................................... 217
Christine de Pisan à la cour de Charles V .............................................. 227
Jeanne d'Arc et Charles VII à Reims...................................................... 249
Mort de Jeanne d'Arc............................................................................ 255
Tombeau des enfants d'Anne de Bretagne à Tours ................................. 263
Entrée d'Anne de Bretagne à Lyon ........................................................ 269
Les adieux de Bayart à sa mère............................................................... 273
Le roi François 1er s’était plu aux magnificences................................... 285
Ste Jeanne-Françoise Frémyot, baronne de Chantal ................................ 291
Saint François de Sales.......................................................................... 297
582 TABLE DES MATIÈRES

Saint Vincent de Paul ........................................................................... 309


Vue intérieure de l'hôpital Saint Jean à Angers. .................................... 313
La bourse de Mlle Le Gras, conservée au musée de la Mission. ............... 321
Henri IV, d'après le tableau de François Porbus .................................... 329
Marie de Médicis, d'après le tableau de François Porbus........................ 333
Mme Acarie, religieuse du Carmel......................................................... 337
La pauvre princesse tomba dans la mer et faillit se noyer........................ 341
Port-Royal-des-Champs, d'après une estampe du XVIIème siècle............. 345
Château de Maintenon .......................................................................... 353
Mme de Maintenon, d'après un dessin de Chevignard........................... 355
Mme de Maintenon et les élèves de Saint-Cyr........................................ 361
Athalie représentée par les demoiselles de Saint-Cyr, devant le roi et Mme
de Maintenon........................................................................................ 365
Charles 1er, d'après Van Dyck. ............................................................. 369
Henriette de France, d'après Van Dyck. ................................................ 373
Les Rochers, habitation de Mme de Sévigné en Bretagne........................ 383
Mme de Miramion ................................................................................ 397
Louis XV à cheval, d'après Parrocel. ..................................................... 405
Mme de Pompadour, d’après Latour. ..................................................... 411
Voltaire, d'après Latour ........................................................................ 419
La reine Marie-Antoinette faisant l'aumône. ......................................... 427
La famille royale au Temple................................................................... 433
La reine Marie Leczincka, d'après un portrait de Nargeot. ..................... 439
C'est ici, qu'on dort mieux qu'à Versailles ! .......................................... 449
Portrait de Mme Roland........................................................................ 457
Je lève la main, et prononce la formule de l'absolution............................ 465
« Ne les désabusez pas ! » s’écria-t-elle, sublime de dédain. .................... 493
Portrait de Mlle Necker (Mme de Stael-Holstein), ................................. 503
d'après le dessin de Chevignard............................................................. 503
Vue de Coppet, au bord du Léman ......................................................... 515
Mme Récamier, d'après un dessin de Chevignard .................................. 519
La chambre de Mme Récamier à l'Abbaye-aux-Bois. .............................. 529
La sœur Rosalie sauve un garde mobile.................................................. 541
Mais la petite sœur ne mendie pas ! ...................................................... 557
La Maison-Mère des Petites Sœurs des Pauvres à La-Tour-Saint-Joseph
(Ille et Vilaine)...................................................................................... 561
Mme Barat............................................................................................ 573

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