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DE LA FRANCE
par
OSCAR HAVARD
Éditions Saint-Remi
– 2018 –
À ma chère femme,
à la compagne et
l’auxiliaire de mes travaux,
ce livre est dédié.
O.H.
Éditions Saint-Remi
BP 80 33410 CADILLAC
saint-remi.fr
I
LA FEMME CHRÉTIENNE
A umières
moment où l’Église vint apporter aux hommes les lu-
de l’Évangile, le vieux monde se décomposait.
Sans doute, l’art, la science et la littérature illuminaient encore de
leurs clartés déclinantes le paganisme épuisé ; mais des signes
partout visibles annonçaient l’universelle décadence. Les intelli-
gences étaient à bout, les épreuves finies, les mystères comblés.
L’humanité touchait au désespoir...
Cherche-t-on à pénétrer le secret de cet avortement et de cette
lassitude, on découvre sans étonnement que, parmi les causes qui
précipitent la déchéance des peuples, l’une des plus puissantes et
des plus actives est l’infériorité sociale de la femme.
Chez les races primitives, qui demandent, soit à la chasse, soit
à la pêche, l’entretien d’une vie nomade, la perversion des idées
religieuses va de pair avec le mépris du sexe le plus faible. La
femme est achetée, vendue, répudiée, condamnée aux plus durs
travaux. Comment l’homme s’attacherait- il au foyer domestique ?
Les nécessités de son aventureuse existence le tiennent presque
toujours éloigné de sa hutte ou de sa tente. Celle que la nature fit
sa compagne ne songe pas d’ailleurs à se révolter contre le joug
qui l’opprime. C’est sans murmure qu’elle subit une servitude
dont aucune joie familiale ne tempère les rigueurs. Bête de som-
me avilie et résignée, la femme ne soupçonne pas sa dégradation
et ignore sa noblesse.
Les peuples de l’Orient voient, il est vrai, briller les premiers
rayons de la lumière qui devait, dans le cours des siècles, épurer
les idées et sanctifier les mœurs. Mais que de ténèbres encore !
Les sévères distinctions des castes, les préjugés barbares, les su-
perstitions du polythéisme entravent le développement moral de
la femme et méconnaissent sa dignité originelle. C’est le spectacle
que nous offrent la Chine, l’Inde, la Perse, et, six siècles après
l’ère chrétienne, l’Arabie. En vain Confucius, Zoroastre, Manou
et Mahomet déposent-ils dans les livres sacrés des Chinois, dans
4 LES FEMMES ILLUSTRES DE LA FRANCE
soin qu’elles prenaient de leur ménage, toutes leurs vertus, en un mot, ins-
piraient à leurs époux un vif attachement, non seulement pour elles, mais
aussi pour la philosophie vraiment divine dans laquelle elles avaient été éle-
vées. Les Gentils répétaient dans leur admiration ce que disait Libanius :
« Que de vertus dans les femmes chrétiennes ! »
Dès les premiers temps de l’Église, les femmes chrétiennes
concourent puissamment par leur chasteté, leur piété, leur dé-
vouement, leur foi vive et persévérante, au triomphe des nouvel-
les doctrines. L’admiration que les païens eux-mêmes leur accor-
dent atteste éloquemment le rôle admirable qu’elles jouent dans
l’évolution religieuse dont le christianisme est l’instrument. Elles
comprennent ce qu’avaient ignoré ou méconnu les civilisations
primitives et l’antiquité tout entière : la dignité de leur sexe, la
sainteté du mariage, la sublimité des affections de fille, d’épouse
et, de mère. Platon, Socrate, Cicéron ont-ils jamais, par exemple,
plus exalté les sentiments d’une mère que ne l’a fait l’Évangile ?
Et d’abord, les mères se font un saint devoir de nourrir dans le
cœur de leurs enfants l’amour du christianisme, dont les diacres
de l’Église avaient pour mission de leur faire connaître les princi-
pes. C’est de la sorte qu’est élevée Perpétue, qui subit le martyre à
Carthage, sous le règne de l’empereur Sévère.
Toute la famille de l’héroïne était chrétienne, à l’exception de
son père. Les détails de la procédure vont nous montrer quelle foi
vive animait, dès cette époque, les servantes du Christ.
Perpétue avait à peine vingt-deux ans quand elle fut arrêtée.
Mère d’un enfant encore à la mamelle, la jeune femme se trouve
donc obligée de lutter à la fois contre la délicatesse de son sexe et
les poignantes angoisses de son amour maternel. Comment subi-
ra-t-elle l’épreuve ? Attaché, comme nous le disons plus haut, aux
pratiques du paganisme, le père de Perpétue se rend dès le pre-
mier jour à la prison pour conseiller à sa fille de renoncer à la foi.
Sans s’émouvoir, Perpétue présente à son père un vase placé près
d’elle : « Puis-je, dit la jeune mère, désigner ce vase autrement que
par son nom ?
— Non, sans doute, répond le vieillard.
— De même, répliqua Perpétue, je ne puis être autre chose
que ce que je suis, c’est-à-dire Chrétienne. »
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époux plus digne ; mais bientôt, éclairée par la foi, elle rachète
cette faute par une expiation publique dans la basilique du Latran
et consacre sa viduité à une longue et féconde pénitence. Le pre-
mier hôpital qui se fonde à Rome l’est par ses mains. Non seule-
ment Fabiola recueille les pauvres malades ramassés sur les places
de la ville, mais elle les sert et les nourrit de ses propres mains ;
elle lave leurs plaies et leurs ulcères, elle frictionne leurs membres
endoloris ; elle assiste les moribonds dans leur agonie. Elle met
tant de tendresse et de maternité dans sa sollicitude, que les pau-
vres valides appellent la maladie pour devenir les clients de Fabio-
la. Des indigents sa générosité s’étend aux religieux. Elle ne se
contente pas de pourvoir aux besoins de tous les cénobites des
deux sexes à Rome et dans le Latium : elle va de sa personne ou
par ses envoyés soulager l’indigence des monastères cachés dans
les replis des plages de la Méditerranée et jusque dans les îles,
partout enfin où les chœurs des moines élèvent vers le ciel les
accents rythmés des mélodies liturgiques.
Ces héroïnes chrétiennes achèvent l’histoire romaine et ou-
vrent les annales de l’ordre monastique : Autour d’elles se multi-
plient à Rome les monastères d’hommes et de femmes, où cha-
cun se prépare, par la prière, le jeûne et l’abstinence, aux formi-
dables crises de l’avenir. Quand Rome est prise et saccagée pour
la première fois par les Goths, en 410, les soldats d’Alaric, en
pénétrant dans la ville éternelle, trouvent Marcella calme et intré-
pide dans son palais claustral du mont Aventin. Ils demandent de
l’or à cette vénérable mère des monastères romains, et ils refusent
de croire à la pauvreté volontaire qu’atteste une tunique gros-
sière : ils l’accablent de coups de bâton et de fouet. Marcella de-
meure insensible à ces avanies ; mais elle se prosterne devant les
barbares et obtient grâce pour la pudeur de la jeune religieuse qui
lui sert de compagne.
Toutes ces saintes et généreuses femmes, qui nous les a révé-
lées ? C’est l’homme dont le génie fut leur oracle. Pendant qua-
rante ans, saint Jérôme, à Rome d’abord, puis à Bethléem, instruit
les matrones romaines, les gouverne, les convie aux biens suprê-
mes. Promoteur de cette émigration extraordinaire qui précipite
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ture ne paraît pas moins admirable que celle qui fait triompher le
fils des horreurs de la mort : « Mon fils, mon fils Symphorien,
s’écrie-t-elle, pense au Dieu vivant ! Courage ! Nous ne pouvons
craindre la mort, la mort qui mène à la vie. Lève ton cœur en
haut, mon fils ; suis Celui qui règne aux cieux ! »
N’est-ce pas ici le cas de répéter et d’admirer une fois de plus
la profonde parole de saint Paul :
« Dieu a choisi les faibles selon le monde pour confondre les forts » ?
TABLE DES MATIÈRES
XX – MADEMOISELLE LE GRAS,
FONDATRICE DES FILLES DE LA CHARITÉ ....................................307
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