~DITIONS SALVATOR MULH O USE (Haut-Rhin)

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Çes ouvrages ont paru aux I!:ditions 8alvator, MULHOUSE ÉDITIONS SALVATOR
MULHOUSE (Haut.Rhln)
1939
 MARIAGE ET FAMILLE
+

1
NIHIL OBSTAT

L'IMPORTANCE DE LA FAMILLE
F . MAINIL, CeriS. libr.

MES FRÈRES,

IMPRIMATUR
Tomaci, die 3" februarii I 939.
J. LECOUVET, vic. gen.
J'ai choisi pour sujet de ma série d'instructions, au
cours du nouveau semestre universitaire qui vient de
commencer, un thème d'une urgence et d'une actualité
particulières, mais en même temps on ne saurait plus
délicat et plus difficile. Un thème de la solution duquel
dépend pour l'homme une vie paisible sur cette terre
et souvent aussi le bonheur éternel. Un thème dont
la solution harmonieuse est d'un effet incommensurable
sur toute notre vie culturelle, sociale et nationale.
Un thème dont la solution exacte ou inexacte est une
source de bénédictions ou de malédictions pour toute
l'humanité.
Voici ce thème : la question immensément importante
du mariage et de la famille chrétienne.
Qui ne voit l'importance décisive de cette question?
Qui ne voit que l'humanité actuelle se tient devant
6 MARIAGE ET FAMILLE
1.
ces graves questions du mariage et de la famille comme
devant un sphinx énigmatique? L'homme moderne
qui a réussi, grâce à ses découvertes sans égales, à
soulever de plus en plus le voile qui cachait le visage
de la nature, a cru pouvoir, à l'aide des lois de la nature,
traiter le mariage aussi comme un problème de
mathématique.
Mais il a éprouvé une grande désillusion. Après
d'amères expériences, il lui a fallu reconnaître que le
mariage n'est pas un problème numérique qu'on peut
résoudre uniquement et totalement par le raisonnement.
Non, le mariage et la famille constituent une « équation
à plusieurs inconnues » que ne peut résoudre aucune
mathématique humaine, car le mariage, suivant
l'expression de saint Paul, est un « grand mystère »
(Éphésiens, v, 32) et seul l'homme qui est enraciné
en Dieu peut le dominer et le résoudre.
A peine existe-t-il une constatation qu'on puisse
entendre plus souvent actuellement que celle-ci :
« De nos jours la famille subit une crise ».
Il serait impossible et même injuste de ne pas se
souvenir qu'il y a beaucoup de causes complexes à
la crise actuelle de la famille. Il serait injuste de nier
que l'une de ces causes est la crise économique actuelle
avec toutes ses conséquences : chômage, manque de c
logement, privations, et par suite frictions et diffé-
rences de vues entre les époux, et eh core la nervosité,
l'impatience, l'égoïsme, etc. Tout cela est vrai, tout
cela est bien vrai.
Pourtant, mes frères, si d'une part nous reconnaissons
tout cela franchement, d'autre part une autre consta-
L'IMPORTANCE DE LA FAMILLE
7
tation nous avertit que la crise actuelle de la famille
ne peut pas être expliquée complètement par des causes
exclusivement économiques.
On constate, en effet, que la famille n'est pas ébranlée
uniquement chez les pauvres et les gens dans la
détresse; au contraire, cette crise est plus grande, plus
attristante dans des familles dont la situation matérielle
est bonne et où il n'est pas question de privations. Et
la preuve que la médiocrité et la pauvreté ne sont pas
les véritables ennemis de la famille, c'est l'exemple
des:'époux dont la vie familiale et l'amour réciproque
sont plutôt fortifiés par la pauvreté et même mieux
soudés, car la lutte pour la vie a suscité en eux
r
des valeurs morales i dont auparavant ils ignoraient
l'existence e~ eux-mêmes. ~
Si au-dessus de la famille retentit aujourd'hui
l'appel de détresse des vaisseaux sur le point de
sombrer: S. O. S. : « save our souls », «sauvez nos âmes»,
il faut nous rappeler que nous ne pourrons: opérer le
sauvetage de la famille en péril que par le sauvetage
de l'âme et des valeurs morales. La famille a réellement
besoin d'une « réforme », mais cette réforme, seul un
respect nouveau pour l'idéal chrétien du mariage pourra
la réaliser. Voilà de quoi il sera question dans les
instructions du nouveau semestre universitaire que
nous commençons maintenant. Je crois que je n'aurais
pas pu trouver un thème plus important, plus décisif,
plus vital que celui-là.

8 MARIAGE ET FAMILLE
Mais je sens, mes frères, qu'avant de pouvoir
m'occuper en détail de cette question, je dois, dans
le sermon préliminaire d'aujourd'hui, donner une
réponse à cette question préalable. Avant tout, il me
faut montrer avec plus de détails que réellement cette
question est d'une importance si vitale qu'elle mérite
d'y consacrer les instructions de tout un semestre.
1. Est-il nécessaire de tant parler de la famille? je
m'efforcerai d'y répondre dans la première partie du
sermon d'aujourd'hui. Dans l'autre partie, je répondrai
à une question que se posent vraisemblablement
plusieurs de mes auditeurs : II. Est-ce qu'un prêtre
catholique peut parler de cette question?
l de famille, ne connaissent plus la chaleur du foyer familial.
FAUT-IL EN PARLER?
La première question à laquelle je voudrais donc
répondre dans le sermon préliminaire d'aujourd'hui
est celle-ci: Faut-il et pourquoi faut -il parler en détail
du mariage et de la famille?
A) Il Y a, en effet, des hommes qui peuvent à bon
droit soulever cette question, - malheureusement, ils
sont de plus en plus rares.
a) Ils peuvent, en effet, poser avec grand étonnement
,.
L'IMPORTANCE DE LA FAMILLE 9
cette question, ceux qui ont grandi dans le cercle familial
idéal d'autrefois, dans un cercle familial religieux,
consciencieux, foyer de paix et de bonheur où la
question du mariage et les sujets qui en dépendent
ne constituaient pas un problème. Les parents et les
grands-parents n'en parlaient pas beaucoup aux
nouvelles générations grandissantes, mais dans ces
familles vénérables, les traditions des ancêtres demeu-
raient si vivantes que lorsque la nouvelle génération
était sur le point de fonder une famille, comme d'elle-
même, instinctivement et naturellement, elle résolvait
le problème.
Tout cela n'était pas la moindre bénédiction de
l'antique et vénérable famille.
b) Mais comme nous en sommes loin aujourd'hui,
mes frères! Des centaines de mille et des millions
de jeunes gens grandissent autour de nous qui pour
ainsi dire ne connaissent plus les bénédictions de la vie
Le foyer - quel mot magnifique, quel nid béni!
Dites-moi : y a-t-il aujourd'hui encore un foyer?
Un foyer à la douce et bienfaisante chaleur?
En posant cette question, je ne pense pas seulement
aux plus malheureux des malheureux, aux infortunés
enfants dont les parents sont séparés. Je pense seule-
ment à la foule immense d'enfants dont les parents
vivent ensemble, mais dans des querelles incessantes
et la discorde perpétuelle. A ces enfants qui ne savent
pas ce que c'est qu'un doux foyer, car ni leur père
ni leur mère n'aiment à demeurer au foyer, tous
deux n'ont de joie qu'à pouvoir s'enfuir de leur maison;
10 MARIAGE ET FAMILLE
l'enfant est laissé à lui-même ... bu à une domestique ...
ou à des camarades ... ou bien peut aller où il veut.
Je pense aussi à cette foule de jeunes gens obligés
de gagner leur pain et qui sont arrachés hors des
murs protecteurs de la famille avant le temps des
soucis de l'existence.
Je pense encore aux innombrables attaques que
l'homme d'aujourd'hui lit et entend à chaque instant,
dans les journaux, les illustrés, la société, contre la
famille dont il n'a jamais vu ni apprécié ni entendu
évoquer la formation idéale ... C'est à tout cela que je
pense et maintenant je vois clairement qu'il faut
parler, et parler en détail, de ce sujet devant l'homme
d'aujourd'hui.
B) Mais surtout il faut que nous nous en occupions,
parce que d'autres s'en occupent énormément et inlassa-
blement, mais d'une manière si brutale, si effrontée et
si audacieuse que finalement . la confusion est encore
plus grande dans l'esprit des gens qu'auparavant.
a) Les anciens se basaient en toutes choses sur ce
qu'ils avaient vu au foyer familial; les hommes d'au-
jourd'hui sont au contraire désorientés par ce qu'ils
voient à la maison. Autrefois la mère était pour sa
fille adolescente sa plus intime amie à' qui elle avait
recours en toute question. Aujourd'hui? Elle s'adresse
à une officine de mariages ou à la boîte aux lettres
d'un hebdomadaire illustré et même éventuellement à
un médecin psychanalyste.
b) Qui ne le sait, combien d'écrivains, combien de
poètes et de politiciens, combien de philosophes et
d'artistes, combien d'auteurs dramatiques et de
L'IMPORTANCE DE LA FAMILLE II
cinéastes se tournent aujourd'hui vers la grande
question, la crise de ' la famille. Il n'y a personne
capable de se représenter la masse d'ouvrages pro-
voqués par cette question et dont les produits inondent
journellement le marché du livre.
Mais faut-il se féliciter de cette abondance? Plus on
s'occupe de la question, plus on se perd dans une
mer de nuages. N'est-ce pas à l'Église catholique
qu'il appartient d'élever la voix, elle à qui Notre-
Seigneur Jésus-Christ a confié la prédication de la
vérité.
C) Mais - dira-t-on peut-être - que vient faire
l'Église dans la question du mariage? N'est-il pas
un contrat entre personnes privées? N'est-il pas une
affaire purement profane et sociale?
Non, mille fois non! Vu son origine, son but et les
devoirs qui en découlent, nous devons affirmer bien
haut que le mariage n'est pas un simple contrat civil,
mais aussi une institution morale et religieuse.
a) Le mariage vient de Dieu. Non pas seulement
en ce sens qu'II est l'auteur de toutes les lois de la
nature et qu'II a créé l'homme de telle manière que
sa reproduction ultérieure n'est assurée que par la
coexistence constante de deux êtres, donc par le
mariage. Mais le mariage, au moment de la création
de la race humaine, a reçu une empreinte divine toute
particulière par un acte symbolique de Dieu qui a
tiré la première femme d'une côte du premier homme
et la lui a donnée pour épouse en disant : cc Croissez,
multipliez-vous et remplissez la terre» (Genèse, l, 28).
b) Mais à cause de son but aussi on ne peut refuser
12 MARIAGE ET FAMILLE
L'IMPORTANCE DE LA FAMILLE 13

drait au monde, naîtrait, se fortifierait physiquement,

au mariage le caractère religieux. Les époux, en effet,
parviendrait à utiliser ses facultés intellectuelles, mûrirait
sont les collaborateurs du Dieu créateur.
et se développerait complètement. La famille est le
Le but principal du mariage est d'appeler sur la
lieu sacré où une génération met dans les mains d'une
terre de nouveaux êtres « créés à l'image de Dieu »
autre génération le flambeal1 de la vie qu'au moment
qui auront pour tâche, ici-bas sur la terre et dans la
de la création du premier homme, Dieu lui-même
vie éternelle, de servir Dieu. Mais chaque fois que
a allumé et qui ne s'éteindra qu'au son de la trompette
les époux remplissent leur tâche de donner la vie
du jugement dernier.
physique, Dieu agit avec eux en créant au même
Puisque le Créateur a déjà réuni le premier couple
instant une nouvelle âme et en déposant cette nouvelle
humain par les liens de la famille, la famille est donc
âme dans le nouveau bourgeon humain qui vient
l'association la plus ancienne, la plus fondamentale de
d'éclore grâce aux époux. "
l'humanité, plus importante que n'importe quelle
C'est donc pour les époux un grand honneur que
autre association ou institution postérieure. Mais si
d'être à proprement parler des instruments aux mains
le centre de gravité du sort de toute l'humanité repose
du Créateur et d'être réellement unis par Dieu. Comme
sur la famille, alors on peut justement comprendre la
l'a dit également Notre-Seigneur Jésus-Christ: « Que
sollicitude pleine de responsabilité avec laquelle le
l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni» (S. Matthieu,
christianisme a toujours veillé à l'intégrité de la
XIX, 6).
famille.
Que le mariage soît réellement en relations étroites
d) Mais nous saisissons particulièrement cette
avec la religion et quc les époux aicnt besoin d'une
grande sollicitude, quand nous considérons que
aide spéciale de Dieu, quand ils veulent remplir leurs
l'Église estime la famille, non pas en prémier lieu à cause
devoirs conjugaux, résulte de cette circonstance que,
de sa tâche terrestre, mais à cause de sa tâche supra-
partout où nous jetons nos regards dans l'histoire de
terrestre.
la civilisation, le mariage, chez tous les peuples et
Tout commence ici-bas, mais tout finit là-haut.
dans tous les temps, est un acte religieux qui a lieu
Toute vie humaine fleurit ici-bas sur la terre, mais
au milieu des cérémonies religieuses les plu~ diverses.
donne ses fruits dans l'autre monde. La famille n'est
c) Mais la famille devient aussi une institution
donc pas seulement la source de la vie terrestre, mais
morale et religieuse par les devoirs qui y sont attachés.
aussi de la vie éternelle; elle est le point de départ de
Dans l'idée chrétienne, la Providence a voulu con-
ceux qui, un jour, occuperont les places de vainqueurs
stituer dans la famille une petite citadelle particulière,
dans le royaume du ciel.
une place forte, un jardin bien clos, afin qu'elle soit
Saisissez-vous maintenant, mes frères, pourquOl
un lieu de paix où la nouvelle créature humaine vien-
14 MARIAGE ET FAMILLE
l'Église veille avec une telle sollicitude sur le mariage
et pourquoi elle ne peut tolérer que les passions
humaines et la recherche des jouissances profanent
une institution à laquelle sont attachés les si graves
intérêts du royaume du ciel?
C'est parce que la famille n'est pas seulement
importante pour la société, pour la nation, pour l'état,
mais aussi pour l'Église du Christ. Ce n'est pas le pape
qui est l'Église, - il est le chef de l'Église. Ce ne sont
pas les prêtres et les évêques qui sont l'Église, -
ils sont les serviteurs de l'Église. Mais l'Église, ce
sont les millions de fidèles que fournissent les familles.
Le corps mystique du Christ que nous appelons
l'Église serait mutilé et méconnaissable, s'il se com-
posait seulement des prêtres et des évêques, s'il se
composait de pasteurs sans troupeau.
Avec la force ou la faiblesse de la famille chrétienne,
avec sa valeur ou son vide, avec ses vertus ou ses
défauts croissent ou dégénèrent aussi la force, la beauté
et l'épanouissement de l'Église, corps mystique du
Christ. Si dans les familles chrétiennes la foi et la
pureté des mœurs diminuent, l'Église aussi devient
malade et anémiée; par contre si la foi et la vertu sont
puissantes en nous, l'Église aussi s'épanouit en beauté.
L'Église ne peut donc pas rester indifférente relati-
vement à la vie familiale des fidèles. Car le sort du
corps mystique du Christ est lié au sort de la vie
familiale des chrétiens, dans la manière où ils écoutent
la parole de Dieu, oQservent les commandements et
s'efforcent de marcher durant leur vie terrestre à la
lumière de l'Évangile.
L'IMPORTANCE DE LA FAMILLE
Il nous faut donc parler, dans cette chaire, de la
famille, il nous faut donc en parler beaucoup, car
d'immenses intérêts moraux et religieux en dépendent.
Il faut en parler, car nous sommes convaincus que la
lutte engagée contre la famille est l'arme la plus
puissante de l'irréligion. Mais nous sommes convaincus
aussi que la grande lutte soutenue pour la défense de
l'idée chrétienne ne sera pas décidée finalement dans
la rue ni dans la vie publique ni dans le parlement,
mais au foyer familial. Quels que soient les malheurs
extérieurs, les épreuves et les persécutions qui frappent
le royaume du Christ, il les surmontera tous, tant
qu'il y aura des familles qui accueilleront le Christ
dans le calme sanctuaire du foyer chrétien.
Il nous faut donc parler et longuement du mariage
et de la famille.
II
LE PRftTRE CATHOLIQUE PEUT- IL EN PARLER?
Mais je sens, mes frères, que, si jusqu'à présent i'
j'ai réussi peut-être à mettre en lumière l'importance l' .
de la question, je n'ai pas encore réussi à dissiper un 1
doute qui certainement a pu surgir dans l'esprit de 1
plusieurs auditeurs : A) un prêtre catholique peut-il r
traiter cette question et B) un prêtre catholique doit-il
précisément parler sur ce sujet? 1
1
A) Lorsque mes chers auditeurs eurent appris
que je consacrerais tous les sermons du semestre
, ,
- -- - - ---
 16 MARIAGE ET FAMILLE
universItaIre à une seule question, l'étude de l'idéal
chrétien du mariage, ils se dirent certainement au-dedans
d'eux-mêmes: Est-ce qu'un prêtre catholique qui ne
vit pas lui-même dans le mariage peut parler préci-
sément de ces choses-là? Est-ce qu'il peut être notre
guide à nous qui sommes déjà mariés ou nous pré-
parons à l'être? N'est-ce pas une tâche impossible que
de parler du mariage pour quelqit'un qui ne le connaît
pas personnellement?
De prime abord cela paraît, en effet, une entreprise
impossible. Pourtant il n'en est rien. .
a) Rappelons-nous d'abord que si les prêtres catho-
liques ne se marient pas, ils sont cependant eux aussi
issus d'un mariage et ont quitté le foyer familial pour
monter à l'autel; eux aussi ont eu des parents auxquels
ils pensent avec une gratitude é~ernelle et un amour
éternel; eux aussi ont des frères et des sœurs qui se
marient, - ils peuvent donc ainsi déjà connaître la
famille et la vie familiale.
Ne connaissez-vous pas d'i~lustres critiques d'art
qui eux-mêmes n'ont pas créé un seul chef-d'œuvre?
Ne connaissez-vous pas des médecins qui guérissent
magnifiquement des maladies dont ils n'ont eux-mêmes
jamais souffert? Les psychiatres ne guérissent-ils pas
des maladies mentales dont ils n'ont jamais été atteints?
Est-ce que les juges ne rendent pas avec équité des
jugements sur des crimes qu'ils n'ont eux-mêmes
jamais commis?
b) Et maintenant je retourne l'objection et j'affirme
que celui qui ne vit pas lui-même dans le mariage peut
discuter beaucoup plus impartialement de la question,
ri
L'IMPORTANCE DE LA FAMILLE 17
que l'homme marié. Plus impartialement, parce qu'il
aperçoit plus clairement les défauts des deux parties
et peut examiner plus tranquillement leurs obligations
que celui qui est personnellement intéressé à la question;
mais plus impartialement encore, parce que l'expérience
personnelle rend souvent plus difficiles un regard plus
approfondi et une appréciation objective.
c) Par contre si le prêtre manque sur ce terrain
d'expérience personnelle, il trouve des rensezr;nements
d'autant plus abondants dans l'expérùnce millénaire de
l'Église et la diversité inépuisable de la vie des fidèles.
L'Église, au cours de son ministère pastoral de
vingt siècles, a acquis un jugement si sûr, des points de
vue si larges que personne sur cette terre, n'en a acquis
de tels, même approx~rnativement, par son expérience.
Mais d'autre part, le pasteur d'âmes que ses fidèles
aiment et vers qui ils se tournent dans leurs joies et dans
leurs peines, connaît lui-même toutes les peines, toutes
les heurts et tous les problèmes du mariage dans leur
variété infinie mieux qu'aucune personne mariée.
N'oublions pas précisément la source la plus riche
où le prêtre puise ses renseignements sur cette question:
la confiance de ses fidèles. C'est justement parce que
le prêtre catholique, pour l'amour du Christ, pour le
bien des âmes de ses fidèles, a renoncé au mariage,
qu'il s'est assuré l'absolue confiance de ses fidèles.
Jeunes et vieux, mariés et non mariés lui disent leurs
joies et leurs peines, leurs luttes et leurs victoires,
leurs soucis et leurs chagrins avec une telle confiance
que l'âme du prêtre connaît mieux, beaucoup mieux
tous les obstacles et dangers, tous les écueils et récifs,
Mar. et Fum. - 2
 MARIAGE ET FAMILLE
en un mot tous les problèmes, que s'il avait lui-même
une famille. Il ne connaîtrait, en effet, que sa propre
famille, tandis qu'il en connaît des centaines et des
milliers.
Je pense donc qu'après cela on ne saurait mettre
en discussion la possibilité pour le prêtre catholique
de parler de cette question.
B) Mais a-t-il le droit et même le devoir d'en parler?
a) Il est indubitable que l'étude de la question n'est
réellement pas facile, elle est même liée à des détails
qu'on n'a le droit d'aborder qu'avec la plus grande
prudence et beaucoup de psychologie. Mais justement
il en résulte qu'elle doit être plutôt traitée par un
prêtre catholique de qui nous pouvons attendre ce
tact et cette délicatesse que par quelqu'un qui abor-
derait brutalement le plus saint problème de la vie.
Pourquoi faut-il que ce soit précisément un prêtre
qui traite ce sujet? Parce que c'est l'Église seule qui
doit parler de cette chose essentiellement sainte et qui
touche de si près la religion.
b) Or le mariage est une chose essentiellement sainte.
Un Français spirituel a dit que « l'adjectif est le con-
traire du substantif ». Certainement il voulait dire
qu'il y a des épithètes qui, placées devant tel ou tel
substantif, ne font plutôt qu'affaiblir et faire disparaître
l'essence de la chose. Mais par contre il y a des épithètes
qui, dans leur brièveté, éclairent une pensée comme la
lueur d'un éclair dans le ciel. Le 31 décembre 1930,
le pape PIE XI a publié une longue encyclique sur le
mariage et il a placé en tête une épithète qui résume
fort heureusement l'essence de toute la question.
L'IMPORTANCE DE LA FAMILLE
«( Casti connubii » - ainsi commence l'encyclique
pontificale. Quelle épithète exacte : « le chaste mariage ».
En effet, ou bien le mariage est chaste, moral et saint
- ou bien il n'y a pas de mariage. Mais s'il est saint
et sacrement, alors certainement en premier lieu
l'Église catholique et ses prêtres sont appelés à s'en
occuper.
Et si Lacordaire a dit un jour que la question de
l'union entre l'homme et la femme - c'est-à-dire le
mariage - était une question de civilisation humaine,
aujourd'hui on peut ajouter, une question de bonheur
sur la terre et dans l'éternité. Eh bien! il faut s'occuper
réellement de cette question. Il faut s'en occuper
beaucoup. Et c'est en premier lieu à l'Église catho-
lique qu'il appartient de parler franchement de cette
question.
'*'
'*' ""
Mes frères, on dit qu'il y a des perles précieuses
5
qui perdent, une fois entre des mains humaines, tout
leur éclat et ne le retrouvent que lorsqu'on les plonge
de nouveau au fond de la mer, dans ces profondeurs
d'où elles provenaient à l'origine.
La perle la plus précieuse de l'humanité, la valeur
plus grande que toute autre chose, c'est la famille
car c'est de sa force et de sa santé que dépendent
la force et la santé de la société. La vie familiale peut
aussi perdre son éclat et sa force entre les mains de
l'homme, elle peut même être complètement ruinée
et elle ne .retrouvera pas sa force, tant que nous ne
20 MARIAGE ET FAMILLE

l'aurons pas replacée à la source première d'Olt elle est

originaire: sur le piédestal d'une conception du monde
r L'IMPORTANCE DE LA FAMILLE 21

tement d'accord avec les désirs et les obligations de la

nature humaine, et si l'homme les observe, non seule-
sérieuse et religieuse. Bien des choses ont ébranlé la ment il obtiendra le salut éternel, mais il s'assurera
famille actuelle : la crise économique, le travail des aussi les bases d'une vie terrestre harmonieuse, tandis
femmes et des enfants, la crise du logement, les priva- que s'il veut les braver, il s'ouvrira à lui-même les
tions, - mais le coup le plus terrible lui a été porté portes de l'enfer et de la souffrance sur cette terre.
par ce fait douloureux qu'elle s'est éloignée du Christ Il ne nous reste plus, mes frères, qu'à supplier dans
e~ qu'une fois éloignée du Christ elle a perdu sa base
une humble prière le Père céleste, Créatelir de la race
la plus solide. humaine, saint Fondateur du mariage et de la filmille,
Voyons clairement les choses, mes frères. La famille qu'il nous assiste de ses grâces de lumière et de force,
subit une crise, mais elle en est arrivée là, parce qu'elle pendant qu'au cours des mois qui vont suivre nous
s'est éloignée de la source de vie, du terrain religieux. évoquerons son plan sublime. Amen.
La famille a véritablement besoin d'une réforme,
mais cela n'est possible que si nous la rendons plus
morale. Il faut aussi pour le relèvement de la famille
des institutions sociales, des mesures législatives, le
concours de l'état, - mais tout cela n'aurait aucun
succès, si nous oubliions l'essentiel: élever de nouveau
la vie de famille à la hauteur de la moralité. r
Soyons bien au courant du danger. Si l'idée chré-
'~- J
tienne du mariage et de la famille ne retrouve pas la
suprématie, si l'opinion frivole et destructive qui
durant les dernières dizaines d'années a pris racine
dans cette question continue à se répandre, non seule-
ment elle nuira énormément à la religion, mais elle
deviendra un danger fatal pour la paix sociale et le
développement culturel de l'humanité.
C'est pourquoi je ne manquerai pas de rappeler
avec insistance dans les sermons qui vont suivre ce
fait que les lois positives divines dans le mariage,
comme dans toutes les autres questions, sont parfai-

II
LE MARIAGE AVANT LE CHRIST
MES FRÈRES,
Lorsque l'apôtre saint Paul, dans son Épître aux
Éphésiens, parle du mariage, il emploie cette expression
d'une profonde signification: « Ce mystère est grand »,
« magnum mysterium » (Éphésiens, v, 32).
Nous qui voulons, au cours d'une nouvelle série
d'instructions, tracer un tableau idéal de la famille
chrétienne, nous avons avant tout la tâche de pénétrer
au fond de « ce grand mystère » évoqué par saint Paul
et d'en rechercher l'essence. Quelle est l'es<;ence du
mariage? Quelle est la pensée profonde que le Créateur
a voulu réaliser, en instituant le mariage? L'a-t-il
vraiment institué et n'est-ce pas simplement le bon
plaisir de l'homme qui l'a établi ou bien le dévelop-
pement de la civilisation qui l'a apporté avec elle?
Quel est l'idéal du mariage selon la pensée divine?
Telles sont les questions qui nous occuperont aujour-
d'hui et dimanche prochain.
=
,
LE MARIAGE AVANT LE CHRIST 23
Je renfermerai la réponse dans deux sermons
spéciaux, parce que, dans l'histoire du mariage, il y a
un tournant qui a apporté un changement essentiel :
sa réglementation par Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Déjà avant le Christ, le mariage était un « grand
mystère », une chose noble et vénérable, comme il l'est
aujourd'hui encore pour ceux qui ne connaissent
pas le Christ, - il en sera question dans le sermon
d'aujourd'hui. Mais c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ
qui a fait du mariage - comme nous le verrons
dimanche prochain - un « grand mystère », en l'élevant l'
à la dignité de sacrement.
Aujourd'hui nous allons donc étudier l'idéal du
mariage avant le Christ. Nous verrons que déjà le
mariage était un « grand mystère », car dès l'origine
c'est Dieu qui a fondé le mariage. Mais si c'est Lui
qui l'a créé, alors, même le mariage des non-chrétiens
est saint, intangible et indissoluble.
1
C'EST DIEU QUI A INSTITUÉ LE MARIAGE.
Dès l'origine, le manage a été réellement institué
1
par Dieu, c'est ce que professe clairement l'Ancien
,
Testament. Le jeune Tobie faisant monter vers Dieu
sa prière avant son mariage dit d'une façon toute
i
, naturelle : « Seigneur, Dieu de mes pères .. . Vous
i
avez créé Adam du limon de la terre et vous lui avez
)
"
1,
 MARIAGE ET FAMILLE
donné Ève pour compagne » (Tobie, VIII, 7-8). Le
Livre des Proverbes appelle le mariage précisément
une « alliance divine )). Aussi, au livre de l'Exode
le sixième commandement de Dieu protège-t-il le
mariage contre la profanation (Exode, xx, 14). Et
c'est pourquoi le mariage se termine sur cette belle
bénédiction : « Que le Dieu d'Abraham, le Dieu
d'Isaac et le Dieu de Jacob soit avec vous, que Lui-
même vous unisse et répande sur vous la plénitude de
ses bénédictions )) (Tobie, VII, 15).
Mais si nous recherchons comment s'est formée
cette conception de l'origine divine du mariage, il
nous faut remonter aux premières pages du premier
Livre de la Sainte Éctiture. Le premier et le second
chapitre de la Genèse proclament avec une clarté et
une fermeté indiscutables que le mariage est réellement
une institution divine et non pas une invention
humaine.
A) La première preuve de l'origine divine du mariage
se rencontre donc au premier chapitre du premier
Livre de la Bible où nous trouvons la description de la
création de l' homme et de la femme.
a) Quand on examine les hommes, on remarque
entre eux de grandes et multiples différences : l'un
est grand, l'autre petit; l'un est blond, l'autre brun;
l'un est gros, l'autre maigre; l'un est fort, l'autre faible
et ainsi de suite. Mais il y a une particularité qui est
foncièrement plus importante que toutes les autres :
il y a des hommes et il y a des femmes.
Chose curieuse, il y a une force mystérieuse et
régulière qui maintient cette différence dans un équi-
LE MARIAGE AVANT LE CHRIST 25
libre tel qu'il naît à peu près toujours autant de garçons
et de filles; plus exactement il y a un peu plus de
garçons, mais ' le chiffre de la mortalité étant plus
élevé chez eux, la différence diminue de nouveau.
D'où vient donc cette particularité si importante
de l'humanité, d'où vient l'origine de l'homme et de
la femme?
Les premières pages de la Sainte Écriture nous
renseignent sur cette question. C'est Dieu qui a créé
séparément l'homme et séparément la femme, mais Il
les a unis en même temps dans une union sainte et
leur a confié une tâche magnifique. Écoutez les paroles
mêmes de nos Saints Livres : « Dieu créa l'homme à
son image: il l'a créé à l'image de Dieu; il les a créés
homme et femme. Et Dieu les bénit et dit : Soyez
féconds, multipliez-vous et remplissez la terre ))
(Genèse, l, 27':28).
b) Mais ces paroles de la Sainte Écriture donnent
en même temps une réponse à ceux qui demandent
quelquefois avec grand étonnement : « Comment est-il
possible que soit permis dans le mariage quelque chose
qui en dehors du mariage constitue un péché grave?
N'est-ce pas une contradiction : là c'est permis, ici
cene l'est pas. La chose n'est-elle pas la même dans
les deux cas? ))
Mais comme la réponse est claire après le récit de
nos Saints Livres! En dehors du mariage c'est un
péché grave, parce que Dieu a confié au mariage, à
l'union indissoluble d'un homme et d'une femme, la
conservation de la race humaine, c'est donc seulement
dans le mariage qu'il a permis l'acte d'où peut naître
i
Il
1
26 MARIAGE ET FAMILLE
une nouvelle vie humaine. Et cet acte en dehors du
mariage est justement un péché "'grave,\f'parce qu'il
blesse le droit privilégié du mariage et ruine ainsi la
famille. Or c'es(ce qu'il faut éviter:à tOut prix.
B) Ce que nous lisons au premier chapitre de la
Sainte Écriture n'est pas une élucubration artificielle,
mais réellement la volonté de Dieu, c'est ce qui résulte
clairement du second chapitre. Car nous y trouvons
le récit détaillé de l'institution du mariage (Genèse, II,
15-2 4).
a) Le premier homme enivré des énergies immenses
de sa nouvelle vie circule à travers les splendeurs de
la nature en fleur, son âme frémit presque à la vue des
merveilles du paradis terrestre, mais en lui-même il
semble qu'il lui manque quelque chose: il n'a personne
à qui communiquer sa joie, il n'a personne pour
entendre ses paroles, il n'y a pas d'être semblable à
lui sur la terre. Et alors - pour qu'il ait une aide, un
appui, une amie, une compagne dans la vie - Dieu
eréa la premiere femme.
b) Mais ce qu'Adam sentait à cet instant où la
conscience de ses jeunes forces vitales tendait son
corps robuste, ce désir d'un complément, d'une
compréhension, d'une communication d'âme, d'un
perfectionnement, est senti pareillement depuis par tout
jeune rejeton des deux sexes de l' humanité. Dans la
plénitude de leur développement organique, l'homme
et la femme sentent qu'il leur manque quelque chose
qui se trouve dans l'autre sexe; qu'ils ont besoin d'un
complément qui se trouve dans les qualités différentes
LE MARIAGE AVANT LE CHRIST
de l'autre sexe, parce que c'est alors seulement que
se réalise l'idéal complet de l'homme.
C'est dans cette union, ce mélange, ce complément
mutuel de ces deux genres de la nature humaine que
se réalise cette unité des époux dont on ne trouve
pas un exemple dans le monde et dont la Sainte
Écriture fait observer : « L'homme quittera son père
et sa mère et s'attachera à sa femme, et ils deviendront
une seule chair» (Genèse, II, 24).
L'homme fait quelque chose d'analogue, lorsqu'il
fond ensemble des métaux différents, pour que leurs
diverses propriétés se complètent mutuellement et que
le mélange nouveau ainsi obtenu devienne plus fort
et plus résistant.
e) Mais s'il en est ainsi, si réellement il est naturel,
souhaitable et convenable que deux genres d'êtres
humains vivent sur la terre, avec des caractéristiques
tout à fait différentes, mais s'attirant et se complétant
réciproquement, si cela, dis-je, est naturel, alors vous
pouvez juger vous-mêmes, mes frères, combien elle
est contraire à la nature et préjudiciable la manie
moderne qui éIeve les jeunes filles à la maniere des
garçons et veut en faire des garçons, tandis qu'elle fait
des garçons des filles, élève des boys-girls et des girls-boys
et en supprimant la différence entre les deux sexes
enlève précisément cette mystérieuse force d'attraction
qui a pour objet de former dans la vie sociale la cellule
la plus importante, la source d'un renouvellement
incessant de la race humaine et la garantie de sa
propagation : une famille nouvelle.
 28 MARIAGE ET FAMILLE
II
QU'EST-CE QUE LE MARIAGE D'APRÈS
LA VOLONTÉ DE DIEu?
Dieu a donc créé le mariage.
Mais pourquoi l'a-t-il créé? Quelle idée se faisait-Il
de l'essence du mariage?
A) Posons-nous donc à nous-mêmes cette question:
Qu'est-ce que le mariage selon la volonté de Dieu?
Est-ce un contrat?
C'en est un, mais c'est autre chose enè01'e.
a) Lors de leur mariage, les époux passent ~éellement
un contrat : ils se promettent fidélité mutuelle, de
s'aider réciproquement et de ne pas se quitter dans le
malheur, ils font cette promesse sous une forme
solennelle, - le mariage est donc aussi un contrat.
Mais qui ne voit qu'il est encore quelque chose de
plus! Il est la fusion mystérieuse de deux âmes, la
rencontre décisive et le mélange de deux vies humaines.
L'humanité le sentait déjà même avant le christianisme,
et c'est pourquoi nous voyons que chez les peuples
païens déjà le mariage avait lieu au milieu des céré-
monies religieuses les plus solennelles et les plus
variées.
b) On a l'habitude de dire qu'il faut être deux pour
se marier: un homme et une femme. Eh bien 1 c'est
une grande erreur. Il.faut être trois: il faut un homme,
LE MARIAGE AVANT LE CHRIST
une femme, mais il faut encore - Dieu. Et même,
c'est Dieu qui doit être à la première place. C'est Dieu
qui a institué le mariage, c'est donc seulement avec
Dieu et en Dieu qu'il peut être contracté.
Mais précisément parce que le mariage n'est pas
un contrat purement humain, parce qu'il n'est pas
une invention humaine, l'essence même du mariage
ne tombe pas sous l'autorité humaine. Le genre
d'existence, de civilisation, de forme politique dans
lesquelles il vit, dépend de l'homme. Mais le mariage
i
[ 1
et la famille ne dépendent pas de l'homme.
B) Je pose donc de nouveau la question: Qu'est-ce Il
donc alors que le mariage? Peut-être une affaire privée
entre deux personnes?
II
Il l'est en effet, mais il est encore bien davantage "
il est aussi d'ordre public, une affaire d'intérêt général i
humain.
Le mariage n'est donc pas une situation pour des
Il
jeunes filles qui ne pourraient se tirer d'affaire
autrement? Certainement non. Le mariage n'est 1
Il
pas un échange continuel d'amabilités et de compli- !1
ments ni un instrument de plaisirs privés? Certaine- 1
1
ment non. Il est une affaire d'ordre public extrêmement ,1
importante. Et il serait plus facile de se retrouver 1 i
dans le labyrinthe embrouillé des questions matri-
moniales, si l'on avait sans cesse présent à l'esprit
que le mariage n'est pas seulement une affaire privée,
mais aussi une affaire d'intérêt public, une affaire
privée, en tant que je suis libre de choisir; je contracte
mariage aVec qui je veux. Mais une fois que j'ai conclu
le mariage, alors le sort de l'humanité entière y est
 3° MARIAGE ET FAMILLE
attaché, il est donc devenu d'ordre public: il ne dépend
plus de moi de le rompre.
C) Et maintenant je pose la question pour la troi-
sième fois : Qu'est-ce donc que le mariage selon la
volonté divine? Et voici la réponse définitive: l'union
sainte d'un homme et d'une femme jusqu'à la tombe.
L'Ancien et le Nouveau Testament fournissent de
nombreux exemples de la manière dont Dieu envisage
la sainteté de l'amour réciproque" des deux âmes et
de la haute estime dans laquelle:'Dieu tient la vie
commune des époux.
a) Nous lisons sans cesse dans l'Ancien Testament
que Dieu qualifie d'alliance matrimoniale ses rapports
avec le peuple élu, et d'infidélité l'adoration des idoles
par son peuple.
Et chose curieuse : l'Ancien Testament renferme
tout un livre, le « Cantique des cantiques » qui symbolise
au sens profond l'amour de Dieu pour l'âme humaine,
mais qui, si on le prend au sens littéral, n'est pas autre
chose qu'une collection de chants nuptiaux qui célèbrent
l'amour réciproque de l'époux et de l'épouse.
b) Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ parle du man·age
dans un sens encore plus élevé.
« Le royaume des cieux est semblable à un roi qui
célèbre les noces de son fils » (S. Matthieu, XXII, 2),
lisons-nous dans une parabole. Lorsque le Fils de
Dieu voulut s'immoler pour le salut de l'humanité, il
choisit pour symbole de son amour - parce qu'il
est le plus généreux - l'amour des époux.
C'est une chose bien connue que Notre Seigneur
a fait son premier miracle à une noce où le vin était
r ,
LE MARIAGE AVANT LE CHRIST 31
venu à manquer et où il tira d'embarras par ce miracle
les jeunes époux.
Et lorsqu'un jour des disciples de saint Jean-Baptiste
demandèrent au Sauveur pourquoi ses disciples à
lui ne jeûnaient pas, alors que ceux de saint Jean et
les pharisiens pratiquaient le jeûne, Notre Seigneur
répondit: « Les amis de l'époux peuvent-ils être dans
la tristesse, tant que l'époux est avec eux? Mais des
jours viendront où l'époux leur sera enlevé; alors ils
jeûneront » (S. Matthieu, IX, 15).
D) Mais pour que nos constatations sur l'essence ri
du mariage soient plus complètes, nous y adjoindrons I[
encore une nouvelle idée. Le mariage est non seulement
une chose sainte aux yeux de Dieu, mais il est en même
temps une grande bénédiction et une source de force
indispensable pour la société.
a) La famille est un organisme vivant et moral,
dans lequel chaque membre a des droits et des devoirs
fixés par Dieu. La famille n'est pas seulement la
cellule constitutive de la société humaine, mais aussi
le meilleur appui de l'ordre social, car elle est elle-même
construite sur l'ordre établi et sur l'autorité. Elle
renferme différents membres qui doivent remplir des
tâches différentes dans l'intérêt d'un but commun.
Les enfants sont soumis aux parents, la mère est la
maîtresse du foyer, le père est le chef de la famille.
b) Oui, mes frères, même aujourd'hui nous n'hésitons
pas à affirmer ouvertement que selon la volonté de
Dieu le père est le roi de la famille. Sa royauté est plus
ancienne sur la terre que toute autre royauté, car sa
charte de fondation est inscrite dans les premières
 32 MARIAGE ET FAMILLE
pages de la Sainte Écriture (Genèse, III, 16). Cette
royauté est indépendante de toute forme politique :
en république ou en monarchie, au suffrage public
ou secret, sous une dictature ou sous un régime consti-
tutionnel, la royauté de l'époux demeure pareillement
intacte; la famille demeure toujours une petite monar-
chie dont le père est le chef et la tête.
c) Mais je prie mes chères auditrices de ne pas
en être chagrinées. Et je prie mes chers auditeurs de
ne pas s'en croire à cause de cela. Je demande surtout
à mes auditeurs de l'un et l'autre sexe de ne pas com-
mencer une discussion sans objet pour savoir qui
vaut le plus de l'homme ou de la femme. Qu'ils prennent
plutôt exemple sur cette femme à qui son époux
déclarait un jour avec grande suffisance : « Enfin
l'homme est le roi de la création! » Alors cette sage
épouse mit doucement la main sur la tête de son mari
en disant simplement: « C'est vrai; mais la femme
est la couronne de cette tête ». Mais oui, c'est ainsi
seulement qu'on peut se comprendre mutuellement.
Nous n'y pouvons rien si l'homme n'est pas une
femme ni la femme un homme; les deux sexes ne
pourront donc jamais être égaux, - ce qui cependant
ne signifie nullement que leur valeur soit inégale.
l'viais si la nature de l'homme et celle de la femme sont
si souvent totalement différentes, il en résulte que
des obligations totalement différentes attendent les
deux sexes; mais de ces devoirs différents découlent
aussi des droits différents. Et c'est pourquoi nous
devons reconnaître que la famille est un petit état,
un petit organisme indépendant, un petit royaume
[ .
LE MARIAGE AVANT LE CHRIST 33
de Dieu à part, une institution où il y a des différences,
des subordonnés et des supérieurs et une répartition
du travail. Mais si tout cela est absent, - toute la
famille est désorganisée.
III
QUI DOIT ET QUI NE DOIT PAS SE MARIER?
Si, mes frères, la famille, déjà avant le Christ, nous
apparaît dans une lumière aussi sublime, si nous savons
que le mariage est le fruit de la volonté même du
1
Créateur, d'elle-même se pose cette question : Cette
institution divine est-elle obligatoire pour tom les
hommes sans exception? La volonté divine exige-t-elle
que tous les hommes se marient? Nous pouvons
résumer notre réponse en un seul mot : Non. Et
même la continence totale est plus précieuse aux yeux
de Dieu; mais pour la plus grande partie de l'humanité
la solution exacte demeure seulement le mariage.
A) Le mariage n'est pas obligatoire pour tous les
hommes, et même si quelqu'un dans un but plus
élevé, pour servir Dieu plus parfaitement, choisit le
célibat, sa vie est plus précieuse devant Dieu que le
mariage, voilà ce que nous connaissons, seulement
depuis Notre-Seigneur Jésus-Christ.
1 a) C'est Lui qui l'a proclamé clairement. Un jour,
en effet, le Sauveur déclara qu'il y avait des hommes
1 1
. qui ne se mariaient pas « à cause du royaume des cieux » 1
(8, Matthien, XIX, 12), .c 'est-à-dire afixl de vivre sans
Mar. et Fam. - 3
J
.
 MARIAGE ET FAMILLE
34
partage pour Dieu. Saint Paul ensuite a déclaré avec
plus de détails: « Celui qui n'est pas marié a souci
des choses du Seigneur, il cherche à plaire au Seigneur;
celui qui est marié a souci des choses du monde, il
cherche à plaire à sa femme, et il est partagé »
W Corinthiens, VII, 32-33).
Le mariage est donc dans le plan divin, mais la
chasteté est un état encore plus parfait. C'est ainsi
qu'il faut comprendre cette autre pensée de saint Paul,
quand il écrit : « Il est bon pour l'homme de ne pas
toucher de femme» (le Corinthiens, VII, 1), c'est-à-dire
que la virginité pa.rfaite choisie pour servir Dieu et
par amour pour le prochain est une évoluti.on spirituelle
plus haute, un perfectionnement spirituel plus grand.
Celui qui reste célibataire pour pouvoir servir Dieu
d'un cœur sans partage offre donc un grand sacrifice
pour Dieu.
b) Mais d'autre part, Dieu n'y a obligé personne.
C'est seulement un « conseil évangélique » et non pas
un commandement. « Que celui qui peut comprendre
comprenne» (S. Matthieu, XIX, 12) - a dit Notre
Seigneur Lui-même.
Saint Paul aussi proclame que la plus grande partie
de l'humanité n'y est pas appelée, lorsqu'il écrit dans
le même passage que pour éviter le péché d'impureté
« chacun ait sa femme et chaque femme ait son mari »
(le Corinthiens, VII, 2). Le mot « qu'il ait» a ici un
sens restrictif et veut dire « il est permis qu'il ait ».
Pour la plus grande partie de l'humanité, c'est donc
la règle générale, car le don de la continence durant
toùtè la vie n'a été attribué qu'à un petit · nombre.
LE MARIAGE AVANT LE CHRIST 35
Et maintenant nous pouvons répondre à la question :
Qui doit se marier et qui ne le doit pas?
B) Qui ne doit pas se marier?
a) Tout d'abord ceux dont l'organisme lutte contre
une lourde hérédité ou souffre d'une maladie congénitale
feront bien de ne pas se marier, car des parents qui
souffrent d'une maladie grave héréditaire ne peuvent
guère donner la vie qu'à des enfants pareillement
gravement malades.
Mais fait intéressant à noter, certains voudraient
voir des lois civiles plus rigoureuses sur ce point que
les lois ecclésiastiques et voudraient interdire officiel-
lement le mariage de ces malades. La morale chrétienne
par contre, bien qu'elle n'approuve pas ces mariages,
ne les interdit pas comme une faute grave, - ams!
que le pape Pie XI l'a proclamé ouvertement dans
l'encyclique Casti connubii.
Pourquoi ne les interdit-elle pas? Parce qu'il peut
se faire que le mariage signifie pour ces malheureux
malades adoucissement, consolation, réconfort et ainsi
les aide à réaliser le but éternel de leur âme. Car le
seul but de l'Église du Christ, c'est de faciliter à
l'homme le salut de son âme.
b) Qui encore ne doit pas se marier?
Celui qui veut mettre sa vie au service exclusif d'un
grand idéal, comme par exemple, les recherches scienti-
fiques ou le service du prochain mais en toute première
ligne : le service de Dieu. Ceux-là ne doivent pas se
marier, mais garder jusqu'à leur mort la ' continence
parfaite, la chasteté absolue.
c) Et qui encore ne doit pas se marier? Celui qui
 MARIAGE ET FAMILLE
est malade, celui qui veut devenir prêtre ou religieuse.
Et qui ensuite? Personne. Plus personne d'autre.
Ces cas mis à part - donc pour la plus grande partie
de l'humanité s'appliquent réellement comme un com-
mandement, ces paroles du Créateur .: « Cres cite et
multiplicamini », « croissez, multipliez-vous» (Genèse,
l, 28). Celui qui n'est pas malade ou ne veut pas mettre
son existence exclusivement au service d'un grand
idéal, - doit se marier.
Il doit se marier, parce que c'est la volonté de
Dieu qui l'exige de lui, parce que l'exige aussi son
propre intérêt bien compris.
« Il n'est pas bon que l'homme soit seul » (Genèse,
II, 28) - lisons-nous aux premières pages de la Sainte
Écriture. Et qui ne voit la vérité de ces paroles? Elles
ont été dites par Dieu qui a créé l'homme, qui par
conséquent connaît le mieux la nature humaine.
La littérature a bien souvent décrit la vie désolée
du célibataire, du vieux garçon, - et certainement
elle n'est pas enviable. Il peut occuper une haute
situation, mais son âme est vide. Il a une belle demeure
mais pas de foyer. La nuit de Noël arrive et au lieu
des cris joyeux des enfants il n'entend que le tic tac
monotone de l'horloge clans la chambre vide et déserte:
oui, vous vieillissez, vous vieillissez et les années
s'enfuient.
Et c'est ici que je veux montrer la grande différence
qui existe entre l'homme célibataire et la jeune fille
qui n'est pas mariée. En effet, si un homme reste
vieux garçon, la plupart du temps c'est par sa propre
faute : il n'a pas voulu se marier. Mais si une jeune
,\
~'~1 :.
LE MARIAGE AVANT LE CHRIST 37
fille reste célibataire, le plus souvent ce n'est pas sa
faute : elle n'a pas pu se marier. Mais la voix de la
conscience ne parle pas de même dans les deux cas.
En effet, la jeune fille qui ne s'est pas mariée, sans
qu'il y ait de sa faute, peut dans les moments d'abandon
trouver une consolation dans la résignation à la volonté 1
de Dieu qui en a disposé ainsi; mais, par contre, elle f
fait défaut à l'homme qui ne peut qu'attribuer à lui-
même et à son égoïsme le sentiment angoissant de la
solitude qui un jour pèsera sur lui.
Et maintenant je vais dire à mes chers auditeurs -
je n'ai pas peur qu'ils prennent en mal mes paroles,
car je les ai appelés aussi des « rois » - je vais dire
ouvertement ce que je pense de cette question :
l\1essieurs, faites-vous prêtres ou bien mariez-·vous,
- il n'y a pas de troisième solution.
* '*' ""
Mes frères, ce que nous avons dit du mariage dans
l'instruction d'aujourd'hui revêt déjà cette institution
de l'éclat de la volonté divine, - bien que nous n'ayons
encore étudié que la moitié de la question. Jusqu'à
présent nous ne l'avons examinée que comme une loi
écrite dans la nature humaine, nous n'avons envisagé
que le mariage naturel, tel qu'il était avant Notre-
Seigneur Jésus-Christ. C'était déjà un grand et sublime
idéal, c'est le soutien et le fondement de la société
humaine.
De nos jours - grâce à Dieu - la législation civile
 LE MARIAGE AVANT LE CHRIST 39
MARIAGE ET FAMILLE

une fourmilière en déroute; tout comme l'existence

commence à voir l'importance de la famille pour l'état
de la nature entière deviendrait désordre et chaos
et nous apercevons aVec joie les premières manifes-
si quelqu'un suspendait les lois de la chimie et de l~
tations de la législation pour la défense de la famille l'
physique, sous prétexte qu'elles sont « périmées )J et
attaquée et en danger. En tout cas, il serait souhaitable
qu' « il faut marcher aVec son temps JJ. Pourtant .c'est
que la législation civile mette tout en œuvre pour
le même Dieu qui a fixé dans la nature inanimée les
assurer la pureté et la force de la famille.
fois de la physique et de la chimie et qui a imposé
En effet, que d'occasions s'offrent aussi au code
des commandements, donc aussi le mariage, à l'homme.
civil de favoriser la famille par des mesures de pré-
Fasse le Ciel que l'humanité s'en aperçoive, avant
voyance sociale ainsi que par une protection plus
qu'il soit trop tard!
puissante de la morale publique 1 Sans doute, ce ne
Puisse-t-elle le voir, en revenant à l'idéale pureté du
sont pas les lois qui peuvent créer la moralité, mais
mariage institué par Dieu. Amen.
seulement l'éducation de la conscience. Mais si l'Église
met tout en œuvre pour faire cette éducation de la
conscience, l'État aussi doit apporter son aide en pro-
tégeant cette conscience. Elle est vraiment effrayante
l'impunité avec laquelle dans les théâtres, les cinémas,
les livres et les revues remplies d'illustrations immorales
on se moque de l'idéal familial et on sape la moralité.
A quoi servent les sermons? A quoi sert le mot d'ordre
« sauver la famille»? A quoi servent tant d'enquêtes
. et de congrès sur le salut de la famille, si un flot de
livraisons pornographiques écrites « seulement pour
adultes au-dessus de seize ans » déferle dans les rues
de Budapest?
Ne l'oublions pas, mes frères: le mariage, comme
l'enseigne l'Église catholique conformément au com-
mandement de Dieu, n'est pas une invention arbitraire,
mais une institution basée sur la nature humaine.
Nous devons observer d'une nécessité absolue les
commandements de Dieu, car autrement la vie humaine
deviendrait un chaos sans but et incompréhensible,
 . 1
III
LE MARIAGE APRÈS LE CHRIST
MES FRÈRES,
Le mariage a été créé par Dieu Lui-même, lorsqu'il
créa un homme et une femme, les plaça dans le paradis
terrestre et leur donna ce commandement : « Croissez,
multipliez-vous et remplissez la terre» (Genèse, l, 28).
Le mariage est donc une chose importante; même
avant la venue du Christ il était l'accomplissement de
la volonté divine, comme nous l'avons rappelé dans
le sermon de dimanche dernier . .
Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu et dans
un ordre nouveau, dans l'ordre du salut, ila revêtu
d'une nouvelle dignité cette institution divine déjà
sublime dès l'origine : il a élevé le mariage au rang
de sacrement. Or, par là, il l'a transformé entièrement,
il lui a donné des traits si essentiellement nouveaux
que nous devons consacrer un sermon tout entier
à son explication. Après le mariage idéal des siècles
"\
LE MARIAGE APRÈS LE CHRIST
avant Jésus-Christ - dont j'ai parlé dernièrement -
nous verrons aujourd'hui le tableau idéal du mariage
chrétien.
Je pense que nous réussirons le mieux à fixer l'image
idéale du mariage chrétien, si nous nous efforçons de
répondre à ces deux questions : 1. Qu'est-ce que pense
du mariage l'Église du Christ et II. Qu'est-ce que le Christ
donne aux époux?
1
QU'EST-CE QUE L'ÉGLISE PENSE DU MARIAGE?
A cette première question, qu'est-ce que l'Église
du Christ pense du mariage? il nous faut faire une
réponse assez curieuse.
L'Église catholique, en effet, a sur le mariage des
idées d'une part tout à fait tenestres et d'autre part
tout àfait célestes. Nous pouvons dire que sa conception
du mariage est en partie réaliste et en partie idéaliste.
Examinons de plus près ces deux idées.
A) L'Église du Christ a sur le mariage d'une part des
idées tout à fm:t terrestres. .
a) En effet, elle fait preuve d'une façon de penser
tout à fait réaliste, en insérant cette chose qui appa-
remment est affaire de cœur et de sentiment dans les
paragraphes 1·igides de son Code, et par exemple au
canon 1081 du Code de droit canonique elle écrit :
« Le mariage existe, lorsque deux personnes juridi-
quement capables expriment légitimement leur consen-
 /
(

MARIAGE ET FAMILLE
LE MARIAGE APRÈS LE CHRIST 43
tement ». Ah! comme ces formules juridiques s'ex-
Mais comment doit être contractée cette union,
priment avec une froideur déconcertante!
devant qui et avec quelles cérémonies, c'est l'Église
Celui qui ne connaîtrait pas autre chose de l'idée
qui peut prescrire des changeme~ts. se~on l~s époques
de l'Église sur le mariage pourrait certainement s'en
et les conditions culturelles. Amsl s expl1quent par
scandaliser. « Comment? » Le mariage n'est pas autre
exemple les modifications mises en vigueur dans ce
chose qu'un acte de la volonté? Un contrat calculé et
domaine par le nouveau Code ecclésiastique de 1918.
exprimé avec une froide raison entre deux personnes?
Et lorsque le Code ecclésiastique parle du mariage,
Et le cœur? il n'est rien? Et les sentiments et l'amour
il s'exprime en termes tout à fait juridiques, posés,
et l'union des âmes? - cela ne compte pas? Et pour-
objectifs et réalistes.
quoi réunir en paragraphes les relations si tendres et
B) Cependant, mes frères, nous ne pouvons pas
si ardentes de deux cœurs? Pourquoi toutes ces forma-
nous scandaliser de cette - pour ainsi dire - « froideur
lités extérieures, lorsqu'il s'agit de conclure un mariage?
juridique » de l'Église, car par ailleurs elle a sur l~
Pourtant tout cela est vraiment nécessaire. Cela est
mariage des idées tout à fait idéalistes, tout à fatt
nécessaire, parce que le mariage n'est pas simplement
surnaturelles.
une affaire de cœur entre deux êtres, mais comporte
a) En effet, elle déclare, au canon 1012 du Code
une foule de choses qui intéressent l'état, la société et
de droit canonique: « Notre-Seigneur Jésus-Christ a
l'Église. Il est donc nécessaire que cette importante
élevé à la dignité de sacrement le contrat matrimonial
institution soit autant que possible protégée contre
entre deux baptisés. Aussi ne peut-il exister entre
l'inconstance et les caprices de la nature humaine et
baptisés de contrat matrimonial valide qui ne soit en
que sa force et sa durée soient favorisées, même à
même temps un sacrement ». Ah! Voilà un tout autre
l'aide de formalités extérieures. Et c'est précisément
langage! Savez-vous quelles immenses perspectives
p~ur cela qu'existent les lois matrimoniales de l'Église.
s'ouvrent derrière lui, quelle idéale et surnaturelle
b) Mais à propos de ces formes legales, il nous faut
hauteur de vue? C'est que le mariage chrétien est un
faire clairement la distinction entre la partie essentielle
sacrement.
dogmatique basée sur le commandement de Dieu et la
b) Chaque fois qu'un jeune couple se tient devant
partie non essentielle provenant des prescriptions humaines.
l'autel, pour se faire l'un à l'autre la promesse d'une
Personne ne peut jamais changer la partie essentielle
fidélité éternelle, à proprement parler c'est un prêtre
dogmatique du mariage; elle doit demeurer toujours
et une prêtresse qui se tiennent à côté l'un de l'autre
telle que Dieu l'a ordonnée: une union indissoluble
pour s'administrer réciproquement un sacrement .: le
entre un homme et une femme. Voilà la partie
sacrement de mariage. C'est le seul sacrement qm ne
essentielle.
soit pas administré par le prêtre, mais par les époux

~~ .

~---- --- - - - - - -- , -
 MARIAGE ET FAMILLE
44
eux-mêmes. A l'instant même où ils prononcent leur
« oui » réciproque, le sacrement existe, ils se le sont
conféré l'un à l'autre et ils se sont liés pour l'éternité.
Mais Dieu, par l'intermédiaire du prêtre qui se tient
devant eux, donne sa bénédiction à cette union, afin
qu'ils soient, avec l'aide de la grâce divine, l'un pour
l'autre un appui, une force, un soutien et marchent
ainsi ensemble jusqu'à la dernière minute de leur vie.
C) Celui qui sait cela comprend et comprend seul
l'essence même du mariage chrétien.
Ceux qui ne le savent pas ont coutume de dire :
« Je ne saisis pas pourquoi le mariage religieux est si
important. En effet, c'est seulement une formalité
extérieure. Et c'est aussi une formalité extérieure
quand je contracte mariage devant l'officier de l'état-
civil. N'est-ce pas suffisant? »
Sûrement non, cela ne suffit pas. Car celui qui
pense ainsi n'a aucune idée de l'essence du mariage
chrétien.
a) Dans le mariage chrétien, deux chrétiens se donnent
totalement l'un à l'autre sans réserve. Mais sommes-
nous donc maîtres de notre vie? De même que nous
ne nous donnons pas la vie à nous-mêmes, de même
nous ne pouvons pas non plus la donner à un autré. -
sans la volonté de Dieu.
Le baptisé, d'après l'enseignement de la foi chré-
tienne, non seulement est affranchi de ses péchés
antérieurs, non seulement obtient la grâce, mais encore
devient par son baptême aussi membre du corps
mystique du Christ, il devient donc parent, frère de
Jésus-Christ. Celui qui est baptisé devient donc aussi
LE MARIAGE APRÈS LE CHRIST 45
participant de la grandeur du Christ et il doit vivre
dans le Christ, vivre pour le Christ et se consacrer
au Christ. C'est ce qu'enseigne très clairement saint
Paul: « Nul de nous ne vit pour soi-même, et nul ne
meurt pour soi-même; car soit que nous vivions, nous
vivons pour le Seigneur; soit que nous mourions,
nous mourons pour le Seigneur » (Romains, XIV, 7-8).
Aussi lorsque des baptisés veulent contracter mariage
et veulent se donner l'un à l'autre, ils ne peuvent le
faire sans le Christ, car depuis leur baptême ils ne
disposent plus d'eux-mêmes, mais sont devenus tous
les deux propriété du Christ. Leur mariage n'aura
donc de valeur que si le Christ aussi donne son con-
sentement, c'est-à-dire, s'ils se marient devant l'autel
de Jésus-Christ.
Voilà pourquoi il est nécessaire de se marier devant
l'Église.
b) Mais il y a encore une autre raison. C'est parce
que le mariage doit donner naissance à une vie nouvelle.
Vous, père et mère de famille, lorsque vous exercez ce
pouvoir inouï, lorsque vous donnez la vie à un nouvel
être humain, vous êtes seulement des instruments
entre les mains d'une Puissance supérieure. Pouvez-
vous donc vous engager sans Dieu sur la route où la
force créatrice de Dieu accompagnera votre activité?
Voilà pourquoi aussi il ,faut contracter mariage
devant l'Église.
c) Mais il y a encore en plus une autre raison: le
m~riage civil n'est réellement que la forme extérieure
de l'union conjugale, au contraire le mariage ·religieux
n'est j)as une cérémonie exthiew'e, mais un sacrement.
 MARIAGE ET FAMILLE
Un sacrement que Notre-Seigneur a institué pour que
les époux puissent satisfaire aux lourdes obligations de
la vie conjugale et conserver la fidélité perpétuelle.
Avec les dispositions qui changent au cours des années,
certainement une promesse humaine, même sortie de
la plus noble résolution, n'aurait jamais été suffisante,
. - mais la force de la grâce sacramentelle suffit.
Et nous voici arrivés à la seconde question de ~ notre
sermon d'aujourd'hui.
II
QU'EST-CE QUE LE CHRIST DONNE AUX Époux?
A) Les nouveaux époux sont habituellement comblés
de cadeaux par leurs parents et leurs connaissances.
Mais quel peut bien être le cadeau de mariage offert
par Notre-Seigneur? Je crois ne pas faire une compa-
raison forcée en appelant le sacrement de mariage et
le flot de grâces qui en découlent le « cadeau de mariage
de Notre Seigneur ».
a) Ah! si seulement les jeunes époux--qui se tiennent
devant l'autel regardaient avec des yeux aussi admiratifs
le magnifique présent qu'ils reçoivent des mains de Dieu
le jour de leur mariage!
Malheureusement, beaucoup de jeunes couples se
préparant à se marier':n'y pensent même pas. Toutes
leurs pensées sont prises par d'autres questions; qui
sera parmi les invités et quelle toilette faut-il mettre,
quelle sera la décoration de l'autel, qui chantera le
LE MARIAGE APRÈS LE CHRIST 47
solo pendant la messe, l'habit du marié, le voile de la
mariée sont-ils élégants ... et ainsi de suite, - mais
combien peu songent que ce luxe et cette pompe ne
sont que l'extérieur, des symboles, le symbole du grand
trésor que Notre-Seigneur Jésus-Christ veut donner
à leur âme dans le sacrement de mariage .
b) Et ici - hélas! - nous ne sommes pas obligés
de penser aux incroyants. Aujourd'hui, même les gens
animés des ' meilleurs sentiments sont infectés par
cette idée que le mariage est exclusivement un contrat
terrestre, une chose matérielle; et comme c'est seulement , 1
la beauté physique ou les intérêts matériels qui les
ont réunis, il est naturel qu'après leur disparition
ils se quittent mutuellement.
Malheureusement cet état d'esprit se rencontre aussi 1
chez certains qui se regardent comme ayant de la Il
religion et qui ne voudraient à aucun prix se
contenter d'un mariage purement civil.
1 J:
« Cela jamais 1 Pour rien au monde! Nous voulons
nous marier à l'église ... » l,
Il
Et je pose la question : « Pourquoi? Pourquoi
tenez-vous au mariage religieux? »
« Pourquoi? Parce qu'il est cent fois plus beau ~ [
que la glaciale union civile. Comme c'est émouvant, 1
1
quand la jeune épouse en voile blanc entre dans ,1
l'église, que l'orgue se fait entendre, que l'autel 1
resplendit dans sa décoration de fleurs odorantes et
,
1
que toute l'église fourmille d'une foule de connaissances l '
Il
et de curieux. Ah! quel instant solennel! Je ne voudrais
pas m'en passer pour rien au monde ». l'
, . Que de gens parlent ainsi! Ou du moins le pensent.
[
l'!
1
....• ~U
 MARIAGE ET FAMILLE
Mais comme , il Y en a peu pour comprendre que le
mariage religieux est bien plus, cent fois plus que
cette impression fugitive : un serment sacré et solennel
de fidélité réciproque et d'amour jusqu'au sacrifice. Et
plus encore, cent fois plus : la réception d'un sacre-
ment, l'ouverture d'une source divine, d'une source
qui se répandra en flots de grâces et de forces durant
toute la vie.
Comme il y en a peu pour y penser 1
B) Cependant, mes frères, la couronne de myrte
est vite jaunie, le bouquet de la mariée est vite fanée,
les invités se sont dispersés, le souvenir de ce brillant
mariage s'est estompé, mais ce qui ne passe pas, ce qui
demeure toujours, c'est le sacrement que vous avez reçu
au pied de l'autel.
a) En effet, le mariage est un sacrement qui dure.
Saint Bellarmin a écrit ces lignes si expressives
« Le sacrement de mariage peut être envisagé à deux
points de vue. Tel qu'il est, et ensuite tel qu'il devient.
Ce sacrement, en effet, ressemble au sacrement
d'Eucharistie, en ce sens qu'il n'est pas seulement
sacrement au moment où il est réalisé, mais qu'il
continue à le rester. En effet, tant que les époux sont
en vie, leur union demeure le signe mystique de la
grâce du Christ et de l'Église ».
Et saint Augustin indique encore une responsabilité
plus grande, car, selon lui, le sacrement de mariage
a un effet analogue à celui du sacrement de l'ordre,
en donnant à l'homme et à la femme une sainte force
particulière qui ne peut plus leur être enlevée. C'est
pourquoi nous pouvons dire, au sens fi~ré, qu~ par
""'- ~---- ~~-
LE MARIAGE APRÈS LE CHRIST 49
le mariage l'homme et la femme deviennent des prêtres
de qui Dieu attend l'accomplissement d'immenses
obligations .
b) Il est vrai qu'Il leur donne une aide puissante pour
remplir cette tâche, seulement il faut qu'il y ait dans les
époux une disposition à coopérer à la grâce du sacre-
ment. Dieu dépose toujours au moment de leur mariage
ce don précieux dans l'âme des époux et il dépend
d'eux d'utiliser, de garder et de faire fructifier ce
trésor.
Malheureusement, même les époux chrétiens oublient
facilement que si le mariage est « un sacrement »,
alors il produit aussi la grâce.
Les sacrements, en effet, produisent dans notre âme
la grâce sanctifiante (comme par exemple, le baptême
et la pénitence) ou bien l'augmentent (comme les cinq
autres sacrements). Lorsque les époux prononcent
devant l'autel leur serment de mariage et se donnent
ainsi mutuellement le sacrement de mariage, ils
augmentent en eux la grâce sanctifiante que Notre-
Seigneur a comparée à la robe nuptiale. N<?us pouvons
donc dire en quelque sorte que la robe nuptiale de
leur âme reçoit au moment de leur mariage un nouvel
éclat et une nouvelle parure de perles.
Mais outre l'accroissement de la grâce sanctifiante,
ils reçoivent encore des grâces spéciales; ils ont droit à
l'aide divine, pour pouvoir satisfaire à leurs obligations
conjugales. ,
C) Examinons de plus près cette aide divine : quelles
sont ces « grâces sacramentelles » que le sacrement de
mariage confère aux époux?
Mar. st Faro . - 4
5° MARIAGE ET FAMILLE
a) Tout d'abord c'est une union surnaturelle des âmes
qui ennoblit les relations réciproques naturelles des
deux sexes et en même temps assure la durée du
bonheur de leur mariage.
Seule cette union intime des âmes assure l'harmonie
même pour les moments où au cours de leur vie
commune se feront jour davantage les défauts des deux
époux, où il apparaîtra de plus en plus clairement
combien ils auront besoin l'un et l'autre de patience
et d'indulgence, où la beauté physique, la fraîcheur
et la santé commènceront à pâlir, à se faner pour
disparaître peu à peu totalement.
Mes frères, vous saisissez bien de quoi il est question
en ce moment. Actuellement je ne parle pas à mes
auditeurs qui ne sont pas encore mariés, mais à ceux
qui le sont déjà. Pères et mères de famille, quand vous
rentrez à la maison, tristes et abattus, parce que les
soucis de la vie pèsent lourdement sur vous, .demandez
alors la grâce sacramentelle : « Seigneur, aidez-nous
maintenant! » Lorsque l'un de vous s'aperçoit qu'il
est assailli par des tentations d'infidélité ou bien
s'aperçoit que son conjoint commence à se refroidir,
alors demandez la grâce sacramentelle : « Seigneur,
soyez avec nous I~» Lorsqu'il faut un grand empire sur
soi-même, une t volonté ferme et un sentiment
d'héroïsme chrétien pour s'abstenir temporairement de
l'usage de la vie conjugale, soit pour des raisons de
santé, soit pour des raisons économiques, demandez
alors la grâce: « Seigneur, nous voulons vivre confor-
mément à vos commandements; venez maintenant à
notre aide! » Lorsque vos enfants vous causent bien
LE MARIAGE APRÈS LE CHRIST 51
des soucis et des peines, dites alors : cc Seigneur,
aidez-nous maintenant à les bien élever! » Et lorsqu'un
coup du sort ou un deuil viendra visiter votre famille,
courbez le front et faites cette prière : cc Seigneur,
maintenant consolez-nous! »
Voilà les nombreux et précieux secours que nous
donne la grâce sacramentelle du mariage.
b) Mais quelqu'un qui vit depuis des années dans .,
un mariage heureux, pourrait peut-être dire: cc C'est
bizarre. Jamais je n'ai rien su de pareilles choses et je
n'ai encore jamais senti les dons de Dùu dans mon
mariage ».
Vous ne les avez pas sentis!
Mais lorsque, à côté de votre amour reclproque
le plus loyal, a surgi entre vous un différend que vous
avez généreusement aplani, - eh bien! c'est Dieu
qui vous a fait don de cette réconciliation.
Lorsque votre époux est rentré à la maison si abattu
parfois après son dur travail de la journée, mais a
été réconforté par votre gentillesse, _ . eh bien! c'est
encore la grâce divine qui a rayonné dans votre
chambre.
Lorsque des jours pénibles se sont levés, que votre
garde-manger était vide ~t que vos enfants pleuraient
de faim, et que vous vous êtes mis au travail d'une
âme intrépide, - c'était la grâce divine qui vous
donnait ce courage.
Lorsque vous avez été assaillis par la tentation
d'infidélité et que d'une âme forte vous vous êtes
détournés de la voix séductrice, - c'est la grâce
divine qui vous a donné cette force.
 52 ' MARIAGE ET FAMILLE
Et lorsque des années et des dizaines d'années ont
passé sur vos têtes, que vos cheveux ont blanchi,
que votre front s'est couvert de rides et que toujours
avec votre amour d'autrefois, et même avec un amour
plus profond, plus intime, vous tenez l'un à l'autre,
comme si les dents de fer du temps ne pouvaient rien
sur vous, - vous devez cela encore à la grâce divine.
Dites-moi : n'y aurait-il pas sur la terre beaucoup,
beaucoup plus de familles heureuses, paisibles et
bénies, si les époux avaient pensé à toutes ces choses,
lorsqu'ils se tenaient au pied de l'autel de leur mariage
pour recevoir la grâce de Dieu?
Mes frères, peut-être y en a-t-il parmi vous pour
regarder ce que je viens de dire comme trop idéaliste,
trop optimiste, trop présomptueux.
Alors qu'aujourd'hui, toute la société pour ainsi dire
pense autrement sur cette question, alors que l'avalanche
de la vie moderne a pour ainsi dire entraîné l'indisso-
lubilité du mariage, alors qu'aujourd'hui, même dans
la meilleure société, on annonce sans sourciller qu'un
tel vient de divorcer pour la troisième fois, qu'un autre
se remarie pour la quatrième fois, est-il raisonnable
et prudent, n'est-ce pas au contraire une entreprise
désespérée de travailler à la reconstruction du foyer
démoli?
En réalité, mes frères, quand une immense avalanche
se met en mouvement, elle cause des ravages effroyables
~""-~~----- --~--~­
, '
LE MARIAGE APRÈS LE CHRIST 53
1
1
et à sa vue on est paralysé d'épouvante. Mais cela ne il
dure qu'un court instant. Et l'instant d'après les pelles
et les pioches de l'équipe de sauvetage travaillent déjà
à sauver de l'épouvantable ruine ce qui peut encore
être sauvé.
L'avalanche de la conception frivole de la vie s'est
abattue aussi sur le sanctuaire jadis si fort de la famille
et l'a renversé. La sainte Église catholique, elle aussi,
est effrayée à la vue de cette tragédie, mais elle ne s'est
pas croisé les bras sans rien faire, elle a mis à l'œuvre
son équipe de sauvetage.
C'est pourquoi notre Église crie actuellement avec
une force croissante aux oreilles de l'humanité :
Hommes, mes frères, réveillez-vous!
Le mariage n'est pas une chose purement profane.
Non et mille fois non! Le mariage est un sacrement.
De même que nous parlons du sacrement de pénitence
et du sacrement d'eucharistie, de même nous devrions
parler du sacrement de mariage. Il est dommage que
l'expression « saint mariage )) ne soit pas entrée dans
l'usage quotidien. Peut-être alors chacun verrait-il plus
clairement que ses racines, sa source et sa force vivi-
fiante dépassent l'ordre naturel.
Aussi l'Eglise crie-t-elle fermement dans le monde,
elle criera tant que l'humanité ne l'entendra pas de
nouveau : le mariage aussi est un des sept fleuves qui
déversent sur nous la grâce de la rédemption. Le
mariage aussi est l'une des sept fontaines sacrées d'où
jaillissent les eaux de la vie surnaturelle. Le mariage
aussi est un des sept calices qui sont remplis jusqu'au
bord du sang du Christ. Le mariage aussi est une des
54 MARIAGE ET FAMILLE

sept tables sur lesquelles le Christ sert la grâce qui

fortifie la vie de l'âme. Le mariage aussi est une des
sept cloches dont le son réconfortant et argentin
entraîne les voyageurs sur la route de la vie éternelle ...
Soyons reconnaissants à notre sainte religion catholique IV
de ce qu'elle ose aujourd'hui encore le proclamer, - et
de ce qu'elle défend avec un courage inébranlable à notre
époque de ruines morales le rocher, base de l'édifice de PRÉPARATION AU MARIAGE
la société humaine : 'le sacrement de mariage. Amen.

MES FRÈRES,

Un proverbe affirme : « Petits enfants - petits

soucis, grands enfants - grands soucis JJ. Dommage
qu'il n'y ait pas une suite: les soucis, en effet, sont les
plus grands, lorsque les enfants déjà plus grands
deviennent jeunes hommes ou jeunes filles et veulent
s'envoler hors du nid familial pour ouvrir les portes
d'un nouveau foyer. En vérité, c'est alors que le cœur
des bons parents est saisi de la plus grande anxiété :
sera-t-il heureux le mariage que leur grand fils ou leur
grande fille veut contracter au pied de l'autel. .
Il n'y a pas de parents qui ne songent d'un cœur
serré et angoissé au mariage futur de leurs enfants,
mais - malheureusement - il Y en a beaueoup qui
s'en tiennent à ce sentiment confus et angoissant;
abandonnant tout au hasard, au lieu de tâcher par une
éducation sage et prévoyante d'assurer le bonheur
futur de leur mariage.
 MARIAGE ET FAMILLE
En effet, on doit préparer les enfants en vue de
leur mariage et précisément combien de parents
négligent cette éducation. Ils leur apprennent la
politesse et les belles manières, ils leur apprennent
à se présenter avec assurance et élégance, ils leur font
apprendre les sports, la danse, les langues, la musique,
- mais ils ne se soucient pas de la seule chose impor-
tante: un mariage heureux. Or, pour obtenir le bonheur
dans le mariage, il y a une préparation 1. éloignée et
II. prochaine; et si dans l'instruction de ce jour j'indique,
du moins dans les grandes lignes, ces obligations, je .
le fais pour que les parents s'efforcent, grâce à elles,
d'assurer la paix et le bonheur dans le mariage à
leurs enfants.
l son conjoint qu'un objet de plaisir, un instrument
PRÉPARATION ÉLOIGNÉE AU MARIAGE.
Parmi les moyens de préparation éloignée au mariage
il me faut insister principalement sur trois points
absolument nécessaires à l'éducation des enfants en
vue du bonheur futur de leur mariage. Ce sont l'empire
sur soi-même, la simplicité et la pureté.
A) Tout d'abord j'affirme donc qu'ils préparent
leurs enfants au bonheur dans leur mariage les parents
qui les élèvent sérieusement dans la maîtrise de soi.
n n'est pas nécessaire, je crois, de longues démons-
trations pour prouver cette affirmation.
Qu'est-ce que la vie conjugale? Une communauté
i'
PRÉPARATION AU MARIAGE 57
de vie, or une vie commune n'est pas possible sans
maîtrise de soi, indulgence, capacité de pardonner.
La vie commune exige certainement beaucoup
d'indulgence et de maîtrise sur soi-même. Et beaucoup
de drames conjugaux ont pour raison dernière que
les époux dans leur enfance n'ont pas appris à se
maîtriser eux-mêmes et à respecter la volonté des autres.
Dois-je dire combien ce danger menace principalement
l'enfant unique qui n'ayant ni frères ni sœurs a l'habi-
tude de se chercher lui-même et de rechercher ses
propres intérêts partout et toujours.
Mais celui qui dans le mariage se cherche lui-même,
cherche ses propres intérêts, ses propres avantages, son
propre bonheur ne peut mener une vie conjugale
harmonieuse; car toujours il sera tenté de ne voir dans
pour assurer sa propre jouissance. Or la base d'une
vie conjugale harmonieuse, c'est de savoir reconnaître
l'autre époux comme une personnalité douée d'une
volonté propre et ayant aussi des droits, c'est-à-dire
se marier non pas pour être heureux, mais pour rendre
heureux et par là trouver aussi son propre bonheur.
B) Mais il n'est pas moins important - surtout
de nos jours - d'élever aussi les enfants dans la sim-
plicité, la modestie, le renoncement à toute prétention.
a) C'est bien vrai, il faut reconnaître avec tristesse
que souvent l'obstacle au mariage c'est l'absence de
situation, le manque de moyens matériels d'existence
et l'insuffisance des revenus. C'est la vérité. Mais il
faut ajouter: ce n'est pas seulement la modicité des
revenus de bien des gens d'aujourd'hui qui rend
,._....1RIiL..
 MARIAGE ET FAMILLE
impossible la fondation d'une famille, ce sont aussi les
nombreuses exigences de certains. Et maintenant -
que mes chers auditeurs ne m'en veuillent pas
si je le dis franchement - ce sont surtout certaines
femmes qui aujourd'hui ont trop d'exigences.
Il faut compter, en effet, qu'actuellement le jeune
homme arrivé à l'âge de se marier n'a pas, le plus
souvent, assez de revenus pour suffire à l'entretien
d'une , femme qui va en visite et dans les dancings,
a besoin d'une manucure et d'une coiffeuse, est très
au courant des choses des théâtres et des événements
mondains, mais ne connaît rien au ménage ni à la
cuisine ni aux soins des enfants. Eh oui 1 Quand les
appointements sont modestes, les exigences doivent
l'être aussi.
Par contre, quand un jeune homme rencontre une
jeune fille modeste, travailleuse, aimant son intérieur,
qui, à côté de l'instruction et de l'intelligence, possède
aussi l'amour du travail et l'esprit d'économie, actuel-
lement encore il peut hardiment épouser cette jeune
fille, même si ses appointements sont peu élevés.
b) « Mais permettez - objecteront bien des jeunes
filles - si nous nous comportons devant les jeunes
gens d'une façon aussi arriérée, aussi antique, avec
des manières d'un autre siècle, alors nous ne nous
marierons jamais. Vous n'avez qu'à regarder avec qui les
jeunes gens préfèrent se distraire. Certainement pas
avec les jeunes filles d'intérieur et simples, mais avec
celles qui sont bien fardées, qui savent flirter et
cherchent à plaire » •
.c'est ainsi que s'excusent beaucoup d'excellentes
't . •.....UlA..
PRÉPARATION AU MARIAGE 59
jeunes filles. Pourtant, si elles réfléchissaient un peu,
.
elles verraient qu,eIesln' ont pas raIson.
.~i!,. Sans~,
'!Idout e,
les jeunes gens aiment à se distraire avec les jeunes
filles frivoles et coquettes, - mais ils ne les épousent
pas. Et comme ils ont laison! car épouser une jeune
fille qui ne voit le sens et l'intérêt de la vie que dans
de perpétuelles distractions - c'est véritablement aller
au-devant d'une catastrophe.
Et les jeunes filles ni coquettes, ni cancaneuses, ni
fardées, ni riches non plus peut-être, mais instruites,
aimables et aimant leur intérieur seront certainement
consolées par cette comparaison spirituelle d'un auteur
italien dans laquelle il symbolise par différentes
horloges les différents genres de jeunes filles.
Les jeunes filles mondaines et coquettes ressemblent
aux horloges des clochers : tout le monde les regarde,
mais personne n'y touche.
Les jeunes filles jolies, mais frivoles, ressemblent
aux pendules à carillon: elles amusent d'abord, mais
à la fin elles ennuient.
Les jeunes filles riches ressemblent à des montres en
or: à peine les a-t-onvues, qu'on s'informe de leur valeur.
Les jeunes filles cancanières et bavardes ressemblent
aux réveille-matin: elles fatiguent le tympan des gens.
Et les jeunes filles d'intérieur?
Les jeunes filles d'intérieur sont comme les régu-
lateurs : on peut compter sur elles.
Et en guise de leçon concluons que des enfants
élevés dans la modestie et la simplicité deviennent,
même dans des conditions d'existence modestes, des
époux heureux.
60 MARIAGE ET FAMILLE
C) A côté de la maîtrise de soi et de la simplicité
- et même avant ces qualités - une tâche indispen-
sable attend encore l'éducateur: élever les enfants dans
la moralité et la pureté.
Qùelles que soient les idées philosophiques d'un
homme, qu'il appartienne au christianisme ou à une
autre religion, qu'il soit croyant ou incroyant, il ne
peut nier que la jeunesse passée dans la chasteté et
la continence totale constitue la meilleure préparation
au mariage et la dot la plus précieuse.
La vie pure et chaste est la plus grande valeur
culturelle; parce qu'elle est l'école incomparable de
la volonté; parce qu'elle donne l'esprit de discipline,
nécessaire aussi dans la vie conjugale; parce qu'elle
prouve aux sceptiques qui hochent la tête avec incré-
dulité que la sensualité n'épuise nullement le contenu
de l'existence d'un homme même riche.
Tout cela, nous le savions déjà.
Mais de nos jours une nouvelle idée exige une
chasteté parfaite chez la jeunesse jusqu'au mariage.
C'est l'eugénisme. C'est-à-dire cette science toute
nouvelle qui montre de plus en plus clairement par
ses expériences qu'un sang pur et sain est la plus
grande bénédiction et le plus grand trésor qu'un
jeune couple puisse apporter en fondant une nouvelle
famille.
Et comme à ce point de vue les parents ont une
tâche importante à remplir à l'égard de leurs enfants,
permettez-moi, mes frères, de montrer maintenant en
détail ce double devoir des parents.
a) Voici le premier: Parents, instruisez vos enfants!
PRÉPARATION AU MARIAGE
A l'âge de la croissance, les garçons et les fillèttes
remarquent en eux des phénomènes inconnus précé-
demment; qui les guidera en ces années critiques? Qui
les aidera à se comprendre eux-mêmes et à comprendre
ces mystérieux changements physiques et moraux qu'ils
doivent subir par la sainte volonté du Créateur dans
les années de croissance? Tout cela est la tâche des
parents.
Qui, sinon la mère de famille, dira à son fils ou à sa
fille, à l'âge de la croissance, ce que représente cette
nouvelle et naturelle manifestation physiologique, qui
amène avec elle une évolution et qu'il faut connaître
tranquillement et avec une sainte émotion?
Qui, sinon la mère de famille, dira à son grand fils 1
l
ce qu'il doit penser des jeunes filles et à sa grande fille
ce qu'elle doit penser des jeunes gens? C'est elle qui
doit soigner dans l'âme de ses enfants cette petite
plante d'où sortiront le respect idéal de l'autre sexe,
les idées chevaleresques, le tact, les égards, l'attitude
d'un gentleman.
Et qui, sinon les parents, dira aux enfants devenus
grands qu'il n'y a pas deux morales, une avant le
mariage et une autre durant le mariage? Que le
fiancé et la fiancée sont tenus aux mêmes lois morales,
mais qu'à son tour le mari est soumis aux mêmes lois
que son épouse. Ah! si chacun comprenait, avait à
cœur et observait cela, comme les mariages seraient
plus heureux, plus harmonieux, plus beaux, - et
comme les époux et leurs enfants auraient une meilleure
santé! Savez-vous qu'alors bien des maladies terribles
disparaîtraient de la surface de la terre? Savez-vous
 /
62 MARIAGE ET FAMILLE
que bien des drames de femmes en pleurs, de mères
déçues, d'époux trompés disparaîtraient ainsi? Savez-
vous qu'alors deviendrait pour ainsi dire superflue
toute prescription eugénique?
Mais si certains parents voulaient se soustraire à ce
devoir, sous prétexte que c'est « une tâche très difficile
et très pénible )J, je leur recommande seulement cette
comparaison: L'âme de l'enfant est comme le lierre;
il aime à s'accrocher au chêne robuste, pour pouvoir
monter le long du tronc; mais s'il ne trouve pas de
chêne, il aime aussi une colonne remplie de toiles
d'araignée, un mur en ruines ou un tronc d'arbre
pourri : alors il grimpe après et, certainement,
partage aussi leur sort.
Je vous le répète : Mes frères, parents qui
m'écoutez, instruisez vos enfants!
b) Et voici la seconde obligation: Parents, aidez vos
enfants.
Ici, la science ne suffit pas; tout dépend de la force
de volonté. Aidez-les donc et engagez-les à utiliser
tous les moyens naturels et surnaturels qui les aideront
à observer la continence et la pureté dans leur jeunesse.
Les moyens naturels aussi sont nécessaires, comme
par exemple l'ennoblissement de la vie sentimentale,
l'endurcissement physique, des occupations conti-
nuelles, la force de la volonté. Mais même en faisant
tout cela, nous ne pourrons atteindre notre but sans
le concours des moyens surnaturels, la réception fré-
quente}; des sacrements et une'\ vie profondément
chrétienne. Écoutons ces paroles "de" saint Augustin :
« 0 mon Dieu, que mon amour me mette en flammes 1
PRÉPARATION AU MARIAGE
Vous nous ordonnez la chasteté: donnez-nops de faire
ce que Vous nous commandez et commandez-nous ce
que Vous voulez )) (Confessions, x, 29).
En face des sophismes du monde actuel séducteur
!
Î
~
et menteur, apprenez à vos enfants la foi et la confiance.
La foi et la confiance qu'on peut conserver une chasteté
parfaite jusqu'au mariage, car Dieu qui l'exige connaît
aussi la nature humaine, ses instincts et ses désirs,
mais Il connaît aussi la force de la volonté de l'homme
et de la grâce surnaturelle. Ne cessons pas de répéter
qu'il obtient la vraie liberté, celui qui sait s'affranchir
des exigences aveugles de ses instincts. Nous ignorons
la force ' qu'un jeune homme peut acquérir dans la
lutte pour garder la pureté, si nous pouvons le mettre
devant cette tâche: goûte et jouis des joies de la victoire
que tu éprouveras, si tu sais t'affranchir des chaînes
d'esclavage des désirs pécheurs pour monter vers la
liberté de la chasteté.
Voilà avec quelle prudence, quel amour les parents
doivent préparer leurs enfants dès ,le jeune âge au
bonheur dans le mariage.
II
PRÉPARATION PROCHAINE AU MARIAGE.
La préparation prochaine ne dépend plus des
parents, c'est l'affaire des jeunes gens. Et pour cela,
il y a une institution toute particulière : le temps
des fiançailles.
_ . _.'~, .
 PRÉPARATION AU MARIAGE
MARIAGE ET FAMILLE

b) Il est impossible aussi qu'une jeune fi:lle sérieuse,

La religion catholique pense avec une faveur spéciale
sur le point de se marier, ne fasse pas pareIllement un
et un tact particulier au temps des fiançailles. Ce n'est
bon examen de conscience. Car celle qui veut se
pas un temps d'ivresse ni de rêveries chimériques,
marier uniquement pour ne pas rester vieille fille, '
c'est une époque d'étude de soi-même et d'étude de
ferait certainement mieux de ne pas se marier.
son futur compagnon de vie.
Mais oui, il faut réfléchir : Serai-je une bonne
A) Les fianfailles sont un temps d'étude de soi-même.
épouse, une bonne mère de famille, une bonne ména-
Étude de soi-même qui doit se réaliser en invoquant
gère? Y a-t-il en moi assez de fidélité et d'amo~r, assez
une aide particulière de Dieu. En effet, y a-t-il dans
d'esprit de renoncement et d'amour du travaIl, assez
la vie humaine un moment plus important, où l'on a
d'énergie et d'indulgence, assez de profondeur et
davantage besoin de la direction divine que lors du
d'amour de Dieu pour pouvoir remplir cette triple
choix d'un époux? N'est-ce pas ce que veut signifier
et lourde tâche d'épouse - de mère - de maîtresse
le proverbe russe : « Pars-tu à la guerre? Fais une
de maison? Y a-t-il en moi plus de vie intérieure que
prière. Vas-tu sur mer? Fais deux prières. Vas-tu
de vanité? Est-ce que j'aime davantage le foyer que
te marier? Fais trois prières )J.
la vie mondaine? C'est difficile, c'est une tâche pénible,
a) Il est impossible qu'un jeune homme sérieux, sur
ce sera un sacrifice perpétuel; mais je serai mille fois
le point de se marier ne fasse pas un examen de con-
dédommagée de tous ces renoncements, de toutes mes
science approfondi. Car il entreprend une tâche immense.
veilles, de tous mes travaux, quand j'entendrai ce
Je vais fonder un foyer. Je devrai m'occuper d'une
mot : (( Maman, maman ».
femme et d'enfants. Me contenter de joies silencieuses
Les fiançailles sont donc le temps d'un sérieux
et pures. Travailler avec désintéressement. Renoncer
examen de soi-même.
souvent à bien des choses ... Voilà la première partie
B) Mais les fianfailles sont également le temps
de cet examen de conscience.
d'apprendre à connaître son futur époux.
Mais en retour quelles consolantes et rassurantes
a) Les mariages malheureux peuvent avoir des
pensées nous offre la deuxième partie : je serai le
causes multiples, mais la plus fréquente peut-être
chef responsable d'un petit royaume heureux. Mon
provient de ce que l'on se marie avec précipitation et
travail fera vivre ma famille. Une vie nouvelle sera
sans réflexion. Ils se sont vus la veille pour la première
édifiée sur mon amour. C'est moi qui assurerai le
fois. Aujourd'hui ils s'aiment. Et demain ils se
bonheur de ce petit nid ... Ce sera difficile, ce sera une
marieront. Ils jurent (( une fidélité éternelle », - mais
tâche pénible, ce sera un sacrifice perpétuel, mais je
ne savent pas à qui. Ils ne savent pas quel est le tem-
serai dédommagé de tout cela au centuple, lorsque
pérament de l'autre ni quelles sont ses idées, ni ses
j'entendrai ce mot: « Papa, papa )J.
lIaI'. et Fam. - 5
 - "'! ! !- -.. . . -""'. . . -_. . . . . ,. .". . . . .
-"""'1"". . ._!!!!I!'I'I!!I!I!!'_ _ _
66 MARIAGE ET FAMILLE
habitudes, ni ses défauts, ni ses projets... Peut-on
s'avancer dans la vie avec une pareille légèreté? A-t-on
le droit de se marier dans un élan irréfléchi, sous
l'impression enivrante d'une nuit passée au bal?
b) L'Église a précisément destiné le temps des
fiançailles à permettre aux intéressés de bien réfléchir
sur cette démarche définitive et de se connaître réci-
proquement non seulement sous leur visage des jours de
fêtes, mais encore sous celui des jours de semaine.
Le poète allemand Hebbel a composé une charmante
poésie intitulée: « L'épreuve de l'amour )J. Il apprend
à la jeune fille à ne donner son cœur qu'au jeune
homme qui peut' couper un lis si adroitement et si
délicatement que pas une goutte de rosée de son calice
ne doit tomber à terre. Quel profond symbole dans
cette belle pensée! Quel avertissement : jeunes gens,
n'oubliez pas d'exiger l'un de l'autre une grande et
une profonde délicatesse d'âme.
Oui, voilà la chose importante - et non pas ce
qu'ont pu dire de votre fiancé l'astrologue, le chiro-
mancien ou la tireuse de cartes. On ne croirait pas
qu'il y a des gens pour demander à un perroquet ou
à une souris blanche si leur mariage sera heureux.
Dans la pensée de l'Église, le temps des fiançailles
doit donc servir à permettre aux jeunes gens de se
convaincre s'il existe dans chacun d'eux les conditions
qui assurent un bon mariage.
Quelles sont ces conditions? l'en parlerai la fois
prochaine. Aujourd'hui je n'en aurais pas le temps,
surtout que je dois encore exposer une autre idée
relativement aux fiançailles.
'.
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- --~--:"~.•
:tI!
PRÉPARATION AU MARIAGE
\
C) N'est-il pas curieux que l'Église, tout en se
réjouissant de voir ses enfants arriver à un heureux
1
mariage, éprouve des craintes à leur sujet durant le temps
des fiançailles - avec une certaine angoisse - certains
disent même : une angoisse exagérée. D'une part,
elle veut réellement que durant le temps des fiançailles
ils se connaissent mieux l'un l'autre, mais, d'autre part,
elle leur interdit avec une fermeté inexorable bien des
choses auxquelles le cœur enflammé des fiancés ne
peut renoncer que malgré lui.
.,
a) Beaucoup ne comprennent pas cela. Beaucoup se
plaignent avec amertume que « l'Église n'a pas con-
fiance en eux)J, qu'elle leur prête de mauvaises pensées )).
Autrement elle n'exigerait pas qu'ils ne se rencontrent
toujours que dans la société de leurs parents ou de
connaissances et jamais dans l'abandon d'un tête à tête.
,
Pourquoi ne pourrais-je pas faire avec mon fiancé une
excursion de fin de semaine ou un voyage plus long?
Pourquoi ne pourrions-nous pas rester seuls l'un avec
,
l'autre? Comme notre religion a peu confiance en moi!
, - disent avec amertume bien des jeunes filles et des
jeunes gens.
Or, ce n'est pas de vous que l'Église se méfie ni
d'un tel ou d'une telle, c'est de l'homme, de la nature
humaine si faible et si portée au péché. Si vous et
votre fiancée, vous étiez de bois, l'Église n'élèverait
pas la voix contre les excursions à deux, les parties
de canot à deux, les tours en motocyclette à deux, les
week-end à deux. Mais, mes frères, vous jeunes gens,
vous n'êtes pas de bois. Vous êtes des créatures
humaines. Croyez à l'eXpérience millénaire de l'Église.
68 MARIAGE ET FAMILLE
Croyez que quelle que soit la pureté idéale avec laquelle
vous vous aimez, au fond de tout cœur humain -
du vôtre aussi - il y a une foule d'impulsions dange-
reuses. Et l'Église, par ses lois en apparence trop
rigoureuses, veut seulement empêcher que les passions
aveugles ne se déchaînent au-dedans de vous.
b) « Mais c'est vraiment bien peu ce que notre religion
permet aux fiancés! Elle permet de s'embrasser conve-
nablement en se rencontrant ou en se quittant. Et
c'est tout. Mais si je ne montre pas autrement mon
amour à mon fiancé, il se détournera de moi, il me
laissera ... »
Au contraire : par cette attitude réservée la jeune
fille sérieuse s'acquerra la confiance et l'estime la plus
grande de son fiancé. Actuellement, je ne suis pas liée
à lui définitivement, je ne suis donc pas encore à lui,
c'est pourquoi je me conduis avec lui avec une réserve
délicate. Mais il peut avoir confiance en moi, quand
je serai à lui, alors je ne serai qu'à lui et jamais à un
autre. Car j'ai montré que je sais être forte ...
Dites-moi : chaque jeune couple de fiancés ne
devrait-il pas penser ainsi?
>li' * 'li'
Mes frères, lorsque des gens se marient, l'Église
et l'état inscrivent sur un registre officiel cet événement,
et à la fin de l'année on dresse une statistique indiquant
combien de mariages ont été célébrés, quel était l'âge
des époux, quelle était leur nationalité, à quelle classe
sociale ils appartenaient et ainsi de suite.
PRÉPARATION AU MARIAGE
Mais la statistique ne dit pas combien il y a de
mariages heureux ou malheureux, de joie ou de drame
dans ces chiffres. Car qui pourrait connaître les larmes
silencieuses versées pendant des nuits sans sommeil par
ces jeunes couples? qui pourrait connaître le terrible
héritage qu'enfants et petits-enfants à l'organisme
délabré traînent avec eux simplement parce que tel
ou tel des époux ou peut-être les deux n'ont pas vécu
avant le mariage, comme ils auraient dû vivre d'après
le commandement de Dieu?
Ah! mes frères, vos lèvres laissent peut-être faci-
lement sortir des plaintes contre la rigueur de la
sainte Église, parce que notre religion ne permet pas
de « vivre sa vie II et de « s'amuser II en dehors du
mariage; vous dont les oreilles retentissent des mots
séducteurs de « mariage de camarades ", de « mariage
d'essai ", de « mariage de week-end ", regardez seulement
une belle fleur, épanouie aux rayons d'un soleil prin-
tanier, un papillon se pose sur elle ... suce son mieL ..
mais le miel est bientôt épuisé ... le papillon vole sur
une autre fleur, il en trouve facilement des milliers,
- mais la petite fleur délaissée reste là, laisse tomber
sa tête flétrie et achève de se faner dans la solitude et
l'abandon ... tout comme la fleur humaine, qui, elle
aussi, était jeune et belle, mais a voulu jouir de sa
jeunesse contre les commandements de Dieu ...
Jeunes gens, jeunes filles, songez à cette douloureuse
image, avant que vos lèvres s'ouvrent pour se plaindre
du VIe commandement de Dieu ou que vous ayez
foulé orgueilleusement aux pieds l'interdiction divine ...
 MARIAGE ET FAMILLE

'*'
'*' '*'
Mais je ne puis terminer le sermon d'aujourd'hui
sur une note aussi triste. Je terminerai donc par la
bénédiction que le Psalmiste formule sur la famille de
l'homme qui craint Dieu : « Heureux tous ceux qui v
craignent le Seigneur et qui marchent dans ses voies.
Parce que tu te nourriras de l'œuvre de tes mains, tu
seras heureux et comblé de biens. Ta femme sera LES QUALITÉS DU BON MARIAGE
au milieu de ta maison comme une vigne féconde;
tes enfants seront autour de ta table comme de nouveaux
plants d'oliviers. C'est ainsi que sera béni l'homme qui
craint le Seigneur. Que le Seigneur te bénisse de Sion ... MES FRÈRES,
et puisses-tu voir les enfants de tes enfants » (Psaume
cxxvn). Amen.
Les anciens païens avaient une intéressante légende
sur la création du cœur humain. Ils croyaient que
quand les dieux créaient un cœur humain, ils le parta-
geaient en deux morceaux et plaçaient chacune de
ces moitiés dans deux corps différents. Ces deux
moitiés de cœur sont faites l'une pour l'autre et
s'appellent mutuellement, quel que soit le lieu où elles
vivent sur cette terre, quels que soient leur sort, leur
pays, leur peuple, elles se recherchent, tant qu'elles
ne se sont pas retrouvées. Et leur bonheur est parfait,
lorsqu'elles se sont rencontrées ...
Quelle délicate observation psychologique et quelle
expérience de la vie dans cette idée symbolique! Le
choix d'un compagnon de vie est une tâche immense
et un saint mystère, - voilà ce que proclame la pensée
antique; en vérité deux cœurs se recherchent mutuel-

--- _. - - \~~
 /
72 MARIAGE ET FAMILLE
lement, le cœur de l'homme recherche le cœur de la
femme que la divine Providence a créée pour lui.
Le temps des fiançailles - comme je l'ai rappelé dans
mon dernier sermon - a surtout pour tâche de se
convaincre, s'il y a dans l'autre moitié les qualités
sans lesquelles il ne peut y avoir de mariage heureux,
s'il y a chez le jeune homme et chez la jeune fille les
conditions d'un bon mariage.
Mais quelles sont donc les qualités d'un bon époux?
- Voilà la question que je pose dans le sermon de ce
jour. Naturellement je ne vais pas les énumérer toutes;
d'une part, je n'en aurais pas le temps et, d'autre part,
il existe d'anciens et excellents conseils qui sont
parfaitement connus.
Je ne parlerai donc pas de ces maximes que l'humanité
a' tirées de l'expérience des siècles et qu'il est · certai-
nement utile aujourd'hui encore d'observer. Par
exemple, que les proches parents, autant que possible,
ne se marient pas entre eux; qu'il y ait entre l'épouse
et l'époux une différence d'âge suffisante; comme on
le dit généralement: la jeune fille doit avoir sept ans
de plus que la moitié de l'âge de son époux; que l'homme
soit plus instruit que son épouse et qu'ainsi la femme
le regarde avec une certaine admiration. Voici encore
un bon conseil pour les jeunes filles: .,i le jeune homme
montre un amour tendre et ardent envers sa mère, la
jeune fille peut l'épouser tranquillement, car certai-
nement, il se montrera aussi de même envers son
épouse ... Et ainsi de suite. Il y a abondance de ces
vieux et bons conseils; maintenant encore il est précieux
de les suivre.
LES QUALITES DU BON MARIAGE 73
Mais aujourd'hui je n'en parlerai pas.
Pourtant dans te présent sermon, je veux aussi
donner des conseils aux jeunes gens; mais trois conseils
qu'ils n'ont pas l'habitude de recevoir par ailleurs.
Quels sont donc ces trois conseils? Quelles sont ces
trois conditions indispensables à de bons époux?
1. Que le jeune homme soit sérieux et ait le sentiment de
sa responsabilité; II. que la jeune fille soit modeste et
aime son intérieur; III. enfin que l'un et l'autre soient
profondément religieux.
1 1,
1
i
f
QUE LE JEUNE HOMME SOIT SERIEUX ET AIT LE SENTIMENT
DE SA RESPONSABILITÉ
A) A un vieil ecclésiastique qui avait passé de
longues années dans le ministère on demandait un
jour quelles étaient parmi les fonctions du prêtre
celles qui faisaient le plus d'impression sur lui. Et le
digne pasteur répondit : Quand je marie deux jeunes
gens ou quand j'enterre une mère de famille. Car je
n'ai jamais vu si clairement ailleurs l'immense respon-
sabilité que signifie la vie conjugale pour le sort terrestre
et éternel de générations entières.
En vérité, mes frères, qui ne verrait combien ce
vieux prêtre avait raison? Qui ne comprendrait quelles
suites incalculables un bon ou un mauvais mariage
entraîne non seulement pour la destinée terrestre et
74 MARIAGE ET FAMILLE
éternelle des époux, mais encore pour l'avenir de leurs
descendants? Aussi qui ne sentirait l'importance
décisive d'assurer un bon mariage?
« Assurer un bon mariage? - dira-t-on peut-être.
Mais le mariage est comme un poulet rôti : on prend
un morceau au hasard et on ne sait jamais ce que l'on
a choisi ».
Certains esquivent la question sur ce trait d'esprit,
- pourtant elle est beaucoup trop brûlante, pour
qu'on ait le droit d'esquiver la réponse.
B) C'est vrai: personne ne peut jamais voir avec
une certitude entière dans le cœur d'autrui. Mais
il y a des signes dont on peut du moins tirer des con-
clusions. C'est un de ces signes chez le jeune homme,
s'il y a en lui un grand amour du travail, le sentiment
de la fidélité au devoir et l' honnêteté.
a) Si ces qualités existent chez le fiancé, alors on peut
envisager plus tranquillement le futur mariage. Mais si
elles font défaut, jeune fille, ne l'épousez à aucun prix.
Ne tenez pas le sot langage de maintes jeunes filles:
« Je vois bien que mon fiancé est léger et superficiel,
mais je n'y puis rien, je l'épouserai, car je suis folle
de lui ». Cette « folie » finira bien vite et quel terrible
désenchantement!
Car, je l'espère, vous n'avez pas des idées ' aussi
blasphématoires qu'une certaine mère de famille.
Une amie lui disait: « Le jeune homme auquel tu
veux donner ta fille est énormément frivole et volage ».
« Tu as raison, répondit la mère, je sais bien
que ce n'est pas un parti bien souhaitable, mais il
suffit comme premier mari ».
LES QUALITÉS DU BON MARIAGE 75
b) Quelle manière de voir impie! Le mariage n'est
pas un essai. Le mariage est une immense responsabilité.
On devrait plus souvent souligner et mettre en relief
cette idée. Car parmi l'humanité actuelle se répandent 1
de plus en plus des idées comme celles-ci: « Le mariage
est une affaire privée; il ne regarde personne. Le
mariage est un marché à terme. Le mariage est un
train de plaisir. Et ainsi de suite. Il n'y a que de la
1
responsabilité que l'homme d'aujourd'hui ne veut pas i
\
entendre parler ». De cette immense responsabilité qui
naît du mariage pour les deux époux et aussi pour le
bien physique et moral des générations futures.
Mais le jeune homme à qui font défaut cette con-
ception austère du mariage et le sentiment de sa
grande responsabilité, une paire de mois après son
mariage, dira à ses amis avec un rire sarcastique et
d'un ton amer au sujet du mariage : « Faites attention,
soyez prudents, c'est assez que je m'y sois laissé
prendre. Je ne m'attendais pas à cela. Je croyais que \
le mariage était bien autre chose .. . » et il accompagne
j
ces mots d'un geste désabusé. \
Mes frères, chaque fois que nous voyons ce geste
désenchanté et que nous entendons ce ton de déception,
nous savons immédiatement que ce jeune homme
était dépourvu d'idées sérieuses et du sentiment de sa
responsabilité à l'égard du mariage.
 MARIAGE ET FAMILLE
II
QUE LA JEUNE FILLE SOIT MODESTE ET AIME SON
INTÉRIEUR
A) De même qu'il est d'une importance capitale
que la fiancée se convainque que son futur époux est
pénétré du sentiment de sa responsabilité, de même
il est tout aussi important que le fiancé se convainque
que sa future épouse, elle aussi, possède la simplicité et
l'esprit d'intérieur nécessaires.
a) Dans l'Ancien Testament, nous rencontrons un
~ouple modèl~ de fiancés : Tobie et Sara. On ne peut
lIre sans émotIOn ce que le jeune Tobie dit à sa fiancée
avant son mariage : « Lève-toi, Sara, et prions Dieu,
aujourd'hui, demain et après-demain... Car nous
sommes .enfants des saints, et nous ne pouvons pas
nous umr comme les païens qui ne connaissent pas
Dieu » (Tobie, VIII, 4-5).
Mais comme elle est émouvante la leçon que Sara
reç~it de son père! Après la célébration du mariage,
les Jeunes époux prennent congé des parents de Sara
pour retourner auprès du vieux Tobie. Alors le père
de Sara leur parIe en ces termes : « Que le saint ange
du Seigneur soit sur votre chemin et vous conduise
jusque chez vous, sains et saufs; puissiez-vous trouver
toute chose prospère chez vos parents et puissent
mes yeux voir vos enfants, avant que je meure. Alors
les parents embrassèrent leur fille et la laissèrent
LES QUALITÉS DU BON MARIAGE 77
aller, après lui avoir recommandé d'honorer ses beaux-
parents, d'aimer son mari, de bien conduire sa famille,
de gouverner sa maison et de se conserver elle-même
sans reproche» (Tobie, x, 11-13).
Pourrait-on mieux résumer les devoirs d'une bonne
épouse que ne l'a fait le père de l'épouse du jeune
Tobie?
Fiancées, demandez-vous si vous possédez cet état
d'esprit, cette modestie, ce goût de votre intérieur.
b) Mais si quelqu'un se disait : ce Tobie et cette
Sara vivaient à une tout autre époque, il y a des milliers
d'années; les jeunes filles d'aujourd'hui ne sauraient se
régler sur eux ... » je voudrais donner à cette jeune fille
une préparation à son examen de conscience tirée
d'un autre livre. Il n'a pas été écrit, il y a des milliers
d'années, mais il y a quelques mois. Et c'est une femme
qui l'a écrit. Une écrivain au regard profond qui donne
les conseils suivants pour un examen de conscience :
« Si vous passez plus de temps devant les vitrines des ,
magasins qu'au travail ou à la lecture ou dans l'air
pur du bon Dieu, si après une semaine vous savez
encore exactement que Lisette avait un manteau
mauve avec des boutons rouge-groseille, tandis que
Claire avait une robe en crêpe bleue, - alors c'est
que cela va mal. Et si, le soir, vous ne pouvez pas
vous endormir, parce que vous ne savez pas si votre
nouvelle cape sera vert-bouteille ou rouge-borde au,
si vous faites des reproches à votre mère, parce que
vous n'avez pas une nouvelle robe pour le thé, et si )
vous pleurez, parce que votre chapeau n'a pas d'aigrette,
alors il est grand temps que dans votre propre intérêt !
l
i
l'
1
1
\
J ... ,~ ·i
 MARIAGE ET FAMILLE
vous commenciez une cure, car - vous ne voulez
pourtant pas tomber plus bas? »
Donc, mesdemoiselles, pour qui Tobie et Sara sont
trop vieux, prenez du moins à cœur ces conseils tout
à fait actuels et tout à fait nouveaux.
B) Mais prenez encore autre chose à cœur. Car elle
est incroyable la légèreté avec laquelle on envisage parfois
cette question vitale.
a) Les jeunes filles avec la même légèreté que les
jeunes gens.
Je demande à l'une de ces jeunes filles :
- Pourquoi voulez-vous épouser ce jeune homme?
- Savez-vous, qu'il a une Lancia six cylindres?
- Ah! Mais alors, c'est une auto que vous voulez
épouser et non pas un homme?
Je demande à l'un de ces jeunes gens:
- Pourquoi épousez-vous cette jeune fille?
- Parce qu'elle est colossalement riche.
- Ah! Mais alors, c'est un sac d'argent que vous
épousez?
Aussi ceux qui se marient dans un pareil état d'esprit
peuvent-ils s'étonner, si, quelques semaines après,
leur vie conjugale est devenue un enfer? Non, car elles
se réalisent pour eux ces paroles de la Sainte Écriture :
« Ce sont ceux qui entrent dans le mariage en bannissant
Dieu de leur cœur et de leur pensée, et qui se livrent à
leur passion, comme le cheval et le mulet qui n'ont
pas de raison» (Tobie, VI, 17).
Peut-être ces expressions paraissent-elles exagérées,
mais - hélas! - comme elles sont souvent fondées
aujourd'hui encore!
LES QUALITÉS DU BON MARIAGE 79
On ne croirait pas - si on ne l'entendait pas de ses
propres oreilles - que cela fût possible : la jeune fille
épouse le jeune homme, parce que c'est « un jeune
homme élégant »j le jeune homme, de son côté, épouse
la jeune fille, parce que « c'est une si bonne danseuse ».
Quel cynisme inouï, quelle légèreté insensée, devant
la démarche la plus sainte de la vie! Devant une
détermination qui pèsera sur toute la vie!
b) Comme la Sainte Écriture pense tout autrement à
ce sujet! Et certainement il agirait sagement le jeune
homme, si, avant de se marier, il cherchait à savoir si
sa fiancée répond aux magnifiques exigences que
l'apôtre saint Pierre formulait à l'égard des femmes.
Il savait très bien que ce n'est pas la beauté extérieure
qui décide de leur valeur, c'est pourquoi il écrit :
« Que votre parure ne soit pas celle du dehors : les
cheveux tressés avec art, les ornements d'or ou l'élé-
gance des habits, mais parez votre intérieur de la pureté
incorruptible d'un esprit doux et paisible : telle est la
vraie richesse devant Dieu» (le S. Pierre, III, 3-4)·
III
QUE TOUS LES DEUX
SOIENT PROFONDÉMENT RELIGIEUX!
\
Nous voici maintenant "arrivés à la troisième condition
d'un bon mariage. A proprement parler, elle devrait
occuper la première place, car elle renferme en elle
"";,."' :"t-"" .
80 MARIAGE ET FAMILLE
plus ou moins les deux premières conditions. Que le
jeune homme ait conscience de sa responsabilité; que
la jeune fille aime son intérieur; mais que tous deux
soient sincèrement, profondément religieux!
A) « Ah ! - s'écrient certains - est-il donc si important
que le mari ou fa femme ait de la religion? Il importe
qu'elle soit belle, bien portante et que lui ait une bonne
place et de beaux appointements. Car aujourd'hui les
gens sont assez polis pour respecter les convictions
religieuses des autres, si eux-mêmes ne les partagent
pas. Je ne vois donc pas ce que je perdrais, si mon futur
mari ou ma future épouse n'a pas de religiQn ... ))
Combien parlent aussi légèrement avant leur mariage!
Et combien constatent après, du jour au lendemain, ce
qu'ils ont perdu en épousant quelqu'un qui n'a pas
de religion!
a) Je ne le nie pas: avec de l'adresse et une grande
maîtrise de soi, on peut, malgré cette divergence
d'opinion, garder l'apparence extérieure d'un mariage
paisible et harmonieux qui peut tromper complètement
les étrangers. Mais en réalité, - malgré la meilleure
volonté et les apparences extérieures, - il manquera
toujours quelque chose d'essentiel; de même qu'on peut
avec des mains adroites faire des roses artificielles qui
ressemblent à s'y méprendre aux roses véritables,
mais il leur ma.nque quelque chose : le doux parfum
des roses vivantes.
Voulez-vous savoir pourquoi il importe que votre
compagnon de vie ait de la religion? C'est parce que
dans le mariage il faut que deux êtres n'en fassent plus
qu'un. Et à un tel point qu'on ne trouve pas un pareil
LES QUALITÉS DU BON MARIAGE 81
exemple d'union en ce monde. Mais comme l'homme ne
peut être parfaitement un qu'avec Dieu, vous aussi,
vous ne pourrez acquérir cette unité parfaite désirée
avec votre compagnon de vie, que si vous vous
rencontrez en Dieu et vous unissez en Dieu.
b) Si votre époux est réellement un homme cultivé,
peut-être respectera-t-il vos convictions religieuses.
Mais est-ce assez pour vous que cette attitude négative?
Car c'est la religion qui devrait être cette force positive,
ce trait d'union plus fort que tout qui vous aidera
dans les mille heurts de la vie commune. Et maintenant
c'est précisément ce qui va vous manquer.
Oui, la politesse et l'amour peuvent aplanir bien des
obstacles; il est possible aussi que vous ne remarquiez
peut-être pas la grande divergence de vos opinions
et que vous jouissiez ensemble de nombreux rayons
de bonheur. Seulement ... seulement s'il n'y avait
jamais de nuages dans la vie! Car quand viendront les
jours d'épreuves - et où y a-t-il un homme qui ne
les rencontre? - alors vous verrez clairement que tout
ne peut pas être aplani et vous ne pouvez plus regarder
ensemble la douleur, vous ne pouvez plus trouver
ensemble la force, vous ne pouvez plus vous redresser
ensemble, - car vous ne pouvez pas prier ensemble.
Et qu'arrivera-t-il, quand votre mari - qui est
cultivé, riche, beau, mais sans religion - exigera de
vous dans la vie conjugale des choses devant lesquelles
votre âme pieuse frissonnera d'épouvante et qu'il ne
pourrait pas exiger, s'il avait lui aussi de la religion?
Qu'arrivera-t-il alors? Devant quelle terrible alter-
native êtes-vous arrivée? Ou bien vous lui obéirez -
Mar. et Faro. - 6
82 MARIAGE ET FAMILLE
et par là, c'est toute votre vie spirituelle qui s'écroule;
ou bien vous lui résisterez - et alors, il se tournera
avec indignation et mécontentement vers une autre.
Et dites-moi: à quoi vous servira-t-il alors d'avoir un
mari cultivé, élégant, ayant une belle situation?
B) Après cela, il n'est plus difficile de répondre au
dilemme : Épouserai-je quelqu'un ayant de la religion
ou quelqu'un sans religion? C'est bien souvent que les
jeunes gens se trouvent en présence de cette question.
a) Prenons d'abord le cas où la jeune fille a de la
religion et le jeune homme pas.
Si l'homme est nettement l'ennemi de la religion,
l'insulte ou l'attaque, alors - je crois que tout le monde
le comprendra - la réponse ne peut être que négative;
car l'existence de la pauvre femme serait un martyre
1 .
incessant.
Et que personne ne se fasse d'illusions, en se disant
comme beaucoup - hélas! - : « Mon mari, c'est vrai,
n'a pas de religion, et il est hostile à toute idée reli-
gieuse. Mais je le convertirai ».
Mais ce ne sera pas si facile et cela n'arrivera peut-
être même jamais. Le mariage n'est pas une maison
de rééducation où des gens foncièrement mal élevés
pourraient devenir des saints.
Peut-être y aurait-il quelque espoir, si le mari n'était
qu'un indifférent. Mais même en ce cas que de renon-
cements, que de sacrifices, que d'efforts durant des
années et des dizaines d'années il faudra à la femme,
avant d'arriver à un résultat! Si cependant elle n'y
arrive pas? La désunion et la cloison de séparation
demeureront perpétuellement : la femme a de la
LES QUALITES DU BON MARIAGE 83
l'
religion, elle veut élever ses enfants en conséquence,
mais le mari ne peut voir cela sans mot dire et quand
1
il peut, il se moque de sa femme, de sa « bigoterie »
1
et s'efforce d'arracher de l'âme de ses enfants les 1
principes chrétiens implantés par là mère. 1
Certainement je ne puis dire autre chose : qu'urie l
1
jeune fille ayant de la religion n'épouse jamais un jeune
homme qui n'en a pas.
b) Mais malheureusement, et de nos jours de plus
en plus fréquemment, se pose aussi la question inverse:
Un jeune homme ayant de la religion peut-il épouser une
jeune fille qui n'en a pas?
Une jeune fille sans religion? N'est-ce pas une idée
en l'air? Ce phénomène existe-t-il?
Hélas! l'existence actuelle produit de ces jeunes
filles; mais d'autre part - grâce à Dieu - ils sont de
plus en plus nombreux les jeunes gens cultivés, instruits,
aimables qui mènent une vie sérieuse et profondément
religieuse. Pareils jeunes gens peuvent-ils épouser une
jeune fille sans religion?
Avec quelle inquiétude les parents ont coutume de
dire: Ah! que notre enfant n'aille pas se mésallier! Ils
ont raison; ils ont le droit d'avoir peur, si entre les
deux jeunes gens il existe une grande différence de
fortune, de rang social, d'éducation. Mais savez-vous,
mes frères, quelle est la plus dangereuse mésalliance?
La mésalliance spirituelle. Lorsque, entre les deux
âmes, s'ouvre un gouffre béant infranchissable.
Si j'ai dit précédemment qu'une jeune fille ayant de
la religion ne doit pas épouser un jeune homme
incroyant, c'est avec une énergie encore plus grande
 MARIAGE ET FAMILLE
que je dois dire : Pour rien au monde un jeune homme
ayant de la religion ne doit épouser une jeune fille qui n'en
a pas. Car si une âme de jeune homme perd la foi,
elle devient tout au plus grossière et terre à terre, mais
si c'est une âme de jeune fille qui perd la foi, elle devient
véritablement démoniaque. Savez-vous de qui je tiens
cette affirmation que j'ai entendue de mes propres
oreilles? De l'illustre gynécologue hongrois, le pro-
fesseur Jean Barsony, qui à la fin d'une longue existence
pleine d'expérience me disait : « C'est bien triste pour
un homme de n'avoir pas la foi; mais quand c'est une
femme qui n'a pas la foi, elle devient un démon ll.
C'est pourquoi un homme incroyant est beaucoup
plus facile à convertir qu'une femme qui n'a pas la foi.
C) Mais s'il en est ainsi, mes frères, et si les idées
religieuses des jeunes gens sont si indispensables pour
l'harmonie de leur futur foyer, tous les parents · ne
devraient-ils pas sentir le saint devoir de donner à leurs
enfants une éducation de plus en plus religieuse?
En effet - s'il m'est permis de m'exprimer d'une
façon aussi terre à terre - ils devraient voir combien
les convictions religieuses de leurs enfants trouveront
dans l'avenir leur récompense, combien elles seront le
plus sûr fondement du bonheur de leur mariage.
a) Malheureusement il y a des parents qui n'ont
aucune idée de tout cela. Il y a des parents qui ont peur
précisément que leurs enfants aient trop de religion. Il y
a des parents qui ne s'inquiètent pas des lieux fréquentés
par leurs enfants, pourvu que ce ne soit pas l'église.
Le cinéma? Il n'y a pas de mal. La rue? Il n'y a pas
de mal. Les amis douteux? C'est très bien. Il y a des
LES QUALITÉS DU BON MARIAGE
,
parents qui ne se ;:;oucient pas de ce qui se trouve entre
les mains de leurs enfants... Des romans immoraux?
Peu importe. Des illustrés légers? Peu importe. Mais
s'ils leur voyaient un livre de piété ou un chapelet, si
le pauvre enfant voulait aller se confesser et communier
plus souvent, alors on entendrait: « Avoir de la religion,
naturellement. Nous ne sommes pas des païens. Mais
tu en fais trop ... ))
Jamais je n'ai pu voir sans une profonde émotion,
les combats que certains enfants sont obligés de soutenir
pour leur religion - contre leurs propres parents.
b) Je voudrais que ces parents qui négligent l'édu-
cation religieuse de leurs enfants lisent l'ouvrage
émouvant de l'un de nos plus célèbres écrivains :
F. Herczeg.
La mine vient de s'effondrer et après l'horrible
catastrophe, au milieu de l'épouvante devant l'eau qui
monte de plus en plus dans la galerie, deux hommes
parient, enfermés dans cette tombe souterraine.
Il y a un ingénieur et un ouvrier.
- Avez-vous l'habitude de prier? demande le
mineur à l'ingénieur.
- Non. On n'apprend à prier que sur les genoux
de sa mère. Et si on n'a pas appris auprès d'elle, on
ne pourra jamais plus l'apprendre.
Ah! mes frères, quel terrible avertissement, quelle
effrayante responsabilité! Sentez-vous le poids immense
de cette phrase? Il y a des plantes qui, au printemps,
n'ont pu fleurir, pour une cause quelconque, or ces
fleurs ne donneront plus de boutons. Il en va de même
pour l'âme humaine, si au printemps de la vie elle

86 MARIAGE ET FAMILLE
ne s'est pas épanouie en fleur de prière, d'une Vie
profondément, sérieusement religieuse.
Parents, voulez-vous élever vos enfants en vue d'un
heureux mariage? Alors, dès leur jeunesse, donnez-leur
une éducation profondément religieuse.
Mes frères, une jeune fille était sur le point de se
marier. Et lorsqu'elle réfléchit sérieusement sur cette
grande responsabilité et ce grand devoir qui l'atten-
daient dans le mariage, elle se posa avec angoisse cette
question : « Est-ce qu'un vrai catholique peut faire un
mariage heureux? »
La réponse ne peut être que celle-ci: Un catholique
ne le peut pas. Mais deux le peuvent. Deux êtres
vraiment religieux qui avec fidélité, patience, générosité
et amour travailleront en union avec la grâce sacra-
mentelle dont la source s'est ouverte à l'autel de leur
manage.
En effet, la conclusion heureuse du mariage dépend
finalement de l'action mystérieuse de la sainte volonté
divine. « Ceux que Dieu n'unit pas, se séparent » dit
un auteur allemand.
Dieu seul connaît parfaitement le cœur humain.
Se marier sans Dieu est donc de l'aveuglement, de la
folie, un drame inévitable. Et certainement, à la fin
d'une foule d'existences malheureuses et gâchées, les
époux pourraient dire: Nous avons commis une faute -:-
nous n'avons pas pris Dieu comme troisième avec nous
dans notre mariage.
, En effet, ceux qui veulent s'unir pour toujours doivent
d'abord examiner si réellement ils se conviennent l'un
LES- QUALITÉS DU BON MARIAGE
l'autre. Comme les-deux moitiés d'un cœur'-coupé en
deux. i
1
L'homme est-il animé du sentiment de son immense
responsabilité? La femme a-t-elle le goût de son
intérieur? Et surtout, un amour fervent pour Dieu
bat-il au-dedans des deux?
Mes frères, des millions et des millions de jeunes
cœurs battent sur notre vieux globe. Des cœurs ardents
et frémissants de jeunes gens et de jeunes filles. Pour
chaque cœur de jeune homme Dieu a créé un cœur
de jeune fille et le bonheur de chacun comme l'intérêt
général, le bon ordre social comme la paix de la vie
humaine, leur sort temporel et éternel dépendent de
la rencontre de chaque cœur avec l'autre cœur que
Dieu a créé pour lui.
Pourrait-on mieux terminer le sermon de ce jour
qu'en récitant pour chacun de ceux qui, aux quatre
coins du monde, ont aujourd'hui entendu mes paroles,
le « Je vous salue, Marie» pour nos jeunes gens qui ne
sont pas encore mariés, afin que leurs cœurs se trouvent,
s'unissent, servent ensemble Dieu sur cette terre et apres
cette vie chantent ensemble éternellement les louanges de
Dieu. Amen.

f
[.
VI
EMPtCHEMENTS AU MARIAGE
MES FRÈRES,
Notre sainte Église sait très bien que les hommes,
quand ils contractent dans le sacrement de mariage
une union pour toute leur vie, font une démarche
d'une portée décisive non seulement pour leur
bonheur en ce monde, mais encore pour leur destinée
éternelle. Si leur mariage est heureux, ils peuvent dans
le cadre d'une vie terrestre harmonieuse servir paisible-
ment les intérêts de leur vie éternelle; par contre si
leur démarche a été malchanceuse, les ruines de leur
vie familiale malheureuse étouffent aussi en eux le
désir de la vie éternelle.
Aussi l'Église suit-elle avec un amour plein de
sollicitude les pas de ses enfants qui se disposent à se
marier et c'est pourquoi elle a placé sur leur route des
tableaux avertisseurs, les « empêchements de mariage ».
Qu'est-ce que c'est que ces empêchements de mariage?
EMP~CHEMENTS AU MARIAGE
Ce sont des signaux qui avertissent des obstacles contre
lesquels - selon l'expérience séculaire de l'Église -
peut facilement venir se jeter le vaisseau du mariage.
Au premier abord on pourrait croire aisément que
les empêchements de ~ariage sont à proprement parler
une chose superflue. Mais plus on amasse d'expérience
dans la vie, plus on a eu occasion de jeter un coup d'œil
dans les drames du mariage, plus on reconnaît la
sagesse, la justesse des prescriptions de l'Église. Ce
n'est pas en vain que, s'appuyant sur son expérience
millénaire, l'Église a établi ces empêchements, mais
même derrière les empêchements qui paraissent sans
importance se cachent une profonde sagesse et un
grand amour des âmes : chaque empêchement de
mariage veut préserver du malheur un morceau du
bonheur familial. Et c'est précisément pourquoi, tôt
ou tard, sous une forme ou une autre, trouve sa punition
celui qui passe légèrement par dessus ces empêche-
ments, car ils ne sont pas autre chose que la cristalli-
sation des expériences millénaires de l'Église.
I. Il Y a des empêchements que chacun regarde comme
tout naturels. Aussi n'en parlerai-je que très rapidement
dans la première partie de mon sermon. Mais il y en
a que bien des gens actuellement critiquent .et rejettent
sans les comprendre, comme par exemple II. l'empêche-
ment de se remarier pour les divorcés et III. l'empêchement
de mariage mixte.
 MARIAGE ET FAMILLE
1 enfants à trouver une solution convenable, ils doivent
LES EMPÊCHEMENTS DE MARIAGE EN GÉNÉRAL.
A) L'Église, se basant sur des expériences millénaires,
a découvert de nombreux dangers qui peuvent menacer
le bonheur du mariage et les a réunis sous le titre
d' « empêchements de mariage » dans les articles de son
Code de droit canonique. Il y en a parmi eux qui rendent
nul le mariage, - on les appelle « empêchements
dirimants ll. Et il y en a qui interdisent le mariage, mais
ne le rendent pas invalide, s'il a été contracté malgré
eux : ce sont les « empêchements prohibants ll.
Ainsi, par exemple, il y a un empêchement dirimant,
quand les fiancés sont parents entre eux et n'ont pas
obtenu de dispense. Ou bien quarid quelqu'un ne veut
pas contracter mariage et ne se présente devant l'autel
qu'à la suite d'une menace grave ou par contrainte.
B) Je regarde comme particulièrement important
d'attirer l'attention sur ce dernier point et de faire
cette prière à mes chers auditeurs : Parents, laissez
vos enfants se marier, mais ne les mariez pas.
Lorsqu'un homme et une femme s'unissent l'un à
l'autre pour toujours, c'est l'événement le plus 'impor-
tant de toute leur vie. C'est une tâche immense, une
responsabilité immense que de trouver le compagnon
d'existence que Dieu vous a destiné. Il faut que ce choix
se fasse en toute liberté, complètement à la volonté des
deux parties, sans que personne d'autre se mêle de cette
EMPÊCHEMENTS AU MARIAGE
décision. Sans doute, les parents doivent aider leurs
les diriger avec d'affectueux conseils, mais le dernier
mot - dans cette seule question - appartient unique-
ment aux jeunes gens intéressés.
En vérité, il nous faut considérer avec une sainte
fierté le grand mérite du christianisme d'insister si
fort sur la liberté du choix des époux. Nous connaissons
les tristes aberrations d'autrefois: les parents vendaient
réellement la jeune fille au plus offrant et mariaient
entre eux pour des intérêts matériels des jeunes gens
qui ne voulaient rien savoir l'un de l'autre.
Le christianisme a toujours protesté contre cela et
proteste encore aujourd'hui. Il proteste à un tel point
qu'il ne reconnaît pas comme valide l'union qui ne
résulte pas du libre consentement des deux parties.
Ce point de vue résulte logiquement de la doctrine
de l'Église suivant laquelle ce n'est pas le prêtre qui
administre le sacrement de mariage, - il n'est que
le témoin officiel; ce sont les époux qui se le confèrent
réciproquement à l'instant où devant l'autel ils pro-
noncent le « oui II ': « Oui, je veux le prendre pour
époux ou pour épouse ».
Et si l'un de ces « oui II n'est pas prononcé librement
et de bon gré par l'une des parties, mais sous l'effet
d'une crainte grave ou de la contrainte, il n'y a pas de
mariage. Et quand ils vivraient ensemble des années
et des dizaines d'années, il n'y aurait pas de mariage,
à moins que l'intéressé n'ait donné plus tard son
consentement.
Voilà des empêchements que l'on peut facilement
 - --------
MARIAGE ET FAMILLE
comprendre et dont il n'est pas nécessaire de parler
plus longuement.
Mais il y a d'autres empêchements que les indifférents
ne veulent pas reconnaître. Tel est l'empêchement de
contracter un nouveau mariage pour les divorcés.
II
LE REMARIAGE DES DIVORCÉS.
A l'époque du prophète Malachie, le peuple juif fut
durement éprouvé. Il gémissait et suppliait le Seigneur,
mais Il ne l'écoutait pas. Le prophète lui fit des
reproches et lui dit pourquoi.
Ainsi parle le Seigneur : « Vous couvrez de larmes
l'autel du Seigneur, vous le couvrez de pleurs et de
gémissements, parce que le Seigneur n'a plus égard
à vos offrandes et qu'il ne reçoit plus de vos mains
une offrande agréable. Et vous dites : A cause de quoi?
C'est parce que le Seigneur a été témoin entre toi et
la femme de ta jeunesse, à laquelle tu as été infidèle,
elle qui était ta compagne et ta femme légitime )).
(Malachie, II, 13-14).
Le Seigneur punissait donc son peuple, parce que
parmi les Juifs il s'en trouvait qui délaissaient leurs
femmes légitimes et épousaient des païennes. Mais ne
devrait-il pas punir l'humanité actuelle où ce ne sont
plus quelques-uns, mais des centaines, des milliers et
des dizaines de mille qui abandonnent et méprisent
- - ----_ ..- -.,.. -- - .. _._-
- -- - --. ---.-"'-_."
:EMPÊCHEMENTS AU MARIAGE 93
leurs femmes légitimes et veulent contracter avec
d'autres un nouveau mariage?
A) Que de cas compliqués on rencontre dans le monde
actuel moralement désordonné!
a) Un couple se présente au curé pour se marier.
Le curé leur dit tristement: « Vous ne pouvez pas vous
marier, car le premier mari de cette dame vit encore.
- Mais nous sommes divorcés devant la loi civile.
- Cela ne fait rien. Ce mariage est valide. Vous
ne pouvez pas vous remaner.
- Nous ne pouvons pas nous remarier? - répon,
dent-ils tous les deux avec indignation. - Mais je
vous en prie, je suis un haut fonctionnaire et il faut
que je sois marié. Nous avons de la religion et nous
ne voulons pas nous marier sans passer par l'église.
Et si la religion catholique ne nous marie pas, alors
nous irons dans une autre église ... )) Ainsi s'expriment-
ils fort en colère et ils vont se marier dans l'église
d'une autre religion.
Et les voilà bien tranquilles.
Tranquilles? Ne se trompent-ils pas eux-mêmes?
Ils ont renié leur foi, mais extérieurement ils se montrent
chrétiens, car l'opinion de la société l'exige. Ils ont
fait une démarche qui les fait exclure de l'Église, ils
ne peuvent plus se confesser ni communier, mais ils
ont « de la religion )), car - « ils se sont mariés à 1
l'église )). 1
b) Voici un autre cas. Deux jeunes gens se présentent !
pour se marier. La future prend la parole: « Monsieur 1
le curé, je suis catholique, mon fiancé ne l'est pas, !
mais il est prêt à signer l'engagement d'élever les l,
d
1
1
94 MARIAGE ET FAMILLE
enfants dans la religion catholique, il n'y a donc aucun
empêchement. Pourtant ... je ne sais pas, s'il n'y aurait
pas une petite difficulté. Mon fiancé a déjà été marié.
Mais sa femme était de la même religion que lui et
leur religion leur a accordé le divorce... Cela ne fait
rien, n'est-ce pas? » demande d'un ton craintif la jeune
fille.
Et maintenant elle apprend avec effroi qu'il y a une
difficulté et qu'elle ne peut se marier.
« Je ne peux pas? Et pourquoi donc? - demande
la jeune fille d'un ton obstiné.
- Parce que la religion catholique regarde comme
saint et indissoluble même le mariage des autres
religions. Elle le regarde même comme saint davantage
que les autres religions. Et aujourd'hui encore elle
regarde comme valide ce premier mariage ».
Dites-moi : n'est-ce pas là une conclusion qui en
impose véritablement? Si deux non-catholiques, mais
appartenant à une religion chrétienne, se marient,
nous regardons leur mariage comme valide. Même
mieux que leur propre religion. Et si leur religion a
dissous leur mariage, nous ne le regardons pas comme
dissous.
Bien plus : si un juif et un chrétien non-catholique
se marient, leur mariage aussi est valide. Et si leur
religion leur accorde le divorce, ils ne peuvent pas
épouser un catholique, car nous regardons leur premier
mariage comme valide. Mieux qu'eux-mêmes.
B) Voilà comment l'Église regarde comme intangible
le lien conjugal.
a) « Mais je ne comprends pas - pourrait dire
EMPÊCHEMENTS AU MARIAGE 95
quelqu'un. - On entend toujours dire: Mariez-vous
à l'église catholique. Car, seul est valide le mariage
qui a été célébré dans une église .catholique. Et à
présent on ne marie pas cette jeune fille dont le fiancé
s'est marié la première fois dans une église non
catholique ».
Pourtant la chose est très claire. L'Église catholique
naturellement ne peut commander qu'à ses propres fidèles.
C'est à ceux-ci que s'applique la loi : votre mariage
n'est pas valide, si vous ne vous mariez pas dans une
église catholique. Mais, par contre, elle juge et reconnaît
le mariage des autres hommes d'après leur propre
religion. Si donc deux non-catholiques se marient
selon leur propre religion, l'Église regarde leur mariage
comme valide. Devant nous est saint, valide et .indis-
soluble le mariage contracté par deux juifs, deux boud-
dhistes ou deux japonais. Et si l'un d'eux voulait, alors
que l'autre est encore en vie, contracter un nouveau
mariage avec un catholique, l'Église ne le permettrait
pas, car elle regarde le premier mariage comme toujours
valide. Même s'il avait été dissous par leur propre
religion.
b) Je crois, et un certain nombre de mes auditeurs
sera surpris de ce que je vais dire, que l'Église catholique
non seulement respecte le mariage des autres religions,
mais même le respecte davantage qu'elles-mêmes et
le regarde encore comme valide, alors que peut-être
cette autre religion l'a déjà déclaré dissous. Mais c'est
de cette austère conception du mariage par l'Église
catholique que résulte naturellement sa grande estime
à l'égard du mariage dans les autres religions.
 96 MARIAGE ET FAMILLE
Mais si cette attitude résolue de l'Église à l'égard
des divorcés est comprise des gens de bonne volonté,
il y a encore toujours une loi de l'Église qui trouble
même les gens de bonne volonté, une loi qu'ils ne
comprennent pas ou même peut-être qu'ils critiquent
à la légère. C'est l'attitude de l'Église à l'égard des
mariages mixtes.
III
L'EMPÊCHEMENT DE RELIGION MIXTE.
A) Je sais que je touche maintenant à un sujet difficile
et délicat, en voulant exposer les idées de l'Église
catholique sur les mariages mixtes.
a) Je sens combien cette question est délicate et
j'aimerais mieux ne pas être obligé d'en parler. Mais
serait-il sage et opportun de garder le silence? Les
• • '''1.
manages mIxtes '- malheureusement - existent. Je
dis : malheureusement, car ils sont la conséquence de
la déplorable division religieuse de notre pays. Or,
quel immense malheur pour un pays que la division
religieuse, que de points de friction en résultent, que
d'énergies gaspillées, toutes choses, je crois, dont il
n'est pas nécessaire de parler davantage.
Les mariages mixtes existent donc - qu'on en parle
ou qu'on n'en parle pas. Personne alors ne peut trouver
mauvais que nous exposions ouvertement ce que la
religion catholique enseigne à propos de cette question.
EMPÊCHEMENTS AU MARIAGE 97
b) Mais je sens qu'avant de dire pourquoi l'Église
catholique est opposée aux mariages mixtes, je dois
faire une remarque préalable. Je voudrais affirmer
avec force que naturellement je ne veux faire de peine
à personne et que je n'ai nullement l'intention de
froisser ceux de mes auditeurs qui sont peut-être en
ce moment assis devant moi et qui, avec l'autorisation 1
1
de l'Église, ont contracté validement un mariage mixte.
L'Église suit avec une sollicitude anxieuse, dès leur
berceau, le développement spirituel de tous ses fidèles;
et si, en principe, elle condamne les mariages mixtes,
à cause des dangers qui s'y cachent et dont je vous
parle maintenant, en certains cas, elle permet généreu-
sement, bien qu'à regret, ces mariages, autant qu'elle
peut le faire sans renier ses principes. C'est pourquoi,
si les mariages mixtes sont contraires à ses principes,
dans des cas concrets, elle les permet, quand leurs
inconvénients sont, autant qu'il est possible, écartés.
Mais quand l'Église a accordé à quelqu'un une
dispense pour contracter un mariage mixte, naturel-
lement aucun prêtre de l'Église n'a le droit de lui faire
des reproches, parce qu'il vit dans un mariage mixte.
J'ai tenu pour indispensable de présenter ces réflexions
préalables. Et j'espère que ceux de mes auditeurs qui
ont fait un mariage mixte ne seront pas blessés par les
idées qui vont suivre, mais les prendront plutôt à cœur,
afin de parvenir à éviter les dangers du mariage mixte.
R) Voyons donc la doctrine de l'Église au sujet des
mariages mixtes. C'est une chose bien connue qu'elle
leur est ouvertement et catégoriquement opposée, et qu'elle
voudrait que le jeune homme catholique n'épousât
 MARIAGE ET FAMILLE
qu'une jeune fille catholique et la jeune fille catholique
uniquement un jeune homme catholique.
a) Ce serait l'idéal de l'Église. Mais si les jeunes
gens, dont l'un est catholique et l'autre pas, ont un
grand attachement l'un pour l'autre et de sérieuses
raisons pour se marier, l'Église - bien que le cœur
désolé - accorde la dispense de l'empêchement de mariage
mixte, mais seulement à la condition que tous les enfants
à naître de ce mariage seront catholiques. Si les deux
parties ne s'engagent pas par écrit à respecter cette
clause, ils ne peuvent obtenir la dispense : ils ne pour-
raient donc pas se marier dans une église catholique;
ils ne pourraient donc pas contracter un mariage
religieusement valide.
b) Tel est le point de vue bien connu de l'Église et
c'est à cause de lui qu'elle est obligée de supporter une
foule d'attaques et de reproches. « Comme ce mépris
pour les autres religions est mesquin, injustifié et
humiliant pour les autres ».
Mais ce que nous avons dit précédemment prouve
qu'il n'en est rien. Vous avez entendu tout à l'heure
que, d'après la doctrine de l'Église, lorsque deux
chrétiens non-catholiques se marient entre eux, ce
mariage à nos yeux est aussi un lien sacré, à condition
qu'aucun empêchement dirimant ne se présente.
L'Église ne méprise doné pas le mariage des non-
catholiques entre eux, elle ne les regarde pas comme
de moindre valeur que les mariages des catholiques.
Si elle impose donc des conditions rigoureuses dans
la question des mariages mixtes, ce n'est nullement
par mépris pour l'autre partie, mais seulement pour
~MP~CHEMEN'tS Au MARIAGE 99
protéger et fortifier la vie religieuse de ses propres fidèles.
C) Continuons maintenant posément notre examen:
Pourquoi l'Église a-t-elle adopté une attitude St
rigoureuse?
a) L'Église est opposée aux mariages mixtes, tout
d'abord parce qu'ils ne peuvent réaliser que difficilement
cette parfaite union des âmes qu'exige l'harmonie du
mariage.
Les racines les plus profondes de l'harmonie et du
bonheur de la vie conjugale se nourrissent dans une
parfaite communauté d'âme. Si cette communauté
d'âme ne pénètre pas parfaitement toute la vie spiri-
tuelle des deux époux, si ces « fiançailles spirituelles »
ne se réalisent pas, les « fiançailles physiques » ne
peuvent pas non plus procurer le bonheur.
Or, il est impossible de ne pas s'apercevoir que dans
un mariage mixte ces « fiançailles spirituelles » sont bien
difficiles, sinon même complètement impossibles. Car
il est formellement exclu que les époux soient unis
précisément sur le terrain le plus important et le plus
sacré: le terrain de l'âme. Et alors il ne suffit pas qu'ils
soient unis dans toutes les autres questions. Homme
et femme font ensemble des visites, se promènent
ensemble, vont ensemble au théâtre, ils sont partout
ensemble, - il n'y a que dans la maison de Dieu qu'ils
ne peuvent aller ensemble, c'est là que leurs chemins
se séparent. On pourrait parler longuement de la
douleur qu'en éprouve l'âme de la partie catholique.
Et cette cloison ils la rencontreront durant leur vie
entière, bien qu'ils veuillent se faire croire l'un à l'autre
qu'il n~y a rien pour les séparer.
 1
1
100 MARIAGE ET FAMILLE
b) De plus les époux doivent s'éduquer mutuellement
et exercer l'un sur l'autre une influence réciproque.
Ne vous étonnez pas de m'entendre parler de l'édu-
cation de l'homme et de la femme déjà parvenus à l'âge
adulte, - mais il en est réellement ainsi : les époux
exercent l'un sur l'autre une puissance éducatrice
réciproque. Ceux qui vivent ensemble depuis des
dizaines d'années dans un mariage uni et heureux,
se ressemblent dans la vieillesse non seulement par
les qualités morales, mais souvent même par les traits
du visage. Mais la première condition de cette éducation ,
morale réciproque, c'est qu'ils soient unis dans les
questions primordiales de l'âme humaine, dans les
dogmes de la foi et les prescriptions religieuses. Les
époux devraient s'encourager réciproquement dans les
pratiques religieuses. Mais comment l'un d'eux peut-il
encourager à se confesser, à communier, à garder
l'abstinence, à aller à la messe le dimanche, à recevoir
le sacrement des malades l'autre qui n'observe rien
de tout cela ou même le regarde comme inutile?
c) Si seulement ils pouvaient réaliser ce qu'ils se
promettent d'ordinaire avant le mariage mixte, -
« il n'y aura pas de conflit, car nous nous sommes mis
d'accord pour qu'il ne soit jamais question de religion
entre nous», - mais, je l'affirme, s'ils mettent en
pratique cette résolution, quelles tristes conséquences
en résultent!
L'idée religieuse, en effet, n'est pas un accessoire
superflu de l'âme humaine qu'on puisse impunément
laisser "'de côté. « Nous éliminerons entièrement de
notre ~ie les questions religieuses ». Bien! « Je supprime
EMPtCHEMENTS AU MARIAGE 101
entièrement l'usage de mes jambes ... )J, quelques mois
après je suis paralysé. {( Je renonce entièrement à
l'usage de mes mains .. . )J, une paire d'années après
elles sont complètement atrophiées. De même si
j'élimine toute question religieuse, inévitablement
arrivent l'indifférence et la tiédeur religieuses.
Avec les questions religieuses, il leur faut exclure
aussi tous les problèmes de la vie spirituelle, car en
grande partie ils sont liés à la question religieuse. Mais
si les époux les éliminent également, leur reste-t-il
alors un autre lien que la vie purement sensuelle?
Mais qu'aucun bonheur durable ne puisse se bâtir sur
pareil fondement, je crois n'avoir pas besoin de le dire.
Et même si deux grandes personnes pouvaient peut-
être par une maîtrise immense d'elles:-mêmes arriver
à ne jamais pronon,cer entre elles un seul mot sur la
religion, les enfants ne le peuvent pas. Ils sont toujours
trop intransigeants, trop bruyants, trop exaltés et
défendent leurs convictions jusqu'à l'extrême. Qu'arri-
vera-t-il, quand les garçons rentreront d'une autre classe
de religion que les petites filles et qu'éclatera la guerre
de religion entre frères et sœurs?
Et que personne n'aille croire que tout ce que je
viens de dire est pure hallucination, danger imaginaire.
Écoutez seulement ce que m'a écrit dernièrement une
malheureuse femme. Je crois qu'il suffira de lire
quelques lignes de cette lettre douloureuse :
« C'est une femme bien malheureuse qui vous parle,
Monseigneur. Je suis mariée depuis quatorze ans avec
un réformé, incroyant et grand ennemi des catholiques ...
Quand je vais à l'église, il se met si fort en colère qu'il
 MARIAGE ET FAMILLE
102
devient presque malade, je ne peux pas prier .à la
maison dèvant lui, car il se fâche. Il ne me laisse aller
nulle part, je n'ai pas une seule connaissance, car il
fuit la société. Je fais mes prières en cachette dans
ma chambre ou bien en travaillant. Souvent je prends
un livre en main, mais au lieu de lire je récite en
cachette mon chapelet. Je pourrais lire n'importe quel
livre frivole, cela ne lui ferait rien; mais il ne veut pas
entendre parler de choses religieuses. Je lis en cachette
la revue « Le Sacré Cœur » et après je la brûle ou la
donne à quelqu'un. Monseigneur, conseillez-moi sur
ce que je dois faire. Dois-je abandonner l'église dans
l'intérêt de la paix, renoncer à fréquenter l'église, ce
qui est ma seule consolation, ma seule joie et mon
réconfort dans ma triste vie? Que dois-je faire?.. »
Voilà la lettre; elle dit plus sur la question que
n'importe quel sermon.
d) Mais je n'ai pas encore tout dit. Notre sainte
Église est encore opposée aux mariages mixtes, dans
l'intérêt de la bonne éducation des enfants. Sans doute,
si la partie non catholique a signé l'engagement de
faire élever dans le catholicisme ' tous les enfants à
naître, l'Église peut accorder son consentement à ce
mariage mixte. Mais l'Église ne donne pas cette
dispense avec joie, mais par nécessité. Car elle sait
que même dans ce cas un facteur précieux manquera
à l'éducation de ces enfants: le pieux exemple des deux
parents. Qui ne voit les difficultés de la tâche des
éducateurs actuels, lorsqu'une masse d'influences
contraires viennent détruire dans l'âme des enfants
l'effet éducatif. Il est donc grandement nécessâire que
- - -, - -
~
EMPÊCHEMENTS AU MARIAGE 1°3
le pieux exemple des deux époux viennent renforcer
les convictions religieuses des enfants.
Dans le mariage mixte peut aussi s'introduire'" aisé-
ment le danger que, si la partie non catholique qui a
pris l'engagement d'élever catholiquement chacun des
enfants, reste fidèle à sa parole et ne fait rien contre
l'éducation catholique des enfants, ce soient les
grands-parents qui agissent. Ceux-ci s'efforcent souvent,
même ouvertement, de gagner à leur religion leurs
petits-enfants. Le cas n'est pas rare non plus où la
partie catholique meurt de bonne heure et que, confor-
mément à la loi, les enfants catholiques restent confiés
à l'éducation du parent non catholique.
Il est donc impossible à celui qui réfléchit tranquil-
lement à tout cela, de ne pas voir la justesse du désir
de l'Église : un catholique ne doit épouser qu'une
catholique et une catholique un catholique.
Car, dans le mariage mixte, malgré la meilleure
volonté du monde, la religion de la partie catholique
est exposée à de sérieux dangers et certainement il
faut une immense force d'âme, les dispositions d'un
confesseur de la foi et des convictions religieuses
inébranlables, pour surmonter ces dangers. Et malheu-
reusement, en bien des cas, les craintes de l'Église se
réalisent, parce que généralement, dans le mariage
mixte, c'est la partie catholique qui perd : souvent elle
perd non seulement sa piété, mais parfois même
aussi sa religion.
- '---co
1°4 MARIAGE ÈT FAMILLE
Mes frères, voilà la doctrine, si souvent attaquée,
de l'Église sur les mariages mixtes.
Il n'y a pas une seule des lois de l'Église qui l'ait
fait autant blâmer, critiquer, attaquer et calomnier
que cette question des mariages mixtes. « L'Église
n'a pas de cœur ... », « c'est un abus de pouvoir »,
« c'est la mise en esclavage de la conscience », « c'est
la soif de dominer », tels sont, et il y en a bien d'autres,
les jugements préconçus et injustifiés portés contre
l'Église.
Il ne peut pas comprendre cette question de l'enga-
gement de faire élever catholiquement les enfants,
celui qui est hors de l'Église, celui qui ne comprend
pas les soucis de son cœur maternel, celui qui ne connaît
pas la haute sainteté de ses idées. L'Église catholique,
en effet, sait et professe que Notre-Seigneur Jésus-
Christ lui a confié la plénitude totale de la rédemption
et les âmes rachetées par sa mort et en même temps
l'a rendue responsable en conscience de veiller à ce
que pas un seul enfant de ses fidèles ne se sépare du
troupeau du Christ, ne s'égare loin de l'Église du Christ.
Voilà la clef qui permet de comP,'endre toute la question
de l'engagement exigé de la partie non catholique. Il n'y
a là ni soif de dominer, ni abus de pouvoir, ni cruauté,
mais une sainte affaire de conscience, une sainte
responsabilité, un saint devoir. Si l'Église catholique
est convaincue qu'à elle seule a été confié le trésor de
la foi chrétienne et des grâces divines, alors elle en
- -
EMPlkHEMENTS AU MARIAGE 1°5
conclut logiquement qu'elle ne peut permettre à un
seul enfant d'un seul de ses fidèles de se séparer de
l'Église du Christ.
Et l'idée finale de tout mon sermon d'aujourd'hui
ne pourrait être résumée plus justement et plus briève-
ment que par la déclaration d'un homme catholique.
Je voudrais que ses paroles pleines de sagesse et d'expé-
rience arrivassent aux oreilles de tous mes jeunes
auditeurs - qui se préparent au mariage.
Ce catholique avait vécu des dizaines d'années de
paix et de bonheur avec son épouse non catholique.
C'était une femme à l'âme délicate, pleine d'attention,
avec laquelle son mari était heureux et content. Et
pourtant ... un jour que dans sa vieillesse il était question
du mariage, cet homme déclara: Si je devais me marier
aujourd'hui, je ne demanderais pas à Dieu une meilleure
épouse. Aujourd'hui encore je choisirais cette épouse
excellente et dévouée, - mais j'exigerais qu'elle se
fasse catholique.
- .. ~

VII
LE MARIAGE MONOGAME
MES FRÈRES,
Ne vous étonnez pas, si je commence le sermon de
ce jour par une histoire èmpruntée au pagànisme avant
Jésus-Christ, par une vieille légende grecque. Mais
il en découle une idée si noble, si instructive, et même
capable de faire honte à bien des chrétiens; cette légende
grecque présage et symbolise une · si magnifique idée
chrétienne qu'elle vaudrait la peine d'être racontée
non pas une fois, mais plusieurs fois et très souvent.
Il s'agit de Pénélope, l'épouse du héros grec, Ulysse,
noble exemple de l'épouse fidèle. Il y a déjà vingt ans
qu'Ulysse est parti de l'île d'Ithaque. Il a d'abord pris
part à la guerre de Troie, puis il s'est égaré au cours
de son voyage de retour et maintenant il vogue à
l'aventure sur la mer. Pendant ce temps, à la maison,
des prétendants harcellent constamment son épouse
et ne lui laissent pas de repos. Finalement dans sa
- ,~
LE MARIAGE MONOGAME
détresse la pauvre femme promet d'épouser l'un des
prétendants, dès qu'elle atira terminé le travàil de
tapisserie · qu'elle a commencé. Durant le jour elle
travaillait assidûment sous les yeux des prétendants,
et la nuit ellèdéfaisait tout ce qu'elle avait fait pendant
la journée.
Mais ·un jour arrive la nouvelle qu'Ulysse est de
retour. Après vingt ans d'absence son époux est revenu.
Et il se présente devant sa femme. Mais ellè n'ose
pas en croire ses propres yeux : si c'était une ·illusion.
Elle reste longuement et silencieusement assise devant
son mari qu'elle n'a plus vu depuis vingt ans et qu'elle
regarde avec des yeux scrutateurs. Et elle ne le croit
pas, tant qu'Ulysse ne lui a pas raconté un secret que
nul autre, sinon son époux, avait pu connaître. Et
maintenant des sanglots sortent des lèvres de Pénélope,
maintenant elle embrasse son mari et lui dit: « Ne sois
pas fâché, cher Ulysse. Les dieux ne nous ont pas
permis de jouir ensemble de notre belle jeunesse et
d'atteindre le but de la vieillesse. Ne sois pas irrité
contre moi, si je ne t'ai pas salué dès ton arrivée. Car
mon pauvre cœur tremblait toujours à la pensée que
pourrait venir quelqu'un qui pourrait me tromper
par ses paroles. Il y en a beaucoup qui font du mal
par leurs ruses ».
Femme admirable 1 Vraiment digne de l'éloge que
plus tard Agamemnon prononçait d'elle dans les Enfers:
« Heurèux fils de Laërte, ingénieux Ulysse 1· Tu as eu
en partage une épouse hautement vertueuse. Ah 1
comme elle s'est magnifiquement conduite, la fille
d'Icarios, la noble Pénélope 1 Comme elle pensait sans
 J08 MARIAGE ET FAMILLE
cesse à Ulysse, l'époux de sa jeunesse 1 Le renom de
sa fidélité ne disparaîtra jamais ».
La gloire de sa fidélité ne cessera pas. C'est vrai :
depuis des siècles le souvenir de ce bel exemple de
fidélité conjugale est encore vivant. Ce récit n'est pas
historique, c'est seulement une légende; mais c'est
une magnifique preuve que l'humanité, déjà avant
Notre-Seigneur Jésus-Christ, avait senti qu'à la haute
dignité du mariage appartenait essentiellement la
fidélité jusqu'au tombeau, l'union sacrée entre un seul
homme et une seule femme.
Mais ce que l'humanité soupçonnait déjà avant la
venue du Christ est devenu d'une parfaite clarté après
Notre-Seigneur Jésus-Christ, comme je voudrais le
montrer dans le sermon d'aujourd'hui. C'est-à-dire:
1. L'idée même du mariage exige réellement la monogamie;
II. La monogamie exige la fidélité conjugale.
1 ne peut supprimer la monogamie, car c'est un comman-
L'IDÉE MÊME DE MARIAGE EXIGE LA MONOGAMIE.
La première thèse d'aujourd'hui est donc celle-ci:
seule la monogamie, c'est-à-dire l'union indissoluble d'un
homme et d'une femme peut constituer la forme matri-
moniale digne de l' humanité; donc, ni la polygamie ni
la polyandrie ne sont autorisées.
Je sais bien qu'il me faut démontrer cette thèse avec
des preuves solides, car à peine y a-t-il dans le monde
une thèse qui ait été attaquée aussi fortement et aussi
superficiellement que cette vérité. Quiconque sait seule-
LE MARIAGE MONOGAME
ment lire et écrire se croit autorisé à présenter au sujet
du mariage les plans de réforme les plus fantastiques.
« La monogamie est aujourd'hui une chose surannée,
- disent-ils, - elle ne peut être éternellement la forme
du mariage. C'est l'organisation sociale de l'humanité
antique qui l'a créée, elle est donc seulement une forme
transitoire du développement culturel. Mais comme
aujourd'hui l'organisation économique de l'humanité
est tout autre, il faut aussi lui adapter la forme du
mariage .. . )) 1
Voilà à peu près l'essentiel des projets de réforme
répandus à droite et à gauche et qui - malheureusement Ir
- séduisent aisément plus d'un homme aux idées Il
généreuses.
Cependant il nous faut examiner plus à fond cette
question et nous verrons que la monogamie n'est
aucunement une invention arbitraire de l'humanité
que l'on pourrait modifier ou supprimer. Oh non! On
dement formel de Dieu, on ne peut pas non plus la
supprimer, parce qu'elle est un élément indispensable
de la véritable civilisation de l'humanité.
A) Le mariage d'un seul homme avec une seule
femme est en réalité la forme la plus ancienne du
mariage et doit son existence à la volonté du Créateur
lui-même, il ne peut y avoir aucun doute à cet égard
pour celui qui connaît la Sainte Écriture (Genèse, II, 24;
S. Matthieu, XIX, 5; S. Marc, X, 8; le Corinthiens, VI, 16; .
Éphésiens, : v, 31).
Au témoignage de nos Saints Livres, Dieu créa un
seul homme et une seule femme et établit entre eux le
1I0 MARIAGE ET FAMILLE
premier mariage; donc à l'origine le mariage existait
entre un seul homme et une seule femme, c'est-à-dire
était monogame.
Cet enseignement de la Sainte Écriture est parfaite"'
ment confirmé par les découvertes ethnologiques qui
ont établi que dans les temps les plus reculés, chez
tous les peuples, la famille était monogame.
On s'est efforcé de prouver le contraire au nom de
la science. Nous reconnaissons - disent certains -
que la monogamie est réellement la forme la plus
parfaite du mariage, mais elle n'est pas la forme primi-
tive; la monogamie est seulement le résultat d'une
longue évolution culturelle. Or, actuellement, il est
absolument démontré que c'est précisément le contraire
qui est vrai, c'est-à-dire que la monogamie a été chez
tous les peuples la forme la plus ancienne du mariage
et que la polygamie et la polyandrie sont des défor-
mations postérieures. C'est à juste titre que l'illustre
philosophe Wundt a fait cette remarque frappante :
Ce n'est pas la civilisation qui a créé la monogamie,
au contraire, c'est la monogamie qui a été la base et la
condition préalable de la civilisation. -
La monogamie ne peut donc pas être supprimée,
car elle répond à la volonté de Dieu.
B) Mais on ne peut pas non plus l'abolir, parce que
la monogamie est en même temps Un élément indispensable
de la véritable civilisation.
a) La vie en société ne peut se réaliser sans certaines
forces et valeurs morales, comme par exemple : le
sentiment de la responsabilité, la maîtrise de soi,
l'indulgence à l'égard d'autrui, l'esprit de renoncenient f -
LE MARIAGE MONOGAME III
et de sacrifice ... , etc. Ce sont là des facteurs culturels
qui demeurent -toujours indispensables à la société
humaine, quels que soient les changements d'organi-
sation intervenus dans la société humaine. Aussi
demeurera-t-elle toujours la meilleure, la forme matri-
moniale qui assurera le mieux l'affermissement de ces
valeurs culturelles et de ces facteurs sociaux.
Or, il ne peut y avoir le moindre doute que c'est
précisément le mariage monogame qui peut l'assurer.
Et il obtient ce résultat en disciplinant les instincts de
l'individu, en devenant la base et le symbole de l'ordre
social; la vie familiale bien ordonnée est aussi le plus
fort soutien de la vie publique paisible et la garantie
du développement normal de la culture humaine.
b) Et sur ce point la question de la conservation ou
de l'abolition de la monogamie s'élève à un horizon
immense. Pour ceux qui réfléchissent, en effet, il n'est
plus douteux aujourd'hui que la propagande insensée,
menée de nos jours contre la forme chrétienne du
mariage, n'est qu'une partie, une manifestation de là
grande lutte décisive que les ennemis -de la société
livrent à proprement parIer contre tout ordre social.
Les partisans du divorce ne se rendent peut-être pas
bien compte eux-mêmes que leur exigence n'est qu'une
partie du bolchevisme spirituel qui, avec ses tendances
destructives, a pour but final la ruine de tout ordre
social et de la paix: de l'humanité.
La famille ne peut être que par la monogamie ce
qu'elle doit être: une cellule de la vie sociale. C'est la
famille monogame qui éduque dans l'homme les vertus
sociales" : . responsabilité, coopération, disçipline - et
IIZ MARIAGE ET FAMILLE
indulgence pour le prochain. La maturité d'âme
nécessaire et l'esprit de réflexion exigent la perma-
nence et la stabilité du mariage.
L'homme est facilement porté à juger toute la vie
terrestre, ses obligations et ses devoirs, uniquement
du point de vue de ses propres jouissances. Mais Gœthe
a raison : « jouir avilit ·». Surtout, quand on ne voit
pas autre chose dans l'union humaine la plus sainte
et la plus profonde, le mariage, qu'un contrat à durée
limitée en vue de jouissances réciproques.
Lorsque Notre-Seigneur Jésus-Christ, en des termes
décisifs qui ne laissent pas place au doute, rétablit la
monogamie (S. Matthieu, XIX, 4-6) et promulgua les
lois du mariage chrétien, il réalisa en même temps
une immense réforme culturelle.
c) Mais de plus ce fut aussi la restauration de la dignité
de la femme. L'égalité de la femme avec l'homme et le
respect de la femme subsistent ou tombent avec le
mariage monogame. Avec la polygamie c'en est fait
de la dignité de la femme. Elles devraient bien y penser
les femmes qui, par légèreté, s'emballent pour le
divorce et le remariage, c'est-à-dire la polygamie. Car
le divorce et le remariage sont à proprement parler
de la polygamie, une polygamie pratiquée non pas
en même temps, mais d'une manière successive.
Un homme et une femme - voilà l'idéal chrétien.
Car c'est alors seulement que les deux parties peuvent
apporter dans le mariage une affection, une vie et des
ambitio~~ intactes et complètes. Le don de soi dal;s le
mariage doit être si noble et si intime, si total et si
confiant ~ qu'iÎ n'est possible de le réaliser qu'entre
-- - - -
LE MARIAGE MONOGAME II3
deux personnes: il n'y a qu'une seule âme qui puisse
le donner et une seule âme qui puisse le recevoir.
II
LA MONO GAMIE EXIGE LA FIDÉLITÉ CONJUGALE.
Mais cette idée nous a amenés à la seconde thèse de
notre sermon : il faut que le mariage soit monogame,
car en retour la monogamie fait éclore la plus belle
fleur du mariage: la fidélité conjugale.
La fidélité absolue gardée réciproquement par les
époux jusqu'au tombeau est d'une part un comman-
dement exprès du Christ, elle est aussi d'autre part
la preuve de l'amour le plus tendre et de la générosité
la plus grande et la fleur la plus sainte de la vie conjugale,
c'est là un fait bien connu, une vérité si évidente que
je n'ai pas besoin d'en parler.
A) Malheureusement, il me faut d'autant plus
insister sur un autre point de la question, c'est que
de nos jours on entend de plus en plus fréquemment
prononcer des paroles de ce genre : « Tout cela est
bel et bon. Mais n'est-ce pas de la naïveté que de parler
actuellement d'une fidélité jusqu'à la tombe ... Peut-on
même encore garder cette fidélité conjugale ? »
a) C'est ainsi qu'on pose la question et en même
temps on fait cette réponse : « La fidélité parfaite, la
monogamie totale, l'homme d'aujourd'hui ne peut pas
l'observer. Il y en a qui l'admettent, il y en a qui ne
Mltf. et F ilm . - 8
=.-. - ----
 MARIAGE ET FAMILLE
l'admettent pas, - mais il y en a S1 peu pour
l'observer ... »
Mes frères, ne rougissons-nous pas d'entendre
pareille chose? Ne sommes-nous pas honteux d'en-
tendre pareilles affirmations frivoles sur les lèvres de
« gens du monde », de « gens comme il faut» ? D'hommes
qui pour rien au monde ne diraient par exemple : « La
franchise parfaite, la loyauté absolue en affaires, l'hon-
nêteté dans les questions d'argent, tout cela ne peut
être observé. Il y en a qui l'admettent, il y en a d'autres
qui ne l'admettent pas, - mais il y en a peu pour
l'observer. .. »
b) Comme on pousserait les hauts cris, si quelqu'un
hasardait pareille opinion! Car, toucher à l'argent
d'autrui - n'est pas permis. Mentir et manquer à sa
parole - n'est pas permis. Mais mentir à son épouse,
manquer à la fidélité qu'on lui avait jurée et ruiner
le bonheur d'une autre famille - est-ce permis?
« Comme on ferait bien - m'écrivait une femme à qui
une secrétaire avait volé son mari, - comme on ferait
bien d'expliquer à ces gangsters que voler l'époux
d'une autre est un plus grand péché, un crime plus
méprisable que de voler son argent ».
Cette pauvre femme a parfaiteme,n t raison. N'est-ce
pas une inconséquence funeste que personne n'ait
l'idée de défendre le vol ou le mensonge, mais en même
temps qu'on essaye avec tranquillité d'âme de soustraire
les questions sexuelles au ressort de la loi morale.
En effet, le VIe commandement n'est pas autre chose .
que l'application de l'honnêteté ~ dans le domame
sexuel, tout comme dans le domaine de la justice au
------------------- - - - - ---- ~-~ -- -~
1
LE MARIAGE MONOGAME I15
VIle commandement et dans le domaine de la vérité
au VIlle commandement, domaines où l'honnêteté est
regardée par chacun comme évidente et toute naturelle.
Voyons donc ce que nous allons répondre à la
question posée : Peut-on observer la fidélité conjugale,
comme Dieu l'a prescrite?
On peut garder la fidélité conjugale jusqu'au tombeau;
mais celui qui veut la garder doit éviter tout ce qui
peut en rendre difficile l'observation et faire tout ce
qui peut la faciliter.
B) Celui qui veut garder la fidélité conjugale doit
éviter tout ce qui peut en rendre difficile ['observation.
a) La fidélité conjugale est rendue difficile par une
conduite légere, le jeu avec la tentation et l'imagination
déréglée. « Principiis obsta! » résistez dès le premier
instant et souvenez-vous du sévère avertissement de
Notre-Seigneur dans son Sermon sur la montagne:
« Quiconque regarde une femme avec convoitise, a
déjà péché avec elle dans son cœur » (S. Matthieu, v, 28).
Quelqu'un pourrait dire peut-être : C'est une
manière de voir trop sévère. Un péché de pensée ne
peut pas être aussi grave qu'un péché d'action.
Eh bien 1 examinons la profonde psychologie du
Sauveur dans cette question. L'essence du péché
consiste toujours dans la détermination de la volonté
et non pas dans le geste extérieur, l'exécution. Celui
qui volontairement s'occupe avec des pensées immo-
rales, celui qui entretient des désirs et des sentiments
coupables s'est déjà engagé sur la pente où on ne peut
plus s'arrêter.
Pourquoi ne peut-on plus s'arrêter? Parce que le
- - . ~
 LE MARIAGE MONOGAME
II6 MARIAGE ET FAMILLE

a) Depuis un certain nombre d'années, Notre

processus psychologique, de par sa nature, continue à
Saint Père le Pape Pie XI a introduit à la cour pontificale
agir, l'imagination sciemment excitée irrite le système
une toute nouvelle et intéressante série d'audiences :
nerveux et le système nerveux ébranlé exige le péché.
l'audience des nouveaux mariés. Si fatigué que soit le
b) Peut-on garder la fidélité conjugale? Oui, - mais
Souverain Pontife, il reçoit toujours les nouveaux
seulement si on ne rend pas plus difficile cette loi par
mariés; il les reçoit même à Castel Gandolfo, où il va
son propre aveuglement, sa légèreté ou sa frivolité.
se reposer quelques semaines, durant les grosses
On peut la garder, mais seulement si l'on n'oublie pas
chaleurs de Rome.
l'avertissement de l'apôtre saint Pierre: « Soyez sobres
Depuis la fin de juillet 1932, des dizaines et des
et veillez, car votre adversaire, le diable, rôde autour
dizaines de mille de jeunes mariés sont venus de
de vous, comme un lion rugissant, cherchant quelqu'un
toutes les parties du monde demander au chef de la
qu'il puisse dévorer » (le S. Pierre, v, 8). Comme cet
chrétienté sa bénédiction pour leur union. Et c'est
avertissement est pris sur le vif! Et comme il serait
ma sainte conviction que pour ces jeunes couples le
petit le nombre des foyers détruits, comme ils seraient
problème de la fidélité conjugale n'est pas un problème
peu nombreux les péchés contre la fidélité conjugale, si
impossible; elle n'est pas un problème pour quiconque
ces paroles de l'apôtre retentissaient dans les oreilles
sait employer d'une âme fervente les moyens que nous
du moins de ceux que non pas la légèreté, mais les
offre notre sainte religion : la prière, la confession, la
obligations, les devoirs, les travaux de l'existence
communion, - et en premier lieu une sévère discipline
exposent à ce danger! Si elles résonnaient aux oreilles
sur soi-même.
des chefs de bureau, des directeurs, des patrons qui
b) Oui, la maîtrise de soi. On n'a pas le droit de reculer
durant toute . l'année sont assis dans un bureau où
devant ce mot. Car, on ne peut dissimuler que l'obser-
travaille une dactylo ou une comptable ou une
vation de la fidélité conjugale exige un grand empire
secrétaire ... Mes frères, le travail vous a réunis dans
sur soi-même.
le même bureau; mais faites attention, vous n'y êtes
En effet, elle exige de la loyauté. Elle exige de l'hon-
jamais deux, il y a toujours un tiers dans un coin
nêteté. C'est une lutte et un renoncement auxquels
- le diable, « cherchant, comme un lion rugissant,
nul ne peut se soustraire. Mais alors de quel droit se
quelqu'un à dévorer ».
soustrait-on à la lutte, au sacrifice exigés pour garder
e) Mais pour garder la fidélité conjugale, il ne suffit
la fidélité conjugale? Oui, pour pouvoir toujours et
pas de prendre une attitude négative, il ne suffit pas
en toutes circonstances garder la fidélité conjugale,
d'éviter tout ce qui rendrait difficile cette fidélité.
il faut de la maîtrise de soi, l'esprit de renoncement,
Il faut aussi adopter une attitude positive : il faut faire
souvent aussi des sacrifices.
tout ce qui facilite la fidélité.
I18 MARIAGE ET FAMILLE
« Mais c'est précisément l'impossible - objectera-
t-on peut-être. - Je'ne me suis pas"marié pour observer
la-~continence et attraper ainsi une"maladie nerveuse'& ».
~
Certainement, vous ne vous êtes pas marié pour
garder la continence. Un des buts du mariage est de
permettre dans des limites légitimes la vie sexuelle,
en l'anoblissant et en la sanctifiant. Mais si quelqu'un,
pour un motif quelconque - maladie de son épouse,
crainte d'avoir de nouveaux enfants, - ne peut pas
exercer les droits du mariage, il est obligé d'accepter
la continence. C'est la seule manière chrétienne d'agir
et non pas la lâche fuite vers les marécages séduisants
et enlisants de l'infidélité conjugale.
« Mais je ne veux pas me rendre malade à cause de
la continence ... »
Ah 1 mes frères, est-ce que vous croyez toujours
aux grands mots terriblement archaïques avec lesquels
des gens sans conscience ou superficiels rendent difficile
l'observation du VIe commandement? Allez-vous donc
reconnaître que vous n'êtes pas un homme?
Car, être un homme veut dire pouvoir commander
à la voix de l'instinct.
~tre un homme veut dire pouvoir dompter d'une
main ferme les désirs sensuels.
Croyez-moi, ou plutôt essayez la force sublime qui
habite dans l'âme humaine, comment on peut calmer
avec elle la mer houleuse des passions et vous verrez
que tout ce qu'on raconte sur les dangers de la conti-
nence n'est que du verbiage. Essayez seulement de
pratiquer la continence et vous verrez que même la
LE MARIAGE MONOGAME 119
l , nature la plus fougueuse peut obéir aux lois divines
avec le secours de la grâce de Dieu.
L'apôtre saint Paul a prononcé une phrase dont la
vérité est tout spécialement mise en lumière par la
situation désordonnée de la famille actuelle. « Si vous
vivez selon la chair, vous mourrez » (Romains, VIII, 13)
écrit-il aux Romains. Remarquons ,avec effroi combien
ces mots s'appliquent à la famille moderne; l'homme
a essayé de supprimer les lois divines éternelles, mais
à présent il est obligé de s'apercevoir avec effroi que
cette vie conjugale organisée selon la chair conduit
irrémédiablement à la ruine.
C'est ce qu'a fort bien compris l'illustre Michel-
Ange, en peignant pour la Chapelle Sixtine la création
de la première femme. Regardez pans ce tableau com-
ment Ève, dès l'instant où elle prend conscience d'elle-
même, tend les mains vers Dieu, elle semble sentir
instinctivement qu'elle sera perdue, irrémédiablement
perdue, si les relations naturelles entre l'homme et la
femme ne sont pas réglées par les lois divines et sous
leur protection.
La seule forme du mariage digne de l'homme, c'est
l'union d'un seul homme et d'une seule femme con-
tractée pour toute la vie, jusqu'à la tombe, et cette union
a pour conséquence la fidélité conjugale. Pénélope,
cette noble femme du paganisme antique, le pressentait
déjà; mais seul le chrétien peut comprendre parfaite-
ment cette fidélité conjugale, constante et absolue,
parce qu'il sait que par le baptême il est devenu membre
du corps mystique du Christ et que l'amour purement
naturel de deux époux chrétiens est devenu par le
 )
(
['
120 MARIAGE ET FAMILLE
sacrement de mariage l'amour surnaturel de l'union
avec le Christ.
Tant que deux créatures humaines s'aiment par un
attrait purement naturel, on ne peut croire ni à la
vérité ni à la durée de cet amour. Mais lorsque deux
créatures se rencontrent dans l'amour, en tant que
membres du corps mystique du Christ, alors on n'a
pàs à craindre des déviations de leur amour, alors un
des épouX: n' « adorera » pas l'autre, alors l'amour
n'exigera rien de honteux ou de coupable et ne deviendra
jamais brutal. Une teIle fidélité et un tel amour seront
véritablement constants, et survivront aux vicissitudes
de l'existence.
Et cet amour est la base solide, le plus grand appui
et la plus forte assurance pour conserver la fidélité
conjugale; Car, l'amour le plus noble et le plus pur passe,
quand il est seulement humain, - mais il ne passe pas,
l'amour dont Dieu est la base, la force et le trait d'union.
* **
Mes frères, au cours de son existence terrestre,
l'homme se trouve souvent en face de lourdes respon-
sabilités, mais l'instant le plus important de toute sa
vie, le plus décisif, le plus chargé de conséquences,
c'est l'instant où un jeune homme en habit de cérémonie
et une jeune fiIle en voile blanc sont agenouillés devant
l'autel et d'une voix émue répondent l'un après l'autre
à cette interrogation solenneIle :
« Vous déclarez, reconnaissez et jurez devant Dieu
et en face de sa sainte Église que vous prenez mainte-
LE MARIAGE MONOGAME 121
nant pour votre femme et légitime épouse N. N. ici
présente? - Vous promettez et jurez de lui garder
fidélité en toutes choses comme un fidèle époux le
doit à son épouse selon le commandement de Dieu?
Et vous, N. N., vous déclarez, reconnaissez et jurez
aussi devant Dieu et en face de sa sainte Église que
vous prenez maintenant pour votre mari et légitime
époux N. N. ici présent? - Vous promettez et jurez
de lui garder fidélité en toutes choses comme une fidèle
épouse le doit à son époux selon le commandement
de Dieu? »
Mes frères, à la fin du dernier sermon, nous avons
prié pour que les jeunes cq:urs qui se disposent au
mariage, se rencontrent. Mais aujourd'hui nous aIlons
prier pour ceux qui sont déjà mariés, nous aIlons prier
pour les époux chrétiens, pour qu'ils puissent, à l'aide
de la grâce divine, garder toute leur vie la fidélité
qu'ils ont promise avec serment « en toutes choses »
et qu'après une union heureuse et harmonieuse ils puissent
prier ensemble le Seigneur durant toute l'éternité. Amen.

VIn
LA « RÉFORME » DU MARIAGE
MES FRÈRES,
Il n'y a personne au monde qui ne soit au courant
de la crise douloureuse dans laquelle se débat la
famille moderne. Il n'y a personne qui n'ait perçu les
craquements qui se font entendre dans la société
actuelle, car la base de la vie sociale, la famille, vacille
sous nos pieds. Si journaux et livres ne parIaient pas
autant de la « crise de la famille », si ce thème ne revenait
pas autant sur le tapis dans les assemblées, les confé-
rences, les cercles d'amis, nous serions obligés de
constater cette grande crise, par les projets fantas-
tiques de réforme avec lesquels certains veulent résoudre
ce problème urgent.
Le christianisme possède, pour guérir cette maladie
mortelle, un grand remède dont il a été question dans
les sermons précédents et dont il sera encore question
dans les sermons qui suivront. Mais je voudrais con-
- -
LA « RÉFORME» DU MARIAGE 12 3
sacrer entièrement l'instruction d'aujourd'hui à
l'examen de ces fantastiques plans"'dl." de réforme, non
pas comme s'ils avaient réellement en main la solution,
mais plutôt pour que nous voyons clairement, dans
quel sombre abîme moral peut tomber l'humanité
et dans quelle impasse elle s'engage, quand, cherchant
une issue, elle éteint le flambeau de l'Évangile.
Aujourd'hui donc je veux 1. citer une paire d'exemples
de ces mariages « nouveau style », mais ensuite II. montrer
pourquoi l'Église rejette ces caricatures du mariage.
1
CARICATURES DU MARIAGE.
Le mariage chrétien est l'union jusqu'au tombeau
entre un homme et une femme. C'est contre cette
forme du mariage que de nos jours on se livre à une
forte propagande en faveur de deux nouvelles formes
du mariage. L'une est le mariage à l'essai, l'autre: le
mariage de camaraderie.
A) Le « mariage à l'essai!» N'avez-vous donc pas
idée de l'atterrante frivolité qui se cache derrière ce
mot? On essaye une automobile; mais si entre-temps
sort un nouveau type de voiture, on change l'ancienne
pour prendre la nouvelle. On peut donc changer de
femme, comme on change d'auto suivant la mode?
a) « Mariage à l'essai »! Il suffirait pourtant de
réfléchir seulement un peu, pour se rendre compte de
- ......
'-
J
 MARIAGE ET FAMILLE
son impossibilité, de son insanité. On ne peut pas se
marier pour un an, pour deux ans, dans le but de
« s'essayer pendant ce temps ».
Car ce qu'on essaye durant ce temps n'est pas un
mariage.
Le mariage en effet comporte essentiellement l'union
totale, la fusion complète de deux êtres; il exige donc
nécessairement un sentiment de permanence, la con-
science de l'indissolubilité, l'exclusion de la crainte qu'il
puisse en être un jour autrement. La stabilité appartient
à l'essence même du mariage. Mais comment peuvent-ils
faire l'essai de cette stabilité ceux qui ne se décident
pas eux-mêmes à la stabilité, puisque pour eux tout
cela n'est qu'un « essai »?
Il est donc parfaitement clair que ce que l'on appelle
mariage à l'essai n'est aucunement l'essai d'un véritable
mariage, mais l'essai égoïste de jouissances superficielles
sensuelles, la fuite devant le devoir et une absence
totale des pensées et des énergies qui découlent du
véritable mariage.
b) Mais n'est-il pas hasardeux de s'engager par serment
à une chose dont on ignore si on pourra la tenir? -
disent les défenseurs du mariage à l'essai. Comment
quelqu'un peut-il jurer à un autre de lui garder fidélité
à la vie et à la mort, dans le bonheur, comme dans le
malheur, s'il n'a pas essayé auparavant comment sera
cette existence avec l'autre époux?
Cet argument semble plausible, mais, - il est totale-
ment superficiel et aucunement scientifique.~, La plus
récente psychothérapie en effet donne raison à la forme
chrétienne du mariage. Cette science a prouvé qu'une
- - - ._-
LA « RÉFORME » DU MARIAGE 125
résolution ferme et énergique exerce une action bienfai-
sante, purifiante et fortifiante sur l'intelligence ef la
volonté, met en mouvement les valeurs qui demeuraient
autrement inactives en nous, convoque sous les armes
toutes les bonnes qualités qui sommeillaient en nous,
contre la domination des sens et les séductions qui
peuvent se présenter. Le serment solennel de fidélité
nous accompagne, comme un ange gardien, durant
toute la vie et nous encourage, nous fortifie, nous
apprend le renoncement, le pardon, la vigilance.:
j'en ai fait le serment, je dois lui obéir ~ je ne pUIS
pas ' faire autrement.
c) Par contre l'idée qui rôde perpétuellement au
fond de nous-mêmes {( les choses pourraient être autre-
ment, pourquoi faire effort? » nous enlève dans, u~e
immense mesure le goût de la vigilance, de la maltnse
de soi, du renoncement, de l'indulgence. La conviction
que je peux rompre mon mariage libère les caprices,
les fantaisies, les instincts et les désirs cachés en tout
homme.
Une profonde psychologie se cache dans cette décla-
ration du concile de Trente, d'après laquelle, la grâce
sacramentelle du mariage « met le comble à l'amour,
fortifie l'unité indissoluble et sanctifie les époux »
(session 24). La grâce augmente réellement les forces
naturelles à un tel point que l'homme fortifié par la
grâce sacramentelle du mariage · devient capable de
garder la fidélité perpétuelle, ce dont peut-être ne
serait pas capable la nature humaine laissée à elle-même.
d) Personne n'a donc le droit de dire de lui-même
'ce que - malheureusement - tant de gens disent si
- - .....
,-
126 MARIAGE ET FAMILLE
facilement pour s'excuser: « Ce n'est pas de ma faute,
si je ne puis pas garder la fidélité conjugale, je suis
polygame par nature, c'est ma constitution ».
Ah ! quelle innocente formule pour excuser le
déchaînement des plus bas instincts!
Ah 1vous êtes polygame de nature et de constitution?
Eh bien 1 que diriez-vous et quel air auriez-vous, si
un jour devant vous - chef de bureau, directeur
d'usine, ou riche banquier - un caissier malhonnête
venait vous dire: « Excusez-moi, Monsieur, et ne vous
formalisez pas de mes détournements, car vous saurez
que je suis malhonnête par nature, c'est ma consti-
tution ». Et que diriez-vous, si un jour votre fils porté
au mensonge s'excusait ainsi: « Ne t'énerve pas, papa,
c'est mon tempérament, c'est une tendance héritée
de mes ancêtres ».
Qu'en dites-vous, mes frères? Certainement personne
n'a le droit d'en appeler à sa « constitution », quand
il ment ou quand il vole, - mais personne non plus
n'a le droit d'invoquer la même excuse, quand il viole
la fidélité conjugale. Il devrait plutôt reconnaître qu'il
n'a pas le courage de lutter contre la nature qui l'en-
traîne au péché et qui se trouve chez tous les hommes
et non pas seulement chez lui.
Mais je)ense en avoir assez dit sur le « mariage à
l'essai ».
B) Il y a des gens qui voient bien que l'idée du
« mariage à l'essai» est contradictoire en elle-même,
mais ils ne veulent toujours pas admettre la forme
chrétienne du mariage. Ils essayent de recourir à une
autre formule. C'est le « mariage de camaraderie »;
- ----. ~
,-
LA « RÉFORME » DU MARIAGE 127
« Ne soyons pas des époux au sens antique du mot,.
mais vivons simplement, en bons camarades, l'un à
côté de l'autre ».
Si innocente que paraisse cette expression roma-
nesque, nous sommes obligés de voir clairement que
le « mariage de camaraderie » n'est pas moins dangereux
que le « mariage à l'essai ».
a) Le mariage de camaraderie méconnaît tout d'abord
totalement le caractère féminin, et à vrai dire veut
renverser la nature de la femme. Vous me comprendrez
certainement, si je dis que le trait fondamental de
la nature féminine est un certain degré d'enthousiasme
qui lui fait regarder avec admiration celui qu'elle aime,
parce qu'il est plus fort et plus grand qu'elle et qu'elle
peut se sentir tranquille près de son amour qui la
protège. Ce n'est donc pas le caprice de l'homme,
mais l'expérience des siècles, qui s'est exprimé dans
les conseils suivants : le mari, autant que possible,
doit être plus grand que sa femme, mais pour
l'instruction il doit absolument lui être supérieur.
Déjà ce désir naturel qu'a la femme de vouloir
« admirer » son mari prouve l'absurdité de cette affir-
mation que les relations entre le mari et l'épouse
consistent dans une simple camaraderie.
b) Mais même si nous prenions le mot dans le bon
sens et si nous disions que dans tout mariage idéal
le mari et la femme sont, dans un certain sens, de bons
camarades qui s'aident, s'encouragent, se consolent,
se distrayent mutuellement, - même alors nous ne
pensons pas du tout à ce que l'on appelle « mariage de
camaraderie ». Là, en effet, la femme n'est pas placée
......
 MARIAGE ET FAMILLE
sur le même rang que l'homme, elle n'est qu'un jouet
livré au bon plaisir de ['homme, qui le conserve tant
qu'il veut et tant qu'il peut en tirer usage.
Il est non moins évident que le mariage de camara-
derie ne peut donner le jour à aucun enfant. La femme
est donc obligée à cause des instincts égoïstes de son
mari, de renoncer à ses désirs naturels les plus profonds
qui signifient pour elle le comble du bonheur terrestre :
la maternité. Répondez-moi, n'est-ce pas jouer odieuse-
ment avec les mots que d'appeler « camarade » un être
aussi égoïste?
Cette « camaraderie » ne satisfait pas non plus
l'homme, c'est ce que nous dit la vie avec des exemples
frappants. Il arrive fréquemment que l'homme finit
par se lasser de cette liberté d'allures qui caractérise
le mariage de camaraderie et veut contracter un véri-
table mariage. Oui, c'est ce qui arrive assez souvent.
Mais il arrive rarement que cet homme épouse son
ancienne « camarade ». C'est qu'il la connaît trop bien.
C'est qu'il sait trop bien qu'elle n'est pas digne d'un
véritable mariage.
Dans ces « mariages nouveau style » la femme est
donc exposée au sort de la feuille arrachée à l'arbre:
le' vent joue avec ellè un certain temps, l'emporte,
la fait tournoyer, voltiger, mais finalement - la
laisse irrémédiablement tomber dans la boue du
chemin.
c) « Mais l'Église ne veut donc pas s'apercevoir que
l'évolution culturelle de ['humanité tend vers une liberté
de plus en plus grande? - objectent les fervents du
mariage de camaraderie. - Les vieux cadres rigides
.. ~"
LA « RÉFORME » DU MARIAGE 12 9
de la vie conjugale ne peuvent plus correspondre à
cette aspiration croissante vers la liberté ».
Comme ce raisonnement est inexact et superficiel!
Ce qui caractérise en effet dans tous les domaines la
culture intellectuelle, c'est qu'elle attache à des chaînes
de plus en plus courtes les tendances indisciplinées
qui habitent dans l'homme. Devons-nous faire
exception uniquement sur un point? Que de lois com-
pliquées, que de prescriptions, de règles de bienséance
et de conventions sociales contiennent au-dedans de
nous la libre poussée de nos instincts et de nos passions!
L'homme a créé toutes ces lois et ces prescriptions au
cours de son développement culturel, graduellement,
en s'apercevant petit à petit que ces lois et ces
prescriptions sont indispensables à la vie en société.
La forme chrétienne du mariage ne répond pas aux
aspirations de l'homme vers la liberté? Mes frères,
l'homme n'est libre que dans la mesure où il dompte
eh lui-même les tendances bestiales. N'est-il pas
remarquable que les plus nombreuses prescriptions
de bienséance, les plus nombreuses cérémonies et
conventions sociales se trouvent aujourd'hui encore
précisément chez le peuple qui est en même temps
le plus libre : chez les Anglais? La forme extérieure
et la liberté intérieure ne sont donc nullement contra-
dictoire. Au contraire : les formes extérie~res sont un
ferme soutien pour la partie la plus précieuse et la
plus noble de notre moi.
Mnr. et Ftl~. - 9
... J. •
 MARIAGE ET FAMILLE
LA « RÉFORME )) DU MARIAGE

présenté est ~ hélas! -possible. « Une aversion insur-

II montable! )) Quel mot terrible dans la bouche d'un
chrétien! Chez qui cette aversion insensée apparaît-elle
L'ÉGLISE REJETTE CES « RÉFORMES )) DU MARIAGE. après le;':mariage? Chez ceux dont l'amour avant}eur
mariage"était insensé. Il arrive en effet chez eux que
l'attrait, l'enthousiasme et l'exaltation qui reposaient
Après cela, je crois qu'il n'est pas difficile de voir
sur des sensations purement extérieures, disparaissent
pou'r quoi l'Église condamne ces « réformes )) du
après le mariage et se changent même en haine. Car
mariage.
tout ce qui est basé simplement sur des avantages
Elle les rejette, parce que leurs arguments ne sont pas
physiques soumis au changement se transforme aussi
valables; mais elle les condamne aussi, parce que leurs
avec eux. Pareil amour et pareille entente diminuent
conséquences seraient catastrophiques.
dans la mesure où décroissent la beauté, la santé, la
A) Il faut . reconnaître que tel ou tel argument e~t
jeunesse, parfois aussi la fortune, la réputation et les
si objectif, si acceptable qu'à première vue on pourralt
succès des époux.
aisément être ébranlé. Mais quand on examine la chose
Mais si quelqu'un édifie son mariage uniquement
plus à fond, on se rend compte de la fausseté de ces
sur une base aussi vacillante, il n'a pas le droit de
arguments.
s'étonner, si, au cours des années, tout cela disparaît
Entre autres raisonnements, bien connus etappa-
et fait place à l' « aversion insurmontable )) dont nous
ren;lment admissibles, en voici un par exemple : « Il
parlions à l'instant. Il est vrai que cette aversion pourrait
est bien vrai que nous nous sommes juré fidélité à .la
aussi être vaincue par une conduite de sagesse et de
vie et à la mort. Seulement il est devenu évident ' que
maîtrise de soi, mais la « maîtrise de soi )) est un. mot
nous .ne sommes pas faits l'un pour l'autre. Pendant
que ces époux ont depuis 'longtemps rayé de leur
des années nous avons essayé de.nous accoutumer l'un
vocabulaire.
à J'autre, mais la situation empirait de plus en plu.s. ?t
b) Mais il me faut encore poser une autre question :
aujourd'hui nous avons l'un pour l'autre une averston
Dès lors que dans un mariage conclu sur des bases
insurmontable si forte que la vie commune est un
purement extérieures et sensuelles cette « aversion
mensonge perpétuel, une dispute perpétuelle. N'.est-il
conjugale)) peut réellement se présenter, en résulte-t-iI
pas plus honnête de se séparer, plutôt que de contmuer
qu'à présent ils sont libres pour 'cette raison de faire une
à tromper le monde et à simuler pharisaïquement une
brèche dans 'le grand idéal de l'indissolubilité du mariage?
fidélité et;"'u n amour qui n'existent pas? ))
Pour ' rien au monde.
a) Tout~ d'abord nous devons reconnaltre•
que 1e cas
Mais il en résulte le grand avertissement que l'Église

13 2 MARIAGE ET FAMILLE
ne cesse jamais de faire entendre. Ne vous laissez
jamais décider dans le choix d'un époux ni par la
beauté extérieure ni par le charme physique ni par la
situation ni par la richesse. Car, seuls ne disparaissent
pas avec la jeunesse et la beauté physique la concorde
et l'amour qui sont basés sur des valeurs morales. Cet
amour au cours des années ne fait plutôt que grandir,
se transfigurer, se spiritualiser de plus en plus, car
ce n'est pas l'aspect extérieur qui change et vieillit
que nous aimons chez les autres, mais l'être intime,
l'âme qui ne change pas, qui ne se fane pas, mais
embellit de plus en plus.
B) Considérons en outre les conséquences catastro-
phiques que la mise en pratique du « mariage à l'essai »
et du « mariage de camaraderie » entraînerait pour
toute la société.
a) Ceux qui parlent avec tant d'enthousiasme de la
nécessité de « réformer le mariage » et de « l'établir sur de
nouvelles bases » devraient voir clairement la folie avec
laquelle ils travaillent à la ruine des plus saintes valeurs.
Il est, en effet, affreux de penser à la décadence morale
qui frapperait l'humanité, si un jour ces formules
frivoles que tant de gens prônent actuellement aveuglé-
ment, - mais qui heureusement ne sont pas suivies
par eux - étaient mises sérieusement en pratique. S'il
y a aujourd'hui encore de la moralité et de l'honnêteté
chez les hommes - du moins autant que faire se peut
- et si dans la vie conjugale actuelle on trouve encore
concorde, paix, joie et qomprél}ension mutuelle, tout
cela a pour source le respect relj.gieu" dont nos ancêtres
entouraient le mariage. . formelle la dissolution du mariage. Mais l'homme
LA « RÉFORME » DU MARIAGE 133
Mais quelles perspectives nous attendent, si ces
frivoles projets de réforme réussissent à laïciser totale-
ment le mariage et à extirper ses racines religieuses
et à réduire l'union la plus sainte de deux créatures
humaines réellement au rang de mariage à l'essai ou
de mariage de camaraderie?
Quel chaos moral règne aujourd'hui déjà dans ce
domaine et quel retour au paganisme s'y découvre 1 Il
est peut-être superflu d'en parler. Une dame de
la société en est à son quatrième mari, mais elle a
coutume de se rencontrer à l'occasion avec les trois
précédents et de bavarder gentiment avec eux, -
en effet - « il s'était agi seulement de mariages à
l'essai ». Par contre tel monsieur en est à sa troisième
épouse, tout en restant en bons termes avec les deux
autres, car n'est-ce pas - « il s'agissait seulement de
mariages à l'essai ».
b) Et ne pensez pas, mes frères, que présentement
c'est seulement le prêtre qui parle en moi, pour
déplorer ce mépris frivole des lois de Dieu. · Non.
Je serais obligé d'arriver à la même constatation, si
j'avais peur uniquement pour l'avenir de l'humanité,
si mes paroles étaient dictées uniquement par la sollicitude
et l'amour pour l'avenir de notre peuple.
La base, les piliers, la cellule de la société humaine,
c'est la famille. Détruisez la famille et toute la société
s'écroule. Brisez la famille et les peuples sombrent dans
l'immoralité. Et si les peuples tombent dans l'immo-
ralité, la révolution est inévitable.
Les lois du Christ condamnent de la manière la plus
134 MARIAGE ET FAMILLE
moderne entend sans cesse trompetter à ses oreilles
que c'est là une manière de voir surannée et que les
nerfs inquiets de l'homme actuel ne supportent plus
la fidélité jusqu'à la tombe : mariez-vous ha~dimen~
à l'essai et faites des mariages de camaradene, qUOI
qu'en dise la loi religieuse.
Et les gens abandonnent la saine raison et suiv~nt
ces formules séduisantes et dans le monde entIer
augmente le nombre des familles brisées. .. ..
Et chose curieuse, que voyons-nous? L'humanité
est-elle maintenant plus heureuse? Maintenant qu'il
y a autant de femmes abandonnées après « essai» que
de champignons après la pluie, la vie est-elle plus
paisible, plus gaie, plus parfaite qu'auparavant,. lors-
qu'on ne connaissait pas encore ces monstrueux
nouveaux termes?
Ah! pas du tout. Au milieu des ~uines du sanctu~ire
familial détruit foisonne la mauvaIse herbe des VIces
affreux dont nos ancêtres n'auraient même pas osé
rêver.
Oui, car Dieu peut parler de bien des manières aux
hommes. Il parle par ses commandement~, tant que
l'homme écoute la raison. Mais quand la saine raison
n'est plus écoutée et que les lois divines sont, foulée~
aux pieds et que les hommes courent aveu~lement a
leur perte, alors il laisse ce déluge moral qUI emporte
tout et la lueur infernale des vices affreux exercer leurs
ravages, afin qu'ils ne puissent plus fouler aux pieds
impunément ses commandements.
c) Et c'est maintenant seulement que nous com-
prenons bien pourquoi l'Église est opposée à ces nou-
, 1
LA « RÉFORMK·» DU MARIAGE 135
veaux genres de mariage. Elle y est opposée, parce
qu'ils ont tous le défaut de blesser le dogme fondamental
de l'indissolubilité du mariage. Or, - comme nous le
verrons dans les sermons suivants, - il est de l'essence
même de la religion chrétienne de ne jamais permettre,
sous aucun prétexte, de porter sur cette loi une main
criminelle. Le mariage n'est · pas une excursion de
fin de semaine, mais le point de départ d'un voyage
poursuivi en commun vers l'éternité.
C'est un des mérites inoubliables de l'Église catho-
lique, et la société peut lui en être éternellement
reconnaissante, d'avoir défendu courageusement à
toutes les époques l'indissolubilité du mariage, malgré
le despotisme des puissants, malgré les raisonnements
fallacieux des pseudo-philosophes, malgré les grands
mots jetés en pâture à la foule.
Mais que de calomnies, de sarcasmes et d'attaques,
l'Église se serait évités, que de pertes douloureuses
elle n'aurait pas subies, si, du moins de temps en temps,
dans les cas les plus graves, elle avait un peu fermé
les yeux sur ce point! . Par suite de la Réforme elle
avait perdu la moitié ·de l'Allemagne. Vous pouvez
imaginer quelle pénible blessure lui avait causée cette
perte. Mais peu après arriva le divorce de Henri VIII
d'Angleterre. Et l'Église catholique n'aurait eu qu'un
mot à dire. Celui-ci: « Je déclare dissous le mariage
de Henri VIn »; rien que ce mot pour ne pas perdre,
après la moitié de l'Allemagne, l'Angleterre toute
entière. Mais l'Église n'a pas dit ce mot. Elle a perdu
l'Angleterre, - mais elle a sauvé le mariage.
 MARIAGE ET FAMILLE LA « IŒFORME » DU MARIAGE 137

Mais ce n'est pas par le mariage à l'essai ni par le

Mes frères, quand du poison a pénétré ,dans un
organisme humain, ou quand un élément essentiel
fait défaut dans l'alimentation, l'organisme réagit en
donnant des signes de douleur : l'homme rougit ou
pâlit, a la fièvre, des palpitations, des faiblesses,
devient incapable de travailler. Si la société actuelle,
mariage de camaraderie, - qui véritablement ne sont
pas autre chose que le tas de fumier aspergé du parfum
des belles expressions littéraires de la licence et de la
frivolité des mœurs - mais par la fidélité, l'honnêteté
et la discipline, qu'on peut le réformer, enZremettant
de nouveau le mariage à la hauteur morale où l'a élevé
le seul véritable
.
Réformateur de l'humanité, le Rédempteur
)

ce grand organisme humain, a des palpitations, des du monde, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Amen.
faiblesses et de la fièvre, une des causes principaies c'est
que le poison des idées frivoles sur le mariage est entré
dans son organisme et qu'il lui manque la force nutri-
tive de la famille chrétienne.
Nous, catholiques, nous ne pouvons permettre cet
empoisonnement ni aucune légèreté - à propos du
mariage. Nous, catholiques, nous ne pouvons pas
participer à cette anarchie - dans le mariage non plus.
Là aussi nous voulons voir régner l'ordre. Un ordre
qui repose sur les solides expériences des siècles passés,
sur les lois de la nature, sur les lois de Dieu.
Nous voulons que la famille soit en petit ce qu'est
un état bien gouverné, - avec répartition du travail,
autorité et obéissance, honnêteté et fidélité au devoir.
Nous voulons y voir une union si forte qu'elle ne puisse
être rompue que par la mort. Nous voulons que
bénédiction, concorde et amour du travail naissent
de cette institution, qui serait alors appelée à être
réellement la couche chaude d'où sortent actuellement
tant de malédictions, de divisions et de querelles.
Car, nous aUssi nous reconnaissons que la famille
actuelle a réellement besoin de réforme.

1
~---_.~-----_.----
IX
L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE (1)
.~t au cours des dernières années il nous faut, hélas!
MES FRÈRES,
Le 19 Jum 1934, à la Chambre des Seigneurs, le
comte Joseph Karolyi, aujourd'hui auprès de Dieu,
prononça un discours qui mérite que j'en cite quelques
lignes dans mon sermon d'aujourd'hui.
« L'état hongrois a sacrifié des millions et des millions
pour l'avenir matériel, moral et national de la jeune
génération, je ne puis m'empêcher de constater avec
regret qu'une crise et une décadence de plus en plus
déplorables se sont manifestées dans la société et dans
la famille. La faute en est à la base de la famille, de
la société, de l'état; le nombre des divorces est de plus
en plus grand, il y a de plus en plus d'enfants qui
grandissent sans père ni mère. A quoi servent les
nombreux sacrifices pécuniaires que l'état hongrois
a accomplis pour la génération future, à quoi sert
l'éducation morale qu'elle reçoit dans les institutions
L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE (1) 139
et les écoles" si, à la maison, au sein de la famille, elle
ne voit que des choses qui la scandalisent, et souvent
une vie qui est tout autre chose qu'un exemple moral?
Selon l'histoire, la pureté de la vie familiale dans tous
les pays et chez toutes les nations, est l'échelle du
progrès ou de la décadence nationale.
« D'après nos statistiques nationales - poursuivit
l'orateur-le nombre des divorces dans notre Hongrie
mutilée est exactement quatre fois le chiffre des divorces
de 1913. Les colonnes de nos journaux sont pleines
de cas de divorces, de scandales familiaux et de crimes;
parler de crimes commis par des enfants, de meurtres,
de parricides. Je pense que le gouvernement et le
parlement n'ont plus le droit de considérer cet état
de choses sans agir. Il faut que la puissance publique
et la législation interviennent d'une main énergique
dans cette explosion révolutionnaire de passions
humaines et d'irresponsabilité ».
Ainsi parlait ce noble cœur, inquiet du sort de sa
patrie:
Mais quand nous voyons, mes frèr~s, les législateurs
laïques contempler aussi avec consternation les nuisibles
conséquences qui naissent en foule de l'ébranlement
de la famille et du divorce, nous pouvons nous repré-
senter la douleur qui saisit le cœur de l'Église. En
effet, c'est elle en premier lieu qui déplore la perte de
ces incommensurables valeurs morales enfouies sous
les ruines du sanctuaire familial détruit.
C'est aussi cette sollicitude qui m'a conduit, dans
cette série de sermons sur le mariage chrétie~, à consacrer
 MARIAGE ET FAMILLE
trois dimanches à ce dogme fondamental du christia-
nisme, l'indissolubilité du mariage. Dans les deux
premiers sermons, aujourd'hui et dimanche prochain,
je montrerai le grand idéal chrétien : l'indissolubilité
du mariage et les motifs pour lesquels notre sainte
religion aujourd'hui encore persiste inébranlablement
dans cette idée; puis dans le troisième sermon nous
considérerons les conséquences catastrophiques de cette
triste aberration, le divorce.
De nos jours, le nombre des divorces s'élève dans
des proportions effroyables. Il semble que l'humanité
commence à retomber dans la polygamie des temps
qui ont précédé la venue du Christ, tout au plus avec
cette différence qu'à cette époque on possédait à la
fois autant d'épouses que le permettait sa situation de
fortune, tandis qu'actuellement on peut en prendre,
l'une après l'autre, autant qu'on peut trouver d'occa-
sions de divorcer.
Or, l'Eglise, malgré cette affreuse épidémie et ce
terrible manque de sens moral, continue avec un courage
inébranlable à proclamer, à défendre et à exiger l'indis-
. solubilité du mariage.
Mais sur quelle raison la religion catholique
s'appuie-t-elle, en maintenant avec une logique
imposante et rigide l'indissolubilité du mariage? -
telle est la question soulevée dans l'instruction de~ce
jour.
La réponse sera triple : le mariage doit être indis-
soluble, - car c'est ce qui résulte 1. de la volonté divine,
II. de l'essence même du mariage et III. du but du mariage.
Il y a encore un quatrième argument décisif en faveur
L'rNDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE (1)
de l'indissolubilité : l'intérêt de l'humanité. Mais
l'exposition des trois premiers exige tant de temps que
je suis obligé de remettre au sermon prochain la
discussion de ce quatrième argument.
l
L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE EST EXIGÉE
PAR LA VOLONTÉ DIVINE.
A) Notre premier argument en faveur de l'indisso-
lubilité du mariage est naturellement la volonté de
Dieu Lui-même.
a) Dieu créa au commencement un homme et une
femme, - donc un col:tple; par là déjà Il manifestait sa
volonté que le mariage n'existât qu'entre un seul
homme et une seule femme. Mais IlIa manifeste encore
continuellement par ce fait curieux et inexplicable
pour la raison humaine que le nombre des hommes
et des femmes est constamment le même : à peu de
chose près il naît dans le monde autant de garçons que
de filles. Ce phénomène naturel particulier et indé-
pendant de la volonté humaine proclame aussi que le
Maître et Créateur du monde n'a destiné et créé qu'une
seule femme pour chaque homme.
Et lorsque les Juifs représentaient au Sauveur""que
la Loi de Moïse permettait au mari, en certains cas,
de renvoyer sa femme, Notre-Seigneur leur répondit
catégoriquement: « C'est à cause de la dureté de vos
 MARIAGE ET FAMILLE
J
cœurs que Moïse vous a permis de répudier vos
femmes; mais au commencement il n'en fut pas ainsi »
(S. Matthieu, XIX, 8).
C'est bien vrai : au commencement il n'en était
pas ainsi. Lors de la création, l'unité et l'indissolubilité
du mariage étaient une loi positive divine et le Christ
l'a rétablie dans toute sa rigueur.
b) En quels termes l'a-t-il rétablie? Par ces paroles
éternellement mémorables et universellement connues :
« L'homme quittera son père et sa mère et s'attachera
à sa femme, et ils seront deux dans une seule chair .. .
Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni .. .
Je vous le dis : celui qui renvoie sa femme et en épouse
une autre commet un adultère; et celui qui épouse
une femme renvoyée se rend adultère » (S. Matthieu,
XIX, 5, 6, 9).
« Ce que Dieu a Uni. .. » Comment Dieu unit-il les
époux? Tout d'abord par l'amour ardent qu'Il enflamme
dans deux jeunes cœurs. Ensuite par la vertu du sacre-
ment. Et enfin par les enfants qu'Il leur donne, lorsque
l'amour conjugal se manifeste dans l'union la plus
intime.
Ce que Dieu a uni de manière si multiple, l'homme
n'a donc pas le droit de le dissoudre et de le séparer.
Aucun tiers, aucune autre personne n'a le droit de
profaner et de briser le sanctuaire de la famille; mais
les époux eux-mêmes n'ont pas le droit de dissoudre
leur mariage ni par suite d'un commun accord ni par
une décision unilatérale.
Les termes employés par Notre-Seigneur montrent
tout à fait clairement qu'Il a voulu remettre en vigueur
L'INDISSOLUBILITÉ OÙ MARIAGE (1) 143
la notion du mariage qui s'était relâchée dans l'Ancien
Testament. Ce sont les paroles que nous venons de
citer, comme aussi d'autres enseignements de Notre-
Seigneur (S. Matthieu, v, 31-32) qui sont à la base
du dogme fondamental de l'Église, d'après lequel un
mariage valide et consommé ne peut jamais être dissous.
B) « Mais permettez, - pense peut-être quelqu'un,
- Notre-Seigneur Jésus-Christ ' n'a pas voulu être
aussi rigoureux. Il semble, d'après les paroles citées
précédemment, que dans le cas de faute très grave,'
dans le cas de ' manquemént à la fidélité conjugale, Il a
permis le divorce. De fait, c'est bien ainsi que l'entendent
les autres religions. Seule l'Église précisément ne se
relâche pas de son attitude rigoriste ».
Elle ne s'en relâche pas, mes frères, parce qu'elle
ne peut pas ,,'en relâcher. Car, il est tout à fait certain
que Notre-Seigneur, même en ce cas, n'a pas voulu
permettre un nouveau mariage.
a) D'abord c'est ce qui résulte de paroles prononcées
par le Sauveur en une autre circonstance. Dans l'Évangile
de Saint Marc, par exemple, Notre-Seigneur parle
ainsi : « Quiconque répudie sa femme et en épouse
une autre commet un 'adultère à l'égard de la première.
Et si une femme répudie son mari et en épouse un
autre, elle se rend adultère » (S. Marc, X, 11-12). Ici,
Notre-Seigneur ne fait pas une seule exception. Quelle
que soit la cause du renvoi de la femme - même si
c'est pour infidélité - elle ne peut plus se remarier,
car ici le Sauveur n'évoque même plus ce péché.
Sans: doute : pour ce péché affreux il est permis de
renvoyer la partie coupable - c'est ce que nous
 MARIAGE ET FAMILLE
appelons « séparation de corps» - , mais après ce renvoi
la valeur du lien conjugal n'est pas supprimée et il
n'est pas permis de se remarier. L'obligation de la
cohabitation cesse, mais la valeur du mariage n'a pas
disparu. Et tout ce que Notre-Seigneur dit de la femme
pécheresse vaut naturellement aussi du mari pécheur.
b) Qu'il faille réellement entendre ainsi les paroles
de Notre-Seigneur, c'est ce que montrent l'étonnement
et même la stupéfaction des disciples. Ils répondent en
effet au Sauveur: « Si telle est la condition de l'homme
"
à l'égard de la femme, il vaut mieux ne pas' se marier »
(S. Matthieu, XIX, la). C'est-à-dire: si l'infidélité est
une cause de répudiation, mais si, après cette répu -
diation, il faut rester sans se remarier, alors il est préfé-
rable de ne pas se lancer dans une affaire si pleine
d'aléas. Les Apôtres ont donc compris très clairement
les paroles de Notre-Seigneur en ce sens qu'il n'est pas
permis de se remarier, même dans le cas d'infidélité.
C'est ainsi que l'entendait également saint Paul :
« Quant aux personnes mariées, j'ordonne, non pas
moi, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare point
de son mari; si elle en est séparée, qu'elle reste sans
se remarier ou qu'elle se réconcilie avec son mari »
(le Corinthiens, VII, la- II). Pourrait-on donner une
explication plus digne de foi des paroles de Notre-
Seigneur? Quelqu'un oserait-il prétendre mieux
comprendre les paroles du Christ que saint Paul?
Le remariage n'est donc jamais permis, même si la
séparation de corps a déjà eu lieu.
c) Mais nous arrivons à cette conclusion aussi par'
une autre considération.
, '
L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE (1) 145
Personne n'a le droit de penser que le Fils de Dieu
ait voulu récompenser ce gros péché. Or, ce serait
réellement récompenser la violation de la fidélité conju-
gale, si on pouvait à ce titre contracter un nouveau
mariage.
Prenons la vie telle qu'elle est. La cause de nombreux
divorces n'est pas tant l'incompatibilité d'humeur et les
divergences d'idées des époux que l'apparition d'une
tierce personne à l'horizon.
Il suffira d'en donner un exemple. Il y a vingt-quatre
ans que vivent ensemble un homme et une femme.
Il y a eu entre eux des frictions et des brouilles, -
c'est inévitable, partout où deux êtres humains vivent
ensemble. Mais les choses allaient. Leur fils de vingt-
trois ans a terminé ses études universitaires, leur fille
de vingt-et-un ans est mariée... Et maintenant ils
veulent divorcer. Non pas la jeune fille, mais - ses
parents. Après vingt-quatre ans de matiage. Mâis
pourquoi? Parce qu'une jeune personne s'est trouvée
sur la route du mari. Cet homme ' de cinquante ans
:j s'est enflammé pour une jeune fille de vingt ans.
'.
'~ Ce n'est qu'un ' exemple. Mais combien d'autres
·1 exemples on pourrait citer! Combien ont vécu durant
:1
des années, des dizaines d'années, dans un mariage
H
.il heureux et paisible, lorsqu'un jour est apparue à leur
foyer une fille ou une femme sans conscience qui d'une
main sacrilège a détruit le bonheur du sanctuaire
familial.
Mais voici, mes frères, qu'intervient la prohibition
de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu'intervient .le veto
de l'Église catholique. « Je ne permets pas de toucher
Mar, et F um , - 10
, 1. • . • "
 MARIAGE ET FAMILLE
au mariage ».' Ne saisissez-vous pas quelle immense
reconnaissance doivent à l'Église tous les époux
honnêtes, parce qu'elle ne permet pas que cette tierce
personne sans conscience puisse contracter un mariage
valide avec la partie divorcée et puisse triompher
insolemment surIes ruines d'un foyer qu'elle a détruit?
Par contre, en présence de cette attitude sévère de
l'Église, n'èst-ce pas une inconséquence à faire dt:'esser
les cheveux sur la tête que commet la loi civile en
prononçant le divorce dans le cas d'infidélité? C'est-à-
dire en favorisant celui qui commet une faute. Car
celui qui est las de son épouse ou celle qui est lasse dé
son mari peut facilement s'en débarrasser de façon bien
simple : il manque à la fidélité conjugale et pose ainsi
une cause de divorce, en réalité il est récompensé pour
cette énorme faute.
II
L'ESSENCE MÊME DU MARIAGE EXIGE SON INDISSOLUBILITÉ':.
La sévérité de la manière de voir de l'Église est
la conséquence logique qui découle de l'essence même
dû mariage. Comme ' nous le rappellerons plus tard,
des raisons morales, pédagogiques et sociales parlent
en faveur de l'indissolubilité du mariage. Mais il est
d'une tout autre importance l'argument qui découle
de l'essence même du mariage et d'après lequel il est
tout simplement imp()ssible de dissoudre le mariage
chrétien, car l'indissolubilité appartient à son essence.
, ,Ce ' qui , n'est pas' composé' de parties, ne p~ut pas
i -
L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE (1) 147
être divisé en parties, c'est très clair. Or, les époux
chrétiens, après leur mariage, ne forment plus de
parties indépendantes, car le mariage chrétien est l'image
de l'union mystique du Christ et de l'Église. Mais cette
union sainte entre le Christ et son Église est perpétuelle
et indissoluble, et elle subsistera, tant que l'Église
existera, donc tant qu'il y aura des hommes sucla
terre. Mais alors, cette sainte union entre l'homme
et la femme, qui reproduit l'union du Christ et de
l'Église, doit donc durer, tant qu'est possible l'union
matrimoniale entre deux personnes, donc jusqu'à la
mort d'une des parties.
, C'est une vérité si claire et une réalité si irrévocable
que l'Église n'y peut rien changer. Elle est donc
totalement sans fondement et vouée à l'échec, car elle
ne peut naître que d'une méconnaissance de l'essence
du)nariage, l'espérance de certains qu'un jour l'Église,
avec le temps, modifiera son point de vue .rigoureux
et apportera certains adoucissements dans cette question
du lien matrimonial. Elle ne le fera pas, parce qu'elle
ne le peut pas. L'essence même du mariage proteste
contre la dissolution du mariage. En mathématique,
on dit que « un et un font deux ».Mais pour le mariage
Dieu a établi une autre loi : « un et un font un »,
c'est-à-dire que par le mariage un homme et une
femme s'unissent en un nouveau et mystérieux orga'"
nisme, chacun devenant membre du corps de l'autre.
C'est ce que déclare saint Paul lui-même, quand il
écrit aU sujet de l'amour de l'époux : « Les mari~
doivent -aimer leurs femmes comme leurs propres
corps » (Éphésiens, v, 28).
'- __
_ _, ,-. 1 '
 MARIAGE ET FAMILLE
Dans le mariage chrétien, l'homme et la femme
s'unissent donc en un nouvel organisme mystique,
tout comme il y a une union mystique entre le Christ
et son Église. Mais ce qui est un par son essence ne
peut être séparé en deux. Le Christ ne peut être séparé
de l'Église, l'homme ne peut pas l'être non plus de
son épouse.
III
LE BUT DU MARIAGE AUSSI EXIGE SON INDISSOLUBILITÉ.
Mais le mariage doit encore être indissoluble, parce
que c'est seulement à cette condition qu'il peut remplir
sa magnifique destinée, qu'il peut atteindre son but.
Quel est le but du mariage?
A) Son premier but est d'assurer d'une manière digne
de l'homme la conservation de ['espèce humaine.
a) On peut appeler des enfants à la vie, même en
dehors du mariage, mais on ne peut les élever que dans
le cadre paisible de la vie familiale .
Chez les êtres vivants dont les petits sont capables,
dès leur naissance, de vivre par eux-mêmes et qui
trouvent par eux-mêmes ce qui est nécessaire à leur
subsistance, il n'y a évidemment pas besoin d'une vie
familiale durable. Mais considérons un enfant nouveau-
né : y a-t-il sur la terre un être plus débile, plus fàible
que lui? Le petit poussin cherche sa nourriture le
jour même où il est sorti de l'œuf, par contre l'enfant,
jusqu'à l'âge de 14- 16 ans, parfois même de 20- 24 ans,
a besoin de ses parents.
L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIA GE (1) 149
Et tandis que les parents s'occupent d'élever le
premier enfant, il en arrive un second, puis un autre
encore, et la pénible et sainte tâche recommence .de
nouveau. N'est-ce pas là, une indication fort claire
de la nature : le mariage ne peut pas être conclu pour
un temps limité, il doit durer jusqu'à la tombe.
b) Mais la chose vaut aussi inversement. Si les enfants
ont droit que la fragilité de leur jeunesse trouve un
appui dans une vie familiale fermement organisée, à
leur tour les parents devenus vieux ont le droit de
compter sur l'aide de leurs enfants devenus grands.
L'indissolubilité du mariage n'est donc pas une
invention humaine, une idée arbitraire, ni une con-
trainte extérieure qui peut-être changera au cours
des âges, mais elle est l'expression d'une nécessité
intime humaine qui ne pourra pas être modifiée, tant
que la nature et la constitution de l'homme ne pourront
pas être changées - donc jamais.
Vous avez déjà vu comment on entoure d'un mur
solide la source qui jaillit mystérieusement dans le
calme de la forêt, comment on la recueille dans un
bassin, afin que la boue ne vienne pas .souiller cètte
eau vivifiante. Eh bien 1l'humanité a de même enfermé
les sources saintes de la vie dans le cadre austère du
mariage, pour que la source de la vie humaine ne soit
pas envahie par la boue.
B) L'autre but du mariage, c'est l'aide réciproque
et ['union parfaite des époux. Mais ce but ne peut de
nouveau se réaliser que dans le mariage indissoluble.
a) Le monde des idées chez l'homme est tout autre que
chez la femme : désirs, capacités, penchants sont tout
---" - --
~------
- -
--~ ~ ~
 MARIAGE ET FAMILLE
différents, - et les deux sexes ont besoin de compléter
mutuellement leurs propres facultés·. Mais ce com-
plément réciproque ne peut se réaliser que dans une
union inséparable. Et, sans elle, il resterait certaines
défectuosités ' chez l'homme comme chez la femme.
L'homme, par exemple, ne peut nulle part, comme
au foyer familial, satisfaire sa capacité naturelle et 'son
penchant au commandement" - en prenant le terme
au meilleur sens du mot. De même il ne trouve nulle
part pour ses affaires les plus intimes, ses déceptions,
ses fatigues, autant de compréhension qu'auprès d'une
épouse aimable qui adoucit ses soucis. Mais'en revanche,
sans la famille, demeurent sans se développer dans
l'âme de la femme bien des qualités, surtout l'amour
généreux jusqu'au sacrifice.
b) Examinons ensuit~ la fusion parfaite des ' âmes, sans
laquelle ne peut être imaginée l'union complète des époux,
mais qui ne peut être réalisable sans l'indissolubilité.
On ne croirait pas combien cette union parfaite des
âmes · des époux fait jaillir de forces ' précieuses chez
l'homme et chez la femme. Il y a des hommes qui, ne
sont arrivés à la perfection de leurs capacités et de
leur énergie que parée qu'ils avaient trouvé une épouse
qùi lès comprenait, se tenait à leurs côtés avec la ferveur
d'un amour silencieux, avait une confiance absolue
en son mari, comprenait ses buts, l'encourageait sur
Mfoutè, chassâitles plis de son front fatigué et parta-
gèait ses succès. Il y a des grands hommes que l'histoire
glorifie à juste titre à cause de leurs hauts faits; mais
si nous voulons être justes, il faudrait rappeler le
mérite qui .en revient à leursépous'es.
L'INDISSOLUBILITÉ DU <MARIAGE (1)
L'inverse aussi est vrai ,: combien peut être redevable
l'âme plus craintive et plus timide de la femme ~
l'énergie . d'une âme ' virile. Comme elle arrive 1>lus
faCilement à son plein épanouissement, si ellepel,lt
s'attacher à l'amour robuste d'.un époux qui sait 'la
comprendre 1
Il a donc raison l'écrivain français ' qui fait dire . à
l'ùn de ses personnages :« Si àce moment-là . j'~vai~
eu à côté de moi une épouse aimante, oùn'aurais:;je
pas pu m'élever! Mais laissé à moi-même' je 'lie pouvais
pas conserver assez .de confiance en moi. Il faut qu'il
y ait un .témoin de nos efforts, quelqu'un qui marque
les coups, c.o mpte les points, pose la couronne sur notre
tête, - tout comme jadis, àJ'époque de la distribution
des prix, les bras chargés de .livres, je cherchais leS
yeux de ma mère dans la foule ... » (Mauriac, Le nœud
de viperes).
Mes frères, y a-t-il encore quelqu'un qui ne com~
prenne pas à: présent pourquoi il faut l'indissolubilité
du mariage?
. c) Mais il y a encore autre chose. Il appartiept ,à
l'essence du mariage qu'il n'y ait auc~n secret, l'un po,ur
l'autre, entre les deux,époux, qu'ils se découvrent mutuel-:-
lement leurs chagrins, comme jamais devant un autre
.homme. Mais ils n'en seront capables que s'ils savent
que cette confiance et ce don de soi dureront perpétuel-
lement. Cette confiance prendrait fin à l'instant ' même
,où surgirait seulement l'ombre d'une crainte qu'il
pourrait en être autrement, que celui en qui vous avez
.actuellement Une si totale confiance pourrait devenir
un jour votre ennemi, pire qu'un étranger, car il
 /
MARIAGE ET FAMILLE
pourrait faire mauvais usage en public de la confession
faite dans un moment de confiance absolue.
Mes paroles sont-elles exagérées? Celui qui le
croirait n'a qu'à lire - s'il en a le courage - les
dépositions écœurantes que les époux font .l'un contre
l'autre dans les procès de divorce. Comme les gens
peuvent être ·grossiers, communs, cruels!
d) Laissez-moi encore évoquer une autre idée.
N'oublions pas la valeur éducative du mariage indis-
soluble. L'idée d'indissolubilité aide à repousser et à
dompter les caprices et les défauts, tandis que la
possibilité du divorce ne fait qu'accroître le chiffre
des mariages malheureux et des discordes. La conviction
que les époux sont unis l'un à l'autre pour toujours
les amène à être indulgents et à se pardonner mutuel-
lement, à apaiser immédiatement les inévitables . et
plus ou mojns grandes discordes, à aplanir les difficultés
et à agir comme le prescrit saint Paul : « Que le soleil
ne se couche point sur votre colère» (Éphésiens, IV, 26).
Car il faut compter avec la nature humaine portée
au péché. Si on peut divorcer, s'il y a raison suffisante
au divorce, parce qu' « on ne se supporte pas mutuel-
lement », comme apparaît vite à l'horizon la tierce
personne dont on tombe amoureux et qui amène vite
les anciens époux à constater qu'ils ne peuvent plus
se supporter davantage. L'impossibilité du divorce
est le meilleur juge de paix en pareil cas. Comme il
est plus facile de vaincre la tentation séductrice, sion
peut lui répondre: C'est inutile, on ne peut pas divorcer.
On ne peut pas se séparer, alors il vaut mieux s'entendre.
L'INDISSOLUBILlTÉ DU MARIAGE (1) 153
'* * '*'
Mes frères, la famille est la cellule de la société.
Non seulement au sens juridique et économique, mais
aussi en raison de sa grande force éducative : c'est là
que naissent les vertus qui rendent possible la vie
sociale, le sens de la responsabilité, la compréhension,
la maîtrise de soi. Peut-on se représenter sans ces
forces morales une vie humaine? Mais au contraire,
pour qu'elles puissent naître dans le sol de la vie
familiale, il faut que le mariage soit de longue durée,
constant, sans trouble, donc indissoluble. Il faut du
temps pour les bonnes choses, - il en faut particu-
lièrement pour le développement de ces vertus.
Nous n'exagérons donc pas, en soutenant que le
mariage indissoluble est le trait d'union de la vie en
société : supprimez l'indissolubilité et l'édifice de la
société humaine tombera en morceaux . .
Les banques ne donnent qu'un intérêt très minime
pour les dépôts que l'on peut retirer à tout moment.
Par contre, si l'on fait confiance à la banque pour une
plus longue durée, c'est-à-dire, plus on dépose pour
longtemps ses fonds, plus on en reçoit un intérêt
élevé. Eh bien! on n'a pas le droit de dénoncer à
n'importe quel moment le dépôt de la fidélité conjugale,
il faut le laisser jusqu'au tombeau, pour recevoir un
intérêt d'autant plus élevé : intérêt pour les époux,
mais intérêt aussi pour la société humaine.
Si seulement l'humanité actuelle le comprenait de
nouveau! Si seulement elle voyait, du moins par les
 -MARIAGE ET FAMILLE ..

expériences amères actuelles, sur quelle voie dangereuse

elle s'est engagée en bravant le commandement de
Dieu, en attaquant l'indissolubilité du mariage. Nous
ne :pouvons rien souhaiter de meilleur à l' humanité que
de voir briller en lettres de feu au-dessus de chaque sanc...
iuaire familial .le commandement du Christ : «Que x
l' homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ». Amen.

L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE (II)

MES FRÈRES,

Dans mon sermon de dimanche dernier nous avons

examiné trois arguments en faveur de l'indissolubilité
du mariage : elle est exigée, en effet, par la volonté
divine, l'essence même du mariage .et enfin le but du
mariage. Le Créateur a exprimé clairement cette
volonté; quand il à créé une seule femme pout un
seul homme; mais Notre-Seigneur Jésus-Christ l'a
exprimée aussi, quand il a rangé l'indissolubilité du
mariage parmi les lois fondamentales du christianisme.
Elle est pareillement exigée par l'essence même et le
but du mariage, comme il en a été question en détail
dimanche dernier.
Mais la question est d'une telle importance vitale
que je veux encore m'en occuper dans J'instruction
d'aujourd'hui. Et pour renforcer te que j'ai dit anté-:-
rieurement, j'indiquerai dans la première partie de
 MARIAGE ET FAMILLE
mon sermon un nouvel argument; 1. L'indissolubilité
du madage est encore exigée par l'intérêt de l'humanité,
car le divorce met en péril d'immenses valeurs morales
et est ainsi le chemin le plus Sûr pour ruiner la société.
II. Ces raisons sont plus fortes, d'un intérêt plus capital
que les objections soulevées habituellement contre l'indis-
solubilité ·du mariage et que nous examinerons dans
la seconde partie de cette instruction.
1
L'INTÉRÊT DE L'HUMANITÉ AUSSI
EXIGE L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE.
Pourquoi ne peut-on pas dissoudre le mariage? -
telle est de nouveau la question que je soulève dans le
sermon d'aujourd'hui.
On ne le peut pas, parce que le divorce est une
tragédie, une catastrophe, une véritable malédiction.
A) Une malédiction pour l'homme, B) encore plus
pour la femme, C) mais surtout une malédiction pour
les enfants, D) le divorce est donc finalement un ver
rongeur, l'ennemi de l'ordre social et du bien général.
, 1
A) Le divorce est une malédiction pour l'homme.
a) Certains ne voient peut-être pas très bien que
par le divorce l'homme aussi perd beaucoup de choses.
« Comment? Il devient plus libre qu'un oiseau. Que
perd l'oiseau quand il s'envole de la cage? » ainsi
raisonnent peut-être quelques esprits.
L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE (n) 157
Mais comme cette manière de penser est superficielle
et frivole! Celui qui regarde les relations de l'homme
et de la femme des hauteurs du christianisme, voit la
situation tout autrement. Il aperçoit l'abîme dans
lequel, par suite du divorce, l'âme de l'homme aussi
se précipite, ii entend le craquement qui fait trembler
aussi l'âme de l'homme à la suite de cette séparation.
Je voudrais vous parler franchement, mes frères.
Le mariage indissoluble et monogame est une exigence
inébranlable du christianisme. Mais même si ce n'était
pas un dogme çhrétien et une loi morale, l'intérêt bien
compris de l'homme l'exigerait aussi, car les relations
de l'homme et de la femme ne peuvent être résolues
autrement sans ruiner les valeurs morales de l'âme.
b) II est noble et sublime le sentiment que nous
appelons « éros » et que le Créateur a enflammé entre
l'âme de l'homme et de la femme. Mais plus est élevée
la tâche qui attend une faculté ou un sentiment humain,
plus est effroyable la ruine qui attend celui qui s'écarte
de la bonne voie.
Qui n'a pas connu des jeunes gens pourvus de dons
magnifiques, appelés à un grand avenir, devant lesquels
s'ouvrait une carrière pleine de promesses et qui sont
tombés, les ailes brisées, et sont devenus des épaves
sans valeur, parce qu'ils s'étaient jetés dans les bras
de l'éros indompté? Comme Dante voyait clair dans
les profondeurs de l'âme humaine, lorsqu'il repré-
sentait dans son « Enfer » les esclaves d'éros jetés
constamment de côté et d'autre par une tempête
terrible! Oui, cet affaissement, ce vide intérieur, cette
instabilité, ce flottement de côté et d'autre, c'est le
1
1
.1
 MARIAGE ET FAMILLE
sort des hommes qui ont voulu se soustraire à la con-
stance de la fidélité et de la monogamie. Et voilà pourquoi
le divorce est une malédiction aussi pour l'homme.
B) Mais naturellement il est ·une bien plus grande
malédiction pour la femme.
a) Le triste sort de l'épouse abandonnée est beaucoup
trop connu pour que je sois obligé de m'arrêter long-
temps sur cette idée. Pauvre femme abandonnée qui
avait donné à son mari dans le mariage son trésor le
plus grand, son bien le plus précieux et qui maintenant
est jetée dans la rue, dépouillée de tout. Brisée, aban-
donnée à elle-même, souvent dans une situation
matérielle difficile, elle traîne amèrement une existence
sans joie. C'est encore une chance, si elle a une foi
vivante, qui la conduit à l'église, au confessionnal,
à la sainte table, pour y puiser force et consolation
dans ces années de douloureuse épreuve.
b) Naturellement il y en a qui ne passent pas ainsi
tout le reste de leur vie, mais se remarient; elles se
remarient une fois, puis une seconde, et s'il le faut
une cinquième fois ... et cette conduite répand un air
empoisonné dont les bacilles infectent comme une
peste les idées morales du prochain.
Et ici, je ne puis m'empêcher de vous lire à nouveau
quelques lignes du discours du comte Joseph Karolyi
dont j'avais déjà cité un , passage dimanche dernier :
« Cette contagion ne s'est pas encore autant répandue
dans les milieux paysans. C'est pourquoi il faut agir
aujourd'hui, car le peuple reçoit d'en haut le mauvais
exemple. Comment le peuple de la campagne .doit-il
regarder le château que pendant .des :sièc1es. il a entouré
L'INDISSOLUBILITÉ . DU MARIAGE (n) 159
d'honneurs, de respect, si aujourd'hui, en ,bien des
endroits, il n'y voit souvent que le scandale, si, en bien
des endroits, il y voit la troisième ou la quatrième
femme faire son entrée. Et que sont quelquefois ces
femmes? n'en parlons pas ...
n y a vingt ans, ne se serait pas produit, ce qui m'est
arrivé récemment, de .voir dans un salon une dame
en conversation avec ses deux anciens maris, tandis
que le troisième, le mari en exercice, les regardait en
souriant. Je ne pouvais m'imaginer que cela fût possible.
Et que dirai-je de .ce jeune scout qui, l'été dernier,
campait en forêt avec ses camarades. Lui ayant demandé
quels étaient ses parents, il donna le nom de sa mère
et ajouta -avec la naïveté d'un enfant de douze ans --:-
qu'il en était à son cinquième papa. J'aurais pleuré,
en entendant cet enfant. Que se passe-t-il dans l'âme
d'un enfant pareil? Quel sera l'idéal d'une génération
pareille, quelle idée se fera-t-elle de la fidélité, de la
maternité, du mariage, de la famille, quand elle
grandira? Car , elle n'aura plus d'idéal. A quoi sert la
formation du caractère chez les scouts, si cet enfant
grandit en compagnie de son cinquième papa? »
C) Et ici, nous arrivons à un nouvel argument, plus
fort encore, qui proteste hautement contre le divorce.
Le divorce est un~ malédiction pour l'homme, une.
malédiction encore plus grande pour la femme, mais
il est la malédiction la plus affreuse pour l'enfant.
Si tout ce que j'ai évoqué jusqu'ici n'existait pas,
si l'homme et la femme ' ne faisaient que gagner au
divorce - mais nous avons vu qu'ils perdaient beau-
coup, - alors il, nous faudrait encore dire: Pas de.
-. '
J60 MARIAGE ET FAMILLE
divorce. Pourquoi? Parce que le divorce peut parfois
peut-être être avantageux pour l'homme, parfois aussi
peut-être pour la femme, mais dans aucune circon-
stance il ne peut être avantageux pour l'enfant, il n'est
donc pas avantageux pour la société ni pour la nation.
a) On pourrait répéter pendant des heures combien
la bonne éducation des enfants exige que les parents
demeurent ensemble et quel péril pour toute l'existence
constitue dans l'âme de l'enfant le divorce des parents.
La tragédie commence dès le procès en divorce.
Une lutte acharnée et féroce s'engage entre les parents:
qui aura la garde des enfants, le père ou bien la mère?
Mais quel ravage inouï dans l'âme de l'enfant quand
il est obligé de choisir qui il doit aimer : son père ou
sa mère? Il est vrai que cela ne vaut pas mieux, quand
le tribunal partage les enfants, moitié au père et moitié
à la mère.
Le divorce a eu lieu. A présent commence l' « édu-
cation» des enfants. L'éducation? Quelle éducation?
La partie qui a la garde des enfants met tout en œuvre,
pour extirper de leur cœur l'amour naturel à l'égard
de l'autre partie; elle raconte tout ce qu'elle sait de
mal devant ses propres enfants. L'autre partie à qui
ont été enlevés les enfants fait tout pour les reconquérir
et dans ce but ne recule pas devant les moyens les plus
extravagants. Et l'âme du malheureux enfant est
irrémédiablement sacrifiée dans ce funeste va et vient.
Ah! malheureux enfants, devenus orphelins, avant la
mort de vos parents! Ah! pauvres petits oiseaux
tombés du nid et dont l'âme est privée de tout un monde
de bonheur par suite du divorce . des parents!
L'INDISSOLUBILITÉ DU MAIUAGE (II)
b) Et la preuve que ce n'est pas de la fantasmagorie
ni une idée sans fondement, mais une terrible réalité,
nous la trouvons dans la lettre qu'un enfant, dont les
parents sont divorcés, écrivait au Petit Jésus, à l'occasion
de Noël. Il n'y a pas de Démosthène pour pouvoir
parler de façon aussi émouvante contre le divorce,
il n'y a pas de Cicéron pour pouvoir dresser pareil
acte d'accusation contre le divorce comme cette lettre
du petit Jean qui à l'occasion de Noël écrivait en grosses
lettres maladroites au Petit Jésus: « Cher Petit Jésus,
je t'en prie, emporte-moi dans le Ciel. Je voudrais
devenir un ange. Et je promets que je serai un ange
bien gentil et que je ferai tout ce que tu commanderas.
Je suis si malheureux ici. Tu sais que papa a chassé
maman, parce qu'il a pris une autre maman. Maman
m'a emmené, mais il ne fait pas bon avec elle. Depuis
je n'ai plus de sucre. Depuis il fait si froid ici. Maman
pleure tout le temps. A présent aussi maman a un
nouveau papa, mais maman pleure encore beaucoup.
Le nouveau papl1.est un ivrogne. Maman s'est plainte
aux voisins qu'elle ne sait plus comment faire, car
autrement nous allons mourir de faim. Moi j'ai dit à
maman que je tuerai le nouveau papa. Mais maman
m'a dit que le petit Jésus serait fâché. Au catéchisme,
j'ai appris que les anges sont très heureux et qu'ils
n'ont qu'à obéir à l'Enfant Jésus. Je voudrais bien
être un ange, parce que je suis si malheureux. Je t'en
supplie, Petit Jésus, prends-moi vite avec toi. Je
t'embrasse les mains. Jeannot )J.
Mes frères, ce n'est pas une lettre inventée, c'est
une chose qui est arrivée. Mais dites-moi : aurons-
]\.fal'. et b'am. - 11
162 MARIAGE ET FAMILLE
nous le clroitde nous révolter et de noùs indigner,
si un jour, ces petits enfants ayant grandi, deviennent
des malfaiteurs, des hommes sans moralité, des voleurs,
des assassins? Dites-moi; quels sont les plus coupables:
les enfants pervertis ou · les parents dont le divorce
est devenu une occasion de ruine pour leurs e'nfants?
Car, si nous fouillons la jeunesse defameùx scélérats,
bien souvent nous trouvons la sourée de leurs crimes
dans une famille brisée.
D) Mais, n'est-ce pas, je n'ai plus besoin maintenant
d'insister autant sur cette dern.ière constatation que
le divorce est aussi une malédiction pour l' humanité
elle-même et que le divorc y est le moyen le plus sûr
de ruiner une nation. . démoralisante sur l'humanité, paralyse son ardeur com-
a) Je sais que certains en entendant ce sermon
feront cette réflexion : « Naturellement! les prêtres
sont obligés de parler ainsi. Mais maintenant répondez":
moi, non plus comme prêtre, mais comme un homme
qui sait comprendre et compatir : Si vous n'étiez pas
prêtre, affirmeriez-vous aussi catégoriquement que le
mariage ne peut jamais être rompu? Je vous en prié,
à présent ne parlez pas comme prêtre, mais en homme
qui connaît les cœurs et les larmes de ceux ' qui
souffrent »...
Eh bien! je vais répondre. Je veux répondre en
toute sincérité . . Plus j'avance en âge, plus j'ai pu
connaître les cœurs et les âmes qui souffrent, mais
plus je vois combien, même du point de vie purement
humain, l'Église a raison de ne pas dissoudre le mariage.
Car il devient de plus en .plus clair pour moi que
la grandê lutte menée en faveur · du divorce n'·est à
L'INDISSOLUBILITÉ DU MARiAGE (II)
vrai dire qu'une partie du grand assaut que l'athéisme
et le paganisme modernes livrent contre l'orientation
surnaturelle de l'humanité, contre la religion. Le but
des apôtres du divorce n'est nullement de guérir les
souffrances des époux malheureux, mais bien plutôt
de soustraire l'humanité aux lois de Dieu. La guerre
engagée contre le mariage n'est qu'un aspect de la
grand~ guerre des idées; celui qui a à cœur la foi en
Dieu et au Christ ne peut donc pas se ranger dans le
camp dès ennemis du mariage.
b) Mais d'autre part, même du point de vue purement
humain, je ne puis pas approuver le divorce, parce que
déjà la simple possibilité du divorce exerce une action
bative, et fait reculer de beaucoup l'éducation morale.
Quels que soient les aspects sous lesquels on consi:"
dère la chose, il nous faut reconnaître que le divorce
n'est jamais un événement noble et édifiant, mais
toujours une tragédie, une banqueroute, une débâcle.
Une tragédie morale qui exerce une influence dépri":
mante, paralysante, corruptrice sur la vie saine et
harmonieuse de la famille, tout comme des combattants
perdent courage et élan, quand des traîtres s'enfuien.t
lâchement en pleine bataille.
SUes hommes savent que le mariage est indissoluble,
alors ils s'efforcent d'être plus indulgents, de dompter
leurs caprices, de vaincre leurs mauvais penchants
c'est-à-dire de s'éduquer eux-mêmes: Mais si la
possibilité du divorce flotte constamment devant leurs
yeux, alors pour chaque petit ennui ils y cherchent
lâchement un refuge et reculent avec effroi devant
 L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE (II)
MARIAGE ET FAMILLE

ce qui est encore plus vrai, c'est qu'à cause de ce

le déploiement de forces sans lequel on ne peut se
principe de l'indissolubilité des millions et des millions
représenter aucun progrès moral.
d'époux restent ensemble pour le bien de l'humanité.
Ordinairement les gens ne prennent connaissance que
des choses extraordinaires, des choses à sensation, des
II scand~es, des drames. Mais non pas de ce fait que
par SUIte du commandement sévère de l'indissolubilité
OBJECTIONS CONTRE L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE. du mariage combien d'époux sont demeurés ensemble,
alors que sans ce commandement ils se seraient séparés
depuis longtemps, tandis que, à cause de cette pres-
Mais si les choses sont ainsi et si l'Eglise ne permet
cription rigoureuse, ils se sont efforcés de s'accoutumer
pas de toucher à l'indissolubilité du mariage, cela ne
l'un à l'autre, d'être indulgents l'un pour l'autre et de
veut aucunement dire que l'Eglise ne connaît pas les
se pardonner mutuellement. Il y a des milliers et des
objections contre l'indissolubilité et ne sait pas que
mil!ie~s de heurts qui peuvent se produire dans le mariage,
de ce principe rigide découlent pour l'individu -
malS Ils peuvent tous être surmontés par cette con-
malheureusement - parfois aussi des conséquences
viction absolue: il n'y a pas de divorce, c'est impossible.
douloureuses.
C'est vrai que je dois faire preuve de beaucoup d'indul-
Ecoutons seulement les objections les plus fréquentes:
gence .. . c'est vrai que je dois savoir supporter bien des
A) « Mais c'~st de la barbarie, de la cruauté! » -
choses ... mais nous nous sommes juré une fidélité
s'écrient en entendant ce sermon ceux dont les épaules
pe.rpétuelle et on n'y peut rien changer. Alors j'aime
plient sous la croix d'un mariage malheureux. Des
mIeux tâcher de m'y habituer et de me maîtriser.
milliers et des milliers d'époux doivent mener une
b) (( Mais alors le mariage - même le bon mariage -
vie d'amertume, à cause d'un principe, du principe
est un sacrifice perpétuel! »
de l'indissolubilité sur lequel l'Eglise ne veut pas céder
C'est vrai: un sacrifice perpétuel. Et pour que ce
et que nous devons boire jusqu'à la lie.
sacrifice soit possible, Notre-Seigneur Jésus-Christ
a) Que répondrons-nous à ces infortunés? Mettrons-
lui a ouvert une source de grâces toute spéciale : le
nous en doute leurs paroles? Non. Car ce qu'ils disent
sacrement de mariage. Souvent même les personnes
est la vérité, - mais le malheur, c'est qu'ils ne disent
assez religieuses ont d'ordinaire des idées superficielles
que la moitié de la "vérité.
à ce sujet. Or le mariage n'est pas une affaire senti-
(( A cause de ce principe de l'indissolubilité du
mentale
, ni une cérémonie ni un acte de l'état civil, -
mariage, des milliers et des milliers d'époux mènent
c est un sacrement. Un sacrement qui assure des
une existence pleine d'amertume» - c'est vrai. Mais

- -~-~ -- -- --- - -_._-~ ,..

166 MARIAGE ET FAMILLE
grâces durant toute la vie, pour les jours difficiles où
la fidélité réciproque des époux, leur maîtrise d'eux-
mêmes, leur amour, leur indulgence sont mis à
l'épreuve.
B) « Oh! je sais tout cela! - répondra peut-être
l'un de nos frères malheureux. J'ai tout essayé, mais
en vain. Nous ne nous supportons plus. Enfin nous ne
sommes plus faits l'un pour l'autre. La vie commune
êst , devenue un enfer, un enfer! N'y a-t-il donc pas de
séparation possible? »
a) Mais si, il y a alors une séparation possible, ma!s-
pas de remariage. Lorsque l'Église voit que la vie
commune est devenue totalement impossible et into-
lérable, elle permet que les époux se séparent, aban-
donnent la vie commune, - mais le lien conjugal n'est
aucunement rompu à cause de cela. Il continue d'exister,
tant que l'une des deux parties n'est pas morte. Il
n'est donc pas permis de se remarier du vivant de
l'autre partie.
Pas permis? Pourquoi? Parce que Notre-Seigneur
Jésus-Christ l'a clairement interdit, comme je l'ai
montré dans mon dernier sermon. Il n'est pas question
ici d'une loi ecclésiastique ni d'un décret rendu par
tel ou tel pape. Ce qu'un pape a prescrit, un autre
pape peut l'abolir; mais ce que Dieu a ordonné -
Il le fait par des lois imprégnées dans notre nature et
aussi par des lois positives - personne n'a le droit
d'en changer un mot, sur la terre.
b) Mais on n'en a pas le droit encore pour une autre
raison indiquée par .l'âme délicate d'une illustre
écrivain. A peine y a-t-il de nos jours une femme
L'INDISSOLUBILiTÉ DU MMIAGE (U)
ecnvain plus célèbre que la , romancière norvégienne
Sigrid Undset, titulaire du prix Nobel. Elle n'est pas
née catholique, mais elle l'est devenue, - or, c'est
justement la conception idéale du mariage dans l'Église
catholique qui a fait sur son âme l'impression la plus forte.
Cette écrivain présente contre le remariage une
idée très intéressante, tout à fait originale et neuve.
Les époux séparés - écrit-elle - doivent rester sans
se remarier, parce que leur premier mariage est toujours
valide et que par suite ils doivent prier et faire pénitence
l'un pour l'autre, afin que l'autre partie se convertisse
et revienne; par contre, ils doivent se tenir eux-mêmes
dans une situation telle qu'aucun obstacle n'empêche
une réconciliation, si l'autre veut revenir.
Réellement, quelle délicate façon chrétienne de
penser! Que de fois, en effet, il arrive que précisément
la partie, par la faute de qui le mariage a été brisé,
revient à la raison et s'aperçoit de ce qu'elle a perdu,
combien elle a eu tort. Et si quelque épreuve, une
maladie, un malheur vient la frapper, elle est prête
à revenir avec repentir. N'est-ce pas une bénédiction
q~e la conception austère du catholicisme ne permette
pas le remariage et garde ainsi ouverte la route du
,retour ?
C) « C'est très beau. L'Église prêche un idéal magni-
fique, mais ne voit-elle donc pas la triste réalité? Ne
voit-elle pas que l'humanité reste bien loin de cet idéal?
Le mariage monogame, indissoluble, la fidélité conju-
gale, la fidélité mutuelle et envers les enfants ... tout
cela c'est l'idéal, un idéal sublime. Mais l'Église ne
voit-elle donc pas combien peu le suivent? Pourquoi
168 MARIAGE ET FAMILLE
ne montre-t-elle pas un peu d'indulgence? Et alors
elle ne perdrait pas les milliers et les milliers de fidèles
qui abandonnent la religion de leurs ancêtres, parce
qu'elle ne leur permet pas un second mariage. Pourquoi
l'Église ne le permet-elle pas? » .. .
Pourquoi? Pm'ce que ce serait la ruine de l' humanité.
Oh! certainement, notre sainte Église voit d'un cœur
affligé combien désertent son drapeau, - mais elle
ne peut pas adoucir ses exigences. Elle ne- peut pas,
parce qu'elle ne peut rien faire contre les prescriptions
divines; elle ne le peut pas non plus, -parce que non
seulement, en agissant autrement, elle donnerait raison
aux faibles et aux hésitants et les fortifierait dans leurs
idées frivoles, mais encore elle priverait ceux qui luttent
courageusement et sérieusement de la force réconfor-
tante de l'idéal. A-t-elle le droit de rabaisser cet idéal
au niveau des faibles et des hésitants? A-t-on le droit
de mettre un écran devant les rayons du soleil, unique-
ment parce que des yeux malades ne supportent pas
son pur éclat?
D) Mettons donc à côté l'une de l'autre les deux
idées et faisons la balance : que signifie l'indissolubilité
du mariage et que signifie la possibilité de le rompre?
L'indissolubilité du mariage signifie le véritable
respect de la femme, de sa dignité, de son égalité de
droits avec l'homme, le divorce signifie l'abaissement
de la femme, sa servitude absolue.
L'indissolubilité du mariage signifie l'amour et
['éducation des enfants, le divorce signifie la peur de
l'enfant ou, s'il y a des enfants, signifie la ruine et le
drame douloureux de leur éducation.
L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE (II)
L'indissolubilité du mariage signifie un $entiment de
sécurité : quoi qu'il arrive, nous sommes perpétuel-
lement unis l'un à l'autre. La possibilité du divorce
signifie une crainte, une anxiété et une méfiance perpé-
tuelles : l'autre ne m'abandonnera-t-il pas dans ma
maladie, ma vieillesse, ma détresse?
L'indissolubilité du mariage signifie maîtrise de soi:
nous devons rester l'un à côté de l'autre, nous accou-
tumer ,l'un à l'autre, nous montrer généreux et indul-
gents l'un pour l'autre. Mais la possibilité du divorce
accentue encore plus les contrastes, car toujours -
rôde autour des époux cette tentation : à quoi bon
faire des efforts? Si je ne lui plais pas, nous nous
séparerons.
L'indissolubilité du mariage signifie la fidélité con-
jugale. J'ai juré fidélité jusqu'à la tombe. Par contre
l'idée de la possibilité du divorce encourage chaque
tentation d'infidélité : à quoi bon lutter contre elle,
puisqu'on a le' droit de le faire?
En un mot l'indissolubilité du mariage est la base
de l'Église, de l'état, de la société et de la civilisation, la
possibilité du divorce au contraire ébranle les bases
vitales de l'humanité, conduit à l'endurcissement
moral et à la ruine des peuples.
Regardons la statistique des divorces : dans la seule
année 1929, il y a eu dans notre Hongrie mutilée
14-5°0 divorces. En une seule année 29.000 personnes
ont donc brisé les liens de la fidélité « perpétuelle »
qu'ils avaient jurée. Un nombre au moins égal d'enfants,
peut-être même davantage, peut-être 4°.000, peut-être
50.000 sont ainsi devenus orphelins, ont été jetés dans
17° MARIAGE ET FAMILLE
la rue ou entre les mains de beaux-parents. Mais est-ce
.dans l'inté~êt de la nation?
Regardons la statistique des . suicides : les divorcés
se suicident en beaucoup plus grand nombre que les
autres personnes. Est-ce dans l'intérêt de la nation?
Regardons la statistique des jeunes criminels :
soixante pour cent ont leurs parents divorcés, vingt
pour cent sont de naissance illégitime. Est-ce l'intérêt de
.la nation?
Regardons les éléments révolutionnaires: une grande
partie d'entre eux ne mène pas une vie régulière, dans
une famille légitime. Est-ce l'intérêt de la nation?
Quand la famille est malade, tout le peuple est
malade; quand la famille est détruite, le peuple aussi
est détruit, - et il n'y a ni bien-être matériel, ni loi,
,ni armée; ni politique, qui puisse arrêter sa décadence.
'*' '*' * Pas de divorce, parce que nous ne pouvons pas
Mes frères, les anciens romains avaient une divinité
appelée Janus, c'était le dieu gardien d'une porte
de la ville. Les légions passaient sous l'arc de Janus,
quand elles partaient pour la guerre ou en revenaient,
et de là était née la coutume de fermer la porte du
temple de Janus, lorsqu'on était en paix.
De nos jours, l'Église catholique assume la tâche
surhumaine, cette lutte à la vie et à la mort de fermer
de nouveau la grande porte que le monde éloigné de
Dieu a ouverte frivolement , et par laquelle se déverse
sur l'humanité un péril plus dévastateur que la guerre.
L'INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE (n) '
Sachons bien que si l'Église réussit à fermer la grande
porte du divorce,si elle réu,s sit à convflincre J'.humanité
qu'il n'y a, pas de diyorce possible, alors l'humanité
goût,era, de nouveau les bienfaits de la 'paix.
Oh! comme nous devons être reconnaissants à notre
sainte Église de résister ouvertement aux idées du
monde frivole et d'oser proclamer sans trembler :
Époux, quand vous devriez beaucoup souffrir, quand
vous devriez vous céder et vous pardonner beaucoup
l'un à l'autre, faites-le. Pour l'amour du ciel, faites-le!
Mais pas de divorce... pas de divorce.
Pas de divorce, parce que nous ne pouvons rien ôter
au commandement formel de Dieu.
Pas de divorce, parce que nous ne pouvons pas
précipiter dans la ruine morale des enfants devenus
sans père ni mère.
Pas de divorce, parce que nous n'avons pas d'argent
pour de nouvelles maisons de correction et de nouveaux
orphelinats.
précipiter notre peuple dans une catastrophe.
Pas de divorce, parce que nous ne voulons pas
introduire un ver rongeur dans l'arbre de la société
et boucher avec de la vase la vieille source de la vie
humaine.
Celui qui respe~te la sainte volonté de Dieu est contre
le divorce. Celui qui aime la jeune génération est contre
le divorce. Celui qui se soucie de la vie humaine
ordonnée est contre le divorce. Celui qui aime sa
patrie, - qui l'aime non pas en paroles, mais même
au péril de sa vie, - est contre le divorce.
17 2 MARIAGE ET FAMILLE

Ayez pitié, mon Dieu, de notre patrie. Et faites que

tous les époux et toutes les familles comprennent et obser-
vent votre sainte volonté, votre grand commandement :
il n'y a pas de divorce, il n'y a pas de divorce possible!
Amen.

XI

LE DIVORCE

MES FRÈRES,

Il Y a quelques années s'est déroulé à Berlin un

procès en divorce tout à fait curieux. Un homme et
une femme désiraient ardemment leur divorce; ils
étaient d'accord pour déclarer qu'ils ne pouvaient
. plus rester ensemble; mais ils ne pouvaient s'entendre
sur une question extrêmement importante : A qui
serait le chien? Oui, le petit chien que tous deux
aimaient d'un amour sans borne à la place des enfants
qu'ils n'avaient pas. Car je n'ai pas besoin de vous dire
que ces époux qui voulaient divorcer n'avaient pas
d'enfants. Ils n'en avaient d'ailleurs pas voulu.
Enfin, l'épouse d.ut s'incliner le cœur gros devant
la sentence qui laissait le petit chien à la garde du mari,
mais la femme avait le droit une fois par semaine
d'aller voir son petit orphelin et de le promener durant
quatre heures. La femme devait donc durant ces

--_._~~--
• •
-
f.f
 174 MARIAGE ET FAMILLE
quatre heures s'efforcer de dépasser son mari en
amabilité et combattre dans le cœur de son petit trésor
l'influence du mari et s'assurer ainsi l'attachement et
l'affection du petit chien.
Ainsi se termina ce procès de divorce. Et on ne
sait pas s'il faut rire ou ,pleurer. Rire devant cette
comédie des deux époux se querellant non pas d'être
sans enfant, mais pour savoir à qui appartiendrait
le petit chien. Nous en rions, mais ne devrions-nous
pas plutôt nous demander avec angoisse: Qu'est-ce qui
attend une humanité, qui en est descendue jusque-là?
Dans les deux derniers sermons il a été question
de l'indissolubilité du mariage et hous avons cherché
à peser chaque argument qui, du point de vue religieux,
moral, social et pédagogique, peut être apporté en
faveur de l'indissolubilité du mariage.
Malheureusement, en face de ce haut idéal se dresse
la vie réelle. La triste réalité qui montre la foule des
divorces , se répandre dans la société et comme une
peste miner le plus saint idéal de l'humanité.
Après les hautes et idéales considérations des deux
sermons précédents, nous allons donc dans l'instruction
d'aujourd'hui descendre dans la triste réalité; après
avoir montré ce qui devrait' être, examinons Ce qui
est : aujourd'hui nous parlerons des divorces. 1. De l'a
proportion effrayante à laquelle s'élève de nos jours
le nombre des foyers détruits : dù ' nombre croissant
des divorces. Je n'èn parlerai d'ailleurs que, brièvement,
car c'est , un fait malheureusèmentbien connu. _
IL Mais:jevoudraisexposer avec d'autant plus de détails
l'immense misère et le désordre moral grandîssant qui
:
LE DIVORCE J75
surgissent des ruines du sanctuaire familial écroulé~ '
Puisse le sermon d'aujourd'hui être en même temps
une réponse à ces nombreux époux qui, la semaine
dernière, m'ont exposé dans leurs lettres -leurs plaintes
douloureuses. Plaise à Dieu que j'apporte la paix danS'
leurs âmes affligées! '
1
L'ACCROISSEMENT DU CHIFFRE DES DIVORCES.
A) La première triste réalité qui nous occupe
dans le sermon de ce jour est ' donc l'accroissemént
effrayant du chiffre des divorces, surtout depuis la guerre.
a) II est obligé de frémir, celui qui jette ne fût-ce
qu'un regard rapide sur les ruines du sanctuaire familial
démoli. Et il n'est pas vrai, comme certains voudraient'
le faire croire, que la cause principale des divorces
n'esfpas le relâchement de la moralité, mais la situation
matérielle et économique défavorable. II n'en est rien.
Car, s'il en était ainsi, qui comprendrait qu'à Budapest
la plupart des divorces ont lieu précisément dans le:
Ive arrondissement, tandis qu'ils sont le moins nom-'
breux dans les deux quartiers les plus pauvres? Je
ne veux pas fatiguer mes auditeurs en leur présentant
de longues statistiques. Elles sont en effet trop connues,
pour que je sois obligé de vous les présenter à nouveau.
C'est tin fait bien connu que dans certains pays'
il existe ,des agenc~s spécialisées qui font des offres
de service aux jeunes ménages, leur promettant un
, -j
 MARIAGE ET FAMILLE
concours rapide, ponctuel, bon marché, leur fournissant
des motifs de divorce tout prêts - avec versements
mensuels. Il est également bien connu que dans les
grandes villes on trouve des maisons Oll habitent presque
exclusivement des divorcés. Des divorcés et des gens
qui en sont à leur deuxième, troisième ou quatrièmè
mariage. La propriétaire au rez-de-chaussée vit avec
son troisième mari, elle a déjà divorcé deux fois. Au
premier étage, dans la cour, une femme vient de se
remarier la semaine dernière et amène avec elle les
trois enfants de son premier mariage. Le monsieur
qui habite un bel appartement du premier sur la rue
est sur le point de divorcer. Toute la maison en parle.
Et beaucoup lui donnent raison.
b) ({ Naturellement qu'il va divorcer! Que lui reste-
t-il à faire, s'il ne peut plus s'entendre avec sa femme?
Il en essaye une autre. Il en essayera, jusqu'à ce qu'il
trouve la bonne. Tout le monde a droit au bonheur.
Et si certains ({ principes » et certaines ({ considérations»
s'opposent à mon bonheur, je passe tout simplement
par-dessus ... Et l'Église aussi ferait mieux de se rendre
compte que l'homme d'aujourd'hui a des idées de ce
genre. Combien de temps encore veut-elle maintenir
cette interdiction surannée? Il n'y a pas de religion
au monde assez .forte pour résister aux manières de
voir générales de l'humanité ... »
Comme les gens parlent souvent ainsi!
Et ils ont en partie raison. Ils ont raison en ce sens
qu'en dehors de la religion catholique il n'y a·pas de
puissance au monde capable de mener la lutte contre
le flot des divorces. C'est bien vrai. Mais en revanche,
LE DIVORCE 177
i'Église comprend la responsabilité de sa mission divine,
elle sent en elle une force divine capable de résister à
l'avalanche, elle sent un regard lucide, des yeux purs,
une volonté indomptable, le commandement du Christ
- et c'est pourquoi elle ne peut jamais céder.
B) ({ Pourtant l'Église devrait se montrer indulgente.
Nous ne vivons plus au moyen âge, mais au siècle de
la radio, de l'avion et de l'électricité. L'Église ne
connaît-elle donc pas la foule de drames qui naissent
du fait qu'elle ne permet pas le divorce? »
a) Mais si, elle les connaît. Et comme elle en a pitié!
Comme elle a pitié de ces hommes qui ont compris
sérieusement, consciencieusement la grande question
du mariage et ne sont pas responsables, s'ils ont épousé
une poupée frivole, légère et dépensière. Comme elle a
pitié de ces femmes qui se sont présentées avec tout
l'idéalisme d'une âme pure devant l'autel de leur
mariage et ont trouvé, au lieu du chevalier idéal rêvé
dans leur chambre de jeune fille, un époux grossier,
brutal et insupportable. Ah! comment l'Église ne
compatirait-elle pas aux souffrances de ces innocents!
Comment ne verrait-elle pas toutes les frictions,
querelles et amertumes qui naissent, quand sont obligés
de vivre ensemble deux êtres qui aimeraient mIeux
se dire immédiatement un éternel .adieu!
Que personne donc ne dise que l'Église ignore
l'héroïsme surhumain qu'exige l'indissolubilité du
mariage et qu'il y a des mariages malheureux où garder
la fidélité jusqu'à la mort équivaut à un véritable
martyre.
Mar. et Fam ..- li
 MARIAGE ET FAMILLE
b) Mais pourquoi alors ne se relâche-t-elle pas de cette
sévérité apparemment exagérée?
C'est parce qu'elle ne peut rien modifier au comman-
dement formel du Christ. C'est aussi parce que vous
ne voyez qu'un côté de la question, tandis qu'elle voit
également l'autre. Vous voyez seulement les nombreuses
souffrances que peut causer l'indissolubilité. Mais
l'Église voit aussi les indispensables valeurs qui
dépendent de l'indissolubilité du mariage. Elle voit
que si actuellement des milliers et des milliers de
personnes souffrent à cause de l'indissolubilité, ce
serait non pas des milliers d'hommes, mais l'humanité
entière qui irait à la ruine, si le divorce était possible.
Jusqu'à quand l'Église maintiendra-t-elle donc
l'indissolubilité du mariage? Tant qu'il y aura des
hommes sur la terre. Des hommes qui doivent exécuter
la volonté de Dieu : « Que l'homme ne sépare pas ce
que Dieu a uni» (8. Matthieu, XI, 6).
Et si, à cause de cela, elle perd toujours plus de
fidèles? Même alors. Et si, à cause de cela, elle perd
encore de nouveaux pays, comme elle a perdu jadis
l'Angleterre? Même alors. Car elle peut tout sacrifier,
sauf une chose : le commandement du Christ.
II
CONSÉQUENCES FUNESTES DU DIVORCE.
Combien notre sainte religion a raison de lutter de
toutes ses forces contre le divorce, c'est ce qu'aperçoit
LE DIVORCE 179
tout homme capable de jeter un regard assez profond
dans le chaos incommensurable et dans la misère morale
qu'entraîne inévitablement le divorce.
Je ne veux pas présenter ici des considérations
théoriques: c'est la triste réalité, c'est la vie elle-même
qui va parler. Il n'y a pas de sermon qui puisse autant
montrer les malédictions du divorce que les deux
scènes prises sur le vif que je veux évoquer devant
mes chers auditeurs.
A) Une femme d;une quarantaine d'années est assise
devant moi dans mon bureau. Quand elle commence
à parler, elle ne pleure pas encore, elle lutte contre sa
douleur. Mais bientôt sa voix se voile, son chagrin
devient de plus en plus fort et à la fin toutes ses paroles
sont entrecoupées de sanglots.
- Nous sommes mariés depuis vingt ans, tous deux
bons catholiques, nous avons pendant longtemps été
ensemble nous confesser et communier. J'ai quatre
enfants, l'aîné a seize ans, le plus jeune en a six. Pendant
dix-sept ans, j'ai mené avec mon mari une vie de
bonheur. Mais il y a trois ans une jeune fille, la cais-
sière de notre commerce, est venue se mettre au travers
et depuis mon mari est tout changé. Il est devenu brutal,
nerveux, il délaisse sa famille, le soir il est à peine à
la maison ... Et je supporte tout cela depuis des années.
Non pas pour moi, - mais pour mes enfants. Je pleure
et je souffre en silence. Mais maintenant, je n'en puis
plus; ces jours derniers j'ai tout découvert et il m'a
tout avoué. Il était, c'est vrai, très ému et m'a fait des
promesses; mais c'est fini. Je n'en puis plus; je vais
divorcer.
180 MARIAGE ET FAMILLE
Et la pauvre femme pleure à chaudes larmes.
a) En effet, qui oserait affirmer qu'elle n'est pas une
({ pauvre femme» ? Qui oserait mettre en doute la lourde
croix qui pèse sur son existence? Et moi, à présent, je
vais pourtant lui dire de ne pas divorcer. Mais je puis
dire que je vais lui conseiller peut-être le plus grand
sacrifice que Dieu puisse attendre d'une créature
humaine sur cette terre. Mais il faut que je la persuade,
car il n'y a pas de meilleure solution.
- Alors, madame ... vous voulez vous séparer de
votre mari ... Il est vrai que dans ces circonstances
douloureuses l'Église permet la séparation, c'est-à-dire
vous délie du serment que vous aviez fait, lors de votre
mariage, de rester auprès de votre époux durant toute
votre vie. L'Église peut vous autoriser à quitter votre
mari, - mais naturellement il n'y a pas de remariage
possible.
- Ah 1je n'y pense pas. J'en ai assez d'un. Pourquoi
prendrais-je un nouveau mari?
- Mais réfléchissez bien aux conséquences de votre
geste. Pensez d'abord à votre âme. En ce moment,
vous sentez - et vous ne pensez pas qu'il en soit
autrement - que vous pourrez garder la chasteté à
laquelle vous obligera cette séparation d'avec votre
époux. Mais quelle immense maîtrise de soi cela exigera!
Que de sots discours il vous faudra entendre, ({ vous
êtes encore jeune et vous menez une vie si triste ».
Pourrez-vous toujours résister contre ces assauts?
- J'irai souvent me confesser et communier; oui,
je crois que tout restera dans l'ordre.
- C'est vrai. Votre âme à vous peut rester dans
LE DIVORCE
l'ordre. Mais pensez-vous aussi à ce qu'il adviendra
de votre mari?
- Ce qu'il deviendra? Il m'a déjà délaissée et est
déjà tombé.
- Oui. Mais si vous lui pardonnez et oubliez tout,
- oh ! comme ce sera difficile - mais si vous pardonnez,
il peut encore se relever. Si, au contraire, vous vous
séparez maintenant de lui, vous le laissez dans un
abîme dont peut-être il ne pourra plus sortir. Vous
avez dit que votre mari autrefois aussi avait de la piété.
On peut donc encore espérer. C'est vrai, il a trébuché.
Mais si maintenant il vous demande pardon.
- Mais dites-moi, Monseigneur, peut-on jamais
oublier pareille chose?
- Il n'en est pas question. On ne réussit pas toujours
à effacer un souvenir et à guider ses sentiments. Mais
l'intention. La volonté. Le geste de pardon. Le rappro-
chement avec celui qui se repent. Et je n'ai pas encore
parlé de la plus lourde responsabilité que vous assumez
par une séparation : le sort de vos enfants.
- Je le sens bien aussi. Si j'ai tout supporté jusqu'ici,
c'est à cause de mes enfants.
- Et vous continuerez à le faire. Car vous ne
pouvez pas vouloir que ces malheureux deviennent
orphelins du vivant de leur père et de leur mère. Vous
ne pouvez pas vouloir que leur jeune idéal s'écroule
comme un château de cartes. Vous ne pouvez pas
vouloir l'affreuse tragédie que traversent les enfants
dont les parents sont séparés et qui a pour conséquence
la ruine de ces âmes d'enfants.
b) Je sens, mes frères, que certains peut-être
 MARIAGE ET FAMILLE
voudraient intervenir en faveur de cette . femme.
Intervenir en demandant :
- Pourquoi une personne si malheureuse et inno-
cente ne peut-elle pas se remarier. La première fois elle
n'a pas réussi, elle n'a pas été heureuse. Pourquoi ne se
remarierait-elle pas? Est-ce qu'elle n'a pas droit au bonheur ?
Que de fois on entend ce cri d'indignation! Et ceux
qui parlent ainsi ne se rendent peut-être pas compte
combien leur langage n'est pas chrétien. Oui, le chrétien
aussi veut être heureux, - mais seulement confor-
mément à la volonté de Dieu et non pas contre elle.
Or, dans cette question - comme dans toutes les autres
- la volonté divine répond précisément aux intérêts
de la société, au bien commun de l'humanité. Mais
l'intérêt de l'humanité, la conservation du bien commun
sont au-dessus du bonheur individuel, de l'intérêt
individuel, et même des souffrances individuelles.
« Que m'importe cet intérêt général? - s'écrieront
quelques-uns avec amertume - je ne me soucie que
de mon intérêt à moi ».
Non, mes frères, mille fois non. Quand la guerre
éclate, tout le monde est envoyé au front, - car l'intérêt
de la patrie l'exige. « Que m'importe l'intérêt de la
patrie? Je prendrai la fuite ». Est-ce que quelqu'un
aurait le droit de parler ainsi? On n'a pas non plus
le droit de dire : que m'importe le bien général, je
fuirai le front de la vie familiale?
B) Malheureusement, il y en a qui désertent. Il y en
a qui n'observent pas le commandement formel de
Dieu et contractent un nouveau mariage, alors que
l'autre conjoint est encore en vie.
LE DIVORCE,
a) Savez-vous ce qui en résulte ?=Une conversation
du genre de celle-ci :
- Ce que fait l'Église catholique est inouï. Je - suis
allée me confesser et je n'ai pas reçu l'absolution." Le
Christ n'a pas enseigné cette cruauté. Le Christ"·a
pardonné même à la femme adultère... Où se trouve
chez vous la charité chrétienne?
Ainsi tempêtait devant moi avec indignation · une
dame qui me laissait à peine placer un mot.
- Je vous en prie, madame, le refus d'absolution
est un terme si effrayant, une peine si douloureuse
qu'aucun confesseur ne l'applique, sans une extrême
nécessité. Si on vous a réellement refusé l'absolution,
il a fallu un motif très sérieux.
- Un motif? Je me suis accusée d'avoir un deuxième
man.
- Eh bien! vous voyez comme vous aviez tort de
vous indigner contre votre confesseur. Vous ne pourrez
pas trouver dans le monde entier un confesseur qui
puisse vous donner l'absolution.
- Pourquoi? Si je confesse mes péchés? Est-ce
que le Christ n'a pas pardonné à la femme adultère?
- C'est la deuxième fois déjà que vous invoquez
cet exemple. Mais si vous aviez lu cette histoire dans
la Sainte Écriture, vous verriez que ce cas ne parle
pas en votre faveur. Ne savez-vous pas ce que lui a
dit Notre-Seigneur en l'absolvant? « Allez et ne péchez
plus» (S. Jean, VIII, II). Voilà la condition de l'abso-
lution : ne péchez plus. C'est vrai, vous êtes tombée,
vous étiez faible, mais maintenant, n'est-ce pas, vous
ne le ferez plus? Mais vous, madame, vous ne pouvez
 1\1A1UAGE ET FAMILLE
pas le promettre et c'est justement pour cela que vous
ne pouvez pas recevoir l'absolution. D'aucun prêtre
ni du Christ lui-même. Car vous vivez avec un homme
qui, selon Notre-Seigneur Jésus-Christ, n'est pas votre
époux, et vivre avec lui comme si vous étiez mariés
ensemble, constitue un péché grave continuel. Et
maintenant, jugez-vous même, s'il mérite l'absolution
celui qui dit : J'ai souvent commis le péché et j'en
demande l'absolution, bien que je veuille continuer à
. . .
VIvre amsl. ..
- .Mais permettez, comment savez-vous que selon
Notre-Seigneur Jésus-Christ il n'est pas mon mari?
- Comment? Mais par le Christ lui-même. Une
fois rentrée chez vous, ouvrez l'évangile de saint Jean
au IVe chapitre et vous y lirez la conversation que le
Sauveur eut, près du puits de Jacob, avec la Samaritaine
qui en était à son sixième mari. « Jésus lui dit: allez,
appelez votre mari et venez ici. La femme répondit :
Je n'ai point de mari. Jésus lui dit: Vous avez raison
de dire que vous n'avez point de mari; car vous avez
eu cinq maris et celui que vous avez maintenant n'est
pas à vous; en cela vous avez dit vrai» (S. Jean, IV, 1 6- 1 8).
Il semble que cette dame aperçoive un instant sa
faute. Elle regarde en silence devant elle, puis demande
doucement:
- Mais alors que faire? Dois-je quitter mon second
mari?
- Vous voyez, maintenant vous avez trouvé la
seule solution.
- Non, il ne peut en être question, - reprend-elle
avec indignation. Nous vivons ensemble depuis dix
LE DIVORC~
ans. Il ne peut en être question. Mais je voudrais me
confesser. N'y a-t-il vraiment pas d'autre moyen?
- Il n'yen a pas, madame.
- Quelle cruauté! C'est une loi aussi sévère et
aussi dure qui amènera la ruine de la religion catholique.
Et moi aussi, je vais quitter le catholicisme à cause de
cela.
- Vous allez renier la foi à cause de cela? En somme,
la religion catholique n'est pas la vraie, parce qu'elle
prêche strictement le commandement du Christ?
N'est-ce pas là, une attitude semblable à celle d'un
petit élève qui, devant la sévérité de son maître,
déclare : maintenant, je ne crois plus que deux fois
deux font quatre. C'est bien vrai, beaucoup souffrent
à cause de ce principe, mais qu'un principe soit sévère
et pénible, ce n'est pas cela qui importe.
- Ce n'est pas cela? Quoi donc alors?
- Ceci, si le principe est vrai et juste. Si son obser-
vation est un commandement de Dieu. S'il est un
fondement nécessaire de la vie humaine. Si les intérêts
supérieurs de la vie humaine, le bien commun l'exigent,
comme la bouchée de pain, comme la respiration. Et
s'il en est ainsi - or, il en est ainsi pour l'indissolubilité
du mariage - il faut s'y tenir, il faut l'observer, même
si ce principe est dans la vie de quelques-uns une source
de souffrance et de drame.
La dame se lève d'un air buté, sort, et de fait quitte
la religion catholique. Notre Église la regarde partir
le cœur serré, comme Notre-Seigneur regarda s'éloigner
les disciples incrédules (S. Jean, VI, 67), mais elle ne
peut retrancher un seul mot de la loi, pas plus que
186 MARIAGE ET FAMILLE
le Christ n'a retranché une seule lettre de ses paroles.
C) Citerai-je encore un autre cas? Hélas! il Y en a
de plus douloureux encore. Il y a des cas où les gens
en cause non seulement se livrent à l'indignation,
mais même élèvent des soupçons sans raison. Ils
émettent à la légère des jugements superficiels sur la
manière d'agir de l'Église. Ils tempêtent, accusent et
lorsqu'on a fait la lumière sur la question - ils
deviennent muets.
Un jour, un homme, tout hors de lui, vient me trouver
et suffoquant d'indignation finit par proférer :
- C'est inouï. L'Eglise a~ssi prend parti pour les
riches. Hier, s'est marié un de mes collègues, un jeune
homme très riche, dans telle paroisse; eh bien!
son épouse a déjà été mariée. Qu'est-ce que cela
signifie? Les riches ont le droit de tout. Seuls les
pauvres ne l'ont pas.
J'ai à peine le temps de placer un mot.
- C'est que son premier mari est mort!
- Pas du tout, il n'est pas mort. Je le connais
personnellement. C'est un haut fonctionnaire. J'ai
même assisté à leur mariage.
- Alors ... comme je ne puis pas vous répondre à
présent, j'étudierai la chose.
J'ai fait des recherches. Et qu'en est-il résulté?
Ceci : que le premier mariàge avait eu lieu réellement,
mais dès le premier instant avait été invalide. La jeune
fille, en effet, ne voulait pas du tout épouser le jeune
homme. Durant deux ans, · elle s'était défendue de
toutes ses forces. Finalement sa mère l'avait mise à
la porte et menacée de mort. La résistance de la pauvre
LE DIVORCE
fille avait-été brisée, elle s'était avancée devant l'autel
et avait prononcé. le « oui », mais contre sa volonté.
Même alors elle ne voulait pas donner son consente-
ment. Elle n'y avait jamais songé. Naturellement un
tel mariage ne peut être valide. Mais même dans ce cas
l'expression « l'Eglise a rompu leur mariage » est
inexacte - car un mariage valide et consommé ne
peut être rompu -, mais l'Eglise a seulement constaté
que le mariage n'existait pas, bien que la cérémonie
ait eu lieu: les deux parties sont donc libres et peuvent
contracter mariage.
:il<
:il< '"'
Mais, laissons maintenant, mes frères, ces 1ristes
exemples. Il a fallu dans notre sermon d'aujourd'hui
montrer ces douloureuses tragédies. Terminerons-nous
sur ces impressions accablantes et désespérées?
Pour rien au monde.
Oui, notre âme frémit, quand nous voyons les drames
affreux que le divorce déverse sur l'humanité. Mais
d'un autre côté se présentent à nos yeux les mariages
heureux dans lesquels aujourd'hui encore vivent bien
des époux et sur lesquels aujourd'hui encore s'élèvent
la civilisation et la société humaine.
Grâce à Dieu, il y a aujourd'hui encore des mariages
heureux. Des mariages où des parents croyants et des
enfants croyants vivent ensemble dans la crainte de
Dieu, l'amour réciproque et l'esprit de sacrifice. Il y
a des époux qui savent se sacrifier, qui, d'une âme
généreuse, savent « porter le fardeau des uns des autres»

188 MARIAGE ET FAMILLE
(Galates, VI, 2), qui, après des dizaines d'années
passées ensemble, non seulement sont arrivés à la
ressemblance spirituelle, mais présentent dans leur
vieillesse sur leurs visages une ressemblance dans leurs
traits. Il y en a beaucoup - beaucoup plus même que
ne le croit le monde frivole - qui gardent la fidélité
et observent le serment sacré qu'ils ont fait au pied
de l'autel: ils travaillent ensemble, ils se reposent
ensemble, ils luttent ensemble et - ils remportent
ensemble la victoire.
Et lorsque l'un d'eux arrive à sa dernière heure, si
amère que soit la séparation, elle n'est pas sans espé-
rance. Et je crois qu'elle est bien vraie la phrase que
j'ai lue à propos d'un de ces époux : sur le point de
mourir il saisit de ses mains brûlantes la main de son
épouse et la regardant longuement lui dit ces quelques
mots: « Je remercie Dieu de t'avoir donnée à moi ».
Il a lieu, mes frères, de remercier Dieu, il a lieu
de Lui rendre grâces, celui à qui Dieu a donné une
épouse ou un époux idéal.
Et maintenant, je demande à ceux de mes auditeurs
qui ont reçu de Dieu la grande grâce d'un mariage
heureux de vouloir bien prier, afin que d'autres aussi
obtiennent la même faveur et que sur la base du sanc-
tuaire familial paisible et heureux puisse s'édifier sur
la terre une vie humaine plùs heureuse et plus belle,
que la famille heureuse et unie se retrouve un jour
dans le bonheur éternel du ciel. Amen.
f
~
i
XII
LE MARIAGE HEUREUX
MES FRÈRES,
Dans mes derniers sermons il a été tant question
des mariages malheureux et des familles malheureuses
qu'il est temps de parler enfin du . bonheur dans le
mariage et des familles heureuses.
- Le bonheur familial! - s'écrieront peut-être
d'une voix lassée beaucoup de victimes de tristes
déceptions. Le bonheur familial! Ah! oui, moi aussi
j'ai fait ce rêve, lorsque je me suis agenouillé avec
ma fiancée au pied de l'autel illuminé et que sur nos
mains enlacées est descendue la bénédiction du prêtre.
Les orgues jouaient une musique mélodieuse, l'autel
était orné de fleurs, .la vie se présentait à nous pleine
de promesses. Mais aujourd'hui? Que reste-t-il aujour-
d'hui de tout cela? Qu'est-il advenu dans la réalité de
toutes"ces espérances?
C'e;t la vérité ... Et pourtant je vais vous parler du
.,
 MARIAGE ET FAMILLE
mariage heureux. Et je vous demanderai, à vous qui
vous lamentez si amèrement; Dites-moi, n'êtes-vous
aucunement responsable, si peu de vos espérances se
sont réalisées? N'avez-vous pas cru qu'en vous mariant
vous trouveriez aussi le bonheur tout préparé? Or,
personne ne le reçoit ainsi. Vous n'en avez reçu que
la possibilité. Vous avez aussi reçu une tâche que vous
auriez dû résoudre vous-même. Mais le malheur, c'est
que vous n'avez- pas travaillé vous-même à rendre
heureux votre mariage. Le malheur, c'est que vous avez.
regardé comme chose faite ce qui devait être réalisé
au prix de votre active collaboration. Le malheur,
c'est que vous n'avez pas bien meublé votre nouveau
foyer.
- Je ne saisis pas bien, - répondrez-vous peut-
être. Comment n'ai-je pas bien meublé mon nouveau
foyer? Chaque meuble a été exécuté sur les plans du
meilleur ébéniste.
- Oui, oui, je le crois. Mais y a-t-il dans votre
foyer les trois meubles qui sont à proprement parler
indispensables au bonheur familial?
- Trois meubles? Je suis vraimeht curieux de
savoir quels sont ces trois meubles.
- Il en sera justement question dans mon sermon
d'aujourd'hui. On recommande, n'est-ce pas, aux
jeunes mariés les maisons où ils pourront se procurer
leur mobilier. Dans le sermon d'aujourd'hui, moi
aussi, je vais leur recommander trois pièces de mobilier.
Trois meubles d'une vertu merveilleuse. Si pauvre
que vous soyez, vous pouvez vous les procurer · et si
vous les possédez, votre vie familiale serà heureuse.
LE MARIAGE HEUREUX
Mais par contre, si riche que vous soyez, si ces trois
meubles manquent à votre foyer, votre mariage ne
pourra pas être heureux.
Quels sont donc ces trois meubles sans lesquels il
n'y a pas de famille heureuse?
La table de famille, le crucifix et le berceau. Aujourd'hui
il me suffira de parler des deux premiers; je consacrerai
deux sermons spéciaux au troisième.
1
LA TABLE DE FAMILLE.
A) Je crois n'avoir pas besoin d'expliquer spéciale-
ment qu'en mentionnant la table de famille comme le
premier meuble indispensable, je pense particulièrement
à tous les problèmes de la vie en commun des époux.
a) La table de famille ne signifie donc pas seulement
le meuble autour duquel se réunit avec amour toute
la famille et où le père de famille vient s'asseoir en
rentrant fatigué de son travail; elle signifie plutôt la
communauté d'âme, la parfaite harmonie et l'union
d'âmes qui sont la base indispensable d'un mariage
.heureux et reposent sur deux colonnes: l'autorité et
l'amour. Car, en réalité, le bonheur familial exige l'union
convenable de l'autorité et de l'amour.
1
b) La famille n'est pas une association ni une société i
par actions ni un syndicat, mais un organisme vivant.
Or, la vie d'un organisme a des lois fondamentales qu'on \
ne peut pas modifier. On peut fortifier l'organisme, l
\
\
l
\
 MARIAGE ET FAMILLE
favoriser son développement, faciliter son travail, -
mais seulement à une condition : si on ne touche pas
aux bases sur lesquelles est construite toute sa vie.
Une de ces lois fondamentales est par exemple dans
le mariage l'inséparabilité des époux, l'indissolubilité
du lien conjugal, comme il en a été question dans les
sermons précédents. Ce qui peut être rompu n'est
pas un mariage.
Mais pour que la vie conjugale s'écoule sans heurt,
pour que puissent fleurir en elle tout le bonheur et
toutes les joies que renferme en lui-même l'idéal
chrétien du mariage, la réalisation d'une autre loi
fondamentale est également nécessaire. La voici :
c'est le bon ordre et la répartition du travail entre les
membres de la famille ou en d'autres termes l'emploi
convenable de l'autorité et de l'amour.
B) La table de famille s'appuie donc en premier lieu
sur le principe d'autorité.
a) C'est ce principe que saint Paul formule claire-
ment quand il donne dans son Épître aux Éphésiens
l'ordre suivant: « Que les femmes soient soumises à leurs
maris, comme au Seigneur; car le mari est le chef de la
femme, comme le Christ est le chef de l'Église)) (Éphésiens,
v, 22-23).
Naturellement, en entendant cette prescription de
saint Paul, les femmes diront peut-être:
« Le christianisme ne reconnaît donc pas que la
femme est l'égale ~e l'homme? N'est-il pas suranné
d'exiger aujourd'hui de la femme qu'elle obéisse à son
mari? Et le mari ne va-t-il pas abuser de cette
puissance? ))
LE MARIAGE HEUREUX 193
.,j
Hélas! il faut bien reconnaître qu'il y a réellement
des hommes qui, à cause de leur conduite et de leur
façon de penser, ne sont pas dignes d'être chefs de
famille. Nous reconnaissons aussi que le mari peut
abuser de son autorité. Et pourtant, cette exigence du
christianisme n'est pas humiliante pour la femme, au
contraire: elle garantit le bonheur familial, c'est ce que
nous verrons, si nous comprenons bien ce que ne
signifie pas l'obéissance de la femme et ce qu'elle
signifie en réalité.
b) Tout d'abord elle ne signifie pas que la femme a
moins de valeur, moins de droit et moins de dignité
que son mari. Il n'est naturellement pas question de
cela.
Elle ne signifie pas non plus que la femme devrait
réaliser tous les caprices et tous les désirs de son mari,
même ceux qui ne peuvent être réalisés sans humiliation
pour la femme ou sans péché.
Enfin, elle ne signifie pas que le mari a le droit de
traiter sa femme comme un enfant mineur, privé de
l'usage de la raison, de la tyranniser, de la brutaliser,
de la faire souffrir.
Non, il n'est pas question de tout cela.
Mais alors que signifient ces paroles de saint Paul
qui exigent de la femme obéissance envers son mari?
Elles signifient que le bon ordre et le bonheur
familial sont incompatibles avec les maximes propagées
par des gens frivoles, avec « l'émancipation de la
femme )) et ses manifestations, incompatibles aussi
avec l'émancipation physiologique, économique et
sociale de la femme.
:\Iill'. et Fam. - - 13
194 MARIAGE ET FAMILLE
L'émancipation physiologique signifierait que la
femme aurait le droit de se dérober aux charges qui
vont de pair avec sa dignité d'épouse et de mère, -
ce que condamne le christianisme.
L'émancipation économique signifierait que la femme
a le droit de se livrer à des opérations économiques
indépendamment de son époux, à son insu et même
contre sa volonté et de ne pas se soucier de la famille, -
c'est ce que condamne le christianisme.
Quant à l'émancipation sociale, elle consiste dans
le droit pour la femme de renverser les murailles du
sanctuaire familial, d'abandonner sa tâche au foyer,
de ne pas . se soucier de son mari ni de ses enfants,
de jouer un rôle dans la vie publique, - c'est ce que
ne permet pas le christianisme.
Il ne le permet pas, parce que si le mari est la tête
de la famille, la femme en est le cœur; mais rendre
le cœur et la tête indépendants l'un de l'autre, émanciper
l'un par rapport à l'autre, les séparer l'un de l'autre
ne peuvent se faire sans péril mortel pour les deux.
Là où deux personnes vivent ensemble, il est absolu-
ment nécessaire que l'une d'elles dirige, conduise,
« commande ». Si dans une famille il n'y a ni « comman-
dement »' ni « obéissance », elle se désagrégera tôt ou
tard. L'obéissance veut dire incliner sa volonté, céder.
Qui cédera? Le plus sage. Et il faut que la femme
soit la plus sage~
Malheureusement les jeunes filles se représentent
souvent le mariage comme une fête perpétuelle, un
enchantement continuel. Mais la vie n'est pas cela du
tout. Il n'existe pas d'harmonie absolue en ce monde
LE MARIAGE HEUREUX 195
et tôt ou tard de petites divergences surgiront entre
les époux même les plus accommodants et, alors, il
faudra que l'un des deux cède. Et il faut que ce soit
la femme. Car, si nous considérons un mariage réelle-
ment heureux, nous remarquons et découvrons que
la femme qui sait aplanir les heurts est la plus sage.
C'est donc une illusion dangereuse pour les jeunes
filles de se figurer qu'elles pourront gouverner leur
époux et qu'il en sera toujours ainsi, parce qu'il les
aIme.
c) Cependant, mes frères, n'allez pas interpréter
comme une servitude indigne cette obéissance à laquelle
pense saint Paul, quand il dit : « L' homme est le chef
de la femme, comme le Christ est le chef de l'Église ».
Cette phrase de saint Paul indique très clairement que
l'obéissance de la femme va à proprement parler non
pas à son mari, mais au Christ. La femme obéit à son
mari à cause du Christ; il est donc tout naturel qu'elle
ne puisse lui obéir que dans les choses que le Christ
aussi approuve et permet.
Et cette considération fait disparaître définitivement
toute crainte que cette obéissance soit humiliante
pour la femme. Est-il humiliant pour l'Église d'obéir
au Christ? Du reste saint Paul écrit littéralement :
« De même que l'Église est soumise au Christ, les
femmes doivent être soumises à leurs maris en toutes
choses » (Éphésiens, v, 24)'
C'est seulement dans cette conception élevée - que
peuvent se réaliser dans la vie conjugale la cc sainteté»
et la cc pureté » que saint Paul exige nettement, quand
il écrit : (c Que chacun de vous sache garder son corps
 MARIAGE ET FAMILLE
dans la sainteté et la pureté, sans l'abandonner aux
emportements de la passion, comme font les païens qui
ne connaissent pas Dieu» (le Thessaloniciens, IV, 4-5).
Ah! combien de familles saint Paul devrait-il appeler
aujourd'hui « païennes »! Il exige, en effet, que l'époux
chrétien vive avec son épouse chrétienne de telle façon
que dans ses relations avec sa femme se manifestent
la sainteté et la pureté; c'est-à-dire que l'un et l'autre
se témoignent réciproquement le respect, l'amour, la
délicatesse qui font de la famille un véritable sanctuaire.
C) Mais tout ce que nous avons dit jusqu'à présent,
n'est qu'une des bases de la table familiale nécessaire
au bonheur de la famille: l'autorité. Mais pour que
cette table ait une base plus ferme, il lui faut encore
une autre base : l'amour.
a) Et les épouses qui pensent peut-être toujours
avec angoisse aux paroles de saint Paul exigeant
l'obéissance, se réconcilieront certainement avec lui
en lisant la phrase suivante. Car, s'il est vrai que
saint Paul exige de la femme obéissance et soumission,
il écrit également aux maris: « Maris, aimez vos femmes,
comme le Christ a aimé l'Église et s'est livré lui-même
pour elle, afin de la sanctifier et après l'avoir purifiée »
(Éphésiens, v, 25-26).
Ah! c'est autre chose. Je vois ici l'idée parfaitement
chrétienne. Le christianisme, en tant que gardien
suprême de l'ordre social, condamne la tyrannie comme
l'insurrection; il les condamne dans la vie publique,
mais aussi dans la famille.
De même que . l'obéissance et l'autorité constituent
la base importante de la vie familiale, de même l'amour
---
LE MARIAGE HEUREUX 197
joue aussi un rôle important. L'obéissance préserve
de l'insurrection, mais l'amour préserve de la tyrannie.
b) Si saint Paul proclame que le marî est le chef
de la famille, il ne proclame pas qu'il est le tyran
domestique. L'éPoux est le chef de la femme uniquement
comme le Christ est le chef de l'Église. Le mari doit donc
manifester à l'égard de sa femme le même amour
généreux, sans borne, prêt à tous les sacrifices, que
le Christ a manifesté à l'égard de l'Église en sacrifiant
sa vie. L'homme doit être prêt, s'il le faut, à sacrifier
sa vie pour son épouse, comme le Christ l'a fait pour
son Église.
Cette conception élevée des rapports mutuels des
époux est tout autre chose que ce que publient les
romanciers ou ce que chantent les poètes. Quelle
différence avec l'amour de l'Évangile! L'amour des
sens qui se traduit en paroles tendres, en déclarations
vides, en grandiloquence enflammée, s'éteint comme
la fusée qui monte en sifHant dans le ciel. Au contraire,
l'amour ·conforme à l'Évangile est profond, pur, saint,
généreux, durable, il ne se répand pas en un flot de
paroles, mais se montre dans les actes.
c) Comme il y aurait bien plus de ménages heureux
sur cette terre, s'ils n'oubliaient pas que seul l'amour
généreux et dévoué réciproque assure le bonheur dans
le mariage!
Les hommes - malheureusement - y pensent
trop peu. Interrogeons seulement l'un d'eux avant
son mariage: « Dites-moi donc, pourquoi voulez-vous
vous marier? »
« Pourquoi? Pour être heureux ».
~ --- --
 MARIAGE ET FAMILLE
N'est-ce pas ainsi que répondraient la plupart?
Or, précisément, cette idée superficielle du mariage est
la cause de la plupart des drames familiaux. Il a seul
une idée juste du mariage celui qui y introduit aussi
l'idée de la souffrance. Le mariage heureux est comme
un tapis persan dont la trame n'est pas nouée seule-
ment avec les fils de la joie et du plaisir, mais aussi
avec les fils plus sombres de la souffrance, du renon-
cement, de la patience et de l'indulgence.
Vous le voyez, vous ne serez heureux que si vous
rendez heureuse l'autre partie, si vous oubliez ce qui
vous plaît et si vous cherchez ce qui fait plaisir à
l'autre. Vous serez heureux, si vous vous attendez à
ce que partout où vivent deux personnes ensemble,
il y ait inévitablement des heurts qu'il faut faire dispa-
raître par la douceur et l'indulgence.
Avez-vous oublié que le mariage est célébré au
pied de l'autel? Or, l'autel est le lieu du sacrifice et
un perpétuel avertissement aux deux époux : Sans
sacrifice réciproque il n'y a pas de bonheur.
« Soyez pleins d'affection les uns pour les autres . ..
et pleins de prévenance les uns pour les autres »
(Romains, XII, 10), nous dit la Sainte Écriture. Les
époux manifestent cette prévenance par un amour
délicat et tendre, des attentions pleines de tact, en
devinant leurs désirs cachés, même en renonçant à
leurs propres désirs. Si les d'eux époux sont pénétrés
de ces idées, alors le premier meuble de la famille,
la table commune, sera solide.
Voilà donc, ce que signifie ce premier meuble indis-
pensable dans un foyer : la table de famille.
LE MARIAGE HEUREUX 199
II
LE CRUCIFIX FAMILIAL.
Mais ce que j'ai dit jusqu'à présent serait en lui-
même incapable d'assurer le bonheur sans mélange
au foyer. La table de famille est sans doute un meuble
nécessaire dans un ménage heureux, mais il est en
lui-même insuffisant. Une autre pièce de mobilier est
pour le moins aussi nécessaire, c'est le crucifix de
famille.
A) Et ce mot de crucifix, je l'entends au sens littéral,
au sens physique.
a) Je ne puis me représenter un foyer réellement
chrétien ou ne se trouverait pas à la place d' honneur le
souvenir perpétuel de la mort de Notre-Seigneur Jésus-
Christ : le crucifix.
Le crucifix, parce qu'il rappelle constamment les
souffrances et le sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-
Christ, devient un encouragement et une consolation
au foyer familial. Car bien souv1nt les époux consta- ,
teront la vérité de cette maxime: « Le bonheur conjugal
se fait avec de grandes choses et se brise avec de
petites ». Que de maladies, que de malheurs peuvent
éprouver la famille, que de privations, que de malen-
tendus peuvent surgir même entre les meilleurs époux,
et seule la croix du Christ peut alors leur venir en aide.
b) Bien souvent les époux constateront que le mariage
zoo MARIAGE ET FAMILLE
est aussi une croix, - mais quel soulagement, s'ils
peuvent alors regarder le crucifix et s'ils se souviennent
des sages paroles adressées par l'impératrice Mm'ie-
Théreseà sa fille Marie-Christine: « Ne négligez jamais
vos devoirs de religion; dans le mariage on a davantage
besoin que partout ailleurs de la prière et du secours
de Dieu »,
De fait, divergence de vues, frictions, différence
d'opinions, sont inévitables là où plusieurs vivent
ensemble; mais si les époux jettent alors un regard
sur leur crucifix, ils entendront cet avertissement de
la Sainte Écriture : « Portez les fardeaux les uns des
autres, et vous accomplirez ainsi la parole du Christ »
(Galates, VI, z). Et c'est alors que se réalisera pour eux
cette autre parole de nos Saints Livres: « Le Seigneur
est avec vous, quand vous êtes avec lui; si vous le
cherchez, vous le trouverez; mais si vous l'abandonnez,
il vous abandonnera » (Ile Livre des Chroniques, XV, z).
B) Et nous voici ainsi en présence de cette profonde
pensée que le crucifix de famille, meuble nécessaire,
veut nous indiquer : le véritable esprit religieux avec
ses conséquences " discipline, maîtrise de soi. Le crucifix
ne doit pas seulement être sur la muraille, mais il doit
vivre dans l'âme des époux. Il est nécessaire pour
assurer le bonheur du mariage.
Je ne citerai que quelques exemples.
a) Il y a des moments, parfois des mois, peut-être
même des années, ou les époux sont obligés d'observer
la continence, comme s'ils n'étaient pas mariés; ainsi
par exemple, quand l'un des époux est malade ou
bien quand ses devoirs l'éloignent pour longtemps
- --.
LE MARIAGE HEUREUX ZOI
de l'autre ou encore si les époux à cause de difficultés
matérielles ne peuvent plus recevoir de Dieu des
enfants. Si, dans ces circonstances, manque la discipline
religieuse nécessaire, alors arrive le péché, - mais
avec lui aussi la fin déplorable du bonheur familial.
Et maintenant, quels sont ceux qui peuvent réaliser
cette continence forcée ? Seuls les époux dans l'âme
desquels vit le crucifix. En revanche, ceux à qui fait
défaut une idée religieuse assez profonde, trouveront,
naturellement, trop étroits les cadres du mariage
conforme à la morale.
b) Mais ce n'est pas seulement sur le terrain moral,
c'est aussi au point de vue matériel qu'il faut aujourd'hui
montrer beaucoup de renoncement et de sacrifice, à cause
des difficultés actuelles d'existence.
A la fin de l'oratorio de Haydn, « La Création », on
entend cet avertissement : « 0 heureux couple! vous
serez éternellement heureux, si vous ne vous laissez
pas séduire, en désirant davantage que ce que vous
avez et en voulant savoir davantage qu'il vous est
nécessaire ».
« En voulant savoir davantage qu'il vous est néces-
saire », - ce n'est pas ce danger qui menace beaucoup
d'hommes actuels. Mais combien plus, menace la
tranquillité et l'harmonie de la famille l'autre danger
l,
f' « vouloir davantage que ce que vous avez ».
Renoncement, simplicité, savoir se contenter de
peu ... quelle est l'épouse qui en est capable? Seule,
1
celle dont l'âme est animée de l'amour du Christ qui
s'est sacrifié. Celle qui ne sait rien de la pauvreté du
Christ sera une dépensière, aura des prétentions
1
1
- - -- -----------..-....-.-...
202 MAIUAGE ET FAMILLE
exagérées et creusera ainsi la fosse du bonheur familial.
c) Et pour que nos mères de famille soient réellement
de ces femmes fortes, il leur serait utile d'examiner un
peu à ce point de vue le culte de Marie.
Le culte de la Sainte Vierge est une des plus poétiques
et des plus chaleureuses manifestations de la vie
religieuse catholique. Mais - malheureusement -
bien des jeunes filles et bien des femmes se représentent
la Bienheureuse Vierge constamment sous un seul
aspect : avec une belle robe bleue et blanche, de belles
boucles blondes, les yeux levés vers le ciel.
Or ce n'est pas l'image idéale complète de Marie.
L'image complète de Marie qui marche à travers les
plaines et les montagnes, sans connaître la fatigue,
uniquement pour aller aider sainte Élisabeth dans les
jours qui suivent la naissance de saint Jean-Baptiste.
A cet image appartient aussi Marie qui, le visage
souriant, souffre à côté de son enfant et pour son enfant,
le froid pavé de l'étable de Bethléem et les privations
de la fuite en Égypte. A cette image appartient encore
Marie qui d'une âme héroïque se tient au pied de la
croix où expire son Fils.
Voilà ce qu'enseigne pour un mariage heureux,
cet objet indispensable, le crucifix.
d) Mais l'idée religieuse symbolisée par le crucifix
est encore nécessaire dans un autre sens : elle est
nécessaire pour assurer le bonheur éternel des époux. La
tâche la plus belle, la plus sublime est en effet de veiller
non seulement sur leur sort terrestre, mais aussi sur
leur bonheur éternel.
C'est la seule question dans laquelle la femme a le droit
LE MARIAGE HEUREUX 2°3
d'être jalouse de son mari. C'est du moins ce qu'enseigne
saint Augustin, quand il écrit : « Les femmes doivent
être jalouses de leurs maris, non pas à cause de leurs
corps, niais à cause de leur salut éternel. C'est pourquoi
je vous y engage, je vous le recommande, je vous
l'ordonne : c'est l'évêque qui commande, c'est le
1
Christ qui commande par moi )).
C'est aussi une grande joie, quand la femme peut
dire à son mari: « C'est à toi que je dois d'avoir eu dans
mon existence un compagnon courageux et de si bons
enfants )). C'est une grande joie aussi, quand le mari 1
)
peut dire à sa femme : « Je te remercie d'avoir été 1
pour moi une épouse si attentive et la douceur de mon
!
foyer ». Mais comme ce sera une joie plus grande
encore, si tous deux peuvent se dire un jour: (( C'est à
!i
toi que je dois d'être arrivé à la vie éternelle ».
1
'*' '*' '*'
Mes frères, maintenant qu'arrivés à la fin de ce
1
sermon nous connaissons les conditions nécessaires à
un mariage heureux, il nous faut certainement recon- 1
naître que ce n'est pas une tâche facile de réaliser le
bonheur dans le mariage.
'. Comme partie désintéressée, comme prêtre à qui
parviennent souvent les plaintes des fidèles, je dois le
reconnaître : certainement, ce n'est pas chose facile que
d'être une bonne épouse. D'accueillir toujours aimable-
ment et avec le sourire l'époux qui rentre fatigué et
maussade à la maison. De ne pas s'abandonner à ses
 MARIAGE ET FAMILLE
LE MARIAGE HEUREUX 2°5

Cependant, mes frères, si cela n'est pas facile pour

caprices et à sa fantaisie, mais de faire uniquement ce
qui est raisonnable. De soigner toujours avec amour l'époux, si cela n'est pas facile pour l'épouse, qu'en
résulte-t-il? Ceci, qu'il faut s'assurer l'aide d'un
les enfants, même si le petit dernier est bien ennuyeux,
Troisième personnage : l'aide du Dieu puissant qui
le second turbulent et le troisième bien léger. De
toujours pratiquer avec patience la justice entre eux, unit tes époux.
Et ce sera la leçon finale de notre instruction
même si l'aîné est insupportable et se querelle dix fois
par jour avec ses frères et sœurs. Et encore de se con- d'aujourd'hui.
Deux routes humaines qui se rencontrent entre les
naître à la cuisine. Et au ménage. Et au nettoyage.
mains de Dieu, deux destinées humaines qui résultent de
Et de pratiquer l'économie. Et de faire le lavage
la volonté divine, deux cœurs humains qui battent sur
et le raccommodage. De savoir recevoir et faire tes
un rythme divin, deux vies humaines réunies par les
visites... Oui, il n'est pas facile d'être une bonne
mains paternelles de Dieu, - ~)lJilà le secret final du
épouse.
Mais ne m'en veuillez pas, si j'exprime la même mariage heureux. Amen.
constatation pour l'autre partie: Certainement, ce n'est
pas chose facile que d'être un bon époux. De toujours
faire passer au premier plan, malgré les difficultés
de la vie actuelle, les besoins matériels de la famille :
maintenant il faudrait de nouveaux habits, ou bien il
faudrait faire peindre la chambre, ou encore il faudrait
faire donner des leçons aux enfants, il faudrait tantôt
ceci, tantôt cela. Et malgré les préoccupations et le
souci du pain quotidien trouver toujours le temps
d'être père de famille et non pas seulement un employé
de bureau; savoir à la fois tenir compagnie à sa
femme et jouer avec ses enfants. Et tout en sentant
le fardeau de la vie, savoir à la maison mettre de
côté toute amertume et toute nervosité; savoir ne
pas faire attention si le déjeuner est un peu en retard,
ne pas disputer si le plat favori n'est pas tout ~ fait
réussi, supporter patiemment les jeux bruyants des
enfants ... Oui, il n'est pas facile d'être un bon mari.

--~- - -~ - - ~ .

XIII
LE MARIAGE SANS ENFANT (1)
MES FRÈRES,
Sur l'emplacement où s'élevait la maison de la
Bienheureuse Vierge Marie, où se trouvait la chambre
dans laquelle l'archange Gabriel apparut à Marie et lui
. apporta l'extraordinaire message de Dieu, dans laquelle
le Fils de Dieu, à la minute même de l'humble accep-
tation de Marie, s'incarna dans le sein très pur de la
Vierge, à Nazareth, ville bénie, se dresse aujourd'hui
une église dont le maître-autel est surmonté de cette
inscription: « Verbum caro hic factum est - C'est
ici que le Verbe s'est fait chair ». Le Fils de Dieu
voulant venir parmi nous a commencé ici son existence
humaine sous une forme humaine.
Paroles sublimes! Chaque fois que nous les pronon-
çons en récitant l' « Angelus JJ, nous nous mettons à
genoux. Mais le prêtre aussi à la messe fléchit le genou,
quand dans la récitation du « Credo JJ il arrive à ces
~ ~
LE MARIAGE SANS ENFANT (1) 207
mots : « Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria
Virgine, et homo factusest »
Il s'est fait homme. Le Fils de Dieu s'est fait homme.
Et depuis que le Fils de Dieu s'est fait homme, pour
commencer sa carrière terrestre, sous l'aspect d'un
petit enfant incapable de parler, toute petite vie humaine
qui commence resplendit devant nous d'une beauté
merveilleuse : l'enfant est pour nous quelque chose
de saint. Et depuis que la Très Sainte Vierge a porté
dans ses bras l'Enfant-Dieu, une sorte d'auréole
surnaturelle entoure le front de toute mère de famille :
elle est sainte aussi la dignité de mère.
Chacun trouvera donc naturel que dans cette série
d'instructions sur la famille chrétienne et le mariage
idéal, je doive arriver à ce sujet et que je veuille y
consacrer plusieurs sermons : Le berceau est un meuble
indispensable dans la famille. L'enfant fait partie
intégrante de la famille.
Si le mariage ne s'exprimait en latin que par le mot
« conjugium - joug commun », il suffirait pour le
réaliser pleinement et le rendre heureux des deux
pièces de mobilier dont il a été question dans le sermon
précédent et qui aident à porter avec joie ce joug
commun : la table de famille et le crucifix.
Mais le mariage se dit aussi en latin « matrimonium ».
Et cela indique un cercle tout à fait nouveau d'obli-
gations : l'enfant rend nécessaire un autre meuble :
le berceau. Dites-moi, avez-vous déjà vu un. petit
oiseau bâtir son nid uniquement pour qu'il reste vide
ou pour qu'un seul petit oiselet y piaille tout seul?
Non, n'est-ce pas. Il n'y a pas d'oiseau, il n'y a pas
- . --
. "'f. " t -.... ~ . \
208 MARIAGE ET FAMILLE
un seul animal pour agir ainsi, - il n'y a que l'homme.
Seul l'homme a découvert cette chose insensée : la
famille sans enfant.
Oui, il faut en parler du haut de la chaire chrétienne,
si délicat et si difficile que soit ce sujet. Nous entendons,
en effet, avec consternation des jeunes gens se mettre
d'accord avant leur mariage pour déclarer: « Nous
n'aurons pas d'enfants, cela va de soi. Ou tout au plus
un seul ». Sont-elles trop sévères les paroles de
saint Augustin qui appelle une telle existence non pas
un mariage, mais des relations pécheresses sanctionnées
par des formes légales?
Ne frémit-on pas quand on entend des mères et
même des grands-mères dire à leur fille ou à leur petite-
fille sur le point de se marier et répéter avec insistance :
« Ma fille, fais attention, pas d'enfant. Tu as compris?
Pas d'enfant ».
Eh Bien! c'est cette manière pernicieuse de voir
que nous devons regarder ouvertement en face. Il
nous faut montrer que la famille volontairement stérile
est comme un arbre desséché condamné à être coupé;
il nous faut montrer que l'enfant appartient à l'idée
de famille, non pas un, ni deux, mais plusieurs. Naturel-
lement, il nous faut aussi écouter les objections et les
prétextes qui sont présentés dans le monde moderne
contre l'enfant.
Ces objections feront l'objet du prochain sermon.
Aujourd'hui je voudrais montrer que l'exclusion de
l'enfant dans une famille est un péché. Un péché
1. contre Dieu, II. contre l'enfant et III. contre les propres
intérêts bien compris des époux eux-mêmes.
LE MARIAGE SANS ENFANT (1)
1
UN PÉCHÉ CONTRE DIEU.
Tout d'abord, il me faut vous montrer catégorique-
ment que le christianisme a toujours désigné l'enfant
comme premier but du mariage et aujourd'hui encore
avec un courage imposant élève la voix contre certain
mot d'ordre répandu dans le monde, contre une mode
incroyablement frivole qui commence à un degré de
plus en plus dangereux à infecter les époux, à miner
le bonheur familial et en même temps la force de la
nation. Ce mot d'ordre effrayant, cette mode frivole,
c'est la peur de l'enfant.
A) Il nous faut constater avec douleur qu'on avait
sur cette question une idée bien plus belle et plus noble,
déjà avant le christianisme, même chez les païens,
même chez les peuples antérieurs à Notre-Seigneur
Jésus-Christ.
a) Il est bien connu, par exemple, le cas de la païenne
Cornelia à laquelle des amies en visite, parées de riches
bijoux, lui demandaient d'un ton maniéré : « Et vous,
montrez-nous vos joyaux ». Et cette païenne leur
présenta ses enfants, en disant : « Voici mes plus
précieux bijoux ».
b) Je n'ai pas non plus besoin d'évoquer parti-
culièrement le magnifique amour des enfants manifesté
par le peuple de l'Ancien Testament où l'absence d'enfant
Mal'. et FIlJIl. - 14
210 MARIAGE ET FAMILLE
passait pour une honte. Même aujourd'hui, on ne peut
pas lire sans émotion dans nos Saints Livres les prières
ferventes que des femmes sans enfants adressaient à
Dieu pour obtenir de devenir mères.
B) Mais le christianisme arrive et accroît encore la
grandeur de ce noble sentiment.
a) Avec une gravité sans exemple, il parle du rôle
des parents dans la transmission de la vie, parce qu'il
sait que l'homme a reçu de la èonfiance divine cette
faculté de donner la vie et que par là les parents
participent à l'œuvre créatrice de Dieu. La vie conjugale
et l'exercice du devoir conjugal ne sont donc ni une
humiliation ni un péché aux yeux du christianisme,
mais montrent en eux des traits divins, des traits qui
ennoblissent les collaborateurs du Créateur.
b) Donner la vie! Jamais ni nulle part l'homme ne
peut le faire, sinon ici, en cet instant. L'homme peut
prendre la vie de mille manières. L'homme peut
détruire la vie de mille façons. Mais donner la vie, il
ne le peut pas, sauf en cet instant. Sans doute, même
ici, il ne fait que donner le corps, instrument de l'âme
que Dieu crée au moment de la formation d'un nouveau
corps humain. Il la crée Lui-même immédiatement
et la dépose dans ce corps humain plus petit qu'un
point.
Ah! si les époux vivaient toujours dans cette idée
que le Dieu Créateur se trouve au milieu d'eux; s'ils
sentaient pour ainsi dire son souffle passer au-dessus
d'eux; s'ils entendaient pour ainsi dire le battement
d'ailes de l'ange que le ,Dieu Créateur vient d'envoyer
à cet instant dans le petit corps humain 1
LE MARIAGE SANS ENFANT (1) 2II
C) Mais le monde égoïste actuel est venu et il a
radicalement renve1'sé cette noble manière de voir.
a) Le monde ne veut entendre parler que d'aises et de
jouissances, mais ne veut rien savoir des sacrifices qui
les accompagnent. Pour le monde, l'enfant n'est plus
« un don de Dieu », mais « une catastrophe », une
charge dont on doit s'affranchir par tous les moyens,
afin que ne soient pas troublés les plaisirs de deux
grandes persomies.
b) Mais voici l'Église catholique qui ne craint pas
d'affirmer ouvertement et formellement que c'est un
péché contre Dieu d'empêcher de n'importe quelle manière
la naissance de l'enfant, que cela arrive par n'importe
qùel procédé ou par une intervention humaine. C'est
une profanation et un avilissement de la vie conjugale,
une grave offense aux lois naturelles et aux comman-
dements divins, que le monde frivole appelle « pré-
caution » et « sagesse », mais à laquelle l'Église ne
peut qu'appliquer ces paroles de l'apôtre saint Jacques:
« Une pareille sagesse ne vient pas d'en haut, elle est
terrestre, charnelle, diabolique » (S. Jacques, III, 15).
Oui, une sagesse diabolique car Notre-Seigneur appelle
le démon « homicide dès le commencement » (S. Jean,
VIII, 44). Si le prophète Isaïe vivait ' actuellement, il
dirait de ces époux qu'ils ont fait un pacte avec la
mort et une alliance avec l'enfer (Isaïe, XXVIII, 15).
Et si le Psalmiste écrivait aujourd'hui, il ferait entendre
à ces époux ces paroles terribles : « Il a aimé la malé-
diction, elle fondra sur lui; il n'a point voulu la
bénédiction, elle sera éloignée de lui. Il a revêtu la
malédiction comme un vêtement, elle est entrée comme
 212 MARIAGE ET FAMILLE
l'eau au-dedans de lui et comme l'huile dans ses os.
Qu'elle soit pour lui comme le vêtement qui le couvre,
et comme la ceinture qui l'entoure toujourS» (Psaume
CVIII, 18-19).
Qui ne connaît des familles sans enfant où tout cela
s'est réalisé de façon effrayante? Des esprits vengeurs
et muets les terrifient, des maladies des sens et de
l'esprit, découragement, délaissement, et tous les
fléaux d'une conscience inquiète. Car écarter l'enfant
par des moyens coupables est un péché contre l'ordre
formel de Dieu Créateur lui-même.
II
UN PÉCHE CONTRE LES INTÉRÊTS DE , L'ENFANT.
Mais c'est également un péché contre les intérêts
de l'enfant.
Que l'enfant fasse essentiellement partie de la famille,
c'est ce qu'il est raisonnablement impossible de mettre
en doute. C'est pourquoi la plupart des époux font en
sorte de recevoir des mains divines un enfant; mais
un seul. Tout au plus deux. Et pas davantage pour
rien au monde. Et ils ne pensent pas, en ne voulant
pas avoir d'autres enfants sous divers prétextes, combien
ils pèchent contre l'enfant unique qu'ils possèdent.
A) Les parents à l'enfant unique ont coutume
souvent d'invoquer que ce n'est pas le nombre qui
importe, mais la qualité; ils ne donnent pas beaucoup
-~----
LE MARIAGE SANS ENFANT (1) 21 3
d'enfants à la patrie, ils n'en donnent qu'un; mats
ce sera un personnage distingué.
Malheureusement la vie montre souvent le contraire.
Elle montre que les vrais grands hommes proviennent
non pas des familles à enfant unique, mais des familles
nombreuses. Si nous en cherchons la cause, nous
constaterons que les parents peuvent mieux élever et
avec plus de succès plusieurs enfants qu'un seul.
a) Cela paraît contradictoire et c'est pourtant ainsi
en réalité. Où il y a plusieurs enfants, l'autorité et
l'amour des parents sont répartis plus raisonnablement
et ainsi ne font pas obstacle à la personnalité des enfants
par des ordres perpétuels ni ne brisent pas leur force
de caractère par des flatteries continuelles. Et la preuve
c'est qu'il sort plus de grands hommes des familles
nombreuses que des familles à enfant unique.
b) En outre, là où il y a plusieurs enfants, ceux-ci
sont obligés de très bonne heure d'apprendre à se passer
de bien des choses. Où il y a plusieurs enfants, chacun
d'eux est forcé de se contenter de peu et d'entendre
souvent répondre à ses demandes : « Non, mon fils!
Non, ma fille! Il en faut aussi pour tes frères et sœurs ».
Et ce n'est pas un mal. C'est même un bon principe
d'éducation. Car, ainsi, ils apprennent mieux la
pratique du renoncement et supporteront mieux,
arrivés à l'âge adulte, les privations et les difficultés
de l'existence.
Par contre, là où il n'y a qu'un seul enfant, les parents
sont sans cesse sur son dos ou sans cesse à le flatter.
Tout l'amour et tout l'instinct éducatif que la nature a
déposés dans le cœur des deux parents, ils les emploient
21 4 MARIAGE ET FAMILLE
maintenant pour leur unique enfant; il ne reste au
malheureux aucune occasion pour affirmer sa per-
sonnalité, pour exercer ses facultés d'initiative et c'est
pourquoi il devient en grandissant un être maladroit,
gauche, timide, amolli, sans ressort.
B) Mais si ordinairement les familles nombreuses
donnent des enfants mieux élevés que les familles à
enfant unique, il y a encore une autre cause. C'est
surtout que ce ne sont pas seulement les parents qui
éduquent les enfants, mais aussi les frères et sœurs
eux-mêmes réciproquement.
a) C'est un fait bien connu que l'enfant aime de
jouer et pour cela il a besoin de compagnons de jeu.
Or, les meilleurs compagnons de jeu pour l'enfant sont
ses propres frères et sœurs. L'enfant qui a grandi sans
frères ni sœurs n'a jamais été vraiment un enfant; il
n'a jamais pu vivre pleinement ses années d'enfance;
toujours au milieu de grandes personnes, il devient
un enfant précoce, d'abord un peu suffisant, puis plus
tard prétentieux, un être blasé et désabusé, VIeux
avant l'âge;
L'enfant unique qui grandit seul est donc privé
des plus heureux moments de la vie, l'âge des jeux,
et c'est pourquoi il devient un enfant qui s'ennuie,
un être renfermé, triste, envieux, sans joie. Par contre,
là où il y a plusieurs frères et sœurs, il y a de joyeuses
gambades, du bruit, des luttes, des bousculades, des
disputes, des réconciliations, ils vivent leurs plus
heureux moments : leur enfance.
b) Ajoutons que les frères et sœurs sont non seulement
les uns pour les autres des compagnons de jeux, ils sont
LE MARIAGE SANS ENFANT (1) 21 5
aussi entre eux les meilleurs éducateurs. Tandis qu'ils
s'amusent ensemble, ils sont obligés de constamment
tenir compte les uns des autres, de se conduire entre
eux avec indulgence, de se maîtriser, de se priver.
Ainsi chacun comprend qu'il n'est pas le centre du
monde, mais que le second, le troisième, le quatrième
de ses frères et sœurs ont autant de droit que lui.
Là, où vivent ensemble plusieurs frères et sœurs, ils
s'équilibrent mutuellement, se freinent et s'éduquent.
II y a sans doute bien des heurts entre eux, mais c'est
ainsi que s'aiguise leur caractère, tout comme les
cailloux du ruisseau deviennent polis et luisants en
se frottant sans cesse les uns aux autres.
Là, où vivent ensemble plusieurs frères et sœurs,
chacun d'eux est obligé d'apprendre à se maîtriser,
à aimer son prochain, à pardonner, à se priver, à
pratiquer le désintéressement.
C) Mais il vaut encore la peine de montrer un
troisième aspect intéressant de cette question. Non
seulement les parents éduquent les enfants, mais les
enfants aussi éduquent leurs parents.
a) Ils enseignent à leurs parents les vertus dont ceux-ci
ont besoin pour pouvoir devenir de bons éducateurs.
Ils leur apprennent en premier lieu l'amour dévoué
jusqu'au sacrifice. II serait intéressant d'exàminer à
fond la transformation avantageuse qui s'opère dans
l'âme de la femme la plus superficielle, lorsque, pour
la première fois, on met entre ses bras son enfant
nouveau-né. II serait intéressant d'observer avec quel
tendre amour, avec quelle délicatesse le père porte
son enfant dans ses bras robustes.
 216 MARIAGE ET FAMILLE
Mais ensuite, nous constatons le sentiment de respon-
sabilité et le goût au travail qu'éveille chez les parents
le souci de l'âme et du corps de l'enfant. Il leur faut
songer à leur responsabilité pour chaque parole qu'ils
prononcent devant l'enfant, pour chaque exemple qu'ils
lui montrent. Chaque enfant regarde son père et sa
mère comme les deux êtres les meilleurs, les plus
savants, les plus intelligents du monde, ils sont pour
lui l'idéal. Oui, l'idéal le plus naturel de l'enfant ce
sont ses parents. Heureux donc les enfants dont les
parents constituent réellement l'idéal" Mais quel
avertissement pour les parents de travailler tout au
moins à ne pas rester trop loin de cet idéal que l'âme
de leurs enfants évoque à leur propos'
b) Vous ne croyez pas que les enfants puissent être
aussi les éducateurs des parents? Eh bien' Écoutez
cette naïve petite histoire.
Il y avait une petite fille qui, tous les matins et tous
les soirs, faisait pieusement sa prière avec sa mère.
Un soir que la maman, ayant beaucoup de travail,
n'était pas prête pour la prière, la petite fille lui dit:
(( Maman, viens faire ta prière ». La mère répondit
un peu impatientée : (( Aujourd'hui tu feras ta prière
avec' ton papa ». - (( Avec papa? fit l'enfant. Mais
papa ne sait pas sa prière ». Elle ne l'avait jamais vu
prier et pensait avec raison qu'il ne savait pas ses
prières. Depuis longtemps déjà le pauvre homme s'était
éloigné de Dieu... Mais à présent... cette remarque
naïve d'un enfant innocent avait ébranlé son âme et
l'avait ramené à ses devoirs religieux.
Certainement, il faudrait la plus grande grossièreté
LE MARIAGE SANS ENFANT (1) 21 7
pour que le cœur d'une mère ou d'un père ne s'atten-
drisse pas, pour que ne s'éveillent pas en eux les
saintes résolutions de maîtrise de soi, de changement
de vie, lorsque les regards innocents de leur fils ou
de leur fille se portent sur leurs yeux avec tant de
confiance, d'amour, d'enthousiasme et de respect.
Oui, les enfants sont aussi les éducateurs des parents.
III
UN PÉCHÉ CONTRE LES INTÉRÊTS DES PARENTS.
Mais, il nous faut encore progresser dans l'exposé
de nos idées. L'exclusion coupable de l'enfant est non
seulement un péché contre Dieu et contre l'enfant,
mais elle est encore un péché contre les intérêts bien
compris des parents.
A) Tout d'abord, l'enfant unique n'est pas un enfant,
mais un souci perpétuel.
a) La vie des parents est une inquiétude continuelle:
pourvu qu'il ne prenne pas froid, pourvu qu'il ne lui
arrive rien, car ce serait fini pour nous, s'il venait à
mounr.
Et cette crainte n'est pas sans fondement, car les
statistiques démontrent qu'il meurt beaucoup plus
d'enfants dans les familles d'un ou deux enfants que
, dans les familles nombreuses.
b) Si dans ces familles nombreuses un des enfants
vient à mourir, naturellement les parents sont dans la
 1
ZI8 MARIAGE ET FAMILLE
désolation et en portent lé deuil, mais du moins les
autres leur restent -pour les consoler. Mais que reste-t-il
après la mort de l'enfant unique? Le berceau vide,
la chambre d'enfant devenue muette, les jouets orphe-
lins, les reproches amers de la conscience qui rappelle
qu'il aurait pu en être autrement, si l'on n'avait pas
d'une main criminelle contrecarré les plans divins.
Comme il a raison le proverbe: « L'enfant est un
verre : il se brise facilement ll, il est donc._bon d'en
avoir plusieurs.
B) « Mais permettez, plusieurs enfants coûtent plus
cher »; telle est l'objection la plus fréquente.
Et maintenant je vais faire une réponse très curieuse
et incroyable : « Non, mes frères. L'enfant_:unique
coûte davantage que plusieurs enfants ».
Comment? Qu'est-ce que cela veut dire?
a) Premièrement, partout où il n'y a qu'un enfant
on ne connaît pas les mots de privation et de sacrifice,
au contraire, là où il y a plusieurs enfants, les parents
sont plus économes et plus laborieux.
Les époux qui écartent l'enfant par des moyens
coupables, sont plus irritables, moins affectueux entre
eux, ils ne se sentent pas bien entre les murs de leur
foyer vide et muet.
Où il n'y a pas d'enfant, il n'y a pas non plus de joie
ni de rayon de soleil ni de rire ni de chaleur. Il faut
chercher tout cela ailleurs, hors du foyer. Et cela coûte
si cher qu'on pourrait avec la même somme élever
plusieurs enfants.
Je me rappelle ce que raconte dans un de ses livres
une romancière hongroise, qui avait passé le plus
LE MARIAGE SANS ENFANT (1) 21 9
heureux et le plus joyeux Noël dans uné famille de
huit enfants où les parents travaillaient durement
pour les nourrir. Et lorsqu'elle demanda aux parents
qui riaient avec leurs enfants de quoi étaient faits ces
jouets et ces cadeaux de toute sorte, la mère répondit
lé visage rayonnant : « De bois, de chiffons... et
d'amour ll.
b) L'enfant contribue donc ainsi à la réalisation et à-la
conservation du bonheur familial. C'est la vérité, l'enfant
cause aussi une foule de soucis, de dépenses, de craintes
et de sacrifices. Mais il est également vrai que l'enfant
donne en échange beaucoup de choses aux parents :
il leur donne joie, soleil, gaieté, espérance, un appui
pour l'avenir, - et enfin il es( un renforcement de la
vie conjugale.
C'est ainsi que devient compréhensible ce fait
curieux que dans cinquante pour cent des ménages
divorcés il n'y a pas d'enfant du tout, et que dans
vingt-cinq pour cent il n'y a qu'un seul enfant. On
peut donc en tirer cette conclusion : plus il y a
d'enfants, moins il y a de divorces. Car suivant les plans
admirables de la divine Providence, ce sont les faibles
petites mains de l'enfant qui maintiennent ensemble
les bras robustes de deux grandes personnes.
Mais en même temps, quelle preuve criante que
l'enfant n'est pas un obstacle au bonheur des parents
et que ce n'est pas l'absence d'enfant qui donne le
bonheur! Car le ~ plus souvent, les:' ménages qui se
séparent sont justement ceux dont' le bonheur n'a
pas été troublé par la présence d'enfants.
C'est précisément le contraire. Le VIe comman-
..
220 MARIAGE ET FAMILLE
dement, le grand commandement de la fidélité, lie
pareillement au-dedans et au-dehors. Celui qui vit
dans le cadre du mariage, comme ne le permettent pas
les lois divines fait facilement le second pas par lequel '
il devient infidèle aussi hors du mariage.
C) Mais quelle consolation pour les parents que les
enfants, encore dans un autre sens!
a) Comme elle est douloureusement vide et abandonnée
la destinée du vieux garçon et de la vieille fille, qui,
laissés à eux-mêmes, tout seuls, sans consolation, sans
affection et sans appui, traînent leur vieillesse, - parce
qu'ils n'ont pas d'enfants, parce qu'ils sont des troncs
d'arbres qui ont fleuri frivolement au printemps et
n'ont pas songé qu'il y aurait aussi l'automne où l'on
ramasserait les fruits. Il est incroyable que les jeunes
époux qui ont peur de l'enfant ne se demandent pas
qui les aidera et les aimera dans leur vieillesse, dans
leur délaissement?
b) Mais examinons une autre question : Qui les
aimera dans leur veuvage?
Si l'un des époux vient à mourir, l'autre demeure
seul; certainement s'il y a plusieurs enfants, il reste
au survivant bien des soucis; mais s'il n'y a pas d'enfant,
alors le survivant se trouve dans un abandon cent fois
plus pénible. Quelle consolation pour le veuf ou la
veuve que la présence d'enfants dont le babillage
rappelle la voix du cher disparu et ces yeux d'enfants
où revit le regard du défunt!
C'est ce qu'éprouvait le poète anglais Longfellow,
lorsque, après dix-neuf années de bonheur, la mort lui
arracha son épouse, car dans une de ses lettres il a
LE MARIAGE SANS ENFANT (1) 221
écrit ces lignes: « C'est une chose pénible de recon-
struire une vie détruite. Tout retombe comme du sable.
Mais j'essaye et je suis patient ... Mes enfants vont tous
bien, cela me console et me donne du courage JJ. Et
dans une autre lettre, il ajoute : « Mes petites filles
babillent joyeusement dans ma chambre com~e deux
oiseaux. Elles sont en train de célébrer l'anniversaire
d'une de leurs poupées ... Quel monde merveilleux
que le monde des enfants! Comme il est plein de vie
et de fantaisie! Je suis heureux de contempler ce
branle-bas et je sens toute la douceur des paroles qui
furent prononcées un jour par des lèvres bénies :
Laissez venir à moi les petits enfants JJ.
* **
Mes frères, c'est sur ces paroles de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, avec un petit changement, que je termine
le sermon de ce jour : Laissez les petits enfants venir au
monde.
Nous sommes toujours saisis d'une profonde émotion,
chaque fois que nous lisons dans la Sainte Écriture le
meurtre des Saints Innocents par Hérode. Quels cris
de douleur durent sortir des lèvres des femmes de
Bethléem, avec quel désespoir elles ont dû serrer sur
leur poitrine leurs enfants, lorsque les bourreaux
d'Hérode arrivèrent pour mettre à mort les innocentes
victimes! Toute notre pitié va à ces mères en deuil.
Mais le monde actuel a tout bouleversé. Le monde
actuel a produit des mères qui ne cherchent pas avec
222 MARIAGE ET FAMILLE
un amour angoissé à sauver leurs enfants de la mort,
mais vont elles-mêmes trouver les bourreaux et les
paient bien, pour qu'ils ôtent la vie à des enfants
innocents. Y a-t-il dans le vocabulaire humain une
expression assez forte pour pouvoir caractériser ce
crime? Le ciel a-t-il assez d'éclairs pour pouvoir châtier
dignement cette monstruosité?
II semble en avoir assez.
Car celui qui a commis ce péché et n'en fait pas
pénitence doit s'attendre à deux sortes de châtiments
déjà sur cette terre - tous deux épouvantables. Ou
bien sa conscience s'éveille et alors il ne trouve plus
nulle part de repos devant les ombres funèbres des
petits enfants tués. Ou bien il s'endurcit dans son
péché, et tue sa conscience en même temps que ces
enfants, - mais alors il tombe dans une sécheresse
d'âme si indescriptible qu'il lui reste à peine un trait
humain durant toute sa vie.
Qu'il ne puisse être question, dans l'un et l'autre
cas, d'une vie conjugale heureuse et paisible, mais
seulement d'un dégoût et d'une licence effrénée, c'est
ce qu'assurent de bien tristes exemples ...
Seigneur, nous vous le demandons avec humilité, donnez
à notre patrie qui en a tant besoin des époux généreux,
ayant l'amour des enfants. Amen.
XIV
LE MARIAGE SANS El\TFANT (II)
MES FRÈRES,
Le grand peintre autrichien Joseph Führich a
perpétué dans un tableau très expressif le monde de
pensées 'et de sentiments qui dut remplir l'âme de la
Bienheureuse Vierge Marie, lorsqu'elle conçut du
Saint-Esprit son divin Fils ... La Vierge Marie, profon-
dément plongée dans ses pensées, s'avance à travers
un riant paysage. Au-dessus d'elle des anges voltigent:
l'un chante, l'autre jette des roses, un troisième agite
un encensoir. Tout le tableau n'est que grâce et beauté.
Nous comprenons le chant, - il s'adresse à la future
mère.
Nous comprenons les roses, - elles s'adressent aussi
à la future mère.
Mais l'encensoir? II n'est pas pour Marie. Il est
pour le Fils de Dieu dont la Sainte Vierge est à cet
instant le tabernacle vivant.
De même, ce chant et ces roses conviennent égale-
ment à toutes les mères; cette grâce, cette beauté
brillent invisiblement sur le front de la mère de famille
224 MARIAGE ET FAMILLE
qui, avec le ·même amour que la Sainte Vierge, attend
son enfant et au prix de grands sacrifices, l'élève dans
l'amour du Christ, Fils de Dieu.
L'Église du Christ a toujours, avec un courage
imposant, élevé la voix en faveur de l'enfant; aujourd'hui
encore elle exige l'inviolabilité des droits de l'enfant
non encore né; mais elle ne perd pas de vue les sacrifices
immenses que coûtent aux parents l'existence et l'édu-
cation de plusieurs enfants. C'est justement parce que
notre sainte religion sait bien ce que signifie de nos
jours élever une famille de cinq ou six enfants, qu'elle
entoure d'un grand respect les parents héroïques qui
font à Dieu ce sacrifice, - mais elle ne peut jamais
permettre qu'on ait le droit d'agir contrairement aux
lois divines et qu'on ait le droit d'empêcher la venue
de l'enfant par des interventions criminelles.
Aujourd'hui, nous allons examiner d'un peu plus
près les difficultés invoquées par certains éPoux pour
écarter l'enfant. Elles ne sont pas de nature à ne pas
pouvoir être résolues par des âmes généreuses et
réellement chrétiennes, de manière que l'homme ne
contrecarre pas les lois de Dieu.
1 pour qu'il y ait des personnes sans enfant qui s'occupent
PAS D'ENFANT!
A) Mais avant d'examiner successivement les
objections formulées contre la présence de l'enfant,
je voudrais faire une remarque préalable.
LE MARIAGE SANS ENFANT (II) 225
. Lorsque la religion catholique porte un jugement
très sévère contre les époux qui rendent stérile leur
vie conjugale, par des moyens coupables, elle: ne veut
évidemment pas un seul instant faire des reproches
aux époux qui n'ont commis aucune faute sur ce po~nt, qui
accepteraient de grand cœur des enfants, malS que
Dieu a privés de cette joie. Elle est loin de leur adresser
des reproches pour un état de choses dont ils ne sont
pas responsables. Car il y a suffisamment de tristesses
dans leur âme; ils sentent bien eux-mêmes qu'il manque
quelque chose d'essentiel à leur bonheur. .
Je ne veux donc pas leur faire de reproches, malS
bien plutôt leur inspirer quelques pensées consùlatrices
et même leur indiquer un moyen de tirer parti de leur
situation.
a) Un trait essentiel de l'âme chrétienne, c'est la
conviction que tout ce .que fait Dieu ou tout ce qu'Il
permet, Il le fait ou le permet suivant un plan. S'il
n'accorde pas d'enfant à ces époux malgré leurs fer-
ventes prières, c'est qu'Il a en cela une intention spéciale.
Quelle intention? Peut-être celle de leur faire
consacrer davantage leurs forces à quelque grande
cause reiigieuse, au bien commun ou au service désin-
téressé du prochain. Ou bien peut-être Dieu le permet
de petits orphelins ou d'enfants pauvres et malheureux.
Combien d'enfants dans la misère sur la terre! S'il y
avait seulement assez de grandes personnes pour venir
à leur aide!
b) Mais une autre possibilité s'offre aussi aux époux
sans enfant. .
Mat. et Faro. - 15
 MARIAGE ET FAMILLE
Si, peut-être, il ne leur est pas possible d'accueillir
pour toujours de petits orphelins, une nouvelle voie
s'ouvre pour eux, leur permettant de s'évader de la
solitude spirituelle et de l'égoïsme qui pèsent sur eux.
Vous savez que de nos jours les études du prêtre,
sont matériellement de plus en plus difficiles. Il y a
des jeunes gens disposés à embrasser la vie sacerdotale
qui sont aux prises avec de lourds soUcis ... Eh bien 1
quelle honorable possibilité pour des ménages sans
enfant que de venir en aide matériellement à tel ou tel
séminariste ou à un missionnaire, pour la réalisation de
ces buts élevés! Quelle bienfaisante consolation pour
ceux à qui Dieu n'a pas donné d'enfant de pouvoir
cependant donner à Dieu un serviteur. Quelle joie
pour eux, lorsqu'ils assisteront un jour à la première
messe d'un prêtre qu'ils auront aidé à arriver à l'autel!
Mais tout ce que je viens de dire n'est qu'une
digression; il n'en sera plus question dans le sermon
d'aujourd'hui.
B) Il sera question - hélas! - des époux à qui Dieu
donnerait des enfants, mais qui par des procédés coupables
ferment devant eux la porte de la vie.
a) Notre sainte religion enseigne expressément que
celui qui vit dans le mariage, mais écarte l'enfant par
des procédés coupables écarte de lui les bénédictions
divines et commet un péché grave. Exercer les droits
du mariage, mais empêcher par une intervention
humaine que puisse naître l'enfant est un péché grave
qui renverse le mariage des hauteurs de l'idéal voulu
par Dieu . .
b) Après cela vous pouvez juger vous-mêmes ce que
LE MARIAGE SANS ENFANT (II) 227
nous devons penser de cette manière de voir inouïe et
frivole qui, tantôt ici tantôt là, est manifestée par
certains époux.
« Ce que nous faisons dans le mariage n'est pas un
péché, disent-ils, c'est seulement de la prudence. Si
nous ne voulons pas d'enfant, cela ne regarde personne.
L'Église non plus. Je ne le regarde pas comme un
péché. Je n'ai pas non plus l'habitude de le confesser ».
Ainsi commence leur explication. Ensuite ils présen-
tent toute une foule de raisons et d'explications pourquoi
ils sont obligés d'agir ainsi.
Et ils ne remarquent pas qu'ils révèlent par là, que
leur âme est inquiète et qu'ils sentent que leur procédé
a quelque chose de mauvais. Car si ce qu'ils font était
si naturel et réellement n'était pas un péché, pourquoi
alors ces efforts pour faire taire et tranquilliser leur
conscience? N'est-ce pas le signe que certainement
tout homme ayant le sens moral regarde comme un
péché grave l'abus de la vie conjugale; mais n'est-ce
pas encore un péché plus grave - car c'est un sacrilège
- de le taire volontairement en confession?
« Mais, si je le dis, je ne recevrai pas l'absolution »
- réplique l'intéressé. Or il n'a pas raison. Il y a une
absolution pour tous les péchés, si ... si on promet de
ne plus vouloir les commettre.
Or c'est justement, ce qu'ils ne veulent pas
promettre. Ils ne veulent pas, parce qu'ils sont étourdis
par les maximes empoisonnées des idées modernes.

MARIAGE ET FAMILLE
II
POURQUOI, PAS n'ENFANT?
Quels sont donc ces mots d'ordre? Quels sont
les prétextes qu'ont coutume le plus souvent d'invoquer
les époux qui ont peur de l'enfant? Regardons-les tous
en face.
A) L'objection la plus fréquente est la situation écono-
mique difficile. « Nous aimons les enfants, mais nous
n'avons pas de quoi les nourrir. Un enfant est suffisant,
nous ne pouvons pas en avoir davantage )h Que de fois
on entend cette phrase sous les formes les plus ,diverses.
Mais, si nous regardons de plus près ceux qui
gémissent ainsi et comment vivent ceux qui ne peuvent
pas avoir davantage d'enfants, nous arriverons certai-
nement à une constatation très curieuse. C'est que,
dans la plupart des cas, la cause de la peur de l'enfant
n'est pas la misère, mais, au contraire, le bien-être.
Si incroyable que cela paraisse, il en est pourtant
a111S1.
a) Examinons .l'histoire de cette maladie : D'où
vient cette épidémie qui .ruine la vie familiale? Est-ce
chez les ouvriers ou dans les familles de la campagne
qu'a commencé cette mode de n'avoir qu'un enfant
ou même pas du tout? A-t-elle . commencé dans les
familles qui, à cause de leur pauvreté, avaient le droit
de craindre de ne pas avoir assez de pain pour tant de
bouches affamées?
-~- -- ~-
1
LE MARIAGE SANS ENFANT (II)
1
Certainement non. Il est indéniable que cette maladie,
mortelle pour les peuples, a levé la tête en premier
lieu dans les familles aisées où il y aurait eu pour cinq
ou six enfants plus de pain qu'il n'en faut, et même
du gâteau, dans des familles où la soif de jouissance
et la licence des époux ont préféré les commodités et
la tranquillité d'une existence sans enfant. C'est là -
malheureusement - un fait indéniable.
b) Mais ne regardons pas seulement le passé, voyons
aussi le présent. Que voyons·-nous actuellement?
Ordinairement, cette objection n'est pas formulée par
ceux qui, avec un traitement de mille francs par mois,
ont un logement d'une pièce et une cuisine - et
plusieurs enfants; mais, au contraire, ils prétextent les
difficultés économiques ceux qui, dans un appartement
couvert de tapis persans et orné de tableaux de maîtres,
n'ont qu'un seul enfant, mais possèdent en outre une
bonne à tout faire, une cuisinière, une gouvernante
anglaise, deux ou trois petits chiens bien soignés et
revêtus de jolis paletots.
« Nos moyens ne nous permettent pas davantage
d'enfants» disent ces parents, mais ils suffisent pour
les concerts et les bals, ils suffisent pour les voyages
et les soirées, ils suffisent pour les séjours à la mer et
les costumes, ils suffisent pour les dîners et les parties
de cartes, ils suffisent pour les autos et les chiens.
Mais pas pour des enfants.
Mes frères, je sens bien que je dis en ce moment
des choses amères, mais regardez seulement autour
de vous: la plupart des familles n'ont pas ' davantage
d'enfants, précisément parce que les gens font plus
... -, -- - . -
~-
23° MARIAGE ET FAMILLE
de dépenses et vivent plus luxueusement que ne leur
permet leur situation. La peur de l'enfant n'est-elle
pas la plus forte là où l'on est le plus à son aise, mais
où les parents refroidis à l'égard de la religion ne voient
dans un plus grand nombre d'enfants qu'une charge
qui réduirait leur liberté et rendrait impossible leur
luxe?
c) Des époux religieux ne devraient jamais penser
ainsi. Pour des parents religieux c'est toujours une joie,
quand un enfant arrive dans la famille; une joie, car
ils se rappellent la merveilleuse promesse faites jadis
par Notre-Seigneur Jésus-Christ et dont la divine
mélodie résonne sans cesse à leurs oreilles, à chaque
heure difficile, à chaque nuit passée sans dormir, à
chaque minute de sacrifice : « Celui qui recevra en
mon nom un petit enfant comme celui-ci, c'est moi
qu'il recevra» (S. Matthieu, XVIII, 5).
Existe-t-il pour les parents promesse plus consolante,
plus réconfortante que celle de la venue de Notre-
Seigneur, chaque fois qu'un nouvel enfant entre dans
la famille?
Ne craignez donc pas, si vous avez plus d'enfants.
Ne craignez pas d'être pour cela un peu gênés. Car
le cœur des parents est comme un foyer brûlant; plus
on y met de combustible plus il brûle. Le cœur de
celui qui n'a pas d'enfant reste froid. Le premier enfant
allume la première flamme d'amour · chez les parents;
chaque nouvel enfant l'accroît et la ranime de plus en
plus.
B) Mais, en parlant ainsi, je crois voir tel ou tel de
mes chers auditeurs à la radio se dire : « Je vais écrire
- ___
~
_
LE MARIAGE SANS ENFANT (n) 23 1
au prédicateur. Il a facile de dire du haut de la chaire,
car il ne connaît pas la vie ».
Ne m'écrivez pas, chers auditeurs. Hélas! je la
connais. Je . sais même très bien qu'il y a réellement,
à cause des misérables conditions matérielles actuelles,
bien des familles qui ont peur à bon droit de la venue
d'un nouvel enfant, car ils ne pourraient pas le nourrir.
a) Que leur dirons-nous? Que leur dirons-nous, alors
que dans leur amertume ils ne savent presque plus ce
qu'ils disent?
« Le point de vue catholique est dur et sévère,
disent-ils. N'y a-t-il pas déjà suffisamment de misère
sur la terre? Ne manquent-ils pas de pain ceux qui
vivent? Et voici le christianisme qui vient proclamer
que c'est un péché de se défendre contre l'enfant.
L'Église n'a-t-elle donc pas de cœur ni d'indulgence?
J'ai présenté cette accusation dans toute sa sévérité,
pour que vous voyez que l'Église aussi sait tout cela.
Comment ne saurait-elle pas dans quelles détresses se
trouvent aujourd'hui tant de familles? Comment
n'éprouverait-elle pas de la compassion pour tous ceux
qui, sans l'avoir mérité, sont dans la misère? Comment
ne saurait-elle pas que - malheureusement - des
familles réellement religieuses sont mises par la détresse
économique dans une terrible alternative?
b) Pour éviter des malentendus, nous devons aussi
déclarer clairement quel' Église n'a jamais eu l'idée que
les parents pussent mettre au monde, sans responsabilité,
de plus en plus d'enfants. Pas du tout. Il y a des familles
qui peuvent élever convenablement huit à dix enfants
et il y en a d'autres qui ne peuvent pas en élever plus
,. ' .
• ._.....-- __ - ...0-
 MARIAGE ET FAMILLE
d'un ou deux. L'Église le voit bien. Seulement elle ne
peut permettre que la limitation du nombre des enfants
se réalise par des interventions coupables qui souillent
le sanctuaire familial. Quand une famille, pour des
raisons sérieuses, ne veut plus accepter d'enfants,
qu'elle n'en accepte pas, mais il faut pour cela recourir
à la chasteté conjugale et non pas à des moyens
criminels.
C'est par excellence le dogme qui aujourd'hui fait
parler tant de gens des « lacunes de l'éthique sexuelle
catholique », de « la faillite morale du mariage catho-
lique », de « l'impossibilité de l'idéal catholique du
'mariage », etc.
L'homme moderne aime entendre parler de tout,
sauf d'une chose : il ne veut pas entendre parler de
maîtrise de soi. L'homme qui a appris à se rendre
maître des forces les plus sauvages du monde matériel
a oublié d'apprendre à se dominer lui-même. Il a
oublié, et, s'il le faut, il niera plutôt que toutes les
grandes œuvres du passé sur le terrain de la civilisation
matérielle ou intellectuelle sont le fruit du renoncement.
c) Mais tandis que notre sainte Église exige sans
réserve la pureté morale de la vie conjugale, elle ne
cesse pas d'exiger aussi pour la famille les conditions
qui rendent possible l'observation de la chasteté
èonjugale.
Car, si nous reconnaissons que pour bien des familles
religieuses il est réellement difficile d'observer les lois
divines, à cause de la situation économique actuelle,
ilf ne s'ensuit pas que l'on ait maintenant le droit de
,~ ,
tourner la loi de Dieu, mais, au contraire, qu'il faut
.- -~-~ - ~ ~ - ~~._- - ---~
LE MARIAGE SANS ENFANT (II) 233
changer la situation économique. La loi divine est
éternelle, l'homme n'a pas le droit d'y toucher. Mais
les lois économiques ne sont' pas éternelles, elles
dépendent des changements des institutions de la vie
actuelle. Si le soleil et ma montre ne sont pas d'accord,
je ne puis pas toucher au soleil, mais seulement à la
montre.
Qui ne voit la grandeur de la tâche qui incombe sur
ce point à la législation? En effet, il y a aujourd'hui
encore des hommes qui n'ont pas de famille à entretenir,
mais dissipent en une seule nuit des sommes qui suffi-
raient à nourrir pendant des semaines plusieurs familles
nombreuses. Pendant que l'Église catholique élève
courageusement la voix en faveur des enfants et ainsi
sert le plus efficacement les intérêts de la nation, la
législation civile n'a pas le droit de regarder, avec
indifférence, l'Église mener cette lutte pénible pour
l'enfant, J;l1ais elle doit, par une foule de mesures
légales, par des interventions dans le domaine éducatif,
par des allégements fiscaux, par des allocations et d'au-
tres moyens matériels, favoriser les familles nombreuses.
C) A côté des soucis matériels, on a coutume aussi
d'invoquer des raisons de santé, pour refuser d'avoir de
nouveaux enfants. « Les enfants font vieillir... ôtent
s,es forces à la mère ... peuvent même lui coûter la vie ... »
Telles sont lés craintes de certains.
a) Mais chaque fois que j'entends parler de ces
appréhensions, chaque fois que j'entends parler de
jeunes femmes qui ont peur de l'enfant, parce qu'i!
« fait vieillir )) et (( met la santé en danger », je me
rappelle la réponse d'un célèbrè médecin français.
',' ,.'
-- - ~-=-...:::
.........
.
~,/:i;. _-; ..~ 1, ~, ~ ...
234 MARIAGE ET FAMILLE
Une dame se plaignait à lui de divers symptômes de
maladie. Le médecin se contenta de lui demander :
- Madame, combien avez-vous d'enfants?
- Trois, répondit la dame.
- Eh bien! répliqua le médecin, quand vous aurez
cinq enfants, tous ces malaises disparaîtront d'eux-
mêmes.
Car elle est vraiment merveilleuse la force qu'il y
a dans les bras d'un petit enfant! Comme il réunit de
plus en plus solidement de jour en jour les cœurs
de ses parents 1 Comme les grandes personnes
deviennent de nouveau des enfants rieurs, tandis
qu'elles s'occupent d'un enfant! Avec quelles paroles
de tendresse la mère sait parler à son petit enfant 1
Avec quelle précaution e(quelle fierté le père porte
son enfant dans ses bras " robustes! Et comme tout
souci s'efface sur le visage de ces deux grandes per-
sonnes, comme leurs regards s'adoucissent, comme le
sourire, depuis longtemps peut-être effacé, reparaît sur
leur visage, lorsqu'elles regardent leur enfant!
Telle est la force rajeunissante de l'enfant qui protège
contre l'affaiblissement précoce, la rudesse, le dégoût
de l'existence! Par contre, dans les foyers où ne retentit
pas le rire de l'enfant, la vieillesse apparaît de bonne
heure, l'âme des époux sans enfant est plus tôt victime
de l'artério-sclérose que leur corps.
b) « Mais permettez, objectera peut-être quelque jeune
femme, je ne veux pas, à cause de nombreux enfants,
être fanée prématurément. »
Eh bien! que répondrons-nous?
Vous avez sans doute déjà vu par un beau soir de
LE MARIAGE SANS ENFANT (II) 235
mai un arbre tout en fleurs baigné dans l'éclat des
rayons du soleil couchant, c'est l'image de la fiancée
qui se tient devant l'autel au jour de son mariage.
Oui, il est beau le jeune arbre en fleurs.
Mais il est encore plus beau, lorsqu'est disparu le
signe de sa beauté extérieure, lorsque ses fleurs sont
tombées et qu'à leur place sont apparus de petits
boutons; et l'arbre se dresse malgré vents et tempêtes,
il brave le froid et le chaud, il boit inlassablement la
pluie et les rayons de soleil, pour qu'un jour, quand
viendra l'automne, il puisse porter des branches cou-
vertes de fruits. Ah! si seulement toutes les jeunes
femmes - qui sont si inquiètes pour leur beauté -
se disaient: il est beau l'arbre dans sa parure de fleurs
au printemps, mais cette beauté n'a ni but ni
signification, s'il ne porte pas de fruits.
c) C'est bien vrai : cette fécondité est quelquefois
un danger. C'est vrai: la vie de l'enfant met parfois
en danger la vie de sa mère.
Mais même dans ces situations pénibles et déses-
pérées, on peut constater que la foi et la confiance
en Dieu engendrent alors la grandeur d'âme et un
courage héroïque. Il y a des mères qui ne permettent
pas qu'on détruise la petite vie qui n'est pas encore
née, même si elle constitue un danger sérieux pour
l ' elles-mêmes. Il y a des âmes héroïques qui ont pour
règle de vie : Homme, fais tout ce que tes forces te
permettent et qui n'est pas contraire aux lois de Dieu,
mais quand tu as fait ce qui était humainement possible,
mets pour le reste ta vie entre les mains du Maître
de la vie et de la mort. Il y a des mères à l'âme héroïque
 MARIAGE ET FAMILLE
qui sont convaincues que personne n'a jamais à se
repentir d'avoir observé la loi de Dieu, même, s'il le
fallait, au prix des plus durs sacrifices.
Oui, la vocation maternelle i aussi ses sacrifices; et
notre sainte religion s'incline devant ces martyres du
devoir maternel et elle croit que se réalise pour elles
la promesse de saint Paul, disant que la mère est
sauvée en donnant la vie à un enfant (le Timothée,
II, 15).
:110
:110
:110
Mes frères, le moment approche de terminer mon
sermon d'aujourd'hui; mais je voudrais renforcer les
principes énoncés en présentant une autre idée tout à
fait nouvelle. Jusqu'ici, je l'ai laissée de côté, mais je
veux l'évoquer en terminant.
Dans mon dernier sermon il a été question de
choses effrayantes. De choses qu'il est pénible de dire
et dont il vaudrait mieux ne pas entendre parle~, si,
'avec le silence, on pouvait guérir ce monstrueux cancer
des idées mondaines frivoles.
Est-ce une expression trop forte?
Mais peut-on employer une autre expression quand
on lit dans une lettre de gens mariés : « Dès le début
nous nous sommes mis d'accord pour ne pas vouloir
d'enfant... Sans enfants on est beaucoup plus libre.
Nous sommes encore jeunes et nous voulons profiter
un peu de la vie. Plus tard on pourra encore penser
à un enfant ».
Toute conscience est-elle réellement morte chez ces
--- ~ -- - -~-
LE MARIAGE SANS ENFANT (II) 237
gens-là? S'ils ne savent pas la responsabilité qu'ils
encourent devant Dieu, ne sentent-ils pas au moins
la faute lourde qu'ils commettent contre la patrie?
Car la nation n'est pas seulement la plaine et la mon-
tagne, la fabrique et le réseau de chemin de fer,
la nation c'est un grand nombre d'hommes forts
et moraux.
« Plus tard, on pourra encore toujours penser à un
enfant )). Il est effrayant d'imaginer quel trésor cette
affreuse façon de penser a ravi à notre nation. Car si
les mères du temps jadis avaient pensé de même,
alors Étienne Széchenyi ne serait pas né, car il était
le troisième enfant. Jamais Maurice Jokai ne serait
venu au monde, car il était le cinquième. Jamais
François Deak n'aurait vu le jour, car il était le
septième. Et Jean Arany était Je dixième. Et Mozart
était le cinquième, Rembrandt le sixième, Wagner le
septième, Napoléon le huitième, Schubert le treizième,
Franklin le dix-septième .. .
Eh bien! mes frères, écoutez maintenant les
avertissements de notre Église.
Que nous demande l'Église du Christ? Pas autre
chose que d'écouter la sage réponse de Mussolini
devant qui, un jour, on parlait de la limitation des
naissances et qui se contenta de répondre avec dédain :
" « Laissons cette sottise à d'autres nations )).
Que veut l'Église du Christ? Pas autre chose, sinon
que chacun parle avec un saint respect de la mère de
famille qui attend la naissance d'un enfant et sur le
.
front de laquelle brille"'un rayon'.!'de la couronne de la
Bienheureuse Vierge de Bethléem.
""
-
/' , '
 MARIAGE ET FAMILLE

Que veut l'Église du Christ? Que chacun élève la

voix contre ces époux qui aiment mieux élever des·
chats et des chiens que des enfants.
Que veut l'Église du Christ? Que chaque époux et
chaque épouse entendent ces paroles de Notre-
Seigneur : « Celui qui reçoit en mon nom un petit
enfant, me reçoit» (S. Matthieu, XVIII, 5).
Et enfin que veut l'Église du Christ? Que se réalise
pour de plus en plus de mères la promesse de saint Paul
qui assure que les mères, chaque fois qu'elles mettent
au monde un enfant, acquièrent des mérites pour la
vie éternelle. Ou bien, comme s'exprime un proverbe
hongrois : « Autant de boutons à ton rosier, autant de
perles à ta couronne ».
Avez-vous compris, mes frères? Avez-vous entendu,
mères defamille? Voilà la conclusion du sermon d'a~jour­
d' hui : « Autant de boutons à votre rosier, autant de
perles à votre couronne! » Amen.
xv
LA FAMILLE NOMBREUSE (1)
MES FRÈRES,
Il a été douloureux et triste le tableau de la famille
sans enfant qui est passé sous nos yeux dans les deux
derniers sermons, mais le sujet des deux instructions
qui vont suivre est bien consolant et réjouissant: je
vais parler de la « famille nombreuse ».
Autant est effrayant, parce que contraire à la nature,
le silence de tombe qui règne dans l'appartement des
époux sans enfant, autant est vivant et prometteur de
joie le rire argentin qui remplit le foyer de la famille
nombreuse.
Autant est abandonné et triste le vieil arbre sec qui
a perdu son feuillage, ses fleurs et toute sa parure,
autant s'acheminent tristement vers la tombe les époux
sans enfant, atteints par la vieillesse : autant ceux qui
généreusement et avec confiance dans l'aide de Dieu
ont accueilli l'enfant, restent debout dans leur vieillesse,
 24° MARIAGE ET FAMILLE
comme un chêne gigantesque dont les vastes' branches
supportent les nids où toujours de nouveaux oiseaux
se mettent à chanter. Ces vieillards voient le cœur
plein de reconnaissance envers Dieu, app~raître au
foy~r de leurs enfants et même de leurs petits-enfants
toujours de nouveaux bèrçeaux et dans ces berceaux
de petits êtres qui chantent leur reconnaissance à leurs
pa:ents et grands-parents. Ces vieillards auront quel-
qu un pour leur fermer les yeux. Ces vieillards auront
quelqu'un qui priera et implorera la grâce de Dieu
pour le repos de leur âme.
Oui, il en a toujours été ainsi, mes frères' les familles
chrétiennes ont aimé les enfants; le plus beau meuble .
de la famille chrétienne a toujours été dans un coin
de la .chambre un berceau avec un petit ange joufflu
en tram d'y dormir, tandis que dans un autrè coin un
bébé de trois ans se tient fièrement sur son cheval à
bascule et montre à son grand frère de cinq ans ce
dont il est capable.
Les deux derniers sermons se sont passés dans un
paysage aride, chez la famille sans enfant; dans les
deux sermons qui suivent, nous monterons sur les
hauteurs consolantes du foyer heureux de la famille
nombreuse. Dans le sermon d'aujourd'hui, je voudrais"
mo~trer se~l~ment de façon générale que la vraie
famIlle chretIenne a deux caractéristiques : I. elle
respecte l'enfant et II. elle donne l'éducation à l'enfant;
dans le sermon suivant je donnerai quelques détails
sur la manière d'élever chrétiennement les enfants.
"-
LA FAMILLE NOMBREUSE (1) 241
l
LA FAMILLE CHRÉTIENNE A LE RESPECT DE L'ENFANT.
Le christianisme a toujours entouré l'enfant d'un
respect particulier. Il le regarde comme une « chose
sainte » et une « bénédiction divine », et, comme nous
allons le voir, à juste titre.
A) « L'enfant est une chose sainte Res sacra puer ».
Si les païens parlaient déjà ainsi, à combien plus forte
raison les chrétiens doivent-ils s'exprimer de même.
'Comme des boutons sur un arbre, combien d'espoirs
attendent en lui leur réalisation!
L'enfant est saint pour ses parents : il est non
seulement le soutien et l'aide de ses parents dans leur
vieillesse, mais aussi la continuation terrestre de leur
vie qui s'incline vers la tombe.
L'enfant est saint aux yeux de la nation: c'est par
lui que vit la · nation : son étoile grandit avec une
jeunesse robuste, avertie et chaste ou bien son avenir
disparaît avec une jeunesse légère et frivole.
L'enfant est saint aux yeux de l'Église : il donne
sans cesse de nouveaux membres à l'Église du Christ
et par eux la lumière de l'Évangile se répand sur la
terre.
L'enfant est saint aux yeux de Notre-Seigneur
Jésus-Christ: avec quel amour il l'a toujours regardé
et avec quelle tendresse il lui a donné sa bénédiction.
II n'exagérait donc pas, Léonidas, ce martyr des
Mar. et Fam. - 16

MARIAGE ET FAMILLE
premiers siècles, dont nous lisons, qu'il s'agenouillait
souvent au pied du lit de son jeune fils Origène, et
comme sa femme lui demandait pourquoi, il lui fit
cette réponse: « J'adore l'Esprit Saint qui habite dans
la poitrine de mon enfant ".
QueUe conception profondément chrétienne de la
valeur de l'enfant! Oui, « res sacra puer - l'enfant
est une chose sainte )J.
B) Mais dans la langue du peuple chrétien, l'enfant
n'est pas seulement une « chose sainte ", il est aussi
« une bénédiction divine ll; une bénédiction divine, ce
sont justement les petites mains sans force de l'enfant
qui soudent le plus solidement les liens de la famille.
a) Tout d'abord, la famille est unie par les peines et
les douleurs supportées en commun.
Que de fois se renouvelle sous diverses formes le
cas de sainte Perpétue avec son petit enfant.
Qu'était-ce que sainte Perpétue? La jeune épouse
d'un Carthaginois distingué qui, sur l'ordre de l'em-
pereur Sévère, avait été jetée en prison et attendait la
mort à cause de sa foi chrétienne. Ce n'était pas la
prison qui lui faisait le plus de peine, mais le fait d'avoir
été séparée de son enfant nouveau-né.
On peut lire dans les Actes de son martyre les plaintes
de cette femme héroïque ,: « Durant des jours et des
jours, j'ai été en butte à d'amers soucis. Finalement,
j'ai réussi à obtenir que mon enfant puisse demeurer
avec moi dans la prison. L'enfant est tout de suite
devenu plus fort et moi-même je me suis rétablie en
soignant mon enfant. Et la prison est devenue pour
..- '. ~--
----- '. - -- ------'-- - - -_r
LA FAMILLE NOMBREUSE (1) 243
moi une salle de fête où je me suis plue davantage
que partout ailleurs II (Acta Sanctorum des Bollandistes,
tom. I, 652).
Quelles paroles magnifiques! Chaque mère de famille
devrait les méditer pendant des heures : je me suis
rétablie moi-même en soignant mon enfant. Et la
prison est devenue pour moi une salle de fête, parce
que mon enfant était avec moi.
b) Mais la famille est étroitement unie non seulement
par les souffrances supportées en commun, mais aussi
par les joies goûtées ensemble. Et si le proverbe « joi~
partagée, joie doublée II est vrai, il est également ~ral
que la joie partagée entre les membres de la famtlle
augmente d'autant que s'accroît le nombre des membres
avec lesquels elle peut être partagée.
Elles sont donc d'une grande valeur éducative aussi
, les petites amabilités qui rompent souvent la monotonie
de la vie quotidienne, comme, par exemple, les vœux
de bonne fête et d'anniversaire, les fêtes de famille,
les dimanches après-midi passés dans une douce
intimité, le soir de Noël attendu avec émotion, etc.
Et ici, je dois montrer particulièrement combien il
serait important de protéger la famille contre la
dispersion et la séparation, qui de nos jours - malheu-
reusement - la menacent de plus en plus. La vie de
famille exige que les membres de la famille soient le
plus possible nombreux ensemble au foyer. En semaine,
les soucis de l'existence séparent les membres de la
famille, que du moins le dimanche ils demeurent dans
la douceur du foyer. Malheureusement, les distractions
modernes, théâtre, cinéma, sport et réunions diverses
"",'
 MARIAGE ET FAMILLE
~~oi~n~n~ l~s gens de leur' foyer et mettent en péril
l mtImlte SI nécessaire de la famille.
Mais si l'on n'a pas passé ses années d'enfance dans
ce cercle f~mi1ial si doux et si chaud, on sentira cette
absence dans toute sa vie sentimentale et morale On
a coutume de dire, dans un sens différent il est vr~i en
~arIant de gens grossiers et impolis, cc il e~t sans éd~ca­
bon », comme on pourrait bien davantage le dire de
ces, hommes nerveux, désemparés, indécis, sans plan
arreté et sans but défini, parce qu'il leur a manqué dans
leur enfance le bon~eur de la famille. Et si, aujourd'hui,
leur ~ombre. grandIt de plus en plus, une des toutes
pre~~ères ~a.Isons en est que le nombre des sanctuaires
famIlIaux SI mtimes et si doux diminue de plus en plus.
, ~). Et P?ur la même. raison on ne peut que déplorer
q~ ment .dzsparu de la Vze de famille actuelle tant d'exer-
cz.c~s reltgt'e~x faits en commun, qui existaient dans nos
:Ielll~s famIlles et qui possédaient une valeur éducative
mdéllIable.
Cel~i qui s'est trouvé un jour dans une famille
cathollq~: de Hollande conserve un souvenir inoubliable
de la pnere du soir, telle qu'dIe y est encore actuel-
lement en usage. Non seulement les parents sont à
genoux avec leurs huit, dix, douze enfants mais tous
les gens de la maison sont rassemblés po~r la prière
en com~lUn. y a-t-il éducation plus sociale, peut-on
. parce qu'ils respectent les grandes valeurs cac~e.es en
se representer une formation meilleure de l'âme d
l'enfant grandissant que lorsque le père, la mère, le:
;~fants et .toute la famille s'agenouillent devant notre
ere du CIel , pour prier en commun? Et lorsque les
parents et les enfants vont ensemble se confesser et
1
LA FAMILLE ' NOMBREUSE (1) 245
communier, c'est là une leçon pédagogique plus efficace
que tout ordre ou tout reproche de la part des parents.
Naturellement, c'est l'esprit intérieur qui donne
leur vraie valeur aux pratiques religieuses extérieures :
l'amour infini pour Dieu, la confiance d'enfant et la
foi dont la puissance met chaque action de la famille
dans une lumière surnaturelle. Quoi qu'il arrive dans la
famille : événements joyeux ou tristes, quoi que disent
ou jugent les parents, quoi qu'ils projettent ou fassent,
derrière tout cela rayonnent la recherche et l'accom-
plissement de la sainte volonté dè Dieu. Et nous sommes
convaincus, que si les enfants apprennent des parents
cette façon de penser, ils recevront d'eux un héritage
plus précieux que toutes les richesses. .
II
LA FAMILLE CHRÉTIENNE S'OCCUPE
DE L'ÉDUCATION DE L'ENFANT.
Mais nous voici arrivés au second groupe d'idées
de notre sermon d'aujourd'hui : non seulement les
parents chrétiens re;pectent l'enfant, mais précis~ment
lui ils lui donnent l'éducation avec amour et solhcItude.
À) On ne saurait jamais répéter avec asse~ d'insi~­
tance que ['éducation de !' enfant est le premzer devozf
des parents. ' .
a) Quel mot au sensp1'ofond que celui d'éducation!

". ~-
- -dÀI~:c;
 247
LA FAMILLE NOMBREUSE (1)
MARIAGE ET FAMILLE
des plus beaux sentiments humains : l'amour paternel
Faire de ce qUI. est petit que1 1
ce qui est faible quelq
et l'Aame, extirper la mau.
h
~ ~
que chose de grand d
ue c ose de ort, ortifier le corps , e
et L'amour
maternel. paternel et maternel \ Quel mot magique
Que de larmes et de fatigues, que de pardon et
a1se
semence. Que de sacrifice: herbe, semer la bonne d'indulgence, que de nuits sans sommeil et que
an~,ces ,éd~cq~e
que de nuits sans . ' quelle tâche désinté é de privations dans ces mots : amour paternel, amour
d somme" d re" e
deux mots e larmes et de souci;
L education fam ·1· 1 atlOn familiale »! maternel 1 amour inépuisable, car il se nourrit à trois
C'est un
ne J(ne.. . lIa e est un sacnfice . ' maIs . aussi
U sources : les parents aiment leurs enfants, parce qu'ils
. C. omme ·1 f audrait souve sont la chair de leur chair et aussi la chair de l'autre
mSIster sur1 ce d. nt et sous bien des f être qu'ils aiment le plus aU monde en dehors de leurs
d' eVOlr aup è d mmes
I~p~nsent facilement! Co~n: .es parents qui s'en enfants; mais les parents les aiment encore, parce que
medlter sur cette Immense . e Ils devraient souvent l'âme de l'enfant, dès qu'elle a été purifiée par l'eau
pas pour arriver à responsabilité! Mais
préférable de ne cette. conclusion : « AIor ·1 non du baptême, est devenue enfant de Dieu.
t f . pas avoir d' f s, 1 est Cet amour paternel et maternel ne peut être remplacé
dout aIre consc.. lenCleusement en ant »' - m aIS . pour par rien ni par personne, Un enfant peut être élevé
e~ n~uveaux petits êtres lan;~ vdue du bonheur futur pO' les meilleurs pédagogues, la bonne la plus dévouée.
Ul, cette tâche e'd . s ans la vie. la meilleure nurse ou jardinière d'enfants, sans l'amour
. ucatnce • d
maQls ,aussi quelles joies l'a coute e grands sacrifices des parents tout cela n'est qu'un « ersatz », mais cet
l
u est-ce qui d ccompagnent ' (( ersatZ» ne peut remplacer qU'approximativement
bo
. n h eur
. et c tt onne
e e paIX . aux parents
d cette . .
JOIe, ce
mstrUlsent• nou",,,ent . ,pen l'amour paternel et maternel.
t ' ant qu'ils e'l'event
accompliss~:~tegent
L e B) Et quand commence le devoir éducatif des parents?
d: pen;e qu'ils leurs enfants; à partir de quel âge? Quand faut-il entreprendre
. ~01r, eV01r qui re ose aI?Sl leur plus saint l'éducation de l'enfant? A cinq, six ou dix ans?
dlvme. Mais si, aprè; l'a/ur la. 101 naturelle et la loi a) Oh \ ce serait déjà bien tard. Il faut commencer
fquel t. devoir ' nous eprouvons ' compltssement . de n'i mporte l'éducation dès le premier instant de la vie terrestre
ac IOn, ce sent. , un sentIment d . de l'enfant, et même - déjà avant sa vie terrestre.
obI" .ment s accroit à 1 e sabs-
de 'gatwn dont dépendent les ' a, ,?,esure de cette Comment? Je ne comprends pas bien. Même avant
notre destinée t mterets primord· sa vie terrestre? Qu'est-ce que cela veut dire?
I~
hum . errestre et 't Iaux
b) ,:e: de la nation et de l'É ernelle. de la race Ceci, que la responsabilité des parents commence
aIS pour qu 1eS g Ise. bien avant de donner la vie à un nouvel être. Elle
sacrifices continuel:, D leu . parents
a créé soient
d capables d
ans I eur ecœur cesun

".>''f .....
-
LA FAMILLE NOMBREUSE (1)
MARIAGE ET FAMILLE
. ., autant de
savoir enseigner ces véntes avec
commence dès leur propre jeunesse, en leur faisant pour ' l e s parents,
passer cette partie de leur vie dans la voie de la vertu. délicatesse et de succes, que cette éducation de ses
Actuellement, une science tout à fait nouvelle, la science Heureux l'enfant qUl ~ reçut de beaux vêtements,
parents et non pas seu emen d ' .
des lois de l'hérédité, enseigne avec une force indiscu- 'ture et des ca eaux.
table ce que l'Église a toujours proclamé, quelle béné- une bonne nourn , dit dans un milieu familial
diction représente pour leurs futurs enfants et petits- Heureux l'enfant qUl .grau, , de l'esprit vivifiant
dont l'atmosphère est lmpregnee
enfants la jeunesse des parents passée dans la pureté
morale et quelles conséquences fatales produit la d'une profonde piété l , les coups du sort trouve
jeunesse passée dans la légèreté et l'immoralité! Heu~eux l',ho~e q~l ~~~: l'inébranlable piété dont
b) Mais, d'autre part, nous voyons actuellement de un solide pOlnt d appUl 1 e révoyance des
plus en plus clairement l'importance décisive des impres- les bases ont été posées, par da sare s~l bien meublé
parents, surtout de la mere, ans
sions des premières années d'enfance. Ce que du reste les
anciens aussi soupçonnaient déjà, quand ils disaient des années d'enfance! , . écialement le
C) J'ai déjà rappelé bien des fOlS" sp ., ' 'dit
de quelqu'un qu' « il avait sucé telle ou telle chose avec è de famille Car S1 ce que j al
le lait de sa mère ». Dès l'instant où l'eau du baptême :ôle ~e, la m r: d' éduc~teurs des parents vaut
oir
a touché le front du nouveau-né, le Christ dépose dans jusqu ICl du de l deux l'expérience montre que
son âme le germe de la vie surnaturelle et le devoir um'formem . ent pour
, es , bl d'exercer une profond e
c' estla mère qUl estla plus capa e .f t la première
grandiose des parents, leur véritable vocation sacer- , d c pour chaque en) an
dotale, est d'amener cette vie chrétienne naissante à action éducatnce, on , ' t la mère de famille.
écieuse éducatrtce, c es
son plein épanouissement par leur amour d'éducateur. et 1a p1us Pr d' 'à Adams le célèbre président
. e1qu'un lsalt ,
Et cette tâche doit être commencée dès un âge où ni
l'école ni l'Église n'ont prise sur l'enfant,
Des milliers d'occasions s'offrent aux parents,
surtout à la mère, d'élever vers notre Père du ciel
U njour,qu.

êtes devenu 0 l
le savez-vou~. ) .
,
des États-Ums d Amenque ,
.'

,
? ) questlOnna e
quelques-unes des lettres que vous
, « Je sais comment vous
'h mme que vous êtes », - ((
Ah' comment
,
l président. (( J'ai lu
écrivait votre mère »,
,
l'âme grandissante de l'enfant par un amour de plus
en plus ardent, Ils s'étendent à toute la vie l'effet de répondit l'interl~cute,ur. , C 'en parlant du crime
sl
la grave émotion, le ton fervent avec lesquels la mère Comme il avalt ralSOn , ar'd dire . (( Cherchez la
, h e on a coutume e '
parle à son enfant de trois ou quatre ans, du bon Dieu, d un omm, d'un homme on peut
arlant des vertus
femme », en P
du petit Jésus, de la Sainte Vierge et des vérités fonda-
mentales de la religion. Il n'y a pas d'éducateur, si bien plutôt ~ire : (( Cherc~ez
a) L'Ancten Testamen 1)
i:::%::',ut des exemples
capable soit-il, il n'y a pas de prêtre, si zélé soit-il,
 MARIAGE ET FAMILLE
inoubliables de la mère de famille idéale. Il suffira peut-
être d'en citer un seul.
Vers 166 avant Jésus-Christ retentirent sur les lèvres
d'une mère héroïque des paroles qui ne pourront
jamais plus être oubliées, tant qu'un homme vivra
!
~
sur la terre. Elles ne le seront pas, car la Sainte Écriture
leur donne une existence perpétuelle.
Il est question de la mère héroïque des Macchabées
dont les sept enfants furent mis à mort par un tyran,
à cause de leur fidélité aux lois de leur religion. L'un
après l'autre, ils moururent au milieu des plus affreux
supplices sous les yeux de leur mère. Ils auraient pu
. y échapper, s'ils avaient renié leur foi, pas un seul ne
le fit. Et lorsque le plus jeune fut mis à la torture, sa
mère encouragea son fils inondé de sang en lui adressant
ces paroles sublimes: « Je t'en conjure, mon enfant,
regarde le ciel et la tèrre et tout ce qu'ils contiennent,
et sache que Dieu les a créés de rien et que la race
des hommes est ainsi arrivée à l'existence. Ne crains
pas ce bourreau, mais sois digne de tes frères» (Ile Mac-
chabées, VII, 28-29). Ainsi mourut le plus jeune enfant et
après lui aussi sa mère, mais ils n'avaient pas trahi leur foi.
b) Mais si l'Ancien Testament déjà pouvait produire
de telles mères idéales, quelle doit être alors l'image
de la mère de famille chrétienne devant qui rayonne
comme idéal l'exemple sublime de l'Immaculée Mère
de Dieu 1Car, depuis que la Sainte Vierge a porté dans
ses bras l'Enfant-Dieu, chaque mère de famille porte
une couronne invisible. Une couronne plus belle que
tous les diamants. Une couronne digne d'une plus
grande vénération que toute décoration terrestre. Une
~-
'.~-~ - , ,-'~-
LA FAMILLE NOMBREUSE (1)
couronne qui répand une beauté merveilleuse sur le
visage de celle qui la porte. Mais une couronne qui
ressemble souvent aussi à la couronne d'épines de
Notre-Seigneur.
Si seulement toutes les mères vivaient avec la con-
science de cette dignité surnaturelle 1 Si seulement
tous les hommes savaient que, si les hommes peuvent
remplacer en toutes choses les femmes, il y a une tâche
vitale où personne ne peut les remplacer : la tâche de
la mère dans l'éducation de l'enfant. N'est-il donc pas
compréhensible que les femmes ambitionnent préci-
sément cette unique carrière où personne au monde
ne peut les remplacer?
Malheureusement, le désordre de la vie économique
actuelle oblige de plus en plus souvent la femme à
abandonner le calme du sanctuaire familial et à venir
faire concurrence à l'homme dans la vie publique.
Actuellement, il n'y a plus seulement des employées,
mais il y a des femmes députés, des avocates, des
doctoresses, des femmes artistes, des professeurs, des
chauffeuses de taxi, des femmes agents de police ...
dans certaines religions des femmes pasteurs ... chez
les Soviets, des femmes soldats... Mais dans tous ces
domaines, l'homme peut fournir davantage que la
femme et en tout cela l'humanité pourrait se passer
de la collaboration féminine.
l
1
Il y a toutefois une profession qui appartient unique-
ment et exclusivement à la femme; il y a une carrière
où, si les femmes l'abandonnaient, personne ne pourrait
les remplacer et sur laquelle repose toute l'humanité :
c'est la profession de mère de famille.
 MARIAGE ET FAMILLE
. Et je ne crois pas qu'un homme puisse éprouver une
plus grande joie sur la terre, je ne crois pas qu'une
mère puisse sentir un plus grand bonheur sur la terre
que lorsque son enfant devenu grand lui dit èe que
l'illustre Széchenyi écrivait un jour à sa mère: « Vous
m'avez instruit, vous m'avez éduqué, vous avez planté
dans mon cœur le bien dans lequel je suis et je resterai,
et le peu que j'ai fait pour mon Dieu, mon roi et ma
patrie est votre œuvre ».
* **
Et maintenant que je vais terminer l'instruction de
ce jour, dans laquelle il a été question de l'amour
paternel et maternel si dévoué, si généreux jusqu'au
sacrifice, il me vient à l'esprit un souvenir de guerre
qui s'est déroulé il y a vingt ans et que je ne pourrai
jamais oublier.
C'était au printemps de 1915. Nos troupes, après la
prise de Gorlice, avançaient rapidement dans la Galicie
enfin délivrée et l'ambulance de campagne à laquelle
j'étais attaché arrivait à peine à suivre l'armée. Un jour,
on amena un jeune homme qui avait reçu une balle
dans la tête; il devait avoir vingt ans et était d'origine
polonaise ou ruthène. La balle lui avait traversé la
tête sans le tuer, mais il avait perdu connaissance.
Durant quelques jours, il resta chez nous sans reprendre
connaissance et son jeune et robuste organisme luttait
contre la mort. Je réstais souvent à côté de lui, afin de
pouvoir le confesser, s'il reprenait un instant connais-
sance. Mais il ne revint même pas une minute à lui.
LA FAMILLE NOMBREUSE (1) 253
Ses lèvres remuaient sans cesse jour et nuit et durant
des jours, de ce corps sans conna.issance so~aient
inlassablement ces deux mots: Tatymko, mammko ...
tatyinko, maminko... papa, maman! Finalement, le
pauvre jeune homme mourut.
C'était terrible alors d'entendre durant des jours
ces deux mots.
Mais à présent ...
A présent je me dis : quels étaient les père et. mère
de ce malheureux jeune homme? Quelle douce Image
devaient-ils évoquer en ce cerveau atteint d'une balle
et dépourvu de connaissance! Comme ils av~i~nt dû
être de bons parents, pour que leur fils au mIlIeu des
souffrances de ses derniers jours ait pu trouver dans
leur nom un adoucissement en répétant ces deux
mots : (( Tatyinko, maminko 1 ))
C'est à ces bons parents que va ma dernière pensée
d'aujourd'hui.
Que Dieu bénisse le dévouement des bonnes meres de
famille! Amen.
 LA FAMILLE NOMBREUSE (II) 255

parents éducateurs idéals, que les parents puissent

remplir de plus en plus fructueuse~;nt le~r l?urde
tâche d'éducateurs, c'est à ce but que J emplOIeraI mon
sermon d'aujourd'hui.
L'éducation fructueuse des enfants place sans aucun
XVI doute les parents devant de grands devoirs . . Mais ils
satisferont plus facilement à ces devoirs: 1. s'ils savent
que le premier facteur d'éducation est leur propre exemple
LA FAMILLE NOMBREUSE (II) et II. s'ils savent quelles sont les vertus qu'ils doivent
enseigner en premier lieu à leurs enfants. .
C'est à la discussion de ces deux questlOns que je
MES FRÈRES,
consacrerai donc le sermon d'aujourd'hui.

Il a .~:ut-êtr~ été un peu bizarre le souhait par 1

lequel J al termmé mon dernier sermon. Il n'est pas
coutume de terminer un sermon par un toast : « Dieu L'EXEMPLE DES PARENTS.
bénisse les mères de familles bonnes et dévouées ».
C'est vrai, mes frères. Mais celui qui réfléchit au
A) « Les jeunes gens dansent sur l'air qu'ont chanté
dévoue~ent continuel que les bons parents sont obligés
leurs parents» dit très exactement un proverbe allemand.
de mamfester à leurs enfants; celui qui sait le travail
Les paroles, bonnes ou mauvaises, entendues par l~s
pénible. que le père de famille doit s'imposer pour
enfants ne sont que des paroles qui s'envolent; malS
subvemr aux dépenses matérielles de l'éducation des
l'exemple vu chez leurs parents demeure. Et ~ue vaut
enfants, celui qui voit tous ies soucis, les larmes et les
nuits sans sommeil que coûte à la mère de famille la plus belle exhortation ou le plus grave ~vert:sse~ent
sur les lèvres de parents qui par leur condUIte detrUIsent
l'éducation de ses enfants, j'estime qu'il ne trouvera
ce qu'ils exigent verbalement de leur~ enfan.ts?
pas é~ran?e si, au-dessus des parents qui remplissent
Il est bien certain que la Vierge Mane et samt Joseph
conSCIenCIeusement leur devoir, je crois apercevoir
l'éclat d'une couronne surnaturelle. n'ont pas dit à l'Enfant Jésus: « va au Temple », mais
« allons au Temple ». Par contre, c'est malheur7usement
Qu'il soit de plus en plus grand, le nombre de ces
un fait bien triste que de nos jours beaucoup de parents
 MARIAGE ET FAMILLE
interdisent à leurs fils de blasphémer, tout en blas-
phémant eux-mêmes tranquillement, ou bien leur
interdisent de mentir, tout en faisant eux-mêmes des
mensonges.
Et ils s'étonnent, s'il leur arrive l'histoire de l'écrevisse
et sa fille.
Une vieille écrevisse ' faisait un jour des reproches à
sa fille :
- Il n'est pas convenable que tu marches toujours
à reculons. Marche donc devant toi.
' - Je le ferai volontiers, lorsque je t'aurai vue
marcher devant.
B) Malheureusement, les parents, dans leur légèreté,
souvent ne voient pas comment ils corrompent leurs
enfants par leurs mauvais exemples, peut-être pas dans
une mauvaise intention, mais par manque de rétlexion.
Un père de famille avait surpris son fils en train
de voler.
- Mon enfant, tu ne dois pas voler, car le bon
Dieu"ne peut pas être attrapé, le bon Dieu voit tout.
- Il voit tout? répondit l'enfant. Alors, c'est
dommage, car Il a vu aussi que papa était rentré hier
soir ivre à la maison.
Assurément, Il l'avait vu. Mais le père pouvait-il
répondre quelque chose à cela?
Les catéchistes et les maîtres les plus zélés font
souvent la triste expérience que tous leurs efforts sont
annihilés par les exemples opposés vus à la maison.
Dans une école primaire les élèves écoutent la leçon.
Le maître rappelle entre autres choses qu'en mangeant
il n'est pas convenable de toucher à la salière, mais
LA FAMILLE NOMBREUSE (II) 257
qu'on doit prendre le sel avec la pointe du couteau.
- Vous l'avez déjà entendu dire souvent à la maison,
n'est-ce pas, mais cependant vous prenez dans la
1 salière, je le sais.
~
- Oh! dit un petit garçon, papa aussi prend le sel
avec ses doigts.
Il Et maintenant, j'adjure solennellement les pères de
famille de ne pas prendre le sel avec leurs doigts ...
Mais pour que les femmes reçoivent comme leurs
maris une petite leçon, je rappellerai le cas d'une
institutrice qui faisait des reproches à une petite fille :
« Mais, ma petite, n'as-tu pas honte de venir à l'école
avec une robe si courte? »
l, La petite fille fondit en larmes: « Madame, je me suis
i réveillée tard et il a fallu me dépêcher de m'habiller
et ... sans faire exprès ... j'ai mis la robe de maman 1... »
C) En revanche, la vie quotidienne nous fournit sans
ceSse des exemples de l'influence heureuse de l'attitude
des parents sur la formation de leurs enfants. Il suffira
peut-être de rappeler les parents de la petite Thérèse
de Lisieux. Quand on lit, dans la vie de ces deux époux
respectables, comment ils prenaient au sérieux leurs
devoirs conjugaux, qùand on lit, dans les lettres de la
mère de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, son amour
généreux et sa soumission à la volonté de Dieu, on
s'écrie involontairement: « Oui, de ce mariage devait
naître une sainte ».
« Mais comment peut-on aujourd'hui être aussi
idéaliste? Aujourd'hui, les temps sont changés. Aujour-
d'hüi, nous avons derrière nous la grande guerre et tout
ce qu'elle a détruit ».
~ar. et Fal\!. - 17
 MARIAGE ET FAMILLE
Ainsi parlent certains; mais quel sophisme! Derrière
les parents de la petite Thérèse, il y avait aussi la guerre
de 1870 et ses blessures. Et mettre un enfant au monde
a toujours été une souffrance et l'élever a toujours été
un sacrifice, en tout temps, à toutes les époques. Et
toujours, c'est de la foi en Dieu des parents et de leur
amour pour Dieu que dépend l'acceptation de ces
sacrifices.
Malheur au pauvre enfant dont les parents ont
perdu leur piét~! Malheur au pauvre petit dont le
père n'a pas de religion! Les yeux de l'enfant sont très
vifs et voient tout; à dix ans, il est encore scandalisé
de l'incroyance de son père; à quinze ans il s'y habitue
déjà; et à vingt ans il y trouve une excuse pour sa
propre vie d'incrédulité et de légèreté morale.
J>arents, ne l'oubliez jamais : la première tâche de
l'éducateur est son propre exemple. C'est seulement
si vous êtes irréprochables que vous réussirez à élever
convenablement vos enfants.
II
QUELLE ÉDUCATION DOIT-ON DONNER AUX ENFANTS?
Il n'est pas moins important de savoir quelles sont
les vertus qu'il faut inculquer avec un soin particulier
aux enfants.
A) En premier lieu, je mentionnerai l'obéissance
absolue. « Enfants, obéissez à vos parents dans le
LA FAMILLE NOMBREUSE (II) 259
Seigneur, car cela est juste» (Éphésiens, VI, 1), tel est
l'avertissement adressé par saint Paul aux enfants. Mais
aussitôt après, il parle en ces termes aux pères de
famille: « Et vous, pères, n'exaspérez pas vos enfants,
mais élevez-les en les formant et en les instruisant dans
le Seigneur» (Éphésiens, VI, 4)'
a) Élever les enfants en les formant, c'est-à-dire les
habituer à obéir sans mot dire, à la modestie etau renon-
cement. Jadis, cela allait de soi que dans toute famille
les enfants obéissaient avec empressement aux ordres
de leurs parents.
Mais lorsque l'enfant unique vint à la mode, ce juste
principe d'éducation fut mis de côté et depuis, ce sont
les parents qui se sont mis à obéir à tous les caprices
de ce petit tyran trop gâté. Car, il faut le reconnaître,
ou bien l'enfant obéit ou bien il commande; ou bien
il prend la parole ou bien on lui donne la parole.
Écoutez seulement un cas typique d'enfant outra-
geusement gâté.
Un de ces enfants uniques pleure un soir dans la
cour à côté du puits et tapant du pied crie à son
institutrice: « Donnez-la moi. Je la veux ».
Au tapage, la mère ouvre la fenêtre et demande :
« Mademoiselle, qu'est-ce qui chagrine le petit?
Donnez-le lui! »
« Mais, madame, quand bien même Ladislas trépi-
gnerait jusque demain matin, je ne pourrai pas lui
donner ».
( Qu'est-ce que vous dites? Attendez un peu, je
vais le faire moi-même» crie la dame, et elle se précipite
chez son mari.

260 MARIAGE ET FAMILLE
Le mari court à l'institutrice: « De quoi s'agit-il?
Pourquoi ne donnez-vous pas à l'enfant ce qu'il
demande? Ma femme l'ordonne. Prenez-en note, vous
pourrez partir le mois prochain )J.
La pauvre jeune fille répond doucement : « Que
Monsieur lui donne s'il peut: la lune brille à la surface
de l'eau et Ladislas trépigne en demandant que je la
sorte de l'eau et la lui donne )J.
Dois-je dire quel être malheureux deviendra, quand
il sera grand, un enfant aussi abominablement gâté?
b) Mais que faut-il faire, si réellement l'enfant trépigne
et pleure et se jette par terre, quand on lui refuse quelque
chose?
Il ne faut pas lui donner ce qu'il demande, même
dans ces cas-là. Il faut qu'il se rende compte que,
malgré la richesse de ses parents, il y a bien des choses
au monde auxquelles il lui faut renoncer.
« Mais, il me fait pitié le pauvre petit, quand il pleure
si amèrement. Il est si pénible de le contrarier )J.
Si vous n'envisagez pas son avenir, alors il est
difficile de le contrarier. Mais sbngez que Hérode ne
sut pas refuser la demande de la jeune Hérodiade et
fit mettre à mort à cause d'elle saint Jean-Baptiste.
Songez aux paroles de saint Augustin : « Il hait,
celui qui aime mal; et il aime, celui qui hait bien )J.
Songez enfin à l'avertissement de la Sainte Écriture:
« Caresse ton enfant, et il te fera trembler ... Ne lui
donne pas toute liberté dans sa jeunesse, et he ferme
pàs les yeux sur ses folies )J (Ecclésiastique, xxx, 9, II).
Mais, si l'enfant s'obstine et n'écoute pas la voix de la
sagesse, alors souvenez-vous du proverbe : « Les
l,
1
LA FAMILLE NOMBREUSE (II) 261
vaisseaux et les enfants sont gouvernés par derrière »;
et encore de cet autre proverbe: « Une gifle donnée à
propos est souvent plus efficace pour l'enfant qu'une
centaine de sermons »; enfin de ce troisième proverbe :
« Il vaut mieux que l'enfant dans sa jeunesse pleure
à cause de ses parents que les parents pleurent à cause
de leur enfant, quand il est devenu grand ».
Sur cette question, précisément, la Sainte Écriture
n'est pas aussi sentimentale que certaines méthodes
pédagogiques actuelles. Comme la Sainte Écriture sait
fort bien que « la folie est attachée au cœur de l'enfant »
(Proverbes, XXII, 15), elle dit ouvertement aux parents:
« Celui qui aime son fils lui fait souvent sentir la verge»
(Ecclésiastique, XXX, 1). « Le cheval indompté devient
intraitable; le fils abandonné à lui-même devient
insolent » (Ecclésiastique, XXX, 8). « Celui qui ménage
la verge hait son fils » (Proverbes, XIII, 24). « Châtie
ton fils, car il y a encore de l'espérance » (Proverbes,
XIX, 18). « N'épargne pas la correction à l'enfant;
si tu le frappes de la verge, il ne mourra pas; tu le
frappes de la verge et tu délivres son âme du séjour
des morts » (Proverbes, XXIII, 13-14). « La verge et
la correction donnent la sagesse; mais l'enfant aban-
donné à ses caprices fait honte à sa mère » (Proverbes,
XXIX, 15).
B) La seconde vertu nécessaire après l'obéissance,
et engendrée par elle, c'est le respect de l'autorité.
a) Il n'y a pas de vie commune sans respect de
l'autorité; par contre réunir l'amour paternel avec l'auto-
rité nécessaÏ1'e est une des tâches les plus difficiles, quoique
indispensable, de l'éducation . Oui, les parents doivent
i
1
J -
262 MARIAGE ET FAMILLE
aImer leur enfant, malS l'enfant doit répondre à cet
amour par un respect, une obéissance sans condition.
Ce n'est pas seulement dans le cadre étroit de la
famille que l'obéissance et le respect ont leur valeur,
mais ils sont aussi indispensables pour la civilisation
humaine tout entière. La civilisation consiste à accueillir
les découvertes des anciennes générations, à bâtir sur
elles et à poursuivre leur œuvre. Mais pour cela le
respect de l'autorité est nécessaire. Si la vie familiale
enseigne le respect de l'autorité, elle sert donc en même
temps les valeurs universelles de la civilisation.
Si une génération refuse le respect à l'autorité et aux
valeurs du passé, elle sombre dans la révolution. On
peut ainsi comprendre pourquoi les révolutionnaires
s'attachent avec prédilection à détruire la famille :
avec la famille disparaît en même temps le respect
de l'autorité et le terrain devient favorable pour des
émeutes perpétuelles.
b) Mais naturellement, si les parents veulent que
leurs enfants aient le respect de l'autorité, ils doivent
se rappeler qu'ils ne doivent pas ruiner eux-mêmes
l'autorité devant leurs enfants.
Les anciens avaient d'une certaine manière mieux
compris que nous, comment il fallait assurer l'autorité
des éducateurs et des maîtres. Philippe, roi de Macé-
doine, avait défendu à son fils, le futur Alexandre
le Grand, de s'asseoir, lorsque son précepteur Aristote
s'occupait de lui. Et l'empereur Théodose, ayant un jour
trouvé ses deux fils, Arcadius et Honorius, assis, tandis
que leur précepteur Arsénius était debout, leur ordonna
de rester debout tandis que leur maître serait assis.
LA FAMILLE NOMBREUSE (II)
Et aujourd'hui? Comme il en est autrement! avec
quelle légèreté bien des parents raisonnent et discutent
et nuisent ainsi au respect de l'autorité!
Si l'enfant apporte de mauvaises notes, naturellement
« c'est la faute du maître ».
Écoutez ce qu'écrit à ce sujet un pédagogue très
expérimenté :
Ordinairement, c'est la maman qui reçoit le bulletin.
Dans son premier mouvement elle gronde l'enfant.
Mais la première chose de l'enfant - que ce soit un
garçon ou une fille - est de tout mettre sur le dos du
maître.
- Maman, je savais très bien ma leçon, mais pas
uar cœur.
- Maman, je savais ma leçon, mais le maître m'a
demandé des choses qui n'étaient pas sur le livre.
- Maman, le maître s'est trompé, il m'a pris pour
mon voisin.
- Maman, c'est le professeur d'allemand qui m'a
collé. Tu sais, c'est un Juif...
- Maman, ce n'était pas notre professeur habituel, '
mais un remplaçant qui ne m'aime pas.
- Maman, ne te fâche pas, j'ai beaucoup joué, j'ai
mérité la mauvaise note, mais je te promets que je
réparerai tout, à la fin du semestre. Interroge-moi
tous les soirs ...
Puis c'est toujours la même conclusion: « Maman,
signe le bulletin pour que papa ne le sache pas ».
Et cinquante fois sur cent la maman ne dit rien au
papa. Celle qui lui dit, la plupart du temps excuse
l'enfant et déblatère contre le maître ou la maîtresse
 MARIAGE ET FAMILLE
en famille, en société et partout (Journal des Parents,
N° de décembre, 1924).
C) A côté de l'obéissance et du respect de l'autorité,
il faut accorder autant d'importance à la franchise
absolue chez l'enfant. Quelle joie pour les parents, s'ils
peuvent avoir confiance dans chaque parole de l'enfant!
La franchise est la base de l'éducation du caractère,
par contre, il n'y a rien à faire avec' un enfant
menteur.
a) Et ici, il me faut indiquer spécialement deux
défauts dans l'éducation. D'abord la sévérité injustifiée
des parents peut habituer l'enfant au mensonge. Oui,
on a le droit de punir - comme je l'ai dit précédem-
ment - la mauvaise volonté, mais non pas la mala-
dresse, l'espièglerie, l'enfantillage. Ni surtout pas la
franchise. Si l'enfant avoue franchement sa faute,
il faut parler à sa conscience et lui donner un avertis-
sement, mais on n'a pas le droit de le punir de sa
sincérité.
b) L'autre défaut se présente, quand les parents
eux-mêmes pechent contre la vérité.
Une petite fille dit à sa mère: Maman, on quête à
l'école pour les enfants pauvres. Est-ce que je peux
aussi donner quelque chose?
La maman répond : Tu ne donneras rien. Tu diras
à la chère sœur que nous aussi nous sommes pauvres.
Le lendemain la petite fille dit de nouveau: Maman,
la chère sœur a dit de ne pas prendre de leçons de
danse. Et de ne pas gaspiller l'argent de nos bons
parents.
La maman répond : Tu diras à la chère sœur . que
--- -..--
LA FAMILLE NOMBREUSE (II)
nous avons de quoi te payer les leçons. Cela ne la
regarde pas.
Et la même maman sera grandement étonnée, quand
sa fille un jour mentira, non seulement à la chère sœur,
mais aussi à sa mère.
D) Il me faut encore mentionner un devoir important
des parents : élever les enfants dans la moralité.
a) Deux graves obligations attendent les parents à
ce point de vue: les instruire et les surveiller.
Que faut-il leur apprendre? Les grands desseins
de Dieu, le plan sublime qui atteste sa confiance
touchante en l'homme, - lorsque le moment est venu.
Et comment faut-il les surveiller? Qu'une atmos-
phère de haute moralité règne dans toute la vie familiale
et qu'il n'y ait rien qui puisse blesser le meilleur
bouclier de la jeune âme, sa pureté.
Beaucoup comprennent cette dernière obligation et
agissent en conséquence, mais beaucoup reculent de
plus en plus devant la première. ({ C'est une tâche très
difficile et délicate, disent-ils. Je vois bien que je devrais
dire quelque chose, mais je ne trouve pas les mots
pour le dire ».
Tout d'abord, je ne vois pas pourquoi ce serait une
tâche si délicate pour les parents qui sont pénétrés
d'un saint respect de la pensée divine et qui eux-mêmes
pensent avec une pieuse gravité à la sainte puissançe
créatrice que Dieu a donnée à l'homme. Ces parents
trouveront sans faute le ton et les expressions
convenables.
Mais même, si cette tâche était aussi difficile, on
n'aurait pas le droit de s'y soustraire, si on songe aux
266 MARIAGE ET FAMILLE
dommages spirituels irréparables que le silence des
parents peut prùduire dans les enfants à l'âge de la
croissance.
En effet. il ne faut pas se figurer que si l'on garde le
silence sur ce sujet devant les enfants devenus plus
grands, la question est liquidée. Car les réunions mon-
daines, la rue, le théâtre, le cinéma, le journal, le
roman, les devantures, les colonnes d'affiches ne restent
pas muets ... tous en parlent, mais sur un ton et d'une
manière qui irrémédiablement les entraînent au péché.
S'il dépendait de moi, je ferais lire à tous les parents
les chapitres des « Confessions » de saint Augustin où
il décrit avec une force si émouvante ses terribles
combats de jeunesse contre les péchés des sens. Il est
vrai qu'alors il n'était pas encore chrétien, mais -
malheureusement - combien de jeunes gens chrétiens
pourraient en écrire autant!
« Où étais-je, et dans quel lointain exil des délices
de votre maison, en cette seizième année de l'âge de
ma chair, écrit-il, alors que prit le sceptre sur moi -
avec un complet assujettissement de ma part - la
frénésie de la volupté. Les miens n'avaient cure que
de me voir apprendre à faire les plus beaux discours
possibles et à persuader par l'art de la parole» (Ile Livre,
ch. 2). « En cette seizième année, l'étroitesse des
ressources des miens m'obligea à suspendre mon
travail. Libre de toute école, je demeurais avec mes
parents. C'est alors que les ronces des passions
s'élevèrent au-dessus de ma tête, sans qu'une main
fût là pour les arracher» (Livre II, ch. 3).
Parents, n'oubliez pas que si un jour vos enfants
LA FAMILLE NOMBREUSE (II)
ont besoin de quelqu'un vers qui ils puissent se tourner
avec une complète confiance, et devant qui ils n'aient
aucun secret, c'est justement en leurs années de
croissance. Heureux l'enfant qui, en ces années-là,
peut s'adresser à ses parents avec une absolue confiance!
Heureux les parents qui avec une affection ·adroite,
compréhensive, délicate, savent s'assurer, dans ces
années difficiles, la confiance absolue de leurs enfants!
b) Et c'est précisément pour cela, que les bons parents
contrôlent soigneusement le cercle d'amis de leurs enfants.
Savez-vous, parents, quels sont les amis de vos enfants?
Où vont-ils jouer habituellement et quelles sont leurs
fréquentations? De quoi parlent-ils entre eux?
« Je n'ai pas le temps de m'en préoccuper ». Faites
attention. Alors, c'est à vous que s'applique le sévère
jugement de saint Paul: « Si quelqu'un ne s'occupe
pas des siens, et surtout de ceux de sa maison, il a
renié la foi et est pire qu'un infidèle» WTimothée, v, 8).
Je cite de nouveau saint Augustin:
« Je me précipitais dans ma perte, aveuglé à ce point
que, parmi les garçons de mon âge, j'avais honte de
mon infériorité de honte; car je les entendais se vanter
de leurs vilenies et se glorifier d'autant plus qu'ils
étaient plus infâmes; et j'aimais à faire comme eux,
non seulement pour le plaisir, mais aussi par gloriole ...
Par crainte du blâme, je devenais plus vicieux, et, à
défaut de crime réel, qui m'égalât aux plus corrompus,
je feignais d'avoir fait ce que je n'avais point fait;
j'avais peur de paraître d'autant plus méprisable que
j'étais plus innocent, d'autant plus vil que j'étais plus
chaste » (Confessions, II, 3).

268 MARIAGE ET FAMILLE
E) Le temps presse de conclure le sermon d'aujour-
d'hui, et pourtant j'aurais encore tant de choses à dire 1
Cependant il y en a une que je ne puis taire. Une
chose que j'aurais dû évoquer en premier lieu, car elle
est la base de toute éducation et donne la force à tout
moyen d'éducation, c'est: l'éducation religieuse.
Chose curieuse, il y a des parents qui craignent
surtout pour leurs enfants qu'ils tombent dans une
dévotion exagérée.
Je demande à une de ces mères de famille :
- Madame, voulez-vous vraiment que votre fils
en grandissant se corrompe et devienne un jeune
homme léger?
- Pas du tout. Quelle mère le voudrait? Seulement
je ne veux pas qu'il devienne un bigot ...
- Un bigot? Que voulez-vous dire par là?
- Eh bien 1 qu'il ne soit pas d'une piété exagérée ...
- Mais permettez, songez donc un peu comme
ces deux mots semblent bizarres à côté l'un de l'autre:
« Piété exagérée ». Car je comprendrais, si vous disiez:
« Je ne veux pas que mon fils soit un filou ». Oui, cela
aurait un sens. Je ne veux pas qu'il devienne un
vaurien ... Mais « une piété exagérée »? Que craignez-
vous donc de ce côté?
- Qu'il devienne un peu simple, renfermé, une
sainte-nitouche.
- Ah! c'est autre chose. Vous avez parfaitement
raison. Mais dites-moi, qui prétend que c'est là de
la piété? La condition préalable, la base et le moteur
d'une bonne éducation, c'est la religion qui vit de la foi
en Dieu et qui se déroule sous les yeux de Dieu. La
/
LA FAMILLE NOMBREUSE (II)
rellgion n'est donc pas quelque chose de purement
extérieur. La religion ne consiste pas à aller à l'église
le dimanche et à déposer pendant la semaine les lois
de la religion avec les habits de fête; la religion ne
consiste pas simplement dans des prières et des jeûnes,
cela aussi en fait partie; mais la religion, c'est l'attache-
ment profond à Dieu qui pénètre toute notre vie,
tous nos plans et toutes nos actions, nos délassements
et nos travaux, nos joies et nos peines. Mais on ne
peut mettre en doute que l'atmosphère religieuse qui
se répand sur toute la vie de la famille est le meilleur
facteur de développement des plus belles vertus de
l'âme de l'enfant.
, Et maintenant que nous voici arrivés à la fin de ce
sermon, et que nous sommes en face des nombreuses
conclusions que la bonne éducation exige des parents,
que nous songeons aux nombreux sacrifices et à la
patience et au renoncement qu'elle demande aux
parents, jusqu'à ce que ces enfants, ces faibles petits
êtres, soient devenus des jeunes gens et des jeunes filles
bien élevés pour le service de la société, de la nation
et de l'Église, je dis, si nous examinons cela à fond,
qu'il est impossible que ne surgissent pas au-dedans
de nous des sentiments de respect et de reconnaissance
à l'égard des parents qui élèvent leurs enfants avec
amour et dévouement.
Ne soyez pas surpris, mes frères, si mon cœur se
{ serre à cette pensée; car, moi aussi, je connais une de
 MARIAGE ET FAMILLE

ces mères de famille qui est demeurée veuve à l'âge

de trente-et-un ans avec cinq enfants dont le plus
grand avait neuf ans et le plus petit deux ans.
Et cette jeune veuve n'a pas fléchi' devant les diffi-
"
cultés de la vie. Qui pourrait compter la foule de soucis,
d'angoisses, de sacrifices et d'efforts que, pendant des
années et des dizaines d'années, cette mère a dû sup-
porter jusqu'à ce que ses cinq fils fussent devenus
grands?
Mais ils ont grandi.
Et depuis seize ans vous avez entendu un de ses
enfants vous parler du haut de cette chaire.
Et si, grâce à mes sermons, l'un ou l'autre de mes
chers auditeurs a avancé seulement d'un pas vers Dieu,
je lui demande de tout mon cœur en signe de recon-
naissance de s'agenouiller avec moi et de dire un Ave -
Maria pour cette mère défunte; pour ma mere au
souvenir inoubliable et béni. Amen.
/,.,
XVII
_LE MARIAGE CHRÉTIEN
MES FRÈRES,
Dans le sermon d'aujourd'hui par lequel je veux
terminer cette série d'instructions sur la ' famille chré-
tienne, je voudrais répondre à une triple tâche.
1. Tout d'abord, je voudrais résumer brièvement
les idées exprimées dans les premiers sermons sur
l'idéal chrétien du mariage : sur l'union indissoluble,
jusqu'à la tombe, d'un seul homme "et d'une seule
femme, comme l'Église catholique, conformément au
commandement très clair de Notre-Seigneur Jésus-
Christ, a toujours compris et comprend aujourd'hui
encore le mariage.
II. Ensuite il me faudra montrer de nouveau l'aveu-
glement néfaste de ceux qui, par de grands mots à
effet, veulent « réformer » le mariage.
III. Ce n'est pas d'une réforme du mariage que le
monde a besoin, - nous le verrons dans la troisième
 272 MARIAGE ET FAMILLE
partie de notre résumé - ni de nouvelles sortes de
mariage, mais au contraire, d'immenses intérêts
nationaux et religieux sont attachés au renforcement
de la vleille vie de famille d'autrefois, au retour à sa
pureté primitive, à son idéal primitif : au mariage
chrétien, chaste et indissoluble.
1 l'histoire.
L'IDÉAL CHRÉTIEN DU MARIAGE.
A) Dans les premiers sermons de notre série d'ins-
tructions, nous avons vu tout d'abord que déjà le premier
mariage avait été davantage que l'union purement
naturellè du premier homme et de la première femme.
Car nous lisons aux premières pages . de la Sainte
Écriturè que la sainte volonté du Créateur a sorti ces
relations naturelles hors du cadre de la pure nature
et les a: placées à une hauteur surnaturelle. C'est ce
que proclament les toutes premières pages de la Bible.
Dieu « les créa mâle et femelle ». Et Dieu les bénit
• •1
et leur dit : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la
terre et soumettez-la II (Genèse, l, 27- 28 ).
On ne peut lire ces lignes sans émotion. Lorsque
Dieu eut pourvu d'une force et d'une mission créatrices
le premier homme et la première femme; « Il les bénit ".
Il est donc parfaitement clair, non seulement qu'Il fit
descendre une bénédiction spéciale sur le premier
mariage, mais aussi que, par la volonté divine, ce
LE MARIAGE CHRÉTIEN 273
mariage fut le mariage d'un seul homme et d'une seule
femme.
Le premier mariage, dans sa forme primitive, ' fut
donc certainement un mariage monogame. C'est à la
suite du péché originel que l'homme s'est écarté de
la volonté divine, qu'en lui, la matière l'a emporté sur
l'âme et que la douloureuse aberration de la polygamie
et de la polyandrie est apparue sur les routes de
B) Mais le Christ est venu, le Fils de Dieu. Il est
venu, non seulement pour racheter l'homme du péché,
mais aussi pour rendre au mariage la forme idéale
que Dieu au commencement lui avait donnée dans
le paradis terrestre, et même il a élevé à la dignité de
sacrement l'union conjugale. Aussi a-t-il proclamé
formidlement : « Que l'homme ne sépare point ce que
Dieu a uni» (S. Marc, x, 9).
Aussi a-t-il enseigné que l'union et la fidélité conju-
gales devaient être si absolues et sans réserve qu'on
n'a pas le droit de les blesser même en pensée: « Je
vous dis que quiconque regarde une femme avec
convoitise a déjà commis le péché avec elle dans son
cœur II (S. Matthieu, v, 28) .
Voilà l'idéal du mariage pour tous ceux qui veulent
être les vrais disciples du Christ.
Mais, ce que le Christ a proclamé et exigé si caté-
goriquement, quelqu'un, à n'importe quel ' moment,
aurait-il le droit d'en changer même un iota, aurait-il
le droit de vouloir le « réformer ll?
C) Nous devons donc confesser hautement cette
.' vérité que ce n'est pas l' homme qui a inventé le mariage,
1
Mar. et Fam. - 18
 1
MARIAGE ET FAMILLE
mais qu'il a été établi par le Créateur de la nature
humaine, Dieu. Nous devons confesser que dans le
mariage, déjà à l'époque antérieure au christianisme,
il y avait des traits surnaturels : son institution divine,
mais que le mariage chrétien est devenu quelque chose •
de plus: un sacrement.
Mais, s'il en est ainsi, et si le mariage est, de par sa
nature, une « res sacra », « une chose sainte », si même
le mariage chrétien est un « sacramentum », un « sacre-
ment », il est clair que l'homme ne peut pas changer
ses lois fondamentales; il est dair que son essence ne
dépend pas de la volonté de l'homme et que l'homme
dans aucune question ne peut revendiquer pour lui-
même moins d'autonomie, « de pouvoir législatif » que
dans la question du mariage.
Mais, après cela, il est clair que le chaos inouï actuel
et la situation funeste actuelle qui règnent précisément
dans cette question ont pour causes les attaques auda-
cieuses des passions humaines contre les lois éternelles
du mariage et l'extirpation de ses racint;s vivifiantes.
Extirpation qui consiste à les arracher du sol divin et
à vouloir « réformer » le mariage selon les exigences
de la nature humaine sensuelle.
II
J le mystère de la vie; aujourd'hui encore on n'est pas
ON N'A PAS LE DROIT DE « m ;FORMER » LE MARIAGE.
« La réforme du mariage! » Est-il nécessaire et est-il
permis de « réformer » le mariage?
LE MARIAGE CHRÉTIEN 275
Les esprits superficiels pourraient facilement
répondre par un « oui » à cette question. Car - comme
ils disent - « si tout évolue autour de nous, si nous
vivons dans des conditions de vie et des conditions
économiques entièrement différentes de celles d'autre-
fois, il faut aussi adapter le mariage à cette nouvelle
situation ». Tel est le raisonnement de beaucoup de nos
contemporains, que leur répondrons-nous?
A) Tout d'abord personne ne veut nier le progres
immense que l'humanité, au cours du dernier siècle,
a réalisé dans le domaine de la science et de la technique.
a) Réellement, des découvertes inouïes se sdnt succédé
durant le siècle dernier. La technique a mis à notre
service des méthodes et des forces de plus en plus
nouvelles qui rendent la vie humaine plus facile, plus
belle, plus salubre, plus longue. Il n'est pas étonnant
que ces inventions aient totalement transformé non
seulement l'aspect de la terre, mais aussi les idées de
l'humanité; éblouie, enorgueillie, conquise par elles,
elle croit qu'il n'y a plus de secret pour elle.
Cependant, il y en a encore. Il y a aujourd'hui encore
une foule de mystères autour de nous et parmi ces
mystères se dresse toujours devant nous, couvert d'un
voile, le plus grand des mystères : le mystère de la vie.
La science et la technique humaines sont capables
d'une foule de choses, mais restent impuissantes devant
arrivé - et certainement on n'y arrivera pas - à
créer la vie, même sous la forme la plus élémentaire.
b) Le foyer de la vie humaine demeure donc, à
l'abri des grands changements extérieurs actuels, ce
 MARIAGE ET FAMILLE
qu'il était: la famille. Il n'est pas permis de porter une
main maladroite sur cette source de vie.
La vie familiale doit demeurer jusqu'au bout la
source où l'humanité se rajeunit de temps à autre.
La famille doit demeurer jusqu'au bout la porte par
laquelle entre dans la vie la nouvelle génération
humaine, pour prendre la place laissée vide par celle
qui est descendue dans la tombe. La famille doit
demeurer jusqu'au bout le sanctuaire où poussent les
plus belles vertus, amour, dévouement et ardeur au
travail. La famille doit demeurer jusqu'au bout la
cenule sur laquelle est bâtie l'humanité, la colonne
sur laquelle s'élève la · civilisation.
Il n'est donc pas nécessaire de « réformer» le mariage,
au sens de l'opinion née de la soif actuelle des
jouissances : « mariage de camaraderie », « mariage à
l'essai JJ, « mariage de week-end)) et je ne sais quels
autres termes, non, il n'en est pas besoin. Mais il faut
sauver, fortifier, restaurer le « vieux mariage » qui a
été la base de tout le développement de notre civilisation
et que l'Église du Christ ne cessera jamais de défendre,
de sauvegarder et d'exiger.
B) « Mais permettez, diront certains. Est-il rai-
sonnable que l'Église aujourd'hui encore fasse miroiter
cette image idéale du mariage, quand elle devrait bien
voir comme la réalité est tout autre? Quand elle devrait
voir à quelle distance effrayante de l'idéal de ['Église
demeure la froide réalité ».
a) De fait, mes frères, personne ne souffre davantage
que l'Église du Christ du grand vide qui s'étend dans
le domaine du mariage entre l'idéal chrétien et la triste
LE MARIAGE CHRETIEN 277
réalité. Et on ne peut ôter même un iota à cet idéal
chrétien. Car il y a des valeurs et des conséquences
absoluesà·propos desqu~lles on ne peut ni marchander
ni tergiverser, même si personne ne les observait plus
dans le monde entier. .
(' Je vais répéter une comparaison déjà souvent citée.
Supposons que, pour une cause quelconque, toutes
les pendules du monde soient détraquées et marchent
mal, aurait-on le droit, à caUse de ces pendùles détra-
quées, de rectifier le soleil et de mettre sa marche en
harmonie avec la marche des pendules? Ne faudrait-il
pas dans ces circonstances maintenir le soleil comme
point de repère, afin qu'il y ait au moins un point sûr
grâce auquel on réglerait les pendules, si un jour elles
remarchaient?
Depuis le péché du premier homme, l'idéal n'a jamais
plus existé sur la terre, la réalité est toujours restée
loin de l'idéal. Mais tant que vivra et rayonnera
au-dessus de nous l'image de l'idéal, la vie sera suppor-
table; mais elle tomberait dans une ruine définitive
et deviendrait intolérable, si nous perdions notre idéal.
b) Nous saisissons, maintenant, pourquoi l'ÉgliSe
catholique mene une lutte surhumaine en faveur de l'idéal
chrétien qui se réalise parfaitement dans l'indissolubilité
du mariage. Nous comprenons pourquoi elle tient
comme à la pupille de l'œil à la pureté de la vie conju-
gale qu'elle garde, défend et fortifie avec une sollicitude
toute particulière. C'est parce que, dans la famille, elle
défend la source secrète où se renouvelle constamment
la race humaine et d'où surgissent sans cesse de
nouveaux membres pour le corps mystique du ChriSt.
 MARIAGE ET }<'AMILLE
Si la famille disparaissait de la terre, queUe terrible
déchéance anéantirait son souvenir, si l'Église du
Christ ne se tenait pas à côté d'elle avec ses paroles
directives, son amour plein de sollicitude, souvent aussi
avec son bras menaçant et vengeur!
Il n'y a peut~être pas de question qui ait autant
attiré de reproches à l'Église que la question du mariage,
à cause de son attitude intransigeante. A CaUse de cette
attitude, beaucoup se sont détournés d'elle, follement
et d'une façon révoltante. Mais il viendra un temps, où
toute l'humanité sera reconnaissante à l'Église'~d'avoir
maintenu avec un courage aussi inébranlable l'indisso-
lubilité et l'unité du mariage. Car s'il est vrai que la
civilisation est la conséquence de la vie familiale et
qu'on peut saluer la civilisation comme le dernier
degré de la famille, alors on voit clairement combien
le christianisme a bien mérité de la civilisation pour
ce qu'il a fait et fait encore dans la défense de la famille.
Ne serait-il pas compréhensible que, dans la crise
actuelle de la famille, notre législation civile adoptât
les directives de notre Église millénaire: qui ont autant
de valeur au sujet de la cellule fondamentale de la vie
sociale, pour la consolidation de la vie familiale que
dans toute autre question de cette terre?
.
-
- - -
LE MARIAGE CHRÉTIEN
III
QUELS SONT LES INTÉRÊTS ATTACHÉS
AU RENFORCEMENT DE LA FAMILLE?
Actuellement des milliers de bruits sont en cIrcu-
lation, au sujet de la réforme du mariage. Pourtant
- nous l'avons vu clairement - il ne peut y avoir
qu'une voie à suivre pour cette réforme : replacer le
mariage entièrement sur la base du Christ, sauver
l'indissolubilité et la pureté du mariage, c'est de cela
que dépend l'avenir de l'humanité.
A) S'il est sûr que l'état ne peut pas se passer de
la famille, il est non moins certain que l'état est incapable
par ses propres forces de créer ces bases morales qui
assurent la force de la famille.
a) En effet, il n'y a pas ' un seul état au monde qui
verrait avec joie la décomposition des mariages de ses
sujets. Chacun sait, par expérience, quelles consé-
quences entraîne le divorce pour les intérêts bien
compris de la nation. Chaque état aimerait que, sur
son territoire, les sanctuaires de la famille soient
solides". Mais on a vu que, sans l'aide de la religion,
il en va actuellement des efforts les plus estimables ce
qu'il est arrivé des efforts similaires de l'empereur
Auguste.
b) A l'époque d'Auguste, chez les Romains, le
nombre des divorces était très élevé. Il promulgua donc
sur cette question deux lois sévères : l'une en l'a~ IV,
280 MARIAGE ET FAMILLE
la « Lex Julia », l'autre en l'an IX, la « Lex Papia
Poppaa ». Par ces lois, il instituait des primes pour
faire conclure des mariages et pour augmenter le
chiffre des enfants, d'autre part, il établissait des peines
contre ceux qui ne se mariaient pas ou, étant mariés,
n'avaient pas d'enfants.
Et quel fut le résultat? Nul. Tout cela ne servit à
rien. Pourquoi? L'histoire nous donne la réponse :
Le même Auguste qui avait porté ces lois sévères,
était lui-même divorcé et donnait ainsi un témoignage
criant que les lois civiles sont insuffisantes par elles-
mêmes, là où dans l'intérêt du succès il faut faire appel
à la conscience des citoyens.
On comprend, à présent, quel travail béni a réalisé
le christianisme, en élevant le mariage à la dignité
de sacrement. Sur l'arbre de la rédemption, le premier
fruit a été la création de l'idéal chrétien du mariage;
et ce fut un fait historique par lequel le christianisme,
sur les ruine~ du monde antique, a déposé les bases de
développement de la civilisation chrétienne.
B) Mais quand on examine à fond toutes ces choses,
il est impossible de ne pas voir quel geste funeste ce
fut pour l'humanité d'instituer le divorce contre la
volonté de Dieu. Ce fut une plaie qui rongea et ébranla
la moralité publique, ruina ses bases et dans la question
la plus importante ouvrit largement la porte aux
passions humaines, au bon plaisir et aux caprices
humains contre les lois de Dieu.
a) C'est vrai: le principe de l'indissolubilité du mariage
peut aussi être caùse de bien des drames et exige aussi
des sacrifices, comme tout autre principe et toute autre
LE MARIAGE CHRÉTIEN
loi aussi demandent des sacrifices. Mais l'avantage de
la communauté humaine est au-dessus des intérêts et
des avantages particuliers; pour des intérêts particuliers
on ne peut donc pas affaiblir des principes qui servent
les intérêts de toute la communauté. Ou bien, sion
les atténue - comme l'a fait l'humanité en permettant
le divorce - on ouvre devant soi un abîme dont on
ne peut sortir.
En effet, ne constatons-nous pas, dès à présent, avec
effroi l'accroissement continuel des divorces? Jadis
c'était seulement dans des cas très graves que les. gens
pensaient au divorce; petit à petit le nombre des causes
de divorce s'est accru de plus en plus; au point
qu'aujourd'hui on veut supprimer l'institution même
du mariage. Et en somme, on ne peut s'en étonner;
c'est tout simplement la logique qui a amené l'homme
jusque là : si on laisse déchirer un vêtement, personne
ne peut plus le porter.
b) Mais nous savons bien qu'entre les quatre murs
de ce qu'on nomme ,le sanctuaire familial, grandit et se
développe l'avenir de la nation. Nous savons bien que le
plus beau programme social demeure un verbiage
vide, si son premier souci n'est pas pour la famille.
Nous savons bien que ce qui est le plus nécessaire au
pays, de nos jours, c'est le renforcement de la famille,
du bonheur et de l'harmonie dans la famille. Nous en
avons bien plus besoin que des beaux arts et de la
science, de la technique et de l'agriculture, de l'industrie
et du commerce, car tout cela en dernière analyse repose
sur la famille. Par contre, la déchéance de la famille
signifie toujours une perte de valeurs morales irré-
 282 MARIAGE ET FAMILLE
parable et le peuple chez lequel la vie familiale se
décompose a terminé son ~ôle dans l'histoire.
C) Mais quand on constate avec douleur qu'il y a
à peine un état moderne dont la législation ne soit pas,
Il
dans une mesure plus ou moins grande, contraire à
l'institution du mariage, combien on doit être recon-
naissant à l'Église catholique d'avoir toujours maintenu
et de maintenir aujourd'hui encore le mariage chrétien
contre le divorce.
a) Combien pourtant lui ont prédit que ce serait sa
perte! Sa perte, si elle continuait à montrer un « rigo-
risme suranné » dans cette question et si elle ne devenait
pas « plus indulgente et plus coulante» à l'égard des
/ courants modernes. Non. L'Église catholique ne peut
pas être coulante, là où l'indulgence serait une course
à l'abîme et à la ruine. Elle a le saint devoir de maintenir
la famille sur la hauteur idéale où l'a placée dès l'origine
le Créateur et où - après une aberration millénaire -
Notre-Seigneur Jésus-Christ l'a non seulement replacée,
mais encore rangée parmi les sacrements.
Nous ne savons pas quel est le sort réservé à l'Occi-
dent civilisé et à l'Église du Christ qui s'y trouve.
Mais il est sûr que le sort de l'Europe dépend de la
manière dont elle réussira à édifier en elle la nouvelle
civilisation chrétienne, car l'ancienne n'existe plus, elle
a disparu. Et il est sûr aussi qu'on ne peut édifier
cette nouvelle civilisation chrétienne, tant qu'on n'a
pas réussi à relever sur les hauteurs du christianisme,
sa base, la famille chrétienne.
Ce ne sont pas seulement les prêtres, mais aussi les
fidèles qui doivent travailler à édifier, à consolider, à
,
- ---......
LE MAIUAGE CHRÉnEN
embellir le corps mystique du Christ. « Qu'il n'y ait
pas de division dans le corps, mais que les membres
aient également soin les uns des autres» écrit saint Paul
(le Corinthiens, XII, 25). Alors, seulement, se lèvera le
printemps d'une vie nouvelle dans l'Église, si non
seulement les évêques et les prêtres, mais aussi tout
le corps et chaque membre du corps construisent le
temple de Dieu. Si le mariage devient chrétien, si la
famille devient chrétienne, si les parents et les enfants
deviennent chrétiens, alors l'Église du Christ aussi
rajeunira, se fortifiera et deviendra de plus en plus
belle.
b) Aujourd'hui, le monde chancelle autour de nous,
comme un géant ivre. Il nous faut presque croire que
le mal et la révolution sanglante se préparent à inonder
de nouveaux fleuves de sang la face de la terre, comme
jadis le déluge au temps de Noé.'Mais,
1#.
s'il en""était
~;
ainsi, et si réellement arrivait la destruction de tout
ce que l'esprit humain a créé de beau et de grand
pendant des siècles, même alors, au milieu du déchaîne-
ment des vagues écumantes, la nouvelle arche de Noé,
l'Église catholique, continuera à flotter saine et sauve
et portera avec elle la seconde famille de. Noé, qui
sera capable de sauver de nouveau l'humanité allant
à la ruine : la famille robuste, pure, idéale. Ce ne sont
pas les conférences qui sauveront le monde, ni les
machines, ni les associations, ni les syndicats, mais les
pères et les mères; les pères avec leurs bras robustes
et les mères avec leur cœur ardent, les pères avec leur
labeur et les mères avec leurs mains actives, les pères
et les mères : idéal de la famille catholique.
 MARIAGE ET FAMILLE
r L'humanité aujourd'hui s'aperçoit déjà avec ·alarme
que la famille est SUl" la pente et qu'un péril mortel
menace toutes les valeurs de la civilisation. Biologistes,
hommes politiques et pédagogues cherchent en trem-
blant une issue. Des milliers de projets et de plans
jaillissent devant l'humanité. Mais il n'y a pas d'autre
issue pOUl' sortir la famille de la crise que le retour
1/ aux lois divines et naturèlIes abandonnées, le retour
à l'idéal chrétien du mariage. Le gage le plus sûr d'un
nouveau millénaire pour notre nation, l'r=ugénisme le
meilleur, le racisme le plus sûr, c'est la loi de l'Évangile :
Sauvez le saint idéal du mariage chrétien et vous sauverez
la patrie!
* **
. Mes frères, deux puissantes peintures historiques
décorent le grand escalier du Nouveau Musée de
Berlin: chefs-d'œuvre de Kaulbach.
L'tiné de ces peintures représente la destruction de
Jérusalem. Sous un aspect terrifiant, nous voyons la
ruine du peuple juif, jadis élu, mais qui s'est détourné
de Dieu. Le Temple de Jérusalem est en flammes, des
anges tiennent en main des épées flamboyantes pour
indiquer qu'ils exécutent un châtiment divin. A droite,
on peut voir, à la tête des légions, Titus, le général
romain victorieux, à gauche, à l'arrière-plan, les
anciens chefs du peuple juif se retirent avec une rage
impuissante. Au centre du tableau, tout à fait au
premier plan, le grand prêtre qui veuts'erifoncer son
épée dans le cœur, mais son épousé et ses enfants le
LE MARIAGE CHRÉTIEN
supplieht de les tuer auparavant... L'horreur, le
désespoir, la ruine sans remède, montent vers nous t
de tout ce tableau.
Mais le second tableau nous parle de tout autre chose.
Nous y voyons une famille chrétienne, elle se sauve
avec deux mulets de la ville en ruines; sur un des mulets
est assise la mère avec deux petits enfants pressés
sur son cœur, derrière son dos est assis un autre enfant,
mais sur l'autre mulet il n'y a que des enfants. En
avant, marche un autre enfant, plutôt un jeune homme,
et il chante un psaume, les yeux levés vers le ciel.
Derrière eux, le père qui semble chanter aussi un
psaume. Au-dessus du groupe planent aussi des anges,
les anges de la foi, de l'espérance et de la charité,
mais ils n'ont pas d'épées flamboyantes dans leurs
mains, la famille en fuite porte avec assurance, force
et enthousiasme, un calice d'où rayonne le Saint
Sacrement.
Et pour que la leçon soit encore plus complète,
pour que nous pmSSlOns en quelque sorte dire que
ce tableau monumental a été fait en vue d'illustrer
notre thème de prédication, se présente encore un
autre épisode: trois Juifs écrasés sous le poids de la
justice divine, des enfants à peine vêtus avec des gestes
suppliants se jettent devant la famille chrétienne
fugitive : Emmenez-nous avec vous, ne nous laissez
pas périr. Et avec un regard souriant et aimable, un
des enfants chrétiens leur fait signe de la tête.
Et c'est dans ce geste aimable de cet enfant que
repose toute notre confiance. Car qui ne sentirait pas
ce que signifie pour nous ce tableau? Qui ne verrait
 MARIAGE ET FAMILLE

qu'au-dessus de la famille qui résiste aux lois de Dieu

brille la colère du jugement de Dieu? Qui n'entendrait
pas avec quel fracas s'écroulent les murs jadis solides
du sanctuaire familial et comment ils ensevelissent
avec eux toutes les valeurs, les vertus, la félicité et la TABLE DES MATIÈRES
civili&ation que l'homme avait créées sur la terre.
Si l'humanité veut échapper au jugement divin, il
n'y a qu'un moyen : avant tout, il faut que les familles
chrétiennes s'affranchissent des sophismes, de la
frivolité morale, des phrases creuses et des eaux bour- 1. L'importance de la famille.. .... .. ... ........ ........ 5
beuses, il faut qu'elles reviennent à l'idéal familial, II. Le mariage avant le Christ.. ...... ...... ............. zz
il faut qu'elles fassent rayonner dans le monde entier III. Le mariage après le Christ.. ............ ............. 40
la force du relèvement moral. IV. Préparation au mariage.. ............................ 55
Il n'y a rien aujourd'hui dont nous ayons plus besoin V. Les qualités du bon mariage......................... 71
que de familles chrétiennes. Car s'il existe encore VI. Empêchements au mariage........................... 88
un moyen de salut pour le monde qui chancelle, c'est VII. Le mariage monogame .......... .... .................. 106
VIII. La" réforme » du mariage.. ...... ........ ........... T22
la famill, chrétienne idéale qui le fournira.
IX. L'indissolubilité du mariage (1)..................... 1 38
La famille d'où naîtront des jeunes filles à l'âme pure
X. L'indissolubilité du mariage (II).... .. .............. 155
et des jeunes gens aux yeux brillants comme des étoiles. XI. Le divorce.................. .. ......... ............. ...... 173
La famille d'où rayonnent contentement, harmonie et XII. Le mariage heureux.. .......... .... .............. ...... 189
bonheur. XIII. L e mariage sans enfant (1) ...... ...................... 206
La famille qui sera de nouveau la base, la cellule et XIV. Le mariage sans enfant (II)................... ....... 223
l'ossature d'une vie humaine meilleure. XV. La famille nombreuse (1)............................. 239
La famille qui rajeunira et purifiera l' humanité qui se XVI. La famille nombreuse (II) ........................... 254
traîne dans les ruines. XVII. Le mariage chrétien.. ........................ .......... 27 1
(
Seigneur, voici notre dernière prière : Défendez,
sauvegardez, fortifiez et bénissez la famille chrétienne. 1
Amen. 1

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Attaques contre le Clergé, par l'Abbé Étienne Berghoff, traduit par

l'Abbé M. Gautier. - In-I 6 écu de 136 pages. 3e mille. - Prix: 7 fr. 50.

La Vie de jésus dans le Pa ys et le Peuple d'Israël, par le chanoine

Fr. Willam, Docteur en théologie, traduit par M. l'abbé Marcel Gautier.
- 3e édition revue et augmentée, 1 le mille. In-8° carré de 532 pages et
33 hors-texte. - Prix: 35 fr.

La Vie de Marie, Mère de jésus, par le chanoine Fr. Willam, docteur

en théologie, traduit par l'abbé René Guillaume. Professeur au Petit
Séminaire de Langres. Préface de S. Ex. Mgr Harscoüet, évêque de
Chartres. - ln-8° carré de 430 pages et 26 hors-texte. - Prix: 35 fr.

Le Guide dans l'Année Liturgique, en 5 volumes, par le R. P. Dom

Pius Parsch, traduit sur la XIe édition, par l'abbé Marcel Gautier.
- Tome 1 : Le Cycle de Noël. - ln-8° écu de 560 pages. -
Prix: 24 fr. - Tome Il : Le Cycle Pascal. 1re partie. - ln-8° écu de
400 pages. - Prix : 22 fr. - Tome III : Le Cycle Pascal. 2e partie. -
In-8 éc~ de· 408 pages. - Prix: 22 fr. - Tome IV : Le temps après la
Pentecôte. Ire partie. - ln-8° écu de 508 pages. - Prix : 22 fr. -
Tome V : Le temps après la Pentecôte. 2e partie. - ln-8° écu de
480 pages. - Prix: 22 fr. - Prix des 5 volumes: 112 fr.