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Rameau transformé par Fourier

Vincent Lostanlen
14 mars 2023

Résumé
On sait que les petits nombres premiers (2, 3, 5) jouent le rôle de
“principes naturels” chez Rameau. On sait aussi que Fourier a inauguré la
dualité temps-fréquence en représentant “l’ordonnée d’une ligne courbe
tracée arbitrairement” par une série trigonométrique. En voyant la série de
Fourier comme “une impression composée de plusieurs autres” (Rameau),
on aboutit à un modèle additif sinusoïdal. Pourtant, il existe d’autres
manières de combiner Rameau et Fourier ; c’est-à-dire, d’appliquer la
dualité temps-fréquence à la musique tonale du siècle des Lumières. Dans
ce chapitre, nous tenterons d’illustrer la richesse interprétative du “point
de vue de Fourier” au-delà de l’exemple, bien connu, de la corde vibrante.
Premièrement, nous verrons que le principe d’équivalence des octaves
énoncé par Rameau préfigure les paradoxes de hauteurs étudiés à partir des
années 1960 par Shepard, Risset et Deutsch. Pour expliquer ceux-ci, il est
pertinent d’enrouler l’axe fréquentiel en une spirale, alignant radialement
les octaves ou “répliques” (Rameau) de chaque classe de hauteurs. On
peut définir une base d’ondelettes sur le groupe algébrique associé à cette
spirale afin de compléter l’information du spectrogramme. Dans un second
temps, nous aborderons le graphe néo-riemannien des triades majeures et
mineures (Tonnetz) pressenti par Rameau. En diagonalisant le laplacien de
ce graphe, nous calculerons la base de Fourier associée puis visualiserons
les motifs harmoniques résultants.

1 Introduction
Certains savants entrent dans l’histoire par un théorème : que l’on songe
à celui de Pythagore en géométrie, de Fermat en arithmétique, ou d’Emmy
Noether en algèbre. D’autres savants ont bâti d’astucieux contre-exemples : ainsi,
le paradoxe de Russell en théorie des ensembles ou celui de Banach–Hausdorff–
Tarski en théorie de la mesure. D’autres encore contribuent à la science par un
corpus de conjectures. On connait par exemple l’influence qu’ont aujourd’hui les
23 problèmes de Hilbert, le programme de Langlands, et les intuitions géniales
d’un Erdös ou d’un Ramanujan.
Joseph Fourier, quant à lui, n’est pas l’homme d’un théorème mais celui d’une
représentation ; mieux, d’une conformité entre deux représentations. L’historien

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des sciences Alain Herreman a montré que le « Mémoire sur la théorie analytique
de la chaleur » de 1822 en constitue ce qu’il appelle le texte inaugural.
Si l’on propose une fonction f (x), dont la valeur est représentée
dans un intervalle déterminé, depuis x = 0 jusqu’à x = X, par l’or-
donnée d’une ligne courbe tracée arbitrairement on pourra toujours
développer cette fonction en une série qui ne contiendra que les sinus,
ou les cosinus, ou les sinus et cosinus des arcs multiples, ou les seuls
cosinus des multiples impairs.
Ce qu’a inauguré Fourier en 1822, ce n’est donc pas un objet mathématique
particulier, ni même la vérification d’une conjecture ; mais bien une relation entre
deux mondes, plus précisément, entre deux totalités. Alain Herreman qualifie
cette relation de conformité. La première totalité est celle des « ligne courbes
tracées arbitrairement », que Fourier tient pour pré-établie. La deuxième totalité
est celle des séries trigonométriques, envisagées sous diverses combinaisons de
sinus et cosinus. En cette matière, Fourier ne s’inquiète pas de savoir si f (x) doit
respecter telle ou telle propriété de continuité ou d’intégrabilité. Pour cause, il
puise directement dans le monde physique, le monde réel, pour justifier son geste.
“L’étude approfondie de la nature”, écrit Fourier dans le discours préliminaire
de son Mémoire, “est la source la plus féconde des découvertes mathématiques”.
Quand à l’autre monde, la seconde totalité, c’est celle, plus abstraite, des séries
trigonométriques. C’est ce qui apparait dans le membre de droite de l’équation
du traité
x x
R 
+ cos. 2π X f x cos. 2π X dx
1 1
R
2 Xf x = 2 f xdx
x x
R 
+ sin. 2π X f x sin. 2π X dx
En modernisant les notations mathématiques, cette équation devient :
+∞ Z 2π
2 X
+ cos(nx) f (y) cos(ny) dy
2π n=1 0
Z 2π
1
f (x) = f (y) dy
2π 0
+∞ Z 2π
2 X
+ sin(nx) f (y) sin(ny) dy
2π n=1 0
Or, Fourier n’a pas inventé les séries trigonométriques. On en trouve trace dès
le début du XVIIIe siècle, notamment dans l’ouvrage de Brook Taylor : Methodus
Incrementorum Directa et Inversa, qui abordait le problème de la résonance des
cordes vibrantes. Dans sa version archaïque, en vigueur depuis Aristoxène de
Tarente et au moins jusqu’à Marin Mersenne, ce problème consiste à comprendre
comment une corde sonore mise en mouvement sur un instrument entraine
la vibration d’autres cordes qui, dans l’expérience, n’ont pas été frappées. Ce
résultat physique est d’autant plus étonnant que ladite résonance peut intervenir
entre des cordes de longueur différentes pourvu qu’elles fussent accordées sur un
intervalle d’octave ou de quinte.
L’ouvrage d’André Charrak, Raison et Perception, retrace dans le détail
l’évolution historique du problème des cordes vibrantes. Il montre notamment

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comment la notion de résonance change progressivement de statut. D’une ré-
sonance dite sympathique, faisant intervenir deux cordes à proximité, on passe
progressivement à une résonance dite modale, qui désigne la présence de sons plus
faibles et plus aigus que le son rendu par la corde entière. Or la loi d’émission
de ces sons n’a pas seulement à voir avec les caractéristiques inertes de la corde
— longueur, masse, tension — mais aussi avec le geste du musicien : la position
du plectre ou de l’archet notamment. Ainsi, la notion moderne de résonance
ne détermine pas seulement la qualité particulière de certains intervalles mais
s’ancre dans les modifications internes de la corde vibrante, en ceci qu’elle régit
la distribution du mouvement dans les corps élastiques.
Historiquement parlant, les dates de vie et de mort de Jean-Philippe Rameau
(1683 – 1764), recouvrent, grosso modo, cette phase de mutation du problème
des cordes vibrantes. À partir de Joseph Sauveur en 1700, puis de Jean Le Rond
d’Alembert en 1746, Daniel Bernoulli en 1753, et jusqu’à Joseph-Louis Lagrange
en 1766, l’Académie des Sciences de Paris reçoit les plus grands savants de leur
temps, venus édifier les bases de ce que nous appelons, longtemps après eux, le
traitement du signal.
Nous pouvons éclairer cette période en la regardant depuis le passé. Songeons
à Descartes qui, en 1618 déjà, affirmait dans son Abrégé de Musique :
Le son est au son comme la corde à la corde ; or chaque corde
contient en soi toutes les autres cordes qui sont moindres qu’elle, et
non pas celles qui sont plus grandes.
Rameau cite cette formule verbatim dans le livre premier de son Traité de
l’harmonie de 1722. Mais, comme le signale André Charrak, le verbe “contenir”
y revêt un sens ambigu. Pour cause, Rameau n’envisage pas simplement les
relations du fondamental à ses harmoniques naturels comme une relation de
contenant à contenu mais bien comme le fondement des consonances. Avec le cas
des renversements d’accord, notamment, le traité de 1722 préfigure l’expérience
psychoacoustique de la fondamentale absente, et Rameau conclut que le son grave
“est encore le principe de ces consonances et de l’harmonie qu’elles forment”.
Symétriquement, on peut regarder l’année 1722 avec un siècle de recul, et
revenir ainsi au Mémoire de Fourier par lequel nous avons ouvert ce chapitre.
Après avoir présenté sa méthode de calcul pour la décomposition en série trigo-
nométrique, Fourier écrit :
Si l’on applique ces principes à la question du mouvement des
cordes vibrantes, on résoudra les difficultés qu’avait d’abord présen-
tées l’analyse de Daniel Bernoulli. La solution donnée par ce géomètre
suppose qu’une fonction quelconque peut toujours être développée
en séries de sinus ou de cosinus d’arcs multiples. Or de toutes les
preuves de cette proposition la plus complète est celle qui consiste
à résoudre en effet une fonction donnée en une telle série dont on
détermine les coefficients.
Il faut d’abord souligner l’analogie de vocabulaire entre Rameau et Fou-
rier. Tous deux parlent de principes fondateurs pour leur théorie de l’analyse
harmonique : analyse musicale pour l’un, analyse mathématique pour l’autre.

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Ensuite, Fourier entend donner confirmation à Daniel Bernoulli en montrant
que la décomposition en série trigonométrique est en quelque sorte universelle,
dans la mesure où elle ne donne pas simplement la série des modes propres
correspondant à chaque partiel mais permet aussi de spécifier la condition initiale
(le mode de jeu, en termes musicaux) d’une équation aux dérivées partielles. Et
ce, qu’il s’agisse de l’équation de la chaleur ou de l’équation des ondes.
Ainsi, même si Fourier n’écrit pas un traité d’acoustique, il a conscience que
son œuvre dépasse la résolution d’un problème de conduction thermique. Et en
effet, comme je l’ai dit plus tôt, Fourier n’est pas seulement connu des physiciens
de la chaleur mais aussi des acousticiens, des informaticiens, et de quiconque
s’intéresse au traitement des signaux audionumériques.
Autrement dit, ce que nous devons à Joseph Fourier, ce n’est pas tant un
outil, certes très puissant, de résolution des équations différentielles, qu’un point
de vue sur les explications physiques. Quand nous empruntons le point de vue
de Fourier, nous commençons par nous donner pour acquise une ligne courbe
f (x) tracée arbitrairement, autrement dit, un signal. Nous savons qu’à cette
courbe correspond une série infinie mais dénombrable de coefficients à valeurs
complexes. Mais plutôt que d’oublier le signal et de basculer complètement dans
le domaine des séries trigonométriques, nous restons comme au milieu du gué. En
effet, nous savons qu’à tout moment nous pouvons rebrousser chemin, pondérer
les coefficients par des exponentielles complexes, sommer la série, et retrouver le
signal réel d’origine :

+∞ Z 2π 
1 X
f (x) = f (y)e−iny dy einx dx (1)
2π n=−∞ 0

De nos jours, on nomme “dualité de Fourier”, ou “dualité temps–fréquence”,


ce regard sur les signaux qui ne se réduit ni à un tracé de forme d’onde, ni à
l’énumération d’une série ; mais qui, au contraire, tâche d’appréhender comment la
transformée de Fourier peut commuter avec d’autres transformations, notamment
avec le groupe des similitudes de la variable x.
Le point de vue de Fourier invite donc à des expériences de pensée de
type contrefactuel ; c’est-à-dire, portant sur des signaux g(x′ ) non observés se
substituant à f (x). Exemple : que se passerait-il si l’on translatait l’abcisse x d’un
décalage constant c, de sorte que les bornes d’intégration ne sont plus [0, 2π], mais
[c, 2π + c] ? Réponse : le coefficient complexe correspondant au nième harmonique
serait déphasé d’un terme multiplicatif exp(inc). Dans le cas d’une corde vibrante
en régime stationnaire, ce déphasage n’a pas d’effet sur la perception auditive
et peut donc être négligé. Par ailleurs — et c’est là que se noue le lien avec la
théorie de la musique — on peut se demander ce qui arriverait si l’on contractait
la forme d’onde d’un facteur deux, de sorte qu’elle n’occupe plus que l’intervalle
[0, π], puis qu’on lui adjoigne une copie identique sur l’intervalle [π, 2π]. On peut
montrer qu’un tel procédé de contraction et réplication de l’axe temporel revient
à annuler les termes d’ordre impair dans la série de Fourier. Soudain, on s’aperçoit
que cette propriété de parité permet de simplifier la décomposition : plutôt que

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de poser 1 comme fréquence fondamentale et un terme général s’annulant pour
n pair, on prend 2 pour fréquence fondamentale et l’on fait un changement de
variable n′ = 2n.
Le principe d’unicité de la transformée de Fourier nous permet de conclure
que le son contracté possède une fréquence fondamentale double du son original.
Et ce, sans revenir explicitement dans le domaine temporel et sans hypothèse
particulière sur la forme d’onde. Ce calcul peut donc nous servir de méditation
sur le sens de la maxime cartésienne, “le son est au son ce que la corde est
à la corde” ; et, plus encore peut-être, sur celui de la théorie ramiste, “c’est
sur le rapport des sons aigus aux sons graves que toutes les connaissances de
l’Harmonie doivent être fondées”.
Or, dans l’ouverture du chapitre troisième de son traité de 1822, livre premier,
Rameau écrit : “il est évident que l’on doit chercher le terme aigu par la division du
plus grave ; laquelle division doit être arithmétique, c’est-à-dire en parties égales.”
Plus loin dans le même chapitre, Rameau justifie son principe de hiérarchie
des intervalles par la nécessité de “se conformer à la progression naturelle des
nombres” en “divisant une corde proposée”. À la lumière de Fourier, on comprend
peut-être mieux le sens de cette proposition. En termes modernes, ce dont parle
Rameau, c’est d’une condition aux bords pour l’équation des ondes. Les extrémités
fixées de la cordes imposent à f (x) de valoir zéro à chacune des bornes de son
intervalle de définition : [0, X] écrirait Fourier, [0, 2π] écrit-on aujourd’hui.
Or cette condition aux bords, nous dit Fourier, ne fait pas que donner une
piste de solution analytique, fondée sur les sinus et les cosinus. Elle prescrit les
relations algébriques, portant sur la variable x, qui sont ou non admissibles dans
un système physique à conservation d’énergie.
En cette matière, l’article troisième du chapitre, portant sur l’octave, est
particulièrement éloquent.
Un son quelconque est toujours sous-entendu dans son octave ;
Descartes en convient en partie, lorsqu’il dit qu’on n’entend jamais
aucun son, que son octave au-dessus ; et il y aurait peut-être ajouté
l’octave en-dessous, s’il ne se fut pas trompé dans la preuve qu’il en
a tirée d’un Luth. Il n’y a peut-être pas un musicien qui ne se serve
de cette expression : un tel son, une telle note, ou un tel intervalle
est sous-entendu.
Ici, Rameau donne un statut très particulier à l’octave : celui d’introduire
de la “diversité” dans l’écriture musicale par le recours à des renversements.
Il énonce donc un principe d’équivalence des octaves qui réduit l’intervalle de
quarte à celui d’ombre de l’intervalle de quinte ; qui subordonne les accords de
sixte aux accords parfaits ; et surtout, qui est extensible à l’infini.
En effet, Rameau ne se contente pas de définir l’octave comme un lien binaire
entre deux termes ; mais bien comme une progression géométrique (1, 2, 4, 8)
comme enchâssée dans une progression arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8).
Rameau trouve l’indice de cet enchâssement dans la circularité des noms de
notes. Les musiciens, même débutants, savent qu’après do, ré, mi, fa, sol, la,
si, on revient à do pour compléter l’octave. Rameau écrit : “le nom des notes

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doit faire apercevoir que la corde (1), son octave (2), sa double octave et sa
triple octave (4, 8), ne rendent, pour ainsi dire, qu’un même son”. Il y a dans ce
“pour ainsi dire” une certaine subtilité, puisque Rameau assigne tout de même à
l’octave une capacité à créer une diversité par différenciation grave/aigu, capacité
que n’a pas l’unisson.
Mais ce qui est particulièrement frappant, dans ce chapitre, c’est que Rameau
étend étend la progression géométrique des octaves à l’infini dans les deux
directions : vers les infrasons comme les ultrasons, dirait-on en termes modernes.
Ce qui s’accorde avec 2 s’accorde également avec 1. L’octave, la
double, la triple octave et plus si l’on veut, ne sont dans le fond qu’un
même intervalle, que l’on distingue seulement sous le nom de doublé
ou de réplique, ainsi de la quinte avec la douzième, etc. [...] Et ce
n’est que pour trouver les nombres moyens qui peuvent s’accorder
avec chaque terme de cette raison 1/2, qu’on la multiplie autant qu’il
est nécessaire, se trouvant par exemple 3 entre 2 et 4 ; 5, 6, 7 entre 4
et 8. Ainsi de plus en plus jusqu’à l’infini, 2 à 4 ou 4 à 8 étant en
même raison qu’1 à 2.
À nouveau, le point de vue de Fourier nous invite à élucider ce passage par
un recours à la dualité temps—fréquence. Nous avons déjà parlé du procédé
de contraction et réplication par un facteur deux, qui a pour effet d’élever la
hauteur perçue d’une octave. En partant d’une sinusoïde pure et en itérant ce
procédé une dizaine de fois, on recouvre toute la gamme de fréquences audibles
pour l’humain. Le son résultant, appelé son fractal de Shepard, a une classe de
hauteur qui reste bien définie — do, par exemple — ce qui permet de produire
des gammes ou des mélodies reconnaissables. Pourtant, il est souvent difficile de
dire lequel de deux sons de Shepard est le plus aigu.
À partir des années 1960, les expériences de Shepard, de Risset, et Deutsch
ont montré que ces sons fractals donnaient lieu à des paradoxes de perceptions.
Shepard a notamment construit une gamme chromatique telle que les jugements
de hauteur pair-à-pair sont possibles mais ne produisent pas de structure d’ordre.
Diana Deutsch a étudié l’intervalle de triton entre deux sons fractals et a
montré que son orientation grave–aigu dépendait du contexte mélodique qui le
précédait. Plus récemment, Claire Pelofi a raffiné l’étude du triton en montrant
que cette dépendance au contexte dépendait à son tour du sujet.
Enfin, Jean-Claude Risset a modifié la gamme de Shepard, pulsée, pour en
faire un glissando continu qu’il a pu contrôler par ordinateur. On peut l’entendre
dans son œuvre Computer Suite for Little Boy, datant de 1968.
Dans un rapport Ircam de 1978, Risset propose une analogie visuelle avec
l’escalier de Penrose. Même si localement, chaque pas d’une marche vers l’autre
semble monter, le changement d’angle et de perspective fait revenir l’œil au
point de départ. Ainsi, Risset envisage la perception de hauteur selon un schéma
hélicoïdal et non linéaire. En coordonnées cylindriques, l’hélice des hauteurs
comprend un paramètre d’azimuth, correspondant à la classe de hauteurs ; ainsi
qu’un paramètre d’élévation, qui encode la polarisation grave/aigu ordinaire.

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Outre ses applications en psychologie cognitive expérimentale et en synthèse,
le schéma hélicoïdal permet d’analyser des œuvres de musique instrumentale, en
particulier lorsque celles-ci font intervenir l’équivalence d’octave. Par exemple,
l’une des études pour piano de György Ligeti, appelée “L’escalier du diable”,
produit une sensation de montée infinie. Outre une référence, peut-être, à l’escalier
de Penrose dont nous avons déjà parlé, l’escalier du diable est aussi une fonction
inventée par Cantor au début du 20ième siècle. De par sa structure fractale,
cette fonction a donné du fil à retordre aux mathématiciens pour bâtir la théorie
de l’intégration, ce qui nous ramène une fois de plus à Fourier.
Abordons, à présent, une seconde manière en laquelle on peut envisager
“Rameau transformé par Fourier” ; c’est-à-dire, la théorie de l’harmonie du siècle
des Lumières revisitée par les outils modernes de l’analyse mathématique. Cette
seconde manière concerne le Tonnetz, ce réseau de triades majeures et mineures
exposé par Leonhard Euler dans son traité de 1739. Le Tonnetz tisse plusieurs
cycles intervalliques : celui des quintes, celui des tierces majeures, et celui des
tierces mineures. Même si l’invention du Tonnetz est postérieure au Traité de
1722 de Rameau, ce dernier affirmait déjà qu’il “n’y a que trois consonances
premières, que sont la quinte et les deux tierces”. Et par ailleurs, le Traité de
1750
Quant à Rameau, certains diagrammes de son traité de 1750 sont assez
semblables au diagramme d’Euler que je reproduit ici. Et quoi qu’il en soit, son
traité d’harmonie de 1722 affirmait déjà, je cite, qu’il n’y a .

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