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N ° 4 , J U I N 2 0 1 8
Éditorial
Pierre-François Mourier, directeur du CIEP
Q
uiconque connaît le Centre international la qualité des apprentissages de la langue française et
d’études pédagogiques sait ce que l’établisse- pour favoriser la mobilité étudiante. En outre, l’enjeu de
ment apporte, depuis des décennies, à l’ensei- la qualité est actuellement au cœur des préoccupations
gnement du français et en français, sur tous internationales en matière d’éducation. Il concerne tout
les continents. Cet engagement de longue date autant les apprentissages et les enseignements que les
se voit aujourd’hui considérablement renforcé par la systèmes et les organisations scolaires.
priorité donnée à l’enseignement de la langue française La pratique d’expertise analysée dans ce quatrième
et au plurilinguisme par le Président Emmanuel Macron, numéro des Carnets de l’expertise s’inscrit dans ce
dans son discours à l’Académie française, le 20 mars contexte. Conduite par le département langue française
2018. Ce plan ambitieux, qui fait de la langue française du CIEP à la demande de nos ambassades en Égypte
un enjeu politique de première importance, accorde une et au Liban, elle vise à introduire une démarche qualité
place particulière au développement de l’enseignement dans des établissements scolaires privés proposant des
bilingue francophone dans les systèmes éducatifs étran- filières bilingues francophones. Dans ces deux pays, où
gers. On sait en effet l’intérêt de ce dispositif pour assurer la langue française et les valeurs qu’elle véhicule font
l’objet d’un fort attachement, en dépit de la concurrence et des moyens d’y parvenir, par la mise en place d’outils
de l’anglais, l’objectif du ministère de l’Europe et des af- proposés par l’expert du CIEP, dans une perspective de
faires étrangères est d’œuvrer ainsi à l’amélioration des « co-construction » et d’adaptation au contexte. Les ana-
performances des établissements scolaires et des résul- lyses des chercheurs éclairent la position de l’expert, dont
tats des élèves. l’objectif est d’accompagner un mouvement « qui peut
Les contributions ici réunies permettent aux acteurs ensuite continuer par lui-même, parce que les acteurs
impliqués – chef d’établissement, coordinateur pédago- concernés s’en sont saisis ».
gique, attaché de coopération pour le français et experts La démarche qualité proposée par le CIEP s’inscrit dans
du CIEP – de revenir sur le déroulement du processus et un ensemble de dispositifs, tels que le LabelFrancEduca-
sur les raisons qui les ont conduits à s’engager dans cette tion, qui visent à développer l’enseignement du français
démarche. Ils en dégagent les caractéristiques principales dans les systèmes éducatifs étrangers. L’expansion rapide
et mettent en évidence l’intérêt que présente pour eux ce de l’enseignement bilingue francophone non seulement
processus continu et global d’évaluation et d’autoévalua- sur le pourtour méditerranéen, mais également en Eu-
tion. L’implantation de la démarche qualité est décrite rope, aux États-Unis et en Asie, montre l’importance de
comme une pratique innovante, qui engage l’ensemble cet enjeu pour la coopération française. Le CIEP y prendra
des équipes. C’est bien d’autonomisation qu’il s’agit ici toute sa part. ■
Pierre-François Mourier
Directeur du Centre international d’études pédagogiques
ACTION REGARDS
4 L’implantation d’une démarche 19 Un processus continu de
qualité dans l’enseignement formation et d’autoformation
bilingue francophone Samir Hoyek, Université Saint Joseph,
Liban
en Égypte et au Liban
Juliette Salabert, CIEP
22 La démarche qualité
6 Le LabelFrancEducation : dans deux établissements
vers l’autonomie des filières en Égypte : un engagement
d’enseignement bilingue collectif
Sœur Pauline Massouh, écoles des
francophone ?
Sœurs de Sainte Jeanne-Antide, Égypte
Lydie Khoudja, MAEDI
9 Récit d’expérience :
un entretien LECTURES
de Pierre-Yves Roux
avec Hervé Breton
27 Sélection documentaire
10 L’approche qualité en Bernadette Plumelle, CIEP
éducation : essai de définition
10 Le déroulement
des missions en Égypte
12 Posture et pratique
de l’expert dans le cadre
de la démarche qualité
13 Parcours professionnel et acquis
expérientiels de l’expert
14 Analyse et synthèse
de l’entretien
Hervé Breton, Université de Tours
ACTION
D
ans de nombreux pays et contextes, LA DÉMARCHE QUALITÉ
les dispositifs d’enseignement bi- Si ces établissements sont imprégnés d’une
lingue francophone sont une priori- histoire qui peut représenter un atout fort au-
té affichée de l’action des services près des familles, ils n’en doivent pas moins
de coopération linguistique et édu- évoluer, notamment pour s’adapter aux ra-
cative des ambassades de France. Il s’agit pides et importants changements sociétaux.
en effet de dispositifs circonscrits qui favo- En Égypte (2014) comme au Liban (2016),
risent une continuité de cursus et la poursuite et suivant ainsi l’exemple d’autres expériences
d’études en français dans l’enseignement conduites notamment en Europe centrale Juliette Salabert dirige depuis
supérieur. Ils permettent généralement l’at- et dans les pays baltes, les instituts français septembre 2016 le département
langue française du CIEP.
teinte de niveaux de langue supérieurs au ont décidé d’accompagner cette nécessaire
Normalienne (Saint-Cloud)
seul français langue étrangère (FLE) et sus- évolution, en proposant à des établissements et agrégée de lettres modernes,
citent un attachement fort à la langue fran- volontaires l’implantation d’une démarche elle a enseigné à l’université
çaise et aux valeurs qu’elle peut véhiculer. qualité conçue, mise en œuvre et conduite (littérature générale et comparée)
C’est notamment le cas au Proche-Orient, où la en partenariat avec des experts du CIEP. et en classes préparatoires, a été
lectrice de français à l’étranger,
présence de la langue française est étroitement Une vingtaine d’établissements, proposant enseignante et formatrice en FLE,
liée à l’histoire de la région, et plus particuliè- généralement des cursus allant des classes directrice d’alliance française en
rement en Égypte et au Liban. Dans ces deux maternelles à la fin du cycle secondaire, sont Chine et attachée de coopération
pays, la francophonie s’est en effet en grande aujourd’hui concernés par cette démarche en pour le français et le livre à
l’ambassade de France au Japon.
partie développée puis maintenue grâce à des Égypte et une douzaine au Liban.
établissements scolaires privés, le plus sou- salabert@ciep.fr
élaborés. En effet, si la question de la qualité indéniablement un caractère innovant pour Huit étapes
ne peut faire l’impasse sur les aspects qui les établissements, par rapport à des pratiques ■■ Élaboration d’un
relèvent de la pédagogie, elle n’est posée d’appui plus traditionnelles, et parfois limitées référentiel qualité
qu’après l’analyse des aspects institutionnels, au seul renforcement des compétences pro- ■■ Expertise interne
communicationnels ou encore organisation- fessionnelles des enseignants ou de l’encadre- (autoévaluation)
nels, qui conditionnent largement les relations ment pédagogique de proximité (formations ■■ Expertise externe
maître-élèves et les pratiques de classe. D’où thématiques et/ou disciplinaires). À chaque ■■ Identification de priorités
l’importance de référentiels les plus exhaus- fois, l’expérience, quels que soient le pays et ■■ Élaboration d’un plan
tifs possibles, qui permettent de lister, en les le contexte, a permis de confirmer l’intérêt de d’action
hiérarchisant, ce qui est attendu dans cha- l’établissement tout entier – et non seulement ■■ Mise en œuvre du plan
cun des domaines. Le questionnement des de sa direction – pour une démarche qui in- d’action
indicateurs retenus se fait à deux moments : vite les personnels à s’impliquer afin d’établir ■■ Régulation du plan
tout d’abord à travers une expertise interne collégialement un diagnostic raisonné et de d’action / évaluation des
(sous forme d’une autoévaluation la plus col- concevoir un plan d’action adapté et efficient. actions et de leurs effets
légiale possible), puis dans le cadre d’une Pour les instituts français, la démarche qua- ■■ Nouveaux objectifs, etc.
expertise externe. Ce double regard, à la fois lité favorise une meilleure connaissance du
croisé et complémentaire, permet d’identifier terrain et des établissements, et contribue
les points forts des établissements, mais aussi à les aider à repenser et à rationaliser leur
les domaines perfectibles, où une marge de action en direction du réseau bilingue. Elle Exemple de référentiel
progression existe. Ces constats conduisent leur permet ainsi de nouer des partenariats qualité au Liban
ensuite à la formulation de priorités et à plus étroits avec ces publics, d’identifier des (140 indicateurs)
l’élaboration de plans d’action polymorphes pistes d’action différenciées selon les établis- ■■ La politique éducative
et pluriannuels pouvant tenir lieu de projets sements et de mettre en évidence des diffi- de l’établissement
d’établissements. cultés partagées par l’ensemble du réseau (5 indicateurs)
de coopération et d’action culturelle, en vue ■■ Principes de gouvernance
LE RÔLE DES EXPERTS DU CIEP d’y apporter des réponses communes et de au sein de l’établissement
Pour implanter cette démarche qualité, les définir des orientations stratégiques à court, (11 indicateurs)
experts du CIEP sont en relation étroite avec moyen ou long terme. À travers la démarche ■■ La gestion de
les représentations diplomatiques françaises qualité, c’est donc bien l’autonomisation des l’établissement
dans les pays, et notamment les attachés de établissements partenaires qui est visée par la (13 indicateurs)
coopération éducative et/ou de coopération coopération française. Ces derniers, quant à ■■ Le pilotage de
pour le français. Ceux-ci jouent le rôle d’in- eux, apprécient d’être les seuls responsables l’établissement
terface et de relais entre les établissements de la démarche, de son rythme et de son ca- (6 indicateurs)
volontaires et les experts. Les experts du CIEP lendrier, des conclusions des expertises et du ■■ Le cadre de vie
interviennent ensuite à différents niveaux plan d’action qui en découle. de l’établissement
et à différents moments de l’implantation. (20 indicateurs)
Outre le fait de proposer la méthodologie QUELLE SUITE ? ■■ La communication
et les procédures de la démarche qualité, À l’heure actuelle, la démarche qualité se de l’établissement
ils participent directement aux travaux de poursuit en Égypte et au Liban. En fonction (14 indicateurs)
conception et d’élaboration du référentiel de l’urgence perçue par les directions, mais ■■ Les pratiques
qualité, qu’ils encadrent, ils réalisent des aussi des calendriers respectifs, de la dispo- pédagogiques dans
expertises externes d’établissements et ac- nibilité des équipes ou encore des moyens l’établissement
compagnent l’élaboration des plans d’action. mobilisables, les états d’avancement sont (37 indicateurs)
Ils peuvent également, à la demande de l’éta- très variables. Les experts du CIEP ou les ■■ La prise en charge
blissement ou de l’institut français, suivre et personnels des instituts français assurent un des élèves à
évaluer l’exécution du plan d’action pour en suivi ponctuel afin d’accompagner les pro- besoins spécifiques
mesurer l’efficacité. cessus engagés. Signal encourageant : de (12 indicateurs)
nouveaux établissements se déclarent inté- ■■ L’orientation des élèves
UNE PREMIÈRE ÉVALUATION ressés et volontaires pour adopter les outils dans l’établissement et
Le recul semble désormais suffisant pour por- et la démarche… Et potentiellement modéli- à l’issue de leurs études
ter un premier regard sur l’impact et les ef- sant, puisque d’autres pays, comme le Qatar, (7 indicateurs)
fets de cette implantation. De fait, les intérêts l’Algérie ou encore l’Arabie Saoudite ont eux ■■ L’établissement
constatés sont multiples et concernent tous aussi pris la décision d’implanter cette dé- et ses partenaires
les acteurs. La démarche qualité présente marche dans leurs établissements bilingues. ■ (15 indicateurs)
LE LABELFRANCEDUCATION :
VERS L’AUTONOMIE DES FILIÈRES D’ENSEIGNEMENT
BILINGUE FRANCOPHONE ?
Lydie Khoudja, mission de la langue française et de l’éducation, ministère de l’Europe et des affaires étrangères
L’
enseignement bilingue franco- pays d’accueil. Le MEAE élabore la stratégie
phone a une longue histoire dans de développement et d’animation du Label-
la région Afrique du Nord Moyen- FrancEducation, dont la gestion a été confiée
Orient, en particulier en Égypte, où à l’Agence pour l’enseignement français à
la langue française a été jusqu’à l’étranger (AEFE)2.
récemment enseignée comme langue vi- La stratégie 2017-2018 du ministère
vante étrangère obligatoire1, et au Liban, s’articule autour de deux axes princi-
où le système éducatif est structurellement paux : le renforcement de l’identité du
bilingue : arabe - français ; arabe - anglais. LabelFrancEducation et la nécessité d’animer Lydie Khoudja est rédactrice
D’autres pays ont une relation étroite avec le réseau à un niveau national, régional et à la mission de la langue française
et de l’éducation au ministère
la langue française, à l’instar des pays du mondial. Cette stratégie répond à la volonté
de l’Europe et des affaires
Maghreb, où la langue française demeure politique française de promouvoir le plurilin- étrangères, depuis 2014. En charge
utilisée au quotidien, notamment grâce aux guisme et la langue française. L’objectif, fixé du LabelFrancEducation, elle est
antennes des instituts français, aux établis- par le Président de la République dans le plan également responsable du suivi
sements scolaires à programme français, pour la langue française et le plurilinguisme à de la coopération éducative
et linguistique de la région Afrique
aux universités locales et enfin, aux éta- l’Institut de France le 20 mars 2018, est qu’en du Nord Moyen-Orient, et a
blissements d’enseignement bilingue qui 2022, le réseau LabelFrancEducation double séjourné dans plusieurs de ces
proposent une filière francophone à leurs son effectif d’implantation pour atteindre le pays (Égypte, Maroc,Tunisie).
élèves. Les services de coopération et d’ac- seuil de 500 filières bilingues francophones. Lydie.KHOUDJA@diplomatie.gouv.fr
tion culturelle des ambassades de France La région Afrique du Nord Moyen-Orient3
sur place travaillent depuis plusieurs décen- a fait l’objet d’une attention particulière du
nies à soutenir et promouvoir la culture de ministère depuis 2015 afin d’y implanter le
la francophonie et l’envie de plurilinguisme, LabelFrancEducation, l’objectif étant à terme
afin de favoriser, en particulier, la mobilité et d’aider les établissements bilingues franco-
l’employabilité des jeunes. phones à faire face aux défis actuels (né-
Créé en 2012, le LabelFrancÉducation est cessité de former de nouveaux enseignants
attribué par le ministère français de l’Europe de langue française et en langue française,
et des affaires étrangères (MEAE) aux filières crise de la vocation d’enseignant). La mise
d’excellence bilingues francophones d’éta- en œuvre de cette stratégie a été facilitée par
blissements locaux proposant un enseigne- l’ancrage de l’enseignement bilingue franco-
ment renforcé de la langue française et d’au phone dans les systèmes éducatifs locaux et
moins une discipline non linguistique en fran- par la bonne connaissance des réseaux d’éta-
çais, conformément au programme officiel du blissements qu’ont les postes diplomatiques.
1. Jusqu’à la rentrée 2017, le français était en position de 2e langue vivante obligatoire dans les écoles gouver-
nementales égyptiennes dans 12 gouvernorats, à titre d’expérimentation. Suite à des difficultés budgétaires et de
formation des enseignants égyptiens, il est désormais optionnel, au même titre que les matières artistiques, pour les
classes du cycle préparatoire (décret non publié).
2. Décret n° 2012-40 du 12 janvier 2012 portant création du label « LabelFrancEducation », modifié le 24 no-
vembre 2015.
3. Pour le MEAE, cette région comprend les pays suivants : Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Liban, Israël, Ter-
ritoires palestiniens, Jordanie, Yémen, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Bahreïn, Sultanat d’Oman, Syrie.
95000
élèves dans l’enseignement
209
filières
44
pays
primaire et secondaire bilingues
Introduit dans la région en juin 2014 en Tu- À cet effet, le premier forum régional Label-
nisie4, le LabelFrancEducation s’est fortement FrancEducation a été organisé par le MEAE et
développé en juin 2016, avec l’entrée dans le l’AEFE en avril 2017, au Caire, pour la région
réseau de deux pays phares de la francopho- Afrique du Nord Moyen Orient. Le choix de
nie : le Liban (14 établissements labellisés) et l’Égypte comme pays hôte s’est imposé afin
l’Égypte (12 établissements labellisés). Les de valoriser sa longue tradition francophone :
équipes locales ont mené un travail consi- l’Égypte est membre fondateur de l’Organisa-
dérable d’identification, d’analyse et d’ac- tion internationale de la Francophonie, dont
compagnement des établissements bilingues le premier Secrétaire général fut Boutros
francophones candidats. Après le Liban et Boutros-Ghali. Elle compte aujourd’hui près
l’Égypte, c’est désormais au tour des réseaux de trois millions de locuteurs francophones,
tunisien (6 établissements), algérien (3 éta- en particulier parmi les élites du pays, ce qui
blissements), iranien (2 établissements), fait du français la troisième langue de réfé-
israélien (1 établissement) et qatari (2 éta- rence après l’arabe et l’anglais.
blissements) de se constituer. On dénombre En dépit de son succès, le développement
aujourd’hui dans cette région 40 filières label- du réseau LabelFrancEducation fait face
lisées LabelFrancEducation, scolarisant envi- aujourd’hui à plusieurs défis, dus à l’hété-
ron 35 000 élèves. rogénéité des contextes dans lesquels ces
L’introduction du LabelFrancEducation filières s’inscrivent. Comment faire en sorte
dans la région vise à renouveler les pratiques qu’elles s’approprient ce réseau ? De quelle
d’enseignement de ces filières bilingues fran- manière le LabelFrancEducation permet-il de
cophones et à les accompagner vers l’auto- conforter le choix par les établissements de
nomie. L’objectif premier était de constituer l’enseignement bilingue francophone ? Pour
un réseau régional actif d’établissements, y répondre, le ministère cherche, avec ses
mettant à l’honneur les systèmes éducatifs partenaires, à construire une offre de quali-
locaux et de renforcer - voire de réinventer té, réservée aux filières LabelFrancEducation,
- la francophonie à l’échelle des établisse- dont les premiers bénéficiaires doivent être
ments puis des pays concernés. Le travail les équipes pédagogiques et les élèves. L’ob-
effectué par le Département langue française jectif est double : renforcer la conscience de
et éducation du poste diplomatique du Liban, leur appartenance à un réseau et l’intérêt de
entre 2015 et 2018, est à cet égard emblé- contribuer à son développement. ■
matique. Une stratégie de mise en réseau
des établissements à l’échelle nationale a été
élaborée : offre de formation linguistique et
pédagogique adaptée et renouvelée chaque
année pour les personnels d’encadrement,
participation aux événements culturels et
concours éducatifs de l’Institut français du Le 1er forum régional LabelFrancEducation pour la région
Liban pour les élèves, rencontres nationales Afrique du Nord Moyen Orient a accueilli les représentants
inter-établissements. de 25 établissements labellisés d’Algérie, d’Égypte, du Liban,
du Qatar et de Tunisie. Organisé en partenariat avec l’Institut
français, le Centre international d’études pédagogiques
STRUCTURER ET ANIMER LE et TV5MONDE, et avec le soutien de l’ambassade de France
RÉSEAU LABELFRANCEDUCATION en Égypte et de l’Institut français d’Égypte, il a réuni les chefs
En quelques années, le LabelFrancEduca- d’établissement, les coordonnateurs pédagogiques,
tion a connu une forte croissance (en 2013, des représentants des services culturels des ambassades
32 filières labelisées dans 9 pays ; en 2017, de France et du Lycée français du Caire ainsi que du MEAE
209 filières labélisées dans 44 pays). L’une et de l’AEFE. Cette rencontre a permis aux filières labellisées
des priorités du ministère est depuis deux ans d’échanger, de monter des projets entre personnels
la structuration et l’animation du réseau à un d’encadrement et élèves de ces filières.
niveau régional et mondial.
VOIX
L
a rubrique VOIX repose sur le récit d’expérience produit par un(e) expert(e) lors d’entretiens conduits par le cher-
cheur Hervé Breton. Ces entretiens s’inspirent de la méthode de l’entretien d’explicitation. Les questions et relances
du chercheur visent la description détaillée par l’expert des pratiques d’expertise dans des situations concrètes, puis
la recherche de régularités dans les procédés mis en œuvre au cours de sa mission.
Un à deux entretiens sont nécessaires pour chaque numéro. Ils sont transcrits puis transmis à l’expert(e) interviewé(e).
Des corrections sont possibles, pour corriger des erreurs factuelles ou apporter une précision jugée indispensable et
non pour proposer une reformulation écrite de ce qui a été dit.
Vient ensuite la phase d’analyse, conduite par le chercheur, en dialogue avec l’expert(e). L’analyse comporte deux par-
ties : 1) une thématisation, qui s’appuie sur une sélection d’extraits de l’entretien, 2) l’analyse elle-même, qui explicite
la thématisation proposée des procédés mis en œuvre par l’expert.
La révision du texte en vue de la publication vise à fluidifier la lecture, sans pour autant modifier la teneur ni le ton des
propos. Le texte est validé par l’expert(e) et par l’équipe de recherche, avant publication.
Un deuxième niveau d’analyse est ensuite proposé par Laurence Cornu, conseillère scientifique des Carnets, afin de
proposer à la réflexion quelques concepts dégagés à partir du récit de pratique et de sa thématisation.
RÉCIT D’EXPÉRIENCE :
UN ENTRETIEN DE PIERRE-YVES ROUX
AVEC HERVÉ BRETON
Pierre-Yves Roux est responsable
Au cours d’un entretien avec le chercheur Hervé Breton, de l’unité expertise et qualité
Pierre-Yves Roux, expert de la démarche qualité dans l’enseignement au département langue française
du CIEP. Il a participé à
du français à l’étranger, retrace le processus qui a conduit des l’élaboration des référentiels
établissements privés proposant des filières bilingues francophones qualité et assuré de nombreuses
expertises d’établissements dans
en Égypte et au Liban à adopter cette démarche. Il en propose le cadre de la démarche qualité.
une définition, revient sur le déroulement des missions d’expertise Auteurs de plusieurs ouvrages sur
le FLE et diplômé des universités
qu’il a menées en Égypte et propose une analyse de la posture de Rouen et d’Aix-Marseille,
et de la pratique de l’expert dans le cadre de la démarche qualité. il a travaillé près d’une trentaine
d’années à l’étranger, où il a eu
Ce récit d’expérience est ici proposé sous forme d’extraits, sélectionnés l’occasion de se trouver confronté
et regroupés en quatre thèmes par Hervé Breton, afin de mettre à la plupart des questions relatives
en évidence l’articulation entre préconisations et appropriation, à la coopération linguistique
et éducative, et d’en constater
dans la pratique de la démarche qualité. l’évolution depuis les années 70.
roux@ciep.fr
Quatrième phase : le plan d’action Mais on laisse quand même cette Cinquième phase :
Comment passer des suggestions porte ouverte, en disant : « vous avez l’accompagnement des équipes
à l’élaboration du plan d’action ? le droit de ne pas aller dans le même On laisse les établissements décider
La première question est : quelle sens que nous ». de la pertinence et de la faisabilité
est la pertinence des suggestions La deuxième question, c’est une des actions. Sur la priorisation, on
faites en conclusion à l’expertise ? étude de faisabilité. La suggestion peut les aider. Chaque établissement
Quand on passe deux jours dans paraît intéressante, pertinente, mais élabore son plan d’action. Et
un établissement pour l’expertiser, est-ce qu’elle est faisable ? Alors il quand on a vu que la question de
ce serait ridicule et prétentieux de y a deux cas de figure : soit elle est l’articulation langue/discipline non
notre part de prétendre avoir tout faisable, on verra ce qu’il en est ; linguistique (DNL) apparaissait dans
compris, tout vu, de dire : « on sait, soit elle n’est pas faisable. Et si elle tous les plans d’action, l’ambassade
on va vous dire ce qu’il faut faire ». ne l’est pas, je crois que la question de France au Caire a demandé
On s’accorde le droit, de faire des à poser est : quelles seraient les au CIEP de faire une formation
suggestions qui se révéleraient conditions de sa faisabilité ? Et on sur ce point, formation à laquelle
peu pertinentes parce qu’on étudie ensuite si ces conditions sont ont participé ces établissements,
n’était pas au courant de tous les réalisables ou pas. Si elles ne le sont pour apporter des réponses à leurs
éléments contextuels, parce qu’on pas, on peut oublier la suggestion questions. C’est-à-dire que ces
ne savait pas ceci ou cela, etc. Les ou la reporter : on y repensera dans plans d’action permettent aussi à
établissements ont tout à fait le deux, trois, cinq ans, peut-être l’ambassade de France d’orienter
droit de refuser telle suggestion de que ça aura changé. Mais si les son action en fonction des besoins
l’expert qui ne correspondrait pas conditions semblent surmontables, identifiés dans les établissements.
à leur vision de l’éducation, par on envisage de s’en donner les Ce n’est plus de l’impressionnisme.
exemple. Ils peuvent très bien dire : moyens. Et à ce moment-là, on On va intervenir là où il y a de vrais
« non, celle-ci on ne la reconnaît arrive à les rendre faisables, alors besoins, qui ont été identifiés à partir
pas ». Ça, c’est la première question. qu’elles apparaissaient infaisables de la démarche qualité.
Généralement, elle ne se pose pas. au départ.
3
Posture et pratique de l’expert dans le cadre
de la démarche qualité
L’expert comme garant existe dans le référentiel : « il existe essayé de mettre en place avec les
d’une méthode un règlement intérieur précisant les établissements.
La démarche se veut participative droits et les devoirs de chacun », On a consacré pas mal de temps à
mais, durant la phase d’élaboration un établissement, dont le règlement bien expliquer comment y arriver
du référentiel, certains domaines intérieur ne fait que préciser les et on les a accompagnés à partir
paraissent non négociables. Le devoirs de chacun sans rappeler de nos expériences passées, de la
document est suggéré, proposé à ses droits peut très bien vouloir logique et du bon sens, je dirais.
certains responsables pédagogiques enlever cette formule, mais comme Alors quelle est la place de la
des établissements, mais pas trop, elle paraît indispensable, on va logique et du bon sens, quand on
je dirais, pour éviter qu’il y ait une quand même la garder. parle d’expertise ? Je crois que
espèce d’hyper-contextualisation ça n’est pas incompatible, et j’en
et aussi que la force de l’habitude Adhésion, persuasion, rhétorique veux pour preuve que c’est un
reprenne tous ses droits, qu’ils Le référentiel n’est pas une questionnement qui fonctionne.
disent : « ça, c’est totalement finalité, ce n’est qu’un outil. Ce qui Ce qui est intéressant, c’est :
impossible, c’est utopique ». Si permet d’arriver au vrai document est-on arrivé in fine aux documents
c’est déjà en place, c’est très bien ; d’action, qui est le plan auquel auxquels on souhaitait parvenir ?
si ce n’est pas en place, il faudrait on parvient. Donc comment Pour l’instant, la réponse a toujours
voir ce qu’on peut faire pour le passer des conclusions des deux été « oui ».
mettre en place, mais on ne peut expertises – interne, externe – à
pas revenir dessus. Si je prends par l’élaboration du plan d’action ?
exemple un des indicateurs tel qu’il Il y a une méthodologie, qu’on a
sance expérientielle des méthodologies d’in- concrète de travail qui conduit à chercher
tervention en lien avec les approches qualité. à appréhender les pratiques de manière
La manière de procéder en Égypte a comporté globale.
cinq temps : l’élaboration du référentiel quali- C’est donc à partir de ce principe que la
té, l’audit-conseil qui a mobilisé les équipes démarche qualité trouve sa pertinence dans
dans un travail d’autoévaluation à partir du le récit de pratique proposé. Elle permet de
référentiel qualité ; l’audit externe qui a été requalifier ce qui pourrait être considéré
conduit par les experts ; la lecture croisée des comme des dysfonctionnements en pro-
résultats des deux audits précédemment évo- blèmes complexes, qu’il convient alors d’in-
qués ; l’élaboration d’un programme concerté terroger en prenant en compte des critères
d’actions à mettre en œuvre. qui font sens pour l’ensemble des acteurs des
La démarche a donc cherché à favoriser, établissements d’enseignement à qui la dé-
à partir de critères co-construits, un travail marche est proposée. Selon cette approche,
réflexif et collectif sur les dispositifs et les pra- la démarche qualité est l’occasion d’interro-
tiques éducatives déployés au sein des éta- ger les pratiques à partir d’instruments (le
blissements d’enseignement du/en français référentiel), en se décentrant des premières
en Égypte. Sa valeur ajoutée est notamment évidences qui peuvent conduire à attribuer
située dans sa capacité à faire évoluer les aux seuls enseignants des difficultés qui les
pratiques, à partir d’un travail réunissant l’en- dépassent et sur lesquelles ils ne peuvent in-
semble des acteurs de ces établissements, et tervenir de manière directe dans leur quoti-
qui résulte de l’analyse collective des situa- dien professionnel.
tions éducatives dans lesquelles ils exercent.
Ce travail est défini par l’expert selon deux LA POSTURE DE L’EXPERT
plans : une dimension globale et systémique, De ce point de vue, l’expertise en qualité
qui conduit à faire porter « l’enquête sur la dans les domaines de l’enseignement à l’in-
qualité » sur les pratiques des acteurs, mais ternational consiste à proposer une méthode
également sur les dispositifs, et, au-delà, sur réglée selon des étapes et des procédures
entendues comme rigoureuses, tout en fa- une transformation des pratiques et des dis-
vorisant l’implication des professionnels positifs, à la co-construction d’outils en vue
concernés. Le travail de co-construction des de l’amélioration globale de l’offre éducative.
instruments apparaît osciller, dans la pratique Durant cette phase dite d’accompagnement,
décrite, entre une dynamique de co-définition la présence de l’expert est rythmée par
des outils et celle d’une adaptation d’instru- l’avancée des équipes dans la démarche :
ments déjà existants, qu’il s’agit alors d’ajus- diagnostic, autoévaluation, évaluation ex-
ter aux spécificités des situations concrètes terne, élaboration du plan d’action… Ce-
vécues dans les établissements. L’expert est pendant, une fois l’expertise achevée et les
alors garant de l’efficacité et de la validité de instruments mis en place, le travail n’est pas
la démarche et des instruments. Pour cela, il terminé. Il faudra régulièrement réinterroger
conseille sur ce qui est possible, mais aussi les pratiques, questionner de nouveau la
sur ce qui est nécessaire et, de ce fait, doit pertinence des outils, inventer de nouvelles
être mis en œuvre. Il lui revient donc de savoir manières de faire. Faut-il alors considérer
mobiliser les équipes, de les impliquer, de les que l’expérience vécue (et accompagnée)
accompagner, voire de négocier si certaines par les acteurs lors de la phase initiale de
résistances adviennent ou si des réticences mise en œuvre de la démarche leur aura
sont exprimées autour de l’exploration des permis de savoir comment procéder pour
dispositifs particuliers au sein des établisse- continuer à maintenir vivantes et évolutives
ments scolaires. les procédures qui auront été pour partie
La visée est affirmée de manière nette : la prescrites ? Cette question est inhérente
finalité, c’est l’efficacité pédagogique. Et, se- aux approches qualité elles-mêmes. Elle in-
lon cet enjeu, il y a des paramètres qui sont terroge les logiques d’intervention fondées
pensés et dits dans l’entretien comme incon- sur l’apport de méthodologies auxquelles
tournables. En d’autres termes, la posture af- les acteurs peuvent se trouver en situation
firmée est proche de celle de l’audit, voire du de se conformer, au risque de devoir en-
conseil. Elle assume, si cela est nécessaire, suite appliquer des procédures sans pouvoir
d’être prescriptive : une méthode est propo- prendre en compte la dimension nécessai-
sée, une analyse participative des pratiques rement évolutive de la vie des collectifs de
et des dispositifs est réalisée ; et, en ce qui travail. C’est avec ces paradoxes que l’expert
concerne le plan d’action, la responsabilité du doit concrètement composer, afin de contri-
verdict est assumée par l’expert. Il lui revient buer à faire évoluer les pratiques des ensei-
alors d’expliquer et de convaincre de la né- gnants vers plus d’efficacité tout en évitant
cessité des mesures proposées. l’écueil des logiques qui, tout en étant sys-
témiques, peuvent devenir systématiques.
LES RYTHMES DE L’INTERVENTION Sont ici interrogées les logiques d’efficacité
DANS LA DÉMARCHE QUALITÉ qui fondent la démarche qualité décrite. Les
Un dernier paramètre mérite maintenant ré- résultats atteints au cours des missions ne
flexion : celui des rythmes de l’intervention peuvent en effet qu’être intermédiaires. Il
de l’expert au cours de la mission et du de- revient aux équipes éducatives de s’organi-
venir des actions à initier, lorsque sa mission ser pour continuer à réfléchir collectivement,
est terminée. La démarche qualité présentée après la mission d’expertise elle-même, les
apparaît en effet comme l’occasion d’un tra- pratiques et les dispositifs, quitte à s’éman-
vail participatif, qui implique l’ensemble des ciper des règles précédemment établies. Le
acteurs des établissements d’enseignement travail autour de la qualité est, de ce point
du français en Égypte. Ce travail est accom- de vue, à inscrire dans un agenda qui dé-
pagné au gré des différentes phases qui ont passe celui du calendrier de l’intervention
été précédemment énoncées. Il aboutit à elle-même. ■
L
a « qualité » apparaît le maître mot attendus par cette instance). Et on oublie que
invoqué dans divers champs : dans la l’on peut être efficace sans être pertinent !
fabrication d’objets (bâtiment, véhi- L’« assurance qualité » a pour fonction d’of-
cules), mais aussi s’agissant de ser- frir la garantie au client qu’il trouvera dans
vices : dans les gares, à l’hôpital, dans l’institution ce qu’elle a promis. Beaucoup de
l’éducation… Elle serait d’une part l’annonce questions se posent : dans les institutions qui
d’un engagement vis-à-vis du « client », vi- nous occupent, qui est le « client » ? Ce qui
sant à sa satisfaction, eu égard à l’objet ven- est promis est-il nécessairement pertinent ?
du ou au service rendu (à ajuster avec ce Le contentement, le plaisir, la satisfaction du Laurence Cornu est professeure
qui est attendu en termes de déplacement, client ou de l’usager peuvent-ils être le seul émérite (philosophie et sciences
de l’éducation), département des
santé, éducation…) ; celle d’une nouvelle critère de qualité ?
sciences de l’éducation et de la
fonctionnalité et d’une meilleure gestion des La « gestion de la qualité » a pour fonction formation de l’Université François
ressources, celle d’un professionnalisme, de mettre en place au sein de l’institution un Rabelais de Tours (France),
d’une nouvelle « gouvernance » entendant dispositif impliquant les acteurs concernés membre de l’équipe de recherche
renouveler le « management ». Tout cela pour améliorer les processus de fonctionne- EA7505 Éducation, Éthique Santé
(Travailler ensemble et prendre
peut légitimer d’avoir recours à un expert. ment visant à obtenir les produits ou effets soin). Ses recherches relèvent
D’une manière très générale, on peut in- attendus. On ajoute ici, en amont du contrôle de la philosophie contemporaine
terroger cette extension de champ, et il ne de qualité, une action sur les processus y me- et de l’anthropologie politique
va pas de soi que la fonctionnalité qui s’ap- nant. Mais les effets attendus sont déterminés de l’éducation.
plique dans la fabrication d’objets convienne par qui ? Quand ? Standard et standardisation laurence.cornu-bernot@univ-tours.fr
à « l’amélioration » d’un service. La détermi- ne sont pas loin. D’où l’intérêt du concept
nation de « standards » de qualité (qui, dans suivant :
la fabrication, caractérisent les qualités des La « démarche de qualité » a pour fonc-
objets – résistance, fiabilité, etc.) n’induit-elle tion de faire entrer dans l’institution une dé-
pas justement des standardisations réduisant marche impliquant tous les acteurs (comme
les choix d’action ? co-responsables et donc comme partenaires)
On entend aussi ceci : « J’ignore comment et toutes les dimensions organisationnelles
définir la qualité, mais je sais quand elle est à la recherche d’une qualité en développe-
manquante » (Cusins, 19941). C’est pourquoi, ment (« une symphonie inachevée » et qui
quand on parle de qualité, on dit qu’il s’agit sera toujours inachevée).
d’un concept multidimensionnel et relatif, Dans ce dernier cas, ce qui importe est
pouvant prendre des sens multiples en fonc- bien un processus (que dit bien le terme de Jean-Marie De Ketele est
tion du contexte, des personnes qui tentent démarche) et il est « global », il implique tous professeur émérite de l’Université
catholique de Louvain (Belgique)
de l’approcher et des buts qu’ils poursuivent. les acteurs : contrairement au contrôle de
et titulaire de la chaire Unesco
On trouve alors des distinctions entre plu- qualité ou à l’assurance qualité, et même à la en sciences de l’éducation
sieurs concepts : gestion de la qualité, qui sont uniquement ou de l’Université Cheikh Anta-Diop
Le « contrôle de qualité » a pour fonction trop concentrées sur les performances finales de Dakar (Sénégal). Comme
de contrôler si les effets observés dans une (et donc exclusivement ou trop tournées vers chercheur, il reste associé au
Girsef (Groupe interdisciplinaire
institution correspondent (sont conformes) les acteurs au plus proche de l’action), la de recherche sur la socialisation,
aux effets prescrits. Les mots en gras sont démarche qualité estime que la responsabi- l’éducation et la formation). Comme
significatifs, quand on examine leurs conno- lité des effets observés n’incombe pas à une consultant ou expert, il a travaillé
tations ! Une instance a défini des standards catégorie d’acteurs, mais qu’il s’agit d’une dans de nombreux pays du Nord
et du Sud sur les réformes
et le contrôle de qualité revient à évaluer l’ef- responsabilité collective des acteurs et des
des systèmes éducatifs.
ficacité (rapport entre effets observés et effets différents sous-systèmes de l’organisation.
jean-marie.deketele@uclouvain.be
1. CUSINS P. (1994) : Understanding quality through systems thinking, TQM Magazine, n° 5-6, p. 39-61.
À la notion de démarche qualité est ainsi Dans une démarche qualité, l’examen d’un
liée la notion d’organisation apprenante, référentiel est le déclencheur d’une réflexion
constamment et toujours apprenante, ca- collective sur des points d’intérêt à observer,
pable de développer une professionnalité à réfléchir, à travailler en commun, ce qu’on
émergente collective et personnelle (cette pourrait appeler un ensemble de points
dernière se forgeant principalement à travers « d’attention conjointe ». Et cela a pour effet
le travail collectif), une compétence perma- de transformer le rapport de la collectivité à
nente à innover, dans un processus d’objec- son objet de travail en commun.
tivation et d’explicitation, impliquant réflexion L’action de l’expert est alors d’« accom-
critique et controverse, s’établissant dans pagner » un mouvement, à partir d’une
une relation de confiance en soi, à autrui et proposition de vue systémique, mouvement
dans les dispositifs organisationnels (Jorro, qui s’autonomise ensuite de l’expert, et peut
De Ketele, 20132). continuer par lui-même parce que les ac-
Penser l’expertise (avec sa qualité tech- teurs concernés s’en sont saisis. L’expertise
nique) comme mise en mouvement d’un pro- de l’expert est avant tout de faire émerger
cessus, « global », sur le long terme, ayant chez chaque acteur ses savoirs d’expérience
pour effet qu’un collectif se saisisse de la et de l’amener à confronter ceux-ci avec les
question de ce à quoi il « travaille ensemble », savoirs d’expérience des autres acteurs. Y
cela permet de dégager les points suivants : compris de les confronter à des savoirs d’ex-
L’expertise de l’expert, dans ce processus, périences d’acteurs externes à l’institution,
est certainement un savoir et apport tech- car on ne connaît bien son institution qu’en
nique, un savoir d’efficacité. Mais c’est aus- en connaissant d’autres.
si une expérience, un savoir agir, un savoir C’est alors renouveler la posture de
déclencher, un savoir agir avec autrui, qui co-opération, de façon moins dissymé-
permet aux interlocuteurs d’engager un pro- trique, moins surplombante – c’est prendre
cessus, et cela dans une approche « systé- en fait dans son sens plein le terme de coo-
mique », autant que dynamique. pération. ■
2. JORRO A., DE KETELE J.-M. (2013) : L’engagement professionnel en éducation et formation, Bruxelles : De Boeck.
E
n octobre 2016, à la demande de vue de rapprocher son établissement de cet
l’Institut français de Beyrouth, état souhaité.
Pierre-Yves Roux, du département Une fois ce référentiel de qualité rédigé2,
langue française du CIEP, a lancé chaque chef d’établissement mobilise sa
l’autoévaluation, comme axe prin- communauté éducative pour entreprendre
cipal de la démarche qualité, dans sept l’autoévaluation, qui consiste à comparer l’éta-
établissements privés labellisés LabelFranc blissement tel qu’il est à l’image idéale qu’on
Éducation, dont quatre lasalliens1. J’ai ac- s’en fait et à dégager les points forts et les
compagné ces quatre derniers en ma qualité points faibles de ce dernier. Deux ou trois de Samir Hoyek est professeur
de directeur du Centre pédagogique lasallien ces points faibles seront considérés comme en sciences de l’éducation à
l’Université Saint Joseph, chargé
libanais (CPLL), chargé de la formation des objectifs prioritaires de l’action collective pro-
de missions par l’Unesco et par
personnels des établissements lasalliens du chaine – ou du projet d’établissement. Cette la Banque mondiale, chargé
Liban. démarche qualité est un processus circulaire, de formations en pédagogie
Je continue actuellement à le faire en ma continu, puisqu’après la phase de réalisation universitaire. Il a dirigé le Centre
qualité de chargé de mission en démarche des objectifs prioritaires, on reprend l’auto‑ pédagogique lassalien libanais de
2005 à 2012, et est actuellement
qualité auprès des chefs d’établissements évaluation pour dégager à nouveau d’autres chargé de missions auprès des
lasalliens. La démarche qualité, telle que pré- points faibles qui méritent d’être traduits en chefs d’établissements lasalliens. Il
sentée par P.-Y. Roux, est une démarche col- objectifs prioritaires. Et le cycle continue. a formé pendant plus de trente ans
lective qui consiste, pour une communauté Quatre moments ont marqué les commu- des coordinateurs pédagogiques
et des enseignants, et a publié
éducative, à se doter d’un référentiel de qua- nautés éducatives que j’ai accompagnées
de nombreux articles sur la
lité, profil idéal de l’établissement, et à agir en dans cette expérience : le lancement du projet francophonie libanaise et sur
l’enseignement du français
au Liban, ainsi que trois séries
1. On dit « lasalliens » en référence à Saint Jean-Baptiste de La Salle, fondateur de la Congrégation des Frères des de manuels d’enseignement
écoles chrétiennes. du français (Hachette-Antoine, La
2. Ce référentiel de qualité a été conçu et rédigé par un groupe encadré par P.-Y. Roux et formé des directeurs des Phénicie, L’Imprimerie Orientale).
bureaux pédagogiques des groupements scolaires auxquels appartenaient les sept établissements engagés dans samir.hoyek@usj.edu.lb
le projet d’autoévaluation.
propre rapport à ses élèves, à ses collègues, comme outil de communication et doivent
aux responsables hiérarchiques, à son éta- pouvoir comprendre et exprimer en français
blissement. Inéluctablement, cette évaluation leurs idées et leurs sentiments, mais aussi
a incité chaque évaluateur à se remettre en les phénomènes mathématiques et scienti-
question, à développer sa réflexivité, à s’au- fiques. Les enseignants de français et les en-
toévaluer. Chacun des participants à cette seignants de DNL ont pris conscience de leur
évaluation a dû en dégager ses propres ob- responsabilité collective et de leur nécessaire
jectifs prioritaires pour le proche avenir. collaboration. Ainsi, depuis mai-juin derniers,
on assiste à un phénomène tout à fait nou-
Le choix des objectifs prioritaires6 veau : on réclame des sessions de mise à ni-
Il est heureux de constater que les quatre veau linguistique destinées aux enseignants
établissements ont décidé d’entreprendre des DNL, ainsi que des sessions pour favo-
prioritairement des projets aux niveaux de riser et pour opérationnaliser la collaboration
la création d’un environnement francophone entre ces derniers et les enseignants de fran-
dans leur établissement, du développement çais, la maîtrise du français devient un critère
de la maîtrise du français par les enseignants de base dans le recrutement des enseignants
de disciplines non linguistiques (DNL) et de de DNL et la création d’un environnement
la collaboration entre ces derniers et les en- francophone représente une responsabilité
seignants de français. En fait, les différentes portée par tous, depuis le chef d’établisse-
communautés éducatives qui se sont enga- ment jusqu’au surveillants.
gées dans le projet d’autoévaluation ont dé- Ce projet de démarche qualité a réalisé
couvert pour la première fois, à travers ce l’objectif principal pour lequel il a été conçu :
projet, la spécificité et les exigences de l’en- inscrire l’établissement qui s’y engage dans
seignement bilingue (environnement franco- un processus continu d’autoévaluation. Ce-
phone, usage du français comme langue de pendant, au-delà de cet objectif, il a obtenu
communication, responsabilité à ce niveau le passage à une démarche participative de
des enseignants des DNL, etc.). Elles ont gestion de l’établissement, il a créé une am-
compris que, pour réussir un enseignement biance de collaboration entre les membres
bilingue, on ne peut plus se contenter de de la communauté éducative et, surtout, il a
consacrer un certain nombre d’heures heb- inscrit les éducateurs qui s’y sont impliqués
domadaires à l’enseignement du français. Il dans un processus continu de formation et
faut que les élèves maîtrisent cette langue d’autoformation. ■
6. Le choix final des objectifs prioritaires à retenir a été proposé par le comité de pilotage à la communauté éduca-
tive réunie en assemblée.
Sœur Pauline Massouh, responsable des écoles des Sœurs de Sainte Jeanne-Antide en Égypte
D
epuis plusieurs années, les éta- et projets au département langue française du
blissements bilingues franco- CIEP. Il s’agissait de viser l’amélioration de la
phones avec enseignement du qualité de l’enseignement en Égypte.
et en français de la maternelle Comme toute nouveauté, la démarche
jusqu’au baccalauréat égyptien, qualité a rencontré, au début, une certaine
et en particulier ceux de la congrégation réticence de la part des enseignants car elle
des Sœurs de la Charité de Besançon, s’at- nécessitait un effort impliquant l’ensemble de
tachaient à élaborer chacun leur propre l’organisation de l’établissement et conduisait
projet d’établissement, qui s’étendait sur à repenser des habitudes de travail, voire à Sœur Pauline Massouh est agrégée
deux ou trois années consécutives. Ce projet des changements structurels. de littérature française de
l’université d’Alexandrie. Après
portait souvent sur les volets éducatif et La conviction que l’autoévaluation, en plus
avoir été enseignante, puis
pédagogique, en vue d’enraciner les valeurs de l’expertise externe, est nécessaire pour dé- directrice d’études, elle est
morales dans l’esprit des élèves, d’améliorer couvrir les points forts et ceux qui sont per- aujourd’hui chef d’établissement,
leur niveau en langue française et dans les fectibles, et concevoir par la suite des plans responsable des écoles des Sœurs
disciplines non linguistiques et d’élargir leur d’action pour remédier aux problèmes, grâce de Sainte Jeanne-Antide en Égypte,
et s’implique particulièrement dans
horizon culturel, scientifique, technologique à l’encouragement de l’équipe de direction le soutien aux équipes
et artistique. et des coordinateurs pédagogiques des dis- pédagogiques pour l’amélioration
En 2012, dans le cadre de l’amélioration ciplines, responsables de cycles (primaire, de l’enseignement et la mise en
des pratiques institutionnelles et pédago- préparatoire, secondaire), a été le résultat place des projets d’établissement.
giques en Égypte, l’Institut français d’Égypte d’un processus : les enseignants se sont vite srpauline_massouh@yahoo.fr
(IFE) a choisi notamment nos deux établis- mis au travail et ont pu adopter cette nouvelle
sements du Caire et d’Alexandrie pour les perspective, aussi bien dans leurs façons
préparer à la démarche qualité. Pour la coo- d’aborder le programme que dans celle de
pération éducative bilatérale entre la France gérer leurs classes.
et l’Égypte, le secteur des établissements En nous appuyant sur le document de
bilingues francophones constitue une priori- synthèse générale de l’expertise réalisée,
té. L’IFE a donc organisé une formation pour l’exercice a en particulier consisté à formu-
le personnel d’encadrement de plusieurs ler ensemble, en équipe, des commentaires
établissements bilingues, du 29 octobre au et suggestions à partir de six questions : prin-
9 novembre 2012 au CIEP, à Sèvres. Les di- cipaux atouts et points forts de chaque éta-
rectrices de nos écoles étaient du nombre. blissement, points perfectibles notés, cinq
L’année suivante, du 27 novembre au 7 dé- recommandations principales, effets attendus
cembre 2013, un autre stage a été organisé. des actions envisagées.
Des enseignants et des coordinateurs péda- Des axes prioritaires ont été fixés, avec
gogiques y ont participé. des objectifs opérationnels. Puis des actions
En 2013 également, suite à un audit mené concrètes ont été mises en place dans le
dans le cadre du « Projet bilingue » lancé par cadre du volet pédagogique du projet d’éta-
l’IFE, nos deux établissements, Sainte-Anne blissement. Ces suggestions avaient pour
du Caire et Sainte Jeanne Antide d’Alexandrie, objectif d’améliorer la qualité et l’efficacité du
se sont engagés dans la démarche qualité me- travail effectué, en intégrant des éléments de
née par le CIEP, avec la collaboration de Pierre- réforme interne. Parmi les priorités retenues
Yves Roux, responsable de l’unité d’expertise figuraient les objectifs suivants :
■■ améliorer l’articulation langue / DNL et dé- Outre le maintien de la relation entre l’éta-
velopper les projets interdisciplinaires ; blissement et les parents à travers le site
■■ renforcer la cohérence pédagogique hori- Internet de l’école, la planification de ren-
zontale et verticale au sein de l’établisse- contres selon les cycles et les besoins et le
ment ; fait que les responsables des cycles ont été
■■ renforcer la communication et l’ouverture pourvus de téléphones portables, notre éta-
sur le monde. blissement entretient également une relation
Avant l’introduction de la démarche qualité vivante et continue avec les anciennes élèves.
dans ces deux établissements, la collabora- Nous avons collecté leurs coordonnées pour
tion interdisciplinaire se faisait au cas par cas, pouvoir les contacter plus facilement. Elles
selon les besoins. Par la suite, cette collabo- ont formé le « comité des anciennes » et par-
ration a été plus systématiquement mise en ticipent en nombre aux fêtes et aux manifes-
œuvre. Notamment, elle a pris un élan plus tations scolaires. Elles apportent une aide à
régulier avec le projet « disciplines non lin- l’orientation post-baccalauréat des élèves et
guistiques (DNL) », qui concerne l’enseigne- partagent leur expérience universitaire avec
ment en français des mathématiques et des elles.
sciences, avec un référentiel préparé par L’accent a également été mis sur l’intégra-
les professeurs de français et de DNL ; elle tion des élèves à besoins particuliers, pour
a fait le relais entre la maternelle et le petit travailler ensemble à leur adaptation réus-
primaire. De plus, les enseignants ont élaboré sie, par exemple à travers une aide fournie
un projet inter-cycles sur le régime alimen- à celles qui sont en difficulté via des cours
taire, au niveau du cycle complémentaire, et de renforcement. Ces actions, dont le résultat
réalisé des projets sur le clonage et la greffe, peut être mesuré notamment dans les sta-
en échangeant, via Internet, avec un établis- tistiques et les pourcentages de réussite au
sement libanais du secondaire. Enfin, tous les baccalauréat et au DELF B1 et B2, soulignent
cycles et toutes les disciplines ont collaboré l’épanouissement des équipes et des élèves
à la rédaction et à la réalisation de la revue et témoignent des progrès effectués, depuis
scolaire annuelle La Flamme. l’introduction de cette approche de la dé-
L’engagement des équipes dans une dé- marche qualité.
marche qualité a également eu un impact sur Plusieurs objectifs ont été atteints. L’impact
le choix et le recrutement des professeurs ; sur les apprenantes est tangible. Cette varié-
le niveau DELF B1 et B2 est désormais exigé té d’actions menées a fait d’elles des « ac-
des candidats. Une nouvelle importance a été trices » de leur formation et les a épanouies.
donnée à la formation linguistique et pédago- Nous suivons désormais la méthodologie de
gique des coordinateurs et des enseignants, travail suivante, pour toute démarche :
qu’elle soit interne ou externe à l’IFE, et à la ■■ planifier (définir les méthodes, outils, ob-
transmission aux autres professeurs des com- jectifs communs…) ;
pétences acquises dans le cadre des forma- ■■ mettre en place des actions ;
tions suivies. D’autres changements ont été ■■ contrôler, vérifier l’atteinte des objectifs
apportés, en vue d’améliorer le niveau et les fixés et les résultats associés.
méthodes d’apprentissage de la langue fran- Nous avons ainsi pu améliorer la commu-
çaise, grâce à : nication externe et interne, et constituer un
■■ une participation régulière et dense aux di- dossier de candidature « LabelFrancÉduca-
verses activités proposées par l’IFE et par tion » pour nos deux établissements du Caire
l’Association égyptienne des professeurs et d’Alexandrie. La démarche qualité a contri-
de français (APEF) ; bué à l’amélioration des méthodes de travail
■■ l’abonnement à la bibliothèque de l’IFE et à et du niveau des enseignants et des élèves.
Al-Ahram Hebdo, C’est une démarche efficace qui vise à fournir
■■ l’intégration du DELF Prim, aux pro- un apprentissage de haute qualité, à travers
grammes du cycle primaire ; l’autoévaluation continuelle. ■
■■ la création d’un environnement franco-
phone au sein de l’école ;
■■ le renouvellement des manuels scolaires,
du cycle maternel au secondaire.
L
e réseau des écoles bilingues fran- enseignants, s’engage dans une démarche
cophones en Égypte comprend une réflexive, de transparence et de concertation,
cinquantaine d’écoles bilingues, pour améliorer les performances de l’école et
avec enseignement du et en français, des élèves. La démarche qualité ne vise donc
depuis la maternelle jusqu’au bac- pas la conformité à des normes ni l’obtention
calauréat égyptien. C’est l’un des réseaux d’un niveau seuil mais plutôt à enclencher
d’écoles bilingues parmi les plus importants une réflexion commune sur ce qui, de façon
au monde, dans un pays non francophone. continue, permettrait d’améliorer l’efficaci-
L’Institut français d’Égypte (IFE) accom- té, notamment par la mise en place d’une Claudia Calvo est attachée de
pagne ces établissements pour la formation culture de l’évaluation et de l’autoévaluation. coopération pour le français à
l’Institut français d’Égypte (IFE),
des professeurs et l’expertise, notamment à Cette démarche qualité est en ce sens tout à
depuis octobre 2015. Elle est
travers la démarche qualité. fait conforme à la philosophie portée par le chargée de l’animation du réseau
L’IUFP, Institut universitaire de formation LabelFrancEducation. des écoles bilingues francophones
des professeurs, dispositif professionnali- L’intérêt de la démarche qualité proposée d’Égypte. Elle est également
sant de formation des enseignants de fran- par le CIEP en matière d’enseignement bi- responsable de l’IUFP, Institut
universitaire de formation des
çais, de mathématiques et de sciences des lingue réside aussi dans le regard extérieur professeurs, dispositif de formation
écoles bilingues, a été créé au sein de l’IFE en de l’expert, qui dresse un état des lieux à professionnalisant au sein de l’IFE.
2004, d’abord en collaboration avec l’IUFM plusieurs niveaux de ce qui se passe dans Auparavant, elle a occupé
de Paris, puis avec l’Espé de l’académie Pa- l’établissement. La phase de formation qui différents postes relevant de la
coopération éducative et
ris-Université Paris-Sorbonne, ainsi qu’avec intervient ensuite est différente, car le pro-
linguistique, notamment en Europe
le ministère égyptien de l’éducation et l’Uni- cessus vise à améliorer les compétences centrale et orientale et au Cap-Vert.
versité Aïn Shams. Cet institut propose trois professionnelles de personnes, qui vont en- Claudia.Calvo@institutfrancais-egypte.com
parcours de formation, qui comportent des suite contribuer à l’amélioration de la forma-
cours théoriques à l’IFE, ainsi qu’un suivi pé- tion de leurs collègues et des performances
dagogique dans des écoles, sous forme de des élèves.
stage pratique :
■■ la formation initiale, en un an, s’adresse
aux professeurs débutants ou aux nou-
veaux enseignants, dans le cadre d’une
reconversion professionnelle ;
■■ la formation continue, sur deux ans,
concerne des professeurs en activité qui Une convention-cadre entre le CIEP et l’IFE, complétée
souhaitent se perfectionner ; chaque année d’un avenant, définit le plan d’action en appui
■■ la formation de formateurs, en collaboration à l’enseignement bilingue. Tous les ans, ce plan d’action
avec l’Espé de l’académie Paris-Université annuel commence par un séminaire bilingue, qui réunit
Paris-Sorbonne. pendant deux jours près de 400 acteurs de l’enseignement
À ce jour, la démarche qualité a été bilingue, à tous les niveaux. Ensuite, tout au long de l’année,
introduite dans vingt établissements privés des actions de formation sont animées par des formateurs
en Égypte. Cette démarche, qui propose égyptiens et français.
des outils permettant une approche globale
et dynamique de l’établissement, constitue
en effet un procédé efficace pour que l’en-
semble des acteurs concernés, chefs d’éta-
blissement, responsables pédagogiques,
CHARTE DE L’EXPERTISE
DU CIEP
LE CIEP, OPÉRATEUR PUBLIC À L’INTERNATIONAL
POUR L’ÉDUCATION ET LA FORMATION
Le Centre international d’études pé- partenaires nationaux et internationaux, Le CIEP s’appuie, pour mener ses actions,
dagogiques (CIEP) est un établissement pour conduire des activités d’expertise, sur sa capacité à mobiliser les acteurs
public national placé sous la tutelle du de formation, de gestion et d’évaluation de français et étrangers de l’éducation et de
ministère de l’éducation nationale de l’en- projets. la formation, ainsi que sur sa connais-
seignement supérieur et de la recherche. sance et son analyse des réalités et des
Il perpétue une longue et riche histoire de Les principes généraux enjeux de l’éducation dans le monde.
l’éducation en France puisque c’est dans du CIEP En tant qu’acteur de l’éducation sur la
ses bâtiments que fut créée, en 1881, Le CIEP œuvre dans le respect de la scène internationale, il promeut et met en
l’École normale supérieure de jeunes filles Constitution et des principes fondamen- œuvre une démarche de co-opération et
de Sèvres. taux de la République française, ainsi que de co-construction avec ses partenaires
À sa création en 1945, le CIEP s’inscrit des valeurs de respect de la dignité hu- français et étrangers (ministères, écoles
dans l’héritage de Jean Zay, ministre de maine, des droits de l’homme et de l’en- ou réseaux d’écoles, autorités régionales,
l’éducation en 1936, grand réformateur et fant, de l’égalité entre les hommes et les établissements publics et privés).
figure emblématique de la démocratisation femmes, exprimées dans un ensemble de Les activités du CIEP s’inspirent de trois
de l’enseignement. Gustave Monod, fon- textes de portée universelle tels que la Dé- principes :
dateur du CIEP, à l’initiative d’innovations claration universelle des droits de l’homme Développer la solidarité professionnelle
pédagogiques et de réformes importantes (1948 – article 26), la Déclaration des entre partenaires et experts pour renforcer
telles que les « classes nouvelles », donne droits de l’enfant (1959), la Convention les compétences mutuelles ;
pour mission à l’établissement d’adosser internationale relative aux droits de l’en- Capitaliser et partager les connais-
la réforme de l’école à la comparaison des fant (1989), la Déclaration universelle de sances, construire et développer les com-
systèmes éducatifs. Ainsi, le CIEP est de- l’Unesco sur la diversité culturelle (2005). pétences, en liaison notamment avec les
puis l’origine tourné vers la coopération en Attentif aux grandes orientations dé- différents lieux producteurs de savoirs ;
éducation. Il s’est constitué au fil du temps finies à l’échelle internationale, à une Évaluer les actions menées, conformé-
comme un lieu de débats, de réflexions et conception de l’éducation entendue ment à l’exigence de qualité.
d’échanges internationaux. comme un bien commun mondial, le CIEP
Opérateur du ministère de l’éducation agit en faveur de la diffusion d’une édu- Un expert mandaté par le CIEP adhère
pour l’international, le CIEP met en œuvre cation de qualité pour tous et en faveur à ces principes et :
la coopération française en matière édu- de la diversité culturelle et linguistique, ■ prend en compte le contexte de son in-
cative et linguistique et contribue à l’ou- car elles sont des facteurs d’émancipation tervention et s’y adapte ;
verture européenne et internationale du individuelle, de développement écono- ■ s’attache à créer les conditions de la
système éducatif français. Son statut d’éta- mique et d’amélioration des conditions de confiance réciproque: en explicitant
blissement public et ses capacités d’auto- vie collective, notamment par la réduction ses méthodes, en évaluant son action,
nomie financière lui permettent d’adapter des inégalités sociales et territoriales et la en recherchant l’enrichissement de ses
ses réponses aux sollicitations de ses promotion de la démocratie et de l’État de connaissances et de ses compétences,
partenaires : services de coopération des droit. Le CIEP contribue au rayonnement dans un esprit d’écoute, de dialogue et
ambassades françaises à l’étranger, minis- de la langue française et de la francopho- d’échange ;
tères étrangers de l’éducation, universités, nie, dans le respect des cultures, des lan- ■ garantit le caractère impartial et in-
établissements de formation, etc. gues et des modes de vie et de pensée de tègre de son expertise à ses partenaires
Les équipes du CIEP interviennent dans ses partenaires. étrangers et français, aux bénéficiaires
les différents champs de la coopération des actions et à ses donneurs d’ordre;
en éducation et pour la langue française : Les principes d’action des experts ■ observe dans ses activités un devoir
enseignement général et formation tech- du CIEP de réserve et de confidentialité et agit
nique et professionnelle, apprentissage L’expertise portée par le CIEP concerne conformément aux lois françaises et à
et pratique du français dans le monde, la définition, la mise en œuvre et l’évalua- celles des pays partenaires ;
certifications en langues, mobilité, recon- tion des politiques publiques visant l’accès ■ agit pour la recherche du bien com-
naissance des diplômes notamment. Elles universel à une éducation de qualité pour mun, en visant l’efficacité, l’efficience et
s’appuient sur un réseau d’experts et de tous et la formation tout au long de la vie. l’équité.