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à Poitiers
Dans toutes les villes provinciales de taille moyenne, les sociétés orphéoniques sont
présentes à chaque occasion : commémorations, inaugurations, vernissage ou clôture d’une
exposition, concerts de bienfaisance et la traditionnelle fête de la Sainte-Cécile… Les
concours d’orphéons, comme nous l’avons dit précédemment, sont une des motivations
principales des orphéonistes, un date majeure de leur calendrier. Ces concours sont également
l’occasion pour les sociétaires de faire des voyages, certaines gens n’ayant jamais dépassé les
frontières régionales. Paul Rougnon1, poitevin d’origine, écrit dans son Petit manuel à l’usage
des sociétés chorales et instrumentales :
« Les concours musicaux dans des localités éloignées sont
également un très appréciable élément d’émulation et d’encouragement au
travail. L’émulation est un puissant levier dans les ambitions d’une société.
Dés qu’elle a décidé de prendre part à un concours, la société s’y prépare
avec ardeur par un travail consciencieux, afin d’obtenir des récompenses
apportant l’honneur et le prestige. […] D’autre part, c’est une occasion
attrayante pour les sociétaires de connaître des régions inconnues, de voir
des beaux monuments et des sites pittoresques. […] Les voyages
instruisent et élèvent le niveau intellectuel quand on sait en tirer un heureux
parti. L’esprit est comme le corps ; il se paralyse quand il n’est pas
exercé. »2
Lors de ces concours, les orphéons sont classés en plusieurs, généralement quatre ou
cinq, divisions de niveau musical elles-mêmes parfois partagées en subdivisions. Le
1
2
Paul ROUGNON, p. 25.
1
classement se fait en fonction des prix obtenus antérieurement, les sociétés ayant obtenues un
premier prix dans une division ou section de division (subdivision) dans un précédent
concours sont tenues par le règlement de s’inscrire dans la division ou subdivision supérieure.
Malgré le grand nombre de sociétés participantes, une compétition équitable est alors possible
entre des sociétés venues de partout. Les morceaux imposés sont choisis selon leurs difficultés
et joués sous le regard des orphéons concurrents, ce qui renforce l’envie d’arriver au concours
bien préparé, avec une valeur musicale sûre.
Un concours est d’abord un défi pour les organisateurs ou la société organisatrice.
L’organisation matérielle, les transports, la diffusion, le choix des jurys, le recherche des
fonds nécessaires, l’achat des récompenses, l’accueil et d’autres faits inhérents à la réalisation
d’une telle manifestation relève du comité d’organisation créé pour l’occasion, en
collaboration avec les administrations municipales et régionales.
A Poitiers, ces démarches sont facilitées par le caractère d’ambassadeur culturel de la
ville. En effet, Poitiers, dont l’université est reconnue par l’Europe entière depuis le XVème
siècle, est un foyer des arts et des lettres, une ville de connaissances, « où se mêlaient
mondanités et beaux discours, justifiant le titre honorifique : L’Athènes du Poitou »3.
Mais revenons au trois concours, qui semblent avoir eu lieu à Poitiers : le 17 juillet
1859, les 17 et 18 juin 1866 et les 24 et 25 mai 1885.
Comme nous l’avons exprimé plus haut, l’intervention des autorités municipales
et préfectorales est importante dans l’organisation de ces rassemblements. Il semble, d’après
les correspondances entre le préfet, le maire et les sociétés, que les édiles de la ville étaient
fortement investis et intéressés par ces concours, comme en témoigne cette lettre datée du 14
juillet 1859 du préfet de la Vienne au maire de Poitiers, par laquelle il regrette son absence
pour raison de santé au concours qui doit avoir lieu 3 jours plus tard :
« Monsieur le maire, Je sais tout l’intérêt que promet à la ville
de Poitiers le concours d’orphéonistes qui doit avoir lieu dimanche
prochain, et je n’ignore pas non plus que le chef lieu de notre département
devra cette fête à votre initiative intelligente. J’aurais accepté de grand
cœur la présidence que vous m’offrez ; mais vous connaissez le triste motif
qui me force en ce moment de me tenir à l’écart. […] Veuillez, en
conséquence, agréer tous mes regrets de ne pouvoir répondre à l’honneur
3
Dominique ANDRE
2
que vous m’aviez réservé, et faites part, je vous prie, de ces regrets à notre
société chorale ainsi qu’aux nombreux représentants des sociétés de
province qui doivent s’adjoindre à elle. Personne n’apprécie plus que moi
le noble but que poursuivent ces petites associations dans les vues d’une
harmonie qui n’est pas simplement l’harmonie musicale. […] Conservez
donc pour vous, Monsieur le maire, la présidence de cette fête, qui ne peut
être d’ailleurs en de meilleures mains. »4.
4
A.M. C118 -1- (1)
5
Poitiers, une histoire culturelle 1800-1950 (Alain QUELLA- VILLEGER dir.), Poitiers, Atlantique, éditions
de l’actualité Poitou-Charentes, 2004, p. 332.
6
3
Selon le programme conservé dans les archives municipales7 et les articles de
presse, les 43 sociétés orphéoniques inscrites au concours se retrouvèrent sur la place Saint-
Pierre à onze heures, parées de leur bannières, insignes et autres décorations, pour se diriger
vers les différents lieux de concours, les épreuves commençant à midi précise.
« Dans nos rues quelques peu tortueuses, ornées d’arcs de
triomphe élégants, le défilé déroulaient ses longs anneaux que fixaient à
l’œil l’or, l’argent et l’azur de quarante bannières. Sur la ligne du parcours,
des milliers de spectateurs garnissaient les trottoirs, et applaudissaient aux
hôtes de la cité. Les accueillir autrement eut été sottise et lâcheté. »8
8
Journal de la Vienne, mardi 19 juillet 1859.
4
concours : nous citerons Laurent de Rillé et Bezzozi, spécialistes du répertoire, entourés
d’autres musiciens de métier et de certains notables de la ville. Et devinez qui est le directeur
de ce concours, c’est Eugène Delaporte, grand messie de la France orphéonique qui s’est
déplacé tout spécialement. A n’en pas douter, sa présence a dû rendre fiers les cœurs poitevins
et causer un puissant trac à tous les participants. Les écoles et classes de chants poitevines
chantèrent des pièces de compositeurs reconnus comme des grands noms, un chœur à trois
voix de Rossini (classe de chant de l’Ecole normale), Judas Macchabée, à 5 voix de Haendel
(Ecole gratuite de chant de la ville et la classe de chant du pensionnat des Frères des Ecoles
chrétiennes) et Les pauvres du bon Dieu de Gounod (la classe de chant de l’Ecole gratuite
des frères des Ecoles chrétiennes).
Les résultats sont là, la qualité des prestations de ces écoles poitevines a été
remarquée. Parmi la presse présente, il y a également L’Orphéon, on retrouve les
commentaires faits sur les écoles de Poitiers dans Le journal de la Vienne du samedi 6 août :
« 3ème section : La classe de chant de l’école gratuite des frères
des Ecoles chrétiennes. Nous avons remarqué avec satisfaction une bonne
et sage direction, relativement aux voix ; c’est là une chose importante. Le
professeur, chargé de conduire l’organe des jeunes élèves, exerce une
influence directe sur l’avenir choral. […] L’interprétation a été bonne,
particulièrement dans le second morceau ; il y avait plus de confiance dans
les attaques […] mais on remarquait surtout une grande égalité entre les
différents registres. […] 2ème section : La classe de chant du pensionnat des
Frères des Ecoles chrétiennes. La deuxième section joint aux qualités ci-
dessus de la distinction dans les voix et une grande justesse. La classe de
chant de l’ecole supérieure. Nous lui reprochons d’avoir chanté un
morceau trop élevé, ce qui nuit énormément à l’ensemble […] 1 ère section :
L’école gratuite de chant de la ville de Poitiers. A obtenu le premier prix
de sa section. Le chœur Judas Macchabée aurait pu être plus sonore si on
l’avait pris plus haut. M. Puisais a craint sans doute de forcer les voix
d’enfants, et il a bien fait. Un ensemble un peu sourd vaut mieux qu’un
choral criard. […] L’école gratuite de chant de Poitiers […] est une
pépinière pleine d’avenir. Le professeur mérite des éloges et des
encouragements. La classe de chant de l’ecole normale. Ils ont moins bien
réussi que leurs jeunes concurrents. […] Les rentrées n’étaient pas
énergiques ; les basses étaient faibles. Nous avons constaté que la
quatrième division est excellente. »
Les éloges faites aux écoles de chant poitevines ne furent pas toujours de mise pour les
orphéons participant réellement aux deux concours. Dans certaines sections, le jury a décidé
de ne pas décerner de 1er prix9.
9
Courrier de la Vienne, mardi 19 juillet 1859.
5
A dix-huit heures et demie, sur la place Saint-Pierre, les sociétés se rassemblèrent de
nouveau et partirent en cortége vers le « grand pré de Blossac » où eut lieu la « distribution
solennelle des prix ». Et pour finir cette journée riche en émotion, avant la distribution des
prix et le feu d’artifice, La marche des Orphéons, chœur à quatre voix de Melle Nicolo avec
des paroles de J. F. Vaudin, est chantée par tous les orphéonistes sous la baguette de E.
Delaporte en personne. A en croire les chiffres sur le nombre de membres des sociétés
présentes, ils étaient ce soir là plus de mille chanteurs dans le parc de Blossac.
Le lendemain, le lundi 18 juillet, eut lieu un grand festival dans le pré de Blossac, donné
par toutes les sociétés orphéoniques ayant assisté au festival de Paris le 18 mars dernier qui
fût, rappelons le, la « Première réunion des orphéonistes de France »10 . Des sociétés
concernées, nous retiendrons La société chorale de Poitiers qui chante le « Salut aux
chanteurs de la France » d’ Ambroise Thomas.
La présence de cette société à ce premier festival parisien témoigne de sa qualité et de la
valeur de ses chefs, notamment celle de son directeur : monsieur Alfred Puisais qui en est sans
doute le plus grand architecte. Nous retrouvons trace de cette aventure dans la presse locale :
la société chorale partit le mercredi 16 mars à huit heures de Poitiers, avec un effectif de
cinquante chanteurs et la promesse de faire briller la banniére poitevine.
« Les Orphéonistes se sont donc ébranlés en même temps que la
locomotive et ils ont entonné Le chemin de fer. C’était tout à fait poitevin,
tout à fait d’à-propos et quant à ce chemin-là, tout poitevin qu’il est, laissez
le faire, il le fera… (son chemin) ; seulement, il ne recevra pas partout les
variantes que lui ont fait subir nos orphéonistes, sans l’agrément de
l’auteur, un de leur concitoyen. »11
Le pari est gagné : le mardi 22 mars, on peut lire dans le même journal :
« La Société chorale de Poitiers a maintenu haut cette fois encore son
drapeau. Le jury du concours lui décerne le second prix dans la division
supérieure, consistant en une médaille en vermeil. […] A. Perquia.
Président de la société chorale. »
10
Philippe GUMPLOWICZ, op.cit., p.184.
11
journal de la Vienne, lundi 21 mars 1859.
6
Les sources et les informations sur ce concours étant plus abondantes au niveau
administratif, nous allons détailler les points sur lesquels nous sommes passés, faute de
documents.
Le 3 mars 1866, la commission de La société chorale de Poitiers toujours dirigée par
A. Puisais envoie une lettre annonçant l’ouverture « d’un Concours d’Orphéon, De Musiques
d’harmonie et de Fanfares les 17 et 18 juin prochain »12, accompagnée du règlement aux
directeurs de sociétés musicales. La lettre indique que « le jury sera composé des sommités
artistiques de Paris. » et que « comme au concours de 1859, les sociétés adhérentes reçoivent
parmi nous l’accueil le plus sympathique, et qu’elles gardent de Poitiers les meilleurs
souvenirs. » Les feuilles d’adhésion et de renseignements jointe à ces deux éléments sont à
renvoyer pour le 30 avril, dernier délai. Quarante et une sociétés ont répondu favorablement à
cet appel.
Le règlement précise bien des points sur le fonctionnement de ce type de concours. Il
est écrit, dés l’article premier annonçant l’ouverture du concours que les sociétés musicales de
la ville n’y prendront pas part, exception faite des quatre mêmes écoles qu’au concours de
1859 qui sont, en 1866, toutes dirigées par A. Puisais, néanmoins elles sont toutes classées
dans une division spéciale afin de ne pas avoir d’autres concurrents ce qui leur permet de
participer sans intervenir sur les résultats. Il y a cinq divisions au classement de ce concours :
la division d’excellence, la division supérieure, la première, la deuxième et la troisième
division, cette dernière étant composée des sections dont le classement sera fait d’après la
feuille de renseignements (art. 2).
Chaque société participante exécutera deux morceaux. Les sociétés chorales devront
également chanter un chœur imposé adressé gratuitement aux sociétés adhérentes quinze jours
avant le concours pour la division d’excellence et un mois avant pour toutes les autres
divisions (art. 5). Il est précisé également que sous peine d’exclusion : « chaque chanteur ou
exécutant ne pourra prendre part au Concours qu’avec la société à laquelle il appartient.
Toutefois la même personne pourra concourir à la fois dans une société de chant et dans une
société instrumentale – le même directeur pourra diriger plusieurs sociétés. » (art.6). Il n’est
pas autorisé aux sociétés de chanter une pièce avec laquelle elles auraient déjà remporté une
récompense dans un concours passé (art.7) ou d’adjoindre pour l’occasion des amateurs ou
artistes qui d’ordinaire ne feraient pas partie de la société (art. 8).
Il est important d’apprécier l’évolution de l’évaluation artistique durant ces concours
par l’insertion de nouvelles épreuves. Pour celui-ci a été rajouté une épreuve de lecture à vue.
12
C 118 (6)
7
Cette nouveauté nationale angoissait à chaque concours les orphéonistes et faisait rager les
directeurs et chefs d’orphéons de toute la France
Une deuxième lettre13 adressée aux directeurs des futures sociétés musicales
participantes le 30 avril 1866 par La société chorale de Poitiers, précise les facilités de
transport obtenues par la mairie, dirigée alors par O. Bourbeau, auprès des différentes
compagnies des chemins de fer en faveur des orphéons concourants. Elle précise également le
coût de la nourriture et du logement discuté avec les établissements hôteliers et restaurateurs
de la ville (entre quatre et cinq francs par homme et par jour). Enfin, elle annonce le
programme du festival et la liste des jurys, prestigieuse comme promis : A. Thomas, Ch.
Gounod, Bazin, L. de Rillé, C.de Vos, de Sannes et Ch. Vervoitte pour le jury des orphéons
(chorales).
Un conseil est adressé aux directeurs à la fin de la lettre : « Nous recommandons tout
particulièrement à MM. les directeurs les chœurs et morceaux d’ensemble du Festival,
plusieurs de ces morceaux devant être exécutés sous la direction de l’auteur lui-même, ce qui
doit puissamment concourir à l’éclat de cette fête. […] Le programme général des différents
concours et fêtes qui auront lieu à Poitiers à l’occasion de la deuxième Grande Réunion
Orphéonique de Poitiers, sera adressé ultérieurement. »
Nous constatons sur la liste des sociétés adhérentes 14 que des orphéons venus de la
région comme au précédent concours y sont inscrits, mais aussi de localités plus éloignées : la
Société Sainte Cécile de Blois, celle du même nom d’Angers, l’Orphéon de Lens, la Société
chorale du Mans…
A la vue des documents qui nous sont parvenus : lettres de réponses au maire de
Poitiers au sujet des invitations, demandes à faire partie de la commission ou du jury,
courriers administratifs, mais aussi un investissement visible de non seulement toute la
population « musicale » dans l’organisation du concours mais aussi des notabilités, des
commerçants et des autorités relatives à la ville, il semble que Poitiers puisse être cité à juste
titre comme une cité où le rayonnement de l’orphéon trouva son écrin. Parmi ces courriers, se
trouve notamment une lettre 17 avril 1866 de F. J Vaudin, leader du mouvement orphéonique
après avoir destitué E. Delaporte de ses fonctions, qui répond favorablement à l’invitation que
lui fait le maire de Poitiers.
Néanmoins, malgré une organisation solide et expérimentée, des problèmes
surviennent toujours. La réduction demandée par le maire de Poitiers et accordée aux sociétés
13
14
C 118 (6) 5
8
participantes par la compagnie des chemins de fer de Paris à Orléans inquiète vivement M.
Robin qui envoie cette lettre non datée à son collègue et ami A. Puisais :
« Mon cher Alfred,
Je reçois de la mairie la réponse de la compagnie d’Orléans. Je
la considère comme désastreuse pour notre concours si la condition
imposée aux sociétés de voyager par groupe minimum de 25 est
rigoureusement appliquée. Je t’envoie donc cette lettre pour que tu
avises quel moyen prendre […] » 15.
Le lendemain, toutes les sociétés ont rendez vous à midi sur la place Saint-Pierre
décorées de leurs bannières et insignes pour ce rendre à Blossac où elles seront reçues par les
autorités et le jury. Après cette réception elles se redirigent vers les différents lieux de
répétition que sont la salle des pas perdus du palais de justice pour les orphéons, et la cour de
la gendarmerie, rue de la Marne, pour les musiques, en vue du fameux grand festival de huit
heures du soir pour lequel il avait était conseillé de travailler. Elles furent aussi accompagnées
durant ces déplacements par une affluence énorme. Au programme de ce grand
festival introduit par la Musique des sapeurs pompiers de Poitiers :
« le Salut aux chanteurs d’A. Thomas, dirigé comme tous les autres
par M. Puisais et rendu avec une maestria pleine d’entraînement et d’énergie
par la masse parfaitement harmonieuse de toutes ces voix, […] L’adoramus
te de Palestrina, rendu avec goût et onction, a marié dans de délicieux
accords les fraîches voix du chœur des enfants avec le timbre grave des
poitrines viriles. […] La retraite de L. de Rillé […] Après elle les Enfants de
15
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16
Courrier de la Vienne, lundi 18 juin 1866
9
Troupe du même auteur, morceau à trois voix d’enfants chanté par les
diverses écoles de chant de Poitiers, ont fait briller l’éclat argentin de ces
jeunes accents dont l’acuité naturelle était agréablement tempérée par le
sentiment précoce de l’art et des nuances finement mélangées. Le beau
chœur d’A. Adam : Les enfants de Paris, […] après une exécution fort
convenable de Judas Macchabée de Haendel, nos chanteurs ont
admirablement terminé par l’interprétation du célèbre chœur de Ch.
Gounod : Prés du fleuve étranger. Cancun sans doute, regrettait de ne pas
voir l’illustre auteur tenir, comme on l’avait annoncé, le bâton du chef dans
l’exécution de son œuvre, et cependant la main qui le maniait a été si habile
qu’on s’est presque consolé ce cette absence en jouissant avec plénitude des
trésors d’harmonie et de mélodie répandus dans ce morceau »17.
10
bien profité des leçons qu’elle a reçu en passant, et nous avons vu avec
plaisir que, par un touchant rapprochement, on décernait à ces fils du peuple
la médaille donnée par le fils du souverain. […] Du reste, comme l’influence
d’une méthode donnée se reconnaît partout à des indices irrécusables, disons
tout de suite qu’on a deviné à l’exécution des quatre ensembles, la direction
d’un maître patient, scrupuleux, soigneux du moindre détail. Ce n’est pas
tout, mais c’est beaucoup »19.
Les sociétés qui remportèrent cette épreuve furent : l’Orphéon de Bellac et celui de
Breloux qui obtinrent respectivement les 1er et 2ème prix de la deuxième section et la Société
chorale du Mans récompensé par le 1er prix en première section.
19
Journal de la Vienne, mercredi 20 juin 1866.
Journal de la Vienne, article de P. SAINTIVE, mercredi 20 juin 1866.
20
11
Après cette dure journée et un grand banquet donné à l’Hôtel de France entre les
autorités, les jurys et autres éminents invités, la traditionnelle distribution des prix eut lieu sur
une estrade dressée dans le parc de Blossac. La Société chorale d’A. Puisais y est présente à la
place d’honneur, juste au pied de l’estrade, dans une enceinte réservée. Elle rayonne au milieu
de toutes ces autres sociétés venues concourir sur son invitation, qui se pressaient alors pour
tenir sur l’estrade au milieu des cris enthousiastes d’un public euphorique après ces trois
journées passées en leur compagnie.
Une autre réflexion sur ce concours, émise par ce même journaliste, P. Saintive, dans
le même article que nous citions précédemment, témoigne de sa connaissance du monde
orphéonique :
« À notre humble sens, il y a une différence assez notable entre la
valeur des sociétés chantantes et celle des corps de musique instrumentale.
Nous n’en chercherons pas l’explication. Peut être les instrumentistes
appartiennent ils à des professions qui leur permettent de donner plus de
temps à l’étude ; peut être se sont ils réunis plus tôt que les Orphéons, dont
l’institution est si récente et qui commencent à peine à se multiplier ; peut
être le travail spécial de l’instrument séduit il plus la jeunesse que celui des
voix, travail si difficile et dont on ne comprend pas toujours bien le résultat,
car tous les esprits ne sont pas à même de sentir combien est beau, puissant
par-dessus tout, l’effet d’une composition parfaitement rendue par la voix de
l’homme. N’épuisons pas, après tout, ces peut être ; ce n’est pas notre tâche.
Et, pour consoler nos chanteurs, ajoutons bien vite qu’en feuilletant les
comptes-rendus des plus récents concours ouverts sur tous les points de
l’Empire, nous retrouvons un peu partout des indices de la même situation.
Partout les corps de musique instrumentale sont en progrès notable,
persévérant, incontestable ; partout le même conseil est donné aux orphéons :
travaillez, soignez votre exécution, et surtout tâchez, au dessous du mérite
qui consiste à bien rendre le morceau appris, d’acquérir une réelle
connaissance de la musique. Cette connaissance est la véritable base de tout
progrès. »
12