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TRES REVEREND PERE ATHANASE KRŐGER O.S.B.

UNA VOCE KORRESPONDENZ (CAHIER 2, 1978, P. 95-961)

REFLEXIONS THEOLOGIQUES AU SUJET DU NOUVEAU RITE D’ORDINATION DES EVEQUES.

L’imposition des mains en tant qu’acte physique externe, lors de l’administration du sacre à un prêtre afin d’en faire un
évêque, est, comme lors de l’ordination, universellement reconnue et évidente (Ord. 1968. p. 70, n°24)2. Les paroles pro-
noncées sacramentellement lors de l’acte ou après ne sont cependant pas si évidentes. Ici, nous ne voulons uniquement
nous occuper que de cette question.

1. L’ANCIENNE PRIERE DU SACRE.

« Comple in Sacerdote tuo ministerii tui summan et ornamentis totius glorificationis instructum cælestis unguenti
rore sanctifica » (Pont. 1741, p. 63 ; er. Pius XII, DS 3860).
« Accomplissez dans votre prêtre la plénitude de votre service ; muni de la parure de toute la glorification, sancti-
fiez-le par la rosée de l’onction céleste ».

Dans une formule consécratoire – au sens plus restreint – il faut qu’il y ait ce qui se produit comme effet interne
et spirituel, conformément à la demande du Christ. Ici, la désignation de l’effet réside manifestement dans les paroles
«summa ministerii tui», la plénitude, le résumé, les pleins pouvoirs au service du Christ. Il vaut mieux rendre « ministe-
rium » par fonction de service, raison pour laquelle on renvoie alors, dans la Somme, très clairement à la fonction
d’évêque. Les deux autres caractérisations ont une consonance un peu poétique, mais sont également à mettre en rap-
port avec le sacre des évêques : L’octroi de la parure de la glorification. En même temps la « glorificatio » désigne la plé-
nitude de la dotation de la fonction. La même chose vaut pour la « sanctification par la rosée de l’onction céleste » alors
qu’il s’agit cependant d’une expression très générale que l’on pourrait aussi utiliser pour d’autres onctions.

2. LA NOUVELLE PRIERE DU SACRE.

« Et nunc effunde super hunc Electum eam virtutem, quæ a te est, Spiritum principalem, quem dedisti dilecto Filio
tuo Jesu Christo, quem ipse donavit sanctis Apostolis, qui constituerunt Ecclesiam per singula loca, ut sanc tuarium
tuum, in gloriam et laudem indeficientem nominis tui ». (Ord. 1968. Introd. p. 11 ; p. 71-72 et p. 75 n° 26).
« Et maintenant répand sur cet élu cette force qui provient de toi, l’excellent3 esprit que tu as donné à ton fils bien
aimé Jésus-Christ que lui-même a donné aux saints apôtres qui ont érigé l’Eglise aux différents4 lieux comme ton
Sanctuaire, à la gloire immortelle et à la louange de ton Nom » (Traduction personnelle).

Le texte provient du rite copte et du rite syriaque, mais dérive finalement des « traditions apostoliques » d’Hippolyte,
début du troisième siècle.

3. LE SPIRITUS PRINCIPALIS.

Dans la nouvelle formule, l’effet du sacrement n’est reconnaissable que par deux mots : « Répands… cette force …
le Spiritus principalis ». Il n’est pas nécessaire de s’occuper de l’expression « force » (virtus) parce qu’elle est par elle-
même très dilatable5 et puisque « cette force-là » est cernée de plus près, de manière relative, à savoir « qui est de toi, le
Spiritus6 principalis ». A ce concept doivent se tenir les réflexions suivantes :
Si l’on écrit – comme dans le rite – Spiritus avec une majuscule, alors il ne peut à vrai dire qu’être question de la
troisième Personne Divine. Par conséquent « cette force-là » est donnée7 (répandue), celle qui provient de toi, (le
Père) (qui procède du Père – à l’intérieur de Dieu), justement l’« excellent esprit ». L’élu reçoit le Saint-Esprit lui-
même. Mais le Saint-Esprit est Dieu. Dieu même est donné. Une prise de demeure par Dieu que l’on attribue au
Saint-Esprit, existe certainement. Mais en même temps, il s’agit d’une expression très générale par laquelle l’effet

1
(NDT) Cette date et le nombre de pages sont donnes par le Sel de la terre, n° 54. Nous sommes surpris qu’un tel texte
puisse tenir en deux pages.
2
"Ord. 1968" = De Ordinatione Diaconi, Prebyteri et Episcopi, ed. typ. Vatican, 1968.
"Pont.1941" = Pontificale Romanum Summorum Pontificum etc. Rom-Marietti 1941.
"Liber" = Liber de Ordinatione Diaconi, Presbyteri et Episcopi etc. editio linguæ germanicæ typica, Benzinguer-Herder
etc. ; approuvé par les évêques allemands, le 11.4.1971 ; confirmé par le Cardinal Tabera, le 11.5.1971.
3
(NDT) Dans le mot allemand, on retrouve la même nuance que dans principalis, l’idée de prééminence, de premier.
4
(NDT) Dans les lieux particuliers = les églises locales.
5
(NDT) On pourrait dire « interprétable », que l’on peut tirer en tous sens.
6
(NDT) Dans le texte allemand, comme dans le texte latin, il est sans ambiguïté, grâce au cas, que Spiritus Principalis
est apposé à « force » (Kraft ou virtus) et non a « toi ».
7
(NDT) Offerte comme un présent.
1
dans l’âme ne serait pas exprimé du tout. Il faut qu’un sacrement produise un effet. Dans la formule de consécratoire
du Sacrement de l’Ordre, se présente une expression analogue, sauf que dans la première phrase le substantiel, à
savoir l’effet, y est clairement exprimé.

Désigner le Saint-Esprit même comme « Spiritus principalis », c’est inhabituel et présente des difficultés. « Esprit de vé-
rité, Esprit d’amour », etc. sont connus par les prières de Pentecôte. Alors on peut intégralement, en toute facilité, identi-
fier l’attribut à un caractère divin, ce que l’on ne peut cependant réaliser qu’à grand peine avec « principalis ».

« Principalis », c’est l’initial, le tout premier, le plus distingué, le principal ; le princier, l’impérial ; également un homme
qui est investi de la magistrature suprême d’une ville. En allemand « principalis » désignait couramment le suzerain ou un
chef d’entreprise.

Mais quel doit être le sens de « principalis » dans le texte latin ? On est à la recherche d’autres passages, dans le rite
où ce mot se présente également. Alors, on trouve, peu avant la formule consécratoire, la phrase : « Deus…, qui cons-
tituisti principes et sacerdotes ». (Ord. 1968, p. 74) : « Dieu, vous avez institué des chefs et des prêtres. Ces « princi-
pes » ne peuvent guère avoir de rapport avec le « Spiritus principalis ».

En outre, on trouve dans l’homélie–type qui n’est pas obligatoire (quod facere potest), l’élément suivant : « Ainsi a été
conservée de génération en génération la « principalis traditio » par la succession continue des évêques ». (Ord. 1968, p.
74, lignes 5-7). Ce groupe de mots, également, n’est pas clair. Il faut donc lier l’attribut à son substantif et ainsi il en résul-
1
terait à peu près : La transmission la plus auguste . Si par principalis on doit entendre la fonction d’évêque, si la trans-
mission du «souverain sacerdoce » doit s’y trouver, alors on aurait, dans cette intention, facilement pu trouver des
concepts plus clairs.

Mais on ne peut pas non plus vouloir dire un « Esprit éminent et dominant ». Car ainsi on attirerait l’attention sur les ta-
lents particuliers ou sur le caractère du futur évêque, ce qui toutefois n’a délibérément rien à voir du tout avec le sacre.
On pourrait aussi penser à l’Apôtre Pierre que dans la liturgie on appelle volontiers le « princeps Apostolorum ». Par cette
expression, il ne faut pas comprendre qu’il est un « prince des Apôtres », mais qu’à lui seul revient une priorité de la di-
gnité et de l’origine qui lui a été donnée par le Christ. En tous cas, il pourrait être question de priorité, même s’il faut
l’intégrer un peu violemment au « Spiritus principalis » latin.

Mais maintenant il faut se souvenir de la provenance du « Spiritus principalis ». Il figure littéralement ainsi au
Psaume 50 (v. 14, Vulgate) et signifie alors un « esprit aux sentiments très nobles ». « Avec un esprit aux sentiments très
nobles affermis-moi ». Si cependant on remonte au texte hébreu d’origine, on découvre un esprit prompt ou noble (ruah
e
n dîbâ). La traduction grecque a : « pneuma hegemonikon ». C’est aussi exactement le mode d’expression chez Hippo-
lyte dont provient la nouvelle formule consécratoire. C’est pourquoi il faudrait partir d’ici pour en faire l’exégèse. Le mode
d’expression se rapproche assez du latin et dans cette mesure, on a les mêmes difficultés. « Hegemonikon » peut être
quelque chose qui guide, qui dirige, mais également « l’extrémité de l’âme » dans le domaine spirituellement mystique –
peut-être chez Origène. Une traduction par « esprit qui dirige » est possible. Si on part du sens du sacre (d’évêque), il
faudrait que, ce que l’on attribue à cet esprit (p. 62), soit un caractère quelconque, quelque chose qui, alors, doit être
donné (en don) d’en haut à celui qui vient d’être sacré évêque. Mais ceci comporterait la difficulté qu’alors le « Spiritus »
devrait en tous cas être écrit avec une minuscule.

4. LA FORMULE DE CONSECRATION ALLEMANDE OFFICIELLE.

Les traducteurs allemands mandatés officiellement n’ont évidemment pas ressenti de difficultés particulières. Mais ils
ont procédé à des modifications !
« Envoie du haut (des Cieux) sur cet élu la force qui émane de toi, l’esprit du guide que tu as donné à ton Fils bien aimé
Jésus-Christ. Il a donné le Saint-Esprit aux Apôtres et eux, ils ont fondé ton Sanctuaire l’Eglise, partout sur la Terre, à la
louange et à la Gloire de ton Nom » (Liber p. 69).

Alors, il y a d’abord l’ « esprit du guide », au sujet duquel se pose la même question qu’en latin. Dans quelle mesure ré-
side, dans l’envoi du haut (des Cieux), de l’«esprit qui dirige», la « dignité épiscopale » divinement donnée ? On pense
involontairement à un « don pour guider », à une personnalité apte sur le plan du caractère.
Mais ceci n’est probablement pas le but recherché par le texte allemand parce qu’ensuite on dit de Jésus-Christ qu’Il a
donné le « Saint-Esprit » aux Apôtres. Dans le texte latin, le « Saint-Esprit » manque.

Mais il est bien dit du Spiritus principalis qu’il a bien d’abord été donné au Fils de l’Homme, au Christ en tant qu’être
humain – qui, à son tour, l’a transmis aux Apôtres. Le quem utilisé deux fois est, de manière UNIVOQUE, rapporté au
Spiritus principalis. Dans le texte allemand, est formée – à partir du deuxième quem – une nouvelle phrase, et le quem
est traduit par « Saint-Esprit ». Si, à cause de l’imprimatur, on a le droit d’amener le texte allemand en vue de l’exégèse

1
(NDT) Ou « la plus insigne ».
2
du texte latin, il s’en suit en toute clarté que la « Spiritus principalis » est le « Spiritus Sanctus ». Alors la formule de
consécration générale de la communication du Saint-Esprit sans que soit nommé spécialement un quelconque effet au
for interne de l’élu.

5. HIERARCHIE DU SACRE ET HIERARCHIE JURIDIQUE.

Contre l’interprétation du « Spiritus principalis » comme « esprit-guide » ou comme « esprit pour guider et diriger le
troupeau » s’élève cependant un autre doute. On aboutit ainsi au plan juridique, à la hiérarchie supérieure et à la hiérar-
chie inférieure. Mais c’est exactement ce qui ne réside pas dans le sacre ! Il est de rigueur de distinguer la « hiérarchia
ordinationis » (hiérarchie de l’ordre)) de la « hiérarchia iurisdictionnis » (p. 63) (hiérarchie de juridiction). L’évêque est, par
son sacre, au-dessus d’un simple prêtre parce qu’alors il possède le pouvoir d’ordination dans toute sa plénitude. Il peut
ordonner des prêtres et sacrer des évêques et administrer le sacrement de confirmation. Ce sont là des pleins pouvoirs
spirituels qui n’ont rien à voir avec la juridiction. Un quelconque pouvoir de guider n’y est pas spontanément lié.

Dans le nouveau rite, le pouvoir spirituel est intégralement mentionné. Dans l’homélie-type, on dit : « La plénitude du
sacrement, qu’est le sacre, est transmise » (Ordinis sacramenti plenitudo conferetur, Ord. 1968, p. 64). Selon la formule
de consécration proprement dite, il est question de sacerdoce suprême (summum sacerdotem). En bonne précision, c’est
à traduire officiellement en allemand par : « Bischofsamt » = fonction d’évêque. Lors de l’onction par le Saint-Chrême, on
prie ainsi : « O Dieu qui vous a donné part au sacerdoce suprême (efficit) … » n° 28.

La fonction "évêque", dans le sens de la hiérarchie du sacre est, conformément à cela, présente dans le rite, mais mal-
heureusement pas claire ou tout au plus très confuse – dans la formule de consécration proprement dite, dans les paro-
les essentielles (verba essentiala). A ce sujet, les liturgistes disent volontiers que les chrétiens des temps anciens, de
toute manière, et encore de nos jours, les Orientaux, ne veilleraient pas tant aux mots « ponctuellement » prononcé de la
formule de consécration, mais à l’ensemble, à toute l’« Oratio Consecrationis », au sens plus large et c’est surtout la
communication du Saint-Esprit qui importerait. A cela, on ne peut que répondre : La définition des Sacrements, selon
matière et forme, fait déjà depuis longtemps partie de la Doctrine sûre de l’Eglise (cf. DS 1262, 1312, 1671). Au lieu
de cela, on peut dire volontiers : « Mot et Chose », à savoir un acte externe et en même temps, les mots prononcés don-
nant le sens. Paul VI a cependant maintenu le mode d’expression traditionnel comme Pie XII (DS 3859 – 3860). Après
avoir déclaré vouloir déterminer, « de la plus haute autorité apostolique », « la matière et la forme, lors de chacune des
consécrations » (Ord. 1968. Introd. p. 10), il dit, spécialement au sujet du Sacre, la chose suivante : « Finalement, lors du
Sacre, la Matière, c’est l’imposition des mains… Mais la forme se compose des mots de la prière de consécration dont
les suivants font partie de la nature de la consécration (ad naturam rei), dans la mesure où ils sont nécessaires afin que
l’acte soit valide : « Et nunc effunde …tui » (p. 11 ; texte : voir ci-dessus alinéa 2). Il a donc circonscrit les mots nécessai-
res exactement dans la formule d’Hippolyte. En outre, cette prière de consécration est particulièrement mise en valeur
parce qu’en vertu des rubriques, elle doit être dite par tous les évêques participant au sacre (Ord. 1968. p. 75 et 110). Ce
qui est – pour cette raison – encore récité comme prière(s), avant ou après, n’a – au moins fondamentalement – pas
d’influence sur la validité ou l’invalidité du sacre. Si Paul VI n’avait pas consigné par écrit la formule de consécration,
mais déterminé l’Oratio Consecrétionis dans son ensemble et dans un sens plus large, à cet effet, alors la question (le
problème) de la validité serait plus facile à résoudre. Il aurait alors dû rétablir la situation d’avant l’époque de Pie XII
(d’avant 1947). Mais c’est ce qu’il ne voulait pas, au contraire, il y a tenu très catégoriquement. Si donc on veut éle-
ver le reproche d’un « rétrécissement scolastique », c’est-à-dire faire dépendre la validité du sacre, rigoureusement d’une
seule phrase, alors il faut s’adresser à Paul VI en personne.
1
Alors en tant que théologien, on cherche quand même une possibilité de supprimer l’ambiguïté de la formule
d’« Hippolyte ». C’est que, dans la mesure où – dans le cadre de l’ensemble de la prière de consécration – au sens
élargi – on puisse trouver quelque chose qui exprime la dignité de l’évêque, le manque de clarté pourrait être éventuelle-
ment dissipé. Deux phrases selon la « forma sacramenti » fixée s’offrent : « Vous avez élu Votre Serviteur à la Charge
d’Evêque (quem elegisti ad Episcopatum) afin de guider Votre peuple et de vous servir jour et nuit comme sublime2
prêtre sans reproche… (ut… summum sacerdotium tibi exibeat…). « Charge d’évêque » et « sublime prêtre » sont cer-
tainement des expressions pertinentes. Mais la formulation est inaccessible dans la mesure où, ni impérativement on dit :
« Recevez la charge d’évêque… la Prêtrise sublime… », ni on implore simultanément de Dieu, en demandant pardon, (=
deprekaiv Abbitte leisten) le Sacre. Bien plus, le texte est rédigé de telle manière qu’il implique le sacre déjà accompli. La
forme du passé composé : « Vous avez …élu » n’est pas compréhensible autrement.

Une phrase ultérieure dit la chose suivante : « Donnez-lui, par la force du Saint-Esprit, les pleins pouvoirs de
grand prêtre, de remettre les péchés, en Votre Nom, de répartir les charges, selon Votre volonté et de délier ce qui
est lié comme Vous l’avez conféré aux Apôtres ». (Da, ut virtute Spiritus summi sacerdotii habeat potestatem dimittendi

1
(NDT) Plutôt l’incertitude, voire le risque, le danger : Le mot littéral est insécurité, ce qui est plus qu’ambiguïté ; la for-
mule ne laisse pas la place à une bonne interprétation.
2
(NDT) C’est plutôt grand prêtre : Hoherpriester. C’est le terme utilisé dans les traductions allemandes des textes évan-
géliques de la Passion pour désigner Ann et Caïphe. Cette remarque vaut pour la suite.
3
peccata secundum mandatum tuum…). La première partie de la phrase, on pourrait peut-être la considérer comme forme
d’expression suffisante pour la transmission de la dignité d’évêque parce que les « pleins pouvoirs du prêtre sublime »
sont implorés déprécativement (= par amende honorable). Si la phrase : « Donnez-lui les pleins pouvoirs du prêtre su-
blime » figurait seule pour elle-même, elle serait UNIVOQUE. Mais ce qu’on entend par pleins pouvoirs, est donc péri-
phrasé plus amplement :
1. pardonner des péchés,
2. répartir des charges,
3. délier ce qui est lié.

Par ces pleins pouvoirs limités, l’élément décisif ne trouve malheureusement pas son expression, à savoir le
POUVOIR D’ORDONNER. Les pleins pouvoirs de remettre les péchés, mentionnés, n’importe quel prêtre les possède.
La compétence de répartir les charges est un aspect juridique qui ne concerne pas directement le sacre des évêques (p.
65). Le pouvoir de délier est également à comprendre surtout au sens juridique. A ce propos, il faut penser à la promesse
du Christ qu’Il a faite à tous les Apôtres : « Tout ce que vous lierez sur la Terre, sera aussi lié dans les Cieux, et tout, ce
que vous délierez sur la Terre, sera aussi délié dans les Cieux ». (Matth., XVIII, 18).

Que ce soit dit encore une fois : PEUT-ÊTRE, le début de la phrase ci-dessus pourrait exprimer suffisamment l’acte de
conférer le Sacre. Mais alors si ceci était du point de vue dogmatique l’authentique forme sacramentelle, alors elle le se-
rait contre la volonté clairement énoncée du législateur. Une telle chose, est-elle acceptable ? – On n’ose pas y don-
ner une réponse sûre. La situation est beaucoup trop nouvelle (inédite).

En tous cas, de la doctrine générale des sacrements il en résulte que pour la validité (ad validitatem), ce n’est pas une
formule rigoureusement établie qui est nécessaire. Un Sacre qui se ferait par l’ancienne formule serait très certainement
valide, (c’est tout à fait sûr), mais illicite. Tout comme oralement une absolution sacramentelle par l’ancienne formule
d’absolution aurait pour effet la rémission des péchés. Valide, mais illicite.

6. L’INTENTION DE FAIRE CE QUE FAIT L’EGLISE.

Notre questionnement, il faut que nous le poursuivions sous un autre angle. Si aujourd’hui, un évêque sacre évêque, un
prêtre, alors il veut certainement faire exactement ce que fait l’Eglise. L’intention au for interne est univoque dans toute la
mesure du possible. Mais cette bonne intention, est-elle suffisante ?

Si un prêtre utilise, lors de la Consécration de la messe, les mots suivants : « Ceci est Jésus qui est livré pour vous »,
alors la Consécration est invalide. La transsubstantiation n’est pas obtenue même s’il y a volonté, la plus sincère qui soit,
et la meilleure intention de réaliser la présence réelle du Christ. Il est vrai que le prêtre veut faire ce que fait l’Eglise, mais
d’une manière « améliorée », comme il le pense. Une telle chose n’est pas impossible de nos jours.

En ce qui concerne maintenant le sacre, nous avons, par bonheur, un exemple historique qui peut apporter quelques
contributions à la résolution. C’est la déclaration de Léon XIII au sujet de la validité des sacres anglicans :
« Mais alors, les mots qui ont été généralement utilisés par les Anglicans, jusqu’à l’époque la plus récente, comme
la forme authentique (forma propria) pour l’Ordre, à savoir : « Recevez le Saint-Esprit », ne désignent pas du tout,
avec certitude, (minime sane significant definite) l’Ordre ou la grâce et les pleins pouvoirs du sacerdoce qui sont es-
sentiellement des pleins pouvoirs pour la transsubstantiation et l’oblation (potestatem consecrandi et offerendi, p. 65)
du vrai Corps et du vrai Sang du Seigneur, à savoir pour le Sacrifice accompli sur la Croix. Cette forme ( = formule de
consécration prononcée) a cependant été prolongée plus tard par les mots suivants : « … pour la charge et la tâche
d’un prêtre » (ad officium et opus presbyteri). Mais ceci prouve justement que les Anglicans eux-mêmes ont remar-
qué que leur première forme était incomplète et impropre à la cause (DS 3316). Lors du Sacre, l’adjonction aux paro-
les disant : « Recevez le Saint-Esprit » dit : « …pour la charge et la tâche d’un évêque » (DS 3317).

Léon XIII constate donc que la phrase disant : « Recevez la Saint-Esprit » est insuffisante, que, par ces paroles seu-
les, aucune Ordination, ou aucun Sacre ne peuvent être accomplis. On a tendance à appliquer cela immédiatement
au sacre dans le nouveau rite, à savoir, dans la mesure, où il s’avère réellement que par le « Spiritus principalis », on en-
tend la Troisième Personne Divine. Alors ce serait Léon XIII lui-même qui aurait déjà d’avance condamné la nou-
velle formule. Il argumente très simplement en disant que dans cette forma mutilée, il manque la désignation solidement
cernée (definita significatio). Les formules anglicanes du sacre auraient été en tant que telles vraisemblablement valides,
si de prime abord, on avait eu les adjonctions ultérieures. Car c’est en elles que réside la « désignation solidement cer-
née ». Mais chez les Anglicans, il manquait en outre l’intention véritable d’ordonner ou de sacrer catholiquement (cf. DS
3317b, éd. 0934, p. 831).
1
En ce qui concerne les évêques, Léon XIII parle d’un « Sacerdoce de rang prioritaire » (præcellenti gradu sacerdotium)
qui est, bien sûr, mentionné non seulement selon la voix des Saints Pères, mais encore selon l’usage dans notre rituel «2
Sacerdoce souverain, 3 Plénitude du Saint ministère (summum sacerdotium, sacri ministerii summa) (DS 33317 ; cf. pour

4
ces expressions : Vat II, LG 21, 2). De ces trois caractéristiques, chacune serait, pour elle-même, une « désignation soli-
dement cernée ». Dans la nouvelle formule du sacre, il ne figure cependant aucune des trois – au sens strict.

Pie XII a, pour la « forma sacramenti » établi les mêmes exigences, et même, de manière encore plus précise. Il parle
« des effets » qui sont causés par les ordres, et qui, pour cette raison, doivent être indiquées (signifiés) (significare de-
bent). On trouve suffisamment désignés, les effets dans tous les rites, « par l’imposition des mains et par les paroles qui
la déterminent plus explicitement » (verbis eam determinantibus, DS 3858). « Mais la Forme – et elle est, de la même
manière (que la Matière = l’imposition des mains), une chose unique – ce sont les paroles qui déterminent l’application de
cette Matière (verba applicationem huius materiæ determinatia, p. 66), et par lesquels sont désignés de manière UNIVO-
QUE les effets sacramentels (quibus univoce significantur effectus sacramentales), à savoir le pouvoir d’ordre et la Grâce
du Saint-Esprit tels qu’ils sont compris par l’Eglise et tels qu’ils sont en usage (DS 3859).

Les paroles prononcées, constituant la formule de l’ordination, doivent donc, selon Léon XIII, contenir une
« definita significatio » et, selon Pie XII, les « verba determinantia »ou une « univoca significatio ».
En allemand : des mots qui donnent ou qui déterminent un sens pour l’imposition des mains, qui, de manière univoque,
indiquent les effets sacramentels.

Le nouvel Ordo 1968 présente pour cette raison une difficulté inconnue jusque là. Car l’évêque qui confère le sa-
cre, fait exactement ce que l’Eglise fait (actuellement), ce que l’Eglise lui ordonne de faire. Des rites concomitants
n’admettent de toute manière pas de doute que dans ce cas, on a l’intention de sacrer un évêque : à commencer par
l’imposition des mains et en passant par l’onction de la tête au Saint-Chrême jusqu’à la remise de l’Anneau, de la Mitre et
de la Crosse. Et cependant ce n’est pas pour ces raisons que tout est en ordre. A CAUSE DU TEXTE, on ne peut
pas éviter de dire que c’est L’EGLISE ELLE-MEME qui a ordonné quelque chose qui n’est pas clair et qui ne dé-
termine pas incontestablement le sens. C’est une situation qui n’a encore jamais existé !

Dans les rites syriaques et coptes qui, selon le cas, ont un aspect tout différent du rite latin actuel, la situation est
toute autre. Déjà lors d’une simple lecture, on constate qu’à l’imposition des mains – dans le rite syrien–maronite, il y a
plusieurs impositions des mains – différentes prières sont récitées qui contiennent suffisamment de mots qui se rappor-
tent à la fonction épiscopale. Ceci s’applique particulièrement aussi au rite d’Hippolyte. On y implore, après la prière –
comme on le sait maintenant, par la nouvelle formule de Paul VI (presque le même texte) – la bénédiction de Dieu pour
« Votre serviteur que Vous avez élu pour la fonction d’évêque pour paître Votre Saint troupeau. Qu’il daigne, devant
1
Vous, exercer sans défaut la fonction de grand prêtre… » .

Alors, à ce sujet, il faut prendre en considération le fait que lors de ces actes de consécration il n’y a pas de
prescriptions du tout, en ce qui concerne Matière et Forme ! Pas jusqu’à ce jour, pas non plus chez les communau-
tés unies (uniates) à Rome. Ceci, nous ne l’avons que dans le rite latin et, à savoir en fait depuis 1947, seulement. C’est
pourquoi, il ne peut y avoir aucun doute au sujet de la validité des Sacres, pour les rites orientaux (p. 67).

Si, dans les oreilles des Orientaux, il se forme aussitôt une association de pensée avec le terme : « évêque », lors de la
mention du « Spiritus principalis », c’est une question à part que l’on peut passer, ici. En latin, en allemand, ce n’est cer-
tainement pas le cas. Il faut d’abord apprendre ce qui est contenu dans ces deux mots ou ce qui doit y figurer.

7. LE CARACTERE IMPRIME, CONFORME A L’ETRE.

D’un autre point de vue, on peut encore dire davantage, à propos du « Spiritus principalis », à savoir en abordant de
plus près la différence entre le pouvoir d’ordination et le pouvoir de juridiction. C’est que chaque évêque reçoit, lors du
Sacre, une marque conforme à l’être comme la Constitution sur l’Eglise de Vatican II l’a établi :
« On devient membre du Collège, en vertu du Sacre et par la Communion hiérarchique avec le chef et les membres
du Collège… Lors du sacre, la participation aux Saintes fonctions est conférée conforme à l’être (ontologica participa-
tio), comme c’est indiscutablement établi, à partir de la Tradition, également à partir de celle de la Liturgie. C’est déli-
bérément qu’est utilisée l’expression : « charges » (munera) et non le terme des pleins pouvoirs (potestates) parce
que ce mot, mentionné en dernier, pourrait être compris comme « pleins pouvoirs aptes à l’activité » (de potestate ad
actum expeditum). Mais pour que de tels pleins pouvoirs aptes à l’activité soient présents, il faut qu’il s’y ajoute en-
core l’envoi en possession canonique, c’est-à-dire juridique, par l’autorité hiérarchique (iuridica determinatio) ». (LG,
Nota prævia, n. 2).

Il est évident que l’on puisse mal comprendre le concept « pleins pouvoirs ». Mais d’autre part, cette expression a sa
place dans les Dogmes. Les évêques ont les pleins pouvoirs de confirmer et d’ordonner (potestatem confirmandi et ordi-
nandi, DS 1777). Par là est très clairement désigné le pouvoir de consacrer et tout de même pas les pleins pouvoirs juri-
diques d’accepter un diocèse en tant qu’ordinaire du lieu.

1
Bernard Botte OSB, Hippolyte de Rome, La tradition apostolique d’après les anciennes versions, Paris, Cerf, 2-1968, p.
44-45. Botte traduit le « Spiritus principalis » par « Esprit Souverain ».
5
La « participation aux saintes fonctions est dogmatiquement exacte, conforme à la participation ontologique», qui est
indiquée. Dans le sacrement de l’ordination sacerdotale cette forme d’expression est également de mise. Par l’impression
du sceau ineffaçable (character), on, obtient, selon l’être, une part à la Prêtrise du Christ. Il en est de même pour
l’évêque, à un degré supérieur. C’est théologiquement le point central d’où se déduisent toutes les aptitudes du prêtre
ou de l’évêque. Pie XI a une fois dit, à ce sujet, en toute clarté :
« Les pleins pouvoirs (potestates) sont transmis au prêtre par une marque particulière. C’est parce qu’ils ont leur
origine dans un caractère ineffaçable (forma) qui est gravé dans son âme, qu’ils ne sont pas éphémères ou fluides,
mais stables et permanents (stabiles atque perpetuæ). Il est donc devenu semblable à Celui dont il partage le Sacer-
doce et qui est devenu Prêtre pour l’Eternité… En outre, il est pourvu d’une grâce nouvelle et spéciale et d’une assis-
tance particulière (adaugetus) (DS 3756). Le caractère sacerdotal gravé dans l’âme ne peut être ni détruit ni enlevé »
(Concile de Trente, DS 1767). « La Sainte Marque est gravée dans l’âme (de l’évêque) (sacrum characterem ita im-
primi…, Vat. II, LG 21,2 ; cité par Paul VI dans l’ord. 1968, p. 8).

Au sujet de la doctrine constante de l’Eglise, il ne peut exister de doute, en ce qui concerne ce point. Cependant, ce fait
n’entre pas du tout ; même pas sur un mode indicatif, en ligne de compte, dans les textes liturgiques, aussi bien ni dans
l’ancien, ni dans le nouveau rite. Ce manque concerne tout particulièrement le Sacre d’un évêque.

De l’interprétation plus explicite du sceau sacramentel, avant tout de sa position au for interne de l’homme, nous
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n’avons pas à nous en occuper ici. A ce sujet, il y a eu d’étranges conceptions par lesquelles on voulait toujours affaiblir
ce qui est selon l’être pour l’interpréter tout différemment sur le plan psychologique ou le concevoir comme « mission »,
ce qui d’ailleurs ne va pas du tout. Car prêtre ou évêque, on ne peut jamais l’être « plus ou moins », par contre on l’est ou
on ne l’est pas – opposition contradictoire qui ne tolère aucune nuance.

C’est parce que dans le sceau sacramentel réside l’élément neuf que le prêtre reçoit ou que l’évêque reçoit dans une
mesure accrue et pleine qu’il faudrait que ceci soit donc signifié dans le rite, même si ce n’est exprimé nulle part. Ce n’est
que du sceau sacerdotal et épiscopal que résultent, comme conséquence nécessaire, les pleins pouvoirs de la fonction,
le droit d’ordonner des prêtres. Si, pour cette raison, il fallait primordialement avoir de la formule consécratoire sacramen-
telle une compréhension juridique (primaire), à savoir en tant que transmission d’une mission de direction, alors il faudrait
aussitôt s’en indigner. Si donc, le « Spiritus principalis » (Esprit souverain qui fait les chefs)) avait, pour contenu, le pou-
voir de diriger – qui, en premier lieu reviendrait au Saint-Esprit et en second lieu à l’évêque élu – alors ceci serait tout
particulièrement faux. Il est vrai que quelqu’un pourrait être d’avis que, dans la mesure où est transmise une mission
de diriger, il faudrait qu’il y soit contenu inclusivement l’impression du sceau sacramentel et la communication
du pouvoir d’ordonner des prêtres. Mais pour cela, il faut déjà recourir à des interprétations bien forcées et pro-
lixes pour tout interpréter exactement (p. 69).

Pour cette raison, il ne serait non seulement opportun, mais, à notre époque des hérésies, nécessaire que d’un
manière quelconque, un déploiement de dogmes, accompli depuis longtemps, se fixe dans une formule consé-
cratoire. Le « point de vue liturgique » habituel de choisir, autant que possible, quelque chose de très ancien, ne de-
vrait pas prévaloir du tout. Car ceci n’est pas un progrès, mais une régression – une régression vers l’absence de clarté
d’autrefois qui, doctrinalement, est devenue une clarté. La totalité des concepts (l’instrumentarium des concepts) est par-
faitement présente pour parvenir, grâce à elle, à une désignation rigoureusement définie dans le sens donné par Léon
XIII. En se basant sur le rite d’autrefois, une formule consécratoire claire et UNIVOQUE pourrait être établie facile-
ment.

Ainsi, on rectifierait en même temps le Principe de la « lex orandi – lex credendi) (la loi de la prière détermine la loi de
croyance), parce qu’on ne peut l’admettre qu’avec une très grande prudence. Au sens strict, elle doit être formulée ainsi :
« lex credendi legem statuat supplicandi » - C’est à partir de la Foi que la Loi de la prière doit être déterminée. C’est ainsi
que Pie XII l’a inculquée avec beaucoup d’insistance (Encycl. Med. Dei, 20.11.1947, Publication allemand-latin n° 47).

A l’issue d’une considération théologique profonde du point central du nouveau rite, il demeure une douloureuse in-
certitude dont on ne peut se débarrasser. Des nombreuses innovations du sacre, on peut, pour des raisons objectives,
se réjouir de beaucoup de ses éléments. En dire quelque chose n’est pas notre tâche ici. C’est le déplacement dogma-
tique qui est déterminant. Au fond se trouve une inconséquence officielle. Car sur le plan dogmatique, Paul VI a,
d’une manière très décisive, mis en avant la part « ontologique » des évêques au Sacerdoce du Christ. C’était donc lui-
même qui, avec l’insistance papale, a intégré dans la Constitution de l’Eglise la NOTA PRÆVIA. Et ceci, il l’a fait mani-
festement parce qu’il craignait des erreurs de Foi et qu’il voulait les éliminer. D’autre part, on ne trouve pas la moindre
trace de cette mise au point dogmatique, dans le nouveau rite. Manifestement, la très ancienne formule d’Hippolyte lui
paraissait plus importante que la clarté objective du rite.

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La lettre des évêques allemands sur la fonction sacerdotale (11.11.1969, Trèves, Paulinus) présente une compréhen-
sion très déficiente sur le caractère sacramental du prêtre. Etre et fonction du prêtre ne sont pas précisément séparés,
distingués l’un de l’autre.
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