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C'Est Noel A New York - PHAETON, Jupiter
C'Est Noel A New York - PHAETON, Jupiter
Théo Lemattre
Jupiter Phaeton
Ce livre est une fiction. Toute référence à des événements
historiques, des comportements de personnes ou des lieux réels
serait utilisée de façon fictive. Les autres noms, personnages, lieux
et événements sont issus de l’imagination de l’auteur, et toute
ressemblance avec des personnages vivants ou ayant existé serait
totalement fortuite.
Les erreurs qui peuvent subsister sont le fait de l’auteur.
Crédits
KATLYN
LOGAN
KATLYN
LOGAN
***
KATLYN
LOGAN
KATLYN
Je récupère mes affaires, pose mon mug sur le bar sans échanger
un mot avec Marysa, qui fait mine d’être affairée ailleurs. Il faudra
que je tire cette histoire au clair. Si elle veut sortir avec ce
psychopathe, qu’elle n’hésite pas. Moi, je n’en veux pas, et ce n’est
pas parce qu’il a décidé que je serais victime de son harcèlement
que Marysa doit subitement me faire la gueule.
Je quitte le Starbucks, au 1411 sur Broadway, et je prends à droite
pour marcher vers les bureaux de Camilla. Il y a plusieurs raisons
pour lesquelles je choisis tous les matins de venir écrire sur l’île de
Manhattan plutôt que de rester dans mon appartement de Brooklyn.
D’abord, je dispose d’un agréable voisin qui apprend apparemment
le violoncelle et pense que s’exercer toute la journée est une idée
formidable. Ensuite, je finis toujours par être distraite quand je suis
chez moi : la vaisselle, le ménage, une réorganisation des meubles.
Et être là-bas me rappelle que, d’ici un mois, si je ne trouve pas un
job bien payé, je serai probablement à la rue, obligée d’accepter
l’offre de Camilla de m’héberger.
Enfin, c’est aussi beaucoup plus agréable de travailler tout près
des locaux de ma meilleure amie et de pouvoir déjeuner avec elle à
l’improviste ou la rejoindre à la fin de sa journée de travail. Au moins,
je vois un peu la ville, et je n’ai pas l’impression d’être enfermée
entre les quatre murs de mon petit studio.
La neige s’est arrêtée de tomber, mais les lutins vagabondent
encore partout en ville. Les décorations de Noël ont envahi les
vitrines depuis le Black Friday. Des branches de houx, de sapins, de
la neige artificielle, du rouge et du doré : New York vit au rythme de
l’achat des cadeaux. J’aperçois mon reflet dans une vitrine. J’y vois
mes longs cheveux roux frisés et mes yeux verts, comme deux
émeraudes au milieu de mon visage, comme me disait souvent mon
père. Je secoue la tête en effaçant ce souvenir, il serait bien triste de
voir que je n’ai encore rien accompli dans ma vie. Il me fustigerait de
ne pas avoir gardé mon précédent job, me dirait que la sécurité du
travail et la sécurité financière, il n’y a que ça d’important.
Je commence à ressentir la pression qu’il mettait sur mes épaules,
alors qu’il n’est plus de ce monde. Je me sens bien bête tout à coup.
Est-ce qu’un jour je laisserai tomber les attentes qu’il avait pour
moi ?
J’arrive en bas des bureaux de Camilla et je patiente en soufflant
sur mes mains pour les réchauffer. Sa tour de verre comporte
quatre-vingt-huit étages, il y a quelque chose comme douze
ascenseurs pour permettre à tout le monde de circuler correctement,
et la boîte pour laquelle elle travaille se trouve au 42ème étage.
LOGAN
KATLYN
LOGAN
***
Elle est là, face à moi et j’essaie de lui faire mon plus beau
sourire. Je pense qu’elle ne comprend pas tout à fait ce qui est en
train de se passer. D’abord, je l’aborde au Starbucks, puis elle se
rend compte que je suis le patron de sa meilleure amie, et de toute
la tour, au passage. Tout à coup, son regard change, mais pas pour
de l’intérêt, non. Elle n’est pas intéressée. Elle est seulement
intriguée. Elle regarde sa montre toutes les deux minutes. Qu’est-ce
qu’elle a, cette fille ?
—Le stalker du Starbucks… c’est pas vrai, je n’y crois pas.
— Et pourtant ! Comment vas-tu en cette charmante après-
midi de période de Noël, madame la journaliste ?
Elle roule des yeux et son regard dérive cette fois vers l’horloge
discrète qui se trouve dans mon bureau, sur le mur de droite.
— Un verre de champagne ?
— Je ne bois pas.
— Tu ne vas pas me laisser boire seul, si ?
— Le champagne, ce n’est pas quand on conclut un accord ?
— Précisément.
Carotte fronce les sourcils et me dévisage.
— Qu’est-ce que tu me veux, au juste ?
— Je te demande juste de m’accompagner pour une soirée.
— Quand ?
— Ce soir.
— C’est pas vrai, je suis sûre que tu es du genre à tirer les
cheveux des filles pour attirer leur attention, toi.
— Quand je tire les cheveux d’une fille, crois-moi, c’est que j’ai
déjà toute son attention.
— Est-ce que tu viens de faire une allusion sexuelle ?!
— Oui m’dame. Alors, pour ce soir ?
— C’est non. Désolée. J’ai mieux à faire que de traîner avec
un type comme toi.
Elle me force à sortir l’artillerie lourde. Est-ce que ce sont ses
jambes ? Sa démarche ? Sa coupe de cheveux ? Elle n’est pas si
mal, cette fille... disons qu’elle pourrait faire l’affaire, au moins pour
un essai.
— Même pas pour dix mille dollars ?
Elle s’arrête net, et je souris. Je viens de ferrer le poisson. Elle a
mordu à l’hameçon et je la vois contracter tous ses muscles.
Elle se tourne de nouveau vers moi.
— Tu es quel genre de tordu, au juste ?
— Le genre prêt à payer dix mille dollars pour que tu
m’accompagnes à une soirée privée avec des investisseurs et
des chefs d’entreprise. Pour une journaliste, c’est le rêve, non ?
— Je ne suis pas journaliste économique.
— Tu vas les épater, j’en suis sûr.
— Je n’ai pas encore accepté.
— Allez, quoi… C’est payé combien, journaliste ? Deux mille ?
Trois mille ? Maximum. On sait tous les deux que tu gagnerais
peut-être cinq fois ton salaire juste pour une soirée avec moi.
C’est si terrible ?
— Et qu’est-ce que je devrais faire ?
— Être ma petite amie.
— Tu cherches une escort, quoi.
— Sans le sexe qui va avec. Mais c’est à peu près ça, oui.
— Et pourquoi ne pas directement faire appel à une escort ?
— Parce qu’elles n’ont pas ton petit caractère et ta
connaissance du métier de journaliste. Tu vas leur faire peur et
c’est tout à fait ce que je recherche. Alors, nous avons un
accord ?
Kaltyn hésite. Elle se mord la lèvre. Elle ne sait pas encore quoi
répondre.
— Comment j’aurai l’argent ?
— Un chèque.
— Quand ?
— Après la soirée.
— Juste après ?
— Bien sûr, on ne va pas attendre plus longtemps. Alors ? On
a un accord ?
Je lui tends une main qu’elle ne peut refuser. Elle la serre.
— Je passerai te chercher en bas de l’immeuble à 19 h. Sois à
l’heure. Tu auras ton chèque à la fin de la soirée. Considérons
ceci comme un test, tu veux bien ? Peut-être que tu
reconsidéreras ma proposition pour Noël…
— N’y compte pas trop, fait-elle sèchement en quittant mon
bureau.
Tout ce qu’elle me laisse, c’est le sourire qui vient d’éclore sur
mon visage. Quelle étonnante jeune femme. J’apprécie son
caractère. Nous devrions former un magnifique contraste, tous les
deux. Pour un faux couple, c’est super : le feu et la glace.
Le début de la soirée approche et je n’ai que très peu de temps
pour rentrer chez moi me changer, prendre quelques affaires et me
rendre à la soirée.
J’entre dans mon rooftop. Trois-cent cinquante mètres carrés sur
les hauteurs de New-York. Deux étages, un sol noir immaculé, des
murs neutres, une décoration contemporaine. Rien de surchargé.
J’ai fait appel à un architecte d’intérieur pour tout décorer. Ce que
j’aime le plus ? Mon immense baie vitrée et la terrasse, derrière, qui
va avec.
Personne en vue. J’ai un peu de temps pour fumer une cigarette.
Encore. Pourquoi est-ce que le simple fait d’aller passer cette soirée
avec Katlyn me rend nerveux ? Ça ne devrait pas.
— Ah, voilà mon frère ! Enfin ! Dis donc, tu travailles assez
tard pour un patron, non ? Je croyais que tu mettais les pieds
sous le bureau et que tu te contentais de donner des ordres,
moi.
Merde, je ne pensais pas qu’elle était déjà là ! Je projette la
cigarette par-dessus la rambarde de la terrasse et me tourne vers
elle. Pris de cours, je lui lâche sèchement :
— Je suis le plus performant de ma boîte, en fait.
— Oh, quel leader !
— Oui, si tu le dis. Je sors, ce soir. Ne m’attends pas.
— Mais… où est-ce que tu vas ? On devait se voir, non ?
— Annule. Finalement, je ne serai pas là. On se verra demain.
Je rentrerai tard. Tu peux te commander un truc à manger.
Sinon, il y a des restes dans le frigo.
Je vais passer la porte quand Amber me bloque le passage. Je
lève les yeux au plafond et soupire.
— Je vais être en retard, Amber. Décampe.
— Pas question ! Je suis là pour passer du temps avec toi,
alors où que tu ailles, tu m’emmènes.
— Je ne peux pas, c’est privé.
— Ah bon ? Tu ne peux pas ? L’un des plus grands
milliardaires de New York ne peut pas ? J’ai du mal à y croire.
Pourquoi ce n’est plus comme avant, Logan ?
Elle me regarde avec ses grands yeux de biche et me ramène des
années en arrière, quand on passait tout notre temps ensemble.
Avant que je ne change définitivement pour devenir l’homme que je
suis aujourd’hui.
— Je ne veux pas. Tu préfères ?
— Non, pas du tout !
Amber a l’air triste. Je soupire. Elle me fait son regard suppliant de
chaton miséreux.
— Pourquoi tu refuses qu’on passe du temps ensemble ?
— Tu me rappelles Maman.
— Mais je n’ai rien à voir avec elle.
— Tu es proche d’elle et je trouve ça louche. Je n’ai pas envie
qu’elle vienne mettre son nez dans mes affaires.
— Mais on parle de moi. Pas de Maman. Tu sais que nous
sommes des personnes différentes, pas vrai ?
— J’ai du mal à le croire. Maintenant, pousse-toi de mon
chemin. Tu as deux solutions : t’écarter ou te trouver un autre
logement. Et je ne le répéterai pas.
Elle secoue la tête en s’écartant.
— Qu’est-ce que tu es devenu, Logan ?
— Un sacré connard. Tout le monde le pense, mais je suis le
seul à qui personne ne le dit jamais. J’ai des affaires sur le feu.
Bonne soirée.
Je claque sèchement la porte. Amber m’a mis en retard. Je n’ai
pas que ça à faire que d’emmener ma sœur dans des soirées
privées avec des investisseurs et des patrons. Ce n’est quand même
pas si compliqué à comprendre. Et puis elle peut bien passer une
soirée seule, non ? C’est une grande fille, on se verra plus tard. Je
vais déjà me coltiner ma famille pour les fêtes de Noël, ce n’est pas
en plus pour avoir à la supporter quand je suis au travail. Avec une
vie personnelle aussi tendue, le travail est devenu pour moi une
sorte de bulle d’oxygène dans laquelle je me réfugie. Il n’y a que ça
qui compte.
Mon chauffeur me conduit jusqu’aux pieds de la tour où nous
récupérons Carotte, qui grelotte de froid dans sa robe noire,
relativement simple. Elle a mis un manteau par dessus, mais il
faudra qu’elle le retire. Il ne conviendra pas. Il n’est pas assez chic.
Au moins, les bretelles sont fines, mais j’ai connu plus élégant. Elle a
assorti le tout d’une paire de talons. Pas mal. Ça aurait pu être pire.
J’ouvre la portière.
— Monte.
Elle s’exécute sans discuter et nous roulons en direction de l’hôtel
particulier où se déroulera le dîner. Un endroit tout à fait charmant,
privatisé pour l’occasion.
— Alors ? demandé-je.
— Alors quoi ?
— Comment tu te sens ?
— Comme une prostituée.
Je m’esclaffe. C’est donc ça l’effet que je produis sur elle ? Je
m’attendais plutôt à ce qu’elle soit sous le charme, comme
toutes les autres.
— Katlyn, c’est ça ?
Elle hoche la tête en regardant dehors, par la fenêtre. Ses yeux se
perdent dans l’immensité de la ville.
— Logan Archer…
— En effet.
— Il y aura du monde ?
— Du beau monde, oui. Avec ta dégaine de journaliste, tu vas
leur faire peur, j’ai hâte.
— Pourquoi est-ce qu’ils craignent la presse ?
— Les trois-quarts d’entre eux font du détournement et l’autre
quart trempe dans des affaires plus que douteuses.
— Et toi, tu es dans quel quart ?
— Je te laisse deviner.
Durant le trajet, elle reste relativement silencieuse. Je décide
de m’intéresser à elle. Je suis toujours curieux. Nous avons
beau nous diriger vers une soirée en tant que faux couple, j’ai
envie d’en savoir davantage. Cette fille pique ma curiosité.
—Tu travailles pour quel journal ?
— Un journal… indépendant.
— Ça ne me dit pas le nom.
— Tu vas encore me cuisiner comme au Starbucks ?
— Je pourrais bien, oui. Ah, merde, téléphone… deux
secondes. Oui, Greg ? Oui, on arrive ! Ça va, j’ai pris un peu de
retard à cause de ma sœur, mais on est là dans deux minutes.
Je m’en fous, moi… eh bien, tu leur dis d’attendre !
Je raccroche aussi sec.
— Autoritaire, hein ?
— Toujours. Une main de fer dans un gantelet d’acier.
— Ce n’est pas ça, le proverbe.
— Ce n’est pas un proverbe, c’est ma façon d’être. Nous
sommes arrivés.
La voiture s’arrête devant l’immense hôtel particulier. Nous
descendons et empruntons la double porte qui mène jusqu’au hall
principal. L’endroit est immense, guindé de décorations toutes plus
démesurées les unes que les autres : des buffets, des montagnes
de coupes de champagnes prêtes à l’emploi, un tapis rouge sur le
devant et des serveurs tirés à quatre épingles qui passent et
repassent sous l’énorme lustre de cristal pour aller satisfaire les
demandes des plus grandes fortunes de New-York.
J’aperçois Greg, un peu plus loin. Il se dirige vers moi.
— Tu en as mis, du temps.
— J’ai été retenu par Amber.
— Comment va-t-elle ?
— Ce n’est pas ça le souci. Amber fait du yoga, Amber aime la
vie, Amber la croque à pleines dents. Bref, Amber est une
personne qui rayonne et que tout le monde adore.
— Ça vous fait un point commun, alors, ironise-t-il.
Sa remarque fait sourire Katlyn, à laquelle Greg se présente.
— Vous devrez être Katlyn, c’est ça ?
Elle hoche la tête.
— Je suis Greg. Enchanté. Le premier Cerbère du démon à
côté de vous.
— Tu te lances dans l’humour ?
— Ne vous fiez pas à son caractère de cochon, Katlyn. Il a le
cœur tendre.
— Et voilà, c’était Greg, dis-je en dirigeant ma fausse petite-
amie dans une autre direction après avoir salué mon ami.
Je crois que son intervention de type détendu, au milieu d’une
soirée guindée, a eu pour effet de la mettre un peu plus à l’aise. Mon
seul regret est de ne pas avoir pu le faire moi-même. Je ne veux pas
qu’elle se sente mal, ici. Greg m’a coupé l’herbe sous le pied. Je
vais essayer de détendre l’atmosphère avec une pique :
— Va donc leur faire peur, Carotte.
— Comment tu m’as appelée ?
— Katlyn, pourquoi ? ironisé-je en souriant.
— J’ai très bien entendu.
— Je trouve que ce surnom te va à ravir.
— C’est comme si je t’appelais petite prune à cause de ta
couleur de cheveux.
— Si ça te fait plaisir. Ce sera nos petits surnoms
d’amoureux…
11
Chapitre post-recrutement
KATLYN
LOGAN
KATLYN
LOGAN
KATLYN
Je ne réponds pas.
16
Chapitre post-Shawn
LOGAN
Moi : Tout va bien ? Armin m’a dit qu’il t’avait déposée à l’hôpital.
Si tu as une maladie qui peut te faire mourir dans les trois semaines
à venir, j’aimerais que tu tiennes au moins jusqu’à Noël. On a un
deal.
J’hésite à envoyer le message. Ce n’est peut-être pas très
charmant et un peu abrupt. J’ai les doigts gelés, et je m’énerve.
Moi : Tu es malade ?
Moi : Carotte ?
Je crois que c’est le mieux que je puisse faire. Je ne peux pas être
plus sympathique que ça avec elle. Je reconnais que je ressens tout
de même une pointe d’inquiétude. Je n’aimerais pas qu’il lui arrive
quelque chose de trop grave. Ça compromettrait notre deal, mais
surtout, ce serait dommage pour elle. Elle ne mérite quand même
pas ça.
Armin débarque enfin pour me récupérer.
—Tu en as mis du temps.
— Chez vous, boss ?
— Non. Au même hôpital. Je veux savoir ce qui se trame là-
dessous.
D’accord, peut-être que je m’inquiète quand même un peu. Même
beaucoup. J’ai déjà ouvert mon cœur par le passé et tout ce que j’en
ai retiré, ce sont des blessures. Même si je l’apprécie, je ne veux pas
qu’elle le sache. Jamais. Je ne veux pas qu’on puisse encore profiter
de moi comme on l’a déjà fait avant. Je ne commettrai pas cette
erreur deux fois et tant pis pour ma vie amoureuse. Je dois faire un
choix.
17
Chapitre post-arrivée aux urgences
KATLYN
***
LOGAN
KATLYN
LOGAN
Je soupire. Carotte est bien curieuse, tout à coup. Est-ce que c’est
son âme de journaliste qui se réveille ? Elle est décidément une
sorte d’archétype à elle seule. Une journaliste qui aimerait devenir
écrivain. Quoi de plus cliché ? Quoi de plus banal ? Mes parents
vont adorer ça. Ils n’ont en plus aucun problème particulier avec la
littérature ou ceux qui rêvent d’en faire. Ils aiment les grands romans
américains, comme on les appelle. Ils ne vont pas spécialement
l’aimer, elle, mais au moins ils n’auront pas de franches réticences à
son égard. Elle a quand même un boulot fixe.
— Qu’est-ce que je pourrais bien avoir comme ambition,
Carotte ? J’ai déjà tout ce que je veux et le monde entier me
mange dans le creux de la main.
— Je ne sais pas. Il n’y a pas un rêve qui tient à cœur à
Logan Archer ?
— Si, celui de passer un Noël sans qu’on me pose de
questions idiotes.
— Disons que pour celui-là, c’est raté. On verra pour le
prochain. Alors ?
— Je n’en sais rien, dis-je en haussant les épaules.
Elle en a de bonnes, Katlyn ! Dans la vie, ce qui me motivait,
c’était de devenir riche pour ne plus jamais avoir besoin de rien. Très
riche. Mais d’une certaine façon, je me demande toujours : l’est-on
jamais assez ? Peut-on vraiment être satisfait ? Ce n’est pas ma
philosophie. Pour moi, la vie est un long combat. Une très longue
quête de satisfaction dans un monde illusoire. Nous ne serons
jamais satisfaits. Jamais ! Moi le premier.
Elle me prend au dépourvu. Tout ce que j’ai à proposer comme
piste de réflexion, c’est de la philosophie de comptoir à deux balles.
La même que celle qu’on déballait chez Shawn, avec Mike. Je
voulais réussir, c’est tout. Parce que c’est ce que les gens font. C’est
ce à quoi les gens aspirent.
—Tu ne voudrais pas avoir des amis ?
— J’ai des amis. J’ai Greg, l’un de mes associés.
— Qui d’autre ?
— Mon chauffeur.
— Des amis que tu ne paies pas, peut-être ?
— C’est pareil.
— Absolument pas.
Bordel, ce rendez-vous n’a déjà que trop duré. Je n’ai pas envie
que nous passions toute la journée à tenter de me faire une foutue
introspection. Je ne crois pas à ces histoires. L’introspection… Vaste
blague ! C’est comme si on sortait de notre propre esprit pour voir ce
qui n’allait pas dedans. Comment pourrait-on sortir de notre esprit
autrement que par le prisme de notre esprit, justement ? Ça n’a
aucun sens. En tout cas, une chose est sûre : au niveau des
questions, elle diffère franchement des autres journalistes que j’ai pu
rencontrer.
— Bien sûr que si. Il y a aussi mon assistante…
— Que tu paies. Encore et toujours. Tu paies les gens pour
qu’ils t’entourent, c’est ça ? Même ta fausse petite amie, tu veux
la payer.
Si les gens en voulaient à autre chose qu’à mon argent, je
pourrais peut-être leur ouvrir mon cœur mais jusqu’à présent, ça n’a
jamais été le cas et je ne vois pas pourquoi ça commencerait
maintenant.
— Tu poses beaucoup de questions.
— Pourquoi tu ne t’entends pas avec Mike Fellbow ? J’ai
l’impression que de le voir t’a fait l’effet d’une douche froide. Tu
étais à la fois écœuré et en colère.
— Je crois que tu devrais encore un peu travailler ton style
avant de devenir écrivain.
Je suis dur. Méchant gratuitement, et je le sais. Je ne veux pas la
blesser, simplement lui faire changer de sujet.
— Je t’emmerde. Alors ?
Raté.
— Lui et moi, on a une vieille rivalité. C’est tout.
— À propos de quoi ?
— J’en ai déjà trop dit.
— Mais je ne sais toujours rien de toi !
Elle commence à m’agacer. Je serre les poings. Pourquoi est-ce
que ce que je l’intéresse autant ? Pourquoi elle ne peut pas
simplement faire ce que je lui demande ? C’est comme ça que
doivent procéder les employés, non ? On leur donne des ordres, ils
obéissent et ils la ferment. Si elle voulait être payée pour réfléchir,
elle est mal tombée. Elle est là pour agir et encore, pas agir de sa
propre initiative : les directives viennent de moi. Si j’ai réussi à diriger
plusieurs grandes sociétés dans ma vie, je crois que je devrais être
capable de diriger cette fille à tête de mule.
— Je m’appelle Logan Archer, je n’ai pas de rêves, j’aime le
karaté et je n’ai qu’une ambition : faire de la vie de Mike Fellbow
un enfer. Pourquoi on ne parle pas plutôt du fait que tu as la
trentaine, que tu as des rêves, mais que tu n’as rien fait pour les
réaliser ? Tu veux devenir écrivain ? Très bien. Qu’est-ce qui
t’en a empêché, jusqu’à présent ? Quand on veut quelque
chose, on le fait, et c’est tout. On ne laisse rien se mettre en
travers de notre chemin, sinon c’est qu’on ne le veut pas
vraiment et qu’on ne le mérite pas plus. On appelle ça de la
velléité. Tu écris, au moins ? Fonce, fonce, fonce !
— Je… je…
— C’est bien ce que je pensais.
Son regard se ferme. On dirait que j’ai touché un point sensible.
Alors, elle est comme ça ? Comme tous les autres ? Comme tous
ceux qui disent « je veux faire ci, je veux faire ça », mais qui ne se
donnent jamais les moyens d’accomplir leurs ambitions ? Je me
demande toujours : ont-ils plus peur du succès que de l’échec ?
— Détrompe-toi, lâche-t-elle. J’ai écrit.
— Tu m’en diras tant. Bon, bref… Tout ça, ce ne sont que des
conneries. Je ne veux pas de tes histoires, et je n’ai pas envie
de te raconter la mienne non plus. Si tu veux me tirer les vers
du nez pour en faire un article, tu devras t’y prendre autrement.
— Visiblement, tu veux la jouer perso. Super. Quand on se
sera fait griller, tu ne viendras pas pleurer. De toute façon, ce
sera ton problème, et pas le mien. Moi, tes parents, je ne les
reverrai pas. Ce sera à toi d’assumer tes conneries.
Le reste de ce rendez-vous préliminaire est utilisé à des fins
administratives. Nous revoyons ensemble certains points du contrat
sur lesquels Carotte n’est pas d’accord. Je les note
scrupuleusement, nous négocions, et nous finissons par arriver à un
accord. Très bientôt, elle pourra signer les papiers modifiés et cela
marquera notre premier vrai « rendez-vous ». Habituellement, quand
je suis supposé avoir un rencard, je ne m’encombre pas de
complaisance ni de banalités. J’emmène la femme chez moi
directement et en moins d’une heure nous sommes aux portes du
paradis – sans vouloir me vanter. Parfois, je les autorise à passer
une nuit chez moi, mais c’est rare. L’immense majorité du temps, je
les fais raccompagner par Armin.
— Demain, on déjeune ensemble.
— Pourquoi ? demande-t-elle.
— Parce que je veux voir comment tu te tiens à table. Il y a
des manières à respecter et je vais te les apprendre. Je peux
déjà voir à ta façon de te comporter que tu es sûrement une
sauvageonne qui mange avec les doigts.
— Oui, et je me roule dans la boue, aussi.
— Je ne sais pas si c’était un trait d’humour, mais je vais
prendre ça au premier degré. À demain.
— Ton assistante m’appellera ?
— Exactement. Et Armin te donnera les détails.
Après avoir lâché ces quelques mots, je m’éclipse. Nous n’avons
pas besoin de passer plus de temps ensemble.
— Marysa, tu peux mettre ses prochaines consommations sur
ma note. Je réglerai demain.
Je ne suis même pas sûr qu’il y ait une note dans ce genre
d’établissement, mais je sais que Marysa fera ça pour moi.
Je quitte le rendez-vous, essoufflé. Je n’y arriverai pas. Je n’y
arriverai jamais. Je retrouve chez Katlyn les mêmes choses qui
m’attiraient chez celle qui m’a mis en mille morceaux. Je suis en
apnée à chaque fois que je suis avec elle. Bordel de merde, elle me
plaît et je ne veux pas de ça. Je ne la laisserai pas réellement entrer
dans ma vie mais je n’ai pas le choix jusqu’à la fin de Noël. Je serai
dur. Intransigeant. Je ne laisserai pas une femme me détruire une
nouvelle fois.
Je me rends jusqu’au bureau. Il n’y a pas de meilleur endroit que
le haut de ma tour. Le reste m’est bien égal, en fait.
Demain, j’irai déjeuner avec Carotte et je lui apprendrai les bonnes
manières dans le même temps. Il y a des codes très particuliers à
respecter, et mes parents sont très à cheval dessus. Elle ne doit pas
y déroger, sinon, ce sera la catastrophe. Ce sera la première étape.
Je repense aux paroles de Shawn à propos de Carotte. Et de
Greg, aussi. Ils se sont tous donné le mot pour utiliser leur fameuse
expression : « du grand Logan ». Comme si je n’étais pas quelqu’un
de gentil ou de fréquentable. Je fais les choses efficacement, moi.
Je vais à l’essentiel à chaque fois et je tape dans le mille. Si on veut
se mettre en couple, c’est pour avoir des relations sexuelles de
façon régulière. Je préfère sauter l’étape du couple et juste avoir des
relations sexuelles. C’est moins contraignant.
Je ne vais pas me comporter comme un goujat. Carotte m’amuse.
Elle me distrait mais me fait peur en même temps. Ma vie se partage
entre mon bureau et mon appartement. Le karaté aussi, parfois.
Mais le plus souvent, je suis réglé comme du papier à musique et je
crois que sa façon d’être apporte une petite bulle d’oxygène dans
ma vie. J’apprécie sa compagnie, mine de rien. Je n’irai pas jusqu’à
dire que je ne pourrais pas m’en passer, mais être avec elle m’en
apprend un peu plus sur moi. Elle a au moins ce mérite. Demain, je
vais essayer d’être agréable. Disons… dix pour cent de plus
qu’aujourd’hui. Pour cela, je vais avoir besoin d’aide.
KATLYN
LOGAN
KATLYN
Dan n’est pas allé bien loin, la sécurité l’a arrêté, il a été attaché
à son lit. J’ai une marque sur la joue, mais rien de grave. J’ai pu
discuter avec le médecin et nous en sommes arrivés à la conclusion
que Dan allait passer sous ma tutelle.
Ce qui me donne l’autorisation de l’envoyer en cure contre son
gré.
J’ai signé les papiers. Je ne vois pas d’autres solutions.
— Ce serait peut-être mieux que vous ne reveniez pas, a
ajouté le médecin.
Il ne le disait pas méchamment, juste que je ne suis pas la
personne que Dan a envie de voir en ce moment. Il doit se soigner
et ensuite, peut-être qu’il aura envie de me voir. J’ai serré les poings,
hoché la tête. Le centre de cure m’a dit la même chose, qu’il ne
fallait pas que je vienne le visiter avant qu’il ne le réclame lui-même.
J’ai acquiescé, payé le premier mois, contemplé la facture d’hôpital
avec un air désabusé.
Je n’ai déjà plus un rond.
Comme ce n’est pas moi qui vais finalement emmener Dan au
centre de désintox, mais une ambulance, je décide de me
reconcentrer sur la mission importante du moment, celle qui remettra
de l’argent sur mon compte en banque : Logan Archer. Je passe par
la chaîne de commandement, pour ne pas être désagréable et
j’appelle donc Caroline.
— Caroline, assistante de Logan Archer, que puis-je faire pour
vous ?
— C’est Katlyn, dis-je en me raclant la gorge.
— Katlyn ? Katlyn ?
— Katlyn Kerwood.
Suis-je bête. Elle doit avoir un paquet de Katlyn au téléphone dans
sa journée, je suis sûrement le cadet de ses soucis.
— Oh, cette Katlyn, dit-elle.
— Je tiens à m’excuser pour mon comportement au téléphone.
— Vous n’avez rien fait de mal, ce n’était pas dirigé contre moi.
— Ce n’était pas une raison pour que je hausse le ton.
— Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
— Dites à Logan que je suis disponible demain soir finalement.
— Ah, monsieur Archer sera très content de le savoir, il n’aime
pas que ses plans soient contrariés. Pour être honnête, je ne le
lui avais pas encore annoncé. J’attendais la dernière minute
avant de partir pour pouvoir filer et ne pas encaisser sa colère.
— Je…
Je ne sais pas trop quoi répondre à ça. Je n’imaginais pas qu’il y
aurait de telles conséquences.
— Armin passera vous chercher à votre domicile à 17 h.
Donnez-moi l’adresse.
— Je préférerais qu’on se retrouve au bas de la tour des
bureaux, dis-je.
Pas besoin qu’Armin découvre que je vis dans les bas quartiers de
Brooklyn.
— Très bien. 17 h 30, dans ce cas ?
— Oui, dites-lui aussi qu’il n’a pas besoin de m’accompagner
demain matin, je me débrouillerai pour aller au rendez-vous
médical.
— Monsieur Archer a annulé le rendez-vous médical.
— Ah bon ?
Je regarde mon téléphone portable et tombe sur le texto.
Je raccroche après quelques échanges polis, scellant mon sort
auprès de Logan Archer. Je serai sa chose, je serai la potiche
banale qu’il recherche, puisqu’il le faut. Tant qu’à la fin, j’ai de quoi
sauver Dan. Mais il semble avoir retrouvé un brin de dignité en
annulant le rendez-vous chez le médecin et je ne sais plus
exactement quoi penser de lui.
*****
Je déambule dans les rues de Manhattan pour me détendre, je
passe devant mon Starbucks habituel en rentrant, hésitant à m’y
arrêter. Puis je me rappelle que mon ordinateur ne démarre plus
depuis que Dan a mis un coup dedans. Je renonce et attrape un bus
pour rentrer chez moi.
Je passe l’après-midi à essayer toutes sortes de tenues, mais je
n’ai aucune idée du lieu de notre sortie et de la façon dont je dois
m’habiller. Est-ce qu’il ne pourrait pas être moins mystérieux ? Ou
carrément me faire envoyer des tenues pour que je sois dans le
thème ? Il n’y avait pas ça dans un film ? La tenue expédiée
directement chez la nana ? Je suis certaine que c’est un cliché, mais
que Logan pourrait tout à fait le faire.
À 17 h 25, je suis en bas de ses bureaux. La neige tombe en
flocons épars. J’ai mis un bonnet vert, qui couvre mes cheveux en
partie, mais fait ressortir mes yeux. J’ai opté pour une jupe noire,
une paire de collants épais, des talons bien moins hauts que la
dernière fois et une chemise verte proche du corps. Je suis dans les
couleurs militaires, mais j’aime bien et je me sens… moi. Avec tous
les mensonges qui virevoltent dans ma tête quand je suis à côté du
milliardaire, me sentir bien dans ma peau est important.
À 17 h 30, la limousine s’arrête devant les bureaux, Armin
descend et m’ouvre la portière.
— On n’attend pas Logan ?
Il me sourit.
— Monsieur Archer est déjà sur place, me dit-il finalement.
Nous le retrouverons là-bas.
— Là-bas… ? Où ?
Il me sourit à nouveau.
— Monsieur Archer m’a précisé de garder la surprise.
Je bougonne, j’entre tout de même, me rappelant ma promesse
de bien me comporter, et je sors mon téléphone pour tenir Camilla
au courant. J’active également ma localisation GPS, parce que je
suis parano. On n’est jamais trop prudente.
Je suis surprise quand nous nous arrêtons, quinze minutes plus
tard, et que je découvre que nous sommes devant l’une des plus
grandes librairies de Manhattan.
— On est arrivés ?
Ma voix est étonnée, je suis presque paralysée sur le siège
arrière. Armin sort et m’ouvre, je secoue la tête pour reprendre mes
esprits. Il y a un piège ? Qu’est-ce que je fais ici ? Est-ce que Logan
est au courant que je suis écrivain et pas journaliste ?
Il est là, et il n’a pas revêtu un costume, pour une fois. Est-ce qu’il
est passé se changer après sa journée de boulot ? Il a sûrement un
dressing à son travail, remarque. Il porte un jean bleu délavé, plutôt
simple, un t-shirt et une veste qui met son torse en valeur. Son
écharpe bordeaux toujours nouée autour du cou, il s’approche de
moi et me tend son bras. Je me demande comment il fait pour ne
pas être frigorifié. J’ai l’impression que si je reste deux minutes de
plus sous la neige, je vais me transformer en glaçon.
— Carotte, dit-il.
— Toute la magie est rompue, grommelé-je.
— La magie ? Il y avait de la magie ?
— J’arrive en limousine devant une librairie, ce qui est un peu
mon petit paradis sur terre, un beau jeune homme galant me
tend son bras… Non, ça démarrait plutôt bien cette histoire.
Puis tu as ouvert la bouche.
Je le taquine. J’ai promis de bien me comporter, mais je ne peux
m’empêcher de m’amuser un peu avec ses nerfs. Il n’a pas l’air de
prendre la mouche pour autant.
— J’aime bien ce petit surnom, il est… mignon, tu vois ?
Il me regarde et je vois qu’il s’arrête sur la griffure sur mon visage.
— Tu as un chat qui s’amuse à te griffer ?
—Je suis tombée, dis-je. J’ai un bleu également, mais rien de
grave.
Je montre mon flanc à travers mon chemisier, mais ne le soulève
pas.
— Tu es maladroite, alors ?
— Oui.
Je pince les lèvres. Je ne suis pas connue pour ma maladresse,
au contraire. Je suis du genre à faire tellement attention que je ne
fais jamais rien tomber.
— Serait-ce de l’inquiétude ? demandé-je pour changer de
sujet.
— Je m’inquiète pour notre deal. Je ne peux pas amener une
nana couverte de bleus à mes parents, ils vont croire que je la
bats.
Je lève les yeux au ciel. Adieu le charme, adieu le romantisme.
Voilà le retour du Logan terre à terre. Il voit qu’il a fait un faux pas,
car il se racle la gorge et me présente la librairie.
— Nous sommes ici pour la séance de dédicaces d’un auteur
très connu, explique-t-il.
— Très connu ?
— Harvey Staalman, dit-il avec fierté.
J’ouvre la bouche, la referme, la rouvre. Harvey Staalman
représente le sommet de la fantasy de nos jours. Sa trilogie est
mondialement connue, je l’ai dévorée au moins trois fois,
m’immergeant dans l’univers et m’identifiant à maints personnages.
Mais surtout, j’ai rêvé que j’étais Harvey Staalman, et que moi aussi
je vivais de mon écriture.
— Vraiment ? dis-je, incrédule.
Il pointe de l’index la pancarte sur notre gauche ; elle indique le
nom de l’auteur.
— On y va ? propose-t-il.
Je hoche vivement la tête, lui attrape le bras et me serre contre lui,
trop enthousiaste à l’idée de rencontrer l’auteur de mes rêves. Les
portes de la librairie s’ouvrent automatiquement devant nous et, tout
de suite, l’odeur du livre monte à mes narines. Je prends plaisir à
respirer, je m’extasie presque sur la décoration de Noël, moi qui
déteste ça habituellement. Je suis dans mon élément. Il y a foule
autour de la table de dédicaces de Harvey Staalman. Logan veut
s’en approcher tout de suite, mais je lui dis que ce n’est pas
nécessaire.
— On a tout le temps, non ? On peut flâner dans les allées ?
Il me regarde. Je ne sais pas ce qui réussit à le convaincre. Mon
sourire ? La douceur de mon ton ? Le fait que c’est vraiment
agréable pour moi d’être ici ? Il a l’air de se détendre à l’instant où il
me dit :
— Oui, bien sûr.
Ses épaules retombent un peu, il ressemble plus à un homme de
mon âge qu’à un businessman, maintenant. Je l’entraîne vers le
rayon fantasy, mon préféré, et je passe mon index sur la tranche des
livres que j’ai déjà lus et dévorés, lui expliquant à chaque fois le
point qui me paraît le plus intéressant dans chaque histoire. Il ne
connaît aucun des titres dont je lui parle.
— Vraiment ? Harry Potter ? Tu n’as pas lu Harry Potter ?
Il hausse les épaules.
— C’est… bluffant, dis-je finalement. Tu n’as même pas vu les
films ?
— Non, avoue-t-il.
— Très bien, avant la fin de ce contrat, nous ferons en sorte de
te mettre au moins devant les films, décidé-je sur un coup de
tête.
Je me rends compte, la seconde suivante qu’il s’agit de huit films,
fort longs, et que je viens plus ou moins de proposer de les regarder
avec lui. Son regard s’est allumé et je n’ai pas envie de revenir sur
mes paroles.
— C’est l’histoire d’un jeune garçon, orphelin, qui vit chez sa
tante, dans un placard et qui découvre qu’il est admis à
Poudlard, l’école des sorciers, commencé-je à expliquer.
— Katlyn ! s’écrie une voix dans mon dos.
— Oh, Amber ! dis-je en apercevant la sœur de Logan. Qu’est-
ce que tu fais ici ?
Elle se précipite vers moi et me prend dans ses bras comme si
nous étions les meilleures amies du monde. Je lui rends son
étreinte, parce que je ne me vois pas refuser autant d’amour. Amber
est débordante d’énergie et d’affection, c’est fou. Je me demande
comment elle peut avoir des gènes en commun avec Logan.
Le regard de ce dernier s’est assombri. Amber n’est pas seule.
Mike est juste derrière elle.
24
Chapitre post-entrée librairie
LOGAN
KATLYN
LOGAN
KATLYN
— Mais pourquoi ?
Ce n’est pas la première question qui m’est venue. C’était plutôt
« et tu tiens suffisamment à moi pour tabasser quelqu’un qui dit du
mal de moi ? ».
— Pourquoi quoi ? Pourquoi il a dit du mal ?
— Non, ça, je n’ai aucun doute sur le fait que c’était pour
t’énerver, te faire sortir de tes gonds et déclencher une bagarre.
— Pourquoi quoi, alors ?
— Pourquoi tu l’as frappé ?
— Parce qu’il m’a énervé et fait sortir de mes gonds ? dit-il sur
un ton qui indique clairement que son humeur n’est plus au
beau fixe.
Et ce n’est ni la faute des cheeseburgers ni la faute de la table
grasse. Non, c’est celle de Mike.
— Tu ne veux pas me dire quel est le problème entre vous
deux ?
— Non.
— OK, alors qu’est-ce qu’il a dit sur moi pour que tu décides
de te jeter sur lui ?
Il se renfrogne et je sens que je vais devoir lui tirer les vers du
nez.
— Ça me concerne, je te ferais remarquer, ajouté-je.
— Nan. Tu n’as pas à savoir. C’est un truc entre Mike et moi.
— Apparemment, c’est entre Mike, toi et moi puisque je suis le
sujet de la bagarre. Crache le morceau, Logan. Qu’est-ce qu’il a
dit ?
— Que si tu étais intelligente, tu te barrerais comme mon ex.
Je ne vois pas trop en quoi c’est dire du mal de moi. C’est plutôt
une atteinte à l’ego de Logan. Qu’est-ce qu’il s’est passé avec son
ex pour que ça soit important pour lui ?
— Et que tu étais fringuée comme un sac à patates, ajoute-t-il.
— Oh. Ça va, ça aurait pu être pire.
— C’est tout ce que tu trouves à dire ?
— Je ne me fringue pas spécialement bien, il n’a pas tort. Ça
m’est égal qu’il dise ça, honnêtement.
— C’est l’effet que ça te fait ? Tu te couches, tu le laisses dire
n’importe quoi ?
— Ce n’est pas tout à fait n’importe quoi, rétorqué-je en
observant ma tenue.
J’aime porter du vert, parce que je sais que ça fait ressortir mes
yeux, mais je dois avouer que mes vêtements ne sont pas du tout de
la même qualité que ceux de Logan ou des autres personnes qui se
trouvaient à cette conférence. Je n’ai pas d’excellents goûts
vestimentaires et l’intégralité de ma garde-robe provient des friperies
de Brooklyn. Non, on ne peut pas dire que j’ai du style.
— Carotte, tu ne devrais jamais laisser quelqu’un te dire que
tu… personne ne devrait dire du mal de toi, OK ? Et
certainement pas de ton physique, ils seraient gravement dans
l’erreur. Tu es mignonne et tu m’excites. Mike n’est qu’un gros
con qui est jaloux parce que…
Je n’écoute pas la suite et je cligne des yeux deux fois en réalisant
les mots qu’il vient de prononcer. Je suis mignonne ? Et je l’excite ?
Et il dit ça sur le ton de la conversation, comme si ça n’avait aucune
importance ? J’inspire un grand coup pour avaler les informations,
c’est du grand Logan en fait. Pour lui, le fait que je l’excite ne change
rien à la situation, c’est juste une information, un fait, un constat.
— OK, il a été con et toi, plutôt que de tourner les talons et de
le laisser dire, tu lui es rentré dans le lard.
— C’est ça, confirme Logan en croisant les bras sur sa
poitrine.
Il n’a pas osé toucher à son cheeseburger dégoulinant de gras. Je
prends le mien à deux mains et croque dedans. Il me regarde avec
un air amusé.
— Quoi ? demandé-je.
— Tu en as partout sur le visage.
Il prend une serviette en papier sur la table, tend le prend et
essuie mon menton.
— Je ne suis pas maladroite, dis-je.
— Mais tu te fais griffer par des chats.
Il repose la serviette pleine de sauce et caresse de l’index la
cicatrice que m’a laissée mon frère sur le visage. Je repousse aussi
sa main et lui jette un regard mauvais.
— Je sais à quel jeu tu joues avec ton histoire de griffes de
chat. Je n’ai pas de chat, Logan. Je suis tombée, point barre.
— Donc tu es maladroite, confirme-t-il.
Je lève les yeux au ciel. C’est moi qui ai initié le mensonge, et
voilà que je continue de me vautrer dedans.
Mais la tension est retombée entre nous, la bagarre est oubliée et
je me sens étrangement bien. Je termine mon burger, puis observe
celui de Logan.
— Tu dois le manger, dis-je. Je n’admets pas le gâchis.
— Ce machin est tellement gras que je vais sûrement me
boucher les artères avec.
— Tu dois essayer ! insisté-je.
Il bougonne, mais attrape le burger. C’est à croire qu’il n’en a
jamais mangé de sa vie, vu la façon dont il le tient.
— OK, et maintenant tu ouvres la bouche et tu enfournes le
truc dedans.
Il secoue la tête de droite à gauche comme pour dire que je suis
incorrigible, mais s’exécute, mord un petit bout, ne serre pas assez
fort les deux pains et voit le steak à l’intérieur se faire la malle vers
l’arrière du sandwich.
— Ce truc est immangeable, décrète-t-il après avoir avalé une
première bouchée.
Mais deux minutes plus tard, tandis que je lui raconte pourquoi je
suis tombée en amour avec les burgers, il reprend un morceau et
semble apprécier le goût.
— Mon père m’emmenait tous les mercredis soir manger un
burger quand j’étais gamine, expliqué-je. On commandait
toujours une nouvelle recette, on essayait des mélanges
improbables.
— Il ne peut pas y avoir autant de recettes que ça.
Je lui jette un regard consterné.
— Ton expérience avec les burgers se limite à vingt minutes
dans un snack, alors je vais ignorer ta phrase et ne pas t’en
vouloir.
Il rit de ma réponse.
— Je dois dire que s’il y a bien un sujet où tu me surpasses, il
s’agit de celui des burgers.
C’est la première fois que je l’entends dire qu’il n’est pas le
premier quelque part, je me sens flattée qu’il m’accorde du crédit
pour quelque chose, même s’il s’agit d’une histoire de gras.
— Qu’est-ce que vous vous êtes dit avec Amber ? demande-t-
il ensuite, continuant de manger son burger avec parcimonie.
— Rien qui te concerne, rétorqué-je.
— C’est ma sœur, lâche-t-il.
— Oui, je suis certaine qu’elle est ta sœur quand ça t’arrange.
— Un point pour toi.
Et deux points en moins de quelques minutes. Est-ce l’odeur
alléchante du gras et de la friture qui font que Logan a laissé de côté
sa cape de Super Connard ?
Le reste de la soirée se déroule dans une entente bon enfant.
Nous déambulons un peu dans les rues de New York, il m’offre la
barbe à papa la plus gigantesque que je n’ai jamais mangée et je
dois insister pendant vingt minutes avant qu’il accepte d’en manger
un bout. À peine le sucre pénètre-t-il dans sa bouche qu’il se met à
crier comme si c’était du poison. Il m’amuse avec ses manies
étranges. Je ris aux éclats. Il finit par appeler Armin quand je me
mets à trembler de froid. Il passe sa main plusieurs fois dans mon
dos pour essayer de me réchauffer et finit par me coller contre lui.
— On va te déposer, décide-t-il quand la limousine se gare à
côté de nous sur le trottoir.
— Non, dis-je fermement.
J’ai beau avoir passé une soirée agréable, sans vraiment
comprendre comment ou pourquoi, je ne veux pas qu’il sache où
j’habite.
— Comment ça, non ? Tu es gelée. Si tu tombes malade, pas
de Noël à Beverly Hills.
Je lève les yeux au ciel.
— Je ne vais pas tomber malade parce qu’il fait un peu froid.
La neige a cessé de tomber, le sol est recouvert de flocons et pour
la première fois depuis cinq ans, je ne ressens pas d’animosité
envers décembre, son temps neigeux et ses décorations de Noël.
— Ne m’oblige pas à te citer le contrat, lance Logan.
— J’ai juste envie de rentrer toute seule, ce n’est pas pour
m’opposer à toi.
Les mots sortent avec douceur de ma bouche, en vue de l’apaiser.
Je suis sincère. J’ai envie de prolonger cette sensation de bien-être
que je ressens dans mon cœur. Je ne pense pas à Dan, je ne pense
pas à mes parents, je ne pense même pas à la galère financière
dans laquelle je suis. J’ai l’impression que j’apprécie simplement le
moment présent, et ça ne m’est pas arrivé depuis des mois, peut-
être des années. Je n’ai pas envie de gâcher ça avec les
commentaires de Logan sur le lieu où je vis.
— Tu sais que tu as indiqué ton adresse dans le contrat,
ajoute-t-il. Je sais où tu vis. J’ai vu la gueule de ton immeuble
sur Google View. Et je ne peux pas dire que ce soit sexy, mais
j’imagine que les journalistes ne gagnent pas un rond, donc je
ne peux pas dire que je sois étonné.
Il n’y a pas très longtemps, j’aurais eu peur qu’il dispose d’une
telle information sur moi. Mais je suis responsable de ce mensonge
aussi, et ça me convient parfaitement.
— OK, dis-je finalement en montant dans la limousine. Mais je
ne veux pas un seul commentaire sur l’aspect délabré de mon
immeuble, sur le fait que mon métier ne rapporte rien, ou autre
chose.
Il ne promet rien, mais m’incite à monter à côté de lui. Je m’installe
à l’arrière de la limousine, je donne l’adresse à Armin et il lance le
GPS pour nous sortir de Manhattan.
— J’ai le droit de parler au moins ? demande Logan.
— Je ne sais pas, ça dépend de ce que tu vas dire.
— Je ne m’attendais pas à passer un bon moment lors d’un
faux rencard, lâche-t-il.
L’information circule dans mon corps et je sens un peu de chaleur
m’envahir.
— Je ne m’y attendais pas non plus, confirmé-je.
Il ne dit rien de plus de tout le trajet, nos corps s’effleurent, côte à
côte, à l’arrière de la limousine. J’essaie de faire le tri dans mes
émotions de la soirée, sans y parvenir. Quand la limousine s’arrête
devant mon immeuble, j’ai l’impression que c’est trop tôt et trop tard
à la fois. Trop tôt parce que je n’ai pas envie que cet instant s’arrête.
Trop tard, parce que nous n’avons pas échangé un mot de plus et
j’ai l’impression d’être tout à coup gauche, maladroite et mal à l’aise.
Armin sort pour m’ouvrir la porte.
— Vous n’aviez pas besoin, dis-je au chauffeur. Il fait un froid
de canard et vous n’avez même pas de manteau.
Il me sourit aimablement. Je ne trouve pas mes mots pour dire au
revoir à Logan, mais je n’ai pas envie non plus de faire attendre
Armin. Alors je me lève et m’échappe de la voiture. Je me retourne
un bref instant avant que la portière se referme. Le regard de Logan
brille, il est fixé sur moi.
Moi, Katlyn, la banale de service.
— Je…
La portière est fermée, mais la vitre s’abaisse tandis qu’Armin
reprend sa place au volant.
— On se revoit pour signer le contrat, lance Logan.
Le véhicule disparaît, je le regarde s’éloigner en me demandant
s’il est subitement redevenu Super Connard ou si, comme moi, il ne
savait pas quoi dire de plus. J’attrape mon smartphone dans mon
sac tout en ouvrant la porte de mon immeuble et j’écris
immédiatement à Camilla.
LOGAN
KATLYN
J’hésite à lui raconter toute l’histoire, mais elle a l’air d’avoir déjà
pas mal à gérer sur les bras, alors je décide de garder les
informations pour plus tard.
Elle n’a pas besoin de préciser le lieu, nous avons notre bar
habituel. Moi qui ne bois jamais d’alcool fort, je vais être servie, ce
soir. Il faudra au moins ça pour que je me remette de mes émotions.
Et dès demain matin, ce sera la quête d’un job, et certainement pas
dans les bureaux de Camilla. Je refuse de croiser Logan Archer une
fois de plus dans ma vie à partir de maintenant. Je l’enterre, je
l’étripe en pensées et j’espère qu’un piano va lui tomber dessus,
voilà. Ou qu’il attrapera la syphilis à force de coucher avec tout ce
qui lui tombe dessus.
Amber m’a envoyé sa géolocalisation, elle n’est qu’à deux blocs
de là. Je me mets à marcher d’un pas vif pour me réchauffer. Je me
retourne une dernière fois vers la tour de bureaux du milliardaire, je
ne sais pas pourquoi. Est-ce que j’espère qu’il va se pointer et
s’excuser ?
Non, je n’espère rien de ça. Logan Archer n’est pas du genre à
s’excuser. Logan Archer est du genre à décider de ce qu’il veut, à
l’obtenir, quitte à piétiner les gens comme s’ils étaient des objets.
Logan Archer appartient au passé.
30
Chapitre post-non signature de contrat
LOGAN
LOGAN
Qu’est-ce qu’elle fiche dans cet état ? J’espère que ce n’est pas à
cause de ce qu’il s’est passé aujourd’hui. Je m’en voudrais
sincèrement.
— Qu’est-ce qu’il t’a pris ?
— Et toi ?
Un point pour elle. Par ces deux petits mots, elle comprend tout ce
que j’ai pu faire de travers durant notre fausse relation et me le
renvoie à la figure avec brio. J’aime la répartie de Carotte quand elle
est sobre. Mais quand elle est bourrée, elle n’a plus aucun filtre.
La porte du bas de son étage est ouverte et, clairement, vu la
façon dont elle titube, elle ne parviendra pas à monter jusqu’en haut.
Espérons qu’elle habite au rez-de-chaussée.
— Tu habites au combien ?
— Troisième.
— L’ascenseur marche ?
— Bien sûr… il y a… hips… des lustres en cristal dedans,
aussi. Et il… il te sert même le… hips… café…
— Ça va, j’ai compris, pas besoin d’en dire plus, dis-je en la
tenant pour éviter qu’elle ne tombe.
Elle ne répond rien. J’ai l’impression qu’elle est à deux doigts de
vomir. Tant pis, je tente le tout pour le tout. Carotte n’est pas en état
de marcher, je vais devoir la porter.
— Qu’est-ce que tu fais ?!
— Je te porte.
— Lâche-moi !
— Il ne fallait pas te mettre dans un état pareil.
Je ne la porte peut-être pas de la meilleure façon. Je m’en
aperçois et change de position.
— Agrippe mon cou.
Je la porte comme si je l’emmenais dans la chambre pour une nuit
de noces, mais elle refuse de s’accrocher à moi, d’une façon ou
d’une autre.
— Je ne peux pas te maintenir comme ça à bout de bras. Ce
n’est pas possible si tu ne t’accroches pas.
— Va te faire foutre, marmonne-t-elle.
— D’accord, tu ne me laisses pas le choix.
Je change de position et la transporte maintenant comme un sac
de patates : par-dessus mon épaule. Je suis obligé de la tenir et pas
par l’endroit le plus flatteur. J’ai la main sur ses fesses, mais je crois
qu’elle ne s’en formalise même pas. Carotte est trop occupée à
essayer de se retenir de vomir.
Nous arrivons jusqu’à son étage. Elle m’indique vaguement la
porte, j’attrape ses clefs, et nous entrons.
Son appartement est petit, à l’image de l’immeuble insalubre dans
lequel elle vit. J’ai un pincement au cœur. C’est donc ici qu’elle
rentre seule, le soir ? Même la porte de la salle de bain a l’air dans
un très mauvais état comme si elle avait été… défoncée ? Et qu’est-
ce que c’est que cet insupportable son de musique ? On dirait qu’un
chat passe sous un trente-six tonnes au ralenti !
— Ça va, je suis rentrée, tu… tu peux me lâcher, maintenant.
— Je vais te mettre au lit.
— Après m’avoir mis la main au cul ? Quoi, Sandra ne te
suffisait plus, c’est ça ?
— Arrête avec ça. C’est un… c’est un putain de malentendu qui
m’a explosé à la figure.
— Un malentendu, ouais…
— Tu n’es pas en état pour que je t’explique quoi que ce soit.
Je la dépose dans le canapé, où, au lieu de s’endormir, elle décide
d’énumérer toutes les raisons pour lesquelles je suis un vrai connard
qui mérite la peine capitale. Je ne l’écoute pas. Ou alors seulement
à moitié. Pour le moment, je lui sers un verre d’eau du robinet
puisqu’elle n’a pas de bouteilles et je cherche de quoi lui préparer un
chocolat chaud. Pourquoi est-ce que je fais tout ça ? Logan, tu es en
train de replonger ! Je devrais me ressaisir, mais de la voir comme
ça, je ne peux pas faire autrement. Elle a besoin de quelqu’un et tant
pis si elle me déteste. Je serai quand même là pour elle. Et merde !
— Qu’est-ce que tu fous dans mes placards ?
— Toi, tu te reposes.
— Ma maison, mes règles.
— Ton appartement, rectification. Et tu es sûrement locataire,
ce qui veut dire que je peux appeler le propriétaire et faire de
chez toi chez moi genre en claquant des doigts pour une
bouchée de pain.
— Du graaaaand Logan Archer.
Je roule des yeux. Évidemment, il fallait que cette phrase ressorte.
Je finis par trouver le cacao et le lait. Je le fais rapidement chauffer
sur sa plaque à gaz où je manque de me brûler les doigts à trois
reprises et finit par le lui servir. Elle n’a même pas touché au verre
d’eau.
— Tu ne te nourris que de chocolat, hein. Et vu l’odeur… De
tequila, aussi. Alors quoi, tu avais un événement à fêter ?
— Ta sortie de ma vie.
— Manque de bol, il faudra remettre ça. Ce n’est pas
d’actualité pour le moment.
— Ce n’est pas parce que tu as fait le chevalier servant que ça
fait de toi une bonne personne.
— Je sais.
— Tu fais ça pour te racheter une conscience ?
— Je fais ça pour toi. C’est trop tard pour la conscience.
— Et Sandra ?
De nouveau, je lève les yeux au ciel. Katlyn se redresse. Elle
dessaoule doucement. Elle attrape son chocolat sans même
envisager le verre d’eau. J’ai aussi commandé à manger. La
livraison ne devrait pas tarder. Ça lui remplira l’estomac et ça
épongera un peu toute la tequila qu’elle s’est envoyée.
— Sandra est venue au mauvais moment. Erreur d’agenda.
— Super. Donc tu ne nies même pas. Le principe, c’était juste
que je ne sois pas au courant…
— Pas du tout. J’avais prévu, à la base, de faire venir plusieurs
femmes pour choisir celle qui correspondrait le mieux aux
attentes de mes parents. J’ai beaucoup de pression vis-à-vis
d’eux. Mais… j’ai changé d’avis. J’ai dit à Sandra que ce ne
serait pas possible et les autres ont été éconduites par Caroline.
— Pourquoi ?
— C’était mieux comme ça.
Pour elle, bien sûr. Pourquoi est-ce que j’ai autant de mal à dire ce
que je ressens ? Elle n’attendait que ça. Elle avait les yeux brillants.
Elle attendait ma réponse, elle était pendue à mes lèvres, elle voulait
savoir. Elle voulait comprendre pourquoi… et je suis resté évasif.
— Super. Donc, retour à la case départ.
— Pas vraiment, non. Je sais que je n’ai pas été exemplaire
avec toi, mais… je veux vraiment que tu sois celle que mes
parents vont rencontrer. Je… je te présente mes excuses,
Carotte. C’était une erreur. Ça ne se reproduira pas. Tu sais,
j’aime passer du temps avec toi, même si... ce n’est peut-être
pas l’impression que je donne.
Quel étrange mélange. Nous ne sommes pas réellement en
couple, pourquoi est-ce que je ressens le besoin de me justifier
auprès d’elle d’avoir vu d’autres filles ? Est-ce que c’est le fait d’avoir
été mise en compétition qui lui déplaît, ou simplement de s’être
sentie trahie par moi ? Je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Je
n’arrive pas à comprendre d’où proviennent ses émotions, et ce
n’est pas elle, dans son état, qui va m’éclairer.
— Est-ce que c’est Logan Archer qui présente ses excuses ?
— S’il te plaît, ne joue pas avec moi.
— C’est toi qui as joué. Pourquoi est-ce que tu as
immédiatement pensé que j’allais te faire un sale coup ?
— Je n’en sais rien.
Je ne peux pas lui parler de Tess. Ce serait malvenu. Ce serait
stupide. Je ne peux pas. J’aimerais, mais j’en suis incapable.
— C’est à cause de Tess, c’est ça ?
Mon sang ne fait qu’un tour. Je me glace et bouillonne en même
temps. C’est un torrent d’émotions qui déferle en moi et m’attrape
pour m’entraîner par le fond. J’ai l’impression que la simple
évocation de son nom est une porte ouverte pour m’engloutir tout
entier.
— Ouais, c’est ça. Vu ta réaction, ça ne peut pas être autre
chose.
— Je n’ai pas envie d’en parler. Comment tu as su ça ? Amber
a bavé. La sale petite…
— Elle tient à toi. Elle essaie de t’aider, mais tu la rejettes
comme tu rejettes tout le monde.
Mon regard se ferme. L’espace d’un instant, j’ai été envahi
d’émotions et l’instant d’après, je fais tout mon possible pour les
contenir et les garder sous contrôle.
— Je n’arrive pas à faire autrement.
La commande arrive. Le livreur est en bas. Je descends puis
remonte avec d’énormes burgers dégoulinants. Voilà qui devrait lui
remplir l’estomac bien comme il faut. Et puis, elle qui aime les repas
copieux, elle va être servie.
— Ce sont les meilleurs burgers de la ville.
— Livrés chez moi.
— Tout à fait. Installe-toi, dis-je en déballant le tout.
À la voir manger, j’ai l’impression que Carotte n’a rien avalé de la
journée à part de la tequila et du chocolat chaud.
— Est-ce que… est-ce qu’on pourrait réessayer ?
— Je ne sais pas, Logan. Tu ne peux pas savoir à quel point je
me suis sentie humiliée.
— Tu n’as pas été très honnête non plus.
Elle avale une bouchée de burger et ouvre de grands yeux. Je
souris.
— J’ai lu le début de ton livre de fantasy. Le premier tome.
Celui qui est publié sur Internet.
Elle en recrache presque son plat. Elle me regarde avec des yeux
paniqués, cette fois-ci.
— Et… ?
— Mmh…
— Là, c’est toi qui es en train de jouer avec moi, Logan Archer !
— Tu as du talent, Carotte. Pourquoi tu ne cherches pas à le
faire publier par une maison d’édition ?
— Parce que je n’ose pas.
— Tu as tort.
— Tu es marrant, toi… Tu penses que c’est facile ?
— Je n’ai jamais dit ça, mais tu as deux choix : soit tu te lances
et tu présentes ton manuscrit à une maison d’édition, soit je
rachète la maison d’édition.
— Alors ça, c’est…
— Du grand Logan ?
Elle sourit.
— Oui, exactement. Qu’est-ce qui est arrivé à ton ordinateur ?
Je l’ai vu dans un coin de la pièce. Il a l’air en mauvais état.
— Il est mort. J’ai tout perdu.
— Mort ? Jamais de la vie. Je suis sûr qu’on peut le réparer.
— Il est foutu, je te dis.
— Demain, j’envoie Armin l’emmener en réparations.
— Je n’ai pas un rond.
— Je paierai les frais. Rassure-toi.
D’une certaine façon, elle a l’air soulagée.
— Tu ne peux pas arriver et penser que l’argent va tout
acheter.
— Je le sais.
— Et je t’en veux toujours.
— Je m’en doute.
— Et tu m’as mis la main aux fesses.
— C’était le meilleur moment de la soirée, lui dis-je avec un air
malicieux.
Carotte mange encore un peu et après qu’elle s’est rassasiée, elle
s’endort sur le canapé. Je la porte pour l’emmener jusqu’à son lit. Je
caresse son front pour dégager ses cheveux en bataille et remonte
la couverture sur elle pour qu’elle n’ait pas froid.
Je retourne dans le salon et avise son appartement dans les
moindres détails. Rien ne m’échappe. Elle ne devrait pas avoir à
vivre ici…
Je pense qu’elle est encore ivre. Et pas qu’un peu. Je vais
attendre qu’elle se réveille demain pour parler de nouveau avec elle
de tout ce qu’il s’est passé. Pour le moment, je m’étale de tout mon
long sur son fauteuil. Je vais rester là, cette nuit, au cas où...
Moi : Je suis désolé, Amber. C’est toi qui avais raison. Elle me
plaît bien, cette fille.
33
Chapitre post-j’ai trop bu
KATLYN
LOGAN
KATLYN
LOGAN
J’insiste pour que Carotte vienne chez moi. Je n’ai pas envie
qu’elle passe la soirée toute seule, surtout pas avec l’épreuve qu’elle
vient de traverser. Voir son frère se faire du mal comme ça et se
retrouver dans un tel état, ça ne doit vraiment pas être facile.
J’imagine un instant ce que j’aurais pu ressentir si ça avait été
Amber. Je crois que j’aurais surtout été terriblement déçu et que je
lui aurais remis les idées en place en l’envoyant dans une bien
meilleure clinique. Je n’y serais pas allé par quatre chemins, je ne lui
aurais pas laissé le choix un seul instant parce que, de toute façon,
ce n’est pas mon genre, à la base.
Toujours aucune réponse de la part de ma sœur, d’ailleurs. À
croire qu’elle a oublié de charger son téléphone ou qu’elle me fait la
tête.
Nous entrons dans l’immeuble, puis dans l’ascenseur. Nous
montons jusqu’au dernier étage et tandis que la cage grimpe,
Carotte tente de me tirer les vers du nez à de multiples reprises.
— Je ne te dirai rien. Elle exécute une mission pour moi, c’est
tout.
— Quel genre ?
— Du genre importante. Elle bosse pour moi après tout, non ?
— Ce n’est pas ton genre de ne pas répondre et de ne pas te
vanter de ce que tu as fait.
— Exact.
— C’est donc que tu ne veux pas que je sois au courant. Tu
sais qu’elle me le dira, de toute façon ?
— J’espère bien, oui.
Elle enrage. J’adore la voir comme ça. Elle pourrait presque
trépigner en tapant du pied par terre tant elle est faussement
furieuse. Je la fais bisquer le plus possible. Je n’ai aucune raison
particulière de la malmener comme ça. C’est juste pour le plaisir de
la voir s’agacer et de voir ses yeux pétiller d’intelligence en
cherchant toutes les idées tordues que j’aurais bien pu avoir.
Elle entre dans mon appartement et ouvre de grands yeux.
Forcément, après avoir passé autant de temps dans le sien,
différence doit clairement la choquer.
— Waouh.
— Trois cents-cinquante mètres carrés en rooftop, avec une
superbe mezzanine où se trouve d’ailleurs ma chambre. J’ai
aussi une chambre d’amis. Normalement, c’est Amber qui y
loge, mais… pas là.
— Elle est partie, hein ?
— Ouais. Elle ne m’a pas répondu, depuis. Ça fait presque
vingt-quatre heures, je commence à être inquiet.
—Ne t’en fais pas, me dit Carotte. Elle est sûrement occupée.
Ta sœur ne passe pas beaucoup de temps sur son téléphone, à
ce qu’elle m’a dit. Elle préfère nettement faire de la méditation,
ou d’autres trucs du genre…
— Si tu me parles de sexe tantrique…
— Non, non, ricane-t-elle. Pas de sexe tantrique.
— Je vais préparer à manger.
Je m’attelle à la tâche en cuisinant un bon repas. Avant, j’aimais
bien cuisiner. Maintenant, c’est plutôt une sorte de calvaire que je
vois comme une perte de temps, mais c’est aussi une marque
d’intimité et d’affection. Je pourrais commander tous les plats les
plus chers et les plus délicieux de la ville en un claquement de
doigts, mais rien n’aura plus de saveur pour une personne qu’on
veut mettre à l’aise que de sentir qu’on prend soin d’elle pour de
vrai. Et pour montrer ma bonne foi, je ne peux pas offrir quelque
chose que j’ai en quantité presque illimitée : de l’argent. Je dois
donner une chose qui a vraiment de la valeur à mes yeux et aux
siens : du temps. Mon temps. Celui que je prends pour cuisiner de
foutus croque-monsieur les plus sains possibles, bien que celui que
je prépare à Carotte déborde de fromage. Avec ça, elle sera
requinquée, et c’est le but. Je la sens encore fragilisée par son
passage à la clinique. Elle va encore avoir le moral dans les
chaussettes pendant un moment, mais je serai là pour l’aider et pour
la réconforter sans jamais le lui dire. Je ne voudrais pas qu’elle se
doute de quelque chose...
—Je n’ai pas oublié notre conversation d’hier, dit-elle en
s’approchant de moi.
— C’est étonnant, ça. Tu avais assez d’alcool dans le corps
pour devenir cracheuse de feu. Je m’étonne que tu te
souviennes de quoi que ce soit.
— Je sais que c’est un sujet délicat, mais j’ai envie de me
changer les idées et je crois que tu en as besoin aussi. Plus que
tu veux bien l’admettre, alors… parle-moi de Tess.
Aussitôt, je repose mon sandwich et plante mes yeux dans les
siens. Je ne sais pas vraiment si le moment est bien choisi pour
évoquer le passage de ma vie le plus douloureux.
— Je n’ai pas vraiment envie d’en parler.
— J’ai besoin de savoir.
Il serait peut-être temps, en effet...
— Tu es sûre que tu veux parler de ça ?
— À moins que tu t’y refuses catégoriquement.
Je prends une grande inspiration et me lance.
—Tess et moi, on s’est connus quand on était à l’université. Il y
avait aussi ce con de Mike. On était une belle bande d’amis,
avant. C’était même plus que ça, en fait… C’était presque… ma
famille, tu vois ? J’ai toujours pensé que ma famille était à chier.
Mes parents sont de véritables tyrans, et ma sœur était encore
trop jeune. Et de toute façon, j’avais quitté la maison. Alors, on
s’est tout de suite tous très bien entendus. On traînait tout le
temps à trois, c’était une super époque.
— Mais… Il y a un mais, pas vrai ?
— Ouais. Un gros « mais », même. Tess et moi… on a
commencé à sortir ensemble. Ça ne posait aucun problème. On
était toujours aussi proches, avec Mike. On est restés en couple
pendant près de cinq ans. Cinq longues années. J’avais eu le
temps de commencer à faire des affaires, à gagner de l’argent,
bref… à poser les bases de tout ce qui constitue ma vie
aujourd’hui. Et… ils m’ont planté un poignard dans le dos. Mike
faisait aussi des affaires. Nous étions devenus concurrents,
mais la concurrence était plus… bon enfant qu’autre chose. On
n’essayait pas de se tirer dans les pattes. Il y avait du respect
dans notre secteur d’activité et on ne voulait pas se nuire. Bref,
ils m’ont fait un coup de pute.
— Et tu t’arrêtes là ?
— Je l’ai très mal vécu, tu sais. Je me suis complètement
refermé et j’ai décidé de ne plus m’ouvrir aussi... facilement.
— Je comprends, mais tout le monde n’est pas comme ça.
— Pour autant, j’ai décidé de rester méfiant.
Carotte se renfrogne et nous finissons la soirée en discutant de
banalités sur nos vies respectives.
— Tu vas te décider à me dévoiler la mission de Camilla ?
— Elle est partie pour défendre ton manuscrit auprès des
agents.
Carotte manque presque de s’étouffer.
— Pardon ?! Et tu comptais m’en parler quand ?
— Quand le rendez-vous serait fini, ce qui doit être le cas. Elle
doit me faire un rapport.
— Je vais l’appeler immédiatement.
— Hors de question. Elle est peut-être encore avec eux et ce
serait malvenu. Le mieux, c’est d’attendre qu’elle te donne des
nouvelles.
La journée a été longue et je reconnais que, pour le coup, nous ne
faisons pas long feu. Nos yeux se ferment en regardant Harry Potter,
que Carotte tenait absolument à me montrer. Nous nous endormons
littéralement l’un contre l’autre jusqu’à ce que le bruit de la porte me
fasse sursauter et cligner des yeux.
— Amber ? Qu’est-ce que… ? Pourquoi tu ne me répondais
pas ?
Carotte s’éveille à son tour.
—Vous êtes mignons, tous les deux, sourit-elle. Katlyn m’a dit
que vous vous étiez réconciliés.
Je tourne la tête vers ma fausse petite amie, qui hausse les
épaules en me lançant un adorable sourire.
— C’est pour ça que tu es revenue ?
— Pas du tout. On était partis sur le yacht de Mike pendant
une journée. Je n’avais pas de réseau.
— Comme ça, en plein mois de décembre ?
— Eh bien… oui, pourquoi ?
— Avec qui ?
— Juste tous les deux.
— Je ne veux rien savoir de plus.
— Ça me fait plaisir de voir que vous vous êtes endormis
devant la télé, ensemble, comme de vrais amoureux.
— Ça va, ne me prends pas la tête, ce n’est pas du tout ce que
tu crois.
— Ouais, c’est clair, dit-elle en déposant ses affaires et en
riant.
Elle attrape un verre d’eau et continue :
— Je vais me coucher, je suis claquée. Contente de t’avoir
vue, Katlyn, dit-elle chaleureusement. Je vois que mon frère a
parfois un cœur. Ça me rassure.
— Encore une fois, ce n’est pas ce que tu crois.
— Ouais, c’est ça. À demain. On brunche, hein ?
— Oh, tu sais, je vais…
— Être occupé, oui, c’est ça. Je le sais. Comme toujours.
Laisse tomber, va.
— Désolé.
Carotte me donne un coup de coude dans les cottes.
— Mais… tu sais quoi ? me ravisé-je. Ça ne fait rien. Je peux
bien passer un peu de temps avec ma sœur, non ? Tu aimerais
qu’on aille bruncher au restaurant en bas ?
Amber a l’air à la fois surprise et émue.
— Je… euh… Oui, ça me ferait vraiment plaisir. Katlyn, je ne
sais pas ce que tu fais à Logan Archer, mais surtout, ne t’arrête
pas.
Je secoue la tête, et ma sœur entre dans sa chambre. Il est minuit
passé. Nous avons chacun un appel de Camilla en absence. Merde.
Trop tard pour la rappeler. Nous décidons d’un commun accord que
nous la recontacterons demain à la première heure pour en savoir
plus sur ce qu’a donné le rendez-vous avec les professionnels du
livre.
— Bon, euh… on dirait que la chambre d’amis est prise par
Amber, alors je vais te laisser la mienne. Le lit est déjà fait. Tu
peux te coucher. Mais pas touche à mes affaires !
— Je ne vais pas te prendre ton lit, je vais dormir sur le
canapé.
— Arrête. Ma maison, mes règles. Tu vas dans ce lit et tu te
reposes. Interdiction d’en sortir avant que je te le dise. On a
signé un contrat, tu te souviens ?
L’évocation du papier ne semble pas la déranger, cette fois.
Carotte accepte son sort sans trop broncher. Elle m’embrasse sur la
joue et me laisse devant la télévision.
— Bonne nuit, Logan.
37
Chapitre post-dodo
KATLYN
LOGAN
KATLYN
Elle m’envoie une photo sur laquelle elle est un peu maquillée,
mais pas trop. Ses cheveux sont détachés, elle porte un décolleté
bleu marine qui met en valeur son teint.
LOGAN
KATLYN
LOGAN
KATLYN
LOGAN
Ma mère se lève aussi de table, ainsi que mon père et mon oncle.
Bref, tout le monde. Bientôt, il ne reste que Mike et moi, l’un en face
de l’autre. Nous nous regardons en chiens de faïence. J’ai
l’impression qu’on nous a laissés là pour que nous réglions nos
comptes une bonne fois pour toutes. Nous avons beaucoup d’armes
possibles à notre disposition et j’envisage bien de lui planter une
fourchette dans le crâne.
Quoi qu’il en soit, nous nous retrouvons comme deux gros cons.
Plantés sur nos chaises comme des idiots, nous ne bougeons pas.
Carotte est partie, vexée, et tout est de ma faute.
— Tu n’y es pas allé de main morte, siffle Mike.
— La ferme. Tout ça, c’est de ta faute.
— Ma faute ? Tout ce que j’ai fait, c’est vouloir prendre ta sœur
pour épouse.
— Oh, c’est tout ? Rien de plus ? Tu t’incrustes dans ma vie
comme un serpent et tu sapes tout, comme tu l’as toujours fait.
— Je ne suis plus le même ! Et toi non plus !
— Tu es capable de changer, toi ?
— Écoute, je suis désolé que tu le prennes comme ça, Logan.
Mais tu sais quoi ?
— On s’est comportés comme deux gros cons et on a fait fuir
tout le monde ?
— Non. Je te trouve toujours aussi naze, et je pense que c’est
toi le gros con de l’histoire, mais je crois que pour aujourd’hui,
on devrait au moins faire une trêve.
Nous restons tous les deux assis sur nos chaises. Je me sers un
verre de vin en soupirant. J’ai encore tout gâché et je me retrouve
tout seul. Il n’y a que Mike. Est-ce que ce sont les décorations ? La
magie de Noël qui plane dans l’air ? Quoi qu’il en soit, j’ai envie d’en
partager un peu avec lui. Peut-être qu’on pourrait avoir une
explication franche.
— Tu en veux ?
Il opine du chef.
— Il est bouchonné, j’espère. Sinon, c’est que tu n’es pas
vraiment mon meilleur ennemi.
— Pour qu’on soit ennemis, il faudrait qu’on soit au même
niveau, rétorqué-je.
— Attends un peu. Dans quelques semaines, je serai passé
numéro un.
— Compte là-dessus !
Nous soufflons du nez. Ce n’est pas exactement un rire, mais
c’est au moins une manifestation d’amusement. Puis, le calme
revient. Nous faisons machinalement tourner notre vin dans nos
verres. Je crois que nous avons tous les deux beaucoup de choses
à nous dire et peut-être des ponts à reconstruire. C’est pour ça que
nous restons là. Je le sens. Aucun de nous n’ose prendre la parole.
— Alors, avec ma sœur, c’est du sérieux ou tu t’amuses ?
Dans les deux cas, tu prendras mon poing dans la gueule alors
sois honnête, pour ta conscience personnelle.
— Écoute, Logan… J’aime vraiment ta sœur. J’aurais dû te
demander la permission, mais…
— Non, elle a raison. C’est à elle de choisir. Elle est libre de
faire ses propres choix, elle est grande. Si elle veut traîner avec
un numéro deux, elle en a le droit.
Mike s’esclaffe.
— Je suis content que tu l’aimes vraiment, en tout cas,
confirmé-je. Si elle savait la moitié des crasses que tu m’as
fait... en particulier pour Tess.
— Tu sais que je ne suis plus le même. C’est vrai qu’on a eu
des différends, mais je n’arrête pas d’essayer de revenir vers
toi, comme tout le monde, mais tu rejettes la Terre entière. Et, tu
sais... Amber est au courant.
— Quoi ?! Comment peut-elle prétendre être de mon côté si
c’est pour traîner avec un con comme toi ?
— Elle m’a pardonné. C’est tout. Je lui ai tout expliqué en
détail. On a eu une discussion franche et posée à propos de ce
qu’il s’était passé et maintenant, on a décidé d’aller de l’avant et
de laisser ça derrière-nous. Tu devrais peut-être essayer
d’être... différent ? Et d’en faire autant.
— Après le sale coup que tu m’as fait, comment tu veux que je
sois différent ?
— Je sais, fait-il en baissant la tête. Je le sais. Je suis désolé
pour ce qu’il s’est passé avec Tess. Je n’aurais pas dû. Ça ne
vaut peut-être rien pour toi, mais je voulais que tu saches que je
le regrette tous les jours. J’ai été déloyal et lâche. Est-ce qu’on
peut parler franchement, Logan ?
— Ce n’est pas ce qu’on fait depuis tout à l’heure ?
— Je veux dire : parler de Tess.
— D’accord. Je t’écoute.
Ma voix est ferme et tranchante. Il n’a pas intérêt à dire un mot de
travers. Tess… C’était tout, pour moi. Aujourd’hui, c’est une blessure
encore à vif. Pas parce que je l’aime, mais parce que j’ai encore la
marque de cette trahison gravée dans mon âme. C’était une épreuve
terrible et insupportable.
— Tess… Ce n’était pas une fille pour toi.
— Attention, Mike.
— Tant pis si tu me frappes. Peu importe. Je vais te dire les
choses franchement, parce que ça fait trop longtemps que ça
dure. Tess n’était pas une fille pour toi. Elle allait te bouffer tout
cru, Logan. Tu étais comme mon frère ! On était meilleurs amis.
— Et c’est bien la confiance que j’avais placée en toi qui a failli
me détruire. Si j’avais eu moins de résilience, je me serais foutu
en l’air. Tu sais par quoi je suis passé ?!
— La haine. Oui, j’imagine.
—Tu as dû avoir envie de me tuer.
— Chaque jour de ma vie.
— Elle n’a pas hésité à te trahir, et je n’ai pas eu besoin
d’insister pour ça. Est-ce que tu as déjà retourné les choses
dans ce sens ? Tess n’était personne. Ses parents n’étaient pas
fortunés. Elle nous a vus commencer à bâtir des empires et elle
a voulu en profiter, rien de plus. Elle n’a jamais aimé personne
d’autre qu’elle. Nous sommes tombés dans le même piège.
Quand elle est partie refaire sa vie après m’avoir pillé aussi, tu
sais... j’ai souffert.
— Ne dis pas ça, parce que je te jure que…
Mes poings commencent à se serrer. Je suis à deux doigts de
grimper sur la table pour lui coller ma main dans la gueule. Je crois
que je vais exploser.
— Tu aimes Katlyn, pas vrai ?
— Ce ne sont pas tes affaires.
— Je n’aurais pas dû formuler ça comme une question. Tu as
déjà tiré un trait sur le passé. Tu es en bonne voie. L’amour, ça
guérit, Logan.
— Ça y est, je pense que je vais te frapper.
Je me lève, me dirige vers lui avec fureur, et l’attrape par le col
pour le plaquer contre le mur.
— Donne-moi une bonne raison, une seule, de ne pas
t’encastrer maintenant dans le mur. Vas-y.
— Tu t’attaques encore au passé alors que l’avenir est devant
toi. J’ai arrêté de haïr quand j’ai rencontré ta sœur.
— Et ça t’a rendu faible. Tu es le numéro deux.
— Non. Ça m’a rendu fort. Je suis amoureux.
Ses dernières paroles m’émeuvent. Je lâche son col et
l’époussette légèrement.
— Tu l’aimes vraiment, hein ?
Mike hoche la tête.
— Bien sûr. J’aime ta sœur. Je vais prendre soin d’elle pour le
restant de mes jours, si elle veut bien de moi.
— Avise-toi d’en faire autrement, et tu ne profiteras pas
longtemps de ta vie.
— Et toi, Katlyn, alors ? C’est du sérieux ?
— J’en sais rien, Mike. Je suis perdu. Je n’ai pas envie de
replonger dans la merde comme avec Tess.
Il me pose la main sur l’épaule et me sourit. Je vois, au fond de
ses yeux, toute la sincérité du monde. J’ai l’impression, l’espace d’un
instant, que nous redevenons les amis que nous étions avant.
Quand je lui racontais tout. Quand on partageait nos problèmes, nos
angoisses et nos peurs et qu’on se confiait vraiment. Dans la plus
grande transparence. À cet instant, en croisant son regard, j’ai
l’impression de retrouver un frère disparu depuis une éternité.
— Je suis désolé pour tout ce qu’il s’est passé entre nous,
Logan. Sincèrement.
Je hoche la tête. Moi aussi, je suis désolé, mais je n’en suis pas à
l’origine.
— Enlève immédiatement ta main de mon épaule ou je te fais
bouffer les personnages de la crèche.
— Est-ce que tu veux bien trouver la force au fond de toi pour
me pardonner ?
— Ça prendra du temps, Mike. Ça prendra du temps.
Je sais que ses intentions ne sont pas mauvaises. Peut-être qu’il
est temps pour moi de laisser derrière moi toutes ces mauvaises
pensées et de me tourner vers le meilleur. Mais c’est dur.
Terriblement. Mike n’a pas seulement été odieux avec moi, ces
dernières années. Je sais qu’il a essayé plusieurs fois de revenir et
que je l’ai chassé et qu’ensuite, notre rivalité s’est envenimée, mais
je ne contrôlais pas ma fureur à son égard. Il m’envoie encore des
cartes pour mon anniversaire, et me propose de temps à autres de
nous voir.
Est-ce que c’est moi, le méchant de l’histoire ?
— Tu lui plais. Vraiment, tu sais.
— Pourquoi tu dis ça ? demandé-je.
— J’ai vu comme elle t’a regardé quand tu as parlé de Tess.
C’était le regard d’une personne blessée.
— Merde… J’ai encore tout foiré. Pourquoi est-ce que je fais
toujours… tout… foirer ! crié-je en tapant dans une chaise.
— Calme-toi, dit-il en me prenant par les épaules. Logan,
calme-toi. Rien n’est perdu, d’accord ?
— Ne me demande pas de me calmer. Et pour la deuxième
fois, lâche-moi.
— Tu ressens quoi pour elle ?
— Si je ne m’éloigne pas, je vais replonger. Tête la première.
Je le sens.
— Alors plonge. Vis-le à fond. Si tu commences tes histoires à
reculons, tu ne leur donnes aucune chance d’exister.
— Tu la traitais de pouilleuse il n’y a pas si longtemps, espèce
de connard.
— J’ai dit ça pour te provoquer. Tu tiens à elle, pas vrai ? Tu as
vu comme tu réagis ? Tu m’as déjà frappé pour elle.
— Oui, je tiens à elle.
— Alors pourquoi tu ne lui dis pas ? Dis-lui que Tess, c’est du
passé, et tourne la page. Ton avenir est peut-être avec elle. Ne
fous pas tout en l’air.
Pour une fois, je dois bien reconnaître que Mike a raison. Cela fait
plusieurs minutes que nous nous agitons en bas et je n’ai même pas
pris de nouvelles de Carotte. La simple évocation de son surnom,
dans mon esprit, me donne des palpitations.
Je laisse Mike seul devant son verre de vin et je monte la
retrouver. Elle est là, dans la chambre. Je ne suis pas sûr, mais je
crois qu’elle a pleuré. Son maquillage n’est plus aussi impeccable
que tout à l’heure.
Elle me regarde. Je ne sais pas si je peux lire dans ses yeux de la
peine ou de la colère. Ou alors, il s’agit d’un harmonieux mélange
des deux.
— Carotte…
— Tu ne me dois rien, Logan. Tu as raison. Tout ça, c’était…
c’était con. J’ai cru que… que ça pouvait vraiment donner
quelque chose, tu vois ? C’est bête, hein ? Pourquoi
Logan Archer s’embarrasserait-il d’une femme comme moi ?
Elle me remue le cœur. Sait-elle à quel point elle le fait
tambouriner dans ma poitrine ? J’ai l’impression qu’il est à deux
doigts d’exploser. Toutes ces émotions contenues depuis si
longtemps font surface d’un seul coup et me submergent. J’ai
l’impression de perdre le contrôle, mais pour une fois, je ne retiens
pas la barre. Je la laisse aller où elle veut. Je n’ai pas le contrôle, et
je l’accepte.
— Carotte, écoute… Je ne veux pas te retenir. Tout ce que je
veux, c’est que tu sois bien. Tu as rempli ta part du contrat. Si tu
veux, tu peux partir. Tu es libre. Sois heureuse. Avec ou... Sans
moi.
— C’est ce que tu veux ?
— Non. Je voudrais que tu restes encore dans ma vie.
— Et le contrat ?
— Au diable le contrat ! Tu me plais, et je ne veux plus laisser
le passé ruiner mes chances d’avenir. Peut-être que je ne la
mérite pas, mais je te demande de me laisser une chance.
Laisse-moi faire partie de ta vie.
45
Chapitre post-dispute
KATLYN
LOGAN
Je me réveille avec Carotte entre les bras. Elle est blottie contre
moi, et nos corps chauds forment un cocon dont il est difficile de
s’extraire. Je serais bien resté là une bonne heure de plus, mais
mon téléphone n’arrête pas de sonner – même le jour de Noël.
J’aurais dû le mettre en silencieux. Ça doit être des alarmes en tous
genres qui s’activent. J’attrape l’appareil et commence à scroller
pour voir ce qu’on me veut à 7 h du matin, un vingt-cinq décembre.
Il s’agit de photos. De Carotte et moi, la veille, quand nous étions
en voiture. Ça titre que j’ai une nouvelle petite amie, et certains
paparazzi ont même pris Katlyn en photo en zoomant sur sa main
portant la bague de fiançailles : « Le milliardaire bientôt marié ? Qui
est cette mystérieuse inconnue ? ».
Oh, j’imagine que ça ne va pas lui plaire.
— Qu’est-ce que tu fais ? bougonne-t-elle.
Elle prend une mine boudeuse en se protégeant de la lumière.
Aussitôt, je m’engouffre dans la brèche et passe à l’assaut, en
l’embrassant pour la faire taire.
— Bonjour, Carotte.
— Salut, Logan.
Je sais que mes obligations familiales vont me forcer à prendre la
route pour le rez-de-chaussée, mais alors que Carotte s’étire et se
lève, je l’entraîne de nouveau dans le lit.
— Qu’est-ce que tu fiches ?
— Je profite encore un peu de toi, dis-je en frottant mon nez
contre le sien. Je ne veux pas que ma fausse fiancée avec qui
j’ai vraiment fait l’amour parte si vite.
— Mais on va nous attendre, non ? J’ai cru comprendre que
vous étiez des lève-tôt.
— On s’en fiche. J’ai envie de passer un moment juste avec
toi, ici.
— Encore du sexe, c’est ça ?
— Non, dis-je en l’attrapant et en me positionnant en cuillère
derrière-elle. Juste un câlin.
Je n’arrive pas à croire moi-même les mots qui sortent de ma
bouche : « juste un câlin ». Non mais, franchement... j’ai quel âge, là
? Je suis gaga. C’est d’un ridicule... Katlyn va me trouver idiot mais
je m’en beurre les noisettes.
— On va parler de ce qu’on a fait hier soir ? Demande-t-elle.
— On s’est entraînés à être encore plus crédibles ?
Elle s’esclaffe.
— Oui, c’est ça.
Après quelques minutes supplémentaires blottis l’un contre l’autre
dans la chaleur de nos corps, nous descendons au salon. Tout le
monde est déjà réveillé, même à une heure aussi matinale. J’avais
oublié que ma sœur était prof de yoga, Mike un psychopathe et mes
parents des personnes âgées. Évidemment, en nous levant aux
alentours de 7 h, nous sommes même les derniers. Il n’y a que
l’oncle Théodore qui roupille encore à l’étage. Lui, il se pose
vraiment dans le genre glandeur.
— Ah, voilà les retardataires, dit Amber. Bien dormi ?
— Oui, très bien.
— Je peux te voir une seconde, Logan ?
Et merde. Je vais déjà passer un sale quart d’heure alors que je
n’ai rien demandé. Je ne suis même pas spécialement impatient de
regarder les cadeaux qui se trouvent sous le sapin. Pour être
sincère, je m’en fiche un peu. Qu’est-ce qu’on peut réellement offrir
à un milliardaire ? De quoi est-ce que je pourrais avoir besoin que je
ne puisse pas m’acheter ?
Je lâche la main de Carotte et talonne Amber jusqu’à la cuisine.
— Amber, je…
— Mike m’a raconté pour hier. Tu sais que vous vous êtes
vraiment comportés comme des cons ?
— Ça va, je sais.
— Non, tu dis que tu sais, mais ce que je te raconte rentre par
une oreille et sort par l’autre.
— Mais qu’est-ce que tu racontes ?
— Je ne suis pas un objet. Mike peut me demander en
mariage sans avoir besoin de ton approbation. Et puis quand
bien même tu ne me la donnerais pas, je m’en fous.
— Fais ce que tu veux, avec lui.
— Qu’est-ce que tu dis ?
— Je te demande pardon. Fais ce que tu veux avec lui. C’est
toi qui as raison. Si tu veux partager ta vie avec Mike, alors vas-
y. Je suis sérieux.
Elle fronce les sourcils comme si elle attendait la chute de la
blague ou le dénouement du piège, mais il n’y a rien. Je reste là,
adossé au mur de la cuisine, une tasse de café à la main, à la
regarder droit dans les yeux.
— Mais ne compte pas sur moi pour être son témoin.
Je ne sais pas si c’est de surprise ou de soulagement, mais
Amber éclate de rire, et sa joie est toute de suite communicative. Je
l’imite.
— Pour l’instant, ce n’est pas d’actualité, mais si ça doit arriver
un jour, Katlyn pourrait être ma demoiselle d’honneur !
— Ça lui ferait plaisir. En plus, elle est pleine de vertus.
— Mouais. Je vous ai entendus, hier. La salle de bain de mon
côté n’était pas praticable. Enfin, la douche était réglée sur
« décapage de four », je crois.
— Ah, si tu as entendu quelqu’un, ce n’est pas moi, dis-je en
riant.
— Vantard, va. Bon, allez, allons retrouver les autres pour les
cadeaux. Et je ne veux pas d’embrouilles ce matin, c’est clair ?
— On s’est beaucoup parlé avec Mike. Je crois que ça va un
peu mieux. Ne compte pas sur moi pour bruncher avec, mais on
va dire que j’aurai moins envie de lui coller mon pied dans la
bouche. Juste un peu moins. N’exagérons rien quand même.
Amber me prend par les joues et les secoue dans tous les sens
comme si j’étais un bébé.
— C’est mon Logan au cœur de pierre, ça ! fait-elle avec une
voix idiote.
— Allez, ça suffit.
Nous retrouvons tout le monde. J’ai pris la peine, dans la cuisine,
de faire un vrai chocolat chaud à Carotte. L’occasion était trop belle
pour la manquer. Je lui apporte la tasse dans laquelle j’ai même
ajouté de la chantilly maison. Nous sommes tous là, près du sapin, à
prendre un petit déjeuner plutôt frugal. Dans notre famille, nous ne
sommes pas du genre copieux, le matin. Un café, à la rigueur un
biscuit, et c’est tout.
— Tous ces cadeaux ont l’air magnifiques, fait ma mère.
— Ça déborde, remarque Robert, comme chaque année.
— Oh, tais-toi un peu. C’est Noël !
Mon père s’exécute. Il ne dit pas un mot de plus pour ne pas
contrarier la grande déesse de la maison. Celle-là, quand on
l’énerve, elle peut facilement montrer les dents et mon père n’a
jamais vraiment osé la contredire. Je crois que je l’ai vu essayer une
fois, quand ils parlaient de notre éducation. Il n’a plus jamais
recommencé tant il a reçu un nombre incalculable de seaux de
merde à la tronche. Comme d’habitude, Père reste l’ombre de lui-
même.
Tout le monde se fiche pas mal de recevoir quelque chose, ici. Ce
qui compte vraiment, c’est d’être tous ensemble et pour une fois,
même si quelques tensions ont éclaté durant ce séjour, je reconnais
que ça fait un peu de bien, l’apaisement de Noël. Tout ce que ça
aura vraiment coûté, c’est le temps passé à aller le chercher, ou le
temps passé à téléphoner à un domestique pour qu’il le fasse lui-
même. Quoi qu’il en soit, j’ai appris que le vrai cadeau qu’on pouvait
ouvrir quand on était riche d’argent, c’était le temps. Nul besoin
d’offrir à Carotte un cadeau complètement dispendieux, mais…
quand même, je vais m’y risquer.
Amber est surexcitée. Bon, elle n’est pas milliardaire, c’est pour
ça. Elle est seulement millionnaire. Multimillionnaire. C’est d’ailleurs
la seule de la famille, avec Théodore — qui doit toujours roupiller
comme l’idiot bourré qu’il est. Mais c’est aussi parce qu’elle ne s’en
donne pas vraiment la peine. Amber tient de nombreuses sociétés
qui prospèrent allègrement, mais refuse de devenir une impitoyable
femme d’affaires. Ce qu’elle aime, elle ? Le yoga. Et c’est ce qu’elle
veut continuer à faire dans sa vie, pour le moment. J’espère que
Mike, pour une fois, agira comme un type bien et lui donnera
quelques conseils pour gérer ses affaires avec plus de sérieux. Je
suis sûr qu’il a même déjà commencé.
Pour ce qui est de Carotte, évidemment, ma famille a pensé à elle,
mais ce sont beaucoup de vêtements et de bijoux qui la mettent très
mal à l’aise. Ce n’est pas du tout son genre…
— Ne t’en fais pas, lui chuchoté-je en riant. Tu gardes les
étiquettes, tu pourras les rendre.
Elle pouffe de rire.
— Moi aussi, j’ai un cadeau pour toi, dis-je en m’approchant
d’elle.
— Quoi, on va s’embrasser sous le gui comme dans un film de
Noël ?
— Hein ? Non… Enfin, si tu veux. On peut, oui. Mais ce n’est
pas ça.
— Tu m’as offert un cadeau totalement dispendieux et tu
t’attends à ce que je te rende cette faveur en nature ?
— Mmh… non plus, mais tes idées sont décidément très
intéressantes.
Elle plante son regard dans le mien et l’espace d’un instant, je me
perds dans la beauté de ses yeux verts.
— Allez, je me lance.
Je lui tends une enveloppe.
— Qu’est-ce que c’est ?
— C’est une surprise, je ne vais pas te le dire.
Elle l’ouvre et découvre avec stupéfaction un contrat éditorial
signé pour sa saga tout entière. La maison d’édition décide de
reprendre toutes ses œuvres pour les publier à l’échelle nationale.
Et, en plus de cela, l’à-valoir est plus que confortable.
— Joyeux Noël, Carotte.
— Je vais quand même t’embrasser sous le gui, marmonne-t-
elle en collant ses lèvres aux miennes.
Je souris après avoir reçu son doux baiser, et la laisse étudier son
contrat à table. D’un seul coup, tous les bijoux et les vêtements de
grande valeur ont complètement disparu, pour elle. Elle est même
accompagnée d’Amber, qui n’hésite pas à donner son avis sur le
contrat en ressortant quelques petites notions de droit qu’elle a
glanées par-ci par-là. Bref, tout va pour le mieux, mais mes parents
ne sont pas là. Étrange. Ils n’ont rien ouvert de leurs cadeaux et ont
disparu dans la cuisine.
— Comment tu as osé me contredire, Robert ?
Ah, d’accord, je comprends mieux. Ils s’engueulent et font ça en
privé.
— Il s’agit de nos enfants, continue ma mère. Nos enfants !
Comment tu peux laisser Logan être dans la… décadence,
comme ça ? Tu vois bien que c’est une profiteuse, non ? Une
vulgaire pique-assiette comme on en voit tout le temps ! Elle
n’est pas la première à essayer de lui tourner autour pour son
argent et elle ne sera pas la dernière non plus. Même toi, tu
reçois des propositions indécentes.
Je fronce les sourcils. Bah voyons, le contraire m’eut étonné. On
dirait que ma mère n’approuve pas mes choix, mais ce ne sera pas
la première fois, après tout.
— Laisse-le un peu tranquille, tu veux ? Il n’a pas souri depuis
longtemps.
— Et c’était très bien comme ça. Ça a fait de lui une machine
puissante et redoutable, et maintenant quoi ? Il est amoureux
d’une… d’une écrivaine ratée !
— Elle est gentille, cette fille, Fiona. Arrête d’être aussi
méprisante, nom de Dieu !
— Ferme-la. Je ne t’ai pas demandé de parler. Il est hors de
question qu’on laisse notre fils avec elle. Elle va le déstabiliser,
lui prendre de l’argent et il va encore se retrouver en miettes.
Les croqueuses de diamants n’ont pas de cœur, Robert.
— Tu ne peux pas lui dire ce qu’il doit faire. Il est assez grand
pour décider. Ce n’est pas comme ça que je voulais que nos
enfants soient éduqués.
— Tant pis pour toi. Maintenant, c’est trop tard. Ils sont sous
mon contrôle et j’en fais ce que je veux. Et j’ai décidé qu’il
n’épouserait pas cette fille. Elle n’est pas faite pour lui.
— Alors qui ?
— Britney Cooper.
— Oh, sérieusement ? Tu veux arranger un mariage pour
notre fils ? Et son bonheur, ça ne compte pas, pour toi ?
— Pas du tout. Il a tout ce qu’il faut pour être heureux. S’il ne
l’est pas, tant pis pour lui.
— Fiona, il est temps que tu le lâches.
Le ton commence sérieusement à monter. Je ne m’attendais pas à
ce que mon père prenne ainsi ma défense en privé, lui qui ne dit
jamais un mot plus haut que l’autre devant une assemblée. Et
surtout pas pour contredire ma génitrice.
— Je vais le forcer à rompre.
— Et comment, hein ?
— Observe et apprends.
47
Chapitre post-cadeaux
KATLYN
LOGAN
KATLYN
Les mots roulent dans mon crâne, ils se répètent sans fin. Il
m’aime. Il m’aime. Il m’aime. Je cligne des yeux parce que c’est tout
bonnement impossible. Puis je décide, en un instant, que s’il le dit,
c’est que c’est la vérité.
Et je l’embrasse, au milieu de l’aéroport, en lâchant mon sac, en
m’agrippant à lui comme si l’apocalypse s’était déclenchée et que
c’était notre dernier baiser avant la fin du monde.
Il me prend les mains et je souris bêtement. Il m’explique avec
calme que c’était une manigance de ses parents, cette histoire de
Britney, et que dans son envie de déjouer le plan de sa mère, il n’a
pas pris le temps de tout m’expliquer en détail. Il pensait que je lui
faisais confiance, que je comprenais. Et il a été blessé de voir que
j’ai filé sans même lui laisser le temps de me révéler l’intégralité de
ce qu’il savait.
Je me mords l’intérieur de la joue, je m’en veux de l’avoir jugé si
rapidement.
— Je viens avec toi, décide-t-il. On rentre, maintenant.
— Sans tes affaires ?
— J’ai des tonnes d’affaires à New York. Tu as ce qu’il te faut ?
— Oui, mais je pense que le vol est complet maintenant,
Logan. J’ai déjà eu la chance d’avoir une place à l’improviste un
25 décembre.
— Le vol n’est jamais complet pour moi, m’assure-t-il. Au pire,
il y a mon jet.
Le jet n’est finalement pas nécessaire, il négocie un billet, et je
découvre qu’en fait il reste de la place sur ce vol, en première classe
évidemment. Il brandit alors deux billets sous mes yeux.
— J’en ai pris un pour toi, m’explique-t-il. J’imagine que tu n’as
jamais goûté aux joies de la première classe.
— Non, avoué-je. Mais j’ai goûté aux joies de ton jet privé, je
vois mal comment ça pourrait être plus luxueux.
— Ça ne l’est pas, effectivement. Mais les gens sont à ton
écoute à chaque seconde, à l’affût de tes moindres désirs.
— Je n’ai pas besoin de ça.
— Ne me gâche pas mon plaisir, viens.
Il me prend la main, nous passons les portes d’embarquement, et
Logan Archer rentre à New York à bord d’un vol commercial.
L’information est apparemment importante puisque des gens
s’amusent à nous prendre en photo à l’aéroport. À New York, une
fois que nous avons atterri, le calme est retrouvé. Il n’est pas tout à
fait une célébrité, il est plutôt un homme d’affaires. Il exerce une
certaine fascination sur les autres, mais pas du même style que les
chanteurs hyper populaires. Tant mieux, je ne me vois pas passer
mon temps à me cacher des journalistes.
— Il va y avoir des conséquences à tout ça ? demandé-je.
— Des conséquences à quoi ?
— À notre départ du Noël de chez tes parents. Je n’ai pas
vraiment rempli le contrat et…
— Tu auras l’argent quand même, Carotte.
— Non, dis-je fermement. Je ne parle pas de ça et… je ne
veux plus de cet argent, Logan.
— Mais…
— Logan, écoute-moi. Cet argent, j’ai l’impression qu’il est
sale. Il est né de tous les mensonges que nous avons pu nous
raconter, ou raconter à tes parents. Je n’en veux pas. Je me
débrouillerai, d’accord ? L’argent du contrat de la maison
d’édition me permet largement de voir venir pour quelques mois,
je pourrais continuer d’écrire, m’occuper de mon petit frère, au
moins financièrement, et il sera temps d’aviser dans quelques
mois si je dois reprendre un job ou si mes ventes de livres
décollent suffisamment pour que j’engrange de nouveaux
revenus. Mais je ne veux pas de ton argent. Tu me comprends ?
Il me sourit et hoche la tête. Le taxi dans lequel nous étions nous
dépose devant mon Starbucks habituel. Logan voulait appeler
Armin, mais je l’en ai empêché : qu’il laisse son chauffeur fêter Noël
tranquillement. D’autres ont choisi de travailler aujourd’hui, autant
leur donner de quoi gagner leur vie.
— Donne-lui un pourboire, dis-je.
— J’allais le faire, grogne-t-il.
— Non, un gros pourboire, quelque chose qu’il aurait pu
gagner dans sa journée. Ça ne représente rien pour toi, mais ça
lui permettrait de rentrer fêter Noël avec les siens.
Il n’a pas l’air de comprendre ce que je veux dire, mais il
obtempère, tire des billets de son portefeuille. Je me demande
d’ailleurs pourquoi il se balade avec autant de cash sur lui. Il se
penche et donne les billets à notre chauffeur, qui n’a pas l’air d’en
croire ses yeux.
— Allez fêter Noël avec les vôtres, dis-je simplement. Vous
avez fait votre journée. Il y a des moments qu’il ne faut pas
rater.
Après avoir balbutié cinquante mercis, le chauffeur s’éloigne et
Logan me regarde, perplexe.
— Je n’ai pas compris ce qu’il vient de se passer, me dit-il.
— Parce que tu es habitué à vivre dans l’argent, rétorqué-je.
Pour nous autres, qui ne vivons pas avec autant de cash sur
nous, ni même sur notre compte en banque, les deux cents
dollars que tu viens de lui donner, c’est une fortune.
— OK, admettons. Donc là, avec ce que je lui ai donné, il va
pouvoir rentrer chez lui et profiter de sa famille, c’est ce que tu
voulais ?
— Exactement.
— Peut-être qu’il n’a pas de famille.
— Il a une famille, il y a la photo de sa femme et de ses
enfants accrochée au rétroviseur.
— Et tu as remarqué ça ?
— Bien sûr. Je regarde toujours ce genre de petits détails. Pas
toi ?
— Armin est du genre discret. Je ne lui pose pas de questions
et il n’amène pas des objets personnels dans le véhicule.
— Peut-être que si tu lui posais des questions, tu découvrirais
des choses sur lui, il s’ouvrirait un peu, tu t’ouvrirais aussi, et
vous pourriez avoir un autre type de relation.
— C’est mon chauffeur !
— Et alors ?
Les portes du Starbucks s’ouvrent et Logan tire ma valise à
l’intérieur en me tenant la main. Je repère tout de suite Marysa, qui
est en train de rire aux éclats avec l’un de ses collègues. Il est
nouveau, est arrivé ce mois-ci, et ils ont tous les deux l’air très
proches. Elle me fait un grand sourire et n’a pas l’air de se soucier
que je sois au bras du milliardaire qu’elle convoitait.
— Katlyn ! s’exclame-t-elle. Joyeux Noël !
Nous commandons nos boissons, échangeons quelques banalités
sur les vacances, la météo et cette neige qui a transformé New York
en un paradis du flocon… et des bouchons. En quelques minutes,
les voitures sont collées les unes aux autres dans les rues. Ah la joie
de la circulation New-Yorkaise ! Un instant, le trafic est fluide, la
suivante, il est à l’arrêt.
Je déguste mon chocolat chaud du bout des lèvres, Marysa m’a
carrément filé deux mugs : l’un rempli de chantilly, l’autre de ma
divine boisson chocolatée. Logan, fidèle à lui-même, a pris un
macchiato.
J’attrape mon sac à main, en tire un paquet cadeau maintenant
froissé et le mets devant les yeux du milliardaire.
— Qu’est-ce que c’est ? demande-t-il.
— Ton cadeau, dis-je.
— Je croyais que tu ne te sentais pas de me faire un cadeau ?
— Disons que j’ai eu de l’inspiration.
Je souris à ma métaphore. Logan déballe le paquet et tombe sur
un carnet rouge, dans lequel j’ai écrit à la main, plutôt qu’à
l’ordinateur. Ça m’a pris une éternité. J’ai mis un titre, plutôt simple :
« Comment j’ai appris à aimer à nouveau décembre ».
— J’imagine que ça parle de neige, de sapins, de Père Noël et
de décorations ? demande Logan en tournant les pages
manuscrites.
Il commence à lire le début à voix haute et je rougis. C’est si
étrange d’entendre son propre texte lu par la voix de quelqu’un
d’autre. J’ai toujours imaginé mes mots avec ma propre voix
intérieure.
— Décembre, depuis cinq ans, représente la pire période de
l’année à mes yeux. Je ne peux m’empêcher de penser à mes
parents, à l’accident, et à tout ce qui a bouleversé ma vie quand
ils sont morts. Ce mois de décembre a l’air de s’annoncer
encore pire que les autres : je me fais harceler au café et mon
frère a refait des siennes. Je crois que je vais devoir dire adieu
à ma vie d’écrivain et bonjour à un nouveau travail inintéressant.
Il lève la tête.
— On n’a jamais vraiment parlé de tes parents, dit-il. Je suis
vraiment désolé.
— Ce n’est pas grave. Enfin, si c’est grave, mais c’est du
passé, Logan. Tu sais aussi bien que moi qu’on ne peut pas
s’accrocher indéfiniment au passé. Continue.
— J’ai l’impression de lire ton journal.
— C’est précisément ça.
— Tu m’offres ton journal intime ?
— Continue de lire, l’encouragé-je.
— C’est moi qui te harcèle au café ?
— Logan ! m’exaspéré-je. Lis !
— OK, OK.
Il obtempère en ronchonnant et j’avale une gorgée de chocolat
chaud. Il tourne la page et choisit un nouveau passage.
— Décembre n’est plus aussi sombre. Logan m’a emmenée
faire la tournée des cafés de la ville pour que je fasse mon
propre top 10 du meilleur chocolat chaud de New York. Il m’a
même encouragée à ouvrir un blog sur le thème « les meilleurs
chocolats du monde ». Il a dit qu’il m’emmènerait dans toutes
les capitales de la planète pour que je puisse tous les déguster.
J’imagine qu’il rigole.
Il relève la tête.
— Je ne rigolais pas, m’assure-t-il avant de reprendre sa
lecture. Mais l’idée ne me déplaît pas. Il y a quelque chose chez
lui qui m’attire, je ne sais pas si c’est le mystère, si c’est le fait
que je commence à voir qu’il y a des émotions sous sa
carapace ou si c’est son envie de vouloir me protéger dans
toutes les situations. Mais c’est touchant, et je crois que je suis
en train de m’attacher.
Je me sens tout à coup très vulnérable. Je ne l’ai pas dit à Logan,
mais je ne suis pas la meilleure pour exprimer mes émotions à voix
haute. Je suis écrivain, après tout. Je sais coucher les mots sur le
papier, mais quand il est question de me mettre à les prononcer,
c’est une autre affaire.
— Tu as écrit ça pendant tout le mois de décembre ? Alors
qu’on était sous… contrat ?
— C’est mon journal, c’est le seul endroit où je suis
authentique, je ne cache rien à mon journal. J’en écris un par
mois.
— Alors tu n’as pas fini celui-ci, fait-il remarquer.
— Non.
— Finis-le, me réclame-t-il. Je veux le récupérer le
31 décembre, quand tu auras fini de décrire ce mois. Et je ne
veux pas que tu te censures. Si ce Noël en famille était une
catastrophe pour toi, écris-le. Je veux comprendre ce qu’il se
passe dans ta petite tête de Carotte.
C’est touchant, aussi j’obéis, récupère le carnet et commence tout
de suite à noircir une page.
— Pas immédiatement, s’amuse-t-il. Tu peux attendre d’être
seule.
— Il y a des choses qui ne méritent pas qu’on attende,
rétorqué-je en tournant le carnet pour lui montrer la page du
jour.
Sur laquelle, j’ai inscrit, au stylo bille noir : « Je crois que je
l’aime ».
50
Chat-pitre
(C’est quand un chat fait du stand-up, par exemple. Alors
que c’est un chat et que ça devrait pas être possible parce qu’il
peut pas tenir un micro entre ses pattes. Bref.)
LOGAN
Théo Lemattre :
Jupiter Phaeton :
J’aimerais prendre le temps de remercier nos merveilleuses bêta-
lectrices, qui ont fait un travail formidable sur cet ouvrage, ainsi que
notre correctrice en chef, Émilie, qui nous a maudits au moment où
on lui a annoncé le délai pour corriger ce roman.
(Message de ladite correctrice : je vous maudis encore, et toi
jusqu’à la quinzième génération MINIMUM).
Théo, alias Thébro, alias mon jumeau de cerveau, c’est toujours
une aventure aussi extraordinairement drôle d’écrire avec toi et de
voir la connexion de nos esprits. Pour tout vous dire, j’ai un héros qui
s’appelle Logan Archer dans une autre série et j’ai pour manie de
reprendre régulièrement le prénom d’un héros pour le balancer dans
une autre série, par jeu. J’ai donc choisi Logan comme prénom de
son héros. Mais à aucun moment je ne lui ai donné le nom de famille
« Archer » et il n’a pas lu la série dans laquelle mon héros s’appelle
ainsi.
Or, quand j’ai lu son chapitre où j’ai vu apparaître le nom de
famille du héros, j’ai bugué, hein.
Et s’il n’y avait que ça… Dans les grandes lignes, comme dans les
détails, je crois que nous n’avons pas besoin d’écrire de trame
commune, Théo et moi, parce que même en l’écrivant de manière
séparée, on retombe sur les mêmes idées.
Alors Thébro, c’est l’amour, la générosité, le rire, l’écoute et la
bienveillance. C’est tellement agréable d’écrire avec lui que, bah, on
a envie de recommencer à peine on a fini. C’est pourquoi on sera
super heureux de vous retrouver avec la suite des aventures de
CMDI (Comment se Mettre en Danger Inutilement) l’année
prochaine et qu’on compte bien carburer dessus, parce que si on
peut vous faire rire ne serait-ce qu’un peu, on est contents.
Et puis nous, on se tape des franches marrades pendant l’écriture
aussi.
Merci mon Thébro, je ne sais pas comment j’ai vécu avant de te
connaître.
À tous les pandas, je vous embrasse fort !
D’autres romans de Théo Lemattre
Hors série :
Atypique : guide de survie d’un zèbre accro au chocolat chaud