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ABBI

GLINES
DÉSIR FATAL – 4
En plein émoi
Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Anne Michel
Abbi GLINES
En plein émoi
DÉSIR FATAL – 4
Maison d’édition : J’ai lu Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Michel © Abbi Glines, 2014
Pour la traduction française
© Éditions J’ai lu, 2016
Dépôt légal : août 2016
ISBN numérique : 9782290127902
ISBN du pdf web : 9782290127926
Le livre a été imprimé sous les références : ISBN : 9782290129661
Présentation de l’éditeur : Fils d’une célèbre star de rock, Rush Finlay n’a jamais manqué de rien : villa en bord de mer,
voiture de luxe, toutes les filles à ses pieds… Pourtant, lorsque Blaire débarque au volant de son pick-up, tout droit venue
de l’Alabama, ce n’est pas seulement la vie de Rush qui est chamboulée, mais aussi son cœur. Toutefois, il se doit de
garder certaines distances, car céder à la tentation menacerait le terrible secret qu’il dissimule. Un secret qui, révélé,
pourrait bien faire fuir Blaire pour toujours…
Biographie de l’auteur : Auteure de séries de romance érotique et de paranormal, Abbi Glines figure sur les listes des
meilleures ventes du New York Times, du USA Today et du Wall Street Journal.

Couverture : Marine Gérard © Elena Kharichkina / Shutterstock

© Abbi Glines, 2014

Pour la traduction française


© Éditions J’ai lu, 2016
Du même auteur
aux Éditions J’ai lu

DÉSIR FATAL
1 – DE TOUT MON ÊTRE

NO 10922
2 – DE TOUT MON CORPS

NO 11180
3 – EN PLEIN CŒUR

NO 11398
À Natasha Tomic,
qui a été la première à utiliser
l’expression « Rush Crush ».
Tu m’as soutenue, m’as fait rire,
as prêté l’oreille à mes inquiétudes
et as dégusté plus d’un verre de vin
avec moi. Durant l’année écoulée,
tu es passée du statut de bloggeuse
enthousiaste à véritable amie.
Remerciements
Lorsque je me suis lancée dans l’écriture de De tout mon être, je n’imaginais pas que cela
deviendrait le commencement d’une série aussi populaire. Revenir en arrière et revisiter les débuts
de Rush et Blaire a été enthousiasmant. J’ai fait de mon mieux pour offrir aux lecteurs de nouvelles
scènes et des moments qu’ils avaient ratés dans De tout mon être. J’ai adoré pénétrer dans l’esprit de
Rush dans ce volume. J’espère que cela rend toutes ses fans heureuses.
Je me dois de commencer ici en remerciant mon agent, Jane Dystel, qui est plus qu’incroyable.
Signer avec elle est l’une des choses les plus intelligentes que j’ai faites de ma vie. Merci, Jane, pour
m’avoir aidée à naviguer dans les eaux du monde de l’édition. T’es vraiment une sacrée nana.
Merci à la talentueuse Jhanteigh Kupihea. Je n’aurais pas pu rêver d’une meilleure éditrice. Elle
est toujours positive et travaille à rendre mes livres meilleurs. Merci, Jhanteigh, grâce à toi ma
nouvelle vie chez Atria est une vie qui me rend heureuse. Merci aux autres membres de l’équipe chez
Atria : Judith Curr, pour nous avoir donné, à mes livres et à moi-même, une chance ; Ariele Fridman
et Valerie Vennix pour toujours trouver les meilleures idées marketing et pour être aussi géniales que
fantastiques.
Merci aux amies qui m’écoutent et me comprennent comme personne d’autre dans ma vie n’y
parvient : Colleen Hoover, Jamie McGuire et Tammara Webber. Vous trois m’avez soutenue plus que
n’importe qui d’autre que je connaisse. Merci pour tout.
Que Rush « sonne juste » dans ce livre était très important pour moi. Avoir deux lectrices-
testeuses qui aimaient Rush et dont je pensais qu’elles le « connaissaient » a été fondamental. Autumn
Hull a passé des heures innombrables à m’aider dans ma quête du bon mannequin pour la couverture
et m’a encouragée pendant que j’écrivais l’histoire de Rush. Natasha Tomic est à l’origine du slogan
« Rush Crush », et la référence pour « la scène avec le beurre de cacahuète ». Du coup, j’ai le
sentiment qu’elle le connaît aussi bien que moi. Merci les filles, pour votre soutien. Toujours !

Enfin, et certainement pas des moindres, mes remerciements vont à :


Ma famille. Sans eux, je ne serais pas là. Mon mari, Keith, s’assure que j’aie mon café et que les
enfants soient pris en main quand j’ai besoin de m’enfermer pour tenir mes délais. Mes trois enfants
sont tellement compréhensifs ! Même si une fois que je sors de mon tunnel créatif, ils attendent de
moi que je leur accorde toute mon attention, ce que je leur donne sans restriction. Mes parents,
toujours présents. Même lorsque j’ai décidé d’écrire des scènes plus chaudes. Mes amis, qui ne me
détestent pas parce que je ne peux pas passer du temps avec eux pendant plusieurs semaines, mon
écriture prenant le dessus. Ils sont mon ultime groupe de soutien et je les aime du fond du cœur.
Mes lecteurs. Je ne m’étais jamais attendue à ce que vous soyez aussi nombreux. Merci de lire
mes livres. De les aimer et d’en parler à d’autres. Sans vous, je n’existerais pas. Ce n’est pas plus
compliqué que ça.
Prologue
On dit que le cœur des enfants est pur. Que les enfants ne haïssent pas vraiment, parce qu’ils ne
comprennent pas totalement cette émotion. Ils pardonnent et oublient facilement.
On dit beaucoup de conneries du même acabit, parce que ça aide les gens à dormir la nuit. Cela
offre de jolies phrases à encadrer sur leurs murs, de celles qui réchauffent le cœur et amènent un
sourire à leurs lèvres quand ils passent devant.
Pour moi, la vérité est autre. Les enfants ont la capacité d’aimer comme personne d’autre. Leurs
sentiments sont plus violents. Ça, je le sais bien. Parce que je l’ai vécu. À dix ans, je connaissais la
haine, et l’amour. Deux émotions dévorantes. Qui changent le cours d’une vie. Et totalement
aveuglantes.
Quand je me penche aujourd’hui sur le passé, je me dis qu’il aurait fallu que quelqu’un soit là
pour être témoin de la manière dont ma mère s’y prenait pour planter en moi la graine de la haine. En
ma sœur aussi. Si quelqu’un avait été présent pour nous sauver des mensonges et de l’amertume
qu’elle avait permis de suppurer en nous, alors peut-être que les choses auraient été différentes. Pour
toutes les personnes concernées.
Je ne me serais jamais comporté de manière si stupide. Qu’une jeune fille se retrouve seule pour
s’occuper de sa mère malade n’aurait pas été ma faute. Ni que cette même jeune fille se tienne devant
la tombe de sa mère, persuadée que la seule personne qui l’aimait sur terre était morte. Ni qu’un
homme soit anéanti, sa vie une coquille brisée, creuse.
Mais personne ne m’a sauvé.
Ne nous a sauvés.
Nous avons cru aux mensonges. Nous nous sommes accrochés à notre haine. Je reste malgré tout
le seul responsable de la destruction de la vie d’une jeune femme innocente.
On dit qu’on récolte ce qu’on sème. Ça aussi, c’est des conneries. Parce que je devrais être en
train de rôtir en enfer pour mes péchés. Je ne devrais pas être autorisé à m’éveiller chaque matin
avec cette femme superbe entre mes bras, cette femme qui m’aime d’un amour inconditionnel. Je ne
devrais pas porter mon fils et éprouver une telle joie.
Mais c’est le cas.
Parce que, au bout du compte, quelqu’un m’a bien sauvé. Je ne le méritais pas. Bon sang, plus
que quiconque, c’est ma sœur qui avait besoin de l’être. Elle, elle n’avait pas manipulé le destin
d’une autre famille, en se foutant des conséquences. Mais son amertume la domine encore, alors que
j’en ai été délivré. Par une fille…
Mais ce n’est pas qu’une fille. C’est un ange. Mon Ange. Un ange superbe, fort, sauvage, loyal,
qui est entré dans ma vie au volant d’un pick-up, une arme à la main.
1
Ce n’est pas une histoire d’amour typique. C’est vraiment trop tordu pour être adorable. Mais
lorsque vous êtes le fils du batteur légendaire de l’un des groupes de rock comptant le plus de fans au
monde, vous vous attendez à de sérieux foirages. On est connus pour ça. Ajoutez à cela la mère
égoïste, gâtée et autocentrée qui m’a élevé, et ce qu’il en ressort n’est pas joli-joli.
Il y a tant de lieux où je pourrais commencer cette histoire. Dans ma chambre, où je serre ma
sœur contre mon cœur alors qu’elle pleure, blessée par les mots cruels de notre mère. Devant la
porte, quand mon père vient me chercher pour le week-end, la laissant toute seule, et qu’elle nous
voit partir, les larmes lui sillonnant le visage. Ces deux scènes se sont produites souvent, me
marquant à jamais. Je ne supportais pas de voir ma sœur pleurer. Malgré tout, cela faisait partie de
ma vie.
Nous avions la même mère, mais pas le même père. Le mien est un rockeur célèbre, qui m’a
élevé dans son monde de sexe, de drogue et de rock and roll un week-end sur deux et un mois
complet l’été. Il ne m’a jamais oublié. Il ne s’est pas défilé une seule fois. Il était toujours là. Aussi
imparfait qu’il fût, Dean Finlay ne manquait jamais de venir me chercher. Même s’il était ivre, il
venait.
Le père de Nan, lui, ne se montrait jamais. Elle était seule lorsque je n’étais pas là, et même si
j’adorais être avec mon père, je détestais savoir qu’elle avait besoin de moi. J’étais son parent.
J’étais la seule personne en qui elle pouvait avoir confiance pour s’occuper d’elle. Cela m’a obligé à
grandir vite.
Lorsque je demandais à mon père de l’emmener aussi, son visage affichait cet air triste et il
secouait la tête.
— J’peux pas, fils. J’aimerais bien, mais ta maman ne le permettra pas.
Il n’ajoutait jamais rien de plus. Je savais juste que si ma mère ne l’autorisait pas, alors il n’y
avait aucun espoir. Nan restait donc sans moi. Je voulais haïr quelqu’un pour cela, mais haïr ma mère
était difficile. Elle était ma maman. J’étais un gosse.
J’ai donc trouvé où concentrer ma haine et mon ressentiment face à l’injustice vécue par Nan. Sur
l’homme qui ne venait jamais la voir. L’homme dont le sang coulait dans ses veines et qui pourtant ne
l’aimait pas suffisamment pour ne serait-ce que lui envoyer une carte d’anniversaire. Il avait sa
propre famille maintenant. Nan était allée les voir une fois.
Elle avait obligé maman à la conduire chez lui. Elle voulait lui parler. Voir son visage. Elle était
persuadée qu’il l’aimerait. Je pense qu’au plus profond d’elle-même, elle croyait que maman lui
avait caché sa naissance. Elle s’était inventé ce conte de fées, que son père se rendrait compte de son
existence, fondrait sur elle et la sauverait. Lui donnerait l’amour qu’elle recherchait désespérément.
Sa maison était plus petite que la nôtre. Bien plus petite. Elle se trouvait à sept heures de route,
dans une petite ville d’Alabama. Nan avait dit qu’elle était parfaite. Ma mère avait taxé les lieux de
pathétiques. Malgré tout, ce n’était pas la maison même qui hantait Nan. Ni la clôture en piquets
blancs qu’elle me décrivit en détail. Ou le panier de basket et les vélos appuyés contre la porte du
garage.
Non, c’était la fillette qui lui avait ouvert la porte. Elle avait de longs cheveux blonds, presque
blancs. Aux yeux de Nan, elle ressemblait à une princesse. Sauf qu’elle portait une paire de baskets
sales. Nan n’avait jamais possédé de paire de baskets, elle n’avait jamais joué dans la poussière.
Cette fille lui avait souri, et Nan s’était retrouvée momentanément charmée. Puis elle avait vu les
photos accrochées au mur dans l’entrée. Des photos de la fillette en compagnie d’une autre qui lui
ressemblait comme deux gouttes d’eau. Et d’un homme, qui les tenait par la main. Il souriait, riait.
Il était leur père.
Face à elle se trouvait donc l’une de ses deux gosses qu’il aimait. Même aux yeux d’enfant de
Nan, le bonheur de cet homme était évident. Celle qu’il avait abandonnée ne lui manquait pas. Cette
enfant à qui sa mère ne cessait de répéter que son père savait qu’elle existait.
Toutes ces choses que notre mère avait tenté de lui expliquer au fil des ans et que Nan avait
refusé de croire trouvaient soudain leur place. Notre mère avait dit la vérité. Le père de Nan n’avait
pas voulu d’elle parce qu’il avait sa vie. Ces deux superbes filles angéliques et une femme qui leur
ressemblait tant.
Ces photos torturèrent Nan durant les années qui suivirent. Une fois encore, je voulais détester
ma mère pour l’avoir emmenée là-bas. Pour lui avoir jeté la vérité au visage. Au moins, quand Nan
vivait dans son conte de fées, elle était plus heureuse. Le jour de cette visite, elle perdit son
innocence. Et ma haine pour son père et sa famille commença à grandir en moi.
Ils avaient dérobé à ma petite sœur la vie qu’elle méritait, et un père qui l’aimerait. Ces fillettes
n’avaient pas plus de droits sur lui que Nan. Cette femme qu’il avait épousée utilisait sa beauté et ses
gamines pour le garder loin de ma sœur. Je les détestais tous.
Je finis par agir, poussé par cette haine, mais l’histoire commence vraiment la nuit où Blaire
Wynn a franchi mon seuil, le front plissé par l’anxiété, avec son foutu visage d’ange. Mon pire
cauchemar…

Ce soir-là, j’avais dit à Nan que je ne voulais personne chez moi, mais elle avait malgré tout
lancé les invitations. Pour elle, « non » n’était pas une réponse. Dos appuyé contre le dossier du
canapé, j’étendis les jambes et avalai une gorgée de bière. J’allais devoir traîner dans le coin
suffisamment longtemps pour m’assurer que les choses ne dégénéreraient pas. Les amis de Nan
étaient plus jeunes que les miens. Ils étaient parfois un peu bruyants. Mais je m’en accommodais
parce que cela la rendait heureuse.
Et puis, je ne voyais rien d’autre pour la réconforter. Ma mère s’était enfuie à Paris avec son
nouveau mari, le père de Nan, toujours aussi inattentif, ce qui n’avait pas amélioré l’humeur de cette
dernière. Pour une fois dans sa vie, j’aurais aimé que ma mère pense à quelqu’un d’autre qu’à elle-
même.
— Rush, je te présente Blaire, je crois qu’elle pourrait bien t’intéresser. Je l’ai trouvée dehors,
l’air un peu perdue.
La voix de Grant brisa le cours de mes pensées. Je levai les yeux vers mon demi-frère, puis
m’intéressai à la fille à côté de lui. J’avais déjà vu ce visage. Il avait vieilli, mais je le
reconnaissais.
Merde.
C’était l’une d’elles. Je n’avais jamais su leurs noms, mais je me souvenais qu’elles étaient deux.
Celle-ci, c’était… Blaire. Je me tournai vers Nan. Elle se tenait non loin, l’air renfrogné. Cela
n’allait pas bien se passer. Grant ne se rendait-il pas compte de qui était cette nana ?
— Vraiment ?
Je me creusais la cervelle pour trouver un moyen de la sortir d’ici – et vite. Nan allait exploser
d’une seconde à l’autre. J’étudiai la fille qui avait été une source de douleur pour ma sœur durant la
plus grande partie de sa vie. Elle était sublime. De grands yeux bleus et les cils les plus longs que
j’aie jamais vus, dans un visage en forme de cœur. Des boucles soyeuses d’un blond platine qui
effleuraient sa poitrine généreuse soulignée par un débardeur moulant. Bon sang. Ouais, fallait
qu’elle s’en aille.
— Elle est mignonne, mais jeune. Pas sûr d’être vraiment intéressé.
La fille vacilla. Si je n’avais pas été aussi attentif à ses moindres mouvements, je ne m’en serais
pas aperçu. L’expression perdue qu’elle affichait ne collait pas. Elle était entrée ici en sachant
qu’elle n’y était pas bienvenue. Pourquoi avait-elle l’air si innocente ?
— Oh, et pourtant, tu devrais. Dans la mesure où son papa s’est enfui à Paris avec ta maman pour
les prochaines semaines. Vous avez un point commun, maintenant. Je lui offrirai avec plaisir une
chambre chez moi, si tu veux. Enfin, si elle promet de laisser son arme dans son pick-up.
Grant trouvait cela amusant. Le salaud. Aucun doute, il savait qui elle était. Il adorait que cela
énerve Nan. Il était prêt à tout pour y parvenir.
— Cela ne veut pas dire qu’elle est à moi, répliquai-je.
Elle devait comprendre l’allusion et s’en aller.
Grant s’éclaircit la gorge.
— Tu plaisantes, non ?
J’avalai une nouvelle gorgée de bière et levai les yeux sur lui. Je n’étais pas d’humeur pour ça, ni
pour les drames de Nan. Ça allait trop loin. Même venant de lui. Il fallait que la fille s’en aille.
Elle semblait prête à prendre ses jambes à son cou. Elle ne s’était pas attendue à cela. Avait-elle
vraiment cru que son cher vieux papa serait là à l’attendre ? Quel tissu de conneries. Elle avait vécu
avec ce type pendant quatorze ans. Moi, je le connaissais depuis trois ans seulement, et cela m’avait
suffi pour comprendre qu’il n’était qu’un tas de merde.
— J’ai des invités ce soir et mon lit est déjà occupé, informai-je Blaire avant de reporter mon
attention sur mon frère. Je pense que le mieux est de la laisser trouver un hôtel jusqu’à ce que je
puisse joindre son papa.
Blaire tendit la main vers sa valise, que Grant portait.
— Il a raison. Je devrais y aller. C’était une très mauvaise idée, dit-elle, la voix nouée.
Grant ne la laissa pas prendre son bagage sans lutter. Elle tira fort dessus pour le récupérer. Je
voyais que les larmes lui montaient aux yeux, ce qui titilla ma conscience. Est-ce que je n’étais pas en
train de passer à côté de quelque chose ? S’attendait-elle vraiment à ce qu’on lui ouvre grands les
bras ?
Elle se dirigea rapidement vers la sortie. L’expression de Nan se fit plus joyeuse lorsque Blaire
passa devant elle.
— Tu pars déjà ? lui demanda-telle.
Blaire ne répondit pas.
— T’es qu’un salaud sans cœur, tu sais ça ? grogna Grant à côté de moi.
Je n’étais pas d’humeur à m’expliquer avec lui. Nan avança vers nous en se pavanant, un sourire
triomphant aux lèvres. Elle avait apprécié le spectacle. Je comprenais pourquoi. Blaire était un
rappel de ce qui lui avait manqué en grandissant.
— Elle n’a pas changé. Pâle et quelconque, ronronna-t-elle en se laissant tomber à côté de moi
sur le canapé.
Grant eut un reniflement méprisant.
— Tu es aussi aveugle que mesquine. Tu peux bien la détester, n’empêche qu’elle est super
appétissante.
— Ne commence pas, le mis-je en garde.
Nan avait peut-être l’air contente, mais je savais que si on s’appesantissait trop sur le sujet, elle
craquerait.
— Si tu ne l’arrêtes pas, je m’en charge. Et son petit cul sexy logera chez moi. Vous vous faites
une fausse idée d’elle. Elle n’est absolument pas au parfum. Ton crétin de père lui a dit de venir ici.
Personne n’est capable de mentir à ce point, lança Grant en ne quittant pas Nan des yeux.
— Papa ne lui aurait jamais proposé de venir chez Rush. Elle s’est pointée parce c’est une
tapeuse. Elle a reniflé le fric. T’as vu ce qu’elle avait sur le dos ?
Nan plissa le nez de dégoût.
Grant gloussa.
— Bon sang, ouais, ça ne m’a pas échappé. À ton avis, pourquoi j’ai autant envie qu’elle
s’installe chez moi ? Elle est carrément canon, Nan. J’en ai rien à foutre de ce que tu penses. Cette
fille est innocente, perdue, et une vraie bombe.
Grant se détourna pour se diriger vers la porte. Il allait la chercher. Impossible de le laisser agir
ainsi. On le trompait facilement. J’étais d’accord avec lui : cette fille était un régal pour les yeux.
Mais il pensait avec son sexe.
— Arrête, j’y vais, dis-je en me levant.
— Quoi ? lança Nan d’une voix horrifiée.
Grant fit un pas de côté pour me laisser passer. Je ne me tournai pas vers ma sœur. Grant avait
raison. Je devais vérifier si cette fille jouait la comédie ou si son débile de père l’avait invitée à
venir ici. Sans mentionner le fait que je voulais l’étudier sans avoir de public.
2
Quand je sortis sur le seuil de la maison, elle avançait vers un vieux pick-up déglingué. Je
marquai une pause, me demandant si c’était le sien ou si quelqu’un l’avait conduite jusqu’ici. Grant
n’avait mentionné personne d’autre. Je plissai les yeux dans l’obscurité pour essayer de distinguer
une silhouette dans le véhicule, mais c’était impossible à deviner à cette distance.
Blaire ouvrit vivement la portière conducteur puis s’arrêta pour prendre une profonde
inspiration. Le geste était presque dramatique, ou l’aurait été si elle avait su qu’on l’observait. Or, à
la manière dont ses épaules s’affaissèrent sous le coup de la défaite avant qu’elle ne monte à bord, je
compris qu’elle n’avait pas conscience de ma présence.
Mais une fois encore, peut-être que si. Je ne savais rien de cette fille. Seulement que son père
était un sale parasite. Il prenait ce que ma mère et Nan lui donnaient, pour ne jamais leur retourner
leurs marques d’affection ou d’amour. Il était froid. Je l’avais lu dans son regard. Il n’en avait rien à
fiche de Nan ou de mon idiote de mère. Il les utilisait toutes les deux.
Cette fille était superbe. Ça ne faisait pas un pli. Mais elle avait aussi été élevée par cet homme.
Elle maîtrisait peut-être l’art de la manipulation, elle utilisait peut-être sa beauté comme une arme
pour obtenir ce qu’elle voulait, sans se soucier de ceux qu’elle blessait au passage.
Je descendis les marches en direction du pick-up. Elle n’avait pas bougé et je tenais à ce qu’elle
soit partie avant que Grant ne sorte et ne se laisse embobiner. Il l’emmènerait chez lui. Et elle le
sucerait jusqu’à la moelle. Je ne me contentais pas de protéger ma sœur ; j’agissais ainsi aussi pour
mon frère. Grant était une cible facile.
Elle se tourna et nos yeux se rencontrèrent avant qu’elle laisse échapper un cri. Ses paupières
cerclées de rouge donnaient bien l’impression que ses larmes étaient sincères. Personne n’était là
pour en être témoin. Il existait donc une mince possibilité pour que cela ne s’inscrive pas dans une
arnaque élaborée.
J’attendis qu’elle fasse autre chose que me fixer comme si j’étais l’étranger ici alors qu’elle était
sur ma propriété. Comme si elle avait lu dans mes pensées, elle se concentra rapidement sur son
volant et tourna la clé de contact.
Rien.
Elle commença à s’énerver en tentant sans succès de lancer le moteur, mais d’après le
cliquètement que j’entendais, je devinais que son réservoir d’essence était vide. Peut-être était-elle
désespérée. Pour autant, je n’avais pas encore confiance en elle.
La voir frapper son volant de frustration était marrant. Quel bien cela allait-il faire si cette idiote
était en panne d’essence ?
Elle finit par ouvrir sa portière et me regarda. Si elle n’était pas aussi innocente qu’elle en avait
l’air, alors c’était une sacrément bonne actrice.
— Un problème ? demandai-je.
À son expression, je devinais qu’elle n’avait pas envie de me dire qu’elle ne pouvait pas partir.
Je m’obligeais à me rappeler qu’il s’agissait de la fille d’Abe Wynn. Celle qu’il avait élevée. Celle
pour qui il avait abandonné Nan durant toutes ces années. Je ne me sentirais pas désolé pour elle.
— Je suis en panne d’essence, dit-elle d’une voix douce.
Sans blague. Si je la laissais entrer chez moi, j’aurais à gérer Nan. Dans le cas contraire, Grant
s’occuperait de Blaire. Et il serait alors plus que probable qu’elle tire avantage de lui.
— Quel âge as-tu ? demandai-je.
J’aurais dû le savoir, mais bon sang, je pensais qu’elle était plus âgée qu’elle n’en avait l’air.
Avec ses yeux écarquillés, son air effrayé, elle paraissait si jeune. Seul son corps dessiné par son
débardeur et son jean était signe qu’elle était au moins majeure.
— Dix-neuf ans, répondit-elle.
— Vraiment ?
Je n’étais pas sûr de la croire.
— Oui. Vraiment.
Son froncement de sourcils ennuyé était mignon. Bon sang. Je ne voulais pas penser qu’elle était
mignonne. Elle était une foutue complication dont je me serais bien passé.
— Désolé. Tu fais moins que ça, commentai-je avec un sourire en coin.
Je laissai mes yeux errer le long de son corps. Pas besoin qu’elle s’imagine pouvoir me faire
confiance. Ce n’était pas le cas. Et ne le serait jamais.
— Je retire ce que je viens de dire. Ton corps est tout à fait celui de quelqu’un de dix-neuf ans.
C’est ton visage qui est frais et jeune. Tu ne mets pas de maquillage ?
Elle n’avait pas l’air vexée, mais son froncement de sourcils s’accentua. Ce n’était pas l’effet
recherché.
— Je suis en panne d’essence. J’ai vingt dollars en poche. Mon père a pris la poudre
d’escampette et m’a laissée en plan après m’avoir dit qu’il m’aiderait à repartir de zéro. Crois-moi :
il était le DERNIER à qui je voulais demander de l’aide. Non, je ne porte pas de maquillage. Avoir
l’air jolie est le cadet de mes soucis. Maintenant, vas-tu appeler la police ou une dépanneuse ? Je
préfère la première option, si jamais le choix m’appartient.
Venait-elle juste de suggérer que j’appelle la police ? Et était-ce bien du dédain que j’entendais
dans sa voix quand elle mentionnait son paternel ? J’en étais presque sûr. Peut-être n’avait-il pas été
le père modèle que Nan s’était imaginé à partir de la courte visite chez lui lorsqu’elle était enfant. On
aurait bien dit qu’Abe n’était pas dans les petits papiers de Blaire.
— Je n’aime pas ton père, et d’après le ton de ta voix, c’est un sentiment que tu partages,
répondis-je.
Une idée cheminait en moi : peut-être était-elle une autre victime d’Abe Wynn. Il avait abandonné
Nan, et tout portait à croire qu’il s’était comporté de même avec Blaire. J’étais sur le point de faire
quelque chose que je regretterais.
— Il y a une chambre de libre ce soir. Et ce jusqu’au retour de ma mère. Lorsqu’elle est en
vacances, Henrietta, sa bonne, ne vient qu’une fois par semaine. Tu peux utiliser sa chambre, sous les
escaliers. C’est petit, mais il y a un lit.
Cela valait presque le coup d’affronter Nan pour lire sur le visage de Blaire cette expression
incrédule et soulagée. Même si j’étais prêt à parier que les deux filles partageaient des complexes
d’abandon liés au père, je savais que Nan n’accepterait jamais ça. Elle était déterminée à haïr
quelqu’un, et Blaire serait la cible parfaite pour son ressentiment.
— Ma seule autre alternative est le pick-up. Je peux t’assurer que ce que tu me proposes vaut
bien mieux. Merci.
Elle s’exprimait d’une voix tendue.
Merde. Avais-je vraiment été sur le point de laisser cette nana dormir dans sa voiture ? C’était
dangereux.
— Où est ta valise ? demandai-je.
Je voulais en finir avec tout ça et discuter avec Nan.
Blaire ferma sa portière et se dirigea vers l’arrière du pick-up pour y prendre son bagage. Pas
question qu’elle se livre à un tel effort avec son petit corps. Collé à son dos, j’attrapai la valise.
Elle pivota, et sa surprise me fit sourire. Je lui adressai un clin d’œil.
— Je peux porter ta valise. Je ne suis pas salaud à ce point-là.
— Encore une fois, merci, bégaya-t-elle, tandis que ses grands yeux innocents se verrouillaient
aux miens.
Bon sang, que ses cils étaient longs. Je ne voyais pas souvent des filles sans maquillage. La
beauté naturelle de Blaire était surprenante. Mais la jeune femme elle-même était synonyme de tracas,
ce que je ne devais pas oublier. Ça, et garder mes distances. Peut-être qu’il aurait mieux valu que je
la laisse se débrouiller avec ses bagages. Au moins, si elle pensait que j’étais un salaud, elle
resterait éloignée de moi.
— Ah, bien, tu l’as arrêtée. Je te donnais cinq minutes avant de venir vérifier que tu ne l’avais
pas complètement fait fuir, lança Grant, me sortant de la transe dans laquelle cette fille m’avait
plongé.
Bordel, fallait que j’arrête ça tout de suite.
— Elle va prendre la chambre d’Henrietta jusqu’à ce que je parvienne à joindre son père et à
trouver une solution, répondis-je en fourrant la valise dans les bras de Grant. Tiens, conduis-la à sa
chambre. Je dois rejoindre mes amis.
Je n’accordai plus le moindre regard à Blaire, et évitai celui de Grant. J’avais besoin de
distance. Et de parler à Nan. Elle n’allait pas être contente, mais il était absolument hors de question
que je laisse cette fille dormir dans son pick-up. Elle attirerait l’attention. Elle était superbe et
complètement incapable de prendre soin d’elle. Bordel ! Pourquoi étais-je allé chercher Abe Wynn
pour l’attirer dans nos vies ? Il était la cause de tout ce bazar.
Nan se tenait devant la porte, bras croisés, l’air renfrogné. Je souhaitais la voir furax. Tant
qu’elle était en rage contre moi, elle ne pleurerait pas. Je ne m’en sortais pas bien quand elle
pleurait. J’étais celui qui avait tenté d’apaiser sa souffrance depuis qu’elle était toute petite. Lorsque
les larmes de Nan coulaient, je me mettais immédiatement à essayer d’arranger les choses.
— Pourquoi est-elle encore là ? me lança brutalement ma sœur.
Elle se pencha par-dessus mon épaule avant que je ne puisse fermer la porte et l’empêcher de
voir que Grant se dirigeait vers la maison avec Blaire.
— Il faut qu’on parle, lui répondis-je en l’agrippant par le bras pour la diriger vers les escaliers.
En haut. Si tu dois hurler, je n’ai pas envie que tu causes une scène.
J’avais pris un ton sévère.
Elle fronça les sourcils et monta les marches en tapant du pied comme une gamine de cinq ans.
Je lui emboîtai le pas, espérant qu’elle s’éloignerait assez de l’entrée avant que Grant et Blaire
n’y fassent leur apparition. Je ne respirai que lorsque Nan pénétra au pas de charge dans la chambre
qu’elle avait adoptée lorsque nous utilisions la maison comme résidence secondaire. Avant que je ne
parvienne à l’âge adulte et récupère ce qui m’appartenait.
— Tu avales ses conneries, c’est ça ? Grant t’a convaincu ! Je savais que j’aurais dû le suivre
dehors. C’est qu’un gros con. Il ne fait ça que pour m’embêter, cracha-t-elle avant que je ne puisse
ouvrir la bouche.
— Elle va s’installer dans la foutue chambre sous les escaliers. C’est pas comme si je la logeais
à l’étage. Et elle ne reste que le temps que je mette la main sur Abe et que je prenne une décision.
Elle n’a plus d’essence et pas d’argent pour se payer un hôtel. Tu veux être en colère contre
quelqu’un ? Très bien, alors prends-en-toi à Abe !
Je n’avais pas eu l’intention d’élever la voix, mais plus je pensais à Abe se précipitant à Paris en
sachant que sa fille était en route pour le voir dans un vieux pick-up et sans un sou, plus cela me
rendait dingue. Il aurait pu arriver n’importe quoi à Blaire. Elle était bien trop fragile et vulnérable.
— Tu la trouves canon, je l’ai vu dans tes yeux. Je ne suis pas stupide. Ce n’est rien d’autre, dit
Nan, avant d’afficher une moue. La voir est douloureux, Rush. Tu le sais. Elle l’a eu pendant quatorze
ans. Maintenant, c’est mon tour !
Je secouai la tête, incrédule. Elle pensait avoir Abe ? Vraiment ? Il était à Paris, à mener la belle
vie sur le dos de ma mère, et Nan pensait que cela voulait dire qu’elle avait gagné ?
— C’est un foutu loser, Nan. Abe a partagé la vie de Blaire pendant quatorze ans. Je ne pense
pas que cela signifie qu’elle ait gagné quoi que ce soit. Il l’a laissée venir ici, lui faisant croire qu’il
l’aiderait, et n’a pas réfléchi une seconde au fait qu’elle était une petite fille sans défense aux grands
yeux tristes dont n’importe quel homme pourrait tirer profit.
Je m’arrêtai. J’en disais trop.
Nan en était bouche bée.
— Seigneur Jésus ! Ne la baise pas ! Tu m’entends ? Ne la touche pas ! Elle part dès que tu peux
la mettre dehors. Je ne veux pas d’elle ici.
Parler à ma sœur était comme parler à un mur. Elle était si butée. Je ne recommencerais pas.
Qu’elle exprime toutes les exigences qui lui passaient par la tête si cela lui chantait, mais cette
maison était la mienne. Tout comme son appartement m’appartenait. Ainsi que le reste. J’étais aux
commandes. Elle, non.
— Retourne à ta soirée et à tes amis. Je vais me coucher. Laisse-moi m’occuper de cela.
Je me dirigeai vers la porte.
— Mais tu vas baiser avec elle, hein ? demanda Nan dans mon dos.
J’aurais aimé qu’elle arrête d’employer ce terme lorsqu’il s’agissait de Blaire. Parce que, bon
sang, cela me faisait penser à ses cheveux blonds tirant sur le blanc sur mon oreiller et à ses grands
yeux rivés sur moi pendant qu’elle jouirait. Je ne répondis pas. Je n’allais pas coucher avec Blaire
Wynn. J’allais rester aussi éloigné d’elle que possible. Mais Nan n’allait pas non plus me dicter ma
conduite. Mes choix m’appartenaient.
3
La musique pulsait violemment en bas, mais je savais que le son ne parviendrait pas jusqu’à ma
chambre. Je n’étais pas d’humeur à supporter tout ça. Ce qui était déjà le cas avant que Blaire Wynn
ne se pointe. Son arrivée n’avait qu’aggravé les choses.
— Te voilà, roucoula une voix féminine.
Je me tournai pour voir avancer vers moi une amie de Nan. Elle portait une jupe si courte qu’on
voyait presque ses fesses. Unique raison expliquant que je l’aie remarquée. Difficile de manquer un
fessier sous votre nez. En revanche, impossible de me rappeler son nom.
— T’es perdue ?
Je n’aimais pas qu’elle soit montée à l’étage. J’avais pour règle de garder la fête loin de mon
espace privé.
Elle cambra la poitrine et se mordit la lèvre inférieure avant de battre des cils. De longs faux
cils. Rien à voir avec ceux de Blaire. Merde. Pourquoi étais-je en train de penser à elle ?
— Je suis exactement où j’ai envie d’être. Avec toi, dit-elle dans un murmure rauque, avant de
venir coller ses seins contre mon torse et de caresser mon sexe. J’ai entendu parler de ta capacité à
donner du plaisir aux filles. De la manière dont elles crient, encore et encore, ajouta-t-elle en
resserrant doucement son emprise. Fais-moi jouir, Rush.
J’attrapai une mèche de cheveux blonds. Pas aussi blonds que… Non. Voilà que je recommençais
à la comparer à Blaire. Il fallait que je contrôle ça – et tout de suite.
— Supplie, ordonnai-je.
— Je t’en prie, Rush, répliqua-t-elle rapidement tout en caressant mon pénis pour le faire réagir.
Je veux que tu me prennes, je t’en supplie.
Elle était douée. On aurait dit une star du porno.
— Ce n’est que du sexe, ma belle. Rien de plus. Et ce soir seulement, l’informai-je.
Je m’assurais toujours qu’elles connaissaient les règles. Il n’y aurait pas de deuxième fois, à
moins que cette fille ne soit vraiment super bonne.
— Hum, je saurais te le rappeler, répondit-elle avec un clin d’œil, comme si elle ne me croyait
pas.
Soit elle était une bête de sexe, soit c’était un vœu pieux. Il était rare que j’y revienne à deux fois.
— Où est ta chambre ? me demanda-t-elle en déposant un baiser sur mon torse.
— Ce n’est pas là que je t’emmène, l’informai-je.
Je la fis reculer jusqu’à ce qu’elle trébuche dans la chambre d’invités que j’utilisais pour mes
séances de jambes en l’air. Les nanas n’étaient pas autorisées dans la mienne. C’était mon endroit à
moi et je ne voulais pas de souvenirs féminins là-haut.
— Oh, Monsieur l’Impatient, gloussa-t-elle en laissant glisser sa jupe le long de ses jambes. Je
suis super douée en fellations.
Je retirai ma chemise et allai m’asseoir sur le lit.
— Prouve-le, répliquai-je.

Un parfum frappa mes narines et je plissai les yeux face au soleil, maudissant celui ou celle qui
n’avait pas fermé les rideaux la veille. Je roulai sur le côté et le corps nu à côté de moi émit un petit
bruit. Elle était restée toute la nuit. Merde. Je détestais celles qui ne partaient pas. Elles étaient du
genre à s’accrocher. À s’imaginer qu’il s’agissait de plus que de sexe. Croyait-elle vraiment que se
mettre à genoux pour me sucer sans me dire son nom allait lui permettre de gagner des points ?
Je me levai, trouvai mon jean et l’enfilai rapidement. La fille bâilla. Je choisis, du coup,
d’oublier ma chemise et de sortir de là tant que j’en avais encore le temps. Elle comprendrait
lorsqu’elle ne me trouverait nulle part. J’ouvris la porte avec précaution, me glissai dans le couloir et
pris la direction de l’escalier. Si j’allais dans ma chambre, elle viendrait frapper à la porte. Partir
pour la plage et m’offrir un jogging matinal était une meilleure option. Mais avant tout, j’avais besoin
d’un café.
Je m’en préparai rapidement une tasse avant de rejoindre les portes vitrées ouvrant sur
l’extérieur. À l’instant où je les atteignis, je la remarquai. Ses longs cheveux soyeux étaient soulevés
par la brise, tandis qu’elle se tenait sur mon porche, à observer l’océan. J’adorais cette vue. Elle
était apaisante. Je me demandais à quoi elle pensait. S’inquiétait-elle qu’Abe ne revienne pas ?
Allait-elle vraiment trouver un moyen pour partir ? Ou était-elle un parasite, comme son père ?
Après une nuit de sexe avec une amie inconnue de ma sœur, je me demandais à quoi cela
ressemblerait d’être proche de Blaire. Elle ne se jetterait pas à mon cou, et j’étais absolument sûr
qu’elle ne se mettrait pas à genoux pour me sucer parce que je le lui aurais demandé. Bon sang,
pourquoi l’idée de son innocence m’attirait-elle ? C’était compliqué. Et je n’aimais pas les choses
compliquées. Pour autant, impossible d’ignorer Blaire. Pas ce matin. J’avais besoin de voir de
nouveau son visage, de vérifier si elle affichait le même air sincère. Était-elle en colère d’avoir
dormi sous l’escalier ? Sortirait-elle ses griffes ?
— On ne se lasse pas de cette vue, dis-je.
Elle fit volte-face, bouche bée sous le coup de la surprise.
Je me mis à rire quand ses yeux voyagèrent le long de mon torse nu pour s’arrêter sur mes abdos.
Quoi ? Elle me matait ! Peut-être n’était-elle pas si innocente que ça, après tout. Cette idée me déplut.
— Tu apprécies la vue ? demandai-je en cachant ma déception derrière mon air amusé.
Elle cilla rapidement, comme si elle sortait de transe, et son regard revint se poser sur mon
visage. Je détestais l’idée qu’elle se jette sur moi. Je ne voulais pas qu’elle soit comme les autres.
Pourquoi donc ? Je n’en savais rien, mais c’était comme ça.
— Ne me laisse pas te perturber. Je faisais de même, commentai-je, incapable de dissimuler ma
contrariété.
J’avalai une gorgée de café. Blaire, les joues rouge brique, pivota pour se trouver de nouveau
face à la mer. Elle était tout bêtement prise en plein délit de reluquage et s’en trouvait embarrassée.
Pourquoi cela me rendait-il si sacrément heureux ? Bon sang, j’en riais de soulagement.
— Te voilà. Tu m’as manqué au lit ce matin.
Je reconnus la voix de la nuit passée. Merde. J’avais perdu du temps et elle m’avait mis la main
dessus. Blaire se tourna de nouveau pour m’observer, puis s’intéressa à la fille qui s’appuyait contre
moi. C’était parfait. Il fallait qu’elle voie quel pauvre type j’étais. C’était ce que je souhaitais. Elle
resterait éloignée de moi si elle était témoin de ça. Mais l’éclair d’intérêt qui brilla dans ses yeux
quand la fille fit courir ses ongles sur ma poitrine éveilla des choses en moi que je ne voulais pas
reconnaître.
— Il est temps que tu y ailles, dis-je à ma conquête en repoussant sa main et en indiquant la
direction générale de la sortie.
— Quoi ?
Elle avait l’air surprise, comme si je ne l’avais pas prévenue la veille.
— Tu as eu ce pour quoi tu es venue ici, ma belle. Tu me voulais entre tes cuisses. C’est fait.
Maintenant, je passe à autre chose, lui rappelai-je.
— Tu plaisantes ? lança-t-elle avec un méchant rictus.
Peut-être qu’elle ne m’avait pas cru hier. Tant pis pour elle.
Je secouai la tête à ma propre bêtise et avalai une nouvelle gorgée de café. Je finirais bien par
comprendre un jour que ces liaisons qui duraient toute la nuit étaient synonymes de problèmes.
— Tu ne me feras pas ça. La nuit dernière était incroyable. Tu le sais, geignit-elle.
Elle attrapa mon bras, que je libérai d’un coup sec. On n’en était plus aux « Rush, je t’en prie ».
Ça, c’était hier. C’était marrant. Elle avait joui plus de fois qu’elle ne pouvait les compter. Mais pour
moi, l’ensemble avait été médiocre.
— Je t’ai prévenue hier soir quand tu es venue me supplier tout en te déshabillant : ce ne serait
rien de plus qu’une nuit de sexe, lui rappelai-je, ennuyé d’avoir à me répéter.
Je ne lui octroyai même pas un regard. Je gardai les yeux rivés sur l’océan et bus mon café
comme si elle était déjà partie. Ce qu’elle finit par faire, en martelant le sol théâtralement.
Devant l’expression horrifiée de Blaire, j’oubliai rapidement l’interruption causée par mon
erreur de la veille.
— Alors, tu as bien dormi la nuit dernière ?
La chambre était exiguë, et si on ajoutait à cela les escaliers et le bruit dans la maison, ça
craignait probablement. Elle tenait là une chance de se plaindre. De dévoiler sa vraie nature.
— Tu fais ça souvent ? demanda-t-elle, l’air contrariée.
Et c’était adorable… bon sang.
— Quoi ? Demander aux gens s’ils ont bien dormi ?
Je n’allais pas me laisser attendrir par son visage. Elle partirait dès que j’aurais parlé à Abe.
C’était son problème à lui, pas le mien. Que j’aime contempler Blaire n’était qu’un argument
supplémentaire en faveur de son départ.
— Coucher avec des filles et les jeter ensuite comme des déchets ? répliqua-t-elle.
Ses grands yeux étaient écarquillés, comme si elle était choquée que ces mots soient sortis de sa
propre bouche.
J’avais envie de rire. Avec elle, il était difficile de rester concentré. Je posai ma tasse et
m’étendis sur une chaise longue proche. La meilleure tactique était de pousser Blaire à me détester.
Je nous ferais un cadeau à tous les deux. Si elle me haïssait, garder mes distances serait aisé.
— Est-ce que tu fourres toujours ton nez là où tu n’as pas à le mettre ?
Je lus dans son regard du remords, là où je m’attendais à voir de la colère. Vraiment ? Je m’étais
montré dégueulasse. Elle n’était pas supposée avoir l’air désolée de m’avoir mis le nez dans mon
caca.
— En temps normal, non, répondit-elle. Pardonne-moi.
Elle afficha un petit sourire d’excuse avant de se précipiter dans la maison.
Quoi ? Elle venait vraiment de s’excuser, là ? Mais d’où sortait cette fille ? Les femmes ne se
comportaient pas comme ça. Est-ce que personne ne lui avait appris à ne pas reculer face aux
intimidateurs ?
Je me levai pour observer ce qui se passait à l’intérieur. Elle ramassait les bouteilles vides et les
détritus éparpillés à travers la pièce, conséquences de la fête de la veille. Je n’aimais pas le
désordre, mais j’essayais de passer outre quand Nan organisait une soirée.
— Tu n’as pas à faire ça. Henrietta vient demain, l’informai-je.
Qu’elle nettoie me rendait malade.
Elle déposa tout ce qu’elle avait ramassé et me jeta un coup d’œil.
— Je voulais juste donner un coup de main.
J’appellerais son père ce matin. J’avais besoin qu’elle s’en aille d’ici. Mais avant cela, je devais
m’assurer de la rebuter.
— J’ai déjà une femme de ménage. Je ne cherche pas à en embaucher une autre, si c’est à ça que
tu penses.
Mon ton dur me donnait envie de grimacer, mais je conservais une attitude pleine d’ennui. Je
l’avais perfectionnée au fil des ans. Pour autant, j’étais incapable de regarder Blaire à la minute
présente.
— Non. Je cherchais à me rendre utile. Tu m’as laissée dormir chez toi.
Elle avait une voix douce et implorante, comme si elle avait besoin que je la croie. Et merde.
Établir des règles de cohabitation était nécessaire avant que je bousille tout.
— À ce sujet, il faut qu’on parle.
— D’accord, murmura-t-elle.
Bon sang, pourquoi avait-elle de nouveau l’air si démoralisée ? Je n’avais pas viré son chiot à
coups de pied.
— Je n’aime pas ton père. C’est un parasite. Ma mère a un talent certain pour dégoter des
hommes comme lui. Mais je pense que je ne t’apprends rien sur ton Abraham. Par conséquent, je suis
intrigué. Pourquoi es-tu venue demander son aide si tu savais qu’il était comme ça ?
J’avais besoin d’entendre de sa bouche quelque chose de sincère. Ou de la prendre en flagrant
délit de mensonge. La garder ici trop longtemps s’avérait impossible. Ces satanées longues jambes et
ses grands yeux bleus me rendaient dingue.
— Ma mère vient juste de mourir. D’un cancer. Elle a été soignée pendant trois ans. La seule
chose que nous possédions était la maison que ma grand-mère nous avait laissée. J’ai dû la vendre,
avec tout le reste, pour payer les honoraires des médecins et les traitements médicaux. Je n’ai pas
revu mon père depuis qu’il nous a quittées il y a cinq ans. Mais il est la seule famille qu’il me reste.
Je n’ai personne d’autre à qui m’adresser. J’ai besoin d’un endroit où loger jusqu’à ce que je trouve
un emploi et touche un salaire. Ensuite, je pourrai prendre un appartement. Je n’ai jamais eu
l’intention de rester dans le coin longtemps. Je savais que mon père ne voudrait pas de moi ici. (Elle
s’arrêta et rit. Ce n’était pas un rire gai. Il était plein de tristesse, ce qui me tordit le ventre.) Mais je
ne m’étais pas non plus attendue à ce qu’il se soit enfui à mon arrivée.
Seigneur Jésus. Je tuerais Abe Wynn. Le salaud avait abandonné sa fille pendant qu’elle soignait
sa mère malade ?
Quel genre de monstre dépravé se comportait ainsi ? Jeter Blaire dehors était impensable. En
revanche, je ferais de la vie d’Abe un enfer sur terre. Ce sale type allait payer pour ça.
— Je suis désolé d’apprendre pour ta mère, parvins-je à articuler alors que le sang bouillonnait
dans mes veines. Ça doit être dur. Tu as dit qu’elle avait été malade trois ans. Donc, depuis tes seize
ans ?
Elle n’était qu’une gamine. Il l’avait laissée alors qu’elle n’était qu’une gosse.
Elle se contenta d’opiner et de me jeter un coup d’œil prudent.
— Tu prévois de trouver un boulot et un appartement.
Je tenais à lui rappeler que c’était son plan. Je l’aiderais le temps nécessaire pour qu’elle
atteigne ce but. Il fallait bien que quelqu’un le fasse, bon sang. Elle était complètement seule.
— La chambre sous les escaliers est à toi pour un mois. D’ici là, tu devrais pouvoir être
embauchée et avoir alors suffisamment d’argent pour déménager. La ville de Destin n’est pas très loin
et le coût de la vie y est moins élevé qu’ici. Si nos parents reviennent avant ce délai, je suppose que
ton père pourra t’aider.
Elle laissa échapper un petit soupir et ses épaules s’affaissèrent.
— Merci.
La regarder était impossible. Cela me donnait envie d’étrangler Abe à mains nues. À cet instant,
Nan et son besoin d’un père n’entraient pas en ligne de compte. L’homme qu’elle voulait pour papa
était un salaud. Et un salaud qui ne s’en tirerait pas comme ça.
— J’ai des trucs à faire. Bonne chance dans ta chasse à l’emploi, dis-je avant de m’éloigner.
J’avais un coup de fil à passer.
4
Je laissai sonner trois fois avant de raccrocher et de recommencer. J’appellerais ma mère jusqu’à
ce qu’elle réponde. Elle ferait mieux de ne pas se foutre de moi, ou j’éteindrais mon portable et
annulerais toutes ses cartes de crédit. Là, ce serait elle qui chercherait à me joindre.
— Sincèrement, Rush, est-ce vraiment nécessaire de me déranger sans cesse ? Si je ne réponds
pas, laisse un message et je te rappellerai au moment opportun pour moi.
— J’en ai rien à cirer de savoir quand cela te convient. Je veux parler au salaud que tu as épousé.
Tout de suite.
Maman souffla dans le téléphone.
— Je n’écouterai certainement pas mon fils me parler sur ce ton, ni à mon mari. Tu peux rappeler
quand tu seras prêt à t’exprimer avec respect et…
— Maman, que Dieu me vienne en aide, si tu ne me passes cet homme, ton téléphone et tes cartes
de crédit seront coupés dans les dix minutes. Ne joue pas avec moi.
Cela lui cloua le bec. Je n’eus pas d’autre réponse qu’un brusque soupir.
— Maintenant, maman, répétai-je avec fermeté.
Il y eut un murmure étouffé avant que j’entende Abe s’éclaircir la gorge.
— Bonjour, dit-il, comme si de rien n’était, comme s’il n’avait pas abandonné sa fille.
— Comprends bien une chose, attaquai-je. Je contrôle tout. L’argent. Ma mère. Tout m’appartient.
Tu merdes avec moi, et les ponts seront coupés. Je t’ai ramené chez nous parce que j’aime ma sœur.
Mais tu me prouves que tu n’es pas digne de son temps. Maintenant, explique-moi comment tu as pu
dire à ton autre fille de venir chez moi et te contenter de quitter le pays, bordel.
Abe ne répondit pas immédiatement. Je l’entendis prendre une profonde inspiration.
— J’ai oublié qu’elle venait.
Tu m’étonnes.
— Elle est ici maintenant, salopard, et elle a besoin d’aide. Toi et ma mère devez prendre un
avion et ramener vos fesses ici.
— Je ne l’ai pas vue depuis cinq ans. Je ne sais pas… Je ne sais quoi lui dire. C’est une adulte
maintenant. Elle peut se débrouiller. Je n’aurais pas dû lui proposer de venir chez toi, mais il fallait
bien que je trouve quelque chose. Elle suppliait d’être aidée. Si tu n’en veux pas sous ton toit,
renvoie-la. C’est une fille futée. Elle a un flingue. Elle survivra. C’est déjà une survivante.
C’est déjà une survivante. Venait-il de déclarer cela ? Pour de vrai ? Le sang commençait à
pulser à mes tempes. J’y appuyai mes doigts histoire de me soulager.
— Tu plaisantes, parvins-je à articuler malgré mon état de choc. (J’étais horrifié.) Elle vient de
perdre sa mère, gros tas de merde. Elle est totalement impuissante. Tu l’as bien regardée ? Elle est
bien trop innocente pour se balader toute seule. Tu ne peux pas me dire qu’elle est une survivante,
parce que la fille qui s’est pointée sur mon paillasson la nuit dernière avait l’air complètement brisée
et seule.
Son souffle se coinça dans sa gorge, seul signe qu’il n’en avait pas complètement rien à foutre de
sa fille.
— Je ne peux pas lui être utile. Je ne le suis déjà pas pour moi-même.
Et voilà. Il refusait de rentrer et de prendre quelque décision que ce soit à ce sujet. Il me revenait
d’aider Blaire ou de la jeter dehors. Il n’en avait rien à cirer. J’en perdais mes mots. Je mis un terme
à l’appel et laissai tomber le portable sur le canapé, les yeux rivés sur la fenêtre face à moi.
Nan avait détesté cette fille la plus grande partie de sa vie. Elle en avait été jalouse. Lui en avait
voulu. Et de quoi ? D’avoir un père pire que la mère qu’on nous avait donnée ?
Je n’avais pas entendu frapper à la porte menant à l’étage supérieur, que je revendiquais en son
entier, pourtant cette dernière s’ouvrit, puis un bruit de pas me parvint. Une seule personne monterait
ici sans s’annoncer.
— J’ai mis de l’essence dans son pick-up, déclara Grant lorsqu’il atteignit la dernière marche.
Pas besoin de me rembourser.
Je ne tournai pas les yeux vers celui qui était un frère pour moi. Autrefois, nous avions été demi-
frères, lorsque nos parents avaient été brièvement mariés. À cette époque de ma vie, j’avais eu
besoin de m’appuyer sur quelqu’un et Grant avait été ce quelqu’un. Cela nous avait liés.
— Tu vas la garder sous les escaliers, comme Harry Potter ? me demanda-t-il en se laissant
tomber dans le canapé face au mien.
— Elle y est plus en sécurité, répondis-je, lui accordant mon attention. Loin de moi.
Grant gloussa et leva les pieds pour les poser sur l’ottomane.
— Je savais qu’il ne t’échapperait pas qu’elle est méchamment canon. Ce truc avec ses grands
yeux innocents est encore plus tentant.
— Ne t’approche pas d’elle, le mis-je en garde.
Grant ne valait pas mieux que moi pour elle. Nous étions tous les deux bousillés. Et elle avait
besoin de sécurité. Ce que nous étions incapables de lui offrir.
Grant me fit un clin d’œil et inclina la tête en arrière. Il fixait le plafond.
— Détends-toi. Je n’y compte pas. Elle est le genre de fille que tu admires de loin. Je ne peux
pas promettre de ne pas l’admirer, ça c’est sûr. Parce que, bon sang, elle est parfaite.
— Sa mère est morte, lui appris-je.
Je ne parvenais toujours pas à croire qu’Abe avait su que son ex-femme était malade et était resté
les bras croisés.
Grant laissa tomber ses pieds au sol et se pencha pour m’observer, coudes sur les genoux. Son
froncement de sourcils inquiet me rappelait à quel point mon frère avait le cœur tendre. Impossible
de le laisser commettre une erreur et blesser Blaire. Cela ne serait pas son intention première, mais
cela finirait comme ça.
— Morte ? Tu veux dire, récemment ? demanda-t-il.
Je confirmai d’un hochement de tête.
— Oui. Elle est seule. Elle est venue ici parce que Abe lui a dit qu’il l’aiderait à retomber sur
ses pieds. Puis il est parti.
Un sifflement de colère s’échappa d’entre les lèvres de Grant.
— Le salaud.
J’étais d’accord avec lui. À cent pour cent.
— Tu as parlé à Abe ?
Avant d’avoir ce dernier au téléphone, je ne l’aimais pas. Il me dégoûtait. Maintenant, je le
haïssais franchement. Je détestais de l’avoir amené ici. D’avoir laissé cet homme égoïste, au cœur
froid, pénétrer dans notre famille. J’étais le seul responsable de la situation actuelle.
— Il m’a dit qu’il ne pouvait rien pour Blaire, répondis-je.
Le mépris était sensible dans mon ton.
— Tu vas quand même l’aider, toi, non ? demanda Grant.
J’avais envie de hurler que ce n’était pas mon problème. Que je n’avais rien demandé. Mais
c’était pourtant le cas – quand j’avais invité cet homme dans cette maison.
— Je vais m’assurer qu’elle trouve un boulot bien payé et qu’elle ne craigne rien. Lorsqu’elle
aura assez d’argent pour se payer un logement, je lui donnerai un coup de main pour qu’elle trouve
quelque chose dans ses prix.
Grant eut un soupir de soulagement.
— Bien. Je veux dire, je savais que tu agirais ainsi, mais c’est bon de te l’entendre dire.
Il n’y avait que lui pour attendre de moi que je me comporte correctement. Le reste du monde me
voyait comme le fils pourri gâté d’une légende du rock. Grant n’était pas dupe. Il ne l’avait jamais
été. Je ne voulais pas le décevoir, et c’était l’une des raisons pour lesquelles j’avais fait quelque
chose de ma vie. Je n’étais pas devenu ce à quoi le monde s’attendait. Ou ce que beaucoup pensaient
que j’étais. J’avais tracé ma propre route parce que quelqu’un croyait en moi.
— Le mieux pour elle, ce serait le country club, dis-je en attrapant mon portable.
J’étais membre du Kerrington Country Club, plaque tournante de la petite ville touristique de
Rosemary Beach. Blaire y serait en sécurité et bien payée.
— N’appelle pas Woods. C’est un con. Un seul regard à Blaire, et son unique objectif sera de
l’entraîner dans son lit, prévint Grant.
Je frissonnai à l’idée que Woods Kerrington, fils du propriétaire du club, touche Blaire. Woods
était un chic type – on était amis depuis pratiquement toujours – mais il aimait les femmes. Pour une
nuit. Ensuite, il passait à autre chose. Je ne le jugeais pas – je fonctionnais exactement de la même
manière. Je n’avais juste pas l’intention de le laisser s’approcher de Blaire.
— Il ne posera pas un doigt sur elle, affirmai-je. Je m’en assurerai.
Puis j’appelai la directrice des ressources humaines du club.

Il s’avéra que Blaire avait déjà trouvé le chemin du club et que Darla l’avait embauchée. Je ne
pouvais m’empêcher de sourire d’une oreille à l’autre. Peut-être était-elle plus endurcie qu’elle n’en
avait l’air. Mais la petite pointe de fierté que j’éprouvais à son égard mit un terme à ma soudaine
bonne humeur. Bon sang, pourquoi j’étais là à sourire comme un idiot parce que Blaire Wynn s’était
trouvé un job ? Et alors ? Elle avait dix-neuf ans, pas dix. Je n’étais pas supposé éprouver quoi que
ce soit pour elle. Elle n’était qu’une foutue étrangère. Que j’avais méprisée la plus grande partie de
ma vie.
Je composai le numéro d’Anya. Elle était toujours disponible, et rentrait chez elle une fois que
nous en avions fini. Elle ne passait pas la nuit chez moi. C’était l’unique raison pour laquelle je la
rappelais régulièrement. Ça, et le fait qu’elle offrait les meilleures fellations au monde et était une
pro de la cuisine italienne.
Elle me sortirait Blaire de l’esprit. Et quand Blaire rentrerait ce soir, elle me verrait avec Anya.
Non pas que Blaire ait besoin qu’on lui rappelle de garder ses distances avec moi. Je la terrifiais. La
seule fois où j’avais lu une lueur d’intérêt dans son regard, c’était ce matin, lorsqu’elle s’était
tournée vers moi. Elle avait plus qu’apprécié de me voir sans chemise. Le problème était que j’avais
adoré !
Ouais… J’allais appeler Anya. Une partie de jambes en l’air sans engagement sentimental avec
une beauté aux cheveux noirs était exactement ce dont j’avais besoin.
5
Elle m’avait vu. Merde.
Plonger en Anya, les yeux fermés, en me représentant le visage de Blaire levé vers moi, avait été
si facile. Ses lèvres légèrement entrouvertes et ses joues enflammées. Son souffle rapide tandis que je
la pénétrerais, encore et encore. Ma jouissance avait été telle que j’avais été ensuite pris d’une
grande faiblesse.
Je n’avais pas été capable d’affronter Anya. J’avais eu le sentiment d’être un vrai salaud. On ne
couche pas avec une femme en s’imaginant avec une autre. C’est nul. Mais j’avais senti les yeux de
Blaire peser sur moi. Tout mon corps s’était éveillé quand la chaleur de son regard m’avait trouvé.
Lorsque j’avais tourné la tête juste assez pour lui jeter un coup d’œil, la porte du cellier
retombait derrière elle. Elle était partie. Sa présence m’avait malgré tout filé une érection comme je
n’en avais jamais connue. Pourquoi m’atteignait-elle autant ?
La première chose que je remarquai en pénétrant dans la cuisine ce matin-là fut sa propreté. Je
n’avais pas laissé les lieux ainsi. J’avais renvoyé Anya avec un bisou sur la joue et un merci avant de
fermer la porte sur elle et de me précipiter dans ma chambre. Incapable de me calmer, j’avais passé
un bon moment à faire les cent pas et à jurer.
Ce qui voulait dire que… Blaire avait nettoyé. Pourquoi agissait-elle ainsi ? Je lui avais dit que
ce n’était pas nécessaire.
J’allai me préparer un café, claquant les portes des placards et les tiroirs que je croisais sur ma
route. Je détestais imaginer Blaire récurer le désordre qu’Anya et moi avions laissé. Je détestais
qu’elle ait tout rangé après nous avoir vus coucher ensemble. Mais plus encore, je détestais en avoir
quelque chose à foutre.
— Qui s’est permis de pisser dans tes céréales ?
Je sursautai au son de la voix de Grant. Résultat, je m’aspergeai la main de café brûlant.
— Arrête de te glisser comme ça derrière moi, grondai-je.
— J’ai frappé à la porte en entrant, se défendit-il. C’est quoi le problème ?
Il semblait indifférent à mon explosion de colère, comme d’habitude. Il me rejoignit pour se
servir à son tour.
— À cause de toi, je me suis brûlé la main, crétin, lançai-je brutalement.
J’étais toujours aussi énervé d’avoir été à ce point perdu dans mes pensées que je ne l’avais pas
entendu pénétrer dans la maison.
— T’as pas encore eu ta dose de caféine, hein ? Vas-y, bois. Tu te comportes comme un sale type.
Après ta nuit avec Anya, dont les talents buccaux sont connus, j’aurais cru te trouver de meilleure
humeur.
Je passai ma main sous l’eau froide du robinet dans l’espoir d’apaiser la brûlure sur ma peau.
— Je viens juste d’ouvrir l’œil. Et comment sais-tu qu’Anya était ici hier soir ?
Grant s’assit d’un bond sur le comptoir avant de porter sa tasse à ses lèvres. Je me séchai et
attendis qu’il s’explique.
— Elle m’a téléphoné la nuit dernière. Elle voulait savoir qui était la fille qui vivait chez toi.
Il haussa les épaules et prit une nouvelle gorgée de café.
Je n’étais pas sûr d’aimer ce que je venais d’entendre. Comment Anya était-elle au courant pour
Blaire ? Je ne lui avais rien dit.
— Laisse tomber ton air perplexe. C’est énervant, me dit Grant en agitant sa tasse sous mon nez.
Anya a vu Blaire quand la petite est rentrée. Apparemment, la belle brune et toi étiez occupés dehors,
mais elle a remarqué Blaire. Elle était curieuse de savoir pourquoi elle avait disparu sous tes
escaliers…
Je voyais bien que l’histoire ne s’arrêtait pas là. J’attendis donc. Grant restant silencieux, je le
fusillai du regard.
Il gloussa, puis haussa les épaules.
— Bien. Je comptais passer sous silence la partie où tu as jeté un coup d’œil à Blaire puis
envoyé Anya au septième ciel. Elle a remarqué que quelque chose a changé en toi à ce moment-là,
mec. Désolé, mais tu n’es pas très doué pour dissimuler tes émotions. (Son sourire s’élargit.)
Meilleure baise de sa vie, malgré tout. Mais bon, c’est parce qu’elle ne me connaît pas encore.
J’allais devoir envoyer des fleurs à Anya. Ou quelque chose. Merde ! Elle avait compris que
c’était Blaire qui m’avait allumé comme ça la nuit dernière. J’étais encore plus salaud que je ne
l’imaginais.
— Hé, c’est Anya, elle n’en a rien à cirer, tu le sais. Elle n’est là que pour le sexe, tout comme
toi. Rien de plus. Mais je me permets de te suggérer de te reprendre, et vite. Si Blaire t’obsède, tu
dois y mettre un terme, et tout de suite. Elle n’est pas une Anya, ce dont tu as totalement conscience.
De plus, elle est zone interdite. Elle va te détester quand elle apprendra tout. Son père, ta sœur, tout.
T’engager sur cette voie est hors de question.
Il avait raison. Blaire n’était pas quelqu’un dont je pourrais jamais me rapprocher. Je serais
bientôt son ennemi, et elle me détesterait autant que je l’avais détestée toutes ces années. La seule
différence étant qu’elle aurait une bonne raison pour ça. Je mériterais sa haine.
— Je sais, admis-je.
Je n’aimais pas le goût que cela me laissait dans la bouche. Celui de la vérité.
— Je dois aller bosser. Je m’étais juste dit que je ferais un saut avant pour t’informer de l’appel
nocturne d’Anya, dit Grant.
Il sauta du comptoir et déposa sa tasse dans l’évier.
— Merci.
Il m’asséna une claque amicale dans le dos.
— Je suis là pour ça. Pour te garder dans le droit chemin, plaisanta-t-il.
Puis il s’en alla.
J’attendis d’entendre la porte d’entrée se fermer derrière lui avant d’aller prendre ma douche.
Une grosse journée s’annonçait. En priorité, envoyer des fleurs et un mot d’excuse à Anya. Cela
marquerait la fin de nos parties de jambes en l’air. Même si cela ne lui posait pas de problème, ce
n’était pas mon cas.
Quand je redescendis, Nan était là. Je m’étais demandé combien de temps elle resterait à bouder.
Elle savait que Blaire vivait ici, ce qui la rendait furieuse. Ses longs cheveux roux étaient attachés en
une queue de cheval qui tombait sur son épaule gauche nue. La jupette de tennis blanche qu’elle
portait était censée aller avec un haut assorti. Mais Nan ne s’ennuyait pas avec ce genre de détails.
Elle avait choisi un débardeur, un truc avec un nom branché. Je m’étais moqué d’elle à ce sujet durant
des semaines.
— Elle est encore là, dit-elle sans préambule et d’un ton ennuyé.
— Non, elle est au boulot, répliquai-je, sachant que ce n’était pas ce qu’elle avait voulu dire.
— Au boulot ? Elle travaille ? Tu plaisantes !
Son ton était monté dans les aigus. Ma petite sœur n’avait pas l’habitude de ne pas obtenir ce
qu’elle voulait avec moi. J’étais la seule personne au monde à déplacer des montagnes pour
m’assurer de son bonheur. Mais cette fois-ci… cette fois-ci, c’était différent. Je n’allais pas blesser
quelqu’un d’innocent pour le simple plaisir de Nan. J’avais mes limites et elle m’avait forcé à en
poser une ici.
— Nan, dis-je en la dépassant pour me diriger vers le salon.
J’étais sûr d’y avoir oublié mon portefeuille la veille, avant de me retrouver nu sur ma terrasse.
— Pourquoi travaille-t-elle ? Pourquoi est-elle encore là ? Tu as appelé maman ?
Nan n’avait pas saisi l’allusion. Elle allait m’obliger à lui déclarer que cette fois-ci, je ne
lâcherais rien. Elle perdrait cette partie. Je ne jetterais pas Blaire dehors. Pas pour elle… bon sang,
pour personne, d’ailleurs. Cette fille méritait d’être aidée.
— Elle a trouvé un emploi. Elle a besoin d’argent pour retomber sur ses pieds. Sa mère est
morte, Nan. Elle l’a enterrée seule. Toute seule, bordel. Maintenant, votre père est parti pour Paris où
il mène la belle vie avec maman. Je ne la mettrai pas à la porte, point barre. Tout ceci est ma faute.
Nan avança vers moi à grands pas et empoigna fermement mon bras.
— Ta faute ? Et en quoi est-ce ta faute, Rush ? Elle n’est personne pour nous. Personne. Sa mère
est décédée ? Je m’en fiche. C’est la femme qui a bousillé ma vie. D’accord, ça craint pour Blaire,
mais tu n’as aucune responsabilité dans tout cela. Arrête d’essayer de sauver le monde, Rush.
J’avais façonné cette femme sans cœur. Une chose de plus dont je portais la responsabilité. Nan
avait été une enfant négligée, et j’avais essayé comme un dingue de rattraper la situation. Au lieu de
quoi, j’avais créé cette adulte vengeresse, sans pitié. J’aurais fait n’importe quoi pour changer cela,
mais je ne savais pas comment m’y prendre.
Je baissai les yeux vers elle. J’aurais aimé ne plus voir en elle la petite fille triste que je désirais
sauver. Il serait alors tellement plus facile d’être dur avec elle. Mais elle était ma petite sœur. Le
serait toujours. Je l’aimais, pour le meilleur comme pour le pire. Elle était ma famille.
— Tout est ma faute, insistai-je. Les problèmes de Blaire, et les tiens.
Je me libérai d’un coup sec de son emprise. J’attrapai mon portefeuille sur la table basse et me
dirigeai vers la porte. Je devais m’éloigner de Nan. Elle n’arrangeait pas mon humeur.
— Elle travaille où ? s’enquit-elle.
Je m’arrêtai à la porte. Nan finirait bien par le découvrir toute seule. Je décidai de ne rien lui
dire. Blaire avait besoin de plus de temps pour se poser avant que ma sœur ne s’en prenne à elle. Je
me débrouillerais pour être présent lorsque cela arriverait.
— J’en sais rien, mentis-je. Va voir tes amis. Jouer au tennis. Faire du shopping. N’importe quoi
qui te rend heureuse. Oublie que Blaire vit ici. Elle est mon problème, pas le tien. Fais-moi confiance
pour gérer correctement la situation.
J’ouvris la porte et la quittai avant qu’elle puisse ajouter quoi que ce soit. J’en avais fini avec
cette conversation. J’avais des trucs à régler.
6
Anya m’envoya un SMS pour me dire que deux douzaines de roses n’étaient pas nécessaires.
Rien de plus. C’était tout. Je savais que c’était une rupture propre, la fin de nos séances de sexe. Ma
culpabilité s’atténua, je remis mon portable dans ma poche et continuai mon jogging.
Je courais quand j’avais besoin de réfléchir et de m’éclaircir les idées. Ou quand j’avais trop bu
la veille. Ce soir, j’avais juste besoin du footing en lui-même. Je ne tenais pas être à la maison
lorsque Blaire rentrerait. Je ne voulais pas me retrouver face à elle. Ni entendre sa voix. La distance
m’était nécessaire.
Elle méritait mon aide. Mais c’était tout. Je ne comptais pas apprendre à la connaître. Et pas
question de devenir son ami. Le jour où elle partirait, je serais de nouveau capable de respirer. Peut-
être irais-je rendre visite à mon père. M’éloignerais d’ici pour profiter un peu de la vie.
Mais le destin avait une manière bien à lui de se moquer de mes plans.
Je ralentis, laissant ma vision s’ajuster à l’obscurité, et reconnus facilement la silhouette de
Blaire sous la lumière de la lune. Merde.
Elle ne me voyait pas… encore. Elle fixait le large. Ses longs cheveux dansaient autour de ses
épaules. Sous l’éclat de la lune, ses mèches soyeuses prenaient une teinte argent.
Elle tourna la tête et son regard se verrouilla au mien. Mince.
J’aurais dû me contenter d’un signe de tête et poursuivre au petit trot jusqu’à la maison. Sans rien
dire. Juste ça. Je lui permettais de vivre ici ; je n’avais pas à discuter avec elle. Mais bon sang, m’en
empêcher était trop dur.
Je m’arrêtai face à elle et constatai qu’elle se focalisait sur mon torse. Que je sois soudain
content d’être parti sans tee-shirt n’était pas bon signe. Je devrais m’en foutre qu’elle m’observe
comme si elle avait envie de me goûter. Merde. Merde. Non ! Non, elle ne voulait pas me lécher le
torse. D’où sortait cette idée ? Elle me vrillait l’esprit. Bon sang. Il fallait que je trouve un truc pour
qu’elle cesse de s’intéresser à mon corps. Sur-le-champ.
— Tu es revenue, dis-je, brisant le silence et la sortant brutalement de ses pensées.
— J’arrive tout juste du travail, répondit-elle.
Ses yeux étaient remontés sur mon visage.
— Tu en as donc trouvé un ? demandai-je, histoire de rester sur ce sujet.
— Oui. Hier.
— Où ?
Je connaissais déjà la réponse, mais je voulais savoir comment elle l’avait obtenu. Ce qu’elle
faisait, et si elle aimait son job. Attends… elle était maquillée ? Seigneur, elle avait du mascara. Ces
cils pouvaient donc être encore plus longs.
— Au Kerrington Country Club.
J’étais incapable de me détacher de ses yeux. Ils étaient fantastiques sans maquillage. Mais avec
juste une touche de mascara, ils étaient exceptionnels. Je lui pris le menton et lui inclinai la tête afin
de mieux les observer.
— Tu as mis du mascara, dis-je, histoire d’expliquer mon comportement étrange.
— Oui.
Elle se libéra. Je laissai tomber ma main. Je n’aurais pas dû la toucher. Elle avait raison de
réagir ainsi. Je n’avais aucun droit d’agir de cette manière.
— Comme ça, tu fais plus que ton âge.
Je reculai d’un pas et détaillai son uniforme.
Je le connaissais bien. J’avais couché avec plus de filles qui conduisaient les voiturettes sur le
parcours que je n’étais prêt à l’admettre. C’était la raison pour laquelle j’avais choisi le golf à
l’adolescence. Une fois que ces étudiantes découvraient qui était mon père, elles montraient
beaucoup d’intérêt à m’emmener pour une virée. Dans tous les sens du terme.
— Tu es la fille qui conduit la voiturette sur le parcours, dis-je en reportant mon attention sur
Blaire.
J’étais déjà au courant, mais la voir dans cette tenue amenait un sourire à mes lèvres. Elle lui
allait bien.
— Comment le sais-tu ?
— Tes vêtements. Un petit short blanc ajusté et un tee-shirt polo. C’est l’uniforme pour ce poste.
Tu casses méchamment la baraque là-bas, non ?
Ce n’était pas vraiment une question, plutôt une affirmation.
Elle haussa les épaules puis se raidit, s’éloignant légèrement de moi. Elle sentait qu’il fallait
qu’elle garde ses distances avec moi. Gentille petite. Elle était peut-être plus coriace que je ne le
pensais.
— Tu seras soulagé de savoir que j’aurai déguerpi avant un mois.
Bon sang, j’aurais vraiment aimé que cela soit le cas. Cela signifierait que j’aurais moins de
problèmes. Mais j’aimais qu’elle soit là. J’aimais savoir que j’avais la capacité de la garder en
sécurité. Ou que j’agissais dans le but de racheter le mal que je lui avais déjà infligé. Incapable de
m’en empêcher, j’avançai d’un pas.
— Je le devrais probablement. Être soulagé. Sacrément soulagé. Mais ce n’est pas le cas, je ne le
suis pas, Blaire. (Je me penchai, au point que ma bouche effleurait presque son oreille.) Comment ça
se fait, Blaire ? murmurai-je avant d’inspirer son odeur douce, saine.
En serait-il de même entre ses jambes ? Y serait-elle aussi délicieuse et aussi pure ? Un nouveau
voile de transpiration couvrit mon corps et je reculai. Je dépassais les bornes.
— Garde tes distances, Blaire. Tu ne tiens pas à être trop proche de moi. La nuit dernière… (Bon
sang, mais pourquoi je parlais de ça avec elle ? La seule chose sensée était d’oublier que cela s’était
même produit.) La nuit dernière me hante. Savoir que tu me regardais… Cela me rend fou. Donc,
reste éloignée de moi. Je m’attache à faire de même, dis-je d’un ton dur, plus à mon intention qu’à la
sienne.
Chose impossible à lui expliquer. Je me détournai donc et repris mon jogging. Il était essentiel
que je m’éloigne.
Une fois en sécurité dans ma chambre, j’allai à la fenêtre et observai la plage en contrebas.
Blaire s’y trouvait encore. Mais elle ne contemplait plus les vagues. Elle étudiait la maison. À quoi
pensait-elle ? L’avais-je effrayée ? Je posai ma paume sur la vitre froide et ne la quittai pas des yeux.
Elle revint vers la maison après un temps qui me sembla infini, et en même temps trop court.
Cette nuit-là, je rêvai d’elle pour la première fois. Des images très nettes de son corps sous le
mien. Elle m’enfermait entre ses jambes, la tête rejetée en arrière alors que je la menais jusqu’à un
orgasme commun.
J’étais complètement foutu.
7
— Rush !
Quand j’entrai dans le club, Jace m’interpella depuis le tabouret du bar où il était installé. En
règle générale, je ne traînais pas dans le coin, mais j’avais reçu trois SMS de gens m’informant que
tout le monde se retrouvait là ce soir. J’avais décidé que la distraction serait bienvenue.
— Finlay est arrivé ! cria une autre voix.
Jace fit glisser un shot vers moi quand j’approchai du bar. Il était le meilleur ami de Woods
Kerrington. C’était un type bien. Mais pour autant, je n’aurais pas dit que nous étions proches.
D’ailleurs, je n’étais proche que de Grant. Il était le seul en qui j’avais confiance.
— Bois, m’ordonna Jace en souriant.
La blonde accrochée à son bras me semblait familière, mais Rosemary Beach n’était pas une
grande ville. Je l’avais probablement croisée à un moment ou à un autre.
— Salut, Rush, me dit-elle avec un sourire séducteur.
Oui, effectivement, je la connaissais, ça me revenait maintenant. En revanche, impossible de me
souvenir de son nom.
Je la saluai d’un hochement de tête et descendis la tequila. Je n’étais pas fan des shots, mais si je
devais supporter cet endroit, quelques verres bien tassés d’un alcool ou d’un autre seraient
nécessaires.
— T’es perdu ? demanda Grant avec un petit rire en me rejoignant.
J’affichai un sourire suffisant.
— Probablement, rétorquai-je. Et toi ?
Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.
— Non, je suis là à cause de Nan.
Sourcils froncés, je suivis son regard pour découvrir une Nan vacillante et qui riait bruyamment
tandis qu’un type que je ne connaissais pas soutenait son corps à moitié nu.
— C’est quoi, ce bordel ?
Grant m’arrêta alors que je le contournais déjà.
— Non. Elle l’aime bien. Ils sortent ensemble. Mais elle s’est mise à boire un peu trop
dernièrement. Je me suis dit que j’allais vérifier que tout allait bien pour elle et je suis tombé sur ce
spectacle. Rassieds-toi et contente-toi de la surveiller de loin. Si l’un de nous intervient trop
rapidement, elle s’en ira avec ce gars et nous nous retrouverons tous les deux à gérer plus de drames
que nous n’en souhaitons.
Il avait raison. Nan était une adulte. Je n’étais pas son père et je devais la laisser commettre ses
propres erreurs. Lui ouvrir la route était épuisant et cela ne l’aidait pas.
— Tu t’es renseigné sur lui ? demandai-je à Grant.
Il me mit une bière entre les mains.
— Allons nous asseoir et attendre. Je pense qu’elle gère. Lui, c’est Charles Kellar, le petit-fils
du vieux Morrison. Il est à Harvard. Il rend visite à ses grands-parents pour la semaine.
Au moins, il avait l’âge de Nan. J’avalai une gorgée de bière et observai ma sœur qui tirait le
type sur la piste de danse, où elle se débarrassa de ses talons hauts. Elle ne risquerait pas de se
briser la cheville, c’était déjà ça.
— Elle ne prend pas bien cette histoire avec Blaire, n’est-ce pas ? s’enquit Grant.
Je haussai les épaules. Je voulais m’en foutre que Nan soit bouleversée. Elle avait besoin de
grandir et de se rendre compte qu’elle n’était pas le seul être vivant sur terre. Mais je n’y arrivais
pas.
— Non, mais il faudra bien qu’elle l’accepte. Ce n’est pas comme si je couchais avec Blaire. Je
lui offre juste un lit où dormir.
— Mais tu as envie de coucher avec elle, souligna Grant.
— La ferme, grognai-je en lui balançant un regard de mise en garde.
— Bon sang, Rush, moi, je veux coucher avec elle. Non, je retire ça. Je veux la faire grimper aux
rideaux. Elle est…
J’étais debout et sous son nez si vite que j’en fus surpris moi-même.
— Tais-toi ! criai-je. (Je pris une profonde inspiration histoire de contrôler la brusque flambée
de colère qui bouillonnait en moi.) Ne t’approche pas d’elle. Tu as compris ? insistai-je en détachant
chaque syllabe.
Grant ne se ratatina pas, il n’opina pas. Non, il se mit à glousser.
— La vache, marmonna-t-il en secouant la tête. Tu craques vraiment pour elle.
Du coup, ce fut moi qui reculai en secouant la tête à mon tour. Il ne savait pas de quoi il parlait.
C’était uniquement que je n’aimais pas qu’on parle comme ça de quelqu’un de gentil et sans défense.
— Rush, je ne pensais pas que tu viendrais ce soir, bafouilla Nan.
Elle s’approcha nonchalamment de notre table et s’accrocha à un tabouret vide afin de retrouver
son équilibre.
— Tu connais Charles ? Non ? Impossible de me rappeler si je vous ai déjà présentés ? dit-elle
en se redressant pour s’asseoir.
— Non, pas encore, lui répondis-je, heureux de l’interruption, même si elle provenait d’une Nan
ivre.
— Charles Kellar, dit le type en me tendant la main. Et tu es Rush… Finlay ?
Ses yeux s’écarquillèrent légèrement quand il prononça mon nom de famille d’un ton presque
révérencieux. Un fan de mon père, donc. Je connaissais cette expression.
Je confirmai d’un hochement de tête et bus ma bière, ignorant la main tendue. Pas question de la
lui serrer. Des comme lui, j’en avais croisé des tas. Il avait découvert le lien entre Nan et les Slacker
Demon et se débrouillait pour entrer dans ses bonnes grâces. Ce crétin ne se rendait pas compte qu’il
n’était pas le seul à agir ainsi. C’était un chemin que j’avais déjà emprunté. Si Nan n’avait pas autant
bu, elle l’aurait immédiatement repéré aussi.
— C’est un grand fan de Dean, me dit-elle en roulant les yeux et en agitant la main en direction de
Kellar. Je le sais déjà. Il m’utilise pour entrer en contact avec toi et je l’utilise parce qu’il est
sacrément bon au lit, commenta-t-elle bien trop fort.
Grant avait quitté son siège avant que je ne puisse dire quoi que ce soit.
— Je la tiens, me lança-t-il.
J’acquiesçai, puis me tournai vers Kellar. Nan couinait et s’agitait entre les bras de Grant, mais il
déploya tout son charme pour la calmer en la dirigeant par la même occasion vers la sortie.
— J’ai du mal avec les débiles qui se servent de ma sœur. Fais-toi une faveur et ne l’approche
plus. J’apprécie tes grands-parents, mais j’en ai rien à foutre de leur position sociale. Ne merde pas
avec ma famille. Compris ?
Je m’étais exprimé d’une voix basse et posée. Kellar, yeux écarquillés, acquiesça. Je posai
brutalement ma bière, me levai et suivis le même chemin que Grant avait emprunté plus tôt avec Nan.
Lorsque je parvins enfin au parking, le camion de Grant avait disparu. Il ramenait Nan chez elle.
Pas besoin de lui téléphoner pour vérifier. Je me dirigeai vers ma propre voiture. Je pouvais rentrer,
maintenant. Blaire serait couchée. Je n’aurais pas à la voir.
Le soulagement que j’éprouvai en découvrant son pick-up déglingué dans l’allée n’était pas un
sentiment que j’étais d’humeur à admettre. Oui, sa sûreté commençait à m’obséder, mais parce que
j’étais un foutu protecteur dans l’âme. Ma mère m’avait obligé à endosser ce rôle très jeune, et il
coulait dorénavant dans mes veines. Impossible de m’en empêcher. Rien de plus.
Si j’avais de la chance, Blaire dormirait.
8
Deux jours s’étaient écoulés depuis la dernière fois que j’avais vu Blaire. L’éviter n’avait pas été
facile. Je luttais difficilement chaque matin contre mon désir de descendre pour la rencontrer. Pour
autant, ce n’était pas pour cela que je brisais ce matin-là la règle que je m’étais fixée. En tout cas, je
cherchais à m’en convaincre.
Grant était arrivé la veille au soir accompagné de l’une de ses régulières, et ivre. Je ne savais
pas s’ils se lèveraient tôt, mais je ne tenais pas à ce que Blaire tombe sur eux dans la cuisine. Pour
être totalement honnête, je ne voulais surtout pas qu’elle se fasse une fausse idée si la fille se
montrait seule. Blaire avait déjà été très claire sur ce qu’elle pensait de ma vie sexuelle. J’aurais dû
lui laisser croire qu’il s’agissait d’une nouvelle conquête… mais je descendis quand même.
Incapable de m’en empêcher.
— Tu sors directement du cellier ? demandait la fille dont je ne me rappelais pas le nom à
Blaire.
Elle avait l’air perplexe. J’allongeai le pas. Je devais me dépêcher d’entrer dans la cuisine et de
faire taire cette curieuse. Blaire n’avait pas à se justifier auprès d’elle.
— Oui. Et toi du lit de Rush ? renvoya Blaire.
Sa voix douce s’enroulait autour des mots, donnant un air d’innocence à la question. Je ralentis,
étonné d’y percevoir un sous-entendu territorial.
— Non. Quoique je m’y glisserais bien s’il me laissait faire, mais n’en parle pas à Grant.
Qu’importe. Il le sait probablement, répondit la fille.
Je m’arrêtai sur le seuil de la pièce, que je fouillai du regard à la recherche de Blaire. Elle se
tenait de l’autre côté de l’îlot central. La fille s’interposait entre nous, me bouchant la vue.
— C’est donc du lit de Grant que tu sors tout juste ? demanda Blaire.
Je ravalai un sourire. À mes oreilles, sa confusion ressemblait terriblement à du soulagement.
— Yep. Ou tout du moins, de son ancien lit.
— Son ancien lit ? répéta Blaire.
Je luttais contre le désir de rester là à écouter, pour savoir jusqu’où elle pousserait son
interrogatoire. J’adorais ça. Ça la touchait, ce qui me donnait des ailes. Bon sang, c’était pas bon du
tout.
La fille se déplaça, et le regard de Blaire tomba sur moi. Nos yeux ne se quittèrent plus. Elle
m’avait surpris. Fin de la conversation. Le temps était venu de réparer ce qui devenait un problème.
Moi et mon intérêt pour Blaire, c’était une chose ; qu’elle s’intéresse à moi en était une autre.
Impossible de la laisser s’engager plus loin sur ce chemin-là. Pas même un peu. Au bout du compte,
elle me haïrait ; et je n’avais pas besoin de savoir à quoi cela ressemblerait si elle éprouvait autre
chose qu’un manque total de curiosité à mon égard.
— Blaire, je t’en prie, ne t’interromps pas pour moi. Poursuis ton interrogatoire avec l’invitée de
Grant. Je suis sûr qu’il ne s’en formalisera pas, lui dis-je.
Je m’étais appuyé contre le chambranle de la porte, comme si je me mettais à l’aise.
Blaire écarquilla les yeux avant de baisser la tête et de jeter dans la poubelle les miettes collées
à sa main. En fait, je ne l’avais jamais vue manger. J’étais content d’avoir la preuve qu’elle se
nourrissait.
— Bonjour, Rush. Merci de nous avoir permis de rester ici hier. Grant avait bien trop bu pour
conduire jusque chez lui, me dit la fille.
— Grant sait qu’une chambre est à sa disposition ici chaque fois qu’il le souhaite, lui répondis-je
sans lui accorder mon attention.
Je ne lâchai pas Blaire des yeux, puis m’avançai vers l’îlot central.
— Bon, eh bien, je remonte alors.
La copine de Grant continuait de parler, mais je l’ignorai. Elle était invisible. Malgré tout,
j’aurais préféré qu’elle s’en aille. Lorsque j’entendis le bruit de ses pas s’éloigner dans le hall, je
m’approchai de Blaire.
— La curiosité est un vilain défaut, Blaire, lui dis-je, adorant voir rosir ses joues. Tu pensais que
j’avais eu une autre invitée ? Hmm ? On essaie de savoir si elle a passé la nuit dans mon lit ?
Bon sang, j’avais envie de la toucher. Elle dansait nerveusement d’un pied sur l’autre, mais
durant une foutue minute, je mourus d’envie de la sentir contre moi. Non ! Je ne devais pas oublier
qui elle était. Ce que j’avais fait. Que nous garder éloignés l’un de l’autre serait ce qui, au bout du
compte, nous sauverait.
— L’identité des personnes avec lesquelles je couche ne te regarde pas. On n’a pas déjà évoqué
ce sujet ?
Elle était supposée être en colère contre moi. Pas me regarder avec ses grands yeux impuissants.
Incapable de garder mes mains ailleurs que sur elle, j’enroulai une mèche de ses cheveux autour de
mon doigt. Leur texture soyeuse me fit légèrement frissonner. Je m’approchais trop d’elle. C’était mal
et dangereux.
— Tu ne veux pas savoir. Tu crois peut-être l’inverse, mais tu ne le veux pas. Je t’assure.
Si elle pouvait seulement s’en rendre compte, cela serait plus facile. Mais au lieu de me fuir, elle
me fouillait du regard, comme s’il y avait quelque chose de plus à découvrir. Au-delà du salaud
arrogant. Comment parvenait-elle à voir au-delà du personnage que je jouais pour elle ? Elle n’était
pas supposée percer à jour le sale gosse pourri gâté pour lequel le monde entier me prenait.
— Tu n’es pas ce à quoi je m’attendais. J’aurais aimé que ça soit le cas, murmurai-je. Cela serait
bien plus facile.
Je me rendis compte que j’avais exprimé mes pensées à voix haute. Je laissai tomber ses
cheveux, reculai, puis me détournai et quittai la cuisine. Il me fallait garder mes distances avec elle.
Mais comment y parvenir alors qu’elle vivait sous mon toit ?
J’avais fini par m’endormir après de nombreuses heures à chercher le sommeil, et voilà que
j’étais réveillé par la sonnerie de mon portable. Je roulai sur le flanc, l’attrapai sur ma table de
chevet et plissai les yeux devant la lumière de l’écran. C’était Will. Mon petit cousin. Merde. Pas
encore.
— Quoi ? grognai-je dans l’appareil, sachant déjà pourquoi il appelait.
Soit il s’était de nouveau enfui de chez lui et était en route pour chez moi, soit il se trouvait déjà
là et voulait entrer. La sœur de ma mère était une garce. Une garce enragée. Ce que je comprenais
totalement, mais son fils n’arrêtait pas de s’enfuir de chez lui. En particulier pour venir ici.
— Je suis devant la porte, dit-il.
— Merde, Will. Il est quelle heure ?
Je rejetai mes couvertures et partis à la recherche de mon jogging abandonné la veille pour
l’enfiler.
— Elle m’envoie en colo. Tout l’été, répliqua-t-il. En Irlande !
Traduction : elle voulait un été sans aucune des contraintes liées à ses devoirs maternels et était
prête à se débarrasser de lui. Ce qui offrirait probablement à Will le plus bel été de sa vie. Un été où
il serait libéré d’elle.
Je mis un terme à la communication et me débarrassai du téléphone avant de descendre lui ouvrir.
Je fis la grimace en le découvrant sur mon seuil. Il tenait un petit sac de voyage, comme si j’allais
vraiment le laisser s’installer chez moi. J’avais déjà élevé un enfant ; je ne comptais pas remettre ça.
— Tu rentres chez toi demain matin. Tu vas adorer l’Irlande. Prends la chambre de Grant pour la
nuit, grommelai-je avant de fermer derrière lui.
— Je ne parle même pas irlandais, se plaignit-il.
Bon sang, comment ce gosse était-il arrivé jusqu’au lycée ?
— Ils parlent anglais, crétin, lui lançai-je en lui assénant une claque à l’arrière du crâne. Je suis
épuisé, tu m’as réveillé. Maintenant, va dormir.
Il opina et ses épaules s’affaissèrent comme si je venais de détruire son monde. J’ignorai sa
bouderie et le suivis dans l’escalier. Will accourait ici chaque fois que j’étais dans le coin. Sa mère
aimait venir à Rosemary Beach l’été ; résultat, il débarquait plus souvent qu’à son tour.
— T’as déjà été en Irlande ? me demanda-t-il en atteignant la porte de la chambre où il passerait
la nuit.
— Ouais. Un pays superbe. Maintenant, au lit.
Sur ces mots, je retournai au mien.
Il rentrerait chez lui le lendemain, mais il faudrait que je téléphone à Grant pour qu’il vienne le
chercher. Sinon, dès que j’arriverais chez ma tante et que Will commencerait à se disputer avec elle,
je céderais et le ramènerais chez moi.
Grant serait capable de s’en charger. Il l’avait déjà fait à plus d’une reprise.
9
La porte de ma chambre claqua. Je m’assis sur le lit, me frottant le visage et essayant d’échapper
à la lumière du soleil.
— Il est rentré chez lui, m’annonça Grant.
— Merci, marmonnai-je.
Je lui avais envoyé un SMS, la veille, lui annonçant l’arrivée de Will et lui demandant de le
reconduire à sa mère avant d’aller travailler.
— Ce petit merdeux est pénible. Il a essayé d’emmener Blaire avec lui, gloussa Grant.
En entendant son nom, je laissai tomber mes mains et le regardai.
— Elle est encore là ? demandai-je.
Grant indiqua la fenêtre d’un mouvement de tête.
— Dehors. Avec un sacré bikini. Je vais peut-être rester ici toute la journée au lieu de bosser, si
cela ne t’ennuie pas. En plus, tu me dois une faveur pour avoir ramené Will chez lui et avoir eu à
affronter sa démoniaque de mère.
J’attrapai mon survêtement et l’enfilai rapidement avant de me diriger vers la fenêtre.
Des kilomètres et des kilomètres de plage s’étiraient au-delà de mon jardin. Blaire était allongée
là, yeux fermés, le visage incliné vers le soleil. Ouais… Pas de doute, Grant allait ramener ses fesses
au boulot. Il ne resterait pas assis ici à la contempler toute la journée.
— Elle va cramer, commenta-t-il dans un murmure.
Je m’arrachai à la contemplation de Blaire pour constater qu’il l’observait avec la même
révérence que moi. Merde.
— Ne la mate pas, lançai-je brutalement avant d’abandonner la fenêtre.
Il laissa échapper un rire.
— Qu’est-ce que ça veut dire, ce « ne la mate pas » ?
C’était clair, non ?
— Je ne… C’est que… Souviens-toi de qui elle est. Elle nous détestera et partira bientôt. Alors,
laisse tomber.
Je n’étais pas sûr de ce que je disais. Je voulais juste qu’il arrête de la regarder. Elle était à
peine vêtue et toute sa peau douce s’étalait là, au vu et au su de tous. Je n’avais pas envie qu’on la
voie comme ça.
— C’est pas nous qu’elle détestera, seulement toi. Et Nan. Et son père. Mais moi, je n’y suis pour
rien, souligna Grant.
Je serrai les poings, fermai les yeux et pris une profonde inspiration. Il le faisait exprès. Il voulait
voir si je réagissais à la présence de Blaire. Il essayait de me faire sortir de mes gonds.
— Tu ne bosses pas, aujourd’hui ? lui demandai-je calmement.
Grant jeta un coup d’œil à la fenêtre et haussa les épaules.
— Mec, je bosse pour mon père. Je suis le chef. Je peux prendre un jour de congé quand il y a
une urgence. En plus, ce n’est pas ce soir qu’on fête l’anniversaire de Nan ?
Il me cherchait. Ce que je gardais à l’esprit en allant prendre un caleçon de bain dans mon
dressing. Je sortais. Blaire n’avait peut-être pas mis d’écran solaire. Elle allait avoir des coups de
soleil. L’idée m’était insupportable.
— Tu vas nager ? me taquina Grant.
Je ne lui accordai même pas un regard.
— Va travailler, Grant. La fête de Nan, c’est ce soir, répliquai-je en claquant la porte de la salle
de bains derrière moi.
J’avais oublié que j’organisais cette soirée d’anniversaire le jour même. Blaire me faisait tout
oublier.
— Tu joues avec le feu, mec. D’immenses flammes qui vont te dévorer tout cru ! Tu devrais me
laisser l’avoir. Ça va pas être joli-joli, tout ça, cria Grant de manière à être entendu à travers la
porte.
— Tu n’as aucune idée de ce dont tu parles. Personne ne l’aura. Elle s’en va bientôt, répliquai-je
du même ton.
Le rire de Grant s’évanouit dans son sillage quand il quitta la chambre. Il avait raison. C’était
chaud bouillant, et il semblait que je n’arrivais pas à m’éloigner. Au contraire, je m’approchais,
sachant que je serais consumé si je n’étais pas plus prudent.
Je ne réfléchis pas à ma conduite. Je me contentai de me changer et de sortir pour vérifier
comment allait Blaire.
— Rassure-moi, tu as mis de la crème solaire ?
Je me laissai tomber dans le sable à côté d’elle.
Elle se couvrit les yeux pour s’abriter du soleil avant de les ouvrir et de m’accorder son
attention. Elle ne répondit pas. Je l’avais réveillée ?
— Tu as mis de l’écran solaire, n’est-ce pas ? insistai-je.
Elle fit oui de la tête avant de s’asseoir sur sa petite serviette de bain. Son corps me distrayait
trop.
— Bien. Je ne voudrais pas que cette peau douce et crémeuse rosisse.
— J’en ai mis avant de venir.
J’aurais vraiment dû me détourner, mais cela me semblait impossible pour le moment. Ses seins
se trouvaient juste sous mon nez, s’échappaient du haut de son bikini. S’il s’était agi de n’importe qui
d’autre, je n’aurais eu aucun scrupule à tirer sur le tissu pour dévoiler un téton. Puis, je… Non ! Bon
sang. Il fallait que je me concentre sur autre chose.
— Tu ne travailles pas aujourd’hui ? lui demandai-je.
— C’est mon jour de congé.
— Comment se passe ton boulot ?
Cette fois-ci, elle ne répondit pas immédiatement. Je la regardai me fixer. Elle s’intéressait plus à
mon visage qu’à ma conversation. Ça me plaisait. Bien trop.
— Heu, quoi ? demanda-t-elle soudain en rougissant.
— Comment se passe ton boulot ? répétai-je.
Impossible de dissimuler mon amusement, qui devait s’entendre.
Elle raidit un peu le dos et essaya de paraître moins intéressée par ma personne.
— Bien. Cela me plaît.
Les types qui sans aucun doute flirtaient avec elle et lui donnaient des pourboires extravagants me
hérissaient.
— Tu m’étonnes.
— Qu’est-ce que tu sous-entends ?
Je parcourus lentement son corps des yeux.
— Tu connais bien tes atouts physiques, Blaire. Sans parler de ce sacré sourire. Les golfeurs
doivent bien te payer.
Elle ne se mit pas en colère, pas plus qu’elle ne me répondit hargneusement. En fait, elle eut l’air
surprise. Je me détournai vers l’océan. Inutile de la regarder. J’en perdais le fil de mes pensées. Le
reste du monde s’effaçait quand je me concentrais sur elle. Me rappeler les raisons de sa présence ici
et le fait que j’avais joué un rôle dans sa douleur auraient dû rendre facile de rester concentré. Mais
non, avec elle, j’oubliais tout. Il lui suffisait de battre un cil et j’étais perdu.
Je m’étais montré si stupide à l’époque. Demander à Abe pourquoi il était si désireux de quitter
la famille qui était sienne depuis quatorze ans pour une fille qu’il avait ignorée bien plus longtemps
que cela aurait été sensé. Mais je ne lui avais pas posé la question. J’étais juste reconnaissant qu’il
se soit pointé. Le salaud avait pourtant laissé derrière lui une famille brisée. Une jeune fille seule qui
avait dû s’occuper de sa mère.
— Depuis combien de temps ta mère est-elle décédée ? demandai-je à Blaire.
J’avais soudain besoin de savoir depuis quand elle luttait seule. Ce n’était pas comme si je
pouvais y changer quoi que ce soit, maintenant. Pour autant, je tenais à connaître la réponse.
— Ça fait trente-six jours, murmura-t-elle.
Merde. Elle avait perdu sa mère depuis à peine plus d’un mois. Elle n’avait pas eu l’occasion de
la pleurer.
— Ton père savait qu’elle était malade ?
Je le tuerais. Il fallait bien que quelqu’un fasse payer ce salaud. Il abîmait tout ce qu’il touchait.
— Oui. Il était au courant. Je l’ai aussi appelé le jour où elle est morte. Il n’a pas répondu. J’ai
laissé un message.
Jamais je n’avais haï quelqu’un comme je haïssais Abe Wynn à la seconde présente.
— Tu le détestes ? demandai-je.
Elle devrait. Bon sang, j’y parvenais moi-même suffisamment pour nous deux. Lorsque je lui
collerais mon poing dans la figure, cela serait pour elle. Pour sa mère. Et je n’étais pas sûr de
parvenir alors à m’arrêter.
— Parfois, répondit-elle.
Je ne m’étais pas attendu à la vérité. Reconnaître que vous portiez ce genre de sentiments à votre
père ne devait pas être facile. Incapable de m’en empêcher, je crochetai mon petit doigt au sien. Lui
prendre la main aurait été trop. Trop intime. Mais rester les bras ballants n’était pas une option. Elle
avait besoin d’être rassurée sur le fait qu’elle n’était pas seule. Même si j’étais la dernière personne
au monde à mériter d’être là pour elle, je serais cette personne. Il me fallait juste trouver un moyen
pour cela et pour réparer l’enfer que j’avais créé.
— J’organise une fête ce soir. Pour Nan, ma sœur. C’est son anniversaire. Je lui prépare toujours
quelque chose. Ce n’est peut-être pas ton genre, mais tu peux te joindre à nous si tu le souhaites.
— Tu as une sœur ?
Je pensais qu’elle le savait déjà. En me repenchant sur les souvenirs de la soirée lors de laquelle
elle était arrivée, je me rendis compte que Nan avait gardé ses distances et n’avait en fait pas été
présentée à Blaire.
— Ouais, répondis-je.
— Grant a dit que tu étais enfant unique, me dit-elle en m’étudiant de près.
Grant lui avait parlé de moi. Inutile d’expliquer quoi que ce soit à Blaire. Je voulais la protéger
de la vérité. Je déplaçai ma main.
— Ce n’est pas vraiment à Grant de te parler de mes affaires. Même s’il rêve de se glisser dans
ta culotte.
Sur ce, je repris la direction de la maison. Pourquoi avais-je lancé ça ? Bon sang.
10
Nan avait embauché un organisateur de soirée. Je me tenais en haut des escaliers, à observer
l’équipe des décorateurs qui installaient des chargements entiers de roses blanches. Elle s’imaginait
quoi ? Que c’était son mariage ? Non mais vraiment.
— Je ne veux même pas savoir combien te coûte cette soirée, dit Grant qui était venu me
rejoindre. Tiens, bois. Tu en auras besoin.
Il plaça dans ma main un verre de ce qui, à l’odeur, était du bourbon.
Je pris une longue gorgée et laissai la douceur de l’alcool imprégner ma gorge. Cela ne rendait
pas plus facile de me retrouver bientôt face à tous les amis de Nan. En règle générale, quand elle
organisait une fête chez moi, j’imposais un nombre d’invités. Ce soir, je ne l’avais pas fait. Et
j’appréhendais. Il y avait de fortes chances pour que tout Rosemary Beach se pointe.
— La princesse a commandé des roses, à ce que je vois, commenta Grant, amusé.
Je m’appuyai à la rampe et observai les lieux bourdonnant d’activité.
— On dirait bien.
Je lui en voulais encore d’avoir parlé de moi à Blaire. Je savais qu’il ne lui dirait rien qu’elle
n’ait besoin de savoir, mais cela me titillait malgré tout.
— Tu as invité Blaire ? me demanda-t-il, comme s’il parlait de la pluie et du beau temps.
— Tu t’attendais à ce que je la cache sous les escaliers toute la nuit ? répliquai-je.
En toute honnêteté, j’y avais pensé. L’inviter à cette foutue soirée signifiait que j’aurais à la
surveiller de près. Les mecs allaient se précipiter sur elle, et les filles seraient mauvaises. Elle
devait être protégée des deux camps.
— Eh bien, je n’en étais pas complètement sûr. Il s’agit de la fête de Nan, me rappela-t-il, comme
si j’en avais besoin.
— Qui se tient chez moi, renvoyai-je avec un regard noir.
Il gloussa et secoua la tête.
— Bon sang, je n’aurais jamais cru te voir faire passer quelqu’un avant Nan.
— Arrête, le mis-je en garde. Arrête tout de suite. Je me montre seulement poli, rien de plus.
Il haussa un sourcil, alors qu’il savait que cela m’irritait.
— Vraiment ?
Je posai brutalement mon verre sur la rampe et rentrai dans ma chambre. Je n’étais pas d’humeur
à être témoin de tout ça ou à écouter Grant. La nuit s’annonçait longue.
Une fois les décorateurs partis, on aurait cru, à voir la maison, que Nan était membre d’une
famille royale. Je passais d’une pièce à l’autre, les yeux rivés sur la cuisine, et, quand c’était
possible, sur la porte du cellier. Je n’avais pas revu Blaire de la journée, mais je savais qu’elle était
là. Je l’avais observée, allongée sur la plage, longtemps après mon départ. Elle avait nagé, s’était
promenée sur le sable. Bon sang, je l’avais même vue lire un livre.
Lorsqu’elle avait enfin attrapé sa serviette pour revenir à la maison, j’avais abandonné ma
position alanguie sur le canapé face à la baie vitrée et étais allé me préparer pour la soirée. J’avais
voulu m’assurer que je serais descendu avant qu’elle ne sorte de sa chambre.
La foule commençait à se masser et la musique à être plus forte. Toujours aucun signe de Blaire.
Je me demandais si tout ça l’effrayait. Devais-je la laisser en sécurité derrière les portes de sa
chambre ? Ou aller la chercher ?
— Je garde l’œil sur le cellier pendant que tu sors pour faire descendre de la rampe cette espèce
de surfeur blond avant qu’il fasse une chute mortelle, me glissa Grant à l’oreille.
Il me poussa en direction du balcon.
Ah, ces étudiants ivres !
Quand j’arrivai, Jace avait déjà tiré le type en arrière.
— Mec, va avaler un café, lui conseillait-il, l’air dégoûté.
Il lui asséna une claque retentissante dans le dos.
— Tu le connais ? lui demandai-je.
Jace secoua la tête.
— Non. Je n’avais pas envie de voir quelqu’un mourir ce soir, c’est tout, me répondit-il avant
d’avaler une gorgée de bière.
Je le remerciai d’être intervenu.
Anya s’avança et enlaça Jace. Elle me sourit. Elle était donc passée à autre chose. Tant mieux
pour elle.
— Anya, la saluai-je d’un mouvement de tête.
— Rush, me lança-t-elle avec un sourire taquin.
— Et moi, c’est Jace, intervint ce dernier en criant pour couvrir le bruit. J’adore m’éclater et les
situations embarrassantes, mais je crois que nous allons malgré tout opter pour une balade sur la
plage, poursuivit-il en dirigeant Anya vers les marches qui menaient au sable.
Je rentrai et me dirigeai vers la cuisine. J’allais tirer Blaire de cette foutue chambre. Elle n’avait
pas besoin d’y rester cloîtrée toute la nuit.
— Elle est déjà sortie, m’informa Grant. Woods est avec elle dans le foyer.
— Woods ?
— Ouais, mec. Kerrington. T’as sûrement compris maintenant. Il l’a repérée sur le parcours. Il
joue au golf tout le temps.
Je bousculai les gens sur mon chemin pour rejoindre le foyer.
Le sourire timide de Blaire, qui levait les yeux vers Woods tandis qu’il la conduisait vers le
salon, me stoppa net. Quelqu’un me parla, mais je n’arrivais pas à me concentrer sur ce qu’on me
disait. Les joues rougissantes de Blaire monopolisaient toute mon attention. La main de Woods était
posée de manière possessive sur ses reins, ce qui ne me plaisait pas. Comment le connaissait-elle ?
Étais-je complètement passé à côté de quelque chose ? Blaire parla à Woods, et il s’arrêta pour la
dévisager. Ils discutèrent. Puis, il se pencha plus près d’elle, et mon irritation laissa immédiatement
place à la colère.
Le regard de Blaire rencontra le mien pour ne plus le quitter. Ses yeux s’écarquillèrent de
surprise, comme si elle ne s’était pas attendue à me voir sous mon propre toit. Elle s’éloigna alors de
Woods en lui parlant rapidement, tout en augmentant la distance entre eux. Elle lui expliquait quelque
chose, mais il semblait amusé et prêt à dire ce qu’il faudrait pour la retenir.
Je savais exactement quel genre d’homme était Woods, parce que nous étions taillés dans le
même bois. Je ne comptais pas lui permettre de la toucher. Il voyait en elle une conquête, et je le
tuerais avant qu’il ne se serve d’elle. L’idée de Blaire se livrant à quoi que ce soit avec Woods me
filait des frissons. Je retrouvai l’usage de mes jambes. Je ne m’arrêtai pas pour y réfléchir à deux
fois. Pour couronner le tout, je n’en avais rien à foutre que ma sœur me voie.
— Il n’y a rien à ton sujet qui ne soit pas désirable. Même Rush n’est pas aveugle à ce point,
déclarait Woods à Blaire en s’approchant d’elle.
Elle essayait de s’éloigner de lui.
— Viens là, Blaire, lui dis-je en agrippant son bras pour la tirer vers moi.
Woods devait comprendre qu’elle était avec moi. Je la protégeais. Qu’il aille chercher ailleurs.
— Je ne pensais pas que tu serais là ce soir, lui dis-je à l’oreille.
Si j’avais su qu’elle allait sortir de là en ayant l’air aussi appétissante, j’aurais monté la garde
devant cette foutue porte.
— Je suis désolée. J’ai cru que tu m’avais proposé de venir, murmura-t-elle, le visage soudain
rouge brique.
Je n’avais pas voulu l’embarrasser. Elle m’avait mal compris.
— Je ne m’étais pas attendu à ce que tu te montres habillée comme ça, expliquai-je, les yeux
rivés à ceux de Woods.
Je ne tenais pas à ce qu’elle soit témoin de ça, mais s’il me poussait, je n’hésiterais pas. La petite
robe rouge de Blaire lui collait au corps d’une manière qui devrait être interdite par la loi. Elle
n’avait pas de miroir dans cette chambre ? Bon sang, je n’arrivais pas à me rappeler s’il y en avait un
ou pas.
Blaire se libéra brusquement de mon étreinte et prit le chemin de la cuisine.
— C’est quoi ton putain de problème, mec ? me lança Woods, le regard noir.
Il esquissa le geste de la suivre.
— Pas touche, le prévins-je en lui bloquant le passage. N’approche pas d’elle.
Les yeux de Woods s’enflammèrent de colère.
— T’as décidé de te l’approprier, maintenant ? Faire travailler ta famille au club est bas, Rush,
même pour toi.
J’avançai d’un pas.
— Reste en dehors de tout ça, et laisse-la tranquille. Il n’y aura pas d’autre mise en garde,
l’informai-je avant de m’éloigner à la recherche de Blaire.
Grant me retrouva dans le couloir.
— Elle est froissée. Charge-t’en, me dit-il.
Il me lança un regard irrité avant de me dépasser pour retourner à la fête.
Pourquoi était-elle blessée ? Qu’avais-je fait d’autre que d’empêcher Woods de l’utiliser ?
J’ignorai deux personnes et secouai la tête en direction de Nan qui venait à ma rencontre. Pas
question de me charger d’elle pour le moment.
— Tu vas là-bas ? me siffla-t-elle hargneusement.
— Va t’amuser à ta soirée hors de prix, petite sœur.
Sur ces mots, je franchis le seuil du cellier dont je verrouillai la porte derrière moi. Je ne tenais
pas à ce que quelqu’un me suive.
Je ne frappai pas chez Blaire. Je savais qu’elle n’ouvrirait pas. Je poussai la porte. Elle était là,
en train d’essayer de baisser la fermeture Éclair de sa robe. Ses mains retombèrent le long de son
corps. Elle me dévisagea, puis fit un pas en arrière, se cognant au lit sur lequel elle se laissa tomber.
L’espace était exigu, ce qui me mit en colère. Comment parvenait-elle à vivre dans cette pièce
minuscule ? J’entrai et fermai derrière moi.
— Comment se fait-il que tu connaisses Woods ? demandai-je.
Je n’avais pas eu l’intention de laisser la colère percer dans ma voix.
— Son père est le propriétaire du country club. Il fait du golf. Je lui sers ses boissons, répondit-
elle nerveusement.
Je savais déjà tout ça. Je voulais uniquement être sûr qu’elle ne le connaissait pas sous un autre
angle. Je ne supportais pas l’idée qu’elle passe du temps avec lui. Avec qui que ce soit.
— Pourquoi as-tu mis cette tenue ?
J’étudiai la robe qui allait occuper les fantasmes nocturnes que je nourrissais au sujet de Blaire.
Elle se leva brusquement. Elle n’était plus nerveuse, mais en colère.
— Parce que ma mère me l’a offerte. On m’a plantée et je n’ai jamais eu la chance de la porter.
Ce soir, tu m’as invitée et je voulais m’intégrer. J’ai donc enfilé la plus jolie chose que je possède. Je
suis désolée qu’elle ne le soit pas suffisamment. Mais tu sais quoi ? Je n’en ai rien à foutre. Toi et tes
amis arrogants et gâtés, vous feriez bien de redescendre sur terre.
Puis elle me poussa comme si elle voulait m’envoyer au sol. Je ne bougeai pas d’un poil, mais
elle y avait mis de la force.
Elle ne me comprenait pas du tout. Elle était complètement à côté de la plaque en pensant ne pas
être assez bien. Elle se foutait de moi ? Elle était si proche de la perfection que c’en était douloureux.
Je fermai les yeux, serrai les paupières, essayant de ne pas la regarder. Je devais m’éloigner d’elle.
Cette chambre était trop petite. Elle sentait trop bon…
— Merde !
Je jurai avant de plonger mes mains dans ses cheveux et de venir prendre sa bouche. Je n’avais
qu’un désir : la goûter. Et il était incontrôlable. Nous étions seuls, trop proches, et elle dégageait des
senteurs de paradis.
Je m’étais attendu à ce qu’elle me résiste, mais il n’en fut rien. J’en profitai tant qu’elle était trop
choquée pour me balancer une claque. Ses lèvres se mouvaient sous les miennes, et je léchai celle du
bas.
— J’ai voulu goûter à ta douce bouche pulpeuse depuis l’instant où tu as mis le pied dans mon
salon pour la première fois, lui avouai-je avant d’aller plus loin.
Je glissai ma langue en elle, et elle s’ouvrit pour moi. Sa bouche était meilleure que du miel. Son
goût pourrait m’enivrer.
De ses petites mains, elle agrippa mes épaules et serra. J’en voulais plus. Je la voulais, elle. Elle
épousa mon rythme et sa langue commença à bouger contre la mienne. Puis, elle me mordilla la lèvre
inférieure. Seigneur Dieu.
Je la saisis par la taille et la déposai sur le lit, mon corps venant couvrir le sien. Plus. Il m’en
fallait plus. Plus de Blaire. Plus de son odeur. Plus de son goût. Plus des petits bruits qui lui
échappaient. Plus, tout simplement.
Lorsque mon érection vint reposer entre ses cuisses, elle gémit et rejeta la tête en arrière. Mon
pouls s’emballa et je sentis que le contrôle que j’avais sur moi-même m’échappait.
— Douce, trop douce, murmurai-je contre ses lèvres.
Je me rendis alors compte que j’étais presque cuit. M’arrêter me serait impossible. Et elle était
douce. Trop douce pour ça. Je m’arrachai à elle, reculai sur le lit et la dévisageai. Sa robe rouge sexy
était relevée jusqu’à sa taille. Sa culotte de satin rose était pleinement visible. L’humidité qui avait
assombri le tissu fit bouillir mon sang.
— Putain de merde.
J’écrasai ma paume contre le mur pour m’empêcher de la toucher. Puis j’ouvris la porte. Il me
fallait respirer un air qui ne soit pas empli d’elle. Son parfum était partout sur moi. M’en libérer était
vital.
Elle était trop. Ce mot n’arrêtait pas de me marteler le crâne, me rappelant à quel point elle avait
été consentante. Elle m’avait laissé la goûter. La toucher. Et Jésus, Marie, Joseph, qu’elle avait été
humide ! Je quittai précipitamment le cellier et me dirigeai à grands pas vers la porte menant à
l’extérieur. De l’air frais. De l’air sans Blaire. Merde. J’avais envie d’elle. Plus. J’en voulais
tellement plus.
11
Je n’avais pas fermé l’œil. Pas une seule seconde de toute la nuit. J’avais arpenté des kilomètres
de plage dans l’obscurité avant de rejoindre ma chambre pour y faire les cent pas. Une douche froide
n’avait pas plus aidé. Chaque fois que je fermais les yeux, je voyais cette culotte rose et j’entendais
les gémissements qui avaient échappé à Blaire. Il était nécessaire que je me la sorte du crâne.
J’avais besoin de coucher avec quelqu’un. Ce qui n’était plus arrivé depuis l’incident avec Anya.
Cela ne me ressemblait pas. Ce soir, il fallait que je me sorte ça du système. Garder Blaire à distance
était la seule solution pour l’empêcher de souffrir. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle
n’apprenne tout et me déteste.
J’attrapai mon téléphone et passai en revue les numéros enregistrés jusqu’à ce que j’en trouve un
qui conviendrait pour une nuit sans lendemain. Bailey exigerait un dîner et quelques marques
d’attention, mais elle avait essayé d’attirer la mienne depuis qu’elle était venue à l’une des soirées de
Nan. J’avais pris son numéro et dis que je l’appellerais.
Une fois le rendez-vous organisé pour le soir même, je me préparai pour ma journée avec Nan.
Nous allions jouer au golf, sa requête pour son anniversaire. J’espérais que nous ne tomberions pas
sur Blaire, mais si tel était le cas, je saurais gérer et même lui acheter une consommation. Je n’aurais
qu’à ne pas inspirer son parfum lorsqu’elle serait près de moi. Et ne pas la regarder. Et je ne
penserais pas à sa culotte. Merde. Vite, une nouvelle douche froide.

Nan m’attendait, bras croisés, une moue boudeuse aux lèvres, quand j’arrivai avec dix minutes de
retard au club house.
— Désolé, je suis en retard, m’excusai-je.
Je me penchai pour déposer un baiser sur sa joue dans l’espoir de l’adoucir un peu.
Elle me repoussa d’une tape sur l’épaule.
— Ce n’est pas pour cela que je suis énervée. Je viens juste d’arriver, dit-elle en roulant les
yeux. Pourquoi dois-je apprendre par Bailey que tu l’as invitée à sortir ce soir, et pas par toi ?
Elle avait l’air ennuyée.
Parce que la soirée avait pour objectif de me sortir Blaire du crâne. Rien de plus.
— Je ne savais pas que tu te souciais de savoir qui j’allais sauter ce soir, lui lançai-je avec un
clin d’œil.
Je sortis mon sac de mon Range Rover et le tendit au caddy qui s’était précipité pour
m’accueillir.
— Rush, vraiment ? grogna ma sœur.
— Elle savait très bien où elle mettait les pieds lorsqu’elle m’a donné son numéro. Mais si tu
veux l’appeler pour l’informer de mes plans, ne te prive pas. Je préférerais qu’elle annule
maintenant, ça me laisserait le temps de lui trouver une remplaçante.
Nan secoua la tête et soupira.
— Tu es horrible.
— Tu m’aimes, lui rappelai-je.
Je la pris par la main pour l’entraîner vers la voiturette de golf.
— J’ai envie de conduire et je n’ai pas besoin que quelqu’un s’occupe de mes clubs. Ça te va
qu’on ne soit que tous les deux ou as-tu besoin d’un caddy ? lui demandai-je.
Elle s’installa comme une reine sur le siège passager et haussa les épaules.
— Tant que tu t’occupes de mes clubs et les nettoies, ça me va.
— Diva, marmonnai-je.
Je tendis un billet de cent dollars au caddy pour sa peine, puis grimpai dans la voiturette et nous
menai au premier trou.
— Une princesse, Rush, me rappela-t-elle, je suis une princesse.
— Non, sœurette, tu te trompes. Tu es une diva pourrie gâtée. Épouser un membre d’une famille
royale est le seul moyen à ta disposition pour pouvoir être taxée de princesse, la taquinai-je.
Elle m’asséna une claque sur le bras en riant. C’était là la sœur avec laquelle il était facile de
s’entendre. Celle qui était mon amie, avec laquelle je pouvais être moi-même. Celle qui n’exigeait
pas de moi des choses dont j’étais incapable.
— Bailey est vraiment sympa. Son père est cardiologue, et elle dessine sa propre ligne de
vêtements. Je crois que tu l’aimerais bien si tu lui proposais plus qu’une unique nuit dans ton lit.
Je garai la voiturette et en descendis.
— Elle n’ira pas dans mon lit. Je ne les y emmène même pas. Sur mon canapé, peut-être, ou sur la
table de la cuisine. Bon sang, peut-être même que j’essaierai la machine à laver ce soir. Une fois que
j’aurai trouvé où elle se cache. Tu l’as déjà utilisée ?
J’essayais de changer de sujet. Je n’avais pas envie d’entendre parler de Bailey et d’éprouver
quelque culpabilité que ce soit à utiliser son corps le soir même.
— Tu es impossible !
Nan avança jusqu’au tee, s’attendant à ce que je me charge de son club. Elle n’avait pas plaisanté
à ce sujet. Elle aimait jouer, mais n’avait aucune idée du club à utiliser en fonction des coups.
— Je suis en rut et Bailey a des seins canon, lui dis-je.
Elle me regarda, sourcils froncés.
— Je vais la prévenir que tu n’es qu’un animal. Il faut qu’elle soit au courant.
Je tendis à Nan son bois no 1 et affichai un sourire suffisant.
— Elle le sait déjà, sœurette. Autrement, elle ne m’aurait pas donné son numéro.
Nan agita la main devant mon nez comme pour me congédier et s’empara du club.
Je me tournais pour prendre le mien lorsqu’une voiturette roulant dans notre direction attira mon
attention. Je remarquai les cheveux blonds de Blaire. Elle avait les yeux rivés sur moi. Merde. Je
savais qu’il y avait de fortes chances que je la voie, mais j’avais espéré que parler de la séance de
jambes en l’air que j’envisageais de m’offrir avec Bailey m’aurait calmé.
Je me détournai. Je n’allais pas la laisser me chambouler. Je n’avais qu’à l’ignorer. Prendre une
boisson et me comporter comme s’il s’agissait de n’importe quelle autre serveuse du parcours.
Bethy, une autre employée, était installée à côté de Blaire. Elle fixait Nan tout en parlant. Je
grinçai des dents en pensant à ce qu’elle savait peut-être et était susceptible d’apprendre à Blaire. Je
n’avais aucune idée des liens qu’elles entretenaient. Elles n’étaient sûrement pas intimes. Bethy ne
ressemblait en rien à Blaire. Son innocence avait disparu depuis longtemps.
— J’y crois pas. Woods l’a embauchée ? siffla Nan.
Je jetai un coup d’œil à ma sœur par-dessus mon épaule et vit qu’elle aussi avait remarqué
l’arrivée de la voiturette.
— Arrête, la mis-je en garde.
Je m’approchai d’elle pour pouvoir la contrôler si besoin.
— Je peux vous proposer une boisson ?
La douce voix de Blaire me fit frissonner.
— Au moins, elle sait tenir son rang, commenta Nan.
Elle se montrait cruelle et je devais l’en empêcher, mais Blaire risquait de penser que j’étais
quelqu’un de gentil. Ce qui n’était pas le cas. Mieux valait qu’elle le sache.
— Je prendrai une Corona, avec citron s’il te plaît, dis-je à la place.
Le regard de Blaire vint se poser sur moi, mais je détournai rapidement les yeux.
— Prends quelque chose, conseillai-je à Nan. Il fait chaud.
Ma sœur appréciait que je me comporte comme si Blaire n’existait pas.
— De l’eau gazeuse. Essuie la bouteille parce que je déteste quand elle est tout humide, lui
ordonna Nan.
Bethy se chargea de la commande avant que Blaire ne réagisse. Voilà qui était intéressant. Elle
semblait protéger Blaire.
— Je ne t’avais pas vue dans le coin dernièrement, Nan, dit-elle en épongeant la bouteille avec
une serviette.
— Probablement parce que tu étais trop occupée dans les buissons avec Dieu sait qui à écarter
les jambes au lieu de travailler, renvoya Nan.
Blaire décapsulait ma Corona. Sa tension était perceptible. Elle avait les épaules raides et le dos
droit comme une planche.
— Ça suffit, Nan, lançai-je à ma sœur en espérant que la conversation en resterait là et que
Blaire et Bethy seraient libres de s’en aller.
Blaire me tendit ma bouteille, rendant impossible que je l’ignore. Elle se concentrait sur tout sauf
sur moi, mais pour une unique seconde, j’eus envie qu’elle me voie. Qu’elle me regarde. Ses yeux se
plantèrent dans les miens. Un vrai coup au cœur.
— Merci, lui dis-je.
Je glissai un billet dans sa poche. C’était une excuse pour la toucher, et aussi pour cacher à Nan
le montant du pourboire que je lui donnais.
Je reculai et pris ma sœur par le coude. Le temps était venu de l’éloigner des filles.
— Viens, et montre-moi que tu peux encore me faire mordre la poussière sur le parcours,
plaisantai-je.
Elle entra immédiatement dans mon jeu.
— Tu vas prendre cher, me prévint-elle.
Nous laissâmes Blaire et Bethy derrière nous.
J’entendis cette dernière murmurer quelque chose à Blaire. Quand je jetai un coup d’œil en
arrière, Blaire m’observait. Un sourire vint jouer sur mes lèvres. Impossible de m’en empêcher à sa
vue. Je m’arrachai à sa contemplation et revins à ma discussion avec Nan. Elle râlait au sujet du bois
que je lui avais donné.
J’appréciais de boire une boisson fraîche lorsque je jouais au golf, mais pour la toute première
fois, j’espérais ne pas retrouver la voiturette sur le parcours.
12
Bailey était sexy, aucun doute là-dessus. Sa robe moulante et chère lui allait bien, et ses talons
avaient un effet incroyable sur ses jambes. Durant la plus grande partie de la soirée, elle se colla à
moi, dans une attitude pleine de promesses. Lorsqu’elle me permit de glisser ma main sous sa robe en
plein restaurant et de jouer avec elle, je sus qu’elle avait plus que conscience de la raison de mon
appel.
Nan m’avait inquiété avec ses remarques comme quoi Bailey était une chouette fille qui méritait
mieux qu’une rencontre furtive. Et c’était vrai, elle était sympa. Je l’appréciais. Elle serait géniale
pour un type qui recherchait ce genre de choses. Ce qui n’était pas mon cas. Je voulais juste me sortir
Blaire Wynn de l’esprit.
Bailey m’enlaça et commença à m’embrasser et à frotter son nez contre mon cou quand je
déverrouillai la porte d’entrée. Blaire ne serait pas là aussi tôt. Mais je n’emmènerais pas Bailey
dans ma chambre. Je jetai un coup d’œil à l’horloge et sus que je disposais d’environ trente minutes.
J’attaquerais les préliminaires ici et entraînerais ma conquête sur la plage, dans un endroit sombre et
discret. Blaire ne nous verrait pas. Et je ne penserais pas à sa proximité.
— Impatiente ? demandai-je à Bailey quand la porte s’ouvrit.
Elle me sourit et pinça les lèvres.
— Peut-être. Je rêve de t’avoir en moi, Rush Finlay, et ce depuis bien longtemps.
Elle passa la main dans son dos pour descendre la fermeture Éclair de sa robe. Ses seins
généreux aux larges tétons bruns s’en libérèrent.
— Je veux ta bouche de débauché sur moi, dit-elle.
Elle souleva sa lourde poitrine. De ses ongles longs, rouges, à la manucure parfaite, elle pinçait
ses tétons tout en reculant dans la maison.
— J’ai joui si souvent en t’imaginant me sucer les seins pendant que tu me pilonnerais, murmura-
t-elle d’une voix rauque.
Je n’étais pas encore excité, mais l’image suggestive qu’elle peignait aidait à éveiller mon
intérêt. Je l’attrapai par la taille et m’obligeai à garder les yeux fixés sur elle. Pour me rappeler avec
qui j’étais. Ce n’était pas Blaire. J’étais avec Bailey.
— T’en as envie, hein ?
Je la soulevai de terre de manière à avoir ses seins à hauteur de visage. Elle enroula ses jambes
autour de ma taille. Je léchai son téton, le taquinant avec mon piercing. Je l’avais mis, sachant que ma
bouche offrirait du plaisir à une femme ce soir.
— Oh oui ! Suce-le ! cria-t-elle.
Son sein plein dans ma main était un vrai plaisir. J’aspirai son téton érigé. J’ouvrais fréquemment
les yeux pour me rappeler qui elle était. Je n’allais pas reproduire l’expérience vécue avec Anya. Si
je devais coucher avec Bailey, ce serait bien avec elle et avec personne d’autre.
Elle commença à se frotter à mon torse. Elle était chaude comme la braise. Elle jouirait
rapidement, et pas qu’une fois. Bien. C’était ce dont j’avais besoin. Je la déposai sur le canapé,
repoussai sa robe jusqu’à sa taille et enfouis mon visage dans son décolleté tandis qu’elle criait mon
nom.
Son odeur n’avait pas la même douceur que celle de Blaire. Ses cris n’étaient pas tendres et sexy.
Merde !
Je devais arrêter de penser ainsi. Je lui écartai les jambes et insinuai ma main dans sa culotte. En
y jetant un coup d’œil, je remarquai qu’elle était noire. Pas rose. Et elle était en dentelle, pas en
satin. Rien à voir avec Blaire. Ce n’était pas Blaire.
Je la pénétrai de mes doigts, accueilli par son humidité. Elle était prête. Plus que prête. J’allais
nous épuiser tous deux.
— Oui, Rush, chéri, comme ça. Plus fort. Suce plus fort ! cria-t-elle.
Il fallait vraiment qu’elle la ferme. Ça ne m’aidait vraiment pas, bon sang.
— Hmm, oui, touche-moi ! suppliait-elle.
— Chut, lui intimai-je.
Je ne m’approchai pas de ses lèvres. J’avais un souci avec ça. Je me méfiais des endroits où une
bouche pouvait traîner. Embrasser ne me venait pas facilement. Quant à elle, ses cris ne sonnaient pas
juste. Elle était trop bruyante. Trop… trop…
Une porte claqua et je me figeai. Merde. Je me retrouvai debout en un clin d’œil.
— Couvre-toi, baisse ta robe, exigeai-je.
Je sortis de la pièce pour intercepter Blaire avant qu’elle ne soit témoin de quoi que ce soit.
J’enfouis mes doigts dans ma poche en me rappelant qu’ils étaient imprégnés de l’odeur de Bailey.
— Elle est partie. Qui que ce soit, commenta cette dernière dans mon dos.
Je m’arrêtai.
Non. Merde, non. Pas cette fois. Pas maintenant. Bordel !
— C’était qui ? demanda Bailey derrière moi.
— Rhabille-toi, je te ramène chez toi, lui répondis-je.
J’allais à la salle de bains me laver les mains. Blaire s’était enfuie. Pourquoi ? La dernière fois,
elle était entrée dans sa chambre. Cette fois-ci, elle avait quitté la maison en claquant la porte.
C’était le baiser. Je n’embrassais pas. Je baisais. Mais j’avais embrassé Blaire, je savais que sa
bouche était pure et douce. Je l’avais désirée. Et plus encore.
C’était toujours plus avec elle. J’en voulais toujours plus.
Je n’en aurais jamais plus.
Lorsque je sortis de la salle de bains, je me dirigeai droit vers la porte. Je l’ouvris brusquement
et mon cœur se retourna lorsque je vis que le pick-up de Blaire avait disparu. Elle était partie. Elle
avait travaillé sous le soleil toute la journée. Elle devait être épuisée et affamée. Elle avait besoin de
rentrer et de manger. Elle voulait probablement se doucher. Que faisait-elle, maintenant ? Elle roulait
sans but dans le coin ? Elle n’avait même pas de portable. Merde. J’allais lui en procurer un. Il lui en
fallait un.
— Pourquoi était-elle là ? T’as pris deux rencards en même temps ? demanda Bailey d’un ton
sec.
Elle m’en voulait. Mais j’étais incapable de la toucher en pensant que Blaire était tombée sur
nous. Cette idée m’était insupportable.
— Non. On y va, lui répondis-je.
Je ne lui devais aucune explication au sujet de Blaire.
— Je m’en fiche. Je savais que ce n’était qu’une histoire d’un soir. Je sais bien comment
fonctionne Rush Finlay. Je veux cette nuit, Rush, dit Bailey en avançant vers moi pour tirer sur ma
chemise. J’ai besoin que tu me prennes, et sans douceur. Où et comme tu veux.
Super. J’avais réussi à l’exciter et il allait être difficile de me débarrasser d’elle.
— Écoute, cette fille…
Je m’arrêtai.
Que dire ? J’avais voulu utiliser Bailey pour me sortir cette fille de la tête. Maintenant, le seul
résultat auquel je parvenais, c’était de penser à elle.
— Elle… Elle est spéciale, repris-je. Il faut que je la retrouve, que je vérifie qu’elle va bien et
que je la ramène ici. Elle vit ici en ce moment et ce qu’elle a vu… Elle ne méritait pas de voir ça.
Bailey recula d’un pas. Ses talons cliquetaient sur le marbre de l’entrée.
— Tu es avec quelqu’un ? demanda-t-elle, incrédule.
Je secouai la tête.
— Non, je ne suis avec personne. Mais elle est…
Une fois encore, je m’interrompis. Et merde. Je n’avais pas de temps à consacrer à ça.
— Il faut que je te ramène chez toi et que je la trouve, ou alors j’appelle quelqu’un pour qu’on
vienne te chercher. Je suis pressé.
Bailey pivota sur ses talons et se dirigea vers la porte.
— Très bien, Finlay. Mais ne me rappelle jamais. C’était ta seule chance. C’est fini.
C’était la meilleure nouvelle que j’aie entendue de toute la journée.
Je conduisis Bailey chez elle et tournai en ville. Aucun signe de Blaire. Je pris rapidement la
direction de la maison, dans l’espoir qu’elle y serait. Il était près de minuit, et j’étais à deux doigts
de prévenir la police. Elle était peut-être blessée quelque part, ou quelqu’un l’avait enlevée, ou…
Non. Mon imagination m’entraînait trop loin. Elle était bouleversée. À cause de moi. Mon ventre se
noua. Elle devait comprendre que nous ne pouvions pas faire ça. Ce baiser ne mènerait à rien de plus.
Entre nous, cela s’arrêterait là. Je ne laisserais jamais les choses aller plus loin.
Son pick-up n’avait pas réapparu lorsque je garai ma voiture au garage et rejoignis la maison. Je
l’attendrais un quart d’heure, puis j’appellerais des renforts. Il ne faudrait pas plus de dix minutes
pour organiser une battue. C’était trop dangereux pour elle de s’enfuir ainsi aussi tard. Même à
Rosemary Beach.
Des phares illuminèrent l’allée et je soupirai de soulagement. Elle était là. J’attendis qu’elle soit
sur le seuil avant d’ouvrir la porte. Je n’allais pas lui offrir la moindre chance de me fuir.
Elle se tenait là, face à moi, puis son regard s’égara au sol comme si elle s’attendait à y trouver
quelque chose.
— Où étais-tu ? demandai-je en essayant de ne pas paraître aussi frustré que je l’étais.
— En quoi est-ce important ? me répondit-elle.
Elle n’était pas en colère, plutôt perplexe.
Je réduisis encore le peu d’espace qui nous séparait.
— Parce que je m’inquiétais, répondis-je avec sincérité.
Il fallait qu’elle le sache. Elle m’avait fait peur.
— Je trouve ça difficile à croire. Tu étais trop occupé avec ta conquête du soir pour remarquer
quoi que ce soit.
Son dégoût était perceptible.
— Tu es rentrée plus tôt que je ne m’y attendais. Mon but n’était pas que tu voies ça.
Ça ne sonnait pas bien. Mais je n’avais aucune excuse. Même si j’aurais souhaité le contraire.
Elle passa d’un pied sur l’autre et laissa échapper un soupir.
— Je suis arrivée à la même heure que d’habitude. Je pense que tu voulais que je te voie.
Pourquoi, je n’en suis pas sûre. Je ne nourris pas de sentiments pour toi, Rush. J’ai juste besoin d’un
toit pour encore quelques jours. Je sortirai de chez toi et de ta vie très bientôt.
Qu’elle soit maudite. Elle allait me faire craquer. Je ne pouvais me le permettre. Pas avec elle. Je
fermai les yeux, marmonnai un juron et tentai de me calmer.
— Il y a des choses à mon sujet que tu ne sais pas. Je ne suis pas l’un de ces types que tu peux
maintenir sous ta coupe. J’ai un fardeau, et il est lourd. Trop, pour une personne comme toi. Je
m’attendais à quelqu’un de très différent, compte tenu de ce que je connais de ton père. Tu ne lui
ressembles en rien. Tu es tout ce dont un mec comme moi devrait se tenir éloigné. Parce que je ne
suis pas le bon pour toi.
Elle rit. Elle rit, bon Dieu. Je me montrais honnête avec elle et elle me riait au nez.
— Vraiment ? Tu n’as rien de mieux à me dire ? Je ne t’ai jamais demandé autre chose qu’une
chambre. Je n’attends pas de toi que tu me désires. Je ne l’ai jamais envisagé. J’ai conscience que
nous ne jouons pas dans la même catégorie. Je ne pourrais jamais me mesurer à la tienne. Je n’ai pas
le bon pedigree pour ça. Je porte des robes rouges bon marché et j’éprouve de l’affection pour une
paire de talons hauts argent parce que ma mère les portait le jour de son mariage. Je ne suis pas une
habituée du luxe. Et c’est ce que tu es, Rush.
Ça suffisait. Elle m’avait poussé dans mes derniers retranchements. Je l’attrapai par la main, la
tirai dans la maison et la collai dos au mur. Enfermer son corps contre le mien était délicieux. J’en
frémissais d’un désir que je n’avais pas le droit d’éprouver.
— Non, ce n’est pas ce que je suis. Sors-toi ça du crâne. Je ne peux pas te toucher. Je le désire
tellement que c’en est sacrément douloureux, mais je ne le peux pas. Je ne te bousillerai pas. Tu es…
tu es parfaite et pure. Et au bout du compte, tu ne me le pardonnerais jamais.
Voilà, elle pouvait rire de moi maintenant, alors que je mourais d’envie de goûter encore à sa
bouche qui formait un doux « O ».
— Et si moi j’ai envie que tu me touches ? Peut-être ne suis-je pas si immaculée que cela. Peut-
être suis-je déjà impure.
Cette fois, c’était moi qui avais envie de rire. Ne savait-elle pas que j’avais conscience du genre
de fille qu’elle était ? Je lui caressai le visage, ayant besoin de la toucher.
— J’ai connu beaucoup de filles, Blaire. Crois-moi, aucune n’était aussi sacrément parfaite que
tu l’es. L’innocence dans ton regard m’appelle dans un cri. Je veux te débarrasser de chacun de tes
vêtements et me fondre en toi, mais c’est impossible. Tu m’as vu ce soir. Je suis une sale ordure. Je
ne peux pas te toucher.
— D’accord, répondit-elle, semblant presque soulagée. (Avait-elle craint que je ne veuille aller
plus loin avec elle ?) Est-ce que nous pourrions au moins être amis ? Je ne veux pas que tu me
haïsses. J’aimerais qu’on soit potes.
Elle avait l’air pleine d’espoir.
Amis ? Elle pensait que je pourrais être son ami ? Je fermai les yeux pour ne plus voir son
visage. Ainsi, je ne me perdrais plus dans ses yeux. Je n’étais pas sûr d’être capable d’être son ami,
mais je savais aussi que lui dire non serait impossible. Je l’avais dans la peau, j’étais cuit. Je
soulevai les paupières et observai son visage sublime, à briser le cœur.
— Je serai ton ami. J’essaierai de l’être, de mon mieux, mais bon sang, il faudra que je fasse
attention. Je ne peux pas être trop proche de toi. Tu me donnes envie de choses que je ne peux avoir.
Ce petit corps adorable coincé sous moi me procure des sensations incroyables. (J’inclinai la tête et
mes lèvres vinrent frôler son oreille.) Et ton goût est addictif. J’en rêve. Il me fait fantasmer. Je sais
que tu seras tout aussi délicieuse à… d’autres… endroits.
Elle s’appuya contre moi, le souffle haché. Comment étais-je supposé être ami avec elle ? Elle
était si tentante.
— Nous ne pouvons pas. Merde. Nous ne pouvons pas. Soyons amis, douce Blaire. Juste amis,
murmurai-je avant de la libérer et de me diriger vers l’escalier.
De l’espace. Nous avions besoin d’espace. Autrement, je dépasserais les bornes.
Quand j’atteignis les marches, l’idée qu’elle dormait juste en dessous me frappa. Cela me
perturbait de plus en plus chaque jour. Mais comment l’installer plus près de moi ? Cette distance
nous était nécessaire. Blaire était en sécurité là où elle se trouvait.
— Je ne veux pas de toi sous ces putains de marches, Blaire. Je déteste ça. Mais je ne peux pas
t’installer à l’étage. Je ne serai jamais capable de rester à l’écart de toi dans cette configuration. J’ai
besoin que tu restes sagement plus loin, lui expliquai-je, évitant de lever les yeux vers elle.
Je voulais voir si elle me croyait. La voir elle, tout simplement, une dernière fois. Je voulais…
plus.
Impossible. Je grimpai en courant jusqu’à ma chambre, claquai la porte et la verrouillai derrière
moi. Il me fallait rester éloigné d’elle.
13
Grant devait me retrouver tôt ce matin-là à la gym. Nous n’avions pas encore adopté de rythme
régulier pour nos sessions de sport, cet été-là. Mais dans la mesure où je ne dormais pas très bien,
avec Blaire qui hantait mes pensées, je m’étais dit que je pourrais rejoindre Grant avant qu’il n’aille
travailler.
Blaire était encore dans sa chambre quand j’avais quitté la maison. Il faut dire que le soleil
n’était pas levé non plus. Me débarrasser de mon agressivité devenait urgent. Si le sexe n’était pas
une option dans le futur proche, alors je soumettrais mon corps à coups d’haltères. Après ça, je
dormirais peut-être.
Grant m’attendait devant la salle de sport de la ville. Nous n’allions pas à celle du club, car
Grant avait déclaré que cette dernière était pour les femmelettes. À l’entendre, les vrais mecs
s’entraînaient dans de vraies salles.
— Il était temps que tu arrives, grommela-t-il lorsque j’avançai vers lui.
— Tais-toi, le soleil n’est même pas encore levé, répliquai-je.
Il sourit et descendit une gorgée de son eau minérale.
— Tu as bu, ce matin ? s’enquit-il.
— Non. J’ai besoin d’un café. Ils en ont, ici ?
Il rit bruyamment.
— C’est un club de gym, Rush. Pas un Starbucks. Tiens, ajouta-t-il en me tendant une bouteille
d’eau repêchée dans son sac. C’est ce qu’il te faut pour le moment. Le café, ce sera pour plus tard.
— Je n’aime pas ton choix de salle, l’informai-je.
— Arrête de te conduire comme une fille.
Nous nous entraînâmes pendant plus de deux heures avant qu’il m’autorise mon café. J’avais
appris ma leçon : en avaler un avant de quitter la maison.
— Fête, ce soir ? me demanda Grant quand nous quittâmes les lieux.
— Où ?
— Chez toi. Juste quelques personnes. Tu as besoin d’être distrait de ta colocataire, et j’ai besoin
d’une excuse pour convaincre une amie de Nan – Bailey, je crois – de découvrir mon lit.
Je grimaçai.
— Une fête chez moi n’est pas le meilleur moyen de parvenir à tes fins. Bailey était là-bas hier
soir. Ça ne s’est pas bien terminé.
Grant s’arrêta.
— Quoi ? T’as pas conclu ? Ça me semblait pourtant une chose acquise. J’étais sûr qu’elle était à
fond sur toi.
— Blaire nous a surpris avant que ça n’aille trop loin, et tout a merdé. J’ai renvoyé Bailey chez
elle.
Grant siffla lentement.
— Waouh… Alors, Blaire te surprend et tu renvoies la fille, dit-il en secouant la tête. Mec, on a
besoin d’une fête. Et de nanas. Pas Bailey, puisque tu es déjà passé par là, mais de nouvelles têtes.
Nan a plein de copines. Tu dois te sortir Blaire au Pays des Merveilles de l’esprit. Rien n’arrivera
entre vous. Tu le sais.
J’opinai. Il avait raison. C’était impossible.
— OK. Invite qui tu veux.

Ce n’était pas la foule des grands jours. Grant avait fait du bon boulot pour que cela soit intime,
j’étais impressionné. Je gardai les yeux rivés sur la porte, attendant que Blaire rentre. Elle ne
s’attendait pas à trouver des invités. Elle devait être fatiguée après la nuit dernière. J’avais
l’intention de maintenir le volume de la musique bas et les gens éloignés des escaliers pour qu’elle
puisse se reposer. J’avais pensé à l’installer dans l’une des chambres d’amis juste pour la nuit. Les
invités risquaient de rester tard, d’être bruyants.
Non. Non. Je serais incapable de garder mes distances avec elle. Ce n’était pas une bonne idée.
Elle devait rester dans sa chambre actuelle. C’était plus sûr comme ça. Elle dormirait, je m’en
assurerais.
— Rush ! m’appela Grant depuis le balcon.
Je jetai un dernier coup d’œil à la porte avant de sortir voir ce qu’il me voulait. Rester dehors
trop longtemps était hors de question, je ne voulais pas rater le retour de Blaire.
— Ouais ? lui demandai-je.
Il était installé sur une chaise longue avec une nouvelle fille sur les genoux. De sa bouteille de
bière, il m’indiqua Malcolm Henry. Je ne l’avais pas vu depuis son arrivée à Rosemary Beach. Ses
parents vivaient à Seattle, et d’après ce que j’avais entendu dire, lui étudiait à Princeton.
— Malcolm n’arrive pas à mettre la main sur des billets pour le concert des Slacker Demon à
Seattle le mois prochain, m’informa Grant, un grand sourire aux lèvres.
Généralement, je n’obtenais pas ce genre de faveurs pour les gens, mais Malcolm était un ami
d’enfance de Grant. Il était aussi proche de Tripp Montgomery, et Tripp était mon pote. Même si je ne
l’avais pas vu depuis qu’il s’était barré, quelques années plus tôt.
— Je passerai un coup de fil, lui promis-je.
Le sourire de Grant s’élargit.
— Si tu le racontes à qui que ce soit, je te botte le cul, mit-il Malcolm en garde. Il ne distribue
pas les tickets à la pelle pour n’importe qui. Il le fait pour moi, alors ne merde pas.
Grant avait déjà trop bu ce soir. Il devenait très gai et généreux quand il était ivre. Et, du coup, il
m’entraînait dans ses œuvres de charité. Je secouai la tête et rentrai dans la maison.
Quelqu’un lança un « Hé, Woods ! » qui me stoppa net. Je me tournai brusquement. Qu’est-ce que
Woods foutait ici, bon sang ? Je ne l’avais pas invité et Grant m’en aurait touché un mot s’il s’en était
chargé. Il savait que Woods n’était pas dans mes petits papiers en ce moment.
J’avançai à grands pas vers la fenêtre et jetai un coup d’œil à l’extérieur. Le pick-up de Blaire
était garé vers le bout de l’allée. Cela m’irrita. Les autres voitures n’auraient pas dû la bloquer. Et
moi, j’aurais dû y penser.
Mais elle était là. Tout comme Woods. Merde.
J’ignorai mes invités, dépassai Woods et me rendit directement au cellier. Blaire était dans sa
chambre. Se changeait-elle ? Avait-elle invité Woods ? Si oui, que devais-je faire ? Nous étions, elle
et moi… amis. Merde. Rien à foutre de l’amitié. Ça ne semblait même pas possible.
Je m’arrêtai dans le cellier pour la voir sortir de sa chambre. Peut-être allait-elle rejoindre
Woods.
— Rush ? Qu’est-ce qui ne va pas ? me demanda-t-elle, sa légère inquiétude paraissant sincère.
J’attendis un moment pour répondre. Je ne voulais pas l’effrayer ou avoir l’air dur.
— Woods est ici, finis-je par dire, aussi calmement que possible.
— Aux dernières nouvelles, c’est l’un de tes amis.
Aux dernières nouvelles, il la pourchassait de ses assiduités.
— Non. Il n’est pas là pour moi. Il est venu pour quelqu’un d’autre, soulignai-je.
L’expression perplexe de Blaire laissa place à l’irritation. Elle croisa les bras, geste qui n’était
vraiment pas nécessaire si elle souhaitait que je regarde ailleurs.
— Peut-être. Ça te pose un problème que tes amis s’intéressent à moi ?
— Il n’est pas assez bien. C’est un baiseur impénitent. Il ne devrait pas te toucher, répliquai-je
sans réfléchir.
Mon sang bouillait à l’idée qu’il entreprenne quoi que ce soit avec elle.
Blaire sembla soupeser ce que je venais juste de dire. Bon sang, elle était adorable quand elle
était frustrée.
— Woods ne m’intéresse pas de ce point de vue-là. C’est mon patron et il peut devenir un ami.
C’est tout.
Je n’étais pas sûr de savoir que répondre. Lui ordonner de rester sous ce foutu escalier ?
— Je ne peux pas dormir tant que les gens montent et descendent les escaliers, reprit-elle. Cela
me tient éveillée. Au lieu de rester assise dans ma chambre à me demander qui tu es en train de sauter
à l’étage, j’ai décidé que j’irais discuter sur la plage avec Woods. J’ai besoin de m’entourer.
Bordel de merde.
— Je ne veux pas que tu papotes avec lui dehors, lançai-je.
J’avais envie de lui dire qu’il n’y avait aucun risque que j’emmène qui que ce soit à l’étage.
D’une manière ou d’une autre, Blaire m’avait bousillé, et ce après un simple baiser.
— Eh bien, peut-être que je ne veux pas que tu t’envoies en l’air avec une autre fille, mais ça ne
t’empêchera pas de le faire.
L’air farouche qu’elle affichait me donnait à la fois envie de rire et de l’embrasser sauvagement.
Elle me poussait dans mes derniers retranchements. J’étais trop près d’oublier pourquoi c’était
une mauvaise idée. J’avançai dans sa direction et elle recula jusqu’à ce que nous nous retrouvions
dans sa petite chambre. Loin de Woods Kerrington. Mon seul désir était de la garder là.
— Je n’ai envie de baiser personne ce soir, l’informai-je. (Je ne parvins pas à dissimuler mon
amusement. Parce qu’il s’agissait d’un mensonge.) Enfin, ce n’est pas complètement vrai. Soyons
clairs, je ne veux coucher avec personne en dehors de cette pièce. Reste ici et parle-moi. Je
discuterai avec toi. J’ai dit que nous pourrions être amis. Tu n’as pas besoin de Woods pour jouer ce
rôle.
Elle me repoussa sans trop de conviction.
— Tu ne me parles jamais. Dès que je pose une question qui te déplaît, tu te défiles.
Mais elle avait décidé que nous étions amis. Je jouerais cette carte toute la nuit s’il le fallait.
— Plus maintenant. Nous sommes amis, répétai-je. Je parlerai et ne partirai pas. Mais s’il te
plaît, reste ici avec moi.
Elle parcourut la pièce du regard et fronça les sourcils.
— Ce n’est pas très grand ici, dit-elle, paumes sur mon torse.
Je me demandai si elle sentait mon cœur battre. Il tambourinait si fort que je sentais ses
pulsations dans mes oreilles.
— On peut s’asseoir sur le lit. On ne se touchera pas. On parlera juste. En toute camaraderie, lui
assurai-je.
Tout pour la garder éloignée de Woods.
Elle se détendit et s’installa sur le lit, ses mains quittant mon corps. J’avais envie de les attraper
pour les ramener sur moi.
— Alors, nous bavarderons, dit-elle.
Elle recula sur le matelas et croisa les jambes.
Je m’installai et m’appuyai contre le mur opposé. Nous n’étions pas très éloignés l’un de l’autre,
mais la chambre n’offrait rien de mieux. La situation me fit rire.
— Je n’arrive pas à croire que je viens juste de supplier une femme de s’asseoir pour discuter
avec moi.
— De quoi allons-nous parler ? s’enquit-elle en m’étudiant.
À son expression, je devinais qu’elle s’attendait à ce que je déguerpisse à n’importe quel
moment.
— Pourquoi pas de ce qui explique que tu sois encore vierge à dix-neuf ans ?
Les mots m’avaient échappé avant que j’y réfléchisse. Elle était bien trop belle pour être à ce
point innocente. Pour moi, cela n’avait aucun sens.
Elle se raidit.
— Qui a dit que c’était le cas ? demanda-t-elle, agacée.
Je le savais depuis la première fois que je l’avais surprise à me reluquer. La rougeur à ses joues
avait suffi. Cette fille était pure.
— Je reconnais une vierge quand je l’embrasse, répondis-je à la place.
Elle se détendit de nouveau, puis haussa les épaules comme si ce n’était pas important. Alors que
ça l’était. Je ne connaissais aucune vierge de dix-neuf ans qui ait son allure.
— J’étais amoureuse. Il s’appelait Cain. C’était mon premier petit ami, mon premier baiser, le
premier garçon avec qui je sortais, aussi bête que cela puisse paraître. Il m’avait déclaré sa flamme
et prétendait que j’étais la seule faite pour lui. Puis ma mère est tombée malade. Je n’ai plus eu le
temps d’aller à des rendez-vous amoureux avec lui pendant les week-ends. Il a eu besoin de rompre.
Sa liberté lui était nécessaire pour avoir ce genre de relation avec quelqu’un d’autre. Je l’ai donc
laissé partir. Après Cain, je n’ai plus eu le temps de sortir avec qui que ce soit.
Quoi ? Elle aimait ce crétin et il l’avait quittée ?
— Il n’est pas resté à tes côtés quand ta mère a eu ses problèmes de santé ?
Elle se tendit encore une fois. Elle se tordait les mains.
— Nous étions jeunes. Il ne m’aimait pas. Il croyait m’aimer. C’est aussi simple que ça.
Elle le défendait. Rien à foutre, il avait besoin de se faire botter le cul.
— Tu es encore jeune.
J’essayais surtout de me le rappeler à moi-même.
— J’ai dix-neuf ans, Rush. Je me suis occupée de ma mère pendant trois ans et l’ai enterrée sans
aucun soutien de mon père. Crois-moi, j’ai l’impression d’en avoir quarante la plupart du temps.
La lassitude dans son ton me serra le cœur. Et moi qui voulais m’en prendre à un type que je ne
connaissais pas, alors que tout ça était ma faute. Mon estomac se révulsa et me rappela mon rôle dans
sa souffrance.
Je pris sa main, j’avais besoin de la toucher, qu’importe la raison.
— Tu n’aurais pas dû avoir à vivre cela seule.
Elle ne répondit pas tout de suite. La ride sur son front s’effaça quand son regard passa de nos
mains jointes à mon visage.
— Tu as un travail ? me demanda-t-elle.
Je ris. Elle changeait de sujet et c’était à mon tour d’être questionné. Bien joué. Je serrai sa main.
— Tu crois que tout le monde doit en trouver un une fois ses études terminées ? la taquinai-je.
Elle haussa les épaules. Je voyais bien que oui, c’était ce qu’elle pensait. Elle n’était pas
habituée à ce qu’était ma vie.
— Lorsque j’ai terminé mes études, j’avais assez d’argent sur mon compte en banque pour passer
le reste de mon existence sans travailler, grâce à mon père. Après plusieurs semaines passées à ne
faire rien d’autre que la fête, je me suis rendu compte que j’avais besoin de mener ma vie autrement.
J’ai donc commencé à jouer sur le marché boursier. Il s’est avéré que j’y étais plutôt bon. Les
chiffres, ça a toujours été mon truc. J’apporte aussi mon soutien financier à Habitat for Humanity1.
Quelques mois par an, je m’implique plus directement en travaillant sur le terrain comme bénévole.
Et l’été, je me coupe de tout et viens ici me reposer.
Je n’avais pas eu l’intention de lui dire la vérité – ou tout du moins de tout lui raconter – mais
c’était sorti comme ça. Elle me mettait à l’aise. Ce qui n’était jamais le cas des femmes. J’étais
toujours sur mes gardes, à me demander quel était leur but ultime. Blaire n’en avait pas.
— La surprise sur ton visage est un peu insultante, remarquai-je.
Je la charriais, mais c’était vrai. Je n’aimais pas qu’elle s’imagine que je n’étais qu’un sale
gosse pourri gâté, même si je m’étais donné un mal fou pour qu’elle ait cette impression depuis
qu’elle s’était installée sous mon toit.
— Je ne m’étais simplement pas attendue à cette réponse, finit-elle par avouer.
J’avais besoin de distance. Son odeur me parvenait de nouveau, et bon sang, qu’elle était
agréable. Je m’éloignai vers mon côté du lit. Fin du contact physique.
— Quel âge as-tu ? me demanda-t-elle.
J’étais étonné qu’elle ne le sache pas déjà. Elle n’aurait eu qu’à chercher mon nom sur Google
pour l’apprendre.
— Je suis trop vieux pour être dans cette chambre avec toi et foutrement trop pour les pensées
que je nourris à ton égard.
— Je te rappelle que j’ai dix-neuf ans. J’en aurai vingt dans six mois. Je ne suis pas un bébé.
Elle ne semblait pas du tout nerveuse à l’idée que je fantasme sur elle.
— Non, douce Blaire, tu n’en es définitivement pas un. J’ai vingt-quatre ans et je suis blasé. Ma
vie n’a pas été normale et à cause de cela, je trimballe un paquet de casseroles bien tordues. Je t’ai
dit qu’il y avait des choses que tu ne savais pas à mon sujet. Un rapport physique entre nous ne serait
pas souhaitable.
Il fallait qu’elle le comprenne. L’un de nous devait se rappeler pourquoi il était important que
mes mains restent dans mes poches.
— Je pense que tu te sous-estimes. Ce que je vois en toi est spécial.
Ses mots enflammèrent la douleur dans ma poitrine. Elle ne me connaissait pas. Pas vraiment.
Mais bon sang, c’était bon de l’entendre dire qu’elle devinait qu’il y avait en moi autre chose que le
fils d’une légende du rock.
— Tu ne vois pas ce que je suis vraiment, lui opposai-je. Tu ne sais pas tout ce que j’ai fait. Et si
c’était le cas, les moments comme celui que nous partagions deviendraient des souvenirs doux-amers
qui me hanteraient pour le reste de mon existence.
— Peut-être, rétorqua-t-elle en se penchant vers moi. Mais le peu que j’en ai vu n’est pas si
infect. Je commence à me dire que tu as d’autres facettes intéressantes.
Bon sang, il fallait qu’elle recule. Son parfum et ses yeux. J’ouvris la bouche puis la refermai. Je
ne savais pas trop quoi lui dire. À part que j’avais envie de la déshabiller et qu’elle crie mon nom,
encore et encore.
Elle aperçut quelque chose qui lui fit écarquiller les yeux et s’approcher encore plus.
— Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? demanda-t-elle en fixant ma bouche avec une touche
d’amusement.
Je portai un piercing barbell sur la langue cette nuit-là. Je ne mettais pas toujours quelque chose
de voyant, parce que j’avais un peu passé l’âge des piercings, ou du moins en avais-je parfois
l’impression. Les femmes, quoi qu’il en soit, aimaient ça. J’ouvris la bouche et tirai la langue afin
que Madame Curieuse puisse avoir une meilleure vue. Elle avait déjà incliné la tête de manière à
étudier l’intérieur de ma bouche. Si je ne le lui montrais pas, elle semblait prête à me grimper sur les
genoux pour y remédier.
— Ça fait mal ? demanda-t-elle dans un murmure, en s’approchant encore.
Bon sang, si elle ne reculait pas, elle allait en avoir une vision vraiment toute personnelle quand
je lui lécherais le cou.
— Non, répondis-je.
Je fermai la bouche, de peur qu’elle ne touche ma langue et ne me fasse perdre l’esprit.
— Qu’est-ce qu’ils représentent, les tatouages dans ton dos ?
Elle avait légèrement reculé. Son parfum s’attachait à moi. J’en inhalai plus que nécessaire,
uniquement pour qu’il s’infiltre en moi. Pathétique. Concentre-toi sur quelque chose. Réponds à ses
foutues questions et arrête de penser à sa peau. Et à son goût. Les tatouages… elle voulait en
connaître plus sur mes tatouages.
— Un aigle sur mes reins avec ses ailes déployées et l’emblème des Slacker Demon. Lorsque
j’avais dix-sept ans, mon père m’a emmené à un concert à L.A. avant de m’offrir mon premier
tatouage. Il voulait que le nom de son groupe soit marqué sur mon corps. Tous les membres des
Slacker Demon en ont un exactement au même endroit. Juste sous leur épaule gauche. Mon père était
complètement défoncé cette nuit-là, mais cela reste vraiment un bon souvenir. Je n’ai pas eu
l’occasion de passer beaucoup de temps avec lui pendant mon adolescence. Mais chaque fois que je
le voyais, on ajoutait soit un nouveau tatouage, soit un nouveau piercing à mon corps, expliquai-je.
Son regard tomba immédiatement sur mon torse. Merde, elle s’interrogeait sur mes tétons. Il me
fallait une douche froide. Et très longue. Ou peut-être chaude, avec de l’huile pour le corps et ma
main droite comme compagnie. Entre son odeur et la vue plongeante dans son décolleté, j’étais prêt à
basculer.
— Pas de piercing à cet endroit, douce Blaire. J’en ai eu d’autres aux oreilles, mais j’ai mis un
terme à tout ça à mes dix-neuf ans, lui assurai-je.
Pitié, qu’elle cesse d’étudier mon torse. Tout de suite.
Elle eut l’air mécontente ou inquiète. Qu’avais-je dit ? Merde, je n’avais pas évoqué mes projets
de douche à voix haute au moins ?
— Qu’est-ce que j’ai dit pour que tu fasses cette mine renfrognée ? demandai-je.
J’avais saisi son menton afin de lui lever la tête pour lire dans ses yeux.
— Lorsque tu m’as embrassée la nuit dernière, je n’ai pas senti le bidule en argent du barbell.
C’était ça, la raison de ces sourcils froncés ? Elle me tuait. Je n’allais pas pouvoir en supporter
beaucoup plus.
— Parce que je ne le portais pas.
Je m’approchai d’elle, attiré par son parfum.
— Quand tu, heu, embrasses quelqu’un avec, il peut le remarquer ?
Doux Jésus. Le prouver à Madame Curieuse était si tentant. Elle voulait l’expérimenter, et il n’y
avait aucun doute : j’étais prêt pour l’expérience.
— Blaire, demande-moi de partir, s’il te plaît, la suppliai-je.
C’était la seule façon de m’empêcher de l’embrasser.
— Tu l’aurais senti, repris-je. Partout où j’ai envie de t’embrasser, tu le sentirais. Et tu aimerais,
murmurai-je à son oreille.
Puis je déposai un baiser sur son épaule en prenant une profonde inspiration. Bon sang que c’était
bon…
— Est-ce que… Est-ce que tu vas m’embrasser encore ? me demanda-t-elle.
Du nez, je lui caressai la nuque, m’imprégnant de son essence. Cette foutue odeur était addictive.
— Je le veux. J’en crève d’envie, mais j’essaie de bien me conduire, admis-je.
— Est-ce que tu pourrais mal te conduire pour un seul baiser ? S’il te plaît ? insista-t-elle en
venant plus près de moi.
Ses jambes pesaient contre les miennes. Encore dix centimètres, et elle serait sur mes genoux.
— Douce Blaire, si incroyablement douce.
Je perdais la tête. Mes lèvres embrassaient chaque centimètre de peau douce tandis que je luttais
contre moi-même pour ne pas la caresser. Elle était pure. Elle était trop bien pour moi. Ça n’allait
pas.
Je goûtai sa peau du bout de la langue et mon sexe réagit. Elle était délicieuse. Tout l’était chez
elle. Je dessinai un chemin de baisers sur son cou. Arrivé à ses lèvres, je m’arrêtai. Je les voulais. Je
la désirais. Plus. Toujours plus. Mais elle était… mon amie. Elle avait souffert à cause de moi, et elle
n’en savait rien. Je devais arrêter les choses ici.
— Blaire, je ne suis pas romantique. Je ne suis pas du genre à faire des bisous et câliner. Pour
moi, c’est de sexe qu’il s’agit. Tu mérites quelqu’un de tendre, pas quelqu’un comme moi. Je me
contente de coucher, ma belle. Tu n’es pas faite pour moi. Je ne me suis jamais refusé quelque chose
que je voulais. Mais tu es trop gentille. Cette fois, je dois me l’interdire.
Je parlais plus pour moi que pour elle. Me rappeler à quel point elle était hors de ma portée était
primordial.
Elle gémit et, d’un bond, j’atteignis la porte. Je ne lui ferais pas ça. C’était hors de question.
— Je ne peux pas parler plus. Pas ce soir. Pas seul ici avec toi.
Je partis avant de me perdre. Blaire ne serait jamais mienne.
1. Organisation non-gouvernementale américaine et chrétienne, fondée en 1976. Elle se consacre à la construction d’habitats décents
dans le monde. (N.d.T.)
14
Je dépassai rapidement les quelques invités présents dans la cuisine et me dirigeai vers la porte
d’entrée. J’avais besoin de sortir me calmer. De prendre l’air sans personne autour pour être témoin
de mon pétage de plombs. Dire non à Blaire m’avait presque tué. Refuser ces douces lèvres
consentantes… Seigneur, personne ne devrait vivre une telle torture.
— Tu veux en parler ? demanda Grant quand la porte se referma derrière moi.
— J’ai besoin d’être seul, lui répondis-je.
J’agrippai la rampe du porche et gardai les yeux rivés sur les voitures qui avaient envahi l’allée.
— Tu ne vas plus pouvoir continuer comme ça. Tu l’as dans la peau, m’affirma-t-il en me
rejoignant.
J’aurais dû savoir qu’il ignorerait ma requête et ne me laisserait pas en compagnie de mes
pensées.
— Je ne lui ferai pas de mal, lui affirmai-je.
Grant soupira et s’appuya contre la rambarde pour pouvoir me regarder dans les yeux, les bras
croisés.
— Aussi douce que Blaire soit, ce n’est pas pour elle que je m’inquiète. Mais pour toi.
— Je contrôle la situation.
— Non. Tu gardes tes mains dans tes poches alors qu’il est évident pour tout le monde qu’elle te
laisserait la caresser de toutes les manières qui te plairaient. Mais tu ne la touches pas. Je ne t’ai
jamais – et je veux dire vraiment jamais – vu refuser ça, surtout venant de quelqu’un doté du physique
de Blaire. Ce qui veut dire que… tu as des sentiments pour elle. C’est pour cela que je m’inquiète
pour toi. Elle va apprendre pour son père et Nan, et ce jour-là, elle s’enfuira à vitesse grand V. Elle
te détestera totalement. Je ne veux pas te voir souffrir.
— Je sais, répondis-je.
J’en avais parfaitement conscience. C’était la raison pour laquelle je ne la tirais pas jusqu’à ma
chambre pour l’y enfermer avec moi. Impossible d’en arriver là avec elle.
— Elle est dehors, à l’arrière, avec Woods, m’apprit Grant.
Je me redressai, abandonnai la rambarde et regardai la porte.
— Comment tu le sais ?
— Je l’ai vue sortir avant de venir te rejoindre.
Je n’allais pas non plus laisser Woods l’approcher. Il la blesserait. Il l’utiliserait et il était exclu
que quiconque se comporte ainsi avec elle. Personne. Jamais. Je m’en assurerais.
— Faut que j’aille la chercher. Je l’ai contrariée.
— Il sait qu’elle est inexpérimentée. Woods n’est pas un salaud. C’est un type bien. Arrête de te
comporter comme s’il était un foutu chien en rut.
Ma prise se resserra sur la poignée de la porte. Je pris une profonde inspiration.
— Grant, ne me dicte pas ma conduite.
Il laissa échapper un petit rire.
— Jamais, frère, jamais.
J’ouvris brutalement et entrai, avec l’intention de trouver Blaire et de renvoyer Woods chez lui.
— Héééé, Ruuuush ! bredouilla une voix féminine tout excitée.
Elle se jeta sur mon bras. Je baissai les yeux pour découvrir une des amies de Nan dont je
n’arrivais pas à me rappeler le nom.
— Non, répliquai-je tout en poursuivant mon chemin.
Elle ne lâcha pas prise. Au lieu de cela, elle n’arrêtait pas de glousser et de parler de sa culotte
mouillée. Ces conneries m’excitaient auparavant, mais le parfum de Blaire et la pensée de ses grands
yeux tandis qu’elle avançait plus près de moi afin de mieux étudier ma langue rendaient tout le reste
creux.
— C’est moi, Babs. Tu te souviens ? Ta sœur m’invitait souvent à passer la nuit chez vous à
l’époque du lycée, insista-t-elle en se pressant contre moi.
— Suis pas intéressé, lui lançai-je en essayant de me libérer.
Nous entrâmes alors dans la cuisine. Mes yeux rencontrèrent ceux de Blaire pour ne plus les
quitter. Elle était seule. Pas de Woods. Et elle m’observait. Avec… Babs ou je ne sais qui à mon
bras. Merde.
— Mais tu as dit… commença à argumenter cette dernière.
Je n’avais aucune idée de ce qu’elle pensait avoir entendu. Puis elle m’embrassa le bras. Merde.
— J’enlève ma culotte ici même si tu veux, continua-t-elle, ne s’arrêtant pas à mon refus.
Elle vacillait sur ses talons et s’agrippait encore plus à moi.
— Babs, je t’ai déjà dit non. Je ne suis pas intéressé, répétai-je d’une voix forte, ne quittant pas
Blaire des yeux.
Je voulais qu’elle m’entende. Ce n’était pas ce que je voulais, Babs n’était pas la femme qui
éveillait ce désir en moi.
— Je serai cochonne, promit Babs avant de se mettre à rire.
Rien en elle n’était attirant.
— Non, cela sera ennuyeux. Tu as bu et ton caquetage me donne la migraine, dis-je, toujours
concentré sur Blaire.
Il fallait qu’elle me croie.
Blaire se détourna pour rejoindre le cellier. Bien. Elle y serait en sécurité et avait besoin de
dormir, maintenant.
— Hé, cette fille va te voler de la nourriture, chuchota bruyamment Babs.
Le visage de Blaire s’empourpra. Je secouai violemment le bras pour en détacher Babs qui
chancela et se rattrapa toute seule.
— Elle habite ici, elle peut avoir tout ce qu’elle veut, l’informai-je – ainsi que tous ceux qui
auraient eu envie de dire quelque chose d’embarrassant pour Blaire.
Cette dernière reporta de nouveau son attention sur moi.
— Elle habite ici ? répéta Babs.
La blessure qui se lisait dans le regard de Blaire fora dans ma poitrine. C’était insupportable.
— Ne le laisse pas te mentir, dit-elle. Je suis l’invitée indésirable qui vit sous les escaliers. J’ai
voulu certaines choses, mais il n’arrête pas de me dire non.
Merde.
Elle claqua la porte derrière elle. J’avais envie de la suivre, mais je savais que si j’entrais dans
sa chambre, je n’en ressortirais pas. Je serais incapable de ne pas la caresser et de ne pas
l’embrasser.
Sur ces entrefaites, Woods entra dans la pièce pour me tomber directement dessus.
— Tu ne la mérites pas, me dit-il froidement.
— Toi non plus, renvoyai-je.
Je tournai les talons pour me diriger vers les escaliers. M’éloigner de ces gens m’était
indispensable.
Grant m’intercepta dans le foyer.
— Assure-toi que Woods s’en aille. Si Blaire sort de sa chambre, viens me chercher, lui lançai-
je sans même m’arrêter.
Puis je rejoignis mes appartements. Afin de me rappeler à moi-même, encore, pourquoi Blaire
était hors de ma portée.

« Est-ce que tu pourrais mal te conduire pour un seul baiser ? S’il te plaît ? »
Ces mots m’avaient tenu éveillé toute la nuit. Comment étais-je parvenu à sortir de cette petite
chambre ? Je n’en avais aucune idée. Il fallait que je mette un terme à tout ça. La laisser s’approcher
encore plus de moi était risqué. Elle ne connaissait pas la vérité. Je devais la protéger. Mes
sentiments pour elle étaient déjà trop dangereux. J’avais envie de lui parler de Nan, mais c’était
impossible. Elle me détesterait et j’étais maintenant allé trop loin. Je ne supporterais pas de vivre
avec une Blaire qui me détesterait. En tout cas, pas si tôt. Je n’étais pas préparé à ce qu’elle me
quitte. Je jetai un coup d’œil à la porte close du cellier, derrière moi. La nuit dernière, son
commentaire sur le fait qu’elle était une invitée non désirée m’avait mis hors de moi. Cela allait
changer. Peut-être n’étais-je pas encore décidé à l’installer à l’étage, mais j’allais la nourrir. Je
n’étais pas sûr qu’elle prenne un petit déjeuner, mais puisqu’elle faisait la grasse matinée, j’avais le
temps de lui en préparer un.
La porte du cellier s’ouvrit. Blaire me regarda avec surprise. Les choses ne s’étaient pas bien
terminées entre nous, la veille. Ce matin, il en serait tout autrement.
— Bonjour. Cela doit être ton jour de congé.
Elle ne bougea pas et m’offrit un sourire forcé.
— Ça sent bon, me répondit-elle.
— Prends deux assiettes. Mon bacon est mortel.
Je l’adoucirais. Elle était sûrement encore en colère contre moi pour l’avoir laissée la veille,
mais bon sang, j’avais agi pour son bien.
— J’ai déjà déjeuné, mais merci.
Elle se mordit la lèvre inférieure en regardant le bacon avec envie. C’était quoi, ce bordel ?
Quand avait-elle mangé ? J’étais debout depuis deux heures et je ne l’avais pas vue sortir de sa
chambre.
Je posai ma fourchette pour me concentrer sur elle au lieu de m’occuper du bacon.
— Comment c’est possible ? Tu viens juste de te réveiller.
Je l’observai attentivement, au cas où elle déciderait de ne pas me dire l’entière vérité. Si c’était
parce qu’elle ne voulait pas manger en face de moi ou un problème de fille aussi ridicule que celui-
là, il faudrait qu’elle le dépasse.
— Je garde du pain et du beurre de cacahuète dans ma chambre. J’en ai pris avant d’en sortir.
Qu’est-ce qu’elle avait dit ?
— Pourquoi gardes-tu cela dans ta chambre ?
Elle continua à se mordiller nerveusement la lèvre un moment puis laissa échapper un soupir.
— Ce n’est pas ma cuisine. Je garde toutes mes affaires dans ma chambre.
Quoi ? Attends… Quoi ?
— Tu es en train de m’expliquer que c’est ton régime quand tu es ici ? C’est ça ? Tu fais des
réserves, les gardes dans ta chambre et tu ne manges rien d’autre ?
Un nœud comme je n’en avais plus eu depuis mon enfance s’était formé dans mon estomac. Si
elle me disait qu’elle ne mangeait que des sandwichs au beurre de cacahuète, j’allais péter les
plombs. L’avais-je amenée à croire que mes réserves lui étaient interdites ? Merde !
Je frappai le comptoir de la main et me concentrai sur le bacon tout en tentant de reprendre le
contrôle sur moi-même.
C’était ma faute. Bon sang, c’était entièrement ma faute. Elle ne se plaignait jamais, alors que
n’importe quelle autre femme sur la planète n’aurait pas hésité. Et elle avalait des foutus sandwichs-
beurre-de-cacahuète tous les jours. J’en avais la poitrine douloureuse. J’étais incapable de supporter
ça plus longtemps. J’avais essayé. Mais c’en était fini de garder mes distances avec elle.
— Prends tes affaires et déménage à l’étage. Choisis n’importe quelle chambre à gauche dans le
couloir. Jette-moi ce satané beurre de cacahuète et nourris-toi de tout ce qui pourra te brancher dans
cette cuisine, lui ordonnai-je.
Elle resta figée sur place. Elle ne m’écoutait pas ou quoi ?
— Si tu veux rester dans cette maison, Blaire, alors bouge ton cul à l’étage maintenant. Puis
redescends et mange quelque chose qui sorte de ce putain de frigo pendant que je te surveille.
Elle se raidit. Je devais me calmer. Mon but n’était pas de lui faire peur, juste qu’elle pose ses
bagages à l’étage. Et qu’elle goûte au bacon !
— Pourquoi me demandes-tu de m’installer à l’étage ? demanda-t-elle d’une voix douce.
Je déposai la dernière tranche de bacon sur du papier absorbant avant de m’intéresser de
nouveau à elle. Poser les yeux sur elle m’était physiquement douloureux. Savoir que je l’avais si mal
traitée et qu’elle n’avait pas bronché rendait le simple fait de respirer difficile.
— Parce que je le veux. Je déteste aller me coucher en pensant à toi, endormie sous mes
escaliers. Maintenant, j’ai cette image de toi en train de manger ces satanés sandwichs toute seule là-
dedans, et c’est plus que je ne peux en supporter.
Voilà. C’était dit.
Cette fois-ci, elle ne discuta pas. Elle pivota pour retourner dans le cellier. J’attendis qu’elle en
ressorte, sa valise à la main, un bocal de beurre de cacahuète et du pain dans l’autre. Elle posa ses
provisions sur le comptoir sans me regarder et prit la direction du hall.
Je m’agrippai au bord du comptoir pour m’empêcher d’attraper le bocal pour le fracasser contre
le mur. J’avais envie de frapper quelque chose. La douleur prenait le dessus en moi, et casser
n’importe quoi me tombant sous la main apaiserait ma colère. Colère qui était entièrement dirigée
contre moi-même pour être un tel salaud autocentré. Je m’étais tellement soucié de ne pas la toucher
que je l’avais négligée pour tout le reste. Elle vivait de beurre de cacahuète.
— Je n’ai pas besoin de m’installer en haut. Je suis bien en bas.
La voix de Blaire brisa le cours de mes pensées. Je serrai le comptoir encore plus fort. Je ne
l’avais pas bien traitée. Je n’avais pas pris la mesure de ses besoins. Tout ce que je voulais, c’était la
caresser, la sentir, la tenir, mais je l’avais laissée tomber. Je ne serais pas capable de me le
pardonner.
— Ta place est dans l’une des chambres à l’étage. Pas sous les escaliers. Et ça ne l’a jamais été,
lui dis-je sans la regarder.
— Voudrais-tu au moins m’indiquer laquelle prendre ? Je ne me sens pas d’en choisir une. Je ne
suis pas chez moi.
Elle me craignait. Encore une chose qu’elle ne méritait pas d’éprouver. Je lâchai le comptoir et
lui jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule. Elle semblait prête à se précipiter dans le cellier à
tout instant.
— Les pièces sur la gauche sont toutes des chambres d’amis. Il y en a trois. Je crois que tu
aimeras la vue qu’offre la dernière. Elle donne sur l’océan. Celle du milieu est toute blanche avec
des accents rose pâle. Elle me fait penser à toi. Donc, va choisir. Celle que tu veux. Installe-toi et
descends manger ici.
— Mais je n’ai pas faim. J’ai juste avalé…
— Si tu me dis une fois de plus que tu as déjeuné de ce maudit beurre de cacahuète, je le balance
contre le mur. (Bon sang, cette idée me rendait furieux. Je pris une profonde inspiration et me
concentrai pour avoir l’air calme.) S’il te plaît, Blaire, viens manger quelque chose pour moi.
Elle opina avant d’attaquer l’escalier. J’aurais dû porter sa valise, mais je savais qu’elle ne
tenait pas à ce que je sois près d’elle pour l’instant. C’était quelque chose qu’elle devait faire seule.
Je venais de me conduire comme un fou. Je lavai la poêle que j’avais utilisée pour frire le bacon.
Quand j’eus terminé, Blaire n’était toujours pas redescendue. Je pris une grande assiette dans le
placard et y déposai les œufs et le bacon avant de la poser sur la table. Blaire et moi la partagerions.
Elle revint enfin. Je levai la tête pour la découvrir en train de m’observer.
— Tu as choisi une chambre ?
Elle hocha la tête et vint se placer de l’autre côté de la table.
— Oui, je crois. Celle dont tu as dit qu’elle avait une vue superbe, c’est… la bleu et vert ?
— Oui, confirmai-je en souriant.
J’aimais qu’elle ait choisi celle dont je pensais qu’elle lui plairait. Même si c’était la plus
proche de la mienne.
— Et tu es d’accord pour que je l’occupe ? Elle est vraiment jolie. Si cette maison était à moi,
c’est là que je m’installerais.
Elle s’assurait encore que je ne changerais pas d’avis et ne la rejetterais pas sous les escaliers.
Je lui souris, rassurant.
— Tu n’as pas encore vu la mienne.
J’avais dit « encore ». J’allais craquer. Je n’emmenais pas de filles dans ma chambre. C’était
mon territoire. Mais j’avais envie de l’y voir. Entourée de mes affaires.
— Elle est au premier étage ?
— Non, elle occupe tout le deuxième, expliquai-je.
— Tu parles de toutes ces fenêtres ? Elles ne sont que pour une unique pièce ?
L’émerveillement de son ton était dur à rater. Elle la visiterait avant que tout soit fini.
— Ouais.
Je mangeai une tranche de bacon tout en essayant de remettre dans le droit chemin mes pensées au
sujet de Blaire dans ma chambre. Cela ne serait jamais une bonne idée.
— Tu as rangé tes affaires ? lui demandai-je pour tenter de me distraire.
— Non, je voulais vérifier avec toi avant de vider ma valise. Mais je devrais probablement tout
y laisser. D’ici la fin de la semaine prochaine, je serai prête à déménager. Mes pourboires au club
sont élevés et j’ai peu dépensé.
Non. Il était impensable qu’elle vive seule. Ce n’était pas sûr. Elle croyait devoir partir à cause
de moi. Son salaud de père ne l’avait même pas appelée pour lui demander de ses nouvelles. Elle
n’avait personne et elle était si vulnérable. Quelqu’un devait la protéger. Elle ne quitterait pas cette
maison. Je ne supportais pas l’idée que quelqu’un s’en prenne à elle. Je restai concentré sur la plage
au-delà des fenêtres, espérant que cela me calmerait, mais la panique que je ressentais à l’idée
qu’elle vive seule prenait le dessus.
— Tu peux rester aussi longtemps que tu veux, Blaire, lui assurai-je.
J’avais besoin d’elle ici.
Elle ne répondit rien. Je tirai la chaise à côté de la mienne.
— Viens t’asseoir à côté de moi, et mange un peu de ce bacon.
Elle obtempéra lentement et je poussai mon assiette vers elle.
— Vas-y, insistai-je.
Elle attrapa une tranche et mordit dedans. Ses cils papillonnèrent, ombrèrent ses pommettes. Bon
sang, c’était sexy comme tout. Je donnai une nouvelle pichenette à l’assiette.
— Prends-en une autre.
Elle me souriait comme si elle trouvait ça drôle, et la douleur en moi s’apaisa. Je pourrais la
garder ici. Je me débrouillerais pour qu’elle ne veuille jamais s’en aller.
— Qu’as-tu prévu de faire aujourd’hui ? lui demandai-je.
— Je ne sais pas encore. J’ai pensé que je pourrais peut-être chercher un appartement.
Adieu mon mieux-être. Pas question qu’elle cherche un logement.
— Cesse de parler de déménager, d’accord ? Je ne veux pas que tu partes avant que nos parents
soient rentrés. Tu dois discuter avec ton père avant de t’enfuir vivre seule. Ce n’est pas vraiment
prudent. Tu es trop jeune.
Elle rit. C’était un rire musical que j’avais trop peu entendu.
— Je ne le suis pas. Qu’est-ce que tu as avec mon âge ? J’ai dix-neuf ans. Je suis une grande
fille. Je suis tout à fait capable de vivre seule. De plus, je peux atteindre une cible mouvante plus
facilement que la plupart des flics. Mes compétences en tir sont plutôt impressionnantes. Arrête avec
ce truc de jeunesse et d’imprudence.
L’idée d’une Blaire armée m’excitait et me terrifiait à la fois. Aussi sexy que cela puisse sembler,
j’avais aussi peur qu’elle ne se blesse toute seule.
— C’est donc bien vrai que tu as une arme ?
Elle afficha un sourire épanoui et opina.
— Je croyais que Grant voulait se montrer drôle. Son sens de l’humour craint parfois.
— Nan. Je la lui ai pointée sous le nez lorsqu’il m’a surprise le soir de mon arrivée.
C’était à mon tour de rire.
— J’aurais adoré voir ça.
Elle se contenta de sourire et de garder la tête basse. Je savais que sa première soirée ici n’était
pas un joyeux souvenir.
— Je ne veux pas que tu restes ici uniquement à cause de ton âge, précisai-je. J’ai bien compris
que tu étais capable de t’assumer, ou tout du moins que tu penses en être capable. Je te veux ici parce
que… j’aime ça. Ne pars pas. Attends jusqu’au retour de ton père. Vous semblez n’avoir que trop
tardé à vous rencontrer. Puis tu pourras décider de ce que tu souhaites faire. Pour le moment,
pourquoi ne remontes-tu pas ranger tes affaires ? Pense à tout l’argent que tu économiseras en vivant
ici. Lorsque tu déménageras, tu auras un compte en banque joliment fourni.
J’en avais dit plus que je ne l’avais escompté. Mais j’avais envie qu’elle reste.
— OK. Si tu penses vraiment tout cela, alors merci.
Des images d’elle nue sur mon lit commencèrent à me hanter. Je ne pouvais laisser les choses
tourner comme ça. Je ne devais pas oublier Nan. Et ce que tout cela signifiait pour Blaire. Au bout du
compte, elle me haïrait.
— C’est le cas, lui répondis-je. Mais je pense aussi vraiment que notre relation doit rester
pleinement amicale.
— Marché conclu, acquiesça-t-elle.
Qu’elle soit d’accord n’était pas ce que j’avais espéré. J’aurais aimé qu’elle me supplie comme
la nuit passée. Parce qu’à la minute présente j’étais faible, et je me serais laissé aller. Je me vidai
l’esprit de toute pensée sexuelle où Blaire jouerait un rôle. Si je continuais ainsi, j’allais finir dingue.
— Et tu vas commencer à te nourrir avec ce qu’il y a dans cette maison, tant que tu y vis.
Elle secoua la tête.
— Blaire, pas de discussion à ce sujet. Vraiment.
Elle se leva, le regard noir et déterminé.
— Non. Je ferai mes propres courses. Je ne suis pas… Je ne suis pas comme mon père.
Merde. Encore une fois, c’était ma faute. Je quittai la table à mon tour pour planter mon regard
dans le sien.
— Tu penses que je ne l’ai pas remarqué ? Tu as dormi dans un maudit placard à balais sans te
plaindre. Tu nettoies après mon passage. Tu ne te nourris pas convenablement. J’ai bien conscience
que tu ne ressembles en rien à ton père. Mais tu es mon invitée sous ce toit et je veux que tu manges
dans ma cuisine et la considères comme tienne.
Blaire abandonna légèrement sa posture raidie.
— Je rangerai mes provisions dans ta cuisine et y prendrai mes repas. Ça te conviendra ?
Non. Cela ne me convenait pas plus. Je voulais qu’elle puise dans mes placards.
— Si tu as l’intention de n’acheter que du pain et du beurre de cacahuète, alors non. Tu dois te
nourrir convenablement.
Elle se mit à secouer la tête et j’attrapai ses mains.
— Blaire, cela me rendra heureux. Henrietta fait les courses une fois par semaine et constitue des
stocks en prévision des allées et venues de mes amis. Il y a plus qu’assez. S’il te plaît. Sers-toi dans
mes provisions.
Elle se mordit la lèvre inférieure mais trop tard, un gloussement lui avait déjà échappé. Bon sang,
c’était super mignon.
— Te moquerais-tu de moi ? demandai-je, éprouvant moi aussi l’envie de rire.
— Ouais. Un peu, admit-elle.
— Cela veut dire que tu le feras ?
Elle laissa échapper un lourd soupir, mais un sourire jouait toujours sur ses lèvres.
— Seulement si tu me laisses te donner une participation financière chaque semaine.
Ce fut mon tour de secouer la tête. Elle libéra ses mains avant de s’éloigner. Quelle tête de mule !
— Où vas-tu ? lançai-je.
— J’en ai assez de discuter avec toi. J’utiliserai tes provisions si je paie ma part. Je n’accepterai
pas autre chose. À prendre ou à laisser.
Je grognai, mais j’allais devoir abandonner la partie.
— Bon, d’accord. Tu me paieras.
Elle me jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.
— Je vais vider ma valise. Puis je prendrai un bain dans cette grande baignoire de haut standing
et après, je ne sais pas. Je n’ai rien de prévu jusqu’à ce soir.
Ce soir ?
— Avec qui ?
— Bethy.
— Bethy ? La fille de la voiturette avec laquelle Jace s’amuse ?
Je n’aimais vraiment pas ça. Bethy, c’était les ennuis assurés. Elle boirait et oublierait
complètement Blaire. Je pensais aux hommes qui pourraient s’en prendre à elle. Non, elle ne sortirait
pas sans moi. Quelqu’un devait protéger son petit cul sexy.
— Objection. La fille de la voiturette avec laquelle Jace s’amusait. Elle a ouvert les yeux et est
passée à autre chose. Ce soir, nous allons dans un rade country pour rencontrer des mecs en bleus de
travail durs à la tâche.
Elle se dépêcha de grimper les escaliers.
Cette conversation n’était certainement pas finie.
15
Elle était maintenant à l’étage. Juste à côté de la porte menant à ma chambre. En train de prendre
son bain… Merde.
Il fallait que je sorte de la maison. Mettre de l’espace entre nous aujourd’hui était important. La
matinée en sa compagnie s’était bien passée. Je n’allais pas l’éloigner de moi au point que ses
besoins fondamentaux soient négligés. Ça, c’était terminé. Elle mangerait ma nourriture, bon sang.
Elle dormirait dans un bon lit et se laverait dans une grande salle de bains. Plus question de la traiter
comme une foutue bonne.
La peur avait remplacé le poids qui avait pesé sur mes épaules jusque-là. Peur de ne pas être
capable de rester à bonne distance d’elle, sachant qu’elle serait juste à côté, endormie. Ou quand je
la contemplerais en train de manger, ce que je comptais bien faire régulièrement afin de m’assurer
qu’elle se nourrissait correctement. Je ne serais pas foutu de garder mes mains dans mes poches.
Grant. Je devais discuter avec lui. Il me rappellerait pourquoi avoir Blaire était impensable.
Pourquoi la prendre dans mes bras et la garder serrée contre moi m’était interdit. Après un dernier
regard vers le haut des escaliers, je me dirigeai vers la porte. Respirer un autre air qu’elle et parler
avec quelqu’un de rationnel me ferait du bien.
Je grimpai en voiture et composai le numéro de ma mère. Elle et son mari avaient intérêt à rentrer
vite. Le temps m’était compté. Blaire apprendrait tout et je la perdrais. Malgré tout, je tenais à
m’assurer qu’on s’occuperait d’elle. Je ne comptais pas la laisser s’enfuir. J’étais prêt à pointer une
arme sur Abe pour qu’il se charge d’elle. Quel connard.
— Rush, m’accueillit ma mère en décrochant après la troisième sonnerie.
— Quand rentrez-vous ? demandai-je.
Je n’étais pas d’humeur à échanger des banalités.
— Je ne sais pas encore. On n’en a pas discuté, répondit-elle.
Son ton ennuyé ne m’étonna pas. Elle détestait savoir que je pouvais la forcer à revenir à la
maison si l’envie m’en prenait.
— Passe-moi Abe.
Elle poussa un soupir théâtral.
— Pourquoi ? Pour que tu puisses lui hurler dessus parce qu’il n’est pas là pour s’occuper de sa
fille adulte qui peut se charger d’elle-même toute seule ?
Agrippé au volant, j’inspirai profondément à plusieurs reprises, m’obligeant à me rappeler que
maudire ma mère n’était pas quelque chose de chouette. Elle se comportait comme à son habitude,
tout simplement, en ne s’intéressant qu’à sa petite personne.
— Cartes de crédit, maisons, voitures – tout cela m’appartient, maman, lui rappelai-je à la place.
Elle émit un son qui ressemblait à un sifflement.
— Bonjour, Rush.
Abe avait pris le téléphone.
— Elle a trouvé un boulot au country club. Elle dit qu’elle va déménager dans son propre
appartement, maintenant, lui appris-je.
Il verrait qu’à l’évidence, c’était une mauvaise idée que Blaire vive seule.
— Bien. Je savais qu’elle s’en sortirait, commenta-t-il.
Je garai brutalement le Range Rover sur le bas-côté de la route. Le sang me battait aux oreilles,
ma vision se brouillait. Quel salaud. J’avais bien entendu ?
— Tu ne mérites pas de vivre, espèce de con, grognai-je dans le portable.
Il ne répondit rien.
— Elle est totalement innocente. Innocente et confiante. Et sublime. Totalement sublime. À en
perdre la tête, un canon intégral. Tu comprends, ça ? Ta fille n’a personne. Personne. Elle est
vulnérable. Elle souffre et elle est seule. N’importe quel connard pourrait en profiter. Tu t’en fous ?
Je respirais difficilement. Mes jointures avaient blanchi tant je serrais le volant. Je tentai de
garder le contrôle sur la colère qui m’avait envahi.
— Elle t’a, toi, fut son unique réponse.
— Moi ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu me connais. Je suis le fils de Dean Finlay. Et
certainement pas le protecteur de Blaire. Je suis le salaud sans cœur qui lui a enlevé son père quand
elle en avait le plus besoin. Voilà qui je suis, bordel !
Moi. Il avait dit qu’elle m’avait, moi. Comme si j’étais digne de cette responsabilité. Ne la
chérissait-il pas ? Comment pouvait-on avoir une fille comme Blaire et ne pas vouloir la protéger ?
— Même si tu n’étais pas venu, je serais parti, Rush. Rester plus longtemps était impossible.
Blaire s’est passée de moi pendant des années. Et c’est le cas maintenant encore. Je ne suis pas ce
dont elle a besoin. Mais toi… peut-être que tu l’es.
Et il s’imaginait que c’était logique ?
— Tout ira bien pour elle. Elle sera bien mieux sans moi. Salut, Rush, conclut Abe avec une
profondeur de ton que je ne lui avais jamais connue.
Puis la ligne fut coupée.
Il avait raccroché.
Je restai là, à fixer la route. Abe ne lèverait pas le petit doigt pour Blaire. Il allait vraiment la
laisser se débrouiller toute seule. Et il avait le faible espoir que j’aiderais sa fille. Voilà, c’était tout.
Elle s’en sortirait. Je m’en assurerais. Elle irait foutrement bien. Je ne laisserais personne s’en
prendre à elle. Je la protégerais. Son père n’assumait pas ce rôle, mais moi, j’étais là. Elle n’était
dorénavant plus seule.
Elle m’avait, moi.
Je n’avais plus envie de discuter avec Grant. J’avais besoin de solitude. De réfléchir.
D’organiser les choses. Il me revenait de me charger de Blaire. Je devais m’assurer de ne plus la
laisser tomber. Elle méritait tellement mieux.

Je rentrai des heures plus tard à la maison, ma détermination réaffirmée. Je serais l’ami de
Blaire, son meilleur ami. Rien ne la blesserait. Évidemment, elle ne tiendrait pas à ce que je lui
facilite la vie ou que je m’occupe d’elle. Agir en finesse s’imposerait. Lui laisser croire qu’elle se
chargeait de tout.
J’ouvris la porte, un léger sourire aux lèvres. Savoir qu’elle était à la maison me donnait
l’impression que tout était à sa place dans l’univers. Jusqu’à ce que je la découvre sur les marches,
véritable fantasme érotique ayant pris chair.
Bon sang, mais comment était-elle habillée ?
Une courte jupe en jean avec des bottes – des santiags… Seigneur Dieu, ayez pitié de moi.
— La vache, marmonnai-je en fermant la porte derrière moi. Tu, heu, portes ça quand tu sors en
boîte ?
Je m’appliquais de mon mieux à ne pas laisser entendre mon sentiment de panique.
— C’est un bar country. Je suis pratiquement sûre que cela n’a rien à voir, répondit-elle en me
souriant, nerveuse.
Un bar. Elle allait dans un bar. Vêtue comme ça.
Je me passai la main dans les cheveux et fis de mon mieux pour me rappeler qu’elle voulait qu’on
soit amis. Les amis ne perdaient pas la tête et n’exigeaient pas de l’autre qu’il aille se changer avant
de sortir.
— Je peux venir avec vous ce soir ? Je n’ai jamais été dans ce type de bar.
Blaire écarquilla les yeux.
— Tu veux nous accompagner ?
Je laissai mon regard s’égarer une fois de plus le long de son corps. Oh, bon Dieu, carrément !
— Ouais.
Elle haussa les épaules.
— OK, si tu y tiens vraiment. Mais on part dans dix minutes. Bethy attend que je passe la
prendre.
Elle acceptait que je vienne. Ne discutait pas. Ouf.
— Je serai prêt dans cinq, affirmai-je avant de me précipiter dans les escaliers.
Cela me laissait assez de temps pour me changer. Des mecs ivres dans un saloon, et Blaire ayant
l’air d’un ange dans sa paire de santiags ? Pas question. En tout cas, pas sans moi pour les tenir à
distance respectueuse.
Si je devais me rendre dans un foutu bar country, autant avoir l’air du fils de Dean Finlay. Ce
genre d’endroits n’était pas mon truc, même si les santiags de Blaire s’inscrivaient sans aucun doute
sur la liste des choses que je préférais au monde. N’importe quelle raison expliquant qu’elle les
porte était un plus.
J’attrapai un tee-shirt des Slacker Demon que j’enfilai sur mon jean. Puis je glissai une bague à
mon pouce. Je me brossai les dents, remis du déodorant avant de m’arrêter et de m’observer dans le
miroir. Il manquait quelque chose.
J’attrapai quelques petits anneaux que je portais à l’occasion et les mis à mon oreille. Je tirai la
langue et affichai un large sourire en repensant à l’intérêt que Blaire avait porté à mon piercing. Elle
avait presque fini sur mes genoux la nuit dernière en essayant de le regarder. Si elle tentait la même
chose ce soir, je n’objecterais peut-être pas. Je secouai la tête pour en chasser ces pensées qui
n’amèneraient rien d’autre que des ennuis et dévalai les escaliers. Le tout n’avait pas pris dix
minutes, mais on s’en approchait.
Blaire m’observa attentivement pendant que je descendais les marches. Mon cœur s’emballa.
J’avais l’impression d’être une sorte de bonbon sous son regard. Pas de doute : moi aussi, j’avais
pensé à la goûter de bien des manières. L’idée qu’elle nourrisse des pensées cochonnes à mon égard
m’excita plus qu’il ne l’aurait fallu, surtout que je portais un jean moulant.
Lorsque ses yeux s’arrêtèrent sur mon visage, je tirai la langue afin qu’elle puisse voir le
piercing. Son regard s’enflamma, me donnant envie de gronder. Bon sang, les choses que je rêvais de
lui faire découvrir avec ce petit morceau d’argent.
— Je me suis dit que si j’allais dans un bar country avec des mecs en santiags et chapeau de
cow-boy, je devais rester fidèle à mes racines. Le rock and roll coule dans mes veines. Je ne peux
prétendre à rien d’autre, expliquai-je.
Elle pouffa.
— Tu vas autant te démarquer ce soir que je le fais lors de tes fêtes. Cela pourrait être marrant.
On y va, rejeton du rock, rétorqua-t-elle.
Elle avait l’air contente.
Je me dépêchai de venir lui ouvrir la porte. Encore une attention que j’aurais dû avoir dès le
début.
— Puisque ton amie vient avec nous, pourquoi on ne prend pas une de mes voitures ? Cela sera
plus confortable pour tout le monde que ton pick-up, proposai-je.
J’avais envie qu’elle soit assise à l’avant avec moi. Près de moi. Et de me délecter de ces
jambes… et de ces bottes. Je ne tenais pas à être ratatiné dans un pick-up avec Bethy.
Elle me jeta un coup d’œil par-dessus son épaule.
— Mais nous nous fondrons plus dans la masse avec lui.
Je sortis de ma poche une petite télécommande pour ouvrir le garage où se trouvait mon Range
Rover. Blaire observa la porte qui s’ouvrait.
— Pas de doute, c’est impressionnant, commenta-t-elle.
— Je peux prendre ça pour un « oui » ? Je ne suis pas hyper enthousiaste à l’idée de partager un
siège avec Bethy. Cette fille aime toucher à tout sans demander la permission, expliquai-je.
Elle ne s’était jamais comportée comme ça avec moi, mais sa réputation la précédait.
— N’est-ce pas ? Elle sait flirter, non ?
Blaire souriait.
— On peut dire ça comme ça, répliquai-je.
— OK. D’accord. On peut prendre la caisse mortelle de Rush Finlay le dur, s’il insiste, conclut
Blaire sur un haussement d’épaules.
Gagné. Maintenant, je n’avais plus qu’à trouver un truc pour qu’elle occupe le siège passager. Je
me dirigeai vers le 4 × 4, lui indiquant d’un geste de me suivre.
Je lui ouvris la portière. Elle s’arrêta et m’observa.
— Tu agis toujours ainsi avec tes amis ? me demanda-t-elle.
Je ne me conduisais jamais comme ça avec les filles. Ça les poussait à en attendre plus. Mais
avec elle, j’en avais envie. Je voulais qu’elle se sente chérie. Bon sang, c’était dangereux.
— Non, lui répondis-je honnêtement.
Je rejoignis mon côté du véhicule. La séduire n’était pas inscrit au programme. Ni la traiter
comme s’il pourrait y avoir plus entre nous.
Je grimpai à bord. Je n’étais pas sûr de savoir comment relancer la conversation.
Ce fut elle qui brisa le silence.
— Je suis désolée. Je ne voulais pas paraître impolie, dit-elle.
Je rendais les choses bizarres. J’allais devoir travailler là-dessus si je voulais que ça fonctionne
entre nous.
— Non, tu as raison. C’est juste que je n’ai pas d’amies filles et je ne suis pas très doué pour
trouver l’équilibre entre ce que je devrais faire ou pas.
— Donc, tu joues les portiers pendant tes rendez-vous amoureux ? C’est très chevaleresque de ta
part. Ta mère t’a bien élevé.
Elle semblait presque jalouse. Mais… non. Cela n’avait aucun sens.
— En fait, non, je ne le fais pas. Je… Tu… tu donnes l’impression d’être une de ces filles qui
méritent qu’on leur ouvre la porte. C’est comme cela que je vois les choses. Mais je comprends ce
que tu veux dire. Si nous devons être amis, je dois fixer une limite et ne pas la dépasser.
Un léger sourire étira ses lèvres.
— Merci de me l’avoir ouverte. C’est gentil.
Je me contentai de hausser les épaules. Si j’ajoutais quoi que ce soit, je risquais de me
ridiculiser.
— Nous devons passer prendre Bethy au club. Elle sera au bureau, derrière le club house. Elle
devait travailler aujourd’hui. Elle se préparera là-bas, m’expliqua Blaire.
Je m’engageai dans cette direction. Blaire et Bethy ne semblaient pas avoir grand-chose en
commun. L’idée qu’elles soient proches ne collait pas.
— Comment Bethy et toi êtes devenues amies ?
— Nous avons travaillé ensemble une journée. Je pense que nous avons toutes les deux besoin
d’amitié. Elle est drôle et d’esprit libre. Tout ce que je ne suis pas.
Je ne pus retenir un rire.
— Tu dis ça comme si c’était une mauvaise chose. J’ai l’impression que tu ne veux pas
ressembler à Bethy.
Elle n’argumenta pas. Elle avait au moins conscience que Bethy n’était pas un modèle à suivre.
Comme elle n’ajoutait rien, je me concentrai sur le chemin menant au club et non sur ses jambes,
qu’elle venait juste de croiser, ce qui avait encore raccourci sa jupe. Elles étaient vraiment superbes.
Le léger bronzage qu’elle avait acquis à la plage rendait sa peau luisante.
Je frissonnai à l’idée de ces mêmes jambes enroulées autour de moi. Je gardai les yeux sur la
route, et lorsqu’elle gigota sur son siège, je ne bronchai pas. Bon sang, elle déplaçait encore ses
jambes.
Quand nous fûmes garés devant le bureau, Blaire ouvrit sa portière et sauta de voiture. Merde.
Allait-elle laisser Bethy prendre sa place ? Je n’en avais aucune envie.
Elle se dirigeait vers la porte lorsque celle-ci s’ouvrit. Bethy fit son apparition, habillée comme
une professionnelle du sexe. Un short en cuir rouge ? Vraiment ?
— Bon sang, que fais-tu dans l’une des bagnoles de Rush ? demanda-t-elle, son regard passant de
Blaire au Range avant de revenir se poser sur son amie.
— Il vient avec nous. Lui aussi avait envie de découvrir un rade country. Du coup…
Blaire me jeta un rapide coup d’œil.
— Ça va sérieusement réduire tes chances de trouver un mec, fit remarquer Bethy en descendant
les marches. (Puis elle s’arrêta pour étudier les vêtements de Blaire.) Ou pas. Tu es sexy. Enfin, je
veux dire, je savais que tu étais superbe, mais avec ces vêtements, tu es canon. J’aimerais avoir des
vraies santiags. Où les as-tu trouvées ?
Tu m’étonnes. Blaire avait l’air tout bonnement incroyable. Je n’avais pas passé beaucoup de
temps avec Bethy, mais j’appréciais qu’elle ne soit pas vache au point de ne pas reconnaître que
Blaire était éblouissante.
— Merci, et quant aux bottes, ma mère me les a offertes à Noël il y a deux ans. Elles lui
appartenaient. Je les adorais depuis qu’elle les avait achetées, et après qu’elle a… après… qu’elle a
été malade, elle me les a passées.
Mon cœur se serra. Je ne savais pas qu’elles avaient appartenu à sa mère. Merde. J’avais nourri
des pensées cochonnes sur tout ce que je pourrais lui faire avec ces bottes aux pieds alors qu’il
s’agissait d’un souvenir de sa mère. Je me sentais minable.
— Ta mère est tombée malade ? demanda Bethy.
Apparemment, elles n’avaient pas papoté tant que ça. Ou alors, j’étais le seul à qui Blaire avait
parlé de sa mère ?
— Ouais. Mais c’est une autre histoire. Viens, allons nous chercher des cow-boys, dit Blaire en
éludant la question.
Elle avait dans l’idée de se trouver un cow-boy ? Bon sang, soudain, respirer était difficile. Elle
n’aurait aucun mal à y parvenir. Ils allaient tous se ruer sur elle en la voyant. Impossible de
l’empêcher de s’amuser. Sinon, elle ne me laisserait plus l’accompagner lors de ses sorties.
Trouver le moyen de ne pas la lâcher tout en ne lui marchant pas sur les pieds n’allait pas être
évident. Ça allait même être compliqué comme tout. Surtout quand j’aurais envie d’arracher les bras
à quiconque rêverait de poser un doigt sur elle. Je ne pouvais rien promettre si quelqu’un lui
caressait les fesses. Il l’aurait cherché.
Bethy avança nonchalamment vers le Range Rover en me souriant comme si elle connaissait mon
secret. Puis elle alla ouvrir la portière passager.
— Je te laisse aller à l’avant, dit-elle à Blaire, parce que j’ai le sentiment que c’est là que le
chauffeur te veut.
Ses cheveux lui cachaient à moitié le visage. Elle me balança un clin d’œil.
Hum. Cette fille n’était pas si horrible que ça, après tout.
Blaire reprit sa place et me sourit.
— En avant la musique ! lança-t-elle avec une lueur dans le regard.
16
— Rush Finlay dans un bar country, mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu. Quelle drôle d’idée, dit
Bethy d’un ton amusé, qui impliquait qu’elle connaissait exactement les raisons de ma présence.
— Marrant, reconnus-je. Où va-t-on, Bethy ?
Mon but était de la distraire afin qu’elle ne pousse pas plus loin ses plaisanteries et n’embarrasse
pas Blaire.
— Prends la direction de l’Alabama. C’est à quarante minutes d’ici, me répondit-elle.
Je me doutais que cela ne devait pas être tout près. Il n’y avait aucun endroit à Rosemary Beach
ou dans les environs immédiats où on aurait trouvé des clients de saloon.
Bethy se lança dans le récit de sa journée, détaillant tout ce que Blaire avait manqué. Il s’agissait
d’une histoire entre les filles des voiturettes. Apparemment, l’une d’entre elles craquait sur Jimmy,
serveur au restaurant du club. Elle s’en était prise à une autre parce que cette dernière flirtait avec
Jimmy. Il était aussi très apprécié des cougars du club. Seul problème : il préférait les hommes. Ce
qui restait un secret, parce qu’il aimait par ailleurs les pourboires qu’il recevait des femmes plus
mûres. Bref, toutes perdaient leur temps. La plupart des filles ne savaient pas qu’il ne partageait pas
leurs goûts.
Blaire trouva ça drôle et j’aimais l’entendre rire. J’avais même baissé la musique pour mieux
prêter l’oreille à ce que les deux filles se racontaient. Blaire essaya de m’inclure un peu dans la
conversation, mais elle se contenta surtout d’écouter Bethy.
Nous nous arrêtâmes devant un bar que je reconnus. J’aurais dû savoir que c’était là que nous
allions lorsque Bethy avait parlé de l’Alabama. Il ne s’agissait pas d’un bar quelconque. Il était
connu. Des bouseux venaient de partout pour y descendre une bière.
Blaire ouvrit sa portière avant que j’aie contourné le 4 × 4. Je décidai de la laisser s’amuser un
peu. Enfin, autant que cela m’était possible. J’avançai à leurs côtés pendant que Bethy parlait du bar
et expliquait pourquoi il était connu. J’ouvris la porte et laissai les filles passer. Blaire écarquilla les
yeux en découvrant les lieux. Bethy annonça que le groupe allait bientôt jouer, et le sourire de Blaire
s’élargit encore. Je regardais droit devant moi. Je savais que des hommes la reluquaient et je n’étais
pas sûr de réussir à le supporter. Je préférais rester concentré sur elle. Puis Bethy évoqua des shots
de tequila. Mauvaise idée.
Je me plaçai derrière Blaire et posai ma main dans le creux de ses reins. Elle ne s’en rendrait
peut-être pas compte, mais c’était un geste possessif et tous ces crétins sauraient ainsi que j’étais
avec elle. Je conduisis les filles vers un box libre éloigné de la piste de danse. La musique était si
forte que je ne parvenais pas à entendre la douce voix de Blaire.
Elle se glissa d’un côté. Je me positionnai de manière à ce que Bethy n’ait pas d’autre choix que
me marcher dessus pour s’installer à côté d’elle, ou s’asseoir en face. Puis, je pris place à côté de
Blaire. Bethy ne fut pas dupe et me lança un regard noir. Elle souhaitait que Blaire se lance dans la
chasse aux cow-boys, ce soir.
Ce que je ne comptais pas faciliter. Même si Blaire en avait envie, je n’étais pas sûr de parvenir
à la laisser libre d’agir à sa guise. Je risquais de botter le cul des prétendants.
— Qu’est-ce que tu veux boire ? lui demandai-je en me penchant vers son oreille pour ne pas
avoir à crier.
Ainsi, son parfum me parvenait aux narines.
— Je ne sais pas vraiment, répondit-elle en jetant un coup d’œil à Bethy. Qu’est-ce que je prends
? lui demanda-t-elle.
Bethy eut l’air surprise et se mit à rire.
— Tu n’as jamais bu auparavant ?
Évidemment que non. Bethy était donc incapable de s’en rendre compte au premier coup d’œil ?
— Je n’ai pas l’âge pour acheter de l’alcool. Et toi ? demanda-t-elle gentiment.
J’étais si content d’être venu. L’idée qu’une telle chose se produise sans que je sois là pour la
protéger me rendait malade.
Bethy applaudit comme si elle ne tenait plus en place à l’idée que l’innocence de Blaire aille
jusque-là.
— On va bien s’amuser. Et oui, j’ai vingt et un ans, ou tout du moins, c’est ce qu’affirme ma
pièce d’identité. (Elle reporta son attention sur moi.) Laisse-la sortir. Je l’emmène au bar.
Ben tiens ! Je me tournai vers Blaire, ignorant Bethy.
— Tu n’as jamais bu d’alcool ?
— Nan. Mais j’entends y remédier ce soir, lança-t-elle avec détermination.
Trop mignon.
— Alors, vas-y doucement. Ton seuil de tolérance ne sera pas très élevé. (J’attrapai le bras d’une
serveuse qui passait. Je devais avant tout nourrir Blaire.) Nous voudrions un menu.
— Pourquoi commandes-tu à manger ? Nous sommes ici pour rien d’autre que boire et danser
avec des cow-boys, intervint Bethy avec colère.
Qu’elle aille se faire foutre. Pas question que je la laisse être nocive pour Blaire. Et si cette
dernière s’y prenait mal, l’alcool risquait de l’être. Quant à Bethy, si elle tenait à s’y opposer, alors il
y aurait un problème.
— Elle n’a jamais absorbé une seule goutte d’alcool. Elle doit d’abord manger ou dans deux
heures elle se retrouvera pliée en deux à vomir ses tripes et à te maudire.
Bethy agita sa main devant moi comme si je parlais chinois.
— Comme tu veux, papa Rush. Je vais aller me chercher quelque chose à boire et je vais prendre
quelque chose pour elle aussi. Alors nourris-la vite.
La serveuse était de retour avec le menu, que je pris avant de reporter mon attention sur Blaire.
— Choisis quelque chose. Quoi qu’en dise notre ivrogne de diva, tu as d’abord besoin d’avaler
quelque chose de consistant.
Blaire opina en mon sens. Elle n’aimait pas non plus l’idée d’être malade. Au moins, elle se
montrait prudente. Ce dont j’étais reconnaissant. En revanche, je n’éprouvais rien de ce genre envers
Bethy. Je n’aimais pas l’idée qu’elles deviennent proches, toutes les deux.
— Les frites recouvertes de fromage me tentent bien, avoua Blaire à voix presque trop basse.
Je ne comptais pas perdre mon temps. Bethy partie au bar, je tenais à ce que Blaire mange sans
tarder. Je fis signe à la serveuse.
— Frites au fromage, deux portions, et un grand verre d’eau, lui ordonnai-je.
Elle acquiesça et s’éloigna rapidement. Je me sentais mieux de savoir la commande en cours. Et
du fait que je regarderais bientôt Blaire manger. Ce genre de désir était tordu, mais toute cette
histoire de sandwich au beurre de cacahuète me bouffait le crâne.
— Te voilà donc dans un bar country. Est-ce que tout est comme tu l’espérais ? Parce que je vais
être sincère, cette musique est pénible.
Je m’appuyai contre mon dossier et observai Blaire. À dire vrai, je n’avais pas vraiment prêté
attention à la musique depuis notre arrivée. J’étais bien trop occupé à essayer de lui faire avaler
quelque chose.
Elle haussa les épaules et étudia la salle.
— Je viens juste d’arriver et n’ai pas encore bu ou dansé, alors je te dirai après.
Elle voulait danser ? Génial.
— Tu veux danser ?
— Oui. Mais j’ai d’abord besoin d’une dose de courage et de quelqu’un qui m’inviterait.
— Je viens juste de le faire.
Je voulais être celui qui la tiendrait durant ces lents slows country. Moi, et pas un quelconque
cow-boy ivre.
Blaire se pencha en avant et posa les coudes sur la table avant d’appuyer son menton sur ses
mains. Elle planta son regard dans le mien.
— Tu penses que c’est une bonne idée ?
Je n’avais pas besoin de lui demander pourquoi elle posait la question. Nous savions tous les
deux ce qu’il se passait lorsque nous nous touchions ou nous approchions trop l’un de l’autre. Je
perdais tout contrôle sur moi-même. Elle voulait un ami. Rien de plus. Elle était futée.
— Probablement pas, reconnus-je.
Elle acquiesça.
La serveuse fit glisser notre commande devant nous, ainsi qu’un pichet d’eau glacée. Blaire se
saisit rapidement d’une frite et mordit dedans.
Je ne pus m’empêcher de sourire.
— C’est meilleur que les sandwichs au beurre de cacahuète, non ?
Elle m’offrit un large sourire et opina en attrapant une nouvelle frite. Pour ma part, je n’allais pas
être capable de me joindre au festin. Elle était bien trop fascinante.
— J’ai pensé que tu devais commencer avec un truc facile, lança Bethy en reprenant sa place
dans le box. La tequila est une boisson de grande fille. Tu n’es pas encore prête pour ça. C’est de la
liqueur de citron. C’est sucré et c’est bon.
Merde, elle apportait leurs verres. Qu’est-ce qui n’allait pas avec la bière ? Les filles voulaient
toujours ce genre de trucs sucrés et finissaient complètement imbibées.
— Mange encore quelques frites, poussai-je Blaire.
Elle ne discuta pas. Je l’observai. Puis elle se saisit de son verre.
— OK, je suis prête, dit-elle en souriant à Bethy.
Elles soulevèrent leurs verres d’un même geste et les portèrent à leurs lèvres. Blaire renversa la
tête en arrière et descendit sa boisson trop sucrée. Ça lui plairait. Parviendrais-je à m’en sortir avec
une Blaire ivre ?
— Mange, dis-je simplement quand nos yeux se rencontrèrent par-dessus le rebord de son verre.
Elle serra les lèvres mais un gloussement lui échappa. Voilà qu’elle se moquait de moi,
maintenant. Un seul foutu verre, et elle gloussait.
— J’ai rencontré des types au bar, reprit Bethy. Je t’ai montrée du doigt quand j’étais avec eux et
depuis que je vous ai rejoints, ils nous observent. Prête à te faire de nouveaux amis ?
Oh bordel, non. Je me rapprochai de Blaire, luttant contre le désir pressant de la garder assise là.
Elle avait envie d’y aller. Nous étions là pour qu’elle s’amuse.
Elle hocha la tête et me jeta un regard.
— Laisse-la passer, Rush. Tu peux garder nos places au chaud au cas où nous reviendrions, me
lança Bethy, que je semblais de nouveau excéder.
C’était la dernière chose dont j’avais envie. Elle était en sécurité ici, avec moi. Si je pouvais
sentir son doux parfum, alors il en serait de même pour ce blaireau qui la matait. Comme je détestais
ça !
Blaire avait l’air pleine d’espoir et je devinais son impatience. Impossible de l’empêcher de
vivre ces moments. Elle était passée à côté de tant de choses. Je me glissai hors du box avec
réticence et la laissai passer.
— Fais attention à toi. Je reste là si tu as besoin de moi, lui murmurai-je à l’oreille quand elle me
dépassa.
Elle hocha la tête puis se tourna vers moi comme si elle allait changer d’avis. Je l’emmènerais
hors d’ici en deux temps trois mouvements. Elle n’avait qu’un mot à dire.
— Viens, Blaire, lança Bethy. Il est temps de mettre en valeur tes attributs pour obtenir des verres
gratuits et des hommes. Tu es la pote la plus sexy que j’aie jamais eue. On va se marrer. Ne
mentionne juste pas à ces types que tu as dix-neuf ans, tout le monde pense que tu en as vingt et un.
Je serrai les poings en me rasseyant dans mon box maintenant vide.
— OK, répondit Blaire.
J’évitai de la regarder s’éloigner. Je serais alors incapable de ne pas lui emboîter le pas.
Je ne regarderais pas. Je ne regarderais pas.
Ah, ben si, tant pis. Je me tournais pour la suivre des yeux quand une blonde vint s’installer en
face de moi.
— Tu détonnes tellement ici, dit-elle avec un accent du Sud traînant plus prononcé que celui dont
j’avais l’habitude.
Je jetai un coup d’œil à Blaire. Elle souriait à un gars aux cheveux bouclés. Merde. Mais bon,
elle était contente. Il ne la touchait pas. Elle donnait l’impression de passer du bon temps. Il fallait
que je la laisse libre. Si je n’avais pas eu à conduire, j’aurais bu. Cela aurait rendu les choses plus
faciles à supporter.
— Elle est avec toi ? demanda la fille en agitant sa jambe sous mon nez.
Je me tournai vers elle.
— Non. Elle est… Nous sommes amis, expliquai-je.
La blonde se pencha en avant, m’offrant une vue de premier plan sur ses seins rebondis qui
étaient tout sauf naturels.
Je militais pour l’égalité des chances, et cela ne me posait pas de problème qu’ils soient faux.
Une jolie poitrine reste une jolie poitrine. Ce qui était le cas de la sienne. Seulement, je n’étais pas
intéressé. Je devais surveiller Blaire.
— Elle est dingue de partir pour quelqu’un comme lui quand il y a un type comme toi qui est
assis là à l’attendre, me dit la fille en rapprochant sa jambe.
Je reportai mon attention sur Blaire, qui parlait maintenant à un autre mec. Bethy était avec celui
aux cheveux bouclés. Blaire avait l’air de très bien s’en sortir. Je devais arrêter de la surveiller.
— Elle… heu… C’est sa première fois dans un bar. Elle explore de nouvelles voies, dis-je en
revenant à la blonde.
Elle déplaça sa jambe de manière à poser sa botte sur mon siège. Je baissai les yeux et me
retrouvai avec une vue plongeante sous sa jupe. Dessous rouge. Sympa.
Je glissai un doigt le long de sa cuisse avant de baisser sa jupe pour qu’elle ne s’exhibe pas alors
que tout le bar pouvait la voir… tout le bar, ou Blaire.
— Tu pourrais peut-être serrer les cuisses, dis-je avec un sourire pour rendre la pilule moins
amère.
Elle rit et vint s’installer près de moi.
— Peut-être que si je m’assois ici, tu pourras continuer à surveiller ton amie qui semble très bien
s’amuser toute seule. Et si j’écarte les jambes, personne d’autre que nous deux ne s’en apercevra,
répondit-elle en se penchant vers moi, ses seins de nouveau offerts.
Que le désir de jouer avec ces joujoux qu’elle me mettait intentionnellement sous le nez s’éveille
en moi était une possibilité. Je n’aurais peut-être pas autant les nerfs en pelote, alors. Mais ne pas
voir Blaire m’énervait trop.
— Écoute, tu es sexy, aucun doute là-dessus. Mais je suis ici pour veiller sur mon amie,
expliquai-je.
Je venais de repérer Blaire qui s’avançait vers la piste de danse en compagnie du type avec
lequel elle parlait plus tôt. C’était maintenant lui qui avait la main sur ses reins. Pas moi. J’éprouvai
un douloureux élancement de jalousie, et c’était bien la première fois. Mais bon sang, lorsqu’elle
s’empare de vous, il est impossible de ne pas le sentir. Vous comprenez immédiatement de quoi il
s’agit.
— Tu vois, elle danse. Elle ne s’inquiète pas du tout de toi, dit la blonde en se collant encore
plus à moi et en commençant à me caresser la cuisse.
J’agrippai sa main avant qu’elle n’atteigne mon sexe. Même si je n’avais pas envie de coucher
avec elle, ce dernier réagirait et lui donnerait une idée fausse sur la situation. Je ramenai sa main sur
sa propre jambe.
— Elle te tient bien serré dans ses filets, hein ? Bon sang. (Elle haussa les épaules en jetant un
coup d’œil à Blaire.) J’imagine que ce truc de fraîcheur et de jeunesse fonctionne pour les hommes.
Mais tout le monde vieillit. Elle ne sera pas toujours aussi jeune et attirante.
Elle se plantait sur toute la ligne. La plupart des femmes comme elle tenaient le même
raisonnement. Elles ne comprenaient pas qu’un homme puisse désirer quelqu’un pour autre chose que
son apparence. Que ce n’était pas toujours le sexe qui les attirait. Parfois, c’était plus. Plus…
— Je peux te la faire oublier, dit la blonde, approchant ses lèvres des miennes.
— Waouh.
J’agrippai son visage pour l’arrêter. Je n’embrassais pas. Pas les bouches dont je savais qu’elles
étaient descendues sur d’innombrables sexes.
— Ne t’engage pas sur cette voie, ma belle. Désolé, mais tu as raison. Elle m’a ensorcelé. Elle
ne veut peut-être pas de moi de cette manière, mais elle a toute mon attention. Personne d’autre ne
pourra se comparer à elle.
La fille afficha une moue ridicule puis frotta sa jambe contre la mienne. Elle ne laissait pas
tomber facilement.
— Un baiser. Un seul bon baiser, dit-elle en se penchant de nouveau vers moi.
Cette fois-ci, je dus la retenir de force.
— Je n’embrasse pas les bouches qui ont sucé une queue qui n’est pas la mienne, dis-je
brutalement, sachant que cela l’arrêterait.
Elle se figea, haussa les sourcils.
— Tu veux dire que tu ne te tapes que des vierges ? demanda-t-elle, incrédule.
Je ris et secouai la tête.
— Non, je veux dire que je n’embrasse pas. Je baise, mais je n’embrasse pas, clarifiai-je.
Elle recula.
— Vraiment ? Et ça ne gêne personne ?
J’étais sur le point de répondre quand je remarquai que le type avec lequel dansait Blaire était
maintenant seul sur la piste. Merde ! Où était-elle ?
— Bouge, exigeai-je en poussant la fille pour sortir du box. Maintenant, accélère ! criai-je.
Elle recula en vitesse, furieuse, mais je n’avais pas le temps de m’expliquer. Blaire était partie,
mais quand ? J’étais supposé ne pas la lâcher des yeux. J’étais nul pour ça.
Il fallait que je la trouve. Son partenaire se dirigeait vers la sortie, mais une nana quelconque le
retint et détourna son attention. Je m’occuperais de lui plus tard si besoin était. À la minute présente,
j’allais voir dehors si Blaire s’y trouvait.
17
J’avais le cœur qui battait si vite que, lorsque je la vis appuyée contre le mur du bar, le
soulagement me coupa presque les jambes. Elle était là. Elle allait bien.
— Blaire ? l’appelai-je.
Elle se tenait les bras croisés, dans une attitude défensive. Je n’étais pas sûr de ce qu’il s’était
passé à l’intérieur, mais si ce plouc avait dépassé les bornes, je lui arracherais les bras.
— Oui, répondit-elle.
Il y avait comme une hésitation dans sa voix. Quelque chose n’allait pas. Elle ne se ressemblait
pas.
— Je n’arrivais pas à te trouver. Pourquoi es-tu là dehors ? Ce n’est pas prudent.
— Je vais bien. Retourne à l’intérieur continuer ta distribution de galoches dans notre box.
Elle était jalouse. Merde. Mais j’avais envie qu’elle le soit. Cela envoyait dans tout mon corps
une chaleur que je savais déplacée. Pour autant, impossible de l’empêcher. J’aimais savoir qu’elle
était jalouse. Même si elle n’avait aucune raison de l’être.
— Pourquoi es-tu là dehors ? demandai-je en avançant lentement d’un pas de plus vers elle.
— Parce que j’en ai envie, dit-elle en me balançant un regard noir.
— La fête se passe à l’intérieur. Ce n’est pas ce que tu voulais ? Un bar country avec des hommes
et de l’alcool ? Tu rates tout ici.
J’essayais de détendre l’atmosphère. Vu l’expression de son visage, il était clair que cela ne
marchait pas. Elle était vraiment furax. Tout ça parce qu’elle s’imaginait que j’avais embrassé
goulûment la blonde qui s’était incrustée ?
— Dégage, Rush, lança-t-elle brutalement.
Eh bien, elle était super en colère contre moi. Je n’avais rien fait. C’était elle qui avait dansé
avec l’aspirant cow-boy.
Je fis un pas de plus. Je n’arrivais pas à bien distinguer son visage dans l’obscurité.
— Non. Je veux savoir ce qu’il s’est passé.
Elle était bouleversée, et j’avais du mal à croire que c’était uniquement à cause de la fille qui
m’avait tenu compagnie. Il devait y avoir autre chose.
Blaire me repoussa des deux mains, d’un coup à la poitrine.
— Tu veux savoir ce qu’il s’est passé ? TOI, Rush. Voilà ce qu’il y a.
Elle criait. Elle se détourna et s’éloigna. Mais c’était quoi, ce bordel ?
Je la rattrapai avant qu’elle ne puisse aller bien loin. Je n’allais pas laisser passer ça. Elle était
furieuse, mais cela n’avait aucun sens. Toute cette colère, alors même qu’elle m’avait déjà vu avec
d’autres femmes. Elle-même dansait avec un autre à peine quelques minutes plus tôt. Est-ce que tout
avait changé pour elle aussi ? N’étais-je plus le seul dans cette galère ? Parce que si elle voulait aller
plus loin, je ne serais pas capable de dire non. J’étais au-delà de ça.
— Qu’est-ce que cela veut dire, Blaire ? demandai-je en l’attirant contre ma poitrine.
Elle se tortilla dans mes bras, poussant de petits grognements frustrés.
— Lâche-moi, lança-t-elle en détachant chaque syllabe.
Même pas en rêve.
— Pas avant que tu ne m’aies expliqué quel est ton problème, répliquai-je.
Elle se débattit plus vivement, mais je n’avais pas de mal à la retenir. Je ne voulais pas qu’elle
souffre par ma faute ; pour autant, j’avais besoin de comprendre ce qui n’allait pas. Soit c’était moi la
cause de son humeur, soit c’était le mec du bar.
— Je n’aime pas te voir toucher d’autres femmes. Et lorsque d’autres hommes me tripotent les
fesses, je déteste ça. Je veux que cela soit toi qui me caresses là. Que tu en aies envie. Mais ce n’est
pas le cas, et je dois faire avec. Maintenant, lâche-moi !
Je ne m’attendais pas à ça. Ayant l’avantage de la surprise, elle se libéra et s’enfuit en courant. Je
me demandais bien où elle s’imaginait aller toute seule dans le noir.
Elle avait envie que je la touche… Là. Merde. J’étais foutu. Je serais incapable de résister. Si je
voulais nous épargner à tous les deux des souffrances futures, je n’avais qu’à tourner les talons et
rejoindre le bar. Mais bon sang, je ne trouvais pas en moi la force nécessaire pour lutter contre mon
propre désir. J’avais envie d’elle. À tel point que j’étais prêt à faire en sorte que cela marche entre
nous. Me l’interdire était une chose, en priver Blaire en était une autre.
Je ne réfléchis pas. Impossible. Je réagis à l’instinct.
Je m’élançai à sa suite.
Quand j’arrivai près du Range Rover, je déverrouillai les portières. Ce soir, je caresserais
Blaire. Tout de suite. Putain. Ce qui était la chose la plus stupide qui soit. Pour nous deux. Mais je
n’en avais plus rien à foutre. J’allais prendre ce que je désirais. Ce qu’elle désirait.
— Monte ou je te fais monter, lui ordonnai-je.
Elle écarquilla les yeux sous le coup de la surprise et grimpa maladroitement à l’arrière. Son
petit cul sexy pointait en l’air et mon sexe durcit immédiatement. Seigneur, pourquoi étais-je si
sensible à sa présence ? Je ne devrais pas agir ainsi. Blaire était la seule femme au monde qui m’était
interdite. Elle n’était au courant de rien au sujet de Nan, de son père et de moi. Tout cela finirait par
me détruire. Ou peut-être pas. Peut-être m’écouterait-elle. Et comprendrait tout.
Je montai en voiture derrière elle.
— Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle.
Je ne répondis rien, ne sachant pas vraiment que dire. Je la plaquai au siège et la goûtai une
nouvelle fois. L’innocence qui se déversait d’elle était envoûtante. Elle était pure. De corps et
d’esprit. Elle n’était pas malveillante. Elle ne cherchait pas à se venger. Elle avait confiance en moi.
J’étais le pire salaud de la planète.
J’agrippai ses hanches de manière à m’installer entre ses cuisses. J’avais besoin de ce lien. De
cette chaleur. Blaire ne résista pas, au contraire, elle s’empressa de répondre à ma sollicitation. Je
voulais qu’elle devienne mienne. Totalement. Mais ce n’était pas conseillé. Trop de choses nous
séparaient. Des choses qu’elle ne me pardonnerait jamais. Qu’elle ne comprendrait jamais. Je
cherchai frénétiquement l’ourlet de sa chemise.
— Retire-la, dis-je en soulevant le vêtement au-dessus de sa tête avant de le jeter sur le siège
avant.
La peau douce et parfaite de sa poitrine luisait au-dessus de son soutien-gorge en dentelle. Je
voulais la voir entièrement. La goûter.
— Je te veux sans rien, douce Blaire.
Je décrochai l’agrafe de son soutien-gorge avant de le glisser le long de ses bras. Elle était
superbe. Ce que j’avais toujours su. Mais voir ses tétons roses dressés sur sa peau crémeuse me fit
prendre conscience que je serais incapable de revenir en arrière.
— Voilà pourquoi j’ai essayé de ne pas t’approcher. Blaire, je ne vais pas pouvoir stopper ça.
Pas maintenant.
Lorsqu’on vous tend un bout de paradis, c’est impossible à ignorer. J’avais du mal à respirer
quand je l’attirai plus près de moi et baissai la tête pour prendre dans ma bouche l’un de ses
mamelons et le sucer, comme j’avais imaginé le faire à plus d’une reprise.
Blaire agrippa mes épaules et cria mon nom. Le peu de contrôle que je croyais encore posséder
sur moi-même s’envola. Je relâchai son sein pour lui montrer le barbell sur ma langue qui l’avait tant
intéressée, puis je le fis courir sur sa peau.
— Tu as un goût de bonbon. Les filles ne devraient pas avoir un goût si sucré. C’est dangereux, le
prévins-je.
Le nez parcourant son décolleté, j’inspirai profondément.
— Et ton parfum est incroyable, ajoutai-je.
Rien ne sentirait jamais aussi bon qu’elle. Rien. Elle avait les lèvres entrouvertes et respirait à
coups de petits halètements quand je pris ses seins en coupe. Cette bouche et cette poitrine.
Impossible de me les sortir de l’esprit. Je n’avais jamais été du genre à embrasser facilement. Mais
avec Blaire, je n’arrivais à penser à rien d’autre. Elle avait une saveur si douce et si fraîche. Sa
bouche n’appartenait qu’à moi quand je l’embrassais.
Je la taquinai en titillant ses tétons et elle gémit. Ses petites mains s’insinuèrent sous mon tee-
shirt et commencèrent à explorer mon ventre. Elle passait beaucoup de temps sur mes abdos, ce qui
amena un sourire à mes lèvres. Ma nana aimait mon corps. Il fallait que je me débrouille pour rendre
mon torse plus accessible à ses doigts.
D’une main, je me débarrassai de mon tee-shirt avant de revenir à nos baisers. Elle avait
maintenant les lèvres gonflées. J’adorais la sensation qu’elles me procuraient.
Blaire se cambra, frottant ses seins contre mon torse maintenant nu et j’en oubliai de respirer.
Merde, c’était trop bon. C’était si simple, mais complètement incroyable parce que c’était Blaire.
Tout avec elle me donnait le sentiment d’être nouveau. Je ne voulais rien manquer. Je voulais
m’immerger dans chaque gémissement et dans chaque cri qui lui échappaient.
Je la pris dans mes bras et la collai contre moi. Elle s’agrippa à mon dos et l’excitation lui fit
pousser un cri.
— Douce Blaire.
J’emprisonnai sa lèvre inférieure entre les miennes et la suçai. J’adorais son côté charnu. Je
pourrais passer des heures rien qu’à jouer avec sa bouche. Mais elle se tortilla sous moi et écarta
plus largement les cuisses. Je savais exactement ce qu’elle cherchait, même si elle n’en était pas
complètement sûre.
J’avais envie de prendre mon temps et de la chérir, mais son petit corps sexy était dominé par le
désir et bougeait follement sous moi. Je lui touchai le genou. Elle sursauta avant de se figer.
Lentement, ma main remonta le long de sa cuisse, lui donnant le temps de m’arrêter si elle trouvait
que tout cela allait trop vite.
Ses jambes s’ouvrirent totalement, comme une invitation, et le parfum de sa chaleur intime me
frappa. C’était si bon. Tellement, tellement bon. Cela dépassait l’imaginable. Je pris une profonde
inspiration avant de caresser d’un doigt le tissu mouillé de sa culotte.
Blaire tressaillit à mon contact et laissa échapper un petit sanglot. Seigneur, comment allais-je
parvenir à me contrôler ? C’était trop. Elle sentait trop bon, et les sons qui s’échappaient d’elle…
trop sexy !
— Doucement. Je veux juste voir si tu es aussi douce là qu’ailleurs, lui dis-je alors qu’elle
tremblait entre mes bras.
Elle ne voulait pas que je m’arrête. Ses frissons et son regard désespéré m’apprenaient tout ce
que j’avais besoin de savoir. Les yeux plantés dans les siens, je retins mon souffle et introduisis un
doigt sous le satin. Son humidité m’y attendait.
— Rush, murmura-t-elle d’un ton désespéré en serrant mon épaule.
— Chut, tout va bien.
Mais était-ce bien le cas ? Merde, elle était trempée, et son essence était ensorcelante. Toute la
voiture était imprégnée de l’odeur de son excitation. J’étais si proche de jouir dans mon jean que c’en
était ridicule. Elle ne m’avait même pas touché.
J’enfouis mon visage dans son cou, essayai de me concentrer sur son parfum et de reprendre le
contrôle de moi-même. Son désir était sur le point de m’achever.
— C’est putain de trop, grognai-je.
Puis mon doigt pénétra sa fente chaude et humide. Elle s’agita sous moi et cria mon nom. Oh,
Seigneur. J’haletais. Impossible de reprendre mon souffle. Je m’enfonçai dans l’étroitesse qui
m’attendait et ses muscles se refermèrent sur mon doigt.
— Merde. Bordel. Humide, sexy… sacrément sexy. Et mon Dieu, tu es si étroite.
Mes mots éperdus étaient à l’unisson de mes sentiments. Rien ne devrait être aussi agréable que
ça.
— Rush, s’il te plaît, supplia-t-elle. Je veux…
Elle n’acheva pas, parce qu’elle était si pure qu’il lui était impossible de savoir ce qu’elle
voulait. Seigneur, elle me possédait. C’était foutu. Elle m’avait. La laisser partir était inenvisageable.
Plus maintenant. J’étais ensorcelé.
Je déposai un baiser sur son menton quand elle se cambra, la tête rejetée en arrière.
— Je sais ce que tu veux. Je ne suis juste pas sûr de pouvoir te regarder l’obtenir. Tu m’as offert
tout un tas de sensations excitantes, ma belle. Je fais de mon mieux pour être un bon garçon. Je ne
peux pas me laisser aller à l’arrière d’une bon Dieu de bagnole.
Elle secoua la tête en tous sens.
— S’il te plaît, conduis-toi mal, s’il te plaît.
La vache.
— Merde, arrête. Je vais exploser. Je vais t’offrir le plaisir que tu cherches, mais lorsque je
serai enfin en toi pour la première fois, tu ne seras pas étendue à l’arrière de ma voiture. Tu seras
dans mon lit.
Je ne la prendrais pas sur le siège arrière. Elle était bien trop précieuse pour ça.
Mon pouce courait sur son clitoris pendant que mon doigt allait et venait dans son intimité avide.
Elle s’accrocha à moi, soufflant mon nom. Ses supplications allaient me tuer. Une seule pensée
m’obsédait : comment ce serait d’être enfoui dans ce paradis pendant qu’elle me supplierait de la
mener à l’orgasme. Merde, je n’allais pas pouvoir me contenir.
— Voilà, jouis pour moi, Blaire. Viens sur ma main et laisse-moi sentir ton orgasme. Je veux te
voir.
Je n’étais pas sûr qu’elle comprenne même mes mots, mais rester silencieux n’était pas une
option.
— Ruuuuush !
Elle cria mon nom et se mit à chevaucher ma main en tremblant. Elle s’agrippa à moi comme si
elle craignait de tomber. Je la tins pendant qu’elle gémissait encore mon nom. Mon monde explosa et
je penchai la tête pour la sentir, tremblant à mon tour, incapable de croire ce qu’il venait de se passer.
— Ah, ouais, ça y est. Tu es si belle.
Je laissai les vagues du plaisir la balayer. Sa prise sur moi se détendit et un doux sourire
léthargique effleura ses lèvres. Je retirai ma main d’entre ses jambes et savourai son odeur avant de
lécher mon doigt et de la goûter ainsi.
Elle était encore meilleure que ce à quoi je m’étais attendu. Comment était-ce même possible ?
Elle battit des paupières avant d’ouvrir les yeux et de les fixer sur moi.
Je sus à quel moment précis elle comprit quel doigt je suçais. Son air choqué laissa la place à
une roseur sur ses joues. Elle venait juste d’atteindre l’orgasme en criant mon nom, mais me voir
découvrir son parfum intime sur mon doigt la mettait mal à l’aise.
— J’avais raison. Tu es tout aussi douce dedans que dehors, lui dis-je juste pour voir si ses yeux
s’écarquilleraient encore plus.
Elle serra les paupières.
Je me mis à rire. Elle était parfaite.
— Oh, allons, douce Blaire. Tu viens juste de jouir, sauvage et sexy, sur ma main, et m’as même
laissé des marques de griffures sur le dos pour le prouver. Ne te montre pas timide à mon égard
maintenant. Parce que, ma belle, sache qu’avant que la nuit soit finie, tu seras nue dans mon lit.
Et j’étais sérieux. Je la voulais dans mon lit. Et si les choses pouvaient être encore meilleures, je
ne l’en laisserais pas sortir.
Elle me jeta un coup d’œil en coin et l’intérêt que j’y devinai me fit ravaler un grognement. Je
n’irais pas plus loin dans cette voiture. Elle était trop bien pour ça. Je désirais lui offrir le meilleur
de tout. Y compris du sexe.
— Laisse-moi te rhabiller, puis j’irai chercher Bethy pour voir si elle a besoin que je la ramène
ou si elle s’est dégotée un cow-boy pour s’en charger.
Elle s’étira comme un chat et je serrai les poings pour m’empêcher de l’attraper et de lui voler un
baiser.
— OK, consentit-elle.
— Si je n’étais pas dur comme un silex, j’envisagerais de rester ici pour apprécier le petit regard
satisfait que tu arbores. J’aime savoir que c’est à moi que tu le dois. Mais il m’en faut plus, lui
chuchotai-je à l’oreille.
Elle se raidit avant de se détendre de nouveau contre moi. Bon sang, j’avais intérêt à trouver ses
vêtements – et vite.
18
J’attrapai son soutien-gorge et me concentrai sur ma tâche. Je déposai un baiser sur son épaule
avant de la couvrir de sa chemise. Elle m’avait laissé lui enfiler soutien-gorge et jupe sans protester,
et l’homme des cavernes en moi se frappait la poitrine. J’adorais m’occuper d’elle, et qu’elle me le
permette ne me rendait qu’un peu plus fou d’elle.
— Je préférerais que tu restes à l’intérieur de la voiture pendant que je vais chercher Bethy. Tu
as cette expression de plaisir sur le visage, et c’est méchamment sexy. Je ne veux pas me retrouver
pris dans une bagarre, lui dis-je une fois qu’elle fut rhabillée.
— Je suis venue ici avec Bethy parce que j’essayais de l’encourager à ne pas coucher à droite et
à gauche avec des types qui ne verraient jamais plus en elle qu’un passe-temps agréable. Puis, tu nous
as accompagnées et me voilà maintenant sur le siège arrière de ta voiture. Il me semble que je lui
dois une explication.
Elle avait l’air de s’inquiéter.
J’étais parti du principe que Bethy avait essayé de corrompre Blaire, mais il semblait que Blaire
était celle qui était allée vers Bethy. Intéressant. Ma douce Blaire essayait de sauver le monde.
Personne ne l’avait sauvée, elle. Jusqu’à maintenant. Il était sacrément temps que quelqu’un lui
montre à quel point elle était spéciale.
Elle m’observait nerveusement. S’imaginait-elle qu’elle venait juste de faire ce qu’elle essayait
d’empêcher Bethy d’accomplir ? Elle comprenait sûrement que cela n’avait rien à voir.
— Tu es en train de me dire que tu viens de faire exactement ce que tu l’as découragée
d’entreprendre ? (Je glissai une main dans ses cheveux.) Parce que je ne partage pas ce à quoi j’ai
goûté. Il ne s’agit pas uniquement d’un jeu. Il se peut que je sois légèrement accro.
Cela n’avait rien à voir avec la conduite de Bethy. Je n’aurais jamais touché Blaire si je n’avais
pas été sûr de vouloir qu’elle soit à moi. Personne d’autre ne la toucherait.
Je me penchai pour embrasser cette bouche que j’aimais tant. Déguster sa lèvre supérieure du
bout de la langue était devenu une des choses que je préférais au monde. Elle frissonnait toujours
sous cette caresse, et son goût était délicieux.
— Hmm, ouais. Reste ici. Je ferai en sorte que Bethy te rejoigne, murmurai-je contre sa bouche.
Elle hocha la tête en silence.
J’abandonnai la chaleur de son corps et ouvris la portière pour descendre de voiture. Il fallait
que je trouve Bethy et nous ramène à la maison. Je voulais Blaire dans ma chambre. Dans mon lit. En
avoir plus que ce que nous avions déjà eu. Je pouvais réparer le passé. Faire en sorte que tout aille
bien. Pour Blaire. Je n’avais pas le choix. Impossible de perdre ça.
De retour dans le bar, je cherchai Bethy des yeux. Elle était en compagnie d’un mec quelconque,
en train d’avaler un verre de ce qui semblait être une autre boisson pour filles. Génial. Je ne tenais
pas à ce qu’une Bethy ivre torpille mes plans. Blaire n’aurait pas la faculté de changer chez son amie
ce qui était bousillé depuis des années. Avant, Bethy était différente. Je me souvenais d’elle plus
jeune. Je l’avais vue avec Tripp. Ils avaient été proches, je crois, mais il s’était enfui et quand j’avais
revu Bethy, elle était allongée sous un type dont le père possédait des appartements tout le long de la
côte du golfe. Depuis, elle sautait tous les sales gosses héritiers de fonds de pension.
Son regard se posa sur moi et je lui indiquai de me rejoindre dehors avant de tourner les talons et
de retrouver l’air pur de la nuit. Blaire était toujours en sécurité dans mon Range.
— Vous avez disparu tous les deux, me lança Bethy qui avait du mal à articuler correctement.
Elle affichait un large sourire en avançant vers moi et je la rattrapai à la dernière seconde avant
qu’elle ne s’écrase au sol tête la première.
— Oups, gloussa-t-elle en s’affalant contre moi. Je ne sens plus mes pieds.
Impossible de la laisser là.
— On dirait bien qu’il va falloir que je te ramène chez toi.
Je la redressai.
— Quoi ? Non, non, non. J’ai pas envie de partir si tôt, répondit-elle en agitant un doigt dans ma
direction. Il faut que Blaire voie les nouveaux cow-boys que je nous ai trouvés. Elle va les adorer.
Soudain tendu, je la poussai vers la voiture.
— Blaire n’est plus intéressée par les cow-boys. Compris ? Plus de mecs pour elle. Elle rentre
avec moi.
J’étais en colère.
Bethy s’arrêta et chancela. Elle me regarda, les yeux ronds. Elle avait compris.
— Elle vit chez toi. Tu veux dire que tu la ramènes dans sa chambre ou dans la tienne ?
demanda-t-elle avant de roter et de se couvrir la bouche de la main.
— La mienne. Viens, maintenant.
Je l’obligeai à avancer.
— Oh merde. (Sa tentative de parler à voix basse échoua lamentablement.) Tu… Oh merde,
Rush, tu ne peux pas coucher avec elle. Elle… Je pense qu’elle est vierge.
Elle chuchotait de telle manière que tout le parking devait l’entendre.
— La ferme, Bethy, grondai-je en lui ouvrant la portière avant. Elle veut rentrer avec moi. Mais
avant tout, elle veut parler avec toi.
Ce n’était pas ainsi que j’avais envie de passer le trajet retour jusqu’à Rosemary Beach. J’avais
espéré pouvoir discuter avec Blaire. Et voilà qu’on se retrouvait avec une Bethy imbibée qui
évoquait la virginité de son amie. Merde.
— Eh bien, regarde-toi. Tu as roulé des pelles au mâle le plus sexy de Rosemary à l’arrière de
son Range Rover. Et moi qui pensais que tu cherchais un ouvrier, lança Bethy à Blaire.
— Monte, Bethy, avant de te retrouver sur le derrière, lui enjoignis-je.
Je ne désirais qu’une chose : qu’elle se taise.
— J’ai pas envie de partir. J’aimais bien Earl… À moins que ce ne soit Kevin ? Non, attends,
qu’est-ce qui est arrivé à Nash ? Je l’ai perdu… je crois, marmonna-t-elle en finissant par grimper
maladroitement à bord.
— Qui sont Earl et Kevin ? demanda Blaire.
Bethy tenta de s’accrocher à quelque chose et finit par tomber sur le siège, pratiquement sur les
genoux de Blaire.
— Earl est marié. Il a dit que non, mais il l’est. Ça se voyait. On les repère toujours.
Je fermai la portière puis fis le tour de la voiture pour aider Blaire à en descendre. Elle
voyagerait à l’avant avec moi. J’ouvris et lui tendis la main.
— N’essaie pas de comprendre le moindre mot qu’elle profère. Je l’ai trouvée au bar en train de
terminer une tournée de six tequilas frappées que Earl-le-marié lui a offerte. Elle est bourrée.
Je tenais à ce qu’elle ne porte aucune attention à ce que Bethy avait dit ou dirait, et qui pourrait la
toucher.
— Pas besoin de lui expliquer quoi que ce soit ce soir. Elle ne se rappellera rien demain matin,
ajoutai-je.
Blaire s’inquiétait de mettre les choses au clair avec Bethy alors que cette dernière se comportait
comme à son habitude – sauf que cette fois, les gars n’étaient pas des héritiers de fonds de pension.
J’aidai Blaire à descendre du 4 × 4, puis l’attirai contre moi avant de claquer la portière, laissant
Bethy seule à l’intérieur.
— Je veux goûter à ces douces lèvres, mais je m’en abstiendrai. Nous devons la ramener chez
elle avant qu’elle ne soit malade.
Je ne tenais pas à ce que cela gâche ce qui venait juste de se passer entre nous.
Blaire opina, ses yeux emplis de confiance ne quittant pas les miens. La dernière chose que je
souhaitais était la décevoir un jour.
— Mais ce que j’ai dit tout à l’heure, je le pensais. Je te veux dans mon lit ce soir, lui rappelai-
je, au cas où elle aurait oublié.
Elle opina de nouveau. Je glissai ma main le long de ses reins et la poussai jusqu’à l’avant. Je
n’allais pas prétendre que nous n’étions que des amis. Nous ne l’étions pas. Ne l’avions jamais été.
C’était plus que ça. Avec Blaire, c’était toujours plus.
— J’emmerde ce truc d’amitié, marmonnai-je avant de la prendre par la taille et de la soulever
pour l’installer sur son siège.
Il était haut et m’offrait une excuse pour la toucher. Je rejoignis le siège conducteur et son large
sourire me réchauffa intérieurement.
— Pourquoi souris-tu ?
— Ton « J’emmerde ce truc d’amitié » m’a fait rire, répondit-elle.
Je ris à mon tour. Seigneur, j’étais à l’origine de sa joie. Je l’avais fait rire. Pourquoi avais-je
l’impression d’avoir résolu la question de la faim dans le monde ?
— Je sais quelque chose que tu ne sais pas. Oui, oui, oui ! commença à psalmodier Bethy d’une
voix avinée.
Je ne tenais pas à ce qu’elle nous distraie. Qu’elle bousille tout. C’était mon moment avec Blaire
et j’en avais envie. Bethy ne pouvait-elle pas tout simplement s’évanouir ou un truc comme ça ?
Blaire se tourna vers elle.
— Je sais quelque chose, répéta Bethy d’une voix aussi forte que celle qu’elle avait utilisée sur
le parking alors qu’elle s’imaginait chuchoter.
— J’ai entendu, répondit Blaire.
— C’est un gros secret. Un énorme… et je le connais. Je ne suis pas supposée être au courant,
mais c’est le cas. Je sais quelque chose que tu ne sais pas. Tu ne sais pas. Tu ne sais pas !
recommença-t-elle à chanter.
Elle connaissait un secret. Mon estomac se noua. J’avais des secrets. S’agissait-il de ceux-là ?
Savait-elle ce que Blaire ne savait pas ? Comment pourrais-je avoir Blaire si Bethy lui racontait tout
avant que je n’arrange la situation ?
— Ça suffit, Bethy, la mis-je en garde.
Blaire reprit sa position initiale. Mon intervention l’avait surprise. Je tenais juste à ce que Bethy
ferme son clapet. Je n’avais aucune envie de découvrir les secrets qu’elle évoquait. Je mis ma main
sur celle de Blaire. Je devais la rassurer, mais la regarder m’était pour le moment impossible. La
panique me serrait la gorge.
Bethy ne pouvait pas être au courant. N’est-ce pas ? Personne ne l’était. Nan en avait-elle parlé à
quelqu’un ? Merde. Impossible de laisser cela s’ébruiter. Blaire avait besoin de moi. La perdre était
impensable.
— C’était la meilleure soirée de ma vie. J’aime les types en col bleu. On se marre tellement avec
eux, bredouilla Bethy. Tu aurais dû y regarder d’un peu plus près, Blaire. Cela aurait été plus
intelligent de ta part. Rush est une mauvaise idée. P’ce qu’il y a toujours Nan.
Bordel de merde !
Elle était au courant de quelque chose. Non. Impensable. Pas de la vérité. J’abandonnai la main
de Blaire pour serrer le volant. J’avais besoin de réfléchir, et jeter une Bethy ivre hors de la voiture
n’était pas une option. Blaire ne me le pardonnerait jamais.
— Nan fait bien partie de ta fratrie ? me demanda Blaire.
Elle était perplexe. Je grimaçai. Elle s’interrogeait sur ma relation avec Nan. Si elle savait la
vérité… elle ne serait jamais mienne. Elle n’aurait pas envie d’être là.
Je me contentai de confirmer d’un mouvement de tête. Impossible de prononcer un mot. J’avais la
gorge sèche.
— Qu’est-ce que Bethy voulait dire, alors ? En quoi le fait que nous couchions ensemble
affecterait Nan ?
Comme répondre à cela ? Je ne savais pas quelles informations exactement détenait Bethy, mais
tout avouer à Blaire était hors de question. Je n’avais pas encore trouvé comment rendre le passé
correct. Ou comment éviter que Blaire ne me quitte quand elle découvrirait le pot aux roses.
Elle allait continuer à poser des questions. Je devais l’en empêcher. Mais tout lui raconter
maintenant ? Certainement pas.
— Nan est ma cadette. Je ne… Je ne peux pas parler d’elle avec toi.
Blaire s’était raidie. La tension dans la voiture était étouffante. Il existait sûrement un moyen de
se sortir de là. Blaire avait confiance en moi. Je voulais cette confiance. Et la mériter. Bethy ne
pouvait pas être au courant. Elle ne l’était pas. Nan n’avait jamais soufflé un mot de tout ça à
quiconque. C’était un secret qu’elle gardait précieusement. Je m’emballais.
Les ronflements de Bethy emplirent l’habitacle. Blaire était concentrée sur la route. Aucun de
nous ne reprit la parole. Je ne tenais pas à ce que Bethy s’éveille et relance la conversation. C’était
mieux qu’elle soit dans cet état-là. J’étais plus en sécurité ainsi. Moi, et mes dissimulations.
La distance qui nous séparait, Blaire et moi, semblait augmenter à chaque seconde. C’était
intolérable. J’avais envie de la prendre de nouveau dans mes bras. Qu’elle crie mon nom. Pas de ce
mur entre nous.
Lorsque je m’arrêtai devant le bureau du country club, je ne demandai pas à Blaire si c’était là
que nous devions déposer Bethy. J’étais incapable de lui parler. Terrifié à l’idée qu’elle sache. Était-
elle restée assise là à additionner deux plus deux ?
Je secouai Bethy pour la réveiller et l’aidai à descendre de voiture. Elle se mit à bafouiller que
son père allait la tuer et qu’elle voulait dormir au bureau. J’étais sûr que sa tante Darla lui botterait
les fesses au matin, mais ce n’était pas mon problème. Je récupérai la clé dans son sac, déverrouillai
la porte et la fit entrer.
Le grand canapé de cuir n’était pas loin, Dieu merci, parce que Bethy empestait la tequila bon
marché, et je ne tenais pas être celui qui la soutiendrait lorsqu’elle se mettrait à vomir. Je la laissai
tomber sur le canapé.
— Couche-toi, lui conseillai-je. (J’attrapai la corbeille à papier la plus proche et l’installai non
loin de sa tête.) Vomis là-dedans. Si t’en mets par terre, Darla sera encore plus furax.
Bethy poussa un grognement et roula sur le flanc.
J’ouvrais la porte lorsque sa voix m’arrêta.
— Je ne lui dirai rien au sujet du père de Nan. Mais tu dois le faire.
Elle avait un regard triste, les yeux vitreux. Elle savait qui était le père de Nan. Merde.
— J’y compte bien. En temps et en heure.
— N’attends pas trop longtemps, répondit-elle avant de baisser les paupières.
Sa bouche s’entrouvrit, laissant échapper un léger ronflement.
Je fermai derrière moi. Elle avait raison. Je devais m’occuper de cela avant qu’il ne soit trop
tard.
19
— Ta chambre est à l’étage maintenant, rappelai-je à Blaire une fois à la maison, comme elle se
dirigeait vers la cuisine.
Nous n’avions toujours pas échangé un mot. Je n’étais pas sûr de savoir quoi lui dire ou même
comment m’adresser à elle, maintenant.
Elle se tourna et prit la direction des escaliers. Pas question de la laisser monter comme ça.
— J’ai essayé de rester éloigné de toi, lui dis-je.
Elle s’arrêta sur une marche et baissa les yeux vers moi. La douleur qui s’y lisait était trop dure à
supporter. Je n’avais pas souhaité cela, et pourtant, j’allais être son plus grand chagrin d’amour. Je ne
me supportais pas. Ni ce que j’étais, ni qui j’étais.
— À ta première apparition, j’ai tenté de me débarrasser de toi. Pas parce que je ne t’appréciais
pas. (Cette vérité m’arracha un rire amer.) Mais parce que je savais. Je savais que je t’aurais dans la
peau. Que je ne serais pas capable de me tenir à l’écart. Peut-être que je t’ai un peu détestée alors, à
cause de la faiblesse que tu as provoquée en moi.
Dès la première seconde, j’avais su qu’elle était synonyme d’ennuis. Qu’elle me briserait. Mais
je n’avais pas compris qu’elle me posséderait.
— Qu’est-ce qu’il y a de si mal dans le fait que tu sois attiré par moi ?
Une larme brillait au coin de son œil. Merde. Savoir qu’elle ne comprenait pas me rendait
dingue.
— Parce que tu ne sais pas tout, et je ne peux rien te dire. Je ne peux pas te révéler les secrets de
Nan. Ce sont les siens. Je l’aime, Blaire. Je l’aime et la protège depuis toujours. Elle est ma petite
sœur. C’est ce que je fais. Même si je te désire comme je n’ai jamais rien désiré dans ma vie, je ne
peux pas te les dévoiler.
Si seulement elle acceptait cette simple réponse et m’accordait du temps ! Tout ce que j’avais
entrepris devait être remis en ordre. Il existait sûrement un moyen d’inverser le cours des choses.
— Je peux comprendre cela. Je n’aurais pas dû poser la question. Je suis désolée, dit-elle d’une
voix douce.
Elle le pensait vraiment. Elle s’excusait, bon sang. Auprès de moi.
— Bonne nuit, Rush.
Sur ces mots, elle se détourna et me planta là.
Je la laissai partir. À son attitude, j’avais compris que je pouvais avoir des secrets, mais que je
ne pouvais pas l’avoir, elle. Comment gérer ça ? J’avais goûté à sa présence entre mes bras. Je
connaissais le pouvoir de son sourire sur moi et je savais que d’un simple battement de cils, elle
contrôlait mes humeurs. C’était comme si elle était devenue le soleil et que je m’étais mis à tourner
autour d’elle. Elle était mon centre.
Pourtant, j’étais la raison pour laquelle elle avait vécu un enfer. J’avais offert à son père un lieu
où s’enfuir. Je m’étais présenté à lui quand il était faible et aurait dû rester avec sa femme et sa fille.
Je lui avais proposé une échappatoire. Une autre vie dans laquelle s’installer. Une autre fille à
déclarer sienne et une autre famille à laquelle appartenir.
Et il avait quitté Blaire. Il l’avait laissée toute seule. Si je m’étais juste soucié de savoir à qui
j’arrachais Abe… mais non. J’avais uniquement voulu donner à Nan ce qu’elle désirait si ardemment.
Je n’avais pensé à personne d’autre. Seulement à Nan. C’était toujours Nan.
Ou cela l’avait été. Ce n’était dorénavant plus le cas.
Je ne pouvais ignorer la vérité. Le bonheur et la sécurité de Blaire avaient trop d’importance à
mes yeux. Protéger Nan n’était plus ma priorité numéro un. Blaire avait pris cette place. Elle était
entrée dans ma vie et y avait tout bouleversé. Je devrais la détester pour cela. Mais impossible.
Jamais je n’éprouverais ce genre de sentiment envers elle.
Je grimpai l’escalier et m’arrêtai devant la porte de la chambre où elle était dorénavant installée.
J’avais souhaité qu’elle soit dans mon lit ce soir. Mais savoir qu’elle dormait dans le luxe m’aiderait
à me reposer plus facilement. Le regret qui serrait ma poitrine serait mon seul compagnon de lit.

La sonnerie du téléphone brisa la douce obscurité. Je m’obligeai à ouvrir les yeux pour localiser
la source du bruit inopportun. J’étais resté éveillé une bonne partie de la nuit. Évidemment, quand
j’avais enfin trouvé le sommeil, mon foutu téléphone s’était mis à sonner. Je l’attrapai et me rendis
compte que le soleil pointait derrière les stores. Il était plus tard que je ne le pensais. Avais-je dormi
plus longtemps que je ne le croyais ?
— Allô ? grondai-je dans l’appareil.
— Tu n’es pas encore levé ?
Le ton ennuyé de Woods ne fit rien pour adoucir mon humeur.
— Qu’est-ce que tu veux ? lui lançai-je.
Que je dorme ou pas ne le concernait en rien.
— Il s’agit de ta sœur, dit-il.
Je m’assis dans mon lit et me frottai les yeux pour en chasser les dernières traces de sommeil. Je
n’étais pas en état d’être éveillé pour m’occuper des problèmes de Nan. J’avais déjà les miens à
gérer.
— Quoi ? aboyai-je.
— Si elle parle à Blaire ou à n’importe quel autre de mes employés en leur manquant de respect,
je m’assurerai qu’elle soit radiée de la liste des membres du club. Tu t’en fous peut-être qu’elle ne
soit qu’une sale gosse pourrie gâtée, mais lorsque son venin provoque une scène et qu’elle
embarrasse la meilleure serveuse que nous ayons eue en salle depuis des mois, cela devient un souci.
Blaire ? Quoi ?
— Qu’est-ce que tu racontes ? Nan s’en est prise à Blaire ? Ou à l’une des serveuses ? Je suis
perdu.
— Blaire est l’une de mes serveuses. Elle a commencé en salle la semaine dernière. Et ta garce
de sœur l’a traitée de sale plouc et a exigé que je la renvoie. Devant tout le monde. (Le ton de Woods
montait. Il était furieux mais pas autant que moi.) Je me rends bien compte que tu n’en as rien à cirer
de Blaire. C’est évident, dans la mesure où elle dort dans ton foutu cellier. Mais elle est spéciale.
Elle travaille dur, et tout le monde l’adore. Je ne permettrai pas à Nan de s’attaquer à elle. Tu m’as
compris ?
Je n’aimais pas qu’il m’explique que Blaire était spéciale. Je le savais bien, bordel, et il avait
intérêt à garder ses distances. D’ailleurs, pourquoi l’avait-il retirée du parcours de golf ? Il la voulait
près de lui ? C’était ça ? J’étais soulagé à l’idée qu’elle ne soit plus dehors en pleine chaleur, mais
penser qu’il l’avait ainsi rapprochée de lui me rendait fou. Et Nan. Merde. Elle me poussait à bout.
J’allais devoir me charger d’elle. Moi non plus, je n’étais pas d’accord pour qu’elle parle comme ça
à Blaire. Personne n’insulterait Blaire. Jamais. Un autre problème dont j’avais à m’occuper. Encore
une chose dont j’étais responsable.
— Tu m’as compris ? répéta Woods en détachant chaque syllabe.
Ce qui me rappela que je ne lui avais pas répondu. Si sa rage n’avait pas eu pour origine la
manière dont Blaire avait été traitée, je lui aurais rappelé à qui il s’adressait. Mais pour cette fois, et
cette fois seulement, je lui permettrais d’être en colère contre moi. Parce qu’il avait raison. C’était
ma faute. J’avais créé le monstre que ma sœur était devenue.
— Elle n’est plus dans le cellier. Je l’ai installée dans une chambre. Je me chargerai de Nan, lui
appris-je.
Je décidai alors qu’il y avait autre chose qu’il devait comprendre.
— Blaire est à moi. Ne t’approche pas d’elle ou je te tuerai. Tu m’as bien entendu ?
Woods laissa échapper un rire sans joie.
— Ouais, si tu le dis, Finlay. Tes menaces ne me font pas peur. La seule raison qui explique que
je ne touche pas Blaire, c’est qu’elle ne veut pas de moi. Quant à l’identité de celui qui l’intéresse,
elle saute au nez. Alors, calme-toi. Tu l’as eue depuis le début. Mais il ne fait aucun doute que tu ne
la mérites pas.
Et il raccrocha.
Woods pensait que Blaire me désirait. Seigneur, j’espérais qu’il avait vu juste.
Je me levai et téléphonai à Nan.
— Salut, dit-elle d’un ton ennuyé.
— Où es-tu ? lui demandai-je en me dirigeant vers la salle de bains.
— Au club. Je joue au tennis dans dix minutes.
Il me faudrait trente minutes pour prendre ma douche et avaler un café.
— Chez moi, dans une demi-heure, lui dis-je, et je raccrochai avant qu’elle ne se mette à
discuter.
Elle savait qu’il valait mieux ne pas me chercher des poux et elle connaissait sans aucun doute la
raison de mon appel.
Je m’assurerais que ma sœur laisse Blaire tranquille. Puis j’achèterais un portable pour Blaire.
Elle en avait besoin. Je voulais être certain que tout allait bien pour elle quand je ne savais pas où
elle se trouvait.
Et j’allais cuisiner pour elle. Je voulais la regarder manger. La nourrir. Me rattraper pour avoir
tout bousillé.
Tant qu’on y était, je ne voulais pas qu’elle dorme dans la chambre qu’elle avait choisie. Mais
dans la mienne.
20
Je me tenais sur le balcon lorsque la voix de Nan me parvint de l’intérieur.
— T’es où ? appela-t-elle.
Elle n’était pas contente d’être ici. Bien. Ce serait pire lorsque j’en aurais fini avec elle.
Je rentrai dans la maison au moment où elle pénétrait dans le salon, portant toujours sa jupe de
tennis. Elle avait l’air excédée. Je m’y attendais, mais cela me rendait dingue qu’elle s’imagine avoir
le droit de l’être. Après la manière dont elle s’était adressée à Blaire, s’imaginait-elle vraiment que
je laisserais filer ?
— Tu as gâché mon programme. Y a intérêt à ce que cela ne soit pas pour rien, lança-t-elle
brutalement.
Je déposai ma tasse sur la table la plus proche et me tournai vers elle.
— Laisse-moi être clair, parce que apparemment tu as besoin d’une piqure de rappel. À moins
que tu n’aies envie de te trouver un boulot et de payer pour tous tes trucs, j’ai mon mot à dire quant à
ta conduite. Je t’ai laissée te comporter comme une sale gosse durant la plus grande partie de ta vie
parce que je t’aime. Je sais que la vie avec maman n’a pas été facile pour toi. Mais je ne… (Je
marquai une pause et avançai d’un pas vers elle. Je plantai mes yeux dans les siens pour qu’elle
comprenne bien à quel point j’étais sérieux.) Je ne te permettrai pas de t’en prendre à Blaire. Elle ne
t’a rien fait. Tu lui reproches ce qui te tient lieu de père. Blaire est une victime de cet homme au
même titre que toi. Alors ne t’adresse plus jamais à elle comme tu as osé le faire aujourd’hui. Je te
jure, Nan, je t’aime, mais je ne te laisserai pas te conduire ainsi. Ne me cherche pas.
Sous le coup de la surprise, ses yeux s’écarquillèrent et les fausses larmes dont j’avais l’habitude
qu’elle m’abreuve se mirent immédiatement à y briller.
— Tu la choisis plutôt que moi. Est-ce que… est-ce que tu la sautes ? C’est ça ? Cette petite
salope !
Je me retrouvai si rapidement sous son nez qu’elle vacilla. Je l’attrapai par le bras pour
l’empêcher de tomber et la redressai sans douceur.
— Ne dis pas des choses pareilles. Je te jure, Nan, que tu vas trop loin. Réfléchis avant d’ouvrir
la bouche.
Elle renifla et laissa les larmes couler sur ses joues. Ces larmes qu’elle convoquait à la
demande, comme on ouvre un robinet. Je détestais qu’elle pleure à cause de moi. Le nœud à
l’estomac que j’éprouvais quand quelqu’un s’en prenait à elle commençait à se former.
— Je suis… je suis ta sœur. Comment peux-tu m’infliger une chose pareille ? J’étais… Tu sais ce
qu’elle a fait ? Qui elle est ? Elle me l’a enlevé ! Mon père, Rush. J’ai eu cette vie parce que lui, je
ne l’avais pas.
Elle sanglotait maintenant, en secouant la tête, comme si elle ne parvenait pas à croire que j’aie
oublié tout cela.
Elle ne verrait jamais la vérité. Elle était déterminée à accuser et à haïr quelqu’un, mais elle
refusait que l’objet de sa haine soit la personne qui la méritait le plus.
— Blaire était une enfant. Elle ne t’a rien fait. Elle n’y est pour rien si elle est née. Elle ne savait
même pas que tu existais. Pourquoi ne peux-tu pas comprendre ça ? Pourquoi ne peux-tu pas voir la
personne bonne, honnête, travailleuse, qu’est ta sœur ? Personne ne peut la détester ! Elle est
sacrément parfaite !
— Ne… (L’air horrifié, elle me pointa son doigt sous le nez.) Ne l’appelle pas ma sœur ! hurla-t-
elle, hystérique.
Je soupirai en me laissant tomber sur le canapé. Je me pris la tête dans les mains. Nan était si
butée.
— Nan, vous avez le même père. Par conséquent, elle est ta sœur, lui rappelai-je.
— Non. Je m’en fous. Je m’en fous. Je la déteste. C’est une manipulatrice. Elle est fausse. Elle
utilise le sexe pour te contrôler.
Je me levai d’un bond.
— Je n’ai pas couché avec elle, alors ne dis pas ça ! Arrête de l’accuser de trucs dont tu ne sais
absolument rien. Blaire n’est pas une pute. Elle est vierge, Nan. Vierge. Et tu veux savoir pourquoi ?
Parce qu’elle a passé son adolescence à prendre soin de sa mère malade, à faire tourner la baraque et
à aller au lycée. Elle n’a pas eu le temps d’être une jeune fille. Son père l’a abandonnée pour toi.
Alors, si quelqu’un doit détester l’autre, cela devrait être à elle de te détester.
Nan redressa le dos, ses pleurs maintenant secs. Ce qui me rendit les choses plus faciles. J’étais
tout ce qu’elle avait au monde, et je le savais. Je ne tenais pas à ce qu’elle pense que je l’avais
abandonnée. Elle serait toujours ma petite sœur. Mais c’était une adulte maintenant, et il était temps
qu’elle commence à se comporter comme telle.
— Et toi, me dit-elle, elle devrait te détester, toi aussi.
Puis elle tourna les talons et se dirigea vers la porte. Je ne la rappelai pas. J’étais trop épuisé
pour cela aujourd’hui. J’avais confiance dans le fait qu’elle laisserait Blaire tranquille pour le
moment.

Je passai le reste de la journée à repousser les mots de Nan de mon esprit. Je me concentrai sur :
trouver un téléphone pour Blaire et acheter tout ce dont j’avais besoin pour le dîner. De quoi préparer
un bon repas. Quelque chose pour l’impressionner et l’amener à me parler. Pour qu’elle me pardonne
de m’être complètement renfermé hier soir.
Je savais qu’elle n’accepterait pas le téléphone s’il venait de moi. Du coup, je le laissai dans son
pick-up avec un mot expliquant que l’idée était de son père. Je ne supportais pas que le crédit en
revienne à ce misérable crétin, mais je voulais qu’elle l’accepte. Pour ma tranquillité d’esprit. Si
cela lui permettait d’être en sécurité, alors elle en avait besoin.
Je jetai un coup d’œil à l’heure et me rendis compte qu’il était plus que probable qu’elle soit
déjà en route. J’attrapai mon portable et l’appelai. J’avais enregistré son numéro.
— Bonjour, répondit-elle d’une petite voix.
Sa perplexité était totale. Elle n’avait pas lu mon mot ?
— Je vois que tu as trouvé ton téléphone. Il te plaît ? lui demandai-je.
— Oui, il est très chouette. Mais pourquoi mon père veut-il que j’en aie un ?
Voilà la cause de son étonnement. Elle ne s’attendait pas à ce que ce salaud égoïste entreprenne
quoi que ce soit de ce genre pour elle. Elle n’était pas stupide.
— Mesure de sécurité. Toutes les femmes en ont besoin. En particulier celles qui conduisent des
véhicules plus âgés qu’elles. Tu pourrais tomber en panne à n’importe quel moment.
Manière de lui expliquer pourquoi moi je voulais qu’elle en ait un.
— J’ai une arme, lança-t-elle d’un ton déterminé.
Elle était tellement sûre d’être capable de prendre soin d’elle.
— Bien sûr, mauvaise fille. Mais un flingue ne peut pas remorquer ton pick-up. (Que pouvait-elle
répondre à ça ?) Tu rentres à la maison ?
Je n’avais pas imaginé qu’elle aurait peut-être prévu un autre programme lorsque j’avais décidé
de cuisiner pour elle et de la séduire.
— Oui, si cela ne pose pas de problème. Je peux faire autre chose si tu as besoin que je rentre
plus tard.
Elle n’avait toujours pas compris. Elle pensait que je souhaitais la voir loin de nos quatre murs.
Alors que rien au monde ne me plairait plus que d’être près d’elle.
— Non. Je te veux ici. J’ai cuisiné.
Elle ne répondit pas tout de suite et j’entendis son léger hoquet de surprise, ce qui me fit sourire.
— Oh, OK. Je serai là quand quelques minutes.
— À tout de suite, lui dis-je.
Et je me dépêchai de raccrocher avant qu’elle ne m’entende rire sous le coup d’une pure joie.
Elle rentrait à la maison. Ici. Pour passer la nuit avec moi. J’allais tout arranger. Trouver le moyen
qu’elle me comprenne. La perdre n’entrait pas dans mes projets.
Je retournai à mes préparatifs. Cuisiner pour les autres ne m’arrivait pas souvent. La plupart du
temps, je ne le faisais que pour moi, si j’avais vraiment envie de quelque chose. Mais m’y livrer pour
Blaire était différent. J’en savourais chaque seconde.
Elle n’avait pas l’habitude qu’on s’occupe d’elle ou qu’on la chouchoute, et c’était bien
dommage. Elle était le genre de femme qui devrait être chérie. J’ouvris le frigo, en sortis une Corona
que je décapsulai, coupai un citron vert et en plaçai une tranche sur le goulot. La plupart des filles
que je connaissais aimaient le citron vert avec leur Corona. Je n’étais pas sûr que la bière serait au
goût de Blaire, mais je préparais des plats mexicains et la Corona s’imposait.
Je plaçai le fromage, le poulet et les légumes dans les tortillas avant de les déposer dans une
poêle chaude.
— Ça sent bon.
La voix de Blaire me tira de mes pensées.
Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule pour la découvrir dans son uniforme de serveuse.
Ses cheveux longs étaient attachés en queue de cheval, un léger sourire étirait ses lèvres. Elle m’avait
surpris à fredonner l’un des nouveaux titres de mon père.
— Ça l’est, lui assurai-je.
Je m’essuyai les mains sur un torchon et allai chercher la Corona que j’avais préparée à son
intention.
— Bois ça. Les enchiladas sont presque prêtes. Je dois retourner les quesadillas qui le seront
dans quelques minutes. Le dîner devrait être bientôt servi.
Elle prit la bière, la première de sa vie, et la porta lentement à ses lèvres. Elle ne la recracha
pas, ce qui était bon signe.
— J’espère que tu aimes manger mexicain, lui dis-je tout en sortant les enchiladas du four.
Ce que j’espérais, surtout, c’était que ce soit bon. Je n’en avais plus cuisiné depuis longtemps.
J’avais même dû vérifier sur Google que je ne commettais pas d’erreurs.
— J’adore ça, affirma Blaire, toujours souriante. J’admets que je suis réellement stupéfiée que tu
saches en concocter.
Très bien. Mon but était de l’impressionner, ce soir. De la convaincre que je n’étais pas un
salaud. Je lui adressai un clin d’œil.
— J’ai toutes sortes de talents qui te laisseraient pantoise.
Elle rougit et avala une longue gorgée de Corona. Je la rendais nerveuse. Ce qui n’était pas mon
but. Il était facile d’oublier qu’elle n’avait pas l’habitude de flirter.
— Attention, tu dois manger quelque chose. Lorsque je t’ai proposé une bière, je ne te demandais
pas de la descendre en une gorgée.
Je n’avais aucune envie qu’elle soit ivre ou malade.
Elle opina et essuya la goutte ambrée qui était restée sur ses lèvres.
Je n’avais qu’une pensée : la lécher. Et combien sa lèvre inférieure serait pleine et douce sous
ma langue. Je dus détourner le regard. Tout allait brûler !
J’avais déjà préparé les tacos et les burritos, je n’eus donc plus qu’à ajouter les quesadillas sur
le plat. On n’arriverait jamais à avaler tout ça. Je m’étais laissé emporter, mais comme je ne savais
pas ce qu’elle préférait, j’avais choisi de me débrouiller pour qu’elle apprécie vraiment son repas.
Mon besoin de la voir se nourrir tournait rapidement à l’addiction.
— Tout le reste est déjà sur la table. Prends-moi une Corona dans le Frigidaire et suis-moi.
Je me dirigeai vers le balcon. Au début, cette idée ne m’avait pas plu, parce que Blaire m’y avait
déjà vu avec une fille et que je n’avais pas envie qu’elle ait cette image en tête. Mais les vagues et la
brise qui soufflait sur le golfe donnaient un air d’intimité aux lieux. J’espérais juste qu’elle ne
penserait pas à moi en train de sauter une autre fille durant tout le temps que nous passerions là.
— Assieds-toi. Je te prépare ton assiette, lui proposai-je.
Elle s’installa sur la chaise la plus proche de la porte. Je voyais à ses yeux qu’elle était surprise
et ça me plaisait qu’elle ne se soit pas attendue à ça. Je la voulais concentrée sur nous. Et sur
personne d’autre. Mon passé n’était rien d’autre que cela : le passé. Et puis, si seulement elle savait
sur qui j’avais fantasmé durant cette nuit avec Anya…
Je disposai la nourriture dans son assiette avant de la poser devant elle. Puis je me penchai à son
oreille pour sentir son parfum qui me rendait fou.
— Je peux t’apporter autre chose à boire ? lui demandai-je, à la recherche d’une raison
expliquant mon nez dans son cou.
Elle fit non de la tête.
Je m’obligeai à rejoindre l’autre bout de la table. Je me servis et levai les yeux vers elle.
— Si tu détestes, ne me dis rien. Mon ego ne le supportera pas.
Elle avala un petit bout d’enchilada. La lueur qui traversa son regard m’apprit que cela lui
plaisait. J’en aurais soupiré de soulagement. Je n’avais pas merdé.
— C’est délicieux et je ne peux pas dire que j’en sois étonnée.
À mon tour de goûter. Je me mis à manger en souriant et en l’observant. Elle se détendit, avala
une gorgé de bière et réattaqua son assiette. Chaque fois qu’elle portait un morceau à sa bouche, je
luttais contre mon désir de m’arrêter de manger pour me contenter de la contempler. Elle ne faisait
que manger, bon sang. Pourquoi est-ce que cela m’obsédait autant ? Sûrement à cause du beurre de
cacahuète. A priori, je n’allais pas dépasser ça avant longtemps.
Nous dînâmes en silence. Je ne voulais pas l’interrompre, dans la mesure où elle avait l’air de
prendre plaisir au repas. Lorsqu’elle s’appuya contre le dossier de sa chaise pour boire longuement à
sa bouteille, je sus qu’elle avait terminé.
— Je suis désolé de la manière dont Nan t’a traitée aujourd’hui.
Ce qui n’était pas suffisant. Nan devait s’excuser auprès de Blaire, mais rien de ce que
j’entreprendrais ne pousserait ma sœur à passer à l’acte.
— Comment es-tu au courant ?
Blaire se tortilla sur sa chaise, soudain nerveuse.
— Woods m’a appelé. Il m’a prévenu que Nan se verrait obligée de partir la prochaine fois
qu’elle se montrerait grossière envers un employé, lui expliquai-je.
Lui donner le rôle du héros me hérissait, mais c’était la vérité et je n’allais pas ajouter de
nouveaux mensonges à ceux qui nous séparaient déjà.
Blaire hocha la tête. Elle ne semblait pas particulièrement impressionnée, ce qui était positif. Je
n’aimais pas qu’elle éprouve quelque sentiment que ce soit envers Woods.
— Elle n’aurait pas dû te parler ainsi, repris-je. J’en ai discuté avec elle. Elle a promis que cela
ne se reproduirait plus. Mais si cela arrive, même ailleurs, s’il te plaît, viens me le dire.
Pour le coup, ce n’était pas l’exacte vérité. Nan ne m’avait rien promis. Mais ma mise en garde
avait suffi, j’en étais sûr.
Blaire avait l’air déçue. Elle se leva.
— Merci, j’apprécie le geste. C’était très gentil de ta part. Je peux t’assurer que je n’ai pas
l’intention de moucharder auprès de Woods si Nan se montre désagréable à l’avenir. Il s’est juste
trouvé aux premières loges aujourd’hui. (Elle attrapa sa bière.) Le dîner était très agréable, surtout
après une longue journée de travail. Merci beaucoup.
Elle évita mon regard, et entra dans la maison.
Merde. Qu’est-ce que j’avais dit qui n’allait pas ? Je me levai à mon tour pour la suivre. La
soirée ne finirait pas comme ça, ou je péterais les plombs. Blaire devait cesser de me pousser hors
des rails. J’avais préparé le dîner pour m’excuser de mon attitude de la veille, et parce que j’avais
envie d’entreprendre quelque chose pour elle. De prendre soin d’elle.
Elle passait son assiette sous l’eau quand j’entrai dans la cuisine. Son air abattu me brisa le
cœur.
— Blaire, dis-je en l’emprisonnant contre l’évier.
Son parfum m’enveloppa. Je dus fermer les yeux pour réprimer un vertige. Bon sang, que c’était
agréable.
— Ce n’était pas une tentative d’excuser Nan, mais de me faire pardonner, moi. Je suis désolé
pour hier. Je suis resté allongé toute la nuit, souhaitant que tu sois là avec moi. Souhaitant ne pas
t’avoir repoussée. Je repousse les gens, Blaire. C’est un mécanisme de protection chez moi. Mais je
ne veux pas agir ainsi avec toi.
Je ne savais pas comment m’expliquer autrement.
Elle se laissa légèrement aller contre moi, ce que j’interprétai comment un signe positif.
Je dégageai son épaule de ses cheveux et déposai un baiser sur sa peau douce et chaude.
— S’il te plaît. Pardonne-moi. Donne-moi une autre chance, Blaire. Je ne souhaite que ça. Je te
veux.
Elle laissa échapper son souffle, puis se tourna face à moi. Elle enroula ses bras autour de mon
cou. Ses superbes yeux bleus se plantèrent dans les miens.
— Je te pardonnerai à une condition, dit-elle d’une voix douce.
— OK, répondis-je.
J’étais prêt à tout lui donner.
— Je veux être avec toi ce soir. Plus de flirt. Plus d’attente.
Je ne m’étais pas attendu à ça, mais d’accord. C’était ce que je souhaitais.
— Bon Dieu, oui.
Et je la serrai contre moi pour me repaître de son odeur.
Après cela, Blaire serait mienne. S’il le fallait, je me battrais comme un lion pour elle.
21
Les baisers n’avaient jamais été mon truc. J’embrassais rarement. Mais la bouche de Blaire était
si pure, et j’en aimais tant le goût, que je perdis légèrement la tête lorsque mes lèvres rencontrèrent
les siennes. Jamais je ne serais rassasié d’elle.
Je pris son visage en coupe et la dévorai. Une voix me criait de ralentir. De ne pas l’effrayer, de
ne pas aller trop vite, mais Seigneur, ma bouche était incapable d’obéir à ces injonctions. Le goût de
la Corona et du citron vert sur sa langue était envoûtant. Lorsqu’elle sentit mon barbell, elle tira
légèrement sur mes cheveux et gémit.
Merde, je devais vraiment y aller plus doucement. Impossible de la prendre contre l’évier. Elle
méritait un lit et de longs préliminaires. Je ne tenais pas à la faire souffrir. Jamais. Je m’arrachai à
notre baiser. J’adorais sentir son souffle chaud sur mon visage.
— Viens avec moi à l’étage. Je veux te montrer ma chambre. Et mon lit, ajoutai-je avec un
sourire.
Elle consentit d’un hochement de tête et je n’eus pas besoin de plus. J’abandonnai son visage
pour la prendre par la main. Je l’entraînai à l’étage. Lorsqu’il s’agissait de Blaire, les règles ne
comptaient plus. Elle était au-delà de ça, dépassant toutes celles que j’avais pu ériger concernant les
femmes. Je n’avais qu’un seul désir : elle.
Je la tirai à ma suite le long des marches, impatient de retrouver ses lèvres. Lorsque nous
arrivâmes sur le premier palier, je me tournai vers elle. Elle avait le teint enflammé. Je craquai. Juste
un peu, me dis-je avant de la coller contre le mur le plus proche et de mordiller sa lèvre inférieure,
que je léchai et embrassai ensuite.
Elle fondait contre moi et j’étais pratiquement sûr que la prendre là, tout de suite, ne serait pas un
problème. Me glisser à genoux, l’embrasser entre ses cuisses jusqu’à ce qu’elle hurle mon nom. Mais
non. Non, nous attendrions d’avoir rejoint mon lit.
Je parvins à abandonner ses lèvres au prix d’un effort surhumain et inspirai profondément,
essayant de me calmer.
— Encore un étage à monter, dis-je, plus pour moi-même que pour elle.
Je repris sa main et la conduisis jusqu’à la porte qui menait à ma chambre. Je sortis la clé de ma
poche. Je verrouillais toujours la pièce. J’aimais garder les lieux privés. Savoir que personne n’y
pénétrerait à moins que je ne l’y invite.
La porte s’ouvrit. Je fis un pas en arrière, invitant Blaire à monter d’un geste. Le désir que
j’avais de la voir dans mon univers, entourée de mes affaires, et de partager tout ça avec elle était
presque aussi fort que celui de l’avoir dans mon lit. Nue.
Une fois arrivée à la dernière marche, elle s’arrêta et eut un hoquet. J’étais tombé amoureux de la
maison quand j’étais enfant en découvrant la vue sur le golfe depuis les baies vitrées qui couraient du
sol au plafond.
Je l’enlaçai.
— Cette chambre est la raison pour laquelle j’ai poussé ma mère à acheter la maison. J’avais dix
ans, mais déjà à cet âge-là, je savais qu’elle était spéciale.
J’étais si heureux qu’elle puisse voir ça. Que cela la touche, elle aussi.
— C’est incroyable, souffla-t-elle, émerveillée.
C’était incroyable. Mais qu’elle soit là, avec moi, décuplait ce sentiment.
— J’ai appelé mon père ce jour-là et lui ai dit que j’avais trouvé une maison dans laquelle je
voulais vivre. Il a envoyé l’argent à ma mère et elle l’a achetée. Elle adorait sa localisation, et c’est
donc là que nous avons passé nos étés. Elle a sa propre maison à Atlanta, mais elle préfère celle-ci.
— Je ne voudrais jamais en partir, remarqua Blaire.
Je souris. Je déposai un baiser sur la peau douce de son oreille et murmurai :
— Ah, mais tu n’as jamais vu mon chalet de Vail ou mon appartement de Manhattan.
Ce qui n’était qu’une question de temps. Je voulais l’y voir aussi.
Partager ma vie et mon espace personnel avec quelqu’un était quelque chose que j’avais toujours
détesté et auquel je m’étais refusé. Mais je mourais d’envie que Blaire s’y intègre. Même si elle
acceptait seulement que je la tienne dans mes bras, cela ne changerait rien à mon désir de la
contempler dans cette pièce.
Je l’obligeai à pivoter vers le lit king size qui se trouvait sur la droite.
— Et voilà mon lit.
Je l’enlaçai et la guidai dans cette direction. Blaire s’était tendue. Elle était nerveuse. Parler
d’être dans ma chambre et s’y trouver effectivement, en train de regarder mon lit, étaient deux choses
différentes. Je la désirais plus que tout au monde, mais je ne l’obligerais à rien.
— Blaire, même si nous ne faisons rien de plus que de nous embrasser ou de rester là, allongés à
discuter, cela me va. Je te veux juste ici. Près de moi.
Elle me fit face.
— Tu ne le penses pas. Je t’ai vu en action, Rush Finlay. Tu n’emmènes pas des filles dans ta
chambre dans l’unique dessein de converser.
Elle prétendait me taquiner, mais cela tomba à plat. L’incertitude dans son ton me coupa le
souffle. Elle était venue jusqu’ici en pensant qu’elle était juste une fille de plus avec laquelle j’allais
coucher avant de la renvoyer ? Comment lui faire entrer dans le crâne que ce qui se passait avec elle
était autre chose ? Bien plus. Qu’elle signifiait bien plus.
— Je n’amène pas de filles à cet étage, Blaire.
— Le soir de mon arrivée, tu as dit que ton lit était complet, me rappela-t-elle, sourcils froncés,
comme si elle m’avait surpris à mentir.
Bon sang, qu’elle était mignonne.
— Ouais, parce que j’y dormais. Je n’entraîne pas de nanas dans ma chambre. Je ne veux pas
qu’une séance de sexe dénuée de sens entache cet endroit. Je l’adore, lui répondis-je avec sincérité.
Et pourtant, je l’avais amenée ici. Elle. Ne comprenait-elle pas ce que cela voulait dire ?
— Le lendemain matin, une fille était encore là. Tu l’avais laissée au lit et elle s’était lancée à ta
recherche, en sous-vêtements.
Elle s’exprimait d’une voix tendue.
Elle était dingue. Elle n’avait foutrement aucune idée de l’effet qu’elle avait sur moi. J’avais
besoin de la toucher et je glissai une main sous son haut pour caresser sa peau douce. Son léger
frisson me fit sourire.
— La première chambre sur la droite était celle de Grant jusqu’au divorce de nos parents. Je
l’utilise comme repaire de célibataire maintenant. C’est là que j’invite les filles. Pas ici, jamais. Tu
es la première. En fait, je permets à Henrietta d’y monter une fois par semaine pour nettoyer, mais je
te promets qu’il n’y a rien qui ressemble à quoi que ce soit de sexuel entre nous, lui expliquai-je avec
un sourire.
— Embrasse-moi, s’il te plaît, demanda-t-elle.
Elle posa les mains sur mes épaules et se dressa pour prendre ma bouche sans attendre ma
réponse.
C’était la chose la plus craquante que j’aie jamais entendue. Embrasse-moi, s’il te plaît. Merde,
cette nana allait me foutre en l’air. Je voulais qu’elle m’appartienne. Que son corps ne connaisse que
moi. Totalement.
Je la poussai avec délicatesse et l’allongeai sur le lit. Je m’installai entre ses cuisses sans
interrompre le baiser le plus doux que j’aie jamais reçu. Blaire agrippa ma chemise de ses petits
poings comme si elle voulait l’arracher de mon corps. Si ma nana voulait toucher mon torse, j’allais
lui faciliter les choses, comptez sur moi.
Je me détachai d’elle juste assez longtemps pour passer le vêtement par-dessus ma tête et
l’envoyer valser, puis je revins à sa bouche. Je pourrais l’embrasser des heures durant. Je n’avais
pas d’autre choix que d’empoigner les couvertures pour m’empêcher de la déshabiller pendant que je
la laissais explorer mon corps. Chacune de ses caresses se faisait plus exigeante et plus assurée. Elle
avait commencé par mes bras, son contact presque aussi léger que celui d’une plume. Maintenant,
elle en était à mon torse, comme si elle ne parvenait pas à s’en rassasier. Lorsque ses pouces
effleurèrent mes tétons, j’avoue que je faillis perdre définitivement tout contrôle sur moi-même.
J’avais envie de lui rendre la pareille, de me concentrer sur ses petits mamelons roses et durs.
J’abandonnai ses lèvres et déboutonnai sa chemise. Je repoussai le tissu, n’ayant pas la patience de la
lui retirer. J’avais besoin de sentir sa peau sous ma langue. Maintenant. Je tirai sur son soutien-gorge
et ses seins pleins, bombés, s’en libérèrent. Je m’en nourris comme un homme affamé. Je les léchai
pour le plaisir d’entendre Blaire gémir et sangloter, puis les suçai avec frénésie. Elle se cambra
violemment sous moi.
Elle ne s’était pas attendue à ça. Je frissonnai et tentai de reprendre mon souffle lorsqu’elle cria
de plaisir en sentant mon sexe dur qui appuyait contre son intimité. Elle devait être gonflée et chaude.
Je voulais y goûter. Elle avait été si délicieuse sur mon doigt… J’ouvris la fermeture Éclair de sa
jupe et baissai sa culotte tout en ne la quittant pas des yeux. Si elle devenait nerveuse, je ralentirais le
rythme. Elle respirait avec difficulté, bouche entrouverte, m’observant. Elle affichait une confiance
totale qui me transperça. Je la voulais nue.
Je lui fis signe de s’asseoir. Elle obtempéra et je la débarrassai rapidement de sa chemise et de
son soutien-gorge, laissant son superbe corps magnifiquement offert. Elle était tout à moi. Tout cela
m’appartenait. Aucun homme n’avait touché ce corps… ou ne l’avait même vu. Merde. Une vague
d’émotion me submergea.
— Toi, nue dans mon lit, c’est encore plus incroyablement beau que je ne m’y étais attendu… Et
sache-le, j’y ai beaucoup pensé.
Ses yeux s’enflammèrent, et je souris en moi-même. Blaire aimait que je lui parle. Elle avait
besoin d’être flattée. Évidemment. Elle n’avait pas confiance en elle. Tout ceci était nouveau pour
elle. Je m’assurerais qu’elle sache à quel point elle était ridiculement parfaite. Je me penchai de
nouveau sur elle, mon érection appuyant contre son sexe nu.
— Oui ! S’il te plaît ! s’écria-t-elle en m’égratignant le dos.
Elle était prête à ce que j’aille plus loin. Mais elle risquait de paniquer quand elle se rendrait
compte de l’endroit où j’étais sur le point de poser ma bouche. Elle était brûlante de désir : elle ne
résisterait pas.
Je commençai par embrasser son ventre et son mont presque imberbe dont l’odeur était
incroyable. Je levai les yeux vers elle, retins son regard prisonnier du mien avant de faire courir ma
langue piercée sur son clitoris gonflé. Le cri de Blaire envoya une décharge dans mon sexe. Elle se
cambra et s’arrima aux draps.
— Mon Dieu, tu es douce, murmurai-je contre sa peau.
J’allais devenir dépendant à son goût. Seigneur, c’était si bon.
— Rush, s’il te plaît, gémit-elle.
Je cessai de la lécher.
— S’il te plaît, quoi ? Dis-moi ce dont tu as envie.
Elle secoua la tête. Paupières fermement serrées, on aurait dit qu’elle luttait pour reprendre son
souffle.
— Je veux t’entendre le dire, Blaire.
Je voulais que ces mots cochons franchissent ses lèvres. Impossible de l’obliger, mais je mourais
d’envie de les entendre.
— S’il te plaît, lèche-moi encore, finit-elle par admettre dans un sanglot désespéré.
— Bon sang.
Seigneur, c’était encore mieux que ce que j’aurais pu espérer. Je n’étais pas sûr de tenir plus
d’une seconde une fois en elle. Je me mis à glisser ma langue sur sa fente avec un plaisir intense. Si
seulement elle avait conscience du pouvoir qu’elle détenait entre ses mains. J’étais prêt à tout lui
donner. D’une simple moue de ses jolies lèvres, elle m’aurait à genoux et entre ses cuisses. Tout cela
allait me devenir vital.
Blaire frissonna et cria mon nom tout en maintenant ma tête contre elle comme si j’avais envie de
m’en aller de là. Quand elle eut joui et n’eut plus besoin de moi, je pris un préservatif et l’ouvris.
Elle battit des paupières. Je souhaitais qu’elle savoure cet instant de plénitude, mais j’étais incapable
de me contenir. Je désirais être en elle. Et cela serait moins douloureux pour elle pendant que la
jouissance l’habitait encore.
— J’ai mis un préservatif. Je veux être en toi, murmurai-je à son oreille.
Je m’installai entre ses jambes, mon gland frottant contre sa chaleur.
— Bordel, tu es si mouillée. Cela va être dur de ne pas directement te pénétrer. Je vais essayer
de faire lentement. Je te le promets.
Je ne tenais pas à ce que l’acte soit douloureux pour elle. Au contraire, je souhaitais qu’elle
éprouve du plaisir, parce que j’atteindrais ainsi un autre seuil du paradis.
Blaire ne se raidit pas comme je m’y étais attendu. Elle gémit et se frotta à moi quand je
commençai à la pénétrer lentement. Son corps s’accrochait au mien, attirant mon sexe en elle.
Seigneur Jésus.
— Ne bouge pas. Je t’en prie, ma puce, ne bouge pas, la suppliai-je.
Certes, la faire souffrir était exclu, mais je brûlais de l’emplir totalement. La résistance à
laquelle je m’attendais se présenta et je m’immobilisai. Blaire s’en aperçut et se tendit.
— Voilà. Je vais faire vite, puis je m’arrêterai une fois bien en toi et te laisserai t’y habituer.
Je l’enlaçai, fermai les yeux. Me contrôler serait hors de ma portée si je la regardais. Le
contrôle. J’en avais besoin, bordel. J’avais tellement envie de la posséder complètement. D’une
poussée, je plongeai dans une chaleur de velours comme je n’en avais jamais connue. Mon sexe était
si à l’étroit que respirer m’était impossible. Cherchant à retrouver mon souffle, je m’immobilisai.
Elle aurait besoin de s’ajuster à moi. Mais aller plus loin encore en elle me démangeait.
— Je vais bien, ça va, murmura Blaire.
J’ouvris les yeux, tenant à m’assurer que ce n’était pas que des mots. Pas question qu’elle souffre
plus.
— Tu es sûre ? Parce que je meurs d’envie de bouger.
Elle confirma d’un mouvement de tête et je ne la quittai plus des yeux tandis que mes hanches
amorçaient un premier va-et-vient.
— Tu as mal ?
Je fis appel à toute ma volonté et attendis avant de reprendre mes mouvements.
— Non, j’aime ça, répondit-elle.
L’excitation se lisait dans son regard.
Je n’étais pas sûr de la croire, mais je basculai de nouveau mes hanches. Il le fallait. Mon sexe
me hurlait de passer à l’acte. Je n’avais jamais éprouvé ce genre de plaisir. Blaire gémit et mon cœur
se serra. Seigneur, elle aimait réellement ça.
— Tu aimes ça ? répétai-je.
— Oui, c’est si bon.
Ouf. Elle allait bien. Je n’avais pas à me contenir. Je rejetai la tête en arrière, laissai échapper un
grondement de plaisir qui me déchira la poitrine et repris mes mouvements. J’allais et venais en elle,
son sexe étroit m’enserrant comme si Blaire brûlait de m’y garder.
Elle souleva les hanches et attrapa mes bras, venant à la rencontre de mes poussées. Comment
savait-elle ça ?
— Oui. Mon Dieu, tu es incroyable. Si étroite. Blaire, tu es si foutrement étroite, murmurai-je.
Il fallait qu’elle sache à quel point c’était fantastique pour moi.
Elle leva ses jambes et m’enserra, s’ouvrant encore plus pour moi. Je m’enfonçai dans sa
chaleur, tremblant. J’allais jouir. J’avais atteint ma limite. Tout homme avait les siennes.
— Es-tu proche de jouir, ma puce ? lui demandai-je.
Je rêvais de nous voir atteindre l’orgasme de concert.
— Je crois, répondit-elle, haletante, resserrant sa prise sur mes bras.
Je n’allais pas venir sans elle, bon sang. Je voulais qu’elle ressente les mêmes choses que moi.
De la main, j’effleurai son clitoris. Il gonfla à mon contact.
— Ah ! Oui ! Là, exactement ! cria-t-elle, son corps se détendant sous moi.
Je n’étais pas sûr de ce que je criais, mais un grondement s’échappa de ma poitrine tandis que la
sensation la plus épique que j’aie éprouvée de ma vie traversait mon corps, m’envoyant dans un lieu
dont j’ignorai jusqu’à l’existence.
22
Avais-je perdu connaissance ? Merde. C’était… C’était… Il n’y avait pas de mots pour décrire
ce que c’était. J’étais toujours allongé sur Blaire, l’étouffant probablement, bien qu’elle me retienne
étroitement contre elle. Elle n’essayait pas de me repousser.
Je n’avais pas envie de me retirer d’elle. Je m’y sentais à ma place. Mais je venais juste de
prendre sa virginité et, à un moment, j’en avais perdu la tête.
Je reculai et elle me serra plus fort. Le plaisir qu’elle m’offrait dépassait ce qu’elle en savait.
J’aimais qu’elle ait envie de me garder dans cette position.
— Je vais revenir. Je dois d’abord m’occuper de toi, la rassurai-je.
Je l’embrassai avec douceur avant de me lever pour aller à la salle de bains.
Je ne me souciai pas de me rhabiller. Elle m’avait vu, maintenant. Elle pourrait faire face. Je pris
un gant et fit couler l’eau chaude, m’assurant qu’elle soit à la bonne température pour laver Blaire.
Personnellement, je mourais d’envie de remettre ça, mais elle allait avoir besoin de temps.
Je revins dans la chambre. Le regard de Blaire se verrouilla au mien avant de descendre plus bas
sur mon corps. Elle écarquilla les yeux et rougit.
— Ne te montre pas timide à mon égard maintenant, la taquinai-je.
J’inclinai légèrement son genou. Elle ne m’aidait en rien.
— Ouvre-les pour moi, lui demandai-je en repoussant de nouveau son genou en douceur. Pas
trop, précisai-je.
La petite tache de sang sur ses lèvres roses fit rugir de plaisir la bête en moi. C’était à moi.
J’étais responsable de cela. Personne ne s’était trouvé là avant moi. C’était tordu, mais impossible de
m’en empêcher. La simple idée que quelqu’un d’autre la touche me rendait fou.
— Cela fait mal ? demandai-je en la lavant avec autant de douceur que j’en étais capable.
J’avais envie de déposer un baiser là pour que tout aille mieux, mais je n’étais pas sûr qu’elle
soit déjà prête pour ça.
Lorsqu’elle fut aussi parfaite qu’avant que je ne la prenne, je cessai et jetai le gant à la poubelle.
Il était temps que je la tienne serrée contre moi. Que je me laisse aller, sachant qu’elle était mienne.
Je rampai sur le lit pour venir m’allonger à côté d’elle et la pris dans mes bras.
— Je croyais que tu n’étais pas le genre câlin, Rush, me dit-elle en reniflant la peau de mon cou
de son petit nez.
— Je ne l’étais pas avant toi, Blaire. Tu es mon exception.
Jamais une déclaration n’avait été aussi sincère. Blaire était mon unique exception. Elle le serait
toujours. Je ramenai les couvertures sur nous, puis coinçai son crâne sous mon menton. Elle avait
besoin de repos, et moi de la tenir. De nourrir la bête possessive qu’elle avait éveillée en moi avec
l’assurance qu’elle était en sécurité ici, avec moi.
En quelques minutes à peine, son souffle s’apaisa et ses bras se détendirent. Elle était épuisée.
Elle avait travaillé toute la journée… et puis ça. Je souris, fermai les yeux et inspirai son odeur. La
peur omniprésente qu’elle me quitte lorsqu’elle découvrirait la vérité menaçait de me gâcher cet
instant. Mais je la repoussai. Blaire m’aimerait. Je me débrouillerais pour qu’elle tombe amoureuse
de moi. Puis… elle m’écouterait, et me pardonnerait. Elle n’aurait pas d’autre choix.
Je m’éveillai au côté d’un corps doux, superbe. Le soleil perçait à travers les stores. Je me
fichais de l’heure, mais pour Blaire, en revanche, cela avait de l’importance. Bien sûr, j’avais envie
qu’elle reste contre moi, mais il ne s’agissait pas de ce que je voulais. Il s’agissait d’elle. Elle
n’apprécierait pas d’être en retard à son travail. Elle avait le sens des responsabilités. Il me fallait
donc me résigner à l’éveiller, malgré mon désir de la garder endormie entre mes bras.
Je me repaissais de son odeur. Le souvenir de son parfum le plus intime réveilla mon désir. Pas
question de lui imposer quelque chose qui lui serait douloureux. En revanche, je pouvais m’occuper
de sa chair tendre et ainsi apaiser la faim que j’avais d’elle.
Je descendis le long de son corps, attrapai l’un de ses adorables pieds et déposai un baiser sur la
plante. Pas de réaction. Tout sourire, je continuai à cheminer à coups de baisers le long de son mollet,
allant et venant, goûtant à sa peau à plusieurs reprises.
Elle s’étira, bougea. Très légèrement, au début. Mais je sus à quel moment précis elle s’éveilla.
Ses lents mouvements cessèrent, elle battit des paupières. Je ne m’arrêtai pas pour autant, et observai
son visage ensommeillé.
— Et voilà ton regard. Je commençais à me demander combien de baisers exactement allaient
être nécessaires pour te réveiller. Non pas que cela me gêne de continuer plus haut, mais cela nous
conduirait à une récidive sexuelle endiablée et tu n’as plus que vingt minutes pour arriver au travail.
Blaire écarquilla les yeux. Elle se redressa si vivement que j’en abandonnai sa jambe. Je savais
bien qu’elle n’aurait pas voulu manquer un jour de boulot.
— Tu as le temps. Je vais aller te préparer à manger pendant que tu t’habilles, lui proposai-je.
Je n’avais qu’une seule envie : passer le petit déjeuner entre ses jambes. Malheureusement, une
fois encore, mes désirs n’entraient pas en ligne de compte.
— Merci, mais ce n’est pas nécessaire. J’attraperai quelque chose dans la salle de repos du
personnel en arrivant.
Elle rougit en saisissant le drap dont elle se couvrit les seins. La femme affectueuse de la veille
avait disparu, et une autre, nerveuse et peu sûre d’elle, l’avait remplacée. Qu’avais-je fait de mal ?
— Je voudrais vraiment que tu déjeunes ici. Je t’en prie.
La lueur qui traversa son regard me fit comprendre que c’était ce qu’elle avait besoin d’entendre.
Fallait-il la rassurer ?
— OK. Il faut que j’aille dans ma chambre prendre une douche.
Sa nervosité ne l’avait pas abandonnée.
J’aurais préféré qu’elle reste à l’étage, qu’elle utilise mes affaires. Mais…
— Je suis vraiment partagé. J’ai envie que tu te douches ici, mais je ne crois pas que je pourrai
m’éloigner sachant que tu es nue et recouverte de savon dans ma baignoire. J’aurais envie de t’y
rejoindre, avouai-je.
— Aussi tentant que cela semble, je serais en retard au travail, dit-elle avec un petit sourire.
— C’est juste. Il faut que tu ailles à ta chambre.
Elle cherchait ses vêtements des yeux. Je souhaitais qu’elle porte les miens ce matin. Lorsqu’elle
sortirait d’ici en ayant l’air d’un ange échevelé, ce serait mon tee-shirt qui effleurerait sa peau, qui
couvrirait ce qui m’appartenait.
— Enfile ça. Henrietta vient aujourd’hui. Je lui ferai laver et repasser les habits que tu avais hier.
Je ramassai le tee-shirt que je portais la veille et le lançai dans sa direction.
Elle ne discuta pas. Je n’arrivai pas à détacher mon regard d’elle lorsqu’elle enfila le vêtement,
ne laissant retomber le drap qu’une fois assurée que ses seins étaient invisibles. Que je les aie sucés
et léchés la veille comme un obsédé ne semblait pas entrer en ligne de compte.
— Mets-toi debout maintenant. Je veux te voir.
Dans mes fringues. C’était une image que je tenais à garder à l’esprit pour l’éternité.
Elle obtempéra. Le tee-shirt lui arrivait aux cuisses. Savoir qu’elle était nue dessous, et combien
il me serait facile de la soulever et de lui écarter les jambes, me poussa à reconsidérer mes plans
pour la journée.
— Tu peux te faire porter pâle ? demandai-je, plein d’espoir.
— Je ne suis pas malade, fit-elle remarquer, sourcils froncés.
— Tu en es sûre ? Parce que moi, je crois que j’ai de la fièvre, plaisantai-je en contournant le lit
pour venir la prendre dans mes bras. La nuit dernière était incroyable, ajoutai-je, la bouche contre ses
cheveux.
Elle m’enlaça étroitement.
— Je dois travailler aujourd’hui. Ils m’attendent.
C’était tout Blaire. Et l’une des nombreuses choses qui m’avaient attiré chez elle. Elle ne
mentirait pas, elle assumerait ses responsabilités. Je la relâchai et reculai.
— Je sais. Fonce, Blaire. Bouge ton adorable petit cul et descends te préparer. Je ne peux pas
promettre de te laisser partir si tu restes devant moi comme ça plus longtemps.
Elle sourit et s’élança dans les escaliers. Son rire s’attarda dans son sillage, et moi je restai
planté là, un sourire bête aux lèvres.
Je me douchai et m’habillai rapidement avant de passer un coup de fil à Jace. Je n’avais pas
envie de demander à Blaire quel était son emploi du temps, mais j’avais besoin d’une excuse pour me
trouver au club. Je ne m’y rendais jamais, sauf si Nan avait besoin d’un partenaire de golf ou voulait
qu’on y dîne ensemble.
— Allô ?
Jace avait l’air surpris par mon appel.
— Salut. Tu golfes aujourd’hui ? demandai-je.
— Heu, ouais, comme tous les jours. Tu le sais bien.
— Je veux en être.
— Toi ? Golfer ? s’étonna-t-il.
Je ne voyais pas pourquoi il en faisait tout un plat. C’était déjà arrivé. À l’occasion, je m’offrais
un parcours avec Nan et Grant.
— Ouais, et alors ?
Jace gloussa.
— Évidemment. Tu n’as pas joué avec nous depuis des siècles. Pourquoi aujourd’hui ?
D’habitude, il faut que Nan ou Grant te traînent à leur suite.
Je n’allais pas répondre à ça. Il n’avait pas besoin de se faire une fausse idée sur Blaire. Je
m’arrangerais pour qu’ils me voient tous avec elle et m’assurerais qu’ils comprennent bien que
personne ne la toucherait.
— Suis d’humeur, répliquai-je.
— Dans ce cas, rendez-vous à onze heures trente. Woods a une réunion cet après-midi avec son
père, du coup on se retrouve tôt.
Je ne relevai pas que « tôt », pour la plupart des gens, c’était six ou sept heures du matin. Pas
onze heures trente.
— Merci. À tout à l’heure.
Je descendis voir si Blaire était déjà partie. Impossible qu’elle ait eu le temps de se préparer et
de manger si elle avait choisi de prendre une douche. J’ouvris la porte au bas de mes escaliers et
jetai un coup d’œil à droite. La chambre de Blaire était ouverte, la pièce vide, les lumières éteintes.
Je dévalai les marches deux à deux jusqu’au rez-de-chaussée, espérant arriver à temps pour lui
dire au revoir. Elle se tenait devant le bar, un bol de céréales dans une main et une cuiller dans
l’autre. Elle mangeait. Bien.
— Ne t’interromps pas pour moi, la rassurai-je en me dirigeant vers la cafetière. (Je ne voulais
pas la rendre nerveuse. On aurait dit qu’elle était à fleur de peau.) Tu travailles en salle aujourd’hui ?
Elle secoua la tête et avala ses céréales.
— Non, ils ont besoin de moi sur le parcours, répondit-elle.
Je reportai mon attention sur le café, dissimulant mon sourire. Je la verrais, alors. J’adorais le
golf, bordel. Je remarquai alors que son téléphone traînait sur le comptoir et m’en saisis. Elle l’avait
déjà oublié.
J’allumai la cafetière tandis que Blaire amenait son bol à l’évier. Je lui bloquai le passage, le lui
pris et le déposai dans l’évier.
— Est-ce que… ça va ? demandai-je en glissant doucement ma main entre ses cuisses.
Je craignais que cette zone ne lui soit douloureuse aujourd’hui. Elle allait devoir travailler
dehors dans la chaleur et je ne tenais pas à ce qu’elle souffre.
Elle rougit et baissa la tête.
— Je vais bien, souffla-t-elle.
— Si tu restais à la maison, je ferais en sorte que tu te sentes encore mieux.
Sa respiration s’accéléra.
— Je ne peux pas. Je dois bosser.
Son regard rencontra le mien.
Je glissai son portable dans la poche de son short. Je tenais à ce qu’elle l’ait sur elle tout le
temps.
— Je ne supporte pas l’idée que tu souffres peut-être et que je ne puisse rien y changer, lui dis-je
en la caressant doucement à travers le tissu.
— Faut que je me dépêche. J’ai dû me passer de douche, ce qui est horrible, je sais, mais c’était
soit manger, soit me laver. Je ne voulais pas que tu… Je voulais petit déjeuner, comme ça, tu serais
content.
Elle ne s’était pas douchée. La vache. J’enfouis mon visage dans le creux de son cou et inspirai
profondément.
— Merde, Blaire. J’adore l’idée que tu portes mon odeur toute la journée, avouai-je.
Savoir qu’elle ne s’en était pas débarrassée fit gronder la bête sauvage qui vivait en moi. Je
perdais complètement les pédales.
— Je file.
Sur un petit geste de la main, elle se dirigea rapidement vers la porte.
Ce ne fut que lorsque j’entendis cette dernière claquer que je m’aperçus que je n’avais pas eu de
bisou. Elle m’avait distrait avec ce truc de ne pas s’être lavée. Mon sourire idiot commençait à étirer
douloureusement mes lèvres. Je n’avais pas beaucoup souri dans ma vie, mais cette fille me donnait
une raison de le faire.
23
— De retour sur le parcours aujourd’hui ? J’ai beau aimer t’avoir à l’intérieur, cela rend le golf
vachement plus sympa, lança Woods à Blaire quand elle arrêta sa voiturette près du premier trou.
J’allais remettre les pendules à l’heure sans tarder.
— Recule, Woods. Tu es un peu trop près, grognai-je en avançant vers eux.
Blaire pivota, l’air surprise. Elle ne s’était pas attendue à me voir. Elle n’allait pas tarder à
découvrir que se débarrasser de moi était impossible.
— C’est elle la raison pour laquelle tu tenais soudain à jouer avec nous aujourd’hui ? s’enquit
Woods, ennuyé.
Je ne pris pas la peine de lui répondre. J’étais concentré sur Blaire. La ligne de ses cheveux était
déjà humide de transpiration. Il faisait chaud aujourd’hui et elle éprouvait peut-être un certain
malaise physique. Si tel était le cas, Woods devrait la laisser rentrer à la maison. Je la jetterais en
travers de mes épaules et l’y porterais moi-même si nécessaire. Je l’enlaçai et l’attirai à moi dans un
geste possessif. Puis, tête baissée, je murmurai à son oreille :
— Tu as mal ?
— Je vais bien, répondit-elle.
J’embrassai son oreille, mais je n’étais pas encore prêt à la laisser partir.
— Tu peux sentir que j’ai été en toi ? lui demandai-je.
Certes, je ne tenais absolument pas à ce qu’elle éprouve la moindre douleur, mais en revanche, je
voulais qu’elle ait un rappel physique de ma présence dans son intimité.
Elle opina et se laissa aller contre moi. Ma petite Blaire aimait que je parle de sexe. Je m’en
rappellerais.
— Bien. J’aime savoir que c’est le cas, commentai-je avant de lever les yeux sur Woods, histoire
de m’assurer qu’il me comprenait bien.
— Je me doutais que cela allait arriver, commenta-t-il d’un ton irrité.
— Nan est déjà au courant ? demanda Jace.
Thad, un des amis proches de Woods et de Jace, balança un coup de coude à ce dernier, comme
pour lui intimer le silence.
— Ce ne sont pas les affaires de Nan. Ni les vôtres, rétorquai-je en jetant un regard noir à Jace.
Il ferait mieux de suivre les conseils de son pote et de la fermer. Je me chargerais de Nan. Ils ne
comprenaient rien à rien.
— Je suis venu ici pour jouer au golf. Ce n’est pas l’endroit pour parler de ça. Blaire, pourquoi
ne nous sers-tu pas nos rafraîchissements avant d’aller au trou suivant ? intervint Woods.
Je n’aimais pas qu’il lui donne des ordres, ce qu’il ne se privait pas de faire de manière
délibérée. Ce salaud aurait intérêt à faire gaffe. Son papa allait me voir débarquer dans son bureau en
moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. C’était grâce à l’argent Finlay que la boutique tournait.
Je n’agirais pas devant Blaire, elle n’apprécierait pas, mais Woods serait remis à sa place.
Blaire se détacha de moi et servit tout le monde. Elle me tendit une Corona sans me demander ce
que je désirais. Elle donna sa bière à Woods et il lui glissa un pourboire de cent dollars. Elle se
raidit en me lançant un regard et enfouit rapidement le billet dans sa poche. Qu’il la paie bien ne me
pousserait pas à bout. Il pouvait se le permettre et elle le méritait, ne serait-ce que pour bosser pour
lui. Connard.
J’avançai vers elle et plaçai deux cents dollars dans sa poche avant de l’embrasser sur la bouche.
Manière d’affirmer qu’elle était mienne et qu’ils avaient tous intérêt à bien se le rentrer dans le
crâne. Je lui adressai un clin d’œil et me dirigeai vers le caddy. Je n’accorderais pas la moindre
attention à Woods avant qu’elle ne soit partie, parce qu’un seul sourire narquois de sa part suffirait à
ce que je lui balance mon poing dans la gueule.
Lorsque je me tournai, Blaire s’éloignait au volant de sa voiturette. Je tapai un message sur mon
portable :
Je suis désolé pour Woods.
Il s’était mal comporté et je m’inquiétais qu’elle en soit bouleversée. Il était son patron. Il fallait
qu’elle sache qu’il ne recommencerait pas.
Pas de souci. Woods est mon boss. C’est pas un drame.
Avait-elle l’habitude qu’il agisse ainsi ? Ouais, lui et moi allions avoir une discussion. Et tout de
suite.
— Donc, Blaire et toi, hein ? J’ai rien vu venir, dit Jace avec un sourire débile aux lèvres.
Woods laissa échapper un rire amer.
Je me postai sous son nez.
— Tu as quelque chose à me dire, Woods ? Parce que si c’est le cas, vas-y, crache. Moi, en tout
cas, j’ai à te parler.
La colère dans ses yeux ne me surprenait pas. Il n’aimait pas qu’on lui rappelle qu’il ne pouvait
m’intimider. Il secoua la tête et se tourna vers la colline où la voiturette de Blaire avait disparu.
— Elle est trop bien pour que tu la baises. Je m’étais dit qu’il y avait une chance pour que tu aies
assez de cœur pour t’en abstenir. Elle mérite bien mieux que ce qu’elle obtiendra de toi. Si elle
m’avait donné ma chance, je lui aurais montré comment elle méritait d’être traitée. Mais toi, dit-il,
doigt pointé vers ma poitrine, toi, Finlay, tu n’as qu’à lever ton petit doigt de fils de rock star et elles
accourent. Et tu les jettes ensuite sans y accorder la moindre pensée. Blaire n’est pas assez
expérimentée pour gérer ça. Elle a le cœur tendre, bon sang.
On aurait dit qu’il était prêt à me frapper.
La seule raison expliquant que je le laissais me hurler dessus était qu’il ne savait pas de quoi il
parlait. Il pensait que j’utilisais Blaire. Il voulait la protéger. Ce qui n’arriverait pas, parce que je ne
le laisserais pas approcher d’elle, mais j’appréciais qu’il voie en elle la même chose que moi. Blaire
était précieuse. Je le repoussai de sous mon nez.
— Tu crois vraiment que je l’aurais touchée si je n’avais pas eu conscience de tout ça ? Tu crois
que j’aurais menacé ma sœur pour n’importe qui ? Non. Blaire n’est pas une fille de plus pour moi.
C’est la bonne.
Que je l’affirme à voix haute choqua tout le monde, moi compris. C’était la femme de ma vie.
Je ne voudrais de personne d’autre.
Plus jamais. Seulement Blaire.
— Bordel de merde, murmura Jace dans mon dos. Rush Finlay ne vient pas de dire ce que je
crois qu’il a dit.
Le regard noir de Woods s’adoucit lentement. Tandis que mes mots s’infiltraient dans son crâne
épais, je vis l’incrédulité, puis l’acceptation, s’afficher sur son visage.
— Merde, finit-il par lâcher.
Je reculai d’un pas et haussai les épaules.
— Comme tu dis. Sauf que tu t’es trompé sur un point. Elle n’est pas spéciale. Elle est sacrément
parfaite. (Je me détournai, puis m’arrêtai pour le toiser par-dessus mon épaule.) Et elle est à moi,
affirmai-je avec suffisamment de force pour que tous m’entendent.
Je les observai l’un après l’autre, les défiant du regard. Eux me contemplaient comme si j’avais
perdu la tête.
— Blaire est à moi. À moi, répétai-je.
— Eh bien, meeerde, finit par oser Thad. J’aurais dû être plus attentif à la nouvelle venue. Elle a
réussi à s’attacher le plus grand amateur de femmes que je connaisse. La vache, je suis impressionné.
Cette fois-ci, ce fut Jace qui balança un coup de coude à Thad.
— La ferme, siffla-t-il.
— Jouons au golf, proposai-je.
Je pris mon drive et me dirigeai vers le tee.

Je pris un déjeuner tardif avec Grant puis rentrai à la maison me doucher et réfléchir à ma soirée
avec Blaire. Bien que le sexe se trouve très haut sur la liste de mes priorités, je savais qu’un rythme
tranquille lui serait nécessaire. Et j’avais aussi envie de parler. Il y avait tant de choses que
j’ignorais à son sujet. M’asseoir et l’écouter me raconter des choses, voilà ce dont je rêvais.
L’emmener dîner dehors était une option, mais j’étais avare de sa présence et ne tenais pas à la
partager si vite. Je voulais sa totale attention, et savoir que moi seul la regarderais. J’avais envie
qu’il n’y ait qu’elle et moi, à la maison. Tous les deux.
Puis, évidemment, l’embrasser sur tout le corps et goûter encore à la douceur entre ses cuisses
me tentait fortement. Mais avant tout, discuter. Que notre histoire ne soit pas qu’une histoire de cul.
Pour la première fois de ma vie, je désirais m’ouvrir à quelqu’un d’autre. Ne pas laisser Blaire
dehors. Il fallait qu’elle m’aime. Pour que je survive à tout ça, son amour était essentiel. En revanche,
je n’avais aucune idée de comment parvenir à ce qu’elle tombe amoureuse de moi. Apprendre à la
connaître aiderait. Me rassasier de son intimité ne me mènerait pas à son cœur. Je devais me rappeler
qu’il était hors de question que ma dépendance à son goût prenne le dessus. Est-ce que je l’aimais ?
Je n’étais jamais tombé amoureux. Mon père, Nan et Grant mis à part, il m’était impossible
d’affirmer avoir aimé qui que ce soit.
La ferais-je passer avant l’un d’eux ?
Oui.
Serais-je capable de donner ma vie pour la protéger ?
Oh que oui.
Pourrais-je vivre si elle me quittait ?
Non, cela me briserait.
Était-ce de l’amour ? Cela semblait tellement plus fort que ça.
Un coup frappé à la porte de ma chambre me tira de mes pensées. Merde. Ce n’était pas Grant,
mais Nan. Avec qui je n’avais pas envie de négocier à la minute présente. Je pris mon temps pour
aller répondre. Ses coups redoublèrent.
J’ouvris brusquement pour me retrouver face au visage noyé de larmes de ma sœur. Elle n’était
pas autorisée dans ma chambre. Chose que je n’avais jamais énoncée de vive voix, mais qui allait de
soi. Je fis un pas dans le couloir et fermai la porte derrière moi.
Nan pointait du doigt la chambre de Blaire… ou plutôt, la pièce où elle rangeait ses affaires. À
partir de maintenant, elle dormirait avec moi.
— Alors, c’est vrai ! Elle est là. Tu l’as laissée emménager ici ? Tu la sautes, aussi ? C’est ça
dont il s’agit ? Elle n’est pas si canon que ça, Rush. C’est pas comme si tu ne pouvais pas avoir
toutes celles que tu veux. C’est qu’une fille mignonne de plus. Pourquoi t’es allé jusque-là ? Tu ne
contrôles pas tes pulsions ? J’arrive pas à imaginer qu’elle soit si bonne que ça au lit !
— Arrête ! grondai-je avant qu’elle n’ajoute un mot.
Nan me poussait à bout. La voir pleurer me rendait malade, mais avec elle, on ne savait jamais si
c’était du cinéma ou pas. Comme je n’avais pas été témoin de ce qui avait déclenché ses pleurs, je
n’étais sûr de rien. Pour autant, je ne tenais pas à ce qu’elle soit bouleversée. Uniquement à ce
qu’elle me laisse être heureux. Pour une fois dans ma foutue vie, qu’elle me laisse prendre une
décision pour moi. Pas pour elle.
— Ne me crie pas dessus ! (De vraies larmes envahirent ses yeux. Bon, d’accord, elle était peut-
être sincèrement émue. Je ne haussais pas souvent le ton avec elle. Généralement, elle ne m’énervait
pas autant.) Depuis… (Elle renifla.) Depuis qu’elle est arrivée ici, tu hurles tout le temps sur moi. Je
ne peux pas… (Un nouveau sanglot lui échappa.) Je ne peux pas le supporter. Tu t’es mis contre moi.
Pour prendre son parti.
Ce n’était pas la faute de Blaire. Pourquoi Nan ne s’en rendait-elle pas compte ? On tournait en
rond. Je l’attirai dans mes bras. La petite fille dont je m’étais occupé toute ma vie me regardait sous
ses paupières gonflées. J’étais tout ce qu’elle avait.
— Pardon de m’emporter contre toi, m’excusai-je.
Ses sanglots redoublèrent contre ma poitrine.
— C’est que… je ne comprends pas.
Dire à Nan que j’aimais Blaire ne serait pas la réponse appropriée. Pour commencer, je ne
l’avais pas encore avoué à Blaire et elle devait être la première à l’entendre. Ensuite, Nan péterait
les plombs. Elle était capable de passer de sanglots à vous déchirer le cœur à la folie furieuse en une
seconde. J’en avais été témoin plus d’une fois.
— Il ne s’agit pas de sexe. J’ai essayé de t’expliquer que Blaire n’était pas coupable. Qu’elle
aussi avait été trompée. Tu n’es pas la seule victime. Tu ne devrais pas haïr quelqu’un qui a souffert
comme toi. Je ne comprends pas comment tu peux ne pas voir ça, Nan. Je t’aime. Je t’aimerai
toujours. Tu le sais. Mais choisir entre elle et toi n’est pas possible. Pas cette fois-ci. Là, tu
demandes trop. Je ne la laisserai pas tomber.
Nan se raidit contre moi. J’espérais qu’elle m’écoutait, que je l’atteignais, mais je la connaissais.
Cela serait bien trop facile. Il faudrait quelque chose de bien plus énorme pour qu’elle abandonne
une haine à laquelle elle s’était accrochée la plus grande partie de sa vie.
— Pourquoi ne lui donnes-tu pas de l’argent et ne l’envoies-tu pas ailleurs ? me demanda-t-elle
calmement.
Elle s’était dégagée de mon étreinte et se tenait bras croisés dans une attitude défensive.
— Parce que je ne peux pas la laisser partir. Elle… elle me rend heureux, Nan.
Ça, je pouvais l’avouer.
Un éclair de colère traversa le visage de Nan. Un rien suffirait à l’enflammer si elle croyait que
j’avais plus de sentiments pour Blaire que pour elle. Aussi tordu que cela puisse paraître, Nan
s’attendait à occuper la première place dans ma vie. Elle n’avait jamais réfléchi à ce qui se passerait
si je tombais amoureux. Elle avait si désespérément besoin d’être la priorité de quelqu’un qu’elle
était déterminée à me l’imposer.
— Parce qu’elle baise bien ? demanda-t-elle amèrement.
Je serrai les paupières et pris une profonde inspiration. Garder mon calme était important. Le
perdre de nouveau n’aiderait pas. Lorsque j’ouvris les yeux, ce fut pour les planter dans les siens.
— Nan. Ne recommence pas. Pour moi, Blaire n’est pas une histoire de coucherie. Enfonce-toi ça
dans le crâne. Elle ne me mène pas par la queue. Elle est plus que ça.
Nan se tendit et reporta sa rage vers la porte de la chambre de Blaire.
— Tu ne la connais même pas. Tu viens à peine de la rencontrer. Pourtant, tu la fais passer avant
moi, cracha-t-elle.
— Si, je la connais. Nous vivons sous le même toit depuis des semaines maintenant. Je suis
incapable de me détacher d’elle. Je l’ai observée. Je lui ai parlé. Je la connais. Elle est… Bon sang,
Nan, elle est ce qui me rend heureux. Tu ne peux pas accepter ça ? Laisse tomber ce truc avec elle !
Nan ne m’accorda pas un regard et ne me répondit pas. La querelle était terminée pour le
moment, mais je savais que je n’avais pas remporté la manche. Nan n’en avait pas fini.
Nous restâmes ainsi en silence pendant un moment. J’attendais qu’elle ajoute quelque chose.
Quoi qu’elle décide, cela mériterait d’être soupesé avec soin. Nan détenait le pouvoir de tout gâcher.
Si elle parlait à Blaire, je la perdrais. Inimaginable.
— Je veux inviter des amis ici ce soir, finit-elle par dire en reportant son attention sur moi.
Bien. Elle allait m’imposer une de ses soirées. Typique d’elle. Il lui était essentiel que je cède.
— OK, répondis-je sans parlementer.
J’emmènerais Blaire dans ma chambre et nous serions loin de la foule et du bruit.
Nan hocha la tête avant de s’éloigner. Fin de la conversation. Pour le moment.
24
Même si je n’étais pas d’humeur à ça, j’avais autorisé Nan à organiser sa fête. Qu’elle aille trop
loin était possible si je ne lui imposais pas de limites. Je ne boirais pas ce soir. J’avais l’intention de
passer ma propre soirée avec Blaire. Les mecs avaient été informés que Blaire était hors de leur
portée, mais les filles n’avaient pas encore accepté que je ne sois plus disponible. Je refusai de la
tête une proposition de fellation offerte devant tout le monde par une amie de Nan.
Grant rencontra mon regard à travers la foule. Il était affalé sur le canapé avec une fille que
j’avais repoussée plus tôt dans la soirée. Elle était maintenant à moitié installée sur ses genoux. Il
roula les yeux et avala une gorgée de bière. Je lui avais demandé de venir surveiller les lieux ce soir.
Je ne voulais pas être dérangé. Il avait accepté, à la condition de pouvoir rester dormir dans sa
chambre habituelle si une fille retenait son attention.
Je m’en foutais, tant qu’il ne nous dérangeait pas, Blaire et moi. J’indiquai d’un signe de tête la
nana que je venais de rejeter. S’il voulait une aventure pimentée et facile, j’étais sûr qu’elle serait un
bon choix.
Il arqua les sourcils pour marquer son intérêt et l’observa tandis qu’elle se baladait dans la
pièce. Moi, je comptais attendre Blaire dans sa chambre. Elle ne devrait plus tarder.
— Tu montes ? me demanda Nan.
Je confirmai :
— Ouais. Grant est ici si tu as besoin de lui.
— Et elle ? Elle sera en haut aussi ? s’enquit-elle comme si elle se fichait de ce que Blaire
faisait.
— Blaire sera avec moi. Bonne nuit, Nan. Passe une bonne soirée.
Elle pivota sur ses talons et avança à grands pas vers la cuisine. Je me tournai vers Grant et il
secoua la tête. Il savait que Nan me pourrissait au sujet de Blaire. Je voyais bien qu’il n’adhérait pas
à l’option « Ne rien dire à Blaire ». Il pensait que je devais lui parler avant que cela n’aille trop loin.
Le problème était que j’avais déjà laissé les choses aller trop loin.

La chambre de Blaire était imprégnée de son odeur. Je n’allumai pas. Je voyais mieux la lune sur
le golfe du Mexique dans l’obscurité. Je m’assis au pied de son lit et inspirai, essayant d’assouvir ma
faim d’elle. Elle serait là d’une minute à l’autre. Mais l’impatience me prenait. S’il y avait un moyen
de convaincre Blaire d’arrêter de travailler et d’accepter que je m’occupe d’elle, je n’hésiterais pas.
Mais j’avais bien conscience qu’il ne servait à rien de le lui proposer. Elle s’y opposerait. J’avais
dû lui mentir pour qu’elle prenne ce foutu téléphone. Elle prévoyait encore de me payer la nourriture.
Je trouverais un moyen pour remettre cet argent sur son compte épargne. D’une manière ou d’une
autre. Cette tête dure refuserait tout de moi, sauf mon corps. Je souris à cette idée. J’étais plus que
désireux de le lui offrir. Elle accueillerait aussi ma langue avec joie. Elle craquait pour elle. La
manière dont l’anticipation dansait dans son regard lorsqu’elle voyait mon piercing était si sexy.
J’entendis des bruits de pas et tournai la tête pour voir Blaire entrer dans la pièce. Elle se couvrit
la bouche pour ravaler un cri de surprise, qui mourut à la seconde où elle s’aperçut que c’était moi.
Je me levai et avançai vers elle. J’avais trop besoin de la toucher.
— Hé, dis-je.
— Hé, répondit-elle, puis elle plissa les lèvres : Que fais-tu ici ?
Où d’autre pourrais-je bien être ?
— Je t’attendais. Je croyais que c’était évident.
Elle baissa la tête pour dissimuler son sourire qui, malgré tout, ne m’échappa pas.
— Je peux m’en rendre compte. Mais tu as des invités.
Je les avais déjà oubliés. J’étais totalement concentré sur elle.
— Ce ne sont pas les miens. Crois-moi, je rêvais d’une maison vide, lui assurai-je en caressant
sa joue. Monte avec moi. S’il te plaît.
Elle laissa tomber son sac sur son lit et mit sa main dans la mienne.
— Montre-moi le chemin.
Je parvins à la laisser atteindre la dernière marche avant de la prendre dans mes bras et de coller
mes lèvres aux siennes. J’avais pensé toute la journée à son goût délicieux, et combien j’aimais la
sensation de sa langue glissant contre la mienne.
Elle me prit par le cou, me rendant mes baisers avec enthousiasme. Le désir qu’elle exprimait
répondait au mien, et je savais que je devais mettre un terme à ça tout de suite si je souhaitais que
nous discutions ce soir.
Je m’arrachai à son étreinte.
— Parler. Oui, parler, voilà ce que nous allons d’abord faire. Je veux te voir sourire et rire. Je
veux savoir quelle était ton émission télé préférée quand tu étais enfant, et qui te faisait pleurer à
l’école, ainsi que les posters de quel groupe de musique tu avais accrochés aux murs. Puis, je te veux
de nouveau nue dans mon lit, lui déclarai-je.
Elle rit et alla s’installer sur le sofa. Des images d’elle nue sur mon grand canapé d’angle me
traversèrent l’esprit. Je me secouai pour les arrêter. Ce n’est pas le plan, Rush.
— Tu as soif ? lui demandai-je en ouvrant le Frigidaire de ma chambre.
— Un verre d’eau glacée ne serait pas de refus.
Je lui préparai sa boisson tout en pensant à toutes les choses que je voulais apprendre d’elle. Et
non pas à l’expression de son visage dans la jouissance.
— Les Razmokets1 étaient ma série préférée. Ken Norris me faisait pleurer au moins une fois par
semaine, mais il faisait par conséquent le même effet sur Valerie et cela me mettait en colère au point
que je le tape. Mon attaque préférée et la plus efficace a été un coup balancé dans ses testicules. Et,
honteusement, les Backstreet Boys couvraient mes murs.
Je lui tendis son verre et m’installai à côté d’elle.
— Qui est Valerie ?
Elle n’avait jamais évoqué ses amies. J’étais parti du principe qu’elle n’en avait pas beaucoup à
cause de sa mère.
Blaire se raidit à mon côté, décuplant mon intérêt. Est-ce qu’elle avait souffert à cause de cette
Valerie ?
— C’est ma sœur jumelle. Elle est morte dans un accident de voiture il y a cinq ans. Mon père
était au volant. Deux semaines plus tard, il est sorti de nos vies pour ne plus y revenir. Ma mère me
disait qu’il fallait que nous lui pardonnions, parce qu’il ne pouvait pas vivre avec la mort de Valerie
sur la conscience. J’ai toujours voulu la croire. Même quand il n’est pas venu à l’enterrement de ma
mère, j’ai préféré présumer qu’il ne pouvait juste pas y faire face. Et je lui ai donc pardonné. Je ne
l’ai pas détesté et je n’ai pas laissé l’amertume et la haine prendre le dessus en moi. Mais après je
suis venue ici et… tu connais la suite. Je pense que ma mère avait tort.
Merde. Bordel. J’étais pris de nausée. Je m’appuyai au dossier du canapé et mis un bras sur
l’épaule de Blaire. J’avais envie de la prendre sur mes genoux et de la consoler. De lui dire que je
ferais tout ce qu’elle me demanderait pour arranger les choses. Pour changer le passé, je remuerais
ciel et terre. Mais c’était hors de ma portée. Donc, je me contentai de dire :
— Je ne savais pas que tu avais une jumelle.
Ce qui était un mensonge. Je l’avais su. Mais il était si facile d’oublier que la femme sur laquelle
j’avais ces informations était la même que celle dont j’étais tombé follement amoureux. Celle qui
avait souffert à cause de mes actes.
— Nous étions identiques. Impossible de nous différencier. On s’amusait beaucoup de ça à
l’école et avec les garçons. Il n’y avait que Cain qui était capable de nous distinguer.
Je glissai ma main dans ses cheveux et me mis à jouer avec ses mèches soyeuses.
— Depuis combien de temps tes parents se connaissaient-ils lorsqu’ils se sont mariés ?
L’entendre de sa bouche m’était nécessaire. Il y avait tant de vérités que je craignais de ne pas
connaître. Tant de mensonges auxquels j’avais cru.
— Ça a été le coup de foudre entre eux. Ma mère séjournait chez une amie à Atlanta. Papa avait
récemment rompu avec sa petite amie d’alors et sonna un soir chez l’amie de ma mère alors que cette
dernière s’y trouvait seule. Leur copine était un peu fofolle, d’après maman. Mon père a posé les
yeux sur ma mère, et a été emballé. Je ne peux pas le lui reprocher. Elle était superbe. J’ai la même
couleur de cheveux qu’elle, mais elle avait de plus grands yeux verts. On aurait presque dit des
pierres précieuses. Et elle était vraiment marrante. Sa seule présence nous rendait heureux. Rien ne
l’atteignait jamais. Elle était toujours souriante. La seule fois où je l’ai vue pleurer, c’est quand elle a
appris pour Valerie. Elle s’est effondrée au sol et a gémi. Cela m’aurait terrorisée si je n’avais
éprouvé la même chose. C’était comme si on m’avait arraché une partie de mon âme.
Blaire s’arrêta et reprit rapidement son souffle. Je n’arrivais pas à m’imaginer perdre Nan ou
Grant. Et elle, elle avait perdu sa jumelle. Puis son père. Et enfin, sa mère. Mon cœur se serra.
Je l’enlaçai.
— Je suis tellement désolé, Blaire. Je n’en savais absolument rien.
Elle se tourna pour m’embrasser sauvagement.
Elle cherchait à être réconfortée et n’avait pas trouvé d’autre moyen de l’être. Je souhaitais
qu’elle sache que mes bras lui étaient ouverts et que je la tiendrais contre moi chaque fois qu’elle en
aurait besoin. Mais il m’était impossible de l’exprimer. Pas encore.
— Je les aime. Je les aimerai toujours, mais je vais bien maintenant. Elles sont ensemble. Elles
sont là l’une pour l’autre, dit-elle en mettant un terme à notre baiser.
Elle essayait de me consoler. Elle les avait perdues, et pourtant, elle tentait de me réconforter,
moi.
— Et toi, qui as-tu ? lui demandai-je.
Jamais je n’avais éprouvé une telle émotion de toute ma vie.
— Moi, répondit-elle d’un ton déterminé. J’ai découvert il y a trois ans lorsque ma mère est
tombée malade que tant que je pouvais compter sur moi-même et ne pas oublier qui j’étais, alors
j’irais toujours bien.
J’en avais le souffle coupé. Non. En fait, je ne méritais pas de respirer.
Elle était tellement forte. Elle avait vécu l’enfer et elle trouvait encore des raisons de sourire.
Elle pensait n’avoir besoin de personne. Mais Seigneur, moi j’avais besoin d’elle. Je n’étais pas
aussi fort qu’elle. Je n’étais pas digne d’elle. Je n’étais pas un mec bien. Jamais je ne mettrais un
terme à notre relation, ce qui était pourtant la juste chose à faire, parce que je serais incapable de la
regarder s’éloigner. La panique et le désespoir m’envahirent.
— J’ai besoin de toi. Tout de suite. Laisse-moi t’aimer ici même, je t’en prie, la suppliai-je.
J’étais prêt à l’implorer. Ça n’allait pas. Elle avait besoin de quelqu’un qui l’écoute et la
soutienne, et voilà que j’étais là à lui demander de s’occuper de moi.
Blaire enleva sa chemise et s’attaqua à la mienne. Je levai les bras et elle me la retira. Ça me
plaisait qu’elle me déshabille. Je détachai son soutien-gorge et libérai ses seins lourds qui emplirent
mes paumes.
— Tu es vraiment superbe. À l’intérieur autant qu’à l’extérieur, murmurai-je. Quand bien même
je ne le mérite pas, je veux être enfoui en toi. J’en suis impatient. J’ai envie d’être aussi proche de toi
que possible.
Blaire s’éloigna, sa poitrine se balançant en cadence. J’en salivai. Je ne pensais qu’à toucher ses
seins. À malaxer leur rondeur satinée. Elle se débarrassa alors de ses chaussures. Mes yeux se
portèrent sur ses doigts, qui luttaient maintenant avec le bouton de son short. Elle m’offrait un strip-
tease. Plus aucune trace de l’embarras qui l’avait saisie le matin même. Je n’aurais pas besoin de la
pousser à se mettre nue.
Elle se tortilla pour sortir de son short. J’étais presque sûr de haleter bruyamment.
— Déshabille-toi, m’ordonna-t-elle, les yeux rivés sur la preuve évidente de mon excitation.
La vache. Où était passée ma douce Blaire ? Je ne discutai pas. Je me levai, me débarrassai de
mon jean et l’attirai à moi en me rasseyant.
— Viens sur moi, exigeai-je.
Elle obéit. Elle écarta les cuisses et l’odeur sucrée de son intimité monta jusqu’à moi. Je voulais
la goûter. Mais cela attendrait.
— Maintenant, parvins-je à articuler malgré mon émotion, laisse-toi descendre sur moi.
J’attrapai mon sexe et le tint de manière à ce qu’elle puisse le glisser en elle. Je n’étais pas sûr
que la position soit idéale pour une deuxième fois, mais j’avais envie d’essayer. Elle se tenait à mes
épaules des deux mains.
— Doucement, ma puce. Lentement et doucement. Tu aurais mal sinon.
Elle opina alors que mon gland effleurait son intimité. Je le poussai contre sa fente. Elle trembla
lorsqu’il frôla son clitoris.
— Voilà. Tu es si foutrement mouillée. Mon Dieu, je veux te goûter.
Je savais qu’elle aimait m’entendre lui dire ce que je ressentais. J’adorais lui tenir ce genre de
langage sans l’effrayer.
Son regard se verrouilla au mien et elle bougea jusqu’à ce que je sois bien positionné. Ses
parfaites petites dents blanches vinrent se planter dans sa lèvre inférieure charnue et elle se laissa
tomber durement sur moi. Son cri se répercuta dans la chambre. Je retirai ma main, la laissant me
prendre complètement en elle.
— Merde ! grognai-je.
Sa chaleur m’enserrait avec cette même succion folle qui m’avait fait perdre la tête la veille.
Pour une raison quelconque, c’était encore plus intense. Elle était plus excitée, et bordel, plus
humide. C’était comme du velours lisse qui me retiendrait prisonnier jusqu’à ce qu’elle me tue de
plaisir.
Je n’eus pas le temps de lui demander comment elle se sentait. Sa bouche vint couvrir la mienne
et nos langues se mêlèrent sauvagement. Son goût. Oh Seigneur, elle avait si bon goût. Je pris son
visage en coupe et dévorai ses lèvres. Ma langue et mon sexe étaient enfouis dans le doux corps de
Blaire, et je me retenais de l’agripper pour la prendre comme un dingue. Elle rejeta la tête en arrière
et réaffirma sa prise sur mes épaules, puis se mit à me chevaucher comme si rien ne devait jamais
l’apaiser. La peur qu’elle souffre s’évanouit quand je pris la mesure de son expression de pur
bonheur. Mon regard tomba sur ses seins qui se balançaient chaque fois qu’elle se soulevait pour
revenir s’empaler sur moi.
— Blaire, oh bordel, Blaire, grognai-je, incapable d’y croire.
J’agrippai ses hanches et abandonnai tout contrôle sur moi-même. Je voulais la chérir, mais bon
sang, j’avais aussi envie de la baiser. Avec un abandon complet. C’était la chose la plus excitante, la
plus bouleversante que j’aie jamais expérimentée.
— Merde, ma puce. Doux Jésus, Blaire. Ouais, c’est ça, ma belle, prends-moi. (Les mots se
déversaient, je ne parvenais pas à les retenir.) Ta fente étroite est parfaite. Avale-moi, aucun minou
n’est aussi agréable. Seigneur, ma belle, c’est ça. Baise-moi. Baise-moi, Blaire. Ta chatte est la plus
douce au monde.
Une pensée me frappa alors. Je n’avais pas mis de préservatif. Je ne présentais aucun risque,
j’avais fait un dépistage peu de temps auparavant, et je sortais toujours couvert, mais… Elle
m’enserra et je ne me souciai plus de rien. Seigneur, j’avais envie de ça avec elle. Qu’il n’y ait rien
entre nous.
Elle changea de rythme, se balançant d’avant en arrière. Ma bouche chercha avidement ses tétons
et je les suçai tandis que ses seins rebondissaient devant mes yeux.
— Je viens, gémit-elle, accélérant ses va-et-vient.
— Merde, ma puce, c’est si bon.
Et elle hurla mon nom, tressautant contre moi tandis que son corps tremblait. Je jouis en elle, la
prenant par la taille pour m’empêcher de m’envoler sans elle. Son nom franchit mes lèvres plusieurs
fois. Mon corps vibrait et frissonnait. Je cherchai à reprendre mon souffle. Mon sperme l’envahit, la
marquant. La bête sauvage en moi se réveilla dans un grognement. Mienne. Mienne. Mienne.
Ses muscles internes me serraient encore, son corps toujours balayé par des vagues de
jouissance. À chaque spasme autour de mon sexe, je criais. J’avais l’impression de jouir encore et
encore. C’était sans fin.
Mais elle finit par se détendre, relâchant mon pénis de cette prise paradisiaque dans laquelle elle
l’avait retenu. Elle m’enlaça, et se laissa tomber sur moi.
— Jamais. Jamais de toute ma vie, haletai-je. C’était… Bon sang, Blaire, je n’ai pas les mots.
Je lui caressai le dos, pris ses fesses dans mes mains, savourant le moment présent.
— Je crois que le mot que tu cherches est « épique », dit-elle dans un rire.
Elle se redressa pour m’observer.
— La séance de sexe la plus épique que le genre humain ait connue, lui assurai-je. Je suis épuisé.
Tu le sais, non, que tu m’as épuisé ?
Elle tortilla les hanches. J’étais toujours en elle, pas encore prêt à bouger de là. Que mon sexe
réagisse si rapidement après ce que nous venions de vivre me surprit.
— Hum, non, je crois que tu pourrais encore servir, commenta-t-elle, un sourire malicieux aux
lèvres.
— Ciel, femme, tu vas me rendre dur et mûr une nouvelle fois. Mais il faut que je te lave avant.
Elle me contemplait avec une émotion que je craignais trop d’espérer. Du bout du doigt, elle
dessina ma lèvre inférieure.
— Je ne saignerai plus. C’est déjà fait, dit-elle timidement.
Je pris son doigt dans ma bouche et le suçai. Je savais que je devais lui parler. Elle ne s’était pas
encore rendu compte des conséquences de l’amour non protégé. Loin de moi l’idée de gâcher le
moment, mais il fallait qu’elle sache que je n’étais porteur d’aucune maladie. Même si elle ne prenait
pas la pilule, les risques qu’elle tombe enceinte étaient très faibles. La plupart des couples essayaient
pendant des mois. Un écart ne comptait pas.
— Je n’avais pas de préservatif. Mais j’en porte toujours d’habitude et effectue régulièrement
des prises de sang, lui dis-je calmement.
Elle ne réagit aucunement.
Merde.
— Je suis désolé, insistai-je. Tu étais nue et mon cerveau s’est mis aux abonnés absents. Je
t’assure qu’il n’y a pas de souci.
— Ça va. Je te crois. Je n’y ai pas pensé non plus.
Je l’attirai de nouveau contre moi.
— Bien, parce que c’était tout bonnement incroyable. Je n’avais jamais éprouvé ça sans
préservatif. Savoir que j’étais en toi et te sentir sans rien m’a rendu méchamment heureux. Tu étais
incroyable. Tellement sexy, humide et étroite.
Elle gigota et mon sexe réagit immédiatement. Bon sang, que c’était agréable d’être avec elle.
— Hmm, murmura-t-elle.
J’en voulais plus. Comme ça. Juste là. Mais…
— Tu prends la pilule ?
Elle secoua la tête. Évidemment que non. Elle n’avait aucune raison pour cela. Nous allions
devoir changer ça. Je désirais lui faire de nouveau l’amour sans rien entre nous. Maintenant que j’en
connaissais la sensation, il n’y aurait pas de retour en arrière.
Je me retirai d’elle dans un grognement.
— On ne peut plus recommencer avant que cela ne soit le cas. Mais tu m’as à nouveau
complètement excité. (Je fis courir un doigt sur son clitoris gonflé.) Si sensuelle, murmurai-je.
Le petit bouton pulsait contre mon pouce. Elle rejeta la tête en arrière et gémit. Je la désirais de
nouveau. Je me retirerais cette fois-ci. Je… Oh merde, être en elle était tout ce à quoi j’aspirais.
— Blaire, viens prendre une douche avec moi, lui proposai-je.
— D’accord.
Elle me laissa la guider jusqu’à la salle de bains. J’allumai le chauffage au sol afin que le marbre
ne soit pas froid sous ses pieds. Puis j’ouvris les robinets, ainsi que l’option sauna. Je pris sa main.
— Je te veux dans la douche. Ce que nous venons de faire était la meilleure baise que j’ai connue
de ma vie. Mais ici, on va faire ça plus tranquillement. Je vais prendre soin de toi.
Je l’attirai dans la douche immense. L’eau se déversait sur nous depuis le plafond et deux
pommeaux fixés aux murs latéraux. Je fermai la porte pour laisser la vapeur nous entourer.
Blaire regardait tout autour d’elle, l’air émerveillée.
— Je ne savais pas qu’on fabriquait des douches aussi grandes et aussi compliquées. L’eau vient
de partout. Et c’est de la vapeur ?
Je la menai vers le banc, sourire aux lèvres.
— Tiens-toi à mes épaules, lui dis-je.
Puis je soulevai sa jambe et posai son pied sur le banc. Son intimité m’était complètement
dévoilée. Je n’ajoutai rien. Je fis mousser du savon avant de lui laver l’intérieur des cuisses.
— Rush ! souffla-t-elle en serrant mes épaules et en s’offrant plus à moi.
Je continuai de nettoyer le sperme sur sa peau, là où il s’était échappé d’elle, la rendant collante.
Je levai les yeux vers elle lorsque je touchai ses tendres replis. Je ne voulais pas la brûler ou la
piquer avec le savon, juste la nettoyer.
Elle ferma les yeux dans un battement de cils et gémit, se frottant à ma main. J’avais dans l’idée
de m’occuper d’elle avant de remettre ça, mais si elle continuait ainsi, je ne résisterais pas
longtemps.
— C’est bon ? lui demandai-je.
Elle se contenta d’opiner, la tête légèrement rejetée en arrière. L’eau avait mouillé ses cheveux,
qui lui collaient au visage. Je déposai une traînée de baisers sur son front, puis sur ses joues, tout en
continuant à la caresser.
— C’est douloureux ? murmurai-je à son oreille.
Elle frissonna.
— Oui, mais ça me plaît. Sachant que c’est toi qui en es responsable… (Elle marqua une pause.)
… parce que tu m’as prise, acheva-t-elle dans un soupir.
— Blaire, ma belle, je vais recommencer. Tu n’aurais pas dû parler comme ça. Je ne peux pas
continuer à me comporter correctement et à m’occuper de toi.
Le ton de ma voix montrait clairement combien j’étais proche de l’attraper et de la pencher
devant moi.
Elle ouvrit les yeux et la chaleur qui j’y lus m’enflamma.
— Tu me baiserais contre le mur ? demanda-t-elle, le souffle lourd.
— Dans n’importe quelle position que tu souhaites, ma douce Blaire.
Je pris de l’eau dans mes mains en coupe pour rincer le savon entre ses jambes. Lorsqu’il n’en
resta rien, je la tournai contre le mur. Mais je me retins. J’allais me montrer doux et lent. Elle pouvait
bien dire qu’elle aimait ça, mais demain la zone serait sensible, et je ne devais pas oublier de faire
preuve de prévenance.
— Je ne vais pas mettre de préservatif, impensable. J’ai besoin de te sentir. Mais je te promets
de me retirer avant de jouir, lui dis-je.
— D’accord. Mais Rush, je t’en prie, prends-moi, supplia-t-elle.
Tout contrôle sur moi-même m’échappa.
1. Dessin animé américain dont le titre original est Rugrats et qui met en scène des bébés âgés de trois mois à trois ans. (N.d.T.)
25
Le soleil m’éveilla. Je plissai les yeux en me rendant compte que j’avais oublié de fermer les
stores la veille au soir. Puis, le parfum de Blaire me parvint et je roulai sur le dos pour découvrir un
lit vide. Merde. Elle était partie.
Je dormais quand elle s’était préparée pour aller travailler. Moi qui tenais à l’embrasser pour lui
souhaiter une bonne journée. Avait-elle pensé à prendre un petit déjeuner ? Frustré, je repoussai les
couvertures et me levai. Blaire avait un emploi, ce qu’il me fallait accepter. Elle ne permettrait pas
qu’il en soit autrement. Même si ça craignait. Je n’aimais pas qu’elle travaille tant, en particulier
après que je l’ai empêchée de dormir une bonne partie de la nuit.
Elle allait être épuisée. Lorsqu’elle rentrerait, je la nourrirais, la masserais et lui offrirais un
bain. Ce soir, je me rattraperais pour lui avoir fait l’amour comme un fou la nuit passée. On irait tôt
au lit. Elle se reposerait. Je pouvais me retenir de lui sauter dessus une nuit. Mais je ne me tiendrais
probablement pas très éloigné de sa chatte. Je n’étais pas de bois.
Je décidai de me passer de douche. J’avais son odeur sur ma peau et je n’étais pas déjà prêt à
m’en débarrasser. Ainsi, j’aurais un rappel de ma chance, et son parfum m’accompagnerait toute la
journée.
Quand je descendis à la cuisine pour attraper quelque chose à manger, il était déjà presque midi.
On sonna à la porte, puis des coups retentirent contre le battant.
— Rush ! Ouvre ! J’ai les mains pleines ! hurla Nan.
Merde.
Ma sœur se tenait sur le seuil, les cheveux enroulés dans de grands bigoudis, les bras chargés de
plusieurs sacs et d’une housse à vêtements au logo de Marc Jacobs. En quel honneur ?
— Nan, qu’est-ce que tu fous là avec tout cet attirail ? Et la dernière fois que j’ai vérifié, il n’y
avait ni Marc Jacobs ni… (Je jetai un œil à ses sacs.)… Burberry, Chanel ou Saks à Rosemary
Beach. Ça sort d’où ?
Nan laissa tomber ses paquets et me regarda comme si c’était moi qui avais perdu la tête.
— De Manhattan. J’ai tout acheté lorsque j’y suis allée le mois dernier. J’ai deux robes Marc
Jacobs entre lesquelles je n’arrive pas vraiment à me décider. Et puis, les chaussures… Mais c’est
une autre histoire. Je ne parviens pas à choisir. Il faut que je sache ce que tu prévois de porter, et j’ai
besoin de la salle de bains de maman pour que la styliste puisse me maquiller et me coiffer. Elle est
plus spacieuse que la mienne, à mon appartement. En plus, comme ça, on partira ensemble.
Je ne comprenais vraiment rien à son discours. Une chose était sûre, si rien de tout cela
n’impliquait une Blaire nue, alors je n’en serais pas.
— Mais de quoi tu parles ? lui demandai-je.
Si seulement j’avais pu avaler au moins un café avant que Nan ne débarque et ne se lance dans sa
diatribe.
Elle se figea sur les escaliers qu’elle avait pris d’assaut et se tourna vers moi. À son expression,
je sus que le drame n’était pas loin.
— De ce soir, Rush. Tu as oublié ? Vraiment ?
Sa voix avait grimpé d’une octave. L’hystérie la guettait.
Bon sang, où était mon café ?
— Oh Seigneur, si, tu as bien oublié. Tu es tellement à fond sur elle que tu ne te souviens pas
d’un truc qui est important pour moi, hurlait maintenant Nan.
Je fermai les yeux et me frottai les tempes, espérant ne pas finir avec une migraine. Je ne
souhaitais qu’une chose : boire enfin mon café et organiser ma soirée avec Blaire.
— Nan, je viens juste de me lever. Arrête de crier, s’il te plaît.
— Arrêter de crier ? Tu me demandes vraiment d’arrêter de crier quand mon propre frère oublie
que ce soir se tient le Bal des Débutantes ? Événement auquel je me prépare depuis mes cinq ans. Tu
le sais. Tu sais combien ça compte pour moi. Mais tu as oublié !
Bordel. Je n’avais aucune envie d’accompagner ma sœur à un bal où une bande de femmes gâtées
et sur leur trente et un essaieraient de se voler la vedette toute la soirée. Blaire n’entrait pas dans
cette équation, et mon seul désir était d’être avec elle.
— Tu ne veux pas venir ! lança Nan dans un beuglement retentissant.
On aurait dit une enfant.
— J’ai oublié, pardon. Mais cela fait des mois que tu n’en as pas parlé et tu sais que ce n’est pas
mon truc.
Nan jeta par terre le sac qu’elle portait encore.
Super. On était partis pour une explosion de mauvaise humeur avec des vêtements qui m’avaient
coûté une fortune. Blaire travaillait d’arrache-pied toute la journée, et ma sœur s’offrait des
chaussures avec mon argent, chaussures qui coûtaient plus que ce que Blaire gagnait en deux
semaines. Tellement injuste. Je détestais ne pas pouvoir offrir à Blaire tout ce qu’elle désirait.
— Tu es en train de dire que tu ne m’accompagneras pas, Rush ? Mon père n’est pas là pour
m’offrir son bras. Tu es mon unique frère. Mon cavalier doit être un membre de ma famille et être
aussi inscrit au club. Je n’ai personne d’autre que toi.
Elle avait cessé de hurler. Elle paraissait blessée. Une petite fille perdue qui avait besoin de son
grand frère pour sauver la situation.
— Évidemment que je vais t’emmener, Nan. Ça m’était sorti de la tête, c’est tout. Et tu t’es mise à
me crier dessus avant que j’aie bu mon foutu café.
Je ne tenais pas à lire cette tristesse dans ses yeux.
Elle renifla et hocha la tête avec raideur.
— Merci, dit-elle. (Elle se baissa pour ramasser le sac abandonné.) Une fois que tu auras bu ton
café et que tu seras moins méchant, tu me monterais mes autres achats, s’il te plaît ? demanda-t-elle
en reprenant son ascension.
Elle n’avait pas besoin de réponse. Elle savait que j’obtempérerais.
Je me rendis à la cuisine. Je devais contrôler ma colère. Si je me rendais au bal ce soir en étant
dans cet état, ce ne serait pas juste pour Nan. Il s’agissait d’une seule soirée. Je l’expliquerais à
Blaire. Elle comprendrait parce qu’elle était… Blaire. Elle n’attendait rien de moi. Elle n’exigeait
rien. Elle était la première personne dans ma vie à me vouloir juste pour moi-même. Pas pour ce que
cela lui rapporterait.
Mon cœur se serra. Elle dormirait probablement à l’heure où je rentrerais. Je la voulais dans
mon lit et non dans sa chambre. Je ne me coucherais pas sans elle à mon côté.
J’avalai une première tasse de café, puis m’en servis une autre avant de me rendre dans le hall
pour ramasser tous les trucs que Nan avait trimballés jusqu’ici. Nous nous croisâmes dans les
escaliers.
— Tu as le code pour ouvrir le coffre à bijoux de maman ? Je veux porter le collier de saphirs
qu’elle a acheté chez Tiffany’s à Noël.
— Je vais te l’ouvrir.
Je ne comptais pas lui suggérer d’appeler notre mère, qui refuserait. Nan le prendrait mal et
j’aurais encore à me charger des conséquences.
Nan sourit.
— Merci ! Je vais mettre une de mes robes Marc Jacobs, et le collier ira parfaitement avec. Je
crois qu’elle a aussi acheté des boucles d’oreilles avec lesquelles il s’harmonise très bien. Ou elle
les a empruntées. (Nan eut un geste de la main comme pour signaler que cela n’avait pas
d’importance.) Peu importe. Le collier sera parfait aussi avec les boucles d’oreilles gouttes en
diamant.
Je la laissai jacasser sur les bijoux, emportai ses achats dans la chambre de notre mère et les
déposai sur le lit. J’avais plusieurs smokings, j’enfilerais l’un d’eux. Ma tenue n’était pas un souci.
Mais je devais d’abord parler à Blaire. Lui dire où je serais ce soir.

Il s’avéra que Blaire, elle, travaillerait ce soir. J’étais tombé directement sur sa messagerie à
plusieurs reprises, ce qui signifiait que son téléphone était éteint ou n’avait plus de batterie, ce qui ne
me surprenait pas, connaissant Blaire et le peu d’intérêt qu’elle portait à l’appareil. Lorsque j’avais
appelé le club, j’avais eu Woods. Il m’avait informé que Blaire était occupée. Ils étaient à fond pour
tout préparer pour la soirée. Puis, il m’avait appris que Blaire serait de service et m’avait mis en
garde : si Nan disait quoi que ce soit à Blaire, il lui ferait quitter les lieux. Puis il m’avait raccroché
au nez.
Connard.
J’allais arriver au club en smoking avec ma sœur à mon bras, habillée comme une princesse.
Blaire assurerait le service, et moi je serais planté là dans mon costume d’apparat, ce que je trouvais
dur à avaler. Nos différences en seraient soulignées. Je détestais ça. Je voulais Blaire dans une robe
pour laquelle j’aurais dépensé une somme ridiculement élevée, une Blaire souriante d’excitation. Que
le monde entier sache qu’elle était mienne. Qu’elle était avec moi. Mais c’était la soirée de Nan. Si
je pouvais tenir juste ce soir, je ne me retrouverais plus jamais dans cette position. Blaire
n’assurerait plus le service lors d’un événement auquel je serais invité. Elle serait à mon bras, c’était
là sa place.
— Souviens-toi de ce que je t’ai dit au sujet de Blaire. Tu ne lui adresses pas la parole à moins
d’avoir quelque chose de gentil à lui dire. Autrement, Woods te jettera dehors, et avec mon aide. Tu
m’as compris ? Je ne plaisante pas, Nan.
Elle acquiesça avec raideur.
— Je ne lui dirai pas un mot. Promis. Maintenant, tu pourrais arrêter de parler d’elle et me
laisser apprécier ma soirée ? Tu ne m’as même pas complimentée sur ma tenue.
Elle était superbe, mais c’était toujours le cas. Nan possédait une élégance naturelle impossible à
dissimuler.
— Tu es sublime. Personne ne t’arrivera à la cheville, lui assurai-je.
Elle rayonna et je me sentis coupable de ne pas lui en avoir fait la remarque plus tôt. J’avais été
si concentré sur Blaire que je n’y avais pas pensé. Nan avait besoin de moi ce soir, besoin que je lui
accorde mon attention. Pour quelques heures.
— Merci, me dit-elle en souriant comme la princesse qu’elle savait être.
— Allons-y.
Je lui offris mon coude.
Lorsque nous avançâmes vers l’entrée, un homme en smoking nous sourit et nous salua d’un
hochement de tête. Il annonça nos noms et nous entrâmes dans la salle. Tous les yeux se tournèrent
vers nous. C’était le grand moment de Nan. Elle voulait surpasser toutes les autres filles au premier
regard, et y parvint. Aucun doute là-dessus.
Lorsqu’elle aperçut une de ses amies, elle serra mon bras et alla la rejoindre. Si seulement la
soirée pouvait s’arrêter là. Mais j’avais encore trois heures à tirer.
— Tu l’as prévenue ? me demanda Woods qui venait de me rejoindre.
— Oui, lui confirmai-je. Elle se comportera bien. Si elle prononce un mot de travers, je t’aiderai
moi-même à l’escorter dehors. Elle le sait.
Woods balaya la salle du regard et opina. Il s’apprêtait à s’éloigner lorsqu’il changea d’avis et se
mit à tripoter ses boutons de manchettes avant de lever les yeux sur moi.
— J’espère que tu sais ce que tu fais, dit-il simplement.
Puis il m’abandonna pour aller saluer quelques membres du club plus âgés. Woods était l’hôte de
la soirée. Il n’était pas accompagné.
Je ne laissai pas ses mots m’atteindre. Il était amer, parce que Blaire m’avait choisi. Je ne
permettrais pas à ses commentaires de me toucher. Je devais me préparer à voir Blaire travailler,
servir ces crétins pompeux et leurs filles pourries gâtées.
Je me dirigeai vers le mur le plus éloigné, espérant ne pas avoir à parler à trop de gens. Ils furent
plusieurs à m’arrêter pour discuter. Je hochai la tête, me forçant à sourire. Je jetai un coup d’œil à
mon téléphone pour découvrir que j’avais encore deux heures et quarante-cinq minutes à tenir.
Puis je la vis. Elle entrait dans la salle chargée de flûtes de champagne, le sourire aux lèvres. Sa
présence sembla illuminer la pièce tout entière. Les membres l’ignoraient en prenant leur verre, ou
échangeaient quelques mots avec elle en souriant avec sympathie. Je m’aperçus que la plupart des
golfeurs plus âgés désiraient discuter avec elle. Elle était populaire parmi eux. Même leurs femmes
lui accordaient une attention affectueuse.
Une fois qu’elle eut fini son tour de la salle, elle s’en alla et je me sentis perdu. Elle ne m’avait
pas remarqué et n’avait pas paru me chercher. J’avais espéré que cela serait le cas. Mais non. Elle ne
voulait pas me voir ? Pensait-elle que moi, je ne le souhaitais pas ? Merde… Savait-elle que j’étais
là ? Tomber sur moi en compagnie de Nan serait-il une surprise ? Woods ne lui avait-il rien dit ?
Avant que tout cela ne me rende hystérique, elle revint, portant cette fois-ci un plateau de
martinis. Elle effectua un nouveau tour. Lorsqu’elle se tourna enfin et que nos yeux se rencontrèrent,
j’en eus le souffle coupé. Un léger sourire étira ses lèvres et je luttai contre mon désir pressant de lui
enlever le plateau des mains pour le balancer aux gens qui voulaient un verre. Je m’obligeai à
afficher un sourire alors que je ne ressentais aucune joie, puis quelqu’un s’adressa à elle et elle se
concentra sur sa tâche. Elle quitta encore une fois la pièce, en m’ignorant.
— Rush, m’appela Nan.
Elle me faisait signe de la rejoindre. Elle était avec les Drummond et leur fille, Paris. Elle et Nan
avaient été en pension ensemble. J’étais sûr d’être sorti avec Paris à un moment ou à un autre, lors de
vacances qu’elle avait passées chez nous. En revanche, je n’affirmerais pas avoir couché avec elle.
Elle avait dix-sept ans à l’époque, et je ne fautais pas avec les mineures.
Nan agrippa mon bras et me présenta à des gens que je connaissais donc déjà. Je les saluai d’un
signe de tête et écoutai Nan et Paris évoquer leur dernier séjour au ski en commun. Lorsque Nan se
tendit à mon côté, je regardai en direction de la porte, sachant que Blaire devait être entrée dans la
pièce. Effectivement, elle discutait avec Bethy. Mais cette dernière ne travaillait pas. Elle portait une
tenue habillée. Perplexe, je vis Jace se détacher de la foule pour rejoindre la jeune femme.
Bethy était son invitée pour la soirée.
Je ne m’étais pas attendu à ça. Il établissait clairement qu’elle était plus qu’un coup facile pour
lui. Le sourire qu’affichait Blaire ne me surprit pas. Elle n’était jamais jalouse. Elle était sincèrement
heureuse pour les autres. Bethy était ici invitée par Jace, alors que Blaire assurait le service pendant
que je me tenais là dans mon foutu smoking.
Pensait-elle que je ne voulais pas la reconnaître comme étant plus qu’une histoire sans lendemain
? J’en eus l’estomac retourné. Il fallait qu’elle sache la vérité. Elle ne se tournait jamais dans ma
direction, mais elle savait que je l’observais. La tension dans ses épaules m’apprenait que son
comportement était délibéré. Merde.
Son analyse de la situation n’était pas la bonne. Je n’avais pas voulu venir. J’étais là pour
accompagner ma sœur. Je me comportais ainsi pour protéger Blaire de Nan, pas parce je prétendais
ne pas la connaître. Et j’allais changer d’attitude si mon comportement actuel blessait Blaire.
— N’est-ce pas, Rush ? dit Nan, et sa voix excessivement légère me sembla haut perchée.
Elle était furieuse. Elle ne voulait pas que je m’intéresse à Blaire, ce qui m’irrita. J’étais là avec
Nan, comme elle le souhaitait. J’étais pratiquement sûr qu’elle avait pour plus de dix mille dollars de
vêtements et de colifichets sur le dos. Que j’avais payés, sans même parler du collier de notre mère.
Et elle allait contrôler qui je regardais et à qui je m’adressais ? Certainement pas, non. Pas question.
— Excusez-moi, dis-je dans l’intention de m’éloigner.
Les ongles de Nan se plantèrent dans mon bras.
— Je disais justement que maman et Abe devraient être bientôt de retour de Paris. Ils ne peuvent
pas passer leur vie en voyage de noces, dit-elle avec un sourire forcé.
Je n’avais pas envie qu’ils rentrent.
— J’espère que non, lançai-je.
Les ongles de Nan pénétrèrent plus profondément dans ma peau. Je me libérai brutalement de sa
prise meurtrière.
Elle rit et me donna une petite tape.
— Ce genre d’événement le rend ronchon, commenta-t-elle. Le smoking ne lui convient pas.
— Il est le fils d’une star du rock. Je doute que cela exige de vous que vous en portiez souvent,
commenta M. Drummond d’un ton amusé.
Je ne soulignai pas que ma rock star de père avait les moyens de les racheter, lui et son
entreprise, et plutôt deux fois qu’une. Je n’allais pas gaspiller ma salive.
— Non, effectivement. Pas trop de raisons d’en porter.
— Qu’est-ce que Laney est en train de dire à cette serveuse ? On dirait qu’elle est sur le point
de…
Paris plaqua sa main sur sa bouche et je pivotai pour voir ce qu’il se passait.
Blaire était plantée au milieu de la pièce, des escargots constellant sa chemise. Son plateau
tomba au sol dans un grand fracas. Le choc et l’horreur la figeaient sur place. Laney, une amie de
Nan, éclata de rire.
— Oh, et regardez, elle est super maladroite. Woods devrait se montrer plus sélectif en ce qui
concerne ses employés, commenta Laney de manière à être entendue de tous.
Nan agrippa mon bras, mais je me dégageai et avançai à grands pas vers Blaire. Cette garce de
Laney allait payer.
— Poussez-vous ! grondai-je en dégageant Laney et ses amis de mon chemin afin d’atteindre
Blaire.
Je la pris par la taille et baissai la tête vers elle.
— Tu vas bien ? lui demandai-je.
Je vérifiai en même temps qu’elle ne souffrait de rien d’autre que des traces de beurre qui la
tachaient. Elle opina, mais ses yeux étaient brillants de larmes. Je me sentais prêt à commettre un
meurtre. Personne n’avait le droit de la toucher. Personne. J’étais incapable de regarder Laney en
face : j’étais à deux doigts de m’en prendre physiquement à elle.
— Ne t’approche plus d’elle ou de moi. Compris ? dis-je d’un ton destiné à me faire comprendre
de tous ceux qui s’imaginaient pouvoir s’amuser aux dépens de Blaire.
— Pourquoi es-tu furieux contre moi ? C’est elle qui est maladroite. Elle s’est renversé le
plateau dessus, dit Laney d’une voix haut perchée.
Elle était irritée, en plus. Seigneur, quelle garce.
— Si tu prononces un mot de plus, je menacerai de retirer toutes mes contributions de ce club
jusqu’à ce qu’on te montre la sortie. Définitivement, la mis-je garde.
— Mais je suis l’amie de Nan, Rush. Sa plus vieille amie. Tu ne me ferais pas ça. Qui plus est
pour une extra.
Laney semblait choquée. J’allais lui offrir de quoi l’être.
— Essaie pour voir.
Je reportai ensuite mon attention sur Blaire.
— Viens avec moi.
Bethy s’était approchée, prête à envoyer Laney au tapis devant tout le monde.
— Je m’occupe d’elle, Bethy, lui dis-je. Elle va bien. Retourne avec Jace. (Puis je me tournai
vers Blaire :) Attention aux escargots, ils sont glissants.
Il fallait que je la sorte de là. Que je la mette en sécurité. Elle avait été blessée et, une fois
encore, je n’avais pas été là pour la protéger. J’avais merdé. C’était ma faute. Je la décevais
toujours.
Lorsque nous sortîmes de la salle de bal pour nous retrouver dans le couloir sombre qui menait
aux cuisines, Blaire se libéra de mon étreinte et s’éloigna de moi. Elle croisa les bras, sur la
défensive. Elle était énervée. Je n’avais pas empêché l’incident.
— Blaire, je suis désolé. Je ne m’attendais pas à ce que quelque chose comme ça se passe. Je ne
savais même pas qu’elle avait des problèmes avec toi. Je vais en parler à Nan. J’ai le sentiment
qu’elle a quelque chose à voir…
— La rousse me déteste à cause de l’intérêt que Woods me porte. Nan n’a rien à voir avec ça,
pas plus que toi.
Cela n’avait aucun sens. Pourquoi Laney serait-elle furax à cause de Woods ?
— Est-ce que Woods te drague toujours ?
Blaire écarquilla les yeux, pivota et s’en alla. Je l’attrapai par le bras. Ce n’était pas la bonne
chose à dire. Foutue jalousie. Quand apprendrais-je à la contrôler ?
— Blaire, attends. Je suis désolé. Je n’aurais pas dû te demander cela. Ce n’est pas le problème
immédiat. Je voulais m’assurer que tu allais bien et t’aider à te nettoyer.
On aurait dit que je la suppliais, ce qui était le cas, dans une certaine mesure.
Elle laissa échapper un soupir et ses épaules s’affaissèrent.
— Je vais bien. Il faut que j’aille en coulisses voir si je ne suis pas virée. Woods m’a prévenue
ce matin que si quelque chose de cet ordre se produisait, cela serait ma faute. Donc, à la minute
présente, j’ai de plus gros soucis que ta soudaine possessivité à mon égard. Ce qui est ridicule. Parce
que tu faisais de ton mieux pour m’ignorer jusqu’à ce que cet incident se produise. Soit tu me connais,
soit tu ne me connais pas, Rush. Choisis ton camp.
Elle dégagea sa main de la mienne et repartit vers la cuisine. Elle était en colère parce que je
l’avais ignorée ? Je ne l’avais pas quittée des yeux, bon sang.
— Tu travaillais ! Que voulais-tu que je fasse ? criai-je. (Elle s’arrêta et je saisis cette chance de
m’expliquer.) Faire preuve d’attention à ton égard aurait donné à Nan une raison de s’en prendre à
toi. Je te protégeais.
Ses épaules tremblèrent.
— Tu as raison, Rush. Que tu m’ignores empêcherait que Nan m’attaque. Je suis juste la fille
avec laquelle tu as baisé ces deux dernières nuits. Tout bien considéré, je ne suis pas spéciale, mais
juste une parmi d’autres.
Elle s’enfuit en courant.
Je restai figé sur place, perdu. L’écho de portes qui claquaient se répercuta dans le couloir. Elle
souffrait. Elle avait dû s’attendre à ce que je me comporte exactement comme ça, et elle avait eu
raison. Je l’avais blessée.
Croyait-elle vraiment que je ne faisais que m’amuser avec elle ? Seigneur, comment ne voyait-
elle pas ce qu’elle représentait pour moi ? Elle m’obsédait tellement qu’elle contrôlait chacune de
mes décisions. Qu’attendait-elle de moi, bon sang ? Je l’aimais, bordel !
26
Nan sortit vivement de la salle de bal. Elle me trouva là, seul, et la fureur qui couvait en elle
explosa.
— Comment oses-tu m’infliger une chose pareille ? me lança-t-elle. C’était ma soirée. Tu n’avais
qu’à l’ignorer le temps du bal, et tu en as été incapable. Pas même durant une heure !
— Arrête tout de suite, lui dis-je en levant la main.
Je n’étais pas d’attaque pour ça. Je devais trouver Blaire.
— Ne me dicte pas ma conduite. Tu m’as humiliée. Tu as menacé mon amie, un membre de ce
club, parce qu’une serveuse a été maladroite !
J’avançai d’un pas vers Nan.
— Laney lui a renversé le plateau dessus. Tu le sais. Paris l’a vue. Bethy aussi. Ne me contredis
pas.
Un bruit de pas m’interrompit avant que je puisse ajouter quoi que ce soit. Je me tournai pour
découvrir Blaire, encore couverte des restes des escargots. Elle donnait l’impression de vouloir
ramper dans le trou de souris le plus proche. Elle se dépêcha de partir vers la porte qui menait à
l’extérieur.
— Blaire, attends ! criai-je dans son dos.
— Laisse-la partir, exigea Nan.
— Impossible, répondis-je en me précipitant à sa suite.
La porte se ferma derrière Blaire, mais je l’ouvris brutalement et lui emboîtai le pas.
— Blaire, attends, s’il te plaît. Parle-moi, la suppliai-je.
Elle s’arrêta et je la rattrapai. Elle me donnait une chance.
— Je suis désolé, mais tu as tort : je ne t’ignorais pas. Va demander à n’importe qui. Je ne t’ai
jamais quittée des yeux. Si qui que ce soit se demandait ce que j’éprouve à ton égard, le fait que je
sois incapable de détacher mon regard de toi lui aura apporté la réponse. (Je devais dire les choses
clairement. Impossible de rater cette chance. J’avais besoin qu’elle comprenne ce que j’éprouvais.)
Puis j’ai vu l’expression de ton visage quand tu as rencontré Bethy et Jace. Quelque chose en moi
s’est déchiré. Je ne savais pas ce que tu pensais, mais comprenais en revanche que tu saisissais
l’incohérence de ce qui se passait ce soir. Tu n’aurais jamais dû te retrouver à faire le service. Tu
aurais dû être à mes côtés. Ce que je voulais. J’étais si tendu à épier le moindre geste déplacé à ton
égard que la plupart du temps, j’en ai oublié de respirer.
Ses poings étaient serrés. Je détestais la voir dans cet état. Je fis courir un doigt sur sa main.
— Si tu peux me pardonner, je promets que cela ne se reproduira plus jamais. J’aime Nan. Mais
j’en ai fini d’essayer de lui faire plaisir. C’est ma sœur, et elle a des problèmes qu’il lui faut régler.
Je lui ai dit que j’allais tout te raconter. Il y a des choses que tu dois savoir. (Je n’avais pas prévu de
lui dire ça, mais il le fallait. Je la perdrais si je ne lui expliquais pas maintenant. Je lui avouerais
d’abord que je l’aimais. Je tenais à ce qu’elle le sache avant le reste.) J’essaie de faire face au fait
qu’il se peut que tu me quittes pour toujours une fois que tu seras au courant. Ça me fait flipper à
mort. Je ne sais pas ce qui se passe entre nous, mais dès que je t’ai vue la première fois, j’ai su que tu
allais transformer ma vie. J’étais terrifié. Plus je t’observais, plus tu m’attirais. Jamais je n’étais
assez proche de toi.
— D’accord, répondit-elle simplement.
Comment ça ?
— D’accord ? répétai-je.
Elle confirma d’un hochement de tête.
— D’accord. Si effectivement tu tiens à me garder au point de t’ouvrir à moi, alors d’accord.
Un sourire effleura mes lèvres. Bon sang, elle avait toujours cet effet sur moi.
— Je viens juste de mettre mon âme à nu devant toi, et tout ce que j’obtiens c’est un « d’accord »
?
— Tu as dit tout ce que j’avais besoin d’entendre. Me voilà conquise. Tu m’as eue. Qu’est-ce que
tu vas faire de moi ?
Le soulagement me coupa les jambes. Rush, garde ton calme. Impossible de l’effrayer en étant
trop intense. Bon sang, ça me terrifiait.
— Je me disais qu’une partie de jambes en l’air au seizième trou serait sympa.
Elle pencha la tête sur le côté comme si elle y réfléchissait sérieusement.
— Hum… Le problème est que je suis supposée me changer et retourner travailler à la cuisine
pour le reste de la soirée.
Ce n’était pas ce que j’avais envie d’entendre.
— Merde.
Elle déposa un baiser sur la ligne de ma mâchoire.
— Tu es le cavalier de ta sœur, me rappela-t-elle.
Je n’y survivrais pas.
— La seule chose à laquelle je suis capable de penser est d’être au creux de toi, de t’avoir contre
moi et d’écouter ces petits gémissements si sexy que tu émets.
Le désir traversa son regard, dilata ses pupilles.
Je décidai de poursuivre mon bavardage, puisqu’elle aimait ça.
— Si je pouvais me débarrasser de toi rapidement, je t’emmènerais dans ce bureau et te
prendrais contre le mur. Mais je ne peux pas envisager un coup rapide avec toi. Tu es bien trop
addictive.
Elle me tenait toujours par les épaules. Elle les serra, le souffle court.
— Va te changer. Je resterai là, comme ça je ne serai pas tenté. Puis je te raccompagnerai à la
cuisine, lui promis-je.
Elle prit une profonde inspiration avant de reculer et de s’éloigner.
La tentation de la suivre, de lui faire l’amour et de la renvoyer ensuite au travail était difficile à
ignorer. Mais elle tenait à finir son service. C’était important pour elle. Et moi, je tenais à lui prouver
que ce qui comptait pour elle comptait pour moi.
Lorsqu’elle réapparut, elle portait son uniforme de conductrice de voiturette. Elle me sourit.
— Tu es sûre que tu ne veux pas que je t’entraîne au seizième trou ? Je te promets d’être rapide.
Je me contenterai de te lécher jusqu’à ce que tu jouisses.
Elle frissonna et laissa échapper un léger halètement.
— Rush, ne dis pas ça. Je ne peux pas. Je dois retourner travailler et je ne veux pas que Jimmy se
demande pourquoi je suis un paquet de nerfs.
J’enlaçai ses doigts aux miens.
— Tu t’es bien lavée, lui dis-je pour la taquiner.
Elle gloussa.
— Pas de doute, je sens meilleur maintenant.
Je l’attirai contre moi et enfouis ma tête dans son cou.
— Tu sens toujours incroyablement bon, douce Blaire.
Elle se laissa aller contre moi et je posai ma main sur ses fesses tandis que nous avancions vers
la porte de la cuisine.
— Je vais t’embrasser, la prévins-je. Je sais que tu es de service, mais là, tout de suite, je m’en
fous. J’ai besoin de te goûter.
Je me penchai et vins poser ma bouche sur la sienne. Je léchai sa lèvre inférieure, la pris entre
les miennes et la suçai avant de lui rendre sa liberté à regret.
Blaire m’offrit un dernier sourire avant de m’abandonner là.

Faire semblant toute la soirée avait été un enfer. Mais j’y étais parvenu, et Nan paraissait
contente. Elle papota tout le long du chemin du retour, évoquant une virée shopping dans laquelle elle
voulait se lancer avec Paris et me demandant si j’avais parlé à notre mère récemment.
Lorsqu’elle s’éloigna au volant de sa voiture, je laissai échapper un soupir de soulagement et
entrai dans la maison. Blaire ne tarderait pas à arriver et je comptais lui offrir un massage. Elle en
aurait plus que besoin. Elle avait bossé toute la foutue journée.
Je traversai la cuisine pour me diriger vers l’escalier. La bouteille de bière vide et le verre de
vin posés sur le bar m’arrêtèrent net. J’eus la sensation que le monde avait cessé de tourner et que
j’avançais au ralenti vers le verre.
La trace de rouge à lèvres familière qui s’y dessinait me retourna l’estomac. Merde, non. Pas
déjà. Mon Dieu, non. J’avais besoin de cette nuit. Bordel. J’avais besoin d’une nuit de plus. Blaire
n’était pas prête. Je devais tout organiser. Merde !
Je montai les marches deux à deux, tenant à vérifier par moi-même. Depuis le couloir, je vis que
la porte de la chambre de ma mère était fermée. Ils étaient là. Je le savais. Normalement, cette porte
restait ouverte. Je n’y touchais pas. J’avais peur de les voir. Qu’ils détruisent tout. Ils lui
raconteraient tout et l’éloigneraient de moi.
Non.
Seigneur, non.
Non, non, non.

Il s’écoula encore des heures avant qu’elle ne rentre. Combien ? J’aurais été incapable de le dire.
J’avais juste conscience qu’il était tard. J’étais resté assis devant la porte menant à ma chambre, à
l’attendre. Le regard fixé droit devant moi. J’avais besoin de la voir, de la tenir contre moi et de
savoir qu’elle était là avec moi. Qu’elle n’était pas partie.
Au son de la porte d’entrée qui s’ouvrait, mon cœur s’emballa. Blaire était à la maison. Voilà.
Serait-ce la fin ? Non. Non. Je ne le permettrais pas. Je ferais en sorte qu’elle m’aime. Qu’elle me
pardonne.
Lorsqu’elle arriva sur le palier et me vit, je me contentai de me repaître d’elle. Ma douce Blaire.
Elle s’était pointée et avait volé une partie de mon cœur, sans même prononcer un mot. Puis elle
m’avait consumé. Tout pris. Et je l’avais laissée agir ainsi librement.
Elle avança vers moi et je me levai pour venir à sa rencontre.
— J’ai besoin de toi en haut. Maintenant, lui dis-je.
Le désespoir dans ma voix sembla la surprendre, mais elle ne me questionna pas.
Je lui pris la main et la tirai vers la porte. Je devais me dépêcher de la mettre en sécurité dans
mes appartements. Loin d’eux. Je fermai derrière nous et la plaquai contre le mur.
Mes doigts parcoururent son corps, mémorisant chacune de ses courbes. Ce n’était pas suffisant.
Je la voulais nue. J’agrippai sa chemise et la déchirai. Je n’avais pas le temps de la déboutonner.
Elle haleta et je m’emparai de sa bouche. Je poignardai sa douce chaleur de ma langue, encore et
encore, tout en glissant son short le long de ses jambes. Ma Blaire. Ma douce et parfaite Blaire.
Grognant contre elle, j’en voulais plus. Elle ne me quitterait pas. Je ne la laisserais pas partir. Je
la fis asseoir en haut des marches et lui retirai rapidement ses chaussures et sa culotte. Totalement
nue. Juste pour mes yeux. Et pour personne d’autre. Jamais. Uniquement moi.
Je tombai à genoux, lui écartai les cuisses et passai la langue sur sa fente, lapant son clitoris déjà
gonflé et prêt pour moi. Blaire cria mon nom et s’appuya sur ses coudes. Ses cuisses s’ouvrirent plus
largement quand ma langue la pénétra, avant de venir s’occuper de ses tendres replis. Elle scandait
mon nom. J’embrassai la peau tendre de ses cuisses tandis qu’elle tremblait en gémissant.
— À moi. C’est à moi, psalmodiai-je, levant la tête. À moi. Cette douce petite chatte est à moi,
Blaire.
Elle frissonna quand j’appuyai mon doigt contre son intimité.
— Dis-moi qu’elle m’appartient, exigeai-je.
Elle hocha la tête quand mon doigt la pénétra.
— Dis-moi que c’est à moi, répétai-je.
— C’est à toi, mais maintenant, prends-moi, Rush, s’il te plaît, souffla-t-elle.
Oui ! Je la reconnaissais bien là. Elle était à moi, il fallait qu’elle le sache. À moi. Je me levai,
me débarrassai de mon bas de pyjama d’un coup de pied.
— Pas de préservatif ce soir. Je me retirerai. J’ai besoin de te sentir entièrement, l’informai-je.
Jamais plus il n’y aurait de préservatif entre nous. Je ne voulais pas être séparé d’elle. Agrippant
ses cuisses, je la soulevai légèrement pour que mon sexe soit aligné avec son intimité. La pénétrer
violemment si elle souffrait encore était hors de question. Seigneur, elle devait être tellement
fatiguée. Mais je la désirais. Lentement, je m’introduisis en elle.
— Ça fait mal ?
— C’est agréable, répondit-elle dans un soupir.
Elle risquait d’éprouver une sensation désagréable. Je m’arrêtai et me retirai.
— Ces marches sont trop dures pour toi. Viens là.
Je la soulevai dans mes bras et la portai dans l’escalier. Elle était trop fragile ce soir pour être
pressée contre le bois des escaliers.
— Tu ferais quelque chose pour moi ? lui demandai-je en déposant de petits baisers sur son nez
et sur ses paupières, debout au pied de mon lit.
— Oui.
Je la posai au sol tout en la gardant serrée contre moi.
— Penche-toi et repose ton ventre sur le lit. Mets les mains sur la tête et laisse ta croupe dressée
en l’air.
C’était l’un de mes fantasmes. Elle ne posa aucune question, elle ne refusa pas. Savoir qu’elle
tenait à me faire plaisir eut pour seul résultat d’augmenter mon sentiment de panique. Elle était la
femme faite pour moi. Il fallait qu’elle le sache.
Ma main courut sur ses fesses rondes, douces, qu’elle était si désireuse de m’offrir.
— Tu as le cul le plus parfait que j’aie jamais vu, lui affirmai-je en continuant mes caresses.
J’attrapai ses hanches, lui écartai les cuisses et entrai en elle d’une seule poussée.
— Rush ! cria-t-elle.
— Merde, je suis loin, grognai-je, yeux révulsés.
C’était encore meilleur que ce que j’avais imaginé. C’était toujours mieux avec elle. Toujours.
Je me mis à aller et venir en elle. Elle se cambra pour être encore plus proche de moi et
empoigna les draps tout en gémissant et en suppliant.
L’entendre exprimer ainsi son plaisir me galvanisa. J’avais le sentiment de n’être jamais assez
loin en elle, là où je voulais rester. Enfermé en elle. La succion de son sexe étroit sur mon membre
était telle que j’en vacillais. J’étais près de jouir. Je glissai ma main sur son clitoris.
— Mon Dieu, tu es trempée.
Il n’en fallut pas plus. Blaire rua follement contre moi, criant mon nom. Je dus faire appel à tout
mon contrôle sur moi-même pour me retirer et jouir sur ses fesses. J’aurais préféré que cela soit en
elle. Nos plaisirs mêlés. Mais impossible de recommencer une chose pareille.
— Aaaah, hurlai-je pendant que mon pénis tressautait dans ma main, déversant ma semence sur
son dos.
Un tel spectacle me donnait l’impression de l’avoir marquée. Je le voyais. Moi, partout sur elle.
— Bon sang, ma puce, si tu savais combien ton cul a l’air incroyable à la minute présente,
soufflai-je.
Elle s’écroula sur le lit, incapable de tenir plus longtemps dans cette position.
— Pourquoi ?
Elle ne s’était pas rendu compte que j’avais joui sur elle.
— Disons juste qu’il faut que je te lave.
Elle gloussa et enfouit son visage dans les couvertures.
J’adorais entendre son rire. J’adorais aussi être debout derrière elle et admirer son fessier
couvert de ma semence. Les deux combinés étaient carrément incroyables.
Mais maintenant, elle devait se reposer. La laisser comme ça sur le lit avec mon sperme sur la
peau juste parce que j’étais un homme de Cro-Magnon était impensable. J’allai chercher un gant
humide et chaud dans la salle de bains et revins auprès d’elle.
Elle me suivait du regard, un sourire paresseux et satisfait aux lèvres. J’étais la cause de ce
sourire. Je ne savais pas si elle devait travailler ou pas le lendemain, mais il était exclu qu’elle aille
bosser. Je m’en chargerais. Je lui parlerais. Elle devait savoir.
Son père était arrivé. Il était temps que je prenne les choses en main et me batte pour elle.
Je passai le gant sur ses fesses.
— Et voilà, propre comme un sou neuf, ma puce. Tu peux ramper sous les couvertures. Je
reviens, lui dis-je.
Mais elle ne bougea pas d’un poil. Je fis le tour du lit pour la contempler. Elle s’était endormie.
Je souris à l’idée qu’elle ait sombré pendant que je m’occupais d’elle. La bête sauvage possessive en
moi n’était jamais loin.
Je la pris dans mes bras pour la déposer sur l’oreiller, puis la recouvrit délicatement du drap. Je
déposai un baiser sur le sommet de son crâne.
— Je vais tout arranger. Je te le jure. Je t’aime suffisamment pour nous sortir de tout ça. J’ai
uniquement besoin que tu m’aimes assez. Je t’en prie, Blaire, aime-moi assez, suppliai-je.
Elle ne broncha pas. Le rythme lent de sa respiration resta inchangé. Mais j’espérais qu’elle
m’ait entendu dans son sommeil. Et que demain, elle s’en rappelle.
27
Impossible de dormir. Je restai allongé là pendant des heures à veiller sur le sommeil de Blaire,
serrée dans mes bras. Elle s’était collée à moi et me tenait comme si j’étais son unique source de
chaleur. La peur que j’éprouvais à l’idée de peut-être ne plus jamais vivre ça était bien réelle. Même
si je refusais de croire qu’elle me quitterait, je savais que je risquais de la perdre. Comment y
survivrais-je ? Je l’attirai encore plus près de moi, la tenant plus fort. Si seulement je pouvais
l’emmener avec moi et fuir. Ne jamais la laisser apprendre l’horrible vérité. Pourquoi souffrait-elle
toujours à cause de moi, quand je ne souhaitais qu’une chose, la protéger ?
— Je t’aime, murmurai-je dans ses cheveux.
Il fallait que cela suffise pour nous deux.
Je regardai le soleil se lever et la lumière du matin devenir plus vive. Blaire avait besoin de
sommeil. Elle dormirait probablement jusqu’à midi. C’était l’occasion de discuter avec Abe et ma
mère avant qu’elle ne descende. Je leur avouerais les sentiments que je nourrissais pour elle. Elle
était devenue ma priorité absolue. Que cela soit clair.
Je fermai les yeux, inspirai profondément son odeur et savourai la sensation de sa présence entre
mes bras. Elle était si confiante. Mais je m’obligeai à sortir du lit. J’étais prêt à faire face à la vérité.
Cette vérité moche, atroce et sordide qui allait blesser Blaire. Ce qu’il n’était pas en mon pouvoir
d’empêcher. Ou d’arrêter. Espérer que je représentais suffisamment pour elle pour que cela l’aide à
guérir était ma seule option.
J’enfilai mes vêtements et me dirigeai vers l’escalier. Je m’arrêtai une dernière fois pour
contempler Blaire endormie dans mon lit. Elle était enroulée dans les couvertures. Ses longs cheveux
blonds se déployaient sur mon oreiller. Quand j’étais petit, je m’étais souvent demandé si les anges
existaient pour de vrai. À dix ans, j’avais décidé que non. Que c’était des conneries. Je me rendais
aujourd’hui compte que je m’étais trompé.
Blaire était mon ange.

Abe se trouvait dans la cuisine, en train de boire son café, les yeux perdus au-delà de la fenêtre.
C’était l’homme qui avait abandonné ma Blaire. Il l’avait laissée enterrer sa mère et se débrouiller
toute seule.
Je le haïssais.
Il ne méritait pas Blaire.
Il se tourna vers moi. Je le fusillai du regard. Sa bouche se tordit et il avala une nouvelle gorgée
de café avant de reprendre sa position initiale. Il avait l’habitude de ma haine. Mais il n’avait aucune
idée de l’ampleur qu’elle avait prise depuis notre dernière rencontre. Je n’avais qu’une envie : lui
arracher les bras. Sa simple vue me rendait fou.
— Tu vas demander de ses nouvelles ? grognai-je.
Il haussa les épaules.
— Elle est ici, j’imagine.
Il imaginait. Il s’en foutait.
— Qu’est-ce qui t’a bousillé au point que ton cœur soit aussi sec ? demandai-je, mon ton laissant
clairement entendre les sentiments que je lui portais.
— Une douleur que tu ne pourrais jamais imaginer, mon garçon, répondit-il.
Sa voix était vide de toute émotion.
— Elle s’est occupée seule des funérailles de sa mère, sale connard. Et tu le savais.
Il ne répondit rien.
— Elle est pure et seule, poursuivis-je, ayant besoin qu’il parle d’elle avant que je ne pète les
plombs.
— Elle ne l’est plus maintenant, si ? Ni seule ni pure, je veux dire.
Je bouillais de colère. Je traversai la cuisine, et il pivota juste à temps pour me donner
l’occasion de l’attraper et de le jeter contre le mur.
— Salaud ! Je t’interdis d’insinuer ne serait-ce qu’une seule seconde que Blaire est autre chose
que pure. Je te tuerai ! Je m’en fous de savoir qui s’intéresse à toi ! hurlai-je.
Abe avait laissé tomber sa tasse de café, qui s’était brisée. C’était le dernier de mes soucis. On
aurait dit que rien ne le touchait. Il y avait un vide en cet homme que je ne comprenais pas. C’était
comme s’il n’avait pas d’âme.
— Tu as couché avec elle ? me demanda-t-il calmement.
Je l’écrasai de nouveau contre le mur avec suffisamment de force pour que la cloison tremble et
que des assiettes rejoignent la tasse au sol.
— La ferme ! grondai-je.
— Rush !
La voix hystérique de ma mère me parvint, tranchant dans ma rage.
— C’est pas tes oignons, maman, lui lançai-je sans quitter des yeux l’homme que j’étais prêt à
assassiner à mains nues.
— En tout cas, elle n’a plus l’air d’être seule, commenta ce dernier.
Je ravalai la peur qui me tenait aux tripes.
— Elle ne l’est pas. Et ne le sera plus. Je serai toujours là pour elle. Je la garderai en sécurité. Je
prendrai soin d’elle. Elle m’aura toujours.
— Qui ? De qui parles-tu, Rush ? Lâche Abe ! m’ordonna ma mère en tirant sur mon bras.
Blaire n’allait pas tarder à descendre. Tuer son père était hors de question. Sauf si elle me le
demandait. Dans ce cas, il était un homme mort. Je le relâchai et reculai.
— Fais gaffe à ce que tu dis d’elle. Rien ne me ferait plus plaisir que de te voir souffrir, le mis-je
en garde.
— Rush ! Ça suffit !
Ma mère avait planté ses ongles dans mon bras, que je libérai d’un coup sec.
— Toi non plus, ne me touche pas. Tu voulais ce tas de merde dans nos vies. Tu l’as laissé
l’abandonner, lui assénai-je, doigt pointé sur sa poitrine.
Le choc laissa la place à la confusion chez ma mère, tandis qu’elle remarquait la vaisselle brisée
au sol.
— Tu as mis une sacrée pagaille ici. Allons dans le salon avant que quelqu’un ne se blesse. Et tu
m’expliqueras ton comportement, conclut-elle en sortant de la pièce, s’attendant à ce que nous lui
emboîtions le pas.
Je la suivis des yeux puis reportai mon attention sur Abe.
— Rien de ce que tu me feras ne pourra se comparer à la souffrance que j’ai traversée, me dit-il
avant de rejoindre ma mère.
Comment un homme tel que lui avait-il élevé Blaire ? Je ne comprenais pas comment la femme
allongée dans mon lit pouvait avoir un lien avec lui. Nan, oui, mais Blaire, non.
Il fallait que je lui parle, ainsi qu’à ma mère. C’était la raison pour laquelle j’avais laissé Blaire
seule au lit. J’entrai dans le salon et ma mère me regarda, bouche bée. Apparemment, Abe lui avait
raconté ce qu’il savait.
— Tu… Tu… Tu me sidères, Rush. Je sais que tu couches facilement, mais il faut bien placer une
limite quelque part. Cette fille utilise son corps pour te manipuler.
Je secouai la tête en avançant à grands pas vers ma mère. Je les avais assez entendus discuter de
Blaire. Je ne me souciais plus de qui disait quoi. Ils allaient payer.
Abe s’interposa entre sa femme et moi, mais c’était sur elle qu’il était concentré.
— Attention à ce que tu dis d’elle. Blaire est ma fille.
Son ton menaçant me surprit. Cela ne changeait rien au reste, mais au moins, il l’avait défendue.
— Tu es incroyable, Rush. À quoi pensais-tu ? Tu sais qui elle est ? Ce qu’elle représente pour
cette famille ? lança ma mère, horrifiée, comme si j’avais commis un meurtre.
Elle reprochait à Blaire quelque chose qui n’avait jamais été sa faute. Jusqu’où la folie de ce
cheminement de pensée dans lequel ma famille croyait tant irait-elle ?
— Tu ne peux pas la tenir pour responsable. Elle n’était même pas née. Tu n’as aucune idée de ce
qu’elle a traversé, de ce qu’il lui a fait traverser, dis-je en pointant Abe du doigt.
Moi, je le savais et ne l’oublierais jamais.
— Ne monte pas sur tes grands chevaux. C’est toi qui es parti à sa recherche et l’as trouvé, lui,
pour moi. Alors, quoi qu’il lui ait fait subir, tu en es à l’origine. Puis ensuite, tu couches avec elle ?
Vraiment, Rush ! Mon Dieu, mais à quoi pensais-tu ? Tu es exactement comme ton père.
Ma mère adorait m’accuser de ressembler à Dean quand elle était en colère contre moi.
Personnellement, j’étais juste heureux de n’avoir rien en commun avec elle.
— Rappelle-toi à qui appartient cette maison, mère.
— Tu peux croire ça ? Il se détourne de moi pour une fille qu’il vient juste de rencontrer. Abe, tu
dois faire quelque chose, lança-t-elle à ce dernier, l’air suppliant.
Ce qui me donna envie de rire. S’attendait-elle vraiment à ce qu’il intervienne ? N’importe quoi.
J’en avais soupé de ces conneries. Je devais régler tout ça avant que Blaire ne se réveille.
— C’est sa maison, Georgie. Je ne peux l’obliger à quoi que ce soit, répondit Abe. J’aurais dû
m’attendre à ça. Elle ressemble tellement à sa mère.
Sa déclaration me prit par surprise. Qu’entendait-il exactement par là ?
— Qu’est-ce que c’est censé signifier ? rugit ma mère.
Visiblement, elle connaissait déjà la réponse, ou elle ne serait pas sur le point de perdre tout
sang-froid face à lui.
— On en a déjà parlé. La raison pour laquelle je t’ai quittée est qu’elle avait ce pouvoir
d’attraction. On aurait dit que j’étais incapable de la laisser partir…
— Je sais cela ! Je ne veux pas l’entendre de nouveau. Tu la voulais tellement que tu m’as
plantée, enceinte, et avec un paquet d’invitations sur les bras pour le mariage annulé.
— Mon cœur, calme-toi. Je t’aime. J’expliquais juste que Blaire avait le même charisme que sa
mère. Il est impossible de ne pas être attiré par elle. Et elle est tout aussi inconsciente de cela que sa
mère l’était. Elle n’y peut rien.
Je le dévisageai, horrifié. Pensait-il que cela s’arrêtait là ? Croyait-il vraiment à ce qu’il venait
de dire ? Je n’étais pas amoureux d’un foutu charisme. Blaire était bien plus que ça. Ne le voyait-il
pas ? Quel sale type aveugle.
— Bon sang ! Est-ce que cette femme me laissera un jour tranquille ? Ruinera-t-elle toujours ma
vie ? Elle est morte et enterrée. L’homme que j’aime m’est revenu et notre fille a enfin son père et
maintenant, ça. Toi, tu couches avec ça, avec cette fille !
Ma mère s’enflammait et je n’avais pas de temps à perdre avec son explosion de mauvaise
humeur. Je devais m’inquiéter de Blaire.
— Un mot de plus contre elle et je te demanderai de partir, la mis-je en garde pour la dernière
fois.
Elle ne manquerait de respect envers Blaire en aucune façon.
— Georgie, trésor, s’il te plaît, calme-toi, intervint Abe. Blaire est une bonne fille. Le fait qu’elle
soit ici ne sonne pas la fin du monde. Elle a besoin d’un endroit où rester. Je t’ai déjà expliqué tout
ça. Je sais que tu détestes Rebecca, mais elle était ta meilleure amie. Vous étiez proches depuis
l’enfance. Jusqu’à ce que je fasse mon apparition et détruise tout, vous étiez comme des sœurs. C’est
sa fille. Fais preuve de compassion.
Ses arguments ne toucheraient pas ma mère. Elle était aussi follement autocentrée que ma sœur.
— Non ! Taisez-vous, vous tous !
La voix de Blaire m’atteignit comme un coup de poignard en plein cœur.
Non. Seigneur, non, pas déjà. Elle n’était pas supposée apprendre tout ça de cette manière.
— Blaire.
J’avançai vers elle, mais elle m’arrêta d’un geste. Son regard, sauvage, me traversa et me stoppa
net.
— Toi, cria-t-elle en montrant son père de l’index. Tu les laisses mentir au sujet de ma mère !
J’avais craint qu’elle ne soit blessée, mais son attitude d’une totale froideur était terrifiante.
— Blaire, laisse-moi t’expliquer, commença Abe.
— La ferme ! rugit-elle. Ma sœur, mon autre moitié, est morte. Elle est morte, papa. Dans une
voiture, en route pour un magasin, avec toi. Ça a été comme si on m’avait arraché mon âme et qu’on
l’avait tranchée en deux. La perdre a été insupportable. J’ai vu ma mère vagir, pleurer et faire son
deuil, puis mon père partir. Pour ne jamais revenir. Pendant que sa fille et sa femme essayaient de
recoller les morceaux de leur monde sans Valerie. Puis ma mère est tombée malade. Je t’ai appelé
mais tu n’as pas répondu. J’ai alors trouvé un petit boulot après le lycée et j’ai commencé à payer les
frais médicaux de ma mère. Je n’ai rien fait d’autre que de prendre soin d’elle et d’aller au lycée.
Sauf que durant la dernière année, sa maladie s’est aggravée et j’ai dû laisser tomber. J’ai passé mon
bac et ça s’est arrêté là. Parce que la seule personne sur cette planète qui m’aimait était mourante,
tandis que j’étais assise là, impuissante. J’ai tenu sa main quand elle a rendu son dernier souffle. J’ai
organisé son enterrement. J’ai assisté à la mise en terre de son cercueil. Tu n’as pas téléphoné une
seule fois. Pas une seule. Puis j’ai dû vendre la maison que mamie nous avait laissée et tout ce qui
avait de la valeur uniquement pour payer les frais médicaux.
Blaire s’arrêta et un sanglot lui échappa. Les larmes sillonnaient son visage et mon cœur explosa.
Je n’avais pas tout su de cette histoire. Elle ne m’en avait confié qu’une partie. Je la pris dans
mes bras, ayant besoin de la tenir, mais elle se mit à se débattre comme une folle.
— Ne me touche pas !
Je dus obtempérer, de peur qu’elle ne se fasse mal.
— Maintenant, reprit-elle, je me vois contrainte de vous écouter parler de ma mère qui était une
sainte. Vous m’entendez ? Elle était une sainte ! Vous êtes tous des menteurs. S’il y a bien une
personne qui est coupable des conneries que vous débitez, c’est cet homme, conclut-elle en indiquant
son père.
Je m’étais bien illusionné en croyant qu’elle m’écouterait et me laisserait m’expliquer. Cette
nouvelle chamboulait complètement son monde. Je ne lui avais rien dit. Je n’avais pas voulu lire la
douleur dans ses yeux, douleur que je ne savais comment apaiser. Au lieu de quoi, j’avais laissé cette
scène se produire, et c’était bien pire.
— C’est lui le menteur. Il ne mérite pas d’embrasser le sol sous mes pieds, si Nan est sa fille. Si
vous étiez enceinte, lança Blaire en s’adressant à ma mère.
C’était la première fois qu’elle s’intéressait vraiment à elle. Et elle se souvint. Elle vacilla. Mon
premier réflexe fut d’aller la soutenir, mais je me contins. Elle devait d’abord retrouver le contrôle
de ses nerfs. Elle ne voudrait pas de mon aide.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle à ma mère.
Cette dernière observait Blaire, le regard hanté.
— Attention à ce que tu vas répondre, prévins-je ma mère.
Je m’étais approché de Blaire, au cas où elle aurait besoin de moi.
Le regard de Georgie passa d’Abe à moi pour s’arrêter sur Blaire.
— Tu sais qui je suis, Blaire, nous nous sommes déjà rencontrées.
— Vous êtes venue chez moi. Vous… vous avez fait pleurer ma mère.
— Dernier avertissement, maman, grognai-je.
— Nan voulait rencontrer son père. Alors, je l’ai emmenée chez lui. Elle a pu voir sa gentille
petite famille, avec ses adorables jumelles blondes qu’il aimait, et sa femme tout aussi parfaite.
J’étais fatiguée de devoir expliquer à ma fille qu’elle n’avait pas de père. Elle savait bien qu’elle en
avait un. Je lui ai donc montré ce qu’il lui avait préféré, l’univers qu’il avait choisi. Elle ne s’est plus
enquise de lui ensuite, sauf bien plus tard dans sa vie.
Les genoux de Blaire menaçaient de la lâcher. Elle avait du mal à respirer. Merde, elle allait
avoir une crise de panique.
— Blaire, s’il te plaît, regarde-moi, la suppliai-je.
Elle ne réagit pas. Elle gardait les yeux rivés au sol, toutes ces informations s’infiltrant lentement
en elle. Je détestais être témoin de tout ça. Je n’avais qu’une envie, leur ordonner de quitter la pièce
afin que j’enlace Blaire jusqu’à ce que tout aille de nouveau bien. Mais elle avait besoin de tout
entendre, que tout soit dit. Elle cherchait à connaître ces réponses.
Abe intervint.
— J’étais fiancé à Georgianna. Elle était enceinte de Nan. Ta mère est venue lui rendre visite.
Elle ne ressemblait à personne que j’avais rencontré jusque-là. Elle était addictive. Il m’était
impossible de rester éloigné d’elle. Georgianna était toujours accrochée à Dean, et Rush voyait son
père un week-end sur deux. Je m’attendais à ce que Georgie retourne avec Dean à la seconde où il
déciderait de fonder une famille. Je n’étais même pas sûr que Nan soit de moi. Ta mère était
innocente et drôle. Les rockers n’étaient pas son truc et elle me faisait rire. Je l’ai pourchassée et elle
m’a ignoré. Puis je lui ai menti. Je lui ai dit que Georgie attendait un autre enfant de Dean. Elle était
désolée pour moi. Je suis parvenu je ne sais comment à la convaincre de s’enfuir avec moi. De jeter
aux oubliettes l’amitié d’une vie.
Blaire se boucha les oreilles et serra les paupières.
— Arrête. Je ne veux rien entendre. Je veux juste prendre mes affaires et partir.
Elle sanglotait, me déchirant le cœur.
— Ma puce, s’il te plaît, parle-moi.
J’effleurai son bras, ayant besoin d’être en contact avec elle d’une manière ou d’une autre.
Elle s’éloigna de moi, sans m’accorder la moindre attention.
— Je ne peux pas te regarder en face. Je ne veux pas te parler. Je veux juste récupérer mes
affaires et rentrer chez moi.
Non. Non. Impossible de la perdre. Elle ne me quitterait pas. Je l’aimais. J’étais à elle. Elle
devait lutter pour nous deux. Cela m’était nécessaire.
— Blaire, ma chérie, il n’y a plus de chez-toi, fit remarquer Abe.
J’avais bien conscience qu’il devait lui rappeler qu’elle n’avait nulle part où aller, mais je
n’avais malgré tout qu’une envie : lui balancer mon poing dans la figure. Ce n’était pas ce qu’elle
avait besoin d’entendre de sa bouche pour le moment.
Elle fusilla son père du regard.
— Les tombes de ma mère et de ma sœur sont mon foyer. Je veux être auprès d’elles. Je suis
restée là à vous écouter tous me donner une description de ma mère, alors que je sais qu’elle n’était
pas comme ça. Elle n’aurait jamais fait ce dont vous l’accusez. Reste ici avec ta famille, Abe. Je suis
sûre qu’ils t’aimeront autant que la précédente. Essaie de ne tuer aucun d’entre eux, cracha-t-elle à
son père avec haine.
Puis elle se détourna et bondit dans l’escalier. Je la suivis des yeux en réfléchissant à la
possibilité de l’enfermer dans ma chambre et de l’obliger à y rester avec moi. À m’écouter. Me
pardonnerait-elle alors ? Pouvais-je lui imposer ça ?
— Elle est instable et dangereuse, siffla ma mère.
Je vins me planter sous son nez et la défier ainsi pour la première fois de ma vie.
— Son monde vient juste de lui être arraché. Tout ce qu’elle a connu. Alors, pour une fois dans ta
vie, ne te comporte pas en garce égoïste et ferme-la. Parce que je suis à deux doigts de vous jeter tous
les deux dehors et de vous laisser vous débrouiller pour survivre tout seuls.
Je n’attendis pas sa réponse parce que j’étais sûr qu’elle me ferait sortir de mes gonds. Il fallait
que je tente de parler à Blaire sans nos parents au milieu.
Depuis le seuil de sa chambre, je l’observai tandis qu’elle enfournait ses vêtements dans la
valise avec laquelle elle était arrivée, quelques semaines plus tôt seulement.
— Tu ne peux pas me quitter, lui dis-je, luttant contre l’émotion qui me serrait la gorge.
— Regarde-moi bien faire, répondit-elle.
Elle n’avait aucune chaleur dans la voix, ce qui me tuait. Ce n’était pas ma Blaire. Je ne
laisserais pas ce mensonge me l’enlever. Ma Blaire n’était pas aussi impersonnelle et aussi froide.
— Blaire, tu ne m’as pas laissé t’expliquer. J’allais tout te dire aujourd’hui. Ils sont rentrés hier
soir et j’ai paniqué. Il fallait que je te raconte tout d’abord. (Mes propos n’avaient aucun sens, et elle
s’en allait, mais je n’avais aucune idée de quoi lui dire pour qu’elle change d’avis. Je frappai le
montant de la porte, essayant de me concentrer. Prononcer les mots justes était essentiel.) Tu n’étais
pas supposée découvrir cela ainsi. Pas comme ça. Mon Dieu, pas comme ça.
Je perdais la tête. Un sentiment de panique et de peur mêlées assombrissait mon jugement.
— Je ne peux pas rester ici, répondit-elle. Je ne peux pas te voir. Tu représentes la douleur et la
trahison, envers moi, mais aussi envers ma mère. Quoique nous ayons partagé, c’est terminé. Ça s’est
éteint à la minute où je suis descendue et me suis rendu compte que le monde que j’avais toujours
connu était bâti sur un mensonge.
C’était tellement définitif. Comment lutter si elle refusait de nous donner une chance ? Serait-elle
capable de me voir autrement de nouveau ? Vivre dans un tel monde m’était impossible. Un monde
sans Blaire.
28
Je luttais pour respirer malgré ma douleur. Je finis par lui emboîter le pas. Elle ne voulait pas de
moi. De tout ça. Mais comment me contenter de la laisser partir ? Où irait-elle ? Où dormirait-elle ?
Qui s’assurerait qu’elle mange correctement ? Qui la consolerait quand elle pleurerait ? Elle avait
besoin de moi. Et Seigneur, moi j’avais besoin d’elle.
Arrivée sur la dernière marche, elle sortit son téléphone de sa poche et le balança à Abe.
— Prends-le. Je n’en veux pas.
— Pourquoi prendrais-je ton téléphone ? lui demanda-t-il.
— Parce que je ne veux rien venant de toi, cria-t-elle.
— Je ne t’ai pas donné ce téléphone, lui répondit-il.
— Garde-le, Blaire, intervins-je. Si tu veux partir, je ne peux pas te retenir ici, mais je t’en prie,
garde-le.
J’étais prêt à me mettre à genoux pour la supplier. Il fallait qu’elle le garde. Bon sang, elle en
avait besoin.
Elle déposa l’appareil sur la table proche de l’escalier.
— Je ne peux pas, se contenta-t-elle de répondre.
Je sus que rien ne la ferait changer d’avis. J’étais impuissant. Totalement. Son univers venait
juste de voler en éclats et moi, j’étais impuissant.
— Tu es exactement comme elle, dit ma mère dans le dos de Blaire.
— J’espère juste pouvoir ne serait-ce que lui arriver à la cheville, rétorqua Blaire avec une
conviction absolue.
La porte se ferma derrière elle.
Je devais agir.
Je dévalai l’escalier, les yeux rivés sur la porte. Impossible de rester planté là pendant qu’elle
s’éloignait.
— Où va-t-elle ? demandai-je à Abe.
Il en aurait sûrement une idée.
— Elle va retourner en Alabama. Le seul autre foyer qu’elle connaisse. Elle a des amis, là-bas.
Ils s’occuperont d’elle, répondit-il.
Un cri, poussé par Nan, se fit entendre dehors et mon cœur s’arrêta de battre. Était-il arrivé
quelque chose à Blaire ? J’eus beau me dépêcher, ma mère et Abe arrivèrent les premiers à la porte.
— Blaire ! Lâche cette arme. Nan, ne bouge pas. Elle sait comment se servir de cet engin mieux
que la plupart des hommes, ordonna Abe d’une voix calme.
Oh non, Blaire tenait Nan en joue. Qu’est-ce que cette dernière avait bien pu lui dire ?
— Qu’est-ce qu’elle fait avec cette chose ? Est-ce même légal qu’elle ait une arme en sa
possession ? demanda ma mère.
— Elle a un permis de port, l’informa Abe. Et elle sait ce qu’elle fait. Restez calmes.
Il avait l’air ennuyé.
Blaire baissa le revolver.
— Je vais monter dans mon pick-up et sortir de vos vies. Pour toujours. Fermez-la et ne
prononcez plus un mot sur ma mère. Je n’écouterai plus, annonça-t-elle, sa rage dirigée contre Nan.
Elle grimpa dans son véhicule et s’éloigna sans un regard en arrière.
— Elle est complètement dingue ! commenta Nan en se tournant vers nous.
Il m’était impossible de rester là à les écouter les bras croisés. Blaire me quittait. Comment la
laisser partir seule ? Elle n’était à l’abri de rien. Je rentrai dans la maison et remontai à ma chambre.
Le parfum de Blaire me frappa dès la dernière marche. Je dus m’arrêter et serrer les dents contre
une vague de douleur. Deux heures plus tôt à peine, j’étais allongé dans ce lit à la tenir dans mes bras.
Je m’assis sur le lit et attrapai l’oreiller avec lequel elle avait dormi pour m’y frotter le visage. Il
avait son odeur. Un sanglot m’échappa, je n’arrivai pas à le retenir. Je l’avais perdue. Ma Blaire.
J’avais perdu ma Blaire.
Non. Je ne l’accepterais pas.
Je me levai, reposai l’oreiller avec révérence. Je suivrais Blaire. Il me fallait quelques
vêtements et mon portefeuille. J’irais la chercher. Elle avait besoin de moi. Elle n’avait aucune envie
de me voir pour le moment, mais cela changerait, une fois le choc digéré. Je la prendrais dans mes
bras quand elle pleurerait. Puis je passerais le reste de ma vie à travailler à ce que tout aille bien. À
la rendre heureuse. Sacrément heureuse.
Je descendis, mon sac de voyage à la main. Dans le foyer, ma mère, ma sœur et Abe discutaient
de Blaire et de ce qui s’était passé, j’en étais sûr. Je ne comptais pas les écouter. Je partais.
— Où vas-tu ? me demanda ma mère.
— Rush, elle m’a pointé une arme sur la tête ! Ça t’est égal ? Elle aurait pu me tuer !
Nan savait ce que j’envisageais d’entreprendre.
Je m’arrêtai et m’adressai d’abord à ma mère.
— Je vais chercher Blaire.
Puis je me tournai vers ma sœur.
— Tu vas apprendre à fermer ta grande gueule. Tu as dit ce qu’il ne fallait pas à la mauvaise
personne, cette fois-ci. Tu as reçu une bonne leçon. La prochaine fois, réfléchis avant de cracher ton
venin.
J’ouvris brutalement la porte.
— Et si elle ne revient pas avec toi ? Elle nous déteste tous, Rush, intervint ma mère qui semblait
embêtée à l’idée même que Blaire me suive ici.
— Si elle ne revient pas avec moi, alors vous devrez tous déménager. Je ne vivrai pas dans ma
maison avec les gens qui ont détruit son univers. Décidez où vous prévoyez de vous installer, parce
que je ne veux pas de vous ici à mon retour.
Je claquai la porte derrière moi.

Les huit heures de route pour Summit, Alabama, auraient été plus faciles si je n’avais pas suivi
Blaire tout en me débrouillant pour qu’elle ne me voie pas. Dissimuler un Range Rover noir sur les
routes de campagne n’était pas évident. Je lui laissai de l’avance plus d’une fois, c’était le seul
moyen. J’avais entré le nom de la petite ville dans mon GPS, et heureusement, Blaire semblait avoir
opté pour le trajet que celui-ci me conseillait.
Lorsque je pénétrai en ville, je remarquai que le panneau WELCOME TO SUMMIT, ALABAMA
était passé et avait besoin d’une nouvelle couche de peinture. Malgré tout, on parvenait encore assez
facilement à déchiffrer ce qui y était écrit. J’avais laissé une bonne dizaine de minutes d’avance à
Blaire, seule solution pour rester hors de sa vue. Je dépassai le premier feu. Selon Google, la ville
n’en possédait que trois. Au suivant, la direction du cimetière était indiquée et je pris par là. Le
parking était vide, à l’exception du pick-up de Blaire et d’un autre véhicule du même type. Je me
garai là où elle ne me remarquerait pas, un peu plus loin sur le bas-côté.
Elle était venue voir sa mère. Et sa sœur. Est-ce que j’avais déjà eu le cœur sincèrement brisé
pour quelqu’un ? Je ne supportais pas la manière dont Nan avait été négligée, mais avais-je déjà
éprouvé ce genre d’émotion pour sa douleur ? L’idée que Blaire fasse face à tout ça toute seule était
trop poignante. Il fallait qu’elle m’écoute.
Lorsque je vis démarrer son pick-up bleu, j’attendis d’être sûr qu’il était de retour sur la route
avant de le suivre à distance respectable. Elle prit à droite au premier feu puis se gara devant un
motel. J’étais sûr que c’était le seul à des kilomètres à la ronde. Même si je détestais l’idée qu’elle y
dorme, j’étais content de ne pas avoir à la rencontrer sous le toit d’étrangers. Ici, nous aurions notre
intimité.
Pendant qu’elle prenait une chambre, je me garai et descendis de voiture. Je n’étais pas sûr de
savoir comment lui expliquer, ou si je me mettrais à la supplier. Mais ne pas agir était hors de
question. Blaire sortit de la réception et verrouilla son regard au mien. Elle ralentit l’allure, puis
soupira. Elle ne s’était pas attendue à ce que je la pourchasse. Une fois encore, ne comprenait-elle
pas à quel point j’étais fou d’elle ?
Une portière de voiture claqua quand elle se mit à avancer vers moi. Elle se tourna dans cette
direction et fronça les sourcils en voyant le type qui se tenait devant le même pick-up que celui que
j’avais vu au cimetière. Je savais sans qu’on ait besoin de me le présenter qu’il s’agissait de Cain. La
manière possessive dont il observait Blaire m’apprit qu’il avait été avec elle. Il fallait juste qu’il
comprenne qu’il n’avait plus aucun droit sur elle.
— J’espère très fort que tu connais ce mec parce qu’il t’a suivie jusqu’ici depuis le cimetière. Je
l’ai remarqué en train de nous observer depuis le bas-côté de la route mais je n’ai rien dit, commenta
Cain en venant se placer devant Blaire.
— Je le connais, effectivement, confirma Blaire.
— C’est lui, la cause de ton retour rapide en ville ? s’enquit Cain.
— Non, répondit-elle, les yeux posés sur moi. Pourquoi es-tu ici ? me demanda-t-elle.
Elle ne donnait pas l’impression de souhaiter s’approcher de moi.
— Parce que tu y es, répondis-je simplement.
— Je ne peux pas faire ça, Rush.
Si, elle pouvait. Il n’y avait qu’à la pousser à s’en rendre compte. J’avançai d’un pas.
— Parle-moi. S’il te plaît, Blaire. Il y a tant de choses que j’ai à t’expliquer.
Elle secoua la tête en reculant.
— Non. Je ne peux pas.
J’avais envie de taper sur le crâne de Cain.
— Tu nous donnes une minute ? exigeai-je.
Il croisa les bras et se plaça directement entre Blaire et moi.
— Je ne crois pas. On dirait qu’elle ne tient pas à te parler. J’peux pas dire que je l’y pousserai.
Pas plus que tu ne le feras.
Je me dirigeai vers lui quand Blaire se détacha de son ombre.
— Tout va bien, Cain. C’est mon demi-frère, Rush Finlay. Il sait déjà qui tu es. Il veut discuter.
Tu peux partir, je n’aurai pas de problème, affirma-t-elle par-dessus son épaule avant d’ouvrir la
porte de la chambre 4A.
Elle venait de déclarer que j’étais son demi-frère. C’était quoi, ce bordel ?
— Demi-frère ? Attends… Rush Finlay ? Le fils unique de Dean Finlay ? Merde, Bie, tu as des
liens familiaux avec une rock star.
Il en était comme deux ronds de flan.
C’était le bouquet ! Voilà que je tombais sur un type suffisamment fan des Slacker Demon pour
connaître le nom du fils de Dean.
— Vas-y, Cain, répéta-t-elle durement avant de pénétrer dans la chambre.
29
Elle alla jusqu’à l’angle opposé de la pièce avant de se tourner vers moi.
— Parle. Dépêche-toi. Je suis impatiente que tu disparaisses, me lança-t-elle, tendue.
— Je t’aime.
J’aurais dû le lui avouer plus tôt. Hier. Au moment où je m’en étais rendu compte. Mais je
n’avais rien dit.
Elle se mit à secouer la tête. Elle ne m’écouterait pas. J’allais devoir supplier. Je lutterais pour
nous deux.
— Je sais que mes actions ne soutiennent pas cette assertion, mais laisse-moi juste t’expliquer.
Mon Dieu, ma puce, je ne supporte pas de te voir souffrir autant.
— Rien de ce que tu pourras dire ne réparera les choses, Rush. Elle était ma mère, le seul
souvenir positif dans ma vie. Elle est au centre de chaque événement joyeux survenu dans mon
enfance. Et toi… (Elle ferma les yeux.) Et toi… et eux… vous l’avez déshonorée. Ces fabulations
horribles que vous avez énoncées comme étant véridiques.
Je me détestais. Je ne supportais pas les mensonges. Je haïssais ma mère et Abe.
— Je suis désolé que tu aies découvert tout ça de cette manière. Je voulais te le dire. Au début, tu
n’étais qu’un élément qui allait faire souffrir Nan. Je pensais que tu lui ferais plus de mal. Le
problème était que tu me fascinais. J’admets que j’ai immédiatement été attiré par toi parce que tu es
superbe. C’était à couper le souffle. À tel point que je te détestais. Je ne voulais pas être attiré par
toi. Mais je l’étais. Je te désirais tellement, cette première nuit. Juste pour être près de toi, mon Dieu,
j’inventais des raisons pour te trouver. Puis… puis j’ai appris à te connaître. Ton rire m’hypnotisait.
C’était la sonorité la plus incroyable que j’avais jamais entendue. Tu étais si honnête et déterminée.
Tu ne geignais pas, ne te plaignais pas. Tu prenais ce que la vie te réservait et avançais à partir de là.
Je n’avais pas l’habitude de cela. Chaque fois que je te regardais, chaque fois que je me tenais près
de toi, mes sentiments grandissaient un peu plus.
J’esquissai un pas en avant, mais elle leva les bras comme pour me tenir à distance. Je devais
continuer à parler. Qu’elle me croie.
— Puis il y a eu cette nuit au saloon. Après ça, tu m’as appartenu. Tu ne t’en es peut-être pas
rendu compte, mais j’étais pris. Il n’y avait pas de retour en arrière possible pour moi. J’avais tant de
choses à me faire pardonner. Je t’avais fait vivre un enfer depuis ton arrivée et je me détestais pour
cela. Je voulais t’offrir le monde. Mais je savais… Je savais qui tu étais. Lorsque je m’autorisais à y
penser, je reculais. Comment pouvais-je être aussi épris de la fille qui symbolisait la souffrance de
ma sœur ?
Blaire se boucha les oreilles.
— Non. Je n’écouterai pas ça. Pars, Rush. Va-t’en maintenant ! hurla-t-elle.
— Le jour où ma mère est revenue de l’hôpital avec elle, j’avais trois ans, m’obstinai-je. Je m’en
souviens, malgré tout. Elle était si petite que je me rappelle m’être inquiété que quelque chose puisse
lui arriver. Ma mère pleurait beaucoup. Nan aussi. J’ai vite grandi. Quand ma sœur a eu trois ans, je
faisais déjà tout pour elle, de préparer son petit déjeuner à la mettre au lit le soir. Ma mère s’était
mariée, et maintenant, nous avions Grant. Il n’y avait jamais aucune stabilité. En fait, j’attendais
impatiemment les fois où mon père venait me chercher parce que du coup, pendant quelques jours, je
n’avais plus à supporter la responsabilité de Nan. Cela me faisait une pause. Puis elle a commencé à
demander pourquoi j’avais un père et pas elle.
Il m’était essentiel que Blaire saisisse les raisons de mes actes. J’avais mal agi, mais il fallait
que le pourquoi lui apparaisse.
— Arrête ! cria-t-elle en s’éloignant encore le long du mur.
— Blaire, tu dois m’écouter. C’est le seul moyen pour que tu comprennes, suppliai-je. (Le
sanglot que je refoulais brisa ma voix, mais cela ne m’arrêta pas.) Ma mère lui disait qu’elle n’avait
pas de papa parce qu’elle était spéciale. Cela n’a pas marché très longtemps. J’ai exigé de ma mère
qu’elle me dise qui était le père de Nan. Je voulais qu’on ait le même. Je savais que mon père
l’emmènerait à droite et à gauche. Ma mère m’a répondu que le père de Nan avait une autre famille.
Et notamment deux petites filles qu’il aimait plus qu’elle. Il avait voulu d’elles, mais pas de Nan. Je
ne comprenais pas comment on pouvait ne pas vouloir d’elle. C’était ma petite sœur. Bien sûr, il
m’arrivait de vouloir l’étrangler, mais je l’aimais farouchement. Puis est venu le jour où ma mère l’a
emmenée voir la famille que son père avait choisie. Après cela, Nan a pleuré pendant des mois.
Je m’arrêtai et Blaire se laissa tomber sur le lit. Elle renonçait et m’écoutait enfin. J’éprouvai
une légère lueur d’espoir.
— Je détestais ces filles. Je détestais la famille que le père de Nan lui avait préférée. J’ai juré
qu’un jour je lui ferais payer. Nan disait tout le temps que peut-être un jour il viendrait la voir. Elle
rêvait les yeux ouverts sur le fait qu’il aurait envie de la connaître. J’ai écouté ces rêves pendant des
années. Lorsque j’ai eu dix-neuf ans, je me suis lancé à sa recherche. Je connaissais son nom. Je l’ai
trouvé. Je lui ai laissé une photo de Nan avec notre adresse au dos. Je lui ai dit qu’il avait une autre
fille qui était spéciale et qu’elle voulait juste le rencontrer. Lui parler.
Je voyais qu’elle se livrait à un rapide calcul mental. Elle avait perdu sa sœur moins d’un an
avant que je trouve Abe. Mais je ne l’avais pas su. Seigneur, je n’en avais eu aucune idée. J’avais
essayé d’aider ma sœur, pas de détruire la vie de Blaire. Je ne la connaissais pas, alors.
— Je l’ai fait par amour pour ma sœur, repris-je. Je n’avais aucune idée de ce que son autre
famille traversait. En toute honnêteté, je n’en avais rien à faire. Je ne me souciais que de Nan. Vous
étiez l’ennemi. Puis tu as franchi mon seuil et complètement bouleversé mon monde. J’ai toujours juré
de ne ressentir aucune culpabilité d’avoir brisé cette famille. Après tout, ses membres avaient brisé
celle de Nan. Les remords ont commencé à me dévorer vivant au fur et à mesure du temps que je
passais avec toi. En voyant ton regard, lorsque tu m’as appris pour ta sœur et ta mère… Mon Dieu, je
jure que tu m’as déchiré le cœur ce soir-là, Blaire. Je ne m’en remettrai jamais.
Elle me permit de m’approcher d’elle.
— Je te jure que malgré mes sentiments pour ma sœur, si je pouvais remonter dans le temps et
changer les choses, je le ferais. Je ne serais jamais allé voir ton père. Jamais. Je suis si désolé,
Blaire. Si foutrement désolé.
Les larmes brouillaient ma vue. Je devais l’amener à comprendre.
— Je ne peux pas te dire que je te pardonne, parce que je n’y arriverais pas, dit-elle doucement.
Mais en revanche, je peux te dire que je comprends pourquoi tu as agi ainsi. Cela a altéré mon
univers. Aucun retour en arrière n’est possible.
Une larme roula sur ma joue. Je n’eus pas un geste pour l’essuyer. Je n’étais pas sûr de savoir
quand j’avais pleuré pour la dernière fois. À la minute présente, il m’était impossible de m’en
empêcher. La douleur me submergeait.
— Je ne veux pas te perdre, lui dis-je. Je suis amoureux de toi, Blaire. Je n’ai jamais voulu rien
ni personne comme je te veux. Je ne peux pas imaginer ma vie sans toi.
— Je ne peux pas t’aimer, Rush.
Je laissai échapper le sanglot que j’avais tenté si fort de réprimer et ma tête tomba sur ses
genoux. Rien n’avait d’importance. Rien. Plus maintenant. J’étais fou d’elle, mais je n’avais pas été
capable de gagner son amour en retour, et sans cela, je ne la reconquerrais jamais. Comment allais-je
vivre maintenant que j’avais goûté à la vie avec elle ?
— Tu n’as pas à m’aimer. Mais ne me quitte pas.
J’étais secoué de chagrin, mon visage enfoui contre sa jambe. M’étais-je déjà senti aussi brisé ?
Non. Et je ne le serais plus jamais autant. J’avais connu le paradis et je l’avais perdu. Rien n’était
comparable à cela.
— Rush, dit-elle d’une voix peinée.
Je levai la tête. Elle se remit debout et commença à déboutonner sa chemise. Je restai assis sans
bouger, effrayé à l’idée de faire le moindre mouvement, tandis que lentement elle retirait ses
vêtements, avec précaution et concentrée sur sa tâche. Je ne saisissais pas les raisons de son
comportement, mais j’avais peur de parler. Si elle était en train de changer d’avis, je n’avais aucune
envie de tout gâcher.
Une fois complètement nue, elle vint me chevaucher. Je l’attrapai par la taille et collai mon
visage contre son ventre. Je sentais mon corps trembler de la tenir si proche, mais je n’avais aucune
idée de ce qu’il se passait. Impossible de partir du principe que cela signifiait qu’elle me pardonnait.
Elle venait juste de déclarer qu’elle ne pourrait jamais m’aimer.
— Que fais-tu, Blaire ? finis-je par oser.
Elle attrapa ma chemise et tira dessus. Je levai les bras pour lui permettre de me la retirer. Elle
se laissa retomber sur moi, prit mon visage en coupe et m’embrassa. Cette saveur envoûtante et douce
qui était la sienne s’infiltra en moi. Je craignais qu’elle ne se reprenne. Elle n’avait pas à être
amoureuse de moi. Je voulais juste qu’elle me laisse l’aimer. Cela me suffirait.
— Tu es sûre ?
Elle se frottait à mon érection.
Elle se contenta de hocher la tête.
Je la soulevai et l’allongeai sur le lit. Puis je me déshabillai. Quand je fus nu à mon tour, je
m’allongeai sur elle et la contemplai. Elle était à couper le souffle.
— Tu es la plus belle femme que j’aie jamais vue, aussi bien sur le plan moral que physique, lui
dis-je.
Puis je l’embrassai partout où cela m’était possible, sur chaque millimètre de son visage, avant
de prendre sa lèvre inférieure entre les miennes.
Elle se cambra et écarta les cuisses, mais je n’étais pas encore prêt. Je n’avais pas envie d’aller
vite. Je voulais la savourer. Elle était faite pour ça, et pour être chérie. Elle était faite pour être aimée
et pour qu’on prenne soin d’elle. Je serais cet homme pour elle. Même si elle n’était pas amoureuse
de moi, je me débrouillerais pour que cela nous suffise.
Je caressai son corps, mémorisant ses contours. Je refusais de croire qu’il s’agissait d’un adieu.
Je ne pensais pas que Blaire mettrait un terme à notre histoire de cette façon. Mais je le craignais
malgré tout, et rien ne me rassasiait.
— Je t’aime tellement, merde, lui dis-je avant de déposer un baiser sur son ventre.
Elle s’ouvrit encore plus. Je levai les yeux vers elle, sachant que cette fois-ci, je devais lui poser
la question. Elle ne nous promettait pas un lendemain.
— Ai-je besoin de mettre un préservatif ? demandai-je en descendant le long de son corps.
Elle confirma d’un mouvement de tête et j’eus l’impression que ce qu’il restait de mon cœur se
brisait un peu plus. Elle imposait une barrière entre nous. J’attrapai mon jean et sortis un préservatif
de mon portefeuille, puis l’enfilai. Blaire ne me quittait pas des yeux. Mon sexe réagit à cette
stimulation.
Je fis courir mes mains sur l’intérieur de ses cuisses. Personne d’autre que moi n’avait jamais été
là. Personne d’autre que moi ne l’avait touchée.
— Ce sera toujours à moi, affirmai-je.
J’avais besoin de la marquer à jamais.
Je me positionnai de manière à ce que l’extrémité de mon pénis frotte son intimité.
— Cela n’a jamais été aussi bon. Rien n’a jamais été aussi bon, jurai-je avant de la pénétrer
entièrement d’une seule poussée.
Elle emprisonna ma taille entre ses jambes et cria. Mon cœur s’emballa. C’était chez moi. Blaire
était mon foyer. Je n’avais pas compris à quel point j’étais seul avant qu’elle n’entre dans ma vie. Je
bougeai lentement en elle, ne la quittant pas des yeux. Je voulais lire dans les siens pendant que je lui
faisais l’amour. C’était cela pour moi. Je lui faisais l’amour. Ce n’était pas une coucherie de passage.
C’était ma manière de lui montrer à quel point elle me possédait.
Ses jambes remontèrent le long de mon corps et elle enroula ses bras autour de mon cou.
— Je t’aimerai toujours. Personne ne pourra jamais être comparé à toi. Tu me possèdes, Blaire.
Cœur et âme, lui assurai-je. (J’effleurai ses lèvres d’un baiser.) Toi seule, lui promis-je.
Il n’y aurait jamais plus qu’elle. Elle était ma vie, maintenant.
Nos regards se verrouillèrent et elle cria. Son orgasme emprisonna étroitement mon membre, me
plongeant dans le plaisir à sa suite. Je repris lentement mes esprits, lui jetai un coup d’œil et sus. Son
expression m’apprenait ce que j’avais craint. C’était ses adieux.
— Ne fais pas ça, Blaire, la suppliai-je.
— Au revoir, Rush, murmura-t-elle.
Je refusais d’accepter la situation. Impossible de la laisser agir ainsi.
— Non. Ne nous fais pas ça.
Ses jambes abandonnèrent ma taille. Ses bras relâchèrent mon cou et elle détourna le visage.
— Je n’ai pas eu l’occasion de faire mes adieux à ma sœur ou à ma mère. Ce que nous venons de
vivre était le salut que je n’avais jamais vécu, et dont j’avais besoin. Cette unique fois entre nous
sans mensonges.
Sa voix, vide de toute expression, me déchira.
J’agrippai les draps.
— Non. Non. S’il te plaît.
Elle continuait à éviter mes yeux, son corps sans réaction sous le mien. Comment lutter contre
quelqu’un qui ne voulait pas de moi ? Quelqu’un qui me haïssait ? Je n’avais aucune chance de
l’emporter. J’avais tout entrepris. Mais elle ne voulait pas de moi. Pas maintenant.
Je me détachai d’elle et cherchai mes vêtements. Je me débarrassai du préservatif et me rhabillai.
Elle souhaitait me voir partir. Elle n’attendait pas autre chose de moi que me voir quitter cette
chambre, et elle par la même occasion. Comment y parviendrais-je ?
Une fois rhabillé, je me tournai vers elle. Elle était assise, les genoux ramenés sous son menton
pour couvrir sa nudité.
— Je ne peux pas t’obliger à me pardonner. Je ne mérite pas ton pardon. Je ne peux pas changer
le passé. Tout ce que je peux faire, c’est d’obéir à ce que tu exiges. Et si c’est ce que tu veux, je m’en
irai, Blaire. Cela me tuera, mais je respecterai ta volonté.
C’était la seule chose entre mes mains : lui donner ce qu’elle désirait.
— Au revoir, Rush, répéta-t-elle.
Et son regard m’abandonna.
Je laisserais mon cœur dans cette chambre. Mon âme aussi. Ils lui appartenaient. Sans elle,
j’étais vide. Je ne serais plus jamais le même. Blaire Wynn m’avait transformé. Elle m’avait prouvé
que j’étais capable d’aimer d’un amour inconditionnel sans rien obtenir en retour. Jamais plus je ne
tomberais amoureux. C’était elle, la femme de ma vie. Sur un dernier regard à la femme que j’aimais,
je sortis de la chambre, fermant la porte derrière moi.
Une fois dehors, je laissai mes larmes couler.
Aimer quelqu’un que l’on ne mérite pas n’est pas facile. C’est douloureux comme tout. Mais il
n’y avait pas une seconde de ma vie avec Blaire que je regretterais.

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