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© Conseil supérieur de l’audiovisuel

Étude sur la qualité de service


des contenus vidéo accessibles en OTT

Sommaire

Introduction..................................................................................................................................................4

État de la distribution et de l’offre en OTT ...........................................................................................6


1. La distribution en OTT 6
a. Les services gérés .......................................................................................................................6
b. L’internet ouvert .........................................................................................................................9
2. Les contenus accessibles en OTT 14
a. La typologie des services accessibles en OTT ................................................................... 14
b. La qualité de service des contenus accessibles en OTT .................................................. 17

Rattrapage de la qualité des services gérés par celle de l’OTT ...................................................... 19


1. L’accroissement des débits d’accès internet 19
a. Les débits nécessaires ............................................................................................................. 19
b. Le déploiement du très haut débit ....................................................................................... 24
2. Les solutions de stockage à proximité des utilisateurs 27
3. Les progrès de la compression des fichiers vidéo 32
4. L’adaptation des équipements aux vidéos en ligne 34
a. Les écrans alternatifs .............................................................................................................. 34
b. Le téléviseur connecté ............................................................................................................ 36

Conclusion ................................................................................................................................................. 39

Bibliographie ............................................................................................................................................. 41

3
Étude sur la qualité de service
des contenus vidéo accessibles en OTT

Introduction

En sus de la réception de la télévision par la voie hertzienne terrestre, par le satellite, par le câble et
en services gérés par la box des fournisseurs d’accès à internet (FAI) sur le téléviseur, les Français
ont aujourd’hui la possibilité de regarder la télévision (ou plus largement des vidéos) directement
sur l’internet ouvert – en over the top ou OTT – sur les écrans connectés à internet : téléviseurs
connectés, ordinateurs, smartphones et tablettes.
Pour les utilisateurs, regarder des vidéos en OTT peut répondre à leur exigence de flexibilité : cela
leur permet d’accéder à des contenus n’importe où, n’importe quand et sur n’importe quel écran.
Signe de l’importance de ce type d’usage, au quatrième trimestre 2017, 46 % des internautes de 15
ans et plus déclarent avoir regardé durant les 30 derniers jours la télévision sur un autre écran que
le téléviseur1. Entre 2016 et 2018, le temps passé par les Français de 12 ans et plus à regarder des
programmes audiovisuels sur internet a augmenté de 3 heures à 5 heures par semaine2.
Les éditeurs de chaînes de télévision mettent à disposition depuis plusieurs années leurs
programmes en OTT, sur leur site internet ou via leurs applications. Certains services comme Netflix
utilisent même exclusivement l’OTT pour proposer leurs contenus (services dits « OTT native »).
Des distributeurs, comme le groupe Canal Plus ou l’opérateur SFR, ont complété leur gamme
d’offres en services gérés par des abonnements utilisant exclusivement l’OTT.
Ces évolutions structurantes suggèrent que les différents acteurs en place considèrent que l’OTT
constitue un mode de diffusion suffisamment performant pour commercialiser leurs offres de
programmes vidéo.
L’OTT présente cependant une différence notable par rapport aux autres modes de diffusion : il
n’est pas « géré » sur le réseau par lequel il transite. Il utilise l’internet ouvert pour donner accès à
des contenus audiovisuels et par conséquent n’offre pas de garanties de performance ou de
résultat. À l’opposé du satellite, de la TNT ou de l’IPTV3, pour lesquels une partie de la ressource
qu’ils utilisent leur est spécifiquement attribuée, l’OTT utilise la partie restante de la bande
passante du réseau internet des fournisseurs d’accès à internet (FAI)4.

1
En direct et/ou en différé. Source : Web Observatoire de Médiamétrie pour l’Observatoire de l’équipement
audiovisuel des foyers du CSA.
2
Pour les Français de 12 ans et plus regardant des programmes audiovisuels sur internet, le temps qui y est
consacré est de 6 heures en 2016 et de 10 heures en 2018. Source : CREDOC pour CGE, ARCEP et Agence du
Numérique. Baromètre du Numérique 2018. 03/12/2018.
3
Internet Protocol Television, soit la télévision par internet offerte par les fournisseurs d’accès à internet en
services gérés.
4
L’OTT en tant que mode de distribution est par ailleurs souvent traduit comme un « contournement » des
distributeurs de services audiovisuels que sont les FAI.

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Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Afin de dépasser de potentielles difficultés dues à cette différence de traitement entre OTT et
services gérés, plusieurs maillons de la chaîne de distribution sur internet, tels que la partie
terminale du réseau (déploiement des réseaux très haut débit), le cœur du réseau (acheminement
des données) ou encore les extrémités du réseau (compression des fichiers et les équipements
connectés), font l’objet d’innovations techniques continues, permettant d’améliorer la qualité de
service de l’OTT.
La première partie de cette étude pose les bases du périmètre d’analyse. Sur le plan technique,
l’OTT est généralement comparé aux services gérés de l’IPTV (plutôt par exemple qu’à la TNT), ces
deux modes de diffusion utilisant le protocole internet. L’analyse se cantonne à ce stade au service
fixe d’accès à internet, la consommation sur les réseaux mobiles étant à ce jour moins développée.
Tous les contenus, linéaires (en direct ou non) ou non linéaires, disponibles en OTT et en services
gérés ou non, sont pris en considération dans cette étude. La seconde partie de l’étude vise à
apprécier dans quelle mesure la qualité du service fourni en OTT est comparable à celle des services
gérés.

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Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

État de la distribution et de l’offre en OTT

1. La distribution en OTT

a. Les services gérés

Définition

La télévision par internet (IPTV) s’appuie sur la même connexion que celle qui permet l’accès à
internet. La bande passante fonctionne en effet par empilement de couches de protocoles, qui
gèrent respectivement les aspects physiques, réseau, transport puis les services ou processus
utilisateurs (les applications). Parmi ces derniers, les services dits « gérés » sont des services d’accès
à des contenus, services ou applications par voie électronique, proposés par un opérateur de
réseau et pour lesquels ce dernier garantit des caractéristiques spécifiques et un niveau de qualité
de service optimal, grâce à des traitements qu’il met en œuvre sur le réseau qu’il contrôle.
La législation européenne1 autorise les FAI à opérer une « gestion raisonnable du trafic », ce qui
leur permet d’appliquer des différences de gestion du trafic en fonction des exigences techniques
en matière de qualité de service propres à certaines catégories de service. Ces différences de
gestion doivent être objectives et proportionnées au regard de l’objectif d’optimisation de la
qualité globale, afin de respecter le principe de la neutralité du net. À cet égard, l’IPTV bénéficie
d’une sorte de « partie privative » sur le réseau du FAI, gérée de manière prioritaire pour en
garantir la qualité (assurer un débit stable et diminuer les erreurs d’acheminement). C’est pourquoi
l’IPTV entre dans la catégorie des « services gérés ».
Consacrer une partie du trafic internet aux services gérés de télévision peut avoir un effet sur le
débit global de la connexion internet. Comme indiqué dans le tableau ci-dessous, cet effet varie
selon le service utilisé et la technologie employée par l’opérateur. La gestion spécifique du trafic
pour l’IPTV n’a pas d’impact notable sur le débit des réseaux en fibre optique. En revanche, les
technologies xDSL (qui utilisent le réseau de cuivre) y sont plus sensibles : sur ces lignes, pour
garantir la stabilité d’une réception de la télévision, le service géré de la télévision réduit le débit
global de 4 Mbit/s à 8 Mbit/s, ce qui représente autant de débit en moins pour les autres types de
consommation internet. Un débit global supérieur à 8 Mbit/s pour de la haute définition est donc
nécessaire pour être éligible à l’IPTV.

1
Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015.

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Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Impact de la télévision sur IP sur la performance du service fixe d’accès à internet

Haute Définition

Boucle locale de cuivre Débit réduit de 4 à 8 Mbit/s

Fibre optique jusqu’à l’abonné Impact nul ou négligeable sur le service d’accès à internet

Fibre optique à
Aucun impact sur le service d’accès à internet
terminaison coaxiale
er
Source : ARCEP. Qualité du service fixe d’accès à internet. 1 semestre 2016. Novembre 2016.

Offres de télévision en services gérés

Le service géré de l’IPTV est par définition rendu sur le téléviseur. Le taux de pénétration du
téléviseur est stable aux alentours de 94 % de foyers depuis la mi-20151, confirmant l’importance
de cet équipement et des services gérés auxquels il donne accès. La place centrale du téléviseur,
couplée à une durée d’écoute individuelle (DEI) quotidienne de la télévision (sur le téléviseur) des 4
ans et plus stable au cours du temps (4 minutes en moins depuis 2013), montre que les services
gérés sont largement utilisés2. Il faut toutefois noter une tendance à la baisse marquée chez les
tranches d’âge les plus jeunes (DEI en baisse de 23 minutes chez les 4-14 ans et de 26 minutes chez
les 15-34 ans entre 2013 et 2017)3.
Les offres payantes triple-play (3P), qui donnent accès à l’IPTV, représentent 71 % du parc
d’abonnements internet fixe (stock) au premier semestre 20184. En termes de flux, la majorité des
abonnements à internet fixe aujourd’hui vendus sont couplés à une offre de télévision5. Le
déploiement du très haut débit participe à l’augmentation du nombre d’abonnements triple-play,
aussi dénommés offres de télévision payante de premier niveau6. Le nombre d’abonnements à
internet couplés à une offre de télévision augmente ainsi pour atteindre plus de 20 millions au 2e
trimestre 2018, soit 640 000 de plus qu’un an auparavant7.
Pendant longtemps, toutes les offres d’accès fixe à internet incluaient un service géré de télévision.
Toutefois, il est opportun de souligner le retour récent des offres double-play (2P), qui regroupent
la téléphonie fixe et l’internet fixe. Ces offres 2P, proposées par deux FAI, sont adaptées aux

1
Source : Médiamétrie pour CSA. Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers.
2
Les services gérés ne sont accessibles que sur le téléviseur. En revanche, le téléviseur donne accès à d’autres
plateformes de réception de télévision telle que l’OTT.
3
Source : Médiamétrie. Médiamat. Ensemble des individus de 4 ans et plus équipés de téléviseurs. France
métropolitaine.
4
Source : ARCEP. Indicateurs d’activité des opérateurs de communications électroniques. Indicateurs
trimestriels jusqu’au T1 2018. Données ouvertes.
5
Les offres triple-play (3P) représentent 2/3 des offres xDSL vendus (source : ARCEP. Consultation publique
sur l’analyse du marché 3a. Juillet 2017). On peut par ailleurs supposer que cette proportion augmente
lorsque l’abonnement vendu est une offre très haut débit.
6
Les offres de « premier niveau » fournissent la télévision aux abonnés des FAI, conjointement à un accès
internet et au téléphone (offres triple-play). Les offres de télévision de « second niveau » sont celles
auxquelles souscrivent les abonnés en sus de leur abonnement triple-play.
7
Source : ARCEP. Observatoire des marchés des communications électroniques. Services fixes haut et très
e
haut débit : abonnements et déploiements. 2 trimestre 2018. 13 septembre 2018.

7
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

populations dont le consentement ou la capacité à payer pour la télévision est relativement faible,
tout en répondant aux nouveaux usages, notamment des jeunes.
La télévision par internet offre également la possibilité de souscrire à différents bouquets payants
de chaînes de télévision1, aussi appelés offres de second niveau, tels que beIN Sport. Le Conseil
estime qu’en 2016 plus de 15 millions de Français étaient abonnés à une offre de second niveau sur
services gérés, en augmentation de 13 % par rapport à l’année précédente2. Il convient de noter
par ailleurs que les éditeurs de services de second niveau proposent également souvent une offre
payante utilisant seulement l’OTT (stand-alone).

Enfin, l’IPTV cohabite avec d’autres plateformes de réception de la télévision : la TNT, le satellite.
Concernant les services gérés3, les foyers recevant la télévision par la plateforme TNT représentent
51,4 % des foyers de métropole équipés en téléviseur(s) au deuxième trimestre 2018, soit 1 point
de moins qu’un an auparavant. La pénétration de l’IPTV a gagné 1,5 point entre le T2 2017 et le T2
2018, pour atteindre 55,9 % des foyers. Le satellite, lui est stable depuis plusieurs années aux
alentours de 23 % des foyers4. À ces plateformes de réception traditionnelles s’ajoute désormais
l’accessibilité en OTT.
Modes de réception de la télévision en services gérés sur l'ensemble du foyer

60% 59,9% 58,9% 59,7%


57,8% 58% 56,7% 56,3% 55,2% 55% 55,5% 55,9%
56% 54,1% 54% 53,6%
56,2% 55,5% 55,9% 54,4% 54,9% 55% 55,8% 55,9%
51,9% 52,9% 53,1% 52,4% 51%
50,2% 51,2% 51,1% 50,8% 51,3% 51,4%
49,9%

23,1% 23,7% 22,7% 23,1% 23,1% 23,4% 23,6% 22,5% 22,5%


22,1% 22% 22%

T3 2015 T4 2015 T1 2016 T2 2016 T3 2016 T4 2016 T1 2017 T2 2017 T3 2017 T4 2017 T1 2018 T2 2018

TNT TNT+câble gratuit IPTV (ADSL, câble payant, fibre) Satellite

Source : Médiamétrie pour CSA, DGMIC, DGE, ANFR. Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers.
S1 2018.

1
Il est également possible de souscrire à une offre payante de télévision sur la plateforme TNT (Canal Plus),
toutefois cette possibilité est un fait unique.
2
Source : CSA d’après les réponses aux questionnaires pour l’étude d’impact de la demande d'agrément de la
prise de contrôle exclusif du groupe NextRadioTV par le groupe SFR.
3
Le terme « services gérés » désigne la réception de la télévision incluse dans les abonnements internet
(IPTV). Toutefois, dans une version plus large, les réseaux TNT et satellite peuvent également être dits « gérés
» en ce qu’une partie de la ressource qu’ils utilisent leur est spécifiquement attribuée et que la qualité du
service fourni est garantie.
4
Médiamétrie pour CSA, DGMIC, DGE, ANFR. Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers. S1 2018.

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Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

b. L’internet ouvert

Définition

Dans son rapport sur les services OTT1, l‘ORECE définit un service OTT comme « un contenu, un
service ou une application qui est accessible par les utilisateurs finaux sur l’internet ouvert ». Le
terme OTT ne fait donc référence à aucun type particulier de service mais à une méthode d’accès, à
savoir l’accès sur l’internet ouvert. Il peut donc s’agir, par exemple, d’un service de messagerie
instantanée utilisant internet comme WhatsApp, d’un service en ligne de vidéos à la demande
comme Netflix ou d’un service en ligne de télévision linéaire comme beIN Connect.
En juillet 2015, l’accès à des contenus audiovisuels en streaming, c’est-à-dire grâce à une lecture en
continu de flux vidéo sur l’internet ouvert, sur lequel se concentre cette étude, représentait 50 %
du trafic internet fixe en France2.

Répartition du trafic internet fixe en France par usage (juillet 2015)

Source : ARCEP. L’état d’internet en France, édition 2017. Mai 2017.

Les contenus audiovisuels disponibles sur l’internet ouvert côtoient dans la bande passante du
réseau internet fixe les contenus diffusés en IPTV par les FAI. La diffusion OTT vient s’ajouter aux
services gérés dans la bande passante du réseau internet fixe. L’ORECE, dans son rapport sur les
services OTT3, souligne que la fourniture d’un service OTT s’effectue sans que l’opérateur de réseau
(FAI) intervienne dans le contrôle ou la distribution du service. Ainsi, en diffusion OTT, les services
(de transmission) ne sont pas gérés et il n’y a aucune garantie de qualité de service :
l’acheminement des données se fait selon le modèle dit du « best effort », c’est-à-dire que les
opérateurs ont simplement une obligation de moyens de garantir la meilleure qualité possible en
fonction de l’encombrement du réseau.
Cette pratique de best effort trouve une application concrète dans la fonctionnalité dite
d’adaptative streaming, ou gestion dynamique du réseau, pour les services de streaming. Au début
de l’OTT, les fournisseurs de contenus4 proposaient à l’usager de choisir entre deux ou trois niveaux

1
Organe des régulateurs européens des communications électroniques. Berec Report on OTT services, BoR
(16) 35. 29 janvier 2016.
2
Une partie (non quantifiée) de la part du téléchargement (en orange) doit également porter sur des
contenus audiovisuels.
3
ORECE. Berec Report on OTT services, BoR (16) 35, 29 janvier 2016.
4
Un fournisseur de contenus est une entité qui met à disposition sur internet de manière gratuite ou non des
contenus de type informatifs, récréatifs ou au cas d’espèce audiovisuels. Exemple : YouTube.

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Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

de qualité différents pour s’adapter aux performances de la connexion d’accès internet. Apparu en
2010, l’adaptive streaming, au lieu de proposer ces deux ou trois niveaux alternatifs de qualité,
permet au terminal de l’utilisateur (par exemple l’ordinateur) de piloter automatiquement et en
temps réel la qualité du contenu en fonction des variations du débit.
Pour ce faire, les services de streaming compressent le même contenu à différents niveaux de
débit. Ceci leur permet à chaque instant d’ajuster la résolution d’image, en utilisant le fichier le plus
adapté à la qualité du réseau et au terminal de l’utilisateur. Au gré de la fluctuation du débit de la
connexion internet disponible, le terminal de l’utilisateur, depuis le lecteur du service, peut inter-
changer entre les différentes représentations et ainsi proposer un visionnage le plus fluide et
satisfaisant possible. Les coupures sont ainsi minimisées voire évitées et l’expérience dans son
ensemble s’en trouve améliorée : l’utilisateur dispose, à chaque instant, de la meilleure qualité
possible.
Dans la pratique, la plupart des plateformes de streaming utilisent à la fois la gestion dynamique du
réseau et la sélection manuelle de la résolution d’image1. C’est le cas par exemple de YouTube : le
lecteur de YouTube sélectionne automatiquement la meilleure résolution possible à chaque instant
mais l’utilisateur a également la possibilité de choisir entre différentes résolutions, proposées ou
non selon la résolution de capture de la vidéo choisie et du débit de la connexion internet.
Néanmoins, si l’utilisateur choisit une résolution trop haute par rapport aux fluctuations de sa
connexion internet, il s’expose à une attente plus longue avant le démarrage de la lecture, ainsi
qu’à des interruptions répétées pendant la lecture (cf. infra).

Potentialités de l’OTT pour les acteurs du secteur audiovisuel

- Les éditeurs de chaînes de télévision


Les éditeurs ont depuis quelques années repensé leur modèle de distribution en combinant
services gérés et OTT, afin de s’adapter aux nouvelles pratiques des consommateurs.
L’autodistribution en OTT2 représente aujourd’hui un élément constitutif de leur offre de télévision.
À titre d’exemple, le directeur général délégué à l’antenne et aux programmes de France
Télévisions a déclaré fin 2018 que « dans cinq à dix ans, notre principal canal de diffusion sera
france.tv, c’est-à-dire la déclinaison numérique du groupe, où l’on retrouvera à la fois les signaux
live, le replay et des contenus spécifiques »3.
L’autodistribution constitue une nouvelle opportunité pour les éditeurs de télévision, qui disposent
dans ce cadre d’une relation directe avec le consommateur et perçoivent l’intégralité des recettes
d’abonnement, faisant ainsi l’économie des reversements aux distributeurs. En services gérés, dans
le cas des chaînes non premium comprises dans les offres de télévision des FAI, la répartition des
revenus d’abonnement est globalement équivalente entre le distributeur et l’éditeur. Ce
pourcentage de rémunération s’éloigne de cet équilibre pour les chaînes premium, au bénéfice de
l’éditeur. En OTT, les éditeurs, et plus particulièrement les éditeurs de chaînes premium4, ont la

1
Pouvant également impliquer une stratégie tarifaire de qualité différenciée : par exemple, pour regarder
Netflix en haute définition ou en ultra haute définition (dans les limites de la vitesse de la connexion
internet), l’utilisateur doit souscrire à un certain type d’offres.
2
Le terme d’autodistribution OTT traduit la possibilité pour un service de se rendre disponible à ses
utilisateurs de manière directe sur internet, sans passer par un tiers.
3
Source : Les Echos. « France.tv sera notre principal canal de diffusion ». Interview de Takis Candilis.
20/12/2018.
4
Contrairement aux chaînes premium, les chaînes non premium ne disposent pas de programmes à
l’attractivité forte et sont pour la plupart de trop petite taille pour développer et faire fonctionner un service
OTT uniquement sur la base de leur offre.

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Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

possibilité de capter 100 % des recettes d’abonnement à leurs offres (voir le prix des différents
abonnements ci-dessous). Ils doivent toutefois supporter des charges fixes de fonctionnement de
leur plateforme OTT.

Prix des principales offres de télévision payante en OTT et en services gérés en France

Acteurs Services Stand-alone (OTT) Offre de télévision (SG)


beIN Media beIN Sports 15 €/mois 15 €/mois
Discovery Eurosport 9,99 €/mois Chez GCP (pack Sport)
SFR/Altice RMC Sports 19 €/mois 9 €/mois
Orange OCS 9,99 €/mois 11,99 €/mois
Groupe Canal Plus Canal+ 19,90 €/mois 24,90 €/mois
Groupe M6 Teva 1,99 €/mois Chez tous les distributeurs
Groupe M6 Paris Première 1,99 €/mois Chez tous les distributeurs
Source : sites internet des distributeurs au 15 septembre 2018.
Note 1 : les prix sont présentés sans engagement pour les offres OTT et sans ou avec engagement d’un an
pour les offres en services gérés.
Note 2 : certains prix ne sont pas disponibles en services gérés car compris dans des offres plus globales.

Dans une économie où la donnée est un vecteur important de revenus, la collecte de données de
profil et d’usage représente également un enjeu essentiel pour les chaînes. Comme elle n’est
réalisable (d’un point de vue technique) que sur le protocole internet (IPTV et OTT), les chaînes
gratuites n’ont pas la possibilité d’accéder à ce type d’informations dans l’environnement hertzien
terrestre. Les FAI, qui ont la possibilité de récolter des données de consommation en IPTV,
fournissent aux éditeurs de chaînes gratuites des données macro d’audience de leurs programmes
sur cette plateforme. Toutefois, dans le cadre juridique actuel1, les FAI ne sont pas autorisés à
collecter et traiter de données de contenu à caractère personnel.
L’OTT peut être un moyen de contourner cette contrainte : grâce à l’identification des utilisateurs
sur les plateformes OTT des chaînes de télévision gratuite, elles peuvent individualiser les
statistiques de consommation. Les cookies2 peuvent en outre leur fournir des informations d’usage
et d’habitude de consommation, leur permettant de personnaliser leurs recommandations. Des
modèles d’abonnement gratuit, accentuant le lien entre l’éditeur de services gratuits et le
consommateur, avec renseignement obligatoire par l’utilisateur d’informations sur son profil, se
développent afin d’optimiser la collecte de données. Il faut noter toutefois qu’aujourd’hui,
certaines plateformes OTT de chaînes gratuites ne nécessitent pas d’authentification.
Les éditeurs de télévision payante étant liés à leurs clients par un contrat d’abonnement (aussi bien
en services gérés qu’en OTT), ils peuvent recueillir grâce à leur distribution en OTT des données de

1
Article L. 34-1 du Code des Postes et des Communications Electroniques (CPCE). Dans le futur cadre de
réglementation (proposition de règlement « ePrivacy »), les FAI pourront collecter et traiter de la donnée de
contenu des communications électroniques à condition de répondre à une des exceptions au principe général
d’effacement ou d’anonymisation des données de contenu des communications électroniques.
2
Un "cookie" est une suite d'informations transmise au navigateur de l’utilisateur par un site web auquel il
est connecté. Le navigateur web le conservera pendant une certaine durée, et le renverra au serveur web à
chaque connexion ultérieure. Les cookies ont de multiples usages : par exemple, ils servent à mémoriser un
identifiant client sur un site donné, qui permettra de tracer la navigation de l’utilisateur pour des finalités
statistiques ou publicitaires. La traduction directe de cookie est « traceur ».

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Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

type commercial, ainsi que des données de consommations individualisées auxquelles ils n’ont pas
accès en services gérés.
Les offres OTT permettent aussi aux chaînes d’élargir leur audience, en touchant des
consommateurs qui délaissent la télévision sur les réseaux traditionnels, principalement les jeunes
générations, qui ont une appétence certaine pour les consommations « anywhere, anytime, any
device »1 (voir tendance de la DEI quotidienne, page 8).
En contrepartie des avantages de l’OTT cités, les éditeurs doivent faire face aux différents enjeux de
diffusion (cf. infra) qui peuvent influer sur la qualité de service. Par manque de visibilité, les
éditeurs de services de télévision gratuite ne peuvent informer leurs utilisateurs de la qualité de
service à laquelle ils peuvent prétendre en OTT. Pour autant, Canal Plus, qui a récemment lancé un
service de télévision payante entièrement distribué en OTT via l’Apple TV, offre bel et bien la
possibilité de tester sa connexion afin de déterminer quel niveau de définition d’écran sera
disponible à la lecture2.

- Les ayants droit


Les ayants droit rencontrent des problématiques similaires à celles des éditeurs de télévision.
Valorisant leurs propres contenus, ils ont ainsi la possibilité en OTT d’atteindre un plus grand
nombre d’utilisateurs finaux et de capter une part plus importante de la valeur en désintermédiant
les distributeurs, ouvrant par là-même la porte à l’exploitation de données de consommation.
Toutefois, en ayant recours à l’autodistribution, ils risquent de rogner sur une partie essentielle de
leurs revenus qui provient des canaux de distribution traditionnels (chaînes, distributeurs qui
peuvent par ailleurs aussi utiliser l’OTT) ; une destruction de valeur qui peut entrainer des revenus
plus faibles, mais des marges plus fortes grâce à la captation directe des revenus publicitaires. Tout
l’enjeu pour les détenteurs de droits est donc de trouver l’équilibre entre autodistribution et
distribution par les acteurs traditionnels.
Les ayants droit font par ailleurs face à une autre limite. Mettre en œuvre efficacement un service
de streaming requiert en effet un large catalogue de contenus ou des contenus suffisamment
attractifs pour attirer à eux seuls des abonnés, ce qui peut constituer un obstacle de taille. Pour
cette raison, les principaux ayants droit actuellement actifs dans l’autodistribution en l’OTT sont
des fédérations sportives (Fédération française de football, National Basketball Association,
Formule 1, etc.), qui disposent d’un nombre important d’heures de programmes et d’une visibilité
certaine sur leur disponibilité. À noter également les lancements futurs en France des services de
VàDA de Disney, Paramount ou Time Warner, qui disposent tous d’un très large catalogue de
contenus.

- Les fournisseurs d’accès à internet (FAI)


En tant que distributeurs, les FAI perdent, du fait de la distribution en OTT par les éditeurs de leurs
propres contenus, une partie de leur caractère incontournable et de leur contrôle sur ces services
(leur position de « gatekeeper ») et notamment leur relation avec les abonnés3. Dans ce contexte,
l’apport des FAI est de proposer un service optimal à chaque instant sur les services gérés de l’IPTV

1
Consommation n’importe où, n’importe quand, sur n’importe quel écran.
2
Source : site internet de Canal Plus, chemin de souscription à une offre en réception internet utilisant
l’Apple TV 4K. Aucune information n’est disponible quant au prestataire qui teste la connexion pour le
compte de Canal Plus.
3
Exemple : Free, pour monétiser les services de TVR, proposait à ses abonnés un pass prioritaire payant leur
garantissant un accès aux services de TVR le soir aux heures de fortes consommation, transformant un
service initialement gratuit en service payant.

12
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

qu’ils contrôlent. Or, une qualité de service de l’OTT se rapprochant de l’optimum des services
gérés, combinée avec l’émergence de distributeurs tiers OTT native, l’arrivée de l’environnement
innovant des boitiers tiers, de même que le retour récent des offres internet sans télévision (2P),
pourraient venir affecter et remodeler le métier de distributeur des FAI.
Afin de retenir leurs abonnés et d’en capter de nouveaux, certains FAI ont tendance à se tourner
vers l’investissement dans les contenus, suivant une stratégie d’agrégation de contenus tiers
(achats) et/ou propriétaires1 (création de sociétés de production ou d’édition). Les offres
deviennent de plus en plus denses et diversifiées, disponibles sur tout support et assorties de
fonctionnalités pratiques innovantes (comme le start-over), afin de proposer aux consommateurs
une expérience complète et globale.
L’objectif de ces stratégies est d’améliorer l’attractivité des offres couplées haut et très haut débit,
cœur de métier des distributeurs et vecteur de marges importantes. L’élargissement de la base de
clients qui s’ensuit doit permettre d’amortir non seulement les investissements dans les contenus,
mais également dans les infrastructures grâce au développement de nouveaux usages du réseau.
Après avoir agrégé différentes offres, les FAI les distribuent sur deux plateformes distinctes : l’IPTV
et/ou l’OTT, selon des accords préalables passés avec les ayants droit. Lorsque ces deux
plateformes font l’objet d’offres distinctes, comme c’est par exemple le cas de l’offre RMC Sport, ils
peuvent donc rentabiliser ces investissements sur deux plateformes au lieu d’une et ainsi toucher
un public plus large.
En tant qu’opérateurs de réseaux, les FAI ont notamment pour objectif d’éviter la congestion de
leur infrastructure, en s’assurant un niveau de qualité certain pour leurs offres de services gérés
(télévision et autres) dans le respect du règlement européen sur la gestion du trafic internet, et en
appliquant les principes de neutralité du net pour la diffusion des services tiers (télévision, vidéo et
autres).
La vidéo tient aujourd’hui une place prépondérante dans la consommation de la bande passante
(voir figure page 10). Avec une qualité d’image et de son grandissante et une consommation
croissante de vidéo sur internet, le volume de données nécessaires à la transmission de vidéos va
continuer à croître de manière exponentielle dans les prochaines années.
Pour répondre à ces contraintes d’optimisation et pour valoriser leurs réseaux, qui représentent
plus encore un élément incontournable dans l’accès aux contenus, les FAI cherchent à diversifier
leurs sources de revenus, notamment en essayant de facturer le trafic qui passe par leurs
infrastructures. Par exemple, le contrat de distribution entre Orange et Netflix, signé en 2014,
assure au FAI une rémunération pour ses services d’intermédiation : une partie du pourcentage
prélevé sur les recettes d’abonnements de Netflix (les FAI en percevraient 12 %2) fait office de
participation au financement du réseau de la part du service de vidéo à la demande3.
Il est à cet égard intéressant de noter qu’au niveau des services gérés, la monétisation du transport
est déjà une réalité. Une Cour allemande a par exemple dernièrement jugé que deux chaînes de la
télévision publique devaient rémunérer les câblo-opérateurs au titre du transport de leur signal4.
En France, cette idée transparaît dans les derniers contrats de distribution passés entre chaînes et

1
Les FAI peuvent donc également avoir un rôle d’ayants droit, toutefois dans une moindre mesure que leur
rôle de distributeurs et d’opérateurs de réseaux.
2
Source : Frandroid. Netflix et Free, les clés de la bataille qui se joue. 03/01/2018.
3
Source : Numérama. Netflix paiera Orange pour son utilisation du réseau. 04/10/2014.
4
En juillet 2017, une Cour allemande a confirmé le paiement dû par les chaînes publiques ARD et ZDF aux
câblo-opérateurs (dans le cadre d’une plainte posée contre Vodafone Kabel Deutschland GmbH) au titre d’un
contrat de « carriage fee » négocié en 2008.

13
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

distributeurs : le coût de la distribution technique du FAI est déduit du montant de son paiement
pour la distribution commerciale1 (permettant par la même occasion de réduire le montant
publiquement annoncé de la demande de rémunération des chaînes).
De la même manière, pour la distribution en OTT, les opérateurs de réseaux peuvent proposer un
transport payant et non discriminatoire assurant aux fournisseurs de contenus un niveau supérieur
de qualité de service. Une voie complémentaire de monétisation du transport vidéo OTT, à
destination des acteurs qui n’ont pas les moyens d’investir dans les infrastructures réseaux, serait
une autre option de diversification pour les FAI.

2. Les contenus accessibles en OTT

a. La typologie des services accessibles en OTT

Plusieurs types de services en OTT donnent accès à des contenus audiovisuels :


- services gratuits : sites internet ou applications des chaînes gratuites pour la diffusion en
ligne de leurs programmes (télévision en direct et télévision de rattrapage, ou TVR), sites
internet ou applications tiers qui diffusent gratuitement les programmes de ces chaînes de
télévision (type Molotov) ou plateformes numériques (YouTube, Facebook, etc.) ;
- services payants : sites internet ou applications développés par les chaînes payantes pour la
diffusion en ligne de leurs programmes (télévision en direct et télévision de rattrapage TVR),
services de vidéo à la demande à l’acte ou par abonnement développés par les chaînes, par
les FAI ou encore par les pure-players2.

La grande majorité de ces services, notamment les chaînes de télévision, sont à la fois accessibles
en services gérés et en OTT. L’accès à des programmes de télévision sur l’internet ouvert est aussi
appelé télévision connectée3. Ce terme fait référence à tous les contenus de télévision aussi
disponibles dans un univers connecté à internet. En 2018, 27 % des individus de 12 ans et plus
déclarent utiliser un écran alternatif pour regarder la télévision en direct. Ce chiffre est de 33 %
pour les programmes de télévision en rattrapage, la vidéo à la demande, le téléchargement et le
streaming4.
Il s’agit par exemple des chaînes de télévision qui mettent leurs programmes à disposition sur leurs
sites et applications mobiles et tablettes, ou qui créent une chaîne YouTube5 officielle, sur laquelle
sont publiées des rediffusions d’émissions, en version intégrale ou en séquences, voire même des
programmes en direct. Les sites et applications des chaînes de télévision représentent 46,8 % du
temps passé à visionner des contenus de télévision en ligne6.

1
Voir par exemple : Le Monde. SFR fait la paix à bon prix avec TF1. 07/11/2017.
« Cette somme [l’accord entre 10 et 20 M€, ndlr] comprend également “le coût de diffusion des chaînes en
clair” désormais pris en charge par TF1, défalquant d’autant le cash déboursé par SFR ».
2
Entreprise œuvrant uniquement sur Internet.
3
Le terme « télévision connectée » renvoie à un service de télévision. Il ne doit pas être confondu avec celui
de « téléviseur connecté » qui, lui, fait référence à un équipement télévisuel.
4
CREDOC pour CGE, ARCEP et Agence du Numérique. Baromètre du Numérique 2018. 03/12/2018.
5
Ici en tant qu’hébergeur.
6
Médiamétrie. Global TV – avril-juin 2018. 08/11/2018.

14
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

En outre, avec le mode multi-écrans1 inclus dans les offres triple-play des FAI, les abonnés à l’IPTV
peuvent regarder en OTT sur les écrans alternatifs (ordinateur, smartphone ou tablette), le direct et
le replay de toutes les chaînes comprises dans leur offre de télévision.
À la télévision connectée s’ajoutent de nouveaux services vidéo, disponibles seulement (au moins
dans une phase initiale de développement) en OTT. Ces services s’appuient sur les réseaux internet
de plus en plus performants pour se développer sur l’internet ouvert et proposer une
consommation sédentaire, nomade et mobile à des utilisateurs de plus en plus connectés. Il s’agit
notamment de Netflix (VàDA), YouTube Premium2 (déclinaison payante du service YouTube) ou
Molotov (distributeur OTT).
Enfin, le lancement de Salto, le service de télévision et de VàDA commun à France Télévisions, M6
et TF1, est attendu pour 2019.
Ci-après figure un tableau récapitulatif des services audiovisuels disponibles uniquement en
services gérés, uniquement en OTT et sur les deux plateformes de réception à la fois.
La distinction entre ces trois catégories de services, selon leur(s) mode(s) de diffusion, n’est pas
toujours évidente. Par exemple, Netflix fait l’objet de contrats de distribution avec les FAI, donnant
lieu à un pourcentage de rémunération pour l’utilisation du réseau (cf. page 14). À l’annonce des
premiers contrats de distribution de Netflix en 2014, plusieurs médias spécialisés avançaient que le
service de VàDA passait alors « en mode IPTV », avec une gestion du trafic spécialisée3. Les FAI
n’ont toutefois jamais donné de telles précisions dans les descriptifs de leurs offres ou dans la
presse. Les tests menés par le Conseil sur des infrastructures offrant un débit inférieur à 2 Mbit/s
montrent que lorsque souscrit via un FAI4, Netflix est reçu dans de bonnes conditions, et
notamment en haute définition. La distribution commerciale de Netflix entraîne donc
vraisemblablement une distribution technique optimisée (autrement dit, gérée), comme c’est le cas
pour le flux linéaire des chaînes de télévision.
En revanche, il ressort des échanges réguliers entre le Conseil et les FAI que les contenus de
télévision de rattrapage, disponibles dans l’environnement du FAI sur le téléviseur, ne semblent pas
bénéficier d’un traitement particulier sur le réseau des opérateurs et seraient donc accessibles
uniquement en OTT, sur téléviseur et sur écrans alternatifs.

1
Le mode multi-écrans diffère du mode multi-TV pour lequel le FAI fournit deux boitiers TV, permettant de
recevoir la télévision par internet sur deux téléviseurs distincts. En outre, cela signifie deux fois plus de
besoins en bande passante ; ces offres sont donc soumises à condition d’éligibilité.
2
Ici en tant que service.
3
Voir par exemple Ariase. Netflix sera intégré à la Bbox en novembre. 15/09/2014.
4
Les tests ont été menés sur une connexion du réseau Bouygues Telecom.

15
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Exemple de services audiovisuels disponibles en services gérés, en OTT


et sur les deux plateformes en France au 31/08/2018

Distribution OTT
Diffusion Editeurs du service Autodistribution OTT
via un tiers

Services gérés
- - -
uniquement
Groupe M6 6play
France Télévisions france.tv Molotov
Groupe TF1 MyTF1, TFOU Max La TV d'Orange
bfmtv.com B.tv
NextRadioTV rmcdecouverte.bfmtv.com SFR TV
myCanal
numero23.fr
Services gérés LCP lcp.fr (selon partenariats)
et OTT Arte arte.tv YouTube
NRJ Group nrj-play.fr Facebook
(contenus en (hébergeurs)
direct pour les Groupe Amaury lequipe.fr/lachainelequipe/
chaînes) Groupe Lagardère gulli.fr
1
Groupe Canal Plus myCanal, CanalPlay -
BeIN Média BeIN Connect
Discovery Eurosport Player Distributeurs
NextRadioTV RMC Sport (selon partenariats)
Orange OCS
Netflix Netflix -
Filmoline FilmoTV
Services gérés Distributeurs
NBA NBA League Pass
et/ou OTT (selon partenariats)
Liberty Media F1 TV
Amazon Amazon Prime Video
La Cinémathèque des Réalisateurs La Cinétek
Alchimie Okidoki
Crunchyroll Crunchyroll
OTT VIZ Média Europe ADN
uniquement
Spicee Spicee -
(liste non
exhaustive) YouTube YouTube Premium
INA INA Premium
Mubi Mubi
Tënk Tënk
FFF national.fff

Note : le terme d’autodistribution OTT traduit la possibilité pour un service de se rendre disponible à ses
utilisateurs de manière directe sur internet, sans passer par un tiers.

1
À noter que Canal Plus prévoit prochainement l’arrêt de son service CanalPlay. Source : Audition de Maxime
Saada, président du directoire du groupe Canal Plus, devant la Commission des affaires culturelles le
05/12/2018.

16
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

b. La qualité de service des contenus accessibles en OTT

La notion de qualité de service perçue des contenus audiovisuels recouvre plusieurs dimensions :
- l’expérience visuelle : netteté ou pixellisation de l’image ;
- l’expérience auditive : pureté ou grésillements et décalage du son par rapport à l’image ;
- le temps d’accès aux contenus : longueur du chargement avant le visionnage (buffering) ;
- le flux de lecture : fluidité ou interruptions et microcoupures (rebuffering).
La qualité de la production (diversité, créativité, originalité, etc…) ainsi que l’expérience client
(ergonomie, facturation, support technique) ne sont pas prises en compte.
Ces éléments sont autant de facteurs influant sur la satisfaction du consommateur. Une récente
étude1 montre que plus de la moitié des consommateurs américains interrogés (53 %) se disent
prêts à renoncer en moins de 90 secondes à une lecture en streaming si le visionnage est de pauvre
qualité et que plus d’un tiers (35 %) donnent au maximum une minute à leur service de streaming
pour réduire le temps de latence avant de renoncer à regarder la vidéo. Un focus sur la diffusion en
direct révèle que 27 % des répondants utilisateurs de services de streaming pensent qu’il n’est pas
intéressant de payer pour du direct en streaming à cause de la mauvaise qualité de service et que
21 % des répondants ne regardent pas de contenus en direct en OTT car ils ne veulent pas avoir
affaire aux problèmes de qualité de service.
Un des principaux facteurs dégradant la qualité de service perçue des services accessibles sur
l’internet ouvert est la mise en mémoire tampon (buffering), qui consiste à pré-charger les données
dans une mémoire appelée le « buffer », afin que celles-ci puissent être disponibles de manière plus
fluide quand la vidéo est finalement lancée. Suite au lancement de la vidéo, l’équipement (par
exemple l’ordinateur) lance la vidéo après un laps de temps défini (dit « temps de négociation »)
durant lequel il collecte les données. Ce temps est a priori suffisamment long pour « donner de
l’avance » au chargement sur la lecture et ainsi éviter les coupures lors du visionnage.
Dans la pratique, ce laps de temps est généralement de quelques microsecondes à quelques
secondes, en fonction du débit mais également de la stratégie adoptée par le service. Conscients
qu’un temps de négociation jugé trop long peut être une source de mécontentement pour
l’utilisateur, qui a l’habitude d’un accès immédiat via les services gérés d’accès aux contenus2,
certains services favorisent un déclenchement rapide de la lecture de la vidéo. D’autres services
privilégient à l’inverse une meilleure fluidité de lecture, quitte à imposer un temps de chargement
initial plus long.
De plus, le temps imparti au buffering peut ne pas suffire lorsque le débit internet ne permet pas
un chargement aussi rapide que la lecture. Le terminal devra alors interrompre la vidéo pour
recharger les données dans le buffer (rebuffering). Les services non gérés sont exposés à ce
phénomène principalement en raison de l’imprévisibilité de la qualité de la connexion à internet ou
des caractéristiques de l’équipement du client. Or, 83 % des usagers digitaux sont contrariés par les
interruptions liées à la faiblesse de leur connexion internet fixe lorsqu’ils regardent des contenus
audiovisuels3.

1
Phenix. The streaming wars: The real-time differentiator. 2018.
2
Une étude biométrique a montré qu’en cas de buffering, le plaisir de regarder une vidéo diminue de 14 % et
la concentration de 8 % au début du visionnage. Source : Sensum for Akamai Technologies Inc. The Science
Behind How our Bodies React to Video Quality. Juin 2017.
3
Accenture. Everyone’s a Screenager. Now what? Five trends from the 2015 Accenture Digital Consumer
Survey. Juillet 2015.

17
Étude sur la qualité de service
des contenus vidéo accessibles en OTT

L’exemple des contenus sportifs


Les contenus sportifs, principalement diffusés et consommés en direct, sont particulièrement
exigeants en termes de qualité de service. Un but raté en raison d’une coupure, un autre
« spoilé » par la ferveur des voisins à cause d’un décalage par rapport au direct diffusé en
services gérés, une balle de tennis beaucoup trop rapide au service pour être bien visible à
l’écran, une cible de tirs floue à cause d’une pixellisation de l’image, etc. sont autant
d’altérations possiblement rédhibitoires de l’expérience de l’utilisateur.

La partie suivante vise à déterminer dans quelle mesure les infrastructures et technologies actuelles
et futures sont en capacité de répondre à la demande de quantité et de qualité de vidéos sur
internet.

18
Étude sur la qualité de service
des contenus vidéo accessibles en OTT

Rattrapage de la qualité des services gérés par celle de l’OTT

Les problématiques de réduction de l’encombrement du réseau et d’optimisation de la bande


passante sont au cœur de l’amélioration de la qualité de service des contenus diffusés en OTT. Des
solutions sont déployées à tous les niveaux de la chaîne technique de distribution (réseaux,
plateformes et applications, terminaux) afin de réduire le volume de bande passante nécessaire à la
transmission des données.
Ces solutions ont pour objectif de réduire les congestions sur le réseau internet afin de fluidifier la
transmission des données et ainsi de répondre à la consommation toujours plus importante de
vidéos en ligne tout en améliorant l’expérience des utilisateurs. En outre, 62 % de la population
affirment que leur connexion internet est suffisante pour regarder ou télécharger des films, des
séries ou des vidéos sur internet à leur domicile1.

1. L’accroissement des débits d’accès internet

a. Les débits nécessaires

Différentes formulations quant au débit nécessaire pour regarder des contenus en OTT sont
utilisées par les fournisseurs de contenus. Le débit requis semble correspondre au débit nécessaire
pour simplement accéder aux contenus. Le débit recommandé se rapproche du débit nécessaire
pour regarder les contenus dans de bonnes conditions. De même, la notion de « qualité optimale »
reste à l’appréciation de chaque acteur. Le Conseil utilisera par la suite les différentes terminologies
en fonction du service dont il est question.
Comme indiqué plus haut, selon l’ARCEP, un débit minimum de 4 Mbit/s est requis pour recevoir la
télévision par internet en services gérés. La réception de la télévision en haute définition, plus
exigeante que la définition standard, requiert un débit minimum de 8 Mbit/s2. Il est par ailleurs
important de noter que ce débit minimum ne prend pas en compte les consommations internet
simultanées que peuvent effectuer les individus du foyer (navigation internet, visionnage de vidéos
sur une plateforme de partage de vidéos, écoute de musique, téléchargement de données, etc.).
Les services non linéaires exigent des performances moins élevées en termes de débit du fait de la
possibilité de les stocker et de leur taille réduite résultant d’une compression optimisée (cf. infra),
de sorte que les opérateurs semblent être en mesure de les proposer à leurs clients pour les lignes
offrant un débit supérieur à 2 Mbit/s3.
Netflix et Prime Vidéo fournissent des exemples pratiques de préconisations de débit minimum
requis pour regarder des vidéos en streaming, aussi bien pour un service de VàDA que pour la
télévision de rattrapage. Ces préconisations donnent un aperçu utile de la vitesse de connexion
internet nécessaire pour consommer des contenus non linéaires en OTT, pour différents niveaux de

1
Base : Français de 12 ans et plus disposant d’une connexion internet à domicile ou utilisant internet depuis
un téléphone mobile. Source : CREDOC pour CGE, ARCEP et Agence du Numérique. Baromètre du Numérique
2018. 03/12/2018.
2
Source : ARCEP. Consultation publique sur l’analyse du marché 3b. Juillet 2017.
3
Source : ARCEP. Consultation publique sur l’analyse du marché 3b. Juillet 2017.

19
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

définition, le niveau de débit nécessaire variant en fonction de la résolution de l’écran utilisé pour
le visionnage (et de la disponibilité du contenu regardé à ce niveau de résolution).
Les recommandations émises par Netflix1 sont les suivantes :
- 0,5 Mbit/s : vitesse de connexion requise pour accéder au service,
- 3 Mbit/s : recommandation pour une qualité en définition standard,
- 5 Mbit/s : recommandation pour une qualité haute définition,
- 25 Mbit/s : recommandation pour une qualité ultra haute définition.
Dans la pratique et comme indiqué dans les figures ci-après, les débits moyens des abonnés de
Netflix, mesurés par ce dernier en sortie de son serveur, étaient compris selon les FAI entre
1,92 Mbit/s et 3,7 Mbit/s en février 20182, soit des niveaux inférieurs au débit recommandé pour la
haute définition. Le débit moyen relevé entre février 2017 et février 2018 étant constant aux
alentours de 3,5 Mbit/s et, compte tenu de ce que la majorité des abonnés de Netflix semblent
accéder au service avec satisfaction3, ceci suggère que la recommandation de Netflix citée plus haut
(5 Mbit/s pour de la haute définition) laisse une marge de manœuvre à l’utilisateur pour d’autres
consommations internet en simultané. Netflix se préserve ainsi une marge de confiance permettant
de garantir qu’un maximum de ses souscripteurs soient satisfaits de leur qualité de service.

Débits mesurés par Netflix en fonction du FAI

1
Source : Centre d’aide du site internet de Netflix (https://help.netflix.com/fr/node/306?ui_action=kb-
article-popular-categories)
2
Source : ISP Speed Index de Netflix (https://ispspeedindex.netflix.com/country/france/#).
3
La presse ne relate que très rarement des problèmes de qualité de service sur Netflix. Toutefois, certains
consommateurs ont pu prendre la parole en ce sens sur des forums spécialisés. En outre, la répartition des
abonnés à Netflix selon l’offre (Essentiel pour de la définition standard, Standard pour de la haute définition,
Premium pour l’ultra haute définition) n’est pas rendue publique.

20
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Source : ISP Speed Index de Netflix https://ispspeedindex.netflix.com/country/france/#

Les tests effectués sur Netflix par le Conseil viennent corroborer ces relevés. Une distinction par
type d’écran a également été ajoutée : les conditions de débit peuvent varier d’un terminal à
l’autre, notamment en fonction de la résolution d’écran et de la puissance du processeur.
Avec une même connexion et pour une qualité optimale (selon la dénomination de Netflix), un
débit de 7,17 Mbit/s est nécessaire pour regarder le film Minority Report sur un ordinateur
(résolution de 1680 x 1050 pixels), un débit de 1,93 Mbit/s est nécessaire pour visionner ce même
film sur une tablette (résolution 1920 x 1200 pixels)1 et un débit de 3,77 Mbit/s est nécessaire sur
smartphone (résolution 2240 x 1080 pixels). Ces tests, reportés dans le tableau ci-dessous, ont été
menés avec une même connexion internet.

Tests de débit effectués sur Netflix par type d’écran


(pour un même film et avec une même connexion)

Ordinateur Tablette Smartphone


(1680 x 1050 pixels) (1920 x 1200 pixels) (2240 x 1080 pixels)

Streaming 7,17 Mbit/s 1,93 Mbit/s 3,77 Mbit/s

Source : CSA.

Comme l’indiquent les deux captures d’écrans ci-dessous, sur Prime Video, le service de vidéos à la
demande d’Amazon, le débit minimum pour visionner Minority Report sur un ordinateur portable
est de 0,38 Go/h, soit 0,84 Mbit/s. Une bonne qualité, sans pour autant être de la haute définition,
requiert un débit de 1,40 Go/h, soit 3,1 Mbit/s. Enfin, une lecture optimale (le terme « haute
définition » n’est pas utilisé par Amazon) peut nécessiter un débit de 6,84 Go/h, soit 15,2 Mbit/s.
Un même niveau de débit (à plus de 15 Mbit/s) a également été relevé sur ordinateur fixe pour une
qualité optimale. Toutefois, la deuxième capture d’écran ci-après, correspondant au visionnage du
même contenu à nouveau sur ordinateur fixe, indique qu’un débit de 1,17Go/h, soit 2,6 Mbit/s,
peut également être suffisant pour disposer d’une qualité optimale. La différence peut venir de la

1
Le niveau plutôt faible de débit nécessaire sur cet équipement peut venir du modèle de la tablette qui date
de 2013 et pour lequel différentes caractéristiques techniques peuvent être moins avancées que sur les
modèles récents et donc moins gourmandes en débit.

21
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

tranche horaire pendant laquelle les tests ont été effectués. Sur smartphone, le Conseil a mesuré
un débit de 4,32 Mbit/s nécessaire pour regarder le même contenu sur Prime Video.
Captures d’écran du débit requis pour une qualité optimale sur Prime Video
Sur ordinateur portable vers 22 heures en semaine :

Sur ordinateur fixe vers 17 heures en semaine1 :

1
Certains services OTT ont adopté un système de protection anti-copie des contenus en haute définition
qu’ils distribuent, nommé HDCP (High-Bandwidth Digital Content Protection). C’est le cas de Prime Video : sur
certains terminaux, la haute définition est indisponible pour cause d’équipements non conformes à ce
système. Les connectiques des utilisateurs (DVI, HDMI ou DisplayPort) doivent intégrer ce procédé afin de
donner accès à la haute définition sur les sites ayant souscrit à la licence d’utilisation HDCP.

22
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Les débits minimum requis sont plus élevés pour des contenus linéaires, en particulier en direct,
que pour des contenus non linéaires.
Ceci est dû au fait que les contenus en direct ne peuvent pas être stockés sur un serveur
préalablement à leur consommation. C’est notamment pour cette raison que la télévision par
internet en services gérés bénéficie d’une partie privative dans le réseau des FAI. Afin de retrouver
la fluidité d’une diffusion en broadcast (hertzien) pour laquelle la ressource radioélectrique utilisée
est réservée à la télévision, il est impératif que la diffusion en broadband (internet) soit sécurisée
par un débit minimum afin que la congestion du réseau internet due aux nombreuses données
transmises (et pas seulement de la télévision) n’ait pas d’impact sur le flux linéaire télévisuel.
Ces problématiques de congestion des réseaux peuvent avoir un effet négatif réel sur la qualité des
contenus en direct diffusés en OTT. N’étant pas gérés, ces derniers sont directement sujets aux
fluctuations du réseau internet. À la connaissance du Conseil, aucune mesure précise des débits
nécessaires pour le direct en OTT n’est disponible1, rendant difficile une estimation rigoureuse du
débit minimum requis pour le direct en OTT. Il a cependant été constaté à plusieurs reprises par les
consommateurs eux-mêmes des problèmes manifestes de réception lors de retransmissions en
direct, en particulier de contenus sportifs, qu’ils ont relayés sur les réseaux sociaux2 et auprès du
Conseil dans la rubrique dédiée de son site internet. Dès lors, il est raisonnable de penser que, pour
une qualité équivalente, le débit nécessaire en OTT dépasse celui en services gérés afin de
compenser l’incertitude du réseau.

Débits nécessaires en services gérés et en OTT pour une qualité optimale

Services gérés (SG) OTT


Inconnu mais vraisemblablement
Contenus en direct Entre 4 Mbit/s et 8 Mbit/s
supérieur à celui en SG
Plus de 2 Mbit/s
Contenus en différé 2 Mbit/s
et jusqu’à 15 Mbit/s
Source : CSA.
Note : les débits en SG sont des débits requis ; les débits pour le différé en OTT sont des débits observés ;
pour le direct en OTT, aucune information sur les débits, requis, recommandés ou observés n’est disponible.

1
Le site http://www.digitalbitrate.com/ mesure les débits de retransmission de flux linéaires en OTT pour les
services Molotov et MyCanal fournit des mesures de débit du direct sur MyCanal et Molotov. Toutefois, par
manque de visibilité sur les méthodes de recueil de l’information, ces données sont difficilement exploitables.
2
Voir par exemple : https://rmcsport.bfmtv.com/football/dysfonctionnements-de-l-appli-rmc-sport-les-
explications-d-alain-weill-directeur-general-d-altice-europe-1526380.html et
https://www.lexpress.fr/actualite/sport/football/ecran-noir-et-erreur-interne-pourquoi-mycanal-est-trop-
souvent-hors-jeu_1955073.html

23
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

b. Le déploiement du très haut débit

En IPTV, le débit est garanti dans le but de sécuriser une diffusion fluide. A contrario, en OTT,
l’imprévisibilité de la connexion ne permet pas toujours de garantir un débit suffisamment stable
pour recevoir les contenus de manière optimale.
L’augmentation du volume de bande passante, rendue possible par les déploiements des réseaux
très haut débit (débits supérieurs à 30 Mbit/s), devrait permettre une amélioration de l’accès en
ligne aux contenus les plus demandeurs de bande passante, tels que la vidéo. Les déploiements très
haut débit initiés depuis quelques années ont permis de doubler le nombre de logements éligibles
au très haut débit entre début 2012 et fin 2017. Le nombre de logements éligibles au très haut
débit était de 18,7 millions à mi-2018, représentant environ 50 % des locaux connectés à internet1.
Pour autant, malgré l’accélération des déploiements très haut débit et comme le montre le
graphique d’évolution de l’ISP Speed Index de Netflix ci-dessous, les débits mesurés pour accéder à
des vidéos en haute définition sur internet sont globalement constants (à l’exception de Free et des
offres haut débit de SFR). La montée en débit ne s’est donc pas traduite de manière nette par une
augmentation des débits d’accès des services de vidéo en ligne pour l’utilisateur.

Évolution des débits mesurés par Netflix depuis 2014

Source : ISP Speed Index de Netflix https://ispspeedindex.netflix.com/country/france/#

Outre le fait que ces débits sont suffisants (mais pas forcément optimaux) pour regarder en ligne
des vidéos à la demande sans rupture, leur constance peut s’expliquer par trois autres raisons : le
taux d’adoption encore peu élevé des offres à très haut débit par les foyers (en particulier des
abonnés au haut débit), les stratégies de déploiement des opérateurs au profit des zones les plus
denses et les politiques d’acheminement des contenus.

1
Un logement relié à plusieurs lignes très haut débit n’est comptabilisé qu’une seule fois.
Source : ARCEP. Observatoire des marchés des communications électroniques. Services fixes haut et très haut
e
débit : abonnements et déploiements. 2 trimestre 2018. 13/09/2018.

24
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Premièrement, en juin 2018, sur l’ensemble du territoire, seulement 42 % des habitants dont le
logement est éligible au très haut débit avaient effectivement souscrit à un abonnement très haut
débit (voir graphique ci-dessous). En conséquence, à mi-2018, encore 73 % des abonnements
internet ne donnent accès qu’à du haut débit.

Évolution du nombre de logements éligibles au très haut débit


et du nombre d’abonnements très haut débit

Logements éligibles au THD


18,7
Abonnements THD 18,1
17,7
16,8 17,1
15,8 15,9
15,1 15,3
14,2 14,5 14,8
13,9
13,3 13,5
11,6 11,8
11 11,4
8,9 9 9,1

7,5 7,8
6,5 7
5,4 5,8 6,1
4,5 4,8 5,1
3,6 3,8 4,2
2,9 3,3
1,8 1,9 2,1 2,2 2,4 2,5
1,7

T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2
2013 2013 2013 2013 2014 2014 2014 2014 2015 2015 2015 2015 2016 2016 2016 2016 2017 2017 2017 2017 2018 2018

Source : ARCEP. Observatoire des marchés des communications électroniques. Services fixes haut et très haut
e
débit : abonnements et déploiements. 2 trimestre 2018. 13/09/2018.

Deuxièmement, les réseaux très haut débit, et notamment le FttH (fibre optique jusqu’à l’abonné),
ont prioritairement été déployés dans les zones les plus denses du territoire, qui sont
commercialement les plus intéressantes car les investissements dans les infrastructures réseau
peuvent y être rentabilisés plus rapidement du fait d’une population importante. Or, c’est aussi
dans ces mêmes zones que le réseau de cuivre1 présente les meilleurs débits, du fait notamment de
longueurs de lignes plus courtes2. La partie haute du réseau câblé y avait par ailleurs été
modernisée avec de la fibre optique (aboutissant au FttLA, fibre jusqu’au dernier amplificateur)
quelques années auparavant. Ainsi, la montée en débit a d’abord été effective là où les réseaux à
haut débit offraient déjà une qualité de service élevée pour l’OTT.

1
Le réseau de cuivre est principalement composé des technologies ADSL2+ (débits pouvant aller jusqu’à
24 Mbit/s) et VDSL (très haut débit ne dépassant toutefois pas 50 Mbit/s).
2
Les réseaux de type cuivre sont notamment caractérisés par une atténuation du signal au fur à mesure que
la ligne s’allonge. Ainsi, du VDSL peut n’offrir qu’un débit de quelques Mbit/s en bout de ligne.

25
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Couverture du très haut débit au 30 juin 2018 (FttH à gauche, FttLA à droite)

Source : ARCEP. Observatoire des marchés des communications électroniques. Services fixes haut et très haut
e
débit : abonnements et déploiements. 2 trimestre 2018. 13/09/2018.

Dans les zones moins denses, les lignes xDSL sont plus longues, rendant moindres les performances
du réseau, plus rapidement saturé. Le déploiement du très haut débit dans ces zones, et
notamment de la fibre optique, est porté par le plan France Très Haut Débit1, qui visait initialement
à couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici 2022. Relativisés par la Cour des comptes
dans son bilan publié en janvier 20172, les objectifs du Plan ont par la suite été revus à la baisse : il
est désormais question d’un « bon débit » pour tous à horizon 2020 et de très haut débit fixe à plus
long terme (aux alentours de 2025/2030)3.
Enfin, un des éléments déterminants dans l’accès aux contenus tient à leur acheminement. En
effet, l’optimisation d’un flux présente plusieurs dimensions, et pas uniquement de débit. Les FAI
allouent les ressources de leur réseau de collecte4 entre leurs différents services (mobiles, fixes,
services gérés, services aux entreprises). Au sein de chacun d’eux, les services internet sont eux-
mêmes différenciés par classe en fonction de leur niveau de criticité. L’optimisation de la bande
passante a pour but de contrôler la congestion du réseau et chaque opérateur dimensionne son
réseau de collecte selon ses propres exigences. Ceci contribue à expliquer par exemple que les
débits en sortie de serveur de Netflix présentés plus haut diffèrent d’un opérateur à l’autre. En
pratique, les FAI peuvent donc décider ou non d’allouer une part de la montée en débit à
l’augmentation du volume de bande passante utilisé pour les contenus vidéo en ligne.

1
Lancé en février 2013, le Plan France Très Haut Débit se veut décentralisé : les déploiements du THD dans
les zones d’intervention publique (45 % de la population) doit s’effectuer dans la même dynamique
temporelle que dans les zones urbaines.
2
La Cour des comptes y indique que « si l’objectif de couverture intermédiaire (50 % en 2017) sera bien
atteint, l’insuffisance du co-investissement privé compromet l’atteinte de l’objectif 100 % en 2022 en les
alignant sur le terme des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (2030) ».
3
Source : Discours d’Edouard Philippe à la Conférence des territoires du 14 décembre 2017.
4
Réseau fibre optique ou cuivre de forte capillarité raccordé aux cœurs de réseau nationaux, offrant aux
opérateurs un lien très haut débit pour collecter et acheminer le trafic.

26
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Le DVB-Internet, norme de diffusion pour le protocole internet


L’amélioration de la qualité de service des contenus distribués en OTT pourra également passer
par les progrès en matière de norme de diffusion. Le consortium DVB, à l’origine de normes de
diffusion internationalement utilisées pour la diffusion hertzienne, câblée, satellitaire et IPTV, a
lancé début 2018 une nouvelle initiative, appelée DVB-I (Internet).
Le consortium souhaite identifier les enjeux techniques et commerciaux induits par la
distribution de contenus TV linéaires non plus seulement sur les réseaux d’accès prévus à cet
effet (le broadcast, domaine d’expertise initial du DVB) mais également sur les infrastructures
internet (broadband).
Cette nouvelle norme de diffusion visera à garantir la meilleure qualité possible pour les
contenus linéaires visionnés en ligne sur différents terminaux. À terme (la mise en place d’un tel
projet prend plusieurs années), l’objectif est qu’il n’y ait plus de différences perceptibles pour
l’utilisateur entre une consommation broadcast et broadband de la télévision linéaire.

En résumé
Un débit aux alentours de 8 Mbit/s pour le direct et de 3 Mbit/s pour le différé
(mais pouvant aller jusqu’à 15 Mbit/s) est nécessaire au visionnage de contenus
vidéo en OTT dans de bonnes conditions. Dès lors, plus de 70 % de la population
française dispose d’un débit suffisant pour accéder en OTT à des contenus en
direct et environ 90 % d’un débit suffisant pour accéder en OTT à des contenus
non linéaires1. Dans les grandes agglomérations, où les performances du réseau
fixe sont les meilleures, les fluctuations du réseau n’ont même aucun impact sur
la consommation en OTT. La marge de progression se situe donc au niveau de la
couverture du réseau fixe dans les zones où il n’est pour l’instant pas possible
d’accéder à de tels débits sans répercussions sur les autres consommations
internet. Les initiatives privées et publics permettent d’anticiper une couverture
quasi-totale du territoire en très haut débit, située entre 2025 et 2030.

2. Les solutions de stockage à proximité des utilisateurs

La qualité de service de l’accès à internet fixe dépend en partie des politiques de gestion du trafic
adoptées par les différents acteurs impliqués dans l’acheminement du contenu jusqu’à l’utilisateur
final : fournisseurs de contenus, intermédiaires techniques et fournisseurs d’accès.
Ces politiques relèvent des choix de gestion technique et économique des réseaux et de leur
dimensionnement et sont déterminantes pour l’accès aux contenus, notamment pour les services
sensibles à la latence et aux fluctuations du réseau.

1
En 2016, environ 71 % des logements bénéficiaient d’un débit internet d’au moins 8 Mbit/s et près de 86 %
des logements bénéficiaient d’un débit internet d’au moins 4 Mbits/s (source : estimations CSA sur la base
des données de l’ARCEP). Ces chiffres ont très probablement augmenté depuis.

27
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Les différentes politiques mises en place par ces acteurs sont regroupées sous ce que l’on appelle
l’interconnexion, qui peut faire référence à des accords de transit, du peering ou des réseaux de
serveurs de cache (Content Delivery Network, CDN).

Modes d’acheminement du trafic internet

Source : ARCEP. L’état d’internet en France. Edition 2017. Mai 2017.

Historiquement, c’est le modèle de peering qui a primé : sur un modèle d’autorégulation, l’idée
sous-jacente est qu’il est inutile de facturer une interconnexion puisqu’en théorie, le trafic envoyé
par un opérateur de réseau est équivalent au trafic envoyé par un autre opérateur de réseau. Ce
type d’accord est le plus souvent conclut de manière informelle1.
À l'inverse du peering, les accords de transit font intervenir un intermédiaire tel que Cogent, Tata
ou Open Transit (le transitaire d'Orange). Ces opérateurs relient entre eux les fournisseurs d’accès
en vendant à l’un une partie de la bande passante de l’autre afin que chacun puisse physiquement
accéder à la totalité d’internet. Chaque FAI est alors capable d’accéder à l’ensemble des services
des fournisseurs de contenus sur internet.

1
Source : « Bien que le terme d’"accord" fasse penser à un contrat écrit et signé, beaucoup de décisions
d’interconnexion restent informelles, décidées autour d’une poignée de mains » ARCEP. Interview de
Stéphane Bortzmeyer. L’état d’internet en France. Édition 2018. Juin 2018.

28
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

En pratique, chaque acteur participant à l’acheminement de données possède plusieurs accords de


peering et de transit pour faire circuler les contenus via le plus de « chemins » possibles.
Enfin, le dernier type d’interconnexion consiste à rapprocher les contenus au plus près des
utilisateurs finaux, grâce à un réseau de serveurs de cache, plus communément connu sous le nom
de CDN (Content Delivery Network, soit réseau de distribution de contenus). Ce réseau permet de
stocker les contenus à proximité immédiate des consommateurs, les rendant disponibles plus
rapidement que s’ils devaient venir d’un serveur situé par exemple dans un autre pays. Les serveurs
de cache peuvent appartenir aux opérateurs de réseaux ou aux fournisseurs de contenus eux-
mêmes et être localisés dans le réseau de l’opérateur de réseau ou en bordure de celui-ci.
Les serveurs de cache fonctionnent de la manière suivante : lorsqu’un utilisateur streame ou
télécharge un contenu, ce dernier est stocké dans le serveur de cache le plus proche afin d’être par
la suite disponible plus rapidement et dans de meilleures conditions pour les utilisateurs à
proximité qui à leur tour souhaitent y accéder. Les opérateurs de CDN vont même bien souvent
plus loin en anticipant la demande de contenu : certains programmes populaires sont stockés dans
les serveurs de cache avant même que les requêtes de lecture soient envoyées. La distribution
vidéo des contenus les plus populaires peut donc être optimisée.
Dans sa décision sur la collecte d’informations concernant l’interconnexion et l’acheminement de
données1, l’ARCEP note l’augmentation notable depuis quelques années du trafic émis depuis des
serveurs de cache interne (qui n’appartiennent pas aux opérateurs de réseaux mais aux
fournisseurs de contenus ou aux transitaires). À fin 2017, il représentait 9 % du trafic alimentant les
quatre principaux FAI en France. Il est toutefois impossible de savoir quelle part de ces
9 % correspond en pratique à des contenus vidéo.

Répartition du trafic en France par type d’interconnexion (fin 2017)

Source : ARCEP. L’état d’internet en France. Edition 2018. Juin 2018.

Alors que les services de CDN étaient dans un premier temps opérés par des prestataires tiers tels
qu’Akamai ou Limelight, les opérateurs de télécommunications eux-mêmes ont progressivement
mis en place leurs propres offres, dans un premier temps pour réduire le trafic sur leurs réseaux et
dans un second temps pour facturer la qualité de service aux fournisseurs de contenus. Les
fournisseurs de contenus internationaux utilisent également ces solutions.

1
ARCEP. Décision 2017-1492. 12 décembre 2017.

29
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Google propose par exemple (avec son Google Global Cache Program) aux opérateurs de réseaux
d’installer des serveurs dans leurs infrastructures et de les gérer à distance, afin d’« optimiser les
coûts d’infrastructure réseaux liés à la distribution aux utilisateurs finaux de Google et YouTube »1.
Netflix a développé en 2012 un programme similaire appelé Open Connect qui lui permet de
déployer ses serveurs tout d’abord dans les Internet Exchange Point (IXP)2 puis, pour se rapprocher
davantage des utilisateurs finaux, dans le réseau des FAI, selon leurs demandes et aux frais de
l’entreprise américaine. En entrant dans le programme, le FAI offre à ses utilisateurs une meilleure
qualité de service tout en réduisant ses coûts de bande passante.
Le CDN de Netflix est conçu afin d’éviter les interruptions de service. En cas de panne matérielle ou
de congestion d’un des serveurs hébergés par un FAI, le système bascule automatiquement sur le
serveur le plus proche, soit ailleurs sur le réseau du FAI, soit dans les IXP et, en dernier recours, sur
les serveurs d’Amazon Web Service (service de stockage en data centers).
Toutes les interfaces de Netflix savent gérer ces transferts d’un serveur à l’autre, y compris pendant
la lecture. Sans que l’utilisateur le sache, et donc sans qu’aucune action ne soit requise de sa part, il
peut changer de source à plusieurs reprises pendant le temps que dure le programme qu’il
visionne. En pratique, l'application vérifie que le serveur utilisé à un instant donné est bien le
meilleur afin d’assurer une lecture sans interruption, quitte à réduire la qualité visuelle.
En France, tous les FAI ont accepté l’offre de Netflix. Free a longtemps fait figure d’exception ;
certains analystes estiment que les problèmes d’accès au service de streaming constatés par les
abonnés3 jusqu’en 2018 étaient vraisemblablement liés au choix du FAI de ne pas accepter les
serveurs de cache de Netflix. Toutefois, Free et Netflix ont signé un accord de distribution en 20184
et il était déjà possible de constater au cours de l’année 2018 une augmentation significative de
l’ISP Speed Index de Netflix sur le réseau Free, pouvant signifier l’installation de serveurs de cache
dans le réseau du FAI, en amont de la distribution commerciale du service de VàDA, lancée en
décembre 2018.
L’ARCEP collecte trimestriellement des informations concernant l’interconnexion du trafic, et
notamment l’installation de CDN, sous la forme d’un questionnaire envoyé aux différentes parties
prenantes. Sur demande des acteurs devant fournir ces informations, les réponses et les
conclusions de l’ARCEP ne sont pas rendues publiques. Ainsi, aucune information précise n’est
disponible quant aux solutions d’interconnexion mises en œuvre par les éditeurs et distributeurs de
contenus et les FAI pour la distribution en OTT.
Sur la base de simulations de coûts réalisées par l’IDATE5 indiquant que les coûts d’installation et
d’exploitation de CDN peuvent se chiffrer à plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois (en
fonction du volume de données transmis), il apparaît logique que seuls les principaux fournisseurs
de contenus aient jusqu'à présent réellement développé leurs solutions de CDN interne. La plupart
des acteurs n'ont pas assez de volume à transmettre pour s'engager dans une telle solution et
comptent donc sur des fournisseurs tiers. Les acteurs qui installent des CDN dans les réseaux
pourront donc proposer une qualité de service vraisemblablement meilleure que ceux qui n’en
n’ont pas les moyens.

1
Source : https://isp.google.com/partner_request/?data.request_type=Caches%20(GGC)
2
Points d’interconnexion sur le réseau mondial sur lesquels les FAI se connectent.
3
Voir par exemple : http://www.01net.com/actualites/netflix-pourquoi-les-debits-de-free-sont-ils-aussi-
mauvais-1080669.html
4
Voir NBP6 P10.
5
IDATE Digiworld. Broadcast & Broadband TV : les nouveaux arbitrages de distribution vidéo. Septembre
2017.

30
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Le B-Cache, le CDN sans fil


Des solutions hertziennes, fondées sur le même principe de stockage des contenus à proximité
des utilisateurs, ont récemment vu le jour et sont actuellement en phase de test. C’est le cas en
France du B-Cache de TDF1. Cette solution ne relève pas de l’OTT puisqu’elle n’utilise pas le
protocole internet. Toutefois, elle suit une logique similaire : il s’agit de distribution par
contournement (des plateformes gérées).
Le B-Cache consiste à diffuser via le seul réseau hertzien les contenus dont une forte demande
est anticipée et à les stocker dans des caches physiques situés chez les utilisateurs finaux. Les
contenus tels que la télévision de rattrapage seraient alors à disposition pendant une période
donnée dans le réseau domestique pour l’ensemble des terminaux du foyer, grâce à une
plateforme d’accès créée par les éditeurs2.
Cet outil se veut complémentaire de l’OTT puisqu’il permet de désengorger le réseau internet
des contenus dont la demande est prévisible. Les tests effectués en 2017 par TDF ont ainsi mis
en évidence une baisse de la charge pesant sur la réception internet.
Bien qu’une mise en œuvre technique d’envergure nationale soit concevable à moyen terme,
cette solution ne fait actuellement pas l’objet d’une véritable attente de la part des différents
acteurs, qui ne semblent donc pas à ce stade envisager une mise en œuvre commerciale.

Les acteurs qui ne déploient pas de CDN mais s’appuient sur un nombre restreint de serveurs,
peuvent rencontrer des problèmes de dimensionnement. Ceci est particulièrement vrai pour les
éditeurs de contenus linéaires, en particulier de direct, qui doivent faire face aux afflux massifs de
requêtes, parfois de tout un pays, et garantir la disponibilité de leurs contenus pour tous les
utilisateurs et avec un niveau de qualité suffisant. Un nombre important de demandes de contenus
en temps réel peut engendrer un phénomène de congestion des serveurs qui ne sont alors plus en
capacité de répondre à l’ensemble du trafic, interrompant la réception du consommateur final avec
un écran noir ou un message d’erreur.
La difficulté du dimensionnement tient en une bonne anticipation de la demande des contenus
programmés (direct) ou stockés (replay). Les pics de consommation en OTT, notamment dans les
tranches horaires durant lesquelles la demande est plus forte comme aux alentours de 21 heures,
aussi bien pour le direct que pour la TVR, définissent le dimensionnement spécifique des serveurs.
Des programmations en direct d’événements particuliers (tel qu’un match de football) peuvent
également amplifier le phénomène de congestion et demander une adaptation des serveurs au
préalable. La récente diffusion (12/02/2019) du match de football de Ligue des champions
Manchester United-PSG sur l’application RMC Sport ainsi que celle d’autres matchs de cette
compétition ou de la Ligue 1 de football sur l’application My Canal semblent avoir souffert d’un tel
phénomène de congestion3.

1
TDF. Expérimentation UHD et B-Cache à la Tour Eiffel. septembre 2017.
2
Les tests ont été effectués sur le portail HbbTV d’Arte+7, qui n’a pas fait l’objet de modifications liées au B-
Cache.
3
Voir par exemple : https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/02/13/manchester-psg-la-diffusion-du-
match-par-rmc-sport-perturbee_5422861_3242.html et
https://www.lexpress.fr/actualite/sport/football/ecran-noir-et-erreur-interne-pourquoi-mycanal-est-trop-
souvent-hors-jeu_1955073.html

31
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Ce dimensionnement peut prendre plusieurs formes. Pour le direct, une solution consiste à
augmenter les capacités de débit pouvant transiter par le serveur afin de transmettre un plus grand
volume de données. Pour le différé, les distributeurs peuvent décider de stocker plusieurs copies
d’un programme dans leur serveur afin de répartir la charge et d’assurer une redondance.

En résumé
Le développement et l’installation de CDN peuvent apporter la certitude d’une
disponibilité des contenus dans des conditions optimales. Toutefois, ces solutions,
très coûteuses, sont rentables pour un volume de données à transmettre très
important, et sont alors abordables seulement pour des acteurs d’envergure
internationale tels Netflix ou Google. Les autres acteurs tendent donc à se
concentrer plutôt sur un dimensionnement affiné de leurs serveurs afin de
satisfaire la demande. En plus de la différence de qualité de service entre OTT et
services gérés, une distinction pourra donc apparaître entre les différents services
accessibles en OTT.

3. Les progrès de la compression des fichiers vidéo

La compression consiste à encoder1 un fichier donné afin de réduire la quantité d’informations


nécessaire pour le transmettre, tout en minimisant les pertes sur sa qualité (résolution d’image,
qualité sonore, fluidité de lecture, etc.). Les fichiers audiovisuels ainsi compressés prennent moins
de place dans la bande passante, pour une qualité équivalente. La compression des fichiers vidéo
est un paramètre essentiel pour les fournisseurs de contenus accessibles en OTT, qui se voient
souvent reprocher par les opérateurs de réseaux une consommation excessive de bande passante.
L’évolution des standards de compression suit les innovations régulières en matière de norme de
codage, ou codec2. La norme de codage HEVC (ou H.265), qui succède à la norme MPEG-4, a été
désignée par l’Union internationale des télécommunications (UIT) comme le standard de la
prochaine décennie pour l’accès aux contenus vidéo en haute et ultra haute définition. Le
Consortium HEVC Advance a également prévu pour 2020 le lancement du successeur de H.265,
H.266, avec un objectif de 50 % de gain de compression. En parallèle du HEVC, dont l’utilisation
donne lieu à des redevances, l’Alliance for Open Media (composée entre autre de Netflix, Hulu et
Apple) a introduit en avril 2016 l’AV1, codec libre de droit qui offre un gain de compression de 25 %
à 35 % par rapport notamment à la norme H.265 et à son prédécesseur VP9. En pratique, plusieurs
codecs peuvent être utilisés par un même service de distribution.
Néanmoins, outre que l’introduction de nouvelles normes prend beaucoup de temps, leur adoption
vise principalement à accompagner le déploiement d’un format d’image plus performant et donc
plus gourmand et plus volumineux. Les gains de compression sont donc généralement nuancés
voire neutralisés par l’augmentation de la taille initiale des fichiers à compresser, du fait de
l’amélioration de leur qualité d’image.

1
Les termes « compression » et « encodage » recouvrant des réalités similaires, ils seront par la suite utilisés
indifféremment.
2
Un codec est un dispositif matériel ou logiciel permettant de coder et décoder un flux de données
numérique, en vue d'une transmission ou d'un stockage.

32
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

La consommation en OTT et le volume de données à transmettre grandissants ne seront donc pas


entièrement compensés par les gains de compression. La résolution d’image sera certes améliorée,
mais l’augmentation du nombre de contenus consommés en OTT pourrait entraîner des problèmes
de congestion du réseau. La gestion dynamique du réseau (voir page 8), pour laquelle les fichiers
vidéo sont compressés à différents niveaux de débit, prendra alors le relais, en choisissant la
représentation du fichier qui convient le mieux au niveau de débit de l’utilisateur. Dès lors, la
meilleure qualité de visionnage, rendue possible par les gains de compression, pourra ne pas être
disponible à chaque instant.
L’évolution des techniques d’encodage permet donc, si ce n’est de garantir une qualité de service
optimale, du moins d’éviter les interruptions du flux vidéo et d’élargir la base des foyers éligibles en
adaptant en temps réel cette qualité de services au débit réellement disponible.
Netflix a développé des compétences techniques dans le domaine de l’encodage, en reprenant la
logique des procédés de multiplexage statistique1. En 2015, après quatre années de R&D ayant
impliqué de nombreux laboratoires de recherche (dont, en France, le CNRS et l’Université de
Nantes), Netflix a mis en œuvre une technique dite d’encodage différencié : pour une même qualité
perçue, certains programmes avec des scènes très rapides (typiquement les films d’action) et donc
beaucoup d’informations à transmettre nécessitent un encodage plus complexe que d’autres (par
exemple une série d’animation en aplats de couleurs). À débit constant, l’encodage différencié
permet de proposer une qualité de perception identique pour l’utilisateur tout en consommant
jusqu’à 20 % de bande passante en moins.
Deux ans plus tard, Netflix a différencié l’encodage à l’intérieur même d’un programme (par
exemple, les scènes statiques vs. les scènes en mouvement). Des techniques d’intelligence
artificielle analysant chaque image de chaque programme sont mobilisées afin de déterminer
lesquelles nécessitent un encodage plus poussé. Depuis début 2018, tout le catalogue de Netflix est
encodé de cette manière. À qualité comparable, Netflix affirme réaliser grâce à cette technique un
gain d’utilisation de la bande passante de 50 %2.
Les contenus non linéaires présentent en général des gains de compression élevés par rapport aux
services linéaires. En effet, le gain de compression dépend grandement du délai de compression.
Les services linéaires, pour lesquels la compression et l’encodage sont réalisés au fur et à mesure
de la retransmission, ont un délai de compression restreint. Ainsi, là où les fournisseurs de
contenus non linéaires peuvent préparer et compresser les flux à l’avance et de manière optimale,
la diffusion de contenus linéaires privilégie un retard court par rapport au flux direct, au détriment
de la compression optimale du flux. À qualité égale, le résultat de compression d’un flux diffusé de
manière linéaire sera donc plus volumineux que celui d’un flux diffusé sur un mode non linéaire.
L’encodage différencié d’une programmation linéaire, mélangeant programmes de stock et
programmes de flux préenregistrés et en direct, pourrait être programmé à l’avance afin de
changer en direct les paramètres d’encodage des programmes successifs en fonction des besoins.
Mais au-delà de la complexité de la tâche, un quelconque changement à n’importe quelle étape de
la retransmission d’un flux linéaire peut s’avérer dangereux pour le bon déroulement du direct.
Concernant les contenus linéaires diffusés en différé sur internet, un encodage différencié réalisé
en amont de la mise à disposition des contenus est concevable. Toutefois, les différents acteurs qui
diffusent leurs contenus sur l’internet ouvert, notamment les chaînes de télévision, dont le cœur de
métier n’est pas la distribution en OTT, n’ont pas nécessairement les moyens économiques,

1
Le multiplexage statistique encode à différents niveaux de débit les chaînes d’un multiplex en temps réel, en
fonction de leurs contraintes de débits et du débit total disponible dans le multiplex.
2
Flash NPA #868. Netflix finalise une nouvelle opération de réencodage de son catalogue. 21/02/2018.

33
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

temporels et humains à consacrer à la mise en place d’un tel procédé. Il est donc plus probable que
plusieurs copies des contenus en différé soient stockées dans les serveurs à différents niveaux de
qualité, permettant à l’adaptative streaming de faire son travail.

En résumé
Les progrès de compression constituent un outil important pour améliorer la
qualité des contenus et/ou servir davantage d’utilisateurs, en fonction de la
stratégie mise en œuvre par les fournisseurs de contenus. Les innovations
régulières en matière de standards de compression permettent à chaque
lancement d’un nouveau codec des gains de compression importants. Toutefois,
avec la démocratisation de la Haute Définition et bientôt de l’Ultra Haute
Définition, les gains de compression successifs sont confrontés à un format
d’image plus volumineux. Ils sont donc généralement neutralisés par
l’augmentation de la taille initiale des fichiers à compresser.

4. L’adaptation des équipements aux vidéos en ligne

a. Les écrans alternatifs

Au dernier trimestre 2017, parmi les individus de 15 ans et plus ayant regardé la télévision en direct
sur internet, en différé sur internet et sur le téléviseur au cours des 7 derniers jours, 53 % déclarent
avoir utilisé un autre écran que le téléviseur (ordinateurs, smartphones et tablettes). Lorsque la
durée de rattrapage est élargie à 30 jours, les écrans alternatifs séduisent 60 % des individus ayant
regardé la télévision en direct sur internet et en différé sur internet et sur le téléviseur1.
Parmi les écrans alternatifs, l’ordinateur est le support le plus utilisé pour regarder des vidéos (sites
ou applications des chaînes TV et VàDA) avec un taux d’usage hebdomadaire de 64 %, devant le
téléphone mobile (41 %) et la tablette (26 %)2. En outre, les équipements mobiles (smartphone et
tablette) ne sont pas forcément utilisés en mobilité : en 2017, 7 internautes sur 10 regardant des
vidéos le font depuis leur domicile, afin de profiter d’une connexion internet fixe (via le WIFI
notamment).
Les écrans alternatifs, l’ordinateur en tête, sont donc utilisés de manière substantielle pour
regarder la télévision connectée. Grâce aux nouvelles technologies d’écrans, la qualité et le confort
de visionnage de ces équipements se sont considérablement améliorés au cours des dernières
années et peuvent aujourd’hui être jugés comparables à celles des téléviseurs. La totalité des
smartphones, tablettes et ordinateurs portables vendus au cours des 4 dernières années offrent au
minimum une définition 1280x720 (HDTV).
Outre la définition de l’écran, la résolution est un autre élément déterminant pour apprécier le
confort de lecture. La résolution est le rapport entre la définition de la dalle (exprimée en pixels) et
sa taille (exprimée en pouces). De ce fait, pour une même définition, la résolution d’un smartphone
de 6 pouces sera meilleure que celle d’une tablette de 10 pouces, qui sera également meilleure que
celle d’un ordinateur de 15 pouces. Sur l’ordinateur, les pixels seront plus « gros » et il sera plus
facile de les discerner à l’œil nu, en s’approchant de l’écran.

1
Médiamétrie. Web Observatoire pour Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers du CSA. T4 2017.
2
Médiamétrie pour IAB France. Les Français et la vidéo sur les supports digitaux. Juillet 2017.

34
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Toutefois, la qualité perçue n’est pas moins bonne car elle s’apprécie en tenant compte de la
distance entre l’écran et l’œil : plus le téléspectateur est loin de l’écran et plus le nombre de pixels
par pouce (ppp ou ppi en anglais) peut être petit. Pour un usage « normal » (i.e. utilisé à une
distance d’environ 25 à 30 cm), les fabricants considèrent qu’une résolution de 300 à 400 ppp
constitue une bonne résolution pour un smartphone de 6 pouces. En matière d’ordinateur, des
résolutions d’écran plus petites, comprises entre 100 ppp et 250 ppp pour les plus performants
sont acceptables du fait d’une plus grande distance entre l’écran et l’utilisateur. Par comparaison,
un téléviseur Full HD (1920x1080) de 117 cm de diagonale présente un nombre de ppp de 481. Cela
signifie que plus l’écran est petit et plus il est difficile pour les fabricants d’y faire figurer de la haute
résolution.

Différence visuelle entre écrans de même taille et de résolution 165 ppp et 318 ppp

Source : Phoneandroid.com. Écran de smartphones : LCD IPS, AMOLED, Définition, Résolution, tout savoir.
30/01/2018.

Il convient de noter par ailleurs que plus la résolution de l’écran est élevée et plus le processeur a
besoin de puissance pour maintenir un débit d’images suffisant pour que l’œil humain perçoive un
mouvement fluide2. Pour maintenir un débit de 60 images par seconde avec une définition QHD
(2560x1440), il faut une puissance environ 1,5 fois supérieure à celle nécessaire pour disposer
d’une fluidité équivalente à une définition Full HD (1920x1080)3.
Tout ceci a un prix : celui des équipements alternatifs présentant les meilleures performances en
termes de confort de vision et de puissance de processeur peut être très élevé (il dépend toutefois
aussi d’autres critères, tel que le système d’exploitation). Pour cette raison notamment, la
consommation de télévision sur les écrans alternatifs offrant un confort de vision similaire au
1
Source : ppi calculator https://www.sven.de/dpi/
2
Il est ici question de la fréquence de rafraîchissement des écrans, soit le nombre d’images affichées par
seconde, mesuré en hertz (1 image = 1 hertz). À titre d’exemple, les premiers téléviseurs modernes étaient
normalisés à 50 Hz ou 60 Hz (ils peuvent aujourd’hui aller bien au-delà) ; certaines tablettes dernières
générations utilisent une fréquence de rafraîchissement de 120 Hz (source : Numerama. Test de l’iPad Pro.
03/08/2017).
3
Phoneandroid.com. Écran de smartphones : LCD IPS, AMOLED, Définition, Résolution, tout savoir.
30/01/2018.

35
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

téléviseur ne concerne pas l’ensemble de la population. Les efforts fournis par les fabricants afin
d’améliorer la résolution des écrans et la puissance des processeurs permettent aujourd’hui une
qualité visuelle des smartphones, tablettes et ordinateurs portables satisfaisante pour regarder des
contenus en OTT.
À plus long terme, dans un secteur où les innovations technologiques se suivent à grande vitesse et
où le taux moyen de renouvellement des équipements ne dépasse pas 2 ans, les technologies les
plus qualitatives aujourd’hui pourront être démocratisées au plus grande nombre demain.

b. Le téléviseur connecté

Le téléviseur connecté permet d’accéder aux contenus disponibles en OTT directement sur le
téléviseur. Il peut être connecté de différentes façons : directement grâce à un port Ethernet
(Smart TV) ou indirectement via le décodeur du FAI, un boitier tiers (exemple : Apple TV) ou une
console de jeux. En pratique, un téléviseur connecté possède en moyenne deux modes de
connexion, le décodeur TV des FAI étant le plus utilisé : près de 8 foyers connectés sur 10 ont relié
leur téléviseur à internet par ce biais1.
Supportant la haute définition, le téléviseur connecté offre, lorsque le débit internet le permet, une
qualité visuelle et un confort de vision optimaux en OTT, proche de l’expérience vécue en services
gérés. En outre, les constructeurs, les éditeurs ou encore les fournisseurs de contenus ont
développé des interfaces TV permettant de rendre disponibles leurs services le plus facilement
possible sur le téléviseur connecté.
Au deuxième trimestre 2018, 77 % des foyers français disposaient d’un téléviseur directement ou
indirectement connecté à internet. Parmi les différents moyens de connexion du téléviseur2, la
Smart TV a atteint près de 30 % de pénétration dans les foyers français de métropole3. Certains
équipementiers intègrent des fonctionnalités OTT directement dans leurs Smart TV (par exemple le
bouton Netflix sur la télécommande de certaines Smart TV de la marque Sony), pour un accès plus
simple et rapide.
Les boitiers tiers tels que Chromecast ou Apple TV, qui redirigent les contenus visionnés sur les
écrans alternatifs vers le téléviseur (casting, voir ci-après) sont en développement permanent.
Apparus il y a plus de 10 ans (la première Apple TV est sortie en 2007) mais réellement
démocratisés il y a quelques années avec la sortie de Chromecast (disponible en France depuis
2014), les boitiers tiers et leur fonctionnalité de casting avaient séduit plus de 18 % des foyers au
deuxième trimestre 20184.

1
Médiamétrie pour CSA, DGMIC, ANFR, DGE. Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers. Résultats
du premier semestre 2018. 21/11/2018.
2
Un téléviseur peut être connecté directement (Smart TV) ou indirectement par le décodeur TV des FAI, un
ordinateur, une console de jeux connectée ou un boîtier tiers type Apple TV.
3
Médiamétrie pour CSA, DGMIC, ANFR, DGE. Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers. Résultats
du premier semestre 2018. 21/11/2018.
4
Ibid.

36
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Redirection de contenus sur le téléviseur depuis un smartphone

Source : dos de l’emballage de la clé Chromecast de Google.

Malgré cette progression, le téléviseur connecté tarde à être massivement adopté et surtout utilisé.
L’équipementier LG estimait en 2017 que seules 5 à 10 % des Smart TV vendues en France était
réellement connectées à internet une fois installées chez l’utilisateur1. Ce retard est notamment dû
à une utilisation du téléviseur encore conservatrice ou à la méconnaissance des utilisateurs quant
aux fonctionnalités disponibles sur leur poste de télévision. Le fort développement historique de
l’IPTV en France, et des contenus enrichis qu’elle propose, peut en outre avoir fait naître chez les
téléspectateurs une certaine habitude voire satisfaction du service fourni par les services gérés, qui
n’incite pas à tirer parti de la connexion à internet du téléviseur.
Le téléviseur connecté représente un des éléments potentiellement porteurs de la distribution OTT,
car il a l’avantage d’offrir une expérience similaire à la télévision sur services gérés à condition que
le débit disponible soit suffisant. La progression de la pénétration des Smart TV, l’adoption
progressive des différents outils permettant de le connecter, ainsi que l’adaptabilité au format TV
des interfaces OTT, laissent à penser que, grâce à sa connectivité nouvelle et à son confort de
visionnage, le téléviseur connecté a vocation à devenir un relais de croissance pour les services
distribués en OTT.

1
Source : http://www.strategies.fr/actualites/medias/1055400W/l-ott-reinvente-la-tele.html

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Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Le téléviseur compatible HbbTV


Apparue en 2010, la plateforme Hybrid Broadcast Broadband (HbbTV) permet le développement
sur le téléviseur de services hybrides de télévision alliant les services audiovisuels diffusés par
voie hertzienne (broadcast) et des contenus audiovisuels complémentaires envoyés par internet
(broadband). Tous les téléviseurs connectables (c’est-à-dire qui peuvent être connectés d’une
quelconque manière) sont compatibles avec le standard HbbTV. Aujourd’hui, neuf chaînes
gratuites de la TNT proposent un service HbbTV : M6, Arte, C8, NRJ12, LCP, CNews, CStar, Gulli
et Chérie 25.
Le HbbTV fait le lien entre la plateforme hertzienne et les plateformes OTT des éditeurs : lors de
la diffusion TNT, un symbole apparaît sur l’écran, signifiant qu’un service complémentaire est
disponible sur le portail HbbTV connecté à l’Internet ouvert. Et, contrairement aux services
interactifs présents sur d’autres plateformes, pour lesquelles les éditeurs doivent s’adapter à
chaque interface, les services HbbTV, standardisés, ne nécessitent qu’un développement unique
pour les éditeurs.
Différents services sont proposés, parmi lesquelles un guide électronique des programmes, un
service de vidéo à la demande (principalement des rediffusions mais également des contenus
exclusifs), une application de retour au début du programme en cours (ou start-over), des web
radios, des jeux et un accès aux réseaux sociaux. Si le service de VàD disponible en HbbTV
permet aux téléspectateurs de bénéficier du confort de vision du téléviseur, la qualité de lecture
n’est toutefois pas garantie.

En résumé
L’évolution technologique accélérée des équipements mobiles connectés
(ordinateurs, smartphones et tablettes) et les innovations en matière de
résolution d’écran et de processeur se traduisent par une pénétration rapide des
appareils offrant une lecture qualitative proche de la télévision en services gérés.
Le téléviseur, connecté par de plus en plus de moyens différents, n’est pas en
reste et sa qualité déjà prouvée en services gérés pourra se répercuter en OTT.
Sous réserve d’une connexion à internet performante, les équipements connectés
sont donc aujourd’hui en capacité de fournir une qualité de service satisfaisante
en OTT.

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Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Conclusion

En termes de consommation comme d’offre de contenus, l’OTT fait aujourd’hui partie intégrante
du paysage audiovisuel français. Au quatrième trimestre 2017, 46 % des internautes de 15 ans et
plus déclarent avoir regardé durant les 30 derniers jours la télévision sur un autre écran que le
téléviseur1. En sus des services OTT native, les éditeurs de chaînes de télévision et les distributeurs
traditionnels ont également pris le virage de l’OTT pour diffuser leurs contenus, pouvant suggérer
que l’OTT constitue un mode de diffusion suffisamment performant pour commercialiser une offre
de programmes vidéo.
Les services gérés, bénéficiant d’une partie privative sur le réseau du FAI, offrent une qualité de
service garantie. À l’inverse, la diffusion en OTT est limitée par le mode du best effort, qui ne lui
assure pas une stabilité de débit suffisante pour un visionnage optimal. Ceci est particulièrement
vrai pour la diffusion en direct en OTT qui, faisant face à des contraintes de compression, a besoin
d’une connexion particulièrement performante. Ces écarts de qualité de services entre OTT et
services gérés sont amenés à s’amenuiser au fil des évolutions de quatre facteurs :
- en premier lieu, du fait des déploiements des réseaux à très haut débit fixe, qui ont vocation
à permettre, à terme, à tous les utilisateurs de disposer de débits suffisamment importants
pour que les fluctuations du réseau n’aient pas ou très peu d’impact sur la fluidité de lecture
des programmes ;
- en second lieu, toujours en matière d’infrastructure, grâce aux solutions de CDN, même si
ces dernières, très coûteuses, ne sont économiquement viables que pour un volume très
important de données à transmettre, et sont alors envisageables seulement pour des acteurs
de grande taille, au détriment d’acteurs de taille plus modeste ou dont le métier premier
n’est pas de rendre accessibles en OTT leurs contenus ;
- en troisième lieu, grâce aux gains de compression successifs, étant toutefois noté que ceux-ci
sont souvent compensés par l’amélioration de la résolution ou de la qualité d’image au
bénéfice de l’utilisateur ;
- enfin, au niveau du terminal, puisque, lorsque le réseau internet le permet, les équipements
alternatifs connectés, sont aujourd’hui en capacité de fournir une qualité de service
satisfaisante en OTT.
Toutefois, même si le différentiel de qualité de service entre services gérés et OTT tend à se réduire
depuis plusieurs années, il n’est pas rare pour les téléspectateurs de constater des problèmes de
lecture, en particulier pour le visionnage en direct : des progrès restent encore à faire pour offrir
une qualité de service optimale en OTT, du niveau des services gérés. Ces progrès sont et seront le
fait des différentes parties prenantes et plus particulièrement des opérateurs de réseaux et des
fournisseurs de contenus.
Tout comme il est attentif aux mutations des usages des consommateurs qui se tournent de plus en
plus vers l’OTT, le Conseil porte une attention toute particulière aux évolutions techniques de ce
mode de diffusion, ainsi qu’à l’information disponible pour les consommateurs quant à la qualité de
service dont ils peuvent disposer en l’utilisant, afin de s’assurer qu’elles leur bénéficient au mieux.
La modernisation des usages, permise par la diversité des modes de réception de la télévision, ne
doit pas s’accompagner d’une dégradation de la qualité de réception des contenus audiovisuels

1
En direct et/ou en différé. Source : Web Observatoire de Médiamétrie pour l’Observatoire de l’équipement
audiovisuel des foyers du CSA.

39
Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

pour le consommateur. Le Conseil est alors attentif aux effets de la transition technologique et à
l’importance de garantir à tous des offres de même qualité, d’un niveau élevé.

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Étude sur la qualité de services
des contenus vidéo accessibles en OTT

Bibliographie

Institutions
ARCEP. Qualité du service fixe d’accès à internet. Mesure effectuées au 1er semestre 2016.
Novembre 2016.
ARCEP. L’état d’internet en France. Édition 2017. Mai 2017.
ARCEP. L’état d’internet en France. Edition 2018. Juin 2018.
CSA. L’offre en ligne « over-the-top » de contenus sportifs en France. Avril 2016.
CSA. Avis n°2017-04. 22 février 2017.
CSA, DGMIC, DGE, ANFR. Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers (réalisé par
Médiamétrie). Résultats du premier semestre 2018. 21 novembre 2018.

Cabinets de conseil
Idate. Services vidéo managés & Over-The-Top. Programme de recherche collaboratif 2011-2012.
Rapport de synthèse. 2012.
Idate Digiworld Research. Broadcast & Broadband TV. Les nouveaux arbitrages de distribution
vidéo. Septembre 2017.

Presse spécialisée
Mediakwest. Dossier : OTT, le TV killer ?. 30 juillet 2015.
http://www.mediakwest.com/broadcast/item/ott-le-tv-killer-2.html

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