Adapter La Règlementation: Les Business Models de L'Économie Circulaire

2 LES BUSINESS MODELS DE
L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE
matières se prêtent à un recyclage poussé (pour les matières plas-

tiques par exemple).
L’élaboration de normes devrait accroître la confiance dans les
matières premières secondaires et contribuer à soutenir le marché.
La Commission européenne conduit des travaux sur des normes
www.scholarvox.com:None:1497486815:88852369:105.66.129.125:1613126034
de qualité à l’échelle de l’Union européenne pour les matières pre-
mières secondaires lorsque cela est nécessaire, en consultation avec
les secteurs concernés.
■■ Adapter la règlementation
Certaines règlementations, plus contraignantes pour les matières
recyclées que pour les matières vierges, doivent être modifiées pour
soutenir la demande en matières premières secondaires.
Par exemple, l’Union européenne importe environ six millions
de tonnes de phosphate par an, mais pourrait remplacer jusqu’à
30 % de ce total par du phosphate issu des déchets organiques
(boues d’épuration, déchets biodégradables, fumier, etc.). Toutefois
l’accès des engrais organiques au marché unique de l’Union euro-
péenne est soumis à des conditions plus contraignantes que celles
des engrais inorganiques traditionnels. Les normes de qualité et les
normes environnementales diffèrent d’un État membre à l’autre. La
Commission européenne a proposé un règlement pour encourager
l’utilisation des engrais organiques et à base de déchets.1
Avant d’être recyclées, les matières ont le statut juridique
de déchet. Les déchets sont soumis à une règlementation spéci-
fique. Par exemple, ils ne bénéficient pas de la libre circulation
qui s’applique aux produits. Après avoir été recyclées et sous cer-
taines conditions, les matières recyclées quittent le statut de déchet
pour celui de produit. Toutefois les règles qui déterminent à quel
moment une matière première recyclée ne devrait plus être légale-
ment considérée comme un déchet peuvent être différentes entre
1 Commission européenne.
84
Le recyclage des matières en boucle longue
les pays de l’Union européenne. La Commission européenne a

également proposé de clarifier les règles en vigueur relatives à la
sortie du statut de déchet.
Organiser des filières matières
De nombreux intervenants participent à la supply chain d’une
matière : producteurs, utilisateurs, collecteurs, recycleurs, etc.
Chaque intervenant ne peut pas améliorer seul la performance
du recyclage et doit collaborer avec les autres. Par exemple, il est
inutile d’investir dans des capacités de recyclage du plastique si les
opérations de collecte en amont ne sont pas performantes ou si la
demande en plastique recyclé en aval n’est pas suffisante.
À l’initiative d’industriels, de pouvoirs publics ou d’organisa-
tions non gouvernementales, des intervenants de la supply chain
d’un matériau peuvent se réunir pour en améliorer le recyclage.
Par exemple, pour garantir la quantité et la qualité de leur appro-
visionnement en matières recyclées, quelques industriels ont mis
en place des partenariats avec des sociétés de recyclage. En France,
Coca-Cola European Partners a créé une co-entreprise avec la société
de recyclage Plastipak. Aux Pays-Bas, des collecteurs de déchets,
des recycleurs, des fabricants de produits neufs, des institutions
financières, des centres de recherche ou encore des représentants
du gouvernement se sont regroupés au sein du Plastic cycle value
chain agreement pour améliorer la supply chain du plastique. La
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.
Fondation Ellen MacArthur a lancé une initiative pour améliorer le

recyclage du plastique, the New Plastic Economy, qui est supportée
par plus de 40 industriels.
La Flandre dispose d’importants gisements de nutriments (comme l’azote,

le phosphore ou le potassium) dans ses déchets : déchets organiques,
eaux usées, boues d’épuration, etc. Le coût de recyclage de ces déchets
étant élevé, les nutriments sont rarement récupérés. Pour améliorer la
...
récupération de ces nutriments, la région a mis en place la Flemish Nutrient
85
2 LES BUSINESS MODELS DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE
... Platform. Cette plateforme regroupe des entrepreneurs, les pouvoirs

publics et des centres de recherche. Elle a pour objectif de fermer le cycle
des nutriments de façon économiquement viable. D’autres plateformes
similaires ont vu le jour dans d’autres pays comme en Allemagne (Deutsche
Phosphor Platform) ou aux Pays-Bas (Nutrient Platform NL).
Profitant de sa puissance d’achat, le distributeur Walmart a éga-
lement lancé plusieurs initiatives pour améliorer la supply chain du
plastique.
Le distributeur Walmart voulait augmenter la part de plastique recyclé de ses

emballages pour réduire leur coût. Mais la disponibilité du plastique recyclée,
tant en qualité qu’en quantité, n’était pas suffisante. Le distributeur décida
alors d’améliorer la filière du plastique recyclé en lançant simultanément
trois initiatives. Il demanda à ses principaux fournisseurs d’évaluer puis
d’améliorer la recyclabilité de leurs emballages en plastique (Design for
Recyclability). Il mit également en place un fonds d’investissement (Closed
Loop Fund), conjointement avec d’autres entreprises (dont Unilever, Coca-
Cola et P&G), fournissant aux collectivités des prêts à taux zéro pour stimuler
l’investissement dans leurs programmes de collecte et de recyclage. Enfin le
distributeur travailla avec ses fournisseurs pour qu’ils augmentent la part de
plastique recyclé dans leurs emballages (Recycled content initiative). Walmart
visait à augmenter de 1,4 million de tonnes le marché du plastique recyclé,
de créer 15 000 emplois et de réduire de 3 millions de tonnes les émissions
de gaz à effet de serre à l’horizon 2020.
86
L’essentiel
Le recyclage des matières en boucle longue collecte

et tri les déchets puis recycle leurs matières en de nouvelles
matières.
Il diversifie les approvisionnements de l’industrie
textile, met fin au gaspillage de l’industrie de l’emballage,
réduit les déchets de l’industrie de la construction et
la dépendance de l’industrie chimique aux hydrocarbures.
permet, entre autres, de sécuriser l’approvisionnement
en matières premières et de réduire les coûts.
Pour améliorer le recyclage des matières en boucle
longue il faut à la fois concevoir des produits recyclables,
améliorer l’offre et simuler la demande en matériaux
recyclés et, de façon coordonnée, organiser des filières
matières.
87
Chapitre 4
Le recyclage
des matières
en boucle courte
Production
et utilisation
Ressource Déchet
Recyclage
89
L
e recyclage des matières en boucle courte recycle une même
matière sans la mélanger avec d’autres. Généralement, la
localisation et l’état des produits à recycler sont suivis en per-
manence. Dès qu’un produit arrive en fin de vie, sa matière est récu-
pérée puis réutilisée pour fabriquer le même produit neuf. À l’inverse
du récyclage des matières en boucle longue, celui en boucle courte
permet d’atteindre des taux de recyclage beaucoup plus élevés. Par
exemple la gestion en boucle courte des catalyseurs utilisés par les
raffineries pétrolières permet d’atteindre un taux de recyclage des
métaux précieux qu’ils contiennent supérieur à 90 %.1
Le recyclage des matières en boucle courte s’appuie sur les boucles
recycler, composter et méthaniser de l’économie circulaire.
Solutions
Recycler les déchets de production
Les déchets de production et de distribution (déchets pré-consom-
mation) sont généralement plus faciles à recycler que ceux des
consommateurs (déchets post-consommation). En effet, le plus sou-
vent, ces déchets ne sont ni contaminés, ni mélangés avec d’autres
déchets. Les industriels sont aujourd’hui nombreux à recycler leurs
déchets de production. Saint-Gobain recycle les déchets de produc-
tion du verre dans ses fours verriers, en remplacement du sable. Ford
collecte ses déchets de fabrication en aluminium qui sont recyclés
puis utilisés dans la fabrication de nouveaux véhicules. Au Japon,
Nissan utilise les déchets de production en plastique de ses usines
pour fabriquer des pare-chocs neufs. Speedo fabrique des maillots de
bain à partir des chutes de production de ses usines.
Les industriels utilisent de nombreux produits chimiques dans
leurs procédés de fabrication : des lubrifiants pour des opérations
d’usinage ou d’emboutissage, des solvants pour des opérations de
1 MIT Press.
90
Le recyclage des matières en boucle courte
traitement de surface ou des détergents pour des opérations de

dégraissage. Une fois utilisés, ces produits chimiques sont souvent
peu valorisés. Les lubrifiants sont incinérés en cimenteries, les sol-
vants ou les détergents sont traités par des stations d’épuration avant
d’être mis en décharge. Pourtant de nombreux produits chimiques
pourraient être, une fois arrivés en fin d’usage, régénérés puis utili-
sés à nouveau. Aux États-Unis, ECO Services, une ancienne filiale de
Solvay, régénère l’acide sulfurique depuis 1943. En France Dislaub,
une filiale du groupe Cristal Union, régénère des solvants comme
l’éthanol. Fruit d’un partenariat entre Total et Veolia, l’usine Osilub
régénère les huiles usagées en lubrifiants.
L’usine de Montrose du groupe pharmaceutique GSK consomme

un solvant, l’alcool méthylique, pour son procédé industriel. Une fois usagé,
l’alcool est recyclé par Veolia. Le solvant recyclé est d’une qualité identique
à celle du solvant d’origine. En gérant l’alcool méthylique en boucle fermée,
GSK a pu réduire ses déchets de 1 200 tonnes et ses coûts de 250 000 livres
annuellement.1
Quelquefois les industriels installent sur leurs sites de production

des unités de régénération de leurs produits chimiques.
Les entreprises sidérurgiques utilisent d’importantes quantités d’acide

chlorhydrique pour décaper la surface des produits en acier comme
les bobines. Certaines installent des unités de régénération de l’acide
chlorhydrique. Ces unités permettent d’utiliser l’acide en boucle, de réduire
significativement les besoins en acide frais et les coûts d’élimination
de l’acide usagé.
1 Innovate UK.
91
Recycler les eaux usées, ressources inexploitées

Si l’eau usée est aussi importante de toutes les autres catégories de
déchets réunies, elle est probablement la ressource la plus inexploi-
tée.1 Pourtant, comme le métal, le verre ou le papier, l’eau peut être
recyclée. Les eaux usées doivent d’abord être filtrées en traversant,
mises sous pression, des membranes poreuses qui agissent comme
des tamis. Les membranes sont utilisées en cascade pour retenir
progressivement des particules de plus en plus petites, par microfil-
tration, ultrafiltration, nanofiltration et osmose inverse. Ensuite les
eaux filtrées sont désinfectées en utilisant, par exemple, du chlore
ou par rayonnement ultraviolet.
Des boucles de recyclage des eaux usées peuvent être mises en
place à l’échelle d’une ville, d’un site ou d’un équipement.
Pour faire face à la raréfaction des ressources en eau, des villes
mettent en place des boucles de recyclage de l’eau. Par exemple la
ville de Singapour recycle ses eaux usées. Les eaux recyclées consti-
tuent 30 % de l’eau potable consommée par les habitants.
United Water, une filiale de Suez, exploite une usine de recyclage des
eaux usées en Californie du Sud. L’usine recycle en cascade cinq qualités
d’eau différentes : ultra-pure, pure, adoucie, nitrifiée et tertiaire. Chaque
qualité d’eau répond à un besoin spécifique. Par exemple l’eau ultra-pure
est utilisée pour l’alimentation des chaudières haute pression des raffineries
tandis que l’eau tertiaire est utilisée pour l’irrigation. La production d’eau
recyclée permet de réduire de 50 tonnes par jour la quantité d’eaux usées
traitées rejetées dans la Baie de Santa Monica.
Des bâtiments ou des sites de production mettent également en

place des boucles de recyclage de l’eau. Au Qatar, Pearl GTL, la plus
grande usine de liquéfaction de gaz au monde, traite et réutilise
100 % des eaux industrielles. À New York, le Solaire Building est
1 McKinsey.
92
équipé d’une station de traitement des eaux usées qui lui permet de
réduire sa consommation d’eau de 75 %. L’eau recyclée est utilisée
pour les chasses d’eau, les systèmes d’air conditionnée et l’irrigation
des jardins sur les toits.
Quelques équipements, encore rares, sont équipés d’un système
de recyclage de l’eau. Par exemple les douches d’Orbital Systems
recyclent les eaux usées et permettent de réduire la consomma-
tion d’eau jusqu’à 90 %. Elles utilisent une technologie développée
à l’origine pour l’exploration spatiale. La machine à laver le linge
développée par la start-up AquaFresco recycle et réutilise 95 % des
eaux usées.
Utiliser le carbone comme une ressource

Les gaz à effet de serre (GES) contribuent à retenir la chaleur près
de la surface de la Terre : vapeur d’eau, dioxyde de carbone (CO2),
méthane (CH4), protoxyde d’azote (N2O) ou encore ozone (O3). Sans
ces gaz, la température moyenne sur Terre serait de – 18 °C.
Depuis le début de la révolution industrielle, l’activité humaine
a contribué à augmenter fortement la concentration de GES et, en
particulier, de CO2. En 2015, la combustion de combustibles fos-
siles et les activités industrielles étaient responsables de l’émission
de 36,3 milliards de tonnes de CO2.1 L’augmentation de la concen-
tration de GES entraîne une augmentation de la température qui
rendra la vie sur Terre de plus en plus difficile. Si rien n’est fait,
l’Asie du Sud, qui héberge un cinquième de la population mondiale,

pourrait devenir inhabitable d’ici 2100 en raison de l’augmentation
des températures et de l’humidité.2
La réduction des émissions de gaz à effet de serre est la princi-
pale solution pour limiter le réchauffement climatique. Il est toute-
fois également possible de considérer le CO2 comme une ressource
1 Global Carbon Project.

2 ScienceAdvances.
93
comme le fait la nature. En effet, grâce à la photosynthèse, les

plantes utilisent le CO2 de l’atmosphère et l’eau pour produire des
sucres et de l’oxygène. La carbonatation transforme également le
CO2 en une roche très stable.
Le CO2 peut par exemple être utilisé comme intrant dans l’agricul-
ture pour améliorer le rendement des plantes. Aux Pays-Bas, le pipe-
line OCAP achemine le CO2 émis par des sites industriels, comme la
raffinerie Shell à Pernis, vers plus de 500 serres horticoles.
Le CO2 peut également être utilisé pour fabriquer des polymères,
des carburants ou encore des matériaux de construction. L’entre-
prise Covestro utile jusqu’à 20 % de CO2 pour fabriquer le cardyon,
une matière première qui peut être utilisée pour la production de
mousse de polyuréthane.
Afin d’être utilisé comme une ressource, le CO2 émis doit être cap-
turé dans l’atmosphère ou, plus facilement, à la sortie des cheminées
d’usine. La start-up Carbon Clean Solutions a développé un procédé
permettant de séparer les molécules de CO2 dans un flux de gaz. Le
procédé par exemple capture le CO2 émis par une centrale à charbon
de Tamil Nadu en Inde. Le CO2 capturé est ensuite converti en soude,
un composé chimique couramment utilisé pour la fabrication du verre.
Réinventer l’agriculture
Pour maximiser la production agricole, l’agriculture intensive fait
un usage important d’intrants : eau, engrais, pesticides, etc. Le
rendement des intrants est souvent faible. La part des intrants qui
n’est pas absorbée par les plantes est perdue dans l’environnement
et est source d’importantes pollutions : eutrophisation des eaux et
des sols, pollution de l’eau potable, acidification, émissions de gaz
à effet de serre, etc. De nouveaux modèles de production agricole
cherchent à réduire la consommation d’intrants et leurs impacts sur
l’environnement en les utilisant en boucle fermée.
La culture hydroponique, une culture de plantes hors-sol
(c’est-à-dire sans le support d’un sol) gère l’eau en circuit fermé.
94
Irriguées grâce à une solution riche en sels minéraux et nutriments,

les plantes sont disposées sur un substrat inerte tel que du sable,
de la pouzzolane ou des billes d’argile. L’eau qui n’est pas absor-
bée par les plantes est recyclée pour être réutilisée. Comparée à la
culture traditionnelle, la culture hydroponique consomme moins
de ressources en eau et en terre. Par contre elle nécessite souvent
plus d’énergie pour maintenir un environnement contrôlé (cha-
leur, lumière).
La culture hydroponique est mise en œuvre dans les fermes
verticales. Ces fermes produisent en quantité des produits alimen-
taires au sein de structures occupant une emprise au sol réduite,
par exemple des tours. Elles peuvent être construites à proximité
des lieux de consommation réduisant ainsi les coûts de transport.
Elles ont toutefois des besoins énergétiques élevés pour le chauffage
ou l’éclairage, ne leur permettant pas actuellement d’être économi-
quement rentables. Aux États-Unis, AeroFarms construit des fermes
verticales qui s’appuient sur de nouvelles technologies (capteurs,
analyse prédictive, etc.) pour réduire la consommation d’intrants et
améliorer la production. Sans utiliser de pesticides, d’herbicides et
de fongicides, une ferme verticale peut être 75 fois plus productive
au mètre carré qu’une ferme traditionnelle.
La culture aquaponique associe une culture hydroponique à
l’aquaculture (élevage de poissons). Elle gère non seulement l’eau
mais aussi les nutriments en circuit fermé. L’eau des poissons, riche
en nutriments, est filtrée puis traitée. Elle est ensuite utilisée pour
irriguer les cultures. Les nutriments sont absorbés par les plantes.
Une fois purifiée par les plantes, l’eau est retournée dans le bassin
des poissons.
La culture aquaponique est un exemple d’agroécologie. L’agroé-
cologie est une façon de concevoir des systèmes de production qui
s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. Elle
les amplifie tout en visant à diminuer les pressions sur l’environne-
ment (comme réduire les émissions de gaz à effet de serre ou limiter
le recours aux produits phytosanitaires) et à préserver les ressources
95
naturelles.1 L’agroécologie s’appuie sur des pratiques agricoles telles

que l’association des cultures et de l’élevage, l’agroforesterie ou
encore la culture de légumineuses. L’association de cultures et d’éle-
vage permet d’utiliser plus efficacement les ressources : le fumier
peut être utilisé comme engrais tandis que les récoltes permettent de
nourrir le bétail. La cohabitation sur les terres agricoles des produc-
tions habituelles (cultures, élevage) et des arbres, appelée agrofores-
terie, améliore la production agricole, restaure la fertilité des sols et
la qualité des eaux. La culture des légumineuses enrichit les sols en
azote, un élément indispensable à la nutrition des plantes. En effet
les légumineuses fixent l’azote, présent à l’état gazeux dans l’atmos-
phère, et le restitue dans le sol. L’azote pourra ainsi bénéficier aux
cultures suivantes.
À Porto-Novo, au Bénin, la ferme Songhaï réutilise les coproduits

de l’élevage et de l’agriculture. Par exemple, les cossettes de manioc
ou le son de riz sont utilisés pour l’alimentation des animaux. Les eaux
usées sont filtrées par des jacinthes puis utilisées pour la culture
des poissons. Le fumier est transformé par compostage en engrais.
Les larves des mouches sont utilisées pour nourrir les poissons.
Les rendements atteignent 2 à 5 tonnes par hectare et par an pour le
maïs, 1 à 2 tonnes pour le sorgo et 2 à 3 tonnes pour le soja, alors que
la moyenne nationale ne dépassait pas 1,4 tonne par hectare en 2013,
toutes productions de grain confondues.
Utiliser des matériaux biosourcés qui s’inspirent

des cycles naturels
Les matériaux biosourcés sont des matériaux fabriqués à l’aide de
matières premières naturelles d’origine végétale ou animale. Ils sont
utilisés par exemple dans la fabrication de béton (béton de bois, de
lin, etc.), de plastiques, de peintures, de lubrifiants, de détergents ou
encore de cosmétiques.
1 Ministère de l’agriculture.
96
Issus de ressources renouvelables, les matériaux biosourcés

peuvent se substituer aux matériaux d’origine fossile dont les
réserves s’épuisent. Pour réduire sa dépendance aux ressources fos-
siles, Adidas développe une chaussure de sport fabriquée en fibre
de soie entièrement biodégradable, Biosteel, produite par la start-up
allemande AMSilk.
Tous les matériaux biosourcés ne sont pas compostables. Par
exemple le PET biosourcé peut être recyclé comme le PET d’origine
fossile mais n’est pas compostable. Toutefois, lorsqu’ils sont com-
postables, les matériaux biosourcés peuvent évoluer dans des cycles
fermés : des plantes sont cultivées ; puis elles sont utilisées dans la
fabrication de matériaux biosourcés ; les matériaux sont utilisés ;
arrivés en fin de vie, les matériaux sont transformés en compost ;
le compost est utilisé comme engrais pour la culture de nouvelles
plantes. Novamont produit un matériau compostable, le Mater-Bi
qui est utilisé dans la fabrication d’assiettes, de verres, de couverts
et de barquettes jetables. Paperfoam commercialise un emballage
compostable produit à partir d’amidon et de fibres naturelles. Algo-
pack fabrique un plastique compostable à partir d’algues brunes. La
mise en place progressive de filières de collecte et de recyclage des
déchets organiques facilitera la gestion en fin de vie des matériaux
biosourcés compostables.
Afin que la culture des végétaux pour la production de matériaux
biosourcés ne concurrence pas celle pour la production alimentaire,
certains biomatériaux sont produits à partir de déchets et coproduits

de l’agriculture.
La société Ecovative commercialise des matériaux compostables à base

de champignons pouvant se substituer au polystyrène. L’entreprise cultive
du mycélium sur des déchets agricoles (comme de la paille). Le mycélium,
la partie végétative des champignons, est formée de filaments ramifiés,
généralement blancs. Il croît et se ramifie dans les déchets agricoles, liant
le tout en un ensemble homogène. Le matériau ainsi obtenu peut être
...
97
... moulé selon la forme souhaitée, par exemple pour fabriquer des cales
qui empêcheront les marchandises de bouger dans leur boîte pendant
le transport. Après utilisation, le matériau peut être cassé et réutilisé comme
emballage en vrac ou être transformé en compost. Le matériau d’emballage
est utilisé par le fabricant d’ordinateur Dell.
La paille est le plus important coproduit de l’agriculture. Actuellement
les agriculteurs chinois brûlent 90 % de la paille, dégradant leurs
terres et polluant l’air. L’entreprise YFYJupiter rachète aux agriculteurs
chinois la paille de riz et de blé puis l’utilise dans la fabrication
d’un emballage, Npulp. Npulp peut être recyclé, composté à domicile
ou dans une installation de compostage industriel. Le coproduit du procédé
industriel peut être revendu aux agriculteurs comme engrais.1
Les matériaux biosourcés sont fabriqués à partir de végétaux. Lors

de leur croissance, les végétaux capturent du dioxyde de carbone par
photosynthèse. Lorsque les matériaux biosourcés arrivent en fin de
vie, ils se biodégradent en restituant le dioxyde de carbone dans le
sol. Les matériaux d’origine fossile, quant à eux, contiennent du car-
bone extrait de formations géologiques souterraines dans lesquelles
il était initialement séquestré. Lorsque les matériaux d’origine fossile
arrivent en fin de vie, ils se biodégradent et libèrent le carbone dans
l’environnement. Ainsi, si les matériaux biosourcés préservent le
cycle du carbone, les matériaux d’origine fossile, à l’inverse, libèrent
de nouvelles sources de carbone dans l’environnement.
Gérer les produits en boucles fermées

Si les exemples sont encore rares, quelques industriels gèrent dans
des boucles fermées leurs équipements ou les produits qu’ils com-
mercialisent.
Des raffineries pétrolières utilisent pour leurs procédés indus-
triels des catalyseurs contenants des métaux précieux comme le
1 Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
98
palladium ou le platine. Lorsqu’un catalyseur doit être remplacé,

la raffinerie le confie à une société métallurgique qui récupère les
métaux précieux. Ces métaux, qui restent la propriété de la raffine-
rie pétrolière, sont alors utilisés pour fabriquer un nouveau cataly-
seur. Cette gestion des métaux en boucle fermée permet d’atteindre
des taux de recyclage supérieurs à 90 %.
Quelques fabricants de produits de consommation collectent
leurs anciens produits auprès de leurs clients afin de récupérer les
matériaux et fabriquer de nouveaux produits. Par exemple, Lush
collecte dans ses points de vente ses pots de crème vides en échange
d’un masque. Les pots collectés sont recyclés en de nouveaux pots.
Apple propose à ses clients de lui retourner leur ancien iPhone gra-
tuitement grâce à un emballage pré-affranchi. L’entreprise s’est fixée
comme objectif de faire fonctionner sa chaîne logistique en circuit
fermé et de fabriquer ses nouveaux produits uniquement à base de
matériaux recyclés issus, entre autres, de ses anciens produits.
Bénéfices et conditions de réussite

Les bénéfices et conditions de réussites du modèle de recyclage
en boucle courte sont similaires à ceux du modèle de recyclage en
boucle longue.
L’essentiel
Le recyclage des matières en boucle courte recycle

une même matière sans la mélanger avec d’autres.
L’eau, le carbone, les nutriments, les matériaux
biosourcés et certains matériaux techniques peuvent être
gérés dans des boucles courtes.
99
Chapitre 5
L’exploitation
de symbioses
industrielles
Production
Ressource Entreprise A Déchet
Ressource Entreprise B Déchet
Production
101
S
ouvent les industriels cherchent à se débarrasser à moindre
coût de leurs déchets de production. Pourtant, ces déchets
ont une valeur résiduelle qu’il est possible de récupérer grâce
aux symbioses industrielles. Dans une symbiose industrielle, les
déchets d’un procédé de fabrication sont utilisés comme matières
premières pour un autre. Des eaux grises issues d’une ligne de
fabrication peuvent être réutilisées pour le nettoyage. Les pulpes
et pelures de fruits, coproduits de la production de jus, permettent
de fabriquer des fibres alimentaires. L’écologie industrielle, l’étude
des flux de matières et d’énergie au cœur des systèmes industriels,
permet d’identifier et de mettre en œuvre les synergies indus-
trielles.
Un écosystème (voir encadré) ne consomme pas de ressources et
ne produit pas de déchets.
Qu’est-ce qu’un écosystème ?

Un écosystème est un système regroupant des organismes vivants
(animaux, plantes, micro-organismes, etc.) et leur environnement
(minéraux, eau, air, climat, etc.). Les interactions des organismes
vivants entre eux et avec l’environnement permettent le maintien de
la vie au sein de l’écosystème. Par exemple, une forêt est un écosys-
tème : le dioxyde de carbone expiré par les animaux est absorbé par
les plantes lors de la photosynthèse ; les fleurs qui tombent des arbres
se décomposent et se transforment en nutriments ; les nutriments
alimentent des micro-organismes, des insectes, des plantes, des ani-
maux et le sol. La délimitation d’un écosystème est souvent difficile
et est réalisée de façon arbitraire. Un écosystème ne possède pas tou-
jours de limites physiques.
Et si les systèmes industriels s’inspiraient des écosystèmes de la

nature ? C’est ce que proposèrent en 1989 deux chercheurs dans
un article de la revue Scientific American : « Le modèle tradition-
nel de l’activité industrielle dans lequel les processus de fabrication
102
L’exploitation de symbioses industrielles
consomment des matières premières et génèrent des produits qui

seront vendus et des déchets qui seront jetés doit être changé en
un modèle plus intégré : un écosystème industriel. Dans un tel sys-
tème, la consommation de matières et d’énergie est optimisée, la
génération de déchets est minimisée et les effluents d’un processus,
que ce soit les catalyseurs usés provenant du raffinage du pétrole,
les cendres volantes et résiduelles d’une centrale électrique ou les
emballages en plastique issus de produits de consommation, servent
de matières premières pour un autre processus ».1
Dans un écosystème industriel les coproduits et déchets d’un
procédé industriel sont utilisés comme nouvelle matière première
d’un autre, fournissant un bénéfice mutuel, appelé symbiose indus-
trielle. Par exemple les 300 tonnes de sable issues du lavage des bet-
teraves dans l’usine sucrière de Cristal Union près de Troyes sont
utilisées par une filiale d’Eiffage, une société de travaux publics, en
substitution des matériaux de carrière. La chaleur produite par des
entreprises du port de Rotterdam est utilisée pour chauffer tout un
quartier de la ville.
Aux symbioses industrielles, également appelées synergies de
substitution, peuvent s’ajouter des synergies de mutualisation. Les
synergies de mutualisation mettent en commun des services aux
entreprises, comme la collecte des déchets, des équipements, comme
des équipements de production de vapeur, ou des fonctions, comme
la logistique ou les achats.
Les symbioses industrielles reposent sur les possibilités de syner-

gies permises par la proximité géographique. Elles sont donc mises
en place entre les acteurs d’un même territoire comme un parc
industriel ou une région. Le premier parc industriel qui mit en place
des symbioses industrielles est celui de Kalundborg au Danemark.
1 Scientific American.
103
Le parc industriel de la ville de Kalundborg au Danemark regroupe

de grandes entreprises : le premier producteur mondial d’insuline
au monde, Novo Nordisk, un producteur d’enzymes, Novozymes,
un fabricant de plaques de plâtre, Gyproc, une usine de traitement
des eaux usées, Kara/Novoren, une centrale électrique, Dong Energy,
ou encore une raffinerie pétrolière, Statoil. Au début des années 1970,
Gyproc utilisa le gaz, coproduit de la raffinerie pétrolière, comme
combustible pour ses fours de séchage des plaques de plâtre. Plus
tard, la centrale électrique approvisionna en vapeur d’eau l’usine
pharmaceutique, pour ses tours de fermentation, et à la municipalité
de Kalundborg, pour son réseau de chauffage urbain. Par la suite,
la centrale électrique livra du gypse, extrait des gaz de combustion,
au fabricant de plaques de plâtre, comme matière première. Au total,
26 contrats d’échange ont été mis en place.
Sur le modèle de Kalundborg, d’autres parcs éco-industriels ont

vu le jour à partir des années 1990 : les parcs de Shandong Lubei
et Tianjin TEDA en Chine, de Kitakyushu au Japon ou de Styria en
Autriche. Le fabricant de cosmétiques Natura Brasil a investi dans
un parc industriel de 175 hectares en Amazonie pour implanter une
usine de production de savon et accueillir d’autres entreprises avec
lesquelles il pourrait mettre en place des symbioses industrielles.
Bénéfices
Réduire l’impact environnemental
Les symbioses industrielles, en réutilisant les déchets et les copro-
duits comme des matières premières, permettent à la fois de réduire
la consommation de ressources et la production de déchets. Elles
permettent également de réduire la consommation d’énergie, par
exemple en réutilisant des sources de chaleur. La symbiose de
Kalundborg permet de réduire annuellement les émissions de CO2
de 275 000 tonnes et la consommation d’eau de 3 millions de mètres
cubes.
104
Au Royaume-Uni, le National Industrial Symbiosis Programme (NISP)

était chargé d’identifier des synergies entre entreprises. Entre 2005 et 2013,
il a permis d’éviter la mise en décharge de 47 millions de tonnes de déchets
industriels, de réduire les émissions de CO2 de 42 millions de tonnes,
de réduire la consommation de matières premières de 60 millions de
tonnes et celle d’eau industrielle de 73 millions de tonnes. Le programme,
qui a impliqué plus de 15 000 participants a également créé ou sauvegardé
plus de 10 000 emplois.
Réduire les coûts

En vendant ses déchets comme des matières premières, une entre-
prise à la fois réduit le coût d’élimination de ses déchets et aug-
mente son chiffre d’affaires.
Denso est un équipementier automobile qui fabrique des systèmes

de climatisation. Son usine de Telford au Royaume-Uni dépensait chaque
année 30 000 livres pour éliminer un déchet de production dangereux,
le fluorure d’aluminium de potassium. Le National Industrial Symbiosis
Programme (NISP) identifia une symbiose industrielle entre Denso
et Mil-Ver Metals, un fabricant d’aluminium. Mil-Ver Metals utilisa
le fluorure d’aluminium de potassium comme une matière première
et Denso pu réduire le coût d’élimination du déchet dangereux.
En remplaçant des matières premières par des déchets ou copro-

duits, une entreprise réduit ses coûts d’approvisionnement. À
Kalundborg, le fabricant de plaques de plâtre Gyproc remplace
annuellement l’approvisionnement de 150 000 tonnes de gypse
naturel par du gypse recyclé dont le prix est moins élevé.
105
Conditions de réussite
Choisir la bonne démarche pour identifier
les synergies possibles
Deux approches sont possibles pour identifier les symbioses indus-
trielles : l’approche systématique et l’approche empirique.
L’approche systématique recense l’ensemble des flux de matières
et d’énergie qui traversent un territoire et l’ensemble des stocks de
matières et d’énergie qu’il héberge. Elle permet d’identifier de façon
exhaustive les synergies interentreprises. Elle est réalisée en condui-
sant une analyse des flux de matières (voir encadré).
L’approche systématique est utile pour mieux connaître le méta-
bolisme du territoire. Toutefois, nécessitant un travail important,
elle présente un coût élevé pour des résultats incertains. Les entre-
prises peuvent être également hésitantes à partager des données
sur les matières premières qu’elles utilisent ou sur les déchets et les
coproduits qu’elles génèrent.
Qu’est-ce que l’analyse des flux de matières ?

Définition
L’analyse des flux de matières (material flow analysis en anglais) est
l’étude des flux et des stocks de matières au sein d’un système donné.
Elle permet d’analyser l’impact de ce système sur l’environnement.
Principes
Le système peut être une usine, une région ou un pays. Par exemple
la région bruxelloise et la France ont réalisé une analyse des flux de
matières de leur territoire pour comprendre les interactions de leur éco-
nomie avec l’environnement naturel et le reste de l’économie mondiale.
L’analyse des flux de matières repose sur le principe de conservation de
la matière : la masse des matériaux en entrée doit être égale à la masse
des matériaux en sortie moins la masse des matériaux stockés.
...
106
... L’analyse peut être conduite pour étudier l’impact du flux d’une subs-
tance, d’un matériau ou d’un produit spécifique sur l’environnement.
Un nombre important d’analyses a par exemple été conduit pour les
métaux lourds toxiques.
Résultats
Le résultat d’une analyse des flux de matières est souvent représenté à
l’aide d’un diagramme de Sankey. Un diagramme de Sankey est une
représentation graphique dans laquelle les flux sont représentés par des
flèches dont la largeur est proportionnelle à la valeur du flux.
Le résultat d’une analyse des flux de matières permet d’établir des indi-
cateurs comme celui de la productivité des ressources.
L’approche empirique, plus récente, consiste à identifier des

symbioses industrielles lors d’ateliers (appelés en anglais resource
matching workshops) réunissant des entreprises d’un territoire. Cer-
taines entreprises cherchent à réduire le coût d’élimination de leurs
déchets, d’autres à réduire le coût de leurs approvisionnements. Ces
ateliers, d’une durée assez courte (une demi-journée) et s’appuyant
sur les besoins des entreprises participantes, permettent d’identifier
rapidement des synergies possibles.
L’approche empirique a été développée au Royaume-Uni par le
National Industrial Symbiosis Programme (NISP). Elle a ensuite été
réutilisée dans de nombreux pays dont la France.
Initié par l’Institut de l’économie circulaire et l’ADEME, le Programme

National de Synergies Inter-Entreprises (PNSI) avait pour objectif
d’identifier des symbioses industrielles dans quatre régions pilotes.
Le programme a organisé en deux ans 17 ateliers qui ont regroupé plus
de 550 entreprises. Il a permis d’identifier plus de 140 synergies.
Des plateformes numériques sont également utilisées pour iden-

tifier des symbioses industrielles. Par exemple aux États-Unis, The
Materials Marketplace propose aux industriels d’une région de
107
documenter les déchets dont ils souhaitent se défaire et les matières

dont ils ont besoin. Sur la base de ces informations, la plateforme
identifie les symbioses possibles.
Valider la faisabilité des synergies
Si la recherche de synergies entre plusieurs entreprises permet sou-
vent d’identifier de nombreux candidats, il y a souvent peu d’élus.
En effet une synergie potentielle peut ne pas être réalisable pour des
raisons techniques, économiques ou règlementaires.
Par exemple, deux entreprises qui souhaitent s’échanger de
l’énergie sous la forme d’eau chaude ou d’air comprimé ne doivent
pas être éloignées de plus d’un ou deux kilomètres. En effet, au-delà
de cette distance, la déperdition d’énergie dans les canalisations est
trop importante. L’acide utilisé par une entreprise pour le traite-
ment de surface des métaux ne pourra pas toujours être réutilisé par
une autre en raison de la présence de métaux dissous. Les quantités
de déchets produits par une entreprise peuvent être insuffisantes
pour répondre aux besoins d’une autre.
Les coûts de mise en place et d’exploitation de la symbiose
peuvent être supérieurs aux bénéfices attendus. Par exemple le coût
d’acquisition et d’exploitation d’un équipement de calibration et
de tri des gravats issus des chantiers de déconstruction peut être
supérieur au coût d’achat de graviers neufs pour un chantier de tra-
vaux public. Une symbiose peut nécessiter des investissements sur
le long terme comme la mise en place d’infrastructures communes.
Or l’utilité de ces infrastructures peut être remise en cause par la fer-
meture ou délocalisation d’un site, ou la modification d’un procédé
industriel.
Deux entreprises qui échangent des matières qui ont le statut de
déchet doivent se conformer à la règlementation sur les déchets. En
particulier ils doivent faire une demande d’autorisation administra-
tive dont l’obtention peut nécessiter jusqu’à 24 mois.
108
Définir des politiques en faveur des synergies

industrielles
Dans de nombreuses zones industrielles, des usines rejettent de
la chaleur, sous la forme d’eau chaude ou d’air chaud, tandis que
d’autres produisent de la chaleur pour leur procédé de fabrication.
Pourtant les entreprises hésitent souvent à investir dans des sym-
bioses industrielles.
Quelques gouvernements ont défini des politiques pour favoriser
la mise en place de symbioses industrielles. Par exemple le gouver-
nement chinois soutient le développement de parc éco-industriel
(eco-industrial park en anglais). Les parcs éco-industriels sont des parcs
industriels qui cherchent à réduire leurs impacts sur l’environnement,
en particulier par la mise en place de symbioses industrielles.
L’essentiel
L’exploitation de symbioses industrielles permet

d’utiliser les déchets d’un procédé de fabrication comme
matières premières pour un autre.
Les symbioses industrielles permettent de réduire
à la fois l’impact environnemental et les coûts des procédés
de fabrication.
L’approche empirique est préférée à l’approche

systématique pour identifier les symbioses industrielles
d’un territoire. Une symbiose industrielle peut ne pas être
réalisable pour des raisons techniques, économiques ou
règlementaires.
109
Chapitre 6
Le prolongement
de la durée de vie
d’un produit
Ressource Déchet
Remise en état Remise en état
Recyclage
111
L
e recyclage ne permet de conserver qu’une faible part de la
valeur d’un produit. Il ne conserve qu’une partie de la valeur
matière. Il ne conserve pas la valeur qui a été ajoutée, lors de
la fabrication du produit, par l’énergie ou le travail, Par exemple, le
recyclage ne retient que 0,24 % de la valeur d’un iPhone contre 48 %
pour sa réutilisation.1 Le recyclage d’une tonne de textile valorise uni-
quement 0,4 % de sa valeur initiale contre 9,6 % pour sa réutilisation.2
Le prolongement de la durée de vie d’un produit est donc souvent
préférable à son recyclage. Pour que sa durée de vie soit prolongée,
un produit doit être maintenu puis remis en état après chaque utilisa-
tion ou lorsque cela est nécessaire. La remise en état peut varier d’un
simple nettoyage au démontage puis remontage complet.
À partir d’un certain nombre de remises en état, il peut être préfé-
rable de remplacer le produit par un autre plus récent et, par exemple,
moins consommateur en énergie à l’utilisation. L’ancien produit est
alors recyclé pour récupérer la valeur de ses matériaux. À l’instar de
Caterpillar, Philips ou Mercedes-Benz, les industriels sont de plus
en plus nombreux à maintenir leurs équipements chez leurs clients
ou à récupérer leurs produits usagés auprès de leurs clients pour les
remettre en état puis les revendre une nouvelle fois.
Le prolongement de la durée de vie des produits s’appuie sur les
boucles maintenir, réemployer, réparer, reconditionner et remanu-
facturer.
Solutions
Améliorer la réparabilité des produits
■■ Les équipements électriques et électroniques
Si acheter un équipement électrique ou électronique neuf est facile,
le faire réparer l’est généralement beaucoup moins. Les clients
1 Green Alliance.
2 Wharton School.
112
Le prolongement de la durée de vie d’un produit
doivent souvent faire face à de nombreux obstacles : Où trouver

un technicien expérimenté et disponible ? Les pièces de rechange
seront-elles encore disponibles auprès du fournisseur ? Le coût de
réparation de l’équipement en panne ne dépassera-t-il pas le prix
d’achat de l’équipement neuf ?
Confrontés à ces obstacles, des clients choisissent de réparer leurs
équipements eux-mêmes. Ils sont assistés localement par des orga-
nisations (comme les Repair Café en Europe ou le Restart Project à
Londres) ou des plateformes en ligne qui fournissent des manuels
de réparation et permettent de commander des pièces de rechange
(comme iFixit).
La réparation n’est plus une activité de niche. Par exemple la
réparation des téléphones portables représente un marché annuel
de quatre milliards de dollars.1 Pour capter ce marché, des fabricants
d’équipements électriques et électroniques améliorent la réparabi-
lité de leurs produits. Les marques SEB et Rowenta se sont enga-
gées pour que leurs produits soient réparables pendant dix ans dans
toute l’Europe. Apple déploie une machine capable de remplacer
rapidement l’écran d’un iPhone chez 400 de ses réparateurs agréés.
Augmenter la disponibilité et la durée de vie

des équipements grâce à la maintenance
■■ Les infrastructures
Le coût d’investissement d’une infrastructure de transport, comme

une voie ferrée ou un pont, est élevé. Le coût de sa maintenance,
nécessaire pour prolonger sa durée de vie, l’est également. Pour réduire
leurs dépenses à court terme, les opérateurs d’infrastructure reportent
quelquefois leurs interventions de maintenance. Par exemple la
maintenance des autoroutes du Royaume-Uni a cumulé un retard de
11 années.2 Mais le report d’interventions de maintenance présente
1 IBISWorld.
2 World Economic Forum.
113
lui aussi des coûts. Par exemple une maintenance retardée des auto-
routes aux États-Unis conduit à une augmentation totale des coûts de
29 %.1 S’ils sont élevés, les coûts de la maintenance traditionnelle ne
sont pas toujours optimisés. Par exemple une intervention de main-
tenance préventive peut être réalisée trop tôt ou remplacer une pièce
qui est encore en bon état.
Pour réduire leurs coûts, des opérateurs d’infrastructure mettent
en place une maintenance prévisionnelle. La maintenance prévi-
sionnelle vise à optimiser les coûts de maintenance en effectuant
les bonnes interventions au bon moment. Pour cela elle s’appuie
sur de nouvelles technologies comme des capteurs connectés, qui
collectent les données sur l’état de l’infrastructure, ou l’intelligence
artificielle, qui analyse ces données pour détecter les pannes avant
qu’elles ne se produisent. Par exemple l’état du pont de Queensferry
Crossing en Écosse est connu en continu grâce à plusieurs milliers
de capteurs qui mesurent la corrosion, la température ou encore la
vitesse du vent.2
Le dysfonctionnement des aiguillages peut être responsable du retard ou

de l’annulation de trains. Afin de suivre l’état de ses aiguillages, la Deutsche
Bahn les a équipés des capteurs de la start-up Konux. Konux utilise un
algorithme d’intelligence artificielle pour analyser les données collectées par
les capteurs et détecter les anomalies avant qu’elles ne surviennent.
■■ Les équipements industriels

La panne d’un équipement de production peut interrompre une
ligne de fabrication et conduire à d’importantes pertes de revenu
pour une entreprise. Aussi des fabricants commercialisent des équi-
pements industriels conçus pour la maintenance prévisionnelle. Ils
implantent dans leurs équipements des capteurs qui collectent en
temps réel les données d’exploitation, comme les vibrations, la tem-

2 Ingenia.
114
pérature, la consommation énergétique, l’usage ou encore la posi-

tion de l’équipement ou de l’un de ses composants. SKF a développé
une technologie, SKF Insight, qui permet aux roulements à billes
de communiquer leurs conditions de fonctionnement en continu
grâce à des composants électroniques d’acquisition de données et
des capteurs à alimentation interne.
Rolls-Royce propose une offre de maintenance préventive, Engine

Health Management, pour ses moteurs d’avions de la famille Trent.
Chaque moteur est équipé de 25 capteurs qui collectent les paramètres
techniques sur le fonctionnement du moteur comme la température,
la pression, la vitesse, le niveau de vibration ou encore la présence de
métal dans le lubrifiant. Lorsque l’avion est en vol, ces paramètres sont
transmis par satellite à Rolls-Royce qui les analyse automatiquement. Si un
fonctionnement anormal est détecté, le centre des opérations de Rolls-
Royce informe l’opérateur de l’avion concerné.
Les fabricants d’équipements développent également des plate-

formes numériques qui collectent et analysent les données trans-
mises par les capteurs afin de détecter l’état de l’équipement qui
conduira à une défaillance et d’estimer le temps restant avant que la
défaillance ne se produise.
GE a développé une plateforme, Predix, qui collecte les données

d’exploitation de ses clients. Grâce à des capteurs connectés, les clients
de GE envoient les données d’exploitation de leurs équipements (trains,
moteurs d’avion, etc.) à la plateforme. S’appuyant sur des algorithmes
d’intelligence artificielle, Predix analyse les données afin de détecter
d’éventuelles pannes. Une fois connectée aux équipements, la plateforme
peut également être utilisée pour améliorer leur performance (en identifiant
les opportunités de réduction de leur consommation énergétique par
exemple).
115
Donner une nouvelle vie aux produits grâce

au reconditionnement
■■ Le mobilier de bureau
Le mobilier de bureau est souvent remplacé à l’occasion d’un démé-
nagement, rarement parce qu’il a atteint sa fin de vie. Les fauteuils,
tables ou rangements de bureau qui sont mis au rebut ont souvent
une valeur résiduelle importante. Le mobilier de bureau usagé peut
être reconditionné pour tirer profit de cette valeur résiduelle. Par
exemple, une nouvelle vie peut être donnée à un fauteuil en retapis-
sant son siège et son dossier, en repeignant sa base et en remplaçant
son vérin et ses roulettes par des pièces neuves.
Quelques fabricants collectent, reconditionnent et revendent le
mobilier de bureau usagé. Wilkhahn reconditionne des fauteuils
usagés dans son usine de Bad Münder en Allemagne. En sept ans,
l’usine a reconditionné 20 000 exemplaires de son modèle de fau-
teuil FS.1 En Finlande, Martela reconditionne le mobilier usagé qui
est revendu dans l’un de ses cinq points de vente Martela Outlet. Au
Royaume-Uni, le fabricant Orangebox a confié à Premier Sustain le
reconditionnement de son fauteuil G64.
La vente de mobilier de bureau reconditionné pourrait repré-
senter 15 % du marché du mobilier de bureau aux États-Unis.2 En
Europe, elle est encore émergente. Pour rattraper une partie de ce
retard, la Commission européenne a publié en 2017 de nouveaux
critères en matière de marchés publics écologiques pour le mobilier
qui prennent en compte le mobilier reconditionné.
■■ Les équipements médicaux

Pour prolonger la durée de vie des appareils médicaux comme les
scanners ou les IRM, les fabricants, comme GE, Philips, Siemens ou
Toshiba commercialisent des appareils reconditionnés. Les hôpitaux
1 Wilkhahn.
2 BIFMA.
116
d’Amérique du Nord achètent à eux seuls la moitié de ces appareils

et réalisent ainsi d’importantes économies. Un appareil remis à neuf
coûte en effet de 20 % à 30 % moins cher qu’un appareil neuf à fonc-
tionnalités identiques.
Siemens propose des équipements médicaux tels que des systèmes
d’imagerie médicale reconstruits. Chaque équipement est reconditionné
suivant un processus en cinq étapes appelé Proven Excellence. Les
équipements reconditionnés bénéficient d’une garantie de 12 mois
(comme pour les équipements neufs), d’une disponibilité des pièces de
rechange de cinq années minimum pour un prix de 30 % inférieur à
l’équipement neuf.
■■ Les équipements électriques et électroniques1

Chaque foyer français possède en moyenne près d’une centaine
d’équipements électriques ou électroniques : ordinateurs, télévi-
seurs, réfrigérateurs, téléphones portables, etc.2 Et ce nombre risque
d’augmenter avec l’arrivée des casques de réalité virtuelle, des écou-
teurs sans fil ou des assistants vocaux. En conséquence, le taux de
croissance des déchets d’équipements électriques et électroniques
(DEEE) dans l’Union européenne est élevé : entre 3 et 5 % par an.3
Pour récupérer les matériaux de grande valeur contenus dans
les DEEE, l’industrie des équipements électriques et électroniques a
investi massivement dans des infrastructures de collecte et de recy-
clage. Mais aujourd’hui, les résultats sont décevants : en Europe,

seulement 35 % des déchets électroniques sont correctement col-
lectés par les systèmes de recyclage formels, tandis que les métaux
précieux sont presque entièrement perdus lors du recyclage.4
1 Fondation Ellen MacArthur.

2 Eco-Systèmes.
3 Eurostat.
4 Interpol.
117
Le recyclage des déchets « en bout de chaîne » ne doit pas être la

seule solution pour valoriser les produits électroniques et électriques
usagés. Lorsque cela est possible, ces produits doivent être recondi-
tionnés pour rester le plus longtemps en dehors du flux de déchets.
Quelques entreprises, des fabricants comme des start-up, col-
lectent, reconditionnent et revendent les équipements électro-
niques et électriques usagés pour récupérer leur valeur résiduelle.
Les équipements sont souvent remis en état suivant un procédé qui
comprend le test, le remplacement des pièces ou des modules défec-
tueux, le nettoyage et l’emballage. Par exemple Dyson, HP, Dell et
Lenovo vendent des équipements reconditionnés sur des sites de
vente en ligne dédiés. IBM Global Asset Recovery Services rénove
ses équipements informatiques depuis 30 ans. Envie en France ou
Norsk Ombruk en Norvège remettent en état les gros appareils élec-
troménagers.
Mais ce qui a longtemps été considéré comme un marché de
niche devient aujourd’hui une opportunité à part entière. Le mar-
ché du reconditionnement des smartphones devrait connaître une
croissance annuelle de 8,9 % entre 2017 et 2025.1 Pour capturer une
part de ce marché, des entreprises investissent dans des installations
industrielles pour reconditionner d’importants volumes d’équipe-
ments usagés. GameStop a investi dans un site de 17 000 m2 pour
restaurer les consoles de jeux.2 Anovo dispose d’installations indus-
trielles dans 11 pays pour reconditionner les appareils électroniques
comme les tablettes ou les décodeurs triple play.
Malheureusement, le reconditionnement des équipements élec-
triques a ses limites. La performance d’un appareil reconditionné ne
parvient pas toujours à égaler celle d’un appareil neuf. Par exemple,
avec les récentes améliorations des systèmes de pompe à chaleur,
l’achat d’un nouveau réfrigérateur peut être préférable à celui d’un
réfrigérateur reconditionné.
1 Persistence Market Research.

118
Libérer le potentiel sous-exploité du remanufacturing

■■ Les équipements industriels
Les pompes et des compresseurs industriels sont indispensables au
fonctionnement des usines. Ils assurent par exemple la circulation
de gaz réfrigérants ou d’air comprimé au sein des sites industriels.
Lorsqu’un compresseur arrive en fin de vie, la durée de vie restante
de certains de ses composants, comme le corps du compresseur, est
encore très élevée. D’autres composants ont une durée de vie plus
courte mais peuvent être facilement remis en état, comme le moteur
électrique.
Des fabricants de pompes et compresseurs collectent et remanu-
facturent leurs anciens équipements pour tirer profit de leur valeur
résiduelle. Trane remanufacture ses compresseurs dans son usine
de Charlotte depuis 1973. Chaque année l’usine remet en état en
moyenne 13 500 équipements. Atlas Copco a ouvert en 2009 à Gar-
land dans le Texas son premier Reman Center qui remet à neuf ses
pompes et ses moteurs. Pour répondre à une demande croissante,
le fabricant a ouvert des centres dans d’autres régions comme à
Satpayev, au Kazakhstan, pour servir l’industrie minière locale. Le
réseau Green Point assure le service après-vente du fabricant de
compresseurs Bitzer. Il dispose de 40 sites à travers le monde qui
révisent, réparent et remanufacturent les compresseurs usagés.
À l’image des pompes et des compresseurs, de nombreux équi-
pements industriels peuvent être remis à neuf comme les moteurs

électriques ou certains outils.
Sandvik Coromant est un fournisseur d’outils pour la transformation des

métaux : outils de tronçonnage, de filetage, de fraisage, de perçage, etc.
L’entreprise propose à ses clients un service de réaffutage de ses outils
fabriqués en carbure monobloc. Le client envoie ses outils usagés à Sandvik
Coromant dans une boîte de réaffutage qui les protègent lors du transport.
Des centres de réaffutage remettent à neuf les outils en reproduisant
...
119
... exactement leur géométrie et leur revêtement. Les outils réaffûtés

bénéficient du même contrôle des performances que celui des outils neufs.
Ils sont retournés au client avec une garantie identique à celle des outils
neufs mais à un coût au moins 40 % inférieur. Lorsque leur réaffutage n’est
plus rentable, ils sont recyclés.1
■■ Les composants automobiles
La procédure d’échange standard, réglementée en France depuis
1978, permet à un garagiste de vendre à son client, en échange d’un
composant usagé, un composant remis en état conformément aux
spécifications du fabricant. Le composant remis en état présente les
mêmes caractéristiques du composant neuf à un prix plus bas.
Depuis quelquefois plusieurs dizaines d’années, des constructeurs
automobiles et des équipementiers remettent à neuf les pièces usa-
gées issues des échanges standards. Renault, sur son site de Choisy-
le-Roi, ou le Groupe PSA, sur celui d’Hérimoncourt, remanufacturent
les moteurs et les boîtes à vitesses. Bosch commercialise une gamme
de démarreurs, d’alternateurs et d’étriers de frein remanufacturés. La
gamme Valeo Classic comprend des alternateurs et des démarreurs
remis en état destinés à équiper des véhicules de plus de dix ans
d’âge. Des entreprises de remanufacturing indépendantes proposent
également des composants automobiles remis à neuf. ACtronics
remanufacture les unités de commande électroniques, Cardone des
pompes à eau ou encore des moteurs électriques de lève-vitres.
Le marché du remanufacturing des composants automobiles
devrait connaître, en Allemagne, une croissance annuelle de 7,9 %
entre 2016 et 2024.2
1 Sandvik Coromant.
2 Persistence Market Research.
120
Réutiliser plutôt que recycler

■■ Les matériaux de construction
Broyer le gypse, concasser le béton, fondre le métal : le recyclage des
matériaux de construction consomme beaucoup d’énergie. Pourtant
de nombreux matériaux pourraient être réutilisés plutôt que recyclés.
En effet si la durée de vie de certains matériaux de construction,
comme les revêtements de sol, n’est que de quelques années, celle
d’autres, comme les structures métalliques, est de plusieurs cen-
taines d’années et bien supérieure à la durée de vie du bâtiment
lui-même. Ainsi, la structure métallique ou les briques des bâti-
ments en fin de vie pourraient être réemployées dans la construc-
tion de bâtiments neufs.
Le réemploi des matériaux suppose que le bâtiment ne soit pas
démoli mais désassemblé. Cette opération n’est rentable financiè-
rement que si le bâtiment a été conçu en vue du désassemblage,
ce qui est encore rarement le cas. Aux Pays-Bas, le Park 20/20 a été
conçu en vue de son désassemblage. Il n’utilise que des matériaux
de construction réutilisables ou recyclables, que ce soit pour les
murs, la toiture, les revêtements extérieurs, les fenêtres ou encore
les sols. Construits à partir de matériaux réutilisables, les bâtiments
deviennent des banques de matériaux. Le projet BAMB (Buildings
As Material Banks), financé par l’Union européenne, développe des
outils pour faciliter le réemploi des matériaux de construction.
S’il est possible de réutiliser des matériaux de construction, pour-

quoi ne serait-il pas possible de réutiliser des composants entiers ? Au
Japon, la société Sekisui House fabrique des maisons configurables
qui peuvent être facilement désassemblées sur site puis démontées
en usine. Les composants sont ensuite revendus à des clients qui
souhaitent s’acheter une maison à moindre coût en réutilisant des
composants.
L’utilisation de composants modulaires réutilisables permet de
réduire la production de déchets non seulement durant la phase de
121
déconstruction mais aussi durant celle de construction. En indus-

trialisant en usine le procédé de fabrication, les déchets générés lors
de la construction sont considérablement réduits. Actuellement,
entre 10 et 15 % des matériaux amenés sur un chantier de construc-
tion deviennent des déchets sans avoir été utilisés. En Espagne,
ArcelorMittal a conçu des modules métalliques pour construire dif-
férents modèles de maisons (appelés b home) et de bureaux (appelés
b office). Les modules sont fabriqués en usine et assemblés sur le site
de construction.
Dans la région de Hunan en Chine, Broad Sustainable Building a construit

un immeuble de 57 étages en seulement 19 jours grâce à la construction
préfabriquée. La construction préfabriquée a permis de réaliser 90 % des
opérations de construction en usine. Elle permettrait d’allonger la durée de
vie des bâtiments de 10 à 15 ans, de réduire les coûts de construction de
30 % et les déchets de construction de 80 %.1
La construction d’un bâtiment en utilisant des composants

modulaires facilite également sa rénovation. L’entreprise DIRTT
(Doing It Right This Time) fabrique en usine des composants modu-
laires pour l’aménagement intérieur des bâtiments. Ces aménage-
ments peuvent être facilement montés, démontés ou reconfigurés
lors de la rénovation d’un bâtiment.
L’utilisation de composants modulaires permet également de
modifier l’usage d’un bâtiment, en transformant des bureaux en
logements par exemple. Aux Pays Bas, l’hôpital Martini à Gronin-
gen est équipé d’un système de cloisons modulaires qui permet de
modifier facilement l’aménagement intérieur.
Le BIM (Building Information Modeling) facilitera sans doute la
réutilisation de matériaux de construction. Le BIM est une représen-
tation numérique des caractéristiques physiques et fonctionnelles
122
d’une installation. Il sert de plateforme de partage de connaissances

et de données en plus d’être un outil d’aide à la décision durant le
cycle de vie de l’installation.
L’économie circulaire va probablement avoir d’importants
impacts sur le secteur de l’ingénierie et de la construction (voir
interview de Fabrice Bonnifet), secteur pour lequel la productivité
n’a quasiment pas progressé durant les 50 dernières années.1
Avis d’expert
FABRICE BONNIFET, Directeur Central
Développement Durable de Bouygues
QUELLES SONT LES INITIATIVES DU COMMENT VOTRE GROUPE
GROUPE BOUYGUES EN FAVEUR DE ACCOMPAGNE-T-IL LE SECTEUR
L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE ? DE LA CONSTRUCTION VERS
L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE ?
« Pour chacun de ses métiers, le
Groupe Bouygues a défini une stra- « Le secteur de la construction
tégie de transition vers l’économie est comme les autres secteurs
en retard dans sa transition vers
circulaire qu’il met en œuvre pro-
l’économie circulaire compte
gressivement au travers de nom-
tenu des objectifs de réduction de
breuses initiatives. Par exemple,
CO2 de l’humanité. Les modèles
Bouygues Telecom s’est associé à
constructifs actuels sont les prin-
Recommerce pour reconditionner
cipaux responsables de ce retard.
les smartphones usagés collectés
Par exemple, aujourd’hui encore,
par le réseau commercial. Colas
les bâtiments sont construits en

utilise le fraisat, issu de la rénova- mélangeant des matériaux de
tion des chaussées usagées, pour construction qui sont de fait diffi-
construire de nouvelles routes. Bou- ciles à séparer et à recycler en fin
ygues Construction étudie la fai- de vie.
sabilité d’utiliser la terre crue issue Pour accélérer la transition vers
des terres excavées des tunneliers l’économie circulaire, nous voulons
pour construire des logements… » transformer ces modèles constructifs.
...
123
...
Par exemple, le recyclage des L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE VA-T-
matériaux pondéreux comme ELLE MODIFIER NON SEULEMENT
le plâtre ou le béton progresse LA CONSTRUCTION MAIS AUSSI
L’USAGE DES BÂTIMENTS ?
mais plus de 50 % de ce qui est
« Oui. Nous étudions actuellement
récupéré lors de la fin de vie des
ouvrages n’est pas recyclé. Dans de nouveaux modèles comme la
le futur, nous construirons chaque vente de l’usage ou le partage.
nouveau bâtiment comme une Par exemple nous avons démarré
banque de matériaux en documen- à Lyon la construction du premier
tant les matériaux utilisés à l’aide BHEP, Bâtiment Hybride à Écono-
mie Positive. Ce bâtiment est auto-
d’une maquette numérique. Une
producteur de flux d’énergie, d’eau
fois que le bâtiment arrivera en fin
et de chaleur qu’il peut consommer
de vie, ses composants pourront
ou vendre aux bâtiments voisins. Il
être recyclés ou réutilisés pour
est également conçu pour faciliter
fabriquer de nouveaux bâtiments.
la mutualisation des espaces com-
Nous voulons également faciliter le
muns et des ressources. Le BHEP
réemploi des éléments finis comme
vise à augmenter le taux d’usage
les portes ou les faux planchers. des bâtiments tertiaires qui s’élève
Nous allons mettre en place une actuellement à seulement 30 %.
plateforme numérique, appelée Nous envisageons également de
New Life, qui mettra en relation les construire des bâtiments dont
bâtiments donneurs, qui possèdent nous vendrons l’usage aux clients
des éléments finis, avec des bâti- et les matériaux à des partenaires
ments preneurs, qui en ont besoin. financiers.
Cette plateforme s’appuiera sur Nous ne sommes qu’au début d’une
des artisans qui pourront remettre transition qui prendra du temps
en état, si nécessaire, les éléments mais transformera de façon irréver-
usagés. » sible le secteur de la construction. »
■■ Les dispositifs médicaux à usage unique

Les hôpitaux français produisent 700 000 tonnes de déchets par
an, soit près de 3,5 % de la production nationale. Les dispositifs
médicaux à usage unique, qui ont progressivement remplacé les dis-
positifs médicaux réutilisables, sont responsables en partie de ces
importantes quantités de déchets. En France, une fois utilisé, un dis-
124
positif médical à usage unique, dont le prix peut s’élever à plusieurs

milliers d’euros, est incinéré. Sa réutilisation après stérilisation est
interdite. Pourtant elle est autorisée, et réalisée sous certaines condi-
tions, dans d’autres pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou
les États-Unis.
Le marché des dispositifs médicaux retraités devrait connaître
une croissance annuelle de 14,9 % entre 2016 et 2024, croissance
qui devrait surtout profiter à l’Amérique du Nord.1
■■ Les pièces de rechange

Les fabricants doivent souvent constituer d’importants stocks de
pièces détachés pour assurer le service après-vente de leurs produits.
Pourtant il existe déjà un très important stock de pièces détachées :
dans les équipements en fin de vie.
Pour réduire le coût et améliorer la disponibilité des pièces de
rechange, des entreprises et des industries cherchent à mieux tirer
profit du gisement des pièces détachées de réemploi. Indra, une
filiale de Renault qui anime un réseau de 400 démolisseurs auto-
mobiles, a constitué un stock de pièces détachées de réemploi. Ces
pièces, dont le coût est nettement plus faible que celui des pièces
neuves, sont adaptées à la réparation des véhicules anciens. 75 %
des pièces détachées utilisées par Google pour réparer les serveurs
de ses centres de données sont des pièces de réemploi.2 Une expéri-
mentation conduite par Envie, une entreprise d’insertion, a montré
que la mise en place d’une filière de démontage, de test et de mise

en vente de pièces détachées de gros électroménager pouvait être
financièrement viable.3
1 Transparency Market Research.

2 Google.
3 ADEME.
125
Dans le cadre de contrats d’entretien, Engie maintient les chaudières

de ses clients. Lorsqu’une chaudière arrive en fin de vie, Engie la remplace,
récupère ses pièces détachées réutilisables et fait recycler celles qui ne le
sont pas. Engie peut ainsi proposer à ses clients de réparer leur chaudière
avec des pièces détachées de réemploi dont le coût est 65 % inférieur
à celui des pièces neuves.
La récupération de pièces détachées sur des équipements en fin de

vie pourrait être facilitée en concevant des équipements en vue du
désassemblage. Par exemple des cartes de circuits imprimés solubles
faciliteraient la récupération de leurs composants.
■■ Les emballages
La part de marché des emballages réutilisables est souvent non seu-
lement faible mais également en décroissance. En Suède, la part des
emballages pour boissons réutilisables a diminué de plus de 20 %
entre 2000 et 2006.1 En France, la part de marché des bouteilles
consignées aurait perdu 8 % entre 2000 et 2014 dans les cafés, hôtels
et restaurants.
Pourtant les emballages réutilisables présentent de nombreux
avantages à commencer par leur coût plus faible. Par exemple le
remplacement de bouteilles de bière en verre à usage unique par des
bouteilles en verre réutilisables permet de réduire les coûts d’embal-
lage de 20 %.2
Quelques entreprises veulent relancer les emballages ménagers
réutilisables. En Finlande, les produits achetés en ligne peuvent être
livrés dans les emballages réutilisables de la société Repack. Une fois
le colis reçu, l’emballage doit être déposé dans une boîte aux lettres
pour qu’il soit retourné à Repack puis réutilisé.
1 AGVU.
126
Heineken utile des bouteilles consignées pour son réseau de distribution

de consommation hors domicile. Les bouteilles sont livrées aux bars, cafés
et restaurants. Une fois consommées, elles sont récupérées en brasserie,
nettoyées puis remplies à nouveau. Le coût de gestion d’un parc de bouteilles
consignées est souvent élevé en raison d’un taux de perte important. Aussi
Heineken utilise de nouvelles bouteilles, appelées FOBO pour FOrwardable
BOttle, dont chaque exemplaire est muni d’un code unique. Grâce à ce code,
Heineken peut mieux suivre le flux de ses bouteilles consignées.
Les emballages industriels réutilisables sont également peu répan-

dus. Pourtant un système d’emballages réutilisables est plus facile
à mettre en place entre quelques industriels et distributeurs plutôt
qu’avec un très grand nombre de consommateurs. En Belgique, le
distributeur Delhaize utilise des bacs en plastique réutilisables, mis
à disposition par Euro Pool System, pour la livraison de ses produits
frais. Les bacs circulent entre 300 fournisseurs, le centre de distri-
bution de Delhaize, ses 800 magasins et le centre de service d’Euro
Pool System. M&S transporte 70 % de ses produits alimentaires à
l’aide d’emballages réutilisables.1 Frito-Lay utilise en moyenne cinq
fois ses emballages en carton pour les livraisons à ses distributeurs.
Aldi, AkzoNobel ou Budweiser utilisent des emballages réutilisables
pour remplacer les films étirables en plastique utilisés pour mainte-
nir les marchandises sur les palettes lors du transport et du stockage.
Braiform propose aux fabricants et distributeurs de vêtements un

programme de réutilisation des cintres. Lors de la vente d’un vêtement,
le distributeur collecte le cintre dans un container. Une fois rempli,
le container est retourné à Braiform. Les cintres sont triés, nettoyés
et reconditionnés puis ils sont envoyés aux fabricants de vêtements.
Les cintres qui ne peuvent pas être réutilisés sont recyclés pour la fabrication
de nouveaux cintres. En 2014, l’entreprise avait collecté 540 millions
de cintres dont une majorité, 430 millions, avait été réutilisée.
1 M&S.
127
Bénéfices
Réduire l’impact sur l’environnement
En utilisant d’anciens produits pour fabriquer des produits remis
à neuf, le prolongement de la vie des produits réduit à la fois la
consommation de ressources et la production de déchets. Par
exemple la fabrication d’un moteur automobile remanufacturé
consomme jusqu’à 90 % de matières en moins et produit jusqu’à
88 % de déchets en moins que celle d’un moteur neuf.1
Le prolongement de la durée de vie réduit également l’empreinte
carbone des produits. L’utilisation par exemple d’un smartphone
une année supplémentaire réduit son empreinte carbone de 31 %.2
Heineken réduit les émissions de CO2 de 74 % en remplaçant ses
bouteilles à usage unique par des bouteilles réutilisables. Le prolon-
gement de neuf mois de la durée de vie d’un vêtement couramment
utilisé réduirait son empreinte carbone de 20 à 30 % environ.3 Le
remanufacturing d’un compresseur émet entre 89 et 93 % de gaz à
effet de serre en moins que le manufacturing d’un compresseur neuf.4
Réduire le coût total de possession des équipements

Le coût d’achat d’un équipement industriel, même très élevé, ne
représente souvent qu’une part limitée de son coût total de posses-
sion. Le coût total de possession, qui correspond à la somme des
dépenses sur l’ensemble de la vie de l’équipement, inclut également
les coûts de remplacement des consommables (comme les pneuma-
tiques pour les équipements de chantier), les coûts énergétiques ou
encore les coûts de maintenance. Par exemple, le coût d’acquisition
d’un train ne représente que 10 % de son coût total de possession.5
1 Journal of Industrial Ecology.

2 Green Alliance.
3 Wrap.
4 International Journal of Sustainable Manufacturing.
5 Journal of Remanufacturing.
128
Des fournisseurs d’équipements proposent à leurs clients des

offres de maintenance préventive pour réduire le coût total de pos-
session de leurs équipements. Pour cela, ils utilisent des capteurs,
qui collectent les données de fonctionnement de leurs équipe-
ments, et des plateformes, qui stockent et analysent ces données.
Par exemple, ayant équipé ses roulements à billes de capteurs, SKF
propose à ses clients des services de maintenance de ses roulements
mais aussi des équipements qui les utilisent. L’analyse des données
de fonctionnement peut parfois permettre de réduire, en plus des
coûts de maintenance, les coûts énergétiques.
Komatsu est un fabricant d’engins de construction et d’exploitation

minière. Pour aider ses clients à réduire le coût total de possession de leurs
équipements, l’entreprise propose de suivre à distance leurs engins à partir
d’un système baptisé Komtrax. Chaque engin est équipé de capteurs qui
collectent des données sur l’utilisation du moteur, la consommation de
carburant ou la localisation de l’engin. Les données collectées sont transmises
par satellite à un système centralisé. Le système analyse les données de
fonctionnement de l’engin afin de prévenir d’éventuelles pannes.
Une fois la plateforme alimentée par les données de fonction-

nement d’un équipement, le fournisseur peut offrir, en plus d’un
service de réduction du coût total de possession, un service d’amé-
lioration de l’efficacité de l’équipement. Il peut par exemple amélio-
rer l’efficacité d’un outil en la comparant à celle d’outils similaires

chez d’autres clients.
Pour les fabricants d’équipements, l’offre de réduction du coût
total de possession puis celle d’amélioration de la productivité de
l’équipement constituent un avantage concurrentiel important sur
leurs concurrents. En effet ils sont capables d’optimiser, mieux que
leurs clients et quelquefois à des milliers de kilomètres, la dispo-
nibilité de leurs équipements. Plus le parc équipements suivis est
important, plus le fabricant peut améliorer ses analyses prédictives,
son offre de service et la conception de ses nouveaux produits.
129

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