Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
"mini-armes nucléaires"
WASHINGTON, 16 juin 2004 - Le Sénat des Etats-Unis a apporté mardi son
soutien à un projet de recherches de l'administration Bush sur une nouvelle
génération d'armes nucléaires à la puissance limitée.
Les sénateurs ont rejeté par 55 voix contre 42 un amendement démocrate visant
à annuler 36,6 millions de dollars de financement des études de ces "mini-armes
nucléaires" d'une puissance deux fois moins importante que la bombe atomique
lancée sur Hiroshima et surnommées "casseurs de bunker".
L'an passé, elle avait obtenu du Congrès qu'il annule un moratoire de dix ans sur
les recherches concernant ces armes nucléaires d'une puissance inférieure à cinq
kilotonnes.
Les démocrates estiment cependant que la seule mise à l'étude de ces armes ferait
évoluer la doctrine nucléaire militaire de la dissuasion à un emploi "tactique" et
inciterait les adversaires des Etats-Unis à développer des armes similaires.
"Le spectre d'une guerre nucléaire s'annonce de façon plus menaçante avec les
déclarations inquiétantes de hauts responsables de l'administration Bush qui
considèrent en fait que ces nouvelles armes seraient davantage 'utilisables'", a
souligné le sénateur Edward Kennedy, élu du Massachusetts.
C'est une bombe : effilée - 3,59 mètres de long sur 34 centimètres de diamètre -,
légère - 315 kilogrammes -, puissante - de 300 tonnes équivalent TNT à 340
kilotonnes, selon le réglage. Larguée à très haute altitude, son "nez" durci lui
permet de pénétrer dans le sol jusqu'à 6 mètres de profondeur, où elle explose
alors. Idéale pour détruire les bunkers ou les usines chimiques enterrées.
Particularité : la B61-11 est une bombe atomique à base de plutonium. Elle
constitue la seule arme nucléaire qui soit entrée dans l'arsenal américain depuis
1989. Officiellement en 1997, pour être portée par le bombardier "invisible" B-2,
qui est lui-même opérationnel pour une mission nucléaire depuis avril 1997. On
l'appelle "mininuke", parce que sa plus basse puissance de 300 tonnes de TNT
paraît minime comparée, par exemple, aux 13 kilotonnes de la bombe de
Hiroshima.
Dans le National Journal du 8 septembre, avant les attentats contre les Etats-Unis,
Paul Robinson, directeur du Sandia National Laboratories (un des laboratoires de
conception des armes nucléaires), expliquait : "Nous avons besoin d'armes
nucléaires à faible puissance, qui pourraient tenir en respect des Etats voyous."Et
de préciser : "Lors de la guerre avec la Serbie... nous avons attaqué les cibles
souterraines avec des armes conventionnelles qui ont eu très peu d'effet."
L'administration Bush, sans insister sur cette possibilité, ne Veut pas l'exclure
absolument. C'est la règle de la dissuasion : ne dites surtout pas ce que vous ne
ferez jamais, mais dites que vous êtes capable de le faire. Le 28 septembre, le
Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a adressé un mémorandum aux
parties prenantes du conflit s'amorçant en Afghanistan. Cette démarche,
habituelle en cas de guerre, vise à rappeler aux belligérants les contraintes du
droit humanitaire. Dans son texte, le CICR indiquait : "L'arme nucléaire est
incompatible avec le droit international humanitaire."La représentation
américaine à Genève a immédiatement protesté, exigeant que cette phrase soit
ôtée. Motif invoqué : le droit international n'interdit pas le recours à l'arme
nucléaire.
En fait, ce point n'est pas tranché : dans une"opinion" rendue le 8 juillet 1996, la
Cour internationale de justice n'a pu se départager sur la question, sept juges
estimant que l'arme nucléaire est légale, sept autres étant d'un avis contraire.
Quoi qu'il en soit, le CICR a adressé, le 5 octobre, aux parties un nouveau
mémorandum ne mentionnant pas les bombes atomiques. Lors de la guerre du
Golfe, le CICR avait envoyé aux belligérants un mémorandum similaire,
mentionnant que l'arme nucléaire ne devait pas être utilisée. A l'époque, le texte
n'avait pas suscité de réaction des Etats-Unis.
Depuis cette époque, la doctrine sur l'utilisation tactique des armes nucléaires a
évolué. Jusqu'alors, les présidents américains avaient maintenu l'engagement
pris en 1978 par Jimmy Carter de ne pas utiliser l'arme nucléaire à l'encontre
d'Etats n'en disposant pas. Mais, avec l'effondrement de l'URSS en 1991, la
préoccupation militaire de Washington s'est déplacée vers les "Etats voyous",
jugés capables d'utiliser des "armes de destruction massive", pas forcément
nucléaires. Plusieurs rapports ont souligné l'utilité de l'arme atomique tactique,
c'est-à-dire employée sur le champ de bataille.
Deux exemplaires de la GBU 28 allaient être largués depuis des avions F-111 en
Irak. L'un est réputé avoir atteint son but, mais on ne sait pas avec quelle
efficacité. Toujours est-il que, dans les années suivantes, le Los Alamos Scientific
Laboratory allait développer la B61-11, dont il semble que le projet ait été lancé
en 1989.
Même s'il est difficile, dans un domaine où, par définition, les données et les
discussions techniques sont peu ouvertes, d'évaluer l'intérêt militaire des bombes
pénétrantes "mininuke" par rapport à leurs rivales type GBU 28, la différence
apparaît criante. Les "mininukes" sont plus légères : de l'ordre de 300
kilogrammes contre 2 tonnes. Mais, surtout, le saut est radical quant à la
puissance explosive : la GBU 28 représente, avec ses 306 kilogrammes d'explosif
tritonal, de l'ordre de 385 kg de TNT. Près de mille fois moins que la B61-11, dont
la puissance la plus basse est de l'ordre de 300 tonnes de TNT !
La position adoptée par Bill Clinton en 1997 n'a pas été modifiée par la suite. En
janvier 2001, un rapport du National Institute for Public Policy, un "think tank"
spécialisé sur les questions stratégiques, réaffirmait l'utilité d'armes nucléaires
légères : "Dans le futur, les Etats-Unis peuvent avoir besoin de déployer des armes
nucléaires simples, à faible puissance et guidées avec précision pour un usage
possible contre des cibles particulières et renforcées telles que des usines
souterraines d'armes biologiques."
MAIS, explique un expert français, "il est normal qu'en cas d'intervention les
militaires proposent au président l'ensemble des possibilités imaginables. Pour
autant que j'aie pu le comprendre de mes contacts à Washington, l'option
nucléaire a été résolument écartée par Bush". Hans Kristensen confirme : "Je
pense qu'aucune personne responsable à Washington n'imagine utiliser les armes
atomiques dans la présente situation en Afghanistan. Le seul scénario possible
serait que les Etats-Unis soient convaincus que quelqu'un s'apprêterait à lancer
une arme nucléaire ou biologique depuis une position connue, et que le seul
moyen de l'empêcher serait de nucléariser cette installation."Mais, poursuit
Kristensen, "la réelle question est celle-ci : puisqu'aucun responsable ne
considère sérieusement d'utiliser l'arme nucléaire au niveau actuel des hostilités,
pourquoi la politique nucléaire l'envisage-t-il quand même ?"
Hervé Kempf
"Une étude est en cours" et sera remise au Congrès le 1er juillet prochain, a
déclaré mardi un porte-parole du Pentagone, le lieutenant-colonel Steve
Campbell.
Le porte-parole a précisé que l'étude portait sur les différents moyens de "vaincre
des cibles +durcies+ et profondément enfouies et des stocks d'agents chimiques et
biologiques".
L'étude a été demandée l'an dernier par le Congrès dans son projet de loi de
finances pour 2001, suite à un amendement des sénateurs républicains John
Warner et Wayne Allard. Elle est menée avec le département de l'Energie, qui est
responsable de la gestion des stocks nucléaires américains.
Dans une étude rédigée pour la FAS, le physicien Robert Nelson, chercheur à
l'université de Princeton (nord-est), rejette l'hypothèse d'"armes nucléaires de
faible puissance pénétrant la terre" comme doublement dangereuse, en matière
de contamination locale et de prolifération.
Selon lui, il est d'abord "illusoire" pour des raisons techniques de penser que ces
armes pourraient pénétrer très profondément sous terre : elles créeraient donc,
en explosant près de la surface, un cratère dispersant un nuage radioactif mortel
pour les populations civiles.
"Aucun missile creusant sous terre ne peut pénétrer assez profondément pour
contenir une explosion d'une puissance même équivalente à seulement 1% de la
bombe de 15 kilotonnes d'Hiroshima. L'explosion projette tout simplement des
déchets radioactifs" qui pleuvent sur la région attaquée, écrit Robert Nelson.
Ce serait le cas, précise-t-il, avec des armes déjà existantes, comme les bombes
conventionnelles guidées GBU-28, capables de percer béton et acier à 10 mètres
sous terre, et GBU-37, qui pourrait pénétrer les silos de missiles balistiques, ou
encore la mini-bombe nucléaire B61-11 lancée en haute altitude et qui ne
pourrait percer que quelques mètres.
Aucune nouvelle arme nucléaire n'a été développée aux Etats-Unis depuis 1990.
Et le moratoire sur les expériences nucléaires qu'a décrété le président Bill
Clinton en 1992 est toujours respecté, malgré le refus du Sénat, fin 1999, de
ratifier le traité sur l'interdiction des essais nucléaires (CTBT).
-------> Les essais nucléaires ne sont plus nécessaire