Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Fayard
Sommaire
Couverture
Présentation
Page de titre
Au lecteur
Première Partie
Massacre de Go Su.
L’opération « Tigre de Mer ».
Deuxième Partie
La guerre chimique
I. — L’accusation vietnamienne
A. — Desseins et procédés des impérialistes américains
Vietnam.
DOCUMENTS ANNEXES
III
D. — Conclusion
DOCUMENT ANNEXE
1969.
Introduction.
Historique.
A) DEFOLIATION.
B. — LA GUERRE ANTIRECOLTES
D. — GAZ TOXIQUES
bactériologique
Troisième Partie
Les hélicoptères.
Un véritable arsenal.
B. — LES BOMBARDEMENTS
Une stratégie calculée. Vers le biocide ?
En guise de conclusion
L’OCCUPATION AMERICAINE
CONCLUSION
Notes
Copyright d’origine
Achevé de numériser
La préparation et la publication de ce livre ont été décidées par les
Assises nationales pour le Vietnam qui se sont tenues le 13 et 14 décembre
1969, à l’appel de plus de trente-cinq organisations.
1°) Son My 1.
« Le 16 mars 1968, les Américains après avoir fait irruption dans notre
hameau ont incendié les maisons. Les soldats allaient d’abri en abri, ils
lançaient des gaz lacrymogènes, des explosifs et tiraient à la mitraillette. La
majorité des personnes qui s’étaient réfugiées dans les abris, vieillards,
femmes et enfants, ont été tuées.
« Mme Vo Thi Mai, 35 ans, qui venait d’accoucher, a été ce jour-là violée
et tuée. L’enfant, qui n’avait que 10 heures d’existence, est resté sans lait.
Mme Vo Thi Mai avait trois autres enfants en bas âge.
« Mme Vo Thi Phu 30 ans a été tuée au moment où elle allaitait son
enfant. Les GI’s ont recouvert son corps de chaume et l’ont fait brûler. La
mère serrait encore son enfant contre elle.
« Au cours de ce massacre, 87 personnes de notre hameau ont été tuées, 9
blessées. Parmi les victimes : 9 vieillards, 55 enfants de 1 à 15 ans et une
femme enceinte. 304 maisons incendiées. »
La vérité s’est fait jour lentement. Dès mai 1968, les documents
vietnamiens en donnaient connaissance :
« Le journal Sud-Vietnam en lutte (N° 14 du 15 mai 1968) rédigé en
français, a consacré deux colonnes de sa page 5 à l’affaire. Il reprenait un
communiqué envoyé à l’agence Giai Phong par le comité du F.N.L. de la
province de Quang Ngai. Auparavant, le même texte avait été présenté à
Paris par le Bulletin du Vietnam édité par la Délégation Générale de la
R.D.V. en France (N° 155, pages 8 et 9). Il fut à nouveau question du
massacre dans le rapport lu à Grenoble lors de la conférence mondiale des
juristes pour le Vietnam (6-10 juillet 1969) par Mme Truong Thu Hue,
membre du F.N.L. (version française, p. 10) (Le Monde, 23-24 novembre
1969, Jacques Decornoy).
« Le fait principal que je voudrais souligner c’est que tous mes amis
et moi-même qui sommes sortis de là, nous rejetons l’idée que Son My
était un cas isolé. C’est une pratique courante. »
*
• Témoignage du Major Thomas Loflin.
— Bien Hoa est un des six camps de prisonniers du Sud (Le Monde, 4
décembre 1969). Il renferme quelques milliers d’hommes dont beaucoup
sont mutilés, 137 femmes et plus de 1 500 enfants âgés de 12 à 17 ans.
— Les femmes sont enfermées dans plusieurs prisons. Voici ce qui s’est
passé dans celle de Thu Duc :
*
Le 22 août 1969, une autre vague de répression a été lancée dans la
prison de Thu Duc. Nguyen Thi Xuan Lau, originaire de Son Hoi, district
de Son Tinh, province de Quang Ngai, arrêtée à Saigon et détenue salle 7,
camp H de la prison, depuis le 2 mars 1968, a été battue à mort.
Dans l’après-midi du 23 août, une compagnie de police de combat a fait
irruption dans la cellule de Nguyen Thi Xuan Lau et frappé 18 femmes
détenues dans cette cellule. Ces policiers ont tenté d’obliger 350 autres
détenues à quitter la prison de Thu Duc, pour les conduire à la prison de Chi
Hoa (Saigon). Les prisonnières ne voulant pas se laisser diviser ont refusé.
Alors on a lâché sur elles les chiens policiers. Quatre femmes ont été tuées
et beaucoup d’autres blessées par les chiens.
Mais avec courage, les emprisonnées de Thu Duc ont continué à lutter à
l’intérieur même de la prison. Ainsi elles ont organisé une cérémonie à la
mémoire de leurs compagnes assassinées. Elles ont condamné leurs
bourreaux, appelé la population à leur secours.
Effrayé, le directeur de la prison a envoyé sur place des renforts de
marines et de policiers pour réprimer ces manifestations. Pendant deux
jours entiers, une répression atroce s’est abattue sur les détenues. Des
dizaines de femmes ont été tuées, des centaines blessées. La vie de toutes
ces femmes est sérieusement menacée.
A la Conférence de Paris, Mme Nguyen Thi Binh en a appelé à l’opinion
publique pour que ces crimes soient dénoncés, pour que les détenues soient
remises en liberté 3.
Pour certains de ces massacres, nous avons des récits circonstanciés qui
s’ajoutent à ceux de Son My :
Massacre de Go Su.
Ce massacre s’est produit au début du mois d’octobre 1969. Une
opération de ratissage a été lancée contre les communes de Nghia Tho,
Nghia Lam, Nghia Thang.
Dans la seule commune de Nghia Thang, les Américains et les fantoches
ont assassiné 77 civils, pour la plupart des femmes et des enfants. Après
avoir poussé 227 personnes dans un abri, ils y ont fait exploser des grenades
et tiré sur ces victimes. De nombreux vieillards ont trouvé la mort. Dans le
même temps, les soldats américains et leurs valets refoulaient la population
vers la zone de concentration de Go Su. Tous ceux qui refusaient
d’obtempérer ont été sauvagement frappés et emmenés de force.
Les habitants des villages évacués ont essayé de résister. Le 5 octobre
1969 le tortionnaire Nguyen Hiep a rendu visite aux déportés et sous
prétexte de les soigner leur a fait absorber du poison. En deux jours 197
personnes sont mortes en proie à de violentes convulsions.
A la suite de ces crimes, les soldats U.S, et leurs agents ont réprimé
impitoyablement le mouvement de revendication des déportés de Go Su qui
demandaient des dédommagements et le retour dans leurs villages. On les a
mitraillés. Au total, 300 personnes ont été massacrées à Go Su 6.
I. — L’accusation vietnamienne
SUPERFICIE NOMBRE DE
ANNEE ATTEINTE (en PERSONNES
hectares) INTOXIQUEES
1969 (de janvier à
octobre) 905 780 285 740
DOCUMENTS ANNEXES
Le riz et les autres cultures ont également subi des dégâts importants. Des
centaines de milliers de cocotiers qui survivent encore dans la commune
d’An Huu ont été si gravement touchés qu’ils ne donnent plus ni fleur ni
fruit.
Dix, quinze ans, ou même plus seront nécessaires à la restauration des
cocoteraies et des vergers. Des centaines de poules ne pondent plus, un
grand nombre de poussins sont morts. Les habitants intoxiqués sont
fatigués, mal à l’aise, ou tombent malades pendant plusieurs jours. La
destruction des cultures crée une grave pénurie de vivres qui affecte
sérieusement la vie de la population, particulièrement celle des femmes en
couches et des enfants.
— Hévéas : A Gia Lai, en octobre 1966, les Américains ont largué des
produits chimiques toxiques sur les plantations d’hévéas (Trung Bo central)
faisant périr des hévéas sur une superficie totale de 1 000 ha.
Au Nam Bo central, environ 30000 ha de plantations d’hévéas ont été
endommagées.
En étudiant les effets des produits chimiques toxiques américains sur les
plantes cultivées et les cultures, on constate que les impérialistes américains
cherchent par tous les moyens à détruire totalement les plantes agricoles et
industrielles nécessaires à assurer la vie quotidienne de la population sud-
vietnamienne.
En utilisant les produits chimiques toxiques, les Américains nourrissent
le sombre dessein de priver de nourriture et de vêtements la population des
zones libérées du Sud-Vietnam afin de l’obliger à venir s’installer dans la
zone provisoirement occupée par eux.
II
III
Effets des produits chimiques toxiques dénommés « herbicides »
sur les femmes enceintes (effets tératogènes)
Selon le rapport spécial n° A-7-75 du 1er juillet 1969 sur les armes
chimiques et bactériologiques, rédigé par des spécialistes de différentes
nationalités, voici un tableau récapitulatif :
D. — Conclusion
Pour atteindre leur objectif d’agression au Sud-Vietnam les impérialistes
américains ont investi tout leur potentiel économique et militaire et, en
même temps, ils ont pris les mesures les plus barbares pour dévaster les
villages et massacrer la population. L’un des procédés les plus cruels qu’ils
appliquent au Sud-Vietnam, c’est la guerre chimique.
Effectués en même temps que les bombardements, les épandages de
produits chimiques toxiques et de gaz toxiques ont dévasté et transformé en
déserts de vastes régions du Sud-Vietnam, intoxiqué plus d’un million de
personnes (dont plusieurs milliers sont mortes). Les produits chimiques
toxiques américains ont également des effets très nocifs sur les êtres
humains, les animaux, les végétaux et les conditions d’existence de
l’homme dans l’immédiat et dans le futur, et certains de ces effets sont
encore imprévisibles pour le moment. Les impérialistes américains ont
abusé de la science avancée de l’humanité en la mettant au service de leurs
buts d’agression. En même temps, le Sud-Vietnam est utilisé comme banc
d’essai pour leurs armes chimiques, destinées à réprimer les mouvements de
libération nationale dans d’autres parties du monde.
Le Vietnam possède des forêts tropicales ; certaines sont des forêts
vierges, d’où leur utilité pour les recherches scientifiques mondiales.
La guerre chimique que mènent les impérialistes américains au Sud-
Vietnam sur une vaste échelle, avec un degré d’atrocité encore jamais
atteint, est non seulement un crime impardonnable commis envers le peuple
vietnamien, mais c’est également un crime barbare contre la nature, la
science et la civilisation humaines, un crime envers les mouvements de
libération nationale et la paix mondiale.
Sur le plan juridique, le Tribunal international Bertrand Russell, lors de
sa seconde session (Roskilde, Danemark, décembre 1967), l’Association
internationale des Juristes démocrates réunie à Grenoble en juillet 1968 et
lors de plusieurs rencontres, notamment à Cuba, en R.D.A., au Japon, etc.
ont analysé minutieusement et condamné sévèrement les actes du
gouvernement américain pour la violation par celui-ci de tous les principes
du droit international, et notamment celui portant interdiction de l’emploi
des produits chimiques et des gaz dans la guerre, et pour le crime de
génocide commis par les Etats-Unis au Vietnam.
L’opinion mondiale, y compris les hommes de science et le peuple
progressiste des Etats-Unis, s’oppose violemment à la guerre chimique
américaine au Sud-Vietnam.
Nous demandons instamment aux organisations internationales, de
prendre les mesures qui leur sembleront le mieux adaptées afin de susciter
dans leurs pays respectifs et dans le monde un mouvement de dénonciation
et de condamnation, vaste, puissant et permanent, contre la guerre chimique
américaine au Sud-Vietnam. Nous proposons que ces organisations exigent
des Etats-Unis la cessation de la guerre d’agression qu’ils mènent au Sud-
Vietnam, la cessation de leur guerre chimique au Sud-Vietnam, le retrait
total et sans condition des troupes américaines et celles des satellites des
Etats-Unis du Sud-Vietnam, pour que la population sud-vietnamienne
puisse régler elle-même ses propres affaires, sans ingérence étrangère.
Réalisant le Testament sacré du président Ho Chi-Minh, la population du
Sud-Vietnam est résolue à surmonter toutes les difficultés, à aller toujours
de l’avant sur la lancée de ses victoires, à combattre jusqu’à la victoire
totale, à réaliser un Sud-Vietnam indépendant, démocratique, pacifique,
neutre, et prospère, pour s’acheminer vers la réunification pacifique de la
Patrie.
Aucun acte criminel ne saura sauver d’une défaite totale, les impérialistes
américains et leurs valets, au Sud-Vietnam.
DOCUMENT ANNEXE
II
Statistiques incomplètes des épandages de produits chimiques
dénommés « herbicides » en 1969.
— en mai 1969, l’ennemi à plusieurs reprises, a largué des produits
chimiques toxiques sur la région de Bau Ham (Bien Hoa), le district de Cao
Lanh (Ben Tre), les communes de Dai Phuoc et de Binh Phu (district de
Cang Long, province de Tra Vinh), la région située au nord-ouest de la
province de Tay Ninh ;
— en juin 1969, les Américains ont à plusieurs reprises, largué des
produits chimiques toxiques sur les districts de Phung Hiep, 0 Mon et Long
My (Can Tho), les communes de My Tinh An, Tan Binh Dien et Luong Hoa
Lac (My Tho) les districts de Tuy An, Son Hoa et Dong Xuan (Phu Yen) et
sur les six districts montagneux du Quang Ngai ;
— en juillet 1969, à plusieurs reprises, les Américains ont largué des
produits chimiques toxiques sur le district de Phuoc Long (Soc Trang), le
district de Soc Son (Rach Gia), le district de Tam Binh (Vinh Long), le long
de la rivière Con (district de Binh Khe, Binh Dinh), dans la région de Mong
Bo Rai (Kon Tum), le district de Huong Thuy (Thua Thien), le district de
Cai Lay (Mu Tho) ;
— en août 1969, les Américains ont largué à plusieurs reprises, des
produits chimiques toxiques sur la partie occidentale du Binh Thuan, sur les
communes de Tan An Dong et Quoi An (Tra Vinh), les hameaux de Phu
Hoa et de Phu Quoi (Vinh Long), le district de Phung Hiep (Can Tho) ;
— en septembre 1969, les Américains ont, à plusieurs reprises, largué
des produits chimiques toxiques sur le district urbain (Tay Ninh) les
districts de Vinh Thuan et de Vinh Phuoc (Rach Gia), le 5e district (Gia
Lai) ;
— en octobre, novembre et décembre 1969, les Américains ont à
plusieurs reprises, largué des produits chimiques toxiques sur le district de
Cai Lay (My Tho), les communes de Hai Thuy, Huong Loc, Minh Thuy,
My Thuy, Hong Thuy et An Thuy (aux environs de Hué).
Introduction.
Qu’entend-on par armes chimiques et biologiques 8 ?
A la différence des armes conventionnelles qui détruisent l’objectif par
de l’énergie libérée (chaleur, énergie cinétique, etc.), les armes chimiques
ou biologiques agissent directement contre la vie. Cette définition englobe
une grande variété d’armes. Leur but est d’atteindre l’ennemi en créant
artificiellement un milieu toxique, tout en assurant la protection de
l’agresseur.
L’armement chimique et biologique comporte l’agent toxique lui-même
et le système de distribution (vecteur) de cet agent toxique.
Le rapport de l’Organisation mondiale de la Santé « Santé publique et
Armes chimiques et biologiques » (Genève 1970), du groupe de consultants
de l’O.M.S., définit ainsi les armes chimiques :
« Un agent létal est conçu pour provoquer la mort lorsque l’Homme y est
exposé à des concentrations aisément réalisables dans les opérations
militaires. » A faible dose, ces agents peuvent causer une incapacité étendue
et durable.
Les agents biologiques de guerre sont soit des organismes vivants, quelle
que soit leur nature, soit des substances dérivées de ces organismes
destinées à provoquer la mort ou la maladie chez l’homme, les animaux, les
plantes et dont les effets sont fonction de leur aptitude à se multiplier chez
l’homme, l’animal ou la plante attaqués.
Nous n’avons jusqu’à présent aucune preuve certaine de l’utilisation
d’armes biologiques par les Américains au Vietnam 11
Historique.
A) DEFOLIATION 12.
Les premiers essais du programme de défoliation — destiné à détruire la
jungle et à priver les maquisards de leur couvert — ont été faits en 1961.
Selon Ngo Dinh Diem, l’utilisation des défoliants dans ce but était une
« bonne chose », mais pour être réellement efficaces, les produits chimiques
devaient être utilisés contre les récoltes. Selon Newsweek du 27 novembre
1961, « au Sud-Vietnam, des spécialistes américains enseignent aux
aviateurs vietnamiens la façon de répandre, dans les régions tenues par les
communistes, un produit qui jaunit les rizières, tue une récolte sur pied ».
Le programme américain de défoliation avait commencé modestement.
Six avions C-123, sont envoyés au Sud-Vietnam de la base de Clarkfield
(Philippines). 107 vols eurent lieu en 1962. Le programme était considéré
comme expérimental.
En février 1962, l’Union soviétique accuse les Etats-Unis de développer
la guerre chimique au Sud-Vietnam :
« Les forces aériennes ont commencé à détruire par des gaz toxiques les
récoltes des champs des paysans dans certaines régions. »
Le New York Times déclarait que les U.S.A. avaient repoussé une requête
du Sud-Vietnam de réduire par la faim les guérilleros :
« La répugnance à accomplir le programme de destruction des récoltes
est fondée sur la susceptibilité américaine à l’accusation de prendre part à
une guerre chimique. »
Le correspondant à Saigon de U.P.I., Charles E. Smith, écrit le 16 mars
1963 que les produits chimiques et les défoliants sont utilisés à certains
endroits dans les régions montagneuses où les « terroristes » font pousser
leurs récoltes. Dans ce cas le but est d’éliminer toute source de nourriture.
Le 4 avril 1963, Jack Wilson, du Minneapolis Tribune, écrit que les
épandages sur les récoltes ont été limités aux territoires dominés par le
« Vietcong. »
L’utilisation des défoliants pour détruire même la jungle est, d’après la
propre définition des militaires, un acte de guerre chimique. Le manuel
T.M. S-216, Biologie militaire et Agents biologiques, décrit les produits
chimiques comme possédant « un potentiel offensif élevé pour détruire ou
limiter sérieusement la production des récoltes et pour défolier la
végétation ». Le manuel continue : « Il n’existe aucune mesure défensive
prouvée contre ces composés. Lorsque les symptômes apparaissent, rien ne
peut être fait pour prévenir les dégâts. » « Les composés sont détoxifiés
dans le sol après une période de plusieurs semaines à plusieurs mois. »
Roger Hilsman, sous-secrétaire d’Etat pour les affaires du Sud-Est
asiatique de l’administration Kennedy, a écrit que « le Quartier général de
Saigon pensait que ces défoliants seraient la solution idéale pour détruire les
sous-bois bordant les routes où les Vietcong montaient leurs embuscades et
pour détruire les récoltes des territoires dominés par le Vietcong ». Le
Département d’Etat pensait que les répercussions politiques dépasseraient
les avantages possibles. La défoliation rappelait de trop près la guerre des
gaz. « Cela nous coûterait le soutien politique international et le Vietcong
utiliserait cela pour sa propagande comme un exemple de ce que les
Américains faisaient la guerre aux paysans. »
Malgré les avertissements du Département d’Etat, le Pentagone
entreprend une nouvelle série d’expérimentations. Un de ces programmes
est connu sous le nom de « Oconu Defoliation Test » et comprend une
application aérienne d’agents chimiques antirécoltes en Thaïlande en 1964
et 1965. Des brouillards ont été appliqués au taux de 1/2 à 3 gallons par
acre, sur deux sites témoins représentant la forêt tropicale non caduque, la
forêt secondaire et les arbres fruitiers.
La poursuite de ce programme avait aussi une autre raison.
L’Administration Kennedy, par le projet « Agile » accélérait les recherches
sur la « Contre-insurrection ». La défoliation en était un élément. En 1965,
plus de 30 millions de dollars y étaient consacrés. Ce programme décidé en
1962 par MacNamara était destiné à terminer rapidement la guerre.
Hilsman notait après une inspection sur le terrain au Vietnam que « les
feuilles étaient parties, mais que les branches et les troncs subsistaient,
même s’ils avaient été détruits. Les guérilleros ne se protègent pas par les
feuilles et les troncs, mais par les courbes des routes, les collines et les
vallées ».
Le colonel Serong (Australien) remarquait que la défoliation aide les
guérilleros. Si la végétation est proche de la route, ceux qui se sont
embusqués peuvent rapidement se protéger, mais quand la végétation a été
éloignée de la route, les guérilleros ont un meilleur champ de tir.
La première confirmation officielle du but du programme de défoliation
remonte à mars 1966, lorsque le Département d’Etat annonce qu’environ
20000 acres de cultures ont été détruites. En juillet 1966, le New York Times
annonce que 130 000 acres de riz et autres plantes vivrières ont été arrosées.
En septembre 1966, le Times rapporte que les militaires américains « sont
satisfaits de l’efficacité de la défoliation chimique et des missions de
destruction des récoltes, et projettent de tripler leur effort ».
2,4 D et 2,4,5- T
Acide cacodylique 13
Il s’agit d’un composé organique de l’arsenic. Sa spécificité porte sur les
plantes à feuilles étroites dont on s’attendrait à ce qu’elles soient
relativement résistantes au 2,4-D et au 2,4,5-T. On l’utilise contre le riz et
l’herbe à éléphant.
Potentiellement, le cacodylate est le plus toxique, pour les mammifères,
des herbicides actuellement en usage. Sa dose LD50 (dose en milligrammes
par kilogramme de poids du corps qui tue 50 % des animaux d’épreuve au
laboratoire — en général des souris) est 830. Cela se compare avec le
tableau suivant :
LD50
Arseniate de sodium 10-50
2,4-D 300-1000
2,4,5-T 100-300
acide cacodylique 830
picloram 8200
aspirine 1775
Mais au point de vue toxicité, il y a pire que cela, car l’acide cacodylique
est métabolisé par la micro-flore du sol ; et la déméthylation, qui est une des
voies métaboliques les plus usuelles, accroît 50 fois sa toxicité. Dans des
conditions anaérobiques, de plus, l’arsenic peut être réduit par des micro-
organismes à l’état + 2, forme sous laquelle sa toxicité est celle des poisons
arséniques. Notons que le sol sous une rizière est un lieu très anaérobique,
de même que le sol à une profondeur de plus de quelques centimètres.
Mais à des doses non létales, les cacocylates et autres arsénicaux peuvent
causer et causent effectivement de la nausée, des diarrhées, des maux de
tête, des douleurs musculaires, une hypotension et parfois un coma. Tous
ces symptômes sont dus à la constriction des capillaires et à l’atteinte de la
paroi intestinale, engendrées par les composés arsenicaux. La détérioration
de la paroi intestinale est particulièrement sérieuse au Vietnam, où la
malnutrition et des maladies comme le choléra sont fréquentes. Ces
maladies fragilisent également la muqueuse intestinale. Ceci diminue
l’absorption intestinale du bol alimentaire ingéré et entraîne ainsi un
affaiblissement général, renforçant par là la sensibilité aux maladies.
La déclaration de Tschirley selon laquelle « il n’y a pas de preuve
suggérant que les herbicides utilisés au Vietnam poseraient des problèmes
de toxicité pour l’homme et les animaux » (souligné par nous) est
simplement sans fondement. Elle glisse sur les circonstances décrites ci-
dessus, elle ignore l’accumulation d’arsenic et autres matériaux dans la
chaîne alimentaire à des degrés qui pourraient aisément devenir toxiques
pour les animaux domestiques et les poissons, et elle ignore la distribution
par les vents, le ruissellement et la vaporisation.
Picloram
Le picloram diffère de la plupart des autres herbicides à deux points de
vue. Son activité biologique est plus de cent fois celle du 2,4-D, et il est
extrêmement persistant dans le sol.
Son activité est si grande et il est si sensible aux variations des sols et du
climat que son utilisation n’a pas été autorisée par l’Administration des
Aliments et Médicaments à une seule récolte américaine. Un traitement par
le BLANC au Vietnam répand environ 1,5 livre de picloram par acre (1 674
gr/hect.) Ce dosage doit être considéré en comparaison avec les suivants :
a) 2,8 livres/acre détruira la plupart des conifères,
b) 0,001 livre/acre détruira le tabac (cultivé au Vietnam pour la
consommation locale),
c) un nuage à 50 pour 108 détruira le trèfle rampant,
d) la dose maximum de sécurité est de 0,06 livre/acre pour le contrôle des
mauvaises herbes dans les champs de céréales. Des doses plus élevées
abîment ou détruisent la récolte. Le riz est une céréale et on sait que les
céréales sont sensibles aux herbicides à auxine pendant la germination
et durant le développement de la graine.
A cause de sa persistance dans le sol, on peut s’attendre à ce que le
picloram affecte non seulement la récolte saupoudrée, mais aussi ce qu’on
plantera ensuite. Dans une étude subventionnée par le D.O.D. (Department
of Defense) sur une jungle de Porto-Rico traitée par 9 à 27 livres de
picloram par acre, la terre est demeurée sans feuilles pendant les deux ans
de l’étude. Un rapport de la Société Dow, qui fabrique le produit, a montré
qu’un arrosage en juin restait assez fort pour endommager les récoltes un an
plus tard.
Quoique que le Dr C.E. Minarik de Fort Detrick proclame que le Blanc
est utilisé au Vietnam pour « contrôler les conifères », la même étude du
D.O.D. citée ci-dessus conclut que « le large éventail d’espèces à bois
sensibles au picloram en fait l’herbicide le plus important pour le contrôle
des plantes ligneuses. Quelques espèces tolèrent des doses élevées de
picloram, mais beaucoup d’espèces tolèrent des doses élevées d’autres
herbicides. L’emploi du picloram est donc particulièrement approprié pour
la défoliation des types existant dans les forêts caractérisées par une forte
diversité d’espèces. Ce type de forêt se rencontre fréquemment dans les
régions tropicales ».
Nous avons mentionné plusieurs fois les effets possibles de l’arrosage
aux défoliants sur des régions autres que celles visées. Le ministère de la
Défense répugne, d’une façon compréhensible, à reprendre de pareilles
informations, mais on connaît au moins ce qui suit, par un passage du
Science and citizen, août-sept. 1967, p. 127 :
« ... Les hévéas d’une plantation Michelin ont été détruites par
inadvertance par un nuage qui a dérivé. Les Etats-Unis ont indemnisé les
propriétaires français au taux d’environ 87 dollars par arbre 14.
« Dans une enquête sur l’action défoliante dans la région de Bien Hoa, le
4 mai 1965 onze observateurs ont noté que des dégâts considérables avaient
été causés aux arbres et aux bananes. Ce dégât fut reconnu et était
évidemment dû à un nuage dérivant de défoliant ». Rien que dans cette
zone, environ 500 plaintes ou demandes d’indemnisation ont été déposées
par les chefs de hameaux pour transmission au chef de Province. Les
haricots et les liserons d’eau sont reconnus comme étant les récoltes
principalement sensibles, surtout entre mai et novembre.
« Le 13 décembre 1965, trois avions ont survolé Thoi An Dong, village
du district de Phong Phu, répandant en grande quantité du défoliant. Les
melons d’eau qui n’étaient qu’à 20 jours de la maturité ont été sérieusement
endommagés, de même que le riz, les légumes et les fruits. Les récoltes
dans les villages voisins de Phuc Thoi et Tong Tuyen ont été également
sérieusement touchées. La région entière est supposée être « sûre » du point
de vue américain et n’aurait donc pas dû être arrosée du tout. Con Son, une
île qui n’est qu’à 500 mètres de Can Tho a été soumise six fois à un
traitement de défoliation de juin à décembre 1965. Les papayes, les
jacquiers, les noix de coco, les melons d’eau, le chou-moutarde et les
haricots ont souffert de façon variée. Les dégâts se sont étalés de 40 à
100 %, rendant les récoltes non rentables pour la moisson. Certains fermiers
ont également décidé de ne plus replanter, amplifiant ainsi la perte
économique.
Citons également l’étiquette d’un produit de la Dow Co, appelé Esteron
R245 O.S. Il contient 67,7 % de 2,4,5-T, et la concentration recommandée
pour vaporisation est d’environ 1 à 4 pints/acre (1 pint = 0,473 litre ; 1 acre
= 0,4 hectare) (soit environ 1 à 4 litre/hectare).
« N’appliquez pas directement l’Esteron R245 O.S. ou ne permettez pas
qu’une autre manœuvre permette le contact direct avec les plantes utiles,
qui sont sensibles à 2,4,5-T, et ne permettez pas aux nuages vaporisés de
dériver vers elles, car même des quantités minimes de ce nuage peuvent
occasionner des dégâts sérieux pendant les périodes de croissance... Les
applications par avion, par équipement au sol et vaporisateurs à main ne
devraient se faire que quand il n’y a pas de danger de dérive. N’utilisez pas
l’avion au voisinage de champs de coton, de vignobles ou autre végétation
sensible au 2,4,5-T. A des températures chaudes, la vaporisation peut
occasionner des dégâts aux plantes sensibles avoisinantes. N’y faites pas
paître d’animaux pendant 7 jours après le traitement (pour éviter la
contamination du lait. »
Harvey et Mann signalent ce qui suit pour la distribution par irrigation du
picloram :
« Le picloram sur les terres vaporisées peut être entraîné par le
ruissellement de pluie dans les eaux d’irrigation et causer de sérieux dégâts
à des récoltes dans des régions éloignées. Le taux de ruissellement est élevé
dans les forêts des régions à mousson et le picloram, étant hautement
soluble, peut quitter la forêt par des voies hydrologiques pour contaminer
d’autres régions ou peut être entraîné dans la terre.
« La persistance et la stabilité du picloram sont telles qu’après
application à une zone, où une vaporisation précise est essentielle, il peut
être entraîné par ruissellement ou dériver sous forme de nuage sur des terres
non traitées. Le Vietnam ne manque ni de fortes pluies ni de vent. Cela a été
bien souligné dans une étude récente faite aux U.S.A. : « Cependant, dans
de grandes surfaces traitées par avion, le picloram peut devenir une source
de contamination par la chute des feuilles ainsi traitées et par le sol sous
l’effet du vent et de l’eau jusqu’à des récoltes adjacentes. Cette hypothèse
demande qu’on poursuive les études sur le terrain » 15. De grandes zones
sont traitées par picloram au Vietnam, mais aucune étude de contamination
n’est venue de là-bas.
Une illustration tragique de la résistance du picloram au phénomène de
dégradation naturelle auquel les autres herbicides sont sensibles a été
largement citée : l’incident concerne des mules utilisées pour cultiver un
champ de tabac. On les avait fait pâturer précédemment sur une surface qui
avait été traitée au picloram. Quand le tabac a commencé à pousser, des
symptômes d’enroulement des feuilles et de croissance arrêtée ont été notés
avec une distribution par taches inhabituelles dans le champ. On a appris
plus tard que le picloram avait filtré dans les crottins des mules, avait passé
dans les jeunes plants et était la cause des symptômes. Il avait entièrement
traversé le système digestif des mules et avait été déposé inchangé.
Effets biologiques
Ils peuvent être désastreux. La régénération après une seule vaporisation
est assez probable, excepté dans le cas des palétuviers. Mais de grandes
zones ont été vaporisées à maintes reprises au Vietnam, et Tschirley note
qu’au fur et à mesure que la densité du toit végétal est réduite, les
traitements ultérieurs détruiront plus d’arbres et auront un bien plus grand
effet sur la végétation sous jacente régénérante 16. Il poursuit en disant :
« La réaction théorique à de multiples applications d’herbicide a été
confirmée par mes observations sur les lieux » 17
La régénération de forêts sérieusement endommagées — ou
détruites — et des autres systèmes écologiques est un processus
extrêmement lent, qui prend des décades et peut-être des générations. Dans
l’intervalle, des changements plus rapides du sol peuvent endommager de
façon permanente sa fertilité. « Environ 30 % des terres au Vietnam ont un
potentiel de latérisation. » Quand cela se produit, le processus est
irréversible. Un autre problème est l’invasion par des espèces vigoureuses
poussant rapidement. Quand la couverture de jungle est déchirée, elle
expose le sol à la lumière du soleil. Dans les forêts vietnamiennes, il existe
normalement différentes sortes de bambous et leur extension, d’après
Tschirley, est une certitude sur la zone défoliée à plusieurs reprises. Une
fois installés, ces plants sont très difficiles à extirper et entrent avec succès
en concurrence avec les espèces forestières en régénération.
Des dégâts permanents peuvent aussi venir de la rupture des relations
écologiques complexes. Beaucoup d’espèces d’arbres dépendent de
symbioses avec des fougères ou des bactéries qui leur fournissent des
vitamines comme la vitamine B12, et des matières minérales concentrées.
Les espèces en symbiose, à leur tour, dépendent des arbres comme source
de carbone. Ce dernier vient sous forme de sucrose qui coule des racines
tant que la photosynthèse a lieu à dose élevée. Quel est l’effet sur cette
relation des pertes hors de saison des feuilles et de la quasi-cessation de
photosynthèse qui en résulte ?
Il est clair que les militaires déclenchent un processus biologique que
nous ne comprenons pas, dont nous ne pouvons prévoir les conséquences et
auquel nous ne seront peut-être jamais capables de porter remède.
« Mouvement Columbia du 4 mars ».
Les citations dans ce chapitre sont extraites de : A. Galston, Science and
Citizen, 2 (1967), 123 ; G. Havrey & J. Mann, ibid, 10 (1968), 165 ; O.
Tschirley, Science, 163 (1969), 779. Voir aussi la circulaire TC3-16 du
quartier général de l’armée américaine.
B. — LA GUERRE ANTIRECOLTES
Introduction :
La guerre antinourriture est l’empoisonnement intentionnel des plantes
servant à l’alimentation. Puisque le but de cette tactique est d’affaiblir
l’ennemi par la famine systématique, la guerre antinourriture n’est utile que
dans les guerres non conventionnelles. L’objectif majeur des forces
antiguérilla est de rendre matériellement impossible à la population
indigène de soutenir un mouvement de guérilla.
Lorsque les U.S.A. ont commencé les recherches sur l’armement
antirécoltes dans les années 1950, ces recherches concernaient presque
exclusivement les agents biologiques attaquant le blé. Depuis 1961,
cependant, le Pentagone a augmenté les recherches sur les agents
antirécoltes destinés à l’écologie des territoires tropicaux.
Entre août 1961 et juin 1963, les laboratoires biologiques de l’armée de
Fort Detrick ont essayé 1410 composés testés pour les évaluer en tant que
défoliants, dessicants et herbicides. (Technical Abstracts Bulletin, 15 juillet
1965). Pendant la durée de ce travail, d’autres centres de recherche faisaient
l’inventaire des plantes vivant au Vietnam et dans les zones avoisinantes.
Les services de recherche de l’Agriculture de Washington ont analysé les
types de forêt du Sud-Est asiatique et étudié les traits physiologiques et
climatiques des territoires susceptibles de relever de l’armement anti-récolte
(U.S. House Committee on Appropriation, Department of Defense
Appropriations, 1968 — Hearings 90th Congress, First Session, Pt 3, p. 93).
Historique :
Depuis la fin de 1966, plus de la moitié des missions des C-123 a été
consacrée à la destruction des récoltes.
Une étude japonaise sur les méthodes de défoliation et de destruction des
récoltes pratiquée par les Américains a été publiée en 1967 par Yoichi
Fukushima, président de la section d’agronomie du Conseil scientifique
japonais.
L’étude affirme que les attaques contre les récoltes ont ruiné plus de 38
millions d’acres de terre arable (1 975 000 ha, surface de trois départements
français), entraîné directement la mort d’environ 1 000 paysans et détruit
les stocks de vivres pour 13 000 personnes. Un village a été attaqué plus de
trente fois par les défoliants et herbicides. Le savant japonais conclut que
l’aspect effroyable et inhumain de ces actes est évident même dans les
limites officiellement données par les dirigeants du gouvernement
américain. Les officiels ont déclaré qu’il s’agissait là de propagande.
En avril 1966, Joseph-Marie Ho Hue Ba, représentant catholique du
Front national de Libération, a accusé les produits chimiques d’entraîner la
mort des nouveau-nés. Des centaines de catholiques ont été intoxiqués par
la destruction des récoltes qui a par ailleurs entraîné la famine.
Les C-123 sont équipés pour répandre leurs 1 000 gallons (3 780 litres ou
4,5 tonnes) en 6 minutes, sur une surface de 300 acres (156 ha), soit plus de
3 gallons par acre, dosage recommandé par les manuels de l’armée. Le
programme est connu sous le nom d’« Operation Ranch Land ». En cas
d’urgence, la cargaison peut être éjectée à haute pression à raison de 1000
gallons en 30 secondes. Ces urgences sont fréquentes.
Le coût d’une cargaison de 1 000 gallons de produit antirécoltes est de
5 000 dollars. En 1967, le Pentagone a annoncé l’acquisition de 60 millions
de dollars de produits, suffisants pour approvisionner 12000 vols.
Ce programme militaire a de beaucoup dépassé la capacité de production
des Etats-Unis. Business Week écrit en avril 1967 que les demandes
militaires sont quatre fois plus fortes que la capacité de production 18.
Business Week ajoute que des restrictions commerciales seront nécessaires.
Les services administratifs de la Défense ont donné des ordres pour assurer
la priorité à la Défense.
Le général de division Davison, en réponse à une lettre du Dr John
Edroll, déclare :
« De grandes précautions sont prises pour sélectionner les surfaces sur
lesquelles le maximum de mal serait causé au Vietcong et le minimum à la
population locale. En certains endroits les habitants qui avaient été
contraints par le Vietcong de faire pousser de la nourriture ont adressé une
requête pour que des herbicides soient employés. Le gouvernement du
Vietnam a pris des précautions pour épargner les non-combattants. Ce n’est
pas une guerre chimique ou biologique ni un précédent pour une telle
guerre. Il s’agit d’une méthode douce pour maintenir la pression sur un
ennemi barbare... »
Le témoignage de Pham Duc Nam, un paysan, et celui de Cao Van
Nguyen, présentés par Yoichi Fukushima en 1967, contredisent la
déclaration du général Davison :
D. — GAZ TOXIQUES 24
L’armée américaine dispose de trois catégories d’armes :
— Les agents mortels :
V.X. — dont la formule est tenue secrète ; Sarin CB — gaz létaux qui
agissent en interrompant l’influx nerveux.
— Les agents incapacitants :
Notamment le BZ, officiellement connu comme « substance
immobilisante ». Sa formule chimique est tenue secrète. Le manuel FM.3-
10 de l’armée américaine déclare que le BZ « s’utilise comme un aérosol
paralysant à action lente et dont l’effet ne persiste pas. Le BZ pénètre dans
le corps par la respiration et empêche le fonctionnement des mécanismes
mentaux qui contrôlent les fonctions du corps ». Le manuel de l’armée
d’entraînement à la guerre chimique, le TM.3-215, indique que, parmi les
effets du BZ on peut citer : « Le ralentissement de l’activité mentale et
physique, des maux de tête, des vertiges, une perte du sens de l’orientation,
des hallucinations, de la somnolence, parfois un comportement démentiel. »
Certains symptômes sont analogues à ceux des drogues hallucinogènes
LSD.25. D’après Pierre Darcourt, de l’Express, 3000 grenades contenant du
BZ ont été utilisées au Vietnam par la première division de cavalerie
aéroportée au cours de la deuxième semaine de mars 1966, dans une attaque
contre des postes du FNL. Il semble que ce gaz ait été également utilisé en
1968 dans un quartier de Saigon pendant l’Offensive du Têt.
— Le DM, ou adamsite, (diphénylaminochloroarsime) est la plus
puissante des substances anti-émeute. D’après le manuel de l’armée TM.3-
215, cette substance cause « une irritation des yeux et des muqueuses, fait
couler le nez, provoque des éternuements, de la toux, un violent mal de tête,
de la nausée et des vomissements ». Cette substance agit en quelques
minutes et elle est généralement mélangée à une autre substance, le CN qui
agit plus rapidement. L’utilisation du DM pour disperser les émeutes est
déconseillée dans les opérations où l’on ne veut pas risquer des accidents
mortels. Le DM est en effet un gaz mortel pour 50 % de ceux qui y sont
exposés quand il est utilisé à une concentration de 30 mg par mètre cube
d’air.
— Les agents dits neutralisants : les plus utilisés sont le CS ; CS1 ; CS2 ;
le CN (chloroacétophénone), le CNS, l’homoacétate-éthyle.
— Le CN est un solide que l’on dissémine généralement sous la forme
d’aérosol. C’est essentiellement un lacrymogène ; à des concentrations
élevées, il produit une irritation des voies respiratoires bientôt suivie de
prurit et d’une sensation de brûlure des zones humides de la peau
exposée — allant jusqu’à la formation de phlyctènes. Aux doses élevées,
des lésions pulmonaires graves peuvent survenir et causer la mort.
— Le CS a une action irritante bien plus puissante que le CN. L’effet de
ces deux substances est bien connu des Parisiens qui l’ont subi en mai 1968.
Le CS agit à la concentration de 1 mg par mètre cube, alors que le CN agit à
la dose de 10 mg par mètre cube. Les concentrations généralement utilisées
au Vietnam sont des dizaines de fois supérieures à celles de la police. Le
CS1 se présente sous la forme d’une poudre micromisée de couleur orange
contenant 5 % de gel de silice, à disséminer par éclatement d’explosifs ou
par poudreuse. Le CS1 est enrobé de silicone pour en faciliter l’écoulement
et améliorer la résistance aux conditions atmosphériques.
— Le CS1 est efficace, une fois répandu pendant une dizaine de jours, le
CS2 est beaucoup plus persistant (U.S. Department of the Army, 1969).
Les doses de neutralisants, létales pour l’homme, sont très mal connues.
Aucune étude n’a jusqu’à présent été publiée sur les effets à long terme
chez l’homme de l’exposition au C.S. Si rien n’incite à croire que le CS
possède des propriétés cancérigènes ou tératogènes, rien ne permet de
penser qu’il en est dépourvu (Santé publique et Armes chimiques et
biologiques).
Le manuel de l’armée américaine (édition d’avril 1969) décrit 18
systèmes différents de vecteurs de substances incapacitantes dont le fusil à
grenades ; les grenades à mains ; projectiles pour lance-grenades et
multiples lance-roquettes d’utilisation au sol ou aérienne ; obus de mortier
4,2 ; projectiles gigogne 105 et 135 ; appareils à insufflation de poussières ;
bombes groupées en conteners, etc.
Les grenades habituellement utilisées par la police contiennent de 2 à 3
gr de CS. Les sacs lancés par les hélicoptères contiennent 30 kg de
CS, — les fûts explosifs, 40 kg environ. En opération, les forces
américaines ou leurs alliés utilisent des pompes soufflantes. Ils bouchent les
orifices des abris où se réfugie la population vietnamienne et insufflent de
grandes quantités de CS, transformant ainsi les abris en chambres à gaz.
D’après le témoignage du docteur H. Carpentier, une tactique est
fréquemment utilisée : des fûts explosifs sont largués en cercle autour d’une
zone donnée de territoire. Sous l’effet de la chaleur, un explosif fissure les
fûts et le territoire est atteint quelle que soit l’orientation du vent et la
totalité de la population est ainsi touchée.
Les agents incapacitants (appelés improprement gaz sont utilisés depuis
1962. En 1969, les forces américaines ont acquis une quantité de matières
toxiques 16 fois supérieure à celle de 1964. Entre 1966 et 1969, elles ont
employé 13 736 000 livres de CS. Cette quantité est suffisante pour couvrir
80000 milles carrés. Le Sud-Vietnam a 66 000 milles carrés. (Washington
Post du 24 juillet 1969).
Le 5 septembre 1965, les gaz sont utilisés à Qui Nhon et, à la fin du mois,
malgré la soi-disant interdiction d’emploi, un porte-parole autorisé
américain, avoue que « les gaz toxiques font partie de l’armement des
troupes américaines ».
Peu à peu, la presse mondiale a révélé la nature des gaz employés : Le
Monde du 24 mars 1965, des publications nord-vietnamiennes de 1966, le
New York Herald Tribune du 14 janvier 1966, le Chemical Week du 26 mars
1966, dont les indications se rejoignent.
Les gaz sont surtout employés pour faire sortir les maquisards ou les
civils des souterrains. On lance des grenades à gaz dans les tunnels ou bien
on injecte le gaz sous pression avec des machines soufflantes. Dans les
endroits découverts, selon une dépêche d’Associated Press du 5 janvier
1966, la méthode consiste à larguer depuis un avion volant à basse altitude
des chapelets de grenades pour obtenir la saturation d’une zone grande
comme un terrain de football. Une charge explosive disperse ensuite la
poudre sur une plus grande superficie et la vaporise. La même dépêche
indique que l’inhalation d’un gaz (dont la nature n’est pas révélée)
provoque une irritation des muqueuses, une sensation de brûlure aux
poumons, mais surtout une insurmontable envie de sortir.
D’après le Chemical Week du 26 mars 1966, les troupes américaines sur
le terrain n’aiment pas utiliser les gaz « la chaleur et l’humidité au Vietnam
rendent les gaz irritants pour la peau et les masques à gaz très serrés sont
inconfortables ».
L’armée sud-vietnamienne disposait de gaz de combat livrés par les
Etats-Unis dès le début de l’année 1964.
Utilisés fin 1964 (le 23 décembre à Ca Mau, le 15 à Tay Ninh), les gaz
sont employés en janvier 1965 à Phu Lac, province de Phu Yen, à 100 km
de Saigon. Selon l’agence Giai Phong, l’opération a fait 80 morts. Des
centaines d’autres civils ont été sérieusement atteints.
Cette nouvelle orientation de la guerre chimique a déchaîné une violente
vague d’indignation dans le monde entier.
Et Washington, après avoir essayé d’expliquer que « les gaz
lacrymogènes nauséeux employés de façon occasionnelle n’étaient ni
inhumains ni contraires à la loi internationale » a dû se résigner, en mars
1965, à promettre d’en interdire l’usage. Cette promesse n’a jamais été
tenue, à la conférence de Genève, les puissances occidentales s’opposent à
l’interdiction des agents dits « incapacitants » ou « neutralisants ».
En résumé, l’ensemble des documents de ce dossier établit de façon
indubitable un certain nombre de données :
1° Les Etats-Unis ont bien utilisé au Sud-Vietnam les armes chimiques ;
sur une très grande échelle, et depuis plusieurs années.
2° Les produits chimiques utilisés, par leur nature ou leurs conditions
d’emploi sont des produits toxiques et ont des effets désastreux sur
l’homme, entraînant des troubles physiques pouvant aller jusqu’à la mort.
Une nouvelle fois dans l’Histoire avec les gaz, pour la première fois avec
les produits toxiques de type défoliant, des hommes sont tués par la guerre
chimique.
3° La guerre chimique s’attaque, au-delà de l’homme, à la nature tout
entière. Elle tend à détruire la vie. Elle constitue un biocide. Ses effets ne se
limitent pas au présent mais handicapent lourdement l’avenir, soit en
détruisant pour une durée indéterminée, l’équilibre écologique, parfois les
sols eux-mêmes, soit en provoquant la naissance d’enfants monstrueux.
4° Les effets de la guerre chimique ne peuvent pas tous être prévus.
Aucun scientifique n’oserait affirmer que la continuation de l’emploi des
armes chimiques dans le futur n’entraîneront pas des conséquences pires
que celles déjà connues. Des mécanismes incontrôlables risquent d’être
déclenchés.
5° Cette guerre chimique, faite au Vietnam pour la première fois, a
manifestement un caractère expérimental. Le Pentagone fait l’essai sur le
terrain, au Vietnam, d’un système de mise au point de « modèles
stratégiques » calculés par les ordinateurs. Il fait l’essai de toute une
nouvelle catégorie d’armes, les CBW, armes bactériologiques et chimiques,
que déjà l’appareil militaro-économique des U.S.A. perfectionne et produit
sur une grande échelle, sans commune mesure avec la guerre du Vietnam.
Voici, maintenant, deux documents sur la préparation des armes
bactériologiques et chimiques aux U.S.A.
LE PROGRAMME DE RECHERCHES
SUR LES ARMES CHIMIQUES ET BIOLOGIQUES AUX ÉTATS-UNIS
La préparation de la guerre chimique et bactériologique soulève des
problèmes extrêmement complexes et entièrement nouveaux qui ne peuvent
être étudiés que par des recherches très diversifiées. Ces recherches
comportent notamment :
1) L’inventaire des molécules, des agents microbiens ou de toxines
utilisables ;
2) l’analyse de leurs effets ;
3) l’étude des vecteurs et des moyens de dispersion des agents toxiques ;
4) l’analyse des conditions de milieu (notamment météorologie et
configuration géographique de la cible) ;
5) la recherche théorique sur l’utilisation tactique de ces armes.
Les guerres coloniales des années 50 avaient démontré la faiblesse d’une
stratégie de dissuasion fondée sur l’arme nucléaire. Les stratèges américains
ont donc recherché « une riposte plus flexible », et cette recherche s’est
accélérée quand Kennedy a assumé la présidence en 1961 (projet « Agile »).
Pour développer la recherche de nouvelles conceptions stratégiques, le
département de la Défense a obtenu le soutien de scientifiques des
universités :
« Les scientifiques de la Défense devaient respecter les orientations
suivantes :
— Les armes devaient être efficaces contre des populations agricoles
disséminées ;
— le système devait fournir aux chefs militaires une réponse pouvant
correspondre à tous les degrés de situation insurrectionnelle ;
— il devait fournir aux armées des régimes en faveur des Etats-Unis,
dans la région sous-développée, la possibilité de pratiquer le système
avec un minimum de contribution de la part des Etats-Unis ;
— le système devait pouvoir être utilisé avec un minimum de risques de
détection.
« Une analyse attentive révèle qu’il n’y a qu’une sorte d’armement qui
remplisse toutes les conditions requises : les armes de la guerre chimique et
biologique (C.B.W.). Les agents de la guerre chimique et biologique se
répandent au moyen d’un phénomène naturel et aussi ils sont facilement
disséminés dans les régions rurales ; ils sont d’une grande efficacité contre
les populations qui ne disposent pas d’un système de santé publique
hautement développé ; ils présentent une grande variété d’applications
depuis celles qui s’utilisent dans le contrôle des émeutes jusqu’aux
épidémies naturelles. Ils peuvent être fabriqués par des gouvernements
amis, au départ, avec un minimum d’investissements en ressources de la
part des Etats-Unis et, quand ils sont utilisés, ils peuvent être déguisés sous
l’apparence de phénomènes naturels 25. »
A partir de 1961, la recherche américaine sur les armes chimiques et
bactériologiques s’est rapidement développée.
Les bases C.B.W de l’armée emploient 3 750 officiers et 9 700 civils et
leur valeur est estimée à 1 milliard de dollars 26. D’après le « Defense
Marketing Service » (D.M.S.), la principale base de recherche « Edgerwood
Arsenal », dans le Maryland, a un budget de 421,5 millions de dollars, dont
57,3 millions pour la recherche, 29,8 millions de dollars sont dépensés à
Fort Detrick, le principal centre d’essais biologiques et plus de 75 millions
de dollars se répartissent entre les 4 autres bases scientifiques et biologiques
de l’armée 27.
En dehors des bases de l’armée, d’après le sénateur Gaylord Nelson
(Wisconsin), 47 universités participent de façon active à l’élaboration du
programme de recherches sur la guerre chimique et bactériologique.
« Les scientifiques ne conduisent pas seulement les expertises
essentielles pour la recherche de base sur les agents chimiques, ils ont aussi
montré la théorie et la stratégie à employer pour justifier l’application de
ces armes pour contrecarrer le mouvement de libération nationale. »
L’armée passe ainsi des contrats de recherche avec les universités
américaines qui participent ainsi de façon active à la préparation de la
guerre chimique et bactériologique. Mais de très nombreux chercheurs et
une grande partie des étudiants ont refusé d’être les complices de ce crime.
Ils s’efforcent d’alerter l’opinion américaine et ont réussi à mettre en échec
certains projets très importants et à obtenir la rupture de contrats de
recherche.
Un très grand nombre de sociétés — pratiquement toute l’industrie
américaine — participent de loin ou de près à la préparation de la guerre
chimique et biologique. L’industrie chimique, l’industrie pharmaceutique
participent à ce gigantesque effort. Les recherches bactériologiques les plus
importantes actuellement menées aux Etats-Unis sont destinées à des fins
militaires et même lorsque des résultats utiles pour la population civile de
ces recherches sont obtenus, ils ne sont pas publiés, tombant sous le secret
militaire.
Le développement de la recherche est loin d’avoir pour but exclusif la
guerre du Vietnam. Tous les peuples sont concernés et, en premier lieu, les
peuples sous-développés qui luttent pour leur indépendance. Pour la
première fois dans l’histoire une guerre est scientifiquement conduite, qui
utilise en même temps la méthodologie et la problématique de la science
actuelle et les techniques les plus élaborées de la gestion des groupes
industriels. Les méthodes appliquées sont du même ordre que celles
employées pour la conquête de l’espace : mobilisation coordonnée de toutes
les ressources scientifiques et industrielles, simulation de situations
concrètes où rentrent en ligne de compte le but à atteindre, l’arme utilisée,
les conditions climatique, météorologique, géographique, psychologique,
etc. et où l’on recherche, à partir de ces données quel serait le nombre de
victimes potentielles. Des modèles sont élaborés et ces modèles sont
appliqués à une échelle variable au Vietnam. Les résultats de cette
expérimentation sont renvoyés à leur tour dans les centres de recherche
américains, alimentant à leur tour de nouvelles recherches. C’est ainsi que
même l’emploi de certaines substances, parfois relativement peu toxiques,
permet de perfectionner l’application de substances infiniment plus
dangereuses pour l’homme et l’environnement humain.
Certaines des armes chimiques sont bien connues, mais il est sûr que, à
côté des CS ou du 2,4,5-T, les troupes américaines expérimentent au
Vietnam à une échelle bien moindre toute une série de substances
nouvelles.
Les méthodes d’utilisation ont considérablement varié au cours de ce
conflit. C’est ainsi que dans un premier stade les défoliants étaient destinés
à nettoyer les abords des grandes voies de communication (routes, rivières)
et qu’ils sont maintenant destinés à détruire les récoltes pour affamer les
populations 28. Les gaz ont d’abord servi dans les combats de rue et servent
maintenant à chasser les populations de leurs villages ou à les tuer. Mais de
très nombreuses inconnues subsistent, particulièrement inquiétantes. L’effet
tératogène des défoliants et des herbicides n’a été découvert que tout
récemment et l’on ignore encore leurs effets génétiques.
L’une des caractéristiques les plus inquiétantes de l’emploi actuel des
armes chimiques réside dans une double ignorance :
— ignorance concernant la durée du séjour du produit dans le sol et les
eaux, concernant la durée de leur action et les effets à longue
échéance ;
— ignorance concernant l’étendue de leur action. — Dès que l’arme est
employée sur une surface importante, en raison des vents et des
conditions météorologiques, la superficie atteinte dépasse la cible
visée. Le produit est ensuite disséminé. Le produit passe dans le sol,
est véhiculé dans l’eau, absorbé par les animaux, notamment les
oiseaux et les poissons. Il n’existe donc aucune limite géographique à
sa dissémination. Le phénomène est de même type que celui observé
avec le DDT et l’on sait que l’on a retrouvé sur des pingouins vivant
près du pôle sud du DDT alors que ces animaux sont à des milliers de
kilomètres de toute zone traitée par le DDT.
Edgewood — Maryland
C’est la plus ancienne base. Elle remonte à la Première Guerre mondiale
quand elle servait à la fabrication des obus à phosgène et aux autres gaz.
Elle a été le centre de la production et du remplissage des munitions à gaz
jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Pendant la Deuxième Guerre
mondiale, le travail principal a été l’étude des gaz nerveux produits par les
Allemands. Une étude pilote pour la production de sarin (connu ici sous le
nom de C.B.) a été mise en œuvre dans les dernières années 40. Beaucoup
de temps et d’argent sont investis à Edgewood dans la recherche de l’agent
incapacitant parfait, probablement une arme psychochimique ou
anesthésique. Le seul agent connu est le BZ et il a été utilisé dans le
combat. Le principal problème est la recherche d’un dosage uniforme. Ces
agents doivent être répandus de façon égale sinon ils tueraient dans les
zones à haute concentration et seraient sans effet dans les autres zones.
Les hélicoptères.
Utilisés pour la première fois au Vietnam en décembre 1961, tous ont été,
au fur et à mesure de leur emploi, et surtout à partir de 1965, transformés et
armés de mitrailleuses et de lance-roquettes.
— Hélicoptère léger d’observation, type Bell OH. 13 (Sioux) et Hiller
OH. 23 (Raven). Transporte le pilote et 4 hommes à une vitesse de croisière
de 240 km/h.
— Hélicoptère de transport de troupes, type Bell UH. 1D. Transporte le
pilote, un accompagnateur et une escouade complète (11 hommes), à la
vitesse de 180 km/h.
— Hélicoptère de combat, type Bell UH. 1B (Huey), utilisé à titre
expérimental en 1966. Equipé avec :
2 mitrailleuses à 6 canons (7,62 mm — 6 000 coups/minute) et 2 lance-
roquettes de 70 mm ; ou 2 canons de 20 mm ; ou 2 canons de 30 mm en
tourelles, à commande électrique. Le projectile a une vitesse initiale de 670
m/s. Il peut également être équipé de lance-grenades (ou de lance-grenades
à gaz) et d’engins guidés.
— Hélicoptère de transport, type CH. 47 Chinook. Peut transporter 33
hommes équipés ou 4 blessés couchés ou 6 tonnes de matériel. Vitesse de
croisière 240 km/h. Sert au transport de véhicules, de carburant (en
réservoirs souples), de vivres et quelquefois de troupes, ou à l’épandage de
produits chimiques.
— Hélicoptère de transport gros tonnage, type CH. 54 Skycrane. Charge
jusqu’à 10 tonnes et des charges extérieures encombrantes.
La 1re division de cavalerie aéromobile (lst Cavalry
Division — Airmobile) utilise 428 hélicoptères et 6 avions. Sa formule est
une nouveauté dans l’art militaire, assurant un transport plus rapide au
centre même de la zone de combat 34.
*
Matériels et appareils spéciaux.
Les laboratoires U.S. ont déployé des trésors d’ingéniosité pour inventer
du matériel spécial adapté aux besoins d’une guerre antiguérilla :
— appareil sensible aux odeurs, capable de détecter la présence
d’hommes au sol et de différencier « les amis des ennemis » ;
— tous les dispositifs compliqués de détection : infra-rouges,
électroniques, acoustiques 35 ;
— char sur coussin d’air, spécialement conçu pour le delta. La jupe est en
caoutchouc 36 ;
— bombes à retardement (dispositif spécial à l’acide) qui explosent au
bout de 6 mois et plus ;
— avion de reconnaissance absolument silencieux (moitié planeur, moitié
avion classique), dont les missions de nuit utilisent un dispositif
spécial de détection des troupes au sol (night-vision sensing device) 37.
Dans le domaine des bombes, la recherche a conduit à la fabrication de
bombes antipersonnel ou bombes à billes.
En 1965, c’étaient des petits pots munis d’ailettes, bombe « ananas »,
pesant 800 g chacun et contenant 240 billes d’acier de 6 mm de diamètre.
Explosant au sol, les petites bombes s’ouvraient et projetaient ces petites
billes sur un rayon de 25 m.
En 1966, ces bombes ont été perfectionnées pour contenir le même
nombre de billes dans un plus petit volume (400 g), c’est la « goyave », de
la dimension d’une balle de tennis. L’enveloppe contient 300 petites billes
de 5 mm de diamètre. L’engin contient un percuteur à force centrifuge ;
quand il tourne à une vitesse donnée, il explose en altitude. Les goyaves
sont elles-mêmes placées dans des « bombes mères » qui en contiennent
300 à 600, si bien que des dizaines de milliers de petites billes se trouvent
projetées en même temps sur une surface de 6 000 mètres carrés.
Plus tard, les billes ont été remplacées par des petits cubes d’acier aux
arêtes tranchantes.
Un véritable arsenal.
Toute une série de matériels a été inventé pour la dispersion des gaz et
des produits chimiques :
— différentes sortes de grenades, contenant du gaz CS sous forme de
poudre aérosol (grenade de poche, grenade cylindrique avec 120 g de
CS, grenade sphérique avec 100 g de CS) ; ▫
— ampoule contenant du bromo-acétate d’éthyle ;
— pompe « Mighty Mite », destinée à insuffler du gaz dans les abris
souterrains où se cachent les troupes ou la population civile ;
— dispositifs lance-grenades sur les hélicoptères ;
— balles de fusil contenant du gaz CS ;
— bidons en matière plastique, avec cordon explosif ;
— engins lance-projectiles, contenant 16 tubes de 4 projectiles chacun,
soit 64 projectiles par engin ;
— obus de canon de 36 mm, 105 mm, 155 mm, contenant du CS en
poudre ;
— fûts cylindriques de 1 mètre de haut et 0,50 m de diamètre, qui
contiennent 36 kg de CS en poudre, munis d’un dispositif explosif ou
d’un dispositif spécial à l’acide qui ronge la paroi métallique du fût,
laissant le gaz s’échapper peu à peu. Un hélicoptère Chinook
transporte environ 30 de ces fûts ;
— bombes chimiques à couverture plastique, formées de 8
compartiments renfermant chacun 33 projectiles. Quatre bombes de ce
type peuvent contaminer 5 hectares ;
— bombes chimiques de 200 kg à couverture métallique.
Un programme de construction d’unités navales pour les opérations
amphibies a été établi, qui porte jusqu’à l’année fiscale 1974...
C’est là un exemple qui prouve bien que les Etats-Unis entendent
toujours et pour longtemps encore perfectionner leurs armes, leurs matériels
et leurs techniques.
U.S. News & World Report, du 19 août 1968, parle des « armes nouvelles
pour la guerre au Vietnam » : « Des armes et des moyens inconnus jusqu’à
maintenant viennent d’être adoptés pour satisfaire aux besoins particuliers
de la guerre en Asie du Sud-Est. Quelques-uns en sont maintenant au stade
de l’utilisation. Un demi-milliard de dollars par an est actuellement dépensé
pour l’invention et l’essai de toute une série d’armes nouvelles
expressément destinées à la guerre au Vietnam. Le Dr John S. Foster Jr.,
directeur de la Recherche et de l’Engineering au Pentagone, a récemment
présenté au Congrès un rapport secret sur ces armes et moyens
spécialisés 38. Une version censurée de son témoignage vient d’être rendue
publique. »
B. — LES BOMBARDEMENTS
Déjà en 1936...
1936. — L’agression italienne contre l’Ethiopie révèle, pour la première
fois, l’utilisation de l’aviation militaire à des fins terroristes :
bombardements « en piqué » sur des colonnes — militaires ou civiles —,
mitraillages de villages, etc.
Ces agissements provoquent, dans le monde entier, une profonde
émotion. Mais ces bombardements, qualifiés à juste titre de « barbares »
demeurent cependant, quoique nombreux, des actes isolés.
1937. — La guerre d’Espagne apporte un « perfectionnement » de cette
tactique, une escalade dans le terrorisme, avec l’apparition dans le ciel des
escadrilles nazies de la Luftwaffe et des formations italiennes fascistes.
L’utilisation de l’aviation à des fins anti-civiles est devenue
quantitativement plus importante, elle prend un caractère de plus en plus
précis.
1939-1945. — Au cours de la seconde guerre mondiale, la bataille
aérienne prend une place de plus en plus nette, elle devient une forme
massive de combat. Sans que le mot soit encore prononcé, on a
systématiquement recours à l’effet « psychologique » ; pour la première
fois, aussi, apparaît la notion de bombardement « de saturation », de
« largage » de bombes « en tapis » (Rotterdam, Dresde, pour n’en pas citer
d’autres) ; l’expérience espagnole n’a pas été perdue !
Un pas de plus...
Mais si, de plus en plus, les objectifs civils sont visés, si, de plus en plus,
les bombardements sont aveugles et s’effectuent à des hauteurs sans cesse
ascendantes, on n’assiste pas encore à une véritable stratégie anticivile
systématique. Les raids massifs n’épargnent pas les concentrations urbaines,
mais ils les détruisent avec le reste (nœuds de communications,
infrastructure industrielle...). Il s’agit de détruire le potentiel de production
et de résistance de l’adversaire ; de démanteler son organisation
économique, de briser son moral.
Enfin, le champ d’action est géographiquement immense et toute
opération nécessite une quantité impressionnante d’appareils (jusqu’à 1000
pour certaines missions) dont la charge moyenne d’explosifs varie entre
quelques centaines de kilos et 4 tonnes.
En résumé, pour les dix premiers mois de 1969, les B. 52 ont déversé sur
le Sud : 420 000 t au cours de 2 634 raids.
26.1.70. En un seul jour, sur le Sud-Vietnam et la plaine des Jarres, au
Laos : 2 000 t.
On peut également noter le chiffre des sorties de ces B. 52 venus de l’île
de Guam (archipel des Mariannes), d’Okinawa et de Thaïlande : janvier à
mars 1969 : 222 par mois (en moyenne, sauf en février où le chiffre atteint
432 en 15 jours, selon A.F.P. du 22.2.69) ;
avril à juin : 270 ;
août (en 28 jours) : 252.
Enfin, un dernier complément :
début 1969 : 40 à 50 villages bombardés chaque jour ;
fin 1969 : 70 à 80 ;
début 1970 : chiffres non encore précisés, mais dépassant les précédents.
Pour conclure ce chapitre, ajoutons que la moyenne mensuelle
d’explosifs largués sur toute l’Europe au cours de la Seconde Guerre
mondiale n’a jamais dépassé le chiffre de 46 622 t. 47.
Donc, les seuls B. 52 frappent le très petit Vietnam plus durement que ne
le firent tous les avions des belligérants d’alors, à l’encontre de l’immense
étendue européenne 48.
Enfin, pour parfaire le travail des supers-géants aux huit réacteurs, de
nouveaux modèles d’avions tactiques et de plus puissants moyens ont été
mis à la disposition de l’U.S. Air Force. Par exemple :
30.4.1969. (100e jour après l’entrée en fonction de Nixon) — des
chasseurs bombardiers F. 4.E. remplacent les F.4.D., plus rapides, plus
maniables, ils peuvent porter un tonnage d’explosifs plus élevé 49. En même
temps, des escadrilles de chasseurs ultra-modernes A 37 sont livrées aux
autorités de Saigon.
26.12.1968. Pour la première fois, utilisation, dans la périphérie
populeuse de Saigon, de bombes de 5 t.
11.5.1969. Dans la région de Tay-Ninh, apparition de bombes de 7 t 5,
larguées par parachutes et explosant au-dessus du sol. Ce sont les plus
grosses bombes jamais utilisées dans aucune autre guerre.
Spécialement employées dans les régions forestières, elles peuvent
déraciner tous les arbres sur une superficie équivalente à celle d’un terrain
de football. Si elles explosent au-dessus d’une concentration urbaine...
Septembre 1968 :
La seule province de Tay Ninh subit l’assaut des B 52 pendant vingt jours
consécutifs ; en un seul jour, le 28, elle reçoit 1500 t d’explosifs (Bulletin
du F.N.L., 11.10.68).
Décembre 1968 :
En quarante-huit heures (du 12 au 14), la localité de Gio Linh, dans la
province de Quang Tri, est rasée par 1 000 t de bombes.
Le 10, ce sont 1 000 obus au napalm qui embrasent deux hameaux de
Doc Than (province de My Tho, à 55 km S.O. de Saigon).
Janvier 1969 :
Au cours de la journée du 30, la seule région de Can Tho est écrasée sous
4 500 t d’explosifs.
Février 1969 :
Le 26, 12 escadrilles « ratissent » 3 km2 à Long Nguyen et renouvellent
l’exploit le 11 mars au même endroit.
Avril 1969 :
Du 2 avril au 5 mai, la région de Duong Minh Chan voit lâcher sur elle,
au cours de 800 raids : 24 000 t ; dont : le 22 avril : 2 500 t, les 24 et 25 :
5 000 t, etc.
Mai 1969 :
Le 5, 4 400 t pour une partie seulement de la province de Tay Ninh déjà
maintes fois citée et qui le sera encore souvent ! le 8 : 4 500 t en douze
heures sur cinq provinces (Phuoc Long Binh Duong, Quang Ngac,
Kontoum, Quang Tri) et sur la banlieue de Saigon.
Le 14, 3 000 t sur Tay Ninh (encore !) et Dak To.
Le 29, 2 000 t en quelques heures sur divers points.
Juin 1969 :
Près de Tay Ninh, toujours, un bombardement de 48 heures (21 et 22) se
solde par 1 000 maisons rasées, 100 ha de cultures détruites... sans compter
les pertes humaines.
Du 7 au 27, c’est la province de Kontoum qui reçoit, pendant 20 jours
une moyenne quotidienne de 1000 t d’explosifs !
Le 18, 173 lâchers de bombes sur une surface de 100 ha.
Juillet 1969 :
Sur 57 ha seulement, près de la frontière du Cambodge, 2 000 t larguées
le 5.
Passons maintenant à quelques exemples de plus grande envergure cette
fois :
Dans 42 chefs-lieux de province et bourgs importants du delta du
Mékong, 100 000 maisons rasées.
Dans les districts septentrionaux de la province de Quang Nam,
destruction totale de 258 des 487 agglomérations.
Dans la province de Ben Tre, 10 raids par jour en moyenne, du 1er janvier
au 1er novembre 1969, soit 3000 raids.
Dans la région de Go Noc (province de Quang Nam) destruction
absolument totale sur une superficie de 40 km2 où était concentrée une
population de 30 000 personnes.
4. — Les B 52 sont « aidés » par l’aviation tactique dont le rôle n’est pas
négligeable
Chasseurs supersoniques, chasseurs bombardiers, bombardiers
« classiques », hélicoptères rapides lance-roquettes, etc., complètent la
panoplie de l’U.S. Air Force, dans sa mission de destruction systématique.
Là encore, quelques chiffres pour montrer l’ampleur des moyens mis en
œuvre et leur constante croissance :
janvier à juin 1969 : 8 000 sorties mensuelles,
juin 1969 : 9 556,
août (du 27 au 4 sept.) : 3 000 en neuf jours.
« L’aviation américaine a effectué (de mai à juillet) les raids de B. 52 les
plus puissants jamais connus, au cours de ces dix dernières semaines ; mais
en même temps, 561 chasseurs-bombardiers étaient spécialement affectés
au larguage de bombes explosives et de napalm sur tout le Sud-Vietnam
(A.F.P. et Reuter, 5 juillet 50.
Ce chapitre ne mentionne que les bombardements aériens dont le
caractère est particulièrement démonstratif de la stratégie utilisée. Mais cela
ne doit pas pour autant faire oublier le caractère massif des bombardements
de l’artillerie et de la flotte dont les ravages sont également éloquents 51.
En guise de conclusion
On pourrait, à longueur de feuillets, multiplier chiffres et exemples qui
montrent, sans contestation possible, la sauvagerie et la volonté de détruire
systématiquement, méthodiquement toute une population et de tenter de lui
ôter les moyens élémentaires de vie et de survie. Ils démontrent, à
l’évidence, qu’il s’agit là d’un plan mûrement arrêté et soigneusement
appliqué et non d’horreurs « inévitables », diront d’aucuns, qui constituent
les « retombées » de tout conflit.
S’il ne semble pas nécessaire de poursuivre cette atroce chronologie,
qu’on nous permette, cependant, avant de clore ce chapitre — un parmi
d’autres, hélas ! — d’un des crimes les plus monstrueux de la longue
histoire des hommes, de citer ici quelques témoignages que nous nous
garderons de commenter.
Comme la variole sur un visage humain
Le premier est la déclaration faite devant le Sénat américain, il y a moins
d’un an (et rapportée par U.P.I. le 25.6.1969) par l’évêque Armstrong,
membre d’une commission d’enquête de religieux qui avait séjourné au
Vietnam.
« Les troupes américaines, dit-il, ont systématiquement détruit et la terre
et les hommes. Produits chimiques, opérations d’extermination — chaque
jour accrues —, bombardements sans discrimination dévastent la campagne
et contraignent les paysans à quitter les terres déjà cultivées et dispersent les
familles (...). »
Le second figure dans Vietnam 1969, un « livre blanc » édité par le
Friend Service Cte (Organisation américaine des Quakers) : « Les
destructions physiques sont énormes, des centaines de milliers d’acres ont
été défoliées 52, d’innombrables villages rasés. Les cratères de bombes
marquent le physique de la campagne vietnamienne, comme le ferait la
variole sur un visage humain. »
La piscine Vietcong
Troisième témoignage : le récit dépouillé d’un « incident » qui se situe
dans la ligne des massacres de Ba Lang An, de Son My et d’ailleurs.
C’est une dépêche A.F.P. du 11 mars dernier, se référant à des sources
américaines. Elle fait état du massacre, le dimanche 9 mars, à 50 km de
Saigon, de « nageurs vietcongs » (sic), dans une clairière. Cette piscine de
fortune, précise le récit, avait été aménagée dans un de ces innombrables
cratères creusés par les super-bombes des super-bombardiers. Pour les
appareils américains, elle devint aussitôt une cible de choix et fut
transformée, selon le porte-parole américain cité par la dépêche, « en un lac
de sang ». Ce porte-parole, écrit le correspondant A.F.P., décrit la mort de
dix nageurs « vietcongs », soit dans l’eau, soit sur la rive, et ajoute qu’une
quarantaine d’autres baigneurs « ont été poursuivis alors qu’ils tentaient de
s’enfuir » par les avions mitraillant en rase-motte.
Et comment mieux compléter ces quelques récits, que par cet ultime
chiffre d’une estimation faite par un spécialiste américain :
Les B. 52 ont creusé, en 1968, sur tout le Vietnam : 2 600 000 cratères au
moins 53.
Au cours de six mois seulement, en 1969 et uniquement sur le Sud, ils en
ont creusé au moins autant :
— De 1961 à 1968 (1er novembre), le Vietnam — Nord et Sud — a reçu
au moins 2 800 000 t d’explosifs divers, selon l’A.F.P. du 1.11.68. Soit plus
que tous les théâtres d’opérations de la Seconde Guerre mondiale entre
1939 et 1945, de la part de tous les belligérants (environ 2 millions de
tonnes).
C. — CONSEQUENCES SOCIALES ET MORALES DE
L’OCCUPATION AMERICAINE
C’est dans cette situation d’échec généralisé sur tous les plans, au Nord,
au Sud, sur le plan militaire comme sur le plan politique, que la nouvelle
administration Nixon a défini sa politique et que s’est développée la
stratégie précédemment analysée.
Les crimes multipliés par les forces US sont en relation avec cette
situation. Les échecs enregistrés et les solutions de remplacement proposées
sont la cause fondamentale de ce redoublement d’horreur au Sud-Vietnam,
comme de l’extension de la guerre à l’ensemble de la péninsule
indochinoise.
En effet, de la politique de « vietnamisation » découlent, en particulier,
les crimes de l’ « Opération Phoenix » : pour pouvoir utiliser la population
au service des forces US et pouvoir l’enrôler massivement, « l’Opération
Phœnix » essaye d’éliminer les responsables patriotes. Sachant qu’il ne peut
pas vaincre les forces du Front, le commandement américain s’efforce
d’assassiner leurs cadres. Plusieurs dizaines de milliers de ces assassinats
étaient prévus, de trop nombreux ont été commis.
De la méthode qui consiste à employer les forces autochtones au service
de la politique US, et dont la vietnamisation est une application, découle
l’extension de la guerre au Laos (armée de Vientiane ; mercenaires de Vang
Pao) et de l’ingérence au Cambodge qui a pris une forme ouverte avec le
coup d’état du général Lon Nol, le 18 mars 1970.
De la volonté de tenir, coûte que coûte, certaines zones, d’autant plus
vitales qu’elles sont plus restreintes en nombre et en surface, alors que l’on
sait que dans son ensemble la population est hostile, découlent les
massacres comme ceux de Son My, Ba Lang An, opération « Tigre de
Mer », etc. Les zones à tenir absolument sont déclarées « zones de tir
libre », sont soumises aux bombardements en tapis, ou aux multiples effets
de la guerre chimique, la population est déportée ou massacrée.
L’importance de ces massacres dans les zones côtières montre bien la
relation qui existe entre ces horreurs et le repli de l’armée US. c’est-à-dire
la politique de retrait partiel des troupes américaines.
Enfin et surtout, de la stratégie de la « guerre d’en haut », ultime atout de
l’Etat-Major US, résultent évidemment les crimes des bombardements
massifs et sans distinction, de l’usage prépondérant des B. 52 lâchant leurs
bombes en tapis, ainsi que la généralisation de la guerre chimique.
Sans que rien ne soit enlevé à la responsabilité personnelle des
massacreurs de Son My, il est clair que l’origine des crimes américains au
Vietnam ne peut être trouvée au niveau de tel ou tel exécutant, mais bien
dans la stratégie employée, qui correspond à la politique définie par
l’Administration Nixon.
Mais une telle stratégie qui part d’échecs répétés pour aboutir à la
multiplication des crimes, n’est pas une preuve de force du colosse
américain, mais plutôt comme une sorte de fuite en avant d’un
commandement qui a perdu toute perspective de victoire, d’un
gouvernement qui se sait enlisé dans une guerre sans espoir, mais qui n’a
pas le courage de faire la paix.
1
Selon les sources, le nom du village et de ses hameaux varie : Son My ; My
Lai ; Tu Cung ; Truong An.
2
Appellation argotique employée par les soldats américains pour désigner les
Vietnamiens.
3
Bulletin du Bureau d’information du G.R.P. de la République du Sud-
Vietnam à Paris, N° 48, 4/10/69, pp. 7 à 10.
4
Bulletin du Bureau d’information du F.N.L. du Sud-Vietnam à Paris, N° 41,
16/8/69, p. 22.
5
Extrait du seul Bulletin (N° 64, 24/1/70) du G.R.P. de la République du Sud-
Vietnam à Paris.
6
Le récit de ce massacre a été publié dans le Bulletin du Bureau
d’information du G.R.P. de la République du Sud-Vietnam à Paris, N° 57,
6/12/69.
7
Déclaration de M. Nguyên Vàn Tiêu, chef-adjoint de la délégation du
G.R.P. de la R.S.V. à la 59e séance pleinière de la Conférence de Paris sur le
Vietnam, le 19/3/1970. Bulletin d’information du G.R.P. de la R.S.V., N° 72,
p. 7.
8
En anglais : Chemical Biological Warfare (C.B.W.).
9
« Santé publique et Armes chimiques et biologiques, O.M.S., Genève, 1970,
pp. 12-13.
10
« La guerre biologique est l’utilisation intentionnelle d’organismes vivants
ou de leurs toxines pour causer la mort, l’invalidité ou des dommages à
l’homme, l’animal ou la plante. La cible est l’homme, soit en causant la
maladie ou la mort, soit en détruisant ses ressources en nourriture ou ses
autres ressources agricoles. L’organisme humain doit poursuivre un
perpétuel combat pour se maintenir et se défendre, lui, les animaux et les
plantes en compétition avec les insectes et les micro-organismes. L’objet de
la guerre biologique est de détruire cet équilibre en distribuant délibérément
un grand nombre d’organismes dangereux ou leurs toxines, en cherchant à
utiliser les méthodes de dissémination les plus efficaces et les portes
d’entrée inhabituelles. » — Effets des armes biologiques, publié par le
Département d’Etat de la santé, l’éducation et du bien-être, juillet 1959.
Cité par Science, 13 janvier 1970.
11
Le sénateur Richard D. MacCarthy a déclaré que « nous avons été très près
d’utiliser l’armement biologique contre Cuba en 1962 ». (Weapons for
Counterins urgency).
12
D’après New York Review of Books, 25 avril 1968, Seymour M. Hersch et le
New Yorker, 7 février 1970 : Thomas Whiteside.
13
La circulaire T.C.3-16 du Quartier général de l’Armée américaine (avril
1969) sur l’emploi des agents de contrôle dans les opérations de contre-
guérilla conseille, à côté des défoliants et des herbicides, l’usage des
stérilisateurs du sol : Bromacile qui est livré sous trois formes, l’HYVAR X,
poudre contenant 80 % de bromacile, l’HYVAR XWS contenant 50 % de
bromacile, l’UROX B, liquide contenant 4 livres par gallon. L’UROX 22
est une substance comprenant 22 % de trichloracétate de monuron. Les
stérilisateurs du sol sont relativement stables une fois absorbés dans le sol ;
ils détruisent la végétation et peuvent empêcher toute repousse dans un
délai de quelques mois à plus d’un an. « Ils sont relativement non toxiques,
mais pendant leur manipulation, le masque à gaz doit être porté ».
14
Rapport Lavorel.
15
R.V. Boney et All Weeds, 15-1967-245.
16
F. Tschitley « Science » 163-1969-773.
17
Une autre observation sur les lieux a été faite en décembre 1969 par la
mission comprenant MM. Lavorel, Matarasso, Pfeiffer et Arthur Westling.
Cette mission a visité au Cambodge, dans la province de Kampong Chang
une zone de 70 000 hectares dont 10 000 plantés en héveas qui avait subi
les effets des produits chimiques toxiques (formule orange) au printemps de
la même année.
Huit mois après, les enquêteurs ont pu noter la défoliation des plantations
d’héveas, le retard apporté dans la montée de la sève et par conséquent la
perte économique grave subie par cette région (évaluation de 12 millions de
dollars) la modification des sols. Les registres de l’hôpital local montraient
une série d’affectations sans gravité : diarrhées, vomissements, mais pas
d’effets tératogènes.
D’après le compte rendu d’une mission d’information sur les épandages
fait par M. Lavorel, directeur de Recherches au C.N.R.S., directeur du
laboratoire de photosynthèse du C.N.R.S. de Gif, à la Journée d’études du
21 février 1970 à la faculté des sciences d’Orsay (Centre international
d’information pour la dénonciation des crimes de guerre).
18
En 1965, l’industrie chimique américaine a fabriqué 77 millions de livres de
produits herbicides et défoliants.
19
D’après Science, American Association for the Advancement of Science,
21/1/66, vol. 151, N° 3708.
20
Science, 21/1/66, vol. 151, n° 3708.
21
Les informations que nous publions sont tirées de l’article du professeur
Pfeiffer paru dans la revue scientifique américaine Scientific Research, du
9.6.69 et du 23.6.69.
22
D’après Congressional Record, février 1969, p.E. 794 et New Yorker du 7
février 1970. — The Science World du 10 nov. 1969.
23
Dépêche publiée par Le Monde en date du 19-20 mars 1970, le Pentagone,
tout en déclarant qu’il n’était pas prouvé que le 2,4,5-T provoquait des
malformations congénitales parmi la population sud-vietnamienne a décidé
de suspendre l’emploi opérationnel du « produit Orange ». Plus de 13
millions de litres de produit orange ont été déversés sur 5 millions
d’hectares au Sud-Vietnam pendant l’année 1969.
24
La brochure « Santé publique et armes chimiques et biologiques », éditée
par l’Organisation mondiale de la santé, déclare, p. 12 : « Il est impossible
de tracer une ligne de démarcation entre agents létaux et agents
incapacitants, car ces derniers peuvent provoquer la mort dans certaines
circonstances : très jeunes enfants, personnes âgées, personnes affaiblies par
la malnutrition ou la maladie ou en cas d’exposition aux concentrations
élevées qui se rencontrent dans les espaces clos. »
25
Roger Coutill, Defending the Empire : « U.S. Counter-insurgency
Research », ch. VII.
26
Seymour M. Hersch, Chemical and Biological Warfare : America‘Hidden
Arsenaal », Ancor, 1969, p. 29.
27
Cité par Seymour M. Hersh, On Uncovering the Great Nerve Gas Cover-
up, Ramparts, juin 1969.
28
Le Zyklon B, qui a servi dans les camps hitlériens à massacrer des millions
de déportés, était présenté primitivement comme un désinfectant, comme un
insecticide, comme un produit utile pour la dératisation. L’analogie avec
l’utilisation actuelle des gaz, des herbicides et des défoliants au Vietnam est
frappante.
29
Voir Interavia, revue internationale de défense, n° 3, 1967, « L’armement
des troupes américaines au Vietnam », pp. 256 à 261.
30
Le Monde, 16.9.66.
31
Nouvel Observateur, 30.11.66, « Les chiffres de la terreur ». « Un seul de
ces vols a la même puissance destructive qu’un raid de 200 superforteresses
pendant la Seconde Guerre mondiale. »
32
Le Monde, 7.4.67.
33
Nous n’avons pas mentionné dans cette énumération le F. 111, biplace de
combat biréacteur à géométrie variable, le plus moderne des avions
américains, dont l’usage dans les bombardements contre le Nord-Vietnam a
été stoppé par les pertes qu’il a subies.
34
Interavia, Revue internationale de défense, n° 5, 1966, pp. 569 à 573.
35
Le Dr Carpentier, de l’Association médicale franco-vietnamienne, de retour
du Cambodge où il a eu contact avec des médecins du Service de Santé du
G.R.P. du Sud-Vietnam, a déclaré le 17.3.70, lors d’une conférence sur la
guerre chimique, que ces moyens de détection permettent de repérer
notamment les hôpitaux (concentration humaine, allées et venues, etc.).
Ceux-ci « tiennent » deux à trois semaines et sont ensuite bombardés.
36
Le Figaro, 26.8.69, Max Clos, « Vietnam, la porte étroite de la Paix ».
37
Internationl Herald Tribune, 15.10.69.
38
Souligné par nous (N.D.L.R.).
39
Ce qui n’empêchera pas, d’ailleurs, de multiples violations de se produire.
Du 1er novembre 1968 au 1er novembre 1969, l’aviation américaine
effectuera 10 000 vols de reconnaissance et 300 raids — dont 40 avec des
B. 52 — sur le territoire de la R.D.V. ; en février 1970, 130 bombardements,
chiffre triple de celui de janvier.
40
Selon le secrétaire d’Etat américain Clifford, en janvier 1969. Un
rapprochement entre les informations de l’agence de presse du G.R.P. du
Sud-Vietnam et les agences occidentales — américaines notamment — fait
en général apparaître un très faible écart entre les chiffres cités.
41
Ces chiffres fournis par le Pentagone (et donc peu susceptibles d’être
exagérés) représentent déjà une augmentation de 12 % par rapport à la
quantité précédemment déversée sur la totalité du Vietnam. Ces chiffres ont
été confirmés le 25 avril par le secrétaire à la Défense Melwyn Laird. Il
n’est pas inutile de rappeler qu’à cette époque, la présidence de Nixon dure
depuis 4 mois et que le candidat Nixon s’écriait le 14 octobre 1968 devant
les caméras de télévision de la Floride : « Je veux m’asseoir à cette T.V.
pour vous dire : « élisez-moi et je mettrai fin à cette guerre en six mois »
(U.P.I., 14.10.68).
42
Une partie de ces hélicoptères (3 500 en moyenne) est affectée à l’épandage
des produits toxiques et à l’attaque à basse altitude, au moyen de roquettes
ou de napalm. 72 % affectées au transport de troupes effectuant mensuelle
300 000 heures de vol, ce qui représente le déplacement de 333 000
hommes et de 100 000 t de munitions (sources : Los Angeles Time, 18.6.69).
43
A.F.P., 1.1.1969.
44
La moyenne des attaques par B. 52 en juillet dépasse celle des six mois
précédents (U.P.I., 30.8.69) et ces attaques totalisent en 40 jours (1er
juillet — 15 août) un tonnage équivalent à celui des années 1962-1963 sur
le Sud.
45
Dont Tay Ninh, Binh Long, Phuoc Long, Binh Thuanh.
46
Deux sièges qui durèrent chacun près de deux mois.
47
A.F.P., 1er janvier 1969.
48
Chaque mission de B. 52 comprend de 3 à 12 appareils, chargés chacun de
30 t d’explosifs. Le Sud-Vietnam = 170 000 km2, soit moins d’un tiers de la
France.
49
Les F. 4 « Phantom » et les « Thunderchief » F. 105 transportent, déjà, de 5
à 7 t.
50
Correspondant à une série record de bombardements par B. 52 (voir point
3).
51
Au cours de la période 1964 à 1966, on estimait généralement que le
nombre d’obus américains tirés en ces deux ans était équivalent à celui que
l’armée américaine avait utilisé au cours de toute la Seconde Guerre
mondiale. Depuis, l’ampleur des bombardements de ce genre s’est accrue
au même rythme que les autres opérations.
52
L’acre anglaise, généralement utilisée dans les estimations, équivaut à 40
ares et demi.
53
Selon la nature des terrains, une bombe de B. 52 fait un cratère qui peut
atteindre jusqu’à 30 m de diamètre et 9 m de profondeur.
54
J. Scheel a décrit une opération de ce genre dans Le Village de Bensuc Paris,
1967.
55
New York Times du 20.10.67. Le Dr E. Wulff — qui a séjourné pendant 6
ans au Vietnam — avance le chiffre de 4 millions (in. Tribunal Russell, II,
p. 309).
56
Jean Bertolino, Vietnam sanglant, Stock, 1968, p. 86.
57
Dans une conférence de presse tenue à Paris le 19.12.69, Mlle Phan Thi
Lien, rescapée du massacre de Ba Lang An, a raconté comment sa mère
avait péri dans un camp aménagé au milieu des dunes de sable sans abri ou
presque pour se protéger de l’insolation et des intempéries (voir chapitre
« Les Massacres »).
58
Ibid.
59
Ces pourcentages et nombres proviennent de l’Institut national de la
Statistique, Saigon.
60
« Il semble que l’ennemi le plus obstiné du Sud Vietnam n’est pas le
Vietcong mais l’inflation » (New York Times du 4.5.1966).
61
Công Luân du 12.8.1968.
62
Bulletin d’Information du GRP du Sud Vietnam, n° 21 du 28.9.1969, p. 16.
© 1970 Librairie Arthème Fayard
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles
d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant
jusqu’alors uniquement sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287
du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.
Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien
conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment
au titre du dépôt légal. Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des
éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.
Cette édition numérique a été initialement fabriquée par la société FeniXX au format
ePub (ISBN 9782706218224) le 11 janvier 2019.
*
La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre
original, qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia ‒ Société Française
des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars
2012.
Table des matières
1. Couverture
2. Présentation
3. Page de titre
4. Sommaire
5. Au lecteur
6. Première Partie
1. Les massacres de population
1. 1°) Son My.
2. 2°) Le contexte de Son My.
3. 3°) Mille Son My.
1. Massacre de Ba Lang An.
2. Massacre de Go Su.
3. L’opération « Tigre de Mer ».
7. Deuxième Partie
1. La guerre chimique
1. I. — L’accusation vietnamienne
1. -
1. A. — Desseins et procédés des impérialistes
américains relatifs à la guerre chimique qu’ils
mènent au Sud-Vietnam.
2. B. — Actions d’épandage de produits chimiques
toxiques dénommés « herbicides » par les
Américains.
1. DOCUMENTS ANNEXES
1. I - Effets directs des produits chimiques
toxiques dénommés « herbicides » sur
les céréales et les arbres fruitiers. Dégâts
subis par le district d’An Lao (Binh
Dinh) à la suite d’épandages de produits
chimiques par les Américains.
2. II - Symptômes pathologiques d’un
intoxiqué par les produits chimiques
2. III
3. C. — L’emploi des gaz toxiques.
4. D. — Conclusion
1. DOCUMENT ANNEXE
1. I - Statistiques incomplètes des
épandages de gaz toxiques en 1969.
2. II - Statistiques incomplètes des
épandages de produits chimiques
dénommés « herbicides » en 1969.
2. II. — Les données d’origine américaine
1. Introduction.
2. Historique.
1. A) DEFOLIATION.
2. B. — LA GUERRE ANTIRECOLTES
3. C. — LES EFFETS SUR LA DESCENDANCE
DE L’HOMME (Effets tératogènes)
4. D. — GAZ TOXIQUES
1. Les stations d’étude de la guerre chimique et
bactériologique
8. Troisième Partie
1. Bombardements. Expérimentation. Effets sociaux.
1. A. — LES ARMES. LE VIETNAM, CHAMP
D’EXPERIENCE
1. L’aviation (U.S. Air Force).
2. Les hélicoptères.
3. Matériels et appareils spéciaux.
4. Un véritable arsenal.
2. B. — LES BOMBARDEMENTS
1. Une stratégie calculée. Vers le biocide ?
1. 1. — A partir du 1er novembre 1968, l’agression
aérienne contre le Sud va sans cesse augmenter
d’intensité
2. 2. — L’agression aérienne contre le Sud va
augmenter en puissance de feu et mettre en œuvre
des armes nouvelles
3. 3. — L’augmentation d’intensité des
bombardements par B 52 seulement est parallèle à
une concentration de feu sur des surfaces très
réduites
4. 4. — Les B 52 sont « aidés » par l’aviation
tactique dont le rôle n’est pas négligeable
2. En guise de conclusion
3. Personne ne peut plus vivre dans ce cauchemar
3. C. — CONSEQUENCES SOCIALES ET MORALES DE
L’OCCUPATION AMERICAINE
9. CONCLUSION
10. CE LIVRE PARAIT A L’OCCASION DU RASSEMBLEMENT
NATIONAL POUR LE VIETNAM CONVOQUE LE 10 MAI 1970 A
PARIS PAR 125 PERSONNALITES ET 44 ORGANISATIONS
11. Notes
12. Copyright d’origine
13. Achevé de numériser
Pages
1. Page 1
2. Page 2
3. Page 3
4. Page 4
5. Page 5
6. Page 6
7. Page 7
8. Page 8
9. Page 9
10. Page 10
11. Page 11
12. Page 12
13. Page 13
14. Page 14
15. Page 15
16. Page 16
17. Page 17
18. Page 18
19. Page 19
20. Page 20
21. Page 21
22. Page 22
23. Page 23
24. Page 24
25. Page 25
26. Page 26
27. Page 27
28. Page 28
29. Page 29
30. Page 30
31. Page 31
32. Page 32
33. Page 33
34. Page 34
35. Page 35
36. Page 36
37. Page 37
38. Page 38
39. Page 39
40. Page 40
41. Page 41
42. Page 42
43. Page 43
44. Page 44
45. Page 45
46. Page 46
47. Page 47
48. Page 48
49. Page 49
50. Page 50
51. Page 51
52. Page 52
53. Page 53
54. Page 54
55. Page 55
56. Page 56
57. Page 57
58. Page 58
59. Page 59
60. Page 60
61. Page 61
62. Page 62
63. Page 63
64. Page 64
65. Page 65
66. Page 66
67. Page 67
68. Page 68
69. Page 69
70. Page 70
71. Page 71
72. Page 72
73. Page 73
74. Page 74
75. Page 75
76. Page 76
77. Page 77
78. Page 78
79. Page 79
80. Page 80
81. Page 81
82. Page 82
83. Page 83
84. Page 84
85. Page 85
86. Page 86
87. Page 87
88. Page 88
89. Page 89
90. Page 90
91. Page 91
92. Page 92
93. Page 93
94. Page 94
95. Page 95
96. Page 96
97. Page 97
98. Page 98
99. Page 99
100. Page 100
101. Page 101
102. Page 102
103. Page 103
104. Page 104
105. Page 105
106. Page 106
107. Page 107
108. Page 108
109. Page 109
110. Page 110
111. Page 111
112. Page 112
113. Page 113
114. Page 114
115. Page 115
116. Page 116
117. Page 117
118. Page 118
119. Page 119
120. Page 120
121. Page 121
122. Page 122
123. Page 123
124. Page 124
125. Page 125
126. Page 126
127. Page 127
128. Page 128
129. Page 129
130. Page 130
131. Page 131
132. Page 132
133. Page 133
134. Page 134
135. Page 135
136. Page 136
137. Page 137
138. Page 138
139. Page 139
140. Page 140
141. Page 141
142. Page 142
143. Page 143
144. Page 144