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Les « Davidiens »

Jacques Louis David a joué un rôle considérable dans l’histoire de la peinture de la fin du
XVIIIe et du début du XIXe siècle. Du fait de la richesse, la qualité et l’extraordinaire force de
son œuvre, tout d’abord : il est le chef de fil du néoclassicisme. Il est celui qui, des dernières
années du règne de Louis XVI à la chute de Napoléon, a su magnifier quelques-uns des
épisodes les plus importants de notre histoire. Mais c’est aussi par son enseignement que
David a marqué son époque et l’histoire de l’art. De nombreux jeunes artistes, venus de toute
l’Europe, ont fréquenté son atelier (entre 280 et 470, selon les sources). Nous connaissons
assez bien le fonctionnement de l’atelier* grâce au livre de souvenirs écrit par Etienne-Jean
Delécluze :

« Ce vaisseau avait environ 45 pieds de long sur 30 de large. Ses murs crépis en
plâtre étaient recouverts d’une teinte en détrempe de couleur gris olive et la lumière
n’était introduite en ce lieu que par une seule ouverture élevée de 9 pieds au-dessus
du plancher, en donnant sur l’esplanade du Louvre, sous la grande colonnade. Le
long des deux parois latérales, étaient placés, à gauche, le tableau des Horaces et
celui de Brutus. […] Si ces tableaux attiraient vivement l’attention par leur mérite,
l’ameublement de l’atelier était en son genre un objet de curiosité non moins piquant.
Jusqu’à cette époque, les meubles des maisons et même les plus opulentes de
Paris étaient encore fabriqués sur le modèle de ceux du temps de Louis XV et de
Marie-Antoinette, tandis que ceux de l’atelier des Horaces portaient un tout autre
caractère. Les chaises courantes en bois d’acajou sombre, et couvertes de coussins
en laine rouge avec des palmettes noires près des coutures, avaient été copiées
sur celles dont la représentation est si fréquente sur les vases dits étrusques. Au
lieu des deux bergères d’usage, on voyait d’un côté, une chaise curule en bronze
dont les extrémités des deux X se terminaient par des têtes et des pieds d’animaux.
[…] Le tout était fidèlement imité de l’antique et exécuté par le plus habile ébéniste
de ce temps, Jacob, d’après les dessins de David et de Moreau, son élève. […] Au
surplus, tous ces objets, exécutés d’après le goût et sur l’ordre de David, étaient, à
proprement parler, des meubles d’atelier, puisqu’en effet, ce peintre les a copiés
dans ses ouvrages1. »

Les peintres qui fréquentent l’atelier de David ne forment pas un groupe homogène. Bien sûr,
ils se reconnaissent dans les grands principes adoptés par leur maître (importance de la
composition, du dessin, goût pour l’antique…), mais ils sont libres de les adapter à leur propre
personnalité. Grâce au patronage de Napoléon Bonaparte et à la publicité offerte par les
Salons, certains d’entre eux ont connu une brillante carrière.

Anne-Louis Girodet (de Roucy-Trioson) (1767-1824)

Anne-Louis Girodet* est né à Montargis, en 1767. Après la mort de son père, il est élevé par
un tuteur, le docteur Trioson, chirurgien militaire, qui lui fait donner une bonne éducation à
Paris. Il finit par l’adopter et lui laisse une fortune considérable. Le jeune garçon est doué et
David l’accepte dans son atelier, en 1785, comme un de ses premiers élèves. Quatre ans plus
tard, en 1789, il obtient le prix de Rome avec un tableau représentant Joseph vendu par ses
frères*.
Il arrive à Rome en 1790 et commence, peu après, Le Sommeil d’Endymion* qui connaît un
grand succès lors de sa présentation à Rome, puis à Paris en 1793. Le jeune berger Endymion

1
Étienne-Jean Delécluze, David son école et son temps, 1855.

1
est plongé dans un sommeil profond de trente années, au cours duquel il conserve malgré
tout sa jeunesse. La déesse Diane succombe à l’attrait de sa beauté et lui rend visite chaque
nuit.

« Je fais un Endymion dormant, l’Amour écarte les branches des arbres, auprès
desquels il est couché de manière que les rayons de lune l’éclairent par cette
ouverture et le reste de la figure est dans l’ombre. […] L’invention m’en fut inspirée
par bas-relief de la villa Borghèse. J’ai cru devoir ne pas représenter la figure de
Diane. Il m’a semblé inconvenant de peindre, dans le moment d’une simple
contemplation amoureuse, une déesse renommée par sa chasteté. L’idée du rayon
m’est apparue plus délicate et poétique2 ».

La grande trouvaille du tableau réside, en effet, dans le fait que la déesse se manifeste
uniquement sous la forme d’un rayon lumineux, qui caresse le visage et le torse d’Endymion.
Le nu idéal est d’inspiration antique mais le paysage, l’éclairage lunaire, l’effet mystérieux et
irréel, témoignent d’une sensibilité nouvelle, qui annonce le romantisme.
Après l’exécution de Louis XVI, les Français résidant à Rome sont inquiétés. Le gouvernement
du pape ferme l’Académie et Girodet est obligé de s’enfuir à Naples. Dépourvu d’argent et en
mauvaise santé, il mène une vie difficile entre Venise, Florence et Gênes. De retour à Paris,
en 1796, il se voit attribuer un atelier au Louvre.
Sous le Directoire, Girodet n’entreprend aucun projet d’envergure. Il exécute de beaux
portraits dont celui de Jean-Baptiste Belley*, premier député français noir. Le peintre le
représente dans son costume d’apparat, sur fond de ciel bleu, devant un paysage de sa
circonscription de Saint-Domingue, à côté d’un buste en marbre, à l’antique, de l’abbé Raynal,
une figure célèbre de la lutte contre l’esclavagisme.
En 1800, Girodet reçoit une importante commande des architectes Percier et Fontaine qui
travaillent à la rénovation et au réaménagement du château de Malmaison* pour Napoléon.
On demande au peintre de s’inspirer d’une œuvre littéraire qu’apprécie particulièrement
Bonaparte, les Poèmes d’Ossian. Il s’agit d’un récit épique publié, entre 1760 et 1765, par un
poète écossais, James Macpherson. MacPherson prétendait avoir retrouvé d’anciens textes
« gaéliques » qui avaient été composés au IIIe siècle avant notre ère. Il s’agissait en réalité
d’une supercherie : Macpherson avait inventé une grande partie de son histoire. L’Europe s’est
prise de passion pour ce récit épique qui est alors considéré comme l’équivalent nordique des
épopées homériques. Dans son tableau*, Girodet transforme le faux mythe gaëlique en une
célébration des récentes victoires françaises. Il représente Ossian aveugle dans son « aérien
palais de gloire » :

« Les ombres des héros français (à droite) conduites par la Victoire, viennent habiter
l’Élysée aérien où les ombres d’Ossian et ses valeureux guerriers s’empressent de
leur donner dans ce séjour d’immortalité et de gloire, la fête de la Paix et de
l’Amitié3 ».

Le vieux barde est à la tête d’une armée de héros spectraux. Il accueille les généraux français
tombés au champ d’honneur au cours des dernières campagnes (on reconnaît Desaix, Kléber,
Marceau…). Ils sont guidés par une Victoire qui plane au-dessus de la scène. Dans la partie
inférieure, un ballet de jeunes femmes vient fermer la composition : certaines chantent et
jouent de la musique, d’autres apportent des boissons ou jettent des fleurs sur le passage des
héros. En dépit des profils et des corps idéalisés, le tableau n’a rien de néoclassique (cf. la
composition chargée, les effets de lumière, les couleurs spectacles…). Quand David découvre
l’œuvre terminée, il est stupéfait et reste muet de désapprobation.

2
Lettre d’Anne-Louis Girodet au docteur Trioson, 1791.
3
Extrait de la notice du Salon.

2
Le peintre des Horaces se montre plus enthousiaste devant La Scène de Déluge* que son
disciple présente lors du Salon de 1806. On y découvre un paysage lugubre, peuplé de
personnages gigantesques suspendus. Un père à la morphologie d’Hercule, se cramponne à
une branche d’arbre et tente de sauver sa famille de l’inondation. Girodet s’éloigne ici encore
des canons classiques définis par Winckelmann : l’anatomie est traitée avec soin, mais la
composition n’a rien de figée. Girodet crée un formidable élan, accentue l’effet dramatique en
disposant les personnages sur une diagonale ascendante qui traverse le tableau. Cf. les
visages déformés par la douleur du père et de la mère qui semble prête à tomber à la
renverse… Que reste-t-il de la « sereine grandeur » du Serment des Horaces ? Le public du
Salon préfère l’œuvre de Girodet à L’Enlèvement des Sabines de David, présenté la même
année. On peut y voir le signe d’une certaine désaffection pour les sujets trop austères.
En 1808, Girodet fournit une autre preuve de son originalité et de son goût pour l’innovation
avec Atala au tombeau* (dit aussi Les Funérailles d’Atala). Le sujet est emprunté à une
nouvelle, Atala ou les Amours de deux sauvages dans le désert, écrite par Chateaubriand, en
1801, dont l’action se déroule dans l’Amérique du XVIIe siècle. Il s’agit d’une histoire d’amour
tragique : le jeune indien Chactas est fait prisonnier par une tribu ennemie et tombe amoureux
d’une de ses représentantes, Atala. Chactas et Atala s’enfuient dans la forêt et son recueillis
par un ermite, le père Aubry. Atala, qui est partagée entre son amour pour Chactas et la
promesse faite à sa mère de rester vierge, se suicide. Après une nuit de veille, les deux
hommes enterrent la jeune fille dans une grotte. Girodet reprend ici la composition
traditionnelle des tableaux figurant le thème de La Mise au tombeau du Christ. Atala porte une
tunique blanche et tient entre ses mains une petite croix, signes de sa pureté et son
attachement à la religion. Une douce lumière vient caresser son visage, son buste et ses bras :
elle semble endormie. Accablé de douleur, Chactas serre avec passion les jambes de la jeune
fille. Il est maintenu dans l’ombre, tout comme le père Aubry dont on devine à peine le visage.
Un verset de la Bible, gravé sur la paroi du rocher, commente la scène : « J'ai passé comme
la fleur, j'ai séché comme l'herbe des champs ». Girodet est resté fidèle au roman de
Châteaubriand dont on retrouve bien les thèmes et l’esprit (l’exotisme, l’innocence des peuples
primitifs, le sentiment amoureux, la religion…). Les figures sont idéalisées (Atala et Chactas
ressemblent à des sculptures antiques) mais on est bien loin de l’esprit des grandes
« machines » davidiennes. Le paysage, la lumière (qui rappelle celle du Sommeil d’Endymion),
la sensualité, le sentiment de religiosité nous amènent doucement vers le romantisme.
Deux ans plus tard, Girodet présente un portrait de Châteaubriand* qui est rendu célèbre par
la gravure. Le peintre représente l’écrivain dans une attitude de négligente nonchalance. Il est
vêtu d’un élégant ensemble de couleur sombre mais son manteau paraît un peu trop large
pour lui. Ses cheveux sont ébouriffés par le vent. Accoudé sur un muret partiellement envahit
par de lierre, il médite, le regard égaré, et glisse les doigts de main droite sous son gilet.
Derrière, on devine les ruines romaines, avec à gauche le Colisée. Girodet s’éloigne du portrait
néoclassique qui se fixe pour objectif de figurer le modèle dans son cadre social. Il se
rapproche du portait romantique qui se concentre sur la psychologie, les émotions (ici une
certaine mélancolie).
Comme tous les peintres éminents de l’époque, Girodet est enrôlé au service de la
propagande impériale. Napoléon reçoit les clés de la ville de Vienne*, sa première commande,
ne lui permet pas véritablement de briller. Difficile de faire un tableau exaltant sur ce thème !
Napoléon fait mollement face aux dignitaires viennois qui lui remettent les clés de la ville. Il n’y
a pas véritablement d’action. Son deuxième essai, Révolte au Caire, le 21 octobre 1798*
(1810), est beaucoup plus intéressant. Girodet cherche manifestement à rivaliser avec son
ami Gros dont il admire les scènes de bataille. Il s’agit d’un épisode de la campagne d’Égypte.
Le moment représenté est celui où les Français, après avoir pénétré dans la grande mosquée
du Caire, combattent les rebelles qui s’y sont retranchés. Dans cette composition tumultueuse,
Girodet s’attache à représenter la férocité des combats. La bataille toute entière est résumée
dans l’action des trois principaux personnages : un hussard lève son sabre sur un maure
gigantesque et nu qui tient dans ses bras son chef turc expirant. Le raffinement des costumes

3
contraste avec l’atrocité des combats (cf. tête coupée au centre de la composition). Une fois
de plus, Girodet semble prendre ses distances avec l’enseignement de son maître (cf. le
mouvement, la lumière contrastée, la palette riche et chaude…).
En 1812, Girodet se voit confier la réalisation de trente-six portraits grandeur nature de
Napoléon. Il en a terminé vingt-six au moment de l’abdication de l’empereur, en 1814.
Parallèlement à cette production quasiment industrielle, il travaille pendant plusieurs années
sur un tableau intitulé Pygmalion et Galatée*. Le tableau est commandé par un mécène italien,
Giovanni Battista Sommariva, qui souhaite rendre hommage au sculpteur Antonio Canova.
C’est certainement ce qui explique le caractère affecté de cette représentation qui hésite entre
le néoclassicisme le plus pur et un certain lyrisme. D’ailleurs, le tableau paraît déjà un petit
peu anachronique lors de sa présentation au Salon de 1819, où Géricault présente Le Radeau
de la Méduse. Il s’agit de la dernière œuvre importante de Girodet qui meurt en 1824.

François-Pascal Gérard (1770-1837)

François-Pascal Gérard* nait en 1770, à Rome (son père est au service de l’ambassadeur de
France au Vatican). À douze ans, il est envoyé à Paris. Il fréquente divers établissements
spécialisés dans l’enseignement du dessin avant d’entrer dans l’atelier de David, en 1786. En
1789, il obtient le second prix de Rome (derrière Girodet). Après la mort de ses parents, il
connaît certaines difficultés financières. David lui apporte alors un soutien important. Il
l’engage comme assistant pour l’exécution de Le Peletier de Saint-Fargeau sur son lit de mort,
lui obtient un logement et un atelier au Louvre, le recommande pour la réalisation d’une série
d'illustrations (La Fontaine, Virgile) pour l’éditeur Didot, et lui évite la conscription militaire, en
lui obtenant un poste de juré au Tribunal révolutionnaire (il prétexte une mauvaise santé et y
siège finalement peu).
Au sortir de la Révolution, le succès vient rapidement. Au Salon de 1795, Gérard expose un
Bélisaire* qui connaît un grand succès. Le choix du thème montre que Gérard souhaite
s’inscrire dans la continuité de son maître. Comme David, Gérard fait preuve d’une excellence
maîtrise du dessin. Les profils et les corps sont idéalisés, la touche est parfaitement
homogène. Mais la composition, réduite à deux personnages, le traitement du paysage et de
la lumière (cf. le contre-jour et le coucher de soleil) confère une certaine douceur, une certaine
sentimentalité à l’œuvre. Le portraitiste et miniaturiste Jean-Baptiste Isabey, qui a vent de la
situation financière délicate de Gérard, achète le tableau. Pour le remercier, Gérard peint son
portrait*. Il le représente en pied, en costume d’équitation, accompagné de sa fille,
Alexandrine, et d’un chien qui semble s’impatienter. Les deux figures sont dessinées et peintes
avec une extrême minutie (cf. touche délicate, le visage déterminé du modèle). Ils se
détachent parfaitement sur les murs sombres de l’escalier qui s’ouvre, à l’arrière-plan, sur une
tache de soleil.
En 1798, Gérard expose une œuvre intitulée Psyché et l’Amour*. Le tableau représente un
mythe raconté par l’auteur latin Apulée, dans le conte L'Âne d'or, puis par Jean de La Fontaine
dans Les Amours de Psyché et de Cupidon. Sur ce tableau, l’Amour, le fils de Vénus, dépose
un baiser sur le front de la jeune princesse Psyché, qui ne peut pas le voir. Surprise et troublée,
elle croise pudiquement les bras sur son buste nu. C’est un thème qui a séduit de nombreux
artistes, de l'Antiquité jusqu'à l'époque néoclassique. C’est une évocation de l’amour naissant,
mais c’est aussi une allégorie (« Psyché » en grec signifie « l’âme »). En représentant ce
thème, les artistes illustrent donc le thème de l’union de l’âme humaine et de l’amour divin. Le
tableau de Gérard est un subtil mélange de froideur et de sensualité. C’est une sorte de
transcription peinte du groupe sculpté de Canova, L'Amour et Psyché*, antérieur de cinq
années. Le paysage apporte une certaine douceur qui contraste avec la beauté froide et
glacée des corps idéalisés. L’aspect « porcelainé » de la touche explique qu’on ait parfois
comparé Psyché et l'Amour à des figures de camées antiques ou à des statuettes en biscuit

4
de Sèvres. Très éloignée du style monumental de David, ce tableau témoigne d’une évolution
du néoclassicisme vers quelque chose de plus sentimental.
Introduit dans le cercle de Bonaparte, Gérard est lui aussi sollicité par Percier et Fontaine pour
décorer les salons du château de Malmaison, sur le thème d’Ossian (Ossian évoque les
fantômes au son de la harpe sur les bords du Lora, 1801*). Contrairement à Girodet, il ne mêle
pas mythologie et actualité. Il reste fidèle aux poèmes et représente simplement le vieux barde
aveugle qui joue de la harpe, entouré des spectres des membres de sa famille et de ses
compagnons d’arme. La scène, emprunte de mélancolie, est baigné d’une lumière surnaturelle
qui laisse à peine deviner le paysage environnant.
Gérard se spécialise progressivement dans le portrait. Les plus importants personnages de
France et d’Europe viennent poser pour lui. Le plus célèbre de ses portraits est sans doute
celui de Madame Récamier*, qu’il réalise en 1802, à la demande du modèle qui n’apprécie
guère celui exécuté, deux ans plus tôt, par David. Madame Récamier n’est plus allongée sur
son lit de jour mais assise. Gérard s’attache à rendre tout le raffinement de sa tenue, de sa
coiffure. Il la situe devant une architecture antique, sous une arcade dont l’ouverture est
obstruée par un drap rouge tendu entre deux colonnes. On aperçoit, en haut, un petit bout de
ciel, à travers les frondaisons des arbres. On comprend que Madame Récamier ait préféré
cette représentation plus douce, plus naturelle et plus valorisante.
Gérard s’est vu accordé tous les honneurs : chevalier de la Légion d’honneur (1802), premier
peintre auprès de l’Impératrice Joséphine (1806), professeur aux Beaux-Arts (1811), membre
de l’Institut (1812), Premier peintre du Roi (1817), baron (1819).

Antoine-Jean Gros (1771-1835)

Antoine-Jean Gros est peut-être le plus brillant des élèves de David. Il aura une grande
influence sur la génération suivante.
(Voir TD, Pestiférés de Jaffa)

Il faut également évoquer quelques peintres qui n’ont pas directement suivi l’enseignement de
David mais qui ont été largement influencé par ses principes et ses œuvres.

Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833)

Pierre-Narcisse Guérin* est admis en 1785 à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Il


y est notamment l’élève de Jean-Baptiste Regnault, un maître connu, rival de David. En 1797,
il obtient le premier grand prix de Rome pour La Mort de Caton*. On y retrouve tous les grands
principes du néoclassicisme : l’exemplum virtutis, (Caton se donne la mort pour être capturé
par César), la composition claire en frise, le fond sombre, le dessin linéaire, l’éclairage
théâtral… Les gestes sont cependant plus marqués, moins retenus que dans La Mort de
Socrate de David. Son premier grand tableau est Le Retour de Marcus Sextus*, qui connaît
un grand succès lors du Salon de 1799. Le livret présente le sujet en ces termes : « Marcus
Sextus, échappé aux proscriptions de Sylla, trouve à son retour sa fille en pleurs auprès de sa
femme expirée ». L’épisode est imaginaire. La référence à l’histoire antique n’est qu’un
prétexte pour évoquer l’histoire contemporaine. Pour le public qui se presse devant l’œuvre,
le message est clair : Les condamnations arbitraires de Sylla font référence à celles de
Robespierre et Marcus Sextus est le symbole des émigrés français qui, à leur retour, trouvent
leurs propriétés pillées et leurs familles décimées. L’imposant Marcus Sextus, situé devant le
cadavre illuminé de sa femme, rappelle un peu La Douleur et les regrets d’Andromaque sur le
corps d’Hector de David (1783).

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Dès lors Guérin se consacre au grand genre historique en s’inspirant du théâtre. En 1802, il
obtient un nouveau succès critique avec Phèdre et Hippolyte*. Il s’inspire ici d’une des pièces
de Racine les plus fréquemment jouées. Il choisit le moment crucial où Hippolithe est
injustement accusé d’avoir fait des avances incestueuses à sa belle-mère Phèdre. Il se défend
devant Thésée, son père, et Phèdre qui semble tourmentée par la culpabilité. La
représentation est théâtralisée. Le décor, le placement des personnages, la gestuelle… tout
cela rappelle des jeux de scène connus des visiteurs du Salon (bras levé en signe de
protestation, poings serrés de colère, sourcils froncés, regards appuyés…).
Guérin est pensionnaire à l’Académie de France à Rome, entre 1803 et 1805. De retour à
Paris, il expose au Salon Bonaparte pardonnant aux révoltés du Caire* (1808), une œuvre
exécutée sur commande qui semble un peu terne comparée aux Pestiférés de Jaffa de Gros.
Guérin est plutôt royaliste de cœur et cette commande est sa seule contribution à l’effort de
propagande napoléonienne.
En 1810, il revient aux sujets antiques et s’inspire, une fois encore, d’une pièce de Racine.
Andromaque et Pyrrhus* réunit 2 scènes d’Andromaque en une composition unique. Pyrrhus
met Andromaque et le petit Astyanax sous la protection de son sceptre tandis qu’Oreste, venu
réclamer Astyanx, rappelle à Pyrrhus que les Grecs se vengeront s’il refuse de rendre le fils
d’Hector. Les personnages forment deux groupes symétriques devant un mur nu. Mais
l’ensemble est unifié par le jeu des lignes tantôt parallèles tantôt convergentes des armes,
bras et jambes.
La même année, Guérin démontre l’étendue de son talent en traitant un sujet plus sensuel :
L’Aurore et Céphale*. Le tableau montre l’Aurore qui surgit, les seins nus, pour mettre fin à la
nuit, en la soulevant tel un rideau. Elle se penche sur le corps langoureux et nu de Céphale,
un jeune chasseur, endormi (emprunté à l’Endymion de Girodet). L’ensemble est charmant.
Cf. le jeu délicat et gracieux des doigts de l’Aurore qui affiche une posture de danseuse. Le
tableau, bien accueilli au Salon, est acquis par le collectionneur italien Sammoriva, amateur
de sujets érotiques. Guérin profite de ce succès pour produire rapidement un pendant, Iris et
Morphée* (1811) qui est une sorte de variation appauvrie du même thème. Malgré leur
imperfection, ces deux tableaux érotiques trouvent une place assez honorable dans la
production de Guérin.
Guérin est élu membre de l’Institut en 1815. En 1816, il est nommé directeur de l’Académie
de France à Rome. Malade, il n’accepte le poste qu’en 1822. Il revient en France en 1828, le
temps d’un bref séjour où Charles X le fait baron. Il repart pour Rome où il meurt en 1833.
Pendant les années de l’Empire, Guérin est, après David, l’un des peintres les plus
recherchés. Son atelier attire principalement des jeunes gens de bonne famille. Guérin leur
inculque l’importance de la discipline et de la maîtrise de la technique mais il ne cherche pas
à imposer sa manière. Ce n’est sans doute pas un hasard si de cet atelier sortent bien des
grands artistes qui durant les décennies suivantes, tournent définitivement le dos au
classicisme.

Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823)


Pierre-Paul Prud’hon a fait ses études dans une Académie provinciale, à Dijon. Grâce à une
bourse d’étude, il séjourne à Rome durant trois ans, au moment où David présente ses
Horaces. De retour à Paris, il se lie avec les milieux révolutionnaires. Puis il obtient des
commandes de la famille impériale. Il devient même l’organisateur des grandes fêtes et
cérémonies impériales (comme David a été celui des festivités de la Révolution). Il conçoit les
décors pour l’anniversaire du sacre (1805) ou pour les célébrations du second mariage de
Napoléon avec Marie-Louise (1810). Il est aussi très demandé comme portraitiste. Le Portrait
de l’impératrice Joséphine* (1805) représente l’impératrice assise dans un bosquet ombragé
de la Malmaison. Joséphine porte une robe élégante ; elle adopte une pose apprêtée (cf. la
coquetterie du petit doigt). Il se dégage, malgré tout, une impression de solitude, de
mélancolie.

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En 1808, il présente au Salon une toile très différente, destinée à la salle des assises du Palais
de justice de Paris. Le tableau représente La Justice et la Vengeance divine poursuivant le
Crime*. L’assassin s’échappe au clair de lune. Il pose un dernier regard sur sa victime.
Étendue sur le sol. La Justice et la Vengeance planent au-dessus de lui, prêtes à frapper. Le
tableau fait sensation. On note le puissant contraste entre le réalisme brutal de l’assassin et
le pathos de la victime. On apprécie l’atmosphère sobre, la lumière « endymiesque » qui vient
frapper le corps le corps de la victime… Napoléon remet personnellement la Légion d’honneur
à Prud’hon lors de la clôture du Salon.
La fin de sa carrière est moins glorieuse. Passé de mode, Prud’hon peine à renouer avec le
succès.

Les élèves de David ont joué un rôle important dans l’histoire de la peinture de
premières décennies du XIXe siècle. Certains ont contribué à diffuser le style clair et
puissant du maître des Horaces en France et en Europe. D’autres ont ouvert la voie à
une nouvelle génération d’artistes en s’affranchissant d’un néoclassicisme trop
dogmatique et en s’autorisant à développer une manière plus personnelle.

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