Vous êtes sur la page 1sur 3

See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.

net/publication/347594660

Olivier Chadoin, Être architecte. Les vertus de


l’indétermination. De la sociologie d’une profession à la
sociologie du travail professionnel: Pulim, Limoges, ....

Article  in  Sociologie du Travail · January 2008


DOI: 10.4000/sdt.18834

CITATIONS READS
0 4

1 author:

Dominique Raynaud
Université Grenoble Alpes
146 PUBLICATIONS   463 CITATIONS   

SEE PROFILE

All content following this page was uploaded by Dominique Raynaud on 22 January 2022.

The user has requested enhancement of the downloaded file.


Modele +
SOCTRA 2448 1–2 ARTICLE IN PRESS

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

OF
Sociologie du travail xxx (2008) xxx–xxx

Comptes rendus

RO
1
2 Être architecte. Les vertus de l’indétermination. De la sociologie d’une profession à la
3 sociologie du travail professionnel, O. Chadoin. Pulim, Limoges (2006). 384 pp

4 L’ouvrage décline l’étude du « travail professionnel », défini comme « activité des [architectes]
5 pour maintenir et faire valoir leur expertise face aux autres professions de la maîtrise d’œuvre »

DP
6 (p. 30), sur les trois plans du projet, de la maîtrise d’œuvre, des marchés. Sur le premier plan,
7 l’auteur étudie le cas de la ZAC Paris–Bercy et montre comment le système d’interdépendance
8 des acteurs sert de cadre au positionnement des architectes, y compris dans des fonctions spé-
9 ciales de médiation (architecte–coordinateur). Une deuxième partie analyse le positionnement
10 des architectes dans l’espace de la maîtrise d’œuvre, marqué par la multiplication des expertises
11 et le partenariat concurrentiel. L’auteur discerne avec justesse que les professions y évoluent non
12
TE
seulement par fragmentation des missions, mais aussi par invention de nouveaux territoires profes-
13 sionnels (p. 219). Une dernière partie est consacrée au positionnement des architectes sur le marché
14 de la réhabilitation, aussi important que celui des constructions neuves mais peu pénétré par les
15 architectes. Hormis une bonne connaissance du terrain et des analyses fouillées, l’ouvrage se
16 signale par sa cohérence : étudier le travail professionnel. Il en résulte toute une série d’arguments
EC

17 pour rompre avec une vision courante de la profession d’architecte, marquée par la crise ou la
18 déprofessionnalisation. L’auteur montre que les hommes de l’art utilisent le capital symbolique
19 que leur confère le titre d’architecte pour s’ajuster à des situations professionnelles fluctuantes, se
20 repositionner ou investir de nouveaux marchés. Cette adaptabilité des architectes est étayée par des
21 indices permanents du travail professionnel qu’ils accomplissent, aspect rarement étudié et malaisé
RR

22 à décrire. L’une des tactiques de la réussite des architectes serait par exemple de ne pas trop insister
23 sur leur spécialité de manière à capter les marchés incertains et volatiles. Le livre rejoint ici les ana-
24 lyses (non citées) de Benoît Laplante (in P.-M. Menger, Les professions et leurs sociologies, 2003).
25 Une première question que soulève le livre touche à l’exploitation de la littérature indigène. Les
26 propos des acteurs sont considérés comme des témoignages d’égale importance, représentatifs
CO

27 d’un état de la profession. Il eut été judicieux de les référer à la position des acteurs, au contexte
28 dans lequel ils ont agi et au jugement que les professionnels ont porté sur leur action. La vision
29 de la profession aurait gagné en justesse si l’auteur n’avait pas fait de Henry [corr. Hubert]
30 Salmon (p. 78) un représentant de l’Ordre ; passé sous silence que Rémi Lopez (p. 81) fut l’un
31 des présidents les plus décriés du Conseil [corr. Centre] national de l’Ordre des architectes ;
omis de dire que l’action de François Barré (p. 122) à la tête de la Direction de l’architecture fut
UN

32

33 controversée. . . Le discours de personnalités investies de fonctions étatiques ou para-étatiques


34 peut-il rendre compte de l’état réel d’une profession ?
35 Une deuxième question touche à la base empirique de la thèse soutenue. L’auteur énumère,
36 sans les quantifier, l’éventail des métiers sur lesquels les architectes peuvent se positionner

0038-0296/$ – see front matter © 2008 Publié par Elsevier Masson SAS.
doi:10.1016/j.soctra.2007.12.021

Pour citer cet article : Raynaud, D., Comptes rendus, Sociologie du travail (2008),
doi:10.1016/j.soctra.2007.12.021
Modele +
SOCTRA 2448 1–2 ARTICLE IN PRESS
2 Comptes rendus

37 (urbanisme, paysagisme, programmation, assistance à la maîtrise d’ouvrage, conseil, expertise,


38 design, infographie. . .) et note que beaucoup d’architectes ne s’inscrivent pas à l’Ordre « puisque
leurs pratiques, si elles engagent quand même une compétence architecturale, sortent de la défini-

OF
39

40 tion de la “maîtrise d’œuvre traditionnelle” » (p. 60). Cette non-affiliation n’est pas un indice très
41 probant de diversification. En effet, ce que l’auteur nomme « population professionnelle totale »
42 est en réalité l’ensemble des diplômés en architecture français vivants. Il faut donc retirer au solde
43 tous les architectes retraités, chômeurs ou reconvertis. Si l’on prend des chiffres réalistes : 34 025
architectes (enquête emploi INSEE) contre 39 466 (modèle GRESA) et 26 852 (Ordre), le solde

RO
44

45 des architectes non inscrits passe de 12 614 (32 %) à 7173 (18 %), chiffre auquel il faudrait encore
46 retrancher les salariés dont l’inscription au tableau de l’Ordre n’est pas obligatoire. L’ampleur
47 du phénomène est donc toute relative. D’autres enquêtes attestent de la forte résistance des pra-
48 tiques traditionnelles : ainsi 78 % des jeunes architectes exercent leur activité principale au sein
49 la maîtrise d’œuvre (plutôt qu’au dehors 16 %) et les activités dominantes restent, dans l’ordre :

DP
50 la conception (92 %), le suivi de chantier, les études techniques, l’urbanisme et l’assistance à la
51 maîtrise d’ouvrage, loin devant les autres positions. « Il semble donc que [. . .] l’ensemble de la
52 profession, qu’on avait pu croire évoluer durablement vers des métiers dans d’autres branches
53 professionnelles, se soit recentrée sur le cœur du métier » (Le devenir professionnel des étudiants
54 en architecture, 2005, p. 9). Ces conclusions discordantes incitent à distinguer l’étendue du spectre
55 des positions potentiellement accessibles (en effet très ouvert, comme le dit Olivier Chadoin) des
56
TE
effectifs professionnels (limités) engagés dans les repositionnements. La thèse d’une diversifi-
57 cation réussie des architectes est beaucoup plus facile à tenir dans le premier cas que dans le
58 second.
59 Une troisième question touche à la pertinence d’une approche sociologique émancipée de
60 l’arrière-plan politico-juridique des professions. Exemple juridique : la désaffection du marché
EC

61 de l’existant s’explique-t-elle par le « manque de valorisation du secteur de la réhabilitation »


62 (p. 124) ; n’est-elle pas plutôt la conséquence de la loi no 77-2 du 3 janvier 1977 qui ne fixe
63 d’obligation de recours à l’architecte que dans le cas des constructions neuves ? Exemple poli-
64 tique : la diversification est-elle un « acquis » spontané de cette profession, à peine « encouragé
65 au niveau de la Direction de l’architecture » (p. 227) ; n’est-elle pas plutôt une politique publique
RR

66 professionnelle directement impulsée par la Direction de l’architecture dans les années 1990, et
67 nommément son directeur François Barré ? Si tel est le cas, alors la « diversification » appelait tout
68 à la fois une description des raisons (démographie des architectes, forte pénétration des ingénieurs
69 sur les marchés de maîtrise d’œuvre), des stratégies (réforme des écoles d’architecture) et des
70 leviers (vis-à-vis des institutions ordinales et syndicales, notamment) mobilisés pour sa mise en
CO

71 place. L’ouvrage, qui n’hésite pas à diagnostiquer une diversification réussie des architectes, eût
72 pu prendre la forme d’une évaluation de politique publique affichée comme telle.
73 En dépit des questions qu’il soulève, cet ouvrage est incontestablement bien documenté,
74 cohérent et surtout stimulant. On ne peut donc qu’en recommander la lecture à tous ceux qui
75 s’intéressent à la sociologie de l’architecture ou à la sociologie des professions.
UN

76 Dominique Raynaud
77 Université Pierre-Mendès-France, 151, rue des Universités,
78 B.P. 47, 38040 Grenoble cedex 9, France
79 Adresse e-mail : dominique.raynaud@upmf-grenoble.fr

Pour citer cet article : Raynaud, D., Comptes rendus, Sociologie du travail (2008),
doi:10.1016/j.soctra.2007.12.021
View publication stats

Vous aimerez peut-être aussi