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2.

6 Revues systématiques de la littérature et méta-analyses

Points clés :

Quand on s’intéresse à une question de recherche, il arrive très fréquemment que plusieurs
études aient répondu à cette question avec parfois des discordances entre les études. Il convient
donc de faire une synthèse de ces études et si possible d’explorer les discordances.

- Revue systématique : processus rigoureux et reproductible visant à identifier l’ensemble


des études réalisées et à en évaluer leur qualité méthodologique.

- Méta-analyse : analyse statistique permettant de synthétiser pour un même critère de


jugement le résultat de plusieurs études. Il s’agit d’une moyenne pondérée des résultats
des études en fonction de leur précision. Une étude plus précise aura plus de poids dans
le résultat de la méta-analyse.
o Doit être précédée d’une revue systématique de bonne qualité (à vérifier+++).
o Représentation graphique : forest plot
o Doit comporter une évaluation de l’hétérogénéité

Les revues systématiques et méta-analyses sont affectées par le biais de publication (les études
avec des résultats significatifs sont plus souvent publiées que les études avec des résultats non-
significatifs) et les autres biais de dissémination (présentation sélective des critères de jugement,
biais de délai de publication, biais de citation, biais de publication multiple,…).
2.6.1 Formulation de l’objectif

La formulation de l’objectif doit être claire et complète. Pour cela, on utilise également le PECO
adapté au type de question de recherche. Pour l’évaluation d’un traitement, se référer au point 2.1.1
pour une question d’évaluation étiologique, au point 2.2.1…

2.6.2 Type d’étude

Quand on s’intéresse à une question de recherche, il arrive très fréquemment que plusieurs études
aient répondu à cette même question de recherche avec parfois des discordances entre les études. Il
convient donc de faire une synthèse de ces études et si possible d’explorer ces discordances.

Le type d’étude le plus adapté pour cela est la revue systématique avec méta-analyse. Ce type
d’étude apporte un niveau de preuve élevé car il repose sur une démarche rigoureuse et
reproductible mais attention il faudra bien vérifier cela quand vous en lisez une.

2.6.2.1 Revue systématique

C’est l’étape indispensable pour pouvoir faire une méta-analyse. Elle a pour objectif d’identifier
l’ensemble des études réalisées et à en évaluer leur qualité méthodologique.

Une bonne revue systématique doit comporter les éléments suivants :

1) Un enregistrement du protocole dans le registre des revues systématiques et méta-


analyses

La revue systématique et méta-analyse doit s’appuyer sur un protocole pré-établi (comme pour
toute étude) qui doit être enregistré avant le début de la revue dans le registre des revues
systématiques, PROSPERO (https://www.crd.york.ac.uk/prospero/).

2) Une recherche la plus exhaustive possible des études réalisées

La recherche est l’une des étapes les plus importantes mais les plus difficiles de la revue
systématique en raison du volume de la littérature biomédicale et du risque de biais de publication
(les études avec des résultats statistiquement significatifs sont plus souvent publiées que les
études avec des résultats non significatifs). Elle doit comporter les éléments suivants :

- Une recherche électronique sur les principales bases de données biomédicales (pour la
recherche des études publiées)
o Au minimum : Medline ou PubMed (Forme gratuite de Medline), EMBASE et la
Cochrane library (la base la plus utile est CENTRAL).
La recherche doit être faite avec une équation de recherche adaptée à chaque base
de données. Cette équation de recherche doit être la plus sensible possible mais elle
doit être faisable. On combine des mots-clés (les termes Mesh dans Medline avec
des éléments de texte libre qu’on recherche dans le titre et le résumé).
- Une recherche de la littérature grise (=les études non publiées)
o Registres d’essais cliniques dont ClinicalTrials.gov. Car tous les essais doivent être
enregistrés avant le début du recrutement et donc quels que soient leurs résultats.
o Abstracts des principaux congrès du domaine car les études sont souvent présentées
en congrès avant la publication des résultats
o +/- Contact des experts du domaine
o +/- Sites des laboratoires pharmaceutiques et des agences comme la FDA et l’EMA
- La vérification de la liste de références des études sélectionnées pour vérifier que la
recherche n’a pas manqué quelques études

Les études seront ensuite sélectionnées sur la base de critères d’éligibilité pré-établis. Les raisons
d’exclusion doivent être collectées et présentées avec un diagramme de flux.

3) Une évaluation du risque de biais (ou de la qualité méthodologique) des études incluses

C’est une étape très importante car si les études sont biaisées, le résultat de la méta-analyse
risque de l’être également. Il faut utiliser un outil adapté au type d’études incluses dans la revue
systématique. S’il s’agit d’une revue systématique d’essais contrôlés randomisés, l’outil
recommandé pour évaluer le risque de biais des essais randomisés est le risk of bias tool de la
Cochrane. Cet outil comporte l’évaluation d’éléments méthodologiques que vous connaissez
bien : l’évaluation de la qualité de la randomisation (méthode pour générer la séquence et
assignation secrète), l’aveugle, l’exclusion de patients de l’analyse,…

4) La sélection, l’évaluation du risque de biais et l’extraction des données doivent être faites
en double

Les étapes de sélection des études, d’évaluation du risque de biais et d’extraction des données
dans les études sont des étapes subjectives de la revue systématique c’est-à-dire qu’il peut y
avoir de la variabilité. Afin de limiter cette variabilité et d’améliorer la reproductibilité de ces
étapes, elles doivent être faites en double par deux personnes de manière indépendante. On
regarde ensuite s’il y a des désaccords entre les deux personnes. Si c’est le cas, elles doivent
essayer de se mettre d’accord avec éventuellement l’aide d’une 3ème personne pour aboutir à un
consensus.

2.6.2.2 Méta-analyse

Une méta-analyse est l’analyse statistique permettant de synthétiser pour un même critère de
jugement le résultat de plusieurs études. Une revue systématique peut donc comporter plusieurs
méta-analyses, une pour chaque critère de jugement. La méta-analyse est une moyenne pondérée
des résultats des études en fonction de la précision de ces résultats. Une étude plus précise aura
plus de poids dans le résultat de la méta-analyse. On rappelle ici que la précision dépend à la fois du
nombre de sujets inclus et du nombre d’évènements. Les études incluant le plus de sujets et ayant
beaucoup d’évènements sont les plus précises.

Pour réaliser une méta-analyse, il faut procéder en 3 étapes :

- Définir une mesure de l’association par exemple si on s’intéresse à un critère de jugement


binaire, on peut prendre un risque relatif (RR) ou un odds ratio (OR)
- Recalculer le résultat de chaque étude avec cette mesure d’association par exemple si on
choisit un RR, on va recalculer le résultat de chaque étude avec un RR
- Faire la méta-analyse à proprement parler

Représentation graphique de la méta-analyse : le forest plot

Les résultats d’une méta-analyse sont représentés graphiquement avec un forest plot dont voici un
exemple (source article : Saccone G, Berghella V, BMJ, 2016).

Il s’agit ici d’une méta-analyse comparant l’administration de corticoïdes en anténatal après 34


semaines de grossesse à la prise en charge habituelle sur le critère de jugement : syndrome de
détresse respiratoire sévère (qui correspond à une variable binaire).

Cette méta-analyse comporte 4 études. La mesure d’association utilisée est un risque relatif (comme
indiqué en haut de la figure).

Pour chacune de ces études, nous avons à gauche de la figure le nombre d’évènements (c’est-à-dire
le nombre de syndrome de détresse respiratoire sévère) et le nombre de patients analysés dans
chaque groupe. Ces données sont généralement extraites des articles rapportant ces études et
permettent de recalculer le risque relatif dans chaque étude et de faire la méta-analyse. Le risque
relatif est rapporté à droite avec son intervalle de confiance à 95%. A droite, nous avons également
le poids qui correspond dans le modèle le plus simple à l’inverse de la variance de l’effet (donc ici du
risque relatif) dans l’étude.

Dans la figure, le RR de chaque étude est représenté par un carré, la taille du carré dépend du poids
de l’étude dans la méta-analyse. Vous pouvez noter que l’étude Gyam_-Bannerman et al a le poids le plus
important (80.9%) et donc contribue le plus au résultat de la méta-analyse. C’est normal car c’est
l’étude qui inclut le plus grand nombre de patients et qui a le plus d’évènements. Le trait horizontal
représente l’intervalle de confiance à 95%.

Le résultat de la méta-analyse est représenté par le losange en bas de la figure qui correspond à un
RR combiné de 0.55 (IC à 95% : 0.33 à 0.91) donc significatif. Le p correspondant est indiqué par test
for overall effect à gauche de la figure, p=0.02 ici donc on peut dire ici que la méta-analyse montre
une réduction significative du risque de syndrome de détresse respiratoire sévère chez le nouveau-
né avec des corticoïdes anténataux par rapport au groupe contrôle.

Evaluation de l’hétérogénéité

Toute méta-analyse doit comporter une évaluation de l’hétérogénéité qui peut se définir par la
variation de l’effet entre les études.

L’hétérogénéité reflète notamment des différences entre les études en termes de caractéristiques de
patients inclus, de traitement évalué (pas exactement la même dose ou la même durée) ou encore
de méthodologie (certains essais seront en double aveugle, d’autres non).

Pour l’évaluer, il faut d’abord regarder l’aspect du forest plot. On peut dire qu’il y a visuellement de
l’hétérogénéité quand les intervalles de confiance à 95% ne se chevauchent pas (c’est-à-dire quand
on a des IC totalement disjoints). Ce n’est pas le cas dans cette méta-analyse. Ici on voit que tous les
intervalles de confiance à 95% se chevauchent donc il n’y a pas d’impression visuelle
d’hétérogénéité.

Deux indices statistiques permettent d’évaluer l’hétérogénéité (rapporté en bas à gauche dans la
ligne débutant par Test for heterogeneity:

- Le test d’hétérogénéité qui, s’il est statistiquement significatif, permet de rejeter l’hypothèse
d’homogénéité entre les études. Ici, il est non significatif avec p=0.57 donc on ne rejette pas
l’hypothèse d’homogénéité.
- Le coefficient I2 qui représente la proportion de variation entre les études due à
l’hétérogénéité plutôt qu’à la chance. Le coefficient I2 varie entre 0 et 100 % ; plus il est
élevé, plus l’hétérogénéité est importante. Ici il est à 0% donc nul.

Au total dans cette méta-analyse, on n’a pas identifié d’hétérogénéité.

Attention à ne pas confondre le test for overall effect (qui représente le résultat de la méta-analyse :
y a-t-il une différence significative entre les deux groupes) et le test d’hétérogénéité (y a-t-il une
hétérogénéité significative de l’effet entre les études ?).

2.6.2.3 Précision concernant le type d’étude auquel on s’intéresse dans une revue systématique

Selon l’objectif, une revue systématique peut s’intéresser à des essais contrôlés randomisés
uniquement (par exemple pour évaluer l’efficacité d’un traitement) ou des études observationnelles
uniquement (par exemple pour évaluer l’association entre un facteur de risque et un critère de
jugement) ou bien encore dans certains cas à la fois à des essais randomisés et à des études
observationnelles (par exemple pour évaluer la tolérance de certains traitements). Dans ce dernier
cas, il faut prévoir une méta-analyse séparée pour les essais randomisés et une pour les études
observationnelles ou au minimum une analyse en sous-groupe représentant séparément ces deux
types d’étude car ce sont des études de nature trop différentes pour être mises ensemble sans
distinction dans la même méta-analyse.

2.6.3 Principaux intérêts d’une revue systématique et méta-analyse

- Permet de synthétiser les connaissances, ce qui est de plus en plus en indispensable compte
tenu du volume exponentiel de la littérature biomédicale
- Permet d’apporter une réponse quand les résultats des études sont discordants et d’explorer
les causes de ces discordances (par l’exploration de l’hétérogénéité entre les études)
- Etape indispensable avant de planifier de nouvelles études pour savoir si cela en vaut la
peine

Pour la méta-analyse:

- Amélioration de la précision de l’estimation de l’effet


- Augmentation de la puissance statistique pour mettre en évidence une différence
statistiquement significative

2.6.4 Principales limites

- Biais de publication (les études avec des résultats statistiquement significatifs sont plus
souvent publiées que les études avec des résultats non significatifs) et autres biais de
dissémination (présentation sélective des critères de jugement, biais de délai de publication,
biais de citation, biais de publication multiple,…)
- Il s’agit d’une étude qui peut être considérée comme rétrospective car les données existent
déjà. Les choix que font les auteurs concernant la stratégie de recherche, les critères
d’éligibilité, l’évaluation du risque de biais et l’analyse statistique conditionnent les résultats.
Cela souligne l’importance d’avoir un protocole prédéfini et de l’enregistrer dans PROSPERO
et de ne pas modifier les critères d’inclusion des études ou encore l’analyse statistique au
cours de l’étude, notamment au vu des résultats sans quoi ceux-ci risquent d’être biaisés.
- Certaines étapes de la revue systématique sont très subjectives (la sélection des études,
l’évaluation du risque de biais, l’extraction des résultats pour effectuer la méta-analyse). Il
est donc important que ces étapes subjectives soient réalisées par deux personnes de
manière indépendante pour améliorer la reproductibilité.

2.6.5 Recommandations de reporting pour les revues systématiques et méta-analyses

Il s’agit des recommandations PRISMA (http://www.prisma-statement.org/)

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