Vous êtes sur la page 1sur 9

« 

L’histoire d’une vie est l’histoire d’une progressive union avec Dieu » :
Témoignage de saint Jean de la Croix
Nous sommes pendant ces jours, dans la période de la neuvaine de saint Jean de la Croix dont la
solennité est 14 décembre prochain. Tous cela tombe aussi dans le temps d’Avent que nous vivons
déjà la troisième semaine ; et saint Jean de Croix est un des saints que sainte Mère Eglise nous
propose comme compagnons de l’Avent ; 2 Montée 22.3-5 nous est servi comme 2e Lecture de
l’Office de Lectures de la 2e semaine de l’Avent que viens de terminer. Enfin saint Jean de la Croix
est notre saint Père, le père spirituel de la reforme thérésienne ; il peut donc en tous moment nous
enseigner l’esprit de la réforme.
Ces motives soutient votre choix de saint Jean de la Croix comme guide et modèle dans une journée
comme celle-ci. Notamment vous avez choisi un thème prévu pour la première rencontre dans la
deuxième année de formation, selon la ratio formationis (schéma de formation) de la Province de
saint Charles Borromée de Lombardie (Milan). La formation pour cette année a pour 4 ème objectif
spécifique : connaitre la vie de saint Jean de la Croix et vivre en s’inspirant de ses œuvres.

Le thème
J’ai compris de ce thème que toute la vie chrétienne authentique n’est qu’un chemin vers l’union
avec Dieu, et que cela est progressive. C’est dans ce sens que dirait le pape saint Jean Paul II que
« L'histoire du salut est l'auto communication progressive de Dieu à l'humanité, qui atteint son
sommet en Jésus-Christ. Dieu le Père, le Verbe fait homme, veut communiquer à chacun sa vie
même : il souhaite, en définitive, communiquer sa propre personne. Cette auto communication
divine à lieu à travers l'Esprit Saint, lien d'amour entre l'éternité et le temps, la Trinité et l'histoire. »
(Audience générale 26/8/98). C’est dans cette ligne que je continue. Je dispose donc la suite de cet
exposé dans quatre partie, à savoir ; (a) biographie sommaire de st Jean de la Croix ; (b) Qu’est-ce
que l’union avec Dieu (selon st Jean de la Croix) ; (c) Comment la vie chrétienne n’est-elle qu’un
chemin vers l’union avec Dieu ; et (d) Pourquoi et comment cela est-elle progressive.

a. Biographie sommaire de st Jean de la Croix


1542-1563 : De nom civil Jean de Yepes y Alvarez, normalement appelé tout simplement Jean de
Yepes, notre saint Père est né et baptisé le 24 juin 1542 à Fontiveros, une commune de la province
d’Avila dans la région de Castille ; au niveau ecclésiale aussi elle fait partie du diocèse d’Avila. Il
issue d’une famille riche et noble, d’ascendance juive, mais son père, Gonzalo de Yepes, est
déshérité de s’être marié avec une femme indigente, Catalina de Alvarez, du sang maure (c’est-à-dire
les ressortissants de l’Afrique du nord médiévale, de teint foncé).
Né le troisième de trois garçons dont le 2ème meurt à une date inconnue, Jean perd son père à moins
de trois ans de sa naissance. « La pauvreté, le dénuement, la mort : tels furent, hormis la présence
aimante de Catalina, les hôtes familiers de Juan dès sa plus tendre enfance ; toute sa destinée en
sera marquée ». Dans ce qu’on appelle la « pérégrination du malheur » de ville en ville, tout effort
de la part de la mère pour émouvoir le cœur de parents de son feu mari est rejeté. La petite famille
fait son foyer définitif à Medina del Campo.
Ici, Jean reçoit son initiation à l’éducation formelle dans un « Collège des doctrines », une institution
de bienfaisance et assistance sociale au enfants indigents. Ensuite il fréquente le collège des Jésuites
à Médina del Campo, pour l’enseignement secondaire, en même temps rendant de petits services à
l’hôpital de la Conception, dont il jouissait de la bienfaisance du directeur ; terminant en 1563.
1563-1568 : Contre toute attente, et de la part de son bienfaiteur le directeur de l’hôpital, et de la part
du proviseur du collège Jésuite, et contre le vraisemblable bon sens de sortir et lui et sa malheureuse
famille de la misère, Jean opte pour l’habit du Carmel, l’Ordre de la bienheureuse Vierge Marie
réputé pour son austérité et surtout son dévouement à la contemplation. Il prend le nom religieux de
Jean de saint-Mathias. En 1564 il émet les vœux religieux et s’inscrit à l’Université de Salamanque
pour les études ecclésiastiques.
Jean sera bientôt déçu : L’« attrait de la contemplation pure, déception devant le manque d’exigence
qu’il trouve dans l’Ordre de l’Observance, répulsion devant les mœurs relâchées des étudiants de
Salamanque, élan irrésistible vers une haute perfection : tout cela a pu inciter Juan » à ce qu’il
« songe à changer de voie  ; il veut entrer à la Chartreuse. Cette aspiration à une vie plus stricte et
plus austère, c’est de façon inattendue qu’il va pouvoir la satisfaire ». (B. Sesé)
Frère Jean de st Mathias est ordonné prêtre à Salamanque en été de 1567. Il vient à Médina vers
septembre de la même année pour y chanter sa première messe. Entretemps la Santa Madre y est
depuis août de cette même année pour y fonder son 2 ème monastère. C’est ainsi que les deux docteurs
mystiques se rencontre. Jean consent à rejoindre la Madre dans la réforme notamment pour l’étendre
chez les Frères « à condition que cela ne tarde pas trop longtemps ». (Fondations 3,17).
Jean repart à Salamanque, prend raccourci de ses études. Au fait, « il opta pour l’interruption des
études universitaires afin d’embrasser la vie carmélitaine réformée ». N.B. : « Jean de saint
Matthias qui consentit à renoncer aux études officielles dès que le contexte global ne lui paraissait
plus favorable à l’épanouissement de la vie religieuse, est le même Jean de la Croix qui fait preuve
d’une vaste culture et d’une exigence intellectuelle rigoureuses, presqu’insatisfaite, au moment de
transmettre son message » (A-M. Zacharie Igirukwayo).
En été de 1568 il fait « noviciat » de mains propres de la Santa Madre à sa fondation de Valladolid.
Profitant du fait que la clôture n’était pas encore établie, le fr Jean « s’initie ainsi à l’esprit et la
pratique de la réforme auprès des carmélites ». Ensuite, il avance à Duruelo pour préparer la
maisonnette.
1568-1591 : Le 28 novembre 1568, le premier dimanche d’Avent dans cette année s’inaugure la
réforme chez les frères. Par le « renouvellement » de vœux selon la Règle Primitive, trois frères
dévient Carmes Déchaux ce jour : Antoine de Heredia devenu Antoine de Jésus (prêtre, prieur), Jean
de saint Matthias devenu Jean de la Croix (vice prieur et maitre de novices) et Joseph du Christ
(religieux-frère).
Jean de la Croix, le Santo Padre, « ne dévie pas de sa ligne essentielle. Dès le début de la Réforme
du Carmel il est – écrit J. Baruzi ‘le Maître qui transmet une doctrine [] Il restera toujours fidèle à
cette vocation » (B. Sesé). Maitre de la vie spirituelle en effet. C’est ainsi que la Santa Madre le
reconnait. Voilà pourquoi elle le cherchera pour la soutenir son œuvre de prieure de son ancien
monastère, l’Incarnation (1871-1577). Mais lorsqu’il s’agira plus tard de nommer le premier
provincial de déchaux elle ne le proposera pas, elle proposera plutôt entre Nicholas Doria et Jérôme
Gratian ; ce dernier sera élu à cette occasion.
C’est pendant son ministère à l’Incarnation que Jean sera pris prisonnier pendant 9 mois. Le 17 août
1578, octave de l’Assomption, il évade la prison dans les conditions de quelque sorte miraculeuse et
se cache chez les déchaussées de Tolède toute la journée. Le soir les moniales le mettent sous la
protection du Cardinal Archevêque Pedro Gonzalez de Mendoza où il se rétablit pendant 2 mois.
Puis son protecteur lui fait accompagner à l’Andalousie au sud de l’Espagne, loin de la portée des
anti-réformateurs, où il exercera assidument les charges de supérieur de couvents et vicaire du
provincial pour la région d’Andalousie.
En Andalousie, d’El Calvario à Baeza et surtout à Grenade, Jean de la Croix s’adonne à une intense
activité pastorale ainsi que service d’administration merveilleusement harmonisés avec une
immersion dans les profondeurs de la contemplation. Son champ préféré d’action était de guide des
âmes des carmélites déchaussées. Ensuite naturellement, ses frères déchaux étaient les heureux
bénéficiaires de sa perspicace spirituelle et de manière singulière de sa présence joyeuse dans la
communauté. Cette classification risque minimiser le fait que toute personne de toute couche de la
société bénéficier de son accompagnement spirituel, mais aussi ses conseils théologales et
intellectuels ainsi que des assistances matérielles. Il pourrait bien dire avec Jésus que : « Tous ceux
que me donne le Père viendront jusqu’à moi ; et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors »
(Jn 6,37).
A Grenade Saint Jean de la Croix couronne sa pratique privilégié d’enseignement oral soutenue par
les condensés de petits billets (Dits de lumière et d’amour) avec la rédaction de ses œuvres majeurs :
Montée du Mont-Carmel (vers 1581), Nuit obscure (vers 1584), Cantique spirituel (vers 1584), et
Vive Flamme d’amour (vers 1585).
Après 10 années en Andalousie, Jean retourne en Castille, à Ségovie. En effet, en 1588 la province
de déchaux devient une congrégation pouvant comprendre multiplies provinces, et dirigé par un
vicaire général. Celui-ci en conseil avec ses définiteurs s’appelait « la Consulta ». Celle-ci avait
établi son siège à Ségovie et Jean était nommé prieur du couvent-siège du gouvernement, avec la
charge de présider sur la Consulta en absence du vicaire général.
A Ségovie (Castille) comme en Andalousie, le rythme de vie est pareil : « Les affaires de la
Consulta, dont il est chargé en l’absence du Père Doria, l’administration du couvent, la direction de
religieux, tout cela contraint le prieur à bien garder les pieds sur la terre. Chez lui, comme chez
Thérèse d’Avila, il y a une alliance étonnante dans l’équilibre entre la vie abstraite et l’existence
concrète. Jean s’adonne à l’une et à l’autre avec autant d’aisance que de liberté ». (B. Sesé)
Un chapitre général extraordinaire se tient à Madrid en 1590 ; Jean s’oppose aux innovations
inconvenables proposés par le Vicaire général. Maintenant au chapitre ordinaire aussi à Madrid en
1591 Jean sort sans aucun office, étonnamment. Il est vrai qu’à deuxième avis, le Vicaire général lui
offre l’office du prieur de Ségovie ; mais Jean lui-même en désiste. Il s’offre pour la mission au
Mexique.
En attendant il reste à la Peñuela, alors un petit village perdu dans les collines (Sierra Morena),
aujourd’hui une commune (la Carolina) dans la province de Jaen. Alors que la machine de ses
détracteurs tourne à grande vitesse, « Jean de la Croix n’a qu’un seul souci, celui de se consacrer
désormais tout entier à sa vie intérieure [] L’oraison, la contemplation … telles sont pour Jean de la
Croix … les fins essentielles. Désormais, il va pouvoir s’y consacrer tout entier mais dans la
souffrance et sans que cesse pour autant le vent de la persécution », dont le moteur un tel p. Diego
Evangelista qui garde une rancœur tenace d’un reproche que Jean de la Croix lui avait fait quelques
années auparavant, comme son supérieur. « La campagne de calomnie … va même jusqu’à jeter le
soupçon sur la nature de ses relations avec les religieuses. Une enquête est menée auprès d’elles d
la façon la plus malveillante » (B. Sesé).
Si notre Seigneur Jésus Christ au jardin de Gethsémané pourrait « ressentir frayeur et angoisse »
jusqu’en exprimer à haute voix, ‘Mon âme est triste à mourir’ » (Mc 14,33.34), saint Jean de la
Croix y est un participant privilégié, notamment à cette époque. Lui aussi laisse transparaitre
l’angoisse intime de son âme dans sa lettre à une chère amie, dirigée spirituelle et grande bienfaitrice,
la madame Ana de Peñalosa, destinataire du commentaire de Vive Flamme. Dit le Santo Padre dans
un désir honnête et vulnérable de se renseigner de sa situation de persecution : « Vous ne m’écrivez
rien du procès de diffamation, s’il se poursuit ou est arrêté » (Lt 31).
Sur cette souffrance morale vient s’ajouter une inflammation (un érésipèle) à la jambe droite
accompagnée de fièvre qui lui occasion un frémissement douloureux, maladie qui va bientôt
l’emporter. Il est le mois de septembre 1591 et pour se faire soigner, Jean se rend à Ubeda, choix
qu’il fait par-dessus de Baeza qui dispose de plus des possibilités et il est plus connu. Le Santo Padre
ne veut que d’endurer les épreuves et d’être méprisé et humilié par amour pour le Seigneur. Il put
rejoindre des anciens compagnons à Ubeda, mais surtout, il recevra un accueil froid du supérieur de
Ubeda, p. François Chrysostome. A ceci il ne s’oppose qu’avec la patience, la douceur, acceptation,
gratitude et refoulement rigoureux de tout médisance ; il finit par gagner le prieur à la conversion du
cœur.
L’époque de perte de tout office et séjour à la Peñuela-Ubeda résume l’abandon total au vouloir de
Dieu chez le Santo Padre, aussi dans son comportement, ses attitudes et ses sentiments, comme dans
ses propos, par exemple : « Dieu sait ce qui nous convient et dispose tout pour notre bien. Ne pensez
pas autrement, sinon que Dieu dispose tout. Et là où il n’y a pas d’amour, mettez de l’amour et vous
recueillerez de l’amour » (Lt 26) ; « les nombreuses épreuves que nous souffrons, Dieu le permet
pour la gloire de ses élus. ‘Dans le silence et l’espérance sera notre force’ » (Lt 30) ; « on ne peut
m’ôter l’habit que si je suis incorrigible ou désobéissant, et quant à moi, je suis tout disposé à
m’amender en tout ce que j’aurais pu faire du mal et à me soumettre à toute pénitence que l’on
m’infligerait » (Lt 32).
La maladie s’aggrave ; on offre au Santo Padre des palliatifs (tel la musique) mais il les décline :
« pour moi, je veux endurer ces bienfaits, ces grâces que Dieu me fait, sans le moindre soulagement,
pour en tirer plus de mérite ». Jean meurt donc « martyre d’amour » ; car l’essentiel du martyre ne
réside pas dans la mort par coup de lance ou fusil etc., mais dans le fait d’exerce l’amour pour le
Seigneur comme martyre (Cf. 2Montée 19,13).
C’était aux premières minutes du samedi 14 décembre 1591. Pendant qu’on sonne à minuit pour
appeler au premier office divin de la journée (matines), le Santo Padre baisse le crucifix et récitant le
comme Jésus crucifié : « en tes mains, Seigneur, je remets mon esprit » (Lc 23,46), il ferme les yeux
paisiblement et s’en va prier les matines parmi les chœurs des anges.
• Mai 1593: transfert de sa tombe à Segovia (2e tombe)
• Janvier 1617: Ouverture solennelle de la cause de canonisation sous l’episcopat de mgr
Francisco Martinez Ceniceros
• 25/1/1675: béatification par le pape Clément x
• 27/12/1726: canonisation par le pape Benoit xiii
• 24/8/1926: déclaré docteur de l’Eglise par le pape Pie xi
• 21/3/1952: déclaré patron de poètes espagnoles par eux-mêmes
• 8/3/1993: déclaré patron de poètes de langue espagnole par pape Jean Paull ii
b. Qu’est-ce l’union avec Dieu (selon st Jean de la Croix)
Nous touchons ici le sommet du chemin spirituel. On peux l’appeler par différents titres; mai saint
Jean de la Croix préfèrre l’expression “union avec Dieu”. Ses raisons sont peut-être évident. Pour lui
le chemin spirituel c’est une relation avec Dieu; et cela ressort mieux dans une expression comme
union avec Dieu, plus qu’autres termes aussi utilisés comme perfection etc. Le saint Père conçoit la
vie spirituelle comme une relation avec Dieu, dans laquelle c’est Dieu le protagoniste; c’est lui qui
nous invite dans une relation avec lui; c’est lui qui se penche et nous élève à son niveau. Donc quand
saint Jean de la Croix parle de l’union avec Dieu, il pense à une vraie relation d’amitié entre les
personnes de pareille niveau.
Le saint Père explique que l’union avec Dieu arrive « quand les deux volontés, celle de l'âme et celle
de Dieu, sont d'accord entre elles et que l'une n'a rien qui répugne l'autre. Quand donc l'âme rejette
complètement ce qui en elle répugne ou n'est pas conforme à la volonté de Dieu, elle est transformée
en Dieu par amour. » (2Montée 5,3). Il faut noter que le Santo Padre admet notre impuissance de
pouvoir tout dire à ce sujet : « je n'en finirai plus si j'entreprenais d'exposer quelle est l'union de
l'entendement, ou de la volonté, ou de la mémoire, ou encore l'union transitoire ou permanente de
ces puissances, ou quelle est la totale union, soit transitoire, soit permanente; je parlerai d'ailleurs,
à chaque pas, tantôt de l'une, tantôt de l'autre » (2Montée 5,1). Donc s’il nous reste quelques
difficultés à comprendre, qu’on prenne patience. Normalement cette realité est mieux compris par
l’expérence que par l’étude (Cf. Prologue de Montée).
J’ajoute seulement que la vraie union est toujours union avec Dieu trinitaire, Père, Fils, Saint-Esprit.
Dit le saint Père: “ce ne serait pas, pour l'âme, une transformation véritable et totale si elle ne se
transformait pas en les trois Personnes de la très Sainte Trinité, à un degré évident et manifeste.”
(Cantique Spirituel-B 39,3; Cf. 39.4)
Evidemment nous parlons ici d’une réalité très profonde, cette union avec Dieu dans le strict sens,
soit l’union mystique avec dieu. De manière simple cela suggère un chemin aussi particulier, ce
qu’on appelle la nuit obscure. Pour parvenir à un si grand bien on passe par un chemin de
purification aussi profonde que cela nous dépasse de mener à bien par nous-mêmes seuls ; ce n’est
que par l’aide directe de Dieu que ceux que Dieu choisi y parvienne.

c. Comment la vie chrétienne n’est-elle qu’un chemin vers l’union avec Dieu
Tout simplement, c’est ce que Dieu veut ; ce c’est qu’il a disposé. Pour cette raison, il nous a créé à
son image et semblance. Nous vivons déjà par son propre souffle : « le Seigneur Dieu modela
l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme
devint un être vivant » (Gn 2,7). Parvenir à vivre en union avec Dieu n’est donc autre chose que
laisser accomplir le projet de Dieu pour nous, de permettre réaliser l’implication plus profonde de
notre propre être.
Saint Jean de la Croix enseigne cette vérité primordiale avec insistance, jusqu’à venir à être identifié
avec cette doctrine. On dirait chaque page de ses écrits résonne cette pensée, mais certaines de ses
lignes en font ressortir avec plus de netteté. Dans son Cantique Spirituel-B 39,4, par exemple, le
Santo Padre dit clairement que : « L'âme est semblable à Dieu et c'est pour qu'elle puisse en arriver
là [à l’union] qu'il la créa à son image et à sa ressemblance ». Nous pouvons citer ici la 2ème de saint
Pierre, apôtre 1.4, pour indiquer comment le propos du Santo Padre est presqu’une simple
transcription de l’enseignement courant des Saints Ecritures. Dit le Prince des apôtres : : « nous sont
accordés les dons promis, si précieux et si grands, pour que, par eux, vous deveniez participants de
la nature divine ».
On peut voir là que notre vie même n’est qu’un long chemin d’arriver à ce destin, la nôtre. Voilà
pourquoi nous disons pour nos défunts qu’ils sont retournés vers le Père. Bref, ou nous vivons,
désirons et faisons de l’effort nécessaire pour nous disposer à ce que le Seigneur puisse venir en nous
pour réaliser cette union avec lui, ou ne sommes pas en réalité en train de vivre notre vraie vie
humaine.
On peut parler d’union avec Dieu dans un sens large et dans un sens stricte. Dans un sens large de
l’union avec Dieu, nous vivons et chaque jour l’union avec Dieu. Pour résumer cela, chaque que
nous disons avec tout coeur, par exzemple, “mettons-nous en presence de Dieu et adorons-Le”, nous
sommes unis à Dieu. Lui, il est toujours à avec nous, il veille constamment sur nous; il suffit dans ce
sens, que nous prénons conscience de sa présence et la savourons. Cette vérité a été popularisé par
notre frère, le bienheureux Laurent de la Résurrection et sa pratique de la présence de Dieu.
Dans le sens stricte ou mystique, reservé pour les âmes qui donne à Dieu une réponse plus
accommodée, avec un coeur sans partage, à son invitation à entrée dans une relation totale et
transformante avec Lui; de sorte jusqu’à parvenir à participer dans sa propre vie. Saint Jean de la
Croix enseigne qu’à ce niveau nous devenons Dieu par participation. Ce que Dieu est et ce qu’il
fait par nature, par son propre capacité, nous les sommes et nous le faisons par participation
(2Montée 5,7), c’est-à-dire par le pouvoir et la grâce de Dieu. Pour Dieu, cela va de soi, pour nous
c’est une simple privilège. L’expérience de saint Paul apôtre suffit pour nous instruire de la
profondeur de cette transformation: « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. »
(Gal 23,20).
Evidemment pour parvenir à ce niveau une purification aussi profond est nécessaire pour enlever tout
souillure à la racine et nous élever de notre bassesse. Le Santo Padre appelle purification « nuit
obscur » (1Montée 1,1) à cause des ténèbres que ce rapprochement de de Dieu entraine pour l’âme
avant que l’âme soit rendu dans des conditions de pouvoir désormais jouir de la présence de Dieu.
Des autorités précise que c’est bien cela la nuit obscure dans la sens stricte. Dans le sens large, la
nuit obscure pourrait être toute difficulté dans la vie, d’où on sort normalement chaque fois plus fort.
Mais dans son sens stricte dont il est question ici, la nuit obscure a pour but immédiat et précis
l’union dans son sens stricte, dit union mystique ou transformant de l’âme en Dieu par participation.
Appeler l’expérience de la purification de l’âme « nuit » n’est point parce que Dieu a de la ténèbres
en lui ; « Dieu est lumière » (1Jn 1,5). La réalité est que sa lumière, c’est-à-dire son être, est
extrêmement et infiniment au-delà de nos capacités qu’il devient pour nous ténèbres lorsqu’il se
penche sur nous, avant qu’il nous élève à son niveau. Comme illustration, imaginons regarder
directement dans le soleil ; la sensation de cette grande lumière sera plutôt comme ténèbres car la
grandeur de la lumière du soleil nous aveugle précisément parce qu’il dépasse la capacité de notre
vue. Comme autre illustration, imaginons un pansement d’une plaie. La sensation est douloureuse
lorsque le soignant frotte la plaie avec la compresse, mais nous savons que la fin ce pour nous guérir.
Le Santo Padre articule l’expérience l’âme pendant cette étape de purification dans deux point : ce
rapprochement de Dieu pour nous unir à Lui « est non seulement nuit et ténèbres pour l'âme, mais
aussi peine et tourment. La première, à cause de la hauteur de la Sagesse divine qui excède le talent
de l’âme : et en cette manière est ténèbres pour elle. La seconde pour la bassesse et l'impureté de
l’âme : et de cette façon, elle lui est pénible, affligeante et aussi obscure » (2Nuit 5,2).
Pour ces raisons, peu nombre des âmes parviennent à cette union stricte ou mystique avec Dieu. La
nuit obscure demande un éffort préalable de la part de l’âme pour la disposer à supporter l’obscurité
et l’affliction de la “nuit”. Et souvent, peu nombre des âme s’y apprête. Sinon, de la part de Dieu,
l’appele est ouvert à nous tous (Cf. Vive Flamme-B 2,27), aussi comme on se sent que beaucoup
suivent « la grande porte » et « large chemin » « qui conduit à la perdition » pourtant nous sommes
tous appelés à la sainteté, passant par la porte étroite et le chemin resserré (Cf. Mt 7, 13-14).

d. Pourquoi et comment cela est-elle progressive


Certes aujourd’hui il est plus commun de parler de la sainteté, ce qui renvoie à l’union avec Dieu
(Cf. Conseils à un religieux, 16). Donc si nous n’utilisons pas le terme «union avec Dieu »
couramment, la réalité elle-même d’union avec Dieu est toutefois très actuelle. Nous la vivons
chaque jour des différentes manières et de différents niveaux de prise de conscience et d’intensité.
Dans la célébration liturgique nous nous saluons mutuellement, « Le Seigneur soit avec vous, et avec
votre esprit ». Par cela nous affirmons l’actualité de l’union avec Dieu sans la nommer ainsi,
malheureusement, sans peut-être s’en rendre compte. Le Seigneur ne vient pas rester passivement
“avec” moi. Il vient me rendre chaque fois plus participant dans sa propre vie. Autrement dit, il vient
resserer son union avec moi de plus en plus.
Pareillement, chaque fois que je prie le Notre Père (Paterr noster), c’est en union avec Jésus, le Fils
par nature que moi, fils adoptif, fils par participation je m’addresse au Père. Cela ressort plus
clairement dans l’alternative invitation au Pater noster: « Unis dans le même Esprit, nous pouvons
dire avec confiance la prière que nous avons reçue du Sauveur … ». Unis, par seulement entre nous
les fidèles, mais surtout avec le Christ dans la Pentecôte de l’Esprit Saint, Celui qui vint sur la Vierge
Marie et elle conçu le Fils de Dieu (cf. Lc 1,35) ; Celui qui vient sur nous au baptême, nous adopte
en filles et fils, et par qui nous pouvons crier, « Abba, Père » (Cf. Rm 8,15).
Surtout, chaque fois nous nous recevons le Corps et le Sang du Christ, nous sommes unis à Lui-
même corporellement. C’est moment privilégié si bien que passager dans les cinquièmes demeures
du château intérieur (Cf. A. M. Arrondo), pour ceux n’ont pas encore atteint ce niveau de l’itinéraire
spirituel de manière stable, ou les sixièmes ou septièmes demeures.
Ces considérations nous permettent d’indiquer une progression dans l’itinéraire vers l’union avec
Dieu. Du point de vu de Dieu, protagoniste principal, c’est lui qui initie le processus, l’accompagne
patiemment « avec force et douceur » et l’achève avec finesse. De notre point de vu, tout commence
avec une prise de conscience.
Ainsi s’ouvre le Cantique Spirituel, livre de l’itinéraire spirituelle entière, du début à la fin : « L'âme,
prenant conscience de ce qu'elle doit faire, voit que brève est la vie (), étroit le sentier de la vie
éternelle (), que le juste a bien du mal à se sauver (), que les choses du monde sont vaines et
trompeuses, que tout a une fin et s'épuise comme l'eau qui court (). Les temps sont incertains, les
comptes à rendre rigoureux ; la perdition est très facile, le salut très difficile. Elle reconnaît, d'autre
part, la grande dette qu'elle a envers Dieu qui l'a créée pour lui seul, ce pour quoi elle doit le servir
sa vie entière. Au seul prix de lui-même, il l'a rachetée, pour cela elle lui doit tous ses efforts et la
correspondance d'amour de sa volonté. Elle reconnaît mille autres bienfaits pour lesquels elle se sait
l'obligée de Dieu dès avant sa naissance. Une grande partie de sa vie s'en est allée en fumée et de
tout cela elle doit rendre compte et raison, du premier acte jusqu'au dernier, sans faire grâce d'un
centime (), quand Dieu scrutera Jérusalem avec des flambeaux allumés (). Déjà il est tard et peut
être est-ce la fin du jour (). Pour porter remède à tant de maux et de dommages, et surtout parce
qu'elle sent que Dieu s'irrite et se dérobe à elle qui, parmi les créatures, a tant voulu l'oublier,
frappée jusqu'au coeur de douleur et d'effroi à la vue d'une telle ruine et d'un si grand péril, elle
renonce à toute chose, laisse de côté toute autre affaire, sans tarder ni d'un jour, ni d'une heure.
Avec un désir ardent et un gémissement jailli de son coeur déjà blessé d'amour de Dieu, elle se met à
implorer son Bien-Aimé » (Cantique Spirituel-B 1,1). Il s’agit ici de ce qu’on appele souvent la
seconde conversion.
Ensuite, l’âme dévient collaborateur active dans le chemin ; collaborateur, soit co-protagoniste avec
Dieu qui est et reste le protagoniste principal. Si passionnée est l’âme à ce stade qu’on la conseillera
de la « la discrétion qui est la modératrice des vertus » (Règle). Dit le Santo Padre : « Il y en a qui se
fâchent contre eux-mêmes, d'une impatience non humble, quand ils se voient imparfaits ; d'où vient
qu'ils sont si impatients qu'ils voudraient être saints en un jour. Il y en a beaucoup de ceux-là qui
proposent beaucoup et font de grands propos ; mais, comme ils ne sont point humbles et se confient
en eux-mêmes, tant plus ils font de propos, tant plus ils tombent, et tant plus ils se fâchent, n'ayant
pas de patience pour attendre que Dieu leur donne quand il Lui plaira ce qu'ils désirent ». Ce qu’il
nous faut c’est la mansuétude spirituelle prescrit-il. (1Nuit 5,3).
Autrement dit, il nous faut beaucoup de patience. Comme nous ne sommes que participants au terme
de l’itinéraire, l’union, ainsi au chemin. La préparation (purification) et l’approfondissement de
l’union c’est d’abord et surtout l’œuvre de Dieu, protagoniste principal dans tout le processus du
début jusqu’à la fin.
Enfin, la manière que saint Jean de la Croix parle de la réalisation de l’union par les vertus
théologales de la foi, l’espérance et la charité (amour), indique clairement la progressivité de l’union
avec Dieu. Ces vertus, ensemble, sont l’unique moyen immédiat de parvenir à l’union avec Dieu (Cf.
(2Montée, préface). Elles ne nous sont pas donner une foi en plénitude. Elles nous sont donnés en
germes qui doives croitre progressivement. Et plus qu’elles croissent en nous, plus qu’à chaque
instant, Dieu nous uni à Lui-même.
Selon les propres mots du Santo Padre, « La foi est le seul moyen par lequel Dieu se manifeste à
l'âme dans cette divine lumière qui surpasse tout entendement. Aussi plus une âme a de foi, plus elle
est unie à Dieu » (2Montée, 9,1). « Tant plus la mémoire se dépossède, tant plus elle a d'espérance,
et tant plus elle a d'espérance, tant plus elle a d'union de Dieu. Parce qu'à l'égard de Dieu, tant
plus l'âme espère, tant plus elle obtient. Et alors elle espère le plus quand elle se dépossède le plus ;
et quand elle sera parfaitement dépossédée, elle demeurera parfaitement avec la possession de
Dieu, en union divine. » (3Montée, 7,2). La charité (amour) n’est pas mentionnée explicitement;
mais puisque « vu que ces trois vertus théologales marchent unies » (Cf. 2Montée, 24,8) ce qu’on dit
de l’une s’applique à l’autre.

En guise de conclusion
Dans sa lettre apostolique, Novo millennio ineunte (NMI), le pape saint Jean Paul II nous convie au «
devoir de montrer à quelles profondeurs peut porter la relation avec » Dieu. Il nous rappelle que
« La grande tradition mystique de l'Église, peut exprimer beaucoup à ce sujet. Elle montre comment
la prière peut progresser, comme un véritable dialogue d'amour, au point de rendre la personne
humaine totalement possédée par le Bien-Aimé divin, vibrant au contact de l'Esprit, filialement
abandonnée dans le cœur du Père. On fait alors l'expérience vivante de la promesse du Christ : «
Celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; moi aussi je l'aimerai, et je me manifesterai à lui »
(Jn 14,21). Il s'agit d'un chemin totalement soutenu par la grâce, qui requiert toutefois un fort
engagement spirituel et qui connaît aussi de douloureuses purifications (la « nuit obscure »), mais
qui conduit, sous diverses formes possibles, à la joie indicible vécue par les mystiques comme «
union sponsale ».
«  Il s'agit donc d'une prière intense, qui toutefois ne détourne pas de l'engagement dans l'histoire:
en ouvrant le cœur à l'amour de Dieu, elle l'ouvre aussi à l'amour des frères et rend capable de
construire l'histoire selon le dessein de Dieu. » (NMI 33)
« On se tromperait si l'on pensait que les simples chrétiens peuvent se contenter d'une prière
superficielle, qui serait incapable de remplir leur vie. Face notamment aux nombreuses épreuves
que le monde d'aujourd'hui impose à la foi, ils seraient non seulement des chrétiens médiocres, mais
des « chrétiens en danger ». Ils courraient en effet le risque insidieux de voir leur foi
progressivement affaiblie, et ils finiraient même par céder à la fascination de « succédanés »,
accueillant des propositions religieuses de suppléance et se prêtant même aux formes extravagantes
de la superstition.
Il faut alors que l'éducation à la prière devienne en quelque sorte un point déterminant de tout
programme pastoral. Combien il serait utile que, non seulement dans les communautés religieuses
mais aussi dans les communautés paroissiales, on s'emploie davantage à ce que tout le climat soit
imprégné de prière ! Il faudrait redonner de la valeur, avec le discernement voulu, aux formes
populaires et surtout éduquer à la prière liturgique. Une journée de la communauté chrétienne, où
l'on harmoniserait les multiples occupations de la pastorale et du témoignage dans le monde avec la
célébration eucharistique et éventuellement la récitation des Laudes et des Vêpres, est peut-être plus
« envisageable » qu'on ne le croit habituellement. L'expérience de nombreux groupes
chrétiennement engagés, même composés majoritairement de laïcs, le démontre » (NMI 34) 
La vie de saint Jean de la Croix doit être une invitation concrète à une vie d’oraison jusqu’au plus
hautes cimes de l’union avec Dieu admirablement harmonisée avec un engagement aussi fort dans le
domaine de tâches à accomplir pour le salut des âmes et le bienêtre temporel.

Vous aimerez peut-être aussi