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Kamoka Perles,
Au rythme de la nature
De nombreuses fermes perlières parsèment le sublime
lagon de Ahe, un atoll des Tuamotu réputé pour la qualité
de ses eaux. Là, entre mer et ciel, des hommes et des femmes
travaillent avec passion.
A
près un premier séjour dans les années 1970 avec sa famille,
Patrick Humbert revient à Ahe en 1991 avec l’idée d’y
construire une ferme perlière. Un choix bien ambitieux à
une époque où la perliculture n’en est qu’à ses débuts. Son
fils, Josh, du haut de ses 20 ans, l’accompagnera dès le début dans cette
grande aventure, apprenant, entre autres, à greffer. Passionné par le
milieu marin, Josh a poursuivi pendant deux ans des études de biologie
marine, des études qui n’ont de sens, pour lui, que sur le terrain. En 2001,
à 29 ans, Josh prend la direction de la ferme.
Ici, on travaille et on vit tous ensemble, jours après jours. Un mode de
vie bien particulier, où la séparation entre profession et vie privée
semble floue, sinon inexistante. Dans un tel contexte, si l’ambiance
n’est pas conviviale, c’est toute la chaîne de production qui en pâtit.
Josh Humbert mise beaucoup sur cet état d’esprit : à Kamoka, respecter
la nature, le lagon et ses habitants est une évidence, travailler avec amour
et dans la bonne humeur, une condition. Tous ces facteurs détermineront
la qualité de la perle. Ce n’est pas tout : Kamoka est une ferme écologique.
Tous les moyens sont mis en œuvre afin d’agir dans une démarche
de développement durable et de protection de l’environnement. Un
exemple : l’électricité est produite par des éoliennes et des panneaux
solaires.
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Une journée à la ferme
Elle commence toujours par aller chercher les collecteurs attachés
aux stations, les supports d’élevage sous-marin, situés à 7 mètres sous
la surface du lagon, profond d’environ 40 mètres. A ces collecteurs
sont attachées des nacres, qui sont ramenées pour être greffées à la
ferme. Une fois greffées, elles repartent sur les lignes, dans le lagon. Les
nacres reviennent alors trois mois plus tard, afin d’être installées sur
les plateformes de la ferme, dans une zone où le lagon est peu profond.
Là, elles subiront une séance de nettoyage effectuée par les poissons,
qui se régalent des petites algues et coquillages collés sur les nacres. Il
est primordial de libérer les nacres de ces « parasites », car ils empêchent
la nacre de filtrer l’eau, donc de bien se nourrir, ce qui nuit à son
développement. Il faut compter une journée pour que les nacres soient
propres.
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Quatre ans de travail pour obtenir une perle
Dès que les nacres sont prêtes à être greffées, vient leur détroquage.
Détachées des collecteurs, elles sont triées et « calées ». Si elles sont
de la bonne taille, elles sont alors greffées, autrement, elles repartent
en élevage. Une nacre met deux ans et demi, environ, à grandir avant
d’être greffable. Greffer une nacre, un exercice bien plus compliqué
qu’il n’y paraît… A première vue, il s’agit simplement de couper la
gonade, l’organe reproducteur de l’animal, lui introduire un greffon
– petit morceau du manteau de la nacre – ainsi qu’un nucléus, une
bille de matière organique sur laquelle la nacre va s’accumuler pour
former une perle. Sans une connaissance irréprochable de l’anatomie
de la nacre, sans une dextérité et une attention sans faille, ce n’est
même pas la peine d’essayer…
Après le minutieux travail de la greffe, il faut encore attendre environ
16 mois pour avoir une perle. En tout, presque quatre ans de travail
sont donc nécessaires pour obtenir une perle ! Après la première
récolte, une sur-greffe peut également être faite. Si la première
greffe a donné une belle perle, cela signifie que la nacre est toujours
en bonne santé et qu’elle peut supporter une autre greffe, donc
donner une autre perle. Cet incessant processus allant de l’élevage,
du nettoyage, de la greffe et de la récolte rythme la vie d’une ferme
perlière.
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Vous serez perliculteurs
mes enfants !
Un fare sur pilotis, surplombant le lagon de l’atoll de
Makemo, à quelques minutes de bateau de la plage. Là, dans
un calme absolu, six perliculteurs s’affairent. A la fin de la
journée, mille nacres seront greffées.
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Huit heures par jour
Huit heures par jour sur le fare, ils répètent leurs gestes, rien ne semble
pouvoir les perturber. Vaiata ne voit pas pourquoi cette organisation
pâtirait de la promiscuité familiale. Pour Moana, travailler en famille
permet de mettre rapidement les choses au clair quand un problème
menace d’enrayer la machine. Ces jeunes perliculteurs ne sont pourtant
pas nés dans un lagon, ils viennent de Corse. L’esprit de famille, « contre
vents et marées », s’explique peut-être un peu par cette autre origine
insulaire.
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Depuis un an, Vetea a auprès de lui son épouse, Christelle qui a quitté
Tahiti et un emploi dans l’administration pour rejoindre le monde de
la perle. Quant à Maui, il est à 19 ans le benjamin de l’équipe. Il nous
fera part de son admiration pour Moana, ce cousin charismatique qui
descend en apnée à 35 mètres pour chercher les paniers de nacres, et
qui a su malgré son asthme apprendre à gérer son souffle pour rester
sous l’eau de longues minutes.
Ainsi va la vie sur le fare perle de Teanuanua Beach Pearls. Seuls les mois
de juillet et décembre connaîtront des périodes de vacances. Certains
rejoindront Tahiti, pour retrouver Papeete, ses boutiques et ses cinémas.
Quant à savoir si un jour frères et sœur s’envoleront plus loin, pour
replonger dans leurs racines corses… « Y vivre un jour ? Pourquoi pas.
Le jour où l’on pourra greffer des perles là-bas », s’amuse Vaiata..
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Maki Maifano, greffeur
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n bon greffeur ne vous dira jamais qu’il est un bon greffeur. Ce sont
les autres qui vous le diront. Et à Ahe, tout le monde assure que Maki
est le meilleur. Ses résultats le prouvent, et sa réputation va bien
au-delà du récif de Ahe. Originaire de Ahe, Maki a grandi et baigné dans le
milieu des fermes perlières, au sein desquelles il sait tout faire. Aujourd’hui,
il a plus de dix ans de pratique de la greffe derrière lui. Il a appris à l’école de
Rangiroa, en 1992. Mais, comme beaucoup de métiers, c’est véritablement
sur le tas que l’on devient greffeur. Maki a inventé des techniques nouvelles
permettant aux greffeurs de progresser. Il affirme qu’il en découvre encore
tous les jours ! Pourtant, sa rigueur et son savoir-faire n’ont jamais trompé
personne. Les perliculteurs misent beaucoup sur le greffeur, il faut avoir
envers lui une sacrée dose de confiance. Les enjeux sont énormes. Son
travail déterminera, en grande partie, la qualité de la récolte. Une confiance
réciproque, car le greffeur doit lui aussi être certain de la qualité des nacres
qu’il va greffer, du sérieux avec lesquelles elles sont traitées.
Même si tous les perliculteurs vouent à leur métier une passion au quotidien,
des doutes les envahissent bien souvent. Combien de temps va durer cet
engouement pour la perle ? Y aura-t-il toujours un marché pour elle ? Mais
l’optimisme et l’humour reprennent vite le dessus, lorsque Maki lance :
« Au fond, tant qu’il y aura des femmes, il y aura des perles ! ».
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Nancy Morgan, Ambassadrice de la Perle de Tahiti
Texte : tahiticommunication
© Photos : P. Bacchet - couverture, p. 2, 15, 16-17 • G. Le bacon - p. 4-5 • I. Bertaux - TC - p. 9, 12, 14 • J. Humbert - P. 7, 8, 11 • G. CHekib - TC - p. 19
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