Vous êtes sur la page 1sur 444

17

THESE DE DOCTORAT DE

L'UNIVERSITE DE NANTES
COMUE UNIVERSITE BRETAGNE LOIRE
ECOLE DOCTORALE N° 604
S ociétés, Temps, Territoires
Spécialité : Climatologie historique

Par
Emmanuelle ATHIMON

Vimers de mer et sociétés dans les provinces de la façade atlantique du


royaume de France (XIVe-XVIIIe siècle)
Thèse présentée et soutenue à l’Université de Nantes, à Nantes, le 07 Mars 2019.
Unités de recherche : LETG (UMR 6554) et CRHIA (EA 1163)

Composition du J ury :
Rapporteurs avant soutenance :
· Virginie DUVAT, Professeur des universités, Université de La Rochelle, France.
· Tim SOENS, Professeur des universités, Université d’Anvers, Belgique

Examinateur :
· Martine TABEAUD, Professeur des universités émérite, Université Panthéon-Sorbonne, France.
Présidente du jury

Directeurs de thèse :
· Jean-Luc SARRAZIN, Professeur des universités émérite, Université de Nantes, France.
· Mohamed MAANAN, Maître de conférences HDR, Université de Nantes, France.
· Thierry SAUZEAU, Professeur des universités, Université de Poitiers, France.

1
3
5
3
REMERCIEMENTS

En ces remerciements, qu'il soit permis à l'ancienne gymnaste que je suis une analogie
qui pourra passer pour étrange : ces années de doctorat comptèrent bien des similitudes avec
les années de compétitions qui marquèrent mon enfance. Nul podium sans une préparation
rigoureuse. Nul apport à la recherche sans un travail consciencieux.

À l'image de la jeune gymnaste qui eut besoin de « coachs » pour l'entraîner, la faire
progresser, la rassurer, la doctorante a pu compter sur le soutien, la disponibilité, la
bienveillance, la patience, l'aide, mais aussi les exigences de Jean-Luc SARRAZIN, Mohamed
MAANAN et Thierry SAUZEAU, ses trois directeurs. Je les prie de recevoir toute l'expression de
ma gratitude pour le temps et la confiance qu'ils ont su m'accorder.
Comme un club ne saurait tourner sans un « staff technique » passionné, éclairé, mes
années de thèse furent rythmées par les rapports des membres du Comité de Suivi de Thèse :
Michel BOCHACA, Jacques PERET, Dominique SELLIER. Pour leurs encouragements et
conseils, je les remercie chaleureusement. Jʼen profite également pour honorer le travail du
personnel administratif et financier de lʼUniversité de Nantes. Mon dossier fut un véritable
casse-tête ; je suis reconnaissante de leur patience et de leur prévenance.
Similairement aux entraînements qui ne peuvent se dérouler sans des mains bénévoles,
mes recherches doctorales ont souvent pu compter sur un soutien et une assistance
volontaires. À toutes celles et tous ceux qui mʼont spontanément et très aimablement transmis
des informations, mʼont proposé leurs services pour relire de petits ou gros morceaux du
manuscrit, mʼont assistée techniquement pour la mise en page, ont répondu à mes
interrogations… Je tiens notamment à saluer Jacques BOUCARD, Nicolas GARNIER,
Marjolaine LEMEILLAT, Dominique SELLIER, Morgan et Chantal. Un double pouce en lʼair en
particulier à Morgan, qui mʼa largement assistée pour la mise en page et sʼavère bien meilleur
photographe que moi ! Quʼil me soit aussi permis ici de remercier le Musée du Sable pour
toutes les actions de vulgarisation auxquelles ils nous ont conviés, Mohamed MAANAN, Pierre
POUZET et moi-même.
À l'instar du sport qui fut longtemps le mien, la recherche est double. Elle se pratique à
la fois individuellement et collectivement. Je dois admettre que mon tempérament mʼincline
vers lʼaspect plus individuel. Jʼai toutefois énormément appris et mûris auprès de mes
collègues, historiens comme géographes. C'est vers Pierre POUZET en particulier, mais aussi
Margaux ONILLON, Julien FONDIN et tous ceux que j'eus le plaisir de côtoyer au CRHIA et à
LETG, ainsi que lors de colloques ou journées d'étude que se dirigent désormais mes pensées.
Pour nos échanges, vos questions, vos réponses, la stimulante dynamique dans laquelle vous
avez pu me plonger, les réflexions et inspirations que vous avez amenées, je vous adresse ce
« Merci ».
7
REMERCIEMENTS

À l'exemple de la gymnastique, l'étude des tempêtes passées nécessite l'accès à des


équipements, des ressources, des infrastructures, des établissements spécifiques, des sites
éparpillés. Pour leur accueil, leur dévouement, leur assistance, leur amabilité, je souhaite
remercier le personnel des bibliothèques, médiathèques et archives municipales,
départementales, nationales. Indéniablement, ma reconnaissance va aussi à la Fondation de
France, au programme « Quels littoraux pour demain ? », qui a permis au projet 1503 de voir
le jour et de s'épanouir dans un climat financier serein.
De même que les applaudissements des proches et « supporters » encouragent la
sportive, la présence d'un entourage composé d'un « BL », dʼune famille attentive, de
nombreux amis, d'un chat est primordial au moral de la thésarde. Pour leurs inquiétudes et
leur sollicitude, leur curiosité et leurs intérêts, leur compréhension et patience, leur affection,
leur amour. Pour toute la joie, les rires, la fantaisie qu'ils apportent à ma vie. Pour toutes les
couleurs dont ils tapissent mes journées. Pour l'innocence et la pertinence de leurs
commentaires ou questionnements sur les vimers. Et, finalement, pour toutes les tempêtes,
qu'ils savent éloigner. À eux, pour mʼavoir entourée, je porte un toast.
Sport dangereux, les années sans blessures sont rares en gymnastique ; les siennes
évidemment, mais aussi celles des coéquipiers. Si la recherche sur les tempêtes anciennes est
a priori plus inoffensive, le quotidien ne fait pas toujours preuve de mansuétude. Une
considération respectueuse et tendre aux soutiens disparus, aux petits bouts de vie perdus et
aux souvenirs réconfortants.

Enfin, pour le plaisir, la stimulation intellectuelle, la détermination, le bonheur absolu,


lʼaventure scientifique et humaine que furent ces années de doctorat. Pour m'avoir d'une
manière ou d'une autre accompagnée : à toutes et tous, une gratitude sincère.

À Chantal, Dominique, Morgan et Nephtys.

8
SIGLES ET ABREVIATIONS

Abr éviations usuelles

ar t. cit. article déjà cité

c.g calendrier grégorien

c.j calendrier julien

fol., f° folio

ibid. renvoi consécutif à un même ouvrage ou à un même article

l., s., d. livre, sou, denier

Mi microfilm

ms. manuscrit

n°, r °, v° numéro, recto, verso

op. cit. ouvrage déjà cité

t., vol. tome, volume

Sour ces conser vées en dépôts d'ar chives

A.M + ville Archives Municipales + ville

A.D 16 Archives Départementales de Charente

A.D 17 Archives Départementales de Charente-Maritime

A.D 22 Archives Départementales des Côtes-d'Armor

A.D 29 Archives Départementales du Finistère

A.D 33 Archives Départementales de Gironde

A.D 35 Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine

A.D 44 Archives Départementales de Loire-Atlantique

A.D 49 Archives Départementales du Maine-et-Loire

A.D 53 Archives Départementales de Mayenne

A.D 56 Archives Départementales du Morbihan

A.D 72 Archives Départementales de la Sarthe

A.D 85 Archives Départementales de Vendée

A.D 86 Archives Départementales de la Vienne

A.N P-s-S Archives Nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine

A.N Par is Archives Nationales du CARAN, site de Paris

9
SIGLES ET ABREVIATIONS

Bib. Ac. Med. Bibliothèque de l'Académie de Médecine

Bib. Ste- Bibliothèque Sainte-Geneviève


Geneviève

Bib. Ec. Ch. Bibliothèque de lʼÉcole des Chartes

BnF Bibliothèque nationale de France

BnS Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Med. L. Ar agon Médiathèque Louis d'Aragon du Mans

Med. M. Médiathèque Michel-Crépeau de La Rochelle


Cr épeau

Med. J . Demy Médiathèque Jacques Demy de Nantes

Med. Fr . Mit. Médiathèque François Mitterrand de Poitiers

Med. Touss. Médiathèque Toussaint d'Angers

SRM Société Royale de Médecine

Pér iodiques et ouvr ages

A.B.P.O Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest

A.E.S.C Annales, Economies, Sociétés, Civilisations

A.H.G Archives Historiques du département de la Gironde

A.H.P. Archives Historiques du Poitou

A.H.R. American Historical Review

A.H.S.A. Archives Historiques de Saintonge et de l'Aunis

Ann. Sci. Annals of Sciences

A.S.R Archives des Sciences sociales des Religions

Atm. Sc. Let. Atmospheric Science Letters

B.A.M.S. Bulletin of the American Meteorological Society

B.C.H.A.M Bulletin de la Commission Historique et Archéologique de la Mayenne

B.E.C. Bibliothèque de lʼÉcole des Chartes (publication)

B.M.A.H.C Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique et Historique de la Charente

B.S.A.F Bulletin de la Société Archéologique du Finistère

B.S.G.B Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Bordeaux

C.C. Climatic Change

C.H Cabinet historique

10
Cybergéo Cybergeo : European Journal of Geography

E.H Environmental Hazards

E.H.R The Economic History Review

Geo. Research Geophysical Research Letters


Let.

H.A.S.A Histoire de l'Académie royale des Sciences tirée des registres de cette Académie

Hydrol. Earth Hydrology and Earth System Sciences


Sys. Sc.

H&M Histoire & Mesures

Inter. J . Clim. International Journal of Climatology

J . Clim. Journal of Climate

J . Interdisci. Hist Journal of Interdisciplinary History

J .M.H Journal of Medieval History

M.H.B Mémoires pour servir de preuves à l'Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne

M.H.J The Medieval History Journal

M.S.C.N Mémoires de la Société d'émulation des Côtes du Nord

M.S.A.C.N Mémoires de la Société Archéologique des Côtes-du-Nord

M.S.D.S Mémoires de la Société de statistique des Deux-Sèvres

M.S.H.S.D.S Mémoires de la Société Historique et Scientifique des Deux-Sèvres

N.H Natural Hazards

N.H.E.S.S Natural Hazards and Earth System Sciences

P.M La Province du Maine

PNAS Proceedings of the National Academy of Sciences

Prog. Phys. Geo. Progress in Physical Geography : Earth and Environment

Quat. J .R. Quaternary Journal of the Royal Meteorological Society


Meteorol. Soc.

R.A.M-L Revue de l'Anjou et du Maine-et-Loire

R.G Revue de Gascogne

R.H.F Revue d'Histoire de l'église de France

R.H.M.C Revue dʼHistoire Moderne et Contemporaine

T.A.C Theoretical and Applied Climatology

Wires C.C Wires Climate Change

11
SIGLES ET ABREVIATIONS

Autr es sigles et abr éviations

CERFACS Centre Européen de Recherche et de Formation Avancée en Calcul Scientifique

CFC Centre Français de Cartographie

CVRH Centre Vendéen de Recherches Historiques

CNRS Centre National de la Recherche Scientifique

CRHIA Centre de Recherche en Histoire Internationale et Atlantique

CTHS Comité des Travaux Historiques et Scientifiques

EHESS École des Hautes Études en Sciences Sociales

ENC École Nationale des Chartes

EPOC Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux (laboratoire,


université de Bordeaux)

IGN Institut National de l'Information Géographique et Forestière

IGPDE Institut de la gestion publique et du développement économique

LETG Littoral, Environnement, Télédétection, Géomatique

PAPI Programme dʼActions de Prévention des Inondations

PENPC Presses de l'école nationale des Ponts et Chaussées

PPR Plan de Prévention des Risques (I – Inondations, S – Submersions)

PPUR Presses Polytechniques et Universitaires Romandes

PUF Presses universitaires de France

PUFC Presses universitaires de Franche-Comté

PUG Presses universitaires de Grenoble

PUL Presses universitaires de Louvain

PULM Presses universitaires de la Méditerranée

PUN Presses universitaires de Nancy

PUP Presses universitaires de Provence

PUPS Presses de l'université Paris-Sorbonne

PUR Presses universitaires de Rennes

PUS Presses universitaires du Septentrion

PUSE Publications de l'Université de Saint-Étienne

PUV Presses universitaires de Valenciennes

SHOM Service Hydrographique et Océanographique de la Marine

12
AVERTISSEMENT

Sur les choix liés à la pr ésentation des r éfér ences et de la bibliogr aphie

La présente thèse étant interdisciplinaire, des choix en matière de présentation des références et
de la bibliographie au sein du manuscrit durent être faits. Géographes et historiens ne procèdent pas de
manière similaire lorsqu'il s'agit de citer les références. En géographie, elles apparaissent usuellement
entre parenthèses dans le corps du texte. Ne mentionnant que le nom de l'auteur principal et l'année de
publication, elles sont succinctes. À l'inverse, en histoire, le recours aux notes infrapaginales est
privilégié. S'il peut donner un aspect visuel inesthétique, pour ne pas dire chargé, il permet une
précision à la page ou au folio près dont la recherche en climatologie historique ne saurait se passer.
Pour le lecteur, elles ont par ailleurs l'avantage considérable de permettre une vérification rapide ainsi
qu'une consultation sélective des ouvrages, articles, sources mentionnés. Faisant le choix d'une rigueur
absolue, les notes de bas de page seront employées. Quant à la bibliographie, si les géographes
préfèrent l'usage anglophone, les historiens emploient habituellement le format francophone. Signalant
l'année de publication immédiatement à la suite du ou des auteur(s), la présentation anglophone nous
apparaît plus pratique et efficace. Du reste, elle est aussi souvent la plus répandue. C'est donc celle qui
primera.

Sur la publication de documents histor iques dans la thèse

L'édition de tout ou partie d'un document ancien en lien avec le sujet de recherche a pour
vocation d'illustrer en détail le propos. Elle rend accessible aux chercheurs qui le souhaitent un certain
nombre d'extraits sur les vimers. Ceux-ci sont, en majorité, inédits à la publication.
Il pourra s'agir de témoignages isolés ou, dans certains cas, d'un petit dossier documentaire. Les
pièces justificatives seront numérotées par ordre de parution dans la thèse et accompagnées d'une
brève présentation critique. Encadrées, leur mise en page spécifique permettra un repérage visuel
immédiat.
Par ailleurs, ces éditions suivent plusieurs règles susceptibles de varier selon les découpages
historiques. Dans un souci de clarté, simplification et cohérence, un lissage a été opéré entre les
normes préconisées pour les textes médiévaux1 et ceux modernes2 :

Indication de la pièce
Afin d'identifier le document, son site de conservation ainsi que sa cote de référencement seront
évidemment communiqués. Les folios, de même que les numéros des pièces d'archives seront
systématiquement indiqués. S'ils n'apparaissent pas, c'est que le manuscrit n'était pas paginé ou que les

1
ENC, Vieillard, F., Guyotjeannin, O. (coord.), 2001, Conseils pour l'édition des textes médiévaux, Fascicule 1 :
2
Barbiche, B., Chatenet, M. (dir), 1990, L'édition des textes anciens : XVIe-XVIIIe siècle, Inventaire général des
monuments et des richesses artistiques de la France, Documents et méthodes 1, Paris.

13
AVERTISSEMENT
originaux n'étaient pas numérotés.

Gr aphie
La graphie des documents sera rigoureusement conservée et aucune modernisation linguistique,
grammaticale, syntaxique, orthographique ne sera opérée, à deux exceptions près : les lettres « i » et
« u » ayant valeur de consonne seront transcrites par un « j » et un « v ». L'orthographe et la syntaxe
n'étant définitivement fixées qu'au XIXe siècle, la forme de certains termes pourra ainsi varier d'un texte
à l'autre, voire d'une phrase à l'autre au sein d'une même pièce. En outre, respectant le document
original, nulle traduction en français contemporain ne sera donnée, seules des transcriptions seront
présentées.
Lorsqu'un mot, une expression ou une portion de phrase a été rédigé deux fois, par inadvertance,
dans le document original, la transcription recopiera scrupuleusement le doublon. Celui-ci sera alors
signalé par un [sic] entre crochets. Les ratures au sein même du texte seront, similairement, recopiées.

Majuscule et ponctuation
Une lecture cursive des textes pouvant donner lieu à des incompréhensions, une sensation
d'incohérence ou d'absence de structuration des textes, il fut jugé plus fonctionnel d'établir une
ponctuation. L'usage moderne, induisant l'emploi de virgules et points, sera donc introduit. En
conséquence, une révision du système des majuscules et minuscules au sein des extraits publiés devra
avoir lieu : les majuscules ne seront utilisées que pour signaler un nom propre ou un début de phrase.
Dès lors, quoiquʼécrites par le scribe, toutes les majuscules de milieu de phrase et/ou sur des noms
communs seront systématiquement transformées en minuscules.

Nombr e
Les renseignements numériques seront notés tels qu'ils se présentent dans l'écrit, à
savoir soit en toutes lettres, en chiffres romains ou arabes. Dans le cas de registres de
comptes, à la suite des informations exprimées en chiffres romains, l'équivalent en chiffres
arabes sera donné entre parenthèses.

Abr éviations
Sans qu'il ait été jugé nécessaire de le préciser, détailler dans les transcriptions, les abréviations
seront « allongées ». Ainsi, une abréviation telle que « dud. » fera l'objet d'un développement et
apparaîtra sous la forme « dudict ».

Sépar ation des mots


Lorsque deux ou plusieurs vocables bien distincts se trouvent agglutinés, ils seront séparés,
conformément à l'usage actuel. En revanche, les mots disjoints de nos jours par une apostrophe comme
« aujourd'hui » ou « d'icelle », généralement collés en ancien français, nulle apostrophe n'y sera
introduite. Du reste, les locutions comme « longtemps », « depuis » apparaissant désunies dans le
document original le resteront dans la transcription.

14
Accents
Les accents ont commencé à être introduits à compter de 1530 par les imprimeurs. Lent et
progressif, leur usage dans l'écriture a mis plusieurs siècles avant de se généraliser. Communément,
trois périodes sont distinguées :
e e
XIV -XVI siècles : les normes fixées pour l'édition des textes médiévaux seront
appliquées. Seul l'accent aigu sera employé sur la lettre « e » dans l'optique de discerner un « e »
tonique d'un « e » atone. Par exemple dans venté, submergé, prés... Par contre, lors d'un final en
double « ee » comme maree, il n'y aura pas d'accentuation.
e
XVII siècle : les accents seront plus largement utilisés pour les témoignages du XVIIe
siècle. Ainsi, les fins en « ee » seront désormais accentuées (marée), ainsi que l'accent grave sur les
lettres « e », « a » et « u ».
e
XVIII siècle : en ce qui concerne les pièces du siècle des Lumières, l'usage actuel des
accents sera suivi.

Lacunes
Dans le cas de lettres ou mots omis par le rédacteur, de portions de phrases illisibles ou
inapparentes – souvent pour cause de mauvais état du document ou d'encre effacée –, les passages
seront restitués, autant que faire se peut. Ils se détacheront entre crochets dans la transcription. S'il
s'avère impossible de reconstituer le texte, les lacunes seront représentées par des points de suspension
entre crochets en italique.

Autr es r emar ques


Le paléographe n'est pas infaillible. Si une hésitation ou une incertitude subsiste quant à la
transcription d'un terme, un point d'interrogation entre parenthèses (?) sera intégré à sa suite.
Enfin, dans le cas d'une transcription partielle – par exemple, car certains morceaux de la pièce
n'intéressent pas l'étude des tempêtes –, des coupes mentionnées par des points de suspension entre
crochets seront opérées.

15
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS ............................................................................................................................ 7

SIGLES ET ABREVIATIONS............................................................................................................ 9

AVERTISSEMENT ...........................................................................................................................13

TABLE DES MATIÈRES..................................................................................................................16

INTRODUCTION .............................................................................................................................20

PARTIE I. La tem pête aux XIVe -XVIII e siècles : dé in ition, sour ces et
m éthodologie ............................................................................................................................................37

1. CHAPITRE 1. Cadr e conceptuel et spatial de lʼétud e. ................................................39


1.1 D'hier à aujourd'hui, nécessité et dif icultés de dé inir la tempête ................................................39
1.1.1. Qu'est-ce qu'une tempête ? .................................................................................................. 40
1.1.2. Petit précis lexical de la tempête au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne ......... 45
1.1.3. La « tempeste » : savoirs, perceptions et réalités des XIVe-XVIIIe siècles ............ 50
1.2. Le littoral atlantique français, cadre propice à l'étude des vimers passés ...........................55
1.2.1. L'existence d'une fracture climatique au sein d'une grande entité océanique ?
59
1.2.2. Un ter ritoire entre côtes rocheuses et sableuses........................................................ 62
1.2.3. Un espace macrotidal : phase de la Lune, coef icient de marée et surcote ...... 66
1.3. Du bon usage de notions récentes en histoire des tempêtes .....................................................77
1.3.1. Le triptyque « aléa / enjeu / risque »............................................................................... 78
1.3.2. Résilience. Adaptation. Vulnér abilité. Quel(s) sens sous l'Ancien Régime ?... 82
1.3.3. De l'enjeu contemporain à l'étude d'événements passés........................................ 86

2. CHAPITRE 2. Reconstr uir e l'histoir e des tem p êtes : sour ces, données et
m éthodes ....................................................................................................................................................91
2.1. Les sources écrites et leur traitement ..................................................................................................93
2.1.1. Chroniques, annales, écrits du for privé ......................................................................... 96
2.1.2. La tempête dans l'archive : un accent sur les actes de la pratique, les
documents de gestion et d'administration ...............................................................................................101
2.1.3. Critique, base de la méthode historique .......................................................................108
2.2. Les sources naturelles, un supplément pour l'histoire ?...........................................................114
2.2.1. Aspects généraux préliminaires .......................................................................................115
2.2.2. Méthode et données de la sédimentologie : des croisements possibles avec les
informations historiques ..................................................................................................................................118
2.2.3. Des limites de la démarche sédimentaire aux intérêts de l'interdisciplinarité
125
2.3. Des sources complémentaires à ne pas mésestimer ...................................................................128
16
2.3.1. Au sujet des iconographies .................................................................................................128
2.3.2. Ex-voto et monuments commémoratifs, des témoins matériels ? ....................134
2.3.3. Textes à caractère scienti ique et mesures instrumentales .................................139

CONCLUSION PARTIELLE, PARTIE I......................................................................................147

PARTIE II. Don n ées histor iques et pensée géogr aphiques ..........................................149

3. CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : d e l'aléa aux vuln ér abilités .............................151


3.1. Tempête ancienne, circulation atmosphérique et échelles spatio-temporelles. ............152
3.1.1. Les phénomènes atmosphériques, l'incontour nable conception globale ......153
3.1.2. La tempête passée, l'inévitable dimension régionale .............................................160
3.1.3. Le vimer ancien, l'indispensable usage de l'échelle locale ...................................165
3.2. Les temporalités de la tempête ............................................................................................................168
3.2.1. La tempête, un aléa de courte durée ..............................................................................168
3.2.2. Questionner les temporalités de lʼendommagement ..............................................170
3.2.3. Le temps, quelle pertinence pour les réactions ?......................................................172
3.3. Gestion de la crise et de la vulnérabilité aux XIVe-XVIIIe siècles : quels acteurs pour
quelles échelles ? ................................................................................................................................................................... 174
3.3.1. Des réactions individuelles ou collectives spontanées ..........................................176
3.3.2. Villes et seigneuries à la manœ uvre ...............................................................................178
3.3.3. L'implication de « lʼÉtat » ....................................................................................................181

4. CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoir e des tem pêtes .....................................187


4.1. Le SIG, principe et usage..........................................................................................................................189
4.1.1. Qu'est-ce qu'un SIG ?.............................................................................................................189
4.1.2. Fonctions et fonctionnement d'un SIG..........................................................................190
4.1.3. Créer une banque de données sur les tempêtes anciennes..................................191
4.2. Intérêts et dif icultés de la géospatialisation de données anciennes ...................................195
4.2.1. Des données anciennes clairsemées dans l'espace ..................................................195
4.2.2. Géospatialiser les aléas extrêmes passés, dans quel(s) but(s) ? ........................198
4.3. Cartographier les espaces vulnérables et à risques .................................................................... 201
4.3.1. Visualiser à lʼéchelle de la façade atlantique française...........................................201
4.3.2. Déterminer le zonage adéquat ..........................................................................................205
4.3.3. Mise en pratique : deux « cas dʼécole »..........................................................................208

CHAPITRE 5. Tem pête ancienne et « pouvoir d'end om m agem ent » ................214


5.1 Typologie, dé inition et description des dommages ...................................................................215
5.1.1 Un endommagement matériel surreprésenté .............................................................215
5.1.2 Des dégâts structurels dérisoires ? ..................................................................................220
5.1.3 Les atteintes fonctionnelles, mère de conséquences indirectes notables.......223
5.2 Des méthodes existantes dʼévaluation et de classi ication ef icientes ?............................. 225
5.2.1 « Evaluer » la tempête extratropicale ancienne : où en est la recher che à

17
TABLE DES MATIÈRES
lʼinternational ?.....................................................................................................................................................226
5.2.2 Et en France ? ............................................................................................................................230
5.3 Du béné ice de proposer une nouvelle méthode de quanti ication des dommages......234
5.3.1 Remarques préliminaires et limites rencontr ées ......................................................235
5.3.2 État des données anciennes ou de la nécessité d'établir des « classes » .........238
5.3.3 Quelques essais de quanti ication ....................................................................................243
5.3.4 Introduction à la construction dʼun prototype dʼévaluation des tempêtes ....249

CONCLUSION PARTIELLE, PARTIE II ....................................................................................259

PARTIE III. Aléas m étéo-m ar in s et sociétés ......................................................................261

CHAPITRE 6. Rép on ses d es sociétés : aspects cultur els et m entalités.............263


6.1 Lʼexistence dʼune réponse religieuse ?.............................................................................................. 264
6.1.1 Sermons, prédications, processions ? Des sources silencieuses .........................265
6.1.2 Aumônes, dons, objets votifs : quelques rares indices ............................................267
6.1.3 Vimer : de la volonté divine à la cause naturelle........................................................274
6.2 Au cœ ur de la catastrophe : identi ier les premières (ré)actions.......................................... 277
6.2.1 Lʼaccueil psychologique et émotionnel de lʼévénement..........................................277
6.2.2 Barricadement, fuite, secours : des réactions variées selon les périodes .......281
6.3 La conscience du risque météo-marin chez les populations des XIVe-XVIIIe siècles ........285
6.3.1 Observer et connaître son environnement ..................................................................285
6.3.2 Tolérer et intégrer les périls dans son mode de vie .................................................289
6.3.3 La mise en mémoire de l'aléa, clé de voûte de la conscience du danger ? ......292

CHAPITRE 7. Str atégies d 'adaptation : p r otéger et p r évenir ...............................296


7.1 Se défendre « materiellement » contre la mer .............................................................................. 296
7.1.1 Les écluses à poissons ixes, des dispositifs de protection du littoral ..............297
7.1.2 De la soustraction à la conservation : la mutation du rôle des ouvrages de
défense 301
7.1.3 Lʼappropriation de la gestion du ter ritoire par les représentants du roi........306
7.2 Intervenir au lendemain de la catastrophe ..................................................................................... 312
7.2.1 Lʼévidence : procéder aux réparations...........................................................................312
7.2.2 Rester coûte que coûte, quitte à déplacer .....................................................................317
7.3 Peu à peu, une volonté de prévoir et anticiper les risques.......................................................322
7.3.1 Prévenir les risques : lʼexistence dʼinitiatives de la part des sociétés anciennes
323
7.3.2 Mesures instrumentales et signes de la nature au service de la prévision et de
lʼanticipation ?.......................................................................................................................................................328

CHAPITRE 8. Une app r oche r eposant sur des études de cas bien
docum entés ............................................................................................................................................332
8.1 Les XIVe-début du XVIe siècles, parents pauvres de l'étude........................................................333

18
8.1.1 Des pertes documentaires irrémédiables .....................................................................333
8.1.2 Première mention de vimer sur le littoral atlantique francais : 1351-
1352(n.st) 337
8.1.3 La tempête avec submersion des 27-28 janvier (5-6 février) 1469 (n.st)......341
8.1.4 De novembre 1509 à février 1510(n.st), un hiver métérologique tempéteux
350
8.2 Lʼexplosion des « sortie de pénombre documentaire » aux XVIe-XVIIIe siècles..................353
8.2.1 Reconstruction : l'impossible exhaustivité malgré l'accr oissement des
émergence 354
8.2.2 Le vimer général des 31 décembre 1598-3 janvier 1599 ......................................356
8.2.3 Les 28-29 janvier 1645 : du littoral à l'intérieur des terres, l'apocalypse ......363
8.2.4 Lʼaléa météo-marin du 15 janvier 1699.........................................................................370
8.3 Précisions et nouvelles données au cours du XVIIIe siècle ......................................................... 373
8.3.1 Sources et informations : un début de foisonnement ..............................................374
8.3.2 Les 14-15 mars 1751 : un « ouragan » déjà parfaitement connu ? ....................375
8.3.3 La tempête des 17-18 janvier 1784, l'empreinte des « météophiles ».............384

CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES......................................................................391

BIBLIOGRAPHIE..........................................................................................................................398

INDEX DES TEMPETES ..............................................................................................................432

LEXIQUE/ GLOSSAIRE ................................................................................................................434

TABLE DES ILLUSTRATIONS...................................................................................................436

TABLE DES FIGURES ..................................................................................................................437

TABLE DES PIECES JUSTIFICATIVES.....................................................................................440

19
INTRODUCTION
INTRODUCTION

« L'eau et le vent, les deux puissances implacables, le corps et l'esprit des tempêtes »1.
Dans les territoires fortement soumis à l'influence océanique, ces deux éléments sont
communs, presque quotidiens, et la tempête régulière. Souvent personnifiées, ces dernières
sont depuis 1954 nommées par le Service météorologique de l'Université Libre de Berlin2.
Vivian (1990), Lothar et Martin (1999), Klaus (2009), Xynthia (2010)..., autant de noms qui
résonnent dans les mémoires françaises, voire européennes. Du vécu à l'imaginaire,
nombreuses sont les personnes et les communautés à disposer d'une représentation de la
tempête. D'ailleurs, de la littérature biblique, jeunesse ou classique au domaine artistique, de
la perturbation atmosphérique à la réaction émotionnelle, de l'agitation politique au trouble
social, n'est-elle pas partout ?

La remarque est devenue banale3, mais le constat est resté : en France, la tempête avec
submersion marine Xynthia des 27 février-1er mars 2010 a eu l'effet d'un boomerang sur les
consciences. De cette catastrophe ont émergé l'effroi, l'étonnement. Des questions ont
affleuré. Elles ont entraîné un regain d'intérêt, une volonté de la société civile, des
gestionnaires et décideurs d'obtenir des réponses, des solutions rapides. Mus par la demande,
les travaux scientifiques se sont multipliés. Au cours des dix dernières années4, dans les
domaines de la climatologie historique et de l'étude des aléas extrêmes passés, divers projets
de recherche se sont succédé, parmi lesquels RENASEC (2008-2012)5, COCORISCO (2011-
2015)6, VIMERS (2012-2014)7, RISC-KIT (2014-2017)8, Extrêmes historiques et risques

1
Yole, J., 1998, « La Vendée », Essais, CVRH, La Roche-sur-Yon, p. 315-430, p. 373.
2
À noter que depuis le 1er septembre 2017, Météo-France nomme – en partenariat avec les services
météorologiques espagnols et portugais – les tempêtes susceptibles de toucher le Portugal, lʼEspagne et la
France.
3
Péret, J., Sauzeau, T., 2014, Xynthia ou la mémoire réveillée, villages charentais et vendéens face à la mer
(XVIIe-XXIe siècle), Geste, La Crèche, p. 8-19 ; Duvat, V., Magnan, A., 2014, Des catastrophes...« naturelles » ?,
Le Pommier, Paris, p. 65-99 ; Désarthe, J., 2014a, « Les sociétés littorales bretonnes face aux tempêtes (XVIe-
e
XIX siècle) », in Chaumillon, E., Garnier, E., Sauzeau, T.(dir), Les littoraux à l'heure du changement
climatique, Les Indes Savantes, Paris, p. 35-57, p. 35 ; Mercier, D., 2012, « Editorial. Après Xynthia : vers un
repli stratégique et un Etat fort ? », Norois, 222, p. 7-9 ; Garnier, E., 2010a, « 500 ans de vimers sur le littoral de
Poitou-Charentes. Risques et vulnérabilité des sociétés », in Sauzeau, T.(dir.), Expliquer Xynthia, comprendre le
phénomène, Conseil régional de Poitou-Charentes, Poitiers, p. 11-17 [PDF en ligne].
4
Au lendemain des tempêtes Lothar et Martin (1999), un programme de recherche français sur les vents et leurs
conséquences sur les écosystèmes forestiers a vu le jour. Mené pour lʼessentiel entre 2000 et 2004, il a donné
lieu à plusieurs publications. Il faudra ensuite attendre la survenue de Xynthia pour, de nouveau, mobiliser les
consciences. Birot, Y., Landmann, G., Bonhême, I. (coord.), 2009, La forêt face aux tempêtes, Quae, Versailles ;
Corvol, A. (dir.), 2005, Tempêtes sur la forêt française, XVIe-XXe siècle, LʼHarmattan, Paris ; Birot, Y., 2004,
« Forêts, vents et risques : le programme français de recherche « post-tempêtes ». Premier bilan d'un programme
de recherche en cours », Natures, Sciences, Sociétés, 12-2, p. 221-224.
5
Coordonné par Emmanuel Garnier au sein du GIS Climat-Environnement-Société, ce projet ambitionnait
d'étudier les événements extrêmes (dont les tempêtes), leurs caractéristiques, leur fréquence en France depuis
1500. http://www.gisclimat.fr/projet/renasec.html.
6
Axé, comme son nom l'indique, sur la COnnaissance, COmpréhension et gestion des RISques COtiers, l'ANR

20
nucléaire (2015-2018)9. Depuis 2011, la Fondation de France s'engage, à travers son
programme « Quels littoraux pour demain ? », à financer des recherches pluri et
interdisciplinaires sur les espaces côtiers. Mettant la science au service de la société, elles ont
principalement pour point commun de reconsidérer les rapports qu'entretient l'humain avec les
littoraux, ce d'hier à demain10. C'est donc dans un contexte de recherche national et européen
dynamique et porteur que le projet 1503, intitulé Reconstitution des événements climatiques
extrêmes à l'aide des multi-indicateurs (2015-2018), a vu le jour. Structuré autour de la
dialectique « nature/société », il comportait trois objectifs principaux : 1) reconstituer les
tempêtes du dernier millénaire à partir d'archives sédimentaires et de documents historiques,
2) développer, par une approche intégrée, des indicateurs pertinents afin d'estimer les
capacités de résilience et d'adaptation des écosystèmes ainsi que des sociétés, 3) évaluer
l'évolution du risque en lien avec les enjeux, les aléas, la vulnérabilité. Le tout étant mis en
perspective avec les oscillations climatiques passées et actuelles.
Étudier les interrelations entre le climat, l'aléa météorologique qu'est la tempête et les
sociétés est complexe et présuppose une démarche ouverte, inscrite dans des interfaces
variées. Au carrefour entre sciences de la nature, sciences humaines et sociales et ingénierie,
l'approche exige l'association de pratiques ainsi que le partage, voire le transfert, de
compétences et de savoirs diversifiés qu'un individu seul ne saurait prétendre posséder ni
maîtriser. Porté par l'antenne nantaise du laboratoire LETG (UMR 6554) et ayant pour
coordinateur Mohamed MAANAN, le projet de la Fondation de France dans lequel se sont
inscrites mes recherches doctorales fut mis en œuvre dans ce cadre. Interdisciplinaires,
interactifs, stimulants, le projet 1503 et les deux thèses qui en furent le fruit11 relèvent de la

COCORISCO avait pour objectif de mettre en relation l'évolution du niveau marin avec le climat, la fréquence et
l'intensité des tempêtes. Hénaff, A. (ed.), Philippe, M. (cord.), 2014, Gestion des risques d'érosion et de
submersion marines. Guide méthodologique, Projet Cocorisco.
7
Partenariat entre Météo-France, le SHOM et le Cerema, VIMERS a consisté en une analyse historique et
statistique des tempêtes ayant menacé le littoral breton sur la période 1896-2012.
http://www.bretagne.developpement-durable.gouv.fr/etude-vimers-des-evenements-de-tempete-en-bretagne-
a2705.html.
8
Financé par lʼUnion Européenne, le projet ambitionnait dʼétudier les risques côtiers récents et historiques à
lʼéchelle de plusieurs pays européens tels que le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la France, lʼEspagne, lʼItalie… Il
avait également vocation à analyser la gestion des risques, la résilience ainsi que les stratégies dʼadaptation mises
en œuvre afin de développer une « trousse à outils » accessible au plus grand nombre :
https://cordis.europa.eu/result/rcn/208719_en.html ; http://risckit.cloudapp.net/risckit/#/.
9
Financé par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, ce projet avait vocation à analyser les risques
naturels sur un pas de temps historique court à moyen en vue d'établir d'éventuels liens avec les dangers du
nucléaire en France. Hamdi, Y., Garnier, E., Giloy, N., Duluc, C-M., Rebour, V., 2018, « Analysis of the risk
associated to coastal flooding hazards : A new historical extreme storm surges dataset for Dunkirk, France »,
NHESS, 417, [PDF en ligne].
10
https://www.fondationdefrance.org/fr/littoral
11
Athimon, E., 2019, Vimers de mer et sociétés dans les provinces de la façade atlantique du royaume de
France (XIVe-XVIIIe siècle), Université de Nantes, thèse de doctorat dʼhistoire-géographie, sous la direction de
Sarrazin, J-L., Maanan, M., Sauzeau, T., Nantes ; Pouzet, P., 2018, Étude des paléoévènements extrêmes le long
de la côte atlantique française : Approches sédimentologiques, dendrochronologiques et historiques, Université
de Nantes, thèse de doctorat de géographie, sous la direction de Robin, M., Maanan, M., Nantes.

21
INTRODUCTION
collaboration étroite de spécialistes et de jeunes chercheurs issus de deux disciplines
relativement connexes, quoique les turpitudes académiques françaises aient pu les éloigner
ces dernières décennies : l'histoire et la géographie.
Malgré un ancrage significatif dans l'inter et la pluridisciplinarité, la présente thèse
intègre un certain nombre de choix méthodologiques et thématiques qui orientent la recherche
vers l'histoire, formation d'origine de l'auteur. Ainsi, si les productions scientifiques, mais
surtout l'approche des géosciences ne furent ni occultées ni négligées, les sources historiques,
écrites pour l'essentiel, furent privilégiées. D'un contenu très riche, ces sources méritent
cependant d'être confrontées à – voire complétées lorsque cela est possible – d'autres
méthodes scientifiques, parmi lesquelles celles du sédimentologue, du climatologue et du
géographe occupent une place centrale. Elles positionnent sous un éclairage neuf, intéressant,
stimulant le matériel de l'historien et son objet d'étude. Au reste, ces croisements
méthodologiques, encore innovants malgré une tendance générale d'ouverture à la pluri et
l'interdisciplinarité, offrent des perspectives de recherche florissantes pour les années à venir.

Intitulée Vimers de mer et sociétés dans les provinces de la façade atlantique du


royaume de France (XIVe-XVIIIe siècle), la thèse traite des tempêtes avec ou sans submersion
marine à lʼéchelle des territoires français soumis à un climat océanique à océanique altéré.
Lʼattention y est portée autant aux littoraux de la Bretagne à la Gironde, quʼà lʼexpression des
tempêtes dans des espaces plus continentaux comme le Maine, lʼAnjou, le Haut-Poitou ou
lʼAngoumois. Entre régime macro-tidal, climat sous influence océanique, présence de côtes
basses sableuses et de marais maritimes12, le cadre spatial sʼavère propice à la survenue et à
lʼétude des vimers. Le travail repose sur le dépouillement et le croisement de documents
historiques (chroniques, écrits du for privé, registres paroissiaux, de comptes, de
réparations…). Il inclut également le recoupement des résultats avec des archives
sédimentaires13. Il couvre la période historique comprise entre le milieu du XIVe siècle et la fin
e
du XVIII siècle. Ces bornes chronologiques correspondent respectivement aux premières
mentions de tempêtes attestées, bien documentées dans les sources écrites françaises et au
développement graduel des mesures instrumentales. Il a bénéficié des apports fondamentaux
de la pluri et de lʼinterdisciplinarité.
L'océan et le vent seront considérés ici pour leur caractère dommageable. Ils sont les
éléments composant le « vimer de mer »14. Issu du latin vis (force) major (très grande,
majeure), le vimer/vimère/vimaire se définit le plus souvent comme un dérangement

12
Pour une présentation critique et détaillée du cadre spatial, cf. infra, Chapitre 1, 1.1 - Le littoral atlantique
français, cadre propice à l'étude des vimers passés.
13
Pouzet, P., 2018, op. cit.
14
Pour une réflexion étayée, voir infra, Chapitre 1, 1.1.2 - Petit précis lexical de la tempête au Moyen Âge et à
lʼÉpoque Moderne.

22
météorologique important accompagné dʼun fort endommagement. Il se retrouve
principalement dans le vocabulaire des sociétés des provinces du centre-ouest de la France15.
Venu de la mer, il sʼagit dʼune tempête, avec ou sans submersion marine. Lʼexpression sert
dʼailleurs volontiers de synonyme aux vocables « tempeste » ou « houragan ». Deux types de
vimers de mer étaient distingués par les populations littorales : celui décrit comme
« général », qui entraîne lʼinondation de plusieurs zones côtières ; celui circonscrit, dont la
submersion se limite à un secteur restreint et/ou isolé.
Comme le suggère le titre de la thèse, les vimers seront à la fois étudiés en eux-mêmes
et mis en rapport avec les sociétés humaines médiévales et modernes. La société sʼentendra
comme une communauté dʼindividus structurée autour dʼinstitutions communes à un instant
défini. Sa conception comprendra une part dʼévolutions possibles, en particulier pour ce qui
touche son organisation, le partage en son sein dʼune culture, de valeurs morales, de formes
de conduites sociales collectives. Quels impacts les tempêtes pouvaient-elles avoir sur les
sociétés anciennes ? Jusquʼà quel point affectaient-elles leurs infrastructures, activités,
environnements, vies, organisations sociales ? Comment les populations se positionnaient-
elles avant, pendant et après leur survenue ? Quelles stratégies avaient-elles développées ?
Quelle réception en faisaient-elles ? Comment les expliquaient-elles ?... Ainsi, le corps du
manuscrit est construit en vue de : 1) déf inir et caractériser sur le temps long les aléas météo-
marins ; 2) identif ier le risque, analyser les vulnérabilitéssociales et territoriales ; 3)
approfondir les interactions « hommes-tempêtes » ; 4) examiner les incidences de ces
phénomènes sur les sociétés, leur milieu, leurs équipements, etc. Ce faisant, il est articulé de
manière à scruter les réactions et capacités dʼadaptation des communautés, interroger la place
des pouvoirs, des aménagements physiques ainsi que des avancées scientifiques et techniques.
Il questionne la participation des vents violents – entraînant ou non une submersion – à la
construction sociale et politique des sociétés de la fin du Moyen Âge et de lʼÉpoque Moderne.
e e
La recherche sʼétend du XIV au XVIII siècle. Contrairement aux pays de la mer du
Nord, les sources écrites françaises conservées ne permettent pas dʼétudier les tempêtes avant
e
le milieu du XIV siècle. Aucune information nʼaffleure. Le premier aléa relativement bien
documenté est le vimer général de lʼhiver 1351-1352 (n.st). Cet événement marque pour ainsi
dire le début de cette étude. Les phénomènes dépressionnaires ayant traversé la France à la fin
du Moyen Âge et au début de lʼÉpoque Moderne ont en outre été assez peu examinés16. Les
e
travaux se devaient donc de débuter à la seconde moitié du XIV siècle. Quant à la clôture de
lʼétude, elle coïncide avec plusieurs évolutions techniques / scientifiques et des mentalités. À
partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, mais surtout durant le dernier tiers du XVIIIe siècle,

15
Sarrazin, J-L., 2012, « Vimers de mer et sociétés littorales entre Loire et Gironde (XIVe-XVIe siècle) », Norois,
222, p. 91-102, p. 92.
16
Cf. infra, état de lʼart.

23
INTRODUCTION
les données instrumentales se généralisent. Pour les tempêtes, les mesures sont
majoritairement réalisées grâce à des baromètres (pression atmosphérique) et des girouettes
(direction du vent). Lʼanémomètre, qui estime la vitesse du vent, semble encore peu répandu.
Les journaux dʼobservations météorologiques prolifèrent. Ils sont le fait dʼamateurs ou de
savants liés à la Société Royale de Médecine. Auparavant descriptives, les données tendent
alors à devenir chiffrées, quantitatives, standardisées. La période comprise entre lʼémergence
des mesures instrumentales et aujourdʼhui est au demeurant très bien couverte par la
recherche sur lʼhistoire des tempêtes17. La seconde moitié du XVIII
e
siècle a de plus vu
lʼapparition de nouvelles pratiques, une évolution des représentations et usages des rivages18.
Le glissement sʼest opéré progressivement, mais il est renforcé par la naissance à la fin du
Siècle des Lumières dʼun idéal de nature « solidaire » et « unifiée ». Celui-ci modifie
durablement les perceptions environnementales des populations19. La Révolution est
également à lʼorigine dʼun basculement des mentalités, ainsi que des modes de vie. Cela mène
inéluctablement à une modification du rapport « homme-nature / homme environnement »20.
Par ailleurs, durant la première moitié du XIXe siècle, lʼessor de la société industrielle, lʼexode
rural massif, lʼartificialisation rapide des paysages, le développement du tourisme balnéaire
ont fondamentalement modifié les relations entre les communautés, les individus, le milieu21.
Il sʼagit là de 5 points que le chercheur doit considérer. Sans cela, il peut être complexe de
saisir les rapports entretenus entre les sociétés des provinces de la façade atlantique française,
leur environnement et les risques inhérents à ce dernier. Enfin, les sources – particulièrement
administratives – et leurs contenus se codifient, lʼorganisation sociale et les fonctionnements
institutionnels sortent changés par la République puis, et surtout, lʼEmpire. De ce fait, il a
e
semblé pertinent et scientifiquement justifié de terminer les travaux à la fin du XVIII siècle,
soit autour de 1790. Ainsi, pour lʼessentiel, la thèse débute à la sortie de la pénombre
documentaire et prend fin au moment de lʼamplification progressive des mesures
instrumentales.
Quoique les relations entre les tempêtes et cette péjoration climatique soient complexes
à analyser, il convient de préciser que le cadre temporel de la thèse correspond à lʼessentiel du

17
Idem.
18
Corbin, A., 1999, « La mer et lʼémergence du désir du rivage », in Corvol, A. (dir.), Les sources de lʼhistoire
de lʼenvironnement. Le XIXe siècle, LʼHarmattan, Paris, p. 31-38 ; Corbin, A., 1992, Le territoire du vide :
L'Occident et le désir du rivage (1750-1840), Aubier, Paris.
19
Richefort, I., 1999, « Nature et société : le sentiment dʼune crise profonde », in Corvol, A. (dir.), ibid., p. 111-
118.
20
Corvol, A., Richefort, I. (dir.), 1995, Nature, paysage et environnement. L'Héritage révolutionnaire,
L'Harmattan, Paris.
21
Caillé, S., 2003, Les côtes sableuses du XIXe siècle à nos jours, Siloë, Nantes, p. 37-100 ; Vincent, J., 2007,
Lʼintrusion balnéaire. Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945), PUR,
Rennes ; Vincent, J., 2006, « De la répulsion à la spéculation. La transformation du foncier littoral en Bretagne-
Sud et en Vendée (1800-1939), ABPO, 113, p. 35-48 ; Le Bouëdec, G., 2006, « Lʼévolution de la perception des
zones côtières du XVe siècle au XXe siècle », in Chauvaud, F., Péret, J. (dir), Terres marines. Études en hommage
à Dominique Guillemet, PUR, Rennes, p. 29-37 ; Corvol, A. (dir.), 2002, op. cit., p. 1.

24
Petit Âge Glaciaire (PAG). Le PAG se caractérise par une augmentation des années de
conditions climatiques difficiles, des hivers plus rudes, de nombreuses inondations fluviales,
des printemps-été pourris, des sécheresses sévères22. Non sans f luctuations internes, il sʼétend
de 1300 à 1850/6023.

Au commencement de toute nouvelle recherche prime une solide enquête


bibliographique. Celle-ci accompagne la sélection puis la définition du sujet et de la
problématique. La recherche sur les tempêtes anciennes sʼinscrit dans un contexte national et
international dynamique. Elle se rattache à de nombreux domaines scientifiques tels que
lʼhistoire du climat, lʼhistoire de lʼenvironnement, lʼhistoire des catastrophes naturelles, la
géohistoire des risques, les questionnements récents sur la vulnérabilité et lʼadaptabilité des
systèmes – notamment sociaux – sur le temps long. Le présent état de lʼart sera relativement
succinct. Il introduira les principaux travaux historiques portant sur les tempêtes à lʼéchelle
européenne, puis française. Considérant quʼune mise en perspective est nécessaire, il
reviendra ensuite sur lʼimportance dʼune excellente maîtrise bibliographique, particulièrement
en histoire du climat et géohistoire des risques.
En Europe, les travaux sur lʼhistoire des tempêtes et submersions marines, ainsi que sur
les territoires fortement soumis à ce risque se sont principalement développés à partir de la
e
seconde moitié du XX siècle. Frappant très rudement les littoraux de la mer du Nord, lʼonde
de tempête du 31 janvier-1er février 1953 semble avoir suscité un intérêt manifeste, en
particulier pour la climatologie historique, lʼhistoire de ces aléas et celle environnementale
des espaces affectés24. Ces disciplines apparurent en effet en mesure dʼapporter des réponses
aux questions pressantes des populations et politiques : lʼévénement était-il exceptionnel ?
Marquait-il le début dʼune nouvelle ère caractérisée par lʼélévation du niveau de la mer et une
vulnérabilité croissante des côtes ? Une manifestation similaire se retrouvait-elle dans
lʼhistoire ?... À compter des années 1970-1980, sous lʼimpulsion de spécialistes comme
Elizabeth GOTTSCHALK25 ou Hubert LAMB26, les études utilisant des documents historiques
pour reconstituer les tempêtes ont commencé à se multiplier, notamment aux Pays-Bas, au

22
Le Roy Ladurie, E., 2004, 2006, op. cit., t. I et II.
23
Le Roy Ladurie, E., Javelle, J-P., Rousseau, D., 2014, « Sur lʼhistoire du climat en France : le XIVe siècle », La
Météorologie, 86, p. 26-28 ; Pfister, C., Schwarz-Zanetti, G., Wegmann, W., 1996, « Winter severity in Europe :
the fourteenth century », C.C., 34, p. 91-108.
24
De Kraker, A.M.J., 2006b, « Historical climatology, 1950-2006 », Belgeo, 3, p. 307-338, p. 325.
25
Gottschalk, M.K.E., 1971-1977, Stormvloeden en rivieroverstromingen in Nederland, 3 vol., Van Gorcum,
Assen.
26
Lamb, H.H., Frydendahl, K., 1991, Historic storms of the North sea, British Isles and Northwestern Europe,
Cambridge University Press, Cambridge ; Lamb, H.H., 1980, « Climatic fluctuations in historical times and their
connexion with transgressions of the sea, storm floods and other coastal changes », in Verhulst, A., Gottschalk,
M.K.E. (eds), Transgressies en occupatiegeschiedenis in de kustgebieden van Nederland en België, Colloquium
Gent 5-7 september 1978 Handeligen, Goff, Gand, p. 251-281.

25
INTRODUCTION
Danemark et au Royaume-Uni27. Elles ont alors exposé lʼancienneté des dépressions
atmosphériques en mer du Nord, ont montré leur grande variabilité spatiale et temporelle,
ainsi que la difficulté de procéder à une évaluation quantitative quant à leur violence. Les
décennies 1990 et 2000 ont également vu la publication de nombreuses enquêtes sur les
tempêtes, submersions marines et leurs impacts sociaux et environnementaux. Ainsi, autant
les causes initiales que les conséquences à plus ou moins long terme des aléas météo-marins
survenus en région adriatique ont été analysées par Dario CAMUFFO28. Ceux ayant affecté
lʼÉcosse ont fait lʼobjet de la thèse de doctorat de Kieran HICKEY29. Quant à ceux ayant
touché lʼIrlande, la côte est anglaise, lʼAllemagne, les territoires flamands et zélandais, ils ont
pu être étudiés en détail par des scientifiques tels que Adriaan DE KRAKER, Jan BUISMAN et
30
Aryan VAN ENGELEN . Par ailleurs, sous la direction de Rudolf BRAZDIL et Oldrich KOTYZA,
les grands vents en République tchèque ont été examinés31. De plus, forts dʼune dynamique
porteuse, entre 2001 et 2003, lʼEspagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas collaborent sur le
projet CLIWOC – Climatological Database for the Worldʼs Oceans (1750-1850)32.
Subventionné par lʼUnion Européenne, ce projet a vocation à convertir les informations
météorologiques (direction / vitesse du vent, état de la mer, température, etc.) contenues dans
les journaux de bord des navires en des données exploitables et assimilables dans une base de

27
Dont : Gram-Jensen, I.B., 1985, Sea Floods. Contributions to the climatic history of Denmark, Danish
Meteorological Institute, Copenhague ; Jenkinson, A.F., Collison, F.P., 1977, « An initial climatology of gales
over the North Sea », Synoptic Climatology Branch Memorandum, 62, Meteorological Office, Bracknell ; De
Vries K., Winsemius, J.P., 1970, De Allerheiligenvloed van 1570, Miedema Pers., Leeuwarden.
28
Camuffo, D., Secco, C., Brimblecombe, P., Martin-Vide, J., 2000, « Sea storms in the Adriatic sea and the
western Mediterranean during the last millennium », C.C, 46, p. 209-223 ; Camuffo, D., 1993, « An analysis of
the sea surges at Venice from A.D 782 to 1990 », Theoretical and Applied Climatology, 47, p. 1-14.
29
Hickey, K.R., 1997, Documentary records of coastal storms in Scotland, 1500-1991 A.D., 2 vol., Coventry
University, thèse de doctorat, Coventry.
30
Buisman, J., Van Engelen, A.F.V., 1995-2015, Duizend jaar weer, wind en water in de Lage Landen, 6 vol.,
Uitgeverij van Wijnen, Franeker. ; De Kraker, A.M.J., 2013, « Storminess in the Low Countries, 1300-1725 »,
Environment and History, 19, p. 149-172 ; Meier, D., 2012, « Die schäden der Sturmflut von 1825 an der
Nordseeküste Schleswig-Holsteins », Die Küste, 79, p. 193-235 ; Meier, D., 2011, « Die schäden der
Weihnachtsflut von 1717 an der Nordseeküste Schleswig-Holsteins », Die Küste, 78, p. 259-292 ; De Kraker,
A.M.J., 2006a, « Flood events in the southwestern Netherlands and coastal Belgium, 1400-1953 », Hydrological
Sciences, Special Issue : Historical Hydrology, 51-5, p. 913-929 ; Hickey, K., 2003, « The storminess record
from Armagh Observatory, Northern Ireland, 1796–1999 », Weather, 58, p. 28-35 ; Van Engelen, A.F.V.,
Buisman, J., Ijnsen, F., 2001, « A millennium of Weather, Winds and Water in the Low Countries », in Jones,
P.D., Ogilvie, A.E.J., Davies, T.D., Briffa, K.R. (eds), History and Climate, memories of the future ?, Springer,
Boston, p. 101-124 ; Sweeney, J.C., 2000, « A three-century storm climatology for Dublin (1715-2000) », Irish
Geography, 33-1, p. 1-14 ; Jakubowski-Tiessen, M., 1992, Sturmflut 1717. Die bewältigung einer
Naturkatastrophe in der Frühen Neuzeit, R. Oldenbourg Verlag, Munich ; Augustyn, B., 1992, Zeespiegelrÿzing,
transgressie-fazen en stormvloeden in maritiem Vlaanderen tot het einde van de XVIe eeuw ; een
landschappelÿke, ecologische en klimatologische studie in historisch perspectief, 2 vol., Algemeen Rÿksarchief
Brussel, Bruxelles ; Bailey M., 1991, « Per impetum maris : natural disaster and economic decline in eastern
England, 1275-1350 », in Campbell, B.M.S. (ed.), Before the Black Death. Studies in the “ crisis” of the early
fourteenth century, Manchester University Press, Manchester-New York, p. 184-208.
31
Brazdil, R., Kotyza, O. (eds), 2004, History of weather and climate in the Czech lands, vol. 6 : Strong winds,
Masaryk University, Brno. Signalons également une étude qui recense et explore de nombreux phénomènes
venteux pour la Suisse : Bader, S., Kunz, P., 1998, Climat et risques naturels. La Suisse en mouvement, Rapport
Scientifique Final, Programme National de Recherche n°31, Geaor & Vdf, Genève.
32
http://webs.ucm.es/info/cliwoc/

26
données informatisée. Dès lors, lʼun des objectifs envisageait dʼapprofondir les connaissances
sur la formation des tempêtes. En outre, depuis le milieu des années 2000, en même temps
que la climatologie historique sʼouvrait à de nouvelles perspectives33, la recherche européenne
sur les tempêtes passées sʼest mise à interroger la compréhension, la réception, les réactions,
les perceptions des sociétés. Lʼattention des chercheurs, notamment en histoire
environnementale parmi lesquels James GALLOWAY34 ou Tim SOENS35, sʼest portée sur les
systèmes de défense côtière, lʼorganisation sociale, lʼaménagement et lʼusage du territoire, la
vulnérabilité, les capacités dʼadaptation et de réponse des communautés36. Fruits de décennies
de prospections et réflexions, de collaborations largement inter et pluridisciplinaires, les
recherches dans le domaine de lʼhistoire des tempêtes – et plus largement de lʼenvironnement
littoral, de lʼaménagement et du peuplement des espaces côtiers – sont relativement avancées
à lʼéchelle de la mer du Nord. Au demeurant, la qualité des sources, leur conservation, leur
précision, la richesse et la finesse des descriptions restent incomparables.
Les travaux français sur les manifestations venteuses passées sont quant à eux
proportionnellement récents. En 2002, lʼancien directeur de la climatologie de Météo-France
– Pierre BESSEMOULIN – regrettait dʼailleurs lʼinexistence dʼun inventaire historique exhaustif
des tempêtes en France37. Entre la f in des années 1980 et celle de la décennie 1990, quelques
e
rares productions remontant maximum à la seconde moitié du XIX siècle peuvent être
mentionnées, comme celles de Daniel DOLL38, Marie-Ange TONNERRE39 et Christine

33
Cf. infra.
34
Galloway, J.A., 2013a, « Storms, economics and environmental change in an English coastal wetland : the
Thames Estuary c. 1250-1550 », in Borger, G.J., De Kraker, A.M.J., Soens, T., Thoen, E., Tys, D. (eds),
Landscapes or seascapes ? The history of the coastal environment in the North Sea Area Reconsidered
(comparative rural history of the North Sea Area), Brepols, Turnhout, p. 379-396 ; Galloway, J.A., 2013b,
« Coastal flooding and socioeconomic change in eastern England in the later middle ages », Environment and
History, 19, p. 173-207 ; Galloway, J.A., 2009, « Storm flooding, coastal defence and land use around the
Thames estuary and tidal river, c. 1250-1450 », J.M.H., 35, p. 171-188 ; Galloway, J., Potts, J., 2007, « Marine
flooding in the Thames Estuary and tidal river c. 1250-1450 : Impact and response », Area, 39, p. 370-379.
35
Soens, T., 2018, « Resilient societies, vulnerable people : coping with North Sea Floods before 1800 », Past
and Present : a journal of historical studies, gty018, p. 1-36, [En ligne] ; Soens, T., 2013, « The social
distribution of land and flood risk along the North Sea coast : Flanders, Holland and Romney Marsh compared
(c. 1200-1750) », in Van Bavel, B., Thoen, E. (eds.), Rural societies and environments at risk. Ecology, property
rights and social organisation in fragile areas (Middle Ages-Twentieth century), Brepols, Turnhout, p. 147-179 ;
Soens, T., 2009, De spade in de dijk. Waterbeheer en rurale samenleving in de Vlaamse kustvlakte (1280-1580),
Academia Press, Gent
36
Par exemple : Quevauviller, P., Garnier, E., Ciavola, P. (eds.), 2017, Coping with coastal storms, John Wiley
& Sons, Chichester ; Engel, K., Frerks, G., Velotti, L., Warner, J., Weijs, B., 2014, « Flood disaster subcultures
in the Netherlands : the parishes of Borgharen and Itteren », N.H, 73-2, p. 859-882 ; Baart, F., Bakker, M. A. J.,
van Dongeren, A., den Heijer, C., van Heteren, S., Smit, M.W. J, van Koningsveld, M., Pool, A., 2011, « Using
18th century storm-surge data from the Dutch Coast to improve the confidence in flood-risk estimates »,
N.H.E.S.S., 11, p. 2791–2801 ; Pfister, C., Garnier, E., Alcoforado, M-J., Wheeler, D., Luterbacher, J., Nunes,
M-F., Taborda, J-P., 2010, « The meteorological framework and the cultural memory of three severe winter-
storms in early eighteenth century Europe », C.C, 101/1-2, p. 281-310 ; Kempe, M., 2006, « Mind the next
flood ! Memories of natural disasters in Northern Germany from the sixteenth century to present », M.H.J, 10-1,
p. 327-354.
37
Bessemoulin, P., 2002, « Les tempêtes en France », Annales des Mines, 425, p. 9-14, p. 9.
38
Doll, D., 2000, « Statistiques historiques des grands chablis éoliens en Europe occidentale depuis le milieu du

27
INTRODUCTION
DREVETON40. À partir de janvier 1999, Météo-France décide de développer une « Base de
données dʼévénements marquants » (BDEM). Renforcé par lʼaction ANTHEMIS41, ce projet
inclut lʼétude dʼaléas historiques répartis en 95 fiches tempêtes téléchargeables sur le site
internet de Météo-France42. Sur ces 95 f iches, 2 seulement sont antérieures au premier tiers du
e
XIX siècle43. Pour la recherche française, lʼélément déclencheur se manifeste sous la forme
des phénomènes dévastateurs de la fin du mois de décembre 1999 : Lothar et Martin. Ces
catastrophes servent de point de départ à une première phase majeure de travaux. Créé en
1980, le Groupe dʼHistoire des Forêts Françaises va favoriser lʼapproche historique des
dépressions météorologiques. Sous leur égide, 2 ouvrages – liés au programme post-tempête
199944 – sont publiés en 2005 et 200945. Cependant, le mouvement est surtout le fait de
géographes, parmi lesquels Martine TABEAUD46, ainsi que dʼhistoriens modernistes et
contemporanéistes spécialistes dʼhistoire environnementale comme Emmanuel GARNIER47. Le
Moyen Âge et le premier siècle de lʼÉpoque Moderne apparaissent les parents pauvres de ces
études. Hormis les travaux de maîtrise de géographie de Benjamin LYSANIUK48, ces périodes

e
XIX siècle : analyse critique », Dossier de lʼenvironnement de lʼINRA – Forêts et tempête, 20, p. 38-42 ; Doll,
D., 1991a, « Les cataclysmes éoliens dans les forêts dʼEurope », Forêt Entreprise, 77-5, p. 8-9 ; Doll, D., 1991b,
« Histoire des grandes tempêtes dans les forêts dʼEurope occidentale », La forêt privée, 198, p. 60-70, 199, p. 58-
74 ; Doll, D., 1988, Les cataclysmes météorologiques en forêt, Université de Lyon 2, thèse de doctorat de
géographie, sous la direction de Houssel, J-P., Lyon.
39
Tonnerre, M-A., 2001, Contribution à lʼétude des tempêtes dans la Manche et en façade atlantique de la
France, au nord de lʼîle de Noirmoutier (1965-1994), Université de Lille 1, thèse de doctorat de géographie,
sous la direction de Roussel, I., Lille.
40
Dreveton, C., 2002, « Lʼévolution du nombre de tempêtes en France sur la période 1950-1999 », La
Météorologie, 37, p. 46-56 ; Dreveton, C., 1997, Étude des événements tempêtes réalisée par Météo-France pour
un groupe dʼassureurs et de réassureurs, Notes techniques SCEM, Météo-France, Toulouse ; Dreveton, C.,
Bénech, B., Jourdain, S., 1997, « Classification des tempêtes sur la France à lʼusage des assureurs », La
Météorologie, 17, p. 23-32.
41
ANalyse climatologique des Tempêtes Historiques En Métropole et mise en ligne des Informations sur un Site
Internet. Partenariat entre Météo-France, le CNRS et le CERFACS, ce programme a duré 2 ans (2013-2015).
42
http://tempetes.meteofrance.fr/spip.php?rubrique6
43
Il sʼagit des tempêtes des 7-8 décembre 1703 et des 14-18 janvier 1739.
44
Cf. supra, Introduction, note n°4.
45
Birot, Y., Landmann, G., Bonhême, I. (coord.), 2009, op. cit. ; Corvol, A. (dir.), 2005, op. cit.
46
Tabeaud, M., Lysaniuk, B., Schoenenwald, N., Buridant, J., 2009, « Le risque « coup de vent » en France
depuis le XVIe siècle », Annales de géographie, 667, p. 318-331 ; Tabeaud, M., 2005a, « Qui sème le vent récolte
la tempête », in Corvol, A. (dir), Tempêtes sur la forêt française. XVIe-XXe siècle, L'Harmattan, Paris, p. 35-46 ;
Tabeaud, M., 2005b, « Variabilité historique : autant en emporte le vent », in Corvol, A. (dir), idem., p. 47-54.
47
Garnier, E., 2009, « Les tempêtes des siècles », Cahier dʼétudes forêt, environnement et sociétés, XVIe-XXe
siècles, CNRS, Paris, 19, p. 9-13 ; Garnier, E., 2005, « Les grands vents dans le Grand Ouest, XVIe-XVIIIe
siècles », in Corvol, A. (dir), ibid., p. 55-70 ; Garnier, E., 2004, « Quatre siècles de tempêtes en forêt. Les
phénomènes éoliens majeurs en France entre les XVIe et XIXe siècles », Rendez-vous techniques, 3, ONF, p. 16-
20 ; Garnier, E., 2000, « Forêts vosgiennes à lʼépreuve des tempêtes sous lʼAncien Régime », Revue
géographique de lʼEst, 3, p. 133-140.
48
Lysaniuk, B., 2005, Les coups de vents en France de la fin du 14e siècle à nos jours, Université Paris-
Panthéon-Sorbonne, mémoire de maîtrise en géographie, sous la direction de Martine Tabeaud, Paris.
Relevons aussi lʼexistence du numéro 75 dʼune revue locale rétaise rédigée par des érudits de lʼîle de Ré, ainsi
quʼun ouvrage inventoriant quelques tempêtes, mais réalisé sans réel travail critique par un passionné dʼhistoire :
Audé, J-L., 2006, Chronique du climat en Poitou-Charente-Vendée, Lonali, Mairé-Levescault ; Tardy, P., 2000,
« Raz-de-marée sur Ré. Les Rétais et les vimers », Groupement dʼétudes charentaises, Les cahiers de la
mémoire, 75.

28
nʼont pas occasionné de recherches approfondies, encore moins de démarches synthétiques.
Au lendemain de la tempête avec submersion Xynthia des 27 février-1er mars 2010, une
seconde phase sʼouvre. La dynamique engagée retient lʼattention dʼune communauté
scientifique élargie. Par ailleurs, le caractère météo-marin accentué de lʼévénement entraîne
avec profit un renouvellement des axes dʼanalyse et des problématiques. En 2012, Jean-Luc
SARRAZIN, seul médiéviste à avoir spécif iquement rédigésur le sujet, publie un article sur les
vimers de mer du centre-ouest de la France à la fin du Moyen Âge49. Par la suite, cʼest sous
lʼangle du rapport de lʼhomme médiéval au littoral et à la mer, puis sous celui de la saliculture
quʼil traite le sujet50. Dans la même veine, Thierry SAUZEAU aborde la thématique avec
critique et questionne la prospective et lʼaménagement littoral51. Entre temps, en juin 2010, il
a coordonné une journée dʼétude pluridisciplinaire intitulée « Expliquer Xynthia, comprendre
le phénomène »52. Xynthia a mis en exergue la nécessité dʼune reconstruction des aléas
météo-marins sur le temps long. Elle a servi de point de départ à la production dʼune
abondante littérature scientifique. Des spécialistes de géologie marine, géomorphologie,
climatologie, histoire médiévale, moderne et contemporaine, droit, comme Éric CHAUMILLON,
Virginie DUVAT, Emmanuel GARNIER, Thierry SAUZEAU, Alain HENAFF, etc. ont pu
diversifier leurs approches, étudier le phénomène, échanger, collaborer53. Malgré la richesse

49
Sarrazin, J-L., 2012, art. cit. Signalons également ici la publication prochaine de deux articles : Sarrazin, J-L.,
Athimon, E., 2019a, « Etudier les plus anciennes tempêtes à submersion identifiées sur la côte atlantique
française (XIVe-XVIe siècles) : lʼapproche historique », Norois, [à paraître] ; Sarrazin, J-L., Athimon, E. (collab.),
2019b, « Les plus anciens vimers à submersion documentés survenus en baie de Bourgneuf (XIVe-XVIe siècle.) :
où en est la recherche historique ? », ouvrage sur les risques publié par la ComCom des Pays de Monts, [à
paraître].
50
Sarrazin, J-L., 2016a, « La saliculture atlantique française au péril de la mer (XIVe-XVIe siècle) », in Le
Bouëdec, G., Cerino, C. (dir), La maritimisation du monde de la préhistoire à nos jours. Enjeux, objets et
méthodes, PUPS, Paris, p. 167-190 ; Sarrazin, J-L., 2014a, « Digues, bots et chaussées. Les levées de défense
face à la mer dans les zones littorales basses de lʼEurope du Nord-Ouest (XIe-XVIe siècle) », in Laget, F.,
Vrignon, A.(dir.), S'adapter à la mer. L'homme, la mer et le littoral du Moyen Âge à nos jours, PUR, Rennes, p.
47-70.
51
Sauzeau, T., 2016, « La tempête du passé ou le cold case de lʼhistorien ? », in Le Bouëdec, G., Cerino, C.
(dir), ibid., p. 191-215 ; Sauzeau, T., 2014a, « L'histoire des tempêtes et la prospective littorale face aux
changements climatiques », in Laget, F., Vrignon, A.(dir.), ibid., p. 71-88 ; Acerra, M., Sauzeau, T., 2012,
« Zones construites, zones désertes sur le littoral atlantique. Les leçons du passé », Norois, 222, p. 103-114.
52
Sauzeau, T. (dir.), 2010, op. cit.
53
Dont : Hénaff, A., Le Cornec, E., Jabbar, M., Pétré, A., Corfou, J., Le Drezen, Y., Van Vliët-Lanoë, B., 2018,
« Caractérisation des aléas littoraux dʼérosion et de submersion en Bretagne par lʼapproche historique »,
Cybergeo : European Journal of Geography, Environment, Nature, Landscape, document 847 [En ligne] ;
Garnier, E. 2017, « Xynthia, February 2010. Autopsy of a foreseeable catastrophe », in Quevauviller, P.,
Garnier, E., Ciavola, P. (eds.), Coping with coastal storms, John Wiley & Sons, Chichester, p. 111-148 ;
Chaumillon, E., Bertin, X., Fortunato, A. b., Bajo, M., Schneider, J-L., Dezileau, L., Walsh, J.P., Michelot, A.,
Chauveau, E., Créach, A., Hénaff, A., Sauzeau, T., Waeles, B., Gervais, B., Jan, G., Baumann, J., Breilh, J-F.,
Pedreros, R., 2017, « Storm-induced marine flooding : Lessons from a multidisciplinary approach », Earth-
Science Reviews, 165, p. 151-184 ; Laronde-Clérac, C., Mazeaud, A., Michelot, A., Duvat, V. (dir.), 2015, Les
risques naturels en zones côtières. Xynthia : enjeux politiques, questionnements juridiques, PUR, Rennes ;
Chaumillon, E., Garnier, E., Sauzeau, T. (dir.), 2014, Les littoraux à lʼheure du changement climatique, Les
Indes Savantes, Paris ; Breilh, J-F., Bertin, X., Chaumillon, E., Giloy, N., Sauzeau, T., 2014, « How frequent is
storm-induced flooding in the central part of the Bay of Biscay ? », Global and Planetary Change, 122, p. 161-
175 ; Péret, J., Sauzeau, T., 2014, op. cit. ; Duvat, V., Magnan, A., 2014, op. cit., p. 65-100 ; Van Vliet-Lanoë,
B., Penaud, A., Hénaff, A., Delacourt, C., Fernane, A., Goslin, J., Hallégouët, B., Le Cornec, E., 2014, « Middle-

29
INTRODUCTION
de toutes ces recherches, un constat perdure : les informations et études sur les tempêtes
anciennes ayant touché la France se trouvent souvent dispersées au sein dʼarticles, de
chapitres dʼouvrages et courts développements dans des thèses54. Plusieurs travaux spécialisés
de jeunes chercheurs ancrés dans une approche historique méritent néanmoins dʼêtre signalés.
Il sʼagit de ceux de Suzanne MAERTENS-NOËL55, Catherine SOUBEIROUX56, Filipa VARINO57,
Jérémy DESARTHE58, Nicolas SCHOENENWALD59 et Johan VINCENT60. Pour lʼessentiel, ces
productions traitent de la période récente (XVIIIe-XXe siècles) et manquent parfois dʼune
véritable empreinte interdisciplinaire. Au reste, flirtant avec les méthodes historiques,
baignant dans la pluridisciplinarité, la thèse récemment soutenue de Pierre POUZET doit être
mentionnée61. Par le biais de la sédimentologie62, de la dendrochronologie63 et de lʼhistoire64,
elle reconstitue les événements extrêmes ayant affecté le littoral atlantique français sur 3

to late-Holocene storminess in Brittany (NW France) : Part II – The chronology of events and climate forcing »,
The Holocene, 24-4, p. 434-453 ; Surville, F. (dir), 2012, Les colères de la nature. Dérèglements climatiques et
catastrophes naturelles, Le Croît Vif, Saintes ; Garnier, E., 2010a, art. cit. ; Garnier, E., Surville, F. (dir.),
2010a, La Tempête Xynthia face à lʼhistoire. Submersions et tsunamis sur les littoraux français du Moyen Âge à
nos jours, Le Croît Vif, Saintes et relevons notamment dans ce volume la contribution de Jacques Boucard,
« Vimers ayant frappé lʼîle de Ré. Synoptique des vimers rétais », p. 153-163.
54
Par exemple : Caillosse, P., 2015, La paroisse de Soulac de la fin du XVIe au milieu du XIXe siècle. Les
transformations dʼun territoire littoral entre la Gironde et lʼAtlantique, Université de La Rochelle, thèse de
doctorat dʼhistoire, sous la direction de Bochaca, M. et Tranchant, M., 2 tomes, La Rochelle, t. I, p. 40-41, 164-
166, 195-205, 364-365 ; Désarthe, J., 2013, Le temps des saisons. Climat, événements extrêmes et sociétés dans
lʼOuest de la France (XVIe-XIXe siècles), Hermann, Paris, p. 95-107 ; Périsse, S., 2011, Les campagnes littorales
saintongeaises à la fin du Moyen Âge (XVe-mi XVIe siècles), Université de La Rochelle, thèse de doctorat
dʼhistoire, sous la direction de Bochaca, M., 2 tomes, La Rochelle ; Bernard, J., 1968, Navires et gens de mer à
Bordeaux (vers 1400-vers 1550), Université de Paris, thèse de doctorat, 3 vol., Sevpen, Paris, t. I, p. 176-179,
400-406, 727-733.
55
Maertens-Noël, S., 2016, La mer, cet ennemi de plusieurs siècles. Identifier et comprendre les trajectoires de
vulnérabilité des sociétés littorales bas-normandes (1600-1940), Université de Caen, thèse de doctorat
dʼhistoire, sous la direction de Garnier, E. et Milliot, V., Caen ; Noël, S., 2014, « La vulnérabilité des
populations de la côte Est du Cotentin, 1700-1914. Lʼapproche historique dans lʼanalyse des enjeux, de lʼaléa et
de la gestion du risque de submersion », in Cocorisco, Aléas, Enjeux, Représentations, Gestion, Actes du
colloque international, 3-4 juillet 2014, p. 445-455, [PDF en ligne].
56
Soubeiroux, C., 2010, « Les sociétés littorales face à lʼagression de lʼocéan : la tempête du jour de lʼAn
1877 », in Sauzeau, T. (dir.), op. cit., p. 61-66 ; Soubeiroux, C., [en cours], Le Morbihan, la tempête et la mer.
Réagir, sʼadapter, aménager, sociétés littorales et Ponts et Chaussées face à lʼOcéan au XIXe siècle, Université
Bretagne-sud, thèse de doctorat dʼhistoire en cours, sous la direction de Le Bouëdec, G., Lorient.
57
Varino, F. C., 2017, Typologie des tempêtes du XXe siècle, Université Paul Sabatier, Centre National de
Recherches Météorologiques, thèse de doctorat de météorologie, Toulouse.
58
Désarthe, J., 2014a, art. cit.
59
Schoenenwald, N., 2017, « Daniel Defoe et la grande tempête de 1703 en Angleterre », in Metzger, A.,
Désarthe, J., Rémy, F. (dir), Histoires de météophiles, Hermann, Paris, p. 67-82 ; Schoenenwald, N., 2013, Les
tempêtes en France et dans les îles britanniques : des aléas aux événements, Université Paris 1 Panthéon
Sorbonne, thèse de doctorat de géographie, sous la direction de Tabeaud, M., Paris.
60
Vincent, J., 2015, Raz-de-marée sur la côte Atlantique. 1924, lʼautre Xynthia, Le Croît Vif, Saintes.
61
Pouzet, P., 2018, op. cit.
62
Pouzet, P., Maanan, M., Piotrowska, N., Baltzer, A., Stéphan, P., Robin, M., 2018, « Chronology of Holocene
storm event along the European Atlantic coast : New data from the Island of Yeu, France », Prog. Phys. Geo.,
42-4, p. 431-450.
63
Pouzet, P., Robin, M., Decaulne, A., Gruchet, B., Maanan, M., 2018, « Sedimentological and
dendrochronological indicators of coastal storm risk in western France », Ecological Indicators, 90, p. 401-415.
64
Pouzet, P., Maanan, M., Schmidt, S., Athimon, E., Robin, M., 2019, « Three centuries of historical and
geological data for the marine deposit reconstruction : examples from French Atlantic », Marine Geology, 407,
p. 181-191.

30
échelles temporelles : holocène, millénaire, tricentenaire. Codirigées par Mohamed MAANAN,
la présente thèse de doctorat et celle de Pierre POUZET sʼempruntent, se nourrissent lʼune de
lʼautre, se complètent.
Les travaux sur les tempêtes anciennes doivent être mis en parallèle avec les recherches
en histoire du climat65, aussi nommée climatologie historique66. Cette discipline sʼinscrit
pleinement dans lʼhistoire environnementale67. La thèse aurait directement pu être rattachée à
ce vaste mouvement de recherche sur lʼenvironnement. Comme lʼexpose le précédent état de
lʼart sur lʼhistoire des tempêtes, les spécialistes dʼhistoire environnementale ont largement
contribué à lʼétude des aléas venteux et météo-marins passés. Ils les ont principalement
analysés sous lʼangle des interactions homme-milieu. De son côté, lʼhistoire du climat sʼest
désengagée ces 20 dernières années de sa voie originelle dʼune « histoire sans les hommes »68.
Ce faisant, elle sʼest ouverte à diverses thématiques, dans lesquelles cette recherche doctorale
a pu sʼétablir. Les directions prises par ce travail le replacent donc plutôt dans le champ de la
climatologie historique. Les questionnements environnementaux nʼen seront pas pour autant
négligés.
En France, lʼhistoire du climat voit le jour à partir de la seconde moitié de la décennie
1950, notamment avec la publication dʼun article de Marcel GARNIER relatif à la contribution
de la phénologie pour lʼétude des variations climatiques69. En vérité, dès le XIX
e
siècle, des
compilations de phénomènes météorologiques sont réalisées, en particulier par Alfred
ANGOT70 ou Herménégilde DUCHAUSSOY71. Aucune approche critique des documents
historiques nʼy est cependant véritablement établie. À lʼéchelle internationale, quelques

65
Le lecteur intéressé à un état de lʼart exhaustif pourra consulter avec profit Le Roy Ladurie, E., 2013,
Naissance de lʼhistoire du climat, Hermann, Paris ; Jones, P., 2008, « Historical climatology – a state of the art
review », Weather, 63-7, p. 181-186 ; De Kraker, A.M.J., 2006b, art. cit. ; Brazdil, R., Pfister, C., Wanner, H.,
Von Storch, H., Luterbacher, J., 2005, « Historical climatology in Europe – The state of the art », C.C, 70-3, p.
363-430. Il faut de plus noter la publication récente dʼun manuel sur la climatologie historique : White, S.,
Pfister, C., Mauelshagen, F. (eds), 2018, The Palgrave Handbook of Climate History, Palgrave MacMillan,
Londres.
66
Mauelshagen, F., 2014, « Redefining historical climatology in the Anthropocene », The Anthropocene Review,
1, p. 171-204 ; Le Roy Ladurie, E., 2013, ibid., p. 19 ; Ingram, M. J., Underhill, D. J., Wigley, T. M. L., 1978,
« Historical climatology », Nature, 276, p. 329–334.
67
Locher, F., Quenet, G., 2009, « Lʼhistoire environnementale : origines, enjeux et perspectives dʼun nouveau
chantier », RHMC, 56-4, p. 7-38 ; Fressoz, J-B., Graber, F., Locher, F., Quenet, G., 2014, Introduction à
lʼhistoire de lʼenvironnement, La Découverte, Paris, chapitre 6 ; Delort, R., Walter, F., 2001, Histoire de
lʼenvironnement européen, PUF, Paris.
68
Locher, F., Quenet, G., 2009, ibid., p. 19.
69
Garnier, M., 1955, « Contribution de la phénologie à lʼétude des variations climatiques », La Météorologie, 4,
p. 291-300.
70
Angot, A., 1895, Premier catalogue des observations météorologiques faites en France depuis l'origine
jusqu'en 1850, Annales du Bureau Central météorologique de France, Paris.
71
Duchaussoy, H., 1898, Observations anciennes (584-1789). Almanach Météorologique à lʼusage des
cultivateurs, Progrès Agricole, Amiens ; Duchaussoy, H., 1884, « Étude climatologique du département du
Cher », Mémoire de la Société historique, littéraire, artistique et scientifique du département du Cher, vol. I, p.
1-191.

31
INTRODUCTION
productions similaires peuvent également être signalées72. Il faudra attendre la seconde moitié
du XXe siècle pour quʼune méthodologie spécifique soit introduite. Les premiers à sʼintéresser
aux variations climatiques et à leurs impacts au cours du dernier millénaire sont géographes.
Il sʼagit entre autres des climatologues britanniques Gordon MANLEY73 et Hubert LAMB74,
ainsi que des scientifiques allemands Hermann FLOHN75 et Curt WEIKINN76. En 1960,
lʼhistorien anglais Jan TITOW, spécialiste dʼhistoire économique et agraire au Moyen Âge,
publie un premier article intitulé « Evidence of weather in the account rolls of the Bishopric
of Winchester 1209-1350 »77. À partir des registres de comptes de lʼévêché de Winchester,
des informations météorologiques et phénologiques disponibles, dʼune analyse serrée des prix
des grains, il produit des séries économico-climatiques sur la période 1209-145078. En 1967,
après plusieurs contributions sur le sujet79, lʼhistorien Emmanuel LE ROY LADURIE – qui
ouvre véritablement la voie en France – publie Lʼhistoire du climat depuis lʼan mil80. À
compter des années 1980-1990, de nouvelles générations dʼhistoriens du climat, parmi
lesquels Christian PFISTER81, Pierre ALEXANDRE82, Rudolph BRAZDIL83, Emmanuel

72
Par exemple : Britton, C.E, 1937, A meteorological chronology to AD 1450, Meteorological Office, Londres ;
Easton, C., 1928, Les hivers dans lʼEurope occidentale, Brill E.J., Leyde ; Huntington, E., 1925, Civilization and
Climate, Yale University Press, New Heaven ; Vanderlinden, E., 1924, Chronique des événements
météorologiques en Belgique jusquʼen 1834, Académie royale de Belgique, Bruxelles ; Hennig, R., 1904,
Katalog bemerkenswerter Witterungsereignisse von den ältesten Zeiten bis zum Jahre 1800, Abh. Königl.
Preuss. Berlin.
73
Manley, G., 1953, « The mean temperature of central England, 1698–1952. », Quat. J. R. Meteorol. Soc., 79,
p. 242–261 ; Manley, G., 1952, « Thomas Barkerʼs Meteorological Journals, 1748-1763 and 1777-1789 », Quat.
J.R. Meteorol. Soc., 78, p. 255-259.
74
Lamb, H.H., 1972-1977, Climate : Present, Past and Future, 2 vol., Methuen, Londres ; Lamb, H.H., 1965,
« The early warm epoch and its sequel », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 1, p. 13-37 ;
Lamb, H.H., 1963, « What can we find out about the trend of our climate ? », Weather, 18, p. 194-216 ; Lamb,
H.H., 1961, « Atmospheric circulation, climate and climatic variations », Geography, 46, p. 208-222 ; Lamb,
H.H, 1959, « The southern westerlies : a preliminary survey, main characteristics and apparent associations »,
Quat. J.R. Meteo. Soc., 85, p. 1-23.
75
Flohn, H., 1958, « Klimaschwankungen der letzten 1000 Jahre und ihre Geophysikalischen Ursachen »,
Deutsche Geography, 31, p. 201-214 ; Flohn, H., 1950, « Klimaschwankungen im Mittelalter und ihre
historisch-geographischen Bedeutung », Berichte zur Deutschen Landeskunde, 72, p. 347-357.
76
Weikinn, C., 1958-2002, Quellentexte zur Witterungsgeschichte Europas von der Zeitwende bis zum Jahre
1850. Hydrographie, 6 vol., Akademie-Verlag, Berlin. Les volumes 1 à 4 furent publiés entre 1958 et 1963.
Décédé en 1966, Curt WEIKINN ne terminera pas son œuvre. Les volumes 5 et 6 furent repris et publiés
respectivement en 2000 et 2002.
77
Titow, J., 1960, « Evidence of weather in the account rolls of the Bishopric of Winchester 1209-1350 »,
E.H.R., 12, p. 360–407.
78
Titow, J., 1970, « Le climat à travers les rôles de comptabilité de lʼévêché de Winchester (1350-1450) »,
traduit par Chamoux, A., A.E.S.C., 2, p. 312-350.
79
Le Roy Ladurie, 1961, « Aspects historiques de la nouvelle climatologie », Revue Historique, 85, p. 1-20 ; Le
Roy Ladurie, E., 1959, « Histoire et climat », A.E.S.C., p. 3-34.
80
Le Roy Ladurie, E., 1967, Lʼhistoire du climat depuis lʼan mil, Flammarion, Paris.
81
Pfister, C., 1999, Wetternachhersage. 500 Jahre Klimavariationen und Naturkatastrophen (1496-1995),
Haupt, Bern ; Pfister, C., 1988, « Une rétrospective météorologique de l'Europe. Un système de reconstitution de
l'évolution du temps et du climat en Europe depuis le Moyen Âge central », Histoire & mesures, 3-3, p. 313-
358 ; Pfister, C., 1978, « Climate and Economy in Eighteenth-Century Switzerland », J. Interdisci. Hist., 9, p.
223-243.
82
Alexandre, P., 1987, Le climat en Europe au Moyen Âge : contribution à l'histoire des variations climatiques
de 1000 à 1425, d'après les sources narratives de l'Europe occidentale, E.H.E.S.S., Paris ; Alexandre, P., 1980,
« Les variations climatiques en Belgique et en Rhénanie dʼaprès les sources écrites de la période 1100-1600 », in

32
GARNIER84, investissent la discipline. Depuis 2010, à la croisée entre histoire du climat et
géohistoire des risques, plusieurs recherches, en particulier doctorales, sont menées en
France85. Par ailleurs, ces 20 dernières années, la climatologie historique a connu un
renouveau de ses problématiques et approches86, notamment par le biais de lʼhistoire
culturelle, lʼhistoire environnementale ou encore lʼhistoire des risques et catastrophes. Ainsi,
les chercheurs ont peu à peu réintégré lʼhomme au cœur de leurs préoccupations87. Ils se sont
intéressés aux représentations du climat et des aléas météorologiques extrêmes sur le temps
long88. Sʼouvrant à des démarches multiples, consultant les travaux et sʼassociant avec des
spécialistes comme Wolfgang BEHRINGER89 ou René FAVIER90, ils ont entrepris dʼanalyser les
rapports des sociétés au climat, à la catastrophe, au risque91. Ils se sont mis à interroger les
attitudes et réactions des populations face aux événements climatiques et météorologiques, à

Verhulst, A., Gottschalk, M.K.E. (eds), Transgressies en occupatiegeschiedenis in de kustgebieden van


Nederland en België, Colloquium Gent 5-7 september 1978 Handeligen, Goff, Gand, p. 243-249.
83
Brazdil, R., Kotyza, O. (eds), 1996-2004, History of weather and climate in the Czech Lands, 6 vol., Masaryck
University, Brno ; Brazdil, R., 1996, « Reconstructions of past climate from historical sources in the Czech
lands », in Jones, P.D., Bradley, R.S., Jouzel, J. (eds.), Climatic Variations and Forcing Mechanisms of the last
2000 years, Springer-Verlag, Berlin, p. 409-431 ; Brazdil, R., 1990, « Climatic Fluctuations in Bohemia from the
16th century until the present », T.A.C., 42, p. 121-128.
84
Garnier, E., 2011, « Climat de la France : apport de lʼhistoire », in Jeandel, C., Mossery, R. (dir.), Le climat à
découvert. Outils et méthodes en recherche climatique, CNRS, Paris, p. 111-113 ; Garnier, E. 2010b, Les
dérangements du temps. 500 ans de chaud et de froid en Europe, Plon, Paris ; Garnier, E., 2010c, « Fausse
science ou nouvelle frontière ? Le climat dans son histoire », R.H.M.C, 57-3, p. 7-41.
85
Par exemple : Litzenburger, L., 2015, Une ville face au climat : Metz à la fin du Moyen Âge (1400-1530),
PUN, Nancy ; Metzger, A., 2014, Le froid en Hollande au Siècle dʼor. Essai de géoclimatologie culturelle,
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, thèse de doctorat de géographie, sous la direction de Tabeaud, M., Paris -
Ce travail de thèse a fait lʼobjet dʼune publication à la fin du mois de novembre 2018 au PUPS sous le titre
Lʼhiver au Siècle dʼor hollandais ; Désarthe, J., 2013, op. cit.
86
Brazdil, R., Dobrovolny, P., Luterbacher, J., Moberg, A., Pfister, C., Wheeler, D., Zorita, E., 2010, « European
climate of the past 500 years : new challenges for historical climatology », C.C., 101, p. 7-40.
87
Le Roy Ladurie, E., 2004, 2006, 2009, Histoire humaine et comparée du climat, 3 tomes, Fayard, Paris.
88
Notamment : Berchtold, J., Le Roy Ladurie, E., Sermain, J-P., Vasak, A.(dir), 2012, Canicules et froids
extrêmes. L'événement climatique et ses représentations, Hermann, Paris ; Le Roy Ladurie, E., Berchtold, J.,
Sermain, J-P. (dir), 2007, L'événement climatique et ses représentations (XVIIe-XIXe siècles), Desjonquères, Paris ;
Vasak, A., 2007, Météorologies. Discours sur le ciel et le climat des Lumières au romantisme, Champion, Paris ;
Favier, R., Granet-Abisset, A-M. (dir.), 2005, Récits et représentations des catastrophes depuis lʼAntiquité,
CNRS-MSH Alpes, Grenoble.
89
Behringer, W., 2009, A Cultural History of Climate, Polity Press, Cambridge ; Behringer, W., 1999,
« Climatic change and witch-hunting : the impact of the Little Ice Age on mentalities », C.C, 43, p. 335-351.
90
Favier, R., Granet-Abisset, A-M., 2005, « Climat et risques naturels en France. Bilan historiographique et
positions de recherche », in Lamarre, D., Risque et climat. Regards croisés des historiens et des géographes,
Belin, Paris, p. 9-34 ; Favier, R. (dir.), 2002, Les pouvoirs publics face aux risques naturels dans lʼhistoire,
MSH-Alpes, Grenoble.
91
Labbé, T., 2017, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge XIIe-XVe, CNRS, Paris ; Surville, F. (dir), 2012, op.
cit ; Favier, R., Pfister, C. (dir.), 2008, Solidarité et assurance. Les sociétés européennes face aux catastrophes
(17e-21e s.), CNRS-MSH Alpes, Grenoble ; Labbé, T., 2008, « De la connaissance textuelle et de lʼobservation
des phénomènes naturels : le système du monde au XIIIe siècle dans la chronique de Wierum en Hollande », Le
Moyen Âge, 114-2, p. 335-351 ; Walter, F., Fantini, B., Delvaux, P. (dir.), 2006, Les cultures du risque (XVIe-XXIe
siècle), Presses dʼhistoire Suisse, Genève. ; Behringer, W., Hartmut, L., Pfister, C. (eds.), 2005, Cultural
Consequences of the « Little Ice Age », Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen ; Pfister, C., 2002, Le jour dʼaprès.
Surmonter les catastrophes naturelles : le cas de la Suisse entre 1500 et 2000, Haupt, Bern/Stuttgart/Vienne ;
Bennassar, B. (dir.), 1996, Les catastrophes naturelles dans lʼEurope médiévale et moderne, PUM, Toulouse ;
Blanchard, A., Michel, H., Pélaquier, E. (dir.), 1993, Météorologie et catastrophes naturelles dans la France
méridionale à lʼépoque moderne, Université Paul-Valéry, Montpellier.

33
INTRODUCTION
questionner leur vulnérabilité, leur adaptabilité au cours des siècles92. Par nature
pluridisciplinaire, la climatologie historique est riche des démarches dʼautres champs de la
recherche. De son côté, lʼétude et la reconstruction historique des tempêtes y puisent
réflexions, problématiques et résultats. Elles questionnent par exemple les interactions entre
lʼhomme et son environnement93 ou les relations potentielles entre tempêtes et oscillations
climatiques, notamment durant le Petit Âge Glaciaire94.
Au regard de cet état de lʼart, les questionnements et réflexions soulevés par la
communauté scientifique – autant nationale qu'internationale –, la société civile, les médias, le
domaine politique apparaissent multiples. Espérer y apporter des réponses catégoriques,
complètes est pour l'heure probablement précoce, d'autant que la démarche ne saurait aspirer à
lʼintégralité que sous condition d'aborder cet objet qu'est la tempête sous l'objectif croisé de
champs traditionnellement éclatés ; en France du moins.

Se fonder sur les seules données acquises depuis la mise en place des relevés
météorologiques systématiques en France95 est apparu insuffisant pour apprécier le risque
« tempête », penser sa gestion et sensibiliser les populations. Lʼidée n'est pas neuve : pour
comprendre la dynamique actuelle et prévoir les trajectoires futures, une connaissance fine du
passé est fondamentale. La prise en considération d'un pas de temps historique doit aider à
une réflexion plus large sur les questions de variations climatiques, récurrence des aléas,
modifications des mentalités, perception du risque, occupation de l'espace. Ainsi, au cours de
ces années de doctorat, plusieurs questions ont affleuré : À quel degré de connaissance des
vimers, les sources et leur croisement permettent-ils d'accéder ? Quelles caractéristiques des

92
Garnier, E., 2015, « A historic experience for a strengthened resilience. European societies in front of hydro-
meteors 16th-20th centuries », in Quevauviller, P., Prevention of hydrometeorological extreme events -
Interfacing sciences and policies, John Wiley & Sons, Chichester, p. 3-26 ; Pfister, C., 2010, « The vulnerability
of past societies to climatic variation : a new focus for historical climatology in the twenty-first century », C.C.,
100, p. 25-31 ; Burnouf, J., 2009, « Vulnérabilité des sociétés médiévales aux aléas météorologiques et
climatiques », Archéologie du Midi Médiéval, 27, p. 249-254 ; Pfister, C., 2007, « Climatic extremes, recurrent
crises and witch hunts : strategies of European societies in coping with exogenous shocks in the late sixteenth
and early seventeenth centuries », The Medieval History Journal, 10-1/2, p. 33-73 ; Pfister, C., Brazdil, R., 2006,
« Social vulnerability to climate in the « Little Ice Age » : an example from Central Europe in the early 1770s »,
Climate of the Past, 2, p. 115-129.
93
Borger, G.J., De Kraker, A.M.J., Soens, T., Thoen, E., Tys, D. (eds), 2013, Landscapes or seascapes ? The
history of the coastal environment in the North Sea Area Reconsidered (comparative rural history of the North
Sea Area), Brepols, Turnhout ; Van Bavel, B., Thoen, E. (eds.), Rural societies and environments at risk.
Ecology, property rights and social organisation in fragile areas (Middle Ages-Twentieth century), Brepols,
Turnhout ; De Kraker, A.M.J., 1999, « A method to assess the impact of high tides, storms and storm surges as
vital elements in climatic history. The case of stormy weather and dikes in the northern part of Flanders, 1488 to
1609 », C.C., 43-1, p. 287–303.
94
Lamb, H.H., 1980, « Climatic fluctuations in historical times and their connexion with transgressions of the
sea, storm floods and other coastal changes », in Verhulst, A., Gottschalk, M.K.E. (eds), Transgressies en
occupatiegeschiedenis in de kustgebieden van Nederland en België, Colloquium Gent 5-7 september 1978
Handeligen, Goff, Gand, p. 251-281 ; Lamb, H.H., 1979, « Climatic variation and changes in the wind and ocean
circulation : The Little Ice Age in the Northeast Atlantic », Quaternary Research, 11, p. 1-20.
95
En France, Météo-France estime que les mesures fiables de vent fort ne sont disponibles que depuis le début
des années 1980… http://tempetes.meteo.fr/spip.php?article197

34
tempêtes anciennes permettent-elles de restituer ? Des périodes dʼaugmentation et de
diminution de leur fréquence sont-elles identifiables ? À quoi peuvent-elles être dues ? Quels
seraient les apports pour la recherche du traitement des informations historiques dans un
système dʼinformation géographique (SIG) ? Est-il possible, à partir de données
principalement qualitatives, de quantifier lʼendommagement produit par un aléa ? Comment
procéder à lʼévaluation de ces phénomènes ? Comment composer avec les incertitudes ?
e e
Comment réagissaient les sociétés des XIV -XVIII siècles face à ces événements
météorologiques ? Comment sʼen protégeaient-elles ? Quelles représentations, perceptions,
appréhensions en avaient-elles ? Est-il envisageable de mesurer le niveau de vulnérabilité,
adaptabilité, résilience de ces sociétés ?... Ainsi, en prenant garde à ne jamais la détacher d'un
contexte climatique et socio-culturel mouvant, la tempête, avec ou sans submersion marine,
permet de s'intéresser aux interactions entre l'homme et les aléas naturels, mais aussi entre
lʼhomme et son environnement.
C'est à l'approche géohistorique des risques, focalisée sur l'événement tempête, et plus
spécifiquement à la climatologie historique que cette thèse souhaiterait apporter sa
contribution. Quatre axes cardinaux ont articulé cette recherche :
1) La critique et l'analyse des sources ainsi que le développement, en écho avec la thèse
de Pierre POUZET96, dʼune méthodologie recoupant données historiques et sédimentologiques ;
2) La caractérisation et la reconstruction, autant que les renseignements qualitatifs le
permettent, des tempêtes anciennes ;
3) La réflexion et la proposition dʼune méthode de quantification des dommages, ainsi
que la construction dʼun prototype dʼévaluation des aléas ;
4) Lʼexamen systémique des composantes, de la structure ainsi que des réactions et
conceptions des sociétés en relation avec les vimers.
En filigrane, ceux-ci sʼexprimeront perpétuellement tout au long des 3 parties –
comprenant chacune 3 chapitres – du manuscrit. Ainsi, dans un premier temps, il sʼagira 1)
dʼinterroger la tempête passée dans les provinces de la façade atlantique française, 2) de
présenter et critiquer les sources et méthodes, 3) de réfléchir aux différentes échelles de la
tempête. Un long travail de définition de termes, de notions et du cadre spatial dʼétude sera
ainsi entrepris. Ce sera également lʼoccasion de détailler les démarches historique et
sédimentologique mises en œuvre dans la thèse, les données extraites des sources ainsi que
leurs limites. Cette première partie permettra enfin dʼanalyser les échelles spatiales,
e e
temporelles, sociales de lʼaléa et des vulnérabilités aux XIV -XVIII siècles. Par la suite, dans
une seconde partie, la perspective se portera sur la mise en valeur des données historiques,
notamment grâce à lʼusage dʼoutils géographiques et un travail minutieux dʼestimation en vue

96
Pouzet, P., 2018, op. cit.

35
INTRODUCTION
dʼune classification des manifestations. Il sera alors question 1) dʼavoir recours aux SIG afin
de rendre opératoires les informations tirées de documents anciens, de les cartographier, 2)
dʼexaminer les impacts des vimers et de proposer une nouvelle méthode de quantification des
dommages, 3) de réfléchir à lʼévaluation des aléas et la génération dʼun indicateur.
Finalement, le dernier tiers de la thèse sera consacré à lʼétude des rapports entre aléas météo-
marins et sociétés. Ce sera ainsi lʼoccasion 1) de développer une approche géohistorique à
partir dʼétudes de cas de tempêtes passées comme celles des 27-28 janvier (5-6 février)
1469(n.st), des 28-29 janvier 1645 ou du 17 janvier 1784, 2) dʼanalyser les réponses
culturelles et mentales des populations, leurs rapports au milieu, au risque, lʼentretien dʼune
mémoire des phénomènes météorologiques extrêmes, etc., 3) dʼexplorer les stratégies mises
e e
en œuvre par les communautés des XIV -XVIII siècles afin de se protéger, mais également de
prévenir le danger et sʼadapter aux vents, à lʼocéan.

36
PARTIE I. La tempête aux XIVe-XVIII e siècles : définition,
sour ces et méthodologie

À la suite des tempêtes Lothar et Martin (1999), Klaus (2009) et Xynthia (2010), la
société civile, les gestionnaires, les scientifiques français, semblèrent découvrir, à chaque fois
un peu plus effarés, la vulnérabilité de leurs territoires, en particulier côtiers. Depuis ces
événements, des organismes comme Météo-France ont renforcé leurs systèmes dʼalerte ; les
populations ont pressé leurs élus en vue dʼobtenir des réponses, des engagements, des
garanties, tandis que ces derniers ont promulgué lois et amendements visant à protéger les
personnes, à préserver milieux et enjeux. La recherche publique, quant à elle, sʼest saisie de
lʼobjet quʼest la tempête afin de la définir, lʼétudier, lʼanalyser, reconstituer ses occurrences.

Des travaux publiés, des échanges lors de séminaires ou colloques, des consultations
auprès de gestionnaires, des interpellations du grand public lors dʼactions de vulgarisation, de
cette dynamique croisée riche et stimulante, un constat a émergé : la nécessité de précisément
(re)définir la tempête, ses réalités. De nos jours, lʼemploi du terme « tempête » repose
théoriquement sur une mesure de vitesse des vents et des conditions météorologiques bien
identifiées. Pourtant, des confusions semblent demeurer, a fortiori lorsque lʼon remonte le
temps. Avant lʼessor des mesures instrumentales, le champ sémantique de la tempête était
autre, sa compréhension, son expérience, sa qualification aussi. Partant de ses caractéristiques,
de sa formation, des explications actuelles, il sʼagira, dans un premier chapitre, dʼexaminer la
tempête et sa définition dans lʼhistoire. Le cadre spatial de la thèse sera aussi présenté et
lʼusage fait par lʼhistorien de notions récentes dans le cadre dʼune histoire des tempêtes sera
considéré.
Au demeurant, des Sciences Humaines et Sociales aux Sciences, de la climatologie à la
météorologie, de la psychologie à la physique, de lʼhistoire à la géographie, des chercheurs
issus de nombreuses disciplines se sont intéressés dernièrement aux tempêtes. Les démarches
mises en œuvre en France pour étudier cet objet transdisciplinaire sont variées et tendent
encore assez peu à lʼinter ou la pluridisciplinarité. Lʼanalyse historique, prédominante dans la
présente thèse, ne saurait faire fi des informations apportées par dʼautres sources que
textuelles ou instrumentales anciennes : archives sédimentaires, documents iconographiques,
données matérielles sʼaffichent comme des compléments non négligeables. Les différentes
sources, données quʼelles contiennent et méthodes utilisées seront détaillées et critiquées dans
une seconde section.

Cette partie pose les bases des suivantes. Elle a donc pour visée dʼinterroger et analyser
lʼobjet dʼétude de la thèse. Elle présentera également les entreprises méthodologiques mises
37
PARTIE I. La tempête aux xive-xviiie siècles : définition, sources et méthodologie
en œuvre, séparément et concomitamment.

38
1. CHAPITRE 1. Cadr e conceptuel et spatial de lʼétude.

Autant acteur que spectateur de son temps, le chercheur est, plus ou moins
consciemment, imprégné des bagages scolaires, culturels, intellectuels, voire émotionnels, qui
lʼont modelé ou continuent de le faire. Comme tout humain, il est sensible à son vécu, mais
aussi à lʼépoque dans laquelle il vit. Ne pouvant aborder le Moyen Âge et lʼÉpoque Moderne
avec lʼœil du XXIe siècle, la démarche scientifique lui impose donc de se détacher – autant que
faire se peut – de ses préjugés, opinions, croyances ou convictions personnelles. A fortiori
lorsquʼen contexte de réchauffement climatique global, il a pour objectif de reconstruire
lʼhistoire dʼun phénomène météorologique extrême. À plus forte raison, lorsque la mémoire
des dernières tempêtes catastrophiques est toujours vive et leur couverture médiatique et
scientifique restée relativement active99. Loin dʼêtre aisée, lʼentreprise implique de poser un
regard critique sur soi, son environnement évidemment, mais surtout – et cʼest là le propos –
sur son sujet dʼétude. Au présent dans un premier temps, avant de pouvoir le faire au passé.
Réfléchissant à ce quʼest la tempête, à son champ sémantique présent et passé, à son
expérience, à la justesse de sa définition actuelle, à lʼévolution des savoirs concernant sa
formation, la première partie du chapitre propose dʼen brosser un portrait. Le second axe
quant à lui interrogera la pertinence du cadre spatial de la thèse. Entre grandes marées
astronomiques, climat sous influence océanique et côtes basses sableuses, celui-ci apparaît
propice à la survenue de tempêtes et submersions marines et donc, de ce fait, à leur étude.
Enfin, dans un dernier temps, il sʼagira de questionner lʼusage fait par l'historien de notions
apparues récemment et encore en construction pour certaines. Finalement, ce chapitre est axé
sur une démarche réflexive en matière de définition.

1.1 D' hier à aujour d' hui, nécessité et difficultés de définir la tempête

En vue de réfléchir à la pertinence de la définition actuelle, cette première section part


de ce que le XXIe siècle entend par « tempête ». Elle s'efforcera ensuite d'expliquer les termes
usités aux époques médiévales et modernes, avant d'aborder les savoirs, perceptions et réalités
e e
de cette manifestation aux XIV -XVIII siècles. L'objectif ici n'est pas de démontrer son

99
Pour nʼen citer que quelques-uns parmi les plus récents : « Comparée à Xynthia en 2010, la tempête Eléonor
nʼa rien dʼexceptionnel », Le Monde, 5 janvier 2018 ; « Il y a 8 ans : la tempête Xynthia », La Chaîne Météo, 25
février 2018 ; « Xynthia. Il y a 8 ans, la Vendée se réveillait meurtrie », Ouest-France, 28 février 2018 ;
« Xynthia : 8 ans après le drame, seuls 10% des propriétaires ont réalisé des travaux de sécurité à la Faute-sur-
Mer », enquête dʼEmmanuel Sérazin, France Bleu et France Bleu Loire Océan, 28 février 2018 ; « Vendée : huit
ans après, un hommage aux victimes de la tempête Xynthia », reportage dʼAhlam Noussair et François Bobet,
France 3 Pays-de-la-Loire, 28 février 2018 ; Garnier, E. 2017, « Xynthia, February 2010. Autopsy of a
foreseeable catastrophe », in Quevauviller, P., Garnier, E., Ciavola, P. (eds.), Coping with coastal storms, John
Wiley & Sons, Chichester, p. 111-148.

39
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
incompatibilité avec les informations disponibles aux périodes anciennes, mais plutôt d'ouvrir
la voie à une comparaison de ce qui est homologue. Au reste, même à lʼheure des données
satellites et instrumentales systématiques, la caractérisation et la détermination de cet aléa
apparaissent complexes, en atteste la première phrase de lʼentrée « tempête » dans le glossaire
de Météo-France : « La météorologie ne se risque guère à proposer une définition générale
des tempêtes »100.

1.1.1. Qu'est-ce qu'une tempête ?

Le champ lexical de la tempête comprend un foisonnement de mots et expressions


considérés comme proches, voire synonymes, par les sociétés : « dépression », « vents forts »,
« ouragan », « cyclone », « rafales », « onde de tempête », « perturbation », « aléa météo-
marin »...

Comme lʼa constaté Pierre POUZET, y compris dans un cadre scientif ique, la confusion
est présente101. Situé entre les 44 et 48e parallèles nord, lʼespace géographique de la thèse102
est soumis aux cyclones103 dits extratropicaux (CET)104, dont lʼappellation générique est
« tempête ». Dans de rares cas, il peut arriver que les aléas frappant le littoral atlantique
européen relèvent de cyclones tropicaux (CT) formés dans la zone intertropicale105. Porteuses
dans lʼimaginaire collectif dʼune grande dangerosité, leurs manifestations les plus connues
répondent aux noms communs locaux « dʼouragan » (golfe du Mexique), de « typhon » (Asie
du Nord et du Sud-est) ou de « cyclone » (océan Indien), sans quʼun adjectif qualif icatif en
précise lʼorigine. Néanmoins, liés à une dépression orageuse se nourrissant de la chaleur des
eaux océaniques de surface, les CT perdent généralement en puissance et se transforment en
CET lors de leur remontée de lʼAtlantique nord. Mettant de côté les événements formés entre
les tropiques, lʼattention se portera donc exclusivement sur les CET. Qualifiés de « cyclones

100
http://www.meteofrance.fr/publications/glossaire/154167-tempete
101
Pouzet, P., 2018, Étude des paléoévènements extrêmes le long de la côte atlantique française : Approches
sédimentologiques, dendrochronologiques et historiques, Université de Nantes, thèse de doctorat de géographie,
sous la direction de Robin, M. et Maanan, M., Nantes, voir son chapitre 1, 1.1 - Les événements extrêmes
côtiers, entre cyclones et tsunamis.
102
Cf. infra, 1.2 - Le littoral atlantique français, cadre propice à lʼétude des vimers passés.
103
Très régulièrement usité en qualité dʼabrégé de lʼexpression « cyclone tropical », le cyclone, sʼil nʼest pas
qualifié, nʼest rien dʼautre quʼune dépression dʼun point de vue météorologique. De ce fait, les tempêtes formées
en Atlantique nord sont des cyclones extratropicaux. http://www.meteofrance.fr/publications/glossaire/150235-
cyclone
104
Deroche, M-S., Choux, M., Codron, E., Yiou, P., 2014, « Three variables are better than one : detection of
european winter windstorms causing important damages », NHESS, 14, p. 981-993 ; Ulbrich, U., Leckebusch,
G.C., Pinto, J.G., 2009, « Extra-tropical cyclones in the present and future climate : a review », Theoretical and
Applied Climatology, 96, p. 117-131 ; Shapiro, M. A., Gronas, S. (eds), 1999, The life cycle of extratropical
cyclones, American Meteorological Society, Chicago.
105
Ce fut par exemple le cas du cyclone tropical Ophélia qui affecta la façade atlantique européenne en octobre
2017.

40
de latitudes moyennes »106, ces CET –ou tempêtes– sont le fruit d’une dépression
atmosphérique. Elle naît dans la zone extratropicale à partir de la confrontation de masses
d’air chaudes subtropicales et froides polaires107, à laquelle s'adjoint l’action du courant-jet
(Jet Stream)108, qui correspond à une zone de très forts vents d’ouest en haute troposphère. À
l’échelle méso ou synoptique, cela provoque un phénomène différentiel où s’affrontent des
vitesses et directions de vent diverses109. De ces rapports de force découle alors la création
d’un front de perturbation atmosphérique au niveau de la couche de friction, caractérisé par
des variations de pression110 et des vents violents111 ; le tout étant parfois accompagné
d’orages et de pluies diluviennes, sources potentielles d’inondations fluviales112. En principe,
ces vents devraient circuler des zones de hautes pressions vers celles de basses pressions.
Cependant, la force de Coriolis –causée par la rotation de la Terre sur elle-même– les dévie de
leur trajectoire théorique. Dans l’hémisphère Nord, cela se traduit par des vents tournant dans
le sens inverse aux aiguilles d’une montre autour d’une dépression113. La ceinture de basse
pression qui marque les latitudes de l’espace littoral atlantique européen le soumet du reste
plutôt à des courants d’ouest. En surface, à un ou deux kilomètres du sol, les vents évoluant
horizontalement à mesure du déplacement de la tempête et verticalement le long de la colonne
dépressionnaire, des « fronts », sortes de « sous-structures venteuses », se forment aussi114.
Sous certaines conditions, les CET peuvent de même entraîner une submersion temporaire des
zones basses côtières par la mer115. En effet, favorisant l’amoncellement de l’eau le long du
littoral en soufflant de l’océan vers la terre, le passage d’une tempête peut s’assortir d’une
onde/marée de tempête*116.Celle-ci se définit comme une élévation momentanée rapide du
niveau de la mer liée à une baisse brutale de la pression atmosphérique et/ou à des vents forts
d’afflux, ce qui entraîne une situation de surcote*117. Le terme surcote* désigne une

106
Pouzet, P., 2018, op. cit. ; Roux, F., 2012, Fureurs des cieux. Cyclones tropicaux et autres tempêtes, Ellipses,
Paris, p. 264.
107
Caspar, R., Costa, S., Jakob, E. 2007, « Fronts froids et submersions de tempête dans le nord-ouest de la
France », La Météorologie, 57, p. 37-47, p. 43-46.
108
Shmakin, A.B., 2009, « Cyclones, Hurricanes, Typhoons and Tornadoes », in Kotlyakov V.M (eds.), Natural
Disasters, vol. II, EOLSS-UNESCO, p. 19-39 ; Rossby, C-G., 1947, « On the distributions of angular velocity in
gaseous envelopes under influence of large-scale horizontal mixing processes », BAMS, 28, p. 53-68.
109
Roux, F., 2012, ibid., p. 141-176.
110
Tonnerre, M-A., 2001, Contribution à l’étude des tempêtes dans la Manche et en façade atlantique de la
France, au nord de l’île de Noirmoutier (1965-1994), Université de Lille, thèse de doctorat de géographie, sous
la direction de Roussel, I., Lille, p. 37-44, p. 112-118.
111
Joly, A., 1992, Les tempêtes, les dépressions, comment elles se forment, comment elles évoluent, Météo-
France, Paris.
112
Tonnerre, M-A., 2001, ibid., p. 12-14, 48-55.
113
Chémery, L., 2009, Petit atlas des climats, Larousse, Baume-les-Dames.
114
Schoenenwald, N., 2013, Les tempêtes en France et dans les îles britanniques : des aléas aux événements,
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, thèse de doctorat de géographie, sous la direction de Tabeaud, M., Paris,
p. 22-26.
115
Tonnerre, M-A., 2001, ibid., p. 56-67.
116
Bourgou, M., Miossec, J-M., 2010, Les littoraux. Enjeux et dynamiques, PUF, Paris, p. 97.
117
Cariolet, J-M., Costa, S., Caspar, R., Ardhuin, F., Magne, R., Goasguen, G., 2010, « Aspects météo-marins de

41
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
différence positive entre le niveau marin observé et le niveau marin initialement prévu en lien
avec la marée astronomique seule. Dʼailleurs, en milieu macrotidal comme cʼest le cas ici, la
marée de vive-eau, indépendante du phénomène météorologique, mais susceptible de survenir
concomitamment, peut sʼavérer un autre facteur aggravant. En toute logique, lorsquʼil y a
concordance entre dépression atmosphérique dʼun côté et événement astronomique de lʼautre,
la menace de submersion marine augmente118. La concomitance entre les deux peut alors
porter le nom « dʼaléa météo-marin ». Enfin, à ces trois processus que sont la surcote dite
« barométrique », la marée astronomique et les vents soufflant du large vers la côte peut se
combiner un quatrième : les vagues ainsi que leur f lux et ref lux (lewave set up et le swash en
anglais). Ramenés aux périodes médiévale et moderne, seuls les coefficients de marée119 et
éventuellement, sous condition de disposer de données instrumentales et de procéder à une
conversion120, la surcote barométrique peuvent être estimés.

la tempête du 10 mars 2008 en Atlantique et en Manche », Norois, 215, p. 11-31 ; Bouligand, R., Tabeaud, M.,
2000, « Les surcotes à Brest depuis un siècle : analyse des paramètres météorologiques influents à lʼéchelle
locale », Norois, 186, p. 201-217.
118
Feuillet, T., Chauveau, E., Pourinet, L., 2012, « Xynthia est-elle exceptionnelle ? Réflexions sur lʼévolution et
les temps de retour des tempêtes, des marées de tempête, et des risques de surcotes associés sur la façade
atlantique française », Norois, 222, p. 27-44 ; Suanez, S., Cariolet, J-M., 2010, « Lʼaction des tempêtes sur
lʼérosion des dunes : les enseignements de la tempête du 10 mars 2008 », Norois, 215, p. 77-99.
119
Cf. infra, 1.2.3 - Un espace macrotidal : phase de la Lune, coefficient de marée et surcote.
120
Cf. infra, Chapitre 2, 2.3.3 - Textes à caractère scientifique et mesures instrumentales.

42
Entrée en contact dʼun front froid et dʼun front
chaud.

Confrontation des masses dʼair et friction à lʼorigine de var iations de la pression


atmosphérique et de vents violents.

Apparition dʼune occlusion où se Entrée en contact avec le courant-jet, explosion


forme la dépression. en tempête de la dépression.

Air chaud tournant dans le Front chaud


sens des aiguilles dʼune montre
Font froid

Air froid tournant dans le sens


inverse des aiguilles dʼune montre Occlusion avec en A le centre de la
dépression.

Cour ant jet, sens de déplacement


de la tempête Sens de r otation de la dépression

Figur e 1: Repr ésentation schématique et simplifiée de la for mation d'un cyclone extr atr opical.

Alimentant la confusion, les CET, considérés désormais dans leur dimension dʼaléa,
sont définis et classés selon un rapport de magnitude*. Généralement estimée à partir de la
mesure de paramètres physiques comme la hauteur de la houle, le creusement barométrique121
ou la vitesse du vent, la magnitude sʼentend ici comme la puissance, lʼénergie produite par les

121
Dans sa thèse, Marie-Ange TONNERRE propose par exemple de définir la tempête par le biais de la notion
dʼinstabilité barocline et un suivi isobarique rapproché. Tonnerre, M-A., 2001, op. cit., p. 127-134.

43
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
processus atmosphériques à lʼœuvre122. Pour la période ancienne, elle nʼest pas appréciable.
Comme lʼa démontré Nicolas SCHOENENWALD, reposant essentiellement sur la vitesse des
vents, la gradation ne fait pas consensus. Ainsi, compagnies dʼassurance, chercheurs, Météo-
France, lʼOrganisation Météorologique Mondiale...ont des seuils de vitesse des vents
déterminant la tempête différents123. Originellement utilisée pour traiter des dépressions
atmosphériques en mer, lʼéchelle de Beaufort sert toujours de référence, y compris à terre124.
Pour Météo-France, il y a « tempête » si les vents moyens sur 10 minutes souff lent entre 89 et
102 km/h (vent force 10). À compter de 103 km/h, la dénomination de « violente tempête »
est attribuée (vent force 11), tandis quʼau-delà de 117 km/h, cʼest le mot « ouragan » ou celui
de « cyclone extratropical » qui peut être employé (vent force 12). Or, même de faible à
moyenne intensité, une tempête appartient à la catégorie météorologique des cyclones
extratropicaux, tandis que le vocable « ouragan » renvoie usuellement à un phénomène
météorologique formé en zone intertropicale, autrement dit un CT.
Opérant un parallèle avec les données historiques disponibles et la naissance des
instruments de mesure125, le chercheur a évidemment conscience que cette déf inition et
classification de la tempête par la vitesse des vents nʼaura aucun écho pour les périodes
anciennes. Il lui faut donc réfléchir à une autre éventualité, quʼau reste le citoyen, quel quʼil
soit, remarque : la force du vent nʼest pas nécessairement gage dʼune intensité* –
correspondant ici à lʼimportance des dommages observables générés par la manifestation126 –
élevée.
Or, pour les sociétés et leurs activités, nʼest-ce pas les dégâts qui marquent les esprits et
font la tempête ? Comment expliquer dʼailleurs que deux événements présentant une
amplitude et/ou des caractéristiques météorologiques similaires auront des conséquences
variables ? Peut-être est-il temps, pour déf inir la tempête,de prendre en considération des
critères élargis ? Est-il envisageable, en vue dʼune comparaison raisonnée, juste et cohérente
des CET en tant quʼaléa sur le temps long, dʼinclure dans leur détermination des dimensions
aussi diverses que leur succession sur un pas de temps restreint, les dégâts générés,
lʼexposition – évolutive dans lʼespace et le temps – des enjeux, la vulnérabilité naturelle
territoriale/environnementale, la résilience sociétale, le contexte social, politique, économique
et technique de lʼépoque... ? Dès lors, la tempête, analysée sous couvert dʼinterdisciplinarité,
ne sʼafficherait plus uniquement comme une manifestation atmosphérique ou un aléa. Elle
serait surtout pensée comme un risque dont la définition, mais également lʼestimation de

122
Leone, F., Meschinet de Richemond, N., Vinet, F., 2010, Aléas naturels et gestion des risques, PUF, Paris, p.
26-27.
123
Schoenenwald, N., 2013, op. cit., p. 12-14.
124
Cf. infra, Chapitre 5, 5.2.2 - Et en France ?
125
Cf. infra, Chapitre 2, 2.3.3 - Textes à caractère scientifique et mesures instrumentales.
126
Hénaff, A. (ed.), Philippe, M. (cord.), 2014, Gestion des risques dʼérosion et de submersion marines. Guide
méthodologique, Projet Cocorisco, p. 70 ; Leone, F. et al, 2010, ibid., p. 27-28.

44
lʼintensité, sʼappuierait sur des indices englobants. Bien que comprenant des limites, elle se
rapprocherait alors peu à peu des réalités observables pour le passé et offrirait probablement
des données homogénéisables pour le futur ce qui, dans un contexte triple de changement
climatique, de pression anthropique croissante sur les littoraux et dʼinnovations
technologiques toujours plus dynamiques, pourrait sʼavérer crucial.

Les principales explications de la confusion de termes en France proviennent donc dʼun


référentiel basé non pas sur lʼorigine et les causes de formation des cyclones, mais plutôt sur
la puissance des vents. Un amalgame, entre dʼun côté le phénomène météorologique et de
lʼautre lʼaléa, doit de plus être relevé. Enfin, renvoyant aux première et seconde raisons
évoquées, certains termes locaux, comme ceux de « ouragan », « typhons » ou « cyclone », ont
fini par être distingués et assimilés à des réalités régionales spécifiques souvent destructrices.
Pourtant, tous les trois appartiennent à la catégorie des CT.
Distinguant bien aléa et manifestation météorologique, les mots ou expressions
« perturbation atmosphérique », « vents forts », « dépression », « tempête », « onde de
tempête/de marée », « cyclone extratropical » pourront être employés dans le présent
manuscrit, au même titre que certains vocables anciens. Ils désigneront lʼobjet dʼétude, sans
que cela prête à sous-entendre une quelconque puissance.

1.1.2. Petit précis lexical de la tempête au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne

Le vocabulaire employé par les sociétés médiévales et modernes est autre que l'actuel.
Les expressions « vimer / vimaire », « tourmente », « grands vents », « coup de vent »,
« fortune de la marée / de mer », « orage », « tempeste », « houragan » sont récurrentes dans
les sources, sans quʼun souci de rigueur semble primer à leur distinction précise. Tous ces
termes seront définis, toutefois seuls les quatre plus répandus seront véritablement interrogés.

De nos jours, les météorologues différencient nettement les orages, susceptibles dʼêtre
accompagnés de vents très violents, des tempêtes pouvant être assorties de tonnerre et
dʼéclairs. Une amélioration de la connaissance, de la compréhension de ces phénomènes,
particulièrement de leur formation, ainsi que le développement de lʼimagerie satellite depuis
une trentaine dʼannées ont permis ce discernement systématique. De même, lʼusage actuel du
vocable « ouragan » est codif ié. Il renvoie dʼune part aux cyclones tropicaux, ensuite au cadre
spatial antillais et du golfe du Mexique, enfin à une amplitude* et une intensité* élevées127.

127
Cf. supra, 1.1.1 - Quʼest-ce quʼune tempête ?

45
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
Quant au « vimer », en dehors de la recherche scientifique128, lʼexpression nʼest plus usitée.
Au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne, la polysémie prévaut. Lʼidentification apparaît
moins évidente, la confusion ressort fréquente et un mot est souvent employé pour un autre.
Le 13 mai 1627, à Guégon dans le Morbihan, un violent orage éclate. Les caractéristiques de
lʼévénement et lʼendommagement généré ne laissent aucun doute sur sa nature pourtant le
prêtre de la paroisse note quʼune « tempeste sʼesleva et foudre du ciel qui donna sur le hault
du clocher de Guégon avec telle impétuosité que le feu sʼy alluma, et en brula plus du tiers
[…] »129. À lʼinverse, le 5 décembre 1574, à Bordeaux, de grands vents, considérés comme un
« orage grand et impétueux », emportent une partie du clocher de la basilique Saint-Michel130.
Similairement, le 2 février 1701, une violente tempête balaye les provinces de Bretagne,
Normandie, Maine, etc. Le clerc Négrier, responsable de la paroisse de René, expose que ce
« si grand orage de vents »131 a déraciné de nombreux arbres et renversé plusieurs bâtiments.
Au reste, il arrive aussi que la mer soit désignée comme « orageuse »132, ce qui signif ie,
suivant lʼusage anthropomorphique, quʼelle est « grosse », « enflée », « déchaînée »,
« animée », potentiellement dangereuse… Il sera remarqué que lʼorage nʼest pas entendu ici
dans sa dénomination de phénomène électrique comme lʼa connu le mois de mai 2018 sous
les latitudes moyennes européennes, mais plutôt comme une expression de la présence de
vents. Étymologiquement, orage est composé de lʼancien français -ore / -aura qui signifie
« vent »133 et du suffixe -age qui indique une action, son résultat ou un état. Lʼorage dans les
sources anciennes peut donc attester dʼun état venteux. À moins que la description,
notamment des dégâts, ne certifie de son contenu principalement électrique ou grêleux,
lʼorage de temps, de vent ou non qualifié pouvait être, pour les sociétés des XIVe-XVIIIe siècles,
un synonyme de tempête. En revanche – et cʼest peut-être là le cœur de certaines méprises des
auteurs –, le mot « tempête », issu du latin vulgarisé tempesta qui désigne originellement un
mauvais temps, une calamité, ne saurait remplacer celui dʼorage. En effet, si le second peut
être considéré, sous certaines conditions, comme substitut du premier, lʼinverse nʼest pas
exact. Sur la totalité du cadre temporel étudié, le terme de « tempête » renvoie

128
Sarrazin, J-L, 2016b, « Les marais salants à lʼépreuve des vimers (XVe- début du XVIe siècle) », Bulletin de la
Société des historiens du Pays de Retz, hors série de lʼannée 2016, Marais du Pays de Retz. Géohistoire dʼun
espace conquis, p. 85-92 ; Sarrazin, J-L., 2012, « Vimers de mer et sociétés littorales entre Loire et Gironde
(XIVe-XVIe siècle) », Norois, 222, p. 91-102 ; Garnier, E., 2010a, « 500 ans de vimers sur le littoral de Poitou-
Charentes. Risques et vulnérabilité des sociétés », in Sauzeau, T.(dir.), Expliquer Xynthia, comprendre le
phénomène, Conseil régional de Poitou-Charentes, Poitiers, p. 11-17 [PDF en ligne].
129
MARTIN J., 1993, Moi, Jean Martin, recteur de Plouvellec... Les curés « journalistes » de la Renaissance au
e
XVII siècle, présenté par Croix A., Apogée, Rennes, p. 105.
130
Chronique bordeloise corrigée & augmentée depuis lʼannée 1671 jusquʼau passage du roy dʼespagne & de
nos seigneurs les princes, ses frères, en cette ville lʼannée 1701, 1703, par les soins de maître TILLET, avocat en
la cour & citoyen, impr. Simon Boé, Bordeaux.
131
AD 72, 1 Mi 983 R1, vue 23.
132
AD 29, B 4376, pièce n°1.
133
Tabeaud, M., 2005a, « Qui sème le vent récolte la tempête », in Corvol, A. (dir), Tempêtes sur la forêt
française. XVIe-XXe siècle, L'Harmattan, Paris, p. 35-46, p. 36.

46
majoritairement à de terribles vents134. Dʼailleurs aux e
XIV -XVI
e
siècles essentiellement, il
nʼétait pas rare que la manifestation atmosphérique soit désignée par des vents dont lʼattribut
de force, dʼemprise spatial ou le caractère extraordinaire se retrouvaient sous-entendus par les
adjectifs « grand », « violent », « impétueux », « exceptionnel », « furieux », « universel ». À
compter du siècle des Lumières, sous lʼimpulsion des savants, à chaque concept se met à
correspondre une expression135. La confusion entre la tempête et lʼorage sʼestompe alors
lentement.
À partir de la f in duXVIIe siècle – les premières mentions au sein du corpus datant des
années 1682136 et 1689137 –, un nouveau vocable, dérivé de lʼespagnol antillais firacan138, fait
son apparition dans les sources historiques : ouragan. Quoique sa réalité soit incomparable
avec la tempête139, il est appliqué aux CET. Son usage se généralise au cours du XVIIIe siècle.
Cette démocratisation a pour effet une utilisation abusive et un mélange net entre les mots et
leurs natures météorologiques. Ainsi, dans une correspondance du 9 juillet 1779 entre Necker,
ministre général des finances de Louis XV, et Monsieur Dupré de Saint-Maur, intendant de
Bordeaux, le nom « ouragan » apparaît à diverses reprises. En vérité, il est question dʼun gros
orage de grêle ayant mené à la perte dʼune part notable des récoltes de la paroisse de Mios,
ainsi quʼà des dégradations sur du bâti140. De plus, aujourdʼhui connoté et conceptualisé
comme extrêmement destructeur, la terminologie peut prêter à confusion pour le non-initié.
En aucun cas, le recours au mot « ouragan » sous lʼAncien Régime nʼest suggestif dʼune
puissance extrême de lʼaléa. Selon Amos BARBOT, le 10 août 1518, un « débord » /
« débordement » de la mer a lieu en Aunis. Affectant La Rochelle, elle submergea les vignes

134
Ayant recours à lʼexpression « tempestas horribilis » pour désigner ce qui ressemble à un orage, le
continuateur de la chronique dʼEtienne MALEU est une exception au sein du corpus : « Die Sabbati et tertiam di
mensis octobris, post festum beatis Michaelis, anno Domini MCCCCV, horam vesperarum vel circa, tempestas
horribilis irruit in tantum, quod pinnaculum ecclesiae Sancti Juniani, in quo parvae campanae sunt appensae,
fulgur invadens, ipsum a parte cacuminis discerpsit et diruit, descendo conchas, crucem et gallum usque ad
unam longitudinem lanceae ; et lapides et quadros per villam huc et illuc projecit : quod audire mirabile, sed
tunc videre erat terribile. – Le samedi 3 octobre, après la fête de Saint-Michel, lʼan du Seigneur 1405, aux
environs de vêpres, une horrible tempête éclata avec tant de force que la foudre, frappant le clocher de lʼéglise
de Saint-Junien, où sont suspendues les petites cloches, le fendit et le renversa sur la longueur dʼune lance,
faisant tomber les boules, le coq et la croix ; et jetant çà et là des pierres et des tuiles, ce qui est surprenant à
entendre, mais ce qui est horrible à voir. ». MALEU E., 2012, Chronique de Maleu, traduction intégrale du texte,
publié en latin en 1847, Société des Vieilles Pierres, n°4, Saint-Junien.
135
Tabeaud, M., 2005a, art. cit., p. 37.
136
AD 17, collection communale, dépôt de la commune dʼArs-en-Ré, registre paroissial des baptêmes, mariages,
sépultures, 1681-1685, non coté, fol. 32-33, numérisation, vue 75 : lettre pastorale consignant des détails au sujet
dʼun « estrange houragan » avec submersion dans la nuit du 7 au 8 décembre 1682. Cf infra, Chapitre 6, 6.1 -
Lʼexistence dʼune réponse religieuse ?, publication de la lettre (pièce justificative n°6).
137
AD 72, H 1026, pièce non numérotée, datée du 1er mars 1689 : arrêt du conseil du roi permettant aux
religieux du Perray de couper du bois afin de réparer les dégâts quʼun « si furieux ouragan et extraordinaire
tempeste » a faits en juillet 1687 aux cloîtres et dortoirs de lʼabbaye.
138
Tabeaud, M., 2005a, art. cit.
139
Cf. supra, 1.1.1 - Quʼest-ce quʼune tempête ?
140
AD 33, C 100, pièces n°58 à 61, principalement la n°58.

47
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
et champs141. Courant, lʼemploi de ce vocable exprime une appréhension, une angoisse sourde
de voir la mer sortir de son territoire habituel ainsi quʼun sentiment dʼimpuissance142. Trois
siècles plus tard, sous la plume du docteur ATGIER, érudit, le phénomène, empreint de
superlatifs, est devenu un « ouragan des plus épouvantables qui occasionnèrent dans lʼîle de
Ré toutes sortes de calamités des plus désastreuses »143. La même exagération, la même
utilisation trompeuse se retrouve chez dʼautres auteurs du XIXe siècle144. Sans consultation des
documents de première main, dʼaucuns, transposant la perception contemporaine de
lʼouragan, pourraient alors être tentés de classer ce vimer parmi les plus catastrophiques
connus…
Séculaire, le terme tiré du moyen français « vimer / vimere / vimaire » provient du latin
vis (force) major (très grande, majeure). Usité essentiellement dans les provinces localisées
entre la Bretagne méridionale et la Saintonge, il implique un profond et fort dérangement
accompagné dʼun endommagement général, conséquent145. À lʼinstar de lʼorage, il peut être
complété par un mot qui en précise lʼintelligibilité. Le vimer devient alors de sable, de guerre,
de grêle, dʼeau, de mer…146 Dans les espaces littoraux, lorsquʼil est employé seul, il se réfère
à une tempête, avec ou sans submersion marine, et sert volontiers comme synonyme de
« tempeste » ou « ouragan ». Une formule, tirée dʼun mémoire daté de 1775, tend à le
confirmer : « en 1509, il y eut une tempeste quʼon appelle dans le pais vimers qui y fit tant de
ravages »147. En revanche, à lʼintérieur des terres, le vimer sʼapplique principalement à des
chutes de grêle ou des électrométéores148. Le 12 juillet 1538 par exemple, des chanoines du
chapitre de Sainte-Radegonde de Poitiers sont commissionnés en vue de constater les pertes
occasionnées par un vimer aux fermiers du Mas149. Après lecture, critique et analyse, celui-ci
correspond à un orage de grêle. En outre, les populations distinguaient le vimer de mer
qualifié de « général », cʼest-à-dire accompagné de submersions en plusieurs zones côtières,
de celui entraînant une inondation localisée, pour ainsi dire isolée.
Enfin, fréquentes sont aussi les expressions « tourmente », « fortune de la marée / de

141
« Au moys dʼaoust de ladite année, le jour de Sainct Laurent, la mer se desborda aux costes de cette ville, qui
causa une perte incroyable, gastant toutes les vignes et champs. », BARBOT A., 1886, « Histoire de La
Rochelle », publication par Denys dʼAussy M, in A.H.S.A, t. XIV, Paris-Saintes, p. 484.
142
Sarrazin, J-L., Athimon, E., 2019a, « Etudier les plus anciennes tempêtes à submersion identifiées sur la côte
atlantique française (XIVe-XVIe siècles) : lʼapproche historique », Norois, [à paraître].
143
AD 17, 2 J 11.
144
Comme : « Le 10 août 1518, un ouragan tel que de mémoire dʼhomme, on nʼen avait pas vu de semblable
souleva les flots de lʼOcéan à une si prodigieuse hauteur, que la mer, franchissant ses limites, se précipita dans
les campagnes. […] », MASSIOU M.D., 1846 (2e éd.), Histoire politique, civile et religieuse de la Saintonge et de
lʼAunis depuis les premiers temps historiques jusquʼà nos jours, 6 vol., A. Charrier, Saintes, vol. 3, p. 418.
145
Sarrazin, J-L., Athimon, E., 2019a, art. cit. ; Sarrazin, J-L., 2012, op. cit., p. 92.
146
Périsse, S., 2019, « Les campagnes littorrales saintongeaises à lʼépreuve des vimaires aux XIVe-XVIe siècles »,
in Sarrazin, J-L., Sauzeau, T. (dir.), publication des actes de Flaran 39, [à paraître].
147
AM Nantes, II136, pièce n°30.
148
Manifestation visible ou audible de lʼélectricité atmosphérique (foudre, tonnerre…).
149
AD 86, G 1586, fol. 51, latin.

48
mer » et « coup de vent ». Au regard du corpus de la présente thèse, la dernière mention se
trouve majoritairement liée à des avaries, des naufrages de bateaux, qui sont drossés à la côte
par un « coup de vent »150. Sʼil peut actuellement être perçu comme proche, voire équivalent,
de la tempête151, il était à lʼorigine entendu comme une augmentation brutale, inattendue,
mais de courte durée du souffle du vent, susceptible dʼêtre complétée par un changement subit
de sa direction. Cette variation rendait de fait les barques sensibles, vulnérables même à sa
survenue. Assimilée à une grande agitation152, la « tourmente » quant à elle prenait le sens
commun de bourrasque soudaine et violente. Le 11 décembre 1589, une « forte grande
tourmente de vent »153 se lève. Dʼun coup, le temps devient alors impétueux et plusieurs
navires sont sinistrés. Dans ces cas de figure, certaines sources, particulièrement les registres
des Amirautés, de comptes ou notariaux, préféreront parler de « fortune de (la) mer ».
Renvoyant à deux réalités différentes, les tournures « fortune de (la) mer / de la marée »
suggèrent semblablement un événement fortuit, malencontreux, qui se produit lors dʼune
expédition maritime dans le premier cas154, qui se déroule dans les zones basses aisément
submersibles par la marée dans le second. Consignée dans les comptes, la « fortune de la
marée » nʼest pas forcément concomitante à une tempête. Elle peut simplement être liée à une
grande marée, dont les eaux pénétreraient dans les terres. Dans ces cas-là, elle peut avoir pour
conséquence dʼabîmer les chaussées, de corrompre les récoltes et dʼaltérer les sols, le sel les
rendant stériles et inexploitables pour un temps plus ou moins long.

De cette présentation du lexique de la tempête aux époques médiévale et moderne, il


ressort lʼabondance, la grande richesse du vocabulaire dʼune part, mais aussi lʼabsence dʼune
correspondance clairement établie entre concept et mot. Au demeurant, lʼorthographe variant
e
jusquʼau XIX siècle, il existe plusieurs manières dʼécrire un vocable et des formes mixtes
peuvent ponctuellement voir le jour155. Cela accroît les potentielles incompréhensions, les

150
Ainsi, dans un acte notarié du 25 avril 1669, Vincent LeBihan déclare que son navire, qui transportait
diverses marchandises destinées au marché de Morlaix en Bretagne, a péri sur la côte de lʼîle-dʼYeu à la suite
dʼun coup de vent et que Henry Ardevenne, matelot, est mort durant le naufrage : « […] estant proche les costes
de lʼisle dieu seroit venu un coup de vent qui auroit ruiné son bastiment et icelluy jetté sur ladite coste de lʼisle
dieu en telle sorte que ledit bastiment a pery et le nommé Henry Ardevaine est mort dans ledit bastiment […] ».
AD 85, 3 E 95/5-3, vues 120-121.
151
Tabeaud, M., Lysaniuk, B., Schoenenwald, N., Buridant, J., 2009, « Le risque “coup de vent” en France
depuis le XVIe siècle », Annales de géographie, 667, p. 318-331.
152
Sarrazin, J-L., Athimon, E., 2019a, art. cit.
153
HERPIN N., Extrait dʼun mémorial rédigé par le Sieur Nicolas Herpin, notaire et procureur à Saint-Martin, île
de Ré, commencé le 15 octobre 1581, Méd. M-Crépeau, La Rochelle, ms. 163, fol. 10.
154
Cabantous, A., 2004, « Fortunes de mer », in Corbin, A., Richard, H. (dir), La Mer : terreur et fascination,
BnF/Seuil, Paris, p. 81-92. Par exemple, dans une affaire juridique portant sur un litige entre le procureur du roi
de Navarre et la seigneurie de Riez à propos dʼun droit de bris, il est stipulé que le navire naufragé – capturé par
le capitaine Jean Robert DE LA LIMAILLE, membre de lʼarmée navale du roi de Navarre – sʼest échoué autant
pour cause de voies dʼeau faites lors de sa capture que pour cause de « la tempeste et fortune de la mer du 3
novembre 1588 ». AD 85, 1 Num 231/55, novembre 1588.
155
Par exemple, les mots « tempête » ou « ouragan » se trouvent écrits sous les formes suivantes dans les

49
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
amalgames et complique la tâche du spécialiste des tempêtes, a fortiori sʼil nʼest pas historien.
En conséquence, usant de lʼappareil critique à sa disposition156, le chercheur en histoire des
tempêtes ne manquera pas de rester méfiant et de réfléchir à une définition de la tempête aux
e e
XIV -XVIII siècles.

1.1.3. La « tempeste » : savoirs, perceptions et réalités des XIVe-XVIIIe siècles

Préciser la signification des termes usités sous lʼAncien Régime pour parler des grands
vents est certes primordial, mais elle ne suffit pas à lʼétablissement dʼune définition faisant
sens à lʼépoque. Il faut, pour cela, que le spécialiste se reporte aux savoirs sur ces événements,
e e
à leur appréhension, compréhension, ainsi qu'aux réalités de la tempête aux XIV -XVIII

siècles. Comment est-ce que les sociétés qualifiées de « traditionnelles » déterminaient la


tempête ?

En premier lieu, de toutes les remarques pouvant être établies, la première relève de
lʼévidence : la tempête ne se définissait ni par des relevés météorologiques systématiques et
précis statuant sur la vitesse du vent, sa direction ou la pression atmosphérique157, ni par sa
zone et ses caractéristiques de formation158. Dʼailleurs, étonnamment, si les premières théories
sur les cyclones tropicaux se rapprochant de lʼexactitude scientifique furent avancées dès le
e
XVIII siècle par Benjamin FRANKLIN159, les entreprises dʼexplications des cyclones
extratropicaux proches de la réalité ne virent le jour quʼau XIXe siècle160. Ainsi, sur la majeure
partie de la période, les réflexions aristotéliciennes161 eurent la vie dure. En 1548, prenant
pour référence le philosophe grec, lʼastrologue Antoine MIZAULD estime que tous les
météores, parmi lesquels se trouvent les tempêtes, sont dus aux mouvements des astres, Soleil
et étoiles en particulier162. Plus de 200 ans après, en 1774, dans son Traité de Météorologie,
lʼabbé Louis COTTE cite les démonstrations de Jean le Rond dʼALEMBERT163 pour lequel les
vents, et du même coup les dépressions, naissent de lʼaction combinée du Soleil et de la

documents composant le corpus : tenpeste, tempeste, tanpeste, tempête, hourragan, oragent, oragan, ouragan…,
avec une prévalence pour lʼécriture tempeste / hourragan avant le milieu du XVIIIe siècle, puis tempête / ouragan.
156
Cf infra, Chapitre 2, 2.1.3 - La critique, base de la méthode historique.
157
Pour une présentation détaillée du corpus sur la découverte des instruments de mesure comme lʼanémomètre
ou le baromètre en Europe, la diffusion de leur usage et lʼamplification des relevés instrumentaux, le lecteur est
convié à consulter le Chapitre 2, 2.3.3 - Textes à caractère scientifique et mesures instrumentales.
158
Cf. supra, 1.1.1 - Quʼest-ce quʼune tempête ?
159
COTTE L., 1774, Traité de météorologie, impr. royale, Paris, p. 305.
160
Roux, F., 2012, op. cit., p. 151
161
Aristote, 2002 (2e éd.), Météorologiques, édition et traduction de Pierre Louis, 2 vol., Les Belles Lettres,
Paris.
162
MIZAULD A., 1548, Le Mirouer de lʼair, par bon ordre & breves sentences donnant a un chascun veue, &
avecques causes cognoissance tres facile presque de toutes choses faictes & engendrees en lʼair : comme sont
pluyes, gresles, tonnoirres, fouldres, esclairs, neiges, orages, ventz & autres. Le tout veu par lʼautheur & plus
que le latin augmenté & facilement interpreté, impr. Regnaud Chaudiere, Paris, p. 9.
163
DʼALEMBERT, J.l.R., 1747, Réflexions sur la cause générale des vents, impr. David lʼAîné, Paris.

50
Lune164. Ce nʼest quʼà compter du milieu des années 1780 que lʼhypothèse est abandonnée, au
profit de celle proposée par le lauréat du concours de lʼAcadémie Royale des Sciences, Arts et
Belles-Lettres. Désormais, cʼest dans « les nuages & les vapeurs fermentantes dont ils sont
formés, que réside la cause immédiate de ces météores [tempêtes, sic] »165. Lʼidée, encore
balbutiante, de lʼimportance des flux thermiques166 nʼapparut quʼau siècle suivant sous
lʼimpulsion des Américains James EPSY et William FERREL, ainsi que de lʼAllemand Heinrich
DOVE167. Pourtant, dès 1770, lʼabbé Jérôme RICHARD avançait des théories sur les causes
générales des tourbillons dʼair, ouragans, tempêtes. Passées inaperçues à lʼépoque puis
oubliées, ses réflexions se rapprochaient des postulats actuels. Elles les définissaient
effectivement comme « des effets dʼun air fortement comprimé, qui rompant tout dʼun coup
les barrieres qui les retiennent, & trouvant dans les matieres dont il est chargé, ou dans la
température de lʼatmosphere un principe extraordinaire de rarefaction, se répand avec une
impétuosité proportionnée à la violence de son mouvement »168, ajoutant même quelques
pages plus loin que lʼorigine de ces aléas est due à « deux vents opposes, & dʼune force à-peu-
près égale, [qui] peuvent se rencontrer dans un point de lʼatmosphère, où lʼun est obligé de
céder à lʼautre […] »169. Cette diff iculté à expliciter et comprendre le cycle de vie dʼun CET
par rapport à un CT pourrait apparaître paradoxale. En effet, les observations et descriptions
de ces aléas atmosphériques sont non seulement relativement nombreuses, mais aussi
consignées, pour ce qui est du cas de lʼouest de la France, depuis au moins le Moyen Âge. À
lʼinverse, sous les tropiques, la quête dʼinformations historiques est laborieuse et, du fait de la
colonisation, remonte essentiellement au XVIIe siècle170. Pourtant, comment en aurait-il pu être
autrement ? Après tout, la découverte par exemple des courants-jets – dont le second plus
puissant sʼétend sur lʼAtlantique Nord – ne date que des années 1940 171! Il sera toutefois
e
énoncé quʼavant la fin du XVIII siècle, les phénomènes de marée étaient largement étudiés,

164
COTTE L., 1774, ibid., p. 304.
165
LA COUDRAYE F-C. DE L-B., 1786, Théorie des vents. Piece couronnée, en 1785, par lʼAcadémie Royale des
Sciences, Arts & Belles-Lettres de Dijon, Cochon de Chambonneau A., Fontenay, p. 38-39.
166
Kutzbach, G., 1979, The thermal theory of cyclones : a history of meteorological thought in the nineteenth
century, American Meteorological Society, Massachusetts.
167
Roux, F., 2012, op. cit., p. 151.
168
RICHARD J. (Abbé), 1770, Histoire naturelle de lʼair et des météores. Sur les vents, tome VI, chez Saillant et
Nyon, Paris, p. 396.
169
Idem. p. 400.
170
Désarthe, J., 2014b, « Les sociétés antillaises face aux événements extrêmes. L'exemple des cyclones et des
submersions (XVIIIe-XXe siècle) », in Cocorisco, Aléas, Enjeux, Représentations, Gestion, Actes du colloque
international, 3-4 juillet 2014, p. 456-464, [PDF en ligne] ; Désarthe, J., 2014c, « Ouragans et submersions dans
les Antilles françaises (XVIIe-XXe siècle), Études caribéennes, 29, Hors dossier, [En ligne] ; Garnier, E., Désarthe,
J., 2013, « Cyclones and Societies in the Mascarene Islands, 17th-20th centuries », American Journal of Climate
Change, 2-1, p. 1-13 ; Prieto, M.R., García-Herrera, R., 2009, « Documentary sources from South America :
potential for climate reconstruction », Palaeogeography Palaeoclimatology Palaeoecology, 281, p. 196-209, p.
196.
171
Roux, F., 2012, op. cit., p. 152-153.

51
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
compris, maîtrisés172.
De plus, les vimers sont un risque majeur pour les provinces et les sociétés occidentales
françaises depuis, a minima, lʼHolocène173. Si leur fréquence, leur magnitude* et leur
intensité* varient selon des modalités encore mal connues174, les CET restent une
manifestation courante à laquelle les sociétés anciennes étaient habituées175. Ainsi, les
méthodes, les instruments dʼétude et dʼanalyse, lʼintellectualisation, la définition de lʼobjet
« tempête » ne sont pas les seules dimensions à avoir évolué. Les manières de vivre,
dʼappréhender, dʼaccepter la tempête, mais aussi de gérer les territoires ont profondément été
modifiées176. Pour autant, depuis le tableau Paysage dans la tempête de Marco RICCI vers
1725, les représentations, les perceptions populaires de cet événement ont-elles changé ?
Lʼimaginaire, lʼobservation, lʼexpérience personnels et collectifs des grands vents auraient-ils
progressé vers dʼautres réalités, plus scientifiques, plus quantifiables peut-être ? De la
documentation descriptive textuelle à lʼillustration, les ressentis, images et conceptions de cet
aléa se seraient-ils singularisés avec le temps ? Ou sont-ils sensiblement restés les mêmes ? Le
ciel obscurci, les vêtements qui se soulèvent, les arbres malmenés, les toitures des maisons et
monuments qui sʼagitent, les êtres vivants parfois estomaqués... Nʼest-ce pas cela une
tempête ? La plume dʼun profane, dʼun non initié aujourdʼhui la dépeindrait-elle différemment
que celle dʼun Jean LOUVET177 ou dʼun Nicolas HERPIN178 les 22-23 mai 1596 ? À lire
quelques récents articles de presse, les discours délaissent globalement volontiers les
caractéristiques météorologiques au profit dʼune présentation succincte des endommagements
et des émotions179...

172
Cf. infra, Chapitre 1, 1.2.3 - Un espace macrotidal : phase de la Lune, coefficient de marée et surcote et
Chapitre 2, 2.3.3 - Textes à caractère scientifique et mesures instrumentales.
173
Pouzet, P., 2018, op. cit. ; Van Vliet-Lanoë, B., Penaud, A., Hénaff, A., Delacourt, C., Fernane, A., Goslin, J.,
Hallégouët, B., Le Cornec, E., 2014, « Middle-to late-Holocene storminess in Brittany (NW France) : Part II –
The chronology of events and climate forcing », The Holocene, 24-4, p. 434-453.
174
Influences dʼun front froid, de lʼONA, des oscillations thermiques... ?, Cf. infra, Chapitre 3, 3.1.1 Les
phénomènes atmosphériques, lʼincontournable conception globale
175
Cf. infra, Chapitre 6 - Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
176
Péret, J., Sauzeau, T., 2014, Xynthia ou la mémoire réveillée, villages charentais et vendéens face à la mer
(XVIIe-XXIe siècle), Geste, La Crèche ; Mercier, D., Acerra, M. (dir.), 2011, Xynthia, une tragédie prévisible,
Hors-série Place Publique, Nantes–Saint-Nazaire ; Garnier, E., 2010a, op. cit. .
177
« La nuict dʼentre le mercredy vingt-deuxième dudict mois de may [1596, sic] et le jeudy ensuivant, feste de
lʼAssention, il a faict du vent sy grand qui a faict grand dommaige aulx fruitz de la terre, lequel a abattu grand
nombre dʼarbres, avec une pluye continue qui a causé une cherté sur le blé de trois solz par boisseau, et ne
valloit que treize livres le septier. », LOUVET J., Journal ou récit véritable de tout ce qui est advenu digne de
mémoire tant en la ville dʼAngers, pays dʼAnjou et autres lieux (depuis lʼan 1560 jusquʼà lʼan 1634), Med.
Touss., Angers, ms. 982.
178
« La nuit du 22 mai venant au lendemain 1596 il a fait un fort mauvais et impétueux temps par une forte
tempête et abondance de pluyes qui a occasionné de grands dommages. », HERPIN N., Extrait dʼun mémorial
rédigé par le Sieur Nicolas Herpin, notaire et procureur à Saint-Martin, île de Ré, commencé le 15 octobre
1581, Med. M. Crépeau, La Rochelle, ms. 163, fol. 16 r°.
179
Notamment : AM Nantes, 26PRESSE, Ouest-France, 9-10 décembre 2006, n°352, p. 4, 6 et 11, articles sur la
tempête Véra du 8 décembre 2006 : « “Jʼétais coincé, suspendu dans le vide au-dessus de la Loire, avant de
réussir à sortir par le haut de la cabine.” Le chauffeur de ce poids lourd, renversé sur la rambarde du pont de
Cheviré, hier matin, a eu la peur de sa vie. La tempête qui a soufflé de la façade atlantique au nord-est, a

52
Illustr ation 1 R ICCI Mar co, Paysage dans la tempête, ver s 1725, National Galler y of ar ts, Washington.
Source : Programme de recherche UtPictura18, Université de Montpellier 3, http://utpictura18.univ-montp3.fr

Ceci étant stipulé, la question de ce quʼest une tempête pour les populations médiévales
et modernes de lʼOuest français nʼest pas résolue. Étant entendu que les documents
historiques sont produits par une élite et non les masses populaires, le sera-t-elle dʼailleurs
e e
seulement un jour ? Pour l'heure, en matière de définition du CET aux XIV -XVIII siècles,
selon le type de source, deux caractères prévalants à sa mise en mémoire paraissent émerger :
la perception de l'auteur d'une part, l'intensité* en terme de dégâts sur les infrastructures, les
activités économiques, la ressource arboricole et, plus largement, forestière, etc.180, de l'autre.
Quoique tendant à se renforcer tout au long de la période, la part des pertes humaines sʼavère
assez peu prégnante. Lʼenregistrement dʼune manifestation météo-marine dans les documents
historiques est effectivement principalement assujetti aux impacts générés. Sans affection des
enjeux, perte de revenus, désorganisation du prélèvement seigneurial, dépenses imprévues de
remise en état, récoltes compromises, nulle mention de lʼaléa181. Pourtant, il arrive que les
dommages ne suffisent pas à motiver lʼévocation et que « lʼimpression », « lʼémotion » lui

sévèrement secoué le pays, bloquant des routes et des ponts, privant 400 000 foyers dʼélectricité et provoquant
la mort dʼun homme à Paris » ; A.M Nantes, 24PRESSE, Presse-Océan, 6 janvier 2000, n°271, p. 4, article sur
les tempêtes Lothar et Martin de la fin décembre 1999 : Claude FIGUREAU, directeur du jardin des Plantes de
Nantes depuis 1983, déclare quʼil « nʼa jamais vu ça de toute sa carrière. Même le mini ouragan de 1987 nʼavait
pas fait autant de dégâts ! »...
180
Cf. infra, Chapitre 5, 5.1 - Typologie, définition et description des dommages.
181
Sarrazin, J-L., Athimon, E. (collab.), 2019b, « Les plus anciens vimers à submersion documentés survenus en
baie de Bourgneuf (XIVe-XVIe siècle.) : où en est la recherche historique ? », ouvrage sur les risques publié par la
ComCom des Pays de Monts, [à paraître].

53
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
cède le pas182. Après avoir exposé la diff iculté de distinguer les raisons primantà lʼusage de
tel ou tel terme183, celles liées à la sensibilité du rédacteur ressortent tout aussi opaques.
Comparant quatre auteurs rochelais, tous témoins oculaires fiables de 1580-1600, comment
expliquer que rares soient finalement les corrélations sur les phénomènes atmosphériques
extrêmes ?

DATE BARBOT Amos C OLIN Henr y H ERPIN Nicolas M ERLIN J acques

10 juin 1584 - - x -

11 décembre 1589 - - x -

24 février 1591 - - x -

4 octobre 1591 - - x -

Fin décembre - - x -
1593
1595 - - - x

22 mai 1596 - - x -

7 février 1598 - - - x

9 juillet 1598 - - x x

31 décembre - - x x
1598-
3 janvier 1599
7-8 septembre - - x -
1599
5-6 novembre - - x -
1599
9 mars 1600 - - - x

Figur e 2: Tableau examinant les cor r élations entr e quatr e auteur s r ochelais sur la per iode 1580-1600 en
vue d'inter r oger la définition de la tempête ancienne.

182
Cf. infra, Chapitre 2, 2.1.1 - Chroniques, annales, écrits du for privé.
183
Cf. supra, 1.1.2 - Petit précis lexical de la tempête au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne.

54
Faut-il déduire de cette figure quʼHenry COLIN nʼest pas si sûr ? Pourtant, à lʼéchelle
1600-1642, ainsi quʼà celle dʼautres événements, il apparaît crédible184. Se peut-il que, pour
quelques causes que ce soit, il nʼait pu sʼoccuper de régulièrement consigner les aléas ou bien
que ceux-ci ne lʼaient pas intéressé ? La copie réalisée par JAILLOT comporterait-elle des
lacunes ?... Quant à Amos BARBOT, il se dégage une étrangeté : comment se fait-il quʼil ait
fait état de trois vimers – avérés par dʼautres sources du reste – quʼil nʼa pas vécus (1509,
1518 et 1537185), sans jamais décrire ceux dont il fut logiquement le témoin ? Se peut-il que
ses fonctions administratives et politiques, de même que la part active quʼil prit dans les luttes
intestines entre catholiques et protestants à ce moment-là186 lʼaient détourné de ces
« actualités » de la vie rochelaise ?... Telles sont quelques-unes des questions en suspens. Quoi
quʼil en soit, au moins deux notions affleurent nettement ici : 1) la nécessité dʼune appréciable
connaissance et dʼune critique fine des sources, de leur producteur ainsi que du contexte
historique187, 2) la pertinence de sortir du cadre spatial localisé en termes de reconstruction
historique des anomalies éoliennes188. Dernière remarque, mais pas des moindres : le type de
source devrait par ailleurs être pris en considération. À la différence des sources narratives,
les documents de la pratique, de gestion ou dʼadministration, uniquement centrés sur les
désastres, sont peu enclins à lʼaffect.

Sans avoir la prétention dʼisoler une variable incontestable, le présent propos a tenté de
réfléchir à ce que pouvait être une tempête, son éventuelle définition, pour les sociétés du
Moyen Âge et de lʼÉpoque Moderne. Ses conséquences, ses dommages, de même que le
vécu, lʼexpérience personnelle, la perception quʼa lʼauteur de lʼaléa semblent ainsi définir et
faire la tempête.

1.2. Le littor al atlantique fr ançais, cadr e pr opice à l'étude des vimer s passés

Dʼun côté, lʼocéan Atlantique, de lʼautre, les terres émergées du continent européen.
Localisé à la croisée de deux mondes, espace tampon, le littoral atlantique français appartient,
comme tous les littoraux, à un domaine périphérique. Délaissant les considérations liées à
lʼexploitation énergétique, touristique, halieutique, etc. de ce territoire, cʼest sur ses modelés
et les flux, à la fois marins et aériens quʼil reçoit, que se portera la réflexion. Dʼailleurs, le but

184
Par exemple dans le cas dʼun orage survenu en 1596, aussi mentionné par Jacques MERLIN. Med. M. Crépeau,
ms. 153, Mi 108, fol. 19 ; Med. M. Crépeau, ms. 161, Mi 114, fol. 358.
185
BARBOT, A., 1886-1889-1890, « Histoire de La Rochelle », publiée par Denys dʼAussy M, A.H.S.A, t. XIV,
XVII et XVIII, Paris-Saintes, respectivement t. XIV, p. 472, p. 484 et t. XVII, p. 9-10.
186
Denys dʼAussy, M., 1886, « Préface », in BARBOT, A., ibid., p. 1-15.
187
Wallerick, G. (coord.), Le Bras, C., Rabot, B., Wilgaux, J., 2018, Le commentaire de documents en histoire.
Licence, concours, capes, Ellipses, Paris, p. 19-37 ; Cf. infra, Chapitre 2, 2.1.3 - La critique, base de la méthode
historique.
188
Cf. infra, Chapitre 4 - Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes.

55
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
ne sera pas uniquement dʼinterroger le littoral, mais bien de présenter le cadre spatial de la
thèse, y compris sa partie plus « terrienne », afin dʼexpliciter en quoi celui-ci se prête à une
reconstruction des CET passés.

Englobant un vaste espace côtier sʼétendant de la Bretagne à la Guyenne, lʼensemble


géographique étudié intègre des régions éloignées de plus de 150 km de la mer comme le
Maine ou lʼAnjou. Ce choix dʼentrer dans les terres se justifie par trois raisons principales.
1) L'intérêt de statuer sur le déplacement, les trajectoires privilégiées prises par les
tempêtes.
2) La nécessité dʼapprécier lʼemprise spatiale de certains phénomènes bien documentés.
3) Lʼimportance de tenter de distinguer – autant que faire se peut – les aléas dont les
effets se sont surtout manifestés sur une frange littorale, de ceux – plus puissants – sources
dʼendommagements majeurs dans les terres189.
En outre, constitué de rochers, sables, marais maritimes, falaises de calcaire, et soumis à
un climat tempéré de type océanique à océanique altéré, le cadre sʼavère varié, mais cohérent.
Il pourra néanmoins lui être reproché sa moindre pertinence géologique, géomorphologique et
météorologique190. Par certains aspects, les limites Cherbourg-Royan auraient été plus
justifiées que celles Saint-Malo–Arcachon. Non seulement les côtes du Cotentin sont
exposées aux mêmes risques météo-marins que le golfe Normand-Breton – et plus largement
que la Bretagne –, mais elles appartiennent aussi physiquement au Massif armoricain et
comptent des corrélations nombreuses au niveau environnemental avec ses voisines
bretonnes. À lʼinverse, le littoral gascon est composé de hautes dunes sableuses et semble en
situation de rupture quant aux directions prises par les vents forts. Ce sont donc surtout des
dispositions historiques et « dʼactualité scientifique » qui ont décidé de lʼintégration des côtes
de la Gironde, au détriment de celles normandes. Tout dʼabord, lʼinclusion de lʼactuel
département de la Manche, mais pas de ceux du Calvados, de lʼOrne, lʼEure ou la Seine-
Maritime, aurait été contestable dʼun point de vue historique en ce sens que les limites du
Duché de Normandie sʼétendaient jusquʼà Alençon, Évreux, Rouen, Foucarmont. Ensuite,
Emmanuel GARNIER et Suzanne MAERTENS-NOËL ont déjà eu lʼoccasion dʼétudier les
tempêtes et submersions marines sur ce territoire191. Au demeurant, si des thèses en

189
Tonnerre, M-A., 2001, op. cit., p. 82-103.
190
Quʼil me soit de nouveau permis de chaleureusement remercier Dominique SELLIER pour ses précieuses
remarques à ce sujet lors dʼune de nos entrevues.
191
Maertens-Noël, S., 2016, La mer, cet ennemi de plusieurs siècles. Identifier et comprendre les trajectoires de
vulnérabilité des sociétés littorales bas-normandes (1600-1940), Université de Caen, thèse de doctorat
dʼhistoire, sous la direction de Garnier, E. et Milliot, V., Caen ; Garnier, E., 2005, « Les grands vents dans le
Grand Ouest, XVIe-XVIIIe siècles », in Corvol, A. (dir), ibid., p. 55-70. - Il sera relevé que, quoique lʼexpression
« Grand Ouest » apparaisse dans le titre de son article, celui-ci porte exclusivement sur la Bretagne et, surtout, la
Normandie.

56
mentionnent192, nul historien ne sʼest encore véritablement penché sur lʼanalyse exclusive de
ces manifestations en région bordelaise. Enfin, il sʼavérait stimulant de perpétuellement
questionner la place de cette province dans la thèse, particulièrement lors dʼaléas recensés
autant au Mans, quʼà Noirmoutier, Poitiers, La Rochelle ou Bordeaux193. Dès lors, quelles
implications et quʼen déduire sur lʼévénement ?

Figur e 3: car te de localisation du cadr e spatial de la thèse.

Une dernière remarque non superflue : la thèse sʼinscrivant dans le passé, lʼemploi des
noms historiques des régions sera désormais privilégié. « Bretagne », « Maine », « Anjou »,

192
Caillosse, P., 2015, La paroisse de Soulac de la fin du XVIe au milieu du XIXe siècle. Les transformations dʼun
territoire littoral entre la Gironde et lʼAtlantique, Université de La Rochelle, thèse de doctorat dʼhistoire, sous la
direction de Bochaca, M. et Tranchant, M., La Rochelle, p. 40-41, 164-166, 195-205, 364-365 ; Bernard, J.,
1968, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), Université de Paris, thèse de doctorat, 3 vol.,
Sevpen, Paris, p. 176-179, 400-406, 727-733.
193
Cf. Chapitre 8, 8.2.3 - Les 28-29 janvier 1645 : du littoral à lʼintérieur des terres, lʼapocalypse et 8.3.3 - La
tempête des 17-18 janvier 1784, lʼempreinte des « météophiles ».

57
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
« Poitou », « Aunis », « Angoumois », « Saintonge » et « Guyenne » peupleront les réf lexions.
Sans entrer ici dans des détails complexes liés à la circonscription – encore mouvante au
Moyen Âge, en particulier durant la guerre de Cent Ans – de ces duchés, comtés ou
provinces, il sera énoncé que des précisions pourront être apportées ponctuellement au cours
du développement lorsque cela sʼavérera nécessaire. Pour lʼheure, le lecteur sera simplement
invité à prendre connaissance, par le biais de la carte ci-dessous, des limites de chacun dʼentre
eux ainsi que de leur date de rattachement au royaume de France. Les limites considérées sont
celles des territoires à la fin du XVe-début du XVIe siècle, après les guerres de Cent Ans (1337-
1453), entre les couronnes anglaise et française, et de Bretagne (1487-1491), opposant le
duché de Bretagne au royaume de France. Le lecteur sera de même averti que pour des
questions autant de temps que de cohérence climatique et géographique présentées ci-dessous,
la totalité de la Guyenne ne fut pas étudiée. Seules les sénéchaussées de Bordeaux, Libourne
et Bazas le furent, soit à peu près lʼéquivalent de lʼactuel département de la Gironde.

Figur e 4: Car te des pr ovinces histor iques de l'ouest du r oyaume de Fr ance compr ises dans l'étude.

58
1.2.1. L'existence d'une fracture climatique au sein d'une grande entité océanique ?

Établi à partir de valeurs moyennes des températures, de lʼensoleillement, du vent...


relevées sur 30 ans et de phénomènes comme les orages, le brouillard, etc., le climat consiste
en une analyse synthétique des tendances météorologiques « lourdes »194 propres à une région
donnée. Inestimable pour les périodes anciennes, lʼhistorien nʼa dʼautre choix que de
considérer que la répartition des climats aux échelles mondiales et régionales est demeurée la
même au cours du dernier millénaire. Le temps de lʼhumanité étant au reste bien différent de
celui de la Terre et ses dynamiques, cette hypothèse sʼaffiche extrêmement plausible.

Appartenant en grande partie au domaine tempéré, le continent européen connaît des


climats modérés caractérisés par lʼalternance de quatre saisons, une pluviométrie annuelle
équilibrée, des températures relativement douces. De telles propriétés sʼexpliquent
essentiellement par la latitude moyenne ainsi que la circulation zonale dʼOuest195. Cependant,
plus que ce macroclimat, lʼintérêt va se tourner vers les mésoclimats et, ponctuellement, les
topoclimats. Ceux-ci touchent des zones plus restreintes que le premier et sont dépendants de
caractéristiques géographiques et géologiques, telles que la proximité de lʼocéan, la présence
de reliefs plus ou moins marqués, de bassins fluviaux, la nature du sol, etc196.
Traditionnellement, en France, cinq grands types de climats (océanique, océanique
altéré, semi-continental, de montagne et méditerranéen) et trois aires principales de répartition
(océanique, méditerranéenne, montagnarde) sont distingués197. De récentes recherches mettant
en œuvre une méthode originale dʼinterpolation ont cependant identifié huit climats à
lʼéchelle du territoire métropolitain ainsi quʼune partition de lʼespace géographique en quatre
(océanique, méditerranéen, montagnard, semi-continental)198. La typologie établie par Daniel
JOLY et al. se répartit comme suit :
Type 1 : les climats de montagne
Type 2 : le climat semi-continental et le climat des marges montagnardes
Type 3 : le climat océanique dégradé des plaines du Centre et du Nord
Type 4 : le climat océanique altéré

194
Dubreuil, V., Planchon, O., Lamy, C., Bonnardot, V., Quénol, H., 2013, « Le changement climatique dans la
France de lʼOuest : observations et tendances », in Merot, P., Dubreuil, V., Delahaye, D., Desnos, P. (dir),
Changements climatiques dans lʼOuest. Évaluation, impacts, perceptions, PUR, Rennes, p. 19-30, p. 19.
195
Godard, A., Tabeaud, M., 2009 (4e éd.), Les climats. Mécanismes, variabilités, répartition, Armand Colin,
Paris, p. 173-178.
196
Chémery, L., 2009, op. cit.
197
Bessemoulin, J., 1989 (2e éd.), Atlas climatique de la France, Direction de la météorologie nationale, Paris.
198
Joly, D., Brossard, T., Cardot, H., Cavailhes, J., Hilal, M., Wavresky, P., 2010, « Les types de climats en
France, une construction spatiale », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Cartographie,
Imagerie, SIG, document 501.

59
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
Type 5 : le climat océanique franc
Type 6 : le climat méditerranéen altéré
Type 7 : le climat du Bassin du Sud-Ouest
Type 8 : le climat méditerranéen franc

Selon leurs conclusions, dʼun point de vue factoriel comme géographique, le cadre
spatial de la thèse est principalement soumis à un climat océanique (franc et altéré). Des
influences provenant du Bassin du Sud-Ouest peuvent cependant ponctuellement se
manifester, tandis qu'au niveau de lʼarrière-pays guérandais, lʼîle de Noirmoutier et les pays
de Monts, lʼAnse de lʼAiguillon, Soulac..., des caractéristiques intrinsèques semblables à
celles dʼun climat de type méditerranéen altéré existent. Admettant le poids majeur des
influences atlantiques, ces particularités climatiques et météorologiques, liées à des situations
locales, seront peu considérées199.

Figur e 5: Typologie climatique du ter r itoir e métr opolitain fr ancais en huit classes et schéma synthétique de
l'espace des climats
Source : Joly, D., Brossard, T., Cardot, H., Cavailhes, J., Hilal, M., Wavresky, P., 2010, « Les
types de climats en France, une construction spatiale », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne],
Cartographie, Imagerie, SIG, document 501, figures 2 et 4.

199
À ce sujet, voir Dubreuil, V., Planchon, O., Lamy, C., Bonnardot, V., Quénol, H., 2013, op. cit., p. 20-21 ;
Cantat, O., Savouret, E., Bensaid, A., 2013, « Les “types de temps” et leur évolution dans le Grand Ouest de la
France », in Merot, P., Dubreuil, V., Delahaye, D., Desnos, P. (dir), Changements climatiques dans lʼOuest.
Évaluation, impacts, perceptions, PUR, Rennes, p. 43-56.

60
Occupant presque la totalité de la Bretagne, la Loire-Atlantique, la Vendée et la
Charente-Maritime, le climat océanique franc ne sʼétend plus que sur un liseré restreint dans
lʼestuaire de la Gironde, ainsi quʼentre la pointe du Médoc et le pays de Buch. Généralement
défini par dʼabondantes chutes de pluie liées aux perturbations provenant de lʼAtlantique, une
faible amplitude thermique donnant des hivers doux et des étés frais, une variabilité
interannuelle réduite – excepté pour ce qui touche aux précipitations hivernales – ainsi quʼun
régime de vents soutenus200, le climat océanique est loin dʼêtre uni. Ainsi, la basse vallée de la
Loire, les pays littoraux poitevins et aunisiens connaissent une pluviométrie plus faible quʼen
Bretagne, tandis que la Guyenne est marquée par des températures plus élevées201.
Lʼempreinte ponctuelle dʼun climat méditerranéen altéré à la température moyenne annuelle
plus élevée, aux étés plus secs, aux précipitations annuelles moyennes202 finit par ailleurs dʼen
confirmer lʼhétérogénéité. En outre, tandis quʼau fur et à mesure de son éloignement de la
façade maritime, il évolue progressivement en climat océanique altéré, ces zones sont
fréquemment balayées par des vents violents issus de dépressions formées en mer203.
Véritable zone de transition entre le climat océanique franc et celui dit « dégradé »,
lʼocéanique altéré correspond à une large bande de plus de 150 km par endroit. Celle-ci
englobe pratiquement le reste du cadre spatial étudié. Du fait de la distance à la mer, la
température moyenne annuelle apparaît plutôt élevée (12,5°C), le nombre de jours chauds
augmente, les précipitations sont globalement moindres204. De nouveau, cet ensemble
comprend une grande diversité : en Anjou par exemple, au niveau de la rivière du Maine
notamment, les pluies atlantiques sont considérables. Ceci sʼexplique par la présence de petits
reliefs à lʼorigine de lʼaccumulation de nuages bas venus de lʼocéan205. Quant à la Guyenne, il
semblerait quʼelle soit le théâtre dʼinterrelations, passant au travers dʼune zone
climatiquement et géographiquement composite appelée « climat du Bassin du Sud-Ouest »,
entre climats océanique franc/altéré et méditerranéen franc206. Cela se traduit, dans des villes
comme Bordeaux, Libourne, Bazas, par une amplitude thermique annuelle élevée, des
perturbations orageuses venues du golfe de Gascogne récurrentes lʼété, des précipitations
océaniques moyennes à faibles lʼhiver. De plus, si tout ce cadre est sujet aux cyclones
extratropicaux, la vulnérabilité se révèle très variable, avec une région du Maine semble-t-il
plus affectée – du moins en lʼétat actuel des connaissances – que l'Angoumois207.

200
Sellier, D., 2015, « Les façades océaniques, éléments de caractérisation en géographie physique », Norois,
235-2, p. 89-152, p. 95-96, p. 98-104.
201
Darchen J., 1974, Éléments climatologiques concernant les côtes de la France métropolitaine, vol. 2 :
lʼAtlantique, Direction de la météorologie nationale, Trappes.
202
Joly, D., et al, 2010, art. cit., paragraphe 40.
203
Cf. supra, Chapitre 1., 1.1.1 - Quʼest-ce quʼune tempête ?
204
Joly, D., et al., 2010, ibid., paragraphe 38.
205
Dion, R., 1961, Histoire des levées de la Loire, R. Dion, Paris, p. 65.
206
Joly, D., et al., 2010, ibid., paragraphe 41.
207
Cf. infra, Chapitre 4, 4.3.1 - Visualiser à lʼéchelle de la façade atlantique français.

61
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.

Sʼil est vrai que la belle entité climatique « océanique », à laquelle sont soumises les
provinces de lʼouest de la France, ne présente pas un portrait tout à fait unifié, lʼinfluence de
lʼAtlantique y reste prédominante et pénètre profondément dans les terres208, provoquant ce
que lʼon nomme un « effet de façade ». Relevant majoritairement des manifestations
éoliennes, les risques liés à ce climat sʼexpriment régulièrement jusquʼen Maine, Anjou,
arrière-pays poitevin, Angoumois, etc., où des traces peuvent être exhumées des documents
historiques. Il sera néanmoins énoncé que par rapport à lʼensemble cohérent formé par le
cadre spatial étudié, la Guyenne semble en léger décalage. Toutefois, cela ne suffit pas à
véritablement remettre en question la pertinence de sa présence dans la réflexion. En effet,
non seulement des corrélations très intéressantes se font jour avec des dépressions recensées
en Poitou, Aunis, Saintonge, mais cela expose aussi lʼactivité de trois couloirs de tempête sur
les côtes atlantiques françaises et questionne lʼéventuelle migration des couloirs lors de
refroidissements et de réchauffements climatiques209.
En raison de son climat et de sa position, il sʼagit dʼun espace géographique
particulièrement sujet à lʼaléa tempête, avec ou sans submersion. En termes dʼinondation
marine, les configurations morphologiques et bathymétriques des littoraux sont décisives. Les
connaître et en tenir compte reste élémentaire.

1.2.2. Un territoire entre côtes rocheuses et sableuses

Constituant lʼun des éléments primaires du cadre de vie des habitants dʼun lieu, le relief
joue un rôle majeur dans lʼidentité dʼun territoire. Mis en perspective avec lʼobjet dʼétude de
la présente thèse, la rugosité des substrats, les modelés des paysages influent sur les
mouvements des vents210. Conséquemment, une présentation détaillée des plateaux, fonds de
vallées, bassins fluviaux, zones humides et marais de la totalité du cadre spatial devrait,
idéalement, être réalisée. Toutefois, une telle entreprise dépasserait de beaucoup lʼobjectif du
développement et les compétences de lʼauteur211. Seul le littoral sera donc traité ici, dʼautant
que de ses caractéristiques géomorphologiques peuvent découler une plus ou moins grande

208
Planchon, O., 2000, Les climats maritimes dans le monde, PUS, Villeneuve-dʼAsq.
209
Cf. infra, Chapitre 3, 3.1.1 - Les phénomènes atmosphériques, lʼincontournable conception globale.
210
Tabeaud, M., 2005a, art. cit., p. 36.
211
Le lecteur intéressé pourra consulter avec profit les ouvrages suivants (sans exhaustivité) : Fort, M., André,
M-F., 2014, Landscapes and Landforms of France, Springer, New-York ; Mercier, D. (dir.), 2013,
Géomorphologie de la France, Dunod, Paris ; Sellier, D., 2013, « Le relief de la Loire-Atlantique. Patrimoine
géomorphologique et géomorphosites », in Morice, J-R., Saupin, G., Vivier, N., Les nouveaux patrimoines des
Pays-de-la-Loire, PUR, Rennes, p. 236-255 ; Sellier, D., 2010, « Lʼanalyse intégrée du relief et la sélection
déductive des géomorphosites : application au relief de la Charente-Maritime », Géomorphologie : reliefs,
processus, environnement, 2, p. 199-214...

62
vulnérabilité environnementale et/ou humaine212. Ponctuellement, des informations
complémentaires pourront être apportées au cours du manuscrit.

Situé entre Saint-Malo et le bassin dʼArcachon, lʼespace étudié est constitué de deux
entités géologiques majeures : le Massif armoricain et la plate-forme aquitaine. Le premier a
été façonné par les orogenèses cadomienne (dʼenviron -750 à -540 millions dʼannées) et
hercynienne / varisque (vers -419 à -252 Ma). Son soulèvement lors de lʼouverture du golfe
de Gascogne au Crétacé entraîna la formation dʼun système de blocs crustaux basculés.
Prenant appui sur ce socle hercynien, la plate-forme aquitaine est localisée entre le seuil du
Poitou et la flexure Celtaquitaine. Avec le bassin landais, elle compose le territoire
géologique dit du « Bassin aquitain ». À la différence du Massif armoricain où la couverture
sédimentaire est peu dense, celle du Bassin aquitain sʼavère très épaisse213. Trois grandes
régions constituent les côtes du Massif armoricain : la péninsule armoricaine bretonne, le Bas-
Poitou cristallin et la Normandie armoricaine, qui ne sera pas intégrée au propos pour les
raisons exposées précédemment. Les modelés littoraux y alternent essentiellement entre côtes
rocheuses faites notamment de granite, de schiste ou de grès, grands cordons sableux et zones
humides, marais. Quant à la plate-forme aquitaine, elle comprend deux entités. La première
sʼétend de La Rochelle à la rive nord de la Gironde et se caractérise par des formes dʼablation
(plateaux calcaires) et dʼaccumulation (marais maritimes et longues plages sableuses)214. La
seconde débute au sud du fleuve de la Gironde. Elle est formée dʼun bas plateau incliné à
lʼouest et dʼun système dunaire élevé215.
Régions littorales basses à faible pente vers lʼocéan, les marais maritimes des côtes
atlantiques françaises, comme le marais breton, le marais poitevin ou les marais charentais de
la Seudre et de Brouage, présentent majoritairement un caractère argileux216. Distribués entre
espaces mouillés et asséchés, ils sont situés sous le niveau des plus hautes mers, ce qui les
rend vulnérables aux submersions217. Similairement, les côtes meubles faites de sables,
graviers ou galets sont fortement soumises aux risques dʼincursion marine et dʼérosion218. Il

212
Il sera ici rappelé que la faible altitude caractéristique des reliefs de la façade océanique française facilite la
pénétration des influences océaniques ainsi que des tempêtes.
213
Mercier, D. (dir.), 2013, op. cit., p. 4-15.
214
Papy, L., 1941, La côte atlantique de la Loire à la Gironde. Les aspects naturels. Introduction à une étude de
Géographie humaine, tome I, Delmas, Bordeaux, p. 96-114.
215
Enjalbert, H., 1960, Le modelé et les sols des pays aquitains, Brière, Bordeaux, p. 180-206, 275-288.
216
Baron-Yellès, N., Goeldner-Gianella, L., 2001, Les marais maritimes dʼEurope atlantique, PUF, Paris, p. 18-
26 ; Verger, F., 1983 (2e éd.), Marais et wadden du littoral français, thèse de doctorat, Paradigme, Paris, p. 348-
351, 358-363, 394-396, 436-441.
217
Verger, F., 2009, Zones humides du littoral français, Belin, Paris, p. 401-411 ; Pinot, J-P, 1998b, La gestion
du littoral, tome II - Littoraux tempérés : littoraux vaseux et embouchures, Institut Océanographique, Paris, p.
499-500 ; Papy, L., 1941, ibid., p. 174-195.
218
Caillé, S., 2003, Les côtes sableuses du XIXe siècle à nos jours, Siloë, Nantes, p. 16-25 ; Pinot, J-P, 1998a, La
gestion du littoral, tome I - Littoraux tempérés : côtes rocheuses et sableuses, Institut Océanographique, Paris, p.
388-389.

63
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
existe trois grands types de paysage sédimentaire mobile219 : 1) les plages dites « adossées »
reposent sur un relief robuste qui limite leur éventuel recul. Cʼest le cas par exemple de la
plage de Maez-an-Aod près de Lannion, de celles de La Baule, des Sables-dʼOlonne ou
encore de Royan. 2) les plages « accrochées » en leurs deux extrémités à des reliefs de terre
ferme, telles que celles de Goastrez à Trébeurden, Saint-Hilaire-de-Riez, lʼensemble des
cordons localisés entre la pointe de la Jument et celle de Trévignon... 3) les flèches à pointe
libre reliées en une seule extrémité et dont lʼautre varie librement220. À lʼéchelle de la façade
atlantique française dʼAncien Régime, les plus connues sont probablement les flèches de Beg-
Meil, Lencly et Pen-Bron, Arçay et le Cap Ferret. Lʼévolution des flèches peut être très
rapide. Elles finissent dʼailleurs souvent par devenir des cordons accrochés, comme cʼest le
cas aujourdʼhui de Pen-Bron ou de Beg-Meil. Enfin, à lʼinverse des deux premiers systèmes,
les littoraux rocheux, sont moins sensibles au risque de submersion lors dʼaléas
météorologiques extrêmes, mais subissent largement lʼérosion221. Deux catégories principales
se déclinent : les côtes à dénudation et à falaise222. La première se déf init par une agression de
la roche par la mer qui la dépouille de sa couverture sédimentaire meuble. Se retrouvant dès
lors mise à nu, la roche dure, comme le granite par exemple, ne souffre désormais plus
véritablement dʼérosion. La seconde se caractérise par lʼattaque dʼune roche tendre telle que
le calcaire qui, sʼérodant au fur et à mesure des assauts de la mer, des vents, etc., laisse
apparaître une plate-forme dʼabrasion marine. Les pans rocheux restés debout forment alors
des falaises. Au sein du cadre spatial, les littoraux à dénudation sont nombreux : zone
sʼétendant de Penmarc'h à Loctudy, pointe sud-est de lʼîle de Groix, pointe Saint-Gildas,
pointe des Baleines..., de même que ceux à falaise : falaises de la Mine dʼOr, pointe de
Penchâteau, pointe de la Payré... Facteur de vulnérabilité, la nature des côtes sera prise en
compte dans la présente étude. Cependant, comme en atteste la figure 1.2.2, seules les trois
grandes entités présentées – à savoir : côtes rocheuses/à falaise, sableuses et marais maritimes
– seront distinguées.
Dépendant autant des variations du niveau de la mer que des faits météorologiques, les
lignes de rivage des côtes atlantiques, surtout au niveau des zones les plus sensibles comme
les marais maritimes ou les cordons sableux, nʼont cessé dʼévoluer au fil des millénaires,
siècles, décennies223. Au PAG, une légère baisse du niveau marin aurait pu intervenir, sans

219
Pinot, J-P., 1998a, ibid., p. 138.
220
Papy, L., 1941, op. cit., p. 196-205.
221
Sellier, D., 2009, « Falaises rocheuses et versants réglés sur les côtes du Massif armoricain : lʼinsertion de
lʼérosion littorale dans le continuum de régularisation des versants », Environnements périglaciaires, 34-16, p.
23-37 ; Salomon, J-N., 2008, Géomorphologie sous-marine et littorale, PUB, Bordeaux, p. 163-171 ; Plessis, E.,
1995, Les côtes rocheuses entre Loire et Vilaine : étude géomorphologique, Université de Nantes, mémoire de
maîtrise, sous la direction de Miossec, A., Nantes, p. 132-142.
222
Prat, M-C., Lageat, Y., Auly, T., 2014, Le littoral. Paysages et dynamiques naturelles, Confluences,
Bordeaux, p. 28-29, 55-57 ; Salomon, J-N., 2008, ibid., p. 147-162 ; Pinot, J-P., 1998a, op. cit., p. 51-130.
223
Gallicé, A., 2007, « Les ports du pays guérandais : ligne de rivage et aménagements portuaires réalisés à la fin

64
certitude ni accord des spécialistes sur le sujet224. Quoi quʼil en soit, depuis la f in duXIXe
siècle, lʼélévation moyenne du niveau de la mer a été établie autour de 1 à 5 mm par an pour
les côtes occidentales européennes au cours de la dernière décennie225. Logiquement, le
e e
niveau actuel ne correspond donc pas à celui des XIV -XVIII siècles. Pour autant, par
convention et en lʼétat actuel des connaissances, cette différence sera considérée comme
négligeable.

du Moyen Âge », in Bochaca, M., Sarrazin, J-L (dir.), Ports et littoraux de l'Europe atlantique – transformations
naturelles et aménagements humains (XIVe–XVIe siècles), PUR, Rennes, p. 15-32 ; Sarrazin, J-L., 2007, « Les
ports de la Baie à la fin du Moyen Âge : évolution des rivages et problèmes dʼaccès », in idem., p. 33-54.
224
Ainsi, Louis PAPY et Fernand VERGER considèrent que le niveau marin nʼa, pour ainsi dire, pas varié depuis
lʼépoque gallo-romaine, tandis que Henri ENJALBERT et Jean-Pierre PINOT jugent quʼune régression dʼune
vingtaine de centimètres sʼest produite au cours du Petit Âge Glaciaire. Quant à de récentes recherches
spécialisées sur le sujet, elles ne permettent pas non plus de trancher puisque, selon les estimations de Andrew
KEMP et al, la variation du niveau de la mer au cours du PAG pourrait sʼétablir entre -0,2mm par an et une
stabilité. Kemp, A.C., Horton, B.P., Donnelly, J.P., Mann, M. E., Vermeer, M., Rahmstorf, S., 2011, « Climate
related sea-level variations over the past two millennia », PNAS, 108, p. 11017-11022 ; Pinot, J-P., 1998a, op.
cit., p. 19 ; Verger, F., 1983, op. cit., p. 467 ; Enjalbert, H., 1960, op. cit., p. 215-220 ; Papy, L., 1941, op. cit., p.
120-122, 152.
225
Church, J. A., White, N.J., 2011, « Sea-level rise from the late 19th to the early 21st century », Surveys in
Geophysics, 32, p. 585-602.

65
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.

Figur e 6: Car te de la r épar tition appr oximative des 3 gr ands types de côtes (sableuses, r ocheuses, mar ais
mar itimes)
Source : réalisation à partir de Google Satellite - données cartographiques 2018, géoportail et Bodéré, J-C.,
Pourinet, L., 2000, « Typologie des côtes de France », Atlas permanent de la mer et du littoral : Littoral
français, n°5, LETG, p. 4.

1.2.3. Un espace macrotidal : phase de la Lune, coefficient de marée et surcote

Si dès l'Antiquité et le Moyen Âge, les phénomènes de marée sont observés et décrits226,
e e
il faut attendre les XVII -XVIII siècles227, et particulièrement les travaux successifs de Isaac

226
Duhem, P. 2007, La théorie physique. Son objet, sa structure, Vrin, Paris, p. 305-345 ; Duhem, P., 1913-
1959, Le système du monde. Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic, 10 vol., Hermann,
Paris, vol. 2.
227
« Sur le flux et le reflux », 1701, H.A.SA, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 11-15 ;
« Physique générale sur le flux et reflux de la mer », 1772, H.A.SA, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L.,
Paris, p. 1-6... ; Chambat, F., janvier 2016, « Les marées depuis Newton », transcription par Gomas, Y., dʼune
présentation faite à lʼENS-Lyon dans le cadre dʼun cours pluridisciplinaire organisé par les écoles doctorales
EPIC, PHAST et INFOMATH, publiée par Dequincey, O., en mai 2018 sur le site de lʼENS-Lyon : http://planet-
terre.ens-lyon.fr/article/marees-depuis-Newton.xml ; Pouvreau, N., 2008, Trois cents ans de mesures
marégraphiques en France : outils, méthodes et tendances des composantes du niveau de la mer au port de

66
NEWTON, Jean le Rond D'ALEMBERT228, Joseph Jérôme Lefrançois DE LALANDE229 ou encore
Pierre-Simon LAPLACE230, pour que les mécanismes à lʼœuvre commencent à être
appréhendés, expliqués, compris. Il nʼéchappera pas au lecteur que peu de références
bibliographiques sont citées dans ce développement. Celui-ci sʼappuie essentiellement sur les
travaux de Jean MEEUS231 et Arthur GIRY232, pour ce qui touche aux lunaisons passées, et ceux
de Nicolas POUVREAU233, en ce qui concerne les coeff icients de marée anciens.

Qualifié de « macrotidal », le littoral atlantique français est soumis à des amplitudes de


marée importantes. Selon Bernard SIMON234, la marée se caractérise par une variation du
niveau de la mer sous lʼaction gravitationnelle simultanée de la Lune et du Soleil, dont les
mouvements peuvent être déterminés avec précision à lʼéchelle de plusieurs millénaires. À
cela, il faut ajouter une force dʼinertie liée à la fois à la révolution de la Terre autour de son
centre de gravité, mais aussi à la rotation de la planète sur son axe. Lors des pleines et
nouvelles Lunes, les trois astres se trouvent soit en conjonction, soit en opposition, ce qui les
positionne sensiblement dans le même axe. Leurs influences sʼadditionnent. Les marées sont
alors dites de « vive-eau » et on parle de syzygie*. Inversement, au moment du premier et du
dernier quartier de Lune, les trois corps apparaissent en quadrature et leurs influences se
contrarient. Lʼamplitude de la marée étant faible, la dénomination de « morte-eau » est
donnée. Suivant un système théorique ne prenant en considération ni les vents ni la pression
atmosphérique, la marée – dépendante donc de deux principales dimensions que sont les
trajectoires et inclinaisons de la Terre, la Lune et le Soleil, ainsi que de la topographie des
fonds océaniques et des côtes – est définissable à lʼavance. En France, cʼest le SHOM235 qui
est chargé du calcul des marées. Ces dernières décennies, des modèles de prédiction toujours
plus performants ont été mis en place afin de stipuler les horaires, hauteurs dʼeau et
coefficients des futures marées, mais quʼen est-il pour les périodes anciennes ? Est-il
envisageable de les estimer ? Dʼailleurs, pour quelles raisons chercher à les établir ? Comment
sʼy prendre ?

Brest, Université de La Rochelle, thèse de doctorat de géophysique, sous la direction de Wöppelmann, G., La
Rochelle, p. 26.
228
DʼALEMBERT, J.l.R., 1747, Réflexions sur la cause générale des vents, impr. David lʼAîné, Paris.
229
DE LA LANDE, J.J.L.F., 1781, Traité du flux et du reflux de la mer dʼaprès la théorie et les observations
extrait du 4e volume de lʼAstronomie, chez la veuve Desaint, Paris.
230
LAPLACE, P-S., 1790, « Mémoire sur le flux et reflux de la mer », in Mémoires de lʼAcadémie royale des
sciences de Paris, Paris, p. 3-126.
231
Meeus, J., 2005 (3rd edition), Astronomical Algorithms, Willman-Bell, Richmond.
232
Giry, A., 1925, Manuel de diplomatique, Félix Alcan, Paris, p. 149-152 et 156.
233
Pouvreau, N., 2008, ibid.
234
Simon, B., 2007, La marée océanique côtière, Institut océanographique, Fondation Albert Ier, Paris, p. 23.
235
Service Hydrographique et Océanographique de la Marine : http://www.shom.fr/

67
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.

Figur e 7: Repr ésentation de l' action gr avitationnelle de la Lune et du Soleil, et de l' influence sur les mar ée en
quadr atur e et conjonction.
Sources : Ifremer, http://www.ifremer.fr/lpo/cours/maree/forces.html

Au préalable, la recherche doit clairement énoncer ce qu'elle est en mesure, ou non, de


e e
fournir pour les XIV -XVIII siècles. Les phases de la Lune au moment de la survenue dʼune
tempête ? Ils sont déf inissables à lʼaide dʼun logiciel ou dʼun calculmanuel. Les hauteurs
dʼeau indicatives des marées ? Elles sʼavèrent exprimables par le biais dʼun programme. Les
hauteurs dʼeau réelles une fois considérées la situation atmosphérique (vents et pression) et le
lieu (bathymétrie, topographie des fonds marins, courants, etc.), en dʼautres termes
lʼimportance de la surcote* ? Elles sont insaisissables et la surcote* indéterminable. Le
coefficient de marée ? Il apparaît évaluable sous certaines conditions, mais toujours de
manière approximative et avec circonspection.

Avant même dʼen venir à la manière de procéder, la première interrogation tient aux
raisons. Pourquoi tenter de préciser les lunaisons et coefficients de marées passées ? Grandeur
e
exprimée de 20 à 120, le coefficient de marée a été créé au XIX siècle par des hydrographes
français. Il nʼest dʼailleurs employé que par les Français et indique lʼamplitude de lʼoscillation
de la marée astronomique. Il est dʼun grand intérêt, particulièrement pour les périodes
anciennes. En effet, en lʼabsence de données instrumentales permettant dʼestimer lʼeffet de la
chute de pression atmosphérique sur le plan dʼeau ainsi que lʼafflux de celle-ci à la côte, il
sʼavère un bon indice à la fois de la submersion, mais aussi de la conjoncture lors de la
survenue de lʼaléa236. Il ne peut toutefois être déterminé que sous plusieurs conditions ; la
première étant de connaître précisément la date de lʼévénement. Quant aux cycles lunaires,
quʼen est-il ? Leur attrait est, a minima, double. Dʼune part, leur calcul, dès le Moyen Âge,

236
Cf. supra, 1.1.1 - Quʼest-ce quʼune tempête ?

68
atteste dʼune observation du milieu, dʼune conscience des éléments, dʼun savoir et dʼun
savoir-faire spécifique. Dʼautre part, leur définition, croisée avec le coefficient de marée, offre
de vérifier, de valider la tendance esquissée par ce dernier. La pleine et la nouvelle Lune étant
effectivement génératrices de grandes marées, le marnage* – et par conséquent le coefficient
de marée – le plus fort survient environ 36 heures après une syzygie*.

Naturellement, la présentation commencera par la détermination des phases de la Lune,


avant de se porter sur lʼestimation des coefficients de marée. Deux méthodes sont à la
disposition de lʼhistorien. Lʼinitiale, fastidieuse et pleine dʼembûches, consiste à reprendre le
mode de calcul des computistes de lʼépoque médiévale. La seconde, confortable, repose sur
un logiciel237. Après sʼêtre assurée que le programme prenait en compte les changements de
calendrier julien-grégorien (c.j., c.g.) – ce qui est le cas ici –, la recherche, dans un souci de
fiabilité et de temps, adoptera assurément la deuxième. Cependant, elle ne saurait négliger la
première, qui repose sur la définition du quantième de la Lune au premier jour de lʼannée et,
par suite, déduit ses phases pour toute lʼannée238. Il est apprécié à partir de lʼépacte, qui
mesure la différence entre lʼannée solaire et lʼannée lunaire et indique lʼâge de la Lune au
premier jour de lʼannée. Bien que dans le comput julien, lʼannée débute au 22 mars, par
convention, la formule de calcul estimera toujours lʼâge de la Lune au 1er janvier. Par ailleurs,
pour les dates en calendrier julien, un écart de jours cumulatifs doit être pris en considération :
comprenant 12 lunaisons dʼapproximativement 29,5 jours, lʼannée lunaire compte 354 ou 355
jours, là où lʼannée solaire en inclut 365 ou 366. Un décalage de 11 jours sʼopère donc la
première année, atteint 22 jours la seconde, redescend à 3 la troisième où un mois intercalaire
est ajouté, remonte à 14 la quatrième année et ainsi de suite. Tous les trois ans, en vue de
rattraper en partie le retard accumulé, un treizième mois est intégré au comput. Ces années
sont appelées « embolismiques ou embolismes »239. De plus, cette moyenne de 29,5 jours se
répartit, au sein du comput, entre 6 mois à 30 (février, avril, juin, août, octobre, décembre) et
6 mois à 29 jours (janvier, mars, mai, juillet, septembre, novembre) ; remarque à laquelle il
faut adjoindre que la révolution de la Lune nʼétant pas exactement de 29,5 jours, un décalage
de 1 à 2 jours entre la Lune astronomique et la Lune de comput, fictive, peut apparaître. Non
content de rester vigilant aux calendriers, aux décalages entre cycles solaires et lunaires, aux
ajouts de mois intercalaires, à la date du début dʼannée en vigueur, etc., il faut aussi sʼassurer
que lʼannée nʼest pas bissextile et quʼil ne sʼagit pas, en plus, dʼune année séculaire. Après la
réforme grégorienne, dans le cas dʼune année séculaire non bissextile comme 1700 par

237
Tables des phases de Lune déterminées par Fred ESPENAK : http://astropixels.com
238
Meeus, J., 2005 (3rd edition), op. cit., p. 337-378 ; Giry, A., 1925, op. cit., p. 149-152 et 156.
239
Ribémont, B., 2008, « Calendrier des bergers, préface de Max Engammare », Cahiers de recherches
médiévales et humanistes, [En ligne], consulté le 23 mai 2018, paragraphe 7.

69
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
exemple, il doit être tenu compte de la « métemptose », qui impose de retrancher 1 à lʼépacte.
Revenant à réduire dʼun jour lʼannée lunaire tous les cent ans, la métemptose tend à
représenter le plus justement la durée moyenne dʼune année solaire. Relevons aussi, quoique
cela ne concerne pas la période étudiée, quʼune fois tous les 300 ans depuis lʼinstauration du
calendrier grégorien, 1 est ajouté à lʼépacte. Cʼest la « proemptose ». Le premier cycle de
proemptose a eu lieu en 1800, si bien que le prochain nʼinterviendra quʼen 2100. Une fois
toutes ces dispositions prises, et quoique des erreurs de quelques jours puissent parfois être
recensées, il semble possible dʼestimer manuellement les phases de la Lune pour lʼannée,
voire pour un mois ou un jour défini.
Lʼépacte (e) ne pouvant se calculer quʼà partir du nombre dʼor (n) de lʼannée, sa
détermination reste la première chose à faire. Celui-ci sʼétablit par le biais du millésime (m)
auquel, lorsque la date est en style de Pâques ou en calendrier grégorien240, il sera ajouté 1,
divisé par 19. Ce 19 se rapporte au cycle métonique, qui considère que 235 mois synodiques
lunaires sont à peu près équivalents à 19 années tropiques, soit le temps que met la Terre pour
faire une révolution complète autour du Soleil. Le nombre dʼor nʼest pas le résultat de cette
opération, mais son reste. Si celui-ci est de 0, 3, 6, 9, 11, 14 ou 17, alors lʼannée lunaire sera
embolismique.

Une fois le nombre dʼor précisé, lʼépacte (e), donnée en jour solaire, est définissable.
Méfiance toutefois : là encore, suivant le calendrier des adaptations sont à opérer. Le lecteur
relèvera que celles présentées ne considèrent que la période dʼétude incluse dans la thèse.
Ainsi, pour le calendrier julien, il sera nécessaire dʼajouter (x) selon le siècle. À lʼinverse,
sous calendrier grégorien, (x) devra être retranché. Lʼéquation consiste alors à multiplier n par
le nombre de jours dʼécart annuel entre les cycles lunaire et solaire, à savoir 11. À ce résultat,

240
Pour en savoir plus sur ces questions de « styles », calendriers julien et grégorien, voir Chapitre 2, 2.1.3 - La
critique, base de la méthode historique.

70
avant la réforme grégorienne, (x), chiffre situé entre 8 et 10 ayant vocation à lisser le retard
annuel dʼenviron 11 minutes pris sur lʼannée tropique, est additionné. Pour les dates
comprises entre 1582 et la fin du XVIIIe siècle, (x), correspondant à 10 ou 11, devra être ôté du
produit de la multiplication. Enfin, le total est divisé par 30. À lʼinstar du nombre dʼor (n), ce
nʼest pas le quotient qui déterminera lʼépacte (e), mais le reste de la division euclidienne.

Pér iode Équivalence de (x)


1300-1400 +8
1400-1500 +9
1500-1582 + 10
1582-1700 - 10
1700-1800 - 11
Figur e 8:Tableau d' équivalence de (x) dans l' équation per mettant de déter miner l' épacte.

Une mise en pratique à travers deux cas, un sous calendrier julien, lʼautre sous
calendrier grégorien, devrait offrir dʼy voir plus clair.
1) Le 13 novembre 1509 (c.j.), un important vimer frappe le littoral atlantique
français241. Il serait souhaitable dʼétablir la phase de la Lune à ce moment af in dʼéclairer la
connaissance du phénomène. Reprenant la méthode théorique expliquée infra, on applique les
formules, dʼabord du nombre dʼor (n), puis de lʼépacte (e) :
Soit (m) = 1509
(n) = reste de (m) / 19
(n) = reste de la division euclidienne de 1509 par 19
(n) = 8

241
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.4 - De novembre 1509 à février 1510(n.st), un hiver météorologique tempétueux.

71
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
Le nombre dʼor est donc de 8.
Puis, soit (n) = 8 et (x) = 10
(e) = reste de (n x 11 + x) / 30
(e) = reste de (8 x 11 + 10) / 30
(e) = 8
Lʼépacte est aussi de 8. Lʼépacte représentant lʼâge de la Lune en jour solaire au 1er
janvier, la dernière nouvelle Lune (âgée de 0 jour) remonte au 22 décembre 1508 – le mois de
décembre dans le comput julien nʼayant pas 31 jours comme cʼest le cas aujourdʼhui, mais 30
–. Le calcul est dʼailleurs confirmé par le logiciel astropixel qui fixe la dernière nouvelle Lune
de lʼannée 1508 au 22 décembre.
Comment procéder désormais pour obtenir la phase de la Lune au 13 novembre ? Deux
options sont envisageables. La première consiste à repartir de la date du 22 décembre afin de
définir toutes les pleines et nouvelles Lunes de lʼannée 1509, en ajoutant 14 ou 15 jours à
chaque fois, soit lʼintervalle entre une pleine et une nouvelle Lune. Toutefois, la démarche
comporte bien des écueils. La seconde tient en lʼaddition du régulier lunaire mensuel (r) à
lʼépacte (e). Ce régulier lunaire mensuel est prédéfini. Il correspond au numéro du mois de
lʼannée par rapport au début de lʼannée du comput. Lʼannée débutant, pour rappel, au 22 mars
dans le comput julien, le mois de mars est usuellement considéré comme le premier.
Novembre étant le neuvième mois de lʼannée, son régulier lunaire mensuel est 9. La dernière
nouvelle Lune par rapport au premier novembre 1509 remonte donc à 17 jours (9 + 8), soit au
13 octobre, le mois dʼoctobre comptant 30 jours à lʼépoque. Il suff it alors dʼajouter 29 jours
pour connaître la date de la prochaine nouvelle Lune, celle du mois de novembre. Celle-ci
tomberait le 12 novembre, veille du vimer, ce qui semble, de nouveau, concorder avec
Astropixel.

2) Les 28-29 janvier 1645 (c.g.), une violente tempête avec submersion se manifeste242.
Comme pour lʼexemple précédent, la théorie est reprise et utilisée, en procédant dʼabord par
le calcul du nombre dʼor (n), puis de lʼépacte (e) :
Soit (m) = 1645
(n) = reste de (m+1) / 19
(n) = reste de la division euclidienne de 1646 par 19
(n) = 12
Le nombre dʼor est donc de 12.
Puis, soit (n) = 12 et (x) = 10
(e) = reste de (n x 11 - x) / 30

242
Cf. infra, Chapitre 8, 8.2.3 - Les 28-29 janvier 1645 : du littoral à lʼintérieur des terres, lʼapocalypse.

72
(e) = reste de (12 x 11 - 10) / 30
(e) = 2
Lʼépacte est de 2. Cela fait donc remonter la dernière nouvelle Lune au 29 décembre
1644, ce quʼatteste le logiciel Astropixel.
Similairement à lʼexemple 1, se pose la question de la phase de la Lune au moment du
débordement. Ici, dans la mesure où le phénomène se déroule en janvier, nul besoin de
prendre le régulier lunaire mensuel. Il suffit dʼadjoindre 29 jours pour connaître la date de la
nouvelle Lune de janvier, qui se produit le 27 janvier 1645.

Justes, les deux cas développés ne sont pas une généralité. Suivant les années, le
nombre dʼor peut se rapporter à un embolisme. Sʼétablissant au terme dʼun décalage de 3 ans,
lʼajout dʼun mois de 30 jours a non seulement des conséquences sur les réguliers lunaires
mensuels, mais aussi sur les périodes de retour des nouvelles et pleines Lunes. Le chercheur
doit alors sʼattendre à un retard dʼun à deux jours entre ses appréciations et la réalité. Ainsi,
en 1537, année embolismique dont le nombre dʼor est 17, un aléa météo-marin advient le 22
août (c.j). Établie au 6 juillet par le biais du calcul manuel, la dernière nouvelle Lune par
rapport au premier août 1537 compte 1 jour de retard sur sa date effective, fixée par
Astropixel au 7 juillet. En conséquence, la date de la nouvelle Lune du mois dʼaoût compte
aussi un jour de décalage, de même que celle de la pleine Lune dudit mois. En effet, selon les
équations, cette dernière est estimée au 21 août, tandis que le logiciel la localise au 20 août.
Incorrectes, approximatives dʼun à deux jours parfois il est vrai, les phases de la Lune
définies manuellement donnent malgré tout la tendance de la marée. Souvent ignorée par le
scientifique, la méthode des computistes reste donc un bon moyen de déterminer les
lunaisons.

Quant aux calculs des coefficients de marée lors dʼun vimer..., lʼentreprise est semée
dʼembûches243. Avant même de se lancer, de nombreuses limites à la démarche, que la
recherche ne saurait taire, doivent être présentées. En premier lieu, un coefficient de marée ne
peut être avancé quʼà la condition de connaître la date précise de lʼaléa. Ensuite, la définition
du coefficient de marée dépend des hauteurs dʼeau lors de la pleine et de la basse mer. En
France, les premières observations du niveau de la mer consignées datent de la seconde moitié
du XVIIe siècle, tandis que les relevés marégraphiques effectués à lʼaide dʼéchelles de marée se
e e
multiplient à compter du XVIII et, surtout, du XIX siècle avec lʼinvention du marégraphe en
244
1846 . Il faut, au demeurant, attendre les travaux de lʼingénieur hydrographe Rémi

243
Cela explique probablement pourquoi le sujet nʼa jusquʼà présent pas fait lʼobjet de recherches approfondies.
244
Pouvreau, N., 2008, op. cit., p. 41-45, p. 57-118.

73
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
CHAZALLON pour que soit publié, en 1839, le premier Annuaire des marées245. Dans ces
circonstances, comment déterminer les hauteurs dʼeau ponctuelles en un jour donné au Moyen
Âge et à lʼÉpoque Moderne ? Lʼhistorien ne peut le faire. Il doit se fier à lʼexpertise du United
Kingdom Hydrographic Office, lʼéquivalent anglais du SHOM. Exigeant lʼacquisition dʼune
licence partiellement payante, un de leur programme, dénommé « Admiralty EasyTide
Predict », prédit les hauteurs dʼeau futures comme passées en un lieu donné246. Ainsi, après
avoir sélectionné un port qui, par convention ici, sera toujours Brest, il est possible
dʼinterroger la date de son choix. Une contrainte, susceptible dʼêtre source de confusions et de
scories, doit cependant être signalée : le logiciel ne prend pas en considération le passage du
calendrier julien au grégorien. Le chercheur doit donc impérativement opérer lui-même les
ajustements. Il sera de plus relevé que les éventuelles modifications du niveau de la mer au
cours du dernier millénaire, particulièrement du PAG, ne sont pas intégrées dans les
paramètres du programme. En outre, il vient dʼêtre stipulé que le port de Brest avait été choisi
pour définir les hauteurs dʼeau à partir desquelles les coefficients de marée (C) seront
calculés. Délibérée, comprenant évidemment des faiblesses et approximations, cette décision
reste justifiable. Dʼune part, les séries dʼobservations marégraphiques brestoises, enregistrées
sur un pas de temps dʼenviron 300 ans, sont relativement fiables et anciennes. Uniques au
monde, elles servent souvent de base aux études scientifiques du niveau de la mer247. Dʼautant
que la rade de Brest, par ses caractéristiques physiques (géographiques, géomorphologiques,
bathymétriques, hydrodynamiques) offre un cadre idéal aux mesures, que ce soit par lecture
dʼéchelles de marée ou relevés automatisés. Dʼautre part, la prédominance de la marée semi-
diurne en Atlantique et Manche confère au coefficient de marée un caractère général. Lʼonde
de marée nʼapparaissant que faiblement perturbée à lʼéchelle des côtes de lʼAtlantique et de la
Manche, le SHOM calcule effectivement le coefficient de marée actuel et futur pour le port de
Brest et lʼapplique à lʼidentique sur toute la façade littorale248. Il sera aussi souligné quʼà
partir de la différence de hauteur entre pleine mer (PM) et basse mer (BM), le marnage peut
être caractérisé. Cependant, si le coefficient de marée brestois est considéré comme
généralisable à toute la façade atlantique française, les valeurs précises du marnage dépendent
des configurations de chaque lieu. Ainsi, à un même coefficient de marée répondent des
hauteurs de PM et de BM ainsi que des marnages différents. Valable uniquement pour Brest,
il sera donc entendu le peu dʼintérêt quʼaurait la détermination du marnage. Au reste, à la
différence du SHOM, le logiciel anglais tient compte des variations horaires saisonnières par
rapport au Soleil. Si cela réduit les approximations, les heures fournies ne seront pas

245
Idem, p. 165-166.
246
http://www.ukho.gov.uk/easytide/easytide/SelectPrediction.aspx?PortID=1638
247
Pouvreau, N., 2008, ibid., p. 260-264.
248
Fiche « Coefficient de marée » : http://www.shom.fr/les-activites/activites-scientifiques/maree-et-
courants/marees/coefficient-de-maree/

74
véritablement prises en compte. Certes, cela requiert du temps à lʼonde de marée de se
propager, au point que lʼheure indicative de sa survenue à Brest nʼest pas celle de Bouin ou de
La Rochelle. Toutefois, une précision à lʼheure près de la marée nʼaurait, pour les périodes
anciennes, que peu de sens puisque les récits mentionnant lʼhoraire de passage de lʼévénement
sont globalement rares. Les heures serviront uniquement à identifier les périodes de plus haute
et de plus basse mer au cours dʼune journée découpée en 4 portions de 6 heures réparties
comme ceci :

Hor air es de la jour née Dénomination


00h00-06h00 nuit
06h00-12h00 matinée
12h00-18h00 après-midi
18h00-00h00 soirée
Figur e 9: Tableau de r épar tition des heur es de la jour née en quatr e por tions de 6 heur es et leur s
dénominations cour antes.

Pour toutes les raisons présentées ci-dessus, le chercheur ne saurait affirmer lʼexactitude
de ses calculs. Il ne sʼagit que dʼestimations qui, une fois couplées avec les phases de Lune,
tendent à accréditer une tendance.
Le coefficient de marée (C) se définit à partir de lʼaction des ondes semi-diurnes, en
isolant les hauteurs dʼeau (H) de la pleine (PM) et de la basse (BM) mer. La différence entre
HPM et HBM est ensuite divisée par lʼunité de hauteur (U) qui correspond à la moyenne de
lʼamplitude des marées de vive-eau équinoxiales. Cette valeur moyenne du marnage pour les
plus grandes marées (U) est établie à 6,10 mètres à Brest. Enfin, le résultat est multiplié par
100 afin dʼobtenir un coefficient entre 20 et 120. Par convention, une marée dont le
coefficient est supérieur à 70 est qualifiée de « vive-eau », tandis que sʼil y est inférieur, elle
sera dite de « morte-eau ».

Ainsi, dans le cas de la tempête avec submersion des 27-28 janvier 1469(n.st249)250, soit

249
Le formule « n.st. » signifie « nouveau style ». Pour plus dʼinformations, voir Chapitre 2, 2.1.3 - La critique,
base de la méthode historique.
250
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.3 - La tempête avec submersion des 27-28 janvier (5-6 février) 1469(n.st).

75
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
les 5-6 février en calendrier grégorien, la hauteur de la PM en fin de nuit/petit matin du
deuxième jour est fixée à 7,3 mètres, celle de la BM suivante à 0,8 mètre.
C = ((HPM – HBM) / U) x 100
C = ((7,3 – 0,8) / 6,1) x 100
C = 106
Le coefficient de marée approximatif au moment de lʼarrivée de la tempête était donc de
106, ce qui semble sʼaccorder au fait que la Lune était pleine le 27 janvier (5 février, c.g).

Phases de lune et coefficients de marée sont, sous couvert de prudence, estimables, y


compris pour les périodes anciennes. Malgré les limites recensées, la cohérence entre
lunaisons et coefficients de marée suffit à considérer la relativement bonne fiabilité de
lʼentreprise. Complémentaires, ils apportent des informations fondamentales pour la
reconstruction autant des conjonctures que – par voie de déduction – des conditions
météorologiques des événements. Sur le littoral atlantique français, une submersion marine
résulte généralement de la simultanéité dʼun CET et dʼune grande marée.

DATE en PHASE DE ESTIMATION DE ESTIMATION DE ESTIMATION


251
calendrier LA LUNE LA HAUTEUR DE LA HAUTEUR DE DU
julien et LA PM (en mètr es)252 LA BM (en mètr es) COEFFICIENT
(grégorien) DE MAREE
Les 27-28 PL le 27 7,00 m en fin de nuit et 1,00 m en fin de 98
er
janvier (5-6 janvier dʼaprès-midi du 1 jour matinée et de soirée du
février) 7,3 m en fin de nuit du 1er jour
1469(n.st) 2eme jour 0,8 m en fin de 106
7,2 m en fin dʼaprès- matinée du 2eme jour
midi du 2eme jour 0,9 m en fin de soirée 103253
du 2eme jour
Le 13 NL le 12 7,2 m en début de 1,1 m en début 100
novembre (23 novembre matinée dʼaprès-midi
novembre)
1509
Les 31 NL le 28 7,3 m le 1er jour au 1,0 m le 1er jour dans 103
décembre décembre matin lʼaprès-midi
1598-3 7,2 m le 2eme jour au 1,2 m le 2eme jour dans 98
janvier 1599 matin lʼaprès-midi

251
Déterminée, pour rappel, grâce au logiciel Astropixel : http://astropixels.com
252
Hauteurs définies par le calculateur du logiciel « Admiralty EasyTide Predict » du United Kingdom
Hydrographic Office : http://www.ukho.gov.uk/easytide/easytide/SelectPrediction.aspx?PortID=1638
253
À noter : les jours suivants le coefficient de marée reste très élevé avec un coefficient estimé à 103 à la PM du
soir du 29 janvier (07 février), et à 100 à la PM du soir du 30 janvier (08 février) 1469(n.st).

76
Les 28-29 NL le 27 7,00 m le 28 en fin de 1,3 m le 28 en fin de 93
janvier 1645 janvier nuit matinée
6,9 m en fin dʼaprès- 1,3 m en début de nuit 91
midi le 28 le 28
7,2 m le 29 en début de 1,1 m le 29 en début 100
matinée dʼaprès-midi
Le 15 janvier PL le 15 7,2 m le 15 dans la nuit 1,00 m le 15 au matin 101
1699 janvier
7,2 m le 15 dans 0,9 m le 15 au soir 103
lʼaprès-midi

Les 9-10 PL le 9 7,4 m le 9 en fin de nuit 0,8 m le 9 en fin de 108 et 108


janvier 1735 janvier ainsi que dʼaprès-midi matinée ainsi que de
soirée
7,6 m le 10 en fin de 0,6 m le 10 en début 114254
nuit dʼaprès-midi
Les 21-22 PL le 21 7,3 m le 21 en fin 0,7 m le 21 en fin de 108
février 1788 février dʼaprès-midi soirée
7,6 m le 22 en fin de 0,5 m le 22 en fin de 116
nuit matinée
7,4 m le 22 en début de 0,6 m le 23 en début 111
soirée de nuit
Figur e 10: Tableau pr ésentant quelques exemples de phases de Lune et coefficients de mar ée liés à des
vimer s (XVe-XVII es)
NL = Nouvelle Lune ; PL = Pleine Lune.

1.3. Du bon usage de notions r écentes en histoir e des tempêtes

« Aléa », « enjeu », « risque », « vulnérabilité », « résilience », « adaptabilité »..., telles


sont les notions actuelles autour dʼune catastrophe. La tempête, avec ou sans submersion
marine, entre dans ce cas de figure. Étymologies souvent anciennes, mais concepts définis
récemment, l'historien use de ces termes. Ces emplois, à la fois indispensables et contestables,
peuvent prêter à confusions et critiques. Ils servent à caractériser et nommer des réalités plus
ou moins identifiables à celles théorisées aujourdʼhui, sans quʼelles soient pour autant
comparables. Néanmoins, sous peu d'une recontextualisation, dʼune réflexion sur l'évolution
du sens des vocables et dʼune définition préliminaire, l'application de notions forgées a
posteriori du sujet ou de la période étudié(e) n'est pas fondamentalement problématique. Cʼest
à cet exercice que ce développement ambitionne de se prêter.

254
À lʼinstar des 27-28 janvier 1469(n.st), le coefficient de marée reste très élevé les jours suivants :
respectivement 116 le 11 au matin et 109 le 12 au matin.

77
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.

1.3.1. Le triptyque « aléa / enjeu / risque »

Pour débuter, il sera convenu que les notions dʼaléa* et de risque* appliquées à la
présente thèse se rapporteront uniquement aux tempêtes, avec ou sans submersion marine.
Lʼérosion, lʼensablement, les pollutions, les orages, les proliférations animales ou végétales,
lʼanthropisation, etc., auxquels les littoraux sont potentiellement soumis255 – y compris aux
périodes médiévale et moderne – ne seront pas traités. Toutefois, dans le cadre de cette
réflexion, lʼaléa* et le risque*, entendus comme naturels en référence au phénomène
déclencheur, seront pensés dans une dénomination large et globale. Déclenchée par un aléa*,
se nourrissant des déséquilibres des territoires et des sociétés256, la catastrophe sera aussi
interrogée.

Malgré une multiplication des publications dans le domaine depuis une vingtaine
dʼannées257 et la plus-value apportée par lʼhistoire à la thématique258, les historiens restent
encore assez peu familiers des concepts dʼaléa*, dʼenjeu* et de risque*259. Objets par nature
pluridisciplinaires – mais étudiés ici uniquement sous lʼangle de lʼhistoire et de la géographie
–, il nʼest pas aisé dʼétablir de définitions qui fassent consensus. Les spécialistes
reconnaissent dʼailleurs quʼil faut composer avec la polysémie des mots, particulièrement
celui de risque*260. Lʼétymologie du terme « risque » apparaît incertaine261. Le mot sʼest-il

255
Robin, M., 2002, « Étude des risques côtiers sous lʼangle de la géomatique », Annales de géographie, 627-
628, p. 471-502, p. 473-477.
256
Duvat, V., Magnan, A., 2014, Des catastrophes... « naturelles » ?, Le Pommier, Paris, p. 11.
257
Notamment : Granet-Abisset, A-M., Gal, S. (dir.), 2015, Les territoires du risque, PUG, Grenoble ; Niget, D.,
Petitclerc, M. (dir.), 2012, Pour une histoire du risque. Québec, France, Belgique, PUR, Rennes ; Antoine, J-M.,
Desailly, B., Peltier, A. 2009, « Sources historiques et problématiques de recherche en géographie des risques
naturels », Géocarrefour, 84-4, p. 229-239 ; Tranchant, M., 2008, « La « culture » du risque chez les populations
usagères des mers et littoraux du Ponant (XIe-XVIe siècles) : première approche dʼune histoire à construire », in
Poussou, J-P. (dir.), Risque, sécurité et sécurisation maritimes depuis le Moyen Âge, Revue dʼHistoire Maritime,
9, PUPS, Paris, p. 9-45 ; Meschinet de Richemond, N., 2003, « Statut et perception des catastrophes passées :
vers une histoire des risques naturels », in Moriniaux, V. (dir.), Les risques, du Temps, Nantes, p. 138-156 ;
Favier, R (dir)., 2002, Les pouvoirs publics face aux risques naturels dans lʼhistoire, MSH-Alpes, Grenoble ;
Cœur, D., 2000, « Aux origines du concept de risque naturel en France, le cas des inondations fluviales (XVIIIe-
e
XIX s.) », in Favier, R., Granet-Abisset, A-M. (dir.), Histoire et mémoire des risques naturels, MSH-Alpes,
Grenoble, p. 117-137 ; Allard, P., 2000, Éléments pour une problématique de lʼhistoire du risque. Du risque
accepté au risque maîtrisé. Représentations et gestion du risque dʼinondation en Camargue, XVIIIe-XIXe siècle,
Université dʼAix-Marseille, Mémoire dʼHDR, Marseille.
258
Veyret, Y., Beucher, S., Reghezza, M., 2004, Les risques, Bréal, Rosny-sous-Bois, p. 12-13 ; Veyret, Y.
(dir.), 2003, Les risques, SEDES, Paris, p. 17-19.
259
Tranchant, M., 2013, « Introduction. Pluriactivité et mutualisation des risques maritimes par les sociétés
littorales : problématique et éléments de définition », in Tranchant, M. (dir.), Face aux risques maritimes. La
pluriactivité et la mutualisation comme stratégies individuelles et collectives (XIIIe-XVIIIe siècle), ABPO, 120-2, p.
7-14, p. 8-9.
260
Dauphiné A., Provitolo, D., 2013 (2e éd.), Risques et catastrophes. Observer, spatialiser, comprendre, gérer,
Armand Colin, Paris, p. 14.
261
Magne, L., 2010, « Histoire sémantique du risque et de ses corrélats », Journées d'histoire de la comptabilité
et du management, Paris, [PDF en ligne], p. 3-11.

78
formé à partir de la racine latine resecare, qui signifie « couper, rogner », dʼoù serait dérivé
resecum « ce qui coupe » et né le sens de « rocher escarpé », « dʼécueil » ? À moins quʼil ne
soit issu de rhiza « racine, base dʼune montagne » ou de risco « falaise », entendus par
extension comme un écueil, puis comme un risque encouru par une marchandise transportée
sur mer ? Ou ne serait-ce pas du grec byzantin rhizikon, désignant une solde gagnée par
chance par un soldat, ce qui conférerait au mot une dimension de hasard, que le vocable
« risque » tire son origine ? Finalement, si lʼon en croit Georges BERTRAND, cʼest
probablement de lʼarabe rizq, dans sa conception de « part de biens que Dieu attribue à
chaque homme […] dʼoù événement fortuit, puis « risque » », que serait né le mot262. Dans les
faits, nul consensus sérieux nʼémerge. En revanche, il a été démontré que lʼItalie, ses grands
ports de commerce et ses communautés de marchands servirent de point de diffusion majeur
du terme en Europe dès la fin du Moyen Âge263. Ainsi, aux époques étudiées – et comme le
lecteur pourra le constater tout au long de la thèse –, la notion de risque était déjà bien ancrée
chez les sociétés maritimes et littorales. Au demeurant, la majorité des sciences sʼaccorde sur
lʼidée quʼun risque* résulte de la convergence entre dʼun côté, la probabilité quʼun événement
dévastateur se produise – lʼaléa* – et de lʼautre, lʼendommagement potentiel quʼil peut
entraîner sur lʼenvironnement, des activités, infrastructures, personnes, en dʼautres termes les
enjeux*, à lʼéchelle dʼun territoire donné264. Lʼaléa*, du latin alea « jeu de dés, de hasard » et
par extension « hasard, chance, menace aléatoire », recouvre donc à la fois le phénomène à la
capacité destructrice et la probabilité quʼil survienne. La recherche sur les tempêtes nʼayant
pu encore établir de probabilité fiable en termes de période de retour, fréquence, magnitude*,
au sein de la thèse cet aspect de la définition tendra à être négligé. Lʼaléa sera alors
principalement envisagé suivant les caractéristiques physiques de la manifestation. Au reste,
si aux XIVe-XVIIIe siècles le terme « aléa » nʼavait pas le sens qui lui est donné aujourdʼhui, la
réalité à laquelle il renvoie – soit, dans le cas présent, une source de danger potentiel liée aux
vents et à la mer – existait. Quant à lʼenjeu*, résultant de ce que lʼon prend le risque de
« mettre en jeu », il se définit par lʼensemble des populations, milieux, équipements exposés à
lʼaléa. Un enjeu nʼétant enjeu que sʼil est sensible et sujet à un aléa, la composante
« exposition » est primordiale. Elle induit une nouvelle dimension : celle de la vulnérabilité,
longtemps occultée par les travaux scientifiques265. Celle-ci entre dans la caractérisation de
lʼenjeu* et la conceptualisation du risque*266. Dès lors, notion composite construite en

262
Bertrand, G.A, 2007, Dictionnaire étymologique des mots français venant de lʼarabe, du turc et du persan,
LʼHarmattan, Paris, p. 122.
263
Dauphiné A., Provitolo, D., 2013 (2e éd.), ibid., p. 12-17 ; Tranchant, M., 2008, op. cit.
264
Leone, F., Meschinet de Richemond, N., Vinet, F., 2010, Aléas naturels et gestion des risques, PUF, Paris, p.
17.
265
Veyret, Y., Reghezza, M., 2006, « Vulnérabilité et risques. Lʼapproche récente de la vulnérabilité »,
Responsabilité & Environnement, 43, p. 9-13, p. 9.
266
Leone, F., Vinet, F., 2011, « La vulnérabilité, un concept fondamental au cœur des méthodes dʼévaluation des

79
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
interrelation, le risque se définit par lʼéquation : Risque = aléa x (enjeux x vulnérabilités).

La vulnérabilité est un concept polysémique, multidisciplinaire, multiscalaire complexe


à appréhender267, a fortiori lorsquʼil est appliqué à lʼhistoire du climat, de lʼenvironnement,
des catastrophes, qui lʼont parfois relégué au rang dʼoutil268. Dans le champ des risques
naturels, plusieurs acceptations de la vulnérabilité peuvent être recensées269 : 1) la
vulnérabilité dite « biophysique », très aléa-centrée, se définit par le degré dʼendommagement
physique dʼun enjeu par un aléa en fonction de leurs caractéristiques (intensité*, exposition,
résistance des constructions, etc.) ; 2) la vulnérabilité en qualité de construit social postule que
lʼimpact dʼun aléa ne dépend pas seulement de la susceptibilité à subir des dégâts selon
lʼexposition à une menace, mais repose aussi sur la capacité de réponse des sociétés ; 3) la
vulnérabilité territoriale, qui prend en compte le contexte géographique et le rôle des
territoires en vue dʼidentifier les espaces susceptibles de subir le plus de dégâts. Elle est
davantage liée aux enjeux quʼà lʼaléa ; 4) la vulnérabilité de nature systémique, aussi
dénommée « vulnérabilité locale »270, inclut un cadre dʼanalyse territorialisée se rapprochant
de la vulnérabilité territoriale. Elle tente de faire une synthèse, en pensant les vulnérabilités
sociales et biophysiques au sein dʼun « système socio-écologique »271. Dans le cadre de la
thèse, cʼest essentiellement la vulnérabilité sociale272 et, ponctuellement, celle systémique273
aux « catastrophes » météo-marines dans une perspective historique qui seront questionnées.
Lʼoccasion de revenir sur le sens de la vulnérabilité sous lʼAncien Régime se présentera lors
de la prochaine partie274.

La désignation dʼun événement brutal, ravageur, semant la mort et/ou la destruction se

risques naturels », in Leone, F., Vinet, F. (dir.), La vulnérabilité des sociétés et des territoires face aux menaces
naturelles. Analyses géographiques, PULM, Montpellier, p. 9-26.
267
Becerra, S., 2012, « Vulnérabilité, risques et environnement : lʼitinéraire chaotique dʼun paradigme
sociologique contemporain », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, 12-1, [En ligne] ;
Reghezza, M., 2011, « La vulnérabilité : un concept problématique », in Leone, F., Vinet, F. (dir.), ibid., p. 35-
40.
268
Athimon, E., Maanan, M., Sauzeau, T., Sarrazin, J-L., 2016, « Vulnérabilité et adaptation des sociétés
littorales aux aléas météo-marins entre Guérande et l'île de Ré, France (XIVe-XVIIIe siècle) », VertigO - la revue
électronique en sciences de l'environnement, [en ligne], 16-3.
269
Reghezza-Zitt, M., Rufat, S. (dir.), 2015, Résiliences. Sociétés et territoires face à lʼincertitude, aux risques et
aux catastrophes, Iste-éditions, Paris, p. 44-47 ; Quenault, B., 2015, « La vulnérabilité, un concept central de
lʼanalyse des risques urbains en lien avec le changement climatique », Les Annales de la Recherche Urbaine,
110, p. 138-151, p. 142-145 ; Dauphiné A., Provitolo, D., 2013 (2e éd.), op. cit., p. 26-32.
270
Cutter, S.L., Mitshell, J.T., Scott, M.S., 2000, « Revealing the vulnerability of people and places : a case
study of Georgetown country, South Carolina », Annals of the Association of American Geographers, 90-4, p.
713-737.
271
Mathevet, R., Bousquet, F., 2014, Résilience & Environnement. Penser les changements socio-écologiques,
Buchet Chastel, Paris, p. 17-44.
272
Cf. infra, Chapitres 6 - Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités et 7 - Stratégies dʼadaptation :
protéger et prévenir.
273
Cf. infra, Chapitre 4 - Appliquer un SIG à lʼhistoire des tempêtes.
274
Cf. infra, 1.3.3 - Résilience. Adaptation. Vulnérabilité. Quel(s) sens sous l'Ancien Régime ?

80
fait désormais volontiers par le mot « catastrophe ». Ce nʼétait pas le cas au Moyen Âge et à
lʼÉpoque Moderne. Dans la langue savante médiévale, ce sont les notions de casus (rapport de
causalité/conséquence dans lʼappréhension du phénomène naturel) et de signum (le
phénomène naturel revêt une signification divine) qui se rapprochent le plus de la
catastrophe275. Le terme catastrophe nʼapparaît dʼailleurs que tardivement dans la langue
française276. Il tire son origine du grec καταστροϕέ qui signifie bouleversement, renversement
e
positif ou négatif et sʼapplique, au XVI siècle, au dénouement dʼune pièce de théâtre277. Ce
e e
nʼest quʼà partir du XVII et surtout du XVIII siècle, que le glissement sémantique vers lʼidée
de chamboulement malheureux sʼopère. La réflexion philosophique moderne sur le sujet ne
débute dʼailleurs quʼavec la polémique entre ROUSSEAU et VOLTAIRE sur le tremblement de
terre de Lisbonne de 1755278 ; tandis quʼil faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour
que le vocable prenne son sens actuel de phénomène extrême, rare, dévastateur, dont
lʼambiguïté le place entre rupture et continuité279. En outre, la catastrophe possède un
caractère subjectif. Est-ce alors pertinent de penser les vimers anciens comme des
« catastrophes » ? Nʼest-ce pas le chercheur qui perçoit et apprécie le caractère catastrophique
dʼune occurrence ? Quoique la notion ne soit pas encore forgée aux périodes étudiées, les
sources historiques expriment de manière tangible les effets des tempêtes qui affectent la vie
et les activités des hommes. En cela, les descriptions rejoignent la définition proposée par
Serge BRIFFAUD, qui conçoit la catastrophe à travers le prisme de la relation dʼune société à
son environnement : « La catastrophe naturelle ponctue lʼhistoire des relations des sociétés à
leur environnement ; phénomène dʼinterface, elle nous parle avant tout du dialogue entre un
système social et un écosystème »280. Enf in, quoiquʼelle puisse entraîner lʼapparitionou la
résurgence dʼinquiétudes diverses, la catastrophe possède aussi un caractère fédérateur non
négligeable susceptible dʼentraîner la mise en place de différentes solidarités et la
perpétuation dʼune mémoire plus ou moins fiable281. Il sʼagit là de marqueurs dʼune
sensibilisation au danger, dʼune culture du risque. Considérant la charge émotionnelle, la
référence religieuse et lʼempreinte culturelle qui le caractérisent, il sera enfin précisé que le

275
Labbé, T., 2017, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge XIIe-XVe, CNRS, Paris, p. 13-17, 39-50.
276
Mercier-Faivre, A-M., Thomas, C. (dir.), 2008, Lʼinvention de la catastrophe au XVIIIe siècle. Du châtiment
divin au désastre naturel, Droz, Genève ; Delort, R., 1996, « Avant-propos », in Bennassar, B. (dir.), Les
catastrophes naturelles dans lʼEurope médiévale et moderne, PUM, Toulouse, p. 5-25.
277
Berlioz, J., Quenet, G., 2000, « Les catastrophes : définitions, documentation », in Favier, R., Granet-Abisset,
A-M. (dir.), Histoire et mémoire des risques naturels, MSH-Rhône-Alpes, Grenoble, p. 19-37 ; Quenet, G.,
1999, « La catastrophe, un objet historique ? », Hypothèses – Travaux de lʼécole doctorale dʼhistoire, PUS,
Paris, p. 11-20.
278
Walter, F., 2008, Catastrophes. Une histoire culturelle. XVIe-XXIe siècle, Seuil, Paris, p. 111-133.
279
Peguy, C-P., 1989, Jeux et enjeux du climat, Masson, Paris, p. 155-179.
280
Briffaud, S., 1993, « Vers une nouvelle histoire des catastrophes », Sources : travaux historiques, 33, p. 3-5,
p. 3.
281
Berlioz, J., 1988, « Lʼhistoire des catastrophes au service de la prévention », Aménagement et nature, 90, p. 7-
10.

81
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
terme « cataclysme » ne sera pas ou très peu usité dans la présente thèse282.

Comme souvent, lʼhistorien emploie et applique des notions construites a posteriori,


voire toujours en cours de théorisation, pour traiter de réalités déjà existantes à la période
quʼil étudie. Il en est ainsi du risque, de la catastrophe, mais également de la résilience,
lʼadaptation et la vulnérabilité.

1.3.2. Résilience. Adaptation. Vulnérabilité. Quel(s) sens sous l'Ancien Régime ?

e e
Dans le contexte dʼune analyse historique des risques de tempêtes aux XIV -XVIII

siècles, lʼinexistence des concepts de vulnérabilité, adaptation/adaptabilité et résilience, la


multiplicité des situations auxquelles ils répondent ainsi que la diversité des approches
peuvent complexifier les démarches de définition et dʼapplication de ces notions au passé.
Dʼailleurs, nʼest-il pas problématique dʼappréhender la vulnérabilité, la résilience,
lʼadaptation avant la vulnérabilité, la résilience et lʼadaptation justement ? Ne serait-ce pas
anachronique dʼutiliser des notions, de les affecter à des situations précédant leur
théorisation ? Dans les faits, lʼhistorien a souvent recours à des concepts et mots absents aux
périodes quʼil étudie. Lʼemploi des termes se fait alors avec prudence, réflexion et non sans
pouvoir constater que les circonstances qui leur correspondent existent depuis longtemps283.
Au demeurant, il sera mentionné que cʼest par lʼapproche géographique que ces notions seront
mobilisées, délaissant ainsi les définitions en regard des sciences appliquées.

Succinctement présenté précédemment284, le terme « vulnérabilité » émerge à partir du


e
XIX siècle. Lʼadjectif vulnerabilis est cependant plus ancien. Il dérive du latin vulnus,
vulneris, la blessure, et du verbe vulnero,are qui englobe 3 dimensions : blesser,
endommager, entamer. Considérant ici la propension d'un système à supporter un
endommagement, ainsi que les dispositions prises par les populations, la vulnérabilité sera
entendue et pensée comme lʼensemble des facteurs qui rendent une société, son milieu, ses
activités plus ou moins sensibles à un aléa285. Ainsi, les interactions entre les territoires
(envisagés en termes dʼenjeux) et les aléas seront appréciées286. La vulnérabilité intègre
également les principes, individuels ou collectifs, de perception de l'événement, d'action,

282
Bethemont, J., 1991, « Sur la nature des événements extrêmes : catastrophes et cataclysmes », Revue de
géographie de Lyon, 66-3-4, p. 139-142.
283
Mathis, C-F., Frioux, S., Dagenais, M., Walter, F., 2016, « Vulnérabilités environnementales : perspectives
historiques », VertigO – la revue électronique en sciences de lʼenvironnement, 16-3, [En ligne].
284
Cf. supra, 1.3.2 - Le triptyque « aléa / enjeu / risque ».
285
Becerra, S., Peltier, A., 2009, Risques et environnement : recherches interdisciplinaires sur la vulnérabilité
des sociétés, L'Harmattan, Paris.
286
Meschinet de Richemond, N., Reghezza, M., 2010, « La gestion du risque en France : contre ou avec le
territoire ? », Annales de géographie, 673, p. 248-267.

82
d'expérience, de mémoire et de prévention. Participant en outre à la construction de leurs
vulnérabilités, les stratégies élaborées, les mesures prises par les communautés – notamment
littorales – et le domaine politique dans l'optique de réguler les situations de danger seront
interrogées dans la thèse287. L'approche mise en œuvre envisage de plus le concept comme un
état de fragilité fluctuant suivant divers critères autorisant à évaluer la plus ou moins grande
sensibilité des systèmes288. Cette démarche repose sur lʼhypothèse selon laquelle le niveau de
vulnérabilité d'une société nʼest fixe ni dans lʼespace ni dans le temps. Il dépend à la fois
d'aspects naturels incontrôlés et incontrôlables (intensité du phénomène, fréquence des
occurrences), mais également de dimensions sociales, culturelles, politiques… qui lui sont
propres, qu'elle s'approprie et développe, de façon consciente ou non (mise en mémoire,
289
conscience et culture du risque, aménagement du territoire, réactions) . En se rapportant
ainsi à la capacité à faire face, la vulnérabilité ouvre la voie à lʼadaptation et à la résilience290.
Empruntée au latin médiéval adaptatio, lʼadaptation est à lʼorigine un terme appliqué à
e
lʼanatomie et la médecine. Puis, à compter du XVI siècle, elle est introduite pour désigner le
travail par lequel on transforme une œuvre culturelle de manière à en modifier sa destination.
Fruit dʼun transfert linguistique, calqué sur lʼanglais, le terme adaptation apparaît enfin en
sciences naturelles291 dans la seconde moitié du XIX
e
siècle. Processus, lʼadaptation favorise
théoriquement lʼaccommodation, lʼacclimatation dʼun organisme à son environnement. Dans
sa compréhension scientifique initiale, lʼadaptation découle donc dʼune sélection naturelle
provoquant un ajustement entre un être vivant et son milieu en vue dʼassurer la survie dʼune
e
espèce. Dans la seconde moitié du XX siècle, un nouveau glissement sémantique sʼopère.
Désormais, lʼadaptation désigne l'habileté, individuelle ou collective, de l'humain à gérer sa
résilience. Dépendant, entre autres, des ressources matérielles, techniques, financières et
humaines à la disposition des sociétés, elle comprend l'ensemble des stratégies, initiatives et
mesures prises pour réduire la vulnérabilité et lutter contre les retombées d'un désastre292.
Quant à son dérivé, lʼadaptabilité, il se comprend comme la capacité à sʼadapter.

287
Cf. infra, Chapitres 6 - Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités et 7 - Stratégies dʼadaptation :
protéger et prévenir.
288
Cf. infra, Chapitre 5, 5.1 - Typologie, définition et description des dommages et 5.3.4 - Introduction à la
construction dʼun prototype dʼévaluation des tempêtes.
289
Wisner, B., Blaikie, P., Cannon, T., Davis, I., 2004 (2nd ed.), At risk : Natural hazards, peopleʼs vulnerability
and disasters, Routledge, London.
290
Placés en regard lʼun de lʼautre et suivant les objets et thématiques de recherche auxquels ils sont appliqués,
les concepts de résilience et de vulnérabilité peuvent sʼavérer distincts, opposés, étroitement liés ou continus.
Dans le cadre de la thèse, ils seront essentiellement composantes lʼun de lʼautre. Pour plus de précisions, voir
Chevillot-Miot, E., 2017, La résilience des territoires littoraux face au risque de submersion marine :
application sur les territoires de la Charente-Maritime et de la Somme, Université de Nantes, thèse de doctorat
de géographie, sous la direction de Mercier, D., Nantes, p. 73-76 ; Reghezza-Zitt, M., Rufat, S. (dir.), 2015, op.
cit., p. 44-59.
291
Darwin, C., 1862, De lʼorigine des espèces ou des lois du progrès chez les êtres organisés, traduit en français
par Royer, C-A., Guillaumin-Masson, Paris, p. 74, 173.
292
Walker, B., Holling, C., Carpenter, S.R., Kinzig, A.P., 2004, « Resilience, adaptability and transformability in
Social-ecological system », Ecology and Society, 9-2, article 5, [En ligne].

83
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
Quant à la résilience, elle constitue depuis quelques années le paradigme dominant
(avec la vulnérabilité) dans lʼanalyse, la caractérisation et la compréhension du risque293.
Fréquemment mobilisée en géographie, la résilience tire son origine du participe présent latin
resilire, qui a donné lʼadjectif resilient « rebond, élastique »294. Dès le XVII
e
siècle, le monde
anglo-saxon sʼempare du terme resiliency (élasticité, réaction après un choc), tandis quʼau XXe
siècle sa transposition scientifique se fait dʼabord dans le champ de la physique des
matériaux, puis dans ceux de la psychologie, de lʼécologie, des risques naturels... En France,
resiliency nʼexiste pas et le verbe resilire évolue alors dans un tout autre sens : celui de la
résiliation, de lʼaction de se libérer dʼobligations précédemment contractées. Ainsi naît une
rupture sémantique entre dʼun côté, la résilience anglo-saxonne qui induit lʼaction de
rebondir, de se « remettre de » et de lʼautre, la résilience française qui sʼentend comme une
résistance.

Figur e 11: Repr ésentation schématique de l'étymologie du mot r ésilience.


Source : Rigaud, E., 2011, « La résilience. Analyse étymologique », Les cahiers de la sécurité industrielle, 8, p.
4

Dès lors, la définition de la notion de résilience souffre non seulement dʼune distinction
sémantique liée à lʼétymologie, mais également dʼune multiplicité des approches et
définitions établies selon les disciplines y ayant recours295. Il ne sʼagira dʼailleurs pas, dans le
cas présent, de critiquer ou discuter la résilience, encore moins dʼen proposer une définition

293
Barroca, B., DiNardo, M., Mboumoua, I., 2013, « De la vulnérabilité à la résilience : mutation ou
bouleversement ? », EchoGéo, 24, [En ligne].
294
Tisseron, S., 2009 (3e ed.), La résilience, PUF, Paris.
295
Pour une présentation synthétique, le lecteur lira avec profit Chevillot-Miot, E., 2017, op. cit, p. 58-71, 76-
94 ; Reghezza-Zitt, M., Rufat, S. (dir.), 2015, op. cit., p. 21-42 ; Reghezza-Zitt, 2013, « Utiliser la polysémie de
la résilience pour comprendre les différentes approches du risque et leur possible articulation », EchoGéo, 24,
[En ligne].

84
rigoureuse. Partant dʼune vision généraliste, il sʼagira essentiellement, au cours de la thèse,
dʼinterroger la pertinence de lʼapplication de ce concept à la mode pour la période
ancienne296, en particulier au regard des risques existants dʼinstrumentalisation par les acteurs
de lʼaménagement297. Dans le manuscrit, la résilience sera pensée comme la capacité dʼune
société ou dʼun système socio-spatial à absorber un choc et à récupérer de celui-ci, à le
surmonter par le biais de réponses adéquates, de stratégies dʼadaptation afin dʼy survivre298.
Elle sera de ce fait en lien avec lʼadaptation et la vulnérabilité, considérant néanmoins quʼune
société « résiliente » nʼest pas à lʼabri de produire des individus vulnérables299. Une question
se pose toutefois : si lʼhistorien trouve dans les sources des échos, des similitudes avec la
vulnérabilité, lʼaléa, lʼadaptation…tels que théorisés aujourdʼhui, en est-il de même pour la
résilience ? À consulter, analyser, critiquer les sources et leurs contenus, il point que la
résilience – en ce quʼelle implique de transformations et dʼorganisation à différents niveaux
de la part dʼune société, dʼun système en vue de persister dans le temps – ne se rencontre pas
systématiquement. Ainsi, si la notion apparaît congruente à certaines communautés,
particulièrement les sociétés salicoles300, elle nʼest pas généralisable à toutes ni à tous les cas
e
de vimers. Proportionnellement, la gestion du risque tempête chez les populations des XIV -
e
XVIII siècles a dʼailleurs modérément pour ambition consciente de réduire la vulnérabilité.
Dès lors, il sera préféré les termes « réactions », « réponses », voire « adaptation » ou
« vulnérabilité » à celui de « résilience ». La notion de résilience ne sera de ce fait employée
quʼavec parcimonie, lorsque la réalité exposée semble concorder, se prêter à un tel usage.

Quoique les notions soient récentes, les réalités anciennes recouvertes par la
vulnérabilité, la résilience et lʼadaptation autorisent leur étude à lʼéchelle des périodes
médiévale et moderne. Lʼusage de ces notions en histoire est dʼailleurs pertinent, mais le
problème épistémologique qui se présente ne peut se résoudre quʼà la condition dʼanalyser les
conceptions des populations. Interroger ces concepts sur le temps long apparaît donc

296
Meschinet de Richemond, N., 2012, Risques, crises et territoires. Réflexions géographiques et historiques sur
les cindyniques, Mémoire dʼHabilitation à Diriger des Recherches, University Paul-Valéry, Montpellier.
297
Barroca, B., et al., 2013, op. cit. ; Lhomme, S., Serre, D., Laganier, R., 2013, « Réflexions autour du binôme
vulnérabilité-résilience », in Bresson, M., Geronimi, V., Pottier, N., La vulnérabilité : questions de recherche en
sciences sociales, Academic Press Fribourg, Fribourg, p. 151-163, p. 154-157 ; Reghezza-Zitt, M., Rufat, S.,
Djament-Tran, G., Le Blanc, A., Lhomme, S., 2012, « What resiliens is not : uses and abuses », Cybergeo :
European Journal of Geography, Environment, Nature, Landscape, article 621, [En ligne].
298
Quenault, B., 2014, « La résurgence/convergence du triptyque « catastrophe-résilience-adaptation » pour
(re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques », Développement durable et territoires, 5-3, [En
ligne] ; Millet, F., Osbahr, H., Boyd, E., Thomalla, F., Bharwani, S., Ziervogel, G., Walker, B., Birkmann, J.,
DerVan Leeuw, S., Rockstrom, J., Hinkel, J., Downing, T., Folke, C., Nelson, D., 2010, « Resilience and
vulnerability : complementary or conflicting concepts ? », Ecology and Society, 15-3, article 11 ; Dauphiné, A.,
2007, « La résilience : un concept pour la gestion des risques », Annales de Géographie, 654, p. 115-125.
299
Soens, T., 2018, « Resilient societies, vulnerable people : coping with North Sea Floods before 1800 », Past
and Present : a journal of historical studies, gty018, p. 1-36, [En ligne].
300
Athimon, E. et al., 2016, art. cit.

85
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
élémentaire. Cela permet de remettre en perspective les situations où ces derniers sʼillustrent,
tout en offrant au lecteur, quʼil soit scientifique, gestionnaire, membre de la société civile, la
possibilité de prendre de la distance, de recontextualiser, voire éventuellement de sʼen
inspirer301.

1.3.3. De l'enjeu contemporain à l'étude d'événements passés

La pression démographique actuelle sur les littoraux atlantiques français, comme


ailleurs, est la résultante dʼun processus progressif de mise en valeur anthropique de cette
interface entre avant-pays maritime et arrière-pays terrestre. Débuté de longue date302, il
connaît une forte accélération à compter de la seconde moitié du XVIIIe et, surtout, tout au long
e
du XIX siècle. Selon Isabelle RICHEFORT, la Révolution est à lʼorigine dʼun basculement des
mentalités ainsi que des modes de vie qui engendra une modification du rapport de lʼhomme à
lʼenvironnement303. Rendu possible par de profondes modif icationsstructurelles – parmi
e
lesquelles le développement de lʼindustrie dès le premier tiers du XIX siècle ou lʼexode rural
massif –, un idéal de nature « solidaire » et « unifiée », caractérisé par une artificialisation
rapide des paysages, fut partiellement mis en œuvre au cours des décennies suivant 1789304.
Les espaces côtiers échappent dʼautant moins à cette (r)évolution, que lʼexplosion de la vie
urbaine fait naître chez les populations citadines une envie de grand air. Cʼest lʼessor des
activités dʼextérieur, des « parties de campagne » chères à Maupassant, des déjeuners en bord
dʼeau immortalisés par Renoir, du sport, du tourisme, en particulier balnéaire305. À partir de la
fin du XVIIIe siècle, la mer et ses rivages changent de paradigme. Ils deviennent des territoires
de plus en plus convoités et, tandis quʼen une quarantaine dʼannées émergent de nouveaux
usages et représentations de cet espace, le « désir de rivage » conceptualisé par Alain CORBIN
germe, grandi, progresse, sʼintensifie306.
Après un siècle dʼaccroissement et de dynamique démographique positive, la majorité
des communes littorales est marquée par une phase de légère déprise dans la première moitié
du XXe siècle307, due aux contextes politiques / militaires, économiques et sociaux successifs.

301
Garnier, E., 2015, « A historic experience for a strenthened resilience. European societies in front of hydro-
meteors 16th-20th centuries », in Quevauviller, P. (dir.), Hydrometeorological hazards : Sciences and policies,
Wiley, New-York, vol. 1, p. 3-26.
302
Cf. infra, Chapitre 7, 7.1 - Se défendre « matériellement » contre la mer.
303
Richefort, I., 1999, « Nature et société : le sentiment dʼune crise profonde », in Corvol, A. (dir.), Les sources
de lʼhistoire de lʼenvironnement. Le XIXe siècle, LʼHarmattan, Paris, p. 111-118, p. 111.
304
Idem., p. 114.
305
Corbin, A. (dir.), 1995, Lʼavènement des loisirs, 1850-1960, Aubier, Paris.
306
Corbin, A., 1999, « La mer et lʼémergence du désir du rivage », in Corvol, A.(dir.), ibid., p. 31-38 ; Corbin,
A., 1992, Le territoire du vide : LʼOccident et le désir du rivage (1750-1840), Aubier, Paris.
307
Pouzet, P., Creach, A., Godet, L., 2015, « Dynamique de la démographie et du bâti dans lʼouest du Marais
poitevin depuis 1705 », Norois, 234, p. 83-96, p. 87-88 ; Le Bihan, J., Ollivro, J-F., 1999, « Un siècle et demi
dʼévolution de la population communale bretonne : 1851-1999 », Norois, 184, p. 559-574, p. 565-566.

86
À compter des années 1960, une relance continue et soutenue se fait jour, avec en moyenne
+40% de population entre 1962 et 2010. Ce « boom » nʼest toutefois pas homogène et une
partie du linéaire côtier atlantique – cʼest ainsi le cas de la façade océanique du Médoc308 –
demeure faiblement peuplé, tandis que dʼautres localités ont plus que décuplé (+179% à
Esnandes par exemple309). Au demeurant, à lʼhorizon 2040, les littoraux devraient même
concentrer près de 40% de la population française310. Dans ces circonstances, les enjeux
démographiques, matériels, économiques, touristiques, environnementaux contemporains et
futurs apparaissent prépondérants. Une gestion, une urbanisation, une gouvernance cohérentes
de ces espaces est donc primordiale. A fortiori alors quʼil est de notoriété publique que
lʼaccroissement des enjeux exposés aux aléas augmente, influence la vulnérabilité de ces
derniers et quʼune hausse du niveau des océans est en cours311.

À partir de ce portrait succinct, un constat affleure : lʼindispensable recours au droit –


non traité ici312 – et à la connaissance scientif ique. Quoiquʼaxés dans les prochaineslignes sur
lʼimportance de lʼétude des aléas météo-marins anciens, la recherche et ses intérêts pour le
domaine littoral ne se limitent évidemment pas à lʼhistoire des tempêtes. Dʼailleurs, pourquoi
étudier les CET, les impacts que ceux-ci ont pu avoir sur les sociétés, ainsi que les réactions et
adaptations de ces dernières, à lʼéchelle de plusieurs siècles, y compris en remontant jusquʼà
la fin du Moyen Âge ?
Aujourdʼhui, la société française a tendance à faire face à un paradoxe : tout en ayant
une conscience restreinte de sa vulnérabilité et des risques, elle accepte de moins en moins
sereinement les catastrophes naturelles et leurs retentissements313. Dans ces conditions, la
connaissance des vimers, de leurs conséquences ainsi que des réponses des sociétés dans le
passé présente plusieurs intérêts majeurs. Dʼabord, elle éclaire le récent débat sur le
changement climatique et ses possibles manifestations et effets314. Ensuite, pour peu que la
recherche rende opérationnelles et accessibles les données anciennes, elle peut orienter les

308
Direction Interregionale de la Mer Sud Atlantique, 2012, Les dynamiques démographiques et résidentielles,
rapport gouvernemental, [PDF en ligne], p. 7.
309
Duvat, V., Magnan, A., 2014, op. cit., p. 75.
310
Observatoire National de la Mer et du Littoral, 2011, Indicateur : perspectives dʼévolution de la population
des départements littoraux à lʼhorizon 2040, [PDF en ligne], p. 2.
311
Pirazzoli P.A., 1998, Les littoraux, Nathan, Paris, p. 167-173.
312
Pour une vision synthétique de la question voir : Laronde-Clérac, C., Mazeaud, A., Michelot, A., Cazes-
Duvat, V. (dir.), 2015, Les risques naturels en zones côtières. Xynthia : enjeux politiques, questionnements
juridiques, PUR, Rennes ; Prieur, L., Leost, R., 2015, « La prise en compte de la submersion marine par la loi
littoral », VertigO - la revue électronique en sciences de lʼenvironnement, [en ligne], Hors-série 21 ; Le Louarn,
P., 2012, « Le droit dans la tempête », Norois, 222, p. 61-78 ; Legal, P-Y., 2012, « Droit de propriété et maîtrise
des “sols environnementaux”. Quelques enseignements tirés de la tempête Xynthia », Norois, 222, p. 79-90 ;
Bourgou, M., Miossec, J-M., 2010, op. cit., p. 249-255.
313
Dauphiné, A., Provitolo, D., 2013 (2e éd.), op. cit., p. 286-293 ; Leone, F. et al., 2010, ibid., p. 20.
314
Planton, S., Août 2002, « Le changement climatique et la probabilité des tempêtes sur lʼAtlantique Nord »,
Annales des Mines, 425, p. 15-19.

87
CHAPITRE 1. Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
choix futurs des autorités en matière dʼadaptation, de gestion et dʼaménagement du
territoire315. En effet, bien quʼelles méritent dʼêtre prises en compte par les gestionnaires et
élus, les tempêtes et submersions marines anciennes restent globalement encore méconnues.
Ne disposant pas dʼune recension suffisante et circonstanciée de ces événements, il revient à
la recherche de les exhumer, en particulier par le biais dʼun travail archivistique (historique
comme sédimentaire) minutieux, en vue dʼinformer et interpeller les autorités ainsi que les
publics. Cela aurait, entre autres, pour conséquence dʼannihiler la tendance à la fatalité qui
peut affecter les systèmes de gestion du risque ; lesquels tendent parfois à se reposer sur
lʼingénierie et la technique, à favoriser la réparation à lʼentretien et, dans une certaine mesure,
à déresponsabiliser lʼhumain316. Elle contribue, de plus, à repérer et exposer, via la
cartographie, les zones à risques, participant, de ce fait, à la prévention et à la sensibilisation
des communautés317. Toutefois, af in dʼéviter tout décalage entre le zonage et la réalité dʼun
risque, il apparaît capital de remonter suffisamment loin dans le temps. Une bonne
connaissance et maîtrise, sur le moyen à long terme, des dépressions permet par ailleurs de
recréer du lien avec les territoires, entre autres à travers la (re)construction dʼune mémoire
objective de ces phénomènes. Cela aide à lutter contre lʼoubli et lʼignorance, voire la négation
du péril, sources de vulnérabilité et de danger pour les populations et les différents secteurs
dʼactivités318. Ainsi, pour nʼen citer que quelques-uns en 1351-1352, 1401, 1434, 1469, 1509,
1537, 1584, 1628, 1645, 1699, 1705, 1735, 1777... les provinces de la façade atlantique
française vécurent de violents épisodes tempétueux, doublés, dans un certain nombre de cas,
dʼune submersion marine. Enfin, en tentant une approche quantitative et statistique des
manifestations météo-marines passées, il est envisageable – avec toutes les limites que cela
comporte – de comparer les événements entre eux ainsi que dʼessayer dʼen calculer, par
indice, les périodes de retour. Manquant de recul dans le temps, les modèles climatiques
actuels pourraient ainsi bénéficier de lʼapport dʼinformations anciennes319.
Lʼhistoire des tempêtes nʼest donc pas ancrée dans le passé. Son étude est non
seulement utile, mais indispensable pour apprécier la marche des aléas dans la succession des
siècles. Elle permet dʼéclairer le présent, dʼanticiper lʼavenir et, comme en attestent divers
articles de journaux320, est au cœur des préoccupations de la société civile, des intérêts de tout

315
Coumel, L., Morera, R. Vrignon, A., 2018, Pouvoirs et environnement. Entre confiance et défiance, XVIe-XXIe
siècle, PUR, Rennes ; Leone, F. et al., 2010, op. cit., p. 203-215 ; Favier, R (dir)., 2002, op. cit.
316
Duvat, V., Magnan, A., 2014, op. cit., p. 74-85, 270-299.
317
Cf. infra, Chapitre 4, 4.3 - Cartographier les espaces vulnérables et à risques .
318
Sauzeau, T., 2014b, « Lʼhistoire littorale du Centre-Ouest : miroir dʼun futur incertain ? », in Chaumillon, E.,
Garnier, E., Sauzeau, T., Les littoraux à lʼheure du changement climatique, Les Indes Savantes, Paris, p. 235-
251 ; Acerra, M., Sauzeau, T., 2012, « Zones construites, zones désertes sur le littoral atlantique. Les leçons du
passé », Norois, 222, p. 103-114.
319
Bessemoulin, P., 2002, « Les tempêtes en France », Annales des Mines, 425, p. 9-14.
320
« Xynthia et les autres : 30 ans de catastrophes naturelles en France en cartes », Le Monde, 12 décembre
2014 ; « Retour sur les tempêtes et inondations des 25 dernières années », Le Monde, 4 octobre 2015 ; « Les

88
un chacun, de lʼindividu à la collectivité, du scientifique au profane, du propriétaire
indépendant au promoteur immobilier, de lʼurbaniste au gestionnaire, des décideurs aux
acteurs de la prévention. Finalement, comme lʼécrivait si justement Maurice CHAMPION : « Le
passé nʼest-il pas le grand enseignement de lʼavenir ? »321

tempêtes les plus meurtrières en France depuis 30 ans », La Dépêche, 1er mars 2010 ; « 22 tempêtes ont dévasté
la France depuis trois siècles », Le Figaro, 2 février 2009. Le périodique du diocèse de Luçon dénommé
« Catholiques en Vendée : la vie de lʼÉglise de Luçon » traite aussi, dans plusieurs de ses numéros (n°5, 14, 29),
de la tempête Xynthia, tandis que dans celui du mois de novembre 2016, cʼest la mer comme « espace de face à
face » qui est interrogée.
321
Champion, M., 1858, Les inondations en France depuis le VIe siècle jusquʼà nos jours, Victor Dalmont, Paris,
t. I, Avant-Propos, p. III.

89
90
2. CHAPITRE 2. Reconstr uir e l'histoir e des tempêtes :
sour ces, données et méthodes

Objet historique relativement récent en France, les tempêtes ont une histoire dont l'étude
repose sur des sources variées et dispersées. De par les silences, non-dits, exagérations,
restrictions qu'elle comporte, une source, quelle que soit sa nature, n'apporte
qu'occasionnellement une preuve univoque et unanime. Souvent investies d'enjeux propres au
temps présent1, la source historique et les données qu'elle inclut sont sensibles à la valeur que
lui confère une époque ainsi qu'à ce que l'on peut être tenté de vouloir lui faire dire2. Émerge
alors la nécessité à la fois de la critique, mais aussi de la diversification des sources. Dans
l'optique de garantir une contextualisation globale, une indépendance de la pensée, une
rigueur scientifique, une analyse affinée, d'englober un maximum d'axes d'observation et de
compréhension du phénomène étudié ainsi que de collecter le plus d'indices possible – les
probabilités de croisement, corrélation et recoupement augmentant au fur et à mesure de
l'ouverture à un panel large –, la recherche se doit d'inspecter tous les types de sources et
d'informations disponibles.

Sans nécessairement projeter d'en dresser une typologie détaillée, au moins six grandes
catégories de sources utiles à l'histoire des tempêtes des XIVe-XVIIIe siècles et aux réactions des
sociétés peuvent être distinguées :
-les sources narratives comme les chroniques, annales, diaires, journaux, livres de
raison, notes (souvent marginales) de registres paroissiaux...
-les documents de gestion, de la pratique, d'administration, de communication, etc. :
cartulaires, registres notariaux, de comptes seigneuriaux, de délibérations, de réparations, de
chancellerie, des eaux et forêts, des Amirautés, lettres...
-les textes scientifiques, ainsi que les données instrumentales, essentiellement à
compter de la seconde moitié du XVIIIe siècle en ce qui concerne les mesures.
-les archives iconographiques telles que des cartes anciennes, tableaux, enluminures.
-ce que l'on intitulera « données matérielles », à savoir certaines
plaques
commémoratives ou ex-voto.
-les archives sédimentaires, propres du géographe et des géosciences plus que de
l'historien.

1
La multiplication des recherches scientifiques, actions de vulgarisation et de sensibilisation faisant suite à la
tempête Xynthia des 26 février-1 mars 2010, de même que l'explosion de l'intérêt des chercheurs, des politiques,
de la société civile pour cet objet attestent des enjeux actuels, d'attentes et d'intérêts à diverses échelles.
2
Farge, A., 1989, Le goût de l'archive, Seuil, Paris.
91
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
Ce chapitre entreprend tout à la fois de présenter ces sources, de mettre en exergue les
données contenues dans celles-ci et les connaissances susceptibles d'en être tirées, de dégager
les limites qu'elles opposent ainsi que de soulever, au moins partiellement, les
questionnements qu'elles suscitent3. Méthodes et réf lexions seront au centre de la démarche et
de l'usage scientifiques de chacune de ces sortes de sources et, plus encore, du « type » de
données qu'elles comprennent. En effet, le plan adopté ici séquence ces six entités en trois,
selon les éléments qu'elles consignent, à savoir : descriptifs (sources écrites), naturels
(carottages sédimentaires) et complémentaires (images, textes scientifiques, mesures
instrumentales). Usuellement, les historiens du climat discernent deux classes de sources : les
archives dites « naturelles », autrement dit les dépôts et témoins glaciaires, sédimentaires,
organiques (pollens, bois, végétaux, animaux), etc., et les sources « culturelles »4. Ces
dernières consistent en des descriptions du temps qu'il fait, des récits plus ou moins détaillés
de phénomènes météorologiques, des résultats de mesures, des observations phénologiques,
des images, des documents matériels... Quoique d'ordre « culturel », les archives
iconographiques, données matérielles, scientifiques et instrumentales5 seront explorées
ensemble, sous une étiquette connexe toutefois séparée de celle des textes. Ce choix
s'explique, d'une part, par le fait qu'elles sont proportionnellement marginales et d'utilité
subsidiaire pour notre recherche ; d'autre part, par les informations qu'elles contiennent. Elles
livrent le témoignage d'autant de manières d'appréhender, (se) représenter, voir, interpréter le
monde et ses manifestations. Mentionnons au passage que s'il ne doit demeurer qu'un seul
point de convergence quant au traitement d'une source, c'est celui de la circonspection et de
l'analyse critique.

Préalablement, qu'il me soit permis un constat indispensable : quoique cela ait pu être
l'ambition affichée – idéalisée – initiale, force est de reconnaître l'incapacité qui fut la nôtre de
prétendre à une exhaustivité en matière de dépouillements. Survolant l'annexe 1 consignant le
détail des matériaux consultés nécessaires à l'étude des vimers passés, le lecteur avisé ne
manquera probablement pas de relever d'importantes lacunes. Ainsi, pour ne se cantonner qu'à

3
Rouquet, F.(dir.), 2005, L'exploitation scientifique des archives, Apogée, Rennes.
4
Pfister, C., Burga, C.A., 2007, entrée « Climat », in Dictionnaire historique de la Suisse, Berne, support
électronique consulté le 20/02/2018 : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F7770.php
5
Loin d'être accessoires, les mesures instrumentales sont d'un grand intérêt pour l'étude des manifestations
météorologiques telles que les tempêtes. Cependant, dans le cadre de notre étude, elles apparaissent encore peu
nombreuses et fiables. La faible quantité à disposition ainsi que la distinction nette de traitement et d'application
devant être opérée entre ces données et les informations descriptives ont induit la décision de séparer les deux. À
l'échelle des XIXe-XXIe siècles, elles sont en revanche incontournables et autorisent une approche quantitative très
intéressante. À ce sujet, les travaux de, entre autres, LE ROY LADURIE E., LAMB H., PFISTER C., GARNIER E. font
référence : Garnier, E., 2010, Les dérangements du temps. 500 ans de chaud et de froid en Europe, Plon, Paris ;
Le Roy Ladurie, E., 2006, 2009, Histoire humaine et comparée du climat, tomes 2-3, Fayard, Paris ; Pfister, C.,
1999, Wetternachhersage. 500 Jahre Klimavariationen und Naturkatastrophen (1496-1995), Haupt, Bern ;
Lamb, H., 1991, Historic Storms of the North Sea, British Isles and Northwest Europe, Cambridge University
Press, Cambridge.

92
eux, tous les fonds des Amirautés de l'ouest du royaume de France, au même titre que tous les
registres paroissiaux ou notariaux conservés, tous les registres de comptes seigneuriaux
possessionnés en marais littoraux ou toutes les églises et chapelles contenant des ex-voto
anciens que compte la côte atlantique ne purent être systématiquement examinés. En vue
d'une telle aspiration, au minimum une vie serait indispensable. Il pourra de même mʼêtre
reproché d'avoir délaissé les archives diocésaines, celles de Luçon en particulier, ou encore le
Service Historique de la Défense, à Vincennes, qui protège pourtant des cartes et mémoires de
Claude MASSE6. Pour l'historien, l'équilibre entre souci d'exhaustivité et faisabilité peut être
complexe à maintenir, voire ne serait-ce qu'à établir. Les années dédiées à la thèse étant
limitées et le cadre spatio-temporel de la recherche élargi, des choix furent opérés. Tous
eurent alors pour ligne de conduite la représentativité. Celle-ci fut en effet visée une fois pris
conscience l'utopie de l'exhaustivité. Par conséquent, le risque que cette sélection des sources
conduise à surestimer l'importance de certains phénomènes et à en déconsidérer ou, pire, en
oublier d'autres n'est pas nul. En outre, la question de la représentativité est doublement
regrettable en ce sens que les documents qu'il reste au chercheur de l'histoire des tempêtes – a
fortiori pour la période médiévale7 – ne constituent vraisemblablement qu'une inf ime partie de
ce qui fut produit et amassé au cours des siècles8, et qu'il ne pourra, lui-même, prendre
connaissance que d'une portion minime de ce reliquat...

2.1. Les sour ces écr ites et leur tr aitement

En matière d'étude sur les tempêtes passées, l'approche historique repose en majorité sur
des textes consignant des données descriptives et d'observations. Pour subjectives, limitantes
et controversées qu'elles puissent éventuellement paraître9, ces informations qualitatives –
après soumission à une critique acérée, analyse et traitement – permettent d'envisager une
reconstruction sur le temps long des aléas météo-marins extrêmes, d'évaluer ce risque inhérent
au milieu côtier, d'étudier les conséquences de ces manifestations sur les sociétés anciennes,
en particulier littorales, d'interroger leurs réactions et capacités d'adaptation, de questionner
leur vulnérabilité10...

6
Suire, Y., 2017a, Le Bas-Poitou vers 1700 : cartes, plans et mémoires de Claude Masse, ingénieur du roi,
Nouvelle édition critique présentée par Yannis Suire, CVRH, La Roche-sur-Yon ; Suire, Y., 2017b, L'estuaire de
la Gironde, Bordeaux et le Bordelais vers 1700 : cartes, plans et mémoires de Claude Masse, ingénieur du roi,
Geste, La Crèche.
7
Guyotjeannin, O., 1998, Les sources de l'histoire médiévale, Poche, Paris, chap. 3, p. 145-154.
8
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.1 - Des pertes documentaires irrémédiables
9
Granet-Abisset, A-M., 2000, « La connaissance des risques naturels : quand les sciences redécouvrent
l'histoire », in Favier, R., Granet-Abisset, A-M. (dir), Histoire et mémoire des risques naturels, MSH-Alpes,
Grenoble, p. 39-69.
10
Un certain nombre d'ouvrages, de chapitres ou d'articles sʼattellent à la tâche, parmi lesquels : Athimon, E.,
2017, « Adversités météo-marines : reconstruction historique, impacts et résilience en Anjou, Poitou, Bretagne
méridionale (XIVe-début XVIe siècles) », in Laget, F., Rabot, B., Josserand, P. (dir.), Entre terre et mer. Hommes,

93
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes

À la différence de ceux sauvegardés au sein des séries modernes et contemporaines11,


les documents d'Ancien Régime traitant spécifiquement et systématiquement de tempête sont
rares, pour ne pas dire pratiquement inexistants. Certes, on recense bien, aux époques
médiévale et moderne, quelques traités et réflexions scientifiques12, encore assez dépendants
de l'enseignement d'ARISTOTE et de ses Meteorologica, qui s'attachent à décrire les
phénomènes atmosphériques extrêmes comme le Questiones super tres libros metheororum
Aristoteli, rédigé par Jean BURIDAN13 au début du XIVe siècle ou le Mirouer de l'air d'Antoine

paysages et sociétés dans lʼOuest atlantique, Moyen Âge et Temps modernes, PUR, Rennes, p. 153-164 ;
Athimon, E., Maanan, M., Sauzeau, T., Sarrazin, J-L., 2016, « Vulnérabilité et adaptation des sociétés littorales
aux aléas météo-marins entre Guérande et l'île de Ré, France (XIVe-XVIIIe siècle) », VertigO - la revue
électronique en sciences de l'environnement, [En ligne],16-3 ; Sarrazin, J-L., 2016a, « La saliculture atlantique
française au péril de la mer (XIVe-XVIe siècle) », in Le Bouëdec, G., Cerino, C. (dir), La maritimisation du monde
de la préhistoire à nos jours. Enjeux, objets et méthodes, PUPS, Paris, p. 167-190 ; Chaumillon, E., Garnier, E.,
Sauzeau, T. (dir), 2014, Les littoraux à l'heure du changement climatique, Les Indes Savantes, Paris ; Sauzeau,
T., 2014a, « L'histoire, les tempêtes et la prospective littorale face aux changements climatiques », in Laget, F.,
Vrignon, A. (dir.), S'adapter à la mer. L'homme, la mer et le littoral du Moyen Âge à nos jours, PUR, Rennes, p.
71-88 ; Péret, J., Sauzeau T., 2014, Xynthia ou la mémoire réveillée, villages charentais et vendéens face à la
mer (XVIie-XXIe siècle), Geste, La Crèche ; Désarthe, J., 2013, Le temps des saisons. Climat, événements extrêmes
et sociétés dans lʼOuest de la France (XVIe-XIXe siècles), Hermann, Paris, p. 95-107 et p. 135-139 ; Sarrazin, J-L.,
2012, « Vimers de mer et sociétés littorales entre Loire et Gironde (XIVe-XVIe siècle) », Norois, 222, p. 91-102 ;
Garnier, E., 2010, « 500 ans de vimers sur le littoral de Poitou-Charente. Risques et vulnérabilité des sociétés »,
in Sauzeau, T. (dir.), Expliquer Xynthia, comprendre le phénomène, Conseil régional de Poitou-Charente,
Poitiers, p. 11-17 [PDF en ligne] ; Garnier, E., Surville, F. (dir.), 2010, La Tempête Xynthia face à lʼhistoire.
Submersions et tsunamis sur les littoraux français du Moyen Âge à nos jours, Le CroîtVif, Saintes.
11
Par exemple, au sein du cadre de classement des archives départementales, les séries M, O, S et W, pour ne
citer qu'elles, comprennent de très nombreux et riches dossiers documentaires sur des tempêtes. Ainsi, aux A.D
de Loire-Atlantique, dans le fonds du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire (1894-1993) sont conservés sous
les cotes 1912 W 196, 1912 W 201, 1912 W 209, 1912 W 219, 1912 W 221, 1912 W 238, 1912 W 240 des
chemises portant sur des travaux effectués à la suite de tempêtes dans plusieurs communes littorales telles que
Guérande, la Bernerie-en-Retz, Saint-Brévin-les-Pins, Pornic, les Moutiers-en-Retz, Saint-Michel-Chef-Chef. De
même, pour n'évoquer que ceux-ci, aux A.D du Morbihan, la sous-série 4 S – Mer, Ports, Transports maritimes,
comprend un grand nombre de fichiers détaillés sur des avaries causées par des tempêtes : 4 S 257 (1924, 1937),
4 S 320 (1864, 1865, 1877), 4 S 1208 (1880), 4 S 1243 (1864), 4 S 1250 (1818, 1855)... De plus, à compter du
e e
XIX siècle, les articles de presse se multiplient, tandis que depuis la seconde moitié du XX siècle, la couverture
médiatique des aléas extrêmes s'est précisée. Les archives municipales, en plus de posséder de copieuses
données sur les tempêtes récentes dans les séries I, L, O (sous-série 1 O en particulier), Q (essentiellement sous-
série 1 Q), abondent de journaux et revues dont les contenus offrent des compléments d'information les uns par
rapport aux autres. Quant aux archives nationales, pour la période contemporaine, une des séries les plus
foisonnantes semble être la série F, particulièrement les sous-séries F 5, F 6, F 14 (versements du ministère de
l'Intérieur pour, respectivement, les comptabilités départementale et communale ainsi que les travaux publics) et
F 10 (versements du ministère de l'Agriculture). Par ailleurs, en matière de production du savoir, tout au long des
e e
XIX -début XX siècles, les traités et réflexions scientifiques synthétiques sur ces manifestations atmosphériques
ont foisonné. Au demeurant, le simple fait qu'entre 1995 et 2002 fut publiée une trilogie scientifique sur les
sources de l'histoire de l'environnement post-révolutionnaire suggère cette réalité disséminée des sources
d'Ancien Régime : Corvol, A. (dir.), 2002, Les Sources de lʼhistoire de lʼenvironnement, le XXe siècle, Harmattan,
Paris ; Corvol, A. (dir.), 1999, Les Sources de lʼhistoire de lʼenvironnement, le XIXe siècle, Harmattan, Paris ;
Corvol, A., Richefort, I. (dir.), 1995, Nature, paysage et environnement. L'Héritage révolutionnaire, Harmattan,
Paris.
12
Cf. infra, 2.3.3 - Textes à caractère scientifique et mesures instrumentales.
13
BURIDAN J., 1986, Les Questiones super tres libros Metheororum Aristotelis de Jean Buridan : étude suivie de
l'édition du livre, par Bages S., ENC, thèse de doctorat pour obtenir le diplôme d'archiviste-paléographe en
histoire médiévale.

94
MIZAULD14, néanmoins la période n'a pas réellement produit un genre documentaire propre au
thème des tempêtes15. Les pièces historiques conservées enregistrent la survenue d'un vimer à
condition que, par son impact, ce dernier désorganise le prélèvement seigneurial,
compromette les récoltes agricoles et/ou salicoles, entraîne des dépenses inattendues –
essentiellement de réparation –, rende susceptible l'obtention d'un dégrèvement fiscal16. La
recherche se consacre donc à récupérer des renseignements souvent isolés dans des écrits
n'ayant pas véritablement été composés et structurés à cet usage.

Exposée précédemment, il ne s'agira pas ici de regretter la tentative avortée d'embrasser


l'ensemble des documents relatifs aux vimers de mer, pas plus qu'il ne sera envisagé d'en faire
un tour d'horizon complet. La diversité des fonds mobilisables est telle que la démarche, non
contente d'être ambitieuse, serait prétentieuse. Au demeurant, une présentation rigoureuse et
approfondie du dispositif documentaire exigerait un volume ainsi qu'une expertise surpassant
de beaucoup le propos du chapitre. Les pièces disponibles se répartissent en plusieurs
catégories qu'il est possible de distinguer et classer en fonction de leur lieu de conservation
(dépôt municipal / départemental / national / médiathèque), leurs caractéristiques externes
(manuscrit / imprimé / publication), leur producteur (archive publique / privée17), leur « type »
(narratif / hagiographique / juridique / de la pratique / de gestion / etc.)... Ni énumération ni
typologie de toutes les sources textuelles d'utilité pour la thèse ne seront effectuées18. Seules
quelques ressources, parmi lesquelles documents narratifs et écrits du for privé, actes de la
pratique, registres de gestion et d'administration..., seront globalement interrogées ici. Du
reste, tout ou partie de pièce originale manuscrite en lien avec le sujet de la recherche pourra
faire l'objet d'une publication au cours du développement19. Cette édition de textes (ou extraits
de textes) médiévaux et modernes s'avère un outil précieux en vue de les comprendre, les
questionner, les diffuser, mais aussi justifier des hypothèses.

14
MIZAULD A., 1548, Le Mirouer de l'air, par bon ordre & breves sentences donnant a un chascun veue, &
avecques causes cognoissance tres facile presque de toutes choses faictes & engendrees en l'air : comme sont
pluyes, gresles, tonnoirres, fouldres, esclairs, neiges, orages, ventz & autres. Le tout veu par l'autheur & plus
que le latin augmenté & facilement interpreté, impr. Regnaud Chaudiere, Paris.
15
Thomas LABBE a formulé le même constat pour les catastrophes naturelles : Labbé, T., 2017, Les catastrophes
naturelles au Moyen Âge XIIe-XVe, CNRS, Paris, p. 34.
16
Sarrazin, J-L., Athimon, E. (collab.), 2019b, « Les plus anciens vimers à submersion documentés survenus en
baie de Bourgneuf (XIVe-XVIe siècle.) : où en est la recherche historique ? », ouvrage sur les risques publié par la
ComCom des Pays de Monts, [à paraître].
17
Le lecteur intéressé pourra parcourir avec profit l'ouvrage de Nougaret, C., Even, P. (dir), 2008, Les archives
privées. Manuel pratique et juridique, Direction des archives de France / La documentation française, Paris, en
particulier, sur cette question des producteurs, voir les chapitres 2, p. 28-34 et 5, p. 129-143.
18
Tout au long de ce chapitre, une consultation concomitante avec l'annexe 1 est recommandée. À l'intérieur de
celle-ci, les sources ont, en premier lieu, été hiérarchisées d'après leurs attributs extrinsèques, puis selon les
divers sites, services de préservation et, enfin, suivant les différents cadres de classement existants. Une analyse
ou une critique de toutes les pièces utiles à la thèse s'y trouve.
19
Se référer aux avertissements sur la publication de documents historiques dans la thèse.

95
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
2.1.1. Chroniques, annales, écrits du for privé

En premier lieu, la recherche historique sur les tempêtes peut s'appuyer sur des sources
dites « narratives ». Il peut s'agir de chroniques, d'annales, de mémoires, de diaires, de livres
de raison, de journaux privés, de notes marginales de registres paroissiaux... La source
narrative est rarement destinée à la diffusion auprès d'un lectorat important. L'objectif de la
mise en mémoire d'une histoire, d'un vécu ou d'opinions personnelles peut primer à sa
rédaction, au détriment parfois de la logique, de la chronologie ou de la vraisemblance. Le
contenu y est d'ailleurs narratif et de quantité / qualité variable20. N'ayant pas vocation à
spécifiquement contenir des renseignements météorologiques ou climatiques, ces documents
peuvent pourtant produire des données – y compris instrumentales21 – utiles autant à l'étude
du climat22, des manifestations météorologiques extrêmes23, que des perceptions et
appréhensions socio-culturelles de ces phénomènes24.

Si les « écrits du for privé », pour reprendre la formulation désormais consacrée de


Madeleine FOISIL25, sont des sources narratives, toutes les sources narratives ne sont pas des
écrits du for privé. Quelle(s) distinction(s) alors ? Bien qu'il ne me revienne pas de tenter de
délimiter et définir l'écrit du for privé26, une caractérisation brève et générale est envisageable.
Né à la f in du Moyen Âged'une pratique culturelle individuelle, voire familiale27, « l'écrit du

20
Pour ce qui touche à la critique, l'analyse, le traitement des sources narratives et de leurs données, la
détermination du taux de fiabilité : cf infra, 2.1.3 - La critique, base de la méthode historique et lʼannexe 1.
21
Par exemple : AM Bordeaux, Livre de raison de François-Etienne DE BRASSIER, ms. 520 ; Cf infra, 2.3.3 -
Textes à caractère scientifique et mesures instrumentales.
22
Adamson, G. C. D., 2015, « Private diaries as information sources in climate research », Wires C.C, 6, p. 599-
611 ; Alexandre, P., 1987, Le climat en Europe au Moyen Âge : contribution à l'histoire des variations
climatiques de 1000 à 1425, d'après les sources narratives de l'Europe occidentale, E.H.E.S.S., Paris ; Ornato,
E., 1988, « L'exploitation des sources narratives médiévales dans l'histoire du climat : à propos d'un ouvrage
récent », H & M, 3, p. 403-449.
23
Chollet, M., 2008, « Les écrits du for privé dans le Haut-Maine à lʼépoque moderne », ABPO, 115-1, p. 133-
158, p. 138-141 ; Schove, D.J, Reynold, D., 1973, « Weather in Scotland, 1659-1660 : the diary of Andrew
Hay », Ann. Sci, 30, p. 165-177.
24
Pfister, C., Brazdil, R., 2006, « Social vulnerability to climate in the « Little Ice Age » : an example from
Central Europe in the early 1770s », Climate of the Past, 2, p. 115-129 ; Behringer, W., 1999, « Climatic change
and witch-hunting : the impact of the Little Ice Age on mentalities », C.C, 43, p. 335-351, p. 343-345.
25
Foisil, M., 1986, « L'écriture du for privé », in Ariès, P., Duby, G. (dir), Histoire de la vie privée, t. III, Seuil,
Paris, p. 331-369.
26
Dans un article paru en 2010, Jean VASSORT esquisse la difficulté de définir l'écrit du for privé. Vassort, J.,
2010, « Les écritures du domestique et de l'intime », R.H.M.C, 57-4, p. 111-117. Du reste, s'est constitué depuis
2007 en France un groupe de recherche chargé de déterminer l'écrit du for privé ainsi que d'en inventorier les
textes : http://ecritsduforprive.huma-num.fr/presentation.htm [consultation le 05 avril 2018] ; Arnoul, E.,
Renard-Foultier, R., Ruggiu, F-J., 2011, « Les écrits du for privé en France de la fin du Moyen Âge à 1914 :
bilan d'une enquête scientifique en cours. Résultats de 2008-2010 », in Henryot, F. (dir), L'historien face au
manuscrit : du parchemin à la bibliothèque numérique, PUL, Louvain-la-Neuve, p. 167-188.
27
C'est ainsi le cas du journal de la famille BASTARD, imputable à trois générations d'auteurs, du grand-père au
petit-fils : Papier mémorial de la Famille Bastard (1585-1721), 1887, publié et annoté par Piet-Laraudrie
(Duplessie P-A), impr. Ch. Reversé, Saint-Maixent ; ou de celui du livre de raison de la famille BEAUVAIS
(1617-1671), rédigé par trois frères : Isaac (rédacteur principal), Jacques et Pierre DE BEAUVAIS : AD 33, 8 J
566.

96
for privé » désigne une prise de parole personnelle ayant pour objet la consignation d'une
expérience, d'un quotidien, d'occupations pour ainsi dire « banales » de la vie courante28. À la
différence de la chronique ou de l'annale, où l'auteur va puiser dans les références
documentaires, les récits d'autrui à sa disposition et tend à enrober sa narration de
romanesque29, dans le contexte de l'écrit du for privé, la parole se veut « directe et sans
intermédiaire »30.

Hétéroclite, le corpus de sources narratives profitables à la présente recherche puise


autant dans l'écriture du soi, que dans lʼécriture historique. Il comprend 97 documents, la
plupart connus et/ou imprimés, mais dont l'usage pour la reconstruction historique des
tempêtes était jusqu'alors majoritairement inédit. Du mémoire au journal, de la chronique au
livre de raison ou de comptes, de l'annale aux simples notes en passant par le récit de
voyage31, tous ont été rédigés entre le XV
e
et le XVIII
e
siècle. Il sera d'ailleurs observé que,
quoique leurs ouvrages puissent être perçus comme des sources de seconde main32, les
e
travaux d'érudits du XIX siècle33 ne sont pas considérés ici. À apprécier l'étendue des
lacunes34, le XIVe siècle, parent pauvre, n'apparaît couvert que par les récits de chroniqueurs et
historiens non contemporains comme Jean BOUCHET35, Gabriel de LURBE36, Jean HIRET37 ou
Pierre LE BAUD38. Globalement f iables, leurs œuvres etpropos doivent néanmoins être
abordés avec discernement et précaution. L'idéal s'apparentant à identifier dans la chronique

28
Courouau, J-F., Mouysset, S., 2010, « À la recherche des écrits du for privé du Midi de la France et de la
Catalogne », Annales du Midi, 122-270, p. 165-173, p. 166-167.
29
Vejrychova, V., 2015, « La réécriture de l'histoire chez Jean Froissart. Le chroniqueur face à ses sources », in
Anheim, E., Chastang, P., Mora-Lebrun, F., Rochebouet, A. (dir), L'écriture de l'histoire au Moyen Âge.
Contraintes génériques, contraintes documentaires, Classiques Garnier, Paris, p. 103-114.
30
Bardet, J-P., Riggiu F-J. (dir), 2005, Au plus près du secret des cœurs ? Nouvelles lectures historiques des
écrits du for privé en Europe du XVIe au XVIIIe siècle, PUPS, Paris, p. 7.
31
PERICARD-MEA D., 2008, De la Bohême jusqu'à Compostelle. Aux sources de l'idée d'union européenne.
Projet du roi Georges de Podebrady (1464). Récit du voyage en Europe du seigneur Léon de Rozmital (1465-
1467), Atlantica, Biarritz ; James-Raoul, D., 2006, « L'écriture de la tempête en mer dans la littérature de fiction,
de pèlerinage et de voyage », in Connochie-Bourgne, C. (dir), Mondes marins du Moyen Âge, PUP, Aix-en-
Provence, p. 217-229.
32
Cf. Annexe 1.
33
Parmi lesquels : BOULAIN L., 1893, Raz de Sein : diverses légendes sur la ville d'Is, études sur l'affaissement
progressif du littoral, monographie de l'île de Sein (relation de voyage), impr. A. de Kerangal, Quimper ;
DELAYANT L., 1870, Histoire des Rochelais racontée à Julien Méneau par son grand-père L. Delayant, tomes I
et II, impr. A. Siret, La Rochelle ; JOURDAN J-B-E., 1861, Éphémérides historiques de La Rochelle, impr. A.
Siret, La Rochelle...
34
Pour une présentation circonstanciée : cf. infra, Chapitre 8, 8.1.1 - Des pertes documentaires irrémédiables.
35
BOUCHET J., 1557, Les annalles dacquitaine, faits et gestes en sommaire des Roys de France et dangleterre et
des pays de Naples et de Milan, impr. Enguilbert de Marnef, Poitiers
36
DE LURBE G., 1619, Chronique Bourdeloise composée cy-devant en latin par Gabriel de Lurbe et par luy de
nouveau augmentée et traduite en françois, impr. Simon Millanges, Bordeaux.
37
HIRET J., 1618, Des antiquités d'Anjou, impr. Anthoine Hernault, Angers.
38
LE BAUD P., 1638, Histoire de Bretagne avec les chroniques des maisons de Vitré et de Laval, impr. Gervais
Alliot, Paris.

97
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
le moment où celle-ci devient originale et où l'annaliste se fait mémorialiste39. À compter du
e
XVI siècle, les perspectives sont heureusement moins sombres, ce à quoi l'explosion des écrits
du for privé n'est pas anodin. Couvrant l'ensemble du cadre spatial de la thèse, de la Bretagne
à la Gascogne, du Maine au Poitou, les auteurs appartiennent au monde urbain40, mais aussi à
celui de la ruralité41. Issus des trois ordres composant la société française d'Ancien Régime42,
il faut compter sur leur diversité. Ainsi, jeunes ou âgés, hommes ou femmes43, catholiques ou
protestants, ils peuvent provenir de la noblesse44, exercer une magistrature45, être clercs46,
armateurs ou négociants47...
Une remarque complémentaire en ce qui concerne les registres paroissiaux. Revêtant un
caractère de gestion, ces documents peuvent renfermer, en marge des actes officiels, des
mentions intéressantes sur le quotidien, les loups, le prix des denrées, les phénomènes

39
Labbé, T., 2017, op. cit., p. 34 ; Cf. Annexe 1.
40
Sans exhaustivité : BAUDOUIN N., Annales de La Rochelle, Med. M. Crépeau, ms. 50 ; CHERTIER J., 1897,
« Journal d'un bourgeois de Dinan (1637-1690) », in M.S.C.N, Saint-Brieuc, t. xxxv, p. 1-32 ; LOUVET J.,
Journal ou récit véritable de tout ce qui est advenu digne de mémoire tant en la ville dʼAngers, pays dʼAnjou et
autres lieux (depuis lʼan 1560 jusquʼà lʼan 1634), Med. Touss., ms. 981 à ms. 986 ; GENESTE G., Chronique
bordelaise de Gilles de Geneste (1609-1625), A.M Bordeaux, ms. 422.
41
Pour n'en citer que quelques-uns : « Notes historiques sur la baronnie de Marthon en Angoumois », 1897,
notes laissées par les curés Thomas, Jean ALLARD et Jean DURAND dans les registres de Bouex, Marthon et
Grassac, in B.M.AH.C, p. 44-55 ; MORVAN DE KERPONT D'ARMES C., Journaux, Med. J. Demy, ms. 2616 et
2617, Mi B 155 ; POUZAUX J., 1876, « Mémoires sur la paroisse et Benefice de Gémozac en Saintonge avec les
événements les plus remarquables qui se sont passés depuis le règne de Louis VII, roi de France. Dressés en
l'année 1765 », in Notice historique sur la commune de Gémozac par un indigène, d'après les mémoires du curé
Pouzaux et d'autres manuscrits, Lemarié, Saint-Jean-d'Angély, p. 28-118 ; ROBERT S., 1895, « Journal de Simon
Robert, notaire à Germond, Bas-Poitou (1621-1654) », publié par Desaivre L., in A.H.P, tome XXV, p. 383-416.
42
Pour rappel : Noblesse, Clergé, Tiers état.
43
Si les femmes ne sont pas absentes du corpus, elles sont sous-représentées puisque seules deux ont été
recensées. La première, Marie BARRE, a continué le journal de son époux Antoine DENESDE entre 1659 et 1687 :
Journal d'Antoine Denesde, marchand Ferron à Poitiers, et de Marie Barré sa femme (1628-1687), 1885, publié
par Bricauld De Verneuil M., impr. H. Oudin, Poitiers. La seconde, Françoise SYMON, est membre de la famille
de marchands et notaires rennais « BORDEAUX » et participe à la rédaction du journal familial de 1643 à 1649 :
Moi, Claude Bordeaux, journal d'un bourgeois de Rennes au XVIIe siècle, 1992, publié par Isbled B., Apogée,
Rennes.
44
Dont : DE LANTILLAIS, 1850, « Récit inédit de la bataille de Saint-Cast et souvenirs de la vie à Plancoët au
e
XVIII siècle d'après le livre de raison du Sénéchal de Lantillais », publication par de la Motte Rouge D.,
M.S.C.N., Saint-Brieuc, p. 1-24 ; FLEURIOT R., 1878, « Le journal de René Fleuriot, gentilhomme breton (1593-
1624) », publication de Barthélémy A., in C.H, t. XXIV, 2e série, Paris, p. 99-117 ; Livre de raison de Marc
Antoine LE BRETON, Baron de Bonnemie, AD 17, 4 J 3305.
45
Entre autres : GUILLAUDEAU P., Diaire, Med. M. Crépeau, ms. 80, Mi 114, fol. 155-211 ; REVEILLAUD M.,
« Journal de Michel Reveillaud », publié par DANGIBEAUD Ch., in AHSA, éd. Picard A., tome XLV, Paris-Saintes,
1914, p. 7-180 ; ROBERT S., 1883, « Un livre de raison, 1639-1668. Journal de Samuel Robert, lieutenant
particulier en l'Election de Saintes », publié par Tortat G., in AHSA, tome XI, p. 323-416.
46
Notamment : MALEU E., 2012, Chronique de Maleu, traduction intégrale du texte, publié en latin en 1847 par
la Société des Vieilles Pierres, n°4, Saint-Junien ; OUDIN G., Extrait dʼun manuscrit de Messire Guillaume
Oudin, prestre sacristin de lʼabaye de Nostre Dame du Ronceray, depuis lʼannée 1447 jusquʼen lʼan 1499, copie
du XVIe s., Med. Touss., ms. 0976 (numérisation) ; NEPVEU DE LA MANOUILLERE, 2013, Le journal dʼun
chanoine du Mans. Nepveu de La Manouillère (1759-1807), publication par Granger S., Hubert B., Taroni M.,
PUR, Rennes.
47
MERVAULT P., 1648, Histoire du dernier siège de La Rochelle où se voit plusieurs choses remarquables qui se
sont passez en iceluy, impr. Jean Berthelin et Jacques Caillove, Royan ; Mémoires pour servir à l'histoire des
Sables-d'Olonne d'André COLLINET, AD 85, 144 J 1 à 144 J 12 (numérisation) ; Journal de Jacob LAMBERTZ,
AD 17, 4 J 1808, publié par Garnier, E., Surville F. (dir), 2010b, Climat et révolutions. Autour du journal du
négociant rochelais Jacob Lambertz (1733-1813), Le Croît Vif, Saintes.

98
météorologiques. C'est la nature de ces annotations qui présida à la décision de les intégrer au
corpus narratif. Rédigées par des lettrés globalement proches de la communauté villageoise
formée par leurs fidèles, ces notices éclairent le fait divers au point de le transposer comme
révélateur de la perception, de la culture, de la sensibilité des populations48. Si quelques-unes
sortent du lot comme André Landais, aumônier de l'hôpital Toussaint de Nantes de 1625 à
167149, la plupart des plumes qui emplissent les registres paroissiaux restent anonymes.
Précisons au demeurant que la totalité du cadre temporel n'est pas embrassée par ces
ressources. En effet, si en Bretagne, à Nantes en particulier, l'existence de registres
e
paroissiaux est attestée au moins dès le XV siècle50, dans nombre de régions, il faut attendre
l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) pour que le pouvoir royal impose aux prêtres la tenue
de ces recueils. Par ailleurs, à partir des années 1667-1668 et l'ordonnance de Saint-Germain-
en-Laye, les registres paroissiaux se normalisent. Les références hors baptêmes, mariages,
sépultures deviennent interdites. Il est alors nécessaire d'envisager une raréfaction des
inscriptions. Proportionnellement gigantesque dans l'ouest de la France, la masse apparaît
cependant inégale et la consultation de ces fonds demeure laborieuse : si certains religieux
semblent prolixes, d'autres sont laconiques ou parfaitement silencieux. Encore maigres pour
l'heure, les exhumations s'avèrent prometteuses et présagent d'opportunités d'enrichissement
des connaissances sur l'histoire des tempêtes51.

Illustr ation 2: Extr ait d'un r egistr e par oissial de la commune de (La) Br uffièr e.
Source : AD-85, AC 039, numérisation, vue 10.

48
Croix, A., 1993, « Introduction », in Moi, Jean Martin, recteur de Plouvellec... Les curés “ journalistes” de la
Renaissance au XVIIe siècle, présenté par Croix, A., Apogée, Rennes, p. 7-12, p. 9.
49
A.M Nantes, GG 485 et GG 486 ; cf. Annexe 1.
50
A.M Nantes, GG 168, registre de la paroisse de Saint-Nicolas, 1467-1477.
51
Cf. Annexe 1.

99
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes

Pièce justificative n° 1
AD Vendée, AC 039, vue 10

Registre papier non-folioté, source manuscrite, original, ancien français, bon état, numérisé.

Registre paroissial des baptêmes, mariages, sépultures pour les années 1751-1760 de la
paroisse de La Bruffière. L'auteur est témoin oculaire. Fiabilité très bonne.

Analyse : note marginale rédigée par le curé de la paroisse de La Bruff ière au sein de son
registre des baptêmes, mariages, sépultures pour les années 1751-1760 décrivant la tempête
des 14-15 mars 1751.

« La nuit du qua torze a u quinze ma rs de dix he ure s e nviron du s oir jus que s s ur le s cinq
he ure s e nviron du ma tin, il y a e u un oura ga n s i viole nt que de mé moire d'homme il ne s e n
e s t ve u un pa re il. Il a dé couve rz plus de la moittié du coe ur de l'é glis e , e mporté e t dis s ipé
pre s que toutte s le s a rdois e s , ra va gé la ne f de l'é glis e , re nve rs é s le s croix de s pignons ,
dé couve rt une gra nde pa rtie de s ma is ons , e nfin à a rra ché e t dé ra ciné , e t re nve rs é de s
a rbre s che s ne s de s plus forts e t de s plus gra nds , e t n'a pre s que pa s la is s é de bout de
pomie rs , prunie rs , ce ris ie rs , poirie rs e t a utre s a rbre s fruitie rs . Il e s t e nfin pre s que incroya ble
le tort qu'à ca us é ce tte te mpe s te da ns ce tte pa rois s e e t a utre s a ux e nvirons . »

Par ailleurs, les observations météorologiques consignées dans les sources narratives
sont d'une grande richesse et hétérogénéité. Foisonnantes au sein du récit narratif, elles offrent
un accès privilégié à l'aléa. Il est pourtant impératif de ne pas oublier que celui-ci émerge
toujours à travers le prisme du témoin ou du rapporteur. Favorisant l'exceptionnel, le tragique,
l'impressionnant, le ponctuel paroxystique – dont les tempêtes font partie –, le récit narratif
tend effectivement à faciliter la déformation du vécu, de la réalité. Produit de peurs, de
fantasmes, de questionnements multiples, une « construction idéologique » du fait peut alors
découler52. Mémorables avant tout à cause de leurs retentissements, les descriptions en sont
souvent extrapolées, exagérées ou, au contraire, atténuées. Dans son diaire, Jacques MERLIN
se montre étrangement plus volubile sur la tempête du 9 juillet 1598, que sur celle, pourtant
majeure53, des 31 décembre 1598-3 janvier 159954. Si la raison en reste inconnue, une
explication hypothétique peut être avancée. Peu de temps après le phénomène du mois de
juillet 1598, Jacques MERLIN quitte La Rochelle pour se rendre en Poitou. La tempête y a fait
d'importants ravages qu'il constate au cours de son séjour : « Estant allé quelque temps après
en Poitou, j'y vis les effets de ceste tempeste-la »55. À une époque où la circulation des
informations est plutôt lente et restreinte, parcourir des paysages endommagés par des vents

52
Labbé, T., 2017, op. cit., p. 33.
53
Cf. infra, Chapitre 8, 8.2.2 - Le vimer général des 31 décembre 1598-3 janvier 1599.
54
Diaire de Jacques Merlin et recueil des choses les plus mémorables qui se sont passées en ceste ville de La
Rochelle de 1589 à 1620, Med. M. Crépeau, ms. 161, Mi 114, fol. 365-366.
55
Idem, fol. 365.

100
ayant aussi frappé son épicentre de vie, put durablement le marquer et influencer sa vision. Le
voyage aurait dès lors entraîné une modification du paradigme spatial et, à sa suite, une
reconceptualisation et réinterprétation de l'emprise de l'événement. On ne saurait trop le
remémorer : de cette illustration, il résulte que le chercheur ne doit pas se départir de sa
méfiance ainsi que d'une distance critique appréciable. Ce d'autant qu'étroitement dépendantes
de l'instance qui les a commanditées et/ou de l'auteur, les observations de manifestations
tempétueuses dans des sources narratives répondent communément à des enjeux d'ordre
idéologique ou moral. Forcer le désastre, le dramatiser, le ramener à une colère divine
contribue à lui conférer un caractère exemplaire, une envergure morale forte. Pour finir56, les
anachronismes, incohérences et extravagances, y compris choquants, doivent avoir pour
conséquence de rappeler au scientifique, que nulle date, nulle information, n'est absolue. Sans
un contrôle strict, le chercheur ne peut en accepter aucune. Dans sa Chronique, Perceval DE

CAGNY, témoin oculaire, décrit la tempête du 7 octobre 1434 comme survenue en...143357. En
vue de rétablir la vérité, circonspection, maîtrise des outils critiques, connaissance des sources
et recoupements58 sont fondamentaux !

Relativement englobant et diversifié, ce corpus narratif ne doit toutefois pas tromper. Si


le chercheur apprécie, comprend que la vision des humbles est d'un puissant intérêt et qu'il lui
faut glaner des informations ailleurs que chez les grands chroniqueurs, les auteurs
appartiennent tous à l'élite sociale et culturelle de leur lieu de résidence, ainsi que de leur
temps. Certes, moins opaque, mais encore inaccessible et incertaine, l'âme de la masse ne
saurait être pénétrée par ces seules ressources.

2.1.2. La tempête dans l'archive : un accent sur les actes de la pratique, les documents
de gestion et d'administration

Du grec arkhaion, signif iant «ce qui est vieux », l'archive constitue un ensemble de
matériaux de première main pour l'étude du passé. Souvent socialement imaginée à la manière
d'une preuve écrite, d'une évidence absolue de ce qui fut, l'archive, quoiqu'elle fasse « renaître
le vivant »59 et que tout l'envers d'une société s'y dépose60, ne saurait être détachée d'une
démarche critique et analytique poussée. On se gardera de plus de confondre, voire de faire un
amalgame entre, l'archive et la bibliographie. Ainsi, pouvant être conservée au sein des

56
Dans une perspective de compréhension globale du corpus narratif, des enjeux, du traitement et des limites de
ce dernier, la lecture ne saurait se détacher de la partie 2.1.3 - La critique, base de la méthode historique, ainsi
que de l'Annexe 1.
57
DE CAGNY P., 1902, Chroniques, publiées par Moranvillé H., impr. Daupeley-Gouverneur, Paris.
58
La ville de Paris est aussi touchée. Journal d'un bourgeois de Paris, 1405-1449, 1990, publié par Beaune C.,
Livre de Poche, Paris.
59
Rouquet F., 2005, « Introduction », op. cit., p. 7.
60
Idem.

101
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
collections d'ouvrages des bibliothèques des services d'archives municipales, départementales,
nationales ou dans les fonds patrimoniaux des médiathèques, la compilation érudite des XIXe-
e
XX siècles n'est pas de l'ordre de l'archive ; pas plus que l'archive ne relève de la
bibliographie. L'archive, foisonnante de pièces diverses aux objectifs, intentions, modes de
production et de préservation, commanditaires / rédacteurs / destinataires, etc. très variés,
regorge de renseignements sur les tempêtes. Littérature juridique ou scientifique61, récits
narratifs62, outils de communication, actes de la pratique, sources administratives, documents
de gestion... peuvent être de l'archive.
Si les outils dits de communication – parmi lesquels les lettres et correspondances –
sont susceptibles de mentionner des phénomènes tempétueux63, l'accent sera particulièrement
mis ici sur les actes de la pratique, les documents de gestion et ceux d'administration64.
Considérés sous un même ensemble, ils forment une masse composée de 676 pièces utiles à la
présente recherche. Originales et inédites pour la plupart, quelques-unes – désormais perdues
pour certaines – firent néanmoins l'objet de publication65 ou sont bien connues des
spécialistes66.
Que le lecteur soit par ailleurs informé : l'étude se veut consciencieuse, mais cursive et

61
Cf. infra, 2.3.3 - Textes à caractère scientifique et mesures instrumentales
62
Cf. supra, 2.1.1 - Chroniques, annales, écrits du for privé
63
Sans exhaustivité : AN Paris, G/7//345/2, microfilm : lettre du 30 août 1686 de l'intendant de la généralité de
Limoges au contrôleur général faisant mention d'une tempête survenue en août de la même année ; AN Paris,
G/7//186 : lettre de l'évêque de Nantes du 2 janvier 1706 au contrôleur général constatant les dégâts générés par
la tempête de la fin décembre 1705 ; AM Nantes, DD 337, pièces n°18 à 27 : correspondance entre l'intendant de
Bretagne De Brou et le maire de Nantes Mellier au sujet d'une treille en partie arrachée par une tempête en
1723 ; AD 29, B 4649, lettre du 11 octobre 1746 rédigée par la sœur de Monsieur Derm depuis la ville d'Auray
dans laquelle elle décrit la tempête du 8 octobre ; AD 33, C 204 et C 205, lettres de la Cour écrites à l'intendant
de Bordeaux sur la période 1782-1785 au sujet de désastres survenus dans la généralité, parmi lesquels des
« ouragans » ; AD 17, C 33, pièce n°12°1er bis : copie d'une lettre datée du 30 novembre 1789 de l'intendant de
La Rochelle se défendant des accusations portées contre lui dans un mémoire du 11 octobre 1788.
64
Guyotjeannin, O., 1998, op. cit., p. 170-185 ; Barbiche, B., 1996, « La diplomatique des actes de l'époque
moderne, XVIe-XVIIIE siècle. Bilan et perspectives. », Gazette des archives, 172, p. 19-36.
65
Dont : Cahiers des plaintes et doléances de Loire-Atlantique, 1989, publication par Le Mené M., Santrot M-
H., t. I-IV, Conseil général de Loire-Atlantique, Nantes ; Cahiers de doléances des sénéchaussées de Quimper et
de Concarneau pour les états généraux de 1789, 1927, publiés et annotés par Savina J. et Bernard D., t. I-II,
impr. Oberthur, Rennes ; Inventaire des titres et privileges de l'Isle de Re accordes en faveur des habitans de
ladite isle par nos Roys prédecesseurs, jusqu'au regne de Louis XV, heureusement regnant, imprimé au
requisitoire des Sieurs David Neraud, sindic general desdits habitans, de Pierre Nolleau, son coelu, d'André
Valleau son premier commissaire et d'Estienne Chesneau son second commissaire, 1728, impr. Pierre Mesnier,
La Rochelle ; Mémoires présentés au roi Charles VII par les délégués de la ville de Poitiers pour le détourner
d'établir la gabelle en Poitou et en Saintonge, 1873, publication par Ledain B., in A.H.P, Poitiers, tome II, p.
258-284.
66
C'est, entre autres, le cas de la pièce n°122, 1AP/2132 : registre de comptes du receveur du 28 juillet 1468 au
28 juillet 1470, enregistrant une submersion à la fin du mois de janvier 1468 (1469 n.st.) et de celle n°75
(anciennement n°476), MIC/1AP/2002 : acte de comparution du 27 août 1537 en vue d'un ajournement et d'une
assignation à la suite d'un vimer, toutes les deux conservées aux AN (site de Pierrefitte-sur-Seine). Jean-Luc
SARRAZIN les mentionne dans plusieurs de ses articles. Sarrazin, J-L., 2016a, art. cit., p. 177 ; Sarrazin, J-L.,
2015, « Les communautés paysannes des marais littoraux poitevins à la fin du Moyen Âge : pratiques
communautaires, hiérarchisation sociale, solidarités », in Jeanneau, C., Jarnoux, P. (dir), Les communautés
rurales dans l'Ouest du Moyen Âge à l'époque moderne, CRBC-UBO, Brest, p. 191-224, p. 201-203 ; Sarrazin,
J-L., 2012, art. cit., p. 95.

102
simplifiée, voire un peu schématique dans sa typologie. Bien que ces opérations apportent
leur lot d'informations nouvelles et soient indissociables du travail de critique, nul catalogage,
analyse codicologique, enquête historique détaillée sur leurs conditions de rédaction,
conservation et utilisation ne sera effectué, pièce par pièce67, dans les prochaines lignes.

Longtemps perçus comme « l'application de la norme »68, les actes de la pratique – dont
les chartes et cartulaires, les minutes notariales, de même que les mandements, arrêts et
ordonnances émanant de ou adressés à une autorité du royaume restent probablement, au sein
du présent corpus, les meilleurs représentants69– entretiennent un lien étroit avec le droit.
Caractérisés par l'usage de formules définies, généralement rédigés afin d'acter d'un don,
d'exposer un litige personnel ou un problème d'ordre public, de solliciter une intercession, ils
incarnent un pouvoir, ils reflètent une culture spécifique, que l'histoire des mentalités –
d'utilité pour l'analyse des réactions des sociétés anciennes à l'aléa météo-marin – ne saurait
ignorer. Rédigés par des clercs ou notaires investis de la « main publique » par le pouvoir
royal, ducal/seigneurial, ecclésiastique, urbain, ils consignent des relations de vimers en lien
avec des bris de mer, des biens immeubles gâtés, des justifications de privilèges, des
demandes d'aides, de dégrèvements fiscaux...

Produits et surtout conservés selon une fréquence inégale, les documents de gestion
quant à eux regroupent, dans le cadre du corpus, essentiellement des registres de comptes
urbains ou seigneuriaux70, laïques comme ecclésiastiques. Il peut ainsi s'agir d'une
comptabilité portant sur les deniers communs, rentes, réparations, affaires générales d'une
ville, abbaye, fabrique d'une paroisse, seigneurie71... Bien que formant une masse

67
Cf. Annexe 1 et pièces justificatives publiées.
68
Guyotjeannin, O., 1998, op. cit., p. 176.
69
Par exemple : Cartulaire de l'abbaye de Saint-Jean d'Orbestier (1107-1454), 1877, publication de De La
Boutetière L., in A.H.P., Poitiers, tome VI, pièce n°194, p. 232-234 ; Cartulaire des Sires de Rais (1160-1449),
1898-1899, publication de Blanchard R., in A.H.P, Poitiers, tome XXX, pièce n°CCCXIV, p. 457-474 ; Documents
sur l'île de Bouin, 1874, publication par Luneau S. Gallet E., impr. Vincent Forest et Emile Grimaud, Nantes,
pièces n°I, p. 229-259 ; n°XIII, p. 288-291 ; n°XXXIII, p. 347-351 ; n°LX, p. 432-433 ; n°LXVI, p. 449-453 ;
n°LXXXVIII, p. 553-557 ; n°LXXXIX, p. 558-562 ; Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les
registres de la Chancellerie de France, publication de Guérin P., impr. H. Oudin, Poitiers, tome VI, pièce
n°DCCLXXIII, p. 88-92 ; tome XI, pièce n°MCCCCXXIV, p. 61-66 ; AD 33, 3 E 12198, fol. 42 : minute du 16
novembre 1496 consignant l'impossibilité de transporter quatre pipes de vin à cause d'une tempête ; AD 44, B 55,
fol. 66-67 : mandement prolongeant pour 4 ans d'affranchissement accordée à plusieurs paroisses de la baie de
Bourgneuf en 1563 afin de les aider à réparer les chaussées de leurs marais salants ; AM Quimper, DD 17, pièce
n°1 : requête des Capucins, datée du 14 septembre 1650, adressée à l'assemblée des bourgeois de la ville de
Quimper en vue d'obtenir la propriété des arbres tombés lors d'une tempête ; AD 17, C 33, dossier sur les digues
de l'île de Ré, pièce n°88 : arrêt du conseil d'Etat du 5 décembre 1730 concernant des réparations à faire aux
digues de l'île de Ré.
70
Intégrés aux sources narratives, les livres comptables et de raison personnels ou familiaux, pouvant consigner
un état des recettes et dépenses quotidiennes, ne seront pas considérés ici. Cf. supra, 2.1.1 - Chroniques, annales,
écrits du for privé.
71
Notamment : AD 33, G 236, fol. 1/17 : registres de comptes de l'archevêché de Bordeaux mentionnant une

103
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
archivistique considérable sur toute la période étudiée72, l'historien, entre autres des tempêtes,
doit composer avec des pertes inestimables au sein des séries73. Ces lacunes sont
particulièrement importantes pour le Moyen Âge, ainsi que pour ce qui a trait à la
saliculture74, activité extrêmement sensible aux vimers75. De manière globale, loin de rester
cantonnée au domaine de l'histoire économique, la source financière, témoignant de la gestion
des « réalités concrètes de l'existence »76, est susceptible d'enregistrer la survenue de tout
événement préjudiciable (présence de soudards, migration des sables, pluies diluviennes,
gelées tardives, chutes de grêle, grands vents...) aux revenus du domaine, aux ressources de la
ville. Tenus de s'expliquer pour toutes dépenses extraordinaires et baisses de recettes, les
miseurs, receveurs, contrôleurs soumettent cependant l'évocation de l'aléa météo-marin à des
nécessités économiques et financières : remise en état, reconstruction, constat de la perte
d'une récolte, ruine d'une saline...77 Dès lors, il n'échappera pas au chercheur que les mentions
de tempêtes relevées par les rédacteurs dans les documents de gestion sont tributaires autant
de leur position, des phénomènes les touchant de près que de leur sensibilité.

enquête menée en 1346 par le sacriste de Bourg au sujet des dîmes dans les paroisses de Bayon et de Gauriac
ravagées par une tempête ; AD 44, 1 E 221, troisième cahier : registre de comptes du receveur de la seigneurie de
la Blanchardais dans lequel est enregistrée une inondation des prés liée à la marée en 1448-1449 ; AD 44, H
28/6, liasse 6, pièces n°1 à 8 : registres de comptes (1505-1564) de l'abbaye cistercienne de Buzay en ses
domaines de l'île de Bouin contenant des informations sur des réparations et entretiens opérés aux chaussés des
marais ; AD 72, G 888 : compte de la fabrique de la paroisse de Saint-Denis des Sables enregistrant une dépense
effectuée pour la réparation de l'église à la suite de la tempête de la fin décembre 1705-début janvier 1706 ; AM
Nantes, CC 199, fol. 24 : comptabilité des miseurs de la ville faisant état de dépenses extraordinaires liées à des
réparations aux couvertures de plusieurs bâtiments publics à la suite d'une tempête en octobre 1710.
72
Kerhervé, J., 2004, « L'historien et les sources financières de la fin du Moyen Âge », in Carozzi, C., Taviani-
Carozzi, H.(dir), Le médiéviste devant ses sources. Questions et méthodes, PUP, Aix-en-Provence, p. 185-206 ;
Félix, J., 1994, Économie et f nances i sous l'Ancien Régime : Guide du chercheur, 1523-1789, IGPDE,
Vincennes, p. 49-379 ; Constant, G., 1938, « Les registres de marguilliers », R.H.F, 103, p. 170-183 ; Cf.
Annexe 1.
73
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.1 - Des pertes documentaires irrémédiables et 8.2.1 - Reconstruction : l'impossible
exhaustivité malgré l'accroissement des émergences.
74
Sarrazin, J-L., 2016a, art. cit., p. 171-174 ; Sarrazin, J-L, 2016b, « Les marais salants à l'épreuve des vimers
(XVe- début du XVIe siècle) », Bulletin de la Société des historiens du Pays de Retz, hors série de l'année 2016,
Marais du Pays de Retz. Géohistoire d'un espace conquis, p. 85-92 ; Buron, G., 2000, Bretagne des marais
salants. Hommes du sel, Skol Vreizh, Morlaix, t. 2, p. 13-25 et 77-91.
75
Ainsi : AN (P-s-S), 1AP/1964 : registre de comptes du receveur du 24 juin au 29 septembre 1492 pour la terre
et seigneurie de l'île de Noirmoutier enregistrant de mauvaises recettes de sel liées à des malines ; AD 44, 2 E
382 : compte d'exploitation de salines sises à Saint-Cyre en Retz appartenant à la famille BLANCHET dans lequel
sont constatées des pertes de sel à cause de la mer.
76
Kerhervé, J., 2004, ibid., p. 206.
77
Comme en attestent, entre autres, les documents suivants : AD 33, G 240, fol. 267 : registre de comptes de
l'archevêché de Bordeaux enregistrant une dépense extraordinaire liée à une impétuosité de la mer en 1412 ; AD
86, G 1529, fol. 53 et 84 : compte du chapitre de Sainte-Radegonde de Poitiers actant de mises extraordinaires et
dons faits aux Carmes de la ville en vue de les aider à réparer leur église, en particulier le clocher, abîmée par
« fortune de tempête » durant l'hiver 1456-1457(n.st) ; AD 44, E 269, 2e cahier, fol. 8 : registre de comptes du
receveur de la châtellenie de Belligné dans lequel est mentionnée une tempête ayant gâté les blés en juillet 1507 ;
AD 85, H 110 : registre de comptes de l'abbaye Saint-Jean-d'Orbestier portant acte de dépenses extraordinaires
faites en vue de réparer des marais salants ruinés en 1694 ; AD 17, C 33, pièce n°74 : document comptable du 31
décembre 1735 des ouvrages et réparations réalisés à l'île de Ré à la suite des tempêtes d'octobre 1734 et janvier
1735.

104
Les sources administratives, enfin, procurent des renseignements exceptionnels, en
particulier pour ce qui intéresse la prise en charge, la gestion du risque par les autorités. Au
sein du corpus, trois entités émergent : les registres de délibérations, la documentation émise
par les intendances, eaux et forêts et ingénieurs de façon générique, les fonds des Amirautés.
Si la manne représentée par les deux dernières ne se développe qu'à compter de la seconde
e
moitié du XVII siècle, la tenue des cahiers de délibérations communales et capitulaires est
attestée dès la fin de la période médiévale78. Fruits des échanges d'échevins, de capitouls, de
bourgeois, d'élus, d'intéressés sur les affaires d'un chapitre, d'une « municipalité », d'un
hôpital, etc., ils enregistrent les mesures, essentiellement financières, prises à la suite d'un
désastre climatique ou météorologique, dont l'événement tempétueux79. Souvent
circonstanciés, les rapports décrivent les dommages, mais copient ou énoncent également les
dispositions adoptées telles que des visites, devis, expertises réalisés, ce qui offre un
appréciable suivi du dossier. Ainsi, le 3 mars 1747, les membres de la société des marais
desséchés de Vix, Maille, Maillezais et Doix, à la suite d'une visite, dressent l'état des dégâts
qu'une submersion survenue dans les marais de Vix et Maillezais a engendrés. Le 23 février
1747, sous les assauts additionnés d'impétueuses rafales et des vagues, des brèches
« considérables et qui saugmantent a chaque instant par l'impetuosité de l'eau80 » se sont
effectivement ouvertes dans les levées. L'impétuosité des éléments est alors telle qu'entre la
bonde de Souil et l'aqueduc de Maillé, les terres sont sous les eaux. Installés sur les digues et
ceintures des marais et chargés de leur entretien, les cabaniers sont incités à remettre en état.
Le 7 mars, une assemblée extraordinaire se tient : la ruine est telle et les opérations de
réfection si lentes à s'engager que le seigneur de Doix adresse une assignation au directeur des
marais. Ce dernier est contraint de faire réaliser les réparations nécessaires, ce au plus vite et
par tous les moyens81.
Similairement, les registres des intendances et juridictions – provinciales, policières et
forestières essentiellement82 – fourmillent de références sur des vents dévastateurs83.

78
Coulet, N., 2004, « Les délibérations communales en Provence au Moyen Âge », in Carozzi, C., Taviani-
Carozzi, H.(dir), op. cit., p. 227-248 ; Constant, G., 1938, op. cit., p. 181-183.
79
Pour n'en citer que quelques-uns : AD 86, G 1597, fol. 189 : délibération capitulaire du 10 juillet 1598 portant
sur les dégâts générés à la toiture de l'église lors de la tempête des 9-10 juillet ; AD 85, 62 J 4, fol. 38 :
délibération des membres de la société des marais desséchés de Vix, Maille, Maillezais et Doix du 3 décembre
1670 portant sur les huttiers des digues de Souil, Maillezais et Doix ; AM Nantes, BB 69, fol. 67 v° :
délibération du Conseil des bourgeois de la ville à propos de réparations extraordinaires effectuées par un
couvreur à la suite d'une tempête en septembre 1708 ; AD 44, G 473, fol. 52 : délibération de l'assemblée
paroissiale de l'église Sainte-Croix de Nantes concernant les dégâts causés par la tempête des 14-15 mars 1751 ;
AD 17, H-dépôt 6 E*1, fol. 6 : délibération de la commission administrative de l'hôpital de Saintes du 18 février
1766 au sujet d'une réparation à faire aux marais salants des Marteau appartenant à l'hôpital.
80
AD 85, 62 J 11, fol. 9.
81
Idem., fol. 14 v°.
82
Garnier, E., 2010b, op. cit., p. 39-41.
83
Comme : AN CARAN, G/7//131, dossier année 1680 : réponse de l'intendant de Bordeaux du 25 décembre
1680 à une lettre des jurats de Libourne au sujet de la rupture d'une digue par la mer et une demande de secours

105
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
Détaillés, les témoignages se concentrent surtout sur les conséquences, les impacts des
tempêtes sur les activités, les communautés sinistrées, l'environnement, les écosystèmes. Ils
incluent souvent un montant des dommages matériaux, un état estimatif des pertes
économiques, un dénombrement des arbres cassés, déracinés, abattus. Cela autorise alors, à
l'échelle localisée d'une paroisse, d'un bois, d'une propriété, une approche quantitative
participant à l'appréciation de l'ampleur de l'aléa. Il n'échappera pas au lecteur que, formant
une masse innombrable symbole de l'organisation croissante des autorités du royaume, tous
les registres de chablis, police, intendance84 impliquant les interventions des représentants
(gardes forestiers, ingénieurs, intendants) des administrations du roi ne purent, évidemment,
être dépouillés. De futures recherches offriront peut-être la possibilité d'une consultation
approfondie de ces fonds précieux pour le chercheur en histoire des tempêtes.

Pour terminer, une dernière réflexion sur les registres des Amirautés. La ressource est
certes abondante, profitable et loin d'être épuisée, notamment pour l'historien des tempêtes.
Pourtant, l'objet de ce présent travail est avant tout d'ordre météo-climatique. Si les études
portant sur la marine, le transport maritime, les navires, les gens de mer, etc. peuvent
contribuer85, en particulier par le biais des nombreux cas de naufrages, à la recherche en
climatologie historique, elles ne sauraient se confondre avec elle, et inversement. D'autant que
les échouements sont généralement le résultat d'une conjonction de plusieurs facteurs, parmi

qui leur est refusée ; AM Nantes, FF 72, fol. 24 : registre du greffe du siège royal de la police de Nantes
contenant, en date du 16 mars 1751, l'obligation adressée par le procureur aux maîtres de chaloupes et gabarres
de Nantes de se rendre dans la rade de Paimboeuf afin de porter secours aux bâtiments pris dans la tempête des
14-15 mars ; AD 85, 8 B 32 : extrait des registres du greffe civil de la baronnie de Bouin du 10 janvier 1761
portant sur des réparations de chaussées nécessaires à faire à la suite du vimer d'octobre 1760 ; AD 33, C 3672 :
lettres et ordonnances de la police des pins pour le rétablissement des clayonnages construits sur une dune
proche de l'église de Mimizan, qu'une tempête en mai 1783 avait détruits, et dont la disparition laisse sans
défense l'église et le bourg (1783) ; AD 17, C 33, dossier sur les marais salés de l'île d'Oléron, pièce n°6 :
supplique de 1784 des habitants de l'île d'Oléron à l'intendant de la généralité de La Rochelle en vue d'obtenir le
droit de s'assembler afin de délibérer sur ce qu'il est nécessaire de faire pour remettre en état les marais.
84
En profusion pour la Bretagne, le Poitou, la Gascogne, les registres des eaux et forêts par exemple ne purent
pas tous être examinés. Du reste, parmi la quantité compulsée, tous ne consignaient pas de données sur de grands
vent : AD 29, sous-série 21 B dans laquelle se trouvent des mémoires et procès-verbaux de l'administration et
police des eaux et forêts (1689-1749), ainsi que des rapports des gardes forestiers (1688-1779) desquels
émergent des manifestations venteuses : 21 B 169, 21 B 182, 21 B 183 ; AD 33, sous-série 8 B, eaux et forêts de
Guyenne, registres d'arpentage des forêts et procès-verbaux des gardes rapportant des arbres endommagés par
des coups de vent (1739-1793) : 8 B 601 à 8 B 615 ; AD 86, série B, fonds de la maîtrise des eaux et forêts, les
registres conservés sous les cotes B 56, B 125, B 135, B 164 par exemple mentionnent des tempêtes sur la
période 1747-1778.
85
Cabantous, A., Buti, G., 2018, De Charybde en Scylla. Risques, périls et fortunes de mer du XVIe siècle à nos
jours, Belin, Paris ; Péret, J., 2007, Naufrages et pilleurs d'épaves sur les côtes charentaises aux XVIIe et XVIIIe
siècles, Geste, La Crèche ; Luc, A-M., 2004, « Périls en mer et côtes barbares dans l'Amirauté de La Rochelle au
e e e
XVIII siècle », in Augeron, M., Tranchant, M. (dir), La violence et la mer dans l'espace atlantique : XII -XIX
siècle, PUR, Rennes, p. 89-108, p. 90-96 ; Luc, A-M., 1994, Naufrages, échouements et événements de mer dans
l'Amirauté de La Rochelle. Première moitié du XVIIIe siècle (1719-1750), mémoire de maîtrise d'histoire moderne,
université de Poitiers, Poitiers, Annexes ; Cabantous, A., 1993, Les côtes barbares. Pilleurs d'épaves et sociétés
littorales en France, 1680-1830, Fayard, Paris, chapitre 2, p. 30 et suiv. ; Bernard, J., 1968, Navires et gens de
mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), thèse de doctorat, université de Paris, Sevpen, Paris, t. 1, p. 176-179, p.
400-406.

106
lesquels la météo seule ne semble représenter que 20 à 22%86. Les « coups de vent » drossant
un vaisseau en difficulté depuis des jours87 ou une petite barque mal entretenue88 sont
pléthores et il apparaît bien complexe de déterminer l'intensité réelle de l'événement. Par
ailleurs, le naufrage, lorsqu'il est conditionné par des éléments naturels difficiles, n'est pas
nécessairement révélateur d'une tempête ayant des effets à terre. Or, c'est le point de vue du
saunier, du propriétaire de marais, du garde forestier, du curé dont le clocher est renversé, du
métayer dont les blés sont couchés, de l'homme du littoral et de l'intérieur ouest du royaume
de France que l'on souhaite adopter ici. Homme de la mer plus que de la côte, l'horizon du
marin, celui de l'armateur aussi éventuellement, s'ils sont enrichissants ne sont pas au cœur
des préoccupations de la présente thèse. À l'échelle de quelques interludes ou afin d'illustrer et
nourrir des études de cas, des exemples pertinents exhumés de ces fonds très riches pourront
être employés. Toutefois, si l'occasion me fut donnée d'en dépouiller un certain nombre89, ces
consultations ne furent ni exhaustives ni systématiques. Ainsi, sans les dissocier
complètement, puisque les vimers sont régulièrement accompagnés de naufrages90, les
informations contenues dans ces archives ne feront pas l'objet d'un développement notable au
sein de ce manuscrit.

Ne prétendant pas à l'exhaustivité, de cet aperçu il ressort l'extrême richesse, mais aussi
variété, des sources archivistiques mobilisables pour la recherche sur les tempêtes anciennes.
Véritable aubaine pour le chercheur, ces documents ne doivent pas être occultés. Pourtant,
leur multitude, au même titre que leur dispersion actuelle dans les fonds et séries d'archives
oblige à un constat : l'impossibilité de systématiquement les fouiller.
À l'instar des sources narratives, les données contenues dans ces pièces sont
hétérogènes, d'une qualité et d'une précision inégales. Dépendant étroitement de l'instance qui
les a commanditées, ainsi que du rédacteur, elles sont toujours subordonnées à une finalité, un
intérêt particulier, un enjeu d'ordre économique, fiscal, politique. Si se méfier des discours

86
Pinel, F., 2000, Naufrages et échouements face à la justice seigneuriale. L'exemple de la Cour de Justice de
Noirmoutier (Bas-Poitou, 1687-1767), mémoire de DEA, université de Rennes 1, Rennes, p. 65 ; Cabantous, A.,
1993, ibid., p. 31 ; Ducoin, J., 1989, Naufrages, conditions de navigation et assurances dans la marine de
commerce du XVIIIe siècle. Le cas de Nantes et de son commerce colonial avec les îles d'Amérique, thèse de
doctorat d'histoire, université Paris IV.
87
Par exemple : AD 29, B 4195, registre de l'Amirauté de Morlaix dans lequel Nicolas Authon, capitaine du
Comte de Saint-Pere de Morlaix, rapporte, le 3 mars 1750, que son navire a subit en février une tempête et qu'il
fut malmené par les éléments les jours précédents.
88
AD 33, 3 E 2912, fol. 159-162 : minute notariale du 25 août 1554 enregistrant la perte de plusieurs gabarres
transportant des quartiers de blé de l'archevêque de Bordeaux à cause d'une impétuosité de mer et de vent en août
1553 ; AD 85, 3 E 93/5-5, vue 332, numérisation : minute notariale du 3 septembre 1680 dans laquelle le maître
de la barque le Saint-Thomas et ses matelots déclarent que, se rendant de Bordeaux à Dinan, leur barque a été
prise dans une tempête qui faillit causer leur naufrage et les contraignit à mouiller à l'île d'Yeu.
89
Amirautés de Cornouailles, de Morlaix, de Nantes, de La Rochelle, de Guyenne, de Saint-Malo, ainsi que
plusieurs dizaines de minutes notariales répertoriant la perte d'un chargement, une relâche ou un échouement –
Cf. Annexe 1.
90
AD 44, C 672/15 : procès-verbal de naufrage de bateaux faisant mention d'une forte tempête en février 1711.

107
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
reste élémentaire, les mentions de tempêtes consignées dans les actes de la pratique, les
documents de gestion, d'administration sont une aubaine pour le chercheur et ne doivent pas
être ignorées. Du reste, l'usage d'outils critiques performants permet à l'historien d'isoler les
éléments en vue de se rapprocher de la réalité, de ce que dû être l'aléa.

2.1.3. Critique, base de la méthode historique

Par nature, la source écrite ne parle que si on l'interroge. Pour ce faire, le chercheur
dispose d'un appareil critique et méthodologique propre à son domaine de compétences lui
permettant d'identifier, non seulement l'objectif réel du document, mais aussi d'en extraire son
sens profond, son essence même. De plus, le traitement et l'interprétation des données à
disposition sont un travail délicat. La rigueur est cruciale et les prochaines lignes entendent
succinctement en traiter91.

En premier lieu, il ne semble pas superfétatoire de rappeler que le corpus documentaire


de l'historien du climat repose sur des témoignages globalement concis et vagues, dispersés
dans de nombreux services de conservation, engloutis au milieu de liasses très diverses, ce qui
implique de démultiplier dépouillements et sources. De ce fait, la présente thèse repose sur la
consultation de 19 888 pièces92; ce total confondant autant les écrits publiés que manuscrits,
narratifs comme de la pratique, de gestion, de communication, etc. Les cartes et plans ainsi
que les ressources conservant des mesures instrumentales ou des travaux d'érudits
assimilables à des sources sont également inclus dans cette masse. Les archives
sédimentaires93, de même que les autres matériaux – dont les iconographies hors
cartographies94 – ne sont, en revanche, pas comptabilisés ici. Sur cet effectif, seuls 936
documents sont d'utilité et peuvent être mis en valeur dans le cadre d'une étude sur les vimers
passés, soit à peine 5% des recherches effectuées. Un témoignage rapportant dʼun à plusieurs
dizaines95 de récits, ce nombre n'est cependant pas représentatif de l'intégralité des
observations et notes plus ou moins circonstanciées traitées, qui s'élève à 2357 (données
instrumentales non comprises). Quant aux lieux de préservation, ils induisent des
déplacements : les villes dʼAngers, Bordeaux, Brest, La Rochelle, La Roche-sur-Yon, Laval,

91
Pour rappel, le contenu de l'annexe 1 met en pratique et illustre la démarche critique de l'historien exposée
dans les prochaines pages. Le lecteur est convié à s'y référer tout au long de la lecture du chapitre.
92
Une chronique, un journal, un écrit du for privé, un registre, quel qu'il soit et indépendamment du nombre de
folios ou de pages qu'il contient, compte pour un. Par contre, une même cote archivistique pouvant comprendre
plusieurs pièces indépendantes les unes des autres, chacune d'entre elle a été appréciée dans son unicité.
93
Cf infra, 2.2 - Les sources naturelles, un supplément pour l'histoire ?
94
Cf infra, 2.3 - Des sources complémentaires à ne pas mésestimer.
95
Dans son grand diaire, Jacques MERLIN mentionne 23 événements tempétueux par exemple. Diaire de Jacques
Merlin et recueil des choses les plus mémorables qui se sont passées en ceste ville de La Rochelle de 1589 à
1620, Med. M. Crépeau, ms. 161, Mi 114.

108
Le Mans, Nantes, Paris, Poitiers, Quimper, Rennes, Saint-Brieuc, Saumur, Vannes ont été
« visitées »96.

Documents consultés Nombr e de documents Nombr e de pièces utiles à la


consultés pr ésente r echer che
Écrits, cartes et plans conservés 19 691 815
dans les fonds des archives
(AD, AM, AN) et bibliothèques
Sources publiées 197 121
19888 936
Figur e 12: Tableau pr ésentant le nombr e de documents utiles à l'étude par r appor t au nombr e total de
sour ces consultées.

Figur e 13: Par t des documents publiés par r appor t à ceux manuscr its (or iginaux, copies, indéfinis).

96
Voir la présentation critique détaillée du corpus en Annexe 1.

109
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes

Figur e 14: Par t des différ entes catégor ies de sour ces utiles à l'étude.

e e
Il est de plus indispensable de stipuler, qu'en particulier pour les XIV -XVI siècles, le
chercheur se heurte à la paléographie, ainsi qu'à la compréhension de langues d'accès plus ou
moins commode ou de termes vernaculaires (latin, ancien breton, poitevin, ancien gascon...).
À cela, il faut adjoindre le fait que l'orthographe française ne se f ixe qu'entre la f in duXVIIIe et
e
le XIX siècle, l'école primaire ayant peu à peu normalisée son usage. Syntaxe, vocabulaire,
toponymie sont différents et intègrent une dimension de variabilité. Ainsi, le vocable
« tempête » pourra apparaître sous la forme « tempeste », « tampeste », « tempette », voire, à
partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, « tempête »... La plus courante restant la première.
Résultat de médiations multiples de la pensée, de la parole, d'une figuration, d'une tradition,
d'un vécu, il est insuffisant de transcrire et de traduire l'écrit pour le comprendre97. Il faut
l'analyser et l'expliquer. Ce n'est qu'aux dépens d'une critique fine que la recherche
scientifique peut identifier les intérêts et logiques propres à la société productrice du texte et
clairement indiquer ce qui est, ou non, à sa portée.
Les conditions de production ainsi que le(s) contexte(s) de rédaction d'un document sont
également essentiels à considérer, au même titre que l'auteur et le cadre institutionnel. À
l'instar de toutes les données contenues dans des documents anciens, les renseignements
météorologiques à caractère descriptif sont subjectifs. En fonction de l'âge du scribe, de son
environnement social, ses expériences et souvenirs, ses intérêts et objectifs de rédaction, sa
perception de l'événement, sa propension à exagérer ou non..., la description en sera
modifiée98. Conscient, rigoureux et critique, le spécialiste n'ignore et ne mésestime pas cette

97
Guyotjeannin, O., 1998, op. cit., p. 39.
98
Litzenburger, L., 2015, Une ville face au climat : Metz à la fin du Moyen Âge (1400-1530), PUN, Nancy ;

110
limite. Limite qui, du reste, ne dépossède aucunement l'information historique de sa valeur ou
de son intérêt, pas plus qu'elle ne la discrédite d'ailleurs.

L'originalité de lʼœuvre, de la pièce est de même primordiale à déterminer : s'agit-il


d'une source de première ou de seconde main ? Qui est le rédacteur ? Est-il témoin ou, tout au
moins, contemporain – auquel cas, qui l'en a entretenu ? – des aléas relatés ? Dans
l'éventualité d'une seconde main, est-il possible de retrouver et consulter les originaux (ou, à
défaut, une copie) ? Si ces derniers semblent perdus, existe-t-il d'autres récits susceptibles de
corroborer ou, au contraire, démentir l'information ? La conf irmation par plusieurs sources de
seconde main suffit-elle à en attester la fiabilité ? Et pour celles de première main ? Après
comparaison des discours, apparaît-il qu'un auteur s'est « inspiré » d'un autre ? La copie a-t-
elle donné lieu à la génération d'anomalies, parmi lesquelles les datations erronées s'avèrent
les plus répandues ?... D'un naturel prudent, l'historien use avec prodigalité de ces questions
découlant de sa grille analytique et de lecture des textes anciens99.
Une attention spécifique doit, au demeurant, être accordée aux dates100. Deux
dimensions sont à disjoindre ici : le style de datation et le calendrier. Dans l'ouest de la
France, jusqu'à l'Édit de Roussillon de 1564 – mis en application à partir du premier janvier
1567 –, le « style de Pâques » prédomine. La nouvelle année débute alors non pas au premier
janvier, mais le jour de la résurrection du Christ, ce qui induit un chevauchement de système.
Les millésimes mentionnés dans les sources pour les mois de janvier, février, mars et, parfois,
avril doivent être augmentés d'une unité. Par ailleurs, la célébration pascale étant une fête
mobile, il est impératif de redoubler de précaution afin de ne pas générer erreurs et
incohérences. Il sera convenu qu'avant 1567, sous couvert d'accommodation nécessaire,
l'année ajustée assortie de l'indication « n.st » (nouveau style) sera signalée entre parenthèses.
De surcroît, à l'échelle du cadre temporel de l'étude, deux calendriers se sont succédé : le
julien et le grégorien. Jusqu'au mois de décembre 1582, le calendrier julien, accusant un retard
d'environ 11 minutes par an sur l'année tropique, est en vigueur en France. Puis, le grégorien,
toujours en usage, s'impose. La correction grégorienne implique d'ajouter +8 jours aux
événements survenus entre 1300 et 1400, +9 pour ceux compris entre 1400 et 1500, +10 entre
1500 et 1582101. Au sein du manuscrit, les contrebalancements seront systématiquement
exprimés entre parenthèses. Il n'est peut-être pas impertinent de préciser aussi qu'au Moyen
Âge et à lʼÉpoque Moderne, l'organisation des saisons ne s'attache pas à une logique
astronomique. Son établissement ne repose donc nullement sur les solstices et équinoxes.

Ornato, E., 1988, art. cit..


99
Cf. Annexe 1.
100
Brazdil, R., Pfister, C., Wanner, H., Von Storch, H., Luterbacher, J., 2005, « Historical climatology in Europe
– The state of the art », C.C, 70-3, p. 363-430.
101
Giry, A., 1925, Manuel de diplomatique, Félix Alcan, Paris.

111
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
Proche des saisons dites météorologiques, la répartition des mois s'établit comme suit : l'hiver
débute à la Sainte-Elisabeth, soit le 19 novembre, tandis que le printemps s'étend de la fin du
mois de février à la fin mai. L'été commence, quant à lui, à la Saint-Urbain, le 22 mai, et
l'automne couvre la fin août au 18 novembre102. Toutefois, par convention, les travaux de
climatologie historique incluent les mois de décembre, janvier, février dans l'hiver, ceux de
mars, avril, mai dans le printemps. L'été correspond à juin, juillet, août et l'automne à
septembre, octobre et novembre103. Plus commode, cette norme scientif ique sera appliquée
dans la thèse. Enfin, toutes les dates des fêtes religieuses mobiles (Pâques, la Pentecôte, la
Fête-Dieu, etc.), au même titre que les sanctoraux, ont été calculées et déterminées grâce au
concours du logiciel de chronologie du CNRS « Millesimo », conçu et réalisé par Denis
MUZERELLE104.

Une fois les sources et leur contenu récupérés et critiqués, un inventaire de l'information
historique à disposition est dressé : les dates des aléas ressortant le plus sont ainsi
immédiatement identifiées, des recoupements peuvent être effectués, tandis qu'une première
estimation quantitative peut être sommairement menée. Ne s'agissant pas de faire de la
compilation, il convient cependant d'interpréter. De temps à autre, la démarche se présente
délicate et, quelles que soient les réticences à le reconnaître, la possibilité d'une mauvaise
compréhension et interprétation des documents et des données par le chercheur doit être
admise105. Pourtant, dès 1967, Emmanuel LE ROY LADURIE106 œuvrait en vue de réduire le
risque de mésinterprétation des renseignements conservés dans les écrits historiques
profitables à l'étude des variations climatiques passées. Selon lui, quatre conditions prévalent :
-les informations doivent pouvoir former des séries annuelles,
-de préférence continues, donc sans lacune documentaire,
-relativement homogènes,
-et être quantifiables.
Efficace pour ce qui touche aux oscillations et/ou anomalies climatiques (irrégularités
thermiques, hivers rudes, étés humides, sécheresses, analyses vendémiologiques...), cette
méthodologie s'avère difficilement applicable à l'étude des phénomènes météorologiques
extrêmes comme les tempêtes. En matière de reconstruction historique de ces aléas, les
contrastes majeurs de qualité et de fiabilité des sources conservées ainsi que des
renseignements disponibles exigent pour autant la mise en place d'une méthode. Affirmée tout
au long des années de doctorat, celle proposée ici repose sur une approche critique du corpus

102
Giry, A., 1925, ibid.
103
Litzenburger, L., 2015, op. cit., p. 7.
104
http://millesimo.irht.cnrs.fr
105
Brazdil, R. et al., 2005, art. cit.
106
Le Roy Ladurie, E., 1967, L'histoire du climat depuis l'an mil, Flammarion, Paris.

112
documentaire, la création d'une base offrant de croiser des données scrupuleusement et
préalablement analysées et l'établissement de critères précis en vue de la sélection. L'objectif
affiché reste l'extraction d'indices les plus crédibles, cohérents et pertinents107, non pas à des
fins d'exhaustivité, mais d'exhumation méticuleuse, exacte et vraisemblable. Ainsi, dans le
cadre de cette étude, l'identification et l'authentification d'un vimer dépendront de quatre
éléments principaux :
-l'information provient d'un témoin oculaire ou, tout du moins, d'un contemporain.
Dans le cas opposé, les informations ne seront considérées qu'à condition qu'une, ou
plusieurs, sources de première main et/ou la littérature scientifique récente confirment sa
véracité.
-les caractéristiques météorologiques consignées autorisent à attester que l'événement
est effectivement une tempête, avec ou sans submersion marine108. Sauf cas spécif iques liés à
des réactions particulières des sociétés ou à des fins d'illustration d'une réflexion et
démonstration scientifique, les incursions courantes d'eau salée lors de marées importantes,
les orages accompagnés de forts vents, les tourbillons, ainsi que les « simples » coups de vent
ont, pour l'heure, été écartés.
-une date, aussi exacte et juste que possible, se trouve stipulée dans le document
original ou apparaît déductible. Les références non datées pour lesquelles aucune hypothèse
de recoupement n'a pu être avancée ont fait l'objet d'un isolement. Elles sont en attente de
futures recherches éclairantes.
-les dégâts sont décrits. Cette indication est capitale dans l'optique d'une quantification
de l'endommagement109. Les mentions trop succinctes, tenant en quelques mots arides, non
corrélables à une manifestation identifiée ont dès lors été exclues. Elles seront à mettre en
perspective avec d'éventuelles découvertes à venir.
Ces quatre paramètres satisfaits, les données sʼhomogénéisent substantiellement. Elles
peuvent alors être triées, comparées et indexées à des fins de reconstitution historique110 fidèle
et documentée des tempêtes à une échelle spatio-temporelle délimitée. Il ne saurait d'ailleurs
être tu que l'adoption de ces critères a conduit à un triage drastique non seulement des
données, mais aussi, par suite, des aléas. En effet, dans le cadre d'exigences non remplies,
d'incertitudes marquées, d'informations trop diffuses, la prudence fut privilégiée et le

107
Barriendos Vallve, M., Martin-Vide, J., 1998, « Secular climatic oscillations as indicated by catastrophic
floods in the Spanish Mediterranean coastal area (14th-19th centuries) », C.C, 38, p. 473-491 ; Alexandre, P.,
1987, op. cit.
108
Cf. supra, Chapitre 1, 1.1 - D'hier à aujourd'hui, nécessité et difficultés de définir la tempête.
109
Cf. infra, Chapitre 5 - Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement ».
110
Fondamental, le processus de reconstruction est néanmoins complexe. Quoique part notable du travail de
recherche sur l'histoire des tempêtes, ce dernier ne sera pas explicité en détails dans les prochaines lignes. La
méthodologie ainsi que les limites d'une telle entreprise – du reste toujours en cours – feront l'objet de
discussions au fil du développement, en particulier au sein des chapitres 2, 3, 4 et 8.

113
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
phénomène « réservé » (et non éliminé), avec l'aspiration, l'ambition qu'une sortie de la
pénombre documentaire soit envisageable ultérieurement.

Un rappel final non accessoire : par le biais d'une étude critique acérée, la mise en place
de critères de sélection, ainsi que des recoupements entre données, l'historien du climat peut
définir et caractériser les tempêtes, avec ou sans submersion marine, sur le temps long.
Cependant, quelle que soit la finesse de sa déduction et la qualité de son analyse, le chercheur
se trouve dans l'impossibilité, a fortiori pour les périodes les plus anciennes, d'indiquer la
vitesse du vent, la hauteur de la surcote, les superficies précisément submergées. Au
demeurant, s'il est exact que les renseignements tirés des écrits historiques sont
essentiellement descriptifs et qualitatifs, ils n'en restent pas moins soumis à une démarche
e
scientifique manifeste et minutieuse. Se généralisant à compter du dernier tiers du XVIII

siècle, les mesures instrumentales sur les tempêtes doivent aussi faire l'objet d'une critique. Il
en va de même pour les données tirées d'archives sédimentaires. Ce n'est qu'à ce prix que la
recherche pourra se prémunir des erreurs de datation, des relevés imprécis, voire aberrants,
des illogismes.

2.2. Les sour ces natur elles, un supplément pour l'histoir e ?

Considérées comme indirectes, car transcrivant essentiellement l'influence du climat ou


de la météorologie sur la biosphère ou l'hydrosphère111, les informations contenues dans les
sources naturelles, aussi nommées « proxy data », sont historiquement et majoritairement le
propre des géosciences. Dans le cadre global d'une histoire du climat, les paléoclimatologues
s'appuient sur la glaciologie, la dendrochronologie, la palynologie, la phénologie112... En
analysant et définissant l'origine des dépôts sédimentaires, la sédimentologie, quant à elle,
contribue à la recherche sur l'évolution des milieux, du climat, mais aussi des extrêmes
météorologiques comme les paléo événements tempétueux. Réalisée et rédigée en lien avec le
travail de thèse de Pierre POUZET113, c'est cette méthode et ses éventuels croisements avec les
données historiques qui vont mʼintéresser ici.

111
Pfister, C., 1988, « Une rétrospective météorologique de l'Europe : un système de reconstitution de l'évolution
du temps et du climat en Europe depuis le Moyen Âge central », H & M, 3-3, p. 313-358, p. 316.
112
Daux, V., 2010, « La reconstruction climatique à partir des dates de vendanges », Revue de la BnF, 36, p. 26-
33 ; Garnier, E., 2010b, op. cit., p. 30-34 ; Acot, P., 2003, Histoire du climat, Perrin, Paris ; Berger, A., 2000, Le
climat de la terre. Un passé pour quel avenir ?, De Boeck Supérieur, Louvain-la-Neuve ; Leroux, M., 1996, La
dynamique du temps et du climat, Dunot, Paris ; Magny, M., 1995, Une histoire du climat des derniers
mammouths au siècle de l'automobile, Errance, Paris.
113
Qu'il me soit permis, de nouveau, de remercier Pierre POUZET et Mohamed MAANAN pour ces années de
doctorat riches en échanges, réflexions, apprentissages, ouverture et initiation à la sédimentologie. Pouzet, P.,
2018, Étude des paléoévènements extrêmes le long de la côte atlantique française : Approches
sédimentologiques, dendrochronologiques et historiques, Université de Nantes, thèse de doctorat de géographie,
sous la direction de Robin, M. et Maanan, M., Nantes.

114
Faire usage de la pluri et de l'interdisciplinarité en vue d'étudier les tempêtes, les
variations de l'environnement littoral sur le temps moyen à long et d'établir des
correspondances entre données textuelles directes et naturelles ? L'idée n'est pas neuve114.
Pourtant, en France, à l'échelle du territoire atlantique, l'approche paraît relativement récente.
C'est d'ailleurs depuis les ouragans Lothar-Martin (1999) et, surtout, la tempête avec
submersion Xynthia (2010) que la nécessité s'est fait jour115. Comme une extravagance
brusquement devenue évidence.

2.2.1. Aspects généraux préliminaires

Dans les prochaines lignes, le propos consistera essentiellement à brosser un portrait


général et un peu lapidaire de la sédimentologie, plus spécifiquement de la tempestologie, de
ses principes, de ses apports. Le détail de la méthode appliquée par l'équipe que Pierre
POUZET, Mohamed MAANAN et moi-même formons au sein du laboratoire LETG ne sera
présenté qu'au cours de la prochaine sous-partie. Quant à sa mise en application concrète, elle
émergera, par touches, tout au long des chapitres de la thèse116.

Selon Pierre GEORGE et Fernand VERGER, les sédiments sont des « dépôts dʼorigine
détritique, organique et chimique provenant de la destruction mécanique ou de lʼaltération des
roches, de la précipitation dʼéléments dissous dans les eaux ou de lʼaccumulation de matière
organique en milieu continental ou marin »117. Suivant les milieux de sédimentation

114
C'est en mer du nord que l'on trouve les meilleurs exemples de cette interdisciplinarité stimulante,
enrichissante, réussie. Historiens, géographes, climatologues, géomorphologues, pédologues, archéologues y
collaborent de longue date. Sans exhaustivité : Jongepier, I., Wang., C., Soens, T., Temmerman, S., 2015,
« Intertidal landscape response time to dike breaching and stepwise re-embankment : a combined historical and
geomorphological study », Geomorphology, 236, p. 64-78 ; Borger, G.J., De Kraker, A.M.J., Soens, T., Thoen,
E., Tys, D. (eds), 2013, Landscapes or seascapes ? The historiy of the coastal environment in the North Sea
Area Reconsidered (comparative rural history of the North Sea Area), Brepols, Turnhout ; Lebecq, S., 1996,
« L'homme et le milieu marin dans le bassin des mers du Nord au début du Moyen Âge », in Delort, R. (dir),
L'homme et la nature au Moyen Âge. Paléoenvironnement des sociétés européennes, Actes du Ve Congrès
international d'Archéologie médiévale, 6-9 octobre 1993, Grenoble, Errances, Paris, p. 180-188 ; Verhulst, A.,
Gottschalk, M.K.E. (eds), 1980, Transgressies en occupatiegeschiedenis in de kustgebieden van Nederland en
België, Colloquium Gent 5-7 september 1978 Handeligen, Goff, Gand.
115
Chaumillon, E., Bertin, X., Fortunato, A. b., Bajo, M., Schneider, J-L., Dezileau, L., Walsh, J.P., Michelot,
A., Chauveau, E., Créach, A., Hénaff, A., Sauzeau, T., Waeles, B., Gervais, B., Jan, G., Baumann, J., Breilh, J-
F., Pedreros, R., 2017, « Storm-induced marine flooding : Lessons from a multidisciplinary approach », Earth-
Science Reviews, 165, p. 151-184 ; Breilh, J-F., Bertin, X., Chaumillon, E., Giloy, N., Sauzeau, T., 2014, « How
frequent is storm-induced flooding in the central part of the Bay of Biscay ? », Global and Planetary Change,
122, p. 161-175 ; Van Vliet-Lanoë, B., Penaud, A., Hénaff, A., Delacourt, C., Fernane, A., Goslin, J.,
Hallégouët, B., Le Cornec, E., 2014, « Middle-to late-Holocene storminess in Brittany (NW France) : Part II –
The chronology of events and climate forcing », The Holocene, 24-4, p. 434-453 ; Tabeaud, M., Lysaniuk, B.,
Schoenenwald, N., Buridant, J., 2009, « Le risque « coup de vent » en France depuis le XVIe siècle », Annales de
géographie, 667, p. 318-331.
116
Voir en particulier le Chapitre 8 - Une approche reposant sur des études de cas bien documentés.
117
George, P., Verger F. (dir), 2000, Dictionnaire de la géographie, PUF, Paris.

115
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
concernés, différents types de formations sédimentaires existent, parmi lesquels les dépôts de
versant, alluviaux, éoliens, marins, etc. . En fonction de l'agencement, de la structure, de la
nature et de la position topographique des sédiments, il sera alors possible de reconstituer les
contextes climatiques et météorologiques de leur mise en place, ainsi que d'appréhender les
paysages du passé118. Par ailleurs, ces environnements sédimentaires peuvent contenir des
archives biologiques et chimiques comme des macros ou micros restes de végétaux ou
d'animaux, des isotopes apportant des informations sur les paléoenvironnements,
paléoclimats, contextes biogéographiques, aléas météorologiques extrêmes, dates119. Ramenés
à une étude sur les tempêtes passées, seuls ceux liés au monde de la mer ont été considérés.

Les courants marins, la houle, les marées, les tempêtes et submersions marines sont
responsables dʼun grand nombre de dépôts et de modelés spécifiques susceptibles de
renseigner sur des conditions météorologiques. En effet, lorsqu'ils aboutissent à une rupture
de l'équilibre sédimentaire, les vents de très forte intensité peuvent laisser une trace dans les
sédiments. Tel est le principe initial de la démarche. Utilisée pour la première fois par Kam-
biu LIU et Miriam FEARN en 1993120, la paléotempestologie consiste à étudier ces événements
anciens par lʼintermédiaire de traceurs géologiques contenus dans les sédiments comme la
granulométrie, les bio-indicateurs ou la géochimie121. Les dépôts les plus typiques lors du
passage d'une tempête au-dessus d'un littoral sableux sont les cônes de tempêtes ou
« washover ». Ils se forment sous l'action simultanée des vagues et du vent en arrière d'un
cordon littoral sableux. Ainsi transporté, un niveau de sable – dont l'extension et l'importance
relèvent de facteurs aussi variés que l'intensité de l'aléa, sa durée, la hauteur des vagues, la
direction du vent, l'épaisseur du cordon, la configuration et la morphologie de la côte, la
succession, ou non, de plusieurs manifestations météo-marines... – se dépose122. Le type et la
taille de ce dépôt (minéraux d'argile, sable, vase, petits galets, etc.) pourront servir
d'indicateur de l'énergie déchargée. Cette approche offre donc d'estimer la récurrence des
phénomènes les plus extrêmes ainsi que l'évolution de la fréquence et de l'intensité de ces
derniers au cours d'un pas de temps plus ou moins élevé123. Elle peut, du reste, faire l'objet de

118
Friedman, G., Sanders, F., 1978, Principles of Sedimentology, Wiley, New York.
119
Cubizolle, H., 2009, Paléoenvironnements, Armand Colin, Paris, voir première partie intitulée « À la
recherche des archives de la Terre ».
120
Liu, K-b., Fearn, M., 1993, « Lake-sediment record of late Holocene hurricane activities from coastal
Alabama », Geology, 21, p. 793-796.
121
Cf. infra, 2.2.2 - Méthode et données de la sédimentologie.
122
Liu, K-b., 2004, « Paleotempestology : Principles, methods and examples from Gulf Coast lake sediments »,
in Murnane, R.J., Liu, K-b. (eds), Hurricanes and Typhoons : Past, Present and Future, Columbia University
Press, New-York, p. 13-57.
123
Par exemple : Dezileau, L., Sabatier, P., Blanchemanche, P., Joly, B., Swingedouw, D., Cassou, C.,
Castaings, J., Martinez, P., Von Grafenstein, U., 2011, « Increase of intense storm activity during the Little Ice
Age on the French Mediterranean Coast », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 299-1-2, p.
289-297 ; Sabatier, P., Dezileau, L., 2010, « Archives sédimentaires dans les lagunes du golfe dʼAigues-Mortes.

116
recoupements avec des données historiques124, mais aussi dendrochronologiques125.

Figur e 15: Repr ésentation schématique de la for mation d'un cône de tempête.
Source : Sabatier, P., 2009, Reconstitution des événements climatiques extrêmes (crues et tempêtes) au cours de
l'Holocène dans le golfe d'Aigues-Mortes (sud de la France), Université de Montpellier 2, thèse de doctorat de
géographie, sous la direction de Condomines, M., Dezileau, L., Montpellier, p. 22.

Estimation de lʼaléa de tempête depuis 2000 ans », Quaternaire, 21-1, [en ligne].
124
Cf. infra, Chapitre 8 - Une approche reposant sur des études de cas bien documentés.
125
Pouzet, P., Robin, M., Decaulne, A., Gruchet, B., Maanan, M., 2018, « Sedimentological and
dendrochronological indicators of coastal storm risk in western France », Ecological Indicators, 90, p. 401-415 ;
Mora, C., Labotka, D.M., Grissino-Mayer, H., 2006, « Tempest in a Tree Ring : Paleotempestology and the
record of past hurricane », The sedimentary record, 4-3, p. 4-8.

117
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes

Illustr ation 3: photogr aphie aér ienne d'un " washover " sur venu lor s de l'our agan Sandy (27
octobr e 2012), Pea Island, Car oline du Nor d.
Source : Crédit photographique Haiqing KAZCKOWSKI, photo prise le 3 novembre 2012. Copyright CSE –
Coastal Science & Engineering : http://coastalscience.com/news/hurricane-sandy-impacts-the-northeast/

Si depuis le début des années 2000, les études employant cette méthode se multiplient,
particulièrement en Amérique du Nord126, peu portent sur les côtes atlantiques
européennes127, a fortiori françaises. Au reste, moins encore tendent à mettre en œuvre une
démarche interdisciplinaire innovante mêlant histoire, géographie, climatologie et
géosciences. Stimulante, riche, l'étude est donc porteuse d'intérêts multiples.

2.2.2. Méthode et données de la sédimentologie : des croisements possibles avec les


informations historiques

En matière de sédimentologie, la méthode mise en œuvre se veut relativement classique.

126
Sans exhaustivité : Naquin, J.D., Liu, K., McCloskey, T.A., Bianchette, T.A., 2014, « Storm deposition
induced by hurricanes in a rapidly subsiding coastal zone », Journal of Coastal Research, 70, p. 308-313 ; Das,
O., Wang, Y., Donoghue, J., Xu, X., Coor, J., Elsner, J., Xu, Y., 2013, « Reconstruction of paleostorms and
paleoenvironment using geochemical proxies archived in the sediments of two coastal lakes in northwest
Florida », Quaternary Science Reviews, 68, p. 142–153 ; Donnelly, J.P., Butler, J., Roll, S., Wengren, M., Webb,
T., 2004, « A backbarrier overwash record of intense storms from Brigantine, New Jersey », Marine Geology,
210, p. 107–121 ; Collins, E.S., Scott, D.B., Gayes, P.T., 1999, « Hurricane records on the South Carolina coast :
Can they be detected in the sediment record ? », Quaternary International, 56, p. 15–26.
127
Orme, L.C., Davies, S.J., Duller, G.T., 2015, « Reconstructed centennial variability of Late Holocene
storminess from Cors Fochno, Wales, UK. », Journal of Quaternary Science, 30, p. 478–488 ; González-
Álvarez, R., Bernárdez, P., Pena, L.D., Francés, G., Prego, R., Diz, P., Vilas, F., 2005, « Paleoclimatic evolution
of the Galician continental shelf (NW of Spain) during the last 3000 years : from a storm regime to present
conditions », Journal of Marine Systems, 54, p. 245–260.

118
Elle repose sur trois étapes essentielles128 : 1) le repérage et la sélection des sites, 2)
l'extraction des sédiments et lʼéchantillonnage, 3) le traitement en laboratoire. C'est
principalement Pierre POUZET129 qui, avec l'assistance de Bastien GRUCHET, stagiaire de
licence 3, a mené à bien ce travail long, minutieux, coûteux et requérant de multiples
compétences, techniques et outils.

La détection des terrains d'étude – au nombre de trois ici – se fait en amont. Elle repose
sur un travail bibliographique, cartographique (BD Ortho 2012-2013 de l'IGN, cartes
anciennes de Cassini (XVIIIe siècle), de lʼÉtat Major (XIXe s.)...), photographique (aériennes,
satellites), de prospection de terrain ainsi que de recoupement avec les informations
historiques. En vue de procéder à un géoréférencement, les différentes données sont importées
dans un Système d'Informations Géographiques (SIG) géré par des logiciels tels que Qgis,
Arcgis ou Global Mapper130. Considérant initialement un territoire s'étendant de la pointe du
Raz à l'estuaire de la Gironde, une cinquantaine de territoires côtiers en eau (zones humides,
marais, lagunes), localisés en arrière d'un cordon dunaire, avait été identifiée. Une fois isolés
les espaces répondant à deux critères primordiaux que sont la faible anthropisation et la
formation de dépôts établis depuis plusieurs centaines d'années, il ne restait plus que 18 sites.
Après avoir écarté plusieurs terrains pauvres en références historiques, la dernière sélection
s'est effectuée grâce au concours du LITTO 3D ainsi que des relevés LIDAR de l'IGN et du
SHOM. L'un et l'autre offrent d'étudier la topographie et la bathymétrie. Permettant de
déterminer précisément l'altitude des cordons dunaires et des marais, ces données s'avèrent
fondamentales pour définir les emplacements les plus favorables à l'accumulation de
sédiments marins issus de tempête, donc à carotter131. Les trois sites sélectionnés sont situés
au niveau de la Petite Mer de Gâvres (56), du Traict du Croisic (44) et de l'île d'Yeu (85).

128
Cubizolle, H., 2009, op. cit., première partie.
129
Le développement s'appuiera surtout ici sur ses travaux : Pouzet, P., 2018, op. cit., voir son chapitre 3.
130
Cf infra, Chapitre 4, 4.1 - Le SIG, principe et usage.
131
Pouzet, P., 2018, op. cit., chapitre 3.

119
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes

Figur e 16: Car te de localisation des tr ois sites de car ottage.

L'extraction des archives sédimentaires s'opère par carottage. Conservant les couches
lithologiques telles que sédimentées, le carottage donne accès à la construction stratigraphique
d'un milieu sur le temps long, du dépôt le plus ancien au plus récent. Selon l'âge des marais,
les sédiments sont plus ou moins colmatés et les sols plus ou moins durs, meubles ou
humides. Les sols durs – comme au niveau de l'île d'Yeu ou dans les schorres de la Petite Mer
de Gâvres et des Traicts du Croisic – ont été carottés à l'aide d'un carottier à percussion
motorisé (marque Eijkelkamp), tandis que pour les zones de slikke, inondées à marée haute,
un carottier manuel à piston de type « Beeker » (également de marque Eijkelkamp) a été
utilisé132. Dans une optique de pertinence, de précision, de corrélation, chaque site compte
trois carottes dont les coordonnées GPS précises, établies par le biais d'un outil DGPS
Trimble, permettent d'estimer l'altitude de chacune des strates. Les carottes sont remplies de

132
Pouzet, P., 2018, idem ; Fisher, M.M., Brenner, M., Reddy, K.R., 1992, « A simple, inexpensive piston corer
for collecting undisturbed sediment/water interface profiles », Journal of Paleolimnology, 7, p. 157–161.

120
sédiments collectés dans des tubes en PVC fermés à leurs extrémités par des bouchons et
conservées à l'horizontale pour éviter d'éventuels transferts ou déplacements de couches. La
conservation s'effectue dans un congélateur, à une température située entre 0°C et 4°C. Selon
le taux de sédimentation et la nature du sol, les carottes mesurent entre 1 et 3 mètres : au
niveau de la slikke par exemple, l'humidité du milieu limite les prélèvements à 1 mètre de
profondeur.

Illustr ation 4: Campagne de car ottages dur ant l' été 2016, Tr aicts du Cr oisic
Extraction de la gouge contenant le tube PVC emprisonnant les sédiments prélevés via un carottier motorisé.
Mohamed MAANAN et Pierre POUZET se servent d'un extracteur mécanique « deux hommes » ainsi que d'une
mâchoire à bille. Les barres à mine se retrouvent ainsi bloquées et, par action de pompage, une pression s'exerce
sur le carottier, permettant son délogement.
Crédit photographique : ATHIMON Emmanuelle.

Une fois récupérées, les carottes sont ouvertes longitudinalement grâce à un banc
d'ouverture de carottes sédimentaires. Le plus proche de Nantes se trouve au laboratoire
EPOC de l'université de Bordeaux. Si l'une des moitiés sert aux analyses, la seconde est
archivée dans le laboratoire de sédimentologie de l'Institut de Géographie de l'université de
Nantes. À la suite d'une opération dénommée « log », qui consiste à observer et décrire la
stratigraphie de chaque carotte afin d'enregistrer les informations brutes, de caractériser les
sédiments (structure, couleur, taille, forme, disposition...), de différencier les faciès
sédimentologiques (agencement des couches, processus à lʼœuvre, nature, intensité, rythme de
sédimentation, etc.), d'extraire de potentiels éléments datables, de dresser un profil primaire,
les sédiments sont échantillonnés. Puisque de la taille des échantillons dépendra la finesse des
précisions, la haute résolution fut privilégiée avec un découpage au centimètre, voire à
l'échelle demi-centimétrique dans le cas des analyses isotopiques. Au total, 3477 échantillons
121
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
furent détaillés, préservés dans des piluliers en plastique hermétique, identifiés puis analysés
par Pierre POUZET.

Illustr ation 5: pr ise de vue d'une demi-car otte, île d'Yeu.


Crédit photographique : ATHIMON Emmanuelle.

Suivant un profil novateur, plusieurs types d'analyses de haute résolution ont été couplés
comme la géochimie, la granulométrie, la colorimétrie, la susceptibilité magnétique ou encore
l'isotopie133. Permettant de déterminer les différentes sortes de sédiments présents dans
chaque strate selon leur taille, la granulométrie est capitale pour discerner les traces de

133
Pouzet, P., 2018, op.cit., chapitre 3 ; Parris, A.S., Bierman, P.R., Noren, A.J., Prins, M.A., Lini, A., 2010,
« Holocene paleostorms identified by particle size signatures in lake sediments from the northeastern United
States », Journal of Paleolimnology, 43, p. 29-49 ; Parsons, M.L., 1998, « Salt Marsh Sedimentary Record of the
Landfall of Hurricane Andrew on the Louisiana Coast : Diatoms and Other Paleoindicators », Journal of Coastal
Research, 14, p. 939-950.

122
tempêtes passées134. Les analyses granulométriques ont été effectuées ici à l'aide d'un
granulomètre Malvern Mastersizer Hydro 2000G employant la diffraction laser et du logiciel
Gradistat. Cette entreprise offre d'évaluer la distribution granulométrique précise des
sédiments ainsi que leur répartition statistique ordonnée par classes de taille de grain.
Distinguant les éléments chimiques dits « autochtones », c'est-à-dire issus du milieu d'origine,
de ceux qualifiés d'« allochtones », autrement dit ne provenant pas de la zone de prélèvement,
la géochimie autorise le repérage de dépôts extérieurs typiques de washover 135. Ces analyses
s'effectuent à partir d'un scanner Avaatech XRF (technologie de fluorescence des rayons X)
qui mesure l'intensité d'éléments chimiques tels que l'Aluminium (Al), le Calcium (Ca), le Fer
(Fe), le Potassium (Po), le Plomb (Pb), le Silicium (Si)... Suivant une méthode reposant sur
une Analyse en Composante Principale (ACP) et un dendrogramme, les résultats sont ensuite
comparés à ceux du milieu initial. Automatiquement triés, les éléments chimiques sont alors
regroupés selon leur provenance. Quant à la susceptibilité magnétique et la colorimétrie, elles
apportent aussi des indices. La première, définie via une sonde MS2E-1 de type
« Bartington », permet ainsi d'estimer le taux d'apports détritiques dans une roche
sédimentaire136. La seconde, réalisée à l'aide d'un Spectrophotomètre Minolta Cm-2600d de
type UV-Visible portable, détermine l'origine des sédiments à partir de leur indice de
luminosité/clarté et de leur composition colorimétrique137. Il semblerait d'ailleurs qu'une
corrélation positive existe entre une forte luminosité et un taux important de contenu
carbonaté138. Comme stipulé précédemment, af in de détecter les traces de tempêtes et
s'assurer de la cohérence, la pertinence des résultats obtenus, ces divers indicateurs ont été
combinés par Pierre POUZET et analysés statistiquement au moyen d'une matrice de
corrélation de Pearson.139 Enfin, parvenir à dater les différentes strates ainsi que les dépôts
sédimentaires marins est une étape fondamentale pour une bonne interprétation des données.
Les datations isotopiques se font à partir d'échantillons de coquilles, de tourbe, de matière
organique... Selon l'âge des marais et lagunes carottés, les échantillons ont été datés au
Carbone 14 (14C) ou au Plomb 210 (210Pb) et au Césium 137 (137Cs). Les datations au 14C ont
été effectuées par le Gliwice Absolute Dating Methods Centre (GADAM), un laboratoire
210 137
polonais spécialisé dans le domaine, tandis que celles au Pb et au Cs ont été réalisées à
l'EPOC de Bordeaux. Finalement, du point de vue des géosciences, deux sortes de

134
Chaumillon, E. Et al., 2017, op. cit. ; Liu, K-b., Fearn, M., 1993, op. cit.
135
Orme, L.C., Davies, S.J., Duller, G.a.T., 2015, op. cit. ; Das, O., Wang, Y., Donoghue, J., Xu, X., Coor, J.,
Elsner, J., Xu, Y., 2013, op. cit.
136
Pouzet, P., 2018, ibid., chapitre 3.
137
Idem.
138
Mix, A.C., Harris, S.E, Janecek, T., 1995, « Estimating lithology from noninstrusive reflectance spectra :
ODP Leg 138 », in Pisias, N.G., Mayer, L., Janecek, T., Palmer-Julson, A., van Andel, T.H. (eds.), Proceedings
of the Ocean drilling program, Scientific Results, 138, p. 413-428.
139
Pouzet, P., 2018, ibid., chapitre 3.

123
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
chronologie peuvent être établies. 1) La chronologie dite « relative », qui postule que plus une
couche est proche du sommet de la carotte plus elle est récente, 2) La chronologie considérée
comme « absolue », qui fournit des datations isotopiques de résolution annuelle intégrant une
marge d'erreur de plusieurs décennies. Pour le chercheur, l'historien en particulier, ces dates
qualifiées « d'absolues » restent relativement imprécises. Lorsque cela s'avère possible, le
recoupement entre les méthodes sédimentologique et historique pourrait mener à l'apparition
d'un troisième type de datation conduisant à proposer une date au jour près.

Des données sur les tempêtes et submersions passées sont fournies autant par les
archives sédimentaires, que les documents historiques. Contenant des renseignements
différents, les unes sont tournées vers les impacts environnementaux, l'adaptation et la
résilience des milieux, tandis que les autres informent sur les conséquences pour les sociétés
humaines. Dans le cas d'une datation isotopique assez précise ainsi que d'une documentation
relativement étayée des aléas, des parallèles entre les résultats des méthodes sédimentologique
et historique peuvent être dressés. Permettant d'avancer des hypothèses intéressantes, le
recoupement comprend plusieurs avantages, parmi lesquels figurent la possibilité, pour le
géographe, d'affiner ses datations ou encore d'avoir accès aux réactions des populations et
celle, pour l'historien, de confirmer la survenue d'un événement relaté dans les sources
anciennes ou de distinguer les manifestations les plus violentes. Partant des dates élargies des
isotopes, la recherche tente d'abord de répertorier les CET dont elle a connaissance. Les
carottes sédimentaires n'enregistrant que les phénomènes les plus extrêmes, il faut – à la suite
d'une critique fine des renseignements historiques à disposition – trier les aléas survenus sur
cette période à partir des dégâts connus. Une ou plusieurs hypothèses peuvent alors émerger.
Ces dernières font l'objet d'une caractérisation détaillée servant de base à un échange entre
chercheurs en vue d'isoler la plus viable. Quoique présentant deux cas sortant du cadre
temporel de la thèse, la figure suivante, réalisée par Pierre POUZET, exprime la richesse des
recoupements possibles. Au demeurant, le procédé mêlant histoire et sédimentologie sera mis
en pratique au sein d'études de cas présentés au chapitre 8140.

140
Cf. infra, Chapitre 8 - Une approche reposant sur des études de cas bien documentés.

124
Ré s ulta ts de s a na lys e s s ur une
la gune ré ce nte a u Tra icts du
Crois ic (La Turba lle ) :

cm. 33 -> = Te mpê te a ve c


s u b m e r s io n d e s 2 1 - 2 3
ja nvie r 1890

cm. 46 -> = Te mpê te a ve c


s u b m e rs io n d e s 2 4 - 2 5
fé vrie r 1838

cm. 68 -> = « Oura ga n »


de s 14-15 ma rs 1751

Figur e 17: Résultats couplant données sédimentologiques et histor iques, car otte pr élevée dans une lagune
r écente au Tr a icts du Cr oisic (La Tur balle, T3)
Réalisation : Pierre POUZET.

Il n'est évidemment pas à exclure des erreurs dans les corrélations opérées, soit par
méconnaissance, donc sous-estimation, des endommagements générés par un aléa, soit par
ignorance de l'existence d'autres vimers. Innovante, la démarche interdisciplinaire présente de
riches et stimulantes perspectives, ce malgré ses limites propres d'une part, mais aussi celles
des méthodologies historique et géophysique.

2.2.3. Des limites de la démarche sédimentaire aux intérêts de l'interdisciplinarité

Relativement récente, la paléotempestologie est une discipline en développement


permanent depuis son apparition. Elle évolue au gré de l'émergence des idées, des progrès
techniques, de la mise au point des méthodes d'analyses, de la découverte de nouveaux
indicateurs, de l'amélioration des connaissances générales du domaine, mais aussi, plus
pragmatiquement, de la prise en compétences et en savoirs-faire des techniciens et ingénieurs
de recherche, etc. Comme toutes les sciences, elle s'affine, se précise, se renouvelle aussi au
contact de l'inter et de la pluridisciplinarité.

Si les archives sédimentaires peuvent livrer, il est vrai, une profondeur chronologique
qui force le respect de l'historien, la recherche ne saurait minimiser ou, pire, ignorer les
125
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
limites de la démarche. Ses matériaux, sa méthode et ses résultats comportent des zones
d'ombre et soulèvent toujours des questions. Les énoncer – tout au moins les plus importantes
– est fondamental et ne revient en aucun cas à une condamnation. Cela atteste simplement
d'une distance critique que le scientifique doit impérativement conserver vis-a-vis du travail
que ses pairs et lui-même mènent.
En cette ère croissante de pression démographique sur les littoraux, s'il fallait débuter
par la plus évidente d'entre toutes, peut-être serait-ce celle de l'empreinte anthropique. À
l'instar des documents anciens, les écosystèmes stockent des renseignements sur le passé
climatique, météorologique et environnemental de notre planète, ce qui leur confère un
caractère patrimonial fort. Or, en France, là où les archives historiques sont protégées par une
réglementation spécifique141, celles naturelles ne font l'objet d'aucune véritable gestion et
politique conservatoire. Certains secteurs géographiques sensibles et riches d'informations
comme les tourbières, les marais, les anciennes lagunes risquent de subir – ou ont déjà subi –
des pollutions, dégradations, voire destructions. Majoritairement corrélées aux activités
humaines, elles entraînent avec elles la perte inéluctable de millénaires de sédiments.
On ne saurait taire ensuite les nombreuses lacunes sédimentaires aux dimensions
pluriels. En premier lieu, seuls les aléas météorologiques les plus extrêmes laissent des
enregistrements stratigraphiques distincts et régionalement cohérents dans les sédiments142.
Cette réalité sous-tend par conséquent que les tempêtes faibles à modérées passent inaperçues.
De plus, lorsqu'elles sont trop proches dans le temps – et pour peu que le premier dépôt n'ait
pas eu le temps de se stratifier – les traces de tempêtes ne peuvent être distinguées qu'avec
beaucoup de difficultés voire, dans certains cas, sont indissociables143. Il en résulte alors
l'éventualité que des événements répétitifs, rapprochés de moyenne ampleur apparaissent dans
les strates sous une même unité de sable et soient interprétés comme le dépôt d'une
manifestation extrême, alors qu'il n'en est rien. Par ailleurs, dans les milieux macrotidaux
comme la façade atlantique française, la tempestologie compte au moins un ennemi
paradoxal : l'océan. Les grandes marées et houles un peu « toniques » sont effectivement
susceptibles d'emporter au large les sédiments fraîchement déposés.
Élémentaires, les datations doivent toutefois être utilisées avec précaution. Les
échantillons des carottes sédimentaires ont été datés par le biais d'isotopes tels que le carbone
14, le césium 137 et le plomb 210. Méthode considérée comme la plus fiable, il arrive qu'elle
présente – surtout le radiocarbone – des données légèrement en contradiction avec les

141
Infra, Chapitre 8, 8.2.1 - Reconstruction : l'impossible exhaustivité malgré l'accroissement des émergences.
142
Cubizolle, H., 2009, ibid.
143
Donnelly, J.P., Smith, B.S., Butler, J., Dowling, J., Fan, L., Hausmann, N., Newby, P., Shuman, B., Stern, J.,
Westover, K., Webb, III T., 2001, « 700 years sedimentary record of intense hurricane landfalls in southern
New-England », Geological Society of America Bulletin, 6, p. 714-727.

126
connaissances scientifiques actuelles, voire qu'elle soit source de résultats discordants144.
Particulièrement si une attention spécifique n'est pas portée aux charbons de bois par exemple.
En effet, ceux-ci peuvent avoir été stockés durant des siècles, des millénaires dans des
sédiments puis, lors d'une submersion, déstockés, emportés et redéposés. Or, dans le cas de
datation au carbone, la date qu'ils indiqueront ne sera pas celle de l'événement, mais celle de
la mort de l'arbre145. Autre écueil, ces datations s'inscrivent dans une fourchette chronologique
d'ordre pluridécennal146. Plus l'on remonte le temps, plus l'écart entre l'âge isotopique et l'âge
réel croît. Or, durant ces années d'incertitude, des dizaines de tempêtes – plus ou moins bien
connues par la recherche historique – ont probablement frappé les littoraux147.
La dernière limite qui sera citée tient aux paramètres que les sédiments marins ne
permettent pas de rétablir. Enregistreurs de conséquences environnementales côtières, ils
n'offrent ni d'évaluer les impacts matériaux, agricoles, économiques, humains... que les aléas
ont sur les sociétés, ni d'apprécier les capacités d'adaptation et de résilience de ces dernières.

e
À compter du dernier tiers du XX siècle, les relations de l'homme avec la géosphère et
la biosphère ont commencé à sérieusement interpeller universitaires et chercheurs du monde
entier. En a alors, entre autres, émergé une remise en question de l'organisation de la
recherche et, principalement, de la collaboration entre disciplines. La reconstruction
historique des tempêtes à l'échelle séculaire entre dans ce champ. Elle ne peut se passer dʼune
intégration des approches humaines, sociales, physiques, environnementales et dʼune analyse
conjointe de tous ces éléments dans un cadre, a minima, pluridisciplinaire. S'il fallait d'ailleurs
encore convaincre au-delà des limites propres à chaque discipline, ce serait la nécessité de
connaissances solides et étendues, que seule l'inter ou la pluridisciplinarité est susceptible
d'apporter, que l'on choisirait d'évoquer.
Passionnante, pertinente, la collaboration des savoirs et des savoir-faire scientifiques
n'en demeure pas moins difficile à mettre en œuvre. Nul n'ignore les problèmes qu'elle pose,
particulièrement en matière de présentation, inclusion, interprétation commune des sources et
données. De fait, en France, l'approche interdisciplinaire « donne souvent l'impression de
« bricoler » des solutions qui n'apparaissent surtout que sous la forme de juxtapositions de

144
Marchand, G., 2014, Préhistoire atlantique, Fonctionnement et évolution des sociétés du paléolithique au
néolithique, Errance, Paris, p. 89-90 ; Sabatier, P., Dezileau, L., Colin, C., Briqueu, L., Martinez, P., Siani, G.,
Bouchette, F., Raynal, O., Von Grafenstein, U., 2012, « « 7000 years of paleostorm activity in the NW
Mediterranean Sea in response to Holocene climate events », Quarternary Research, 77, p. 1-11 ; Dezileau, L.,
Sabatier, P., Blanchemanche, P., Joly, B., Swingedouw, D., Cassou, C., Castaings, J., Martinez, P., Von
Grafenstein, U., 2011, ibid..
145
Cubizolle, H., 2009, ibid., voir propos sur les méthodes de datation, p. 140 et suiv.
146
Strasser, A., Samankassou, E., 2003, « Carbonate sedimentation rates today and in the past : Holocene of
Florida Bay, Bahamas, and Bermuda vs. Upper Jurassic and Lower Cretaceous of the Jura Mountains
(Switzerland and France) », Geologica Croatica, 56, p. 1-18.
147
Infra, Chapitre 8, 8.1.3 - La tempête avec submersion des 27-28 janvier (5-6 février) 1469(n.st).

127
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
données, d'analyses et de discours différents sur un objet commun »148. Le travail mené au
cours de ces années de doctorat a réuni des chercheurs qui, sans jamais renier leurs spécialités,
ont accepté de s'ouvrir, s'initier à des domaines de compétences auxquels ils étaient
jusqu'alors relativement perméables. Cela a donné lieu à une collaboration active basée sur la
découverte des terrains respectifs de l'histoire – à savoir les archives – et de la
sédimentologie : les sites de carottage, l'échange des limites et soucis rencontrés, le partage de
réflexions, la mutualisation et la comparaison des résultats. Le tout a abouti à la constitution
d'une méthode innovante croisant informations descriptives et naturelles. L'histoire n'y fut pas
auxiliarisée, pas plus qu'elle n'a ignoré les apports de la géographie, la climatologie ou la
sédimentologie. Exposée tout au long des chapitres de la thèse, employée dans celle de Pierre
POUZET, la démarche autorise à prendre la mesure des interactions entre milieux, aléas
météorologiques extrêmes et sociétés, au même titre qu'elle permet de comprendre qu'ils sont
le résultat d'une longue évolution.

2.3. Des sour ces complémentair es à ne pas mésestimer

Au sein de cette entité dénommée « sources complémentaires » seront considérés les


documents iconographiques, principalement les cartes anciennes, les données matérielles,
notamment les ex-voto, ainsi que les textes scientifiques et mesures instrumentales.

2.3.1. Au sujet des iconographies

Dans sa définition la plus englobante, un document iconographique est une reproduction


imagée, figurée d'un sujet. Reflet d'une interprétation et de représentations, il renseigne sur le
thème de lʼœuvre, mais aussi sur la société l'ayant produit. Variant du croquis à la gravure, de
la peinture à l'enluminure, de la photographie à la carte postale, du plan à l'affiche, il existe un
foisonnement de sources iconographiques. Dans le cadre de la présente thèse, l'intérêt s'est
majoritairement porté sur les cartes et plans anciens, que Christian JACOB encourage d'ailleurs
à lire comme des images149.

e e
Aux XIV -XVIII siècles, le littoral atlantique français bénéficiait déjà d'une couverture
150
cartographique ainsi que d'études, de mémoires151 à caractère scientif ique152 décrivant le

148
Beck, C., 2008, Les eaux et forêts en Bourgogne ducale (vers 1350-vers 1480). Société et biodiversité,
LʼHarmattan, Paris, p. 25.
149
Jacob, C., 1992, LʼEmpire des cartes : approche théorique de la cartographie à travers lʼhistoire, Albin
Michel, Paris.
150
Notamment : BOUGUEREAU, M., 1594, Le théâtre françois, impr. Maurice Bouguereau et Gabriel Tavernier,
Tours ; LE CLERC, J., 1619 (1ere éd)-1632 (6eme éd.), Théâtre géographique du royaume de France contenant les
cartes & descriptions particulières des provinces d'iceluy. Oeuvre nouvellement mis en lumière, avec une table

128
milieu, son organisation, ses activités, ses défenses, les aménagements à y entreprendre153...
Jusqu'alors plus ou moins détaillé et précis, l'appareil cartographique s'enrichit, pour
e e
l'essentiel, à compter de la seconde moitié du XVII -début du XVIII siècle154. Ce
développement s'opère sous l'impulsion de cartographes, d'ingénieurs du roi et du génie,
d'hydrographes parmi lesquels Nicolas SANSON, Guillaume DELISLE, Christophe-Nicolas
TASSIN, Claude MASSE, César-François CASSINI, Charles-François BEAUTEMPS-BEAUPRE155...
En conséquence, la majorité des cartes que jʼai eu l'occasion de consulter, et surtout
e e
d'employer – au nombre de 88 dans le corpus –, datent des XVII et XVIII siècles. Ressource
inestimable, cette documentation offre à l'historien, quelle que soit sa période de prédilection,
mais aussi au géographe, des indications précieuses156 sur la configuration et l'évolution
topographique, la toponymie, les espaces de peuplement, les infrastructures, les modelés du
rivage, les espaces géomorphologiquement vulnérables... À l'heure actuelle, plans comme
mémoires sont dispersés dans différents centres de conservation : archives nationales,
départementales, municipales, Service Historique de la Défense, médiathèques, Institut
National de l'Information Géographique et Forestière (IGN) et, surtout, Bibliothèque

où sont les noms de toutes les cartes de chacune desdictes provinces, impr. Jean Le Clerc, Paris ; TASSIN C.,
1634, Cartes générale et particulières de toutes les costes de France, tant de la mer océane que méditerranée,
impr. Christophe Tassin, Paris ; DE FER N., 1690, Les costes de France sur l'océan et sur la mer méditerranée
corrigées, augmentées et divisées en capitaineries, garde-costes, dediées à Monseigneur le Dauphin par son très
humble et très obéissant serviteur De Fer, impr. Nicolas De Fer, Paris ; Le Neptune François ou recueil des
cartes marines levées et gravées par ordre du Roy. Premier volume contenant les costes de l'Europe sur l'Ocean
depuis Dronthem en Norvege jusques au détroit de Gilbraltar, avec la mer Baltique, 1693, impr. royale, Paris.
151
Sans exhaustivité : GARCIE, P., 1531, Le grand routier & pilotage & enseignement pour ancrer tant es portz
que autre lieux de la mer fait par Pierre Garcie dit Ferrande tant des parties de France, Bretaigne, Angleterre,
Espaigne, Flandres & haultes Alemagnes. Avec les dangers des portz, hautes, rivieres & chenals des parties &
regions dessusdictes, Rouen ; MAGE DE FIEFMELIN, A., 2005, Le Saulnier ou de la façon des marois salans et du
sel marin des isles de Sainctonge, avec les discours sur le sel de Jean de Marcouville, Bernard Palissy, Nicolas
Alain & Claude Perrault, rédigé au XVIe s., édition présentée et annotée par Goeury, J., Pellegrin, N., Rumeur
des Ages, La Rochelle ; VINET, E., 1565, L'Antiquité de Bourdeaus et Bourg présentée au Roy le treziesme jour
d'avril l'an mille cinq cens soixante cinq, impr. de Enguilbert de Marnef, Poitiers ; BEGON, M., 1875, Mémoire
sur la généralité de La Rochelle de Michel Bégon, rédigé en 1698, publié par Musset G., A.H.S.A, impr. Paul
Bouserez, Tours ; MASSE, Cl., Mémoire géographique du Bas-Poitou, méd. M. Crépeau, La Rochelle, ms 31, Mi
40 (microfilm) ; LE MASSON DU PARC, Procès verbaux de visite concernant la pêche et les côtes dans le ressort
des Amirautés de Nantes, Vannes, Quimper, Marennes, La Rochelle, les Sables d'Olonne (1727-1728), AD 17, 4
J 3439 et 4 J 3440, photocopies des registres Marine C 5-21 et C 5-22 conservés aux archives nationales ;
DECHEZEAUX, G., 1784, Précis de l'histoire de l'isle de Ré, méd. M. Crépeau, La Rochelle, ms 122.
152
Cf. infra, 2.3.3 - Textes à caractère scientifique et mesures instrumentales
153
Tranchant, M., 2012, Les origines des Sables-d'Olonne, À la conquête des eaux et des sables, Gestes, La
Crèche, p. 130-241 ; Pelletier, M., 1990, La carte de Cassini : l'extraordinaire aventure de la carte de France,
PENPC, Paris.
154
Verdier, N., 2015, La Carte avant les cartographes, lʼavènement du régime cartographique en France au
e
XVIII siècle, PUPS, Paris.
155
Brown, K.J., 2017, A journey back in time through maps, White Star Publisher, Milan ; Pelletier, M., 2002,
« La cartographie de la France et ses acteurs avant les Cassini », revue du Centre Français de Cartographie,
172, p. 17-26 ; Pelletier, M., 2001, Cartographie de la France et du monde de la Renaissance au Siècle des
lumières, BnF, Paris ; Chapuis, O., 1999, À la mer comme au ciel. Beautemps-Beaupré et la naissance de
l'hydrographie moderne (1700-1850), PUPS, Paris ; Hautreux, J-A., 1896, « Les cartes de Masse (1707-1724) »,
Bulletin de la Société de géographie commerciale de Bordeaux, impr. G. Gounouilhou, Bordeaux, p. 1-15.
156
Costa, L.J., Robert, S., Foucault, M., 2001, Guide de lecture des cartes anciennes. Illustration dans le Val
d'Oise et le Bassin-Parisien, Errances, Paris.

129
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
Nationale de France (Fonds des cartes et plans). Une sélection de cartes anciennes, bien
connues ou non des milieux scientifiques, apparaît en annexe 1. Il s'agit de "morceaux
choisis", qui furent utiles au travail de thèse.
Sauf cas rarissimes157, les cartes anciennes ne conservent pas d'informations directement
exploitables et profitables à l'étude des vimers. En revanche, elles peuvent servir de base à
une cartographie plus ou moins précise des zones littorales inondées158. En effet, si le
chercheur dispose de données géoréférençables – telles que celles qu'il peut tirer de certains
documents de la pratique159 –, il pourra envisager, sous couvert de rester à une échelle locale,
voire régionale, de matérialiser, reproduire l'étendue hypothétique de l'emprise de la tempête
ainsi que de la submersion marine160. Toutefois, une telle entreprise ne peut se faire qu'au prix
d'une critique ainsi que d'une analyse minutieuses des informations géographiques contenues
dans les sources et des représentations cartographiques. Ce d'autant qu'une carte n'est pas
qu'une « simple description du monde ou de lʼune de ses parties, mais doit être analysée
comme une construction sociale et culturelle161 ». Elle participe donc autant d'un discours sur
l'espace que d'une appréhension du territoire en tant que fait social. De même, à partir de
l'examen des cartes anciennes et sous peu que ces dernières soient exactes et
géorectifiables162, des travaux comparatifs très intéressants sur l'anthropisation du milieu,
l'accroissement urbain, les changements environnementaux, les variations des lignes de
rivage, au cours principalement des trois derniers siècles, peuvent être réalisés163. D'une

157
Par exemple : A.D 17, H 37/1, pièce n°1, rangée sous la cote CR 89, Carte de l'isle de Ré pour représenter le
désordre marqué en jeaune causé par l'orage du 9 au 10 jours de décembre 1711, MASSE Cl., 1712, document
cartographique manuscrit, échelle : 2000 toises = environ 4 kms ; AN CARAN, MAP/G//205, pièce n°30 bis,
Plan et vue du batardeau sur le fossé de la contre-garde Dauphine cotté 10 au plan general de la place faisant voir
les dégradations que la mer y a faites par les ouragans des 6, 7 et 8 de février 1746. Lequel a été reparé en le
mois de mars et avril de la mesme année par un fond extraordinaire qui a esté acordé, sans auteur, 1746,
document cartographique manuscrit, échelle de 20 toises ; AN CARAN, MAP/G//205, pièce n°14, La Rochelle,
plan, profil et élévation d'une partie du revêtement du canal de Maubec, ou est marqué la brèche qui s'y est faiste,
ainsi que les parties soufflées sur la longueur de 28 toises, RICARD, 1755, document cartographique manuscrit,
échelle de 15 toises.
158
Observons qu'en France, une telle opération n'est abordable, avec rigueur et précision, qu'à compter du XVIIIe
siècle ; éventuellement auparavant – sous peu de bénéficier de suffisamment de données – dans le cadre
d'estimations, approximations et hypothèse.
159
En date du 6 avril 1751, le procès-verbal des dégâts causés par l'ouragan des 14-15 mars 1751 en diverses
parties de l'île de Bouin en est un excellent exemple. Conservé aux archives municipales de Nantes sous la cote
II 136, pièce n°4, il dresse le bilan des dommages ainsi que des espaces où l'eau de mer a pénétré. Les paroisses
de la Claie, la Couplasse, le Sud, l'Epoids...sont ainsi concernées.
160
Cf. infra, Chapitres 3, 4 et 8.
161
Binois, G., Djabellaoui, M., De Rugy, M., Vanz, J., 2016, « Cartes et usages des cartes. Pour une analyse
historienne de sources géographiques », Hypothèses, 19-1, p. 17-25, p. 19.
162
La géorectification revient à déformer le document cartographique original, dans l'optique d'ajuster les
éléments cartographiés à leur position géographique connue. Cela implique donc d'intégrer l'image dans un
système de projection répandu, correspondant usuellement à celui de Lambert93.
163
Poirier, C., Tessier, B., Chaumillon, E., Bertin, X., Fruergaard, M., Mouazé, D., Noël, S., Weill, P.,
Wöppelmann, G., 2017b, « Decadal changes in North Atlantic atmospheric circulation patterns recorded by sand
spits since 1800 CE », Geomorphology, 281, p. 1-12 ; Jongepier, I., Soens, T., Temmerman, S., Missiaen, T.,
2016, « Assessing the planimetric accuracy of historical maps (sixteenth to nineteenth centuries) : new methods
and potential for coastal landscape reconstruction », Cartographic journal, 53-2, p. 114-132 ; Pouzet, P., Creach,

130
importance historique jusqu'ici notable, les cartes anciennes prennent dès lors une valeur
scientifique incontestable. Au cours du développement, quelques-unes feront l'objet d'une
mise en lumière et seront publiées au sein de ce manuscrit.

Généralement fruits du travail d'ingénieurs du roi, des plans et coupes de marais ou


d'infrastructures164 – existantes ou, plus fréquemment, à l'état de projets/devis –, comme les
digues, enrochements, perrés, travaux d'élévation, aqueduc, etc., peuplent aussi les fonds des
e
divers services de conservation d'archives français. Datant pour l'essentiel du XVIII siècle,
relativement nombreux et restés pour la plupart d'entre eux lettre morte, un dépouillement
méthodique ne put être exécuté. Au service de l'exploitation du territoire, témoins d'initiatives
d'aménagements, d'une forme de culture du risque et/ou d'une volonté d'adaptation, ils
pourront faire l'objet d'une attention spécifique dans le cadre d'études de cas165.

Une note enfin en ce qui concerne d'éventuelles représentations iconographiques


d'importantes rafales dans des tableaux, des enluminures, etc. Si à l'époque contemporaine le
corpus est étoffé de cartes postales166, de photographies167, voire d'images satellites168, pour
les périodes médiévale et moderne, les illustrations françaises de tempête susceptibles
d'apporter des renseignements sur un événement sont, pour ainsi dire, inexistantes. Certes, on
dénombre quelques peintures169 et certains manuscrits ou imprimés ont en leur sein des
illustrations de mer déchaînée, barques prises dans une très forte houle, végétation ployée par

A., Godet, L., 2015, « Dynamique de la démographie et du bâti dans lʼouest du Marais poitevin depuis 1705 »,
Norois, 234, p. 83-96 ; Tessier, B., Poirier, C., Mouazé, D., Weill, P., Fruergaard, M., Noël, S., Garnier, E.,
Chaumillon, E., Bertin, X., Wöppelmann, G., 2015, Enregistrement sédimentaire par les barrières littorales des
niveaux marins extrêmes du Petit Age Glaciaire à nos jours. Une aide à lʼévaluation de la vulnérabilité des
zones côtières, Programme LITEAU IV, Rapport f nal, i PDF en ligne sur
http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0084/Temis-0084333/22532.pdf,
consulté le 25 février 2018, p. 24-29 ; Pouget, F., 2014, « Mobilité du trait de côte et cartographie historique », in
Chaumillon, E., Garnier, E., Sauzeau, T., Les littoraux à l'heure du changement climatique, Les Indes Savantes,
Paris, p. 109-155.
164
Comme : Plan du marais de la Vacherie, AD 85, 1 E 442, pièce n°27 (plan publié dans le chapitre 7, 7.1.2 -
De la soustraction à la conservation : la mutation du rôle des ouvrages de défense) ; Plan du marais de
Champagné, AD 85, 1 E 442, pièce n°32 – plan publié par Sarrazin J-L., 2012, « Vimers [...] », art. cit. ; Plans de
l'Aiguillon, de l'Anse et de l'élévation de la chapelle de l'île, AD 85, HH 127/1 à 123/3 ; Plan de l'île de Macau,
AD 33, H 1024, pièce n°12 ; Plan, coupe et élévation de l'aqueduc à construire pour l'écoulement des eaux du
marais salé de l'isle d'Oléron, AD 17, C 33, dossier documentaire portant sur les marais salés de l'île d'Oléron.
165
Cf. infra, partie III.
166
Dont : Carte postale du remblai des Sables d'Olonne un jour de tempête, AD 85, 1 Num 59 3/194-3, vue 7 ;
Carte postale du bateau le Saint-Philibert dans la tempête, AD 85, 89 Fi 309-10 ; Carte postale de Châtelaillon-
Plage, la digue démolie par une tempête, AD 17, 10Fi171 ; Carte postale d'une tempête à la Cotinière, île
d'Oléron, AD 17, 24Fi Saint-Pierre-d'Oléron 20 ; Carte postale de pins tordus par la tempête, AD 33, 4Fi7036...
167
Entre autres, aux archives municipales de Nantes, sous les cotes 26Fi683 à 26Fi719, sont préservés trente-sept
clichés effectués à la suite de la tempête des 22-23 juin 1966.
168
http://www.meteofrance.com/previsions-meteo-france/animation/satellite/france
169
Par exemple : POUSSIN N., L'orage dit L'orage Pointel, vers 1651, musée des beaux-arts de Rouen ; DUGHET
G., L'orage, 1647-1648, musée des beaux-arts de Chartres.

131
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
le vent, anges soufflants170... Néanmoins, celles conservées sont proportionnellement peu
abondantes, confondent parfois les manifestations météorologiques, revêtent souvent un
caractère biblique ou, tout du moins, religieux et, surtout, ne se rapportent pas à un
phénomène défini, particulier, datable. En dehors d'ex-voto sur toile, les scènes picturales de
perturbation atmosphérique ne correspondent effectivement pas à un épisode précis. Elles
renvoient plutôt à « un » orage/« une » tempête.

Illustr ation 6: DUGHET G., L' or age, 1647-1648, musée des beaux-ar ts, Char tr es.
Source : site internet du musée des beaux-arts de Chartres

170
Parmi lesquels : Histoire ancienne jusqu'à César, France de l'Ouest, 1467, BnF, ms. fr. 254, f°143 ; GENESTE
G., Chronique bordelaise de Gilles de Geneste (1609-1625), consultation sur dérogation, A.M Bordeaux,
Bordeaux, ms 422, f°1-3 ; SCHLUMPF P., Album de Paul Schlumpf de Saint-Gall (1755-1758), BnS, ms 2.141,
f°3 ; DE FER N., 1690, op.cit., Frontispice p. 1.

132
Illustr ation 7: Tempête avec foudr e et pluie, Album de Paul SCHLUMPF DE SAINT G ALL (1755-1758), BnS,
ms.2.141,f°3
Source : en ligne sur le site internet de Numistral.

Pas de méprise d'ailleurs : si, à partir d'images de paysage, des chercheurs ont proposé
une lecture dʼœuvres d'art sous l'angle de la géoclimatologie171 et démontré la valeur
informative dont se charge des fois l'iconographie pour la recherche en géohistoire des risques
et/ou de l'environnement172, le but n'est pas ici d'énoncer des hypothèses climatologiques ou
météorologiques au sujet des vimers. Au demeurant, la condition sine qua non d'une analyse
significative reste le nombre. Or, en aucun cas, il ne fut question de s'évertuer, ni même ne
serait-ce que d'aspirer, à systématiquement référencer et examiner les représentations de
tempête. Cependant, l'historien ne doit pas occulter ou sous-estimer les apports de ces sources.

171
Metzger, A., Désarthe, J., 2017, « Regarde s'il pleut. Effets dʼinondations dans la peinture française (1856-
1910) », Communications, Le Seuil, 101-2, p. 119-141 ; Metzger, A., Tabeaud, M., 2015, « Une géoclimatologie
culturelle : comparaison entre les paysages peints des Hollandais et des Espagnols au « Siècle dʼor ». »,
Géographie et cultures, 93-94, p. 175-188 ; Metzger, A., 2014, Le froid en Hollande au Siècle dʼor. Essai de
géoclimatologie culturelle, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, thèse de doctorat de géographie, sous la
direction de Tabeaud, M., Paris ; Berchtold, J., Le Roy Ladurie, E., Sermain, J-P., Vasak, A.(dir), 2012,
Canicules et froids extrêmes. L'événement climatique et ses représentations, Hermann, Paris ; Metzger, A., 2012,
Plaisirs de Glace. Essai sur la peinture hollandaise hivernale du Siècle d'or, Hermann, Paris ; Le Roy Ladurie,
E., Berchtold, J., Sermain, J-P. (dir.), 2007, L'Évènement climatique et ses représentations (XVIIe-XIXe siècle) :
histoire, littérature, musique et peinture, Desjonquères, Paris.
172
Motte, E., 2017, Représentations et évolutions anciennes et actuelles du littoral en Bretagne : changements
geomorphologiques et iconographie, Université de Rennes, thèse de doctorat de géographie, sous la direction de
Regnauld, H. et Corcuff, M-P., Rennes ; Goeldner-Gianella, L., Feiss-Jehel, C., Decroix, G., 2011, « Les
oubliées du “désir du rivage” ? Lʼimage des zones humides littorales dans la peinture et la société françaises
depuis le XVIIIe siècle », Cybergeo : European Journal of Geography, [en ligne], Environnement, Nature,
Paysage, article 530, consulté le 25 février 2018 ; Camuffo, D., 2010, « Le niveau de la mer à Venise dʼaprès
lʼœuvre picturale de Véronèse, Canaletto et Bellotto », R.H.M.C, 57-3, p. 92-110.

133
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
Elles sont révélatrices d'un mode de pensée, de croyances173, ainsi que d'un système
d'appréhensions et d'interprétations du phénomène naturel, de l'environnement propres aux
sociétés qui les produisent. Leur considération et interrogation peut nourrir la réflexion sur les
mentalités, le rapport qu'entretenaient les populations avec leur milieu, leur compréhension
des risques inhérents à ce dernier, leur perception d'un aléa climatique ou météorologique,
leur appréciation et ressenti d'une manifestation174. L'art pourrait donc être un moteur de
questionnements pour le géohistorien des risques météo-marins. La perspective est ouverte...

2.3.2. Ex-voto et monuments commémoratifs, des témoins matériels ?

Le long des côtes françaises s'égrènent les chapelles et monuments commémoratifs175.


Lieux de recueillement, de dévotion, de culte, de pèlerinage ou encore touristiques et de
curiosité, ces édifices peuvent conserver des ex-voto accrochés aux murs et voûtes. Certains
sites sont d'ailleurs célèbres pour la quantité et la diversité d'ex-voto qu'ils contiennent. C'est
ainsi le cas de la basilique Sainte-Anne d'Auray (Morbihan), la cathédrale de La Rochelle
(Charente-Maritime) et surtout, en Méditerranée, la chapelle de Notre-Dame de la Garde
(Marseille, Bouches-du-Rhône).

D'origine latine, le terme ex-voto signifie « en conséquence d'un vœu »176. Multiple, il
désigne une maquette, une figure, un tableau, un vitrail, un objet, une plaque, etc. déposé(e)
en remerciement d'une intervention divine sollicitée, en mémoire d'une grâce obtenue, en
accomplissement d'une promesse émise. Pratique votive ancestrale et universelle, la réalité de
l'ex-voto est attestée dès l'Antiquité177. En France, les vicissitudes historiques, parmi
lesquelles la Révolution, ont eu raison de la plupart des ex-voto d'Ancien Régime. Bien que
leur nombre soit globalement restreint178, il n'était évidemment pas question d'arpenter le
littoral atlantique français en vue de les répertorier méticuleusement. Les catalogues
d'exposition ainsi que le site de référencement des ex-voto marins179 servirent donc de point

173
Heck, C., 2004, « Les images médiévales de l'ascension spirituelle : l'iconographie comme source ou comme
discipline ? », in Carozzi, C., Taviani-Carozzi, H., Le médiéviste devant ses sources. Questions et méthodes,
PUP, Aix-en-Provence, p. 97-107.
174
Knebush, J., 2008, « Art and climate (change) perception : “outline of a phenomenology of climate” », in
Kagan, S., Kirchberg, V. (dir.), Sustainability : a new frontier for the arts and cultures, Francfort-sur-Maine, p.
242-261 ; Roger A., 1997, Court traité du paysage, Gallimard, Paris ; Corbin, A., 1992, Le territoire du vide :
L'Occident et le désir du rivage (1750-1840), Aubier, Paris.
175
Les derniers ayant été érigés commémorent la tempête avec submersion Xynthia.
176
Samson, D., 1973, « Les ex-voto marins de Cornouaille », B.S.A.F, tome CI, Quimper, p. 375-388.
177
Mollat, M., 1975, « Introduction », in Ex-voto marins du Ponant offerts à Dieu et à ses Saints par les gens de
la Mer du Nord, de la Manche et de l'Atlantique, Catalogue d'exposition, 1975-1976, Musées de la Marine,
Paris, p. 11-17.
178
L'essentiel des ex-voto date des XIXe-XXe siècles et, de par l'infinie variété des dangers de la mer, les contenus
en sont très variés. Or, le critère thématique (tempête) est primordial ici.
179
Exposition photographique au Palais des Congrès de Royan sur le thème des « ex-voto marins & figures de

134
de départ à quelques déplacements et prises de vue photographiques ciblés.
Selon le sens du geste, les ex-voto se déclinent en plusieurs catégories : ex-voto
propitiatoire (offrande adressée à l'avance), gratulatoire (caractère commémoratif), suscepto
(don fait en échange d'une faveur reçue) et surérogatoire (don spontané, simple dévotion
gratuite)180. Qu'il soit témoignage de gratitude, de piété, de conf iance/espérance,de don de
soi, l'objet votif est l'expression d'une relation toute personnelle entretenue entre le donateur,
le fidèle et Dieu, la Vierge ou un saint protecteur comme Notre-Dame des Naufragés, Saint-
Barbe, Saint-Nicolas, Sainte-Evette... À quelques exceptions près, les ex-voto auxquels il sera
fait référence au cours du développement endossent un caractère commémoratif ou d'action de
grâces.

proue », organisée par le musée national de la Marine de Rochefort et Paris, 2013 ; Brochard, A.M. (dir.), 1994,
Navires et tableaux votifs de Charente-Maritime : catalogue de l'exposition, Exposition Halle aux Vivres de
Brouage, avril-septembre 1994, Syndicat Mixte pour l'Animation et la Restauration du Site de Brouage,
Brouage ; Carrefour des régions d'Europe, ex-voto marins en Bretagne et Galice, Exposition Musée des Beaux-
Arts de Brest, 15 novembre-21 décembre 1987, Ouest France ; Rieth, E., Milon, A., CNRS (dir.), 1981, Ex-voto
marins dans le monde de l'Antiquité à nos jours, Catalogue d'exposition, Palais de Chaillot, Musée de la Marine,
Paris ; Ex-voto marins de la Charente-Maritime : catalogue de l'exposition, 1979, Exposition Salle de l'Oratoire
de La Rochelle, 28 juillet-2 septembre 1979, éd. Musée d'Orbigny-Bernon, La Rochelle ; Ex-voto marins du
Ponant […] ibid., 1976 ; https://www.ex-voto-marins.net
180
Mollat, M., 1975, ibid., p. 14

135
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes

Illustr ation 8 : Statue de la Vier ge et l'enfant J ésus, XVII e siècle.

La Vierge tient dans sa main un bateau, tandis que le Christ maintient allongés ses pouce, index et majeur de la
main droite. Geste de bénédiction, le sens en est trinitaire, évoquant le Père, le Fils et le Saint-Esprit181. Cette
statue était originellement exposée en front de mer, dans la chapelle de Notre-Dame-de-Lanriot faisant face à
l'île de Sein, à proximité immédiate de la Baie des Trépassés. Aujourd'hui, elle est conservée dans l'église Saint-
Mélaine de Moëlan-sur-mer, Finistère.
Crédit photographique : ATHIMON Emmanuelle et PERROT Morgan.

Sans prétendre à une étude attentive et poussée des ex-voto, il semblait intéressant de
les intégrer, même de manière périphérique, à la recherche sur les tempêtes qui est la nôtre.
Plusieurs raisons peuvent être avancées dont la principale reste que les ex-voto offrent
d'appréhender certains comportements fondamentaux des gens de mer ainsi que des gens du
bord de mer. « Gens de mer ». Cette expression pourrait englober l'intégralité des groupes
socio-professionnels – familles incluses – subsistant, de près ou de loin, de la mer182, pourtant
la distinction s'avère nécessaire en ce sens que les populations littorales ne sont pas forcément
des « marins-nés »183.

181
Burnet, E., Burnet, R., 2006, Pour décoder un tableau religieux. Nouveau Testament, du Cerf, Paris, p. 95 ;
Hüe, D., 1998, « Le doigt du sage et le poing du fou », in Le geste et les gestes au Moyen Âge, publication du
Centre Universitaire dʼÉtudes et de Recherches Médiévales d'Aix, PUP, Aix-en-Provence, p. 273-292.
182
Mollat, M., 1983, La vie quotidienne des gens de mer en Atlantique, IXe-XVIe siècles, Hachette, Paris.
183
Laget, F., 2017, « Le marin et le maritain. Pistes de réflexion sur l'« effet tunel » des littoraux médiévaux,

136
Les ex-voto d'Ancien Régime conservés susceptibles d'être employés à l'étude des
tempêtes sont majoritairement des tableaux. Ceux introduits au corpus184 représentent souvent
un navire en grande difficulté : mâts abattus, voiles déchirées, mer déchaînée, f igure céleste
salvatrice. Une mention explicite relatant brièvement les circonstances du vœu (date, nom du
navire, lieu...) peut y apparaître. Représentations à la fois imagées et mémorielles, ces
peintures mettent en exergue l'atmosphère dramatique et le sentiment d'impuissance, d'effroi
de l'équipage. Quoiqu'il soit peu fréquent, mais pas inexistant185, qu'un ex-voto puisse être
corrélé avec des documents textuels anciens, il n'en reste pas moins que ces scènes marines
présentent un intérêt documentaire pour quiconque étudie les aléas météo-marins, leurs
représentations et perceptions par les sociétés. Véritable « tranche de vie », expression d'un
quotidien, d'un péril récurrent pour les communautés maritimes et littorales, tradition
essentielle de l'ensemble de leurs pratiques religieuses, l'ex-voto exprime une vision du
monde et de l'élément naturel. Témoignage communément laissé par des humbles, il est, par
essence, un document de la culture populaire186. Il atteste de même des conditions périlleuses
d'exercice du métier de marin – y compris par cabotage –, de la conscience effective qu'en
avait ce dernier187, du contact quotidien de la côte avec les vents et l'océan, des aspirations et
inquiétudes des populations.

e e
XIII -XV siècles », in Laget, F., Rabot, B., Josserand, Ph. (dir.), Entre terre et mer. Hommes, paysages et
sociétés dans lʼOuest atlantique, Moyen Âge et Temps modernes, PUR, Rennes, p. 131-142, p. 131-132 ;
Cassard, J-C., 1998, Les Bretons et la mer au Moyen Âge, PUR, Rennes, p. 135.
184
Après critique rigoureuse et vérification, la décision fut prise de n'y insérer que les ex-voto les plus
représentatifs ou ceux ayant pu être croisés avec des données répertoriées sur les vimers. L'aspect partiel de
l'intégration de cette réserve documentaire est conscient. De futures recherches permettront peut-être
d'approfondir ce champ.
185
On peut citer notamment le cas de la tempête du 4 avril 1753, qu'ARCERE et Jacques POUZAUX relatent dans
leurs ouvrages et qu'illustre un ex-voto peint conservé dans l'église Sainte-Catherine à la Flotte-en-Ré (île de
Ré). Pris dans la tempête, un navire en péril y apparaît. L'une des voiles est déchirée, la grand-voile arrière est
partiellement tombée, les flots sont démontés. L'inscription suivante y est tracée : « La Marie-Thérèse –
Capitaine L. Houin – le 4eme avril 1753 ». De même, sur une période plus récente, hors cadre temporel de la
thèse, on peut signaler par exemple la représentation picturale votive du thonier sablais « Magdeleine Simonne »
fracassé par la tempête bien connue des 18-20 septembre 1930 (Chapelle Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, île
d'Yeu). ARCERE L-E., 1756, Histoire de la ville de La Rochelle et du pays d'Aulnis, composée d'après les auteurs
& les titres originaux, & enrichie de divers plans, tome I, impr. René-Jacob Desbordes, Paris, p. 140 ; Notice
historique sur la commune de Gémozac par un indigène, d'après les mémoires du curé Pouzaux et d'autres
manuscrits, 1876, éd. Lemarié, Saint-Jean-d'Angély, p. 85.
186
Cousin, B., 1979, « L'Ex-voto, document d'histoire, expression d'une société », A.S.R, n°48-1, p. 107-124.
187
Mollat, M., 1984, « Sentiments et pratiques religieuses des gens de mer en France, du XIIIe au XVIe siècle »,
R.H.F, 185, p. 305-315.

137
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes

Illustr ation 9: Ex-voto peint du vaisseau la " Stella Mar is" pr is dans une tempête en 1696, cathédr ale Saint
Louis de La Rochelle, Char ente-Mar itime.
Crédit photographique : ATHIMON Emmanuelle et PERROT Morgan.

Par ailleurs – et au risque de sortir quelque peu du cadre chronologique de cette


e
recherche –, à compter principalement du XX siècle, des monuments et plaques
commémorant des naufrages, les disparus en mer et, plus récemment, des tempêtes, ont fleuri
sur le littoral atlantique français. Lieu de recueillement et d'enracinement de la mémoire, ils
rappellent aux décideurs et à la société civile que peu de communautés humaines sont aussi
exposées au risque que celles qui s'établissent à proximité immédiate et vivent de la mer.
Ainsi, en Bretagne, à Plozévet, un menhir cultive le souvenir du vaisseau Des droits de
l'Homme, disloqué par une tempête le 14 janvier 1797188. La mention suivante y est gravée :
« Ici [Plozévet, Bretagne ndlr], autour de cette pierre druidique, sont inhumés
environ 600 naufragés du vaisseau Des Droits de l'Homme brisé par la tempête le
14 janvier 1797. Le major Pipon, né à Jersey, miraculeusement échappé à ce
désastre, est revenu sur cette plage le 21 juillet 1840 et dûment autorisé, a fait

188
En vérité, la perte du navire est la résultante de raisons plurielles dont l'équation comprend un combat naval
additionné à des intempéries. En effet, le 22 nivôse an V de la République (13 janvier 1797), Les droits de
l'Homme croise, au large de Penmarc'h (Finistère, Bretagne), deux frégates britanniques. Une bataille
s'enclenche. La météorologie est très mauvaise et la mer forte. Après une quinzaine d'heures d'échange de
boulets, le vaisseau français est en piteux état. Ce dernier, emporté alors par d'importants coups de vent, s'échoue
sur les hauts-fonds de la baie d'Audierne. Les assauts furieux des vagues finissent de le désagréger et de perdre
une partie de l'équipage. Comme bien souvent, c'est la superposition des causes qui entraîne le naufrage et la part
jouée par le mauvais temps ne peut être déterminée.

138
graver sur la pierre ce durable témoignage de sa reconnaissance. A Deo Vita
Spes in Deo. »

Illustr ation 10: Menhir dit « Des dr oits de l' Homme », Plozévet, Finistèr e, Br etagne.
Crédit photographique : ATHIMON Emmanuelle.

Le spécialiste des tempêtes, médiéviste, moderniste ou a fortiori contemporanéiste,


aurait tort de négliger de telles ressources. Non élémentaires, elles restent, il est vrai,
insuffisantes en soi pour énoncer des hypothèses. Cependant, une fois décortiquées avec
circonspection puis recoupées avec d'autres données, elles ouvrent à d'enrichissantes
dimensions, parmi lesquelles une diversification des approches, un étoffement des
informations à disposition, un étayage des réflexions, une compréhension affinée des
« mentalités » dans une déf inition large.

2.3.3. Textes à caractère scientifique et mesures instrumentales

Depuis l'Antiquité, les météores extraordinaires – parmi lesquels les tempêtes – ont fait
l'objet de réflexions et études savantes189. Si ARISTOTE190 ou SENEQUE191 ont cherché à

189
Naas, V., 2013, « Météorologie et climat dans l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien », in Ducos, J. (dir),

139
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
rationaliser en vue de lutter contre la peur mêlée de fascination qu'ils provoquaient, les
théories météorologiques médiévales, puis modernes, sont essentiellement nées d'une volonté
à la fois de comprendre la nature, mais aussi d'offrir une explication de son fonctionnement et
des lois qui la régissent, au-delà du divin192. Par la suite, la vocation évoluera de nouveau,
jusqu'à la prévision, la prévention193.

Productions visant à transmettre des savoirs, les textes scientifiques du Moyen Âge et
de l'Époque Moderne attestent de façons de penser, comprendre, appréhender, regarder le
monde194. La part du corpus présentée ci-dessous compte 70 documents rédigés entre les XIVe
e
et XVIII siècles par des membres des élites intellectuelles (clercs, médecins, ingénieurs,
hydrographes, etc.). Elle est composée de traités, d'essais, de mémoires, de discours, de
mesures instrumentales aux objectifs variés. Ceux-ci vont de l'observation du milieu, de
l'arpentage du territoire en vue de dresser une cartographie, de la pratique d'une activité en
lien avec les éléments amenant une forme d'érudition195, à une volonté de recherche, de
développement des connaissances, d'évaluation d'hypothèses, de confrontation
196
scientifique ... Leur analyse ouvre au chercheur un accès privilégié aux représentations,

Météores et climats d'hier. Décrire et percevoir le temps qu'il fait de l'Antiquité au XIXe siècle, Hermann, Paris, p.
21-35 ; Cusset, C. (dir), 2003, La Météorologie dans l'Antiquité, entre science et croyance, Actes du colloque
international interdisciplinaire de Toulouse (2-4 mai 2002), PUSE, Saint-Étienne.
190
ARISTOTE, 2002 (2e éd.), Météorologiques, édition et traduction de Pierre Louis, 2 vol., Les Belles Lettres,
Paris.
191
SENEQUE, 1929, Questions Naturelles, édition et traduction de Paul Oltramare, 2 vol., Les Belles, Lettres,
Paris.
192
Ducos, J., 2013, « Introduction », in Ducos, J. (dir), ibid., p. 5-17, p. 6-7.
193
Athimon, E. et al., 2016, op. cit., 21eme paragraphe ; Surville, F. (dir), 2012, Les colères de la nature.
Dérèglements climatiques et catastrophes naturelles, Le Croît Vif, Saintes, p. 27-124 ; Locher, F., 2008, Le
savant et la tempête. Étudier l'atmosphère et prévoir le temps au XIXe siècle, PUR, Rennes ; Cox, J.D, 2002,
Storm watchers : the turbulent history of weather prediction from Franklin's Kite to El Nino, John Wiley and
Sons Ltd, New-York.
194
Collart, M., 2017, « Avis de tempête : la polémique entre Garcin et Musschenbroek sur les causes du
mouvement du baromètre », in Metzger, A., Désarthe, J., Rémy, F. (dir), Histoires de météophiles, Hermann,
Paris, p. 127-142 ; Le Roy Ladurie, E., Berchtold, J., Sermain, J-P. (dir), 2007, L'événement climatique et ses
représentations (XVIIe-XIXe siècles), Desjonquères, Paris ; Vasak, A., 2007, Météorologies. Discours sur le ciel et
le climat des Lumières au romantisme, Champion, Paris ; Gambino-Longo, S., 2005, « La météorologie au XVIe
siècle entre Aristote et Lucrèce », in La Brasca, F., Perifano, A (dir), La transmission des savoirs au Moyen Âge
et à la Renaissance, PUFC, Besançon, p. 275-288 ; Thomasset, C., Ducos, J. (dir), 1998, Le temps qu'il fait au
Moyen Âge. Phénomènes atmosphériques dans la littérature, la pensée scientifique et religieuse, PUPS, Paris.
195
Cf. supra, 2.3.1 Au sujet des iconographies... ; MASSE, Cl., Mémoire sur la carte particuliere du 47e quaré de
la generalle des côtes du bas Poitou, pays d'Aunix, Saintonge et Guyenne et isles adjacentes, Méd. M. Crépeau,
La Rochelle, ms 32, Mi 40 ; LAFAILLE C., 1752, Observations sur les progrès de l'océan dans les costes de La
Rochelle, 2010, publié par Caudron O., « Comment un naturaliste du XVIIIe siècle analysait lʼaction de la mer sur
le littoral : Clément Lafaille à lʼAcadémie de La Rochelle (1752) », Écrits de l'ouest, 18, p. 59-73 ; BEAUPIED-
DUMESNIL, 1765, Mémoire sur les marais salants des Provinces d'Aunis et de Saintonge, impr. P. Mesnier, La
Rochelle ; BOUGARD, 1789, Le petit flambeau de la mer ou le véritable guide des pilotes côtiers, Havre de
Grâce.
196
Notamment : « Comparaisons d'observations faites en differens lieux sur le barometre, sur les vents, & sur la
quantité des pluyes », 1699, H.A.S.A, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 20-22 ; « Sur un
nouveau barometre a l'usage de la mer », 1705, H.A.S.A, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p.
1-4 ; « Sur le haussement vrai ou apparent de la Mer auprès de certaines côtes », 1743, H.A.S.A, impr. Martin G.,

140
conceptions, croyances, savoirs des sociétés anciennes, ainsi qu'à leurs évolutions tout au long
de la période étudiée.
Pratiquement exclusivement – à quelques exceptions près197 – orientée sur l'espace
littoral, portée sur les manifestations météo-marines ou les phénomènes susceptibles d'y être
liés198, n'intégrant pas les travaux des contemporains européens199 ni ceux précédant le XIV
e

siècle200, l'approche reste nécessairement partielle, incomplète. Par ailleurs, pour la plupart
imprimées ou connues, ces pièces du corpus ne sont pas nécessairement “neuves” pour la
recherche sur l'histoire des tempêtes.

Illustr ation 11 Boussole des vents, état des connaissances dans le domaine à la fin du XVe siècle.
Source : GARCIE P., 1531, Le grand routier & pilotage & enseignement pour ancrer tant es portz que autre lieux
de la mer fait par Pierre Garcie dit Ferrande tant des parties de France, Bretaigne, Angleterre, Espaigne, Flandres
& haultes Alemagnes. Avec les dangers des portz, hautes, rivieres & chenals des parties & regions dessusdictes,
Rouen.

Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 40-41 ; AD 17, 27 J 1 à 27 J 5 : journaux d'observations météorologiques
de Pierre PINET, 1783-1791.
197
BURIDAN J., 1986, op. cit. ; MIZAULD A., 1548, op. cit. ; COTTE L., 1788, Mémoires sur la météorologie pour
servir de suite et de supplément au Traité de météorologie publié en 1774, impr. royale, Paris.
198
Dont : « Sur le flux et le reflux », 1701, H.A.SA, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 11-15
; « Physique générale sur le flux et reflux de la mer », 1772, H.A.SA, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-
L., Paris, p. 1-6 ; DE LA LANDE J.J.L.F., 1781, Traité du flux et du reflux de la mer dʼaprès la théorie et les
observations extrait du 4e volume de l'Astronomie, chez la veuve Desaint, Paris.
199
Par exemple : Defoe, D., 1704, The storm : or a collection of the most remarckable casulaties and disasters
which happen'd in the Late dreadful tempest, both by sea and land, impr. Little Britain, London. Schoenenwald,
N., 2017, « Daniel Defoe et la grande tempête de 1703 en Angleterre », in Metzger, A. et al, ibid., p. 67-82.
200
Ducos, J., 2013, « Expliquer les phénomènes météorologiques au Moyen Âge (XIIe siècle) », in Ducos, J.
(dir.), ibid., p. 37-58.

141
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes

Illustr ation 12: Boussole des vents, état des connaissances dans le domaine à la fin du XVII e siècle.
Source : DE FER N., 1690, Les costes de France sur l'océan et sur la mer méditerranée corrigées, augmentées et
divisées en capitaineries, garde-costes, dediées à Monseigneur le Dauphin par son très humble et très obéissant
serviteur De Fer, impr. Nicolas De Fer, Paris.

Décrivant avec plus ou moins de précisions et d'exactitude l'environnement, les


aménagements humains, la configuration côtière, les manifestations atmosphériques, certains
auteurs s'appuient en effet sur une lointaine pratique commune de l'observation, des
connaissances empiriques transmises de génération en génération, une méthode et une
expérience personnelle précise acquise du terrain. Ainsi, en 1715, dans son Mémoire sur
diverses localités, Claude MASSE dresse, à propos de l'île de Ré, le constat que ses côtes sont
battues « du vent du sud et du sud ouest, du sud est et de l'ouest qui sont les plus dangereux de
ces contrées d'ou procedent tous les accidents qui arrivent dans cette isle par les tempestes ou
ouragans et vimers qui la regardent et la diminuent insensiblement201 ». Certes, peu
« savantes », mais éprouvées de longue date, les populations littorales se rendaient bien
compte de la dangerosité du milieu et des éléments, de la force des courants, de la violence
des vents par moments et par endroits, a fortiori lorsque leurs activités y étaient soumises.

e
Lentement, à partir de la seconde moitié du XVII siècle, mais surtout durant le dernier
e
tiers du XVIII , des personnes « éclairées » vont s'intéresser au temps qu'il fait. L'approche

201
Med. M. Crépeau, ms. 462, Mi 40, fol. 42.

142
scientifique va alors sensiblement s'enrichir de relevés directs et, balbutiante, la Météorologie
– définie par Louis COTTE comme la science de la connaissance et de la compréhension des
météores202 – prend le parti de la mesure instrumentale normée. Le propos n'étant pas d'opérer
un tour d'horizon des appareils existants, des débuts de la météorologie institutionnelle ou de
la formation des réseaux internationaux203, l'intérêt s'axera sur les colonnes des journaux
météorologiques ainsi que les trois instruments utiles à la recherche sur les tempêtes : le
baromètre, la girouette, l'anémomètre.
Invention de 1643 attribuée au physicien Evangelista TORRICELLI, le baromètre à
mercure permet de déterminer la pression atmosphérique. Instrument de base d'une station, il
est perfectionné par nombre d'inventeurs et scientifiques204, dont René DESCARTES, qui y
ajoute une graduation. Quoique le plus fiable de son époque, ce baromètre présente une
multitude d'inconvénients205 générateurs d'imprécisions et de défaillances : tube de verre
potentiellement poreux, dilatation – donc variation de densité – du mercure selon la
température, tension superficielle élevée du métal, ce qui rendait la surface libre du tube
convexe et entraînait un affaissement du niveau du mercure en dessous de sa valeur
théorique... Par ailleurs, l'unité internationale de pression atmosphérique, l'hectopascal (hPa),
n'apparut qu'ultérieurement. En conséquence, les relevés effectués sous l'Ancien Régime ne
sont pas donnés en hPa, mais en pouces. La constante du mercure s'établit autour de 28
pouces, soit 760 mmHg ; un millimètre de mercure équivalant à environ 1,33 hPa. Toutes les
mesures instrumentales à disposition nécessitent donc, de la part du chercheur, non seulement
de la méfiance, mais aussi une conversion. La direction et la force du vent quant à elles sont
définies et mesurées à l'aide d'un anémomètre et d'une girouette. Conçu par Léon Battista
ALBERTI vers 1450, le premier anémomètre repose sur un système combinant une plaque
carrée ou circulaire disposée à la verticale et une girouette. En soufflant, le vent exerce une
pression sur ladite plaque, ce qui permet effectivement d'en estimer, par graduation, la force.
L'anémomètre connut par la suite de nombreuses améliorations206, sans qu'aucune, sur la

202
COTTE L., 1774, Traité de météorologie, impr. royale, Paris, p. 1.
203
Le lecteur intéressé pourra lire avec profit les ouvrages suivants (bibliographie non exhaustive) : Metzger A.
et al, 2017, ibid. ; Surville, F. (dir), 2012, ibid., p. 27-124 ; Camuffo, D., Bertolin, C., 2012, « The earliest
temperature observations in the world : the Medici Network (1654–1670) », C.C, 111-2, p. 335-363 ; Garnier, E.,
Surville F. (dir), 2010b, op. cit., p. 83-88 ; Jones, P.D., 2001, « Early European Instrumental Records », in Jones,
P.D., Ogilvie, A.E.J., Davies, T.D., Briffa, K.R. (eds), History and climate. Memories of the future ?, Springer
Science & Business Media, New-York, p. 55-77.
204
« Physique générale sur le baromètre rectifié », 1704, H.A.S.A, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L.,
Paris, p. 1-8 ; « Observations sur un nouveau baromètre », 1708, H.A.S.A, impr. Martin G., Coignard J-B.,
Guerin H-L., Paris, p. 3-11.
205
« De la hauteur du mercure dans les baromètres », 1705, H.A.S.A, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-
L., Paris, section Mémoires p. 229-236 ; « Sur une irrégularité de quelques baromètres », 1706, H.A.S.A, impr.
Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 1-3 ; « Sur quelques faits singuliers concernant les
baromètres », 1751, H.A.S.A, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 23-29...
Surville, F. (dir), 2012, ibid., p. 32-34, p. 37-38.
206
« Anémomètre qui marque de lui-même sur le papier, non seulement les vents qu'il a fait pendant les 24

143
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
période d'étude, révolutionne fondamentalement l'instrument. En outre, si les girouettes sont
attestées dans plusieurs sources du corpus, les anémomètres ne le sont pas207.
e
Le journal d'observations météorologiques prolifère tout au long du XVIII siècle. Il
contient des données chiffrées, quantitatives, plus ou moins journalières, précises et fiables.
Ces observations vont de la simple mesure faite avec des instruments usuels qualifiés “de
salon”, à des relevés standardisés, organisés en au moins huit colonnes, parmi lesquelles la
date, la direction du vent, la pression de l'air, l'état du ciel – idéalement scruté trois fois par
jour à heure fixe. Le tout étant généralement accompagné de remarques descriptives détaillées
et analytiques du temps de la journée. Ces informations peuvent ensuite être globalisées par
mois et intégrées dans des tableaux annuels. Cela autorise à comparer les années, mais aussi à
projeter d'éventuelles études statistiques, pour peu que les mesures suivent les protocoles
préconisés208, ce qui n'est pas toujours le cas.

Illustr ation 13 Tableau contenant les r ésultats des obser vations météor ologiques faites à La Rochelle pour
l' année 1783 par Pier r e-Henr i SEIGNETTE .
Source : AD 17, 4 J 3955, 6eme cahier, fol. 53, année 1783.

En effet, au sein du corpus, il faut distinguer deux sortes de « météorologues ».


L'amateur d'un côté, qui agit par curiosité, appétence intellectuelle personnelle comme c'est le

heures, & à quelle heure chacun a commencé & fini, mais aussi leurs différentes vîtesses ou forces relatives, par
M. D'ONS-EN-BRAY », 1734, H.A.S.A, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 123-134 ; COTTE
L., 1788, ibid., p. 307 et suivantes.
207
Le père Louis COTTE admet ne pas en posséder lui-même. COTTE L., 1774, ibid., p. 531.
208
COTTE L., 1774, ibid., et COTTE L., 1788, ibid. ; Surville, F. (dir), 2012, ibid., p. 28-31.

144
cas de Jacob LAMBERTZ209. Le savant de l'autre, fréquemment attaché à la Société Royale de
Médecine, dont les observations, inscrites dans une démarche scientifique déterminée et
exigeante, ont vocation à parution, publication, comparaison, confrontation210. Rigoureux, le
second se plie à des règles précises non seulement dans la prise des mesures, mais également
dans la méthodologie, la construction, l'élaboration ou l'achat des instruments eux-mêmes.
Ainsi, comme le rapporte Louis-Benjamin FLEURIAU DE BELLEVUE, son baromètre est
« parfaittement bien bouilli et purifié, purgé d'air et lumineux. Je l'ai fait avec grand soin moi
même et ai bien calibré le tube.[…] J'observe chacuns de mes instuments trois fois le jour, le
matin sur les six ou sept heures, a deux heures après midi et sur les 11 heures du soir.211 ». À
l'inverse, le « météophile » n'est pas toujours habile. Son vocabulaire peut être approximatif et
dénoter d'une forme d'inexpérience, voire de négligence. Le 24 mai 1720, François-Etienne
DE BRASSIER fait l'acquisition d'un thermomètre ainsi que d'un baromètre. Le petit nombre de
relevés, leur manque de fiabilité et, surtout, la faiblesse des commentaires permettent
d'affirmer que l'auteur ignore probablement comment se servir d'un baromètre, mais
également comment l'interpréter : « Le 9e de février 1721, le mercure du baromètre a
descendu au dessous non seulement des lignes quil paroit ordinairement mais encore une
ligne au dessous de celle qui barre les autres212 ». Il sera cependant concédé qu'acheter de tels
e
outils au début du XVIII siècle manifeste d'un intérêt, d'une érudition, d'une culture
scientifique. D'autant que les mouvements du mercure dans les baromètres feront longtemps
débats213.

La multiplication des écrits à caractère scientifique au cours des XIVe-XVIIIe siècles, ainsi
que l'apparition et le développement des instruments de mesure ont eu pour effet d'améliorer
les connaissances, la compréhension des mécanismes et phénomènes atmosphériques. Miroir
autant des savoirs que des mentalités, ces sources ne doivent pas être négligées par le

209
AD 17, 4 J 1808, publication par Garnier, E., Surville F. (dir), 2010b, ibid., p. 88.
210
Comme : « Comparaison des observations sur la pluie & sur les vents, faites par M. de Pontbriand, au château
du Pont-briand, à deux lieues de saint Malo, & vers le bord de la mer pendant l'année 1704, avec celles qui ont
été faites à l'observatoire au même temps », 1705, H.A.S.A, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L., Paris,
p. 5-7 ; « Observations de la pluïe & du vent, faites en l'année 1705 au château du Pontbriand situé à deux lieuës
de Saint-Malo en Bretagne par DU PONTBRIAND », 1706, H.A.S.A, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L.,
Paris, p. 6-12 ; AD 22, 1 ms. 12, manuscrit de BAGOT, médecin à Saint-Brieuc, correspondant de la SRM, 1778-
1790 ; Bibliothèque de l'Académie de médecine, SRM 145, dossier 11, pièce n°1 : mémoire de LIVRE, médecin à
l'hôpital du Mans, correspondant de la SRM ; Mercure de France, n°3, 16 décembre 1780, par BLONDEAU, p.
139-141 ; AD 85, 1 Num 1/78, correspondance entre le docteur Jean Gabriel GALLOT et FLEURIAU DE BELLEVUE
(fils aîné) contenant des observations météorologiques, 1780-1782.
211
AD 17, 4 J 3956, fol. 2.
212
A.M Bordeaux, ms. 520, fol. 103.
213
Pour n'en citer que trois : « Sur la cause de la variation du baromètre », 1711, H.A.S.A, impr. Martin G.,
Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 3-6 ; « Physique générale sur les mouvements du mercure dans les
baromètres », 1768, H.A.S.A, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 10-15 ; DE LAVOISIER A-L.,
octobre 1790, « Règles pour prédire le changement de temps d'après les variations du baromètre », Literary
Magazine, p. 765-771.

145
CHAPITRE 2. Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes
chercheur en histoire des tempêtes. Elles sont porteuses de réflexions, d'explications
rationnelles des aléas, d'évolutions des représentations, des appréhensions, des perceptions
des sociétés anciennes.

De ce chapitre, il ressort l'indispensable nécessité de diversifier ses sources. Dans


l'espoir de remonter quelques informations, dans l'optique de garantir une vision globale, dans
l'esprit de limiter les écueils et de certifier l'indépendance de la pensée, le chercheur en
histoire des tempêtes doit jeter son filet dans tous les types de documents et archives
possibles, imaginables. Une telle classification schématique peut d'ailleurs donner
l'impression d'un tableau décourageant, d'un travail fastidieux et interminable. Par certains
aspects, il l'est. Pourtant, une fois critiquées, comparées et recoupées, les sources et données,
quoique de différentes qualités, se complètent et comblent, sur bien des points, les lacunes
que laissent subsister les unes et les autres. Alors, quelle émulation intellectuelle et que
d'exaltation personnelle !

146
CONCLUSION PARTIELLE, PARTIE I

Divisée en 2 chapitres, cette première partie introduit le sujet de la thèse et les


méthodologies mises en œuvre pour étudier les tempêtes passées. Elle se propose dʼinterroger
et analyser la tempête sur le temps long. Ce faisant, elle apporte déjà une pluralité dʼéléments
nourrissant la réflexion autour de lʼaxe 1.

Le chapitre 1 comprend un important travail de définitions ayant nécessité de nombreux


recours bibliographiques et lʼusage dʼune démarche réflexive, critique. Partant dʼun état des
connaissances scientifiques actuelles, il ambitionne de définir la tempête extratropicale sur la
longue durée (champ lexical ancien, savoirs et perceptions aux XIVe-XVIIIe siècles) et examine
les notions qui lui sont liées ainsi que la pertinence de leur usage en histoire (aléa, risque,
vulnérabilité, adaptation…). Les développements exposent, entre autres, lʼutilité de considérer
le poids de lʼendommagement dans une définition consensuelle de la tempête. Ce chapitre est
de plus lʼoccasion dʼune présentation détaillée du cadre spatial étudié, qui sʼaccompagne en
particulier dʼune explication sur les calculs de coefficients des marées passées. Mis en
corrélation avec les phases de la lune et les aléas, cela donne des indications décisives pour la
caractérisation des événements. Brossant un premier portrait de lʼobjet dʼétude, plusieurs
points autorisant une compréhension plus « subtile » de la tempête ancienne se trouvent ici
approfondis.
Les nombreux documents historiques consultés, leurs contenus, ainsi que les différentes
entreprises méthodologiques mises en œuvre dans la thèse sont ensuite abordés. Les
informations sur les tempêtes passées sont fournies par des témoignages écrits contemporains
des événements et des archives sédimentaires. Méthodologique, ce second chapitre expose les
grandes diversité et richesse des sources et données à la disposition du chercheur (matérielles,
narratives, archivistiques, instrumentales, sédimentaires). De lʼanalyse dʼéchantillons de
sédiments en laboratoire (granulométrie, géochimie, colorimétrie, etc.) à lʼexamen critique
minutieux des textes (date, auteur, contexte…), les méthodes et techniques varient, mais les
unes viennent en complément des autres. Ainsi, les principaux apports de ce chapitre tiennent
1) à sa démarche analytique et critique fine qui met en exergue les démarches et informations
intéressant la recherche sur les tempêtes anciennes et, 2) au croisement innovant des méthodes
historique et sédimentologique. Dʼailleurs, les recoupements effectués ont donné lieu à des
résultats convaincants214, ouvrant la recherche à des perspectives stimulantes.

214
Cf. infra, Chapitre 8 - Une approche reposant sur des études de cas bien documentés.

147
CONCLUSION PARTIELLE, PARTIE I
En analysant sous le prisme dʼune pensée historique et géographique la tempête
ancienne dans ses définitions et ses composantes, cette première partie contribue autant à
lʼapproche géohistorique des risques, quʼaux questionnements récents de la climatologie
historique. En vue dʼaméliorer la connaissance et la reconstruction historique des tempêtes, il
sera nécessaire à lʼavenir de continuer les dépouillements et carottages, de prendre en compte
un panel élargi de sources, dʼétendre le cadre spatio-temporel des recherches.
À partir des données historiques précédemment critiquées, analysées, étudiées, il sʼagira
désormais dʼuser dʼune pensée géographique permettant autant de valoriser que de rendre
opératoires les informations disponibles.

148
PARTIE II. Données histor iques et pensée géogr aphiques

Ces dernières années, la recherche sur les tempêtes sʼinterroge sur dʼéventuels liens
entre aléas météo-marins extrêmes et variations climatiques. Elle se questionne sur les
mouvements du rail des tempêtes en vue dʼisoler dʼéventuelles tendances au cours de
lʼhistoire. Elle tente de représenter lʼemprise spatiale des aléas et leur déplacement dans
lʼoptique dʼidentifier les territoires les plus vulnérables. Elle cherche à analyser au maximum
les composantes des vimers et à les cartographier. Avec toutes les limites et difficultés
induites, des scientifiques envisagent également dʼexaminer les fréquences des tempêtes et
submersions marines sur le temps plus ou moins long, notamment afin dʼéclairer des périodes
de retour de ces phénomènes1. Au reste, la recherche sʼefforce de quantifier les impacts,
passés, présents, futurs. Sʼinsérant dans cette dynamique, la deuxième partie du manuscrit
revient sur certaines de ces problématiques. Elle sʼorganise en 3 chapitres.

Le chapitre 3 est le premier de cette seconde partie. Il est empreint dʼune pensée
géographique forte. Il envisage une (dé)construction des tempêtes par niveau dʼéchelles. Il
interroge les spatialités de lʼaléa, intègre ses différentes dimensions temporelles, questionne
les échelles de réactions passées. La démarche permet de penser la reconstruction historique
et la caractérisation des tempêtes anciennes sous un angle original. Les résultats y seront par
ailleurs mis en parallèle avec les connaissances sur la circulation atmosphérique, notamment
lʼOscillation Nord Atlantique (ONA). Ce chapitre sera enfin lʼoccasion dʼun point avancé sur
le contenu des données récoltées, les éléments quʼil est possible dʼen extraire, leurs limites.
Par la suite, il sʼagira dʼinterroger la pertinence du recours au système dʼinformation
géographique (SIG) pour lʼhistoire des tempêtes. Méthodologique, ce 4e chapitre sera
principalement destiné aux historiens, ainsi quʼaux décideurs et gestionnaires. Il présente le
SIG, ses apports et limites en lien avec les contenus descriptifs des données historiques. Il
explique les nombreux intérêts et les difficultés rencontrées de la géospatialisation des aléas
météo-marins passés. Enfin, il propose quelques applications pratiques permettant de
visualiser les espaces vulnérables, dʼidentifier les territoires impactés. Ce chapitre démontre
lʼattrait du SIG pour caractériser et cartographier les tempêtes. Par son biais, il est possible de
rendre les renseignements historiques opératoires.
Sʼancrant pleinement dans les considérations récentes, le chapitre 5 traite du pouvoir

1
Par exemple : Hamdi, Y., Bardet, L., Duluc, C-M., Rebour, V., 2015, « Use of historical information in
extreme-surge frequency estimation : the case of marine flooding on the La Rochelle site in France », NHESS,
15, p. 1515-1531 ; Hamdi, Y., Bardet, L., Duluc, C-M., Rebour, V., 2014, « Extreme storm surges : a
comparative study of frequency analysis approaches », NHESS, 14, p. 2053-2067 ; Zong, Y., Tooley, M.J., 2003,
« A historical record of coastal floods in Britain : frequencies and associated storm tracks », NH, 29-1, p. 13-36.

149
PARTIE II. Données historiques et pensée géographiques
e e
dʼendommagement des tempêtes aux XIV -XVIII siècles. Il examine les différentes formes
dʼendommagement recensées (matériel, structurel, fonctionnel). Il dresse un tableau critique
des travaux européen et français exposant une méthode dʼévaluation et/ou de classification
des tempêtes anciennes. Il propose pour finir une nouvelle démarche de quantification des
dégâts applicable pour les périodes médiévale et moderne et introduit une réflexion sur la
construction dʼun prototype dʼévaluation des tempêtes.

Cette partie aborde lʼobjet quʼest la tempête passée sous un prisme plus géographique
quʼhistorique, même si les 2 disciplines restent constamment et étroitement entremêlées. En
lien avec les axes 2 et 3 de la thèse, elle contient une multitude dʼéléments permettant de
reconstruire et caractériser les vimers. Elle propose de plus de réfléchir à leur quantification et
leur évaluation.

150
3. CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux
vulnér abilités

« Lʼidée semble largement partagée que le temps comme lʼespace sont à la base de nos
capacités de représentation et de raisonnement »2.
Lʼexpression « niveau dʼéchelle » traduit une notion initialement géographique selon
laquelle un même objet spatial peut être représenté et étudié du global au local. Légèrement
détourné ici, le concept traitera non pas directement dʼun objet géographique, mais dʼun aléa,
la tempête, et des vulnérabilités anciennes inhérentes. Il intégrera une dimension spatiale,
mais également temporelle et tournée sur la gouvernance passée, étudiant ces échelles parfois
séparément, parfois simultanément. Cette notion permet ainsi de rendre compte des influences
sʼexerçant entre les divers niveaux dʼéchelles.
Si elle est primordiale, une vision uniquement spatiale ou temporelle des phénomènes
tempétueux comporte des limites heuristiques et ignore tout un pan de réflexion. Depuis
plusieurs décennies, des chercheurs ont montré la richesse dʼune problématisation des aléas
naturels et dʼune pensée environnementale liée à « lʼépaisseur historique », à la temporalité,
mais également à lʼespace3. Ce double rapport offre de se détacher dʼune vision de la nature
considérée comme stable, immuable, régulière, y compris dans la survenue dʼévénements
extrêmes. Il autorise à recontextualiser la manifestation météorologique de manière à éviter
lʼillusion du bouleversement4. Il permet également de se distancer dʼune conception
manichéenne des relations des sociétés à leur milieu et aux risques liés. En analysant la
gouvernance, les spatialités ainsi que les temporalités de la tempête passée, autant en termes
de géosystème que de sociétés, il est possible de mettre en évidence lʼexistence dʼépisodes de
forte fréquence ou dʼévolutions sociétales, mais également de rendre compte de la complexité
dynamique de lʼévénement extrême ainsi que dʼune société. Cʼest à cet exercice que se
propose de contribuer ce chapitre.

2
Jeansoulin, R., 2007, « Préface », in Le Ber, F., Ligozat, G., Papini, O. (dir.), Raisonnements sur lʼespace et le
temps. Des modèles aux applications, Lavoisier, Paris, p. 19-22, p. 19.
3
Notamment : Campbell, C.J., 2018, « Space, Place and Scale : Human Geography and Spatial History », Past
and Present : a journal of historical studies, 239-1, p. 23-45 ; Antoine, J-M., Desailly, B., Peltier, A., 2011,
« Temporalité des catastrophes et des risques « naturels ». Éléments de prospective dans le contexte du
changement climatique », in La Branche, S. (coord.), Le changement climatique. Du méta-risque à la méta-
gouvernance, Lavoisier, Paris, p. 85-102 ; Bankoff, G., 2004, « Time Is of the Essence : Disasters, Vulnerability
and History », International Journal of Mass Emergencies and Disasters, 22-3, p. 23–42 ; Bonhôte, J., Davasse,
B., Dubois, Cl., Galop, D., Izard, C., Métailié, J-P., 1997, « Histoire de lʼenvironnement et cartographie du
temps dans la moitié est des Pyrénées: pour une chrono-chorologie » in Barrué-Pastor, M., Bertrand, G. (dir.),
Les temps de lʼEnvironnement, GEODE-CNRS, Toulouse, p. 501-515 ; Braudel, F., 1958, « Histoire et sciences
sociales : la longue durée », Annales, Economies, Sociétés, Civilisations, 13-4, p. 725-753.
4
Capdevila, L., 2004, « Les temporalités de lʼévénement en histoire », in Parent, S. (dir.), Que se passe-t-il ?
Événements, sciences humaines et littérature, PUR, Rennes, p. 80-89.

151
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
3.1. Tempête ancienne, cir culation atmosphér ique et échelles spatio-tempor elles.

Dans le cadre de lʼétude sur les tempêtes, la « notion dʼéchelle »5 est primordiale. En
changer induit une modification du niveau dʼanalyse et du point de vue, puisque la taille a un
effet sur le contenu. Un CET qui traverse la France sʼinscrit dans 4 niveaux dʼéchelle :
Atlantique Nord, synoptique, régionale et la dernière, locale6.
-Lʼéchelle de lʼAtlantique Nord renvoie à une surface de plus de 80 millions de km²
correspondant à lʼespace dʼinfluence de lʼOscillation Nord-Atlantique* (ONA)7. Balancement
entre la masse dʼair subtropicale (haute pression) et subpolaire (basse pression)8, lʼONA peut
entraîner des variations de la pression de surface ainsi que de la vitesse et de la direction de la
circulation atmosphérique, principalement des vents dʼouest.
-Le niveau synoptique sera compris comme la zone dʼactivité des perturbations
atmosphériques tempérées au moment où elles peuvent exploser en tempête. Cʼest un terrain
propice au développement dʼune dépression. En Europe, il couvre près de 1 million de km².
-Le cadre régional sera entendu comme tout ou partie du cadre spatial étudié.
-Quant au local, il sʼagira dʼespaces restreints identifiés par les endommagements subis.
Ces échelles se comportent comme des poupées russes. Ainsi, les conditions atmosphériques
présentes dans le cadre de lʼONA interagissent avec la circulation atmosphérique* à lʼéchelle
synoptique. Celle-ci contribue à son tour aux conditions de vent à lʼéchelle régionale, ce qui
est susceptible dʼentraîner des dommages au niveau local. Il sʼagit donc dʼun véritable
système dynamique multiscalaire9.
Les données utilisées dans le cadre de cette étude sont principalement descriptives,
localisées, voire régionalisées. Elles ne permettent pas de reconstituer tous les forçages
atmosphériques à lʼœuvre. Elles nʼautorisent pas à restituer lʼétat de la circulation
atmosphérique ni à déterminer les conditions précises de vent. Néanmoins, en jouant avec les
échelles, une réflexion partielle peut déjà être envisagée quant aux rapports entre les
variations climatiques, la circulation atmosphérique et les tempêtes. De lʼAtlantique Nord au
régional, lʼentreprise reposera non sur des cas particuliers de vimers, mais sur une
reconstruction historique globale des tempêtes. Au niveau local, des exemples spécifiques

5
Planchon, O., 1998, « La notion dʼéchelle en climatologie : lʼexemple des climats maritimes et côtiers en
Europe », Annales de géographie, 602, p. 363-380.
6
Ullmann, A., 2009, « Changement climatique et évolution des tempêtes dans le Golfe du Lion : approche par
intégration dʼéchelles spatio-temporelles », Cybergeo, article 441.
7
Wanner, H., Brönnimann, S., Casty, C., Gyalistras, D., Luterbacher, J., Schmutz, C., Stephenson, D.B.,
Xoplaki, E., 2001, « North Atlantic Oscillation – Concepts and Studies », Surveys in Geophysics, 22-4, p. 321-
381.
8
Jones, P.D., Jonsson, T., Wheeler, D., 1997, « Extension to the North Atlantic Oscillation using early
instrumental pressure observations from Gibraltar and south-west Iceland », Inter. J. Clim., 17, p. 1433-1450.
9
Ullmann, A., Moron, V., 2008, « Configuration atmosphérique de vastes échelles spatiales et variabilité des
surcotes dans le Golfe du Lyon », Cybergeo, article 406.

152
seront en revanche développés. Ainsi, lʼapproche par intégration dʼéchelles spatio-temporelles
semble pertinente pour étudier les aléas météo-marins en lien avec la variabilité
atmosphérique ou climatique, les saisons, les impacts.

3.1.1. Les phénomènes atmosphériques, l'incontournable conception globale

Sous les latitudes propres au cadre spatial étudié, les vents tempétueux proviennent
principalement de dépressions atlantiques. Celles-ci suivent le « rail des tempêtes » (storm
track), dont lʼorigine se trouve aux environs de la région de Terre-Neuve10. Les échelles
considérées ici seront donc celles de lʼAtlantique-Nord et du niveau synoptique.
e
Le travail de reconstruction historique des tempêtes du milieu du XIV à 1789/90 a
permis de confirmer la survenue de 128 événements à impacts. Ces 128 aléas ne représentent
ni la réalité de lʼactivité tempétueuse sur le cadre spatio-temporel étudié ni la totalité des
recensements effectués au cours des années de thèse11. Cela sʼexplique par plusieurs points :
1) seuls les grands vents ayant des effets sur la vie des hommes (activités / économie /
fiscalité affectées, infrastructures / bâtis dégradés, etc.) sont consignés dans les écrits ;
2) les travaux scientifiques français sur le sujet restent fragmentaires ;
3) des critères stricts ont été appliqués12. Ils induisent un décalage entre les
manifestations météo-marines recensées dans lʼinventaire et celles considérées dans la thèse.
Ainsi, sur 152 CET du milieu du XIVe à 1789, 128 seulement remplissent tous les critères. ;
4) les lacunes documentaires sont majeures13. Elles ne permettront jamais au chercheur
de prétendre à lʼexhaustivité des vimers ayant été mentionnés dans des sources.
De ce travail de reconstruction, des séquences dʼaugmentation puis de régression de
lʼactivité tempétueuse semblent émerger. Il convient cependant de rester extrêmement prudent
et de conserver à lʼesprit que lʼinsigne faiblesse de la couverture documentaire, en particulier
pour les périodes les plus anciennes, est susceptible de fausser les interprétations. Le lecteur
pourra par ailleurs critiquer le choix dʼun regroupement en sections de 20 ans. Il est vrai que
ces découpages ne sont pas toujours très heureux. Ils peuvent tendre à masquer lʼexistence des
séquences. Néanmoins, pour lʼheure, les lacunes ne permettent pas dʼenvisager une
reconstruction par année, tous les 5 ans ou ne serait-ce que par décennie.

10
Schoenenwald, N., 2003, « LʼEurope du Nord-Ouest sur le rail des tempêtes », in Tabeaud, M. (dir.), Île-de-
France, avis de tempête force 12, PUPS, Paris, p. 41-55, p. 41.
11
Les recherches ont en effet parfois été étendues jusquʼà aujourdʼhui si bien que la base de données répertorie à
ce jour 245 tempêtes à impacts.
12
Cf. supra, Chapitre 2, 2.1.3 - La critique, base de la méthode historique.
13
Pour une présentation de ces lacunes : Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.1 - Des pertes documentaires irrémédiables et
8.2.1 - Reconstruction : l'impossible exhaustivité malgré l'accroissement des émergences.

153
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités

Tempête
Tem pête avec subm ersion m arine
14
Exhaustivité et représentativité partielle s des sources

12
Non exhaustivité et représentativité
aléatoire des sources
10
Aucune information
dans les écrits
8

4
1
ou
2 2?

1300 1400 1500 1600 1700 1800


Premier «Hyper PAG» Léger Modeste «Beau XVIe siècle» Second Léger Rafraîchissement lé g e r
réchauffement rafraîchissement «Hyper PAG» réchauffement ré ch a u ffe m e n t

Figur e 18 : Reconstr uction histor ique des tempêtes sur lʼouest de la Fr ance du milieu du XIVe s. à 1789/90
et fluctuations du PAG.

En observant le diagramme produit, plusieurs questions ont affleuré. Est-ce que ce qui
ressemble à des « pics dʼactivité tempétueuse » a une explication climatique ? À quoi
pourraient-ils être liés ? Jusquʼà quel point dépendent-ils des sources disponibles et des
éléments découverts ? Comment se fait-il que certains correspondent à une péjoration
climatique marquée au sein du Petit Âge Glaciaire (PAG) tandis que dʼautres coïncident avec
une tendance au léger réchauffement14 ?... Avant le dernier tiers du XVI
e
siècle, la
15
reconstruction souffre du manque de sources et données . De ce fait, seule la seconde moitié
de la période étudiée sera analysée ici. Trois épisodes se dégagent : 1580-1620, 1640-1660 et
1700-1720. Sur ces 3 « temps forts », ceux de 1580-1620 et 1700-1720 ont également été
relevés en mer du Nord16. De manière générale, divers travaux de recherches historiques ou

14
Les grandes phases exposées dans la figure ont été identifiées par Emmanuel LE ROY LADURIE. Le Roy
Ladurie, E., Rousseau, D., Vasak, A., 2011, Les fluctuations du climat. De lʼan mil à aujourdʼhui, Fayard, Paris ;
Le Roy Ladurie, E., 2004, 2006, Histoire humaine et comparée du climat, tomes I et II, Fayard, Paris.
15
Il sera toutefois indiqué que le petit « pic » apparaissant au début du XVe siècle se retrouve en mer du Nord. Un
phénomène similaire à lʼéchelle du premier tiers du XVe siècle a en effet été identifié autant par Elizabeth
GOTTSCHALK que Hubert LAMB. Gottschalk, M.K.E., 1980, « Subatlantische transgressiefasen en stormvloeden
», in Verhulst, A., Gottschalk, M.K.E. (eds), Transgressies en occupatiegeschiedenis in de kustgebieden van
Nederland en België, Colloquium Gent 5-7 september 1978 Handeligen, Goff, Gand, p. 21-27 ; Lamb, H.H.,
1980, « Climatic fluctuations in historical times and their connexion with transgressions of the sea, storm floods
and other coastal changes », in idem., p. 251-281, p. 272.
16
De Kraker, A.M.J., 2013, « Storminess in the Low Countries, 1300-1725 », Environment and History, 19, p.
149-172 ; Lamb, H.H., Frydendahl, K., 1991, Historic storms of the North sea, British Isles and Northwestern
Europe, Cambridge University Press, Cambridge ; Lamb, H.H., 1980, ibid. ; Gottschalk, M.K.E., 1971, 1975,

154
sédimentologiques ont démontré lʼaugmentation de la fréquence des tempêtes au cours du
PAG17. Pourtant, la question de savoir si certaines périodes ont véritablement connu – ou non
– plus de tempêtes que dʼautres fait toujours débat18. Quant aux raisons éventuelles, elles sont
toujours à lʼétude : est-ce dû à des variations de température ? À lʼONA ? À la variabilité
interannuelle à multi-décennale ? À une augmentation des enjeux humains donc des
dommages ? À une production exponentielle et une meilleure conservation des documents
historiques ?19... Au regard de la littérature scientifique, deux hypothèses ont paru pertinentes
à questionner dans le cadre de ce développement : La formation des tempêtes étant
notamment liée au gradient thermique entre lʼair froid polaire ou subpolaire et lʼair chaud
subtropical20, une péjoration générale comme le PAG peut-elle accroître leur activité ? Si oui,
quʼen est-il à lʼéchelle pluri-décennale ? Les tempêtes étant favorisées par la friction entre les
hautes et les basses pressions, lʼONA joue-t-elle un rôle ?

LʼOscillation Nord-Atlantique (ONA) est un modèle de circulation atmosphérique à


lʼéchelle de lʼAtlantique Nord. Elle associe une région de hautes pressions anticycloniques au
niveau des Açores à une zone dépressionnaire à proximité de lʼIslande et fonctionne comme
un balancier de pression21. Elle comprend 2 phases (positive / négative) et affecte le climat –
en particulier hivernal – autant de lʼAtlantique Nord que des territoires continentaux
limitrophes (Nord-est de lʼAmérique du Nord, Europe, Méditerranée, Afrique du Nord).
Lorsque lʼONA est en phase positive, la pression atmosphérique au-dessus des Açores est
renforcée, tandis que celle au voisinage de lʼIslande est plus basse que la moyenne. Cela se
manifeste donc par un renforcement du gradient barométrique entre les 2 centres susceptible
dʼentraîner une activité tempétueuse plus soutenue. À lʼinverse, la phase négative de lʼONA
est caractérisée par une faible cellule de haute pression au niveau des Açores ainsi quʼune
pression légèrement moins creuse sur lʼIslande22. LʼONA se mesure sous la forme dʼun indice

1977, Stormvloeden en rivieroverstromingen in Nederland, 3 vol., Van Gorcum, Assen.


17
Notamment : Dezileau, L., Sabatier, P., Blanchemanche, P., Joly, B., Swingedouw, D., Cassou, C., Castaings,
J., Martinez, P., Von Grafenstein, U., 2011, « Increase of intense storm activity during the Little Ice Age on the
French Mediterranean Coast », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 299-1-2, p. 289-297 ;
Galloway, J.A., 2009, « Storm flooding, coastal defence and land use around the Thames estuary and tidal river,
c. 1250-1450 », Journal of Medieval History, 35, p. 171-188 ; Hickey, K.R., 1997, Documentary records of
coastal storms in Scotland, 1500-1991 A.D., 2 vol., Coventry University, thèse de doctorat, Coventry ; Lamb, H.
H., 1985, « The Little Ice Age period and the great storms within it », in Tooley, M.J., Sheail, G.M (eds), The
Climatic Scene, Allen and Unwin, London, p. 104-131 ; Lamb, H.H., 1980, art. cit.; Gottschalk, M.K.E., 1971,
1975, 1977, op. cit.
18
Soens, T., 2018, « Resilient societies, vulnerable people : coping with North Sea Floods before 1800 », Past
and Present : a journal of historical studies, gty018, p. 1-36, [En ligne].
19
Athimon, E., Maanan, M., 2018, « Vulnerability, resilience and adaptation of societies during major extreme
storms during the Little Ice Age », Climate of the Past, 14-10, p. 1487-1497.
20
Caspar, R., Costa, S., Jakob, E. 2007, « Fronts froids et submersions de tempête dans le nord-ouest de la
France », La Météorologie, 57, p. 37-47, p. 43-46.
21
Roux, F., 2012, Fureurs des cieux. Cyclones tropicaux et autres tempêtes, Ellipses, Paris, p. 213-215.
22
Idem.

155
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
(IONA) déterminé à partir de la différence entre la pression de surface de lʼanticyclone des
Açores et celle de la dépression islandaise. Depuis 1998-1999, plusieurs chercheurs ont tenté
de reconstituer les états de lʼOscillation Nord-Atlantique23. Les résultats de ces travaux ne
concordent pas parfaitement24. Cependant, les grandes tendances se retrouvent globalement et
tous postulent que le PAG a plutôt été dominé par un mode négatif dʼONA. Quelques phases
e
positives élevées se distinguent, notamment à la fin du XVI siècle. À partir de la seconde
moitié du XVIIe siècle, les phases positives sont moins marquées. Lʼévolution de lʼindice et sa
reconstruction révèlent une forte variabilité. Les séquences positives et négatives se
succèdent.

Aucune information Non exhaustivité et représentativité


aléatoire des sources Exhaustivité et représentativité partielles des sources
14 dans les écrits

12 +2

10
+1
Nom bre de tem pêtes

Estim ation Indice ONA


6
0
4

2 -1

1300 1400 1500 1600 1700 1800


Tempêtes In dice d e ONA (s elon Tru et,V. et al, 2 0 0 9 ) In dice d e ONA (selon Cook et al, 20 02)

In dice de ONA (s elon Lu terba ch er J. et a l, 2 0 0 1 et 19 9 9 ) In dice de ONA (selon Glueck et Stockton, 2001)

Figur e 19: Reconstr uction histor ique des tempêtes sur lʼouest de la Fr ance du milieu du XIVe s. à 1789/90
et indices dʼONA (dʼapr ès Tr ouet, V. et al., 2009 ; Cook, E.R. et al., 2001 ; Glueck, M.F., Stockton, C.W.,
2001 ; Luter bacher , J . et al., 2001 ; Luter bacher J . et al, 1999).

Des corrélations nettes entre ONA et tempêtes sont difficiles à établir. Pour la période

23
Dont : Trouet, V., Esper, J., Graham, N.E., Baker, A., Scourse, J.D., Frank, D.C., 2009, « Persistent positive
North Atlantic Oscillation Mode dominated the Medieval Climate Anomaly », Science, 324-78, p. 78-80 ; Cook,
E.R., DʼArrigo, R., Mann, M.E., 2001, « A Well-Verified, Multiproxy reconstruction of the winter North
Atlantic Oscillation Index since A.D. 1400 », J. Clim.., 15, p. 1754-1764 ; Glueck, M.F., Stockton, C.W., 2001,
« Reconstruction of the North Atlantic Oscillation, 1429-1983 », Inter. J. Clim., 21-12, p. 1453-1465 ;
Luterbacher, J., Xoplaki, E., Dietrich, D., Jones, P.D., Davies, T.D., Portis, D., Gonzalez-Rouco, J.F., von
Storch, H., Gyalistras, D., Casty, C., Wanner, H., 2001, « Extending North Atlantic Oscillation reconstructions
back to 1500 », Atm. Sc. Let., 2, p. 114-124 ; Luterbacher, J., Schmutz, C., Gyalistras, D., Xoplaki, E., Wanner,
H., 1999, « Reconstruction of monthly NAO and EU indices back to 1675 », Geo. Research Let., 26-17, p. 2745-
2748.
24
Schmutz, C., Luterbacher, J., Gyalistras, D., Xoplaki, E., Wanner, H., 2000, « Can we trust proxy-based NAO
index reconstructions ? », Geo Research Let., 27-8, p. 1135-1138.

156
ancienne, les résultats ressortent peu convaincants25. Il semblerait quʼen période de
prédominance positive de lʼONA, il existe une tendance accrue de tempêtes26. Cela tend à être
confirmé par lʼépisode 1700-1720. En revanche, dans le cas des décennies 1740-1760 par
exemple, cela ne coïncide pas. Ces années sont soumises à une ONA+. Pourtant, la
reconstruction historique – liée, pour rappel, aux sources conservées et dépouillées ainsi
quʼaux critères appliqués, donc par nature non exhaustive – y présente une relativement faible
e
activité avec seulement 4 événements. Pour sa part, le « pic » du milieu du XVII siècle, qui
inclut notamment la tempête avec submersion majeure des 28-29 janvier 164527, correspond à
une phase dʼONA négative. Quant à lʼaugmentation de lʼactivité des années 1580-1620,
lʼONA peut y être qualifiée de « moyenne », puisquʼelle est pour partie intégrée à une phase
positive, pour partie à une négative. En 2011, Valérie TROUET et ses collègues28 ont mis en
évidence une augmentation de la fréquence des tempêtes en Europe au cours de fortes phases
e e
positives de lʼONA, notamment aux XIII et XIV siècles29. A contrario, lors de phases
négatives ce serait selon eux la puissance des tempêtes qui aurait tendance à croître, tandis
que leur fréquence déclinerait. Pour lʼexpliquer, ils avancent lʼhypothèse que lʼaugmentation
de la magnitude* résulterait dʼune amplification du gradient de la température méridienne. Il
sera au reste remarqué que lʼOscillation Arctique* (OA) – dont lʼONA pourrait être une
manifestation régionale localisée sur lʼAtlantique Nord (?)30 – est un mode de variabilité
atmosphérique quʼil serait intéressant de confronter à lʼactivité tempétueuse. Elle sʼexprime
sous la forme dʼune fluctuation de la valeur moyenne de la pression atmosphérique de surface
à lʼéchelle de tout lʼhémisphère Nord. Alternant entre phases positives et négatives, elle
influence lʼintensité et la trajectoire des tempêtes aux latitudes moyennes dudit hémisphère
Nord31. Il conviendra dʼy revenir dans de futurs travaux.

25
Divers travaux ont abouti à une conclusion similaire : Andrade, C., Trigo, R.M., Freitas, M.C., Gallego, M.C.,
Borges, P., Ramos, A.M., 2008, « Comparing historic records of storm frequency and the North Atlantic
Oscillation (NAO) chronology for the Azores region », The Holocene, 18-5, p. 745-754 ; Tabeaud, M., 2005b,
« Variabilité historique : autant en emporte le vent », in Corvol, A. (dir), Tempêtes sur la forêt française. XVIe-XXe
siècle, L'Harmattan, Paris, p. 47-54, p. 50-52.
26
Hickey, K., Ball, T., Booth, L., Duck, R., Edwards, A., Werritty, A., 2009, « Coastal flooding in Scotland :
Past, Present and Future », Conference : Coasts, Marine Structures and Breakwaters : Adapting to Change,
Proceedings of the 9th International Conference Organised by the Institution of Civil Engineers, p. 4, doi :
10.1680/cmsb.41301.0054.
27
Cf. infra, Chapitre 8, 8.2.3 - Les 28-29 janvier 1645 : du littoral à l'intérieur des terres, l'apocalypse.
28
Trouet, V., Scourse, J.D., Raible, C.C., 2011, « North Atlantic storminess and Atlantic Meridional Overturning
Circulation during the last millennium : Reconciling contradictory proxy records of NAO variability », Global
and Planetary Change, 84-85, p. 48-55.
29
Morineau, M., 1996, « Cataclysmes et calamités naturelles aux Pays-Bas septentrionaux XIe-XVIIIe siècles. Le
travail de la planète et la rétorsion des hommes », in Bennassar, B. (dir.), Les catastrophes naturelles dans
lʼEurope médiévale et moderne, PUM, Toulouse, p. 43-59, p. 47-48 ; Lamb, H.H., 1980, art. cit., p. 264.
30
La question de savoir si oui, ou non, lʼONA est une expression régionale de lʼOA ou bien si elle a une
existence propre, indépendante est toujours débattue. Lʼapproche scientifique actuelle privilégie la première
hypothèse. Ambaum, M.H.P., Hoskins, B.J., Stephenson, D.B., 2001, « Arctic Oscillation or North Atlantic
Oscillation ? », J. Clim., 14-16, p. 3495–3507.
31
DʼArrigo, R.D., Cook, E.R., Mann, M.E., Jacoby, G.C., 2003, « Tree-ring reconstructions of temperature and

157
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
Les tempêtes sont, de plus, dépendantes du gradient thermique entre deux masses dʼair,
lʼune froide polaire ou subpolaire, lʼautre chaude subtropicale. En période de refroidissement
climatique, comme ce fut le cas en Europe – et plus largement dans lʼhémisphère nord –
durant le PAG, ce gradient augmente. Cela peut avoir pour conséquence une amplification 1)
de la fréquence des rapports de force entre masses dʼair ; 2) de la baroclinicité de la
troposphère inférieure au niveau du domaine Atlantique central et de lʼEurope32. Il en résulte
alors un risque dʼaccroissement de lʼapparition de fronts de perturbation atmosphérique. Cette
tendance à lʼaugmentation de lʼactivité tempétueuse a dʼailleurs été associée aux périodes
froides par Philippe SORREL et al33. En analysant des archives sédimentaires provenant de 7
régions dʼEurope (France, Angleterre, Écosse, Irlande, Pays-Bas, Danemark, Suède), ils ont
effectivement démontré lʼexistence dʼune corrélation nette entre les épisodes froids de
lʼHolocène – dont le dernier correspond au PAG – et les tempêtes. Leurs résultats mettent en
évidence quʼà lʼéchelle millénaire et européenne, lʼactivité tempétueuse trouverait lʼune de
ses origines dans la circulation océanique de lʼAtlantique Nord. Ainsi, les péjorations de
lʼHolocène coïncideraient avec une contraction du gyre* subpolaire situé à lʼouest de
lʼIslande. Ces travaux soulignent la nécessité dʼun approfondissement des connaissances en
vue de mieux définir les relations entre la dynamique des tempêtes, la circulation océanique et
le couplage océan-atmosphère à différentes échelles temporelles. Dans le cadre de cette thèse,
il ne sera pas possible de pousser plus avant la réflexion faute de données et dʼune littérature
scientifique circonstanciée sur le sujet. La question toutefois dʼun lien entre phases de
péjoration thermique et recrudescence de lʼactivité tempétueuse au sein du PAG, soit aux
échelles pluri-décennales à séculaires se pose.

sea-level pressure variability associated with the warm-season Arctic Oscillation since AD 1650 », Geo.
Research Let., 30-11, article 1549.
32
Dezileau, L., Sabatier, P., Blanchemanche, P., Joly, B., Swingedouw, D., Cassou, C., Castaings, J., Martinez,
P., Von Grafenstein, U., 2011, art. cit. ; Lamb, H.H., 1979, « Climatic variation and changes in the wind and
ocean circulation: The Little Ice Age in the Northeast Atlantic », Quaternary Research, 11, p. 1-20.
33
Sorrel, P., Debret, M., Billeaud, I., Jaccard, S.L., McManus, J.F., Tessier, B., 2012, « Persistent non-solar
forcing of Holocene storm dynamics in coastal sedimentary archives », Nature Geoscience, 5, p. 892-896.

158
Tempêtes

Températures (Ljungqvist, F.C, 2010)

Aucune information Non exhaustivité et représentativité


14 dans les écrits aléatoire des sources Exhaustivité et représentativité partielles des sources

12 Minimum de Spörer
Minimum de
Maunder
0°C

10
-0,2°C

8
-0,4°C
6
-0,6°C
4

2 -0,8°C

1300 1400 1500 1600 1700 1800

Figur e 20 : Reconstr uction histor ique des tempêtes sur lʼouest de la Fr ance du milieu du XIVe s. à 1789/90
et tempér atur es dans lʼhémisphèr e nor d (dʼapr ès Ljungqvist, F.C., 201034).

En première lecture des figures 18 et 20, la rythmicité des aléas peut sembler conjointe
avec les fluctuations internes du PAG. Mais, comme mentionné précédemment, rien dʼévident
ne transparaît. Certains « pics » sʼinscrivent a priori dans des pulsations froides : 1580-1620
et le « Second Hyper PAG » ; là où dʼautres sʼinsèrent dans des épisodes de réchauffement
relatif : 1640-1660. À observer maintenant uniquement la f igure 20, les corrélations se
e
révèlent faibles et discutables. Comment expliquer par exemple que le dernier tiers du XVII

siècle soit marqué par une activité tempétueuse moyenne à faible, alors que le Minimum de
Maunder engendre un affaissement des températures ? Les résultats sont-ils faussés par les
lacunes des données historiques ? Auraient-ils été très différents si le référentiel de
températures avait correspondu à lʼEurope, voire à la France au lieu de lʼhémisphère Nord ?
Se peut-il que les relations entre refroidissement et tempêtes ne soient perceptibles quʼà des
échelles temporelles élargies, tandis que dans le cadre pluri-décennal à séculaire, dʼautres
phénomènes sont à considérer ? Filipa VARINO et al.35 ont récemment montré quʼau cours du
e
XX siècle, les variations pluri-décennales des tempêtes sʼavéraient étroitement liées à
l'Oscillation Multi-décennale Atlantique (OMA). LʼOMA se manifeste par des fluctuations de

34
Ljungqvist, F.C., 2010, « A new reconstruction of temperature variability in the extra-tropical northern
hemisphere during the last two millennia », Geografiska Annaler, 92-3, p. 339-351.
35
Varino, F., Arbogast, P., Joly, B., Riviere, G., Fandeur, M-L., Bovy, H., Granier, J-B., 2018, « Northern
Hemisphere extratropical winter cyclones variability over the 20th century derived from ERA-20c reanalysis »,
Climate Dynamics, 50, p. 1-22.

159
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
température de surface de lʼocéan. Cela influence les gradients thermiques ainsi que la
cyclogenèse atmosphérique. À lʼavenir, la piste devra être fouillée36. Pour terminer, signalons
qu'aucune concordance cohérente entre variations de lʼactivité solaire et épisodes tempétueux
ne peut être établie. Cela suggère que lʼactivité solaire ne constitue pas pour la dynamique des
vimers un mécanisme de forçage spécifique.

La variabilité climatique interne à lʼAtlantique Nord – induisant par exemple lʼONA ou


les températures – pourrait sʼavérer la cause des fluctuations de lʼactivité tempétueuse au
e e
cours des XIV -XVIII siècles. Néanmoins, pour lʼheure, aucune corrélation irréfutable nʼa pu
être établie. À lʼavenir, il conviendra dʼinterroger les relations entre tempêtes et OMA ainsi
quʼentre tempêtes et OA. Au reste, il faudra compléter la reconstruction historique, en
particulier afin de confirmer ou dʼinfirmer l'existence effective de ces "pics". De futurs
travaux devront également considérer ces problématiques pour la période récente, marquée
par le changement climatique.
Pour terminer lʼanalyse, 3 points pouvant fausser les résultats et interprétations méritent
dʼêtre évoqués : 1) la reconstruction repose sur les sources et données disponibles, mais aussi
consultées. Les lacunes documentaires, les choix opérés en matière de dépouillement peuvent
fortement influencer la reconstruction ; 2) seuls les aléas météo-marins remplissant tous les
critères de lʼétude sont considérés ici ; 3) en ce qui concerne lʼONA (positive/négative), celle-
ci sʼexprime essentiellement en hiver. Or, aucune distinction nʼa été faite dans le graphique
entre les CET survenus entre octobre et mars et les autres. En se portant sur l'échelle
synoptique à régionale, la réflexion va désormais aborder la répartition saisonnière des
événements ainsi que les couloirs privilégiés de tempête.

3.1.2. La tempête passée, l'inévitable dimension régionale

Lʼétude des tempêtes ne saurait sʼextraire dʼune prise en compte de la dimension


synoptique à régionale. Dans le cas présent, elle sera lʼoccasion de réfléchir sur 2 points.
Dʼune part, la question de la répartition spatio-temporelle des tempêtes en lien avec les
couloirs de dépression privilégiés sera abordée. Dʼautre part, la distribution saisonnière des
aléas du milieu du XIVe siècle à la fin du XVIIIe siècle sera examinée.

Les directions prises par les tempêtes dépendent du « rail des dépressions » (storm-
track) ainsi que du courant-jet (Jet-stream). Le courant-jet est situé vers 8-10km dʼaltitude. Il
est souvent représenté sous la forme dʼun tube de vent dʼouest très fort. Lʼextrémité est du

36
Gray, S.T., Graumlich, L.J., Betancourt, J.L., Pederson, G.T., 2004, « A tree-ring based reconstruction of the
Atlantic Multidecadal Oscillation since 1567 A.D. », Geo. Research Let., 31, art. L12205.

160
courant-jet correspond à la région la plus favorable à lʼamplification des tempêtes37. En
dʼautres termes, le niveau synoptique offre un terrain propice au développement et à
lʼévolution dʼune dépression en tempête et cʼest à lʼéchelle de son bassin quʼil convient
idéalement de suivre la trajectoire dʼun CET. La position du rail est étroitement associée à
celle du Jet-stream, qui se situe en moyenne vers 50-55°N38 et difflue jusquʼà 10°W39. Deux
tracés peuvent être distingués selon les caractéristiques de la saison hivernale en cours40. Lors
dʼun hiver froid et sec, les tempêtes empruntent principalement une direction au nord-ouest
des îles Britanniques et, parfois, un chemin NW ou SE. Lors dʼun hiver doux et humide, le
rail suit le 50e parallèle et sʼétend jusquʼaux îles britanniques. Ces propensions à lʼhiver doux
et humide sont plus fréquentes. Selon Hubert LAMB41, le premier cas de f igure a eutendance à
sʼexprimer au cours des années 1500-1550, tandis que le second axe se serait manifesté à
compter de la seconde moitié du XVIe siècle. Immédiatement situé sur la trajectoire du rail des
dépressions, lʼouest de la France aurait ainsi été durement touché. Cela pourrait peut-être
partiellement expliquer lʼexplosion du nombre de vimers, en particulier à compter des années
1580.

Figur e 21: Positionnement du r ail des dépr essions et pr incipales tr ajectoir es suivies par les tempêtes sur
les pér iodes 1500-1550 et 1550-1600.
Source : Lamb, H.H., 1980, art. cit., p. 258-259.

37
Ayrault, F., Joly, A., 2000, « Une nouvelle typologie des dépressions atmosphériques : classification des
phases de maturation », Comptes Rendus de lʼAcadémie des Sciences, Sciences de la terre et des planètes, 330,
p. 167-172.
38
Usuellement, le rail passe par lʼIrlande. La zone dʼétude est, quant à elle, localisée entre 44 et 48°N, soit
relativement proche. Néanmoins, les tempêtes traversant la France dévient du rail.
39
Ayrault, F., 1998, Environnement, structure et évolution des dépressions météorologiques : réalité
climatologique et modèles types, Université Paul Sabatier, thèse de doctorat, sous la direction de Joly, A.,
Toulouse.
40
Schoenenwald, N., 2003, art. cit., p. 41.
41
Lamb, H.H., 1980, art. cit., p. 256-260.

161
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
La variabilité climatique interne à lʼocéan Atlantique Nord, en particulier à travers le
régime de lʼOscillation Nord-Atlantique, est au demeurant soupçonnée de pouvoir entraîner
une modification des trajectoires des tempêtes. Au cours de la phase positive de lʼONA, les
dépressions se déplacent essentiellement vers les îles Britanniques et lʼEurope du Nord. Cette
situation peut alors produire des tempêtes en mer du Nord, mer Baltique, Manche ou dans le
golfe de Gascogne. Lors du « pic » dʼactivité des années 1700-1720, en ONA+, le nord-ouest
(Bretagne, Maine, Normandie) et le centre-ouest (Bretagne méridionale, Poitou, Aunis) de la
France ont été frappés par une succession de violentes tempêtes, parmi lesquelles février
1701, décembre 1703, décembre 1705, février 1711, décembre 1711, novembre 1712. En
moyenne, ces événements se sont enchaînés au rythme dʼun tous les 22 mois. À lʼinverse,
lorsque lʼONA est négative, les dépressions prennent une orientation est-ouest et le rail se
déplace vers le sud de lʼEurope, la Méditerranée42. La reconstruction historique partielle des
aléas, les corrélations incertaines entre ONA et activité tempétueuse43, ainsi que lʼabsence de
e e
données à lʼéchelle synoptique pour les XIV -XVIII siècles rend compliquée la conjecture du
positionnement du rail des dépressions. Ce, dʼautant que divers travaux ont relevé que lʼONA
nʼétait pas le seul phénomène à impacter les trajectoires suivies par les CET. Ainsi, il
semblerait que lors des épisodes froids de lʼHolocène – dont le PAG fait partie –, la
circulation océanique de lʼAtlantique Nord a joué un rôle non seulement sur lʼaugmentation
du nombre de tempêtes, mais également sur lʼemplacement du rail. En modifiant la position
du gyre* subpolaire, elle entraînerait aux moyennes latitudes un déplacement vers le sud des
vents dʼOuest et donc de la trajectoire des tempêtes en Europe44. En France, cela favoriserait
le passage des dépressions par le nord-ouest, le centre-ouest et le nord du pays. De même,
selon Jeffrey ROGERS45, ce nʼest pas tant lʼONA qui influerait sur la position du rail des
dépressions que les fortes variations de pression au niveau de la mer (SLP, Sea Level
Pressure), notamment autour du golfe de Gascogne ou du nord de la Scandinavie. Le mode de
variabilité dominant dans la trajectoire suivie par les tempêtes via le rail serait de fait associé
aux anomalies SLP de basse fréquence dans l'extrême nord-est de l'Atlantique. Il nʼexiste a
priori pas de reconstruction historique de la SLP pour lʼEurope au-delà de 185446. Au reste,
pour quʼune reconstruction SLP sur le temps long puisse être mise en rapport avec les vimers
passés, il faudrait au préalable isoler dʼéventuelles tendances temporelles quant au

42
Roux, 2012, op. cit., p. 214.
43
Cf. supra, 3.1.1 - Les phénomènes atmosphériques, l'incontournable conception globale.
44
Sorrel, P., Debret, M., Billeaud, I., Jaccard, S.L., McManus, J.F., Tessier, B., 2012, art. cit.
45
Rogers, J.C., 1997, « North Atlantic storm track variability and its association to the North Atlantic Oscillation
and climate variability of Northern Europe », J. Clim., 10, p. 1635-1647.
46
Smith, T.M., Reynolds, R.W., 2004, « Reconstruction of monthly mean oceanic sea level pressure based on
COADS and station data (1854-1997) », J. Tech., 21, p. 1272-1282. En Asie de lʼEst, une reconstruction
remontant à 1470 a été proposée pour les mois dʼété : Fengying, W., Lei, H., Guanjun, C., Qian, L., Yu, X.,
2011, « Reconstruction of summer sea level pressure over East Asia since 1470 », J. Clim., 25, p. 5600-5612.

162
positionnement du rail à lʼéchelle synoptique. Or, pour la période ancienne, ce travail est
semé dʼembûches et extrêmement complexe à réaliser. Par ailleurs, en vue dʼidentifier les
zones dʼentrée et directions privilégiées prises par les CET en France, il convient de procéder
au niveau régional par recoupement de données. Pour ce faire, le chercheur doit disposer
dʼinformations suffisamment circonstanciées pour établir une hypothèse du déplacement des
aléas. Sur 128 événements, seule une vingtaine autorise une telle entreprise. Le manuscrit en
présente quelques-unes à lʼéchelle restreinte du cadre spatial de lʼétude, en particulier au sein
du chapitre 847. Globalement, les phénomènes étudiés dans la thèse se dirigent soit vers lʼest,
soit, plus régulièrement, remontent vers le nord-est. Quelques rares cas font route vers le sud-
est. Lʼétude des trajectoires à diverses échelles est primordiale à lʼévaluation du risque pour
les sociétés48. Tout en restant vigilant à ne jamais sur-interpréter ou sur-extrapoler les
informations historiques disponibles, de futures recherches devront plus spécifiquement
examiner cette question.
La dimension régionale permet également dʼenvisager la distribution saisonnière des
aléas sur la période étudiée. Avant toute chose, il est nécessaire de rappeler que, par
convention, les travaux de climatologie historique considèrent que lʼhiver intègre les mois de
décembre, janvier, février ; le printemps ceux de mars à mai ; lʼété ceux de juin, juillet, août ;
et lʼautomne couvre septembre à novembre49. Lorsquʼil sera fait mention de la saison, cʼest
donc à ces inclusions quʼil sera fait allusion. Néanmoins, dans le cas de lʼexpression « saison
hivernale », elle sera comprise comme débutant aux environs dʼoctobre et se terminant autour
de mars. Le principal constat à dresser concernant la fréquence des tempêtes selon les saisons
est que, l'été mis à part, elle ne présente pas d'originalité. Elle possède en effet les mêmes
caractéristiques générales que celles démontrées par plusieurs travaux50. Dʼabord, selon les
renseignements récoltés et traités, plus des 2/3 des manifestations se produisent au cours de la
saison hivernale. Sans surprise, la période « octobre-mars » sʼavère donc propice aux
tempêtes. Ensuite, la répartition mensuelle des événements du milieu du XIVe siècle à 1789/90
ne peut tenir compte que des CET dont la date est connue à minima au mois près. Cela a mené
à lʼexclusion de 8 phénomènes, mais a permis de conserver près de 93,8% du panel, assurant
ainsi sa bonne représentativité. Il faut cependant signaler que les données statistiques
présentées sont liées à lʼétat actuel des données. Elles ne prétendent en aucun cas servir de

47
Voir par exemple 8.2.3 - Les 28-29 janvier 1645 : du littoral à l'intérieur des terres, l'apocalypse.
48
Montreuil, A-L., Chen, M., 2018, « Influence of the North Atlantic Oscillation at local and regional scales : a
case study of the Belgian coast », Weather, 73-8, p. 262-267.
49
Litzenburger, L., 2015, Une ville face au climat : Metz à la fin du Moyen Âge (1400-1530), PUN, Nancy, p. 7.
50
Dont : Hénaff, A., Le Cornec, E., Jabbar, M., Pétré, A., Corfou, J., Le Drezen, Y., Van Vliët-Lanoë, B., 2018,
« Caractérisation des aléas littoraux dʼérosion et de submersion en Bretagne par lʼapproche historique »,
Cybergeo : European Journal of Geography, Environment, Nature, Landscape, document 847 [En ligne] ;
Trzpit, J-P., 1977, « Les tempêtes nord-atlantiques : Essai dʼanalyse géographique (1re partie) », Norois, 93, p.
33-52, p. 47-52 ; Angot, C-A., 1899, Traité élémentaire de météorologie, Gauthiers-Villars, Paris, p. 298-299.

163
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
référence. Elles ne sont que des indicateurs de tendance.

Figur e 22: Distr ibution saisonnièr e des tempêtes (milieu XIVe-XVIII e siècle).

Figur e 23: Distr ibution des tempêtes en fr équence mensuelle (milieu XIVe-XVIII e siècle).

La prédominance des tempêtes durant lʼhiver est nette. Ainsi, dans le cadre de cette
recherche, les mois de décembre à février cumulent à eux seuls 46,7% des occurrences

164
retenues. Par ailleurs, avec respectivement 15,8% et 10% des fréquences mensuelles de
tempête, les mois dʼoctobre et mars sont fortement perturbés. Cela témoigne probablement de
leur position transitoire entre les saisons hivernale et estivale. Les seules anomalies
apparentes semblent tenir aux taux de tempêtes assez élevés au printemps (16,6%) et en été
(10%), notamment en comparaison des résultats obtenus pour la période plus récente par
Alain HENAFF et ses collègues51. Pour eux, le printemps ne pèserait que pour 3% des
occurrences. Un tel écart peut toutefois sʼexpliquer par une intégration différente des mois
dans les saisons. Ici, la présence du mois de mars, usuellement troublé, dans le printemps
augmente mécaniquement la part de cette saison. Elle peut, de plus, se justifier par une prise
en considération dissemblable des aléas côtiers, puisque dans lʼétude menée par Alain
HENAFF et al., les tempêtes ne représentent que 1/3 des forçages analysés. Dʼailleurs, les
dynamiques de lʼautomne, de lʼhiver ainsi que du printemps qui se démarquent dans la thèse
correspondent à celles identifiées par Jean-Paul TRZPIT52. Reste donc lʼété qui, au cours des
mi-XIVe-fin XVIIIe siècles, apparaît plus mouvementé que pendant ces dernières décennies. Le
PAG étant traditionnellement caractérisé par des étés frais et humides, des mécanismes
atmosphériques divers comme lʼOMA ou lʼOA auraient-ils pu influencer lʼactivité
tempétueuse au cours de cette saison ? À moins que cela ne dépende de lʼétat des sources et
données anciennes disponibles ?

Lʼétude des vimers de lʼéchelle synoptique à lʼéchelle régionale apparaît fondamentale.


La reconstruction historique lacunaire des tempêtes impose pourtant de multiples limites à la
réflexion sur les trajectoires privilégiées suivies par les tempêtes, ainsi quʼà lʼinterprétation de
la distribution saisonnière des aléas météo-marins. Les travaux devront donc être approfondis.
Lʼapproche historique sur ces questions est dʼun grand intérêt en ce quʼelle peut participer à
lʼappréciation du risque futur pour les sociétés. Désormais, il sʼagira dʼaborder la dimension
locale.

3.1.3. Le vimer ancien, l'indispensable usage de l'échelle locale

Le CET sʼétudie enfin à lʼéchelle locale. Particulière à un lieu déterminé, limitée dans
lʼespace, cette approche peut permettre dʼinterroger lʼimpact, ainsi que la distribution spatiale
de la vulnérabilité. Sa principale limite tient au risque de surreprésentation de certains lieux et
dommages53, dʼoù lʼimportance de préalablement intégrer lʼévénement dans une pensée, a
minima régionale, avant dʼopérer un « zoom ».

51
Hénaff, A., et al., 2018, ibid.
52
Idem.
53
Fourault, V., 2003, « La presse dans la tourmente », in Tabeaud, M. (dir.), op. cit, p. 161-184, p. 174-184.

165
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités

Ce nʼest plus lʼagent physique, son intégration dans des composantes et dynamiques
climatiques quʼil sʼagit désormais de questionner, mais la localisation des zones touchées. La
démarche devra alors naturellement privilégier lʼétude de cas et/ou la cartographie assistée par
les systèmes dʼinformation géographique (SIG). Largement abordées au sein des chapitres 4,
consacré à lʼusage du SIG pour lʼhistoire des tempêtes54, et 8, dédié à plusieurs études de
cas55, ces dimensions ne seront pas traitées ici. Afin dʼéviter toute redondance, on renverra le
lecteur à ces développements.
Cette section se propose essentiellement de contribuer à la réflexion sur les liens
existants entre période dʼoccurrence et dégâts. En effet, lʼapplication de lʼéchelle locale offre
également dʼanalyser les rapports entre dommages et date de lʼévénement. Cette dimension
est primordiale à examiner puisquʼelle est susceptible dʼinfluencer lʼampleur des dégâts. Si –
ce fut exposé précédemment56 – la majorité des aléas a lieu au cours de lʼautomne-hiver, le
moment de la saison a toute son importance. Ainsi, une tempête, en particulier si elle est
conjuguée à un phénomène de submersion, aura des effets différents si elle survient en
« début » (octobre-décembre / avril-juin) ou en « fin » (janvier-mars / juillet-septembre) de
période hivernale ou estivale. Il ne sera pas question ici des atteintes aux bâtis et
infrastructures, mais de celles sur les activités, notamment agricoles, sylvicoles et salicoles.
Le stade physiologique des cultures et arbres joue un rôle majeur, de même que le stade
auquel se trouve la production du sel. Le 4 octobre 1591, un vimer catastrophique pour la
saliculture se produit. Il frappe considérablement les marais aunisiens et saintongeais : îles de
Ré et dʼOléron, Brouage, Marennes. Belle et chaude, la saison estivale a permis une récolte
abondante. Celle-ci demeure stockée sur les tesseliers* au moment où survient le CET. Selon
Nicolas HERPIN, à lʼîle de Ré, cʼest le quart de la récolte qui est emporté et définitivement
perdu57… Survenue plus tôt dans lʼannée, notamment avant le début de la saunaison, cette
dépression nʼaurait pas eu les mêmes impacts. Lorsquʼelle intervient à la toute fin de lʼhiver
ou au début du printemps, la perturbation atmosphérique peut être un désastre pour les
dispositifs : détérioration des chaussées et levées, comblement des étiers, dégradation des
bassins de culture du sel, etc. Il faut alors rapidement rétablir les installations afin dʼassurer
lʼexploitation des marais au cours de lʼété. Quand elle surgit en plein été, selon son ampleur,
elle peut définitivement compromettre la collecte de sel. Similairement, en général, pour
lʼagriculture et la sylviculture, les tempêtes de début dʼhiver sont moins dommageables, que
les vimers de fin dʼhiver ou de début de printemps. À partir du mois de mars, sylve et

54
Cf. infra, Chapitre 4 - Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes.
55
Cf. infra, Chapitre 8 - Une approche reposant sur des études de cas bien documentés.
56
Cf. supra, 3.1.2 - Spatialiser l'emprise d'une tempête passée, l'inévitable dimension régionale.
57
HERPIN N., Extrait d'un mémorial rédigé par le Sieur Nicolas Herpin, notaire et procureur à Saint-Martin, île
de Ré, commencé le 15 octobre 1581, Med. M-Crépeau, La Rochelle, ms. 163 (microfilm), fol. 1-34, fol. 12.

166
végétation plus largement sortent doucement de leur « hivernage ». Elles sont affaiblies par
plusieurs mois dʼune forme dʼendormissement. De grands vents au cours de cette période
peuvent plus aisément entraîner une rupture des troncs et branches, ainsi quʼune fracture des
bourgeons, les arbres étant en moindre capacité de résister aux forces exercées. Sur une large
bande littorale, ils sont en outre susceptibles de transporter du sel, ce qui provoque des dégâts
supplémentaires aux bourgeons. Les dépôts de sel sur les feuilles – phénomène aussi
dénommé « lʼintoxication au sel » – entraînent des jaunissements, des brûlures, voire des
nécroses des feuilles naissantes. Dans les cas les plus extrêmes, cela mène à un dessèchement
complet, une chute du feuillage et la mort des bourgeons de lʼannée. Une telle situation aura
des conséquences sur la physiologie et le rendement photosynthétique des végétaux58. Quant
aux blés, une dépression météorologique au moment des semailles ou avant les moissons est
susceptible dʼemporter les graines, de coucher ou dʼégrener les épis, compromettant ainsi la
récolte. Lʼannée 1788, bien connue pour avoir été globalement instable59, compte de
nombreux témoignages de chaleurs, pluies, chutes de grêle, orages, mais aussi de vents très
violents comme la tempête avec submersion des 21-22 février 178860. Le 17 août, les
habitants dʼAssé-le-Riboul dans le Maine adressent une demande de secours au roi Louis XVI
à la suite de précipitations continuelles, de vimers de vent et de grêle. Au moment de leur
fleuraison, des vents doublés de pluies importantes couchent les blés et seigles. Dans ces
conditions, ceux-ci sont incapables de germer correctement. La récolte « se trouve réduitte
aux deux tiers dʼune année commune »61 alors quʼelle sʼannonçait pourtant bonne. Les méfaits
des grands vents et de la pluie se manifestent également sur les vignes, dont les vendanges
sont « réduite a un quart dʼune récolte commune »62. De tels exemples, il transparaît que les
interrelations entre date de lʼaléa et endommagement sont analysables uniquement à lʼéchelle
locale.

Seule une conception géographique locale permet dʼanalyser dans le détail les
conséquences dʼune tempête sur le littoral ou dans les terres. Par le biais de cette approche
sont exposés les dégâts aux enjeux et la distribution spatiale de la vulnérabilité63.
Après avoir étudié les différentes échelles spatiales de lʼaléa en lien avec les

58
Delort, C., Dutt, A., Koch, A., Laveau, C., Lesage, C., Leroy, J., Portheault, L., Schmitt, T., Silly, F., 2014,
Phytotoxicité de produits alternatifs au sel de déneigement, Université de Lorraine, [PDF en ligne], p. 8-20.
59
Le Roy Ladurie, E., Rousseau, D., Vasak, A., 2011, op. cit., p. 145-149 ; Le Roy Ladurie, E., 2004, op. cit., p.
615, 621-622.
60
AD 17, 4 J 3957, fol. 32 ; AD 17, 4 J 1808 ; AD 33, C 4359, pièces n°34 et 74 ; Mercure de France, n°10, 8
mars 1788, p. 82-83 ; SEIGNETTE P-H., Journaux des observations météorologiques pour les années 1783 à
1793, (279), 3e cahier, 1788, Bib. Muséum Histoire Naturelle, La Rochelle.
61
AD 72, C 93.
62
Idem.
63
Cf. infra, Chapitre 4 - Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes ; Chapitre 8 - Une approche reposant sur des
études de cas bien documentés.

167
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
dynamiques naturelles et oscillations temporelles climatiques, la question des temporalités
dans le vimer sera désormais posée.

3.2. Les tempor alités de la tempête

La temporalité sera entendue dans les prochaines lignes comme la valeur temporelle
dʼun élément, ici le CET et ses incidences. De lʼaléa éphémère, passager aux dommages
ancrés dans le temps court, moyen ou long, les temporalités de la tempête sont plurielles et
multiples. Il sʼagira dʼabord de réfléchir au rapport à la durée de cette perturbation
atmosphérique. La permanence des dégâts générés par son passage sera ensuite questionnée.
Enfin, le temps sera interrogé en relation avec les réactions des sociétés. La recherche sur les
tempêtes passées étant encore loin de pouvoir aborder, avec compétences, les dimensions –
pourtant marquées par un rapport au temps – de seuils (de rupture, de franchissement, de
résistance), de discordances de temporalités ainsi que de temps de retour dʼun aléa donné,
celles-ci ne seront pas traitées ici.

3.2.1. La tempête, un aléa de courte durée

À la différence de phénomènes tels que les sécheresses, les tempêtes sont rapides. Elles
ont une durée de vie relativement courte.

À suivre la réf lexion scientif ique dʼHubert AMB


L , lʼampleur dʼun CET se déf init
notamment par sa durée64. Or, dans le cas du passé, la déf inition de la durée est relativement
complexe. Cela sʼexplique principalement par une connaissance encore partielle des
caractéristiques des manifestations anciennes et une mention de lʼheure proportionnellement
peu répandue dans les documents historiques. Au demeurant, une tempête se déplaçant, la
durée est à apprécier avec précaution. Il peut effectivement falloir plusieurs jours à une
dépression entre le moment où elle évolution en tempête et celui où elle achève sa course.
Deux choses primordiales affleurent alors. Premièrement, la probabilité pour que lʼévénement
maintienne une puissance maximale sur la totalité de cette période est infime. Il apparaît dès
lors plus vraisemblable que la combinaison entre dévastation et puissance maximale sʼétende
seulement sur quelques heures. Par exemple, selon le témoignage dʼÉtienne DE CRUSEAU, f in
février-début mars 1593 les vents soufflent fort durant une huitaine de jours sur les terres
girondines. Cependant, ils précèdent et suivent une dépression, dont le plus fort survient le

64
Sa formule V3max * Amax * D comprend D comme la durée du phénomène. Pour une réflexion critique de la
méthode de hiérarchisation de Hubert LAMB, voir infra, Chapitre 5, 5.2.1 - « Évaluer » la tempête extratropicale
ancienne : où en est la recherche à lʼinternational ? ; Lamb, H.H., Frydendahl, K., 1991, Historic storms of the
North sea, British Isles and Northwestern Europe, Cambridge University Press, Cambridge, p. 7-9.

168
lundi 1er mars 1593 et frappe durant « quattre grosses hures »65 les côtes aquitaines, les
territoires riverains de lʼestuaire de la Gironde, Blaye, Bordeaux. Similairement, dʼaprès
Joseph GUILLAUDEAU, le plus fort de la tempête du 1er février 1632, qui ravage lʼAunis ainsi
que la Saintonge et y fait de grands dommages, « dura 4 ou 5 heures »66. Dʼautre part, est-il
e e
nécessaire de préciser que pour les XIV -XVIII siècles, lʼabsence dʼimagerie satellite exclut
toute conception de la date de formation de lʼaléa, de son « âge » avant quʼil ne commette des
dégâts à terre ? Sans compter que, pour avoir notion de sa f in, il serait nécessaire dʼélargir le
cadre spatial et de croiser les informations avec dʼautres territoires.
Au demeurant, cette question de la durée révèle une légère distorsion dʼordre spatio-
temporel. Manifestation par définition mouvante, les tempêtes ne frappent pas la totalité de
lʼespace quʼelles traversent à la même heure, voire exactement le même jour dans le cas dʼune
arrivée en soirée. Ainsi, lʼévénement des 9-10 juillet 1598, mentionnée par Jacques MERLIN67,
Nicolas HERPIN68 et les religieux du chapitre de Sainte-Radegonde de Poitiers69, affecte les
côtes aunisiennes « entre les six et sept heures du soir »70, tandis quʼil nʼest sur Poitiers que
« sur les dix heures du soir »71. De même, la dépression majeure qui sʼabat sur la France dans
la nuit du 14 au 15 mars 1751 est signalée à des heures différentes, autorisant ainsi à
conjecturer son déplacement72. Si les vents souff lent depuis la veille, le plus fort de la tempête
ne sʼabat sur le littoral atlantique quʼen soirée, probablement vers 20 heures73, le 14 mars. À
partir de 22 heures, elle est signalée en Poitou, notamment dans la paroisse de La Bruffière74,
sur les coups de 01h00 du matin le 15 mars, elle traverse la Touraine, tandis quʼà 02h00 elle
est mentionnée du côté de Denainvilliers75, en Orléanais. Par ailleurs, le cadre spatial étudié
étant soumis à des couloirs de tempête différents76, lʼhistoire ne retiendra pas les mêmes
événements pour le nord-ouest (Bretagne, Maine), le centre-ouest (Marches, Poitou, Aunis)

65
DE CRUSEAU Étienne, 1879-1881, Chronique, publiée par la Société des bibliophiles de Guyenne, t. I et II,
Bordeaux.
66
GUILLAUDEAU J., 1908, Diaire, in AHSA, tome XXXVIII impr. J. Prévost, Saintes.
67
MERLIN J., Diaire de Jacques Merlin et recueil des choses les plus mémorables qui se sont passées en ceste
ville de La Rochelle de 1589 à 1620, Med. M-Crépeau, La Rochelle, ms. 161, Mi 114 (microfilm), fol. 365.
68
HERPIN N., Extrait d'un mémorial rédigé par le Sieur Nicolas Herpin, notaire et procureur à Saint-Martin, île
de Ré, commencé le 15 octobre 1581, Med. M-Crépeau, La Rochelle, ms. 163 (microfilm), fol. 1-34, fol. 22.
69
AD 86, G 1597, fol. 189.
70
MERLIN J., ibid.
71
AD 86, ibid.
72
Cf. infra, Chapitre 8, 8.3.2 - Les 14-15 mars 1751 : un « ouragan » déjà parfaitement connu ?
73
Désarthe, J., Le temps des saisons. Climat, événements extrêmes et sociétés dans lʼOuest de la France (XVIe-
e
XIX siècle), Hermann, Paris, p. 99-100.
74
AD 85, Registre paroissial de La Bruffière, numérisé, vue 10 ; Cf. supra, Chapitre 2, 2.1.1 Chroniques,
annales, écrits du for privé,
75
Pour rappel, la Touraine et lʼOrléanais sont en dehors du cadre spatial de la thèse. VOISIN M., 1895, « Journal
dʼun habitant de Tours au XVIIIe siècle, Mathieu Voisin », Bulletin de la Société archéologique de Touraine, t. X,
p. 141-192 et 203-227, p. 166 ; Histoire de l'Académie royale des Sciences tirée des registres de cette Académie,
1752, DUHAMEL DU MONCEAU H-L., « Observations botanico-météorologiques faites au château de
Denainvilliers, proche Pluviers-en-Gâtinois pour lʼannée 1751 », impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L.,
Paris, p. 367.
76
Cf. supra, 3.1.2 - Spatialiser l'emprise d'une tempête passée, l'inévitable dimension régionale.

169
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
ou le sud-ouest (Saintonge, Bordelais), sauf à considérer des manifestations particulièrement
extrêmes tant dans leur pouvoir dʼendommagement que leur entrée dans les terres et leur
emprise spatiale, comme celle des 28-29 janvier 164577.

Si sa durée est variable, la tempête sʼavère une manifestation éclair, de lʼordre de


quelques heures. Mouvante, une petite distorsion spatio-temporelle se retrouve généralement
en elle. Génératrice dʼatteintes plus ou moins importantes, le temps de la tempête et celui de
lʼimpact sont souvent discordants.

3.2.2. Questionner les temporalités de lʼendommagement

Lʼexamen des temporalités de lʼaléa et leur mise en perspective avec celles des dégâts
sont une composante essentielle à considérer. Par nature de courte durée, la tempête est
susceptible de provoquer des dommages, y compris résiduels, sʼétendant sur une période plus
ou moins longue. Sʼil existe une superposition partielle entre les deux, les échelles
temporelles du phénomène – étudiées précédemment – et de lʼendommagement ne sont pas
les mêmes.

Une tempête produit des dommages à court, moyen et, parfois, long terme. Si ces
découpages temporels paraissent nécessaires, ils ne sont évidemment pas aisés à définir. À
lʼheure actuelle déjà, selon la tolérance, la capacité de réaction, le niveau dʼaffectation, etc.,
chaque société tendra à avoir sa propre perception de la durée acceptable du « court », du
« moyen » et du « long » terme. Comment estimer ces composantes sous lʼAncien Régime ?
Est-ce seulement possible ? En lʼabsence de remarques tangibles dans les sources sur
lesquelles baser une réflexion et au risque de transposer les perceptions du chercheur, le parti
fut pris de ne pas établir dʼévaluation. En revanche, si apprécier lʼappréhension temporelle des
populations anciennes est difficile, une estimation approximative peut être envisagée dʼaprès
lʼenjeu endommagé. Quel que soit le siècle, sur des terres agricoles ou salicoles, les
principaux effets dʼune submersion à court terme sont lʼérosion, lʼapport de débris et de
sédiments sableux. À moyen et long terme en revanche, les conséquences sont plus graves :
cultures agricoles détruites, productions salicoles emportées, salinisation et sodicité des sols.
Selon Rodrigo PEDREROS et Manuel GARCIN78, pour éviter une situation dramatique,
lʼinondation doit durer moins de 6 jours (court terme). Au-delà, il sʼagit de moyen, puis de
long terme lorsque la présence dʼeau salée perdure de 3-4 semaines à plusieurs années. La

77
Cf. infra, Chapitre 8, 8.2.3 - Les 28-29 janvier 1645 : du littoral à l'intérieur des terres, l'apocalypse.
78
Pedreros, R., Garcin, M., 2012, « Le phénomène de la submersion marine », in Przyluski, V., Hallegatte, S.
(coord.), Gestion des risques naturels. Leçons de la tempête Xynthia, Quae, Versailles, p. 45-54, p. 51-53.

170
durée dʼune submersion dépend de son importance, de la texture du sol – celle-ci déterminant
sa perméabilité donc sa capacité dʼinfiltration –, de lʼétat des infrastructures de défense… En
effet, si les chaussées et levées situées en front de mer sont partielles, mal entretenues,
démolies ou que des brèches y sont présentes, à moins dʼune intervention et remise en état
immédiates, lʼeau de mer peut pénétrer à chaque marée haute et alimenter plus ou moins
régulièrement lʼenvahissement. Daté du 9 février 1510 (n.st.), un mandement du duc de
Bretagne et roi de France Louis XII fait mention dʼune chaussée protégeant un étier*. Cette
dernière, localisée au pays de Retz en baie de Bourgneuf, a été abîmée lors du vimer du 13
novembre (23 novembre) 150979. Ainsi, depuis trois mois, lʼeau de mer entre dans les terres et
continue de gâter « pluseurs terres fertilles, saulx et autres fruitz et biens »80. Dans un autre
cadre, le 9 décembre 1771, lʼancien capitaine de dragon Guillaume BRASSAUD présente quʼil
possède une pièce de terre de 140 journaux dans la paroisse de Soulac, laquelle « etoit
baignée par lʼeau de la mer a tous les plaines et renouveau de la lune trois ou quatre jours de
suite »81. Si la submersion est de courte durée, sa régularité altère les terres. La digue
existante, en terre de 8 pieds de haut soit environ 2,5 mètres, ne préserve pas la totalité des
terrains. Il souhaite la prolonger ; son objectif f inal étant de mettre sa propriété à lʼabri des
inondations de la mer, dʼen jouir en pacage le temps nécessaire à leur désalinisation, puis de
la faire ensemencer en vue dʼy cultiver des blés. Au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne, nulle
existence de pompes afin dʼévacuer les eaux ; il faut attendre que la nature fasse son œuvre.
La longévité des méfaits repose également sur le temps de réponse, la résilience des systèmes,
sociétaux évidemment, mais aussi environnementaux, naturels. Pour reprendre lʼexemple de
la perturbation atmosphérique des 14-15 mars 1751, une ordonnance rendue sur la
remontrance du procureur du roi au présidial dʼAngers fait état dʼune quantité considérable
dʼarbres, entre autres fruitiers, arrachés, en sorte que « les pertes que l'on éprouve se feront
sentir pendant plus de vingt années »82. En considération du temps nécessaire à lʼhumain pour
établir de nouveaux plants, il peut être relativement restreint. Cependant, celui nécessaire à un
arbre pour pousser et devenir productif se compte en années, avec une moyenne de 12 à 17
ans selon les espèces végétales (pommiers, poiriers, châtaigniers…). Ainsi, 20 ans de
dommages résiduels nʼapparaissent pas si exagérés. En termes dʼeffets induits et de résilience,
la réflexion devrait normalement aussi compter avec les notions de réversibilité et
dʼirréversibilité, malheureusement insaisissables pour le passé : le couvert végétal a-t-il réussi
à revenir à une situation identique ou proche de celle prévalant avant lʼévénement ? En
combien de temps ? Les nouveaux bois, arbres fruitiers, futaies enregistrent-ils une

79
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.4 - De novembre 1509 à février 1510(n.st), un hiver météorologique tempétueux.
80
AD 44, B 19, vues 37-38 (numérisation).
81
AD 33, C 4907, fol. 132 v°
82
AD 49, 1 B 150.

171
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
équivalence de la biodiversité ou celle-ci est-elle en baisse ?...

Le temps de lʼaléa et celui de lʼimpact ne sont pas comparables. Une tempête dure
généralement quelques heures, tandis que ses retombées peuvent sʼétendre sur plusieurs jours
(court terme), semaines (moyen terme), mois voire années (long terme). Au-delà dʼaspects
naturels divers, la durée pendant laquelle lʼendommagement se fera sentir dépendra également
du temps dʼintervention et de remise en état des sociétés.

3.2.3. Le temps, quelle pertinence pour les réactions ?

Lʼéchelle temporelle des réactions est évolutive. Elle peut varier dans lʼespace, le temps
et suivant les communautés. Ainsi, les sociétés ne réagissent ni de manière constante ni de
façon similaire. Questionner la pertinence du temps en termes de réactions sociétales à la suite
dʼun vimer revient à analyser les capacités de réponses, la vulnérabilité. Cʼest là une chose
foncièrement complexe, dʼautant que les documents historiques informent rarement de la
temporalité des attitudes et stratégies mises en œuvre.

Pour débuter, il ne paraît pas superflu de rappeler quʼà lʼinverse des inondations
fluviales, les dynamiques sociales touchant à lʼaménagement du territoire, à son utilisation ou
aux modalités de sa mise en valeur nʼont a priori aucun impact sur la fréquence ou la
magnitude des tempêtes. Elles peuvent en avoir sur leur intensité en termes de dommages, en
ce sens que le gain de terres sur la mer et la valorisation de zones de marais entraînent, par la
présence dʼenjeux humains, une vulnérabilisation accrue du territoire, mais cela nʼagit pas sur
la puissance et la récurrence des CET.
En outre, un rapport ambivalent « temps / endommagement » émerge : si la durée
dʼexpression des dommages83, notamment aux bâtis, structurels ou fonctionnels84, dépend
entre autres du temps mis par les populations pour réparer, ce temps sera dʼautant plus étendu
que les dégâts seront importants. Il peut varier de quelques jours à plusieurs années. Les aléas
de la vie, les finances à disposition, le contexte démographique, économique, politique, ainsi
que la gouvernance et la gestion de lʼaprès-crise influent. Touchant aux dispositifs salicoles –
des chaussées aux étiers en passant par les bassins productifs –, deux exemples éloquents, lʼun
e e
au XIV , lʼautre au XVII siècle, se trouvent développés au sein du chapitre 585. Dans un autre
domaine, en 1689, un arrêt du Conseil du roi autorise les religieux du Perray à réaliser des
coupes de bois dans les futaies du Grand-Garreau, dépendant de La Maumussonnière. Le

83
Cf. supra, 3.2.2 - Questionner les temporalités de lʼendommagement.
84
Cf. infra, Chapitre 5, 5.1 - Typologie, définition et description des dommages.
85
Cf. infra, Chapitre 5, 5.1.3 - Les atteintes fonctionnelles, mère de conséquences indirectes notables.

172
produit en sera affecté à la réparation des dégâts provoqués par un « si furieux ouragan et
extraordinaire tempeste »86, survenu 20 mois auparavant, sur lʼéglise abbatiale, les cloîtres et
dortoirs de lʼabbaye. Faute de revenus nécessaires, les bâtiments sont restés endommagés et
attendent depuis presque 2 ans dʼêtre restaurés. À lʼinverse, dans une lettre du 22 janvier 1786
dʼun subdélégué à son intendant, il est fait mention de dommages causés aux deux corps de
logis de la caserne de Libourne par une tempête advenue les 15-16 janvier 1786. Sans être
considérables, les atteintes aux bâtis sont déjà notables pour la caserne : partie de cheminée
renversée, couvertures détériorées, entablement partiellement écroulé, vitres soufflées. Ces
dégradations paraissant susceptible dʼune « prompte réparation », le subdélégué donne ordre
quʼil y soit remédié « sur le champ en y mettant des ouvriers tout de suite » 87. Quelques
semaines plus tard, tout est réfectionné. De tels exemples, il ressort que, plus que dʼune
société ou dʼun système socio-environnemental spécifique, la vulnérabilité et la résilience –
étudiées ici en termes de « temps de réponse » et non de capacité dʼadaptation, dʼévolution en
vue de faire face – dépendent dʼacteurs ou groupes déterminés de la société. Ainsi, la
répartition sociale du pouvoir, des finances et de la propriété est dʼimportance. Cʼest, au reste,
ce que Tim SOENS a pu démontrer dans certains de ses travaux88. Dès lors, quoique sa
reconnaissance en qualité de facteur soit toujours plus implicite quʼexplicite, lʼhistoire, à
travers ses processus économiques, politiques, sociaux, génère ses propres formes de
vulnérabilité et détermine autant le temps que les conditions de réaction aux effets des vimers.
De plus, les aménagements, lʼorganisation et la structuration du pouvoir, le développement
technique et économique, de même que les perceptions des populations jouent un rôle notable
dans les évolutions temporelles de la vulnérabilité dʼun groupe social donné sur un territoire
déterminé. Par exemple, la ville, autrefois envisagée comme un lieu sécuritaire et de réactions,
est désormais perçue comme un espace fragile, multirisque, peu résilient89.

Dʼune perturbation atmosphérique explosive, rapide à des temps de remise en état plus
ou moins étendus en passant par des endommagements sʼexprimant sur des court, moyen ou
long termes, les aléas météo-marins se trouvent effectivement à la croisée de temporalités
multiples. Dépendant majoritairement dʼacteurs ou groupes déterminés de la société, les
initiatives prises lors et/ou au lendemain dʼévénements tempétueux seront désormais

86
AD 72, H 1026.
87
AD 33, C 2123.
88
Voir notamment : Soens, T., 2018, « Resilient societies, vulnerable people : coping with North Sea Floods
before 1800 », Past and Present : a journal of historical studies, gty018, p. 1-36, [En ligne] ; Soens, T., 2013,
« The social distribution of land and flood risk along the North Sea coast : Flanders, Holland and Romney Marsh
compared (c. 1200-1750) », in Van Bavel, B., Thoen, E. (eds.), Rural societies and environments at risk.
Ecology, property rights and social organisation in fragile areas (Middle Ages-Twentieth century), Brepols,
Turnhout, p. 147-179.
89
Veyret, Y., 2004, op. cit., p. 226.

173
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
analysées.
1.1
e e
3.3. Gestion de la cr ise et de la vulnér abilité aux XIV -XVIII siècles : quels acteur s
pour quelles échelles ?

La gestion actuelle du risque, particulièrement la prévention, est lʼhéritière de


comportements anciens et complexes dont les sources de lʼAncien Régime attestent
largement90. Elle a été façonnée par des siècles de recherche de solutions, dʼinterventions,
dʼadaptations, de représentations culturelles et sociales variant en fonction de lʼespace, du
temps et de la société. Au sein de cette dynamique, le « jeu des acteurs » a occupé une place
prééminente quʼil sʼagira ici dʼétudier.

Le verbe « gérer » dérive du latin gero, gerere qui renvoie à plusieurs notions, parmi
lesquelles celle de « manager, s'occuper de ». La vulnérabilité – comprise ici dans sa
dimension sociale – étant lʼincapacité dʼune société à faire face à un aléa91, sa gestion induit la
mise en place, puis l'administration de processus et dispositifs afin de lʼatténuer ainsi que de
réduire les risques. Elle comprend les réponses apportées par les communautés, les
attestations de lʼintégration du risque dans leurs modes de vie, les stratégies élaborées dans
lʼoptique de sʼadapter à lʼexistence de lʼaléa, de réguler ses méfaits, dʼanticiper les situations
de danger92... Prégnante dans les sources anciennes, la gestion de la crise consiste quant à elle
en lʼintervention pendant ou après la survenue dʼun vimer. Elle se caractérise par la mise en
sécurité des biens et des personnes, puis par la restauration des infrastructures et enjeux
endommagés. Lʼexistence dʼun « risque résiduel incompressible »93 avéré pour tous les aléas
pousse à sʼinterroger : pourquoi ne pas aborder les échelles et les acteurs sous le prisme de la
gestion du risque ? La réponse tient en la déf inition, au «contenu » et aux objectifs de la
gestion du risque. Celle-ci sʼattache à identifier et évaluer les risques à lʼéchelle dʼun territoire
selon les modes de gouvernance94 en vue de proposer des outils, des actions de prévention.
Dans le cadre des tempêtes, la gestion du risque inclut également une veille météorologique et
e e
tend donc à intervenir avant la survenue dʼun aléa. Si les XIV -XVIII siècles comptent des
95
mesures marquant une volonté de prévoir et anticiper les risques , la majorité des réactions

90
Veyret, Y., 2004, ibid., p. 25-39.
91
Veyret, Y., Reghezza, M., 2006, « Vulnérabilité et risques. Lʼapproche récente de la vulnérabilité »,
Responsabilité & Environnement, 43, p. 9-13, p. 11.
92
Veyret, Y., Reghezza, M., 2005, « Aléas et risques dans lʼanalyse géographique », Annales des Mines, 40, p.
61-69, p. 65.
93
Leone, F., Meschinet de Richemond, N., Vinet, F., 2010, Aléas naturels et gestion des risques, PUF, Paris, p.
232.
94
Veyret, Y., Reghezza, M., 2005, ibid., p. 66-67.
95
Cf. infra, Chapitre 7, 7.3 - Peu à peu, une volonté de prévoir et anticiper les risques.

174
rapportées par les sources font état dʼinitiatives lors et/ou au lendemain de lʼévénement96. Plus
quʼune gestion du risque, cʼest donc une gestion de la crise ainsi que de lʼaprès-crise qui est
instaurée97, et à partir de laquelle se révèle lʼorganisation politique, administrative et
territoriale du pays98.
Sans empiéter sur les développements des chapitres 6 et 799, la question des acteurs
ainsi que des échelles de la réaction, donc de la gestion de la crise et de la vulnérabilité, est
fondamentale à considérer. Hier comme aujourdʼhui, les sociétés sont hiérarchisées et
e e
comprennent plusieurs niveaux dʼautorité et de pouvoir. Aux XIV -XVIII siècles,
lʼorganisation des interventions face aux ravages provoqués par une tempête – avec ou sans
submersion marine – peut-elle se déduire des témoignages ? Existe-t-il une solidarité ? Si oui,
à quel niveau sʼorganise-t-elle ? Dans quel(s) domaine(s) les sociétés agissent-elles
prioritairement ? Qui détient la primeur de lʼintervention ? Les acteurs et échelles concernés
coopèrent-ils, apparaissent-ils concurrents ou se superposent-ils sans véritablement se
consulter ? Pour quiconque nʼy est pas initié, le fonctionnement de la société dʼAncien
Régime nʼest pas aisé à appréhender. Dʼautant moins quʼà la fin du Moyen Âge, le royaume
de France nʼest pas encore tout à fait unifié et le jeu des allégeances100 sʼavère parent de
tensions politiques, dʼinstabilités, voire de conflits armés. De manière à éviter de se perdre en
explications utiles, mais hors sujet de la thèse, il conviendra de simplifier et peut-être un peu
schématiser la présentation. Lʼorganisation socio-politique des XIVe-XVIIIe siècles pourrait être
comparée à un mille-feuille. Ce fut écrit précédemment101, la société compte alors 3 ordres : la
Noblesse dont la vocation est la défense de la société, le Clergé dévoué au service de Dieu, le
Tiers-état dont la fonction est le travail102. La majorité des Français appartiennent au Tiers-
état. À lʼinstar de chacun des corps, le Tiers-état nʼest pas homogène. En son sein se trouvent
de « simples » manouvriers, des ouvriers spécialisés et artisans (charpentiers, maçons,
sauniers, boulangers, etc.), des commerçants, marchands, armateurs, des notaires, des
médecins… Cʼest à ces personnes, en qualité dʼindividus ou de collectif, quʼil sera fait

96
Cf. infra, Chapitre 6, 6.2 - Au cœur de la catastrophe : identifier les premières (ré)actions ; Chapitre 7, 7.2 -
Intervenir au lendemain de la catastrophe.
97
Leveau, P., 2002, « Discussion », intervention, in Favier, R. (dir.), Les pouvoirs publics face aux risques
naturels dans lʼhistoire, MSH-Alpes, Grenoble, p. 377-390, p. 377.
98
Favier, R., Pfister, C. (dir.), 2008, Solidarité et assurance. Les sociétés européennes face aux catastrophes
(17e-21e s.), CNRS-MSH Alpes, Grenoble.
99
Cf. infra, Chapitre 6 - Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités ; Chapitre 7 - Stratégies
d'adaptation : protéger et prévenir.
100
Par exemple, le duché de Guyenne est un fief français du roi dʼAngleterre. Sa possession depuis la fin du XIIIe
siècle fait du roi dʼAngleterre un vassal du roi de France. Le roi anglais doit donc reconnaître la suzeraineté
française, ce qui est globalement mal accepté, en particulier par Édouard Ier (1239-1307) et Édouard III (1312-
1377). Le lecteur intéressé pourra lire avec profit Favier, J., 2015, Les Plantagenêts : origines et destin dʼun
empire (XIe-XIVe siècles), Tallandier, Paris ; Toureille, V., Berland, F., Butaud, G., Fourcade, S., Serdon, V.,
2013, Guerre et société (1270-1480), Atlande, Neuilly-sur-Seine.
101
Cf supra, Chapitre 2, 2.1.1 - Chroniques, annales, écrits du for privé.
102
Bély, L., 2008 (4e ed.), La France moderne, 1498-1789, PUF, Paris, p. 45-46.

175
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
allusion en premier. Viendront ensuite les villes et seigneuries qui pouvaient agir dans le
cadre de leurs prérogatives et du territoire local de leur juridiction. À cette époque, le principe
est simple : nulle terre sans seigneur103. Un seigneur peut être laïc ou ecclésiastique. Quant
aux villes, leurs statuts juridiques sont très variés. Dans lʼOuest, lʼadministration urbaine
sʼorganise globalement autour dʼassemblées générales essentiellement composées de résidents
notables, et un pouvoir placé entre les mains de quelques élus : échevins et maires dans les
villes de la Bretagne à la Saintonge, jurats à Bordeaux et dans les cités de cette généralité.
e
Tout au long de la période étudiée, le pouvoir royal sʼétend et se structure. À partir des XV -
e
XVI siècles, le roi impose peu à peu son droit seigneurial sur toutes les parcelles françaises et
les villes doivent de plus en plus composer avec la présence de représentants et officiers
royaux. Au demeurant, chaque Français, quʼil vive en milieu urbain ou rural au sein dʼun
village, dʼune paroisse, que son activité professionnelle dépende dʼun seigneur, quʼil exerce
son métier chez un patron ou librement, quʼil soit membre de la Noblesse, du Clergé ou du
Tiers-état, est sujet du roi.

3.3.1. Des réactions individuelles ou collectives spontanées

Sʼil semble que les premiers réflexes se produisent toujours dans un cadre populaire,
personnel ou collectif, relativement restreint, lʼhistorien ne saurait tromper le lectorat. Il
dispose de peu de renseignements sur les réactions des populations anciennes. La principale
des raisons tient certainement en ce que les documents conservés ont été rédigés par les
institutions du royaume ou des membres de lʼélite. Par ailleurs, une telle affirmation impose
de préciser le terme « réaction ». Il sera entendu ici comme les réponses apportées par les
populations en vue de sʼopposer à la fatalité, de traiter lʼurgence, de réduire les vulnérabilités.
Ni lʼaccueil psychologique ou émotionnel réservé à une dépression atmosphérique ni les
attitudes de fuite, dʼévacuation104 – pourtant considérés comme des réactions primaires105 –
ne seront abordés dans ce développement. Cela sʼexplique par le fait que ces attitudes ne
sʼintègrent pas dans une démarche de gestion de la crise et/ou de la vulnérabilité.

Malgré la faiblesse des exemples mobilisables, la logique dʼactions spontanées apparaît


évidente. Lʼorganisation des pouvoirs, la circulation des informations, les réseaux de transport
e
aux périodes médiévale et moderne nʼétant pas ceux auxquels le XXI siècle est habitué, la
réactivité des autorités nʼest pas instantanée. Les sinistrés, loin de lʼinertie, résistent par eux-
mêmes à la mer, sʼorganisent dans le cadre de leur paroisse, de leur village, de leur voisinage

103
La seule exception est lʼalleu ou franc-alleu, qui était une terre ne dépendant dʼaucune seigneurie foncière et
sur lequel nʼétait par conséquent prélevée aucune redevance seigneuriale.
104
Cf. infra, Chapitre 6, 6.2 - ibid.
105
Labbé, T., 2017, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge, CNRS, Paris, p. 184-192.

176
pour relever, réparer, remettre en état ce que les vents ont renversé. Dans un mémoire en date
de 1451 transmis par les délégués de la ville de Poitiers au roi Charles VII afin de le dissuader
dʼétablir la gabelle* dans la province du Poitou106, les efforts des habitants pour lutter et
sʼopposer aux transgressions de lʼocéan sont dépeints. Les résidents du littoral sont présentés
comme éminemment déterminés et disposés à user de tous les moyens à leur disposition pour
se protéger : « Et tellement qu'il est nécessité auxdits habitans [...] résister contre ladite mer
et aucunes foiz y porter les boys et couvertures de leurs maisons, leurs utencilles, tables,
bans, litz et autres choses pour y résister autrement elle submergeoit tout le pays »107.
Désirant exposer au conseil royal l'image d'une population défendant énergiquement la
frontière océanique du royaume, notamment contre les assauts de la mer, la description est
assurément exagérée. Il n'en reste pas moins qu'elle s'appuie sur des récits collectés auprès des
occupants de la côte. Elle atteste donc le ressenti des communautés littorales quant à la
vulnérabilité de leur territoire. Le discours offre par ailleurs lʼintérêt de mettre en exergue le
caractère dérisoire des moyens déployés et des premières actions en leur pouvoir pour
sʼopposer aux débordements.
En outre, quoique lʼexistence dʼune entité superviseuse – le prêtre de la paroisse ? – ne
puisse être exclue, les individus agissent certainement de leur propre chef lorsquʼils déblayent
des maisons effondrées sous les assauts des vents. Les dates recensées dans les registres
paroissiaux doivent interpeller le chercheur. Ainsi, le 3 février 1701, alors quʼune très violente
tempête sʼest produite la veille, un enfant âgé de 12 ans, dénommé Guillaume REPUSSART, est
inhumé dans la paroisse de Tennie, localisée dans la province du Maine. Le curé indique que
ce dernier est « mort du jour dʼhier, trouvé sous les débris dʼune maison tombée sur lui par
grand orage de vent au lieu de la Briochère »108. Si la promptitude des funérailles ne doit pas
étonner en ce quʼelle est traditionnelle sous lʼAncien Régime – essentiellement pour limiter
les risques dʼinfection, de maladie –, le contexte rend cette rapidité intéressante. Celle-ci
suppose en effet que des secours et une solidarité se mettent presque immédiatement en place.
Elle porte également à croire que ces entreprises, effectuées consécutivement au passage de
lʼaléa, ont vocation, hier comme aujourdʼhui, à rechercher dʼéventuels survivants dans les

106
Importants producteurs, le Poitou et l'Aunis font partie des pays « rédimés », c'est-à-dire qu'ils sont exemptés
de gabelle (impôt sur le sel dont le pourcentage variait suivant les régions), tandis que la Bretagne, en qualité de
province limitrophe, possède le privilège de ne pas la payer non plus, de faire librement commerce du sel et de
disposer d'un prix bas sur celui-ci. À diverses reprises, comme en 1547 par exemple, le pouvoir royal tenta
d'établir un régime uniforme et d'imposer la gabelle aux espaces dispensés. Des soulèvements eurent raison de
ces entreprises qui avortèrent. Hocquet, J-C., 1985, Le sel et le pouvoir. De l'an mil à la Révolution française,
Albin Michel, Paris.
107
Mémoires présentés au roi Charles VII par les délégués de la ville de Poitiers pour le détourner d'établir la
gabelle en Poitou et en Saintonge, 1873, publication par Ledain B., in A.H.P, Poitiers, tome II, p. 258-284, p.
259.
108
Registre paroissial de Tennie, aujourdʼhui perdu. Exhumé à la fin du XIXe siècle par Robert TRIGER, lʼextrait
est cité dans son ouvrage : TRIGER R., 1881, « Observations agricoles et météorologiques sur les années
remarquables 1544-1789 », La province du Maine, impr. Edmond Monnoyer, Le Mans, p. 14.

177
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
décombres ou, à défaut, à en extraire les corps des défunts de manière à leur assurer une
sépulture sans délai.
La gestion de la vulnérabilité passe de plus, à lʼéchelle des populations et dʼun territoire
restreint, par des aspects propres à la culture, à la conscience du risque. La mise en mémoire
des événements sʼillustre comme étant lʼun dʼeux109. Sʼil est vrai que le souvenir des vimers a
en partie été oral110 – entraînant une perte non négligeable d'informations pour l'historien –, il
n'en résulte pas moins qu'au regard des documents anciens, la mise en mémoire des aléas et la
conservation de celle-ci restent des phénomènes plutôt fréquents. Dans son Mémorial, rédigé
entre 1581 et 1604, le notaire Nicolas HERPIN compare deux manifestations météo-marines
éloignées dʼune cinquantaine dʼannées : celle du 22 août (1er septembre) 1537 et celle du 4
octobre 1591111. Lʼopération se fonde sur les récits de « ceux qui lʼont vu ». La mémoire
populaire des CET se veut collective et aisément transmissible. Elle repose effectivement sur
une diffusion dans un cadre spatial défini et une conservation à des échelles de temps
suffisamment long pour éveiller une véritable conscience du péril chez les communautés.
Finalement, il sera relevé que la part des réparations prise en charge instinctivement par
les individus et groupes nʼapparaît pas renseignée, pas plus que le temps nécessaire pour
remettre en état un foyer populaire.

Dans l'immédiat, ce sont donc les populations elles-mêmes qui font face au désastre.
Néanmoins, les instances politiques, autant pour des raisons de propriété que de pouvoir,
cherchent progressivement à se positionner en qualité d'interlocutrices privilégiées. Les
premières à agir sont souvent locales, cʼest-à-dire les villes et seigneuries.

3.3.2. Villes et seigneuries à la manœuvre

Dotées dʼun pouvoir sʼexerçant à lʼéchelle dʼun territoire défini, local, les villes et
seigneuries exercent leurs prérogatives de différentes manières112. Leurs actions consistent à
organiser, recruter la main-dʼœuvre, financer et surveiller les travaux de réfection ressortant à
leur juridiction, à contraindre les habitants à procéder aux réparations, voire, si nécessaire, à
condamner les contrevenants. À lʼinverse des sécheresses, inondations ou embâcles, le
caractère explosif et imprévisible de la tempête ne permet pas véritablement dʼintervenir en
amont de lʼévénement afin dʼen limiter les potentiels endommagements. Dès le Moyen Âge,
les registres de délibérations et de réparations des villes, en particulier fluviales, attestent

109
Cf. infra, Chapitre 6, 6.3.3 - La mise en mémoire de l'aléa, clé de voûte de la conscience du danger ?
110
Sarrazin, J-L., 2012, « Vimers de mer et sociétés littorales entre Loire et Gironde (XIVe-XVIe siècle) », Norois,
222, p. 91-102, p. 100.
111
HERPIN N., op. cit., Med. M. Crépeau, La Rochelle, ms. 163 (microfilm), fol. 1-34, fol. 12.
112
Curveiller, S., 2008, « Dangers, acteurs et gestion du risque dʼune ville littorale au Moyen Âge », R.H.M., 9,
p. 47-54.

178
effectivement dʼinitiatives en vue « dʼobvier », cʼest-à-dire dʼaller au-devant de, prendre des
mesures pour prévenir un accident fâcheux113, les destructions lors de glaces ou de crues.
Froid, lʼhiver 1497-1498(n.st.) est marqué par un gel de la Loire en divers endroits,
notamment aux Ponts-de-Cé en Anjou. La prise et la formation des glaces sont dʼautant plus
importantes que la zone dʼécoulement est restreinte par la présence de ponts. Le conseil de la
ville et mairie dʼAngers commissionne donc à plusieurs reprises des experts. Ces derniers sont
chargés de visiter les lieux et de proposer des solutions afin que ni les glaces ni les eaux lors
de la fonte nʼendommagent les infrastructures114. Nombreux dans les sources115, ces cas
dʼaction en amont ne se retrouvent pas pour les tempêtes.
Les villes et seigneuries doivent se résoudre à gérer la post-crise, essentiellement en
réparant les bâtiments et biens communs. Pour ce faire, les villes et seigneuries dépêchent du
personnel afin de dresser des procès-verbaux des dommages, recrutent de la main-dʼœuvre en
vue dʼeffectuer les travaux, puisent dans leurs caisses ou empruntent le budget nécessaire à la
remise en état. Elles apportent donc, en premier lieu, un soutien financier, logistique, matériel,
humain. Au début du mois de mars 1700, un « sy grand vent et houragan sy furieux » emporte
une partie des toitures de plusieurs édifices publics, dont celle de la maison de ville de
Saumur. Le sieur MAUPASSANT, échevin de la ville, présente lʼurgence dʼeffectuer les travaux
en puisant dans les deniers réservés aux dépenses extraordinaires116. Similairement, le 18
février 1665, une tempête frappe le sud-ouest du royaume. La province bordelaise est
particulièrement affectée, notamment lʼabbaye bénédictine de la Sauve. Situé à 25 kilomètres
à lʼest de Bordeaux, le monastère est fortement endommagé. Les couvertures de nombreux
bâtiments dont lʼéglise, le dortoir, le réfectoire, lʼinfirmerie sont extrêmement
endommagées117. Le montant des réfections étant plus élevé que celui du revenu des biens du
monastère118, un emprunt de 3000 livres est soumis à la délibération de lʼassemblée des
religieux.

Pièce justificative n° 2

AD Gironde, H 9, folios 15-16.

Registre papier in-folio de 137 feuillets, source manuscrite, original, ancien français, état
moyen (pages déchirées).

113
Godefroy, F., 1880-1902, Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe
siècle, entrée « obvier », http://www.classiques-garnier.com/numerique-bases.
114
AM Angers, BB 10, fol. 20-21.
115
Athimon, E., 2013, Les dérèglements du temps et leurs impacts en Anjou, Poitou et Bretagne méridionale
(début XIVe siècle-début XVIe siècle), Université de Nantes, mémoire de master 2 recherche, sous la direction de
Sarrazin, J-L., Nantes, p. 208.
116
AM Saumur, BB 3, fol. 68.
117
AD 33, H 9, fol. 15-16.
118
AD 33, H 9, fol. 16-19.

179
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités

Registre de délibérations capitulaires pour les années 1660-1702 de lʼabbaye bénédictine de


la Sauve. Les auteurs sont témoins oculaires. Fiabilité très bonne.

Analyse : acte capitulaire portant délibération à propos dʼun emprunt de 3000 livres afin de
faire réparer les dégâts causés par une tempête le 18 février 1665.

« Du ve ndre dy 20 fe vrie r 1665


Le dit jour dom Miche l Goe the roy prie ur du mona s te re de Nos tre Da me de la S ce a uve e n
le ur cha pitre a pre s le s on de la cloche e n la ma niè re a ccous tumé e le ur a re pre s e nté s que le
re ve nu de ce mona s the re n'e s ta ns s uffis a ns pour re pa re r le gra nd de ga t que fit le ve nt
me rcre dy de rnie r dix huictie me du coura nt s ur le cloche r e t s ur toute la couve rture de
le s glis e , s ur le dortoir, re fe ctoir, infirme rie , cha mbre de s hotte s e t s ur tous le s a utre s
ba ttime ns dudit mona s tte re a quy il e s t be s oin de pourvoir ince s s a mme nt. Ils juge roit a
propos d'e mprunte r la s omme de trois mille livre s ce quonte ndu pa r le s dits re ligie ux, l'a ffa ire
mis e e n de libe ra tion. »

Par ailleurs, pour ces autorités de proximité, les crises constituent un moteur légal
dʼexercice de leur pouvoir. Leurs actions peuvent passer par la promulgation dʼinjonctions, de
mesures coercitives. Ces sommations contiennent un paradoxe : si elles sont lʼexpression de
lʼexercice et lʼaffirmation de leur pouvoir, elles soulignent également les difficultés
rencontrées pour faire respecter leurs décisions aux populations. Ainsi, à lʼîle de Ré, au
lendemain de la brutale submersion du 22 août (1er septembre) 1537, la seigneurie engage une
procédure judiciaire par l'intermédiaire de son procureur. Désirant mobiliser les insulaires afin
de sauvegarder et sauver ce qui est susceptible de lʼêtre dans les marais salants, les vignes et
les champs submergés, trois priorités sont définies : évacuer lʼeau salée en nettoyant les
écours*, colmater les brèches des levées communes, réparer les chaussées propres aux marais
salants119. Conscient quʼen lʼabsence dʼune restauration, les enjeux matériels et les activités
sont fragilisés, l'ordre est intimé aux sujets de la seigneurie de participer au « bian commun
[corvée commune] ». Les contrevenants sʼexposent à une condamnation : payer de très fortes
amendes dont le montant dépasse les 60 sous120 ! Il sʼagit dʼune véritable fortune, mais ce
traitement « de choc » se veut à la mesure du cataclysme qui s'est abattu inopinément sur l'île.
Enfin, en qualité de propriétaire dʼun espace, de ses champs, prés, marais,
infrastructures, les seigneurs ecclésiastiques ou laïcs ainsi que le pouvoir urbain pouvaient
accorder un dégrèvement fiscal ou apporter une aide frumentaire sous forme dʼavance à
rembourser ultérieurement121 à tout ou partie des habitants. En revanche, en dehors du cadre
de leur juridiction, de leurs biens et propriétés, lʼaide apportée aux victimes nʼétait pas

119
AN P-s-S, 1 AP 2002, MIC/1AP/2002 (microfilm), pièce n°75 (anciennement 476).
120
Permettant l'emprisonnement, ces contraventions s'inscrivent dans la haute justice. Tout habitant réfractaire au
« bian commun » se voit en effet condamné à payer 60 sous, un denier et est écroué jusqu'à lʼacquittement
complet de l'amende. Par ailleurs, chargés d'encadrer les travaux, les « dizainiers » récalcitrants encourent 50
livres d'amende, au même titre que les détenteurs de marais salants négligents.
121
Un exemple représentatif est développé dans le chapitre 8 : Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.3 - La tempête avec
submersion des 27-28 janvier (5-6 février) 1469(n.st).

180
systématique ; les institutions locales ayant une propension à intervenir seulement sur
sollicitation des sinistrés122.

Quʼil sʼagisse de villes ou de seigneuries, les choix réalisés par les acteurs locaux pour
tenter de gérer crise et vulnérabilité à la suite du passage dʼune tempête peuvent varier dans
lʼespace et le temps. Les mesures proposées semblent essentiellement passer par lʼattribution
de moyens financiers, logistiques, matériels, humains en lien avec des nécessités de remise en
état, de préservation rapide des enjeux les concernant. Ces autorités locales nʼhésitaient pas, le
cas échéant, à emprunter des fonds afin de subventionner les réparations les plus urgentes sur
e e
le territoire relevant de leur compétence. Cependant, à compter des XV -XVI siècles, puis au
e
XVII siècle en particulier sous Louis XIV, le roi impose son autorité sur toutes les seigneuries
et les villes doivent de plus en plus compter sur la présence de représentants et officiers
royaux. Au fur et à mesure, lʼÉtat monarchique sʼest imposé comme un recours.

3.3.3. L'implication de « lʼÉtat »

S'il faut attendre la période contemporaine pour que lʼÉtat se pose en recours
systématique lors d'une adversité extrême et reprenne en mains la gestion du territoire, à la fin
du Moyen Âge et durant lʼÉpoque Moderne, les intercessions royales se multiplient123, en
particulier via les officiers et ingénieurs du roi.

Avant toute chose, le titre implique dʼinterroger lʼEtat, ses significations. De nos jours,
le champ dʼintervention de lʼÉtat est élargi. Il sʼétend à une multitude de domaines où lʼintérêt
général prévaut comme lʼéducation, la santé, la justice, la défense ou encore la recherche.
Cette adoption, dans le cadre institutionnel et lʼexercice du pouvoir, de compétences
économiques, sociales réglementaires larges est un élément de cohésion sociale. Cette
émergence de lʼÉtat-providence, dont les prémices apparaissent sous lʼAncien Régime124,
e e
bénéficie aux citoyens. Aux XIV -XVIII siècles, lʼEtat nʼest pas aussi structuré et ne renvoie,
de ce fait, pas exactement aux mêmes réalités. Néanmoins, le terme et la notion affleurent dès

122
Labbé, T., 2017, op. cit., p. 211.
123
Labbé, T., 2018, « Les victimes de catastrophe naturelle au XVe et au XVIe siècle : vers une intégration
croissante dans le discours et dans les pratiques de gouvernement », in Coumel, L., Morera, R., Vrignon, A.
(dir.), Pouvoirs et environnement. Entre confiance et défiance, XVe- XXIe siècle, PUR, Rennes, p. 21-34 ;
Caillosse, P., 2018, « Lʼingénieur, lʼexpert et les transformations naturelles de la pointe du Médoc (début XVIIIe-
milieu XIXe siècles) », in idem., p. 179-194 ; Labbé, T., 2017, op. cit., p. 211-221 ; Favier, R., 2006, « Sociétés
urbaines et culture du risque. Les inondations dans la France dʼAncien Régime », in Walter, F., Fantini, B.,
Delvaux, P. (dir.), Les cultures du risques (XVIe-XXIe siècle), Presses dʼHistoire Suisse, Genève, p. 49-86, p. 82-
86.
124
Hilaire, J., 2010 (12e ed.), Histoire du droit : introduction historique au droit et histoire des institutions
publiques, Dalloz, Paris, p. 138-148.

181
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
e e
les XV -XVI siècles125, sous lʼimpulsion de penseurs comme Nicolas MACHIAVEL126 ou Jean
BODIN127. Polysémique, le mot « Etat » désigne plus volontiers sous lʼAncien Régime la
situation, la condition dʼun individu dans la société, que le gouvernement politique. En se
basant sur la définition du dictionnaire de lʼAcadémie française de 1718128, lʼÉtat peut
cependant être simplement compris comme un ensemble de personnes fixé sur un territoire
défini, vivant sous la domination dʼun gouvernement princier ou en république.
Primitivement, les prérogatives de lʼÉtat tiennent en la défense du territoire et de la
population, mais surtout en lʼexercice de la souveraineté ainsi que de fonctions dites
régaliennes (fiscalité, législation, justice, police, armée…), ce qui se développe tout au long
de la période étudiée. Ainsi, lʼÉtat comprendra à la fois une organisation socialement et
territorialement définie et un ensemble dʼinstitutions129. Il sera entendu comme une
communauté dʼhommes établie sur un territoire déterminé, organisée, soumise à une
puissance suprême – ici royale – dʼaction, de commandement et de coercition.

À la différence des catastrophes (grêle, inondations, incendies, épidémies, loups)


survenues dans des provinces comme le Dauphiné130, la monarchie dʼAncien Régime nʼa pas
cherché, dans lʼouest du royaume soumis aux aléas météo-marins, à mettre en place un fonds
dʼindemnisation des victimes ou une véritable politique de prévention. À la suite dʼune
tempête, lʼÉtat pouvait intervenir autant à lʼéchelle restreinte dʼun espace urbain, quʼétendue
dʼune généralité. Ses actions sont variées et consistent essentiellement en une logique de
subsidiarité131 : dégrèvements, pouvoir régalien dʼimposition, soutien et expertise technique
via les corps royaux compétents, assistance financière, logistique, institutionnelle, « charité
politique »132.
Lʼobtention de dégrèvements, dʼaides ou dʼindemnisations repose sur une procédure,
e
qui se codifiera peu à peu au XVIII siècle. Pour commencer, les intercessions du roi ont

125
Goyard-Fabre, S., 1999, LʼÉtat, figure moderne de la politique, Armand Colin, Paris.
126
Machiavel, 2015, Le Prince précédé des premiers écrits politiques, publié par Bec, C., Classiques Garnier,
Paris.
127
Bodin, J., 1993, Les six livres de la République. Un abrégé du texte de lʼédition de Paris de 1583, publié par
Mairet, G., Librairie Générale Française, Paris.
128
Nouveau dictionnaire de lʼAcadémie Françoise dédié au roi, 1718 (2e ed.), t. I, impr. Coignard Jean-Baptiste,
Paris, p. 599.
129
Genêt, J-P., 1997, « La genèse de lʼÉtat moderne. Les enjeux dʼun programme de recherche », Actes de la
Recherche en Sciences Sociales, 118, p. 3-18, p. 4-6.
130
Favier, R., 2002, « La monarchie dʼAncien Régime et lʼindemnisation des catastrophes naturelles à la fin du
e
XVIII siècle : lʼexemple du Dauphiné », in Favier, R. (dir.), Les pouvoirs publics face aux risques naturels dans
lʼhistoire, MSH-Alpes, Grenoble, p. 71-104.
131
Pfister, C., 2002, Le jour dʼaprès. Surmonter les catastrophes naturelles : le cas de la Suisse entre 1500 et
2000, Haupt, Berne-Stuttgart-Vienne, p. 215 et suivantes.
132
Quenet, G., 2006, Les tremblements de terre aux XVIIe et XVIIIe siècles. La naissance dʼun risque, Champ
Vallon, Paris, p. 450 ; Delumeau, J., 1989, Rassurer et protéger. Le sentiment de sécurité dans lʼOccident
dʼautrefois, Fayard, Paris, p. 21-29 ; Cf. infra, Chapitre 6, 6.1.2 - Aumônes, dons, objets votifs : quelques rares
indices.

182
généralement lieu à la suite dʼune requête des populations. En novembre 1466, à la suite de la
réception par Louis XI de « lʼhumble supplicacion » des seigneurs et habitants de lʼîle de
Bouin, des lettres royales exemptent de tailles et aides les Bouinais qui ont fréquemment lutté
contre les Anglais durant les guerres de Cent Ans et composent régulièrement avec les
vimers133. À compter des XVIIe-XVIIIe siècles, les initiatives passent principalement par le biais
des officiers (intendants, subdélégués, contrôleurs généraux…), qui agissent en qualité de
représentants du roi, de son pouvoir et contrôlent les déclarations afin de limiter les fraudes. À
la suite dʼune tempête les 20-21 août 1686, la correspondance entre lʼintendance de la
généralité de Limoges et le contrôleur général des finances est riche dʼenseignement134.
Lʼintendant prend en premier lieu lʼinitiative de nommer des élus-experts afin quʼils dressent
des procès-verbaux des dégâts dans les différentes paroisses touchées. Ensuite, le 30 août, soit
une dizaine de jours après le passage de lʼaléa, il écrit une lettre au contrôleur général afin de
lʼinformer de lʼévénement. Sur demande, lʼintendant transmet enfin un rapport des pertes
agricoles et sylvicoles – estimées à un tiers (blés, bois et châtaigniers ruinés, chemins
obstrués, etc.) – ainsi quʼun état détaillé de lʼimpôt pour certaines paroisses. Les
conséquences de la tempête se feront sentir, selon lui, durant plusieurs années, dʼautant que
les sinistrés avaient récemment essuyé une violente chute de grêle. Souhaitée par les paroisses
dévastées, une remise fiscale est accordée par le roi, dont lʼintendant accuse réception le 8
novembre 1686. Cet exemple révèle une organisation efficace des institutions royales, à
laquelle il faut adjoindre une relative rapidité en termes de solution proposée afin de soulager
les victimes. Cela participe à la capacité dʼadaptation, de rétablissement ainsi que de réduction
de la vulnérabilité des communautés. Par ailleurs, il est nécessaire de préciser que sous
lʼAncien Régime, lʼindemnisation, le dégrèvement nʼest pas un droit, mais une grâce royale.
Il permettait de symboliquement réaffirmer le lien entre le roi et ses sujets ainsi que lʼemprise
du pouvoir royal sur les provinces et leur intégration au royaume.
Lorsque les enjeux et/ou les populations sont menacés, lʼEtat pouvait également exercer
ou déléguer son pouvoir de coercition en vue dʼimposer ses décisions. Au mois de décembre
1734, le roi ordonne, par le biais dʼun arrêt du Conseil, de réparer les ouvrages de défense
situés le long des côtes de lʼîle de Ré et que le vimer des 14-16 octobre dernier a renversés135.
De même, la tempête des 14-15 mars 1751136 ayant entraîné des endommagements majeurs
sur les édifices publics, privés, religieux, le besoin en matériaux, comme les briques, tuiles,

133
Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France,
publication de Guérin P., impr. H. Oudin, Poitiers, tome XI, pièce n°MCCCCXXIV, p. 61-66, p. 62 ; Sarrazin, J-L.,
1988, « Les franchises des îles de mer de Poitou et dʼAunis à la fin du Moyen Âge », in Société des historiens
médiévistes de lʼenseignement supérieur, LʼEurope et lʼOcéan au Moyen Age. Contribution à lʼhistoire de la
navigation, PUPS, Paris, p. 77-94.
134
AN Paris, G/7/345, MIC G/7/345/2 (microfilm).
135
AD 17, C 33, pièces n°73 et n°105.
136
Cf. infra, Chapitre 8, 8.3.2 - Les 14-15 mars 1751 : un « ouragan » déjà parfaitement connu ?

183
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
ardoises explose. Profitant abusivement de la conjoncture, les marchands surfacturent et
pratiquent des tarifs exorbitants. À la suite dʼune audience extraordinaire de police, le
procureur du roi fixe un prix de vente limite aux matériaux de construction137. La mesure nʼa
dʼautres objectifs que de contraindre les marchands, contrôler le marché et réguler les abus.

Pièce justificative n° 3

AM Nantes, FF 72, folio 25.

Registre in-folio de 50 feuillets papier, source manuscrite, original, ancien français, bon état.

Registre des audiences de police comprenant des affaires relevant du siège de la police de
Nantes pour les années 1750-1751. Première main. Les auteurs sont témoins oculaires.
Fiabilité très bonne.

Analyse : restriction faite par le procureur du roi sur le prix de vente des matériaux premiers
nécessaires à la réparation des maisons et bâtiments de la ville de Nantes et environs ; les
marchands pratiquant des prix indécents à la suite de la tempête des 14-15 mars 1751 et des
nombreuses réparations à effectuer.

« Du ve ndre dy 19 ma rs 1751. Audie nce e xtra ordina ire de police […] Mons ie ur le procure ur
du Roy a re montré que la te mpe s te du 14 a u 15 de ce mois a te lle me nt e ndomma gé le s
ma is ons de ce tte ville e t de s e nvirons que le s ma rcha nds qui ont de s ma té ria ux propre s à
le s ré pa re r a bus e nt de ce tte conjoncture pour quoy il re quie rt que le prix de s a rdois e s , la tte s ,
thuille s e t brique s s oit fixé pa r pré cis ion. Le s iè ge a dé ce rné a cte de la re montra nce du
procure ur du Roy s y fa is a nt a voit fa it de ffe ns e s s ur le s pe inne s qui y é choue nt e t jus qu'à ce
quil n'e n a it é té a ultre me nt ordonné à tous ma rcha nds e t fournis s e urs de ve ndre de s
ma té ria ux a ude s s us du prix cy a prè s : l'a rdois e a ppe llé e poil noir d'Ange rs vingt livre s le
millie r, ce lle a ppe llé e poil la ctré dix-huit livre s , le millie r de la tte à a rdois e s vingt-huit livre s ,
ce lui de la la tte à tuille de qua tre pie ds de ux pouce s cinqua nte -qua tre livre s ; la la tte a ppe llé e
a rche le tte vingt-s e pt livre s , le millie r de tuille s e t de brique douze livre s , ordonné que la
pré s e nte s e ra lue publie me nt e t a ffiché e a ux e ndroits a ccoutumé s de ce tte ville . »

Enfin, quelques mots en ce qui concerne les chaussées et marais salants. Le pouvoir
royal pouvait accorder des dégrèvements aux communautés littorales de manière à faciliter la
remise en état des levées, ordonner aux populations dʼexécuter les réparations, dépêcher des
ingénieurs royaux du génie ou des Ponts et chaussées en vue dʼapporter une expertise.
Cependant, sorti du cadre des établissements publics, le pouvoir royal ne se préoccupait ni de
lʼétat ni de la protection des talus et salines privés. Contrairement à des espaces comme la mer
du Nord138, sur le littoral atlantique français, ce sont les propriétaires qui pourvoient à la

137
AM Nantes, FF 72, fol. 25.
138
Van Cruyningen, P., 2013, « State, property rights and sustainability of drained areas along the North Sea
coast, sixteenth-eighteenth centuries », in Van Bavel, B., Thoen, E. (eds.), Rural societies and environments at
Risk. Ecology, property rights and social organisation in fragile areas (Middle Ages-Twentieth century),
Brepols, Turnhout, p. 181-207 ; Soens, T., 2009, De spade in de dijk. Waterbeheer en rurale samenleving in de
Vlaamse kustvlakte (1280-1580), Academia Press, Gent.

184
construction, lʼentretien et la réfection des infrastructures. Néanmoins, lʼhistoire du littoral
étant constamment jalonnée de demandes de secours et dʼaides fiscales, lʼÉtat sʼen préoccupe
et sʼy intéresse. Il nʼen assurait simplement pas la pratique139.

S'il est exact que les interventions des autorités du royaume s'intensifient sensiblement
e e
aux XIV -XVIII siècles, les actions entreprises restent proportionnellement ponctuelles et
timides. Il serait effectivement erroné de considérer que la prise en charge était systématique
et immédiate. Nonobstant, par la recherche active de solutions, populations et pouvoirs
jouèrent un rôle dans la prise de conscience du risque, la capacité à résister et sʼadapter des
communautés, réduisant et gérant de ce fait les situations de crise et leurs vulnérabilités. Il
sera enfin énoncé que ce jeu dʼacteurs repose sur une longue histoire ainsi que des construits
territoriaux dont a hérité la gestion actuelle du risque.

mène à

RESULTATS,
"ACTEURS" ACTIONS EFFETS
Dégrèvements
3 Pouvoir royal
fiscaux

Adaptation

"Soutien" logistique,
TEMPÊTE
matériel, humain
2 Pouvoir Pouvoir
DESASTRE, Res ilience
(Avec ou sans seigneurial urbain
submersion marine) CRISE
Constructions
physiques
(digues)
Rédu ction de la
vulnérabilité,
mé moire
Rurales Urbaines Conscience du
1
risque, mentalités,
Populations mémoire

Figur e 24: Repr ésentation simplifiée de la gouver nance et des échelles de r éactions lor s dʼune tempête
(XIVe-XVIII e s.).

Dʼun tel chapitre, il ressort que les échelles de lʼaléa ne correspondent pas
nécessairement à celles des vulnérabilités. Quoique la thèse privilégie les emprises régionales
et locales, lʼétude des tempêtes doit idéalement se faire du global au local, de la formation
atmosphérique aux impacts, de la problématique climatique à lʼévénement météorologique. Il

139
Buron, G., 2001, Bretagne des marais salants, Homme du sel, vol. 2, Skol Vreizh, Morlaix, p. 13-14.

185
CHAPITRE 3. Niveau dʼéchelles : de l'aléa aux vulnérabilités
apparaît de même pertinent dʼinterroger les temporalités des vimers afin de mettre en lumière
un temps divergeant entre la manifestation et les dégâts, ainsi quʼune vulnérabilité évolutive
dans lʼespace et le temps. Quant aux échelles de la gouvernance, elles dépendent
principalement des territoires affectés et de lʼimportance des dommages. Le traitement des
vimers anciens semble révélateur dʼune organisation socio-territoriale, dʼune gestion de la
situation de crise, dʼun accès progressif à une maîtrise et un aménagement de lʼespace,
notamment par le biais du travail des officiers spécialisés (intendants, subdélégués,
e e
ingénieurs, forestiers…). Entre le XIV et le XVIII siècle, la vulnérabilité politique et
administrative de lʼÉtat sʼest ainsi réduite. Il conviendra maintenant de questionner la
pertinence de lʼusage dʼun outil géographique (le SIG) pour lʼétude historique des tempêtes.

186
4. CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoir e des tempêtes

SIG est lʼacronyme de Système dʼInformation Géographique. Émergeant lentement au


cours de ces 50 dernières années, ils sont devenus un outil incontournable depuis le « Sommet
de la Terre » à Rio en 1992. En effet, à la suite de la ratif ication de lʼAgenda 21, le rôle
primordial de lʼinformation géographique est reconnu, en particulier dans une optique
dʼamélioration des processus décisionnels en matière dʼenvironnement1. À la même période,
les applications du SIG en milieu littoral se multiplient et se diversifient2. Ils occupent
désormais une place prépondérante en matière de gestion intégrée des zones côtières. Leurs
vocations plurielles les positionnent à différents niveaux ainsi que dans des domaines
dʼinterventions élargis : représentation des enjeux, suivi de sites pollués, optimisation des
découpages territoriaux, évolution morpho-sédimentaire et/ou bathymétrique des fonds
marins / côtiers, cartographie des risques ou des ressources…3

Si les géographes sont devenus maîtres en la matière, le SIG est encore peu employé par
les historiens. Méthodologique, ce chapitre comptera peu de résultats tangibles. Il est
principalement destiné aux historiens. Il a vocation à questionner la pertinence de lʼusage
dʼun SIG pour lʼhistoire des tempêtes. Il réfléchira aux apports et limites dʼun tel outil pour
lʼétude et lʼanalyse des vimers à partir de données descriptives tirées des documents anciens.
Ainsi, cʼest de nouveau au cœur de lʼinterdisciplinarité que la démarche prend tout son sens.
En termes dʼaléas extrêmes passés, en France, ce sont les chercheurs en géohistoire du
risque dʼinondations fluviales qui, les premiers, ont montré lʼintérêt de la localisation et, plus
largement, du recours au SIG4. En ce qui concerne lʼobjet-tempête, la voie sʼest, quant à elle,
essentiellement ouverte à partir de Xynthia, sans toutefois que les productions ne se hasardent

1
Roche, S., Caron, C. (dir.), 2004, Aspects organisationnels des SIG, Lavoisier, Paris, p. 19.
2
Gourmelon, F., Robin, M., 2005, SIG et littoral, Lavoisier, Paris.
3
Cuq, F., Devogele, T., Populus, J. (dir.), 2002, SIG côtiers, numéro spécial thématique, Revue internationale de
géomatique, 12-3, Lavoisier, Paris, p. 271-389.
4
Notamment : Vinet, F. (ed.), 2017, Floods, tome I – Risk knowledge, ISTE Press, London ; Saint-Marc, C.,
Davoine, P-A., Villanova-Oliver, M., Lang, M., Cœur, D., 2015, « Cartographie des inondations historiques
majeures superposées sur un territoire », CFC, 226, p. 127-134 ; Lang, M., Cœur, D. (dir.), 2014, Les
inondations remarquables en France. Inventaire 2011 pour la directive inondation, Quae, Versailles ; Vinet, F.,
2010, Le risque inondation. Diagnostic et gestion, Lavoisier, Paris ; Cœur, D., 2008, La plaine de Grenoble face
aux inondations. Genèse dʼune politique publique du XVIIe au XXe siècle, Quae, Versailles ; Combe, C., 2008,
« Le SIG narratif, outil de territorialisation du risque : mise en perspective géohistorique du risque fluvial en
milieu urbain et périurbain », in Leone, F., Vinet, F., La mise en carte des risques naturels. Diversité des
approches, p. 23-30 ; Chauviteau, C., Vinet, F., 2006, « La vulnérabilité des établissements recevant du public et
des entreprises face aux inondations : une méthode dʼanalyse appliquée dans le bassin de lʼOrb (Hérault) »,
Ingénieries, 46, p. 15-33 ; Antoine, J-M., Desailly, B., 2000, Étude de faisabilité de bases de données historiques
sur les inondations – Base nationale et bases départementales, rapport, base de données informatisée Accès™
(Microsoft) sur le département du Gers, Toulouse, GEODE UMR-5602 CNRS, Lyon, CERTU et Ministère de
lʼEnvironnement et de lʼAménagement du Territoire.

187
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
véritablement à utiliser le SIG et la géospatialisation, voire la géomatique, sur le temps long5.
Produits de réflexions post-Lothar et Martin (1999), les travaux pionniers dans le domaine de
Martine TABEAUD et Benjamin LYSANIUK doivent cependant être mentionnés6. Cʼest
dʼailleurs dans une ligne relativement conforme que lʼusage du SIG fut conçu. La structure
finale, complète du système dʼinformation géographique – au reste toujours en cours de
construction – ne pourra être présentée ici. De futurs travaux auront pour objectif de rendre
accessible à un large public cette riche base de données. Le prochain développement se veut
porteur de questionnements, réflexions, remarques sur la mise en œuvre, les difficultés
rencontrées et les utilités plurielles dʼun SIG pour lʼhistoire des aléas météo-marins.

Au sein du présent chapitre, seule la dimension de lʼaléa tempête, dans un rapport géo-
historique, sera interrogée. Débutant par une définition générale et consensuelle du SIG, ainsi
quʼune présentation globale de ses possibles mises en œuvre et fonctionnements, ce
développement devrait permettre de questionner la pertinence du recours au SIG en histoire
des tempêtes. Pour ce faire, deux prismes principaux ont été identifiés. Empruntant une
démarche critique et réflexive, le premier expose les avantages et difficultés de la
géospatialisation des données anciennes sur les CET. Le second quant à lui se présente sous la
forme dʼun atelier, dʼune mise en pratique essentiellement cartographique en vue, dʼune part
de repérer les espaces vulnérables et à risques, dʼautre part de mettre en évidence lʼintérêt du
SIG dans le cadre dʼétudes de cas.

5
Hénaff, A., Le Cornec, E., Jabbar, M., Pétré, A., Corfou, J., Le Drezen, Y., Van Vliët-Lanoë, B., 2018,
« Caractérisation des aléas littoraux dʼérosion et de submersion en Bretagne par lʼapproche historique »,
Cybergeo : European Journal of Geography, Environment, Nature, Landscape, document 847 [En ligne] ;
Sauzeau, T., 2016, « La tempête du passé ou le cold case de lʼhistorien ? », in Le Bouëdec, G., Cerino, C. (dir),
La maritimisation du monde de la préhistoire à nos jours. Enjeux, objets et méthodes,, PUPS, Paris, p. 191-215 ;
Péret, J., Sauzeau, T., 2014, Xynthia ou la mémoire réveillée. Des villages charentais et vendéens face à la mer
(XVIIe- XXIe siècle), Geste, La Crèche, p. 18-19 ; Pétré, A., Jabbar, M., 2012, Atlas des événements tempétueux
dommageables dans le Finistère depuis le 18e siècle, Rapport de Master 1 Expertise et Gestion des
Environnements Littoraux, Université de Bretagne-Ouest, LETG-Brest Géomer ; Vinet, F., Defossez, S. Rey, T.,
Boissier, L., 2012, « Le processus de production du risque « submersion marine » en zone littorale : lʼexemple
des territoires « Xynthia » », Norois, 222-1, p. 11-26 ; Pons, F., 2008, « Utilisation des données anciennes pour
la connaissance des risques de submersions marines », Actes du colloque SHF : Nouvelles approches sur les
risques côtiers, Paris, [En ligne],
https://www.researchgate.net/publication/258926583_Utilisation_des_donnees_anciennes_pour_la_connaissance
_des_risques_de_submersions_marines.
6
Tabeaud, M., Lysaniuk, B., Schoenenwald, N., Buridant, J., 2009, « Le risque « coup de vent » en France
depuis le XVIe siècle », Annales de géographie, 667-3, p. 318-331 ; Lysaniuk, B., 2005, Les coups de vents en
France de la fin du 14e siècle à nos jours, Université Paris-Panthéon-Sorbonne, mémoire de maîtrise en
géographie, sous la direction de Martine Tabeaud, Paris.

188
4.1. Le SIG, pr incipe et usage

La connaissance et lʼaménagement du territoire sont depuis longtemps lʼune des


préoccupations majeures des sociétés. Soucieux de maîtriser son milieu de vie, lʼhomme a
besoin dʼen dresser des cartes, dʼen délimiter les droits, dʼen repérer les usages, dʼy localiser
les événements qui sʼy déroulent… Lʼassociation entre cartographie et informatique voit le
jour dans les années 1970, à la suite de la création de logiciels de génération automatique de
cartes. Au fur et à mesure de lʼaccroissement de la puissance des ordinateurs et de
lʼamélioration des performances des logiciels, un volume de plus en plus important de
données est géré, exploité, manipulé, traité7. Le Système dʼInformation Géographique était
né.

4.1.1. Qu'est-ce qu'un SIG ?

Il nʼest pas aisé de définir le SIG tant lʼambiguïté demeure et les approches de ce
dernier sont variées. Au reste, nul consensus nʼémerge. Compliquant dʼautant sa
compréhension, les conceptions anglo-saxonnes du SIG ne seront pas abordées ici8.

Sans surprise et comme son nom lʼindique, le système dʼinformation géographique


permet de gérer des données à caractère géographique. Pourtant, en fonction de la dimension
acceptée et entendue du SIG, celui-ci pourra être compris en qualité de logiciel ou de système
dʼinformation9. De même, suivant lʼapproche et lʼusage envisagés ou le destinataire considéré
(utilisateur, décideur, etc.), la définition du SIG sera différente. Ainsi, en 1992, Claude
COLLET propose une définition tournée vers le SIG-logiciel et les besoins des utilisateurs :
« Un SIG est un environnement conçu pour lʼanalyse et la modélisation de la distribution
spatiale de phénomènes. Il se compose dʼune base de données géographiques (BDG), dʼune
boîte à outils contenant des procédures dʼanalyses, de gestion, de saisie et de représentation,
ainsi que dʼune interface utilisateur »10. Lʼannée suivante, Michel DIDIER et Catherine
BOUVEYRON insistent, quant à eux, sur la spatialisation – soit le SIG comme système

7
Pornon, H., 1992, Les SIG, mise en œuvre et applications, Hermès, Paris, p. 21-24.
8
Sans exhaustivité, le lecteur intéressé pourra consulter les ouvrages suivants : Foote, K.E., Lynch, M.,
2015, Geographic Information Systems as an Integrating Techonology : Context, Concepts, and Definitions, The
Geographerʼs Craft Project, University of Colorado, Boulder ; Chang, K. T., 2008, Introduction to
Geographical Information Systems, McGraw Hill, New-York ; Maguire, D.J., Goodchild, F.M., Rhind, D.W.
(eds), 1991, Geographical information systems, vol. I : Principles, John Wiley & Sons, Hoboken, en particulier
p. 3-20 ; Aronoff, S., 1989, Geographic information systems : a management perspective, WDL Publications,
Ottawa, entre autres p. 39 et suiv. ; Cowen, D.J., 1988, « GIS versus CAD versus DBMS : what are the
differences ? », Photogrammetric engineering and remote sensing, 54, p. 1551-1554…
9
Pantazis, D., Donnay, J-P., 1996, La conception de SIG. Méthode et formalisme, Hermès, Paris, p. 87-91.
10
Collet, C., 1992, Systèmes dʼinformation géographique en mode image, PPUR, Lausanne, p. 101.

189
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
dʼinformation – et lʼaide à la décision fournie par cet outil : « Un SIG est un ensemble de
données repérées dans lʼespace, structuré de façon à pouvoir en extraire commodément des
synthèses utiles à la décision »11.
Sans exclure le logiciel, qui a pour but primordial dʼinformatiser tout ou partie dʼun
SIG, le sigle générique SIG correspondra bien, tout au long de la thèse, à un système
dʼinformation dont le mot clef reste « géographie / géographique ». Comprenant une base de
données permettant la saisie, le stockage, lʼinterrogation, lʼanalyse, la cartographie, le SIG
inclut prioritairement des données spatiales, référencées sur la Terre, auxquelles sont couplées
des données tabulaires dites « dʼattribut »12. Celles-ci viennent compléter les informations
localisées. Ainsi, les espaces impactés par un vimer correspondent aux données spatiales,
tandis que les renseignements supplémentaires sur lʼendommagement, les caractéristiques
météorologiques de lʼaléa, les sources à disposition…sont des données dʼattribut. Sans le
partenariat de ces deux sortes de données, le SIG serait un outil moins efficient, en particulier
en matière dʼétude des catastrophes naturelles13.

Au demeurant, comprendre et définir le SIG dans son intégralité nécessitent de dégager


ses caractéristiques et fonctions.

4.1.2. Fonctions et fonctionnement d'un SIG

Le Système dʼInformation Géographique est un outil performant. La question de ses


fonctions et fonctionnements ne sera introduite ici que de manière brève et générale, étant
entendu que ces derniers seront présentés, détaillés tout au long du chapitre, en lien avec les
tempêtes anciennes.

Quel que soit le logiciel employé, quʼil sʼagisse de QGIS, MapInfo, GéoConcept,
ArcGIS, etc., les programmes comprennent usuellement 5 fonctionnalités : un système de
gestion de base de données, la possibilité de faire de la programmation, de la télédétection, de
la cartographie ainsi que de la géostatistique. La puissance du SIG tient en sa capacité à
combiner des informations géospatiales, par couches, filtres, thèmes, en vue dʼen extraire des
analyses affinées. Par exemple, il pourrait permettre de superposer la trajectoire dʼun CET
avec des données localisées sur les enjeux traversés (maisons, exploitations, monuments,
forêts…). Cela pourrait ainsi servir la gouvernance territoriale ou, à lʼinstar des constructions
parasismiques, contribuer à la connaissance et au perfectionnement des matériaux,

11
Didier, M., Bouveyron, C., 1993, Guide économique et méthodologique des SIG, Hermès, Paris, p. 20-21.
12
Dempsey, C., 2018, « What is GIS ? », GIS Lounge, https://www.gislounge.com/what-is-gis/
13
Maxwell, R., 2014, « Predicting natural disasters and humanitarian crisis through GIS », GIS Lounge,
https://www.gislounge.com/predicting-natural-disasters-humanitarian-crises-gis/

190
architectures, types de bâtiments plus résistants aux grands vents14.
De plus, parmi la multiplicité de ses rôles et usages, 4 se dégagent15 : la collecte et le
stockage de données géographiques et dʼattribut, la structuration et la modélisation spatiale
des données, la gestion des liens entre les objets et leur analyse, leur visualisation et édition
sous forme de cartes à référence spatiale. Le premier volet renvoie à une base de données
spatiales composée de jeux de données revêtant un caractère informationnel géographique
(rasters, attributs, entités…). Les deuxième et troisième sʼinscrivent dans une démarche de
géotraitement : exécutant un processus analytique programmé, les outils de transformation
SIG produisent des informations à partir des jeux de données intégrés dans la base16.
Certaines tâches peuvent ainsi être automatisées. Enfin, la partie visualisation est construite en
étroite collaboration avec la banque de données. Sur requête, les outils cartographiques
intégrés par le SIG sont capables de générer des cartes « intelligentes » corrélant plusieurs
objets et leurs relations en un espace donné.

Ainsi, de cette succincte présentation, il ressort que le point de départ à tout SIG est la
conception dʼune banque de données.

4.1.3. Créer une banque de données sur les tempêtes anciennes

Le SIG est « codifié ». Il est doté de fonctions – présentées précédemment – et doit


répondre à des critères parmi lesquels se trouvent les cinq A : « acquérir, archiver, accéder,
analyser, afficher »17. Cependant, en matière de données, ces cinq A devraient dʼabord être
soumis à quatre V : « volume, variété, véracité et valeur ». En effet, le nombre, la fiabilité / la
qualité, le contexte, le sens, les relations entre les données – en opposition à une masse
dʼinformations isolées qui serait quasiment inexploitables –, etc. sont déterminants. Dʼeux, de
leur pertinence dépendent le bien-fondé des interprétations extraites du SIG ainsi que des
décisions prises par les gestionnaires. Cʼest donc à une réflexion sur ce qui importe
véritablement, à savoir le processus, que cette partie souhaite contribuer.

Induisant une démarche critique, le processus sʼétend de lʼacquisition à la mise en


valeur de la donnée. De lui dépendra donc la validation, la pertinence des résultats. Sans
revenir en détail sur la phase de récupération de la donnée – passant par le dépouillement et la

14
Hémon, P. 2014, « Comment concevoir des bâtiments qui résistent aux vents? », Têtes chercheuses,
Huffington Post, billet actualisé le 05 octobre 2016, https://www.huffingtonpost.fr /pascal-hemon/technique-
batiments-r esistant-vent_b_5027758.html.
15
Laaribi, A., 2000, SIG et analyse multicritères, Hermès, Paris, p. 23-38.
16
Pantazis, D., Donnay, J-P., 1996, op. cit., p. 23-24 ; Pornon, H., 1992, op. cit., p. 26.
17
Denegre, J., Salge, F., 1997, Systèmes dʼInformation Géographique, PUF, Paris.

191
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
critique de sources historiques et sédimentaires18 –, il sera naturellement convenu de la
nécessité absolue de pouvoir faire confiance aux données collectées, à leur fiabilité.
Logiquement, si celles-ci sʼavèrent trompeuses (véracité), de mauvaise qualité (valeur) ou
isolées (volume), elles nʼapporteront aucune plus-value en termes de prise de décision, bien
au contraire. Toutes les données du SIG ont donc été rigoureusement, minutieusement
étudiées, analysées, critiquées avant dʼêtre intégrées au sein dʼune base. Étape primordiale du
SIG, cʼest la création de la « banque de données » quʼil sʼagira désormais de considérer.
En premier lieu, il est nécessaire de fixer un ou plusieurs objectifs aux données ainsi
quʼau SIG. Dʼeux découleront lʼorganisation, le triage et lʼexploitation automatique des
informations. Lʼintention finale est de pouvoir croiser des couches dʼinformations de nature
différentes afin de mettre en lumière et illustrer des causalités. Ainsi, à terme, pour identifier
les territoires littoraux les plus vulnérables aux submersions et leurs éventuelles évolutions sur
le temps long, les filtres devront notamment intégrer le type de linéaire côtier, les aléas
uniquement accompagnés dʼune inondation marine, les enjeux affectés…, tout en tenant
compte des réactions des sociétés si celles-ci sont disponibles. Seule une planification
méthodique, avisée, mais souple des données offrira à lʼopérateur SIG de compléter aisément
les champs, dʼadapter les filtres, dʼassimiler de nouveaux objets ou formats de données, etc.
Quant au logiciel, cela lui permettra dʼapporter des réponses adéquates rapides aux problèmes
qui pourront lui être soumis. Lʼinventaire dressé a été pensé pour établir des comparaisons,
ainsi que des analyses multicritères sur les CET recensés ayant endommagé les régions de la
façade atlantique française à lʼéchelle des 7 derniers siècles (XIVe-XXIe siècles)19. Il compte,
pour lʼheure, une trentaine de champs composés de données spatialisées, mais aussi dʼattribut.
Suivant les connaissances sur le phénomène météorologique, ces domaines apparaissent plus
ou moins remplis, ce qui donne des résultats à « géométrie variable ». La base se présente
sous la forme dʼun tableur. Elle a dʼabord et avant tout été créée sous Excel. Par la suite, seuls
quelques cas de tempête parmi les mieux documentés ont été importés dans le logiciel SIG
ArcGIS en vue dʼune utilisation sous ArcMap, outil permettant la géospatialisation des
données20. À ce jour, 245 tempêtes à impacts sont répertoriées dans lʼinventaire Excel, dont
e
128 du milieu du XIV siècle à 1789/90. De futures recherches comprenant une ouverture
spatiale et une comparaison systématique avec les chronologies de tempêtes établies dans
dʼautres régions françaises et pays dʼEurope21 devraient permettre de compléter, étayer la

18
Cf. supra, Chapitre 2 - Reconstruire lʼhistoire des tempêtes : sources, données et méthodes.
19
Pour rappel, le cadre temporel de la thèse couvre les XIVe-XVIIIe siècles, toutefois les recherches menées au
sein du projet 1503 financé par la Fondation de France se sont étendues jusquʼà aujourdʼhui.
20
Cela a été lʼobjet du stage de master 1 de Julien Fondin, Fondin, J., 2018, Conception dʼun modèle de base de
données pour la spatialisation et la caractérisation des événements météo-marins ayant impacté la façade
atlantique française depuis le XIVe siècle, Rapport de master 1, Université de Nantes, sous la direction de
Mohamed Maanan, LETG UMR 6554.
21
Notamment : Schoenenwald, N., 2013, Les tempêtes en France et dans les îles britanniques : des aléas aux

192
base. Cela permettra également dʼétudier plus avant lʼaléa et la vulnérabilité.
Parmi les champs que compte ce répertoire, quatre feront lʼobjet dʼune description :
identifiants, cadre spatial, événement météorologique, endommagement. 1) Le tableur compte
deux champs « identifiant ID ». Le premier sert à ordonner le tableur et immédiatement
visualiser le nombre de vimers incorporés. Le second, ID-Temp est autrement plus
indispensable. Par son biais, il est possible de procéder par jointure et fusionner les
renseignements contenus dans lʼinventaire (tableur) et la base de données spatialisée
(ArcGIS). Sorte de matricule des tempêtes cartographiées et géographiquement référencées, il
est composé de lʼannée, du mois et du jour de survenue de lʼaléa, soit aaaa_mm_jj. Cela
garantit lʼexclusivité et le caractère unique de la dénomination, tout en ayant pour avantage de
certifier dʼune identification instantanée par date de la couche. Dans le cas dʼune datation
approximative avec jour et mois inconnus, lʼidentifiant se rapportera au premier jour du
premier mois de lʼannée : lʼID-Temp de lʼévénement de 1595 sera donc ID-Temp_1595-
01_01. Si seul le jour manque, il sʼagira de rapporter la dépression atmosphérique au premier
ou au dernier jour du mois, selon la quinzaine à laquelle le chercheur a pu estimer lʼarrivée de
lʼévénement. Ainsi, pour « une grande tourmente de vent a la fin de décembre de la ditte
année [1593, sic] […] »22, lʼID-Temp sera 1593_12_31. Les colonnes recueillant les dates
rétabliront du reste lʼétat des connaissances. 2) Le champ lié au(x) lieu(x) est, lui aussi,
subdivisé afin dʼapporter un maximum de précisions en fonction des informations
disponibles. Il va du local (ville, voire paroisse, seigneurie, forêt, etc.) au régional (province,
département), avec une ouverture aux échelles nationale et européenne (pays, continent) en
vue dʼune future ouverture du cadre spatial. Ce domaine est fondamental pour localiser les
territoires touchés par la tempête, distinguer sa trajectoire, mais également, à terme, tenter de
spatialiser les attributs dans le SIG. 3) Le champ du phénomène météorologique est sectionné.

événements, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, thèse de doctorat de géographie, sous la direction de
Tabeaud, M., Paris ; Pfister, C., Garnier, E., Alcoforado, M-J., Wheeler, D., Luterbacher, J., Nunes, M-F.,
Taborda, J-P., 2010, « The meteorological framework and the cultural memory of three severe winter-storms in
early eighteenth century Europe », C.C., 101/1-2, p. 281-310 ; Corvol, A. (dir.), 2005, Tempêtes sur la forêt
française, XVIe-XXe siècle, LʼHarmattan, Paris ; De Kraker, A.M.J., 2002, « Historic Storms in the North Sea
Area, an Assessment of the Storm Data, the Present Position of Research and the Prospects for Future
Research», in Wefer, G., Berger, W.H., Behre, K.E., Jansen, E. (eds.), Climate Development and History of the
North Atlantic Realm, Springer, Berlin, p. 415-434 ; Garnier, E., 2000, « Forêts vosgiennes à lʼépreuve des
tempêtes sous lʼAncien Régime », Revue géographique de lʼEst, 3, p. 133-140 ; Sweeney, J.C., 2000, « A three-
century storm climatology for Dublin (1715-2000) », Irish Geography, 33-1, p. 1-14 ; Hickey, K.R., 1997,
Documentary records of coastal storms in Scotland, 1500-1991 A.D., 2 vol., Coventry University, thèse de
doctorat, Coventry ; Buisman, J., Van Engelen, A.F.V., 1995-2015, Duizend jaar weer, wind en water in de Lage
Landen, 6 vol., Uitgeverij van Wijnen, Franeker ; Augustyn, B., 1992, Zeespiegelrÿzing, transgressie-fazen en
stormvloeden in maritiem Vlaanderen tot het einde van de xvie eeuw ; een landschappelÿke, ecologische en
klimatologische studie in historisch perspectief, 2 vol., Algemeen Rÿksarchief Brussel, Bruxelles ; Lamb, H.H.,
Frydendahl, K., 1991, Historic storms of the North sea, British Isles and Northwestern Europe, Cambridge
University Press, Cambridge ; Gottschalk, M.K.E., 1971-1977, Stormvloeden en rivieroverstromingen in
Nederland, 3 tomes, Van Gorcum, Assen.
22
HERPIN N., Extrait d'un mémorial rédigé par le Sieur Nicolas Herpin, notaire et procureur à Saint-Martin, île
de Ré, commencé le 15 octobre 1581, Méd. M.-Crépeau, La Rochelle, ms. 163, fol. 14.

193
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
Il comprend, dans un premier temps, une indication du type dʼévénement : sʼagit-il dʼune
tempête à résonnance principalement côtière ou pénètre-t-elle profondément dans les terres23 ?
Viennent ensuite les descriptions des caractéristiques de la manifestation : est-elle par
exemple accompagnée de pluie ? Les vents sont-ils qualif iés de grands, impétueux, etc. ? La
mer est-elle désignée comme grosse, déchaînée ? Y a-t-il, ou non, submersion
localisée/généralisée ?... Dʼautres champs complémentaires sous-jacents sont de même pris en
considération tels que la direction du vent, le coefficient de marée (estimatif pour les époques
anciennes), la vitesse du vent exprimée en km/h (pour la période récente). 4)
Lʼendommagement est primordial. Cʼest à partir de lui quʼun chercheur estimera lʼintensité*
dʼun aléa. Partitionné entre dégâts matériels, économiques/agricoles/environnementaux et
humains, il inclut dʼabord des renseignements qualitatifs. Ce type de données est cependant
inexploitable par un SIG, le logiciel ne pouvant traiter que des requêtes compatibles au format
alphanumérique24. Il est donc nécessaire dʼhomogénéiser. Pour ce faire, deux démarches ont
été mise en œuvre dans le tableur Excel : dʼune part, une dénomination par mots clefs, dʼautre
part, la quantification25, « faire des chiffres avec des mots » pour reprendre la célèbre formule
dʼEmmanuel GARNIER26.

Nom ID ID- Date Date Date Dur ée Sour ce(s)


27
du Temp (julien) (gr égor ien) (r évolutionnair e) (en Référence(s) Type Fiabilité
champ jour s)
For mat
du Num. Num. Num. Num. Num. Num. Texte Texte Alphanum.
champ
Figur e 25: Extr ait pr ésentant quelques champs de la base de données.
Num : numérique

En matière de SIG, la création dʼune banque de données est une étape fondamentale.
Elle sʼétend de la collecte, de la recherche de la donnée à son exploitation et sa valorisation.
Ici, la base de données générale a dʼabord été créée sous Excel. Par la suite, quelques cas bien
documentés de vimers ont fait lʼobjet dʼun transfert sous SIG28. Du volume, de la véracité, de
la variété, de la valeur des données (devenues informations une fois analysées), mais

23
Tonnerre, M-A., 2001, Contribution à lʼétude des tempêtes dans la Manche et en façade atlantique de la
France, au nord de lʼîle de Noirmoutier (1965-1994), Université de Lille 1, thèse de doctorat de géographie,
sous la direction de Roussel, I., Lille, p. 82-103.
24
Tabeaud, M. et al, 2009, op. cit., p. 318-331, p. 321-323.
25
Cf. infra, Chapitre 5 - Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement ».
26
Garnier, E., 2010, « Fausse science ou nouvelle frontière : Le climat dans son histoire », RHMC, 57-3, p. 7-41,
p. 22.
27
Par défaut le calendrier grégorien, toujours employé aujourdʼhui, servira de repère. Sauf dans le cas
dʼimprécision ne le permettant pas, les dates données en julien par exemple seront systématiquement converties
en grégorien.
28
Fondin, J., 2018, op. cit.

194
également de leur structuration dans lʼinventaire et du paradigme de départ découleront la
pertinence et lʼefficacité des résultats du SIG. La recherche ayant cependant besoin
dʼidentifier et positionner les lieux où lʼévénement sʼest produit, lʼun des points de départ –
une fois la base de données établie – reste un cadre géospatial explicite et cohérent.

4.2. Intér êts et difficultés de la géospatialisation de données anciennes

Certes fondamentale, la spatialisation des données nʼest quʼune des composantes du


système dʼinformation géographique, tandis que les données géographiques dʼun SIG ne sont
quʼune forme de données géospatiales29. Si dans le cadre de lʼhistoire des tempêtes passées
lʼintégration dans un SIG de données dʼattribut se fait relativement aisément, celles
géographiquement localisées sont plus complexes à inclure. Se focalisant uniquement sur
cette difficulté, la présente partie envisage de dresser le portrait des références spatiales
consignées dans les sources historiques ainsi que dʼexposer les intérêts dʼune localisation des
aléas et les éventuels palliatifs pouvant être établis.

4.2.1. Des données anciennes clairsemées dans l'espace

Lʼabsence, pour les périodes anciennes, dʼimages satellites, de coordonnées GPS,


dʼadresses comportant un numéro et une rue ou de codes postaux a pour conséquence une
approximation des occurrences. Dʼautant que, dans un certain nombre de cas, ne sont
mentionnés dans les sources que des territoires élargis, de grandes entités régionales, des
espaces indéterminés30 ou une seule zone relativement réduite. Le 3 juillet (12 juillet) 1401,
un très violent vent dʼouest se manifeste dans la région nantaise. À Couëron, Sainte-Pazanne
et Nantes des faîtages et cheminées de maisons sont renversés, les pinacles31 de plusieurs

29
Folger, P., 2009, « Geospatial information and Geographic Information Systems (GIS) : Current issues and
future challenges », paper from Congressional Research Service, https://fas.org/sgp/crs/misc/R40625.pdf, [PDF
online], p. 2-3.
30
Cʼest particulièrement le cas des tempêtes en mer dans les chroniques médiévales : BOUCHART A., 1514, Les
croniques, annalles des pays d'Angleterre et de Bretaigne contenant les faictz et gestes des rois et princes qui ont
régné audit pays et choses dignes de mémoire advenues durant leurs règnes puis Brutus jusques au trespas du
feu duc de Bretaigne Françoys second du nom, faictes et rédigées et augmentées et continuées jusques en l'an
mil cinq cens XXXI, impr. Galliot du Pré, Paris ; D'ARGENTRE B., 1583, L'histoire de Bretagne, mise en escrit par
noble homme messire Bertrand D'Argentré, sieur de Gosnes, Forges, etc., conseillier du Roy et president du
siège de Rennes, édition première, impr. Jacques du Puys, Paris ; LE BAUD P., 1638, Histoire de Bretagne avec
les chroniques des maisons de Vitré et de Laval, impr. Gervais Alliot, Paris.
31
Élément architectural dʼune église couronnant un contrefort ou un point dʼappui vertical au niveau du clocher
ou de la flèche. Le pinacle remplit des fonctions précises. Par son poids, il est destiné à conforter la stabilité des
appuis verticaux et à empêcher la bascule des gargouilles. Il sert aussi dʼattache aux balustrades et, par sa
structure finement ouvragée, il contribue à lʼélégance des édifices. Viollet-le-Duc, E., 1854-1868, Dictionnaire
raisonné de lʼarchitecture française du XIe au XVIe siècle, 9 tomes, Bance, Paris, tome VII, entrée « Pinacle », p.
176-186.

195
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
églises sont emportés, des arbres sont déracinés...32 Si diverses sources33 et ouvrages
scientifiques34 attestent la survenue de cette tempête, nulle autre donnée spatiale nʼa pu être
exhumée sur cette manifestation. Puisquʼen lʼétat actuel des connaissances, seul le comté
nantais fut impacté, comment traduire cela au sein dʼun SIG ? Surtout, quel(s) intérêt(s),
quelle pertinence une référence spatialement isolée peut-elle avoir ? Dans un autre genre, les
25-27 mars 1606, une tempête ravage une « grande canditté de maisons à Lannion et par tout
ailleurs »35. Que comprendre de ce « par tout ailleurs » ? Quʼen tirer en termes de SIG ? Pour
quelle distance à la ronde cette expression peut-elle être estimée crédible ? De même, dans
son journal, Marc DEBRESME relève, sans apporter le moindre complément, que le 27 juin
1764 « il y eut un fameux ouragan dans les paroisses méridionales de lʼAngoumois »36. À
quelles paroisses lʼauteur fait-il exactement allusion ? Le CET y est-il simplement passé ou y
a-t-il généré des dommages ? Toutes furent-elles semblablement atteintes ? Quelles références
géographiques donner à la manifestation ? Quelle emprise spatiale considérer ? Il nʼest pas
toujours aisé pour le chercheur de répondre à ces questions, a fortiori lorsque les localisations
sont « esseulées », trop évasives ou dispersées, éloignées les unes des autres de plusieurs
centaines de kilomètres, ce qui sʼavère fréquent. En effet, environ un tiers des entrées de la
base de données est concerné. Quant aux deux tiers restants, ils comprennent principalement
e
des dépressions atmosphériques ayant eu lieu au XVIII siècle. Cette situation peut, entre
autres, se justifier par lʼabondance des sources disponibles, conservées, ainsi quʼune
diversification des documents préservant la mémoire de vimers37.
En outre, si cela est réalisable pour la période actuelle et des événements comme
Xynthia38, il est illusoire dʼespérer extraire des données spatiales anciennes une précision
systématique à la commune, au quartier ou au degré près. Pis, il est utopique de croire quʼil

32
« Chronicon Briocense », 1742, publication par Dom Morice H., in M.H.B, tome I, impr. Charles Osmont,
Paris, p. 7-102, p. 89 / « Chronicon quod dicitur Briocense », 1707, publication par Lobineau G-A., in Histoire
de Bretagne, tome II, éd. Palais Royal, Paris, p. 833-892, p. 888.
33
LE BAUD P., 1638, op. cit. p. 435 ; « Chronicon Britannicum alterum (593-1463) », 1742, publication par Dom
Morice H., in M.H.B, tome I, impr. Charles Osmont, Paris, p. 102-118, p. 112 / « Chronicon aliud Britannicum »,
1707, publication par Lobineau G-A., in Histoire de Bretagne, tome II, impr. Veuve François Muguet, Paris, p.
351-367, p. 363.
34
Notamment : Alexandre, P., 1987, Le climat en Europe au Moyen Âge, E.H.E.S.S., Paris, p. 145 ; Guépin, A.,
1839, Histoire de Nantes, Méllinet C. et Sebire, P., Nantes, p. 120 ; De Macé de Vaudoré, J-F., 1836,
Dictionnaire historique, géographique et topographique de Nantes et de lʼancien comté Nantais, Nantes, p. 168.
35
FLEURIOT R., 1878, « Le journal de René Fleuriot, gentilhomme breton (1593-1624) », publication de
Barthélémy A., in C.H, t. XXIV, 2e série, Paris, p. 99-117, p. 111.
36
DEBRESME M., 1922, « Journal de Marc Debresme (1700-1784) », publication par Favraud A., in B.M.A.H.C,
8e série, t. XIII, p. 79-126, p. 96.
37
Cf. infra, Chapitre 6, 6.3.3 - La mise en mémoire de l'aléa, clé de voûte de la conscience du danger ? et supra,
Chapitre 2, 2.1 - Les sources écrites et leur traitement.
38
Creach, A., Pardo, S., Mercier, D., 2017, « Diagnostic préventif de la vulnérabilité des constructions
résidentielles pour leurs occupants face au risque de submersion marine appliqué à lʼîle de Noirmoutier (Vendée,
France) », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, 17-1, [En ligne], figures 3-6 ;
Chevillot-Miot, E., Mercier, D., 2014, « La vulnérabilité face au risque de submersion marine : exposition et
sensibilité des communes littorales de la région Pays de la Loire (France) », VertigO - la revue électronique en
sciences de l'environnement, 14-2, [En ligne], figures 1, 4, 5 et 12.

196
sera un jour possible de disposer dʼinformations circonstanciées pour lʼensemble du territoire
étudié, telles que lʼimplantation de stations météorologiques, les images satellites ainsi que le
tissu administratif, juridique, fiscal le permettent désormais. Le spécialiste en géohistoire des
tempêtes peut cependant indiquer le nom de quelques villes ou parties de seigneurie touchées
par lʼaléa. Points de repère originels, ceux-ci sont fondamentaux pour proposer des
hypothèses et extrapolations39 quant aux emprises spatiales et trajectoires privilégiées des
CET.
Enfin, pour ce qui est de la localisation exacte des pertes matérielles, économiques,
agricoles, humaines, elle échappe trop souvent à lʼhistorien des tempêtes. Quoique
parfaitement indépendant de la volonté du chercheur, il lui faut signaler quʼil sʼagit là dʼune
e e
des principales limites de lʼusage du SIG en histoire des aléas météo-marins des XIV -XVIII

siècles. Primordiales dans le cadre dʼune analyse multicritères, les informations couplant
spatialisation et dommages revêtent une dimension opérationnelle capitale pour les décideurs,
assureurs, élus, promoteurs immobiliers, membres de la société civile. Par ailleurs, elles
permettent dʼinterroger, isoler ou combiner certains indices. Elles mettent en lumière les
espaces ainsi que les enjeux les plus fortement soumis aux phénomènes venteux et de
submersion. Si elles offrent de riches perspectives, elles sont encore trop peu nombreuses
pour représenter une masse substantielle : il sʼagira de la mention ponctuelle dʼun clocher
renversé par les vents dans une paroisse, de celle, inattendue, dʼun homme emporté par la mer
en un lieu-dit, de celle isolée de blés couchés dans quelques champs nommés, de celle
dʼarbres abattus dans certaines sections spécifiques de forêts aujourdʼhui disparues, etc. Il va
sans dire que, lorsque cela sʼy prête, la recherche doit déployer tous ses efforts pour repérer le
plus minutieusement possible les espaces où se sont produits les préjudices. Néanmoins, elle
ne doit pas tromper sur les réalités des attributs dʼimpacts actuellement à sa disposition : le
référencement géographique en est approximatif. Plusieurs explications à cela peuvent être
avancées : tout dʼabord, le contenu même des récits anciens et lʼabsence de bilans détaillés et
généraux des endommagements dans les sources, ensuite une gestion administrative, foncière,
fiscale ainsi que juridique du pays, de ses habitants ayant profondément évolué depuis la
Révolution, au demeurant une toponymie et une topographie ayant pu être modifiées aux
e e
XIX -XXI siècles…40 Le cas de Bouin illustre à la perfection le propos. Zone de marais établie
autour dʼun amas de calcaire lutétien41, lʼîle de Bouin se trouve au cœur du Marais breton.
Elle est initialement cernée par lʼeau de mer et séparée du continent par un bras de mer

39
Cf. infra, exemples développés en 4.3 - Cartographier les espaces vulnérables et à risques.
40
Le lecteur intéressé pourra profiter de la ressource « Des villages de Cassini aux communes dʼaujourdʼhui »
mise à disposition par lʼE.H.E.S.S : http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/1_navigation.php
41
Mounes, J., 1974, Le Marais breton et ses marges. Étude de géomorphologie et de sédimentologie, Université
de Nantes, thèse de doctorat de géographie et géologie marine, 2 vol., Nantes, vol. 1, p. 314-353.

197
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
nommé le Dain42. À la suite du comblement du Dain, dʼun endiguement et dʼune poldérisation
contemporaine, lʼîle de Bouin perd son identité insulaire43. Lʼappellation « Bouin / Boing »
pouvant aussi renvoyer à la ville située sur lʼîle du même nom, il est nécessaire de rester
prudent afin de ne pas confondre lʼune et lʼautre, a fortiori en termes de SIG. Dʼautant que
lʼîle de Bouin comptait dʼautres espaces urbains comme le port de lʼEpoids (aujourdʼhui
appelé Port-du-Bec) par exemple. De plus, au cours de la période révolutionnaire, lʼîle fut
rebaptisée « île Marat »44. Sous lʼAncien Régime, lʼîle appartenait aux Marches de Bretagne-
Poitou dʼun point de vue temporel et à la Bretagne, avec un rattachement au diocèse de
Nantes, sur le plan spirituel. Depuis la fin de lʼannée 1789, la totalité de son territoire a
intégré le département de la Vendée. Dans ces circonstances, la maîtrise du territoire et de ses
évolutions au cours des 7 derniers siècles, lʼétude des noms de lieux sur le temps long, ainsi
quʼune bonne compréhension et analyse critique des témoignages historiques sont
indispensables à lʼétablissement dʼun SIG fiable.

Complexe, la démarche de spatialisation des vimers anciens se heurte aux contenus, à la


quantité, à la qualité des documents historiques à disposition et exhumés. Il ne faut pas
sʼattendre à une précision systématique au degré près, mais plutôt compter sur des
« approximations » qui, il y a quelques décennies encore, nʼen étaient pas tant. Ainsi, à
lʼéchelle de grands repères comme une ville, un marais, une propriété seigneuriale, une forêt,
il est possible dʼextraire des données exploitables au sein dʼun SIG. Pour difficile quʼelle soit,
la démarche nʼest pas sans compter une multitude dʼintérêts, pour certain déjà brièvement
esquissés.

4.2.2. Géospatialiser les aléas extrêmes passés, dans quel(s) but(s) ?

Ces dernières années, le SIG sʼest imposé comme un outil clé en main pour les
scientifiques et gestionnaires, a fortiori en matière de catastrophe météorologique, dʼétude des
liens entre lʼaléa et la vulnérabilité en milieu littoral45. Ses applications et fonctionnalités
variées en font un précieux dispositif de tri, croisement, extraction, interrogation et analyse de
données, dʼédition – particulièrement de cartes –, dʼaide à la décision, à la planification du
territoire46.

42
Gisbert-Guinguene de Callac, T., 2003, Bouin, isle de mer au milieu des terres, monographie, Etrave, Igé.
43
Sarrazin, J-L., 2006, « Le paysage salicole de lʼîle de Bouin à la fin du Moyen Âge », in Chauvaud, F., Péret,
J. (dir), Terres marines. Études en hommage à Dominique Guillemet, PUR, Rennes, p. 57-67, p. 57-59.
44
Le Quellec, J-L., 2006 (3e éd.), Dictionnaire des noms de lieux de la Vendée, Geste, La Crèche, p. 53.
45
En atteste notamment le projet RISC-KIT (2014-2017) financé par lʼUnion européenne :
http://risckit.cloudapp.net/risckit/#/ ; Ciavola, P., Harley, M.D., den Heijer, C., 2018, « The RISC-KIT storm
impact database : a new tool in support of DRR », Coastal Engineering, 134, p. 24-32.
46
Choblet, C., 2005, Espace littoral et décisions dʼaménagement : limites et potentialités des études dʼimpact et

198
Lʼun des premiers objectifs de la spatialisation et, plus largement, du système
e e
dʼinformation géographique contenant des données sur les tempêtes des XIV -XVIII siècles
devrait résider dans lʼaide à lʼaménagement, lʼoccupation du territoire, à la décision en
matière dʼimplantation dʼinfrastructures, de quartiers résidentiels, etc. Pourtant, sans entrer
dans un débat sur les PPR ou les PAPI, il sera relevé lʼinquiétude légitime de la communauté
scientifique française quant à lʼexclusion de lʼhistoire des programmes dʼétude et de
définition des zones submersibles47. Considérée comme inéligible, car ne fournissant pas des
informations alphanumériques, opérationnelles, lʼhistoire, particulièrement à travers la
reconstruction dʼune mémoire des vimers, participe cependant largement à la sensibilisation et
lʼinformation des populations. Prenant attention de ne pas dénaturer ou surinterpréter les
données tirées des archives et documents narratifs, il revient au spécialiste de spatialement les
référencer en vue de les rendre exploitables, utilisables pour les décideurs et le grand public.
Si les apports de lʼhistoire pour la reconstruction du climat, des catastrophes naturelles ou la
délimitation des zones à risques – de même que les intérêts des Français pour ces
thématiques48 – ne sont plus à démontrer49, le maître mot de lʼhistorien ici doit devenir
« accessibilité ». Deux défis principaux se présentent désormais au chercheur en histoire des
tempêtes anciennes : spatialiser, cartographier les données historiques dʼune part, les

des enquêtes publiques, Université de Nantes, thèse de doctorat de géographie, sous la direction de Miossec, A.,
Nantes.
47
Arnaud, A., 2015, « Les limites de la cartographie des risques littoraux : des perspectives pour la
compréhension de tous », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Hors-série 21, [En
ligne] ; Péret, J., Sauzeau, T., 2014, op. cit., p. 19 ; Mercier, D., Chadenas, C., 2012, « La tempête Xynthia et la
cartographie des « zones noires » sur le littoral français : analyse critique à partir de l'exemple de La Faute-sur-
Mer (Vendée) », Norois, 222-1, p. 45-60 ; Le Bourhis, J-P., 2007, « Du savoir cartographique au pouvoir
bureaucratique. Les cartes des zones inondables dans la politique des risques (1970-2000) », Genèses, 68-3, p.
75-96.
48
Sans exhaustivité : Pouzet, P., Athimon, E., 6 avril 2018, « La recherche scientifique sur les tempêtes
passées », conférence interactive vulgarisée, Congrès des Jeunes Chercheurs, Les Sables-dʼOlonne ; « La Faute :
après la tempête », 18 septembre 2016, podcast, France Culture, avec, entre autres, la participation de Sauzeau,
T., Revet, S., Lepage, C., Brot, J-J. ; Dezileau, L., 20 juillet, 2015, « Des événements beaucoup plus intenses ?
Une très forte vulnérabilité de nos côtes », Midi France ; Garnier, E., 2011, « Les submersions et leurs
retombées climato-politiques », Géo, 387, p. 62-79 ; Garnier, E., 2009, « Les tempêtes des siècles », LʼHistoire,
341, p. 40-41.
49
Sangster, H., Jones, C., Macdonald, N., 2018, « The co-evolution of historical source materials in the
geophysical, hydrological and meteorological sciences : learning from the past and moving forward », Prog.
Phys. Geo, 42-1, p. 61-82 ; Bulteau, T., Idier, D., Lambert, J., Garcin, M., 2015, « How historical information
can improve estimation and prediction of extreme coastal water levels : application to the Xynthia event at La
Rochelle (France) », N.H.E.S.S., 15, p. 1135-1147 ; Jeffers, J.M., 2014, « Environmental knowledge and human
experience : using historical analysis of flooding in Ireland to challenge contemporary risk narratives and
develop creative policy alternatives », E.H, 13, p. 229-247 ; Garnier, E., 2011, « Climat de la France : apport de
lʼhistoire », in Jeandel, C., Mossery, R. (dir.), Le climat à découvert. Outils et méthodes en recherche climatique,
CNRS, Paris, p. 111-113 ; Antoine, J-M., Desailly, B., Peltier, A. 2009, « Sources historiques et problématiques
de recherche en géographie des risques naturels », Géocarrefour, 84-4, p. 229-239 ; Meschinet de Richemond,
N. (dir), 2010, Quelles archives aujourdʼhui pour mieux gérer les risques demain ? Approches géographiques et
historiques, PULM, Montpellier, en particulier parties 2, 3 et 4, p. 27-101 ; Barnikel, F., 2004, « The value of
historical documents for hazard zone mapping », NHESS, 4, p. 599-613 ; Cf supra, Chapitre 1, 1.3.3 - De l'enjeu
contemporain à l'étude d'événements passés.

199
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
quantifier de lʼautre50. Communiquant de la connaissance, initiant des analyses spatio-
temporelles, la carte offre une visualisation immédiate des événements ancrés dans un
territoire. « Donnant à voir » par nature, elle est souvent plus attractive, eff icace et
synthétique quʼune description textuelle, dont elle ne saurait toutefois entièrement se passer ni
remplacer. Elle est un outil de communication51.
Au-delà de lʼobjectif de la planification territoriale, lʼenregistrement et lʼétude des
occurrences dʼévénements à long terme comptent plusieurs avantages. Tout dʼabord, dresser
un inventaire géographiquement référencé des CET sur le temps long offre de les dénombrer,
dʼanalyser leur distribution spatiale et de mieux comprendre les processus à lʼœuvre. Le
recensement sur un temps suffisamment long – auquel il faut adjoindre la problématique
dʼune oscillation climatique comme le PAG –, fournit dʼailleurs des compléments non
négligeables pour estimer la période de retour des vimers52. Quant à lʼanalyse spatiale, elle
permet alors de dégager les territoires naturellement vulnérables, d'interroger les éventuelles
évolutions de la vulnérabilité environnementale et sociétale dans le temps, dʼinterroger de
possibles variations des trajectoires privilégiées suivies par les grands vents. Cʼest enfin la
surveillance, le contrôle, voire la prédiction des phénomènes météo-marins qui sont
envisagés53, ce dans une démarche préventive54.
Fonctionnant à plusieurs niveaux, le véritable pouvoir du SIG est de corréler des
méthodes spatiales et statistiques afin dʼanalyser conjointement les informations
géographiques et les données dʼattribut. Ultérieurement énoncé, un des attributs de la base de
données caractérise les impacts matériels, économiques, humains, etc. Indicateurs pertinents,
le chercheur se base sur eux pour estimer lʼintensité* de la manifestation. Le résultat final de
ce processus produit une information interpolée riche qui, rapportée à lʼaléa-tempête et les
endommagements générés, permet lʼévaluation du risque lié, par exemple, à un enjeu passé ou
actuel de ressource (foncier, forestier, salicole, énergie…) ou dʼusage (urbanisme, tourisme,
élevages marins, patrimoine…). Politiques, gestionnaires, entreprises, associations,
citoyens…pouvant alors se saisir de lʼoutil, le but affiché de ces analyses multicritères à partir
de données historiques sur les tempêtes est de tendre vers une optimisation de la gestion, de

50
Cf. infra, Chapitre 5 - Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement ».
51
Tabeaud, M., Browaeys, X., 2008, « Le citoyen a droit à lʼinformation sur les risques quʼil encourt en certains
points du territoire et sur les mesures de sauvegarde pour sʼen protéger », in Leone, F., Vinet, F., op. cit., p. 87-
91.
52
Goutx, D., Baraer, F., Roche, A., Jan, G., 2014, « Ces tempêtes extrêmes que lʼhistoire ne nous a pas encore
dévoilées », La Houille Blanche, 2, p. 27-33 ; Garnier, E., Ciavola, P., Spencer, T., Ferreira, O., Armaroli, C.,
McIvor, A., 2018, « Historical analysis of storm events : case studies in France, England, Portugal and Italy »,
Coastal Engineering, 134, p. 10-23.
53
Baart, F., Bakker, M. A. J., van Dongeren, A., den Heijer, C., van Heteren, S., Smit, M.W. J, van Koningsveld,
M., Pool, A., 2011, « Using 18th century storm-surge data from the Dutch Coast to improve the confidence in
flood-risk estimates », NHESS, 11, p. 2791–2801.
54
Cœur, D., Lang, M., 2011, « Lʼenquête historique et la prévention des risques naturels », Géologues, 169, p.
95-98.

200
lʼexploitation ou de la protection des enjeux. En conséquence, une réduction des risques et de
la vulnérabilité devrait aussi en découler55.

Loin dʼêtre aisé, le géoréférencement des données historiques sur les tempêtes compte
de nombreux intérêts, parmi lesquels la participation à lʼidentification et la cartographie des
espaces vulnérables et à risques sur le temps long. En homogénéisant et en objectivant les
connaissances, le chercheur peut effectivement produire de premières séries de cartes
interrogeant lʼexposition des zones littorales atlantiques françaises à lʼaléa tempête à une
échelle spatio-temporelle appropriée.

4.3. Car togr aphier les espaces vulnér ables et à r isques

Situés entre terre et mer, les littoraux forment le secteur continental le plus exposé aux
effets conjugués de lʼocéan et des vents. Or, déjà naturellement à risques, les zones côtières
sont de plus en plus soumises en raison du changement climatique et du développement
économique et démographique en cours. Faire face efficacement à ce risque accru sous-entend
de développer des outils validés permettant dʼidentifier les espaces les plus vulnérables.
Allongeant le recul indispensable à lʼétude et lʼanalyse des aléas météo-marins, lʼhistoire et la
paléotempestologie peuvent contribuer à lʼidentification des sites présentant un risque plus
élevé et, ce faisant, apporter une aide en matière de prévention et gestion56.

4.3.1. Visualiser à lʼéchelle de la façade atlantique française

Corrélant tempêtes et grandes provinces de la façade atlantique du royaume de France,


la présente partie se propose dʼidentifier les « hotspots »57 régionaux sur la période 1300-
1790. La démarche suppose quelques prérequis et est assujettie à des limites quʼil est
nécessaire de présenter.

Premièrement, lʼétude doit reposer sur un inventaire suffisamment détaillé, constitué de


données spatiales et dʼattribut de haute qualité, critiquées, collectées dans des sources fiables

55
Barquet, K., Cumiskey, L., 2018, « Using participatory multi-criteria assessments for assessing disaster risk
reduction measures », Coastal Engineering, 134, p. 93-102.
56
Valancogne, J., Wybo, J-L., Nicolet, J-L., Liedtke, P.M., Van Santen, T., Gey, J-M., Bapst, P-A., sept. 2003,
« Techniques. La cartographie des risques », Risques. Les cahiers de lʼassurance, 55, partie 2 comprenant 5
articles, [En ligne].
57
Inspirée du concept de « biodiversity hotspot – point chaud de biodiversité », la notion de « hotspot »
appliquée aux tempêtes a vu le jour au début des années 2010. Elle sʼentend comme une zone géographique
côtière critique fortement soumise à lʼaléa. Newton, A., Weichselgartner, J., 2014, « Hotspots of coastal
vulnerability : A DPSIR analysis to find societal pathways and responses », Estuarine, Coastal and Shelf
Science, 140, p. 123-133.

201
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
ayant été analysées. Lʼimpossible exhaustivité58 est évidemment une limite majeure avec
laquelle le chercheur doit composer. Les résultats affichés au sein des productions
cartographiques ainsi que les interprétations pourront, de ce fait, sʼavérer éloignés des réalités
météorologiques, mais aussi évoluer au fur et à mesure de lʼavancée de la recherche.
De plus, la morphologie côtière, de même que la topographie sous-marine mériteraient
dʼêtre considérées. Les littoraux bas, tels que les marais et zones humides, ceux à caractère
sableux, comme les flèches, dunes et cordons, les systèmes estuariens, les petites îles sont des
territoires naturellement vulnérables aux assauts de la mer et des vents59, a fortiori lors de la
conjonction entre une marée de vive-eau et une dépression atmosphérique.
Au demeurant, la démarche dépend fortement de la disponibilité et lʼaccessibilité à des
données portant sur les indicateurs socio-économiques ou lʼenvironnement physique et leurs
mutations / transformations au cours du dernier millénaire. Or, cet accès est encore réduit et
seules la pluri et lʼinterdisciplinarité sont susceptibles de couvrir de tels besoins.
Enfin, analyser finement la vulnérabilité des milieux côtiers atlantiques français et son
évolution dans le temps requiert une connaissance approfondie des enjeux économiques,
environnementaux, culturels, humains, ainsi quʼune maîtrise de leur implantation spatiale
selon les périodes. En ce sens, les cartes anciennes peuvent apporter de précieux
renseignements sur lʼoccupation du sol, la présence de marais, de bois, de champs cultivés,
dʼun port, dʼune paroisse, etc. Toutefois, à lʼéchelle dʼun doctorat, du cadre spatial élargi de la
thèse et en lʼétat actuel de la recherche, leur maîtrise fine est chose impossible.

Considérant ces contraintes, les tempêtes à impacts répertoriées dans la base ont
principalement été mises en relation avec la subdivision régionale du champ lié aux lieux. Il
sera mentionné quʼau regard des disparités, aucun découpage temporel ne semblait judicieux
à établir. La corrélation des CET avec les grandes provinces de la façade atlantique du
royaume sʼest donc opérée sur la totalité de la période comprise dans la thèse.

58
Cf. infra, Chapitre 8, 8.2.1 - Reconstruction : l'impossible exhaustivité malgré l'accroissement des émergences.
59
Cf supra, Chapitre 1, 1.1.1 - Qu'est-ce qu'une tempête ? et 1.2.2 - Un territoire entre côtes rocheuses et
sableuses.

202
Figur e 26: Car te des r égions les plus impactées par les tempêtes (XIVe-XVIII e s.)

Sans chercher à déterminer un zonage du risque, les informations cartographiées


extraites de la base de données autorisent à distinguer les provinces les plus touchées.
Logiquement, les régions comptant un linéaire côtier apparaissent plus affectées que celles
situées à distance de lʼocéan. Il sera remarqué que le Maine est très lié à lʼentité bretonne : il
nʼest pas rare que les sources y fassent mention de CET ayant simultanément frappé la
Bretagne comme ceux de 1701 ou 1705 par exemple. De plus, des inégalités transparaissent
au sein des régions à rivage. Située sur la trajectoire directe dʼun rail de tempête connu, la
Bretagne semble paradoxalement moins impactée que les Marches ou lʼAunis. Plusieurs
raisons peuvent expliquer une telle représentation, la plus évidente étant que lʼétude ne prend
203
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
en considération que les tempêtes à impacts, ce qui exclut une multitude dʼévénements.
Pourtant, comment justifier que la Bretagne soit globalement moins endommagée ? Tout
dʼabord, la nature des littoraux les prédispose plus ou moins aux submersions. La Bretagne
compte de nombreuses côtes rocheuses, tandis que la région aunisienne ou les Marches sont
essentiellement basses. Leurs littoraux alternent entre zones humides comme le marais breton,
systèmes estuariens comme la Loire, petites îles de faible altitude telles que Noirmoutier, Ré,
Bouin à lʼépoque, cordons sableux60. Ces milieux sont éminemment sensibles à toute
variation du niveau de la mer et, de ce fait, sont sujets aux inondations marines. Ce, dʼautant
que les fonds marins sont moins profonds que ceux de Bretagne. Ensuite, la rugosité des
substrats, la nature des sols, la présence de reliefs plus ou moins marqués, de bassins fluviaux,
etc. influent sur les mouvements des vents61 et leur intégration continentale. Pour ne citer
quʼeux, les modelés des paysages bretons incluent les petits reliefs des monts dʼArrée et des
montagnes Noires (massif Armoricain). Quoique culminant à moins de 400 mètres, ces
bombements de grès dur et quartzite « coupent » la Bretagne dʼest en ouest, de Châteaulin à
Glomel, et peuvent faire barrage aux vents. Enfin, la recherche historique a été
irrémédiablement amputée dʼune très grande quantité dʼarchives62, pertes dont les fonds
bretons ont tout particulièrement souffert. La totalité des registres et documents produits par
lʼAmirauté du Léon a par exemple été détruite lors des bombardements de Brest le 2 juillet
e
1941. En tout et pour tout, il ne reste que les inventaires archivistiques établis au XIX siècle
pour confirmer au spécialiste la grande richesse de ces fonds pour la recherche sur les
tempêtes anciennes.

Pour sa part, la définition des « hotspots » locaux peut se faire seulement à une échelle
réduite. En lʼétat, elle nʼest pas encore véritablement réalisable. Tout au plus, la recherche
géohistorique peut-elle proposer de cartographier une province en localisant les dommages
générés par les tempêtes sur le temps long. Il sʼagit certes dʼun premier pas, mais est-ce
suffisant pour en tirer des conclusions valables et identifier les régions les plus vulnérables ?
Dʼautant quʼhier comme aujourdʼhui, les endommagements intéressent et sont mentionnés
uniquement sʼils affectent des enjeux. À partir des seules données anciennes, est-il
envisageable dʼestimer le rôle des enjeux dans le processus de vulnérabilisation dʼun territoire
et/ou dʼune société ? Il faudrait opérer selon une approche par indice regroupant quelques-
unes des données manquantes signalées ultérieurement. Sans compter quʼil serait alors
nécessaire de maîtriser des outils de modélisation intégrée utilisant des modèles multirisques

60
Cf supra, Chapitre 1, 1.2.2 - Un territoire entre côtes rocheuses et sableuses.
61
Tabeaud, M., 2006, « Qui sème le vent récolte la tempête », in Corvol, A. (dir), Tempêtes sur la forêt
française. XVIe-XXe siècle, L'Harmattan, Paris, p. 35-46, p. 36.
62
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.1 - Des pertes documentaires irrémédiables.

204
(tempête, submersion, érosion…) pour aboutir à une analyse multicritères englobante63. À
lʼavenir, lʼobjectif sera cependant dʼidentifier, sur le temps long, les zones sensibles locales
afin de fournir, par son biais, des résultats utiles aux gestionnaires, élus, membres de la
société civile en vue dʼaméliorer la protection et la gestion. Une réflexion intégrant les
oscillations climatiques du PAG pourrait, de même, se révéler pertinente. Elle autoriserait le
repérage et lʼanalyse de tout changement dans le temps de lʼemplacement et du classement
des « points chauds » en fonction des modif ications de lʼoccupation littorale ou des variations
climatiques. Cela nourrirait de plus les questionnements et recherches sur la vulnérabilité des
sociétés et des territoires, la prévention, ainsi que la prospective en lien avec le réchauffement
climatique récent.

À défaut de pouvoir proposer une réf lexion sur les lieux les plus sensibles de la façade
atlantique française, la recherche se propose de procéder à une « mise en pratique » par le
biais dʼétudes de cas. Au préalable, lʼétablissement dʼun zonage est nécessaire.

4.3.2. Déterminer le zonage adéquat

Avant de débuter la rédaction des deux dernières sections de ce chapitre, il apparaît


primordial dʼinformer le lecteur que celles-ci nʼauraient pu être menées à bien sans le
concours de Julien FONDIN, stagiaire de master 1 GAED – Géographie, Aménagement,
Environnement, Développement64.

La représentation cartographique des aléas météo-marins anciens suppose un


questionnement préliminaire : comment ? Quelle méthode appliquer af in de localiser ce qui
apparaît imprécis dans les sources ? Puis, comment procéder pour corréler spatialisation et
données dʼattribut et ainsi permettre une analyse spatiale multicritères uniformisée ? En
premier lieu, la décision fut prise dʼappliquer un carroyage à lʼensemble du cadre spatial
étudié. Le carroyage consiste en un découpage du territoire en mailles régulières et fines,
traditionnellement formé de carreaux. Stable dans le temps, ce maillage est indépendant dʼune
quelconque structuration territoriale existante, notamment administrative (communes,
départements), et ne prend pas en compte les réalités topographiques ou morphologiques du
terrain. Si les mailles ont toutes les mêmes propriétés géométriques, le quadrillage qui en
résulte peut, en revanche, prendre des tailles diverses. Dans le cas présent, la question de la

63
Viavattene, C., Jiménez, J.A., Ferreira, O., Priest, S., Owen, D., McCall, R., 2018, « Selecting coastal hotspots
to storm impacts at the regional scale : a coastal risk assessment framework », Coastal Engineering, 134, p. 33-
47.
64
Fondin, J., 2018, op. cit.

205
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
taille adéquate à donner aux carreaux sʼest posée65. Était-il plus pertinent de privilégier des
carrés de petit ou grand format ? Dans un cas comme dans lʼautre, des limites émergent.
Ainsi, plus le maillage est serré, plus le processus de géolocalisation doit être précis et,
idéalement, contenir une adresse, des coordonnées. Or, une telle exigence se prête assez mal
aux réalités des données historiques. Au reste, une grille comportant des cases trop exiguës
tend, lors du calage, à correspondre à la moyenne des limites communales actuelles, ce qui est
à proscrire pour plusieurs raisons : dʼune part, le tissu urbain et les limites communales
aujourdʼhui, en particulier sur la frange littorale66, sont globalement incomparables avec
celles du Moyen Âge ou de lʼÉpoque Moderne ; ensuite, ce qui est, désormais, soumis à une
urbanisation croissante, peut avoir accueilli, hier, une activité agricole, portuaire, salicole,
sylvicole, etc. ; enf in, une représentation imbriquée à la superficie des villes pourrait entraîner
une amplification ou une sous-estimation des aléas selon la taille de ces dernières. Une telle
démarche pourrait donc tromper le non-initié sur lʼusage des milieux ou la taille réelle des
espaces urbains lors de la période étudiée. Cependant, les contraintes liées à un quadrillage
élargi sont également nombreuses. Plus les carreaux sont grands, plus les problèmes
dʼhétérogénéité sont présents. En effet, la donnée jusquʼalors « individualisée », localisée à
lʼéchelle dʼune ville, dʼune paroisse ou dʼune seigneurie devient une donnée zonée. La totalité
de la case sera codée uniformément, sans distinction du lieu spécifiquement endommagé. En
outre, dans le cas dʼun espace affecté pris entre deux mailles, celles-ci jouiront similairement
des données intégrées au sein de lʼinventaire, ce qui amplifiera mécaniquement et
visuellement lʼemprise des dommages. Repensée en termes dʼaléa-tempête, cette dernière
limite apparaît toutefois négligeable. Non seulement chaque carreau est comparable aux
pixels dʼune image et prend du sens quʼavec les autres, mais cela semble également adapté à
une représentation objective du passage du phénomène.
À partir de ces réf lexions, deux carroyages ont été testés par Julien FONDIN. Le premier
intégrait des carrés de 10km de côté, soit 100km². Le second quant à lui reposait sur des cases
de 5km de côté, soit 25km². Avec une moyenne dʼune commune et demie par carreau, le
deuxième maillage, certes beaucoup plus fin, présente comme inconvénient notable une
proximité trop marquée avec une étude à lʼéchelle communale. Au demeurant, lʼespace
dʼinfluence dʼun CET se manifestant à lʼéchelle synoptique – entendu ici comme lʼAtlantique
Nord –, sous-synoptique (régionale) et de ce que Marie-Ange TONNERRE nomme « lʼéchelle
sensible du météore » (locale)67, un maillage de 100km² facilite la représentation spatiale aux
échelles régionale et locale. Variant par ailleurs dʼune manifestation à lʼautre, les tempêtes

65
Ibid., p. 35-42.
66
Sʼil est besoin de sʼen persuader, il suffit de consulter les travaux de lʼObservatoire National de la Mer et du
Littoral sur lʼévolution de la densité de population des communes littorales depuis le début des années 1960 :
http://www.onml.fr/onml_f/fiche_complete.php?id_fiche=90&auth=NOK#graph_533.
67
Tonnerre, M-A., 2001, op. cit., p. 105-107.

206
couvrent un espace de lʼordre de quelques centaines de kilomètres de diamètre68. En
conséquence, la grille comprenant des carrés de 10km de côté fut choisie.

Figur e 27: Extr aits des deux car r oyages établis : à dr oite, la gr ille compr end des car r eaux de 5km de côté,
à gauche, des car r eaux de 10km de côté.
Réalisation : FONDIN Julien, publié à la page 37 du rapport de Master 1.

Il sera précisé que dans lʼoptique de géoréférencer au mieux les événements passés
recensés, la grille englobe la totalité de la zone étudiée, sʼétendant même légèrement en
dessous du bassin dʼArcachon et incluant la Normandie. Quant aux espaces plus continentaux,
ils sont aussi compris dans le maillage, ce qui autorise à examiner les comportements des
vimers et à nettement distinguer les tempêtes maritimes affectant essentiellement le linéaire
côtier, de celles à la pénétration continentale et donc au gradient dʼintensité potentiellement
plus élevé69. Quoique la perception soit toujours soumise aux informations exhumées, à
disposition...

De manière à sʼextraire dʼune présentation jusquʼà présent un peu technique, voire


parfois théorique, une mise en pratique composée de deux « cas dʼécole » – un à résonnance,
semble-t-il, essentiellement littorale, lʼautre avec manifestations continentales – est proposée.

68
Moreau, C., 2011, Séismes et tempêtes associées en Aunis et Saintonge, Les Indes Savantes, Paris, p. 93.
69
Tonnerre, M-A., ibid., p. 82-103.

207
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes

4.3.3. Mise en pratique : deux « cas dʼécole »

Il sera convenu ici que la méthode mise en œuvre sera décomposée uniquement pour la
première étude de cas. À la suite, la carte produite avec les résultats finaux sera simplement
publiée accompagnée dʼune analyse écrite de lʼévénement.

La procédure à suivre se compose de 6 étapes. Lʼexemple défini est le premier vimer


avéré sur le littoral atlantique français : celui de lʼhiver 1351-1352 (n.st). Longuement étudiée
dans le cadre du chapitre 870, la situation ne sera que très brièvement exposée. Frappant, à une
date exacte inconnue de la recherche, Noirmoutier, Olonne et Ré71, cette tempête à
submersion présente tous les caractéristiques dʼun vimer général. Le contenu des sources ne
permet pas, il est vrai, de connaître les conditions météorologiques exactes de lʼaléa,
néanmoins il atteste de son ampleur et de lʼendommagement généré : la plaine de la Barbâtre
en particulier est durablement submergée72, de même que les marais olonnais73 et une
« grande partie de lʼîle de Ré »74. En vue de représenter lʼétat actuel des connaissances sur
cette manifestation qui semble essentiellement côtière, la première des phases tient, au sein
dʼun tableau du logiciel SIG ArcGIS, en la déposition des champs nécessaires à lʼanalyse. Ces
champs, dont le taux de remplissage découle des données extraites des sources, sont les
mêmes que ceux composant lʼinventaire réalisé sous Excel75. Dʼailleurs, par le biais de
lʼentrée ID-Temp, des jointures avec lʼévénement identif iéet un transfert des informations
conservées dans la base de données sont possibles. Seul le premier champ, prenant le nom
FID, diverge. Généré automatiquement, il correspond à lʼidentif iant de chaque carreau du
carroyage. Suivant la démarche énoncée précédemment76, lʼidentif iant-tempête du vimer de
lʼhiver 1351-1352 est ID-Temp-1352_01_01. Se superposant au zonage dʼorigine77, une
couche agrégative nommée par la date du phénomène est créée. Puis, les territoires
globalement touchés y sont identifiés et sélectionnés. Les données sont ainsi

70
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.2 - Première mention de vimer sur le littoral atlantique français : 1351-1352(n.st).
71
Pawlowski, A., 1906, « Lîle de Ré à travers les âges. D'après la géologie, la cartographie et l'histoire »,
Bulletin de Géographie historique et descriptive, 3, p. 305-321, p. 314, article ayant été réédité dans Pawlowski,
A., 1998, Géographie historique des côtes charentaises (ainsi que Médoc et Bas-Poitou), Le Croît vif, Saintes,
p. 181-197, p. 190 ; Bouhier, C., 1970, « Les possessions de lʼabbaye Blanche à Barbâtre », Lettres aux amis de
Noirmoutier, 2e série, 4, p. 3-10, p. 4, notes n°5 et 7.
72
AN (P-s-S), 1AP/1974, MIC/1AP/1974, pièce n°50 (microfilm) ; AN (P-s-S), 1AP/1976, MIC/1AP/1976,
pièce n°167, (microfilm).
73
Cartulaire de l'abbaye de Saint-Jean d'Orbestier (1107-1454), 1877, publication de De La Boutetière L., in
A.H.P., Poitiers, tome VI, pièce n°194, p. 232-234.
74
Docteur KEMMERER, 1888 (2e éd.), Histoire de L'île de Ré, L'insula Rhéa, impr. Jeanne d'Arc, Saint-Martin de
Ré, p. 13 et p. 312, vol. 2, de la 1ere édition (1868).
75
Cf. supra, 4.1.3 - Créer une banque de données sur les tempêtes anciennes.
76
Idem.
77
Cf. supra, 4.3.2 - Déterminer le zonage adéquat.

208
géographiquement référencées. Les carrés du carroyage liés aux zones peuvent alors être
corrélés aux données dʼattribut et codés. Vient enfin la délicate estimation de la surface
potentiellement traversée et affectée par la dépression. Vigilant, le chercheur ne saurait
ignorer que le principal risque est lʼexagération ou, au contraire, la sous-évaluation. En lien
avec les travaux de Marie-Ange TONNERRE sur les tempêtes dans le nord de la façade
atlantique française78, la zone touchée a été étendue à 25km, soit 50km de diamètre, au-delà
des régions impactées. Il ne sera par ailleurs pas oublié que les hypothèses avancées de
lʼemprise spatiale de lʼaléa dépendent de lʼétat de la connaissance historique à un instant T.
En aucun cas elles ne sauraient être considérées comme absolues et fixées.

78
Tonnerre, M-A, 2001, op. cit., p. 82-103.

209
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes

Figur e 28: Pr océdur e mise en œuvr e en vue de spatialiser sur Ar cGIS les vimer s anciens.
Réalisation : FONDIN Julien, publié à la page 41 de son rapport de Master 1.

Commençant à se manifester dès les 7 et 8 janvier 173579, une dépression


atmosphérique sʼabat sur le littoral atlantique français les jours suivants. Attestée en

79
AD 53, E dépôt 152/E 3, vue 193 ; DUCHEMIN R., 1896, « Registre de René Duchemin, prêtre à Laval », publié
par Moreau E., in B.C.H.A.M, t. XII, p. 13-29 et 253-270, p. 268.

210
Normandie par les travaux dʼEmmanuel GARNIER80, cette tempête a été sous-estimée par la
recherche historique. Les dépouillements effectués au cours du doctorat couplés à lʼutilisation
du SIG permettent dʼaffirmer quʼil sʼagit dʼun aléa non seulement dʼune emprise spatiale
impressionnante, mais aussi dʼune intensité extrême. Le plus fort du cyclone extratropical
frappe dans la nuit du 9 au 10 janvier, alors que la lune est pleine et la mer haute. Le
coefficient de marée de la PM est dʼailleurs élevé : 108 le 9, 114 le 1081. À cette conjoncture
déjà défavorable sʼajoutent des vents dʼafflux très violents poussant lʼeau à la côte, de fortes
vagues ainsi quʼun phénomène de surcote. Lʼaléa est accompagné de pluies diluviennes,
tonnerre et éclairs82. Les inondations marines sʼégaillent sur le linéaire côtier et de
nombreuses levées sont renversées : Saint-Malo83, les marais de Dol84, Vix et Maillezais85, les
îles de Bouin86 et de Ré sont durement frappés. Pour lʼîle de Ré, lʼévénement est dʼautant plus
dramatique que les chaussées avaient déjà été fragilisées par un vimer les 14-16 octobre
173487. Dʼailleurs, le coût exorbitant des ouvrages et réparations réalisés par lʼentrepreneur
Pierre SUEYE confirme lʼampleur des dégâts : 27 073 livres, 10 sous88 ! À proximité de
lʼestuaire de la Loire, 28 navires ayant trouvé refuge dans la rade de Paimboeuf sont retrouvés
abîmés (prise dʼeau, câbles rompus, etc.), échoués, démâtés ; tandis que plusieurs maisons de
la paroisse, situées en bord du fleuve, ont subi des avaries sous la pression concomitante du
vent et des eaux89. Lʼentrée dans les terres et les dommages conséquents engendrés par les
vents confirment du reste le caractère catastrophique de la manifestation. En Bretagne, la
tempête a grandement détérioré le presbytère de Lampaul-Ploudalmézeau90. Elle a également
abattu, brisé, déraciné jusquʼà 231 hêtres dans les seuls bois de lʼabbaye de Notre-Dame de
Coatmalouen à Kerpert et les destructions matérielles sont si abondantes que le montant des
réparations est estimé à 3 500 livres91. À Rennes, Laval, Saintes, Mouthiers-sur-Boëme…,

80
Garnier, E., 2005, « Les grands vents dans le Grand Ouest, XVIe-XVIIIe siècles », in Corvol, A. (dir), Tempêtes
sur la forêt française, XVIe-XXe siècle, L'Harmattan, Paris, p. 55-70.
81
Cf. supra, Chapitre 1, 1.2.3 - Un espace macrotidal : phase de la Lune, coefficient de marée et surcote.
82
MORVAN DE KERPONT D'ARMES C., Journal (1735 et 1738), copie, Med. J. Demy, Nantes, ms. 2616 et ms.
2617, Mi B 155 (microfilm).
83
AN Paris, H/1//581, lettre de Maurepas, secrétaire dʼÉtat à la Marine, adressée au contrôleur général des
finances portant sur la situation de Saint-Malo à la suite de la tempête des 9-10 janvier 1735.
84
Garnier, E., 2005, ibid.
85
AD 85, 62 J 9, fol. 10.
86
AD 85, 8 B 30, pièce en date du 17 mars 1735 ; AD 85, 8 B 61, remontrance du 9 décembre 1735 du procureur
fiscal de l'île de Bouin au sujet de l'état de plusieurs chaussées à la suite du vimer des 9-10 janvier 1735 (voir
publication dans le chapitre 7 - Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir) ; Brochard, F-X., 2010, Autorité,
justices et droit en pays de marches séparantes : lʼîle de Bouin (XVIe-XVIIIe siècles), Université de Nantes, thèse
de doctorat dʼHistoire du droit, sous la direction de Legal, P-Y., Nantes, t. II, p. 114.
87
AD 17, C 33, pièces n°73 et 105.
88
AD 17, C 33, pièce n°74.
89
AD 44, C 672/15, rapport contenant le détail des avaries aux vaisseaux ayant trouvé refuge dans la rade de
Paimboeuf lors de la tempête.
90
AD 29, 98 G 2, procès-verbal de reconstruction du presbytère, 1736.
91
AD 22, H 289, dossier documentaire comprenant 5 pièces : procès-verbal, supplique, requête, extrait des
registres du Conseil d'État, correspondance... à propos des dégradations constatées dans les bois ainsi qu'aux

211
CHAPITRE 4. Appliquer un SIG à l'histoire des tempêtes
divers endommagements sont recensés : clochers renversés, églises détériorées, toitures
emportées, hôpital de lʼHôtel-Dieu de Laval partiellement évacué…92
Dʼune telle étude de cas, il ressort non seulement lʼemprise spatiale considérable de
certains événements, leur intégration continentale, mais aussi leur intensité*, la suggestion de
lʼénergie déployée. Elle autorise au demeurant à avancer une hypothèse quant au couloir pris
par des vents : la trajectoire semble être associée à une depression située au niveau des îles
britanniques93. Enf in, elle expose la nécessité decontinuer les recherches et dʼétendre, à
lʼavenir, le cadre spatial afin de cartographier les manifestations dans leur intégralité.

Figur e 29: Car te extr aite du SIG r epr ésentant lʼempr ise spatiale, à lʼéchelle des pr ovinces de lʼouest de la
Fr ance, de la tempête avec submer sion des 9-10 janvier 1735.

Pour peu que les informations répertoriées soient suffisamment précises pour être

bâtiments de l'abbaye à la suite de la tempête du 10 janvier 1735.


92
DEBRESME M., 1922, « Journal de Marc Debresme (1700-1784) », publication par Favraud A., in B.M.A.H.C,
8e série, t. XIII, p. 79-126 ; REVEILLAUD M., 1914, « Journal de Michel Reveillaud (1696-1745) », publié par
Dangibeaud C., in A.H.S.A, Picard A., tome XLV, Paris-Saintes, p. 7-180, p. 141 ; DUCHEMIN R., 1896, op. cit., p.
268.
93
Cf. supra, Chapitre 3, 3.1.2 – La tempête passée, lʼinévitable dimension régionale.

212
spatialisées – ce qui nʼest pas toujours le cas –, il sera procédé similairement pour chaque
manifestation de la base de données.

Outil efficace, adaptable et pratique, le Système dʼInformation Géographique nʼest pas


aisé à définir tant ses fonctions et domaines dʼapplication sont élargis, pluriels, riches. Sous
couvert de suivre une procédure réfléchie, construite, critique, prudente, le SIG, de la base de
données aux productions cartographiques et analyses spatiales, peut devenir un allié de taille
de lʼhistorien des tempêtes. Il permet, entre autres, une valorisation de la masse
dʼinformations contenue dans les documents anciens et les rend plus accessibles, plus
opérationnelles aux gestionnaires. En matière de gestion du risque tempête, les apports de
lʼhistoire sont substantiels, non seulement pour améliorer la connaissance de lʼaléa, mais
également pour remettre en perspective, recontextualiser les enjeux et conflits contemporains.
À lʼavenir, il conviendra dʼélargir le cadre spatio-temporel, dʼaff iner la connaissance et
lʼanalyse des aléas, enjeux et vulnérabilités, dʼintégrer les dimensions de perceptions et de
représentations afin 1) dʼenrichir lʼinventaire déjà disponible, 2) de confronter la chronologie
des aléas survenus dans lʼouest de la France avec celles établies dans lʼest du pays, en Irlande,
Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, Espagne…, 3) dʼétudier, par niveau dʼéchelles et
périodicité, les migrations latitudinales des rails atlantiques des tempêtes impactant lʼEurope
de lʼOuest94, 4) de comparer les potentielles évolutions du risque tempête dans le temps, 5) de
réfléchir aux moyens dʼinfluer sur la vulnérabilité à long terme, 6) décrire et quantifier le plus
justement les dommages.

94
Cf. supra, Chapitre 3, 3.1.2 - La tempête passée, l'inévitable dimension régionale.

213
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »

CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir


d'endommagement »

L'histoire du littoral atlantique français est jalonnée de tempêtes et de submersions


marines. Quoique descriptifs et globalement succincts, un certain nombre de récits ont été
conservés dans les documents anciens. Offrant non seulement dʼenvisager une étude
historique de ces aléas, ils permettent également dʼappréhender lʼexposition naturelle et la
vulnérabilité des sociétés. Selon lʼintensité des vents et la récurrence des dépressions
atmosphériques, les conséquences seront plus ou moins désastreuses. Menaçant autant
l'intégrité physique des bâtiments et infrastructures, que celle des populations, portant atteinte
aux activités, en particulier agricoles, salicoles et sylvicoles, nuisant aux finances et à
e e
l'économie, les vimers des XIV -XVIII siècles ont un « pouvoir dʼendommagement » plus ou
moins élevé, variable selon lʼévénement, le temps, le milieu et ses enjeux.
e
La notion dʼendommagement a vu le jour au XIX siècle en Science des matériaux et,
plus spécifiquement, en résistance des matériaux. Délaissant ce domaine, lʼendommagement
sera rapporté ici à une société, ses équipements et activités. Il sera entendu comme
lʼapparition de dommages causés par des vents violents et/ou une submersion marine
conduisant à une dégradation des capacités physiques, productives, sociales de lʼobjet étudié.
Lʼexpression « pouvoir dʼendommagement » induit, quant à elle, la faculté dʼune tempête à
produire un effet reconnu comme préjudiciable par les victimes de lʼaléa. Dans la mesure où
la magnitude* nʼest pas estimable pour la période ancienne et quʼelle nʼatteste pas
nécessairement dʼune disposition naturelle à la destruction, le pouvoir dʼendommagement ne
saurait être systématiquement assimilé à la puissance du phénomène.
Il sʼagira donc essentiellement, à partir des dégâts générés par les CET, dʼétudier les
différentes formes de vulnérabilité socio-spatiale des communautés médiévales et modernes.
La première partie de ce chapitre sʼattellera à les examiner sous le prisme de
lʼendommagement matériel, structurel et fonctionnel. Cette typologie permettra de décrire les
divers types dʼatteintes recensés dans les sources. À la suite de cette présentation – finalement
relativement compendieuse au vu du foisonnement dʼexemples mobilisables –, un état de lʼart
critique sera effectué dans un second temps. Il portera sur les méthodes internationales et
nationales de quantification et de classification des phénomènes météo-marins. Enfin, une
nouvelle méthode de quantification sera proposée. Celle-ci a vocation à ouvrir la voie à
lʼétablissement dʼun prototype dʼindicateur dans lʼoptique de comparer les tempêtes selon des
critères définis apparaissant communs aux 7 derniers siècles. En revanche, au terme de cette
entreprise, faute de données anciennes complètes, homogènes, homologues et précises, le
chercheur ne saurait sʼaffirmer en mesure de déterminer des facteurs, de quantifier et dʼétablir

214
des indicateurs de vulnérabilité1 afin de produire une analyse comparative de cette dernière
entre les sociétés et territoires soumis à un même événement.

5.1 Typologie, définition et descr iption des dommages

À lʼheure actuelle, une tempête à impacts fait automatiquement l'objet de bilans


humains, matériels, économiques à différentes échelles spatiales, allant du local au national,
e e
mais aussi sociales, de l'individuel au global. Pour les XIV -XVIII siècle, les informations
disponibles étant éparses, partielles et la notion de « bilan » étrangère aux mentalités et
réalités administratives du temps, il est illusoire d'envisager un tel projet. Pourtant, les sources
historiques, telles que les chroniques, journaux, registres de comptes, de réparations de villes,
etc., ne consignant la survenue dʼun CET quʼà la condition quʼil ait des impacts sur des
enjeux, les dommages liés au vent et la mer sont abondamment relayés. Ces dégâts sont
pluriels. Ils peuvent être dʼordre matériel, agricole, humain, environnemental… Nancy
MESCHINET DE RICHEMOND et Magali REGHEZZA ont identifié trois catégories principales
dʼendommagement : matériel, structurel et fonctionnel2. Identif iables sur la période étudiée,
ils correspondent à des formes de vulnérabilité, conditionnées notamment par des facteurs
sociaux ou spatiaux. Le présent développement tend à réfléchir à leur application pour lʼaléa
tempête sous lʼAncien Régime. La question de la gestion de ces formes de vulnérabilité ne
sera pas abordée dans les prochaines lignes. Il sera également précisé que les impacts sur
lʼenvironnement côtier en matière dʼouverture de cordons littoraux, dʼérosion, etc. ne seront
pas envisagés ici.

5.1.1 Un endommagement matériel surreprésenté

Sans permettre de dresser de bilans globaux précis, les atteintes matérielles font l'objet
d'une attention particulière dans les documents anciens : équipements, bâtis, champs, forêts,
personnes… Rien ne semble épargné par les vents et/ou la mer. Le « matériel » ne sera pas
entendu ici comme synonyme dʼobjet ou de bien, en opposition à ce qui est humain, mais bien
comme ce qui est constitué de matière. Lʼendommagement matériel inclura donc toutes les
atteintes portées à lʼintégrité physique dʼun enjeu, quʼil sʼagisse dʼune infrastructure, dʼun
édifice, dʼune futaie, dʼun champ, dʼun animal ou dʼune personne. Trois grandes entités
peuvent ainsi être distinguées : le préjudice humain, celui sur les activités (agriculture,
saliculture, sylviculture), celui enfin sur les ouvrages et constructions. Cet endommagement

1
Cf. infra, 5.3.4 - Introduction à la construction dʼun prototype dʼévaluation des tempêtes.
2
Meschinet de Richemond, N., Reghezza, M., 2010, « La gestion du risque en France : contre ou avec le
territoire ? », Annales de géographie, 673-3, p. 248-267.

215
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
matériel comprend une échelle graduelle allant de la simple dégradation à la destruction
totale. Ne prétendant pas à lʼexhaustivité, il ne sera pas non plus question dʼexposer en détail
toutes les formes dʼendommagement matériel exhumées des sources. Seuls quelques cas et
exemples, parmi les plus représentatifs, seront mis en lumière.

Pour commencer, les mentions de blessés ou de morts lors d'un vimer sont
généralement peu répandues, succinctes et le vocabulaire employé pour décrire les pertes reste
vague. Le 4 mars (13 mars) 1408, une tempête se lève entre midi et le soir. En baie de
Bourgneuf, au large du port du Collet, un vaisseau breton chargé de sel est au mouillage. À
son bord se trouvent 8 marins. La tourmente est telle que le bateau essuie de grosses vagues
qui frappent rudement le pont. Tentant dʼempêcher le navire de se remplir dʼeau, ce qui
entraînerait la perte inéluctable de la cargaison, les marins luttent contre les éléments. Pris au
piège, il en résulte le décès par noyade de 6 dʼentre eux, tandis que les 2 autres réussirent à
regagner la terre à la nage. Lʼexpression, qui tient en peu de mots, est plutôt laconique : « se
nea six des mariniers qui estoient dedans, et deux eschaperent qui noerent jusques à la
terre »3. Similairement, le 20 février 1617, un « fort grand vent » renverse plusieurs piliers-
tutelles à Bordeaux4. Des victimes collatérales sont à déplorer puisque leur chute tue « force
peuple »5. Quʼest-ce quʼune telle expression signif ie? Combien de personnes décèdent ou
sont blessées ? En lʼabsence dʼinformations complémentaires, lʼhistorien ne peut répondre.
Globalement, ignorer le préjudice humain et/ou animal pose de sérieux problèmes au
spécialiste. Cette méconnaissance a notamment pour effet de contrarier lʼinterprétation de
lʼintensité* du phénomène. Exposée ultérieurement6, cette dimension ne sera pas traitée plus
avant dans cette section.
Par ailleurs, les vents violents et les vagues sont susceptibles dʼavoir des impacts sur
les monuments de tout ordre. Les descriptions des dégradations sont exposées suivant une
hiérarchie précise dans les documents historiques7. En premier lieu sont évoqués les
monuments cultuels. L'altération voire la destruction partielle des édifices religieux par un
aléa météorologique impressionne et perturbe profondément les populations. Dʼune hauteur
appréciable, les clochers et toitures des églises sont parmi les plus régulièrement renversés ou
emportés par les rafales. Plus tout ou partie du bâti est haut, plus il est vulnérable. En effet,
selon la loi dʼArchibald, la vitesse du vent augmente avec lʼaltitude, même si certaines

3
Cartulaire des Sires de Rais (1160-1449), 1898-1899, publication de Blanchard R., in A.H.P, Poitiers, tome
XXX, pièce n°CCCXIV, p. 457-474, p. 460.
4
AD 33, 8 J 566, fol. 2 ; GENESTE G., Chronique bordelaise de Gilles de Geneste (1609-1625), consultation sur
dérogation, AM Bordeaux, ms 422, fol. 5.
5
GENESTE G., ibid.
6
Cf. infra, 5.3.1 - Remarques préliminaires et limites rencontrées et 5.3.2 - État des données anciennes ou de la
nécessité d'établir des « classes ».
7
Garnier, E., 2010b, Les dérangements du temps. 500 ans de chaud et de froid en Europe, Plon, Paris, p. 78.

216
particularités topographiques peuvent conduire à une augmentation de la vitesse au sol8.
Légèrement moins mentionnées dans les sources, les cheminées, couvertures, vitres des
couvents, abbayes et chapelles apparaissent également sensibles. À leur suite viennent les
ouvrages et édifices publics, dont les coûts de réparation impactent les deniers communs.
Enfin, sont mentionnées les résidences bourgeoises ou nobles, les foyers populaires étant
pratiquement ignorés. Dans la nuit du 9 au 10 juillet 1598, une tempête accompagnée de
tonnerre et éclairs traverse lʼAunis, le Poitou et lʼAngoumois. Sur les 6-7h du soir, elle frappe
lʼîle de Ré et La Rochelle, tandis quʼelle se trouve vers 10h sur Poitiers, après avoir touché
Vibrac9. Son passage laisse la toiture de lʼéglise Sainte-Radegonde de Poitiers sévèrement
endommagée10. Le palais de la cité poitevine est de même détérioré et partiellement
« renversé par terre »11. Quant aux autres bâtiments, sans quʼaucun détail soit précisé,
plusieurs maisons et moulins semblent également abîmés à Poitiers, Châtellerault, Saint-
Maixant, Parthenay… Les blés, arbres fruitiers (noyers, châtaigniers, etc.), futaies de chênes
et hêtres eurent aussi beaucoup à souffrir de cet événement12. Toutes les structures, quelle que
soit leur nature, sont susceptibles de subir les affres d'importants coups de vent et apparaissent
vulnérables aux transgressions marines. Lorsqu'elles touchent des édifices tels que les
chaussées, ces manifestations portent atteinte aux finances locales. En effet, malgré un coût
d'entretien13 et de restauration14 des dispositifs – grâce à la présence d'une main-dʼœuvre
abondante et peu chère, car sans qualification15 – somme toute modique, cela représentait des
frais inattendus. Cependant, suivant l'étendue des dommages et le type de réparations quʼil
convient dʼy faire, le montant pouvait devenir exorbitant. En 1627, une « brèche* », cʼest-à-
dire une rupture de talus sur une portion de plusieurs mètres16, mesurant cent pieds de

8
Cʼest le cas des vallées où le vent peut sʼengouffrer et être accéléré par effet « Venturi » ou dʼentonnoir.
9
À en croire Dominique BOUCHET et Bruno VEILLON, membres de lʼAssociation généalogique de la Charente,
une note marginale, conservée dans un registre paroissial de Vibrac signalé comme disparu depuis le milieu des
années 2000, aurait contenu la mention suivante : « Le 9° jour du mois de Juillet 1598, le Jeudi soir entre soleilh
couche et jour failhy s'est leve une sy grande tempeste avec esclairs et thonnerre et grand mouvement de vent
telement quil ne y avait personne qui peust ressister dehors et dura lad(ite) esmotion de vant environ une heure
et demye lequel vant arracha ung nombre infiny darbres fructiers et porta fort grand domage en ce pays
d'angoulmois et estant a present residant en ce lieu de vibrac disant ''A fulgure et tempestate deffende nobis
domine'' fait par moy vicaire soubssigné Descescauld (?) ».
10
AD 86, G 1597, fol. 189.
11
HERPIN N., Extrait d'un mémorial rédigé par le Sieur Nicolas Herpin, notaire et procureur à Saint-Martin, île
de Ré, commencé le 15 octobre 1581, ms. 163 (microfilm), fol. 1-34, fol. 22.
12
MERLIN J., Diaire de Jacques Merlin et recueil des choses les plus mémorables qui se sont passées en ceste
ville de La Rochelle de 1589 à 1620, ms. 161, Mi 114 (microfilm), fol. 365.
13
À Bouin, il s'élevait, pour les années 1468-1469, à environ 26 livres 11 sous et 10 deniers. Sarrazin, J-L.,
2006, « Le paysage salicole de l'île de Bouin à la fin du Moyen Âge », in Chauvaud, F., Péret, J. (dir.), Terres
marines. Études en hommage à Dominique Guillemet, PUR, Rennes, p. 57-67, p. 64.
14
Au lendemain du vimer de novembre 1509, rétablir les seules chaussées des marais possédés par lʼabbaye de
Buzay sur lʼîle de Bouin est un budget raisonnable : 10 livres 2 deniers. Si lʼon y adjoint la remise en état des
marais, la réfection des fossés, le rétablissement des monceaux dispersés par le vent…, le coût total semble
également acceptable : 15 livres 7 deniers. AD 44, H 28, liasse 6.
15
Sarrazin, J-L., 2006, loc. cit.
16
Buron, G., 2001, Bretagne des marais salants. Hommes du sel, vol. 2, Skol Vreizh, Morlaix, p. 79.

217
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
longueur, soit plus de 32 mètres de long, est observée au niveau d'un talus protégeant une
saline à Guérande. Après expertise, mesures et consultations, des paludiers estiment qu'il en
coûtera « bien quatre cens livres pour devement reparer ladicte demolition »17 !
Enfin, les vents violents sont susceptibles de provoquer des ravages sur les productions
et activités des populations. Le littoral atlantique français compte de nombreuses côtes
basses18. Ayant généralement fait lʼobjet dʼaménagements, ces zones ont pu être transformées
en marais salants ou en terres agricoles. Nécessairement situées au-dessous du niveau de la
haute mer lors des marées de vive-eau, elles sont par définition exposées aux assauts de
l'océan. Les archives sédimentaires attestent régulièrement de brèches profondes dans les
dunes, de transgressions dans les zones humides, dʼaffections des écosystèmes côtiers, dʼune
situation de déséquilibre ponctuel du milieu. Lors du vimer des 24-25 décembre 177519, la
mer rompt plusieurs digues à lʼîle de Bouin et pénètre dans les salines, prés salés et champs.
Dans la seule tenue des Lordis, près de 40 journaux de prés et terres restent submergés durant
2 jours. Tandis que les terrains appartenant au père Jacques Masson sont couverts dʼeau. Cela
a pour conséquence de faire pourrir la quasi-totalité de ses blés. Dans le cas présent, le
montant de ses pertes agricoles et économiques est chiffré à plus de 10 000 livres20 ! Du reste,
à la suite d'une incursion marine, la mise en valeur des terres peut s'avérer plus ou moins
durablement compromise. La pénétration brutale de la mer dans les parcelles a des
retentissements majeurs : couches supérieures fertiles emportées, sols rendus stériles par le
sable et le sel, zones nivelées à cause du dépôt de graviers, galets et autres matières
détritiques... Au-delà des détériorations qu'une transgression entraîne, l'intensité des vents
risque en outre d'empêcher les labours, de briser les épis, de disperser les semences, etc.,
autant de perspectives peu engageantes pour les populations et leurs activités. Ainsi, le 2
juillet 1507, en pleine moisson, une tempête couche et gâte la plupart des blés nʼayant pas
encore été fauchés dans le duché de Bretagne, particulièrement au niveau des propriétés de la
châtellenie de Belligné21. À l'avenant, la f lore, surtout la sylve, peut être touchée. Les
e
mentions dʼarbres déracinés ou cassés sont nombreuses. Avant la seconde moitié du XVII

siècle, les sources mentionnent essentiellement les dommages sylvicoles lorsquʼils affectent
des arbres fruitiers. Cʼest alors lʼaspect frumentaire, lʼinquiétude alimentaire qui prévalent.
Cependant, à partir de la grande ordonnance des Eaux et Forêts de 1669, lʼadministration
forestière se renforce. Cʼest une aubaine pour le chercheur22 : désormais, les archives

17
AD 44, B 9149.
18
Cf. supra, Chapitre 1, 1.2.2 - Un territoire entre côtes rocheuses et sableuses
19
Cf infra, exemple développé dans le chapitre 7, 7.3.3 - Mesures instrumentales et signes de la nature au service
de la prévision et de l'anticipation ?
20
AD 85, 1 E 1343, pièce portant sur lʼétat détaillé des dommages générés par le vimer de décembre 1775 à l'île
de Bouin..
21
AD 44, E 269, fol. 8.
22
Cf. supra, Chapitre 2, 2.1.2 - La tempête dans l'archive : un accent sur les actes de la pratique, les documents

218
conservent la mémoire des « chablis », ces bois victimes des vents. À lʼéchelle dʼune futaie, il
est alors possible de dresser un bilan des atteintes faites à ces forêts de feuillus gérées,
cultivées même pour ainsi dire, recouvrant le territoire étudié. Hêtres, chênes, bouleaux
e e
souffrent dʼautant que depuis les grands défrichements des XI -XIII siècles, les forêts
23 er
primaires européennes ont été mises à mal . Du 28 décembre 1705 au 1 janvier 1706, un
CET frappe durement les Marches de Bretagne / Poitou, la Bretagne, le Maine, la Normandie.
Les écrits déplorant la ruine de multiples arbres abondent. Parfois imprécis, ils nʼautorisent
pas à dresser un bilan comptable catégorique, tandis que d'autres offrent une vision explicite
du « grand désordre »24. Ainsi, si au sein du domaine de la Picquelaye, paroisse de Nouaye,
juridiction de Saint-Brieuc, il est simplement consigné que « tant des bois [furent] abattus
dans les bois de hauttes fustayes » 25, que dans la paroisse de Courbeveille, près de Laval, il y
eut « des arbres fruitiers, chesnes et chastaign[iers, sic] en si grand nombre partout »26, que
dans celle de Lassay, « les arbres fruitiers furent pour la pluspart arrachez ou renversez »27,
tandis quʼà La Croixille la perte des arbres fruitiers est estimée à une « grande valeur »28, il
est précisé que dans la paroisse de Montjean près de 2000 arbres fruitiers furent renversés29 !
À Rennes, dans lʼenclos du Thabor appartenant à lʼabbaye de Saint-Melaine, ce sont plus de
120 arbres qui sont déracinés30. Quant aux procès-verbaux de la visite des bris et chablis des
forêts bretonnes de Rochemaret, de Lemezec, de Fréau, de Closzon, de Beuchoart, du
Menguen, ils ne laissent aucun doute sur lʼampleur du tort : au moins 1178 sont déracinés et
brisés par les vents, dont plusieurs chênes de 10 (!), de 6 et de 5 pieds de tour, de même que
de très nombreux hêtres de 8, 7 et 4 pieds de tour31. Ce sont donc plus de 3500 arbres qui
furent perdus. Une telle ruine est dʼautant plus déplorée que la superficie forestière est alors
de moindre importance quʼaujourdʼhui32…

À partir du préjudice humain, de celui sur les activités, ainsi que celui portant sur les
ouvrages et constructions, il est possible dʼétudier lʼendommagement matériel. À profusion

de gestion et d'administration.
23
À toutes fins utiles, le lecteur intéressé pourra lire le best-seller vulgarisé rédigé par le forestier allemand
Wohlleben, P., 2017, La vie secrète des arbres. Ce quʼils ressentent, comment ils communiquent, traduit de
lʼallemand par Corinne Tresca, Les Arènes, Paris.
24
Histoire de l'Académie royale des Sciences tirée des registres de cette Académie, 1706, impr. Martin G.,
Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 11.
25
AN Paris, MC/ET/VIII//1366.
26
AD 53, E dépôt 60/E13, vues 6-7.
27
AD 53, E dépôt 94/E8, vue 216.
28
AD 53, 4 E 97/1, vues 121-122.
29
AD 53, E dépôt 116/E9, vue 103.
30
BORDEAUX Cl., 1992, Moi, Claude Bordeaux : journal d'un bourgeois de Rennes au 17e siècle, publié par
Isbled, B., Apogée, Rennes.
31
AD 29, 21 B 169, dossier documentaire de 12 pièces.
32
Tabeaud, M., Lysaniuk, B., Schoenenwald, N., Buridant, J., 2009, « Le risque « coup de vent » en France
depuis le XVIe siècle », Annales de géographie, 667, p. 318-331, p. 320.

219
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
dans les sources historiques, ces données servent de point de départ à une démarche de
quantification des dégâts et un essai dʼestimation de lʼintensité* de lʼaléa33.
Lʼendommagement matériel est par ailleurs susceptible de mener à un dérangement structurel.

5.1.2 Des dégâts structurels dérisoires ?

Difficilement chiffrable, lʼendommagement structurel est assez peu considéré dans les
travaux de recherche sur les tempêtes récentes. Au regard des sources de lʼhistoire des
manifestations météo-marines, il apparaît peu prégnant. Pour autant, est-ce à dire quʼil était
dérisoire, voire inexistant ?

Lʼendommagement structurel résulte dʼun tort matériel initial encouru. Il a trait à une
infrastructure insérée dans un réseau, comme une route, un pont, etc., dont lʼaffection est si
importante quʼelle entraîne une modification de la structure, de lʼorganisation, altérant de ce
fait son « potentiel relationnel »34. En fonction de son niveau de vulnérabilité, la structure
sera, ou non, en capacité dʼabsorber et de pallier les méfaits de lʼendommagement. Les
documents anciens mentionnant des vimers ont peu gardé la mémoire de destructions de ce
type. En lʼétat actuel des connaissances, moins dʼune dizaine de notes succinctes affleurent.
La tempête avec submersion des 27-28 janvier (5-6 février) 1469(n.st.) a altéré les chemins
dans les marais de lʼîle de Bouin et emporté des ponts35. Ceux-ci doivent être remis en état.
Quoique les chemins et ponts soient essentiels à lʼusage des salines, cet endommagement
structurel semble proportionnellement peu relevé par les contemporains. Nʼétait-il pas
dérangeant, en particulier pour le transport du sel ? Ou est-ce quʼune dimension de
priorisation primait à lʼévocation des dégâts ? En effet, les circuits hydrauliques des salines du
seigneur de Retz étant par ailleurs gravement détériorées et un grand nombre de chaussées
renversées, en attendant dʼêtre réparés les marais salants produisent peu. La priorité se dirige
dʼailleurs vers la reconstruction des levées36. De même, dans une lettre en date du 7 novembre
1777 adressée au marquis de Langeron, il est question de dégradations occasionnées par la
tempête des 30-31 octobre 1777. En pleins travaux sur le fort et le four du Bouguen ainsi que
lʼanse Garin, les grands vents ont causé un « grand mal aux chemins de communication des
carrières aux ouvrages ». Les chantiers étant menacés dʼune mise à lʼarrêt forcée si les pierres
ne peuvent être livrées, il apparaît primordial de rapidement rendre praticables les routes. Ce
dʼautant quʼaucun itinéraire secondaire ne peut être emprunté : nul nʼen faisant usage, les

33
Cf. infra, 5.3 - Du bénéfice de proposer une nouvelle méthode de quantification.
34
Meschinet de Richemond, N., Reghezza, M., 2010, op. cit., p. 250.
35
AN P-s-S, 1 AP 2132, pièce n°122.
36
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.3 - La tempête avec submersion des 27-28 janvier (5-6 février) 1469(n.st).

220
chemins de traverse sont infréquentables37. À lʼinverse, les sécheresses, glaces, gels ou
inondations de cours dʼeau comptent nombre dʼexemples dʼun désordre structurel. Ne le
désignant évidemment pas en ces termes, les populations avaient majoritairement conscience
des retombées indirectes négatives de telles atteintes. Dans la nuit du 26 au 27 novembre
1770, une crue subite de la Sèvre nantaise emporte une partie du pont Rousseau, qui finit par
entièrement s'écrouler au cours de l'après-midi du 28 novembre. La ruine de ce pont
« intercepte un passage public des plus importants », puisque les routes des pays de Ré, de La
Rochelle et d'une partie du Poitou se rejoignent aux environs de ce pont38. Véritable désastre
pour le commerce et l'approvisionnement de la ville de Nantes, ainsi que des provinces
bretonnes et normandes circonvoisines, il est décidé d'établir provisoirement un bac afin de
faire traverser voyageurs, animaux et voitures, les finances étant insuffisantes pour la
reconstruction dʼun ouvrage39. Quoique souhaitée temporaire, la solution tend à s'éterniser :
six ans plus tard, le pont n'est toujours pas reconstruit. Les députés et le procureur général de
Nantes rédigent alors un mémoire à l'attention du contrôleur général du royaume. Lʼobjectif
est dʼobtenir des aides pour rétablir ledit pont Rousseau. La situation, parfaitement exposée et
explicitée, y est dépeinte en ces termes :
« Le defunt de ce pont depuis 6 ans est un geant mal public. On l'a suppléé
par un bac servi aussi bien qu'il est possible cependant il y arrive sans cesse des
accidens. […] Les marchands de bestiaux qui viennent en grande quantité des
foires du Bas Poitou pour l'approvisionnement de la Normandie et ensuite de
Paris n'ont point d'autre route et y sont exposées a des pertes frequentes. […] Les
dépenses faites par le Gouvernement sur la route de La Rochelle deviennent
inutiles si ce pont n'est pas retabli. Il interesse plus le royaume en general que la
Bretagne en particulier dont il est a l'une des extremités. »40
De telles situations dʼendommagement structurel sont pléthores lors dʼextrêmes
hydrologiques passés. Elles attestent généralement dʼune capacité de réponse, pas toujours
pérenne certes, mais rapide des sociétés. Ainsi, le temps des restaurations, des dispositions
alternatives pouvaient être proposées aux usagers.
Néanmoins, comment expliquer que, dans le cas dʼévénements venteux extrêmes, les
évocations dʼendommagement structurel soient si rares ? Les tempêtes, à plus forte raison
avec submersion, nʼont-elles pas la faculté de dégrader quelques tronçons de route ou un
pont ? Sʼil est vrai que les vents nʼont que peu de conséquences sur des voies de
communication terrestres – à lʼexception dʼarbres renversés en travers dʼune route et des

37
AM Brest, 2 S 16, pièce n°12.
38
AM Nantes, DD 141, pièce n°22.
39
AD 44, C 372, pièce n°93.
40
AD 44, C 372, pièce n°94.

221
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
dangers liés à la circulation41 –, il nʼy a quʼà regarder de récentes photographies prises à la
suite de dépressions atmosphériques pour se convaincre des dégradations que la houle peut y
faire42. Cependant, ramenée au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne, lʼoffre en termes de
réseaux et dʼinfrastructures était moins développée, pratiquée et exposée quʼaujourdʼhui. De
nos jours, il nʼest presque aucun coup de vent qui nʼaffecte pas le réseau électrique, de
transport43 ou de téléphonie44. Dʼune nature autre, bien plus variés et nombreux que ceux des
e e
XIV -XVIII siècles, les réseaux actuels sont probablement plus vulnérables aussi aux tempêtes,
ne serait-ce que par leur potentielle prise au vent, comme cʼest le cas des pilonnes ou poteaux
électriques. Au demeurant, sans traiter des modes de vie étroitement dépendants de
lʼefficacité de ces réseaux, ils comptent également un nombre dʼutilisateurs-consommateurs
particulièrement élevé, ce qui induit une acceptation faible de lʼendommagement structurel.
Enfin, il sera spécifié que penser lʼendommagement structurel sous couvert de lʼinsertion dans
un réseau manque probablement de pertinence par rapport aux réalités de lʼAncien Régime.
Envisagé simplement en termes dʼaltération de la structure et/ou de lʼorganisation dʼun enjeu,
ce type dʼendommagement gagnerait en application, tout au moins dans le cadre dʼune étude
sur les manifestations météorologiques éoliennes passées.

Lʼendommagement structurel des vimers semble effectivement dérisoire sous lʼAncien


Régime. Toutefois, il nʼest pas superflu de relever que cette tendance nʼest pas caractéristique
de la période puisque dans le cas dʼextrêmes hydrologiques, la dimension est présente. Dès
lors, cela paraît propre aux aléas météo-marins, à des enjeux anciens peu vulnérables à un
endommagement structurel, des réseaux proportionnellement encore sous-développés et,
certainement, des sources laconiques sur ce sujet. Les altérations fonctionnelles sont, quant à

41
Dans son journal, MORVAN DE KERPONT DʼARMES relate quʼétant en voyage de Nantes à Guérande lors de la
tempête des 9-10 janvier 1735, sa voiture a été particulièrement malmenée, ses bagages renversés, ses chevaux
« battus, mouillés, harcelez » par le vent et les pluies diluviennes lʼaccompagnant. MORVAN DE KERPONT
D'ARMES C., Journal, Méd. J. Demy, Nantes, ms. 2616 et 2617, MI B 155 (microfilm). Similairement, dans son
livre de raison, le Sénéchal DE LANTILLAIS stipule que le 30 octobre 1775, alors quʼil est sur la route entre Saint-
Brieuc et Lamballe, un violent « orage de vent et de pluye » emporte les rideaux de cuir de son cabriolet et
arrache les gaules de fer. Récit inédit de la bataille de Saint-Cast et souvenirs de la vie à Plancoët au XVIIIe siècle
d'après le livre de raison du Sénéchal de Lantillais, publié par Daniel de la MOTTE ROUGE, Mémoires de la
société d'émulation des Côtes du Nord, Saint-Brieuc, 1850, p. 1-24, p. 13.
42
Par exemple : AD 85, 1 Num 381/7 et 1 Num 381/8, le passage du Goix après la tempête du mois de janvier
1998.
43
En région nantaise, le pont de Cheviré permettant de traverser la Loire est notamment fermé lors dʼavis de
tempête.
44
Pour nʼen citer que quelques exemples : la tempête Viviane des 26-28 février 1990 perturbe le trafic
ferroviaire et prive près de 40 000 foyers dʼélectricité dans la seule région nantaise, AM Nantes, 24 PRESSE
125, 27-28/02/1990 ; la tempête des 7-8 septembre 1995 prive quelques 15 000 foyers dʼélectricité, AD 44, PR
967 411, 22/12/1995 et AD 44, PR 967 404, 08-09/09/1995 ; la tempête du 13 janvier 1998 entraîne la fermeture
du pont de Saint-Nazaire et 17 000 maisons sont privées dʼélectricité en Vendée, AM Nantes, 26 PRESSE 245,
14/01/1998 ; tempête Lothar des 26-27 décembre 1999 génère des dégâts sur les infrastructures routières et
ferroviaires, le trafic aérien est suspendu et près dʼun million de foyers sont privés dʼélectricité en France, AM
Nantes, 24 PRESSE 270, 30/12/1999 et 24 PRESSE 271, 06/01/2000, http://tempetes.meteofrance.fr/Lothar-le-
26-decembre-1999.html.

222
elles, mère de conséquences indirectes sérieuses pour les populations et leurs activités.

5.1.3 Les atteintes fonctionnelles, mère de conséquences indirectes notables

Lʼendommagement fonctionnel est induit par des dommages matériels et/ou structurels.
Il affecte la fonction même d'une activité, d'un service, d'un bâtiment, dʼun espace productif et
le paralyse au point de l'empêcher de remplir sa ou ses fonctions. De ce fait, il entrave de
manière plus ou moins prolongée la production à une échelle pouvant aller du local au
régional.
À ce titre, le cas de la saliculture est éminemment intéressant. Protégés par des
dispositifs de défense contre les incursions, toute rupture engendre une inondation plus ou
moins grave des marais salants. La réfection implique alors non seulement un coût financier,
mais également un temps de réhabilitation dont la durée varie de quelques mois à plusieurs
années. Selon lʼimportance de lʼendommagement fonctionnel, durant cette période, la
production est ponctuellement ralentie ou durablement compromise, les revenus des
propriétaires et des sauniers accusent un léger fléchissement voire déclinent nettement, la
situation peut entraîner du chômage ou, au contraire, sʼafficher comme une aubaine pour des
manouvriers louant leurs bras à la journée45. L'onde de tempête, qui frappe Olonne, les îles de
Noirmoutier et de Ré au cours de lʼhiver 1351-1352(n.st.),46 transforme certaines salines en
lagunes, parfois pour un demi-siècle47. La ruine est telle quʼà Noirmoutier et Olonne, compte
tenu des faibles moyens techniques à disposition, les reconstruire à court terme sʼavère hors
de portée des sociétés salicoles. En 1365, soit une petite quinzaine dʼannées plus tard, à
Noirmoutier, les marais salants ne sont toujours pas rétablis48… Néanmoins, en matière
dʼendommagement et de vulnérabilité fonctionnels, l'intensité de l'événement occupe une
place non négligeable, de même que le contexte démographique et politique. Celui-ci ne doit
pas être omis. Entre les épisodes successifs de pestilence, dont le plus funeste reste celui de la
Peste noire au milieu du XIVe siècle, et les expéditions et offensives anglaises de la guerre de
Cent Ans, la présence humaine sur le littoral a certainement faibli. Pâtissant
vraisemblablement d'un manque de main-dʼœuvre, les salines ruinées ou en friches ne
peuvent être remises en état rapidement. En revanche, lorsque lʼennoyage est partiel, il
provoque certes un sinistre et des pertes, mais une restauration rapide est autorisée. Le 7
décembre 1663, dans une requête émise par David Texier et sa femme en vue dʼobtenir

45
Sarrazin, J-L., 2016a, « La saliculture atlantique française au péril de la mer (XIVe-XVIe siècle) », in Le
Bouëdec, G., Cerino, C. (dir), La maritimisation du monde de la préhistoire à nos jours. Enjeux, objets et
méthodes, PUPS, Paris, p. 167-190 ; Sarrazin, J-L., 2012, « “Vimers de mer” et sociétés littorales entre Loire et
Gironde (XIVe–XVIe siècle) », Norois, 222, p. 91-102.
46
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.2 - Première mention de vimer sur le littoral atlantique français : 1351-1352(n.st).
47
AN (P-s-S), 1AP/1974, MIC/1AP/1974 (microfilm), pièce n°50.
48
Mollat, M., 1983, La vie quotidienne des gens de mer en Atlantique, IXe-XVIe siècle, Hachette, Paris, p. 129.

223
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
l'afféagement de quinze à seize journaux de terres vagues au niveau de la saline Sissable
(juridiction de Guérande) qu'ils souhaitent mettre en valeur, ils évoquent un vimer qui « a
arrivé depuis peu dans les sallines despendans dudict domainne de Guérande qui a cousté
plus de six mil livres pour les remettre en estat ». Quoique la date ne soit pas précisée –
sʼagit-il de la tempête attestée du côté de lʼîle dʼYeu et dʼOlonne en janvier49 ou dʼune autre ?
–, la tournure ne laisse aucun doute : lʼévénement est survenu il y a moins dʼun an et les
réparations ont, à grands frais, dʼores et déjà été effectuées. Autrement dit, en quelques mois
les stigmates étaient invisibles50.

Pièce justificative n° 4
AD Loire-Atlantique, B 655, fol. 277.

Registre papier folioté, source manuscrite, original, ancien français, bon état.

Registre dʼaudience de la Chambre des comptes de Bretagne, 1661-1663. Les auteurs de la


requête sont témoins oculaires. Fiabilité très bonne.

Analyse : requête de David Tessier, Jean Le Besson et leurs femmes visant à obtenir
l'afféagement de quinze à seize journaux de terres vagues au niveau de la saline Sissable
(juridiction de Guérande) qu'ils souhaitent mettre en valeur. Dans ladite requête il est fait
mention d'une submersion marine récente (7 décembre 1663).

« Ve u pa r la Cha mbre la re que s te pré s e nté é pa r Da vid Te s s ie r e t J a nne J ume l s a fe mme e t


J a n Le Be s s on e t Ma rie J ume l a us s y s a fe mme ha bitta ns de la ville du Crois icq, pa rrois s e
de Ba tz, e xpos a nts s ca voir le s dits Te s s ie r e t fe mme que da ns la S a llinne S is s a ble s oubz la
juridiction de Gue ra nde ils ont nombre d'oe ille ts de ma ra is s a lla nts qui le ur a ppa rtie nne nt
a utour de s que lz oe ille ts de ma ra is e t va zie re s d'ice ux il y a e nviron de quinze à s e ize
journa ux de ba ulle s ou te rre s va gue s qui s ont a toutte s le s ma ré e s couve rte s de la me r e t
a ins y infructue us e e t innutilz da ns le s que ls ils s ouhe ttroie nt fa ire que lque a ugme nta tion e t
de s digue s pour la cons e rva tion de le urs dictz ma ra is ; e n cons é que nce que le doma ine du
roy s e trouve ra a ugme nté me s me le droict du s e l à livre qui s e lè ve s ur le s s e lz qui s e tire
pa r me r e n ce lluy de s brie ux s ur le s ve s s e a ux qui le s e nle ve nt (? ) dudict Crois icq. De plus ,
que le publicq re ce pve ra une trè s gra nde utilité e n ce tte a ugme nta tion de digue e t ta llus , ca r
ce la e mpe s che ra l'impé tuos ité de s vime rs e t tourme nte s e t cons e rve ra le s a utre s s a lline s
qui s ont s cittué é s a ux pa rrois s e s de Gué ra nde e t du Crois icq qui s ouffre nt pa r le s vime rs de
gra nds domma ge s e t pe rte s ce qui a a rrivé de puis pe u da ns le s s a lline s de s pe nda ns dudict
doma inne de Gué ra nde qui a cous té plus de s ix mil livre s pour le s re me ttre e n e s ta t. ».

Selon le degré dʼaffection matériel et/ou structurel dʼun enjeu, lʼendommagement


pourra se révéler fonctionnel. Source de perte dʼexploitation et de production, celui-ci peut
alors sʼétendre du simple dysfonctionnement à la mise à lʼarrêt total de lʼactivité. Située sous

49
AD 85, 3 E 93/4-2, numérisation, vues 195-198.
50
Buron, G., 2001, op. cit., p. 19.

224
le niveau des plus hautes eaux de pleine mer, la saliculture en est un bon exemple. Au
demeurant, si la vulnérabilité de lʼenjeu et lʼampleur de lʼaléa ne doivent pas être négligées, la
conjoncture démographique et économique, de même que la situation politique et sociale ne
sauraient être occultées.

Cette réflexion sur les trois principales formes dʼendommagement et la vulnérabilité


induite des enjeux peut être mise en perspective avec une étude plus générale sur le risque.
Comme le remarquent Nancy MESCHINET DE RICHEMOND et Magali REGHEZZA, celui-ci serait
alors pensé par emboîtement de dommages51. Une liaison de causalité naîtrait entre chaque
niveau avec, pour point de départ, un processus physique – ici une tempête avec ou sans
submersion marine – générateur de destructions matérielles (morts, dégradations de
constructions…). Ces trois niveaux peuvent être analysés en interrelation ou indépendamment
e e
les uns des autres. À lʼéchelle des XIV -XVIII siècles, lʼexemple parfait reste, de nouveau, la
saliculture : un aléa météo-marin survient. Des chaussées sont rompues (endommagement
matériel). En pénétrant, lʼeau détériore les circuits hydrauliques, les bassins, etc.
(endommagement structurel élargi). Le temps de la remise en état, les marais salants sont dans
lʼincapacité dʼassurer leur fonction productive première (endommagement fonctionnel).
Cette présentation descriptive étant réalisée, il revient désormais au chercheur de
tenter de quantifier. Sans sʼaventurer à apprécier ce qui serait, pour la période ancienne,
indéterminable – à savoir, proposer un chiffrage des endommagements structurel et
fonctionnel –, il sʼagira désormais de sʼessayer à lʼexercice de la quantif icationdes dégâts
matériels recensés. Au préalable, un état de lʼart critique des travaux menés sur la question
sʼimpose.

5.2 Des méthodes existantes dʼévaluation et de classification efficientes ?

En matière de risques naturels et dʼimpacts, il existe une multitude dʼéchelles et


dʼindices, de méthodes de quantification de leur intensité*, dʼestimation de leur sévérité52.
Certains utilisent les caractéristiques physiques des aléas pour déduire les niveaux de dégâts
observables, tandis que dʼautres emploient les niveaux de dégâts pour extrapoler les
caractéristiques physiques. Dʼaucuns rapprochent lʼintensité dʼun indice de sévérité dʼune
manifestation, alors que dʼautres le conceptualisent comme lʼestimation des dommages
observables générés par un phénomène climatique ou météorologique… Il sʼagira ici de
présenter un état de lʼart critique des principales démarches dʼévaluation des tempêtes
anciennes sous latitudes tempérées existantes, notamment en vue de sʼinterroger sur la

51
Meschinet de Richemond, N., Reghezza, M., 2010, op. cit., p. 251.
52
Blong, R., 2003, « A review of damage intensity scales », NH, 29, p. 57-76.

225
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
pertinence, mais également les limites dʼen proposer une nouvelle.

5.2.1 « Evaluer » la tempête extratropicale ancienne : où en est la recherche à


lʼinternational ?

Les méthodes dʼévaluation des tempêtes affichent une grande diversité. Ne prenant pas
en considération les phénomènes tropicaux, délaissant donc de ce fait la question des échelles
de Saphir-Simpson, de Fujita, de Fujita-Pearson, etc., la présentation critique de lʼétat de lʼart
se veut essentiellement centrée sur lʼEurope et ses tempêtes de latitudes tempérées.
Négligeant également les travaux axés sur les conséquences en matière dʼérosion littorale53,
elle ne prétend pas à lʼexhaustivité et se centrera sur les principales recherches menées utiles à
une réflexion sur la classification des tempêtes anciennes. En conséquence, elle ne
considérera pas les méthodes fonctionnelles et opératoires uniquement pour les manifestations
survenues depuis la Seconde Guerre Mondiale54. Cela exclura donc, de fait, la European
Windstorm Scale (EWS), qui évalue les tempêtes en fonction de leur pression barométrique,
de plus de 1000 mbar (cat. 1) à moins de 955 mbar (cat. 5), et de leur vitesse de vent, de 50-
115 km/h (cat. 1) à 234-297 km/h (cat. 5), ainsi que le Storm Severity Index (SSI), qui se
calcule à partir des données dʼobservations horaires et cumule, sur la surface affectée par la
tempête, les vitesses de vent dépassant le seuil de 100km/h au cube.

Hubert LAMB fut lʼun des pionniers55 dans la mise au point dʼun procédé de
quantification des sources textuelles56. Ses travaux portent notamment sur les tempêtes

53
Le lecteur intéressé pourra notamment consulter Sallenger, A.H., 2000, « Storm Impact Scale for Barrier
Islands », Journal of Coastal Research, 16-3, p. 890-895.
54
MacClenahan, P., McKenna, J., Cooper, J.A.G., OʼKane, B., 2001, « Identification of highest magnitude
coastal storm events over western Ireland on the basis of wind speed and duration thresholds », Int. J. of Clim.,
21-7, p. 829-842.
55
Garnier, E., 2010c, « Fausse science ou nouvelle frontière ? Le climat dans son histoire », R.H.M.C, 57-3, p. 7-
41, p. 22 ; Alexandre, P., 1980, « Les variations climatiques en Belgique et en Rhénanie dʼaprès les sources
écrites de la période 1100-1600 », in Verhulst, A., Gottschalk, M.K.E. (eds), Transgressies en
occupatiegeschiedenis in de kustgebieden van Nederland en België, Colloquium Gent 5-7 september 1978
Handeligen, Goff, Gand, p. 243-249, p. 243 ; Lamb, H.H., 1961, « Climatic change within historical time »,
Annals of the New York Academy of Sciences, 95, p. 124-162.
56
À partir de la fin des années 1990-début 2000, la méthodologie est reprise, développée, standardisée, en
particulier sous lʼimpulsion des clioclimatologues européens, dont Christian PFISTER et Rudolph BRADZIL
Lʼapplication dʼun indice compris entre -3 et +3 permet la reconstruction des températures et des précipitations à
lʼéchelle saisonnière. Les résultats obtenus ne sont certes pas absolus, mais les corrélations entre séries
européennes sont significatives, ce qui tend à amender la démarche. Pour plus dʼinformations ou une vision
synthétique, voir entre autres : Litzenburger, L., 2012, « « Faire des chiffres avec des mots » : la méthodologie
de lʼhistoire du climat dʼaprès les sources narratives messines et des Anciens Pays-Bas », in Parmentier, I. (dir.),
Études et bibliographies dʼhistoire environnementale (Belgique-Nord de la France-Afrique centrale), PUN,
Namur, p. 87-100 ; Garnier, E., 2010c, op. cit., p. 22-29 ; Jones, P., 2008, « Historical climatology – a state of
the art review », Weather, 63-7, p. 181-186, p. 182-183 ; Bradzil, R., Pfister, C., Wanner, H., Von Storch, H.,
Luterbacher, J., 2005, « Historical climatology in Europe – The state of the art », C.C., 70-3, p. 363-430, p. 377-
400 ; Van Engelen, A.F.V., Buisman, J., Ijnsen, F., 2001, « A millennium of Weather, Winds and Water in the
Low Countries », in Jones, P.D., Ogilvie, A.E.J., Davies, T.D., Briffa, K.R. (eds), History and Climate,

226
frappant lʼEurope, les régions de la mer du Nord particulièrement. Il sʼest initialement
inspiré57 dʼune méthode et dʼun indice de mesure – toujours en vigueur58 – développé par
A.F. JENKINSON et F.P. COLLISSON59, connu au Royaume-Uni sous le nom de « Jenkinson-
Collisson Gale Index ». Celui-ci repose sur la mesure des gradients de pression situés en
surface et au niveau moyen de la mer. Il permet ainsi dʼobtenir des statistiques sur le nombre
et la sévérité des « coups de vent » à lʼéchelle dʼun espace entre les années 1870-1880 et
aujourdʼhui. Ce nʼest quʼà compter de 1991, quʼHubert LAMB et Knud FRYDENDAHL60
établissent leur indice de sévérité des tempêtes. Il consiste en la célèbre formule V3max * Amax *
D, où Vmax correspond à la vitesse maximale des vents de surface, Amax à lʼaire totale touchée
par les vents destructeurs et D à la durée globale des vents dommageables. Ainsi, à partir de
ces informations, les tempêtes sont caractérisées et un indice traduisant leur sévérité leur est
attribué afin de les comparer. La notation de leur indice de sévérité des tempêtes sʼétend de
50, notamment pour la tempête des 22-23 décembre 1937, à environ 20 000 pour celle du 15
décembre 198661. Comme ils le relèvent eux-mêmes, par exemple pour les événements des
11-12 novembre 1570 ou celui du 31 octobre-2 novembre 1694, lʼindice obtenu repose sur
des déductions et les données sont « inadéquates » pour une estimation f iable62. Pour la
période étudiée dans la thèse, lʼusage dʼune telle méthode est impossible. La première et plus
e
évidente des raisons tient en lʼabsence de données instrumentales jusquʼau XVIII siècle. Leur
insigne faiblesse et représentativité au sein du corpus, doublée dʼune fiabilité pouvant être
contestée ne permettent du reste pas de lʼenvisager à lʼéchelle du siècle des Lumières.
Pourtant, Hubert LAMB et Knud FRYDENDAHL ont partiellement réussi à lʼappliquer à des
e e
événements datés des XVI -XVIII siècles. Comment ont-ils opéré ? Ils ont, pour cela, pris en
compte dʼautres critères dʼévaluation de la sévérité comme les dommages aux paysages et
côtes, aux biens (bâtiments, cultures, forêts), les pertes humaines et animales63. Néanmoins,
ils nʼexpliquent pas leur méthode de quantification, donc dʼestimation des préjudices. Au
demeurant, largement critiquée, notamment par les historiens64, cette démarche inclut au

memories of the future ?, Springer, Boston, p. 101-124.


57
Lamb, H.H., 1980, « Climatic fluctuations in historical times and their connexion with transgressions of the
sea, storm floods and other coastal changes », in Verhulst, A., Gottschalk, M.K.E. (eds), op. cit., p. 251-281, p.
266 et 274.
58
McCarthy, M., Spillane, S., Walsh, S., Kendon, M., 2016, « The meteorology of the exceptional winter of
2015/2016 across the UK and Ireland », Weather, 71-12, p. 305-313, p. 305 ; Kendon, M., McCarthy, M., 2015,
« The UKʼs wet and stormy winter of 2013/2014 », Weather, 70-2, p. 40-47, p. 43.
59
Jenkinson, A.F., Collison, F.P., 1977, « An initial climatology of gales over the North Sea », Synoptic
Climatology Branch Memorandum, 62, Meteorological Office, Bracknell.
60
Lamb, H.H., Frydendahl, K., 1991, Historic storms of the North sea, British Isles and Northwestern Europe,
Cambridge University Press, Cambridge, p. 7-21.
61
Ibid, p. 7-10.
62
Ibid., p. 8.
63
Lamb, H.H., Frydendahl, K., 1991, idem.
64
Athimon, E., 2017, « Adversités météo-marines : reconstruction historique, impacts et résilience en Anjou,
Poitou, Bretagne méridionale (XIVe-début XVIe siècles) », in Laget, F., Rabot, B., Josserand, P. (dir.), Entre terre

227
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
moins deux limites majeures : lʼune est liée au fait que cette formule accorde un poids
important à la durée de lʼaléa et que cette dernière peut être difficile à déterminer ; lʼautre
sʼattache à la corrélation, induite par la formulation, entre puissance des vents et impacts. Or,
si un lien peut exister entre vents violents et endommagement, un principe dʼindépendance
doit être respecté65.
La question de la cotation peut également être abordée sous lʼangle de la classification
des impacts côtiers. Cʼest lʼapproche entreprise par Kieran HICKEY dans sa thèse de
doctorat66. Il définit ainsi 11 types dʼimpacts possibles, parmi lesquels les décès / blessures,
les dégâts sur les infrastructures, ceux sur les maisons / jardins, ceux sur le commerce,
lʼagriculture, la géomorphologie littorale, lʼendommagement général ou, à lʼinverse, lʼabsence
totale de mention. Sa position ne consiste ni en une volonté de développer une méthodologie
de quantification des dommages ni en une tentative de chiffrer ces derniers pour chaque aléa
quʼil a recensé. Son objectif est dʼétablir leur répartition statistique selon 3 aspects : 1) les 7
forçages quʼil a identifiés (submersion marine, érosion côtière, mouvement de sable et leurs
diverses combinaisons), 2) leur distribution géographique, 3) les siècles, de manière à
identifier une éventuelle variation temporelle. Ainsi, plutôt que de comparer des aléas entre
eux, il examine des périodes marquées par des tendances. Si cela lui permet de repérer des
phénomènes désormais connus comme lʼexplosion des conséquences de lʼérosion côtière
e
depuis la fin du XIX siècle67, on peut toutefois sʼinterroger sur la pertinence dʼun découpage
en périodes de 25 ans, sans considération pour les dynamiques atmosphériques, océaniques ou
anthropiques. Judicieuse pour quiconque étudie les forçages à lʼéchelle dʼune région, la
méthode de Kieran HICKEY ne le serait pas dans le contexte de la présente thèse. Dʼune part,
la thèse ne traite que des tempêtes, avec ou sans submersion marine, ce qui nʼest pas le cas du
travail de Kieran HICKEY. Dʼautre part, le territoire considéré dans la thèse est nettement plus
conséquent et, surtout, il ne se limite pas à une frange littorale puisque lʼentrée des vents dans
les terres est étudiée. En outre, lʼapplication de sa typologie dépend des informations
disponibles. Elle nécessiterait donc de maîtriser avec précision lʼorganisation, lʼaménagement,
les implantations des sociétés médiévales et modernes sur le territoire français étudié. Les
sources historiques françaises sont par ailleurs moins détaillées et fournies que celles
écossaises. Enfin, la réflexion de ce chapitre tend plutôt à se diriger vers une estimation du

et mer. Hommes, paysages et sociétés dans lʼOuest atlantique, Moyen Âge et Temps modernes, PUR, Rennes, p.
153-164 ; Sarrazin, J-L., 2012, art. cit. ; Sweeney, J.C., 2000, « A three-century storm climatology for Dublin
(1715-2000) », Irish Geography, 33-1, p. 1-14 ; Morineau, M., 1996, « Cataclysmes et calamités naturelles aux
Pays-Bas septentrionaux XIe-XVIIIe siècles. Le travail de la planète et la rétorsion des hommes », in Bennassar, B.
(dir.), Les catastrophes naturelles dans lʼEurope médiévale et moderne, PUM, Toulouse, p. 43-59, p. 50-51.
65
Cf. infra, 5.3.4 - Introduction à la construction dʼun prototype dʼévaluation des tempêtes.
66
Hickey, K.R., 1997, Documentary recors of coastal storms in Scotland, 1500-1991 A.D., Coventry University,
thèse de doctorat, sous la direction de Dawson, A., Smith, D., 2 vol., Coventry, p. 196-214.
67
Ibid., p. 205-206.

228
pouvoir dʼendommagement de chaque CET répertorié – lʼun des critères dʼinclusion étant,
pour rappel, que les atteintes soient enregistrées dans les sources68 – en vue de les confronter.
Pour ces raisons, la typologie proposée par Kieran HICKEY ne permet pas de satisfaire aux
objectifs du chapitre.
Enfin, la comparaison et lʼestimation des phénomènes météo-marins peuvent reposer
sur lʼétablissement dʼune grille visant à évaluer les divers facteurs de forçage et les torts
induits. Cʼest la méthode proposée par Adriaan DE KRAKER69. Il base sa réflexion sur des
critères naturels comme la direction du vent, la durée de lʼévénement, la récurrence, etc., et
humains, tels que lʼorganisation administrative et législative, lʼentretien des digues, les
réponses des sociétés. À ces éléments, il attribue une lettre (M : suff icient – convenable; A :
average – modéré ; I : insuff icient – insuff isant). Quant à lʼestimation desdégâts, employant
des données tirées de registres de comptes sur les digues, Adriaan DE KRAKER ne prend en
considération que les atteintes faites aux chaussées, marais et prises sur la mer. Cela lui
permet de suivre lʼévolution des marées, des tempêtes ainsi que des ondes de tempête* à
lʼéchelle dʼun territoire spécifique. Il évalue les dommages selon deux dimensions : le
territoire touché (local ou général) et leurs conséquences dans le temps (court ou long terme).
Enfin, de manière à comparer les manifestations entre elles sur le temps long, il assigne une
valeur, comprise entre 1 et 8, selon la puissance présumée du phénomène quʼil juge nécessaire
pour produire ces divers préjudices. Cette « note » correspond à lʼestimation de la
magnitude*, perçue ici comme le résultat de lʼinteraction entre dʼun côté, des paramètres
physiques, de lʼautre une vulnérabilité des sociétés reposant principalement sur une prise de
conscience du risque fluctuante dans lʼespace et dans le temps. Intéressante, la démarche
compte cependant un travers potentiel dʼinterprétation, en particulier dans la détermination du
degré de sévérité. Par ailleurs, elle implique de systématiquement disposer dʼinformations
détaillées sur les sociétés humaines, leur organisation, leurs réponses à chaque vimer. Quant à
son application ailleurs que dans le sud des Pays-Bas et le nord de la Flandre – régions
largement pourvues en polders et digues –, elle demeure délicate70. Sans compter que lʼentrée
dans les terres des vents reste totalement ignorée.

68
Cf. supra, Chapitre 2, 2.1.3 - La critique, base de la méthode historique.
69
De Kraker, A.M.J., 2013, « Storminess in the Low Countries, 1300-1725 », Environment and History, 19, p.
149-172, p. 162-166 ; De Kraker, A.M.J., 2006, « Flood events in the southwestern Netherlands and coastal
Belgium, 1400-1953 », Hydrological Sciences, Special Issue : Historical Hydrology, 51-5, p. 913-929, p. 922-
927 ; De Kraker, A.M.J., 1999, « A method to assess the impact of high tides, storms and storm surges as vital
elements in climatic history. The case of stormy weather and dikes in the northern part of Flanders, 1488 to
1609 », C.C., 43-1, p. 287–303.
70
Hénaff, A., Le Cornec, E., Jabbar, M., Pétré, A., Corfou, J., Le Drezen, Y., Van Vliët-Lanoë, B., 2018,
« Caractérisation des aléas littoraux dʼérosion et de submersion en Bretagne par lʼapproche historique »,
Cybergeo : European Journal of Geography, Environment, Nature, Landscape, article 847, [En ligne] ; De
Kraker, A.M.J., 2013, ibid. ; De Kraker, A.M.J., 2006, ibid. ; De Kraker, A.M.J., 1999, ibid.

229
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
Au terme de cet exposé, il apparaît quʼaucune méthode ne partage des ambitions
communes, ne parle véritablement de la même chose, nʼaccorde une importance similaire à la
définition de lʼintensité* dʼun événement plutôt que de sa magnitude* ou nʼest applicable à
grande échelle sur le temps long. Si des considérations et idées stimulantes ont été soulevées,
nulle ne fait consensus au sein de la communauté scientifique. Il conviendra donc désormais
dʼopérer un focus sur la recherche française sur cette délicate question de lʼestimation et la
classification des vimers.

5.2.2 Et en France ?

À lʼinstar du tableau de la recherche internationale dressé ci-dessus, les méthodologies


dʼévaluation et de classification des tempêtes inapplicables aux périodes anciennes ne seront
pas considérées. Cela exclura donc la classification dite de « Dreveton » employée par les
ingénieurs de Météo-France et les assureurs pour hiérarchiser les tempêtes depuis 196271. Il
sera néanmoins relevé que, dans le cas dʼaléas passés relativement bien connus par lʼhistorien,
lʼarborescence établie peut être utilisable, non pour classer les événements, mais pour affiner
leur caractérisation météorologique72.

En France, cʼest dans le domaine des inondations fluviales que la recherche en matière
de méthode de quantification, évaluation ainsi que de modélisation de lʼinformation historique
fut la plus anciennement active73. En comparaison, celle sur les CET accuse du retard.
Se basant sur les effets produits par les grands vents consignés dans les sources
historiques, Emmanuel GARNIER et Jérémy DESARTHE proposent de les transposer sur
lʼéchelle de Beaufort74. Mise au point au début du XIX
e
siècle par le Britannique Francis
BEAUFORT, lʼéchelle éponyme établit initialement une analogie entre un degré illustrant la
force du vent (de 0 à 12) et la voilure dʼun vaisseau75. Lʼavènement du bateau à vapeur à la

71
Dreveton, C., 1997, Étude des événements tempêtes réalisée par Météo-France pour un groupe dʼassureurs et
de réassureurs, Notes techniques SCEM, Météo-France, Toulouse ; http://tempetes.meteo.fr/spip.php?article240
72
Dreveton, C., Bénech, B., Jourdain, S., 1997, « Classification des tempêtes sur la France à lʼusage des
assureurs », La Météorologie, 17, p. 23-32, figure 1, p. 27.
73
Sans exhaustivité, le lecteur intéressé pourra par exemple consulter Garnier, E. 2010b, Les dérangements du
temps. 500 ans de chaud et de froid en Europe, Plon, Paris, p. 82-86 ; Neppel, L., Renard, B., Lang, M., Ayral,
P-A., Cœur, D., Gaume, E., Jacob, N., Payrastre, O., Pobanz, K., Vinet, F., 2010, « Flood frequency analysis
using historical data : accounting for random and systematic errors », Hydrological Science Journal, 55-2, p.
192-208 ; Lang, M., Claudet, R., 2005, « Les échelles de gravité sur les inondations : réflexion nationale et
exemple dans lʼHérault », La Houille Blanche, 1, p. 52-59 ; Lang, M., Cœur, D., Lallement, C., Naulet, R., 1998,
« Valorisation de lʼinformation historique pour la prédétermination du risque dʼinondation : application au bassin
du Guiers », Ingénieries, 16, p. 3-13.
74
Désarthe, J., 2013, Le temps des saisons. Climat, événements extrêmes et sociétés dans lʼOuest de la France
(XVIe-XIXe siècles), Hermann, Paris, p. 96-99 ; Garnier, E., 2010b, op.cit., p. 78-79 ; Garnier, E., 2004, « Quatre
siècles de tempêtes en forêt. Les phénomènes éoliens majeurs en France entre les XVIe et XIXe siècles », Rendez-
vous techniques, 3, ONF, p. 16-20.
75
Kinsman, B., 2000, « Sir Francis Beaufort, histoire de lʼhomme et de son invention », Met Mar, 188, p. 17-23,

230
fin du siècle impliqua une adaptation de lʼéchelle et une correspondance avec lʼétat de la mer
fut envisagée, pour nʼêtre mise en place quʼau lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, en
même temps que les effets à terre76. Quant à lʼexpression de la vitesse du vent, elle ne fut
e
ajoutée quʼà compter du début du XX siècle77. Sur les 12 niveaux que comprend lʼéchelle,
seuls les 3 derniers sʼappliquent effectivement aux tempêtes. Des effets à terre se font
cependant sentir dès « force 8 ». Ainsi, selon Emmanuel GARNIER et Jérémy DESARTHE, il est
possible de retenir lʼéchelle de Beaufort comme grille de conversion. Cela leur permet, à
partir des descriptions des dommages sur la côte et à terre conservées dans les documents,
dʼestimer la vitesse relative du vent. Néanmoins, une telle graduation revêt un caractère
hybride intensité*/magnitude* problématique à bien des égards. Ne distinguant pas la
première de la seconde, lʼusage a pour conséquence dʼassocier des mesures physiques à un
« portrait » hiérarchisé des dégâts. Or, cela va à lʼencontre du principe dʼindépendance
régnant entre la puissance avérée dʼun phénomène et lʼendommagement réel quʼil génère.
Aucune recherche nʼa pu prouver quʼil existait une relation de causalité systématique entre les
deux78. Dans le cas inverse, lʼendommagement deviendrait prévisible. Au demeurant,
lʼéchelle ne prend pas en considération lʼemprise spatiale de la tempête. Que se passe-t-il si
lʼendommagement identifié sʼavère propre à la catégorie 11 par exemple, mais quʼil ne
concerne quʼun territoire proportionnellement localisé ? Peut-il véritablement être comparé à
une manifestation dʼenvergure supra-régionale à nationale ? Nʼest-ce pas plutôt la
vulnérabilité des enjeux qui doit alors être questionnée ? Enf in, aucun de ces auteurs
nʼexplique comment il procède pour différencier de « Très gros dommages. Gros ravages sur
les constructions, les cultures. » (Force 11) de « Dommages très importants. » (Force 12). Les
mentions des effets à terre restant floues, un biais de subjectivité ne peut être exclu. Avant de
tenter de caractériser la magnitude* ou même lʼintensité* dʼun aléa, le chercheur devrait
effectivement se prémunir en développant une méthode de quantification des préjudices.

p. 19.
76
Hontarrède, M., 2001, « Echelle Beaufort et mesure du vent », Met Mar, 192, p. 15-17.
77
Idem.
78
Dauphiné, A., Provitolo, D., 2013, Risques et catastrophes. Observer, spatialiser, comprendre, gérer, Armand
Colin, Paris, p. 84 ; Alexander, D., 2000, Confronting catastrophe. New perspectives on natural disasters,
Oxford University Press, Oxford, p. 7-30.

231
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »

For ce Ter mes Vitesse Effets à ter r e États de la mer au Hauteur


descr iptifs en lar ge des
Km/h vagues
Quelques branches Lames de hauteur
8 Coup de 62 à 74 cassent. Il est moyenne accompagnées 5,5
vent généralement de tourbillons dʼembrun.
difficile de marcher
en avant.
Le vent peut Grosses lames. Les
9 Fort coup 75 à 88 endommager les embruns peuvent réduire 7
de vent bâtiments. la visibilité.
Cheminées et
ardoises arrachées.
Gros dégâts. Arbres Très grosses lames à
10 Tempête 89 à déracinés. Toitures longue crête en panache. 9
102 endommagées Visibilité réduite.
Rare à l'intérieur Lames
des terres. Très gros exceptionnellement hautes 11,5
11 Violente 103 à dommages. Gros ; la mer est complètement
tempête 117 ravages sur les recouverte de bancs
constructions, les dʼécume ; la visibilité très
cultures. réduite
Très rare à La mer est entièrement
12 Ouragan > 118 lʼintérieur des blanche du fait des bancs > 14
terres. Dommages dʼécume dérivante ; la
très importants. visibilité est très
fortement réduite.
Figur e 30: Tableau pr ésentant les 5 der nier s degr és de lʼéchelle de Beaufor t.
Source : Hontarrède, M., 2001, « Échelle Beaufort et mesure du vent », Met Mar, 192, p. 15-17, p. 16.

Cʼest justement lʼentreprise exposée par Martine TABEAUD et ses collègues79. Ils
proposent dʼanalyser la vulnérabilité du patrimoine bâti et des forêts en vue dʼévaluer les
« coups de vent »80. Intéressante, la démarche met en relation les destructions sur le bâti avec
la loi dʼArchibald, qui stipule que la vitesse du vent croît avec lʼaltitude. Selon la hauteur des

79
Tabeaud, M., Lysaniuk, B., Schoenenwald, N., Buridant, J., 2009, « Le risque « coup de vent » en France
depuis le XVIe siècle », Annales de géographie, 667, p. 318-331.
80
Ibid., p. 321-323.

232
édifices, 3 classes dʼendommagement ont été définies. La première, la plus sensible, renvoie
aux monuments de plus de 25 mètres (clochers, tours, flèches…). La seconde, intermédiaire,
couvre les ouvrages présentant une élévation modérée de 7 à 25 mètres (châteaux, toitures,
cheminées, etc.). La dernière classe correspond aux constructions les moins hautes (maisons
populaires, ponts, clôtures), donc censément les moins vulnérables. Complémentaires, les
dégâts aux forêts sont classés selon un équivalent en « type » dʼatteintes. Trois catégories sont
également identifiées. La classe 1 a trait aux pertes isolées, la 2 aux préjudices diffus et la 3
généralisés. Un codage « Nc » est inscrit en cas dʼabsence dʼinformations. Ayant pour
avantage majeur dʼenvisager une quantification des dommages, la méthodologie reste
cependant partielle. Elle prend en compte ni lʼespace touché, ni les torts portés aux activités,
notamment agricoles, ni dʼéventuels décès ou blessés. Par ailleurs, elle mesure deux
dimensions distinctes. Si dans le cas du bâti, cʼest la vulnérabilité qui est appréciée, dans celui
des forêts et bois, cʼest le taux dʼendommagement qui est déterminé. Pensée pour évaluer des
événements ayant une intégration continentale forte, la démarche ne considère pas non plus
les territoires littoraux dans leur spécificité. Malgré ces limites, lʼapproche mise en œuvre
dans la thèse sʼen inspirera81.
Fondée sur un principe similaire aux travaux dʼAdriaan DE KRAKER, Suzanne
MARTENS-NOËL avance une classification des aléas météo-marins ayant affecté le littoral bas-
e e
normand aux XVIII -XX siècles82. Elle se présente sous la forme dʼune échelle indicielle et
sʼarticule autour de 6 niveaux sʼéchelonnant de -1 (mention sans renseignements
complémentaires) à 5 (événement exceptionnel). Lʼindice est ainsi attribué selon le type de
submersion : mention, faible, modérée, forte, très forte, exceptionnelle, et la gravité des
dégâts occasionnés par la mer. Se voulant adaptée à la zone géographique dʼétude, lʼéchelle
en devient finalement applicable quʼau littoral français de la Manche. De plus, elle ne se
caractérise pas par une démarche de quantification stricte des endommagements recensés dans
les sources, mais bien par une appréciation approximative liée à une accumulation descriptive.
Le principal risque est alors que la cotation soit empreinte dʼune subjectivité conduisant à une
sur ou sous-évaluation.
Enfin, les récentes recherches de Alain HENAFF et ses collaborateurs sur les aléas
littoraux dʼérosion et de submersion historiques en Bretagne sont stimulantes83. Néanmoins,

81
Cf. infra, 5.3.2 - État des données anciennes ou de la nécessité d'établir des « classes » et 5.3.3 - Quelques
essais de quantification.
82
Maertens-Noël, S., 2016, La mer, cet ennemi de plusieurs siècles. Identifier et comprendre les trajectoires de
vulnérabilité des sociétés littorales bas-normandes (1650-1940), Université de Caen, thèse de doctorat
dʼhistoire, sous la direction de Garnier, E., Milliot, V., Caen ; Noël, S., 2014, « La vulnérabilité des populations
de la côte Est du Cotentin, 1700-1914. Lʼapproche historique dans lʼanalyse des enjeux, de lʼaléa et de la gestion
du risque de submersion », in Cocorisco, Aléas, Enjeux, Représentations, Gestion, Actes du colloque
international, 3-4 juillet 2014, [PDF en ligne], p. 445-455, p. 450- 452.
83
Hénaff, A., Le Cornec, E., Jabbar, M., Pétré, A., Corfou, J., Le Drezen, Y., Van Vliët-Lanoë, B., 2018,
« Caractérisation des aléas littoraux dʼérosion et de submersion en Bretagne par lʼapproche historique »,

233
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
elles ne feront pas lʼobjet ici dʼune revue critique. Partant dʼune définition de lʼaléa propre au
géomorphologue ainsi quʼau gestionnaire des risques côtiers, une dichotomie nette apparaît
avec lʼacceptation admise du terme au sein de la thèse. À cela, il est nécessaire dʼajouter un
traitement et un positionnement vis-à-vis de lʼintensité et de la magnitude autre. La magnitude
sʼétablit non par événement, mais par le produit de la diversité des forçages (météorologiques,
marins, anthropiques, etc.), entendus comme les facteurs générateurs dʼaléas ; tandis que
lʼintensité correspond au nombre dʼaléas produit par un forçage donné. Il nʼy a en outre pas
de tentative de mesurer les dommages. Le discours ne porte donc pas sur les mêmes éléments.

Intéressantes, la plupart des méthodes dʼévaluation et de classification des tempêtes


existantes ont vocation à estimer la « force », la sévérité de lʼaléa. Au reste, elles ne
comprennent pas nécessairement les terminologies et notions de manière similaire. Cela peut
alors non seulement prêter à confusion, générer des ambiguïtés, mais également entraîner des
incohérences ; le discours ne portant f inalement pas sur les mêmes dimensions. Dʼailleurs, la
principale distinction entre ces dernières et la démarche mise en œuvre dans la thèse se trouve
dans une définition de lʼintensité* autre que celle admise ici. En effet, comprise comme
lʼestimation de l'importance des dommages observables générés par un vimer, lʼintensité* ne
peut se définir quʼà partir des préjudices recensés dans les sources. Dès lors, il sʼagira de
repartir de lʼendommagement matériel afin, en sʼinspirant de certaines des méthodologies
critiquées84, de le quantif ier. Lʼobjectif f inal de ce chapitre est dʼouvrir la voie àla réflexion,
la théorisation et la critique dʼune échelle dʼintensité des dommages générés par les tempêtes
sous latitudes tempérées85.

5.3 Du bénéfice de pr oposer une nouvelle méthode de quantification des dommages

Soulevant quelques problèmes de parallèles et dʼévaluations entre les périodes, la


e e
méthode de quantification proposée ne sʼappliquera quʼaux XIV -XVIII siècles. Péniblement
identifiables, de manière générale difficilement exprimables en valeurs, en chiffres, les
endommagements structurels et fonctionnels seront également mis de côté. La démarche
nʼaura vocation quʼà évaluer les dommages matériels, tels que définis précédemment86. La
quantification du niveau des endommagements matériels reviendra alors à attribuer un
nombre en vue de caractériser un degré de dégradation. Fruit – dans le cadre du
développement actuel – dʼun aléa tempétueux, lʼendommagement matériel peut, selon les

Cybergeo : European Journal of Geography, Environment, Nature, Landscape, article 847, [En ligne].
84
Tabeaud, M., Lysaniuk, B., Schoenenwald, N., Buridant, J., 2009, op. cit. ; De Kraker, A.M.J., 2006, op. cit. ;
De Kraker, A.M.J., 1999, op. cit.
85
Cf. infra, 5.3.4 - Introduction à la construction dʼun prototype dʼévaluation des tempêtes.
86
Cf. supra, 5.1.1 - Un endommagement matériel surreprésenté.

234
données exhumées, être caractérisé par plusieurs détériorations (pertes humaines, salicoles /
agricoles / sylvicoles, aux bâtis). Ces « dysfonctionnements », dʼorigine et de nature
déterminées, peuvent ainsi sʼadditionner.

Sʼappuyant sur les contenus des documents, les connaissances actuelles et les
fonctionnements sociétaux, la méthode ne prétend pas à la résolution de toutes les limites. Au
même titre quʼelle nʼest pas sans compter nombre de difficultés, approximations, critiques.

5.3.1 Remarques préliminaires et limites rencontrées

À consulter quelques articles liés aux systèmes dʼassurance, les tempêtes font partie des
catastrophes naturelles les plus coûteuses en France87. Lothar et Martin (1999), Klaus (2009),
Xynthia (2010) présentent des bilans exorbitants : environ 7 milliards dʼeuros pour les deux
premières, plus de 1,5 Mds. dʼeuros pour la seconde et près de 1,2 Mds. pour la dernière. Ces
chiffres ne représentent dʼailleurs pas le montant total des dégâts, mais uniquement la part à la
charge des assureurs ! Ainsi, les frais globaux des dommages directs furent évalués à presque
2,5 milliards pour la seule tempête avec submersion Xynthia, la Caisse Centrale de
Réassurance (CCR) prenant en charge près de 50% de la facture lors dʼune catastrophe
naturelle… La première évidence que lʼhistorien doit évoquer tient en ce que de tels bilans
circonstanciés sont absolument impossibles à établir pour la période ancienne. Du reste,
auraient-ils seulement un sens ? Apporteraient-ils une plus-value en matière de comparaison ?
Probablement pas dans la mesure où lʼexplosion du coût des endommagements repose, selon
la Fédération Française des Assurances (FFA)88, pour 43% sur lʼenrichissement général du
pays – ce qui se traduit par une nette augmentation du nombre et de la valeur des biens – et
pour 18% sur lʼexposition des enjeux et un aménagement du territoire déraisonnable, le reste
étant attribué au réchauffement climatique89. Cela reviendrait à confronter deux réalités

87
Zadjenweber, D., Bucchini, F., Garnier, E., Thourot, P., Hallegatte, S., Luzi, M., Mayaux, L., Sinz, K., Bidan,
P., Pallez, S., sept. 2012, « Risques et solutions. Les tempêtes en Europe : un risque en expansion », Risques. Les
cahiers de lʼassurance, 91, p. 15-74 ; Durand, E., 04/03/2011, « Xynthia, à lʼheure du bilan…et de lʼaprès »,
Argus de lʼassurance, [En ligne] ; Delambily, F., 17/05/2010, « Tempête Xynthia : Le montant de la facture se
précise pour le secteur de lʼassurance », News-assurances, [En ligne] ; Delambily, F., 22/06/2010, « Dossier :
2009-2010, retour sur deux années de catastrophes naturelles dʼampleur », News-assurances, [En ligne] ; De
Bagnolo, V., 20/05/2009, « La tempête Klaus coûte plus cher que prévu », Argus de lʼassurance [En ligne].
88
FFA, 2015, Impact du changement climatique sur lʼassurance à lʼhorizon 2040, [PDF en ligne], p. 28-29.
89
Selon les rapports du GIEC, le réchauffement climatique devrait accroître la fréquence des sécheresses, des
fortes pluies et des inondations. Cependant, en ce qui concerne les tempêtes, une augmentation de leur fréquence
et de leur magnitude est encore en discussion. Si le GIEC estime que cela pourrait probablement être le cas pour
les cyclones tropicaux (ouragans, cyclones, typhons) qui apparaissent principalement en été, se « nourrissent » et
trouvent leur énergie dans les eaux chaudes des océans, il soutient également qu'il n'y a aucune certitude quant
aux tempêtes dans les régions extratropicales. En outre, dans lʼocéan Atlantique Nord, les cyclones tropicaux et
extratropicaux semblent augmenter davantage en raison de la variabilité climatique interne telle que lʼONA quʼà
cause du réchauffement climatique. Cette variabilité climatique interne est soupçonnée de pouvoir entraîner une
plus grande variété d'intensité des vents et de trajectoires des tempêtes de l'Atlantique Nord, sans que cela ait

235
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
économiques, sociales, territoriales inassimilables lʼune à lʼautre. Ainsi, nul ne doit sʼattendre
à trouver ici une tentative dʼestimation du montant f inancierde lʼendommagement matériel
généré par les aléas passés.
En outre, pour se faire, encore faudrait-il disposer dʼune vision complète des atteintes à
des échelles locale, régionale, nationale (voire supra-nationale), mais également individuelle
et collective. Ce nʼest pas le cas. Dʼautant moins que la première phase dʼune étude sur un
phénomène météorologique tel que la tempête, avec ou sans submersion marine, consiste à
dresser un inventaire de lʼinformation historique, et que cette dernière apparaît éparpillée et
fragmentaire90. Lʼabsence dʼexhaustivité conduit à donner à lʼétude et la démarche de
quantification une valeur approximative. En principe, lʼévaluation de lʼendommagement
devrait prendre en considération dʼéventuelles successions des occurrences. Il se peut
effectivement quʼun aléa ordinairement peu destructeur sʼavère très endommageant sʼil est
précédé dʼun CET particulièrement violent nʼayant pourtant, en apparence, pas fait tant de
dégâts. Ainsi, une chronologie partielle des tempêtes peut entraîner des erreurs dʼestimation,
en même temps quʼelle ne permet pas de préciser lorsquʼun petit nombre de vimers puissants
produisent un endommagement égal à une multitude de manifestations de magnitude* réduite.
Cʼest mécanique : à mesure que les phénomènes se succèdent, la capacité dʼun système, dʼune
société, dʼun enjeu à absorber et supporter les chocs diminue et le dommage subi croît. Dès
lors, on comprend bien que la caractérisation, la quantification et la comparaison des
événements entre eux au cours du temps sont complexifiées par le fait quʼelles soient
tributaires de lʼendommagement recensé, donc des enjeux exposés, des vulnérabilités, de leurs
évolutions dans le temps et, par voie dʼamorce, des données à disposition ainsi que de lʼintérêt
porté par les contemporains.
Par ailleurs, lʼanalyse des tempêtes autorise un constat : il nʼexiste aucune loi qui
permette de supposer quʼun événement présentant les mêmes caractéristiques quʼun autre
causera invariablement un dommage similaire. Comment lʼexpliquer ? La récurrence évoquée
plus haut dʼabord, mais aussi éventuellement la nature vieillissante de ce qui est composé de
matière. Ainsi, en cas de dégradations de bâtis par exemple, celles liées à un manque
dʼentretien, à lʼusure des matériaux sont rarement distingués de celles enfantées par les vents
et la mer. Il sʼavère donc régulièrement complexe de les différencier. Dans le procès-verbal de
visite des églises et bâtiments dépendants du prieuré de Saint-Pierre-sur-Sèvre, à Vertou, en
date du 18 juillet 1724, les dégâts engendrés par les tempêtes de décembre 1723 et janvier
1724 sont amalgamés avec ceux liés à la vétusté : « les logemens dudit prieuré […] avoient

véritablement pu être démontré. IPCC, 2013, Climate Change 2013. The Physical Science Basis, WMO-UNEP,
[PDF en ligne], p. 913-914.
90
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.1 - Des pertes documentaires irrémédiables et 8.2.1 - Reconstruction : l'impossible
exhaustivité malgré l'accroissement des émergences.

236
encore été si durablement esté endommagé lhiver dernier par limpetuosité des vents, quils
estoient inhabitable, et quils estoient absolument necessaires de les reparer […] La chambre
audessus est carlée de petits carraux qui sont vieux et usés. Il seroit necessaire de les mettre
en leur endroint et neufve et de replacer quelques uns qui sont levés […] »91.
Au demeurant, brièvement abordé ultérieurement92, les références à des blessés ou des
morts lors dʼun CET sont dispersées dans différentes sources historiques, principalement des
registres paroissiaux, des diaires, des journaux particuliers. Ces mentions sont globalement
peu fréquentes et restent lapidaires. La méconnaissance du préjudice humain pose de sérieux
problèmes au chercheur en histoire des tempêtes. Elle entrave autant l'estimation des effets de
la catastrophe sur les sociétés, l'interprétation de l'intensité du phénomène, que la perception
de la vulnérabilité en termes dʼexposition ainsi que de propension à perdre la vie ou à être
affecté physiquement par un aléa. De ce fait, une partie du risque apparaît difficilement
appréhendable. La rareté des données chiffrées peut s'expliquer par plusieurs éléments. Le
premier tient en une composante psychologique, mentale : la notion même de « bilan
humain » apparaît étrangère à la mentalité des populations du temps93. Pis, le recensement est
même alors plutôt proscrit, cette disposition comptable étant, selon les préceptes bibliques,
réservée à Dieu94. Il sera toutefois remarqué qu'à partir des XVIe-XVIIe siècles, la Renaissance
humaniste pousse à une évolution des discours sur la condition humaine95. Inf luençant ceux
sur les pertes, une forme de sollicitude, de compassion dans les propos et un réel « progrès de
lʼaffectivité » transparaissent96. Cela mènera, peu à peu, à une systématisation des évocations
des blessés et des morts. Un système de valeurs autre doit également être considéré. En effet,
les représentations et projections pèsent lourdement sur la conception quʼont les sociétés de la
tempête, du danger97. Sous lʼAncien Régime, la nature et ses corollaires, parmi lesquels les
vimers, sont pensés comme découlant dʼun ordre, dʼune volonté de Dieu98. Création divine
par excellence, lʼHomme fait partie de la nature. Survenue lors dʼune manifestation
météorologique naturelle, sa mort est comprise comme une décision suprême. Il faut
finalement relever le manque d'organisation des autorités et la faiblesse des moyens
administratifs, humains, matériels à disposition. Ces réalités limitent le recensement.
Enfin, la démarche de « faire des chiffres avec des mots »99 peut revêtir un aspect

91
AM Nantes, II 73, pièce n°41.
92
Cf. supra, 5.1.1 - Un endommagement matériel surreprésenté.
93
Sarrazin, J-L., 2012, art. cit., p. 101.
94
Labbé, T., 2017, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge XIIe-XVe, CNRS, Paris, p. 251-262.
95
Ibid., p. 266-279.
96
Rohou, J., 2002, Le XVIIe siècle, une révolution de la condition humaine, Seuil, Paris, notamment p. 101-105,
194-198, 518-520 ; Labbé, T., ibid., p. 270-272.
97
Meschinet de Richemond, N., Reghezza, M., 2010, op. cit., p. 261-263.
98
Cf. infra, Chapitre 6, 6.1.3 - Vimer : de la volonté divine à la cause naturelle.
99
Garnier, E., 2010c, op. cit., p. 22.

237
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
subjectif. Se basant sur les informations qualitatives tirées des documents à sa disposition, et
malgré une approche critique minutieuse visant à réduire les risques de sous, sur ou
mésinterprétations, il est exact que cʼest le chercheur qui chiffre, mesure. Bien que la méthode
soit rigoureuse et repose sur une analyse consciencieuse, le risque 0 de sur / sous-évaluation
nʼexiste pas…

Force est de constater que les endommagements matériels subis par les sociétés
anciennes lors de tempêtes comptent des zones d'ombre. Si ces limites entravent et rendent
critiquable la démarche de quantification, elles ne la condamnent pas pour autant à une seule
approximation. Pas plus quʼelles ne la rendent caduque. Au contraire, les entreprises
quantitatives, globalement fructueuses, ont le mérite de tenter de faire avancer la recherche, la
connaissance dans le domaine, la compréhension du phénomène. Elles ont vocation à
retravailler des données dʼune richesse inestimable afin de les rendre exploitables et
accessibles au plus grand nombre. En aucun cas elles témoignent de valeurs absolues,
seulement de valeurs relatives éclairant une partie de la réalité. De ce fait, cette dernière
dépendra des informations disponibles, des objectifs visés, des critères retenus.

5.3.2 État des données anciennes ou de la nécessité d'établir des « classes »

Afin de présenter lʼétat des données anciennes et la méthodologie mise en œuvre pour
quantifier les dommages à partir dʼelles, le présent développement ne saurait sʼempêcher de
brièvement revenir sur quelques-unes des limites précédemment évoquées. Il sera toutefois
veillé à éviter toute redondance marquée.

De nature qualitative, les informations contenues dans les sources historiques des XIVe-
e
XVIII siècles doivent être transformées en chiffres. Cʼest là une entreprise incertaine, dont les
résultats sont souvent discutés et discutables, car jugés trop subjectifs. En raison dʼun principe
dʼindépendance entre magnitude* et impacts, aucune évaluation de la sévérité physique via
lʼétablissement dʼune cotation attribuée selon la puissance présumée nécessaire à un aléa pour
produire un dommage X ne sera avancée. Il nous semble effectivement plus pertinent de partir
de ce que contiennent les écrits. Ceux-ci, à défaut de conserver des descriptions minutieuses
des caractéristiques météorologiques des événements venteux, avec ou sans submersion,
recèlent de détails sur les atteintes faites aux bâtis, forêts, champs, marais salants et, parfois,
aux corps (morts, blessés). Le parti ayant été pris de définir la tempête par ses
conséquences100, il semble fondamental de réf léchir à une quantif ication des dégâts la moins

100
Cf. supra, Chapitre 1, 1.1 - D'hier à aujourd'hui, nécessité et difficultés de définir la tempête.

238
contestable possible. Dʼautant que, lʼimportance des préjudices autorisant à hiérarchiser les
aléas101, cʼest sur cette démarche de « mesure » de lʼendommagement matériel que reposera
ensuite lʼestimation relative de lʼintensité102.

Les endommagements structurel et fonctionnel étant, en lʼétat actuel des


connaissances et des données, inestimables, lʼattention se portera uniquement sur
lʼendommagement matériel. Trois éléments seront ainsi étudiés : les affections aux bâtis, les
pertes humaines, les torts intégrés sous une appellation englobante « dʼactivités ». Pour
chacun dʼeux, deux dimensions ont été prises en compte. La première correspond aux
dommages en tant que tels et à lʼévaluation relative du niveau dʼendommagement. La seconde
est spatiale. Chacune des trois entités composant lʼendommagement matériel se verra ainsi
attribuer un codage correspondant au cadre spatial approximatif extrême (local, régional,
supra-régional à global) où ils ont été recensés. Cela devrait permettre de partiellement régler
le souci de la subjectivité. En effet, un aléa ayant entraîné la perte totale de la récolte de blés
dʼun domaine particulier obtiendra naturellement un codage important pour la partie agricole
de lʼendommagement sur les activités. Toutefois, si les informations à disposition confirment
quʼil sʼagit dʼune atteinte localisée, le codage spatial sera faible. Le bénéfice en est donc
double. En premier lieu, le passage des mots aux chiffres se verra pondéré par le critère
spatial des dégâts, ce qui devrait alors lisser, limiter dʼéventuelles sur ou sous-estimations.
Tandis que dans un second temps, lʼentreprise offrira aussi dʼintégrer à la réflexion lʼemprise
territoriale ainsi que la vulnérabilité des enjeux rapportée à une échelle spatiale certes évasive,
mais présente.

Codage Cadr e spatial affecté par les dommages


0 NR ou aucun
1 Localisé
2 Régional
3 Supra-régional à global (« national »)
Figur e 31: Tableau pr ésentant le codage attr ibué aux différ entes échelles spatiales affectés par les
dommages.

Mentionné à plusieurs reprises dans ce chapitre et les précédents, aucun bilan humain
complet ne transparaît dans les documents. Quant aux rares références faisant allusion à des
morts ou des blessés, elles sont succinctes. Les expressions employées sont souvent vagues,
avec des recours à des adverbes ou des adjectifs qui, sʼils sous-entendent la multitude,

101
Tabeaud, M., Lysaniuk, B., Schoenenwald, N., Buridant, J., 2009, op. cit., p. 319.
102
Cf. infra, 5.3.4 - Introduction à la construction dʼun prototype dʼévaluation des tempêtes.

239
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
nʼautorisent pas un chiffrage absolu. À partir de combien de personnes « beaucoup »,
« plein », « plusieurs » ou « nombreux » prennent-ils du sens au Moyen Âge et à lʼÉpoque
Moderne ? Sont-ils utilisés indifféremment ou existe-t-il un classement primant à leur usage ?
Quant aux registres paroissiaux, ils relèvent bien quelques décès collatéraux liés aux grands
vents ou aux inondations marines, mais les données, esseulées, ne permettent bien souvent pas
de prétendre à un état intégral des pertes. Par ailleurs, est-il pertinent de combiner le nombre
de morts dʼune paroisse avec une quantité abstraite à lʼéchelle dʼune province ? Auquel cas,
comment procéder ? En se basant sur les comptages ayant pu être effectués, 4 classes ont été
établies. La première (0) est quelque peu dérangeante en ce sens quʼelle mêle le défaut
dʼinformation, le fait que le champ du préjudice humain nʼest pas renseigné dans les sources
(NR) et une mortalité nulle. Or, un silence ne devrait pas être interprété comme la preuve
d'une absence de victimes. Il suggère simplement que le rapport à la mort était bien différent
de ce qu'il est aujourd'hui. Il rappelle également que le comptage des hommes par les hommes
était interdit103. Un décès survenant lors d'un vimer de mer était de plus une mort accidentelle,
en d'autres termes une mort non préparée, n'ayant pas permis de se confesser ni d'être absout
voire, dans le cas où le corps était emporté par les vagues et non retrouvé, une mort privée
d'une sépulture en terre consacrée. Le chercheur doit se rendre à lʼévidence, il lui est
impossible de déterminer si lʼabsence dʼinformation atteste dʼune mortalité nulle ou non. Dès
lors, créer 2 classes les distinguant sʼavérerait inopérant. Les suivantes reposent sur un
traitement statistique des données chiffrées disponibles ayant permis dʼisoler des seuils. Les
usages de vocables quantificateurs imprécis sous-entendant un grand nombre seront assimilés
à un codage 3 avec, comme explicité précédemment, lʼidée dʼune pondération éventuelle par
le biais du cadre spatial.

Codage Classe de victimes


0 NR ou aucune
1 1-9 / isolées
2 10-34 / diffuses
3 ≥ 35 / généralisées
Figur e 32: Tableau pr ésentant le codage attr ibué aux différ entes classes de victimes.

Le terme « activités » se veut généraliste. La dénomination « économique » nʼa pas été


retenue pour cause de confusion potentielle. Quoique les impacts sur les activités aient des
conséquences économiques et financières fortes, lʼéconomie correspond à un pan élargi des
activités des sociétés. Il faudrait, pour établir le préjudice économique dʼun vimer donné,

103
Labbé, T., 2017, op. cit., p. 261-262.

240
pouvoir en chiffrer les pertes globales. Cela induirait dʼune part, une vision circonstanciée de
la ruine, mais également une connaissance des retombées à tous les niveaux de la chaîne : de
la production à la vente. En lʼétat, les conséquences économiques sont donc incalculables. Le
choix fut donc fait de considérer les activités, plutôt que lʼaspect économique de ces
dernières. Trois aspects seront analysés : 1) les dommages agricoles, tels que des blés ou des
herbes couchés par les vents, des vignes, prés et champs submergés par les eaux, etc., et ce,
indépendamment de la destination, en termes de consommateurs (humains ou animaux), des
cultures ; 2) les dévastations salicoles, sans considération toutefois pour les charges exactes de
sel perdues ou les aires de marais salants ennoyées, puisque ceux-ci ne sont que
ponctuellement calculables ; 3) les ravages sylvicoles, sans distinction entre arbres fruitiers ou
de futaies. Il pourra être remarqué que la ruine dʼarbres fruitiers touche lʼagriculture. En
théorie, cela est exact. Toutefois, lʼindication du type dʼarbre nʼétant pas automatique – même
e
si avant le XVII siècle, lʼaspect frumentaire prévaut et que le caractère fruitier est souvent
sous-entendu –, il paraissait plus prudent de ne pas opérer de différence. La difficulté ici fut
dʼétablir des classes cohérentes, applicables aux 3 composantes. À lʼinstar des autres,
lʼéchelle graduelle compte 4 niveaux, de 0 (NR ou aucun) à 3. Pour cause dʼimpossible
chiffrage systématique et global – le bilan quantitatif ne constituant pas un champ cognitif
usuel aux périodes étudiées104 –, ainsi quʼen raison dʼune homogénéisation souhaitée entre les
3 éléments, aucun seuil numérique ne fut établi. Prenant exemple sur la classif ication
proposée par Martine TABEAUD et al.105, une échelle graduelle allant de la simple dégradation
isolée (blés malmenés, quelques arbres cassés, faibles parcelles salicoles submergées) à la
ruine pour ainsi dire totale (« tous » les blés couchés, forêts « entièrement » ravagées, marais
salants « universellement » noyés), en passant par un entre-deux comprenant « beaucoup » ou
« plusieurs » atteintes, a été déterminée.

Codage Classe des dégâts sur les activités


0 NR ou aucun
1 Isolés
2 Diffus
3 Généralisés
Figur e 33: Tableau pr ésentant le codage attr ibué aux différ entes classes de dégâts touchant les activités
(salicultur e, agr icultur e, sylvicultur e)

Enfin, pour classifier les ravages générés au bâti, deux aspects furent appréciés. Dʼun
côté, la « quantité » estimée, qui fut pensée sous le prisme de lʼaccumulation af in de limiter la

104
Ibid., p. 263.
105
Tabeaud, M., Lysaniuk, B., Schoenenwald, N., Buridant, J., 2009, ibid..

241
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
subjectivité. De ce fait, elle reprend les classes de dégâts proposées pour quantifier
lʼendommagement sur les activités présentées ci-dessus. De lʼautre, il fut décidé de mettre les
dommages en relation avec la loi dʼArchibald106 et lʼexposition. La vitesse du vent
augmentant avec lʼaltitude, la hauteur dʼun édifice le rend plus ou moins sensible. Cependant,
la nature des constructions doit également être prise en compte. Généralement, les monuments
présentant une élévation appréciable, comme les églises, clochers, flèches, châteaux, sont
aussi composés de matériaux durs, « lourds », plus résistants, quoique peu élastiques et ayant
une capacité de déformation, donc dʼabsorption de la contrainte, assez faible. Plus le vent est
violent, plus il sera susceptible dʼentraîner des dommages au sol. Bien que cela soit moins
fréquemment illustré dans les documents anciens, les habitats populaires, privés peuvent aussi
être affectés. Leur fragilité nʼest toutefois pas liée à leur hauteur, mais plutôt aux matériaux et
à la structure des maisons. Sans tenir compte de lʼentretien des bâtiments107, quatre niveaux
ont été arrêtés, de 0, lorsque le champ nʼest pas renseigné ou quʼil nʼy a pas de dégâts sur les
infrastructures et constructions de recensé, à 3. Il sera attribué la classe 1 aux ensembles les
plus directement exposés. Cela inclura donc autant les constructions les plus hautes que les
chaussées et levées situées à proximité du front de mer. Certes peu élevées, composées
principalement de mottes de terre, de pieux de bois et de pierres, ces dernières sont
immédiatement concernées par les assauts des vagues qui les ébranlent aisément. Érigées dans
les marais, les cahutes des Maraîchins seront incluses dans la première catégorie. La classe 2
se veut intermédiaire. Tandis que la classe 3 comprendra les bâtiments, principalement
urbains, qui, par leur hauteur ou leur localisation, sont les plus faiblement exposés, mais aussi
les moins régulièrement mentionnés : les demeures des populations. Rejoignant
lʼargumentaire et la pensée de Martine TABEAUD et al.108, il sera admis que lorsquʼune classe
3 est déf inie, les aménagements avoisinants plus exposés auront similairement été frappés par
les vents. Enfin, il sera relevé quʼà lʼinstar de lʼhumain et des activités, la précision du
nombre sous forme mathématique stricte, la mesure financière des atteintes au bâti est rare
e e
dans les sources. Pourtant, à compter du milieu du XVII et surtout tout au long du XVIII

siècle, les devis de réparations se multiplient. Leur conservation fut cependant aléatoire.

106
Ibid., p. 321-322.
107
Cf supra, 5.3.1 - Remarques préliminaires et limites rencontrées dans la quantification des dommages.
108
Tabeaud, M., et al., 2009, art. cit.

242
Codage Classe de dégâts sur le bâti 2
0 NR ou aucun
1 Exposition forte
2 Exposition médiane
3 Exposition réduite
Figur e 34: Tableau pr ésentant le codage attr ibué aux différ entes classes de dégats sur le bâti 2.

Quoiquʼuniquement développé dans le cadre des pertes humaines, il nʼaura pas échappé
au lecteur que le mélange dans une première catégorie (0) entre les absences de
renseignements et de dégâts posait un certain nombre de difficultés, en particulier
conceptuelles. Parfaitement conscient de lʼobstacle, mais incapable de distinguer ce qui relève
de lʼun ou de lʼautre, le spécialiste nʼa néanmoins pas dʼautres options qui sʼoffrent à lui.

Toujours partielle et fortement soumise à lʼinterprétation et la sensibilité du lecteur, la


quantification de lʼendommagement matériel mérite dʼêtre pondérée par une approche
spatiale. De plus, innovante, la méthode proposée suggère, entre autres, dʼaborder lʼestimation
des dégâts faits aux bâtis sous deux prismes : lʼun, pouvant être perçu comme plus subjectif,
statuant sur lʼaccumulation et la sévérité des dommages ; lʼautre, reposant sur des lois
physiques, représentant lʼexposition des enjeux. Cela permet donc dʼinterroger la
vulnérabilité. Perfectible, la démarche compte encore de nombreuses limites, parmi lesquelles
se trouve le codage 0, ainsi que la présence – ou non – de données suffisantes pour envisager
une quantification. Néanmoins, elle paraît opératoire et cohérente. Une mise en pratique
autour de quelques exemples devrait en attester.

5.3.3 Quelques essais de quantification

Pour lʼheure, la méthode de quantification sera appliquée à 3 événements. Quoique la


région bordelaise soit le parent pauvre ici, les aléas sélectionnés sont répartis relativement
équitablement dans lʼespace et dans le temps. Afin de permettre au lecteur de se repérer plus
facilement et de prendre la mesure de la quantification, les exemples ont été choisis parmi la
liste des études de cas scrupuleusement analysées et présentées dans le chapitre 8109. En outre,
ceux-ci comptent un certain nombre de publications de documents anciens auxquelles le
lecteur pourra se référer.

109
Cf. infra, Chapitre 8 - Une approche reposant sur des études de cas bien documentés.

243
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
Amplement développées ultérieurement, les manifestations des 27-28 janvier (5-6
février) 1469(n.st), du 31 décembre 1598-3 janvier 1599 et des 14-15 mars 1751 ne seront pas
approfondies dans les prochaines lignes. La présentation ne tenant alors quʼen un résumé.
Ainsi, lʼattention se portera principalement sur la méthodologie de quantification des
dommages. Les problèmes quʼelle continue de soulever seront par la suite discutés.

Dans la nuit du 27 au 28 janvier (5-6 février) 1469 (n.st), une tempête avec
submersion survient110. Elle est attestée dans la baie de Bourgneuf, en particulier à lʼîle de
Bouin111, ainsi quʼà Angers112. Le recoupement des sources permet de statuer sur la
conséquence des atteintes aux bâtis : très nombreuses chaussées et levées de marais explosées
à Bouin, maisons dʼhabitants de lʼîle submergées, château dʼAngers abîmé, clocher de lʼéglise
de Saint-Aubin renversé ainsi que « moult maisons » abattues dans les campagnes angevines.
La classe 1 des dégâts fut par conséquent considérée comme « généralisée » (3), tandis que
celle de lʼexposition, initialement catégorisée en 1 (exposition forte), fut relevée en 2 en
considération des maisons populaires (3) détériorées en Anjou. Supra-régional, le cadre
spatial fut établi à 3. Pour le préjudice humain, en lʼétat actuel des connaissances, le décès par
noyade dʼune femme sur lʼîle de Bouin est confirmé par les documents, dʼoù la valeur de 1
attribuée autant aux pertes quʼau cadre spatial. Quant aux activités, tous les champs et prés
cultivés sont présentés comme inondés par la mer (3), cependant cela ne concerne quʼun
espace localisé : lʼîle de Bouin (1). Il en est de même pour la saliculture (bassins très
endommagés, perte dʼimportantes quantités des sels stockés, revenus en berne…), à la
différence que des aires salines avoisinantes comme Prigny ou Bourgneuf semblent également
avoir été touchées. Le cadre est donc régionalisé (2). Similairement pour la sylviculture : dans
son journal, Guillaume OUDIN affirme que, dans les campagnes dʼAnjou (2), les grands vents
ébranlèrent et brisèrent « tant dʼarbres que cʼestoit grand pitié dʼen ouyr parler » (3)113.
Il nʼaura pas échappé au lecteur que la détermination du codage « pondéré » se fait par
une équation simple : addition des critères puis division par 2 ou 3 selon leur nombre.

110
Infra, Chapitre 8, 8.1.3 - La tempête avec submersion des 27-28 janvier (5-6 février) 1469(n.st).
111
AN P-s-S, 1 AP 2132, pièce n°122.
112
OUDIN G., Extrait dʼun manuscrit de Messire Guillaume Oudin, prestre sacristin de lʼabaye de Nostre Dame
du Ronceray, depuis lʼannée 1447 jusquʼen lʼan 1499, copie datant du XVIIIe siècle, original perdu, Méd.
Toussaint, Angers, ms. 976, fol. 7 v°-8 r°, vues 13-14 (numérisation).
113
Idem.

244
Lieu(x) Pr éjudices bâtis Pr éjudices humains
Date Échelle Échelle Classe Classe Cadre Codage Classe Cadre Codage
locale provin- des des spatial pondér é des spatial pondér é
ciale dégâts 1 dégâts 2 pertes
27- Bouin, Marches
28/01/ Prigny Poitou / 3 2 3 2,7 1 1 1
1469 Bretagne
Angers Anjou

Pr éjudices activités
Agriculture Saliculture Sylviculture
Classe Cadre Codage Classe Cadre Codage Classe Cadre Codage
des spatial pondér é des spatial pondér é des spatial pondér é
dégâts dégâts dégâts
3 1 2 3 2 2,5 3 2 2,5
Figur e 35: Tableau d'application de la méthode de quantification des dommages r ecensés dans les sour ces
pour la tempête avec submer sion des 27-28 janvier (5-6 févr ier ) 1469 (n.st).

Le vimer des 31 décembre 1598, 1er, 2 et 3 janvier 1599114 frappe la baie de Bourgneuf
et lʼestuaire de la Loire115, La Rochelle116, lʼîle de Ré117. En lʼétat actuel des connaissances,
son champ dʼimpacts est essentiellement littoral. Couvrant un cadre supra-régional (3), les
dégâts matériels provoqués par lʼocéan sont considérables (3), mais concernent néanmoins
des enjeux très vulnérables (1) : au moins 25 navires perdus sur la Loire, digues renversées à
Ré, Bouin et Bourgneuf, clocher des Cordelliers de Saint-François emporté à Bourgneuf,
moulins et maisons détruits, à Loix, sur lʼîle de Ré, la mer monte même jusquʼau village de
Lavaud… En baie de Bourgneuf (2), le bilan humain, bien que non chiffré, semble effroyable
(3) : « un grand nombre de personnes » se noya118. Si aucune atteinte aux arbres nʼest à
déplorer (0) – les zones touchées en comptant très peu – lʼagriculture et la saliculture sont
durement impactées (3), autant à Bouin, Bourgneuf, que Loix (3). Ainsi, pour ne citer que ce
témoignage, la mer « crouva thout les terres et blé des marays et anmena thoutes les sels qui
estoitz a desseler seur les marois »119.

114
Infra, Chapitre 8, 8.2.2 Le vimer général des 31 décembre 1598-3 janvier 1599
115
Moi, Jean Martin, recteur de Plouvellec... Les curés “ journalistes” de la Renaissance au XVIIe siècle, 1993,
présenté par CROIX, A., Apogée, Rennes, p. 67 ; AM Nantes, II 136, pièce n°30.
116
MERLIN Jacques, Diaire de Jacques Merlin et recueil des choses les plus mémorables qui se sont passées en
ceste ville de La Rochelle de 1589 à 1620, Méd. M-Crépeau, La Rochelle, ms. 161, MI 114 (microfilm), fol. 367.
117
HERPIN N., Extrait d'un mémorial rédigé par le Sieur Nicolas Herpin, notaire et procureur à Saint-Martin, île
de Ré, commencé le 15 octobre 1581, Méd. M-Crépeau, La Rochelle, ms. 163, fol. 23 v°.
118
AM Nantes, II 136, ibid.
119
Moi, Jean Martin […], loc. cit.

245
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »

Lieu(x) Pr éjudices bâtis Pr éjudices humains


Date Échelle Échelle Classe Classe Cadre Codage Classe Cadre Codage
locale provin- des des spatial pondér des spatial pondér
ciale dégâts 1 dégâts 2 é pertes é
Bouin, Marches
31/12/ Bourg- Poitou /

1598- neuf, Bretagne


Prigny
02/01/ 3 1 3 2,3 3 2 2,5
1599
Estuaire de Bretagne
Loire

La
Rochelle Aunis

Pr éjudices activités
Agriculture Saliculture Sylviculture
Classe Cadre Codage Classe Cadre Codage Classe Cadre Codage
des spatial pondér é des spatial pondér é des spatial pondér é
dégâts dégâts dégâts
3 3 3 3 3 3 0 0 0
Figur e 36: Tableau d'application de la méthode de quantification des dommages r ecensés dans les sour ces
pour la tempête avec submer sion des 31 décembr e 1598- 3 janvier 1599.

Dépeints comme un « ouragan » par les contemporains, les vents violents des 14-15
mars 1751120 traversent un territoire extrêmement élargi, sʼétendant de la Bretagne au Poitou,
avec une intégration continentale marquée puisque des dégâts sont mentionnés notamment à
Tours ou Denainvilliers. Hormis la saliculture, qui ne concerne quʼun espace régional (2)
comprenant essentiellement Bouin et lʼîle de Noirmoutier, tous les torts sont supra-régionaux
(3). Les destructions sont impressionnantes (3) et touchent toutes les classes dʼexposition (3) :
brèches dans les digues, couvertures et clochers dʼéglises fortement abîmés, cheminées
renversées, vitres des lanternes publiques soufflées à Rennes121, pignons arrachés, toitures de
maisons emportées, multitude de navires « dispersés, dématés, rompus & jettés en disvers
endroit de la côte »122, en particulier aux environs de Paimboeuf et de lʼestuaire de la Loire où

120
Infra, Chapitre 8, 8.3.2 - Les 14-15 mars 1751 : un « ouragan » déjà parfaitement connu ?
121
AM Rennes, BB 638, fol. 9, vue 11 (numérisation).
122
AM Nantes, HH 227, pièce n°13.

246
ils avaient trouvé refuge… Pour lʼheure, le bilan humain paraît relativement faible : un
homme (1) est retrouvé mort sous les décombres de sa maison dans la paroisse de Saint-
Nicolas à Nantes (1)123. Quant à lʼimpact des vents sur les arbres, il est catastrophique (3).
Dans les forêts poitevines de Châtellerault, Marsais, Rochemaud, Saint-Hilaire de Mortagne,
ce sont près de 1000 arbres (sans comptabiliser les haies) qui sont arrachés, emportés, cassés,
coupés ou étêtés par la tempête124, tandis quʼen Maine « un nombre infini dʼarbres de toutte
espece »125 est déraciné.

Lieu(x) Pr éjudices bâtis


Date
Échelle locale Échelle provinciale Classe Classe Cadre Codage
des des spatial pondér é
dégâts 1 dégâts 2
Le Mans, Maine
14- Laval

15/03/ Angers, Anjou/Saumurois 3 3 3 3


1751 Saumur

Guérande,
Nantes, Bretagne
Paimboeuf,
Rennes
Saint-Malo

Bouin, Marches
Île de Noirmoutier Poitou / Bretagne

Châtellerault,
La Bruffière, Poitou
Les Sables-dʼOlonne,
Maillezais / Vix,
Marsais
Poitiers

(Tours, Denainvilliers) Hors cadre

123
AM Nantes, GG 253.
124
AD 86, B 56 ; AD 86, B 164, 2e registre.
125
AD 53, E dépôt 226/E8, vue 35.

247
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »

Pr éjudices humains
Classe des pertes Cadre spatial Codage pondér é
1 1 1

Pr éjudices activités
Agriculture Saliculture Sylviculture
Classe Cadre Codage Classe Cadre Codage Classe Cadre Codage
des spatial pondér é des spatial pondér é des spatial pondér é
dégâts dégâts dégâts
2 3 2,5 3 2 2,5 3 3 3
Figur e 37: Tableau de la méthode de quantification des dommages r ecensés dans les sour ces pour la
tempête des 14-15mar s 1751.

Quatre limites principales émergent. La première tient en la présence ou lʼabsence de


la donnée. Fin connaisseur de ses fonds, lʼhistorien ne peut que déplorer le défaut de
conservation et les pertes archivistiques considérables, en particulier pour les siècles les plus
reculés126. Empêché, impuissant, il lui faut composer avec. Il ne peut également quʼinterroger
sur lʼenregistrement des tempêtes, la production effective dʼécrits susceptibles de le
renseigner. Des documents sur tel ou tel vimer furent-ils vraiment émis ? Éternel optimiste, le
chercheur a bon espoir dʼexhumer des informations nouvelles lors de futures recherches.
Néanmoins, en attendant, la démarche de quantification repose sur les matériaux disponibles.
Les résultats présentés ne sauraient donc être perçus comme absolus ou immuables. En lʼétat,
ce nʼest dʼailleurs pas tant les résultats qui doivent interpeller, mais bien le déroulé de la
méthodologie, le passage cohérent de la théorie à la pratique. La seconde porte sur la
définition du nombre lorsque, pour une même tempête, le dommage est caractérisé de
« général » en un endroit, mais apparaît isolé, ponctuel en un autre. Est-il alors pertinent de le
glisser dans une catégorie intermédiaire en le définissant de « diffus » ? Et quʼen est-il lorsque
le fait se répète à lʼéchelle de plusieurs sources (un « général / trois « isolé » par exemple) ?
La considération du cadre spatial affecté par lʼendommagement suffit-elle alors à pallier les
possibles sur ou sous-estimations ? Force est dʼadmettre que, dans ces cas de f igure, le bon
sens et une part de subjectivité prévalent. Le troisième point est indéniablement le plus
problématique. Il a trait au rapport entre activités et territoire. Pour lʼheure, puisquʼil ne sʼagit
que de quantifier, apposer un « 0 » dans une section nʼest que le ref let des renseignements
disponibles. Toutefois, lʼobjectif étant dʼenvisager de sʼen servir comme base de réflexion
pour la génération dʼun indicateur dʼintensité*, quʼadviendra-t-il si un « 0 » sʼinsère alors que

126
Infra, Chapitre 8, 8.1.1 - Des pertes documentaires irrémédiables et 8.2.1 - Reconstruction : l'impossible
exhaustivité malgré l'accroissement des émergences.

248
cette activité nʼest, en vérité, pas présente sur le secteur touché par le CET ? La question se
pose principalement pour la saliculture, mais également pour la sylviculture, plus difficile à
appréhender puisque cela supposerait, idéalement, de connaître la position et la densité de
chaque forêt, chaque futaie, chaque verger, etc. De manière a, logiquement, éviter quʼun biais
se forme, il sera nécessaire dʼy trouver une alternative non déséquilibrante. Dʼailleurs, cette
réflexion sera lʼoccasion dʼune autre : pourquoi, à lʼinstar du bâti, ne pas prendre en
considération lʼexposition des activités ? Ce fut sérieusement envisagé, puis abandonné. Non
viable, cela avait pour conséquence de fortement déprécier la saliculture, naturellement très
exposée. Quant à lʼagriculture et la sylviculture, en fonction des espaces (littoraux,
continentaux ou mixtes) affligés, lʼexposition pouvait varier du simple au triple, sans quʼil
soit toujours aisé de statuer. Propre à certaines situations, le problème de la définition du
nombre exposé ci-dessus se retrouvait dès lors transposé ici. Au demeurant, concernant les
territoires de lʼendommagement, le quatrième souci relevé pourrait peut-être contenir une
partie de la solution à cette remarque. En effet, comment comparer, en termes
dʼendommagement matériel, deux tempêtes à lʼemprise territoriale incomparable ? Pour un
usage comparatif efficient des phénomènes, ne serait-il pas pertinent dʼopérer une distinction
entre ceux qui dʼun côté semblent toucher majoritairement les littoraux, sans entrée dans les
terres notable, et ceux qui comptent une intégration continentale forte127 ?

La méthodologie de quantification des dommages proposée dans la thèse apparaît


opérante. Elle contient certes des limites et reste perfectible, cependant la combinaison de
lʼestimation du nombre et du cadre spatial tend à réduire la sur et/ou la sous-interprétation.
Elle permet dʼaffecter un codage « raisonné », moins subjectif et plus proche du contenu réel
des documents à lʼendommagement. Sous couvert dʼajustements du référentiel « activités »,
dʼun élargissement de celui de lʼexposition des enjeux, la logique mise en œuvre dans cette
démarche pourrait servir de point de départ pour lʼétablissement dʼune méthode de
quantification homogène, non plus seulement à lʼéchelle des XIVe-XVIIIe siècles, mais bien des
e e
XIV -XXI siècles. Enfin, il ressort que cette démarche de quantification des dommages pourra
contribuer à la réflexion sur lʼétablissement futur dʼun indicateur dʼévaluation des tempêtes.

5.3.4 Introduction à la construction dʼun prototype dʼévaluation des tempêtes

Comme lʼa présenté la partie 5.2 portant sur les méthodes existantes dʼévaluation et de

127
Tonnerre, M-A., 2001, Contribution à lʼétude des tempêtes dans la Manche et en façade atlantique de la
France, au nord de lʼîle de Noirmoutier (1965-1994), Université de Lille 1, thèse de doctorat de géographie,
sous la direction de Roussel, I., Lille, p. 82-103.

249
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
classification des événements tempétueux passés128, la recherche tend depuis quelques
décennies à les mesurer en vue de les comparer. Le chercheur sʼinterroge : les CET sont-ils,
ou non, de plus grande ampleur durant certaines périodes de lʼhistoire ? Est-il possible de
mettre en place un prototype fiable dʼévaluation des vimers ? Est-il envisageable dʼétablir un
indicateur ? Si lʼobjectif est stimulant, la démarche reste fastidieuse et compte de nombreuses
limites théoriques et pratiques. Cette partie introduit une réflexion critique sur lʼétablissement
dʼun futur prototype dʼévaluation des tempêtes. Elle ambitionne de « défricher » quelques
pistes.

Avant toute chose, il convient de questionner lʼévaluation en elle-même et de définir ses


implications. Le premier point est donc de déterminer ce quʼil est possible dʼévaluer. Est-ce la
magnitude* des aléas (1) ? Est-ce leur « gravité » / « sévérité » (2) ? Est-ce leur intensité*
(4) ? Est-ce leurs impacts (3) ? Quʼen serait-il alors de la vulnérabilité (3) ?
1) Estimée à partir de mesures de paramètres physiques comme le creusement
barométrique ou la vitesse des vents, la magnitude* dʼune tempête équivaut à lʼénergie
libérée, la puissance produite par les processus atmosphériques en action. En lʼabsence de
données instrumentales, elle est inestimable129. Puisquʼen lʼétat actuel des connaissances et
des informations historiques disponibles en France, nul ne peut prétendre lʼévaluer pour les
e e
XIV -XVIII , cette éventualité sera immédiatement écartée.
2) La composante de la gravité / sévérité est délicate à conceptualiser. Lʼestimation de
la « gravité » dʼun événement nécessite en premier lieu un cadrage, une déf inition stricte. En
effet, selon le sens et les portées attribués au terme, la « gravité » dʼun vimer peut dépendre
soit de ses conditions atmosphériques (pression, vitesse du vent, surcote), soit de ses
expressions sur les territoires, les humains et leurs activités, voire des 2. Dans un cas, elle sera
déduite de la magnitude*, dans lʼautre de lʼimportance des dommages, cʼest-à-dire de
lʼintensité*, ou des 2130. La gravité doit également prendre en compte la vulnérabilité des
systèmes, très difficile à déterminer. Ainsi, suivant lʼacceptation que les spécialistes en
auront, la gravité / sévérité pourra ou non être estimée. Il me semble que lʼintensité* nʼest pas
suffisante pour déterminer la gravité / sévérité dʼun aléa.
3) La dimension des impacts est intéressante. Elle est toutefois complexe à mettre en
œuvre, particulièrement pour la période ancienne131. Elle nécessite de dresser en premier lieu

128
Cf. supra, 5.2 - Des méthodes existantes dʼévaluation et de classification efficientes ?
129
Feng L. H., Hong W., 2008, « A quantitative expression for the magnitude and intensity of disaster of storm
surges », N.H, 45, p. 11–18 ; Voir notamment supra, 5.2.2 - Et en France ?
130
Lang, M., Claudet, R., 2005, « Les échelles de gravité sur les inondations : réflexion nationale et exemple
dans lʼHérault », La Houille Blanche, 1, p. 52-59.
131
Brisson, N., Terray, L., Calvet, J-C., Déqué, M., De Noblet-Ducoudré, N., 2013, « Lʼincertitude dans les
études dʼimpact et dʼadaptation au changement climatique », in Soussana, J-F. (coord.), Sʼadapter au
changement climatique. Agriculture, écosystèmes et territoires, Quae, Paris, p. 31-44.

250
une liste des impacts considérés. Un indicateur dʼimpacts des tempêtes doit, a minima,
prendre en compte a) lʼintensité des dommages132, b) la vulnérabilité sociale et territoriale /
les réactions des systèmes, c) un niveau de gravité qui serait obtenu en croisant les 2
composantes précédentes133. Il sʼagit du prototype dʼévaluation présentant le caractère le plus
« complet ». Néanmoins, il compte pour principale limite lʼinaccessible détermination du
« niveau » de vulnérabilité aux CET des sociétés médiévales et modernes. Ce « niveau » varie
dʼune communauté à lʼautre, dʼun événement à lʼautre, dans lʼespace et dans le temps. Il
repose à la fois sur des aspects naturels incontrôlés et incontrôlables (intensité* de lʼaléa,
période de retour), mais également sur des dimensions sociales, culturelles, politiques propres
à chaque société (mise en mémoire, conscience et culture du risque, aménagement du
territoire). Lʼélaboration dʼune grille dʼindicateurs de la vulnérabilité socio-spatiale des
sociétés au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne permettrait d'établir leur degré de vulnérabilité
et de les confronter de manière à produire une analyse différentielle. Cette dimension
comparative mettrait en relief lʼexistence dʼun certain nombre de marqueurs communs, mais
autoriserait également à distinguer la société la moins vulnérable face à un événement
donné134. Pour la période plus récente, certains chercheurs ont dʼailleurs envisagé de créer un
indice de vulnérabilité135. Pour les e
XIV -XVIII
e
siècles dans lʼOuest de la France, une telle
démarche compte encore de trop nombreuses limites pour être mise en œuvre. Pour nʼen citer
que quelques-unes : le calcul de récurrence est impossible à cause de sérieuses lacunes
documentaires, il nʼexiste pas de données scientifiques précises, les réactions des sociétés ne
sont pas toujours renseignées. Pour évaluer la vulnérabilité, il faudrait par ailleurs disposer
dʼinformations tangibles sur lʼorganisation administrative et législative des territoires, ainsi

132
Dans le cadre dʼun indicateur dʼimpacts, il conviendrait dʼélargir lʼétude des dommages aux conséquences
environnementales quʼune tempête peut avoir, notamment en termes dʼérosion côtière. Cariolet, J-M., 2011,
Inondation des côtes basses et risque associés en Bretagne : vers une redéfinition des processus
hydrodynamiques liés aux conditions météo-océaniques et des paramètres morpho-sédimentaires, Université de
Bretagne Occidentale, thèse de doctorat en géographie, sous la direction de Meur-Férec, C., Suanez, S., Brest ;
Fattal, P., Robin, M., Paillart, M., Maanan, M., Mercier, D., Lamberts, C., Costa, S., 2010, « Effets des tempêtes
sur une plage aménagée et à forte protection côtière : la plage des Eloux (côte de Noirmoutier, Vendée,
France) », Norois, 215, p. 101-114.
133
De Lary, L., Loschetter, A., Bouc, O., 2011, Indicateurs dʼévaluation des impacts et des risques dans le cadre
du stockage géologique de CO2 : terminologie, méthodologie et préconisations, BRGM [En ligne].
134
Athimon, E., Maanan, M., Sauzeau, T., Sarrazin, J-L., 2016, « Vulnérabilité et adaptation des sociétés
littorales aux aléas météo-marins entre Guérande et l'île de Ré, France (XIVe-XVIIIe siècle) », VertigO - la revue
électronique en sciences de l'environnement, 16-3, [En ligne].
135
Maertens-Noël, S., 2016, La mer, cet ennemi de plusieurs siècles. Identifier et comprendre les trajectoires de
vulnérabilité des sociétés littorales bas-normandes (1600-1940), Université de Caen, thèse de doctorat
dʼhistoire, sous la direction de Garnier, E. et Milliot, V., Caen ; Noël, S., 2014, « La vulnérabilité des
populations de la côte Est du Cotentin, 1700-1914. Lʼapproche historique dans lʼanalyse des enjeux, de lʼaléa et
de la gestion du risque de submersion », in Cocorisco, Aléas, Enjeux, Représentations, Gestion, Actes du
colloque international, 3-4 juillet 2014, p. 445-455, [PDF en ligne] ; Barroca, B., Pottier, N., Lefort, E., 2005,
« Analyse et évaluation de la vulnérabilité aux inondations du bassin de lʼorge aval », 7e rencontres de Théories
Quantitatives, 12 p., [PDF en ligne].

251
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
que sur lʼétat / lʼentretien des digues et infrastructures de front de mer136. Il faudrait de même
pouvoir mesurer lʼefficacité des interventions des autorités du royaume en matière de gestion
de crise et de la vulnérabilité137. Enf in, sʼagissant de vulnérabilité, le temps doit être considéré
en ce quʼil génère ses propres formes de vulnérabilité (évolutions techniques, culturelles,
sociales, des mentalités, du niveau de risque acceptable par les sociétés / de la tolérance à
celui-ci)138. Pour toutes ces raisons, la prudence incite à interroger et examiner la
vulnérabilité, mais pas à lʼévaluer. Au reste, la faible vulnérabilité dʼune société nʼempêche
pas la forte vulnérabilité individuelle, et inversement139.
4) Reste finalement la possibilité de créer une échelle indicielle dʼintensité*. Il
semblerait dʼailleurs que lʼintensité* soit un bon point de départ. En effet, si la recherche
souhaite ultérieurement aboutir à une évaluation de la gravité ou des impacts des aléas météo-
marins anciens, elle a dʼabord besoin dʼen définir lʼintensité*. À partir des préjudices recensés
dans les sources, lʼintensité des tempêtes en termes dʼendommagement peut être approchée.
Cʼest donc à la construction dʼun prototype dʼestimation de lʼintensité* des tempêtes que ce
développement ambitionne de contribuer. Une fois fixé ce que lʼon envisage dʼévaluer, la
démarche doit commencer par la détermination dʼune unité de mesure rattachée à une échelle
de valeurs140. De nos jours, ce sont les coûts économiques qui sont retenus. Cependant, pour
les périodes médiévales et modernes, la seule voie possible tient en la quantification des
dommages (morts, bâtis, activités). Lʼapproche physique par le biais de la méthode de
quantification des dommages précédemment proposée141 sera donc privilégiée142.

Théorisée dans lʼoptique de comparer les événements entre eux au cours du temps,

136
LʼOuest de la France ne dispose pas en la matière des riches sources des pays de la mer du Nord. Soens, T.,
2009, De spade in de dijk. Waterbeheer en rurale samenleving in de Vlaamse kustvlakte (1280-1580), Academia
Press, Gent ; De Kraker, A.M.J., 1999, « A method to assess the impact of high tides, storms and storm surges as
vital elements in climatic history. The case of stormy weather and dikes in the northern part of Flanders, 1488 to
1609 », C.C., 43-1, p. 287–303.
137
Cf. supra, Chapitre 3, 3.3 - Gestion de la crise et de la vulnérabilité aux XIVe-XVIIIe siècles : quels acteurs pour
quelles échelles ?
138
Bankoff, G., 2004, « Time Is of the Essence : Disasters, Vulnerability and History », International Journal of
Mass Emergencies and Disasters, 22-3, p. 23–42.
139
Soens, T., 2018, « Resilient societies, vulnerable people : coping with North Sea Floods before 1800 », Past
and Present : a journal of historical studies, gty018, p. 1-36, [En ligne] ; Meschinet de Richemond, N.,
Reghezza, M., 2010, « La gestion du risque en France : contre ou avec le territoire ? », Annales de géographie,
673, p. 248-267.
140
André, C., 2013, Analyse des dommages liés aux submersions marines et évaluation des coûts induits aux
habitations à partir de données dʼassurance, Perspectives apportées par les tempêtes Johanna (2008) et Xynthia
(2010), Université de Bretagne Occidentale, thèse de doctorat de géographie, sous la direction de Meur-Ferec,
C., Vinchon, C., Brest, p. 19.
141
Cf. supra, 5.3.3 - Quelques essais de quantification.
142
Cette approche repose sur lʼanalyse de la sensibilité dʼinfrastructures, dʼactivités, etc. aux processus
physiques de lʼaléa engendrant les dommages. Elle se base sur la description physique des dommages par des
échelles qualitatives. Elle a initialement été développée pour le risque sismique, en particulier à travers
lʼhistoire : Alexandre, P., Kusman, D., Camelbeeck, T., 2008, « Le tremblement de terre du 18 septembre 1692
dans le nord de lʼArdenne (Belgique). Impact sur le patrimoine architectural. », in Levret, A., Actes des 6e
rencontres, Archéosismicité & Vulnérabilité, environnement, bâti ancien et société, p. 127-139, [PDF en ligne].

252
lʼéchelle dʼintensité* conceptualisée sʼavère encore difficile à mettre en œuvre. Elle doit
compter sur plusieurs limites quʼil conviendra désormais dʼévoquer. À lʼinverse des
séismes143, des tornades144 ou des cyclones tropicaux145, il nʼexiste pas véritablement
dʼéchelle dʼintensité* rapportée aux CET des latitudes tempérées reposant sur le taux
dʼendommagement matériel. Cela tient probablement en la difficulté initiale de définir la
tempête146, dʼanticiper sa sévérité147, de prévoir ses effets en mer et/ou à terre. La seule à sʼen
rapprocher correspondrait à lʼéchelle de Beaufort, loin de faire consensus148. Pour rappel, elle
comprend 13 niveaux, de 0 (temps calme) à 12 (ouragan), dont seuls les 3 derniers (10, 11 et
12) sʼappliquent effectivement aux tempêtes. Reposant sur des seuils minimums et
maximums, lʼéchelle proposée ici compte 5 niveaux, auxquels coïncident des atteintes
croissantes et des classes dʼendommagements établies grâce à la méthode de quantification
des dégâts exposée plus haut149. Le propos se voulant une introduction réf lexive en vue de
lʼétablissement futur dʼun prototype dʼévaluation des tempêtes, il ne sʼagira pas véritablement
de lʼéprouver ici. Néanmoins, lʼentreprise sera présentée, ses objectifs énoncés, ses
ambiguïtés et difficultés de déploiement précisément énoncées.
Tout dʼabord – et au risque de se répéter – il ne sera pas question dʼintensité des vents,
sous-entendu de vitesse, mais bien de la force destructrice dʼun CET déterminée par une
cotation additionnelle des effets matériels recensés pour un événement donné sur la
population, le bâtis et les activités. À partir de lʼéchelle de Beaufort, dʼaucuns tentent parfois
dʼétablir des corrélations entre les dommages rapportés et la vitesse des vents, la « force », la
sévérité réelle ou supposée de lʼévénement150. Or, un principe dʼindépendance règne entre
lʼun et lʼautre. Étant admis que la vitesse des vents nʼatteste pas obligatoirement de
destructions importantes ni de victimes nombreuses151, ce principe dʼindépendance sera
respecté. Dʼautant quʼil sʼinscrit dans une réciprocité. Il apparaît ainsi tout aussi aventureux
de déduire une sévérité à partir des seuls dommages répertoriés. En effet, en matière de
sévérité, lʼexposition, les vulnérabilités des territoires, des enjeux et des sociétés, la
succession à court terme de tempêtes devraient également être considérées. Dès lors, il nʼy
aura pas de tentative dʼestimer la « force » de lʼaléa en cherchant à établir dʼéventuels
parallèles entre dégâts décrits / observables et vitesse potentielle des vents.

143
Echelle MSK, échelle MMI, échelle EMS-98.
144
Echelle de Fujita, échelle de Torro.
145
Echelle de Saphir-Simpson.
146
Cf. supra, Chapitre 1, 1.1 - D'hier à aujourd'hui, nécessité et difficultés de définir la tempête.
147
Contrairement aux cyclones tropicaux : Meuel, T., Xiong, Y.L., Fischer, P., Bruneau, C.H., Bessafi, M.,
Kellay, H., 2013, « Intensity of vortices : from soap bubbles to hurricanes », Nature, Scientific Reports, 3, article
numéro 3455.
148
Cf. supra, 5.2.2 - Et en France ?
149
Cf. supra, 5.3.3 - Quelques essais de quantification.
150
Cf. supra, 5.2.2 - Et en France ?
151
Dauphiné, A., Provitolo, D., 2013, Risques et catastrophes. Observer, spatialiser, comprendre, gérer,
Armand Colin, Paris, p. 84.

253
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
De plus, lʼune des principales lacunes à la démarche dʼétablir une échelle dʼintensité des
dommages tient probablement au fait que la caractérisation des dégâts implique que lʼaléa en
ait produits et, surtout, que la recherche ait connaissance de tout ou partie dʼentre eux. Pour le
Moyen Âge et lʼÉpoque Moderne, lʼabsence de bilans circonstanciés ne permet pas dʼaffirmer
avec certitude que les degrés et intensités déduits des préjudices rapportés soient exacts. Cela
sous-entend aussi que la classe attribuée à un événement est potentiellement mouvante
puisque la découverte de nouvelles données au fur et à mesure des dépouillements peut
imposer au spécialiste de la revoir.
Il sera aussi signalé quʼil faudrait idéalement exprimer les dommages aux bâtis,
infrastructures, forêts, champs, etc. sous forme de pourcentage des pertes estimées, de taux
dʼendommagement ou dʼéquivalent monétaire152. Cette entreprise permettrait dʼappréhender
les vulnérabilités et le risque puisque les dégâts seraient rapportés en proportion de tous les
enjeux présents sur le territoire touché. Faute de données suffisantes, une telle entreprise est
irréalisable à lʼéchelle des XIVe-XVIIIe siècles. En outre, les échelles dʼintensité existantes pour
les risques sismiques, les tempêtes ou les cyclones tropicaux par exemple nʼaccordent aucune
place au préjudice humain. Pourtant, celui-ci est fondamental pour mesurer les effets dʼune
catastrophe. Autant que possible, il a été pris en compte ici. Deux remarques doivent toutefois
être faites : 1) les mentions chiffrées de décès liés à des aléas météo-marins sont rares dans les
documents écrits dʼAncien Régime, 2) à moins quʼils ne soient accompagnés dʼune
submersion susceptible dʼentraîner des noyades, les vimers sont rarement père de décès
directs. La majorité des morts exhumés sont collatéraux et ressortent provoqués par des chutes
dʼarbres, dʼédifices, de toitures.
Dans le cadre dʼune échelle empirique, il faut toujours raisonner en termes de
« dommages possibles » et non en termes de « dommages indispensablement tous
observés »153 ou, dans le cas présent, signalés par des tiers contemporains des faits. Il ne sʼagit
pas de réexaminer la fiabilité des témoignages154, uniquement de se reposer sur le constat
quʼil existe à peu près autant dʼendommagement que de manifestation. Ainsi, compromis
entre le besoin de véracité, dʼêtre au plus près de la réalité et la nécessité de sa simplicité
dʼutilisation, une échelle inclut dès le départ une subjectivité. Celle-ci est autant liée aux
traces laissées par les témoins, quʼà la construction de lʼéchelle en elle-même et/ou au
chercheur qui y a recours. Ce, dʼautant quʼil faudrait pouvoir transformer en valeur numérique
absolue et consensuelle des expressions telles que « peu », « beaucoup », « la plupart ». Or,
ces mots peuvent être interprétés de manières diverses et les valeurs qui leur sont attribuées
peuvent être séparées, contiguës, se chevaucher…

152
Blong, R., 2003, op. cit., p. 57-58.
153
André, C., 2013, op. cit., p. 21-23.
154
Cf. Annexe 1.

254
Indice Intensité des Classe Dommages possibles
dommages dʼendommagement
Aléa perçu de façon partielle, pas de
I Très faible à [0 ; 3[ décès, petits et moyens bateaux
faible malmenés, branches des arbres secouées,
blés légèrement battus par les vents
Aléa largement perçu, pas de décès ou
II Modérée [3 ; 6[ accidentel(s), petits et moyens vaisseaux
en difficulté, vitres soufflées, quelques
ardoises ou tuiles arrachées, digues
légèrement sapées, branches ainsi que
quelques arbres vulnérables cassés
(isolé), faibles pertes salicoles et/ou
agricoles
Inquiétude, décès possibles, navires en
III Forte [6 ; 9[ difficulté, quelques échouements, toitures
partiellement emportées, clochers fissurés
voire renversés pour les plus fragiles,
brèches notables dans les digues, arbres
déracinés (diffus), pertes salicoles et/ou
agricoles importantes, quelques atteintes
structurelles et/ou fonctionnelles relevées
Frayeur, décès, nombreux naufrages et
IV Très forte [9 ; 12[ échouements, maisons en partie détruites,
clochers renversés, arbres déracinés
(généralisé), ruptures de cordons dunaires
et dépôts sédimentaires éoliens, atteintes
structurelles et/ou fonctionnelles
appréciables
Épouvante, décès, dégâts généraux aux
V Exceptionnelle [12 ; 15] bâtis, forêts ravagées (généralisé),
ruptures de cordons dunaires et dépôts
sédimentaires éoliens, atteintes
structurelles et fonctionnelles majeures
Figur e 38: Echelle indicielle simplifiée dʼintensité des tempêtes sous latitudes tempér ées (XIVe-XVIII e
siècles)

255
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »

Sʼil fallait envisager dʼévaluer lʼintensité de quelques événements afin de vérifier le


fonctionnement de cette échelle, le plus pratique serait de le faire à partir des études de cas
bien documentés du chapitre 8155 ainsi que de celui des 9-10 janvier 1735 présenté dans le
chapitre 4156. À lʼinstar des 3 essais de quantification ci-dessus157 et de ceux consignés dans
lʼannexe 2158, le choix de ces exemples permet au lecteur de vérifier par lui-même lʼefficience
de lʼindice. Sur les 8 vimers scrupuleusement analysés au sein du chapitre 8, celui de 1351-
1352(n.st) ne sera pas considéré ici. En effet, les dégâts quʼil a provoqués ailleurs quʼaux
systèmes de production salicole ne sont quʼinsuffisamment détaillés. Cela rappelle au chercheur
quʼil reste dépendant des sources, de leur contenu. Cela renvoie ainsi à la principale limite de
la démarche évoquée précédemment. Cela expose au s s i une autre limite de la démarche et
permet dʼinsister sur le fait que lʼindice dʼintensité ne témoigne ni de la magnitude* ni de la
gravité / sévérité dʼun phénomène.

Quantification des Classe Indice dʼintensité


Date
dommages dʼendommagement
27-28 janvier
1469(n.st) 10,7 [9 ; 12[ IV
13 novembre
1509 7,8 [6 ; 9[ III
31 décembre
1598-3 janvier 1599 10,8 [9 ; 12[ IV
28-29 janvier
1645 13,2 [12 ; 15] V
15 janvier 1699
7,7 [6 ; 9[ III
9-10 janvier
1735 9,8 [9 ; 12[ IV

155
Cf. infra, Chapitre 8 - Une approche reposant sur des études de cas bien documentés.
156
Cf. supra, Chapitre 4, 4.3.3 - Mise en pratique : deux « cas dʼécole ».
157
Cf. supra, 5.3.3 - Quelques essais de quantification.
158
Cf. Annexe 2.

256
14-15 mars
1751 12 [12 ; 15] V
17 janvier 1784
8,7 [6 ; 9[ III
Figur e 39: Tableau pr ésentant quelques r ésultats de lʼapplication de la méthode de quantification des
dommages et de lʼindice dʼintensité développé.

Les résultats semblent cohérents. Ils restent néanmoins étroitement corrélés aux
informations disponibles dans les sources, ce qui laisse supposer des décalages éventuels
entre les dommages véritablement engendrés et ceux rapportés, conservés. Surtout, ces
résultats nʼattestent pas de la sévérité des tempêtes, mais uniquement dʼun indice
dʼendommagement tel quʼil peut être estimé à partir des témoignages historiques.

La démarche compte encore de nombreuses limites et apparaît perfectible. Elle se veut


introductive à de futures recherches. Lʼéchelle indicielle nʼest évidemment pas immuable.
Elle a certes été élaborée pour se conformer aux atteintes matérielles recensées dans les
e e
sources historiques des XIV -XVIII siècles, mais elle fut originellement pensée pour être
modulable, voire adaptable en vue dʼune application à plus grande échelle, tant spatiale que
temporelle. Lʼobjectif reste quʼelle soit en mesure de sʼadapter aux évolutions des enjeux et,
par-là, aux modifications de la nature des dommages dans le temps. Pour la perfectionner, il
faudrait notamment prendre systématiquement en compte 1) lʼexposition, la vulnérabilité de
tous les enjeux, 2) la dimension de lʼenvironnement, particulièrement celle des déséquilibres
des milieux côtiers à la suite dʼaléas météo-marins majeurs. Ils peuvent transparaître dans les
archives sédimentaires.
À lʼavenir, il conviendra aussi de discuter la déf inition dela probabilité dʼoccurrence. Il
existe effectivement une relation entre lʼintensité* dʼun phénomène et sa fréquence. Plus un
événement produit de dommages, plus la probabilité quʼil a dʼarriver est faible. À lʼinverse,
plus un événement est supportable pour les sociétés et engendre peu de dégâts, plus son
occurrence est élevée. On relèvera dʼailleurs, que la mention des dégâts dans les sources peut
être biaisée par la tolérance et lʼhabitude que les populations ont de vivre avec les aléas159...
En vue de progresser doucement vers une évaluation de la gravité / sévérité, il sera
indispensable de réfléchir à lʼintégration de la dimension géographique des tempêtes. Cela
impliquera dʼétablir une distinction entre vimers endommageant principalement le littoral et
vimers se manifestant aussi dans les terres. La puissance dʼune tempête décroît de manière
irrégulière depuis la mer jusquʼà lʼintérieur des terres. Il est donc nécessaire de tenir compte

159
Pigeon, P., 2002, « Réflexions sur les notions et les méthodes en géographie des risques dits naturels »,
Annales de géographie, 627-628, p. 452-470.

257
CHAPITRE 5. Tempête ancienne et « pouvoir d'endommagement »
dʼun « effet distance ». Celui-ci devrait avoir deux points de repère. Dʼune part, la localité
impactée la plus éloignée de lʼocéan, de lʼautre, la côte – située sur la trajectoire de lʼaléa – la
plus proche à vol dʼoiseau en kilomètres. La dimension de lʼemprise spatiale des dommages
devra aussi être considérée : lʼendommagement est-il local, régional, national ? Poussée à son
idéal, lʼévaluation des CET passés mériterait aussi de considérer la nature des sols, la rugosité
des substrats, les modelés des paysages puisque ceux-ci conditionnent en partie les
mouvements des vents160. La voie reste donc très largement ouverte…

160
Tabeaud, M., 2006, « Qui sème le vent récolte la tempête », in Corvol, A. (dir), Tempêtes sur la forêt
française. XVIe-XXe siècle, L'Harmattan, Paris, p. 35-46, p. 36.

258
CONCLUSION PARTIELLE, PARTIE II

Divisée en 3 chapitres, cette seconde partie croise la pensée géographique avec les
réalités des données tirées de documents textuels anciens. Elle présente un premier travail de
caractérisation et de reconstruction historique des tempêtes. Elle réfléchit également à une
nouvelle méthode de quantification des dommages. Elle sʼinsère ainsi parfaitement dans les
axes 2 et 3 de la thèse.

Dans le chapitre 3, lʼapproche pose clairement la question des échelles. Pertinente, la


pensée par niveau dʼéchelles (spatiales, temporelles, de réactions sociales) permet de
problématiser, déconstruire et repenser la tempête. En filigrane, le contenu des données
récoltées, les éléments quʼil est possible dʼen extraire, leurs limites, mais également leurs
apports pour la caractérisation et la reconstruction des aléas météo-marins passés
transparaissent. Les liens possibles avec le climat et ses variations (saisons, températures,
NAO) sont observés. Au cours du PAG, des périodes de fluctuation de lʼactivité tempétueuse
corrélables avec celles de la mer du Nord (1580-1620 par exemple) semblent avoir existé.
Cependant, pour lʼheure, aucune hypothèse nʼest certifiée et le chercheur doit rester prudent.
À travers des rôles et des échelles spatiales de réactions variés, le chapitre 3 démontre aussi la
part active prise à la gestion de la crise et de la vulnérabilité par les différents acteurs des
e e
XIV -XVIII siècles. Les populations, les autorités de proximité, l'État monarchique participent
à la gouvernance du risque.
Méthodologique, le chapitre 4 sʼadresse principalement aux historiens. Il questionne la
pertinence de lʼusage du système dʼinformation géographique (SIG) pour lʼétude historique
des tempêtes. Intégrées à un SIG, les données prennent une valeur géographique, spatialisée,
ce qui offre une vision renouvelée des éléments à la disposition du chercheur. La grande
variabilité spatiale et temporelle des vimers ressort. À la condition quʼil ne dénature pas les
données historiques, le SIG est un outil approprié à lʼanalyse des tempêtes et submersions
marines passées. Il assiste le travail de caractérisation et de reconstruction des événements :
visualisation de leur emprise spatiale approximative (cas du vimer de 1351-1352(n.st) ou de
celui des 9-10 janvier 1735), identification des espaces les plus régulièrement touchés,
réflexion autour de la vulnérabilité des territoires.
Le chapitre 5 est le dernier de la partie II. Il sʼintègre pleinement dans le troisième axe
de la thèse. Une démarche de quantification des dommages provoqués par les vimers y est
e e
proposée. Elle sʼapplique du XIV au XVIII siècle. Elle permet dʼévaluer le taux
dʼendommagement matériel, humain et sur les activités (agriculture, saliculture, sylviculture).
Elle repose sur une double considération ayant pour avantage de réduire les risques de sur ou

259
CONCLUSION PARTIELLE, PARTIE II
sous-interprétation. Elle consiste dʼabord en un relevé estimatif traduisant la « quantité » de
dégâts indiquée par les documents anciens. Elle inclut ensuite un codage pour le cadre spatial
touché. Dans le cas de destructions sur le bâti et les infrastructures, une troisième composante
a été considérée : lʼexposition. Le tout autorise à attribuer une note pondérée comprise entre 0
et 3. Perfectible, la méthode sert de base de réflexion pour étudier la possibilité dʼétablir un
prototype dʼévaluation des aléas météo-marins sur le temps long.

Cette partie ouvre de riches perspectives. À lʼavenir, il conviendra dʼapprofondir les


questionnements, en particulier pour tout ce qui touche à la variabilité climatique interne à
lʼAtlantique Nord. Les relations entre tempêtes et OMA ou OA devront être examinées. La
reconstruction historique nécessitera également dʼêtre complétée et élargie à la période
récente. Ainsi, la problématique du changement climatique pourra être traitée. Lʼouverture à
un cadre spatial national à européen devra aussi être envisagée. Cela devrait permettre
dʼenrichir la connaissance des aléas, de préciser la spatialisation et de nourrir la réflexion sur
les trajectoires suivies par les tempêtes. La base de données et le SIG devront être actualisés
et publiés afin de rendre les contenus accessibles aux publics (scientifiques, gestionnaires,
société civile). Enfin, la réflexion sur la quantification des endommagements et lʼévaluation
des aléas météo-marins devra faire lʼobjet de nouvelles explorations, notamment en vue dʼun
élargissement aux XIXe-XXIe siècles.

260
PARTIE III. Aléas météo-mar ins et sociétés

Depuis une dizaine dʼannées, les travaux en histoire des tempêtes se sont ouverts à de
nouvelles perspectives. Ils interrogent désormais la compréhension, la réception des vimers
par les sociétés. Ils sʼenquièrent de leurs réactions, de leurs perceptions, représentations et
adaptabilités. Lʼattention des chercheurs sʼest également portée sur les aménagements,
notamment côtiers, lʼusage du territoire, lʼorganisation sociale. Ainsi, la recherche interpelle
sur lʼaccroissement des enjeux, sensibilise sur les risques et questionne les capacités de
réponse des sociétés. Ce faisant, elle sʼapplique à interroger la vulnérabilité. La troisième
partie de la thèse a souhaité contribuer à ces problématiques. Elle comprend 3 chapitres.

Le premier chapitre de cette dernière partie du manuscrit ambitionne dʼinterroger les


réponses, dépendantes dʼaspects culturels et des mentalités, apportées par les sociétés. À
travers lʼétude dʼobjets votifs, dʼaumônes, de prédications, de discours porteurs dʼexplications
divines, lʼexistence dʼune réponse religieuse sera dʼabord fouillée. Les (ré)actions des
populations au cœur de la catastrophe seront ensuite identifiées. Ainsi, lʼaccueil
psychologique et émotionnel de lʼévénement, la fuite ou lʼapport de secours seront entre
autres examinés. La conscience du risque météo-marin dont disposaient les populations des
e e
XIV -XVIII siècles sera enfin analysée. Ce sera notamment lʼoccasion de considérer les
dimensions de lʼobservation, de lʼexpérience du milieu et de la mise en mémoire de lʼaléa.
Le chapitre 7 projette dʼexplorer les interventions et stratégies développées par les
sociétés médiévales et modernes en vue de se protéger et de prévenir les tempêtes et
submersions marines. Les aménagements et ouvrages de défense contre la mer y seront
traités. Ce chapitre explorera aussi les interventions au lendemain dʼun vimer, en particulier
les volontés de rester coûte que coûte, ainsi que les soutiens apportés par les autorités afin
dʼaider à la remise en état. Lʼintention de prévenir et anticiper les risques tend par ailleurs à se
manifester tout au long de la période étudiée. Elle sera considérée.
Dernier de la thèse, le chapitre 8 présentera une approche reposant sur des études de cas
bien documentés comme le vimer de lʼhiver 1351-1352(n.st), celui des 31 décembre 1598-3
janvier 1599, « lʼouragan » des 14-15 mars 1751. Réparties sur la totalité du cadre temporel
étudié, elles permettront de mettre en pratique certaines des démonstrations des parties I, II et
III, particulièrement en matière méthodologique, de caractérisation des événements ou de
réactions des populations. Ce dernier chapitre sera également lʼoccasion de dresser un bilan
des pertes documentaires qui entravent la recherche historique française sur les tempêtes.

Cette partie aborde lʼobjet quʼest la tempête passée sous un prisme cette fois-ci plus
historique que géographique, même si les 2 disciplines restent imbriquées. Elle sʼancre
261
PARTIE III. Aléas météo-marins et sociétés
pleinement dans lʼaxe 4 de la thèse. Elle présente des résultats permettant de statuer sur les
réponses des sociétés et leurs stratégies dʼadaptation.

262
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects cultur els et
mentalités.

Évoluant dans un milieu fortement menacé par les grands vents et la mer, les
e e
populations des XIV -XVIII siècles de l'ouest du royaume de France sont sensibles aux aléas
extrêmes. Face aux dangers, elles ne sont cependant pas restées inactives. Ces sociétés
disposaient en effet d'une appréciable conscience du risque, s'illustrant par une mise en
mémoire des événements, une appréhension de l'élément naturel et des périls, des pratiques
culturelles spécifiques. Ces réponses permettent, en filigrane, de traiter de la vulnérabilité
sociétale et de lʼadaptabilité. Comprenant un « processus de construction de “dispositions”
face à des menaces de tous ordres »161, la vulnérabilité est entendue et pensée comme
lʼensemble des facteurs qui rendent une société ou un milieu plus ou moins sensible et fragile
à un désastre. Elle intègre les principes, quʼils soient individuels ou collectifs, de perception162
de l'événement, d'action, d'expérience, de mémoire et de prévention. Elle dépend, en outre, de
l'ensemble des stratégies élaborées et des mesures prises par les populations et le domaine
politique dans l'optique de réguler les situations de danger.
Lʼapproche sera à relier avec celle du chapitre 7163. Cet effet miroir entre les chapitres 6
et 7 repose sur le postulat que les réponses et les stratégies dʼadaptation des sociétés lors de
vimers se sont développé suivant deux aspects. Le premier, étudié dans les prochaines pages,
relève de phénomènes culturels et des mentalités, tandis que le second, analysé dans le
chapitre suivant, dépend de la diffusion de connaissances scientifiques, du développement de
savoirs techniques, de lʼintercession de plus en plus forte des autorités du royaume. La
dimension culturelle se rapportera ici à un mode de culture propre à une société. Elle résulte
de lʼacquisition ainsi que de la possession dʼun ensemble de connaissances et de valeurs
partagées qui enrichissent le groupe et auxquelles les individus se rattachent, sʼidentifient.
Elle sʼagrémente de mentalités, cʼest-à-dire dʼun « état dʼesprit », de manières de penser et de
croire, de dispositions psychiques et morales caractéristiques dʼune société et communes à
chacun, ou du moins à la majorité, de ses membres. Ce sont donc ces aspects culturels et les
mentalités de lʼouest de la France à la fin du Moyen Âge et durant lʼÉpoque Moderne que se
proposent de traiter ces lignes

161
Becerra, S., Peltier, A., 2009, Risques et environnement : recherches interdisciplinaires sur la vulnérabilité
des sociétés, L'Harmattan, Paris, p. 552.
162
Les travaux de Anne-Peguy HELLEQUIN et de ses collègues sur les sociétés actuelles du littoral languedocien
ont montré lʼimportance de la perception dans la conscience des risques et leur gestion : Hellequin, A-P.,
Flanquart, H., Meur-Ferec, C., Rulleau, B., 2013, « Perceptions du risque de submersion marine par la
population du littoral languedocien : contribution à lʼanalyse de la vulnérabilité côtière », Nature, Science,
Société, 21-4, p. 385-399.
163
Cf. infra, Chapitre 7 - Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir.

263
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.

6.1 Lʼexistence dʼune r éponse r eligieuse ?

Dans la Bible, lorsqu'il ne parvient pas à communiquer ni se faire entendre des humains,
Dieu peut avoir recours au langage météorologique. Pis, le Paradis ne connaissant pas les
aléas du temps puisqu'il y règne un printemps perpétuel sans perturbation, les turbulences
météorologiques seraient apparues lors de la Chute. Cela en fait des éléments supplémentaires
d'incertitude de la condition humaine164. Vengeur, miséricordieux ou avertisseur, tels
pouvaient être, dans l'imaginaire collectif de l'époque, les rôles successifs revêtus par le
Seigneur lors du déchaînement des forces de la nature.
Désemparé face à ce qu'il ne comprend pas, l'homme médiéval et moderne est
extrêmement vigilant à ces signes du courroux divin ou d'une présence démoniaque. Pourtant,
si certaines sources y font référence, l'interprétation surnaturelle à la survenue d'une onde de
tempête* dévastatrice est loin d'être systématique. Des 2357 observations et récits retenus sur
les tempêtes165, seuls 84 contiennent une allusion à la Providence, conçue ici comme l'action,
le gouvernement de Dieu sur la Terre, le monde. Ces notes sont presque exclusivement
consignées au sein de registres paroissiaux, d'oeuvres de chroniqueurs et diaristes ou de
registres de délibérations. Elles représentent à peine 3,6% des mentions. De fait, à la
différence des sécheresses, des inondations fluviales, des orages ou du mauvais temps166, les
textes consignant des discours ou réponses religieux/ses sur les vimers de la fin du Moyen
Âge et de l'Époque Moderne ayant affecté la façade atlantique française sont peu fréquents167.

164
Boia, L., 2004, L'homme face au climat. L'imaginaire de la pluie et du beau temps, Les Belles Lettres, Paris,
p. 134-138.
165
Cf. supra, Chapitre 2, 2.1.3 - La critique, base de la méthode historique.
166
Pour ne citer que quelques exemples : AM Quimper, K 155, discours sur un orage, survenu le 1er février 1620,
ayant entraîné un incendie au niveau des flèches de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper. À la suite, une
procession et des prières publiques ont lieu afin de chasser le diable et remercier Dieu ; AD 72, G 21, f°285,
délibération capitulaire en date du 24 mai 1635 actant de l'organisation d'une procession et d'une messe votive de
Sainte-Scolastique, chantée à l'église de Saint-Pierre-de-La-Cour au Mans, pour faire cesser la sécheresse ; AM
Nantes, GG 486, f°37, registre paroissial de l'Aumônerie de Toussaints à Nantes mentionnant la tenue de prières
publiques et de processions pour mettre fin à un automne pluvieux en 1663 ; AD 49, G 1168, f°96-97,
mandement en date du 20 février 1711 de Monseigneur d'Angers pour demander à Dieu la fin des maux causés
par une inondation des rivières de Loire et du Maine ; AD 49, G 1012, f°219-220, délibération capitulaire de
l'évêché d'Angers en date du 12 août 1762 enregistrant la tenue d'une procession pour remercier Dieu que
personne n'ait été blessé lors d'un très violent orage ; AM Nantes, BB 101, f°71 v°, délibération de la ville de
Nantes en date du 30 juin 1770 à l'effet de demander des prières publiques pour obtenir la fin du mauvais temps ;
AM Quimper, BB 22, f°17, délibération de la ville de Quimper en date du 15 mai 1785 en vue d'organiser une
procession pro-pluvia et des prières publiques pour lutter contre la sécheresse...
167
Constat partagé par Jérémy DESARTHE : Désarthe, J., 2013, Le temps des saisons. Climat, événements
extrêmes et sociétés dans lʼOuest de la France (XVIe-XIXe siècles), Hermann, Paris, p. 215.

264
6.1.1 Sermons, prédications, processions ? Des sources silencieuses

Sur la côte atlantique française, les discours religieux sur les CET des XIVe-XVIIIe siècles
échappent presque entièrement aux chercheurs168. En effet, nul exemplum*, sermon ou procès
pour sorcellerie nʼémerge. Très peu de délibérations capitulaires ou demandes rogatoires en
vue d'organiser des processions ou prières publiques affleurent. Surtout, pas un document
n'est comparable aux productions liturgiques dauphinoises, italiennes, espagnoles, suisses,
allemandes, hollandaises, anglaises existant sur des catastrophes aussi variées que les hivers
glacials, les crues, les orages, les sécheresses, les inondations marines, les tremblements de
terre...169 Idéales pour comprendre le sentiment religieux, la conception du salut ainsi que de
la catastrophe et leurs évolutions dans le temps, ces sources attestent de pratiques religieuses
emblématiques d'une époque et de la « tonalité religieuse »170 liée. Il faut donc admettre la
lacune majeure que ces silences et absences d'informations représentent. Toutefois, si la
recherche historique n'a, à ce jour, connaissance d'aucun sermon, d'aucune prédication en
relation avec les vimers de l'ouest du royaume de France, l'historien ne peut affirmer qu'il n'en
a jamais existé, pas plus qu'il abandonne l'espoir que certains n'aient pas encore été exhumés...
En vue d'avoir accès aux réponses religieuses, le spécialiste doit s'ouvrir à d'autres
sources, parmi lesquelles figurent les conjurations. Que ce soit par le biais de la prière, d'une
formule prédéfinie et/ou d'une intercession de Saints, l'homme médiéval et moderne n'hésitait
pas à avoir recours à la conjuration de manifestations éoliennes. De tous les documents

168
Sarrazin, J-L., Athimon, E., 2019a, « Etudier les plus anciennes tempêtes à submersion identifiées sur la côte
atlantique française (XIVe-XVIe siècles) : lʼapproche historique », Norois, [à paraître].
169
Sans exhaustivité : Labbé, T., 2017, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge XIIe-XVe, CNRS, Paris, p. 57-
74 ; Garnier, E., 2011b, « Les sociétés méditerranéennes à l'épreuve du climat, 1500-1850 », Sud-Ouest
européen, 32, p. 21-33, p. 29-31 ; Lebecq, S., 2011, Hommes, mers et terres du Nord au début du Moyen Âge,
vol. 1, Peuples, cultures, territoires, PUS, Villeneuve-d'Ascq, p. 211-221 ; Hiram, E., 2010, De la pluie et du
beau temps. Cérémonies religieuses et climatologie historique. Les exemples de Toulouse et de Montpellier,
Université de Caen, mémoire de Master 2, sous la direction de Garnier, E., Caen ; Pfister, C., 2007, « Climatic
extremes, recurrent crises and witch hunts : strategies of European societies in coping with exogenous shocks in
the late sixteenth and early seventeenth centuries », The Medieval History Journal, 10-1/2, p. 33-73 ; Quenet, G.,
2005, Les tremblements de terre aux XVIIe et XVIIIe siècles. La naissance d'un risque, Champ Vallon, Seyssel, p.
155-171 ; Barriendos, M., 2005, « Climate and Culture in Spain. Religious responses to extreme climatic events
in the Hispanic Kingdoms (16th-19th centuries) », in Behringer, W., Hartmut, L., Pfister, C. (eds.), Cultural
Consequences of the « Little Ice Age », Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, p. 379-414 ; Piervitali, E.,
Colacino, M., 2001, « Evidence of drought in Western Sicily during the period 1565-1915 from Liturgical
Offices », C.C., 49, p. 225-238 ; Behringer, W., 1999, « Climatic Change and witch-hunting : the impact of the
Little Ice Age on mentalities », C.C., 43, p. 335-351 ; Berlioz, J., 1998, Catastrophes naturelles et calamités au
Moyen Âge, Sismel Edizioni del Galluzzo, Florence, p. 60-71 ; Martin-Vide, J., Barriendos, M., 1995, « The use
of rogation ceremony records in climatic reconstruction : a case study from Catalonia », C.C., 30, p. 201-221 ;
Berlioz, J., 1993, « Les récits exemplaires, sources imprévues de l'histoire des catastrophes naturelles au Moyen
Âge », Sources, Travaux historiques, t. 33, numéro spécial « Histoire des catastrophes naturelles », p. 7-24 ;
Gottschalk, M.K.E., 1971, Stormvloeden en rivieroverstromingen in Nederland, t. I, de periode vóór 1400, Van
Gorcum, Assen.
170
Foulon, J-H., 2004, « Geoffroy Babion, écolâtre d'Angers, l'exemple d'une collection de sermons », in
Carozzi, C., Taviani-Carozzi, H.(dir), Le médiéviste devant ses sources. Questions et méthodes, PUP, Aix-en-
Provence, p. 65-96, p. 93.

265
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
conservés proposant un exorcisme des tempêtes, le plus célèbre est probablement celui rédigé
e
au XVII siècle par le prêtre Jean-Baptiste BOUIS et intitulé La Chaire des curez ou la vraye
methode de bien annoncer les festes aux eglises parochiales171. Néanmoins, les fonds des
bibliothèques françaises en ont conservé d'autres exemples172. Si le premier, datant de
e
l'extrême fin du XIII siècle, se compose dʼune formule pour conjurer les tempêtes, le second
est un appel à un « Saint »173 local pour les apaiser, tandis que le troisième consiste en un
recueil de 62 prières à réciter pour se sauver lors de navigations tumultueuses et le dernier en
des prières pour détourner les vents violents. À moyens différents, objectif final similaire :
user du rapport privilégié qu'entretient l'Humanité avec le divin afin d'obtenir une intercession
bienveillante, un pardon.
Par ailleurs, unique au sein du corpus, la tempête des 14-15 mars 1751 apparaît comme
l'une des raisons primant à l'organisation de prières publiques. Dans les faits, ce sont
principalement les pluies continuelles et les débordements des rivières qui motivent les
paroisses de Nantes à chanter le Miserere à plusieurs reprises ainsi qu'à opérer des
distributions charitables de pain174. Cependant, faisant l'objet d'une description largement
détaillée, l'aléa est inclus dans les problèmes associés à la mauvaise disposition du temps, au
même titre qu'il est présenté comme faisant partie des causes des prières. Du reste, les grands
vents – parfois accompagnés de chutes de pluie notables – pouvaient entraîner l'annulation de
processions, perturber des messes et compromettre la bonne tenue de fêtes religieuses comme
ce fut le cas le 1er février 1632 en pleine messe catholique du Père Tranquille à La Rochelle175
ou le 21 mai 1761 lors de la fête du Saint-Sacrement176.

En matière de réponses et discours religieux sur les manifestations météo-marines

171
BOUIS, J-B., 1649 (4e éd.), La Chaire des curez ou la vraye methode de bien annoncer les festes aux eglises
parochiales, Benoist Coral, Lyon, « Exorcismus contra imminentem tempestatem fulgurum & grandinis », p.
419-424 ; Désarthe, J., 2013, ibid., p. 214 ; Garnier, E., 2010b, Les dérangements du temps. 500 ans de chaud et
de froid en Europe, Plon, Paris, p. 111 ; Walter, F., 2008, Catastrophes. Une histoire culturelle. XVIe-XXIe siècle,
Seuil, Paris, p. 37 ; Secondy, L., 1993, « Quand l'Église faisait la pluie et le beau temps », in Blanchard, A.,
Michel, H., Pélaquier, E. (dir.), Actes du Colloque organisé par le centre d'Histoire moderne en 1992 :
Météorologie et catastrophes naturelles dans la France méridionale à l'époque moderne, Université Paul-Valéry
Montpellier 3, Montpellier, p. 101-110.
172
Notamment : Bib. Ste-Geneviève, ms. 1043/6, latin, 1297, fol. 42 v° ; Med. Touss., Gesta et Miracula
reverendissimi Johannis Michaelis, Andegavorum episcopi., ms. 701, latin, 1449, n°255 ; BARBAULD T., 1688,
Prières pour ceux qui voyagent sur la mer ; tant à l'occasion des divers accidents qui leurs arrivent que des
maladies dont ils peuvent être travaillés pendant leurs voyages, Pierre Savouret, Amsterdam ; GRIMALDI, L-A.,
1775, « Prières pour détourner les orages et les tempêtes », in Rituel du diocèse du Mans, Lambert M., Paris,
deuxième partie, p. 31-41.
173
Le ms. 701 conservé à la médiathèque Toussaint d'Angers est un récit hagiographique relatant les miracles
opérés par l'évêque Jean-Michel (XVe siècle). L'intention était d'obtenir sa canonisation par lʼÉglise, ce qui
n'arrivera jamais. Jean-Michel fut élevé au rang de « Saint » local par les populations, sans qu'aucune sanction de
la papauté n'intervienne en ce sens. Matz, J-M., 1991, « Rumeur publique et diffusion d'un nouveau culte : les
miracles de Jean-Michel, évêque d'Angers (1439-1447) », R.H.F, 198, p. 83-99, p. 83-84.
174
A.M Nantes, GG 253, non folioté.
175
GUILLAUDEAU, J., 1908, Diaire, in A.H.S.A, tome XXXVIII impr. J. Prévost, Saintes.
176
A.M Nantes, GG 410, fol. 6.

266
passées, les renseignements à la disposition du spécialiste sont presque inexistants. Cela
s'explique par l'extrême rareté, pour la façade atlantique française, des sources susceptibles
d'éclairer la question comme les sermons, prédications, processions. Heureusement, quelques
indices peuvent être glanés dans les dons et actions de grâces divers.

6.1.2 Aumônes, dons, objets votifs : quelques rares indices

Nettement plus exposées que les terriens, les sociétés littorales et maritimes étaient
plutôt enclines à solliciter le secours de Dieu et de ses intercesseurs, à songer au salut de leurs
âmes, à agir en vue de bénéficier de la protection, la grâce divine. Offrandes spontanées ou
motivées par un appel à la charité, aumônes, objets votifs affleurent dans les divers types de
sources à la disposition de lʼhistorien des tempêtes. Ils témoignent dʼun rapport inquiet au
surnaturel, dʼune perception du péril, et, surtout, de pratiques religieuses bien ancrées dans les
mentalités, la culture, la tradition177.

Déposé en souvenir dʼune grâce obtenue, en remerciement dʼune intervention


providentielle, en vertu dʼune promesse faite, lʼex-voto (« en conséquence dʼun vœu ») est un
objet votif aux caractères, intentions, contenus et sens multiples178. Acte de gratitude, de piété,
dʼespérance/confiance dans lʼeffroi, il révèle les liens étroits, personnels quʼentretiennent le
donateur et le bénéficiaire divin. Ils sont la marque dʼune croyance et dʼun don. Ils offrent
autant dʼétudier quelques comportements fondamentaux des populations maritimes et
littorales179, dʼinterroger le rapport identitaire quʼelles entretenaient avec la mer180, que
dʼappréhender la perception quʼelles avaient de lʼélément naturel, du risque. Ils permettent
aussi, par effet de recoupement, dʼapprofondir la connaissance des vimers passés. À lire les
mémoires du curé de la paroisse de Gémozac en Saintonge, le 4 avril 1753, un CET de nord-
ouest frappe la totalité de la façade atlantique française181. En vérité, au regard des

177
Cabantous, A., 1990, Le ciel dans la mer : christianisme et civilisation maritime (XVIe-XIXe siècle), Fayard,
Paris.
178
Pour une réflexion sur lʼex-voto, des renvois bibliographiques, ainsi quʼune présentation de sa place au sein
du corpus, voir Chapitre 2, 2.3.2 - Ex-voto et monuments commémoratifs, des témoins matériels ? ; Mollat, M.,
1975, « Introduction », in Ex-voto marins du Ponant offerts à Dieu et à ses Saints par les gens de la Mer du
Nord, de la Manche et de l'Atlantique, Catalogue d'exposition, 1975-1976, impr. Musées de la Marine, Paris, p.
11-17.
179
Charpentier, E., 2009, Le littoral et les hommes : espaces et sociétés des côtes nord de la Bretagne au XVIIIe
siècle, Université de Rennes 2, thèse de doctorat dʼhistoire, sous la direction dʼAntoine, A., Rennes, p. 233-262,
447-452.
180
Ibid., p. 508-541.
181
« Le 4e d'avril, vent du nord-ouest extraordinaire, qui parcourut pendant 48 heures la Normandie, la
Bretagne, la Saintonge, la Guienne, le Languedoc et la Provence […] », POUZAUX J., 1876, « Mémoires sur la
paroisse et Benefice de Gémozac en Saintonge avec les événements les plus remarquables qui se sont passés
depuis le règne de Louis VII, roi de France. Dressés en l'année 1765 », in Notice historique sur la commune de
Gémozac par un indigène, d'après les mémoires du curé Pouzaux et d'autres manuscrits, Lemarié, Saint-Jean-
d'Angély, p. 28-118, p. 85.

267
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
informations historiques disponibles, la tempête, « furieuse »182, semble avoir essentiellement
traversé lʼAunis, la Saintonge, la Guyenne et le Haut-Poitou, avant de continuer sa route en
direction de la Méditerranée. Les dégâts déplorés sont pluriels : le greffe de la maîtrise des
eaux et forêts de Châtellerault dresse un procès-verbal des arbres arrachés et cassés par
lʼaléa183 ; à Gémozac, des toitures sont emportées184 ; à Bordeaux, les navires mouillant au
port ou dans lʼestuaire sont fortement malmenés, quant aux récoltes et fruits,
considérablement battus par les vents, ils sont très abîmés185. En mer, des navires sont pris
dans la tourmente. Cʼest le cas du brick La Marie-Thérèse186. Alors que son bâtiment, les
marchandises quʼil transporte ainsi que ses membres dʼéquipage sont en péril, le capitaine,
Louis HOUIN, fait appel à la Providence. Son vœu exaucé, il fait don dʼun ex-voto qualifié de
suscepto. Autrement dit, il sʼagit dʼun acte de reconnaissance, de remerciement envers Dieu,
dʼun don fait en retour de la faveur reçue. Prenant la forme dʼun tableau, lʼex-voto en question
conserve aussi le souvenir de lʼexpérience vécue par les hommes à bord. Le bateau y est
représenté en grande difficulté, assailli par les flots, visiblement affecté par un mouvement de
roulis, la brigantine187 partiellement affaissée, la misaine déchirée. Lʼintervention divine
apparaît en haut à droite, sous la forme de rayons chaleureux, rassurants, bienveillants
capables de dissiper la tempête.

182
ARCERE L-E., 1756, Histoire de la ville de La Rochelle et du pays d'Aulnis, composée d'après les auteurs &
les titres originaux, & enrichie de divers plans, tomes I, impr. René-Jacob Desbordes, Paris, p. 140.
183
AD 86, B 164, procès-verbal du 14 mai 1753.
184
POUZAUX J., 1876, ibid.
185
AD 33, C 3584, pièce non numérotée datée du 13 avril 1753.
186
AD 17, B 5744.
187
Grand-voile arrière.

268
Illustr ation 14: : Ex-voto peint du br ick « La Mar ie-Thér èse, Capitaine L. H OUIN, le 4eme avr il 1753 »,
conser vé dans l'église Sainte-Cather ine à la Flotte-en-Ré (île de Ré), Char ente-Mar itime.
Crédit photographique : ATHIMON Emmanuelle et PERROT Morgan.

Document de la culture populaire, expression dʼune tradition, manifestation de


croyances188, lʼex-voto est généralement laissé par des humbles : des marins, des pêcheurs,
leurs familles… Les objets votifs, vulnérables aux vicissitudes historiques, prouvent
lʼexistence dʼune réaction religieuse – pour ne pas dire dʼune méthode surnaturelle de gestion
du risque – des sociétés à la tempête. Ils sʼinsèrent au reste dans la longue liste des rites
protecteurs à la disposition des communautés maritimes et littorales anciennes189. Il sera enf in
mentionné que le vœu de remerciement pouvait également sʼexprimer non par un objet, mais
par lʼorganisation et la tenue dʼune messe solennelle accompagnée dʼoffrandes sonnantes et
trébuchantes190.
En outre, les aumônes autres que votives peuvent transmettre quelques indices
complémentaires au chercheur. Le lecteur notera que seuls les dons effectués par charité, piété
seront considérés ici191. Ils émergent, entre autres, de certaines requêtes émises lors

188
Tingle E., 2010, « The Sea and Souls : Maritime Votive Practices in Counter-Reformation Brittany, 1500–
1750 », Studies in church history, 46, p. 205-216.
189
Portée sur les sociétés du bord de mer plus que sur les gens de mer, la présente étude nʼabordera pas ces
dimensions de bénédiction du navire, de lʼéquipage, dʼoraisons océanes, etc. Le lecteur intéressé pourra lire avec
profit Cabantous, A., 1990, ibid., en particulier les chapitres 4 et 6.
190
AD 33, G 1011, fol. 428.
191
Les dons sous forme de subsides, de dégrèvements fiscaux accordés par les autorités du royaume seront
traités dans le chapitre 7, 7.2.1 - Lʼévidence : procéder aux réparations.

269
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
dʼassemblées paroissiales, délibérations capitulaires ou lettres. Entre la mi-janvier et le début
du mois de février 1456 (1 4 5 7 n.st.), les clercs du chapitre de Sainte-Radegonde de
Poitiers décident de faire don aux Carmes de la ville dʼun sextier de froment et
dʼun sextier de seigle, auxquels ils ajoutent ultérieurement 55 sous pour les « aidez a
reffaire leur eglise et clochez que la tempeste avoir rompu »192. De même, le 24
décembre 1775, une tempête avec submersion sʼabat sur les territoires du Centre
Ouest193. Dévasté, lʼhôpital de Saintes ne dispose pas des moyens nécessaires pour
financer les réparations des édifices. La commission administrative, principalement
composée de religieux, opte donc pour un recours à la charité et lʼorganisation dʼune
quête générale. Chacune des paroisses de la ville est sollicitée afin de récolter des fonds.
Des aumônes faites par le peuple, 500 à 600 livres sont recueillis. Sʼil sʼagit dʼun
montant déjà coquet, cela reste largement insuffisant pour couvrir le coût de la réfection.
Lʼévêque adresse alors une lettre aux membres de la commission stipulant dʼun don
de sa part de 1200 livres, tandis que la Supérieure de lʼhôpital offre 200 livres
supplémentaires tirés dʼun legs fait par un particulier il y a une dizaine dʼannées194. Ces
donations sont réalisées dans un esprit dʼassistance, de bienfaisance étroitement lié à la foi,
aux dogmes et préceptes chrétiens195. De fait, de ces comportements charitables pouvaient
dépendre le salut de lʼâme196. Au demeurant, il semblerait que Dieu, sa prodigalité ne soit
jamais bien loin : « La Providence sur laquelle il faut toujours compter ne nous abandonnera
pas comme je l'espère »197.
P ièce justificative n° 5
AD Charente-Maritime, H-dépôt 6 E*1, fol. 42-45.

Registre in-folio papier folioté, source manuscrite, original, ancien français, bon état.

Registre de délibérations de la commission administrative de l'hôpital de Saintes, 19 janvier


1765-10 mars 1788. Les rédacteurs sont témoins oculaires. Fiabilité très bonne.

Fol. 42, v°

Analyse : délibération du 26 décembre 1775 au sujet d'une enquête faite pour réparer les
dommages qu'une tempête a faits aux bâtiments dans l'après-midi du 24 décembre 1775.

192
AD 86, G 1529, fol. 53 et 84.
193
AD 85, 1 E 1343 ; AD 17, C 33, pièces libres, sans dossier, pièces n°22-23 ; AD 17, H-dépôt 6 E*1, fol. 42-
45.
194
AD 17, H-dépôt 6 E*1, fol. 42-45.
195
Sur la question des origines et du développement de lʼassistance matérielle dʼurgence, de la charité, de la
« philanthropie », voir Labbé, T., 2017, op. cit., p. 228-238 ; Fassin, D., 2010, La raison humanitaire. Une
histoire morale du temps présent, Seuil, Paris, p. 230-240.
196
Fossier, R., 2007, Ces gens du Moyen Âge, Fayard, Paris, p. 242 ; Mollat, M., 1978, Les pauvres au Moyen
Âge, étude sociale, Complexe, Paris, p. 313.
197
AD 17, Ibid., fol. 44 v°.

270
« D'a prè s la connois s a nce que me s s ie urs le s a dminis tra te urs ont pris pa r e ux mê me de s
dé gra da tions cons idé ra ble s que l'oura ga nt s urve nu le vingt qua tre de ce mois [dé ce mbre ,
s ic] s ur le s de ux he ure s a prè s midy e n la pré s e nte ville a occa s ionné a ux ba time ns de
lhopita l e n pre na nt e n cons idé ra tion l'impos s ibilitté ou il s e trouve de pa rve nir à le s ré pa re r
pa r le dé nue me nt a bs olu de toutte s re s s ource s , il a é té a rrê té qu'il s e roit fa it s a ns dé la is une
quê te gé ne ra lle da ns la ditte ville e t fa uxbourgs . A ce s fins MM P oite vin e t Da ngiba ud ont e té
prié s de la fa ire da ns le s pa rois s e s de S a int Ma ur e t S a int P ie rre , MM. Ma rille t e t Duche s ne
da ns ce lle s de S t Miche l e t S a inte Collombe , Mons ie ur le lie ute na nt gé né ra l da ns ce tte de
S t Eutrope e t fa uxbourg de la Be rtonnie re e t mons ie ur Foure s tin da ns ce lle s de S t Vivie n e t
S t Ga lla is . En outre que Mons ie ur le s ubdé lé gué s e ra re quis de s e tra ns porte r a udit hopita l
à l'e ffe t d'y cons ta te r pa r procè s ve rba l l'é ta t de s ditte s dé gra da tions e t le prix a uque l le s
e xpe rts dont il voude ra bie n s e fa ire a s is te r e s time ront que le s ré pa ra tions pourront s e
monte r. Le que l procè s ve rba l e t de vis e s tima tif il s e ra prié de fa ire pa s s e r à Mons ie ur
L'inte nda nt pour e n obte nir le s s e cours né ce s s a ire s . »

Pièce justificative n° 5bis

Fol. 44, v°

Analyse : délibération du 24 février 1776 portant sur une lettre de l'évêque faisant don de
1200 livres et mentionnant l'obtention de 500 à 600 livres par le biais des quêtes. Ce montant
est destiné aux réparations des dégâts arrivés aux bâtiments par la tempête du 24 décembre
1775.

« Le s circons ta nce s ou nous trouvons s ont trè s fa che us e s pour obte nir de s s e cours
prompts pour re mé die r a ux ba time ns de Notre hopita l. Ma is comme la chos e pre s s e il
fa udroit voir ce qu'il y a de plus urge nt à fa ire , comme le s couve rture s e t toiture s e t s e
pourvoir de s ma the ria ux né ce s s a ire s pour le s re me ttre e n é ta t. Vous a ve r ra ma s s é de cinq
à s ix ce nt livre s , vous pouvé s compte r que je donne ra y douze ce nt livre s ce qui fe roit dix
huit ce nt livre s a ve c le s que lle s on pourroit comme nce r à ré pa re r ce qu'il y a voit de plus
pre s s é pe nda nt ce te ms je s ollicite ra y de s s e cours de la cour qui je crois s e ront bie n
difficile s à obte nir. La P rovide nce s ur la que lle il fa ut toujours compte r ne nous a ba ndonne ra
pa s comme je l'e s pè re . J e compte s ur vos s oins e t votre ze lle pour le bie n de s pa uvre s . »

Pièce justificative n°5ter

Fol. 45, r°

Analyse : délibération du 24 février 1776 à propos d'un don de 200 livres fait par un
particulier à la Supérieure de l'hôpital il y a 10 ans et qu'elle offre pour les réparations aux
bâtiments à la suite de la tempête du 24 décembre 1775.

« De plus il a é té dit pa r l'un de s me s s ie urs que Ma da me La S upe rie ure de ce hopita l a


e ntre ma in une s omme de de ux ce nt livre . Ce lle re mis e pa r un pa rticullie r dé cé dé da ns ce tte
ma is on il y a e nviron dix a ns qu'e lle offre de re me ttre à l'a dminis tra tion pour pa rfournir a ux
fra is de s ré pa ra tions de s s us dits ba time ns . […]. »

Près dʼun siècle auparavant, dans la nuit du 7 au 8 décembre 1682, un vimer a submergé
lʼîle de Ré au point de séparer les trois structures géologiques que sont Ars, Ré et Loix. Les
vignes, marais salants, terres ensemencées sont inondés et leurs récoltes respectives de sels,
blés, raisins/vins en partie perdues. Le sinistre nʼimpacte pas que les activités économiques et

271
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
agricoles : levées et bossis* sont aussi fortement altérés. Lʼeau salée stagnant dans les champs
fait de plus naître lʼinquiétude dʼune stérilisation pour 2 à 3 ans des parcelles arables. Dans
son sillage surgit alors la crainte du dénuement et, avec elle, le souci pour les familles
dʼéventuellement partir « chercher leurs subsistance ailleurs »198. Espérant obtenir une aide
de la part de lʼévêque, le curé FOUSSIER, de la paroisse dʼArs-en-Ré lui adresse une lettre.
Après lui avoir fait le récit de la catastrophe et lui avoir dépeint la « plus rigoureuses des
misères » à laquelle les Rétais sont réduits, il lʼexhorte à se conduire en bon chrétien et faire
acte de charité et de compassion. La lettre reçut-elle un écho positif ou négatif ? Pour lʼheure,
aucun document ne permet de connaître la position de lʼévêché. À travers ces entreprises
miséricordieuses liées à lʼaléa météo-marin sʼexpriment autant un rapport craintif au sacré que
lʼenracinement, profond et ancien, de pratiques religieuses dans les modes de vie, la culture,
la tradition.

Pièce justificative n° 6
AD Charente-Maritime, sans cote, collection communale, dépôt de la commune dʼArs-en-Ré,
fol. 32-33, vue 75.

Registre papier folioté, source manuscrite, original, ancien français, bon état, numérisation.

Registre paroissial des baptêmes, mariages, sépultures, 1681-1685, rédigé par le curé
Foussier. Lʼauteur est témoin oculaire. Fiabilité très bonne.

Analyse : lettre (brouillon ?) adressée à lʼévêque par le curé de la paroisse dʼArs-en-Ré


consignant des détails au sujet dʼune tempête avec submersion survenue dans la nuit du 7 au
8 décembre 1682. Le curé FOUSSIER prie lʼévêque dʼêtre charitable et de leur venir en aide.

« Mons e igne ur,L'honne ur que ja y e u de votre fa vora ble a rre t pa r la re comma nda tion du R.P
Fle uriot, ge ne ra l, pe nda nt que je s ous te nois le s droits de mon prie uré pour le re me ttre da ns
la mouva nce du Roy me fa it e s pe re r, Mons e igne ur, que votre gra nde ur voudra bie n me fa ire
la me s me gra ce la dis ta nce de ce luy da ns mon e loigne me nt e n de s ita nt ce que lle vous
a uroit ma ura s t pe rmis de luy pa r un pla ce t re pre s e nte r de me moire de s infortune s le s
a ccide ns infortuné s dont notre is le vie nt de s tre a cca blé e la nuit de rnie re le 7 & le 8 de ce
mois pa r pa r [s ic] pa r [s ic] l'impe tuos ité de s flots de la me r s oule vé s pa r la viole nce de s
ve nts de s ud ou du plus horrible e s tra nge houra ga n qui a it pa r fa it re s s e ntir s e s e ffe cts
fune s te e ffe cts de puis un s ie cle : ca r s a n le le n la me r e s toit s i a gité e que s e s onde s
s 'e s le voie nt bie n plus ha ut que le s dune s & digue s qu'on a voit fa it pour l'e mpe s che r
de te ndre s e s e a ux puis que qu'e lle à pa s s é a ude s s us de le s pe ron du ma rtra y qui s e mbloit
de voir a rre s te r le s e fforts de la fure ur & de la comme un torre nt a re nve rs é s toute s le s
digue s & le vé e s quion a voit s oppos oit a s on cours a inondé tous le s ma ra is s a la ns qui
e s toie nt de pa rs le cos té du coucha nt jus que s a ce lle de l'orie nt ou e lle s e s t jointe & de la
s 'e s t e te ndue s ur le s vigne s , ble ds & te rre s e ns e me ncé e s de ble d, fa it fondre le s s e ls qui
e s toie nt s ur le s bos s is e t le vé e s qui s e pa re nt le s a ire s ou le s s e ls s e (? ) & ung e n plus ie urs
le s e ndroigs toute s le s turs ie s qui le s s e pa roie nt le s ma ra y s a la ns ma ra is s a la ns de s
pa rticulie rs qui voya nt une s i gra nde inonda tions , & un de s ordre s a ns un re me de procha in

198
AD 17, sans cote, collection communale, dépôt de la commune dʼArs-en-Ré, fol. 32-33, numérisation vue 75.

272
pa r ce que l'a u s a lé e croupis s a nt da ns le s vigne s & s ur le s te rre s a ble d le s re nde nt
infructue us e s & infe rtile s pour pe nda nt de ux ou 3 a nné e s s e de s ole nt & s e de s e s pé ra nt de
pouvoir re ta blir le urs domma ge s pa r le s gra nds fra is a va ncé s quil fa ut fa ire pour le s re pa re r
pre nne nt la re s olution de le s a ba ndonne r & d'a lle r che rche r le urs s ubs is ta nce a ille urs : pa r
le de pla is ir e ncore quils ont de de voir que le urs s e ls ne s ont ja ma is e nle vé s qu'a pre s que
ce ux de la Bre ta gne s ont ve ndu & e mba rque r pa r le s e tra nge rs & quils ne ve nde nt qu'une
tre s pe tite s omme tre s modique a ca us e de s droits impos itions qui s ont impos é s s ur le s s e ls
de ce s is le s e t qui ne s ont pa s s ur ce ux de la Bre ta gne & s 'ils e s toye nt e ga le me nt impos é s
& cha rgé s de droits e ga ux, ils ve rroye nt la ve nte de le urs s e ls plus libre s e t plus fa cile a us s y
ils pre ndroie nt & a s s e uré e e t e s ta ns a idé s d'un s e cours s ouve ra in, ils pre ndroie nt coura ge a
tra va ille r a le urs re pa ra tions pe u a pe u de le urs le vé e s , ca r il n'y a point de proprie ta ire de s
s a line s qui a ye le moye n & la force de le s re pa re r fa ire re ta blir re le ve r. Ce s ma lhe urs me
font yoir plus de 1400 pe rs onne s re duite s a la plus rigoure us e s de s mis e re s & s omtme s
mon S e igne ur comme de pa uvre s a ve ugle s qui te nde nt la ma in de tous cos té s pour
che rche r que lque s ous tie n. He pour l'a mour de Die u re ga rde r le s a vos pie ds le s la rme s a ux
ye ux, le ur coe urs da ns le s e ra ns e s d'une mort la nguis s a nte & ine vita ble , & qui a de ux
ge noux e s pe ra nt vous de ma nde nt le s e ffe cts de votre compa s s ion da ns le s pe ra nce que
le ur mis e re le ur incite ra la prote ction d'une ma in a us s i puis s a nte que ce lle de votre
gra nde ur e n la cha rité de la que lle donc ils s ont pe rs ua dé s , fonde nt a prè s die u toute le ur
confia nce a prè s die u a us s i bie n que ce luy qui le ur le s t dorga d'orga ne pour vous e xprime r
le ur e s ta t ma lhe ure ux & qui s e ra ca utionné a upre s de vos tre gra nde ur pa r Mons ie ur de
Ville ne uve S a inte Domingue , Me s da me de Va ubrun & de Ga rga n que je s uis a us s i ve rita ble
e n ce re cit que trè s pa rfa itte me nt & a n ce un trè s profond re s pe ct. [S igna ture ] »

Enfin, il sera relevé que, dans les provinces de la façade atlantique comme ailleurs, les
individus ayant quelques biens nʼhésitaient pas à faire des legs aux institutions religieuses.
Ainsi, soucieux de remercier Dieu de les avoir protégés des dangers de la mer durant de
nombreuses années et souhaitant surtout pourvoir au salut de leur âme, il nʼétait pas rare que
des gens de mer fassent de petits dons, essentiellement en espèce, à une chapelle, une église,
un couvent. Le 8 décembre 1520, Yvon LE BOUCAL, maître dʼun navire de Penmarcʼh en
Bretagne, décide « pour dieu, pour son ame et pour celles de sesdits parens et amys
trepassez » de gratif ier f inancièrement plusieurs établissementsspirituels à Penmarcʼh en
Bretagne et à Bordeaux tels que Notre-Dame-de-la-Joie, l'église Sainte-Nonne, la chapelle
Saint-Pierre, le couvent des Carmes de Loctudy199…

Les actes de dévotion, dʼaumône, les dons peuvent comporter quelques précieux indices
sur les réactions des populations face à la tempête. À partir de leur étude, il est possible
dʼextraire des informations sur les attentes ou les rapports que les communautés avaient
envers, entretenaient avec le domaine de la Providence. Ce dernier apparaît central dans leur
vie. Au quotidien, des actions de piété, de grâce, de charité de chacun dépendent les relations
de lʼhumain au divin et, sous-jacent, le Salut. Omniprésent, Dieu était aussi perçu comme le
pouvoir à lʼœuvre dans chaque manifestation météorologique.

199
AD 33, 3 E 4729, fol. 41-44.

273
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.

6.1.3 Vimer : de la volonté divine à la cause naturelle

De tous les clichés que traînent en héritage nos sociétés contemporaines, l'un des plus
résiduels se fonde sur l'opinion que les communautés qualifiées de « traditionnelles » ne
savaient, pour ainsi dire, rien des phénomènes atmosphériques et de leurs manifestations. Les
comprenaient-ils ? Les expliquaient-ils autrement que par le divin ?200 S'il est exact que les
raisons eschatologiques, religieuses, providentialistes plus largement, purent être
invoquées201, les interprétations à caractère scientif ique ne doiventpas être occultées202. Les
unes et les autres se juxtaposaient. Sans reprendre en détail les théories météorologiques
e e
françaises des XIV -XVIII siècles portant sur les grands vents203, il s'agira ici essentiellement
de questionner la permanence du recours au divin malgré la conscience bien établie du
caractère naturel de ces aléas.

Les théories scientifiques médiévales et modernes des tempêtes reposent


majoritairement sur l'ambition de rationaliser, de comprendre la nature, d'offrir une cause
autre que divine204 à ses fonctionnements et aux lois qui la régissent205. Elles dépendirent
e
longtemps des hypothèses d'ARISTOTE. Dans la première moitié du XVI siècle, Antoine
MIZAULD écrivait dans son ouvrage Le Mirouer de l'air que « La premiere & efficiente cause
de touts meteores apres Dieu sont selon Aristote les mouvementz du soleil & estoilles
[...] »206. Attestant de la place encore prépondérante des Météorologica 207 à cette époque, une
telle phrase autorise de plus deux constats sensiblement contraires. Suivant l'idée reçue,
certains y verront la preuve d'une explication par la « Providence » très ancrée chez ces
sociétés ; pour d'autres, ce sera l'évidence d'une conscience de l'origine naturelle des météores
– parmi lesquels f igure la tempête – quiémergera. D'ailleurs, dès le début du XIVe siècle, Jean
BURRIDAN remarquait dans ses Questiones super très libros Metheororum Aristotelis que
« Les hommes […] sont stupéfaits face aux ouragans provoqués par les tourbillons, les
typhons et les foudres comme s'ils n'étaient pas naturels mais plutôt provoqués par les

200
Cf. supra, Chapitre 1, 1.1 - D'hier à aujourd'hui, nécessité et difficultés de définir la tempête.
201
Labbé, T., 2017, op. cit., CNRS, Paris, p. 57-74, 169-180 ; Walter, F., 2008, op. cit., p. 31-61.
202
Pour une présentation critique du corpus sur cette thématique, le lecteur est aimablement convié à consulter le
chapitre 2, 2.3.3 - Textes à caractère scientifique et mesures instrumentales.
203
Cf. supra, Chapitre 1, 1.1.3 - La « tempeste » : savoirs, perceptions et réalités des XIVe-XVIIIe siècles.
204
Bernstein, P.L., 1998, Against the Gods : The Remarkable Story of Risk, John Wiley & Sons Inc., New-York.
205
Ducos, J., 2013, « Introduction », in Ducos, J. (dir), Météores et climats d'hier. Décrire et percevoir le temps
qu'il fait de l'Antiquité au XIXe siècle, Hermann, Paris, p. 5-17, p. 6-7.
206
MIZAULD A., 1548, Le Mirouer de l'air, par bon ordre & breves sentences donnant a un chascun veue, &
avecques causes cognoissance très facile presque de toutes choses faictes & engendrees en l'air : comme sont
pluyes, gresles, tonnoirres, fouldres, esclairs, neiges, orages, ventz & autres. Le tout veu par l'autheur & plus
que le latin augmenté & facilement interpreté, impr. Regnaud Chaudiere, Paris, p. 9.
207
ARISTOTE, 2002 (2e éd.), Météorologiques, édition et traduction de Pierre Louis, 2 vol., Les Belles Lettres,
Paris.

274
puissances démoniaques ou divines »208. Au demeurant, si les tentatives d'expliciter les aléas
tempétueux se font timides, tout au long du XVIIIe siècle les réflexions sur les fonctionnements
des marées se précisent. Ayant déterminé l'importance de l'alignement entre les astres et leurs
interrelations, les observations et hypothèses au sujet de l'accroissement des risques lors de la
concomitance entre grande marée et forts vents se développent209. Ainsi, à défaut d'en
connaître les mécanismes, les populations anciennes – les élites intellectuelles notamment,
puisque la parole des non-lettrés, quoique déformée et traversant plusieurs filtres210, semble
ancrée dans les affects211 – pressentaient les causes naturelles et aériennes des CET.
Pourtant, s'ils en devinaient leurs origines réelles, comment se fait-il que la part des
croyances religieuses – particulièrement celle qui tend à voir dans les tempêtes l'expression de
la colère divine ou du Malin212 – soit, malgré une inf lexion auXVIIIe siècle213, globalement
restée très présente tout au long de la période étudiée ? Au-delà de la question d'une
opposition, ou non, entre théologie et science214, de l'omniprésence du paradigme physico-
théologique,215 voire philosophico-théologique,216 et de la place importante de la religion à
cette époque217, la recherche s'interroge : se pourrait-il aussi qu'une différence de cosmogonie
/ cosmologie218 en soit l'une des interprétations ? Récurrentes – notamment au sein des
sources narratives –, les formules pleines d'humilité, d'obédience et d'espérance adressées à
Dieu suggèrent que le divin demeure effectivement, aux yeux des communautés, le chef
d'orchestre du philharmonique naturel. En qualité de créateur de tout ce qui compose la Terre
(mers, terres, airs, êtres vivants, etc.)219, lui seul est capable de contrôler ou déchaîner les
éléments. Le 3 novembre 1656, une tempête s'abat sur le littoral atlantique de Bretagne
méridionale et du Poitou. Considérables, les dommages marquent les esprits : dans la baie de

208
BURIDAN J., 1986, Les Questiones super tres libros Metheororum Aristotelis de Jean Buridan : étude suivie
de l'édition du livre, par Bages, S., École Nationale des Chartes, thèse de doctorat pour obtenir le diplôme
d'archiviste-paléographe en histoire médiévale.
209
DE LA LANDE J.J.L.F., 1781, Traité du flux et du reflux de la mer dʼaprès la théorie et les observations extrait
du 4e volume de l'Astronomie, chez la veuve Desaint, Paris ; LAPLACE, P-S., 1790, « Mémoire sur le flux et
reflux de la mer », in Mémoires de l'Académie royale des sciences de Paris, Paris, p. 3-126.
210
Labbé, T., 2017, ibid., p. 94-109 ; Sarrazin, J-L., 2014b, « Laboureurs en bord de mer. Vivre sur la côte
poitevine à la fin du Moyen Âge d'après les lettres de la Chancellerie royale », in Coativy, Y., Gallicé, A., Héry,
L., Le Page, D., Jean-Christophe Cassard historien de la Bretagne. Sainteté, pouvoirs, cultures et aventures
océanes en Bretagne(s). Mélanges en lʼhonneur de Jean-Christophe Cassard, Skol Vreizh, Morlaix, p. 375-386.
211
Labbé, T., 2017, ibid., p. 50-57, 183-192.
212
Barriendos, M. 2010, « Les variations climatiques dans la péninsule ibérique : l'indicateur des processions »,
R.H.M.C, 57-3, p. 131-159.
213
Gusdorf, G., 1972, Les sciences humaines et la pensée occidentale, tome V : Dieu, la nature, l'homme au
siècle des Lumières, Payot, Paris, p. 19-38, 143-156, 254-260, 299-307.
214
Vignaud, L-H., 2016, Sciences, techniques, pouvoirs et sociétés du XVe au XVIIIe siècle, Armand Colin, Paris,
p. 179-205.
215
Walter, F., 2008, op cit., p. 73-84.
216
Quenet, G., 2005, op.cit., p. 313-322.
217
Behringer, W., 2009, A Cultural History of Climate, Polity Press, Cambridge, p. 121-132 ; Cabantous, A.,
2002, Entre fêtes et clochers. Profane et sacré dans lʼEurope moderne (XVIIe-XVIIIe siècle), Fayard, Paris.
218
Von Greyerz, K., 1990, Vorsehungsglaube und Kosmologie : Studien zu englischen Selbstzeugnissen des 17
Jahrhunderts, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen & Zürich.
219
Ancien Testament, Genèse, chapitre 1, versets 1-35.

275
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
Bourgneuf des marais salants sont gâtés et les sels emportés220, à Saint-Hilaire-de-Rié le
clocher de l'église s'effondre sous les assauts du vent, du côté de Saint-Nazaire des navires
font naufrage et de nombreux morts sont à dénombrer, à Nantes les églises ainsi que les
couvertures des maisons payent un lourd tribut. Le clerc chargé de rédiger le registre
paroissial de l'hôpital Toussaints de Nantes termine le récit qu'il fait de l'événement par cette
phrase évocatrice : « Dieu, par sa saincte grâce, nous veuille préserver, s'il luy plaist, de tels
orages. Ainsy soit-il. »221. De même, communément représentée sur des vitraux222 ou dans des
oeuvres223, la parabole du Christ commandant aux vents et aux f lots de se calmer224 paraît
imprégner ces sociétés, littorales particulièrement. À travers Jésus, et plus largement Marie ou
les Saints intercesseurs225, c'est Dieu lui-même qui s'exprime. Incluses dans une pensée
philosophique thomiste, la nature et toutes ses manifestations sont alors conceptualisées
comme un acte, une expression, un signe, un message providentiel226. Cʼest, au reste, ce
quʼexprime un mandement de lʼévêque de Nantes en date du 8 juillet 1768 : « […] le
Seigneur étant le maître & l'arbitre souverain de tous les événements, c'est de lui seul que
nous devons les choses nécessaires à la vie ; que les pluies, les grêles & les tempêtes ne sont
pas dirigées par le hazard, mais par sa toute-puissance [...] »227. N'ayant aucune valeur
intrinsèque, les tempêtes n'existent donc que sous trois conditions : une volonté divine
originelle d'une part, une nature, une création qui, commandée par cette intention initiale,
s'anime et, enfin, une disposition des humains à en déchiffrer le sens228.

Ces croyances empêchaient-elles les sociétés d'avoir conscience du caractère naturel et


aérien des tempêtes ? Aucunement. Les conceptions n'étant pas les mêmes qu'aujourd'hui,

220
Brochard, F-X., 2010, Autorité, justices et droit en pays de marches séparantes : lʼîle de Bouin (XVIe-XVIIIe
siècles), Université de Nantes, thèse de doctorat dʼHistoire du droit, sous la direction de Legal, P-Y., 2 tomes,
Nantes, t. II, p. 114.
221
A.M Nantes, GG 485, fol. 87 v°, numérisation vue 92.
222
Dont : Vitraux de Jésus gouvernant les eaux, XVIIIe s., église du Sacré-Cœur, La Tremblade, Charente-
Maritime et XXe s., église Saint-Joseph, Audierne, Finistère.
223
Par exemple : Egbert DE TREVES, La tempête apaisée, enluminure, vers 980, dans le Codex Egberti,
bibliothèque de Trêves (Allemagne), ms. 24 ; A.M Bordeaux, GENESTE G., Chronique bordelaise de Gilles de
Geneste (1609-1625), ms. 422, fol. 1-4 ; REMBRANDT, Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée, 1633 –
tableau volé en 1990 au musée Isabelle Stewart Gardner de Boston.
224
Évangile selon Saint-Marc, chapitre 4, versets 35-41 ; Évangile selon Saint-Matthieu, chapitre 8, versets 23-
27.
225
Vitrail dédié à la Vierge représentant des marins en grande difficulté, XVIIe s., église Saint-Nonna, Penmarc'h,
Finistère ; Vitrail présentant cinq marins dont la barque est prise dans une tempête et qui prient Marie de leur
venir en aide, XVIIe-XVIIIe s., église Saint-Pierre et Saint-Paul Bangor, Belle-île, Morbihan ; Vitraux adressés en
dévotion à Sainte-Barbe, l'un d'eux contient des marins en détresse lors d'une tempête, XVIIIe s., chapelle Sainte-
Barbe, Le Faouet, Morbihan.
226
Hoffmann, R.C., 2014, An environmental history of medieval Europe, Cambridge University Press,
Cambridge, p. 97.
227
AM Nantes, GG 593, pièce n°7.
228
Von Krusenstjern, B., 2005, « Gott der allmechtig, der das weter fiehren kan, wohin er will. Gottesbild und
Gottesverständnis in früjneuzeitlichen Chroniken », in Behringer, W., Hartmut, L., Pfister, C. (eds.), Cultural
Consequences of the « Little Ice Age », Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, p. 179-194.

276
pour les communautés médiévales et modernes, la nature et ses catastrophes émanaient
nécessairement, en premier lieu, de Dieu et/ou ses prolongements. Les tempêtes étaient donc
comprises comme naturelles par les populations, mais le “naturel” dérivant dʼune volonté
divine, les tempêtes étaient logiquement conçues par la toute-puissance divine. Les
interprétations théologiques et naturalistes apparaissant non contradictoires229.

Présence subtile dans le corpus, les réactions religieuses et interprétations


providentielles témoignent de manières dʼappréhender le milieu et ses périls, de les penser, de
les justifier aussi. Les unes et les autres sont, de plus, le symbole dʼune culture, dʼune pensée
philosophique et dʼune foi profonde au sein des trois ordres qui composent la société
dʼAncien Régime. Procédures dʼexorcisme, prières, dons votifs, aumônes…sont autant de
méthodes surnaturelles de gestion de la catastrophe mises en oeuvre par les populations, y
compris de nos jours230.

6.2 Au cœur de la catastr ophe : identifier les pr emièr es (r é)actions

Au moment où surgit lʼaléa, où ses effets sʼexpriment, les premiers à réagir, à faire face
à lʼurgence sont – ce fut présenté ultérieurement231 – les habitants des paroisses touchées ou
avoisinantes, les populations elles-mêmes. Sauf de manière assez périphérique, et
principalement liée au besoin de disposer de leur accord, les intercessions des autorités
urbaines, seigneuriales ou royales, étant entendu quʼelles interviennent essentiellement en
post-crise232, ne seront pas traitées ici.
Cette partie sera lʼoccasion dʼanalyser lʼaccueil psychologique et émotionnel des
e e
tempêtes aux XIV -XVIII siècles. Elle interrogera les réactions de confinement, de fuite, de
secours, etc. mises en œuvre lorsque surgit la manifestation.

6.2.1 Lʼaccueil psychologique et émotionnel de lʼévénement

Au début des années 1940, Lucien FEBVRE publiait un véritable plaidoyer pour une

229
Walter, F., 2006, « Pour une histoire culturelle des risques naturels », in Walter, F., Fantini, B., Delvaux, P.
(dir.), Les cultures du risque (XVIe-XXIe siècle), Presses dʼhistoire Suisse, Genève, p. 1-28, p. 3-7 et 10-12.
230
« Au cœur d'une nuit ordinaire, cette terre de paix et de tranquillité a été dévastée », 10 mars 2010,
Catholiques en Vendée, 5, p. 3-13 ; « Après la tempête, comment se reconstruire ? », Le Pèlerin. Tout ce qui
vous touche, jeudi 11 mars 2010, 6641, p. 2-7 ; « Après la tempête, les Vendéens font face », Le Pèlerin. Tout ce
qui vous touche, jeudi 15 avril 2010, 6646, p. 5-6 ; Catholiques en Vendée, L'après-Xynthia ʻaider les gens à se
rechoisir une vieʼ, 15 juillet 2010, numéro spécial, 14 ; Livre Blanc, tempête Klaus, 23-24 janvier 2009, 2009,
rédigé par les membres du Conseil Diocésain de Pastorale du diocèse dʼAire et Dax à la demande de lʼévêque,
Monseigneur Philippe Breton, p. 3-4.
231
Cf. supra, Chapitre 3, 3.3 - Gestion de la crise et de la vulnérabilité aux XIVe-XVIIIe siècles : quels acteurs pour
quelles échelles ?, en particulier 3.3.1 - Des réactions individuelles ou collectives spontanées.
232
Ibid., 3.3.2 - Villes et seigneuries à la manœuvre et 3.3.3 - L'implication de « lʼÉtat ».

277
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
histoire des émotions233. Le fond en était clair : les émotions sont inscrites dans les récits
historiques, ne pas les interroger induit le risque dʼanachronismes. Lʼhistorien peut
effectivement transposer dans le passé des représentations et émotions propres à son époque,
oubliant que ces dernières contiennent une multitude de singularités selon les périodes (norme
émotionnelle mouvante, disparition ou émergence dʼaffects…)234. Depuis les années 1970 et
le développement, tant en France quʼà lʼétranger, de lʼhistoire des mentalités et du sensible235,
la recherche a progressé. Elle reste toutefois encore limitée par les sources disponibles, les
ressentis exprimés ou, au contraire, tus par les contemporains, ainsi que par le fait que tous les
individus ne vivent pas lʼespace ou lʼévénement de manière similaire236. Comment les
communautés - et à travers elles les individus qui les composent - considèrent-elles les vimers
du XIVe au XVIIIe siècle ? Quel accueil psychologique, quelle évaluation émotionnelle en font-
elles / ils ? Ceux-ci restent-ils stables au cours du cadre temporel de lʼétude ou sont-ils
marqués par des ruptures ? Répondre à ces questions de manière catégorique et générale
mènerait à déconsidérer le cadre personnel du ressenti, de lʼappréhension psychologique de la
tempête. En vérité, autant de personnes, autant de CET, autant dʼémotions et de perceptions.
Il est évidemment impossible pour le chercheur dʼobtenir des informations suffisamment
précises pour étudier les rapports individuels aux grands vents et à la submersion marine. En
se basant sur les quelques – loin dʼêtre pléthores – descriptions de réactions émotionnelles à
disposition dans le corpus, il sʼagira essentiellement dʼanalyser des « communautés
émotionnelles », que Barbara ROSENWEIN définit comme « exactement similaires à des
communautés sociales […], mais, en les observant, le chercheur vise avant tout à découvrir
des systèmes de sentiments […]. »237. Intéressante, cette démarche évite à la fois le piège
individualiste, mais également celui de lʼagrégation dʼune « tonalité émotionnelle » à toute
une époque.

Deux principales communautés émotionnelles affleurent dans les documents historiques


du corpus. La première comme la seconde sʼaccordent pour percevoir la tempête comme
potentielle source dʼinsécurité, de danger et la mer comme redoutable, animée238. Cependant,

233
Febvre, L., 1941, « La sensibilité et lʼhistoire : comment reconstituer la vie affective dʼautrefois ? », Annales,
3, p. 5-20.
234
Plamper, J., 2013, « Lʼhistoire des émotions », in Granger, C. (dir.), À quoi pensent les historiens ? Faire de
lʼhistoire au XXIe siècle, Autrement, Paris, p. 225-240, p. 230-232.
235
Voir notamment : Plamper, J., 2012, Geschichte und Gefühl. Grundlagen der Emotionsgeschichte, Siedler
Verlag, Munich ; Rosenwein, B.H., 2010, « Thinking Historically about Medieval Emotions », History Compass,
8-8, p. 828-842 ; Rosenwein B.H., 2002, « Worrying about Emotions in History », A.H.R., 107-3, p. 821-845 ;
Corbin, A., 1992, Le territoire du vide : L'Occident et le désir du rivage (1750-1840), Aubier, Paris ; Delumeau,
J., 1978, La Peur en Occident, XIVe-XVIIIe siècle. Une cité assiégée, Fayard, Paris.
236
Corbin, A., Heuré, G., Historien du sensible. Entretiens avec Gilles Heuré, La Découverte, Paris, p. 69-75.
237
Rosenwein B.H., 2002, art. cit., p. 835.
238
Schoenenwald, N., Tabeaud, M., 2009, « Terriens et Iliens face aux tempêtes », Cahier dʼétudes forêt,
environnement et sociétés, XVIe-XXe siècles, CNRS, Paris, 19, p. 22-27 ; Cf. infra, 6.3.1 - Observer et connaître

278
là où la première exprime effroi, inquiétude, saisissement face aux effets, aux atteintes –
notamment matériels – ; la seconde manifeste dʼun ressenti immédiatement lié à lʼagent
physique, au phénomène météorologique en y incluant une dimension eschatologique, un
signe annonciateur, voire la fin des temps. Ainsi, Étienne MALEU, chanoine de lʼéglise de
Saint-Junien, relate que le 3 octobre 1405, aux environs de vêpres, une horrible tempête
accompagnée de foudre éclate. Elle fend et renverse le clocher de lʼéglise, emporte des tuiles,
abat la croix, ce qui « quod audire mirabile, sed tunc videre erat terribile – [ce qui] est
surprenant à entendre, mais ce qui est horrible à voir. »239. Similairement, la tempête du 2
février 1701, qui frappe la Bretagne240, le Maine241, Paris242 avant de continuer sa course vers
Strasbourg et lʼAllemagne, survient au cours de la matinée, en pleine célébration de la messe
paroissiale. À Vautorte dans le Maine, tandis que le vent sʼaccroît de manière surprenante, les
paroissiens se trouvent « saisy de peur voiant emporter tout dʼun coup le toict des maisons et
des eglizes »243. Dans le même temps, à Laval, au sein de la paroisse de la Trinité, cʼest le
bruit de lʼarrachage puis de la chute de la couverture de lʼéglise qui « jetta lʼépouvante dans
toutte la nef »244. Pris de panique, les f idèles courent à la porte af in de se sauver. De ce
mouvement de foule, il résulte la blessure et la mort de plusieurs personnes… Dans le cadre
de la seconde communauté émotionnelle, les CET sont associés à la fin du monde ou, tout au
moins, à la fin dʼun monde et peuvent être interprétés comme annonciateurs, voire
avertisseurs245. Par leur recours, Dieu avertit lʼhumain de son mécontentement ou de sa
reconnaissance. Le 1er janvier 1515, Louis XII décède. Au même moment, plusieurs régions
du royaume, notamment lʼAnjou, sont traversées par des « ventz et tempestes » au point que
« lon pensoit que le monde deust finer [dʼeut prendre fin] »246. Dʼailleurs, selon Jean DE

BOURDIGNE, ce phénomène est compris par certains comme une manifestation divine à la
mort du roi de France. Une telle conception ne doit pas étonner le lecteur, puisque dans la
pensée royaliste française, le roi est choisi par Dieu, qui fait de lui son représentant sur
Terre247. Le 3 juillet 1777, des vents extrêmement violents accompagnés de tonnerre et éclairs

son environnement.
239
MALEU E., 2012, Chronique de Maleu, traduction intégrale du texte, publié en latin en 1847 par la Société des
Vieilles Pierres, n°4, Saint-Junien.
240
Notamment : AM Rennes, GG 323 ; AD 27, 21 B 182, carnet de François Gilart (1700-1701).
241
Dont : AD 72, 1 Mi 983 R1, dépôt de la commune de René, vue 23 (numérisation).
242
Histoire de l'Académie royale des Sciences tirée des registres de cette Académie, 1702, impr. Martin G.,
Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, p. 6.
243
AD 53, E dépôt 203/E 12, vue 36.
244
AD 53, 4 E 148/12-13, vue 4 ; Mentionné par Isidore BOULLIER, Boullier, I., 1845, Recherches historiques
sur lʼéglise et la paroisse de la Trinité de Laval, Laval, p. 310-313.
245
Walter, F., 2006, op. cit., p. 20-23.
246
DE BOURDIGNE J., 1529, Hystoire agregative des Annalles et cronicques Daniou, contenant le commencement
et origine avecques partie des chevaleureux et marciaulx gestes des magnanimes princes, consulz, contes et ducz
Daniou. […] Recueillies et mises en forme par noble et discret missire Jehan de Bourdigne, prestre, docteur es
droictz et depuis reveues et additionnees par le diateur, impr. Galliot du Pré, Paris, p. 371.
247
Bély, L., 2008 (4e ed.), La France moderne, 1498-1789, PUF, Paris, p. 31-44.

279
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
frappent le Centre Ouest du royaume de France248. Classiques pour une tempête, les dégâts
sont notables : arbres déracinés, blés et herbages couchés, toitures arrachées, bâtis
endommagés, etc. Dans son registre paroissial, le curé MAIGNEN expose les émotions que
lʼaléa provoque chez lui et ses ouailles : surprise, frémissement, frayeur, épouvante,
gémissement. Le fin mot du récit reste que lʼévénement doit « pénétrer de la plus vive
reconnoissance de ce qu'un Dieu en brisant les arbres soit contenté d'avertir les habitants de
la terre. »249. Si ces deux communautés émergent clairement, il paraît néanmoins complexe
dʼétablir des « profils types » de personnes intégrant plutôt la première ou la seconde
communauté identifiée. Pour preuve, les exemples ont sciemment été sélectionnés au sein de
sources narratives rédigées par des personnels clercs ou laïcs attachés au service dʼune église,
donc impliqués dans la vie religieuse. Ainsi, lʼinclusion dans telle ou telle communauté
apparaît à la fois perso-dépendant, mais également aléa-dépendant, les émotions et lʼaccueil
psychologique dʼun vimer variant selon lʼâge, le vécu, la profession, la compréhension du
phénomène, les dommages provoqués…
Enfin, fruits de peurs profondes, le vent et lʼocéan ont marqué lʼimaginaire. Dans la
e
seconde moitié du XIX siècle, un certain nombre de contes tirés dʼune tradition ancienne ont
250 e
été collectés, consignés . Ayant fait lʼobjet de publications à lʼextrême fin du XX siècle251,
ils attestent des phénomènes de personnification, appréhensions, ressentis et rapports
quʼentretenaient les sociétés littorales avec les éléments naturels et leurs manifestations. Ils
participent également à la construction identitaire des espaces et populations situés entre terre
et mer. Ils diffusent croyances, questionnements et messages sur les relations de lʼHomme à
son environnement. Lʼun dʼentre eux narre lʼhistoire de la « Bête Rô »252. Des pattes de
lézard, une queue de serpent, des ailes de dragon : la Bête Rô est une chimère. Elle tire son
nom de son cri (Rôôôôô), qui ressemble au long mugissement du vent annonçant la tempête et
le déchaînement de la mer. À une époque lointaine, ce très vieux monstre vivait dans le creux
dʼun rocher, sur les rivages de lʼAunis. De toutes, son activité favorite restait de fomenter des
plans dans lʼoptique de capturer des hommes vivants, puis de les dévorer. Elle terrorisait toute
la région et nul nʼosait plus sortir de chez soi. Un jour, à la marée montante, 7 héros armés
dʼarcs et de flèches surgirent pour lʼaffronter. Après lʼavoir immobilisée, ils la traînèrent
jusquʼà la pointe du Chay, à proximité de La Rochelle, dʼoù ils la jetèrent dans une fosse
profonde. Lʼhistoire relate quʼaujourdʼhui encore, la bête Rô est emprisonnée au fond de

248
Notamment : AD 86, B 135 ; AD 86, C 698 ; AD 86, G 948…
249
AD 86, E dépôt 54 (GG 3), vues 26-27 (fol. 91-92).
250
Tabeaud, M., Bourtoire, C., Schoenenwald, N., 2013, « Par mots et par vents », in Corbin, A. (dir.), La pluie,
le soleil et le vent. Une histoire de la sensibilité au temps quʼil fait, Flammarion, Paris, p. 69-87, p. 69.
251
Pour les territoires intéressants la présente thèse : Rachmülh, F., 1997, Contes traditionnels dʼAunis-
Saintonge, Milan, Paris ; Cosem, M., 1996, Contes traditionnels de Gascogne, Milan, Paris ; Brisou-Pellen, E.,
1992, Contes traditionnels de Bretagne, Milan, Paris.
252
Rachmülh, F., 1997, ibid., p. 17-21.

280
lʼabîme. Lorsquʼelle hurle vers le nord, le gouffre de Chevarache se creuse dans le pertuis
Breton, tandis que lorsquʼelle se débat en direction du sud, cʼest le pertuis de Maumusson qui
est subitement agité par des lames furieuses. Ces héros, qui étaient-ils ? Dʼoù venaient-ils ? Et
la bête Rô, personnifie-t-elle les éléments naturels ? Ça, le conte ne le dit pas et il revient à
chacun de finir de se raconter la légende…

Lʼaccueil psychologique et émotionnel des CET anciens ne sʼétudie pas aisément.


Dʼune part, les témoignages exposant les ressentis sont rares et principalement conservés dans
les sources narratives. Dʼautre part, les risques de mésinterprétation ou de transposition
anachronique des perceptions actuelles sur le temps passé ne sont pas inexistants. Deux
communautés émotionnelles affleurent spécifiquement : la première sʼinquiète des effets de la
perturbation atmosphérique, tandis que la seconde sʼémeut du message divin qui se cache
derrière. La survenue dʼune tempête, a fortiori avec submersion marine, est au demeurant
lʼoccasion de mobilisations en vue de fuir, évacuer, secourir.

6.2.2 Barricadement, fuite, secours : des réactions variées selon les périodes

Pour toute personne vivant avec lʼéventualité perpétuelle du déchaînement des


éléments, le réflexe élémentaire de prudence lorsque surgissent des vents violents, avec ou
sans phénomène de submersion, est de se mettre à lʼabri253. Dʼaucuns se barricadent chez eux
en espérant y être protégés, certains abandonnent temporairement leurs effets pour sauver leur
vie, dʼautres se mettent en danger pour venir au secours dʼautrui…

Les travaux de recherches de Thomas LABBE sur les catastrophes naturelles au Moyen
e e
Âge ont montré que, bien souvent aux XIV -XV siècles, les réactions primaires sʼaxaient
autour de 3 composantes : 1) échapper individuellement au danger, 2) ne pas sʼoccuper
dʼautrui, 3) implorer la clémence divine254. Néanmoins, comme il le relève ultérieurement255,
si les récits décrivent fréquemment le recours à ces « attitudes types » qui appartiendraient à
une sorte de norme en termes de réaction à lʼépoque, tous les témoignages nʼen attestent pas.
En ce qui concerne les vimers affectant les provinces de lʼouest de la France, la recherche
historique médiévale repose sur des épaves. Faute dʼinformations contenues dans les sources,
les questions auxquelles lʼhistorien ne peut apporter quʼune réponse partielle - voire aucune
réponse - restent nombreuses : était-ce effectivement la prévalence du « chacun pour soi » ?
La solidarité, lʼentraide, le soutien dans le désastre existaient-ils ? Des prières spontanées

253
Gerrard, C., Petley, D., 2013, « A risk society ? Environmental hazards, risk and resilience in the later Middle
Ages in Europe », N.H., 69-1, p. 1051-1079, p. 1068-1070.
254
Labbé, T., 2017, op. cit., p. 184-190.
255
Ibid., p. 190-192.

281
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
ainsi que des appels à la miséricorde avaient-ils lieu ? Une désorganisation sociale engendrée
par la panique et caractérisée par des personnes désemparées, fuyant leurs maisons, courant
dans les rues se manifestait-elle ? À ce sujet, les rares documents à en traiter font plutôt état
de populations retranchées chez elles en attendant que la dépression passe256. Pour les
communautés littorales, à la suite dʼun abandon éventuel – qui se voulait initialement
temporaire – de ses effets personnels pour sauver sa vie, la tentation de ne plus revenir était-
elle fréquente ? Sur cette dernière interrogation, les sources semblent plutôt indiquer un
besoin de résistance, de retour, de remise en état des champs, salines, infrastructures,
habitations comme en attestent les divers développements des chapitres précédents, ainsi que
ceux à venir257. Des renseignements à disposition, Noirmoutier paraît avoir fait f igure
dʼexception. En effet, à la fin du XIVe siècle, lʼîle connaît des mouvements migratoires, dont il
est impossible de mesurer lʼampleur. Ceux-ci semblent dus à des tempêtes et submersions
marines répétées, mais également (surtout ?) aux attaques et razzias des Anglais durant la
guerre de Cent Ans ; les Noirmoutrins sʼen étant trouvés fortement appauvris258.
Semblablement, à en croire les plaintes et doléances de Tréoultré-Penmarcʼh en 1789259, la
paroisse a connu une émigration massive à cause des envahissements répétés de la mer au
e
cours du XVII siècle. En vérité, les mouvements migratoires débutent dès la seconde moitié
e
du XVI siècle. Quoique les inondations marines – notamment des marais de Lescors,
Kerguidan et Toul-ar-Ster entourant le bourg de Penmarcʼh – aient pu nuire aux cultures, la
principale raison des départs doit être corrélée au dépérissement des pêcheries et à la chute de
lʼactivité commerciale des ports de la ville (Kerity et Saint-Guénolé). Cause potentielle de
misère, les aléas météo-marins ne sʼavèrent a priori pas un motif suffisant pour quitter un
territoire. De manière générale, il sera retenu que pour la fin de la période médiévale, les
lacunes sont importantes et le chercheur rencontre des difficultés à proposer ne serait-ce que
des hypothèses.
À compter du XVIe siècle, des éléments sortent de la pénombre sans pour autant fournir
un portrait scrupuleusement détaillé. Ainsi, dans une supplique adressée à Louis XIII le 30 juin
1627, les habitants de Bouin affirment que depuis lʼan 1500, ils ont été accablés par plus de
15 vimers généraux et tempêtes dont deux – parmi lesquels celui des 31 décembre 1598-3
janvier 1599 – ont nécessité « de quitter et abandonner lʼisle quʼils auroient peu de jours

256
« Chronicon Briocense », 1742, publication par Dom Morice H., in M.H.B, tome I, impr. Charles Osmont,
Paris, p. 7-102 / « Chronicon quod dicitur Briocense », 1707, publication par Lobineau G-A., in Histoire de
Bretagne, tome II, éd. Palais Royal, Paris, p. 833-892 ; LE BAUD P., 1638, Histoire de Bretagne avec les
chroniques des maisons de Vitré et de Laval, impr. Gervais Alliot, Paris, p. 435.
257
Cf. infra, Chapitre 7, 7.2 - Intervenir au lendemain de la catastrophe.
258
Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France,
publication de Guérin P., impr. H. Oudin, Poitiers, tome VI, pièce n°DCCLXXIII, p. 88-92.
259
Cahiers de doléances des sénéchaussées de Quimper et de Concarneau pour les états généraux de 1789,
1927, publiés et annotés par Savina J. et Bernard D., t. I-II, impr. Oberthur, Rennes, t. I, Plaintes et doléances de
la paroisse de Tréoultré-Penmarc'h, p. 33-34.

282
après reprinse »260. Quelles furent les modalités de ces évacuations ? Comment se sont-elles
déroulées ? Qui en furent les instigateurs ? Étaient-elles organisées, structurées par une
autorité (la fabrique ?) ou désordonnées et réalisées spontanément par solidarité envers ses
voisins, sa communauté villageoise ? Les paroisses avoisinantes apportaient-elles leur
contribution comme cela peut se voir parfois lors dʼinondations fluviales ou dʼorages
incendiaires261 ? Un mémoire – reposant sur des procès-verbaux aujourdʼhui disparus des
aléas et certifiés par les curés et habitants de lʼîle de Bouin262 – adressé le 18 novembre 1775
au marquis de Peray précise que, lors de cet événement de 1598, ceux qui échappèrent à la
noyade furent « ceux qui eurent le temps ou la précaution de monter sur le toit des
maisons »263 ; des barques étant probablement par la suite venues les chercher en vue de les
mettre à lʼabri. Pas de plus amples informations ailleurs : au cours de lʼhiver 1688-1689, les
vents ont très violemment soufflé sur le centre-ouest du royaume, au point que les eaux
circulant dans les canaux des marais de Vix, Doix, Maille et Maillezais, grossies dʼapports de
la mer, en furent fortement agitées. Elles renversèrent tous les bâtiments et logis des
Maraîchins et les « cabanniers264 ont beaucoup souffert ayant falu qu'ils ayent tous
abandonner lesdits marais et cherché à se retirer dans les bourgs et bourgades »265. Le retrait
sʼest-il effectué à lʼinitiative personnelle ou collective ? Comment sʼest-il déroulé (à pied, en
bateau…) ? Les sinistrés ont-ils pu compter sur la solidarité et lʼassistance des résidents des
bourgs et bourgades où ils ont trouvé refuge ? Quoique les sources permettent dʼaff irmer que
les populations appréhendaient le danger et avaient le réflexe de la fuite pour sauver leurs
vies, bien des questions restent encore en suspens quant à lʼorganisation des évacuations et
secours.
Au XVIIIe siècle, les documents sont plus prolixes et les témoignages autorisent quelques
conjectures. Tout dʼabord, les registres paroissiaux conservent la mémoire dʼun phénomène
qui nʼest certainement pas nouveau, mais qui transparaît de plus en plus nettement : la
recherche de survivants dans les décombres266. La furieuse tempête qui frappe le nord-ouest
de la France à la fin de lʼannée 1705 est dévastatrice. Elle fait sentir ses effets du 28 décembre
1705 au 1er janvier 1706, mais cʼest dans la nuit du 29 au 30 quʼelle atteint sa puissance
maximum. À La Croixille, la maison dite « de la Roche » est ruinée. Sous les décombres, les

260
Documents sur l'île de Bouin, 1874, publication par Luneau S. Gallet E., impr. Vincent Forest et Émile
Grimaud, Nantes, pièce n°XXXIII, p. 347-351.
261
Par exemple : AD 44, 1 J 96, pièce n°4 ; AD 44, B 509.
262
AM Nantes, II 136, pièce n°37.
263
AM Nantes, II 136, pièce n°30.
264
Face aux mouvements de flux-reflux et aux inondations dans les marais, les sociétés de dessèchement ont pu
souhaiter renforcer la surveillance des digues et canaux en postant à demeure des gardes sur les digues. Ceux que
l'on nomme « garde-ceintures », « huttiers » ou « cabanniers » habitent gratuitement de modestes cabanes
construites sur les digues qu'ils sont chargés de surveiller constamment.
265
AD 85, 62 J 4, fol. 63 ; AD 85, 3 E 62/4 ; Suire Y., 2006, Le Marais Poitevin. Une écohistoire du XVIe à
lʼaube du XXe siècle, CVRH, La Roche-sur-Yon, p. 104.
266
Cf. supra, Chapitre 3, 3.3.1 - Des réactions individuelles ou collectives spontanées.

283
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
6 corps de la famille LE MONIER sont retrouvés. Inhumés dans le cimetière de la paroisse dès
le 31 décembre267, tout porte à croire que des secours se sont rapidement mis en place af in
dʼextraire dʼéventuels survivants ou morts des gravats. La recherche ignore toutefois si ces
réactions ont lieu à lʼinitiative spontanée des habitants ou à celle du curé, des autorités
e
urbaines locales. En revanche, elle est en mesure dʼaffirmer quʼau XVIII siècle, dans un
certain nombre de cas de naufrages, insulaires et populations littorales – bien que souffrant
somme toute dʼune mauvaise réputation268 – pouvaient sʼorganiser af in dʼintervenir et de
venir en aide aux infortunés269. Le 22 octobre 1765, le bâtiment hollandais Le Prince
Guillaume est pris dans une violente tourmente au large de lʼîle de Sein270. Malmené par
lʼocéan, le navire est en péril : des voies dʼeau apparaissent, la cale se remplit, le gouvernail
est perdu. Le capitaine signale sa détresse en tirant un coup de canon. Alertés, les îliens
accourent à la côte, aperçoivent le bateau en grande difficulté dans le Raz de Sein – réputé
pour ses brisants, son dangereux courant de marée et sa proximité avec la « Baie des
Trépassés » –, envoient 9 chaloupes et 120 hommes pour secourir lʼéquipage, tenter de sauver
ce qui peut encore lʼêtre (marchandises, etc.) et remorquer le vaisseau dans le port le plus
proche. La supplique de Yann et François LE TYMEUR, deux maîtres de chaloupe parmi celles
intervenues, stipule que « pour secourir autruy se sont eux mesme exposé à perdre la vie »271.
En compensation de leur entreprise de sauvetage, tous ces hommes obtiennent 780 livres à
partager. Similairement, dans la nuit du 7 au 8 septembre 1788, le navire prussien le Songe
Schallelaer fait naufrage à lʼîle de Molène, au sud-est dʼOuessant. Les insulaires portent
assistance à lʼéquipage. Comprenant le payement des chaloupiers, bateliers et marins
employés au secours des naufragés et des marchandises, la location des magasins de stockage
pour les marchandises avant leur mise en vente, le remorquage de lʼépave, les vivres fournis
aux sinistrés afin que ceux-ci se restaurent ainsi que leurs nuitées chez les habitants, les frais
de sauvetage sʼélèvent à 540 livres et 13 sous272. En Bretagne, depuis les édits dʼavril et juin
1691 qui soumettent la province à lʼautorité de lʼAmiral et établissent 7 sièges dʼAmirauté,
des magistrats gèrent théoriquement la direction des sauvetages ainsi que celle des procès
civils et criminels se rapportant aux naufrages. En vue de réduire le pillage des épaves,

267
AD 53, 4 E 97/1, vues 121-122.
268
Par exemple, AD 29, B 4162, jugement du conseil des prises en date du 14 avril 1697 déclarant que le
vaisseau La Bonnitte de Plymouth, pris le 30 décembre 1696 par Alain Porée, a été jeté par une tempête le 8
janvier 1697 sur les côtes de Tréguier, où il a été pillé par les paysans qui ont aussi maltraité les gens de
l'équipage. Et voir notamment : Péret, J., 2007, Naufrages et pilleurs d'épaves sur les côtes charentaises aux
e e
XVII et XVIII siècles, Geste, La Crèche ; Pinel, F., 2000, Naufrages et échouements face à la justice seigneuriale.
L'exemple de la Cour de Justice de Noirmoutier (Bas-Poitou, 1687-1767), mémoire de DEA, université de
Rennes 1 ; Cabantous, A., 1993, Les côtes barbares. Pilleurs d'épaves et sociétés littorales en France, 1680-
1830, Fayard, Paris ; Introduction à lʼinventaire de la série B des Archives du Finistère (AD 29).
269
Coindet, S., 2006, « Les naufrages sur lʼîle de Sein au XVIIIe siècle, une lente évolution vers le sauvetage »,
ABPO, 113-1, p. 87-110.
270
AD 29, B 4376, liasse de 6 pièces Le Prince Guillaume.
271
Ibid., pièce n°1.
272
AM Brest, HH 24, pièce n°89.

284
l'ordonnance sur la Marine d'août 1681 inclut plusieurs dispositions. Par exemple, tandis que
lʼarticle 2 fait du sauvetage une obligation, lʼarticle 32 tend à protéger les corps des noyés et,
plus largement, de tous ceux qui subissent les méfaits de la mer273. Ainsi se dévoilaient les
prémices des Hospitaliers-Sauveteurs Bretons (HSB), association créée en 1873, puis de la
Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM) fondée en 1967, association majoritairement
subventionnée par le domaine privé (mécénat, dons, legs).

Les populations médiévales et modernes avaient conscience que la survenue dʼun CET
pouvait mettre en danger leur vie. Elles nʼhésitaient donc pas à fuir et évacuer lʼespace de
quelques jours les territoires dévastés. Faute dʼinformations à disposition, la recherche peine
globalement à déterminer les modalités de la fuite, de lʼévacuation, mais aussi de
lʼorganisation des secours. Au demeurant, au-delà de la lucidité quʼune tempête peut menacer
la vie des hommes, les communautés avaient conscience du risque et développées des
stratégies mentales permettant de cultiver cette conscience.

6.3 La conscience du r isque météo-mar in chez les populations des XIVe-XVIII e siècles

Sous lʼAncien Régime, les habitants de lʼouest de la France avaient lʼhabitude de vivre
avec lʼéventualité du CET. De ce fait, le risque était intuitivement appréhendé par la
conscience des hommes. Ils se rendaient nettement compte que la survenue dʼun vimer nʼétait
pas une vague éventualité. Il sʼagissait pour eux dʼune perspective réelle. Cette conscience de
lʼexistence du danger, acquise notamment par lʼexpérience vécue, la transmission et la
réflexion, entraînait une forme de connaissance minimale, « dʼimpression » claire, de
sentiment prégnant leur permettant autant de le prendre au sérieux, dʼy être attentif, que
dʼajuster leurs comportements. Ainsi, les sociétés disposaient dʼune appréciable conscience
du risque météo-marin, sʼillustrant par une appréhension de l'élément naturel et des périls, une
tolérance et une intégration de ceux-ci dans les modes de vie, une mise en mémoire des
événements. Relevant de composantes culturelles et mentales, ces diverses initiatives
participaient à la réduction de la vulnérabilité des populations.

6.3.1 Observer et connaître son environnement

Avant toute chose, il sera relevé que les regards extérieurs dʼétrangers, de voyageurs,

273
Luc, A-M., 2004, « Périls en mer et côtes barbares dans l'Amirauté de La Rochelle au XVIIIe siècle », in
Augeron, M., Tranchant, M. (dir), La violence et la mer dans l'espace atlantique : XIIe-XIXe siècle, PUR, Rennes,
p. 89-108 ; Luc, A-M., 1994, Naufrages, échouements et événements de mer dans l'Amirauté de La Rochelle.
Première moitié du XVIIIe siècle (1719-1750), mémoire de maîtrise d'histoire moderne, université de Poitiers,
Poitiers, p. 21.

285
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
dʼadministrateurs de passage sur lʼenvironnement des provinces atlantiques françaises –
quoiquʼintéressants274 – ne seront pas considérés dans les prochaines lignes. Souvent
stéréotypés, empreints dʼune forme de poésie, de « littérature », de fantasmes275, ils peuvent
être éloignés de la réalité des rapports que les résidents entretenaient avec leur territoire ainsi
que de la vision quʼils en avaient.
Au sein du corpus, de nombreux documents contiennent des descriptions – certaines
extrêmement fines – des paysages, du tracé côtier, des marais et zones humides, des espaces
de bord de fleuve, des plaines et plateaux, des modes de vie liés aux milieux276… Toutes
attestent dʼune connaissance basée sur lʼobservation, lʼexpérience, la transmission. Quelques
e
cartes, essentiellement du XVIII siècle, confirment également lʼexcellente représentation du
terrain dont pouvaient disposer les populations277. Tout en participant au développement
dʼune appréciable compréhension et à la perception de la dangerosité des éléments naturels,
cela ouvrait à une réduction de la vulnérabilité. Lʼaccent sera particulièrement mis sur le
littoral.

La première appréhension, la première forme de savoir repose sur une longue pratique
de lʼobservation et du vécu, de lʼexpérience du milieu et des risques qui lui sont inhérents. Les
sociétés littorales médiévales et modernes percevaient lʼocéan et les vents comme des dangers
constants. Imprévisibles, lʼun et lʼautre peuvent à tout moment se manifester, se « lever », se
déchaîner. Dans le mémoire adressé au roi Charles VII en 1451 par les délégués de la ville de
Poitiers, la manière dont les résidents de la côte poitevine se représentent les risques marins
sʼy trouve exposée. La mer y est dépeinte comme une entité à laquelle nul ne peut se fier,

274
Par exemple : PERICARD-MEA D., 2008, De la Bohême jusqu'à Compostelle. Aux sources de l'idée d'union
européenne. Projet du roi Georges de Podebrady (1464). Récit du voyage en Europe du seigneur Léon de
Rozmital (1465-1467), Atlantica, Biarritz ; DE BURTON T., 1868, Chronica monasterii de Melsa, a fundatione
usque ad annum 1396, Auctore Thoma de Burton, Abbate, vol. III, publié par Bond E.A, Longmans, Green,
Reader and Dyer, Londres.
275
Péret, J., 2011, « Les « montagnes de sable » du pays dʼArvert (XVe-XIXe siècle). Paysages, usages et
représentations », in Cabantous, A., Chappey, J-L., Morieux, R., Richard, N., Walter, F (dir.), Mer et montagne
dans la culture européenne (XVIe-XIXe siècle), PUR, Rennes, p. 205-219.
276
Dont : DECHEZEAUX G., Précis de l'histoire de l'isle de Ré, Med. M-Crépeau, La Rochelle, ms. 122 ; MASSE
C., Mémoire géographique du Bas-Poitou, Med. M-Crépeau, La Rochelle, ms 31, Mi 40 ; GARCIE P., 1531, Le
grand routier & pilotage & enseignement pour ancrer tant es portz que autre lieux de la mer fait par Pierre
Garcie dit Ferrande tant des parties de France, Bretaigne, Angleterre, Espaigne, Flandres & haultes
Alemagnes. Avec les dangers des portz, hautes, rivieres & chenals des parties & regions dessusdictes, Rouen ;
VINET E., 1565, L'Antiquité de Bourdeaus et Bourg présentée au Roy le treziesme jour d'avril l'an mille cinq
cens soixante cinq, impr. de Enguilbert de Marnef, Poitiers ; VINET E., 1567, Recherche de l'antiquité
d'Engoulesme, 1567, réimprimé et publié en 1876 avec des notes historiques et philologiques par Cl. Gigon, éd.
F. Goumard, Angoulême ; MAGE DE FIEFMELIN A., 2005, Le Saulnier ou de la façon des marois salans et du sel
marin des isles de Sainctonge, avec les discours sur le sel de Jean DE MARCOUVILLE, Bernard P ALISSY, Nicolas
ALAIN & Claude P ERRAULT, édition présentée et annotée par Goeury J., Pellegrin N., Rumeur des Âges, La
Rochelle…
277
Notamment : AN Paris, MAP/G//205, pièce n°1 ; AN Paris, MAP/G//211/1/2, pièce n°8 ; BnF, GE A-1390
(RES) ; BnF, GE D-15840 ; BnF, GE DD-2987, plan 1327 ; AD 17, H 37/1, pièce n°2, rangée sous la cote CR
95…

286
incontrôlable, pernicieuse, pour ainsi dire capricieuse et vivante278. Elle « va et vient et est
souvent moult impétueuse, enflée et orgueilleuse »279. Cette f iguration de lʼocéan se fonde sur
une lointaine pratique de lʼobservation des éléments naturels. Il en résulte des formes de
savoirs par la suite diffusées au sein de la communauté, entre autres auprès des enfants280.
Cela cultive alors autant lʼimage et lʼimaginaire collectif du péril, que sa conscience.
Similairement, en 1789, dans certains cahiers de doléances de paroisses littorales, les vents, la
281
mer et ses débordements sont qualifiés de « mauvais », « désolants », « destructeurs » .
Véritables fléaux, les paroissiens demandent au roi de prendre en considération leur « position
critique »282. Loin dʼêtre dupe, lʼhistorien saisit la tentative dʼen extraire un abattement f iscal.
Toutefois, il comprend également que derrière lʼexagération réside lʼempreinte dʼune
représentation mentale commune plutôt négative, méfiante de lʼocéan et du vent fortement
ancrée dans les mentalités et les conceptions, notamment populaires et religieuses283.
À côté de cette vision marquée par un rapport émotionnel au milieu naturel, à ses
caractéristiques et éléments siège une perception plus pragmatique, plus rationnelle aussi. Elle
se révèle principalement dans les écrits dʼadministrateurs et ingénieurs du roi. Les
descriptions y sont accompagnées de mesures opérées directement sur le terrain ainsi que de
réflexions préscientifiques sur les dynamiques du milieu284. Les mémoires rédigés par Claude
e
MASSE dans le premier tiers du XVIII siècle en sont de beaux exemples285. Minutieux, les

278
Laget, F., 2011, La perception de la mer dans lʼEurope du Nord-Ouest à la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe
siècles), Université de Nantes, thèse de doctorat dʼhistoire, sous la direction de Sarrazin, J-L., 2 tomes, Nantes.
279
Mémoires présentés au roi Charles VII par les délégués de la ville de Poitiers pour le détourner d'établir la
gabelle en Poitou et en Saintonge, 1873, publication par Ledain B., in A.H.P, Poitiers, tome II, p. 258-284, p.
259.
280
Granet-Abisset, A-M., 2013, « Effacer la mémoire des sociétés traditionnelles ? », in Aubry, H., Marcondes,
L. (coord.), La culture du risque en question. Des inondations aux débordements nucléaires, La Dispute, Paris,
p. 85-106.
281
Par exemple, voir Cahiers de doléances de la Sénéchaussée de Rennes pour les états généraux de 1789, 1911,
publiés et annotés par Sée, H., Lesort, A., impr. Oberthur, Rennes, t. III, Cahiers des doléances de la paroisse de
Paramé, évêché de Saint-Malo, p. 98, article 3 ; Ibid., Cahier de doléances de la paroisse de Saint-Gilles-du-
Mené, diocèse de Saint-Brieuc, p. 820-823, p. 821, article. 6 ; Cahiers de doléances des sénéchaussées de
Quimper et de Concarneau pour les états généraux de 1789, 1927, publiés et annotés par Savina, J., Bernard, D.,
2 tomes, impr. Oberthur, Rennes, t. I, Cahier de doléances, plaintes et remontrances faites par les habitants du
Tiers État de la paroisse de Plozévet, évêché de Quimper, p. 98-102, p. 102, article 15.
282
Ibid., Cahier de remontrances, plaintes et doléances, dressé par les habitants de la paroisse de Cléden-Cap-
Sizun, p. 105-107, p. 106, article 14.
283
Pépy, E-A., 2011, « Solitudes montagnardes et déserts marins. Les religieux contemplatifs et leur relation au
milieu naturel au XVIIe siècle », in Cabantous, A., Chappey, J-L., Morieux, R., Richard, N., Walter, F (dir.), op.
cit., PUR, Rennes, p. 191-204, p. 200-201.
284
Cf. infra, Chapitre 7, 7.3.1 - Prévenir les risques : lʼexistence dʼinitiatives de la part des sociétés anciennes.
285
Notamment : MASSE C., Mémoire sur la carte particuliere du 47e quaré de la generalle des côtes du bas
Poitou, pays d'Aunix, Saintonge et Guyenne et isles adjacentes, Med. M-Crépeau, La Rochelle, ms 32, Mi 40 ;
MASSE C., Recueil de brouillons, Med. M-Crépeau, La Rochelle, ms 111, Mi 40 ; MASSE C., Mémoire sur
diverses localités, Med. M-Crépeau, La Rochelle, ms 462, Mi 40 ; MASSE C., Mémoire sur les marois salans, ou
salines, qui sont le long des costes de Sainctonge, d'Aunis, et dans les isles de Re et d'Olleron et expliqué plus
amplement et plus en détail à celuy qui accompagne les plans des feuilles 1, 2, 3, 4 et 5 cy-joints, Med. M-
Crépeau, La Rochelle, ms. 522.
Sur les cartes et mémoires de lʼingénieur-cartographe Claude MASSE voir : Suire, Y., 2017a, Le Bas-Poitou vers
1700 : cartes, plans et mémoires de Claude Masse, ingénieur du roi. Nouvelle édition critique présentée par

287
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
rapports incluent la localisation des territoires, leurs avantages, leur dangerosité naturelle, des
relevés en termes de longueur et de hauteur... Ainsi, au sujet de lʼîle dʼOléron, il consigne
entre autres que :
« […] cʼest une des meilleures isles de toutes les costes de l'océan et des
costes de France ; on y ceuille du bled, du vin, du sel, et du bois, et il s'y nourrit
des bestiaux de toutes espèces. […] elle est séparée à l'est de la terre ferme par le
foureau d'oléron qui est un bras de mer, où il ne reste en basse mer qu'un canal
de 4520 toises […] et au sud-est, elle est séparée de l'isle d'Alvert par le détroit
de Monmusson qui a de largeur au plus ferré 1400 toises et au nord elle est
séparée de l'isle de Ré par le pertuis d'Antioche […] Le rocher d'Antioche se
couvre toutes les marées étant en fort dangereux […].»286
Au cours de ses enquêtes et relevés topographiques, lʼingénieur se fait accompagner,
guider par des locaux dont il apprécie lʼexpérience, lʼexcellente maîtrise ainsi que la profonde
connaissance des zones humides et littorales dans lesquelles ils évoluent et quʼil qualifie – en
particulier les femmes de lʼîle de Ré – de « très laborieux »287. Dans une logique analogue,
lʼinspecteur de la Marine François LE MASSON DU PARC a effectué, pour le roi Louis XV, des
enquêtes et dressé des procès-verbaux de visite concernant la pêche et les côtes atlantiques
françaises en 1727-1728288. Pour ce faire, il est assisté de résidents du littoral (pêcheurs,
sauniers, maraîchins, etc.) qui le guident, portent à sa connaissance lʼétat des pêcheries, lui
dévoilent les espaces les plus dangereux, lui enseignent les routes et moyens pour contourner
ces derniers... Les rapports suivent la totalité du tracé côtier intéressant le cadre spatial étudié
dans la thèse.

Les sources attestent donc des savoirs des populations anciennes, de la connaissance
quʼelles ont de leur environnement, de la conscience dont elles disposent quant à la
dangerosité des éléments naturels. Ceux-ci reposent sur une longue pratique de lʼobservation,
lʼexpérience, le vécu en relative harmonie avec le milieu et une transmission

Yannis Suire, CVRH, La Roche-sur-Yon ; Suire Y., 2017b, L'estuaire de la Gironde, Bordeaux et le Bordelais
vers 1700 : cartes, plans et mémoires de Claude Masse, ingénieur du roi, Geste, La Crèche.
286
MASSE C., Mémoire géographique du Bas-Poitou, Méd. M-Crépeau, La Rochelle, ms 31, Mi 40, fol. 41-42.
287
Ibid., fol. 61.
288
AD 17, 4 J 3439 et 4 J 3440. Il sʼagit des photocopies des rapports originaux conservés aux Archives
nationales sous les cotes Marine C 5-21 et Marine C 5-22, dont Jacques BOUCARD nous a aimablement transmis
les clichés quʼil a pris des registres. Les procès-verbaux de LE MASSON DU PARC ont par ailleurs été publiés : LE
MASSON DU PARC, F., 2009, Pêches & pêcheurs de Saintonge, dʼAunis et du Poitou au XVIIIe siècle, Amirautés
de Marennes, de La Rochelle & des Sables dʼOlonne. Procès-verbaux des visites faites par ordre du Roy
concernant les pesches en mer en 1727 et en 1728, publié par Cocula, A-M., Daney, C., Lieppe, D., Laborie, Y.,
Les éditions de lʼEntre-deux-Mers, Saint-Quentin-de-Baron ; LE M ASSON DU PARC, F., 2004, Pêches & pêcheurs
en Aquitaine au XVIIIe siècle, Amirautés de Bayonne & de Bordeaux. Procès-verbaux de visites faites par ordre
du Roy concernant la pesche en mer (1727), publié par Cocula, A-M., Daney, C., Lieppe, D., Laborie, Y., Les
éditions de lʼEntre-deux-Mers, Saint-Quentin-de-Baron. Le troisième volume concernant lʼinspection des
amirautés de Nantes, Vannes et Quimper devrait paraître en 2019.

288
intergénérationnelle de ces divers bagages cognitifs. Le tout se traduit par une appréciable
perception et conscience du risque.
Bien conscientes de la malice qui semble littéralement animer la mer et les vents, les
sociétés les avaient en partie intégrés dans leurs modes de vie et sʼen protégeaient « selon
leurs moyens »289.

6.3.2 Tolérer et intégrer les périls dans son mode de vie

La question de la tolérance sera comprise ici dans sa dimension sociologique de seuil,


cʼest-à-dire ce quʼune communauté est en mesure de supporter, dʼendurer, dʼaccepter et au-
delà duquel se produit un phénomène de rejet. Il nʼest évidemment pas envisageable dʼen
déduire un intervalle numérique, mais plutôt dʼinterroger le risque accepté/acceptable des
populations anciennes290 ainsi que lʼintroduction, lʼassimilation des tempêtes dans les modes
de vie afin que, sʼy incorporant, lʼensemble forme un tout cohérent.

Culturellement, pour les sociétés occidentalisées actuelles, un des fondements de leur


modernité repose sur le dualisme nature/culture. De ce fait, les risques dʼorigine naturelle,
comme les tempêtes et submersions marines, paraissent radicalement extérieurs à la société. À
partir dʼun tel système de valeurs, le risque est perçu comme source de révocation de la
capacité de lʼHumain à maîtriser son environnement. Pensé de manière autonome et détaché
de la société, il ne peut être intégré aux modes de vie, à la culture et au territoire. Il est
lʼennemi, lʼétranger quʼil faut éradiquer291. À lʼinverse, sous lʼAncien Régime, la conception
de la nature – ce fut dit précédemment292 – est largement inf luencée par la relation à Dieu293.
De la volonté divine surgissent les événements qui affectent autant les hommes que leurs
milieux. Ainsi, lʼhumain ne cherche pas à prendre la place ni à remplir la fonction de Dieu
comme « agissant » ou gestionnaire des phénomènes naturels, il tente juste de sʼen protéger.
Les CET entrant dans le dessein divin pour la Terre et les Hommes, les accepter, les intégrer
révèle dʼune part les liens entretenus entre les populations et Dieu, tandis quʼils permettent
dʼautre part de réaffirmer et renforcer la cohésion du corps social294.

289
Laget, F., 2011, op. cit., t. I, p. 264.
290
Cela interroge nécessairement le niveau de risque que les populations étaient en mesure de supporter, ainsi
que le prix qu'elles consentaient à payer pour prendre ce risque et pour s'en préserver.
291
Meschinet de Richemond, N., Reghezza, M., 2010, « La gestion du risque en France : contre ou avec le
territoire ? », Annales de géographie, 673, p. 248-267, p. 252.
292
Cf. supra, 6.1.3 - Vimer : de la volonté divine à la cause naturelle.
293
Riviere-Ciavaldini, L., 2005, « LʼApocalypse au Moyen Âge : catastrophe cosmique ou triomphe du
christianisme ? », in Favier, R., Granet-Abisset, A-M. (dir.), Récits et représentations des catastrophes depuis
lʼAntiquité, CNRS-MSH Alpes, Grenoble, p. 189-216 ; Zeller, R., 2005, « Les catastrophes naturelles au début
de lʼépoque moderne. Entre curiosité, événement terrifiant et interprétation religieuse », in ibid., p. 217-235.
294
Meschinet de Richemond, N., Reghezza, M., 2010, idem.

289
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
De plus, au même titre que lʼobservation et la connaissance des éléments naturels
propres à lʼenvironnement sont importantes295, la réception de lʼaléa par les communautés
lʼest tout autant. Pour les communautés des XIVe-XVIIIe siècles, toute manifestation de faible à
moyenne intensité* qui se répète ne revêt pas un caractère suffisant pour être élevée au rang
de ce que lʼon nommerait aujourdʼhui une « catastrophe »296. Puisque lʼaléa ne laisse des
traces que selon son impact, un vimer produisant un endommagement isolé et/ou supportable
sera compris comme simple geste du quotidien. De ce fait, il sera immédiatement absorbé par
les populations, ignoré et oublié. Quant aux événements qui transparaissent dans les sources
historiques, sans user du vocable « catastrophe » dans les récits, la dimension cataclysmique
peut être dépeinte. Dans son Histoire de Bretagne, Pierre LE BAUD indique que lors de la
bataille navale qui opposa Jeanne de Flandre, assistée par Robert dʼArtois, à Louis dʼEspagne,
du parti de Charles de Blois, une tempête se leva et sépara les vaisseaux. Survenue au cours
de la nuit du 18 au 19 août 1342, elle frappe la Bretagne et est qualifiée de « si grand & si
horrible »297. De même, dans son Journal, Samuel ROBERT rapporte que le vimer des 28-29
janvier 1645298 a été une « si horrible et espouventable tempeste »299. Ainsi, au-delà de la
démesure des qualificatifs employés, ces discours éclairent le fait que les populations
n'avaient nul besoin de la dénomination pour ressentir et sʼapercevoir du caractère
extraordinaire de ce qu'ils vivaient. Habituées aux dérangements répétés de faible intensité,
les communautés les acceptaient et les accueillaient probablement avec un mélange
d'accoutumance, d'indifférence, voire une forme de résignation feinte. En revanche, dès que le
phénomène sortait du cadre, dépassait leur degré d'absorption, elles l'assimilaient à une
catastrophe qui ne portait pas encore son nom et s'organisaient pour faire face300. Finalement,
tout se structure autour dʼune relation « dose-effet » variable dans lʼespace et le temps.
En outre, l'habitude qu'avaient les populations de vivre avec les vents et la mer a mené à
l'apparition et au développement de pratiques pouvant être considérées comme culturelles.
L'entretien et la réparation des chaussées établies en front de mer, ainsi que lʼorganisation
sociale et la répartition des tâches, des savoirs et savoir-faire qui en découlent en sont
notamment de bons exemples. Faisant partie intégrante de la vie, de la culture des riverains de
l'océan, ces dimensions seront largement traitées dans le chapitre 7301. De ce fait, elles ne

295
Cf. supra, 6.3.1 - Observer et connaître son environnement.
296
Sur le terme de catastrophe et son apparition tardive dans la langue française, voir supra, Chapitre 1, 1.3.1 -
Le triptyque « aléa / enjeu / risque ».
297
LE BAUD P., 1638, Histoire de Bretagne avec les chroniques des maisons de Vitré et de Laval, impr. Gervais
Alliot, Paris, p. 286.
298
Cf. infra, Chapitre 8, 8.2.3 - Les 28-29 janvier 1645 : du littoral à l'intérieur des terres, l'apocalypse.
299
ROBERT S., 1883, « Un livre de raison, 1639-1668. Journal de Samuel Robert, lieutenant particulier en
l'Élection de Saintes », publié par Tortat G., in A.H.S.A, tome XI, p. 323-416.
300
Athimon, E. et al, 2016, art. cit.
301
Cf. infra, Chapitre 7, 7.1.2 - De la soustraction à la conservation : la mutation du rôle des ouvrages de défense
et 7.2.1 - Lʼévidence : procéder aux réparations.

290
seront pas abordées ici bien quʼelles attestent de lʼinclusion du péril dans les modes de vie.
Enfin, si à la différence de catastrophes comme les inondations fluviales302, nulle
jurisprudence ni formalisation de protocole dʼaction nʼexiste pour les tempêtes, une brève
enquête au sein des registres notariaux suggère que le risque était fréquemment pris en
e
compte dans les contrats, tout au moins à partir de la fin du XVII siècle. En effet, lors de
contrats dʼaffrètement de vaisseaux et dʼassurance de marchandises, des clauses sur les CET
se rencontrent. Cʼest toutefois les contrats de fermage qui intéresseront le propos puisque
certains prévoyaient des dispositions quant aux conditions de payement ou de réparation lors
de tempêtes. La ferme des revenus de la seigneurie du Cruguil, accordée pour 5 ans à compter
du 4 août 1693 à Jacques THOME, stipule que les héritages (maisons, moulins, chaussées) de
la seigneurie étant « sujets à lʼimpétuosité des grands vents comme estans exposez proche la
mer »303, leur réparation en cas de détérioration par les éléments naturels échouera aux
propriétaires et non au fermier. À lʼinverse, lʼarticle 8 du contrat dʼaffermage pour 9 ans
(1781-1790) de la terre du Vieux-Marché, consentie à Guillaume-Jean MAHE, inclut
lʼimpossibilité pour ce dernier de demander une indemnité ou une diminution du prix du bail
pour cause de tempête ou autres (guerre, famine, inondation, grêle, etc.)304. Similairement, le
12 juillet 1776, dans le bail de la ferme des revenus temporels des seigneuries situées en l'île
de Ré et dépendant de la mense abbatiale de Saint-Michel-en-l'Herm, il est précisé l'obligation
pour le locataire d'entretenir, à ses frais, les digues des marais salants. En revanche, sʼil doit
également subvenir à leurs réparations, ainsi quʼà celles des marais, maisons et moulins lors
de vimers, il pourra déduire le coût de la réfection du prix du bail305. Ainsi, selon la période,
les populations et leur seuil de tolérance, leur niveau de risque accepté et acceptable, la
réception faite à lʼaléa varie.

Vivant avec l'éventualité perpétuelle du déchaînement des éléments, les communautés


médiévales et modernes avaient admis lʼoccurrence du péril. Considérant les événements
météo-marins comme relativement familiers et fréquents, elles sʼy étaient acclimatées,
adaptées et composaient avec leur vulnérabilité. La mise en mémoire de certaines
manifestations a par ailleurs joué un rôle notable dans la conscience du risque.

302
Quenet, G., 2008, « La responsabilité après catastrophe à travers la jurisprudence et les controverses en
France à lʼépoque moderne », in Favier, R., Pfister, C. (dir.), Solidarité et assurance. Les sociétés européennes
face aux catastrophes (17e-21e s.), CNRS-MSH Alpes, Grenoble, p. 168-187 ; Favier, R., 2006, « Sociétés
urbaines et culture du risque. Les inondations dans la France dʼAncien Régime », in Walter, F., Fantini, B.,
Delvaux, P. (dir.), Les cultures du risques (XVIe-XXIe siècle), Presses dʼHistoire Suisse, Genève, p. 49-86, p. 82-
84.
303
AD 22, 1 E 3018.
304
AD 22, 1 E 3080.
305
AD 17, H 37/2, pièce n°22.

291
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
6.3.3 La mise en mémoire de l'aléa, clé de voûte de la conscience du danger ?

En France, plusieurs travaux scientifiques défendent la (re)construction dʼune mémoire


des vimers sur le temps long, notamment afin de recréer du lien avec les territoires306.
Dʼaucuns appellent même de leurs vœux la mise en place dʼun « devoir de mémoire » des
tempêtes307, considérant que la mémoire ou plus spécif iquement la miseen mémoire des CET
agirait en catalyseur308 et prendrait une part active dans la conscience du risque309 ; lʼune des
principales fonctions de la mémoire consistant alors à lutter contre lʼoubli.

La mémoire est une trace dont lʼexpression passe essentiellement par la parole et
lʼécriture310. Entraînant une perte non négligeable dʼinformations pour lʼhistorien, le souvenir
des tempêtes et submersions marines passées a dʼailleurs en partie été oral311. Cependant, au
regard des documents anciens, la mise en mémoire des aléas et la conservation de celle-ci
restent des phénomènes plutôt fréquents, ce qui est heureux pour la recherche. La mémoire se
fonde sur la faculté de sauvegarder, puis de faire resurgir un événement du passé et ce qui sʼy
trouve associé. Elle mélange vérité, imaginaire, appris, expérience312. En effet, selon Paul

306
Sans exhaustivité : Sarrazin, J-L., Athimon, E., 2018, op. cit. ; Athimon, E., 2017, « Adversités météo-
marines : reconstruction historique, impacts et résilience en Anjou, Poitou, Bretagne méridionale (XIVe-début
e
XVI siècles) », in Laget, F., Rabot, B., Josserand, P. (dir.), Entre terre et mer. Hommes, paysages et sociétés
dans lʼOuest atlantique, Moyen Âge et Temps modernes, PUR, Rennes, p. 153-164 ; Sarrazin, J-L., 2016a, « La
saliculture atlantique française au péril de la mer (XIVe-XVIe siècle) », in Le Bouëdec, G., Cerino, C. (dir), La
maritimisation du monde de la préhistoire à nos jours. Enjeux, objets et méthodes, PUPS, Paris, p. 167-190 ;
Sarrazin, J-L, 2016b, « Les marais salants à l'épreuve des vimers (XVe-début du XVIe siècle) », Bulletin de la
Société des historiens du Pays de Retz, hors-série de l'année 2016, Marais du Pays de Retz. Géohistoire d'un
espace conquis, p. 85-92 ; Péret, J., Sauzeau, T., 2014, Xynthia ou la mémoire réveillée, villages charentais et
vendéens face à la mer (XVIIe-XXIe siècle), Geste, La Crèche ; Sauzeau, T., 2014a, « L'histoire, les tempêtes et la
prospective littorale face aux changements climatiques », in Laget, F., Vrignon, A.(dir.), S'adapter à la mer.
L'homme, la mer et le littoral du Moyen Âge à nos jours, PUR, Rennes, p. 71-88 ; Sarrazin, J-L., 2012, « Vimers
de mer et sociétés littorales entre Loire et Gironde (XIVe-XVIe siècle) », Norois, 222, p. 91-102 ; Garnier, E.,
2010a, « 500 ans de vimers sur le littoral de Poitou-Charentes. Risques et vulnérabilité des sociétés », in
Sauzeau, T.(dir.), Expliquer Xynthia, comprendre le phénomène, Conseil régional de Poitou-Charentes, Poitiers,
p. 11-17 [PDF en ligne] ; Garnier, E., Surville, F.(dir.), 2010a, La Tempête Xynthia face à lʼhistoire.
Submersions et tsunamis sur les littoraux français du Moyen Âge à nos jours, Le CroîtVif, Saintes ; Tardy, P.,
2000, « Raz-de-marée sur Ré. Les Rétais et les vimers », Groupement dʼétudes charentaises, Les cahiers de la
mémoire, 75.
307
Garnier, E., Boucard, J., Surville, F., 2010, La crise Xynthia à lʼaune de lʼhistoire. Enseignements et enjeux
contemporains dʼune histoire des submersions, Contribution aux missions dʼenquête parlementaire et sénatoriale
sur Xynthia par le groupe de recherche Submersions, p. 25-27, [PDF en ligne].
308
Gray, P., Oliver, K., 2004, The Memory of Catastrophe, Manchester University Press, Manchester.
309
Michel KEMPE dresse le même constat pour le nord de lʼAllemagne. Selon lui, les pratiques de mise en
mémoire des ondes de tempête et de transmission sur la longue durée ont une fonction stabilisatrice. Elles
entretiennent la conscience du risque des sociétés et améliorent leurs capacités à faire face. Kempe, M., 2006,
« Mind the next flood ! Memories of natural disasters in Northern Germany from the sixteenth century to
present », M.H.J, 10-1, p. 327-354.
310
Granet-Abisset, A-M., 2013, art. cit.
311
Sarrazin, J-L., 2012, art. cit., p. 92.
312
Granet-Abisset, A-M., 2000, « La connaissance des risques naturels : quand les sciences redécouvrent
l'histoire », in Favier, R., Granet-Abisset, A-M. (dir), Histoire et mémoire des risques naturels, MSH-Alpes,
Grenoble, p. 39-70.

292
RICOEUR, la mémoire prétend f idélité à cequi fût, alors quʼelle dépendrait partiellement de
lʼaffect, du sensible313. Une question taraude dʼailleurs le chercheur : comment expliquer que
certains CET sʼancrent dans les mémoires, là où dʼautres disparaissent, effacés par une
amnésie collective ? Il serait tentant de croire que cela provient de la magnitude* et de
lʼintensité* des aléas. Néanmoins, comme lʼa relevé Jean-Luc SARRAZIN, les tempêtes les plus
violents ne sont pas nécessairement les mieux documentées ni celles qui collent à la
mémoire314. Dès lors, quʼest-ce qui pourrait justif ier lʼoubli ou, au contraire, lʼentretien
sélectif du souvenir ? Au moins 4 choses : 1) le côté récurrent, banal, tolérable dʼun
phénomène aux yeux des témoins – ainsi, seules les manifestations dommageables sont
consignées dans les sources anciennes et sédimentaires –, 2) à lʼinverse, son caractère
insupportable, traumatisant, destructeur, 3) les impressions et empreintes laissées sur la
conscience des contemporains, 4) le type de mémoire dans lequel sʼinsère lʼévénement. Deux
sortes de mémoires doivent être distinguées : la mnémé, mémoire de ce qui affecte, du
sensible involontaire, et lʼanamésis, mémoire soumise à une recherche active du rappel, à une
« mémoire exercée »315. Une dernière dimension doit être considérée : aux XIVe-XVIIIe siècles,
la mémoire populaire des aléas se veut collective. Elle repose sur une diffusion et une
conservation du souvenir à des échelles de temps suffisamment long pour éveiller une
véritable conscience du péril chez les communautés316. À la suite de la tempête « Martin » du
27 décembre 1999, lors de la préparation d'un numéro spécial des Cahiers de la Mémoire317,
une anecdote singulière concernant le vimer des 9-10 décembre 1711 fut recueillie auprès de
Pierre TARDY. Sa grand-mère lui avait rapporté que durant ces deux jours, la mer avait
tellement inondé l'île de Ré que des outils utilisés dans les salines avaient été déposés par les
flots à proximité du parvis de l'église des Portes-en-Ré. Attestée dans plusieurs documents
conservés dans les collections des archives départementales de Charente-Maritime318, cette
tempête avec submersion a laissé un souvenir si vif dans la mémoire des vieilles familles
rétaises, qu'il a perduré pendant plusieurs siècles. De même, dans un mémoire transmis le 18
novembre 1775 au marquis DE PERAY afin de justifier et expliquer les privilèges de lʼîle de
Bouin, il est rappelé que ce territoire a beaucoup souffert des phénomènes météo-marins de
1509, des 31 décembre 1598-3 janvier 1599, de septembre 1599 ainsi que des 14-15 mars
1751319. La mémoire sociale, collective pourrait dès lors fournir une base de réf lexion surles

313
Ricoeur, P., 2000, La mémoire, lʼhistoire, lʼoubli, Seuil, Paris.
314
Sarrazin, J-L., ibid., p. 93.
315
Ricoeur, P., 2000, ibid., p. 37.
316
Athimon, E., Maanan, M., Sauzeau, T., Sarrazin, J-L., 2016, « Vulnérabilité et adaptation des sociétés
littorales aux aléas météo-marins entre Guérande et l'île de Ré, France (XIVe-XVIIIe siècle) », VertigO - la revue
électronique en sciences de l'environnement, 16-3, [En ligne].
317
Tardy, P., 2000, op. cit., p. 10-12.
318
AD 17, C 33, pièce n°108 ; AD 17, C 171, pièce n°1, fol. 10 et 13 ; AD 17, H 37/1, pièce n°1 ; AD 17, non
côté, collection communale, registre paroissial du curé Masson, Les Portes-en-Ré, 1699-1712, vues 130-131.
319
AM Nantes, II 136, op. cit.

293
CHAPITRE 6. Réponses des sociétés : aspects culturels et mentalités.
circonstances de la perception du danger dont disposent les sociétés et serait alors en mesure
de transcender le risque320. Le souci reste toutefois que la mémoire sociale varie selon
lʼévénement, le groupe et que lʼexpression du souvenir en termes de durée dépend des
connaissances, des capacités de réaction et dʼadaptation, des moyens techniques et
économiques321, des « sous-cultures »322 caractérisant les sociétés.
Au demeurant, compris de nos jours comme une atteinte à la fiabilité de la mémoire,
lʼoubli est connoté, principalement négativement. Pourtant, sʼil évoque la perte de quelque
chose, il permet de se détacher dʼune « tyrannie de la mémoire »323 et offre de relativiser. Or,
cette relativité par lʼoubli peut sʼinterpréter comme une capacité de résilience. La recherche
sur les tempêtes passées est-elle en mesure de différencier lʼoubli « par effacement de
traces », qui sʼapparenterait à un oubli de négation, de celui de « réserve », cʼest-à-dire lʼoubli
qui met entre parenthèses sans effacer324 ? Bien audacieux celui qui sʼy aventurerait… Le
spécialiste compose donc avec quelques limites, notamment liées à la vulnérabilité
structurelle de la mémoire. Sujette à de multiples formes dʼabus, la mémoire est fluctuante,
fragmentaire, sélective, susceptible de défaillances, dʼanachronismes, dʼexagérations, de
déformations diverses, voire de mener à une « réécriture psychologique et intellectuelle,
individuelle et sociale, de ce qui a été vécu »325. Ce que Emmanuel GARNIER nomme le
« paradoxe de la perception météorologique »326 peut alors faire son apparition dans les
discours. Dans son journal, Jean DE LABAYME consigne la survenue dʼune tempête en janvier
1649. Impétueux et dʼafflux, probablement couplés avec une marée de vive-eau, les vents
provoquent un débordement, en pleine nuit, des rivières de Gironde et de Dordogne, en
particulier sur leurs rives droites. À en croire le témoin, cette inondation est si importante et
inattendue que « jamais homme de nostre pays ne lʼa veu tel »327. La manifestation renverse
des maisons et noie autant du bétail que des personnes. Un demi-siècle plus tard, à Montjean,
dans le Maine, le curé René LE BRETON estime, à propos de la tempête des 28 décembre
1705-1er janvier 1706, que « de vie dʼhomme on nʼavoit jamais entendu parler de rien de

320
McIntosh, R., Tainter, J., McIntosh, S., 2000, « Climate, History and Human Action », in McIntosh, R.,
Tainter, J., McIntosh, S. (eds.), The Way the Wind Blows. Climate, History and Human Action, Columbia
University Press, New-York, p. 1-42.
321
Granet-Abisset, A-M., 2006, « Mémoire et gestion des risques naturels. Lʼexemple des sociétés alpines (XIXe-
e e e
XX siècle) », in Walter F., Fantini, B., Delvaux, P. (dir.), Les cultures du risque (XVI -XXI siècle), PHS, Genève,
p. 117-137, p. 132-137.
322
Engel, K., Frerks, G., Velotti, L., Warner, J., Weijs, B., 2014, « Flood disaster subcultures in the
Netherlands : the parishes of Borgharen and Itteren », N.H, 73-2, p. 859-882.
323
Lachaussé, I., 2006, « Lʼart de la mémoire et les figures de lʼoubli », in Mogin-Martin, R., Caplan, R.,
Dumas, C., Fisbach, E. (coord.), La mémoire historique. Interroger, construire, transmettre, PUA, Angers, p.
11-18, p. 17.
324
Ricoeur, P., 2000, op. cit. p. 539 et 543.
325
Granet-Abisset, A-M., 2000, op. cit., p. 47.
326
Garnier, E., 2010b, op. cit., p. 102.
327
AM Bordeaux, ms 972, fol. 53.

294
semblable »328. Similairement, à Courbeveille, également dans le Maine, le prêtre relève dans
son registre paroissial, que « les plus anciens nʼen avoint jamais veu unne pareille [tempête,
sic] ny pas meme entendu parler »329. Ce, alors quʼimmédiatement en dessous de son récit, il
rédige une note mémorielle sur la violente tempête du 2 février 1701330… Ainsi, bien qu'ils
soient ressemblants, un CET exceptionnel apparaît automatiquement plus impressionnant que
le précédent. Dans ces cas de figure, le chercheur ne doit pas confondre oubli – dans sa
dimension consciente ou semi-consciente et partiellement choisie – et reconstruction. Enfin,
selon l'acteur interrogé, la mémoire exprimée sera différente. Chaque personne, selon son âge,
sa sensibilité, sa personnalité, sa compréhension et l'intellectualisation qu'elle a du
phénomène, produit un discours dépendant des présupposés qu'elle porte.

Malgré des limites, la recherche ne doit pas mésestimer la permanence du souvenir de


tels phénomènes sur plusieurs décennies, voire siècles, comme en attestent certains des
exemples précédents. « Vivante », cette mémoire contribue à l'élaboration de la conscience
des risques. « Active », elle participe au développement d'une appréhension de l'élément
naturel, de l'aléa et des risques. En outre, elle offre des entrées pertinentes pour la recherche
historique. L'historien prend alors connaissance de périodes critiques au cours desquelles se
sont produits des événements extrêmes. Cela lui permet d'y porter l'effort de recherche. De
lʼhabitude de vivre avec le risque et de la conscience de lʼexistence de ce dernier est par
ailleurs née son intégration dans les modes de vie.

L'habitude qu'avaient les populations de vivre avec les vents, la mer et ses flots
potentiellement mugissants a mené à l'apparition et au développement de pratiques
susceptibles d'être considérées comme « culturelles et mentales ». Ces réponses des
populations ont entraîné la production d'un savoir basé essentiellement sur l'observation,
l'expérience, la mémoire, lʼinstinct de préservation, la solidarité. La diffusion de ce savoir au
sein de la communauté participe de surcroît à entretenir la conscience du péril, mais aussi à
développer une forme de prévention chez ces sociétés. En plus de cette dimension culturelle et
e e
mentale propre aux populations exposées, les vimers des XIV -XVIII siècles participèrent
activement à leur progression technique, leur construction sociale et politique331 ainsi quʼà
lʼaménagement environnemental des territoires.

328
AD 53, E dépôt 116/E 9, vue 103.
329
AD 53, E dépôt 60/E 13, vues 6-7.
330
Ibid.
331
Quarantelli, E., 1998, What is a disaster ? Perspectives on a question, Routledge, Londres.

295
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir

CHAPITRE 7. Str atégies d'adaptation : pr otéger et pr évenir

À la f in du Moyen Âge et à lʼEpoque Moderne, des stratégies dʼadaptation ayant pour


objectif de protéger – en premier lieu – les enjeux, les activités, les biens et – en second lieu –
les personnes sont mises en œuvre. Progressivement, certaines initiatives sʼancrent également
dans une volonté de prévenir les risques de tempête. Les stratégies dont il sera question
portent essentiellement sur lʼaménagement du territoire, sa gestion, les interventions faites au
lendemain dʼun vimer, etc. Elles seront comprises comme un ensemble cohérent de décisions,
de moyens dʼactions coordonnées, de manœuvres astucieuses en vue dʼatteindre à moyen et
long terme des buts précis. Ces buts sont principalement liés ici à lʼadaptation, entendu
comme lʼhabileté de lʼhomme à gérer sa résilience. Les stratégies dʼadaptation développées
e e
par les sociétés des XIV -XVIII siècles dépendent notamment des ressources (matérielles,
techniques, financières…) à leur disposition. Elles ont vocation à réduire la vulnérabilité,
mettre à lʼabri autant que faire se peut les enjeux et anticiper les risques. Ainsi, il sʼagira
dʼabord dʼétudier les défenses matérielles établies contre la mer1. Puis, dʼexaminer les
interventions proposées au lendemain dʼun CET à impacts. Enfin, la réflexion se tournera vers
lʼémergence de méthodes de prévention et dʼanticipation des aléas et des risques.

7.1 Se défendr e « mater iellement » contr e la mer

« La relation entre la terre et la mer est un combat incessant qui se solde par des
victoires et des défaites »2. La conquête de terres sur la mer par les hommes repose sur
lʼaménagement du territoire. Cette « colonisation » est ancienne3.
Au niveau matériel, la défense contre la mer passe par lʼétablissement et lʼentretien
dʼinfrastructures construites en front de mer. Ce développement se propose dʼétudier les
dispositifs de protection du littoral mis en place par les sociétés médiévales et modernes
e e
comme les pêcheries, les chaussées / bots / levées. À partir des XVII -XVIII siècles, les

1
Berdoulay, V., Soubeyran, O. (dir.), 2015, Aménager pour sʼadapter au changement climatique. Un rapport à
la nature à reconstruire ?, PUPPA, Pau ; Laget, F., Vrignon, A.(dir.), 2014, S'adapter à la mer. L'homme, la mer
et le littoral du Moyen Âge à nos jours, PUR, Rennes.
2
Berlioz, J., 1998, Catastrophes naturelles et calamités au Moyen Âge, Sismel Edizioni del Galluzzo, Florence,
p. 53.
3
Voir notamment : De Kraker, A.M.J., 2011, « Sustainable coastal management, past, present and future or how
to deal with the tides », Water History, 3, p. 145-162 ; Buron, G., 2000, Bretagne des marais salants. 2000 ans
d'histoire, t. 1, Bretagne des maraisa salants. Hommes du sel, t. 2, Skol Vreizh, Morlaix; Boudaud, S, 1996,
« Colonisation du littoral poitevin par les religieux (VIIIe s.–milieu XIIIe siècles) », in Guillemet, D., Péret, J.
(dir.), Les sociétés littorales du centre-ouest Atlantique de la Préhistoire à nos jours, Mémoires de la Société des
antiquaires de l'Ouest et des musées de Poitiers,5e série, tome IV, Poitiers, p. 75–98 ; Sarrazin, J-L., 1996, « Le
sel et lʼaménagement du littoral Poitevin (XIIIe s.–début XVIe s.) », in Guillemet, D., Péret J., (dir.), idem., p. 143–
161.

296
ingénieurs et techniciens – et à travers eux lʼEtat – sʼapproprient de plus en plus la gestion des
espaces littoraux4. Ainsi, les risques deviennent peu à peu un instrument de légitimation dʼune
politique dʼaménagement, voire dʼappropriation des territoires.

7.1.1 Les écluses à poissons fixes, des dispositifs de protection du littoral

Il existe diverses sortes de pêcheries. Celles dont il sera question ici sont dites fixes. Il
sʼagit de dispositifs séculaires. Au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne, ces infrastructures
sont disséminées un peu partout sur le littoral atlantique français5. Le rôle de ces
aménagements en matière de sécurité alimentaire / de bassin de subsistance, voire de
production, de même que leur contrôle par lʼÉtat moderne ne seront pas abordés ici.

e
En France, le cadre normatif des pièges à poissons fixes est établi dès la fin du XVI

siècle6. Ils se présentent sous une forme plutôt irrégulière proche dʼun fer à cheval.
Faiblement élevés (environ 2 mètres), ils sont construits à partir de pierres sèches empilées et
de bois posés sur la partie calcaire dʼun estran7. Les matériaux qui les composent comme leur
forme incurvée jouent un rôle dans la capacité dʼabsorption et la propagation de lʼénergie des
ondes. Ployant sous les vagues, ces dispositifs résistent assez bien aux tempêtes. A contrario
des constructions en béton, ni fissure ni faiblesse structurelle latente ne sont susceptibles dʼy
apparaître. Les écluses peuvent toutefois être endommagées, voire détruites par lʼaction
conjuguée des éléments naturels et dʼun défaut dʼentretien. Éjectées, il sera aisé de
repositionner les pierres à moindre coût. Les calculs de force réalisés par Jacques BOUCARD
ont exposé que les pressions subies par ces dispositifs lors de tempêtes sont extrêmement
élevées. En entrant en contact avec un obstacle, l'énergie cinétique des vagues se transforme
en énergie résiduelle du flot et en énergie mécanique de déformation de l'ouvrage ; ainsi, lors

4
Le Bouëdec, G., 2006, « Lʼévolution de la perception des zones côtières du XVe siècle au XXe siècle », in
Chauvaud, F., Péret, J. (dir), Terres marines. Études en hommage à Dominique Guillemet, PUR, Rennes, p. 29-
37.
5
Martin, P., 2018, « Des havres, des passages et des pêcheries. Les petits aménagements estuariens en Bretagne
sous lʼAncien Régime », in Llinares, S. Egasse, B., Dana, K., De lʼestran à la digue. Histoire des aménagements
portuaires et littoraux, XVIe-XXe siècle, PUR, Rennes, p 309-318 ; Bordereaux, L., Debande, B., Desse-Berset, N.,
Sauzeau, T., 2009, Les écluses à poisson dʼOléron. Mémoire de pierre, Geste Editions, La Crèche ; Sarrazin, J-
L., 1997, La campagne et la mer. Les pays du littoral poitevin au Moyen Âge (fin XIIe-milieu XVe siècle),
Université Paris IV, thèse de doctorat dʼÉtat, sous la direction de Contamine, P., Paris, chapitres 1 et 4 en
particulier ; Soulet, Y., 1995, « Les écluses à poissons en pierres sèches de Noirmoutier », Lettres aux amis de
lʼîle de Noirmoutier, 2e trimestre, p. 2-23 ; Bithonneau, R., Morisset, C., 1993, « Les écluses à poissons de lʼîle
dʼOléron », Cahiers dʼOléron, 10, p. 4-9 ; Boucard, J., 1984, Les écluses à poissons dans l'île de Ré, Rupella, La
Rochelle ; Trémembert-Le Braz, J., 1941, Les pêcheries en Bretagne méridionale jusquʼà la fin de lʼAncien
Régime, thèse manuscrite, Ecole des Chartes.
6
Sauzeau, T., 2018b, « Deux siècles dʼaménagement de lʼestran en Saintonge maritime (1680-1880) », in
Llinares, S. Egasse, B., Dana, K., De lʼestran à la digue. Histoire des aménagements portuaires et littoraux,
e e
XVI -XX siècle, PUR, Rennes, p. 295-308, p. 296.
7
Boucard, J., 1984, ibid., p. 160 ; Martin, P., 2018, ibid., p. 312-313 ; Sauzeau, T., 2018b, idem.

297
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
dʼun vimer, un front d'écluse de cent mètres de long et de deux mètres de haut supporte une
poussée moyenne de 400 à 800 tonnes8 ! Les sociétés anciennes ne maîtrisant pas les lois
scientifiques de mécanique des fluides et de résistance des matériaux, leur technique
astucieuse de construction (empilement de pierres sèches et bois entremêlés + forme courbée)
témoigne d'une profonde connaissance du milieu marin et des effets de la mer. Ce savoir
atteste dʼune longue pratique de l'observation de la nature et de ses effets.
Les écluses à poissons interviennent de plusieurs façons dans la protection du rivage.
Dʼune part, elles brisent la houle, ce qui limite lʼérosion côtière9. Dʼautre part, elles réduisent
lʼensablement des zones proches quʼelles abritent. Ce rôle de protection nʼétait pas ignoré des
riverains de lʼocéan, ce dont témoignent les enquêtes de François LE MASSON DU PARC10. Par
exemple, lors de son inspection du rivage de la Bernerie, il écrit que la mer mine
régulièrement ce territoire sableux, si bien quʼil est « de l'interest des habitans que les parées
de pierre ou écluses subsistent parce qu'elles servent en quelque maniere de digue a la coste
et servent a rompre les plus grands efforts de la marée »11. De même, le rôle de brise-lame
des écluses sur la côte de lʼîle dʼOléron est présenté :
« […] la conservation des costes de cette isle [dʼOléron, sic] demanderoit
même s'il etoit possible que le nombre [dʼécluses, sic] en fut augmenté de maniere
que toute la coste en peut estre couverte pour luy servir de digue pour rompre la
brise et les lames qui mangent continuellement le terrain et qui minent
insensiblement cette isle »12.
Les cartes dressées par Jacques BOUCARD13 et Thierry SAUZEAU14 à partir de lʼenquête
de François LE MASSON DU PARC offrent de visualiser les implantations dʼécluses dans les îles
de Ré et dʼOléron. Dans un cas comme dans lʼautre, ces installations se situaient
essentiellement au niveau de la « côte sauvage », qui est la partie la plus ouverte sur lʼocéan
(côte ouest et sud-ouest de ces deux îles). Les côtes ouest et sud-ouest de ces deux îles
présentent une mer plus agitée que leurs côtes est, qui donnent respectivement sur les pertuis
Breton et dʼAntioche. Ce sont donc les territoires les plus exposés et vulnérables de ces îles
qui comptent, sous lʼAncien Régime, le plus grand nombre dʼécluses à poissons ; ces

8
Boucard, J., 1984, ibid., p. 163.
9
Rempart séculaire ne coûtant que le prix de lʼentretien, de nombreuses écluses à poissons ont été démolies à
partir du XIXe siècle. Sur lʼîle de Ré, le constat est sans appel : la disparition des pêcheries a fortement accru
lʼérosion côtière. Tardy, P., 1981, « Le rôle des écluses dans lʼévolution du rivage », Bulletin des Amis de lʼIle de
Ré, 69, p. 25-37 ; Boucard, J., 1984, ibid., p. 262-268.
10
AD 17, 4 J 3439 et 4 J 3440, procès-verbaux de visite concernant la pêche et l'état des côtes dans les amirautés
de Quimper, Vannes, Nantes, les Sables d'Olonne, La Rochelle et Marennes dressés par LE MASSON DU PARC
(1727-1728). Il s'agit de photocopies des registres originaux conservés aux archives nationales sous les cotes
Marine C 5-21 et Marine C 5-22.
11
AD 17, 4 J 3439, Amirauté de Nantes, fol. 23.
12
AD 17, 4 J 3440, Amirauté de Marennes, fol. 51.
13
Boucard, J., 1984, ibid., p. 129.
14
Sauzeau, T., 2018b, ibid., p. 308.

298
aménagements sʼapparentant à de véritables dispositifs de protection du littoral.

Figur e 40: Car te pr ésentant l' emplacement des écluses à poissons au niveau au l' île de Ré selon l' enquête
de LE MASSON DU PARC.
Source : Boucard, J., 1984, Les écluses à poissons dans l'île de Ré, Rupella, La Rochelle, p. 129.

299
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir

Figur e 41: Car te pr ésentant l' emplacement des écluses à poissons au niveau de l' île d' Olér on selon
l'enquête de LE MASSON DU PARC.
Source : Sauzeau, T., 2018, « Deux siècles dʼaménagement de lʼestran en Saintonge maritime (1680-1880) », in
Llinares, S. Egasse, B., Dana, K., De lʼestran à la digue. Histoire des aménagements portuaires et littoraux,
e e
XVI -XX siècle, PUR, Rennes, p. 295-308, carte publiée p. 308.

Quoique ces infrastructures protègent les rivages, leur présence pouvait être dévoyée, en
particulier à cause des naufrages. Les officiers des Amirautés pouvaient ordonner la
destruction de pêcheries lorsque celles-ci étaient jugées nuisibles à la navigation ou inutiles à
la protection des rivages. À lʼîle de Ré, les écluses situées entre Saint-Martin et lʼabbaye des
Châteliers sont mal placées, « abusives en ce qu'elles nuisent à la navigation »15 et « point
nécessaires à la conservation de cette partie des costes de lʼisle »16. Elles doivent donc être
démolies. Par ailleurs, à lʼinstar des bots et chaussées dressés en front de mer dans les marais

15
Idem, fol. 187.
16
Idem, fol. 232.

300
et marais salants du littoral atlantique français, les réparations et lʼentretien des écluses à
poissons médiévales et modernes reposent sur le système du partage. Chaque détenteur
possède une portion de mur quʼil lui appartient dʼentretenir et de relever. Toute brèche non
réparée dans une portion de mur nuit sensiblement aux autres copartageants. Le 13 décembre
1760, la justice seigneuriale dʼArs condamne Jean BORET, un des copartageants de lʼécluse de
Concarneau à Ars-en-Ré, à « faire travailler tout presentement sans aucune discontenuation
aux retablissement des breches que lui appartienne dans ledite ecluse »17.

Les écluses à poissons sont des aménagements dont un des effets sʼavère la protection
du rivage. Conscientes de leur caractère protecteur, les populations percevaient, semble-t-il,
ces dispositifs comme faisant partie des défenses matérielles contre la mer. Les levées et
chaussées sʼinsèrent dans une logique un peu similaire.

7.1.2 De la soustraction à la conservation : la mutation du rôle des ouvrages de


défense

La défense des côtes contre la mer est ancienne. Elle est assurée par des ouvrages dont
la terminologie provient de langues vernaculaires18. Le rôle initial de ces ouvrages réside en la
conquête de terres sur la mer. Au Moyen Âge, les principaux acteurs de la conquête des
marais sont les seigneuries ecclésiastiques et laïques, tandis quʼà lʼÉpoque Moderne, viennent
sʼy ajouter des membres de la bourgeoisie urbaine et, surtout, le roi, qui fit parfois appel à des
ingénieurs hollandais19. Peu à peu, cette dimension de la soustraction a été renforcée par celle
de la conservation à travers lʼobjectif de défendre les prises réalisées en vue dʼen assurer la
pérennité.

Les « bots », « chaussées » et « levées » de Bretagne, Poitou, Aunis, Saintonge ont


participé à la conversion de prairies maritimes inondables (les schorres supérieurs) en salines,
en espaces agricoles ou en prés salés pour lʼélevage20. Par le biais de lʼendiguement et du

17
AD 17, B 2139, fol. 8.
18
Sarrazin, J-L., 2014a, « Digues, bots et chaussées. Les levées de défense face à la mer dans les zones littorales
basses de lʼEurope du Nord-Ouest (XIe-XVIe siècle) », in Laget, F., Vrignon, A.(dir.), S'adapter à la mer.
L'homme, la mer et le littoral du Moyen Âge à nos jours, PUR, Rennes, p. 47-70.
19
Verger, F., 2009, Zones humides du littoral français, Belin, Paris, p. 220-311 ; Baron-Yellès, N., Goeldner-
Gianella, L., 2001, Les marais maritimes dʼEurope atlantique, PUF, Paris, p. 80-98 ; Sarrazin, J-L., 2000,
« Maitrise et gestion de lʼeau salée dans les campagnes du littoral poitevin (XIIe-XVe siècle) », Enquêtes rurales,
7, p. 135-157 ; Sarrazin, J-L., 1992, « Le littoral poitevin (XIe-XIIIe siècles) : conquête et aménagement », ABPO,
99-1, p. 13-31 ; Sarrazin, J-L., 1988b, « Les Cisterciens de Buzay et lʼaménagement des marais de lʼestuaire de
la Loire au moyen âge (XIIe-XVe siècle) », Mémoires de la Société dʼHistoire et dʼArchéologie de Bretagne, 65, p.
57-79 ; Verger, F., 1983 (2e éd.), Marais et wadden du littoral français, thèse de doctorat, Paradigme, Paris.
20
Baron-Yellès, N., Goeldner-Gianella, L., 2001, Les marais maritimes dʼEurope atlantique, PUF, Paris, p. 65-
79.

301
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
drainage, ces ouvrages constituent un bon moyen de soustraire des terres à la mer. Ils
empêchent les incursions quotidiennes dʼeau liées à la houle, au clapot ou aux mouvements de
marée. Lors de vimers, ils protègent – autant que faire se peut – les prises. Sur le littoral
atlantique français, ils sont composés de matériaux naturels et primaires enchevêtrés. Pour
lʼessentiel, les infrastructures de défense établies face à la mer sont composées de mottes de
terre argileuse et de sable. Moins fréquemment, des fagots et pieux de bois, galets ou pierres
renforcent ces dispositifs21. Ces infrastructures vont généralement de pair avec un fossé qui,
tout en protégeant la chaussée, lui fournit directement sur place les éléments nécessaires à son
élévation22. Quoiquʼinsuffisamment élevées, peu étanches et fragiles, elles constituent
dʼappréciables protections et défenses contre la mer. Sans entrer en détail dans la mécanique
des milieux continus, la terre et le sable possèdent dʼimportantes propriétés absorbantes.
Ainsi, lors dʼune tempête, dʼune inondation marine, les constructions sableuses et/ou terreuses
absorbent une part majeure de lʼénergie émise par la houle23. Les grandes submersions se
jouent cependant de ces obstacles. Ils peuvent être submergés ou « rongés » par les assauts
des vagues, qui finissent par les ébrécher ou les éroder. Les chaussées et levées des XIVe-XVIIIe
siècles sont globalement de petite taille. Elles mesurent aux alentours de 2 à 2,50 mètres de
haut24. Elles sont souvent de forme trapézoïdale et sont épaisses de plusieurs dizaines de
centimètres25. Le manque dʼentretien participe à la fragilité structurelle de ces dispositifs.
Au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne, sur la façade atlantique française, la charge
financière quant à la construction et au maintien en état du réseau de levées incombent soit
aux détenteurs du sol, soit à la collectivité dans le cas dʼétablissements publics26. Un même
bot peut préserver les biens et activités de plusieurs personnes. Ainsi, lorsque ces
aménagements relèvent dʼune dimension privée, de la propriété, il arrive que les opérations
dʼentretien et de réparation soient fortement morcelées. Le 14 novembre 1686, un acte du
notaire Jean GRISARD, dressé à la demande de lʼintendant dʼAunis, consigne la déclaration de
la répartition de la maintenance des ouvrages de défense contre la mer par les sauniers et
propriétaires de marais dans la paroisse des Portes-en-Ré (île de Ré)27. Par exemple, dans la
prise des Trigalle, les 7 toises de levée appartiennent à 2 propriétaires. Il en va de même dans

21
Sarrazin, J-L., 2014a, ibid., p. 53-54 ; Laget, F., 2011, La perception de la mer dans lʼEurope du Nord-Ouest à
la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles), Université de Nantes, thèse de doctorat dʼhistoire, sous la direction de
Sarrazin, J-L., 2 tomes, Nantes.
22
Sarrazin, J-L., 2014a, idem. ; Buron, G., 2000, Bretagne des marais salants. 2000 ans d'histoire, Skol Vreizh,
Morlaix, t. II, p. 14-18.
23
Thirriot, C., 1973, « Hydrodynamique des digues et barrages en terre », La Houille blanche, 5-6, p. 401-411.
24
Sarrazin, J-L., 2014a, ibid., p. 53 ; Buron, G., 2000, ibid., p. 14-15.
25
Buron, G., 2000, idem.
26
Sarrazin, J-L., 2015, « Les communautés paysannes des marais littoraux poitevins à la fin du Moyen Âge :
pratiques communautaires, hiérarchisation sociale, solidarités », in Jeanneau, C., Jarnoux, P. (dir), Les
communautés rurales dans l'Ouest du Moyen Âge à l'époque moderne, CRBC-UBO, Brest, p. 191-224 ;
Sarrazin, J-L., 2014a, ibid., p. 56-60.
27
AD 17, 3 E 3961.

302
celle du Fief où lʼentretien et la remise en état des 364 brasses de levée reposent sur 2
propriétaires comme suit :
« scavoir que dans la prise du Fief il y a troix cent soixante quatre brasse
desquelles ledit sieur de Bause comme pocesseur des quatorze livres huit ares de
maroix sallans est teneu a lentretien de cent trante deux brasses et ledit sieur
Baudin comme pocesseur de plusieurs terres a lentretien de cent quatre vingt
brasse et tous deux conjointemant a lentretien de cinquante deux brasse, scavoir
ledit sieur de Bause pour les troix quarts par luy et sieur Baudin pour lautre
quart »28.
Le partage du coût financier sʼeffectue donc à hauteur des intérêts privés et lʼentretien
effectif des chaussées dépend globalement du bon vouloir des propriétaires. De fait, dans les
provinces de la façade atlantique du royaume de France, à la différence des rivages de la mer
du Nord29, aucune autorité ou « wateringue »30 ne coordonne véritablement les chantiers ni ne
veille à leur bonne réalisation. Usant de son pouvoir de coercition et de ses agents, lʼÉtat royal
a parfois, tant bien que mal, cherché à intervenir31. De leur côté, les autorités seigneuriales
nʼintercédaient généralement quʼen qualité de propriétaire32.
La réfection des bots, levées et chaussées de front de mer, ainsi que la remise en état des
systèmes hydrauliques des marais salants à la suite dʼun vimer mobilise tous les acteurs
impliqués dans lʼactivité. Lʼintégralité des dépenses échoit aux propriétaires du sol. Le labeur
quant à lui revient à la paysannerie33 selon une division du travail prédéfinie entre 1) les
« ouvriers-paysans » spécialisés, disposant dʼun savoir-faire particulier comme les sauniers, et

28
Idem.
29
Voir notamment : Sarrazin, J-L., 2014a, ibid., p. 56-60 ; Borger, G.J., De Kraker, A.M.J., Soens, T., Thoen, E.,
Tys, D. (eds), 2013, Landscapes or seascapes ? The history of the coastal environment in the North Sea Area
Reconsidered (comparative rural history of the North Sea Area), Brepols, Turnhout ; Soens, T., 2013, « The
social distribution of land and flood risk along the North Sea coast : Flanders, Holland and Romney Marsh
compared (c. 1200-1750) », in Van Bavel, B., Thoen, E. (eds.), Rural societies and environments at risk.
Ecology, property rights and social organisation in fragile areas (Middle Ages-Twentieth century), Brepols,
Turnhout, p. 147-179 ; Van Cruyningen, P., 2013, « State, property rights and sustainability of drained areas
along the North Sea coast, sixteenth-eighteenth centuries », in Van Bavel, B., Thoen, E. (eds.), Rural societies
and environments at Risk. Ecology, property rights and social organisation in fragile areas (Middle Ages-
Twentieth century), Brepols, Turnhout, p. 181-207 ; Soens, T., 2009, De spade in de dijk. Waterbeheer en rurale
samenleving in de Vlaamse kustvlakte (1280-1580), Academia Press, Gent ; Galloway, J.A., 2009, « Storm
flooding, coastal defence and land use around the Thames estuary and tidal river, c. 1250-1450 », Journal of
Medieval History, 35, p. 171-188 ; Galloway, J., Potts, J., 2007, « Marine flooding in the Thames Estuary and
tidal river c. 1250-1450 : Impact and response », Area, 39, p. 370-379.
30
Pour plus dʼinformations sur ces associations dont lʼune des principales fonctions tient en la gestion et
lʼentretien des digues, écluses et canaux de drainage, voir Barraqué, B., 2011, « Des bisses aux wateringues…
De lʼusage en commun des eaux en Europe », in Les bisses, économie, société, patrimoine. Actes du colloque
international, 2-5 septembre 2010, Annales valaisannes, Société dʼHistoire du Valais Romand (SHVR), Sion, p.
21-41 ; Soens, T., 2009, ibid. p. 17-72.
31
Cf. supra, Chapitre 3, 3.3.3 - L'implication de « lʼÉtat » ; Cf. infra, 7.3.1 - Prévenir les risques : lʼexistence
dʼinitiatives de la part des sociétés anciennes.
32
Cf. supra, Chapitre 3, 3.3.2 - Villes et seigneuries à la manœuvre.
33
Péret, J., Sauzeau, T., 2014, Xynthia ou la mémoire réveillée, villages charentais et vendéens face à la mer
(XVIIe-XXIe siècle), Geste, La Crèche, p. 158-162.

303
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
2) les journaliers, employés aux besognes ne nécessitant aucune qualification. Au lendemain
du passage de la tempête avec submersion des 27-28 janvier 1469(n.st)34, le sire de Retz
finance les réparations qui lui obviennent35. Il pourvoit au curage des étiers* et à la
reconstruction des levées par des ouvriers non qualifiés. Il remplace les coués*. Il fait nettoyer
e e
les bassins et cristallisoirs de ses salines par ses sauniers. Aux XIV -XVIII siècles, les
chaussées sʼavèrent faciles à relever. Leur rupture est dʼailleurs intégrée dans les habitudes et
modes de vie des sociétés littorales et maraîchines. Leur assurant un salaire de quelques jours,
elle constitue une aubaine pour les petits manouvriers, dont le coût de main-dʼœuvre apparaît
globalement peu élevé36. Sur lʼîle de Noirmoutier, la remise en état des levées rompues par
« la maree qui advoit esté grande » en 1492-1493(n.st) (durant lʼhiver ?) occasionne une
dépense de 16 sous, 6 deniers pour le Seigneur LA TREMOÏLLE37. Cette organisation
minutieuse de la société et la connaissance du rôle et des tâches dévolues à chacun qui en
découle attestent dʼune gestion appréciable de la vulnérabilité. Elles révèlent lʼassimilation
ainsi que le traitement spécifique des risques météo-marins. Ce fonctionnement contient une
importante « clé de compréhension du mode de protection »38, dʼillustration de lʼadaptation,
de gestion de la vulnérabilité et de la résilience des populations littorales médiévales et
modernes.
Enfin, les populations et autorités du royaume ont graduellement développé des
initiatives en vue de prévenir et restreindre les impacts des aléas. Sur la côte atlantique
française, un réseau inextricable de levées doit être signalé. Ce système de cloisonnement des
marais existe dans la majorité des zones basses littorales dʼEurope de lʼOuest39. Il repose sur
une succession de chaussées protégeant les salines et espaces agricoles. Ainsi, lorsque la mer
déferle, elle ne rencontre pas une digue imposante conçue suivant une logique
« dʼinsubmersibilité », mais une multitude de petites levées. Pragmatique, cette technique a
pour conséquence de casser la vitesse des vagues, absorber les unes après les autres lʼénergie
déployée, amoindrir lʼampleur du déferlement, modérer la propagation, lʼétendue de
lʼinondation40. À proximité de lʼAnse de lʼAiguillon, les cartes des marais de Champagné41
ainsi que de celui de la Vacherie42 exposent ce compartimentage spatial. Cette succession

34
Cf. infra, Chapitre 8, 8.1.3 - La tempête avec submersion des 27-28 janvier (5-6 février) 1469(n.st)
35
AN P-s-S, 1 AP 2132, pièce n°122.
36
Sarrazin, J-L., 2012, « Vimers de mer et sociétés littorales entre Loire et Gironde (XIVe-XVIe siècle) », Norois,
222, p. 91-102, p. 99.
37
AN P-s-S, 1 AP 1964.
38
Idem.
39
Sarrazin, J-L., 2014a, ibid., p. 54-55.
40
Athimon, E., Maanan, M., Sauzeau, T., Sarrazin, J-L., 2016, « Vulnérabilité et adaptation des sociétés
littorales aux aléas météo-marins entre Guérande et l'île de Ré, France (XIVe-XVIIIe siècle) », VertigO - la revue
électronique en sciences de l'environnement, 16-3, [En ligne].
41
AD 85, 1 E 442, pièce n°32. Réalisée par André CHEVREUX en 1656, cette carte a été publiée par Jean-Luc
SARRAZIN : Sarrazin, J-L., 2012, ibid., p. 97.
42
AD 85, 1 E 442, pièce n°27.

304
dʼenceintes découle initialement dʼune conquête progressive de terres sur la mer, puis dʼune
nécessité de conservation. Il ne sʼagit pas dʼune réflexion dʼamont assimilable à une véritable
démarche préventive. Bien quʼémergeant secondairement comme un dispositif de protection,
les talus se succèdent de manière presque « séquentielle ». Les plus récents sont localisés en
front de mer, tandis que les plus anciens se trouvent en arrière des schorres43. Au sein de la
documentation historique, ces aménagements sont différenciés. Ils sont nommés « ceinture »,
« bot de garde » ou « bot de défense » lorsquʼils sont immédiatement exposés. Ils sont
intitulés « bots cheminaux », « petits bots », « bots herbus » lorsquʼils sont situés au second
plan44, ou spécif iquement dénommés lorsquʼils sont majeurs. Les propriétaires de marais, de
même que les populations avaient, semble-t-il, conscience de lʼimportance dʼentretenir et
réfectionner les bots anciens. Ils percevaient également leur rôle majeur dans la conservation
des prises comme le souligne un juge lors de la tenue dʼune assise seigneuriale à Champagné
en date du 7 novembre 1560 : « […] sy par fortune ou vimere de mer advenoit que lesdits bots
des relais prochains de la mer fussent rompuz, lesdits vieux bots, cheminaux et petits bots
tinssent coup contre ledit vimere, et que par ce moyen lesdites terres etants entre lesdits bots
[…], demeurassent toujours en état d'agriculture »45. La méthode du compartimentage agit
comme symbole dʼune forme de maîtrise du milieu, du risque lié aux vimers, mais également
de la vulnérabilité.

43
Sarrazin, J-L., 2014a, ibid., p. 54-55.
44
Idem.
45
Clouzot, E., 1904, Les marais de la Sèvre Niortaise et du Lay du Xe à la fin du XVIe siècle, Paris-Niort, pièce
n°XVII, p. 237-240.

305
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir

Illustr ation 15: Car te du mar ais de Champagné dans laquelle sont r epr ésentées plusieur s bots, technique
de compartimentage (Andr é C HEVREUX, 1656).
Source : AD 85, 1 E 442, pièce n°32 ; Sarrazin, J-L., 2012, « Vimers de mer et sociétés littorales entre Loire et
Gironde (XIVe-XVIe siècle) », Norois, 222, p. 91-102, p. 97.

Gagner des terres sur la mer, mettre en valeur et conserver ces zones basses, limiter les
méfaits des incursions passe par l'érection de remparts physiques. Les aménagements
s'intègrent dans une politique de gestion à moyen et long terme des territoires, des eaux et de
e
la vulnérabilité. À compter du XVII siècle, lʼingénierie se développe et vient doucement
bouleverser certaines pratiques.

7.1.3 Lʼappropriation de la gestion du territoire par les représentants du roi

En France, lʼhistoricité de lʼingénierie remonte à la fin du XVIIe siècle avec le corps des
ingénieurs du Génie et de la Marine et au XVIIIe siècle avec celui des Ponts et Chaussées46. À
partir de cette époque, les représentants de lʼÉtat (intendants, subdélégués, ingénieurs,
techniciens du roi) sʼapproprient de plus en plus la gestion du territoire. La manière dont ils

46
Llinares, S., 2018, « Introduction : La digue, le sable et le quai ou lʼhistoire en chantier des bâtisseurs du
littoral », in Llinares, S. Egasse, B., Dana, K., De lʼestran à la digue. Histoire des aménagements portuaires et
littoraux, XVIe-XXe siècle, PUR, Rennes, p. 9-12.

306
procèdent mériterait de plus amples développements que celui proposé ici47. Les sources
archivistiques conservées permettent de décrypter le jeu des acteurs, dʼexaminer
lʼenvironnement décisionnel, dʼidentifier les étapes et les conditions de la réalisation de
travaux dʼaménagement du littoral.

Au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne, aux propriétaires de marais échoue la charge


financière, tandis quʼaux communautés littorales revient traditionnellement lʼentretien des
aménagements et leur réfection au lendemain de vimers48. À compter de la fin du XVII
e
et
e
surtout du XVIII siècle, la gestion des infrastructures publiques ainsi que des chaussées et
levées (publiques comme privées) échappe progressivement aux habitants et tombe aux mains
des représentants de lʼÉtat49. Elle tend alors à se « globaliser » et offre une vue dʼensemble à
lʼéchelle dʼun domaine complet, dʼune ville, dʼune île, dʼune généralité. Aux ingénieurs du roi
revient la charge de visiter les aménagements et bâtiments endommagés en vue de dresser un
rapport général, état et devis estimatif des réparations. En mai 1712, à la suite des vimers des
13-14 février 171150 et surtout des 9-10 décembre 171151, lʼingénieur Claude MASSE inspecte
avec Monsieur DE BEAUHARNOIS, intendant dʼAunis, les dommages causés aux digues de lʼîle
de Ré52 et en dresse une carte53. La tempête avec submersion du mois de décembre 1711 a

47
Le lecteur intéressé lira notamment avec profit : Caillosse, P., 2018, « Lʼingénieur, lʼexpert et les
transformations naturelles de la pointe du Médoc (début XVIIIe-milieu XIXe siècles) », in Coumel, L., Morera, R.,
Vrignon, A. (dir.), Pouvoirs et environnement. Entre confiance et défiance, XVe- XXIe siècle, PUR, Rennes, p.
179-194 ; Conchon, A., Szulman, E., 2018, « Le département des Ponts et Chaussées et les entrepreneurs des
ouvrages maritimes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », in Llinares, S. Egasse, B., Dana, K., De lʼestran à
la digue. Histoire des aménagements portuaires et littoraux, XVIe-XXe siècle, PUR, Rennes, p. 109-126 ; Suire,
Y., 2017a, Le Bas-Poitou vers 1700 : cartes, plans et mémoires de Claude Masse, ingénieur du roi. Nouvelle
édition critique présentée par Yannis Suire, CVRH, La Roche-sur-Yon ; Suire Y., 2017b, L'estuaire de la
Gironde, Bordeaux et le Bordelais vers 1700 : cartes, plans et mémoires de Claude Masse, ingénieur du roi,
Geste, La Crèche ; Gueben-Venière, S., 2017, « Accepter ponctuellement et partiellement la submersion marine
pour mieux en maîtriser les risques. Evolution de la perception et de la gestion des risques par les ingénieurs
techniciens anglais et néerlandais », in Leone, F., Vinet, F. (dir.), Gérer les risques naturels : pratiques et outils,
PULM, Montpellier, p. 91-98 ; Granet-Abisset, A-M., 2006, « Mémoire et gestion des risques naturels.
Lʼexemple des sociétés alpines (XIXe-XXe siècle) », in Walter F., Fantini, B., Delvaux, P. (dir.), Les cultures du
risque (XVIe-XXIe siècle), PHS, Genève, p. 117-137, p. 126-130 ; Picon, A., 1992, Lʼinvention de lʼingénieur
moderne : lʼEcole des Ponts et Chaussées (1747-1851), Presses des Ponts et Chaussées, Paris ; Brunot, A.,
Coquand, R., 1982, Le corps des Ponts et Chaussées, CNRS Editions, Paris.
48
Cf. supra, 7.1.2 - De la soustraction à la conservation : la mutation du rôle des ouvrages de défense.
49
Augeron, M., Boucard, J., Even, P. (dir.), 2016, Histoire de lʼîle de Ré, des origines à nos jours, Le Croît Vif,
Saintes, p. 159-161.
50
Notamment : AD 17, 4 J 3305, p. 32 ; AD 44, C 672/15 ; AD 85, 3 E 94/8, vues 128-129 (numérisation) ; AD
85, H 51, fol. 142 ; AD 85, 62 J 6, fol. 114-115.
51
Dont : AD 17, C 33, hors dossier, pièce n°108 ; AD 17, C 171, pièce n°1, fol. 10 et 13 ; AD 33, C 3646, pièce
n°5 ; AD 85, 62 J 6, fol. 119 ; DUPONT E., 1830, Histoire de La Rochelle, impr. Mareschal, La Rochelle, p. 518 ;
REVEILLAUD M., 1914, « Journal de Michel Reveillaud (1696-1745) », publié par Dangibeaud C., in A.H.S.A,
Picard A., tome XLV, Paris-Saintes, p. 7-180, p. 32 ; Histoire de l'Académie royale des Sciences tirée des
registres de cette Académie, 1699-1786, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L., Paris, observations de DE
LA HIRE, p. 4.
52
Méd. M. Crépeau, La Rochelle, ms 462, Mi 40 (microfilm), fol. 42-43 ; AD 17, C 33, hors dossier, pièce
n°107.
53
AD 17, H 37/1, pièce n°1, rangée sous la cote CR 89.

307
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
provoqué une « très grande parte en cette isle dont lʼestimation monte à plus de 250 000
livres »54. Quant au seul montant des réparations à faire aux levées et chaussées af in
dʼempêcher la dégradation des salines, il sʼélève à 64 084 livres55 ! La répartition du coût des
réfections se fait pour moitié sur les propriétaires de domaines, pour autre moitié par
imposition extraordinaire sur les contribuables de la taille56.

Illustr ation 16: Car te de l' isle de Ré pour r epr ésenter le désor dr e mar qué en jeaune causé par l' or age du 9
au 10 jour s de décembr e 1711, MASSE Claude, 1717, échelle: 2000=envir on 4kms.
Source : H 37/1, pièce n°1, rangée sous la cote CR 89.57

Au fur et à mesure que les corps administratifs et dʼingénieurs royaux se sont étoffés,
les travaux institutionnels de protection du littoral se sont multipliés. Cela nʼa pas toujours été
bien accueilli par les populations. Justifiant tant dʼune lourdeur administrative, dʼune lenteur
dans la réalisation des travaux, que dʼune explosion des coûts financiers, cette organisation a
été contestée par les populations littorales. Dans un mémoire présenté au roi Louis XVI par les
Bouinais concernant les réparations à faire dans lʼîle, les résidents expriment leurs
mécontentements quant au fait que les réparations soient désormais chapeautées et organisées
par le biais de lʼintendance du Poitou. Ce dʼautant que lʼintendant demeure à Poitiers et
méconnaît leur territoire et ses problématiques. Par ailleurs, ils défendent lʼidée que le
temps…
-qu'ils rédigent et transmettent un mémoire au Conseil (étape 1),

54
Méd. M. Crépeau, idem.
55
AD 17, C 33, hors dossier, pièce n°108. À noter quʼun décalage de 10 000 livres existe entre le devis estimatif
des ouvrages à faire pour lesdites réparations (AD 17, C 33, hors dossier, pièce n°107) et la déclaration faite dans
les registres du conseil dʼétat (pièce n°108).
56
AD 17, C 33, hors dossier, pièce n°108.
57
Cette carte a fait lʼobjet dʼune publication dans Augeron, M., Boucard, J., Even, P. (dir.), 2016, ibid., p. 158.

308
-que celui-ci soit renvoyé à l'intendant (étape 2),
-qui le transmet à son subdélégué afin quʼil dresse un rapport (étape 3),
-qu'un ingénieur soit nommé pour faire état et procès-verbal des réparations et devis
estimatifs de celles-ci (étape 4),
-que lʼingénieur transmette ses productions à lʼintendant (étape 5),
-que le tout soit renvoyé au subdélégué afin de procéder aux réparations (étape 6)
plusieurs années (jusquʼà 40 ans !) seront passées et l'île aura eu le temps d'être submergée...
Quant à la charge financière, elle semble avoir substantiellement augmenté. Des reproches
similaires sont adressés à lʼintendant de La Rochelle dans un mémoire en date du 11 octobre
1788 rédigé par les habitants de lʼîle de Ré58. Selon ce document, depuis que les Rétais
nʼadministrent plus leurs digues, « la solidité du travail a été négligée », les digues sont
devenues « légères » et la gestion qui est faite des ouvrages de défense contre la mer dans
cette île est qualifiée de « désastreuse »59. Le budget annuel alloué aux réparations sʼest de
même fortement élevé. Les îliens se plaignent également de ne plus avoir voix au chapitre
concernant la gestion des digues. Leur expérience du terrain, leur longue pratique de
lʼobservation, leurs savoirs et connaissances du milieu, leurs habitudes en termes de
surveillance et réfection des chaussées sont déconsidérés. Pis, ils nʼont la possibilité de ne
consulter aucun des documents concernant « la conservation de cette île » (ni rapport de
visite, ni devis, ni adjudication, ni état général de répartition de lʼentretien, ni les « autres
pièces relatives aux travaux de leurs digues, dont les originaux sont déposés dans le bureau
de l'intendant de la Rochelle »)60. Dans une lettre en date du 30 novembre 1789 adressée à
monsieur DE LA MILLIERE, lʼintendant de La Rochelle se défend des accusations faites contre
lui61. Si l'exagération est présente, ces 2 exemples défendent un système ainsi quʼune
organisation sociale ayant fait ses preuves, efficace et fonctionnant depuis plusieurs siècles.

Pièce justificative n° 7

AM Nantes, II 136, pièce n°23.

Fonds Petit, baronnie et juridiction de lʼîle de Bouin, liasse composée de 1 pièce parchemin
et 74 pièces papier.

Pièce papier numérotée, source manuscrite, original, ancien français, état médiocre (tâches
dʼhumidité et déchirures, si bien que certains mots manquent).

58
AD 17, C 33, pièce non numérotée, Mémoire en date du 11 octobre 1788.
59
Idem.
60
Idem.
61
AD 17, C 33, pièce n°12°1er bis.

309
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
Source de la pratique, première main, témoins oculaires, fiabilité très bonne.

Analyse : Extrait dʼun mémoire et requêtes sans date (rédigé entre 1774 et 1789) présentés au
roi Louis XVI par les habitants de l'île de Bouin concernant les réparations à faire dans leur île
et la procédure à suivre depuis que lʼintendance du Poitou gère cette dimension.

« Lis le de Bouin s itué e e ntre la Bre ta gne & le P oitou, re le va nt de la gé né ra lité de P oitie rs
e s t un te rre in pla t qui a s e pt lie ue s de tour, contie nt plus de trois mille a me s , e s t e nvironné e
de la me r qui y e ntre roit de ux fois cha que jour s a ns de forte s & de ha ute s cha us s é e s qu'on
a é le vé a ve c gra ns fra is & qu'on e ntre tie nt a ve c gra nd s oin. Il n'y a pa s da ns toute l'is le un
pouce de te rre inculte , tout y e s t te rre la boura ble ou pra irie s ou s a line s . S e s ma ra is s a la nts
qui cons is te nt e n pre s de 80 000 a ire s produis e nt da ns le s bonne s a nné e s plus de tre nte
mille muids de s e l dont la dixie me pa rtie a ppa rtie nt a u Roy comme a cqué re ur & s e igne ur de
l'is le à titre de dixme , s a ns compte r plus de trois mille a ire s qu'il pos s è de e n propre . Il n'e n
e s t pa s de ce tte is le comme de s a utre s pa ys . Elle e s t s uje tte a de s gros s e s & continue lle s
ré pa ra tions qui pour la plupa rt ne s ouffre nt ny dé la is ny re ta rde me nt ma is e xige nt la plus
gra nde cé lé rité , le moindre re ta rde me nt que lque fois d'un jour ou mê me de que lque s he ure s
pe ut ca us e r le s plus gra nds pré judice s à toute l'is le & a u Roy : pa r e xe mple s i la me r da ns
le s ma uva is te ms fa it que lque brè che a ux cha us s é e s qui e nvironne nt l'is le qui e s t plus
ba s s e que s e s e a ux de 10 ou 12 pie ds . Il fa ut né ce s s a ire me nt tra va ille r pe nda nt la ba s s e
me r, fut ce le jour de P a s que s mê me , s a ns quoi la me r inonde roit tout le pa ys s ix he ure s
a prè s .[...] De plus e ncore tous le s a ns a u printe ms da ns le s pre mie rs jours de la lune de
ma rs il fa ut ne toye r le s ca na ux de toute l'is le , c'e s t un trè s gra nd tra va il qui occupe pe nda nt
15 jours ou trois s e ma ine s tous le s s a unie rs s i on ne le s fa it pa s da ns ce te ms on ne le s
pe ut plus fa ire pa rce que c'e s t da ns ce s jours que la me r monte & ba is s e da va nta ge & qu'il
fa ut né ce s s a ire me nt profite r de ce tte circons ta nce . S i on la la is s oit é cha pe r il e n na itroit un
pré judice nota ble à toute s le s s a line s , c'e s t pour ce tte ra is on que de tout te ms la police de
l'is le de Bouin a toujours ve illé à ce que ce s ré pa ra tions s e fis s e nt à te ms conve na ble &
qua nd e lle s é toie nt urge nte s & inté re s s a nte s pour le public, on le s me ttoit a us s itôt e n ba il a u
ra ba is , il s 'e n fa is oit une a djudica tion & on tra va illoit s a ns a ucun re ta rde me nt. C'e s t a ins i
que l'is le & s e s ma ra is s e s ont cons e rvé s jus qu'à pre s e nt. C'e s t ce tte vigila nce & ce s s a ge s
pré ca utions qui ont s a uvé l'is le ta nt de fois de s pé rils e t da nge rs ou e lle s 'e s t trouvé e s i
s ouve nt, e t s a ns e lle s il y a longte mps que s e s s a line s ne s ubs is te roie nt plus . S i a u
contra ire ce s ré pa ra tions s e font dé s orma is pa r la voye de l'inte nda nce , il e s t impos s ible
qu'e lle s s e fa s s e nt prompte me nt ca r il fa ut e nvoye r un mé moire a u Cons e il, ce mé moire e s t
re nvoyé à M. l'Inte nda nt, ce lui-ci le re nvoye à s on s ubdé lé gué qui fa it s on ra pport a M.
l'Inte nda nt, on nome e n cons é que nce un ingé nie ur pour fa ire é ta t & procè s -ve rba l de s
ré pa ra tions a ve c un de vis e s tima tif, l'ingé nie ur le re nvoye a M. l'Inte nda nt pour ê tre
homologué , a prè s quoi le tout e s t re nvoyé a u s ubdé lé gué pour procé de r a u ba il, d'où il
a rrive que lque fois , ou plutôt trè s s ouve nt que ce mé moire ma lgré la bonne volonté de M.
l'Inte nda nt re s te de s 3, 4, 5, 6 mois e n cha que bure a u & qu'il fa ut de 4, 10, 20, 40 a ns a va nt
qu'on puis s e fixe r que lque s ( ? mot ma nqua nt). Nous e n a vons de s e xe mple s da ns le pa ys
mê me & da ns le s pa rois s e s vois ine s ou rie n ne s e fa it que pa r la voye de l'inte nda nce . Il y a
40 a ns que le s ha bita nts de la pa rois s e de S a le rta ine s tra va ille nt & dé s ire nt ouvrir ou
ré pa re r un ca na l pour fa ire coule r de s e a ux qui le s inondoie nt tous le s hyve rs ,
s ubme rge oie nt pe nda nt 3 ou 4 mois le urs te rre s qu'ils a voie nt la bouré e s & e ns e ma ncé e s &
le s re ndoie nt s te rile s . Enfin a prè s tre nte a ns d'e xa me ns & de procè s -ve rba ux, de s
de s ce nte s , de s vis ite s d'ingé nie urs qui ont couté de s s omme s imme ns e s , il y e ut, il y a 10
a ns une a djudica tion qui ont a rrê té l'ouvra ge & le pa ys e s t pre s que pe rdu. Ce s ont ce s
difficulté s & ce s de la is qui ont é té la ca us e de la pe rte tota le de plus de 40 mille a ire s de
ma ra is s a la ns de s pa rois s e s vois ine s de Bouin, comme Bois de Ce né , S t-Ge rva is ,
Be a uvoir, Cha te a u-ne uf &c qui s ont e ntiè re me nt dé truits , s a ns a ucune re s s ource & pe rdus
pour toujours fa ute de ré pa ra tions fa ite s da ns le te ms conve na ble . Nous comme ncons dé jà
à re s s e ntir ce s fune s te s e ffe ts da ns l'is le . En 1771, une de s é clus e s de l'is le a voit be s oin
d'ê tre ré pa ré e . Aus s itôt qu'on s 'e n a ppe rcut, on noma de s e xpe rts qui de s ce ndire nt s ur le s
lie ux, e s timè re nt la ré pa ra tion 1500 livre s & offrire nt de la fa ire à ce prix. On fut obligé
d'e nvoye r ce procè s -ve rba l a M. Cochin qui le re nvoya a M. l'Inte nda nt, ce lui-ci à s on
310
s ubdé lé gué , tous ce s re nvois e mportè re nt plus de de ux a nné e s , pe nda nt ce te ms le s
ré pa ra tions a ugme ntè re nt te lle me nt que l'a djudica tion qui fut fa ite a u mois d'octobre 1773
fut à 5000 livre s , ma is comme ce tte a djudica tion ne pouvoit a voir lie u s a ns ê tre a utoris é e
pa r un a rre t du Cons e il, on e ut e ncore re cours à M. Cochin, ma is on n'a ja ma is pu pa rve nir
à l'obte nir e n s orte que ce tte a djudica tion e s t re s té e s a ns e ffe t, me t l'a djudica ta ire da ns le
ca s de de ma nde r de s dé doma ge me ns & pe nda nt ce te ms , il s 'e s t fa it une te lle dé gra da tion
à ce tte é clus e qu'a prè s l'hyve r il e n coute ra plus de 10000 livre s pour la ré pa re r. Ains i ce tte
ré pa ra tion qui n'a uroit couté que 1500 livre s pa r la juris diction du lie u pa rce qu'e lle a pa s s é
pa r l'inte nda nce coute ra plus de 10000 livre s dont le Roy s e ra obligé de pa ye r s a pa rt &
portion. […]. »

En outre, la question de lʼappropriation de la gestion du territoire par les représentants


du roi est lʼoccasion dʼaborder le jeu des acteurs ainsi que lʼenvironnement décisionnel qui lui
sont liés. À la suite de vigoureux coups de vent ayant entraîné un recul des dunes, un cycle de
travaux quasiment ininterrompus durant près de 40 ans débute à la pointe du Devin (île de
Noirmoutier) au cours de la décennie 176062. Entre 1769 et 1770, lʼingénieur des Ponts et
Chaussées LAMANDE établit un devis et fait édifier une digue en pierres sèches de 869 toises
de long, soit plus de 1651 mètres63. Finalement, à cause de f inances serrées, lʼouvrage est de
moindre proportion. Lʼannée suivante (1771), les grosses mers des 6-9 décembre affouillent
les fondations, engendrant une brèche quʼil convient de rapidement réparer64. Lʼingénieur
LAMANDE préconise alors de consolider les fondations de la digue par un bâti de pieux de bois
sur une longueur de 300 toises et de surélever le talus perré de 4 pieds65. En 1776, les f lots
emportent 120 toises de la digue de la pointe du Devin66. Chargé dʼeffectuer une estimation
du montant des réparations, LAMANDE propose de bâtir un éperon avancé pour renforcer la
zone et la conserver67. À la suite de la tempête des 30-31 octobre 177768, lʼadministration, la
surveillance et la direction du chantier retombent entre les mains des insulaires. À lʼinverse
dʼune démarche « agressive » de conservation du littoral, ceux-ci prônent plutôt une forme de
« recul stratégique ». Ils souhaitent ainsi abandonner à la mer la pointe du Devin et établir à la
place une digue intérieure suffisante à conserver leurs enjeux dans cet espace69. Par la suite,
contre lʼavis des Noirmoutrins, lʼintendance du Poitou et lʼingénieur DOROTTE reprennent
lʼadministration des travaux qui recommencent dès 177970. La digue du Devin souffrira de
très régulières avaries à la suite de tempêtes et des réfections coûteuses seront à chaque fois

62
Athimon, E., Maanan, M., Sauzeau, T., Sarrazin, J-L., 2016, art. cit.
63
AD 85, S 821, pièce n°44 ; AD 85, C 11, fol. 1-4.
64
AD 85, S 821, pièce n°47.
65
AD 85, S 821, pièce n°48.
66
AD 85, C 12, fol. 42.
67
AD 85, S 821, pièces n°52 et 53.
68
AD 85, S 821, pièce n°57.
69
AD 85, S 821, pièce n°58.
70
AD 85, S 821, pièce n°59.

311
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
nécessaires71. Cet exemple présente la manière dont les sociétés littorales anciennes géraient
leur vulnérabilité. Cette gestion sʼinscrit au cœur de rapports complexes et ambivalents entre
1) lʼÉtat, ses représentants et les « locaux », 2) lʼexpérience, le vécu, les habitudes des
populations et les savoirs scientifiques, la maîtrise technique des ingénieurs, techniciens du
roi, 3) le coût initial affiché des travaux et le financement final réel, 4) des temporalités
divergentes avec dʼun côté les travaux, de lʼautre lʼaction récurrente de la nature (érosion,
vimers, flux et reflux de la mer).

e e
À partir du XVII et surtout du XVIII siècle, les représentants du roi (intendants,
subdélégués, ingénieurs) sʼapproprient la gestion du territoire. Les risques apparaissent dès
lors comme un instrument de légitimation dʼune politique dʼaménagement et dʼappropriation
des espaces. La mainmise institutionnelle sur les ouvrages de protection a progressivement pu
entraîner la désuétude des pratiques dʼadaptation et de sécurisation, jusquʼalors entretenues
par les habitants eux-mêmes72. Les interventions au lendemain de la catastrophe exposent
également la richesse des réactions et stratégies dʼadaptation développées par les sociétés
médiévales et modernes.

7.2 Inter venir au lendemain de la catastr ophe

« L'impérieuse nécessité de dominer pour parvenir à surmonter les pièges de la nature


est un des moteurs essentiels du comportement social »73. Les sociétés médiévales et
modernes ne sont pas des sociétés de l'inertie. Après le passage dʼune tempête, avec ou sans
submersion marine, vient le temps du constat des dégâts engendrés et de la plainte. Ces
plaintes sont adressées aux autorités du royaume dans lʼoptique dʼobtenir une intercession, un
secours fiscal permettant de soulager les populations. Lʼobjectif est quʼelles puissent sʼatteler
rapidement aux réparations. De fait, la remise en état des infrastructures et aménagements est
la première préoccupation des sociétés au lendemain dʼun vimer.

7.2.1 Lʼévidence : procéder aux réparations.

Au lendemain dʼun vimer à impacts, la première des réactions tient en la remise en état

71
Sans exhaustivité : dégradations en février 1781, en janvier 1784, en décembre 1786, en janvier 1791… AD
85, S 821, pièces n°60, 71, 79, 84, 91.
72
Langumier, J., Verdier, L., 2015, « Sécurisation des digues et dispositifs de « culture du risque » : une alliance
originale sur le delta du Rhône dans un contexte post-catastrophe », Géocarrefour, 90-3, p. 233-244 ; Reghezza-
Zitt, M., Sanseverion-Godfrin, V., 2012, « Aménagement durable des territoires soumis à de fortes contraintes :
enjeux et perspectives à travers lʼexamen des outils juridiques. Lʼexemple de la basse vallée du Var (06) »,
Annales de géographie, 685, p. 242-265.
73
Fossier, R., 1987, « La peur de tous les instants », in Delumeau, J., Lequin, Y., Les Malheurs des temps –
histoire des fléaux et des calamités en France, Larousse, Paris, p. 117.

312
rapide des enjeux, aménagements, bâtis. Les communautés sont mobilisées et sollicitées, en
particulier les manouvriers et ouvriers spécialisés tels que les maçons, charpentiers,
couvreurs, sauniers. De leur côté, les autorités du royaume ont pu prendre des mesures en vue
dʼaider, contrôler, accélérer les réparations.

Avant toute chose, il est nécessaire de rappeler que nul bilan des endommagements,
donc des travaux de réfection, nʼest réalisable aux XIVe-XVIIIe siècles. De plus, aucun système
dʼassurance nʼexistait, si bien quʼil nʼest pas possible de procéder à une estimation globale du
montant budgétaire des réparations pour un vimer donné. Ce dʼautant quʼen dehors de
quelques registres de comptes, procès-verbaux / devis ou livres de raison, les réparations
opérées aux maisons bourgeoises et nobles sont rarement détaillées. Quant à la réfection des
demeures populaires, elle échappe complètement à la recherche. Dans lʼextrait restant dʼun
registre de comptes disparu du receveur du seigneur LA TREMOÏLLE pour lʼîle de Noirmoutier,
il est question de dépenses en vue de réparer les atteintes faites au château, en particulier à la
toiture, lors de la tempête du 24 juin (3 juillet, c.g) 145274. Similairement, dans un devis en
date du 27 décembre 1717, la liste des réparations réalisées à la suite dʼun CET survenu le 13
décembre de la même année au château du Cruguil en Bretagne est dressée75. Selon
lʼestimation du coût des réparations à effectuer à la bâtisse, celles-ci sʼélèvent à 196 livres,
réparties à hauteur de 36 livres pour le maçon, 100 livres pour le charpentier et 60 livres pour
le couvreur. Ce montant comprend tant les matériaux que la main-dʼœuvre, dont le faible coût
(seulement 18 livres sur 196 !) représente moins de 10% du budget total alloué à la réfection
du château76. Les informations en lien avec des nécessités de remise en état émergeant dans
les documents anciens portent principalement sur les chaussées et levées des marais, ainsi que
sur les établissements urbains publics ou religieux. Les exemples mobilisables les concernant
sont très nombreux. Ils exposent à la fois le poids financier que la restauration représentait
pour la collectivité urbaine, la seigneurie ou le propriétaire de lʼéquipement, et les difficultés à
payer qui en résultaient parfois. En février 1665, à la suite dʼune tempête ayant fortement
endommagé les bâtiments de lʼabbaye bénédictine de Notre-Dame-de-la-Sauve près de
Bordeaux, les moines doivent se résoudre à contracter un emprunt de 3000 livres. Le revenu
du monastère apparaissant insuffisant, sans cet emprunt ils ne pourront faire réparer « le
grand degat que fit le vent […] sur le clocher et sur toute la couverture de lesglise, sur le
dortoir, réfectoir, infirmerie, chambre des hottes »77. Selon le caractère impératif ou non des
réfections, ainsi que suivant la disponibilité ou non de lʼargent, la remise en état des

74
AN P-s-S, 1 AP 1976, MIC/1AP/1976, pièce n°174.
75
AD 22, 1 E 3023, pièce n°4.
76
Idem.
77
AD 33, H 9, fol. 15-19.

313
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
infrastructures sera plus ou moins rapide78. Dans les marais salants – ce fut développé
précédemment79 –, les travaux de réparation sont financés par les propriétaires et assurés par
la paysannerie saunière (manouvriers, sauniers).
Lorsquʼil est nécessaire de rétablir des bâtiments et aménagements ressortant à leur
juridiction, les villes, les seigneuries, le pouvoir royal interviennent. En qualité de propriétaire
des biens détériorés, il leur revient de les redresser. Leurs premières prérogatives sont de
recruter la main-dʼœuvre, de financer le coût des réparations et de surveiller les travaux afin
de sʼassurer de leur bonne réalisation. Dans certains cas, les autorités du royaume intercèdent
en vue en particulier 1) de contraindre aux réparations, 2) de limiter les abus et vols divers, 3)
dʼattribuer aux populations un soutien logistique ou fiscal complémentaire. Comme expliqué
au sein du chapitre 380, les crises engendrées par les vimers constituent un moteur légal
dʼexercice du pouvoir. Pour les autorités de proximité et le roi, la mise en place de mesures
coercitives présente un paradoxe. Elle atteste à la fois de lʼexercice et de lʼaffirmation de leur
pouvoir, mais elle souligne aussi leurs difficultés à faire respecter leurs décisions par les
populations. À la suite de la tempête et des incursions dʼeau des 25-28 octobre 1760, Michel
LUMINAIRE, procureur f iscal de la baronnie de lʼîle de Bouin, assigne dès le 2 novembre de la
même année les propriétaires et habitants de lʼîle à procéder aux réparations des chaussées
ébréchées81. Cependant, bien que proclamant quʼaucun retard et aucune négligence dans la
remise en état ne sera toléré, il reconnaît que « quoy quils [les propriétaires, sic] ayent etés
sommés tous les ans et depuis tres longtemps d'entretenir lesdittes chaussées »82, les
propriétaires de levées contreviennent aux ordres qui leur sont adressés. À cette assignation
suit une remontrance datée du 22 novembre 176083. Rien nʼy fait. Le 10 janvier 1761, les
propriétaires devant procéder à des réfections de chaussées sont condamnés à comparaître. Ils
doivent nommer des experts pour réaliser la visite des zones endommagées et en dresser le
procès-verbal. Dans le cas dʼune absence, dʼune protestation ou dʼun refus de faire réparer, les
experts seront nommés d'office par les services du greffe civil84. Malgré ces mesures, en
1762, la plupart des travaux nʼont toujours pas été exécutés ou ont été bâclés, entraînant des
submersions. Le 9 juillet 1762, les propriétaires sont sommés dʼaccomplir les ouvrages85.
Ainsi, tentant de remédier aux situations susceptibles dʼentraîner des désagréments communs,
les autorités ne sont pas forcément écoutées et les réparations peuvent sʼéterniser ou être faites

78
Cf. supra, Chapitre 3, 3.2.3 - Le temps, quelle pertinence pour les réactions ?
79
Cf. supra, 7.1.2 - De la soustraction à la conservation : la mutation du rôle des ouvrages de défense et 7.1.3 -
Lʼappropriation de la gestion du territoire par les représentants du roi.
80
Cf. supra, Chapitre 3, 3.3.2 - Villes et seigneuries à la manœuvre et 3.3.3 - L'implication de « lʼÉtat ».
81
AD 85, 8 B 32, assignation en date du 2 novembre 1760.
82
Idem.
83
AD 85, 8 B 32, remontrance en date du 22 novembre 1760.
84
AD 85, 8 B 32, extrait des registres du greffe civil du 10 janvier 1761.
85
AD 85, 8 B 32, sommation du 9 juillet 1762.

314
à la hâte. En outre, des dispositions ont pu être prises de manière à limiter les abus et vols
divers. À la suite dʼun CET violent, il arrive que le besoin en matériaux comme les ardoises,
les tuiles, le bois de charpente, les pierres de maçonnerie explose. Alors, la loi du marché en
termes dʼoffre et de demande entraîne souvent une augmentation des prix. Néanmoins,
lorsque ceux pratiqués par les marchands sont jugés exorbitants, des ordonnances de police
peuvent être promulguées et les prix de vente plafonnés. Similairement, des défenses de voler
les matériaux provenant de toitures emportées, cheminées renversées ou branches cassées sont
placardées dans les paroisses. Par exemple, au lendemain de la tempête du 2 février 1701, une
ordonnance de police interdit de profiter de lʼévénement « en volant les branches, le bardeau,
ardoises, chevrons enfin de toucher à rien » sous peine d'une pistole d'amende86. Il arrivait au
demeurant quʼafin dʼaider les populations à entretenir leurs infrastructures ou à effectuer des
travaux de reconstruction à la suite dʼun vimer, des dégrèvements fiscaux soient accordés.
Lʼhistoire des tempêtes dans les provinces de lʼouest du royaume de France est jalonnée de
demandes de secours. Sous lʼAncien Régime, lʼindemnisation, le dégrèvement nʼest pas un
droit. Il sʼagit dʼune grâce accordée par le roi. Elle lui permettait de symboliquement
réaffirmer son lien avec ses sujets ainsi que lʼemprise de son pouvoir sur les provinces du
royaume87. Ainsi, en 1563, à la suite dʼune requête qui lui a été adressée par plusieurs
paroisses de la baie de Bourgneuf88, le roi Charles IX accorde une prolongation pour 4 ans
dʼun affranchissement de payement des fouages aux paroissiens de Saint-Cyr, de Bourgneuf,
de Prigny, des Moutiers, de Fresnay et de Sainte-Croix de Machecoul. En contrepartie de
cette exemption, les habitants sont tenus de « restaurer, reparer & remectre en bon et
suffisant estat les chausées et defens desdits marais, prés et heritaiges »89. Il ne faut pas se
méprendre, cette aide est notamment attribuée à la condition que les levées soient rétablies,
parce que la ruine des marais – en particulier salants – de la région porte atteinte aux revenus
que le roi tire du sel… Le roi pouvait bien entendu aussi refuser le secours pour lequel il était
sollicité. Hors du cadre spatial de la thèse, les jurats de Ciboure, ville située dans le sud-ouest
de la France, envoient une lettre à lʼintendant de Bordeaux le 18 décembre 168090. Cette
dernière porte sur la rupture dʼune digue par la mer et les réparations quʼil est nécessaire dʼy
faire. En vue de « fournir a cette despence », ils requièrent une aide du roi. Considérant que le
roi nʼa ni intérêt ni bénéfice à leur venir en aide puisquʼil nʼobtient dʼeux aucun revenu
particulier important pour les charges de lʼÉtat, leur demande est refusée91.

86
AD 53, E dépôt 94/E8, vue 131.
87
Cf. supra, Chapitre 3, 3.3.3 - L'implication de « lʼÉtat ».
88
AD 44, B 583, fol. 8
89
AD 44, 57, fol. 66-67.
90
AN Paris, G/7/131, lettre des jurats en date du 18 décembre 1680.
91
AN Paris, G/7/131, réponse de lʼintendant de Bordeaux datée du 25 décembre 1680.

315
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
Pièce justificative n° 8
AD Loire-Atlantique, B 55, fol. 66-67.

Fonds de la Chambre des comptes, mandements et édits royaux, registre in-folio de 321
feuillets, 1561-1567.

Registre papier folioté, source manuscrite, originale, ancien français, bon état.

Source de la pratique, première main, témoins oculaires, fiabilité très bonne.

Analyse : prolongation accordée pour 4 ans dʼaffranchissement des fouages par Charles IX
aux paroissiens de Saint-Cyr, de Bourgneuf, de Prigny, des Moutiers, de Fresnay et de
Sainte-Croix de Machecoul afin de les aider à réparer les chaussées de leurs marais salants
(16 juin 1563).

« Cha rle s pa r la gra ce die u Roy de Fra nce . A noz a me z e t fe a ulx le s ge ns de nos compte s
e n Bre ta igne , tre s orie rs de Fra nce e t ge ne ra l de nos fina nce s a udit pa is . S a lut e t de le ction
nos che rs e t bie n a me z le s ma na ns e t ha bita nts de s a inct Cire , Bourgne uf, P rigné , le bourg
de s Mous tie rs , du Fre s na y, S a incte Croix de Ma che coul, s itue z e n la ba ronnye de Ra ye e n
notre pa is e t duché de Bre ta igne . Nous ont fa it re mons tre r que le fe u roy notre tre s honoré
s e igne ur e t pe re die u a bs olue pa r s e s le ttre s pa te nte s du tre izie s me jour de de ce mbre VC
LVI e t pour plus ie urs ca us e s e t ra is ons conte nue s pa r ice lle s me s me me nt pour e mpe s che r
e t re s is te r a ux vima ire s de me r, innoda cions , s ubme rs ions de a ux que ga s toie nt
ordina ire me nt le s ma rois s a lla ns , pré s e t a ultre s he rita ige s de s dite s pa rroe s s e s e n s orte
que le s dits ha bita nts e s toie nt contra inctz le s ha ba ndonné e , il le s a uroict quicte z, a ffra nchis
e t e xe mpté s de s droitz e t de va nce s de foua ige a ccous tumé e s tre le vé s ur e ulx. S a voir ce ux
de S a inct Cyre , P rigné e t le bourg de s Mous tie r pour s ix a ns , du Fre s na y pour qua tre a ns e t
de S a incte Croix de Ma che coul pour troys a ns a la cha rge quils s e ront te nuz le plus que
comme nde me nt fa ire e t pouroit re s ta ure r, re pa re r & re me ctre e n bon e t s uffis a nt e s ta t le s
cha us é e s e t de fe ns de s dits ma ra is , pré s e t he rita ige s . Et ice lle s fa ire de qua tre pie dz de
la rge ur pour le moings , & de ha ulte ur compe te nte pour de ffe ndre la me r de ntre r e s dite s
a ire s , ma ra is s a lla ns e t a ultre s he rita ige s . Et ice lle s cha us s é e s & de ffe nce s e ntre te nir cy
a pre s e n bonne re pa ra cion e t nous e n fa ire a ppa ra nce da ns ung a n procha me me nt. Ve na nt
e n fa is a nt vis ita tion pa r vous ge ne ra l ou de ux de vous ge ns de nos dits compte s a ppe llé
me s e igne urs procure ur. P our fa ire la que lle vis ita tion vous vous tra ns porte re z s ur le s lie ux
a ux de s pe ns de s ha bita nts de s dite s pa rroe s s e s e t e n fe rie z proce s ve rba l e t a pre s la dite
vis ita tion fa icte s e roie nt le s dits ha bita nts te nus e n ung mois a pre s ice lle e s che u re ndre
ce rtiffica tion de lʼun de s juge s e t procure ur de s lie ux de lʼe s ta t de s chos e s pa r de va nt vous
ge ns de nos dits compte s s ur pe ine de priva tion de la dicte e xe mption. Aus que lle s cha rge s ils
a urroie nt bie n condve me nt s a tis fa it a ins i quil a ppa rt pa r le s proce s ve rba ux e t ce rtiffica tions
ta nt de vous ge ns de nos dits compte s que de nos officie rs de s lie ux. Cy s oub notre
contre s e e l a tta che z.
En quoy fa is a nt a us s i pour le s de nonce s quils ont fa ict jour e t nuict a u gue t e t ga rde de la
cos te de la me r, frontiè re de Le s pa igne e t Angle te rre , ils s ont re duictz a e xtre me pa ouvre té s
e n cons ide ra cion de quoy e t a ce quils a ie nt moye n de ntre te nir le s dits re mpa rts , douve s ,
cha us s é e s , ta llus , couta ulx & de ffe nce s de ma ra is s a la ns contre le s dits vime rs de me r &
innoda cions de a ux ou il le ur convie nt e nploie r la plus pa rt du te mps a ve cq tout le ur bie n ils
nous ont tre s humble me nt fa ict s upplie r e t re que rir le ur voulloir prolonge r e t continue r la dite
e xe mption pour le te mps de dix a ns e t le ur e n octroye r. Nous , a ce s ca us e s , a prè s a voir
fa ict ve oir e n notre cons e il privé le s le ttre de notre fe u s e igne ur e t pe re , ordinna nce s , proce s
ve rba ux e t ce rtiffica tions ta nt de z ge ns de nos dits compte s que officie rs de s lie ux de s
ouvra ge s fa ictz a ux digue s e t de ffe nce s conte la me r e t e nvyron de s te rre s de s s us dite s
pa rroe s s e s voulla nt ice ulx fa vora ble me nt & a utre e n cons ide ra tion ta nt de le ur pa ouvre té
que pour le ur donne r moye n de ntre te nir ordina ire me nt le s dits re mpa rts , douve s , fos s é s pour
la de ffe nce de s dits ma ra is s a lla ns e t te rre a u mille ur e s ta t e t re pa ra cion que fa ire ce poura
316
& ca us e me s me que la ruyne d'ice ulx ma ra is nous portoit pa re il domma ge que a udits
ha bita ns pour le re ve nu que nous vie nt du s e l qui s y fa ict ordina ire me nt. […] A ice ulx
ha bita ns de s dite s pa roe s s e s de S a inct Cire , Bourgne uf, P re igné , le bourg de s Mous tie rs , du
Fre s na y e t S a incte Croix de Ma che coul tous pour ce s ca us e s e t a ultre s a ce nous prolonge
e t continue . Et de nouve a u ice ulx a ffra nchiz, quicte z e t e xe mpte z . Et de notre gra ce
s pe cia l, pla ine puis s a nce e t a cte roya l a ffra nchis s ons , quictons e t e xe mptons de nos dits
droictz e t de voirs de foua ige jus que s a u te mps e t te rme de qua tre a ns procha nne me nt
ve na nt & comma nce a u pre mie r jour de juille t procha nne me nt ve na nt. S i voulons . Le
s a izie s me jour de juing la n de gra ce mil cinq ce ns s oixa nte troys . »

Au lendemain dʼune tempête à impacts, la première des réactions des sociétés consiste à
œuvrer afin de procéder aux réparations nécessaires. Les intercessions des autorités du
royaume en faveur des réfections se sont intensifiées au cours de la période. Néanmoins, les
actions entreprises ne sont ni systématiques ni immédiates. Elles restent proportionnellement
ponctuelles et timides. Les stratégies développées ont joué un rôle dans la prise de conscience
du risque, la capacité à résister ainsi que dans l'adaptation environnementale des
communautés. Cette volonté de reconstruire qui se fait jour au lendemain dʼun CET peut
paraître irrationnelle. En ce sens, elle interroge. En effet, le bon sens ne pousse-t-il pas à
déplacer en masse habitats et habitants afin de sʼéloigner du risque ?

7.2.2 Rester coûte que coûte, quitte à déplacer

Les habitants du littoral atlantique se sont souvent transmis le souvenir plus ou moins
mythique de villes et villages engloutis par la mer ou les sables. Certains documents
historiques les ont même relayés et leurs auteurs ont pu sʼinterroger sur ces territoires
disparus92. La thèse portant sur les aléas météo-marins, les déplacements liés à des vimers de
sable, une érosion accrue ou une sédimentation / un colmatage ne seront pas considérés93. Il
sera au reste mentionné que pour le territoire de la pointe du Médoc et de la paroisse de
Soulac, les travaux doctoraux de Pierre CAILLOSSE ont montré les dynamiques et enjeux à
lʼœuvre lors de déplacements94.

92
Au sein du corpus, il est entre autres possible de citer plusieurs documents parmi lesquels AD 33, H 502, pièce
n°22 ; Med., M-Crépeau, ms. 32, Mi, 40, fol. 40-46 ; VINET E., 1565, L'Antiquité de Bourdeaus et Bourg
présentée au Roy le treziesme jour d'avril l'an mille cinq cens soixante cinq, impr. de Enguilbert de Marnef,
Poitiers… Par ailleurs, à ce sujet, voir : Méric, J-P., 2012, « Avancée des sciences, avancée des dunes : une
mytho-géographie du littoral médocain », in Battiau-Queney, Y., Lageat, Y., Prat, M-C. (coord.), Lʼhomme et la
dynamique littorale : maîtrise ou adaptation ?, Dynamiques environnementales, 30, LGPA-Editions, Bordeaux,
p. 77-87.
93
Dont : AD 33, G 659, dossier sur Mimisan ; AD 33, G 659, dossier sur Bias ; AD 33, G 659, dossier sur Saint-
Julien-en-Born ; AD 33, H 1049, pièce n°4 ; Cahiers des plaintes et doléances de Loire-Atlantique, 1989,
publication par Le Mené M., Santrot M-H., t. I-IV, Conseil général de Loire-Atlantique, Nantes, t. I, cahier de
doléances de Batz-sur-mer, p. 272, t. III, cahier de doléances de la paroisse des Moutiers-en-Retz, p. 877-878 et
cahier de doléances de la paroisse de Saint-Brévin-les-Pins, p. 1147 ; AD 44, C 568.
94
Caillosse, P., 2015, La paroisse de Soulac de la fin du XVIe au milieu du XIXe siècle. Les transformations dʼun

317
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir

En premier lieu, il ne faut pas confondre la fuite et le déplacement. La première se veut


transitoire, liée à lʼurgence de sauver sa vie95. Tandis que le second revêt un caractère définitif
et est rarement volontaire. De plus, le déplacement peut sʼentendre de diverses façons. Il peut
dʼabord être appréhendé dans sa dimension humaine de transfert dʼindividus dʼun territoire à
un autre. La recherche ne dispose pas véritablement dʼinformations sur les mouvements
migratoires ayant pu avoir lieu à la suite de vimers. Seules quelques brèves allusions
transparaissent dans la documentation historique. Elles sont toutefois fortement exagérées.
Elles répondent à des objectifs et intérêts spécifiques. Enfin, elles doivent prioritairement être
mises en relation avec une nécessité dʼéchapper à la misère ambiante, plutôt quʼaux effets
dʼune tempête avec ou sans submersion marine. Par exemple, dans une requête des habitants
de lʼîle de Ré adressée au roi en 1652, il est question des privilèges dont ils disposent et
notamment des raisons pour lesquelles il leur fut accordé une exemption à perpétuité de toutes
tailles, aides et subsides ainsi que d'impositions sur les marchandises qu'ils vendent. Ils
cherchent à obtenir la décharge des droits imposés sur leurs sels et précisent que lʼextrême
pauvreté dans laquelle ils se trouvent a récemment poussé de nombreuses familles à partir :
« Cette extrême pauvreté, qu'ils n'ont pû éviter après tant de malheurs, d'un grand nombre de
familles qu'il y avoit dans ladite isle en a obligé près de la moitié de l'abandonner, dans la
résolution de n'y revenir jamais. »96. Sur la totalité de la période étudiée, certaines personnes
ont effectivement pu quitter leur territoire dʼorigine pour sʼimplanter ailleurs. Cependant, les
déplacements de populations ne paraissent pas avoir été aussi massifs que le document cité
pourrait le laisser croire. De manière générale, la sédentarité était la règle97.
Le second sens pouvant être donné au terme « déplacement » est en vérité son sens
premier. Stricto sensu, le déplacement induit lʼaction de changer quelque chose – en
particulier des objets, des bâtis – de place. Cʼest essentiellement selon cette définition que le
déplacement a vocation à être considéré au sein de ce développement. Au Moyen Âge et à
lʼÉpoque Moderne, le déplacement nʼest pas très important. Il est généralement de lʼordre de
quelques centaines de mètres à quelques kilomètres. Hier comme aujourdʼhui98, lʼhumain est
souvent désireux de rester coûte que coûte, soit en réparant ou reconstruisant précisément au

territoire littoral entre la Gironde et lʼAtlantique, Université de La Rochelle, thèse de doctorat dʼhistoire, sous la
direction de Bochaca, M. et Tranchant, M., La Rochelle, p. 146-260.
95
Cf. supra, Chapitre 6, 6.2.2 - Barricadement, fuite, secours : des réponses variées selon les périodes.
96
Inventaire des titres et privileges de l'Isle de Re accordes en faveur des habitans de ladite isle par nos Roys
prédecesseurs, jusqu'au regne de Louis XV, heureusement regnant, imprimé au requisitoire des Sieurs David
Neraud, sindic general desdits habitans, de Pierre Nolleau, son coelu, d'André Valleau son premier commissaire
et d'Estienne Chesneau son second commissaire, 1728, impr. Pierre Mesnier, La Rochelle, p. 28.
97
Péret, J., 1998, « Mobilité sociale et géographique en pays dʼArvert (XVIIe-XIXe siècles) », in Guillemet, D.,
Péret, J (dir.), Les sociétés littorales du Centre-Ouest atlantique : de la Préhistoire à nos jours, Société des
Antiquaires de lʼOuest, Poitiers, p. 585-604.
98
Voir par exemple : « Après Xynthia, les Voyer veulent rester chez eux coûte que coûte », La Croix,
29/08/2010.

318
même endroit99, soit en sʼétablissant dans un périmètre proche du lieu de son ancienne
résidence. Les réflexions menées à ce sujet par Amalia SIGNORELLI ont conclu à lʼabsence
dʼexplication rationnelle et logique. Il semblerait que les sociétés répondent à un besoin
impérieux de « continuité de vie »100, de réorganisation de la vie sociale dans des espaces
connus et rassurants, ce que les récents travaux de Damienne PROVITOLO et ses collègues
tendent à confirmer101. Ainsi, les communautés des e
XIV -XVIII
e
siècles ont, au maximum,
cherché à résister, à se réimplanter dans les aires sinistrées, quitte à légèrement déplacer
lorsque la reconquête sʼavérait impossible. Lʼun des cas les plus intéressants de déplacement
et de reconstruction à la suite de phénomènes tempétueux avec submersions marines concerne
lʼAiguillon. Il est principalement éclairé par une enquête du 23 mai 1782 relative à la
progression de la mer dans l'anse de l'Aiguillon et au transfert du site de l'Aiguillon102. Trois
plans103, réalisés en 1737 au moment de la vente de la baronnie de lʼîle et cap de lʼAiguillon à
lʼabbaye de Saint-Michel-en-lʼHerm, apportent aussi quelques éléments. Ces plans permettent
notamment de localiser lʼancien emplacement de la chapelle et du bourg de la paroisse avant
leur déplacement, ainsi que de grossièrement visualiser les enjeux. Les témoignages
consignés dans lʼenquête de 1782 sʼaccordent sur le fait que la mer a commencé « a submergé
grande quantité de terrain »104 il y 20 à 30 ans, soit à compter de la seconde moitié du XVIII
e

siècle. Toute lutte étant vaine, il a été nécessaire de déplacer et rebâtir le bourg, la chapelle, le
moulin, les maisons des résidents… Ce dʼautant que, selon les déclarations, « la mer a pris en
large du terrain dépendant de la ditte baronnie de l'Aiguillon »105 entre un quart et une demi-
lieue, soit du simple au double entre 1,2 et 2,4 kilomètres ! Ainsi, la mer a repris ses droits sur
une part importante du territoire. En plus des bâtis, sur ce territoire se trouvaient également
« des prez, des vignes, des terres labourables et des marais sallants »106, qui sont perdus. En
qualité de seigneur, les religieux de Saint-Michel-en-lʼHerm « ont eté obligés dʼacorder un
autre terrain aux dit habitans sur leur ditte baronnie pour y bastir et sy établir qui s'appelle
aujourdʼhui le nouvel Aiguillon »107. Lʼactuelle commune de lʼAiguillon-sur-Mer correspond
e
à lʼemplacement du nouveau village de lʼAiguillon établi au XVIII siècle. Le déplacement a

99
Cf. supra, 7.2.1 - Lʼévidence : procéder aux réparations.
100
Signorelli, A., 1992, « Catastrophes naturelles et réponses culturelles », Terrain, 19, p. 147-158, p. 150.
101
Provitolo, D., Dubos-Paillard, E., Verdière, N., Lanza, V., Charrier, R., Bertelle, C., Aziz-Alaoui, M.A.,
2015, « Les comportements humains en situation de catastrophe : de lʼobservation à la modélisation conceptuelle
et mathématique », Cybergeo, art. 735.
102
AD 85, H 127, pièce non numérotée dʼenquête en date du 23 mai 1782.
103
AD 85, H 127/1, plan de la terre de lʼAiguillon avec indication de la position de la chapelle (1737) ; H 127/2,
plan dʼélévation de la chapelle du cap de lʼAiguillon (1737) ; H 127/3, plan terrier de la chapelle du cap de
lʼAiguillon (1737).
104
AD 85, H 127, ibid.
105
AD 85, H 127, ibid.
106
AD 85, idem ; AD 85, H 131 (mauvais état, en partie incommunicable), plusieurs pièces papier non
numérotées portent sur lesdits marais salants ainsi que sur les pièces de vigne avant quʼelles ne soient
submergées et perdues par lʼocéan.
107
AD 85, H 127, ibid.

319
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
porté sur environ trois quarts de lieue, cʼest-à-dire presque 4 kilomètres. Au regard des
documents disponibles, il ne semble pas que les populations aient spécifiquement cherché à
quitter le territoire pour aller sʼimplanter complètement ailleurs. Le chercheur ne peut affirmer
quʼaucune famille ne lʼait fait, mais a priori la majorité des habitants installés dans la
nouvelle paroisse de lʼAiguillon sont natifs de lʼancien village de lʼAiguillon. Ils ont donc
souhaité agir de manière à rétablir un peu plus loin leur village, leur chapelle, leurs maisons,
leurs intérêts et activités.

Figur e 42: Plan de l'Aiguillon (1737) avec figur ation du déplacement et de l'emplacement actuel de la
commune de l'Aiguillon-sur -Mer .
Source : dʼaprès AD 85, HH 127/1, auteur inconnu, 1737, échelle de 3 lieues.

Pièce justificative n° 9
AD Vendée, HH 127, pièce non numérotée.

Fonds de lʼabbaye de Saint-Michel-en-lʼHerm, liasse composée de 55 pièces papier et 3


parchemins, 1630-1790.

320
Pièce papier non numérotée, source manuscrite, original, ancien français, bon état.

Source de la pratique, première main, les témoins sont oculaires, fiabilité très bonne.

Analyse : Extrait dʼune enquête en date du 23 mai 1782 relatif à la progression de la mer
dans lʼanse de lʼAiguillon et au transfert de site du village, de la chapelle, du moulin de
lʼAiguillon.

« Aujourdʼhui vingt trois jour du mois de ma y mil s e pt ce nt qua tre vingt de ux e n la s a lle
judicia ire de la ba ronnie de l'is le e t ca pe de l'Eguillon […] A compa ru re vé ra nt Dom J os e ph
Antoine Ma rcon, ce lle rie r e t procure ur de l'a bba ye roya lle de S a int-Miche l-e n-l'He rm a u nom
de s a communa uté . Et s 'e n fa is a nt fort s e igne ur ba ron de la ditte is le e t ca p de L'Eguillon
a s s is té de ma itre Re né Auba in procure ur fis ca l de la ditte ba ronnie , le que l pour luy a dit que
de puis plus ie urs a nné e s la me r a s ubme rgé gra nde qua ntité de te rra in de la ditte is le e t du
Ca p, e t notta me nt le te rra in ou la Cha ppe lle e t le s ma is ons de s ha bita ns e toie nt ba s tie s ,
a ins i que le te rra in ou le moulin e t ba nc e toit ba s ty dis ta nt de s ditte s ma is ons a u moins de
qua tre ce nt tois e s e t e nfin jus qu'a u te rra in a ppe llé e Ve il Ga rie nne la pointe de l'Eguillon, de
fa çon que la me r a pris plus d'une de mie lie ue de la rge de la ditte te rre de Le guillon vis à vis
l'a ncie n vila ge , bourg ou ha me a u de l'a ncie n Eguillon e t plus d'un qua rt de lie ue s de cha rge
de puis la pointe de La iguillon jus qu'a u te rre s de la pa rois s e de Grue , de s orte que le s dits
s e igne urs re qué ra nts ont e té obligé s dʼa corde r un a utre te rra in a ux dit ha bita ns s ur le ur ditte
ba ronnie pour y ba s tir e t s y é ta blir qui s 'a ppe lle a ujourdʼhui le nouve l Aiguillon. Le que l a prè s
s e rme nt pa r lui fa it de dire vé rité nous a dit e tre a gé de s oixa nte douze a ns 108 e t qu'il a
connois s a nce trè s pa rfa itte que de puis plus de tre nte a ns , la me r a pris be a ucoup de
te rra ins dé pe nda nt de la ba ronnie de l'is le e t Ca p de l'Aiguillon e t a notta me nt da ns la pa rtie
ou é ta it ba s ty lʼa ncie n Aiguillon ou e lle e n a pris vis à vis d'ice luy du coté de la me r plus
d'une de mie lie ue de la rge e t que tout le long de la cos te de puis la pointe de l'Aiguillon
jus qu'a u de là dudit nouve l Aiguillon, e lle e n a pris e n la rge ur plus d'un qua rt de lie ue s qu'il y
a voit a ncie nne me nt a u dit Vie ux Aiguillon, e n a va nt de la cos te e t vis a vis le s ma is ons , de s
pre z, de s vigne s , de s te rre s la boura ble s e t de s ma ra is s a lla nts ; que la te rre e s t a ujourd'huy
s ubme rgé pa r la me r a ins y que le moulin ba na l dudit lie u, que le s dits Re vé ra nd, prie ur e t
re ligie ux ont é té obligé s de fa ire re ba s tir a u prè s du Nouve l Aiguillon, de mê me que la
cha ppe lle , de s orte qu'il ne re s te plus à l'a ncie n is le de Ca p de l'Aiguillon que la ma is on
s e igne uria lle que la me r e ntoure à diffe re nte fois […]. Ont compa rus a us s y Nicola s Va llia u,
a gé de qua ra nte qua tre a ns , Nicola s Ros s ignol, a gé de tre nte trois a ns , Louis S uze re a u,
a gé de qua ra nte a ns , le s trois ma te lots e t pe s che urs na tifs de lʼa ncie n Aiguillon e t ha bitta nt
du nouve a u. Le s que ls prit s e rme nt pa r e ux fa it de dire vé rité nous ont dit que de puis plus de
vingt a ns ils ont connois s a nce que la me r a comme ncé à s ubme rge r l'a ncie n Aiguillon qui
e s t e nviron à trois qua rt de lie u du nouve a u, qu'e lle [la me r, ndlr] e n a prit a u vis à vis dudit
a ncie n Aiguillon e n la rge ur e nviron une de mie lie ue qu'e lle a s ubme rgé toutte s le s ma is ons
a ins i que la cha ppe lle , qu'il ne re s te que la ma is on s e igne uria lle qui e s t de te mps à a utre s
e ntouré e de a u de la me r e t que de puis la pointe de l'a ncie n is le e t Ca p de l'Aiguillon
jus qu'a u de là du nouve a u a iguillon la me r a pris e n la rge du te rra in dé pe nda nt de la ditte
ba ronnie de l'Aiguillon pre s d'un qua rt de lie ue e n de s e ndroits e t que lque s chos e s de moins
e n d'a utre . Que le s s e igne urs de ce tte cour ont é té obligé s d'a ccorde r a ux ha bita nts de
l'a ncie n Aiguillon un te rra in dé pe nda nt de le ur ditte ba ronnie , pour y ba s tir e t y fa ire le ur
de me ure qu'ils ont é té a us s y obligé de fa ire re ba s tir le ur moulin ba na l a u prè s dudit nouve l
Aiguillon a ins y que la cha ppe lle du dit lie ue a ca us e que la me r le s a voit s ubme rgé ou ils
e toie nt a upa ra va nt […]. Ont a us s i compa rus Re né S us e ne a u â gé de qua re nte a ns , Re né
Broche te a u a gé de tre nte cinq a ns , P ie rre Cha rma n â gé de tre nte cinq a ns , P ie rre Louvé
â gé de tre nte de ux a ns , le s tout a us s y pe s che urs na tifs dudit a ncie n is le e t ca p de l'Aiguillon

108
Il est ici fait référence à Dom Joseph Antoine MARCON.

321
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
e t ha bita nt du nouve l Aiguillon. Le s que ls nous ont dit a voir e ue pa rfa itte connois s a nce qu'il y
à plus de vingt a ns que la me r a comme ncé a s ubme rgé l'Ancie n Aiguillon, qu'e lle a pris a u
vis à vis du dit a ncie n Aiguillon e n la rge ur e nviron une de mie lie ue de te rra in, qu'e lle a toutte
s ubme rgé le s ma is ons a ins y que la cha ppe lle du dit lie u, e t le moulin ba na l, qu'il ne re s te
plus a ctue lle me nt que la ma is on s e igne uria lle qui e s t de te mps a a utre e ntouré e de a u de la
me r e t que de puis la pointe dudit a ncie n Aiguillon jus qu'a u de la dudit nouve a u la me r a pris
e n la rge ur du te rra in dé pe nda nt de la ditte is le e t ba ronnie de l'Aiguillon e nviron un qua rt de
lie ue e n de s e ndroits e t que lque s chos e s de moins da ns le s a utre s , que le s s e igne urs de
ce tte cour ont é té obligé da ccorde r a ux ha bita nts du dit a ncie n Aiguillon un te rra in
dé pe nda nt de le ur ditte ba ronnie pour y ba s tir e t y fa ire le ur de me ure , qu'ils ont é té obligé s
de fa ire re ba s tir le ur moulin ba na l a ins i que la cha ppe lle dudit lie u a uprè s du dit nouve l
Aiguillon a tta ndu que la me r le s a voit s ubme rgé ou ils é toie nt a upa ra va nt, e t que la me r a
ve nue e ncore journe lle me nt pe u à pe u s ur le dit te rra in de la ditte ba ronnie de la ditte is le e t
ca pe de l'Aiguillon. […] »

Sʼétendant sur plusieurs pages, lʼenquête continue avec les comparutions et dépositions de
nombreux témoins comme Étienne VIAUD, Jean BROCHETEAU, Pierre ROSSIGNOL, Pierre
POIRAUD… Leurs déclarations sont similaires à celles retranscrites.

Au demeurant, le déplacement de bâtiments pouvait intervenir dans un but sécuritaire.


Dans un procès-verbal réalisé à la demande du sieur de PLESSAC le 29 juin 1703 et portant sur
une inondation de ses marais situés à la pointe du Verdon, il est question de maisons
construites dans lesdits marais. Ces maisons appartiennent à des sauniers. Régulièrement
envahies par les eaux, il apparaît nécessaire et indispensable de les détruire et de les
reconstruire ailleurs, dans un espace plus abrité et élevé afin que lʼeau ne puisse les
atteindre109. Ces travaux de déplacement seront réalisés aux frais du seigneur de PLESSAC.

Les sociétés médiévales et modernes ne sont pas des sociétés de la lamentation. Au


lendemain dʼun vimer, elles intervenaient pour prioritairement réparer, rétablir les enjeux et
infrastructures endommagés. Lorsque la réfection et la reconquête apparaissaient
compromises, elles pouvaient faire en sorte de déplacer et reconstruire dans un périmètre
voisin, proche. La motivation ultime des communautés est de rester coûte que coûte et de
reprendre – à peu près au même endroit – le cours de leur vie (voisinage, environnement
connu et rassurant, activités…). Ce besoin a en outre pu être encouragé et renforcé par
lʼémergence de mesures et dispositions en vue de prévoir et anticiper les risques.

7.3 Peu à peu, une volonté de pr évoir et anticiper les r isques

À la f in duXVIIIe siècle, un des auteurs de l'Encyclopédie stipulait que « si un accident

109
« […] nous aurions trouvé quil est d'une necessitté indispansable de faire ruiner les logemans des deux
sauniers ne pouvant estre habités a cause des aux quy surviennent, et de les trensporter en un endroit plus
eslevé ». AD 33, 4 J 505, cahier daté de 1703, fol. 40-41.

322
se présente deux fois de suite, il doit cesser d'être imprévoyable aux yeux d'une administration
chargée de le prévenir »110. De fait, aux XIVe-XVIIIe siècles, les actions se sont progressivement
mises au service de la prévention et de la prévision. La prévention et lʼanticipation sont des
réactions adaptatives. Elles seront comprises comme lʼusage dʼun ensemble de pratiques qui
permettent dʼenvisager une situation future et dʼentreprendre en conséquence des actions plus
ou moins concrètes et efficaces en vue dʼy parer. Quant à la prévision, elle sera considérée ici
comme la possibilité – à partir de données instrumentales, dʼune longue pratique de
lʼobservation, de savoirs anciens transmis, de lʼexpérience, de lʼétude dʼune situation donnée
– de statuer et déduire par avance lʼévolution de ladite situation. Généralement, les unes sont
liées à lʼautre : un début dʼaction dirigée vers la prévision émergeant de lʼidée dʼanticiper les
risques.

7.3.1 Prévenir les risques : lʼexistence dʼinitiatives de la part des sociétés anciennes

e e
Aux XIV -XVIII siècles, les populations comme le domaine politique ont cherché à
élaborer des stratégies, à prendre des mesures dans lʼoptique de réguler les situations de
danger, de prévenir les risques.

De toutes les initiatives développées, la plus ancienne et profondément ancrée dans les
modes de vie tient probablement à la conscience commune de lʼimportance du bon état des
chaussées et levées. Visant à réduire les risques de transgression, les travaux de réfection des
chaussées peuvent être considérés comme sʼinsérant dans une dynamique de prévention. Leur
remise en état systématique s'inscrit tant dans une compréhension de leur nécessité pour la
sauvegarde des gains et territoires situés sous le niveau des hautes mers, que dans une volonté
d'anticiper de futurs dégâts liés à la mer. Les résidents de la côte, en particulier les insulaires,
possèdent une perception aiguë de lʼimportance des levées pour la préservation de leurs biens.
Ils sont conscients quʼen lʼabsence dʼune restauration, la pérennité de leurs enjeux matériels et
de leurs activités est compromise. Par exemple, dans un acte judiciaire produit par la
seigneurie de lʼîle de Ré au lendemain du vimer du 22 août (1er septembre) 1537, il est précisé
« quʼil convient de nouveau […] rediffier et faire des levées esdits maroys sallans pour la
garde et deffence diceulx »111. Les sujets de la seigneurie reçoivent alors lʼordre de participer
au « bian commun [corvée commune] » en vue de rapidement procéder aux réparations et les
contrevenants sʼexposent à payer de lourdes amendes112. Des actions sont du reste entreprises
afin de réduire les risques, atténuer la vulnérabilité et prévoir toutes éventualités désastreuses.

110
Cité par René Favier, Favier, R., 2002, « Introduction », Favier, R. (dir.), Les pouvoirs publics face aux
risques naturels dans lʼhistoire, MSH-Alpes, Grenobles, p. 9-11, p. 9.
111
AN P-s-S, 1 AP 2002, MIC/1AP/2002 (microfilm), pièce n°75 (anciennement 476).
112
Idem.

323
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
À la suite du vimer des 9-10 janvier 1735113, le procureur f iscalde lʼîle de Bouin constate que
certains propriétaires nʼont pas procédé à la réfection de leurs chaussées comme ils sont
normalement tenus de le faire. Cela apparaît dʼautant plus problématique que la conservation
de lʼîle dépend « absolument du bon estat des digues et chaussées qui sont autour et de
l'entretien d'icelles pour se mettre a couvert des irruptions de la mer »114. Convoquant les
propriétaires afin de statuer avec eux sur les travaux qui doivent être réalisés, la majorité ne se
présente pas. Ils sont donc condamnés à « faire incessament rétablir et mettre en estat de
réparation » leurs levées au risque que les réfections ne soient opérées par bail au rabais à
leurs frais115. Se tenant informés des événements ainsi que de leur ampleur, sociétés et
pouvoirs sont prêts à intervenir si nécessaire. Le compartimentage spatial des marais sʼinsère
également dans une dynamique de prévention des risques116.

113
Cf. supra, Chapitre 4, 4.3.3 - Mise en pratique : deux « cas dʼécole ».
114
AD 85, 8 B 61.
115
Idem.
116
Cf. supra, 7.1.2 - De la soustraction à la conservation : la mutation du rôle des ouvrages de défense.

324
Pièce justificative n° 10
AD 85, 8 B 61.

Liasse composée de pièces en papier non numérotées, 1700-1790, en partie incommunicable


pour cause de mauvais état.

Pièce papier non numérotée, source manuscrite, original, ancien français, bon état.

Source de la pratique, première main, témoin oculaire, fiabilité très bonne.

Analyse : extrait dʼune remontrance en date du 9 décembre 1735 du procureur fiscal de l'île
de Bouin au sujet de l'état de plusieurs chaussées à la suite d'un vimer les 9-10 janvier 1735.

« […] Vous re montre le procure ur fis ca l de la ba ronnie de Bouin procé da ns de s on office


que la cons e rva tion de l'is le dé pe nda nt a bs olume nt du bon e s ta t de s digue s e t cha us s é e s
qui s ont a utour e t de l'e ntre tie n d'ice lle s pour s e me ttre a couve rt de s irruptions de la me r,
cha s que pa rticulie r e n droit s e ve uroit de lui mê me fa ire ré pa re r s e s cha us s é e s lors que lle s
s e troue nt e ndoma gé e s s a ns a tta ndre que le minis tè re public s e n me s la t e t ce la d'a uta nt
mie ux que le procure ur fis ca l ne fa it point de vis ite de s dite s cha us s é e s que le public ne n
s oit a ve rty pa r de s publica tions a u pros ne de la me s s e . Aprè s , e t incontine nt la vima ire
a rivé é a u comma nce me nt de ja nvie r de ce tte a nné e le dit s ie ur procure ur fis ca l fit une vis ite
de s dite s cha us s é e s . Tous fure nt a pe llé s pour s i trouve r a ffin de voir cha s cun e n droit s oy ce
quil a voit a ré pa re r. P e u de ge ns s i trouvè re nt, c'e s t pourquoi le dit procure ur e n fa is a nt s a
vis ite fit notte s de s cha us s é e s e ndomma gé é s e t e ntre a utre s tra nte bra s s e qui finis s e nt a u
Coue f de s Miné é e s dont le ntre tie n a ppa rtie nt a ux he rittie rs du s ie ur P hilbe rt Ca hua u pour
qua tre hommé é s de pré e n ma ra is ne uf e t trois hommé é s e n ga s t mouillé quil fa ut ha us s e r
de de ux pie ds e t é pa is s ir a proportion. P lus ce nt qua tre ving quinze bra s s e ou e nviron pour
qua tre hommé é s de pré a pe llé le pré du da in dont le ntre tie n e s t a u s ie ur Vrigna ud à la que lle
il fa ut a us s i ha us s e r de de ux pie ds e t de mi e t é pa is s ir a proportion. Elle finit ce tte cha us s é e
à la cha us s é e du s e igne ur de ce tte is le . Et e ncore qua torze bra s s e qui comma nce nt a pre s
la poué é du vie ux pa s s a ge pour ra is on de la Cha roué du vie ux pa s s a ge dont le ntre tie n e s t
a udit s ie ur Ca hia u e t qu'il fa ut ha us s e r de de ux pie ds e t de mi e t comme ce s cha us s é e s ne
s e ré pa re nt point le dit s ie ur procure ur fis ca l re quie rt qu'il vous pla is e Mons ie ur a ya nt é ga rd
à ce que de va nt pe rme ttre de fa ire de va nt vous a pe lle r a votre procha ine a udia nce de police
le s ie ur Fra nçois Vrigna ud, he rittie r de J e a n Vrigna ud e t le dit s ie ur P hilbe rt Ca hua u ta nt
pour luy que pour s e s cons s orts , pour e s tre dit quil s e ra conda mné de fa ire ince s s a me nt
ré ta blir e t me ttre e n e s ta t de ré pa ra tion le nombre de cha us s é e s ma rqué e s da ns la pré s e nte
re quê te s inon il s e ra pe rmis a udit s ie ur procure ur de le s fa ire fa ire pa r ba il a u ra ba is à la
ma niè re a coutumé é a ux fra is dudit Vrigna ud […]. »

En outre, les habitants des marais littoraux et plus généralement des espaces côtiers bas
semblent avoir mis en place diverses techniques démontrant leur gestion préventive des aléas
météo-marins et leur adaptabilité. Vivant dans et avec la nature, ils ont, dès leur plus jeune
âge, pour habitude de composer avec les inondations. En premier lieu, lorsque survient une
submersion et que les levées sont endommagées, tous connaissent leur rôle, le travail à

325
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
produire et se rendent sur les bots afin de participer à leur colmatage117. De plus, selon Jean
YOLE, aux XIXe et XXe siècles – il est fort probable que ces pratiques aient existé sous lʼAncien
Régime – lʼintérieur des maisons est aménagé en conséquence. Ainsi, les meubles sont
surélevés. Les lits en particulier sont dotés de hauts pieds « qui élèvent les paillasses et les
couettes à un mètre du sol, à lʼabri de tout risque »118. Ils servent de refuge en cas dʼincursion
dʼeau dans les maisons. De manière à réduire les risques de déplacements les pieds dans lʼeau,
des planches sont posées sur des pierres. Cela permet de se mouvoir relativement au sec et
limite les mouvements dʼeau. Quant au feu pour réchauffer la demeure et cuisiner, lorsque
lʼâtre se trouve noyé donc inutilisable, il est directement fait dans le chaudron pendu à la
crémaillère119. Enf in, les sources attestant, dans le cas de certains vimers comme celui des 31
décembre 1598-3 janvier 1599120, de populations réfugiées sur les toits de leurs maisons, un
accès facilité à ceux-ci nʼest pas à exclure. Muées par lʼhabitude et lʼexpérience, des stratégies
pour prévenir les risques liés aux vimers ont donc été développées par les populations.
Au demeurant, des systèmes de plus en plus efficients pour secourir et informer les
individus des dangers inhérents au littoral sont établis, en particulier à partir de la seconde
e
moitié du XVII siècle. Les plus fréquents et évidents relèvent du domaine de la navigation et
tendent à réduire les risques de naufrage : balises indiquant les écueils, phares, cartographie
de plus en plus précise des rivages et des fonds121, identification et aménagement de zones de
relâche pour les navires en difficulté, chaloupes de sauvetage en mer. Depuis lʼordonnance sur
la Marine dʼaoût 1681, le sauvetage des bateaux en péril à proximité des côtes et lʼassistance
aux naufragés sont théoriquement devenus obligatoires122. Dans la plupart des provinces de la
façade atlantique du royaume de France, il faudra toutefois attendre la seconde moitié du
e
XVIII siècle pour que ces initiatives se systématisent. À partir de 1773, en Aunis et en
Saintonge notamment, sous lʼimpulsion du gouvernement royal, des intendants et
secondairement des autorités urbaines, plusieurs actions se renforcent et se pérennisent. Ainsi,
les primes versées aux sauveteurs – réduites de moitié lorsque les secours administrés restent
sans succès – se généralisent123. Des chaloupes de surveillance gouvernées par des pilotes
expérimentés et circulant dans les zones les plus fréquentées sont également instaurées124. La

117
Suire Y., 2006, Le Marais Poitevin. Une écohistoire du XVIe à lʼaube du XXe siècle, CVRH, La Roche-sur-
Yon, p. 267-269 ; Cf. supra, 7.1.2 - De la soustraction à la conservation : la mutation du rôle des ouvrages de
défense
118
Yole, J., 1998, « La Vendée », Essais, CVRH, La Roche-sur-Yon, p. 315-430, p. 373.
119
Idem.
120
Cf. infra, Chapitre 8, 8.2.2 - Le vimer général des 31 décembre 1598-3 janvier 1599.
121
Par exemple : AD 17, H 37/1, pièce n°2, rangée sous la cote CR 95 ; AN Paris, MAP/G//205, pièce n°1 ; AN
Paris, MAP/G//205, pièce n°5 ; AN Paris, MAP/G//211/1/2, pièce n°8 ; BnF, GE SH 18 PF 41 P 9 ; IGN, Cartes
de Cassini…
122
Cf. supra, Chapitre 6, .6.2.2 - Barricadement, fuite, secours : des réponses variées selon les périodes.
123
DELAYANT L., 1870, Histoire des Rochelais racontée à Julien Méneau par son grand-père L. Delayant, tomes
I et II, impr. A. Siret, La Rochelle, tome I, p. 190.
124
AD 33, C 4353 ; DELAYANT L., 1870, idem.

326
création dʼécoles de natation est proposée pour que les riverains de la mer et les marins
puissent apprendre à nager. En effet, savoir nager augmenterait leurs chances de se sauver de
la noyade et/ou leur offrirait la possibilité « dʼaller au secours des malheureux qui ne sont que
trop souvent la victime de la tempête »125.

Pièce justificative n° 11
AD 33, C 4353.

Liasse composée de 96 pièces papier non numérotées, 1785.

Pièce papier non numérotée, source manuscrite, original, ancien français, bon état.

Document de communication, première main, témoin oculaire, fiabilité très bonne.

Analyse : lettre en date du 9 juillet 1785 du sieur Compère annonçant plusieurs résolutions
prises ou qu'il se propose de prendre à l'île d'Oléron afin de secourir et limiter les naufrages.

« P a ris , le 9 juille t 1785


Me s s ie urs ,
De puis l'a nné e 1773 que Me s s ie urs du comme rce me fire nt l'honne ur de m'a ccorde r le urs
pouvoirs pour la ré cla ma tion de s ba time nts qui na ufra ge nt s ur le s côte s de l'is le d'olé ron je
me s uis fa it une loy e t un de voir de che rche r le s moye ns de diminue r e t pré ve nir le s
ma lhe urs qui e n s ont la s uite , e n obte na nt du roi l'e ta blis s e me nt de s ba lize s e t de la ca rte
de la côte , la cons truction d'un port da ns l'a ns e nommé e la P é roche pour s e rvir de re la che
a ux ba time nts , principa lle me nt a ux ca bote urs e t a ux pilotte s de la rivie re qui s ont la plus à
porté e de courir a u s e cours de s va is s e a ux qu'à Roya n e t a u Ve rdum, e t j'a i s ollicité e nfin la
nommina tion de de ux pilotte s à de me ure da ns le port de la P é roche .
Comme le s na ufra ge s s ont ordina ire me nt occa s ionné s pa r la te mpê te , e t quil e s t a lors
impos s ible à Me s s ie urs le s officie rs de l'Amira uté de Ma re nne s de pa s s e r à l'is le d'Olé ron
ta nt que le ma uva is te ms dure e n s orte quil e s t difficile d'e mpe che r le pilla ge ce qui de puis
longte ms me s ollicitoit, j'a i pré s e nté un mé moire a u mois d'a out 1784 pour e xpos e r la
ne ce s s ité d'e ta blir a l'is le d'Olle ron un officie r d'a mira uté qui y re s idoit e t fut a porté e de s e
re ndre s ur le s lie ux à l'ins ta nt me me de s na ufra ge s , pour a gir officie lle me nt e t e n impos e r
a ux ma l inte ntionné s . L'utillité de ce t e ta blis s e me nt a é té re connue , e n cons é que nce
Mons e igne ur l'a mira l vie nt d'ordonne r la cré a tion de ce t officie r d'a mira uté e t la commis s ion
e n a é té e xpe dié e . Voila Me s s ie urs un é vé ne me nt de plus & quy pre s e rve ra de s orma is le s
e ffe ts na ufra gé s du pilla ge , procure ra de s s e cours e ffica ce s e t plus promts a ux ma lhe ure ux
na ufra gé s .
J e me s uis e nfin procuré icy une s upe rbe lune tte d'a proche de 25 pie ds de long, que je me
propos e de dé pos e r da ns une ca ba nne que je fe ra i cons truire e n bois s ur la dune la plus
e le vé e pre s le port de la P é roche a fin que le s pillote s , qui e n pre ndront la cle f che r le
ga rdie n du port puis s e nt s 'e n s e rvir utille me nt da ns le s occa s ion.
D'a prè s de te ls s e rvice s re ndus a l'huma nité e t a u comme rce , j'e s pè re quil ne re s te ra plus
a ucun doutte à Me s s ie urs du comme rce s ur la pure té de s motifs qui m'ont a nimé s , e t qu'ils
me re ndront e nfin jus tice .
Il ne me re s te plus Me s s ie urs , qu'une choze à fa ire s 'il me s t pos s ible de l'opé re r, ce s t de
fa ire re vivre à l'is le d'Ole ron la pra tique de s Roma ins qui a voie nt de s e colle s pour a ppre ndre
à na ge r, e t ma lgré le s s a crifice s de toutte s na ture s que j'a i fa it, je tâ che ra i de l'e xé cute r a ffin
que , comme ce la m'a de ja ré us s i plus ie urs fois pa rticulie re me nt a ux na ufra ge s de s na virre s

125
AD 33, C 4353.

327
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
La Ma rquis e de Cha te noye e t la Ma rie -J e a nne , on puis s e a lle r a u s e cours de s ma lhe ure ux
qui ne s ont que trop s ouve nt la victime de la te mpê te .
J e s uis a ve c re s pe ct Me s s ie urs votre tre s humble & tre s obé is a nt s e rvite ur. [S igna ture ]. »

Enfin, la conscience des dynamiques du milieu apparaît comme un rouage essentiel de


la prévention. Les effets néfastes des digues en matière dʼérosion ou dʼaccumulation sont
aujourdʼhui bien connus126. En vérité, il semblerait que les impacts de ce type dʼaménagement
sur les dynamiques sédimentaires aient été appréhendés de longue date. Par exemple, dans
une plainte adressée aux jurats de Bordeaux en 1772, il est question des perturbations causées
par 2 enrochements édifiés en face de Lormont, sur les rives de la Gironde. La plainte indique
que ces aménagements occasionnent « des renvoys dans la partie du Nord-Est, qui, en
enlevant les bancs de sable qui sont devant Carriet et au-dessous, fermeront la passe du Pas,
qui est la seule praticable dans cette partie de la rivière »127. Convaincus par ces arguments,
les jurats ordonnent la démolition desdites constructions afin de prévenir dʼéventuels futurs
inconvénients et risques pour la navigation de la rivière.

Ces actes sont des expressions de la sollicitude, des bonnes intentions, d'une
conscientisation des risques et d'une mise en marche d'un premier degré de prévention de
ceux-ci de la part des populations, autorités et administrateurs de l'époque. Le développement
des mesures instrumentales a également pu être mis au service de lʼanticipation de la survenue
des CET.

7.3.2 Mesures instrumentales et signes de la nature au service de la prévision et de


lʼanticipation ?

Au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne, prévoir lʼarrivée dʼune tempête nʼa quʼun écho
limité. Jusquʼà lʼapparition dʼinstruments de mesure comme le baromètre, la seule option
offerte aux populations consistait à déchiffrer les « signes de la nature ». Puis, à partir de la
e
seconde moitié du XVIII siècle, le développement des mesures instrumentales a autorisé à
commencer à conjecturer la survenue dʼun aléa météo-marin extrême.

Par le biais dʼune pratique séculaire de lʼobservation ainsi quʼune bonne expérience du
milieu, les populations littorales médiévales et modernes disposent dʼune connaissance

126
Pilkey, O.H., Wright, H.L., 1988, « Seawalls versus beaches », Journal of coastal research, 81-4, p. 41-64 ;
Battiau-Queney, Y., 2012, « Les plages de la Côte dʼOpale : maîtriser la nature ou agir avec elle ? », in Battiau-
Queney, Y., Lageat, Y., Prat, M-C. (coord.), Lʼhomme et la dynamique littorale : maîtrise ou adaptation ?,
Dynamiques environnementales, 30, LGPA-Editions, Bordeaux, p. 89-104.
127
AD 33, C 4257.

328
appréciable de leur environnement, des espèces y vivant, des mouvements des marées, etc. À
lʼoccasion, elles se servent des signes de la nature, comme les comportements inhabituels des
animaux, pour présager lʼarrivée dʼun vimer. Ainsi, quelques jours avant que la tempête du 4
avril 1753 ne frappe les côtes dʼAunis, une grande quantité de goélands viennent se réfugier
sur les côtes de Lauzières, Esnandes et Marsilly. Ces paroisses sont localisées à quelques
kilomètres au nord de La Rochelle. Considérant quʼil « nʼest pas de baromètre plus sûr »128,
cette arrivée massive de goélands est interprétée par les gens de mer comme une annonce de
mauvais temps. Dès lors, sʼattendant « au malheur qui ne manqua pas dʼarriver »129, les
populations sʼy étaient préparées. Néanmoins, ces signes sʼavèrent plus ou moins fiables. La
connaissance du milieu peut en effet induire les populations en erreur. En début dʼaprès-midi
le 24 décembre 1775, une tempête se lève130. Elle affecte lʼAunis, la Saintonge, le Poitou et
entraîne des inondations marines à Ré et Bouin131. À Bouin, les habitants ne « pouvoient
sepesauder [supposer, sic] que cette tempête eut put faire sortir la mer de son lit »132. Se
reposant sur leur expérience, ils constatent trois points qui les sécurisent133 :
- « La lune avoit déjà trois jours ». De fait, la nouvelle lune était passée depuis le 22
décembre (15h01 UT)134. Néanmoins, ses effets peuvent se faire sentir durant plusieurs jours.
- « dans le tems des solations d'hiver et d'été, les marée sont extremement petite ». Le
solstice dʼhiver correspond à la nuit la plus longue de lʼannée. Il se tient le 21 ou le 22
décembre. Le soleil se trouve alors dans sa déclinaison maximale par rapport à la terre, cʼest-
à-dire 23° sud. Usuellement, dans le cadre de marées semi-diurnes – comme cʼest le cas sur
les côtes françaises135 -, il nʼy a pas dʼamplification de la marée au moment des solstices.
Cʼétait néanmoins sans compter sur la nouvelle lune du 22 décembre. Pour le 24 décembre, le
coefficient de marée reste élevé puisquʼil est estimé à 100 en soirée.
- « la mer ne dut etre dans son plain quʼà 5 heures 6 minutes ». Lorsque surgit la
tempête, la marée est encore basse, même si elle se trouve dans sa phase montante. La marée
haute est atteinte vers 18 heures136.
Pourtant, malgré cette conscience, cette connaissance des dynamiques du milieu et le
fait que les populations estiment le risque de submersion peu probable137, la mer « sortit de
ses limites avec une telle force quelle a renversé des digues que lʼon consideroit les plus forte

128
ARCERE L-E., 1756, Histoire de la ville de La Rochelle et du pays d'Aulnis, composée d'après les auteurs &
les titres originaux, & enrichie de divers plans, tome I, impr. René-Jacob Desbordes, Paris, p. 140.
129
Idem.
130
Cf. supra, Chapitre 6, 6.1.2 - Aumônes, dons, objets votifs : quelques rares indices.
131
AD 85, 1 E 1343, pièce en date de la fin du mois de décembre 1775 ; AD 17, C 33, pièces libres, sans dossier,
pièces n°22-23; AD 17, H-Dépôt 6 E*1, fol. 42-45, voir pièce justificative n°5.
132
AD 85, 1 E 1343, ibid.
133
Idem.
134
http://www.astropixels.com/ephemeris/phasescat/phases1701.html
135
Cf. supra, Chapitre 1, 1.2.3 - Un espace macrotidal : phase de la Lune, coefficient de marée et surcote.
136
http://www.ukho.gov.uk/easytide/easytide/SelectPrediction.aspx?PortID=163
137
« toutes ces observations augmentèrent leur sécurité », AD 85, 1 E 1343, ibid.

329
CHAPITRE 7. Stratégies d'adaptation : protéger et prévenir
de lʼîle »138. Ainsi, les populations pouvaient sʼappuyer sur leur expérience et sur les « signes
de la nature » pour estimer le risque. Dans le cas présent, rien ne laissait présager un tel
phénomène. Les signes de la nature, la connaissance du milieu et de ses dynamiques sont
donc dʼune fiabilité relative. Ils peuvent autant servir lʼanticipation quʼinduire en erreur.
e
À compter de la seconde moitié du XVIII siècle, la démocratisation de la météorologie
pousse par ailleurs les correspondants de sociétés météorologiques comme la Société Royale
de Médecine, mais aussi des amateurs éclairés à interpréter les relevés instrumentaux en vue
dʼanticiper la survenue dʼaléas météo-marins extrêmes. Les 21-22 février 1788, une tempête
affecte lʼAunis, la Saintonge et la généralité de Bordeaux139. Elle se caractérise par des vents
violents, une dépression atmosphérique, une marée de vive-eau, une surcote*. À La Rochelle,
la pression est établie à 27 pouces 1 ligne selon Jacob LAMBERTZ140, soit 981 hPa, et à 27
pouces 2 lignes 6 douzièmes selon Benjamin FLEURIAU DE BELLEVUE141, soit 987 hPa142. La
surcote barométrique oscille donc entre environ 26 et 32 centimètres. Le coefficient de marée
est estimé à 108 le 21 février au soir et à 116 le 22 au matin143. Quoiquʼinégalement répartis
selon les territoires touchés, les ravages sont notables : digues rompues et marais salants
ruinés à lʼîle de Ré, rues et maisons inondées ainsi que chantier de la porte des Dames à La
Rochelle sous les eaux, balises guidant les navires renversées au large de lʼestuaire de la
Gironde…144 Cette tempête est « annoncée » par les variations barométriques145 et plusieurs
témoins constatent effectivement que « depuis quelques jours, le baromètre est extrêmement
bas »146. Cet affaissement est analysé par certains comme un indicateur de la venue dʼun
vimer. Dʼailleurs, dans ses Règles pour prédire le changement de temps d'après les variations
du baromètre, Antoine-Laurent DE LAVOISIER écrit : « Le baromètre ne manque jamais de
nous indiquer la vraie cause des altérations du temps et nous y prépare »147. Mesurant la
pression – qui est une propriété mécanique de lʼatmosphère –, le baromètre se présente
comme un des outils permettant dʼidentifier lʼarrivée dʼune tempête. Les propos de LAVOISIER
sʼavèrent un peu optimistes. En vérité, il est impossible dʼobtenir une prévision fiable et
e
précise à partir de la seule lecture dʼun baromètre en un lieu donné. Ce, a fortiori au XVIII

138
Idem.
139
AD 17, C 33, sans dossier, pièce n°28 ; AD 17, 4 J 1808 ; AD 17, 4 J 3957, fol. 32 ; AD 33, C 4359, pièces
n°34 et 74 ; Mercure de France, n°10, 8 mars 1788, p. 82-83.
140
AD 17, 4 J 1808.
141
AD 17, 4 J 3957, fol. 32.
142
Sur la méthode de conversion des pouces et lignes en hectopascals, voir annexe 3.
143
Cf. supra, Chapitre 1, 1.2.3 - Un espace macrotidal : phase de la Lune, coefficient de marée et surcote.
144
AD 17, C 33, ibid. ; AD 17, 4 J 1808 ; AD 17, 4 J 3957, ibid ; AD 33, C 4359, ibid.
145
Mercure de France, n°10, 8 mars 1788, p. 82-83.
146
AD 17, 4 J 1808.
147
DE LAVOISIER, A-L., octobre 1790 (1865), « Règles pour prédire le changement de temps d'après les
variations du baromètre », in Mémoire sur la construction des baromètres à surface plane, Œuvres de Lavoisier,
Dumas J-B., Paris, t. III, p. 765-771, p. 767.

330
siècle, où les instruments sont souvent approximatifs et mal calibrés148. Il est en revanche
exact que lʼapproche dʼune dépression se traduit par une tendance barométrique à la baisse.
Cela autorise une première interprétation et prévision de lʼarrivée – généralement imminente
– dʼune perturbation atmosphérique. La valeur et la rapidité de la chute de pression sont des
indicateurs valables de l'intensité du dérèglement149. Par le biais des relevés instrumentaux,
certains témoins sont en mesure de proposer une prévision à très court terme du temps.
Encore balbutiants à la fin de lʼÉpoque moderne, les techniques, puis les modèles
prévisionnels n'auront de cesse de s'améliorer au cours des siècles suivants. Ces méthodes
sont progressivement mises au service de lʼanticipation et de la prévision.

La volonté de prévoir, anticiper les aléas et les risques progresse tout au long de la
e
période étudiée. Elle prend un tournant majeur à la fin du XVIII siècle avec lʼémergence des
mesures instrumentales et de la météorologie. Les pouvoirs et les communautés littorales de
l'ouest de la France ont ainsi graduellement tenté d'offrir des réponses adéquates aux
situations de crises ; preuve que ces sociétés géraient leur vulnérabilité et s'étaient adaptées
aux risques inhérents au milieu côtier. Par le biais des différents points abordés au cours des
précédents chapitres (sources, caractérisation des tempêtes passées, analyse des réactions des
sociétés, etc.), il conviendra désormais dʼétudier des cas de vimers bien documentés.

148
Des recherches approfondies sur l'effet des tensions capillaires sur les hauteurs de mercure observées, la
variation de la pesanteur avec la latitude et l'altitude du lieu d'observation, le comportement des instruments sous
l'influence des variations de température et le coefficient de dilatation du mercure ainsi que de tous les corps
utilisés dans la construction des baromètres furent nécessaires pour améliorer les appareils, affiner et assurer les
données. Sneyers, R., 1953, « La mesure de la pression atmosphérique », Ciel et Terre, 69, p. 82-92.
149
Athimon, E., Maanan, M., Sauzeau, T., Sarrazin, J-L., 2016, « Vulnérabilité et adaptation des sociétés
littorales aux aléas météo-marins entre Guérande et l'île de Ré, France (XIVe-XVIIIe siècle) », VertigO - la revue
électronique en sciences de l'environnement, 16-3, [En ligne].

331
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
CHAPITRE 8. Une appr oche r eposant sur des études de cas
bien documentés

À ce stade de la thèse, le lecteur aborde le dernier chapitre. La recherche se propose dʼy


procéder à des études de cas. La démarche sʼy présente sous forme de bilan, en ce sens quʼelle
applique des points méthodologiques ou des démonstrations développées tout au long des
chapitres précédents. Elle fournit ainsi une vision pratique des objectifs des axes 1, 2 et 4 de
la thèse.

Le travail repose principalement sur lʼanalyse de sources et données historiques, sans


pour autant exclure le recoupement avec des archives sédimentaires. Les vimers traités sont
au nombre de 8. Ils sʼégrènent de 1351-1352(n.st) à 1784. Ils bénéficient dʼune bonne
couverture documentaire et/ou se détachent par leur intensité*. Ils ont été sélectionnés pour
leur représentativité, la connaissance quʼen ont les historiens, ainsi que la contribution que
pouvait y apporter le présent travail. Si les renseignements fournis par les documents anciens
autorisent à effectuer des études de cas, il convient dʼénumérer ici un certain nombre de
limites sur lesquels les développements ne reviendront pas.
Tout dʼabord, pour brosser le portrait dʼun CET passé, il est nécessaire de disposer de
suffisamment dʼéléments. Le lecteur doit conserver à lʼesprit que les cas bien documentés ne
forment pas la majorité du panel. Par ailleurs, lʼexamen et la caractérisation des tempêtes et
submersions marines dépendent des documents exhumés et de leurs contenus. La
connaissance des cas présentés dans ce chapitre est par définition sujette à évolution. Elle ne
se prétend pas absolue. De futures recherches pourraient en modifier les résultats, en préciser
certaines dimensions. En outre, faute de mesures instrumentales sur la période étudiée, il est
illusoire dʼespérer établir les conditions météorologiques précises des aléas météo-marins
examinés. Ainsi, nulle estimation de la vitesse des vents et nulle véritable reconstruction
barométrique ne peuvent être avancées. Quant à la direction suivie par les vents, elle ne peut
être indiquée quʼà la condition de disposer dʼinformations. Lorsque la date permet la
détermination du cycle de la lune et le calcul approximatif du coefficient de marée ancien1, il
reste de plus impossible pour le chercheur dʼévaluer le niveau de la surcote. Au demeurant, si
la reconstruction historique intègre une compréhension spatiale des zones sinistrées2, il est
généralement complexe dʼétablir une démarcation complète et rigoureuse de lʼemprise
spatiale des phénomènes. La trajectoire des tempêtes ne peut être sommairement esquissée
que pour certains événements extrêmement bien documentés. Aucune cartographie délimitée

1
Cf. supra, Chapitre 1, 1.2.3 - Un espace macrotidal : phase de la Lune, coefficient de marée et surcote.
2
Cf. supra, Chapitre 3, 3.1.3 - Le vimer ancien, l'indispensable usage de l'échelle locale ; Chapitre 4, 4.3 -
Cartographier les espaces vulnérables et à risques.

332
systématique des zones inondées ne peut vraiment être dressée. Enfin, à partir des
témoignages historiques – et au prix dʼune critique ainsi que dʼune analyse serrées des
discours –, le spécialiste peut essayer dʼappréhender, de déduire lʼintensité* des dommages.
Le présent chapitre ne tendant pas à un objectif comparatif, mais à des études de cas bien
identifiées et poussées, la dimension de la quantification nʼy sera cependant pas considérée3.

e e
Les données descriptives des XIV -XVIII siècles nʼoffrent certes pas une vision
circonstanciée des phénomènes tempétueux, en particulier des conditions atmosphériques
prévalant. Néanmoins, les sources textuelles anciennes contiennent des indications utiles à
lʼidentification de lʼaléa, lʼappréciation de ses caractéristiques générales, de ses impacts, des
réactions des populations.

8.1 Les XIVe-début du XVI


e
siècles, par ents pauvr es de l' étude

Le littoral atlantique français a connu de nombreuses vicissitudes historiques. Elles ont


entraîné la perte dʼune grande quantité de sources textuelles. Avant le milieu du XIVe siècle, la
documentation ne permet pas dʼétudier et dʼanalyser les tempêtes et submersions marines
ayant affecté les provinces de lʼouest du royaume de France. Le premier événement à
véritablement sortir de la pénombre est le vimer général de lʼhiver 1351-1352(n.st). Au XVe et
au début du XVIe siècle, la situation sʼaméliore légèrement. Une bonne trentaine dʼaléas a déjà
pu être répertorié, recoupé, attesté. Ils sont plus ou moins bien documentés. Ces recensements
apparaissent néanmoins réduits en comparaison de ceux des siècles suivants. Malgré des
progrès, les XIVe-début du XVIe siècles restent les parents pauvres de la recherche sur les CET
passés. Ce développement débutera par un état des lieux des pertes archivistiques. Sʼen
suivront ensuite 3 études de cas sélectionnés pour leur représentativité ainsi que pour la
connaissance relative quʼen dispose lʼhistorien.

8.1.1 Des pertes documentaires irrémédiables

Les lacunes documentaires pour lʼouest de la France sont innombrables. Bien quʼelles
soient évidemment plus importantes pour les périodes les plus anciennes (XIVe-XVe siècles
ici), la totalité du cadre spatial étudié dans la thèse est concernée par ces pertes. Ce
développement se propose dʼen dresser un portrait synthétique. Il nʼa pas vocation à
lʼexhaustivité. Son objectif est principalement de mettre en lumière lʼune des principales
limites de la recherche historique : elle est dépendante des sources conservées. Les prochaines

3
Cf. supra, Chapitre 5, 5.3.3 - Quelques essais de quantification et 5.3.4 - Introduction à la construction dʼun
prototype dʼévaluation des tempêtes ; Cf. Annexe 2.

333
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
lignes se focaliseront essentiellement sur les destructions liées aux vicissitudes de lʼhistoire,
aux accidents archivistiques. La question des vols et des éliminations volontaires dʼarchives
sera également abordée.

De toutes les raisons possibles des lacunes documentaires en lien avec les vicissitudes
de lʼhistoire, la plus évidente tient aux guerres et soulèvements : guerre de Cent Ans, guerres
de religion, Révolution, Seconde Guerre Mondiale… Ceux-ci ont eu de lourdes conséquences
sur les archives. Territoire ouvert sur lʼocéan et accessible aux raids ennemis (ou alliés pour
1940-1945), lʼouest de la France a beaucoup souffert de la guerre de Cent Ans ainsi que de la
Seconde Guerre Mondiale. Les villes de Brest, Lorient, Saint-Nazaire, Nantes sont
bombardées. À Saint-Nazaire par exemple, à lʼexception dʼun petit fonds de documents
antérieurs à la Révolution4, la grande majorité des archives datant dʼavant 1945 est perdue.
Les guerres de religion ont également mené à la destruction de très nombreuses pièces
historiques. Dans les diocèses de Luçon et de Maillezais, les archives des établissements
ecclésiastiques sont pillées, brûlées. La seule cathédrale de Luçon sera saccagée à trois
reprises en 1562, 1568 et 16225. De nombreuses églises et abbayes du Bas-Poitou, de lʼAunis
et de la Saintonge comme celles de Sablonceaux, de Fontevraud, de Gémozac, de Charron, de
Saint-Michel-en-lʼHerm sont occupées et/ou incendiées6. Ces pertes sont dʼautant plus
déplorables pour lʼhistoire des tempêtes que Saint-Michel-en-lʼHerm et Charron possèdent
des marais dans la baie de lʼAiguillon7 et que Sablonceaux a des propriétés dans les marais de
la Seudre. Pour les établissements ecclésiastiques, mais également pour les seigneuries
laïques, la Révolution a, de nouveau, été lʼoccasion de pillages. À partir du début de lʼannée
1790, la Bretagne est le théâtre dʼattaques et dʼincendies de châteaux et dʼabbayes. Peu
dʼagressions vraiment sérieuses contre les personnes sont recensées, cʼest aux titres que les
populations sʼen prennent8. Lʼune des pertes majeures concerne le chartrier des Rohan, détruit
lors de lʼincendie de leur château de Blain en 17939. Cette destruction est certainement
préjudiciable à lʼétude des vimers dans la mesure où cette famille détient la seigneurie de la

4
AM Saint-Nazaire, Inventaire, Fonds dʼarchives anciennes de la ville de Saint-Nazaire (antérieures à la
Révolution), [PDF en ligne]. Ce fonds comprend 43 liasses et représente 1,40 mètre linéaire.
5
Delhommeau, L., 1988, « Le sort des archives des diocèses de Luçon et de Maillezais pendant les guerres de
religion », Annuaire de la Société dʼémulation de la Vendée, p. 63-72.
6
POUZAUX J., 1876, « Mémoires sur la paroisse et Benefice de Gémozac en Saintonge avec les événements les
plus remarquables qui se sont passés depuis le règne de Louis VII, roi de France. Dressés en l'année 1765 », in
Notice historique sur la commune de Gémozac par un indigène, d'après les mémoires du curé Pouzaux et
d'autres manuscrits, Lemarié, Saint-Jean-d'Angély, p. 28-118, p. 63.
7
Sarrazin, J-L., 2016a, « La saliculture atlantique française au péril de la mer (XIVe-XVIe siècle) », in Le
Bouëdec, G., Cerino, C. (dir), La maritimisation du monde de la préhistoire à nos jours. Enjeux, objets et
méthodes, PUPS, Paris, p. 167-190.
8
Sée, H., 1920-1921, « Les troubles agraires en Haute-Bretagne (1790 et 1791) », Bulletin dʼHistoire
économique de la Révolution, p. 231-370, p. 244 et suivantes, p. 291.
9
Du Halgouet, H., 1921, « Le chartrier de Blain », ABPO, 35-1, p. 81-88, p. 86.

334
Garnache – dont la juridiction sʼexerce sur les rivages continentaux de la baie de Bourgneuf10
– depuis 1407.
La disparition de nombreux documents dans des accidents archivistiques doit par
ailleurs être signalée. Sans tous les relever, il sera fait mention ici de quelques-uns des plus
e e
importants sinistres ayant fortement réduit la couverture documentaire des XIV -XVIII siècles
pour lʼouest de la France. Dans la nuit du 26 au 27 octobre 1737 un incendie ravage la
Chambre des Comptes de Paris. Sʼy trouvait notamment conservé un grand nombre de pièces
issues des fonds rochelais et fontenaisiens11. Elles sont majoritairement perdues. De même,
dans la nuit du 1er au 2 juin 1772, la maison du séminaire de La Rochelle brûle. Une part
importante des archives monastiques, dont le chartrier de lʼabbaye et de lʼévêché de
Maillezais qui y était temporairement déposé,12 est consumée. De ces riches fonds
susceptibles de contenir des informations sur les CET anciens, il ne reste aujourdʼhui que
quelques copies effectuées entre autres par JAILLOT, ARCERE ou DOM FONTENEAU. En outre,
dans la nuit du 19 au 20 décembre 1805, les archives départementales des Deux-Sèvres sont
partiellement détruites dans lʼincendie du bâtiment de la Charité à Niort, en particulier les
titres et papiers des établissements ecclésiastiques des Deux-Sèvres13. Du côté de Bordeaux,
les fonds médiévaux et du début de lʼÉpoque Moderne sont les plus lourdement amputés par
lʼincendie des archives municipales en 1862. Il a provoqué la disparition de séries entières de
registres, de liasses, dʼactes14. Enf in, la documentation du territoire de la Saintonge est
fortement amenuisée par lʼincendie de lʼhôtel de ville de Saintes dans la nuit du 11 au 12
novembre 1871. Ce, au point que peu de documents antérieurs à cette date ont pu être
conservés15.
De plus, la génération, le classement, la préservation ou, au contraire, la falsification, le
vol, la destruction de documents dépendent des besoins et inclinations, indifférences et
désintéressements des organisations, pouvoirs, administrations, professions, individus qui
l'ont produite et/ou la gardent en leur possession16. En effet, au-delà des vicissitudes de
l'histoire, des accidents archivistiques, voire du hasard qui s'ingère parfois dans la sauvegarde,
le document historique – en particulier d'archive –, comme toute espèce « proliférante »,

10
Sarrazin, J-L., 2015, « Les communautés paysannes des marais littoraux poitevins à la fin du Moyen Âge :
pratiques communautaires, hiérarchisation sociale, solidarités », in Jeanneau, C., Jarnoux, P. (dir), Les
communautés rurales dans l'Ouest du Moyen Âge à l'époque moderne, CRBC-UBO, Brest, p. 191-224, p. 195.
11
Sarrazin, J-L., 2005, « Maillezais et la mise en valeur des marais au Moyen Âge », in Tranchant, M., Treffort,
C., Lʼabbaye de Maillezais. Des moines du marais aux soldats huguenots, PUR, Rennes, p. 365-379, p. 365.
12
Delhommeau, L., 1961, Notes et documents pour servir à l'histoire de l'abbaye Saint-Pierre de Maillezais au
diocèse de Luçon depuis sa fondation (976) jusqu'à son érection en évêché par le pape Jean XXII (13 août
1317), Delhommeau Louis, Paris, p. I.
13
Favreau, R., 1978, La ville de Poitiers à la fin du Moyen Âge. Une capitale régionale, Société des Antiquaires
de l'Ouest, Poitiers, t. II, p. 11 ; Guérin, P., 1889, « Chartes et documents pour servir à lʼhistoire de lʼabbaye de
Saint-Maixent, par Alfred Richard [compte-rendu] », Bibliothèque de lʼÉcole des chartes, 50, p. 126-127.
14
AM Bordeaux, inventaire du fonds ancien.
15
http://www.ville-saintes.fr/mairie/archives/
16
Rouquet, F. (dir.), 2005, L'exploitation scientifique des archives, Apogée, Rennes.

335
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
compte une multitude de prédateurs, parmi lesquels le lecteur et les instances elles-mêmes.
Celles-ci ont d'ailleurs pu directement amputer les fonds – particulièrement ceux ayant trait à
la comptabilité – soit par le biais de la sélection volontaire ou de la négligence en matière de
logique conservatoire. Dans l'inventaire des biens et mobiliers de l'abbaye cistercienne de
Prières, implantée à proximité de l'estuaire de la Vilaine et possessionnée en salines sur la
presqu'île guérandaise, il est rapporté l'existence de vieux comptes à moitié pourris entreposés
dans le fond d'une armoire17. Toujours d'actualité, la problématique de la place, du rangement
ou de ce qui est perçu comme digne d'intérêt revient régulièrement agiter le spectre du tri et
de la suppression, mais aussi celui des conditions de conservation. Présidant à la première
organisation des Archives nationales françaises, le décret du 25 juillet 1794 annonçait un
triage très sévère qui aurait mené, selon Lucie FAVIER, à la destruction de plus de 500 tonnes
de documents18 ! Ce n'est d'ailleurs qu'avec le Code pénal de 1810, article 17319, que les
premières dispositions quant aux vols et aux éliminations volontaires d'archives sont prises.
Pour autant, aujourd'hui encore, les services de lʼÉtat constatent régulièrement la disparition
de pièces20...

La documentation historique de lʼouest de la France a subi un sort contraire, auquel il


est impossible de remédier. Les zones d'ombres générées par la perte de documents
susceptibles de contenir des renseignements sur les tempêtes sont un inconvénient majeur
ayant des répercussions méthodologiques concrètes21. Elles nécessitent de décupler les
consultations, de recourir à des sources publiées, voire copiées et de sʼouvrir aux résultats
obtenus par la sédimentologie.

17
AD 56, 2 Mi 52.
18
Favier, L., 2004, La mémoire de lʼÉtat. Histoire des Archives nationales, Fayard, Paris, p. 43-59.
19
Code des délits et des peines, 1810, livre II – Des crimes, des délits et de leurs punitions, art. 173, [En ligne] :
https://ledroitcriminel.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/code_penal_1810/code_penal_1810_2.htm
20
En voici quelques exemples : dans le registre paroissial des sépultures de Prigny, le curé Guillet témoigne du
vimer du 31 décembre 1598-3 janvier 1599. Lors de sa publication en 1993 dans Moi, Jean Martin [...], op. cit.,
Alain Croix signale ce recueil comme récemment disparu. De même, aux AD 33, sous la cote H 750 était, entre
autres, conservé un registre consignant un bail à fief faisant allusion à la formation d'une passe par l'impétuosité
de la mer. La totalité des pièces H 750 est considérée comme « volatilisée » depuis une vingtaine d'années.
Similairement, la bibliothèque de l'Académie de médecine comptait un journal de relevés météorologiques faits à
Langon, en Gironde, référencé SRM 154 1, dossier 6. Sa perte a été constatée le 22 novembre 2007.
21
Guyotjeannin, O., 1998, Les sources de l'histoire médiévale, Poche, Paris, p. 54.

336
8.1.2 Première mention de vimer sur le littoral atlantique francais : 1351- 1352(n.st)

Connu des spécialistes grâce aux travaux de Jean-Luc SARRAZIN22, le vimer de lʼhiver
1351-1352(n.st) est le premier repérable dans les documents historiques. Auparavant, aucune
information ne point. Il nʼest pas possible dʼen donner la date précise, mais la probabilité pour
quʼil soit survenu au début de lʼannée 1352(n.st) est élevée23. Actuellement, la recherche
historique doit admettre quʼelle a atteint ses limites. Cʼest donc vers les géosciences quʼelle
sʼest tournée pour approfondir la connaissance de lʼévénement24.

Il sʼagit de lʼévénement ayant affecté le littoral atlantique français le mieux documenté


e
du XIV siècle. Pourtant, le contenu des sources anciennes ne permet pas dʼen donner les
caractéristiques météorologiques précises. Lʼabsence de date interdit toute détermination, ou
même ne serait-ce que conjecture, de lʼétat de la marée. Le chercheur peut toutefois affirmer
que la tempête est accompagnée de submersions en diverses zones côtières, quʼelle est
dʼampleur et que les dommages occasionnés sont considérables. Signalée à Noirmoutier, en
Olonnais, ainsi quʼà lʼîle de Ré25, elle présente un caractère général26.
Certifiée par des archives contemporaines de lʼaléa en Poitou et dans les Marches27, ce
nʼest que par le biais dʼune inscription de seconde main dans lʼouvrage du docteur
KEMMERER28, que la manifestation aff leure pour le territoire rétais. Dans la marge, cet érudit
e
du XIX siècle désigne Amos BARBOT comme référence29. Or, une lecture attentive de

22
Sarrazin, J-L., 2016a, « La saliculture atlantique française au péril de la mer (XIVe-XVIe siècle) », in Le
Bouëdec, G., Cerino, C. (dir), La maritimisation du monde de la préhistoire à nos jours. Enjeux, objets et
méthodes, PUPS, Paris, p. 167-190, p. 174, 176-177, 184 ; Sarrazin, J-L., 2016b, « Les marais salants à l'épreuve
des vimers (XVe-début du XVIe siècle) », Bulletin de la Société des historiens du Pays de Retz, hors-série de
l'année 2016, Marais du Pays de Retz. Géohistoire d'un espace conquis, p. 85-92, p. 86, 88 et 90 ; Sarrazin, J-L.,
2012, « Vimers de mer et sociétés littorales entre Loire et Gironde (XIVe-XVIe siècle) », Norois, 222, p. 91-102, p.
93.
23
Sarrazin, J-L., 2016a, ibid., p. 177 ; Sarrazin, J-L, 2016b, ibid., p. 90.
24
Pouzet, P., 2018, Étude des paléoévènements extrêmes le long de la côte atlantique française : Approches
sédimentologiques, dendrochronologiques et historiques, Université de Nantes, thèse de doctorat de géographie,
sous la direction de Robin, M., Maanan, M., Nantes, chapitre 5.
25
Pawlowski, A., 1906, « Lîle de Ré à travers les âges. D'après la géologie, la cartographie et l'histoire »,
Bulletin de Géographie historique et descriptive, 3, p. 305-321, p. 314, article ayant été réédité dans Pawlowski,
A., 1998, Géographie historique des côtes charentaises (ainsi que Médoc et Bas-Poitou), Le Croît vif, Saintes,
p. 181-197, p. 190 ; Bouhier, C., 1970, « Les possessions de lʼabbaye Blanche à Barbâtre », Lettres aux amis de
Noirmoutier, 2e série, 4, p. 3-10, p. 4, notes n°5 et 7.
26
Pour un rappel de la distinction opérée par les populations entre le simple vimer et le vimer « général », cf.
supra, Chapitre 1, 1.1.2 - Petit précis lexical de la tempête au Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne.
27
A.N (P-s-S), 1AP/1974, MIC/1AP/1974, pièce n°50 (microfilm) ; A.N (P-s-S), 1AP/1976, MIC/1AP/1976,
pièce n°167, (microfilm) ; Cartulaire de l'abbaye de Saint-Jean d'Orbestier (1107-1454), 1877, publication de
De La Boutetière L., in A.H.P., Poitiers, tome VI, pièce n°194, p. 232-234.
28
« En 1352, un vimaire inonde une grande partie de l'île », Docteur KEMMERER, 1888 (2e édition corrigée,
augmentée et illustrée), Histoire de L'île de Ré, L'insula Rhéa, impr. Jeanne d'Arc, Saint-Martin de Ré, p. 13 et p.
312, vol. 2, de la 1ere édition (1868).
29
Ce renvoi n'apparaît que dans la 2e édition corrigée, augmentée et illustrée, non dans la première où l'auteur ne

337
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
lʼHistoire de La Rochelle30 nʼa, à ce jour, pas permis de retrouver la mention du cataclysme.
Tout juste y sont-ils évoqués de « grands vents » du côté de la Saintonge dans la première
moitié de lʼannée 135131.
Le premier document conservé à rapporter, laconiquement, lʼaléa est daté du 23 juillet
1352. Il sʼagit dʼun acte de donation32 de Louis, vicomte de Thouars, en faveur des
bénédictins de lʼabbaye Saint-Jean dʼOrbestier. Afin de bien saisir les tenants et les
aboutissants, une brève remise en perspective est nécessaire. En effet, en contrepartie dʼun
octroi perpétuel du marais salant des Roussières – localisé en Olonnais – par Jean, père de
Louis, aux religieux, ceux-ci devaient effectuer quotidiennement une messe pour le salut des
âmes de la lignée. Or, « depuys le vimer de la mer en ondacion dʼayves lesdites chouses [les
marais, ndlr] sont perdues sans ce quʼelles puissent jamès estre recouvrez, [et pour] ce
lesdits religieux ne porrient servir ne faire le divin office dessusdit ne nʼy seroyent tenuz
quand il nʼaurient prouffit desdites chouses »33. En dʼautres termes, leur bien ayant
récemment été submergé par la mer, la production de sel étant perdue et les marais fortement,
durablement endommagés, nul bénéfice, nulle recette ne peut en être tiré. Dʼautant moins
dʼailleurs, que lʼimpossibilité de remettre en état les salines signifie quʼen lieu et place des
différents bassins dʼexploitation se trouve une lagune que lʼocéan alimente à chaque marée.
Cela rend donc caduc lʼengagement des moines à accomplir lʼoffice divin. Puisquʼil en va de
la rédemption de ses aïeux ainsi que de la sienne, le vicomte Louis attribue à lʼabbaye, en
échange de la reprise des prières, ses cens de sel dans les paroisses dʼOlonne, la Chaume et
Château-dʼOlonne. Pour le chercheur, lʼintérêt de cette pièce est pluriel. Dʼune part, elle
consigne la mémoire directe de ce qui fut probablement lʼune des pires catastrophes naturelles
du centre ouest de la France au cours des 700 dernières années. Dʼautre part, elle témoigne
des mentalités de la fin du Moyen Âge. Enfin, elle met en exergue une des limites de la
recherche historique sur les tempêtes quʼil paraît pertinent de rappeler34 : lʼenregistrement
écrit de ces phénomènes aux époques médiévale et moderne dépend des intérêts, des
motivations des sociétés et instances.
En lʼétat, lʼîle de Noirmoutier sʼavère lʼespace le mieux documenté. On ne saurait
cependant sʼabstenir de préciser que les références font allusion au vimer non seulement a
posteriori, mais également de manière relativement détournée. Lʼart de « faire parler » les

cite pas ses sources.


30
BARBOT A., 1886-1889-1890, « Histoire de La Rochelle », publication par Denys d'Aussy M, in A.H.S.A, t.
XIV, XVII et XVIII, Paris-Saintes.
31
Ibid., t. XIV, p. 156.
32
La pièce originale – et plus largement la totalité du cartulaire de l'abbaye Saint-Jean d'Orbestier – se trouve
aux archives départementales de Vendée, sous la cote H 71. Malheureusement incommunicable pour cause de
mauvais état, seule la publication réalisée en 1877 par Louis de la Boutetière est accessible.
33
Cartulaire […], 1877, op. cit., p. 233.
34
Cf supra, Chapitre 2 - Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes.

338
documents, auquel fut formé lʼhistorien, sʼexerce alors. Les déclarations féodales de la
seconde moitié du XIVe siècle, parmi lesquelles les aveux et dénombrements, peuvent apporter
quelques informations sur des terres envahies par les eaux35. Ainsi, lʼaveu de Geoffroy
FRONDEBEUF en date du 26 mai 1386 stipule, selon une formule plutôt évocatrice, quʼil fut un
« temps ou le païs souloit estre en estat et non occuppé de la mer »36. Pour autant, ces sources
ne sont pas nécessairement une valeur sûre. Les évocations de marais « gasts » ou « frosts »
correspondent à une multitude de raisons possibles. Certes, cela peut résulter dʼinondations
marines comme cʼest le cas ici, mais aussi dʼun défaut de main dʼœuvre37, dʼabandons pour
cause dʼenvasement ou dʼinsécurité ambiante... La recontextualisation est essentielle et, en
lʼabsence de précisions, il semble inconcevable dʼémettre une quelconque affirmation. Par
ailleurs, un procès tenu en 1407 aux assises seigneuriales oppose le seigneur de lʼîle de
Noirmoutier et le prieuré Saint-Philbert de Beauvoir. Le conflit porte sur la propriété dʼun
domaine – situé au niveau de la plaine de Barbâtre – recouvert par la mer lors de la tempête
avec submersion de lʼhiver 1351-1352(n.st). Le temps que la sédimentation œuvre et une
cinquantaine dʼannées plus tard, des schorres émergent. En vue de régler le litige, les
dépositions de quelques témoins oculaires sont recueillies. Jeunes hommes au moment des
faits, Johan BEXON, pêcheur, Jean PRECHES, pareillement pêcheur, et Étienne MAUBLANT,
laboureur, respectivement âgés de 70, 75 et 70 ans lors de lʼenquête, confirment que durant 50
à 55 ans tout le secteur fut inondé par les eaux de lʼocéan38. Leur vécu les positionne en
garants de lʼentretien et du partage de la mémoire de cet aléa violent39. Au reste, à lʼinstar du
pays olonnais, les marais salants noirmoutrins se révèlent tellement endommagés, quʼen 1365
ils ne sont toujours pas rétablis ! Plus manifeste encore : af in dʼaider leurs sauniers à remettre
en état les salines, les moines de lʼabbaye de La Blanche les gratifient de leur part – soit les
deux tiers – de la récolte40...

À partir de tous les renseignements récoltés, un portrait sommaire de lʼévénement et


de ses retombées peut être brossé. Tout dʼabord, en pulvérisant les dunes et chaussées de
protection, lʼonde de tempête a profondément modifié les zones basses littorales, transformant
des espaces exploités en lagune. Durant plusieurs décennies – jusquʼà un demi-siècle à

35
Sarrazin, J-L., 2016a, art. cit., p. 174.
36
AN (P-s-S), 1AP/1976, op. cit.
37
Les épidémies ainsi que les migrations de populations pouvaient générer une pénurie de manouvriers,
particulièrement ceux spécialisés, tels que les sauniers en pays salant. Mémoires présentés au roi Charles VII par
les délégués de la ville de Poitiers pour le détourner d'établir la gabelle en Poitou et en Saintonge, 1873,
publication par Ledain B., in A.H.P, Poitiers, tome II, p. 258-284, p. 265 ; Sarrazin, J-L., 2016a, art. cit., p. 174.
38
AN (P-s-S), 1AP/1974, MIC/1AP/1974 (microfilm), pièce n°50.
39
Athimon, E., Maanan, M., Sauzeau, T., Sarrazin, J-L., 2016, « Vulnérabilité et adaptation des sociétés
littorales aux aléas météo-marins entre Guérande et l'île de Ré, France (XIVe-XVIIIe siècle) », VertigO - la revue
électronique en sciences de l'environnement, 16-3, [En ligne].
40
Mollat, M., 1983, La vie quotidienne des gens de mer en Atlantique, IXe-XVIe siècles, Hachette, Paris, p. 129.

339
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
Barbâtre –, des terres sont restées sous les eaux. Est-il utile dʼindiquer que la faiblesse des
moyens techniques à disposition rendait illusoire toute évacuation de ces dernières, et que par
conséquent, une réfection à court terme était hors de portée ? En outre, les dommages
matériels et/ou structurels, que le vimer de 1351-1352(n.st) a engendrés sur le territoire
atlantique, ont aussi induit une vulnérabilité fonctionnelle41. Celle-ci, en affectant la fonction
même des marais salants, a paralysé lʼactivité salicole de ces territoires. Ce, au point de les
rendre incapables de remplir une partie de leurs fonctions productrices, ainsi que d'en dégager
les revenus qui usuellement en découlent. Au demeurant, en matière de vulnérabilité, la
conjoncture démographique et politique occupe une place non négligeable. Lʼaléa survient
dans un contexte très défavorable42. Dʼune part, la grande peste noire des années 1348-1349 a
été funeste. À La Rochelle par exemple, plus du quart de la population décède43. Corrélé à la
vague épidémique, le repli démographique nʼest pas progressif44. Il se fait dʼun coup,
annihilant toute adaptation, modulation de la part des sociétés. Dʼautre part, les opérations
militaires de la guerre de Cent Ans et la présence récurrente de soudards pillant, terrorisant et
faisant régner lʼinsécurité ont pu favoriser une sous-exploitation, voire un abandon des marais
littoraux, des espaces mis en valeur et cultivés plus largement. Dans ces conditions, la
présence humaine sur le littoral atlantique a vraisemblablement fléchi, entraînant une pénurie
de main-dʼœuvre. Enfin, les répercussions de lʼinvasion marine sur les populations sont si
persistantes, quʼelles justifient partiellement lʼexemption fiscale accordée à Noirmoutier en
45
1392 par le roi Charles VI . Susceptibles dʼavoir aggravé les impacts dʼun phénomène déjà
extrême, le chercheur ne doit pas faire abstraction des circonstances globales adverses de la
période.

Hypothèse originairement émise par Jean-Luc SARRAZIN46, les quelques indices à


disposition laissent effectivement penser quʼil sʼagit dʼune des manifestations
météorologiques les plus violentes et dramatiques du dernier millénaire sur la côte atlantique
française. Pour autant, sʼagit-il dʼun événement millénaire ? Les archives sédimentaires
semblent étayer un peu plus cette théorie. Les travaux de Pierre POUZET ont effectivement mis

41
Cf. supra, Chapitre 5, 5.1 - Typologie, définition et description des dommages.
42
Carpentier, E., Le Mené, M., 1996, La France du XIe au XVe siècle : population, société, économie, PUF, Paris,
p. 361-381.
43
BARBOT A., 1886, op. cit., t. XIV, p. 152.
44
Delumeau, J., Lequin, Y., 1987, Les malheurs des temps. Histoire des fléaux et des calamités en France,
Larousse, Paris, p. 202-203.
45
« Et en oultre, les diz habitans ont esté en telle perplexité et necessité de vivre par fortune et orage de temps et
elevation de la mer, qui nagueres a tellement surmonté les terres et marois de la dicte ysle, que tant en sel et
bestes comme autres choses, les diz habitans ont presque tout perdu le residu de leurs diz biens », Lettres
dʼexemption des aides et autres impositions octroyées aux habitants de lʼîle de Noirmoutier le 25 octobre 1392,
Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France,
publication de Guérin P., impr. H. Oudin, Poitiers, tome VI, pièce n°DCCLXXIII, p. 88-92, p. 89-90.
46
Sarrazin, J-L., 2016a, art. cit., p. 177 ; Sarrazin, J-L., 2016b, art. cit., p. 90.

340
en exergue un événement extrême qui pourrait correspondre à celui de lʼhiver 1351-1352
(n.st)47. Il est daté 625 ± 80 cal. y. BP (soit 1325 ± 80 AD) dans les carottes de la Petite Mer
de Gâvres, près de Lorient, et 635 ± 35 cal. y. BP (1315 ± 35 AD) aux Traits du Croisic.
Pierre POUZET a également pu identif ier cet aléa au niveau de lʼîle dʼYeu48. À partir de la
littérature scientifique, il suggère de plus que ses analyses sédimentaires corréleraient aux
résultats de Brigitte VAN VLIET-LANOË et al. en baie dʼAudierne49, ainsi quʼà ceux de
Clément POIRIER et al. dans le Pertuis charentais50. La probabilité pour que lʼévénement
identifié aux Traits du Croisic, à lʼîle dʼYeu, dans la Petite Mer de Gâvres, ainsi que
probablement en baie dʼAudierne et dans le Pertuis charentais, corresponde au vimer général
de lʼhiver 1351-1352(n.st) est jugée forte par Pierre POUZET51. Lʼétendue du cadre spatial
touché (au moins 250 km de côtes potentiellement impactées avec des zones précisément
distinguées), de même que lʼimportance des dépôts laissés dans les archives sédimentaires lui
permettent de conclure : « Lʼhypothèse émise par les historiens dʼun événement sans
précédent, pouvant être millénaire, pourrait se conf irmerau travers des travaux
sédimentologiques évoqués »52.

Finalement, tout indique que ce dérangement considérable, millénaire peut-être, a eu


des conséquences graves sur la géomorphologie littorale et les paysages ainsi que sur les
activités humaines et les sociétés. La tempête avec submersion des 27-28 janvier 1469(n.st)
apparaît également spectaculaire.

8.1.3 La tempête avec submersion des 27-28 janvier (5-6 février) 1469 (n.st)

De toutes les manifestations éoliennes accompagnées, ou non, d'un épisode de


e
submersion ayant affecté le territoire entre Bretagne et Gascogne au XV siècle53, la plus
« familière » à la recherche historique reste celle des 27-28 janvier (5-6 février en calendrier
grégorien) 1468 (1469 n.st)54. Il sera immédiatement convenu, autant par convention que pour

47
Pouzet, P., 2018, op. cit., chapitre 5, 1.4.2.2 – LʼEE majeur de lʼhiver 1351-1352 (n.st) AD.
48
Idem.
49
Van Vliet-Lanoë, B., Penaud, A., Hénaff, A., Delacourt, C., Fernane, A., Goslin, J., Hallégouët, B., Le Cornec,
E., 2014, « Middle-to late-Holocene storminess in Brittany (NW France) : Part II – The chronology of events and
climate forcing, The Holocene, 24-4, p. 434-453.
50
Poirier, C., Tessier, B., Chaumillon, E., 2017a, « Climate control on late Holocene high-energy sedimentation
along coasts of the northeastern Atlantic Ocean », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 485, p.
784-797.
51
Pouzet, P., 2018, op. cit., chapitre 5, 1.4.2.2 – LʼEE majeur de lʼhiver 1351-1352 (n.st) AD.
52
Idem.
53
Pour n'en citer brièvement que quelques-uns : 3 juillet (12 juillet) 1401, 4 mars (13 mars) 1408, 7 octobre (16
octobre) 1434, 24 juin (3 juillet) 1452, hiver 1456-1457(n.st), hiver 1497-1498(n.st)...
54
Athimon, E., 2017, « Adversités météo-marines : reconstruction historique, impacts et résilience en Anjou,
Poitou, Bretagne méridionale (XIVe-début XVIe siècles) », in Laget, F., Rabot, B., Josserand, P. (dir.), Entre terre
et mer. Hommes, paysages et sociétés dans lʼOuest atlantique, Moyen Âge et Temps modernes, PUR, Rennes, p.

341
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
alléger le propos, que l'aléa est daté des 27-28 janvier 1469(n.st). À l'instar du vimer de l'hiver
1351-1352(n.st)55, la sédimentologie peut – mais avec vigilance et critique gardées – abreuver
et renouveler l'état actuel des connaissances sur cet événement.

Deux sources de première main, l'une de gestion : le registre de comptes de la


seigneurie de Bouin tenu par le receveur Bernardin GIRARD56 ; l'autre narrative : le journal de
Guillaume OUDIN, chanoine de l'abbaye Notre-Dame du Ronceray à Angers57, consignent des
éléments intéressants susceptibles d'être recoupés. Ils fournissent une vision relativement
claire de ce que dû être la manifestation des 27-28 janvier 1469(n.st) et offrent de brièvement
la caractériser.
La tempête survient dans la nuit. Elle conjugue une dépression importante, des vents
extrêmement violents et une grande marée de syzygie liée à la pleine lune du 27 janvier. La
tempête frappe dʼabord Bouin, avant de ravager Angers et l'Anjou aux environs de 4h du
matin le 2858. Il semblerait qu'il y ait concomitance entre la période de la plus haute mer et le
point culminant de la tempête. En effet, le coefficient de marée, établi à 98 le 27 janvier (le 5
février en c.g) au matin, augmente à 106 pour la première pleine mer du 28 et se stabilise
ensuite à 103 toute la journée du 28. S'il est impossible au spécialiste d'estimer la surcote*, il
peut, sans grand risque, énoncer quelques évidences. Tout dʼabord, la mer est haute et elle est
marquée par un fort coefficient de marée. Elle est de plus enflée par une chute de la pression
atmosphérique et est probablement poussée, amoncelée par les vents en direction des terres.
Tout porte à croire que les eaux ont dû déferler avec fracas. Au reste, l'endommagement des
digues et marais salants de l'île de Bouin en atteste. De même, les dégâts recensés dans les
terres confirment la fureur des rafales.
L'île de Bouin étant partiellement inondée, cela signifie-t-il que les rives continentales
de la baie de Bourgneuf ont, elles aussi, été recouvertes par les eaux ? Plausible, mais la
documentation fait défaut. Par conséquent, nul ne peut l'affirmer. Le 19 juillet 1470, le
notable nantais Robert BLANCHET constate, lors de la visite de ses marais de Prigny et de
Bourgneuf pourtant situés à bonne distance de la côte, la disparition par la marée de huit

153-164, p. 155 ; Sarrazin, J-L., 2016a, op. cit., p. 172 ; Sarrazin, J-L., 2016b, art. cit., p. 87 et 90-92 ; Athimon,
E., 2013, Les dérèglements du temps et leurs impacts en Anjou, Poitou et Bretagne méridionale (début XIVe
siècle-début XVIe siècle), Université de Nantes, mémoire de master 2 recherche, sous la direction de Sarrazin, J-
L., Nantes, p. 97-98 ; Sarrazin, J-L., 2012, art. cit., p. 93.
55
Cf. supra, 8.1.2 - Première mention de vimer sur le littoral atlantique français : 1351-1352(n.st).
56
AN P-s-S, 1 AP 2132, pièce n°122.
57
Méd. Toussaint, ms. 976, copie du XVIIIe siècle, original perdu, fol. 7 v°-8 r°, vues 13-14 ; « Journal des
événements qui sont arrivés en Anjou depuis lʼan 1447 jusquʼà lʼan 1499, par messire G. Oudin, prêtre-sacriste
de lʼabbaye de Notre-Dame du Ronceray », publié par A. Lemarchand, R.A.M-L, 1857, p. 1-16 et 129-144, 1858,
p. 65-88. La donnée concernée a été publiée en 1857, p. 8. La copie conservée à la médiathèque d'Angers a servi
de référence.
58
Idem. ; Voir infra, pièce justificative n°13.

342
monceaux de sel59. Cela équivaut à environ 1500 tonnes60 soit, selon les estimations de Jean-
Luc SARRAZIN61, le revenu annuel d'une seigneurie moyenne ! Ces pertes sont considérables.
Sont-elles attribuables à la tempête avec submersion des 27-28 janvier 1469(n.st) ou s'agit-il
d'un autre événement ? D'aucuns pourraient juger un délai d'un an et demi fort long pour
s'apercevoir d'un tel préjudice et conclure alors à deux aléas distincts. Toutefois, le rythme de
e
vie médiéval n'est pas celui courant au XXI siècle62. En l'état, il paraît donc diff icile de se
prononcer. La question devra présentement rester sans réponse.

Les premières destructions recensées sont matérielles. Liées à l'océan plus qu'aux
vents du côté de Bouin, elles affectent les chaussées des marais salants où des brèches
majeures apparaissent. Les eaux s'y engouffrent à chaque haute mer. Au marais des Esnières,
ces béances atteignent jusqu'à 19 brasses, soit environ 31 mètres de long et, par endroit, les
pierres renforçant les levées sont même projetées à l'intérieur des terres : « […] la pierre de
quarante brasses de chaussees que la maree avoit gecté par son inundaction du cousté devers
la terre [...] »63. Ces témoignages dénotent la puissance, l'énergie des déferlements.
e
Néanmoins, le chercheur ne peut rester sans rappeler que les levées du XV siècle sont
éloignées des digues dites « insubmersibles », faites de béton armé, qui habillent désormais le
littoral atlantique français. Les chaussées dʼAncien Régime sont composées de mottes de
terre, de pieux de bois et sont quelquefois renforcées de roches côté mer. Elles s'avèrent plus
ou moins bien entretenues. Elles sont souvent piétinées par des animaux ou sapées par des
rongeurs qui y creusent leurs galeries. Elles sont fortement soumises à la houle, aux marées64.
En pulvérisant les défenses et en pénétrant dans les terres, la submersion a certes généré des
dégâts matériels, mais elle a aussi touché les chemins et ponts. Ces derniers doivent être remis
en état. La mer a également détérioré les circuits hydrauliques des salines qui, en attendant
d'être réparés, produisent peu. À la différence de 1351-1352(n.st)65, nulle mention
d'endommagement fonctionnel66 durable ne transparaît.

59
AD 44, 2 E 382, fol. 4. Ce registre de comptes a fait l'objet d'une publication : Briand, J., 2017, « Un compte
d'exploitation salicole dans la Baie (1463-1484) : présentation et édition commentée », in Laget, F., Josserand,
P., Rabot, B., Entre terre et mer. Sociétés, campagnes et littoraux dans l'Ouest atlantique. Mélanges offerts à
Jean-Luc Sarrazin, PUR, Rennes, p. 157-168.
60
Briand, J., 2006, « Lʼexploitation de salines à la fin du Moyen Âge : les possessions des Blanchet dans la baie
de Bourgneuf », in Hocquet, J-C., Sarrazin, J-L. (dir.), Le sel de la Baie. Histoire, archéologie, ethnologie des
sels atlantiques, PUR, Rennes, p. 125-136.
61
Sarrazin, J-L., 2016a, art. cit., p. 176.
62
Sarrazin, J-L., 2016b, ibid., p. 87.
63
AN P-s-S, 1 AP 2132, ibid ; Voir pièce justificative n°12.
64
Sarrazin, J-L., 2014a, « Digues, bots et chaussées. Les levées de défense face à la mer dans les zones littorales
basses de lʼEurope du Nord-Ouest (XIe-XVIe siècle) », in Laget, F., Vrignon, A.(dir.), S'adapter à la mer.
L'homme, la mer et le littoral du Moyen Âge à nos jours, PUR, Rennes, p. 47-70 ; Cf. supra, Chapitre 7, 7.1 - Se
défendre « matériellement » contre la mer.
65
Supra, 8.1.2 - Première mention de vimer sur le littoral atlantique français : 1351-1352(n.st).
66
Supra, Chapitre 5, 5.1.3 - Les atteintes fonctionnelles, mère de conséquences indirectes notables.

343
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
En Anjou, ce sont les vents qui ont impacté le territoire67. En plus d'atteintes aux
maisons et au château de la ville d'Angers, c'est le clocher de l'église de Saint-Aubin qui est
renversé. Par leur hauteur, même modeste, les flèches sont vulnérables aux virulentes rafales à
même de les fragiliser, voire les abattre68. Loin d'être un cas isolé, la détérioration d'une
« maison de Dieu » est toujours impressionnante pour les communautés. Si cet effondrement
indique effectivement des vents très violents, il n'apparaît pas superflu de préciser que le
clocher de Saint-Aubin présente une faiblesse résiduelle. Ainsi, en novembre 1435, il est
foudroyé lors d'un orage et s'embrase69, tandis que le 24 juin 1452 une tempête l'ébranle
sérieusement70 et le fait tomber. Néanmoins, c'est surtout par ses dégâts environnementaux et
agricoles que la tempête semble marquer l'esprit de Guillaume OUDIN. Aux champs, dans
l'arrière-pays angevin, « tant d'arbres » – dont on ignore le nombre et l'essence, mais parmi
lesquels se trouvent certainement quelques fruitiers – sont malmenés, rompus, déracinés...
En outre, qu'en est-il d'un éventuel bilan humain de la catastrophe ? Mis à part la
mention d'une saunière noyée dénommée Bienvenue MANCHAT, nul renseignement ne point.
Les motivations primant à cette évocation laconique, rapportée par Bernardin GIRARD dans
son registre, sont d'ailleurs emblématiques. Elles illustrent à la perfection les mentalités du
temps, auxquelles la notion même de « bilan humain » apparaît étrangère71. En effet, c'est au
détour d'une rente de 5 sous ne pouvant plus être perçue à la suite du décès, ce qui oblige le
receveur a porté ce montant dans l'état des pertes et dépenses de la seigneurie, que
l'information transparaît72.
Résultant des diverses séries d'endommagement, des répercussions financières
additionnelles non négligeables sont également observées. D'une part, les réparations à la
suite de la tempête avec submersion du début de l'année 1469(n.st), sans atteindre une somme
exorbitante, ont un coût inattendu. Ainsi, ce dernier est estimé, pour les possessions du sire de
Retz en l'île de Bouin, à un montant tout à faire raisonnable de 26 livres, 11 sous, 10 deniers,
en y incluant le prix de l'entretien des chaussées et marais non détériorés par l'onde de
tempête73. Mère d'un préjudice économique conséquent, l'incursion marine a de plus emporté
une partie des monceaux de sel stockés sur les tesseliers*. La perte d'une part importante de la

67
Méd. Toussaint, ms. 976, op. cit. ; Infra, pièce justificative n°13.
68
Cf. supra, voir les explications sur la loi dʼArchibald au sein du chapitre 5, 5.2.2 - Et en France ?
69
DE BOURDIGNE J., 1529, Hystoire agregative des Annalles et cronicques Daniou, contenant le commencement
et origine avecques partie des chevaleureux et marciaulx gestes des magnanimes princes, consulz, contes et ducz
Daniou. […] Recueillies et mises en forme par noble et discret missire Jehan de Bourdigne, prestre, docteur es
droictz et depuis reveues et additionnees par le diateur, impr. Galliot du Pré, Paris, troisième partie, fol. 146.
70
Ibid., fol. 161 ; HIRET J., 1618, Des antiquités d'Anjou, impr. Anthoine Hernault, Angers, p. 191 ; ROGER B.,
1852, « Histoire d'Anjou », in R.A.M-L, publication par A. Lemarchand, p. 346-347.
71
Sarrazin, J-L., 2012, art. cit., p. 101 ; Cf supra, Chapitre 5 - Tempête ancienne et « pouvoir
d'endommagement ».
72
Sarrazin, J-L., 2016b, art. cit., p. 87 ; Infra, pièce justificative n°12.
73
Sarrazin, J-L., 2006, « Le paysage salicole de lʼîle de Bouin à la fin du Moyen Âge », in Chauvaud, F., Péret,
J. (dir), Terres marines. Études en hommage à Dominique Guillemet, PUR, Rennes, p. 57-67, p. 64.

344
production par la marée empêche dʼailleurs le prélèvement du cens – impôt sur la production
de sel –, comme le déplore Bernardin GIRARD : « Et ne compte point ledit chastelain et
receveur du proufit desditz cens de sel pour l'an mil IIIIC (400) LXIX (69) pour ce que oudit
an ne saulna pas competentement pour les rendre audit terme dessus declairé et par ce
neant »74. Si la récolte de sel nʼest pas nulle, sa faiblesse grève autant les revenus des
propriétaires de salines, ceux de leurs exploitants, que la fiscalité seigneuriale.

Dans le cas présent comme ailleurs, la première des instances à réagir est locale75,
c'est-à-dire seigneuriale ou urbaine. À Bouin, le sire de Retz, propriétaire de salines dans l'île,
multiplie les interventions. Pour commencer, le 6 février, soit une dizaine de jours après l'aléa,
il dépêche deux de ses officiers accompagnés d'un clerc. Assistés de sergents, ces derniers
rassemblent la population en vue de les contraindre à relever et remettre rapidement en état les
chaussées. À la suite, ils s'entretiennent avec les sauniers. Ceux-ci forment, à la différence des
simples journaliers employés à la besogne n'impliquant aucune qualification, une sorte d'élite
paysanne spécialisée et possèdent un véritable savoir-faire. L'ambition affichée est explicite et
dénote la considération ainsi que la reconnaissance que le seigneur a des compétences de ses
sauniers : leur consultation a pour objectif de déf inir «la meilleure forme et faczon de y [aux
marais, ndlr] besongner »76. Dans un second temps, les chantiers de réfection s'organisent. Il
incombe au sire de Retz, détenteur des espaces salicoles, d'engager les frais nécessaires. Sous
son impulsion, la main-dʼœuvre est recrutée, les travaux réalisés et surveillés. Au nom de son
maître, le receveur du sire de Retz, Bernardin GIRARD, passe ainsi divers marchés pour
relever, empierrer les levées, curer les étiers, remplacer les « coués »*, faire nettoyer les
bassins et cristallisoirs... Enfin, vient, lorsque le constat de l'ampleur de la catastrophe se fait
pleinement jour, la plus ou moins charitable contribution. Ainsi, après avoir envoyé son
receveur à la Mothe-Achard, en olonnais, récupérer du blé dans une de ses seigneuries, le sire
de Retz le fait distribuer, dans son château de Machecoul, à ses sauniers de Bouin, victimes
du vimer des 27-28 janvier 1469(n.st)77. Pouvant passer pour miséricordieuse et bienveillante,
cette disposition – en vérité avance à rembourser lors de la prochaine saunaison – n'est que le
reflet de la dépendance, de l'endettement structurel des sauniers envers leur seigneur78. Elle
était toutefois le prix à payer, à la fois pour une remise en état des marais salants, mais aussi
un maintien à flot de la part à « haute valeur ajoutée » de la paysannerie salicole. Pourtant, le
28 mai 1469, Bernardin GIRARD fait enregistrer – en vue de justifier un trou dans la fiscalité

74
AN P-s-S, op. cit. ; Infra, pièce justificative n°12 ter.
75
Cf. supra, Chapitre 3, 3.3.2 - Villes et seigneuries à la manœuvre.
76
AN P-s-S, ibid. ; Infra, pièce justificative n°12.
77
Idem. ; Infra, pièce justificative n°12 ; Sarrazin, J-L., 2006, ibid., p. 65.
78
Sarrazin, J-L., 2015, « Les communautés paysannes des marais littoraux poitevins à la fin du Moyen Âge :
pratiques communautaires, hiérarchisation sociale, solidarités », in Jeanneau, C., Jarnoux, P. (dir), Les
communautés rurales dans l'Ouest du Moyen Âge à l'époque moderne, CRBC-UBO, Brest, p. 191-224, p. 210.

345
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
seigneuriale –, devant les notaires Jean TOUZEAU et Jean BARBE, une décision prise un mois
après la tempête avec submersion par le sire de Retz. Celle-ci consistait en une concession
faite « en pitié et aumosne » sur le montant des taux et amendes de la cour de justice
seigneuriale aux personnes qui avaient à les payer. La raison exposée de cette mansuétude
tient en ces quelques mots : « du moien du grant et piteux inconvenient qui fut par la maree
qui par son inundacion submergea et degasta universalement les biens des manans et
habitans dudit isle le XXVIII (28) jour de janvier l'an mil IIIIC (400) LXVIII (68) »79.
L'intervention du seigneur de Bouin est riche d'informations. Elle atteste à la fois de réactions,
de réponses apportées par lʼautorité publique de proximité à la situation, mais elle expose
aussi sa lenteur et ses limites. Manquant de moyens, la seigneurie ne peut assister
matériellement ou financièrement les sinistrés. Elle ne saurait organiser les secours ou
contribuer à la reconstruction des logis populaires, des bâtiments et des infrastructures de
lʼîle. Enfin, si ce n'est chez Guillaume OUDIN une très succincte allusion à la perception des
dégâts qu'ont les populations en la formule : « cʼestoit grand pitié dʼen ouyr parler »80, les
sources propres à cette étude de cas ne donnent accès ni aux réactions ni aux impressions et
« sensibilités » des petits et des humbles.

De la déduction des caractéristiques météorologiques aux divers dommages décrits, en


passant par ce qu'il transparaît des réactions des populations, tout suggère dans les
témoignages présentés le caractère extrême de la manifestation. Les sources historiques
livrent ainsi une multitude de renseignements, que la sédimentologie offre de compléter. Les
recherches de Pierre POUZET ont mis à jour un dépôt sableux majeur à la Petite Mer de
Gâvres81. Celui-ci est estimé à 505 ± 25 cal. y. BP, soit 1445 ± 25 AD. Au cours de ces 50
années dʼincertitude, au moins trois tempêtes importantes ont pu être exhumées. Elles sont
respectivement datées du 7 octobre (16 octobre en c.g) 1434, 24 juin (3 juillet en c.g) 1452 et
des 27-28 janvier (5-6 février) 1469(n.st). Les descriptions conservées des deux premiers
aléas (absence de mention de submersion), les dommages recensés (uniquement liés à de
grands vents) ainsi que la faiblesse des coefficients de marée estimés (75 pour le CET de 1434
et 66 pour celui de 1452) rendent ces deux hypothèses moins probables et corrélables avec le
dépôt sédimentaire. Le croisement des analyses sédimentaires et historiques permet donc à
Pierre POUZET de conclure que « après analyse des différents dégâts recensés, la marque
détectée et estimée à 1445 ± 25 AD semble se lier à lʼévénement du 27-28 janvier
1469(n.st) »82.

79
AN P-s-S, 1 AP 2132, ibid ; Voir pièce justificative n°12 bis.
80
Méd. Toussaint, ms. 976, ibid. ; Voir pièce justificative n°13.
81
Pouzet, P., 2018, op. cit., chapitre 5, 1.4.2.1 - Trois hypothèses potentielles trouvées dans les écrits liées à lʼEE
de 1445 AD.
82
Pouzet, P., 2018, ibid.

346
Pièce justificative n° 12

AN Pierrefitte-sur-Seine, 1 AP 2132, pièce n°122

Fonds de l'île de Bouin, seigneurie de Retz, liasse composée de 150 pièces papier.

La pièce n°122 est un registre papier non-folioté, source manuscrite, original, ancien
français, bon état.

Document de gestion, registre de comptes du receveur de l'île de Bouin, dénommé Bernardin


Girard, pour le seigneur de Retz. Première main. Le scribe est contemporain et témoigne des
recettes et dépenses du domaine entre le 28 juillet 1468 et le 28 juillet 1470. Fiabilité très
bonne.

Remar que : la totalité du registre, de même que toutes les mentions liées au vimer ne sont
pas publiées ici. Seules les sections les plus explicites et pertinentes sur ce que dû être l'aléa,
ses dommages et les réactions des autorités et populations sont transcrites.

Analyse : extraits du registre de comptes du receveur de l'île de Bouin Bernardin Girard pour
le seigneur de Retz, à qui appartient l'île. Tenu entre le 28 juillet 1468 et le 28 juillet 1470. Il
y est enregistré, dans les états de dépenses, la submersion marine de la nuit du 28 au 29
janvier (soit les 5-6 février en c.g) 1468 (1469 n.st.).

« Ite m pour le s de s pe ns de J a cque s Le bloy, procure ur de mondit s e igne ur, s on cle rc e t


a us s i P ie rre Le La rde ux qui fure nt e n Boign pa r le comma nde me nt de mondit s e igne ur e t
s igné de s a ma in le VIe (6 e ) jour de fe bvrie r l'a n mil IIIIC (400) LXVIII (68) pour contra indre e t
compe lle r le s ha bita ns e t te ne urs de Boign a re pa re r le s cha us s e e s qui e s toie nt rompue s
pa r la fortune de la ma re e e t pour ce rta ins s e rge ns qui a lle re nt que rir le pe uple e t le s
s a ulnie rs pour e s lire 83 la me ille ure forme e t fa czon de y be s oigne z e t a us s i pour le s
ma rinie rs qui le s pa s s e re nt a udit lie u e t le s re conduire nt a Bourgne uf comme pe ut a ppa roir
pa r re la cion s igne e dudit procure ur le XIIe (12 e ) jour dudit moys de fe bvrie r l'a n s us dit mil
IIIIC (400) LXVIII (68), XL (40) s ous . »

« A J e ha n Ba rra ud e t Ge ffroy Be ra ud pour a voir fa it XIX (19) bra s s e s de cha us s e e a ca us e


de s ma rois de s Es nie re s a ppa rte na nt a mondit s e igne ur, que lle s e s toie nt ra s e e s pa r la
fortune de la ma re e , pa r ma rché fa it a ve cque s e ulx e n la pre s e nce dudit contre rolle , IIII (4)
livre s . »

« Ite m a Eliot Touze a u pour a voir roché le s dite s XIX (19) bra s s e s de cha us s e e pa r ma rché
fa it a ve cque s luy e n la pre s e nce de J e ha n Touze a u e n vis ita nt le s cha us s e e s dudit is le
comme a ppe rt pa r quicta nce e t re la cion s igne e dudit J e ha n Touze a u, XXIII (23) s ous IIII (4)
de nie rs . »

« Ite m compte le dit re ce ve ur a voir pa ié a J e ha n Che be pour a voir pa s s é la pie rre de


qua ra nte bra s s e s de cha us s e e s que la ma re e a voit ge cté pa r s on inunda ction du cous té
de ve rs la te rre ou te ne me nt de la Cous ta ns qui s ont de pe nde nte s de s ma rois de s
Cha uve te rie s e t de la Ba rbé e pa r ma rché fa it a ve cque s luy e n la pre s e nce dudit contre rolle ,

83
Choisir, déterminer.

347
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
la s omme de V (5) s ous . »

« De ma nde e t s upplie ce dit re ce ve ur luy e s tre de s duit e t ra ba tu le numbre de V (5) s ous


monna ie qu'il ba illa a Bie nve nue Ma ncha t pa r a va nt l'inconve nie nt de la dite ma re e pour
s a ulne r e t gouve rne r oudit a n mil IIIIC (400) LXIX (69), XL (40) a ire s ou ma rois de la s a lline
ne us ve a ppa rte na nt a mondit s e igne ur dont le dit re ce ve ur ne pe ut a voir re la cion pour ce
que la dite Bie nve nue na ia 84 pa r la s ubme rs ion de la dite ma re e . »

« Ite m a cure r l'e s tie r dudit ma rois ne uf. Et pour fa ire la cha us s e e de s cote z dudit e s tie r que
la ma re e a voit rompu. »

« Ite m compte le dit re ce ve ur pour la de s pe ns e qu'il fis t pour a lle r a udit lie u de la Mote fa ire
ve nir le s dits ble z e t pour le re tour qu'il fis t a P rincza y e t pour de ux ve a ge s 85 qu'il fis t a
Ma che coul pour a lle r livre r le dit blé a us dits s a ulnie rs , XV (15) s ous . »

Pièce justificative n°12 bis

Analyse : extrait du registre de comptes du receveur de l'île de Bouin Bernardin Girard pour
le seigneur de Retz, à qui appartient l'île. Tenu entre le 28 juillet 1468 et le 28 juillet 1470. Il
y est enregistré, dans les recettes de justice seigneuriale (taux et amandes), la submersion
marine de la nuit du 28 au 29 janvier (soit les 5-6 février en c.g) 1468 (1469 n.st.). Le
seigneur de Retz décide d'ailleurs d'en faire don et aumône aux habitants.

« Es ploictz e t juriditions
Ne compte point le dit cha s te la in e t re ce ve ur de s ta ux e t a ma nde s de la court e t juridiction
de mondit s e igne ur dudit is le ta nt de office que de ordina ire qui ont e s té fa iz pa r J e ha n
Coppe gorge , s e nne s cha l de la dite court, dont la s omme de s dict ta ux de l'a nné e
comma ncé e le VI (6 e me ) jour de juign l'a n mil IIIIC (400) LXVII (67) jus que s a u XVIIe (27 e )
jour de ma y l'a n re volu mil IIIIC (400) LXVIII (68) comprins de ux s ouls s ix de nie rs pa r
cha cune a ma nde de V (5) s ous e t a ude s s us , oultre le ta ux que cha cun e s t ta uxé monta nt
XLIIII (44) livre s X (10) s ols , s a uf a ppa re me nt s ur quoy fut de s pe ns é L (50) s ols e n fa is a nt
le dit ta ux, re s te a court XLII (42) livre s 86 . P a rce que [s ic] quil a ple u a mondit s e igne ur le s
donne z e n pitié e t a umos ne e s ge ns qui le s a voie nt a le ve r e t re ce voir e t a ce ulx me s me s
qui le s de voie nt du moie n du gra nt e t pite ux inconve nie nt qui fut pa r la ma re e qui pa r s on
inunda cion s ubme rge a e t de ga s ta unive rs a le me nt le s bie ns de s ma na ns e t ha bita ns dudit
is le le XXVIII (28) jour de ja nvie r l'a n mil IIIIC (400) LXVIII (68) a ins i comme pe ut a ppa roir
pa r le ictre s 87 s igne e s de la ma in de mondit s e igne ur da te e s du XVIIe (27 e ) jour de fe bvrie r
la n s us dit mil IIIIC (400) LXVIII (68), a ve cque s e t pa r re la cion de s dit s ie urge ns comme nt
icie ulx n'e n ont rie ns re ce u ne pa ié a udit re ce ve ur. S igné a le ur re que s te pa r J e ha n
Touze a u e t J e ha n Ba rbe , nota ire s , e n court La ye le XXVIIIe (28 e ) jour de ma y l'a n mil IIIIC
(400) LXIX (69). Et pour ce de s ditz ta ux e t a ma nde s pour le dit a n nul s ous . »

Pièce justificative n°12 ter

Analyse : extrait du registre de comptes du receveur de l'île de Bouin Bernardin Girard pour

84
La saunière Bienvenue Manchat s'est noyée lors du vimer. L'information est consignée uniquement parce
qu'une somme de cinq sous lui avait été baillée. Tandis qu'elle est décédée, la rente ne peut être perçue. Perdue,
son montant doit donc être porté en dépenses par le receveur.
85
Voyage.
86
1 livre équivalant à 20 sous/sols, 50 sols = 2 livres, 10 sols ; d'où le fait que le montant passe subitement de 44
livres, 10 sols à 42 livres.
87
Définitivement disparue ou encore non exhumée des riches fonds archivistiques que compte la France, ladite
lettre n'a pu être retrouvée. Son contenu reste, pour l'heure(?), inconnu du chercheur. Sans nul doute, sa
découverte serait un apport substantiel à la connaissance de ce vimer.

348
le seigneur de Retz, à qui appartient l'île. Tenu entre le 28 juillet 1468 et le 28 juillet 1470.
Dans l'état des recettes, il est fait mention que le cens du sel, impôt prélevé sur la production,
n'a pu être perçu en 1469.

« Et ne compte point le dit cha s te la in e t re ce ve ur du proufit de s ditz ce ns de s e l pour l'a n mil


IIIIC (400) LXIX (69) pour ce que oudit a n ne s a ulna pa s compe te nte me nt pour le s re ndre
a udit te rme de s s us de cla iré e t pa r ce ne a nt. »

Pièce justificative n° 13

Médiathèque Toussaint d'Angers, ms. 976, fol. 7 v°-8 r°, vues 13-14
e
Registre papier folioté, source manuscrite, copie du XVIII siècle, original perdu, ancien
français, bon état, numérisation.

Source narrative, journal de Guillaume Oudin, chanoine de l'abbaye Notre-Dame du


Ronceray à Angers. Première main. L'auteur est témoin oculaire. Fiabilité très bonne.

Le journal a fait l'objet d'une publication au XIXe siècle dans la Revue de l'Anjou et de
Maine-et-Loire par Albert Lemarchand : « Journal des événements qui sont arrivés en Anjou
depuis lʼan 1447 jusquʼà lʼan 1499, par messire G. Oudin, prêtre-sacriste de lʼabbaye de
Notre-Dame du Ronceray », publié par A. Lemarchand, R.A.M-L, 1857, p. 1-16 et 129-144,
1858, p. 65-88. L'extrait présenté se trouve publié à la page 8. La transcription a toutefois été
partiellement modernisée et ne respecte pas la graphie du texte.

L'extrait présenté ici s'appuie sur la copie manuscrite conservée à la Médiathèque Toussaint.

Analyse : témoignage extrait d'un écrit du for privé rédigé par le chanoine de l'abbaye de
Notre-Dame du Ronceray à Angers, Guillaume Oudin, dans lequel il décrit les effets de la
tempête des 27-28 janvier (5-6 février en c.g) 1468 (1469 n.st) à Angers.

« Le ve nt a bba tit le cloche r S a int Aubin dʼAnge rs le s a me dy a u ma tin, e ntre trois e t qua tre
he ure s , XXVIIIe (28 e ) jour de ja nvie r lʼa n mil IIIIC LXVIII (1468), e t la fe s te Mons ie ur S a int
J ullie nt a voit e s té ce jour de va nt, e t a ice lle ma tine e le dit ve nt fit de gra nds domma ge s e s
e s glis e s , ville e t cha s te a u d'Ange rs , e t a ux cha mps de s ringa [é bra nla , s ic] e t de s rompit ta nt
d'a rbre s que cʼe s toit gra nd pitié dʼe n ouyr pa rle r e t a us s y a bba tit moult ma is on. »

349
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés

8.1.4 De novembre 1509 à février 1510(n.st), un hiver métérologique tempéteux

Connu de la recherche depuis des années88, l'hiver météorologique 1509-1510(n.st) a vu


son contexte précisé grâce à des découvertes effectuées au cours des années de master et de
doctorat89.

Initialement, cʼest par 2 documents que les événements de lʼhiver 1509-1510(n.st.) sont
venus à la connaissance de lʼhistorien. Le premier consiste en une exemption de taxes sur 5
ans accordée le 23 juin 1511 par Anne de Bretagne, alors duchesse de Bretagne et reine de
France, aux habitants de lʼîle de Bouin. Elle a été publiée en 1874 par Sébastien LUNEAU et
Édouard GALLET90. Le second est un registre de compte particulier des réparations effectuées
entre mars et mai 1510 par lʼabbaye de Buzay. Il est tenu par le receveur Thomas MARTIN91.
Les moines cisterciens de Buzay possédaient de nombreuses salines à lʼîle de Bouin et
tenaient une comptabilité spécifique à leur exploitation. Au regard de ces 2 sources, il était
impossible de dater avec exactitude le ou les aléas météo-marins. Dʼailleurs, lʼacte délivré par
Anne de Bretagne évoquant « des grandes et excessives eaux et marées qui en lʼannée 1509
surmontèrent les levées et chaussées faictes pour la deffense et conservation de ladicte isle
[…] »92, il pouvait laisser supposer une succession de CET durant lʼhiver 1509-151093. Plus
récemment, 5 sources ont permis de réduire les incertitudes et de clarifier certains éléments.
Tout dʼabord, dans son Histoire de La Rochelle, Amos BARBOT mentionne un grave vimer
survenu en Aunis, en particulier à La Rochelle et sur les littoraux adjacents, le 13 novembre
(23 novembre en c.g) 150994. Né en 1566, Amos BARBOT nʼest pas témoin des faits quʼil
transcrit. Cette tempête avec submersion peut-elle être considérée comme lʼorigine ? À tout le
moins, la survenue dʼune tempête en novembre 1509 est confirmée par 2 mandements du duc
et de la duchesse, Louis XII et Anne de Bretagne, en date du 9 février 1510(n.st). Ils sont
conservés dans les registres de la chancellerie du duché de Bretagne et sont relatifs aux

88
Sarrazin, J-L., 2012, art. cit., p. 95 ; Sarrazin, J-L., 2006, art. cit., p. 59.
89
Athimon, E., 2017, art. cit., p. 157 ; Athimon, E., 2013, Les dérèglements du temps et leurs impacts en Anjou,
Poitou et Bretagne méridionale (début XIVe siècle-début XVIe siècle), Université de Nantes, mémoire de master 2
recherche, sous la direction de Sarrazin, J-L., Nantes, p. 136-137 et 211.
90
Documents sur l'île de Bouin, 1874, publication par Luneau S. Gallet E., impr. Vincent Forest et Emile
Grimaud, Nantes, pièce n° XIII, p. 288-291.
91
AD 44, H 28/6, pièce n°6.
92
Documents sur l'île de Bouin, 1874, ibid.
93
Sarrazin, J-L., Athimon, E. (collab.), 2019b, « Les plus anciens vimers à submersion documentés survenus en
baie de Bourgneuf (XIVe-XVIe siècle.) : où en est la recherche historique ? », ouvrage sur les risques publié par la
ComCom des Pays de Monts, [à paraître].
94
BARBOT A., 1886, « Histoire de La Rochelle », publication par Denys d'Aussy M, in A.H.S.A, t. XIV, Paris-
Saintes, p. 472.

350
juridictions de Bourgneuf, Machecoul, Bouin et Le Coûtumier95. Un mémoire du 18
novembre 1775 – sur lequel je reviendrai ultérieurement96 – conserve de plus le souvenir du
phénomène97. Aucune information inédite nʼy transparaît néanmoins. Sʼil nʼest pas exclu
quʼelle se soit perpétuée par oral, cette mémoire semble également avoir été entretenue grâce
à la conservation de documents, notamment des procès-verbaux. Il y est fait allusion dans le
sommaire détaillé des pièces dʼun recueil, qui semble aujourdʼhui malheureusement perdu98.
Malgré ces 7 témoignages, lʼévénement météorologique en lui-même reste mal connu.

Le vimer du 13 novembre 1509 survient le lendemain dʼune nouvelle lune. Estimé à


100, le coefficient de marée est élevé99. Lʼabsence de renseignements concernant le moment
ou lʼheure de survenue dans la journée ne permet pas de déterminer sʼil y a, ou non,
conjonction entre la pleine mer et lʼarrivée de la dépression sur les côtes. À marée basse, la
surcote additionnée aux vents dʼafflux auraient-ils suffi à entraîner des submersions aussi
importantes en diverses parties du territoire littoral ? Assez peu probable. Cependant, le
chercheur ne peut se prononcer avec certitude. Logique, il se permet juste dʼémettre
lʼhypothèse de la concordance entre la marée haute et le plus fort de la tempête. Dʼautant que
pour lʼinstant, aucune donnée sur des endommagements à lʼintérieur des terres nʼa pu être
retrouvée. Les vents étaient-ils insuffisamment puissants pour y produire des dégâts ? Faut-il
y distinguer un aléa dont les effets se sont principalement manifestés sur la frange
littorale ?100 Ou est-ce les sources qui font défaut ? De nouveau, aucune position tranchée ne
peut être avancée. La tempête avec submersion du 13 novembre paraît être le phénomène
extrême à lʼorigine des dommages, particulièrement dans les marais bouinais. Toutefois, lʼun
des mandements en date du 9 février 1510(n.st)101 énonce le fait que, les brèches nʼayant pas
été colmatées, les flux et reflux de lʼocéan inondent les terres et marais à chaque « maline »
(grande marée).
Les dégâts engendrés sont de grande ampleur. Pour les côtes aunisiennes, les éléments
sont maigres et tiennent en une phrase : « […]en plusieurs lieux des costes de cette ville, il y
eust une extresme perte et dommage »102. En revanche, sur lʼîle de Bouin, plusieurs « terres
fertilles, saulx [sel, sic] et autres fruictz et biens »103 sont déclarés gâtés, les moulins, levées

95
AD 44, B 19, numérisation, vues 37-38 ; AD 44, B 20, numérisation, vue 34.
96
Cf infra, 8.2.2 - Le vimer général des 31 décembre 1598-3 janvier 1599.
97
AM Nantes, II 136, pièce n°30.
98
AM Nantes, II 136, pièce n°37.
99
Cf. supra, Chapitre 1, 1.2.3 - Un espace macrotidal : phase de la Lune, coefficient de marée et surcote.
100
Tonnerre, M-A., 2001, Contribution à lʼétude des tempêtes dans la Manche et en façade atlantique de la
France, au nord de lʼîle de Noirmoutier (1965-1994), Université de Lille 1, thèse de doctorat de géographie,
sous la direction de Roussel, I., Lille, p. 82-103.
101
AD 44, B 19, op. cit.
102
BARBOT A., 1886, ibid.
103
AD 44, idem.

351
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
et chaussées sont renversés et démolis104, les systèmes hydrauliques des marais salants sont
fortement dégradés105. Cette détérioration sʼavère relativement bien documentée. Pour les
Cisterciens de Buzay, les réparations à effectuer sont plurielles. Il faut colmater les brèches
faites par le déferlement sur les levées et enrocher leurs flancs les plus exposés. Ainsi, à la
chaussée du Payrot, 42 hommes sont employés pour la remise en état, ce qui coûte 75 sous, 4
deniers aux moines ; tandis que la réfection de la chaussée du Fourche par exemple
occasionne lʼembauche de 44 hommes et une dépense de 73 sous, 4 deniers106. Des étiers* ont
également été envasés par lʼinondation et il convient de les curer afin que lʼeau salée puisse
circuler convenablement, ravitailler ou au contraire sʼévacuer des marais. La présence dʼune
main-dʼœuvre peu qualifiée, abondante et bon marché facilite la réalisation de ces 2
opérations107. Les épisodes répétés de submersion ont par ailleurs comblé et abîmé les salines.
Propre au travail dʼouvriers spécialisés, il revient aux sauniers de rétablir et nettoyer les
réservoirs et cristallisoirs, notamment en ôtant la vase et le sable dont ils sont recouverts. Pour
son travail de restauration dans les marais, le receveur Thomas MARTIN verse au saunier Jean
BARRAULT, 2 sous. Mais cʼest le marais de la Claye / des Clayes, situé à lʼest de lʼîle de
Bouin, soit à proximité du bras de mer quʼest le Dain, qui semble être parmi les plus
détériorés. En effet, le coût du travail de saunier pour sa réparation sʼélève à 10 sous108. Enf in,
divers monceaux de sel apparaissent endommagés et des opérations de « colage » sont
financées. Le mode traditionnel de stockage du sel se présente sous la forme
dʼamoncellements généralement coniques : les monceaux. Ils sont enduits et imperméabilisés
par un mélange de joncs ou dʼiris des marais et de terre argileuse. Au niveau de la Claye, la
réparation du monceau à la suite « du domaige y faict par la grant marée » monte à 25 sous.
De même, la réfection de celui conservé sur un tesselier* localisé près de la chaussée du
Payrot et qui prend lʼeau sʼétablit à 10 sous109. En totalité, les travaux de remise en état de
leurs marais salants – des chaussées aux monceaux en passant par les bassins dʼexploitation
du sel – reviennent à 15 livres et 7 deniers aux moines de lʼabbaye de Buzay110.

Le CET du 13 novembre 1509 et les incursions récurrentes de la mer au début de


lʼannée 1510(n.st) ont fait de tels ravages et causé tant de pertes que « tous les habitants
résolurent de quitter lisle »111. Au-delà de lʼexagération nette, lʼimportance des dégâts pousse
la duchesse de Bretagne et reine de France Anne à réagir. En premier lieu, le pouvoir ducal

104
Documents sur l'île de Bouin, 1874, ibid ; AM Nantes, II 136, pièce n°37.
105
AD 44, H 28/6, op. cit.
106
Ibid.
107
Sarrazin, J-L., 2006, art. cit., p. 64.
108
AD 44, H 28/6, op. cit.
109
Idem.
110
Idem.
111
AM Nantes, II 136, pièce n°30.

352
cherche à sʼinformer de la situation. Le 9 février 1510(n.st), il enjoint au sénéchal de Nantes
de se transporter au pays de Retz afin de constater les dommages et de dresser un état des
réparations à faire à la suite des aléas météo-marins de lʼhiver112. En outre, par un acte daté du
23 juin 1511, Anne exempte de devoirs pour 5 ans les habitants de lʼîle de Bouin. La décision
a pour visée de leur permettre de se remettre le plus rapidement possible de la misère dans
laquelle le vimer les a plongés afin quʼils « puissent satisfaire et payer en l'advenir les dittes
rentes et debvoirs »113. En conséquence, lʼargent issu de cette exonération f iscale doit être
employé « à la réparation et à la reddif ication des moullins et chaussées» renversés114.
Lʼaction ne se veut donc ni innocente ni gratuitement bienfaisante. Il sʼagit essentiellement de
défendre les intérêts économiques (et politiques) du duché de Bretagne. Enfin, le chercheur
peut constater que le souvenir du vimer de novembre 1509 est resté vif à lʼîle de Bouin. Cela
sʼexplique tant par lʼétendue des dommages, que par lʼobtention dʼune exemption fiscale
notable. Le mémoire rédigé le 18 novembre 1775 rappelle les privilèges octroyés de longue
date et décrit les tempêtes et submersions marines les plus graves ayant frappé lʼîle115.
Lʼannée 1509 y figure. Cela sous-entend non seulement son ampleur, mais également que sa
mémoire a perduré durant près de 270 ans !

e e
Quoique parents pauvres de lʼétude, le milieu du XIV -début du XVI siècle compte des
événements dont il est possible de dresser un portrait, à défaut de les caractériser avec
précision. La sédimentologie peut nourrir la recherche historique et y apporter des éléments
substantiels. La mise en pratique et les recoupements entre les 2 méthodes donnent dʼailleurs
des résultats encourageants quʼil conviendra dʼapprofondir. En matière de sources anciennes,
les XVIe-XVIIe siècles sont marqués par une sortie relative de la pénombre documentaire.

8.2 Lʼexplosion des « sor tie de pénombr e documentair e » aux XVI e-XVIII e siècles

À lʼÉpoque Moderne, de plus en plus de tempêtes, avec ou sans submersion marine,


affleurent de la pénombre documentaire. Ainsi, un peu moins dʼune soixantaine dʼévénements
a pu être recensée de 1520 à 1699. À l'instar de tout processus d'évolution au sein d'une
société, l'étiolement des traditions, mentalités et techniques ainsi que des règles et usages
e e
rédactionnels médiévaux a été lent. Les XVI -XVII siècles disposent donc d'une mise en
perspective double reposant sur des sources à la fois médiévales, mais aussi modernes. Ces
dernières se prêtent un appui réciproque et s'éclairent les unes par rapport aux autres.

112
AD 44, B 20, vue 34.
113
Documents sur l'île de Bouin, 1874, ibid.
114
Idem.
115
AM Nantes, II 136, pièce n°30.

353
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés

8.2.1 Reconstruction : l'impossible exhaustivité malgré l'accroissement des


émergences

e
À partir du XVI siècle, la masse documentaire à disposition grossit. Devenue
relativement volumineuse – comme en atteste la présentation et l'analyse du corpus réalisée
précédemment116 –, de plus en plus d'événements météo-marins extrêmes en sont logiquement
extraits, exhumés. Pourtant, le spécialiste français en histoire des vimers doit être clair : en
l'état actuel de la recherche, des connaissances, des matériaux à disposition, lʼexhaustivité
appartient à l'univers de l'idéal utopique.
Ayant déjà dressé un état synthétique de l'étendue des pertes documentaires117, il ne sera
pas question ici d'y revenir dans le détail. Nonobstant, s'additionnant au tableau esquissé, la
réflexion à venir ne saurait être complètement détachée de l'empreinte des lacunes laissée à
l'esprit du lecteur. Orienté vers la source même, les fondements de son existence, les silences
qui la composent, le questionnement aura pour visée de réfléchir à l'impossibilité, outre
l'aspect factuel de la disparition de pièces, d'une reconstruction exhaustive de l'aléa tempête
sur le littoral atlantique français à un pas de temps long.

Pour commencer, il ne semble pas futile de souligner que la source ancienne est un
témoignage involontaire non destiné à l'histoire. N'en déplaise aux illusions et fantasmes
citoyens, le document ancien, loin de systématiquement léguer des traces au présent, ne
saurait être pensé comme mémoire absolument fiable, pleine et entière, pas plus qu'il ne doit
être compris comme vérité118. Le chercheur ne saurait trop le répéter : prudence, démarche
critique, recoupements et diversification sont indispensables. Unique, singulier, son contenu
laisse toujours planer le doute d'une ambiguïté, d'un non-dit, d'une discrétion119. Primordiale à
admettre, la dimension du silence, désigné comme l'absence de relevé d'un fait par oral ou par
écrit, s'avère une limite certaine à la reconstruction historique des phénomènes météo-marins
extrêmes. Comme le signalaient Guillaume GARNER et Thomas LIENHARD, « cʼest une donnée
constante dans la pratique des historiens, et pourtant elle pose des problèmes de méthode sans
cesse renouvelés : des pans entiers de lʼhistoire de lʼhumanité sont passés sous silence par nos
sources120». Il s'entend quʼun événement brutal comme une tempête nʼait pas de traduction
dans les sources puisse aller à lʼencontre du sens commun actuel, pour lequel la violence des
éléments ne peut que marquer les esprits et sʼimprimer dans les mentalités. Cʼest cependant

116
Cf. supra, Chapitre 2 - Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes et annexe 1.
117
Cf. supra, 8.1.1 - Des pertes documentaires irrémédiables.
118
Cf. supra, Chapitre 2 - Reconstruire l'histoire des tempêtes : sources, données et méthodes et annexe 1.
119
Beauvois, Y., Blondel, C. (dir)., 1998, Qu'est-ce qu'on ne sait pas en histoire ?, PUS, Villeneuve-d'Ascq.
120
Garner, G., Lienhard, T., 2010, « Le silence des sources en histoire / Das Schweigen der Quellen in der
Geschichtswissenschaft », Revue de l'IFHA, 2, p. 54-62, p. 54.

354
une réalité. En effet, un constat point : globalement aux périodes médiévale et moderne, un
vimer se définit par ses impacts121. De l'endommagement engendré découlera donc son
enregistrement dans les textes. Qu'une manifestation passe pour « normale », que sa mémoire
appartienne à un monde de l'oralité, que les dégâts soient absents ou jugés acceptables, que les
habitudes n'en soient pas perturbées, qu'aucun standard ne se fracture, que le seuil de
tolérance ne soit pas atteint, et il ne paraîtra pas indispensable aux contemporains d'en faire
mention. Les espaces à faible voire nulle occupation humaine affectés par une catastrophe ont
également peu de chance d'être recensés dans les sources, faute ne serait-ce que de témoins.
Quant aux archives sédimentaires, conservant uniquement la mémoire des événements
les plus intenses, l'exhaustivité y est illusoire. Leur trace dépend nettement des aléas, du
climat de houle et des activités humaines, qui peuvent modifier les dynamiques
environnementales et effacer, détériorer de précieuses données122. Au reste, les grands
défrichements médiévaux, la déforestation du siècle des Lumières, les aménagements
(chaussées/digues, moulins...) construits durant le dernier millénaire le long des cours d'eau
ou des littoraux, de même que le fort développement urbain et touristique de la seconde
moitié du XXe ont pu influencer les phénomènes de sédimentation, avec des effets épisodiques
de sédimentation accrue ou de migration123.
Il faut aussi remarquer que par définition, il est presque impossible de suspecter
l'existence d'un événement ne faisant l'objet d'aucune évocation. Cela vient dʼêtre évoqué : un
vimer provoquant peu ou pas de dommages ne sera pas mentionné dans les sources,
historiques comme sédimentaires. Quant à une tempête détériorant un territoire sans enjeux
humains, seuls les sédiments pourront en conserver la trace, à la condition cependant que
lʼévénement soit suffisamment extrême. Le chercheur doit reconnaître – et ce ne serait pas
une condamnation que de l'énoncer – la difficulté quʼil rencontre parfois à « faire parler » les
silences. Sans sʼy résigner pour autant, cette admission autorise à accepter qu'un grand
nombre de tempêtes puissent continuer d'échapper à la recherche.
Dʼailleurs, il nʼy a quʼà déterminer lʼécart entre documents produits et disponibles pour
finir de se persuader de lʼimpossible exhaustivité. La consultation des Répertoires provisoires

121
Cf. supra, Chapitre 1 - Cadre conceptuel et spatial de lʼétude.
122
Poirier, C., Tessier, B., Chaumillon, E., 2017a, « Climate control on late Holocene high-energy sedimentation
along coasts of the northeastern Atlantic Ocean », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 485,
p.784-797 ; Fattal, P., Robin, M., Paillart, M., Maanan, M., Mercier, D., Lamberts, C., Costa, S., 2010, « Effets
des tempêtes sur une plage aménagée et à forte protection côtière : la plage des Éloux (côte de Noirmoutier,
Vendée, France) », Norois, 215, p. 101-114.
123
Poirier, C., Poitevin, C., Chaumillon, E., 2016, « Comparison of estuarine sediment record with modelled
rates of sediment supply from a western European catchment since 1500 », Comptes Rendus Geosciences, 348-7,
p. 479-488 ; Chaumillon, E., Ozenne, F., Bertin, X., Long, N., Ganthy, F., 2014a, « Wave climate and inlet
channel meander bend control spit breaching and migration of a new inlet : La Courbe Sandspit », Journal of
Coastal Research, 70, p. 109-114 ; Appleby, P., Birks, H., Flower, R., Rose, N., Peglar, S., Ramdani, M.,
Kraïem, M., Fathi, A., 2001, « Radiometrically determined dates and sedimentation rates for recent sediments in
nine North African wetland lakes (the CASSARINA Project) », Aquatic Ecology, 35, p. 347–367.

355
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
des délibérations et comptabilités communales (Moyen Âge et Ancien Régime) réalisés par
région au début des années 1980 révèle lʼinsigne faiblesse des documents communaux –
susceptibles de contenir des informations sur des CET – conservés dans lʼouest de la France.
Regroupées ensemble, le fascicule des régions Pays de la Loire et Poitou-Charentes compte
101 pages124, tandis que celui de la région Midi-Pyrénées par exemple en comprend 261
pages125. Plus saisissante encore est la comparaison entre la comptabilité communale
disponible à Nantes et à Lyon par exemple. À Nantes, elle se compose de 474 liasses des
années 1436 à 1790126. À Lyon, ce sont 4400 liasses et registres de 1278 à 1792 qui ont été
conservés127 ! Le taux de couverture documentaire des comptes des miseurs de Nantes est
e e
ainsi de 35% au XV siècle et de 38% au XVI siècle128. Quant à lʼadministration communale,
pour le XVe siècle à Nantes, aucun registre de délibérations du conseil des bourgeois de la ville
nʼa pu être préservé. Seules subsistent 22 pièces esseulées sur la période 1449-1499129… De
même, un décalage extrême existe entre la masse produite par lʼactivité salicole, fortement
soumise aux tempêtes, et celle disponible aujourdʼhui. Existante depuis au moins 1330, la
comptabilité de la seigneurie de Bouin pour le sire de Retz est en grande partie perdue. Pour
les XIVe-XVe siècles, il ne reste quʼun cahier complet sʼétendant du 18 juillet 1468 au 18 juillet
1470, ce qui ramène le taux de couverture à 1% pour la fin du Moyen Âge130. La situation
nʼest pas meilleure pour le XVIe siècle, avec une couverture de 2%131.

Travail de longue haleine, la reconstitution de l'histoire des tempêtes sur le temps long
est complexe. D'autant plus qu'il s'agit d'un chantier perpétuel, évoluant au gré des documents
exhumés, de l'ouverture à l'inter et à la pluridisciplinarité, ainsi que de la mise au point de
techniques d'analyse plus performantes et fiables. La possibilité de dresser un bilan exhaustif
s'éloignant, la recherche doit en avertir autant les scientifiques, que les décideurs et le grand
public. Reste alors la valeur sûre : l'étude de cas.

8.2.2 Le vimer général des 31 décembre 1598-3 janvier 1599

124
Répertoire provisoire des délibérations et comptabilités communales (Moyen Âge et Ancien Régime), 1981,
Direction des Archives de France, Paris, fascicule II : Régions Pays de la Loire et Poitou-Charentes.
125
Répertoire provisoire des délibérations et comptabilités communales (Moyen Âge et Ancien Régime), 1982,
Direction des Archives de France, Paris, fascicule V : Région Midi-Pyrénées.
126
AM Nantes, Inventaire de la série CC, [PDF en ligne].
127
AM Lyon, Inventaire de la série CC, [PDF en ligne].
128
AM Nantes, Inventaire […], ibid.
129
AM Nantes, Inventaire de la série BB, [PDF en ligne].
130
Sarrazin, J-L., Athimon, E., 2019a, « Etudier les plus anciennes tempêtes à submersion identifiées sur la côte
atlantique française (XIVe-XVIe siècles) : lʼapproche historique », Norois, [à paraître]..
131
Sarrazin, J-L., Athimon, E. (collab.), 2019b, « Les plus anciens vimers à submersion documentés survenus en
baie de Bourgneuf (XIVe-XVIe siècle.) : où en est la recherche historique ? », ouvrage sur les risques publié par la
ComCom des Pays de Monts, [à paraître] ; Pelletier, F. (pseudo Frapel), 1987-1991, La très ancienne isle de
Bouing, son histoire avant les polders, 4 volumes dactylographiés.

356
La tempête avec submersion des 31 décembre 1598-3 janvier 1599 apparaît désastreux
pour plusieurs espaces côtiers, en particulier dans la baie de Bourgneuf. Les sources
disponibles autorisent à conjecturer de sa gravité.

Survenant le 31 décembre 1598, lʼaléa météo-marin est signalé à plusieurs endroits de la


baie de Bourgneuf, dont lʼîle de Bouin, les paroisses de Prigny et Bourgneuf. Il est également
mentionné en Aunis et Saintonge, en particulier à lʼîle de Ré. Neuf documents y font
allusion : 5 sont des sources narratives et 4 des pièces archivistiques. Ce vimer général
affleure dans 2 registres paroissiaux. Le premier, celui du curé GUILLET de Bourgneuf, est
riche dʼinformations. Le second, quant à lui très succinct, qualifie simplement le 31 décembre
1598 de « jour de la grande marée ». Il a été rédigé par le curé DE LA NOË de Prigny. Ces
témoignages ont été publiés par Alain CROIX dans Moi, Jean Martin, recteur de Plouvellec.
Curés « journalistes » de la Renaissance à la f indu 17e siècle132. Lʼun et lʼautre sont
aujourdʼhui disparus. De même, dans son grand diaire, le pasteur Jacques MERLIN évoque en
une phrase la « tempeste fort violente » du 31 décembre 1598133 ayant frappé lʼAunis. Auprès
du notable rétais Nicolas HERPIN, il est possible de récolter des éléments plus précis,
notamment pour lʼîle de Ré, mais aussi pour la baie de Bourgneuf et lʼestuaire de la Loire,
dont il relaie les nouvelles134. Érudit de la première moitié du XIXe siècle, le docteur ATGIER a
compilé diverses données sur lʼîle de Ré135. Pour la rédaction de sa note sur lʼévénement de la
fin de lʼannée 1598, il sʼest inspiré du manuscrit de Nicolas HERPIN et, semble-t-il, sur celui
de ROZE, désormais perdu. Si ce nʼest un bref complément sur lʼîle de Ré, les apports de ce
texte ne sont pas substantiels pour la connaissance de cette manifestation. Cʼest également
dans une supplique des habitants de Bouin adressée à Louis XIII le 30 juin 1627 quʼil est fait
136
allusion au CET de la fin de lʼannée 1598 . Mentionné précédemment137, un mémoire daté
du 18 novembre 1775 et adressé par les Bouinais au marquis de PERAY conserve la trace
mémorielle de lʼévénement138. Cʼest autant par le biais de lʼentretien dʼune mémoire orale que
« selon les procès verbaux qui en furent faits et qui existent encore »139 en 1775 que le
souvenir en est conservé. Le sommaire détaillé dʼun recueil aujourdʼhui introuvable confirme

132
Moi, Jean Martin, recteur de Plouvellec... Les curés “ journalistes” de la Renaissance au XVIIe siècle, 1993,
présenté par Croix A., Apogée, Rennes, p. 67-68.
133
MERLIN J., Diaire de Jacques Merlin et recueil des choses les plus mémorables qui se sont passées en ceste
ville de La Rochelle de 1589 à 1620, Méd. M. Crépeau, ms. 161, Mi 114, fol. 366-367.
134
HERPIN N., Extrait d'un mémorial rédigé par le Sieur Nicolas Herpin, notaire et procureur à Saint-Martin, île
de Ré, commencé le 15 octobre 1581, Méd. M. Crépeau, La Rochelle, ms. 163, fol. 23 v°.
135
AD 17, 2 J 11.
136
Documents sur l'île de Bouin, 1874, publication par Luneau S. Gallet E., impr. Vincent Forest et Emile
Grimaud, Nantes, pièce n°XXXIII, p. 347-351.
137
Cf. supra, 8.1.4 - De novembre 1509 à février 1510(n.st), un hiver météorologique tempétueux.
138
AM Nantes, II 136, pièce n°30.
139
Idem.

357
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
e
de plus lʼexistence au XVIII siècle de ces procès-verbaux140. Sʼappuyant sur ces derniers, ces
2 pièces archivistiques comprennent des renseignements précieux sur les dégâts et les
réactions des populations. Enfin, une demande de décharge dʼimpôts adressée au roi par
lʼévêque et les députés du clergé de Nantes dans laquelle il est rapporté une tempête avec
submersion marine majeure sera considérée141. La prudence doit primer ici. En effet, la pièce
nʼa pas de date. Les archivistes en ont estimé la datation vers 1600. La description semble
correspondre à lʼaléa des 31 décembre 1598-3 janvier 1599, mais cela pourrait peut-être aussi
faire référence au CET des 7-8 septembre 1599. Ce dernier apparaît toutefois de moindre
ampleur et les dégâts évoqués ne semblent pas y coïncider. Les allusions aux églises
submergées et aux nombreux décès correspondent effectivement plutôt aux endommagements
recensés dans les autres sources du vimer du 31 décembre 1598.

Le jour de la Saint-Sylvestre 1598, soit le 31 décembre, une « grande tourmente et


temps impétueux »142 frappe les territoires du centre-ouest de la France. En lʼétat actuel des
connaissances, il semblerait que les littoraux aient subi lʼessentiel des dommages. Sʼil est
mentionné que « ce vimer dura 3 jours »143, il nʼest pas à exclure quʼil sʼagisse en vérité de 2
perturbations atmosphériques qui se manifestèrent coup sur coup. Tout au moins, cʼest ce que
peuvent suggérer les propos de Nicolas HERPIN : « le dimanche suivant 3 janvier 1599 la
tourmente a aufsi été très forte et a fait de grande dommages »144. La tempête surgit quelques
jours après la nouvelle lune du 28 décembre. Selon les calculs estimatifs effectués, le
coefficient de marée est de 103 le 31 décembre 1598 et de 98 le 1er janvier 1599. Quoique
lʼheure de sa survenue ne soit pas indiquée dans les sources, aucun doute ne subsiste : il y a
conjonction entre la haute mer et grande marée du matin du 31 et les vents145. La présence
dʼune surcote extraordinaire, dont la hauteur reste inestimable pour lʼépoque, est en outre
insinuée146. Poussés par des vents dʼaff lux, les f lots sont qualif iés de
furieux
« »,
« impétueux », « tourmentés ». La submersion pénètre dʼailleurs profondément dans les
terres : un vaisseau aurait été retrouvé à plus de 4 lieues, soit près de 19 km, de la côte147 !
Elle est à lʼorigine dʼimportants dégâts.

Les endommagements se déclinent à différents niveaux. Dʼabord, lʼocéan malmène une


grande quantité de navires, au point dʼen faire périr plusieurs sur tout le littoral du centre-

140
AM Nantes, II 136, pièce n°37.
141
AD 44, G 269, pièce n°65.
142
HERPIN, N., ibid.
143
AM Nantes, ibid., pièce n°37.
144
HERPIN, N., ibid. ; AD 17, ibid.
145
Moi, Jean Martin […], ibid., registre paroissial de Bourgneuf.
146
Idem.
147
Idem.

358
ouest148. Au niveau de lʼestuaire de la Loire, se sont plus de 25 bateaux qui font naufrage149.
Y avaient-ils trouvé refuge ou sʼy trouvaient-ils lorsque la tempête est arrivée ? Il est
impossible de statuer. Le vimer génère au passage des destructions matérielles
exceptionnelles. Selon le curé GUILLET de la paroisse de Bourgneuf, le déferlement « enfonça
thoute la basse reue de cette ville de Bourgneff et enporta le clocher des Cordellyés de sainct
Françoys de ce dict lieu dudit Bourgneff »150. Dʼautres églises appartenant à lʼévêché de
Nantes et situées dans la Baie semblent aussi avoir été ruinées, sans que plus de détails en
soient donnés151. Quant à lʼîle de Bouin, elle est submergée, des digues sont renversées, des
moulins et maisons sont détruits152. Du côté de lʼAunis, le village de Lavaud, en Loix sur lʼîle
de Ré, est inondé153. Au demeurant, lʼévénement affecte lʼagriculture et la saliculture. Lʼeau
de mer sale les terres et peut les rendre plus ou moins durablement stériles, ce qui paraît avoir
été le cas ici154. La tempête avec submersion des 31 décembre 1598-3 janvier 1599 gâte de
plus les récoltes de blé et de sel155 et comble les salines156. Bien quʼaucun bilan ne soit
réalisable, lʼélevage a également payé un prix élevé, puisque parmi le bétail, des bœufs,
vaches et brebis sont emportés157. Enf in, la question du bilan humain se pose. Globalement,
dans les sources anciennes, les mentions de blessés, sinistrés, morts sont furtives. Aucun
chiffre nʼémerge. Divers documents font pourtant allusion à des personnes décédées lors de ce
vimer. Ainsi, selon lʼévêque et les députés du clergé de Nantes, « une multitude d'ames » ont
été noyées158. De même, le mémoire de 1775, qui sʼappuie sur des éléments collectés dans des
procès-verbaux perdus, évoque la disparition dʼun « grand nombre de personnes »159. Le
débordement de la mer a donc provoqué des morts.

Pour terminer, il sera relevé que de précieuses indications sur les ressentis et réactions
des populations sont apportées par les sources. La première réponse des populations, en
particulier des Bouinais, a consisté à fuir pour sauver leur vie. En effet, selon la supplique
adressée au roi le 30 juin 1627, ce vimer général a nécessité dʼévacuer lʼîle : « de quitter et
abandonner lʼisle quʼils auroient peu de jours après reprinse »160. Le mémoire de 1775
confirme par ailleurs que pour échapper à la noyade, des habitants se réfugièrent sur le toit de

148
AD 17, 2 J 11.
149
HERPIN N., ibid.
150
Moi, Jean Martin […], ibid., registre paroissial de Bourgneuf.
151
AD 44, G 269, ibid.
152
AM Nantes, II 136, pièces n°30 et 37.
153
HERPIN, N., ibid. ; AD 17, ibid.
154
AM Nantes, ibid., pièce n°30.
155
Moi, Jean Martin […], ibid., registre paroissial de Bourgneuf.
156
AM Nantes, ibid., pièce n°30.
157
Idem et pièce n°37 ; Moi, Jean Martin […], ibid., registre paroissial de Bourgneuf.
158
AD 44, ibid.
159
AM Nantes, ibid, pièce n°30.
160
Documents sur l'île de Bouin, 1874, ibid.

359
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
leurs maisons161. Ce constat fait, le chercheur se retrouve dans lʼincapacité de préciser les
modalités ainsi que les acteurs de lʼévacuation162. Le second point abordé ressort à la
mémoire. Ce que Emmanuel GARNIER appelle le « paradoxe de la perception
météorologique »163 sʼillustre dans le discours de Nicolas HERPIN à travers la formule :
« c'était la plus terrible et furieuse tourmente qu'on eut vu d'homme vivant. »164. Ainsi,
lʼévénement de fin 1598-début 1599 apparaît plus extraordinaire que les précédents, alors que
se trouvent dans le lot les violents aléas météo-marins des 24 février et 4 octobre 1591165. De
son côté, désireux de sʼassurer que le souvenir du vimer perdure, le curé GUILLET stipule quʼil
le note dans son registre paroissial pour les générations futures, afin que « cete mémoyre soitz
theneue vraye et mémoyre à cueulx qui vindront a print nous »166. Quant au mémoire rédigé
en 1775, il décrit les plus graves tempêtes et submersions marines ayant affecté lʼîle de Bouin.
Référence y est faite au souvenir des éléments du CET des 31 décembre 1598-3 janvier
1599167. Par le biais de lʼentretien dʼune mémoire orale et dʼécrits alors encore conservés, le
souvenir de la manifestation a pu persister, se perpétuer. Le troisième point qui sera
brièvement évoqué tient en la réponse religieuse168 à la suite de lʼévénement. Homme
dʼÉglise, cʼest naturellement vers Dieu que le curé GUILLET de Bourgneuf se tourne. Il
cherche à obtenir de lʼaide, une protection. Il annonce ainsi prévoir prier le Seigneur quʼil
« nous veille préserver à lʼavenir de telle fortune et inconvéniant »169. Enf in, la dernière
réaction à transparaître dans les documents disponibles porte sur une demande de
dégrèvements fiscaux. En effet, lʼévêque et les députés du clergé de Nantes nʼhésitent pas à
solliciter le roi en vue dʼobtenir de sa part une décharge dʼimpôts à la suite de la ruine
provoquée par le vimer dans lʼévêché170.

De ces témoignages, il ressort que le littoral du centre-ouest, particulièrement lʼestuaire


de la Loire, les territoires de la baie de Bourgneuf (Bourgneuf, Prigny, île de Bouin), lʼîle de
Ré, a été très durement touché par lʼaléa météo-marin du 31 décembre 1598-3 janvier 1599.
Près dʼun demi-siècle plus tard, une manifestation de très grande ampleur balaye les provinces
de la façade atlantique.

Ayant fait lʼobjet de publications relativement récentes et de qualité, les témoignages

161
AM Nantes, ibid., pièces n°30 et 37.
162
Cf. supra, Chapitre 6, 6.2.2 - Barricadement, fuite, secours : des réponses variées selon les périodes.
163
Garnier, E., 2010b, Les dérangements du temps. 500 ans de chaud et de froid en Europe, Plon, Paris, p. 102.
164
HERPIN, N., ibid.
165
Ibid, fol. 11-12.
166
Moi, Jean Martin […], ibid., registre paroissial de Bourgneuf.
167
AM Nantes, II 136, pièce n°30.
168
Cf. supra, Chapitre 6, 6.1 - L'existence d'une réponse religieuse ?
169
Moi, Jean Martin […], ibid., registre paroissial de Bourgneuf.
170
AD 44, ibid.

360
des curés GUILLET de Bourgneuf et DE LA NOË de Prigny171 ainsi que celui de Nicolas HERPIN
ne seront pas édités ici172. De même, tenant en une phrase173, le propos de Jacques MERLIN ne
fera pas lʼobjet dʼune référence spécifique.

Pièce justificative n° 14

AD Loire-Atlantique, G 269, pièce n°65.

Fonds du chapitre cathédral de Nantes, décimes et subventions du clergé, liasse composée de


3 pièces parchemin et 41 pièces papier.

Pièce papier, source manuscrite, original, ancien français, bon état relatif.

Sans date mais dont la datation est estimée vers 1600. La description du phénomène et des
dommages correspond nettement au vimer de la fin de lʼannée 1598-début de celle de 1599.
Le contenu implique dans ce cas une rédaction au début de lʼannée 1599. Première main,
témoin oculaire, fiabilité bonne.

Analyse : demande dʼune décharge dʼimpôts adressée au roi par lʼévêque et les députés du
clergé de Nantes dans laquelle il est rapporté une submersion marine majeure faisant
référence à celle de 1598 (?).

« Le s s ie urs e ve s que , s indic e t de pute s du cle rgé de Na nte s […] e t ce ma lhe ur continua nt
de jour e n a utre une gra nde pa rtie dudit e ve s ché a ia nt e s té de puis le s quinze jours a troys
s e pma ine s na ye e t ra va gé pa r une s ubite inunda tion e t de borde me nt de la me r, pa r le que l
ung nombre de d'e glis e s a voie nt e s té ruyné e t une multitude d'a me s s ubme rgé e . […] ilz ont
e s té s contra inctz pa ye r le dit cle rgé e s t du tout ruyné . Il vous pla is e de s cha rge r le s dictz
s upplia nts s uyva nt votre e dit ta nt du principa l que a rre a ge s , de s pe nd, domma ge s e t
inte re s tz ve u le ur pa uvre té e t a ccide nt de rnie r a rrivé . Ou du moins de s de s pe nds ,
domma ige s e t inte re s tz, e ns e mble de s a rre a ge s pre te ndue s jus que s a u jour de la fe s te de
ba rthe le my(? ). »

Pièce justificative n° 15

AM Nantes, II 136, pièces n°30 et n°37.

Fonds Petit, baronnie et juridiction de lʼîle de Bouin, liasse composée de 1 pièce parchemin

171
Moi, Jean Martin, recteur de Plouvellec... Les curés “ journalistes” de la Renaissance au XVIIe siècle, 1993,
présenté par Croix A., Apogée, Rennes, p. 67-68.
172
Boucard, J., 2017, « La vie quotidienne sur Ré à la fin du XVIe siècle au travers du journal de Nicolas
Herpin », A.H.S.A., t. LXVII, p. 203-288, p. 231.
173
« Le 31 du mesme mois [décembre, sic] tempeste fort violente. ». MERLIN J., Diaire de Jacques Merlin et
recueil des choses les plus mémorables qui se sont passées en ceste ville de La Rochelle de 1589 à 1620, Méd.
M. Crépeau, ms. 161, Mi 114, fol. 366-367.

361
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
et 74 pièces papier.

Les scribes de ces 2 pièces ne sont pas contemporains et témoins oculaires des phénomènes
présentés. Ils sʼappuient sur des documents et procès-verbaux aujourdʼhui disparus pour leur
rédaction. Fiabilité très bonne.

Remar que : la totalité des deux pièces nʼest pas publiée ci-dessous. Seuls les passages liés à
la tempête avec submersion des 31 décembre-3 janvier 1599 sont transcrits.

La pièce n°30 est en papier. Il sʼagit dʼun mémoire rédigé par les habitants de Bouin. Source
de la pratique manuscrite, première main, original, ancien français, bon état.

Analyse : extrait du mémoire en date du 18 novembre 1775 adressé à Monsieur le Marquis


du Peray pour être présenté à Monsieur le Comte de Maurepas afin de justifier et expliquer
les privilèges de lʼîle.

« […] En 1598, le 31 de ce mbre la me r re nve rs a le s digue s , inonda e t s ubme rge a toute lis le ,
de truis it s e s moulins , de molis s e s ma is ons , e ntra ina le s me uble s e t le s be s tia ux qui pe rire nt
pre s que tous , noya un gra nd nombre de pe rs onne s e t n'e n e cha pa que ce ux qui e ure nt le
te mps ou la pre ca utions de monte r s ur le toit de s ma is ons , toute s le s te rre s fure nt s a lé e s e t
de me ure ront s te rile s pe nda nt plus ie urs a nné e s , toute s s e s s a line s fure nt comblé e s e t ce tte
te mpe te dura 3 jours . […] »

Pièce justificative n°15bis

La pièce n°37 est en papier. Il sʼagit du sommaire dʼun recueil disparu. Source archivistique
manuscrite, première main, original, ancien français, état médiocre.

Analyse : sommaire détaillé des pièces d'un recueil qui semble aujourd'hui perdu. Sans date
mais dernier tiers du XVIIIe siècle. Il y est question de documents à propos des vimers de
1509, 1598, 1699.

« […] Le 31 de ce mbre 1598 lis le de Bouin fut e ntie re me nt s ubme rgé e , plus ie urs ha bita nts
fure nt noyé s , le s a utre s s e s a uve re nt s ur le urs ma is ons : ce vime r dura 3 jours , il re nve rs a
le s digue s , cha us s é e s , le s moulins , e ntra îna tous le ur me uble , le urs be s tia ux, le s s e ls , ta lu,
toute s le s te rre s , combla tous le s ma ra is : ce vime r fut s uivi d'un pa re il a u mois de
s e pte mbre s uiva nt qui a che va de ruine r lis le . […] La gra nd nombre de vime rs ou te mpe s te
de me r que lle a e s s uyé : e n 1598 le de rnie r de ce mbre la me r inonda e t s ubme rge a toute
lis le , re nve rs a le s cha us s é e s , s e s moulins , noya plus ie urs ha bita nts , le s a utre s s e s a uve re nt
s ur le urs ma is ons , e ntra ina le urs me uble s , le ur be s tia ux qui pe rire nt pre s que tous , s a la
toute s le s te rre s , combla tous le s ma ra is e t dura 3 jours .[…] »

Pièce justificative n° 16

AD Charente-Maritime, 2 J 11.

Carnet de notes manuscrites en papier, non paginé, rédaction par le docteur ATGIER, don de
MASSIOU, XIXe siècle, français, bon état.

362
Source érudite sur lʼîle de Ré. Seconde main. Lʼauteur sʼinspire fortement de Nicolas
HERPIN. Il nʼest ni contemporain ni témoin oculaire. Fiabilité bonne.

Analyse : extrait du carnet de notes du docteur Atgier portant sur le vimer des 31 décembre
1598-3 janvier 1599.

« Le 31 dé ce mbre il s e fit la plus a ffre us e tourma nte que l'on a va it connu jus qu'à ce jour, qui
ca us a la pe rte d'une qua ntité de na vire s ur tous le litora le de s côte s de Bre ta gne , d'Aunis e t
S a intonge s , da ns la riviè re de Na nte s il s 'e n pe rdit 25. La viole nce du ve nt e t de la me r
e ta ie nt s i impe tue ux que le s va gue s furie us e s s ubme rge a l'ile de Boing e t qu'un na vire
pous s é pa r la furie de s va ge s e t de la tourme nte jus qu'à qua tre s lie ue s da ns le s te rre s . En
l'ile de Ré e lle fit d'é norme s ra va ge s , principa le me nt e n Loix, où la me r e s t monté jus qu'a u
villa ge de la Va ud e t le dima nche 3 ja nvie r 1599, la tourme nte fut a us s i viole nte e t
occa s ionna de nouve a ux dé gâ ts . »

8.2.3 Les 28-29 janvier 1645 : du littoral à l'intérieur des terres, l'apocalypse

Principalement connu par le témoignage de Samuel ROBERT ainsi que par des sources
de seconde main, la connaissance du vimer des 28-29 janvier 1645 quʼavait le chercheur était
jusquʼà présent centrée sur le littoral aunisien et saintongeais. De récents dépouillements ont
permis dʼapprofondir sa compréhension. Son emprise spatiale, son ampleur se devinent.

En lʼétat actuel des connaissances, la tempête avec submersion des 27-28 janvier 1645
est documentée par 13 récits174. Sur ce nombre, trois sont tirés dʼouvrages dʼérudits du XIX
e

siècle et un provient dʼune source de seconde main. Les autres émanent de témoins oculaires.
Sept témoignages directs sont issus de sources narratives. Le plus « célèbre » est consigné
dans un livre de raison. Il sʼagit de celui du lieutenant particulier de l'élection de Saintes :
Samuel ROBERT175. Du côté de lʼAunis, le vimer est conf irmé par le diaire de Joseph
GUILLAUDEAU, avocat au présidial de La Rochelle176, ainsi que par le journal de P.
JOUSSEAUME177. Notaire à Germond, dans le Bas-Poitou, le journal de Simon ROBERT
conserve également la mémoire de cet événement extrême178. À Poitiers, deux sources
narratives attestent de lʼimportance des dommages provoqués par les grands vents. Le premier

174
Lʼhistorien rattaché au service culturel de la communauté de communes de Noirmoutier, Vincent CRISTOFOLI,
nous a récemment informés quʼun document conservé au château de lʼîle attestait aussi du passage de la tempête
à Noirmoutier. Il conviendra à lʼavenir de consulter ce quatorzième témoignage.
175
ROBERT S., 1883, « Un livre de raison, 1639-1668. Journal de Samuel Robert, lieutenant particulier en
l'Election de Saintes », publié par Tortat G., in A.H.S.A, tome XI, p. 323-416
176
GUILLAUDEAU J., 1908, « Diaire », publication par Meschinet de Richemont I., in A.H.S.A, tome XXXVIII,
Saintes.
177
Il sʼagit en vérité dʼune copie du journal. La copie a été réalisée par JAILLOT qui suppose que le journal était
originellement plus long. Lʼoriginal est, semble-t-il perdu. JOUSSEAUME P., Journal (1638-1647), copie faite par
Jaillot, Med. M. Crépeau, La Rochelle, ms. 153, Mi 108, fol. 220-223, fol. 222.
178
ROBERT S., 1895, « Journal de Simon Robert, notaire à Germond, Bas-Poitou (1621-1654) », publié par
Desaivre L., in A.H.P, tome XXV, p. 383-416, p. 406.

363
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
est le journal dʼun marchand de Poitiers179 dénommé Antoine DENESDE180. Le second découle
dʼune note marginale du registre des baptêmes de la paroisse de Saint-Hilaire-de-la-Celle pour
les années 1645-1651181. Elle est rédigée par le vicaire DE LA PORTE. Lʼaléa est aussi évoqué
au Mans dans le manuscrit de la famille BODREAU182. En outre, deux actes, lʼun préservé aux
archives départementales de la Vienne, lʼautre dans celles de la Gironde, rapportent le
phénomène. Le premier est tiré dʼun registre de délibérations capitulaires de Notre-Dame-la-
Grande de Poitiers. Daté du 1er février 1645, le sous-chantre y est prié de monter sur la toiture
de l'église afin de dresser un rapport des dommages arrivés par « vimère » le 29 janvier
1645183. Le second consiste en actes de sommation en date des 21 février et 2 mars 1645
effectués par le syndic de lʼabbaye Sainte-Croix de Bordeaux, Bruno CLAMENDES, au
représentant de lʼabbé, Jean GRENIER. Partiellement déchirée, la pièce est en mauvais état,
mais il y est question de réparations à faire à lʼéglise à la suite des dommages faits, en
particulier aux vitres, par « les ventz et orages extraordinaires des jours passés »184. Quoique
la date exacte ne soit pas indiquée, la probabilité pour que la référence renvoie à la tempête
avec submersion des 28-29 janvier 1645 est élevée. Toutefois, pour lʼheure, en lʼabsence de
confirmation, la prudence prévaut. Par ailleurs, une source de seconde main doit être signalée.
Il sʼagit du Précis de lʼhistoire de lʼisle de Ré par Gustave DECHEZEAUX185. Lʼauteur paraît
sʼinspirer de documents désormais perdus. Enfin, trois érudits rapportent lʼévénement dans
leurs ouvrages186. Leurs travaux respectifs sont relativement f iables et bien documentés.
Edouard DUPONT et Jean-Baptiste-Ernest JOURDAN ont eu accès à des textes, dont certains
sont aujourdʼhui disparus : par exemple, JOURDAN stipule tirer ses informations dʼune lettre
dʼun négociant rochelais187. Léopold DELAYANT188 a, quant à lui, principalement puisé dans
les deux autres œuvres189.

La dépression surgit dans la nuit du samedi 28 au dimanche 29 janvier 1645. Elle est
accompagnée de pluies diluviennes qui se manifestent depuis la veille et provoquent des

179
Coutelle, A., Terradillos, J-L. (entretien), 2007, « Antoine Denesde, marchand ferron », Lʼactualité Poitou-
Charente, 77, p. 87-89.
180
DENESDE A., 1885, Journal d'Antoine Denesde, marchand Ferron à Poitiers, et de Marie Barré sa femme
(1628-1687), publié par Bricauld De Verneuil M., impr. H. Oudin, Poitiers.
181
AD 86, registre paroissial des baptêmes (1645-1651), paroisse de Saint-Hilaire-de-la-Celle, numérisation, vue
1.
182
AD 72, 1 J 364, fol. 119-123.
183
AD 86, G 1309, fol. 7.
184
AD 33, H 306, pièce n°5.
185
DECHEZEAUX G., 1784 (manuscrit), Précis de l'histoire de l'isle de Ré, Méd. M. Crépeau, La Rochelle, ms
122, fol. 24.
186
DUPONT E., 1830, Histoire de La Rochelle, impr. Mareschal, La Rochelle, p. 484 ; JOURDAN J-B-E., 1861,
Éphémérides historiques de La Rochelle, impr. A. Siret, La Rochelle, p. 22 ; DELAYANT L., 1870, Histoire des
Rochelais racontée à Julien Méneau par son grand-père L. Delayant, tome II, impr. A. Siret, La Rochelle.
187
JOURDAN J-B-E., 1861, ibid.
188
DELAYANT L., 1870, ibid.
189
DUPONT E., 1830, ibid., JOURDAN J-B-E., 1861, ibid.

364
inondations fluviales, notamment du côté de la rivière de Sarthe190. Elle se conjugue à une
conjoncture défavorable liée à la pleine lune du 27 janvier. Le coefficient de marée est estimé
à 91 le 28 au soir et à 100 le 29 au matin191. Il semblerait que le plus fort de la tempête soit
survenu au cours de la seconde partie de la nuit, alors que la mer se trouve dans sa phase
montante. À 4 heures du matin le 29, elle est signalée à Poitiers192. La mer est « tellement
agitée et esmeüe »193 quʼelle submerge plusieurs territoires situés sous le niveau des hautes
eaux, en particulier les marais des îles de Ré, Aix et Oléron194. Des inondations marines sont
également rapportées à La Rochelle, du côté des pointes de Chef-de-Baie et des Minimes,
ainsi quʼà Marennes, Nieulle, Arvert, Talemont ou Saint-Seurin195 par exemple où les eaux de
la mer ont pu se mêler à celles de la Seudre ou de la Gironde. Le niveau de la surcote* est, là
encore, inestimable. À en croire Jean-Baptiste-Ernest JOURDAN, non contemporain des faits,
un navire de 200 tonneaux aurait été déposé par la mer à proximité dʼun moulin à vent situé
sur « un tertre élevé de douze pied [soit un peu plus de 3 mètres] au-dessus du niveau de la
mer »196. La mer aurait par ailleurs profondément pénétré dans les terres197. Entre marée
astronomique, surcote barométrique, houle et vents dʼafflux, une telle situation est probable.
Les vents sont de nord-ouest198. Sʼil est impossible dʼen estimer la vitesse, la « violence dʼun
vent de mer qui avoit soufflé furieusement toute la nuit »199 ne fait aucun doute200. Les vents
se manifestent de plus sur un territoire plus continental. Des dommages sont recensés
notamment à Germond, Poitiers, Le Mans, ce qui suggère leur vitesse élevée.

190
AD 72, 1 J 364, ibid.
191
Cf. supra, Chapitre 1, 1.2.3 - Un espace macrotidal : phase de la Lune, coefficient de marée et surcote.
192
AD 86, registre paroissial, ibid.
193
ROBERT S., 1883, ibid.
194
Idem ; JOUSSEAUME P., ibid.
195
Actuellement : Talemont-sur-Girond et Chenac-Saint-Seurin-dʼUzet.
196
JOURDAN J-B-E., 1861, ibid.
197
Idem ; JOUSSEAUME P., ibid. ; ROBERT S., 1883, ibid. ; DUPONT E., 1830, ibid.
198
DUPONT E., 1830, ibid.
199
AD 86, registre paroissial, ibid.
200
Athimon, E., Maanan, M., Sauzeau, T., Sarrazin, J-L., 2016, ibid.

365
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés

Figur e 43: Car te des ter r itoir es touchés par la tempête avec submer sion mar ine des 28-29 janvier 1645.

Cʼest essentiellement par la répartition spatiale, la variété et lʼimportance des dégâts


consignés dans les sources historiques que le chercheur augure de lʼampleur du phénomène.
La tempête avec submersion des 28-29 janvier 1645 possède un fort pouvoir
dʼendommagement. En premier lieu, une trentaine de navires (27 selon JOUSSEAUME201, 36
dʼaprès Samuel ROBERT202) sont échoués, rompus, brisés sur les côtes aunisiennes,
principalement au niveau de La Rochelle et de Chef de Baie203. Les dommages sur les
activités agricoles et salicoles sont également très importants. La mer submerge une grande
quantité de marais salants204 et emporte « plus des trois quartz du sel qui estoyt sur les

201
JOUSSEAUME P., ibid.
202
ROBERT S., 1883, ibid. ; DUPONT E., 1830, ibid. ; JOURDAN J-B-E., 1861, ibid. ; DELAYANT L., 1870, ibid.
203
GUILLAUDEAU J., 1908, ibid.
204
JOUSSEAUME P., ibid. ; DECHEZEAUX G., 1784, ibid.

366
bossis »205. Selon Edouard DUPONT, non contemporain, le préjudice sʼélèverait à 500 000
écus de sel perdus206 ! Les dégâts faits aux champs, prés, vignes sont majeurs. Lʼeau salée, en
inondant certaines métairies et moulins, détruit une partie de la récolte qui y est stockée. Elle
gâte aussi les semences et cultures situées sur les bossis des marais. Les vignes souffrent
autant de la mer que des grands vents. Sur lʼîle de Ré, environ un tiers dʼentre elles doit être
arraché et replanté, ce qui entraîne la chute dʼune production de vins déjà assez faible. Sans
quʼil ne soit possible dʼavancer un chiffre, du bétail est noyé et perdu207. Des témoins, comme
Simon ROBERT, déplorent enf in que la tempête ait déraciné, brisé, renversé «tant dʼarbres
par terre », de nouveau sans que la moindre information chiffrée ne transparaisse208. Causées
autant par lʼocéan que les vents, les dégradations matérielles sont légions. La mer submerge
« des bourgs entiers, quanthité de maisons »209 à La Rochelle, à lʼîle de Ré, ainsi quʼen
Saintonge210. Dans la ville de Saintes, une partie du plomb de la couverture du clocher de la
cathédrale Saint-Pierre est emportée, des maisons sont découvertes, des cheminées ruinées.
Dans la campagne circonvoisine, des dégâts similaires aux toitures de « plusieurs chasteaux et
maisons nobles » sont mentionnés211. Du côté de Germond, les couvertures de plusieurs
« maisons haultes » sont partiellement arrachées212. À Poitiers, des cheminées sont abattues,
des toitures sont endommagées, comme celle de lʼéglise de Notre-Dame-la-Grande, voire
emportées – notamment celle du premier conseiller de la ville Monsieur DUPONT LESPINASSE
–, le clocher en bois de lʼabbaye de Saint-Hilaire-de-la-Celle est renversé, les croix et faîtages
en plomb de plusieurs édifices sont mis à terre (église Saint-Jean de Montierneuf, horloge des
Augustins, église de Saint-Hilaire-le-Grand)213. Au Mans et dans ses environs, les vents ont
endommagé les charpentes et couvertures de plusieurs maisons, enfoncé une partie de la voûte
de la cathédrale Saint-Julien et renversé le clocher de lʼéglise de Saint-Jean-dʼAssé214. Si
aucun bilan humain circonstancié nʼémerge, certains discours insinuent son importance. À en
croire Samuel ROBERT, sur le littoral aunisien, en particulier du côté de La Rochelle et de
Chef de Baie, « on a emporté les hommes noyés à chartées [par charrettes, sic] »215. Sʼagit-il
ici dʼune exagération ? La formule « que la mer y [sur les côtes de Chef de Baie et La
Rochelle, sic] avoyt getté »216 sous-entend que ces morts sont rejetés par la mer sur les côtes.
La probabilité pour quʼil sʼagisse de membres dʼéquipage issus de la trentaine de bateaux et

205
ROBERT S., 1883, ibid.
206
DUPONT E., 1830, ibid.
207
ROBERT S., 1883, ibid. ; DECHEZEAUX G., 1784, ibid. ; DUPONT E., 1830, ibid.
208
ROBERT S., 1895, « Journal de Simon Robert, ibid. ; ROBERT S., 1883, ibid. ; DUPONT E., 1830, ibid.
209
ROBERT S., 1883, ibid.
210
JOUSSEAUME P., ibid. ; DUPONT E., 1830, ibid.
211
ROBERT S., 1883, ibid.
212
ROBERT S., 1895, « Journal de Simon Robert, ibid.
213
DENESDE A., 1885, ibid. ; AD 86, registre paroissial, ibid. ; AD 86, G 1309, ibid.
214
AD 72, 1 J 364, ibid.
215
ROBERT S., 1883, ibid.
216
Idem.

367
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
barques naufragés introduite au début de ce paragraphe est élevée. Néanmoins, rien ne permet
de statuer sur le nombre de marins présents à bord ou sur leur éventuel sauvetage. Au
demeurant, cela nʼexclut pas que des noyades dʼindividus vivant sur le littoral aient eu lieu.
Joseph GUILLAUDEAU en dénombre trois, indépendantes les unes des autres217. Sans que les
circonstances nʼen soient communiquées, les deux premières concernent des marins : ces
hommes, identifiés par leur nom, leur prénom, leur profession et leur âge, se trouvaient-ils sur
lʼun des vaisseaux ruinés par la tempête ? Ont-ils été emportés par une lame depuis lʼestran ?
Ont-ils été surpris chez eux par la submersion ? Petit off icier de la Monnaie de La Rochelle,la
troisième victime dont il est question est emportée par la mer sur la route reliant La Rochelle
à Châtelaillon. Il se noie au « Pont de la Pierre », qui enjambe le canal exutoire des marais
dʼAytré. Une autre question affleure : pourquoi précisément consigner ces trois décès et
donner leur état ? Lʼauteur les connaissait-il ? Avait-il quelques relations ou affaires avec
eux ? Se peut-il que les « chartées » ne concernent que trois cadavres ? Quelques pertes
humaines rattachées à des destructions matérielles opérées par les vents doivent aussi être
relevées. Par exemple, à Poitiers, la tempête a délogé une « grosse pierre » de la galerie du
logis de la famille DE LA FUYE. Tombée sur la maison du procureur, maître Jean POUGNET,
celle-ci a enfoncé la couverture, tué lʼun de ses fils et blessé le second218. La « qualité » du
père des victimes est certainement la raison de la mise en mémoire de lʼaccident dans le
journal du marchand Antoine DENESDE.

En termes de réactions, lʼaccueil psychologique et émotionnel219 réservé à la tempête


avec submersion des 28-29 janvier 1645 ressort nettement. Lʼévénement est unanimement
présenté comme un « désordre », « grand », « horrible », « épouvantable », « avec de tels
vents » par les contemporains220. Au-delà de la démesure des qualif icatifs employés, ces
témoignages confirment que les populations perçoivent, comprennent le caractère
extraordinaire de lʼaléa quʼils vivent. Les sociétés de lʼépoque sont habituées aux
dérangements répétés de faible intensité en matière de dommages221. Dans le cas présent, le
phénomène dépasse leur « degré dʼabsorption ». Cela induit lʼimpossibilité de lʼintégrer dans
les modes de vie et fait dire à plusieurs témoins quʼil sʼagit dʼune manifestation dont nul nʼa
ouï parler ou à laquelle nul nʼa assisté « de mémoire dʼhomme »222.
La réponse religieuse est de plus sollicitée223. Sur neuf sources de première main

217
GUILLAUDEAU J., 1908, ibid.
218
DENESDE A., 1885, ibid.
219
Cf. supra, Chapitre 6, 6.2.1 - Lʼaccueil psychologique et émotionnel de lʼévénement.
220
JOUSSEAUME P., ibid. ; ROBERT S., 1883, ibid. ; DENESDE A., 1885, ibid ; ROBERT S., 1895, « Journal de
Simon Robert, ibid. ; AD 86, registre paroissial, ibid.
221
Cf. supra, Chapitre 6, 6.3.2 - Tolérer et intégrer les périls dans son mode de vie.
222
ROBERT S., 1883, ibid. ; ROBERT S., 1895, « Journal de Simon Robert, ibid. ; GUILLAUDEAU J., 1908, ibid.
223
Cf. supra, Chapitre 6, 6.1 - L'existence d'une réponse religieuse ?

368
originales sur cet aléa météo-marin, trois revêtent une valeur symbolique religieuse. Lʼun des
récits expose la réalisation dʼun miracle alors que la tempête impacte durement la province du
Maine. Le second voit dans la manifestation lʼexpression de la colère divine et dʼune punition.
Le troisième dresse un parallèle avec la célébration religieuse du quatrième dimanche après
lʼÉpiphanie. Ainsi, au Mans, la tempête a fortement ébranlé la voûte de la cathédrale Saint-
Julien, au point quʼune grosse pierre sʼéboule. Dans sa chute, la pierre serait tombée sur un
imagier de la Vierge Marie, « laquelle pierre se cassa en deux sans offenser ledit imagier »224.
Ce fait est alors perçu par les contemporains comme un miracle certifiant que Dieu est
miséricordieux. À lʼinverse, le lieutenant particulier de l'élection de Saintes, Samuel Robert,
voit dans ce vimer des marques du mécontentement de Dieu « par les péchés ausquelz tout
lʼestat est plongé, qui attirent encore sur nos testes de plus rudes chastimens »225. Il prie alors
Dieu de faire acte de compréhension, de miséricorde et en appelle au Christ. Le début de la
décennie 1640 est affecté par dʼimportants troubles. Les péchés auxquels il est fait allusion
renvoient probablement aux révoltes ayant animé les territoires français, notamment la
Saintonge, en 1643-1644. Le roi de France étant le « lieutenant de Dieu sur terre », se révolter
contre son autorité revenait à contester la volonté divine. Entre 1618 et 1648 se tient la guerre
de Trente Ans. Il sʼagit dʼune série de conflits armés ayant opposé les Habsbourg dʼEspagne
et du Saint-Empire aux États allemands protestants alliés aux Provinces-Unies, à la France
ainsi quʼaux Pays scandinaves. Cette guerre entraîne une forte augmentation de la pression
fiscale. En octobre 1643, une émeute éclate en Poitou, Aunis, Saintonge et Angoumois. Les
percepteurs des impôts sont maltraités, des paroisses refusent de payer les taxes, des paysans
prennent les armes226. Des assemblées factieuses composées de nobles se réunissent et
lʼagitation prend de lʼampleur. Des appels à la rébellion sont lancés. À partir du 29 décembre,
un corps dʼarmée royal avec à sa tête le marquis dʼAumont est envoyé pour réprimer les
soulèvements. En février 1644, la révolte est étouffée et les séditieux se soumettent à
lʼautorité royale227. Néanmoins, si le calme revient, des mécontentements perdurent. Ainsi,
pour ce péché dʼinsubordination, Dieu aurait puni les provinces dʼAunis, Poitou, Saintonge
avec une violente tempête. Enfin, une corrélation passe pour étrange aux yeux de
JOUSSEAUME : le dimanche 29 janvier 1645 est le quatrième dimanche après lʼÉpiphanie228.
Cʼest traditionnellement le jour où les chrétiens célèbrent lʼévangile du Motus Magnus Factus
est in mari - Une grande tempête s'éleva sur la mer. Cet évangile est tiré des Apôtres

224
AD 72, 1 J 364, ibid.
225
ROBERT S., 1883, ibid.
226
Chéruel, M., 1872, « Notice sur un soulèvement en Poitou, Aunis, Saintonge, Angoumois (1643) », Mémoires
de la Société des antiquaires de lʼOuest, Derache, Poitiers, tome XXXV, p. 145-155.
227
Joyer, H., 1892, « Table chronologique », A.H.S.A, Picard A., Paris, tome XX, p. 465-482, p. 478-479.
228
JOUSSEAUME P., ibid.

369
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
MATTHIEU et MARC229. Il détaille la survenue dʼune tempête tandis que Jésus traverse le lac
Tibériade avec ses disciples. Alors que Jésus dort paisiblement, les hommes sont saisis
dʼeffroi, le réveillent et le supplient de les sauver. Avant de commander aux éléments et
dʼapaiser la tempête, Jésus leur demande « Pourquoi êtes-vous peureux, hommes de peu de
foi ? »230. Lʼhomme pieux doit garder conf iance en Dieu, quelles que soient les circonstances.
La dernière des réactions exposées dans les documents tient aux réparations et remises
en état. Au regard de lʼampleur des dommages, elle est proportionnellement très mal
documentée. Deux informations succinctes émergent. Dʼune part, à lʼîle de Ré, la remise en
état des digues aurait nécessité 3 mois « par un travail du général des habitans de lisle »231.
Aucun état du coût financier ne transparaît néanmoins. Dʼautre part, dans une délibération
capitulaire de lʼéglise de Notre-Dame-de-la-Grande de Poitiers, le sous-chantre est prié de
monter sur le toit de lʼéglise en vue de réaliser un rapport des dommages provoqués par le
vimer232. Aucun procès-verbal ni devis nʼa pour lʼheure été exhumé.

La tempête avec submersion des 28-29 janvier 1645 est relativement bien documentée.
Cela permet de la caractériser au mieux selon les informations extraites des sources textuelles.
Elle semble de grande ampleur. Elle a durement frappé le littoral aunisien et saintongeais,
avant de traverser un territoire plus continental (Poitou, Maine). Lʼaléa météo-marin dont il
sera désormais question est bien moins connu.

8.2.4 Lʼaléa météo-marin du 15 janvier 1699

Le 15 janvier 1699, une tempête se manifeste. Moins bien documentée que celle de
1645, elle semble avoir fortement endommagé lʼAunis, en particulier lʼîle de Ré.

Attesté par 3 sources anciennes, lʼévénement est également rapporté par des érudits du
e
XIX siècle ainsi que par des travaux de recherche récents233. La principale description de
lʼaléa provient dʼun témoin oculaire : maître MAUDET, père. Celui-ci a repris et continué les
Annales de La Rochelle de Henry COLIN. Seule une copie faite au XVIIIe siècle par JAILLOT en

229
Évangile selon Matthieu, chapitre VIII, verset 24 ; Evangile selon Marc, chapitre IV, verset 36.
230
Évangile selon Matthieu, ibid.
231
DECHEZEAUX G., 1784, ibid
232
AD 86, G 1309, ibid.
233
Notamment : Boucard, J., 2010, « Vimers ayant frappé lʼîle de Ré. Synoptique des vimers rétais », in Garnier,
E., Surville, F. (dir.), 2010a, La Tempête Xynthia face à lʼhistoire. Submersions et tsunamis sur les littoraux
français du Moyen Âge à nos jours, Le Croît Vif, Saintes, p. 153-163, p. 157 ; Brochard, F-X., 2010, Autorité,
justices et droit en pays de marches séparantes : lʼîle de Bouin (XVIe-XVIIIe siècles), Université de Nantes, thèse
de doctorat dʼHistoire du droit, sous la direction de Legal, P-Y., 2 tomes, Nantes, t. II, p. 114 ; Tardy, P., 2000,
« Raz-de-marée sur Ré. Les Rétais et les vimers », Groupement dʼétudes charentaises, Les cahiers de la
mémoire, 75, p. 10.

370
a été conservée234. Sa f iabilitéest très bonne. Le second témoignage est tiré des Mémoires
servans a lʼhistoire de La Rochelle235. Son rédacteur est inconnu. La ressemblance du contenu
de lʼœuvre avec plusieurs récits laisse selon toute vraisemblance penser à une compilation de
notes extraites de différents auteurs. Ainsi, il ne sʼagirait pas de données originales, mais
plutôt de copie / forte inspiration dʼautres sources, notamment de celle présentée
précédemment. Enfin, une phrase lapidaire fait allusion aux « procès verbaux sur le vimer
arrivé en lisle de Bouin en 1699 » dans le sommaire détaillé des pièces dʼun recueil
aujourdʼhui perdu236. Cela conf irme à la fois lʼexistence et la disparition dʼune production
documentaire sur cet aléa. Aucun élément précis sur ce que fut la dépression nʼy est
cependant consigné. Deux ouvrages, sources de seconde main, traitent de plus du phénomène.
Les auteurs sont des locaux. Lʼun, qui paraît sʼêtre inspiré du témoignage de maître MAUDET
ainsi que dʼun ou plusieurs autres récits, est LʼHistoire de La Rochelle dʼEdouard DUPONT237.
Lʼautre est lʼHistoire de l'île de Ré du docteur KEMMERER238. Le chercheur doit admettre la
faiblesse masse documentaire, particulièrement en comparaison aux précédentes études de
cas.

De violents vents dʼouest soufflent depuis plusieurs jours lorsque la dépression frappe
lʼAunis le 15 janvier 1699 à partir de 4 heures de lʼaprès-midi. Comme le signalent les
sources, elle survient le jour de la pleine lune (15 janvier 1699 à 19h02 UT) et « au gros
dʼeau »239. Dans lʼaprès-midi, la mer est effectivement haute. Le coeff icient de marée est
dʼailleurs estimé à 103. Les conditions météorologiques font « monter la mer
240
extraordinairement / prodigieusement » . Aujourdʼhui, les spécialistes parlent de surcote*.
Selon Edouard DUPONT, non contemporain des faits, la mer se serait « élevée de six pieds »241.
Cela correspondrait à une élévation dʼenviron 1,80 mètre. À titre de comparaison, dʼaprès le
SHOM, lors de la tempête Xynthia, la surcote était de 1,61 mètre à La Rochelle, tandis que
durant celle des 15-16 octobre 1987, des surcotes allant jusquʼà 2,50 mètres ont pu être
observées sur le littoral atlantique français242. Une telle surcote nʼa donc rien de saugrenu.
Pour autant, la recherche nʼest pas en mesure de confirmer ou dʼinfirmer la tendance énoncée.

234
Annales de la Rochelle, depuis l'année 1560 jusqu'en l'année 1718, tirées en partie du livre de La Poterne.
Les additions sont de M. Henry Colin ; tout est de lui, depuis l'année à laquelle finit le livre de La Poterne,
jusque à l'année 1643. M. Maudet père a repris depuis 1689 jusqu'en 1707, et M. Jean Maudet, greffier en chef
du présidial et sénéchaussée de la Rochelle, a continué ces annales, depuis 1707 jusqu'en 1718, copie faite par
Jaillot, Méd. M-Crépeau, La Rochelle, ms. 153, Mi 108, fol. 184.
235
Mémoires servans a l'histoire de La Rochelle, Méd. M-Crépeau, ms. 100, Mi 307, fol. 139-140.
236
AM Nantes, II 136, pièce n°37.
237
DUPONT E., 1830, Histoire de La Rochelle, impr. Mareschal, La Rochelle, p. 509.
238
KEMMERER Dr, 1888 (2e ed.), Histoire de L'île de Ré, L'insula Rhéa, impr. Jeanne d'Arc, Saint-Martin de Ré,
p. 303.
239
Annales de la Rochelle […], ibid. ; Mémoires servans, […], ibid.
240
Idem.
241
DUPONT E., 1830, ibid.
242
http://www.shom.fr/les-activites/activites-scientifiques/maree-et-courants/marees/surcotes-et-decotes/

371
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
Au demeurant, les vents, initialement dʼouest, changent de direction et sʼorientent au nord-
ouest243. Les territoires aunisiens, en particulier La Rochelle et lʼîle de Ré, ainsi que lʼîle de
Bouin sont largement endommagés244.

Les dégâts engendrés sont assez peu détaillés. Ils laissent cependant entrevoir lʼampleur
du vimer. En premier lieu, des navires – au nombre de 20 selon Édouard DUPONT – font
naufrage, sont drossés et brisés sur les côtes dʼAunis245. Sur les îles de Ré et de Bouin, de
graves inondations sont en outre recensées : des chaussées sont ébréchées, du bétail est noyé,
des maisons sont dégradées246. À La Rochelle, lʼeau pénètre dans la grande rue du Perrot,
située à proximité de la tour de la Lanterne247. Naturellement exposés, les marais salants
souffrent des destructions majeures. Toutefois, nulle précision sur lʼétat circonstancié des
systèmes hydrauliques et des bassins de production du sel nʼaffleure. Lʼhistorien doit se
contenter dʼune note lapidaire chez le docteur KEMMERER : « Les marais salants sont
submergés et détruits »248. La récolte semble aussi être très largement perdue. À Bouin
comme dans lʼîle de Ré, la perte est évaluée à près de 200 000 livres249 ! Le mode traditionnel
de stockage en monceaux recouverts dʼun mélange imperméable sur les tesseliers* offre, entre
autres, de conserver dʼimportantes quantités de sel. Cela permet de pallier les éventuelles
variations de récolte dʼune année à lʼautre. Les tesseliers* sont souvent localisés le long des
étiers*. Le sel qui y est entreposé est vulnérable aux déferlements et incursions dʼeau250. En
lʼespace de quelques heures, un vimer peut détruire la récolte de lʼannée, voire de plusieurs
années. Si tant est quʼelle ne soit pas trop exagérée, cela pourrait expliquer une perte salicole
équivalente à 200 000 livres. Cette perte est dʼautant plus déplorable que les années
précédentes ont été marquées par des gelées tardives, des pluies notables, de mauvaises
récoltes généralisées (blé, vigne, sel)251.

Les réactions des sociétés restent presque intégralement opaques à la recherche ici. Il
sera simplement évoqué 2 points. Premièrement, Maître MAUDET écrit : « Jʼétois au plus fort
de la tempête sur les murailles près la tour de la lanterne »252. Fut-il surpris par la tempête

243
Annales de la Rochelle […], ibid. ; Mémoires servans, […], ibid.
244
Idem ; AM Nantes, II 136, ibid. ; Brochard, F-X., 2010, ibid.
245
Annales de la Rochelle […], ibid. ; Mémoires servans, […], ibid. ; DUPONT E., 1830, ibid.
246
Annales de la Rochelle […], ibid. ; Mémoires servans, […], ibid ; Brochard, F-X., 2010, ibid.
247
Annales de la Rochelle […], ibid.
248
KEMMERER Dr, 1888 (2e ed.), ibid.
249
Annales de la Rochelle […], ibid. ; Mémoires servans, […], ibid. ; DUPONT E., 1830, ibid. ; AM Nantes, ibid.
250
Sarrazin, J-L., 2016a, « La saliculture atlantique française au péril de la mer (XIVe-XVIe siècle) », in Le
Bouëdec, G., Cerino, C. (dir), La maritimisation du monde de la préhistoire à nos jours. Enjeux, objets et
méthodes, PUPS, Paris, p. 167-190.
251
Le Roy Ladurie, E., Rousseau, D., Vasak, A., 2011, Les fluctuations du climat. De lʼan mil à aujourdʼhui,
Fayard, Paris, p. 105-112 ; DUPONT E., 1830, ibid.
252
Annales de la Rochelle […], ibid.

372
lors dʼune de ses activités et obligé de se réfugier sur les murailles ? Ou, sʼagit-il dʼune
démarche volontaire dʼobserver, dʼassister à lʼévénement depuis un avant-poste relativement
protégé ? Fascinés par les aléas météorologiques extrêmes, dʼaucuns cherchent de nos jours à
les « vivre », quitte à se mettre en danger. Ces comportements sont parfois dénoncés par nos
sociétés, qui y voient notamment lʼexpression dʼune faible conscience du risque… Quoiquʼil
ne soit pas possible en lʼétat dʼy répondre, pour tout ce quʼelle sous-entend et ouvre comme
voies de réflexion, la question méritait dʼêtre posée. Deuxièmement, Maître MAUDET dresse
une comparaison entre le vimer du 15 janvier 1699 et un qui serait survenu en décembre 1684
(1682 ?)253. Son constat est au reste intéressant en ce quʼil rappelle une interrogation
persistante des spécialistes des tempêtes : comment expliquer quʼun phénomène semble-t-il
plus violent génère proportionnellement des dommages moindres ?254

Les XVIe-XVIIe siècles sont marqués par une « sortie de la pénombre » de nombreux cas
de tempête et submersion marine. Ils sont globalement mieux couverts et documentés que
ceux de la fin de la période médiévale. Cela permet de les caractériser avec plus de précision
et dʼen apprécier plus aisément lʼampleur. À partir du XVIIIe siècle, les sources se diversifient,
la couverture documentaire se densifie, les discours se précisent et se codifient, les mesures
instrumentales se multiplient.

e
8.3 Pr écisions et nouvelles données au cour s du XVIII siècle

e
La masse de documents conservés utile à lʼétude des tempêtes au XVIII siècle est sans
commune mesure avec celle des périodes précédentes, particulièrement de la fin du Moyen
Âge. Plus accessible également en termes de paléographie et de langage, cette masse peut
conduire le chercheur à la privilégier. Cela peut alors avoir pour conséquence une
interprétation erronée de la fréquence des aléas, notamment nourrie par lʼimpression dʼun
accroissement de leur nombre. Aujourdʼhui, le phénomène est connu, mais il arrive que le
spécialiste des tempêtes se laisse abuser. Dans le cadre de la présente étude, entre 1700 et
1789/90, 36 événements ont été considérés.

253
La brève description faite de lʼévénement, en particulier de ses impacts, interroge sur la possibilité dʼune
erreur de datation et dʼune allusion à la tempête avec submersion des 7-8 décembre 1682. Dʼautant que, pour
lʼheure, aucun renseignement portant sur un vimer de lʼampleur décrite et survenu en décembre 1684 nʼa été
exhumé.
254
Annales de la Rochelle […], ibid. ; Mémoires servans, […], ibid.

373
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés

8.3.1 Sources et informations : un début de foisonnement

e
Pour le XVIII siècle, les documents sont plus nombreux. Cela semble sʼexpliquer tant
par une organisation administrative du royaume propice à la production dʼune importante
masse documentaire, que par des conditions de conservation plus favorables. Sous lʼAncien
Régime, il nʼexiste pas véritablement dʼinstitutions centralisant les archives de toute
lʼadministration. Néanmoins, des dépôts particuliers comme les archives du Parlement, celles
de la chancellerie, celles de la Chambre des comptes, etc. existent. À la fin du XVIIIe siècle, le
service des Archives nationales voit le jour. Il est défini pour la première fois dans un décret
de lʼAssemblée constituante en date du 12 septembre 1790. Les archives antérieures à la
Révolution ne sont alors pas concernées. Lʼintérêt des documents datant dʼavant 1789 émerge
progressivement et le 2 novembre 1793, un décret place tous les dépôts sous une autorité
unique255. La loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) complète le dispositif en instituant un
service dʼarchives dans chaque département. Cependant, il serait erroné de considérer que les
e
sources textuelles produites au XVIII siècle nʼont pas souffert de destructions et pertes liées
aux vicissitudes historiques. Présentées précédemment pour la totalité de la période étudiée
dans la thèse256, il ne sʼagira pas ici dʼy revenir dans le détail. Mentionnons simplement à titre
dʼexemple la disparition complète du fonds de lʼamirauté du Léon en Bretagne. Créé à partir
de 1691, ce fonds est presque exclusivement constitué de pièces du XVIIIe siècle. Il est détruit
lors des bombardements de Brest le 2 juillet 1941257.
e
Le « foisonnement » au XVIII siècle sʼexplique par ailleurs par la grande diversité des
fonds et pièces mobilisables : procès-verbaux, enquêtes effectuées post-tempête, mémoires,
devis estimatifs des dégâts, correspondance des intendants et des ingénieurs des Ponts-et-
chaussées, rapports des gardes forestiers des Eaux-et-Forêts, registres des Amirautés,
délibérations communales, cartes, plans… Les discours suivent une norme qui se rapproche
graduellement de celle dʼaujourdʼhui, ce qui en facilite la compréhension ainsi que
e
lʼappréhension des objectifs sous-jacents. Au XVIII siècle, à la suite de vimer, des données
chiffrées estimatives sur le nombre de morts, la quantité dʼarbres cassés ou déracinés dans les
forêts royales258, le montant économique des pertes ou le coût des réparations dʼun bâtiment
transparaissent de plus en plus souvent. Aucun bilan global sur le préjudice humain, matériel,
économique nʼest néanmoins véritablement réalisable. En effet, les données ne sont pas

255
Favier, L., 2004, op. cit. ; http://www.archives-nationales.culture.gouv.fr/web/guest/histoire-de-l-institution.
256
Cf. supra, 8.1.1 - Des pertes documentaires irrémédiables.
257
AD 29, inventaire de la série B, amirauté du Léon.
258
Morin, G-A., 2010, « La continuité de la gestion des forêts françaises de lʼancien régime à nos jours, ou
comment lʼÉtat a-t-il pris en compte le long terme », Revue française dʼadministration publique, 134, p. 233-
248.

374
systématiquement renseignées et restent encore isolées, localisées.
La démocratisation des instruments de mesure au cours du XVIIIe siècle, de même que la
prolifération des journaux dʼobservations météorologiques entraînent lʼapparition de
nouveaux types de données. Celles-ci revêtent un caractère moins « émotionnel » et
descriptif. Les contenus deviennent plus factuels, chiffrés, quantitatifs. Ces sources sont le fait
de savants rattachés à la Société Royale de Médecine ou dʼamateurs éclairés. En conséquence,
la qualité, la fiabilité et la régularité des mesures restent très variables. Dʼautant que les
instruments comptent des imprécisions, voire peuvent être mal calibrés. Malgré tout, ces
documents et données révolutionnent le travail du chercheur en matière de caractérisation des
vimers anciens. La direction des vents y est de plus en plus systématiquement établie. Lʼétat
du ciel (nuageux, pluvieux, venteux…) y est assez précisément décrit. La pression
atmosphérique en pouces et lignes de mercure peut être relevée, ce qui offre de reconstruire
les conditions barométriques avant, pendant et après le passage dʼune tempête. Le
développement des mesures instrumentales et des observations météorologiques marque une
rupture avec les renseignements qualitatifs des siècles précédents. Lʼhistorien ne doit pour
autant pas tromper : ces nouvelles données nʼautorisent pas à analyser les tempêtes comme le
permettent aujourdʼhui les images satellites et/ou le maillage ainsi que les équipements des
stations météorologiques à lʼéchelle du territoire.

La présence de sources plus nombreuses, normées, mieux conservées, plus accessibles


facilite lʼexhumation des aléas météo-marins à lʼéchelle du XVIIIe siècle. Cela a également des
répercussions sur le travail de caractérisation et de reconstruction des tempêtes effectué par
lʼhistorien.

8.3.2 Les 14-15 mars 1751 : un « ouragan » déjà parfaitement connu ?

La tempête des 14-15 mars 1751, usuellement qualifiée dʼ« ouragan » tant par les
sources textuelles que les historiens, est connue depuis plusieurs années, notamment grâce
aux travaux de Jérémy DESARTHE259. De récentes exhumations ont permis dʼextraire de
nouvelles données sur lʼaléa, dʼen préciser les conditions atmosphériques, le pouvoir
dʼendommagement ainsi que lʼemprise spatiale.

259
Désarthe, J., 2014a, « Les sociétés bretonnes face aux tempêtes (XVIe-XIXe siècle) », in Chaumillon, E.,
Garnier, E., Sauzeau, T. (dir), Les littoraux à l'heure du changement climatique, Les Indes Savantes, Paris, p. 35-
58, p. 38-39 ; Désarthe, J., 2013, Le temps des saisons. Climat, événements extrêmes et sociétés dans lʼOuest de
la France (XVIe-XIXe siècles), Hermann, Paris, p. 99-103 ; Désarthe, J., 2013b, « Les sociétés face aux caprices du
temps dans lʼOuest de la France (XVIe-XIXe siècle) », in Ducos, J., Météores et climats dʼhier. Décrire et
percevoir le temps quʼil fait de lʼAntiquité au XIXe siècle, p. 141-178, p. 148-152.

375
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
À ce jour, 35 documents témoignant de cet événement extrême ont été dépouillés260. Il
ne sʼagira pas ici de tous les présenter en détail, encore moins de tous les publier. Une
sélection a naturellement dû être opérée. Les sources accessibles par voie de publication ou de
numérisation ne seront pas éditées ici. Seuls certaines pièces ou certains extraits de pièce
inédits au contenu pertinent et illustrant spécifiquement le propos seront transcrits. Sur 35
témoignages, sept sont des notes marginales rédigées dans des registres paroissiaux261, trois
sont des récits narratifs tirés de journaux ou registres notariaux262. Les autres documents
proviennent dʼactes de la pratique263, de registres de délibérations264, de registres des Eaux et
forêts265, de registres de police ou des Amirautés266… Des mesures instrumentales, à raison
dʼune par jour, ont également été réalisées par Henri-Louis DUHAMEL DU MONCEAU267 depuis
son château familial de Denainvilliers dans lʼOrléanais268.

Dans la nuit du 14 au 15 mars 1751, une tempête extrêmement violente, qualifiée


dʼ« ouragan » par les contemporains269, frappe un territoire compris entre la presquʼîle
guérandaise et lʼAnse de lʼAiguillon. Suivant une direction nord-est270, les vents pénètrent
profondément dans les terres. Des dommages sont signalés à Angers, Saumur, Thouars,

260
AD 44, C 672/15, extrait des registres du greffe […] ; AD 44, C 672/15, ordonnance du siège royal […] ; AD
44, G 473, fol. 52 ; AD 49, 1 B 150, ordonnance du 14 août 1751 […] ; AD 49, 1 B 150, copie dʼune note dʼun
registre notarial ; AD 53, E dépôt 226/E 8, vue 35 (numérisation) ; AD 79, registre paroissial Saint-Médard
(Thouars), 1 MI EC 120 R 355, vue 82 ; AD 85, AC 039, vue 10 (numérisation), voir pièce justificative n°1 ; AD
85, 8 B 32, livre des chaussées (Bouin) […] ; AD 85, 62 J 11, fol. 41-42 ; AD 85, 144 J 1, fol. 27-29 ; AD 86, B
56, supplique du 24 mars 1751 […] ; AD 86, B 56, supplique du 26 mars 1751 […] ; AD 86, B 56, permission
faite le 14 juin 1751 […] ; AD 86, B 56, permission adressée le 27 juin 1751 […] ; AD 86, B 56, permission
adressée le 12 juillet 1751 […] ; AD 86, B 56, permission faite au seigneur de Saint-Abre […] ; AD 86, B 164,
procès-verbaux en date du 18, du 20 et du 22 mars 1751 ; AM Angers, GG 180, 5 Mi 50 (microfilm), fol. 511-
513 ; AM Nantes, DD 23, pièce n°35 ; AM Nantes, FF 72, fol. 24 ; AM Nantes, FF 72, fol. 25 ; AM Nantes, GG
253 ; AM Nantes, GG 409, vue 4 (numérisation) ; AM Nantes, HH 227, pièce n°13 ; AM Nantes, II 136, pièce
n°4 ; AM Nantes, II 136, pièce n°8 ; AM Nantes, II 136, pièce n°30 ; AM Rennes, BB 638, fol. 9 ; AM Saumur,
DD 13, pièce n°51 ; AM Saumur, DD 13, pièce n°52 ; AM Saumur, DD 13, pièce n°53 ; Histoire de l'Académie
royale des Sciences tirée des registres de cette Académie, 1752, impr. Martin G., Coignard J-B., Guerin H-L.,
Paris, observations de DUHAMEL DU MONCEAU, p. 366-368 ; « Notes et remarques extraites des registres de la
paroisse du Crucifix au Mans (1680-1789) », 1903, publication par Chambois E-L., in P.M, tome XI, p. 33-45,
77-78, 109-111, 167-172, 237-239, 268-271, 299-303, p. 167 ; TRIGER R., 1881, « Observations agricoles et
météorologiques sur les années remarquables 1544-1789 », in P.M, impr. Edmond Monnoyer, Le Mans, p. 37.
261
AD 53, E dépôt, ibid. ; AD 79, registre paroissial, ibid. ; AD 85, AC 039, ibid. ; AM Angers, GG 180, ibid. ;
AM Nantes, GG 253, ibid. ; AM Nantes, GG 409, ibid. ; « Notes et remarques […] », ibid.
262
AD 49, 1 B 150, copie ibid. ; AD 85, 144 J 1, ibid. ; TRIGER R., 1881, ibid.
263
AD 49, 1 B 150, ordonnance […], ibid. ; AD 85, 8 B 32, ibid ; AM Nantes, DD 23, ibid ; AM Nantes, II 136
(3 pièces), ibid. ; AM Saumur, DD 13, pièces n°51 et 53.
264
AD 44, G 473, ibid. ; AD 85, 62 J 11, ibid. ; AM Rennes, BB 638, ibid. ; AM Saumur, DD 13, pièce n°52,
ibid.
265
AD 86, B 56, 6 pièces, ibid. ; AD 86, B 164, ibid.
266
AD 44, C 672/15, 2 pièces, ibid. ; AM Nantes, FF 72, 2 notices, ibid. ; AM Nantes, HH 227, ibid.
267
Désarthe, J., 2010, « Duhamel du Monceau, météorologue », RHMC, 57-3, p. 70-91.
268
Histoire de l'Académie royale […], ibid. ; Cf. Annexe 3.
269
Notamment : AD 44, G 473, ibid. ; AD 79, registre paroissial, ibid. ; AD 85, AC 039, ibid ; « Notes et
remarques extraites […], ibid. ; AM Nantes, GG 253, ibid. ; AM Nantes, II 136, pièces n°4 et 30, ibid. ; AM
Saumur, DD 13, 3 pièces, ibid. ; AM Angers, GG 180, ibid…
270
« Notes et remarques […] », ibid.

376
Poitiers, Châtellerault, Rennes, Le Mans, Saint-Pierre-sur-Erve, mais également à Tours271 et
Denainvilliers272, situés en dehors du cadre spatial de lʼétude. La dépression se manifeste
entre 22h le 14 mars et environ 05h à 06h du matin le 15 mars273. Le plus fort de son activité
semble avoir eu lieu entre 01h et 03h du matin. Sans que la vitesse des vents ne soit estimable,
ceux-ci sont jugés violents, impétueux par les témoins274, au point que lʼon en « trouve peu
d'exemples »275 comparables dans la mémoire. La tempête survient entre la pleine lune du 12
mars et le dernier quartier du 20 mars 1751. Le coefficient de marée est déterminé à 89 le 14
mars au soir et à 87 le 15 mars au matin. Lorsque la tempête frappe la côte atlantique du
centre-ouest français, la marée est basse. Elle entame sa remontée à partir de 01h du matin le
15 mars. Malgré un coefficient de marée assez peu élevé et le fait que la mer ne soit pas haute,
des inondations marines importantes sont mentionnées à Bouin276, aux Sables-dʼOlonne277 et
à Guérande278. Les mesures instrumentales réalisées par Henri-Louis DUHAMEL DU MONCEAU
à Dadonville dans le Loiret (+ 110 mètres NGF) f ixent à 26 pouces 1 ligne279 la pression
atmosphérique pour le 14 mars 1751. Ramené au niveau de la mer, cela correspond à un
relevé de 26 pouces 3 lignes 6 douzièmes, soit 954 hPa280 ! Une pression si basse ne
manquera pas de surprendre le chercheur281. Il se peut que les relevés effectués par Henri-
Louis DUHAMEL DU MONCEAU soient peu fiables, voire partiellement erronés. Il se peut
néanmoins aussi que lʼaléa ait été extraordinaire, avec des vents dʼafflux très importants et
une surcote barométrique majeure estimable à environ 60 cm282, ce qui tendrait à expliquer les
submersions et le fait quʼil « fit monter la mer tres hautes »283 et quʼil « força la mer de sortir
de son lit, que cette mer extraordinairement agitée passa par dessus les digues et
chaussées »284. Au demeurant, lʼévénement est accompagné de pluies diluviennes entraînant
des inondations dʼeau douce dans les marais de Vix, Maille, Maillezais285.

271
Journal dʼun habitant de Tours au XVIIIe siècle, Mathieu Voisin », 1895, Bulletin de la Société archéologique
de Touraine, t. X, p. 166.
272
Histoire de l'Académie royale […], ibid.
273
Idem ; AD 85, AC 039, ibid. ; AD 79, registre paroissial, ibid. ; AM Nantes, GG 253, ibid.
274
Dont : AM Nantes, II 136, pièce n°4, ibid. ; AD 44, C 672/15, extrait des […], ibid. ; Histoire de l'Académie
royale […], ibid ; AD 85, 62 J 11, ibid.
275
AM Nantes, HH 227, ibid. ; AD 44, C 672/15, ordonnance […], ibid.
276
AM Nantes, II 136, pièces n°4, 8 et 30, ibid.
277
AD 85, 144 J 1, ibid.
278
Désarthe, J., 2014a, art. cit ; Désarthe, J., 2013, op. cit. ; Désarthe, J., 2013b, art. cit.
279
Histoire de l'Académie royale […], ibid
280
Cf. Nota Bene Annexe 3.
281
À titre de comparaison, la plus basse pression relevée lors des tempêtes Lothar et Martin de 1999 en France
est de 960 hPa.
282
Les variations de la pression atmosphérique fonctionnent comme un « baromètre inversé ». La surface
océanique se « soulève » lorsque lʼatmosphère se fait plus légère. Une baisse de 1 hPa entraîne une augmentation
du niveau de la mer dʼenviron 1,01 cm. Ici, lʼécart par rapport à la moyenne (1013 hPa) est de 59. La surcote
barométrique atteint donc 59,59 cm, soit environ 60 cm.
283
AD 85, 144 J 1, ibid.
284
AM Nantes, II 136, pièce n°4.
285
AD 85, 62 J 11, ibid.

377
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés

Illustr ation 17: Extr ait du logiciel de pr édiction des mar ées anciennes (13-17 mar s 1751)
Source : http://www.ukho.gov.uk/Easytide/easytide/

378
Figur e 44: Car te des espaces où des endommagements sont r ecensés pour la tempête des 14-15 mar s 1751.

Les dégâts recensés sont abondants. À Bouin, les eaux océaniques ont ébréché les
digues et chaussées en plusieurs endroits286, « arrachés et transportés les pierres dont elles
estoient revestues et fortifiées »287. Elles ont submergé les prés, terres ensemencées, marais
salants. Elles ont rempli de boue, de terre et de sable les étiers* et canaux des marais. Elles
ont emporté une partie des sels stockés et ont pénétré dans plusieurs maisons « dont les
habitants pour sauver leurs vies ce voient obligés de monter sur leurs meubles, poutres et
tirans »288. Selon un mémoire en date du 18 novembre 1775, lʼévénement produit « plus de 50

286
AD 85, 8 B 32, ibid.
287
AM Nantes, II 136, pièce n°4.
288
Idem.

379
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
mille livres de dommages »289 à lʼîle de Bouin. Du côté de lʼOlonnais, des maisons sont
inondées, le chenal du havre de la Gachère est partiellement comblé et « le parment de la
grande jettée neuve fut enlevée et sapée jusque dans ses fondemant »290. À Angers, Bouin, La
Bruffière, Le Mans, Nantes, Poitiers, Rennes, Saint-Pierre-sur-Erve, Saumur, Thouars…, des
clochers et cheminées sont renversés, des ailes de moulin sont arrachées, des lanternes
publiques sont brisées, des ardoises et tuiles de toitures sont emportées291. À lʼexception dʼun
homme retrouvé mort sous les décombres de sa maison dans la paroisse de Saint-Nicolas à
Nantes292, autrement ni chiffre ni allusion à des décès nʼapparaît dans les sources. Une grande
quantité dʼarbres sont cassés ou déracinés. Dans les bois, futaies et forêts du Poitou, de
lʼAnjou, du Maine, les pertes sont considérables : des arbres fruitiers (noyers, pommiers,
pruniers, cerisiers, poiriers), des ormeaux, des chênes, des hêtres sont arrachés, emportés,
cassés, coupés ou étêtés par le vent. En Anjou, cʼest « plus du quart des arbres »293 qui est
couché par terre, au point que le préjudice se fera « sentir pendant plus de vingt années »294.
Dans le Maine, cʼest un « nombre infini dʼarbres de toutte espece »295 qui est perdu, ce qui
donna aux populations « lʼoccasion de faire provision de bois de chauffage »296. De même, en
Poitou, à Châtellerault, les procès-verbaux du greffe de la maîtrise des eaux et forêts
permettent de comptabiliser 109 arbres abattus par la tempête et de très nombreuses haies
arrachées297. Au reste, à Marsais-Sainte-Radégonde, à Louzy, dans les bois environnant
Poitiers et à Saint-Hilaire-de-Mortagne ce sont respectivement 128, 513, 115 arbres et 35
futaies qui ont été déracinés ou brisés dans la nuit du 14 au 15 mars 1751298. Ainsi, cela
« causera pour longues années une tres grande perte »299 à lʼagriculture et la sylviculture.
Quant au commerce maritime, il a souffert des pertes élevées, notamment parce que
« quantité de batteaux perirent chargés de vin et bleds »300, si bien que lʼestimation du
préjudice sʼélève à « plusieurs millions »301 ! En effet, aux environs de Paimboeuf et de
lʼestuaire de la Loire, de nombreux navires sont « dispersés, dématés, rompus & jettés en

289
AM Nantes, II 136, pièce n°30.
290
AD 85, 144 J 1, ibid.
291
AD 44, G 473, ibid. ; AD 49, 1 B 150, 2 pièces, ibid. ; AD 53, E dépôt 226/E 8, ibid. ; AD 79, registre
paroissial, ibid. ; AD 85, AC 039, ibid. ; AD 86, B 56, 2 pièces de supplique, ibid. ; AM Nantes, DD 23, ibid. ;
AM Nantes, GG 253, ibid. ; AM Nantes, GG 409, ibid. ; AM Nantes, II 136, pièce n°4, ibid. ; AM Rennes, BB
638, ibid. ; AM Saumur, DD 13, 3 pièces, ibid. ; « Notes et remarques […], ibid. ; TRIGER R., 1881, ibid.
292
AM Nantes, GG 253, ibid.
293
AD 49, 1 B 150, copie […], ibid
294
AD 49, 1 B 150, ordonnance […], ibid. ; Cf. supra, Chapitre 3, 3.2.2 - Questionner les temporalités de
lʼendommagement.
295
AD 53, E dépôt 226/E 8, ibid. ; TRIGER R., 1881, ibid.
296
« Notes et remarques […], ibid.
297
AD 86, B 164, ibid.
298
AD 86, B 56, 4 pièces, ibid.
299
AD 79, registre paroissial, ibid.
300
AD 49, 1 B 150, copie […], ibid.
301
AM Nantes, GG 253, ibid.

380
disvers endroit de la côte »302.

Qualifiée dʼ« universelle »303, la tempête des 14-15 mars 1751 impressionne les
témoins. Les récits font globalement état de sentiments de peur, de frayeur et dʼinsécurité304.
Sʼimaginant que « les maisons alloient être renversées »305, les habitants « ne se croyait pas
en sûreté dans les maisons »306 et ils « ne sçavoit ou aller, ni ou se mettre pour estre en
seureté »307. Certains perçoivent dans cet aléa lʼannonce du Jugement dernier308 et dans la
paroisse de Saint-Nicolas de Nantes, le Miserere est chanté309.
Par ailleurs, les dégâts sont tellement importants, en particulier pour le commerce
maritime, que dès les 16 et 17 mars, lʼAmirauté et le procureur de police de Nantes enjoignent
aux maîtres de chaloupes et de gabares nantais de se rendre dans la rade de Paimboeuf afin de
porter assistance aux bâtiments désemparés par la tempête310. Les maîtres de barques nantais
ont ainsi 24 heures pour vider leurs bateaux de leurs marchandises et se rendre disponibles.
En cas de refus, ils risquent des sanctions. Lʼétendue des destructions matérielles a de plus
pour effet une augmentation des prix des matières premières nécessaires à la réfection comme
les ardoises et les tuiles. À Angers comme à Nantes, le procureur du roi cherche à réguler le
marché et à limiter les abus en fixant des prix maximums de vente311. Ainsi, « tous ces
malheurs qui devroient exciter generallement la consideration et la charité servent a quelques
particuliers d'un moyen pour s'enrichir au prejudice du pauvre, par une avidité criminelle et
pour profiter de la necessité publique »312.

La tempête des 14-15 mars 1751 est bien documentée. Elle apparaît très violente, dʼune
intensité* élevée et son emprise spatiale semble considérable. Lʼexhumation de plusieurs
dizaines de documents inédits a permis dʼen approfondir la connaissance. À la condition que
le chercheur soit prudent, lʼémergence de mesures instrumentales offre de préciser les
conditions atmosphériques de lʼévénement. La tempête des 17-18 janvier 1784 est dʼailleurs
marquée par cette « emprise des météophiles ».

302
AM Nantes, HH 227, ibid. ; AD 44, C 672/15, ordonnance […], ibid.
303
AM Angers, GG 180, ibid. ; TRIGER R., 1881, ibid.
304
AD 79, registre paroissial, ibid. ; AD 85, 144 J 1, ibid. ; AM Nantes, GG 253, ibid. ; AM Nantes, GG 409,
ibid. ; « Notes et remarques […], ibid.
305
« Notes et remarques […], ibid.
306
AM Nantes, GG 253, ibid.
307
AD 79, registre paroissial, ibid.
308
AD 85, 144 J 1, ibid. ; AM Angers, GG 180, ibid.
309
AM Nantes, GG 253, ibid. ; Cf. supra, Chapitre 6, 6.1.1 - Sermons, prédications, processions ? Des sources
silencieuses.
310
AM Nantes, FF 72, fol. 24, ibid. ; AM Nantes, HH 227, ibid. ; AD 44, C 672/15, ordonnance […], ibid. ; AD
44, C 672/15, extrait […], ibid.
311
AD 49, 1 B 150, ordonnance […], ibid. ; AM Nantes, FF 72, fol. 25, ibid.
312
AD 49, 1 B 150, ordonnance […], ibid

381
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
Pièce justificative n° 17
AM de Nantes, II 136, pièce n°4

Fonds Petit, baronnie et juridiction de lʼîle de Bouin, liasse composée de 1 pièce parchemin,
74 pièces papier et 2 sceaux.

Pièce papier, source manuscrite, original, ancien français, bon état.

Document de la pratique, première main, témoin oculaire, fiabilité bonne.

Analyse : extrait du procès-verbal, en date du 6 avril 1751, des dégâts causés par la tempête
des 14-15 mars en diverses parties de l'île de Bouin. Les digues, de nombreuses maisons, la
couverture de la chapelle du Rosaire qui forme une des ailes de l'église Notre-Dame de
Bouin, deux pyramides du clocher ont notamment beaucoup souffert.

« […] e s ta nt a rrivé s pe nda nt la nuit du qua torze a u quinze du mois de ma rs du de rnie r a n


oura ga n e t te mpê te viole nte qui ont ca us é a ux ha bita nts , proprié ta ire s e t bie n ve na nts e n
ce tte is le de s domma ge s tre s cons idé ra ble s , il e s t né ce s s a ire de le s fa ire cons ta te r. En
pre mie r lie u que pe nda nt la nuit du qua torze a u quinze du mois de ma rs de rnie r, il s 'é le va
un ve nt s y impe tue ux quil força la me r de s ortir de s on lit a upa ra va nt que lle fut da ns s on
pla in, que ce tte me r e xtra ordina ire me nt a gité e pa s s a pa r de s s us le s digue s e t cha us s é e s
qui luy s e rve nt de ba rriè re s e t que lle a re nve rs é plus ie urs de s dite s digue s e n diffe re nts
e ndroits , a rra ché s e t tra ns porté s le s pie rre s dont e lle s e s toie nt re ve s tue s e t fortifié e s ,
inondé e t s a llé s le s pré s circonvois ins a ins y que le s te rre s e ns e ma ncé e s e t contre s a llé s le s
a bre voire s , re mplye de boue s e t te rre s e tra nge re s plus ie urs ma ra is , s a llé s a us s i le s é tie rs e t
ca na ux de s tiné s a y conduire nt e t pre pa re r le s e a ux né ce s s a ire pour forme r le s e l que lle a
fondus une pa rtie de s dits s e ls e t e ntré s da ns plus ie urs ma is ons de s ports du s ud de lis le ,
dont le s ha bita nts pour s a uve r le urs vie s ce voie nt obligé s de monte r s ur le urs me uble s ,
poutre s e t tira ns . Le s ve nts d'un a utre cos té ont de s couve rts une gra nde qua ntité de
ma is ons da ns tous le s ca rtie rs de la ditte is le , e bra nlé s plus ie urs murs , e nle vé le s
cha rpe nte s de que lqu'une s qui ont e s té s re nve rs é pa r te rre s , de couve rt le s monce a ux de
s e ls e xis ta nts s ur le s ports , e n pa rtie coupé s re nve rs é e t de va iré une infinité da rbre s
fruitie rs , e mporté s e t dis pe rs é s le s foins e t pa ture s , de s tiné s a la noriture de s be s tia ux. En
s e cond lie u […] ont dé cla ré que le cos té de le ur e glize pa rois s ia le a s ouffe rt un domma ge
tre s cons ide ra ble s da ns la pa rtie s ittué e ve rs le ve nt de noroue s t, que la couve rture de la
cha ppe lle du Roza ire qui a e s té a ux de ux tie rs de couve rt e t une pa rtie de s a lle s e mporté s ,
que le s vitra ux e t la mbrie s de la ditte e glize ont a rchy s ouffe rts , qu'une de s pira mide s du
cloche r quoyque bie n cime ntié e t s oute nus pa r de s cra mponts de fe r a é té a moitié re nve rs é
pa r ce ve nt e t qu'e n tomba nt e lle a e cra s e r une pa rtie de l'impe ria lle du cha pita ud de ce tte
me me e glize a ins y qu'une ma is on vois ine a ppa rte na nt a la ditte e glize , qu'un a utre pira mide
du me me cloche r a é té te lle me nt e bra nlé e que pa r ordre du ge ne ra l ils ont e s té obligé s de
la fa ire de s molir a moitié da ns la cra inte du domma ge que lle a uroit pu ca us e r e n tomba nt
s ur le s orgue s e t cha rpa nte s de la ditte e glize . Enfin que de ux a utre s ma is ons a ppa rte na nt a
la ditte fa brique ont e s té e s de couve rte da ns la ma je ure pa rtie , e t que ce tte me me fa brique
pa rticipe e ncorre cons ide ra ble me nt a ux a utre s domma ge s que l'innonda tion a ca us é a ux
pré s , te rre s e t cha us s é e s de la ditte is le . Innonda tion qui a uroit couve rt toutte s la s urfa ce
d'ice lle s y le s ve nts ne s e toie nt pa s ca lmé s e n cha nge a nt de pa rtie de ugx he ure s
a upa ra va nt que la me r fut e n s on pla in. […]. »

382
Pièce justificative n° 18:

AD Loire-Atlantique, C 672/15.

Fonds de la chambre de commerce de Nantes, marine marchande et droit de fret, liasse de 20


pièces papier non numérotées, 1711-1786.

Pièce imprimée chez Antoine Marie à Nantes, original, ancien français, bon état.

Document administratif, première main, témoin oculaire, fiabilité bonne.

Analyse : Ordonnance de l'Amirauté en date du 17 mars 1751 enjoignant aux maîtres de


chaloupes et de gabares de les faire décharger dans les 24 heures, et de partir au plus tôt pour
Paimboeuf assister les bâtiments désemparés par la tempête du 14 au 15 mars 1751.

« DE P AR LE ROY, ORDONNANCE DU S IEGE ROYAL DE L'AMIRAUTE EN FAVEUR DU


COMMERCE. Du dix-s e pt Ma rs mil s e pt ce ns cinqua nte -un.
A MES S IEURS , te na nt le s iè ge roya l de l'Amira uté de Na nte s . S UP LIENT humble me nt le s
J UGES & CONS ULS e n cha rge , re pré s e nta nt le gé né ra l du comme rce de la mê me ville .
dis a nt, que la te mpê te qui s e fit s e ntir la nuit du 14 a u 15 de ce mois , a ve c une viole nce ,
dont on ne trouve pe u d'e xe mple s , a ca us é a ux Na vire s qui é toie nt da ns la ra de de
P a inboe uf & a ux e nvirons de s dé s ordre s a ffre ux. Ils ont é té dis pe rs é s , dé ma té s , rompus , &
je tté s e n dis ve rs e ndroit de la côte ; ce ux mê me qui ont le moins s ouffe rt, s ont né a nmoins
da ns une s itua tion à a voir be s oin de prompts s e cours . Da ns une né ce s s ité a us s i pre s s a nte ,
le s s uplia ns pre nne nt la libe rté de vous re pré s e nte r, MES S IEURS , qu'il e s t
indis pe ns a ble me nt né ce s s a ire que tous né gocia ns & ma rcha nds , qui ont de s ma rcha ndis e s
e n cha loupe s ou ga ba rre s , le s fa s s e nt dé cha rge r, a fin qu'on puis s e s e s e rvir de s dite s
cha loups & ga ba rre s , pour procure r a ux na vire s de s s e cours dont ils ont un s i pre s s a nt
be s oin : Ils re qué re nt ; MES S IEURS , qu'il vous pla is e e njoindre à tous né gocia ns &
ma rcha nds , qui ont de s ble ds , moruë s , & a utre s ma rcha ndis e s e n cha loupe s , ga ba rre s ou
ga ba ra ux, de le s fa ire dé cha rge r e n vingt-qua tre he ure s pour tout dé la i ; a fin que le s ma ître s
de s dite s cha loupe s , ga ba rre s ou ga ba ra ux, s oie nt é ta t de donne r le s s e cours né ce s s a ire s
a u comme rce , & le ur ordonne r de pa rtir pour P a inboe uf, à la pre miè re ré quis ition qui le ur e n
s e ra fa ite , s ous te lle pe ine que s ur le s conclus ions de Mons ie ur le P rocure ur du Roi, il pla ira
a u S iè ge de prononce r : Et s e ré s jus tice . S igné , M. S ARREBOURS E D'AUDEVILLE.
GROU. J OUBAYE P ROCUREUR.
S oit communiqué e a u P rocure ur du Roi, à Na nte s ce 17. Ma rs 1751. S igné BAS CHER.
VEU pa r nous cons e ille r du roi, & s on procure ur a u s ié ge roya l de l'ordonna nce de nous s oit
communiqué e : Cons e ntons , & re qué rons mê me pour le roi, qu'il s oit e njoint & fa it
comma nde me nt à tous ma ître s de ga ba rre s , ga ba ra ux, ba rque s & cha loupe s , & a utre s
bâ time ns qui s ont a ctue lle me nt cha rgé s , de le s fa ire dé cha rge r s ous vingt-qua tre -he ure s , &
qu'il le ur s oit e njoint de pa rtir a u plûtôt pour P a inboe uf, a fin de donne r a ux na vire s qui s ont
e n da nge r, le s s e cours qui le ur s e ront né ce s s a ire s ; & ce , s ous le s pe ine s qui y é choie nt :
re qué rons e n outre , qu'a tte ndu que la s e nte nce ou ordonna nce qui inte rvie ndra s ur la
pré s e nte re ga rde e n gé né ra l le comme rce , & e s t s e ule me nt de la compé te nce du s iè ge
roya l de l'Amira uté , e lle s oit lue , publié e , notifié e & a ffiché e pa r tout où be s oin s e ra ,
principa le me nt à la Bours e . A Na nte s ce 17. Ma rs 1751. S igné , DE LA CLARTIERE
MERLAUD. »

383
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés

Pièce justificative n° 19:


AM de Nantes, FF 72, folio n°25.

Fonds de la Police de Nantes, audiences de police, registre in-folio de 50 folios papier, 1750-
1751.

Registre papier, source manuscrite, original, ancien français, bon état.

Document administratif, première main, témoin oculaire, fiabilité bonne.

Analyse : audience extraordinaire de police en date du 19 mars 1751 au cours de laquelle le


procureur décide de limiter les abus des marchands qui vendent leurs matériaux à un prix
indécent à la suite de la tempête et des nombreuses réparations à effectuer.

« Du ve ndre dy 19 ma rs 1751. Audie nce e xtra ordina ire de police […] Mons ie ur le procure ur
du Roy a re montré que la te mpe s te du 14 a u 15 de ce mois a te lle me nt e ndomma gé le s
ma is ons de ce tte ville e t de s e nvirons que le s ma rcha nds qui ont de s ma te ria ux propre s a
le s ré pa re r a bus e nt de ce tte conjoncture pour quoy il re quie rt que le prix de s a rdois e s ,
la tte s , thuille s e t brique s s oit fixé pa r pre cis ion.
Le s iè ge a de ce rné a cte de la re montra nce du procure ur du Roy s y fa is a nt a voit fa it
de ffe ns e s s ur le s pe inne s qui y e choue nt e t jus qu'à ce quil n'e n a it é té a ultre me nt ordonné a
tous ma rcha nds e t fournis s e urs de ve ndre de s ma te ria ux a u de s s us du prix cy a prè s :
l'a rdois e a ppe llé e poil noir d'Ange rs vingt livre s le millie r, ce lle a ppe llé e poil la ctré (? ) dix-huit
livre s , le millie r de la tte a a rdois e s vingt-huit livre s , ce lui de la la tte à tuille de qua tre pie ds
de ux pouce s cinqua nte -qua tre livre s ; la la tte a ppe llé e a rche le tte vingt-s e pt livre s , le millie r
de tuille s e t de brique douze livre s , ordonné que la pre s e nte s e ra lue publie me nt e t a ffiché e
a ux e ndroits a ccoutumé s de ce tte ville . »

8.3.3 La tempête des 17-18 janvier 1784, l'empreinte des « météophiles »

e
Le dernier tiers du XVIII siècle est marqué par une tendance à lʼamplification des
relevés météorologiques. La tempête des 17-18 janvier 1784 sʼy inscrit pleinement. Elle est
lʼoccasion de clôturer le chapitre 8 en exposant les possibilités offertes à la recherche
historique sur les tempêtes par les mesures instrumentales.

La tempête des 17-18 janvier 1784 est en majorité connue par des sources rédigées par
des « météophiles »313, cʼest-à-dire par des observateurs du temps, savants ou amateurs plus
ou moins éclairés. Sur huit sources originales rapportant lʼévénement, 3 contiennent des
renseignements sur la pression atmosphérique. Le premier des rédacteurs, Pierre-Henri
SEIGNETTE, est avocat, correspondant de la Société météorologique de Mannheim de 1782 à
1793314. Il effectue ses observations à La Rochelle à raison de 3 fois par jour, toujours aux

313
Metzger, A., Désarthe, J., Rémy, F. (dir), 2017, Histoires de météophiles, Hermann, Paris.
314
Surville, F. (dir), 2012, Les colères de la nature. Dérèglements climatiques et catastrophes naturelles, Le
Croît Vif, Saintes, p. 70-73.

384
mêmes heures (07h, 14h, 23h). Il sʼavère rigoureux, fiable dans ses relevés. Un feuillet de
relevés effectués par Pierre-Henri SEIGNETTE relatifs à la tempête des 17-18 janvier 1784 est
conservé dans les archives de la Société Royale de Médecine (SRM) de Paris 315. À la suite de
ses notes, Pierre-Henri SEIGNETTE a copié une observation – probablement transmise par lʼun
de ses amis et/ou collègues – faite à Cahuzac, près de Bergerac, soit un peu en dehors du
cadre spatial de la thèse316. Le second est Louis-Benjamin FLEURIAU-DE-BELLEVUE. Savant et
naturaliste français, il a tenu des journaux de ses observations météorologiques faites à La
Rochelle entre 1777 et 1801317. Il est correspondant de la SRM de Paris318. Il est également
consciencieux et sûr dans ses mesures, quoiquʼil confonde et intervertisse parfois les
« pouces » et les « lignes »319. Le troisième est un négociant rochelais passionné de météo
dénommé Jacob LAMBERTZ320. Ses relevés concordent avec ceux de Pierre-Henri SEIGNETTE
et Louis-Benjamin FLEURIAU-DE-BELLEVUE. Les commentaires qui les accompagnent sont
toutefois plus qualitatifs et centrés sur les endommagements produits par les vents. Une
source narrative, le journal de Marc DEBRESME décrit également le CET et les dégâts quʼil
provoque en Angoumois321. Curieusement, le Mercure de France, revue dédiée au roi ayant
pour but dʼinformer le public et de publier des poèmes, des morceaux choisis de littérature,
etc., relaye ce que lʼon nommerait aujourdʼhui un « fait divers » – dont il sera question plus
bas – sur la tempête des 17-18 janvier 1784322. Trois documents archivistiques font également
allusion à lʼaléa. Lʼun est un document de gestion. Il sʼagit du registre de comptes tenu et
présenté par Élie BATANCHON, chanoine et ouvrier du chapitre de Saint-Seurin, à Bordeaux,
du 21 octobre 1783 au 21 octobre 1784. Il y est question dʼune dépense extraordinaire pour
réparer les dégâts causés aux couvertures de lʼéglise par « lʼouragan »323. Lʼautre est un

315
Bib. Académie de Médecine, SRM 137 A / dossier 18.
316
« L'ouvrage de la nuit du 17 au 18 janvier dernier commença à 7 heures du soir après une petite pluie douce
d'une heure. Il augmenta jusqu'à une heure qu'il fut plus fort. Ensuite, il diminua et cessa à 4 heures du matin.
Dans les plus fort il etoit continuel comme un roulement et effaça plusieurs coups de tonnerre qu'on eut peine a
distinguer. », Bib. Académie de Médecine, ibid.
317
AD 17, 4 J 3955 à 4 J 3957. Les observations qui intéressent le présent propos sont consignées en 4 J 3957,
fol. 12-13. N.B : Sous la cote 4 J 3958 sont également conservés les journaux dʼobservations météorologiques de
Louis-Benjamin FLEURIAU-DE-BELLEVUE faits à Saint-Maurice-le-Girard, dans lʼactuel département de la
Vendée.
318
Surville, F. (dir), 2012, ibid. p. 74-76.
319
Il écrit par exemple que « le 17 [janvier 1784, sic] le baromètre est descendu à 26 pieds 10 pouces 9 à 9h1/2
du soir, de 3 lignes 11 pouces plus bas que le 3 de mars [1783, sic] ». Or, en France à la fin du XVIIIe siècle, les
mesures sʼeffectuent en pouces puis en lignes, jamais en pieds, encore moins en lignes puis en pouces. Le
mercure a donc probablement chuté de 3 pouces 11 lignes, et non lʼinverse… De même, il mentionne parfois des
« tempêtes, gros vents, tourmentes », comme entre les 12 et 15 février 1781, or les relevés barométriques sont
fixes et plafonnent à 28 pouces 1 ligne. AD 17, 4 J 3955, 5e cahier, fol. 66.
320
AD 17, 4 J 1808 ; Le journal a été publié par Emmanuel Garnier et Frédéric Surville : Garnier, E., Surville F.
(dir), 2010b, Climat et révolutions. Autour du journal du négociant rochelais Jacob Lambertz (1733-1813), Le
Croît Vif, Saintes, p. 273.
321
DEBRESME M., 1922, « Journal de Marc Debresme (1700-1784) », publication par Favraud A., in B.M.A.H.C,
8e série, t. XIII, p. 79-126, p. 124.
322
Mercure de France, n°16, 17 avril 1784, p. 322-323.
323
AD 33, G 1558, 3e cahier, fol. 7.

385
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
document de communication composé de la correspondance des intendants de Bordeaux,
Messieurs DUPRE DE SAINT-MAUR et NEVILLE, avec leurs subdélégués à Libourne. Les lettres,
états estimatifs, procès-verbaux, devis portent sur les dommages causés aux deux corps de
logis de la caserne de Libourne par la manifestation des 17-18 janvier 1784324. Enf in, le
dernier document correspond à un devis des ouvrages à faire pour la réparation de la digue du
Devin sur lʼîle de Noirmoutier, ainsi que de celle du passage du Goix permettant la
communication entre lʼîle et le continent. Il est daté du 14 février 1784 et stipule que, faute
dʼentretien, les digues nʼont pas pu résister aux impulsions de la mer325. Il sera de plus
constaté que dans son ouvrage, lʼérudit Améric-Jean-Marie GAUTIER évoque brièvement cette
tempête326.

Dès la fin dʼaprès-midi du 16 janvier 1784, un vent de sud-ouest se manifeste. Il forcit


au cours de la nuit327. La pression baisse par rapport au jour précédent. Elle passe ainsi de 28
pouces, 3 lignes 7 douzièmes en 1784 (soit 1027 hPa) le 15 janvier à 07h00 du matin à 27
pouces 9 lignes 5 douzièmes en 1784 (soit 1009 hPa) le 16 janvier en début dʼaprès-midi328.
Selon les mesures de Pierre-Henri SEIGNETTE, cʼest essentiellement à partir du 17 janvier que
la pression chute brutalement. Elle sʼétablit alors à 27 pouces 4 lignes 9 douzièmes le 17 à
14h (soit 992 hPa). Cela correspond au moment où la dépression surgit sur le littoral. Elle est
alors accompagnée de pluie et dʼéclairs329. Elle atteint son paroxysme entre 19h et 22h, mais
les rafales continuent de souffler jusqu'à 04h du matin le 18 janvier330. Entre 20h et 23h, le
baromètre de SEIGNETTE oscille entre 26 pouces 10 lignes 4 douzièmes (973 hPa) et 26
pouces 11 lignes 5 douzièmes, soit 976 hPa331. La direction des vents oscille de ONO à
NNO332. Disposant de ce quʼil nomme une « échelle de degré de force du vent » allant de 1 à
4, Pierre-Henri SEIGNETTE constate quʼà partir de 20h le 17 janvier, le vent atteint 4333.
Lʼabsence dʼinformations complémentaires ne permet cependant pas dʼaller plus loin dans
une estimation de la vitesse des vents… Comme le relève Louis-Benjamin FLEURIAU DE
334
BELLEVUE, « heureusement qu'il a eu lieu dans le mors d'eau » . En effet, 2 jours avant, le

324
AD 33, C 2129.
325
AD 85, S 821, pièce n°71.
326
: « Et la moindre, le 17 janvier 1784 (pendant la plus grande tempête dont on ait gardé le souvenir) de 26 p.
10 lignes 9. », GAUTIER M.A, 1839, Statistique du département de la Charente-Inférieure, impr. Gustave
Mareschal, La Rochelle, p. 104.
327
Bib. Académie de Médecine, ibid.
328
Le lecteur intéressé de connaître la méthode de conversion des pouces en hectopascals consultera avec profit
lʼannexe 3.
329
DEBRESME M., 1922, ibid. ; AD 17, 4 J 1808.
330
AD 17, 4 J 3957, ibid. ; Bib. Académie de Médecine, ibid.
331
Cf. Annexe 3.
332
Bib. Académie de Médecine, ibid. ; AD 17, 4 J 1808 ; Surville, F. (dir), 2012, ibid. source Affiches n°4 du 23
janvier 1784, p. 85.
333
Bib. Académie de Médecine, ibid.
334
AD 17, 4 J 3957, ibid.

386
15 janvier, la lune était dans son dernier quartier. Ainsi, aucune grande marée nʼest à signaler.
Entre le 17 et le 18 janvier au matin, les coefficients de marée restent stables et faibles. Ils
sont estimés à 44. Au demeurant, lorsque la tempête sʼaffirme le 17 janvier 1784 au soir, la
mer est basse. Lʼaléa frappe durement lʼAunis, la Saintonge, la généralité de Bordeaux, le
Poitou, lʼAngoumois avant de partir en direction335 de Bergerac et Agen336. Sa trajectoire part
donc vers la Méditerranée. À partir des mesures instrumentales réalisées par SEIGNETTE, il est
possible de reconstruire la pression atmosphérique des jours précédents, « J » et suivants le
vimer, ainsi que les variations entre le 17 janvier 1784 à 07h00 du matin et le 18 janvier 1784
à 23h00. La démarche de conversion mise en œuvre est développée au sein de lʼannexe 3337.
Le lecteur est convié à sʼy référer.

Figur e 45: gr aphique r epr ésentant les niveau de pr ession atmosphér ique du 15 janvier 1784 (matin) au 18
janvier 1784 (soir ).
Source : dʼaprès Pierre-Henri SAIGNETTE, Bibliothèque de l'Académie de Médecine, SRM 137 A/dossier 18.

335
DEBRESME M., 1922, ibid. ; AD 17, 4 J 1808 ; AD 17, 4 J 3957, ibid. ; AD 33, G 1558, ibid. ; AD 33, C
2129 ; AD 85, S 821, ibid. ; ; Bib. Académie de Médecine, ibid ; Mercure de France, ibid.
336
Bib. Académie de Médecine, ibid., cf. note de bas de page supra.
337
Cf. Annexe 3.

387
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés

Figur e 46: Gr aphique r epr ésentant les niveaux de pr ession atmosphér ique du 17 janvier 1784 (matin) au
18 janvier 1784 (soir ).
Source : dʼaprès Pierre-Henri SAIGNETTE, Bibliothèque de l'Académie de Médecine, SRM 137 A/dossier 18.

Cette tempête a engendré de très nombreux dégâts338. Tout dʼabord, plusieurs bateaux
(17 selon SEIGNETTE, 30 dʼaprès LAMBERTZ) se sont échoués et ont péri « corps et biens » sur
les côtes aunisiennes339. Des décès sont mentionnés : une cinquantaine de cadavres sont
retrouvés le long des côtes, à laquelle il faut ajouter les 80 passagers dʼun bac traversant la
Gironde entre Blaye et Bordeaux340. En outre, les dégâts sur le bâti sont très importants. Aux
Sables-dʼOlonne, des cheminées sont renversées, des couvertures de maison sont arrachées et
des arbres sont cassés ou déracinés341. À La Rochelle et dans ses environs, plus de 100
cheminées sont renversées, beaucoup de couvertures de maison sont emportées, des tuiles
cassées jonchent les rues342. La cathédrale Saint-Louis de La Rochelle est fortement abîmée :
une « grande partie des ardoises […], même partie des plombs qui couvrent les coins de la
couverture »343 est enlevée. Similairement, à Bordeaux, la couverture de lʼéglise de Saint-
Seurin est endommagée. Le montant des réparations sʼélève à 48 livres344. À Libourne, les
casernes des soldats sont malmenées. La charpente du pavillon des officiers est

338
Surville, F. (dir), 2012, ibid., p. 148-150.
339
Bib. Académie de Médecine, ibid. ; AD 17, 4 J 1808.
340
Idem.
341
Surville, F. (dir), 2012, ibid. source Affiches n°4 du 23 janvier 1784, p. 85.
342
AD 17, 4 J 1808 ; AD 17, 4 J 3957, ibid.
343
AD 17, 4 J 1808.
344
AD 33, G 1558, ibid.

388
« ébranlée »345, beaucoup dʼardoises se sont envolées, plusieurs croisées et carreaux de vitres
sont brisés. Le montant des réparations est initialement estimé à au moins 1500 livres, dont
259 livres 18 sous rien que pour le vitrage346. Finalement, comme en atteste le montant
général des réparations, en date du 5 mars 1785, faites aux casernes entre le 11 mars 1784 et
le 31 décembre 1784, la dépense s'élève à 6063 livres 8 sous347. Du côté de lʼAngoumois, à
Angoulême et dans les campagnes circonvoisines, des cheminées sont également fortement
endommagées348. La digue de la pointe du Devin, ainsi que celle du passage du Goix à
Noirmoutier ont besoin dʼêtre remises en état. Faute dʼentretien, elles nʼont pas résisté aux
vagues et sont ébréchées349. La tempête a au demeurant largement dévasté les futaies et
bois350. Sans quʼaucun chiffre ne soit transcrit, de nombreux arbres, parmi lesquels des
noyers, pommiers, cerisiers, ormes, sont cassés ou déracinés par les vents351.

De Louis-Benjamin FLEURIAU DE BELLEVUE à Jacob LAMBERTZ, nombreux sont les


superlatifs employés pour évoquer lʼévénement. Il est ainsi qualifié de « très violente tempête
affreuse »352 et déclaré « horrible »353. De son côté, Marc DEBRESME estime que lʼaléa est
tellement marquant quʼil restera dans les mémoires et que dʼailleurs « on nʼen a guère aperçu
de si forts dans les temps précédens »354. Il sʼagit donc dʼun CET capable de frapper les
esprits, suffisamment durablement au reste pour quʼil soit mentionné plus de 50 ans après355.
Par ailleurs, ce phénomène a donné lieu à un « fait divers » relayé par le Mercure de
France356. Lʼhistoire porte sur Pierre-Martin VILLEDIEU, patron de chaloupe. Il est employé
pour le service du roi à lʼîle dʼAix, en Saintonge. En fin dʼaprès-midi / début de soirée du 17
janvier 1784, il est en mer, à proximité néanmoins des côtes. Dans lʼobscurité, il ne parvient
pas à se réfugier dans un endroit sûr. Avec lui dans lʼembarcation se trouvent 3 hommes : ses
2 f ils et un domestique «fort âgé ». Surpris par la tempête, le père implore ses fils de se
sauver en rejoignant la côte à la nage, « ajoutant quʼil seroit fâcheux que deux jeunes gens de
leur âge perdissent la vie pour lʼespoir douteux de sauver deux vieillards »357. Ceux-ci
refusent et ramènent tout le monde en vie à terre. En récompense de leur courage et « des
sentiments quʼils ont marqués dans cette occasion », les fils auraient touché 300 livres de la

345
AD 33, C 2129
346
Idem.
347
Idem.
348
DEBRESME M., 1922, ibid.
349
AD 44, S 821.
350
AD 17, 4 J 3957, ibid.
351
Bib. Académie de Médecine, ibid. ; AD 17, 4 J 1808 ; DEBRESME M., 1922, ibid.
352
AD 17, 4 J 3957, ibid.
353
AD. 17, 4 J 1808, ibid.
354
DEBRESME M., 1922, ibid.
355
GAUTIER M.A, 1839, Statistique du département de la Charente-Inférieure, impr. Gustave Mareschal, La
Rochelle, p. 104.
356
Mercure de France, ibid.
357
Idem.

389
CHAPITRE 8. Une approche reposant sur des études de cas bien documentés
part du contrôleur général de la province, ainsi que 240 livres de celle des membres de la
Chambre de commerce, soit 540 livres. Quant au père, Pierre-Martin VILLEDIEU, il se serait
vu accorder 1500 livres destinés à lʼaider à rétablir sa barque par le Maréchal DE SEGUR, qui
fut instruit de lʼévénement. Sʼagissait-il de personnalités locales ? A-t-on cherché à en faire
des exemples ? Les autorités y ont-elles perçu plus quʼune histoire émouvante, lʼoccasion
dʼinsister sur les missions de sauvetage, la solidarité et la charité ?

La tempête des 17-18 janvier 1784 est représentative des résultats que peut produire la
recherche sur lʼhistoire des tempêtes à partir de la fin du XVIIIe siècle. Le développement des
mesures instrumentales affecte durablement le travail de reconstruction des conditions
atmosphériques des aléas. Ce faisant, elles ouvrent la voie à de nouvelles possibilités en
matière de caractérisation des CET passés.

390
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES

Depuis une dizaine dʼannées, à la « (dé)faveur » de catastrophes comme Klaus (2009),


Xynthia (2010) ou les CET à répétition de lʼhiver 2013-2014, la recherche sur les tempêtes en
France est de plus en plus plébiscitée. Le contexte du changement climatique et de la montée
du niveau marin a démultiplié les questionnements des scientifiques, décideurs, gestionnaires,
journalistes et membres de la société civile. La géographie et lʼhistoire se sont intéressées aux
problématiques soulevées. Elles ont largement concouru à lʼacquisition et au développement
des connaissances scientifiques. Elles ont également cherché à vulgariser, sensibiliser, alerter,
informer, tirer des leçons du passé. Cʼest à cette dynamique quʼa souhaité contribuer la
présente thèse.

Cette recherche doctorale a porté sur les tempêtes et submersions marines, de leur sortie
du néant documentaire écrit au milieu du XIVe siècle à lʼamplification progressive des mesures
e
instrumentales dans le dernier tiers du XVIII siècle. Le cadre spatial défini correspond aux
territoires français soumis à un climat océanique à océanique altéré, soit du littoral atlantique
jusquʼà environ 250 kilomètres dans les terres. Lʼobjectif primaire de ce travail était
dʼexaminer les tempêtes et submersions marines anciennes et leurs rapports avec les sociétés
humaines. Il postulait quʼà partir des vimers, le chercheur pouvait questionner les interactions
entre lʼhomme et son environnement, mais surtout entre lʼhomme et les aléas naturels. Au
moment de conclure, que tirer de cette étude ? Quelles sont ses contributions pour la
recherche sur les tempêtes ? A-t-elle pu parvenir, au moins en partie, à ses fins ? Le bilan
rappellera les résultats principaux et leurs portées. Il sera dressé en repartant des 4 axes
identifiés en introduction1. Ceux-ci ont servi de f ils conducteurs au manuscrit et font échoaux
hypothèses initiales.

1/ Il est indispensable, pour que lʼétude soit la plus efficace possible, de débuter par une
démarche définitoire et méthodologique. Non sans rencontrer un certain nombre dʼécueils, la
démarche définitoire a été menée de lʼobjet étudié (la tempête avec ou sans submersion
marine) à son inscription dans les sources et archives. Cela a mis en évidence les

1
Pour rappel, la recherche a été articulée autour de : 1) la critique et lʼanalyse des sources ainsi que le
développement, en interrelation avec la thèse de Pierre POUZET, dʼune méthodologie recoupant données
historiques et sédimentologiques ; 2) la caractérisation et la reconstruction, autant que les renseignements
qualitatifs le permettent, des tempêtes anciennes ; 3) la réflexion et la proposition dʼune méthode de
quantification des dommages, ainsi que la construction dʼun prototype dʼévaluation des aléas ; 4) lʼexamen
systémique des composantes, de la structure ainsi que des réactions et conceptions des sociétés en relation avec
les vimers.

391
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
interrelations étroites entre endommagement et tempête dans la définition que les populations
ont/avaient de cette dernière. Une méthode critique serrée a par ailleurs été appliquée. Elle
visait, en interrogeant entre autres lʼauteur, la date, le contexte, la nature des sédiments, etc., à
établir la fiabilité des sources et données. Lʼun des points forts de ce travail a été entrepris en
partenariat avec la thèse de Pierre POUZET2. Il tient aux recoupements convaincants entre les
méthodologies historique et sédimentaire. Le procédé a notamment permis dʼaffiner les
datations isotopiques et de confirmer la gravité de certains événements comme le vimer
général de lʼhiver 1351-1352(n.st.) ou la tempête avec submersion des 27-28 janvier
1469(n.st).

2/ Le travail de rétrospective et de caractérisation des tempêtes passées dépend des


sources et données disponibles. Il sʼagit dʼun chantier permanent qui, malgré des avancées
notables, reste lacunaire. Cette recherche a confirmé lʼancienneté et la récurrence des aléas
météo-marins dans les régions de la façade atlantique française ainsi que la grande diversité
de leurs caractéristiques : directions variées du vent, submersion (isolée / généralisée) ou non,
coefficient de marée élevé ou non, entrée profonde dans lʼarrière-pays ou non, type /
importance / durée dʼexpression des dommages, etc. La recherche a également mis en exergue
la grande variabilité spatiale et temporelle du CET, notamment par le biais de la cartographie
(emprise spatiale de certains aléas comme ceux des 28-29 janvier 1645 ou des 9-10 janvier
1735, identification des espaces les plus régulièrement endommagés…). À la condition de les
soumettre à la critique et à lʼanalyse dʼhistoriens, la thèse a démontré que lʼusage du SIG peut
rendre opérationnelles les ressources historiques. En outre, quoique les lacunes documentaires
incitent à une infinie prudence, le travail de reconstitution réalisé dans la thèse semble attester
de lʼexistence de périodes dʼaugmentation et de diminution de lʼactivité tempétueuse au cours
du PAG. Celles-ci se retrouvent notamment en mer du Nord, comme cʼest le cas pour 1580-
1620 ou 1700-1720. La variabilité climatique interne à lʼocéan Atlantique Nord – induisant
par exemple lʼONA ou les températures – pourrait peut-être en être la cause. Toutefois,
aucune corrélation indiscutable et explicite entre dynamique tempétueuse et pulsation
climatique nʼa pu être établie.

3/ Les réflexions doctorales se sont portées sur la conceptualisation dʼune nouvelle


méthode de quantification des dégâts. Cela a permis dʼouvrir à une introduction réflexive en
vue dʼétablir un prototype dʼévaluation des aléas. La première démarche sʼapplique aux
e e
vimers du XIV au XVIII siècle pour lesquels la recherche dispose dʼinformations

2
Pouzet, P., 2018, Étude des paléoévènements extrêmes le long de la côte atlantique française : Approches
sédimentologiques, dendrochronologiques et historiques, Université de Nantes, thèse de doctorat de géographie,
sous la direction de Robin, M., Maanan, M., Nantes.

392
substantielles quant aux impacts. Elle évalue le taux dʼendommagement humain, sur le bâti et
sur les activités (agriculture, saliculture, sylviculture) à partir dʼau moins 2 critères : 1) un
relevé estimatif de la proportion de dommages indiquée par les documents anciens ; 2) le
cadre spatial touché. Dans le cas des destructions sur le bâti et les infrastructures, une
troisième composante a été considérée : lʼexposition. La méthode compte des limites et reste
perfectible. Cependant, elle a pour avantages de considérer le cadre géographique et de
réduire les risques de sur ou sous-interprétation. Elle sert de départ à la réflexion sur la
construction dʼun prototype dʼévaluation de lʼintensité en termes de dommages produits par
des aléas météo-marins sur le temps long. Ce travail a exposé la difficulté de procéder à une
estimation quantitative de lʼintensité* dʼun événement. Il a également clairement affiché
lʼimpossibilité, pour lʼheure, dʼen déduire sa sévérité. Ainsi, il sʼest plus tourné vers une
réflexion préliminaire critique et analytique des principes, fonctionnements théoriques et
limites de lʼentreprise que vers une réelle mise en œuvre dʼun prototype dʼévaluation des
vimers anciens. Plusieurs points exigent dʼêtre revus.

4/ Par le biais de lʼanalyse des représentations, perceptions, interprétations et réactions


des sociétés médiévales et modernes, cette étude doctorale a finalement permis de réfléchir à
leurs vulnérabilités et modalités dʼadaptation en relation avec les vimers. Elle a exposé quʼà
travers des rôles et des échelles spatiales de réactions variés, 3 composantes (populations,
autorités locales, État monarchique) prenaient part à la gouvernance du risque et participaient
e e
à la gestion de la crise et de la vulnérabilité. Il apparaît quʼentre le XIV et le XVIII siècle, la
vulnérabilité politique et administrative de lʼÉtat, mais également des sociétés sʼest réduite.
Parmi les modalités et stratégies dʼadaptation, les éléments propres à la culture, aux
mentalités ont de plus été examinés. Ils ont fait lʼobjet dʼune mise en perspective avec les
réponses apportées par les sociétés : conscience du caractère naturel des tempêtes, entretien et
diffusion de la mémoire de certains CET, développement et ancrage dʼune véritable culture du
risque, tolérance et intégration du risque dans les modes de vie et la gestion du territoire. Par
ces aspects, les vulnérabilités sociale et territoriale ressortent amoindries. Finalement, les
modalités et stratégies dʼadaptation liées à la protection et la prévention ont été fouillées. En
termes dʼaménagements et dʼanticipation, ce travail a alors souligné a) lʼintérêt des savoirs
acquis par une longue pratique de lʼobservation des milieux, lʼexpérience et la transmission ;
b) lʼimportance du développement des mesures instrumentales ; c) le choix de la
« résistance » et de la défense matérielle contre la mer (déplacement, entretien, réfection,
reconstruction dʼéquipements, ingénierie). Les résultats manifestent autant dʼune vulnérabilité
technique, que de capacités de réactions et dʼadaptation appréciables.

393
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES

Sʼils sont combinés, les 4 points exposés ci-dessus créent les conditions dʼune réflexion
scientifique originale sur les tempêtes et submersions marines ainsi que sur les relations entre
ces dernières et les sociétés. Lʼétude des interactions entre lʼhomme et son environnement nʼa
pas été négligée. Toutefois, je dois admettre que la direction prise par ce travail a
essentiellement favorisé les questionnements sur les rapports entre lʼhomme et les tempêtes.
À travers ce manuscrit, il mʼa été donné de faire le point sur les apports véritablement
substantiels des documents écrits anciens pour lʼétude des CET passés. Je démontre ainsi que
le caractère descriptif des témoignages nʼexclut pas lʼextraction dʼinformations précises
permettant de caractériser les événements en termes de date, dʼemprise spatiale, de durée, de
direction du vent, dʼendommagement (humain, sur le bâti, les activités), de coefficient de
marée estimatif ou de réactions sociales par exemple. Le travail de caractérisation des
phénomènes a également profité de lʼusage dʼoutils géographiques comme la cartographie.
Lʼintégration des données dans une base de données et leur traitement mʼont permis
dʼapprofondir la connaissance et la compréhension de lʼexpression des tempêtes sur le temps
long. La question de savoir comment rendre accessible et opérationnel pour les gestionnaires
et décideurs lʼabondant contenu des sources historiques a une réponse : le recours à la base de
données et au SIG. Je défends cependant vivement le fait quʼil reste primordial que les
documents et leurs éléments soient préalablement soumis à la critique acérée dʼun historien
rompu à la méthode. Bâcler cette partie capitale du travail aurait des conséquences
désastreuses en matière dʼalerte, de sensibilisation, de prévention et dʼinformation des
citoyens dʼaujourdʼhui et de demain. Le recoupement des méthodologies, données et résultats
historiques et sédimentaires sʼest en outre imposé comme un atout considérable. Quoiquʼil
faille rester prudent, les croisements nous ont permis, à Pierre POUZET3 et moi-même,
dʼentrevoir lʼexistence dʼaléas semble-t-il plus violents, plus puissants que dʼautres, comme
celui de lʼhiver 1351-1352(n.st). Les démarches de quantification des dommages et
dʼévaluation de lʼintensité* dʼun vimer continuent de compter de multiples limites, dont la
plus importante reste certainement la matière disponible. Face aux difficultés pratiques et
théoriques rencontrées quant à la mise en œuvre dʼun prototype dʼindicateur, jʼai fait le choix
de prioritairement débuter par une entreprise critique, réflexive qui se propose de poser les
premiers jalons conceptuels et scientifiques. Très ambitieux, ce projet devra bénéficier à
lʼavenir de nouvelles recherches, de moyens conséquents, de temps, de lʼexpertise de
spécialistes issus dʼhorizons divers. Cette thèse a aussi souhaité interroger la gestion des
risques à la fin du Moyen Âge et à lʼÉpoque Moderne. Jʼai cherché à y exposer lʼimportance
de la maîtrise du contexte historique en vue dʼapprécier les jeux dʼacteurs et les réactions des

3
Pouzet, P., 2018, op. cit.

394
sociétés. Les réponses, attitudes, représentations, perceptions, interprétations des populations
transparaissent dans les écrits. Elles attestent dʼune tolérance du risque « tempête » et de son
intégration dans les modes de vie. Elles témoignent dʼune bonne conscience du risque et
dʼune adaptabilité des communautés. Elles permettent de conclure que les différents degrés
dʼinterventions plurielles (mille-feuille dʼacteurs, diffusion dʼune mémoire commune,
organisation sociale efficace, aménagement et entretien des infrastructures en front de mer,
etc.) ont mené les sociétés à une gestion appréciable de leurs vulnérabilités face aux vimers.
Cette thèse aura réussi son pari si, après sa lecture, il apparaît clairement au lecteur
que son contenu apporte des éléments susceptibles de nourrir les débats, questionnements et
préoccupations sur le changement climatique, les périls, la vulnérabilité, lʼadaptabilité. Une
connaissance approfondie des tempêtes et submersions marines sur le temps long autorise les
sociétés à recréer du lien avec leurs territoires, à développer une mémoire efficiente de ces
événements, à mettre en œuvre de nouvelles stratégies. Cela leur permet de comprendre que
les milieux, climats et sociétés interagissent et sont le résultat dʼune longue évolution. De ce
fait, ce travail doctoral peut apporter une contribution pertinente à la prévention ainsi quʼà la
gestion des risques actuels et futurs.
Je voudrais terminer ce développement sur un constat : de toutes les limites rencontrées,
la plus récurrente et durable tient aux sources. Les documents et écosystèmes conservant des
informations sur les aléas météo-marins revêtent un caractère patrimonial fort. Sans eux, la
recherche est contrainte. Or, seules une gestion et une politique conservatoire spécifiques,
audacieuses sauront les préserver des dégradations, voire des destructions.

Il convient par ailleurs de conclure que cette thèse est évidemment loin dʼavoir épuisé
le sujet. Elle éclaire peut-être la recherche sur certains points ; mais sur dʼautres, elle a
davantage ouvert des pistes dʼexploration que répondu aux questions et résolu les problèmes.
Plusieurs dimensions abordées peuvent être estimées inabouties. Elles pourront donner lieu à
des travaux dʼapprofondissement. La présente liste se veut non exhaustive :
1/ La reconstruction et la caractérisation des événements météorologiques extrêmes
sur le temps long apparaissent encore lacunaires. La recherche bénéficierait dʼune poursuite
tant des dépouillements historiques que du travail mené sur la critique et lʼanalyse des
sources. Cela permettrait de mettre à jour des dépressions inconnues ou dʼéclairer les
caractéristiques de certaines encore mal connues.
2/ La méthodologie innovante appliquée dans cette thèse et dans celle de Pierre POUZET
pourrait également être affinée en vue dʼune mise en œuvre généralisée, en particulier dans le
cadre des inondations fluviales.
3/ De futurs travaux pourraient aussi prendre en compte une plus grande quantité ainsi
quʼun éventail élargi de sources, le tout à lʼéchelle dʼun cadre spatio-temporel étendu. Ainsi,
il deviendrait envisageable de recouper les résultats de façon systématique avec dʼautres
395
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
phénomènes, comme les pluies diluviennes et les inondations fluviales4, ou dʼautres espaces
européens5, notamment dans le but d'identif ier les trajectoires et les couloirs de tempête.
4/ Lʼextension de lʼétude sur une période historique allongée contribuerait par ailleurs
à la réf lexion sur les interrelations entre le climat et lestempêtes. Cela pourra peut-être
conduire à relativiser les inquiétudes actuelles sur dʼéventuelles relations entre le
réchauffement climatique et le risque tempétueux6. Dans le même temps, le calcul de la
fréquence des tempêtes et inondations côtières pourrait être traité.
5/ La question du rapport des sociétés à leur environnement et aux aléas naturels,
particulièrement tempétueux, mériterait dʼêtre mise en perspective sur le temps long. Elle
tirerait alors avantage dʼune collaboration entre histoire, géographie, archéologie,
psychologie, sociologie, anthropologie. Mentalités, seuil de tolérance, adaptabilité,
aménagements, activités seraient ainsi reconsidérés.
6/ Une approche plus profondément ancrée dans lʼhistoire environnementale offrirait un
regard autre sur les problématiques. Étroitement couplée avec la géographie physique et la
biologie, elle serait lʼoccasion dʼanalyser plus avant les conséquences environnementales des
tempêtes et submersions marines. Elle permettrait de même une réflexion poussée sur les
relations homme-environnement / homme-nature en matière dʼaménagements, de
modifications du milieu et dʼactivités, ainsi que de composition avec les contraintes
inhérentes à ce dernier7.

4
Par exemple, les travaux de Neil MACDONALD ou de Martin VIDE sur les inondations en Espagne et Grande-
Bretagne ont globalement identifié les mêmes périodes dʼaugmentation de la fréquence des catastrophes
fluviales. Lʼintérêt, à terme, serait de les mettre en perspective afin dʼouvrir les hypothèses et pistes de réflexion
à tous les phénomènes connus soumis à la variabilité climatique de lʼocéan Atlantique Nord. Allan, R., Endfield,
G., Damodaran, V., Adamson, G., Hannaford, M., Carroll, F., Macdonald, N., Groom, N., Jones, J., Williamson,
F., Hendy, R., Holper, P., Arroyo-Mora, P., Hughes, L., Bickers, R., Bliuc, A-M., 2016, « Toward integrated
historical climate research : the example of atmospheric circulation reconstructions over the earth », Wires C.C.,
7-2, p. 164-174 ; Macdonald, N., 2014, « Millennial scale variability in high magnitude flooding across
Britain », Hydrol. Earth Sys. Sc., 11-9, p. 10157-10178 ; Vide, J-M., Cantos, J.O (eds)., 2001, Climas y tiempos
de Espana, Alianza Editorial, Madrid.
5
En particulier lʼEspagne, les Pays-Bas, la Belgique, lʼAllemagne, lʼIrlande ou le Royaume-Uni, entre autres via
la base de données géolocalisées britannique intitulée TEMPEST :
https://www.nottingham.ac.uk/research/groups/weather-extremes/research/tempest-database.aspx.
6
Contrairement à ce qui peut se lire ou sʼentendre parfois dans les médias, en lʼétat actuel des connaissances,
rien ne laisse effectivement penser que les tempêtes extratropicales seront plus nombreuses ou plus violentes en
France au cours du XXIe siècle. Aucun consensus scientifique ne ressort des rapports du GIEC et la question est
encore discutée par la communauté scientifique. IPCC, 2013, Climate Change 2013. The Physical Science Basis,
WMO-UNEP, [PDF en ligne], p. 913-914 ; « Le réchauffement climatique accentue les tempêtes », Le Monde, 1
mars 2010.
7
Par exemple, les registres de péage du Sund sont une ressource majeure pour la recherche sur le commerce, le
transport, les productions de marchandises en Europe. Ils fournissent des renseignements détaillés sur les navires
marchands ayant traversé les détroits danois entre la mer du Nord et la Baltique de la fin du XVe siècle (1497
pour le plus vieux registre conservé) à la seconde moitié du XIXe siècle (1857 pour le dernier registre rédigé). La
nature des données conservées pourrait rendre ces sources également pertinentes pour lʼétude des tempêtes en
mer, leurs effets sur les navires et denrées transportées (notamment le sel produit sur le littoral atlantique français
et transporté en Baltique), la prise en compte du risque dans la valeur économique des produits, etc.
http://soundtoll.nl/index.php/en/over-het-project/sonttol-registers

396
Modestement, ce travail a souhaité concourir à lʼétude sur les tempêtes et submersions
marines passées. Lʼune de ses grandes forces réside en la pluri et lʼinterdisciplinarité dans
lesquelles il a baigné. Il sʼagit dʼailleurs de la dernière remarque, la dernière porte que je
souhaiterais entrouvrir. En France, les thèses interdisciplinaires semblent encore parfois
souffrir dʼune réticence. Les projets de recherche accréditent certes de plus en plus cette
dynamique, mais tout en sʼaccordant sur sa richesse, les institutions peinent à véritablement
lui céder une place. Plus qu'ambitionner avoir soutenu avec application la démarche de
critique, d'analyse, de réflexion qu'est celle de l'historien, plus quʼespérer avoir fidèlement
rendu compte de la pensée sophistiquée, multiscalaire, géolocalisée quʼest celle du géographe,
jʼaspire à avoir démontré quʼen imbriquant étroitement ces 2 disciplines, la compréhension et
la maîtrise du sujet se développent, les contenus et interprétations sʼenrichissent, les analyses
sʼétoffent. Cette thèse met en évidence que les recherches françaises et internationales sur les
aléas météorologiques extrêmes ne sauraient continuer à ignorer ou accessoiriser les sources,
données et approches des autres disciplines.

397
BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
Acerra, M., Sauzeau, T., 2012, « Zones construites, zones désertes sur le littoral atlantique. Les leçons
du passé », Norois, 222, p. 103-114.
Acot, P., 2003, Histoire du climat, Perrin, Paris.
Adamson, G. C. D., 2015, « Private diaries as information sources in climate research », Wires
Climatic Change, 6, p. 599-611.
Alexander, D., 2000, Confronting catastrophe. New perspectives on natural disasters, Oxford
University Press, Oxford.
Alexandre, P., 1987, Le climat en Europe au Moyen Âge : contribution à l'histoire des variations
climatiques de 1000 à 1425, d'après les sources narratives de l'Europe occidentale, E.H.E.S.S.,
Paris.
Alexandre, P., 1980, « Les variations climatiques en Belgique et en Rhénanie dʼaprès les sources
écrites de la période 1100-1600 », in Verhulst, A., Gottschalk, M.K.E. (eds), Transgressies en
occupatiegeschiedenis in de kustgebieden van Nederland en België, Colloquium Gent 5-7
september 1978 Handeligen, Goff, Gand, p. 243-249.
Alexandre, P., Kusman, D., Camelbeeck, T., 2008, « Le tremblement de terre du 18 septembre 1692
dans le nord de lʼArdenne (Belgique). Impact sur le patrimoine architectural. », in Levret, A., Actes
des 6e rencontres, Archéosismicité & Vulnérabilité, environnement, bâti ancien et société, p. 127-
139, [PDF en ligne].
Allan, R., Endfield, G., Damodaran, V., Adamson, G., Hannaford, M., Carroll, F., Macdonald, N.,
Groom, N., Jones, J., Williamson, F., Hendy, R., Holper, P., Arroyo-Mora, P., Hughes, L., Bickers,
R., Bliuc, A-M., 2016, « Toward integrated historical climate research : the example of
atmospheric circulation reconstructions over the earth », Wires Climate Change, 7-2, p. 164-174.
Allard, P., 2000, Eléments pour une problématique de lʼhistoire du risque. Du risque accepté au
risque maîtrisé. Représentations et gestion du risque dʼinondation en Camargue, XVIIIe-XIXe siècle,
Université dʼAix-Marseille, Mémoire dʼHDR, Marseille.
Ambaum, M.H.P., Hoskins, B.J., Stephenson, D.B., 2001, « Arctic Oscillation or North Atlantic
Oscillation? », Journal of Climate, 14-16, p. 3495–3507.
Andrade, C., Trigo, R.M., Freitas, M.C., Gallego, M.C., Borges, P., Ramos, A.M., 2008, « Comparing
historic records of storm frequency and the North Atlantic Oscillation (NAO) chronology for the
Azores region », The Holocene, 18-5, p. 745-754.
André, C., 2013, Analyse des dommages liés aux submersions marines et évaluation des coûts induits
aux habitations à partir de données dʼassurance, Perspectives apportées par les tempêtes Johanna
(2008) et Xynthia (2010), Université de Bretagne Occidentale, thèse de doctorat de géographie,
sous la direction de Meur-Ferec, C., Vinchon, C., Brest.
Angot, C-A., 1899, Traité élémentaire de météorologie, Gauthiers-Villars, Paris, p. 273-324
(tempêtes).
Angot, C-A., 1895, Premier catalogue des observations météorologiques faites en France depuis
l'origine jusqu'en 1850, Annales du Bureau Central météorologique de France, Paris.
Antoine, J-M., Desailly, B., Peltier, A., 2011, « Temporalité des catastrophes et des risques
« naturels ». Eléments de prospective dans le contexte du changement climatique », in La Branche,
S. (coord.), Le changement climatique. Du méta-risque à la méta-gouvernance, Lavoisier, Paris, p.
85-102.
Antoine, J-M., Desailly, B., Peltier, A. 2009, « Sources historiques et problématiques de recherche en
géographie des risques naturels », Géocarrefour, 84-4, p. 229-239.
Antoine, J-M., Desailly, B., 2000, Étude de faisabilité de bases de données historiques sur les
inondations – Base nationale et bases départementales, rapport, base de données informatisée
Accès™ (Microsoft) sur le département du Gers, Toulouse, GEODE UMR-5602 CNRS, Lyon,
CERTU et Ministère de lʼEnvironnement et de lʼAménagement du Territoire.
Appleby, P., Birks, H., Flower, R., Rose, N., Peglar, S., Ramdani, M., Kraïem, M., Fathi, A., 2001,
« Radiometrically determined dates and sedimentation rates for recent sediments in nine North

398
African wetland lakes (the CASSARINA Project) », Aquatic Ecology, 35, p. 347–367.
Aristote, 2002 (2e éd.), Météorologiques, édition et traduction de Pierre Louis, 2 vol., Les Belles
Lettres, Paris.
Arnaud, A., 2015, « Les limites de la cartographie des risques littoraux : des perspectives pour la
compréhension de tous », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Hors-
série 21, [En ligne].
Arnoul, E., Renard-Foultier, R., Ruggiu, F-J., 2011, « Les écrits du for privé en France de la fin du
Moyen Âge à 1914 : bilan d'une enquête scientifique en cours. Résultats de 2008-2010 », in
Henryot, F. (dir), L'historien face au manuscrit : du parchemin à la bibliothèque numérique, PUL,
Louvain-la-Neuve, p. 167-188.
Aronoff, S., 1989, Geographic information systems : a management perspective, WDL Publications,
Ottawa.
Athimon, E., 2019, Vimers de mer et sociétés dans les provinces de la façade atlantique du royaume
de France (XIVe-XVIIIe siècle), Université de Nantes, thèse de doctorat dʼhistoire-géographie, sous la
direction de Sarrazin, J-L., Maanan, M., Sauzeau, T., Nantes.
Athimon, E., 2017, « Adversités météo-marines : reconstruction historique, impacts et résilience en
Anjou, Poitou, Bretagne méridionale (XIVe-début XVIe siècles) », in Laget, F., Rabot, B., Josserand,
P. (dir.), Entre terre et mer. Hommes, paysages et sociétés dans lʼOuest atlantique, Moyen Âge et
Temps modernes, PUR, Rennes, p. 153-164.
Athimon, E., 2013, Les dérèglements du temps et leurs impacts en Anjou, Poitou et Bretagne
méridionale (début XIVe siècle-début XVIe siècle), Université de Nantes, mémoire de master 2
recherche, sous la direction de Sarrazin, J-L., Nantes.
Athimon, E., Maanan, M., 2018, « Vulnerability, resilience and adaptation of societies during major
extreme storms during the Little Ice Age », Climate of the Past, 14-10, p. 1487-1497.
Athimon, E., Maanan, M., Sauzeau, T., Sarrazin, J-L., 2016, « Vulnérabilité et adaptation des sociétés
littorales aux aléas météo-marins entre Guérande et l'île de Ré, France (XIVe-XVIIIe siècle) »,
VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, 16-3, [En ligne].
Audé, J-L., 2006, Chronique du climat en Poitou-Charentes-Vendée, Lonali, Mairé-Levescault.
Augeron, M., Boucard, J., Even, P. (dir.), 2016, Histoire de lʼîle de Ré, des origines à nos jours, Le
Croît Vif, Saintes.
Augustyn, B., 1992, Zeespiegelrÿzing, transgressie-fazen en stormvloeden in maritiem Vlaanderen tot
het einde van de XVIe eeuw ; een landschappelÿke, ecologische en klimatologische studie in
historisch perspectief, 2 vol., Algemeen Rÿksarchief Brussel, Bruxelles.
Ayrault, F., 1998, Environnement, structure et évolution des dépressions météorologiques : réalité
climatologique et modèles types, Université Paul Sabatier, thèse de doctorat, sous la direction de
Joly, A., Toulouse.
Ayrault, F., Joly, A., 2000, « Une nouvelle typologie des dépressions atmosphériques : classification
des phases de maturation », Comptes Rendus de lʼAcadémie des Sciences, Sciences de la terre et
des planètes, 330, p. 167-172.
Baart, F., Bakker, M. A. J., van Dongeren, A., den Heijer, C., van Heteren, S., Smit, M.W. J, van
Koningsveld, M., Pool, A., 2011, « Using 18th century storm-surge data from the Dutch Coast to
improve the confidence in flood-risk estimates », Natural Hazards and Earth System Sciences, 11,
p. 2791–2801.
Bader, S., Kunz, P., 1998, Climat et risques naturels. La Suisse en mouvement, Rapport Scientifique
Final, Programme National de Recherche n°31, Geaor & Vdf, Genève.
Bailey M., 1991, « Per impetum maris : natural disaster and economic decline in eastern England,
1275-1350 », in Campbell, B.M.S. (ed.), Before the Black Death. Studies in the “ crisis” of the
early fourteenth century, Manchester University Press, Manchester-New York, p. 184-208.
Bankoff, G., 2004, « Time Is of the Essence : Disasters, Vulnerability and History », International
Journal of Mass Emergencies and Disasters, 22-3, p. 23–42.
Barbiche, B., 1996, « La diplomatique des actes de l'époque moderne, XVIe-XVIIIe siècle. Bilan et
perspectives. », Gazette des archives, 172, p. 19-36.
399
BIBLIOGRAPHIE
Bardet, J-P., Riggiu F-J. (dir), 2005, Au plus près du secret des cœurs ? Nouvelles lectures historiques
des écrits du for privé en Europe du XVIe au XVIIIe siècle, PUPS, Paris.
Barnikel, F., 2004, « The value of historical documents for hazard zone mapping », Natural Hazards
and Earth System Sciences, 4, p. 599-613.
Baron-Yellès, N., Goeldner-Gianella, L., 2001, Les marais maritimes dʼEurope atlantique, PUF, Paris.
Barquet, K., Cumiskey, L., 2018, « Using participatory multi-criteria assessments for assessing
disaster risk reduction measures », Coastal Engineering, 134, p. 93-102.
Barriendos, M. 2010, « Les variations climatiques dans la péninsule ibérique : l'indicateur des
processions », Revue dʼHistoire Moderne et Contemporaine, 57-3, p. 131-159.
Barriendos, M., 2005, « Climate and Culture in Spain. Religious responses to extreme climatic events
in the Hispanic Kingdoms (16th-19th centuries) », in Behringer, W., Hartmut, L., Pfister, C. (eds.),
Cultural Consequences of the « Little Ice Age », Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, p. 379-414.
Barriendos Vallve, M., Martin-Vide, J., 1998, « Secular climatic oscillations as indicated by
catastrophic floods in the Spanish Mediterranean coastal area (14th-19th centuries) », Climatic
Change, 38, p. 473-491.
Barroca, B., DiNardo, M., Mboumoua, I., 2013, « De la vulnérabilité à la résilience : mutation ou
bouleversement ? », EchoGéo, 24, [En ligne].
Barroca, B., Pottier, N., Lefort, E., 2005, « Analyse et évaluation de la vulnérabilité aux inondations
du bassin de lʼorge aval », 7e rencontres de Théories Quantitatives, 12 p., [PDF en ligne].
Battiau-Queney, Y., 2012, « Les plages de la Côte dʼOpale : maîtriser la nature ou agir avec elle ? », in
Battiau-Queney, Y., Lageat, Y., Prat, M-C. (coord.), Lʼhomme et la dynamique littorale : maîtrise
ou adaptation ?, Dynamiques environnementales, 30, LGPA-Editions, Bordeaux, p. 89-104.
Battiau-Queney, Y., Lageat, Y., Prat, M-C. (coord.), Lʼhomme et la dynamique littorale : maîtrise ou
adaptation ?, Dynamiques environnementales, 30, LGPA-Editions, Bordeaux.
Bawedin, V., 2012, « Les politiques de retour programmé de la mer : renaturation ou gestion des
risques ? Exemples girondins et picards », in Battiau-Queney, Y., Lageat, Y., Prat, M-C. (coord.),
Lʼhomme et la dynamique littorale : maîtrise ou adaptation ?, Dynamiques environnementales, 30,
LGPA-Editions, Bordeaux, p. 105-115.
Beauvois, Y., Blondel, C. (dir)., 1998, Qu'est-ce qu'on ne sait pas en histoire ?, PUS, Villeneuve-
d'Ascq.
Becerra, S., 2012, « Vulnérabilité, risques et environnement : lʼitinéraire chaotique dʼun paradigme
sociologique contemporain », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, 12-1,
[En ligne].
Becerra, S., Lalanne, M., Weisbein, J., Claude, G. (dir.), 2016, Faire face aux risques dans les sociétés
contemporaines, Octarès, Toulouse.
Becerra, S., Peltier, A., 2009, Risques et environnement : recherches interdisciplinaires sur la
vulnérabilité des sociétés, L'Harmattan, Paris.
Beck, C., 2008, Les eaux et forêts en Bourgogne ducale (vers 1350-vers 1480). Société et biodiversité,
LʼHarmattan, Paris.
Beck, C., Guizard, F., Santinelli, E. (dir.), 2018, Robert Fossier, les hommes et la terre: lʼhistoire
rurale médiévale dʼhier et aujourdʼhui, PUV, Valenciennes.
Beck, C., Luginbülh, Y., Muxart, T. (dir.), 2006, Temps et espaces des crises de lʼenvironnement.
Sociétés et ressources renouvelables, Quae, Versailles.
Behringer, W., 2009, A Cultural History of Climate, Polity Press, Cambridge.
Behringer, W., 1999, « Climatic change and witch-hunting : the impact of the Little Ice Age on
mentalities », Climatic Change, 43, p. 335-351.
Behringer, W., Hartmut, L., Pfister, C. (eds.), 2005, Cultural Consequences of the « Little Ice Age »,
Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen.
Bély, L., 2008 (4e ed.), La France moderne, 1498-1789, PUF, Paris.
Bell, W.T, Ogilvie, A.E.J., 1978, « Weather compilations as a source of data for the reconstruction of
European climate during the medieval period », Climatic Change, 1, p. 331-348.
400
Berchtold, J., Le Roy Ladurie, E., Sermain, J-P., Vasak, A.(dir), 2012, Canicules et froids extrêmes.
L'événement climatique et ses représentations, Hermann, Paris.
Berdoulay, V., Soubeyran, O. (dir.), 2015, Aménager pour sʼadapter au changement climatique. Un
rapport à la nature à reconstruire ?, PUPPA, Pau.
Berger, J-F. (dir.), 2012, Des climats et des hommes, La Découverte, Paris.
Berger, A., 2000, Le climat de la terre. Un passé pour quel avenir ?, De Boeck Supérieur, Louvain-la-
Neuve.
Berlioz, J., 1998, Catastrophes naturelles et calamités au Moyen Âge, Sismel Edizioni del Galluzzo,
Florence.
Berlioz, J., 1993, « Les récits exemplaires, sources imprévues de l'histoire des catastrophes naturelles
au Moyen Âge », Sources, Travaux historiques, t. 33, numéro spécial « Histoire des catastrophes
naturelles », p. 7-24.
Berlioz, J., 1988, « Lʼhistoire des catastrophes au service de la prévention », Aménagement et nature,
90, p. 7-10.
Berlioz, J., Quenet, G., 2000, « Les catastrophes : définitions, documentation », in Favier, R., Granet-
Abisset, A-M. (dir.), Histoire et mémoire des risques naturels, MSH-Rhône-Alpes, Grenoble, p.
19-37.
Bernard, J., 1968, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), thèse de doctorat
dʼHistoire du droit, Université de Paris, Sevpen, Paris.
Bernstein, P.L., 1998, Against the Gods : The Remarkable Story of Risk, John Wiley & Sons Inc.,
New-York.
Bertrand, G.A, 2007, Dictionnaire étymologique des mots français venant de lʼarabe, du turc et du
persan, LʼHarmattan, Paris.
Bessemoulin, P., 2002, « Les tempêtes en France », Annales des Mines, 425, p. 9-14.
Bessemoulin, P., 2000, « Synthèse des conditions météorologiques lors des tempêtes de décembre
1999 », Dossier de lʼenvironnement de lʼINRA – Forêts et tempête, 20, p. 27-37.
Bessemoulin, J., 1989 (2e éd.), Atlas climatique de la France, Direction de la météorologie nationale,
Paris.
Bethemont, J., 1991, « Sur la nature des événements extrêmes : catastrophes et cataclysmes », Revue
de géographie de Lyon, 66-3-4, p. 139-142.
Binois, G., Djabellaoui M., de Rugy M., Vanz J., 2016, « Cartes et usages des cartes. Pour une analyse
historienne de sources géographiques », Hypothèses, 19-1, p. 17-25.
Birot, Y., 2004, « Forêts, vents et risques : le programme français de recherche « post-tempêtes ».
Premier bilan d'un programme de recherche en cours », Natures, Sciences, Sociétés, 12-2, p. 221-
224.
Birot, Y., Landmann, G., Bonhême, I. (coord.), 2009, La forêt face aux tempêtes, Quae, Versailles.
Bithonneau, R., Morisset, C., 1993, « Les écluses à poissons de lʼîle dʼOléron », Cahiers dʼOléron, 10,
p. 4-9.
Blanchard, A., Michel, H., Pélaquier, E. (dir.), 1993, Météorologie et catastrophes naturelles dans la
France méridionale à lʼépoque moderne, Université Paul-Valéry, Montpellier.
Blong, R., 2003, « A review of damage intensity scales », Natural Hazards, 29, p. 57-76.
Bodéré, J-C., Pourinet, L., 2000, « Typologie des côtes de France », Atlas permanent de la mer et du
littoral : Littoral français, n°5, LETG, p. 4.
Bodin, J., 1993, Les six livres de la République. Un abrégé du texte de lʼédition de Paris de 1583,
publié par Mairet, G., Librairie Générale Française, Paris.
Boia, L., 2004, L'homme face au climat. L'imaginaire de la pluie et du beau temps, Les Belles Lettres,
Paris.
Boissière, J., 2009, « Décembre 1711 : tempête sur la forêt de Fontainebleau », Cahier dʼétudes forêt,
environnement et sociétés, XVIe-XXe siècles, CNRS, Paris, 19, p. 36-47.
Bonhôte, J., Davasse, B., Dubois, Cl., Galop, D., Izard, C., Métailié, J-P., 1997, « Histoire de

401
BIBLIOGRAPHIE
lʼenvironnement et cartographie du temps dans la moitié est des Pyrénées: pour une chrono-
chorologie » in Barrué-Pastor, M., Bertrand, G. (dir.), Les temps de lʼEnvironnement, GEODE-
CNRS, Toulouse, p. 501-515.
Bordereaux, L., Debande, B., Desse-Berset, N., Sauzeau, T., 2009, Les écluses à poisson dʼOléron,
Geste Editions, La Crèche.
Borger, G.J., De Kraker, A.M.J., Soens, T., Thoen, E., Tys, D. (eds), 2013, Landscapes or seascapes ?
The history of the coastal environment in the North Sea Area Reconsidered (comparative rural
history of the North Sea Area), Brepols, Turnhout.
Boucard, J., 2010, « Vimers ayant frappé lʼîle de Ré. Synoptique des vimers rétais », in Garnier, E.,
Surville, F. (dir.), 2010a, La Tempête Xynthia face à lʼhistoire. Submersions et tsunamis sur les
littoraux français du Moyen Âge à nos jours, Le Croît Vif, Saintes, p. 153-163.
Boucard, J., 1984, Les écluses à poissons dans l'île de Ré, Rupella, La Rochelle.
Bouhier, C., 1970, « Les possessions de lʼabbaye Blanche à Barbâtre », Lettres aux amis de
Noirmoutier, 2e série, 4, p. 3-10.
Bouligand, R., Tabeaud, M., 2000, « Les surcotes à Brest depuis un siècle : analyse des paramètres
météorologiques influents à lʼéchelle locale », Norois, 186, p. 201-217.
Bourgou, M., Miossec, J-M., 2010, Les littoraux. Enjeux et dynamiques, PUF, Paris.
Brazdil, R., 1996, « Reconstructions of past climate from historical sources in the Czech lands », in
Jones, P.D., Bradley, R.S., Jouzel, J. (eds.), Climatic Variations and Forcing Mechanisms of the
last 2000 years, Springer-Verlag, Berlin, p. 409-431.
Brazdil, R., 1990, « Climatic Fluctuations in Bohemia from the 16th century until the present »,
Theoretical and Applied Climatology, 42, p. 121-128.
Brazdil, R., Dobrovolny, P., Luterbacher, J., Moberg, A., Pfister, C., Wheeler, D., Zorita, E., 2010,
« European climate of the past 500 years : new challenges for historical climatology », Climatic
Change, 101, p. 7-40.
Brazdil, R., Kotyza, O. (eds), 1996-2004, History of weather and climate in the Czech Lands, 6 vol.,
Masaryck University, Brno.
Brazdil, R., Pfister, C., Wanner, H., Von Storch, H., Luterbacher, J., 2005, « Historical climatology in
Europe – The state of the art », Climatic Change, 70-3, p. 363-430.
Braudel, F., 1958, « Histoire et sciences sociales : la longue durée », Annales, Economies, Sociétés,
Civilisations, 13-4, p. 725-753.
Breilh, J-F., Bertin, X., Chaumillon, E., Giloy, N., Sauzeau, T., 2014, « How frequent is storm-
induced flooding in the central part of the Bay of Biscay ? », Global and Planetary Change, 122, p.
161-175.
Briand, J., 2017, « Un compte d'exploitation salicole dans la Baie (1463-1484) : présentation et édition
commentée », dans Laget, F., Josserand, P., Rabot, B.(dir), Entre terre et mer. Sociétés, campagnes
et littoraux dans l'Ouest atlantique. Mélanges offerts à Jean-Luc Sarrazin, PUR, Rennes, p. 157-
168.
Briand, J., 2006, « Lʼexploitation de salines à la fin du Moyen Âge : les possessions des Blanchet dans
la baie de Bourgneuf », in Hocquet, J.-C., Sarrazin, J-L. (dir.), Le sel de la Baie. Histoire,
archéologie, ethnologie des sels atlantiques, PUR, Rennes, p. 125-136.
Briffaud, S., 1993, « Vers une nouvelle histoire des catastrophes », Sources : travaux historiques, 33,
p. 3-5.
Brisou-Pellen, E., 1992, Contes traditionnels de Bretagne, Milan, Paris.
Brisson, N., Terray, L., Calvet, J-C., Déqué, M., De Noblet-Ducoudré, N., 2013, « Lʼincertitude dans
les études dʼimpact et dʼadaptation au changement climatique », in Soussana, J-F. (coord.),
Sʼadapter au changement climatique. Agriculture, écosystèmes et territoires, Quae, Paris, p. 31-44.
Britton, C.E, 1937, A meteorological chronology to AD 1450, Meteorological Office, Londres.
Brochard, F-X., 2010, Autorité, justices et droit en pays de marches séparantes : lʼîle de Bouin (XVIe-
e
XVIII siècles), Université de Nantes, thèse de doctorat dʼHistoire du droit, sous la direction de
Legal, P-Y., 2 tomes, Nantes.

402
Brochard, A.M. (dir.), 1994, Navires et tableaux votifs de Charente-Maritime : catalogue de
l'exposition, Exposition Halle aux Vivres de Brouage, avril-septembre 1994, Syndicat Mixte pour
l'Animation et la Restauration du Site de Brouage, Brouage.
Brown, K. J., 2017, A journey back in time through maps, White Star Publisher, Milan.
Brunot, A., Coquand, R., 1982, Le corps des Ponts et Chaussées, CNRS Editions, Paris.
Buisman, J., Van Engelen, A.F.V., 1995-2015, Duizend jaar weer, wind en water in de Lage Landen,
6 vol., Uitgeverij van Wijnen, Franeker.
Bulteau, T., Idier, D., Lambert, J., Garcin, M., 2015, « How historical information can improve
estimation and prediction of extreme coastal water levels : application to the Xynthia event at La
Rochelle (France) », Natural Hazards and Earth System Sciences, 15, p. 1135-1147.
Burnet, E., Burnet, R., 2006, Pour décoder un tableau religieux. Nouveau Testament, Du Cerf, Paris.
Burnouf, J., 2009, « Vulnérabilité des sociétés médiévales aux aléas météorologiques et climatiques »,
Archéologie du Midi Médiéval, 27, p. 249-254.
Buron, G., 2000, Bretagne des marais salants. 2000 ans d'histoire, t. 1, Bretagne des marais salants.
Hommes du sel, t. 2, Skol Vreizh, Morlaix.
Cabantous, A., 2004, « Fortunes de mer », in Corbin, A., Richard, H. (dir), La Mer : terreur et
fascination, BnF/Seuil, Paris.
Cabantous, A., 2002, Entre fêtes et clochers. Profane et sacré dans lʼEurope moderne (XVIIe-XVIIIe
siècle), Fayard, Paris.
Cabantous, A., 1993, Les côtes barbares. Pilleurs d'épaves et sociétés littorales en France, 1680-
1830, Fayard, Paris.
Cabantous, A., 1990, Le ciel dans la mer : christianisme et civilisation maritime (XVIe-XIXe siècle),
Fayard, Paris.
Cabantous, A., Buti, G., 2018, De Charybde en Scylla. Risques, périls et fortunes de mer du XVIe siècle
à nos jours, Belin, Paris.
Caillé, S., 2003, Les côtes sableuses du XIXe siècle à nos jours, Siloë, Nantes.
Caillosse, P., 2018, « Lʼingénieur, lʼexpert et les transformations naturelles de la pointe du Médoc
(début XVIIIe-milieu XIXe siècles) », in Coumel, L., Morera, R., Vrignon, A. (dir.), Pouvoirs et
environnement. Entre confiance et défiance, XVe- XXIe siècle, PUR, Rennes, p. 179-194.
Caillosse, P., 2015, La paroisse de Soulac de la fin du XVIe au milieu du XIXe siècle. Les
transformations dʼun territoire littoral entre la Gironde et lʼAtlantique, Université de La Rochelle,
thèse de doctorat dʼhistoire, sous la direction de Bochaca, M. et Tranchant, M., 2 tomes, La
Rochelle.
Campbell, C.J., 2018, « Space, Place and Scale : Human Geography and Spatial History », Past and
Present : a journal of historical studies, 239-1, p. 23-45.
Camuffo, D., 2010, « Le niveau de la mer à Venise dʼaprès lʼœuvre picturale de Véronèse, Canaletto
et Bellotto », Revue dʼHistoire Moderne et Contemporaine, 57-3, p. 92-110.
Camuffo, D., 1993, « An analysis of the sea surges at Venice from A.D 782 to 1990 », Theoretical and
Applied Climatology, 47, p. 1-14.
Camuffo, D., Bertolin, C., 2012, « The earliest temperature observations in the world : the Medici
Network (1654–1670) », Climatic Change, 111-2, p. 335-363.
Camuffo, D., Secco, C., Brimblecombe, P., Martin-Vide, J., 2000, « Sea storms in the Adriatic sea and
the western Mediterranean during the last millennium », Climatic Change, 46, p. 209-223.
Cantat, O., Savouret, E., Bensaid, A., 2013, « Les “types de temps” et leur évolution dans le Grand
Ouest de la France », in Merot, P., Dubreuil, V., Delahaye, D., Desnos, P. (dir), Changements
climatiques dans lʼOuest. Évaluation, impacts, perceptions, PUR, Rennes, p. 43-56.
Capdevila, L., 2004, « Les temporalités de lʼévénement en histoire », in Parent, S. (dir.), Que se passe-
t-il ? Evénements, sciences humaines et littérature, PUR, Rennes, p. 80-89.
Cariolet, J-M., 2011, Inondation des côtes basses et risque associés en Bretagne : vers une
redéfinition des processus hydrodynamiques liés aux conditions météo-océaniques et des
paramètres morpho-sédimentaires, Université de Bretagne Occidentale, thèse de doctorat en
403
BIBLIOGRAPHIE
géographie, sous la direction de Meur-Férec, C., Suanez, S., Brest.
Cariolet, J-M., Costa, S., Caspar, R., Ardhuin, F., Magne, R.,Goasguen, G., 2010, « Aspects météo-
marins de la tempête du 10 mars 2008 en Atlantique et en Manche », Norois, 215, p. 11-31.
Carpentier, E., Le Mené, M., 1996, La France du XIe au XVe siècle : population, société, économie,
PUF, Paris.
Carrefour des régions d'Europe, ex-voto marins en Bretagne et Galice, 1988, Exposition Musée des
Beaux-Arts de Brest, 15 novembre-21 décembre 1987, Ouest France, Brest.
Cassard, J-C., 1998, Les Bretons et la mer au Moyen Âge, PUR, Rennes.
Caspar, R., Costa, S., Jakob, E. 2007, « Fronts froids et submersions de tempête dans le nord-ouest de
la France », La Météorologie, 57, p. 37-47.
Centre vendéen de recherches historiques, 2002, Les Sables au temps de la grande pêche : manuscrits
de Collinet, 1739-1782, CVRH, La Roche-sur-Yon.
Centre vendéen de recherches historiques, 2003, Les Sables et la guerre de Vendée : manuscrits de
Collinet, 1788-1804, CVRH, La Roche-sur-Yon.
Chaigne, L., 1937, La Vendée maritime, des Sables dʼOlonne à lʼAiguillon-sur-mer, Augustre
Fontaine, Paris.
Champion, M., 1858, Les inondations en France depuis le VIe siècle jusquʼà nos jours, Victor
Dalmont, Paris.
Chang, K. T., 2008, Introduction to Geographical Information Systems, McGraw Hill, New-York.
Chapuis, O., 1999, À la mer comme au ciel. Beautemps-Beaupré et la naissance de l'hydrographie
moderne (1700-1850), PUPS, Paris.
Charpentier, E., 2009, Le littoral et les hommes : espaces et sociétés des côtes nord de la Bretagne au
e
XVIII siècle, Université de Rennes 2, thèse de doctorat dʼhistoire, sous la direction dʼAntoine, A.,
Rennes.
Chaumillon, E., Bertin, X., Fortunato, A. b., Bajo, M., Schneider, J-L., Dezileau, L., Walsh, J.P.,
Michelot, A., Chauveau, E., Créach, A., Hénaff, A., Sauzeau, T., Waeles, B., Gervais, B., Jan, G.,
Baumann, J., Breilh, J-F., Pedreros, R., 2017, « Storm-induced marine flooding : Lessons from a
multidisciplinary approach », Earth-Science Reviews, 165, p. 151-184.
Chaumillon, E., Garnier, E., Sauzeau, T.(dir), 2014, Les littoraux à l'heure du changement climatique,
Les Indes Savantes, Paris.
Chaumillon, E., Ozenne, F., Bertin, X., Long, N., Ganthy, F., 2014, « Wave climate and inlet channel
meander bend control spit breaching and migration of a new inlet : La Courbe Sandspit », Journal
of Coastal Research, 70, p. 109-114.
Chauviteau, C., Vinet, F., 2006, « La vulnérabilité des établissements recevant du public et des
entreprises face aux inondations : une méthode dʼanalyse appliquée dans le bassin de lʼOrb
(Hérault) », Ingénieries, 46, p. 15-33.
Chémery, L., 2009, Petit atlas des climats, Larousse, Baume-les-Dames.
Chevillot-Miot, E., 2017, La résilience des territoires littoraux face au risque de submersion marine :
application sur les territoires de la Charente-Maritime et de la Somme, Université de Nantes, thèse
de doctorat de géographie, sous la direction de Mercier, D., Nantes.
Chevillot-Miot, E., Mercier, D., 2014, « La vulnérabilité face au risque de submersion marine :
exposition et sensibilité des communes littorales de la région Pays de la Loire (France) », VertigO -
la revue électronique en sciences de l'environnement, 14-2, [En ligne].
Choblet, C., 2005, Espace littoral et décisions dʼaménagement : limites et potentialités des études
dʼimpact et des enquêtes publiques, Université de Nantes, thèse de doctorat de géographie, sous la
direction de Miossec, A., Nantes.
Chollet, M., 2008, « Les écrits du for privé dans le Haut-Maine à lʼépoque moderne », Annales de
Bretagne et des Pays de lʼOuest, 115-1, p. 133-158.
Church, J. A., White, N.J., 2011, « Sea-level rise from the late 19th to the early 21st century », Surveys
in Geophysics, 32, p. 585-602.
Ciavola, P., Harley, M.D., den Heijer, C., 2018, « The RISC-KIT storm impact database : a new tool
404
in support of DRR », Coastal Engineering, 134, p. 24-32.
Cœur, D., 2008, La plaine de Grenoble face aux inondations. Genèse dʼune politique publique du XVIIe
au XXe siècle, Quae, Versailles.
Cœur, D., 2000, « Aux origines du concept de risque naturel en France, le cas des inondations
fluviales (XVIIIe-XIXe s.) », in Favier, R., Granet-Abisset, A-M. (dir.), Histoire et mémoire des
risques naturels, MSH-Alpes, Grenoble, p. 117-137.
Cœur, D., Lang, M., 2011, « Lʼenquête historique et la prévention des risques naturels », Géologues,
169, p. 95-98.
Coindet, S., 2006, « Les naufrages sur lʼîle de Sein au XVIIIe siècle, une lente évolution vers le
sauvetage », Annales de Bretagne et des Pays de lʼOuest, 113-1, p. 87-110.
Collart, M., 2017, « Avis de tempête : la polémique entre Garcin et Musschenbroek sur les causes du
mouvement du baromètre », in Metzger, A., Désarthe, J., Rémy, F. (dir), Histoires de météophiles,
Hermann, Paris, p. 127-142.
Collet, C., 1992, Systèmes dʼinformation géographique en mode image, PPUR, Lausanne.
Collins, E.S., Scott, D.B., Gayes, P.T., 1999, « Hurricane records on the South Carolina coast : Can
they be detected in the sediment record ? », Quaternary International, 56, p. 15–26.
Combe, C., 2008, « Le SIG narratif, outil de territorialisation du risque : mise en perspective
géohistorique du risque fluvial en milieu urbain et périurbain », in Leone, F., Vinet, F., La mise en
carte des risques naturels. Diversité des approches, p. 23-30.
Conchon, A., Szulman, E., 2018, « Le département des Ponts et Chaussées et les entrepreneurs des
ouvrages maritimes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », in Llinares, S. Egasse, B., Dana, K.,
De lʼestran à la digue. Histoire des aménagements portuaires et littoraux, XVIe-XXe siècle, PUR,
Rennes, p. 109-126.
Constant, G., 1938, « Les registres de marguilliers », Revue d'Histoire de l'église de France, 103, p.
170-183.
Cook, E.R., DʼArrigo, R., Mann, M.E., 2001, « A Well-Verified, Multiproxy reconstruction of the
winter North Atlantic Oscillation Index since A.D. 1400 », Journal of Climate, 15, p. 1754-1764.
Corbin, A., 1999, « La mer et lʼémergence du désir du rivage », in Corvol, A. (dir.), Les sources de
lʼhistoire de lʼenvironnement. Le XIXe siècle, LʼHarmattan, Paris, p. 31-38.
Corbin, A. (dir.), 1995, Lʼavènement des loisirs, 1850-1960, Aubier, Paris.
Corbin, A., 1992, Le territoire du vide : L'Occident et le désir du rivage (1750-1840), Aubier, Paris.
Corbin, A., Heuré, G., 2000, Historien du sensible. Entretiens avec Gilles Heuré, La Découverte,
Paris.
Corvol, A. (dir.), 2005, Tempêtes sur la forêt française, XVIe-XXe siècle, LʼHarmattan, Paris.
Corvol, A. (dir.), 2002, Les Sources de lʼhistoire de lʼenvironnement, le XXe siècle, LʼHarmattan, Paris.
Corvol, A. (dir.), 1999, Les Sources de lʼhistoire de lʼenvironnement, le XIXe siècle, LʼHarmattan,
Paris.
Corvol, A., Richefort, I. (dir.), 1995, Nature, paysage et environnement. L'Héritage révolutionnaire,
L'Harmattan, Paris.
Cosem, M., 1996, Contes traditionnels de Gascogne, Milan, Paris.
Costa, L.J., Robert, S., Foucault, M., 2001, Guide de lecture des cartes anciennes. Illustration dans le
Val d'Oise et le Bassin-Parisien, Errances, Paris.
Coulet, N., 2004, « Les délibérations communales en Provence au Moyen Âge », in Carozzi, C.,
Taviani-Carozzi, H. (dir), Le médiéviste devant ses sources. Questions et méthodes, PUP, Aix-en-
Provence, p. 227-248.
Coumel, L., Morera, R. Vrignon, A., 2018, Pouvoirs et environnement. Entre confiance et défiance,
e e
XVI -XXI siècle, PUR, Rennes.
Courouau, J-F., Mouysset, S., 2010, « À la recherche des écrits du for privé du Midi de la France et de
la Catalogne », Annales du Midi, 122-270, p. 165-173.
Cousin, B., 1979, « L'Ex-voto, document d'histoire, expression d'une société », Archives des sciences

405
BIBLIOGRAPHIE
sociales des religions, 48-1, p. 107-124.
Cowen, D.J., 1988, « GIS versus CAD versus DBMS : what are the differences ? », Photogrammetric
engineering and remote sensing, 54, p. 1551-1554.
Cox, J.D, 2002, Storm watchers : the turbulent history of weather prediction from Franklin's Kite to El
Nino, John Wiley and Sons Ltd, New-York.
Croix, A., 1993, « Introduction », in Moi, Jean Martin, recteur de Plouvellec...Les curés
“ journalistes” de la Renaissance au XVIIe siècle, présenté par Croix, A., Apogée, Rennes, p. 7-12.
Creach, A., Pardo, S., Mercier, D., 2017, « Diagnostic préventif de la vulnérabilité des constructions
résidentielles pour leurs occupants face au risque de submersion marine appliqué à lʼîle de
Noirmoutier (Vendée, France) », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement,
17-1, [En ligne].
Cubizolle, H., 2009, Paléoenvironnements, Armand Colin, Paris.
Curveiller, S., 2008, « Dangers, acteurs et gestion du risque dʼune ville littorale au Moyen Âge »,
Revue dʼHistoire Maritime, 9, p. 47-54.
Cusset, C. (dir), 2003, La Météorologie dans l'Antiquité, entre science et croyance, Actes du colloque
international interdisciplinaire de Toulouse (2-4 mais 2002), PUSE, Saint-Étienne.
Cutter, S.L., Mitshell, J.T., Scott, M.S., 2000, « Revealing the vulnerability of people and places : a
case study of Georgetown country, South Carolina », Annals of the Association of American
Geographers, 90-4, p. 713-737.
Cuq, F., Devogele, T., Populus, J. (dir.), 2002, SIG côtiers, numéro spécial thématique, Revue
internationale de géomatique, 12-3, Lavoisier, Paris.
Darchen J., 1974, Éléments climatologiques concernant les côtes de la France métropolitaine, vol. 2 :
lʼAtlantique, Direction de la météorologie nationale, Trappes.
DʼArrigo, R.D., Cook, E.R., Mann, M.E., Jacoby, G.C., 2003, « Tree-ring reconstructions of
temperature and sea-level pressure variability associated with the warm-season Arctic Oscillation
since AD 1650 », Geophysical Research Letters, 30-11, article 1549.
Darwin, C., 1862, De lʼorigine des espèces ou des lois du progrès chez les êtres organisés, traduit en
français par Royer, C-A., Guillaumin-Masson, Paris.
Das, O., Wang, Y., Donoghue, J., Xu, X., Coor, J., Elsner, J., Xu, Y., 2013, « Reconstruction of
paleostorms and paleoenvironment using geochemical proxies archived in the sediments of two
coastal lakes in northwest Florida », Quaternary Science Reviews, 68, p. 142–153.
Dauphiné, A., 2007, « La résilience : un concept pour la gestion des risques », Annales de Géographie,
654, p. 115-125.
Dauphiné, A., Provitolo, D., 2013 (2e éd.), Risques et catastrophes. Observer, spatialiser, comprendre,
gérer, Armand Colin, Paris.
Daux, V., 2010, « La reconstruction climatique à partir des dates de vendanges », Revue de la BnF, 36,
p. 26-33.
De Kraker, A.M.J., 2013, « Storminess in the Low Countries, 1300-1725 », Environment and History,
19, p. 149-172.
De Kraker, A.M.J., 2006a, « Flood events in the southwestern Netherlands and coastal Belgium, 1400-
1953 », Hydrological Sciences, Special Issue : Historical Hydrology, 51-5, p. 913-929.
De Kraker, A.M.J., 2006b, « Historical climatology, 1950-2006 », Belgeo, 3, p. 307-338.
De Kraker, A.M.J., 2002, « Historic Storms in the North Sea Area, an Assessment of the Storm Data,
the Present Position of Research and the Prospects for Future Research », in Wefer, G., Berger,
W.H., Behre, K.E., Jansen, E. (eds.), Climate Development and History of the North Atlantic
Realm, Springer, Berlin, p. 415-434.
De Kraker, A.M.J., 1999, « A method to assess the impact of high tides, storms and storm surges as
vital elements in climatic history. The case of stormy weather and dikes in the northern part of
Flanders, 1488 to 1609 », Climatic Change, 43-1, p. 287–303.
De Lary, L., Loschetter, A., Bouc, O., 2011, Indicateurs dʼévaluation des impacts et des risques dans
le cadre du stockage géologique de CO2 : terminologie, méthodologie et préconisations, BRGM
406
[En ligne].
De la Soudière, M., Tabeaud, M., Vasak, A. (dir.), 2017, Le temps quʼil fait, Communications, 101-2.
Delort, R., 1996, « Avant-propos », in Bennassar, B. (dir.), Les catastrophes naturelles dans lʼEurope
médiévale et moderne, PUM, Toulouse, p. 5-25.
Delort, R., 1969, Introduction aux sciences auxiliaires de l'histoire, Armand Colin, Paris.
Delort, C., Dutt, A., Koch, A., Laveau, C., Lesage, C., Leroy, J., Portheault, L., Schmitt, T., Silly, F.,
2014, Phytotoxicité de produits alternatifs au sel de déneigement, Université de Lorraine, [PDF en
ligne].
Delumeau, J., 1989, Rassurer et protéger. Le sentiment de sécurité dans lʼOccident dʼautrefois,
Fayard, Paris.
Delumeau, J., 1978, La Peur en Occident, XIVe-XVIIIe siècle. Une cité assiégée, Fayard, Paris.
Delumeau, J., Lequin, Y., 1987, Les malheurs des temps. Histoire des fléaux et des calamités en
France, Larousse, Paris.
De Macé de Vaudoré, J-F., 1836, Dictionnaire historique, géographique et topographique de Nantes
et de lʼancien comté Nantais, Nantes.
Dempsey, C., 2018, « What is GIS ? », GIS Lounge.
Denegre, J., Salge, F., 1997, Systèmes dʼInformation Géographique, PUF, Paris.
Deroche, M-S., Choux, M., Codron, E., Yiou, P., 2014, « Three variables are better than one :
detection of european winter windstorms causing important damages », Natural Hazards and Earth
System Sciences, 14, p. 981-993.
Désarthe, J., 2014a, « Les sociétés bretonnes face aux tempêtes (XVIe-XIXe siècle) », in Chaumillon, E.,
Garnier, E., Sauzeau, T. (dir), Les littoraux à l'heure du changement climatique, Les Indes
Savantes, Paris, p. 35-58.
Désarthe, J., 2014b, « Les sociétés antillaises face aux événements extrêmes. L'exemple des cyclones
et des submersions (XVIIIe-XXe siècle) », in Cocorisco, Aléas, Enjeux, Représentations, Gestion,
Actes du colloque international, 3-4 juillet 2014, p. 456-464, [PDF en ligne].
Désarthe, J., 2014c, « Ouragans et submersions dans les Antilles françaises (XVIIe-XXe siècle) », Études
caribéennes, 29, Hors dossier, [En ligne].
Désarthe, J., 2013, Le temps des saisons. Climat, événements extrêmes et sociétés dans lʼOuest de la
France (XVIe-XIXe siècles), Hermann, Paris.
Désarthe, J., 2013b, « Les sociétés face aux caprices du temps dans lʼOuest de la France (XVIe-XIXe
siècle) », in Ducos, J., Météores et climats dʼhier. Décrire et percevoir le temps quʼil fait de
lʼAntiquité au XIXe siècle, p. 141-178, p. 148-152.
Désarthe, J., 2010, « Duhamel du Monceau, météorologue », Revue dʼHistoire Moderne et
Contemporaine, 57-3, p. 70-91.
De Vries K., Winsemius, J.P., 1970, De Allerheiligenvloed van 1570, Miedema Pers., Leeuwarden.
Dezileau, L., Sabatier, P., Blanchemanche, P., Joly, B., Swingedouw, D., Cassou, C., Castaings, J.,
Martinez, P., Von Grafenstein, U., 2011, « Increase of intense storm activity during the Little Ice
Age on the French Mediterranean Coast », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology,
299-1-2, p. 289-297.
Didier, M., Bouveyron, C., 1993, Guide économique et méthodologique des SIG, Hermès, Paris.
Dion, R., 1961, Histoire des levées de la Loire, R. Dion, Paris.
Direction Interregionale de la Mer Sud Atlantique, 2012, Les dynamiques démographiques et
résidentielles, rapport gouvernemental, [PDF en ligne].
Doll, D., 1991a, « Les cataclysmes éoliens dans les forêts dʼEurope », Forêt Entreprise, 77-5, p. 8-9.
Doll, D., 1991b, « Histoire des grandes tempêtes dans les forêts dʼEurope occidentale », La forêt
privée, 198, p. 60-70, 199, p. 58-74.
Doll, D., 1988, Les cataclysmes météorologiques en forêt, Université de Lyon 2, thèse de doctorat de
géographie, sous la direction de Houssel, J-P., Lyon.
Donnelly, J.P., Butler, J., Roll, S., Wengren, M., Webb, T., 2004, « A backbarrier overwash record of
407
BIBLIOGRAPHIE
intense storms from Brigantine, New Jersey », Marine Geology, 210, p. 107–121.
Donnelly, J.P., Smith, B.S., Butler, J., Dowling, J., Fan, L., Hausmann, N., Newby, P., Shuman, B.,
Stern, J., Westover, K., Webb, III T., 2001, « 700 years sedimentary record of intense hurricane
landfalls in southern New-England », Geological Society of America Bulletin, 6, p. 714-727.
Dreveton, C., 2002, « Lʼévolution du nombre de tempêtes en France sur la période 1950-1999 », La
Météorologie, 37, p. 46-56.
Dreveton, C., 1997, Étude des événements tempêtes réalisée par Météo-France pour un groupe
dʼassureurs et de réassureurs, Notes techniques SCEM, Météo-France, Toulouse.
Dreveton, C., Bénech, B., Jourdain, S., 1997, « Classification des tempêtes sur la France à lʼusage des
assureurs », La Météorologie, 17, p. 23-32.
Drouineau, S., Laroussinie, O., Birot, Y., Terrasson, D., Formery, T., Roman-Amat, B. (coord.), 2000,
Forêts et tempête. Expertise collective sur les tempêtes, la sensibilité des forêts et sur leur
reconstitution, Dossier de lʼEnvironnement de lʼINRA, 20.
Dubreuil, V., Planchon, O., Lamy, C., Bonnardot, V., Quénol, H., 2013, « Le changement climatique
dans la France de lʼOuest : observations et tendances », in Merot, P., Dubreuil, V., Delahaye, D.,
Desnos, P. (dir), Changements climatiques dans lʼOuest. Évaluation, impacts, perceptions, PUR,
Rennes, p. 19-30.
Duchaussoy, H., 1898, Observations anciennes (584-1789). Almanach Météorologique à lʼusage des
cultivateurs, Progrès Agricole, Amiens.
Duchaussoy, H., 1884, « Etude climatologique du département du Cher », Mémoire de la Société
historique, littéraire, artistique et scientifique du département du Cher, vol. I, p. 1-191.
Ducoin, J., 1989, Naufrages, conditions de navigation et assurances dans la marine de commerce du
e
XVIII siècle. Le cas de Nantes et de son commerce colonial avec les îles d'Amérique, université
Paris IV, thèse de doctorat d'histoire, sous la direction de Meyer, J., Paris.
Ducos, J., 2013, « Introduction », in Ducos, J. (dir), Météores et climats d'hier. Décrire et percevoir le
temps qu'il fait de l'Antiquité au XIXe siècle, Hermann, Paris, p. 5-17.
Ducos, J., 2013, « Expliquer les phénomènes météorologiques au Moyen Âge (XIIe siècle) », in Ducos,
J. (dir), Météores et climats d'hier. Décrire et percevoir le temps qu'il fait de l'Antiquité au XIXe
siècle, Hermann, Paris, p. 37-58.
Duhem, P. 2007, La théorie physique. Son objet, sa structure, Vrin, Paris.
Duhem, P., 1913-1959, Le système du monde. Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à
Copernic, 10 vol., Hermann, Paris, vol. 2.
Dumerchat, F., Ribouillault, C. (dir.), 2006, Le temps quʼil fait en Poitou-Charente-Vendée : savoirs
populaires, magie et science, Geste, La Crèche.
Duvat, V., 2010, Les impacts de la tempête Xynthia sur les plages de lʼîle dʼOléron : les réalités du
terrain, Rapport remis à la Communauté de Communes dʼOléron, [PDF en ligne].
Duvat, V., Magnan, A., 2014, Des catastrophes... « naturelles » ?, Le Pommier, Paris.
Duvat, V., Magnan, A., 2014, « Evaluer la vulnérabilité des côtes basses aux risques liés à la mer :
application à lʼîle de Tortola (îles Vierges britanniques, Petites Antilles) », in Chaumillon, E.,
Garnier, E., Sauzeau, T., Les littoraux à lʼheure du changement climatique, Les Indes Savantes,
Paris, p. 221-234.
Easton, C., 1928, Les hivers dans lʼEurope occidentale, Brill E.J., Leyde.
Engel, K., Frerks, G., Velotti, L., Warner, J., Weijs, B., 2014, « Flood disaster subcultures in the
Netherlands : the parishes of Borgharen and Itteren », Natural Hazards, 73-2, p. 859-882.
Enjalbert, H., 1960, Le modelé et les sols des pays aquitains, Brière, Bordeaux.
Ex-voto marins de la Charente-Maritime : catalogue de l'exposition, 1979, Exposition Salle de
l'Oratoire de La Rochelle, 28 juillet-2 septembre 1979, Musée d'Orbigny-Bernon, La Rochelle.
Ex-voto marins du Ponant offerts à Dieu et à ses Saints par les gens de la Mer du Nord, de la Manche
et de l'Atlantique, 1976, Catalogue d'exposition, 1975-1976, Musées de la Marine, Paris.
Fabiani, J-L., Theys, J. (coord.), 1987, La société vulnérable. Evaluer et maîtriser les risques, Presses
de lʼENS, Paris.
408
Farge, A., 1989, Le goût de l'archive, Seuil, Paris.
Fassin, D., 2010, La raison humanitaire. Une histoire morale du temps présent, Seuil, Paris.
Fattal, P., Robin, M., Paillart, M., Maanan, M., Mercier, D., Lamberts, C., Costa, S., 2010, « Effets des
tempêtes sur une plage aménagée et à forte protection côtière : la plage des Éloux (côte de
Noirmoutier, Vendée, France) », Norois, 215, p. 101-114.
Favier, J., 2015, Les Plantagenêts : origines et destin dʼun empire (XIe-XIVe siècles), Tallandier, Paris.
Favier, R., 2006, « Sociétés urbaines et culture du risque. Les inondations dans la France dʼAncien
Régime », in Walter, F., Fantini, B., Delvaux, P. (dir.), Les cultures du risques (XVIe-XXIe siècle),
Presses dʼHistoire Suisse, Genève, p. 49-86.
Favier, R., 2002, « La monarchie dʼAncien Régime et lʼindemnisation des catastrophes naturelles à la
fin du XVIIIe siècle : lʼexemple du Dauphiné », in Favier, R. (dir.), Les pouvoirs publics face aux
risques naturels dans lʼhistoire, MSH-Alpes, Grenoble, p. 71-104.
Favier, R (dir)., 2002, Les pouvoirs publics face aux risques naturels dans lʼhistoire, Actes du
colloque du 22 au 24 mars 2001, MSH-Alpes, Grenoble.
Favier, R., Granet-Abisset, A-M., 2005, « Climat et risques naturels en France. Bilan
historiographique et positions de recherche », in Lamarre, D., Risque et climat. Regards croisés des
historiens et des géographes, Belin, Paris, p. 9-34.
Febvre, L., 1941, « La sensibilité et lʼhistoire : comment reconstituer la vie affective dʼautrefois ? »,
Annales, 3, p. 5-20.
Félix, J., 1994, Economie et finances sous l'Ancien Régime : Guide du chercheur, 1523-1789, IGPDE,
Vincennes.
Feng L. H., Hong W., 2008, « A quantitative expression for the magnitude and intensity of disaster of
storm surges », Natural Hazard, 45, p. 11–18.
Fengying, W., Lei, H., Guanjun, C., Qian, L., Yu, X., 2011, « Reconstruction of summer sea level
pressure over East Asia since 1470 », Journal of Climate, 25, p. 5600-5612.
Feuillet, T., Chauveau, E., Pourinet, L., 2012, « Xynthia est-elle exceptionnelle ? Réflexions sur
lʼévolution et les temps de retour des tempêtes, des marées de tempête, et des risques de surcotes
associés sur la façade atlantique française », Norois, 222, p. 27-44.
FFA, 2015, Impact du changement climatique sur lʼassurance à lʼhorizon 2040, [PDF en ligne].
Fisher, M.M., Brenner, M., Reddy, K.R., 1992, « A simple, inexpensive piston corer for collecting
undisturbed sediment/water interface profiles », Journal of Paleolimnology, 7, p. 157-161.
Flohn, H., 1958, « Klimaschwankungen der letzten 1000 Jahre und ihre Geophysikalischen
Ursachen », Deutsche Geography, 31, p. 201-214.
Flohn, H., 1950, « Klimaschwankungen im Mittelalter und ihre historisch-geographischen
Bedeutung », Berichte zur Deutschen Landeskunde, 72, p. 347-357.
Foisil, M., 1986, « L'écriture du for privé », in Ariès, P., Duby, G. (dir), Histoire de la vie privée, t. III,
Seuil, Paris, p. 331-369.
Folger, P., 2009, « Geospatial information and Geographic Information Systems (GIS) : Current issues
and future challenges », paper from Congressional Research Service, [PDF online].
Fondin, J., 2018, Conception dʼun modèle de base de données pour la spatialisation et la
caractérisation des événements météo-marins ayant impacté la façade atlantique française depuis
le XIVe siècle, Rapport de master 1, Université de Nantes, sous la direction de Mohamed Maanan,
LETG UMR 6554.
Foote, K.E., Lynch, M., 2015, Geographic Information Systems as an Integrating Techonology :
Context, Concepts, and Definitions, The Geographerʼs Craft Project, University of Colorado,
Boulder.
Fort, M., André, M-F., 2014, Landscapes and Landforms of France, Springer, New-York.
Fossier, R., 2007, Ces gens du Moyen Âge, Fayard, Paris.
Fossier, R., 1987, « La peur de tous les instants », in Delumeau, J., Lequin, Y., Les Malheurs des
temps – histoire des fléaux et des calamités en France, chapitre 5, Larousse, Paris.

409
BIBLIOGRAPHIE
Foster, H.D., 1976, « Assessing disaster magnitude : a social science approach », The Professional
Geographer, 28-3, p. 241-247.
Foulon, J-H., 2004, « Geoffroy Babion, écolâtre d'Angers, l'exemple d'une collection de sermons », in
Carozzi, C., Taviani-Carozzi, H.(dir), Le médiéviste devant ses sources. Questions et méthodes,
PUP, Aix-en-Provence, p. 65-96.
Fourault, V., 2003, « La presse dans la tourmente », in Tabeaud, M. (dir.), Ile-de-France : avis de
tempête force 12, PUPS, Paris, p. 161-184.
Friedman, G., Sanders, F., 1978, Principles of Sedimentology, Wiley, New York.
Gache, S., 2000, « Les risques naturels et l'historien : Études, expériences et perspectives »,
Hypothèses, 3-1, p. 55-63.
Gallicé, A., 2007, « Les ports du pays guérandais : ligne de rivage et aménagements portuaires réalisés
à la fin du Moyen Âge », in Bochaca, M., Sarrazin, J-L (dir.), Ports et littoraux de l'Europe
atlantique – transformations naturelles et aménagements humains (XIVe–XVIe siècles), PUR,
Rennes, p. 15-32.
Galloway, J.A., 2013a, « Storms, economics and environmental change in an English coastal wetland :
the Thames Estuary c. 1250-1550 », in Borger, G.J., De Kraker, A.M.J., Soens, T., Thoen, E., Tys,
D. (eds), Landscapes or seascapes ? The history of the coastal environment in the North Sea Area
Reconsidered (comparative rural history of the North Sea Area), Brepols, Turnhout, p. 379-396.
Galloway, J.A., 2013b, « Coastal flooding and socioeconomic change in eastern England in the later
middle ages », Environment and History, 19, p. 173-207.
Galloway, J.A., 2009, « Storm flooding, coastal defence and land use around the Thames estuary and
tidal river, c. 1250-1450 », Journal of Medieval History, 35, p. 171-188.
Galloway, J., Potts, J., 2007, « Marine flooding in the Thames Estuary and tidal river c. 1250-1450 :
Impact and response », Area, 39, p. 370-379.
Gambino-Longo, S., 2005, « La météorologie au XVIe siècle entre Aristote et Lucrèce », in La Brasca,
F., Perifano, A (dir), La transmission des savoirs au Moyen Âge et à la Renaissance, PUFC,
Besançon, p. 275-288
Garner, G., Lienhard, T., 2010, « Le silence des sources en histoire / Das Schweigen der Quellen in
der Geschichtswissenschaft », Revue de l'IFHA, 2, p. 54-62.
Garnier, E. 2017, « Xynthia, February 2010. Autopsy of a foreseeable catastrophe », in Quevauviller,
P., Garnier, E., Ciavola, P. (eds.), Coping with coastal storms, John Wiley & Sons, Chichester, p.
111-148.
Garnier, E., 2015, « A historic experience for a strengthened resilience. European societies in front of
hydro-meteors 16th-20th centuries », in Quevauviller, P., Prevention of hydrometeorological
extreme events - Interfacing sciences and policies, John Wiley & Sons, Chichester, p. 3-26.
Garnier, E., 2011, « Climat de la France : apport de lʼhistoire », in Jeandel, C., Mossery, R. (dir.), Le
climat à découvert. Outils et méthodes en recherche climatique, CNRS, Paris, p. 111-113.
Garnier, E., 2011b, « Les sociétés méditerranéennes à l'épreuve du climat, 1500-1850 », Sud-Ouest
européen, 32, p. 21-33.
Garnier, E., 2010a, « 500 ans de vimers sur le littoral de Poitou-Charentes. Risques et vulnérabilité des
sociétés », in Sauzeau, T.(dir.), Expliquer Xynthia, comprendre le phénomène, Conseil régional de
Poitou-Charentes, Poitiers, p. 11-17 [PDF en ligne].
Garnier, E. 2010b, Les dérangements du temps. 500 ans de chaud et de froid en Europe, Plon, Paris.
Garnier, E., 2010c, « Fausse science ou nouvelle frontière ? Le climat dans son histoire », Revue
dʼHistoire Moderne et Contemporaine, 57-3, p. 7-41.
Garnier, E., 2009, « Les tempêtes des siècles », Cahier dʼétudes forêt, environnement et sociétés, XVIe-
e
XX siècles, CNRS, Paris, 19, p. 9-13.
Garnier, E., 2005, « Les grands vents dans le Grand Ouest, XVIe-XVIIIe siècles », in Corvol, A. (dir),
Tempêtes sur la forêt française, XVIe-XXe siècle, L'Harmattan, Paris, p. 55-70.
Garnier, E., 2004, « Quatre siècles de tempêtes en forêt. Les phénomènes éoliens majeurs en France
entre les XVIe et XIXe siècles », Rendez-vous techniques, 3, ONF, p. 16-20.

410
Garnier, E., 2000, « Forêts vosgiennes à lʼépreuve des tempêtes sous lʼAncien Régime », Revue
géographique de lʼEst, 3, p. 133-140.
Garnier, E., Boucard, J., Surville, F., 2010, La crise Xynthia à lʼaune de lʼhistoire. Enseignements et
enjeux contemporains dʼune histoire des submersions, Contribution aux missions dʼenquête
parlementaire et sénatoriale sur Xynthia par le groupe de recherche Submersions, p. 25-27, [PDF
en ligne].
Garnier, E., Ciavola, P., Spencer, T., Ferreira, O., Armaroli, C., McIvor, A., 2018, « Historical
analysis of storm events : case studies in France, England, Portugal and Italy », Coastal
Engineering, 134, p. 10-23.
Garnier, E., Désarthe, J., 2013, « Cyclones and Societies in the Mascarene Islands, 17th-20th
centuries », American Journal of Climate Change, 2-1, p. 1-13.
Garnier, E., Surville, F. (dir.), 2010a, La Tempête Xynthia face à lʼhistoire. Submersions et tsunamis
sur les littoraux français du Moyen Âge à nos jours, Le Croît Vif, Saintes.
Garnier, E., Surville F. (dir), 2010b, Climat et révolutions. Autour du journal du négociant rochelais
Jacob Lambertz (1733-1813), Le Croît Vif, Saintes.
Garnier, M., 1955, « Contribution de la phénologie à lʼétudes des variations climatiques », La
Météorologie, 4, p. 291-300.
Gautier, M., 1949, La Vendée, Bas Poitou. Esquisse géographique, Henri Potier, La Roche-sur-Yon.
Genêt, J-P., 1997, « La genèse de lʼEtat moderne. Les enjeux dʼun programme de recherche », Actes
de la Recherche en Sciences Sociales, 118, p. 3-18.
George, P., Verger F., 2000, Dictionnaire de la géographie, PUF, Paris.
Gerrard, C., Petley, D., 2013, « A risk society ? Environmental hazards, risk and resilience in the later
Middle Ages in Europe », Natural Hazards, 69-1, p. 1051-1079.
Giry, A., 1925, Manuel de diplomatique, Félix Alcan, Paris.
Gisbert-Guinguene de Callac, T., 2003, Bouin, isle de mer au milieu des terres, monographie, Etrave,
Igé.
Glénisson, J., Favreau, R., 2014, Histoire de lʼAunis et de la Saintonge, Le Moyen Âge, Geste éditions,
La Crèche.
Glénisson, J., Seguin, M., 2005, Histoire de lʼAunis et de la Saintonge, Le début des Temps moderne,
1480-1610, Geste éditions, La Crèche.
Glueck, M.F., Stockton, C.W., 2001, « Reconstruction of the North Atlantic Oscillation, 1429-1983 »,
Inter. J. Clim., 21-12, p. 1453-1465.
Godard, A., Tabeaud, M., 2009 (4e éd.), Les climats. Mécanismes, variabilités, répartition, Armand
Colin, Paris.
Goeldner-Gianella, L., Feiss-Jehel, C., Decroix, G., 2011, « Les oubliées du “désir du rivage” ?
Lʼimage des zones humides littorales dans la peinture et la société françaises depuis le XVIIIe
siècle », Cybergeo : European Journal of Geography, [en ligne], Environnement, Nature, Paysage,
article 530, consulté le 25 février 2018.
González-Álvarez, R., Bernárdez, P., Pena, L.D., Francés, G., Prego, R., Diz, P., Vilas, F., 2005,
« Paleoclimatic evolution of the Galician continental shelf (NW of Spain) during the last 3000
years : from a storm regime to present conditions », Journal of Marine Systems, 54, p. 245–260.
Gottschalk, M.K.E., 1980, « Subatlantische transgressiefasen en stormvloeden », in Verhulst, A.,
Gottschalk, M.K.E. (eds), Transgressies en occupatiegeschiedenis in de kustgebieden van
Nederland en België, Colloquium Gent 5-7 september 1978 Handeligen, Goff, Gand, p. 21-27.
Gottschalk, M.K.E., 1971, 1975, 1977, Stormvloeden en rivieroverstromingen in Nederland, 3 vol.,
Van Gorcum, Assen.
Gourmelon, F., Robin, M., 2005, SIG et littoral, Lavoisier, Paris.
Goutx, D., Baraer, F., Roche, A., Jan, G., 2014, « Ces tempêtes extrêmes que lʼhistoire ne nous a pas
encore dévoilées », La Houille Blanche, 2, p. 27-33.
Goyard-Fabre, S., 1999, LʼEtat, figure moderne de la politique, Armand Colin, Paris.

411
BIBLIOGRAPHIE
Gram-Jensen, I.B., 1985, Sea Floods. Contributions to the climatic history of Denmark, Danish
Meteorological Institute, Copenhague.
Granet-Abisset, A-M., 2013, « Effacer la mémoire des sociétés traditionnelles ? », in Aubry, H.,
Marcondes, L. (coord.), La culture du risque en question. Des inondations aux débordements
nucléaires, La Dispute, Paris, p. 85-106.
Granet-Abisset, A-M., 2006, « Mémoire et gestion des risques naturels. Lʼexemple des sociétés
alpines (XIXe-XXe siècle) », in Walter F., Fantini, B., Delvaux, P. (dir.), Les cultures du risque (XVIe-
e
XXI siècle), PHS, Genève, p. 117-137.
Granet-Abisset, A-M., 2000, « La connaissance des risques naturels : quand les sciences redécouvrent
l'histoire », in Favier, R., Granet-Abisset, A-M. (dir), Histoire et mémoire des risques naturels,
MSH-Alpes, Grenoble, p. 39-70.
Granet-Abisset, A-M., Gal, S. (dir.), 2015, Les territoires du risque, PUG, Grenoble.
Gray, P., Oliver, K., 2004, The Memory of Catastrophe, Manchester University Press, Manchester.
Gray, S.T., Graumlich, L.J., Betancourt, J.L., Pederson, G.T., 2004, « A tree-ring based reconstruction
of the Atlantic Multidecadal Oscillation since 1567 A.D. », Geophysical Research Letters, 31, art.
L12205.
Gueben-Venière, S., 2017, « Accepter ponctuellement et partiellement la submersion marine pour
mieux en maîtriser les risques. Evolution de la perception et de la gestion des risques par les
ingénieurs techniciens anglais et néerlandais », in Leone, F., Vinet, F. (dir.), Gérer les risques
naturels : pratiques et outils, PULM, Montpellier, p. 91-98.
Guépin, A., 1839, Histoire de Nantes, Méllinet C. et Sebire, P., Nantes.
Gusdorf, G., 1972, Les sciences humaines et la pensée occidentale, tome V : Dieu, la nature, l'homme
au siècle des Lumières, Payot, Paris.
Guyotjeannin, O., 1998, Les sources de l'histoire médiévale, Poche, Paris.
Hamdi, Y., Bardet, L., Duluc, C-M., Rebour, V., 2015, « Use of historical information in extreme-
surge frequency estimation : the case of marine flooding on the La Rochelle site in France »,
NHESS, 15, p. 1515-1531.
Hamdi, Y., Bardet, L., Duluc, C-M., Rebour, V., 2014, « Extreme storm surges : a comparative study
of frequency analysis approaches », NHESS, 14, p. 2053-2067.
Hamdi, Y., Garnier, E., Giloy, N., Duluc, C-M., Rebour, V., 2018, « Analysis of the risk associated to
coastal flooding hazards : A new historical extreme storm surges dataset for Dunkirk, France »,
Natural Hazards and Earth System Sciences, 417, [PDF en ligne].
Hautreux, J-A., 1896, « Les cartes de Masse (1707-1724) », Bulletin de la Société de Géographie
commerciale de Bordeaux, impr. G. Gounouilhou, Bordeaux, p. 1-15.
Hautreux, J-A., 1896b, « Les glaces de Terre-Neuve et notre climat. Les trajets des tempêtes dans
lʼhémisphère nord », Congrès national des Sociétés françaises de géographie, impr. G.
Gounouilhou, Bordeaux, p. 1-8.
Heck, C., 2004, « Les images médiévales de l'ascension spirituelle : l'iconographie comme source ou
comme discipline ? », in Carozzi, C., Taviani-Carozzi, H.(dir), Le médiéviste devant ses sources.
Questions et méthodes, PUP, Aix-en-Provence, p. 97-107.
Hellequin, A-P., Flanquart, H., Meur-Ferec, C., Rulleau, B., 2013, « Perceptions du risque de
submersion marine par la population du littoral languedocien : contribution à lʼanalyse de la
vulnérabilité côtière », Nature, Science, Société, 21-4, p. 385-399.
Hénaff, A., Le Cornec, E., Jabbar, M., Pétré, A., Corfou, J., Le Drezen, Y., Van Vliët-Lanoë, B., 2018,
« Caractérisation des aléas littoraux dʼérosion et de submersion en Bretagne par lʼapproche
historique », Cybergeo : European Journal of Geography, Environment, Nature, Landscape,
document 847 [En ligne].
Hénaff, A. (ed.), Philippe, M. (cord.), 2014, Gestion des risques dʼérosion et de submersion marines.
Guide méthodologique, Projet Cocorisco.
Hennig, R., 1904, Katalog bemerkenswerter Witterungsereignisse von den ältesten Zeiten bis zum
Jahre 1800, Abh. Königl. Preuss. Berlin.

412
Hickey, K.R., 2003, « The storminess record from Armagh Observatory, Northern Ireland, 1796–
1999 », Weather, 58, p. 28-35.
Hickey, K.R., 1997, Documentary records of coastal storms in Scotland, 1500-1991 A.D., 2 vol.,
Coventry University, thèse de doctorat, Coventry.
Hickey, K., Ball, T., Booth, L., Duck, R., Edwards, A., Werritty, A., 2009, « Coastal flooding in
Scotland : Past, Present and Future », Conference : Coasts, Marine Structures and Breakwaters :
Adapting to Change, Proceedings of the 9th International Conference Organised by the Institution
of Civil Engineers, p. 4, doi : 10.1680/cmsb.41301.0054.
Hilaire, J., 2010 (12e ed.), Histoire du droit : introduction historique au droit et histoire des
institutions publiques, Dalloz, Paris.
Hiram, E., 2010, De la pluie et du beau temps. Cérémonies religieuses et climatologie historique. Les
exemples de Toulouse et de Montpellier, Université de Caen, mémoire de Master 2, sous la
direction de Garnier, E., Caen.
Hocquet, J-C., 1985, Le sel et le pouvoir. De l'an mil à la Révolution française, Albin Michel, Paris.
Hoffmann, R.C., 2014, An environmental history of medieval Europe, Cambridge University Press,
Cambridge.
Hontarrède, M., 2001, « Echelle Beaufort et mesure du vent », Met Mar, 192, p. 15-17.
Hüe, D., 1998, « Le doigt du sage et le poing du fou », in Le geste et les gestes au Moyen Âge, PUP,
Aix-en-Provence, p. 273-292.
Huntington, E., 1925, Civilization and Climate, Yale University Press, New Heaven.
Ingram, M. J., Underhill, D. J., Wigley, T. M. L., 1978, « Historical climatology », Nature, 276, p.
329–334.
IPCC, 2013, Climate Change 2013. The Physical Science Basis, WMO-UNEP, [PDF en ligne].
Jakubowski-Tiessen, M., 1992, Sturmflut 1717. Die bewältigung einer Naturkatastrophe in der
Frühen Neuzeit, R. Oldenbourg Verlag, Munich.
James-Raoul, D., 2006, « L'écriture de la tempête en mer dans la littérature de fiction, de pèlerinage et
de voyage », in Connochie-Bourgne, C. (dir), Mondes marins du Moyen Âge, PUP, Aix-en-
Provence, p. 217-229.
Jeansoulin, R., 2007, « Préface », in Le Ber, F., Ligozat, G., Papini, O. (dir.), Raisonnements sur
lʼespace et le temps. Des modèles aux applications, Lavoisier, Paris, p. 19-22.
Jenkinson, A.F., Collison, F.P., 1977, « An initial climatology of gales over the North Sea », Synoptic
Climatology Branch Memorandum, 62, Meteorological Office, Bracknell.
Joly, A., 1992, Les tempêtes, les dépressions, comment elles se forment, comment elles évoluent,
Météo-France, Paris.
Joly, D., Brossard, T., Cardot, H., Cavailhes, J., Hilal, M., Wavresky, P., 2010, « Les types de climats
en France, une construction spatiale », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne],
Cartographie, Imagerie, SIG, document 501.
Jones, P.D., 2008, « Historical climatology – a state of the art review », Weather, 63-7, p. 181-186.
Jones, P.D., 2001, « Early European Instrumental Records », in Jones, P.D., Ogilvie, A.E.J., Davies,
T.D., Briffa, K.R. (eds), History and climate. Memories of the future ?, Springer Science &
Business Media, New-York, p. 55-77.
Jones, P.D., Ogilvie, A.E.J., Davies, T.D., Briffa, K.R. (eds), 2001, History and climate. Memories of
the future ?, Springer Science & Business Media, New-York.
Jones, P.D., Jonsson, T., Wheeler, D., 1997, « Extension to the North Atlantic Oscillation using early
instrumental pressure observations from Gibraltar and south-west Iceland », International Journal
of Climatology, 17, p. 1433-1450.
Jones, P.D., Raper, S.C.B., Bradley, R.S., Diaz, H.F., Kelly, P.M., Wigley, T.M.L., 1986, « Northern
Hemisphere surface air temperatures variations : 1851-1984 », Journal of Climate and Applied
Meteorology, 25, p. 161-179.
Jongepier, I., Soens, T., Temmerman, S., Missiaen, T., 2016, « Assessing the planimetric accuracy of
historical maps (sixteenth to nineteenth centuries) : new methods and potential for coastal
413
BIBLIOGRAPHIE
landscape reconstruction », Cartographic journal, 53-2, p. 114-132.
Jongepier, I., Wang., C., Soens, T., Temmerman, S., 2015, « Intertidal landscape response time to dike
breaching and stepwise re-embankment : a combined historical and geomorphological study,
Geomorphology, 236, p. 64-78.
Jouanna, J., Leclant, J., Zink, M. (dir.), 2006, Lʼhomme face aux calamités naturelles dans lʼAntiquité
et au Moyen Âge, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris.
Kemp, A.C., Horton, B.P., Donnelly, J.P., Mann, M. E., Vermeer, M., Rahmstorf, S., 2011, « Climate
related sea-level variations over the past two millennia », PNAS, 108, p. 11017-11022.
Kempe, M., 2006, « Mind the next flood ! Memories of natural disasters in Northern Germany from
the sixteenth century to present », The Medieval History Journal, 10-1, p. 327-354.
Kendon, M., McCarthy, M., 2015, « The UKʼs wet and stormy winter of 2013/2014 », Weather, 70-2,
p. 40-47.
Kerhervé, J., 2004, « L'historien et les sources financières de la fin du Moyen Âge », in Carozzi, C.,
Taviani-Carozzi, H.(dir), Le médiéviste devant ses sources. Questions et méthodes, PUP, Aix-en-
Provence, p. 185-206.
Kinsman, B., 2000, « Sir Francis Beaufort, histoire de lʼhomme et de son invention », Met Mar, 188,
p. 17-23.
Knebush, J., 2008, « Art and climate (change) perception : “outline of a phenomenology of climate” »,
in Kagan, S., Kirchberg, V.(dir.), Sustainability : a new frontier for the arts and cultures,
Francfort-sur-Maine, p. 242-261.
Kutzbach, G., 1979, The thermal theory of cyclones : a history of meteorological thought in the
nineteenth century, American Meteorological Society, Massachusetts.
Laaribi, A., 2000, SIG et analyse multicritères, Hermès, Paris.
Labande, E-R., 1976, Histoire du Poitou, du Limousin et des Pays Charentais, Vendée-Aunis-
Saintonge-Angoumois, Privat, Toulouse.
Labbé, T., 2018, « Les victimes de catastrophe naturelle au XVe et au XVIe siècle : vers une intégration
croissante dans le discours et dans les pratiques de gouvernement », in Coumel, L., Morera, R.,
Vrignon, A. (dir.), Pouvoirs et environnement. Entre confiance et défiance, XVe- XXIe siècle, PUR,
Rennes, p. 21-34.
Labbé, T., 2017, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge XIIe-XVe, CNRS, Paris.
Labbé, T., 2008, « De la connaissance textuelle et de lʼobservation des phénomènes naturels : le
système du monde au XIIIe siècle dans la chronique de Wierum en Hollande », Le Moyen Âge, 114-
2, p. 335-351.
Lachaussé, I., 2006, « Lʼart de la mémoire et les figures de lʼoubli », in Mogin-Martin, R., Caplan, R.,
Dumas, C., Fisbach, E. (coord.), La mémoire historique. Interroger, construire, transmettre, PUA,
Angers, p. 11-18.
Laget, F., 2017, « Le marin et le maritain. Pistes de réflexion sur l'« effet tunel » des littoraux
médiévaux, XIIIe-XVe siècles », in Laget, F., Rabot, B., Josserand, P.(dir.), Entre terre et mer.
Hommes, paysages et sociétés dans lʼOuest atlantique, Moyen Âge et Temps modernes, PUR,
Rennes, p. 131-142.
Laget, F., 2011, La perception de la mer dans lʼEurope du Nord-Ouest à la fin du Moyen Âge (XIIIe-
e
XV siècles), Université de Nantes, thèse de doctorat dʼhistoire, sous la direction de Sarrazin, J-L., 2
tomes, Nantes.
Lamarre, D. (dir.), 2005, Les risques climatiques, Belin, Paris.
Lamb, H. H., 1985, « The Little Ice Age period and the great storms within it », in Tooley, M.J.,
Sheail, G.M (eds), The Climatic Scene, Allen and Unwin, London, p. 104-131.
Lamb, H.H., 1980, « Climatic fluctuations in historical times and their connexion with transgressions
of the sea, storm floods and other coastal changes », in Verhulst, A., Gottschalk, M.K.E. (eds),
Transgressies en occupatiegeschiedenis in de kustgebieden van Nederland en België, Colloquium
Gent 5-7 september 1978 Handeligen, Goff, Gand, p. 251-281.
Lamb, H.H., 1979, « Climatic variation and changes in the wind and ocean circulation: The Little Ice

414
Age in the Northeast Atlantic », Quaternary Research, 11, p. 1-20.
Lamb, H.H., 1972-1977, Climate : Present, Past and Future, 2 vol., Methuen, Londres.
Lamb, H.H., 1965, « The early warm epoch and its sequel », Palaeogeography, Palaeoclimatology,
Palaeoecology, 1, p. 13-37.
Lamb, H.H., 1963, « What can we find out about the trend of our climate ? », Weather, 18, p. 194-216.
Lamb, H.H., 1961, « Climatic change within historical time », Annals of the New York Academy of
Sciences, 95, p. 124-162.
Lamb, H.H., 1961, « Atmospheric circulation, climate and climatic variations », Geography, 46, p.
208-222.
Lamb, H.H, 1959, « The southern westerlies : a preliminary survey, main characteristics and apparent
associations », Quat. J.R. Meteo. Soc., 85, p. 1-23.
Lamb, H.H., Frydendahl, K., 1991, Historic storms of the North sea, British Isles and Northwestern
Europe, Cambridge University Press, Cambridge.
Lang, M., Claudet, R., 2005, « Les échelles de gravité sur les inondations : réflexion nationale et
exemple dans lʼHérault », La Houille Blanche, 1, p. 52-59.
Lang, M., Cœur, D. (dir.), 2014, Les inondations remarquables en France. Inventaire 2011 pour la
directive inondation, Quae, Versailles.
Lang, M., Cœur, D., Lallement, C., Naulet, R., 1998, « Valorisation de lʼinformation historique pour la
prédétermination du risque dʼinondation : application au bassin du Guiers », Ingénieries, 16, p. 3-
13.
Langumier, J., Verdier, L., 2015, « Sécurisation des digues et dispositifs de « culture du risque » : une
alliance originale sur le delta du Rhône dans un contexte post-catastrophe », Géocarrefour, 90-3, p.
233-244.
Laronde-Clérac, C., Mazeaud, A., Michelot, A., Duvat, V. (dir.), 2015, Les risques naturels en zones
côtières. Xynthia : enjeux politiques, questionnements juridiques, PUR, Rennes.
Lebecq, S., 2011, Hommes, mers et terres du Nord au début du Moyen Âge, vol. 1, Peuples, cultures,
territoires, PUS, Villeneuve d'Ascq.
Lebecq, S., 1996, « L'homme et le milieu marin dans le bassin des mers du Nord au début du Moyen
Âge », in Delort, R. (dir), L'homme et la nature au Moyen Âge. Paléoenvironnement des sociétés
européennes, Actes du Ve Congrès international d'Archéologie médiévale, 6-9 octobre 1993,
Grenoble, Errances, Paris, p. 180-188.
Le Bihan, J., Ollivro, J-F., 1999, « Un siècle et demi dʼévolution de la population communale
bretonne : 1851-1999 », Norois, 184, p. 559-574.
Le Bouëdec, G., 2006, « Lʼévolution de la perception des zones côtières du XVe siècle au XXe siècle »,
in Chauvaud, F., Péret, J. (dir), Terres marines. Études en hommage à Dominique Guillemet, PUR,
Rennes, p. 29-37.
Le Bourhis, J-P., 2007, « Du savoir cartographique au pouvoir bureaucratique. Les cartes des zones
inondables dans la politique des risques (1970-2000) », Genèses, 68-3, p. 75-96.
Legal, P-Y., 2012, « Droit de propriété et maîtrise des “sols environnementaux”. Quelques
enseignements tirés de la tempête Xynthia », Norois, 222, p. 79-90.
Le Louarn, P., 2012, « Le droit dans la tempête », Norois, 222, p. 61-78.
Leone, F., Meschinet de Richemond, N., Vinet, F., 2010, Aléas naturels et gestion des risques, PUF,
Paris.
Leone, F., Vinet, F., 2011, « La vulnérabilité, un concept fondamental au cœur des méthodes
dʼévaluation des risques naturels », in Leone, F., Vinet, F. (dir.), La vulnérabilité des sociétés et des
territoires face aux menaces naturelles. Analyses géographiques, PULM, Montpellier, p. 9-26.
Leone, F., Vinet, F., 2008, La mise en carte des risques naturels. Diversité des approches, PULM,
Montpellier.
Le Quellec, J-L., 2006 (3e éd.), Dictionnaire des noms de lieux de la Vendée, Geste, La Crèche.
Leroux, M., 1996, La dynamique du temps et du climat, Dunot, Paris.

415
BIBLIOGRAPHIE
Le Roy Ladurie, E., 2013, Naissance de lʼhistoire du climat, Hermann, Paris.
Le Roy Ladurie, E., 2004, 2006, 2009, Histoire humaine et comparée du climat, 3 tomes, Fayard,
Paris.
Le Roy Ladurie, E., 1967, L'histoire du climat depuis l'an mil, Flammarion, Paris.
Le Roy Ladurie, E., Berchtold, J., Sermain, J-P. (dir), 2007, L'événement climatique et ses
représentations (XVIIe-XIXe siècles), Desjonquères, Paris.
Le Roy Ladurie, E., Javelle, J-P., Rousseau, D., 2014, « Sur lʼhistoire du climat en France : le XIVe
siècle », La Météorologie, 86, p. 26-28.
Le Roy Ladurie, E., Rousseau, D., Vasak, A., 2011, Les fluctuations du climat. De lʼan mil à
aujourdʼhui, Fayard, Paris.
Leveau, P., 2002, « Discussion », intervention, in Favier, R. (dir.), Les pouvoirs publics face aux
risques naturels dans lʼhistoire, MSH-Alpes, Grenoble, p. 377-390, p. 377.
Lhomme, S., Serre, D., Laganier, R., 2013, « Réflexions autour du binôme vulnérabilité-résilience »,
in Bresson, M., Geronimi, V., Pottier, N., La vulnérabilité : questions de recherche en sciences
sociales, Academic Press Fribourg, Fribourg, p. 151-163.
Litzenburger, L., 2015, Une ville face au climat : Metz à la fin du Moyen Âge (1400-1530), PUN,
Nancy.
Litzenburger, L., 2012, « « Faire des chiffres avec des mots » : la méthodologie de lʼhistoire du climat
dʼaprès les sources narratives messines et des Anciens Pays-Bas », in Parmentier, I. (dir.), Études et
bibliographies dʼhistoire environnementale (Belgique-Nord de la France-Afrique centrale), PUN,
Namur, p. 87-100.
Liu, K-b., 2004, « Paleotempestology : Principles, methods and examples from Gulf Coast lake
sediments », in Murnane, R.J., Liu, K-b. (eds), Hurricanes and Typhoons : Past, Present and
Future, Columbia University Press, New-York, p. 13-57.
Liu, K-b., Fearn, M., 1993,
« Lake-sediment record of late Holocene hurricane activities from coastal
Alabama », Geology, 21, p. 793-796.
Ljungqvist, F.C., 2010, « A new reconstruction of temperature variability in the extra-tropical northern
hemisphere during the last two millennia », Geografiska Annaler, 92-3, p. 339-351.
Llinares, S., 2018, « Introduction : La digue, le sable et le quai ou lʼhistoire en chantier des bâtisseurs
du littoral », in Llinares, S. Egasse, B., Dana, K., De lʼestran à la digue. Histoire des
aménagements portuaires et littoraux, XVIe-XXe siècle, PUR, Rennes, p. 9-12.
Locher, F., 2008, Le savant et la tempête. Étudier l'atmosphère et prévoir le temps au XIXe siècle, PUR,
Rennes.
Luc, A-M., 2004, « Périls en mer et côtes barbares dans l'Amirauté de La Rochelle au XVIIIe siècle », in
Augeron, M., Tranchant, M. (dir), La violence et la mer dans l'espace atlantique : XIIe-XIXe siècle,
PUR, Rennes, p. 89-108.
Luc, A-M., 1994, Naufrages, échouements et événements de mer dans l'Amirauté de La Rochelle.
Première moitié du XVIIIe siècle (1719-1750), mémoire de maîtrise d'histoire moderne, université de
Poitiers, Poitiers.
Luterbacher, J., Xoplaki, E., Dietrich, D., Jones, P.D., Davies, T.D., Portis, D., Gonzalez-Rouco, J.F.,
von Storch, H., Gyalistras, D., Casty, C., Wanner, H., 2001, « Extending North Atlantic Oscillation
reconstructions back to 1500 », Atmospheric Science Letters, 2, p. 114-124.
Luterbacher, J., Schmutz, C., Gyalistras, D., Xoplaki, E., Wanner, H., 1999, « Reconstruction of
monthly NAO and EU indices back to 1675 », Geophysical Research Letters, 26-17, p. 2745-2748.
Lysaniuk, B., 2005, Les coups de vents en France de la fin du 14e siècle à nos jours, Université Paris-
Panthéon-Sorbonne, mémoire de maîtrise en géographie, sous la direction de Martine Tabeaud,
Paris.
McCarthy, M., Spillane, S., Walsh, S., Kendon, M., 2016, « The meteorology of the exceptional
winter of 2015/2016 across the UK and Ireland », Weather, 71-12, p. 305-313.
MacClenahan, P., McKenna, J., Cooper, J.A.G., OʼKane, B., 2001, « Identification of highest
magnitude coastal storm events over western Ireland on the basis of wind speed and duration

416
thresholds », International Journal of Climatology, 21-7, p. 829-842.
Macdonald, N., 2014, « Millennial scale variability in high magnitude flooding across Britain »,
Hydrology and Earth System Sciences, 11-9, p. 10157-10178.
Machiavel, 2015, Le Prince précédé des premiers écrits politiques, publié par Bec, C., Classiques
Garnier, Paris.
Maertens-Noël, S., 2016, La mer, cet ennemi de plusieurs siècles. Identifier et comprendre les
trajectoires de vulnérabilité des sociétés littorales bas-normandes (1600-1940), Université de
Caen, thèse de doctorat dʼhistoire, sous la direction de Garnier, E. et Milliot, V., Caen.
Magne, L., 2010, « Histoire sémantique du risque et de ses corrélats », Journées d'histoire de la
comptabilité et du management, Paris, [PDF en ligne], p. 3-11.
Magny, M., 1995, Une histoire du climat des derniers mammouths au siècle de l'automobile, Errance,
Paris.
Maguire, D.J., Goodchild, F.M., Rhind, D.W. (eds), 1991, Geographical information systems, vol. I :
Principles, John Wiley & Sons, Hoboken.
Manley, G., 1974, « Central England temperatures : monthly means 1659 to 1973 », Quat. J.R.
Meteorol, Soc., 100, p. 389-405.
Manley, G., 1953, « The mean temperature of central England, 1698–1952. », Quat. J. R. Meteorol.
Soc., 79, p. 242–261.
Manley, G., 1952, « Thomas Barkerʼs Meteorological Journals, 1748-1763 and 1777-1789 », Quat.
J.R. Meteorol. Soc., 78, p. 255-259.
Marchand, G., 2014, Préhistoire atlantique, Fonctionnement et évolution des sociétés du paléolithique
au néolithique, Errance, Paris.
Marchand, J-P., Bonnardot, V., Planchon, O., 2015, « Le climat de Laval au début de la Renaissance –
Essai de géographie historique », Annales de Bretagne et des Pays de lʼOuest, 122, p. 103-133.
Markale, J., 2004, Histoire de la Bretagne, De Jean de Montfort à la Révolution, 1364-1789,
Pygmalion, Paris.
Martin, P., 2018, « Des havres, des passages et des pêcheries. Les petits aménagements estuariens en
Bretagne sous lʼAncien Régime », in Llinares, S. Egasse, B., Dana, K., De lʼestran à la digue.
Histoire des aménagements portuaires et littoraux, XVIe-XXe siècle, PUR, Rennes, p. 309-318.
Martin-Vide, J., Barriendos, M., 1995, « The use of rogation ceremony records in climatic
reconstruction : a case study from Catalonia », Climatic Change, 30, p. 201-221.
Mathevet, R., Bousquet, F., 2014, Résilience & Environnement. Penser les changements socio-
écologiques, Buchet Chastel, Paris.
Mathis, C-F., Frioux, S., Dagenais, M., Walter, F., 2016, « Vulnérabilités environnementales :
perspectives historiques », VertigO – la revue électronique en sciences de lʼenvironnement, 16-3,
[En ligne].
Matz, J-M., 1991, « Rumeur publique et diffusion d'un nouveau culte : les miracles de Jean-Michel,
évêque d'Angers (1439-1447) », Revue d'histoire de lʼÉglise de France, 198, p. 83-99.
Mauelshagen, F., 2014, « Redefining historical climatology in the Anthropocene », 1, The
Anthropocene Review, p. 171-204.
Maxwell, R., 2014, « Predicting natural disasters and humanitarian crisis through GIS », GIS Lounge.
McIntosh, R., Tainter, J., McIntosh, S., 2000, « Climate, History and Human Action », in McIntosh,
R., Tainter, J., McIntosh, S. (eds.), The Way the Wind Blows. Climate, History and Human Action,
Columbia University Press, New-York, p. 1-42.
Meeus, J., 2005 (3rd edition), Astronomical Algorithms, Willman-Bell, Richmond.
Meier, D., 2012, « Die schäden der Sturmflut von 1825 an der Nordseeküste Schleswig-Holsteins »,
Die Küste, 79, p. 193-235.
Meier, D., 2011, « Die schäden der Weihnachtsflut von 1717 an der Nordseeküste Schleswig-
Holsteins », Die Küste, 78, p. 259-292.
Mercier, D. (dir.), 2013, Géomorphologie de la France, Dunod, Paris.

417
BIBLIOGRAPHIE
Mercier, D., 2012, « Editorial. Après Xynthia : vers un repli stratégique et un Etat fort ? », Norois,
222, p. 7-9.
Mercier, D., Acerra, M. (dir.), 2011, Xynthia, une tragédie prévisible, Hors-série Place Publique,
Nantes–Saint-Nazaire.
Mercier, D., Chadenas, C., 2012, « La tempête Xynthia et la cartographie des « zones noires » sur le
littoral français : analyse critique à partir de l'exemple de La Faute-sur-Mer (Vendée) », Norois,
222, p. 45-60.
Mercier-Faivre, A-M., Thomas, C. (dir.), 2008, Lʼinvention de la catastrophe au XVIIIe siècle. Du
châtiment divin au désastre naturel, Droz, Genève.
Méric, J-P., 2012, « Avancée des sciences, avancée des dunes : une mytho-géographie du littoral
médocain », in Battiau-Queney, Y., Lageat, Y., Prat, M-C. (coord.), Lʼhomme et la dynamique
littorale : maîtrise ou adaptation ?, Dynamiques environnementales, 30, LGPA-Editions,
Bordeaux, p. 77-87.
Meschinet de Richemond, N., 2012, Risques, crises et territoires. Réflexions géographiques et
historiques sur les cyndiniques, Mémoire dʼHabilitation à Diriger des Recherches, University Paul-
Valéry, Montpellier.
Meschinet de Richemond, N. (dir), 2010, Quelles archives aujourdʼhui pour mieux gérer les risques
demain ? Approches géographiques et historiques, PULM, Montpellier.
Meschinet de Richemond, N., 2003, « Statut et perception des catastrophes passées : vers une histoire
des risques naturels », in Moriniaux, V. (dir.), Les risques, du Temps, Nantes, p. 138-156.
Meschinet de Richemond, N., Reghezza, M., 2010, « La gestion du risque en France : contre ou avec
le territoire ? », Annales de géographie, 673, p. 248-267.
Metzger, A., 2014, Le froid en Hollande au Siècle dʼor. Essai de géoclimatologie culturelle,
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, thèse de doctorat de géographie, sous la direction de
Tabeaud, M., Paris. N.B : Ce travail de thèse a fait lʼobjet dʼune publication à la fin du mois de novembre
2018 au PUPS sous le titre Lʼhiver au Siècle dʼor hollandais.
Metzger, A., 2012, Plaisirs de Glace. Essai sur la peinture hollandaise hivernale du Siècle d'or,
Hermann, Paris.
Metzger, A., Désarthe, J., 2017, « Regarde s'il pleut. Effets dʼinondations dans la peinture française
(1856-1910) », in De la Soudière, M., Tabeaud, M., Vasak, A. (dir.), Le temps quʼil fait,
Communications, 101-2, p. 119-141.
Metzger, A., Désarthe, J., Rémy, F. (dir), 2017, Histoires de météophiles, Hermann, Paris.
Metzger, A., Tabeaud, M., 2015, « Une géoclimatologie culturelle : comparaison entre les paysages
peints des Hollandais et des Espagnols au « Siècle dʼor ». », Géographie et cultures, 93-94, p. 175-
188.
Meuel, T., Xiong, Y.L., Fischer, P., Bruneau, C.H., Bessafi, M., Kellay, H., 2013, « Intensity of
vortices : from soap bubbles to hurricanes », Nature, Scientific Reports, 3, article numéro 3455.
Meur-Férec, C., Lageat, Y., Hénaff, A., 2013, « La gestion des risques côtiers en France
métropolitaine : évaluation des doctrines, inertie des pratiques ? », in Leone, F., Vinet, F., Le
littoral : caractérisation et gestion dʼun espace à risques, PULM, Montpellier, p. 57-68.
Millet, F., Osbahr, H., Boyd, E., Thomalla, F., Bharwani, S., Ziervogel, G., Walker, B., Birkmann, J.,
DerVan Leeuw, S., Rockstrom, J., Hinkel, J., Downing, T., Folke, C., Nelson, D., 2010,
« Resilience and vulnerability : complementary or conflicting concepts ? », Ecology and Society,
15-3, article 11.
Mix, A.C., Harris, S.E, Janecek, T., 1995, « Estimating lithology from noninstrusive reflectance
spectra : ODP Leg 138 », in Pisias, N.G., Mayer, L., Janecek, T., Palmer-Julson, A., van Andel,
T.H. (eds.), Proceedings of the Ocean drilling program, Scientific Results, 138, p. 413-428.
Mollat, M., 1984, « Sentiments et pratiques religieuses des gens de mer en France, du XIIIe au XVIe
siècle, Revue d'Histoire de l'église de France, 185, p. 305-315.
Mollat, M., 1983, La vie quotidienne des gens de mer en Atlantique, IXe-XVIe siècles, Hachette, Paris.
Mollat, M., 1978, Les pauvres au Moyen Âge, étude sociale, Complexe, Paris.

418
Mollat, M., 1975, « Introduction », in Ex-voto marins du Ponant offerts à Dieu et à ses Saints par les
gens de la Mer du Nord, de la Manche et de l'Atlantique, Catalogue d'exposition, 1975-1976, impr.
Musées de la Marine, Paris, p. 11-17.
Montreuil, A-L., Chen, M., 2018, « Influence of the North Atlantic Oscillation at local and regional
scales : a case study of the Belgian coast », Weather, 73-8, p. 262-267.
Mora, C., Labotka, D.M., Grissino-Mayer, H., 2006, « Tempest in a Tree Ring : Paleotempestology
and the record of past hurricane », The sedimentary record, 4-3, p. 4-8.
Moreau, C., 2011, Séismes et tempêtes associées en Aunis et Saintonge, Les Indes Savantes, Paris.
Morineau, M., 1996, « Cataclysmes et calamités naturelles aux Pays-Bas septentrionaux XIe-XVIIIe
siècles. Le travail de la planète et la rétorsion des hommes », in Bennassar, B. (dir.), Les
catastrophes naturelles dans lʼEurope médiévale et moderne, PUM, Toulouse, p. 43-59.
Motte, E., 2017, Représentations et évolutions anciennes et actuelles du littoral en Bretagne :
changements geomorphologiques et iconographie, Université de Rennes, thèse de doctorat de
géographie, sous la direction de Regnauld, H. et Corcuff, M-P., Rennes.
Mounes, J., 1974, Le Marais breton et ses marges. Étude de géomorphologie et de sédimentologie,
Université de Nantes, thèse de doctorat de géographie et géologie marine, 2 vol., Nantes.
Mussot-Goulard, R., 1996, Histoire de la Gascogne, PUF, Paris.
Naas, V., 2013, « Météorologie et climat dans l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien », in Ducos, J.
(dir), Météores et climats d'hier. Décrire et percevoir le temps qu'il fait de l'Antiquité au XIXe siècle,
Hermann, Paris, p. 21-35.
Naquin, J.D., Liu, K., McCloskey, T.A., Bianchette, T.A., 2014, « Storm deposition induced by
hurricanes in a rapidly subsiding coastal zone », Journal of Coastal Research, 70, p. 308-313.
Neppel, L., Renard, B., Lang, M., Ayral, P-A., Cœur, D., Gaume, E., Jacob, N., Payrastre, O., Pobanz,
K., Vinet, F., 2010, « Flood frequency analysis using historical data : accounting for random and
systematic errors », Hydrological Science Journal, 55-2, p. 192-208.
Newton, A., Weichselgartner, J., 2014, « Hotspots of coastal vulnerability : A DPSIR analysis to find
societal pathways and responses », Estuarine, Coastal and Shelf Science, 140, p. 123-133.
Niget, D., Petitclerc, M. (dir.), 2012, Pour une histoire du risque. Québec, France, Belgique, PUR,
Rennes.
Noël, S., 2014, « La vulnérabilité des populations de la côte Est du Cotentin, 1700-1914. Lʼapproche
historique dans lʼanalyse des enjeux, de lʼaléa et de la gestion du risque de submersion », in
Cocorisco, Aléas, Enjeux, Représentations, Gestion, Actes du colloque international, 3-4 juillet
2014, p. 445-455, [PDF en ligne].
Nougaret, C., Even, P.(dir), 2008, Les archives privés. Manuel pratique et juridique, Direction des
archives de France / La documentation française, Paris.
Nouveau dictionnaire de lʼAcadémie Françoise dédié au roi, 1718 (2e ed.), t. I, impr. Coignard Jean-
Baptiste, Paris.
Observatoire National de la Mer et du Littoral, 2011, Indicateur : perspectives dʼévolution de la
population des départements littoraux à lʼhorizon 2040, [PDF en ligne].
Orme, L.C., Davies, S.J., Duller, G.T., 2015, « Reconstructed centennial variability of Late Holocene
storminess from Cors Fochno, Wales, UK. », Journal of Quaternary Science, 30, p. 478–488.
Ornato, E., 1988, « L'exploitation des sources narratives médiévales dans l'histoire du climat : à propos
d'un ouvrage récent », Histoire & Mesures, 3, p. 403-449.
Pantazis, D., Donnay, J-P., 1996, La conception de SIG. Méthode et formalisme, Hermès, Paris.
Papy, L., 1941, La côte atlantique de la Loire à la Gironde. Les aspects naturels. Introduction à une
étude de Géographie humaine, tome I, Delmas, Bordeaux.
Parris, A.S., Bierman, P.R., Noren, A.J., Prins, M.A., Lini, A., 2010, « Holocene paleostorms
identified by particle size signatures in lake sediments from the northeastern United States »,
Journal of Paleolimnology, 43, p. 29-49.
Parsons, M.L., 1998, « Salt Marsh Sedimentary Record of the Landfall of Hurricane Andrew on the
Louisiana Coast : Diatoms and Other Paleoindicators », Journal of Coastal Research, 14, p. 939-
419
BIBLIOGRAPHIE
950.
Pawlowski, A., 1998, Géographie historique des côtes charentaises (ainsi que Médoc et Bas-Poitou),
Le Croît Vif, Paris, réédition d'articles publiés dans le Bulletin de Géographie historique et
descriptive entre 1901 et 1908.
Pawlowski, A., 1906, « Lîle de Ré à travers les âges. D'après la géologie, la cartographie et l'histoire »,
Bulletin de Géographie historique et descriptive, 3, p. 305-321.
Pedreros, R., Garcin, M., 2012, « Le phénomène de la submersion marine », in Przyluski, V.,
Hallegatte, S. (coord.), Gestion des risques naturels. Leçons de la tempête Xynthia, Quae,
Versailles, p. 45-54.
Peguy, C-P., 1989, Jeux et enjeux du climat, Masson, Paris.
Peguy, C-P., 1986, « Au carrefour de lʼhistoire et de la géographie », Revue de géographie alpine, 74,
p. 67-71.
Pelletier, F. (pseudo Frapel), 1987-1991, La très ancienne isle de Bouing, son histoire avant les
polders, 4 volumes dactylographiés [ouvrages conservés aux archives départementales de Vendée,
BIB MEM 262-1-4].
Pelletier, M., 2002, « La cartographie de la France et ses acteurs avant les Cassini », revue du Centre
Français de Cartographie, 172, p. 17-26.
Pelletier, M., 2001, Cartographie de la France et du monde de la Renaissance au Siècle des lumières,
BnF, Paris.
Pelletier, M., 1990, La carte de Cassini : l'extraordinaire aventure de la carte de France, PENPC,
Paris.
Pépy, E-A., 2011, « Solitudes montagnardes et déserts marins. Les religieux contemplatifs et leur
relation au milieu naturel au XVIIe siècle », in Cabantous, A., Chappey, J-L., Morieux, R., Richard,
N., Walter, F (dir.), Mer et montagne dans la culture européenne (XVIe-XIXe siècle), PUR, Rennes,
p. 191-204.
Péret, J., 2011, « Les « montagnes de sable » du pays dʼArvert (XVe-XIXe siècle). Paysages, usages et
représentations », in Cabantous, A., Chappey, J-L., Morieux, R., Richard, N., Walter, F (dir.), Mer
et montagne dans la culture européenne (XVIe-XIXe siècle), PUR, Rennes, p. 205-219.
Péret, J., 2008, « Sécuriser lʼestuaire de la Gironde du XVIe au XVIIIe siècle : une mission
impossible ? », Revue dʼHistoire Maritime, 9, p. 163-176.
Péret, J., 2007, Naufrages et pilleurs d'épaves sur les côtes charentaises aux XVIIe et XVIIIe siècles,
Geste, La Crèche.
Péret, J., 1998, « Mobilité sociale et géographique en pays dʼArvert (XVIIe-XIXe siècles) », in
Guillemet, D., Péret, J (dir.), Les sociétés littorales du Centre-Ouest atlantique : de la Préhistoire à
nos jours, Société des Antiquaires de lʼOuest, Poitiers, p. 585-604.
Péret, J., Sauzeau, T., 2014, Xynthia ou la mémoire réveillée, villages charentais et vendéens face à la
mer (XVIIe-XXIe siècle), Geste, La Crèche.
Périsse, S., 2013, « « Marins-paysans » de Saintonge : la bivalence comme mode de prévention des
risques alimentaires et d'assurance face aux risques économiques », in Tranchant, M.(dir), Face aux
risques maritimes. La pluriactivité et la mutualisation comme stratégies individuelles et collectives
(XIIIe-XVIIIe siècle), publié dans les Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, 120-2, p. 39-63.
Périsse, S., 2011, Les campagnes littorales saintongeaises à la fin du Moyen Âge (XVe-mi XVIe siècles),
Université de La Rochelle, thèse de doctorat dʼhistoire, sous la direction de Bochaca, M., 2 tomes,
La Rochelle.
Périsse, S., 2008, « Les premiers jalons dʼune défense étatique de lʼestuaire de la Gironde sur les côtes
saintongeaises à la fin du Moyen Âge », Revue dʼHistoire Maritime, 9, p. 87-118.
Pétré, A., Jabbar, M., 2012, Atlas des événements tempétueux dommageables dans le Finistère depuis
le 18e siècle, Rapport de Master 1 Expertise et Gestion des Environnements Littoraux, Université
de Bretagne-Ouest, LETG-Brest Géomer.
Pfister, C., 2010, « The vulnerability of past societies to climatic variation : a new focus for historical
climatology in the twenty-first century », Climatic Change, 100, p. 25-31.

420
Pfister, C., 2007, « Climatic extremes, recurrent crises and witch hunts : strategies of European
societies in coping with exogenous shocks in the late sixteenth and early seventeenth centuries »,
The Medieval History Journal, 10-1/2, p. 33-73.
Pfister, C., 2002, Le jour dʼaprès. Surmonter les catastrophes naturelles : le cas de la Suisse entre
1500 et 2000, Haupt, Bern/Stuttgart/Vienne.
Pfister, C., 1999, Wetternachhersage. 500 Jahre Klimavariationen und Naturkatastrophen (1496-
1995), Haupt, Bern.
Pfister, C., 1988, « Une rétrospective météorologique de l'Europe. Un système de reconstitution de
l'évolution du temps et du climat en Europe depuis le Moyen Âge central », Histoire & mesures, 3-
3, p. 313-358.
Pfister, C., 1978, « Climate and Economy in Eighteenth-Century Switzerland », J. Interdisci. Hist., 9,
p. 223-243.
Pfister, C., Brazdil, R., 2006, « Social vulnerability to climate in the « Little Ice Age » : an example
from Central Europe in the early 1770s », Climate of the Past, 2, p. 115-129.
Pfister, C., Brazdil, R., 1999, « Climatic variability in sixteenth-century Europe and its social
dimension : a synthesis », Climatic Change, 43, p. 5-53.
Pfister, C., Burga, C.A., 2007, entrée « Climat », in Dictionnaire historique de la Suisse, Berne,
support électronique consulté le 20/02/2018 : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F7770.php
Pfister, C., Garnier, E., Alcoforado, M-J., Wheeler, D., Luterbacher, J., Nunes, M-F., Taborda, J-P.,
2010, « The meteorological framework and the cultural memory of three severe winter-storms in
early eighteenth century Europe », Climatic Change, 101/1-2, p. 281-310.
Pfister, C., Schwarz-Zanetti, G., Wegmann, W., 1996, « Winter severity in Europe : the fourteenth
century », Climatic Change., 34, p. 91-108.
Picon, A., 1992, Lʼinvention de lʼingénieur moderne : lʼEcole des Ponts et Chaussées (1747-1851),
Presses des Ponts et Chaussées, Paris.
Piervitali, E., Colacino, M., 2001, « Evidence of drought in Western Sicily during the period 1565-
1915 from Liturgical Offices », Climatic Change, 49, p. 225-238.
Pigeon, P., 2002, « Réflexions sur les notions et les méthodes en géographie des risques dits
naturels », Annales de géographie, 627-628, p. 452-470.
Pilkey, O.H., Wright, H.L., 1988, « Seawalls versus beaches », Journal of coastal research, 81-4, p.
41-64.
Pinel, F., 2000, Naufrages et échouements face à la justice seigneuriale. L'exemple de la Cour de
Justice de Noirmoutier (Bas-Poitou, 1687-1767), mémoire de DEA, université de Rennes 1.
Pinot, J-P, 1998a, La gestion du littoral, tome I - Littoraux tempérés : côtes rocheuses et sableuses,
Institut Océanographique, Paris.
Pinot, J-P, 1998b, La gestion du littoral, tome II - Littoraux tempérés : littoraux vaseux et
embouchures, Institut Océanographique, Paris.
Pirazzoli P.A., 1998, Les littoraux, Nathan, Paris.
Plamper, J., 2013, « Lʼhistoire des émotions », in Granger, C. (dir.), À quoi pensent les historiens ?
Faire de lʼhistoire au XXIe siècle, Autrement, Paris, p. 225-240.
Plamper, J., 2012, Geschichte und Gefühl. Grundlagen der Emotionsgeschichte, Siedler Verlag,
Munich.
Planchon, O., 2000, Les climats maritimes dans le monde, PUS, Villeneuve-dʼAsq.
Planchon, O., 1998, « La notion dʼéchelle en climatologie : lʼexemple des climats maritimes et côtiers
en Europe », Annales de géographie, 602, p. 363-380.
Planchon, O., Bonnardot, V., 2012, « Lʼévolution des types de circulation atmosphérique sur la France
de lʼOuest et leur impact climatique », in Merot, P., Dubreuil, V., Delahaye, D., Desnos, P. (dir),
Changements climatiques dans lʼOuest. Évaluation, impacts, perceptions, PUR, Rennes, p. 31-42.
Planton, S., Août 2002, « Le changement climatique et la probabilité des tempêtes sur lʼAtlantique
Nord », Annales des Mines, 425, p. 15-19.

421
BIBLIOGRAPHIE
Planton, S., Bessemoulin, P., 2000, « Le climat sʼemballe-t-il ? », La Recherche, 335, p. 46-49.
Plessis, E., 1995, Les côtes rocheuses entre Loire et Vilaine : étude géomorphologique, Université de
Nantes, mémoire de maîtrise, sous la direction de Miossec, A., Nantes.
Poirier, C., Poitevin, C., Chaumillon, E., 2016, « Comparison of estuarine sediment record with
modelled rates of sediment supply from a western European catchment since 1500 », Comptes
Rendus Geosciences, 348-7, p. 479-488.
Poirier, C., Tessier, B., Chaumillon, E., 2017a, « Climate control on late Holocene high-energy
sedimentation along coasts of the northeastern Atlantic Ocean », Palaeogeography,
Palaeoclimatology, Palaeoecology, 485, p. 784-797.
Poirier, C., Tessier, B., Chaumillon, E., Bertin, X., Fruergaard, M., Mouazé, D., Noël, S., Weill, P.,
Wöppelmann, G., 2017b, « Decadal changes in North Atlantic atmospheric circulation patterns
recorded by sand spits since 1800 CE », Geomorphology, 281, p. 1-12.
Pons, F., 2008, « Utilisation des données anciennes pour la connaissance des risques de submersions
marines », Actes du colloque SHF : Nouvelles approches sur les risques côtiers, Paris, [En ligne].
Pornon, H., 1992, Les SIG, mise en œuvre et applications, Hermès, Paris.
Pouget, F., 2014, « Mobilité du trait de côte et cartographie historique », in Chaumillon, E., Garnier,
E., Sauzeau, T., Les littoraux à l'heure du changement climatique, Les Indes Savantes, Paris, p.
109-155.
Pouvreau, N., 2008, Trois cents ans de mesures marégraphiques en France : outils, méthodes et
tendances des composantes du niveau de la mer au port de Brest, Université de La Rochelle, thèse
de doctorat de géophysique, sous la direction de Wöppelmann, G., La Rochelle.
Pouzet, P., 2018, Étude des paléoévènements extrêmes le long de la côte atlantique française :
Approches sédimentologiques, dendrochronologiques et historiques, Université de Nantes, thèse de
doctorat de géographie, sous la direction de Robin, M., Maanan, M., Nantes.
Pouzet, P., Creach, A., Godet, L., 2015, « Dynamique de la démographie et du bâti dans lʼouest du
Marais poitevin depuis 1705 », Norois, 234, p. 83-96.
Pouzet, P., Maanan, M., Piotrowska, N., Baltzer, A., Stéphan, P., Robin, M., 2018, « Chronology of
Holocene storm event along the European Atlantic coast : New data from the Island of Yeu,
France », Progress in Physical Geography : Earth and Environment, 42-4, p. 431-450.
Pouzet, P., Maanan, M., Schmidt, S., Athimon, E., Robin, M., 2019, « Three centuries of historical and
geological data for the marine deposit reconstruction : examples from French Atlantic coast »,
Marine Geology, 407, p. 181-191.
Pouzet, P., Robin, M., Decaulne, A., Gruchet, B., Maanan, M., 2018, « Sedimentological and
dendrochronological indicators of coastal storm risk in western France », Ecological Indicators, 90,
p. 401-415.
Prat, M-C., 2012, « Le littoral : faut-il maîtriser la nature ou sʼaccorder avec elle ? », in Battiau-
Queney, Y., Lageat, Y., Prat, M-C. (coord.), Lʼhomme et la dynamique littorale : maîtrise ou
adaptation ?, Dynamiques environnementales, 30, LGPA-Editions, Bordeaux, p. 7-11.
Prat, M-C., Lageat, Y., Auly, T., 2014, Le littoral. Paysages et dynamiques naturelles, Confluences,
Bordeaux.
Prieto, M.R., García-Herrera, R., 2009, « Documentary sources from South America : potential for
climate reconstruction », Palaeogeography Palaeoclimatology Palaeoecology, 281, p. 196-209.
Prieur, L., Leost, R., 2015, « La prise en compte de la submersion marine par la loi littoral », VertigO -
la revue électronique en sciences de lʼenvironnement, Hors-série 21, [En ligne].
Provitolo, D., Dubos-Paillard, E., Verdière, N., Lanza, V., Charrier, R., Bertelle, C., Aziz-Alaoui,
M.A., 2015, « Les comportements humains en situation de catastrophe : de lʼobservation à la
modélisation conceptuelle et mathématique », Cybergeo, art. 735.
Quarantelli, E., 1998, What is a disaster ? Perspectives on a question, Routledge, Londres.
Quenault, B., 2015, « La vulnérabilité, un concept central de lʼanalyse des risques urbains en lien avec
le changement climatique », Les Annales de la Recherche Urbaine, 110, p. 138-151.
Quenault, B., 2014, « La résurgence/convergence du triptyque « catastrophe-résilience-adaptation »

422
pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques », Développement durable et
territoires, 5-3, [En ligne].
Quenet, G., 2008, « La responsabilité après catastrophe à travers la jurisprudence et les controverses
en France à lʼépoque moderne », in Favier, R., Pfister, C. (dir.), Solidarité et assurance. Les
sociétés européennes face aux catastrophes (17e-21e s.), CNRS-MSH Alpes, Grenoble, p. 168-187.
Quenet, G., 2005, Les tremblements de terre aux XVIIe et XVIIIe siècles. La naissance d'un risque,
Champ Vallon, Seyssel.
Quenet, G., 1999, « La catastrophe, un objet historique ? », Hypothèses – Travaux de lʼécole doctorale
dʼhistoire, PUPS, Paris, p. 11-20.
Quevauviller, P., Garnier, E., Ciavola, P. (eds.), 2017, Coping with coastal storms, John Wiley &
Sons, Chichester.
Rachmülh, F., 1997, Contes traditionnels dʼAunis-Saintonge, Milan, Paris.
Reghezza-Zitt, M., 2013, « Utiliser la polysémie de la résilience pour comprendre les différentes
approches du risque et leur possible articulation », EchoGéo, 24, [En ligne].
Reghezza, M., 2011, « La vulnérabilité : un concept problématique », in Leone, F., Vinet, F. (dir.), La
vulnérabilité des sociétés et des territoires face aux menaces naturelles. Analyses géographiques,
PULM, Montpellier, p. 35-40.
Reghezza-Zitt, M., Sanseverion-Godfrin, V., 2012, « Aménagement durable des territoires soumis à de
fortes contraintes : enjeux et perspectives à travers lʼexamen des outils juridiques. Lʼexemple de la
basse vallée du Var (06) », Annales de géographie, 685, p. 242-265.
Reghezza-Zitt, M., Rufat, S. (dir.), 2015, Résiliences. Sociétés et territoires face à lʼincertitude, aux
risques et aux catastrophes, Iste-editions, Paris.
Reghezza-Zitt, M., Rufat, S., Djament-Tran, G., Le Blanc, A., Lhomme, S., 2012, « What resiliens is
not : uses and abuses », Cybergeo : European Journal of Geography, Environment, Nature,
Landscape, article 621, [En ligne].
Ribémont, B., 2008, « Calendrier des bergers, préface de Max Engammare », Cahiers de recherches
médiévales et humanistes, [En ligne].
Richefort, I., 1999, « Nature et société : le sentiment dʼune crise profonde », in Corvol, A. (dir.), Les
sources de lʼhistoire de lʼenvironnement. Le XIXe siècle, LʼHarmattan, Paris, p. 111-118.
Ricoeur, P., 2000, La mémoire, lʼhistoire, lʼoubli, Seuil, Paris.
Rieth, E., Milon, A., CNRS(dir.), 1981, Ex-voto marins dans le monde de l'Antiquité à nos jours,
Catalogue d'exposition, Palais de Chaillot, Musée de la Marine, Paris.
Rigaud, E., 2011, « La résilience. Analyse étymologique », Les cahiers de la sécurité industrielle, 8,
Fondation pour une culture de sécurité industrielle, Toulouse.
Riviere-Ciavaldini, L., 2005, « LʼApocalypse au Moyen Âge : catastrophe cosmique ou triomphe du
christianisme ? », in Favier, R., Granet-Abisset, A-M. (dir.), Récits et représentations des
catastrophes depuis lʼAntiquité, CNRS-MSH Alpes, Grenoble, p. 189-216.
Robin, M., 2002, « Étude des risques côtiers sous lʼangle de la géomatique », Annales de géographie,
627-628, p. 471-502.
Roche, S., Caron, C. (dir.), 2004, Aspects organisationnels des SIG, Lavoisier, Paris.
Roger, A., 1997, Court traité du paysage, Gallimard, Paris.
Rogers, J.C., 1997, « North Atlantic storm track variability and its association to the North Atlantic
Oscillation and climate variability of Northern Europe », Journal of Climate, 10, p. 1635-1647.
Rohou, J., 2002, Le XVIIe siècle, une révolution de la condition humaine, Seuil, Paris.
Rosenwein, B.H., 2010, « Thinking Historically about Medieval Emotions », History Compass, 8-8, p.
828-842.
Rosenwein B.H., 2002, « Worrying about Emotions in History », American Historical Review, 107-3,
p. 821-845.
Rossby, C-G., 1947, « On the distributions of angular velocity in gaseous envelopes under influence of
large-scale horizontal mixing processes », BAMS, 28, p. 53-68.

423
BIBLIOGRAPHIE
Rouquet, F. (dir.), 2005, L'exploitation scientifique des archives, Apogée, Rennes.
Roux, F., 2012, Fureurs des cieux. Cyclones tropicaux et autres tempêtes, Ellipses, Paris.
Sabatier, P., 2009, Reconstitution des événements climatiques extrêmes (crues et tempêtes) au cours de
l'Holocène dans le golfe d'Aigues-Mortes (sud de la France), Université de Montpellier 2, thèse de
doctorat de géographie, sous la direction de Condomines, M. et Dezileau, L., Montpellier.
Sabatier, P., Dezileau, L., 2010, « Archives sédimentaires dans les lagunes du golfe dʼAigues-Mortes.
Estimation de lʼaléa de tempête depuis 2000 ans », Quaternaire, 21-1, [en ligne].
Sabatier, P., Dezileau, L., Colin, C., Briqueu, L., Martinez, P., Siani, G., Bouchette, F., Raynal, O.,
Von Grafenstein, U., 2012, « « 7000 years of paleostorm activity in the NW Mediterranean Sea in
response to Holocene climate events », Quarternary Research, 77, p. 1-11.
Saint-Marc, C., Davoine, P-A., Villanova-Oliver, M., Lang, M., Cœur, D., 2015, « Cartographie des
inondations historiques majeures superposées sur un territoire », CFC, 226, p. 127-134.
Sallenger, A.H., 2000, « Storm Impact Scale for Barrier Islands », Journal of Coastal Research, 16-3,
p. 890-895.
Salomon, J-N., 2008, Géomorphologie sous-marine et littorale, PUB, Bordeaux.
Samson, D., 1973, « Les ex-voto marins de Cornouaille », Bulletin de la Société Archéologique du
Finistère, tome CI, Quimper, p. 375-388.
Sangster, H., Jones, C., Macdonald, N., 2018, « The co-evolution of historical source materials in the
geophysical, hydrological and meteorological sciences : learning from the past and moving
forward », Progress in Physical Geography : Earth and Environment, 42-1, p. 61-82.
Sarrazin, J-L., 2016a, « La saliculture atlantique française au péril de la mer (XIVe-XVIe siècle) », in Le
Bouëdec, G., Cerino, C. (dir), La maritimisation du monde de la préhistoire à nos jours. Enjeux,
objets et méthodes, PUPS, Paris, p. 167-190.
Sarrazin, J-L, 2016b, « Les marais salants à l'épreuve des vimers (XVe-début du XVIe siècle) », Bulletin
de la Société des historiens du Pays de Retz, hors-série de l'année 2016, Marais du Pays de Retz.
Géohistoire d'un espace conquis, p. 85-92.
Sarrazin, J-L., 2015, « Les communautés paysannes des marais littoraux poitevins à la fin du Moyen
Âge : pratiques communautaires, hiérarchisation sociale, solidarités », in Jeanneau, C., Jarnoux, P.
(dir), Les communautés rurales dans l'Ouest du Moyen Âge à l'époque moderne, CRBC-UBO,
Brest, p. 191-224.
Sarrazin, J-L., 2014a, « Digues, bots et chaussées. Les levées de défense face à la mer dans les zones
littorales basses de lʼEurope du Nord-Ouest (XIe-XVIe siècle) », in Laget, F., Vrignon, A.(dir.),
S'adapter à la mer. L'homme, la mer et le littoral du Moyen Âge à nos jours, PUR, Rennes, p. 47-
70.
Sarrazin, J-L., 2014b, « Laboureurs en bord de mer. Vivre sur la côte poitevine à la fin du Moyen Âge
d'après les lettres de la Chancellerie royale », in Coativy, Y., Gallicé, A., Héry, L., Le Page, D.,
Jean-Christophe Cassard historien de la Bretagne. Sainteté, pouvoirs, cultures et aventures
océanes en Bretagne(s). Mélanges en lʼhonneur de Jean-Christophe Cassard, Skol Vreizh,
Morlaix, p. 375-386.
Sarrazin, J-L., 2012, « Vimers de mer et sociétés littorales entre Loire et Gironde (XIVe-XVIe siècle) »,
Norois, 222, p. 91-102.
Sarrazin, J-L., 2007, « Les ports de la Baie à la fin du Moyen Âge : évolution des rivages et problèmes
dʼaccès », in Bochaca, M., Sarrazin, J-L (dir.), Ports et littoraux de l'Europe atlantique –
transformations naturelles et aménagements humains (XIVe–XVIe siècles), PUR, Rennes, p. 33-54.
Sarrazin, J-L., 2006, « Le paysage salicole de lʼîle de Bouin à la fin du Moyen Âge », in Chauvaud, F.,
Péret, J. (dir), Terres marines. Études en hommage à Dominique Guillemet, PUR, Rennes, p. 57-
67.
Sarrazin, J-L., 2000, « Maitrise et gestion de lʼeau salée dans les campagnes du littoral poitevin (XIIe-
e
XV siècle) », Enquêtes rurales, 7, p. 135-157.
Sarrazin, J-L., 1997, La campagne et la mer. Les pays du littoral poitevin au Moyen Âge (fin XIIe-
milieu XVe siècle), Université Paris IV, thèse de doctorat dʼÉtat, sous la direction de Contamine, P.,
Paris.
424
Sarrazin, J-L., 1992, « Le littoral poitevin (XIe-XIIIe siècles) : conquête et aménagement », Annales de
Bretagne et des Pays de lʼOuest, 99-1, p. 13-31.
Sarrazin, J-L., 1988, « Les franchises des îles de mer de Poitou et dʼAunis à la fin du Moyen Âge », in
Société des historiens médiévistes de lʼenseignement supérieur, LʼEurope et lʼOcéan au Moyen
Age. Contribution à lʼhistoire de la navigation, PUPS, Paris, p. 77-94.
Sarrazin, J-L., 1988b, « Les Cisterciens de Buzay et lʼaménagement des marais de lʼestuaire de la
Loire au moyen âge (XIIe-XVe siècle) », Mémoires de la Société dʼHistoire et dʼArchéologie de
Bretagne, 65, p. 57-79.
Sarrazin, J-L., Athimon, E., 2019a, « Etudier les plus anciennes tempêtes à submersion identifiées sur
la côte atlantique française (XIVe-XVIe siècles) : lʼapproche historique », Norois, [à paraître].
Sarrazin, J-L., Athimon, E. (collab.), 2019b, « Les plus anciens vimers à submersion documentés
survenus en baie de Bourgneuf (XIVe-XVIe siècle.) : où en est la recherche historique ? », ouvrage
sur les risques publié par la ComCom des Pays de Monts, [à paraître].
Sauzeau, T., 2018, « Le complexe fiscal dʼAncien Régime à lʼépreuve de la mer dans lʼenquête du
commissaire Chardon en Saintonge (1783) », in Tallet, G., Sauzeau, T. (dir.), Mer et désert de
lʼAntiquité à nos jours. Approches croisées, PUR, Paris, p. 313-329.
Sauzeau, T., 2018b, « Deux siècles dʼaménagement de lʼestran en Saintonge maritime (1680-1880) »,
in Llinares, S. Egasse, B., Dana, K., De lʼestran à la digue. Histoire des aménagements portuaires
et littoraux, XVIe-XXe siècle, PUR, Rennes, p. 295-308.
Sauzeau, T., 2016, « La tempête du passé ou le cold case de lʼhistorien ? », in Le Bouëdec, G., Cerino,
C. (dir), La maritimisation du monde de la préhistoire à nos jours. Enjeux, objets et méthodes,
PUPS, Paris, p. 191-215.
Sauzeau, T., 2014a, « L'histoire, les tempêtes et la prospective littorale face aux changements
climatiques », in Laget, F., Vrignon, A.(dir.), S'adapter à la mer. L'homme, la mer et le littoral du
Moyen Âge à nos jours, PUR, Rennes, p. 71-88.
Sauzeau, T., 2014b, « Lʼhistoire littorale du Centre-Ouest : miroir dʼun futur incertain ? », in
Chaumillon, E., Garnier, E., Sauzeau, T., Les littoraux à lʼheure du changement climatique, Les
Indes Savantes, Paris, p. 235-251.
Sauzeau, T., 2011, « Xynthia : retour dʼune peur bleue sur le littoral ? », in Chauvaud, F. (dir.),
Lʼennemie intime. La peur : perceptions, expressions, effets, PUR, Rennes, p. 101-111.
Sauzeau, T. (dir.), 2010, Expliquer Xynthia, comprendre le phénomène, Conseil régional de Poitou-
Charentes, Poitiers, [PDF en ligne].
Sauzeau, T., Le Bouédec, G. (coord.), 2012, Pêches et pêcheries en Europe occidentale du Moyen Âge
à nos jours, numéro thématique, Revue dʼHistoire Maritime, 15.
Schmutz, C., Luterbacher, J., Gyalistras, D., Xoplaki, E., Wanner, H., 2000, « Can we trust proxy-
based NAO index reconstructions ? », Geophysical Research Letters, 27-8, p. 1135-1138.
Schoenenwald, N., 2017, « Daniel Defoe et la grande tempête de 1703 en Angleterre », in Metzger,
A., Désarthe, J., Rémy, F. (dir), Histoires de météophiles, Hermann, Paris, p. 67-82.
Schoenenwald, N., 2013, Les tempêtes en France et dans les îles britanniques : des aléas aux
événements, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, thèse de doctorat de géographie, sous la
direction de Tabeaud, M., Paris.
Schoenenwald, N., Tabeaud, M., 2009, « Terriens et Iliens face aux tempêtes », Cahier dʼétudes forêt,
environnement et sociétés, XVIe-XXe siècles, CNRS, Paris, 19, p. 22-27.
Schoenenwald, N., 2003, « LʼEurope du Nord-Ouest sur le rail des tempêtes », in Tabeaud, M. (dir.),
Île-de-France, avis de tempête force 12, PUPS, Paris, p. 41-55.
Schove, D.J, Reynold, D., 1973, « Weather in Scotland, 1659-1660 : the diary of Andrew Hay »,
Annals of Sciences, 30, p. 165-177.
Secondy, L., 1993, « Quand l'Eglise faisait la pluie et le beau temps », in Blanchard, A., Michel, H.,
Pélaquier, E. (dir.), Météorologie et catastrophes naturelles dans la France méridionale à l'époque
moderne, Université Paul-Valéry Montpellier 3, Montpellier, p. 101-110.
Sellier, D., 2015, « Les façades océaniques : éléments de caractérisation en géographie physique »,
Norois, 235-2, p. 89-152.
425
BIBLIOGRAPHIE
Sellier, D., 2013, « Le relief de la Loire-Atlantique. Patrimoine géomorphologique et
géomorphosites », in Morice, J-R., Saupin, G., Vivier, N., Les nouveaux patrimoines des Pays-de-
la-Loire, PUR, Rennes, p. 236-255.
Sellier, D., 2010, « Lʼanalyse intégrée du relief et la sélection déductive des géomorphosites :
application au relief de la Charente-Maritime », Géomorphologie : reliefs, processus,
environnement, 2, p. 199-214.
Sellier, D., 2009, « Falaises rocheuses et versants réglés sur les côtes du Massif armoricain : lʼinsertion
de lʼérosion littorale dans le continuum de régularisation des versants », Environnements
périglaciaires, 34-16, p. 23-37.
Signorelli, A., 1992, « Catastrophes naturelles et réponses culturelles », Terrain, 19, p. 147-158.
Simon, B., 2007, La marée océanique côtière, Institut océanographique, Fondation Albert Ier, Paris.
Shapiro, M. A., Gronas, S. (eds), 1999, The life cycle of extratropical cyclones, American
Meteorological Society, Chicago.
Shaw, T.A., Baldwin, M., Barnes, E.A., Caballero, R., Garfinkel, C.I., Hwang, Y-T., Li, C.,
OʼGorman, P.A., Rivière, G., Simpson, I.R., Voigt, A., 2016, « Storm track processes and the
opposing influences of climate change », Nature geoscience, 9, p. 656-665.
Sheng, D., Qiaoling, J., 2011, « Prediction of storm surge intensity in coastal disaster evaluation »,
Coastal Engineering Proceedings, 32, p. 1-8, DOI:10.9753/icce.v32.management.20.
Shmakin, A.B., 2009, « Cyclones, Hurricanes, Typhoons and Tornadoes », in Kotlyakov V.M (eds.),
Natural Disasters, vol. II, EOLSS-UNESCO, p. 19-39.
Smith, T.M., Reynolds, R.W., 2004, « Reconstruction of monthly mean oceanic sea level pressure
based on COADS and station data (1854-1997) », Journal of Atmospheric and Oceanic
Technology, 21, p. 1272-1282.
Sneyers, R., 1953, « La mesure de la pression atmosphérique », Ciel et Terre, 69, p. 82-92.
Soens, T., 2018, « Resilient societies, vulnerable people : coping with North Sea Floods before 1800 »,
Past and Present : a journal of historical studies, gty018, p. 1-36, [En ligne].
Soens, T., 2013, « The social distribution of land and flood risk along the North Sea coast : Flanders,
Holland and Romney Marsh compared (c. 1200-1750) », in Van Bavel, B., Thoen, E. (eds.), Rural
societies and environments at risk. Ecology, property rights and social organisation in fragile
areas (Middle Ages-Twentieth century), Brepols, Turnhout, p. 147-179.
Soens, T., 2009, De spade in de dijk. Waterbeheer en rurale samenleving in de Vlaamse kustvlakte
(1280-1580), Academia Press, Gent.
Sorrel, P., Debret, M., Billeaud, I., Jaccard, S.L., McManus, J.F., Tessier, B., 2012, « Persistent non-
solar forcing of Holocene storm dynamics in coastal sedimentary archives », Nature Geoscience, 5,
p. 892-896.
Soubeiroux, C., [en cours], Le Morbihan, la tempête et la mer. Réagir, sʼadapter, aménager, sociétés
littorales et Ponts et Chaussées face à lʼOcéan au XIXe siècle, Université Bretagne-sud, thèse de
doctorat dʼhistoire en cours, sous la direction de Le Bouëdec, G., Lorient.
Soubeiroux, C., 2010, « Les sociétés littorales face à lʼagression de lʼocéan : la tempête du jour de
lʼAn 1877 », in Sauzeau, T. (dir.), Expliquer Xynthia, comprendre le phénomène, Conseil régional
de Poitou-Charentes, Poitiers, p. 61-66, [PDF en ligne].
Soulet, Y., 1995, « Les écluses à poissons en pierres sèches de Noirmoutier », Lettres aux amis de lʼîle
de Noirmoutier, 2e trimestre, p. 2-23
Strasser, A., Samankassou, E., 2003, « Carbonate sedimentation rates today and in the past : Holocene
of Florida Bay, Bahamas, and Bermuda vs. Upper Jurassic and Lower Cretaceous of the Jura
Mountains (Switzerland and France) », Geologica Croatica, 56, p. 1-18.
Suanez, S., Cariolet, J-M., 2010, « Lʼaction des tempêtes sur lʼérosion des dunes : les enseignements
de la tempête du 10 mars 2008 », Norois, 215, p. 77-99.
Suire, Y., 2017a, Le Bas-Poitou vers 1700 : cartes, plans et mémoires de Claude Masse, ingénieur du
roi. Nouvelle édition critique présentée par Yannis Suire, CVRH, La Roche-sur-Yon.
Suire Y., 2017b, L'estuaire de la Gironde, Bordeaux et le Bordelais vers 1700 : cartes, plans et

426
mémoires de Claude Masse, ingénieur du roi, Geste, La Crèche.
Suire Y., 2006, Le Marais Poitevin. Une écohistoire du XVIe à lʼaube du XXe siècle, CVRH, La Roche-
sur-Yon.
Surville, F. (dir), 2012, Les colères de la nature. Dérèglements climatiques et catastrophes naturelles,
Le Croît Vif, Saintes.
Sverker, S., Lane, M., 2018, « Historicizing climate change – engaging new approaches to climate and
history », Climatic Change, [online], p. 1-13, https://doi.org/10.1007/s10584-018-2285-0.
Sweeney, J.C., 2000, « A three-century storm climatology for Dublin (1715-2000) », Irish Geography,
33-1, p. 1-14.
Tabeaud, M., 2005a, « Qui sème le vent récolte la tempête », in Corvol, A. (dir), Tempêtes sur la forêt
française. XVIe-XXe siècle, L'Harmattan, Paris, p. 35-46.
Tabeaud, M., 2005b, « Variabilité historique : autant en emporte le vent », in Corvol, A. (dir),
Tempêtes sur la forêt française. XVIe-XXe siècle, L'Harmattan, Paris, p. 47-54.
Tabeaud, M. (dir.), 2003, Île-de-France, avis de tempête force 12, PUPS, Paris.
Tabeaud, M., Bourtoire, C., Schoenenwald, N., 2013, « Par mots et par vents », in Corbin, A. (dir.), La
pluie, le soleil et le vent. Une histoire de la sensibilité au temps quʼil fait, Flammarion, Paris, p. 69-
87.
Tabeaud, M., Browaeys, X., 2008, « Le citoyen a droit à lʼinformation sur les risques quʼil encourt en
certains points du territoire et sur les mesures de sauvegarde pour sʼen protéger », in Leone, F.,
Vinet, F., La mise en carte des risques naturels. Diversité des approches, PULM, Montpellier, p.
87-91.
Tabeaud, M., Lysaniuk, B., Schoenenwald, N., Buridant, J., 2009, « Le risque « coup de vent » en
France depuis le XVIe siècle », Annales de géographie, 667, p. 318-331.
Tardy, P., 2000, « Raz-de-marée sur Ré. Les Rétais et les vimers », Groupement dʼétudes charentaises,
Les cahiers de la mémoire, 75.
Tardy, P., 1981, « Le rôle des écluses dans lʼévolution du rivage », Bulletin des Amis de lʼIle de Ré,
69, p. 25-37.
Tessier, B., Poirier, C., Mouazé, D., Weill, P., Fruergaard, M., Noël, S., Garnier, E., Chaumillon, E.,
Bertin, X., Wöppelmann, G., 2015, Enregistrement sédimentaire par les barrières littorales des
niveaux marins extrêmes du Petit Age Glaciaire à nos jours. Une aide à lʼévaluation de la
vulnérabilité des zones côtières, Programme LITEAU IV, Rapport final, PDF consulté en ligne le
25/02/2018 sur http://temis.documentation.developpement-
durable.gouv.fr/docs/Temis/0084/Temis-0084333/22532.pdf.
Tingle E., 2010, « The Sea and Souls : Maritime Votive Practices in Counter-Reformation Brittany,
1500–1750 », Studies in church history, 46, p. 205-216.
Titow, J., 1960, « Evidence of weather in the account rolls of the Bishopric of Winchester 1209-
1350 », E.H.R., 12, p. 360–407.
Titow, J., 1970, « Le climat à travers les rôles de comptabilité de lʼévêché de Winchester (1350-
1450) », traduit par Chamoux, A., A.E.S.C., 2, p. 312-350.
Thély, L., 2016, Les Grecs face aux catastrophes naturelles : savoirs, histoire, mémoire, Boccard,
Paris.
Thomasset, C., Ducos, J. (dir), 1998, Le temps qu'il fait au Moyen Âge. Phénomènes atmosphériques
dans la littérature, la pensée scientifique et religieuse, PUPS, Paris.
Tisseron, S., 2009 (3e ed.), La résilience, PUF, Paris.
Toldo, E., Dillenburg, S., Correa, I., Almeida, L., 2000, « Holocene sedimentation in lagoa dos Patos
Lagoon, Rio Grande do Sul, Brazil », Journal of Coastal Research, 16-3, p. 816-822.
Tonnerre, M-A., 2001, Contribution à lʼétude des tempêtes dans la Manche et en façade atlantique de
la France, au nord de lʼîle de Noirmoutier (1965-1994), Université de Lille 1, thèse de doctorat de
géographie, sous la direction de Roussel, I., Lille.
Toureille, V., Berland, F., Butaud, G., Fourcade, S., Serdon, V., 2013, Guerre et société (1270-1480),
Atlande, Neuilly-sur-Seine.
427
BIBLIOGRAPHIE
Tranchant, M., 2013, « Introduction. Pluriactivité et mutualisation des risques maritimes par les
sociétés littorales : problématique et éléments de définition », in Tranchant, M. (dir.), Face aux
risques maritimes. La pluriactivité et la mutualisation comme stratégies individuelles et collectives
(XIIIe-XVIIIe siècle), publié dans les Annales de Bretagne et des Pays de lʼOuest, 120-2, p. 7-14.
Tranchant, M., 2012, Les origines des Sables-d'Olonne, À la conquête des eaux et des sables, Gestes,
La Crèche.
Tranchant, M., 2008, « La « culture » du risque chez les populations usagères des mers et littoraux du
Ponant (XIe-XVIe siècles) : première approche dʼune histoire à construire », in Poussou, J-P. (dir.),
Risque, sécurité et sécurisation maritimes depuis le Moyen Âge, Revue dʼHistoire Maritime, 9,
PUPS, Paris, p. 9-45.
Trémembert-Le Braz, J., 1941, Les pêcheries en Bretagne méridionale jusquʼà la fin de lʼAncien
Régime, thèse manuscrite, Ecole des Chartes.
Trouet, V., Scourse, J.D., Raible, C.C., 2011, « North Atlantic storminess and Atlantic Meridional
Overturning Circulation during the last millennium : Reconciling contradictory proxy records of
NAO variability », Global and Planetary Change, 84-85, p. 48-55.
Trouet, V., Esper, J., Graham, N.E., Baker, A., Scourse, J.D., Frank, D.C., 2009, « Persistent positive
North Atlantic Oscillation Mode dominated the Medieval Climate Anomaly », Science, 324-78, p.
78-80.
Trzpit, J-P., 1977, « Les tempêtes nord-atlantiques : Essai dʼanalyse géographique (1re partie) »,
Norois, 93, p. 33-52.
Ulbrich, U., Leckebusch, G.C., Pinto, J.G., 2009, « Extra-tropical cyclones in the present and future
climate : a review », Theoretical and Applied Climatology, 96, p. 117-131.
Ullmann, A., 2009, « Changement climatique et évolution des tempêtes dans le Golfe du Lion :
approche par intégration dʼéchelles spatio-temporelles », Cybergeo : European Journal of
Geography, Environnement, Nature, Paysage, article 441.
Ullmann, A., Moron, V., 2008, « Configuration atmosphérique de vastes échelles spatiales et
variabilité des surcotes dans le Golfe du Lyon », Cybergeo : European Journal of Geography,
Environnement, Nature, Paysage, article 406.
Van Cruyningen, P., 2013, « State, property rights and sustainability of drained areas along the North
Sea coast, sixteenth-eighteenth centuries », in Van Bavel, B., Thoen, E. (eds.), Rural societies and
environments at Risk. Ecology, property rights and social organisation in fragile areas (Middle
Ages-Twentieth century), Brepols, Turnhout, p. 181-207.
Vanderlinden, E., 1924, Chronique des événements météorologiques en Belgique jusquʼen 1834,
Académie royale de Belgique, Bruxelles.
Van Engelen, A.F.V., Buisman, J., Ijnsen, F., 2001, « A millennium of Weather, Winds and Water in
the Low Countries », in Jones, P.D., Ogilvie, A.E.J., Davies, T.D., Briffa, K.R. (eds), History and
Climate, memories of the future ?, Springer, Boston, p. 101-124.
Van Vliet-Lanoë, B., Penaud, A., Hénaff, A., Delacourt, C., Fernane, A., Goslin, J., Hallégouët, B., Le
Cornec, E., 2014, « Middle-to late-Holocene storminess in Brittany (NW France) : Part II – The
chronology of events and climate forcing, The Holocene, 24-4, p. 434-453.
Varino, F. C., 2017, Typologie des tempêtes du XXe siècle, Université Paul Sabatier, Centre National de
Recherches Météorologiques, thèse de doctorat de météorologie, Toulouse.
Varino, F., Arbogast, P., Joly, B., Riviere, G., Fandeur, M-L., Bovy, H., Granier, J-B., 2018,
« Northern Hemisphere extratropical winter cyclones variability over the 20th century derived from
ERA-20c reanalysis », Climate Dynamics, 50, p. 1-22.
Vasak, A., 2007, Météorologies. Discours sur le ciel et le climat des Lumières au romantisme,
Champion, Paris.
Vassort, J., 2010, « Les écritures du domestique et de l'intime », Revue dʼHistoire Moderne et
Contemporaine, 57-4, p. 111-117.
Vejrychova, V., 2015, « La réécriture de l'histoire chez Jean Froissart. Le chroniqueur face à ses
sources », in Anheim, E., Chastang, P., Mora-Lebrun, F., Rochebouet, A. (dir), L'écriture de
l'histoire au Moyen Âge. Contraintes génériques, contraintes documentaires, Classiques Garnier,

428
Paris, p. 103-114.
Verdier, N., 2015, La Carte avant les cartographes, lʼavènement du régime cartographique en France
au XVIIIe siècle, PUPS, Paris.
Verger, F., 2009, Zones humides du littoral français, Belin, Paris.
Verger, F., 1983 (2e éd.), Marais et wadden du littoral français, thèse de doctorat, Paradigme, Paris.
Verhulst, A., Gottschalk, M.K.E. (eds), 1980, Transgressies en occupatiegeschiedenis in de
kustgebieden van Nederland en België, Colloquium Gent 5-7 september 1978 Handeligen, Goff,
Gand.
Veyret, Y., 2004, Géographie des risques naturels en France. De lʼaléa à la gestion, Hatier, Paris.
Veyret, Y. (dir.), 2003, Les risques, SEDES, Paris.
Veyret, Y., Beucher, S., Reghezza, M., 2004, Les risques, Bréal, Rosny-sous-Bois.
Veyret, Y., Lagnier, R., Boissière, A., 2013, Atlas des risques en France : prévenir les catastrophes
naturelles et technologiques, Autrement, Paris.
Veyret, Y., Reghezza, M., 2006, « Vulnérabilité et risques. Lʼapproche récente de la vulnérabilité »,
Responsabilité & Environnement, 43, p. 9-13.
Veyret, Y., Reghezza, M., 2005, « Aléas et risques dans lʼanalyse géographique », Annales des Mines,
40, p. 61-69.
Viavattene, C., Jiménez, J.A., Ferreira, O., Priest, S., Owen, D., McCall, R., 2018, « Selecting coastal
hotspots to storm impacts at the regional scale : a coastal risk assessment framework », Coastal
Engineering, 134, p. 33-47.
Vide, J-M., Cantos, J.O (eds)., 2001, Climas y tiempos de Espana, Alianza Editorial, Madrid.
Vignaud, L-H., 2016, Sciences, techniques, pouvoirs et sociétés du XVe au XVIIIe siècle, Armand Colin,
Paris.
Vigneau, J-P., 2000, Géoclimatologie, Ellipses, Paris.
Vincent, J., 2015, Raz-de-marée sur la côte Atlantique. 1924, lʼautre Xynthia, Le Croît Vif, Saintes.
Vincent, J., 2007, Lʼintrusion balnéaire. Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au
tourisme (1800-1945), PUR, Rennes.
Vincent, J., 2006, « De la répulsion à la spéculation. La transformation du foncier littoral en Bretagne-
Sud et en Vendée (1800-1939), Annales de Bretagne et des Pays de lʼOuest, 113, p. 35-48.
Vinet, F. (ed.), 2017, Floods, tome I – Risk knowledge, ISTE Press, London.
Vinet, F., 2010, Le risque inondation. Diagnostic et gestion, Lavoisier, Paris.
Vinet, F., Defossez, S. Rey, T., Boissier, L., 2012, « Le processus de production du risque
« submersion marine » en zone littorale : lʼexemple des territoires « Xynthia » », Norois, 222, p.
11-26.
Vinet, F., Leone, F., 2013, « Prévenir les risques naturels, : de la modélisation à lʼinformation », in
Leone, F., Vinet, F., Prévenir les risques naturels, : de la modélisation à lʼinformation, PULM,
Montpellier, p. 9-13.
Viollet-le-Duc, E., 1854-1868, Dictionnaire raisonné de lʼarchitecture française du XIe au XVIe siècle,
9 tomes, Bance, Paris.
Von Greyerz, K., 1990, Vorsehungsglaube und Kosmologie : Studien zu englischen Selbstzeugnissen
des 17 Jahrhunderts, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen & Zürich.
Von Krusenstjern, B., 2005, « Gott der allmechtig, der das weter fiehren kan, wohin er will. Gottesbild
und Gottesverständnis in früjneuzeitlichen Chroniken », in Behringer, W., Hartmut, L., Pfister, C.
(eds.), Cultural Consequences of the « Little Ice Age », Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, p.
179-194.
Walker, B., Holling, C., Carpenter, S.R., Kinzig, A.P., 2004, « Resilience, adaptability and
transformability in Social-ecological system », Ecology and Society, 9-2, article 5, [En ligne].
Walter, F., 2008, Catastrophes. Une histoire culturelle. XVIe-XXIe siècle, Seuil, Paris.
Walter, F., 2006, « Pour une histoire culturelle des risques naturels », in Walter, F., Fantini, B.,
Delvaux, P. (dir.), Les cultures du risque (XVIe-XXIe siècle), Presses dʼhistoire Suisse, Genève, p. 1-
429
BIBLIOGRAPHIE
28.
Walter, F., Fantini, B., Delvaux, P. (dir.), 2006, Les cultures du risque (XVIe-XXIe siècle), Presses
dʼhistoire Suisse, Genève.
Wanner, H., Brönnimann, S., Casty, C., Gyalistras, D., Luterbacher, J., Schmutz, C., Stephenson,
D.B., Xoplaki, E., 2001, « North Atlantic Oscillation – Concepts and Studies », Surveys in
Geophysics, 22-4, p. 321-381.
Weikinn, C., 1958-2002, Quellentexte zur Witterungsgeschichte Europas von der Zeitwende bis zum
Jahre 1850. Hydrographie, 6 vol., Akademie-Verlag, Berlin.
White, S., Pfister, C., Mauelshagen, F. (eds), 2018, The Palgrave Handbook of Climate History,
Palgrave MacMillan, Londres.
Wisner, B., Blaikie, P., Cannon, T., Davis, I., 2004 (2nd ed.), At risk : Natural hazards, peopleʼs
vulnerability and disasters, Routledge, London.
Woodroffe, C., Leon, J., 2011, « The coastal zone and its classification for geospatial analysis », in
Maanan, M., Robin, M. (dir.), Geomatic solutions for coastal environments, Nova Science
Publishers, Hauppauge, p. 1-32.
Yole, J., 1998, « La Vendée », Essais, CVRH, La Roche-sur-Yon, p. 315-430.
Zadjenweber, D., Bucchini, F., Garnier, E., Thourot, P., Hallegatte, S., Luzi, M., Mayaux, L., Sinz, K.,
Bidan, P., Pallez, S., sept. 2012, « Risques et solutions. Les tempêtes en Europe : un risque en
expansion », Risques. Les cahiers de lʼassurance, 91, p. 15-74.
Zeller, R., 2005, « Les catastrophes naturelles au début de lʼépoque moderne. Entre curiosité,
événement terrifiant et interprétation religieuse », in Favier, R., Granet-Abisset, A-M. (dir.), Récits
et représentations des catastrophes depuis lʼAntiquité, CNRS-MSH Alpes, Grenoble, p. 217-235.
Zong, Y., Tooley, M.J., 2003, « A historical record of coastal floods in Britain : frequencies and
associated storm tracks », NH, 29-1, p. 13-36.

Presse, revues de vulgarisation

Bardou, F., 09/10/2018, « La mort des récifs coralliens aggraverait la submersion des côtes »,
Libération, [En ligne].
Calvet, C., 03/10/2018, « Martine Tabeaud : « Plus que le climat, ce sont les choix politiques qui
compteront » », Libération, [En ligne].
« Au cœur d'une nuit ordinaire, cette terre de paix et de tranquillité a été dévastée », 10 mars 2010,
Catholiques en Vendée, 5, p. 3-13.
Catholiques en Vendée, L'après-Xynthia ʻaider les gens à se rechoisir une vieʼ, 15 juillet 2010,
numéro spécial, 14.
De Bagnolo, V., 20/05/2009, « La tempête Klaus coûte plus cher que prévu », Argus de lʼassurance
[En ligne].
Delambily, F., 22/06/2010, « Dossier : 2009-2010, retour sur deux années de catastrophes naturelles
dʼampleur », News-assurances, [En ligne].
Delambily, F., 17/05/2010, « Tempête Xynthia : Le montant de la facture se précise pour le secteur de
lʼassurance », News-assurances, [En ligne].
Durand, E., 04/03/2011, « Xynthia, à lʼheure du bilan…et de lʼaprès », Argus de lʼassurance, [En
ligne].
« Xynthia : 8 ans après le drame, seuls 10% des propriétaires ont réalisé des travaux de sécurité à la
Faute-sur-Mer », enquête dʼEmmanuel Sérazin, France Bleu et France Bleu Loire Océan, 28
février 2018.
« Vendée : huit ans après, un hommage aux victimes de la tempête Xynthia », reportage dʼAhlam
Noussair et François Bobet, France 3 Pays-de-la-Loire, 28 février 2018.
Garnier, E., 2011, « Les submersions et leurs retombées climato-politiques », Géo, 387, p. 62-79.

430
Garnier, E., 2009, « Les tempêtes des siècles », LʼHistoire, 341, p. 40-41.
Hémon, P. 2014, « Comment concevoir des bâtiments qui résistent aux vents ? », Têtes chercheuses,
Huffington Post, billet actualisé le 05 octobre 2016.
« Il y a 8 ans : la tempête Xynthia », La Chaîne Météo, 25 février 2018.
« Les tempêtes les plus meurtrières en France depuis 30 ans », La Dépêche, 1er mars 2010.
« 22 tempêtes ont dévasté la France depuis trois siècles », Le Figaro, 2 février 2009.
« Comparée à Xynthia en 2010, la tempête Eléonor nʼa rien dʼexceptionnel », Le Monde, 5 janvier
2018.
« Retour sur les tempêtes et inondations des 25 dernières années », Le Monde, 4 octobre 2015.
« Xynthia et les autres : 30 ans de catastrophes naturelles en France en cartes », Le Monde, 12
décembre 2014.
« Le réchauffement climatique accentue les tempêtes », Le Monde, 1 mars 2010.
« Après la tempête, les vendéens font face », Le Pèlerin. Tout ce qui vous touche, jeudi 15 avril 2010,
6646, p. 5-6.
« Après la tempête, comment se reconstruire ? », Le Pèlerin. Tout ce qui vous touche, jeudi 11 mars
2010, 6641, p. 2-7.
Livre Blanc, tempête Klaus, 23-24 janvier 2009, 2009, rédigé par les membres du Conseil Diocésain
de Pastorale du diocèse dʼAire et Dax à la demande de lʼévêque, Monseigneur Philippe Breton, p.
3-4.
« Xynthia. Il y a 8 ans, la Vendée se réveillait meurtrie », Ouest-France, 28 février 2018.

Sitographie
http://astropixels.com/
http://www.bretagne.developpement-durable.gouv.fr/etude-vimers-des-evenements-de-tempete-en-
bretagne-a2705.html
http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/1_navigation.php
http://www.classiques-garnier.com/numerique-base
http://we bs .ucm.e s /info/cliwoc/
https://cordis.europa.eu/result/rcn/208719_en.html
http://ecritsduforprive.huma-num.fr/
https://www.ex-voto-marins.net
https://www.fondationdefrance.org/fr/littoral
http://www.gisclimat.fr/projet/renasec.html
https://www.gislounge.com/
http://www.meteofrance.com/
http://millesimo.irht.cnrs.fr/
https://www.nottingham.ac.uk/research/groups/weather-extremes/research/tempest-
database.aspx.
http://risckit.cloudapp.net/risckit/
http://www.shom.fr/
http://soundtoll.nl/index.php/en/over-het-project/sonttol-registers
http://www.ukho.gov.uk/easytide/easytide/SelectPrediction.aspx?PortID=163

431
INDEX DES TEMPETES
INDEX DES TEMPETES

1300-1400 1600-1700
1 8 - 1 9 août 1 3 42 ..................................................................290
9 mars 1600 ................................................................................54
hiver 1351-1352 ........ .23, 208, 223, 261, 333, 337, 339, 25-27 mars 1606.................................................................... 196
341, 392, 394 20 février 1617 ....................................................................... 216
13 mai 1627 ................................................................................46
1400-1500 1 er février 1632 .............................................................169, 266
28-29 janvier 1645 ..36, 57, 72, 77, 157, 163, 170, 256,
3 juillet (12 juillet) 1401 .......................................... 195, 341
290, 363, 364, 366, 368, 370, 392, 403
4 mars (13 mars) 1408 ............................................. 216, 341
3 novembre 1656................................................................... 275
7 octobre 1434 ........................................................................101
7 décembre 1663 ......................................................... 223, 224
24 juin (3 juillet, c.g) 1452 ...................................... 313, 344
18 février 1665 .................................................. 179, 180, 313
Hive r 1 4 5 6 (1 4 5 7 n . s t . ) ....................... 104, 270, 341
7 au 8 décembre 1682 ........................................47, 271, 272
27-28 janvier (5-6 février) 1469 ...36, 75, 76, 127, 180,
20-21 août 1686..................................................................... 183
220, 244, 245, 304, 341, 346, 392, 402
hiver 1688-1689 .................................................................... 283
1492-1493 .................................................................................304
31 octobre-2 novembre 1694 .......................................... 227
15 janvier 1699 ................................ 77, 256, 370, 371, 373
1500-1600
2 juillet 1507 ............................................................................218 1700-1800
13 novembre (23 novembre) 1509 .......71,76, 171, 256,
2 février 1701......................... 46, 162, 177, 279, 295, 315
351, 352
décembre 1703 ................................................................28, 162
1 er janvier 1515 .......................................................................279
28 décembre 1705 - 1 er janvier 1706.....102, 104, 162, 219,
10 août 1518 .......................................................................47, 48 283, 294
22 août (1 er septembre) 1537...................... 178, 180, 323 13- 14 février 1711 ...............................................107, 162,
264, 307
12 juillet 1538............................................................................ 48
9- 10 décembre 1711 .................... 130, 162, 293, 307, 308,
11-12 novembre 1570 .........................................................227 400
5 décembre 1574 ...................................................................... 46 novembre 1712 ...................................................................... 162
10 juin 1584................................................................................ 54 décembre 1723 ....................................................................... 236
11 décembre 1589 ............................................................49, 54 janvier 1724 ............................................................................. 236
24 février 1591.......................................................................... 54 14-16 octobre 1734 .............................................................. 211
4 octobre 1591 ............................................54, 166, 178, 360 7-10 janvier 1735 .......77, 210, 211, 212, 222, 256, 259,
1 er mars 1593 ...........................................................................169 324, 325, 392, 402
Fin décembre 1593 .................................................................. 54 23 février 1747 ....................................................................... 105
1595 ..................................................................................... 54, 193 14-15 mars 1751...... 100, 105, 130, 169, 171, 183, 184,
22-23 mai 1596 ..................................................................52, 54 244, 246, 257, 261, 266, 293, 375, 379, 381, 403
7 février 1598 ............................................................................ 54 4 avril 1753 ..........................................................137, 267, 329
9 au 10 juillet 1598 ....................................54, 100, 169, 217 25-28 octobre 1760 .............................................................. 314
31 décembre 1598-3 janvier 1599 ....76, 100, 244, 245, 21 mai 1761 ............................................................................. 266
256, 261, 282, 293, 326, 336, 351, 356, 357, 358, 359, 27 juin 1764 ............................................................................. 196
360, 362 22 octobre 1765 ..................................................................... 284
7-8 septembre 1599 ...................................................... 54, 358 26 au 27 novembre 1770 ................................................... 221
5-6 novembre 1599 ................................................................. 54 24 décembre 1775 ...................................218,270, 271, 329
1776...................................................................................271, 291
3 juillet 1777 ............................................................................ 279

432
30-31 octobre 1777.................................................... 220, 311 15 décembre 1986 ................................................................ 227
17 janvier 1784 ....36, 57, 257, 381, 384, 386, 387, 388, Lothar et Martin (1999)....20, 28, 37, 53, 188, 235, 377
389, 390, 403 Klaus (2009) .....................20, 37, 235, 277, 391, 436, 437
15-16 janvier 1786 ................................................................173 Xynthia (2010) ......20, 29, 30, 37, 39, 42, 46, 52, 87, 88,
21-22 février 1788...............................................77, 167, 330 91, 94, 115, 134, 170, 187, 188, 196, 199, 235, 252,
7 au 8 septembre 1788 ........................................................284 277, 292, 303, 318, 370, 371, 391, 404, 408, 409,
14 janvier 1797 .......................................................................138 414, 415, 416, 417, 421, 424, 426, 431, 432, 435,
436, 437
Apr ès 1900

22-23 décembre 1937 ..........................................................227


31 janvier-1 er février 1953................................................... 25

433
LEXIQUE/GLOSSAIRE
LEXIQUE/GLOSSAIRE

Aléa : vient du latin alea « jeu de dés, de hasard » et par extension « hasard, chance, menace
aléatoire ». Lʼaléa recouvre donc à la fois le phénomène à la capacité destructrice, autrement
dit ses caractéristiques physiques, et la probabilité quʼil survienne.

Amplitude : écart entre deux valeurs extrêmes (de température, de pression atmosphérique,
de vitesse de vents…).

Bossi (ou boussis) : originellement, dans les marais, fossé se présentant sous forme dʼune
clôture de terre établie en vue de délimiter le périmètre dʼune propriété.

Br èche : rupture dʼun talus sur une portion de plusieurs mètres.

Cir culation atmosphér ique : désigne lʼensemble de la circulation des masses dʼair, cʼest-à-
dire des vents dans la troposphère. Dʼelle dépendent les vents dominants et les précipitations.
Conjuguée aux courants océaniques, son action redistribue la chaleur solaire.

Coué : buse dʼadmission de lʼeau dans une saline.

Ecour s : dans les salines, canal amenant l'eau de mer à la vasière.

Electr ométéor es : manifestation visible ou audible de lʼélectricité atmosphérique (foudre,


tonnerre…).

Enjeu : ensemble des populations, milieux, équipements que des sociétés ont pris le risque de
« mettre en jeu », dʼexposer à un aléa. Un enjeu nʼétant enjeu que sʼil est sensible et sujet à un
aléa, la composante « exposition » est primordiale. Elle induit la dimension de la
vulnérabilité.

Etier : canal faisant communiquer un marais littoral, notamment salant, avec la mer.

Exempla/exemplum : recueil(s) de sermons religieux visant à instaurer un modèle de


comportement civique ou de morale religieuse à suivre1. Ils sont essentiellement destinés à
lʼusage de la prédication.

Gabelle : impôt sur le sel dont le pourcentage variait suivant les régions. En qualité de
provinces productrices de sel, lʼAunis, la Bretagne et le Poitou font partie des pays
« rédimés », c'est-à-dire qu'ils sont exemptés de gabelle.

Gyr e : large système tourbillonnaire océanique résultant des courants marins. Les gyres sont
provoqués par la force de Coriolis. Ils seraient impliqués dans la dynamique des vents.

Intensité (d'une tempête) : estimation de l'importance des dommages observables générés par
une manifestation. Il ne faut pas confondre lʼintensité des vents, cʼest-à-dire leur vitesse, et

1
Pour une définition approfondie, voir Louis, N., 2013, Production, diffusion et usages des recueils dʼexempla
latins aux XIIIe-XVe siècles, Université de Namur, thèse de doctorat dʼhistoire, art, archéologie et civilisations,
sous la direction de Hermand, X. et Polo de Beaulieu M-A., Namur, p. 7-114 ou, pour une vision synthétique,
mais détaillée : Berlioz, J., 1992, « Exempla », Dictionnaire des Lettres françaises. Le Moyen Âge, Fayard,
Paris, p. 437-438.

434
lʼintensité des dégâts générés par le phénomène météorologique.

Magnitude (d'une tempête) : estimation, à partir de la mesure de paramètres physiques


comme la hauteur de la houle, le creusement barométrique ou la vitesse du vent, de la
puissance, l'énergie produite par les processus atmosphériques à lʼœuvre. La magnitude est
inestimable pour les périodes antérieures aux mesures instrumentales systématiques.

Mar ée/Onde de tempête : élévation momentanée du niveau de la mer liée à une baisse
brutale de la pression atmosphérique et/ou à des vents forts d'afflux. Le niveau de marée
obtenu résulte de l'addition d'une surcote d'origine atmosphérique à la marée astronomique.

Mar nage : amplitude entre la hauteur d'eau atteinte par la pleine mer et celle atteinte par la
basse mer.

Oscillation Ar ctique (OA) : modèle de circulation atmosphérique qui influe sur la valeur
moyenne de la pression atmosphérique de surface dans lʼhémisphère Nord. Cette variation
influence lʼintensité et la trajectoire des tempêtes de ces latitudes moyennes.

Oscillation Multi-décennale Atlantique (OMA) : modèle de circulation entraînant une


fluctuation de la température de surface dans lʼocéan Atlantique. LʼOMA sʼaccompagne de
modifications du vent.

Oscillation Nor d Atlantique (ONA) : probablement liée à lʼOA, lʼONA affecte lʼintensité et
la localisation des centres anticycloniques et dépressionnaires de lʼAtlantique nord. Elle
influence lʼactivité et les trajectoires des tempêtes en Europe de lʼOuest (du bassin
méditerranéen à la Scandinavie).

Risque : croisement entre la probabilité quʼun événement dévastateur se produise – lʼaléa – et


lʼendommagement potentiel quʼil peut entraîner sur lʼenvironnement, des activités,
infrastructures, personnes, etc. – lʼenjeu – à lʼéchelle dʼun territoire donné. Le risque se
définit par lʼéquation : Risque = aléa x (enjeux x vulnérabilités).

Sur cote : différence positive entre le niveau marin observé et le niveau marin théorique
initialement prévu. Tandis que le second repose uniquement sur la prévision de la marée
astronomique, le premier prend en considération l'influence des conditions atmosphériques
comme la pression et les vents.

Syzygie : situation dans laquelle trois objets célestes (ici la Lune, le Soleil et la Terre) se
trouvent alignés en conjonction ou en opposition. Rapporté aux phases de la Lune, cela
désigne les périodes de pleine et nouvelle lune.

Tesselier : aire où se trouve stocké le sel.

Veau : effondrement d'un seul flanc de talus.

435
TABLE DES ILLUSTRATIONS

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Illustration 1 RICCI Marco, Paysage dans la tempête, vers 1725, National Gallery of arts,
Washington....................................................................................................................... 53
Illustration 2: Extrait d'un registre paroissial de la commune de (La) Bruffière...................... 99
Illustration 3: photographie aérienne d'un "washover" survenu lors de l'ouragan Sandy (27
octobre 2012), Pea Island, Caroline du Nord. ................................................................ 118
Illustration 4: Campagne de carottages durant l'été 2016, Traicts du Croisic........................ 121
Illustration 5: prise de vue d'une demi-carotte, île d'Yeu....................................................... 122
Illustration 6: DUGHET G., L'orage, 1647-1648, musée des beaux-arts, Chartres.................. 132
Illustration 7: Tempête avec foudre et pluie, Album de Paul SCHLUMPF DE SAINT GALL (1755-
1758), BnS, ms.2.141,f°3 ............................................................................................... 133
Illustration 8 : Statue de la Vierge et l'enfant Jésus, XVIIe siècle............................................ 136
Illustration 9: Ex-voto peint du vaisseau la "Stella Maris" pris dans une tempête en 1696,
cathédrale Saint Louis de La Rochelle, Charente-Maritime. ......................................... 138
Illustration 10: Menhir dit « Des droits de l'Homme », Plozévet, Finistère, Bretagne. ......... 139
e
Illustration 11 Boussole des vents, état des connaissances dans le domaine à la fin du XV

siècle............................................................................................................................... 141
e
Illustration 12: Boussole des vents, état des connaissances dans le domaine à la fin du XVII

siècle............................................................................................................................... 142
Illustration 13 Tableau contenant les résultats des observations météorologiques faites à La
Rochelle pour l'année 1783 par Pierre-Henri SEIGNETTE............................................... 144
Illustration 14: : Ex-voto peint du brick « La Marie-Thérèse, Capitaine L. HOUIN, le 4eme avril
1753 », conservé dans l'église Sainte-Catherine à la Flotte-en-Ré (île de Ré), Charente-
Maritime. ........................................................................................................................ 269
Illustration 15: Carte du marais de Champagné dans laquelle sont représentées plusieurs bots,
technique de compartimentage (André CHEVREUX, 1656). ........................................... 306
Illustration 16: Carte de l'isle de Ré pour représenter le désordre marqué en jeaune causé par
l'orage du 9 au 10 jours de décembre 1711, MASSE Claude, 1717, échelle:
2000=environ 4kms........................................................................................................ 308
Illustration 17: Extrait du logiciel de prédiction des marées anciennes (13-17 mars 1751) .. 378

436
TABLE DES FIGURES

Figure 1: Représentation schématique et simplifiée de la formation d'un cyclone extratropical.


.......................................................................................................................................... 43
Figure 2: Tableau examinant les corrélations entre quatre auteurs rochelais sur la periode
1580-1600 en vue d'interroger la définition de la tempête ancienne................................ 54
Figure 3: carte de localisation du cadre spatial de la thèse. ..................................................... 57
Figure 4: Carte des provinces historiques de l'ouest du royaume de France comprises dans
l'étude. .............................................................................................................................. 58
Figure 5: Typologie climatique du territoire métropolitain francais en huit classes et schéma
synthétique de l'espace des climats .................................................................................. 60
Figure 6: Carte de la répartition approximative des 3 grands types de côtes (sableuses,
rocheuses, marais maritimes) ........................................................................................... 66
Figure 7: Représentation de l'action gravitationnelle de la Lune et du Soleil, et de l'influence
sur les marée en quadrature et conjonction. ..................................................................... 68
Figure 8:Tableau d'équivalence de (x) dans l'équation permettant de déterminer l'épacte. ..... 71
Figure 9: Tableau de répartition des heures de la journée en quatre portions de 6 heures et
leurs dénominations courantes. ........................................................................................ 75
Figure 10: Tableau présentant quelques exemples de phases de Lune et coefficients de marée
liés à des vimers (XVe-XVIIes) ........................................................................................... 77
Figure 11: Représentation schématique de l'étymologie du mot résilience. ............................ 84
Figure 12: Tableau présentant le nombre de documents utiles à l'étude par rapport au nombre
total de sources consultées. ............................................................................................ 109
Figure 13: Part des documents publiés par rapport à ceux manuscrits (originaux, copies,
indéfinis)......................................................................................................................... 109
Figure 14: Part des différentes catégories de sources utiles à l'étude..................................... 110
Figure 15: Représentation schématique de la formation d'un cône de tempête. .................... 117
Figure 16: Carte de localisation des trois sites de carottage................................................... 120
Figure 17: Résultats couplant données sédimentologiques et historiques, carotte prélevée dans
une lagune récente au Traicts du Croisic (La Turballe, T3).......................................... 125
Figure 18 : Reconstruction historique des tempêtes sur lʼouest de la France du milieu du XIVe
s. à 1789/90 et fluctuations du PAG............................................................................... 154
Figure 19: Reconstruction historique des tempêtes sur lʼouest de la France du milieu du XIVe
s. à 1789/90 et indices dʼONA (dʼaprès Trouet, V. et al., 2009 ; Cook, E.R. et al., 2001 ;
Glueck, M.F., Stockton, C.W., 2001 ; Luterbacher, J. et al., 2001 ; Luterbacher J. et al,
1999)............................................................................................................................... 156
Figure 20 : Reconstruction historique des tempêtes sur lʼouest de la France du milieu du XIVe
437
TABLE DES FIGURES
s. à 1789/90 et températures dans lʼhémisphère nord (dʼaprès Ljungqvist, F.C., 2010).
........................................................................................................................................ 159
Figure 21: Positionnement du rail des dépressions et principales trajectoires suivies par les
tempêtes sur les périodes 1500-1550 et 1550-1600. ...................................................... 161
Figure 22: Distribution saisonnière des tempêtes (milieu XIVe-XVIIIe siècle). ....................... 164
Figure 23: Distribution des tempêtes en fréquence mensuelle (milieu XIVe-XVIIIe siècle)..... 164
Figure 24: Représentation simplifiée de la gouvernance et des échelles de réactions lors dʼune
tempête (XIVe-XVIIIe s.). .................................................................................................. 185
Figure 25: Extrait présentant quelques champs de la base de données. ................................. 194
Figure 26: Carte des régions les plus impactées par les tempêtes (XIVe-XVIIIe s.) ................. 203
Figure 27: Extraits des deux carroyages établis : à droite, la grille comprend des carreaux de
5km de côté, à gauche, des carreaux de 10km de côté................................................... 207
Figure 28: Procédure mise en œuvre en vue de spatialiser sur ArcGIS les vimers anciens.. 210
Figure 29: Carte extraite du SIG représentant lʼemprise spatiale, à lʼéchelle des provinces de
lʼouest de la France, de la tempête avec submersion des 9-10 janvier 1735.................. 212
Figure 30: Tableau présentant les 5 derniers degrés de lʼéchelle de Beaufort. ...................... 232
Figure 31: Tableau présentant le codage attribué aux différentes échelles spatiales affectés par
les dommages. ................................................................................................................ 239
Figure 32: Tableau présentant le codage attribué aux différentes classes de victimes. ......... 240
Figure 33: Tableau présentant le codage attribué aux différentes classes de dégâts touchant les
activités (saliculture, agriculture, sylviculture) .............................................................. 241
Figure 34: Tableau présentant le codage attribué aux différentes classes de dégats sur le bâti 2.
........................................................................................................................................ 243
Figure 35: Tableau d'application de la méthode de quantification des dommages recensés dans
les sources pour la tempête avec submersion des 27-28 janvier (5-6 février) 1469 (n.st).
........................................................................................................................................ 245
Figure 36: Tableau d'application de la méthode de quantification des dommages recensés dans
les sources pour la tempête avec submersion des 31 décembre 1598- 3 janvier 1599... 246
Figure 37: Tableau de la méthode de quantification des dommages recensés dans les sources
pour la tempête des 14-15mars 1751.............................................................................. 248
Figure 38: Echelle indicielle simplifiée dʼintensité des tempêtes sous latitudes tempérées
(XIVe-XVIIIe siècles)......................................................................................................... 255
Figure 39: Tableau présentant quelques résultats de lʼapplication de la méthode de
quantification des dommages et de lʼindice dʼintensité développé................................ 257
Figure 40: Carte présentant l'emplacement des écluses à poissons au niveau au l'île de Ré
selon l'enquête de LE MASSON DU PARC.................................................................. 299
Figure 41: Carte présentant l'emplacement des écluses à poissons au niveau de l'île d'Oléron
selon l'enquête de LE MASSON DU PARC.................................................................. 300
438
Figure 42: Plan de l'Aiguillon (1737) avec figuration du déplacement et de l'emplacement
actuel de la commune de l'Aiguillon-sur-Mer................................................................ 320
Figure 43: Carte des territoires touchés par la tempête avec submersion marine des 28-29
janvier 1645.................................................................................................................... 366
Figure 44: Carte des espaces où des endommagements sont recensés pour la tempête des 14-
15 mars 1751. ................................................................................................................. 379
Figure 45: graphique représentant les niveau de pression atmosphérique du 15 janvier 1784
(matin) au 18 janvier 1784 (soir).................................................................................... 387
Figure 46: Graphique représentant les niveaux de pression atmosphérique du 17 janvier 1784
(matin) au 18 janvier 1784 (soir).................................................................................... 388

439
TABLE DES PIECES JUSTIFICATIVES

TABLE DES PIECES J USTIFICATIVES

Pièce justificative n° 1............................................................................................................ 100


Pièce justificative n° 2............................................................................................................ 179
Pièce justificative n° 3............................................................................................................ 184
Pièce justificative n° 4............................................................................................................ 224
Pièce justificative n° 5............................................................................................................ 270
Pièce justificative n° 6............................................................................................................ 272
Pièce justificative n° 7............................................................................................................ 309
Pièce justificative n° 8............................................................................................................ 316
Pièce justificative n° 9............................................................................................................ 320
Pièce justificative n° 10.......................................................................................................... 325
Pièce justificative n° 11.......................................................................................................... 327
Pièce justificative n° 12.......................................................................................................... 347
Pièce justificative n° 13.......................................................................................................... 349
Pièce justificative n° 14.......................................................................................................... 361
Pièce justificative n° 15.......................................................................................................... 361
Pièce justificative n° 16.......................................................................................................... 362
Pièce justificative n° 17.......................................................................................................... 382
Pièce justificative n° 18:......................................................................................................... 383
Pièce justificative n° 19:......................................................................................................... 384

440
441
442
443
445

Vous aimerez peut-être aussi