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Bibliothèque des Écoles

françaises d'Athènes et de Rome

La Contre-Réforme Mathématique. Constitution et diffusion d’une


culture mathématique jésuite à la Renaissance (1540-1640)
Antonella Romano

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Romano Antonella. La Contre-Réforme Mathématique. Constitution et diffusion d’une culture mathématique jésuite à la
Renaissance (1540-1640) Rome : Ecole française de Rome, 1999. pp. 5-691. (Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et
de Rome, 306);

doi : https://doi.org/10.3406/befar.1999.1252

https://www.persee.fr/doc/befar_0257-4101_1999_mon_306_1

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BIBLIOTHÈQUE DES ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHÈNES ET DE ROME


Fascicule trois cent sixième

LA CONTRE-RÉFORME

MATHÉMATIQUE

CONSTITUTION ET DIFFUSION
D'UNE CULTURE MATHÉMATIQUE
JÉSUITE À LA RENAISSANCE (1540-1640)

par

Antonella Romano

ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME


1999
© - École française de Rome - 1999
ISBN 2-7283-0568-4

Diffusion en France:

DIFFUSION DE BOCCARD
11 RUE DE MÉDICIS
75006 PARIS

SCUOLA TIPOGRAFICA S. PIO X - VIA ETRUSCHI, 7-9 ROMA


A la mémoire de Michel Romano, mon père
X

REMERCIEMENTS

Je souhaiterais, dans l'espace de ces quelques lignes,


commencer à m'acquitter de certaines dettes, sur le plan scientifique, comme
en amitié. La tâche n'est pas aisée car ma recherche s'est nourrie du
contact et de l'échange, avec les spécialistes des disciplines que j'ai
fréquentées, avec des historiens fort éloignés de ce sujet, avec des
amis engagés dans d'autres types de recherches (philosophie,
littérature, science politique ou archéologie), avec des amis qui n'étaient
pas du métier et qui m'ont appris à relativiser le mien. A tous, je dois
d'avoir terminé aujourd'hui ce travail. Si j'en assume pleinement les
limites et les imperfections, je leur suis redevable de son intérêt.
C'est par ses travaux que j'ai rencontré Daniel Roche. Ses livres,
nos discussions, les lectures attentives et critiques qu'il a
continûment faites sur ce travail, son aide et son soutien m'ont permis de
porter mon projet jusqu'à son terme : à l'historien et à l'homme, je
souhaite exprimer toute ma gratitude.
J'ai commencé à travailler sur ce sujet, l'année où Luce Giard
organisait à Paris le premier colloque sur les jésuites à la Renaissance.
Elle a accepté de m'écouter, puis de me rencontrer régulièrement,
puis patiemment de discuter mon travail : toujours exigeante,
toujours disponible, elle m'a appris à regarder la Renaissance dans sa
complexité, dans sa richesse et sa pluralité. Pour ses critiques, pour
la confiance qu'elle m'a accordée, pour la stimulation et l'envie de
progresser qu'elle m'a procurées, je voudrais lui dire ma
reconnaissance.
Ernest Coumet m'a ouvert les portes de son séminaire au centre
Koyré, alors que j'engageais à peine mes recherches : il m'a non
seulement permis de parler de mes travaux, mais de comprendre sa
discipline et de rencontrer des historiens des sciences avec lesquels j'ai
pu confronter mon approche historienne. C'est là qu'a commencé
mon initiation à l'histoire des sciences. Pour tout cela, je le remercie,
ainsi que les amis, et à présent collègues, du centre Koyré.
Lors de mon premier séjour en Italie, en 1992, j'ai été reçue par
les universitaires italiens. Ugo Baldini a mis à ma disposition son
inégalable connaissance des archives jésuites et a manifesté de l'intérêt
pour mon travail. Je lui sais gré d'avoir accompagné mes premiers
pas dans les archives italiennes. J'ai aussi pris mes premiers
X LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

contacts avec Maurizio Torrini et son équipe de l'Université de


Naples. Ils m'ont accueillie avec le sens de l'hospitalité et de la
générosité que seuls les Napolitains savent déployer. Parmi eux, Romano
Gatto a été plus qu'un interlocuteur privilégié : il est devenu un ami.
Travaillant sur l'enseignement des mathématiques au collège jésuite
de Naples, cet infatigable chercheur, savant et modeste, généreux et
rempli d'humour, m'a fait partager sa passion pour l'histoire des
mathématiques. De nos conversations nocturnes dans sa magnifique
ville, de ses enthousiasmes et de ses passions, je le remercie. J'ai
enfin appris à travailler régulièrement avec les historiens de Rome qui
sont les principaux acteurs du renouveau historiographique qui
concerne l'Urbs : pour leur compétence et leur générosité, je les
remercie.
Mes recherches m'ont principalement conduite à l'Archivum
Romanum Societatis Iesu : grâce à l'accueil et la précieuse aide des
pères W. Gramatowski, ancien archiviste, J. De Cock, son
successeur, et M. Zanardi, spécialiste de l'histoire de l'ancienne
Compagnie, mon travail de dépouillement a été intensif, riche et toujours
agréable. A l'Institutum Historicum Societatis Iesu, les pères L. Szi-
las, directeur, et H. Storni, bibliothécaire, m'ont permis d'accéder à
la précieuse bibliothèque de la Compagnie. La dottoressa Nicoletta
Basilotta m'y a toujours reçue avec une chaleur et une disponibilité
sans égal.
Dans les différents centres d'archives, dans les bibliothèques de
province ou de Paris, j'ai le plus souvent rencontré des
professionnels disponibles et compétents : ils ont tous contribué à faciliter ma
recherche et ont toute leur place ici.
Ce travail, malgré ses imperfections, ne serait pourtant pas ce
qu'il est sans l'Ecole française de Rome, dont je suis devenue
membre en 1994, en quittant sans regrets, le lycée de Creil, où j'ai
appris le métier d'enseignant. A l'Ecole, j'ai continué à apprendre
celui de chercheur, dans une structure exceptionnelle, dans une ville
sans pareille. Mes remerciements vont d'abord à Claude Nicolet,
directeur de l'Ecole lors de mon arrivée, ainsi qu'à son successeur
André Vauchez. En Philippe Boutry, j'ai trouvé un directeur des études
pour la section d'histoire moderne et contemporaine qui, lorsque
j'étais boursière, a acueilli mes demandes et mes doutes avec une
générosité et une compréhension rares. Au spécialiste de la Rome
catholique et à l'homme vont ma reconnaissance et ma gratitude.
Catherine Brice, qui lui a succédé à mon arrivée, m'a accordé sa
disponibilité, sa confiance. Son ouverture et sa générosité ont donné
à mon séjour romain une sérénité et une richesse dont je lui sais gré.
A Catherine Garbin, vigilante secrétaire des membres de la section,
tous mes remerciements. La bibliothèque de l'Ecole a été le cadre
principal de la phase de rédaction. J'y ai disposé d'instruments de
REMERCIEMENTS XI

travail qui ont grandement facilité ma tâche : que toutes celles et


ceux qui y travaillent et m'ont aidée soient présents ici.
Si dans ces différents milieux scientifiques j'ai essayé
d'apprendre et de progresser, j'ai toujours pu bénéficier du soutien, de la
confiance et des encouragements de mes amis et collègues. Ceux qui
ont été là depuis le début, Catherine Busschaert, Catherine Verna,
Egidio Festa; ceux qui sont arrivés depuis, Maria Pia Donato, Pierre-
Antoine Fabre, Anne Marijnen, Marilyn Nicoud, Eric Rebillard... Au
travers de leurs questions et de leurs propres travaux, dans leur pro-
fessionnalité, ils m'ont ouvert des perspectives, fait avancer,
encouragée. Chacun à sa manière, ils sont présents dans ce travail et ma
dette envers eux ne sera pas épuisée par ces quelques mots. A ces
remerciements-là, je souhaite associer les autres amis, ceux qui ont
simplement été présents, ainsi que ma famille qui a su excuser mes
indisponibilités pour cause de travail et a eu confiance dans mes
choix.

Rome, le 13 septembre 1997


TABLE DES ABRÉVIATIONS

AHSI : Archivum Historicwn Societatis Iesu


AHSS : Annales, histoire, sciences sociales
ARSI : Archivum Romanum Societatis Iesu
B.A.V. : Bibliothèque Apostolique Vaticane, Cité du Vatican
B.S.G : Bibliothèque Sainte Geneviève, Paris
Bibl. nat. de France : Bibliothèque nationale de France, Paris
BU : Bibliographie universelle ancienne et moderne, Paris, 1842, 45 vol.
CHRP : C. Schmitt dir., Cambridge History of Renaissance Philosophy ,
Cambridge, 1988, 864 p.
C. Clavius, Corrispondenza : C. Clavius, Corrispondenza, edizione critica a cura di
U. Baldini e P. D. Napolitani, pré-print de l'Université de Pise, Dipartimento
di matematica, 7 vol., 1992
DBI : Dizionario biografico degli Italiani, 44 volumes parus, Rome, 1960-1994
DSB : Dictionary of Scientific Biography, New- York, 1970-1980, 16 voi.
MHSJ : Monumenta Historica Societatis Iesu
MPSJ : Monumenta Paedagogica Societatis Iesu
A

INTRODUCTION

La Compagnie de Jésus, l'enseignement des mathématiques,


l'histoire des sciences à la Renaissance

Ce livre constitue la version quelque peu modifiée d'une thèse sur


«La Compagnie de Jésus et la révolution scientifique. Constitution et
diffusion d'une culture mathématique jésuite à la Renaissance, 1540-
1640». Dirigée par D. Roche, elle a été soutenue le 2 décembre 1996, à
l'Université de Paris I, devant un jury présidé par Claire Salomon-
Bayet, et composé de R. Chartier, L. Giard, D. Julia et D. Roche.
C'est sans doute d'un constat empirique qu'est né le projet de
travailler sur l'histoire des sciences à la Renaissance, avec
l'inconscience et l'ingénuité de l'ignorance : à la fin des années 80, la
tribu historienne s'intéressait peu à un champ de la recherche le
plus souvent occupé par les philosophes ou les scientifiques;
parallèlement, à pratiquer l'histoire européenne de la période, elle butait
régulièrement sur des sujets ou des problèmes qui en relevaient.
Rien, dans ma formation, ne me préparait particulièrement à
aborder ces espaces. Il est pourtant difficile de résister à la fascination
d'une aventure aussi extraordinaire que celle de ces hommes qui,
après avoir franchi les océans, pour la première fois, se
rapprochaient du ciel grâce à la lunette, devenant ainsi les nouveaux
hérauts d'un combat qui est toujours le nôtre, celui de la raison. De
même, il est peu compréhensible que l'entreprise intellectuelle de
lecture de la nature dans un langage mathématique ne soit pas
considérée comme inscrite de plain-pied sur le territoire de
l'historien.
L'histoire des sciences de la Renaissance est traversée par de
grandes figures et s'articule autour d'un phénomène aux contours
flous, dont la définition et la saisie continuent à faire couler
beaucoup d'encre, la «révolution scientifique»1. Sans vouloir entrer dans

1 II n'est pas question ici de reprendre la bibliographie sur la question, ce qui


reviendrait presque à écrire l'histoire de la discipline : je renvoie donc aux titres
de la bibliographie qui s'y réfèrent directement, en insistant sur l'importance,
pour ma représentation de la Renaissance, de la lecture des œuvres de Charles
B. Schmitt.
2 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

le débat sur cette question, il s'agissait principalement pour moi


d'interroger le processus qui a permis de faire de la société civile, et
non plus de l'Église, l'espace de la production du savoir. Les
premières lectures m'ont vite convaincue que les héros avaient déjà
leurs historiens et que pour ma part, sauf dans la littérature ou au
théâtre, ils ne m'intéressaient pas. Il me fallait prendre la
«révolution scientifique» par le petit bout de la lorgnette et concentrer mon
attention sur un milieu intellectuel : alors que le grand «désenclave-
ment de l'histoire jésuite » n'avait pas encore été amorcé, le choix de
la Compagnie de Jésus s'est rapidement imposé. Sa position m'appa-
raissait intéressante, prise qu'elle se trouvait entre sa nature d'ordre
religieux fondé «ad majorem Dei gloriam», et l'affirmation du
«devoir d'intelligence»2, qui faisait toute la nouveauté de l'ordre fondé
par Ignace et était définie comme réponse à la situation générale de
l'Église au milieu du XVIe siècle. En m'immergeant dans les archives
jésuites et leur diversité, j'ai essayé de comprendre comment les
hommes de l'âge de la fondation avaient énoncé et fait face à cette
situation.
Premier ordre né de la Contre-Réforme, la Compagnie de Jésus
est engagée dès son origine dans une activité éducative qui privilégie
l'enseignement. Le processus d'élaboration d'un programme des
études se déploie sur la seconde moitié du XVIe siècle, à l'heure où la
crise de l'aristotélisme contribue à désigner cette période comme
une phase essentielle de recomposition des champs du savoir,
propice à l'émergence d'une réflexion sur la définition, le statut et le rôle
des mathématiques dans leur double rapport à la théologie et à la
philosophia naturalis.
Confrontée à ces questions, la Compagnie développe en son
centre romain un espace d'expérimentation et de débat,
principalement animé, pour les mathématiques, par C. Clavius. Le programme
des études qu'il conçoit présente nombre d'originalités grâce
auxquelles le Collegio Romano peut se présenter, à la fin du XVIe siècle,
comme l'un des pôles majeurs de l'activité scientifique en milieu
catholique, au cœur de la production européenne.
J'ai souhaité interroger non seulement les projets de la
Compagnie, mais aussi la variété des pratiques mises en œuvre en dehors
de Rome. C'est pourquoi j'ai étudié la diffusion des programmes et
des pratiques dans le cadre de l'espace français. Pendant la phase
d'élaboration normative, avant 1580, certains collèges accueillent les
premières leçons de mathématiques, sur un mode intermittent, en

2 Sur cette expression, voir l'introduction de L. Giard, «Le devoir


d'intelligence ou l'insertion des jésuites dans le monde du savoir», dans L. Giard dir.,
Les jésuites à la Renaissance, Paris, 1995, p. X-LXXX.
INTRODUCTION 3

appendice au cours de philosophie. L'analyse de l'un d'entre eux m'a


permis de comprendre la diversité des pratiques d'enseignement et
le poids des influences locales, différentes de celles venues de Rome.
Parallèlement, à Tournon, à Paris, surtout à Pont-à-Mousson, se
développent les premiers réseaux mathématiques structurés soit
autour d'anciens élèves de Clavius, soit sur initiative privée, en marge
du cursus des études. J'ai ainsi pu montrer que, dans la France du
nord-est, J. Chastelier développe privatim une activité de recherche
en algèbre, tout en formant la première génération des professeurs
de mathématiques.
A partir de 1603, sont créées les premières chaires de
mathématiques, en application de la Ratio studiorum, enfin achevée. Jusqu'en
1640, soixante-dix jésuites occupent la dizaine de chaires du
royaume. Leur étude permet d'aborder le processus de formation et
de spécialisation, progressivement mis en œuvre au sein de la
Compagnie. Au total, au milieu du siècle, une minorité seulement
déploie une activité de production. Les livres édités rendent compte
d'une activité mathématique centrée sur les mathématiques mixtes
et la géométrie. En plus de la poursuite de la tradition inaugurée par
Clavius (commentaire d'Euclide, traduction des Anciens), les
ouvrages des mathématiciens français répondent aussi aux besoins
d'une monarchie à la recherche de techniciens et ingénieurs
(fortifications, hydrographie, géographie...). Au total, si les collèges de la
Compagnie n'apparaissent pas comme des espaces d'innovation
mathématique, contrairement au projet initial de Clavius, ils sont
cependant les lieux privilégiés de l'intégration des questions
scientifiques dans la culture aristocratique du XVIIe siècle.
J'ai donc cherché, dans le cadre de ce travail, à mettre en œuvre
une histoire «historienne» des sciences3, c'est-à-dire qui ne fût pas
exclusivement internaliste, mais qui, autant que les contenus
scientifiques, se proposait d'analyser, à partir d'un exceptionnel fond
documentaire, les archives de la Compagnie de Jésus, les conditions
sociales de production du savoir, les acteurs de nouvelles pratiques
culturelles, leur insertion dans un complexe jeu de l'échange qui
structurait lentement la «République des Lettres» en mutation.
Puisant aux méthodes et aux interrogations de l'histoire de l'éducation,
de l'histoire intellectuelle ou de l'histoire sociale, j'ai aussi
progressivement découvert des manières de faire de l'histoire des sciences,
et une discipline traversée, en France comme à l'étranger, par des
interrogations et des débats dont dépend son avenir. La Compagnie de

3 Si cette expression est empruntée à J. Roger, elle n'implique pas pour


autant que j'adhère à l'ensemble des positions épistémologiques qu'il développe
dans le cadre de l'article qui ouvre le recueil posthume, Pour une histoire des
sciences à part entière, Paris, 1995, 472 p.
4 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

Jésus est incontestablement l'un des objets sur lesquels se sont


exercées, dans les dix dernières années, ces différentes pratiques, -
contribuant ainsi largement au renouvellement de l'historiographie
jésuite4 -, et l'apport de tous ces travaux, dans leur singularité et leur
diversité, a été décisif dans la construction de ma propre réflexion
ou de mon approche. Reste que le travail d'analyse épistémologique
et méthodologique sur l'histoire des sciences doit se poursuivre et
que, pour l'heure, dans la caractérisation «historienne» de ma
démarche, je ne souhaite qu'insister sur la place accordée aux
sources5, qui ont non seulement conditionné les méthodes de
travail, mais aussi les types d'approche proposés.
La pluralité des approches, à partir du corpus jésuite, a donc été
un choix. Il implique que les pistes ouvertes n'ont pas
systématiquement été suivies avec exhaustivité. Il faudra donc lire les pages qui
suivent comme rendant compte d'un état de la reherche sur la
Compagnie de Jésus dans son rapport au procès de modernisation
de la science6. Aussi, le choix de publier à ce stade de la recherche
correspond moins au désir de proposer des résultats certains qu'au
sentiment de pouvoir avancer certaines hypoyhèses, à partir
desquels de nouvelles recherches verront le jour.

Sources manuscrites.
Un corpus hétérogène pour une approche plurielle
de l'histoire de l'enseignement des mathématiques

Tout au long de ce travail, la question des sources a revêtu un


caractère primordial : d'abord parce que celles-ci affirment
clairement la vocation et la filiation historienne de ma démarche, ensuite
parce qu'elles n'appartiennent pas à un corpus a priori constitué.
Dans la mesure où le sujet de ce livre ne relève strictement d'aucune
discipline constituée, il repose sur des sources manuscrites ou
imprimées qui sont aussi bien des textes normatifs que des travaux
scientifiques; dans la mesure où il a pour cadre un ordre
international, les documents dont il impose l'étude se trouvent autant à

4 Je ne développe pas ici la liste des contributions sur la question, qui


figurent elles aussi dans la bibliographie qui accompagne ce travail.
5 C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité compléter cette introduction par
la présentation analytique des fonds explorés, laissant ainsi au lecteur le choix de
s'engager directement dans l'étude ou alors celui de faire ce détour qui explique
bien des limites et des silences qui jalonnent le texte.
6 Le simple fait de jouer sur des échelles différentes, centre/périphérie,
collège/province/assistance, individu/communauté jésuite/communauté savante,
rendait impossible le suivi systématique de tous les dossiers. Il permettait
cependant de multiplier les angles d'approche et d'en analyser la complémentarité.
INTRODUCTION 5

Rome qu'en France; dans la mesure où son objet, les


mathématiques, n'occupent qu'une place mineure dans l'ensemble des
activités déployées par la Compagnie, les archives n'en parlent
qu'accessoirement. La constitution du corpus des sources s'est opérée dans
la progressive appropriation du sujet. De même qu'est centrale l'idée
de l'hétérogénéité de ce corpus, de même il importe de souligner que
c'est cette hétérogénéité qui a progressivement imposé la pluralité
de l'approche et des interrogations que j'ai tentée de mettre en
œuvre dans les pages qui suivent.
Pour quiconque engage une recherche sur la Compagnie de
Jésus dans son rapport au procès d'éducation dans l'Europe moderne,
un constat s'impose rapidement : depuis les origines, l'ordre a veillé
à construire sa mémoire, ce qui explique l'abondance des sources
encore disponibles actuellement; depuis sa création et continûment
jusqu'à nos jours, il a cherché à conserver et à écrire son histoire,
léguant ainsi aux historiens un double patrimoine manuscrit et
imprimé, ce dernier s'inscrivant dans une lignée apologétique et/ou
scientifique. C'est à cette seconde catégorie qu'appartiennent les ouvrages
qui seront présentés ici, véritables guides pour la recherche, qui
permettent sinon de construire directement un corpus de sources, du
moins d'en dégager les grandes lignes et de repérer les lieux
privilégiés de l'accumulation de l'information7.
Le premier en date, la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus,
doit son existence à Carlos Sommervogel8 qui entre 1890 et 1900 a
publié 9 volumes consacrés à tous les membres de l'ancienne
Compagnie auteurs de textes édités ou simplement manuscrits : son
travail reprenait, en la complétant largement, la tradition inaugurée
dès le début du XVIIe siècle par Ribadeneira9. Pour chaque membre

7 D'autre part, l'évolution de certains domaines de la recherche en histoire, -


et notamment en histoire de l'éducation -, a permis d'en concevoir d'autres,
complémentaires dans leur approche des sources. Voir à ce propos l'analyse de
J. Verger, au début des années quatre-vingt, dans le cadre de Histoire de
l'éducation, la revue qui a contribué au renouvellement de cet objet, «Tendances
actuelles de la recherche sur l'histoire de l'éducation en France au Moyen Âge (XIIe-
XVe siècles)», Histoire de l'éducation, vol. 1, 1980/6, p. 9-33.
8 C. Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Première partie :
Bibliographie, par les P. P. Augustin et A. de Backer. Seconde partie : Histoire
par le P. A. Carayon.
I-IX - Bibliographie, Bruxelles-Paris, 1890-1900.
X - Tables de la première partie, par le P. P. Bliard, Paris, 1909.
XI - Histoire, par le P. P. Bliard, Paris, 1932.
XII - Corrections et additions, par E. M. Rivière, Toulouse, 1911-1930.
9 P. Ribadeneira, Catalogus scriptorum religionis Societatis Iesu, secunda edi-
tio, plurimorum scriptorum accessione locupletior, Anvers, 1613, 230 p. Pour une
analyse de cette littérature, J. Fabri, «L'art bibliographique à un tournant : le
Catalogus de Ribadeneira», De guden Passer, 1963, p. 94-127.
6 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

de l'ordre, l'auteur propose une brève notice biographique, s'arti-


culant autour de quelques constantes : dates de naissance, d'entrée
dans l'ordre, de mort; principales étapes du cursus au sein de
l'institution, différentes fonctions exercées dans le monde. A la suite de la
notice, C. Sommervogel établit la liste des écrits du personnage, en
prenant soin de distinguer textes édités, manuscrits et
correspondance.
Ce long travail de collection documentaire constitue un
indispensable instrument de travail dans la mesure où son auteur indique
presque systématiquement les lieux de conservation des sources
manuscrites. Il intègre en outre à l'ordre alphabétique nominal une
note sur les différents collèges (l'entrée s'effectue au nom de la ville
où est installé l'établissement) amenés à faire œuvre de publication
dans certaines circonstances10. L'ouvrage est doté en outre d'un
appareil critique complémentaire qui en facilite l'usage11.
Pour l'étude des collèges français, champ privilégié de l'analyse,
la Bibliothèque se trouve utilement complétée par un ouvrage
relevant de cette même veine d'érudition, Les établissements des Jésuites

10 Les annonces de soutenance de thèses relèvent par exemple de ce


classement.
11 Ce travail résulte des successeurs de C. Sommervogel qui ont ajouté trois
nouveaux volumes, maintenant intégrés à part entière dans la Bibliothèque : le
volume X est principalement constitué des «Tables de l'ouvrage» et propose entre
autres un index analytique que j'ai largement utilisé pour sa rubrique «Sciences-
Arts». Il recense les ouvrages «scientifiques» classés selon les catégories
suivantes : généralités, sciences mathématiques, astronomie, sciences physiques et
chimiques, sciences naturelles. Sur soixante-trois pages, P. Bliard offre un fichier
d'ensemble de la production scientifique jésuite depuis sa création jusqu'en 1900,
outil de travail de toute première importance par rapport à mon sujet. Il invite en
effet à construire un corpus homogène, une «bibliothèque scientifique nationale
ou diachronique de la Compagnie» susceptible de nourrir de nombreuses
interrogations, centrales en regard de ma problématique. En outre, cette
«bibliothèque» peut singulièrement s'enrichir des neuf premiers volumes eux-mêmes,
permettant en effet de passer des livres aux hommes de la Compagnie, et d'établir
un fichier des «jésuites mathématiciens» de l'ordre. Le volume XI est composé
d'une collection des documents relatifs à la Compagnie, gigantesque fichier de
sources classées par aires géographiques. Est-il besoin d'insister sur le caractère
indispensable et irremplaçable de cet outil de travail, qui promet une profonde
complémentarité avec les volumes précédents. C'est lui qui permet d'aborder,
pour la première fois, les sources documentaires conservées pour les
établissements d'enseignement. Ce onzième volume constitue donc un véritable guide des
sources, à partir duquel il devient possible de construire un relevé systématique
des lieux d'archives à consulter. Ainsi un bon usage «du» Sommervogel invite à
considérer comme non négligeables un ensemble de sources de natures diverses
(état civil, archives administratives de la Compagnie par exemple) susceptibles
d'apporter des éclairages tant sur les collèges que sur les hommes eux-mêmes.
INTRODUCTION 7

en France depuis quatre siècles12. Ce dictionnaire a été édité en 1940


sous la direction de P. Delattre, à l'occasion du quatrième centenaire
de la fondation de l'ordre. Tout au long des 5 volumes, sont
collectées, selon un classement alphabétique par villes, et pour chaque
établissement de la Compagnie, des notices historiques complétées
par la liste chronologique des responsables administratifs (il s'agit
des recteurs pour les collèges). En outre, chaque article est
systématiquement suivi d'une liste de sources et d'indications
bibliographiques, qui reprennent et élargissent les informations «du» Som-
mervogel. Sont à noter aussi les entrées par noms de provinces, qui
permettent de reconstituer aisément les différentes phases de
l'histoire de la Compagnie en France. Comme le volume XI de la
Bibliothèque, ce second ouvrage présente l'intérêt d'un éclairage différent
sur les sources. Adoptant le point de vue de l'histoire des
établissements, ce répertoire indique d'autres lieux d'investigation : les séries
C des Archives Départementales qui, conservant d'autres types de
sources, mettent l'accent sur d'autres problèmes, soit de nature
institutionnelle (une création de chaire de mathématiques, la question
du recrutement des professeurs...), soit de nature pédagogique
(matériel utilisé par les «collégiens», cahiers d'élèves...), soit de nature
scientifique (la réalisation de l'observatoire de tel établissement, les
équipements de tel laboratoire...). En somme, c'est une autre voie
pour la recherche qui est indiquée. Elle permet de dégager les
grandes lignes d'une géographie scolaire, celle des collèges où a été
pratiqué un enseignement scientifique à l'époque moderne.
Pourtant, le livre le plus important pour cette recherche, par
l'originalité de son propos et l'ampleur du travail accompli, est aussi
l'un des plus récents produits de l'historiographie jésuite. Émanant
directement du centre de publication de l'ordre, l'Institutum Histori-
cum Societatis Jesu, les Monumenta Paedagogica Societatis Iesu sont
le fruit de la ténacité et de l'immense érudition de L. Lukacs,
principal spécialiste de l'histoire de la Ratio studiorum. Car c'est bien
l'objet central de ces sept volumes publiés entre 1965 et 1992 que l'étude
minutieuse et exhaustive de la genèse de ce texte fondateur de
l'identité de la Compagnie sur le plan éducatif. Pourtant l'auteur n'entend
pas écrire cette histoire, il la donne à lire à travers la publication des
documents les plus directement significatifs du premier demi-siècle
de formation de l'ordre. Ce travail permet véritablement de plonger
au cœur des archives jésuites, celles qui sont presque exclusivement
conservées à Rome, à l'Archivum Historicum Societatis Jesu : c'est à

12 P. Delattre dir., Les établissements des Jésuites en France, depuis quatre


siècles, Enghien, 1940, 5 vol.
8 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

travers lui notamment qu'est perceptible la diversité des types de


sources conservées, leurs intérêts respectifs, l'ampleur du terrain à
baliser. En effet, procédant selon un découpage chronologique qui
s'ouvre sur les premières expériences d'enseignement dans les
années 1550, et qui se ferme sur la Congrégation générale de 1615 au
cours de laquelle le texte de la Ratio se trouve définitivement
entériné, L. Lukacs propose en premier lieu une édition des premiers
règlements intérieurs, qui précèdent la rédaction du texte commun,
ainsi que des comptes-rendus de visites effectués, à la demande du
Père général, dans les nouveaux établissements créés à travers le
monde. Dans ces quatre premiers volumes, il propose aussi une
vaste sélection de lettres, tant romaines que périphériques, qui sont
autant d'échos du vaste dialogue engagé dans la Compagnie autour
de la Ratio. Dans le volume 5, il restitue, avec leurs variantes, les
trois textes des trois versions de 1586, 1591 et 1599, offrant ainsi
l'opportunité d'une étude précise de l'évolution de la règle et de ses
enjeux. Enfin, les deux derniers volumes proposent une sélection des
principaux textes explicatifs de cette genèse mouvementée. Les
pièces éditées mettent en évidence les principaux acteurs de ce
processus, comme elles pointent les discussions et tensions sous-ja-
centes à ce travail collectif d'élaboration d'une norme éducative
garante du maintien de l'unité dans une pluralité de l'apostolat
universel.
Cette rapide présentation met en évidence l'importance du
travail accompli comme elle souligne, du fait du caractère partiel de
l'édition, - ce qui est légitime, vue l'ampleur des matériaux
toujours disponibles -, son caractère partial. Je n'en prendrai ici
qu'un seul exemple qui ne relève d'aucun parti pris spécifique :
dans de nombreuses situations, l'auteur a préféré éditer des
extraits de documents, plutôt que leur intégralité. Si en
privilégiant tel passage plutôt que tel autre, il a toujours essayé d'en
préserver l'originalité, il n'en demeure pas moins que sa grille de
lecture ne correspond pas nécessairement à la mienne. Ainsi, la
question des mathématiques en tant que discipline d'enseignement se
profile dans la publication de L. Lukacs, mais c'est la dimension
romaine du problème qui est davantage mise en évidence : pour
les provinces, elle ne se pose pas de manière aussi récurrente. Il
ne s'agit pas ici de critiquer les choix opérés par l'historien de la
Compagnie : au contraire, on soulignera l'importance des
Monumenta Paedagogica Societatis Iesu pour une réelle connaissance de
la genèse de la vocation enseignante de l'ordre, à l'abri de toute
polémique. Pour cette recherche, L. Lukacs aura été autant un
guide des archives romaines, qu'un éditeur de sources, ouvrant la
voie à des perspectives comparatives, susceptibles de mettre en
évidence des spécificités françaises.
INTRODUCTION 9

Ce travail, loin d'être un cas isolé, souligne au contraire un


souci constant d'édition des sources qui prévaut dans la
Compagnie depuis la fin du XIXe siècle. Une première opération de
publication des textes accompagnant l'élaboration de la Ratio a été
tentée en 1901, dans un unique volume au même titre que celui de
L. Lukacs13. Dès avant le jésuite allemand G. -M. Patchler publiait
les Monumenta Germaniae paedagogicau . Mais ces précisions ne
prennent tout leur sens que si elles sont rapportées à la
bibliothèque des Monumenta Historica Societatis Jesu, dont les
Monumenta Paedagogica Societatis Iesu ne constituent qu'une série, au
même titre que les Monumenta Ignatiana, ou les Monumenta pri-
morum sociorum15. En fait, depuis 1894, «l'Institutum Historicum
Societatis Jesu s'emploie à publier les textes ayant valeur
normative, conservés aux Archives Romaines, à commencer par les plus
anciens»16. Autant dire que depuis un siècle la Compagnie tente de
rendre disponibles ses sources à un large public : les Monumenta
Historica correspondent donc à un souci qui, comme le suggèrent
les titres précédemment cités, dépasse largement la question
pédagogique.
Depuis 1984, et de manière encore incomplète à l'heure actuelle,
les chercheurs s'attachant à l'histoire de l'éducation et de
l'enseignement en France disposent d'un outil de travail lui aussi
particulièrement précieux, Les collèges français, résultat des recherches de
D. Julia et de M. -M. Compère : ce travail de longue haleine dont
l'édition n'est pas encore totalement achevée, opère un recensement

13 Monumenta Paedagogica Societatis Jesu quae primant Rationem studiorum


praecessere, Rome, 1901.
14 G. -M. Patchler, Monumenta Germaniae paedagogica, t. 1 : Ratio studiorum
et institutiones scholasticae Societatis Jesu (1541-1599), Rome, 1887; t. 2 : Ratio
Studiorum 1586, 1599, 1832, Rome, 1887; t. 3 : Ordinationes generalium et ordo
studiorum generalium (1600-1772) , Rome, 1890; t. 4 : Monumenta quae pertinent
ad gymnasia, convictus (1600-1773) itemque ad Rationem studiorum 1832, Rome,
1894.
15 Pour une histoire complète des MHSJ, voir dans la bibliographie réalisée
par L. Polgar, Bibliographie sur l'histoire de la Compagnie de Jésus, op. cit., vol. 1,
p. 43-46. L'ensemble des volumes publiés dans cette collection s'élève aujourd'hui
à 144. Ils ont eu le souci de proposer une documentation éditée aussi bien des
sources fondatrices des spécificités de l'ordre (c'est le cas des Monumenta
Ignatiana ou des Monumenta paedagogica), que de celles qui concernent les missions :
celles du Pérou, du Mexique, du Brésil, de la Nouvelle France, de l'Orient, du
Japon se composent de plusieurs milliers de pages éditées par les soins des
historiens de l'Institutum Historicum Societatis Jesu. L'autre collection de
l'Institutum, la Bibliotheca Instituti Historici Societatis Iesu, a la vocation de publier des
travaux jésuites consacrés à l'histoire de l'ordre, au total plus de cinquante titres
à ce jour.
16 F. de Dainville, L'éducation des Jésuites, XVIe-XVIIIe siècles. Textes réunis et
présentés par M. -M. Compère, Paris, 1978, p. 340.
10 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

systématique des établissements d'enseignement de la France


d'Ancien Régime, selon un découpage régional qui correspond aux
quatre volumes de l'ouvrage17. Ainsi chaque école est présentée dans
un souci de continuité chronologique qui a l'avantage pour nous
d'un suivi en amont et en aval de l'épisode jésuite. En outre, les
auteurs accompagnent la note consacrée à chaque établissement
d'indications de sources classées selon un ordre précis. Remarquable
par son triple caractère exhaustif, synthétique et scientifique,
l'ouvrage de D. Julia et M.-M. Compère représente le dernier point
d'ancrage de ma recherche. Il est d'autant plus précieux qu'il n'émane
pas des milieux jésuites et n'est pas centré, quant à son objet, sur la
seule Compagnie de Jésus. Sa consultation a permis d'éclairer des
contextes locaux, de concurrence entre établissements jésuites et
non jésuites et de relativiser certaines situations décrites par les
seules sources jésuites. Ainsi, tout en permettant de mesurer
précisément dans l'histoire de l'éducation du monde moderne, la place et
le rôle de l'ordre fondé par Ignace de Loyola, D. Julia et M.-
M. Compère ont inscrit le passage des jésuites français à la tête des
collèges, dans une continuité historique que l'ouvrage de P. Delattre
n'évoque pas. En tant qu'instrument de travail, cet ouvrage, dont les
tomes 3 et 4 m'auront considérablement fait défaut, vient cependant
confirmer l'existence d'un corpus homogène de sources sur le thème
des collèges.

Les sources manuscrites de l'Archivum Romanum Societatis Iesu

Avec les jésuites, nous sommes confrontés à un patrimoine


textuel considérable qui doit son existence aux modalités mêmes de
fonctionnement et d'organisation de l'ordre, chaque établissement
s'inscrivant dans une hiérarchie administrative qui subdivise
l'espace jésuite en assistances à l'échelle des états, et en provinces sur le
plan régional.
Le double souci de contrôle et de rationalisation des rapports
entre les établissements a nécessité la mise en place d'un complexe
réseau de relations et de communication, composé de différents
types de documents. D'autre part, comme le rappelle L. Giard :
Le système de correspondance à un rythme soutenu (a) été voulu
par Ignace lui-même [...]. A travers le réseau tout entier, circulent en
masse des informations sur les professeurs, les doctrines à enseigner,
les matières au programme, le temps à leur consacrer, les manuels à

17 D. Julia et M.-M. Compère, Les collèges français, 16e-18e siècles, t. 1 : La


France du Midi, Paris, 1984, t. 2 : La France du Nord et de l'Ouest, Paris, 1988.
Sont attendus dans les années à venir les deux derniers tomes, dont le quatrième
est exclusivement consacré à Paris.
INTRODUCTION 11

utiliser, les méthodes et les résultats obtenus. Ici, la pratique


s'articule aux principes, la périphérie dialogue avec le centre, réclame des
modifications, demande des conseils ou des directives, narre les
conflits de personnes, explique les difficultés locales [...], suggère de
nouvelles procédures, informe de décisions urgentes qu'il a bien fallu
prendre sans pouvoir consulter le gouvernement romain18.
Ainsi, on peut considérer que les modalités mêmes de
l'organisation de la relation centre-périphérie constituent un élément
spécifique d'engendrement des sources.
Cet ensemble forme un fonds d'archives d'une exceptionnelle
richesse et d'une remarquable continuité, celui que la Compagnie de
Jésus a constitué, conservé et soigneusement enrichi depuis sa
fondation. Principalement déposé au siège romain de l'ordre,
l'Archivum Romanum Societatis Jesu19, ce fonds composé de plusieurs
milliers de registres, qui coUationnent les documents originaux et
originels, n'a pas fini de livrer ses trésors à des chercheurs venus
d'horizons fort divers20.
Pendant longtemps, il a été difficile d'accès car aucun inventaire
n'en avait été dressé : seul l'article d'E. Lamalle en proposait une
présentation synthétique dépuis 198021 et, pour le reste, sa mémoire
et sa connaissance du terrain en faisaient un vivant catalogue22.
Depuis sa mort, l'important effort de présentation et d'ouverture à la

18 L. Giard, «La constitution du système éducatif jésuite», extrait de O. Wei-


jers éd., Etudes sur le vocabulaire intellectuel du Moyen Age, VI, Vocabulaire des
collèges universitaires (XIIIe-XVIe siècles). Actes du colloque de Leuven, 9-11 avril
1992, Turnhout, 1993, p. 140.
19 II s'agit, en fait, des archives du généralat, installé à Rome depuis les
origines de la Compagnie. Aussi conserve-t-il les documents correspondant au
gouvernement central. Voir W. Gramatowski, Glossario gesuitico, exemplaire
dactylographié, Rome, 1992, p. 9. Ce fonds a souffert des aléas de la complexe relation
entre la Compagnie et le pouvoir politique italien. Ainsi, lors de l'invasion
napoléonienne, il a été une première fois mis a l'abri dans l'ancienne maison professe
de Rome, puis en 1873, il a été partiellement confisqué par le jeune Etat unifié, et
la partie conservée a été transférée et restructurée aux Pays Bas. En 1924, la
restitution des archives confisquées en 1873 a été à l'origine du Fondo gesuitico de
l'Archivum Romanum Societatis Iesu. Dans les années qui ont suivi cette
restitution, les papiers évacués aux Pays-Bas ont retrouvé le sol romain, dans les
bâtiments mêmes de la Curie générale, nouvellement construite. Voir W.
Gramatowski, Inventarium ARSI. Manuscripta Antiquae Soc. Pars I : Assistentiae et Provin-
ciae, exemplaire dactylographié, Rome, 1992, p. II-III.
20 Sur les origines de cette structure, voir E. Lamalle, «L'archivio di un
grande ordine religioso. L'archivio Generale della Compagnia di Gesù», Archivia
Ecclesiae, voi. 82, 1981, p. 92-120.
21 Ibid.
22 II ne faut pas oublier d'ajouter à cette présentation son article plus ancien
et centré sur les missions : E. Lamalle, «La documentation d'histoire
missionnaire dans le «Fondo gesuitico» aux Archives romaines de la Compagnie de
Jésus», Euntes docete, vol. 21, 1968, p. 131-176.
12 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

communauté scientifique de ces archives privées, a été développé


par W. Gramatowski, directeur de l'Archivum Romanum Societatis
Iesu, puis par son successeur : en effet, sont disponibles
aujourd'hui, pour tous les chercheurs se présentant aux archives, différents
inventaires dactylographiés, élaborés ces dernières années. Par
exemple, Ylnventarium ARSI. Manuscripta Antiquae Soc. Pars I : As-
sistentiae et Provinciae, réalisé en 1992 a particulièrement guidé mon
investigation. Malgré le caractère rudimentaire de la description des
volumes recensés, il constitue un outil de travail indispensable pour
une première approche des textes conservés23. On comprendra
rapidement la difficulté objective qui existe dans le repérage des
sources à l'Archivum Romanum Societatis Iesu en consultant la liste
des sources, en fin de volume24. Pourtant, cet inventaire établi par
W. Gramatowski se trouve largement complété par les sommaires
détaillés qui accompagnent la plupart des volume répertoriés : longs
de plusieurs pages, ils ont pour la plupart été dressés dans les
années 1920, sans doute par l'archiviste de cette époque. Leur caractère
indispensable apparaît notamment lorsqu'il s'agit de consulter les
registres de correspondance, dont il sera bientôt question.
Le problème majeur des fonds de l'Archivum Romanum
Societatis Iesu, par rapport à un sujet aussi «périphérique» que celui de

23 Ce répertoire dactylographié, qui ne concerne que l'ancienne Compagnie,


n'est actuellement accessible qu'à l'Archivum Romanum Societatis Iesu :
organisé par ensembles géographiques, il propose une schématique description de
chacun des registres. Pour la France, le descriptif se trouve p. 66-75. La cotation du
fonds obéit à une logique qui va du général au particulier. Sont cotés GALLIAE
(GAL. 1 à GAL. 121), les documents qui concernent l'ensemble de l'assistance (les
listes des profès des quatre vœux, celles des coadjuteurs spirituels, temporels, les
lettres du général, des dossiers concernant les relations avec la France, les
documents concernant les missions), puis les sources concernant spécifiquement les
différentes provinces sont classées dans les registres FRANCIAE (FRANC. 1 à
FRANC. 50), AQUITANIAE (AQUIT. 1 à AQUIT. 23), LUGDUNENSIS (LUGD. 1
à LUGD. 40), TOLOSANAE (TOLOS. 1 à TOLOS. 26), CAMPANIAE (CAMP. 1 à
CAMP. 39). Les dates différentes de création des provinces expliquent que les
documents concernant certains établissements puissent se trouver dans des séries
différentes. On trouvera en fin de volume la liste complète des registres consultés.
Pour leur description, nous reprendrons les indications de Ylnventarium.
24 D'autres inventaires, eux aussi uniquement consultables à l'Archivum
Romanum Societatis Iesu, m'ont été d'une grande utilité. Ainsi l'Index Inventarii
Manuscriptorum. Pars I, Antiquae Companiae, 1540-1773 (Rome, 1991), permet de
repérer les fonds conservés : outre les documents par assistances et provinces, on
trouve les actes de congrégations provinciales {Congregationes), la série des
lettres adressées par les différents généraux aux pères (Epistolae generalium ad
nostros), les biographies manuscrites rédigées pour un compagnon important
(Vitae), les papiers personnels de certains jésuites (Operae nostrorum). Notons,
pour finir, que sont disponibles certains inventaires manuscrits correspondant à
ces différentes séries.
INTRODUCTION 13

l'enseignement des mathématiques dans les premiers collèges de la


Compagnie, réside dans la difficulté à trouver du matériel. Dans la
masse des documents conservés, il n'existe aucune source
spécifiquement consacrée à ce sujet. Il me fallait chercher à la fois les
éléments de la constitution d'une géographie des chaires de
mathématiques en France à partir des année 1550 et les sources de
l'organisation pédagogique et scientifique de cet enseignement sur le siècle
envisagé, sans qu'un fonds particulier y fût consacré. Dans la
présentation qui suit, je n'ai retenu que les séries directement utilisées
pour ce travail.
A dominante principalement administrative, elles se subdivisent
cependant en deux grandes catégories, celle qui regroupe le matériel
de chaque province, celle qui recueille les documents s'occupant de
l'entière Compagnie. Dans la première, trois types de sources ont, en
premier lieu, retenu mon attention : elles correspondent, comme le
précise E. Lamalle, à l'ensemble de la correspondance ordinaire
reçue à Rome et classée par aires géographiques25.
- Les catalogues26
Les registres du personnel des divers établissements
représentent sans aucun doute les plus connues des sources jésuites.
Comme le rappelle A. Demoustiers, leur fonction et leur organisa-

25 E. Lamalle, «L'archivio di un grande...», art. cit., p. 96. Profitons de cette


mention, pour déplorer le choix fait, dans les premières années du XVIIe siècle,
de détruire une importante partie de ces sources. La remarque d'E. Lamalle sur
la volonté de faire disparaître la trace de nombre de tensions entre les pères, du
temps du général Claude Acquaviva, ne manque pas d'intérêt : voir p. 96, note 22.
26 W. Gramatowski, Glossario..., op. cit., p. 12-13 :
«Catalogues : les Provinciaux envoient à Rome, vers la fin de l'année, l'état
du personnel de chaque maison ou Catalogus brevis. La date de compilation est
indiquée de différentes manières : a) lucalibus, vers le 18 octobre, fête liturgique
de Saint Luc et début de l'année scolaire; b) exeunte anno, à la fin de l'année
civile; e) inuente anno, au début. (...) Le catalogue Triennale, destiné à informer sur
la carrière et l'attitude de chacun des membres ainsi que sur l'état matériel des
maisons est triple : le Primus indique a) les généralités sur chacun : nom,
prénom, lieu d'origine, âge, état de santé, années de vie religieuse, études extra Socie-
tatem (...); b) études dans la Société; c) ministeria = tâches effectuées et durée de
ces tâches, grades universitaires, grade religieux et date des vœux définitifs. (...)
Le Secundus, réservé au Provincial et au Général, notamment pour la
nomination des supérieurs, propose une évaluation des qualités de chacun : intelligence,
jugement, prudence, expérience, tempérament, comportement. Bien que signé
par le Provincial, ce catalogue est généralement compilé par le supérieur local. Il
faut en user avec esprit critique et prudence. Le Tertius décrit les dépenses et
entrées de chaque maison (...)». La question de la datation est essentielle pour tout
lecteur qui cherche à constituer des prosopographies, car à ne pas considérer
attentivement ce problème, il risque de commettre des erreurs.
14 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

tion sont précisées dès les Constitutions21. Listes annuelles ou


triennales des membres de l'ordre pour chacun des établissements tenus
par la Compagnie de Jésus, elles fournissent des précisions
variables. Celles qui sont établies chaque année, les catalogi brèves, ou
annuels, sont rudimentaires : un nom, une fonction28. Les catalogi
triennales établissent pour chaque membre un curriculum vitae plus
riche : y figurent en effet les lieux et date de naissance, un état de la
santé, la date d'entrée dans l'ordre, des informations sur l'itinéraire
intellectuel (études, lieu, durée), ainsi que les différents postes
occupés dans la Compagnie (nombre d'années passées à enseigner telle
discipline, prédication, tâches administratives...). Présentées dans
des tableaux très tôt standardisés29, toutes ces précieuses indications
constituent les éléments d'une première liste, le catalogus primus,
qui est en principe complété par le catalogus secundus dans lequel
est dressé un portrait «psychologique» de chacun des compagnons :
utile au général qui doit nommer des supérieurs, il renseigne sur les
différentes aptitudes et qualités des pères. Le troisième volet,
catalogus rerum ou tertius doit donner un état détaillé de la situation
matérielle des établissements30.
Il convient de préciser que ces documents originaux ne font pas
aujourd'hui l'objet d'un classement spécifique dans les fonds de l'Ar-
chivum Romanum Societatis Iesu : ils figurent aux côtés d'autres
types de sources, notamment celles qui seront évoquées ci-dessous.
Aussi leur dispersion sur plusieurs dizaines de registres en rend
parfois l'accès malaisé. En outre, tous les catalogues n'ont pas été
conservés, et leur disparition ou destruction, pour certaines années
du XVIe siècle notamment, constitue une perte irrémédiable pour

27 A. Demoustier, «Les catalogues du personnel de la province de Lyon en


1587, 1606 et 1636», AHSI, vol. 42, 1973, p. 3-4 :
«La huitième partie des Constitutions des jésuites qui traitent de «ce qui
peut aider à l'union des cœurs», se termine par une description sommaire des
procédures administratives à mettre en œuvre. Elle s'achève par une dernière
exigence : « Pour une meilleure information de tous, chaque maison et chaque
collège enverront tous les quatre mois au provincial une brève liste, en double
exemplaire, de tous ceux qui vivent dans la maison et de ceux qui sont morts [...]. Ainsi
sera-t-il possible d'avoir une plus grande connaissance des personnes, et de
mieux diriger tout le corps de la Compagnie pour la gloire de Dieu Notre
Seigneur».
28 Mais, comme le rappelle E. Lamalle, ils constituent le plus souvent
l'unique source à partir de laquelle il est possible de suivre, pour de longues
périodes, la vie ordinaire des établissements, voire de retracer la carrière de
nombreux religieux : «L'archivio di un grande...», art. cit., p. 100.
29 Voir L. Lukacs, «Le Catalogue-modèle du P. Lainez», AHSI, vol. 26, 1957,
p. 57-66.
30 Pour une analyse plus précise de la genèse de cette documentation
exceptionnelle, voir A. Demoustier, art. cit. J'ai joint, en annexe, quelques
reproductions de ces différents catalogues.
INTRODUCTION 15

l'historien. Rédigés exclusivement en latin, ils étaient à l'origine sur


des feuilles simples, de format variable selon les lieux et les époques.
Avec la croissance du nombre des jésuites dans chaque
établissement, ils ont dès la fin du XVIe siècle pris la forme de fascicules,
établis directement à l'échelle provinciale et fréquemment
accompagnés d'un index en facilitant considérablement la consultation.
Nombre d'historiens de l'ordre se sont, depuis le XIXe siècle,
assignés comme objectif de publier ces catalogues du personnel ou de
construire des biographies tirées de ces sources : on retiendra, pour
la France, les travaux de L. Carrez sur la province de Champagne31.
On notera aussi qu'aujourd'hui encore, les historiens de la
Compagnie, s'appuyant sur des critères scientifiques correspondant aux
normes les plus actuelles, continuent à faire ce travail notamment
pour les provinces mal connues. L'exemple le plus récent de ce type
d'historiographie est fourni par la publication en 1992 des
Monumenta Angliae par T.-M. Me Coog32. Remarquons de plus que, dans
sa Bibliothèque, C. Sommervogel continue à présenter ses
biographies selon les mêmes critères que ceux qui furent retenus pour ces
catalogi primi. Enfin, F. de Dainville avait utilisé ce premier type de
source pour l'une de ses plus importantes contributions à l'histoire
des mathématiques à l'époque moderne, «L'enseignement des
mathématiques dans les collèges jésuites français du XVIe au XVIIIe
siècles»33. En annexe de cet article, il publiait la liste exhaustive des
occupants des chaires de mathématiques des établissements jésuites
pour l'ensemble de la période 1600-1762, offrant ainsi aux
chercheurs un matériau de premier ordre34.
L'intérêt encore actuel porté à ce type de publication correspond
à l'objectif de construire de véritables outils de travail, accessibles à
la communauté scientifique la plus large. Cette documentation
exceptionnelle ouvre la voie à des enquêtes prosopographiques
susceptibles d'alimenter de manière originale des recherches en histoire de
l'éducation consacrées aux personnels, ainsi que d'importants
travaux sur l'histoire sociale et culturelle de l'Europe moderne. Comme
j'aurai en effet l'occasion de le montrer, ces listes des personnels
permettent de reconstituer des itinéraires individuels, retraçant non
seulement les différentes étapes d'une carrière dans la Compagnie,

31 L. Carrez, Catalogi sociorum et offïciorum Provinciae Campania..., op. cit.,


dont la Première Guerre Mondiale a interrompu l'édition : seuls les dix premiers
volumes se trouvent aujourd'hui disponibles.
32 T.-M. Me Coog, Monumenta Angliae. I : English and Welsh Jesuits :
Catalogues (1555-1629), Rome, 1992, 548 p.
33 Cit., p. 323-354.
34 Ce travail a été corrigé sur quelques points par K. A. F. Fischer, « Jesuiten-
mathematiker in der franzôsischen und italienischen Assistenz bis 1762 bzw
1773», AHSI, vol. 52, 1983, p. 52-78.
16 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

mais aussi, par comparaison avec d'autres parcours personnels, les


principales phases d'une insertion dans un milieu intellectuel
donné. Aussi, seule une large diffusion de ces sources en généralisera
l'usage.

- Les Litterae
L'Archivum Romanum Societatis Iesu abrite pourtant bien
d'autres richesses : ajoutons à ces catalogues, dont le premier en
date pour la France remonte à 156635, les états des lieux dressés à
échéances régulières par les responsables locaux pour l'information
du centre romain, appelés d'abord Litterae quadrimestres, du fait de
leur rythme d'envoi, puis Litterae annuae. Il est particulièrement
regrettable pour l'historien que, dès les années 1565, le général Lainez,
craignant sans doute une implosion du secrétariat général à Rome,
ait souhaité allonger la périodicité de ces rapports36. Ce sont de
véritables mines d'information, surtout pour les premiers temps, avant
qu'une certaine normalisation des rapports entre le centre et la
périphérie en codifie la rédaction. L'intérêt de cette source dépend
assurément du talent de son rédacteur, qui deviendra rapidement le
recteur de l'établissement. Mais, indépendamment des qualités de
l'homme, la richesse du document tient à la nature même de
l'apostolat jésuite : ces petits groupes d'individus qui arrivent dans telle
région, pour y fonder un établissement le plus souvent
d'enseignement, s'installent généralement dans des lieux qu'ils ne connaissent
pas, pour y déployer une action multiforme d'enseignement, de caté-
chisation, de mission, de conversion, d'assistance. Aussi, les
rapports qu'ils adressent au général, avec l'objectif de rendre compte au
mieux de la situation locale, fourmillent-ils de détails, d'anecdotes,
mais aussi d'analyses souvent pertinentes : à l'origine enquêtes
sociologiques, ethnologiques, anthropologiques, ces rapports
deviennent avec le temps des exercices de style standardisés, comme
l'indique entre autres la généralisation de l'incipit : « Summus in hoc
collegio x, cujus ... sunt sacerdotes, etc...»37. Cependant, malgré
l'enthousiasme avec lequel j'ai dépouillé cette famille d'archives, force
est de constater que les informations relatives à mon sujet n'y
abondent pas, ce qui paraît fort logique38.

35 F. Zapico, «La province d'Aquitaine de la Compagnie de Jésus d'après son


plus ancien catalogue (1566)», AHSI, vol. 5, 1936, p. 268-292.
36 E. Lamalle, «L'archivio di un grande ordine...», art. cit., p. 104.
37 La plupart des Litterae quadrimestres ont fait l'objet d'une édition dans une
série propre des Monumenta Historica Societatis Iesu : Litterae quadrimestres, vol.
I-VII, Madrid-Rome, 1896-1932.
38 Pour une appréciation globale de ces sources, voir E. Lamalle, «L'archivio
di un grande ordine...», art. cit., p. 103-104.
INTRODUCTION 17

II est en effet patent, à la lecture de ces sources, que, dans le


cadre de l'apostolat enseignant, la question des mathématiques
n'occupe qu'exceptionnellement les membres de la Compagnie. Les
raisons objectives en sont les suivantes : cette discipline ne concerne
que les établissements dispensant des leçons de philosophie. D'autre
part, les problèmes matériels qui accompagnent la naissance des
collèges dans la seconde moitié du XVIe siècle se traduisent par des
carences en hommes pour assurer les tâches d'enseignement plus
importantes. Enfin, le caractère marginal des mathématiques par
rapport aux autres disciplines supérieures, théologie ou philosophie,
justifie qu'on y prête une attention moindre. Susceptibles de livrer
nombre de connaissances, les correspondances administratives
restent globalement muettes pour mon sujet.
- Les Acta visitationis39
C'est pourquoi j'ai accordé le plus grand soin aux Acta visitatio-
nis, troisième sous-ensemble principal de l'Archivum Romanum So-
cietatis Iesu. Ces sources, comme les précédentes, se sont le plus
souvent trouvées mêlées aux catalogues du personnel, pour former
ultérieurement des registres brochés. Comme les autres documents,
elles sont rédigées en latin, langue systématiquement utilisée dans le
cas français, par opposition aux archives espagnoles ou italiennes,
qui recueillent parfois des textes rédigés en langue vulgaire.
Les Acta constituent le véritable «complément naturel» des Lit-
terae. En effet, de même que Rome attendait des provinces qu'elles
lui adressent des états des lieux réguliers par le biais des Litterae, de
même le général souhaitait s'assurer de la véracité du tableau dressé
et objectiver le point de vue des hommes de terrain en se référant au
provincial ou en nommant, au gré des circonstances, tel ou tel
jésuite «visiteur» d'un ensemble d'établissements, d'une zone ou d'une

39 «Visitatio : le Provincial doit visiter chaque année sa province. (...) Après


la visite, il envoie un rapport au Général et ce dernier y répond», dans W. Grama-
towski, op. cit., p. 57. On trouve en outre, dans i'Institutum Societatis Iesu,
op. cit., p. 85-88, une série importante de précisions sur les fonctions et
modalités de ces visites. Ainsi par exemple, la mission du provincial est précisée :
«Singulis annis per se ipsum singula loca suae provinciae visitet, cum hoc
sit valde proprium, sui officii et ibi diutius immoretur, ubi magis erit opus, prae-
sertim in loco ad communicationem cum inferioribus et Generali Praeposito
magis commodo».
Si assurément le Provincial n'a pu appliquer à la lettre cette obligation,
notamment dans la France troublée du second XVIe siècle, il n'en demeure pas
moins que cette citation exprime une volonté profonde d'unité au sein de l'ordre.
Pour une étude précise de la genèse du terme et de la codification de la fonction,
voir G. Philippaert, «Visiteurs, commissaires et inspecteurs dans la Compagnie
de Jésus de 1540 à 1615», AHSI, vol. 37, 1968, p. 8-20 particulièrement.
18 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

province40. Cette pratique était particulièrement nécessaire dans la


période d'expansion spatiale accélérée des collèges41.
Les rapports dressés à la suite de ces visites portent le nom de
Acta visitationis . Leur nature même et leur fonction justifient
largement la normalisation rapide de ce type de documents : on trouve
en effet différentes traces de ce souci de codification dans les
sources normatives de la Compagnie42. L'accent porté sur l'activité
d'enseignement explique aussi l'importance de ces visites dans le
contexte particulier du premier demi-siècle d'essor de l'ordre,
marqué par l'absence de texte normatif commun en matière
d'éducation. C'est pourquoi, les rapports de visites se présentent dans les
années 1570 sous la forme d'un tableau à trois colonnes, la première
consacrée à la description de la situation locale selon un ordre vite
devenu général, la deuxième pour les remarques adressées par le
visiteur au recteur de l'établissement, la troisième pour recueillir l'avis
du général aussi bien sur les faits que sur les propositions. J'aurai
l'occasion, à propos des Acta visitationis rédigés par E. Mercurian à
Tournon en 1571, de souligner la richesse de cette pratique43. C'est
sans doute cette documentation qui reflète le mieux une manière
proprement jésuite de procéder, dans l'établissement d'une relation
complexe et complémentaire entre centre et périphérie : on y voit en
effet le souci de construire une pratique éducative commune, ce
dont rend compte la présence du visiteur, parfois parti de Rome; on
y saisit aussi la volonté de connaître le plus précisément possible la
spécificité des contraintes locales, le plus souvent rappelées dans la
première partie de ces tableaux; on y lit enfin la souplesse des
réponses apportées par le centre, comme l'indique la part prise par le
visiteur dans la mise en œuvre de solutions originales, ou de
propositions concrètes. Certes d'autres lectures de ces sources sont
envisageables, qui privilégieraient le caractère centralisé de la démarche
ou, au contraire, sa dimension opportuniste : autant de grilles d'ana-

40 Pour un éclairage particulièrement important sur les rapports de pouvoir


et de délégation entre général, assistants et provinciaux, A. Demoustier, «La
distinction des fonctions et l'exercice du pouvoir selon les règles de la Compagnie de
Jésus», dans L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. 3-33.
41 Institution Societatis Iesu, op. cit., t. III, p. 87 :
«Postquam autem apud se omnia constituent, ex praeteritae visitationis
memoriali, ubi rerum, quae temporariae sunt, ordinationes scribitur, eas, quae exse-
cutioni mandatae fuerint, expungat. In libro vero, in quo non nisi majoris
momenti ordinationes scribendae erunt, ipse ea tantum scribet, quae cum Generali
communicaverit, et ab ipso fuerint approbata».
42 Autre extrait significatif de Ylnstitutum Societatis Iesu, le chapitre intitulé
«Instructio de iis quae in visitatione interroganda sunt», indique qu'il faut
attentivement observer le déroulement des études littéraires, paragraphes 6, 25 à 29,
op. cit., p. 87-88.
43 ARSI, GAL. 58, I, fol. 102r.-103v.
INTRODUCTION 19

lyse qui sont possibles, mais qui ne me semblent pas prendre en


compte la démarche dans son ensemble. Sans doute conviendrait-il
aussi d'opérer une lecture «internaliste» de ces actes, qui établirait
la relation entre ce type de présentation des comptes-rendus de
visites et l'organisation des relations entre les membres de la
Compagnie : les textes reflètent assurément la complexité organisationnelle
et spirituelle des rapports de hiérarchie, qu'on réduirait, à tort, à de
simples rapports de subordination44.
Quelle que soit leur interprétation, ces sources ont été souvent
déterminantes pour mon approche de la mise en œuvre du
processus éducatif dans les collèges français. Leur limite majeure réside
dans leur nature même : l'absence de régularité dans les visites rend
difficile un suivi précis des situations.
- Les Epistolae
C'est en définitive à la complémentarité des informations que
tient, par rapport à mes interrogations, l'intérêt des trois types de
sources décrites ci-dessus. Si elles ont constitué mes pôles majeurs
d'approvisionnement à l'Archivum Romanum Societatis Iesu, il n'en
demeure pas moins que j'ai porté mon attention sur d'autres textes
aussi, les lettres, d'une utilisation parfois plus difficile, mais qui,
comme le rappelle E. Lamalle, offrent un éclairage exemplaire sur
l'histoire jésuite45. Les lettres envoyées depuis Rome émanent le plus
souvent du général lui-même, celles adressées au général depuis les
provinces sont rédigées par tous les membres de la hiérarchie. Le
classement par provinces, opéré à partir des années 1570, la
constitution d'index par volumes, dans les premières décennies du XXe
siècle permettent un repérage plus aisé des interlocuteurs
recherchés. Mais le volume impressionnant de cette documentation,
l'absence de classement thématique en rendent l'usage particulièrement
lent46 : c'est sans doute dans la confrontation avec cette série que le
découragement a été le plus vif, car que pouvait-on attendre de ces

44 Voir, sur ces relations, l'article d'A. Demoustiers, déjà cité.


45 E. Lamalle, «L'archivio di un grande ordine...», art. cit., p. 112-114.
46 II ne s'agit pas d'originaux, mais plutôt de copies faites dès la réception à
Rome ou dès le départ de Rome, par un secrétaire mettant bout à bout, sur des
feuillets sans doute mobiles à l'origine, lettres et réponses, à mesure des arrivées
et des départs. Le classement, sans doute pour des raisons de clarté et de rapidité
dans les recherches éventuelles, correspond au découpage des provinces. Il faut
souligner le caractère souvent bref de ces échanges, destinés à aborder un
problème précis, le plus souvent entre le provincial et le Général, mais parfois aussi
entre le recteur et le général. Pourtant le trait le plus significatif de cette
correspondance réside dans son volume : pour les seules provinces de la France, pour
les seules années 1550-1640, il faut compter avec les registres GAL. 79 à GAL. 94,
regroupant en moyenne 500 feuillets de format in folio, couverts de lettres sur le
recto et le verso. A ceux-ci s'ajoutent les volumes FRANC. 1 à FRANC. 6,
20 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

échanges de courrier? Je pouvais formuler l'hypothèse que rien de


particulier pour le sujet ne s'y trouvait et écarter ainsi ces dizaines
de registres. Je pouvais aussi prendre le parti de tout lire, mais,
même en survolant les textes, la lenteur de la progression rendait le
projet irréalisable. Il fallait donc chercher une clé d'entrée, un fil
conducteur : force est de constater qu'aucun d'entre ceux qui ont été
testés n'est exempt de critique. J'ai donc choisi de procéder par
sondages : au gré de l'établissement d'une chronologie et d'une
géographie de l'enseignement des mathématiques en France, je me suis
concentrée sur quelques années, quelques situations
particulièrement intéressantes, à propos desquelles j'ai cherché à approfondir
les connaissances. Tel fut notamment le cas du collège de La
Flèche47 où une datation précise des premiers cours, une
identification des premiers protagonistes de cette histoire exigeaient de
dépasser les données accessibles par les seules sources classiques. J'ai
trouvé, dans la correspondance du général, des compléments
d'information susceptibles de transformer le regard porté jusqu'à
présent sur certaines situations a priori connues. Ce mode
d'investigation de la correspondance administrative demanderait à être
systématiquement renouvelé pour tous les établissements de mon
champ de recherche. La richesse de cette source, qui ne s'est révélée
que progressivement, est là pour rappeler de nouveau la délicate
gestion du fond documentaire de l'Archivum Romanum Societatis
Iesu imposée par le sujet. Les autres séries consultées m'ont permis
de réitérer ce constat. Elles recueillent des sources s'occupant de
l'ensemble de la Compagnie.
- La série des Congregationes Générales et Provinciales**

AQUIT. 1 et 2, LUGD. 1 à 6, TOLOS. 1 et 2 et CAMP. 36. Inutile de préciser que je


n'ai pas lu l'intégralité de cette correspondance.
47 Voir à ce sujet mon article, «Du Collège romain à La Flèche : problèmes et
enjeux de la diffusion des mathématiques dans les collèges jésuites (1580-1620)»,
MEFRIM, vol. 107, 1995/2, p. 576-627.
48 W. Gramatowski, op. cit., p. 18 :
«Congregatio : 1) équivalent des chapitres dans les autres ordres. Elles sont
de quatre types : a) generalis : sans date fixe. Se réunit en général pour élire le
préposé général (ou un vicaire général avec droit de succession); se réunit aussi
parfois, mais la chose a rarement eu lieu, sur convocation du général ou par
décision de la Congrégation des b) Procuratorum : triennale, instituée depuis la
seconde Congrégation générale (1565). Chaque province élit un procurateur, qui,
avec les autres, à Rome, vote, ou non, la convocation d'une congrégation
générale. A celle-ci prennent part les provinciaux et deux profès (des quatre vœux)
élus par chaque province. Pour les élections, la congrégation provinciale est
convoquée et se compose des supérieurs des principales maisons et d'un certain
nombre de profès, en fonction de leur ancienneté. Cette dernière vote aussi sur la
convocation d'une congrégation générale, mais sa voix a un caractère consultatif.
INTRODUCTION 21

Les documents en rapport avec l'organisation des


congrégations, générales ou provinciales49, ont fait l'objet d'un classement
spécifique : toutes ces sources appartiennent aux séries des Congre-
gationes Provinciales ou Générales, dont W. Gramatowski a réalisé
un double inventaire par province et par volume. Ainsi le
dépouillement de ces fonds est d'une plus grande souplesse. En outre, leur
caractère structuré en rend la lecture plus rapide. Ces Acta congregatio-
nis occupent une place particulière dans mes analyses, à mettre en
relation avec les interrogations, évoquées plus haut, sur la relation
centre-périphérie. Celles qui sont organisées à l'échelle provinciale
font nécessairement écho aux problèmes rencontrés sur le terrain
puisqu'elles ont principalement pour fonction d'adresser au général
des demandes, Postulata, qui rendent compte de circonstances
locales et permettent la confrontation active des pratiques et de la
règle. Pour l'historien, elles témoignent d'une diversité, en général
occultée par l'historiographie traditionnelle, mais sans doute
constitutive de la période de la genèse de la Ratio studiorum, comme on le
verra au cours de l'analyse.
Dans chacun des registres consultés, le nombre des folios
concernés et leur intérêt varie considérablement. J'y ai pourtant
trouvé des mentions non négligeables concernant les problèmes
d'organisation des cours de philosophie. Les postulata suscitant des
réponses de la part de Rome, il m'a été aussi possible d'analyser les
modalités de l'échange entre centre et périphérie. Il n'est pourtant
pas surprenant que les mentions concernant les mathématiques se
soient trouvées presque inexistantes.

- La série des Studia


Classées dans un ensemble de registres différents, les Studia50,
les archives concernant les débats sur la Ratio studiorum occupent

De plus, elle formule des demandes {Postulata), adressées à cette dernière ou au


général lui-même; d) «ad eligendum Vicarium temporarium...».
Voir en outre, Institutionum..., op. cit., t. II, p. 149-564 pour les
congrégations générales et p. 598-615 pour les congrégations provinciales. On dispose à
présent d'une édition anglaise des décrets des trente premières congrégations
générales : For matters of greater moment. The first thirty jesuit generai
congrégations. A brief history and a translation of the decrees, J. W. Padberg,
M. D. O'Keefe, J. L. McCarthy éds., St Louis (Miss.), 1994.
49 Voir en outre E. Lamalle, «L'archivio di un grande ordine...», art. cit.,
p. 117. Cette série compte cent volumes répartis entre les documents relatifs aux
congrégations générales (volumes 1 à 40) et ceux relatifs aux congrégations
provinciales (volumes 41 à 100).
50 Cette série regroupe des documents de différentes natures qui concernent
les études : on y trouve des actes de congrégations provinciales, comme des
programmes d'études.
22 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

une place particulière dans cette présentation des sources, même si


leur importance quantitative est moindre en regard des séries
précédemment évoquées. En effet, les travaux qui se rapportent à
l'élaboration de ce document normatif de première importance
concernent directement mes interrogations. Les textes de 1586, 1591
et 1599, élaborés à Rome, ont été soumis à la critique des
provinces51. Les registres cotés Stud. 2 et Stud. 3 m'ont particulièrement
intéressée52. Ainsi, chaque chapitre de la Ratio a fait l'objet d'un
commentaire écrit émanant de la commission ou de personnalités
particulières qui, suivant des centres d'intérêt spécifiques, des
traditions régionales et/ou intellectuelles propres, ont développé des
jugements, remarques, commentaires sur les différents problèmes
abordés par la Ratio. En centrant principalement l'attention sur les
commentaires suscités par le chapitre «De mathematicis», j'ai cherché à
déceler, dans le champ français, des sensibilités provinciales ou
personnelles particulières.
Concernant donc la version de 1586, le registre Stud. 3 abrite les
travaux des commissions des provinces de France53, Aquitaine54 et
Lyon55. Les autres documents en provenance de France ne s'atta-
chant pas à ce type de questions, je me suis contentée de les
consulter schématiquement56. Pour les versions successives du texte de
1586, j'ai consulté les quelques registres disponibles. Mais les aléas
de la conservation ne permettent pas de construire une vision aussi
synthétique des débats correspondant aux modifications du texte
pour les années 1591, 1593 et 1599.
La série des Studia, dont aucun inventaire n'existe à ce jour,
renferme d'autres documents précieux, dont l'identification n'a été
rendue possible que depuis l'achèvement de l'édition des Monumenta

51 Comme le rappelle L. Lukacs, dans l'introduction générale du volume 6


des MPSJ, p. 3* :
«In provinciis ergo factae sunt commissiones peritorum in rebus scholasti-
cis, qui, per sex menses continuos operi incubuerunt. Cujus laboris fructus sunt
plus quam viginti fasciculi crassi in AHSI servati, continentes iudicia, observa-
tiones, propositiones, petitiones, etc.».
52 ARSI, Stud. 2 : Variarum provinciarum judiciae de Ratione Studiorum
1586-1600, 225x175, 378 fol reliés; Stud. 3 : Documenta de Ratione studiorum
1552-1613, 332x230, 591 fol.
53 ARSI, Stud. 3, fol. 331r.-365v., Iudicium congregationis deputatorum in
provinciae Franciae ad recognoscendam studiorum Rationem ab admodum
R.P.N. Generali Claudio Aquaviva ex Urbe anno 1586 transmissam.
54 ARSI, Stud. 3, fol. 374r.-379v., Quae animadversa sunt in priorem partent
libri de ordine studiorum circa studium theologiae et philosophiae in Provincia
Aquitanae.
55 ARSI, Stud. 3, fol. 394r.-399r., Censura in methodum studiorum missam
Romae examinandam, collecta a patribus Congregatis in Provincia Lugdunensis . . .
56 Voir la liste complète, MPSJ, vol. 6, p. 37*-41*.
INTRODUCTION 23

Paedagogica57 . Ainsi par exemple, une précieuse série de notes de


Clavius pour l'organisation des études de mathématiques au
Collegio Romano se trouve dans ces registres58, et constitue une nouvelle
preuve de leur importance.
- Les censures59
C'est l'historien des sciences italien, U. Baldini, meilleur
spécialiste à ce jour des fonds de l'Archivum Romanum Societatis Iesu, qui
a signalé, dans un article aujourd'hui ancien, l'importance d'une
autre source, les Censurae librorum et opinionum, ou recueil des
activités des réviseurs généraux60. Sans développer ici l'analyse des
mécanismes d'une structure qui n'intéresse pas directement mon
propos, il est pourtant nécessaire d'en décrire schématiquement le
fonctionnement pour mieux en définir l'intérêt61. Comme le rappelle
U. Baldini, «l'histoire de l'ordre reflète une tension constante entre

57 Voir note supra.


58 ARSI, Stud. I/C, fase. 14.
59 Ces registres sont conservés dans une série particulière de l'Archivum
Romanum Societatis Iesu, le Fondo Gesuitico. Ils représentent vingt volumes parmi
les archives du Procurateur général de la Compagnie, personnalité choisie par le
Général pour l'administration temporelle, juridique et économique de l'ensemble
de l'ordre. Pour une description plus précise, voir Lamalle E., «La documentation
d'histoire...», art. cit., particulièrement à partir de la p. 136.
60 U. Baldini, «Una fonte poco utilizzata per la storia intellettuale : le
censurae librorum e opinionum nell'antica Compania di Gesù», Annali dell'Istituto
Storico Italo-Germanico in Trento, voi. 9, 1985, p. 19-67.
61 W. Gramatowski, op. cit., p. 14 :
«Censurae : l'Archivum Romanum Societatis Iesu (Fondo Gesuitico)
conserve plus de 20 volumes de censures romaines, c'est-à-dire de jugements sur
des livres et des opinions mis en examen par les pères généraux. Chaque volume
dispose de son propre index, mais l'ordre chronologique est bien respecté :
différents volumes se réfèrent à la même période. Les censeurs ou revisori générales,
vivant dans le Collège Romain, existent depuis le début du XVIIe siècle. Ils étaient
4 ou 5, un par assistance. Dans certains cas, ils donnaient leur jugement collé-
gialement, et apposaient ensemble leur signature (...)»
Au-delà de cette définition succincte, il convient de se rapporter, pour une
meilleure saisie de cette institution, à Ylnstitutum Societatis Iesu, op. cit., t. III,
p. 65-68, où est reproduit le texte qui régit son fonctionnement, selon la
définition qui en fut donnée par la VIIIe Congrégation générale et qui fut confirmée par
la Xe congrégation générale. Ce texte explique notamment :
«... ex variis nationibus in unum collecti sunt homines praestanti iudicio et
doctrina, ut Generalis, eorum fide diligentiaque adiutus, facile providere, tum
caetera, quae in Nostrorum scriptis spectari debent, tum maxime, ut doctrinae
soliditas et uniformitas, quam Consti tutiones requirunt, in Societate conserve-
tur».
Il précise d'autre part les points auxquels les réviseurs se doivent d'être
particulièrement attentifs :
«Providebunt itaque : 1. Ne in libris Nostrorum novae, et a communi
doctrina discrepantes opiniones inducantur. 2. Ne communes rationes, quibus Religio-
nis christianae dogmata confirmant Theologi, convellantur...».
24 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

l'élaboration personnelle, y compris novatrice, et une doctrine


reconnue comme valide et commune; et, si elle atteignit différents
degrés d'intensité dans le temps, les plus aigus intervenant face à des
faits révolutionnaires comme la science galiléenne, le cartésianisme,
ou le mouvement des Lumières, cette tension n'en demeura pas
moins permanente, parce qu'inhérente à la situation d'un organisme
hiérarchisé qui demandait à ses propres membres l'acceptation
totale de ses objectifs et conceptions, mais qui parallèlement se
proposait de mettre en œuvre une action qualitative déployée sur la
presque totalité de la vie intellectuelle»62. Dès lors, dans leur
évolution même, Yuniformitas et soliditas doctrinae demandaient à être
garanties par des spécialistes de l'institution63 : cette tâche fut
dévolue aux réviseurs généraux, qui devaient originellement fournir un
point de vue préventif sur l'ensemble de la production imprimée des
membres de la Compagnie. Cet usage devait rapidement s'étendre
aux cours ou aux thèses, qui faisaient l'objet d'une circulation non
seulement à l'intérieur des établissements mais aussi à l'intérieur
des provinces. Les vingt volumes de censures encore disponibles ne
pouvaient qu'attirer mon attention. Certes, la production imprimée
française n'apparaît que tardivement, contrairement à ce que l'on
peut constater pour d'autres provinces. Certes, la «révolution
galiléenne» n'eut pas pour épicentre les collèges français et l'essor du
cartésianisme, phénomène en revanche «français», intéresse surtout
la seconde moitié du XVIIe siècle. Pourtant, à travers l'examen
systématique des censures, j'ai cherché à identifier des acteurs et des
thèmes susceptibles d'offrir des exemples précis de différenciation
entre centre et périphérie. Les censures m'introduisaient donc, par
leur nature doctrinale plutôt qu'institutionnelle, au cœur
d'interrogations qui regardent le contenu des enseignements. Pourtant leur
traitement s'avérait plus délicat que prévu, notamment pour les cen-
surae opinionum : si les registres conservent les propos des
censeurs, ils ne livrent pas systématiquement le document qui est
commenté. Aussi, l'historien qui ne s'intéresse pas à l'histoire de cette
institution mais à une région donnée n'est pas assuré de trouver le
lieu d'origine, voire le nom de la personne censurée. Ainsi, dans de
nombreux cas, je me suis heurtée à l'impossibilité totale de définir la
provenance des textes soumis à la vigilance des censeurs. D'autre
part, la censure peut être exprimée collectivement par le groupe des
censeurs (dans ce cas, leur sentence est suivie de la signature de
chacun d'entre eux) ou individuellement (dans cet autre cas, chacun

62 U. Baldini, «Una fonte...», art. cit., p. 20.


63 Voir aussi A. Mancia, «II concetto di «dottrina» fra gli esercizi spirituali
(1539) e la ratio studiorum (1599)», AHSI, voi. 61, 1992, p. 3-70, particulièrement,
p. 45.
INTRODUCTION 25

écrit son propre texte et le signe). Or, j'ai aussi dépouillé ces
registres dans l'espoir de mieux cerner certains jésuites français,
investis à un moment de leur carrière dans des tâches d'enseignement
des mathématiques, et appelés ultérieurement par le général à la
fonction de réviseur : dans presque tous les cas qui m'intéressaient,
j'ai trouvé des censures collectives. Autant dire que ces sources
particulières n'ont pas répondu aux attentes que j'avais fondées sur
elles : elles mériteraient cependant une étude propre, qui
permettrait sans doute de mieux saisir les caractères spécifiques des textes
en provenance de la France, par comparaison à ceux des autres
provinces.
- Les Operae nostrorum
Reste enfin à présenter succinctement une dernière série, les
Operae nostrorum, autre ensemble conservé à l'Archivum Romanum
Societatis Iesu qui ne relève pas directement d'une documentation
administrative et dont le dépouillement s'est avéré de peu d'intérêt.
En effet, sous cette appellation ont été conservées plusieurs dizaines
de liasses constituées des papiers personnels des principaux
membres romains de la Compagnie : à leur propos, je me suis
contentée de vérifier, dans l'inventaire dressé par W. Gramatowski64,
qu'aucun des membres de la Compagnie qui interviennent dans mon
propos, n'était recensé. La présence d'une partie des documents de
Christoph Clavius65, dont il sera beaucoup question dans la première
partie de ce travail, souligne à quel point est regrettable l'absence
d'un dossier au nom de tel ou tel protagoniste, certes moins
prestigieux, mais pourtant essentiel, de l'histoire que je souhaite
construire. D'une manière générale, ce fonds n'a rien révélé qui n'ait
déjà été mis en lumière dans des travaux particuliers.

Cette présentation d'ensemble des principales sources de


l'Archivum Romanum Societatis Iesu permet d'une part de prendre la
mesure de la richesse exceptionnelle de ce fonds, qui apparaît à
l'évidence comme unique en Europe. Elle souligne aussi le caractère
sélectif de mes dépouillements, malgré tous les efforts pour
constituer l'échantillonnage le plus vaste et le plus pertinent possible. Elle
montre enfin à quel point l'éclairage romain est incontournable
pour toute recherche sur la Compagnie du premier siècle. Car, si
l'étude des catalogues des personnels confirme l'intérêt de l'axe d'étude
prosopographique, déjà clairement pointé dans de nombreux
travaux, toutes les autres sources permettent d'entrer au cœur de pro-

64 W. Gramatowski, Inventarium..., op. cit.


65 ARSI : Op. NN. 42, dossier qui regroupe les papiers de différents jésuites,
dont Clavius et Bellarmin, pour la période 1541-1611.
26 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

blématiques différentes et sans doute aussi plus novatrices. Ce sont


par exemple ces autres sources qui rendent compte, même
superficiellement, des difficultés rencontrées dans chaque établissement
pour ouvrir un enseignement de mathématiques. C'est de leur
confrontation qu'est née la possibilité de dresser, collège par collège,
des fiches de renseignement à l'intérieur desquelles se dessine
progressivement une histoire de cette discipline. Assurément le puzzle
ainsi élaboré présente bien des lacunes, certaines pièces sont
absentes et le demeureront sans doute longtemps, voire
définitivement. Ces lacunes reflètent le fait que les sources ne constituent
nullement un corpus homogène en regard du champ d'investigation
que j'ai choisi. Elles ne paraissent pourtant pas devoir signifier
l'échec de ce projet. Car l'accumulation des informations ouvre la voie
à la construction d'une géographie et d'une chronologie des
premières pratiques d'enseignement des mathématiques en France
dans le dernier quart du XVIe siècle : c'est ce que j'ai tenté dans le
cadre de ce travail.
Il ne faut pourtant pas perdre de vue le caractère partiel des
résultats obtenus à l'Archivum Romanum Societatis Iesu. Si ces
sources offrent des informations d'une exceptionnelle qualité, il
convient en revanche d'en souligner les limites : à quel type de
connaissances peuvent-elles en effet conduire? Elles ne sont presque
d'aucune utilité quant à l'état précis d'enseignement d'une discipline
et spécifiquement des mathématiques, sans compter qu'elles ne
désignent pas ce qui est enseigné. En outre, les problèmes épistémolo-
giques et les interrogations méthodologiques se rejoignent ici :
comme le suggère l'extrait des Constitutions de la Compagnie,
premier texte normatif à définir le cursus des études jésuites66, les
mathématiques, selon la conception aristotélicienne du monde à
laquelle adhère la Compagnie, ne constituent pas une branche
spécifique du savoir philosophique. Celui-ci au contraire se compose de
trois volets, logique, physique et métaphysique, qui structurent
l'enseignement philosophique des collèges jésuites. Dans cette optique,
la place réservée aux mathématiques n'est conçue et définie que
comme secondaire, dépendante de la toute puissante physique,
réduite à un simple rôle de «propédeutique» pour reprendre la
formule de L. Brockliss67. Mais déjà entre les Constitutions datées des

66 Ignace de Loyola, Ecrits, traduis et présentés sous la dir. de M. Giuliani,


Paris, 1991, p. 385-616.
67 Voir J. Verger dir., Histoire des Universités en France, Toulouse, 1986,
p. 220-222. Pour plus de précisions, voir L. W. B. Brockliss, French Higher
Education in the Seventeenth and Eightteenth Centuries. A Cultura! History, Oxford,
1987, 402 p.
INTRODUCTION 27

années 155068 et la Ratio de 1586, ce statut subit une profonde


modification, comme le confirme le chapitre «De mathematicis » qui
assure un cadre clair et précis, un contenu clair et autonome, à cet
enseignement69.
Autant dire que le maniement des sources doit se faire avec
prudence et tenir compte, en permanence, du caractère évolutif de
l'objet analysé. D'autre part, et la question vaut principalement pour les
catalogues des personnels, si les mathématiques ne définissent pas
une branche distincte de l'arbre de la philosophie, à qui en revient
l'enseignement? Peut-il y avoir des professeurs de mathématiques?
Incontestablement, puisque François de Dainville en a identifié
plusieurs dizaines à partir des premières années du XVIIe siècle70. Mais,
entre la période de rédaction des Constitutions, celle d'ouverture des
premiers collèges en France et le début du XVIIe siècle, la mutation
sans précédent qui a affecté le statut des mathématiques aussi bien
dans l'Europe savante que dans la Compagnie rend plus délicate la
simple lecture des catalogues du personnel : si avant les premières
années du XVIIe siècle, un jésuite s'est adonné à l'enseignement des
mathématiques, il ne sera pas nécessairement recensé comme
processor ou lector mathematicarum ou encore mathematicus . Plus
délicate, son identification reste cependant possible. Elle passe par
l'usage des autres fonds décrits. Elle s'appuie surtout sur un type de
sources dont l'Archivum Romanum Societatis Iesu n'a pas
d'exemplaires : les manuscrits des cours, dont l'analyse sera abordée
ultérieurement.
Partialité des sources, difficultés de leur interprétation : malgré
ces obstacles, la documentation est pourtant bien accessible au
public. Nombreux sont les chercheurs qui auraient souhaité qu'il en fût
de même aux archives de l'Université Grégorienne.

Les fonds du Collegio Romano et leurs mystères

Les aléas de l'histoire de la conservation des documents jésuites


lors de la suppression de la Compagnie dans la Rome de la fin du
XVIIIe siècle expliquent la répartition du fonds propre au Collegio
Romano, entre l'État italien et l'ordre. Un jeu d'échange complexe
entre les deux justifie des mouvements de cession et de rétrocession
dont le résultat actuel est le suivant : la majeure partie des sources
concernant le Collegio Romano se trouve conservée aux archives de

68 Sur les modalités de la rédaction, voir l'introduction de P.-A. Fabre au


texte des Constitutions, dans Ignace de Loyola, op. cit., p. 485-491.
69 MPSJ, vol. 5, p. 409-410.
70 F. de Dainville, «L'enseignement des mathématiques...», dans L'éducation
des jésuites..., op. cit.
28 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

l'Université Grégorienne, une part infime d'entre elles est abritée par
la Bibliothèque Nationale Vittorio Emmanuele71. Si ce dernier fond
est répertorié72, la situation est tout autre pour celui de l'Université
Grégorienne.
L'importance potentielle de cette documentation s'est imposée
tardivement. Les longues et fructueuses discussions avec U. Baldini
et R. Gatto m'ont progressivement convaincue de cette richesse. Il
n'existe pas à ce jour d'inventaire officiel de ce dépôt privé : trois
historiens le décrivent partiellement dans des travaux centrés
chacun sur des problèmes spécifiques, E. C. Philips, intéressé par la
correspondance de Christoph Clavius73, plus récemment P. O. Kris-
teller en quête des manuscrits des commentaires d'Aristote74, et
dernièrement, L. Dftly75. Pour le reste, il convient de s'adresser à
l'archiviste de l'université, ce qui rend difficile l'utilisation de ce fonds. Or,
les listes de documents publiées par E. C. Philips, P. O. Kristeller et
L. Daly, comme les informations fournies par les collègues
chercheurs, invitent à considérer que les documents des archives de
l'Université Grégorienne sont majoritairement composés de
manuscrits de cours, de notes de cours ou de notes de travail : les exemples
fourmillent dans la sélection proposée par P. O. Kristeller. Ils sont
confirmés par les portefeuilles de Clavius ou ceux de Kircher76. Rien
de permet d'écarter l'hypothèse que ce phénomène de conservation
s'étende à tous les professeurs du Collegio Romano. Rien non plus,
étant donné ce que fut le Collegio Romano, - pôle de constitution et
de diffusion du savoir -, ne permet d'écarter l'hypothèse selon
laquelle les grands collèges périphériques envoyaient des copies
manuscrites de leurs principaux cours. En cette période de débats
philosophiques et théologiques nourris, la pratique en paraît d'autant

71 La partie ancienne des fonds de l'A.P.U.G. est composée des archives du


Collegio Romano, devenu propriété d'Etat au début des années 1870. C'est ainsi
que la bibliothèque du collège, confisquée en même temps que les archives,
constitua le fonds du département des imprimés de la nouvelle Bibliothèque
nationale. La partie manuscrite, en partie restituée à la Compagnie, fut conservée à
partir de 1930 à l'A.P.U.G. Voir C. Clavius, Corrispondenza, vol. I, 1, p. 8-10.
72 II s'agit de catalogues manuscrits dont une photocopie est disponible à
l'ARSI. Les deux premiers proposent une description sommaire des contenus des
manuscrits par ordre de numérotation (vol. 1 : ms. 1-799; vol. 2 : ms. 800-1752).
Le troisième correspond à un index analytique.
73 E. C. Philips, «The correspondance of Father Clavius, preserved in the
Archives of Pont. Gregorian University», AHSI, vol. 8, 1939, p. 193-222.
74 P. O. Kristeller, Iter Italicum, A Finding List of uncatalogued or incompletly
catalogued humanistic Manuscripts of the Renaissance in Italian and other Libra-
ries, vol. II, p. 135-139.
75 L. Daly, «Selected Mss From thè Fondo Curia, Archivum Pontificiae Uni-
versitatis Gregorianae», Manuscripta, vol. 25, 1981/2, p. 89-106.
76 P. O. Kristeller, Iter Italicum..., op. cit., p. 136.
INTRODUCTION 29

moins improbable que le souci de Yuniformitas doctrinae est souvent


exprimé par les textes normatifs. Suivre et contrôler les cours depuis
Rome aurait pu être l'une des façons de conserver cette unité,
comme le laisse entrevoir le fait, déjà mentionné, que les réviseurs
généraux prononcèrent des censures tant sur les textes édités que
sur les manuscrits et thèses d'étudiants.
Certes, on restera ici au stade de la conjecture et elle paraît
d'autant plus hardie qu'aucune vérification n'a pu être faite dans le cadre
de ce travail. Pourtant, les consultations faites à la Biblioteca
Nazionale Vittorio Emmanuele tendent à confirmer cette idée. Il existe en
effet, au département des manuscrits, un «Fondo Gesuitico»,
composé de la seconde partie, manifestement beaucoup moins
importante, des fonds du Collegio Romano. Le catalogue qui en a été
dressé77 permet de constater l'identité de nature entre ces sources et
celles des archives de l'Université Grégorienne. On y compte en effet,
à l'inverse de ce que laissent supposer les articles cités en référence,
de nombreux documents d'origine française. Un premier sondage
m'avait notamment révélé les papiers scientifiques de Jacques de
Billy. Peu intéressants d'un point de vue chronologique, ils sont la
preuve cependant de logiques de transfert, qui induisent
évidemment un phénomène de circulation de l'information. Or, le fait
remarquable, dans ce cas, réside dans la présence de manuscrits dont
les signataires ne furent pas professeurs au Collegio Romano. Si,
dans les différents textes qui composent ce fonds aucun ne
m'intéresse directement, on peut cependant supposer que, dans les
trésors plus anciens de l'Université Grégorienne, certains seraient
d'origine française.
Ce double échec face aux archives du Collegio Romano souligne
mieux encore l'importance des dépouillements de l'Archivum Roma-
num Societatis Iesu. Il serait pourtant vain de croire que les archives
administratives peuvent suppléer aux lacunes laissées par les
sources «pédagogiques». C'est bien évidement un autre type
d'enquête qu'il aurait fallu conduire, plus directement centré sur les
pratiques d'enseignement et surtout le type de connaissances
transmises. A cause du caractère incontournable de ces informations
pour une recherche qui s'occupe de problèmes d'enseignement, j'ai
cherché ailleurs ce même type de source, sans viser à l'exhaustivité.

Les dépôts jésuites de France


Si la plus grande partie des archives administratives jésuites est
conservée à l'Archivum Romanum Societatis Iesu, c'est parce qu'elle
correspond aux documents de la curie généralice. Parallèlement, les

77 Le fonds se compose de 1752 manuscrits.


30 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

provinces disposaient elles-mêmes de leurs propres archives, d'un


intérêt tout relatif pour ce sujet puisque l'interdiction de l'ancienne
Compagnie en 1762, pour la France, s'était concrétisée par la saisie
de nombreux documents et leur transfert dans les Archives
départementales, ou par le rapatriement à Rome de certaines pièces78.
Depuis peu, une politique de centralisation de ces archives provinciales
a été mise en place. Alors que, jusqu'en 1989, chaque province
jésuite conservait encore ses propres archives, - à Chantilly pour la
France, Reims pour la Champagne ou Toulouse pour la province du
même nom -, depuis cette date, la Compagnie n'a plus conservé
qu'un seul dépôt français, installé à Vanves79, qui s'est en outre
largement départi de son fonds au profit de Rome.

Les espaces de conservation non jésuites : constitution d'un corpus


sur les collèges français
Si la majeure partie des archives décrites jusqu'à présent
intéresse directement la relation entre Rome et les établissements, il
convient de rappeler que chaque établissement, chaque province,
chaque assistance disposait de ses propres fonds : l'expulsion de
1762 a largement profité aux structures françaises ordinaires de
conservation, puisque les documents saisis sont venus nourrir les
dépôts de l'État. L'histoire ultérieure de leur conservation explique
le caractère particulièrement éclaté de cette géographie des archives
jésuites de France. Il s'agit moins ici de présenter ce matériel, par
définition plus familier aux historiens français, que d'insister sur la
diversité de sa nature : d'une part, sont conservés dans les Archives
départementales ou aux Archives nationales, des documents ayant
trait à l'organisation des relations économiques et politiques entre
les établissements et leurs partenaires; d'autre part, dans certaines
bibliothèques municipales, dorment des sources de type plus
intellectuel, catalogues de bibliothèques de collèges, manuscrits de
cours, correspondances80. Mon attention se serait principalement

78 Une visite effectuée au centre de Toulouse m'a permis de comprendre


l'organisation ancienne de ces sources. A la résidence des Pères jésuites, 22 rue des
Fleurs, se trouve le Père de Gensac, bibliothécaire et spécialiste de l'histoire de
l'ancienne province. Il a réalisé un document dactylographié de présentation des
fonds : «Les archives de la Compagnie de Jésus à Toulouse», daté du 28 juin 1981,
qui fournit quelques explications sommaires sur les documents encore
disponibles à Toulouse.
79 Le centres des archives jésuites se trouve à l'adresse suivante : 15, rue Mar-
ceron, 92170, Vanves.
80 Pour les catalogues des bibliothèques, nous disposons cependant parfois
de documents édités, mais dont l'utilisation reste limitée. Ainsi, à l'occasion de la
suppression en France, ont été dressés des inventaires des bibliothèques de
certaines maisons, comme par exemple le Catalogue des livres de la bibliothèque de la
INTRODUCTION 31

portée sur ce second type de fonds, si un répertoire des manuscrits


de cours des bibliothèques françaises avait été disponible. Face à
cette lacune, je me suis arrêtée le plus souvent aux indications
livrées par C. Sommervogel et par F. de Dainville. Ce travail
demanderait à être accompli dans de brefs délais, car il fournirait aux
chercheurs un précieux outil. L'usage de Iter Italicum de P.O. Kristel-
ler81, le recours aux recherches de C. H. Lohr sur les commentateurs
médiévaux latins d'Aristote82 le prouvent suffisamment. Ce sont
souvent ces deux dernières lectures qui ont conduit mes pas vers les
fabuleuses bibliothèques italiennes au premier rang desquelles
figure la Bibliothèque Apostolique Vaticane.
Le choix des sources a donc été particulièrement sélectif,
comme le montreront les chapitres de ce livres et les analyses
proposées. J'ai tenté, dans ces pages, d'en justifier la pertinence. Sans les
patients dépouillements de C. Lohr, de F. de Dainville, de C.
Sommervogel ou de D. Julia et M.-M. Compère, la tâche aurait été
encore plus compliquée. C'est sans doute ici l'occasion de rappeler la
nécessité d'élaborer d'autres outils de travail, et notamment un
répertoire des manuscrits scientifiques des collèges français83.

maison professe des ci-devant soi-disant jésuites, Paris, 1763, 507 p. S'il rend
compte de certains intérêts jésuites dans tel ou tel domaine, ce livre n'en pose pas
moins la question, essentielle pour nous, de la date d'acquisition des volumes
décrits. Or, le présentateur anonyme de cette liste précise que certains des titres
présents dans la maison professe de Paris en 1763 ont appartenu à Ménage ou à
D. Huet; il ne s'arrête pas à les indiquer. Il nous aurait donc fallu suivre les
comptes financiers des établissements, dans l'espoir d'y trouver des notes de libraires
ou des commandes. Ce type de démarche n'a pas été engagé. Les mêmes
remarques s'imposent pour le catalogue de la bibliothèque du collège, édité dans
les mêmes circonstances. P. Mech, «Les bibliothèques de la Compagnie de
Jésus», dans C. Joly dir., Histoire des bibliothèques françaises, Paris, 1988, p. 56-63.
81 P. O. Kristeller, Iter Italicum, op. cit.
82 C. H. Lohr, «Renaissance Latin Aristotle Commentaries», Studies in the
Renaissance, vol. 21, 1974, p. 228-289; Renaissance Quaterly, vol. 28, 1975, p. 689-
741; idem, vol. 29, 1976, p. 714-745; idem, vol. 30, 1977, p. 681-741; idem, vol. 31,
1978, p. 532-603; idem, vol. 32, 1979, p. 529-580; idem, vol. 33, 1980, p. 623-734;
idem, vol. 35, 1982, p. 164-256.
83 Signalons, à titre comparatif, qu'un travail de ce type a été réalisé pour les
disciplines littéraires : P. Albertini, L'enseignement classique à travers les exercices
manuscrits des élèves, 1600-1940. Catalogue des textes de grammaire, humanités,
rhétorique, latin, grec, français conservés dans les bibliothèques publiques
françaises et au Musée National de l'Education, Paris, 1986, 80 p. Remarquons en
outre que la revue Histoire de l'éducation, accueille régulièrement des articles
portant sur l'étude de ce type de sources et tout particulièrement les exercices
d'élèves. Mentionnons à ce sujet M.-M. Compère et D. Pralon- Julia, Performances
scolaires de collégiens sous l'Ancien régime : étude de six séries d'exercices latins
rédigés au collège Louis le Grand vers 1720, Paris, 1992, 266 p.
PREMIERE PARTIE

LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES


DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE
ET SES COLLÈGES
INTRODUCTION

L'APOSTOLAT UNIVERSEL DE LA COMPAGNIE


ET LA QUESTION DE L'ENSEIGNEMENT

No estudios ni lectiones en la Compania1

En écho à une historiographie polémique qui a voulu voir dans


le projet éducatif jésuite l'expression de l'embrigadement des
esprits2, il est nécessaire de rappeler ici la formule du fondateur, pour
lequel la question de l'enseignement et de l'engagement de la jeune
Compagnie dans ce vaste champ ne se posait pas a priori. On sait
aujourd'hui que l'arrivée des jésuites sur le terrain de l'enseignement
ne fut pas la visée initiale du projet ignatien3.

1 Monumenta Ignatiana, vol. III, 1, p. 47.


2 La récurrence de cette thématique dans la littérature anti-jésuite connaît
un succès certain dès la fin du XVIe siècle, et se développe jusqu'au cœur du XIXe
siècle : voir M. Leroy, Le mythe jésuite. De Béranger à Michelet, Paris, 1992, 467 p.
3 P. Tacchi Venturi eut le mérite de l'écrire explicitement en 1950. P. Tacchi
Venturi, Storia della Compagnia di Gesù in Italia, Rome, 1951, voi. II, 2, p. 325-
326:
«I cinque capitoli o la Magna Carta della Compagnia di Gesù, che Ignazio di
Loyola il 3 settembre 1539, faceva presentare a Paolo III dal cardinale Contarini e
l'anno appresso ottenevano d'essere inseriti nella bolla di approvazione
dell'Ordine, enumeravano distintamente i mezzi coi quali i dieci chierici di Spagna, di
Francia e di Portogallo volevano aiutare le anime a conseguire il loro ultimo fine.
Eranno essi la parola di Dio nelle sue molteplici forme, le opere di misericordia,
il catechismo ai fanciulli e ai rozzi, la direzione delle coscienze nel sacramento
della penitenza e, a dir tutto in breve, ogni ministero della vita pastorale retta-
mente intesa e praticata dai sacerdoti non dimentichi degli altri doveri loro
imposti dalla Chiesa con la grazia dell'imposizione delle mani. Del ministero della
scuola, pur si necessario all'istituzione d'una vita schiettamente christiana, non si
faceva nei Capitoli parola alcuna».
C'est à la réflexion de L. Giard qu'il faut se référer aujourd'hui pour
l'approfondissement de cette question. L. Giard, «La constitution du système éducatif
jésuite», art. cit., p. 131 : «En préalable, un point d'histoire est à éclairer : la
Compagnie de Jésus (esp. compania, lat. societas), comme Ignace et les premiers
«compagnons» ont choisi de la nommer, n'a pas été fondée pour être un ordre
enseignant». Ce thème se trouve largement développé dans l'introduction du
volume qu'elle dirige, Les jésuites àia Renaissance. Système éducatif et production
du savoir, Paris, 1995, LXXX-336 p. On lira notamment le chapitre sur «le
passage à l'éducation», p. LIII-LXXVIII.
36 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Pour quelles raisons alors, en l'espace de quelques années, cette


activité a-t-elle absorbé la plus grande partie des énergies
mobilisables dans la jeune Compagnie? Il n'est pas dans mon propos de
reprendre un dossier aussi complexe qui ne concerne pas directement
le thème de ce travail4. Pourtant, rappeler cette situation originelle
permet d'ores et déjà de souligner le caractère expérimental de
l'entreprise jésuite dans ce domaine : face à un besoin exprimé en
dehors de la Compagnie par les élites sociales et politiques, aucun
modèle constitué n'existait qui pût prétendre répondre aux
interrogations du monde en crise dans lequel naissait le jeune ordre. Ouvrir
des écoles, au-delà des impérieuses raisons qui y contribuaient,
signifiait l'acceptation de ce défi.
D'un point de vue interne d'abord, pour l'éducation de ceux qui,
contrairement à Ignace et à ses premiers compagnons, demandaient
à entrer dans l'ordre sans avoir la formation intellectuelle
correspondant au projet du fondateur. Pour ceux-là, la Compagnie avait
ouvert des collèges, au sens médiéval du terme, dans les grandes
villes universitaires d'Europe : Paris (1540), Coïmbra, Padoue et
Louvain (1542). Dans ces lieux, on ne faisait pas d'enseignement, les
jeunes recrues étaient regroupées et suivaient les leçons de
l'Université où les carences d'un modèle intellectuel multiséculaire devaient
vite se révéler.
Mais ces raisons ne suffisaient pas à donner à l'expérience
éducative jésuite la dimension universelle qui fut rapidement la sienne.
Parallèlement, l'appel est venu de l'extérieur de la Compagnie, de
l'extérieur de l'Europe. En 1542 - cet ordre avait deux ans -,
François Xavier écrit de Goa, en Inde, transmettant le désir du
gouverneur portugais Martin Alfonso de Souza que l'un des jésuites
envoyés par le roi du Portugal se consacrât à l'enseignement de la
grammaire pour les soixante novices d'un tout jeune séminaire5.
Quatre ans plus tard, à Gandie, la deuxième expérience jésuite
d'enseignement était amorcée, à la demande du duc Francisco de Bor-
gia : contrairement à la précédente, celle-ci engageait la Compagnie
dans le champ des études philosophiques. Ces deux premiers
exemples illustrent une exigence sociale et politique plus
fondamentale qui correspondait à la nécessité de trouver des lieux et des
interlocuteurs fiables et efficaces pour la formation des élites. Et
dans ce domaine tout était à inventer. La crise intellectuelle de ce

4 Le chapitre consacré par D. Bertrand à l'Université et à la culture reste


déterminant pour comprendre cet engagement : D. Bertrand, La politique de saint
Ignace de Loyola. L'analyse sociale, Paris, 1985, chap. 4, p. 215-250.
5 Bibliographie dans L. Polgar, Bibliographie sur l'histoire de la Compagnie de
Jésus, 1901-1980, Rome, 1981-1990, vol. II, 2, p. 413-415.
INTRODUCTION 37

milieu de siècle troublé fut la «chance historique» de la Compagnie6.


Les nouvelles exigences exprimées par l'humanisme, l'amplification
du mouvement des idées, générée par la circulation de l'imprimé, les
débats suscités par la division des Églises, tout contribuait à saper
les fondements de l'Université médiévale, laissant ainsi la place libre
à de nouveaux projets éducatifs ou à des expériences pédagogiques
originales. Ceux-ci n'ont pas manqué d'éclore, sur la base des
nouvelles valeurs qu'introduisait ce mouvement intellectuel né hors de
l'Université et contre elle. Sur ces différents points, la littérature
abonde suffisamment pour qu'il soit inutile d'insister7. La rupture
définitive de l'universalité chrétienne, avec pour corollaire le
déchirement politique de l'Europe, aiguisait le besoin exprimé par les
élites catholiques de centres de formation efficaces et garants du
respect de la nouvelle orthodoxie8. On peut alors parler d'un
«enchaînement de circonstances assez étonnant, qui fit [de la
Compagnie], en moins d'un siècle, le premier ordre religieux à se consacrer
à l'éducation sur une grande échelle. Un élan l'emporta, que n'avait
ni voulu ni prévu le fondateur, mais auquel la Compagnie
s'abandonna, ou plutôt auquel elle consentit activement»9.

6 Pour une analyse synthétique de cette crise intellectuelle, voir L. Giard,


«Sur le cycle des «artes» à la Renaissance», dans O. Weijers et L. Holtz éds.,
L'enseignement des disciplines à la Faculté des arts (Paris et Oxford, XIIIe-XVe
siècles), Turnhout, 1997, p. 511-538.
7 Sans prétendre à l'exhaustivité, on trouvera ici quelques jalons
bibliographiques qui soulignent le poids des traditions historiographiques italienne et
anglo-saxonne : E. Garin, «La concezione dell'Università in Italia nel'età del
Rinascimento», dans Les Universités européennes du XIVe au XVIIe siècle. Actes du
colloque international à l'occasion du VIe centenaire de l'université Jagellonne de
Cracovie, 6-8 mai 1964, Genève, 1967, p. 84-100; Id., L'éducation de l'homme
moderne. La pédagogie de la Renaissance (1400-1600) , Paris, 1968, 264 p.; P. O. Kris-
teller, «Humanism and Scholasticism in the Italian Renaissance», dans
Renaissance Thought and his Sources, éd. M. Mooney, New York, 1979, p. 85-105; A. Ra-
bil éd., Renaissance Humanism. Foundations, Forms and Legacy, Philadelphie,
1988, 3 vol.; A, Grafton et L. Jardine, Front Humanism to the Humanities,
Londres, 1986, 224 p. A ces différents titres il convient d'ajouter la série des
articles de C. B. Schmitt, réédités en trois volumes : Studies in Renaissance Philo-
sophy and Science, Londres, 1981, 342 p. ; The Aristotelian Tradition and
Renaissance Universities , Londres, 1984, 362 p.; Reappraisals in Renaissance Thought,
Londres, 1989, 330 p.
8 C'est dans cette optique précise qu'intervient la création du Collège
Germanique, à Rome : voir F. C. Cesareo, «The Collegium Germanicum and the Igna-
tian Vision of Education», Sixteenth Century Journal, vol. 24, 1993/4, p. 829-841.
9L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. LUI. Il ne faut
cependant pas omettre de souligner que, dans cette période post-tridentine, la
réponse aux besoins de formation des clercs a joué un rôle déterminant dans le
succès de la Compagnie : voir, sur cette question, A. Prosperi, «Educare gli
educatori : il prete come professione intelletuale nell'Italia tridentina», dans Problèmes de
38 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Nombre de travaux permettent aujourd'hui de mieux


comprendre les rapports entretenus par les premiers jésuites, et tout
particulièrement Ignace, avec les différentes expériences
intellectuelles de ce temps : ils permettent de «contextualiser» le nouveau
système éducatif10 et d'en mesurer aussi la profonde originalité11. Né
de l'impulsion du fondateur finalement acquis à la nécessité de ce
travail12, ce système s'est constitué en même temps que sont nés les
premiers établissements. De la confrontation continue entre la
diversité des pratiques et la définition des objectifs chrétiens
d'éducation, sont nés les textes normatifs. Mais l'ampleur du travail à mener
et la voie tout expérimentale choisie expliquent plus d'un demi-
siècle de genèse.
Dès lors que la Compagnie ouvrait ses premiers collèges, vite de-

l'histoire de l'éducation. Actes des séminaires de l'Ecole française de Rome et de


l'Università di Roma-La Sapienza, Rome, 1988, p. 123-140.
10 Panni les plus décisives contributions à cette réflexion, on signalera en
premier lieu G. Codina Mir, Aux sources de la pédagogie jésuite. Le «modus pari-
siensis», Rome, 1968, 370 p. Mais, il faut aussi rappeler les différentes
contributions du colloque consacré à Ignace lui-même : J. Plazaola éd., Ignacio de Loyola
y su tiempo. Congresso internacional de historia (9-13 setiembre 1991), Mensaje-
ro, Bilbao, 1992, 930 p. On lira avec intérêt J. K. Farge, «The University of Paris
in the Time of Ignatius of Loyola», p. 221-243; M. Fois, «La giustificazione
cristiana degli studi umanistici da parte di Ignazio di Loyola e le sue conseguenze nei
gesuiti posteriori», p. 405-440; J.-C. Margolin, «Essai de mise au point sur l'eras-
misme dans le sillage d'Alcalà et à la lumière de quelques travaux récents»,
p. 245-270; J. W. O'Malley, «Renaissance Humanism and the First Jesuits»,
p. 381-403; A. Tenenti, «Ignace, Calvin et l'humanisme», p. 271-283.
11 Parmi les nombreux exemples de cette démarche ignatienne, on rappellera
. cette longue lettre du secrétaire Polanco qui, en 1564, décrit les origines de la
Compagnie et l'importance du choix des études dans la propre formation du
fondateur. Voir MHSJ, vol. 52, Polanci Complementa, t. 1, Rome, 1916, doc n° 114,
daté du 8 décembre 1564, p. 508 :
«Y asi, tornado en Espanà, corno notava que el no tener letras adquisitas
dava estorvo (...), corno él deseava, determino de estudiar, y començolo en Barcelo-
na, y después en Alcala y Salamanca, siempre continuando en su podreza con su
saco y duras penitencias, y juntamente en el aiudar a los proximos en la una y la
oltra uinversidad».
Traduction :
«Et ainsi, rentré en Espagne, comme il remarquait que le fait de ne pas être
lettré constituait un empêchement (...), comme lui-même le désirait, il résolut
d'étudier, en commençant à Barcelone, puis à Alcalà et Salamanque, continuant
toujours à s'infliger des mortifications et de dures pénitences, et en même temps
à aider son prochain dans l'une et l'autre université».
12 Cet engagement, ce choix du «passage à l'enseignement» n'a pas été sans
susciter résistances et tensions. L. Giard, évoquant l'« inquiétude» de nombreux
jésuites, renvoie à une documentation éclairante sur cet aspect du problème :
L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. LUI, n. 62. D'une manière
plus générale, voir L. Lukacs, «De origine collegiorum externorum deque contro-
INTRODUCTION 39

venus des établissements de prestige qui répondaient à la demande


des aristocraties européennes et des princes de l'Église13, elle
s'engageait dans la constitution d'un nouveau modèle, inséparable du
projet global qui animait Ignace lors de la fondation de la Compagnie14.
Il s'agissait de former de nouveaux catholiques munis d'une longue
et solide formation théologique, susceptible de les armer face aux
assauts protestants. Ceci éclaire la dimension «militante» du projet.
Il s'agissait aussi de mettre en œuvre une nouvelle spiritualité qui,
fondée sur les «exercices spirituels», englobait toutes les activité des
jésuites15.
Ainsi, rapidement devenu le principal pilier du système
d'enseignement catholique, dont la finalité claire était la «plus grande
gloire de Dieu», le modèle jésuite devait progressivement préparer à
l'étude de la théologie. C'est cette unique mission qui était assignée
aux deux cycles antérieurs d'études, les humanités, puis la
philosophie.
Une première formalisation textuelle de cette hiérarchie des
savoirs est engagée dans les Constitutions. Le statut général des études
se trouve défini dans la quatrième partie du document, «La
formation, dans les lettres et dans les autres moyens d'aider le prochain,
de ceux que l'on garde dans la Compagnie»16. Si, comme ce titre
l'indique, la question des études se pose d'abord pour «ceux que l'on
garde dans la Compagnie», les sollicitations externes placent aussi la
réflexion sur l'enseignement, sur le terrain de la vie civile17. Il faut
alors non seulement travailler aux règles communes de la vie jésuite
- c'est la raison pour laquelle les Constitutions avaient été
élaborées18 -, mais aussi à un ordre des études dont la genèse s'annonçait

versiis circa eorum paupertatem obortis, 1539-1556», AHSI, vol. 29, 1960, p. 189-
245; vol. 30, 1961, p. 1-89.
13 Voir pour Messine, l'étude de M. Scaduto, «Le origini dell'Università di
Messina», AHSI, vol. 17, 1948, p. 102-159.
14 Sur la caractère novateur de l'ordre et les différences avec les anciens
ordres religieux médiévaux, voir L. Giard, «La constitution du système
éducatif...», art. cit., p. 136-137.
15 Voir l'article collectif «Jésuites», dans Dictionnaire de spiritualité, vol. 8,
1974, col. 958-1065, repris dans Les Jésuites, spiritualité et activités. Jalons d'une
histoire, Paris, 1974, 213 p. Pour une introduction à cette question de la
«spiritualité jésuite», voir principalement p. 26-52.
16 Voir Ignace de Loyola, Ecrits, op. cit., p. 470-514.
17 D'un point de vue chronologique, à peine six ans séparent l'ouverture du
premier collège jésuite destiné aux seuls membres de la Compagnie (Goa), de
celle du premier établissement ouvert à l'extérieur (Messine).
18 Voir à ce propos l'introduction de Pierre- Antoine Fabre, dans Ignace de
Loyola, Ecrits, op. cit., p. 385-391. L'auteur y ajoute une bibliographie
particulièrement utile. Pour une analyse plus détaillée, voir P. Tacchi Venturi, Storia
della Compagnia di Gesù in Italia, op. cit., p. 113-146.
40 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

plus complexe. Après une première tentative pendant le généralat de


Francisco de Borgia19, c'est sous Claude Acquaviva que la Ratio stu-
diorum sera définitivement établie et publiée20, entre 1586 et 1615.
Cette codification s'est nourrie de nombreux règlements locaux des
études, rédigés à l'occasion de l'ouverture des divers collèges. Dans
un contexte général de recomposition des champs des savoirs21, le
pluriel des expériences exigeait un texte de référence, susceptible de
construire une pratique collective.
En milieu catholique22, la Compagnie devait rapidement
connaître un succès sans précédent, dont témoigne le nombre
d'établissements ouverts en moins d'un siècle : 625 collèges, répartis
sur l'ensemble du globe, le développement de l'enseignement ayant
été mené de pair avec celui des missions lointaines dans cette
période23.
Dans cette expérience d'élaboration d'un nouveau modèle
éducatif, les problèmes rencontrés par les premiers jésuites sont
multiples : sur le plan économique, l'ouverture de collèges met en
question le vœu de pauvreté24; sur le plan administratif, la gestion
des collèges soulève le problème de l'organisation des tâches et
des responsabilités respectives des uns et des autres; sur le plan
didactique, l'élaboration d'un programme des études appelle une
réflexion de fond sur les disciplines à enseigner et leurs rapports
mutuels. C'est ainsi que la Compagnie a eu à réfléchir sur la part
qui serait donnée à l'étude des mathématiques.
A ce titre, la question des mathématiques, de leur
enseignement et de leur place dans le cursus s'est posée dès l'ouverture des

19 Voir L. Lukacs, «De prima Societatis Ratio Studiorum, Sancto Francisco


Borgia praeposito generali constituta (1565-1569)», AHSI, vol. 27, 1958, p. 209-
232.
20 L. Lukacs éd., Monumenta Paedagogica Societatis Jesu, Rome, 1965-1992, 7
vol. Le volume 5 est entièrement consacré à l'édition des trois versions
successives du document. Toute référence à ce travail apparaît sous la forme abrégée de
MPSJ.
21 Voir, sur la dimension générale de cette question, L. Giard, «Remapping
Knowledge, Reshaping Institutions», dans S. Pumfrey, P. L. Rossi, M. Slawinski
éds., Science, Culture and Popular Belief in Renaissance Europe, Manchester et
New York, 1992, p. 19-47.
22 Dans le monde protestant, c'est notamment autour de J. Sturm et du
Gymnase de Strasbourg que devait se cristalliser l'expérience éducative. Pour une
première approche comparée des deux milieux, voir A. Romano, «Education
catholique, éducations protestantes : quels projets pour les mathématiques?», dans
Sciences et religions de Copernic à Galilée. Actes du colloque international
organisé par l'Ecole française de Rome, 12-14 décembre 1996, Rome, 1999.
23 Le fait est que, dès les origines de la Compagnie, l'ouverture de
l'établissement de Goa était suivie d'autres expériences extra-européennes.
24 Sur cette question, voir les premières analyses de L. Giard, «La
constitution du système éducatif jésuite», art. cit.
INTRODUCTION 41

premières classes de philosophie. Il faut donc essayer d'en


mesurer l'originalité, du point de vue, intérieur à la Compagnie, du
centre romain et, plus largement, dans le contexte intellectuel du
second XVIe siècle.

Carte 1. Les provinces jésuites au milieu du XVIIe siècle (cadre européen).


CHAPITRE 1

LES MATHÉMATIQUES
DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE :
DES PREMIÈRES PRATIQUES AUX
PRÉMICES DE LA RATIO STUDIORUM
(1540-1580)

Les premières codifications, autour des Constitutions

Les mathématiques dans les études philosophiques

L'engagement jésuite dans la voie enseignante fait affleurer dès


les années 1540 des problèmes de définition et d'organisation
disciplinaire, pour le cycle d'humanités, pour celui de philosophie et de
théologie. Si la réflexion est principalement approfondie sur ce
dernier terrain qui engage non seulement l'identité culturelle mais aussi
spirituelle de la jeune Compagnie, la question des mathématiques
est constitutive, certes sur un mode périphérique, du processus
d'élaboration des textes normatifs. C'est ainsi qu'elles font une
première apparition marginale dans les Constitutions1, quatrième
partie, chapitre 12, «Matières que l'on doit enseigner dans les
Universités de la Compagnie». Le texte qui définit les objectifs éducatifs de la
Compagnie reste, dans une première version, général :
La fin de la Compagnie et des études étant d'aider le prochain à
connaître et à aimer Dieu et à sauver son âme, et le moyen le plus
propice à cela étant la faculté de théologie, c'est à elle qu'il faut se
consacrer principalement dans les universités de la Compagnie.
De très bons professeurs traiteront soigneusement de ce qui
touche à la doctrine scolastique et à l'Ecriture Sainte, et de ce qui,
dans la théologie positive, convient à la fin qui a été dite; mais sans
entrer dans la partie du Droit Canon qui sert pour les affaires de
contentieux.

1 Tout au long de cette partie, comme pour le reste de ce travail, on


s'appuiera sur la version des Constitutions éditée, en même temps que d'autres écrits
d'Ignace, sous la direction de M. Giuliani, citée dans la bibliographie. Cette édition
est non seulement la plus récente, mais aussi la première, en traduction
française, qui soit dotée d'un appareil critique de premier ordre. On lira avec profit
l'introduction à ce texte spécifique, par P.-A. Fabre.
44 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Comme la doctrine théologique aussi bien que sa mise en


pratique exigent (spécialement à notre époque) la connaissance des
humanités et des langues latine et grecque, on aura de bons professeurs
de ces matières et en nombre suffisant. De même on pourrait en avoir
pour d'autres langues comme l'hébreu, le chaldéen, l'arabe et l'indien,
là où ces langues sont nécessaires ou utiles pour la fin qui a été dite,
compte tenu des différents pays et des raisons qui peuvent pousser à
enseigner cette langue.
Et de même, comme les Arts ou les «sciences naturelles»
disposent les esprits à la théologie et servent à en avoir une parfaite
connaissance et pratique, tout en étant par eux-mêmes une aide pour
la même fin, ils doivent être traités avec le soin qui convient et par
des professeurs érudits; on cherchera sincèrement en tout cela
l'honneur et la gloire de Dieu notre Seigneur (...)2.
Sur cette première trame, les compagnons d'Ignace ont travaillé,
proposant modifications, ajouts, amendements. C'est ainsi que
l'expression «sciences naturelles» a fait l'objet d'une clarification
ouvrant dans l'espace du texte un interstice dans lequel se sont glissées
les mathématiques.
On traitera de la logique, de la physique, de la métaphysique et
de la morale, ainsi que des mathématiques dans les limites qui
conviennent à la fin que l'on poursuit3.
Cet ajout, inséré à la fin des années 15504, marque l'entrée offi-

2 Ignace de Loyola, Ecrits, op. cit., p. 502-503.


Ubid., p. 503.
4 Le processus de rédaction des Constitutions s'échelonne sur plus de dix
années, la première version officielle du document étant diffusée à partir de 1558.
Voici la chronologie qui regarde l'élaboration des Constitutions : comme le
précise P.-A. Fabre, «le geste constitutionnel n'est pas inaugural; il découle de la
détermination du petit groupe des compagnons d'Ignace à éclater, à se «disperser»
à travers le monde, tout en se donnant les moyens de conserver, dans cette
dispersion, une unité communautaire. Les Constitutions doivent procurer ces
moyens», ibid., p. 385. Aussi, le travail de rédaction conduit «en 1541 à une
première ébauche des constitutions futures, suivie, de 1544 à 1549, d'une longue
période de révision et d'enrichissement du texte de 1541 à l'époque des premières
années d'activité de la Compagnie. Un nouveau document (...) est rédigé entre
1547 et 1549. Il est repris en 1550 dans une première version complètement
structurée et divisée entre «constitutions» et «déclarations» (...). Soumis aux Pères
présents à Rome dans l'hiver 1551, il est l'objet de corrections et d'additions
nombreuses, issues de ces observations et du travail d'Ignace et de ses collaborateurs
dans les années suivantes; (ce) texte est devenu en 1556 un nouveau texte (...). De
nouvelles modifications seront encore portées par la première congrégation
générale de l'Ordre en 1558. Le texte résultant est alors traduit en latin. La version
définitive des Constitutions ne sera arrêtée qu'en 1594 par la cinquième
congrégation générale, après de légères retouches supplémentaires»., op. cit., p. 385-386.
Pour une analyse complémentaire, L. Giard, «Relire les Constitutions», dans
L. Giard et L. de Vaucelles éds., Les jésuites à l'âge baroque (1540-1640), Grenoble,
1996, p. 37-59.
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 45

cielle des mathématiques au sein la Compagnie de Jésus. Entrée


bien marginale et paradoxale aussi. Car, à quoi tient le souci de
précision qui caractérise cet extrait, dans le cadre d'un document qui ne
prétend nullement être spécialisé dans la rédaction d'une règle des
études? Sur ce dernier point, de fait, les Constitutions paraissent
claires, elles renvoient sine die cet autre projet :
Les heures de cours, avec leur ordre et leur manière propre, les
exercices, les compositions, (qui devront être corrigées par les
professeurs), comme aussi les disputes dans toutes les matières, la
déclamation publique de discours et de vers, tout cela sera expliqué en détail
dans un traité à part, auquel renvoie la présente constitution5.
Dès lors que la Compagnie s'engageait à produire un
programme détaillé des études, les précisions qui sont apparues
nécessaires pour les rédacteurs des Constitutions prouvent que les
contours de l'enseignement philosophique n'étaient pas, a priori,
définis6. Aussi, pour une meilleure perception de cette situation
complexe, il faut analyser les expériences concrètes d'enseignement
qui, depuis les origines, ont accompagné le travail d'élaboration
d'une norme collective. C'est dans ce mouvement de va et vient entre
la diversité des expériences et l'universel des Constitutions que se
sont mêlées les autres strates du texte fondateur qui nous intéresse
directement ici, à savoir la Ratio studiorum. L'élaboration
conceptuelle est à concevoir dans un rapport de complémentarité avec les
pratiques, mobilisant tout au long du second XVIe siècle des acteurs
aux sensibilités diverses.
En même temps qu'à Rome la première génération des jésuites
travaille à la rédaction des Constitutions, dans les différents pays,
elle développe concrètement une activité d'enseignement qui nourrit
assurément la réflexion sur le texte normatif. C'est donc dans ces
premières pratiques qu'il faut chercher les raisons de la mention
explicite des mathématiques dans la définition des enseignements
couverts par le champ de la philosophie.

5 Ignace de Loyola, Ecrits, op. cit., p. 504.


6 Sans prétendre à l'exhaustivité sur cette question, on se référera utilement
aux titres suivants : C. B. Schmitt, «Filosofia e scienza nelle Università italiane
del XVI secolo», dans // Rinascimento. Interpretazioni e problemi, Rome-Bari,
1979, p. 358-398; sur la place des mathématiques dans ce cadre : J. E. Murdoch,
«Mathesis in philosophiam scholasticam introducta. The Rise and Development of
the Application of Mathematics in XVIth Century Philosophy and Theology»,
dans Arts libéraux et philosophie au Moyen- Age. Actes du Quatrième colloque
international de philosophie médiévale, Université de Montréal, 27 août-2
septembre 1967, Montréal-Paris, 1969, p. 214-254; une récente étude de cas sur cette
question : A. Blair, «The Teaching of Naturai Philosophy in Early Seventeenth-
Century Paris : the Case of Jean Cécile Frey», History of Universities , vol. 13,
1993/1, p. 95-158.
46 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Dans l'état actuel de la recherche, il paraît téméraire de


proposer une image synthétique des premières pratiques d'enseignement
des mathématiques dans les collèges de la Compagnie, car les
travaux disponibles s'avèrent extrêmement rares. Outre quelques
monographies récentes qui permettent d'éclairer ponctuellement ce
phénomène7, l'ensemble des données n'a fait encore l'objet d'aucune
synthèse. Cette situation tient en premier lieu à l'immensité des
sources. L'analyse des positions de la Compagnie sur l'enseignement
des mathématiques passe par la maîtrise et le dépouillement des
archives jésuites dont la grande majorité n'est pas encore connue.
Cette maîtrise apparaît d'autant plus nécessaire à présent que le
processus de «désenclavement» à l'œuvre dans l'historiographie la plus
récente permet de mieux comprendre la diversité des pratiques, au-

7 Comme on le remarquera dans les pages qui suivent, les travaux se sont
principalement concentrés sur le Collegio Romano, pour lequel les études
d'U. Baldini restent décisives, même si elles n'ont encore fait l'objet d'aucune
synthèse de sa part. A l'inverse, une tradition italienne d'histoire des sciences
particulièrement préoccupée des expressions anciennes d'un campanilisme fondateur
de son histoire (à cet égard la lecture de la «Bibliographia italiana di storia delle
matematiche, 1961-1990», publiée par F. Barbieri et L. Pepe dans le Bolletino di
storia delle matematiche, voi. 12, 1992/1, est éclairante), a permis de produire des
monographies de première qualité pour le sujet. Les travaux de R. Moscheo
centrés sur Maurolico éclairent le cas de Messine, ceux de R. Gatto mettent l'accent
sur le cas napolitain : R. Moscheo, Francesco Maurolico tra Rinascimento e
scienza galileiana, materiali di ricerca, Messine, 1988, 617 p.; Mecenatismo e scienza
nella Sicilia dell'500 : i Ventimiglia di Geraci e il matematico Francesco Maurolico,
Messine, 1990, 246 p.; «Il corpus mauroliciano degli «Sphaerica» : problemi
editoriali», dans Filosofia e scienze nella Sicilia dei secoli XVI e XVII, voi. 1 : Le idee, a
cura di C. Dolio, Catane, 1996, p. 39-84; R. Gatto, Tra scienza e immaginazione.
Le matematiche presso il collegio gesuitico napoletano (1552-1670 ca.), Florence,
1994, 392 p. Sur la situation à Gênes, voir A. C. Garibaldi, «Matematica e
matematici gesuiti a Genova tra Sei e Settecento», dans Atti del Convegno : I Gesuiti
tra impegno religioso e potere politico nella Repubblica di Genova (2-4 die. 1991),
publié dans Quaderni Franzoniani. Semestrale di bibliografìa e cultura ligure, voi.
5, 1992/2, p. 115-125. Pour l'espace germanique, l'édition d'un cours manuscrit de
Mayence, daté des premières années du XVIIe siècle, constitue le seul travail
susceptible de nourrir la comparaison : A. Krayer, Mathematik im Studienplan der
Jesuiten. Die Vorlesung von Otto Cattenius an der Universitât Mainz (1610-1611),
Stuttgart, 1991, 434 p. Des travaux sont actuellement en cours sur cette région :
M.-J. Gorman a soutenu, en avril 1999, à l'Institut Universitaire Européen de
Florence, une thèse sur les expériences dans la physique jésuite au XVIIe siècle. On se
reportera à M. J. Gorman, « Jesuit Explorations of thè Torricellian Space : Cap-
Bladders and Sulphurous Fumes», MEFRIM, vol. 106, 1994/1, p. 7-32; Id., «A Mat-
ter of Faith? Christoph Scheiner, Jesuit Censorship, and the Trial of Galileo»,
Perspectives on Science, vol. 4, 1996/3, p. 283-320. M. Hellyer a terminé, en 1998, à San
Diego, University of California, un Ph. D. sur l'activité des jésuites en Allemagne
dans le domaine de la physique (XVIIe-XVIIIe siècles). Voir sa contribution, «Be-
cause ofthe authority ofmy superiors commands : censorship, physics and the ger-
man jesuits», Early Science and Medicine. A Journal for the Study of Science,
Technology and Medicine in the Pre-Modern Period, vol. 1/3, 1996, p. 319-354.
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 47

delà du centre romain et de son caractère de modèle. Sans doute est-


il nécessaire de garder à l'esprit la dimension fondamentalement
universelle de la Compagnie, qui a pour corollaire une expansion
spatiale elle-même illimitée. Or, pendant le Moyen Age, se sont
élaborées, à travers les Universités, des traditions locales
d'enseignement dont les expériences jésuites ont dû se nourrir, du moins peut-
on le supposer. C'est, à mon sens, un facteur supplémentaire de la
diversification des pratiques, dont l'importance a dû être renforcée
par les conditions réelles de la circulation de l'information8.

Les mathématiques et l'écriture des Constitutions


Aujourd'hui, grâce au travail d'édition des textes qui ont
accompagné la genèse de la Ratio studiorum, on dispose d'un outil
précieux qui lève largement le voile sur les archives centrales de la
Compagnie. L. Lukacs a effectué un travail énorme de tri dans la
masse des sources disponibles et livre ainsi les principaux
documents qui ont accompagné l'élaboration de la Ratio. Ils sont de
nature variée : dans le cadre de cette recherche, les règlements
particuliers, qui ont précédé l'élaboration du texte universel, présentent
le plus grand intérêt. Mon propos n'a pas la prétention, en s'ap-
puyant sur les documents édités par L. Lukacs, de suppléer aux
carences de la bibliographie présentée ci-dessus, il cherchera
cependant à poser des jalons pour l'étude des pratiques d'enseignement
antérieures à la Ratio studiorum de 1586.
La première installation des jésuites à Padoue remonte à 1542,
comme le rappelle Juan Alfonso de Polanco9. Au cours de cette
première phase où était initiée la rédaction des Constitutions, la
situation de ce «collège» - ici le mot conserve encore son sens médiéval -,
put évoluer rapidement grâce aux libéralités de Andréa Lippomani
qui dota la Compagnie en vue de l'ouverture de deux établissements,

8 C'est pourquoi l'organisation, dès l'époque d'Ignace, de la correspondance


au sein de la Compagnie a revêtu un caractère aussi essentiel : voir L. Giard, «La
constitution du système éducatif jésuite», art. cit. Sur l'organisation du réseau
scientifique, S. J. Harris, «Confession-building, long-distance networks, and the
organization of jesuit science», Early Science and Medicine. A Journal for the Stu-
dy of Science, Technology and Medicine in the Pre-Modern Period, vol. 1, 1996/3,
p. 287-318.
9 «Eodem mense aprili anni 1542 in pataviensi universitate quarta domus
Societatis initium habuit», cité dans MPSJ, vol. 1, p. 499. Sur l'évolution vers le
collège, voir P. Tacchi Venturi, op. cit., vol. II, 2, p. 308-315. Sur le contexte de la
province de Venise et les implantations de la Compagnie, G. P. Brizzi, «Scuole e
collegi nell'antica Provincia Veneta della Compagnia di Gesù (1552-1773)», dans /
Gesuiti a Venezia. Momenti e problemi di storia veneziana della Compagnia di
Gesù. Atti del convegno di studi, Venezia, 2-5 ottobre 1990, a cura di M. Zanardi,
Padoue, 1994, p. 467-511.
48 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

l'un à Padoue et l'autre à Venise10. C'est ainsi que s'ouvrait le premier


établissement d'enseignement destiné aux scolastiques de l'ordre11.
Malgré sa brièveté12, cette première expérience a laissé des sources.
Ainsi, dès 1546, les Constitutiones Scholasticorum S.I. Patavii13,
document manuscrit à usage interne, prévoient le dispositif suivant,
pour les philosophes :
A partir de maintenant, M. Etienne, prêtre, et Etienne d'Arezzo
vont s'adonner continûment à la logique, comme il a été dit et ils se
consacreront une année entière à cet apprentissage, ou plus si c'est
nécessaire pour suivre toute la logique d'Aristote, ainsi que
préalablement les quelques principes nécessaires à la lecture de Porphyre et
d'Aristote. Qu'ils se consacrent, pendant les deux ans et demi qui
suivent à la philosophie naturelle, à la métaphysique, aux
mathématiques ainsi qu'à la philosophie morale, selon les opportunités offertes
par les enseignements. Et que pendant ce temps ils ne conservent
dans leurs chambres aucun livre de théologie ou de contemplation14.

10 Les premiers travaux sur les rapports entre la Compagnie et l'université de


Padoue ont été lancés par A. Favaro, l'éditeur des œuvres de Galilée : A. Favaro,
«Lo Studio di Padova e la Compagnia di Gesù sul finire del secolo decimosesto»,
Atti del Real Istituto Veneto di scienze, lettere ed arti, Série V, vol. 4, 1878, 139 p.;
Id., «Nuovi documenti sulla vertenza tra lo Studio di Padova e la Compagnia di
Gesù sul finire del secolo decimosesto», Nuovo archivio Veneto, voi. 1, 1911, p. 89-
100. Plus récemment, J. P. Donnelly, «The Jesuit College at Padua. Growth,
Suppression, Attempts at Restoration : 1552-1606», AHSI, voi. 51, 1982, p. 45-79;
«Padua, Louvain and Paris. Three Case Studies of University - Jesuit
Confrontation», Louvain Studies, 1990, p. 38-52.
11 Dans la Compagnie, le terme «scolastique» désigne «les étudiants jésuites
entre le moment où ils ont prononcé les vœux simples perpétuels, à la fin du
noviciat, et les derniers vœux. Dans les faits, ils sont appelés «maîtres» à partir du
moment où ils enseignent dans les collèges, et «pères» dès qu'ils ont été ordonnés
prêtres». Voir V. Gramatowski, op. cit., p. 50.
12 Cette expérience tourne vite à l'échec, du fait de la farouche opposition de
l'Université de Padoue dont Cremonini, le collègue de Galilée nommé à la chaire
de philosophie en 1590, se fait le porte-parole dans le procès qui l'oppose à la
Compagnie l'année suivante. Pour une étude précise de la situation à Padoue,
voir J. P. Donnelly, art. cit. La mise au point la plus récente est celle de G. Cozzi,
«Fortuna, e sfortuna, della Compagnia di Gesù a Venezia», dans / Gesuiti a
Venezia..., op. cit., p. 59-88.
13 MPSJ, vol. 1, Rome, 1965, p. Il : sur les conditions de rédaction de ce
document, voir, dans l'introduction générale, les pages 9*-ll\
14 MPSJ, Rome, 1965, vol. 1, p. 11 :
«Intraranno adesso a udire logica con continuo exercitio, come habbiamo
detto, M. Stephano sacerdote et Stephano d'Arezzo, et staranno un anno integro
in questo esercitio, o tutto '1 tempo di più che sarà di bisogno per udire tutta la
logica d'Aristotele, con alcuni principii inanzi d'intrare al testo di Porphyrio e d'A-
ristotele. Gli altri doi anni et mezzo si diano a philosophia naturale, metaphysica,
mathematica et philosophia morale, secondo sarà l'opportunità de lettioni. Et
intérim non habbino nelle sue camere niuno libro di theologia né di contempla-
tione alcuna».
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 49

On le voit dans ce premier exemple, l'enseignement des


mathématiques a commencé dans la Compagnie avant son introduction en
règle dans les Constitutions : dans le cadre des cours dispensés par
l'Université de Padoue, les scolastiques vont s'initier à cette
science15. La volonté de faire suivre ce cours aux étudiants relève
explicitement d'une référence au modus parisiensis, qui n'est certes
pas propre aux seules mathématiques, mais justifie du moins
l'intérêt que les supérieurs y portent : «supposito che in tutte l'università
de boni studii, comme Parisii etc., si pigliano tre anni et mezzo o
quattro anni per udir l'arti liberali...»16.
Dans les mêmes années, la fondation du collège de Messine
(1548), puis celle du Collegio Romano (1551) offrent aux rédacteurs
des Constitutions des exemples de choix pour alimenter leur
réflexion didactique. Le processus est d'autant plus aisé que les
situations concrètes d'enseignement se trouvent elles-même rapidement
codifiées dans des règlements propres à chacun des établissements,
mais susceptibles de circuler d'un collège à l'autre. L'ouverture du
collège sicilien en 1548, premier collège de la Compagnie qui
accueille des externes, est le résultat d'une sollicitation venue de la
ville : à la demande des représentants de la cité, le vice-roi de Sicile,
qui connaissait Ignace, adresse une requête à la Compagnie
concernant l'envoi de quatre professeurs de théologie, philosophie,
grammaire et rhétorique17.
Le nouvel établissement18 est confié à Jérôme Nadal, proche du
groupe originel qui fonda la Compagnie autour d'Ignace quelques
années auparavant19. Avec Ignace et Juan de Polanco, Jérôme Nadal

15 Le paragraphe qui précède celui-ci précise en effet : «li dialetici, logici et


philosophi vadino alle schole publiche, alii monasterii et agl'altri precettori che
particularmente leggano fora di casa, secondo il giuditio del superiore», op. cit.,
p. 9. Sur l'enseignement des mathématiques à Padoue dans cette période, voir
C. Maccagni, «Le scienze nello studio di Padova e nel Veneto», dans Storia della
cultura veneta, voi. Ili, : Dal primo Quattrocento al Concilio di Trento, Vicence,
1981, t. 3, p. 135-171; A. Carugo, «L'insegnamento della matematica all'Università
di Padova prima e dopo Galileo», dans Storia della cultura veneta, voi. IV : Dalla
controriforma alla fine della Repubblica, t. 2, Vicence, 1981, p. 151-199; A. Poppi,
«La filosofia naturale nel primo Cinquecento nelle univerità di Padova, Bologna e
Ferrara», dans Copernico e la questione copernicana in Italia dal XVI al XIX secolo ,
a cura di L. Pepe, Florence, 1996, p. 39-67.
16 MPSJ, vol. l, p. 8.
17 M. Scaduto, «Le origini dell'Università di Messina», art. cit.; P. Tacchi
Venturi, op. cit., vol. II, 2, p. 332. Pour une mise en contexte, R. Moscheo,
«Istruzione superiore e autonomie locali nella Sicilia moderna. Apertura e sviluppi
dello Studium Urbis Messanae», Archivio storico messinese, voi. 59, 1991, p. 75-220.
18 Sur l'importance pédagogique du collège de Messine, voir A. Demoustier,
«Les «constitutions» du collège de Messine et les premiers choix pédagogiques
de la Compagnie de Jésus», Cahiers de Fontenay, n° 49-50, 1988, p. 11-25.
19 Pour une présentation générale, M. Scaduto, Storia della Compagnia di Gè-
50 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

est sans doute la principale personnalité de la Compagnie dans les


années fondatrices20. Né en 1507, à Palma de Majorque, il
entreprend des études à Alcalà et à Paris où il semble aussi avoir
enseigné, en particulier les mathématiques21. Malgré la précocité de la
rencontre avec Ignace, il n'entre dans la Compagnie qu'en 1545. A
partir de cette date et jusqu'à sa mort, il y assume des charges
importantes et diverses, notamment comme recteur du collège de
Messine de 1548 à 1552. C'est lui qui est envoyé dans la péninsule
ibérique pour promulguer les Constitutions22, il est aussi l'un des
premiers visiteurs de certaines provinces européennes23. Il meurt à
Rome en 158024, au moment où s'ouvre le débat sur la Ratio. A
Messine, dès 1548, il est à l'origine du premier programme imprimé sur
l'organisation des études (celui de Padoue n'ayant fait l'objet d'au-

sù in Italia, vol. 4 : L'epoca di Giacomo Lainez, 1556-1565, t. 1 : // governo, Rome,


1964, p. 172-180; W. V. Bangert, Jérôme Nadal, S.J., 1507-1580. Tracking the First
Génération of Jesuits, edited and completed by T.M. Mac Coog, Chicago, 1992,
402 p.; P.-A. Fabre, «Ignace de Loyola et Jérôme Nadal : paternité et filiation
chez les premiers jésuites», dans J. Plazaola éd., Ignacio de Loyola y su tiempo...,
op. cit., p. 417-433.
20 J. O'Malley lui-même souligne l'importance du personnage dans sa
synthèse sur les premiers jésuites, J. O'Malley, The first Jesuits, Cambridge (Mass),
1993, p. 11-14.
21 J. de Polanco, Chronicon..., vol. I, p. 371 (1549), vol. II, p. 32 (1550);
Monumenta Ignatiana, Epistulae, vol. II, p. 25-26; Epistulae Monumenta Nadalis, vol. I,
p. 120; G. Cosentino, «Le matematiche nella Ratio Studiorum della Compagnia
di Gesù», Miscellanea storica ligure, voi. 2, 1970, p. 176.
22 C'est ce que rappellent les passages du Chronicon pour l'année 1552. Voir
A. Ravier, La Compagnie de Jésus sous le gouvernement d'Ignace de Loyola (1541-
1556). D'après les Chroniques de J. A. de Polanco, Paris, 1990, p. 180-181. Cet
extrait souligne la place acquise par Nadal auprès d'Ignace :
« (329) Le Père Ignace songeait à déclarer et à faire mettre en pratique dans
la Compagnie entière les Constitutions. Il jugeait que le Père Nadal était apte à
remplir cette mission dans bien des endroits. C'est pourquoi il écrivit à celui-ci
d'arranger les choses en Sicile de façon à se rendre à Rome après les fêtes de
Pâques...
(336) Le P. Nadal vint donc à Rome vers le commencement du printemps et
il fit profession entre les mains du Père Ignace le 25 mars. Ils traitèrent ensemble
beaucoup d'affaires. Le Père Ignace de son côté, lui donna à lire les Constitutions
et lui ordonna de noter ce qui lui viendrait à l'esprit. Et le Père Ignace, qui était
âgé et malade, mais qui n'avait pu démissionner durant l'année du jubilé, songea
à se faire remplacer par le P. Nadal en beaucoup de ses affaires. Cependant la
promulgation des Constitutions et leur mise en pratique dans la Compagnie était
une chose de grande importance, et, par ailleurs, cette opération pouvait
opportunément commencer par les collèges de Sicile...»
23 M. Ruiz Jurado, «Cronologia de la vida del P. Jeronimo Nadal S.I. (1507-
1580)», AHSI, vol. 48, 1979, p. 248-276.
24 Sur son action pédagogique, G. Codina Mir, Aux sources de la pédagogie
jésuite..., op. cit., p. 256-336.
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 51

cune édition), texte qui circulera dans différents collèges avant la


production d'un texte équivalent par le Collegio Romano. Ce
document de premier intérêt consacre un développement aux
mathématiques :

[Le philosophe] «lira» en dehors du [parcours] ordinaire les


mathématiques au moment qui sera estimé le plus commode par le
recteur lui-même. D'abord quelques livres d'Euclide, jusqu'à ce que les
étudiants se soient accoutumés aux démonstrations; ensuite
l'arithmétique pratique d'Oronce Fine et sa sphère, l'astrolabe de Stoeffler
et les Théoriques de Peurbach25.

Différence substantielle avec le texte précédent dans la mesure


où Nadal dresse un programme d'études mis en œuvre dans la
Compagnie et par ses soins. D'autre part, il donne des indications
précises quant aux auteurs à étudier : Euclide, le grand bénéficiaire
de la «renaissance des mathématiques»26, Oronce Fine, premier
occupant de la chaire de mathématiques du Collège Royal de Paris,
dont YArithmetica practica libri IV absoluta est publiée en 1535 27, Jo-
hanes Stoeffler, professeur à l'Université de Tiibingen, mort en 1532,
dont YElucidatio fabricae ususque astrolabii a été éditée à Oppen-
heim, en 1512, l'astronome et mathématicien Georg Peurbach28, et sa
Theoricae novae planetarum (Rheinold, 1542). Soit un programme
axé sur géométrie, arithmétique et astronomie, selon les usages de
l'université médiévale, mais qui inclut les derniers acquis de la
production mathématique.

25 Constitutiones Collegii Messanensis, P. Hyeronymus Nadal, anno 1548,


MPSJ, vol. 1, Rome, 1965, p. 26 :
«Praeleget extra ordinem mathematicen, quo tempore commodissimum
esse ab ipso rectore censebitur. Primum aliquot libros Euclidis, donec assuescant
demonstrationibus. Deinde practicam arithmeticam Orontii et ejusdem spheram,
astrolabium Stoflerini et theoricas Purbachii».
La traduction est empruntée à A. Demoustier, art. cit., p. 17. A propos du
verbe «praelegere», traduit ici par «lire», il faut préciser qu'il s'agit ici d'un renvoi
à la méthode médiévale d'enseignement, où le cours est principalement consacré
à la «lecture» des textes des «autorités», puis à leur explication et à leur
commentaire. Voir O. Weijers, Terminologie des universités au XIIIe siècle, Rome,
1987, 437 p.
26 Cette expression fait référence au travail de P. L. Rose, The Italian
Renaissance of Mathematics . Studies on Humanists and Mathematicians from Petrarch to
Galileo, Genève, 1975, 316 p.
27 Voir J.-C. Margolin, «L'enseignement des mathématiques en France, 1540-
1570. Charles de Bovelles, Fine, Peletier, Ramus», dans P. Sharratt éd., French
Renaissance Studies, 1540-1570, Edimbourg, 1976, p. 109-155; B.U., vol. 14, p. 131-
132; DSB, vol. 15, p. 153-157.
28 Voir DSB, vol. 15, p. 473-479.
52 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

En 1552, le même Nadal propose un second texte d'organisation


de l'enseignement, qui développe de manière substantielle celui de
1548 :

[15] En philosophie, c'est-à-dire logique, philosophie naturelle,


philosophie morale et métaphysique, sont instituées quatre classes et
l'ensemble du cursus de philosophie (comme on l'appelle
communément) s'effectue en quatre ans. (...)
[25] Mais durant les trois autres années, ou environ, un régent
enseignera la philosophie naturelle et la métaphysique d'Aristote, à
savoir les huit livres de la Physique, les quatre livre du Ciel, les quatre
autres des Météorologiques, les deux de la Génération et de la
corruption, les trois de YAme, les Petits traités d'histoire naturelle et les douze
livres de la Métaphysique. Ceux-ci seront commentés par trois
professeurs dans trois classes, mais au moins à partir de la troisième année
qui suivra le début de leurs études.
[26] Dans ces classes il n'y aura que deux seules leçons, l'une
avant le repas après la messe, l'autre après le repas. Mais une heure
sera consacrée aux leçons, une autre aux répétitions, de sorte que les
scolastiques soient en classe quatre heures par jour; qu'ils puissent en
outre les prolonger d'une demi-heure, mais ne les réduire en aucun
cas. Il arrivera ainsi qu'ils tendront vers des études de plus en plus
dures, qu'ils y exerceront leur jugement et leur étude, chez eux;
pendant ce même temps, ils auront la possibilité de suivre un cours de
mathématiques. (...)
[27] Un professeur sera en outre nommé pour l'enseignement
des mathématiques. Celui-ci fera trois leçons chaque jour, dans la
classe des métaphysiciens après leurs propres leçons et répétitions. Il
ne lui sera pas permis de dépasser deux heures pour ses leçons et
répétitions; c'est pourquoi le professeur de mathématiques aura la
liberté de faire sa leçon non seulement avant, mais aussi après le repas.
Il donnera une troisième leçon dans la même classe des
métaphysiciens avant que le professeur de métaphysique ne fasse cours, avant
le repas. En outre, le professeur de mathématiques donnera son
cours et il n'aura aucun autre exercice dans la journée, sinon de faire
répéter à un élève la leçon entendue, et présentera ses candidats de
thèses pour les disputes mensuelles et annuelles. Il fera ainsi ses
leçons préparatoires de manière telle que, en première année, où se
trouveront avec les physiciens les seuls logiciens, et où ne pourront
entendre le professeur de mathématiques que les physiciens, il donne
une leçon, puis deux en seconde année, puis trois en troisième année,
et ensuite toujours trois.
[28] La première leçon sera tirée d'Euclide, d'une quelconque
arithmétique pratique, et des principes d'astronomie, appelés sphère.
Celle-ci prendra appui sur la Cosmographie d'Oronce Fine, si aucun
ouvrage plus commode ne se présente. Cette première leçon sera
donc consacrée à ces principes de base et occupera une année, et
reprendra de nouveau chaque année. On avancera autant que possible
dans la lecture d'Euclide, dans la mesure où arithmétique pratique et
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 53

sphère ne doivent pas occuper beaucoup de temps. Sans doute sera-t-


il commode pour cette leçon de puiser les démonstrations dans
certains autres mathématiciens, comme l'ouvrage de Regiomontanus Ex
omnimodis triangulis, ou celui de Jordanus, etc..
[29] La deuxième leçon embrassera la musique spéculative et la
perspective. Celle-ci sera enseignée soit de manière ordinaire, soit à
partir de Vitellion; celle-là à partir de Lefèvre d'Etaples, ou d'un autre
s'il devait s'avérer plus commode. C'est dans cette deuxième leçon
qu'on pourra renvoyer les propos sur la géométrie pratique et les
mesures, à partir de n'importe quel auteur, etc. Dans cette deuxième
leçon, on s'appliquera à ces sujets pour l'ensemble de l'année, et les
mêmes choses de nouveau seront enseignées l'année suivante.
[30] La troisième leçon portera chaque année sur l'astrologie, en
commençant par la théorie des planètes. On pourra toujours ajouter
quelque chose de la grande construction ptoléméenne, ou de
l'Epitome de Regiomontanus, des tables alphonsines, de l'astrolabe, etc.
Cette disposition permettra qu'en trois ans les philosophes étudient
au moins les principes de toutes les mathématiques, et que chaque
jour chacun ne suive qu'une leçon : les physiciens la première, les
naturalistes la seconde, les métaphysiciens la troisième. Il ne sera pas
permis au mathématicien d'interpréter l'astrologie judiciaire, mais
tout son travail portera sur les mathématiques spéculatives, etc.29.

29 De studiis generalis dispositione et ordine, P. Hieronymus Nadal, anno


1552, MPSJ, vol. 1, Rome, 1965, p. 133-163. Et en particulier, p. 143-144, 147-150 :
«[15] In philosophia, hoc est : logica, philosophia naturali, morali ac meta-
physica sunt quattuor classes, ac quattuor anni absolvatur totius philosophiae (ut
vulgo aiunt) cursus. (...)
[25] Tribus vero reliquis annis, vel circiter, quivis regens philosophiam natu-
ralem profitebitur et metaphysicam, hoc est, Aristotelis octo libri De physico au-
ditu, quattuor De caelo, quattuor De meteorologicis , duos De generatione et corrup-
tione, très De anima, Parva naturalia et duodecim Metaphysicorum. Haec in
tribus classibus praelegentur a tribus praeceptoribus, saltem post tertium annum,
quo inchoata fuerint studia.
[26] Proprium erit his classibus, ut duae tantum lectiones in eis enarrentur;
una ante prandium post auditam missam, alia a prandio. Erit vero tempus lectio-
nis horae unius, repetitionum alterius, ut quattuor tantum horas sint quotidie
scholastici in classe; excurrere possint ad dimidiam praeterea horam, imminuere
nihil possint. Ita net [ut] gravius ad graviora studia attendant, suumque judicium
et studium domi exerceant; simul tempus illis suppetet ut mathematicam lectio-
nem possint audire. (...)
[27] Praeceptor praeterea instituetur mathematices. Hic quotidie leget très
lectiones in schola metaphysicorum post eorum lectiones et repetitiones. His
enim non licebit praeterire duas horas in singulis suis lectionibus et repetitioni-
bus; itaque liberum erit mathematico in ea classe légère non solum a prandio,
sed post prandium quoque. Tertiam lectionem interpretabitur in eadem classe
metaphysicorum, antequam classem ingrediatur metaphysicus, a prandio. Leget
autem suas lectiones mathematicus, nec aliud habebit exercitii quotidiani, nisi
quod repetet unus auditam lectionem, praesente praeceptore, atque ad disputa-
tiones menstruas atque annuas dabit suos propugnatores positionum. Ita vero,
suas praelectiones dispensabit, ut primo anno, ubi soli erunt logici cum physicis,
54 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Le document suggère en premier lieu un cursus philosophique


développé sur quatre années (logique, philosophie naturelle, morale
et métaphysique), principalement destiné à l'enseignement d'Aris-
tote, dont il rappelle les textes au programme : la Physique, le Traité
du ciel, les Météorologiques, De la génération et de la corruption, le
Traité de l'âme et les Petits traités d'histoire naturelle. S'inscrivant
dans une optique philosophique que les Constitutions
officialiseront30, il est pourtant le premier à intégrer à cette manière classique
d'enseigner la philosophie un programme mathématique
complémentaire dense.

nec audire poterunt mathematicen nisi physici, unam leget lectionem, secundo
duas, tertio très, ac deinde perpetuo très.
[28] Lectio prima ex Euclide et arithmetica aliqua practica et principis as-
tronomicis, quae sphaeram vocant. Haec, si alia commodior non emergat, erit
Orontii Cosmographia. In his principiis versabitur prima lectio, ac uno anno ab-
solventur, et praeterea singulis annis rursus incohabuntur. Ex Euclide autem
quantum poterit legatur, quandoquidem praxis arithmetices et sphaera non adeo
multum temporis soient occupare. Hac lectione forsan erit commodum demons-
trare ex aliis mathematicis aliquid, ut ex omnimodis triangulis Ioannis de Monte-
regio, vel ex lordano, etc.
[29] Secunda lectio complectitur musicen speculativam et perspectivam.
Haec legetur vel communis, vel Vitellionis, illa Fabii Stapulensis, vel alterius si
quis commodior videatur. In hanc lectionem poterit reiici ut aliquid dicatur de
praxi geometriae et mensurationibus ex aliquo auctore, etc. In his versabitur
secunda lectio totum annum, et denuo proximo anno eaedem legentur.
[30] Tertia lectio singulis annis versabitur in astrologia, inchoando a theoria
planetarum; poterit coniungi semper aliquid ex magna constructione Ptolomaei,
vel saltem epitome Ioannis de Monteregio, Tabulae Alfonsi, astrolabium, etc.
Haec dispositio faciet ut triennio philosophi audiant principia saltem totius ma-
thematices, ac quotidie singuli audiant tantum unam lectionem : physici pri-
mam, naturales secundam, metaphysici tertiam. Mathematicus vero nihil possit
interprétai! astronomiae judiciariae, sed totum ejus negocium constet speculati-
vis mathematices, etc.».
30 Sur le choix du système aristotélicien en philosophie, la Compagnie s'est
rapidement déterminée : c'est ce qu'indique le chapitre 14 («Les livres à
enseigner»), de la quatrième partie des Constitutions :
«En logique, en philosophie naturelle et morale, on suivra la doctrine d'Aris-
tote, de même que dans les autres arts libéraux. Et parmi les commentaires
d'auteurs, aussi bien dans ces disciplines qu'en littérature, on fera un choix et on
signalera ceux que les élèves doivent lire, et ceux aussi que les professeurs doivent
suivre de préférence dans la doctrine qu'ils enseignent», dans Ignace de Loyola,
Ecrits, op. cit., p. 507.
Pour un commentaire de ces choix, voir C. H. Lohr, « Jesuit Aristotelianism
and Sixteenth-Century Metaphysics», dans Paradosis. Studies in Memory of Ed-
win A. Quain, New- York, 1976, p. 203-220 ainsi que sa synthèse récente, «Les
jésuites et l'aristotélisme du XVIe siècle», dans L. Giard dir., Les jésuites à la
Renaissance..., op. cit., p. 79-91. Les travaux de C. B. Schmitt permettent aussi de
bien maîtriser cette question, notamment Aristote et la Renaissance, Paris, 1992,
XXXV-184 p.
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 55

Première originalité de cette série de propositions, celle qui


consiste à désigner un professeur attaché à ce seul enseignement et
chargé de dispenser ses cours aux philosophes. C'est donc le premier
document qui opère clairement la distinction entre professeur de
philosophie et professeur de mathématiques31, induisant par là
même l'idée d'une spécialisation sur laquelle Clavius insistera tant à
la fin du siècle. On voit l'importance des développements accordés
aux mathématiques, au cœur même du bastion aristotélicien.
Seconde originalité, la présentation d'un programme vaste, qui,
développant les idées de 1548, en souligne plus clairement la double
option géométrique et astronomique, prenant appui sur Euclide et sur
un corpus de textes des XIIIe-XVe siècles. Alors que la Compagnie ne
dispose pas encore d'une production propre, le programme reste
largement ouvert et appuyé sur les ouvrages de références. Pour
l'arithmétique pratique, l'ouvrage conseillé est celui d'Oronce Fine, «s'il ne
s'en présente pas de plus commode»; aucun auteur n'est précisé
pour les principes de l'astronomie ou la sphère. Cette question
générale des livres sera posée ultérieurement, notamment lorsque la
Ratio de 1586 définira un programme éditorial pour les
mathématiques, complémentaire de ceux mis en œuvre pour philosophie et
théologie dès 1560 environ, et confié à Clavius32.
Ce premier cours s'adresse aux étudiants de première année de
philosophie qui suivent cette formation tout au long de l'année :
c'est pourquoi il est prévu que le professeur avance dans Euclide
autant qu'il pourra, dans la mesure où «arithmétique et sphère ne
doivent pas occuper beaucoup de temps».
Les étudiants de seconde année se consacreront à l'étude de la
«musique spéculative» et de la perspective33, pour laquelle sont re-

31 Cette distinction ne présente en elle-même aucune originalité, rapportée à


la pratique universitaire contemporaine : à Padoue par exemple, dans le cycle des
arts, existe une chaire de mathématiques. Sur la question du statut du professeur
de mathématiques, voir R. S. Westman, «The Astronomer's Rôle in the Sixteenth
Century : a Preliminary Study», History of Science, vol. 18, 1980, p. 105-147; de
manière complémentaire, M. Biagioli, «The Social Status of Italian mathemati-
cians, 1450-1600», History of Science, vol. 27, 1989, p. 41-95; S. Shapin, «A Scho-
lar and a Gentleman : the Problematic Identity of Scientific Practitioner in Early
Modem England», History of Science, vol. 29, 1991/3, p. 279-327.
32 On notera en effet qu'en 1567, le troisième général, Francisco de Borgia,
exprime le souhait de prendre dans les leçons de philosophie de Peirera, Toledo
et Fonseca de quoi publier un cours qui aurait valeur de texte obligatoire pour
toutes les écoles de la Compagnie : voir M. Scaduto, Storia della Compagnia di
Gesù in Italia, op. cit., p. 284. On rencontrera aussi dans les prochains chapitres
la question des Conimbricenses.
33 L'expression «musique spéculative» renvoie, dans la tradition de
l'Université médiévale, à l'étude des harmoniques, par opposition à la musicologie ou à la
pratique musicale.
56 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

commandés les ouvrages de Vitellion ou de Jacques Lefèvre


d'Etaples34. Enfin, en troisième année, les étudiants s'occuperont de
ce que le texte appelle l'« astrologie», terme qui en ce milieu du XVIe
siècle reste encore largement synonyme d'astronomie35. Le projet est
explicite, c'est le système ptoléméen qui doit être enseigné, à partir
de l'édition par Johanes Regiomontanus de l'Epitome in Ptolemaei
magnani compositionem36, ou des Tables alphonsines37.
Ce texte apparaît donc beaucoup plus ambitieux et précis que le
précédent, dans la mesure où non seulement il prévoit une
formation mathématique étalée sur l'ensemble du cursus philosophique,
mais surtout il définit un niveau supérieur de spécialisation
scientifique. Il témoigne donc d'une volonté, précocement manifestée dans

34 Pour Vitelion, le texte de référence est le De natura, ratione et proiectione


radiorum visus, luminum, colorum atque formarum, quatti vulgo Perspectivam vo-
cant, libri X, Nuremberg, 1535. Présentation dans DSB, vol. 14, p. 457-462. Pour
Lefèvre d'Etaples, il s'agit du Musica libri quattuor demonstrata, Paris, 1500 :
CHRP, p. 823-824; Jacques Lefèvre d'Estaples (1450-1536). Actes du colloque
d'Etaples, 7-8 nov. 1992, Paris, 1995, 290 p. Sur la musique à la Renaissance, voir Die
Musik in Geschichte und Gegenwart. Allgemeine Enzyklopàdie der Musik, Cassel et
Bâle, 1954, vol. 3, col. 1688-1690; C. V. Palisca, Humanism in Italian Renaissance
Musical Thought, New Haven et Londres, 1985, 471 p.; «Humanism and Music»,
dans A. Rabil éd., Renaissance Humanism..., op. cit., vol. 3, p. 450-485. Voir aussi
H.-F. Cohen, «La musique comme science physique et mathématique au XVIIe
siècle», dans Musique et humanisme à la Renaissance, Cahiers V.-L. Saulnier, vol.
10, 1993, Paris, p. 73-81. Dans ce dernier volume, se trouve une bibliographie
exhaustive sur la question de la musique à la Renaissance, p. 153-160.
35 Les remarques sur l'astrologie judiciaire rendent compte des mutations
qui commencent à s'opérer dans ce champ, en termes de différenciations entre
des catégories distinctes du savoir. Dans les mêmes années, le Concile de Trente
promulgue un décret sur l'astrologie judiciaire qui fait écho à une volonté de plus
en plus générale de cantonner l'astrologie dans un ensemble de pratiques
culturelles contrôlées par l'Église, et parallèlement d'enfermer l'astronomie des
mathématiciens dans le domaine de la philosophie spéculative. Pour une approche
générale, voir E. Garin, Le zodiaque de la vie. Polémiques antiastrologiques à la
Renaissance, trad. française, Paris, 1991, 172 p. L'action législative de la papauté n'a
pourtant pas systématiquement anéanti ces pratiques : au-delà du discours
officiel, la réalisation des thèmes astraux et autres lectures de l'avenir dans le ciel
perdurent au cœur du XVIIe siècle : L. Thorndike, A History of Magic and
Expérimental Science, vol. 6 : The XVIth Century, New-York, 1941, p. 145-178; B. P. Co-
penhaver, «Astrology and Magic», dans CHRP, p. 264-300; Id., «Did Science hâve
a Renaissance?», Isis, vol. 83, 1992, p. 387-407.
36 Publié à Bâle en 1543. Sur Regiomontanus et son importance en Italie,
voir P.L. Rose, The Italian Renaissance of Mathematics..., op. cit., p. 90-117. Il
faut, à la suite de ce livre, souligner l'importance de ce mathématicien du siècle
précédent dans la mise en œuvre du premier programme éditorial
mathématique, lancé sous l'égide de Bessarion.
37 Alphonsi régis Castellae Astronomicae tabulae..., Paris, 1545, 245 p. On
pourra aussi se référer à la traduction récente, Les tables alphonsines avec les
Canons de Jean de Saxe, édition, traduction et commentaire par E. Poulie, Paris,
1984, 246 p.
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 57

l'histoire de l'ordre, d'assurer aux jésuites une formation


mathématique de bon niveau. C'est cette précocité qui, à un demi-siècle de
distance, justifiera la volonté de Galilée d'avoir pour interlocuteurs
romains, les jésuites du Collegio Romano et Christoph Clavius au
premier chef38.
Le programme conçu par Nadal soulève cependant un double
problème : en quoi correspond-il aux pratiques du collège de
Messine vers 1548? Dans quelle mesure reflète-t-il un souci commun à
toute la Compagnie? Certes, c'est à la demande d'Ignace que Nadal a
rédigé ce texte destiné à alimenter la réflexion sur l'organisation des
études supérieures39. L'intérêt qui s'y manifeste pour les
mathématiques ne peut pourtant pas rendre compte d'une préoccupation
partagée par tous les jésuites. Messine constitue, dans la pratique
comme dans la réflexion théorique, une exception. Celle-ci sera
confirmée dans les années suivantes par la collaboration active à
l'enseignement, dans cet établissement, du mathématicien
Francesco Maurolico40. Aussi, non seulement la notoriété du personnage,
son poids scientifique, mais aussi le caractère unique de cette
association entre jésuites et non jésuites pour l'enseignement, font de
Messine un établissement à part41. Il n'en demeure pas moins que

38 Sur cette question, on notera les analyses qui expliquent le départ de


Galilée de Padoue pour Florence, à partir des tensions qui opposent Venise et la
Compagnie : la caution scientifique du Collegio Romano constitue une nécessité
absolue pour le mathématicien pisan, en route pour Rome où il doit montrer les
satellites de Jupiter au Pape. Voir C. Maccagni, «La matematica», dans Storia
dell'Università di Pisa, vol. 1*, Pise, 1995, p. 350.
Ì9MPSJ, vol. 1, p. 134.
40 Voir B. Boncompagni, «Intorno alla vita e ai lavori di Francesco
Maurolico», Bulletino di bibliografia e di storia delle scienze matematiche e fisiche, 1876,
p. 1-22; Id., «Scritti inediti di Francesco Maurolico», ibid., p. 23-121; M. Scaduto,
«II mathematico F. Maurolico e i Gesuiti», AHS1, voi. 18, 1949, p. 126-141. On
renverra en outre aux travaux de R. Moscheo, cités supra. L'importance de
Maurolico pour la définition et la compréhension de l'engagement de certains jésuites
en faveur des mathématiques apparaît dans la similitude qu'on peut établir entre
son analyse et celle des mathématiciens de la Compagnie. Ainsi, lorsqu'en 1540,
Maurolico s'adresse au cardinal Pietro Bembo, il se lance dans une défense des
mathématiques, par opposition aux autres parties de la philosophie, qui est
reprise presque un demi-siècle plus tard par Clavius (voir chapitre 2). Il faut aussi
noter l'attention portée par le mathématicien sicilien au délabrement de
l'enseignement des mathématiques et le lien qu'il établit entre un programme édito-
rial de qualité et la revalorisation de cet enseignement. De ce point de vue aussi,
la similitude avec les positions ultérieures de Clavius doit être soulignée (voir
chapitre 3). Sur cet aspect de l'œuvre de Maurolico, voir P. L. Rose, The Italian
Renaissance of Mathematics..., op. cit., p. 159-184.
41 M. Scaduto, «Le origini dell'Università di Messina», art. cit.; Id., «Il
matematico F. Maurolico e i Gesuiti», art. cit. Parallèlement à ces travaux classiques
et d'un point de vue plus spécifique à l'histoire des sciences, les analyses de
R. Moscheo confirment l'importance, pour la Compagnie de Jésus, des relations
58 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

cette situation sicilienne constitue la preuve la plus évidente d'un


précoce intérêt pour les mathématiques, au moins parmi certains
membres de la jeune Compagnie. Dès avant Clavius, la réflexion sur
cette question a été amorcée.
La rédaction du programme de 1552 correspondait à une finalité
précise, identifiée par L. Lukacs : il s'agissait de proposer à Ignace,
toujours occupé par la rédaction des Constitutions, un document
susceptible d'alimenter le chapitre consacré aux études42. L'année
suivante, à la demande d'Ignace, Martin de Olave, recteur de
l'établissement romain, ouvert deux ans auparavant, se livre au même
exercice43. Le Collegio Romano est dès les origines conçu comme
l'espace modèle de la Compagnie, référence non seulement pour les
pratiques éducatives, mais aussi pour l'élaboration des contenus
d'enseignement : il devait donc rapidement devenir le lieu privilégié
de la réflexion sur le programme des études44. Aussi les propositions
de Martin de Olave devaient-elles vite acquérir un statut normatif de
portée générale :
I, 3 - A part ces professeurs s'occupant d'Aristote, un autre sera
chargé du cours de mathématiques et de la bonne et utile partie de
l'astrologie.
(...)
II, 2 - Passée la première moitié de l'année, la leçon du matin
durera deux heures jusqu'à la fin des cours. Et pendant la troisième
heure, les étudiants suivront la leçon de mathématiques qui aura
toujours lieu une heure avant le déjeuner45.

avec Maurolico : il s'agit en effet de définir le poids de Maurolico dans la


«restauration» archimédienne et de prendre ainsi la mesure du rôle joué par les jésuites
dans ce processus. Voir R. Moscheo, «L'Archimede del Maurolico», art. cit.
42 MPSJ, vol. 1, p. 134-135. Il est à présent inutile de revenir sur la complexe
genèse de ce document : elle a été présentée plus haut. Qu'il suffise de rappeler
que, dans la période ignatienne, «trois essais de constitutions pour les collèges
des étudiants de l'Ordre» se sont surimposés à cette première stratification
générale, en 1540-1541, 1544-1547 et 1549-1550 : P.-A. Fabre, art. cit. Pour l'histoire de
l'édition de 1558, voir M. Scaduto, Storia della Compagnia di Gesù in Italia,
op. cit., vol. 4, t. 1, p. 189-192.
43 Ordo lectionum et exercitationum in universitatibus S.I., P. Martinus de
Olave, anno 1553, MPSJ, vol. 1, Rome, 1965, p. 166-185.
44 Faute d'une monographie plus pertinente, on se référera à R. Villoslada,
Storia del Collegio Romano dal suo inizio (1551) alla soppressione della Compagnia
di Gesù (1773), Rome, 1954, 356 p.
45 MPSJ, voi. 1, p. 166 et p. 176 :
«1.3 - Senza questi professori di Aristotele, sarà ancora qui lega le mathema-
tice e la buona e util parte di astrologia.
(...)
II.2 - Passato il primo mezzo anno, durerà la letione delà matina tutto il
resto del curso due hore. E nelle terza hora sentirano la letione de mathematica che
sarà sempre un'hora inanzi pranso».
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 59

On voit donc dans l'étroitesse de la place faite aux


mathématiques, et par contraste avec la proposition de Nadal, que, parmi les
membres de la Compagnie, et tout particulièrement parmi les
proches d'Ignace, des divergences existent quant au développement
des études de mathématiques au sein des collèges jésuites. Or, c'est
la Ratio de M. de Olave qui sert de référence à l'organisation du
cours de mathématiques au Collegio Romano, établissement pilote
en matière d'enseignement jésuite46. Ce choix apparaît d'autant plus
déterminant que le contexte global est celui de la rédaction des
Constitutions. De ce fait, en prenant appui sur les propositions de
M. de Olave plutôt que sur celles de J. Nadal, la jeune Compagnie
optait pour une conception plus traditionnelle de l'organisation des
savoirs, et sans doute aussi plus réaliste.
La question des mathématiques dans le cursus éducatif jésuite
apparaît donc d'emblée comme l'objet d'oppositions qui s'inscrivent
au cœur de l'institution et qui ne seront pas réglées à la mort du
fondateur47. On peut dès lors voir dans l'ajout à la première version des
Constitutions, qui propose une définition en extension de la philo-

Seuls ces deux extraits ont retenu mon attention, à l'intérieur d'un document
long de vingt pages. Il n'est donc pas possible de considérer que la brièveté de
l'attention portée aux mathématiques correspond au caractère synthétique du
document. On est ici confronté à une position délibérément minimaliste pour ce qui
concerne cette discipline, ce qui rend largement compte de la différence des
points de vue dans l'entourage d'Ignace.
46 Une simple donnée numérique confirme l'importance de cet
établissement : en 1556-1557, la communauté jésuite s'élève à 120 membres. En juillet
1564, elle en compte 246. Dans le même temps, le nombre des étudiants laïcs
connaît une forte croissance : cent étudiants au premier cours de philosophie de
Francisco de Toledo en 1559, mais deux cents dès l'année suivante. Voir M.
Scaduto, Storia della Compagnia di Gesù in Italia, op. cit., vol. 4, t. 2 : L'azione, Rome,
1974, p. 280.
47 II n'existe pas de travail particulier sur la position d'Ignace face à
l'enseignement de cette discipline : on notera cependant qu'il a été amené,
notamment dans sa correspondance, à s'intéresser au sujet, mais toujours de manière
ponctuelle. C'est ce que suggère ce premier exemple, concernant Messine. Dans
une lettre adressée en juin 1555 à Annibal du Coudret, nouveau recteur du collège
sicilien, il précise (Monumenta Ignatiana, MHSJ, série 2, vol. 9, Rome, 1911, doc.
n° 5479, p. 236-237) :
«Et perché altre volte è stato ricercata R.V. de légère la sfera per fare servitio
alii detti spectabili signori et satisfare alii scholari, si permette alla R.V. che lega
detta lectione etiam pubicamente, se uorà et li parerà essere a maggior servitio
de Dio N. S., perché tal lectione de sfera o cosmografia no è repugnante alle ordi-
nationi de nostri collegi».
Traduction :
«Et puisque d'autres fois déjà on a demandé à Votre Révérence de faire des
leçons sur la sphère pour rendre service aux personnes respectables, je vous
permets de donner cette leçon, même en public, si vous le voulez et estimez cette
chose être au plus grand service de Dieu Notre seigneur, puisque cette leçon sur
la sphère ou cosmographie n'est pas indigne des visées de nos collèges».
60 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

sophie naturelle, comme un écho, voire une concession, aux


propositions de Nadal48.
Ceci n'empêche pas la poursuite du travail commun
d'élaboration textuelle, dont la nécessité s'exprime d'autant plus que le
nombre des établissements croît : à la mort d'Ignace, seule la
quatrième partie des Constitutions, dont l'impression n'interviendra que
deux ans plus tard, trace un cadre commun49.
C'est dans ce contexte que Diego de Ledesma travaille, à partir
de 1560, avec un groupe de professeurs du Collegio Romano, à la
rédaction d'un programme des études, qui serait une première
ébauche de la Ratio studiorum50. C'est donc dans cette période qu'il

C'est aussi ce qu'indique cet autre exemple emprunté à la France.


Répondant à une lettre que les premiers professeurs arrivés à Billom lui adressent, il
écrivait en 1556 : «Una lettione di mathematica, et specialmente di sphera o cos-
mographia potria essere conveniente, se alcuno deli nostri sapesi o potessi
attendere a quella» (Monumenta Ignatiana, MHSJ, série 2, vol. 11, Rome, 1911, doc.
n° 6452, p. 371).
Traduction :
«Une leçon de mathématiques, et particulièrement de sphère ou
cosmographie pourra convenir, si l'un des nôtres savait ou pouvait s'en charger».
Deux ans auparavant, s'occupant du règlement de Compostelle, il indiquait,
MPSJ, vol. 1, Rome, 1965, p. 437 :
«Leerse ha el curso de artes en très aflos y medio para los actos, donde (...)
se lea diligentemente la lògica de Aristótiles, la phfsica y algunos libros de los
mas utiles de la metaphisica. Y tanbién la parte de las mathemâticas que es
decente a un theólogo saberla».
Traduction :
«Le cours des arts durera trois ans et demi (...) et on commentera avec
diligence la logique d'Aristote, la physique et quelques livres de la métaphysique. Et
même la partie des mathématiques qu'un théologien doit décemment connaître».
Le caractère restrictif de chacune de ces citations tendrait à souligner que,
pour Ignace, seule la fin des études en justifie la nature. Idée que les
Constitutions reprendront à travers la formule : «dans les limites qui conviennent à la fin
que l'on poursuit».
48 Certes on ne peut déterminer avec certitude la date de cet ajout. La
question paraît d'autant plus importante que, dans cette période de genèse des
Constitutions, qui s'étale sur presque un demi-siècle, le contexte culturel, et
particulièrement épistémologique, s'est trouvé, dans toute l'Europe, profondément
modifié. Parmi les proches d'Ignace, qui, mieux que Nadal, pouvait assumer le
rôle de «défenseur» des études philosophiques et particulièrement
mathématiques, alors que le choix de la mission enseignante s'inscrit dans un débat où
défenseurs et adversaires campent sur des positions irréductibles? Toutes ces
questions apparaissent d'autant plus importantes que le mode même d'organisation
interne de la Compagnie naissante implique un important travail de dialogue,
non seulement de type théorique, mais aussi et surtout dans une relation
d'adéquation à la réalité concrète. En d'autres termes, l'élaboration des textes est à
concevoir dans une situation de complémentarité avec les pratiques.
49 Sur le climat d'attente à la mort d'Ignace, voir M. Scaduto, Storia della
Compagnia..., op. cit., vol. 4, t. 1, p. 357-358.
50 Voir, pour une présentation biographique, une analyse du contexte gêné-
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 61

rédige une série de documents de statut et de fonction différents,


mais tous centrés sur la question des études51. Parmi ceux-là se
trouve un texte général sur l'organisation de l'enseignement, qui
s'attache aussi aux mathématiques :
[1] Puisque les arts et les sciences disposent les esprits à la
théologie et à la connaissance parfaite et qu'ils mettent à ce service et
qu'ils sont par eux-mêmes une aide pour cette même fin, qu'ils soient
traités avec un soin égal par l'entremise de professeurs érudits
cherchant sincèrement en tout l'honneur et la gloire de Dieu. On doit
enseigner la logique, la physique, la métaphysique, la science morale et
même les mathématiques dans la mesure où elles conviennent à notre
but. (...)
[15] Les mathématiques ne doivent pas être négligées. Dans les
universités, elles seront enseignées, lors d'un cours extraordinaire,
par un professeur qui, l'année suivante, sera prêt à commencer un
second cours, ou par un autre; dans les collèges privés, par celui qui se
présente comme professeur de philosophie, si cela peut être
facilement; dans le cas contraire, un autre expliquera les mathématiques,
autant qu'elles concourent à notre but. Mais on aura au moins pris
connaissance de la sphère, et, de même que les nôtres se consacrent
aux lettres dans les académies, qu'ils s'appliquent aussi à avoir du
loisir pour cette discipline alors même qu'ils entendent la philosophie;
ou, si cela ne peut être fait, pendant qu'ils étudient la théologie. Ceux
qui, par la volonté de leurs supérieurs, sont destinés à enseigner
publiquement les arts libéraux, doivent être tout particulièrement
exercés en théologie52.

rai et une présentation des positions de Ledesma sur l'enseignement, M. Scaduto,


Storia della Compagnia di Gesù in Italia, op. cit., vol. 4, t. 1, p. 359-364. Le
commentaire de G. Cosentino, art. cit., p. 195-196, ne situe pas correctement, du point
de vue chronologique, cette contribution.
51 Nombre d'entre eux ont été insérés dans les premiers volumes des MHSJ
édités par G. -M. Patchler, Monumenta Germaniae paedagogica, vol. 1 : Ratio stu-
diorum et institutiones scholasticae Societatis Jesu (1541-1599), Rome, 1887; vol.
2 : Ratio Studiorum 1586, 1599, 1832, Rome, 1887; vol. 3 : Ordinationes genera-
lium et ordo studiorum generalium (1600-1772), Rome, 1890; vol. 4 : Monumenta
quae pertinent ad gymnasia, convictus (1600-1773) itemque ad rationem studiorum
1832, Rome, 1894.
52 «De artium liberalium studiis», 1565-1570, MPSJ, vol. 2, p. 253-265.
«[1] Quoniam artes vel scientiae naturales ingenia disponunt ad theologiam
et ad perfectam cognitionem et usu illius inserviunt, et per ipsas ad eundem fi-
nem iuvant, qua diligentia par est, et per eruditos praeceptores in omnibus
sincere honorem et gloriam Dei quaerendo, tractentur. Tractanda autem sunt
logica, physica, metaphysica, moralis scientia, et etiam mathematicae, quatenus ta-
men ad finem nobis propositum conveniunt. (...)
[15] Mathematicae disciplinae praeteriri non debent. Hae in universitatibus
extraordinaria aliqua lectione praelegentur ab eo qui proximo anno cursum
alium est incepturus, aut ab alio in collegiis vero privatis aut qui philosophiam
profitetur magister, si id facile possit; sin minus alius mathematicas explicabit,
quatenus ad finem nobis propositum conveniunt. Sed sphaerae saltem cognitio
62 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

De ce texte, les Constitutions gardent l'empreinte dans quelques


expressions caractéristiques, notamment dans la volonté de définir
la finalité des études et de souligner par là la nécessaire adéquation
du projet culturel et éducatif de la Compagnie à cette seule finalité.
Dans l'entreprise d'élaboration normative, le généralat de Laf-
nez n'a pas permis l'avancée du document sur la Ratio studiorum,
même si de nombreux collèges en ressentaient le manque53. C'est
donc le troisième supérieur général, Francisco de Borgia, qui
ouvrait de nouveau le dossier dans les années 1560. Les raisons qui ont
interdit au projet de déboucher sur un document définitif ont été
suffisamment analysées pour qu'il soit inutile d'y revenir54. Ainsi,
avant 1580, la réflexion didactique s'est concentrée sur les lieux
mêmes de développement de l'enseignement. Le Collegio Romano a,
dans cette période, renforcé sa position de pôle d'élaboration :
nombre de ses règlements des études ont servi de modèle aux autres
collèges de la Compagnie, tout en coexistant avec des règlements
locaux.

Echos des pratiques d'enseignement des mathématiques


avant 1580

Parallèlement à l'analyse des textes régulateurs, l'examen des


pratiques, qui n'a fait l'objet d'aucune étude systématique,
s'imposerait. Dans cette phase de très forte croissance des établissements
d'enseignement55, le nombre des cours de philosophie augmente lui-
même substantiellement. Outre le Collegio Romano, qui sera étudié
dans le prochain chapitre, les sources éditées permettent parfois de
saisir l'hétérogénéité de la place des mathématiques dans ce
cursus56. Il n'est pas question ici de dresser un panorama complet du

habenda est; et cum nostri in accademiis litteris dant operam, huic etiam disci-
plinae vacare studeant cum philosophiam audiant; aut si id fieri tune non potuit,
cum theologiae student. Ii praesertim in ea exercitati esse debent, qui super-
iorum voluntate ad artes libérales publiée praelegendas parantur».
53 Nombre de documents publiés dans les MPSJ se font l'écho de cette
situation. On consultera donc la table analytique des matières.
54 Voir L. Lukacs, «De prima Societatis Ratio Studiorum, Sancto Fransisco
Borgia praeposito generali constituta (1565-1569)», art. cit. Voir aussi M.
Scaduto, Storia della Compagnia di Gesù in Italia, voi. 5 : L'opera di F. Borgia (1565-
1572), Rome, 1992, 466 p.
55 Voir les données quantitatives proposées par S. J. Harris, «Les chaires de
mathématiques», dans L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit.,
p. 239-261, et particulièrement p. 244-247.
56 Les travaux de L. Lukacs contribuent à présent de manière déterminante à
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 63

phénomène, mais d'utiliser ce matériel disponible pour montrer la


diversité des situations, constitutive de la liberté d'organisation
propre à cette époque de fondation. Parallèlement, un certain
nombre de travaux consacrés à l'espace italien suggèrent quelques
conclusions sur les premières expériences d'enseignement des
mathématiques : je les formulerai dans un second temps.

Les premiers cours de mathématiques à la lumière des règlements des


études

A mesure que la Compagnie poursuit son essor sur le plan


éducatif, les règlements des études se multiplient, sans se référer
systématiquement à l'exemple romain. Ainsi, à Prague57, l'Ordo lectionum
de l'établissement nouvellement fondé précise, en juillet 1556, qu'on
aura aussi une leçon de mathématiques, selon les moyens en
auditeurs et en livres58 : dans le cadre d'un descriptif sommaire et d'une
présentation schématique du cours de philosophie, cette brève
mention souligne au moins l'existence d'un intérêt pour l'enseignement
de la discipline. A Coïmbra, cet autre pôle de référence pour la
Compagnie59, Jérôme Nadal, en visite en 1561, laisse les instructions
suivantes :
Sur les Arts (...)
8 - Les étudiants en première année de la faculté des Arts n'ont
pas à suivre d'autres leçons; en deuxième ou troisième année ils
peuvent suivre celles de mathématiques, selon la manière d'enseigner
de Rome, si cela leur plaît.

la connaissance de la Compagnie des premières décennies. Les différents


volumes des Monumenta paedagogica qui ont déjà été abondamment utilisés dans
les pages qui précèdent, continueront à être irremplaçables dans la suite de ce
chapitre. Ils proposent une sélection des matériaux les plus divers : dans les
volumes 1, 2, 3 et 4, en particulier, sont recueillies les sources des années 1540-1580,
selon un classement par type. On trouvera dans les exemples qui suivent une
première série de documents, qui sont les règlements des études rédigés dans les
différents établissements et qui ont permis de pallier l'absence de la Ratio studiorum
générale. On rencontrera aussi des extraits de rapports de visites émanant des
«visiteurs généraux» envoyés depuis Rome pour évaluer la situation des
provinces. Les rapports des congrégations provinciales ou générales se font aussi
l'écho de problèmes rencontrés dans la pratique. Consciente des limites de l'usage
qu'on peut en faire, je mettrai à profit ces différentes sources pour tenter
d'éclairer la diversité des situations et poser des jalons pour les prospections à venir.
57 Sur la fondation de l'établissement pragois, voir J. de Polanco, Chroni-
con..., vol. 6, Madrid, 1898, p. 362-388.
58 «Ex mathematicis etiam lectio adjungetur, siquidem librorum et audito-
rum commoditas ita feret...»., dans MPSJ, vol. 1, Rome, 1965, p. 488.
59 II manque encore aujourd'hui, pour éclairer l'histoire de cet établissement,
une monographie solide et documentée. En l'attendant, on se référera aux
indications bibliographiques fournies par L. Polgar, Bibliographie..., op. cit., vol. 2, 1.
64 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

9 - Qu'on voie si on enseignera les mathématiques une demi-


heure chaque jour, selon la manière de Rome60.

Ainsi, dans l'établissement qui produira quelques années plus


tard le grand cours de référence pour la philosophie, cours dit des
Conimbricenses , la place des mathématiques dans le cursus
philosophique apparaît bien marginale : c'est à Rome que Nadal renvoie
pour l'organisation pratique du cours, s'il doit s'en ouvrir un. Au
même moment, le catalogue des cours de Cologne61 donne les
précieuses indications suivantes :
A - Programme des leçons, appliqué depuis la fête de la
Toussaint de l'année 1560 jusqu'à celle de Pâques 1561
Première classe de physique
M. Henricus Dionantensis - A 6h. et à 9h., Parva naturalia d'Aris-
tote.
D. Franciscus Costerus - A 12h. Livre 12 de la Métaphysique. A
4h. on fera une dispute.
Deuxième classe de physique
M. Petrus Sylvius - A 6h., les huit livres de la Physique. A 9h.
Métaphysique.
M. Henricus Dionantensis. A 12h. Les quatre livres du De Caelo,
les deux livres du De ortu et interitu. A 4h. on fera une dispute.
Logique
D. Franciscus Costerus - A 6h. Porphyre, Les catégories, De inter-
pretatione. A 9h., l'Ethique d'Aristote.
M. Ioannes Dionysius - A 12h., Rodolphe. A 4h., on fera une
dispute.
(...)
Leçons communes aux étudiants du cycle supérieur
M. Henricus Dyonisius - Le samedi à 4h., l'Evangile selon saint
Mathieu.
D. Franciscus Costerus - Le dimanche à 12 h., pour les étudiants
en philosophie, la Géographie de Pomponius Mela. Le même jour à
4h., après le catéchisme, les Loci communes de J. Eck.

60 MPSJ, vol. 3, Rome, 1974, p. 59-64, «Instructiones Conimbricae de cursu


artium datae», 1561 :
«De las artes. (...)
8 - Los artistas el primer ano no an de oyr otra cosa alguna; el 2° y 3° pue-
den oyr mathemâticas por el modo que se leen en Roma, se se lieren.
9 - Véasse si se leerân mathemâticas media hora cada dia par el modo de
Roma».
61 Sur l'histoire de l'établissement, voir B. Duhr, «Die àltesten Studienplàne
des Jesuitengymnasiums in Kôln», Mitteilungen der Gesellschaft fiir deutsche Er-
ziehungs und Schulgeschichte, vol. 8, 1898, p. 130-146.
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 65

(...)
B - Catalogue des leçons qui sera appliqué depuis Pâques
1561 jusqu'à la Toussaint de la même année
Dans la classe de physique
M. Petrus Sylvius - Matin, 6h., après les livres de la Physique, il
lira les livres du De anima.
M. Henricus Somalius - A 12h., les livres du De ortu et interitu et
les Meteora.
Dans la classe de logique
M. Franciscus Costerus - 6h. Livre De interpretatione et Seconds
Analytiques. 9h. Ethique d'Aristote.
M. Ioannes Dionysius - A 12h. Les Premiers Analytiques et
Elenchi sophistici. Les lundis, mercredis et vendredis à 4h., disputes
publiques.
(...)
Pour tous les étudiants de philosophie
Les jours de fêtes saintes, à 12h., La Sphère de Jean de
Sacrobosco sera lue à tous les étudiants de philosophie; pendant ce temps, les
autres élèves s'adonneront à des récitations de poètes et orateurs62.

62 MPSJ, vol. 3, p. 541-547, «Catalogus lectionum Collegii Coloniensis» :


A - Ordo lectionum servandus a Festo Omnium Sanctorum anni 1560 usque
AD FESTUM PASCHAE ANNI 1561
■ Prima physica
M. Henricus Dionantensis. Hora 6 et 9 Parva naturalia Aristotelis.
D. Franciscus Costerus. Hora 12 Liber 12 Metaphysicae. Hora 4 Disputabi-
tur.
Secunda physica
M. Petrus Sylvius. Hora 6 Libri 8 Physicorum. Hora 9 Metaphysica.
M. Henricus Dionantensis. Hora 12 Libri 4 De Caelo, 2 De ortu et interitu.
Hora 4 Disputabitur.
Logica
D. Franciscus Costerus. Hora 6 Porphyrius, Categoriae, De interpretatione.
Hora 9 Aethica Aristotelis.
M. Ioannes Dionysius. Hora 12 Rodolphus. Hora 4 Disputabitur.
(...)
Lectiones communes in superiori auditorio.
D. Henricus Dyonisius. Sabbatinis diebus hora 4 Evangelium secundum
Matthaeum.
D. Franciscus Costerus. Sacris diebus hora 12 pro auditoribus philoso-
phiae Geographia Pomponi Meli. Iisdem diebus hora 4, post absolutum ca-
techismum, Loci communes Eckii.
(...)
B - Catalogus lectionum qui servabitur a festa Paschatis 1561 usque ad fes-
TUM OMNIUM SANCTORUM EIUSDEM ANNI
In schola physica
M. Petrus Sylvius - Mane hora sexta, post libros Physicorum, libri De
anima legentur. Hora nona Metaphysica Aristotelis.
M. Henricus Somalius - Hora duodecima libri De ortu et interitu et
Meteora.
66 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Ce document, qui énonce pour chaque classe le nom du


professeur ainsi que le programme de commentaire des textes antiques et
médiévaux qui lui revient, met en évidence une organisation semes-
trialisée des cours, qui concède une faible place aux questions
mathématiques. On peut constater qu'à Diligen63, presque au même
moment, l'organisation du cours est sensiblement différente,
comme l'intérêt pour les mathématiques :
Dans la classe de physique.
Les livres d'Aristote De la génération et de la corruption, les
Météores et les autres livres qui suivent pour la physique. A quoi on a
ajouté une répétition avant et après le repas de midi. Des disputes
fréquentes y sont insérées, ainsi qu'une leçon de mathématiques, avec de
l'arithmétique, la sphère et des choses de ce genre64.

In schola logica
D. Franciscus Costerus - Hora 6 liber De interpretatione et Posteriora Ana-
lytica. Hora 9 Etnica Aristotelis.
M. Ioannes Dionysius - Hora 12 Priora Analytiques et Elenchi sophistici.
Hora 4 diebus Lunae, Mercurii et Veneris publicae fient disputationes.
(...)
Studiosorum philosophiae.
Eisdem diebus sacris hora 12 philosophiae auditoribus legetur Sphaera Ioan-
ni de Sacro Bosco; quo tempore reliqui discipuli intererunt declamationibus poe-
tarum aut rhetorum».
Celui de 1557 ne parlait pas seulement d'astronomie, mais aussi de
géométrie. Voir ibid., p. 530 :
«In classe dialecticorum. (..)
Hora quarta Sphaera mundi I. Sacrobosci.
Diebus veneris hora quarta vespertina disputabitur (...); dominicis hora
duodecima Euclidis Megarensis Geometricorum Eie. libri praelegentur (...)».
Traduction :
«Dans la classe de logique. (...)
A 4h., [on lira] la Sphaera mundi de J. de Sacrobosco.
Tous les vendredis à 4h. de l'après-midi, on fera une dispute (...); les
dimanches à 12h. on commentera les livres des Eléments de géométrie d'Euclide».
63 L'établissement est fondé en 1563. Sur son histoire voir T. Specht, Ges-
chichte der ehemaligen Universitât Dillingen (1549-1804), Friebourg en Breslau,
1902, 707 p.
64 MPSJ, vol. 3, p. 556-559, «Catalogus lectionum collegii Dilingani», année
1564:
«In schola physica.
Libri Aristotelis De generatione et corruptione, De meteoris et qui sequuntur
physicae disciplinae. Cum adiuncta repetitione ante et post prandium. Inserentur
disputationes crebrae. Legetur et in mathematicis, ut arithmetica, sphaera et id
genus consimilia».
Pour l'année 1565, ibid., p. 561, dans le même catalogue, on ne trouve pas de
mention de cours de mathématiques pour la classe de physique. Pour cause,
puisqu'un cours indépendant y est assuré :
«In classe mathematica. Geometrica Elementa Euclidis pro initio et quasi
fondamento disciplinae mathematices studiosis tradentur; adjungetur deinde
arithmetica, Sphaera et Iohannis Stophlerii Astrolabium. »
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 67

De ces quelques exemples disponibles pour la période qui


précède la Ratio, et malgré leur caractère lacunaire, il ressort que la
place accordée aux mathématiques, dans le discours comme dans
les faits, reste marginale, très en deçà des projets nadaliens, et
fortement comparable à ce que proposent d'autres institutions de savoir
à la même époque. C'est ce que tendent à confirmer les silences des
sources, qui présentent autant d'intérêt que les mentions. Ainsi, à
Evora65, le catalogue des leçons pour l'année 1563 donne les
indications suivantes à propos de la classe de physique : au premier
trimestre, Aristote, au second Aristote et Sacrobosco, auxquels
s'ajoutent les Météores, au dernier trimestre. Parallèlement, aucun
cours de mathématiques n'est signalé66. De même, les Constitutiones
Universitatis Gandiensis67 , en 1565, restent totalement muettes au
sujet des mathématiques, alors qu'elles sont précises sur l'ensemble
du cursus des artiens68. Présent en France en 1568 comme «visiteur»
de la province, Nadal écrit :

Traduction :
«Dans la classe de mathématiques. Les Eléments de géométrie d'Euclide sont
étudiés par les étudiants, pour commencer en tant que fondement des
mathématiques; on y ajoute ensuite l'arithmétique, la Sphère de Jean de Sacrobosco et
l'Astrolabe de Jean Stôffler».
On est proche, ici, du programme nadalien de Messine élaboré plus de dix
ans auparavant. Les références textuelles communes indiquent un processus
d'homogénéisation des pratiques, avec des spécificités dans l'articulation des
disciplines et les conceptions épistémologiques. La mention de l'arithmétique n'est
pas indifférente ici, surtout comparée à son absence totale dans d'autres
programmes. De même la réflexion sur le statut de la géométrie par rapport aux
autres disciplines mathématiques indique un niveau de réflexion dont les autres
programmes ne s'étaient pas fait l'écho.
65 Sur la fondation de l'établissement, voir F. Rodrigues, Historia da
Companhia de Jésus na Assistencia de Portugal, vol. I, 2, Porto, 1931.
66 MPSJ, vol. 3, p. 590-591, «Catalogi lectionum collegii Eborensis».
67 L'université a été fondée en 1547, à la demande de Francisco de Borgia,
qui n'appartenait pas encore officiellement à la Compagnie et exerçait sa
responsabilité ducale à Gandie. Voir J. de Polanco, Chronicon..., vol. 6, Madrid, 1898,
p. 516-521.
68 MPSJ, vol. 2, p. 141 :
«Los cursos de las artes, en la presente universidad, sean de lògica y philo-
sophia naturai, aunque es de dessear que también se lea, si cómmodamente se
pudiere, la philosophia moral y la metaphysica.
En el leer de los cursos, antes de entrar en la lògica de Aristóteles, se lea un
compiendo con mucha exercitación.
Leyendo a Aristóteles, declararâ el lector «ad unguem» el texto; y porque el
dicho texto ni las materias que el toca, no se pueden bien entender, sin mover y
tratar sobre él qiiestiones y dudas, por tanto muevan y trâtense las que se offre-
cieren, por el autor o autores que mejor le parecieren.
Hasta los libros de coelo, exclusive, lea el lector de las artes, très horas por la
manana, y otras très, por la tarde. En la primera hora, leerâ la lición. En la segun-
da, la repetirân los estudiantes y no se alexe, entonces, el maestro dellos, porque
68 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

II ne paraît pas utile, pour le moment, d'organiser, dans le


collège de Paris, plus de leçons que celles qui existent déjà, ni plus que ce
qui est suffisant pour nos bienfaiteurs; ceux-ci, comme le provincial
me l'a rapporté, sont satisfaits du juste milieu que nous proposons
actuellement; c'est pourquoi, ils n'auront ni un lecteur de grec, ni un
autre théologien, ni un mathématicien69.
Certes, cette vision particulièrement restrictive de la place faite
aux mathématiques dans la Compagnie doit être analysée à l'aune
de la pénurie dont souffre un ordre trop sollicité pour faire face à
l'ensemble des demandes qu'on lui adresse. Il faut aussi la replacer
dans le contexte du projet jésuite, qui repose sur l'universalité de
l'apostolat et l'infinitude des champs d'action qui s'offrent aux
membres. Enfin, les travaux en cours sur ces questions ne

no se diviertan. En la tercera, harâ repetición y exercitación el lector con los estu-


diantes sobre la lición leyda o sobre lo passade Desde los de coelo addante, bas-
tarâ que, entre todo, se detenga dos horas, por la manana y otras dos, por la
tarde.
Cada sâbado o el postrer dia lectivo, se tengan, en cada curso, conclusiones
o reparaciones y procure el lector de avivar los estudiantes en ellas».
Traduction :
«Que les cours des Arts dans cette université soient de logique, philosophie
naturelle, bien qu'il faille souhaiter qu'on lise aussi, si cela peut se faire
commodément, la philosophie morale et la métaphysique.
Dans l'étude des cours, avant d'entrer dans la logique d'Aristote, qu'on étudie
un abrégé avec beaucoup d'application.
Pour l'étude d'Aristote, le professeur lira le texte «jusqu'à la perfection»; et
parce que ledit texte, pas plus que les matières qu'il traite, ne se peuvent bien
comprendre sans qu'on agite des questions et des problèmes, qu'il agite alors
toutes les questions et tous les problèmes qui se posent chez cet auteur ou
d'autres auteurs qui lui paraissent meilleurs.
Jusqu'aux livres du Ciel exclusivement, le professeur enseigne trois heures
dans la matinée et trois autres heures dans l'après-midi. Pendant la première
heure, il fera la leçon, pendant la deuxième, les élèves la répéteront et que le
maître ne s'éloigne pas d'eux pour qu'ils ne s'égarent pas. Pendant la troisième
heure, le professeur fera une répétition et des exercices avec les étudiants, sur la
leçon du jour ou sur les précédentes. A partir du Ciel et au-delà, il suffira que,
entre toutes, il prenne deux heures dans la matinée et deux autres dans l'après-
midi.
Que chaque samedi ou le lendemain de la leçon, on organise, pour chaque
cours, des conclusions ou des mises au point et que le professeur fasse son
possible pour intéresser les étudiants à ces questions».
69 MPSJ, vol. 3, Rome, 1974, p. 161-163, «Instructione Praeposito Provinciae
Franciae datae», 1568 :
«Non videtur esse utile hoc tempore plures lectiones insti tuere in collegio
parisiensi quam sunt, neque plures quam ut fautoribus nostris satis fiat; qui, ut
retulit mihi provincialis, ea mediocritate sunt contenti, quam hoc tempore praes-
tamus; itaque neque hebraïeum lectorem, neque theologum alium, neque mathe-
maticum habebunt».
La situation française fera l'objet d'une enquête systématique dans la
seconde partie de ce livre.
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 69

mettent pas encore de connaître les situations locales avec


précision. Aussi les rares exceptions auxquelles on peut se référer sont-
elles d'autant plus appréciables70.

Premiers bilans pour l'espace italien

Des travaux récents permettent d'éclairer quelques situations


italiennes précises, celles de la Vénétie, de Gênes, Bologne ou
Naples71. Une lecture comparative des travaux réalisés met en
lumière la précocité napolitaine, sans doute décisive pour le
développement ultérieur de la tradition scientifique de la ville72. Dès
1568, dans le collège fondé seize ans auparavant73, sont soutenues
les premières thèses de philosophie qui s'occupent aussi
partiellement de mathématiques : elles sont défendues par Hieronimo Hur-
tado, formé en Espagne puis à Rome, auprès de Benito Pereira. A
partir de cette date, l'étude de R. Gatto révèle une vivacité de
l'activité scientifique, qui persistera tout au long du XVIIe siècle et
affirmera des caractéristiques distinctes de celle du milieu romain74. S'il
fallait préciser ici la nature de cette activité napolitaine dans la période
qui précède le travail d'élaboration de la Ratio studiorum, on
insisterait sur l'importance de la réflexion épistémologique développée
dans les années 1560, autour de la question du statut des
mathématiques comme science75. Cependant, l'absence d'un corps stable de
professeurs de mathématiques, l'impossibilité d'en recruter en
dehors de la Compagnie n'ont pas permis, là comme ailleurs, l'essor
d'une «école» napolitaine avant les premières années du XVIIe

70 Les quelques études de cas disponibles se fondent sur des documents de


natures variées : outre les sources normatives, comme celles que j'ai utilisées
jusqu'à présent, on a mis à contribution des documents à caractère «pédagogique»,
comme les manuscrits de cours ou les correspondances, qui permettent
d'engager la réflexion sur la question des contenus de l'enseignement. Ce dernier type
de sources reste rare, malgré son caractère irremplaçable.
71 U. Baldini, «La tradizione scientifica dell'antica provincia Veneta della
Compagnia di Gesù. Caratteri distintivi e sviluppi (1546-1606)», dans / Gesuiti e
Venezia.---, op. cit., p. 531-582; Id., «La formazione scientifica di Giovanni
Battista Riccioli», dans Copernico e la questione copernicana..., op. cit., p. 123-182;
A. C. Garibaldi, «Matematica e matematici gesuiti a Genova tra Sei e
Settecento», art. cit.; D. Aricò, Scienza, teaotro e spiritualità barocca, il gesuita Mario Betti-
ni, Bologne, 1996, 416 p.; R. Gatto, Tra scienza e immaginazione..., op. cit.
72 L'avant-propos de l'auteur précise qu'à l'origine du travail sur les jésuites
se trouve une interrogation sur l'épanouissement de «l'heureuse saison
cartésienne qui donna tout son lustre à la vie culturelle napolitaine de la seconde
moitié du XVIIe siècle», op. cit., p. 9-10.
73 A cette date, le collège ouvert compte quatre classes. A partir de 1565, il est
complété par un cursus de philosophie. Ibid., p. 18.
74 Sur le livre, voir mon compte rendu dans AHSI, vol. 64, 1995, p. 196-200.
75 R. Gatto, op. cit., p. 19-31.
70 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

siècle. Sans doute la spécificité de cette ville réside-t-elle dans la


demande précoce, et persistante/auprès du centre romain, d'hommes
compétents à lui envoyer pour assurer cet enseignement : en 1578,
Claude Acquaviva, qui à cette date n'est encore que Supérieur de la
province de Naples, demande à Mercurian, Supérieur général, un
lecteur de mathématiques. La réponse du général ne manque pas
d'intérêt : dans l'impossibilité matérielle d'y répondre positivement,
il suggère aux Napolitains l'envoi d'un jeune scolastique à Noia,
auprès de Bartolomeo Ricci76, en vue d'y recevoir une formation
directe. De retour à Naples, il pourrait, ensuite, assurer un
enseignement de mathématiques77. Cette proposition de solution révèle un
problème que seules d'autres études de cas pourront continuer à
mettre en lumière : B. Ricci avait toute la compétence requise pour
s'occuper du cours de Naples, mais, en cette année 1578, il dirigeait
le noviciat de Noia. Or son transfert à Naples, demandé dans les
mois suivants par le visiteur de la province, était accueilli par une
fin de non-recevoir, du fait des carences en personnel qui
interdisaient de lui trouver un remplaçant à la tête du noviciat de Noia.
Dans un contexte de pénurie en hommes susceptibles d'assumer des
responsabilités liées à l'exercice de charges éducatives, l'ordre des
priorités rejetait les mathématiques au dernier rang.
On voit aussi, à la lumière de cet exemple, que la question de cet
enseignement intéresse inégalement les jésuites. Outre le poids de
personnalités qui ont pu marquer de leur empreinte certains choix,
il faut sans doute chercher dans cette diversité des intérêts pour les
mathématiques les raisons de la place inégale attribuée à cette
discipline dans les cultures locales. L'étude menée par R. Gatto insiste,
de ce point de vue, sur la richesse du milieu napolitain en matière de
science et sur les limites de la constitution d'un réseau intellectuel,
structuré autour du collège et susceptible de rassembler jésuites et
non-jésuites78.

76 Pour une approche synthétique de la carrière de B. Ricci (1542-1613), voir


K. A. F. Fischer, art. cit., p. 90.
77 ARSI, NEAP. 2, fol. 17r., cité par R. Gatto, op. cit., p. 29-30 :
«II n'est pas possible d'accéder ici à votre requête, mais si V.R. juge qu'on
doive en tirer un tel profit, il serait possible à V.R. de choisir un des étudiants qui
serait jugé le plus apte à réussir dans cette science, et qui serait envoyé à Noia,
c'est-à-dire auprès du P. Bartolomeo par lequel il serait instruit; ceci nous semble
être le meilleur moyen pour introduire un tel enseignement au plus tôt».
78 On notera avec beaucoup d'intérêt son analyse des rapports entretenus par
les jésuites avec le milieu local. Voir R. Gatto, op. cit., p. 33 :
« Soigner l'image du collège, renforcer les alliances, maintenir des rapports
privilégiés avec le vice-roi, s'ouvrir aux milieux intellectuels, attirer dans leur
propre orbite philosophes et hommes de science, constitua une préoccupation
constante pour les jésuites napolitains. Et si les rapports avec les autorités
politiques se sont toujours révélés particulièrement positifs, des divergences de ca-
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 71

Pour l'Italie du nord, quelques études monographiques, moins


approfondies que celle de R. Gatto, révèlent principalement des
phénomènes postérieurs à l'entrée en vigueur de la Ratio studiorum.
Que ce soit à Gênes ou en Vénétie, les premières traces d'un
enseignement de mathématiques sont faiblement perceptibles avant
les premières années du XVIIe siècle : l'historiographie a privilégié
l'étude de certaines périodes, au détriment d'autres, surtout quand
la figure de Galilée pouvait y être impliquée79. On a laissé le plus
souvent dans l'ombre la phase des origines, sans compter que le
caractère lacunaire des archives ne permet pas systématiquement
d'éclairer certains moments de l'histoire de la Compagnie80. Il faut
donc, dans le contexte actuel de recherche, prendre la mesure du
travail qui reste à accomplir pour saisir les premières pratiques
d'enseignement des mathématiques. La situation la mieux connue est
celle de Rome : le caractère central de l'établissement nécessite
qu'on s'y arrête.

L'organisation d'un espace expérimental :


Rome et l'enseignement de B. Torrés

Rome accueille une modeste chaire de mathématiques deux ans


à peine après l'ouverture du collège, à partir de 1553 : elle est tenue
par Balthasar Torrés81. Médecin de formation, ami du vice-roi de
Sicile, Juan de Vega, ainsi que de Maurolico, cet Espagnol originaire
de Médina del Campo a rejoint la Compagnie à Palerme en mai de
cette même année, à l'âge de 35 ans82. Homme cultivé et déjà formé
aux sciences, il est envoyé dans les mois qui suivent à Rome, où il

ractère idéologico-doctrinal et des intérêts de parti ont parfois constitué un


obstacle insurmontable à la réalisation du projet de fédérer aussi autour du collège
les esprits de la cité...».
79 Comme le rappelle opportunément U. Baldini à propos de Padoue, les
études se sont focalisées principalement sur deux périodes, les dernières années
du XVIe siècle et la décennie 1640-1650, la première correspondant à l'acmé de la
crise entre la Compagnie et l'Université, en même temps qu'à l'entrée en fonction
de Galilée à la chaire de mathématiques de l'Université. U. Baldini, «La
tradizione scientifica...», art. cit., p. 532 et n. 3.
80 A Padoue, les catalogues du personnel, perdus pour les années 1580, ne
permettent que d'éclairer la situation de 1589 et 1590, à partir de la prise en
charge du cours de mathématiques par Marc' Antonio De Dominis : U. Baldini,
«La tradizione scientifica...», art. cit., p. 541.
81 Voir M. Scaduto, op. cit., vol. 2, p. 282.
82 Cette lettre de P. d'Achilis à Ignace, en date du 27 mai 1553, constitue un
des premiers témoignages de la présence de Balthasar Torrés dans la Compagnie,
elle es éditée dans MHSJ, Litterae quadrimestres, vol. 2, p. 323 :
«(...) Finalmente il Signor opero che si risolvi per essere della Compania, e
sta hora fra noi con molta edificazione e diro admiratione di molti : pero ch'oltra
72 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

met en œuvre des compétences acquises dans les années


antérieures, sans doute auprès de Maurolico83. Dans l'historiographie
actuelle, son poids et son rôle sont presque totalement éclipsés par la
personne de Clavius. Deux raisons objectives à cela : la brièveté de
sa carrière, puisque la mort interrompt en 1561 une activité qui
arrivait à maturité; la faiblesse des sources qui le concernent, puisqu'il
n'a laissé ni ouvrages, ni correspondance. En revanche, un
manuscrit de son activité de professeur de mathématiques au Collegio
Romano a été conservé : malgré son caractère désordonné, ce
document révèle un personnage curieux, cultivé, attaché à son rôle de
professeur de mathématiques84.

Les projets de B. Torrés pour l'enseignement des mathématiques


B. Torrés s'est penché à différentes reprises sur les programmes
d'enseignement : non seulement plusieurs passages du manuscrit de
la Biblioteca Apostolica Vaticana s'en occupent, mais il a aussi
laissé, dans les archives jésuites, trois autres documents, édités à ce
jour, sur cette question. Dans le premier d'entre eux, daté de 155885,

la dottrina sua et lettere non mediocri, era nel mondo prospero, e dalla Excellen-
za del Signore Viceré, in cui palazzo stava e a cui serveva, non meno caro».
83 C. Clavius, Corrispondenza, voi. I, 2, p. 102.
84B.A.V. : Collezione Barberini, Fondo latino, ms 304. Ce document a été
identifié par P. L. Rose, The Italian Renaissance ofMathematics..., op. cit., p. 197.
Pour la description de ce manuscrit, s'y reporter. La numérotation des folios
commence au fol. 122r. et elle reste continue jusqu'au fol. 293. En fin de volume
se trouve un index rerum et nominorum, qui supplée à l'absence de table. On
trouve respectivement dans ces papiers : des annotations sur le premier livre
d'Euclide, sur les premier et second livres d'Archimède «de insidentibus aquis»,
sur les deux livres de Proclus concernant le mouvement, des recettes de
pharmacopée, des notes sur le livre De analemata de Ptolémée, un index des livres et
manuscrits grecs d'une bibliothèque désignée comme la «biblioteca Carpensi» (on
peut supposer qu'il s'agit de la bibliothèque du cardinal Pio da Carpi, lié au
collège depuis sa fondation : c'est notamment dans son palais romain qu'à sa mort,
au début des années 1560, s'installe le sémimaire confié par le Pape à la
Compagnie, voir R. Villoslada, op. cit., p. 82. On peut donc supposer qu'il a fait don de
certains des manuscrits de sa bibliothèque au Collegio), des notes personnelles
sur les longitudes, la sphère, un programme de mathématiques, des notes sur les
instruments astronomiques, l'algèbre et la mélancolie, un commentaire sur le
livre des tempéraments de Fernel, des «conclusions générales» sur les figures
astronomiques et les dimensions de la terre, une série de notes de cours de l'année
1557, des exercices de gnomonique, des extraits de leçons de l'année 1558,
d'autres notes sur le livre de Fernel, des notes sur le cours d'astronomie, une liste
de livres en prêt, deux autres programmes de mathématiques, quelques notes
d'astronomie...
85 Ordo Studiorum Collegii Romani, 1558, MPSJ, vol. 2, Rome, 1974, p. 9-15.
Document qui définit l'organisation des études pour les classes de théologie,
philosophie et humanités. L. Lukacs a attribué la partie que nous proposons à
B. Torrés.
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 73

se trouvent ces maigres indications qui représentent un programme


des études du Collegio Romano :
[34] En seconde et en troisième année du cursus des arts, on
étudiera les mathématiques, à raison de deux leçons par jour. (...)
[37] Que le professeur de mathématique enseigne pendant une
demi-heure et que les étudiants répètent pendant la demi-heure qui
suit et qu'ensuite ils ne s'occupent plus de cette étude86.
Elles sont suivies de ces quelques notes que L. Lukacs a pu
directement attribuer à B. Torrés :
Les logiciens
Arithmétique 2
Géométrie 4
Sphère 3
Géographie 3
Les philosophes
Théorie des planètes 4
Astrolabe 3
Perspective 3
Exposition de l'almanach ou théologie 2
Les logiciens
Géométrie 4
Sphère 3
Géographie 2
Astrolabe 3
Les philosophes
Théorie des planètes 4
Exposition de l'almanach ou des tables 3
Perspective 3
Gnomonique 2
Arithmétique 287.
Dans ce document, les chiffres indiquent le nombre de mois que
durerait l'enseignement de chacune des branches des
mathématiques. Pourtant sa lisibilité n'apparaît pas immédiatement. On peut
suggérer qu'il s'agit de deux propositions d'organisation des cours,
qui présentent quelques variantes : dans le premier cas, les logiciens
commenceraient par deux mois d'arithmétique, puis quatre mois de
géométrie, suivis, pendant la seconde moitié de l'année de deux
trimestres d'astronomie, puis de géographie. Pour les étudiants en
physique, la seconde année serait tout entière consacrée aux autres

*6Ibid.,-p. 15 :
«[34] In secundo et tertio (anno artium) mathematicis, quarum idcirco quo-
tidie duae erunt lectiones. (...)
[37] Mezza hora legga il mathematico et mezza repetino et non si occupino
più di quello studio.(...)».
"Ibid., p. 15.
74 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

disciplines astronomiques, qui incluent notamment l'astrologie


judiciaire. Dans la seconde hypothèse, les étudiants n'apprendraient
l'arithmétique qu'à la fin de leur cycle, s'occupant directement,
pendant quatre mois, de géométrie, et les huit mois restants des
différentes branches de l'astronomie, passant moins de temps sur la
géographie, mais s'initiant un trimestre entier à l'astrolabe. En
seconde année, la poursuite des études astronomiques et astrologiques
serait complétée par une série de leçons de gnomonique. En
définitive, entre les deux propositions, la différence est minime : elle
concerne la substitution de la gnomonique à l'arithmétique; de ce
choix, découle le découpage interne des deux années.
Par-delà cette variante, qui souligne la marginalité de l'intérêt
accordé aux questions algébriques, on lit immédiatement dans ce
document l'importance accordée aux «mathématiques mixtes», par
opposition aux «mathématiques pures», c'est-à-dire à l'astronomie
par rapport à la géométrie88. De plus, c'est vers une dimension
concrète qu'est orientée cette formation, qui valorise l'astronomie
d'observation. Cette caractéristique n'est pas démentie par deux
autres documents également programmatiques, qui fixent des
objectifs, sans doute pour le Collegio Romano :
II semble que pour les mathématiques, on devrait procéder selon
cet ordre : qu'on lise toujours deux leçons, l'une pour ceux qui sont
débutants ou présents depuis déjà un an, l'autre pour ceux qui sont
plus avancés. En partant du début, il serait bon que les dialecticiens,
trois mois avant la première année, écoutent l'arithmétique pratique
en août, septembre et octobre; et qu'au début de leur enseignement
de logique, ils écoutent les trois livres d'Euclide, qui ne se liront pas
en moins de trois ou quatre mois; qu'ils écoutent ensuite des leçons
sur la sphère pendant quatre autres mois, et sur la géographie, ce qui
pourrait durer pendant trois ou quatre autres mois; ainsi s'achèverait

88 Un témoignage significatif de cet intérêt pour les questions astronomiques


est fourni par une lettre adressée par J. de Polanco au recteur du collège de
Florence, en 1555. Cité dans F. de Dainville, Les Jésuites et l'éducation de la société
française. La géographie des humanistes, Paris, 1940, p. 41 :
«Le docteur Torrés, autrefois médecin, aujourd'hui religieux et lecteur de
mathématiques et philosophie naturelle en notre collège de Rome, a appris que
notre très cher maître Giovanni de Rosis possède certains instruments ou figures
de la Théorie des Planètes, qui sont excellents. Comme il lui arrive d'en avoir
besoin pour lire la dite Théorie, il m'a fait des instances pour prier sa Seigneurie de
les lui prêter pour un peu de temps. Votre Révérence pourra voir si elle peut faire
la dépense pour l'aller et le retour. Mais si elle s'en servait, ou bien si elle
craignait qu'ils ne se détériorent, qu'elle se garde de les envoyer».
Ce document apporte un double éclairage sur les pratiques d'enseignement
qui prennent appui sur des instruments susceptibles de faciliter les
démonstrations; sur la précarité de ces conditions d'enseignement, puisque non seulement
le jeune collège ne dispose d'aucun matériel, mais il n'a pas non plus les moyens
de faire acheminer celui qu'il demande en prêt.
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 75

la deuxième année. La troisième année, qu'ils étudient les théories


des planètes pendant quatre moist l'astrolabe pendant quatre autres
mois, et la perspective pendant les quatre suivants; de la sorte, se
tiendront toujours deux leçons, l'une le matin, à la première heure, et
la seconde plus tard, après le repas. Pendant ce temps, ils
profiteraient mieux de leur enseignement s'ils pouvaient disposer d'une
demi-heure ou un peu moins pour répéter ces leçons et si chacun avait
un compas et une règle avec lesquels il s'exercerait à tracer
différentes figures; et s'ils laissaient passer quatre à cinq mois après la fin
des cours, il pourraient suivre ensuite le cours sur le quatrième, le
cinquième, le sixième et le onzième livres d'Euclide, et faire une
incursion dans les théoriques, et s'initier aux tables; et s'il y avait
encore du temps ils apprendraient des choses sur les horloges,
l'annulaire, le quadrant, le rayon, le comput ecclésiastique ou la sphère
solide.
IL - On pourrait organiser les leçons de mathématiques dans cet
ordre : que l'on tienne ordinairement deux leçons, une le matin et une
autre le soir; l'une pour les logiciens, et l'autre pour les philosophes.
Au début de l'année les logiciens pourront suivre cette leçon : les
quatre premiers livres d'Euclide, qui se liront pendant plus ou moins
quatre mois; l'arithmétique pratique pendant un mois et demi; la
sphère en deux mois et demi, de manière qu'à la fin de juin ce soit
terminé; la géographie deux mois; et jusqu'à la fin de l'année, les livres V
et VI d'Euclide.
Les philosophes écouteront la leçon sur l'astrolabe pendant deux
mois; les théoriques des planètes pendant quatre mois, la perspective
pendant trois mois, les horloges et le comput ecclésiastique pendant
le temps qui restera.
Et, ce serait chose convenable que certains élèves, les plus
ingénieux et les plus aptes aux mathématiques, apprennent plus que cela
pour être plus compétents; en troisième année, on pourrait, pendant
les jours de fête, leur faire une leçon privée en chambre sur la sphère
de Théodose, Ménélas et Maurolico, ainsi qu'une introduction aux
tables, ou à l'almanach perpétuel, avec un quelconque quadrant ou
annulaire ou rayon89.

89 «Ordo lectionis matheseos in Collegio Romano», annis 1557-1560, MPSJ,


vol. 2, Rome, 1974, p. 433-435 :
«I. Parece que en las mathemâticas se devria tener esta orden : Que se leyes-
sen siempre dos lectiones, una par los que son novicios o de un ano, y otra para
los que son introducidos. Y commençando del principio, los dialécticos, très
meses antes del primer ano, seria bien que oyessen la arithmética pratica el mes
de agosto y setiembre y otubre; y a principio de la lògica oyessen très libros de
Euclides, que se leerân no en menos de quatro meses; y luego oyessen la sphera,
que durarla otros quatro meses, y la geographia, que duraria otros très o quatro
meses; y ansi se concluirîa el segundo ano. El tercero theóricas de planetas por
espacio de quatro meses, y el astrolabio de otros quatro, y la perspectiva los otros
quatro; y desta manera siempre avria dos lectiones, la una a la manana la
primera hora, y la otra luego después de corner. En este tiempo parece que se aprove-
charian mas si tuviessen media hora de tiempo o algo menos para repetir estas
76 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Ces trois documents, malgré des points de convergence


évidents, ne coïncident jamais totalement, même si la tentation est
forte de rapprocher le premier texte du premier «plan» proposé, et
le second du suivant. Il faut cependant insister sur la différence qui
les caractérise : dans les deux versions écrites, la place de la
géométrie apparaît en définitive plus nettement marquée, l'objectif étant,
dans chacun des cas, d'avancer dans le commentaire d'Euclide
jusqu'au livre 6. D'autre part, dans le dernier des textes, Torrés se
montre soucieux de ménager aux étudiants, qui en auraient
l'aptitude, des possibilités d'approfondissement de ce cours ordinaire : il
suggère pour ceux-là un apprentissage «en chambre», qui se
déroulerait en marge des leçons ordinaires, pendant la troisième année
du cycle de philosophie. Faut-il alors lire, dans cet appendice au
programme, la première expression d'une ambition, reprise vingt
ans plus tard par Clavius, concernant un cours supérieur de
mathématiques? L'hypothèse est d'autant plus séduisante que cet extrait
du texte suggère des lectures de première importance : le
commentaire de Théodose et Ménélas par Maurolico renvoie à des
questions astronomiques d'un niveau supérieur à ce qui est
communément enseigné90. Cet extrait témoigne aussi de l'étroitesse des liens

lectiones, y que cada uno tuviesse un compas y una regia, con que se exercitassen
en hazer algunas figuras; y si se diessen quatro o cinqo meses después de acaba-
do el curso, podrian oir el quarto, quinto y sexto y undécimo de Euclides, y dar
una passada a las theóricas, y a introducirse en las tablas; y si huviese tiempo que
oyessen algo de reloges o el ânulo o el quadrante, o el radio o el computo
ecclesiastico o una sphera sòlida.
IL Podriasse tener en leer curso de mathemâticas este orden : Que se leyes-
sen ordinariamente dos lectiones, una la manana y otra la tarde; una para los ló-
gicos y otra para los philosophos. Al principio del ano podrân tener los lógicos
esta lectiones : quatro libros de Euclides, que se leerân en quatro meses poco mas o
menos; arithmética pratica en mes y medio; la sphera en dos meses y medio, de
manera que al fin de junio sea acabada; la geographia dos meses; y en lo que que-
da del ano, el quinto y sexto de Euclides.
Los philosophos oirân el astrolabio en dos meses; las theóricas de planetas
en quatro meses; la perspectiva en très meses; los reloges y computo ecclesiàstico
en lo que queda.
Y si algunos discipulos, los mas ingeniosos y aptos a la mathematica, pare-
ciere ser cosa conveniente que oyan mas que esto, para ser mas suffïcientes, se
les podrâ leer las fiestas del ano una lectión familiar en câmara el tercer ano, en
la qual se les declaren sphaerica"Theodosii et Menelai et Maurolici, y una
introduction de tablas o almanach perpetuo, con algùn quadrante o ânulo o radio».
90 II faut rappeler qu'au premier siècle de l'ère chrétienne, il y eut une
importante production scientifique marquée par les ouvrages d'Héron d'Alexandrie, de
Nicomaque, de Théodose de Bythinie et de Ménélas d'Alexandrie. Ce dernier a
particulièrement développé l'étude des triangles sphériques et la trigonométrie.
Pour une contextualisation synthétique, voir E. Grant, La physique au Moyen Age,
VIe-XVe siècle, trad. française, Paris, 1995, p. 3-17. Sur chacun des deux auteurs,
DSB, vol. 9, p. 296-302 et vol. 13, p. 319-321. Ils figurent côte à côte dans le pre-
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 77

qui continuent à unir Torrés et Maurolico : l'ouvrage du


mathématicien auquel le professeur fait allusion date de 1558, ce qui souligne
la célérité de la transmission, un don de l'auteur sans doute. Dans la
relation personnelle, se noue l'échange scientifique qui permet un
infléchissement des pratiques et situe l'enseignement jésuite à la
pointe des connaissances du temps.
Ces sources dessinent un personnage en réflexion, qui
s'interroge sur sa fonction de professeur. Il réalise des essais, cherchant à
équilibrer au mieux les différentes parties d'un enseignement qui se
fonde sur une certaine culture mathématique, qui définit choix et
priorités.
Assurément, il dut formuler d'autres hypothèses d'emploi du
temps, comme en témoigne un fragment inédit, extrait du manuscrit
de la Bibliothèque Apostolique Vaticane. Rédigé lui aussi en
espagnol, il se trouve curieusement inséré au cœur d'une
démonstration mathématique en latin91. Il prévoit l'organisation du cours de
mathématiques sur deux années et demi, avec un professeur qui
donnerait des leçons aux logiciens le matin et aux autres étudiants
en philosophie l'après-midi. La succession des leçons proposées
serait la suivante : les premiers livres d'Euclide pendant les cinq
premiers mois, l'arithmétique pratique pendant les deux mois suivants,
puis celle de Boèce pendant deux autres mois, puis la Sphère de
Sacrobosco pendant quatre mois, la géographie pendant trois mois,
l'astrolabe pendant quatre mois, et enfin perspective et musique
pendant les trois derniers mois.
Autre «brouillon» d'emploi du temps pour les mathématiques?
Sans doute une variante nouvelle qui modifie peu les options
fondamentales déjà exprimées. A certaines références textuelles déjà
évoquées s'ajoutent l'Arithmétique de Boèce92 et la Sphère de
Sacrobosco93. Ici Euclide semble moins approfondi que dans les propositions

mier ouvrage de Maurolico, publié en 1558 : Theodisii Sphaericorum elemento-


rum libri III. Ex traditione Maurolyci Messanensis Mathematici. Menelai
Sphaericorum lib. III. Ex traditione eiusdem. Maurolyci Sphaericorum lib. II. Autolyci de
Sphaera, quae movetur liber. Theodosiì de Habitationibus. Euclidis Phaenomena
brevissime demonstrata. Demonstratio et praxis trium tabellarum scilicet Sinus
recti, Foecundae, et beneficiae ad Sphaeralia trìangula pertinentium. Compendium
mathematicae mira brevitate ex clarissimis Authorìbus. Maurolico de Sphaera
sermo, Messine, 1558. Pour le rôle de Maurolico dans leur relecture au XVIe siècle,
R. Moscheo, Francesco Maurolico tra Rinascimento e scienza galileiana, op. cit.
Sur ce texte particulier, voir du même, «II corpus mauroiiciano degli «Sphaeri-
ca» : problemi editoriali», art. cit.
91 B.A.V., Barb. lat., ms 304, fol. 189r.
92 Boetii De institutione arithmetica libri duo. De institutione musica libri
quinque... Pour une présentation synthétique, voir DSB, vol. 2, p. 228-236.
93 Sur ce classique de l'enseignement astronomique depuis le Moyen Age,
voir le non moins classique ouvrage de L. Thorndike, The Sphère of Sacrobosco
78 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

précédentes, mais à l'inverse le programme est plus diversifié. Vise-


t-il les mêmes finalités que les précédents? Le caractère
fragmentaire de ces sources interdit d'engager des analyses plus
approfondies.

Sur la culture mathématique de Torrés

Ces sources, qui constituent autant de témoignages de la culture


scientifique de B. Torrés, sont parfois partagées avec Jérôme Nadal :
le milieu de Messine qu'ils connaissent tous deux a
incontestablement nourri leur sensibilité mathématique. On note surtout des
références programmatiques communes, notamment à l'astronomie et
à la géométrie euclidienne. Les auteurs sont rarement cités,
Théodose, Ménélas, Boèce, Sacrobosco, Maurolico, mais ce n'est pas une
règle générale. Dans un autre de ces «brouillons» rédigés en
espagnol94, où le professeur se montre peu rigoureux pour
l'organisation pédagogique, surgit une nouvelle proposition de programme
dans laquelle les références d'auteurs à lire fusent. Aux côtés de ceux
qui précèdent, figurent dans le désordre Proclus95, Campanus96, Re-
giomontanus97, Peletier98, Nunès", Théon d'Alexandrie100, Durer101,

and its Commentators , Chicago, 1949, 496 p.; J. North, The Universa! Frante : His-
torical Essays in Astronomy, Naturai Philosophy and Cosmology, Londres, 1989;
Id., «Astronomy and Mathematics in Oxford», History of Universities , vol. 12,
1992/2, p. 103-174.
94 B.A.V., Barb. lat. 304, fol. 174v.
95 Pour une présentation de l'homme et de son œuvre, Proclus de Lycie, Les
commentaires sur le premier livre des Eléments d'Euclide, trad. commentée par
P. Ver Eecke, Bruges, 1948, p. 1-70.
96 Sous le titre de Theorica Planetarum, Campanus de Novare a rédigé un
traité d'astronomie, dans lequel se trouve la synthèse de la plupart des techniques
de l'astronomie médiévale. Sur ce texte, avec introduction et traduction anglaise,
voir F. S. Benjamin et G. J. Toomer, Campanus ofNovara and Medieval Planetary
Theory, Madisson, Milkwaukee, Londres, 1971, 490 p.
97 Son œuvre In Ptolemaei Magnam compositionem, quant Almagestum vo-
cant, libri tredecim, conscrìpti a Ioanne Regiomontano mathematica clarissimo, in
quibus universa doctrina de coelestibus motibus, magnitudinibus, eclipsibus ecc...
in Epitomen redacta, proponitur est publiée à Nuremberg en 1550. Sur son
influence en Italie, P. L. Rose, The Italian Renaissance of Mathematics..., op. citi,
chap. 4, p. 90-117.
98 Mathématicien qui a enseigné notamment au collège de Guyenne,
Jacques Peletier (1517-1582) appartient au milieu humaniste français de la
seconde moitié du XVIe siècle comme le prouvent ses liens avec la Pléiade. Voir
G. C. Ciffoletti, Mathematics and Rhetoric : Peletier and Gosselin and the Making
ofthe French Algebraic Tradition, Ph. D. Princeton University, 1992, reproduction
Ann Arbor, Michigan, 1993, 362 p.; DSB, vol. 10, p. 493-495.
99 Voir DSB, vol. 10, p. 160-162.
100 Voir DSB, vol. 13, p. 321-325.
101 Grâce aux travaux de J. Peiffer, on dispose à présent d'une édition fran-
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 79

Pappus d'Alexandrie102, Fernel103, Frison Gemme104, Ptolémée105, Al-


hazen106, Averroès107. Dans cette liste toujours dominée par
l'astronomie, on remarquera, aux côtés des autorités classiques, la présence
de modernes comme le Portugais Pedro Nunès (1502-1578), ou le
Français Jacques Peletier du Mans (1517-1582), qui pourraient bien
ainsi avoir été laissés en héritage à Clavius, sous forme de livres ou
de notes de lectures108. A noter aussi la présence des travaux de
médecine du Français Fernel, ce qui correspond assurément à la propre
culture de Torrés et à sa formation initiale de médecin : si cette
présence apparaît peu compatible avec les positions de la Compagnie
qui s'est interdit l'enseignement de cette discipline, le document
montre aussi qu'il existe une possibilité de continuer à se livrer, pri-
vatim, à une activité personnelle et assurément utile à l'ensemble
des membres de l'ordre. Les recettes médicinales qui se trouvent
parmi ces notes de travail permettent même d'envisager que Torrés
a pu être mis à contribution pour ses compétences dans ce domaine.
Ces documents inédits jettent ainsi sur le premier
mathématicien du Collegio Romano une lumière neuve, qui tendrait à
confirmer l'hypothèse selon laquelle Clavius s'inscrirait davantage dans
une tradition qu'il ne l'aurait inaugurée, tout en lui ayant apporté
une contribution et une ampleur inédites. Plus généralement, du
point de vue de l'histoire de l'éducation, ces fragments laissés par
B. Torrés présentent un grand intérêt, puisqu'ils témoignent aussi
d'une réflexion pédagogique constante : ses notes regorgent de
remarques sur les répétitions, d'exercices qui nécessitent l'usage
d'instruments109. Dans ce manuscrit éclectique se trouve une série de
notes d'une identification délicate, qui s'apparente à une sorte de
«plan d'études» personnel où l'auteur entre dans le détail de son
cours de géométrie. Ce document à usage privé fait entrer dans le vif
des pratiques d'enseignement au Collegio Romano en 1557, la série

çaise de la Geometrìe : A. Durer, Geometrìe, présentation, trad. de l'allemand et


notes par J. Peiffer, Paris, 1995, 410 p.
102 Voir DSB, vol. 10, p. 293-304.
103 Voir DSB, vol. 4, p. 584-586.
104 Voir DSB, vol. 5, p. 349.
105 Voir DSB, vol. 11, p. 186-216.
106 Ibn al Haytham, voir DSJ3, vol. 6, p. 189-210.
107 Ibn Rushd, voir DSB, vol. 12, p. 1-9.
108 On pourra constater, dans les prochains chapitre, une forte similitude
avec la liste des références sur lesquelles se fonde l'œuvre de Clavius, ce qui
confirme cette hypothèse : voir E. Knobloch, «L'œuvre de Clavius et ses sources
scientifiques», dans L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. 263-
283.
109 Pour la construction des figures géométriques, le recours à la règle et au
compas ne sera pas démenti un demi-siècle plus tard à Bordeaux, comme le
montre le cours manuscrit dont j'entreprendrai ultérieurement l'étude.
80 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

des feuillets s'ouvrant sur cette précision : «Lectiones geometriae


anni 1557. prima 4° die novembris»110. Chaque séance ou «lectio»
fait l'objet d'une description plus ou moins détaillée, certaines
entrant dans le développement de la démonstration traitée. Or,- à
propos de la treizième leçon, Torrés précise, prenant acte des difficultés
rencontrées par les étudiants, les diverses possibilités qu'il leur a
offertes pour aborder son sujet, proposant notamment des auteurs
d'une compréhension plus ou moins grande111. Parallèlement, il se
montre prêt à développer certaines des difficultés qui intéresseraient
éventuellement certains des étudiants112 : il suggère ainsi qu'il
n'existe pas un second cours d'approfondissement, du moins pas en
cette période, ce qui n'exclut pas la mise en œuvre, dans le même
cours, d'un enseignement à différents niveaux.
Ce témoignage unique sur l'activité mathématique à Rome à la
fin de la première décennie vient rappeler, s'il en était encore besoin,
à quel point nous sommes tributaires des sources et quelles
richesses potentielles sont encore ensevelies dans les fonds d'archives.
On peut s'en convaincre d'autant plus aisément que les quelques
lignes de ce document, dans lesquelles Torrés établit une note sur les
ouvrages qu'il a prêtés113 constituent le seul témoignage qui nous soit
parvenu sur la «bibliothèque mathématique» du Collegio dans ces
années. Cette liste, qui ne désigne les emprunteurs que par leurs
prénoms, compte quatorze références : le planisphère de Ptolémée114,
l'arithmétique de Jordanus115, l'astrolabe de Léonard de Pise116, le De

111 B.A.V., Barb. lat.,


110 lat, ms
ms 304,
304, fol.
fol. 190r.
187v. : «Sed quoniam demonstratio prefata
Campani et Peletarii est usque adeo difficilis ut a [...] praecipiatur requiret enim
ingenium acutum et in geometricis exercitatum optime mihi visitus est fatere
Theon qui planiorem demonstrationem affert...»
112 B.A.V., Barb. lat., ms 304, fol. 190r. : «Si alicujus studiosi geometriae
ingenium placent explorare in hac sexta demonstratione Campani poteris experiri
cuius ego difficultatem majorem existimo quam reliquores omniumque in sex li-
bris...»
113 B.A.V., Barb. lat. 304, fol. 254v.
114 Ptolémée C, Planisphaerium spherae atque astrorum coelestium ratio,
natura et motus : ad totius mundi fabricationis cognitione fundamenta, Baies, Valde-
rus, 1536 : en 1558, F. Commandino en a réalisé une édition à Venise. Il peut
donc s'agir de ce volume, ce qui confirmerait la rapidité avec laquelle les
ouvrages récents parviennent à Torrés.
115 On peut supposer qu'il s'agit du De numerus datis de Jordanus Nemoria-
nus, qui constitue un bon exemple de ce qu'est l'algèbre médiévale. Pour une
édition latine avec traduction anglaise, voir Jordanus Nemorianus, De numeris datis,
Bernard Hugues éd., Berkeley, 1981, 212 p. Pour une présentation synthétique,
voir DSB, vol. 7, p. 171-178.
116 Fibonacci, voir DSB, vol. 4, p. 604-613. Ce texte astronomique n'est pas
signalé dans la bibliographie ordinaire, alors que ses travaux d'arithmétique l'ont
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 81

magnete1", l'arithmétique de Frison Gemme118, le livre de Nunès


contre Oronce Fine119, l'arithmétique de «M. Luca»120, le texte sur la
boussole de Vignola121, les Phenomena de Proclus122, la logique de So-
to123, le commentaire des six livres d'Euclide par Jacques Peletier124,
les Annotation.es sobre las tablas d'Antonio Muri125, les Tables et les
Problèmes d'Ambroise de Noie126, la perspective d'Euclide127. Si
l'identification des auteurs de cette liste n'est pas toujours aisée, celle-
ci présente cependant certaines caractéristiques qui méritent d'être
soulignées. L'intérêt pour Euclide et Proclus viennent rappeler
l'importance de la géométrie dans le rapport aux mathématiques
entretenu par Torrés. D'atre part, la mention d'ouvrages contemporains,
émanant de l'espace germanique, ibérique ou italien montre une
volonté d'information et de formation dans les domaines les plus nova-

rendu célèbre. La bibliographie plus spécialisée (J. North ou E. Poulie) ne


permet pas davantage de régler ce problème.
117 II s'agit d'une référence non identifiée.
118 Arithmeticae practicae methodus fadlis, per Gemmam Frisium, medicum
ac mathematicwn, Anvers, G. Bontius, 1540. Ce texte a connu de nombreuses
rééditions. Pour une présentation synthétique, voir DSB, vol. 5, p. 349.
119 De erratis Orontii Finaei regii mathematicarum Lutetiae professons, qui pu-
tavit inter duas datas lineas, lineas médias proportionales sub continua proportione
invenisse, circulum quadrasse, cubum duplicasse, multangulum quodcunque recti-
lineum in circulo describendi, artem tradidisse..., Coïmbra, 1546.
120 II ne fait aucun doute que ce texte est celui de Luca Pacioli Summa de
arithmetica, geometria, proportioni et proportionalita, Venise, 1494.
121 Ici encore, le document en question n'a pas été identifié. Le seul Vignola
contemporain correspondrait au surnom de Giacomo Barozzi (1507-1573), dont
le Traité d'architecture a connu de nombreuses éditions au XVIe siècle. Il existe en
outre du même auteur un traité de perspective, Le due regole della prospettiva
pratica, con i comentarii delR. P. M. Egnatio Danti, Rome, 1583. Mais, comment
établir un rapport avec les problèmes de boussole?
122 C'est le titre de l'œuvre astronomique d'Euclide : s'agit-il alors d'une
confusion?
123 II s'agit sans doute des Sumulae logicales, manuel bien connu et apprécié
des Espagnols : voir L. Giard, «Comment Pietro Catena lit les «Loca
Mathematica» d'Aristote», dans O. Weijers éd., Etudes sur le vocabulaire intellectuel du
Moyen Age, VIII. Vocabulary of Teaching and Research Between Middle Ages and
Renaissance. Proceedings of the Colloquium Mondon, Warburg Institute, 11-12
March 1994, Turnhout, 1995, p. 151-171.
124 In Euclidis Elementa Geometrica demonstrationum libri sex. Ad Carolum
Lotharingiufn, Principem, Cardinalemque amplissimum, Lyon, 1557.
125 Non identifié. On peut émettre l'hypothèse qu'il s'agit d'un petit travail
d'érudition de Marc-Antoine Muret, qui se trouve à Rome vers 1560 et qui
entretient avec les jésuites du Collegio Romano des rapports serrés. Sur Muret, voir
R. Trinquet, «Recherches chronologiques sur la jeunesse de M. -A. Muret»,
Bibliothèque d'Humanisme et de Renaissance, vol. 27, 1965, p. 272-285.
126 S'agit-il d'Ambroise de Milan? Dans ce cas, le texte auquel il est fait
allusion ici est inconnu.
127 II existe différentes éditions de ce texte.
82 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

teurs de la période, notamment sur les questions algébriques. Enfin


la référence à Domingo de Soto souligne les liens avec les
philosophes du Collegio Romano, Toledo, Pereira, Suarez qui
introduisent à Rome les conceptions et idées développées à Salamanque,
notamment sur la physique aristotélicienne128. A cette liste, il faut
ajouter les différentes références à l'œuvre médicale de Fernel129, qui
sont autant de preuves de la multiplicité des centres d'intérêt et des
curiosités d'un homme dont l'étude reste encore à entreprendre.
Les témoignages postérieurs de l'activité scientifique développée
au Collegio Romano, révèlent que l'enseignement tel qu'il a été
pratiqué par B. Torrés, regroupant un ensemble de disciplines et de
thèmes incluant les mathématiques pures et mixtes, continue à être
pratiqué après sa mort, survenue en 1561. Ce texte de 1566 précise :
Le professeur de mathématiques enseigne selon ce programme :
les six livres d'Euclide, arithmétique, sphère, cosmographie,
astrologie, théorie des planètes, Tables alphonsines, etc., perspective, gno-
monique. Suivent ce cours principalement les philosophes de
seconde année, et à l'occasion, les logiciens munis d'une dispense130.
Comme une confirmation des projets siciliens et des pratiques
de la décennie précédente, on retrouve, dans cette description,
l'importance d'Euclide dont le commentaire des six premiers livres
alimente l'enseignement jésuite des mathématiques jusqu'à la seconde
moitié du XVIIe siècle - mais la remarque pourrait être étendue à
toutes les autres structures d'enseignement, laïques ou religieuses.
D'autre part, l'importance du cours d'astronomie y est confirmée.
L'arithmétique, si elle fait l'objet d'une mention, apparaît, en
revanche, peu développée. Ce témoignage montre cependant qu'au-
delà des projets esquissés par l'Espagnol, la pratique en est réduite à
une année pour les étudiants du cycle de philosophie, sans qu'on
puisse émettre aucune hypothèse sur l'essor de leçons privées.
Ce document de 1566 constitue, en outre, le premier témoignage
direct de l'enseignement de Clavius131, nommé à la chaire de mathé-

128 Voir sur cette question W. A. Wallace, «The Early Jesuits and the
Héritage of Domingo de Soto», History and Technology, vol. 4, 1987, p. 301-320.
129 Pour une présentation sysnthétique, J. Roger, «Jean Fernel et les
problèmes de la médecine à la Renaissance», dans Pour une histoire des sciences à
part entière, Paris, 1993, p. 77-94.
130 MPSJ, vol. 2, p. 150 :
«Mathematicus docet hoc ordine : Euclydis sex libros, arithmeticam, sphe-
ram, cosmographiam, astrologiam, theoricas planetarum, Alfonsi tabulas, etc.,
perspectivam, de horologiis. Audiunt tam philosophi secundi anni et aliquando
ex dispensasione dialectici. »
131 Sur la personne de Christoph Clavius, les indications dont nous disposons
ont été récemment réunies par Ch. Naux, «Le père Ch. Clavius (1537-1612), sa vie,
son œuvre», Revue des questions scientifiques, vol. 154, 1983, p. 55-67, 181-193,
LES MATHÉMATIQUES DANS LE CURSUS PHILOSOPHIQUE 83

matiques quelques années auparavant, en 1563. Ainsi lorsqu'il


succède à B. Torrés, ce jeune mathématicien allemand de 25 ans
s'inscrit d'abord dans une tradition, inaugurée par la réflexion de Nadal
et la pratique de son prédécesseur. C'est elle qu'il semble poursuivre
dans les premières années de son enseignement, tout en acquérant
progressivement une stature plus large. Avec la décennie 1570, est
amorcé le temps de sa production scientifique mais il faut attendre
les années 1580 pour voir la notoriété du mathématicien de Bam-
berg consacrée par sa nomination dans la commission pontificale
chargée de la révision du calendrier julien132. Or cette décennie,
décisive pour l'identité de la Compagnie, est celle de la mise en chantier
du règlement des études annoncé par les Constitutions. Mis à l'ordre
du jour par le général Claude Acquaviva, après la tentative
infructueuse de Borgia133, le travail sur ce texte constitue une occasion
privilégiée pour rouvrir le débat institutionnel sur la place des
mathématiques. C'est dans ce contexte propice au dialogue, que Clavius
déploie une activité multiforme dans laquelle il s'illustre comme le
défenseur des mathématiques. Le caractère décisif de son
engagement pour la constitution d'une identité jésuite en matière de
science doit être analysé d'un double point de vue, didactique et
épistémologique.

325-347; E. Knobloch, «Sur la vie et l'œuvre de Ch. Clavius», Revue d'Histoire des
Sciences, vol. 41, 1988/3-4, p. 331-356. En outre, U. Baldini fournit une
chronologie détaillée de son activité : C. Clavius, Corrispondenza, vol. I, 1, p. 33-58.
Enfin, le colloque de Chieti organisé par le même U. Baldini à l'université de Chieti
du 28 au 30 avril 1993, a permis de procéder à une réévaluation de son apport à
l'histoire des mathématiques : U. Baldini éd., Christoph Clavius e l'attività
scientifica dei Gesuiti nell'età di Galileo. Atti del Convegno Internazionale (Chieti, 28-30
aprile 1993), Rome, 1995, 316 p.
132 Voir Gregorian Reform of The Calendar. Proceedings of thè Vatican
Conférence to Commemorate its 400th Anniversary, 1582-1982, edited by G. V. Coyne,
M. A. Oskin, O. Pedersen, Cité du Vatican, 1983, 321 p.
133 Voir L. Lukacs, «De prima Societatis Ratio Studiorum, Sancto Fransisco
Borgia praeposito generali constituta (1565-1569)», art. cit.
CHAPITRE 2

LES MATHEMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO


EXPÉRIMENTATIONS ET ÉLABORATION
D'UNE NOUVELLE PRATIQUE
(1580-1610)

Christoph Clavius, jésuite et mathématicien

Christoph Clavius de Bamberg cité de Franconie, Allemand par


sa nation, vit aujourd'hui à Rome, compté avec raison parmi les
premiers mathématiciens de notre siècle. Celui-ci exerce ladite
profession au collège des jésuites, étant lui-même au nombre de ceux-là; il
est homme d'infinie activité, il a écrit et continue d'écrire de
nombreuses œuvres, parmi lesquelles il a publié les suivantes : quelques
commentaires très doctes sur la sphère de Jean de Sacrobosco, les
Eléments d'Euclide, commentés avec beaucoup de bonheur par lui
après Commandino, un opuscule d'arithmétique pratique, huit livres
de gnomonique, l'œuvre des Sphériques de Théodose, un livre sur la
théorie des sinus, un ouvrage sur les lignes qui se touchent, un sur
celles qui se coupent, un sur les triangles rectilignes et sphériques, un
sur les dimensions des grandeurs. Il eut un différend avec Jacques Pe-
letier à propos de l'angle de contingence des cercles dans la sphère.
Christoph ayant grandement travaillé par ordre de Grégoire XIII à la
correction du calendrier, il publia dernièrement un gros volume sur
ledit sujet, contre Michel Maestlin, mathématicien de Gôppingen, et
lecteur au Studium de Tubingen, homme hérétique, et ennemi des
décisions pontificales. Clavius avait promis après cette astrologie de
publier un livre sur l'astrolabe démontré, un traité de mesure de
toutes les grandeurs, et quelques autres choses, parmi lesquelles se
trouve le livre des Eléments, dans une seconde édition augmentée1.

1 B. Baldi, Cronica de matematici overo epitome dell'istoria delle vite loro, Ur-
bin, 1707, p. 143-144 :
«Christoforo Clavio da Bamberga Città di Franconia, di natione Tedesco,
vive oggi in Roma connumerato ragionevolmente fra i primi Matematici del
nostro secolo. Legge egli le dette professioni nel Collegio de Gesuiti, essendo egli nel
numero della detta Congregatione; è huomo d'infinita fatica, ha scritto, e scrive
molte opere, fra le quali ha egli publicato le seguenti - Alcuni commentarii
dottissimi sopra la sfera di Giovanni di Sacrobosco, Gl'Elertienti d'Euclide con
grandissima felicità da lui dopo il Commandino illustrati, Un trattatello dell'Aritmetica
pratica, otto libri di Gnomonica, l'opera de gli sferici di Teodosio, Un libro della
dottrina de.Sini, Uno delle linee, che si toccano, uno di quelle che si segano, uno
86 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Ce portrait est extrait de la «chronique des mathématiciens»,


rédigée à la fin du XVIe siècle par Bernardino Baldi et publiée par
fragments à partir du XVIIIe siècle. La présence d'une notice
biographique consacrée à Clavius, dans le premier recueil d'un genre aussi
particulier que celui consacré aux vies des mathématiciens célèbres2
ne peut que confirmer l'importance qu'a eu, pour ses
contemporains, celui qui fut considéré comme le fondateur d'une tradition
mathématique en milieu jésuite. Certes l'auteur de ce portrait,
Bernardino Baldi, connaît Clavius, proche qu'il est, par son propre
réseau intellectuel, du professeur du Collegio Romano3. Mais, par delà
cette connaissance personnelle, Baldi a aussi su identifier un
homme effectivement central pour l'essor des mathématiques à la

de Triangoli Rettilinei, e sferici, uno delle dimensioni delle grandezze. Hebbe


differenza con Giacobo Peletario intorno all'angolo delle contingenze de circoli
nella sfera. Affaticatossi grandemente Christoforo per ordine di Gregorio
Terzodecimo nella correttione del Calendario, e ultimamente publico un gran volume in
detta materia contro un Micheli Mestlino da Geppinga Matematico, e Lettore
nello studio di Tubinga, huomo heretico, e nemico dell'ordinationi Pontificie.
Prometteva il Clavio dopo quest'Astrologia di publicare un libro dell'astrolabio
demostrato, un trattato di misurare tutte le grandezze, e alcune altre cose, fra le
quali è il libro degl'Elementi, la seconda volta emendato, e accresciuto».
On pourra se reporter, en complément, au portrait de Clavius, reproduit en
fin de volume.
2 Cette entreprise, longtemps restée inédite, s'inscrit dans la tradition du
genre antique des «vies des hommes illustres», inaugurée par Plutarque et Dio-
gène Laerce, et réactualisée par Vasari pour les artistes de son temps. Pour
l'histoire des mathématiques, le développement de ce genre contemporain de la
«renaissance des mathématiques» a sans doute contribué à alimenter une histoire
de la discipline centrée sur les grandes figures responsables de son essor.
L'hypothèse serait à mettre en regard de la réception du texte de B. Baldi, réception
limitée à l'époque.
3 Appartenant à l'« école» d'Urbin, dominée par Commandino et ses élèves
(Guidobaldo del Monte, notamment) lui-même est de la génération de Clavius.
La relation directe entre les deux hommes est attestée par l'unique lettre
conservée de leur correspondance : datée du 26 septembre 1588, envoyée par Baldi, elle
concerne un échange d'information sur la biographie de Maurolico et de tous les
autres mathématiciens connus de Clavius : voir C. Clavius, Corrispondenza, voi.
II, 1, p. 128-129. Pour une lecture des textes de Baldi, il faut recourir à la première
édition, datée du XVIIIe siècle : B. Baldi, Cronica di matematici overo Epitome
dell'istoria delle vite loro, Urbin, 1707, 156 p.; Id., Vite inedite di matematici italiani
pubblicate da E. Narducci, Rome, 1887, 176 p. On trouvera aussi des éditions
séparées de certains textes : Vita di Paolo di Middelburg, dans D. Marzi, La
Questione della riforma del calendario nel quinto concilio Lateranese (1512-1517),
Florence, 1896; Vita di Pitagora, scritta da Bernardino Baldi, tratta dall'autografo ed
annotata da Enrico Narducci, Rome, 1888, 112 p. Sur Baldi et son entreprise
biographique : G. Zaccagnini, Bernardino Baldi nella vita e nelle opere, Pistoia, 1908,
373 p.; DBI, voi. 5, p. 460-464. Voir enfin, P. L. Rose, The Italian Renaissance of
Mathematics..., op. cit., p. 243-279; B. Bilinski, Prolegomena alle Vite dei
Matematici di Bernardino Baldi (1587-1596), Rome, 1977, 131 p.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 87

fin du XVIe siècle4. Le portrait lui-même, à travers les critères


biographiques retenus, livre les valeurs qui légitiment cette importance.
La plus importante concerne la production d'ouvrages, facteur
d'identification par excellence du statut de mathématicien; ce critère
trouve son prolongement et sa justification dans la mention de la
participation au débat scientifique public. Le conflit avec Jacques
Peletier sur l'angle de contingence5, celui avec Maestlin sur le
calendrier assurent à Clavius une notoriété supplémentaire : participer à
ces «joutes scientifiques» comportait une reconnaissance implicite
par ses pairs.
Parmi les diverses activités de Clavius, Baldi souligne aussi la
participation à la réforme du calendrier julien, organisée par
Grégoire XIII6, mettant ainsi en évidence l'importance de cet événement

4 II est intéressant de constater que, dans ses propres notices biographiques,


Baldi dresse une liste de mathématiciens d'importances variables, qui compte les
plus importants comme les plus modestes : Alessandro Piccolomini, Albrecht
Durer, Bernard Salignac, Federico Commandino, Francesco Barozzi, Jacques
Peletier, Giuseppe Moiette, G. de Rojas, G. Stoefler, Michel Stifel, Nicolo Tartaglia,
Pietro Catena, Pierre de la Ramée, Pedro Nunès. On trouve d'autres exemples de
«généalogies de mathématiciens» dans les œuvres mathématiques elles-mêmes.
Ainsi, Clavius propose une liste des principaux d'entre eux depuis l'Antiquité,
dans les Prolegomena à son édition d'Euclide (Rome, 1570, p. 4-5). D'une manière
pus générale, le corpus de ses références a été systématiquement répertorié par
E. Knobloch, voir E. Knobloch, «L'œuvre de Clavius et ses sources
scientifiques», art. cit. A la fin du XVIIe siècle, le jésuite français Claude Milliet de
Challes, inscrit dans cette même tradition, propose le panorama le plus complet
de l'état de sa discipline à cette date : R. P. CL Fr. Milliet Dechales e Societate Iesu
Cursus seu mundus mathematicus universam mathesin quatuor tomis complec-
tens. Tomus primus complectens tract, de progressu matheseos et de ïllustrïbus Ma-
thematicis, Euclidis libris XIV, Theodosii Sphaerica..., Lyon, Anisson, J. Posuel &
Cl. Rigaud, 1690, in fol. On lira notamment l'introduction, «Tractatus proemialis
de progressu matheseos et illustribus mathematicis», vol. 1, p. 1-37.
5 Voir sur cette question précise, L. Maierù, «La polemica fra J. Peletier e
C. Clavio circa l'angolo di contatto», dans Atti del convegno «Storia degli studi sui
fondamenti della matematica e connessi sviluppi interdisciplinari», 26-31 mars
1984, Pise-Tirrenia, 1984, voi. 1, p. 226-256.
6 Succédant à Pie V, Grégoire XIII, élu le 14 mai 1572, s'attacha notamment à
ce problème de calendrier, qui avait été soulevé par le Concile de Trente. La
question était ancienne puisqu'il s'agissait de restaurer la concordance entre
calendrier civil et ecclésiastique et les données astronomiques auxquelles il se référait.
Le calendrier julien avait établi en 325, au Concile de Nicée, la durée de l'année à
365 jours, avec tous les quatre ans, une année «bissextile» de 366 jours. Or,
l'année tropique durant 365 jours 5 heures 48 minutes et 46 secondes, ce comptage
aboutissait à un décalage d'une journée tous les 128 ans. Pendant le Moyen Age,
la question fut régulièrement soulevée, par Robert Grosseteste notamment,
jusqu'à la décision ferme prise par Grégoire XIII. La commission qu'il chargea de
cette question se composait de dix membres sous la présidence de Guillaume Sir-
let. Dans ses travaux, elle put compter sur les compétences de quatre membres
spécialisés dans les questions astronomiques : Antoine Lilius, Giuseppe Moleto,
en charge de la chaire de mathématiques de la célèbre Université de Padoue,
88 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

pour la carrière ultérieure du mathématicien jésuite. Ce rappel


permet en outre à Baldi d'inscrire la polémique scientifique dans une
dimension religieuse, à travers la distinction des camps catholique
et protestant, Clavius devenant alors le héraut de la cause pontificale
et catholique, en opposition avec le mathématicien protestant
M. Maestlin7.
L'œuvre de Clavius est pourtant loin de se réduire à cette
collaboration qui le hisse sur le devant de la scène romaine : sa
production couvre un vaste champ d'intérêts, qui de la géométrie à
l'arithmétique, en passant par l'astronomie et la gnomonique, en font une
des principales figures de la fin du XVIe siècle. En reprenant une
classification proposée par E. Knobloch, on peut considérer que son
œuvre correspond à «trois types d'ouvrages, manuels, commentaires
de textes canoniques et écrits polémiques»8. Les historiens des
mathématiques ont, depuis Baldi, vu dans Clavius l'un des principaux
commentateurs d'Euclide à la Renaissance9. Considérant son travail

Ignace Danti, mathématicien, cosmographe et fabricant d'instruments,


Christoph Clavius enfin. Voir sur cette question précise, Gregorian Reform of The Ca-
lendar..., op. cit.; J. Casanovas, «Copernicus and the Gregorian calendar reform»,
dans Copernico e la questione copernicana..., op. cit., p. 97-107. La réforme du
calendrier julien fut promulguée par une bulle pontificale du 24 février 1582,
publiée à Rome le 3 mars suivant.
7 Sur Maestlin, voir DSB, vol. 9, p. 167-168.
8 Sur la présentation générale et l'analyse de son œuvre, voir E. Knobloch,
«L'œuvre de Clavius et ses sources scientifiques», art. cit.
9 Pour Euclide à la Renaissance, voir DSB, vol. 4, p. 448-452 : «Closely
connected with the commentarial littérature we hâve sampled is the magisterian
Latin version of the Eléments, composed by another, but much earlier Jesuit
scholar, Christoph Clavius. The first édition of his Euclidis Elementorum libri XV
appeared at Rome in 1574. Not properly speaking, a translation, as Clavius him-
self admitted, but a personal rédaction compiled from such earlier authors as
Campanus, Zamberti, and Commandino, the work is chiefly notable, to say no-
thing of immensely valuable, for the great amount of auxiliary material it
contains», op. cit., p. 451. Sur la même question, M. Caveing, «Les éditions et
traductions depuis la Renaissance», dans l'introduction à Euclide, Les Eléments, vol.
1, Paris, 1990, p. 74-83. Le point de vue de ce dernier est comparable au
précédent : «C'est en liaison avec les commentaires qu'il faut parler du cinquième
événement qui marque au XVIe siècle l'histoire des Eléments, c'est-à-dire de la
version latine de Christoph Clavius. Elle comporte les XV Livres, plus le «livre
XVI», sur la comparaison des solides réguliers, ajouté par Candale, et paraît à
Rome, en deux volumes en 1574 (rééd. 1589, 1591, 1603, 1607, 1612). C'est un
travail fondé, pour le texte, sur Campanus, Zamberti et Commandinus et utilisant
les scolies; aux 486 propositions que compte le texte grec, Clavius en ajoute 671;
les preuves sont réécrites, les constructions développées; un considérable
accompagnement de notes recueillies chez les éditeurs et commentateurs
précédents se combine avec les critiques et les éclaircissements de Clavius lui-même,
pour produire un ouvrage de très grande valeur. C'est Clavius qui met fin à
l'erreur soupçonnée déjà par certains consistant à confondre le géomètre
d'Alexandrie avec le philosophe Euclide de Mégare. Il identifie la tradition arabe chez
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 89

astronomique à l'aune de la «victoire du copernicanisme» sur le


système géocentrique10, ils ont en revanche, jusqu'à présent,
systématiquement sous-estimé ses livres de commentaire de la Sphère.
Aujourd'hui, dans le vaste mouvement de reconsidération de l'apport
jésuite à la culture européenne11, les spécialistes de l'histoire des
sciences lui accordent une place de premier plan dans l'essor des
mathématiques, non seulement au sein de la Compagnie, mais aussi
du point de vue de l'histoire de la discipline :
Clavius, par sa défense des mathématiques à l'intérieur du cadre
des objectifs jésuites en matière d'éducation, et par sa création d'une
école de mathématiques au sein du Collegio Romano où les
principaux scientifiques de la Compagnie étudiaient, fut le principal artisan
de la mise en place d'une politique jésuite et d'éventuelles réussites en
matière de science mathématique12.

Campanus, condamne ses prédécesseurs qui ont rejeté les anciennes preuves de
Commandinus. Grâce à cette œuvre magistrale, le XVIIe siècle allait disposer d'un
Euclide, sinon philosophiquement impeccable en grec, du moins
mathématiquement instructif et stimulant», op. cit., p. 79.
10 On peut, à titre d'exemple, considérer le jugement émis par Montucla,
dans Histoire des mathématiques, dans laquelle on rend compte de leurs progrès
depuis leur origine jusqu'à nos jours; où l'on expose le tableau et le développement des
principales découvertes, les contestations qu'elles ont fait naître et les principaux
traits de la vie des mathématiciens les plus célèbres, Paris, 1758, p. 472-473 :
«Je finis par Clavius, l'un des hommes de son siècle qui jouit de la plus
grande célébrité. Ce fut, on ne peut en disconvenir, un des mathématiciens qui
montra le plus d'universalité et d'intelligence. Son commentaire sur Euclide, son
traité sur l'astrolabe, sa gnomonique, etc. en sont les preuves. Je ne sais
cependant si cet écrivain mérite tout à fait l'idée extraordinaire qu'en avait Sixte V
lorsqu'il disait que «quand la Société de Jésus n'aurait produit qu'un homme tel que
Clavius, elle serait recommandable pour cela seul». Cette société, qui a donné
aux lettres tant d'hommes célèbres peut facilement citer des géomètres plus
capables de lui faire honneur auprès de ceux qui mesurent le mérite des auteurs,
non par le nombre et la grosseur des volumes qu'ils ont enfantés, mais par
l'excellence et la nouveauté des choses qu'on leur doit. Le P. Guldin, Grégoire de Saint-
Vincent, le P. Laloubère, le P. de Billy et divers autres, ont sans doute donné des
marques d'un génie fort supérieur à celui de Clavius».
Pour un bilan italien, voir G. Loria, Storia delle matematiche, vol. 2 : / secoli
XVI e XVII, Turin, 1931, p. 188-190. Dans une période beaucoup plus proche, le
récent livre de J. Lattis se fonde sur le même type de critères d'appréciation,
J. M. Lattis, Between Copernicus and Galileo. Christoph Clavius and the Collapse
ofPtolemaic Cosmology, Chicago et Londres, 1994, 293 p. Voir en outre M. P. Ler-
ner, «L'entrée de Tycho Brahe chez les Jésuites, ou le chant du cygne de Clavius»,
dans L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. 145-185.
11 Sur l'analyse de ce phénomène en histoire des sciences, voir L. Giard, «Le
devoir d'intelligence ou l'insertion des jésuites dans le monde du savoir», dans
L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. XXV-LIII.
12 A. C. Crombie, «Mathematics and Platonism in the Sixteenth-Century Ita-
lian Universities and in Jesuit Educational Policy», dans Prismata, Natur wissens-
chaftsgeschichtliche Studien. Festschrift fur W. Hartner, Wiesbaden, 1977, p. 65.
Aux côtés de Crombie, P. Galluzzi a été l'un des premiers à participer à cette réé-
90 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

La figure de Clavius est donc essentielle à connaître, pour qui


cherche à comprendre les facteurs et les modalités de constitution
d'une culture mathématique en milieu jésuite au tournant du XVIe
siècle. Au commencement pourtant, les sources apparaissent
silencieuses : les données biographiques disponibles restent rares et
avares d'informations13. Né en 1538 à Bamberg, Clavius rejoint la
Compagnie, à Rome, en 1555, à l'âge de dix-sept ans. Reçu par
Ignace lui-même14, il est envoyé dans les mois qui suivent au collège
de Coïmbra. Ainsi, sa formation, sinon de base, du moins
supérieure, s'opère dans l'ordre, et principalement au Portugal où il suit,
entre 1556 et 1559, les cours de philosophie de P. Fonseca, l'un des
principaux inspirateurs de la Compagnie dans ce domaine15. C'est là
qu'il lit Aristote et notamment les Seconds Analytiques, à travers les-

valuation de l'œuvre de Clavius : P. Galluzzi, «II platonismo del tardo


Cinquecento e la filosofìa di Galileo», dans Ricerche sulla cultura dell'Italia moderna, a cura
di P. Zambelli, Rome, 1973, p. 39-79. Ultérieurement, les travaux d'U. Baldini ont
permis de préciser le rôle du mathématicien de Bamberg : U. Baldini, «Christoph
Clavius and thè Scientific Scene in Rome», dans Gregorian Reform ofThe Calen-
dar..., op. cit., p. 137-169. Les années 1980 ont vu se multiplier les articles à
caractère biographique ou centrés sur des questions mathématiques précises. Sur ces
différents points, on renvoie à la bibliographie générale. L'organisation par
U. Baldini d'un colloque international sur ce personnage (Chieti, 28-30 avril
1993) répondait à un réel besoin de réévaluation et de synthèse. Les résultats
apparaissent à ce jour décevants, dans la mesure où la juxtapposition des
communications ne restitue pas la complexité de l'homme et l'importance de son apport à
la culture mathématique européenne de la fin du XVIe siècle. Certains aspects de
son travail de mathématicien sont éclairés par les travaux de A. C. Garibaldi,
E. Knobloch ou L. Maierù. Ses travaux et positions astronomiques sont mieux
saisis grâce aux récents articles de C. Dolio et M. P. Lerner, ainsi qu'au livre de
J. M. Lattis. Son rôle moteur dans l'œuvre didactique de la Compagnie pour les
mathématiques a été mis en lumière par U. Baldini. Si tous ces aspects
présentent un intérêt majeur, ils laissent en suspens nombre de questions qui, outre
Clavius, concernent aussi la tradition mathématique jésuite.
13 A ce jour, seul un historien a tenté d'affronter la question du milieu
d'origine et de son éventuelle influence sur la destinée mathématique de Clavius :
H. Enzenberger, «Società, cultura e religione a Bamberga e in Franconia ai
tempi di Christoph Clavius», dans U. Baldini éd., Christoph Clavius e l'attività
scientifica dei Gesuiti nell'età di Galileo..., op. cit., p. 223-241. Mais, au-delà du cadre
culturel et historique que représente la Franconie de la Renaissance, le texte reste
muet sur la vie de Clavius. Quelques informations dans J. M. Lattis, Between Co-
pernicus and Galileo..., op. cit.
14 ARSI, Rom. 53, fol. 60r.
15 C'est notamment à Fonseca qu'il reviendra de contribuer activement à la
production de l'œuvre imprimée de la Compagnie, pour la philosophie. Sur son
rapport à l'aristotélisme, voir C. H. Lohr, «Les jésuites et l'aristotélisme du XVIe
siècle», dans L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. 79-91. Plus
général et ancien, C. Giacon, La seconda scolastica, t. 2 : Precedenze teoretiche ai
problemi giuridici : Toledo, Pereira, Fonseca, Molina, Suarez, Milan, 1947, 327 p.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 91

quels il découvre l'importance des mathématiques auxquelles il


s'initie seul, c'est du moins ce qu'il raconte à son biographe.
Alors que, dans ces années, cette religion (des jésuites) s'était
déjà notablement développée, alors que Ignace le fondateur et préposé
général de celle-ci était encore vivant et que nombre de collèges
avaient déjà été fondés à Rome, et particulièrement celui de la nation
allemande, en l'an mille cinq cent cinquante cinq, Christoph Clavius,
jeune homme de dix-sept ans s'en vint en Italie, et ayant pris l'habit
des jésuites, fut rapidement envoyé au Portugal par le père Ignace, en
compagnie d'autres jeunes profès. Christoph naquit le vingt cinq
mars de l'an mille cinq cent trente-huit à Bamberg, très noble et
principale cité de Franconie, puis étant jeune, comme on l'a déjà dit, venu
en Italie et envoyé au Portugal, il se consacra là-bas à l'étude des
humanités : il eut pour maîtres deux célèbres hommes de son ordre,
Pietro Perpignano de Valence et Cipriano Rore, tous deux Espagnols.
Puis, passant à la philosophie, il suivit les leçons de Pietro de Fonse-
ca, Portugais, lui aussi célèbre et, comme les deux précédents, connu
pour ses œuvres imprimées. S'en étant ensuite retourné à Rome et
consacré aux études de théologie, il fut l'élève de Pietro Toledo,
homme d'une admirable doctrine, qui n'est pas seulement théologien
fameux, mais, depuis l'époque de Pie V et jusqu'aux temps de
Clément Vili, a toujours été prédicateur pontifical, avant d'accéder à la
dignité de Cardinal sous ce dernier pape. Christoph commença à
s'occuper de mathématiques, c'est ce que j'entendis de sa bouche, alors
qu'il entreprenait l'étude des Seconds Analytiques d'Aristote : ce livre
était en effet si riche d'exemples mathématiques, lui-même désirait si
bien les comprendre, qu'il s'imposa à lui-même, sans l'aide d'aucun
maître, de s'y attaquer, de sorte qu'en cette profession, il affirme être,
comme disent les Grecs, autodidacte16.

16 Outre la notice reproduite plus haute, Bernardino Baldi a consacré un


texte plus fourni à Clavius : celui-ci a été publié par G. Zaccagnini, Bernardino
Baldi..., op. cit., p. 333-343 :
«Ora ne' tempi che questa Religione sera già notabilmente cresciuta,
essendo ancora vivo il fondatore e Preposito di lei Ignazio e eretti in Roma molti colle-
gii e particolarmente della nazione tedesca, l'anno millecinquecento
cinquantacinque Cristoforo Clavio giovanetto di diciasette anni se ne venne in Italiae preso
l'abito della Religione de' Gesuiti, fu indi a poco dal padre Ignazio in compagnia
d'altri provetti nella religione mandato in Portogallo. Nacque Cristoforo alii
venticinque di Marzo dell'anno mille cinquecento trentotto in Bamberga,
nobilissima e principalissima città di Franconia, quinci essendo giovinetto, come si disse,
venuto in Italia e mandato in Portogallo, diedesi ivi agli studii dell'umanità, e
v'ebbe maestri due famosi della sua Religione, Pietro Perpignano da Valenza e
Cipriano Rore ambedue spagnuoli. Quinci passando alla filosofia, udi Pietro Fonse-
ca Portoghese, anch'egli famoso, e come gli altri due chiaro per opere mandate
alla luce. Venutosene doppo a Roma e datosi agli studii della Teologia, fu
discepolo di Pietro Toledo, uomo di dottrina mirabile, il quale non solamente è
teologo famoso, ma cominciando dal tempo di Pio Quinto infino a quelli di elemento
ottavo è sempre stato Predicatore Pontificio e da lui finalmente accresciuto della
dignità di Cardinale. Alle matematiche comincio Christofor ad attendere, come
92 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Pourquoi ce souci, apparemment manifesté par Clavius, de ne


s'inscrire dans aucune filiation? Pourquoi ce besoin de se dire
«autodidacte», alors que ses maîtres dans les autres disciplines
appartiennent à la génération des hommes les plus brillants de cette fin de
siècle, comme Baldi l'a si bien noté? Une première réponse
s'impose : le collège de Coïmbra, où Clavius a étudié, ne dispense pas de
cours de mathématiques avant 1560. Aussi, quittant le Portugal au
début de cette même année, Clavius n'a pu en profiter. D'autre part,
aucune source n'attestant de relations spécifiques entre le collège
jésuite de la ville et l'Université où enseigne Nunès, l'hypothèse d'une
rencontre entre les deux hommes est peu probable17. C'est donc
d'abord pour des raisons d'organisation que l'apprentissage passe par
la voie privée. Pourtant, à son retour à Rome en 1561, Clavius,
entreprenant ses études de théologie, se trouve dans un espace qui a déjà
organisé une certaine tradition d'enseignement. Certes, la mort de
Balthasar Torrés cette même année rend difficile l'établissement
d'une succession directe entre les deux hommes, mais même si le
successeur de l'Espagnol, Adalbert Bauceck qui assume la fonction
de professeur de mathématiques, n'apparaît pas comme une figure
marquante pour l'essor de cette discipline, le lien est fait entre les
prémices de la tradition et Clavius18. On peut notamment supposer
que ce dernier tire profit des livres accumulés par Torrés pendant
une décennie d'activité à Rome19.
Aucune source sûre ne permet aujourd'hui de construire une
biographie plus précise du mathématicien jésuite jusqu'à cette date.
A partir de son retour à Rome, l'analyse de son action se fonde sur le

intesi da lui, con l'occasione degli studii della Posteriore d'Aristotele, perciocché,
essendo quel libro molto ricco d'esempii matematici, egli desidero di ben
intendergli si pose per se stesso senz'altro aiuto di maestri ad affaticarvisi di maniera
che in queste professioni egli afferma d'essere, come dicono i greci, autodidasca-
lo».
Il faut mentionner la confusion opérée par Baldi sur le prénom de Francisco
de Toledo, ici appelé Pietro.
17 Ce qui est en contradiction avec l'idée avancée par W. A. Wallace selon
laquelle à Coïmbra, Clavius aurait suivi l'enseignement de Pedro Nunès, source de
la formation mathématique de Clavius. Voir «Science and Philosophy at thè
Collegio Romano in thè Time of Benedetti», Venise, 1987, repris dans Galileo, thè Je-
suits and thè Medieval Aristotle, Londres, 1991, Vili, p. 121, n. 10. Cette hypothèse
a été rejetée par les éditeurs de la correspondance de Clavius, Corrispondenza,
vol. I, 1, p. 38, n. 9.
18 Voir C. Clavius, Corrispondenza, vol. I, 1, p. 66.
19 J'ai évoqué, dans le chapitre précédent, la liste des ouvrages prêtés par
Balthasar Torrés, à des amis ou correspondants. Tout autorise à croire qu'à sa mort,
ses livres restent à Rome, constituant peut-être le fonds de la bibliothèque
scientifique de la Compagnie, dont, par ailleurs, ne subsiste aucune trace. A moins
qu'il ne se soit agi des livres de la bibliothèque, dont l'unique ou principal usager
était Torrés.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 93

dépouillement des catalogues20 ainsi que sur une documentation


plus riche et variée, ses œuvres, sa correspondance, ses papiers
personnels. La production mathématique, inaugurée en 1570 avec la
première édition du commentaire de la Sphère de Sacrobosco, est
rassemblée dans les œuvres complètes (Mayence, 1611-1612),
achevées quelques mois après la mort de Clavius. Sa genèse et son
évolution se trouvent aujourd'hui largement éclairées par l'édition de la
correspondance du mathématicien de Bamberg21. Celle-ci se
compose de trois cent trente six lettres22, qui définissent un réseau
d'ampleur internationale au cœur duquel tous les mathématiciens
contemporains trouvent leur place. On y croise en effet les noms de
Barozzi, Guidobaldo del Monte, Galilée, Adrien van Roomen,
François Viète, aux côtés de mathématiciens jésuites ou des grands noms
des cours européennes23.
A ce second type de sources s'ajoutent enfin quelques textes à
caractère didactique qui permettent de compléter l'image du
personnage et de son rôle au sein de la Compagnie de Jésus. On comprend
alors l'importance de l'homme : outre une œuvre mathématique
abondante dont les caractéristiques principales seront analysées
ultérieurement, il a su déployer son action à différents niveaux. Dans
l'Europe mathématique de la Renaissance, il a participé aux
polémiques qui occupaient la communauté savante; au sein de la
Compagnie, il a œuvré pour hisser les mathématiques au premier
plan du cursus de formation intellectuelle. Car c'est sans doute l'une
des originalités principales du personnage que d'avoir non
seulement combattu pour donner une place à part entière aux mathéma-

20 Pour l'analyse de ce type de source, voir introduction, supra.


21 L'édition de sa correspondance offre depuis peu un outil de première
importance pour la compréhension de l'insertion intellectuelle et sociale de Clavius
dans l'Europe savante de l'époque : C. Clavius, Corrispondenza. Dans ce travail,
les deux chercheurs italiens, P. D. Napolitani et U. Baldini, poursuivaient une
investigation lancée à la fin des années 30 : P. Edward, «The Correspondance of
Father Clavius, Preserved in the Archives of Pont. Gregorian University», art. cit.
Ils pouvaient aussi s'appuyer sur les données fournies par L. Daly, «Selected Mss
From thè Fondo Curia, Archivum Pontificiae Universitatis Gregorianae», art. cit.
En outre, un précieux outil de travail est constitué par la biographie qui ouvre
l'édition de cette correspondance. Les éditeurs ont reconstitué, année après année,
en se fondant sur les archives romaines (systématiquement signalées), le cursus
de Clavius : Corrispondenza, vol. I, 1, p. 33-58.
22 Ce chiffre inclut lettres envoyées et/ou reçues : voir la liste par expéditeur
dans C. Clavius, Corrispondenza, vol. I, 1, p. 111-121. Les lettres de Clavius ne
représentent dans cet ensemble que quarante neuf documents, soit 36% du total.
23 Parmi ceux-ci, on compte François Marie de la Rovere, Ranuce Farnese,
les plus importants représentants de la dynastie des Habsbourg : Philippe II,
Ferdinand II et Rodolphe II, etc.
94 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

tiques, mais aussi et surtout d'avoir voulu définir les possibilités de


réalisation de cet objectif. Mise en œuvre bien entendue et
méthodiquement conduite du «devoir d'intelligence» attribué à la
Compagnie.
Les pages qui suivent cherchent principalement à éclairer son
rôle dans l'élaboration d'une culture mathématique propre au milieu
jésuite de la fin du XVIe siècle : par opposition à une approche
mathématicienne et «internaliste» de l'œuvre de Clavius, elles
chercheront à mettre en lumière les cohérences perceptibles entre son
appartenance à l'ordre ignatien, ses positions didactiques et sa
conception des mathématiques.

L'action didactique en faveur des mathématiques

Réflexions de Clavius

Si les premières traces de l'activité épistolaire et scientifique de


Clavius remontent aux années 1570, c'est dans la décennie suivante
qu'il entre de plain-pied dans les discussions internes à l'ordre.
L'absence de sources pour la période 1563-1580 semble donc indiquer
que, pendant ses vingt premières années de présence au Collegio
Romano, par choix ou par nécessité, Clavius s'est cantonné dans son
seul rôle de professeur de mathématiques24.
Dans le contexte dense des années 1580, plusieurs textes
particulièrement intéressants rendent compte d'un changement
d'attitude et de son engagement dans une activité «militante» en faveur
des mathématiques : «Ordo servandus in addiscendis disciplinis
mathematicis»25, «Modus quo disciplinae mathematicae in scholis

24 Cette intervention interfère avec un changement de nature


institutionnelle, souligné par R. Villoslada : après trente années de croissance forte, mais
dans des conditions matérielles précaires, en 1581, le pape Grégoire XIII faisait
au Collegio Romano une dotation qui permettait de résorber les dettes
accumulées et de prévoir une extension des locaux, dont les chroniques romaines
contemporaines rendent compte. Voir R. Villoslada, op. cit., p. 146-152. D'autre
part, U. Baldini évoque aussi une importante dotation en livres et instruments
d'astronomie qui renforçait le statut des mathématiques par rapport aux autres
disciplines. Coïncidant avec la fin des travaux sur la réforme du calendrier, il faut
sans doute voir dans cette dotation exceptionnelle un cadeau du pape au
mathématicien responsable de ce travail, dans une logique de mécénat scientifique qui
connaît d'autres équivalents : voir Baldini U., «Christoph Clavius on the...», art.
cit., p. 143.
25 «Programme à suivre pour le développement des études mathématiques»,
dans MPSJ, vol. 7, p. 110-115. Les circonstances de la rédaction de ce texte sont
éclairées par L. Lukacs, p. 109.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 95

Societatis possent promoveri»26, «De re mathematica instructio»27,


«Oratio de modo promovendi in Societate studia linguarum poli-
tioresque litteras ac mathematicas»28 rompent le silence de la
période antérieure et constituent autant de témoignages de l'intérêt
manifesté et de la part prise par Clavius pour l'élaboration de la Ratio
studiorum29. Ecrits entre 1580 et 1593, toujours brefs et proposition-
nels, ces textes jettent une lumière unique sur l'enseignement des
mathématiques à Rome, tant d'un point de vue épistémologique sur
le statut théorique de la discipline que didactique sur la manière de
procéder.
Ils éclairent, en premier lieu, les modalités de l'enseignement de
cette discipline. Clavius dresse en 1582, dans le «Modus quo discipli-
nae...», un constat particulièrement alarmiste de l'état de son
enseignement. Il développe notamment des réflexions et des critiques
sur les professeurs chargés de la formation des scolastiques :
II faudra en premier lieu désigner un maître d'une culture et
d'une autorité hors du commun. Si l'une ou l'autre doivent en effet lui
faire défaut, il ne semble pas, comme l'expérience le montre, que les
élèves puissent être attirés par les disciplines mathématiques30.

Cette critique est répétée à travers la description des maîtres :


sous la plume de Clavius, ils apparaissent comme manquant de
motivation et de goût pour cette science. C'est du moins ce qui ressort,
a contrario, du portrait du professeur idéal qu'il dresse : «II paraît
nécessaire que le professeur ait une certaine inclination pour
l'enseignement de cette discipline...»31. Clavius revient à différentes re-

26 «Méthode pour la promotion des mathématiques dans les écoles de la


Société», MPSJ, vol. 7, p. 115-117.
27 «Mémoire sur les mathématiques», MPSJ, vol. 7, p. 117-118.
28 «Discours sur la manière de promouvoir dans la Société l'étude des
langues, des belles lettres et des mathématiques», MPSJ, vol. 7, p. 119-122.
29 Une première édition partielle de quelques uns de ces textes avait été
entreprise dans la première série des MPSJ, Rome, 1901. Puis, l'attention a été
attirée sur cette question par un historien jésuite : E. C. Phillips, «The Proposais of
Father Clavius, S. J., for Improving the Teaching of Mathematics», Bulletin ofthe
American Association of Jesuit Scientists, vol. 17, 1941/4, p. 203-208. Enfin, en
1981, U. Baldini a présenté une version partielle, mais inédite du texte,
jusqu'alors inconnu, de l'«Ordo...» : «La nova del 1604 e i matematici e filosofi del
Collegio Romano», Annali dell'Istituto e Museo di storia della scienza di Firenze, voi. 6,
1981/2, p. 90-95. Depuis 1992, tous les textes de Clavius actuellement connus sur
cet aspect de son activité sont réunis dans MPSJ, op. cit.
30 MPSJ, vol. 7, «Modus quo...», op. cit., p. 115 :
«Primum deligendus erit magister eruditione atque auctoritate non vulgari.
Alterutra enim si absit, discipuli, ut experientia docet, non videntur ad
disciplinas mathematicas aliici posse».
31 Ibid., p. 115 : «Necessarium etiam videtur, ut praeceptor habeat inclinatio-
nem ad has scientias praelegendas...».
96 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

prises sur cette question, en développant notamment l'idée de la


responsabilité des enseignants dans la détermination du goût et des
motivations des étudiants. A ce propos, il semble indiquer que non
seulement ses collègues n'essaient pas d'expliquer l'intérêt des
mathématiques, mais que surtout ils en détournent les étudiants32. A
travers cette critique, il esquisse le problème du rapport de force
entre le professeur de mathématiques et ses collègues de
philosophie : ces derniers jouissent d'une grande influence auprès des
étudiants, non seulement parce que l'intérêt de leur discipline -
logique, phïlosophia naturalis et métaphysique - est sanctionné par
une pratique multiséculaire et le patronage d'Aristote, mais aussi
parce qu'ils passent beaucoup plus de temps face à leur auditoire
que le mathématicien. De plus, ils recourent aux mathématiques
pour commenter certaines parties du corpus aristotélicien. Aussi
l'image qu'ils peuvent donner de cette discipline «annexe» est-elle
déterminante. Clavius y insiste d'autant plus que, dans son constat, il
souligne à différentes reprises l'incompétence de ses collègues : «II
importe que les professeurs de philosophie s'y connaissent en
mathématiques, ne serait-ce que médiocrement» 33. Il va plus loin, en
suggérant que l'état de la discipline serait meilleur «si les
professeurs de philosophie s'abstenaient d'aborder des questions qui sont
peu utiles pour la compréhension des phénomènes naturels et ôtent
aux mathématiques la plus grande partie de leur autorité auprès des
auditeurs»34. Cette critique à l'égard des incompétences des
professeurs de philosophie est récurrente dans les documents laissés par
Clavius. C'est dire qu'elle ne revêt pas un caractère accidentel, mais
proprement structurel. Avant d'analyser le débat auquel elle fait
écho et qui a largement divisé les philosophes en Italie après 155035,

32 Dans le «Modus quo...», p. 117, parmi les différentes solutions à mettre en


œuvre pour l'essor des mathématiques, il suggère que les professeurs motivent
leurs étudiants :
«Expediret etiam, ut magistri in privatis colloquiis discipulos hortarentur ad
has scientias perdiscendas, inculcando earum utilitatem et non e contrario eos
ab earum studio abducerent, ut plerique superioribus annis fecerunt».
Traduction :
«II conviendrait même que les maîtres, au cours de conversations privées,
exhortent leurs élèves à étudier cette science, en insistant sur son utilité, plutôt
qu'ils ne les détournent au contraire de cette étude, comme plusieurs d'entre eux
l'ont fait dans les dernières annnées».
33 MPSJ, vol. 7, «Modus quo...», op. cit., p. 116 : «Opportet praeceptores phi-
losophiae caliere disciplinas mathematicas, saltem mediocriter...»
34 MPSJr vol. 7, «Modus quo...», op. cit., p. 116 :
« Si praeceptores philosophiae ab illis quaestionibus abstineant, quae parum
juvant ad res naturales intelligendas et plurimum auctoritatis disciplinis mathe-
maticis apud audi tores detrahunt».
35 Ce sera l'objet du prochain chapitre.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 97

il faut d'abord insister sur le milieu jésuite romain auquel ces


critiques s'adressent.
Le bilan de Clavius se fonde sur d'autres constatations,
notamment sur le fait que les professeurs de mathématiques n'ont pas
véritablement de place par rapport à leurs autres collègues, ce qui n'est
pas sans effet direct sur la position de leur discipline vis-à-vis des
autres. Ainsi, au début des années 1580, celle-ci n'est pas une
discipline d'examen, ni à la fin du cursus philosophique, ni à la fin du
cycle de théologie. Pour Clavius, cette absence contribue à la
démotivation des étudiants36 et à la dévalorisation des mathématiques.
Or, d'après lui, la Compagnie aurait tout intérêt à déployer un
réel effort en direction des mathématiques. Elle pourrait en tirer un
grand bénéfice du point de vue de son image dans la société. Car
Clavius constate aussi l'incapacité de son ordre à être présent sur le
terrain scientifique dans le monde, alors que, parallèlement, il
assied son prestige sur les autres domaines de la connaissance et en
particulier les humanités. Il écrit :
Et que ces dispositions apportent un grand honneur à notre
Société, afin que très fréquemment, dans les conversations et les
assemblées de gens illustres on ait un débat à propos [des mathématiques],
où ils comprennent que les nôtres n'en sont pas ignorants. De là vient
que les nôtres ne soient pas dans l'obligation de se taire dans ce genre
de conversation, non sans grande rougeur et sans honte37.

Cette remarque souligne l'importance qu'il accorde à l'insertion


de la Compagnie dans les débats contemporains38, l'attention qu'il

36 MPSJ, vol. 7, «Modus quo...», op. cit., p. 117 :


«Postremo, circa finem curriculi philosophiae, qui volunt lauream magiste-
rii doctoratusve suspicere, examinari deberent in rebus mathematicis more alia-
rum academiarum quarumdam; cui examini intersit, una cum reliquis
philosophiae professoribus, professor mathematicarum disciplinarum».
Traduction :
«Après quoi vers la fin du cycle de philosophie, ceux qui prétendent devenir
maîtres es arts ou docteurs, devraient subir un examen dans le domaine des
mathématiques, comme cela en est l'habitude dans certaines académies; que le
professeur de mathématique participe à l'examen avec le reste des professeurs de
philosophie».
37 MPSJ, vol. 7, «Modus quo...», op. cit., p. 115 :
«et magnum Societati afferant ornamentum, ut frequentissime in colloquiis
et conventibus principum virorum de illis sermo habeatur, ubi intellegunt nos-
tros mathematicarum rerum non esse ignaros. Unde fit ut necessario nostri in
ejusmodi conventibus obmutescant, non sine magno rubore et dedecore».
Cette idée est presque reprise mot pour mot dans la Ratio de 1586 : voir in-
fra.
38 On mesure, à ce souhait, la nature profondément jésuite de son point de
vue : l'universalité de l'apostolat a pour corollaire le caractère multiforme de la
présence jésuite dans le monde, dans les salons scientifiques comme dans le Nou-
98 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

porte à l'évolution du contexte scientifique. Mais elle fait aussi écho


à sa propre connaissance de cette évolution, puisque les réunions
auxquelles il fait allusion sont décrites comme consacrées de plus en
plus fréquemment aux mathématiques, d'où il ressort que les
jésuites doivent être compétents en la matière. A quels débats
mathématiques Clavius fait-il ici allusion? S'il paraît difficile de répondre
avec assurance, il est en tous cas certain qu'il perçoit les innovations
scientifiques de la fin de ce XVIe siècle et qu'il met en garde la
Compagnie contre son aveuglement face aux mutations auxquelles il
fait allusion.
Sa récente expérience de membre de la commission pontificale
pour la réforme du calendrier julien n'est sans doute pas étrangère à
cette réflexion. Au moment où il écrit, Clavius vient de faire
l'expérience du passage d'une pratique intérieure à la Compagnie et
d'enseignement, à une pratique publique et d'expertise des
mathématiques. A ses côtés se sont trouvés d'autres hommes de renom, clercs
ou savants. Cette expérience intervient au moment où les
mathématiques font, dans les milieux intellectuels, l'objet d'une attention
particulière39.
Sensible à cette mutation aux forts enjeux épistémologiques,
Clavius se montre d'autant plus soucieux d'identifier les causes de la
situation négative qui prévaut au sein de la Compagnie : si les
mathématiques connaissent un tel état de délabrement, explique-t-il,
c'est que pèse sur elles le préjugé d'inutilité. Il ne le dit pas de
manière explicite, mais il le sous-entend en insistant au contraire sur
leur importance et leur nécessité :
II est en effet nécessaire que les élèves comprennent que cette
science est utile et nécessaire à une juste compréhension de
l'ensemble de la philosophie, qu'en même temps elle est d'un grand
ornement dans tous les autres arts pour acquérir une parfaite
connaissance. Mieux en vérité, il y a entre cette science et la philosophie
naturelle une telle parenté qu'elles ne peuvent défendre leur dignité
respective sans s'aider mutuellement40.

veau Monde. Plus profondément, l'excellence dans le débat intellectuel fait partie
des principaux moyens mis au service de cette foi.
39 Parallèlement aux premières académies italiennes en cours de
structuration, les cercles savants plus informels, - celui de Morosini, fréquenté par Galilée
dans la Padoue de cette fin de XVIe siècle, par exemple -, s'attachent aussi bien à
ces problèmes de réforme du calendrier qu'à l'astronomie d'observation.
40MPSJ, vol. 7, «Modus quo...», p. 116 :
«Necesse est, ut discipuli intelligant, has scientias [mathematicas] esse
utiles et necessarias ad reliquam philosophiam recte intelligendam, et simul
magno eas ornamento esse omnibus allis artibus, ut perfectam eruditionem quis ac-
quirat; intimo vero tantam inter se habere afrinitatem hasce scientias et
philosophiam naturalem, ut, nisi se mutuo juvent, tueri dignitatem suam nullo modo
possint».
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 99

L'argument du rapport de nécessité entre philosophie et


mathématiques, qui contre-balance celui de leur inutilité, est repris encore
plus clairement dans la formule suivante : «Je passe sous silence le
fait que la philosophie naturelle sans les mathématiques reste
incomplète et imparfaite, comme nous le montrerons sous peu»41.
Quelques lignes plus loin, c'est l'idée de la complémentarité qui est
évoquée :
La physique ne peut se comprendre correctement sans les
mathématiques, tout particulièrement pour ce qui concerne cette partie
de la physique qui traite du nombre et du mouvement des orbes
célestes, de la multitude des choses intelligibles, des effets des planètes
qui dépendent des différentes conjonctions, oppositions et des
distances variables qui les séparent, de la division des quantités
continues dans l'infini, du flux et du reflux de la mer, des vents, des
comètes, du rayonnement solaire et d'autres phénomènes
météorologiques, des proportions entre les mouvements, les qualités, les
actions, les passions et réactions, etc.. à propos desquels les
calculateurs écrivent beaucoup42.
La même idée est illustrée dans un dernier passage, où Clavius
recourt à Platon et Aristote comme arguments d'autorité :
Et je ne parle pas d'une infinité d'exemples empruntés à Platon,
Aristote et leurs plus illustres interprètes, qui ne peuvent être compris
en aucune manière, sans une petite connaissance des sciences
mathématiques43.
Cette complémentarité du point de vue scientifique doit avoir
pour prolongement, dans le collège, la complémentarité des
professeurs, seul moyen de donner aux étudiants une idée réelle de la
dignité des mathématiques :
Pour cette raison en effet il serait facile que, voyant leur
professeur de mathématiques participer à des activités du même genre avec
tous ses autres collègues et même parfois engagé dans une «dispute»
avec eux, les élèves se persuadent que philosophie et sciences mathé-

41 MPSJ, vol. 7, p. 116 : «Omitto philosophiam naturalem sine disciplinis ma-


thematicis mancam esse et inperfectam ut paulo infra docebimus».
42 MPSJ, vol. 7, p. 116 :
«Physicam sine illis recte percipi non posse, praesertim quod ad illam par-
tem attinet ubi agitur de numero et motu orbium coelestium, de multitudine in-
telligentiarum, de effectibus astrorum, qui pendent ex variis conjunctionibus, op-
positionibus et reliquis distantiis inter sese, de divisione quantitatibus continuae
in infinitum, de fluxu et refluxu maris, de ventis, de cometis, irride halone et aliis
rebus meteorologicis, de proportione motuum, qualitatum, actionum, passionum
et reactionum etc., de quibus multa scribunt calculatores».
43 MPSJ, vol. 7, p. 116 : «Omitto infinita exempla in Aristotele, Piatone et eo-
rum interpretibus illustrioribus, quae nulla ratione intelligi possunt sine medio-
cri scientiarum mathematicarum cognitione...».
100 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

matiques sont unies l'une à l'autre, comme de fait elles le sont;


surtout que jusqu'à présent, les élèves semblent presque tenir cette
science dans le mépris, gagnés par ce raisonnement qu'elles n'ont
aucun prix, et que, de plus, elles sont inutiles, puisque celui qui les
enseigne n'est jamais présent dans les «disputes» publiques avec les
autres professeurs44.
Ainsi, à une hiérarchie des savoirs qui placerait les
mathématiques au chevet des disciplines constitutives de la philosophie,
Clavius oppose une vision beaucoup plus nuancée et génératrice
d'autres rapports entre les différents champs de la connaissance45.
Et cette nouvelle hiérarchie des savoirs serait complétée par une
nouvelle hiérarchie des pouvoirs.
Dans ce texte particulièrement dense, il faut souligner que
l'originalité et la force de Clavius ne tiennent pas à sa position critique.
Au contraire, son attitude constructive l'a amené à faire plusieurs
séries de propositions qui, de différentes natures, visaient toutes le
même but, doter les mathématiques d'un espace propre46. La re-

"MPSJ, vol. 7, p. 115 :


«Nam hac ratione facile fiet ut discipuli, videntes professorem artium ma-
thematicarum cum reliquis praeceptoribus eiusmodi actibus, interesse et inter-
dum etiam disputare, persuadeant sibi conjunctas esse, ut vere sunt, philoso-
phiam scientiasque mathematicas; praesertim quia hactenus discipuli contemp-
sisse videntur fere has scientias hac una adducti ratione, quod putent eos non
haberi in pretio, imo inutiles esse, quandoquidem, qui eas docet, nunquam
convoca tur ad actus publicos cum caeteris professoribus».
45 Sur les relations théologie/philosophie/mathématiques, voir U. Baldini,
«Legem impone subactis. Teologia, filosofia e scienze matematiche nella didattica
e nella dottrina della Compagnia di Gesù (1550-1630)», dans Legem impone
subactis..., op. cit., p. 19-73.
46 II ressort de cette esquisse que les lignes de clivage au sein du Collegio se
fondent sur des problèmes épistémologiques. Sans nier l'importance de ces
questions, on peut aussi tenter d'analyser les rapports de force entre ces différents
«groupes» dans le contexte plus général des réseaux de sociabilité qui structurent
le milieu de la curie romaine. Les travaux d'U. Baldini, déjà cités, insistent à juste
titre sur la notoriété scientifique acquise par Clavius à partir de sa participation à
la commission de réforme du calendrier. On peut pousser cette réflexion dans
l'optique de la sociologie des sciences : devenu personnage public, Clavius entre
très clairement dans une relation de clientélisme vis-à-vis du Pape, mais aussi des
cardinaux, qui demanderaient une étude spécifique. On notera à ce propos
l'intérêt des remarques sur la spécificité du milieu romain, dépourvu, dans cette
période, d'un mathématicien d'état (voir U. Baldini, op. cit., p. 140-141). Sur les
cadres théoriques de cette approche, voir W. Eamon, « Court, Academy, and Prin-
ting House : Patronage and Scientific Careers in Late-Renaissance Italy», dans
Patronage and Institutions. Science, Technology and Medicine at the European
Court, 1500-1700, B. T. Moran éd., Woodbridge, 1991, p. 25-50; P. Findlen, «The
Economy of Scientific Exchange in Early Modem Italy», dans ibid, p. 5-24;
A. Johns, «The Idéal of Scientific Collaboration : the «Man of Science» and the
Diffusion of Knowledge», dans Commercium Litterarium. La communication
dans la République des Lettres, 1600-1750, F. Waquet et H. Boots éd., Amsterdam
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 101

connaissance officielle d'une formation pour les mathématiciens


apparaît comme la condition sine qua non de leur autonomie vis-à-vis
des philosophes. Il s'agit pour Clavius d'assigner institutionnelle-
ment un territoire aux mathématiques, ce qui passe par des objectifs
classiques comme l'attribution à la discipline d'une plage horaire
large dans le cadre du cycle de philosophie47 ou la reconnaissance
formelle de cette discipline aux côtés des autres48. Mais, il s'agit
aussi de la mise en œuvre d'un espace de formation pour les futurs
enseignants de la discipline qui, ainsi, ne se confondraient plus avec
les philosophes. Car, partant du constat que les jeunes scolastiques
ne peuvent à aucun moment de leur cursus approfondir leur
connaissance des mathématiques49, Clavius développe un ensemble

et Maarsen, 1994, p. 3-22; D. Lux, «Societies, Circles, Académies and Organiza-


tions : A Historiographie Essay on Seventeenth-Century Science», dans P. Barker
et R. Ariew éds., Révolution and Continuity. Essays in the History and Philosophy
ofEarly Modem Science, Washington, 1991, p. 23-44.
47 Ce point apparaît particulièrement net dans la série des programmes
d'étude des mathématiques proposés dans l'«Ordo servandus in addiscendis disci-
plinis Mathematicis», op. cit.
48 Particulièrement significatif de cette volonté, est le premier paragraphe du
«Modus quo...» :
«Ut autem maiorem apud discipulos auctoritatem habeat magister, et disci-
plinae ipsae mathematicae maiori in pretio sint, ac discipuli eorum utilitatem ne-
cessitatemque intelligant, invitandus erit magister ad actus solemniores, quibus
doctores creantur et disputationes publicae instituntur ita ut, si fuerit idoneus,
proponat etiam interdum argumenta et argumentantes iuvet».
Traduction :
«En outre, pour renforcer l'autorité du maître auprès de ses élèves, pour que
les mathématiques elles-mêmes leur apparaissent d'une plus grande valeur, pour
qu'enfin ils en comprennent l'utilité et la nécessité, il faudra convier le maître aux
activités les plus solennelles, comme la collation du grade de docteur, de même
qu'il faudra organiser des disputes publiques de sorte que si la situation s'y prête,
il propose même parfois ses propres arguments et seconde les disputeurs».
49 Ce problème est particulièrement développé dans un autre document, où
Clavius déplore que les jeunes scolastiques, qui viennent à peine d'achever leur
cycle d'études philosophiques, ne disposent pas de temps pour apprendre en
continu les mathématiques et qu'ils soient affectés à l'enseignement des
humanités : «De re mathematica instructio», op. cit., p. 117 :
«Actum est anno superiore, ut ad promovenda in Societate nostra
mathematicae studia, quae pene iam negligebantur, ii qui eam scientiam professuri essent,
a docenda grammatica ea ratione eximerentur, ut primum annum, post perac-
tum philosophiae curriculum, domi eam plenius audirent; tum vero uno aut
altero anno publiée profiterentur».
Traduction :
«L'an dernier, pour promouvoir les mathématiques qui étaient presque
négligées jusqu'à présent dans notre Société, on a fait en sorte que ceux qui se
destinaient à cette science, soient dispensés de l'enseignement de la grammaire pour
la raison que, pendant la première année après leurs études de philosophie, ils
puissent l'étudier plus profondément chez eux; alors ils l'enseigneront
publiquement l'une ou l'autre année».
102 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

de propositions concrètes qui contredisent une pratique fréquente et


maintenue jusqu'aux premières décennies du XVIIe siècle50, selon
laquelle, à l'issue du cycle de philosophie les scolastiques sont envoyés
dans un collège pour enseigner dans les premières classes
d'humanités avant de s'engager, éventuellement, dans le cycle de théologie.
Ses propositions renvoient au problème de la pénurie en professeurs
dans la Compagnie, problème constitutif de cette phase d'expansion
de l'activité enseignante et évoqué de manière récurrente dans les
congrégations provinciales51. Ses propositions doivent aussi se lire
comme l'expression d'une rivalité entre les différents professeurs du
Collegio Romano, autour du vivier des «bons étudiants»52 : une
spécialisation en mathématiques prendrait le pas sur une formation
poussée en philosophie ou en théologie. Dans la mesure où
l'établissement constitue le véritable pôle d'excellence de la Compagnie
(qui à cette date attire les meilleurs des jésuites, à l'échelle
internationale), cet enjeu de «captation des meilleurs» n'est assurément
pas des moindres : il a pour corollaire la question de la formation
des futurs cadres intellectuels de l'ordre. Clavius qui l'a bien compris
est donc particulièrement vigilant et offensif sur cette question.
C'est pourquoi, l'idée récurrente dans ses différents textes est de
développer l'enseignement des mathématiques au niveau d'un cours
supérieur : celui-ci s'adresserait aux futurs spécialistes de
mathématiques, professeurs de mathématiques ou mathématiciens. Ce cours
supérieur est désigné par le vocable particulièrement polysémique
d'« académie»53 : l'importance du projet est telle qu'elle exige
quelques analyses approfondies.

Les projets académiques de Clavius

Les projets de Clavius pour l'académie de mathématiques


développent des ambitions institutionnelles et scientifiques sur les

50 On le verra notamment dans le cadre du chapitre qui sera consacré à la


reconstitution des carrières des premiers professeurs de mathématiques, en
France.
51 II ne faut pas non plus perdre de vue le fait que cet engagement des
scolastiques dans une tâche réelle correspond à la spiritualité de l'ordre, visant à mettre
leurs capacités et leur caractère à l'épreuve.
52 Le document y fait sans doute une légère allusion : parlant des professeurs
qui tentent de détourner les étudiants de l'apprentissage des mathématiques,
Clavius suggère qu'ils arrêtent d'avoir un tel comportement. «De la sorte disparaîtrait
toute dissension qui est perceptible par les externes, lorsqu'on entend dans nos
écoles des idées de ce genre» («Hac ratione tolletur omnis dissensio, quae externis
inter nostros videtur, cum eiusmodi doctrina in scholis auditur», op. cit., p. 117).
53 Pour un contexte très éloigné du milieu jésuite, voir la mise au point de
P. Knabe, «L'histoire du mot «académie», dans Académies et sociétés savantes en
Europe, 1650-1800. Actes du colloque de Rouen, 14-17 novembre 1995, à paraître.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 103

quelles ses textes sont particulièrement explicites : l'«Ordo servan-


dus in addiscendis disciplinis mathematicis » en définit les aspects
programmatiques, alors que les autres documents s'attachent, avec
des nuances, aux problèmes pratiques et organisationnels de mise
en place. Tous ont en commun l'ambition de proposer un
programme à différents niveaux, ambition affirmée de plus en plus
nettement après 1580.
Il est légitime d'intégrer l'«Ordo...» dans la série, inaugurée par
Jérôme Nadal et poursuivie par Balthasar Torrés, des programmes
d'étude composés dans la Compagnie au moment où la réflexion
pédagogique mobilise les esprits. Aussi partage-t-il avec les textes qui
le précèdent un certain nombre de références textuelles. Pourtant, il
s'en distingue de deux manières : en premier lieu par son souci
d'approfondissement des mathématiques, qui dépasse très largement les
propositions de Nadal ou Torrés, en second lieu par la hiérarchie
des niveaux de spécialisation qu'il dessine, ce qui constitue une
nouveauté réelle dans la réflexion en milieu jésuite.
L'« Ordo. . . » correspond en effet à un programme pour les études
de mathématiques au sein de la Compagnie qui distinguerait trois
niveaux de formation. Le premier, le plus ambitieux, qui désigne
assurément un cursus idéal, définit un projet de haut niveau
scientifique, bâti sur vingt-deux propositions destinées à former des
spécialistes. Clavius y construit un cycle d'études qui, partant des
quatre premiers livres d'Euclide, passerait ensuite à l'arithmétique
pratique, suivie d'une rapide introduction à l'astronomie. Puis se
succéderaient Euclide pour les livres 5 et 6, une série de leçons sur
les instruments de mesure astronomiques, les livres 7 à 10 d'Euclide,
l'algèbre, les cinq livres suivants d'Euclide54, trigonométrie,
géométrie de la sphère, astrolabe, gnomonique, géographie55, planimetrie,
perspective, astronomie, musique spéculative, problèmes de
proportion, mécanique, coniques. Outre l'intérêt présenté par cette liste
elle-même, le document est aussi constitué des commentaires de
Clavius sur les auteurs de référence pour les différents domaines
étudiés : il livre ainsi un panorama de sa propre culture scientifique,
vers 1580-1590. Il apparaît comme un homme informé et ouvert, au
fait de la production imprimée récente, comme sa critique du sys-

54 II faut souligner, à ce sujet, l'intérêt de l'inclusion des livres 14 et 15 dans le


corpus euclidien : voir M. Caveing, «Introduction», dans l'édition d'Euclide, op.
cit., p. 79.
55 L'intérêt soutenu des jésuites pour la géographie, étudié par F. de Dain-
ville dans sa thèse, englobe aussi bien la dimension physique que politique de
cette discipline : voir D. Nordman, «La géographie des jésuites (en relisant
François de Dainville)», dans L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit.,
p. 221-236.
104 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

tèrne d'éducation jésuite le suggérait déjà56. En outre, ce document


permet de saisir des choix et des orientations scientifiques aux
enjeux importants.
Il assigne à la géométrie euclidienne une place prépondérante,
puisqu'il propose d'étudier l'ensemble de l'œuvre du mathématicien
grec. A cette date, Clavius s'est déjà occupé d'Euclide, dans une
première édition commentée des Eléments, parue à Rome en 1574. Si
l'on parvient aujourd'hui fort bien à classer ce texte dans un courant
de production dominant de la seconde moitié du XVIe siècle57, il faut
cependant souligner que l'apport de Clavius à cette vague
editoriale58 tient à la qualité du commentaire59, qui a connu nombre
d'éditions du vivant de l'auteur et une diffusion universelle. Dans son
programme, l'étude de la géométrie n'est pas uniquement associée à
Euclide : les coniques d'Apollonius60, la géométrie archimédienne61
et celle de Serenus62 constituent autant de nouveautés par rapport
aux enseignements traditionnels dans ce domaine.
A cette priorité accordée à la géométrie euclidienne s'ajoute
celle de l'astronomie : celle-ci est présente sous la forme héritée de la

56 Ses propositions de livres à consulter renvoient à ce qui se trouve de


meilleur sur le marché du livre.
57 Pour un propos général sur la question, M. Caveing, «Introduction», dans
l'édition d'Euclide, op. cit., p. 79-83. Sur l'apport de Clavius à l'axiomatisation
euclidienne, S. Corradino, «L'assiomatizzazione euclidea nei predecessori
immediati del Clavio», dans U. Baldini éd., Christoph Clavius e l'attività scientifica dei
Gesuiti..., op. cit., p. 17-34.
58 On citera, parmi les principales éditions du texte grec, pour cette époque,
la première imprimée, qui est celle de Campanus (Venise, 1509), puis celles de
Zamberti (Venise, 1510), Commandino (Pise, 1572), François de Foix Candale
(Paris, 1578), etc.
59 Voir sur son apport à ce texte E. Knobloch, «L'œuvre de Clavius et ses
sources scientifiques», art. cit., p. 274-275.
60 Sur Apollonius de Pergame, voir DSB, vol. 1, p. 179-193. On retiendra
notamment l'idée de la faible accessibilité du texte au XVIe siècle :
«The first real impulse toward advances in mathematics given by study of
the works of Apollonius, occured in Europe in the sixteenth century and early se-
venteenth century. The Conics were important, ut at least as fruitful were Pap-
pus' reports on the lost works, available in the excellent Latin translation by
Commandino published in 1558. (We must remember in this context that Books
V-VII of the Conics were not generally available in Europe until 1661, too late to
make a real impact on the subject» (p. 191).
61 Sur la place d'Archimède dans la culture humaniste, voir W. R. Laird, « Ar-
chimedes Among the Humanists», Isis, vol. 82, 1991, p. 629-638. Sur la relecture
d'Archimède à la Renaissance, voir U. Baldini, «Archimede nel Seicento
italiano», dans C. Dolio éd., Archimede. Tra mito e scienza, Florence, 1992, p. 237-289.
On se reportera principalement aux p. 244-248 qui, consacrées à la redécouverte
d'Archimède du point de vue mathématique, font une large place au milieu du
Collegio Romano et à Clavius.
62 Sur Serenus, lui-même spécialiste de coniques et commentateur
d'Apollonius, voir DSB, vol. 12, p. 313-315.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 105

tradition médiévale, avec le commentaire de Sacrobosco63, la gno-


monique, la fabrication et l'usage des instruments d'observation
parmi lesquels l'astrolabe, la trigonométrie, la théorie astronomique. Ce
second axe de développement apparaît nettement tourné vers
l'astronomie d'observation, qu'on doit sans doute mettre en rapport
avec la multiplication des «événements astronomiques» dans cette
période64 : dès 1560, à Coïmbra, Clavius avait assisté à une éclipse
du soleil65. Puis la nova de 1572, les comètes de 1577 et des années
1580, l'observation des satellites de Jupiter par Galilée ont permis
l'ouverture du débat sur le ciel et sa nature, ainsi que la
multiplication de ses observateurs.
Pour les autres disciplines mathématiques, arithmétique et
algèbre, l'attention de Clavius est tout aussi soutenue, du moins au
niveau de ce programme complet. La volonté d'aborder tous les types
de problèmes est nette, depuis les principes de base de
l'arithmétique pratique avec ses quatre opérations pour les nombres entiers
ou les fractions, les règles et problèmes de proportions, l'extraction
des racines, jusqu'à l'algèbre. Il faut enfin souligner le caractère
novateur des interrogations sur les questions de mécanique, présentes
dans le programme de Clavius grâce à l'attention portée aux textes
de Héron et Pappus66. Ayant pour enjeu la question du mouvement,
ce domaine d'études a été au centre de la constitution de la physique
moderne67. Il est donc significatif que Clavius y porte un intérêt, à
cette date.

63 C'est le premier livre écrit par Clavius en 1570, celui que Clavius révisera et
rééditera le plus jusqu'à sa mort. Voir chapitre 3.
64 Voir J.-P. Verdet, Une histoire de l'astronomie, Paris, 1989, p. 115-176. Voir
surtout E. Grant, Planets, Stars and Orbs : thè Medieval Cosmos 1200-1687,
Cambridge, 1994, 816 p. et M. P. Lerner, Le monde des sphères, Paris, 1996-1997, 2 vol.
65 Voir C. Clavius, Corrispondenza, vol. IV, 1, lettre 159, p. 100 et V, 1, lettre
255, p. 162-163.
66 Sur Héron d'Alexandrie, voir DSB, vol. 6, p. 310-315. Sur Pappus, voir
DSB, vol. 10, p. 293-304.
67 Pour les aspects médiévaux de la question, voir M. Clagett, The Science of
Mechanics in the Middle Ages, Madison, 1959, 711 p.; E. Grant, La physique au
Moyen Age, op. cit., p. 49-78. Dans le chapitre IV, consacré à la physique du
mouvement, E. Grant propose une excellente synthèse de la question telle qu'elle se
pose tout au long du Moyen Age, à partir de l'héritage aristotélicien. Il faut donc
insister ici sur la forte continuité, à propos de cette question, entre les travaux de
la fin du Moyen Age (notamment ceux de Thomas Bradwardine) et ceux de
Galilée, dont le De motu, écrit dans les années 1590, ouvre de nouvelles perspectives
pour les fondements de la physique moderne, en affirmant l'égalité de vitesse des
corps en chute libre, dans un espace donné, indépendamment de leur dimension
ou composition matérielle. De plus, la question de la chute des corps engage la
réflexion sur le terrain de Yimpetus, défini à la fin du Moyen Age par Jean Buri-
dan, comme «une force motrice transmise par le moteur initial au corps mis en
mouvement» (E. Grant, op. cit., p. 67). Les philosophes anglais de Merton Col-
106 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Pourtant, le programme repose, dans son ensemble, sur une


vision hiérarchisée des différentes branches des mathématiques,
vision qui sous-tend la structure même du texte. C'est en premier lieu
dans l'ordre des matières que celle-ci est affirmée : il n'est pas
indifférent que le projet commence par la géométrie et que l'arithmétique
se trouve au second plan68. Mais, c'est surtout dans la mise en
évidence de priorités qu'apparaît cette hiérarchisation : non seulement
les questions arithmétiques et algébriques ne sont présentes dans le
document que de manière «minimaliste»69, mais surtout ses projets
éditoriaux et leurs réalisations confirment des orientations
personnelles déjà à l'œuvre dans ce document. Car la production de Cla-
vius, qui compte de nombreux titres, a principalement porté sur les
aspects géométriques et astronomiques de la science mathématique
de son époque, comme le prouve la liste de ses œuvres70.
Cette œuvre conserve aussi l'empreinte circonstancielle de son
lieu institutionnel : Clavius, à la demande de ses supérieurs, s'est
consacré principalement aux écrits polémiques71 et aux ouvrages
didactiques. Car, dans un contexte de recomposition des savoirs, et
dans la mesure où la Compagnie s'est engagée dans la mise sur pied
d'un nouveau projet éducatif avec «l'invention des collèges», elle ne
peut s'appuyer sur aucun texte susceptible de jouer le rôle de
manuel. On entreprend donc d'en rédiger par matières. L'entreprise est
engagée très tôt en philosophie72; Clavius sera officiellement chargé

lege développent, à partir de ces considérations, une définition de la vitesse et du


mouvement qui nourrissent aussi la réflexion de Galilée. Pour une bibliographie
récente de ces questions, E. Grant, op. cit., p. 129-131.
68 Déjà, dans les Prolegomena, qui ouvrent sa première édition des Eléments,
Clavius proposait une classification des disciplines mathématiques qui n'entre
pas en contradiction avec les développements de l'«Ordo...». Ce point sera
abordé plus précisément dans le prochain chapitre.
69 Sur les vingt-deux points qui composent ce programme, trois s'occupent
d'arithmétique ou d'algèbre.
70 Celle-ci a été éditée dans C. Clavius, Corrispondenza, vol. I, 3, p. 5-11. On
pourra aussi s'appuyer sur celle que fournit E. Knobloch, art. cit.
71 L'exemple de la querelle avec M. Maestlin sur la réforme du calendrier
julien est particulièrement significatif, à cet égard. La dimension polémique de ce
dossier est aussi soulignée par F. Laplanche, «Réseaux intellectuels et options
confessionnelles entre 1550 et 1620», dans L. Giard et L. de Vaucelles dir., Les
jésuites à l'âge baroque (1540-1640), op. cit., p. 89-114. On retiendra
particulièrement ses propos sur Clavius et Scaliger, p. 103.
72 A propos du programme éditorial de la Compagnie, voir M. Scaduto,
Storia della Compagnia di Gesù in Italia, voi. 4, t. 2, op. cit., p. 284, ainsi que les
remarques du premier chapitre qui regardent cette question. Sur la publication des
volumes de Coïmbra, dont le projet vait été lancé antérieurement par Nadal, voir
A. Dinis, «Tradiçào e transiçào no Curso Conimbricense» , Revista portuguesa de
filosofia, 1991/4, p. 535-560; Id., «O comentàrio conimbricense à Fisica de Aris-
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 107

en 1586 de faire de même pour les mathématiques73. La nécessité


s'en impose d'autant plus que le XVIe siècle a vu la «renaissance des
mathématiques», favorisée notamment par l'essor de l'imprimé74 et
qu'il est donc nécessaire de produire des synthèses ou des traités
nouveaux sur des questions précises. Ainsi, face à l'urgence des
tâches qui s'imposaient à lui, Clavius a dû faire des choix, comme
l'indique le décalage perceptible entre sa production effective et les
ambitions qu'il exprimait dans l'«Ordo...». Dans ce texte,
construisant un panorama des ouvrages de ses contemporains qui peuvent
être utilisés75, Clavius évoque le projet d'écrire un livre sur les pro-

toteles (Nos 400 anos da sua primeira ediçào)», Brotéria, vol. 134, 1992, p. 398-
406.
73 C'est la première version de la Ratio studiorum qui officialise cette mission
de Clavius. Cette entreprise editoriale constitue, dans le champ didactique, une
expérience unique dont la diffusion dépassa largement le cercle des collèges
jésuites auquel elle était principalement destinée. Il faut d'autre part souligner la
pertinence de l'analyse de R. Gatto concernant les différents usages de ces
manuels : un même livre doit pouvoir correspondre à plusieurs niveaux de lecture et
de difficultés. De ce point de vue, les commentaires au texte d'Euclide assument
différentes fonctions : «éclairer le sens des arguments développés, fournir des
démonstrations différentes de celles traditionnellement utilisées, proposer des
exercices, intégrer des résultats nouveaux, résoudre des problèmes, mais aussi
proposer une lecture et une reconstruction critique du texte euclidien et retrouver des
aspects du texte considérés comme perdus. Voici comment un livre «ancien»,
comme celui d'Euclide, devenait l'instrument d'une didactique moderne»,
R. Gatto, «L'insegnamento delle nuove scienze nei collegi gesuitici italiani»,
Annali di storia dell'educazione e delle istituzioni scolastiche, 1996/3, p. 53-71.
74 Voir sur la question de la «renaissance des mathématiques», P. L. Rose,
The Italian Renaissance ofMathematics...., op. cit., ainsi que le prochain chapitre.
Pour le rôle de l'imprimé dans la «révolution scientifique», E. Eisenstein, La
révolution de l'imprimé dans l'Europe des premiers temps modernes, trad. française,
Paris, 1991, 355 p.
75 Symptomatique de sa manière de procéder est le fait qu'il entend utiliser
tous les auteurs, indépendamment de leur origine ou de leur appartenance
confessionnelle. On trouve dans cette série de références certains noms déjà
utilisés par Nadal, dans son programme des années 1540 : Oronce Fine, Georges
Peurbach, Jordanus Nemorarius ou Regiomontanus, Michel Stifel. Pourtant,
pendant les quarante années écoulées entre les deux programmes, d'autres
travaux ont vu le jour et Clavius s'y réfère aussi : il faut noter sa mention de Pedro
Nunès, de Jacques Peletier du Mans ou de Jean Scheubel, mais surtout celle des
deux grands mathématiciens italiens qui lui sont contemporains, Maurolico et
Commandino. L'un comme l'autre ont largement participé à la grande entreprise
editoriale de publication des textes anciens, notamment d'Archimède et
d'Apollonius pour le premier, de Pappus pour le second. Autant dire qu'ils se sont trouvés
aux origines du renouveau dont est née la nouvelle méthode algébrique. Les liens,
directs ou indirects que Clavius a entretenus avec ces hommes, témoignent donc
de la présence jésuite sur les fronts de l'innovation mathématique, présence
confirmée par l'intérêt porté aux questions de mécanique. Pourtant, au-delà du
projet et des liens professionnels plus ou moins directs avec les uns ou les autres,
il faut souligner ici que Clavius, dans sa propre recherche, ne s'est jamais occupé
108 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

blêmes de mécanique : « Forte compendiimi aliquod de his conficie-


mus»76, mais ce travail n'a jamais été réalisé77. Parallèlement, depuis
la publication de son Epitome arìthmeticae practicae, en 1583, vingt-
cinq ans se sont écoulés jusqu'à l'édition du livre tant promis sur
l'algèbre78. Ces deux exemples soulignent que les choix du professeur
du Collegio Romano engagèrent la définition, et peut-être aussi les
limites, de la culture mathématique jésuite.
Le second programme de l'«Ordo...», fait de seulement dix-neuf
propositions, est conçu comme plus synthétique, adressé à tous ceux
«qui n'ont pas besoin d'atteindre une connaissance très parfaite des
mathématiques» : c'est l'«Ordo secundus brevior, pro iis qui non
curant perfectissimam mathematicarum vere cognitionem assequi».
Sur les six premiers points, ce second projet est totalement
comparable au premier. Pour le septième, l'algèbre est remplacée
par des problèmes de trigonométrie; les autres aspects «sacrifiés»
du programme concernent les questions de mécanique ou le
commentaire des Anciens. Autant dire qu'entre ces deux projets, on
n'assiste pas seulement à une réduction des ambitions, mais à un
infléchissement programmatique qui met en question les aspects les plus
innovants de la première série de propositions, alors que les mêmes
priorités sont maintenues en géométrie euclidienne et en
astronomie.
Le document comporte enfin un troisième programme très
court et adapté à un cours de mathématiques susceptible d'être
achevé en deux ans. En quinze propositions, Clavius reconduit le
même schéma intellectuel que dans les autres textes, la réduction
portant encore sur les aspects algébriques.
Clavius est donc parfaitement au fait des enjeux que soulève
l'évolution des mathématiques au tournant du siècle. Si le premier
«Ordo» est le plus complet et le plus tendu vers l'avenir, il paraît en
revanche peu probable qu'il ait fait l'objet d'une vraie et large mise

ni d'algèbre, ni de mécanique, ce qui n'a pas empêché certains de ses élèves de le


faire.
76MPSJ, vol. 7, «Ordo...», op. cit., p. 113.
77 Sur les enjeux de cette non-réalisation, voir U. Baldini, «La nova del 1604 e
i matematici e filosofi del Collegio Romano...», art. cit., p. 95, n. 35. L'auteur
souligne que l'engagement dans un tel travail aurait entraîné l'expression d'une
contradiction indépassable avec le système aristotélicien, plaçant ainsi la
réflexion consacrée à l'œuvre de Clavius sur un terrain autre que de pures
circonstances. Ce point sera repris dans le prochain chapitre :
« L'échec de la constitution, à la fin du XVIe siècle, d'un paradigme
physicomathématique relatif à la mécanique, dans la culture scientifique jésuite, fut
ainsi déterminant dans la définition du conservatisme de l'ordre vis-à-vis de certains
des thèmes décisifs pour la genèse de la révolution scientifique».
78 Algebra Christophori Clavii..., Rome, 1608.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 109

en application, comme on peut le déduire d'une évaluation globale


de la production mathématique jésuite à partir de cette date79.
Pourtant l'intérêt de ce document réside aussi dans sa finalité.
Clavius ne se livre pas, à travers ces quelques pages, à une
spéculation gratuite et théorique : il cherche au contraire à prendre de front
le problème de la formation, qui constitue le volet principal de son
projet global de promotion des mathématiques au sein de la
Compagnie. Or, non seulement cette question occupe une place centrale
dans sa pensée, dès le début des années 1580, mais son action se
concentre sur un plan de formation à différents niveaux, comme le
suggèrent les trois programmes qui composent l'«Ordo...»80 : là se
dévoile la cohérence entre ses propositions et la structure de son
œuvre.
On peut donc lire ce texte comme le pendant programmatique
du projet d'académie développé à différentes reprises par Clavius.
Car c'est assurément l'une des principales originalités de sa réflexion
didactique que d'avoir non seulement porté sur les modalités d'une
réévaluation et d'une reconsidération des mathématiques, mais
aussi sur les conditions de possibilité d'une telle entreprise : la
formation d'hommes compétents lui apparaissait comme la condition sine
qua non. Reste à définir les finalités assignées à cette compétence.
La première apparition du terme «académie» sous sa plume se
trouve dans un document déjà évoqué, le «Modus quo disciplinae
mathematicae in scholis Societatis possent promoveri»81. Clavius y

79 On peut se fonder, pour une approche globale, sur l'article de S. J. Harris,


«Les chaires de mathématiques», art. cit., et tout particulièrement p. 247-251.
Pour les questions liées à la tradition archimédienne, voir U. Baldini, «Archi-
mede nel Seicento italiano», art. cit. Pour la production française, A. Romano, La
science des jésuites. Contribution des membres français de la Compagnie de Jésus à
la constitution et à la diffusion de la science moderne (XVIIe-XVIHe siècles), DEA de
l'Université de Paris I, 1990, exemplaire dactylographié, p. 75-95.
80 Le titre de chacun des trois ordines confère à ce programme un caractère
autre qu'hypothétique malgré le silence effectif de Clavius ou des sources sur ce
sujet. En effet, le premier volet est destiné à la formation des spécialistes,
véritables professionnels des mathématiques. Par opposition, et même s'il demeure
ambitieux, le troisième volet concerne principalement les étudiants de
philosophie des collèges jésuites.
81 Voir note 55. Dans le contexte italien particulier d'éclosion de ces
nouveaux lieux de la sociabilité savante que sont les «académies», il est difficile
d'émettre des hypothèses à propos de l'influence potentielle de ces structures sur le
projet jésuite. Le terme est fréquemment utilisé dans les milieux universitaires
sans qu'il faille y chercher l'écho particulier de l'expérience florentine inaugurée
par Marcile Ficin au siècle précédent. De même, il paraît hasardeux d'y voir
l'expression d'une quelconque influence platonicienne. Sur la question générale, voir
E. W. Cochrane, Tradition and Enlightment in the Tuscan Académies, 1690-1800,
Rome, 1961, 268 p.; plus récent, D. S. Chambers et F. Quiviger éds., The Italian
Académies of the Sixteenth Century, Warburg Institute Colloquia I, 1995, 224 p.;
110 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

insiste, pour la première fois, sur la nécessité de former des jésuites


spécialisés dans le champ des mathématiques :
Mais pour que notre Société puisse toujours avoir des
professeurs savants dans cette discipline, il faudrait choisir une douzaine de
savants capables de remplir cet objectif et compétents : ils
constitueraient une académie privée pour les divers aspects des
mathématiques. Sans quoi il ne paraît pas possible de maintenir longtemps
cette étude dans notre Société, pas plus que d'en promouvoir
l'étude82.

Dans cette première mention, le projet d'académie apparaît bien


vague. A part l'objectif que devrait assumer une telle structure en
dotant la Compagnie d'un groupe d'élite, aucune indication n'est
donnée sur les modalités concrètes d'organisation d'une telle formation.
Le projet est d'autant moins clair que l'adjectif «privée» qui qualifie
cette académie ne résout aucune question du point de vue organisa-
tionnel. On peut d'autre part se demander quel serait le rôle de ces
hommes triés sur le volet, Clavius ne faisant référence, dans cet
extrait du «Modus...» qu'à une fonction d'enseignement et de
représentation dans les milieux savants. De son point de vue, la
distinction est nette entre la culture mathématique dont tout étudiant de la
Compagnie doit pouvoir faire état - celle-ci doit s'acquérir dans le
cadre du programme de mathématiques destiné aux étudiants en
philosophie, dans la voie engagée par Nadal - et celle des membres
de l'« académie». L'ambiguïté reste complète sur un autre statut,
celui des professeurs de mathématiques.
Mais, à ce stade de l'analyse, les textes ne suffisent plus à saisir
la complexité d'une situation : il faut donc chercher à comprendre
de quel poids ont été les propositions de Clavius, à la fois pour le
Collegio Romano et l'ensemble de la Compagnie. Son influence
s'inscrit dans le contexte particulièrement favorable et significatif de
rédaction de la Ratio studiorum et ses proposition prennent tout
leur sens au cœur de ce processus d'élaboration textuelle qui dura
plus de vingt ans.

M. Biagioli, «Dalla corte all'Accademia : spazi, autori e autorità del Seicento»,


dans Stona d'Europa, voi. 4, L'età moderna, secoli XVI-XVIII, a cura di M. Ay-
mard, Turin, 1995, p. 383-432.
82 MPSJ, vol. 7, p. 115-116:
«Ut autem Societas semper habere possit idoneos harum scientiarum pro-
fessores, elegi deberent aliquot ad hoc munus obeundum apti 12 idonei, qui in
privata academia instituerentur in variis rebus mathematicis; alioquin non vide-
tur posse fieri ut haec studia in Societate diu permaneant, nedum promovean-
tur».
les mathématiques au collegio romano 111

Clavius, les mathématiques et la Ratio studiorum

Premiers engagements de Clavius

Les prises de positions du professeur de mathématiques du


Collegio Romano s'affermissent, on l'a vu, avec ce nouveau statut
intellectuel et social acquis à partir de sa participation à la réforme
pontificale du calendrier julien. Mais, le contexte des années 1580 dans
l'histoire de la Compagnie a été lui aussi déterminant. En effet, c'est
la décennie de mise en œuvre du grand chantier de la Ratio
studiorum. La rédaction de ce texte, annoncée dès les Constitutions, a été
retardée jusqu'au début des années 1580 pour des raisons internes
propres au développement et à l'essor de l'ordre depuis sa
fondation83. C'est sous le généralat de Claude Acquaviva84 que le travail
d'élaboration collective est amorcé, en réponse à une demande de
plus en plus fortement exprimée par les provinces, notamment à
l'occasion de la réunion de la quatrième congrégation générale
(1581), chargée d'élire le successeur de Mercurian.
Le premier texte est élaboré à partir du travail d'une
commission nommée par le Général en 1583 : celle-ci devait non seulement
régler la question du programme des études, mais aussi et
prioritairement élaborer un document sur le delectus opinionum85. On
comprend mieux alors le délai de trois années, écoulé entre la
convocation de ce groupe de travail et la remise de la version de la
Ratio studiorum. Les modalités concrètes de l'organisation de
l'équipe réunie à Rome sont décrites et analysées par Antonio Possevi-
no86, dans un texte publié sous le titre de Coltura degl'ingegni... nella

83 Voir L. Lukacs, «De prima Societatis Ratio Studiorum, Sancto Fransisco


Borgia praeposito generali constituta (1565-1569)», art. cit.; D. Julia, «Généalogie
de la Ratio studiorum», dans L. Giard et L. de Vaucelles dir., Les jésuites à l'âge
baroque..., op. cit., p. 115-130.
84 Voir DBI, vol. 1, p. 168-178. Pour une bibliographie plus complète, voir
L. Polgar, Bibliographie sur l'histoire de la Compagnie de Jésus, 1901-1980, op. cit.,
vol. III*, p. 129-130.
85 Très tôt dans l'histoire de la Compagnie la question de la liberté d'opinion
a été posée pour les professeurs de théologie et philosophie. Dès le généralat de
F. de Borgia, cette question a fait l'objet d'un texte normatif et engendré une vive
réflexion qui a été reprise dans le cadre de la rédaction de la Ratio. Pour une
première approche, A. Mancia, «II concetto di «dottrina» fra gli esercizi spirituali
(1539) e la Ratio studiorum (1599)», art. cit.
86 Le personnage sera étudié plus longuement dans le prochain chapitre.
Pour la bibliographie et face à l'abondance des travaux sur le personnage, voir
notamment J. Dorigny, La vie du P. Antoine Possevin de la Compagnie de Jésus,
où l'on voit l'histoire des importantes négociations auxquelles il a été employé...,
Paris, 1712, 541 p.; dans la bibliographie contemporaine, pour l'entrée dans la
Compagnie, G. Castellani, «La vocazione alla Compagnia di Gesù del padre
Antonio Possevino da una relazione inedita dal medesimo», AHS1, voi. 14, 1945,
112 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

quale con molto dottrina, e giuditio si mostrano li doni che


negl'ingegni dell'huomo ha posto Iddio, la varietà, e inclinatione loro, e di dove
nasce, e comme si conosca, li modi, e mezi d'essercitarli per le
discipline, li rimedii agl'impedimenti, i coleggi, e università, l'uso de buoni
libri, e la corretione de'cattivi, qui constitue le premier livre de son
encyclopédie, la Bibliotheca selecta87. Au chapitre XXX de ce
«manifeste éducatif jésuite», «Diligenza che si uso in istabilire il modo
de studi, de' Collegi della Compagnia di Giesu», Possevino raconte le
processus de rédaction de la Ratio studiorum, présentant en premier
lieu les six membres de la commission désignés par Acquaviva :
Juan Azor d'Espagne, Gaspar Goncalves du Portugal, Jacques
Tyrius, Ecossais en provenance de France, Pierre Busée d'Autriche,
Antoine Guisano de Germanie Supérieure, Etienne Tucci de Rome88.
En fait, Possevino décrit ici la seconde commission nommée par
Acquaviva, qui succède à un premier groupe de travail nommé dès
1581, et dans lequel se trouvaient les principaux professeurs jésuites
de l'époque89. Les activités de ce groupe romain sont décrites en ces
termes :

p. 102-124; pour son rôle dans la querelle avec Venise, G. Piaia, «Aristotelismo,
«heresia» e giuridizionalismo nella polemica del P. Antonio Possevino contro lo
studio di Padova», Quaderni per la storia dell'Università di Padova, voi. 6, 1973,
p. 125-145; pour son rôle intellectuel, L. Balsamo, «Venezia e l'attività editoriale
di Antonio Possevino», dans / Gesuiti a Venezia..., op. cit., p. 629-660; pour une
analyse de la Bibliotheca Selecta, A. Biondi, «La Bibliotheca selecta di Antonio
Possevino, un progetto di egemonia culturale», dans G. P. Brizzi éd., La Ratio
studiorum : modelli culturali e pratiche educative dei Gesuiti in Italia fra
Cinquecento e Seicento, Rome, 1981, p. 43-75; A. Serrai, Storia della bibliografia, voi. 4 :
Cataloghi a stampa. Bibliografie teologiche. Bibliografìe filosofìche. Antonio Posse-
vino, a cura di M. G. Ceccarelli, Rome, 1993, p. 711-760. Ces quelques indications
soulignent qu'il manque encore un travail d'ensemble, approfondi et solidement
informé, sur les multiples missions assurées par Possevino dans les collèges de
l'ordre et les Cours d'Europe.
87 Bibliotheca Selecta de ratione studiorum, ad disciplinas et ad salutatem
omnium gentium procurandam. Recognita novissime ab eodem, et aucta et in duos to-
mos distributa. Triplex additus index, alter librorum, alter capitum, tertius verbo-
rum et rerum, Venise, 1603, 2 vol. Cette référence correspond à l'édition utilisée,
qui suit la première de dix ans.
88 Juan Azor (1536-1603) : Espagnol, professeur de théologie, présent au
Collegio Romano à partir de 1579 avec la charge de préfet des études. Voir R. Villos-
lada, Storia..., op. cit., p. 323-324; Pierre Busée (ou Busaeus ou Buy) (1543-1587),
professeur de théologie à Vienne : voir.C. Sommervogel, op. cit., vol. 2, col. 439-
442; Stefano Tucci (1541-1597), professeur de théologie à Rome : voir R. Villosla-
da, Storia..., op. cit., p. 325; C. Sommervogel, op. cit., vol. VIII, col. 263-265;
Jacques Tyrius (1543-1597), Ecossais, professeur de philosophie et théologie à
Paris : voir M. Scaduto, Catalogo dei Gesuiti d'Italia, 1540-1565, Rome, 1968, p. 148;
Gaspar Goncalves, Portugais, professeur de théologie à Evora; Antoine Goyson
(ou Guisano).
89 II s'agit d'abord de douze membres : P. Fonseca, F. Coster, S. Morales,
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 113

Les pères qui se consacrèrent à cette activité, s'étaient organisés


en sorte qu'ils passaient trois heures chaque jour à examiner les
sujets proposés et le reste du temps ils s'appliquaient à lire les Docteurs,
et les commentaires, qui bien que manuscrits, avaient été portés à
Rome des différentes provinces. Ceci dura quelques mois90.

C'est ce travail qui donne naissance, en 1586, à un premier


texte91. Celui-ci, selon le vœu d'Acquaviva, sera discuté dans les
provinces, comme le précise la lettre qu'il adresse, le 21 avril 1586, à
tous les provinciaux92. Sans doute, pour lui, cette possibilité d'un

F. Adorno, N. Le Clerc, A. Deza, J. Maldonat, A. Gagliardi, J. Acosta, F. Ribera,


G. Goncalves et Sardi. C'est à cette commission que Acquaviva soumit, au début
de l'année 1582, un premier document sur la solidité et l'unité de la doctrine : voir
G.-M. Patchler, Ratio studiorum..., op. cit., vol. 2, p. 12-14. Ses travaux se sont
poursuivis jusqu'en 1584, date à laquelle est nommée la seconde commission
évoquée par Possevino. Moins nombreuse que la précédente, elle est aussi composée
d'hommes particulièrement compétents dans le domaine éducatif, mais aussi
représentatifs des différentes provinces. Ce second groupe est présenté au pape, le
8 décembre 1584 et en reçoit une bénédiction pour ses futurs travaux. Voir D. Ju-
lia, «Généalogie de la Ratio studiorum», art. cit.
90 A. Possevino, Coltura degl'ingegni..., p. 81 :
«Datisi que' Padri a questo negozio l'ordinarono in modo, che tre hore di
ciascun giorno si spendevano in consulta delle proposte materie, il restante del
tempo si impegnava in leggere i Dottori, e i Commentarii, i quali anco
manoscrit i erano stati a Roma portati dalle loro Provincie, & questo durò alquanti mesi».
91 Le texte de cette version, avec celui des versions de 1591 et 1599, a été
publié avec un remarquable appareil critique par L. Lukacs, dans le cinquième
volume des MPSJ. C'est cette édition qui fera office de référence pour l'ensemble de
ce travail. Les différentes versions des extraits qui concernent les mathématiques
se trouvent en annexe 4. Pour la version de 1599, on peut à présent disposer d'une
traduction française : Ratio Studiorum. Plan raisonné et institution des études
dans la Compagnie de Jésus, édition bilingue latin-français, présentée par A. De-
moustier et D. Julia, traduite par L. Albrieux et D. Pralon-Julia, annotée et
commentée par M. -M. Compère, Paris, 1997.
92 MPSJ, vol. 5, p. 160 :
«Iamque ab hac provincia romana coeptum est, in qua Collegii hujus doc-
tores, examinata materia practica et aliqua etiam speculativae paris, iudicium
iam suum nobis exposuerunt, eoque utemur suo tempore. Velim igitur, idque
quam diligentissime possum Rv.ae V.ae commendo, ut simul ac has litteras acce-
perit ex tota sua provincia quinque saltem seligat, quos maxime doctrina et iudi-
cio idoneos existimabit, adiunctis insuper humaniorum litterum causa, quotquot
convenire arbitratur».
Traduction :
«Et cela a déjà été commencé à partir de la province de Rome, où les
docteurs de ce Collège, après avoir examiné la matière pratique et même un peu de la
partie spéculative, nous ont déjà exposé leur jugement, dont nous ferons usage en
temps voulu. Je voudrais donc, et cela je le recommande à Votre Révérence avec
autant d'empressement que possible, qu'en même temps que vous recevrez ces
lettres, vous choisissiez, dans l'ensemble de votre province, au moins cinq des
hommes que vous jugerez très compétents en doctrine et en jugement, auxquels
s'ajouteront, pour les lettres, autant d'hommes que vous jugerez nécessaire».
114 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

examen et d'une discussion générale garantit-elle le caractère


universel du futur programme jésuite des études, comme le suggère la
fin de la lettre93.
La question des mathématiques et de son enseignement est
alors relancée dans la Compagnie, alors que divers règlements
locaux des études avaient fleuri, provoquant une multiplication des
pratiques94, limitée cependant par le statut du Collegio Romano,
conçu comme modèle référentiel dans le domaine pédagogique.
C'est donc dans ce contexte qu'il faut insérer les différentes prises de
position de Clavius95, tout en soulignant que, dès avant son
intervention, la question des mathématiques au Collegio Romano a fait
l'objet d'un débat. Ainsi, pendant l'année 1575, le compte-rendu de la
Congrégation provinciale96 de la province de Rome livre ce
témoignage :
Les pères de la congrégation provinciale de Rome, réunie en
1575 demandent : «II faut s'occuper de déployer plus de soin à l'égard
des mathématiques de crainte qu'on ne trouve bientôt plus personne
pour les enseigner. De même, il faut se méfier de ce que les
professeurs de philosophie ne les méprisent publiquement, en présence
d'auditeurs»97.
De même, quelques années plus tard, en 1578, le rapport sur le
Collegio Romano, rédigé par son «visiteur» Sébastien Morales,
précise :
A. - Rapport sur le Collegio Romano.
6° II sera utile de désigner ceux qui s'engageront dans certaines
études, à savoir les mathématiques, le grec, l'hébreu, etc. . .
(...)
B. - Ordres concernant les études tant que notre Père Général
n'ordonnera rien de contraire.

93Ibid.,p. 161.
94 Le cas français fera l'objet d'un examen précis dans le cadre de la
deuxième partie de ce livre.
95 II faut souligner l'apport, déterminant pour cette question, de l'article de
G. Cosentino, «Le matematiche nella Ratio Studiorum della Compagnia di
Gesù», art. cit. C'est la première étude à avoir mis en évidence, avec une telle
précision et en se fondant sur les seuls textes de Clavius disponibles à cette date (le
«Modus quo...» et le «De re mathematica instructio...»), l'influence du
professeur de mathématiques du Collegio sur le travail d'élaboration normative.
Disposant aujourd'hui d'un panorama plus large de ses prises de positions, on peut
compléter et affiner le bilan proposé voici vingt-cinq ans.
96 Sur ce type de source, voir introduction.
97 MPSJ, vol. 4, Rome, 1981, p. 250-258 : «Patres congregationis provinciae
romanae anno 1575 postulant : «Curandum videtur ut maior adhibeatur diligen-
tia circa disciplinas mathematicas, ne brevi contingat nullum reperiri qui eas
praelegat. Simul ea cavendum ne philosophiae professores eas publiée coram au-
ditoribus floci faciant».
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 115

Qu'il y en ait toujours parmi les nôtres pour s'occuper, avec


diligence, de langue grecque, et d'autres d'hébreu et de mathématiques,
à raison de cinq ou six pour chaque matière, comme on a déjà
commencé à le faire, en temps et heures qui ne les détournent pas de
leurs études ordinaires. Ce qui sera déterminé par le recteur, avec
l'avis du préfet98.
On voit, à travers ce témoignage, antérieur à «l'entrée de Clavius
sur la scène romaine», que la question des mathématiques n'est pas
directement apparue avec le renforcement de l'autorité du
professeur allemand, ou avec le débat ouvert par la rédaction de la Ratio
studiorum. Dans les propositions faites par le visiteur, l'influence du
mathématicien de Bamberg est perceptible, avec l'idée de cursus
parallèle (en d'autres termes, l'académie avant la lettre), d'association
étroite des langues grecque et hébraïque avec les mathématiques, de
sélection d'une élite. Le caractère officiel de ces documents révèle
que Clavius dispose déjà, dans cette période, de certains soutiens au
sein du Collegio.
Un document de 1576, le rapport annuel d'activités de
l'établissement romain, permet de mesurer plus concrètement la
situation :
Pour les mathématiques, le P. Clavius poursuit son académie qui
se tient à l'intérieur du collège et qui porte ses fruits. Pour l'année qui
vient, c'est le frère Ferante Capeci qui tiendra la leçon publique de
mathématiques, vu qu'il connaissait suffisamment cette discipline
dans le siècle et en faisait profession".
De quelle manière faut-il interpréter cette description? Il est
clair que le terme «académie» désigne autre chose que la «lectio pu-
blica» qui doit être confiée à F. Capece l'année suivante. On peut
donc y voir le premier témoignage, dans les souces administratives,

98MPSJ, vol. 4, Rome, 1981, p. 321-342 : «P. Sebastianus Morales, Visitator,


Acta visitationis provinciae romanae, anno 1578» :
«A. - Relatione del collegio romano.
6° Saria utile determinare alcuni certi que attendessero a certi studii, cioè
mathematica, greco, hebreo, etc.
(...)
B. - Ordini intorno alii studii finche non sia ordinato da N. P. in contraria.
Sieno sempre alcuni de nostri che attendino con diligenza alla lingua greca,
e altri all'hebraïca e alla mathematica, alcuno cinque o sei per ciascuna, come già
si è cominciato, a tempo e hora che non siino impediti i lor studii ordinarii. Il che
determinerà il rettore col parere del prefetto».
99 MPSJ, voi. 4, p. 658-659, P. Ludovicus Maselli, Recteur du Collegio
Romano, à Everard Mercurian, Préposé Général, à Rome le 23 août 1576 :
«In la mathematica, il P. Clavio seguita la sua academia che si fa dentro del
collegio e si fa frutto. La quale l'anno che viene, leggerà pubicamente il fratello
Ferante Capece, poiché nel secolo la sapeva a sufficienza e ne faceva
professione».
116 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

de ce cours délivré privatim à certaines des jeunes recrues venues à


Rome pour y parfaire leur formation. On comprend alors que les
pratiques ont sans doute précédé les tentatives d'élaboration
normative : la rareté des sources ne permet cependant pas d'approcher les
différents niveaux de formation qui sont proposés à Rome dans les
cadres complémentaires du cursus ordinaire et des leçons
extraordinaires.

La version de 1586 de la Ratio studiorum


II est donc certain que dans les années qui précèdent la mise en
chantier du texte normatif sur les études, la question des
mathématiques intéresse déjà les instances romaines. Pourtant, avant 1586
aucun débat général ne lui est consacré. A cette date, la première
version de la Ratio, structurée autour de l'organisation par
disciplines100, consacre un chapitre, «De mathematicis», au professeur de
mathématiques et à son enseignement101. Précédé d'une référence
explicite au texte des Constitutions, que j'ai analysé précédemment, il
est composé d'un premier long paragraphe de justification de cette
étude :
Sans les mathématiques, nos Académies seraient privées d'un
grand ornement, bien plus elles seraient déficientes, parce qu'il n'y a
presque aucune académie de quelque renom où les disciplines
mathématiques n'aient leur place, qui à l'ordinaire n'est pas la dernière102.
Or, par comparaison, le chapitre précédent de la Ratio, Dephilo-

100 Voir sur cette question, A. Demoustier, «La distinction des fonctions et
l'exercice du pouvoir selon les règles de la Compagnie de Jésus», art. cit.; D. Ju-
lia, «Généalogie de la Ratio studiorum», art. cit. En outre, on lira avec intérêt
cette description du premier document de 1586, émanant du centre romain : G.-
M. Patchler, op. cit., vol. 2, p. 66, et pour la traduction française, H. Fouqueray,
Histoire de la Compagnie de Jésus en France des origines à la suppression (1555-
1762), Paris, 1913, vol. 2, p. 694-695 :
«Autour de chaque point capital [théologie, philosophie, lettres humaines],
on a groupé toutes les remarques capables de l'éclaircir, afin que ceux qui doivent
réviser notre travail puissent embrasser vite et d'ensemble toute une question;
mais l'examen fait, tout ce corps de doctrine devra être partagé en ses membres
naturels, c'est-à-dire en règles multiples : étudiants, professeurs, préfet des
études, provincial, chacun aura les siennes... En outre les auteurs ont parfois
inséré en tête de certains chapitres, des introductions ou même des dissertations,
soit pour établir l'importance de l'enseignement dont il s'agit, soit pour appuyer
leurs conclusions et prévenir les difficultés. Cette méthode était nécessaire afin
que les juges qui doivent décider sur tout ceci puissent apprécier les raisons qui
ont tout inspiré; mais une fois qu'ils auront exprimé leur jugement, l'ensemble de
l'ouvrage sera refondu et les décisions seules resteront pour être publiées».
101 MPSJ, vol. 5, p. 109-110.
102 MPSJ, vol. 5, p. 109, traduction de F. de Dainville, Les Jésuites et
l'éducation de la société française..., op. cit., p. 60 :
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 117

sophia, ne présente pas la même structure : le texte des


Constitutions sur lequel il s'appuie est signalé, mais non repris, et les
rédacteurs se concentrent directement sur l'organisation concrète du
cours en trois années. La structure différente du chapitre consacré
aux mathématiques suggère à nouveau les difficultés qui entourent
l'organisation de cette discipline. A se pencher avec attention sur les
arguments qui accompagnent la justification de ces études, on
comprendra mieux la nature des tensions dont elles sont l'objet. Le
texte révèle en premier lieu une attention réelle aux pratiques de la
communauté savante contemporaine : toutes les «académies»103
font une place aux mathématiques, précise le document; dès lors, ce
serait une maladresse de la part de la Compagnie de ne pas aussi
occuper ce terrain. Faut-il ne voir derrière cette première défense des
mathématiques qu'un simple argument de convenance? Il me paraît
plus judicieux de rapprocher ce souci de celui, déjà rencontré sous
la plume de Clavius, de voir la Compagnie prendre part aux débats
contemporains.
D'autre part, le texte de la Ratio studiorum insiste sur le
caractère de source de cette science pour les autres champs de la
connaissance. Les mathématiques fournissent en abondance (suppeditant) ,
elles exposent, elles livrent (exportant) du sens à tous, dans tous les
domaines : les poètes, les historiens, les physiciens, les théologiens,
les juristes, les canonistes y doivent puiser les éléments sur lesquels
construire, voire fonder leurs discours. Cette insistance des
rédacteurs devient au total suspecte :

Elles apprennent aux poètes le lever et le coucher des astres; aux


historiens la situation et les distances des divers lieux; aux
philosophes des exemples de démonstrations solides; aux hommes
politiques des méthodes vraiment admirables pour conduire les affaires
en temps de paix comme en temps de guerre; aux physiciens les
modes et les diversités des mouvements célestes, de la lumière, des
couleurs, des corps diaphanes, des sons; aux métaphysiciens le
nombre des sphères et des intelligences; aux théologiens les
principales parties de la création divine; et, pour le droit et la coutume
ecclésiastique, le comput. Sans parler des services que rend à l'Etat le

«Non solum (quia) sine mathematicis academiae nostrae magno carerent


ornamento, quin et mutilae forent, cum nulla sit fere paulo celebrior academia,
in qua suus non sit, et quidem non ultimus locus mathematicis disciplinis».
io3 Voir notes 55 et 83. A propos du réemploi, ici, du terme «académie», sans
doute faut-il considérer qu'il équivaut à «structure académique», c'est à dire à
«école». Il s'agit sans doute plutôt de désigner les structures d'enseignement
classiques comme les universités ou les studia des nouveaux ordres religieux, que les
nouvelles formes de sociabilité scientifiques que sont les academiae dont l'essor
en Italie est plus précoce qu'en France.
118 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

travail des mathématiciens pour les soins des maladies, pour la


navigation et pour l'agriculture. Il faut donc faire effort pour que les
mathématiques fleurissent dans nos collèges aussi bien que les autres
disciplines104.

Un extrait du «Modus quo...», analysé plus haut révèle la source


de cette digression sur l'utilité des mathématiques. Ainsi, ce premier
paragraphe de la Ratio studiorum, qui officialise les analyses de
Clavius, rend compte du statut incertain accordé, à cette date, à cette
discipline dans la Compagnie105. L'effort à fournir semble
substantiel, car le second paragraphe, consacré aux mesures prises pour
remédier à ce manque, n'hésite pas à parler de rareté, de petit nombre
d'hommes compétents (paucitas) et même de pénurie {penuria).
Dans cette première partie du texte, s'opère nettement le
glissement d'un propos normatif à un discours justificatif fondé sur un
diagnostic de crise de l'enseignement des mathématiques : la
seconde partie entend mettre en œuvre les moyens nécessaires pour y
remédier. Parmi les solutions envisagées, le texte distingue deux
niveaux d'intervention, celui de la fixation d'un programme
d'enseignement pour les écoles, celui de la formation des enseignants; il
prévoit à cet effet le renforcement du pôle mathématique du
Collegio Romano, avec la présence de deux professeurs. Ainsi, non
seulement dans sa structure, mais aussi dans ses thèmes et ses termes, le
texte de 1586 reprend les grandes lignes du projet défini par Clavius
dans le « Modus quo ... ».
Le programme commun à l'ensemble des étudiants de l'ordre se
développe sur une année : aux logiciens, scolastiques ou externes, de
suivre d'abord une brève présentation de l'ensemble des
mathématiques, en début de journée, à partir de Pâques. L'introduction du
cours de mathématiques dès la seconde moitié de la première année

104 MPSJ, vol. 5, p. 109. La traduction de F. de Dainville, Les Jésuites et


l'éducation..., op. cit., p. 60, n'a pas été reprise totalement :
« [Mathematicarum disciplinae] namque suppeditant atque exponunt poetis
ortus occasusque syderum, historicis locorum facies atque intervalla; analyticis
solidarum exempla demonstrationum; politicis artes plane admirabiles rerum
bene gerendarum domi militiaeque; physicis coelestium conversionum, lucis, co-
lorum, diaphanorum, sonorum formas et discrimina; metaphysicis sphaerarum
atque intelligentiarum numerum; theologis praecipuas divini opificii partes; juri
et consuetudini ecclesiasticae accuratas temporum supputationes. Ut praeterean-
tur interea, quae ex mathematicorum labore redundant in rempublicam utilitates
in morborum curationibus, in navigationibus, in agricolarum studio. Conandum
igitur est, ut sicut facultates caeterae, ita et mathematicae in nostris gymnasiis
floreant».
105 La traduction en français de «conandum est» rend compte de cette
difficulté qui est soulevée par la mise en œuvre du projet.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 119

de philosophie est justifiée, dans le document, par le programme du


cours de logique : l'étude des Seconds analytiques d'Aristote sera
d'autant plus réussie qu'elle pourra s'appuyer sur des exemples
mathématiques106. Le programme de ce premier semestre se présente
comme une initiation à la discipline, dispensée à raison de trois-
quarts d'heure par jour : Euclide pendant les deux premiers mois et
pour une présentation, rapide sans doute, des premiers livres; puis,
pendant le reste de l'année, au cours de la première demi-heure de
leçon, l'étude de la sphère ainsi que d'autres connaissances du même
type107. Le programme des étudiants de seconde année est consacré
à l'initiation aux autres parties des mathématiques, sur la base d'une
synthèse confiée aux bons soins du professeur Clavius108. Cette étude
est suspendue à la fin du premier semestre, le professeur ordinaire
de mathématiques devant, à cette date, se consacrer à l'initiation des
jeunes logiciens de la nouvelle promotion109.
Ce programme, d'une grande souplesse, s'apparente aux projets
de Nadal et Torrés, ce qui souligne la poursuite du débat autour des
mathématiques dans la fin du XVIe siècle et inscrit Clavius dans une
filiation que l'historiographie la plus récente tend à négliger110.

106 Sur les programmes de ce cycle, voir MPSJ, vol. 5, p. 105-106.


mIbid. :
«Illud tamen consti tutum esse opportet, ut Euclidis dementa paulo spino-
siora aliqua semper interpretatione vel geographiae vel spherae condiantur; cum
praesertim hae res non egeant magnopere cognitione omnium principiorum
Euclidis, sed primorum quorundam, quae postquam duobus circiter mensibus ex-
posita fuerint, ex tribus deinde quadrantibus, quibus mathematica lectio cir-
cumscribitur, duobus prioribus spherae aliave id genus gratiora tradantur, et in
iis ad studiorum usque finem perseveretur».
108 En 1586, les ouvrages de mathématiques de Clavius sont encore peu
nombreux. Le dernier en date de ses livres est l'Epitome Arithmeticae. Dès 1570, il a
publié son premier commentaire de la Sphère de Sacrobosco, texte dont une
deuxième édition est parue en 1581 et une troisième en 1585. Le premier
commentaire des Eléments d'Euclide date de 1574. La Gnomonique date de 1581 et la
première édition de l'Epitome arithmeticae remonte à 1583. Son programme édi-
torial va largement évoluer en fonction des besoins énoncés par la règle.
109 MPSJ, vol. 5, p. 110 :
«Cum vero ad Pascha perventum fuerit, in gratiam novorum logicorum ac-
cedat altera lectio matutina, qua denuo mathematicum compendium inchoetur.
Qui cursus ac recursus eodem ordine quotannis servandus est».
110 Voir notamment Christoph Clavius e l'attività scientifica dei Gesuiti..., op.
cit. L'approche générale de Clavius tend à privilégier l'originalité de son apport
scientifique dans le cadre jésuite, sans prendre en compte la spécificité de son
appartenance à la Compagnie et, par là même, de son inscription éventuelle dans
une tradition. L'idée d'une filiation avec Nadal mettrait l'accent sur l'influence du
milieu parisien et sur l'importance de Messine, c'est-à-dire de Maurolico, pour
l'essor des mathématiques dans la Compagnie; elle permettrait en outre
d'identifier les origines de certains des choix épistémologiques de Clavius. Quant aux
historiens des mathématiques, ils ont étudié les contenus scientifiques de ses écrits
120 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Au-delà du caractère superficiel de cette formation, la Ratio de


1586 prévoit, de manière complémentaire, l'organisation d'une
académie de mathématiques qui n'en porte pas directement le nom,
destinée à former privatim les huit à dix futurs professeurs de
mathématiques de l'ordre, qu'on enverra dans toutes les provinces et où
ils pourront répondre des mathématiques au nom de la Compagnie
si besoin est111. Ce pôle de formation des mathématiciens permettrait
de dépasser le niveau élémentaire ouvert à tous. Confié aux bons
soins de Clavius, il constituerait un cycle à part entière de trois
années112, dont les deux premières, correspondant à l'envoi en
«régence» dans les classes d'humanités, seraient uniquement
consacrées à cette discipline. Au cours de la troisième, commencerait
l'initiation à la théologie, à raison de deux leçons hebdomadaires, le
reste du temps continuant à être consacré aux mathématiques113.
Cette seconde partie du texte apparaît comme la proposition la
plus importante de la Ratio, qui consacre, pour la première fois
officiellement, un processus d'institutionnalisation des mathématiques
et de spécialisation d'un petit nombre de futurs professeurs : on y
reconnaît aisément le souci exprimé par Clavius de doter la
Compagnie d'un corps de mathématiciens professionnels. Il est clair
qu'aucune autre institution d'enseignement n'a alors produit le même
type d'effort vis-à-vis des mathématiques, comme l'historiographie
des trente dernières années l'a souvent souligné. Reste que ce
document ne reflète ni une pratique réelle d'organisation, ni un
consensus au sein de l'ordre. Ce texte n'a fait que subir, jusqu'à la version
définitive de 1599, des infléchissements qu'il faut considérer comme
autant de reculs par rapport aux ambitions de Clavius : à ce titre, il

d'un point de vue strictement internaliste. Ananlyses précieuses certes, mais qui
ne permettent pas de prendre l'exacte mesure du rôle de Clavius. à l'intérieur de
l'ordre et dans l'espace intellectuel européen.
111 MPSJ, vol. 5, p. 110 :
«Porro ex hac academia eximii prodirent mathematici, qui eam facultatem
omnes provincias, ad quas essent reversuri, disseminarent, et nostrorum tueren-
tur existimationem, siquando opportet eos de mathematicis respondere».
112 MPSJ, vol. 5, p. 110 :
«Professor alter, qui modo P. Clavius esse posset, constituatur, rerum ma-
thematicarum pleniorem doctrinam conférât in triennium, explicetque privatim
octo circiter aut decem...».
113 MPSJ, vol. 5, p. 110 :
«Nec pauci futuri sunt, qui ex horum numero cupiant esse, si post philo-
sophiam quo tempore docent alii litteras humaniores, studeant ipsi matematicis;
deinde etiam theologiae; ita sane ut primo biennio nihil praeter mathematicas
audiant. Tertio vero anno duas etiam lectiones scholasticae theologiae cum ea-
rum brevi repetione, qua fiet in scholis tantum; reliquum autem diem totum
mathematicis impendant».
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 121

doit être regardé, pour le statut des mathématiques dans le système


éducatif jésuite, comme un idéal jamais atteint.

Débats sur la première version de la Ratio studiorum


Envoyée dans les différentes provinces de l'ordre, la première
version de la Ratio a fait l'objet de discussions décentralisées et de
critiques diverses114. Celles-ci sont à l'origine de la seconde version
de 1591 qui, dans sa structure générale, connaît d'importants
infléchissements par rapport au premier texte. Ce nouveau document,
parcouru par la question du gouvernement, cherche d'abord à
définir les compétences et les fonctions de chacun des jésuites engagés
dans l'apostolat enseignant. Aussi son architecture d'ensemble dif-
fère-t-elle considérablement de celle du texte originel115. Les
propositions sur les mathématiques sont à chercher dans la règle du
provincial116, puis, en complément, dans les règles concernant le professeur

114 Les commentaires des professeurs de philosophie du Collegio Romano


sont particulièrement significatifs de ces résistances : voir infra, note 119.
115 Ces quelques remarques sont inspirées par la lecture de D. Julia,
«Généalogie de la Ratio studiorum», art. cit. De fait, l'architecture de chacun des deux
documents est parfaitement suggestive quant à la différence des objectifs et des
perspectives retenues entre 1586 et 1591. Voir A. Demoustier, «La distinction des
fonctions et l'exercice du pouvoir selon les règles de la Compagnie de Jésus», art.
cit.
Ratio de 1586 : Ratio de 1591 :
Praxis et ordo studiorum Regulae Praepositi Provincialis
De scripturis Regulae Rectoris
De theologia scolastica Regulae praefecti superiorum facultatum
De controversiis praelegendis Regulae praefecti studiorum inferiorum
De casibus conscentiae Regulae professons Scripturarum
De lingua hebraea Regulae professons scolasticae theolo-
De studio philosophiae giae
De mathematicis Catalogus quaestionum, quae a theolo-
De studiis humanitatis, hoc est gramma- giae professore tractandae non sunt, vel
ticae, historiae, poeticae et rhetoricae si tractantur, non tractandae, nisi certo
loco, nec in alio repetendae.
Regulae professons casuum conscientiae
Regulae professons linguae hebraeae
Regulae professons philosophiae
Regulae professons philosophiae moralis
Regulae professons mathematicae
etc..
116 MPSJ, vol. 5, p. 236. C'est la première règle de cette nouvelle version. Les
responsabilités du provincial y sont définies du point de vue de l'enseignement
d'abord, comme l'indiquent les sous-titres de ce chapitre : «De scripturis», «de
scholastica theologia», «de gradibus baccalaureatus», «magisterii et doctoratus»,
«de casibus conscientiae», «de lingua hebraïca», «de philosophia», «de philo-
sophia morali», «de mathematicis», «tempora scholasticarum exercitationum
aut vacationum», «de praefecto studiorum eo praesertim qui facultatibus super-
ioribus praeest», «de inferioribus studiis...», «qua utendum grammatica», «ma-
gistrorum delectus et institutio», «nullae exemptiones a docendi munere», «quo-
122 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

de mathématiques117. Ces extraits constituent les deux volets d'une


même conception des études mathématiques : le recul, par rapport
aux ambitions affichées dans la première version, y est sensible.
Le cours ordinaire s'adresse aux étudiants de seconde année de
philosophie118 : ainsi, l'idée de commencer le cours de
mathématiques dans le second semestre de la première année de logique
(parallèlement à l'étude des Seconds Analytiques) est abandonnée, sans
doute en écho à la critique exprimée par les professeurs de
philosophie du Collegio Romano en 1586119. D'une durée totale de trois
quarts d'heure, il ne subit aucune modification programmatique par
rapport à ce qui était proposé six ans auparavant : les deux premiers
mois doivent être consacrés à Euclide, puis, parallèlement au cours
de géométrie, seront abordées géographie, sphère ou d'autres
matières120.
Pourtant, à cet arsenal minimaliste, la version de 1591 ajoute la
possibilité («ubi commode fieri poterit») de tenir des «leçons
publiques» quotidiennes pendant les deuxième et troisième années du
cycle de philosophie121 : destinées principalement aux scolastiques
du cours de physique, elles peuvent exceptionnellement être suivies
par les scolastiques de métaphysique, sur autorisation de leurs
supérieurs. Faut-il considérer ces leçons publiques comme un
complément par rapport au cours défini dans le premier paragraphe
du chapitre? Assurément, mais ce que cet ajout introduit n'est autre
qu'une leçon de spécialisation. Car le premier cours définit les bases
mathématiques nécessaires à tout jésuite en formation; la série de
leçons publiques, prenant appui sur la production de Clavius, dans

modo conservandi praeceptores», «incitamenta studiorum», «vacationes et dies


festi», «quaedam alia scholarum adiumenta». On notera que le chapitre suivant,
consacré aux fonctions du recteur est structuré sur le même mode.
117 MPSJ, vol. 5, p. 284-285.
118 Dans le chapitre sur le provincial, on lit «42. Audiant et secundo philo-
sophiae anno philosophi omnes... » (p. 236); dans le chapitre sur le professeur de
mathématiques, on précise : «Physicis omnibus explicet in schola...» (p. 284).
119 Voir MPSJ, vol. 6, p. 293, doc 17 : «Iudicia patrum, in provinciis deputato-
rum ad examinandum rationis studiorum (1586) tractatum qui inscribitur «De
mathematicis disciplinis». Les avis des professeurs du Collegio Romano sont
recensés en premier : «De sesquianno a logicis mathematicis dando - Non placet.
Satis videtur annus unus ut nunc fit Romae».
120 MPSJ, vol. 5, p. 284 : «... expliquet in schola a prandio tribus circiter ho-
rae quadrantibus Euclidis Elementa. In quibus postquam per duos menses ali-
quantisper versati fuerint, ita dividat praelectionis tempus, ut aliquid Euclidi, ali-
quid vero Geographiae vel Spherae, aliisve, quae libenter audiri soient, tribua-
tur». C'est la même formule qui se trouve dans la partie du document qui
concerne le provincial, id., p. 263.
121 Les règles concernant l'enseignement des mathématiques pour la version
de 1591 se trouvent dans MPSJ, vol. 5, p. 236 et 284-285. On les consultera aussi
en annexe 4 de ce volume.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 123

la mesure où elle n'est destinée qu'à des étudiants dûment choisis,


surtout lorsqu'il s'agit des métaphysiciens122, se présente comme
complémentaire. Si sa finalité n'en est pas explicitée, on peut y lire
la réponse institutionnelle à l'idée de constituer le vivier des
mathématiciens si cher à Clavius.
L'autre modification concerne les répétitions des cours, élément
important de la pédagogie dans les collèges jésuites : un samedi de
chaque mois sera consacré à la répétition, en public, du cours du
mois passé, selon des modalités clairement définies123. Sous forme
d'exercice, les étudiants s'interrogeront mutuellement sur une
proposition donnée, pour en reprendre la ou les démonstrations, et
pour en expliquer l'intérêt du point de vue de la vie quotidienne124.
Cette mesure vise à revaloriser la place des mathématiques par
rapport aux autres disciplines philosophiques, comme Clavius en avait
déjà compris la nécessité dix ans plus tôt. On perçoit donc les
tensions qui parcourent ce texte de 1591, et dans lequel les concessions
aux philosophes (début du cours de mathématiques en seconde
année) sont contre-balancées par des mesures symboliques
d'affirmation de la place des mathématiques dans le cursus jésuite.
Ces tensions s'expriment avec plus de netteté encore dans les
projets pour l'académie. L'académie est maintenue, dans la
continuité de la version de 1586, mais, sous une appellation identique,
elle apparaît totalement transformée dans son objet : par opposition
au vaste projet de 1586 qui devait, en trois ans, doter la Compagnie
d'un corps de mathématiciens d'élite, l'« académie» de 1591 se
présente comme un cours d'approfondissement réduit à six mois et
ouvert aux étudiants de philosophie en fin de cycle, ayant achevé leurs
«repetitiones» de philosophie et d'éthique125. Le programme de ce
cours d'approfondissement, prenant appui sur l'œuvre de Clavius,
n'est pas fixé strictement, le but de cette académie étant d'avancer le
plus possible dans la connaissance des mathématiques. On voit bien

122 MPSJ, vol. 5, p. 285 : «tametsi ad hune posteriorem nostri nec compellen-
di, nec admittendi sint, nisi quibus id postulantibus superiores concesserint».
123 Cette répétition est organisée comme une «disputatio», où l'aspect
polémique est effacé au profit d'une présentation analytique, puis synthétique.
124 MPSJ, vol. 5, p. 285 :
«In cuiusque etiam mensis sabbato uno, praelectionis loco praecipua, quae
per eum mensem explicata fuerint, publiée repetantur, non perpetua oratione,
sed se mutuo percunctantibus auditoribus; hoc fere modo : Répète illam proposi-
tionem. - Quomodo demonstratur? - Potestne aliter demonstrari? - Quem usum
habet in artibus et in reliqua vitae communis praxi?».
125 MPSJ, vol. 5, p. 285 :
«Ex iisdem philosophis nostris, qui philosophiae repetitionem et ethicam
per sex menses absolverint, altero eiusdem anni semestri spatio domi fiat acade-
mia rerum mathematicarum...».
124 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

se dessiner ici la complémentarité entre les leçons publiques


évoquées plus haut et cette académie : l'une et l'autre structures
concernent les mêmes étudiants. Mais, alors que la première vise à
donner visibilité et statut public, la seconde cherche à ancrer et à
consolider un savoir spécialisé.
Parallèlement, l'« académie» relève directement de la
responsabilité du provincial, manière de souligner la nécessaire protection
dont cette création doit faire l'objet126, façon aussi de mettre la chose
à l'abri des critiques et des querelles des autres professeurs. C'est ce
que suggère aussi l'extrait du texte qui invite à surveiller l'attitude
des professeurs de philosophie vis-à-vis de la discipline
concurrente127.
Ici encore l'écho des critiques et inquiétudes de Clavius est
perceptible et indique que les supérieurs romains y prêtent la plus
grande attention. Mais, pour des raisons non évidentes, les
ambitions de 1586 sont considérablement revues à la baisse. La réalité
des pratiques, telle qu'on peut partiellement la reconstituer, invite
toutefois à nuancer un tableau qui mettrait les propositions de
Clavius en situation de retrait pur et simple. Si dans l'élaboration du
discours normatif tel est bien le cas, à Rome cependant, le
mathématicien continue à déployer une activité qui renforce la place de sa
discipline.
Dans un document rédigé sans doute en 1593 128, «De re
mathematica instructio», Clavius reprend le thème général de la formation
d'une élite de mathématiciens, développant de nouveau des
propositions en germe dans la Ratio de 1586. Il y propose l'établissement
d'un cycle d'études mathématiques, distinct du cycle philosophique,
au cours duquel des étudiants sélectionnés s'occuperaient
uniquement d'approfondir leur niveau en mathématiques en étant libérés
des obligations générales d'enseignement dans les classes
inférieures129. Il faut souligner, à ce propos, que les inquiétudes de
Clavius sur le devenir de sa discipline au sein de la Compagnie
demeurent vives : après l'avertissement du «Modus quo...» au début
des années 1580, il écrit toujours en 1593 : «ut ad promovenda in So-

126 L'analyse des grades dans la hiérarchie du collège, proposée par A. De-
moustier, rappelle l'importance du provincial : voir «La distinction des fonctions
et l'exercice du pouvoir selon les règles de la Compagnie de Jésus», art. cit., et
tout particulièrement, p. 18-19.
127 MPSJ, vol. 5, p. 236:
«Severissime caveant, qui praesunt, ne philosophiae professores inter do-
cendum aut alibi mathematicorum dignitatem élèvent, neve eorum refellant sen-
tentias, ut de epicyclis; fit etiam saepe, ut qui minus ista novit, his magis detra-
hat».
128 Pour la datation, voir MPSJ, vol. 7, p. 109.
129 MPSJ, vol. 7, p. 117-118.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 125

cietate nostra mathematicae studia, quae pene iam negligeban-


tur...»130. Mais, l'autre originalité du document réside dans son
caractère de témoignage : il décrit en effet la situation déjà effective,
établie au moins dans le courant de l'année précédente131. Aussi le
document suggére-t-il des améliorations, à partir de l'expérience
vécue : elles concernent l'âge des candidats sélectionnés, leur double
statut d'étudiant et de professeur, la formation mathématique qui
doit leur convenir132. Ce document constitue une bonne synthèse des
pratiques et des objectifs : désireux de voir la Compagnie se doter
d'un vrai corps de professeurs de mathématiques, Clavius entend
aménager, au sein du cursus commun de formation, une variante
destinée à quelques étudiants choisis et doués. Ceux-ci, envoyés par
les différentes provinces après leurs études de philosophie, devraient
être déchargés pendant un an de tout ministère pour se consacrer à
la seule étude des mathématiques. Cette formation serait
approfondie l'année suivante, parallèlement à la reprise de leurs études, pour
la théologie.
Les responsables de la Compagnie ne sont pas restés
indifférents aux réalisations comme à la réflexion : grâce au soutien de
Bellarmin, recteur du Collegio Romano dans les années 1592-1594133,
Clavius voit son effort récompensé avec la naissance officielle d'une
académie supérieure de mathématiques à Rome. C'est le général Ac-

mMPSJ, vol. 7, p. 117.


131 MPSJ, vol. 7, p. 117 : «Actum est anno superiore...».
132 On retrouve dans ce passage sur la nécessité d'une formation
complémentaire des points communs avec l'«Ordo...» du début des années 1580 :
l'approfondissement de la lecture d'Euclide, du livre 7 au livre 12 inclusivement, les Sphé-
riques de Théodose, les coniques d'Apollonius, les théoriques planétaires, la gno-
monique, l'astrolabe, quelques aspects de l'œuvre d'Archimède, et l'algèbre :
MPSJ, vol. 7, p. 118, paragraphe 4.
133 M. le Bachelet, Bellarmin avant son cardinalat (1542-1598), Paris, 1911,
p. 332-333. Sur les rapports de Bellarmin avec les questions scientifiques, U. Bal-
dini et G. V. Coyne, The Louvain Lectures (Lectiones Lovanienses) of Bellarmine
and the Autograph Copy ofhis 1616 Déclaration to Galileo, Cité du Vatican, 1984,
48 p.; U. Baldini, «L'astronomia del Cardinale Bellarmino», dans Novità celesti e
crisi del sapere, Florence, 1987, p. 293-305; Id., «Bellarmino tra vecchia e nuova
scienza : epistemologia, cosmologia, fisica», dans Roberto Bellarmino,
arcivescovo di Capua, teologo e pastore della Riforma cattolica. Atti del convegno
internazionale di studi. Capua, 28 settembre-1 ottobre 1988, Capoue, 1990-1991, voi. 2,
p. 629-696; P. De Falcone, «Bellarmino e la scienza», dans Bellarmino e la
Controriforma. Atti del simposio internazionale di studi, Sora, 15-18 ottobre 1986,
Sora, 1990, p. 540-569; G. V. Coyne, «Bellarmino e la nuova astronomia nell'Età
della Controriforma», dans Ibid., p. 571-577; R. S. Westfall, «Bellarmine, Galileo,
and the Clash of Two World Views», dans Essays on the Trial of Galileo, Cité du
Vatican, 1989, p. 1-30. Pour une bibliographie complète, A. Mancia, «Bibliografia
sistematica e commentata degli studi sull'opera bellarminiana dal 1900 al 1990»,
dans Roberto Bellarmino, arcivescovo di Capua..., op. cit., vol. 2, p. 805-870.
126 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

quaviva qui, à la fin de l'année 1593, signe un Decretimi de formandis


magistris mathematicis, avec l'objectif clairement assumé de
conserver et de développer les études mathématiques dans la
Compagnie134 : le texte s'ouvrant sur cette formule explicite et lourde de
sens dans la phraséologie de la Compagnie, «Ad conservanda atque
augenda ad maius Domini ac Salvatoris nostri obsequium in Socie-
tate mathematica studia...». Les mesures prises répondent enfin aux
propositions de Clavius, puisqu'elles prévoient chaque année l'envoi
par les supérieurs provinciaux, d'un jeune scolastique en fin de cycle
de philosophie susceptible de suivre cette formation spécialisée135.
Cette formation de mathématiques supérieures doit durer une seule
année et céder la place ensuite à la reprise du cursus général, dans le
cadre du cycle de théologie.
Cette création est mise en pratique dans l'institution, comme
l'indiquent les archives dès 1595, puisqu'à partir de cette date, dans
les catalogues du personnel, les membres de l'académie sont
répertoriés sous la rubrique matematici™6.
Faut-il alors supposer que le combat mené par Clavius est enfin
devenu sans objet? Dans le contexte du débat sur la Ratio studio-
rum, il est clair que non. La version de 1591, comme précédemment
celle de 1586, est discutée, notamment par la cinquième
congrégation générale, réunie en décembre 1593 et janvier 1594. Les
modalités d'examen de cette nouvelle version ont changé : le texte de 1591,
envoyé dans toutes les provinces, mis à l'épreuve pendant l'année
scolaire suivante, a été discuté par les congrégations provinciales,
elles-mêmes chargées de préparer la cinquième congrégation
générale. Dans le cadre de cette dernière, l'une des douze commissions
thématiques qui la composent prend en charge l'amendement du
texte de 1591. Si Clavius n'y siège pas directement137, du moins a-t-il

134 MPSJ, vol. 7, p. 622.


135 MPSJ, vol. 7, p. 622 :
«... provincialis singulis annis ex omni metaphysicorum numero unum seli-
gat, ingenio, modo docendi et ad ea studia aptitudine praeditum prae ceteris
condiscipulis, qui post absolutum philosophiae curriculum, annum proxime in-
sequentem audiendis domi binis quotidie ac repetendis lectionibus mathematicis
impedat, iuxta instructionem P. Clavii».
136 Sur cette question, les recherches d'U. Baldini ont apporté un éclairage
déterminant : voir C. Clavius, Corrispondenza, vol. I, 1, p. 68-89.
137 On trouve dans cette commission les personnages suivants : Robert Bel-
larmin, recteur du Collegio Romano, Jacques Tyrius, assistant de Germanie et
l'un des rédacteurs de la Ratio de 1586, Bernard Castor, provincial de la province
de Lyon, Louis Richeome, provincial d'Aquitaine, Bernard Rossignoli, provincial
du Milanais, Jean Chastelier, provincial de France, M. Marcos, I. Corria, B. Oli-
verius et Arnaud Saphore. Voir MPSJ, vol. 5, p. 28*. Il est de première importance
de souligner que, Robert Bellarmin présent, la voix de Clavius pouvait être
entendue dans cette commission.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 127

préparé un document de travail, le «Discursus de modo et via qua


Societas ad maiorem Dei honorem et animarum profectum augere
hominum de se opinionem, omnemque haereticorum in litteris aes-
timationem, qua illi multum nituntur, convellere brevissime et facil-
lime possit»138. Comme son titre l'indique, il s'agit de proposer une
série d'améliorations au système éducatif de la Compagnie, sans se
centrer spécifiquement sur les mathématiques, dans un souci
explicite de faire pièce aux systèmes concurrents des «hérétiques»139 : on
voit combien Clavius s'inscrit dans la «logique militante» de son
camp, celui de la Contre-Réforme, cherchant non seulement à
défendre la Compagnie mais aussi à en améliorer le fonctionnement et
les résultats. C'est dans cette optique qu'il reprend l'idée d'académie.
Dans quatre grands collèges, comme ceux de Rome, Milan,
Coïmbra et Paris, pourraient être instituées quatre académies : l'une
d'éloquence, l'autre de langue grecque, la trosième d'hébreu, la
quatrième de mathématiques. Dans chaque académie, dix jeunes gens
choisis dans les différentes provinces, pourraient être placés, selon
l'inclination de chacun, sous l'autorité d'un maître sûr et compétent,
qui les exercerait, en privé, leurs études de philosophie déjà achevées,
et toutes autres études suspendues, pendant environ quatre ans. Si,
durant cette période, ils montrent du talent et des dispositions pour
cette étude, si ils possèdent les principes semés déjà auparavant (car
je ne voudrais pas d'autres candidats pour ces académies), si enfin ils
sont entraînés par un professeur compétent à lire, à écrire et à parler
(ils devraient tous habiter ensemble dans ce but), je ne vois pas
pourquoi, en hébreu par exemple, ils n'en sortiraient pas tout-à-fait armés
et formés, de même qu'en toute autre langue, qu'ils apprennent
habituellement en moins de quatre ans. Car ce serait un honneur très
grand pour notre Société d'avoir dix (...) mathématiciens...140.

mMPSJ, vol. 7, p. 119-122.


139 II n'hésite pas à citer les réussites du camp adverse dans des domaines
aussi divers que l'étude de l'hébreu, du grec ou de l'art oratoire. MPSJ, t. 7,
p. 120 :
«in caeteris politioribus (ut loquuntur) artibus et variarum linguarum cogni-
tione inferiorem contendunt Societatem illis esse; probantque, afférentes e suis
in hebraica lingua Tremelium, in graeca Wolfum, in facultate orationis Stur-
mium, in omni varietate historiae Melanchtonem perexcellenter versatum; qui-
bus pares ex Societate non posse, arbitrantur».
Traduction :
«Dans les autres «beaux arts» (comme on les appelle) et la connaissance des
diverses langues, ils prétendent que notre Société leur est inférieure; et ils le
prouvent en citant parmi les leurs, Trémélius qui excelle en hébreu, Wolf en grec,
Sturm en l'art oratoire, Melanchthon dans tous les domaines de l'histoire; et ils
pensent qu'il n'y a pas de gens qui leurs soient égaux dans notre Société».
Cette proposition est symétrique, cinquante ans après, de celle de Jean
Sturm, louant la Compagnie, comme on le verra dans le prochain chapitre.
140 MPSJ, vol. 7, p. 121 :
128 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

On retrouve dans ce texte les principales idées du document


antérieur de dix ans, le «Modus quo... », avec un élargissement de la
réflexion à d'autres disciplines, mais un même souci de spécialisation
à un niveau supérieur et de recrutement géographique large.
Pourtant, l'originalité réside ici dans la volonté de multiplier les
académies supérieures sur la base de l'exemple romain, en dehors du
Collegio Romano . C'est ainsi qu'il fait directement allusion à l'espace
français, mentionnant le collège de Paris, et le considérant comme
l'un des principaux pôles de la Compagnie. Est-ce à dire que le souci
de centralisation exprimé dix ans auparavant n'apparaît plus
pertinent dans les dernières années du XVIe siècle et que, en
conséquence, Clavius suggère une organisation et une gestion plus
décentralisées141? Sans doute faut-il considérer cette nouvelle orientation
de sa réflexion comme une réponse à la croissance exponentielle des
collèges jésuites. Demeure cependant une ambiguïté sur la
réalisation du projet : Clavius considérait-il en effet que chacun des quatre
collèges cités devait abriter les quatre académies auxquelles il fait
allusion, ou suggérait-il qu'il fallait les distribuer à raison d'une par
établissement? R. Gatto propose une analyse qui tendrait à
confirmer qu'il s'agissait réellement d'ouvrir une académie de
mathématiques au collège de Paris142. L'extrait du document invite pourtant à
n'accepter cette hypothèse qu'avec prudence, d'autant que l'étude de
la situation française révélera la complexité parisienne143.
Quoi qu'il en soit, on comprend mieux, à l'appui de ces proposi-

«In quatuor magnis collegiis, ut Romano, Mediolanensi, Conimbrisensi, Pa-


risiensi possent quatuor academiae institui : eloquentiae una, altera linguae grae-
cae, tertia hebraicae, quarta mathematicae. In qualibet harum possent decem se-
lecti juvenes ex diversis provinciis, prout cujuslibet feret inclinatio, collocari sub
certo et idoneo magistro, qui eos, peracto jam philosophiae curriculo, et omissis
omnibus aliis studiis, privatim exerceat per quatuor continuos plus minus annos,
quo temporis spatio, si indolem habent, si propensionem in ea studia, si aliqua
prius jacta principia (nam nonnisi taies elegi ad has academias velim), postremo
si a perito praeceptore bene exerceantur lectione, scriptione, et locutione (ad
quam rem simul omnes cohabitare deberent) non video, cur in hebraico, verbi
causa, sermone tam expediti et prompti non évadant, atque in quavis alia lingua,
quae minori tempore, quam annorum quatuor edisci soient. Ouod esset orna-
mentum infini tum Societatis habere decem (...) mathematicos...».
141 II faut souligner ici le caractère sélectif de l'espace ainsi dessiné. Les
quatre pôles retenus sont en pleine catholicité, mais non en terre de combat, à la
frontière du monde protestant : Rome, centre intellectuel et symbolique pour la
Compagnie, Milan tournée vers l'Autriche et les pays germaniques, Paris ouverte
sur l'Europe du nord-ouest avec notamment l'ennemi anglican à abattre, et
Coïmbra, dans l'espace ibérique, mais tourné vers le Nouveau Monde. C'est donc
une vision largement géo-stratégique qui est à l'œuvre dans ce texte.
142 R. Gatto, Tra scienza e immaginazione..., op. cit., chap. I, 4, «II Collegio
napoletano e i precetti scientifici della Ratio studiorum».
143 Voir, infra, deuxième partie, chapitre 6.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 129

tions, que la fonction assignée à ces académies est de répondre à un


besoin de formation spécialisée, réservée à une élite (une dizaine
d'hommes pour chaque discipline) et dispensée en marge du cursus
général des études. C'est ce que suggère la reprise de l'adverbe «pri-
vatim», qui fait directement écho à l'adjectif «privata» du «Modus
quo...» On voit aussi mieux que, au-delà des nuances existant entre
les différents textes, l'idée d'un espace de formation «privé», c'est-à-
dire complémentaire par rapport au cursus ordinaire et destiné à un
nombre limité de scolastiques, constitue l'idée-force de son projet.
Parallèlement, la question des objectifs de cette formation
spécialisée reste en suspens : ces dix mathématiciens, «ornamentum inflni-
tum Societatis», sillonnant le monde seraient-ils les futurs
professeurs de mathématiques de la Compagnie? Ou faut-il distinguer
différents niveaux de formation et de spécialisation, le plus souvent
désignés par le même terme aux contours incertains, d'« académie»?
La réponse apparaît partiellement dans la dernière version de la
Ratio, définitivement fixée en 1599144. Ce dernier document, avec
quelques retouches mineures apportées par la congrégation
générale de 1615, constitue le texte définitif de la Ratio studiorum. Sa
structure a de nouveau subi une transformation profonde, dans
l'optique d'une meilleure adaptation à sa finalité normative. Dans son
architecture, le texte conserve les grandes options affirmées en 1591
et suit l'organisation des règles et fonctions par discipline. Les règles
concernant les mathématiques sont de nouveau insérées dans le
chapitre sur le provincial et dans celui sur le professeur de
mathématiques. La différence principale réside dans la forme : il s'agit
d'un texte concis, composé de trois paragraphes distincts, dont plus
aucun n'est particulièrement consacré au Collegio Romano, et qui a
totalement perdu sa dimension de «défense et illustration des
mathématiques». Parallèlement, le cours de mathématiques n'est plus
destiné qu'aux étudiants de physique, sa place dans le cursus de
philosophie s'en trouvant ainsi définitivement réduite. Les contenus de
cet enseignement n'ont subi aucune modification145; de même sont
conservées les répétitions publiques de mathématiques du samedi
matin, introduites en 1591. En revanche, des disputes publiques
mensuelles, au milieu des philosophes et théologiens, apparaissent
en 1599146.

144 MPSJ, vol. 5, p. 355-454.


145 MPSJ, vol. 5, p. 402, «Qui authores, quo tempore, quihus explicandi - 1.
Physicae auditoribus explicet in schola tribus circiter horae quadrantibus Eucli-
dis Elementa; in quibus, postquam per duos menses aliquantisper versati fuerint,
aliquid Geographiae vel Spherae, vel eorum quae libenter audiri soient, adiungat;
idque cum Euclide vel eodem die, vel alternis diebus».
146 Ibid., «Problema - Singulis aut alternis saltem mensibus ab aliquo audito-
130 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Dans cette dernière version cependant, le silence est complet sur


une quelconque structure académique : on ne trouve plus que cette
allusion, dans le paragraphe sur les étudiants de mathématiques :
Si, de plus, il devait y avoir des étudiants compétents et bien
disposés envers cette étude, qu'ils s'y livrent après les cours, dans des
leçons privées147.
Certes, la formule offre une grande souplesse organisationnelle,
certainement mieux adaptée à la diversité des situations que doit
couvrir la Ratio. Sans doute faut-il aussi voir dans cette évolution et
dans cet appauvrissement des textes un écho des débats internes qui
ont occupé les jésuites dans cette période d'aboutissement de la
réflexion normative. Face aux réticences engendrées par son projet
initial, Clavius a accepté une solution réaliste, en se limitant à
l'inscription, dans la version finale du texte normatif, d'un
approfondissement privatim des mathématiques, pour un petit nombre. C'est
moins que ses premières propositions, mais c'est un résultat acquis.
Au total, la Ratio studiorum, dans sa version définitive, ne remet
pas en question la possibilité de l'enseignement des mathématiques,
ce qui n'a pas été obtenu sans peine : cette dernière allusion aux
disputes avec philosophes et théologiens marque l'influence de Clavius
dans le processus de rédaction de la Ratio. A confronter ses
propositions avec les différentes versions de ce document, on voit comment
le texte normatif a pris son inspiration dans la réflexion du maître
de mathématiques, ce qui éclaire de manière décisive certains
passages de la Ratio. Après 1580, s'est instauré un dialogue entre
Clavius et les différentes instances de rédaction de la Ratio. Un
ensemble de textes qui se font écho témoignent du rôle précurseur
joué par certains membres de la Compagnie de Jésus dans la
définition d'un nouveau statut pour les mathématiques. Ce combat, qui
concerne tous les établissements jésuites, a rendu possible
l'organisation de pratiques plus riches et diverses, en marge du déroulement
officiel et public des cours.
Corrélativement, au Collegio Romano, grâce au décret d'Acqua-
viva, Clavius lui-même, ses étudiants148, et une équipe déjeunes pro-

rum magno philosophorum theologorumque conventu illustre problema mathe-


maticum enodandum curet; posteaque, si videbitur, argumentandum».
147 MPSJ, vol. 5, p. 362 : «Si qui praeterea sint idonei et propensi ad hac
studia, privatis post cursum lectionibus exerceantur».
148 Sur la liste des étudiants, voir C. Clavius, Corrispondenza, vol. I, 1, p. 85-
89. C'est à partir de sa composition qu'il faut chercher à comprendre certaines
des modalités spatiales de diffusion du «modèle romain». Je montrerai, dans la
prochaine partie centrée sur la France, que le passage de certains jésuites dans
l'académie de mathématiques du Collegio a permis l'essor précoce d'une
première pratique scientifique dans certaines zones, notamment à Tournon.
LES MATHÉMATIQUES AU COLLEGIO ROMANO 131

fesseurs qui occupent successivement la chaire de mathématiques149


poursuivent un travail de collaboration scientifique de premier plan,
dont les orientations sont globalement en adéquation avec les
finalités apostoliques qui incombent à la Compagnie. De cette
«académie», qui désigne le noyau dur et romain de l'« école» de Clavius,
sont issus des hommes dont certains, comme lui, ont atteint une
stature scientifique de premier plan : ceux auxquels Galilée se
confrontera lors du premier voyage à Rome, puis dans les polémiques qui
accompagneront les procès de 1616 et 1633. Si l'on ne dispose
d'aucun témoignage direct sur les travaux de cette «école», sans doute
peut-on s'en faire une idée approximative en relisant les
programmes de mathématiques de l'«Ordo servandus...» de 1580, et en
considérant que ceux-ci ont dû, avec des infléchissements en
rapport avec les finalités apostoliques fixées par la Compagnie, et
notamment la mission150, être le point de départ de la réflexion et de
l'activité du groupe romain151.

149 La liste de ces professeurs a été publiée une première fois dans R. Villos-
lada, op. cit., annexe. Reprise et complétée par K. A. F. Fischer, art. cit., AHSI,
vol. 52, 1983, p. 52-78, elle a subi une nouvelle correction dans C. Clavius,
Corrispondenza, vol. I, 1, p. 66-67. Cette dernière liste ne regarde que la période de
Clavius. A partir de 1563, se sont succédés à cette chaire, devenue prestigieuse, outre
Clavius, Ferante Capece, Giulio Fuligatti, Christoph Grienberger, Angelo Giusti-
niani, Gaspard Alpers, Odon de Maelcote. A des degrés divers et dans des
domaines propres, ils ont participé à la production mathématique de ce qu'il faut
bien appeler l'« école de Clavius».
150 Matteo Ricci compta parmi les premiers élèves de Clavius : c'est à partir
de Coïmbra, point de départ habituel vers le Nouveau Monde, que Ricci rejoint
l'Asie, en 1579. Cette position stratégique du Portugal explique l'importance
accordée par Ignace de Loyola à cette province : Coïmbra devait être au Nouveau
Monde ce que Rome était pour la catholicité. C'est pourquoi l'entreprise
editoriale des Conimbricenses avait aussi tant d'importance, conçue qu'elle était
comme le parallèle de l'édition romaine avec les textes de Toledo ou Pereira.
Pour revenir à M. Ricci, son périple l'emmène de Goa à Cochin, puis en
Chine, via Macao. Lors de son séjour à Pékin, il introduit le premier la science
occidentale dans cette partie du monde. Voir notamment J. Casanovas, «Alle
origini del Missionariato Scientifico nell'Asia orientale : Clavio e il Collegio Romano»,
dans Dall'Europa alla Cina : contributi per una storia dell'astronomia, a cura di
I. Iannaccone et A. Tamburello, Naples, 1990, p. 75-84; J.-C. Martzloff, «Clavius
traduit en chinois», dans L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit.,
p. 309-322.
151 II faut ensuite regarder ce que furent les travaux des différents membres
de ce groupe. Une abondante bibliographie commence à se développer sur ces
différents hommes et notamment C. Scheiner : la dernière publication en date
est celle de C. Dolio, «.Tamquam nodi in tabula - tamquam pisces in aqua. Le
innovazioni della cosmologia Rosa Ursina di Christoph Scheiner», dans U. Baldini
éd., Christoph Clavius e l'attività scientifica dei Gesuiti nell'età di Galileo..., op. cit.,
p. 133-158.
132 la question des mathématiques dans l'ancienne compagnie

Conclusion

Le projet élaboré par Clavius permet clairement, au niveau du


Collegio Romano, d'envisager les mathématiques comme une
discipline à part entière qui n'entretiendrait plus avec la philosophie les
rapports de subordination hérités du modèle médiéval. Il est clair,
en tout état de cause, qu'en définissant un niveau de formation aussi
élevé que celui de l'«Ordo...», Clavius remaniait volontairement la
hiérarchie des disciplines. Ceci explique d'ailleurs pourquoi ses
projets ne pouvaient pas faire l'objet d'un soutien unanime parmi ses
collègues. Formula-t-il ces enjeux? S'inséra-t-il dans un dialogue de
type épistémologique sur ces questions? Rien dans son œuvre ne
permet de l'affirmer explicitement. Pourtant, doté d'une vaste
culture dont ce chapitre s'est partiellement fait l'écho, il ne peut
ignorer une polémique qui anime la communauté scientifique et
philosophique italienne dans cette période, celle qui concerne «la
certitude des mathématiques». Le chapitre qui suit analysera les
échos de ce débat dans le Collegio Romano autour des années 1580-
1610, échos qui apportent une lumière complémentaire sur l'œuvre
didactique et scientifique de Clavius.
CHAPITRE 3

CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES


AU COLLEGIO ROMANO :
AU CŒUR DES DÉBATS DE LA RENAISSANCE

Introduction

Dans la logique de parti-pris historiographique qui a nourri


l'écriture de l'histoire jésuite, une tendance forte et tenace a voulu
isoler l'ordre de son temps, ce qui a presque systématiquement favorisé
des approches «internalistes». Dans les cas où l'histoire de la
Compagnie a été mise en relation avec son extérieur culturel ou
social, on s'est souvent borné à considérer celle-ci comme la source de
nouvelles conceptions, pratiques ou méthodes1. Elle a rarement été
prise dans la complexité de son rapport au siècle de sa fondation.
Cette situation est cependant en profonde mutation, dans différents
domaines et les quelques exemples qui suivent, sans prétendre à l'ex-
haustivité, en constituent une bonne illustration : pour l'histoire de
l'éducation, en 1968 a été publié un ouvrage qui reste central et
inégalé sur les «sources de la pédagogie jésuite»2; lors de «l'année igna-
tienne 1991», un colloque consacré au fondateur s'est beaucoup
occupé de ses rapports avec son temps3; enfin, dans le champ de
l'histoire intellectuelle, le réseau de recherche constitué et dirigé par
Luce Giard a ouvert les voies du «désenclavement» selon des
méthodes et des perspectives particulièrement stimulantes et fécondes
pour l'avenir4.
C'est dans cette optique de «désenclavement» qu'il convient
aussi de lire l'œuvre de Clavius. A la fois pour ce qui concerne sa pro-

1 Ces travaux ne débouchent pas systématiquement sur des écrits


hagiographiques, comme en témoignent au moins les deux exemples suivants : F. de
Dainville, Les Jésuites et l'éducation de la société française..., op. cit. ou W. A. Wal-
lace, Galileo and his sources. The Héritage of thè Collegio Romano in Galileo's
Science, Princeton, 1984, 371 p.
2 G. Codina Mir, Aux sources de la pédagogie jésuite..., op, cit.
3 J. Plazaola éd., Ignacio de Loyola y su tiempo..., op. cit.
4 L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit. Sur l'idée de
désenclavement, voir particulièrement p. XXV-XXVI.
134 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

duction mathématique5, et surtout du point de vue de sa conception


des mathématiques. Ce chapitre ne résoudra pas, loin s'en faut,
l'ensemble des questions attenantes à la relation de Clavius avec son
époque, il cherchera principalement à mettre en relief et en
perspective une série d'interrogations, qui demanderont des
développements ultérieurs. Rapporter Clavius, son action et son œuvre au
foisonnement intellectuel du second XVIe siècle, permet en même
temps d'éclairer son rôle dans et en dehors de la Compagnie et de
comprendre la cohérence d'un programme scientifique global conçu
à la «plus grande gloire de Dieu».

Une action didactique au service d'une conception


des mathématiques

Les conceptions épistémologiques de Clavius

S'il faut concevoir le combat mené par Clavius au plan


didactique comme une réponse aux problèmes internes à la Compagnie, il
est tout aussi nécessaire d'éclairer ses positions à la lumière des
pratiques, interrogations et polémiques scientifiques dont il fut
contemporain. Sa connaissance du milieu intellectuel européen, attestée de
différentes manières dans ses œuvres permet de formuler
l'hypothèse que ses écrits de circonstance ont partie liée avec sa
conception des mathématiques. L'hypothèse peut paraître paradoxale,
puisque, contrairement à certains de ses contemporains, engagés
dans la rédaction de textes théoriques qui affrontent des problèmes
épistémologiques de premier plan6, Clavius ne livre aucun écrit de
ce type.

5 Et c'est assurément sur ce terrain que la bibliographie se trouve être la plus


abondante, comme l'indiquent les références du chapitre précédent.
6 II faut rappeler que la seconde moitié du XVIe siècle voit éclore un vaste
débat, de dimension européenne, sur la «méthode scientifique». On peut ici
reprendre la définition de A. de Pace, qui parle des «réflexions critiques au moyen
desquelles furent assimilés l'héritage antique et ses problèmes philosophiques,
que les mathématiciens d'alors, ainsi sollicités, affrontèrent et résolurent pour
pouvoir, avec une conscience critique, faire un usage instrumental de la
géométrie euclidienne dans leur enquête sur les problèmes concernant le monde
matériel, ou, autrement dit, pour mettre au point une méthodologie scientifique
susceptible de faire le lien entre l'exactitude de l'idéalité mathématique et
l'inexactitude du monde physique, entre la certitude de la raison discursive et l'incertitude
des sens», A. De Pace, Le matematiche e il mondo. Ricerche su un dibattito in
Italia nella seconda metà del Cinquecento, Milan, 1993, p. 16. Les textes de l'époque
qui affrontent ce problème seront évoqués ultérieurement.
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 135

II est pourtant une exception : il s'agit d'un document bref et


essentiel qui, de 1574 à 1611, a accompagné toute son œuvre
mathématique, les Prolegomena aux Eléments d'Euclide7. Depuis la première
édition de ce texte fondamental jusqu'à celle qui ouvre les Oeuvres
complètes, quarante ans plus tard, avec quelques reprises minimes,
les mêmes Prolegomena proposent non seulement une introduction
à l'œuvre d'Euclide, mais aussi une réflexion plus ample sur les
mathématiques, leur statut, leur fonction. Ce texte souvent cité, mais
qui n'a encore jamais fait l'objet d'une étude précise, constitue un
document original, dont la place demeure singulière dans
l'ensemble des écrits de Clavius. Parce qu'il accompagne, pendant un
demi-siècle, la pièce maîtresse de son travail d'édition et de
commentaire sur Euclide, il ne peut être réduit à une simple préface
sacrifiant à la convention littéraire8. Parallèlement, sa brièveté, la
précocité de son apparition dans la carrière mathématique de l'auteur,
sa forme circonstancielle ne permettent pas d'en faire un traité
théorique contrairement à d'autres textes de la même époque9.
Pourtant, ce texte développe des thèmes de réflexion et des
analyses complémentaires par rapport à ses propos de «pédagogue».
Ainsi, la profonde aversion qu'il manifeste, dans ses textes
didactiques, pour les professeurs de philosophie correspond à un
développement plus général dans les Prolegomena : l'attitude des profes-

7 Euclidis Elementorum libri XV. Accessit XVI de Solidorum Regularium


comparatione. Omnes perspicuis demonstrationibus, accuratisque scholiis
il ustrati auctore Christophoro Clavio Bambergensis , Rome, 1574. Christophori Clavii
Bambergis E Societate Iesu Opera mathematica V Tomis distributa ab auctore
nunc denuo correda, et plurimis locis aucta... Tomus primus complectens in
Euclidis Elementa Geometrica, In Sphaerica Theodosii..., Mayence, 1611. C'est à cette
dernière version que seront empruntées citations et références de pagination à
venir.
8 Les préfaces constituent, dans cette période, un élément essentiel du pa-
ratexte, qui encadre le traité mathématique lui-même. Sans en entreprendre une
étude d'ensemble, qui fera l'objet d'un travail ultérieur, il me semble intéressant
de noter que certaines d'entre elles ont directement participé à la constitution
d'un genre propre, de l'histoire des mathématiques. Ainsi, dans son édition
d'Euclide, de deux ans antérieure à celle de Clavius, l'Italien Federico Commandino
consacre ses Prolegomena à une réflexion sur les mathématiques, qui le conduit à
construire une généalogie aux racines antiques : voir Euclidis Elementorum libri
XV. Una cum scholiis antiquis. A Federico Commandino Urbinate nuper in lati-
num conversi, Pise, 1572, p. 1. On retrouve ce même type de démarche chez
Clavius, qui consacre un paragraphe aux fondateurs de cette discipline. Au milieu du
XVIIe siècle, cette pratique génère la production d'un véritable traité, dans la
préface du jésuite Claude Milliet de Challes, en tête de ses œuvres complètes : voir
chapitre 2, note 4.
9 II s'agit des textes de A. Piccolomini, F. Barozzi ou P. Catena qui seront
examinés plus loin.
136 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

seurs de philosophie qu'il critique n'est pas affaire de personnes ou


de goût, mais affaire d'epistemologie, de conception des
mathématiques. C'est ce que soulignent clairement les arguments qu'il prête
aux philosophes contre les mathématiques : le préjugé d'inutilité qui
pèse sur cette science est dû au fait que les philosophes n'en voient
pas la nécessité pour la philosophie naturelle. Par opposition, des
textes de Clavius, se dégage une conception des mathématiques qui
insiste particulièrement sur leur lien essentiel avec la philosophie
naturelle : si les professeurs de mathématiques doivent en
permanence se trouver aux côtés de leurs collègues philosophes, c'est afin
que les élèves se persuadent que philosophie et mathématiques sont
unies par des liens étroits. Cette idée repose, dans ses écrits
didactiques, sur différents arguments analysés au chapitre précédent. Le
thème connexe de l'utilité, voire de la nécessité, des mathématiques
est non seulement récurrent, il s'inscrit au cœur d'un dispositif
global qui tend à redéfinir la place et le statut des mathématiques par
rapport aux conceptions épistémologiques ambiantes.
Cette question de la définition, de la place et du rôle des
mathématiques dans le cursus des arts ou dans son rapport avec physique
et métaphysique cristallise une réflexion qui a pour objet l'identité
jésuite du point de vue de ses référents philosophiques. Il est donc
nécessaire d'en saisir les termes, d'autant que Clavius ne s'engage
pas seul : d'autres lui font écho dans la Compagnie, certains s'y
opposent fermement. Lui-même développe ce point d'une manière plus
précise dès les premières lignes des Prolegomena, lorsqu'il aborde la
question de l'objet des mathématiques. Au premier paragraphe
intitulé «Pourquoi les disciplines mathématiques sont ainsi nommées»,
il écrit :
Les disciplines mathématiques, qui assurément s'appliquent
toutes à tous les aspects de la quantité, ont reçu leur nom de
l'expression grecque |j.a9rma qui signifie discipline ou alors science. Mais je
trouve auprès des auteurs reconnus deux principales raisons pour
lesquelles ces deux désignations sont adaptées à cette seule science de la
quantité. (...) A d'autres cependant il plaît de leur donner le nom de
discipline ou science plutôt qu'aux autres, car elles seules utilisent la
méthode et la raison. Elles procèdent en effet toujours de quelques
principes préalablement connus pour démontrer leurs conclusions,
ce qui est la fonction même et la tâche d'une discipline ou d'une
science, comme le soutient Aristote dans les Seconds Analytiques; les
mathématiciens ne reprennent en effet jamais à leur compte quelque
chose qui n'ait été prouvé, mais toutes les fois qu'ils veulent enseigner
quelque chose, si cela a trait à ce qu'eux-mêmes enseignaient
auparavant, alors ils l'admettent pour avoir été expliqué et prouvé; mais ce
dont rien n'a jamais été écrit auparavant, ils l'expliquent de manière
véritable. Cette façon de procéder, assurément, il ne nous est pas
toujours possible de l'observer dans les autres arts ou disciplines,
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 137

puisque la plus grande partie de ce qu'ils veulent mettre en avant en


vue de le confirmer, ils y aboutissent par des choses qui n'ont encore
été ni expliquées, ni démontrées10.

10 Prolegomena, op. cit., p. 3 :


«Disciplinae Mathematicae quae quidem circa quantitatem versantur
omnes, nomen acceperunt a dictione graeca [xaGrma, sive na9r|aiç, quae significat
disciplinam, seu doctrinam. Cur autem hae artes de quantitate agentes nomen
disciplinae, vel doctrinae inter reliquas omnes solae sint adeptae, duas potissi-
mum causas apud probatos scriptores invenio. (...) Aliis autem placet ideo has
artes prae caeteris nomen scientiae et doctrinae sibi vendicare, quod solae mo-
dum rationemque scientiae retineant. Procedunt enim semper ex praecognitis
quibusdam principiis ad conclusiones demonstrandas, quod proprium est mu-
nus, atque officium doctrinae sive disciplinae, ut et Aristoteles I. posteriorum tes-
tatur; neque unquam aliquid non probatum assumant Mathematici, sed quando-
cunque aliquid docere volunt, si quid ad eam rem pertinet eorum, que ante do-
cuerunt, id sumunt prò concesso, et probato : illud vero modo explicant, de quo
ante nihil scriptum est. Quod quidem alias artes, disciplinasve non semper obser-
vare videmus, cum plerunque in confirmationem eorum, quae ostendere volunt,
ea quae nondum sunt explicata, demonstratave adducant».
Le texte se poursuit par une étude des différentes disciplines
mathématiques :
«Disciplinarum mathematicarum divisio.
Pythagorei, quos deinde secuti sunt omnes prope modum Mathematici,
atque Philosophi non pauci, Mathematicas disciplinas universas in quatuor partes
distribuerunt. Arithmeticam, Musicam, Geometriam, atque Astronomiam. Cum
enim omnis quantitas, circa quam versantur, sit vel discreta, sub qua omnes
numeri, vel continua, sub qua omnes magnitudines comprehendentur, et utraque
tam secundum se, quam comparatione alterius possit considerari; visum fuit illis
consentaneum quatuor praedictas facultates instituere, quae utraque
quantitatem, prò duplici consideratione diligenter completarentur (...)
Alia ratione à Gemino, antiquo Geometra, et ab aliis, ut auctor est Proclus in
Commentariis quos in primum Euclidis librum edidit, Mathematicae disciplinae di-
viduntur. Quam quidem divisionem, quoniam eleganter, copioseque docet, ad quae-
nam sese extendant Mathematicae disciplinae, ferme ad verbum ex Proclo iuxta in-
terpretationem Francisci Barocii Patricii Veneti excerptam hic subiicere statui » .
Traduction :
«La division des disciplines mathématiques.
Les Pythagoriciens, suivis ensuite en cela par presque tous les
mathématiciens, ainsi que de nombreux philosophes ont divisé l'ensemble des disciplines
mathématiques en quatre parties : l'arithmétique, la musique, la géométrie et
l'astronomie. Puisqu'en effet étant toutes tournées vers la quantité, et que celle-ci
est soit discrète, sous laquelle sont compris tous les nombres, soit continue, sous
laquelle sont comprises toutes les grandeurs, et que l'on peut considérer l'une et
l'autre, aussi bien d'après elle-même que par comparaison avec l'autre, il leur
avait semblé conséquent d'instituer les quatre facultés sus-nommées, qui toutes
ensemble regardaient scrupuleusement la quantité, pour deux raisons (...)
Geminus, l'antique géomètre, et d'autres, parmi lesquels Proclus, l'auteur du
Commentaire du premier livre d'Euclide, ont cependant divisé les mathématiques
d'une autre manière. J'ai décidé de présenter cette division, puisqu'elle enseigne
élégamment et abondamment jusqu'où s'étendent les disciplines mathématiques,
conformément à l'interprétation tirée de Franciscus Barocius de Venise
reprenant presque mot pour mot Proclus».
138 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

La mention d'Aristote, qui indique le cadre philosophique dans


lequel Clavius se situe11, a ici un sens particulier avec la référence
aux Seconds Analytiques. C'est dans cette partie de YOrganon qu'A-
ristote, dans le premier livre sur la «Théorie de la démonstration»,
discute le degré de certitude des démonstrations mathématiques12.
Ce texte a suscité nombre d'interprétations contradictoires,
notamment dans l'Italie de la seconde moitié du XVIe siècle. La question
est jugée suffisamment importante par Clavius pour qu'il y revienne
dans les deux paragraphes suivants, «Nobilitas atque praestantia
scientiarum mathematicarum» et «Utilitates variae mathematica-
rum disciplinarum» :

Dignité et excellence des sciences mathématiques.


Puisque les disciplines mathématiques traitent de choses que
l'on considère indépendamment de toute matière sensible, bien
qu'elles soient en réalité plongées dans la matière, on voit
manifestement qu'elles tiennent une place intermédiaire entre la métaphysique
et la science de la nature, si nous considérons leur objet, comme Pro-
clus a raison de le soutenir. L'objet de la métaphysique est en effet
séparé de toute matière, du point de vue de la chose et du point de vue
de la raison; l'objet de la physique, du point de vue de la chose et du
point de vue de la raison, est lié à la matière sensible. Aussi, quand on
considère l'objet des disciplines mathématiques en dehors de toute
matière, bien qu'en réalité il se rencontre en elles, il apparaît
clairement qu'il est intermédiaire entre les deux autres. Mais si l'on doit
juger de la dignité et de l'excellence d'une science d'après la certitude
des démonstrations dont elle fait usage, les disciplines
mathématiques auront sans aucun doute la première place entre toutes. Elles
démontrent en effet tout ce dont elles entreprennent de discuter par
les raisons les plus fermes et l'établissent de telle sorte qu'elles font
naître dans l'esprit de l'élève une véritable science et ôtent
absolument tout doute; ce que nous ne pouvons guère reconnaître en
d'autres sciences, puisque la multitude des opinions et la diversité des
avis dans le jugement porté sur la vérité des conclusions y laissent

On y lit nettement l'influence de Proclus et l'importance de la traduction de


son commentaire d'Euclide par F. Barozzi. Ce point sera étudié ultérieurement.
11 II faut cependant souligner que d'autres extraits sont consacrés à Platon,
pour lequel Clavius manifeste une profonde admiration. De fait, il associe
régulièrement dans ses écrits Aristote et Platon, représentatif en cela d'une position,
fréquente au XVIe siècle, d'harmonisation du platonisme et de l'aristotélisme.
C'est pourquoi certains auteurs actuels ont pu souligner des influences platoni-
santes dans l'œuvre de Clavius, influences expliquant ses positions épistémolo-
giques : voir P. Galluzzi, «II platonismo del tardo Cinquecento e la filosofia di
Galileo», art. cit.
12 Voir Aristote, Seconds analytiques, trad. française par J. Tricot, Paris,
1987, 251 p.
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 139

souvent l'esprit dans l'hésitation et l'incertitude. En font


manifestement foi le si grand nombre des écoles péripatéticiennes (passons
pour le moment sous silence les autres philosophes) qui se sont
développées à partir d'Aristote comme autant de branches à partir d'un
tronc, et qui présentent entre elles, et parfois par rapport à leur
source même, Aristote, de telles différences qu'on ne sait absolument
pas ce qu'a voulu dire Aristote et s'il a suscité une discussion plutôt
sur les mots ou sur les choses. Ce qui fait que les uns prennent
comme guides les commentateurs grecs, d'autres les latins, d'autres
les arabes, d'autres les nominalistes, d'autres enfin les réalistes,
comme on les appelle (qui tous, pourtant, prétendent être péripatéti-
ciens). Comme on est loin alors des démonstrations mathématiques,
cela, je pense, n'échappe à personne. En effet les théorèmes d'Euclide
et de tous les autres mathématiciens conservent aujourd'hui, dans les
écoles, après tant d'années, la même pureté de vérité, la même
certitude des objets, la même force et la même fermeté des
démonstrations. A cela s'ajoute ce que Platon dit dans le Philèbe, ce dialogue
consacré au souverain bien : qu'une science est d'autant plus digne et
excellente qu'elle est plus attachée à la pureté et à la vérité. Et puisque
les disciplines mathématiques recherchent, aiment et cultivent la
vérité à tel point qu'elles n'admettent non seulement rien qui soit faux,
mais même rien qui soit seulement probable, rien enfin à quoi elles
ne donnent fermeté et force par les démonstrations les plus certaines,
on ne peut douter que la première place entre toutes les sciences ne
doive leur être accordée13.
L'opposition entre l'incertitude de la philosophie et la certitude
des mathématiques a ici un rôle essentiel car elle permet à Clavius
de conclure sur une nouvelle hiérarchie des sciences14 : la
supériorité de sa discipline par rapport aux autres branches du savoir
philosophique constitue une réévaluation exemplaire des mathématiques
dans le champ des savoirs. La première conséquence en est posée
dans le paragraphe suivant sur les «usages divers des disciplines ma-

13 Prolegomena, op. cit., p. 5 : je cite ici la traduction de M. Beyssade, qui fait


suite à G. Rodis-Lewis, «Descartes et les mathématiques au collège. Sur une
lecture possible de J.-P. Camus», dans Le discours et sa méthode. Colloque pour le
350e anniversaire du Discours de la Méthode, publié sous la direction de Nicolas
Grimaldi et Jean-Luc Manon, Paris, 1990, p. 187-211.
14 On peut mettre cette analyse en rapport avec celle de Maurolico, et
notamment ce texte qui ouvre les Prologi en 1554 : «Les mathématiques disposent des
démonstrations les plus solides de toute la philosophie et si l'on n'y prête pas
attention, de quelles certitudes pourrons-nous disposer? C'est donc une honte que
notre discipline soit si mal accueillie dans les écoles au point d'en être quasiment
exclue. Les philosophes des écoles méprisent ce dont nos ancêtres avaient fait si
grand cas, et qui seul contient la certitude», cité par P. L. Rose, The Italian
Renaissance of Mathematics..., op. cit., p. 165.
Le lien entre le statut de certitude des démonstrations mathématiques et la
nécessité de développer cet enseignement y est ici explicite et l'on peut émettre
l'hypothèse que Clavius s'en est fortement inspiré.
140 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

thématiques» : cette primauté fonde leur utilité15. Dans ce passage,


la récurrence de la référence à Proclus et Platon met en lumière le
caractère polymorphe de l'aristotélisme à l'œuvre dans la
Compagnie, ce qui n'a pas été sans engendrer des débats en son sein16. La
seconde conséquence, on la lit dans ses plaidoyers pour la défense
des mathématiques, lors de la rédaction de la Ratio studiorum.
Si il est clair que la relation existe entre une ligne de défense sur
le plan didactique et la philosophie des mathématiques propre à Cla-
vius, peut-on chercher à étendre cette cohérence à sa production
mathématique et à ses centres d'intérêt? Comment interpréter le fait
que les Prolegomena figurent à la tête de l'édition d'Euclide, et
d'aucun autre des livres de Clavius? Quel sens donner à cette
structuration du texte du mathématicien? Comment comprendre, dans
l'économie des Prolegomena, le passage d'un discours général sur la
nature des mathématiques, leur objet et leur fonction, à une
présentation d'Euclide? Au-delà de l'admiration pour une œuvre jamais
égalée, l'éloge du mathématicien grec est aussi celui d'une certaine
conception des mathématiques : «[Euclide] n'a pas jugé bon de
livrer au public tout ce qui relève de l'objet de la géométrie, mais de
prouver par les arguments et les raisons les plus fermes cela
seulement qui a paru nécessaire et utile à la pratique de tous»17. On re-

15 Extrait des Prolegomena, traduction de M. Beyssade, op. cit., 208-209. On y


lit notamment :
«Personne ne peut accéder à la métaphysique, comme Proclus l'a
remarquablement montré, si ce n'est par l'entremise des disciplines mathématiques.
Car si nous essayons, sans aucun intermédiaire, d'élever les forces et le regard de
notre entendement des choses sensibles que considère le physicien vers les
choses détachées et séparées de toute matière sensible que contemple le
métaphysicien, nous nous aveuglerons nous-mêmes (...). Et c'est à bon droit que le
divin Platon affirme que les disciplines mathématiques élèvent l'âme et rendent le
regard de l'esprit plus pénétrant pour la contemplation des choses divines. De
quelle utilité sont ces disciplines pour saisir et interpréter correctement les livres
sacrés, le bienheureux Augustin nous l'expose brillamment au chapitre 16 du livre
II de la Doctrine chrétienne (...). Les mathématiques contribuent aussi beaucoup
à la parfaite possession de la philosophie naturelle, de la philosophie morale, de
la dialectique et des autres savoirs de ce genre, comme Proclus le montre
clairement. Ajoutons à cela que tous les ouvrages des philosophes anciens, surtout
ceux d'Aristote et de Platon, que nous proposons à juste titre comme guides à
suivre pour bien philosopher, et de presque tous les commentateurs tant latins
que grecs, font référence à des exemples mathématiques (...). Et songeons que
personne autrefois n'aurait osé fréquenter la très célèbre école du divin Platon
sans s'être d'abord parfaitement assuré la possession des disciplines
mathématiques. Aussi avait-il peint, dit-on, cette formule au fronton de l'Académie : «Que
nul n'entre ici s'il n'est géomètre».
16 G. A. Luchetta, «Componenti platoniche e aristoteliche nella filosofia della
matematica di Clavius», dans U. Baldini éd., Christoph Clavius e l'attività
scientifica dei Gesuiti nell'età di Galileo..., op. cit., p. 57-76.
17 C. Clavius, Prolegomena, op. cit., p. 209.
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 141

trouve ici les arguments de l'utilité et de la nécessité de la géométrie,


comme auparavant ces arguments avaient été appliqués aux
mathématiques en général. De fait, pour Clavius, la géométrie apparaît
comme le fondement des mathématiques, et il s'appuie sur un
argument d'autorité pour confirmer son propos18, mais aussi sur une
vision des mathématiques qui fait de la géométrie le langage des
autres branches constitutives de cette discipline19. Que le grand livre
de la nature soit écrit en langage géométrique est clairement affirmé
ici :

Bref, cet immense ouvrage de Dieu et de la Nature, le monde,


dis-je, dans sa totalité, c'est la tâche et le bienfait de la géométrie que
de le soumettre au regard de notre esprit, et de l'offrir à notre
contemplation20.

Devant la force de cette image, on saisit sans doute mieux le lien


qui unit sa conception des mathématiques, la place qu'il accorde à la
géométrie et ses positions programmatiques ou éditoriales. L'accent
mis sur Euclide détermine le choix d'une culture mathématique
nettement exposée dans l'«Ordo...», ce document dans lequel Clavius
définit des cursus de formation pour les futurs mathématiciens
jésuites21 : de la géométrie à la géométrie sphérique, puis à
l'astronomie, le parcours intellectuel est balisé pour accéder à la
connaissance de «cet immense ouvrage de Dieu et de la Nature, le monde».
C'est pourquoi son œuvre editoriale se trouve elle aussi centrée sur
Euclide, non seulement présent dans les diverses éditions qui se
succèdent entre 1574 et 1611, mais aussi dans la reprise incessante du
commentaire de la Sphère. Certes, son programme d'édition ne se
réduit pas à cela, comme l'a montré le chapitre précédent, mais dans
des domaines aussi importants que l'algèbre et la mécanique, il est
resté en deçà des travaux de ses contemporains.

l*Ibid.,p. 210 :
«Car, tous les auteurs, en mathématiques, comme Archimède, Apollonius,
Théodose, etc., usent dans leurs démonstrations de ces Eléments d'Euclide
comme de principes depuis longtemps universellement reconnus et démontrés».
19 Ibid., p. 210:
«De même que celui qui veut lire commence par apprendre les éléments que
sont les lettres et, après une répétition assidue, les emploie en prononçant tous
les mots, de même celui qui désire se rendre familières les autres disciplines
mathématiques doit nécessairement commencer par être complètement et
parfaitement rompu à ces éléments de géométrie. C'est de ces éléments en effet que
découlent, comme d'une source abondante, toute mesure et tout partage des
largeurs (...), toute construction de cadran solaire, tout ce qui fait la force des
machines...».
20Ibid.,p. 210.
21 MPSJ, vol. 7, p. 110-115. Voir chapitre précédent.
142 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Au total c'est bien autour des questions géométriques qu'il a bâti


son œuvre. On peut donc parler d'un choix épistémologique, où
E. Kessler a vu la formulation «d'un autre programme
mathématique pour la science et la méthode, [où] est revendiquée une
réforme radicale de la pratique et de l'enseignement des sciences»22,
revendication assumée par Clavius, dès 157423.

Le dialogue avec les philosophes du Collegio et ses ramifications dans


la Compagnie

A cette date, les Prolegomena à la première édition d'Euclide


conduisent Clavius à se prononcer en faveur de la certitude des
mathématiques. Alors que sa notoriété n'est pas encore assise dans la
Compagnie, il ne se contente pas seulement dans cette introduction
de développer son propre point de vue, il formule aussi une réponse
adressée à son collègue de philosophie, Benito Pereira, donnant
ainsi une dimension concrète et personnalisée à son opposition aux
philosophes24.
S'il n'existe à ce jour aucune étude d'ensemble sur ce jésuite,
l'importance de Benito Pereira n'est cependant pas à démontrer25.
La vie de celui-ci se confond presque totalement avec celle du
Collegio Romano où il a enseigné sans discontinuer pendant un demi-
siècle. Comme Clavius, comme Possevino, il appartient à cette
génération d'intellectuels entrés dans l'ordre quelques années à peine
avant la mort d'Ignace et confrontés au problème du maintien de l'u-

22 Cette expression est empruntée à la récente analyse de E. Kessler, «Clavius


entre Proclus et Descartes», dans L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op.
cit., p. 285-308. L'intérêt de cette analyse réside dans la mise en évidence de
l'influence de Proclus sur le mathématicien jésuite. De fait, dans les passages cités
ci-dessus, on note la fréquence de cette référence. Le «retour de Proclus» a été
assuré par la traduction, en 1560, de ses Commentaires sur le premier livre des
Eléments d'Euclide, par F. Barozzi.
23Ibid.,p. 295.
24 Ce débat n'a pourtant pas été inauguré par Clavius ou Pereira. Une
première évocation de cette question est attestée au Collegio Romano dès avant la
prise en charge du cours de mathématiques par Clavius : B. Torrés y fait déjà
écho en 1557. B.A.V., Barb. lat. 304, fol. 187v. : «Lectiones geometriae anni 1557.
prima hora die novembris. Prima lectio continebat praefationem desumptam ex
Picolomini tractatu de certitudine Mathematicarum...». On peut noter
parallèlement que dans l'ensemble des cours de logique (correspondant à la première
année du cycle de philosophie), les professeurs, commentant les Seconds
analytiques d'Aristote, sont amenés à faire au moins une allusion à cette question.
Prenons-en pour exemple le manuscrit du cours de logique professé par F. Capece
en 1581 à Rome : B.A.V., Barb. lat. 232, f. 344r.-346r., «An mathematicae sint
scientiae».
25 Pour une présentation bibliographique générale, voir L. Polgar,
Bibliographie sur l'histoire de la Compagnie de Jésus..., op. cit., vol. III**, p. 648-649.
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 143

nité doctrinale dans une phase de croissance rapide et souvent


problématique. Né dans la région de Valence en 1537, Pereira suit un
parcours similaire à celui de Clavius. Reçu dans la Compagnie en
1551 à Valence par Domenech, il accompagne ce dernier en Sicile,
l'année suivante; après une année à Palerme, il s'établit
définitivement et jusqu'à sa mort, en 1610, à Rome. Il connaîtra les plus
importants philosophes jésuites, Francisco de Toledo, Pedro de Fonse-
ca, Francisco Suarez et participera, avec eux, à ce qu'on a appelé la
«seconde scolastique»26. Dans la décennie 1560, il partage le cours
de philosophie avec Girolamo Torres, Francisco de Toledo, Parrà,
Acosta et Gagliardi. Aussi, lorsqu'en 1567, le général Borgia pense à
faire éditer un cours de philosophie destiné aux étudiants de l'ordre,
il compte s'appuyer sur les cours de Pereira, Toledo et Fonseca. Des
raisons d'ordre doctrinal interdisent cependant l'association de
Pereira à ce projet27. Malgré cette situation qui le met parfois en conflit
avec les autres principales figures de la Compagnie, l'Espagnol
continue à enseigner et accède à la chaire de théologie en 1567, puis
d'écriture sainte jusqu'en 1610. Grand spécialiste d'Aristote, Pereira
est l'auteur d'un commentaire sur la philosophie naturelle du Stagi-
rite, le De communïbus omnium rerum naturalium principiis et affec-
tionibus, libri XV qui plurimum conferunt ad eos octo Hbros Aristote-
lis, qui de physico auditu inscribuntur, intelligendos28. Dans ce
commentaire29, Pereira inaugure, d'après C. Giacon, un nouveau rapport

26 Sur cette question, voir l'ouvrage déjà ancien de C. Giacon, La seconda


scolastica..., op. cit. Comme le rappelle l'auteur, «alla seconda scolastica,
incombeva il problema di conciliare il valore reale del pensiero aristotelico con le
impellenti esigenze della nuova cultura umanistica» (p. 35); P. Di Vona, Studi
sulla scolastica della Controriforma, Florence, 1958, 317 p. Il faut surtout à
présent se référer à J.-F. Courtine, Suarez et le système de la métaphysique, Paris,
1990, 560 p.
27 Sur l'accusation d'averroïsme qui pèse sur lui, voir M. Scaduto, Storia
della Compagnia di Gesù in Italia, voi. 4, t. 2, op. cit., p. 284-286.
28 II aurait existé une première édition, datée de 1562, selon C. Sommervo-
gel, Bibliothèque..., op. cit., vol. 6, col. 499-500, qui l'évoque sous le titre suivant
Physicorum, sive de principiis rerum naturalium libri XV, Rome, 1562. Puis il
mentionne la seconde édition, qui porterait le titre indiqué dans le texte, Rome, 1576.
Lui succède une édition parisienne de 1579, une nouvelle édition romaine de
1585 à laquelle s'en ajoute une lyonnaise, une nouvelle parisienne de 1586, avec
une vénitienne; une nouvelle lyonnaise en 1588, une seconde vénitienne de 1591,
etc.. A. De Pace, op. cit., p. 17, a mis en doute l'existence de l'édition de 1562. De
fait, je n'ai trouvé aucune mention de cette première édition de 1562 dans les
différentes bibliothèques romaines, aussi bien à la B.A.V. que dans celles de la
Compagnie de Jésus (PUG ou ARSI). J'ai donc consulté celle de Venise, 1591. Les
références textuelles en sont issues.
29 Pour la structure d'ensemble de l'ouvrage, on peut rappeler que les quinze
livres dont il se compose sont organisés de la sorte A. De phïlosophia; 2. De philo-
sophia naturali; 3. De via et ordine doctrinae physicae; 4. De antiquis philosophis;
144 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

à l'héritage aristotélicien en philosophie naturelle30. Au cœur de


cette vaste œuvre qui aborde les questions les plus neuves de la
physique de son temps, Pereira, qui sera aussi un exégète influant aux
nombreuses productions31, s'interroge sur la relation entre science et
foi, philosophie et théologie. A ce titre, il traite des rapports entre les
différentes sciences32 et c'est pourquoi il développe une réflexion
propre sur les mathématiques :

Mon opinion est que les mathématiques ne sont pas, à


proprement parler, une science : j'aboutis à cette opinion soit par différents
arguments - soit par celui-ci, le plus important. Savoir est connaître
une chose par la cause par laquelle la chose est; et la science est le
résultat d'une démonstration : mais la démonstration (j'entends la plus
parfaite des démonstrations) doit résulter de choses qui sont par soi
et propres à ce qui est démontré; en revanche, les choses qui sont par
accident, et communes, sont exclues des démonstrations parfaites; le
mathématicien ne considère pas l'essence de la quantité, pas plus
qu'il ne traite de ses affections dans la mesure où elles découlent
d'une telle essence; il ne les considère pas non plus par leurs causes
propres, en vertu desquelles elles ne relèvent pas de la quantité, et il
ne bâtit pas ses démonstrations à partir de prédicats propres et par

5. De materia et privatione; 6. De forma; 7. De natura; 8. De causis; 9. De fortuna,


casu, et contingentia; 10. De quantitate; 11. De loco; 12. De tempore, aeternitate et
aevo; 13. De natura motus; 14. De variis divisionibus motus; 15. De motus et mun-
di aeternitate.
30 C. Giacon, op. cit., p. 44 :
«II De rerum naturalium principiis del Pereira segnò un gran passo innanzi
nella filosofia della natura scolasticamente intesa. Anche di quest'opera furono
fatte numerose edizioni, e il nostro Galilei la conobbe (la citò frequentemente), e
l'ebbe in grande considerazione. Si tratta certo di un commento alla dottrina di
Aristotele, ma è un commento in forma tutt 'affato moderna, e con questioni di
viva attualità. E un libro scritto con vero entusiasmo verso la filosofia, e che, sme-
tendo tutte le accuse di oscurantismo lanciate contro la Chiesa cattolica e la
filosofia scolastica, le riversa sulla pseudo-riforma protestante».
Il convient assurément de relativiser le propos de l'auteur, jésuite et de parti
pris dans cet extrait. Il invite cependant à considérer ce texte, dont les multiples
rééditions en moins de quarante ans, indiquent le réel succès. Notons d'ores et
déjà que, en 1624, dans son grand texte anti-aristotélicien, Exercitationes Para-
doxicae Adversus Aristoteleos, Gassendi s'appuie toujours sur Pereira :
Dissertations en forme de paradoxes contre les aristotéliciens, éd. française par B. Rochot,
Paris, 1959, p. 507-511. Ces quelques remarques montrent, s'il en était encore
besoin, l'intérêt que susciterait une étude approfondie de cette œuvre.
31 Spécialiste de l'Ancien Testament, il a publié notamment son Commenta-
rium in Danielem Prophetam libri sexdecem..., Rome, 1587 et son Commentarium
et Dissertationum in Genesim..., 3 vol., Rome, 1591-1595.
32 Ce qui permet à C. Giacon, op. cit., p. 45, de dire «di trovarci di fronte a
un'ampia dottrina della scienza e del metodo scientifico, quale finora, con tanta
vastità e competenza, non v'era stata né nella scolastica né fuori di essa».
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 145

soi, mais communs et par accident : donc les mathématiques ne sont


pas, à proprement parler, une science : la majeure, dans leur
syllogisme, n'a pas besoin d'être prouvée, c'est pourquoi elle est
clairement écartée de celles qui sont décrites par Aristote dans le livre I des
Seconds Analytiques. 33.

Cet extrait a souvent été mis à contribution dans la


bibliographie actuelle et a fait l'objet d'interprétations contradictoires. Il n'est
pas question ici d'en proposer une nouvelle analyse qui nécessiterait
des compétences en philosophie des sciences34. Mais ce point de vue

33 De communibus rerum..., livre 1, chap. 12, p. 26, éd. de Venise, 1591 :


«Mea opinio est Mathematicas disciplinas non esse proprie scientias : in
quam opinionem adducor tum aliis, tum hoc uno maxime e argumento. Scire est
rem per causam cognoscere propter quam res est; et scientia est demonstrationis
effectus : demonstratio autem (loquor de perfectissimo demonstrationis genere)
constare débet ex his quae sunt per se et propria ejus quod demonstratur; quae
sunt vero per accidens, et communia, excluduntur a perfectis demonstrationibus;
sed Mathematicus necque considérât essentia quantitatis, necque affectiones
eius tractât prout manant ex tali essentia, necque déclarât eas per proprias
causas, propter quas insunt quantitati, necque conficit demonstrationes suas ex
praedicatis propriis et per se, sed ex communibus, et per accidens : ergo doctrina
mathematica non est proprie scientia : Maior hujus syllogismi non eget proba-
tione, etenim aperte elicitur ex his quae scripta sunt ab Aristot. I. Poster...»
Dans ce premier livre «De philosophia», d'autres passages développent son
point de vue sur les mathématiques : dans le chapitre 11, «An scientia speculativa
univoce dicatur de illis tribus, Physica, Metaphysica & Mathematicis disciplinis»,
il consacre un développement à la question «Quo doctrina Mathematica, condu-
cat Physica et Metaphysica»; au chapitre 16, «Quae illarum trium scientiarum,
sit nobilissima et certissima», le degré de noblesse et de certitude des
mathématiques est largement comparé à celui de la physique et de la métaphysique; au
chapitre 17, «Quae illarum trium scientiarum, sit prima», il procède à la
classification de ces disciplines. Dans le livre 3, «De via et ordine doctrinae physicae»,
différents autres problèmes sont abordés aux chapitres 3, «An scientiae Mathe-
maticae tractent ullum genus causa», 4, «An praestantissima illa demonstratio,
quae ab Aristotele describitur priori libro Poster, vel solum vel maxime reperia-
tur in disciplinis Mathematicis» et 9, «An demonstrationes Mathematicae
maxima ex parte constent ex his, quae sunt nota nobis, et secundum naturam». Le
livre 10, «De quantitate», s'en occupe enfin aux chapitres 17, «De abstractione
Mathematicae quantitatis», 18 «Explicatur altera sententia eorum, qui aiunt
quantitatem Mathematicam simpliciter abstractam esse ab omni substantia et
praefertur priori sententiae». Aussi l'étude précise des conceptions épistémolo-
giques de Pereira impliquerait-elle une analyse exhaustive de ces différents
passages.
34 Deux auteurs, G. Giaccobbe et A. De Pace, se sont surtout intéressés à cet
aspect du texte de Pereira : C. Giacobbe, «Un gesuita progressista nella quaestio
de certitudine mathematicarum rinascimentale : Benito Pereyra», Physis, vol. 19,
1977/1, p. 51-86; A. De Pace, Le matematiche e il mondo..., op. cit. : les pages 75-
120 de son premier chapitre sont consacrées à l'auteur jésuite. L. Giard prépare
un travail sur l'aristotélisme de Pereira et sa conception des mathématiques. Sur
ce même propos, elle a présenté plusieurs communications, dans différents
colloques (Paris, 1991; Wolfenbuttel, 1992 et 1994; Cambridge, 1991 et 1995). Elle
146 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

«aristotélicien»35 sur les mathématiques explique largement ses


réticences à l'égard du programme développé par son collègue,
Clavius.
Aussi, du point de vue de Clavius, qui vers 1570 n'a encore ni
l'œuvre, ni la notoriété qui en feront une figure centrale dans la mise
au point finale de la Ratio studiorum, Pereira soutient une position
philosophique qui pouvait réellement menacer l'enseignement des
mathématiques au sein de la Compagnie. De fait le texte cité
s'oppose presque terme à terme à celui des Prolegomena analysé plus
haut. Aussi, quelle que soit la relation chronologique précise entre
ces deux positions36, il apparaît clairement que Clavius, au fait des
enjeux épistémologiques sur lesquels il s'exprime dès 1574, fait le
choix de s'engager dans une opposition concrète et active à Pereira,
lorsque la rédaction de la Ratio studiorum pose clairement la
question de la place des mathématiques dans la formation philosophique
jésuite. On comprend ainsi mieux, qu'à ce moment-là, dans ses
plaidoyers pour les mathématiques, il prenne pour cible les philosophes,
et, tout en restant très général, pointe précisément l'ennemi :
Les philosophes enseignent que les mathématiques ne sont pas
une science, qu'elles ne possèdent pas de démonstrations, qu'elles ne
s'occupent pas de l'être et du bien...37

Cette formule n'est assurément pas neutre, puisqu'elle renvoie,


presque explicitement à la thèse défendue par Pereira. Mais le
dialogue n'est pas engagé directement avec le philosophe : les
Prolegomena constituent en définitive le seul texte théorique de Clavius, qui
déplace clairement son action sur le terrain pédagogique.
C'est à Possevino, comme à une sorte de porte-parole officiel,
que revient en définitive la mission de répondre à Pereira. Si le
propos de Clavius, limité au cadre des Prolegomena, est plutôt destiné à

suggère de lire le texte de Pereira comme une entreprise concurrente vis-à-vis de


l'aristotélisme séculier dont Padoue est le centre.
35 Sur l'importance de cette philosophie aristotélicienne dans l'Italie de la fin
du XVIe siècle, voir les travaux de W. A. Wallace, notamment Galileo and his
sources..., op. cit.
36 La question de l'existence, ou non, d'une première édition du De commu-
nibus rerum... en 1562 n'est pas intéressante ici, lorsqu'il s'agit de savoir si
Clavius répond directement à Pereira. Etant données les modalités de circulation des
cours et des livres à l'intérieur d'un même établissement, il est clair que Clavius
connaissait les textes et idées de Pereira, qui selon toute vraissemblance
enseignait, dès avant 1576, les thèses qu'il reprend dans son livre.
37 «[Philosopha] docent scientias mathematicas non esse scientias, non ha-
bere demonstrationes, abstrahere ab ente et bono...», extrait du «Modus quo...»,
op. cit.
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 147

un public limité et spécialisé, y compris au sein de la Compagnie, il


prend une autre ampleur lorsqu'il est diffusé par l'une des plus
grandes figures de cette génération de jésuites, modèle achevé de la
rencontre de la tradition humaniste et de la spiritualité militante
ignatienne, Antonio Possevino38.
Personnalité particulièrement riche du second XVIe siècle,
Antonio Possevino a fait le choix de la Compagnie après avoir vécu, dans
le siècle, une expérience aux multiples aspects. Né en 1534 à Man-
toue, issu d'une famille noble appauvrie, le jeune Antonio Possevino
assume, à la fin de ses études, la responsabilité de l'éducation de
François de Gonzague, neveu du cardinal Hercule de Gonzague.
Dans le cadre de son préceptorat, il suit son élève à Ferrare et Pa-
doue - dont il fréquente les différents cercles académiques - puis à
Naples. En 1559, âgé de vingt-cinq ans, il décide d'entrer dans la
Compagnie, avec les trois frères Gagliardi, jeunes nobles padouans.
Il se rend à Rome à la fin de l'été et est accueilli dans l'ordre qui n'a
cessé de chercher à attirer des hommes de sa stature. Cette recrue
nouvelle est immédiatement distinguée pour ses nombreuses
qualités : «un ange parmi les hommes connus en Italie, excellent dans les
langues, avec une bonne connaissance de la philosophie et des
mathématiques, un grand historiographe, une belle apparence, un bon
orateur, très modeste et d'un esprit rare, aimé et désiré de plusieurs
princes», écrit Palmio à Lainez, en guise de présentation39. Le
portrait devait correspondre à la réalité et à partir de son entrée dans la
Compagnie, Possevino allait déployer une activité multiforme où il
engagea ses compétences théologiques, ses talents de diplomate, ses
qualités d'organisateur. L'homme de l'installation de la Compagnie
dans la Savoie du duc Emmanuel-Philibert, l'homme des
ambassades jésuites vers l'Europe centrale et la Russie, l'homme du
combat contre l'interdit de Venise40 est aussi celui qui, à soixante
ans, rédige l'encyclopédie du savoir jésuite : embrassant tous les
champs de la connaissance humaine, proposant une bibliographie
raisonnée, la Bibliotheca selecta, dont la première édition paraît à
Rome en 159341, ne se borne pas à dresser une liste de titres, elle y
ajoute un commentaire sur chacun des sujets abordés : les dix-huit

38 Pour la bibliographie sur le personnage, voir chapitre 2, n. 92.


39 Cité par M. Scaduto, Storia della Compagnia di Gesù in Italia, voi. 4, t. 2,
op. cit., p. 423 : «un angelo dei segnalati d'Italia, eccellente nelle lingue, con
buona cognitione di philosofia et matematiche, grand'historiografo, bella presentia,
buon parlatore, modestissimo et di raro ingegno, amato et desiderato da diversi
principi».
40 Voir notamment G. Piaia, art. cit.
41 Bibliotheca selecta de ratione studiorum, ad Disciplinas, et ad Salutem
omnium entium procurandam. Recognita novissime ab eodem, et aucta, et in duos to-
mos distributis..., Venise, 1603, 2 vol.
148 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

livres qui composent cette encyclopédie embrassent tous les sujets.


Dès lors, plus qu'un panorama exhaustif, voire «hégémonique»42, de
la culture de son temps, l'ouvrage se fait aussi l'écho des problèmes
contemporains. Dans ce contexte, non seulement Possevino
consacre un livre entier aux mathématiques, mais il le fait en se
réclamant ouvertement des positions du professeur de mathématiques
du Collegio Romano. On trouve dans l'introduction au livre XV (Ar-
gumentum libri XV), ces mêmes arguments sur l'utilité et la dignité
d'une science nécessaire à tous, ainsi que l'hommage explicite à
Christoph Clavius :
La raison qui m'a poussé à m'attacher aux mathématiques, qui
par leur rang et leur dignité précèdent la plupart des disciplines
précédentes, a été d'autant plus forte que celles-ci sont non seulement
nécessaires aux autres sciences, et à la Médecine, dont il s'est agi
jusqu'ici, mais aussi, et en premier lieu, aux chefs militaires, aux
différents hommes en charge de l'Etat, aux études de géographie, et par là
même, à l'histoire de l'humanité, dont s'occupera le livre XVI, aussi
bien pour la chronologie que pour les principaux auteurs. Au sujet de
l'arithmétique, de la musique, de la géométrie, de l'astronomie et tout
ce qui en découle pour l'architecture, la peinture, la sculpture, je me
suis fixé comme règle à moi-même, en écrivant cela, de toucher, dans
la méthode, les auteurs les plus importants, mais avant tout ce qui
regarde la piété : je séparerai la science des étoiles de l'astrologie
divinatoire, qu'on appelle aussi judiciaire : je dénoncerai tout ce qui a été
condamnée par la charité de la plus haute Église, par égard pour ses
fils : je ne passerai pas sous silence, dans le choix des auteurs
anciens, quelques commentaires manuscrits. Pour cette fin, et plus que
ceux des autres, le jugement, et ce qui peut réellement être nommé la
supériorité, de Christoph Clavius, mathématicien de notre Société,
me furent d'un grand secours43.

42 Voir A. Biondi, art. cit.


43 A. Possevino, Bihliotheca selecta..., op. cit., p. 213 :
«Quae me causa impulerit, ut Mathematicas disciplinas, quae loco ac digni-
tate plerasque superiorum praeeunt, hue retulerim, ea potissimum fuit, quod ea
non solum reliquis scientiis, et Medicinae, de quibus hucusque est actum, verum
etiam apprime necessariae sunt belli Ducibus, variis Reipub. administrationibus,
Geographiae studiis, ac proinde item Humanae Historiae, cujus sive seriem, sive
auctores meliores XVI liber continebit. Porro de Arithmetica, Musica, Geometria,
Astronomia, ac quicquid inde fluxit ad Architecturam, Picturam, et Plasticam, id
mihi in scribendo praescripsi, ut methodum quidem aliquam, et insigniores
Auctores, sed imprimis, quae ad pietatem facerent, attingerem : Syderalem scientiam
a divinatrice, quam Iudicariam vocant, abiungerem : Reliquas intérim ejusmodi,
quae summae Ecclesiae erga filios suos charitate damnatae sunt, indicarem : In
delectu Auctorum quaedam manuscripta Veterum commentarla non reticerem.
Quam ad rem praeter alios, Christophori Clavii Mathematici Societatis nostrae,
iudicium, &, quae vere dici potest, praestantia, magno mihi auxilio fuit».
La correspondance conservée de Clavius contient trois lettres de Possevino
datant de 1574 et 1585, et deux lettres de Clavius à Possevino : il s'agit des lettres
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 149

En outre, il n'hésite pas à intituler ce livre XV «Mathematica ge-


neratim. Ubi quaenam eorum nécessitas, unde dignitas et utilitas, ac
quandam certitudo»44. On comprend mieux ici le sens à donner à la
présence du substantif certitudo, subrepticement ajouté aux deux
autres termes chers au lexique de Clavius, dignitas et utilitas.
De plus, la structure de ce quinzième livre est très fortement
inspirée par les propositions de Clavius et une analyse textuelle
confirmerait qu'il est bien construit sur le modèle des Prolegomena. Sans
doute la différence la plus importante entre les deux textes ne tient-
elle pas tant au contenu qu'au contexte. La Bibliotheca selecta est
composée de livres différents par leur objet, mais qui s'intègrent
dans un projet culturel d'ensemble. A ce titre les positions sur les
mathématiques doivent être mises en regard des positions sur la
philosophie. Or, à ce stade encore, les analyses des deux hommes
sont convergentes : ce long paragraphe du livre XV qui cherche à
définir le rôle des mathématiques dans la philosophie aristotélicienne
et platonicienne45 ne doit-il pas être mis en rapport avec les
nombreux extraits des Prolegomena qui asssocient systématiquement les
deux philosophes grecs?

Car, dans le Tintée, Platon décrit Dieu composant l'âme du


monde au moyen de l'arithmétique et des proportions, puis le corps
avec des figures géométriques. C'est pourquoi la Physique de Platon,
tirée des nombres et des droites, est arithmétique et géométrique :
ceux qui ignorent la géométrie ne peuvent comprendre cela. Mais,
chez Aristote, toute l'histoire du mouvement et du repos, du temps et
du ciel, de la génération des animaux, et toute la matière de la
physique abondent non seulement d'exemples mais aussi de principes
géométriques46.

4, 5, 19, 21, 22 éditées dans C. Clavius, Corrispondenza, vol. IL Les deux premières
sont adressées à Clavius, en Sicile : elles prennent acte de sa présence dans l'île,
pour la première, puis de la nécessité de son retour à Rome, pour la seconde
(p. 16-17). Dans l'échange du début des années 1580, le thème abordé est celui du
nouveau calendrier grégorien : Antonio Possevino se trouve à Prague et il
transmet à Clavius des objections qui lui ont été faites à propos de la réforme. Clavius
y répond, Possevino se chargeant à nouveau de transmettre sa réponse (p. 51-61).
44 A. Possevino, Bibliotheca selecta..., op. cit., p. 214.
45 Sur cette immense question, les travaux de C. B. Schmitt ont apporté une
contribution décisive : voir chapitre 1, note 8. Mais c'est sa synthèse, Aristote et la
Renaissance, trad. française, Paris, 1992, XXXV-183 p., qui permet d'appréhender
la richesse de ce mouvement.
46 A. Possevino, Bibliotheca selecta..., op. cit., p. 215 :
«Nam in Timaeo Piato facit Deum componentem Mundi animam rationibus
Arithmeticis et proportionibus, deinde corpus Geometricis figuris. Quamobrem
Physica Platonis, e numeris, & lineamentis, Arithmematica et Geometrica est :
quae sane ab geometriae ignaris intelligi nequeunt (...) Nemo Geometriae expers
ingrediatur. Aristotelis vero universa de motu, & quiete, de tempore, caeloque, ac
150 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Pourtant, Possevino va plus loin dans sa reprise des positions de


Clavius, en intitulant son second chapitre Disciplinarum Mathemati-
carum certitudo quaenamA''.
La Bibliotheca définit ainsi un rapport de subordination de la
physique aux mathématiques : celles-ci sont le fondement de celle-
là. Comme pour Clavius, cette position s'appuie sur un système
philosophique qui tente d'opérer la synthèse entre platonisme et aristo-
télisme48. Plus nettement encore que Clavius, Possevino développe
cette conception, profitant notamment du livre XII, sur la
philosophie. Ce livre, qui a subi un profond remaniement entre la
première et la seconde édition49, consacre un chapitre entier au
problème suivant : « Quinam conciliare Aristotelem cum Piatone, vel at-
tentarunt, vel polliciti sunt» (chap. 12). Même si Possevino
n'appartient pas directement à cette catégorie de philosophes, il est,
avec Clavius, représentatif d'un «aristotélisme éclectique» qui a
permis de reconsidérer la place des mathématiques50.

de animalium progressu historia, totaque illa disputatio Physica non tam exem-
plis, quam etiam fundamentis Geometricis abundat».
47 A. Possevino, Bibliotheca selecta..., op. cit., p. 252 :
«Num vero Mathematicae disciplinae sic primo in gradu sint certitudinis,
quemadmodum Averroes, aliique Philosophie inter Latinos asseruerunt, ita sen-
tiendum videtur, nec Averroem falsa dixisse, nec tamen hos omnes de ea certitu-
dine intellexisse, quasi Mathematicus, vel solus, vel maxime demonstratione illa
utatur, quae nominatur potissima; Qua videlicet simul, ac liquido innotescit, &
quod effectus sit, & cur fit. Quasi, inquam, ex notioribus nobis, & naturae de-
monstret. Nec enim, e quatuor generibus causarum id potest efficere. Quod quo-
niam Alexander Picolhomineus, ante quadraginta annos peculiari tractatione
probavit, quam suae in quaestiones Aristotelis mechanicas adtexuit, idcirco cupi-
mus, ut eum lector accédât. Ac tamen intérim dicimus, res Mathematicas, ex
quamvis abstractione sint, se ipsas penitus, ac medullitus sensui nostro objicere,
atque exercere : quippe quae non solum passiones suas, verum etiam subjecta, &
horum formas sensui nostro manifestissimas praebent : cum cuncta haec sint
quantitates, intelligibiles quidem, quae in sensibus existunt, non tamen prout
sensibiles, ut Aristoteles inquit. Quantitas vero est omnium sensatorum sensatis-
simum. At ipsae res naturales licet sensui nostros suas offerunt operationes; dif-
ferentias tamen ultimas, hoc est formas ipsas, atque substantias, à quibus
passiones, ac denique actiones fluunt, occultissime quasi in profundo, & obscuro
naturae sinu immersas habent : necque hae vix diuturno; & asiduo effectum
experimento, atque observatione illucescunt intellectui nostro aliquantisper».
48 Cette position de mise en accord des deux philosophes s'appuie sur des an-
técédants qui remontent à l'Antiquité post-hellénistique et reprend une certaine
ampleur au XVe siècle dans le débat italien autour des exilés byzantins.
49 L'édition de Rome, 1593, est suivie d'une seconde édition de Venise, en
1603. Si, en 1593, la philosophie occupe le livre XIII, elle passe au livre XII en
1603. Surtout, la place accordée à la présentation du système platonicien a été
considérablement modifiée entre les deux dates. Platon n'apparaît, dans la
première édition, qu'à l'occasion d'un chapitre (chap. 15). Dans la seconde édition, il
fait l'objet des quatorze chapitres de la seconde partie du livre.
50 II faudrait assurément développer l'étude de cette question, elle permet-
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 151

Ainsi, en l'espace de vingt ans, le thème de l'utilité des


mathématiques, l'un des leitmotivs de la bataille de Clavius au plan
didactique, entre dans le discours plus général de la Compagnie sur
l'éducation et y prend une dimension plus vaste51. En 1593, la stature de
Possevino comme l'importance de son entreprise editoriale
réactualisent la légitimité de cette position et lui confèrent un statut
presque officiel qui vient confirmer l'importance des enjeux qui se
nouent autour du problème des mathématiques.
Cependant, comme Possevino l'explique lui-même dans le texte
cité, la discussion ouverte au sein de la Compagnie correspond à un
débat intellectuel plus large alors en cours en Italie. Au sein de la
Compagnie, il ne s'est pas limité à Clavius et Pereira. R. Gatto
consacre, dans le premier chapitre de son étude sur le collège de
Naples, quelques pages à Hieronimo Hurtado, premier professeur
de mathématiques de cet établissement52. Au Collegio Romano,
celui-ci avait suivi les cours de Pereira : de cet enseignement, il a
retenu les positions épistémologiques sur les mathématiques, qu'il
reprend publiquement lors de sa soutenance de thèse en 1568. Sur les
dix propositions de mathématiques qu'il défend, la première
concerne la quaestio de certitudine mathematicarum.
Cet exemple constitue un indice de l'ampleur du débat qu'on a

trait sans doute d'opérer le lien entre conceptions philosophiques générales et


point de vue sur les mathématiques. Cette tentative pour proposer une synthèse
des deux systèmes platonicien et aristotélicien correspond à ce que C. B. Schmitt
a identifié dans sa caractérisation de «l'aristotélisme éclectique», dans Aristote et
la Renaissance, op. cit., p. 119 :
«Le degré auquel les mathématiques ont envahi un programme d'études
fondamentalement aristotélicien a conduit plusieurs historiens récents à parler
du platonisme comme d'un élément caractéristique de l'éducation jésuite. Ce
n'est pas sans fondement, on ne saurait douter qu'une veine fortement
platonicienne traverse à la fois la description de l'éducation mathématique dans les
documents jésuites et la manière dont un certain nombre de professeurs et
d'auteurs jésuites ont utilisé les mathématiques (...). Tout ceci, bien sûr, se place dans
le contexte de l'aristotélisme philosophique, dans lequel on parlait pour la forme
d'un programme d'études faisant un usage traditionnel de la Métaphysique, de la
Physique et de XOrganon. Sans doute, tous les mathématiciens jésuites ne se sont
pas avancés dans une telle direction, mais certains des plus importants l'ont fait,
rehaussant l'impression vive qu'une manière platonisante était à l'œuvre dès les
commencements de la Compagnie».
Pour une approche plus générale du thème, E. Kessler, «The
Transformation of Aristotelianism during the Renaissance», dans J. Henry et S. Hutton éd.,
New Perspectives on Renaissance Thought. Essays in the history of science and phi-
losophy in memory of Charles B. Schmitt, Londres, 1990, p. 137-147.
51 On comprend mieux à présent l'importance du long préambule rhétorique
dans la première version de la Ratio studiorum, qui, faisant écho au point de vue
de Clavius, reprend l'argumentaire sur l'utilité des mathématiques pour toutes les
autres sciences.
52 R. Gatto, Tra scienza e immaginazione..., op. cit., p. 18-29.
152 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

jusqu'à présent identifié dans le seul contexte romain. Il a


probablement été soulevé aussi dans d'autres collèges. Dans les premières
années du XVIIe siècle, il est publiquement repris par un ancien élève
de Clavius : en 1615, alors que Pereira est mort depuis 5 ans et Cla-
vius depuis 3 ans, Giuseppe Biancani53 publie en appendice à son
ouvrage, Aristotelis loca mathematica, un texte intitulé De natura ma-
thematicarum54. Ce texte pose aussi fermement la certitude des
démonstrations mathématiques par opposition à la position défendue
par le philosophe de la Compagnie. Il poursuit de la sorte jusqu'au
XVIIe siècle le long travail de substitution des mathématiques à la
logique, pérennisant au total le débat sur les conceptions
philosophiques de la Compagnie et l'aristotélisrne dont elle se réclame. Un
aristotélisme pluriel, discuté, éclectique, aussi bien dans le milieu
jésuite que dans l'Italie du second XVIe siècle55.

53 Giuseppe Biancani (1566-1624), élève de Christoph Clavius au Collegio


Romano, a enseigné les mathématiques à Parme pendant vingt ans. Voir DBI, vol.
10, 1968, p. 33-35; pour une description plus complète de son cursus et de ses
centres d'intérêt, U. Baldini, «Dal geocentrismo alfonsino al modelo di Brahe. La
discussione Grienberger-Biancani», dans Legem impone subactis..., op. cit.,
p. 238.
54 Aristotelis loca mathematica ex universis ipsius operibus collecta, & explica-
ta. Aristotelicae videlicet expositionis complementum hactenus desideratum. Acces-
sere de Natura Mathematicarum scientiarum Tractatio; atq. Clarorum Mathemati-
corum Chronologia. Authore Iosepho Blancano Bononiensi e Societate Iesu,
Mathematicarum in Gymnasio Parmensi Professore. Ad Illustrum, ac Nobillissimum
Petrumfransiscum Malaspinam Aedificiorum Marchionem, apud Caes. Maiestatem
prò Sereniss. Parmensìum Duce Legatum, Bologne, 1615.
Ce texte a particulièrement attiré l'attention des historiens en quête
d'influences platoniciennes dans le milieu jésuite : outre l'article de G. C. Giacobbe
(voir infra, n. 59), voir P. Galluzzi, «II platonismo del tardo Cinquecento e la
filosofìa di Galileo», art. cit., et U. Baldini, art. cit. supra. On pourra à présent se
référer aux analyses de P. Mancosu, Philosophy of Mathematics and Mathematical
Practice in the Seventeenth Century, New York-Oxford, 1996, chap. 1, p. 8-33; en
appendice de cet ouvrage, on trouve une traduction, en anglais, du texte de
Biancani par G. Klima, op. cit., p. 178-212.
55 Sur platonisme, aristotélisme et mathématiques à la Renaissance, il
faudrait engager un investissement bibliographique et historiographique
considérable. Il n'est pas possible ici de reprendre le détail des thèses d'E. Garin,
d'A. Koyré ou de A. C. Crombie : différents titres de la bibliographie y renvoient
directement. Si les chercheurs français sont globalement familiers de ces débats,
ils restent encore peu engagés dans le retour en force de l'aristotélisme
principalement dû aux travaux de C. B. Schmitt. Grâce à L. Giard, la traduction
française de sa synthèse sur Aristote à la Renaissance est à présent disponible. Cet
ouvrage consacre un chapitre entier à «Pour une histoire d'Aristote à la
Renaissance». J'en extrais les remarques suivantes, C. B. Schmitt, Aristote et la
Renaissance, op. cit., p. 135-136 :
«Le lecteur est désormais averti de l'état assez primitif de la recherche dans
mon domaine d'investigation... Il faudra aussi étudier l'emploi et la
transformation de la doctrine aristotélicienne par des figures clés de l'histoire intellectuelle
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 153

Car c'est dans ce contexte intellectuel plus large que s'est


notamment développé un débat sur la quaestio de certitudine mathematica-
rum. Or, s'il a donné lieu, comme on l'a vu, à des prises de positions
de la part de Pereira ou Possevino, ce débat avait été inauguré hors
de la Compagnie, à l'Université, à Padoue, dont le rôle est central
dans le milieu aristotélicien au XVIe siècle56. Si on veut tenter de
saisir l'originalité et la signification des positions défendues par les uns
et les autres à l'intérieur de la Compagnie, il faut les réinsérer dans
ce cadre où la question du statut des mathématiques dans l'ordre
des savoirs et dans son rapport avec la logique a joué un rôle
important pour l'avènement d'une méthode scientifique moderne.

L'ampleur du débat :
la quaestio de certitudine mathematicarum

A partir du milieu du XVIe siècle, autour de la diffusion de


quelques textes imprimés, des réseaux d'échanges se sont constitués, qui
ont contribué à la circulation des thèses discutées et à l'extension de
ces débats et de ces circuits : Clavius n'en a pas été exclu. Dans ce
que les contemporains ont appelé la quaestio de certitudine mathe-
maticarum51 , quelle fut la place des jésuites? Quel fut leur rôle, quel
leur apport58?

au début de la modernité, un travail nécessaire pour que progresse notre


intelligence de l'influence véritable d'Aristote sur cette époque... Il faudra ensuite
continuer notre effort pour comprendre les changements historiques dont ces
travaux sont la preuve archéologique sous-jacente».
56 La bibliographie a été profondément renouvelée sur cette université, qui
attire particulièrement les historiens des sciences, du fait de la présence de
Galilée dans les années 1590-1610. Pour une présentation générale, L. Giard,
«Histoire de l'Université et histoire du savoir : Padoue (XIVe-XVIe siècle)», Revue de
Synthèse, vol. 104, 1983, p. 139-169; vol. 105, 1984, p. 259-298; vol. 106, 1985,
p. 419-44. Sur ce qu'il convient d'appeler à présent «l'aristotélisme padouan», il
faut se référer aux travaux de B. Nardi, Saggi suïl'aristotelismo padovano dal
secolo XIV a XVI, Florence, 1958, 468 p.; A. Poppi, Introduzione ali' arìstotelismo
padovano, Padoue, 1970, 80 p. et à l'important colloque Arìstotelismo Veneto e
scienza moderna. Atti del 25° anno accademico del Centro per la Storia della tradizione
aristotelica nel Veneto, a cura di L. Olivieri, 2 vol., Padoue, 1983, 1132 p.; mais en
introduction, on profitera de L. Giard, «L'aristotélisme padouan : histoire et
historiographie», Les études philosophiques, 1986, p. 281-307. Sur l'enseignement de
la philosophie naturelle et des mathématiques à Padoue, J. H. Randall, The
School of Padua and the Emergence of Modem Science, Padoue, 1961, 141 p.;
C. Maccagni, «Le scienze nello studio di Padova e nel Veneto», art. cit.; A. Caru-
go, «L'insegnamento della matematica all'Università di Padova prima e dopo
Galileo», art. cit.
57 II faut évoquer ici les quelques pages du volume CHRP, chap. 19, N.
Jardine, «Epistemology of Sciences», p. 685-711.
58 II n'est pas question ici de restituer ce débat dans sa complexité, car il
154 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

La question du statut des mathématiques59 apparaît dans la


culture de la Renaissance tardive à travers différents traités dont les
principaux protagonistes sont à présent identifiés. Reste encore à
identifier d'autres acteurs, à étudier la résonnance de ces
discussions dans la communauté savante internationale à la charnière
des XVIe et XVIIe siècles. Car, pour l'heure, les historiens se sont
intéressés aux textes imprimés, alors que manifestement ces questions
ont fait aussi l'objet d'un enseignement60.

s'inscrit dans une problématique directement philosophique, dont le traitement


relève de cette discipline. Il s'appuie en outre sur une analyse textuelle qui, d'Aris-
tote à la Renaissance, passe par les commentateurs anciens et médiévaux du Sta-
girite, dont Proclus et Averroès.
59 En Italie, à la suite de l'entreprise menée par l'Américain N. Gilbert,
Renaissance Concepts ofM.eth.od, New York, 1960, 255 p., c'est G. C. Giacobbe qui a
développé ce thème. Il faut aussi ajouter ici l'essai postérieur de G. Crapulli, Ma-
thesis Universalis : genesi di una idea nel secolo XVI, Rome, 1969, 285 p; G. C.
Giacobbe, «Epigoni nel seicento della quaestio de certitudine mathematicarum :
Giuseppe Biancani», Physis, voi. 18, 1976/1, p. 5-40; Id., «Un gesuita progressista
nella quaestio de certitudine mathematicarum rinascimentale : Benito Pereyra», art.
cit.; Id., «Il Commentarium de certitudine mathematicarum disciplinarum di
Alessandro Piccolomini», Physis, voi. 14, 1972/2, p. 162-193; Id., «Francesco Barozzi e
la quaestio de certitudine mathematicarum» , Physis, voi. 14, 1972/4, p. 357-374;
Id., «La riflessione mathematica di Pietro Catena», Physis, voi. 15, 1973/2, p. 178-
196; Id., Alle radici della rivoluzione scientifica rinascimentale : le opere di Pietro
Catena sui rapporti tra matematica e logica, Pise, 1981, 231 p. Je m'appuierai
principalement sur ces auteurs, en soulignant la nécessité de rester critique par
rapport à l'approche de G. C. Giacobbe. Sa méthode en effet repose sur la
microanalyse textuelle, qui isole un chapitre voire un paragraphe d'un ouvrage sans
aucune étude de l'ensemble du livre ou de l'œuvre, qui est souvent d'une étonnante
complexité et prolixité, comme en témoigne par exemple Benito Peirera. En
outre, il n'inscrit sa lecture de l'auteur dans aucun «jeu de l'échange» culturel,
refusant ainsi, au nom de l'analyse endogène, toute signification aux modalités de
circulation des idées, aux groupes et réseaux qui contribuent à la transformation
de cette quaestio en véritable débat.
60 Depuis cette date, certains auteurs, et non des moins importants, ont
utilisé et approfondi ces travaux, identifiant de nouveaux acteurs de ce débat. P. Gal-
luzzi, «II platonismo del tardo Cinquecento e la filosofia di Galileo», art. cit.;
A. C. Crombie, «Mathematics and Platonism in thè Sixteenth-Century Italian
Universities and in Jesuit Educational Policy», art. cit. D'autres auteurs ont, à
l'occasion de leurs propres recherches, nourri le dossier ouvert par Giacobbe en y
versant des pièces nouvelles : parmi ces addenda, j'ai rencontré diverses mentions
nouvelles de la persistance de ce débat dans les milieux italiens de la seconde
moitié du XVIe, ou de son extension au XVIIe siècle : A. Carugo, «Giuseppe Mole-
to : Mathematics and Aristotelician Theory of Science at Padua in the second
Half of the 16th Century», dans Aristetolismo Veneto e scienza moderna..., op. cit,
p. 509-517; M. R. Davi Daniele, «Bernardo Tomitano e la quaestio de certitudine
mathematicarum» , dans ibid., p. 607-621; M. O. Helbing, La filosofia di Francesco
Buonamici, professore di Galileo a Pisa, Pise, 1989, notamment p. 90-93, qui
commente la critique de Pereira par Buonamici; P. Mancosu, «Aristotelian logic and
euclidian mathematics : seventeenth-century developments of the quaestio de
certitudine mathematicarum», Studies in History and Philosophy of Science, voi. 23,
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 155

Le débat trouve ses origines dans un traité d'Alessandro


Piccolomini auquel répondit Francesco Barozzi quelques années plus tard.
Le premier (1508-1578), né dans l'illustre famille des Piccolomini61,
professeur de philosophie morale à Padoue à partir de 1540, puis à
Rome, avant de devenir archevêque de Patras et coadjuteur de
l'archevêque de Sienne, lui-même un Piccolomini, apparaît comme
l'une des incarnations les plus achevées de l'humanisme renaissant,
ouvert à une culture vaste notamment sur le plan scientifique. Il
jouit, à ce titre, d'une réputation certaine auprès de ses
contemporains, dont Bernardino Baldi témoigne à la fin de ce XVIe siècle62,
soulignant la dimension humaniste de l'œuvre de Piccolomini et la
diversité de ses centres d'intérêt : «il se dédia à l'étude de la logique,
de la poétique et de la rhétorique. Il s'attacha, avec le plus grand
talent, à l'étude des mathématiques, et particulièrement à celle de
l'astrologie, sous la direction de Niccolo Cerretani et de Carlo Pini,
qui enseignaient alors à Sienne...»63. Ainsi, nous sont connus les
principaux épisodes de la formation et de la vie de Piccolomini,
membre d'une ancienne famille aristocratique de Sienne, qui
bénéficia dans sa ville natale du climat humaniste entretenu par l'Acade-
mia degli Intronati où Federico Delfino, par exemple, s'occupe de
mathématique et d'astronomie. Alessandro Piccolomini lui-même
en deviendra membre; quelques années plus tard, il sera reçu à l'A-
cademia degli Infiammati de Padoue.
On découvre donc un homme dont la réputation scientifique
auprès de ses contemporains apparaît solide, même s'il n'est pas
mathématicien de profession. En tout état de cause, dès la seconde
moitié du XVIe siècle, Pierre de la Ramée, dans ses Scholae Mathe-
maticae, fait l'éloge de sa Paraphrase aux mécaniques d'Aristote et
Antonio Possevino n'oublie pas de le mentionner dans la Bibliotheca
selecta. Cette notoriété est confirmée par le nombre des rééditions de
ses différents ouvrages et leurs traductions dans différentes langues
européennes, comme en témoigne le catalogue de la Bibliothèque
nationale de France.
En 1547, Piccolomini publie un commentaire aux pseudo-méca-

1992/2, p. 241-265; Id., Philosophy of Mathematics..., op. cit. Enfin, la synthèse


d'A. de Pace constitue le dernier en date des travaux sur ces questions.
61 Voir C. Ugurgieri della Berardenga, Pio II Piccolomini con notizie su Pio
IH e altri membri della famiglia, Florence, 1973, 616 p.
62 B. Baldi, Cronica de matematici..., op. cit., p. 140. Une biographie, plus
complète, se trouve dans B. Baldi, Vite inedite..., op. cit., p. 159-167.
biIbid., p. 159:
« Superate dunque le fastidiose difficoltà de la Grammatica, diedesi a gli
studii de la Logica, de la Poetica e de la Retorica. Attese ancora con ottima disposi-
tione a gli studii de le Matematiche, e particolarmente de l'Astrologia, sotto la
disciplina di Nicolo Cerretani e Carlo Pini, che alhora leggevano in Siena».
156 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

niques d'Aristote64, dans lequel est inséré un Commentarium de certi-


tudine mathematicarum disciplinarum centré sur la question de la
démonstration et contenant une étude comparée de la logique et des
mathématiques65. Cette étude66 lui permet de conclure, avec Aris-
tote, à l'infériorité épistémologique des mathématiques par rapport
à la logique. Si cette discussion peut sembler présenter un caractère
uniquement technique, elle renvoie au problème de la validité des
procédés mathématiques pour fonder une vérité scientifique et
rendre compte des phénomènes physiques. C'est pourquoi cette
prise de position suscite des réactions vives tout particulièrement à
Padoue, pôle actif de l'aristotélisme renaissant67. En réponse à ce
texte, Francesco Barozzi, formé à l'école de Padoue, lecteur de
mathématiques au Studio Pisano en 1559, puis commentateur et
éditeur de nombreux textes scientifiques68, rédige en 1560 YOpusculum,
in quo una Oratio, et duae quaestiones : altera de certitudine et altera

64 Alexandri Picolominei In Mechanicas Quaestiones Aristotelis, Paraphrasis


paulo quidem plenior ad Nicolaum Ardinghellum Cardinalem Amplissimum. Eius-
dem Commentarium de certitudine mathematicarum disciplinarum : In quo de Re-
solutione, Deftnitione, et Demonstratione : necnon de materia, et in fine logicae fa-
cultatibus, quamplura continentur ad rem ipsam, tum mathematicam, tum Logi-
cam, maxime pertinentia..., Rome, Antonium Bladum Asulanum, 1547.
65 B. Baldi décrit ainsi l'ouvrage, op. cit., p. 161-162 :
«[A Roma] scrisse quel trattato in lingua latina, ch'egli dedicò a D. Hernan-
do Mendozza, nel quale egli discorre e disputa de la certezza de le Matematiche,
e de le loro dimostrationi; il qual libro fu l'anno seguente stampato in Roma, et è
poi altre volte stato ristampato in Venetia...».
Quant au jugement sur le texte, il est clair, ibid., p. 165 :
«In quanto a le Matematiche poi, secondo il mio giuditio, non deve porsi fra
i primi, cioè fra quelli che, havendo atteso solamente à quelle, sono giunti al
colmo de l'eccellenza; onde non si vedono ne le cose sue quelle acutissime
dimostrationi, quelle vivacità matematiche, le quali vediamo nel Monteregio, nel
Commandino, in Guidobaldo de' Marchesi del Monte, et quegli antichi che
n'hanno toccato il fondo...».
66 Voici l'ordre des chapitres (table de la première édition). Il rend compte de
la démarche dans son ensemble : De scopo et fine logicae facultatis; de materia
logicae facultatis; de ratione formali considerandi in lib. praedic; de secundis inten-
tionibus quaedam; de divisione et resolutione logicae; de duobus logicae partibus,
inveniendi et judicandi; de demonstratione et eius speciebus; de quibusdam as-
sumptis ad declarandum medium demonstrationis potissimae; de medio demons-
trationis potissimae; de materia mathematicarum scientiarum; de utilitate math,
scientiarum; an sit finis in mathematicis scientis; de problematibus et theoremati-
bus in math, et eorum partibus; de resolutione et compositione math. ; certitudinem
mathematicam, non oriri ex vi demonstrationum mathematicarum; in math, non
reperiri demonstrationem potissimam; de vera causa cur mathematicae disciplinae
ponantur ab Averroes in primo gradu certitudinis positae fuerint.
67 Voir la bibliographie supra.
68 Cité par B. Baldi, Cronica..., op. cit., p. 142. Pour une présentation
synthétique, voir B. Boncompagni, «Intorno alla vita e ai lavori di F. Barozzi», Bulletino
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 157

de medietate mathematicarum continentur69 : il s'agit pour l'auteur


de procéder à une critique approfondie du texte de Piccolomini et
d'affirmer que les mathématiques peuvent atteindre au même degré
de certitude que la logique, et que par là même elles peuvent être
appliquées à la connaissance des choses naturelles. Or, Francesco
Barozzi est intéressant à plus d'un titre : il a suivi dans ses années de
formation le cours de mathématiques de Pietro Catena, professeur à
Padoue - et lui-même partie prenante dans la polémique sur les
mathématiques -, il a en outre publiquement enseigné cette discipline à
Padoue70; spécialiste de Proclus, il a non seulement fait un cours sur
le Commentaire sur le premier livre d'Euclide, mais il en a été le
premier éditeur italien en 156071. La mention de ce travail éditorial,
joint à de nombreux autres72 indique la position centrale de Barozzi
dans le mouvement de «renaissance des mathématiques»,
constitutif du climat intellectuel qui préside aux discussions sur la certitude
des mathématiques. On comprend mieux l'intérêt de Barozzi pour le
néo-platonicien Proclus dans sa réponse à Piccolimini73.
On est donc ici confronté à un personnage qui participe du
mouvement qui a permis la réévaluation des mathématiques par le
biais du débat sur leur statut et d'un travail actif d'édition des textes
anciens, auquel il a collaboré aux côtés de Maurolico, Commandino

di bibliografia e di stona delle scienze matematiche e fisiche, voi. 17, 1887, p. 795-
848; DSB, voi. 1, p. 468; DBI, 1964, voi. 6, p. 495-499.
69 F. Barozzi, Opusculum, in quo una Oratio, et duae quaestiones : altera de
certìtudine et altera de medietate mathematicarum continentur, Padoue, 1560.
70 P. L. Rose, «A Venetian Patron and Mathematician of the Sixteenth Cen-
tury : Francesco Barozzi (1537-1604)», Studi Veneziani, voi. 1, 1977, p. 119-178.
lxIbid., p. 121.
72 II s'est notamment occupé de la mise au point de la traduction de la Collec-
tio de Pappus par Commandino et a traduit le De dimensionibus d'Archimède.
Comme Clavius, il a publié un commentaire de la Sphère de Sacrobosco, d'où un
échange de correspondance entre les deux hommes.
73 P. L. Rose, «A Venetian Patron...», art. cit., p. 125. Pour une analyse
précise de la relation épistémologique entre son travail éditorial sur Proclus et son
texte, voir l'éclairante introduction de L. Maierù, dans F. Barozzi, Admirandum
illud geometricum problema tredecim modis demonstratum , Venetiis, 1586,
L. Maieru éd., Bologne, 1991, p. XXXIV-XXXVII. On reprendra notamment sa
conclusion sur le commentaire de Proclus, op. cit. , p. XXXVI :
« We may definitely say that Proclus's text together with the lessons on it are
Barozzi's first attempt to set the real meaning that the questions on mathemati-
cal certainty come to assume in thè context of thè mathematician's concrete
work. It must also be pointed out that the lessons are limited to presenting only
the initial questions of Proclus's text, namely those concerning fondamental
issues : we are led to believe that the author has deliberately chosen to do this, and
he is more concerned with the meaning of mathematics and doing mathematics
than in questions that go into the détails of mathematics».
158 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

et Guidobaldo del Monte74, mais aussi de Clavius75. Et on peut, à ce


stade de l'analyse, suggérer qu'entre le jésuite et le patricien de
Venise les points communs ne manquent pas. Car, si l'on admet
l'importance de l'influence de Proclus sur Clavius, si l'on rappelle
l'admiration exprimée par celui-ci pour l'ouvrage de Barozzi76, on peut
avancer que la participation de Clavius au «retour de Proclus» doit
aussi au travail de Barozzi.
Quoi qu'il en soit, le mérite de Barozzi réside aussi dans le fait
d'avoir donné de l'ampleur au débat sur la quaestio de certitudine
mathematicarum, comme le confirme le livre du mathématicien
Pietro Catena77, qui succède aux deux premiers. Les informations
disponibles à son sujet sont peu nombreuses, elles concernent sa
naissance à Venise en 1501, et s'arrêtent à sa nomination à la chaire de
mathématiques de l'Université de Padoue en 1547, qu'il occupe
jusqu'à sa mort en 1576. Sa production se compose de traités
d'astronomie (un Astrolabe en 1549, une Sphère en 1561), de commentaires
aristotéliciens et d'ouvrages sur les mathématiques. Ses
contemporains ne semblent pas lui avoir reconnu le rôle que lui attribuent
certains historiens actuels et si l'on en croit B. Baldi, «Non sera uomo
di profonda dottrina e non ha dato fuori del suo altro che non
semplice e piccola sfera»78. Sa réflexion sur le statut des mathématiques
a été développée dans trois ouvrages, édités entre 1556 et 1563 : Uni-

74 Sur ces derniers, voir P. L. Rose, The Italian Renaissance of Mathema-


tics..., op. cit., chap. 8, 9 et 10, p. 159-242.
75 II est important de préciser que la réflexion épistémologique mise en
œuvre autour de la quaestio de certitudine mathematicarum a engagé les
mathématiciens attachés au travail éditorial. A ce titre, les préfaces ont joué un rôle
déterminant. Voir supra, note 8.
76 Outre la mention directe de cette traduction dans les Prolegomena,
rappelée dans une citation ci-dessus, on peut aussi s'appuyer sur l'extrait de la lettre
suivante, dans C. Clavius, Corrispondenza, vol. II, 1, p. 65 :
«Perche, essendo che già molti anni sono, habbia havuto gran opinione, e
stima di lei, per quella dota et erudita tradottione dei quatro libri di Proclo sopra
Euclide, mi è stata questa occasione tanto più cara per fare più stretta amiti-
cia...».
Cette lettre de 1586, qui inaugure un échange direct entre les deux hommes,
souligne l'importance du livre écrit vingt-six ans auparavant aux yeux d'un
Clavius alors devenu une figure importante de la communauté scientifique.
77 Sur le personnage, voir, pour une présentation synthétique, DBI, 1979, vol.
22, p. 325 et l'article de G. C. Giacobbe, cité plus haut, et surtout son livre, Aile
origini della rivoluzione scientifica rinascimentale..., op. cit. Une présentation de
certains aspects de son commentaire sur les questions mathématiques : L. Giard,
«Comment Pietro Catena lit les Loca Mathematica d'Aristote», art. cit., p. 151-171.
78 B. Baldi, Cronica..., op. cit., p. 135. Il est à cet égard symptomatique que la
Bibliothèque nationale de France ne dispose que d'un seul exemplaire du premier
des trois ouvrages cités, lequel se trouve dans un volume broché avec le texte de
Piccolomini.
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 159

versa loca in logicam Aristotelis in Mathematicas disciplinas hoc no-


vum opus déclarât19, Super loca mathematica contenta in Topicis et
Elenchis Aristotelis nunc et non antea in lucem aedita80 et Oratio prò
idea methodi81.
C'est dans ce dernier texte, d'une grande brièveté (neuf feuillets)
que la fonction instrumentale des mathématiques dans le discours
scientifique est clairement explicitée. Là se trouve l'affirmation
selon laquelle les mathématiques constituent une méthode applicable
aux autres sciences :
Nous avons suffisamment montré jusqu'ici que les principes des
mathématiques sont plus clairs que le soleil de midi, et que, de ce fait,
même les propositions qui en dérivent jouissent de la plus grande
certitude, dans cette discipline. Nous disions que la certitude d'une
discipline apparaît principalement dans la raison de sa Méthode et dans
l'enchaînement des démonstrations qu'elle contient. Toutes les
propositions qui sont expliquées en sorte qu'elles sont reliées entre elles
par un ordre ferme, que les premières tirent leur fermeté et leur
solidité des suivantes et les suivantes découlent des précédentes, qu'on ne
trouve rien qui soit isolé ou séparé d'elles, toutes ces propositions
jouissent d'une foi sûre en elle-même et méritent un jugement solide
auprès de tous. Quel que soit et combien admirable soit l'ordre dans
lequel ces disciplines mathématiques sont transmises, cela ressort
bien du fait qu'elles utilisent, pour leurs démonstrations, par des
exemples, la raison de la méthode dans les autres arts, elles-mêmes
n'utilisant pas, comme absolu, un exemple de l'Idée de la méthode,
mais l'Idée de la méthode, avec raison assurément82.
Chez Catena, l'accent est mis sur l'instrumentalité effective des
mathématiques en regard des sciences subalternes, en liaison avec
leur capacité à constituer un langage, une logique, à assumer une

79 P. Catena, Universa loca in logicam Aristotelis in Mathematicas disciplinas


hoc novum opus déclarât, Venise, 1556.
80 P. Catena, Super loca mathematica contenta in Topicis et Elenchis
Aristotelis nunc et non antea in lucem aedita, Venise, 1561.
81 P. Catena, Oratio prò idea methodi, Padoue, 1563.
82 P. Catena, ibid., p. 3r.-v. :
«Jam satis hinc persuasum est Mathematica principia luce meridiana esse
clariora, et ob id etiam ea, quae ex ipsis traduntur in his disciplinis esse
certissima. Tertio loca, certitudinem alicuius disciplinae praecipue declarari dicebamus
ex Methodi ratione, atque ex serie demonstrationum, quae in illa continentur :
Quaecumque sic explicantur ut denso quodam ordine inter se connectantur, ut-
que priora robur ac firmitatem posterioribus largiantur, posteriora pendeant a
praecedentibus, nihilque prorsus, vel absolutum, vel separatum ab aliis reperia-
tur, certam sibi fìdem, apud omnia solida judicia promerentur. Quamvis autem,
et quam admirabilis sit ordo, quo traditae sunt hae disciplinae, vel ex eo patet,
quod ad exemplis demonstrandam in caeteris artibus methodi rationem, ipsae
tamquam absolutum quoddam exemplar ab Idea methodi non dissidens, sed
tamquam Idea quaedam methodi adhibentur, et merito profecto».
160 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

fonction syntaxique83. Ainsi, même s'il n'a pas rencontré d'écho


enthousiaste parmi ses contemporains, le propos du mathématicien
padouan est plus radical que les deux précédents. Il semble que son
importance et sa résonnance furent moindres que celles des deux
autres. On doit sans doute attribuer cette différence de réception à
la différence de stature individuelle, sans négliger de prendre en
compte la position sociale des acteurs. Celle-ci détermine aussi des
positions intellectuelles qui leur permettent, ou non, d'intégrer leurs
positions sur les mathématiques dans un dispositif culturel plus
vaste, en l'occurence, celui de l'humanisme84. En d'autres termes, le
débat sur la quaestio de certitudine mathematicarum, qui a pour toile
de fond la «renaissance des mathématiques»85, a suscité un écho
d'autant plus fort qu'il impliquait des réseaux plus ou moins
complexes. On peut en outre gager qu'elle eut, dans les milieux
intellectuels vénitiens, puis romain, puis européen, l'importance qu'on
lui reconnaît aujourd'hui, à cause du travail préparatoire lancé
préalablement et poursuivi dans cette seconde moitié du XVIe siècle. Dès
la fin du XVe siècle, ceux-là mêmes qui se sont définis comme des
restauratores , ou instoratores des mathématiques, par leurs entre-

83 G. C. Giaccobbe, «La riflessione matematica...», art. cit., p. 194.


84 Sur la question des rapports entre humanisme et science à la Renaissance,
une importante réflexion a parcouru l'historiographie des trente dernières
années : nombre d'historiens des sciences ont pu voir dans la «renaissance des
lettres» et son corollaire, la valorisation d'une culture lettrée et artistique, un
obstacle à l'essor de la science moderne. Parmi les différentes contributions à ce
débat, on pourra consulter : E. Cochrane, «Science and Humanism in the Italian
Renaissance», The American Historical Review, vol. 81, 1976/5, p. 1039-1057;
M. P. Lerner, «L'humanisme a-t-il sécrété des difficultés au développement de la
science au XVIe siècle?», Revue de synthèse, vol. 100, janvier-juin 1979, p. 48-71;
E. Garin, «Gli umanisti e le scienze», Giornale critico della filosofia italiana, voi.
72, 1991, p. 341-356.
85 II s'agit ici de s'appuyer sur le travaii de P. L. Rose et de ce qu'il a défini
comme la «renaissance des mathématiques» : P. L. Rose, The Italian
Renaissance. . . , op. cit. Jusqu'à présent, les études d'histoire des sciences sur cette
période ont peu repris les pistes ouvertes par P. L. Rose, sauf dans l'optique d'une
étude de l'activité editoriale de cette période, notamment sur l'édition des textes
qui ont permis aux hommes de la seconde moitié du XVIe siècle de jouir de
nouvelles références, depuis les œuvres d'Euclide ou d'Archimède, jusqu'à celles
d'Apollonius ou de Proclus. Voir récemment C. Dolio éd., Archimede. Tra mito e
scienza, Florence, 1992, 486 p. L'importance quantitative et qualitative de cette
production, dont l'impact a été décuplé par l'imprimerie, a évidemment
contribué à donner aux mathématiques d'autres objets et par là même, à doter la
«révolution scientifique» d'un corpus fondateur et sans doute revendiqué comme tel.
Sur cette question spécifique, voir E. Eisenstein, La révolution de l'imprimé..., op.
cit. Une autre série de travaux, dont ce chapitre s'est souvent fait l'écho s'est
inscrit dans la veine de l'étude de N. Gilbert, op. cit., autour du débat sur la
méthode : voir supra la note 59.
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 161

prises éditoriales de vaste ampleur, ont commencé à développer, sur


le thème de la défense des mathématiques, une réflexion qui a
progressivement trouvé ses fondements épistémologiques dans les
nouveaux textes rendus disponibles grâce à un labeur philologique sans
précédent86. A ce stade, tradition humaniste et travail métamathé-
matique ont pu se rencontrer autour d'acteurs et de circuits
convergents. F. Barozzi a assurément constitué un carrefour à la croisée
des deux traditions, comme Clavius a pu l'être aussi, mais dans une
moindre mesure.
S'il n'est pas question de clore définitivement ce chapitre, il
apparaît en revanche clairement que Clavius fut de plain-pied dans son
siècle. Tous ses propos doivent être analysés à la lumière de ce qui
vient d'être trop schématiquement retracé. Son engagement s'est en
définitive situé sur le terrain de l'action éducative sans que son choix
apparaisse en contradiction avec toute l'analyse qui vient d'être
faite. Car, ses prédécesseurs et contemporains avaient, comme lui,
compris que la «renaissance des mathématiques» passait par une
réévaluation de cet enseignement dans les cursus universitaires87.
De tous les hommes de sa génération, Clavius était le seul à
pouvoir disposer d'un terrain d'expérimentation aussi décisif que les
collèges de la Compagnie; il était aussi le seul à pouvoir jouer un rôle
actif sur le plan didactique, dans ce contexte inédit de l'élaboration
de nouveaux programmes d'études. Sans doute la conscience aiguë
de sa position exceptionnelle, en tant qu'homme de savoir disposant
non seulement d'un programme complet et novateur mais aussi des
moyens de le mettre en œuvre pour «la plus grande gloire de Dieu»,
dans le cadre de la Compagnie, l'a-t-elle définitivement convaincu
qu'au-delà du discours des Prolegomena, l'action l'emportait.

86 Le chapitre que P. L. Rose consacre à Regiomontanus me semble


particulièrement significatif de cette convergence. En effet, dans une série de leçons
prononcées à l'Université de Padoue, dans les années 1460, l'astronome allemand
développe une réflexion sur la décadence de l'enseignement des mathématiques,
qui le conduit à défendre cette discipline, par opposition à la philosophie, au
nom de la certitude des mathématiques. Cette idée, reprise dans différents textes
postérieurs, se concrétise dans le programme éditorial qu'il lance en 1474, alors
qu'ayant sillonné une grande partie de l'Europe et ayant fait partie du cercle de
Bessarion qui l'a soutenu et encouragé, il a eu accès aux plus importantes
bibliothèques de son temps et joui d'une connaissance précise du matériel disponible.
Il faut donc retenir l'idée que «Regiomontanus a établi un modèle de la
combinaison des connaissances mathématiques et humanistes, caractéristique de la
renaissance des mathématiques». Mais, Regiomontanus apparaît comme le
premier maillon d'une chaîne qui compte au XVIe siècle Francesco Maurolico,
Federico Commandino, hommes par lesquels la connexion avec le milieu jésuite est
établie.
87 On l'a vu notamment avec Maurolico dans le chapitre précédent.
162 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

Aussi pour mesurer pleinement le caractère original de son


apport tant aux pratiques qu'à la réflexion mathématique de son
temps, il est nécessaire de confronter les textes de la Ratio dont il est
le principal responsable avec les projets et programmes
contemporains.

Originalité du programme jésuite dans l'Europe


de la Renaissance88

Pratiques universitaires italiennes du XVIe siècle

La question de l'éducation et de l'enseignement, centrale dans la


réflexion des hommes de la Renaissance, a suscité de nombreux
traités pédagogiques et des projets de réformes scolaires89. Les XVe et
XVIe siècles ont vu se multiplier les réformes des statuts
universitaires, ce qui rend d'autant plus intéressant l'établissement d'un
parallèle entre enseignements jésuite et non-jésuite. Si toutes les
disciplines universitaires ont été affectées par ce mouvement, ses effets
ont été particulièrement accentués en matière de science. Le travail
philologique et éditorial alors réalisé, la multiplication des
publications d'Euclide ou Ptolémée, les éditions d'Apollonius de Pergame
ou d'Archimède en particulier, ont permis le retour et la réactivation
des textes mathématiques grecs90, d'où un regard plus critique sur le
corpus de textes dont le commentaire avait nourri l'enseignement
médiéval91. Nombre de mathématiciens cités dans les pages qui pré-

88 II s'agit principalement ici d'ouvrir un dossier, qui sera repris dans le cadre
d'une étude plus vaste, consacrée aux programmes d'enseignement des
mathématiques dans l'Europe de la Renaissance. Cette esquisse sera nécessairement
déséquilibrée du fait de l'état inégal d'avancée de la recherche dans ce domaine et de
mon impossibilité à y remédier par un travail d'archives.
89 Un bon bilan de l'historiographie sur la question : P. F. Grendler, «Schoo-
ling in Western Europe», Renaissance Quaterly, vol. 43, 1990/1, p. 774-787.
90 Voir sur cette question V. Nutton, «Greek Science in the Sixteenth-Centu-
ry Renaissance», dans J. V. Fields et F. A. J. L. James éds., Renaissance and
Révolution. Humanists, Scholars, Craftsmen and Naturai Philosophy in Early Modem
Europe, Cambridge, 1993, p. 15-27.
91 II suffit de penser ici à la Cosmographia de F. Barozzi qui a très clairement
pour objectif de constituer un substitut définitif à la Sphère de Sacrobosco. P. L.
Rose, «A Venitian Patron...», art. cit., p. 135 : «The Renaissance astronomers
were anxious to clear away thè medieval commentaries and return to classical
sources as the foundation for the New Science. Their particular enemy was
Sacrobosco. In 1536 Francesco Maurolico in his letter to Cardinal Bembo had attac-
ked Sacrobosco as a «rudis astronomus» who obscured the light of Ptolemy,
Peurbach and Regiomontanus. Barozzi took up this thème and wrote his
Cosmographia in an avowed attempt to replace Sacrobosco as a university textbook by
something more enlightened».
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 163

cèdent ont directement travaillé à la production d'ouvrages destinés


au public scolaire, s'appuyant eux-mêmes sur des réseaux de
circulation de manuscrits ou de livres dès leur parution92. Sans doute
l'évolution de la figure de l'homme de science93 a-t-elle aussi permis
celle des cadres institutionnels médiévaux, favorisant par là même
l'émergence d'une nouvelle image des sciences et d'un nouveau
statut (épistémologique) des disciplines et (social) des spécialistes94. De
plus, dans certains cas la demande sociale a pu provoquer un
infléchissement des programmes dans des voies plus techniques, mais
qui exigeaient des fondements scientifiques. Enfin, avec la
constitution des premières académies privées95, les réseaux de la sociabilité
savante s'étendent en dehors de l'Université et contribuent à la
constitution d'un public pour le débat scientifique.
Ainsi, tout en s'inscrivant dans la tradition médiévale du quadri-
vium96, musique, arithmétique, géométrie et astronomie,
l'enseignement des sciences à la Renaissance a subi les différents résultats de
cette évolution97.
S'il est aujourd'hui prématuré d'en proposer une vision synthé-

92 Une bonne analyse du phénomène dans P. L. Rose, «Humanist Culture


and Renaissance Mathematics : the Italian Librairies of the Quattrocento», Stu-
dies in the Renaissance, vol. 20, 1973, p. 46-105.
93 Depuis le livre de R. Mandrou qui continue à faire référence, R. Mandrou,
Des humanistes aux hommes de science, XVIe et XVIIe siècles, Paris, 1973, 244 p.,
différents travaux se sont occupés de cette figure. Voir notamment V. Ferrone et
P. Rossi, Lo scienziato nell'età moderna, Rome-Bari, 1994, 129 p.
94 Voir sur ces questions R. S. Westman, «The Astronomer's Rôle in the Six-
teenth Century : a Preliminary Study», art. cit.; M. Biagioli, «The Social Status of
Italian Mathematicians, 1450-1600», art. cit.
95 L'abondance de la bibliographie sur cette question interdit d'en proposer
une recension exhaustive. Pour l'Italie du XVIe siècle, outre les références citées
dans les notes supra, on notera le renouvellement historiographique qui concerne
particulièrement Rome : A. Clericuzo et S. De Renzi, «Medicine, Alchemy and
Naturai Philosophy in thè Early Accademia dei Lincei», dans D. S. Chambers et
F. Quiviger éds., The Italian Académies..., op. cit., p. 175-194; J. F. D'Amico, «The
Roman Académies», dans Renaissance Humanism in Papal Rome. Humanists and
Churchmen on the Eve of Reformation, Baltimore et Londres, 1983, p. 89-112. On
signalera en outre les différents articles de la revue Roma moderna e
contemporanea : L. Alemmano, «L'Accademia degli Umoristi», Roma moderna e
contemporanea, voi. 3/1, 1995, p. 97-120; R. Merolla, «L'Accademia dei desiosi», Roma
moderna e contemporanea, voi. 3/1, 1995, p. 121-155. Pour les Lincei, S. Ricci, «Una
ftlosofìca milizia». Tre studi sull'Accademia dei Lincei, Udine, 1994, 110 p.
96 J. E. Murdoch, «Mathesis in philosophiam scholasticam introducta...», art.
cit.; Weisheipl J. A., «The Piace of Liberai Arts in the University...», art. cit.;
J. North, «The Quadrivium», dans H. de Ridder-Simoens éd., A History of the
University in Europe. I : Universities in the Middle Ages, Cambridge, 1992, p. 337-
359; L. Giard, «Sur le cycle des "artes"...», art. cit.
97 Comme le rappelait C. B. Schmitt, dès 1973, en constatant la difficulté
avec laquelle les chercheurs appréhendaient l'étude des universités à la
Renaissance, certaines de ces institutions, d'origine médiévale, ont subi des transforma-
164 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

tique98, il est en revanche indispensable d'en signaler quelques


caractéristiques pour les deux espaces italien et français", même si
entre les deux pays, les traditions universitaires présentent
d'innombrables et incontestables nuances : la moindre importance de la
faculté de théologie dans les Universités de la péninsule, par
opposition au modèle français100; la différence du rapport entre l'université
et les pouvoirs publics101; le contraste entre dynamisme des centres
italiens et déclin des pôles français102.
Dans le domaine des sciences, le contraste apparaît encore plus
net, même s'il est survalorisé par les inégalités de la bibliographie103.
En effet, dans le sillon des études galiléennes, de nombreuses
recherches ont pris pour objet les deux universités où le
mathématicien florentin avait enseigné, Pise et Padoue104. Puis, l'intérêt pour

tions radicales au cours du XVIe siècle : C. B. Schmitt, «The Faculty of Arts at


Pisa at thè Time of Galileo», Physis, vol. 14, 1972/3, p. 245.
98 En l'absence de toute synthèse sur la question de l'enseignement à la
Renaissance, et a fortiori sur l'enseignement des mathématiques, il faut se contenter
de tracer des axes de réflexion à partir des travaux disponibles. A l'inverse de la
période médiévale, pour laquelle les ouvrages de J. Le Goff et J. Verger ont
ouvert la voie à de nouvelles recherches. Le volume dirigé par J. Verger, Histoire des
Universités en France, Toulouse, 1986, 432 p., indispensable pour la France,
n'offre pas les nécessaires points de comparaisons avec les autres espaces
européens. On se reportera donc à son recueil d'articles J. Verger, Les universités
françaises au Moyen Age, Leyde, 1995, 255 p. On complétera avec H. de Ridder-
Simoens éd., A History ofthe University in Europe..., op. cit.
99 Pour des raisons propres à mon sujet, ces deux espaces sont essentiels : le
premier, car l'inscription de la Compagnie en Italie a signifié la prise en compte
de traditions universitaires locales d'une extrême richesse et à la fonction modéli-
sante pour l'ensemble de l'Europe médiévale; le second, à cause de l'influence du
«modus parisiensis» sur la pédagogie jésuite. Je fais référence ici à G. Codina
Mir, Aux sources de la pédagogie jésuite..., op. cit.
100 P. O. Kristeller, «The Scholar and his Public in thè Late Middle Ages and
the Renaissance», dans Medieval Aspects of Renaissance Learning. Three Essays by
P. O. Kristeller, edited and translated by E. P. Mahoney, Durham (NC), 1974, p. 1-
25.
101 E. Garin, «La concezione dell'Università in Italia nell'età del
Rinascimento», dans Les Universités européennes du XIVe au XVIIe siècle. Actes du colloque
international à l'occasion du VIe centenaire de l'université Jagellonne de Cracovie, 6-8
mai 1964, Genève, 1967, p. 84-93.
102 J. Le Goff, «La conception française de l'université à la Renaissance»,
dans ibid., p. 94-100. Sur cette question, comme sur la précédente, l'histoire de
l'université s'est renouvelée dans les dernières années, comme le souligne
l'existence de revues spécialisées d'histoire de l'éducation, notamment History of Uni-
versities, publiée à Cambridge et Histoire de l'éducation, en France. Pour une
bibliographie solide, P. F. Grendler, «Schooling in Western Europe», art. cit.
103 II est en effet important de rappeler que, face à une historiographie
italienne et anglophone abondante sur Pise et Padoue notamment, dans le cas
français, en revanche, on se trouve confronté à un réel vide.
104 Galilée a occupé la chaire de mathématiques de l'université toscane de
1589 à 1592; puis il est passé à Padoue où il a enseigné jusqu'en 1610, avant de
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 165

ces deux pôles universitaires a été renouvelé par les spécialistes


d'histoire intellectuelle et notamment de l'aristotélisme renaissant.
Ce qui permet à présent d'avoir une idée plus précise de ce qu'était
l'enseignement des sciences à l'époque où la Compagnie organisait
ses premiers cours de mathématiques.
A Pise, à partir de 1543, date de la réouverture de l'Université
par Cosme 1er, l'enseignement de la faculté des arts apparaît
nettement orienté vers la formation médicale105. Le programme de
mathématiques se trouve sous la responsabilité d'un professeur
indifféremment dénommé «mathématicien» ou «astrologue», dans les
registres de l'université. Parmi les occupants de la chaire,
d'importance inégale, Giuliano Ristori et Filippo Fantoni se sont distingués.
Ce dernier, camaldule, prédécesseur direct de Galilée, a laissé
nombre de manuscrits susceptibles d'éclairer les pratiques
d'enseignement à la fin du XVIe siècle106.
Le programme de mathématiques, tel qu'il est défini par les
statuts107, prévoit, sur trois ans, l'étude en premier lieu de Sacrobosco,
puis celle d'Euclide et enfin celle de Ptolémée. Le recours aux
archives permet cependant de reconstituer plus précisément cette
formation. Ainsi, l'étude des Eléments d'Euclide se trouve le plus souvent
limitée aux deux ou trois premiers livres; le commentaire de Ptolé-

quitter définitivement sa charge de professeur d'université pour devenir


«philosophe et mathématicien du Grand Duc de Toscane». Voir L. Geymonat, Galilée,
trad. française, Paris, 1992, 343 p.
105 L'université se compose à cette date de trois facultés, théologie, arts et
médecine. L'analyse de C. B. Schmitt souligne le caractère annexe des sujets
comme la botanique, les mathématiques, le grec, le latin et l'hébreu, conçus
comme des compléments indispensables à l'enseignement de la médecine. C. B.
Schmitt, «The Faculty of Arts at Pisa at thè Time of Galileo», art. cit. , p. 252. Voir
aussi Id., «The University of Pisa in the Renaissance», History of Education, vol.
3, 1974/1, p. 3-17; Id., «The Studio Pisano in the European Cultural Context of the
Sixteenth Century», dans Firenze e la Toscana dei Medici nel Europa del 500. Atti
del convegno internazionale di studio tenutosi a Firenze dal 9 al 14 giugno 1980, a
cura di G. Garfagnini, Florence, 1983, t. 1, p. 19-36. Voir en outre C. Maccagni,
art. cit.
106 Filipo Fantoni a occupé la chaire de mathématiques de l'université entre
1560 et 1566, puis entre 1582 et 1589. Pour une présentation biographique, voir
C. B. Schmitt, «Filipo Fantoni, Galileo Galilei's Predecessor as Mathematics Lec-
turer at Pisa», dans Science and History. Studies in Honor of E. Rosen, Wroclaw,
1978, p. 55, n. 6.
107 Edition récente par D. Marrara, «Gli statuti di Cosimo I», dans Storia
dell'Università di Pisa, vol. 1**, Pise, 1993, p. 579-645. Le détail de l'organisation des
cours se trouve au chapitre 44, De libris legendis in quacunque facultate. Outre le
programme des philosophes, centré sur le commentaire du corpus aristotélicien,
le programme prévoit, op. cit., p. 616 : «Astronomi primo anno legant Auctorem
Sphère; secundo Euclidem interpretentur; tertio quadam Ptholomei». Le
caractère rudimentaire de l'enseignement de mathématiques est à la mesure de la
précision du programme.
166 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

mée peut aussi porter sur la Géographie ou le Tetrabiblios qui oriente


alors l'enseignement en direction de l'astrologie108; enfin, d'autres
auteurs sont étudiés, de manière plus ou moins officielle. Parmi eux,
G. Peurbach et Oronce Fine109. Parallèlement, certaines questions
particulières se trouvent au cœur des préoccupations des
professeurs : le problème de la chute des corps intéresse Filippo Fantoni
qui y consacre un traité resté manuscrit110, de même que la question
de la certitude des mathématiques111. Cette orientation des
recherches du mathématicien camaldule, rapportée à celle d'autres Pi-
sans comme Girolamo Borro112 ou Francesco Buonamici113,
constitue un indicateur intéressant de la culture mathématique répandue
dans ce milieu, fortement marqué par l'empreinte platonicienne.
Pourtant, au-delà de cette caractérisation, essentielle pour la genèse
de la pensée galiléenne, il apparaît clairement que le statut des
mathématiques dans l'ensemble du système universitaire toscan ne fait
l'objet d'aucune préoccupation particulière. De ce point de vue, on
se trouve aux antipodes de la réflexion et des combats de Clavius. En
effet, si les jésuites ont été préoccupés par un modèle, ce fut par
celui qu'offrait Padoue, dont le rayonnement, dans cette période, ne
souffrait aucune concurrence114.
Là, à Padoue, était née la quaestio de certitudine mathematica-
rum, là aussi ont enseigné les principaux défenseurs de la
réévaluation des mathématiques. Pourtant, au-delà des débats de méthode
dont le rôle fut essentiel à l'émergence de la science moderne, après
1550, quel fut l'enseignement de la discipline? Les programmes des
leçons dispensées annuellement permettent de sonder les pratiques,

108 C. B. Schmitt, «The Faculty of Arts...», art. cit., p. 259 : «Ail of this indi-
cates quite clearly that there was a strong occult élément in the teaching of ma-
thematics and astronomy at Pisa from the reopening of the Studio in 1543 until
thè time of Galileo».
109 C. B. Schmitt, ibid. On retrouve ici des auteurs cités, dès 1548, par Nadal
pour le collège de Messine.
110 C. B. Schmitt, «Filipo Fantoni, Galileo Galilei's Predecessor...», art. cit.
111 Ce type d'intérêt pour les mathématiques peut être mis en relation avec le
caractère platonicien de l'enseignement philosophique dispensé à l'université
dans la même période : comme le précise C. B. Schmitt, Pise est l'une des
premières universités à avoir dispensé un cours de philosophie platonicienne, à
partir de 1576 : C. B. Schmitt, «The University of Pisa... », art. cit., p. 13. Sur le
platonicien Mazzoni, professeur de philosophie à Pise entre 1588 et 1597, voir F. Jr.
Purnell, «Jacopo Mazzoni and Galileo», Physis, vol. 15, 1973/3, p. 273-294.
112 Voir C. B. Schmitt, «Girolamo Borro's Multae sunt nostrarum ignoratio-
num causae», dans E. P. Mahoney éd., Philosophy and Humanism. Renaissance
Essays in Honor of P. O. Kristeller, Leyde, 1976, p. 462-476.
113 Voir M. O. Helbing, La filosofìa di Francesco Buonamici..., op. cit.
114 Pour une analyse d'ensemble de l'université de la Serenissime, voir les
différentes contributions réunies dans la Storia della cultura veneta, G. Arnaldi et
M. Pastore Stocchi dir., vol. 3 et 4, Vincenze, 1980-1983.
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 167

notamment celles des professeurs engagés dans la quaestio de certi-


tudine. Au début des années 1580, les cours de Giuseppe Moleto115,
l'élève de Francesco Maurolico, sont centrés sur Euclide, la Sphère
de Sacrobosco, mais aussi l'optique, la mécanique, la géométrie de
la sphère et la perspective116. On se trouve donc ici confronté à un
programme proche de celui qu'à la même époque Clavius destinait
aux futurs spécialistes de mathématiques de la Compagnie et, si
l'hypothèse paraît audacieuse, on peut cependant voir dans cette
parenté d'intérêts l'influence du mathématicien sicilien, Maurolico. Ainsi
des points de convergence se dessinent entre les mathématiciens pa-
douans et ceux du Collegio Romano, mais l'enquête demande à être
poursuivie systématiquement. Selon cette hypothèse, on pourra
alors construire les étapes de la structuration d'une culture
mathématique qui, de Messine à Padoue, puis à Rome, met Clavius au
cœur du processus de revalorisation des mathématiques.

Réseaux français

Les travaux de F. de Dainville rendent nécessaire la


comparaison, même partielle, avec la situation française : le premier chapitre
de son ouvrage sur l'enseignement de la géographie en milieu jésuite
n'est-il pas intitulé «A l'école des maîtres parisiens»117? De fait,
l'importance de l'étape parisienne dans la formation intellectuelle
d'Ignace et de ses compagnons a souvent été étudiée depuis118. Faut-il
pour autant considérer que «devenus fondateurs de collèges, [les
jésuites] mirent leurs programmes à la mode de Paris, c'est-à-dire
qu'on fit aux sciences exactes une place accessoire»119? La réponse à
cette question suppose une connaissance, même superficielle, des
pratiques parisiennes, aussi bien pour l'université que pour le
Collège royal.
Dans la première, où l'opposition à la Compagnie a sans doute
été parmi les plus virulentes de l'Europe120, les programmes
d'enseignement sont définis par la réforme du Cardinal d'Estouteville,

115 Voir A. Carugo, «Giuseppe Moleto...», art. cit.


116 A. Carugo, «L'insegnamento della matematica...», art. cit., p. 176-177.
117 F. de Dainville, Les Jésuites et l'éducation de la société française..., op. cit.,
p. 1-21.
118 Outre l'ouvrage de référence sur la question, G. Codina Mir, op. cit. , on
pourra consulter, de manière complémentaire, l'étude plus ponctuelle de
J. K. Farge, «The University of Paris in the time of Ignatius of Loyola», art. cit.
119 F. de Dainville, op. cit., p. 36.
120 Pour une analyse détaillée, voir l'introduction de C. Sutto à E. Pasquier,
Le catéchisme des Jésuites, édition critique par C. Sutto, Sherbrooke, 1982, 569 p.
168 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

réalisée en 1452. Le texte présente un très grand flou. S'inscrivant


dans la continuité de la pratique médiévale121, il indique :
Nous renouvelons le statut qui veut que nul ne soit admis à la
licence dans ladite faculté, soit à l'examen de Notre-Dame, soit à
l'examen de Sainte-Geneviève, si, outre les livres déjà mentionnés, il n'a
entendu à Paris, ou dans quelque autre studium generale, les livres de
la Physique, de la Génération et de la corruption du ciel et du monde,
les Parva Naturalia (...), le livre de la Métaphysique, à moins qu'il ne
l'étudié actuellement, quelques livres de mathématiques, des livres de
morale, surtout la plus grande partie de l'Ethique122.
A la fin du XVIe siècle, les lois et statuts de l'académie et de
l'Université de Paris, promulgués par Henri IV, en 1598, apportent
quelques précisions :
37°. Le cours de philosophie doit durer deux ans. Au bout de ce
temps, les écoliers peuvent prétendre au laurier de maître ès-arts.
38°. Pour y arriver, les professeurs de philosophie expliqueront
avec soin, en deux ans, les ouvrages d'Aristote, dans l'ordre fixé ci-
après.
(...)
40°. La seconde année, le matin, la physique d'Aristote; le soir, la
métaphysique, tout entière, si cela est possible; sinon, le premier, le
quatrième et le onzième livre seront expliqués avec un soin extrême.
A six heures du matin, la Sphère avec quelques livres d'Euclide123.
Si, à un siècle d'intervalle, le document royal précise plus
nettement les choses, il n'en demeure pas moins que l'enseignement des
mathématiques paraît non seulement secondaire, mais surtout
particulièrement annexe dans le cursus des artiens et peu approfondi
du point de vue des contenus. L'Université n'est pas le lieu où les
préoccupations scientifiques prévalent : certes, une enquête
systématique sur les professeurs et les cours doit être menée, mais on
peut, à la lumière de ces statuts, supposer que le résultat ne
modifiera pas substantiellement ce constat124.

121 Pour une description d'ensemble, voir C. Thurot, De l'organisation de


l'enseignement dans l'Université de Paris au Moyen-Age, Paris, 1850, p. 51-52 et 82.
122 Les statuts de l'Université de Paris sont réunis dans C. E. Du Boulay, His-
toria Universitatis Parisiensis ipsius fundationem, nationes, facultates, magistra-
tus, decreta, censuras et judicia in negotiis fidei, privilegia, comitia, legationes, re-
formationes. Item antiquissimas Gallorum academias, aliarum quoque universita-
tum et religiorum ordinum, qui ex eadem communi matre exierunt, institutiones et
fundationes, aliaque id genus cum instrumentis publicis et authenticis a Carolo
M. ad nostra tempora ordine chronologico complectens , 6 tomes, Paris, 1665-1673.
Pour une édition de ce texte, A.-F. Théry, Histoire de l'éducation en France, depuis
le cinquième siècle jusqu'à nos jours, vol. 1, Paris, 1858, p. 349.
mIbid.,p. 364.
124 II ne faut pas oublier qu'au début du XVIe siècle, les Espagnols ont joué un
rôle non négligeable dans la tradition d'enseignement des mathématiques dans
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 169

Mais cette appréciation d'ensemble doit être nuancée dans un


contexte parisien où la chaire de mathématiques du Collège Royal a
joué un rôle important, en accueillant les principaux
mathématiciens français de la seconde moitié du XVIe siècle125. Certains d'entre
eux ont non seulement laissé une contribution de premier ordre à la
vie scientifique parisienne de cette période, mais ils se sont aussi et
parallèlement engagés dans un combat en faveur des
mathématiques, dont certains traits ne sont pas sans rapport avec celui de
Clavius. Rendre compte de ce mouvement exigerait une étude
d'ensemble. Mais, en choisissant certaines figures de cette histoire, je
voudrais identifier les caractères propres de la «culture
mathématique» qui se développe à Paris au XVIe siècle. Une étude ultérieure
permettra d'évaluer si on peut définir des filiations, parler d'un
«milieu», mettre en évidence un ou des projets collectifs pour les
mathématiques.
Il faut, en tout cas, faire une place particulière à Oronce Fine
(1494-1555), malgré le caractère secondaire de sa production126. Les
raisons de ce choix sont multiples : d'abord, son enseignement a été
suivi par Ignace et les premiers compagnons à Paris, ensuite ses
livres ont connu une diffusion importante127, enfin ses livres ont ser-

l'université parisienne : tel fut le cas de Pierre Sanchez Cirvelo, lecteur de


mathématiques en 1502. Voir R. Villoslada, La Universidad de Paris durante los estudios
de Francisco de Vitoria, Rome, 1938, 468 p.; H. Elie, «Quelques maîtres de
l'Université de Paris vers l'an 1500», Archives d'histoire doctrinale et littéraire du
Moyen Age, 25e et 26e années, 1950/1951, p. 193-243. Sur la postérité de cette
«école ibérique» en mathématiques, il n'existe aucune synthèse. Pour les
mathématiques à l'époque médiévale, on peut se reporter à G. Beaujouan, Par raison de
nombres. L'art du calcul et les savoirs scientifiques médiévaux, Londres, 1991, 320
p. Sur la logique, voir E. J. Ashworth, «Traditional Logic», CHRP, p. 143-172.
125 Sur cette création, S. d'Irsay, Histoire des Universités françaises et
étrangères, t. 1 : Moyen Age et Renaissance, p. 270-274. La liste fournie par G. Du Val,
Le Collège Royal de France ou Institution, Etablissement et Catalogue des lecteurs et
professeurs ordinaires du Roy..., Paris, 1645, est la suivante : Martin Poblation;
Oronce Fine; Guillaume Postel; Paschal Du Hamel; Jacques Charpentier;
Jacques Peletier; Jean Pena; Pierre Forcadel; Jean de Merlières; Henri de Monan-
theuil... (p. 32-38). Le faible degré d'avancement de la recherche sur ces hommes
n'autorise pour l'heure aucun commentaire pertinent à propos de cette liste.
126 Voir B.U., vol. 14, p. 131-132; DSB, vol. 15, p. 153-157. Pour une
appréciation succincte de son œuvre, voir R. Taton dir., Histoire générale des sciences, t.
2 : La science moderne, de 1450 à 1800, Paris, 1958, p. 45.
127 La liste des ouvrages encore disponibles à la Bibliothèque nationale de
France est éloquente à cet égard : Arithmetica practica..., Paris, 1535; Arithmetica
practica... et compendium per authorem ipsum..., 1544; Les canons et documents
très amples touchant l'usage et pratique des communs almanachs... astrologie
judiciaire, Paris, 1551; La composition et usage du quarré géométrique..., Paris, 1556;
De duodecim caeli domicilibus et horis inaequalïbus..., Paris, 1553; Epistre exhor-
tative touchant la perfection et commodité des arts libéraulx mathématiques,
composé soulz le nom et tiltre de la très antienne et noble princesse dame philo-
170 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

vi de référence dans les premiers programmes de mathématiques


jésuites, comme ceux du collège de Messine notamment.
Fine (Oronce), fils de François Fine, médecin estimé du Brian-
çonnais, perdit son père dès sa jeunesse; et soutenu par un généreux
compatriote, fut achever ses études à Paris, au collège de Navarre. La
mécanique fut d'abord la partie à laquelle il se livra, et il acquit
bientôt une brillante réputation, par une horloge en bois. Agrégé à
l'Université, en qualité de professeur de mécanique et de
mathématiques, il s'opposa avec une telle opiniâtreté au concordat, qu'il fut
enfermé. Après son élargissement, il fut donner ses leçons au collège de
Maître-Gervais, d'où il passa au collège royal en 1530. La gloire que
lui procura son mérite supérieur pour le temps, était telle que les
ambassadeurs et les princes étrangers se faisaient un plaisir de le visiter
et de le connaître : honneur qui lui fut, il est vrai, peu profitable, mais
qui prouve du moins l'estime dont il jouissait. Ses ouvrages,
comparés avec ceux des génies de ce siècle, sont peu de choses sans doute;
mais ces génies placés au siècle de Fine et de Borrel n'eussent peut-
être pas été plus estimables. Ce n'est donc pas par le peu de succès
qu'eurent leurs soins, qu'on doit juger leur mérite. L'ignorance
générale, raffermie par les troubles de religion; le peu de récompense que
put alors obtenir le vrai mérite; tout contribua à rendre inutiles les
efforts de Fine, qui mourut de chagrin de ne pouvoir obtenir de la cour
les récompenses qu'on lui avait promises. Il occupait ses moments de
loisir à tracer les cartes qui, par leur produit, l'empêchaient de
ressentir les tristes effets de la misere. Ses amis, après sa mort, qui arriva en
1539, chargèrent sa tombe de vers. Il avait pris pour devise : virescit
vulnere virtus. L'on a recueilli en trois volumes in-fol. ses œuvres
latines de géométrie, d'optique, de géographie et d'astrologie128.
Cette description, qui met en avant le rôle joué par O. Fine dans
les questions de gnomonique129 ainsi que son statut de professeur de
mathématiques au Collège Royal et son engagement politique et re-

sophie..., Paris, 1543; In eos quos de mundi sphaera conscripsit libros ac in plane-
tarum theoricas canonum astronomicum libri II..., Paris, 1553; In proprium plane-
tarum aequatorium..., Paris, 1538; In sex priores libros geometricorum elemento-
rum Euclidis..., Paris, 1536; Liber de geometrìa practica..., Argenteuil, 1544; De re
et praxi geometrica libri très.. . , Paris, 1556; La pratique de la géométrie, traduite par
P. Forcadel, Paris, 1570; De mundi sphaera, sive cosmographia, primave astrono-
miae parte lib. V..., Paris, 1542; La sphère du monde..., 1551; Protomathesis...,
Paris, 1532; Quadrans astrolabicus..., Paris, 1534; Quadratura circuii..., Paris, 1544;
De rectis in circuii quadrante subtensis..., Paris, 1550; De solaribus horologiis...,
Paris, 1560; De speculo ustorio..., Paris, 1551; Sequitur tabula multiplicationis...,
s.l.n.d.; La théorique des cielz..., Paris, 1528; De universali quadrante..., Paris,
1550. Il faut ajouter à cette liste, les ouvrages qu'il a traduits en français.
128 G. Allard, Bibliothèque du Dauphiné, contenant l'histoire des habitants de
cette province qui se sont distingués par leur génie, leurs talents et leurs connois-
sances, nouvelle édition revue et augmentée, Grenoble, 1797, p. 158-160.
129 Voir, sur cette question, D. Hillard et E. Poulie, Oronce Fine et l'horloge
planétaire, Paris, 1971; E. Poulie, Les instruments de la théorie des planètes selon
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 171

ligieux, n'insiste pas sur un élément important de son apport,


pourtant présent dans son œuvre editoriale. Si l'on considère sa
cosmographie, Les sphères du monde, proprement dites cosmographie,
composée nouvellement en françois, et divisée en cinq livres,
comprenons la premiere partie de l'astronomie, et les principes universels de la
géographie et hydrographie, on y trouve une epistre, touchant la
dignité, perfection et utilité des sciences mathématiques130 :

Sont les clefz de tout perfet savoir,


Oncques vivant ne fait son bon devoir
A les aimer (...)
Il est donc cler que les mathématiques
Très nobles sont perfettes, authentiques
et le miroer de toute certitude :
Car tous les ars nobles ou mechaniques
D'elles ont prins leurs cours et habitudes
Ce que voyant Main homme d'estude,
Tous autres arts il souhaitta semblables
Aux susdittes, tant les trouva feable
(...)
Ou encore cette ingénuité par laquelle nous apprenons que
Platon qui fut homme de grand mémoire
Laissant souvent le manger et le boire
Pour contempler ces nobles disicplines (...)131.

Il faut donc, avec nombre de ses biographes, conclure que si


Oronce Fine ne fut pas un grand mathématicien de la Renaissance,
du moins contribua-t-il à diffuser cette discipline et à en souligner
l'importance : le thème de la noblesse, de la perfection et de la
certitude des mathématiques, clairement inscrit ici dans une référence à
Platon, est traité sur un mode rhétorique mineur, mais c'est sans
doute dans ce recours à un registre littéraire, marginal mais
représentatif de cette époque132, que réside l'intérêt de cette prise de
position. Certes, l'heure n'est pas encore à la quaestio de certitudine
mathematicarum, mais son propos, qui n'est pas encore fondé sur la
relecture du texte aristotélicien des Seconds Analytiques, permet d'i-

Ptolémée : équatoires et horlogerie planétaire du XIIIe au XVIe siècle, 2 vol., Paris-


Genève, 1980.
130 Par Oronce Fine, natif du Daulphiné, lecteur Mathématicien du tres-
chrestien Roy de France en l'université de Paris. Paris, 1551, 64 f. Voir épître
finale, f. 59-64.
131 Cité par J.-C. Margolin, «L'enseignement des mathématiques en
France...», art. cit.
132 Sur la «poésie scientifique», I. Pantin, La poésie du ciel en France dans la
seconde moitié du XVIe siècle, Genève, 1995, 555 p.
172 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

dentifier un des topoi du discours scientifique parisien du milieu du


XVIe siècle, et auquel Jérôme Nadal fut sans doute sensibilisé.
C'est aussi ce thème qui parcourt l'œuvre de Jacques Peletier du
Mans, presque contemporain et certainement opposant de Cla-
vius133, lui-même auteur d'une œuvre mathématique, centrée sur la
géométrie et l'arithmétique134. Pas plus qu'il ne paraît possible de
mesurer l'impact de ce mathématicien, qui enseigna successivement
à Poitiers, Bordeaux et Paris, il n'est envisageable de définir une
«culture mathématique» qui lui serait propre. Pourtant, son intérêt
pour les questions de type arithmétique, à mettre en corrélation avec
sa réflexion sur la langue française135, renvoie sans doute à des
positions épistémologiques qui, tout en valorisant la place des
mathématiques dans la hiérarchie des savoirs, diffèrent de celles d'un Clavius.
Autant le professeur jésuite a fait de la géométrie et de l'astronomie
ses champs d'investigation favoris, autant le maître français a
systématiquement affirmé la supériorité de l'algèbre sur les autres
sciences mathématiques :
Quant est de l'Algebre qui est la plus excellente et ingénieuse
chose qui soit en toutes les Matematiques, il est certain que les
Racines non seulement Quarrees et Cubiques, mais encore les autres par
dessus, i sont essencielles et nécessaires (...) Des plus nécessaires d'i-
celles nous en réserverons l'exposition a quand nous ferons une
algebre, si plaist a Dieu. Laquelle a ete par ci devant traitée et
augmentée fort richement : Mais en ceux qui en ont parlé, encores ie
requiers une ordonnance et metode unie avec 'art. Entre lesquelz sont
Gerome Cardan homme autrement le plus parfont es Matematiques
de nostre temps : Michel Stifel Allemant (duquelle Livre m'a enseigné
l'Algebre) : qui en a parlé après Cretosle Ianuer aussi Allemant, lequel
l'avoit ecritte en son vulgaire : et frère Lucas Italien, qui a fait aussi
une Aritmetique en sa langue. Ausquelz tous nous sommes
grandement redevables pour nous avoi enrichiz de leur labeur : Comme en
toutes parties de Matematiques fait très bien son devoir notre
renommé Oronce Fine lecteur du Roi en l'Université de Paris. Nous avons
aussi en notre France François Monsieur de Candalle, Prince, duquel
ne sai si l'esprit donne plus de lustre a la noblesse, ou la noblesse a
l'esprit, et ne sai si nous avons homme qui lui puisse estre préféré,
singulièrement en la Geometrie, de laquelle (et entre autres du di-
ziesme livre d'Euclide) avec grand plaisir et admiration l'oui derniere-

133 Voir, à propos de leur polémique sur l'angle de contingence : L. Maierù,


art. cit.
134 L'Aritmetique de Iacques Peletier du Mans, départie en quatre livres a
Théodore de Besze, reveûe et corrigée, Poitiers au Pélican, par Iean de Marnef, 1552,
106 p.; Les six premiers livres des Eléments géométriques d'Euclide avec les
démonstrations de Jacques Peletier du Mans. Traduicts en françois et dédiés à la
Noblesse françoise, a Genève de l'Imprimerie de Jean de Tournes, 1611, 299 p.
135 G. C. Ciffoletti, op. cit. Voir notamment p. 220-254.
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 173

ment deviser au château de Dissai, près Poitiers ou i'allai trouver très


illustre et très débonnaire Princesse la Roine de Navare. Gemme
Phrisien Médecin et Matematicien de Louvain nous avoit promis un
traittè d'Algebre : mais ie crois bien que ce qui l'a fait différer, a etè
l'édition de Stifel et de Cardan, qui l'ont prévenu...136.
Dans cet extrait de L'Aritmetique, non seulement Jacques Pele-
tier reformule l'idée de la supériorité de l'algèbre sur la géométrie,
par exemple, mais il construit une généalogie de mathématiciens
dont il se fait l'héritier, qui puise ses repères dans une tradition
éloignée de celle qui caractérise, au même moment, le milieu padouan.
Or, ces hommes dont certains sont ses contemporains, sont loin
d'être des inconnus pour Clavius137, mais ils se situent au second
plan des intérêts de celui-ci138.
Le discours de Peletier sur les mathématiques doit être
considéré avec d'autant plus d'attention que son auteur est au cœur d'un
réseau français aux multiples interfaces. Avec les autres
mathématiciens de sa génération d'abord. Elève d'Oronce Fine, il fréquente à
différentes reprises les professeurs parisiens, dans les années 1540
d'abord, puis autour de 1560 et de 1580, et parmi eux, Guillaume
Gosselin, Henri de Monantheuil, peut-être François Viète; il se
trouve aux côtés d'Elie Vinet à Bordeaux dans les années 1570139.
D'autre part, il fréquente le milieu humaniste de l'Académie de Baïf
et celui des poètes de la Pléiade, compose un Dialogue de
l'orthographe140, des poëmes et édite Horace141. Enfin, il est en relation avec

136 L'Aritmetique de Iacques Peletier du Mans..., op. cit., Livre III, chapitre 7 :
«De l'usage des racines : là ou incidemment est faitte mention daucuns excellens
Matematiciens de notre temps», f. 60r.-61r.
137 II suffit pour s'en convaincre de relever chez Clavius les nombreuses
références à ces mathématiciens français, ou aux Allemands qui seront évoqués
plus loin : E. Knobloch a réalisé le répertoire systématique des auteurs cités par
Clavius, et mentionne Jean Borrel, Cardan, Oronce Fine, François de Foix Can-
dale, Henri de Monantheuil, Jacques Peletier, etc.. Voir E. Knobloch, «Chris-
toph Clavius. Ein Namen und Schriftenverzeichnis zu seinen Opera
mathematica», art. cit.; Id., «L'œuvre de Clavius et ses sources scientifiques», art. cit.
138 On n'oubliera cependant pas que, dans le cadre de la polémique qui l'a
opposé à Jacques Peletier sur l'angle de contact, Clavius a aussi suscité l'hostilité de
Henri de Monantheuil : ce professeur de mathématiques du Collège royal a écrit
un De angulo contactus, dédié à Jacques Pelelier et publié à Paris en 1581. Voir,
pour une analyse de ce texte, L. Maierù, «Filologia, epistemologia e contenuti
matematici in Henry de Monantheuil circa l'angolo di contatto», dans La Mate-
matizzazione dell'universo. Momenti della cultura matematica tra '500 e '600, a
cura di L. Conti, Rome, 1992, p. 105-130.
139 Sur le milieu bordelais et l'importance d'Elie Vinet, voir deuxième partie,
chapitre 5.
140 Texte publié à Poitiers, en 1550.
141 Horace, L'art poétique, traduit en vers françois par Jacques Peletier du
Mans, Paris, 1545.
174 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

les milieux de l'édition lyonnaise et tout particulièrement Jean de


Tournes142. Cette insertion plurielle dans les réseaux humanistes
français de la seconde moitié du XVIe siècle ne doit pas être
négligée, car elle suggère la diffusion du thème de l'importance des
mathématiques, tout en soulignant les limites de ses effets dans le
champ éducatif. Car la réflexion de Peletier ne prend pas corps dans
l'institution scolaire. Au moment où il prend fait et cause pour les
mathématiques, le Collège Royal se discrédite avec la querelle qui
oppose Pierre de la Ramée à Jacques Charpentier (en 1566) et qui
met en cause l'aptitude de ce dernier à enseigner les
mathématiques143.
Une analyse des propos et propositions de Pierre de la Ramée
(1515-1572) s'imposerait d'autant plus dans le cadre de ce travail que
sa réflexion a eu pour objet la réforme du système d'enseignement144
et, notamment, la revalorisation des mathématiques. Mais
l'importance de la matière à prendre en compte exclut ici cette
investigation : qu'il me suffise de rappeler l'importance de ce professeur du
Collège Royal dans le débat intellectuel, parisien et international,
même si son combat pour les mathématiques l'a conduit à
développer une conception utilitariste de cette science, en sorte qu'il fut un
«propagandiste des mathématiques»145 plutôt qu'un mathématicien
de renom146.
Son évocation confirme l'idée que la France, à l'Université de
Paris ou au Collège royal, n'offre pas un contre-modèle pour
l'enseignement des mathématiques. Tout au plus peut-on y trouver - et
ce n'est pas sans intérêt pour le sujet -, dans les milieux humanistes,

142 Voir N. Z. Davies, «Le monde de l'imprimerie humaniste : Lyon», dans


R. Charrier et H. J. Martin éds., Histoire de l'édition française, vol. 1 : Le livre
conquérant : du Moyen-Age au milieu du XVIIe siècle, Paris, 1989, p. 265-272.
143 Cette opposition ne se réduit pas au problème de l'enseignement des
mathématiques : S. Matton, «Le face-à-face Charpentier-La Ramée. A propos d'Aris-
tote», Revue des sciences philosophiques et théologiques, vol. 70, 1986, p. 87-97.
144 Voir son Proemium reformandae Parisiensis Academiae, ad Regem, daté de
1562. On peut aussi se reporter à ses Scholae Mathematicae, publiées à Bâle en
1569.
145 R. Taton dir., Histoire générale des sciences, t. 2, op. cit., p. 46. Voir, en
outre R. Hooykaas, Humanisme, science et Réforme. Pierre de la Ramée, Leyden,
1958, 137 p. Id., «La Ramée's Early Mathematical Teaching», Bibliothèque
d'Humanisme et de Renaissance, 1966, p. 605-614. Ce qui ne dispense pas de la
bibliographie classique sur Pierre de la Ramée, indiquée dans CHRP, p. 835.
146 On peut cependant partager le commentaire de M. S. Mahoney, DSB, vol.
11, p. 289 : «By emphasing the central importance of mathematics and by insis-
ting on the application of scientific theory to practical problem-solving, Ramus
helped to formulate the quest for operational knowledge of nature that marks the
Scientific Révolution».
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 175

des hommes dont l'œuvre et les positions ont conféré à cette


discipline une place différente par rapport à l'héritage médiéval et qui
ont contribué à sa valorisation. Mais, dans le champ éducatif, la
place restait libre et les collèges jésuites ont pu l'occuper sans
concurrence directe147.

Dans les cercles réformés148

Ils n'étaient pourtant pas les seuls à pouvoir le faire, les milieux
protestants ayant eux-mêmes déployé un arsenal réflexif et
didactique de premier ordre sur la question scolaire. La Compagnie ne
pouvait pas rester insensible à l'effort déployé dans le camp adverse,
effort strictement situé sur le terrain de la lutte religieuse. Deux
pôles dynamiques émergent de la carte des lieux d'éducation
réformée de la Renaissance, Wittenberg et Strasbourg. En l'un et l'autre
espaces, les mathématiques ont été insérées dans les programmes
d'études.
Conformément à la pensée pédagogique de Melanchthon, qui
professait depuis 1518 environ, on trouve des cours
«encyclopédiques» - philosophie naturelle basée sur Platon, Aristote et Quinti-
lien, philosophie morale basée sur Platon, Horace et des poètes
romains - précédés par la dialectique et les mathématiques et suivis par
la langue grecque et hébraïque. Les instructions rectorales publiées
par Melanchthon désignent certains sujets obligatoires et notamment
certains textes; on y rencontre la vieille astronomie et géométrie de
Jean de Sacrobosco, Euclide, Ptolémée, Pline (comme écrivain
scientifique) et l'éthique d'Aristote (...)
En 1545, la Faculté des arts (de philosophie) contient dix
professeurs : un pour la dialectique et la rhétorique, un pour la physique

147 Ce point de vue est aussi partagé par G. Codina Mir, Aux sources de la
pédagogie jésuite..., op. cit., p. 89 :
«A la seule exception d'un Oronce Fine, professeur de mathématiques au
Collège Royal, l'humanisme parisien ne semble pas avoir été aussi épris de
sciences que l'étaient les Universités italiennes ou germaniques (...). Aussi bien
les jésuites que les protestants consacreront à l'étude des sciences les leçons
publiques ou extraordinaires, et les rattacheront de façon plus ou moins directe au
cycle des arts, comme à Paris, en leur accordant une bien plus grande
importance que celle qui leur était consentie dans le Paris d'Erasme et de Ramus».
148 La question du rapport entre sciences et religion ne peut faire ici l'objet
d'un examen. Les quelques remarques qui vont suivre cherchent principalement
à définir des pratiques d'enseignement à partir de la mince bibliographie
disponible sur le sujet. Pour des éléments d'information et une discussion plus large, je
renvoie au numéro spécial de la revue Science in Context, dirigé par R. Feldhay et
Y. Elkana, «After Merton» : Protestant and Catholic Science in Seventeenth-Centu-
ry Europe, vol. 3, 1989/1. Pour une réflexion plus vaste, il conviendra de consulter
les actes du colloque de l'Ecole française de Rome, Sciences et religions de
Copernic à Galilée, Rome, 12-14 décembre 1996, Rome, 1999.
176 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

(selon Aristote et Pline); deux pour les mathématiques, dont l'un s'en
tient exclusivement à l'arithmétique et aux Sphères de Jean de
Sacrobosco, l'autre à Euclide et Ptolémée; deux de latin, un de pédagogie
(enseignant la grammaire...); un «physicien» (médecin),
pratiquement botaniste; un professeur d'hébreu (qui doit suivre l'Ancien
Testament, c'est un exégète), et un dixième enfin de grec...149.

Cette description sommaire suggère un niveau de formation


scientifique élémentaire et, en cela, comparable à celui des
universités catholiques. Mais l'intérêt pour les mathématiques s'y est
manifesté précocement, la première chaire, ouverte en 1502, dès avant
le schisme protestant, ayant été dédoublée en 1532. De plus
l'attention portée par Melanchthon aux questions mathématiques et
astronomiques ne s'est jamais démentie. Non seulement lui-même a
enseigné ces questions, mais ses relations avec les principaux
mathématiciens allemands qui furent ses contemporains sont
abondamment attestées par les préfaces dont il a accompagné
certains de leurs ouvrages150, par ses liens d'amitié avec les plus
importants d'entre eux, par le dynamisme scientifique qu'il a pu impulser
dans le «cercle de Wittemberg»151.
Quant au Gymnase strasbourgeois de Jean Sturm, il présente lui
aussi un enseignement de mathématiques, mais «comme dans les
autres universités, l'enseignement [y est] dominé par une structure
traditionaliste qui n'incitait guère à des essais de réflexion
autonome [...], [et où] la tendance hostile aux innovations se dirigeait
avant tout contre la théorie copernicienne » 152. Par-delà ce constat
peu valorisant, mais sans surprise, il faut cependant souligner que la

149 S. d'Irsay, Histoire des Universités françaises..., op. cit., 1. 1, p. 313-314. Sur
Melanchthon et les sciences, S. Kusukawa, The Transformation of Naturai Philo-
sophy. The Case of Philip Melanchthon, Cambridge, 1995, 265 p.
150 C'est notamment le cas de la première édition de l'Arìthmetica integra de
Michel Stifel, publiée à Nuremberg en 1544. On notera aussi que Melanchthon a
aussi préfacé le texte de la Sphère de Proclus.
151 R. S. Westman, «The Melanchthon Circle, Rheticus, and the Wittenberg
Interprétation of the Copernican Theory», Isis, vol. 66, 1975, p. 165-193 : cet
article constitue aujourd'hui encore une référence essentielle pour notre
compréhension de ce milieu et les précisions qu'on y trouvent illustrent largement mon
propos. Il est à présent complété par S. Kusukawa, op. cit. Sur la question de
l'astrologie, D. Bellucci, «Melanchthon et la défense de l'astrologie», Bibliothèque
d'Humanisme et de Renaissance, vol. 50, 1988/3, p. 587-622. Pour une approche
plus générale du copernicanisme en milieu protestant : R. S. Westman, «The Co-
pernicians and the Churches», dans D. C. Lindberg et R. L Numbers. éds., God
and Nature. Historical Essays on the Encounter between Christianity and Science,
Berkeley, Los Angeles et Londres 1986, p. 76-113.
152 P. Schang et G. Livet éds., Histoire du Gymnase de Jean Sturm, berceau de
l'Université de Strasbourg, 1538-1988, Strasbourg, 1988, p. 93. Plus général,
S. d'Irsay, Histoire des Universités..., op. cit., t. 2, p. 23-27.
CLAVIUS ET LES MATHÉMATIQUES 177

chaire de mathématiques du Gymnase est ouverte dès 1530153 et


qu'elle accueille à partir de 1562 le mathématicien Conrad Dasypo-
dius. Celui-ci, qui a réalisé l'horloge astronomique de la cathédrale
de Strasbourg, a enseigné les mathématiques jusqu'à sa mort, en
1601. Du point de vue chronologique, il est donc bien le «Clavius du
Gymnase», et, comme son homologue catholique, s'est adonné à une
double mission d'enseignement et d'édition, la seconde se
présentant comme un complément de la première154. Ses livres n'apportent
pas d'innovation sur les questions traditionnellement traitées dans
les universités, mais manifestent avec constance le souci tout
humaniste de retour aux sources antiques155.
A la différence de Wittemberg ou Strasbourg, qui constituent
des pôles isolés, susceptibles certes d'irriguer les espaces
périphériques, voire de constituer des modèles à imiter ou imités, la
Compagnie de Jésus déploie un réseau d'établissements en Europe, puis
hors d'Europe. Dès lors, tout ce qui s'y fait, prend des proportions
radicalement différentes de ce qui est mis en œuvre dans les autres
centres de formation intellectuelle, fussent-ils excellents. C'est
pourquoi, malgré leur caractère déterminant pour l'essor des
mathématiques en milieu germanique, les exemples de Wittemberg ou de
Strasbourg ne peuvent rivaliser avec celui du Collegio Romano.

153 Voir P. Schang et G. Livet éds., Histoire du Gymnase..., op. cit., p. 93. Elle
est occupée pendant ses trente premières années de fonctionnement par
Christian Herlin, qui y enseigne arithmétique, géométrie, astronomie et géographie, à
un niveau apparemment élémentaire. Les manuels utilisés sont ceux de Frison
Gemme pour l'arithmétique, un commentaire d'Euclide pour la géométrie, la
Sphérique de Proclus pour l'astronomie et le traité de Pomponius Mela pour la
géographie.
154 Voir par exemple Volumen primwn (et secundum) mathematicum, prima
et simplicissima mathematicarum disciplinarum principia complectens : geome-
triae, logisticae, astronomiae, geographiae..., Strasbourg, 1567-1570. On retiendra
d'autre part, son Oratio de mathematicarum disciplinarum dignitate, publié en
tête de son Hieronis Alexandrini Nomenclaturae vocabulorum geometricum trans-
latio..., de 1579. Le thème humaniste de la dignité des mathématiques est lui
aussi présent à Strasbourg. On en trouve aussi des échos dans le milieu anglais. Voir
F. R. Johnston, «Thomas Hood's Inaugural Adress as First Mathematical Lectu-
rer of London», Journal ofthe History ofldeas, vol. 1, 1942, p. 99-106. A ce stade
de l'analyse, on peut considérer qu'il constitue un topos dans la littérature
mathématique de la seconde moitié du XVIe siècle.
155 Les quelques éléments bibliographiques indiqués dans les notes ci-dessus
suggèrent que le «dossier strasbourgeois» doit être développé du point de vue de
l'enseignement scientifique : j'ai posé les premiers jalons de cette réflexion dans
A. Romano, «Education catholique, éducations protestantes : quels projets pour
les mathématiques?», dans Sciences et religions de Copernic à Galilée (1540-1610),
art. cit. On y trouvera notamment toute la bibliographie disponible sur le sujet.
178 la question des mathématiques dans l'ancienne compagnie

Conclusion

Ce rapide tour d'horizon confirme le caractère déterminant de


l'action de Clavius dans le milieu jésuite. Non seulement celui-ci a
clairement compris les enjeux du débat autour du statut des
mathématiques, partageant avec beaucoup d'autres mathématiciens de
son temps un souci constant d'insertion de cette discipline dans les
programmes d'étude; mais il a aussi choisi d'engager son action
dans la Compagnie, au moment où l'élaboration définitive de la
Ratio studiorum mobilisait les énergies jésuites pour définir un modèle
éducatif humaniste et catholique. Cet engagement de Clavius fut
d'autant plus déterminant que ce dernier eut à former la première
génération des mathématiciens de la Compagnie, dont certains,
quittant Rome, ont «exporté» vers d'autres espaces la science de leur
maître.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

En m'attachant à la période 1540-1610, j'ai choisi d'aborder une


phase de genèse, et, de ce point de vue, 1610 constitue bien un
premier point d'aboutissement pour l'histoire de la Compagnie, comme
pour la constitution d'une culture mathématique jésuite.
En effet, la génération des fondateurs, puis la génération
suivante - celle qui eut à prendre en charge l'héritage spirituel et
institutionnel d'Ignace de Loyola - sont parvenues, en l'espace d'un long
demi-siècle, à doter l'ordre - qui comptait, à cette date, plusieurs
centaines de compagnons, dans le monde entier1 - des Constitutions
et de la Ratio studiorum. Dans ce contexte d'effervescence
intellectuelle, autour d'hommes comme Nadal, Torrés et Clavius, la
Compagnie, ou du moins une partie de ses membres, a su prendre la
mesure de l'enjeu mathématique. De ce point de vue, le Collegio
Romano a joué un rôle déterminant, justifiant pleinement son statut
d'objet d'étude. A travers les expériences pédagogiques et
scientifiques qui s'y sont déroulées, les jésuites ont fait la preuve de la
capacité des hommes de la Contre-Réforme à occuper le terrain
scientifique.
La preuve la plus spectaculaire de cette réussite est fournie par
Galilée. Lorsque, après l'observation des satellites de Jupiter,
Galilée, devenu enfin mathématicien et philosophe du Grand Duc de
Toscane, décide de se rendre à Rome pour présenter sa découverte,
il va chercher une caution scientifique auprès de l'académie de
mathématiques de Clavius. Démarche ô combien symbolique de la part
d'un homme en quête d'alliance pour la mise en œuvre de son grand

1 Si, à la mort d'Ignace de Loyola, la Compagnie compte déjà 1015 membres


répartis entre quatre assistances (Italie, 42,2%; Portugal, 18,6%; Espagne, 29,8%;
Germanie, 9,4%), en 1600, cet effectif global atteint le nombre de 8272 (Italie,
24,7%; Portugal, 15,2%; Espagne, 29,6%; Germanie, 30,5%). Voir L. Lukacs, «De
origine collegiorum externorum deque controversiis circa eorum paupertatem
obortis, 1539-1556», AHSI, vol. 29, 1960, p. 189-245; vol. 30, 1961, p. 1-89. Outre
les modifications introduites par cette croissance numérique, il faut insister sur
la profonde évolution du poids respectif de chacune des assistances.
180 LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE COMPAGNIE

programme scientifique et intellectuel2. Accueil ô combien


chaleureux qui fut consigné dans le Nuntius Sidereus Cottegli Romani3.
Pourtant, au-delà de ce premier constat, le bilan global de ce
demi-siècle de réflexions, de décisions et de mises en pratique doit être
nuancé. Du point de vue des textes d'abord, il faut rappeler que la
Ratio de 1599 est bien en retrait par rapport à la première version de
1586, sur le chapitre des mathématiques.
Du point de vue des pratiques du Collegio Romano ensuite, en
dehors du petit groupe d'hommes qui a accompagné Clavius dans
ses recherches - et qui a continué, après sa mort, à être présent sur
la scène de la production scientifique européenne4 -, les réticences
ont été fortes et les résultats limités, en termes de formation.
Du point de vue de l'applicabilité du modèle romain aux autres
grands collèges de la Compagnie, la recherche n'est pas encore suffi-
sament avancée pour qu'on puisse proposer un bilan, mais l'exemple
français, qui est analysé dans la seconde partie de ce travail,
souligne d'ores et déjà la difficulté d'exporter le modèle romain à la
périphérie, l'irrecevabilité d'une vision de la Compagnie où la situation
romaine pourrait être considérée comme représentative de toutes
les autres.
Enfin, et c'est au total le plus décisif, du point de vue des choix
épistémologiques qui expliquent les engagements ultérieurs de la
Compagnie, en 1616 et en 1633. L'astronomie copernicienne, dont
les observations de Galilée fournissaient enfin une preuve, pouvait-
elle faire l'objet d'un enseignement? La réponse de Clavius à la
question posée par le mathématicien toscan est claire : c'est à Bellarmin
qu'il faut s'adresser pour obtenir une réponse. En d'autres termes, le
travail de revalorisation et de réévaluation épistémologique opéré
par Clavius depuis 1580 ne l'autorisait pas à franchir le pas de
l'affranchissement des mathématiques par rapport à philosophie et
théologie.

2 Voir L. Geymonat, Galilée, op. cit.


3 Voir, pour le manuscrit, B.A.V., Barb. lat. 231, fol. 177r.-182r. Le texte a été
édité dans G. Galilei, Opere a cura di A. Favaro, vol. III, 1, 1900, p. 293-298.
4 On retiendra notamment Grégoire de Saint-Vincent, Odon de Maelcote,
Giuseppe Biancani, Christoph Scheiner, pour lesquels on consultera les articles
correspondants dans le DSB ainsi que la bibliographie disponible dans L. Polgar,
op. cit.
\S\

DEUXIÈME PARTIE

DU CENTRE ROMAIN
À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE
(SECONDE MOITIÉ DU XVIe SIÈCLE)
INTRODUCTION

Un regard sur l'Europe nous montre que les collèges jésuites,


sans avoir chacun un Clavius, appliquaient les règlements édictés par
le Collège romain. A Coïmbre, à Ingolstadt, à Vienne, à Cologne, à
Wurzbourg, on lit les mathématiques à la mode de Rome. Les
collèges de France ne faisaient pas exception. Dès 1556, des instructions
pour le collège de Billom prévoient une «lettione di mathematica et
specialmente di sphera o cosmographia». Le catalogue de' 1556
mentionne parmi les charges de Tournon une chaire de mathématiques.
On dictait des cours à Pont-à-Mousson, d'autres à Paris, à Lyon, à
Avignon1.
Indépendamment de l'ample érudition et du travail de premier
ordre sur les sources mis en œuvre par F. de Dainville, son propos et
sa démarche s'appuient sur une vision implicite centralisée du
fonctionnement de la Compagnie. Certes, cette vision s'ancre sur une
histoire, celle du travail intensif mené par l'ordre lui-même pour
construire et maintenir une unité tant structurelle que principielle.
Et dès le XVIe siècle, la question de Yuniformitas et soliditas doctri-
nae se trouve au cœur de la réflexion interne de la Compagnie2. Cette
conception du «modèle jésuite» doit cependant être reconsidérée,
car du discours aux pratiques, la relation n'a pas été de simple
application. Sur la question des mathématiques en particulier, si l'on voit
bien émerger un pôle romain doublement générateur d'un discours
et d'une manière de faire des mathématiques, il est nécessaire de
confronter les objectifs romains aux réalisations françaises. Là,
l'interaction de logiques internes et externes, locales et internationales
rend caduque une image centralisée du rapport entre centre romain
et périphérie française. Comme je l'ai déjà souligné, mon étude se
situe à la croisée de plusieurs champs, où se superposent différents
temps et différents rythmes, de la culture, de la politique, de la
religion. Le phénomène est encore plus net lorsqu'on transfère les
interrogations vers l'espace français, caractérisé dans cette période par la

1 F. de Dainville, op. cit., p. 42-43.


2 Sur les relations entre cette question et la Ratio studiorwn, voir D. Julia,
«Généalogie de la Ratio studiorum», art. cit.
184 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

durable fracture et le trouble profond des Guerres de Religion3. Il


convient donc d'assigner quelques limites à cette investigation.
L'immense littérature et l'abondante bibliographie qui
conditionnent notre connaissance de la France du second XVIe siècle ne
concernent pas directement ce travail. Pourtant, le développement
des collèges de la Compagnie s'est trouvé largement dépendant, tant
à l'échelle nationale que sur le plan local, des rapports de force entre
communautés catholique et protestante, des relations entre Église et
pouvoir politique, des liens complexes entre rois de France et
jésuites. Ces problèmes, s'ils paraissent a priori fort éloignés des
questions mathématiques, ont pu en fait conditionner, parfois de
manière déterminante, l'évolution de l'enseignement de cette discipline.
C'est pourquoi ils seront évoqués ici pour autant qu'ils soient
nécessaires à la compréhension des choses4. Ainsi, l'édit d'expulsion de
1594 a renforcé de facto la position des collèges éloignés de Paris,
dans la mesure où ceux-ci, ne dépendant pas de la juridiction du
Parlement de la capitale, ne furent pas systématiquement atteints
par les mesures de fermeture : ce fut le cas des collèges d'Avignon,
Chambéry, Besançon, Pont-à-Mousson ou Tournon5. Ne pas
prendre en compte cette histoire politique reviendrait à se priver de
certaines explications concernant la chronologie et la géographie de
l'enseignement des mathématiques : les différentes histoires sont
solidaires, même si l'étude de ces solidarités n'apparaît pas
directement dans ce travail.
D'autre part, il convient de ne pas oublier les limites
thématiques de cette étude : en œuvrant ad majorem Dei gloriarvi, la
Compagnie s'assignait une mission à caractère universel qui avait

3 Les multiples travaux sur cette question ne permettent pas d'en proposer
une bibliographie exhaustive. On pourra se reporter aux études classiques de
R. Mandrou, Introduction à la France moderne, 1500-1640. Essai de psychologie
historique, Paris, 1961, 415 p., ainsi qu'à J. Garrisson, Royaume, Renaissance et
Réforme, 1483-1559, Paris 1991, 304 p.; Id., Guerre civile et compromis, 1559-1598,
Paris, 1991, 262 p.; J. Cornette, L'affirmation de l'Etat absolu, Paris, 1994, 254 p.
et aux analyses de D. Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des
troubles de religion, Paris, 1990, 2 vol.; A. Jouanna, La France au XVIe siècle, Paris,
1996, 688 p. Pour les études régionales, la monographie de M. Venard constitue
un modèle du genre : M. Venard, Réforme protestante, réforme catholique dans la
province d'Avignon. XVIe siècle, Paris, 1993, 1280 p.
4 A titre d'exemple, les travaux d'A. L. Martin rappellent que l'implication
des jésuites dans la vie politique française, leurs interventions dans les grand
débats sur le régicide ou le gallicanisme, ont retenti sur leurs rapports avec
l'Université de Paris et le Roi : A. L. Martin, Henry III and the Jesuit Politicians, Genève,
1973, 263 p.; Id., The Jesuit Mind. The Mentality of an Elite in Early Modem
France, Ithaca et Londres, 1988, 256 p.
5 Voir E. Pasquier, op. cit., p. 70-71.
INTRODUCTION 185

pour fin la consolidation du catholicisme post-tridentin. Nous en


avons vu la signification et les conséquences pour l'élaboration de la
Ratio studiorwn. Cette donnée doit cependant être rappelée ici pour
expliquer et donner la mesure de ce qu'a été la question de
l'enseignement des mathématiques en France, du moins dans la
seconde moitié du XVIe siècle : un des aspects, - et à bien des égards,
mineur -, de son intervention sociale et culturelle. En effet, toute
activité pédagogique de la Compagnie de Jésus doit être rapportée à
l'universalité de l'apostolat envisagé par Ignace et les premiers
compagnons, et très tôt désignée comme telle dans les
Constitutions6. Il est incontestable que l'activité d'enseignement est devenue
l'une des principales de l'ordre, dès les origines et qu'elle a d'emblée
connu une expansion spatiale internationale7. Le succès rencontré
dans ce domaine, imputable autant à l'originalité pédagogique du
nouveau modèle éducatif élaboré8 qu'à l'existence d'une demande
sociale très vive à la Renaissance9, ne permet pourtant pas d'oublier
le caractère marginal de l'enseignement scientifique dispensé dans
les collèges jésuites au moins jusqu'au début du XVIIe siècle. Sans

6 Voir Ignace de Loyola, Ecrits, op. cit.; MPSJ, vol. 2, introduction générale,
p. 1*:
«Socii fundatores novum ordinem religiosum apostolicum voluere tempo-
rum necessitatibus usque quoad fieri possit accommodatum. Vocatio igitur
huius ordinis, sicut apostolorum, ad universum mundum, ad omnes populos,
christianos aeque atque infidèles se extendit. Neque id solum; vocatio enim eius
est universalis etiam eo quod omnia ministeria apostolica, sive proprie sacerdo-
talia sive caritativa, amplectitur; necessitate Ecclesiae determinante, quae impri-
mis sint exercenda».
Traduction :
«Les fondateurs ensemble voulurent créer un nouvel ordre religieux
apostolique, adapté autant que possible aux nécessités de l'époque. C'est pourquoi la
vocation de cet ordre, comme celui des apôtres, s'étendit au monde entier, à tous les
peuples, aux chrétiens comme aux infidèles. Et pas seulement cela; car la
vocation de ceux-ci est même universelle en ce qu'elle concerne tous les ministères
apostoliques, aussi bien sacerdotaux que caritatifs; les besoins de l'Église
déterminant avant tout quelles devaient être les missions à accomplir».
7 C'est ce dont témoignent les premiers volumes des MPSJ, qui proposent des
extraits des règlements des principaux établissements fondés dans les années
1560. L'introduction de L. Lukacs (MPSJ, vol. 2, p. 6*-20*) constitue la meilleure
synthèse des difficultés rencontrées, des problèmes posés et des choix réalisés.
On retiendra particulièrement les difficultés faites par certains pères pour
accepter l'engagement dans l'apostolat enseignant. On lira aussi Lukacs L., «De origine
collegiorum externorum deque controersiis circa eorum paupertatem obortis,
1539-1556», art. cit. Pour une reprise synthétique de ces problèmes, voir
l'introduction de L. Giard dans Les jésuites à la Renaissance, op. cit.
8 G. Codina Mir, op. cit., p. 256-336.
9 A. L. Martin, The Jesuit Mind. The Mentality of an Elite in Early Modem
France, op. cit. et J. O'Malley, The first Jesuits, Cambridge (Mss), 1993, 457 p.
186 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

doute, les exceptions à cette règle sont-elles de taille, qu'il s'agisse du


prestigieux Collegio Romano ou du collège sicilien de Messine,
étudiés dans la première partie10. En outre, le fait que ces exceptions
aient été largement éclairées par des études érudites et importantes
tend à renforcer la tendance généralisatrice de l'historiographie
actuelle. En examinant la périphérie française, on formule un constat
sinon inverse, du moins beaucoup plus nuancé que celui plus
largement répandu : il n'existe pas à proprement parler, dans la seconde
moitié du XVIe siècle français, de politique active jésuite en matière
de développement des études mathématiques, ou scientifiques, tant
pour les scolastiques de la Compagnie que pour le public des
externes. Ce constat, mis, dans les pages qui suivent, à l'épreuve des
archives, n'exclut pourtant pas l'existence d'expériences ponctuelles, -
voire des entreprises originales -, d'enseignement, dont j'ai tenté
d'analyser les causes, les modalités, les acteurs et les limites.

'Voir première partie, chapitres 2 et 3.


CHAPITRE 4

LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES


RÉPONDRE AUX ENGAGEMENTS PRIS

Introduction.
Les sources romaines et leur traitement

Depuis les travaux pionniers de F. de Dainville sur


l'enseignement scientifique de la Compagnie de Jésus en France1, le chantier,
aussi vaste et intéressant qu'il fût, est resté en l'état jusqu'à nos
jours. Pourtant, dès le début des années 1950, cet historien avait mis
à la disposition des chercheurs, un outil de travail fort précieux, à
savoir la liste des occupants des chaires de mathématiques de tous
les collèges français depuis les premières années du XVIIe siècle2.
Depuis, ce travail prosopographique a été étendu à d'autres lieux et
complété3. Ainsi, pour les collèges français, on dispose désormais
d'une seconde liste des occupants des chaires de mathématiques,
qui confirme le plus souvent celle de F. de Dainville4. Ces listes
mettent en évidence un phénomène qui confirme apparemment
mon constat initial : les premiers enseignements de mathématiques
dateraient en France des premières décennies du XVIIe siècle. Pour
être exacte, cette remarque n'en soulève pas moins un problème
d'interprétation qui exige une double mise au point de vocabulaire
et de méthode.
En effet, F. de Dainville ou ses successeurs, s'appuyant sur un
type de document particulièrement précieux mais spécifique, les
catalogues des personnels des établissements jésuites, sont tributaires
de leurs sources. La mention de professeurs de mathématiques
implique nécessairement que l'établissement dispose d'une chaire par-

1 Voir sa thèse Les Jésuites et l'éducation de la société française..., op. cit. L'en-
sernble de ses articles sur l'éducation a été recueilli et édité par M. -M. Compère :
F. de Dainville, L'éducation des Jésuites, XVIe-XVIIIe siècles..., op. cit. C'est à cette
édition que nous nous référerons lorsque nous citerons l'un de ses articles.
2 «L'enseignement des mathématiques dans les collèges jésuites de France
du XVIe au XVIIIe siècle», dans L'éducation..., op. cit., p. 323-354.
3 Voir la liste des professeurs de mathématiques du Collegio Romano
dressée dans U. Baldini, Legem impone subactis..., op. cit., p. 565-571. Cette liste
complète celle proposée par R. G. Villoslada, op. cit., p. 335.
4 K. A. F. Fischer, art. cit.
188 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

ticulière pour cet enseignement. Dès lors leurs relevés ne peuvent


éclairer que des situations relativement tardives, le plus souvent
postérieures à l'application de la Ratio studiorum de 1599 qui, rapelons-
le, non seulement constitue la version définitive du texte normatif,
mais intègre les acquis, même limités, du combat mené par Clavius
pour insérer les mathématiques dans le cursus jésuite5. Pour autant,
cette «institutionnalisation» des mathématiques dans les collèges
par l'ouverture de chaires, ne signifie pas que, dans les décennies
précédentes, les mathématiques n'aient fait l'objet d'aucun
enseignement, comme l'a montré la première partie de ce travail. Mais celui-
ci est à chercher du côté des premiers cours de philosophie6. Cette
quête des origines s'appuiera sur l'étude de quelques situations
particulières que le travail sur les sources a imposé à mon attention :
elle se nourrit non seulement du dépouillement des catalogues, mais
aussi d'autres types de sources, dont il convient de souligner la
richesse et l'importance pour toutes les questions d'ordre didactique
ou scientifique, malgré leur caractère nettement administratif ou or-
ganisationnel. Ainsi, complémentaires par rapport aux catalogues,
sont les Litterae, les Epistolae et enfin les Acta visitationis . Sans
revenir ici sur la définition de chacune de ces sources7, il faut insister sur
leur importance pour l'utilisation des catalogi. Ces derniers disent le
nombre des professeurs et l'intitulé de leur enseignement, en
revanche, ils ne désignent pas les disciplines enseignées. Entre 1560 et
1600, les catalogi parlent des philosophi, des professores philosophiae
ou physicae, voire logicae, mais pour comprendre ce qu'enseignent
ces professeurs, il faut avoir recours aux lettres et aux comptes-
rendus de visites. On y rencontre les pratiques au lieu des règles et
l'on peut, grâce à cette documentation abondante, mais avare de
détails précis, nuancer et compléter les informations fournies
notamment par F. de Dainville.
Ainsi, la création de chaires de mathématiques, en France, a été
précédée, selon les lieux, d'une phase plus ou moins longue
d'enseignement mathématique, dispensé de manière institutionnalisée
ou non. Il ne serait donc pas juste de considérer que la création des
chaires de mathématiques a marqué la naissance de leur
enseignement. Le plus souvent, l'apparition d'une chaire indique plutôt que
l'enseignement des mathématiques a franchi dans le lieu considéré
une certaine étape de développement. Dans les pages qui suivent, la
démarche est chronologique, elle permet de présenter succincte-

5 Voir la première partie de ce travail.


6 II convient en outre de considérer ce ternie dans son acception de philo-
sophia, qui inclut logique, philosophia naturalis ou physique et métaphysique,
ainsi que la philosophie morale.
7 Voir leur analyse en introduction.
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 189

ment les principales fondations jésuites, dont l'histoire a souvent fait


l'objet de monographies pour la plupart publiées à la fin du XIXe
siècle. Mais l'importance ou l'intérêt particulier des situations
relevées à Tournon, Bordeaux, Paris et Pont-à-Mousson seront mis en
lumière dans des chapitres particuliers.

Esquisse d'une géographie des premiers centres d'activité


scientifique de la compagnie

Les débuts de l'apostolat enseignant en France ont fait l'objet


de recherches suffisamment nombreuses pour qu'il soit inutile d'y
revenir ici8. Sur l'ensemble des établissements fondés dans la
seconde moitié du XVIe siècle, peu abriteront une activité
mathématique, du moins attestée et génératrice d'une pratique
d'enseignement : cette période de fondations a nourri, comme dans d'autres
provinces jésuites, un débat interne sur le bien-fondé de
l'engagement dans l'action éducative, comme elle a rapidement mis en
évidence, là comme ailleurs, d'importantes carences en personnel
qualifié9. Le plus souvent, l'ouverture de classes, et a fortiori de classes
de mathématiques, répondait à une sollicitation extérieure. Il faut
donc compter six pôles principaux, dont l'activité a éclos
tardivement10 et qui ont eu une importance inégale dans l'établissement
d'une tradition française : Avignon, Lyon, Paris, Pont-à-Mousson,
Toulouse et Tournon.
Le caractère méridional et périphérique de ces implantations
traduit les déséquilibres de la carte des fondations jésuites sur le
territoire français, sans qu'on puisse y voir le résultat d'une «stratégie»

8 Outre la bibliographie classique composée des ouvrages de H. Fouqueray,


Histoire de la Compagnie de Jésus en France des origines à la suppression (1555-
1762), Paris, 1922-1925, 5 vol et P. Delattre dir., Les établissements des Jésuites en
France, depuis quatre siècles, op. cit., on trouvera une synthèse dans P. de Leturia,
«Pourquoi la Compagnie de Jésus devint un ordre enseignant», Christus, vol. 27,
1960, p. 305-328 et des tableaux synthétiques dans A. L. Martin, op. cit., p. 17 et
53 notamment.
9 Voir A. L. Martin, op. cit.; L. Lukacs, «De origine collegiorum externo-
rum...», art. cit.; A. Demoustier, «Difficultés autour de la profession en France
sous Borgia et Mercurian (1565-1580)», AHSI, vol. 37, 1968, p. 317-334. Une
excellente synthèse dans l'introduction de D. Julia à l'édition critique et à la
traduction française de la Ratio studiorum.
10 Rien à voir avec l'expérience sicilienne de Messine dont R. Moscheo a
rendu compte, ou même celle de Naples étudiée par R. Gatto : voir références dans
la première partie de ce travail.
190 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

a PONT-A-MOUSSON

PROVINCE DE FRANCE

MÉDITERRANÉE
100 200 Km

Carte 2. Les premiers collèges jésuites (1580).

bien définie en la matière11. Ainsi, la création de la province jésuite

11 Les localisations sont à comparer à la carte proposée par M. Péronnet, art.


cit., p. 472 à 479. Voir aussi M. Venard, «Y a-t-il une «stratégie scolaire» des
Jésuites en France au XVIe siècle?», dans L'Université de Pont-à-Mousson et les
problèmes de son temps. Actes du colloque organisé par l'Institut de recherche
régionale en sciences sociales, humaines et économiques de l'Université de Nancy II
(Nancy, 16-19 octobre 1972), Nancy, 1974, p. 67-85. Cette communication discute
l'idée, avancée par F. de Dainville, d'une action scolaire des jésuites français
directement inspirée de la lutte contre l'hérésie. Ainsi, le terme de «stratégie» ne
rend pas toujours compte, d'après M. Venard, des différentes situations
françaises, notamment celles où il était difficile de répondre aux sollicitations. Je
partage totalement cette analyse, d'autant que si certains contrats de fondation ont
fait l'objet de longues négociations, certaines obligations d'enseignement relèvent
strictement de la volonté du fondateur. On aura l'occasion de le montrer pour les
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 191

d'Aquitaine, sur la base de la division de la province de France,


remonte à 1566 : elle compte à cette date les établissements de Tour-
non, Toulouse, Rodez et Avignon, puis Chambéry et Lyon12. La
décision de cette création rend bien compte de l'essor méridional de la
Compagnie dans cette période13, ce qui explique aussi pourquoi on
recensera une activité mathématique jésuite principalement dans les
villes du Sud14.
Appartenant tous à la première vague de créations (1556-1575)15,
ces six collèges, comme tous ceux de leur génération, ont pour
fondateurs des aristocrates, français ou italiens, appartenant au haut
clergé :
date lieu fondateur
1561 Tournon Cardinal François de Tournon16
1563 Toulouse Cardinal Georges d'Armagnac17
1564 Paris Monseigneur Guillaume Duprat18
1565 Avignon Cardinal-légat Alexandre Farnese19
1 565 Lyon Monseigneur Antoine d'Albon
1574 Pont-à-Mousson Cardinal Charles de Guise20
Ces grands prélats, bons connaisseurs de l'Italie, où ils ont
effectué différents séjours avec des missions diplomatiques de première
importance, catholiques activement engagés dans la lutte contre
l'hérésie, ont le plus souvent entretenu des relations directes avec les
principaux responsables de la Compagnie, puis décidé de leur
confier soit un établissement déjà existant mais peu prospère, soit
une nouvelle fondation21. Un témoignage exemplaire est fourni par

mathématiques et d'analyser corrélativement l'embarras de la Compagnie pour


assumer ces obligations.
12 F. Zapico, «La province d'Aquitaine de la Compagnie de Jésus d'après son
plus ancien catalogue (1566)», AHSI, vol. 5, 1936, p. 268-292.
13 Ceci est d'autant plus vrai qu'au même moment les autres collèges jésuites
se trouvent à Paris, Pamiers, Billom et Mauriac.
14 Voir les remarques générales de F. de Dainville sur la question : «Foyers
de culture scientifique dans la France méditerranéenne du XVIe au XVIIIe
siècles», dans L'éducation..., op. cit.
15 Pour une histoire précise du processus de développement, voir H. Fouque-
ray, op. cit., t. 1, p. 363-647.
16 Voir BU, t. 42, p. 54-56 ainsi que M. François, Le Cardinal de Tournon,
homme d'Etat, diplomate, mécène et humaniste (1498-1562), Paris, 1951, 557 p.
"Voir BU, t. 2, p. 231-232.
18 Voir fit/, t. 12, p. 46.
19 Voir DBI, vol. 45, Rome, 1995, p. 52-70.
20 Voir BU, t. 18, p. 226-227; M. Pernot, «Le cardinal de Lorraine et la
fondation de l'université de Pont-à-Mousson», dans L'Université de Pont-à-Mousson...,
op. cit., p. 45-66. Pour son rôle à Trente, où il est l'un des représentants de la
France, voir A. Talion, La France et le Concile de Trente (1518-1563), Rome, 1997,
976 p.
21 Pour Tournon, on rappellera qu'au retour de huit années passées en Italie,
192 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

un rédacteur anonyme, jésuite, qui narre brièvement l'histoire de la


fondation du collège de Clermont :
Comme Guillaume Duprat, évêque de Clermont, fils du grand
Antoine Duprat, chancelier de France, avait connu notre institution
au concile de Trente, et qu'il s'était familiarisé avec les pères Jacques
Lainez, Alphonse Salmeron et Claude Jay, il décida de fonder trois
collèges pour nous, en France, deux dans son diocèse d'Auvergne et le
troisième à Paris22.

Sans doute faudrait-il développer, d'un point de vue


biographique et social, mais aussi politique, cet aspect de la genèse des
collèges jésuites en France. Il suffit pour l'heure de signaler que c'est
parfois de la volonté expresse des fondateurs qu'est née une classe
de mathématiques dans ces collèges, comme dans le cas de Tournon
ou Pont-à-Mousson. Mais qu'en déduire? L'existence d'une demande
sociale émanant des milieux nobiliaires et concernant une culture
scientifique comprise comme partie intégrante d'une «civilité»
nouvelle influencée par le modèle italien du «courtisan»? Hypothèse
séduisante et particulièrement à l'honneur dans un courant historio-
graphique récent23. Il paraît plus raisonnable d'y voir le résultat
parfois d'une fascination pour la première génération des compagnons
d'Ignace, souvent d'un attrait pour les valeurs proposées par le
nouvel ordre sur le plan éducatif, à coup sûr d'une volonté politico-
religieuse, chez les fondateurs, de lutte contre l'hérésie24. Ces
fondations font aussi écho à une évolution du statut social et intellectuel

le cardinal de Tournon passe contrat avec la Compagnie, en 1555. A Billom, l'é-


vêque de Clermont, Guillaume Duprat, invite les jésuites à ouvrir un collège dans
sa ville après les avoir rencontrés au concile de Trente, où il représente la France.
C'est aussi le cas de Charles de Guise.
22 Extrait de Ex commentariis Collegii Parisien., non signé et daté de 1583 :
ARSI, GAL. 56, fol. 19r. :
«Cum vero D. Guilelmus à Prato Claromontanus Episcopus, magnis illius
Antonii à Prato, Cancellarli Franciae filius nostrum institutum in Tridentino
Concilio cognovisset, et Patribus Iacobo Layne Alfonso Salmerone Claudio Jayo
familiariter usus fuisset, statuissetque tria nobis in Francia exaedificare collegia
in Arvernis, apud quos suo diocesis, duo, Lutetiae tertium».
23 Voir les différrents travaux de M. Biagioli sur Galilée ou les académies
italiennes : «Galileo, thè Emblem Maker», Isis, vol. 81, 1990, p. 230-258; Id., «Scien-
tific Révolution, Social Bricolage, and Etiquette», dans R. Porter et M. Teich
éds., The Scientific Révolution in National Context, Cambridge, 1992, p. 11-54; Id.,
Galileo, Courtier. The Practice of Science in the Culture of Absolutism, Chicago et
Londres, 1993, 402 p.; Id., «Le prince et les savants. La civilité scientifique au
XVIIe siècle», Annales, HSS, vol. 50, 1995/6, p. 1417-1453; Id., «Dalla corte
all'Accademia : spazi, autori e autorità del Seicento», dans Storia d'Europa, voi. 4, L'età
moderna, secoli XVI-XVIII, a cura di M. Aymard, Turin, 1995, p. 383-432.
24 Je renvoie, pour cette question, à la première partie de cette thèse,
chapitre 3, où j'évoque les modèles éducatifs concurrents dans le monde protestant.
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 193

des mathématiques25. Elles sont enfin l'expression d'une politique de


prestige visant à doter l'établissement nouvellement créé d'une
structure de type universitaire. Et en effet, à Pont-à-Mousson,
l'érection en université du collège confié aux jésuites a suivi de peu la
fondation26.
Lorsque les fondateurs n'expriment aucun vœu particulier, c'est
sur une initiative des pères, en rapport ou non avec le processus de
codification et de normalisation des études, que la pratique de
l'enseignement des mathématiques se développe, constituant parfois un
des éléments de la réputation du collège. Parfois aussi, elle se
développe privatim, réservée ad nostros.
Ces six établissements sont installés dans de grandes et
puissantes villes, exception faite de Tournon27 : le milieu urbain consti-

25 Sur cette question, voir la bibliographie évoquée dans la première partie.


26 Pour la bulle d'érection de l'Université de Pont-à-Mousson, voir ARSI,
CAMP. 38, Erectio Universitatis Mussipontanae quae hoc libro continetur sequens
pagella indicat, Pont-à-Mousson, 1602 et E. Martin, L'Université de
Pont-à-Mousson (1572-1768), Paris-Nancy, 1891, 455 p. Pour Tournon, voir D. Julia et M.-
M. Compère, Les collèges français, op. cit., t. 1 : La France du Midi, Paris, 1984,
p. 696-712; ARSI, GAL. 56, fol. 124r. :
«Franciscus Cardinalis a Tournone Galliarum primus, et Sacri Collegii Car-
dinalium Decanus, Tournonensis Academiae prima fudamenta jecit. Anno
domini 1542 gymnasio ad id magnificentissime constructo, summorumque Pontifi-
cum Pauli 3 et Julii 3 anno 1552 ac christianissimorum Regnum Francisci Primi,
et Henrici 2, liberalitate sic eam privilegiis auxit...»
Traduction :
«François Cardinal de Tournon, primat des Gaules et Doyen du Sacré
Collège des Cardinaux, jeta les premières fondations de l'Académie de Tournon. L'an
de grâce 1542, le collège ayant été magnifiquement bâti à cet effet, et sous les
pontificats de Paul II et de Jules III en 1552 et sous les auspices des rois très
chrétiens François Premier et Henri II, il en accrut tant libéralement les privilèges...»
Voir, en outre, M. Massip, Le collège de Tournon en Vivarais, d'après les
documents originaux inédits, Paris, Picard, 1890, notamment livre I, p. 1-30 : on lit
clairement, dans les témoignages rapportés par l'auteur, la volonté de François
de Tournon de lutter contre l'hérésie, puisque la fondation, dans la ville, d'un
collège, en 1536, avait abouti à l'essor des thèses protestantes dans la capitale du
Vivarais, contrairement à la volonté du fondateur. Le chroniqueur dont M. Massip
(op. cit. , p. 24) rapporte les propos, Me Pélisson, décrit avec véhémence tous ces
pédagogues «qui de tous côtés venoient se loger à Tournon, pour le grand bruict
du collège, comme envoyés de Genève et qui avoient tant faict par leurs
simulations et dissimulations sataniques qu'ils avoient gagné des plus grosses et riches
maisons, en tous états de ces pays, et en emmenoient les enfants d'icelles au dict
Tournon pour être enseignés au dict collège...». Dès lors, en confiant
l'établissement aux jésuites pour rétablir la situation en 1558, le cardinal de Tournon
entendait restituer un prestige usurpé à cette école, définie dès les années 1540
comme une «université de philosophie et sept arts libéraux» (ibid., p. 17). A ce
titre, un enseignement de mathématiques se justifiait pleinement.
27 On aurait pu aussi évoquer Billom, au cœur du Massif Central, première
ville de France à accueillir un collège jésuite, en 1556, avec des effectifs énormes,
supérieurs à mille étudiants dans les années qui suivent immédiatement l'ouver-
194 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

tue l'une des principales caractéristiques de cette géographie,


offrant un public vaste et varié28, susceptible de suivre, dans la
tradition universitaire médiévale, des cours d'astronomie ou de
géométrie. C'est d'ailleurs le caractère universitaire de ces villes qui
attire la Compagnie, car cela lui assure une clientèle pour les cours
de philosophie, lesquels comprennent, dans leurs programmes, des
rudiments de mathématiques, comme le précise précocement le
texte des Constitutions29.

Premières pratiques : intermittence et marginalité dans


le cadre du cours de philosophie

Dans les six établissements qui ont laissé une trace


d'enseignement des mathématiques, l'importance et la nature de cette activité
ont varié et évolué. Une «hiérarchie» des collèges s'est
progressivement constituée, décelable à partir de 1580. A cette date, si la plupart
des écoles continuent, sur un mode ponctuel et marginal, à dispenser
quelques cours de mathématiques, en revanche, deux pôles se
dégagent nettement, Tournon et Pont-à-Mousson. Là s'inaugurent des

ture. Cette école, due, comme celle de Paris, à Monseigneur Duprat, devint
rapidement un centre d'enseignement de la philosophie, avec sans doute
ponctuellement des leçons de mathématiques comme le suggère une lettre d'Ignace
adressée aux premiers compagnons en 1556 : une leçon sur la sphère sera
donnée, à condition que quelqu'un ait la compétence nécessaire pour le faire. Voir
Monumenta Ignatiana, 1. 11, Rome, 1911, p. 366-72, lettre n° 6452. Mais l'activité à
Billom décline avec la mort du fondateur qui a aussi légué à la Compagnie les
locaux de Paris, promis à un avenir plus brillant. Sans doute faut-il y voir le
résultat d'un choix de la part de la Compagnie, préférant concentrer ses efforts sur les
villes importantes alors que les problèmes de personnel ne lui permettaient pas
de faire face à l'ensemble des demandes. De la même manière, le collège de Tour-
non, à un degré moindre cependant, est voué à un déclin certain dans les
premières années du XVIIe siècle, dès que Lyon, pacifiée, reprend pleinement son
rôle de centre universitaire et urbain attractif. De cet aspect de la question il sera
traité dans les chapitres suivants; mais ce fait permet d'attirer l'attention sur les
raisons qui ont sans doute incité la Compagnie à accepter de s'installer dans cette
petite cité de la vallée du Rhône : la proximité de Lyon rendait le projet
séduisant, en attendant de pouvoir ouvrir un établissement dans cette grande cité,
centre universitaire et éditorial hautement stratégique, rivale de l'hérétique
Genève.
28 Assurément l'histoire des étudiants reste à faire totalement, pour la
Compagnie de Jésus comme pour les Universités. Les quelques tentatives
réalisées à ce jour portent soit sur des exemples postérieurs, soit sur des situations
étrangères. Seul l'ouvrage de référence de D. Julia et M. -M. Compère déjà cité
offre systématiquement des informations sur la fréquentation des collèges
jésuites, sans qu'il soit possible d'établir une sociologie précise des écoliers. D'une
manière générale le caractère noble du public est peu douteux : dans les
chapitres qui suivent, certains traits sociologiques en seront mis en lumière.
29 Voir Ignace de Loyola, Ecrits, op. cit., p. 502-503.
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 195

pratiques régulières, assurées par des hommes compétents,


entretenant avec le Collegio Romano et ses maîtres des relations sinon
soutenues, du moins avérées. Avant de les étudier, on mentionnera les
centres mineurs, où ont pu être identifiées quelques pratiques
intermittentes.
Ainsi, à Toulouse30 où l'on trouve la plus ancienne mention d'un
cours de mathématiques, cette caractéristique se maintient jusqu'au
début du siècle suivant. L'initiative du Cardinal d'Armagnac en 1563
conduit les pères à tenir leurs premiers enseignements en 1565,
comme le suggèrent les Litterae annuae d'avril 1566 qui précisent : « Ad
octobrem studia prò nostris sunt instaurata»31. Malgré des débuts
difficiles liés à certains problèmes immobiliers32, à la fin de l'année, les
Litterae annuae établissent, pour Rome, un premier bilan33. Les trois
premières classes ouvertes incluent dès les origines un enseignement
de mathématiques, dont n'a été conservée que cette brève mention :
Nous sommes en tout 17 dans ce collège, dont six prêtres parmi
lesquels trois donnent des leçons, le révérend père recteur qui
dispense un enseignement de théologie et d'hébreu, un autre pour les
mathématiques et la métaphysique et le troisième pour la rhétorique
et les lettres grecques34.
Un an plus tard, au milieu de nombreuses autres informations,
le même correspondant annonce à Rome l'ouverture d'un
enseignement de théologie35 sans plus se soucier de la mention du professeur
de mathématiques. Les silences autant que les informations sont
d'une interprétation malaisée : les Litterae annuae de 1570 ne parlent
plus que d'un «professeur de philosophie»36 dont, par recoupement
des archives, on peut dire qu'il était déjà présent à Toulouse en 1568
et même dès 156637. Il est possible de supposer que les trois rapports,

30 Pour une première histoire «officielle» du collège, voir ARSI, GAL. 56, fol.
139r.-144r. : De origine et incremento Cottegli Tolosani Societatis Jesu. Il s'agit
d'une version établie, à la demande du Général Acquaviva, en 1587 : elle est
signée par Jacques Gordon. Pour une présentation historique, voir D. Julia et M.-
M. Compère, op. cit., t. 1, p. 698-694.
31 ARSI, GAL. 53, fol. 197r.
32 D. Julia et M.-M. Compère, op. cit., t. 1, p. 689-690.
33 Références ARSI, GAL. 53, Litterae annuae, fol. 203r.-204r., juin 1568.
34 ARSI, GAL. 53, Litterae annuae, fol. 203r. : «Sumus in hoc collegio omnino
17. Sacerdotes sex, e quibus très sunt lectores. P. R. Rector, qui Theologica et He-
braea, Alter Mathematica et Metaphysica, Tertius Rhetorica, ac Graecas literas
profitetur».
35 Références ARSI : GAL. 53, Litterae annuae, fol. 205v.
36 Références ARSI : GAL. 53, Litterae annuae, fol. 207r.
37 Références ARSI : GAL. 53, Litterae annuae, A. du Coudret, fol. 197r. :
«Initio quadragesima Magister Baptista Vanninus logicae, physicaeque lectionis,
jamdiu hic coeptae, intermissa tamen ad tempus munus suscepit cum frequenti
auditorum numero».
196 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

à quatre années de distance, parlent d'un même père : J. B. Vanni-


nus, né en 1532 à Forli en Italie, entré dans la Compagnie en 1558,
professeur de philosophie, et appartenant au groupe des quatorze
premiers jésuites installés dans la province d'Aquitaine en 156638.
Dans cette période d'incertitudes et de (re)constitution des champs
disciplinaires, les désignations restent peu rigoureuses et le terme de
«philosophie» prend le plus souvent une valeur générique qui
englobe différentes connaissances, précisées dans certains cas, non
spécifiées dans d'autres cas39. Mais, il faut aussi voir dans le flou des
désignations l'effet d'un problème administratif et institutionnel : à
ses débuts, la Compagnie ne dispose pas de spécialistes pour
enseigner les mathématiques40. Parallèlement, elle souhaite assurer à
ses établissements la renommée la plus large, comme l'écrit, dès
1566, le rédacteur du catalogue de la province d'Aquitaine,
nouvellement créée :
Puisque cette ville [Toulouse] occupe le second rang dans le
royaume de France, qu'elle abrite un sénat, nullement inférieur à
celui de Paris, que son école de lois et de droit pontifical est par ailleurs
la première, et que cette ville est la capitale d'environ un tiers de la
France pour l'administration de la justice, il est impossible que la
Société ne soit pas utile à la cité, vu en particulier que le peuple y est
très religieux...41.
Aussi, si les sources des années suivantes restent muettes sur la
question spécifique des mathématiques c'est que leur intérêt est
perçu davantage du point de vue d'une politique éducative globale, non
finalisée sur le plan de la philosophie naturelle. Cette phase est aussi
celle de la pluralité de l'apostolat et les différents centres d'intérêt
des pères expliquent aussi le caractère schématique des dossiers
adressés à Rome. En juin 1571, le rédacteur de la lettre annuelle

Jean-Baptiste Vanninus, devenu magister artium à Rome en 1562, après sa


rapide mission en France, poursuit sa carrière en Italie, à Milan en 1576 puis à
Mondovie où il meurt en 1599 : voir M. Scaduto, Catalogo dei Gesuiti d'Italia,
1540-1565, Rome, 1968, p. 150-151.
38 Voir F. Zapico, art. cit., p. 275-276.
39 Cette remarque n'est pas propre aux collèges jésuites.
40 A titre comparatif, on se souvient qu'au Collegio Romano, la première
mention d'un professeur de mathématiques, B. Torrés, remonte à 1553, avant
l'arrivée de Clavius en 1563. Pour Messine, le problème de la spécialité est réglé
grâce à la présence de Maurolico; à Naples, c'est dans cette décennie que
commencent les premiers cours, comme en témoignent les thèses de I. Hurtado,
étudiées par R. Gatto, Tra scienza e immaginazione..., op. cit., p. 19-28.
41 «Cum haec urbs [Tolosa] sit secondo loco in Galliae regno, et in ea sit se-
natus, parisiensi non inferior, academia porro in legibus ac jure pontificio sit
prima, et caput tertiae fere partis Galliae in justitiae administratione, non potest ci-
vitati non prodesse Societatis, praesertim cum populus sit religiosus admo-
dum» : cité par F. Zapico, art. cit., p. 276.
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 197

tinée au général indique : «De scholis nihil habeo quod dicam...»,


alors qu'il a, tout au long du paragraphe précédent, décrit la
pratique eucharistique des Toulousains42. Dès lors, si les
mathématiques ne sont pas ignorées, elles ne sont pas non plus valorisées
pour elles-mêmes. On envisage même, en 1572, de leur consacrer
une section dans la bibliothèque du collège, à condition qu'il y ait
des livres s'y rapportant43. Il est, en revanche, beaucoup plus
important pour la Compagnie de pouvoir destiner les siens à
l'enseignement théologique. Or, le succès du cours de philosophie assurera la
possibilité d'ouvrir le cours de théologie et d'y avoir un auditoire. En
outre, l'histoire du collège de Toulouse, rédigée en 1587, rappelle :
«Scholarum numerus in hoc collegio nullus est ex obligatione defl-
nitus...»44, ce qui souligne que la Compagnie n'a, à cette date,
aucune obligation précise envers la ville ou les fondateurs. Dès lors, les
informations qui suivent apparaissent bien vagues, alors que les Lit-
terae annuae des années 1570 ne nous sont pas parvenues. Cette
lacune dans la documentation est partiellement compensée par les
rapports de visites. En avril 1571, celui que rédige E. Mercurian, le
futur général, ne fait aucune allusion à cet enseignement45. L'année
suivante46, le visiteur Claude Matthieu conclut son rapport en
proposant d'adapter les moyens réels, à savoir les quatre classes ouvertes,
aux objectifs jésuites généraux, globalement ceux du Collegio
Romano. C'est pourquoi, il est amené à définir, pour la «première des
classes», autrement dit celle qui correspond au niveau d'étude le
plus élevé, le programme suivant :
Cette classe sera mixte, composée de cours de rhétorique,
dialectique et même de grec, pour répondre aux obligations de ce collège.
Matin
Les élèves apprendront les règles de la rhétorique, et en général
tous les autres jours, et ils s'exerceront aux auteurs, chaque jour,
pendant trois quarts d'heure.
Après-midi
En première heure, on commentera un auteur grec et ensuite,
pendant un certain temps, mais brièvement, on s'exercera avec la

42 Références ARSI : GAL. 53, fol. 212r.


43 Publié dans MPSJ, vol. 3, p. 245-52, Acta visitationis , 01/01/1572, p. 245 :
«Ex regulis praefecti bibliotheca :
1. (...)
2. Tituli ordinarii facultatum erunt hi : theologi, philosophi ( et sub hoc titu-
lo erunt etiam dialectici), medici, mathematici (si sint pauci), historici (sub qui-
bus dictioniaria etiam), graeci, hebraici, iuris consulti».
44 ARSI, GAL. 56, fol. 143v.
45 ARSI, GAL. 58, I, fol. 79r.-84r.
46 ARSI, GAL. 58, I, visite du collège du 1er janvier 1572, fol. 105r.-119v.
198 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

grammaire de Clenardus. Ensuite, on commentera un abrégé de


dialectique ou de physique, on fera en sorte de respecter, pour le reste, le
règlement appliqué à Rome pour les premières classes, et, en outre, il
semblerait suffisant, vu le petit nombre d'élèves, qu'on organise
chaque mois une séance dans laquelle on devra aussi réciter des épi-
grammes grecs et latins47.
Cette description témoigne d'une situation réelle. Elle renvoie à
des problèmes concrets qui rendent illusoire ou rhétorique tout
discours sur les questions d'enseignement des mathématiques. Elle
souligne aussi le caractère référentiel de la situation romaine, qui
désigne assurément la pratique unificatrice, mais non figée du mo-
dus jésuite.
A Toulouse, le cours de philosophie, ouvert dès les premières
années, s'enrichit d'un second professeur au début des années 1580.
A charge pour eux de dispenser un enseignement qu'aucune règle
générale n'a encore fixé, mais qui prend donc appui sur l'expérience
romaine, comme l'indique le texte cité. Un témoignage ultérieur, de
1587, éclaire pourtant la question des contenus :
II y a dans ce collège cinq classes destinées aux humanités, deux
à la philosophie, une à la théologie, qui sont toutes prises en charge
par différents supérieurs, en fonction des différentes possibilités48.

Comme le précise la dernière partie de cette description, la


phase de stabilisation des personnels, condition sine qua non de la
spécialisation, n'est pas encore atteinte et les pratiques dépendent
largement des circonstances. De plus, l'un des principaux problèmes
que pose la lecture des archives du second XVIe siècle, y compris
pour une source aussi importante que les registres des personnels,
est celui de la saisie de la réalité des pratiques. En 1590 encore, le
catalogue du personnel mentionne toujours deux professeurs de philo-

47 ARSI, GAL. 58, I, fol. 117r.-v. :


«Haec classis mixta erit ex rhetorica et dialectica, ac etiam graecis litteris, ut
satisfiat huius collegii obligationibus.
Mane
Praelegent discipulis percepta rhetorices, et omnino alteris diebus, et exer-
cebunt discipuli in scriptoribus per très horae partes quotidie.
A prandio
Primo explicabitur autor graecus, et per aliquot tempus breviter repetetur
gramaticam Clenardi. Deinde explicabitur dialecticae, aut physicae compen-
dium, caetera servabuntur ut sunt in prima classe ordinis Romani, praeterque
quod ob paucitatem discipulorum modo satis esse videretur, si singulis mensibus
una haberetur omnino, vel declamatio, cum qua recitenda etiam essent varia epi-
gramata graeca et latina».
48 ARSI, GAL. 56, fol. 144r. : «Esse in hoc collegio 5e classes humanioribus
Litteris destinatas, duas philosophiae, Theologiae unam, quae omnes pro varia
temporum oportunitate, a variis sunt superioribus inchoatae...».
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 199

sophie, l'un en physique, l'autre en logique49. Puis, selon les années


l'appellation varie : le logicien garde toujours le même titre, mais le
physicien est indifféremment dit «physicien» ou «philosophe».
Derrière ces appellations, la réalité des pratiques enseignantes n'exclut
pas nécessairement les mathématiques. En effet, dès 1590, Antoine
Jordin (1562-1636) assure alternativement avec son collègue, Pascal
Albin50, cet enseignement : il reste dans l'établissement pendant
toute la décennie en logique ou physique, puis réside à Bordeaux
pendant les 15 années qui suivent, revient à Toulouse pour enseigner
la théologie, puis est appelé par le Général, à Rome, comme censeur
des livres dans les années 162051. Il meurt à Annonay en 1636, après
son séjour dans la capitale pontificale.
Cest là une carrière qui suscite plus d'interrogations qu'elle
n'apporte de réponses, et qui n'aurait sans doute pas attiré l'attention si
ne subsistait le manuscrit de son cours de philosophie, professé à
Bordeaux entre 1604 et 1606. Dans ces pages dictées à un étudiant,
on trouve une série de leçons consacrées aux mathématiques : leur
étude fera l'objet du prochain chapitre. Antoine Jordin a pu, dès ses
années toulousaines, avoir une pratique semblable, nourrie par un
certain goût pour la discipline52. Si, pour ces années caractérisées
par l'absence d'un texte éducatif à valeur universelle et par la
parcimonie des sources, les interprétations doivent se faire avec
prudence, nous rencontrons ici concrètement une situation qu'il paraît
possible d'anticiper de quinze années, sans obstacle majeur. En
outre, l'exemple toulousain semble indiquer que le statut des
mathématiques dépend de la toute-puissante philosophie naturelle, tant
du point de vue épistémologique que sur le plan didactique, puisque
le cours est pris en charge par un seul et même professeur, le
philosophe. Autant dire que le cri d'alarme jeté par Clavius dans le
célèbre document du début des années 1580 déjà examiné53 semble
trouver ici une nouvelle confirmation. L'étude de ce cours manuscrit

49 ARSI, AQUIT. 6, I, fol. lv., catalogue bref de l'année scolaire.


50 ARSI : AQUIT. 9, I, fol. 102 v.
51 Pour une présentation sommaire, C. Sommervogel, op. cit. , vol. 4, col. 820-
821 et P. Delattre dir., op. cit., vol. 4, col. 687.
52 De fait, son cours s'appuie sur une vaste culture philosophique et
mathématique, qu'il a dû construire dans la longue durée de sa vie d'étudiant puis
d'enseignant. C'est elle qui lui permet notamment, dans sa fonction de censeur des
livres auprès du Général, de lire la Rosa ursina de Christoph Scheiner, grand
astronome de la Compagnie au plus fort de la querelle galiléenne. ARSI : Fondo
Gesuitico 655, fol. 93r. Sur Scheiner, outre C. Dolio, «Tamquam nodi in tabula...»,
art. cit., voir S. J. Harris, «Les chaires de mathématiques», art. cit.
53 «Modus quo disciplinae mathematicae in scholis Societatis promoveri
possent», MPSJ, vol. 7, p. 115-117.
200 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

montrera cependant que, derrière un formalisme conforme à la


pratique générale, les situations concrètes renvoient à des rapports
entre les disciplines beaucoup plus complexes.
A Avignon54, le statut particulier du territoire, partie intégrante
des Etats Pontificaux, explique largement l'importance du rôle joué
par la Compagnie de Jésus à partir du début des années 156055. Le
collège, souhaité dès 1554 par le cardinal-légat Alexandre Farnese,
fondé dans des conditions difficiles en 1564-1565, ouvre ses portes la
même année avec un nombre non négligeable de classes : l'histoire
rédigée par L. Richeome précise qu'en novembre 1564, les premiers
professeurs accompagnés par Antonio Possevino enseignent
grammaire, humanités, philosophie et dialectique56. Quelques
interruptions de l'activité (en 1569 pour cause de révolte contre les jésuites,
en 1577, 1580, 1586 et 1591 pour cause d'épidémie) entravent
cependant le développement de la nouvelle structure. La série des Litterae
annuae des années 1567-1568, 1569-70, 1571-72 ne disent presque
jamais rien des problèmes pédagogiques. A fortiori restent-elles
muettes au sujet des mathématiques57. Pourtant, les guerres qui

54 Comme pour Toulouse et l'ensemble des fondations jésuites, il existe une


histoire de l'établissement, rédigée par ses premiers responsables : De collegio
Avenionensi hystoria contracta, ARSI, GAL. 56, fol. 68 r.-v. Ce document n'est ni
daté ni signé. Pourtant la dernière date évoquée est celle de 1584. On peut donc
considérer qu'il est contemporain de celui de Toulouse, étudié plus haut. A ce
premier récit s'ajoute une Historia Collegii Avenionensis Societatis Jesu, située
aux fol. 72r.-74v. et rédigée par L. Richeome. Plus riche que le premier, il semble
qu'il en constitue l'original, à partir duquel a été réalisée la copie/résumé des
folios précédents. Pour une présentation historique synthétique, voir D. Julia et M.-
M. Compère, op. cit., t. 1, p. 90-98.
55 Comme le rappelle M. Venard, «Pour Pie V, [l'Etat d'Avignon] doit offrir le
modèle de l'Église catholique réformée selon les normes du concile de Trente.
Depuis deux siècles, Avignon, ville papale, n'était qu'une relique d'une situation
passée, conservée à toutes fins utiles, ou par routine. Désormais, elle est investie
d'une mission. Dans l'accomplissement de cette mission, un rôle essentiel revient
aux jésuites.», M. Venard, Réforme protestante, réforme catholique..., op. cit.,
p. 493. On peut sans doute considérer comme exemplaires les pages qui suivent
cette citation et qui, rendant compte des aléas et contradictions de l'ouverture du
nouvel établissement dans la ville pontificale, revêtent pour notre propos un sens
plus général et mettent bien en évidence la différence des objectifs entre les
religieux et leurs protecteurs d'une part, les autorités de la ville d'autre part : «Mais,
nous aurons à noter, à travers le détail concret d'une réalisation laborieuse, le
décalage entre deux objectifs : celui des jésuites et de leurs protecteurs, par qui le
collège est conçu et voulu avant tout comme un foyer de reconquête et de
réforme catholiques; celui des autorités urbaines, qui y voient essentiellement la
solution de leur problème scolaire»., ibid., p. 494. Pour une analyse succincte des
mécanismes de la fondation, Id., «Y a-t-il une stratégie...», art. cit., p. 77-78.
56 ARSI, GAL. 56, fol. 72r.
57 ARSI, GAL. 53, fol. 103r.-104r., janvier 1567; fol. 105r.-107r., janvier 1569;
fol. 109r.-110r., mai 1570; fol. lllr.-112v., juin 1572.
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 201

agitent le royaume permettent au collège de s'accroître par afflux de


collégiens chassés des villes françaises58. En outre pendant la
période du bannissement des jésuites de France, les professeurs
d'Avignon accueillent leurs collègues de Lyon, notamment les
professeurs de philosophie et théologie. On voit ici comment les
événements politiques influent sur la vie des établissements : le cursus
avignonnais s'en trouve ainsi étoffé et renforcé, permettant, à la fin
du siècle, de faire de ce collège le plus important établissement de la
province de Lyon59. Dans ces années-là, l'effectif du collège dépasse
les 1000 étudiants, c'est alors que le jeune Peiresc y fait ses études
(1589-1595) avant de rejoindre Tournon60.
Si les prémices d'un enseignement mathématique y sont
comparables à celles décrites pour Toulouse, il n'en demeure pas moins
que la situation exceptionnelle de la ville pontificale dans la
géographie de la Contre-Réforme contribue à accélérer le processus
d'ouverture d'une chaire de mathématiques : Avignon accueille, dès
1599, avec une confortable avance chronologique sur les autres
établissements jésuites de France, la première d'entre elles. Le
caractère prestigieux du collège, que les trois chaires de philosophie et les
deux de théologie transforment en collège de plein exercice, doit être
pris en compte dans l'explication de ce phénomène, indépendant,
comme nous le montrerons plus loin, de logiques plus strictement
scientifiques.
Pourtant, dès avant cette fondation, quelques maigres indices
laissent supposer qu'une pratique mathématique s'est développée
dans l'enceinte de l'établissement. A ce propos, la brève histoire des
origines, rédigée par Louis Richeome, ne manque pas d'intérêt. Se
référant sans doute à l'époque à laquelle il écrit son texte, la fin des
années 1580, il évoque les structures pédagogiques en ces termes :

58 M. Venard précise : «Dès 1587, le collège d'Avignon se place en tête : avec


trente-neuf jésuites, il dépasse Billom (36), Tournon (30) et Lyon (24). Moins il
est vrai par le nombre des prêtres (10) et des «maîtres» (7) que par celui des
étudiants (14). D'autant qu'à la différence de Tournon qui assure un enseignement
complet de philosophie et de théologie (avec deux maîtres dans chacune de ces
disciplines), Avignon n'a encore qu'une seule chaire de philosophie et de
théologie», op. cit., p. 703.
59 Ibid., p. 703 : «En 1606 [...], le collège compte [...] soixante-dix jésuites
(contre 61 à Lyon, 31 à Tournon, 20 à Billom...). H est en tête pour le nombre des
prêtres (26) comme pour celui des étudiants (25). Si Tournon l'emporte encore
par le nombre des professeurs (12 contre 11), Avignon, avec trois professeurs de
philosophie et deux de théologie, assure l'enseignement complet de ces
disciplines. Au total, cent douze jésuites résident à Avignon pour y exercer leur
ministère ou y recevoir leur formation!».
60 Voir Gassendi P., Viri illustri Nicolai Claudii Fabricii de Peiresc, Senatoris
Aquisextiensis vita, dans Opera, Lyon, 1658, t. V, p. 246-247.
202 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

II y a dans ce collège (...) cinq classes d'humanités, dont trois de


grammaire, une de rhétorique et une d'humanités laquelle occupe,
dans l'ordre des études, le second rang (...) En plus de ces cinq
classes, nous avons même une sixième classe de dialectique (...) dans
laquelle on commente parfois un sujet de philosophie naturelle, ou de
philosophie morale, ou de mathématiques, en fonction des personnes
présentes et du temps disponible. Cependant, si cela devait s'avérer
nécessaire, cette leçon pourrait être faite, à la fin de l'année, par le
maître de rhétorique dans sa propre classe, même si, comme
l'expérience l'a déjà montré, certains devaient en murmurer; il y a aussi une
autre leçon, soumise au seul gré de la Société, de cas de conscience,
comme on l'appelle, ou d'un sujet de théologie plus facile, dont
l'enseignement a commencé avec l'ouverture du collège lui-même61.
Ces quelques lignes peuvent aussi se rapporter aux années
antérieures, même si la visite de E. Mercurian en 157162, ou celle de
C. Matthieu, en 157963 ne donnent aucune précision sur
l'organisation des leçons. Sans donner de référence de source, l'historien
M. Chossat parle d'un cours sur la sphère dans les années 157064.
Ceci ne contredirait pas le caractère particulièrement rudimentaire de
l'organisation pédagogique : la «classe supérieure» telle qu'elle est
décrite à la fin des années 1580 relève davantage du «fourré-tout»
philosophique que d'une pratique réglée par un souci de progrès
intellectuel. A ce titre, elle paraît particulièrement proche de ce qui
doit être le plus communément proposé par les collèges et de ce que
suggérait le visiteur E. Mercurian pour Toulouse en 1572.
L'implantation méridionale de la Compagnie est confirmée avec

61 ARSI, GAL. 56, fol. 72v. :


«Sunt in hoc Collegio Avenionensi (...) quinque classes literarum humano-
rum, très quibus Grammaticae, una Rhetoricae, et alia humanitatis, qua ordine
secundum locum obtinet (...) Praeter autem haec quinque habemus etiam sex-
tam dialecticae (...) in qua praelegitur interdum aliquid ex philosophia naturali,
vel morali, vel mathematicae, ad rem personarum et tempus accomodatum. Pos-
set tamen haec lectio si necessarium videtur sub finem anni a magistro
Rhetoricae atque in ipsamet eius classe explicari etiamsi ut experientia iam compertum
est non sine paucorum obmurmuratione; habetur alia lectio ad arbitrium tantum
Societatis de conscientia, ut vocant, casibus, vel theologia faciliorie, quae coepit
pene cum ipso collegii exordio».
C'est sensiblement la même formule qui est reprise dans la -copie du folio
68v.
62 ARSI, GAL. 58, I, fol. 85r.-89v.
63 ARSI, GAL. 58, I, fol. 155r.-157v.
64 Dans un document de 1571, il a pu repérer l'achat de poinçons à tête de
lettres et de signes du ciel pour graver sur cuivre, de même que celui de deux
compas. A quel usage étaient destinés les compas? Les poinçons devaient-ils
permettre de fabriquer une sphère armillaire? Celle-ci était-elle destinée à un
enseignement? Peut-on aller au-delà de cette maigre indication pour restituer une
situation plus précise? Voir M. Chossat, Les Jésuites et leurs œuvres à Avignon,
1553-1768, Avignon, 1896, p. 429.
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 203

l'ouverture d'un établissement à Lyon, centre intellectuel stratégique


face à la Genève calviniste et pôle éditorial européen65. Là, les
vicissitudes des pères jésuites, leur action dans la tourmente des guerres
de religion ont sans aucun doute rendu la Compagnie peu
disponible pour les mathématiques, car elle était tout occupée à défendre
l'orthodoxie en matière de foi ou d'éducation66. De nouveau, les
témoignages sont fort rares et, lorsqu'ils existent, posent des
problèmes d'interprétation. Les années 1560 correspondent à une
installation chaotique67. Les années 1570 apparaissent mal documentées,
du moins pour ce qui nous intéresse ici68. Pour autant, la présence
de Jean Balmès au collège de la Trinité en 158769 permet de supposer
que certaines parties des mathématiques ont pu ponctuellement être
enseignées, jusqu'à ce que l'édit de suppression de la Compagnie (en
1594) chasse les jésuites de la ville pour une décennie. En effet, il
semble bien que, dans les années 1570, Jean Balmès faisait acheter,
en Avignon, de quoi fabriquer une sphère armillaire70. De plus, entre
157771 et 1584, il se trouvait à Tournon72, haut lieu jésuite de l'essor
des mathématiques, comme j'aurai l'occasion de le montrer. Or, sur
le catalogus primus de cette année-là, la mention de son activité
scientifique est explicite :
P. Jean Balmès, du diocèse de Mende, âgé de 51 ans, faible et
malade, admis à Rome en 1559, au mois de septembre, a étudié la

65 Sur ces aspects de la vie lyonnaise, voir N. Z. Davis, «Le monde de


l'imprimerie humaniste : Lyon», dans R. Chartier et H. J. Martin, Histoire de l'édition
française, t.l.Le livre conquérant : du Moyen Age au milieu du XVIle siècle, Paris,
1983, p. 255-278.
66 Voir D. Julia et M.-M. Compère, op. cit., t. 1, p. 378-397; pour une analyse
du climat religieux dans la ville, lors de l'arrivée des jésuites, voir A. Latreille dir.,
Histoire de Lyon et du Lyonnais, Toulouse, 1975, p. 187-196.
67 L'importance du climat de guerre est soulignée dans l'histoire de la
fondation du collège conservée à l'ARSI, GAL. 56, fol. 79r., «De Collegii Lugdunensis
ortu et progressu», elle aussi rédigée par L. Richeome :
«Collegium Lugdunensis fuit quidem constructum aliquot ante annos quam
urbs ab haereticis occuparetur, Societati vero post restitutam in ea religionem
catholicam, hoc est anno 1563 hac ratione et modo attributum est».
Sur les problèmes éducatifs rencontrés dans les premières années de
l'installation, voir MPSJ, vol. 3, p. 453-454 : «De paedagogorum querelis contra
collegium S.I»., mars 1569.
68 Les rapports de visites de 1578 (GAL. 58, 1, fol. 138r.-139r.), de 1583 (GAL.
58, I, fol. 240r.) ou de 1588 (GAL. 58, I, fol. 363r.-371v.) ne soulèvent jamais la
question des enseignements.
69 ARSI, LUGD. 12, fol. 65r. Pour des références biographiques plus précises,
voir les notices prosopographiques en annexe.
70 Voir M. Chossat, op. cit., p. 409.
71 Pour 1577, ARSI, LUGD. 12, fol. 17v.; pour 1579, ARSI, GAL. 58, I, fol.
158r.
72 ARSI, LUGD. 12, fol. 17v.
204 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

philosophie à Paris, en dehors de la Société, la théologie à Rome,


dans la Société, nommé docteur en théologie à Rome en 1562. Il a
enseigné dans les classes inférieures, les cas de conscience, les
mathématiques. Ministre pendant trois ans, Chancelier à Tournon. Profès
des 4 vœux à Tournon, en janvier 157773.
Pour cette époque, la mention d'un enseignement de
mathématiques est suffisamment rare, surtout dans les catalogi primi, pour
être relevée. En outre, la présence de Balmès à Rome, dans une
période pour laquelle on dispose de documents sur l'enseignement
mathématique, permet de conjecturer qu'il a dû y rencontrer Balthasar
Torrés alors qu'il achevait ses études de théologie, et qu'il a peut-être
profité de ses leçons. Comme c'est fréquemment le cas avec ce type
de source, il n'est pas possible de dire exactement quelle fut l'activité
de Jean Balmès à Lyon en 1587. L'absence de catalogus brevis
constitue ici un réel problème74. On peut en tout cas supposer que, dans
son cours de philosophie, il s'est aussi intéressé au commentaire de
la Sphère, ou à Euclide. Pourtant, à la fin des années 1580 encore, le
nombre des classes du collège est à l'image des situations
précédemment analysées :
Ce collège compte cinq classes, trois de grammaire, une autre
d'humanités, et une de rhétorique, dans laquelle, en fin d'année, on a
l'habitude d'apprendre un abrégé de la dialectique. Il y eut en outre
pendant de longues années une sixième classe d'abécédaire, mais à
présent, depuis deux ans, ou plutôt depuis trois ans environ que la
peste rôde, ce cours est suspendu, sur autorisation des autorités
municipales. Mais à ces classes la Société est tenue par un contrat précis.
Il y eut même ici certaines fois un cours de cas de conscience, mais
libre celui-ci, et pour cette raison, par manque d'auditeurs, il a été
interrompu75.

73 Ibid. : «P. Ioannis Balmesius, diocesis Miniatene, annorum 51, Debilis et


Valetudinarius, Admissus Romae Mense sept. 1559, Studuit Parisiis Philosophia
extra Societatem, Romae in Soc. Theol., Romae factus est doctor Theol. in Soc.
anno 1562. Docuit in inferioribus classibus, casus conscientiae, Mathematicas;
Minister 3 annos, Cancellarius Turnoni. Professus 4 votorum Turn. mense janus
1577».
74 La parcimonie des sources fait que seuls les rapports de visites des années
1580 nous soient parvenus : celui d'A. Voisin, en mars 1583 (GAL. 58, I, fol.
240r.), celui de L. Maggio, en mai 1588 (GAL. 58, I, fol. 363r.-371v.).
75 ARSI, GAL. 56, fol. 79v.-80r. :
« Sunt in hoc collegio quinque classes, très grammaticae, humanitatis altera,
et una Rhetoricae, in qua in fine anni Dialecticae legi solet compendium. Fuit hic
ante aliquot (80r.) annos, Abecedariorum sexta classis, sed iam a duobus annis,
vel tribus quibus pestis fere grassata est, civitatis concessione intermissa est. Et
ad has classes quidem certa pactione societas est obligata. Fuit hic etiam aliquo-
ties et schola casuum conscientia, et haec est libera, et propter eandem causam,
et auditorum inopiam, est intermissa».
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 205

Témoignage proche de ceux qui précèdent, il n'est même pas


question d'une classe supérieure s'apparentant à celle de
philosophie. La proximité du collège de Tournon en Vivarais, où les jésuites
concentrent précocement leurs efforts pour organiser des études
scientifiques, pourrait expliquer une répartition des tâches entre les
deux établissements, permettant une gestion logique du personnel
disponible selon une stratégie scolaire et en fonction de la pénurie.
De fait, lorsque, en 1605, le collège lyonnais ouvre de nouveau ses
portes après dix années d'absence et d'exil des pères, la création
immédiate d'une chaire de mathématiques76 manifeste a posteriori, et
dans un contexte intellectuel et politique nouveau, l'importance
accordée par les jésuites lyonnais aux études scientifiques dans la
définition et l'organisation d'une stratégie éducative de prestige.
Toutes ces indications permettent de conclure que quelques
leçons sur la sphère, voire une initiation à la géométrie euclidienne,
constituent les seules activités mathématiques réelles dans les
principaux collèges jésuites français, pendant la seconde moitié du XVIe
siècle. Le collège de Clermont lui-même n'échappe pas totalement à
cette règle, même si la volonté de pénétration de la Compagnie dans
la capitale du royaume l'incitait à un effort particulier pour offrir un
cursus complet et de qualité. Celui-ci sera analysé spécifiquement
dans le chapitre 6,
A l'issue de cette exploration des sources centrales
correspondant aux premières années d'installation de la Compagnie en
France, les informations susceptibles d'éclairer les premières pra-

II est à noter qu'en 1584, dans l'introduction au catalogus primus de la


province de Lyon, le registre fait mention de 8 classes pour le collège de Lyon, ARSI,
LUGD. 12, fol. lr. :
«Collegium Lugdunense habet 8 classes, unam casum conscientiae, alteram
logicae, tertiam rhetoricae, 4 humaniorum literarum 5.6.7. Grammaticae, 8 Abe-
cedariorum».
Ceci semble souligner le caractère encore fluctuant de l'organisation des
enseignements, largement tributaires des moyens en hommes et du climat général.
76 ARSI, LUGD. 14, fol. 15v.; LUGD. 18, 1, fol. 186r. Voir en outre P. de Vré-
gille, «L'observatoire du Collège de la Trinité, à Lyon (1565-1794)», Lettres de
Cantorbéry, suppl., 1906/3, p. 51-71. On remarquera que l'auteur, sans donner
aucune référence, évoque l'influence du P. Auger dans l'établissement d'une chaire
de cosmographie, avant 1594. Les archives ne m'ont nullement permis de
confirmer ce propos. Il faut sans doute mettre cette analyse rapide de l'auteur sur le
compte d'une position peu critique vis-à-vis de la Compagnie, et qui transparaît
dans des phrases de ce type : «Avec la première moitié du XVIIe siècle, surgissent
les astronomes et les mathématiciens de génie. La Compagnie de Jésus participe
au mouvement général et produit quantité de savants illustres» (p. 52).
Remarque précieuse pour nous cependant, dans les inventaires dressés au XVIIIe
siècle, lors de la suppression, il n'est cité aucun instrument d'observation. On
notera d'autre part que le Collegio Romano ne dispose pas plus d'un observatoire à
cette date.
206 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

tiques d'enseignement des mathématiques apparaissent rares et


d'une interprétation délicate. Elles n'autorisent en outre aucune
généralisation sur les politiques scolaires ou les pratiques
d'enseignement. Les vingt premières années de la présence jésuite en France
sont trop marquées par les difficultés matérielles d'installation et le
contexte de guerre pour que la question des mathématiques
mobilise les énergies.

Débats sur la Ratio dans les provinces françaises

Dans les vingt premières années de mise en place d'un


enseignement jésuite en France, la place des mathématiques ne fut pas
valorisée dans la plupart des établissements fondés, aucune source
n'attestant particulièrement d'un souci pour son essor. Or, à partir de
1580, on l'a montré, dans le milieu romain, le changement de
contexte, lié à la rédaction de la Ratio studiorum, ouvre dans la
Compagnie une vaste réflexion didactique et épistémologique, et
Clavius s'est engagé de manière décisive dans la défense de cette
discipline77. On a étudié ce processus, comme on a évoqué les échos
provoqués et les réactions suscitées par ce combat. En effet, les
commissions provinciales, convoquées par Claude Acquaviva, ont eu
à commenter la première version de la Ratio rédigée à Rome. Les
rapports adressés au centre nous renseignent sur les diverses
sensibilités provinciales. L'étude approfondie des diverses réactions, qui
a été ébauchée plus haut, n'entre pas dans ce projet78; mais le
dossier des réponses venues des provinces françaises nous intéresse
directement79, car il donne la mesure de l'attention portée au chapitre
«De mathematicis»80.
Si les Monumenta Paedagogica Societatis Jesu offrent
aujourd'hui un large éventail de cette documentation et un inventaire
exhaustif du matériel disponible81, il n'en demeure pas moins que son
auteur n'a pas tout édité et que certains documents,
particulièrement précieux, ne sont pas inclus dans ses Monumenta Paedagogica.
L'analyse qui suit repose sur des textes édités et inédits, la
vérification des textes publiés ayant été limitée aux seules provinces
françaises.
Le premier texte mis en discussion par le Supérieur Général

77 Voir première partie, chapitre 2.


78 Ibid.
79 Voir, dans l'analyse générale des sources qui figure en introduction, les
remarques qui concernent la série des Studia.
80 MPSJ, vol. 5, p. 409-410. Sur les modalités de rédaction du texte commun,
voir supra, première partie, chapitre 2.
81 MPSJ, vol. 6, p. 33*-43*.
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 207

Claude Acquaviva a été examiné par des commissions provinciales


sur lesquelles les archives donnent une connaissance précise. C'est
Louis Richeome qui écrit au général, pour la province de Lyon. Dans
sa lettre du 28 janvier 158682, il annonce la réception de la Ratio à la
date du 10 janvier.
Dans la province d'Aquitaine, le document romain est également
arrivé dans le courant du mois de janvier 1586, suivi, en avril, de la
lettre explicative de Claude Acquaviva83. Dès le mois de février, le
provincial Pierre Lohier écrit au général :
J'envoie aussi notre avis sur l'ordre et l'organisation des études,
qui correspond à la première partie de ce programme. En effet, ce qui
concerne les humanités, je l'ai envoyé avec mes lettres précédentes,
voici quinze mois. Je demande à Votre Paternité qu'elle nous excuse
d'envoyer cet avis avec sans doute plus de retard qu'il n'était permis.
En fait, nous avons reçu le texte avec beaucoup de retard. Ensuite, il
a été nécessaire, pour chacun de ceux qui devaient le faire,
d'employer plusieurs mois à la lecture individuelle et attentive de ce texte,
comme il était prescrit par Votre Paternité. Enfin, et cela fut encore
plus difficile, nos congrégations ont mis beaucoup de temps et de
peine à l'examiner sérieusement. Fasse Dieu que tout se fasse pour la
plus grande gloire de Dieu et la plus grande utilité de la Société. Nous
souhaitons très fortement que l'ensemble de cette Ratio studiorum
nous soit retournée au plus vite, parfaitement soignée et claire84.
Cet extrait rend non seulement compte d'un travail individuel et
collectif, mais il souligne aussi la forte attention accordée aux études
supérieures.
Dans la province de France, qui reçoit tardivement les
documents envoyés par Rome, au début du mois d'octobre 1586, le vice-
provincial Clément Dupuy (Puteanus)85 choisit cinq prof es, tous ver-

82 ARSI, Fondo Gesuitico 650a, fase. 476. Dans cette chemise, sont
conservées quelques lettres autographes de Louis Richeome, dont celle du 28 janvier
1587, publiée par L. Lukacs, MPSJ, vol. 6, p. 17*, mais que l'éditeur date de 1586.
83 MPSJ, vol. 6, p. 12* et 17*.
84 Cité dans MPSJ, vol. 6, p. 12* : ARSI, Fondo Gesuitico 648, fase. 349 :
«Mitto et censuram nostram in ordinem et rationem studiorum, id est in
priorem partem eiusdem ordinis. Nam quae pertinet ad studia humanitatis, misi
cum superioribus meis literis, ad 15 mensis superioris datis. Excusatos nos ha-
beat rogo V.P. quod istam censuram tardius fonasse mittimus quam par fuisset.
Nam tardissime libellum recepimus. Deinde aliquot menses necessario insumere
opportuit, ut singuli quos opportebat, illum particulatim et attente legerent ex
V.ae P. praescripto. Postremo quod et difficilius fuit, congregationes nostrae ad
illum serio examinandum plus temporis et operae insumpserunt. Faxit Deus, ut
omnia cédant ad maiorem gloriam Dei et Societatis utilitatem. Cupimus vehe-
menter ut tota ista Ratio studiorum accurate et distincte confecta ad nos brevi re-
mittatur».
85 Pour une brève notice de présentation, C. Sommervogel, op. cit., t. 3, col.
297.
208 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

ses en théologie, pour constituer une commission de travail : Anni-


bal du Coudret, Nicolas Le Clerc (Clerus)86, recteur du collège de
Pont-à-Mousson, Richard Flaminius, Jacques Commolet (Iacobus
Commoletus)87, Alexandre George (Alexander Georgius)88, recteur
du collège de Paris. Dans l'impossibilité de quitter Pont-à-Mousson,
N. Ledere enverra directement à Rome le résultat de sa réflexion89.
Le reste de la commission tient sa première session le 25 octobre et
se fixa un cadre de travail précis, désignant un secrétaire, Richard
Flaminius, et établissant une méthode d'examen du texte. Les
membres de la commission provinciale se concentrent sur les
problèmes d'ordre théologique90, comme le précise C. Dupuy dans la
lettre du 21 décembre 1586, qui accompagne les jugements de la
commission : «Nous avons examiné avec beaucoup d'attention les
problèmes théologiques et philosophiques. Il n'en fut pas
exactement de même avec les humanités, à cause du manque de temps;
elles n'ont cependant pas été négligées»91. Cette attention
particulière pour les questions théologiques, et plus généralement pour
les études supérieures, constitue un trait distinctif de la Compagnie
dans son rapport au procès d'éducation : nous en avons déjà avancé
une première raison, fondée sur les Constitutions, qui désignent la
théologie comme la finalité des études92; il en est une autre d'ordre
idéologique et institutionnel, qui concerne le problème de
l'uniformité et de la solidité de la doctrine professée par les membres de
l'ordre. Il n'est pas étonnant que les compagnons choisis par
Clément Dupuy pour examiner le projet de la Ratio aient été des
théologiens et qu'ils aient examiné si attentivement des questions touchant

*bIbid,,t. 2, col. 1228-1229.


87 Ibid., t. 2, col. 1351-1352.
**Ibid.,t. 3, col. 1340.
89 MPSJ, vol. 6, p. 13*, Acta congregationis quinque deputarum in provincia
Francia de Ratione studiorum instituenda. Sur le texte de N. Le Clerc, voir MPSJ,
vol. 6, p. 108-109.
90 MPSJ, vol. 6, p. 14*.
91 ARSI, GAL. 92, fol. 288r.-v. : «Theologica et philosofica satis diligenter
examinavimus. Quae humanitatis erant, non ita diligenter ob temporis angustiasi
non tamen negligenter».
92 A cet égard, les propos d'Antonio Possevino ne font que confirmer cette
option culturelle, dans La coltura..., op. cit., p. 2. :
«Et senza dubbio volle Iddio, che l'humana natura fosse tale, che sempre
desiderasse queste due cose Religione e Sapienza : le quali insieme si accopiassero,
partorissero una sola verità; partorita la custodissero; custodita l'apportassero
insieme con gli animi al Cielo».
Traduction :
«II ne fait aucun doute que Dieu ait voulu faire la nature humaine telle
qu'elle désirât ces deux choses, religion et connaissance : de sorte que s'unissant
ensemble, elles engendrent une seule vérité; que celle-ci engendrée, elles la
protègent; que celle-ci protégée, elles l'emportent ensemble au ciel, avec les âmes».
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 209

à l'identité de la Compagnie et conditionnant à terme sa place dans


l'institution ecclesiale.
Les avis émanant des trois provinces françaises ne concernent
qu'exceptionnellement les mathématiques. Même si dans le travail,
les commissions sont organisées de telle manière qu'elles examinent
la Ratio chapitre par chapitre, les commentaires à propos du De ma-
thematicis sont rarement développés.
De manière symptomatique, Jean Balmès, connu pour son
enseignement ponctuel des mathématiques, adresse au général, à titre
personnel93, un texte de critique de la Ratio94. Ce document resté
inédit aborde les différents aspects de l'organisation des cours de
philosophie et de théologie au sein de la Compagnie, sans évoquer à
aucun moment le problème des mathématiques.
Au même moment, la commission de la province de France
adresse ce texte à Rome :
A propos du chapitre «De mathematicis», les observations
suivantes ont été formulées.
Page 200, deuxième et troisième points95. A tous il a semblé
important d'avoir, dans les grands collèges seulement, un professeur
extraordinaire de mathématiques, qui prenne en charge le cours de
mathématiques sur deux années, et qui enseigne dans chacune de ces
deux classes alternativement, trois quarts d'heure seulement : un jour
devant les étudiants de philosophie de première année, l'autre jour
devant ceux de deuxième année, de sorte qu'au total l'ensemble des
mathématiques aura été abordé. Cependant, dans les petits collèges,
au professeur ordinaire de philosophie d'évoquer succinctement les
mathématiques, comme c'est actuellement le cas en France et les
choses se passent assez bien96.

93 Cette pratique constitue une des possibilités offertes par les Constitutions
pour dialoguer avec le Général : voir A. Demoustier, «La distinction des
fonctions...», art. cit.
94 ARSI, Stud. 2, Variarwn provinciarum judiciae de Ratione Studiorum 1586-
1600 : «Judicium P. J. Balmesii de ratione studiorum a R.P. Generalem (1586)»,
fol. 181-184.
95 Cette référence directe aux pages du texte envoyé depuis Rome est
révélatrice de la manière de procéder qui est analytique et suit le texte d'assez près,
chapitre par chapitre.
96 ARSI, STUD. 3 : Documenta de Ratione stud. 1583-1613 (591 fol.), fol.
331r.-357v. : «Judicium Congregationis Dep. in provinciae Franciae ad resco-
gnoscendas R.S., 1586». Ce document est édité dans les MPSJ, vol. 6, p. 295-296 :
«Circa titulum de Mathematicis haec observata sunt.
P. 200 n. 2 et 3°. Visum est omnibus in magnis duntaxat collegiis oportere
esse professorem Mathematicae extraordinarium, qui biennis absolvat cursum
Mathematicae et huiusmodi alternatim légère debere per très duntaxat qua-
drantes horae : uno die, prò auditoribus primi anni cursus philosophici, altero
die pro auditoribus secundi anni, ita ut quotannis absolvatur (v.) totum compen-
dium Mathematicarum disciplinarum. In parvis autem collegiis, professorem or-
210 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

La province d'Aquitaine envoie au général Quae animadversa in


priorem partent libri de ordine studiorum circa studium theologiae et
philosophiae in Provincia Aquitaniae91'. Dans ce document, rien n'est
dit des mathématiques. Il est manifeste que le problème majeur de
la province réside dans le manque de personnel, qui a conduit à
réduire, de facto, le cursus de philosophie de trois à deux années et à
réclamer clairement, à Rome, l'envoi de professeurs. De ce dernier
fait témoigne une lettre du provincial Pierre Lohier au général, le 15
janvier 1587 :
Certains étudiants de cette province sont aptes à poursuivre leurs
études en théologie, mais comme ils enseignent la philosophie ou la
rhétorique et que nous n'avons pas cette année, pour celles-ci, un
nombre suffisant de professeurs, nous ne pouvons pas les appliquer à
la théologie. C'est pourquoi je demande à V. P. qu'elle envoie de
Rome, pour l'année prochaine, deux professeurs qui enseigneraient la
philosophie, l'un à Toulouse, l'autre à Bordeaux98.
Enfin la province de Lyon, plus sensible au problème, envoie
cette réflexion sur les mathématiques :
II y aurait grand avantage à être attentif à ce qu'écrit Oronce
Fine, dans l'une de ses lettres, sur la décision prise par l'Université de
Paris, à savoir que personne n'accéderait au grade de maître es arts à
moins d'avoir suivi le cours sur les six premiers livres d'Euclide. Les
philosophes de Louvain sont contraints de suivre un cours
d'arithmétique pratique et sur la sphère de Jean de Sacrobosco99.
On sera sensible à ces références externes : Oronce Fine, le
professeur de mathématiques du Collège Royal, souvent cité par Nadal
et Clavius, l'organisation des études à Louvain100, autre grand centre

dinarium cursus philosophici mathematicas disciplinas breviter perstringere de-


bere ut hactenus in Gallia factum est, et satis bene succedit».
97 ARSI, STUD. 3, fol. 374r.-379v. : L. Lukacs en a proposé une publication
intégrale dans les MPSJ, vol. 6, p. 286-287.
98 ARSI, GAL. 92, fol. 307r. :
«Aliquot sunt in hac provincia apti ad audiendam Theologiam, sed quia
docent Philosophiam et Rhetoricam, nec habemus hoc anno quos illis sufficia-
mus, non possumus illos adhuc ad theologiam applicare. Itaque rogo V.P. ut pro
sequenti anno mitât Roma duos qui doceant Philosophiam, unus Tolosae, alter
Burdigalae».
"ARSI, STUD. 3, fol. 394r.-399r., «Censura in Methodum studiorum, mis-
sam Romae examinandam, collecta a patribus Congregatis in Provincia Lug-
dunensis». Ce texte est partiellement édité dans les MPSJ, vol. 6 : le paragraphe
que je traduis (fol. 396v.) se trouve p. 296 :
«Expediret saltem servare quod Orontius in quadam epistula scribit fuisse
decretum in Academia parisiensis ut scilicet nemo crearetur Magister Artium
quin audivisset sex prima Elementa Euclidis. Lovanii certe coguntur philosophi
omnes audire Arithmeticam practicam et Sphaeram Joannis de Sacro Bosco».
100 Sur cette université où a enseigné notamment Bellarmin, on se référera à
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 211

universitaire de la Contre-Réforme. Ce texte témoigne aussi d'une


certaine connaissance de la production mathématique
contemporaine et des discussions qui entourent cette discipline. Quant à
l'idée, empruntée à Oronce Fine, d'imposer les mathématiques comme
discipline obligatoire dans le cursus de philosophie, elle se trouve en
harmonie complète avec les propositions romaines de Clavius.
Certes les ambitions sont modestes, on se limite aux six premiers
livres d'Euclide, ce qui tendrait à confirmer que par delà le clivage
jésuites / non jésuites, le débat sur les mathématiques recoupe une
ligne de fracture beaucoup plus large qui traverse aussi l'ordre igna-
tien. Mais, cette citation prouve qu'en France les autorités
pédagogiques de la Compagnie sont sensibles aux pratiques éducatives
autres que celles du Collegio Romano.
Ces quelques témoignages rendent compte de la diversité des
situations réelles dans les provinces françaises. Rappelons qu'à cette
date, l'Aquitaine comprend les établissements de Toulouse, Rodez,
Mauriac et Bordeaux, la Lyonnaise, nouvellement créée, ceux de Bil-
lom, Tournon, Avignon, Chambéry, Lyon, Dijon et Dole, que la
province de France compte ceux de Paris, Pont-à-Mousson, Bourges,
Eu, Verdun, Nevers101. Cependant, dans son ensemble, le chapitre
«De mathematicis» du texte romain est bien reçu : aucune des
critiques émanant de France ne met en question la possibilité de cet
enseignement, ce qui ne vaut pas pour toutes les provinces jésuites.
Qu'il suffise de rappeler ici les réticences de certains professeurs du
Collegio Romano102. Pareillement, la province de Milan souhaite
réduire le cours de mathématiques à une seule année, en se limitant à
l'apprentissage des trois premiers livres d'Euclide, de la sphère, de
l'astrolabe, et de l'arithmétique, et en dispensant de cet
enseignement, encombrant pour les jeunes esprits, les étudiants en logique.
Parallèlement, en France, l'idée d'envoyer à Rome, auprès de Chris-
toph Clavius, certains scolastiques de la province, est perçue
positivement, tout comme est envisagée avec précision l'hypothèse de
mettre en place des programmes d'approfondissement ou des
exercices et des examens de contrôle des acquis dans ce domaine103.

J. P. Donnelly, «Padua, Louvain and Paris. Three Case Studies of University - Je-
suit Confrontation», art. cit.
101 P. Delattre dir., Les établissements..., op. cit., t. 1, col. 293-296; t. 2, col.
590-594 et 1490. On se reportera aussi aux cartes du chapitre 7 qui décrivent les
différentes phases de l'organisation de la province de Lyon.
102 Voir première partie, chapitre 2.
103 ARSI, STUD. 3, fol. 154v., édité dans MPSJ, vol. 6, p. 293 :
«N° 2 - Videtur nobis suffìcere secundus annus philosophiae ad ea audienda
de mathematicis et tradenda quae necessaria sunt, ut sunt très libri priores Ele-
mentorum Euclidis, Sphera, Astrolabium, aritmetica. Necque in anno logicae
tenera iuvenum ingenia videntur oneranda.
212 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

L'exemple de la province de Milan constitue la preuve explicite de la


variété des préoccupations scientifiques au sein de la Compagnie.
Les documents français insistent sur la nécessité d'adapter les
règles aux réalités : d'où la distinction entre grands et petits
établissements mise en avant par la province de France, ainsi que la
description minutieuse de la situation bordelaise, dans le rapport de
l'Aquitaine. En rédigeant leurs remarques pour Rome, les pères de
cette province sont amenés à définir plus précisément les situations
locales et à souligner les différences avec le modus romanus, voire
avec le modus parìsiensis . Ils dressent ainsi le tableau d'une province
qui, contrairement à ce qui se met alors en place à Paris, continue à
proposer un enseignement de mathématiques inscrit au cœur du
dispositif philosophique. Le cours de philosophie dans les différents
lieux, précisent-ils, n'est pas étalé sur trois ans, comme à Paris, mais
concentré sur deux années. D'ailleurs, même à Paris, il reste peu
d'étudiants pour la troisième année104. Cette concentration du cursus
de philosophie, déplorée par les pères105, induit une modification du
programme et des disciplines enseignées :

N° 3 - Valde placet, quod hic dicitur de mittendis aliquot Romam ad Patrem


Clavium audiendum, ut nequaquam harum disciplinarum perfectio in Societate
desideretur. Addi tamen poterunt haec : Reliquam theologiam in sua provincia
poterunt audire, ne defraudentur hoc vel bono vel consolatione. Philosophis dis-
tricte praecipiendum est, ne inter docendum vel mathematicorum dignitatem
élèvent, vel setentias eorum refellant, ut de epiciclis. Fit enim saepe, ut qui minus
haec norint, magis eis detrahant. Videtur etiam expedire, ut aliquod genus exerci-
tationis inveniatur ad excitanda studia ingeniorum vel singulis mensibus vel 15
quoque die; quale esset vel propositiones defendere, vel audita repetere, saltem
difficiliora. Permittantur, qui voluerint, in fine cursus philosophi defendere
etiam thèses mathematicas ex doctoris earum sententia. Si in aliqua urbe praeci-
pua vel academia esset idoneus numerus auditorum, qui perfecte mathematicas
addiscere vellent, posset lectio huiusmodi institui praeter ordinariam. Atque ideo
etiam Romae, si qui externi interesse vellent cursui perfecto mathematicorum
nostris praelegendo, non viderentur excludendi. Allicerentur auditorum animi, si
in fine cuiusque lectionis, praesertim quando spinosiora explicantur, ut elementa
Euclidis, praeclara aliqua problemata proponantur ex aritmetica, musica, diopti-
ca et huiusmodi. Item docere, quem ad usum serviant propositiones Euclidis in
ordine ad praxim. Quae iucunda esse soient».
104 MPJS, vol. 6, p. 286 :
«Lutetiae quidem olim dabatur integrum triennium curriculo philosophiae;
sed hoc tempore ad finem biennii pauci supersunt auditores, ut dictum est ad
pag. 145. In aliis vero Galliarum academiis, quae ex parisiensi acceperunt, ut in
burdigalensi et tolosana, nunquam philosophiae tributum est plus quam bien-
num».
105 MPSJ, vol. 6, p. 286. Ils soulignent en effet qu'ainsi le cours de philosophie
n'est pas bien assimilé par les étudiants et que les professeurs s'épuisent dans une
charge d'enseignement trop pesante au point qu'ils ne traitent pas plus de la
moitié du programme :
«Praeceptores ipsi, dum volunt accurati esse, et nihil eorum, quae
necessaria sunt, praetermittere, etsi quotidie quatuor horas doceant, in tantam tamen
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 213

Dans le cadre de ces deux années, il faut enseigner non


seulement la logique, la physique et la métaphysique, mais aussi l'éthique
et les mathématiques, et en plus c'est au même professeur de le faire.
Cela ne peut être fait comme on le devrait, surtout parce qu'il faudrait
non seulement enseigner mais aussi dicter le cours, comme il est dit à
la page 95. Parce que si nous voulons développer le cycle de
philosophie sur trois ans, d'abord nous irons contre les usages
académiques; ensuite, nous écarterons de nos établissements tous les
étudiants externes. Car ceux-ci veulent absolument obtenir le grade de
maître en philosophie à la fin de la seconde année106.
Cet extrait paraît d'autant plus intéressant qu'il fait
explicitement référence à un usage local, dont les responsables de la
province sont extrêmement soucieux, probablement plus que de celui
du Collegio Romano. Les raisons de l'attention portée au contexte
local d'enseignement sont clairement énoncées : la volonté de
conserver un public d'externes, donc d'être ancré dans le tissu social
alors que l'influence culturelle de la Compagnie fait d'autant plus
question que les Guerres de Religion battent leur plein dans cette
zone du sud-ouest de la France. Le cas bordelais constitue un bon
exemple du contexte de concurrence dans lequel s'inscrit l'offre
scolaire de la Compagnie, il révèle aussi combien les communautés
jésuites étaient attentives à ces aléas.
L'analyse du document met en évidence la complexité de la
situation en Aquitaine; il faut parvenir à s'accorder au «morem acade-
miae» local, sans mécontenter «les nôtres» :
Une seule solution nous vient à l'esprit pour n'incommoder en
rien les nôtres tout en nous accommodant aux usages académiques107.
Et de proposer une adaptation de la Ratio aux contraintes
locales. On étudierait, en première année, les huit livres de la Physique
d'Aristote; la seconde année serait consacrée aux autres textes d'A-
ristote, De generatione, De caelo, De anima et à la Métaphysique. Ce
programme suffirait pour devenir maître es arts. Quant à l'enseigne-

angustias rediguntur, ut valetudinem vix possint tueri, dum hinc sunt anxii, ne
quid praetermittatur, hinc vero ne temporis angustiis exclusi, metam philoso-
phiam non attingant».
106 MPSJ, vol. 6, p. 286 :
«In ipso biennio non solum logica, physica et metaphysica explicanda sunt,
sed etiam ethica et mathematica, et quidem ab eodem praeceptore; quod nullo
modo prò dignitate fieri potest; praesertim cum non solum sit docendum, sed
etiam dictandum, ut dictum est ad pag. 95. Quod si spatium curriculi philosophi
volumus ad triennium protrahere, primum contra mores academiae faciemus;
deinde omnes externos discipulos a nostris scholis abigemus. Volunt enim illi
praecise ad finenti biennii gradum magisterii in philosophia reportare».
107 MPSJ, vol. 6, p. 286 : «Unicum nobis venit in mentem remedium, ut nihil
nobis incommodetur, et ut nos ad morem academae accommodemus».
214 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

ment des mathématiques et de l'éthique, il serait proposé en


troisième année aux scolastiques et à ceux des externes qui le
voudraient : ces derniers partageraient leur dernière année entre ces
deux nouvelles disciplines et la répétition de la philosophie plus des
parties de la métaphysique et ce qu'ils n'auraient pas encore vu du
cours de philosophie108.
L'avantage de la solution proposée n'est pas des moindres,
d'après les auteurs de la proposition : aucun reproche ne pourrait alors
être fait à la Compagnie quant à une éventuelle carence de
l'enseignement en mathématiques109; en outre, les externes qui le
souhaiteraient pourraient suivre ces cours d'éthique et de
mathématiques dès la seconde année : la chose serait en effet compatible avec
l'emploi du temps, dans la mesure où ce cours serait pris en charge
par un professeur extraordinaire qui donnerait ses leçons à une
heure elle aussi extraordinaire. Ainsi ceux des externes qui se
sentiraient prêts à suivre une leçon supplémentaire par jour pourraient le
faire! En conclusion et de manière fort pragmatique les pères
suggèrent que s'il n'y a aucun candidat pour un cycle de trois ans, le
cours se déroule sur deux ans, sans éthique, ni mathématiques110.
Ainsi, le souci de donner aux mathématiques une place dans
l'enseignement de philosophie est-il en permanence subordonné à
deux critères : les limites imposées par le contexte culturel
environnant, et à ce titre les jésuites de la province d'Aquitaine n'entendent
faire l'objet d'aucune critique; les besoins recensés et les possibilités
effectives d'y répondre. L'ensemble de leurs propositions se veut
souple et modulable en fonction de la demande et des moyens en

108 MPSJ, vol. 6, p. 286 :


«Primum quidem, ut ab initio biennii usque ad finem anni explicentur octo
libri Physicorum; sequenti vero anno explicentur accurate libri de Generatione,
libri de Caelo, libri de Anima et Metaphysica; sic ut ad festum Pentecostes inci-
piant fieri actus, et ad finem anni tribuantur gradus. Ita enim commode fieri pos-
sunt. Et quia supersunt ethica et mathematica, illa sequenti anno, id est, initio
triennii explicentur ab eodem praeceptore, ni sit aliqui ordinarius istorum pro-
fessor, qui quotidianis ista doceat. Hoc demum 3° anno fratres nostri, et si qui ex-
terni adesse volent, et sine dubio semper multi aderunt, philosophiam répètent,
partes metaphysicorum agent, et quae de curriculo philosophiae deerant,
cumulate audient».
109 MPSJ, vol. 6, p. 286 : «Nec vero iure poterit quisquam queri, quod ethicis
et mathematicis careat».
110 MPSJ, vol. 6, p. 286 :
«Nam quia quotannis docebuntur, poterunt audire, etiam ii, qui biennio
philosophiae absolvent, si volent tumultuarie ea audire, atque exponantur ab
extraordinario professore et horis etiam non ordinariis, ut possunt adesse, qui très
lectiones devorare quotidie volent. Ab aliis vero, qui triennium in philosophiae
ponent, multo etiam commodius audientur, ut dictum est, et sic observabitur
quod inferius pag. 186 dicitur de ethicis 3° anno legendis. Quod si fonasse acci-
dit, ut nulli nostri fratres curriculum audiant, nec sint etiam externi, qui trien-
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 215

personnel. Nous sommes loin du combat mené au même moment


par Clavius, lequel se situe à un autre niveau. La dimension
institutionnelle et scientifique visant l'autonomisation de la discipline
n'apparaît pas comme une réelle préoccupation chez les jésuites de
Guyenne. A cet égard, la brève remarque des responsables lyonnais
est plus pertinente sur le fond.
Dans les textes envoyés à Rome avant la fin de l'année 1586, se
lisent les positions françaises : du moins, ces documents rendent
compte de positions de principe, alors que les sources que j'ai
précédemment utilisées nous informaient sur les pratiques. Il est donc
particulièrement regrettable que la documentation conservée
n'éclaire pas avec autant de précision les discussions qui
accompagnèrent les autres versions de la Ratio. Les congrégations
provinciales, réunies en France entre 1586 et 1593, en 1587111, 1590112 et
1593 113, se font souvent l'écho des débats sur la Ratio studiorum avec
des propositions ou des demandes fréquentes à ce sujet114, mais
aucune ne traite spécifiquement des mathématiques.
Parallèlement, j'ai pu relever dans le texte partiellement édité
par L. Lukacs, Quae observata sunt a patribus trium provinciarum
Galliae circa praxim libri de ratione studiorum115 , cette mention :
De même, qu'ils ne soient pas contraints à avoir une Académie
de mathématiques, puisqu'il n'y aura personne pour la maintenir116.

nium velint expectare, sine eo onere levabitur Societas, curriculumque biennio


absolvetur sine ethicis et mathematicis».
111 Voir ARSI, CONGR. 43, fol. 168r.-171; fol. 186r.-193v. Voir en outre
H. Fouqueray, op. cit., p. 211.
112 Voir ARSI, CONGR. 44, fol. 196r.-198v.; fol. 209r.-214v.; fol. 223r.-v., voir
H. Fouqueray, op. cit., p. 238-239.
113 ARSI, CONGR. 46, fol. 149r. et suiv.; fol. 171r. et suiv.; fol. 179r. et suiv.
114 On pourra noter le souci des responsables de la province de Lyon de
disposer d'un cours rédigé de philosophie et de théologie, ARSI, CONGR. 44, fol.
214r.-215r. :
«Hac duo a Procuratore proponenda sint R.P.N.G. nomine Congr. prov.
Lugd. ânni 1590
1. Ut cursus philosophiae et theologiae cito a nostris scribatur exacte, quo in
scholis nostri scholastici possint uti ad evitandas molestas et periculosas scrip-
tiones cum detrimento evidenti valitudinis. (...)
Responsa ad eorum... 1590.
(...) Cursus philosophiae jam scriptus est, citoque cum Dei gratia communi-
cabitur. Theologia autem nondum est factum, sed quid fieri debeat ad utandum
[...] scriptiones dicitur in Ordine studiorum».
115 Une analyse intéressante d'un ouvrage français du milieu du XVIIe siècle,
dans L. W. B. Brockliss, «Pierre Gautruche et l'enseignement de la philosophie
de la nature dans les collèges jésuites français vers 1650», dans L. Giard dir., Les
jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. 187-219.
« Des choses qui ont été observées par les pères des trois provinces de Gaule,
autour de la pratique des livres de la Ratio studiorum», MPSJ, vol. 7, p. 235-237.
116 ARSI, STUD. 2, Variarum provinciarum judiciae de Ratione Studiorum
216 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

S'agissant de la version de 1591 de la Ratio, on comprend bien


que cette réflexion fait allusion à la fameuse académie de
mathématiques, dont l'enseignement constituerait un approfondissement des
bases apprises en classe de physique117. Ces deux lignes ne sont
pourtant pas sans poser problème : il s'agit ici d'un problème de
vocabulaire induit par le terme «sustentare», qui signifie «soutenir»,
«maintenir», mais aussi «alimenter», nourrir». Le manque de
soutien dont ce texte se fait l'écho est-il de nature économique ou
intellectuelle? Les développements ultérieurs sur le cas mussipontain
tendraient à faire pencher pour la première hypothèse, ce qui ne
ferait que renforcer mon explication quant à la précarité de la
situation des mathématiques en France. Le silence des autres documents
conservés n'en serait qu'une autre confirmation, par la négative. Le
silence des sources se prolonge lors des congrégations provinciales
de 1597 et 1599118. En outre, la version de la Ratio de 1599 ne fait pas
l'objet d'un débat aussi important que celui de la version de 1586. On
perd de la sorte l'occasion de mieux connaître la position française
sur la place des mathématiques, leur statut, leur enseignement. Il est
pourtant peu réaliste de supposer que cette réflexion aurait été
approfondie : avec l'attentat sur la personne d'Henri IV par un ancien
élève de la Compagnie, à la fin de l'année 1594, et la fermeture
consécutive d'une grande partie des établissements de la Compagnie
pendant la décennie suivante, les problèmes des jésuites français
prennent une dimension politique très nette, qui, en mobilisant
leurs énergies sur ce nœud de questions, rejette au second plan leur
activité d'enseignement.

Conclusion

Le caractère ténu des informations disponibles sur


l'enseignement des mathématiques dans les collèges français, tant du point de
vue de la réflexion didactique qu'en termes de pratiques, s'explique
principalement par l'ampleur des tâches à assumer dans cette phase
de fondation. De même, il serait erroné de considérer que le peu
d'écho suscité en France par les différentes versions du chapitre De ma-
thematicis de la Ratio studiorum n'a pas permis l'essor d'une
pratique, certes localisée, mais non moins déterminante pour l'histoire

1586-1600, Qua observata sunt a patribus trium provinciarum Galliae circa praxim
libri de ratione studiorum, 1593 ( édité dans MPSJ, vol. 7, p. 235-237) : «Item ne
teneantur ad Academiam mathematicam, quia non erunt qui eam sustentare pos-
sint».
117 Voir première partie, chapitre 2.
118 ARSI, CONGR. 47, fol. 365r. et suiv., fol. 399r. et suiv., fol. 403r. et suiv.;
fol. 475r.-v.
LES PREMIERS COURS DE MATHÉMATIQUES 217

des mathématiques en France. L'étude des deux pôles de Tournon et


Pont-à-Mousson permettra d'analyser comment, en marge du
modèle romain, mais non sans lien avec lui, a pu émerger une pratique
continue capable de former les premières générations de
professeurs français. Pourtant, et parallèlement, malgré le travail mis en
œuvre à l'échelon central pour conduire le processus d'autonomisa-
tion des mathématiques à son terme, la pratique la plus répandue,
en France, demeure celle de la prise en charge de cette discipline par
le professeur de philosophie. La conservation intégrale d'un cours
manuscrit de philosophie, professé à Bordeaux dans les premières
années du XVIIe siècle, ouvre la voie à une étude spécifique. Ce
document exemplaire et rare, construit sur la base d'une pédagogie
active mise en œuvre dans un système de références culturelles
nombreuses et savantes, offre une occasion unique de saisir l'écart qui
subsiste entre norme et pratique, autrement dit de confronter le
souhaitable au réalisable.
CHAPITRE 5

UNE SITUATION DE CONCURRENCE EXEMPLAIRE


LES MATHÉMATIQUESÀ BORDEAUX

Introduction

L'esquisse dressée dans le chapitre précédent fait apparaître


avec une certaine évidence, et par-delà les lacunes de la
documentation, une situation générale qui intégrait l'enseignement des
mathématiques au cœur du cours de philosophie, avec des résultats
inégaux quant aux contenus. En opérant un changement d'échelle1 et
en concentrant l'étude sur un cas particulier, celui de Bordeaux, il
s'agit à présent d'éclairer à la fois concrètement ce type de situation
et d'en souligner la singularité et les causes. Le choix de l'exemple
bordelais a été imposé par la nature et l'état des sources.
Aux origines de cette étude de la situation bordelaise se trouve le
manuscrit 443 de la Bibliothèque municipale de Bordeaux, In varios
Aristotelis Hbros disputationes : il s'agit du cours de philosophie,
dispensé au collège jésuite de la ville par Antoine Jordin, pris sous la
dictée par un étudiant qui signe le document en différents endroits.
Déjà mentionné par C. Sommervogel2, puis par François de Dain-
ville3, ce texte n'a pas attiré l'attention des spécialistes. Il constitue
pourtant, à ma connaissance, le seul exemple français de manuscrit
pour cette période, où soit conservée la totalité des leçons
dispensées sur l'ensemble du cycle de philosophie4. Dans ce cours, 65 folios
(fol. 382-451), portent le titre «De mathematicis disciplinis tractatio,
per R. Patr. Jordinum, ordinis Societ. Jesu sacerdotem, anno

1 Voir, sur les potentialités méthodologiques ouvertes par cette notion, J. Re-
vel, «Micro-analyse et constitution du social», dans J. Revel dir., Jeux d'échelles.
La micro-analyse à l'expérience, Paris, 1996, p. 15-36.
2 C. Sommervogel, op. cit., vol. 4, col. 820.
3 F. de Dainville, La géographie..., op. cit., p. 515.
4 La totalité du cours est conservée en deux manuscrits 443 et 445 : dans le
premier, on trouve les cours correspondant aux commentaires des huit livres de
la Physique, du Traité du ciel, des Météores et le cours de mathématiques. Pour la
description précise, voir infra, p. 244-249.
220 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

1605» : c'est la partie mathématique de l'enseignement dispensé à


Bordeaux en 1605, en complément au cours sur la physique
aristotélicienne lui-même divisé en différentes parties. Or cette source
présente un cas doublement intéressant : elle reflète d'une part la
situation classique d'un collège où sont dispensés des cours supérieurs
(philosophie et théologie) mais où le peu de moyens matériels ne
permet pas de consacrer un professeur au seul enseignement des
mathématiques, phénomène déjà rencontré dans le précédent
chapitre5; pourtant, ces leçons manifestent des qualités, en termes de
contenus, qui constituent un paradoxe en regard du caractère
marginal du cours de mathématiques dans le contexte du collège jésuite
de La Madeleine : l'étude du contexte bordelais permet d'émettre
des hypothèses explicatives sur cette apparente contradiction.

Le collège de la Madeleine, au cœur des luttes religieuses6

L'ouverture du collège de Bordeaux intervient tardivement dans


la vague des créations aquitaines et c'est l'impact des Guerres de
Religion dans cette zone qui en est le principal facteur explicatif. Son
implantation, dans les années 1570, au cœur même de l'aire
protestante l'inscrit d'emblée dans une position défensive : la fondation est
faite l'année de la Saint-Barthélémy et la mémoire locale a conservé
le souvenir de la violence particulière de celle-ci à Bordeaux; le
chroniqueur contemporain, Jean de Gaufreteau, rappelle pour l'année
1572 :
En cette année, fut faict, à Bourdeaux, le massacre des
Huguenots, commende par le seigneur de Montferrand, pour lors
gouverneur de ladite ville (...) Est donques à noter que plusieurs furent mis
à mort e charcutez en pleine rue, en plein jour, à la veûe de touts7.
Le rôle joué par les jésuites, et notamment les virulentes
prédications d'Edmond Auger, ont, depuis, souvent été soulignés pour
expliquer la cruauté de cette répression anti-réformée8. De fait, l'ou-

5 Les Litterae annuae Provinciae Franciae, rédigées par M. Coyssard, à Paris,


en juin 1575, (ARSI, FRANC. 30, fol. 108v.) précisent :
«Collegium Burdegalense. Burdegale versantur 26 e nostris : sacerdotes 8,
quorum unus theologiam, alter philosophiam, 3 litteras humaniores profitetur
praeter quos et aliis 7 praeceptores, unus docet logicam, aliis tum Rethorica, tum
gramatica».
6 Sur le contexte historique large, voir B. Peyrous, La Réforme Catholique à
Bordeaux (1600-1719). Le renouveau d'un diocèse, Bordeaux, 1995, 2 vol.
7 J. de Gaufreteau, Chronique bordelaise, t. 1 (1240-1599), Bordeaux, 1876,-
p. 168-169.
8 Voir notamment H. Hauser, «Le P. Edmond Auger et le massacre de
Bordeaux», Bulletin de la Société d'Histoire du Protestantisme Français, 1911, p. 289-
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 221

verture du collège a été l'objet de vives tensions dans la ville : dès


avant cette création, dans les négociations qui avaient précédé
l'ouverture, les opposants avaient été nombreux et le témoignage d'Ar-
nault de Pontac est représentatif de cette opposition :
Si on les a receu à tenir collèges, c'a esté son extinction de celui
de la ville : et ceux qui ont procédé autrement s'en sont bientost
repentis; tesmoings beaucoup de villes d'Italie, qi s'en plaignent tous les
jours : et nagueres ceux d'Avignon recherchoint par gen exprès, qu'ils
ont mandé à sa saincteté leur oster college de la ville, les
recompensant d'ailleurs. Depuis que ce tant renommé college de Tournon a esté
mis es mains de ceste société, n'est-il pas allé touiours en décadence
iusques à estre quasi esteint aujourd'hui? S'ils y sont une fois instalez,
comme il n'est plus dict College de Guyenne ou de la ville, ains de la
Société de Iesus, aussi messieurs de la ville n'ont plus de puissance
d'eslire un Principal, examiner les Regens (...) Et pour fin seront
conttraincts dépendre du goust et vouloir d'estrangers, Italiens ou
Espagnols : et pour ce regard ne seront gueres passionnez au profit de
la ville (...) Ils ne pourraient entretenir vostre college de tant de
lecteurs, qu'il feroit besoin a si grande multitude escholiers que j'ay veu :
joinct qu'à Paris ils ont assez de peine d'en fournir pour seulement
quelque mille escholiers qu'ils ont au plus : ou encores, ostez deux ou
trois, le reste n'est pas de grand valeur (...) Il est bien certain que
comme ils ont disette de personnes, qu'avecques un bon Régent, ils
vous en feront passer demie douzeine d'autres, qui feront meilleurs
disciples que précepteurs...9.
Le caractère polémique du propos est évident et les arguments
hostiles à la Compagnie, développés par Arnault de Pontac,
appartiennent à la longue liste des critiques entretenues par la littérature
anti-jésuite10. A côté d'éléments contestables, concernant en
particulier le déclin du collège de Tournon, on y trouve la dénonciation
de quelques réalités qui méritent d'être soulignées : les carences en
personnel, l'incompétence de certains maîtres, la perte de contrôle
du processus éducatif par les autorités municipales. Le texte met
aussi l'accent sur un problème qui doit être développé plus
précisément, celui de la concurrence entre établissements, particulièrement
sensible dans cette ville qui abrite l'une des plus prestigieuses
créations scolaires dans la France de la Renaissance, le collège de

306; J. Garrisson-Estèbe, La Saint-Barthélémy, Paris, 1987, rééd. Bruxelles, 1987,


219 p.
9 Copie de lettre esente par Messire Arnault de Pontac, depuys evesque de Ba-
zas, a Monsier Lange, Conseiller du Roy en sa Cour de Parlement de Bourdeaux sur
l'Establissement du college des Iesuites en la dite ville, s.L, 1611, 16 p. : l'original
date de 1569. Cet exemplaire imprimé se trouve à la Bibliothèque nationale de
France, sous la cote Ld39 57.
10 Le modèle, pour la France, est sans doute constitué par le texte du
défenseur de l'Université de Paris, Etienne Pasquier, Le catéchisme des Jésuites, op. cit.
222 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Guyenne. Depuis sa fondation dans les années 1530, celui-ci


appartient au patrimoine collectif bordelais, comme en témoigne la
chronique de Jean de Gaufreteau, toujours prête à se faire l'écho des
événements du collège. Pour la même année 1572, il rapporte :
Horteau, soubz-principal au college de Guienne, demande congé
de se retirer aux jurats. A cause de ce, Peletier est mis en sa place, du
consentement et par la pression d'Elie Vinet. Est a noter que ledit
Peletier estoit le plus grand phisionomiste et astrologue qui fut en
France de son temps11.

En quelques lignes, cette chronique évoque, en les associant, les


noms de deux figures représentatives d'un humanisme français
associé à l'essor des mathématiques. En effet, le collège de Guyenne a
dispensé un enseignement de mathématiques officialisé par la
création d'une chaire en 1586. Cette situation renforce l'intérêt du cas
bordelais.
Aux origines du collège jésuite de Bordeaux, ni grand prélat ni
personnalité laïque, mais le parti ligueur qui venait aussi bien de la
noblesse régionale que du milieu parlementaire local12. L'association
est nette entre la victoire de la Ligue et l'ouverture de
l'établissement. Dès sa fondation, en 1572, l'établissement jésuite se pose
comme le rival et concurrent du collège de Guyenne13, sur le plan
non seulement pédagogique, mais aussi politique-et confessionnel :
si dans le dernier quart du XVIe siècle, l'école municipale ne peut
plus être suspectée d'accointances avec les protestants, dans les
années précédentes, les relations avec les milieux huguenots avaient au
contraire été fortes14. Sans doute doit-on mettre sur le compte de ce
climat politique tendu15 la suspension par les jurats de la ville du
privilège d'enseignement qui avait été accordé au collège de Guyenne

11 J. de Gaufreteau, Chronique..., op. cit., p. 164.


12 F. Hauchecorne, «Le Parlement de Bordeaux pendant la première guerre
civile», Annales du Midi, vol. 62, 1950, p. 329-340.
13 Cette situation est encore perceptible dans la notice rédigée dans P. De-
lattre dir., op. cit., vol. 1, col. 734 :
«II existait déjà à Bordeaux un collège, réputé, tant par la valeur de ses
maîtres que par le nombre et la qualité de ses élèves (...); mais l'enseignement
qu'on y donnait commençait à se ressentir de la diffusion des idées nouvelles,
c'est-à-dire de l'hérésie protestante. (...) En 1569, le P. Edmond Hay, recteur du
collège de Clermont à Paris, élu procureur à Rome (...) vint à Bordeaux examiner
la situation matérielle du collège de Guyenne et les possibilités d'une substitution
de personnel enseignant ... ».
14 C. Higounet dir., Bordeaux de 1453 à 1715, dans Histoire de Bordeaux,
vol. 4, sous la dir. de R. Boutruche, Bordeaux, 1966, p. 232 et suivantes.
15 Depuis 1562, les jurats ont pris la précaution de faire prêter par le recteur
un serment de catholicité : E. Gaullieur, Histoire du Collège de Guyenne, d'après
un grand nombre de documents inédits, Paris, 1874, 576 p.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 223

dans le contrat de fondation de 1533 16. Cette suspension ouvrait la


voie à la fondation du collège jésuite.
Si malgré certaines difficultés, qui ont contraint à l'arrêt des
cours à différentes reprises17, le collège a pu attirer une partie
notable des élites, il n'a pourtant pas été un des fleurons de la
Compagnie18. Aussi, la place des mathématiques dans le cursus de
philosophie n'a-t-elle pas été déterminante, comme le confirme le fait
qu'aucune chaire n'y sera fondée19. Pourtant, le contexte scolaire et
intellectuel dans lequel se situe cette création, la présence du collège
de Guyenne et de sa tradition mathématique, ont créé une situation
de concurrence dont l'écho résonne dans le cours de mathématiques
d'Antoine Jordin. Telle du moins sera mon hypothèse de travail.
Sur les premières années du fonctionnement de la Madeleine les
données d'archives sont rares et peu loquaces, plus rares que pour
l'établissement de Toulouse, antérieur de quelques années20 et où, à
cette date, le cursus de philosophie commençait à se stabiliser.

16 A noter aussi que jusqu'à la création du collège de la Madeleine, le collège


de Guyenne était le seul établissement de son espèce, non seulement dans la ville,
mais dans la province. Ceci relevait d'une clause, toujours renouvelée, des traités
passés entre principaux et Jurats. L'éditeur de la Schola aquitanica : programme
d'études du collège de Guyenne au XVIe siècle, publié pour la première fois par Elie
Vinet, en 1583, et réimprimé d'après l'exemplaire de la Bibliothèque Nationale, avec
une préface, une traduction française et des notes par L. Massebieau, Paris, 1886,
77 p., suggère que cette clause tient certes au contexte de l'époque caractérisé par
un régime de privilèges, mais qu'il faut aussi y voir aussi l'influence de J. Sturm,
qui dans son mémoire sur le Gymnase de Strasbourg, en 1538, montrait que le
grand nombre d'élèves constituait un des principaux facteurs d'émulation et
condamnait de ce fait la trop grande concurrence scolaire dans une même ville.
L'argument paraît peu pertinent si on rappelle les lettres du même Jean Sturm,
concernant l'ouverture du collège jésuite de Dillingen. Il écrit à ce propos au duc
Albert de Prusse, le 30 mars 1565 :
«Que ces études soient cultivées aussi par les papistes, j'en suis bien aise et
m'en réjouis, et je loue le Cardinal d'Augsbourg d'avoir fondé à très grands frais,
me semble-t-il le collège des Jésuites. Les archevêques de Mayence et de Trêves
font de même, m'a-t-on dit...».
Il explique dans cette lettre, comme dans les suivantes, que cette situation
stimulera vivement les établissements protestants. Voir Sturm J., Classicae Epis-
tolae sive scholae argentinenses restitutae, traduites et publiée par J. Rott, Paris-
Strasbourg, 1938, p. 9 et suivantes.
17 M.-M. Compère et D. Julia, op. cit., t. 1 : La France du midi, Paris, 1984,
p. 148-156; P. Delattre dir., op. cit., vol. 1, col. 740-741.
18 M.-M. Compère et D. Julia, op. cit., p. 148-156.
19 Voir les listes publiée par F. de Dainville, L'éducation des Jésuites..., op.
cit., et K. A. F. Fischer, art. cit.
20 La province d'Aquitaine est née de la subdivision de la première unité
administrative jésuite créée en territoire français, la province de France, en 1558.
Cette réorganisation correspond à l'essor rapide à partir des années 1550 des
collèges dans les villes de la couronne : P. Delattre dir., op. cit., vol. 1, col. 293-296.
La province d'Aquitaine s'appuie sur trois principaux établissements, Tournon,
224 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

A Bordeaux, les premiers cours sont donnés en octobre 157221,


les problèmes d'installation sont réglés en 157522 et, pendant les
quinze années suivantes, la croissance de l'établissement va bon
train23. Pourtant, la crise politico-religieuse qui affecte l'ensemble du
Royaume en cette période, atteint plus fortement Bordeaux que
Toulouse : le collège de la Madeleine, conçu comme instrument de
lutte contre les hérétiques par les Ligueurs, associé à l'histoire de ce
parti, en essuie aussi les revers. Aussi, à la suite de la défaite de la
Ligue devant le parti protestant en 1589, le collège est fermé et les
pères expulsés24, précisément au moment où, la maturité aidant,
auraient pu se développer des pratiques éducatives calquées sur un
modèle central enfin défini par les différentes versions de la Ratio
studiorum. En lieu et place de cette croissance paisible, l'équipe de
Bordeaux doit se replier principalement sur Toulouse et, dès qu'elle
le peut, à partir de 1597, se réinstaller dans ses locaux, tout en
restant interdite d'enseignement jusqu'en 160325.
Il n'est donc pas possible de préciser les contenus de
l'enseignement philosophique pour le dernier quart du XVIe siècle. Une
exception pourtant en 1584 : à cette date, le catalogue du personnel
mentionne la présence d'un Anglais, Richard Gibbons. La biographie,
partiellement reconstituée de ce personnage présente un intérêt
majeur : elle témoigne, explicitement et de manière unique, de la tenue
d'un cours de mathématiques pour cette seule année à Bordeaux26.
S'il paraît difficile d'expliquer avec précision les causes de la
présence ponctuelle à Bordeaux de Richard Gibbons, notons cependant
qu'en cette même année 1584, il a pour élève Antoine Jordin, lequel
enseignera ultérieurement les mathématiques dans le même
établissement.
Pour les années suivantes, les sources font défaut, mais il est
possible de tirer parti de la réponse de la commission aquitaine à la

Toulouse et Bordeaux. Ces deux derniers constitueront, en 1608, les pôles


majeurs de la nouvelle province de Toulouse, alors que Tournon dépendra de la
province de Lyon. Voir les cartes du chapitre 7.
21 P. Delattre dir., op. cit., vol. 1, col. 736.
22 A cette date, les Litterae annuae parlent de 7 professeurs dont l'un enseigne
la logique et les autres rhétorique et grammaire : ARSI, FRANC. 30, fol. 108v.
23 Les Litterae quadrimestres de 1578 expliquent le refus d'ajouter aux
enseignements déjà en place celui de physique et mathématiques et celui de
théologie : ARSI, GAL. 45, fol. 25r.
24 C. Higounet dir., Histoire de Bordeaux..., op. cit., vol. 4, p. 250.
25 Une ordonnance du 24 avril 1594 les autorise à séjourner à Bordeaux, dans
leur collège, trois jours consécutifs, lorsqu'ils se rendent pour affaires dans la
capitale de la Guyenne, à condition de n'y pas rétablir les classes. Dans les faits, dès
1597, leur présence devient permanente : voir P. Delattre dir., op. cit., vol. 1, col.
740-741.
26 Voir, ARSI, AQUIT. 9, III, fol. 52r.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 225

Ratio studiorum, étudié dans le chapitre précédent. J'ai souligné


qu'on y prenait ses distances vis-à-vis du modus romanus ou pari-
siensis, avec un cursus de philosophie biennal, tout en suggérant de
faire cependant une place aux mathématiques27. On peut donc
supposer que le collège de La Madeleine proposait des leçons de
mathématiques, au moins de manière ponctuelle, dans le cadre des cours
de philosophie. Mais, n'est-il pas à présent possible d'aller plus loin
et d'éclairer les propositions de la province d'Aquitaine à la lumière
de ce qui a été dit sur le collège de Guyenne : la présence d'un
concurrent local au rayonnement régional déjà ancien nécessite la
stabilisation de la situation des mathématiques imposée par la
pratique régulière de cet enseignement assumé par Elie Vinet. Certes,
cette proposition, du fait de la fermeture du collège de la Madeleine
en 1589, ne peut être vérifiée. Mais la relecture du document envoyé
par la province d'Aquitaine conforte cette interprétation : «Car si
nous voulons étendre à trois ans la durée du cursus de philosophie,
d'abord nous irons contre les habitudes universitaires; ensuite, nous
éloignerons de nos écoles tous les étudiants externes»28. De quelles
écoles, qui enseignent la philosophie en deux ans, peut-il s'agir sinon
du collège Guyenne, dont, est-il besoin de le rappeler, le programme
des études vient à peine d'être publié? Pourquoi existerait-il pour
l'établissement jésuite un risque de perdre sa clientèle d'externes,
sinon parce que la concurrence est déjà vive?
En outre, on peut montrer que, malgré les presque quinze
années de fermeture du collège de La Madeleine, lors de la
réouverture, en 1603, la situation d'ensemble et les rapports de concurrence
ne sont pas fondamentalement changés. Dès lors, même si le
rayonnement du collège de Guyenne n'est plus à son apogée, les
responsables de l'établissement attachent un soin tout particulier aux cours
supérieurs, et à l'enseignement des mathématiques, inscrites dans la
pratique du collège rival depuis les origines.

Humanisme et mathématiques :
Elie Vinet au collège de Guyenne

L'ouvrage ancien, mais toujours précieux, de E. Gaullieur29


rapporte avec toute la précision voulue les événements qui ont présidé à
la fondation de cet établissement ainsi que les glorieux débuts qui

27 MPSJ, vol. 6, p. 286.


2SMPSJ, vol. 6, p. 286 : «Quod si spatium curriculi philosophi volumus ad
triennium protrahere, primum contra mores academiae faciemus; deinde omnes
externos discipulos a nostris scholis abigemus».
29 E . Gaullieur, Histoire du collège de Guyenne..., op. cit.
226 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

ont associé à partir de 1534, dans une expérience pédagogique


originale, les personnalités aussi riches que celles de André de Gouvéa,
Georges Buchanam, Mathurin Cordier ou Elie Vinet, toutes proches
de la cour de Marguerite de Navarre et, parfois, des cercles
réformés30. Dans ce milieu fut inaugurée une tradition d'enseignement
des mathématiques qui eut une certaine longévité fondée sur une
incontestable originalité : c'est à Elie Vinet que nous devons les plus
importantes contributions dans le domaine des mathématiques,
comme c'est sans doute à cet érudit de grand renom que revient
l'initiative d'avoir développé l'étude de cette discipline, dans une
tradition qui pourrait bien être apparentée au mouvement de la
«renaissance des mathématiques»31.
L'enseignement des mathématiques se développe dans les
années qui suivent la signature du contrat de fondation du collège de
Guyenne, au début des années 153032. Pourtant, le rayonnement de
cet enseignement public semble bien corrélatif de sa prise en charge
par Elie Vinet33. L'essentiel de sa carrière d'enseignant s'est
développée à Bordeaux, à l'exception d'une courte période passée au collège
de Coïmbra, fondé par le roi du Portugal, Jean III34. De cet épisode
portugais, subsisteront les relations nouées avec le mathématicien
Pedro Nunès35 qui inspirera certains travaux mathématiques de
Vinet36 et qui sera édité à différentes reprises par le Bordelais37.

30 Voir aussi C. Higounet dir., Histoire de Bordeaux, vol. 4, op. cit., p. 233-
234, qui prend appui sur les travaux de M. Bataillon, «Sur André Gouvéa,
principal du collège de Guyenne», Revue historique de Bordeaux, 1928, p. 49-62; L. Feb-
vre, Le problème de l'incroyance au XVIe siècle. La religion de Rabelais, Paris, 1962,
p. 30-32; R. Trinquet, «Nouveaux aperçus sur les débuts du collège de Guyenne.
De Jean Tartas à André Gouvéa», Bibliothèque d'Humanisme et de Renaissance,
vol. 26, 1964, p. 537 et suivantes.
31 Si P. L. Rose qui a montré, pour l'Italie, l'importance de ce phénomène qui
précède la révolution scientifique : P. L. Rose, The Italian Renaissance ofMathe-
matics..., op. cit., il n'existe à ce jour aucune étude systématique pour la France, à
propos de laquelle la bibliographie fait très fortement défaut.
32 Voir G. Codina Mir, Aux sources de la pédagogie jésuite..., op. cit., p. 194-
195, et n. 15, p. 195; E. Gaullieur, op. cit., p. 376-380.
33 Notre connaissance de cette grande figure bordelaise doit aux différents
travaux de L. Desgraves, déjà convoqués ici, mais surtout à sa biographie :
L. Desgraves, Elie Vinet, humaniste de Bordeaux (1509-1587). Vie, Bibliographie,
Correspondance, Bibliothèque, Genève, 1977, 185 p.
34 En mars 1547, André de Gouvéa, recteur du collège de Guyenne, quitte
Bordeaux pour Coïmbra où l'a invité le roi du Portugal, Jean III : parmi les
professeurs qu'il y emmène, pour fonder son collège, se trouvent Georges Buchanam
et Elie Vinet, qui est de retour à Bordeaux en 1549. Voir G. Codina Mir, op. cit.,
p. 197.
35 Voir DSB, vol. 10, p. 160-162.
36 L. Desgraves a notamment retrouvé dans la bibliothèque d'Elie Vinet Pétri
Nonii... de crepusculis liber unus..., Olyssipone, 1542, in-4° .
37 A partir de la seconde édition (1556) du texte de Sacrobosco par Elie Vinet,
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 227

De retour à Bordeaux en 1549, il poursuit sa collaboration avec


le collège de Guyenne dont il devient tardivement, et presque
continûment, le recteur (1562) jusqu'à sa mort en 1587 : sa contribution
s'est concrétisée tant sur le plan didactique, que sur celui de la
production de manuels et de la traduction des textes anciens.
L'ordre des études ou Schola aquitanica^, dont il est le
rédacteur tardif, témoigne, trois ans avant la première édition de la Ratio
jésuite, d'un souci pédagogique original, appliqué et codifié dès les
années du principalat de André de Gouvéa39. L'examen de ce
document présente un intérêt d'autant plus grand qu'il est, par sa nature,
comparable à l'ordre des études jésuite : après une première longue
partie consacrée aux dix premières classes de grammaire, le texte
aborde plus schématiquement l'organisation du cours de
philosophie, bisannuel :
Les professeurs de philosophie sont au nombre de deux (...) Ce
cours est développé sur deux ans. On désigne les professeurs comme
les étudiants d'après le nom de la matière enseignée, en première
année, dialecticiens ou logiciens, en seconde année, physiciens40.
C'est dans le paragraphe suivant, consacré aux leçons publiques
qu'est évoquée la présence d'un professeur de mathématiques ainsi
que son programme d'étude :
Le mathématicien lui succède de la seconde à la troisième heure.
Le mieux serait qu'il commence son cours avec la Logistique éditée à
Bordeaux. A celle-ci il ajoute le petit traité de mathématiques de Psel-
lus : après que les adolescents auront pris connaissance de ces quatre
parties des mathématiques, alors ils seront initiés aux Eléments d'Eu-
clide et ensuite à la sphère soit d'après les auteurs grecs, soit d'après
les latins afin que le cours soit complet : ceci fait, il recommencera
par la Logistique41.

on trouve à la suite de la Sphère le Pétri Nonii... de crepusculis liber unus..., cité


dans la note précédente.
38 Schola aquitanica : programme d'études du collège de Guyenne..., op cit.
39 G. Codina Mir, op. cit., p. 198 : «II est arrivé jusqu'à nous un précieux
document qui peut jeter de la lumière sur les études et la discipline scolastique à
Guyenne au temps de Gouveia. Bien que celui-ci n'ait écrit que deux courts
règlements (...), ses successeurs se sont fort heureusement préoccupés de mettre aussi
par écrit le programme établi par Gouvéa et de le conserver pour la postérité.
C'est à Elie Vinet que nous devons qu'il en soit ainsi...» Il semble bien, en
revanche, que ce document décrive la situation des années 1580, et non celle de
l'époque de Gouvéa. Comme le souligne également G. Codina Mir, certains des
ouvrages cités comme manuels scolaires sont postérieurs aux années du principalat
de Gouvéa.
40 Schola aquitanica..., op. cit., p. 26 : «Philosophiae praeceptores sunt duo
(...) Curriculum suum biennio conficiunt. Priore anno Dialectici seu Logici,
posteriore Physici a disciplina, quam profitentur, ipsi et discipuli vocantur...».
AiIbid.,p. 26:
228 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Comme le traité le précise ultérieurement, ce cours s'adresse


aux étudiants en philosophie, tout en étant ouvert à ceux des classes
de première et seconde, soit les deux dernières années du cycle de
grammaire42. Malgré sa brièveté, cet extrait sur les mathématiques
présente une certaine précision, comme le souligne sa longueur
relative par rapport à l'ensemble de la partie consacrée à la philosophie.
A titre comparatif, alors que la Ratio jésuite occupe plusieurs
dizaines de pages, le chapitre De mathematicis , qui a soulevé
l'admiration d'éminents historiens des sciences43, se compose
pareillement de quelques lignes. Du reste, l'analogie entre les deux extraits
ne s'arrête pas là : la nature de l'enseignement mathématique
proposé aux étudiants est sur beaucoup de points comparable à celle que
la Compagnie définira trois ans plus tard, comme le suggèrent la
référence à Euclide ou au traité de la sphère44. De plus, la Schola Aqui-
tanica, malgré son caractère plus rudimentaire, est rédigée et pensée
en fonction des ouvrages qui pourront être utilisés comme des ma-

«Mathematicus postea, ab hora secunda ad tertiam. Quem ab Logistica Bur-


digalae edita curriculum suum incipere optimum duximus. Cui subjungit Pselli
Mathematicum breviarium : quo summam quattuor mathematicarum adules-
centes primum cognoscant, tum Euclidis Elementa ac postea Sphaerica et quae-
cumque visum fuerit, vel ex Graecis, vel ex latinis hominibus, dum biennium
compleatur, subjicit : quo confecto ad Logisticam rursus recurrit».
42Ibid.
43 Je renvoie ici aux études de A. C. Crombie, et tout particulièrement à son
article «Mathematics and Platonism in the Sixteenth-Century Italian Universities
and in Jesuit Educational Policy», art. cit.
44 D'une manière beaucoup plus générale, la possibilité de comparaison des
deux programmes porte sur l'ensemble des disciplines. L'ouvrage de G. Codina
Mir, évoqué ci-dessus, fait de cette comparaison son objet : il l'intègre dans une
réflexion plus vaste qui cherche à saisir, dans les sources du modèle éducatif
jésuite, l'influence du modus parisiensis. A cet égard, les pages qu'il consacre au
collège de Guyenne tendent à définir une des étapes de la diffusion du modèle
parisien : cette démarche est synthétisée sur la carte des «principales influences
pédagogiques» (p. 256). Celle-ci, c'est clair, ne désigne pas Bordeaux comme une
étape entre Paris et Rome : l'auteur montre au contraire que ce relais est
constitué par le collège de Messine. A partir de ce cadre général d'analyse, on peut
proposer deux séries de remarques : ce principe de diffusion n'est pas incompatible
avec celui qui définit chaque étape comme un pôle d'influence considéré à
l'échelle régionale. C'est ce que cherche à établir ce chapitre. D'autre part, le modus
parisiensis n'a juqu'à présent jamais été étudié quant à son influence sur le
programme mathématique jésuite. Les développements que G. Codina Mir lui
consacre ne permettent pas de résoudre ce type d'interrogation, l'investigation
devra être menée sur ce terrain : elle permettra sans doute de nuancer ce qui est
devenu aujourd'hui un «cliché» de l'historiographie jésuite, à savoir la forte
originalité de la Compagnie dans ce domaine. Sur la question des rapports entre
édition et enseignement, voir L. Desgraves, «L'imprimerie bordelaise et les collèges
de Bordeaux», dans Le livre dans l'Europe de la Renaissance. Actes du XXVIIIe
colloque international des Etudes humanistes de Tours, Paris, 1988, p. 133-142.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 229

nuels par les étudiants : de même que le programme jésuite de 1586


désigne explicitement l'un des siens, Christoph Clavius, pour
accomplir cette tâche45, de même E. Vinet indique à cet effet ses
propres travaux, déjà écrits. Il fait ainsi référence à plusieurs de ses
compositions qui appellent quelques commentaires46. Leur analyse
révèle les grands axes de la culture mathématique du pédagogue
bordelais, de même qu'elle définit l'originalité de son apport dans ce
domaine et qu'elle donne la mesure des différences d'orientation
mathématique avec les jésuites.
Le premier titre auquel il fait allusion, le De logistica libri très,
dont il n'existe qu'une seule édition de 1573, est devenu rare. La
consultation du seul exemplaire disponible à Paris47 appelle
quelques remarques. Les premières pages du texte, qui peuvent faire
figure d'introduction, soulignent l'importance de l'arithmétique48, ce
qui, dans le contexte intellectuel du temps, présente une certaine
originalité en termes de conception des mathématiques et de leur
rôle49 : en insistant sur la priorité de leur enseignement, au lieu de la
géométrie ou de l'astronomie, E. Vinet ouvre la voie à une définition
utilitariste de leur usage. Du moins ne récuse-t-il pas cette
possibilité. De fait, toujours dans cette «introduction», il rappelle les origines
arabes de cette science et consacre un long développement à
l'histoire de la tradition de l'abaque et de sa transmission dans l'occident
chrétien médiéval :
Nous allons donc commencer par parler de cet art, que, nos
hommes, l'ayant reçu des Arabes, appelèrent d'abord algorithme.
Parmi eux, Jean de Sacrobosco est le plus ancien de tous ceux dont je me

45 MPSJ, vol. 5, p. 410.


46 Grâce aux travaux de L. Desgraves, ces textes sont aujourd'hui répertoriés
dans une liste exhaustive de ses œuvres, couvrant un large champ d'intérêts,
L. Desgraves, Elie Vinet..., op. cit.
47 Le seul exemplaire parisien de ce livre, édité à Bordeaux, se trouve à la Bil-
biothèque Mazarine, sous la cote 30024 : Eliae Vinetis Santonis De Logistica libri
très, Burdigalae, S. Millanges, 1573, in-8° , non paginé.
48 «Quoniam computandi disciplinam omni hominibus generi necesseriam,
eos in primis novisse opportet...», écrit E. Vinet dès la première ligne.
49 Dans un grand nombre de traités de mathématiques de cette période, les
préfaces consacrent de longs développements à la classification des différentes
branches de la discipline. Si géométrie et arithmétique, branches théoriques ou
«pures», sont toujours valorisées par rapport aux «mathématiques pratiques», en
général dans la tradition de la classification aristotélicienne, la géométrie a le
dessus sur l'arithmétique. Cette réflexion est particulièrement nette dans les
prolégomènes qui ouvrent les œuvres mathématiques de Clavius. Elle n'a pas qu'un
caractère rhétorique dans la mesure où elle engage des choix pour le
développement de la recherche. Voir les analyses que j'en propose, première partie,
chapitre 3.
230 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

rappelle avoir vu les livres sur ce sujet : il a écrit un ouvrage intitulé


de Algorismo, aux environs de 1250 après J.-C.50.

Cette citation souligne une situation intéressante, significative


d'une certaine culture mathématique, traditionnellement associée
au milieu urbain des marchands, par le biais de l'essor médiéval des
écoles d'abaque51. Cette citation appellerait en outre d'autres
remarques et investigations concernant les circuits de la
transmission : il est particulièrement intéressant que Vinet appartienne à
l'espace méridional dont les contacts avec la péninsule ibérique ne
doivent pas être sous-évalués : le collège de Guyenne a été un pôle
actif de l'échange, grâce à André de Gouvéa et Jean Gelida52. Il est en
outre nécessaire de rappeler les échanges directs entretenus par Elie
Vinet avec Pedro Nunès, mathématicien du roi du Portugal, lui-
même rédacteur d'un important traité d'arithmétique, le Libro de
algebra eu arithmetica y geometria, compuesto pour el Doctor Pedro Nu-
nez, Cosmographo Mayor del Rey de Portugal, y Cathedratico Iubilado
en la Cathedra de Mathematicas en la Universidad de Coymbra (An-,

50 E. Vinet, De logistica..., op. cit., s. p. : «De qua igitur arte hic disputare ag-
gredimur, quam eam nostri nuper homines ab Arabibus accepissent, Algoris-
mum appelaverunt, primum. In quibus fuit Ioanes Sacroboscanus eorumque
omnium, quorum libros de hac disciplina vidisse meminerim, antiquissimus : qui li-
brum de Algorismo inscriptum, ad annum Christi circiter 1250 scripsit...».
51 Les travaux récemment consacrés à ce thème permettent à présent de
mieux mesurer le rapport entre l'abaque et le développement de l'algèbre en
Europe, et notamment les travaux des algébristes français. Voir P. Benoit, «La
formation mathématique des marchands français à la fin du Moyen Age : l'exemple
du Kadran au marchands (1485)», dans Les entrées dans la vie, initiations et ap-
prentissages. Actes du XIIe Congrès de la Société des historiens médiévistes de
.

l'enseignement supérieur public, Nancy 1981, Nancy, 1982, p. 209-224; Id., «The
Commercial Arithmetic of Nicolas Chuquet», dans C. Hay éd., Mathematics front
Manuscripts to Print : 1300-1600, Oxford, 1988, p. 96-116; Id., «Calcul, algèbre et
marchandise», dans M. Serres éd., Eléments d'histoire des sciences, Paris, 1989,
p. 197-221; Id., «Arithmétiques commerciales et comptabilités dans la France
médiévale», dans P. Benoit, K. Chemla et J. Ritter dir., Histoire de fractions,
fractions d'histoire, Bâle, Boston, Berlin, 1992, p. 307-323; G. C. Ciffoletti,
Mathematics et Rhetoric..., op. cit.; Id., «La question de l'algèbre. Mathématiques et
rhétorique des hommes de droit dans la France du XVIe siècle», Annales, HSS, vol. 50,
1995/6, p. 1385-1416.
52 Sur la question de l'espace occitan et ses relations avec la culture
scientifique arabe, voir Huit siècles de mathématiques en Occitanie, de Gerbert et des
Arabes à Fermât. Actes du colloque international tenu du 10 au 13 décembre 1992
à Toulouse et Beaumont de Lomagne, Toulouse, 1995, 225 p. On retiendra
notamment les contributions de M. Guillemot, «Les méthodes de fausse position
dans le manuscrit de Pamiers (1430) et le Compendion de l'Abaco de Frances Pel-
los (1492)», p. 101-128; R. Masse-Cassinet, «Jean-Baptiste Raimondi (1545-1614)
et la transmission des mathématiques arabes à l'Occident du XVIe siècle», p. 153-
160.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 231

vers, Birckman, 1567). De plus, Jacques Peletier53, lui aussi


spécialiste de ces questions, comme l'indique L'arithmétique départie en
quatre livres, à Théodore de Besze (1552), a été le collègue de Vinet à
Bordeaux dans les années 1570, il a même assuré la direction de
l'établissement pendant une brève période, comme le rappelle la
chronique bordelaise du temps54. On voit donc se dessiner un réseau où
l'appartenance à un même milieu professionnel en cours
d'émergence, celui des professeurs de mathématiques, et le développement
de relations interpersonnelles ont favorisé et stimulé les échanges
autour d'un ensemble de thèmes de réflexion communs. Elie Vinet
semble se situer à la croisée de différents milieux, français et
étrangers, et donne à son enseignement une marque particulière, nourrie
de ces références. Il est cependant clair que le souci pédagogique qui
l'anime dicte un niveau de technicité et de conceptualisation
moindres que chez certains de ses contemporains. La structure de la
Logistica en rend compte, qui s'articule en trois parties, des quatre
opérations aux proportions. Cette dernière partie présente le plus
grand intérêt, dans ses rapports avec la géométrie et la
trigonométrie euclidiennes. Facile à comprendre, d'une relative brièveté, le
texte semble bien destiné aux étudiants de philosophie du collège de
Guyenne. L'arithmétique élémentaire constitue la première
composante de leur programme de mathématiques.
Parmi les autres textes cités dans la Schola aquitanica, il
convient de remarquer la mention de Psellus : c'est à Elie Vinet
qu'on doit la première traduction latine de cet opuscule byzantin55.
Trois éditions du texte publié par Vinet ont été recensées. Entre la
première (Bordeaux, 1554), la deuxième (Paris, 1557) et la dernière,
beaucoup plus tardive (Tournon, 1592), le texte n'a subi aucune alté-

53 Mathématicien qui a enseigné notamment au collège de Guyenne, Jacques


Peletier (1517-1582) appartient au milieu humaniste français de la seconde moitié
du XVIe siècle comme le prouvent ses liens avec la Pléiade. Voir G. C. Ciffoletti,
Mathematics et Rhetoric..., op. cit.; DSB, vol. 10, p. 493-495.
54 J. de Gaufreteau, op. cit., p. 164.
55 Parallèlement, D. Ë. Smith, Rara arithmetica. A catalogue of the Arithme-
tics written before the year 1601 with a description of those in thè library of G. A.
Plimpton of New York, Boston et Londres, 1908, p. 168-171, précise que l'édition
princeps de ce texte a été publiée à Venise, en 1532 :
«Psellus was one of the last of the Greek writers on arithmetics. This part of
his work is devoted solely to the theory of numbers, and it represents the arith-
metical inheritance derived from the older hellenic civilisation. The treatise co-
vers thè medieval quadrivium - arithmetics, music, geometry and astronomy -
and is thè only late greek work that attracted attention in the Renaissance period.
The arithmetics is merely a primer for the study of Nicomachus».
Dans la liste des éditions rares qu'il joint à ce commentaire, figure celle
d'E. Vinet. Vinet explique dans la préface de la première édition ( op. cit., p. 3-4),
comment il s'est procuré le texte grec pour en faire une traduction.
232 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

ration56. Si l'auteur byzantin du XIe siècle ne présente pas un grand


intérêt scientifique57, il n'en demeure pas moins que la simplicité des
propos qu'il développe, le caractère ramassé du texte, la diversité des
sujets abordés (arithmétique, musique, géométrie) correspondent
bien à la fonction d'un manuel scolaire, destiné à un public non
spécialisé, et à une formation mathématique de base, dans une
tradition qui n'est pas sans rappeler le quadrivium médiéval58 : la partie
astronomique du texte de Psellus n'a pas été reprise par E. Vinet en
raison de son caractère obsolète, puisque désormais on dispose de
Proclus59. Ainsi, l'ouvrage correspond bien à l'objectif que s'est
assigné le traducteur, s'adresser à la jeunesse étudiante, en lui
proposant de suivre la tradition, sans que ce soit au détriment de la
qualité. De la même manière, la préface d'Elie Vinet, rédigée en 1553 et
reprise jusque dans l'édition de 1592, ne laisse subsister aucune
ambiguïté sur ce fait : «Mira enim in ejus brevitate facilitas», (p. 2r.). Si
on retrouve ici l'attention portée par le professeur bordelais aux

56 Michaelis Psetti Arithmetica, Musica et Geometrìa. Item Proclii Sphaera,


Elia Vineto Santone interprete. Accessit in hac ultima editione singulorum librum
in capita, necnon capitum in sectiones percommoda distributio, in usum studiosae
iuventutis Academiae Turnoniae Societ. Jesu, Tournon, 1592. J'ai consulté le plus
souvent l'édition de Paris, imprimée par Guillaume Cavellat, de 1557 : c'est
d'après celle-ci que sont indiquées les pages des citations.
57 Voir DSB, vol 9, p. 182-186. Et notamment cette brève remarque, p. 183 :
«He was not an original thinker, but did his best to explain what he had learned».
Voir, pour plus de précision sur le personnage, son autobiographie traduite et
publiée en italien : Psello M., Autobiografìa. Encomio per la madre, testo critico,
introduzione, traduzione e commentario a cura di U. Crìscuolo, Naples, 1989, 354 p.
58 Dans cette période-charnière pour l'histoire de l'enseignement, l'empreinte
du modèle médiéval reste assurément très forte; parallèlement, la distanciation
vis-à-vis de celui-ci s'opère progressivement et à ce titre, les cadres du quadrivium
sont progressivement abandonnés. En effet, si celui-ci désigne traditionnellement
l'enseignement de l'arithmétique, de la géométrie, de l'astronomie et de la
musique, on constate au XVIe siècle un évident abandon de cette dernière et le cours
de Jordin en est une bonne illustration. Parallèlement, la réflexion
méthodologique, en œuvre principalement dans les préfaces, met l'accent sur la
classification interne des mathématiques : celle-ci insiste, comme on l'a déjà vu, sur
l'opposition entre mathématiques pures et mathématiques mixtes. Il faudrait, pour
concrétiser cette proposition générale, construire une chronologie et une
géographie de ce détachement progressif, mais les lacunes de la bibliographie sur
l'histoire de l'Université entre XVe et XVIe siècles rendent prématurée toute
tentative de synthèse. Ainsi, ce que l'on voit nettement s'opérer à travers les archives,
comme l'abondon de l'enseignement de la musique, ou la redéfinition des
hiérarchies établies entre les disciplines, demande à être confirmé. C'est pourquoi on se
reportera aux articles de C. B. Schmitt qui éclairent le contexte italien : voir les
références bibliographiques des chapitres 1 et 3. Pour la France, le seul bilan
actuellement disponible est celui de J.-C. Margolin, «L'enseignement des
mathématiques en France...», art. cit. Pour une introduction au contexte médiéval, North
J., «The Quadrivium», art. cit.
59 Ex mathematico Pselli Breviaro..., op. cit., p. 4.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 233

questions algébriques, - la première partie de l'ouvrage est


consacrée à l'arithmétique (f. 3-18) -, la musique fait aussi l'objet d'une
brève partie (f. 19-26r.). La géométrie est développée sur plus de
trente feuilles (f. 26-62). De fait, le troisième livre sur lequel s'appuie
l'enseignement de Vinet est Euclide. Pour l'étude de ce dernier aussi
Vinet a préparé une traduction, qui a donné lieu à une unique
édition, Definitiones elementi quinti et sexti Euclidis, datée de 157560.
C'est donc à ce texte, exactement contemporain de l'édition d'Eu-
clide par Clavius, qu'allusion est faite dans la Schola. L'insertion du
Bordelais dans un courant humaniste hellénisant, déjà sensible avec
la traduction de Psellus, est soulignée ici dans le paratexte, avec
cette exergue, extraite des Tusculanes :
Les Grecs ont brillé dans l'art musical et tout le monde étudiait la
musique; et, quand on l'ignorait, on passait pour un homme dont
l'instruction laissait à désirer. Les Grecs tenaient en très grand
honneur la géométrie : c'est pourquoi, rien n'a brillé chez eux d'un plus
vif éclat que les mathématiques...61.
Mais, l'adresse au lecteur permet de mieux définir l'objet du
livre, comme elle livre indirectement des informations précieuses
sur l'auteur :
Beaucoup d'hommes de notre génération ont déjà composé des
commentaires sur les Eléments de géométrie d'Euclide. Mais, il
semble qu'aucun n'a jamais vraiment fait un travail juste sur toute
l'œuvre et pas même sur les définitions des livres 5 et 6. Pedro Nunès
de Salamanque a écrit un ouvrage sur les erreurs d'Oronce Fine :
dans ce livre, il montre que ni Campanus ni Oronce n'ont compris ces
définitions. Quant à moi, alors que j'enseignais ces éléments, lorsque
d'abord André Gouvéa Portugais, puis Jean Gelida de Tarragonaise
étaient recteurs de ce collège de Bordeaux, j'ai tendu toutes mes
forces vers cette petite partie des Eléments, dont j'avais entendu dire
qu'elle n'avait pu être comprise par de nobles géomètres, parce qu'elle
était très osbcure. J'ai lu avec attention tout ce que j'avais et ce
qu'avant moi les autres avaient écrit. J'ai consigné avec attention toutes
ces choses dont, dans leurs Eléments, j'avais le souvenir qu'elles
pourraient apporter quelque chose à la compréhension (de ces
définitions)62.

60 Definitiones elementi quindi et sexti, Euclidis, ab Elias Vineto santone in-


terpretatae, Bordeaux, apud S. Millangium, 1575, in-4° .
61 «In Graecia, Musici floruerunt : discebantque id omnes : nec, qui nescie-
bat, satis excultus doctrina putabatur. In summo honore apud illos Geometria
fuit. Itaque nihil Mathematicis illustrius...», extrait de Cicéron, Tusculanes, livre
1, II, 4-5, traduction extraite de l'édition Budé, Paris, 1931, p. 6.
62 Definitiones..., op. cit., p. 1-2 :
«In geometrica Euclidis Elementa multi jam ex nostris hominibus com-
mentaria composuerunt quibus nihil aeque negotium facessere in toto ilio opere,
videtur, atque libri quincti et sexti definitiones. Petrus .Nonius Salaciencis, li-
234 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Le caractère à la fois autobiographique et didactique de cette


adresse aux lecteurs montre bien que dans cet extrait s'exprime le
pédagogue, qu'il conçoit son projet en prise directe avec son
expérience : il résulte de ces références que l'activité d'enseignant a été
inaugurée par Elie Vinet à partir des années 1530 avec André de
Gouvéa, qu'elle s'est poursuivie sous la direction de Jean Gelida et
qu'elle n'a pas cessé avec sa propre fonction de recteur. Il indique
ses rapports avec la production contemporaine, qu'il convoque ici :
de nouveau Pedro Nunès, mais aussi Oronce Fine63. Le commentaire
de Jacques Peletier n'est pas mentionné pour des raisons qui nous
échappent64, il est cependant clair que Elie Vinet connaît bien son
époque et ses tendances.
Le programme des études défini par la Schola évoque enfin
l'étude de la sphère : si dans ce dernier cas, aucun ouvrage de
référence n'est précisément cité, il n'en demeure pas moins que, dans
ce domaine encore, Elie Vinet a eu une importante activité de
production, qui a connu une réelle diffusion si l'on en croit le nombre
des éditions : le mathématicien de Bordeaux s'est intéressé aussi
bien à Sacrobosco qu'à Proclus. On a dénombré 29 éditions, à partir
de 1551, pour le premier, presque toujours accompagnées d'une
préface de Philippe Melanchthon, et 5 éditions, pour le second, le plus
souvent publié à la suite de Psellus65. Elie Vinet choisit des textes
brefs, qu'il n'alourdit d'aucun commentaire critique complexe. En
quoi il apparaît davantage comme un vulgarisateur que comme un
commentateur. En limitant son travail à quelques livres d'Euclide,

brum scripsit de erratis Orontii Finaei : in quo ostendit istas definitiones necque
Campanum intellexisse nec Orintius. Ego autem quum Burdigalae Aquitanis nos-
tris, Ludimagistro Andréa Goveano Lusitano primum, deinde Joanne Gelida Tar-
raconensi, haec dementa praelegerem, in eam illorum particulam potissimum
animi nervos intendi, quam, ut in primis tenebricosam, a nobilibus geometris
minime intellectam fuisse, audieram. Legi attente, quicquid habui, quod ante me
aliis in eas definitiones scripserant. Contuli accurate, quaecunque eorundem ele-
mentorum loca ad eas intelligendas aliquid conferre posse memineram».
63 Dans l'abondante production du professeur de mathématiques du collège
royal, se trouve aussi un commentaire d'Euclide, In sex priores libros geometrico-
rum elementorum Euclidis..., édité à Paris, en 1536.
64 Ces raisons ne peuvent être d'ordre chronologique, puique la première
édition du livre de Peletier, In Euclidis Elementa geometrica demonstrationum libri
sex, paraît à Lyon, en 1557. Il existe d'autre part une édition française de ce texte :
Les six premiers livres des Eléments géométriques d'Euclide avec les démonstrations
de Jacques Peletier du Mans. Traduicts en françois et dédiés à la Noblesse françoise,
à Genève de l'Imprimerie de Jean de Tournes, 1611, 299 p.
65 Celle de Tournon, 1592 est associée au texte de Psellus cité plus haut :
Prodi Sphaera, Elia Vineto Santone interprete. Accessit in hac ultima editione per-
commoda libri in capita, et capitum in sectiones distributio. In usum studiosae iu-
ventutis Academiae Tumoniae Societatis Jesu.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 235

aux classiques de l'astronomie et à la tradition byzantine, Vinet,


contrairement à Clavius, ne vise qu'un public de non-spécialistes,
celui de ses propres étudiants en philosophie, auxquels il enseigne
depuis de nombreuses années : toutes ses préfaces rendent compte de
ce souci, qui à ce stade de l'analyse ne peut que s'apparenter à un
choix, celui de l'enseignement, qui privilégie la finalité technique de
l'apprentissage des mathématiques.
On en trouve une nouvelle preuve dans ses autres traités, dont
les différentes éditions accompagnent la diffusion des autres titres
déjà évoqués, La manière de fere les Solaires, que communément on
appelle Quadrans (Poitiers, 1564,) ou L'arpenterie, livre de géométrie,
enseignant à mezurer les champs, et plusieurs autres choses
(Bordeaux, 1577), suivi en 1583 de L'arpenterie66.
le ne sai, commant sont examinés nos Arpanteurs quand on les
reçoit au sermant de bien et loiaument servir le public, ni comment
les magistrats ont l'œil sur eus et leur mezurage, mais ie n'en ai veu
grand nombre, qui fussent pour passablement fere ce mestier. Car
premieremant ils ne savent ni lire, ni escrire, presque tous (...) Se-
condemant, non plus entre ceus qui se savent aider de la plume,
qu'entre les autres, ne vi onques aucun qui feust de l'art de compter,
ce, qu'il en fut pour ce fait, ce qu'ils comptent, qu'ils aioutent, multi-
plien, soustraient, il le font par cœur et quelquefois aveques des ie-
tons; et s'il i a des tiers, des quarts, des quints, et teles autres parties,
qu'il leur en faille ajouter, multiplier, soustraire, dieu sait, commant
ils en uzent, et en quele point ils sont (...) pource que i'ai voulu
escrire ceci non pour les savans qui n'on afere ni de moi ni de mon
livre, mais pour les ignorans, qui dezirent savoir et antandre quelque
choze en cete tant bonne, tant bêle, et amoureuse siance de
Géométrie : lesquels n'ont bezoin de trop grande breveté, qui ne leur peut
estre qu'obscure et ennuïeuze67.

Sans doute est-ce dans la déclaration de cette préface qu'est le


plus clairement désigné le public auquel, de manière privilégiée,
Elie Vinet a choisi de s'adresser, le monde des «ignorans», par
opposition à celui des «savans», qu'il connaît par ailleurs et qu'il
fréquente. Car force est de constater que, sous son impulsion, le collège
de Guyenne a été un des pôles français de l'affirmation d'une culture
mathématique renaissante, qui a préludé à l'éclosion et à la
réception de la science moderne. Faut-il rappeler que l'établissement a
attiré Jacques Peletier dans les années 1570, qu'il a accueilli, en 1590,
la chaire de mathématique fondée par François de Foix Candale?
Dès cette date, et suppléant E. Vinet disparu en 1587, l'Écossais

66 L'Arpanterie et la manière de fere les Solaires que communément on apele


Quadrans, Bordeaux, 1577.
67 Ibid., fol. Al à A3.
236 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

R. Balfour68 continuait à assurer jusqu'au cœur du XVIIe siècle cet


enseignement, inscrivant ainsi la tradition née au milieu du siècle
précédent dans une continuité qui survivait au déclin de
l'établissement69.
S'il n'y a peut-être pas lieu de parler d'un milieu de
mathématiciens bordelais dans la seconde moitié du XVIe siècle, les
coïncidences chronologiques sont notables, surtout si l'on précise que
François de Candale, évêque d'Aire, est réputé lui-même pour ses
compétences mathématiques et une édition remarquée des Eléments
d'Euclide70; surtout si l'on ajoute la mention de l'activité de Bernard
Salignac, qui a, sans doute en marge de ces trois-là, contribué lui
aussi à l'affirmation de Bordeaux comme centre régional de
réflexion mathématique, et tout particulièrement arithmétique71. La

68 Voir dans C. H. Lohr, «Renaissance Latin Aristotle Commentaries», Stu-


dies in the Renaissance, vol. 21, 1974, p. 259, la mention de trois de ses ouvrages.
A la Bibliothèque nationale de France, j'ai consulté son commentaire de la
logique d'Aristote ainsi que sa traduction commentée des Météores de Cléomède. Ni
dans les préfaces, ni dans le paratexte je n'ai trouvé de complément d'information
par rapport au propos de E. Gaullieur, op. cit., p. 377, présentant l'Ecossais
comme un «mathématicien de talent, en même temps qu'helléniste».
69 L. Desgraves, «La civilisation intellectuelle au XVIIe siècle», dans C. Hi-
gounet dir., Histoire de Bordeaux..., op. cit., t. 4, p. 409 :
«La situation du Collège de Guyenne ne fut guère plus brillante. La
génération des professeurs humanistes de la seconde moitié du XVIe siècle n'eut pas de
successeurs. Les qualités et le mérite personnel de certains principaux, tels
Robert Balfour, William Hégate ou Francisco Suarès, furent impuissants à
remonter le courant et à fixer à Bordeaux un corps professoral composé d'hommes
compétents. Les tentatives des jésuites pour s'emparer de la direction du collège,
les pourparlers entamés avec l'Oratoire pour lui en confier la responsabilité
accélèrent cette lente décadence».
Sur l'explication de la présence de l'Ecossais en remplacement d'Elie Vinet,
voir l'hypothèse des relations maintenues avec Georges Buchanam : L.
Desgraves, Elie Vinet..., op. cit., p. 29.
70 Euclidis Megarensis mathematici clarissimi elementa, libris XV, ad Germa-
nam geometriae intelligentiam e diversis lapsibus temporis iniuria contractis resti-
tuta, Adimpletis praeter maiorum spem, quae hactenus deerant, solidorum regula-
rium conferentiis ac inscriptinibus. Accessit decimus sextus liber, de solidorum re-
gularium sibi inuicem inscriptorum collationibus. Novissime collati sunt decimus
septimus et decimusoctavus, priori editione quodammodo polliciti, de componen-
dorum, inscribendorum et conferendorum compositorum solidorum inventis,
ordine et numero absoluti. Authore D. Francisco Flussate Candalla ad Corolum IX
christianissimum galliarum regem, Paris, chez Jacques Du Puy, 1578, 575 p.
Pour une introduction biographique, voir P. Tamizey de Laroque, Notes et
documents inédits pour servir à la biographie de Charles et François de Foix-
Candale, évêques d'Aire, Bordeaux-Paris, 1877, 32 p.
71 Voir à son propos B. Baldi, Cronica de matematici..., op. cit., p. 141. La
Bibliothèque nationale de France conserve différents exemplaires de son œuvre
Bernardi Salignaci Burdegalensis Arithmeticae libri duo et algebra totidem cum de-
monstrationibus , Francfort, 1580.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 237

juxtaposition de ces quelques faits ne suffit pas à définir un milieu


ou à identifier des réseaux, mais ces remarques permettent de
suggérer la position centrale du collège de Guyenne dans l'essor d'une
pratique mathématique d'enseignement et de publication72, au cœur
de l'espace aquitain.
Preuve en est son rayonnement sur le milieu jésuite bordelais,
mais aussi plus largement sur la France du sud. Il n'est certes pas
question de construire ici un parallèle entre Vinet à Bordeaux et Cla-
vius à Rome, la différence essentielle entre les deux hommes tenant
au fait que le mathématicien jésuite ne s'est pas cantonné à un
niveau didactique d'enseignement. Rappelons ses trois programmes
d'étude pour les mathématiques, correspondant à trois degrés
différents de formation et d'approfondissement de cette discipline pour
les étudiants73. L'organisation d'une académie de mathématiques,
destinée à accueillir les seuls spécialistes, était constitutive de son
programme de travail. En rédigeant les deux programmes
supplémentaires destinés à ces futurs spécialistes, Clavius définissait le
niveau de son propre projet éditorial : non seulement traduire tous les
Eléments, pour les autres étudiants de la Compagnie, mais aussi les
commenter au point de devenir au sens littéral du terme un nouvel
Euclide, l'«Euclide du XVIIe siècle»74. Cette ambition là fait
totalement défaut à Elie Vinet, et pour cause : les deux institutions
auxquelles les deux hommes appartiennent ne fonctionnent ni sur la
même échelle ni avec les mêmes finalités. Dès lors si le Bordelais
peut aisément s'identifier à la figure du pédagogue humaniste dont
les centres d'intérêt ne se sont pas limités aux seules
mathématiques75, le jésuite correspond bien davantage à l'image du savant,
que viendra consacrer son portrait dans le courant du XVIIe siècle76.
Entre eux, l'écart d'une génération a sans doute joué, expliquant
entre autres que les deux hommes ne se sont pas directement
connus. Cette unique lettre de Vinet fait une allusion à Clavius :
Le livre de Monsieur de la Scala, n'a pas este si tost arrive, qu'on
l'a enlevé. Monsieur de Candale, qui a présent est en Medouc, a eu
nouveles de son livre, escript au pape, touchant la réfomation des
Equinoc. et caetera. Le cardinal Borromée lui a escript, que Clavius
Jesuita, qui faict a Rome grand estât et profession des Mathéma-

72 Sur cet aspect, il serait intéressant de développer une enquête sur les
relations entre les collèges bordelais et l'éditeur Simon Millanges, dont l'atelier est
précisément créé en 1572 : pour une présentation de cette question, L. Desgraves,
«Aspects des controverses entre catholiques et protestants dans le sud-ouest
entre 1580 et 1630», Annales du Midi, vol. 76, 1964, p. 153-187.
73 Voir MPSJ, vol. 7 et mon commentaire, première partie, chap. 2.
74 Voir première partie, chapitre 2.
75 Voir notamment tout son travail d'édition d'Ausone.
76 Voir première partie, chap. 2.
238 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

tiques (il a glozé Euclides) escript de horologiis plus que Orontius ni


Montserus et faict commentaires sur le petit livre de Sacrobosco plus
long qu'un iour sans pain, que ce bon seigneur trouvoit a dire quelque
chose (ie ne le sai que par ouï dire, car ie n'ai veu le dit seigneur des-
« puis ladite response receu de Rome) au discors de Monsieur de Can-
dale, que tout i est : mais qu'il n'a leu tout son livre, ou s'il l'a leu, qu'il
ne l'a entendu. Il est après àdroisser sa réponse apud Medulos (...)
De Bourdeaulx, ce 26 de Novembre 158377.

On retrouve dans cet extrait les différents maillons d'un réseau


ébauché plus haut, François de Candale, pour le milieu aquitain,
Oronce Fine, Joseph- Juste Scaliger78 ou Sébastien Munster79, qui
élargissent le cercle des références; mais on voit aussi par quel biais
s'opère la connexion avec le milieu romain et la figure scientifique
jésuite de ces années 1580, Christophe Clavius : dans ce cas précis,
c'est Charles Borromée80 qui constitue le relais entre les différents

77 Lettre d'Elie Vinet à Pierre Pithou (1539-1596), publiée dans L. Desgraves,


Elie Vinet..., op. cit., p. 148-149. Pour une présentation de cet humaniste français,
voir BU, vol. 33, p. 420-426. Cette lettre, qui évoque aussi Charles Borromée et
François de Candale, esquisse ainsi un réseau international organisé autour du
milieu curial.
78 Pour les relations entre Scaliger fils et Vinet, voir H. De La Ville De Mir-
mont, «Joseph Scaliger et Elie Vinet», Revue Historique de Bordeaux, 1911, p. 73-
89; P. Lardet, «Joseph Scaliger, Elie Vinet et l'édition des œuvres d'Ausone»,
dans Acta scaligeriana. Actes du colloque international organisé pour le
cinquième centenaire de la naissance de Jules-César Scaliger (Agen, 14-16 septembre
1984) réunis par J. Cubelier de Beynac et M. Magnien, Agen, 1986, p. 51-60. Sur
le père de Joseph- Juste, Jules-César Scaliger, Id., «L'aristotélisme «pérégrin» de
Jules-César Scaliger», Les études philosophiques, 1986/3, p. 349-369. Le livre
auquel cette lettre d'E. Vinet fait allusion est vraissemblablement l'Opus novum de
emendatione temporum in octo libros tributum... (Paris, 1583), dans lequel
Scaliger répond à Clavius à propos de la réforme grégorienne du calendrier. La
correspondance de Clavius ne témoigne d'aucun échange épistolaire direct entre les
deux hommes. L'engagement de Scaliger dans le camp réformé, son passage à
Leyde, où il séjourne à partir de 1593 jusqu'à sa mort en 1609 justifient
l'importance de cette figure européenne de l'humanisme cosmopolite de la fin du XVIe
siècle. Sur son appartenance au réseau protestant, voir F. Laplanche, «Réseaux
intellectels et options confessionnelles entre 1550 et 1620», dans L. Giard et L. de
Vaucelles dir., Les jésuites à l'âge baroque (1540-1640), op. cit., p. 89-114, en
particulier p. 103.
79 Voir B.U., vol. 29, p. 574-576.
80 Le jeune cardinal, archevêque de Milan, issu d'une des plus illustres
familles de Lombardie, constituant lui-même l'une des figures les plus actives du
catholicisme post-tridentin, est assurément un bon connaisseur des milieux
intellectuels romains et du Collegio Romano : voir BU, vol. 5, p. 98-101; M. de Cer-
teau, «Carlo Borromeo», dans DB1, vol. XX, Rome, 1977, p. 3-12; R. Villoslada,
op. cit., ad hominem. Pour une approche plus précise, voir J. M. Headley éd., San
Carlo Borromeo : catholic reformer and ecclesiastical politics in the second halfof
the sixteenth century, Washington, 1988, 323 p.; Stampa, libri e lettere a Milano
nell'età di Carlo Borromeo, a cura di N. Raponi e A. Turchini, Milan, 1992, 302 p. :
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 239

réseaux, témoignant indirectement du fait qu'Elie Vinet, quatre ans


avant de mourir, n'avait pas de connaissance directe de l'œuvre du
mathématicien jésuite. De la même manière, dans la
correspondance de Clavius, aucune lettre ne signale le professeur du collège de
Guyenne, alors que François de Candale s'y trouve81.

outre une bibliographie très vaste et actualisée, on lira avec intérêt la


contribution de E. Cattaneo, «La cultura di San Carlo. San Carlo e la cultura», p. 5-37. Le
fait que Borromée cite Clavius, dans sa correspondance avec François de
Candale, confirme l'importance acquise par le mathématicien de la Compagnie dans
le début des années 1580. D'une manière plus générale, avec cette référence au
milieu italien, on aborde un des aspects les plus intéressants et peut-être les plus
représentatifs de la vie culturelle aquitaine de cette période, à savoir la
structuration de l'échange intellectuel autour d'un axe Rome / Bordeaux. Assurément,
cette piste demande à être développée, mais elle a été esquissée dans deux
articles : Y. Renouard, «Les Italiens dans le Sud-Ouest de la France au XVIe siècle»,
Revue de l'Agenais, 1951, p. 123-131; L. Desgraves et P. Roudïé, «Les idées et les
arts», dans Histoire de l'Aquitaine, Toulouse, 1971, p. 359-389. Ce dernier insiste
notamment sur le rôle joué par l'évêque d'Agen, Antonio della Rovere, qui amène
avec lui Jules-César Scaliger dans la région, de même qu'il évoque les liens tissés
entre l'Université de Padoue et celles de Lyon, Toulouse ou Cahors, par le biais
des mouvements d'anciens étudiants entre ces différents pôles. Une enquête
systématique, à poursuivre sur le second XVIe siècle, est à entreprendre. En guise
d'introduction, L. Desgraves, L'Aquitaine aux XVIe-XVIIIe siècles, Bordeaux, 1992.
Une telle étude devra aussi prendre en compte le milieu de Marguerite de
Navarre : sur celui-ci, premières pistes dans J. Balsamo, «Marguerite de Valois et la
philosophie de son temps», dans Marguerite de France reine de Navarre et son
temps, actes du colloque d'Agen (12-13 octobre 1991), Agen, 1994, p. 269-281;
E. Berriot-Salvadore, «Le temps des malheurs, le temps de la philosophie :
Marguerite et la vulgarisation des sciences», dans ibid., p. 255-267; L. Zilli,
«L'italianisme à la cour parisienne des Valois», dans ibid., p. 239-254. Pour les premières
années du XVIIe siècle, on dispose du témoignage de l'astronome sarladais Jean
Tarde : secrétaire de Louis de Salignac, évêque de Sarlat, et ami de Robert Bal-
four, celui-ci rencontre Galilée à Florence, en 1614. Son récit de voyage, A la
rencontre de Galilée. Deux voyages en Italie. Préface et notes de F. Moureau. Texte
établi par F. Moureau et M. Tetel, Genève, 1984, 106 p., contribue fortement à
étayer l'hypothèse du lien scientifique persistant entre Bordelais et Italie.
81 II faut en effet signaler une lettre de François de Candale adressée à
Guillaume Sirlet, à la fin de l'année 1583. Celle-ci livre un maillon supplémentaire du
réseau d'échanges. Sirlet (voir BU, vol. 34, p. 414-415), l'un des responsables de la
rédaction de l'Index, puis directeur de la Bibliothèque Vaticane, fait lui aussi
figure d'agent de structuration de l'échange intellectuel dans et à partir de Rome.
On comprend pourquoi, voulant répondre à Clavius, Candale, informé par
Borromée, s'adresse à lui : cette relation entre l'évêque d'Aire et Sirlet confirme une
nouvelle fois l'importance du réseau romain pour le milieu bordelais : la
Compagnie est loin d'en avoir le monopole; au contraire, la stature intellectuelle des
hommes évoqués ici rappelle que les jésuites, quant à eux, ne disposent pas dans
ces années, à Bordeaux, de représentants d'envergure égale. D'un point de vue
scientifique, cette lettre est la réponse adressée par Candale à Clavius sur les
problèmes liés à la réforme du calendrier; bien que n'étant pas directement adressée
à Clavius, elle a été publiée dans la correspondance de ce dernier : voir C.
Clavius, Corrispondenza, vol. II, 1, p. 38-51. Cette lettre représente le seul témoignage
240 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

En conclusion de cette esquisse comparative, le rôle d'Elie Vinet


dans la culture mathématique de son temps et de son milieu
apparaît central à l'échelon régional, dans la mesure où il se situe à
l'interface du monde des savants, attachés à produire, et de celui des
élites, ouvert à la culture : le choix du collège de Guyenne pour la
création, en 1590, d'une chaire de mathématiques par l'évêque
d'Aire, François de Foix Candale, ne constitue-t-il pas une
reconnaissance posthume du rôle d'Elie Vinet alors que l'existence
depuis presque vingt ans du collège jésuite aurait rendu cette création
possible en milieu «orthodoxe»82? Grâce à ce dernier donc, non
seulement le collège municipal offrait l'exemple d'une implantation
précoce et d'une solide tradition scientifique, y compris dans cette
période moins éclatante des années 1570-1580, mais en outre, dès 1591,
l'Ecossais Robert Balfour, mathématicien, docteur es arts de
l'Université de Bordeaux, prenait en charge cette chaire nouvellement
créée. Ces éléments apparaissent d'autant plus décisifs qu'on peut
les comparer à l'histoire de l'enseignement des mathématiques dans
les collèges jésuites français de la même période : à cette date, il
semble en effet qu'un seul établissement dispose à proprement
parler d'un professeur attitré de mathématiques, le collège de Tournon
qui fera l'objet du prochain chapitre, la plupart des autres se
trouvant dans l'incapacité presque totale de pourvoir à cet
enseignement, du moins de manière régulière, comme l'a souligné le chapitre
précédent. Certes nous ne disposons d'aucune connaissance sur le
travail de Robert Balfour, à partir de 159183 : seul le testament de
François de Candale permet d'émettre quelques hypothèses84 sur
l'évolution des pratiques d'enseignement vers la fin du siècle. Il n'est
pas moins improbable que l'influence d'Elie Vinet ait survécu de
manière durable à Bordeaux.

d'un «échange entre les deux hommes», même si celui-ci est, en definiti tive, resté
indirect. Le rôle de Scaliger dans ce débat n'est pas à négliger : A. Grafton, « Sca-
liger's Chronology : Philology, Astronomy, World History», dans Defenders ofthe
Text. The Tradition of Scholarship in an Age of Science, 1450-1800, Cambridge-
Londres, 1991, p. 104-144.
82 Sur la question des relations entre collège de Guyenne et milieu
protestant, voir L. Desgraves, Elie Vinet..., op. cit., p. 22.
83 Du professeur de mathématiques, seuls nous sont parvenus deux traités
philosophiques : Commentati R. Balforei in Organum Logicum Aristotelis ad Illus-
trissimum Cardinalem de Sourdis, Bordeaux, 1616, et R. Balforei Scoti Commenta-
riorum in lib. Arist. de Philosophia, Bordeaux, 1620, 2 t. Ces publications
esquissent davantage le portrait d'un aristotélicien ordinaire, professeur de
philosophie, que d'un mathématicien.
84 Dans son testament, non seulement François de Candale fonde la chaire
de mathématiques, mais il confère comme obligation au collège de suivre ses
directives et programmes. Voir la copie de l'acte de fondation de la chaire,
Bordeaux, Arch. mun., GG, carton 296.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 241

Cette influence s'est manifestée sur le plan éditorial : la


troisième édition de Psellus, à laquelle se trouve associée la traduction
de la Sphère de Proclus, n'est-elle pas destinée aux étudiants jésuites
de Tournon? C'est ce que précise le titre, Michaelis Pselli Arith-
metica, Musica et Geometrìa. Item Prodi Sphaera, Elia Vineto San-
tone interprete. Accessit in hac ultima editione singulorum Hbrum in
capita, necnon capitum in sectiones percommoda distributio, in usum
studiosae iuventutis Academiae Tumoniae Societ. Jesu, Tournon,
159285. Phénomène qui n'est pas sans soulever des interrogations :
l'idée a été émise que YArithmétique de Psellus éditée à Tournon en
1592 devait remplacer Sacrobosco pour l'étude de la géographie
mathématique86. L'hypothèse satisfait peu si l'on se rappelle la mission
assignée à Clavius dans la Ratio de 1586, celle de produire, pour la
Compagnie, les manuels de mathématiques. A cette date, le
professeur romain a déjà rédigé différents traités et commentaires qui
auraient pu répondre aux besoins des étudiants de Tournon. Alors,
pourquoi ce texte?
Cette troisième édition s'ouvre sur une dédicace de l'éditeur,
Claude Michel, imprimeur du Roi à Tournon. : celui-ci semble se
définir comme le responsable de cette entreprise editoriale87. Pourtant,
les accents à la Clavius y sont nets, le thème de l'intérêt et de la
facilité des mathématiques, celui de leur utilité, ne sont pas sans
rappeler les développements de la Ratio studiorum jésuite sur le même
sujet. L'imprimeur emprunte notamment à Platon cet extrait du Mé-
non sur la réminiscence, qui s'appuie sur l'exemple de l'enfant
interrogé à propos de la dimension d'un carré. Or, c'est déjà une
référence de Clavius, développée dans ses Prolegomena*8. Un dernier

86 Voir
85 Bibl. F.
nat.dedeDainville,
France : VLa18218.
géographie..., op. cit., p. 43, repris par L.
Desgraves, Elie Vinet..., op. cit., p. 30.
87 Michaelis Pselli Arithmetica, Musica et Geometrìa..., op. cit., p. 3-8. Dans
cette dédicace à Louis de Tournon, si l'initiative de cette nouvelle édition n'est
pas clairement évoquée, reste que l'auteur écrit à la première personne du
singulier.
88 C. Clavius, Opera omnia..., op. cit., t. 1, p. 5. Dans la dédicace de Tournon,
la référence au passage du Ménon de Platon sur la dimension du carré se trouve
p. 4. Comme pour Clavius, cet exemple sert à faire la démonstration de
l'accessibilité de la géométrie. Certes, cette référence constitue un des topoi de cette
littérature, mais d'autres arguments militent en faveur du rapprochement des deux
textes. Sur l'utilité des mathématiques, les propos de l'imprimeur rappellent,
presque mot pour mot, les arguments de Clavius :
«Sive ad Reipu. administrationem, sive ad alias philosophiae partes, om-
nesque humanioris literaturae disciplinas praeter mittam, quae sive mathemati-
cis vel comparali nequeunt, vel non facile : nihilque dicam de universo mechani-
carum facultatum ordine, qui mathematicis ac geometria in primis, quidquid
ferme aut certi habet, aut venusti, acceptum refert...».
242 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

intérêt de ces quelques pages réside dans l'hommage final adressé


à François de Foix Candale et à son œuvre mathématique89 : celui-
ci aurait-il joué un rôle dans cette réédition et, si oui, lequel?
Peut-être est-il aussi possible de voir dans ce projet un «coup
commercial» décidé par le seul imprimeur. A moins de poser le
problème dans des termes différents, qui orienteraient la réflexion
vers la question du statut et de la finalité de l'enseignement
prodigué à Tournon, vers la question connexe du niveau
d'enseignement scientifique défini, vers celle enfin des «usages de
l'imprimé»90 et de la constitution d'une catégorie nouvelle de livres, les
manuels scolaires. Mais, il s'agit là d'une autre piste de réflexion
que l'état des sources ne permet pas d'approfondir.
Cette esquisse du rôle d'Elie Vinet confirme, pour les
mathématiques et à l'échelle locale, les pages de G. Codina Mir sur
l'influence du collège de Guyenne dans la constitution de la tradition
éducative de la Compagnie91. Dans la suite de ce chapitre, je
m'attacherai à l'étudier concrètement à travers l'analyse de son
influence sur le cours d'Antoine Jordin.

Le cours de mathématiques d'Antoine Jordin

L'examen du cours manuscrit bordelais d'Antoine Jordin,


exceptionnel par sa qualité comme par celle de son auteur, rend bien
compte de l'influence d'Elie Vinet sur le milieu jésuite local. Ce cours se
caractérise par sa double insertion dans l'ordre jésuite des études, tel
que la troisième version de la Ratio studiorwn l'a enfin défini, et une
pratique dont le collège de Guyenne a inauguré l'exercice plus d'un
demi-siècle auparavant. En outre, il révèle une solide culture
mathématique personnelle qui s'exprime dans une série d'orientations
originales, que cette analyse mettra en évidence.
Lorsque le collège de la Madeleine rouvre ses portes en 1603,
après la suspension des cours intervenue en 1589, un effort
important est porté sur le cours de philosophie. Un témoignage de 1604
fait le point sur les dispositions générales à suivre à son propos92 :

Même si cette autre référence constitue aussi un topos de la littérature


mathématique, on peut cependant supposer que l'imprimeur a consulté les livres de
Clavius.
89 Michaelis Pselli Arithmetica..., op. cit., p. 7. Cet hommage s'inscrit dans un
paragraphe consacré à l'utilisation des mathématiques par les hommes illustres,
depuis l'Antiquité jusqu'à la fin du XVIe siècle. C'est dans cette liste que se trouve
François de Candale.
90 Référence à R. Chartier, Les usages de l'imprimé : XVe-XIXe siècle, Paris,
1987, 446 p.
91 G. Codina Mir, op. cit., p. 192-206.
92 Sur le contexte historique de cette période, B. Peyrous, La Réforme ca-
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 243

Comme le cours de philosophie ne dure dans cette province,


comme dans la plupart des autres, que deux années, l'ordre des
leçons observé ici est le suivant.
Première année.
Aux heures ordinaires : à partir du début du mois de novembre,
ou au plus tard, avant la fête de la Saint Martin, on commence par
l'introduction. En novembre, décembre, janvier, février et mars, a
lieu le cours de logique, puis pendant le reste de la première année,
on étudie les huit livres de la Physique.
Pendant une demi-heure extraordinaire, on explique les
Eléments d'Euclide, puis un peu de géographie, de sphère ou une autre
des disciplines mathématiques : mais pendant les derniers mois, on
s'occupe un peu d'éthique.
Seconde année.
Aux heures ordinaires, en octobre et novembre, on étudie les
livres de la Génération, en décembre, janvier et février, le traité de
l'Ame, et jusqu'à la fin de l'année, la Métaphysique.
Pendant le cours extraordinaire d'une demi-heure, on s'occupe
d'éthique, du traité du Ciel et des Météorologiques.
Dans les établissements disposant d'un troisième professeur :
que celui-ci enseigne pendant une heure entière (ou parfois trois
quarts d'heure) chaque jour ce que autrement un professeur
ordinaire enseignerait pendant une demi-heure extraordinaire, le tout en
suivant le même programme93.

tholique à Bordeaux..., op. cit., vol. 1, p. 320, n'apporte aucun éclairage


particulier :
«Dès sa réouverture, le collège de la Madeleine distribue un enseignement
extrêmement complet : dans le Sud-Ouest, il est alors la maison la mieux équipée
au point de vue intellectuel. On y trouve de treize à quinze professeurs : quatre de
théologie (scolastique, positive, hébreu et grec, morale) auxquels s'ajoutent à
partir de 1611 un professeur de controverse, deux de philosophie (parfois trois), six
classes inférieures. Les effectifs des élèves sont considérables : plus de 1200 en
1610...».
93 ARSI, GAL. 94, II, fol. 294v.-295r. :
«Cum in hac provincia ut plurimum, biennio absolvetur cursus philoso-
phiae : sequens ordo praelectionum observitur in cursibus duorum annorum.
Priori anno
Ordinariis horis : ad principium novembris, vel ad sumum ante festis s.
Martini, absolvatur introductio. per novembrem, decembrem, januarium, fe-
bruarium et martium, praelegitur logica, per reliquum prioris anni, octo libri
physicorum.
Media hora extraordinaria explicentur Euclidis Elementa : deinde aliquid
geographiae, spherae, aut alterius disciplinae mathematicae : ultimis vero mensi-
busque, aliqua ex ethicis.
Posterio anno
Ordinariis horis, per octobrem et novembrem, libri de Generatione, per
decembrem, januarium et februarium, libri de Anima, per reliqum anni Meta-
physica.
Extraordinaria media hora : ea quae supersunt ex Ethicis, libri de Caelo, et
Meteorologica.
244 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Dans cet extrait, est en germe une distinction, qui s'affirmera


avec netteté pour le XVIIe siècle, entre deux types d'établissements :
ceux qui destinent un professeur au seul enseignement des
mathématique, conçu indépendamment des cours de philosophie; ceux
qui ne disposent pas d'une chaire et où les mathématiques sont bien
intégrées, de plain-pied, dans la philosophie94. Dans chaque cas,
l'enseignant qui en a la charge jouit d'une certaine liberté
d'organisation, comme le souligne le plan du manuscrit de Bordeaux.

Le manuscrit de Bordeaux : présentation

En confiant la reprise du cours de philosophie à un père présent


dans la province depuis plus de 20 ans, dont la formation en
philosophie comme en théologie s'est réalisée au sein de la Compagnie,
qui a eu la responsabilité de la bibliothèque du collège pendant de
nombreuses années et notamment pendant les années de fermeture,
les responsables jésuites d'Aquitaine font incontestablement le choix
de la qualité et de la maturité. Ils attribuent cet enseignement-clé à
Antoine Jordin (1562-1636), ancien scolastique à La Madeleine. Né à
Saint-Flour en 156295, entré dans l'ordre à l'âge de 18 ans, en 1580, à

Ubi vero est tertius professor pro extraordinariis illis lectionibus : leget
integra hora (vel saltem per très quadrantes) quotidie ea quae ordinarius professor
alioqui legeret media illa hora extraordinaria : idque eodem plane ordine».
94 Cette distinction revêt une signification centrale pour le développement de
la réflexion sur le XVIIe siècle. Elle sera développée et approfondie dans le cadre
de la troisième partie.
95 Voir F. Bonnani, Bibliotheca scriptorum Societatis Iesu, B.N.V.E., Fondo
Gesuitico 1334, p. 252-53; C. Sommervogel, op. cit., vol. 4, col. 820-821; P. De-
lattre dir., op. cit., vol. 4, col. 687.
Le dépouillement des catalogues disponibles permet de reconstituer cette
carrière : 1584 (AQUIT. 9, III, fol. 54v.-55r.), auditeur en logique à Bordeaux (le
catalogus secundus, fol. 65r., précise en outre, «talentum ad philosophiam»);
1587 (AQUIT. 9, I, fol. 92 r.), présent dans le catalogus triennalis de Bordeaux, qui
précise ses études de rhétorique et de philosophie au sein de la Compagnie; 1590
(AQUIT. 9, 1, fol. 102v.), professeur de philosophie à Toulouse; 1592 (AOUIT. 6, 1,
fol. lv.), professeur de physique au même endroit; 1593 (AOUIT. 6, I, fol. 9r.;
AQUIT. 9, I, fol. 124v.), idem; 1597, absent du catalogue de la province
d'Aquitaine; 1598 (AQUIT. 6, 1, fol. 25r.), bibliothécaire à Bordeaux; 1599 (AQUIT. 9, 1,
fol. 166r.), professeur de théologie scolastique; 1600 (AQUIT. 6, 1, fol. 30v.), idem;
1603 (AQUIT. 9, 1, fol. 187r.), idem; 1604, professeur de logique (cf. manuscrit de
Bordeaux); 1605, professeur de physique (cf. manuscrit de Bordeaux); 1606
(AQUIT. 9, I, fol. 218r.), responsabilités administratives; 1609 (TOLOS. 5, fol.
9v.), professeur de scolastique à Toulouse; 1610 (TOLOS. 5, fol. 17v.), professeur
de casuistique au même endroit; 1611 (TOLOS. 5, fol. 30v.), idem; 1613 (TOLOS.
5, fol. 38r.), professeur de théologie; 1614 (TOLOS. 5, fol. 48), professeur de
scolastique et hébreu; 1615 (TOLOS. 5, fol. 53), confesseur et professeur d'hébreu;
1617 (TOLOS. 5, fol. 58), professeur de théologie et responsabilités
administratives; 1618 (TOLOS. 5, fol. 63), administrateur à Auch.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 245

Rodez, Jordin est à Bordeaux en 1584, aux côtés de Richard


Gibbons96 : là, il suit le cours de physique comme «auditor Physicis», le
catalogus primus précisant parallèlement qu'il a déjà étudié au sein
de la Compagnie rhétorique, grec et logique. Il se trouve toujours à
Bordeaux en juin 1587 où le catalogus primus de l'année indique :
A appris dans la Société, deux ans et demi la rhétorique, puis le
cursus de physique. A enseigné pendant un an en dernière classe97.
On peut donc déduire de cette rapide description que Antoine
Jordin a poursuivi ses études de philosophie à Bordeaux, à la suite
de quoi, comme tous ses confrères, il a été affecté à des tâches
d'enseignement dans les classes inférieures. Dans l'année qui a suivi, le
jeune professeur est parti enseigner la philosophie à Toulouse98 : on
le trouve dans les catalogues de 159299 et 1593 10°, où il est mentionné
comme professeur de physique dans le même établissement.
L'absence de catalogue pour les années suivantes ne permet pas de
suivre l'évolution de la carrière d'Antoine Jordin avant 1598101, où il
se trouve réaffecté au collège de Bordeaux, dans les années de
suspension de l'enseignement jésuite, avec la charge de bibliothécaire.
Il se stabilise là pendant dix ans, assurant avec la réouverture de
l'établissement en 1604, des cours de philosophie puis théologie102. De
1609 à 1617, il poursuit son enseignement de la théologie à Toulouse,
où il assure parallèlement différentes fonctions administratives103. Il
est ensuite nommé recteur du collège d'Auch104. A partir des années
1620, Antoine Jordin est appelé par le Général à Rome. Censeur des
livres pour l'assistance de France, il sera l'un des réviseurs du livre
de Christoph Scheiner, Rosa Ursina, en 1628105. Il finit sa carrière en
France où il meurt en 1636.

96 ARSI, AQUIT. 9, III, fol. 54v.


97 ARSI, AQUIT. 9, 1, fol. 96r. : «Antonius Jordinus, Arvernus, Urbis ac dio-
cesis Sancti Fiori, Annorum 25, vires firmae Die 21 juni 1580 admissus est in So-
cietatem a P. Annibale Codreto, Provincialis Ruthene. In Societate annos duos
cum dimidio studuit Rhetoricae curriculumque Physicae absolvit. Docuit annum
unum in ultima classe».
98 C'est ce qu'indique le catalogus primus de 1590 : ARSI, AQUIT. 9, I, fol.
102v.
99 ARSI, AQUIT. 6, I, fol. lv.
100 ARSI, AQUIT. 6, I, fol. 9r.
101 ARSI, AQUIT. 6, I, fol. 25r.
102 1599 : ARSI, AQUIT. 9, I, fol. 166r.; 1600 : AQUIT. 6, I, fol. 30v.; 1601 :
idem; 1602 : idem; 1603 : AQUIT. 9, 1, fol. 187r.; 1604 : idem; 1606 : AQUIT. 9, I,
fol. 218r.
103 1609 : TOLOS. 5, fol. 9v.; 1610 : TOLOS. 5, fol. 17v.; 1611 : TOLOS. 5, fol.
30v.; 1613 : TOLOS. 5, fol. 38r.; 1614 : TOLOS. 5, fol. 48; 1615 : TOLOS. 5, fol. 53;
1617 : TOLOS. 5, fol. 58.
104 1618 : TOLOS. 5, fol. 63; 1619 : TOLOS. 9, fol. 83r.
105 Référence ARSI : FONDO GESUITICO 655, fol. 93r. :
246 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

II s'agit en définitive d'une carrière longue et brillante, qui


s'inscrit parfaitement dans le cursus honorum jésuite de cette période,
marqué par l'ascension dans les charges intellectuelles et
administratives et dont la réussite est assurément couronnée par
l'affectation à Rome106.
Autant d'éléments qui soulignent la richesse des manuscrits de
Bordeaux, conservés dans trois volumes, correspondant à deux
manuscrits, ms 443 et 445. Il s'agit des notes de cours prises, sous la
dictée, par un étudiant qui n'hésite pas à se nommer à différentes
reprises, «me audiente Jacobo Casterario». La présence d'index,
correspondant soit à un volume, soit à une partie du cours, permet de
faire l'hypothèse que cette prise de notes avait une fonction
collective particulière : jouer le rôle de manuel et permettre ainsi une
circulation du cours entre étudiants; constituer la trace écrite, et mise
au net d'un cours-type, destiné aux successeurs du professeur
compétent107. Quelle que soit l'hypothèse retenue, il est certain que
ces manuscrits bordelais ne sont pas les notes de cours qu'un
auditeur aurait destinées à son seul usage personnel. Reste cependant à
les articuler dans leur logique interne, en réglant les problèmes de
datation.
Dans le premier (ms 443), se trouvent réunis les cours fondés
sur les huit livres de la Physique, le Traité du ciel, celui de La
génération et la corruption, les Météores, ainsi que le cours de
mathématiques. Les différentes dates indiquées par l'étudiant permettent de
considérer qu'il s'agit de deux séries de leçons, l'une de 1604,
destinée aux étudiants de philosophie de première année, l'autre de 1605,
adressée aux étudiants de la classe supérieure. Le second manuscrit,

«Legi priorem partem libri quarti P. Christophori Scheiner in quo disputa-


tur de nonnullis solarium macularum affectionibus nihilque pugnans cum vera
et orthodoxa doctrina notavi, sed omnia reperi Sacrae Scripturae et antiquis pa-
tribus consentanea et quae recte colliguntur cum iis quae hactenus de hoc solari
phaenomena sunt observata. Quare erit e publica re ne edatur in lucem. In
quorum fidem haec scripsi ac subscripsi nomen meum In Collegio Romano 16 fe-
brua. 1628».
L'importance de ce livre, comme des positions de Scheiner face à la science
nouvelle ont fait l'objet d'une analyse intéressante de la part de C. Dolio, «Tam-
quam nodi in tabula...-», art. cit.
106 Celle-ci traduit aussi la reconnaissance d'une grande sûreté en matière
doctrinale, liée à la nature de la charge confiée. Un chapitre de la troisième partie
sera consacré à l'institution du collège des censeurs et aux censures prononcées
pour l'espace français. En introduction à cette question, voir U. Baldini, Legem...,
op. cit., p. 75-119.
107 Cette pratique révèle le souci d'homogénéisation des enseignements qui a
été si souvent réclamé dans les décennies précédentes par les provinces
périphériques : la réflexion devra être engagée sur les rapports entre ce type de
circulation des cours et le recours aux ouvrages de philosophie écrits à cette fin,
dans les centres de Rome et Coïmbra.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 247

composé de deux volumes correspond au cours de logique, professé


la première année. La table des matières du premier tome (qui se
trouve sur le second folio non numéroté) indique l'enchaînement
des leçons : une introduction générale sur les arts, puis dialectique,
logique, éthique. Le second tome comprend deux cours, chacun
numéroté séparément : en premier lieu, on traite du De anima (le cours
est développé sur 197 folios et il s'achève sur un index non paginé);
ensuite, le cours porte sur la métaphysique, et l'étudiant-scribe a
pris soin de préciser l'année 1606. A la fin des 166 folios de ce dernier
commentaire, se trouve de nouveau un index, numéroté cette fois,
dans la continuité de la pagination du cours. Pour finir, ce second
tome présente une particularité : les douze derniers folios
(présentant une double numérotation, à la fois propre et continue par
rapport au cours de métaphysique) se composent de deux annexes,
l'une intitulée Positiones ex universa philosophia depromptae (fol. lr.
à 7r.), l'autre Thèses phïlosophiae (fol. 8r. à 12r.). Ce dernier
document s'achève par ces mots «Agitatae sunt 26 julii in coll. Burd. so-
ciet. Iesu praeside R.P. A. Jord. 1606». Cette indication
chronologique permet d'affirmer que le cours ne s'est déroulé que sur deux
années scolaires, dont l'exercice de soutenance de thèses marque le
terme officiel.
A partir de cette description, on peut donc reconstituer
l'organisation du cours de la manière suivante :
Année 1 Année 2
Dialectique (ms 445,1) De caelo (ms 443)
Logique (ms 445,1) Météores (ms 443)
Physique (ms 443) , De genêt -adone... (ms 443)
Ethique (ms 445,1) Mathématiques (ms 443)
De anima (ms 445,2)
Métaphysique (ms. 445,2)

Ainsi, le caractère exceptionnel de ce document tient, en


premier lieu, au fait que nous disposons de l'ensemble du cours sur plus
de mille feuilles recto-verso : cette exhaustivité, qui n'est pas l'objet
de mon étude, présente l'immense avantage de replacer les propos
sur les différentes parties de la philosophie naturelle dans
l'ensemble du système jésuite. Par exemple, à propos des
mathématiques, on peut mesurer précisément la part relative que leur
enseignement occupe par rapport à la logique ou à la physique. Mais à
cet avantage quantitatif s'en ajoute un second d'ordre qualitatif :
dans la démarche d'Antoine Jordin, les différentes disciplines
présentent une évidente complémentarité, explicitée dans son cours de
mathématiques par le renvoi aux autres parties de son
enseignement. En outre, certaines questions traitées d'un point de vue
mathématique doivent aussi être abordées en termes de philosophie na-
248 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

turelle (c'est très clairement le cas de l'astronomie), ou logique


(comme la question du statut des démonstrations mathématiques
abordées dans l'optique d'une comparaison avec les syllogismes). Le
fait de disposer de l'ensemble des raisonnements d'Antoine Jordin
permet non seulement d'éclairer son analyse par le recours aux
autres parties de son cours, mais aussi de tenter de définir sa propre
conception des mathématiques par rapport aux autres disciplines
qui composent le champ de la philosophie.
La partie proprement mathématique de ce cours, De mathemati-
cis disciplinis tractatio, couvre un ensemble de 65 feuillets recto-
verso108. Celui-ci s'achève sur une table des matières qui permet d'en
cerner le contenu et le volume respectif accordé à chacune des
parties :
De geometria fol. 1
Liber lus Euclydis definitionum 2
Petitiones sive postulata 4
Communes notiones, seu actiomata 4
Propositiones libri primi 4
Praxes quaedam mathematicae 11
De Quadratura circuii 17
De arithmetica 21
De proportione seu ratione 21
De proportionalitate 24
De officiis artis logisticae 24
De astrologia 28
Caput Ium Quid sit sentiendum de astrologia judicaria 28
De coelorum situ, motu, et quiete 33
De circulis spherae 41
De divisione cujusque circuii 43
(fol. 65v)
De circulo Aequinoctiali 44
De duobus aequinoctiis, et Kalendarii correctione 47
De Zodiaco 54
De duobus coluris 55
De meridiano circulo 55
De orizonte 56
De quatuor circulis minoribus 56
De primo mobili, seu Sphaera lia Item 10a, 9a 56
De firmamento, seu 8a sphaera 58
De planetarum orbibus 60
De perspectiva 61
De musica 62
Ainsi, les différentes parties de cet enseignement, géométrie,
algèbre, astronomie, musique et perspective, s'y trouvent développées

Ms 443, fol. 382 et suivants.


LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 249

sur un mode inégal, comme l'indique la nette prédominance de


l'astronomie, dans sa dimension descriptive. En effet, celle-ci occupe la
moitié du cours, sinon en horaire d'enseignement, du moins en
volume du manuscrit. Son développement apparaît d'autant plus net
que les deux dernières matières abordées, perspective et musique,
effectivement considérées comme partie intégrante des
mathématiques mixtes, ne font l'objet que de quelques remarques sommaires.
Comment la structure de ce cours s'accorde-t-elle avec les
indications de la Ratio studiorum? Si l'étude de la géométrie
euclidienne, de la sphère et de l'arithmétique relèvent bien de la tradition
codifiée par la Compagnie, force est de constater que, par-delà leur
brièveté, les deux derniers chapitres, consacrés à musique et
perspective, ne font l'objet d'aucune allusion dans les documents
normatifs de l'époque. Le même constat s'impose si on rapproche ce
manuscrit des propositions faites par Clavius dans son texte
programmatique du début des années 1580, étudié plus haut.
Tout en s'inscrivant dans la lignée de la Ratio, le cours professé
par Antoine Jordin présente, dans sa structure, une certaine
originalité, confirmée par l'étude des contenus. Dans les pages qui suivent,
l'analyse s'attachera à mettre en évidence le réseau d'influences, les
lectures, la culture scientifique en œuvre dans ce manuscrit, autour
d'une question qui sera l'axe de lecture retenu : quelle part revient à
Clavius dans le choix des contenus mathématiques? Cette question a
pour corollaire deux autres interrogations : le milieu bordelais a-t-il
eu quelque influence? Quelle est la place de l'activité propre au
professeur dans l'élaboration de son enseignement?

L'ombre de Clavius
L'ombre de Clavius plane dès les premières lignes sur le texte
dicté par Antoine Jordin : c'est en effet dans le plus pur style du
mathématicien de Bamberg que se situe l'introduction du cours, longue
d'une page et demi, qui concerne la totalité du texte. Elle constitue
un bref résumé du texte des Prolegomena, évoqué dans la première
partie de ce livre109. La reprise, presque mot à mot, des formules de
Clavius identifie la source du professeur toulousain, qui, comme son
maître, propose une définition des mathématiques à partir de l'éty-
mologie grecque, avec les mêmes références à Pythagore et Platon.
Par-delà la référence aux prolégomènes et à Clavius, le texte
permet de caractériser la manière de procéder d'Antoine Jordin :
une écriture simple, des références précises, certaines classiques,
d'autres plus originales, le plus souvent explicitées. Ainsi, rien

109 Christophori Clavii Bambergensis E Societate Iesu Operum Mathematica-


rum tomus primus..., Mayence, 1612, p. 3-9.
250 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

de surprenant à le voir compléter Clavius par les Conimbri-


censesm. En revanche, Giorgio Valla111 ou Jacques Charpen-

110 Un groupe de professeurs de l'Université de Coïmbra a publié entre 1592


et 1598 une série de volumes consacrés au commentaire de l'œuvre d'Aristote. Ces
publications, diffusées dans l'ensemble de la Compagnie, se sont progressivement
imposées comme la référence en matière d'« exégèse aristotélicienne». En guise
de présentation et de mise en contexte, voir C. B. Schmitt, Aristote et la
Renaissance, op. cit., p. 51-54; pour la bibliographie, CHRP, p. 814; L. Lukacs,
Bibliographie de la Compagnie de Jésus..., op. cit.; A. Dinis, «Tradiçào e transiçào no
Curso Conimbricense», Revista portuguesa de filosofia, 1991/4, p. 535-560; Id., «O
comentàrio conimbricense à Fisica de Aristoteles (Nos 400 anos da sua primeira
ediçào)», Brotéria, vol. 134, 1992, p. 398-406; L. Giard, «Le devoir
d'intelligence...», art. cit., p. XXIII.
111 Partageant avec Lorenzo le même patronyme, Giorgio est moins célèbre
que son contemporain : né à Plaisance en 1447, muni d'une vaste culture
humaniste littéraire, mise en œuvre dans la traduction des Magna Mordila et de la
Poétique d'Aristote, encore cités aujourd'hui, Giorgio Valla est aussi le rédacteur
d'une véritable encyclopédie de la nature, De expetendis et fugiendis rebus opera,
publiée pour la seule et unique fois à Venise en 1501. Composé de 49 livres, cet
ouvrage s'occupe d'arithmétique (trois livres), de musique (cinq livres), de
géométrie (six livres), d'astrologie (quatre livres), de physique (trois livres), de
médecine (sept livres), de grammaire (trois livres), de dialectique (trois livres), de
poétique (un livre), de rhétorique (deux livres), de philosophie morale (un livre),
d'économie (trois livres), de politique (un livre), d'hygiène (trois livres), de diverses
choses (un livre). La référence d'Antoine Jordin est extraite du livre 21 consacré à
la physique. Pour une présentation synthétique, voir BU, vol. 42, p. 487; CHRP,
p. 838. La consultation de cet ouvrage à la B.A.V. (cote Aldine I, 3, Folio) permet
de prendre la mesure de l'encyclopédisme caratéristique de cette période, mais
aussi de la place qui est consentie aux mathématiques, notamment par
opposition à la physique : dès la présentation, dix des vingt-trois chapitres sont
consacrés à cette discipline. On constate d'autre part que le chapitre 8 du livre XI traite
de la quadrature du cercle : ce travail descriptif qui fait exclusivement référence
aux anciens ne peut constituer la seule source de Jordin pour son propre cours.
Sur les rapports entre Proclus et Valla, E. Kessler propose quelques remarques
d'un grand intérêt, qui doivent être mises en rapport avec l'analyse de la culture
mathématique de Clavius, première partie, chapitre 3. E. Kessler, «Clavius entre
Proclus et Descartes», art. cit., p. 289-290 :
«Bien qu'il y ait déjà en Italie au XVe siècle, apparemment, des manuscrits
grecs du commentaire de Proclus, en particulier dans le milieu vénitien des
mathématiciens humanistes, le premier à avoir utilisé ces manuscrits semble avoir
été Giorgio Valla (1447-1500), dont l'encyclopédie humaniste Rerum expetenda-
rum et fugiendarum libri (Venise, 1501) contient, sans le dire, la traduction du
prologue de Proclus, incorporé à son propre texte. Giorgio Valla, impressionné,
sans doute, par Proclus, essaie de structurer son encyclopédie selon un concept
mathématique de science, mais le résultat de ses efforts, comme sa traduction
masquée de Proclus, incompréhensible si on ne recourt pas à l'original grec,
semble prouver qu'il n'était pas vraiment la personne adéquate pour introduire
Proclus dans les débats de la Renaissance». Quelle maîtrise Jordin a-t-il eu de ce
phénomène? A-t-il tiré le parti épistémologique de cette référence, en s'appuyant
parallèlement sur Clavius? Autant de questions que le manuscrit ne permet pas
de résoudre.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 251

tier112 correspondent clairement à des références culturelles


personnelles, qui demandent à être analysées.
Pourtant, plus que l'emprunt, ce qui frappe ici nettement est la
réduction extrême de ces Prolégomènes. Car, si Clavius se lançait
dans une réflexion à caractère épistémologique, A. Jordin se
contente pour sa part de reprendre la première partie du texte, celle
dont les enjeux sont moindres. C'est donc à un appauvrissement du
sens que procède le professeur, non par souci de faire court mais par
le choix des passages étudiés. Ainsi, aucun des grands enjeux épisté-
mologiques de cette préface n'a retenu son attention. Or, cette
situation ne lui échappe pas, car il conclut cette introduction en
renvoyant aux différentes parties de son cours de logique ou physique,
qui apparaissent complémentaires de cette réflexion. Et, en effet, le
cours de logique qu'il a dispensé l'année précédente aborde déjà la
question du statut des mathématiques comme science, dans le cadre
du commentaire des Seconds Analytiques : il traite, comme tous ses
collègues de philosophie la question «An mathematicae sint vere
scientiae»113. Cette question, qui fait écho au débat général sur la
quaestio de certitudine mathematicarum évoqué dans la première
partie, présente un certain intérêt pour comprendre le poids de la
norme en milieu jésuite : les Conimbricenses , - c'était précisément
leur fonction -, les divers commentaires d'Aristote ne manquent pas
d'allusions à ce problème114. Quant à Antoine Jordin, il ne tranche

112 BU, t. 7, p. 675; CHRP, p. 812; S. Matton, «Le face-à-face Charpentier-La


Ramée. A propos d'Aristote», Revue des sciences philosophiques et théologiques,
vol. 70, 1986, p. 87-97.
113 Ms 445 (1), fol. 176v.-177r. Le manuscrit ne comporte pas de
numérotation continue : chacune des trois parties (dialectique, logique, morale) est
paginée à part, et de même pour la table des matières.
«Sect. 2a. An mathematicae sint verae scientiae.
Asserimus 1° Mathematicas disciplinas si secundum se spectantur esse
proprie ac vere scientas, nihil enim eis deest ex necessariis ad rationem verae pro-
prietatis scientiae, habent eorum proprium subiectum, nempe quantitatem et
figuras et alia eiusdem generis, haec autem subiecta etiam quando spectantur abs-
tracta obtinent proprias suas affectiones, quae cum habeant ortum ex natura
suorum subiectum, [...] per eam seu per definitionem subiecti non minus de-
monstrari poterunt, quam proprietates corporum naturalium de suis subiectis,
nam de natura et definitione trianguli probari potest triangulum habere très an-
gulos aequales duobusque rectis, et ita de similibus.
Asserimus 2° mathematicas disciplinas, ut nunc traduntur, non esse vere et
proprie scientias, si per scientiam propriam dictam intelligamus [...] qua simpli-
citer est scientia et paratur demonstrationem, mathematica disciplinis quae
colligi posset ex Euclyde et aliis mathematicarum professoribus non etiam habet de-
monstrationes quae suas conclusiones probent ex propriis et veris causis, ergo
esse».
114 Le commentaire de la Physique peut servir d'exemple : D. Francisci Toleti,
252 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

pas cette question polémique : est-ce une manière d'exprimer ses


réserves face à des positions «officielles» de la Compagnie? Est-ce par
souci de rester en conformité avec Clavius, auquel correspondrait
l'allusion «aliis mathematicarum professoribus»?
L'introduction s'inscrit dans une double tradition, celle de
Clavius comme en témoignent les propos mêmes de Jordin115, celle qui,
commune à l'ensemble des ouvrages de mathématiques ou
philosophiques produits dans cette période, est héritée de la scolastique
médiévale. Dans cet espace textuel traditionnel, s'affirment et se
transmettent certains arguments d'un discours sur les
mathématiques116 participant de la nouvelle légitimation dont la discipline fait

SJ, Commentarla una cum quaestionibus in octo libros Aristotelis de physica aus-
cultatione, nunc primum in lucem edita, Venise, 1578, 247 f. Dans cet ouvrage,
Francisco de Toledo examine la question des rapports entre physique et
mathématiques dans un chapitre intitulé «An Physica a Mathematicis distinguatur».
Mais, dès la préface, consacrée au nom et à la définition de la philosophie, il
présente les différents systèmes de classification de la philosophie (Zenon, les
stoïciens, Epicure, etc.), et propose donc une hiérarchisation des disciplines qui
engage les rapports entre physique et mathématiques (voir f. lr. et suivantes).
115 Voir à ce propos la préface d'Otto Cattenius, qui prend elle aussi sa source
dans Clavius : le fait d'avoir intitulé cette ouverture «Prolegomena in Mathesin»
ne laisse aucun doute sur ce point. Dans l'organisation interne de ces quelques
lignes, les intitulés de chapitres en relèvent aussi. Voir A. Krayer, op. cit., p. 181-
183.
116 II s'agit, en substance, de celui que Clavius a développé dans ses textes et
que j'ai analysé dans la première partie. L'introduction d'A. Jordin est la suivante,
ms 443, fol. lr. :
«De mathematicis disciplinis tractatio, per R.Patr. Jordinum, ordinis Societ.
Jesu sacerdotem, anno 1605.
Antequam aggrediamur sigillalim explicare partes Mathematicarum disci-
plinarum aliquid in universum de illis dicendum esse, ac in primis notandum
esse mathematicarum nomen, quae est \iaxeaic, seu nais^axa appelantur deduci a
verbo navtavo disco, quare ex vi nominis omnes disciplinae mathematicae dici
possunt; Communi tamen usu eo nomine eas scientias intelligimus quae in quan-
titatis tamquam proprii subjecti versantur consideratione quod multis de causis
factum putant auctores, la quod scientia fuit Phythagoricorum et Platonis secta-
torum scientiam nostram nihil aliud esse quam avauveicTsiv, seu reminiscien-
tiam, quandam, cum ergo maxime reminiscamur eorum quae ad res mathemati-
cas pertinent, ut perspicuum esse in pugione menonis quem in mathemat. inter-
rogationibus Socrates sciscitantur; huic factum, ut (mot grec surchargé) nomen
tribueretur ei scientiae qua in quantitate considerenda utuntur; 2a quod haec
disciplina ordine ad scientiam maxime accomodato progredientur positis nimi-
rum primo loco principiis definitionibus postulatis et communibus sententiis, ex
quibus deinde suas propositiones deducant, quare ordinem in caeteris scientiis
vix licet animadvertere. 3a quod sint scientiae praestantissimae et accuratissimas
demonstrationes habeant, quarum tam firma est perspicuitas tamquam
perspicua firmitas, ut eis vel invitus, qui eas intelligit praebeat assensum, cum tamen in
aliis scientiis ut philosophia naturali et metaphys. tanta sit opinionum varietas ut
qui illis dat operam semper fluctuet, nuncquam in hanc, nunc in illam partem
dubius incilnet, et fréquenter scientiis a ventate penitus alienis imbuatur; Nos ta-
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 253

l'objet tout au long de ce second XVIe siècle. Il est significatif de la


force de ce discours qu'il se trouve repris dans le cadre d'une
introduction au cours117.
La première partie de son cours, consacrée au commentaire du
premier livre des Eléments d'Euclide, s'appuie elle aussi sur Clavius,
sans doute dans l'édition de 1574, certainement disponible au
collège de Toulouse, où par ailleurs Antoine Jordin a souvent
travaillé118. Il est notable que la série des leçons s'ouvre sur un paragraphe
qui justifie l'ordre des matières, et surtout affirme la supériorité de
l'arithmétique par rapport à la géométrie119.

men veram causam purae disciplinae mathematicae dicantur an putamus (f. lv)
esse quod sint facillimae, et vel a pueris ipsis non magno labore discantar, nec
enim praestantissimae demonstrationes experientur in mathematicis, nec illae
obtinent perfectae scientiae nomen ut alibi a nobis probatum est; deinde ut omit-
tamus alias divisiones mathematicarum, quas afferunt Georgius Valla in primo
lib. expetendorum et fugiendorum Cap. 21 et Clavius initio commentariorum
suorum in Euclydem. Ea divisio maxime nunc usurpatur, quae dividantur in pu-
ras et médias, purae sunt duae arithmetica et geometria, sic docatae quod suum
subjectum, quasi a sensibili materia abstractum contemplentur, illa numéros,
haec figuras, seu continuam quantitatem; mediae sunt très musica, perspectiva
et astronomia quae materiam sibi subjectam in rebus sensibilibus considérant,
Musica eorum numerum sonorum, obtica lineam quae sub aspectum cadit,
astronomia caelestis corporis motus et similes affectiones explicat, atque de iis
quinque veluti speciebus mathematica suae totidem partibus disputabimus pos-
set autem hoc loco quaeri an doctrinae ordine prior sit mathematica scientia,
quam naturalis, sed sive hanc, sive illam explicemus, non id absque ratione facie-
mus, nec ex ita pendet physica a mathematis ut absque illis non possit recte ex-
plicari; vide hac de re Conymbr. in proemio suo in 8° lib. Physic, q. 4a et Carpen-
tarium in alcinorum cap. 6° numero 2°. Omitto alia multa quae de mathematicis
in commune dici possent, quod ea partim explicavimus in Logica, aut Physica,
partim cum se offeret occasio exponemur».
117 Significatives sont à cet égard les introductions des différents livres de
mathématiques que j'ai consultés. Dans les premières pages de ce chapitre, j'ai
évoqué certaines d'entre celles d'Elie Vinet : sans doute avec un infléchissement,
déjà souligné, pour les mathématiques mixtes, on y retrouve les topoi chers à
Clavius. On pourra aussi se reporter à l'analyse des textes de Clavius et à leur mise en
perspective avec les ouvrages français contemporains : première partie, chap. 3.
118 A titre informatif, précisons que si les traces des bibliothèques des deux
collèges jésuites de Toulouse et Bordeaux sont presque totalement perdues - et
de manière sans doute définitive -, l'actuelle maison de la Compagnie à Toulouse,
qui a longtemps abrité les archives de la province fondée en 1608, conserve
toujours l'édition de 1574 des Eléments d'Euclide commentés par Clavius : c'est le
seul texte de Clavius qui s'y trouve encore. Certes, la date d'acquisition de
l'ouvrage ne figure pas, comme c'est souvent le cas, sur la page de titre. On peut
cependant raisonnablement en déduire que, dans les années 1580, A. Jordin
pouvait disposer de ce texte. Peut-être même, avec son professeur Richard Gibbons,
s'y est-t-il formé à la géométrie.
119 Fol. lv. : «Etsi arithmetica abstractio major videtur quam geometrica, et
proinde existimaret aliquis ab arithmetica potius quam a geometria initium esse
ducendum mathem. tractationis, quia tantum Elementa Euclydis sine quorum
254 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Cette digression à propos de l'arithmétique suggère deux


remarques : d'une part, elle révèle une certaine distance par rapport à
une tradition jésuite très fortement centrée sur Euclide, du moins
dans le milieu italien. Non seulement Jordin prend ici la peine de
réfléchir sur les deux disciplines, mais il le fait en s'appuyant sur Jaco-
po Zabarella, le logicien padouan dont l'influence sur l'« école de Pa-
doue fut si importante»120. La référence à l'aristotélisme padouan est
d'autant plus intéressante que, dans le cadre de l'espace français,
elle est la première que j'ai pu identifier : l'allusion au De naturalis
scientiae constitutione, de 1586, souligne une bonne connaissance de
la culture logique du temps et des débats attenant à son statut. On
peut, d'autre part, rapprocher cette réflexion inaugurale sur
l'arithmétique de la pratique du collège de Guyenne : comme l'extrait des
Schola aquitanica et l'analyse des ouvrages d'Elie Vinet l'ont montré,
cette discipline jouit dans l'établissement concurrent d'une place de
choix. Il n'est donc pas improbable que, s'adressant à un public
averti des pratiques adverses, Antoine Jordin ait pris la précaution de se
prémunir contre toute critique. Quoi qu'il en soit, cette manière de
procéder indique une certaine perméabilité à la culture
mathématique propre à Bordeaux, renforcée sans doute par un goût
personnel.
Dans le traitement d'Euclide, seuls quelques aspects mineurs du
texte manquent, avec une reprise très nette des termes mêmes de
Clavius : définitions, propositions, démonstrations apparaissent
dans l'ordre du texte édité, mais quand cette partie de l'ouvrage
représente plusieurs dizaines de pages imprimées, le manuscrit ne
compte que 22 folios. On perçoit de nouveau ici à quel point le
professeur condense les propos de Clavius. On voit aussi que la lecture
d'Euclide n'est pas beaucoup avancée : alors que les textes normatifs
parlent le plus souvent des six premiers livres, Jordin n'engage l'é-

cognitione nullus est futurus perfectus mathematicus potius instituta sunt ad


geometriam quam ad arithmet. Idcirco visum esse nobis prius agere de illa; adde
quod geometr. nobilior videtur quam arithmetica, et in ea explicanda potissima
versatur cura mathematicorum, quod autem in Elementis Euclydis virtute conti-
nentur omnia geometrica et arithmetica theoremata, ut non immerito fatetur Za-
bar. in lib. De naturalis scientiae constitutione cap. 42° omnino necessarium esse
prius saltem aliquos Euclydis libris exponere, quam ea quae difficiliora sunt trac-
tare, et quae sine illis perfecte non possunt intelligi, est autem notandum Eucly-
dem hoc ordine progredì ut primum afferat principia quaedam, deinde suas pro-
positiones, confirmet».
120 L. Olivieri éd., Aristotelismo veneto e scienza moderna, Padoue, 1983, 2 t. et
la préface, consacrée par C. Vasoli à l'édition du De methodis de Zabarella
(Bologne, 1985). L'attraction de Jordin pour l'encyclopédisme, perceptible dans
d'autres parties de son œuvre, exclut, symptomatiquement, toute référence à Pos-
sevino (voir première partie), ce qui témoigne aussi de la relative distance de la
périphérie vis-à-vis du centre.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 255

tude que des rudiments de la géométrie euclidienne, arrêtant son


cours au niveau du premier livre et renvoyant les étudiants à leur
propre travail pour la suite du texte121.
Il préfère passer à une partie pratique, Praxes quaedam mathe-
maticae qui occupe les dix folios suivants. Il précise, à cette
occasion, que les livres deux et trois d'Euclide seront présentés à mesure
que le besoin s'en fera sentir et qu'il est plus utile, pour lors,
d'apprendre à construire des figures géométriques, sans doute à l'aide
d'un compas. Le cours de mathématiques ne se limite donc pas à
une simple lectio112 : il semble bien, au contraire, que le professeur
se livre à des applications, traçant sans doute des dessins sur un
tableau pour permettre aux étudiants de les reproduire. Ainsi, il leur
apprend à diviser une ligne en segments de longueurs déterminées, à
construire des droites parallèles, séquentes et perpendiculaires, à
tracer des angles droits, des triangles rectangles et autres types
particuliers de triangles, à dessiner des parallélogrammes, à opérer la
bissection d'un angle et à faire de la trigonométrie. Chaque cas est
accompagné d'une figure, qui illustre un commentaire de nature
mathématique. Il s'agit clairement pour le professeur de transmettre
un savoir qui, puisé dans Clavius, est maîtrisé et adapté aux finalités
scolaires.

A propos de la quadrature du cercle

Suite à cette démarche d'un niveau mathématique ordinaire, la


présence, démesurée en regard de l'économie générale du texte, d'un
chapitre consacré à la quadrature du cercle, succédant aux exercices
pratiques de géométrie, doit retenir l'attention pour de multiples
raisons123. Cette question a occupé des générations de mathématiciens
selon une continuité historique remarquable et il n'est pas étonnant
qu'à ce titre, Montucla, le premier historien français des
mathématiques, lui ait consacré un ouvrage à part, avant de se lancer dans
l'histoire générale de la discipline124. Depuis l'Antiquité, le problème
de la comparaison de la surface du carré et du cercle, corollaire de
celui de la détermination de la valeur de n, a stimulé l'effort des ma-

121 Fol. llv. : «Reliquos libros Euclydis saltem 2. et 3m cum se offeret occasio
exponemus, nunc libet aliquas praxes mathematicas in medium adducere quae
admodum necessariae sunt, ut vitemus errores qui saepe accedere soient».
122 Sur le vocabulaire technique de l'enseignement, voir O. Weijers,
Terminologie des universités au XIIIe siècle, Rome, 1987, p. 324-329. On peut considérer
que les analyses proposées pour le Moyen Age demeurent valables pour le XVIe
siècle.
123 Ms 443, fol. 17r.-21v.
124 Sur Montucla, voir DSB, vol. 9, p. 500-501; Id., Histoire des
mathématiques, 2 vol., Paris, 1758.
256 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

thématiciens. Jusqu'à ce qu'au XVIIIe siècle soit démontrée


l'impossibilité de la quadrature du cercle, de nombreuses solutions ont été
apportées à cette question, suscitant écrits et réponses
polémiques125. Si, à l'âge des Lumières, ce problème apparaît comme
relevant typiquement d'une culture de salon et/ou de province, par
opposition à la culture savante relevant d'une autre catégorie de
production et de légitimation du savoir, tel n'est pas encore le cas à la
fin du XVIe siècle126. Aussi l'étonnement, face au cours de Jordin, ne
porte pas sur l'objet, - depuis les années 1550 un nombre croissant
de textes y a été consacré par les principaux mathématiciens de cette
période -, mais sur la place de ce chapitre à l'intérieur du cours de
géométrie pris dans son ensemble, sur son statut dans l'économie
générale du texte. En effet, avec les deux premières parties, Antoine
Jordin semblait procéder de manière «pédagogique», adaptant son
propos à un niveau général de mathématiques peu spécialisé,
destiné à un public qui n'y trouvait aucun intérêt particulier. En passant
à cette troisième partie, il opère un saut qualitatif, qui souligne non
seulement une certaine liberté vis-à-vis de son public, mais aussi à
l'égard de l'institution jésuite : aucun texte normatif ne suggère une
étude de ce type et cette question, fortement débattue dans les
milieux mathématiques de l'époque, n'appartient pas particulièrement
à la tradition jésuite. Il semble bien que le professeur de Bordeaux
s'y soit intéressé par goût personnel. La transition entre cette partie
du cours et la précédente le souligne : «Placet hoc loco examinare
celebrem illam quaestionem de circuii quadratura, an scilicet haec
fuerit adhuc inventam, an saltem possibilis sit ejus inventio...»127.

125 Outre Montucla, Histoire des recherches sur la quadrature du cercle :


ouvrage propre à instruire des découvertes réelles faites sur ce problème célèbre, et à
servir de préservatif contre de nouveaux efforts pour le résoudre. Avec une addition
concernant les problèmes de la duplication du cube et de la trisection de l'angle,
T. Heath., A History ofGreek Mathematica, Oxford, 1921, vol. 1, p. 220-235; G. Lo-
ria, Storia delle matematiche, vol. 2 : / secoli XVI e XVII, Turin, 1931, p. 182-188;
M. Clagett, Archimedes in the Middle Ages, 3 vol., Madison, 1964-1978.
126 Pour une analyse de type historique, on se reportera à D. Roche, Le Siècle
des Lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789,
Paris-La Haye, 1978, 2 vol. : celui-ci éclaire précisément la question et les modalités
du clivage Paris-province. Un élément sans doute déterminant de ce processus a
été la décision de l'Académie Royale des Sciences de ne plus examiner les
solutions proposées au problème de la quadrature du cercle.
Sur la culture scientifique comme élément ludique de la culture au XVIIIe
siècle, voir G. Chabaud, Sciences en jeux. Les récréations mathématiques et
physiques en France du XVIIe au XVIIIe siècle, thèse pour le doctorat de l'Ecole des
Hautes Etudes en Sciences Sociales, sous la direction de J. Revel, Paris, 1994,
525 p.
127 Fol. 17r. ou 403r.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 257

C'est la seule fois que, dans le manuscrit, on rencontre cette


formulation. On notera aussi la volonté de se présenter davantage comme
un historien de la question que comme un mathématicien. De fait,
l'ensemble du propos est organisé selon une démarche
chronologique dans laquelle la quadrature est abordée depuis ses origines
jusqu'aux auteurs les plus récents.
Or le procédé a déjà été utilisé par Clavius128 : dans la Geometria
Practica, autant dans l'édition princeps de 1604 129, que dans les
œuvres complètes de Mayence130, le maître du Collegio Romano
dédie à la fin du livre 7, un Appendix au De circulo per lineas
quadrando1^. A ce propos, il reprend la liste des mathématiciens qui se sont
préoccupés de quadrature du cercle, et ont échoué sur cette
question : les anciens comme les modernes sont convoqués dans cet
extrait132.
Si le professeur romain ne se contente pas, pour sa part, de cette
description, il n'en demeure pas moins que les fortes ressemblances
entre son texte et celui de Bordeaux, de même que l'importance des
références communes aux deux, posent quelques problèmes : dans
la mesure où aucune connexion directe n'a pu être établie entre le
collège de La Madeleine et Rome pour cette période, il faut
s'interroger sur la possibilité qu'a eue Jordin de disposer de l'ouvrage de Cla-

128 L'étude de la «dette» de Jordin envers Clavius s'est largement appuyée sur
E. Knobloch, «Christoph Clavius. Ein Namen und Schriftenverzeichnis zu seinen
Opera mathematica», art. cit., et «L'œuvre de Clavius et ses sources scientifiques»,
art. cit., qui ont permis une identification rapide des références communes aux
deux auteurs.
129 Geometria practica, Romae, ex typographia Aloisii Zannetti, 1604.
130 Christophori Clavii Bambergensis E Societate Iesu Opera mathematica
V. Tomis distributa... tomus secundus, Complectens Geometriam Practicam, Arith-
meticam Practicam, Algebram..., Mayence, 1612.
mIbid., p. 188-194 : «... breviter doceam, qua ratione dato circulo quadra-
tum construi possit aequale, et vicissim dato qudrato circulus aequalis».
Notons qu'en revanche la question de l'angle de contact, abordée dans le
commentaire du livre III d'Euclide ou celui du livre V, a engagé Clavius dans une
polémique qui l'a opposé aux deux mathématiciens français et italien,
Jacques Peletier et Jérôme Cardan. Or, Peletier a enseigné à Bordeaux, aux côtés
d'Elie Vinet, dans les années 1570, ce qui pourrait justifier la relative accessibilité
de ses œuvres dans les bibliothèques bordelaises, et Jordin le cite à différentes
reprises. Sur les aspects mathématiques du débat sur l'angle de contact, voir
L. Maierù, «La polemica fra J. Peletier e C. Clavio circa l'angolo di contatto», art.
cit.
132 En marge du texte, se trouvent les résumés des différents paragraphes,
qui rendent bien compte de cette structure du texte : «- Circuii quadratura per
numéros secundum Arabes falsa; 2 - Quadratura circuii per numéros ex A.
Durerò falsa; 3 - Falsa quadratura circuii per lineas Campano ascripta; 4 -
Quadratura Hyppocratis Chii... fallacia quadratura Hippocratis...». Puis, dans le corps du
texte, les modernes sont convoqués : Jacques Falco, Nicolas de Cuse, Regiomon-
tanus, Jean Borrel, Oronce Fine ou Pedro Nunès.
258 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

vius. Or le délai d'un an qui sépare l'édition du livre de la dictée du


cours ne peut, ipso facto, être considéré comme suffisant pour
l'acheminement de l'ouvrage de Rome à Bordeaux : dans les mêmes
années, d'autres exemples révèlent une circulation beaucoup plus
lente, alors même que les destinataires sont en contact direct avec
Clavius133. Parallèlement, Jordin indique le plus souvent ses
sources : or, à aucun moment, il n'évoque la Geometria, par
opposition à d'autres textes de Clavius, et en particulier son commentaire
d'Euclide souvent utilisé134. Ainsi, les préoccupations comme les
sources sont, pour la plupart, communes à Clavius et à Jordin, mais
le professeur de Bordeaux ne s'est pas contenté de reproduire le
propos du maître romain, il a construit sa démarche à partir de sa
propre culture.
Après quelques mots sur l'attribution du problème à Anti-
phon135, la première partie du cours développe les arguments de
Bryson136, puis d'Antiphon et présente leur discussion par Tole-

133 L'un des correspondants de Clavius, John Hay, qui sera étudié dans le
prochain chapitre, évoque dans une lettre datée de 1605, les livres du maître
romain accessibles en Belgique, il s'agit de la Sphère et de l'arithmétique : voir
C. Clavius, Corrispondenza, vol. V, 1, p. 153. Or, au-delà des multiples éditions de
ces deux textes, en 1604 est publiée la Geometria practica, qui n'est pas évoquée
par l'auteur. L'intérêt particulier de John Hay pour la géométrie ne peut
permettre d'envisager l'idée d'une omission de sa part.
134 Ms 443, fol. 19r.-v. Or, dans le commentaire d'Euclide, Clavius aborde, dès
la version de 1589, le problème suivant : «Dato circulo quadratum aequale consti-
tuere». Voir Euclidis Elementorum lib. XV Accessit XVI..., Rome, 1589, vol. 1,
p. 908. Dans cet extrait Clavius, partant de la démonstration par Archimède de
l'égalité entre un cercle et un triangle-rectangle, traite d'un point de vue
mathématique de la quadrature. Ce texte a sans aucun doute été à la disposition de
Jordin. Dans la Geometria de 1604, l'appendice sur la quadrature du cercle reprend
ce passage, mais en le développant considérablement et en l'insérant dans une
perspective historique. Sur la question de la quadrature et de son traitement par
Clavius et ses correspondants, voir A. C. Garibaldi, «Matematica e matematici
gesuiti a Genova tra Sei e Settecento», art. cit., particulièrement p. 118.
135 Pour une présentation d'ensemble, DSB, vol. 1, p. 170-172; on consultera
aussi avec profit l'introduction de ses Discours suivis des Fragments, Paris, 1989.
La tradition de ce texte se trouve dans Aristote, Physique, I, 2, 185a, 14-17. Elle a
aussi été retenue par Simplicius, Nunès : tous trois constituent assurément les
courroies de transmission les plus directes de Jordin. L'auteur médiéval, comme
le Portugais, sont directement nommés dans le manuscrit (Nunès, fol. 17r.;
Simplicius, fol. 19r.). Remarquons, à ce propos, qu'Antiphon n'est cité qu'une seule
fois par Clavius, dans le cadre de la liste des mathématiciens célèbres, insérée
dans ses Prolegomena, op. cit., p. 5.
136 Ms 443, fol. 17v.-18r. Sur Bryson d'Héraclée, voir DSB, vol. 2, p. 549-550.
Il ne reste aucun texte écrit de cet auteur. Cité par Clavius, dans son
commentaire d'Euclide, livre III, p". 126 de l'édition de Mayence, dans le cadre de la
querelle avec Peletier et Cardan sur l'angle de contact. La mention est brève :
Clavius ne fait aucun commentaire de la position de Bryson, qui est uniquement
cité, à travers Aristote.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 259

do137. A la suite de quoi le professeur passe en revue les différents


auteurs qui ont poursuivi cette tradition, Hippocrate de Chios138, Py-
thagore139, Archimède140, Apollonius141, Carpus142, Campanus143. Dans

137 Ms 443, fol. 18r. La Ratio studiorum, qui fait une large place à la
philosophie naturelle, entre logique et métaphysique, évoque explicitement et fré-
quement Toledo. Il est précisé, entre autres, MPSJ, vol. 5, p. 398 :
«1. Explicet primo anno Logicam, eius summa primo circiter bimestri
tradita, non tam dictando, quam ex Toleto seu Fonseca, quae magis
necessaria videbuntur, explicando...»
Ainsi l'ouvrage du jésuite, Commentarla una cum quaestionibus in odo H-
bros Aristotelis de physica auscultatione..., s'est précocement imposé comme
l'une des références communes à l'ensemble de l'ordre. Il ne faut, en outre,
pas perdre de vue, comme le rappelle avec pertinence C. H. Lohr, «Jesuit
Aristotelianism and Sixteenth-Century Metaphysics», art. cit., p. 204, que «the
aristotelianism of the period from 1500 to 1650 assumed a form which differs
fundamentally from that of thè universi ty philosophy of the middle âges.
Whereas in the earlier period aristotelianism had been identical with scholas-
ticism and offered an essentially unified worldview, in the sixteenth century,
the differing needs of différent classes of students in différent lands broke up
this unity, resulting, in the Renaissance, in not one but several aristotelia-
nisms. (...) Within the Catholical church, the jesuits and others religious or-
ders attempted to maintain the scholastic Aristotle in the service of the catho-
lic theology». La Compagnie essaie assurément, devant la richesse du
commentaire qu'Aristote a suscitée, et la polysémie qu'il a engendrée à la sortie
du XVIe siècle, de construire sa propre synthèse aristotélicienne pour asseoir
son identité intellectuelle et marquer ses distances vis-à-vis de certains
commentateurs. Après les débats des années 1560 sur l'enseignement de la
philosophie au Collegio Romano, entre 1586 et 1599, elle est parvenue à ce
résultat, tout en disposant corrélativement d'un corpus édité, utilisable comme
référence, pour les professeurs de philosophie. Dans ce contexte, les
commentaires de Toledo à la Logique, à la Physique, au De generatione et au
De anima paraissent entre 1572 et 1575; Fonseca se lançait dans le projet des
Conimbricenses dont les premiers volumes paraissaient en 1592. C'est
pourquoi, il est intéressant de retrouver ces références dans le cours d'Antoine
Jordin.
us voir DSB, vol. 6, p. 410-418. Son intérêt pour la question de la quadrature
des lunules explique qu'au XVIe siècle, tous les auteurs traitant de la quadrature
du cercle soient revenus sur ses travaux. Il est ainsi souvent mis à contribution
par Clavius, qui y fait plusieurs allusions dans son commentaire d'Euclide, à
propos de l'angle de contact (op. cit., livre III, p. 121) et dans l'extrait du livre V qu'il
consacre à la quadrature du cercle (ibid., livre V, p. 208). Voir Clagett M., Archi-
medes in the Middle Ages, op. cit., vol. 1, p. 610-626.
139 Voir DSB, vol. 11, p. 219-225.
140 Voir DSB, vol. 1, p. 213-231 et, pour la postérité de son œuvre au Moyen
Age et la Renaissance, M. Clagett, Archimedes in the Middle Ages, op. cit.
141 Voir DSB, vol. 1, p. 179-193.
142 Voir sa mention sur la question de la quadrature du cercle dans T. Heath,
A History of Greek Mathematica..., op. cit., p. 231-232.
143 Voir DSB, vol. 3, p. 23-29; M. Clagett, Archimedes in the Middle Ages, op.
cit., vol. 1, p. 581-609.
260 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

la liste des «modernes», sont nommés Luca Gamico144, Oronce


Fine145, Jean Borrel146, Pedro Nunès et Clavius. Dans la plupart des cas,
il ne s'agit que de noms, à propos desquels l'auteur ne fait aucun
commentaire. En fait, pour les anciens, il s'appuie, en le disant
clairement, sur Simplicius dont l'ouvrage Simplicii Peripatetii acutissimi
commentarla in octo libros Aristotelis Stagiritae de Physico auditu.
Lucilio Philateo interprete, publié à Venise, en 1543, appartient
manifestement à la bibliothèque de Jordin : la comparaison terme à
terme du manuscrit et du livre prouve qu'il s'agit d'une lecture
directe, dans laquelle le professeur bordelais a puisé les références à la
tradition antique du traitement de la quadrature du cercle147.
Pour les auteurs plus récents, Jordin se contente de donner le
titre des ouvrages dans lesquels ils abordent cette question : ainsi,
presque tous les traités de la quadrature sont cités, et en particulier
celui de Campanus dont le manuscrit a été édité dès le début du

144 M. Muccillo, «Luca Gaurico : astrologia e «prisca theologia»», Nouvelles


de la République des Lettres, vol. 10, 1990/2, p. 21-44.
145 Voir DSB, vol. 15, p. 153-157.
ito Voir DSB, vol. 2, p. 618 : il appartient à la tradition française
d'enseignement des mathématiques et d'une manière d'autant plus nette qu'il a été l'élève
d'O. Fine en 1522. Pour ce personnage, il n'existe presque aucune source, à
l'exception de J. De Thou, Histoire Universelle, vol. 1, III, p. 493. Il convient d'y
ajouter G. Allard, Bibliothèque du Dauphiné, contenant l'histoire des habitants de cette
province qui se sont distingués par leur génie, leurs talents et leurs connoissances ,
nouvelle édition revue et augmentée, Grenoble, 1797, p. 86-87 :
«BOREL ou BUTEO (Jean), naquit à Charpey près de Romans, en 1492. Il
entra dans l'ordre de St. Antoine, et ne fut pas longtemps sans être chargé
d'emplois. Il consacra les moments de loisir qu'il put se procurer à s'instruire seul de
la langue grecque et des éléments d'Euclide. Il ne pouvait pas se livrer à l'étude
autant qu'il désiroit : et lorsque François Ier rassembla les savants les plus
célèbres, Borei sollicita et obtint la permission de passer quelques temps à Paris,
pour suivre son goût pour les mathématiques. Il ne perdit pas son temps; car le
président de Thou assure qu'il surpassa Oronce Fine, son maître. Il fut un de ceux
qui contribuèrent le plus au perfectionnement de cette science. Dans des
ouvrages dont il publia un recueil en 1554, en latin, à la sollicitation de ses amis, on
trouve des idées propres à redresser ou à expliquer ceux qui l'avaient précédé
dans son étude. Il sut réunir la clarté à la précision : mérite rare, et pour les
matières qu'il a traitées et pour le temps où il vivait. A son retour à St. Antoine, il fut
choisi pour gouverner l'ordre (...). Les devoirs de son état et l'étude des
mathématiques partageaient ses moments. Les horreurs qu'exercèrent les protestants à
St. Antoine le forcèrent à abandonner le château de Balan. Il se retira au bourg
de Cannard près Romans où il mourut en 1557. Le nécrologe de St. Antoine cite
de lui divers ouvrages qui n'ont pas été publiés».
147 Simplicii Peripatetii acutissimi commentaria in octo libros Aristotelis..., op.
cit., p. 8v. à llr. : on y trouve cités Antiphon, Hippocrate, Alexandre, Archimède,
Nicomède, Apollonius, Carpus, Euclide. Pour Jordin, le recours à Simplicius est
explicite : «Rationem qua Hyppocratus Chius quadravit circulum explicat Sim-
plicium, lib. 1° Phys. ad text. llum...» (fol. 19r.).
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 261

XVIe siècle, Tetragonismus, id est circuii quadratura par Campanum,


Archimedem Syracusanum atque Boetium, mathematicae perspicacis-
simos, adinventa, opus a Luca Gaurico editum146. Il n'est pourtant
pas évident que Jordin y ait eu accès directement : la mention, à
quelques lignes de là, de Luca Gaurico, astronome italien du XVIe et
éditeur de ce texte, ne surfit pas pour trancher sur le caractère direct
ou indirect de sa lecture. La même remarque s'impose pour Oronce
Fine, - dont le traité de la quadrature est publié en 1544149 -, et Jean
Borrel : son ouvrage, Io. Buteonis Delphinatici Opera geometrica,
quorum tituli sequuntur, publié à Lyon, en 1554, se compose entre
autres d'une partie intitulée «Io. Buteonis confutatio quadraturae
circuii ab Orontii Finaeo factae»150. Il est revenu sur cette question
en 1559 avec un traité De quadratura circuii151. Or, cet auteur
présente un intérêt particulier : on en trouve, chez Clavius, une unique
mention dans la version de 1604 de la Geometria practica, à la fin du
livre 6, «De mirabili natura lineae cujusdam inflexae, per quam et in
circulo figura quotlibet laterum aequalium inscribitur, et circulus

148 Venise, 1503, 32 fol. Ce texte est aussi utilisé par Clavius : c'est
notamment dans l'appendice du livre 7 de sa géométrie pratique que celui-ci fait
directement allusion au travail de Campanus, sans citer le titre de l'ouvrage. Puis, les
renvois à Campanus se multiplient dans le commentaire d'Euclide.
149 O. Fine, Quadratura circuii..., Paris, 1544.
150 Io. Buteonis Delphinatici Opera geometrica..., op. cit., p. 42.
151 Io. Buteonis de quadratura circuii libri duo, ub multorum quadraturae
confutantur, et ab omnium impugnatione defenditur Archimedes. Eiusdem, Anno-
tationum opuscula in errores Campani, Zamberti, Orontii, Peletarii, Io. Penae inter-
pretum Euclidis, Lyon, 1559, 283 p. Il est remarquable que, comme dans les
autres textes sur la quadrature déjà cités, Borrel procède de manière
«historique» :
«Liber primus de quadratura circuii hoc ordine procedit.
Post proemium quid sit tetragonismus ostenditur. Referuntur deinde, atque
confutantur tetragonismi graecorum Antiphontis, Brysonis, Hippocratis. Sequi-
tur post haec Archimedis dimensio circuii cum Eutocii Ascalonitae
commentario, ex interpretatione Buteonis. Et alter etiam ipsius Buteonis commentarius in
dimensionem Archimedis. (...) Subsequitur ad finem dimensio circuii ex Ptole-
meo.
Liber secundus continentur.
Orontii in dimensionem Archimedis depravationes primas, et secunda.
Tetragonismus deinde confutantur hoc ordine, Arabum unus, Campani unus, Cusa-
ni quinque, Alberti unus, Fortii unus, Bovilli duo, Orontii duo, quorum posterior
depravationem ipsius tertiam in dimensionem Archimedis ostendit. Ad postre-
mum in tetragonismos Orontii posteriores numero plus quam centum confutatio
datur in omnes primum generaliter, deinde et particulatim in aliquos». (p. 3-4)
Cet exemple montre d'autre part que la manière de procéder qui caractérise
Clavius ou Jordin n'a rien de particulièrement jésuite : tout auteur qui s'engage
dans le débat connaît la tradition qui l'accompagne et relit cette tradition à l'aune
de ses propres analyses. Comme corrolaire de cette situation, il devient difficile
de déterminer avec précision si Jordin a lu les anciens, ou s'il s'est limité aux
généalogies établies par ses contemporains.
262 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

quadratur, et plura alia scitu jucundissima perfìciuntur»152. Etant


donné les remarques faites plus haut sur les possibilités de lecture
de cet ouvrage par Jordin, il paraît plus pertinent d'imaginer une
situation de lecture directe reposant sur l'accessibilité, à Bordeaux,
d'un livre publié à Lyon un demi-siècle plus tôt.
Enfin, la référence à Nunès, qui n'est pas limitée à cette seule
partie du cours, peut aussi bien relever d'une transmission du centre
vers la périphérie que d'une influence bordelaise directe153. Pour
finir, alors que les différents textes cités renvoient à une culture
personnelle faite de divers héritages, parmi lesquels se trouve le
Collegio Romano, Jordin donne longuement la parole à Clavius dont il
résume le point de vue154.
Là, comme une conclusion logique, s'arrête la partie descriptive
du cours : dans les lignes qui suivent, au début d'un nouveau
paragraphe, est développé un second aspect de la leçon, «Examinandam
igitur altera pars quaestionis an scilicet possit saltem sciri haec qua-
dratio». Dans cette partie, il se réfère aux travaux de Marcantonio
Zimara155, professeur à l'université de Padoue, cité pour son Aristote-
lis omnia quae extant opera. Selectis translationibus, collatisque eum
graecis emendatissimis, ac vetustissimis exemplaribus, illustrata,
praestantissimorumque aetatis nostrae philosophorum industria di-
ligentissime recognita. Averrois Cordubensis in ea opera omnes, qui ad
haecusque tempora pervenere, commentarii. Nonnuïli etiam ipsius in
Logica, Philosophia et Medicina libri, cum Levi Gersondis in lïbros lo-
gicos annotationibus, quorum plurimi, a Iacob mantiono, sunt in la-
tinum conversi. Graecorum, Arabum et Latinorum lucubrationes
quaedam, ad hoc opus pertinentes. Marcantonii Zimarae Philosophi,
in Aristotelis, et Averrois dicta in Philosophiam contradictionum, so-
lutiones, propriis locis annexae, publié à Venise, en 1560-1562.
Précisons qu'au volume 11 de cet ouvrage se trouve une table des matières

152 Geometrìa practica..., op. cit., p. 296-304.


153 Chez Clavius, la mention du mathématicien portugais est fréquente :
notamment son texte, De erratis Orontii Finei, cité dans le commentaire d'Euclide
(livre III, p. 123), consacré à la critique des positions de Peletier sur l'angle de
contact. Dans ce passage, Clavius, parlant de Nunès, écrit : «et merito id qui-
dem : fuit enim acerrimo vir ingenio, et nullo hac nostra aetate in Mathematicis
inferior». Parallèlement, Nunès a été en contact direct avec E. Vinet, comme je
l'ai rappelé dans la première partie de ce chapitre.
154 Ms 443, fol. 19r.-v.
155 B. Nardi, «Marcantonio e Teofilo Zimara : due filosofi galatinesi del
Cinquecento», dans Atti del IV Congresso Storico Pugliese, Archivo storico pugliese,
1955/VIII, p. 1-39; A. Antonaci, Ricerche sull'arìstotelismo del Rinascimento.
Marcantonio Zimara, voi. 1 : Dal perìodo padovano al perìodo presalentino , Lecce-
Galatina, 1971, 511 p.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 263

et une Tabula cum dilucidationïbus in dictis Arist. et Aver, a DM.


Antonio Zimara compilata. Qua, digressionïbus passim ab eo insertis,
via Peripateticae veritatis, edocetur, recueil de citations dont l'usage
demande à être précisé. Comme le suggère C. B. Schmitt, cette
référence est d'une interprétation difficile pour l'historien :
En un temps où l'enseignement d'Aristote occupait un nombre
substantiel d'individus supposés dominer un corpus assez
considérable, de tels guides et indices étaient en pratique indispensables.
L'enseignement et la technique du commentaire exigeaient du
professeur qu'il fût capable de citer les passages parallèles dans les autres
textes au programme. (...) Un résultat moins souhaitable fut bien sûr
la possibilité de faire étalage d'une pseudo-science et de prétendues
connaissances . . . 156.

Dans cette seconde partie de la réflexion sur la quadrature, il


s'agit pour Antoine Jordin de savoir si la question est soluble d'un point
de vue physique et/ou d'un point de vue mathématique et c'est
l'opinion de Zimara sur cette question qui sert de point d'appui. Cette
seconde référence à un Padouan, après Zabarella, confirme l'existence
d'une influence padouane sur les milieux jésuites, phénomène fort
peu étudié jusqu'à présent, pour le versant français de la
Compagnie. En l'état actuel des connaissances, le seul cas d'Antoine Jordin
ne peut suffire à tirer des conclusions générales. Les enjeux ne sont
pas des moindres, car la culture padouane du second XVIe siècle157
est caractérisée par le poids de l'influence aweroïste, notamment
pour Marcantonio Zimara158. Or parallèlement, au sein de la
Compagnie, et en particulier à Rome, l'anti-aweroïsme philosophique

156 C. B. Schmitt, Aristote et la Renaissance..., op. cit., p. 66-69 : allusion est


faite à la Tabula dilucidationum, qui eut un immense succès. L'ouvrage s'inscrit
dans la tradition médiévale, remontant au XIIIe siècle, de l'index thématique.
157 L'abondante littérature sur cette question ne peut être reprise
exhaustivement : on se référera notamment à C. Maccagni, «Le scienze nello studio di
Padova e nel Veneto», art. cit.
158 Voir notamment B. Nardi, «Marcantonio e Teofilo Zimara...», op. cit., qui
insiste sur l'aweroisme de Marcantonio. Par opposition, ou du moins avec une
certaine volonté de nuance, A. Antonaci, op. cit., t. 1, p. 155-156, définit l'av-
veroïsme de Zimara en ces termes :
«L'aweroïsme zimarien doit être entendu dans son acception la plus
appropriée : dans la mesure où il cherche à rendre à Aristote sa véritable pensée, il ne
doit pas être compris comme instrument de défense préconçu des positions d'A-
verroès, ou du moins de celles qui lui étaient communément attribuées. Il s'agit
au contraire de revenir à la source, par le biais d'une critique textuelle serrée.
Zimara, en d'autres termes, est convaincu que la majeure partie de la pensée d'A-
verroès a fait l'objet d'interprétations et d'extrapolations voulues ou causées par
des carences herméneutiques, mais il est pareillement décidé à affirmer que le
philosophe de Cordoue acquiert et conserve son autorité dans les seuls moments
où il reflète la pensée du Stagirite».
264 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

constitue un des éléments justificatifs de Yunitas doctrinae159. La


référence, chez Jordin, à des auteurs aweroïstes apporte-t-elle un
autre élément d'analyse pour la complexe relation
centre/périphérie?
Quoi qu'il en soit, constatons que si avec Zabarella, Jordin
semblait ouvert à un aristotélisme tourné vers la modernité, avec Zimara
il n'en est pas de même :
Ses propres œuvres sont clairement centrées sur les problèmes
de la scolastique médiévale et sont, en général, indemnes de toute
trace d'humanisme. D'autre part, son intérêt pour les publications est
caractéristique de la culture dominante de la Renaissance; au
moment où Zimara entre dans sa maturité, la production à grande
échelle des œuvres d'Aristote par les presses italiennes commence
juste. Son aristotélisme (...) fait aussi bien place à l'occultisme qu'à
des éléments plus rationalistes en relation directe avec le texte
d'Aristote. Son souci d'éditer et d'établir la Tabula n'a pas été jusqu'à le
transformer en spécialiste du grec : (...), il n'a pas franchi ce seuil
d'entrée dans le nouveau monde où au moins quelque connaissance
du grec était «de rigueur» pour un aristotélicien comme pour un
platonicien. (...) Zimara fut un homme de transition, éclectique. Par là,
il est caractéristique de son époque en Italie160.
Pour Jordin, Zimara ne constitue pas une référence dans
l'absolu161 : le point de vue du Padouan permet au professeur de recenser

159 Voir A. Mancia, «II concetto di «dottrina» fra gli esercizi spirituali (1539)
e la Rado studiorum (1599)», art. cit. Mais, un travail de fond reste à faire sur les
rapports entre Compagnie et averroïsme : il faudrait notamment étudier les
positions exprimées par Possevino dans la Bibliotheca selecta ou Pereira, dans
l'ensemble de son œuvre.
160 Schmitt C. B., Aristote et la Renaissance..., op. cit., p. 125.
161 Octavum volumen Aristotelis Metaphysicorum libri XIHI. Cum Averrois
cordubensis in eosdem commentariis, et epitome. M A Zimarae contradictionum,
solutiones, in hos Metaphysicorum libros. Quorum omnium recognitionem et addi-
tamentum, versa pagina ostendit. A la p. 258v., est reproduit le texte de la
Métaphysique, X, 10. Dans la marge, est écrit : «M Lineas arcualis non possunt aequari
lineae rectae neque non rectae. Vide Oppositum in predicamentis ubi de
quadratura circuii scibilem nondum sit scitam. Vide contradictiones Zim». De fait,
p. 416v.-417r., se trouve le commentaire de Zimara :
«Tertia contradic. est in com. 10. Aver, scribit quod linea arcualis non potest
aequari lineae rectae. Oppositum sequitur de quadratura circuii, sicut patet in
praedicamentis. Soluit aliqui non mediocris authoritatis viri tenuerunt quadratu-
ram circuii minime dari posse, nam, cum figura circularis, & figura recta sint al-
terius rationis, minime vident compatibiles adinvicem, per regulam philosophi
positam 7. phy. text. com. 31. Et confirmant hoc sic, aequalia per communem
animi conceptionem sunt, quae adinvicem superposita non se excedunt
adinvicem, nec exceduntur, modo curuum superpositum recto nunquam aequari potest
remanendo in sua curvitate, sicut patet. Et confirmatur authoritate philosophi. 7.
Phy. tex. com. 21. ubi probat motum circularem non esse comparabilem motui
recto, quia tune magnitudo recta esset, comparabilis magnitudini circulari :
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 265

l'ensemble des attitudes philosophiques qui se rencontrent face à la


quadrature. De même qu'il a présenté les différents auteurs qui se sont
occupés de ce problème, de même il en expose les différentes
positions : «Alii propterea negant possibilem esse quadrationem
circuii...»162. Et c'est aux travaux de Proclus qu'il se réfère, et tout
particulièrement à son commentaire d'Euclide auquel il emprunte une
démonstration163. Sans doute est-ce à ce même passage qu'Antoine Jordin
a emprunté la seule figure qui accompagne cette partie du cours164.
Son travail d'exposition ne s'arrête pas à Proclus :
Certains donc contestent la quadrature du cercle, car ils pensent
que cette quadrature consiste en deux choses, la première étant com-

quod falsum est, et impossibile apud Aristot. propter superius adductam ratio-
nem. Ad authoritatem autem Philosophi in praedicamentis, dum dicit in capitulo
de ad aliquid quadraturam circuii scibilem esse, dicuntque Arist. loquitur ibi sub
conditione et non assertive. & quantit ad hoc verum dicunt, quia litera taliter ta-
cet. Scientia vero si non sit, nihil prohibet scibile esse. Ut quadratura circuii, si
est scibilis, scientia quidem ejus nondum est. Boeti (417r.) autem vir summe au-
thoritatis in omni scientia, & latinorum gloria, asseverat ibidem scientiam illam
post Aristo, tempora inventam fuisse, sed ipse brevitati studens voluit supersedere
a tali demonstratione. Nos igitur dicamus non inconvenire aliqua convenire ma-
gnitudinibus mathematice consideratis, quae tune répugnant magnitudinibus
eisdem, ut a Naturali considerantur, sicut pulchre déclarât commen. I. coeli com.
32, ubi dicit motui circulari mathematice aliquid contrariari, non naturaliter. Si-
militer 4. phy. 72. linea mathematica in infinitum potest dividi, non autem ut est
terrestris, vel ignea. Sic etiam naturaliter considerando magnitudinem circula-
rem, et rectam, non sunt comparabiles : quia iste considérât res, ut sunt in motu,
et in re extra, et qua, ut dicebat, cum aequalia sint illa, quae invicem superposita
non se excedunt, nec excedunt a se invicem & ideo in rem curuum, & rectum non
possunt aequari, quia tune curuum non esset curuum. Sed mathematicus, cujus
propositiones omnes sunt verae ad imaginationem. 3. phy. 60, tenet figuram
rectam comparabilem esse figurae circulari : quia ipse imaginatur, quod est
possibile, quod linea recta incurvetur, & fiat circularis, & ideo ipse etiam dicitque
linea recta est brevissima, quae duci potest inter duo puncta. ex hoc patet quod
Geometra comparât lineam rectam curvae, cum tune aequalitas in rem dicatur
fere aequivoce, sed istud dictum est large verum, & ad imaginationem dicit
figuram multorum angulorum comparabilem esse figurae rectae. Et ista est solutio
Aver, expresse 7. phy. com. 29, sicut videre poteris. Et per hoc possumus moder-
nos cum Boetio concordare de quadratura circuii, quod est possibilis
mathematice, et sic locutus est Boetius in praedicamentis : naturaliter autem dictum Mo-
dernorum procedit, non autem absolute, & simpliciter. Et istud multotiens est,
quod ducit doctores in graves errores, quia nesciunt discernere considerationem
a consideratione. & sic quae répugnant uni considerationi credunt alii
repugnare, sed non est ita, sicut vides. & hoc forre fuit in causa, quod Arist. in
praedicamentis locutus est conditione, dum dixit, si scibilis est, quia ipse videbat non in
qualibet considerationem scibilem esse talem circuii quadrationem».
162 Ms 443, fol. 20r.
163 Ibid.
164 FigUre des deux demi-cercles qui se trouve dans une note à l'édition d'A-
ristote, Phys. 1,2, 185a, éd. Belles Lettres, p. 163. Mais, elle est déjà reproduite par
Clavius, dans le commentaire d'Euclide, livre V, éd. de Mayence, p. 208.
266 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

ment trouver un carré qui ait une aire égale à la surface du cercle,
l'autre étant comment un seul périmètre peut à la fois différer de et
être égal à une circonférence. Si ces deux conditions sont nécessaires,
alors assurément la quadrature est impossible165.
Et de montrer cette double impossibilité en s'appuyant sur Ar-
chimède166. Cette question, traitée selon le bon plaisir du professeur,
est interrompue sans conclusion : Jordin abandonne alors la
géométrie pour une nouvelle partie des mathématiques, l'arithmétique.

«Sine arithmetica nulla scientia»167

Avant d'entamer ce nouveau chapitre, le professeur propose


quelques réflexions générales qui reprennent le propos de
l'introduction par lequel il expliquait l'ordre du discours : «Arithmetica, ut do-
cet Psello aliarum mathematicarum et dux et mater est...»168. Cette
phrase inaugurale de la seconde partie présente un intérêt majeur,
qui tient autant à l'affirmation du primat de l'arithmétique dans la
hiérarchie des sciences mathématiques qu'au patronage affiché de
Psellus. Elle souligne une sensibilité propre, qui prend assurément
ses distances vis-à-vis de l'école de Clavius : non seulement celui-ci

165 Ms 443, fol. 20r. :


«Deinde sunt alii qui ideo inficiantur posse circulum quadrari, qui putant in
duobus consistere hanc quadrationem, alterum est ut inveniatur quadratum,
quod habeat aream aequalem spacio circuii, alterum ut unus ambitus sit aequalis
alter vero circonferentiae; quae duo si necessaria essent, plane esset impossibilis
quadratio...».
166 yis 443, fol. 21r. Il ne faut pas oublier que c'est la publication d'Archimède
qui a relancé, au XVIe siècle, les travaux sur la quadrature. A titre d'introduction,
voir DSB, vol. 1, p. 213-231. Pour une étude exhaustive, M. Clagett, Archimedes in
the Middle Ages, op. cit. Sur Archimède à la Renaissance, Id., «Francesco Mauro-
lico's use of medieval Archimedian texts : the De Sphaera et cylindro», dans
Science and History. Studies in Honor of E. Rosen, Wroclaw, 1978, p. 37-52; voir
en outre dans C. Dolio éd., Archimède. Tra mito e scienza..., op. cit., les
contributions de R. Moscheo, «L 'Archimède del Maurolico», art. cit., A. de Pace, «Archi-
mede nella discussione su Aristotelismo e Platonismo di Jacopo Mazzoni»,
p. 165-198, U. Baldini, «Archimède nel Seicento italiano», p. 237-289.
167 Ms 443, fol. 21v.
168 ]y[s 443 foi 21v. : «Secunda pars. De Arithmetica.
Arithmetica, ut docet Psello aliarum mathematicarum et dux, et mater est ut
patet qua simplicior sit et (mot non lu) instar ad illas confestium perducat autem
tradit Piato in Epimonide, sine arithmetica nulla scientia potè consistere quo
etiam loco ut et in 7° de Rep. affirmât Idem Piato eos prudentiam atque adeo hu-
manitatem eorum ex mundo, arithmeticam edito tollent, cum sine ea necque pu-
blicae res, neque privatae constare queant. De hac ergo tam nobili, atque utili
scientii nonnulla prò ut temporis brevi tas patietur vicenda erunt».
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 267

n'a pas porté un grand intérêt à ces questions, comme le rappellent


les trente années écoulées entre la publication de son Epitome arith-
meticae practicaei69 et celle de l'Arithmétique en 1604, mais Psellus
n'a jamais retenu son attention170. A l'inverse, les centres d'intérêt de
Jordin font nettement écho aux travaux développés par Elie Vinet171.
Pouvait-on trouver meilleure preuve de l'influence du milieu
bordelais du collège de Guyenne?
Cette partie arithmétique se subdivise en trois sous-parties,
«De proportione, seu ratione»172, «De proportionalitate»173, «De
Scienciis artis Logisticae»174. En fait, cette organisation interne du
discours indique le passage de l'arithmétique géométrique à
l'algèbre, sans qu'au total l'ensemble de ces questions occupe
longuement le professeur. On retrouve ici le caractère élémentaire du
propos, confirmé par les références aux ouvrages pédagogiques
utilisés au collège de Guyenne. Ainsi, la troisième partie de ce
chapitre prend directement pour source le De logistica libri très,
édité à Bordeaux en 1573 par E. Vinet. Le livre doit donc être
connu en dehors de l'établissement, malgré l'absence de réédition
qui explique la difficulté avec laquelle on peut, aujourd'hui encore,
accéder à ce texte175. Alors que le terme même de «logistique»
n'appartient nullement au vocabulaire de Clavius, Jordin l'utilise,
tout comme, dans les feuillets précédents, il s'était référé à
Psellus176. On peut constater que cette dernière partie du cours
d'arithmétique se limite à développer un calcul élémentaire : l'addition,
la soustraction, la multiplication et la division sont présentées

169 Rome, 1583, 219 p.


170 Certes, dans cette édition, la préface au lecteur développe le thème de \'u-
tilitas de cette science et de la voluptas qu'elle confère à son auteur; le patronage
de Platon est revendiqué et ce document pourrait être repris dans une étude sur
la hiérarchie des disciplines. Ces éléments semblent pourtant davantage relever
du genre de discours qu'est la préface, avec ses topoi obligés, que d'un réel parti
pris méthodologique, que ne pourrait justifier la négligence de cette étude
jusqu'en 1604.
171 Dans les premières pages de ce chapitre, j'ai rappelé l'intérêt de la
Logistica pour la transmission de la culture arabe. Il convient ici de rappeler l'insistance
de Vinet sur l'importance de l'arithmétique, car les propos d'Antoine Jordin sont
dans le même ton.
172 Ms 443, fol. 21v.
173 Ms 443, fol. 24r.
174 Ms 443, fol. 24v.
175 E. Vinet, De logistica..., op. cit.
176 Ce terme peut aussi bien avoir été emprunté à Jean Borrel dont le traité
d'arithmétique peut avoir été lu par Jordin : Io. Buteonis Logistica, quae et arith-
metica vulgo dicitur in lïbros quinque digesta. Quorum index summatim habetur
integro. Eiusdem, ad locum Vitruvii corruptum restitutio..., Lyon, 1560.
268 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

avec de nombreux exemples numériques. Les exigences du


professeur ne sont pas élevées177, mais c'est le cas de nombreux ouvrages
d'arithmétique de cette période178.
S'il fallait une autre preuve de l'influence du milieu bordelais,
elle se fonderait sur la comparaison de ce cours avec celui, presque
exactement contemporain, professé par O. Cattenius à Mayence179.
Non seulement le professeur allemand se concentre nettement sur
les questions d'astronomie pratique, mais dans les quelques folios
qu'il consacre aux nombres, il ne s'occupe pas de «logistique» ou de
proportions, mais d'extraction de racines carrées ou cubiques.
Enfin, il ne se réfère nullement à Psellus ni aux «algébristes
français»180. Le manuscrit de son cours ouvre la voie à une étude
comparée de grand intérêt. Ainsi, la seule table des matières manifeste une
autre organisation interne :
- Prolegomena in Mathesin
- In Elementum I Euclidis

177 La table des matières de l'Epitome de Clavius affiche des exigences


nettement supérieures : «numeratio integrorum numerorum; additio integrorum nu-
merorum; substractio integrorum numerorum; multiplicatio integrorum
numerorum; divisio integrorum numerorum; numeratio fractorum numerorum; aes-
timatio, sive valor fractorum numerorum; reductio fractorum numerorum ad
minimos numéros terminos; fractiones fractorum numerorum; reductio
fractorum numerorum ad eandem denominationem et ad integra, nec non
integrorum ad fractionem quamcunque; additio fractorum numerorum; substractio
fractorum numerorum; multiplicatio fractorum numerorum; divisio fractorum
numerorum; insitio fractorum numerorum; quaestiunculae nonnullae
numerorum integrorum, ac minutiarum; régula trium, quae alio nomine régula aurea,
sive régula proportionum dici solet; régula trium everta; régula trium
composita; régula societatum; régula alligationis; régula falsi simplicis positionis; régula
falsi duplicis positionis; progressiones arithmeticae; progressiones geometricae;
extractio radicis quadratae; appropinquatio radicum in numeris non quadra-
tis». Le travail sur les entiers y est complété par un autre sur les fractions, la
présentation de la «règle de trois», ou de la «règle de société» renvoie à des
questions plus complexes qui se situent au niveau des équations du second
degré. Cet aspect des problèmes algébriques sera développé dans le cadre du
prochain chapitre.
178 Malgré la difficulté méhodologique qui consiste à comparer des textes en
latin et en vernaculaire, on peut consulter les textes français de la même époque :
L'Aritmetique de Iacques Peletier du Mans, départie en quatre livres a Théodore de
Besze, reveûe et corrigée, Poitiers, 1552, 106 p., se trouve divisée en quatre parties
«Le premier livre, qui est des nombres entiers», «Le second livre, qui est des
Fractions vulgaires et astronomiques», «Le tiers livre, qui est des Racines, et des
Proportions», «Le quatriesme livre, qui est des Règles vulgaires». Son traité
d'algèbre, L'algebre de laques Peletier du Mans, départie an deus livres, A très illustre
Seigneur Charles de Cosse Maréchal de France, Lyon, 1554, 229 p., présente un
niveau de réflexion plus élaboré.
179 A. Krayer, Mathematik im Studienplan der Jesuiten..., op. cit.
mIbid., p. 199-203.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 269

- Tractatus sive liber secundus : de modo et régula radicem qua-


dratam extrahendi per exemplum proposita
- Liber III rationis geometricae ad usum accomodatae
- liber IV Matheseos de sphaera
* Tractatus I de sphaerae circulis : modus construendi sphae-
ram armillarem; de circulo aequinoctiali; de zodiaco et ecliptica; de
horizonte; de meridiano et reliquis verticalibus; de coluris; de tropi-
cis et circulis polaribus; de longitudine, latitudine, ascensione vel or-
tu stellarum
* Appendix geographiae
* Tractatus II in sphaeram : quid est de istis, quae adhaerent
caelo citra mentis nostre operam : sententiam auctorum quorundam
de numero motuum atque orbium caelestium; sententiarum explica-
tarum censuram dat; aethereae machinae verior hypothesis; de
numero stellarum earumque differentia et de constellationibus; de as-
trorum magnitudinibus et distantiis a terra
* Appendix gnomonica
* Tractatus III de ratione calendarii seu computo ecclesiastico
* Tractatus IV in sphaeram de disciplina optices sequitur».

On comprend ainsi que, au-delà des cadres communs aux


deux jésuites, leurs cours respectifs développent des originalités
fortes. Dans le cas allemand, l'attention portée à l'optique, au
comput ecclésiastique ou à la gnomonique présente un intérêt
évident que l'état actuel de la bibliographie ne permet pas
d'expliquer. Il faut sans doute mettre ces différences en rapport
avec des phénomènes variés : les centres d'intérêt propres à
chacun des professeurs, et qui peuvent correspondre avec des
processus ou des exigences de spécialisation spécifiques; le
contexte local d'enseignement qui peut non seulement influer
sur certains choix de contenus, mais aussi sur les modalités de
l'organisation pédagogique; les provinces jésuites, cadre tout
aussi essentiel pour la définition de besoins spécifiques ou la
constitution de traditions intellectuelles. Le cours d'Antoine Jor-
din s'inscrit dans une économie située à la croisée de ces trois
niveaux d'analyse.

L'astronomie

Malgré les propos généraux sur l'importance respective des


différentes disciplines qui constituent les mathématiques, l'essentiel du
cours d'Antoine Jordin est consacré à l'astronomie. Comme pour
chacune des autres parties du cours, il consacre une introduction à
270 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

la définition de cette matière181, à sa place en regard des autres


branches des mathématiques182 :
Cette partie se trouve donc divisée en chapitres, dont le premier,
conformément à l'annonce de l'introduction, est centré sur
l'astrologie : «Quid sit sentiendum de Astrologia Iudicaria». On peut
s'interroger sur les raisons de ce choix, surtout si l'on considère que la
condamnation de cette science est intervenue précocement dans la
Compagnie : dès 1552, Nadal avait exprimé un point de vue négatif
sur son enseignement183; dans les années 1560, en phase
d'élaboration des programmes d'études dans les collèges, Clavius avait
commencé par introduire l'astrologie judiciaire dans son cours184,
puis il l'en avait retirée185. Il répondait, en cela, à une décision prise

181 C'est incontestablement l'une des caractéristiques de sa façon de


procéder, qui ne se retrouve nullement chez Otto Cattenius. Ce dernier inaugure la
partie astronomique de son cours par un «Proemium» centré sur Sacrobosco : il y
rappelle la structure en quatre parties du texte médiéval. Il précise qu'il fera le
même choix dans le traitement du cours, ce qui constituera une garantie d'ex-
haustivité. Voir A. Krayer, op. cit., p. 245.
182 Ms 443, fol. 28r. :
«Post puras mathemat. sequuntur mixtae inter quas primum locum sibi
vendicat astrologia hoc est astrorum sermo, sive ratio nempe diciplina quae de
coelorum syderumque, serie motu, magnitudine, configuratione aliis affectioni-
bus accidentibusque disputât; ea solet dividi in theoreticam seu speculativam, et
practicam seu operativam, deinde theorica subdividitur in duas praecipuas
partes, altera eorum in primi mobilis contemplatione versatur, atque ex ea peti-
tur cognitio assensionum et dessensionum in recta atque oblica sphera, item no-
titia declinationum et ortuum atque occasuum syderum discriminum etiam inter
clymata et parallelos varietatum quoque quae in diebus ac noctibus artificialibus
cernuntur, et plurimum aliorum ad eam rem spectantium. Altera pars Theoricae
astronomiae considérât planetas quae ab aliis dicuntur solida mobilis, praeterea
Astronomia practica dividitur in suas veluti species, constitit autem potissimum
in cognitione instrumentorum per quae venamur sit cognitionem eorum quae
sint in coelis aut ex eis pendit, solet autem dubitali quanta sit huius astrologiae
dignitas, ac nobilitas, eam in alii nimium extollunt, existimantes eius beneficio
posse cognosci, ac certo praedici futurus eventus, qui alioquin contingentis cen-
sentur, unde partem huius disciplina judicariam sive divinatricem appellant. Alii
e contra nimium eam aspernantur ii maxime, qui adversus astrologos tam multa
scripserunt; placet ergo antequam ulterius progrediamur hanc quaestionem exa-
minare».
183 Voir MPSJ, vol. 1, p. 150 :
«Mathematicus vero nihil possit interprétai! astronomiae iudicariae, sed to-
tum eius negotium constet speculativis mathematicis».
184 C'est ce dont témoigne un cours inédit, conservé à la B. A. V., Urb. lat.
1303-1304 et daté par U. Baldini de 1564. Voir C. Clavius, Corrispondenza, vol. I,
1, p. 43 et 63.
185 En effet, dans la première édition de commentaire de la sphère de
Sacrobosco, en 1570, toute allusion à cette matière a disparu. U. Baldini en tire la
conclusion que ce rejet précoce de l'astrologie dans la Compagnie, en rupture
avec une tradition, notamment italienne, fortement développée, devait avoir des
conséquences durables pour la configuration de la discipline astronomique au
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 271

au niveau central et il paraît clairement y avoir renoncé


définitivement. Parallèlement, les jugements sur cette «science» devaient
continuer à se développer au sein de l'ordre186 : le commentaire des
Conimbricenses sur le De cado reprenaient la réflexion dans les
dernières années du XVIe siècle187; l'intérêt porté par Martin Del Rio à
ces questions, puis la publication, en 1600, de son traité Disquisitio-
nwn magicarum libri sex voué à un succès de librairie sans
précédent, devaient redonner à cette question une actualité, renforcée
par l'attrait pour cette discipline dans les milieux de Cour188. De fait,
Antoine Jordin aborde davantage cette question en philosophe qu'en
mathématicien, évoquant de nouveau dans cet extrait nombre de ré-

XVIIe siècle (C. Clavius, Corrispondenza, vol. 1, 1, p. 63-64). Sans doute cette
analyse, fondée sur une vision centralisatrice du modèle jésuite, devra-t-elle être
nuancée à la lumière des cours manuscrits provenant des différentes provinces.
Car, s'il est clair que Antoine Jordin, dans une lignée toute jésuite, se livre à une
critique systématique de cette disicpline, il continue cependant à en parler. Cette
manière de faire n'a rien de paradoxal : elle renvoie à la dimension sociale de la
production du discours. Le cours s'adresse aussi à des étudiants qui doivent
pouvoir disposer d'un argumentaire anti-astrologique, dans un monde où cette
pratique est largement répandue. Dans les salons, à la Cour, elle alimente les
conversations et débats, autour des horoscopes royaux, des réflexions sur les influences
des astres. Il est donc nécessaire que les professeurs en parlent.
186 Du point de vue de l'histoire intellectuelle, le problème de l'astrologie et
de son statut rencontre aussi celui, plus vaste, de la mise en place de nouvelles
catégories du savoir et de leurs différents critères de certification. A ce titre, on
peut dire avec U. Baldini que «la didactique et la production d'ouvrages des
jésuites constituèrent un des facteurs qui favorisèrent la différenciation de
l'astrologie et donc la configuration moderne de la discipline». Mais, il faut alors
développer l'analyse et mettre en lumière les autres facteurs sur lesquels cette
différenciation s'est fondée. Voir, sur la question générale, E. Garin, Le zodiaque de
la vie. Polémiques antiastrologiques à la Renaissance, trad. française, Paris, 1991,
172 p.; B. P. Copenhaver, «Naturai Magic, Hermetism, and Occultism in Early
Modem Science», dans D. C. Lindberg et R. S. Westman éds., Reappraisals ofthe
Scientific Révolution, Cambridge, New York, 1990, p. 261-302; P. Zambelli,
L'ambigua natura della magia. Filosofi, streghe, riti nel Rinascimento, 2e éd., Venise,
1996, 345 p.
187 On consultera avec profit les Commentarii Collegii Conimbrìcensis, SI, in
Quatuor libros de coelo, Meteorologicos et Parva Naturalia, Aristotelis Stagiritae...
L'édition de 1602 (Venise) consacre au commentaire du livre II, chapitre 3, la
question «Utrum corpora coelestia in hominis voluntatem influant, an non?»
(p. 275 et suiv.). Ainsi, la question de l'astrologie continue à être débattue, mais
d'un point de vue de philosophie naturelle.
188 On notera en outre qu'en France, au sein de la Compagnie, cet intérêt
pour l'astrologie s'est poursuivi notamment avec les ouvrages de J. Menestrier.
Voir, sur la place et le rôle de l'astrologie dans la vie culturelle de la monarchie,
H. Drévillon, Lire et écrire l'avenir. Astrologie, prophéties et prédictions dans la
France du XVIIe siècle (1610-1715), Paris, 1996, 282 p.; M.-P. Lerner, Tommaso
Campanella en France au XVIIe siècle, Naples 1995, 165 p.
272 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

férences puisées dans les anciens comme dans les plus modernes,
parmi les auteurs de la Compagnie comme parmi les autres189.
Dans la suite de cette partie, la démarche se fait plus classique,
proche de la littérature astronomique de ce temps destinée aux
étudiants du cours de philosophie190 : c'est la sphère de Jean de Sacro-

189 Parmi les références mises à contribution dans ces pages (fol. 28r. à 33v.),
on retiendra Ptolémée : voir DSB, vol. 11, p. 186-206. Sur cet astronome, voir
G. Auger, Claude Ptolémée, astronome, astrologue, géographe. Connaissance et
représentation du monde habité, Paris, 1993, 428 p.; pour son usage à la
Renaissance, voir E. Grant, «In Défense of the Earth's Centrality and Immobility : Scho-
lastic Reaction to Copernicanism in the Seventeenth Century», Transactions of
the American Philosophical Society, vol. 74, 1984/4, 69 p. et J. M. Lattis, Between
Copemicus and Galileo. Christoph Clavius and the Collapse of Ptolemaic Cosmo-
logy, Chicago et Londres, 1994, 293 p. Columelle (1er siècle ap. J. C.) constitue une
autre référence : le De re rustica a connu une large diffusion entre Moyen Age et
Renaissance. Voir pour une présentation synthétique, BU, vol. 8, p. 667-669;
pour le texte, Les agronomes latins, Coton, Vairon, Columelle, Palladius, sous la
dir. de M. Nisard, Paris, 1851, p. 167-517. Jordin cite aussi Sextus Empiricus : cet
auteur du IIIe siècle de l'ère chrétienne a laissé trois œuvres, dont Contre les
professeurs, où il oppose notamment aux géomètres, aux arithméticiens, aux
astrologues la tradition sceptique. Voir Sextus Empiricus, Against the Professors,
Londres, 1949, 409 p.; pour une présentation succincte, DSB, vol. 12, p. 340-341.
Outre Thomas d'Aquin, il se réfère aussi à Pic de la Mirandole : voir l'édition par
E. Garin des Disputationes contra Astrologiam divinatricem, 2 vol., Florence,
1946-1952. Sur l'astrologie, il recourt à Martin Del Rio (voir C. Sommervogel, op.
cit., vol. 2, col. 1894-1905), Disquisitionum magicarum libri sex, quibus continetur
accurata curiosarum artium et vanarum superstitionum confutatio, publié en
1601. A propos d'Antonio Maggini, voir DSB, vol. 9, p. 12-13. De ce professeur
d'astronomie et mathématiques à l'Université de Bologne, Jordin retient la
première édition de la Geographiae Universae publiée à Venise en 1596. Pour les
Conimbricenses, voir les références déjà citées. Il est clair que certaines des
références de Jordin sont directement extraites de ce livres. Ptolémée, Sextus
Empiricus et Thomas d'Aquin appartiennent à la série des livres mis à contribution
par les Conimbricenses. Enfin, Jordin s'appuie sur Joseph Scaliger, dans son
introduction à Manilius : l'Astronomicon de ce poète latin a connu une première
édition au XVe siècle par Regiomontanus. Puis, parmi les différentes
réimpressions, on compte celle de 1590 avec les notes de Scaliger. Sur ce personnage du
milieu bordelais, voir P. Lardet, «Joseph Scaliger, Elie Vinet et l'édition des
œuvres d'Ausone», art. cit. Remarquons, à titre comparatif, que, à Mayence, non
seulement Otto Cattenius ne s'occupe pas de cette question, mais qu'en outre,
dans son système propre de références, il ne fait de place à aucun de ces auteurs,
à l'exception de Ptolémée et Antonio Maggini.
190 Rappelons que l'étude du ciel relève à la fois du professeur de
mathématiques et de celui de philosophie, comme l'a expliqué N. Jardine à propos du
statut des hypothèses astronomiques, dans CHRP, p. 697 :
«In medieval and Renaissance classifications of knowledge «mathematical»
and «physical» study of the heavens are sharply separated. Mathematical astro-
nomy forms one of the four mathematical arts of the quadrivium, whereas
physical study of the heavens forms a specialized branch of naturai philosophy».
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 273

bosco qui sert de source, dans une tradition proche de celle de Cla-
vius, mais beaucoup plus allégée. Ici, comme dans le cas de la
géométrie, le commentaire n'est pas développé : ce qui n'empêche pas le
professeur de s'appuyer sur un ensemble de textes, depuis Archi-
mède jusqu'à Clavius, dont, pour la première fois dans le cours, il
indique l'édition utilisée191. La tradition astronomique arabe n'est pas
exclue de cette étude, comme le prouvent les différentes allusions à
Alfraganus192. Parmi les anciens, se retrouvent les noms des
principaux représentants de la tradition astronomique grecque, mais aussi
Flavius Josèphe dont les Antiquités juives (livre 3, 13) sont mises à
contribution (fol. 48v.); pour les auteurs contemporains, Jordin
recourt notamment à Regiomontanus et Piccolomini (fol. 41r.). Il cite
en différents endroits Copernic. Ainsi, à propos de l'ordre des
planètes, il écrit :
II y a même ceux qui organisent le ciel selon un autre ordre. En
effet certains, comme Copernic, organisent cet ordre comme si le
soleil était immobile au centre de l'univers, de la même manière que
nous disons que la terre est au centre de l'univers; puis Vénus succède
au soleil, et Mercure succède à Vénus. Au-dessus de Mercure, en
revanche, est une orbe dans laquelle se trouvent ensemble la lune et les
quatre éléments; ensuite viennent les autres cieux dans l'ordre que
nous avons indiqué, mais à juste titre, cette opinion absurde est
rejetée, et à bon droit : l'expérience montre de façon évidente que la terre
est immobile et qu'autour d'elle le soleil est porté en continu. A
d'autres il a semblé qu'immédiatement après la lune, se trouve le
soleil...193.

Outre cet extrait, on peut trouver d'autres occurrences de la


mention de Copernic : elles prouvent non seulement que les idées de
l'astronome polonais connaissent une certaine diffusion dans les
premières années du XVIIe siècle, mais aussi que ses thèses sont
discutées. Il n'en demeure pas moins que la question de la lecture reste

191 II s'agit en l'occurrence de l'édition lyonnaise de 1593 (fol. 40v.). Dans le


cours des années suivantes, la Sphère a connu d'autres éditions.
192 Ms 443, fol. 41r. Sur cet astronome arabe, voir DSB, vol. 4, p. 541-545.
193 Ms 443; foi. 34V. .
«Sunt tamen qui alium ordinem constituant inter coelos, nam aliqui, ut Co-
pernicus, hune ordinem statuunt ut sol sit immobilis in medio Universi ad illum
modum, quo nos dicimus terram esse in medio mundi; deinde solerti ambiat
Venus et hanc Maercurius, supra Maercurium autem constituatur orbis in quo si-
mul sunt luna, et quattuor elementa, et postea sequantur reliqui coeli eo ordine,
quem diximus, sed merito tamquam absurda rejicitur haec opinio, experientia
eorum aperte docet terram esse immobilem et circa illam continuo ferri solem;
aliis visum est post lunam sequi proxime solem...».
274 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

entière : Jordin a-t-il eu une connaissance directe des théories co-


perniciennes, ou a-t-il lu Clavius les commentant? Les allusions sont
trop peu nombreuses pour que, en l'absence du catalogue de la
bibliothèque du collège, on puisse choisir entre l'une ou l'autre
hypothèse.
L'attitude du professeur bordelais ne soulève pas de surprise
majeure : l'opinion géocentriste est rejetée comme absurde194. Mais
la liberté de ton comme la franchise de ce rejet semblent indiquer
qu'aucune tension particulière n'affecte le rapport des jésuites
français à l'égard de Copernic dans les premières années du XVIIe siècle.
Or, la situation dont ce cours se fait l'écho n'a rien d'exceptionnel : si
l'on cherche parmi les références de Otto Cattenius à Mayence, en
1610, on retrouve la même attitude, qui se caractérise par une
utilisation critique des observations astronomiques et des mesures,
accompagnée d'un rejet, net et sans ambiguïté, du système présenté,
dans ce cas-ci, comme une hypothèse195. Certes la condamnation de
l'Église est postérieure de dix ans au cours de Jordin, mais le bûcher
dressé pour Giordano Bruno à Rome date de 1600196. Faut-il alors
mettre sur le compte de l'éloignement de Rome cette relative liberté
dont jouissent les professeurs? Faut-il au contraire considérer que
l'enjeu de cette période ne réside pas tant dans l'impossible
acceptation du système géocentrique, que dans la recherche de systèmes de
substitution pouvant rendre compatibles Ecritures et découvertes
astronomiques. Significatif est à cet égard le fait que, dans le cas du
cours allemand, l'attention des auditeurs est attirée sur Tycho Bra-
he, dont le Français Jordin semble totalement ignorer l'existence197.

194 Voir note supra. Sur Copernic au XVIe siècle, outre les travaux de R. West-
man et M. P. Lerner déjà cités, on se reportera à V. Navarro Brotóns, «The
Reception of Copernicus in Sixteenth-Century Spain. The Case of Diego de Zuniga»,
Isis, vol. 86, 1995/1, p. 52-78.
195 Voir l'extrait du cours, fol. 89r., édité dans A. Krayer, op. cit., p. 283 :
«Conclusio quarta, falsa est hypothesis orbium machinae mundanae Nicolai
Copernici. Probatur primo, quia contradicere videtur sacrarum literarum
testimonio, quae variis locis Solem ac cetera astra moveri, terram vero immobilem esse
affirmant...».
196 La littérature sur le procès de Giordano Bruno est trop abondante pour
être reprise exhaustivement ici : on lira avec intérêt L. Firpo, // processo di
Giordano Bruno, Rome, 1993, 378 p.; pour une étude plus ponctuelle des rapports
avec la Compagnie de Jésus, voir X. Le Bachelet, «Bellarmin et Giordano
Bruno», Gregorianum, vol. 4, 1923, p. 193-210.
197 C'est ce que suggère l'absence totale de mention de l'astronome danois.
Peut-être faut-il considérer comme un indice de datation le décalage
chronologique de cinq ans qui sépare les cours? A moins de prendre en compte la
dimension spatiale du problème, qui induirait des réseaux de diffusion plus directs
entre Prague et Mayence qu'entre Prague et Bordeaux. Voir sur les rapports entre
Tycho et la Compagnie M. P. Lerner, «L'entrée de Tycho Brahe chez les Jésuites,
ou le chant du cygne de Clavius», art. cit.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 275

De plus, ce dernier ne consacre aucune remarque à l'actualité,


puisque le texte ne se fait nullement l'écho de la comète de 1604,
phénomène pourtant évoqué quelque années plus tard par Otto Cat-
tenius.
Au total, le cours d'astronomie présente des caractéristiques
comparables à celles du début du cours : comme la partie sur la
géométrie ou l'arithmétique, il révèle un homme cultivé, soucieux du
recours direct aux sources les plus classiques comme à toutes celles
susceptibles de répondre à ses interrogations. Si le professeur
n'ignore pas le point de vue du mathématicien sur les questions
célestes, il sait aussi établir la frontière entre approches mathématique
et théologique. C'est pourquoi la référence aux textes bibliques lui
importe autant que celle aux écrits techniques. On peut aller plus
loin dans l'approche de cette distinction, en recourant au
commentaire qu'il propose du traité Du ciel d'Aristote198.
En privilégiant l'étude des livres et 1 et 2, en relative conformité
avec les indications de la Ratio, Antoine Jordin procède selon une
méthode unique : résumé rapide des propos d'Aristote, qui doivent
sans doute faire l'objet d'une lecture directe par les auditeurs;
discussion du texte dans le cadre de cinq disputationes , chacune divisée
en sectiones, lesquelles correspondent à des quaestiones.
La première dispute, insérée dans le commentaire du livre 1,
concerne le monde et elle est suivie de celle sur l'existence et
l'essence des cieux. Dans le second livre, se trouvent celles de propriis
affectionïbus et accidentïbus coelorum, celle sur les astres, et enfin
celle sur les influences des cieux et des astres199.

198 Situé entre le commentaire de la Physique et celui de la Génération, le


cours sur le ciel est constitué d'un ensemble de 65 fol. r.-v. : brève introduction
(fol. lr.-v.); livre 1 (fol. lv.-32r.); livre 2 (fol. 32v.-64v.); livres 3 et 4 (fol. 65r.-v.).
199 A titre comparatif, le cours professé à Paris, en 1579-80, par Jean Chaste-
lier est structuré différement (B.A.V., Vat. Lat. 7508). Fol. [l]v. : «R. P. Castellari!
Joannis, Soc. Jesu, De Physica Auscultatione, de Caelo, de Generatione et corrup-
tione doctrina. Scribente Antonio Afurno 1580»; fol. [2]r. : «Index octo librorum
de Physica auscultatione»; fol. [3]r. : «Index librorum de Caelo»; fol. [4]r. :
«Index de generatione et corruptione, etc.»; fol. 336r. : «Finis eorumque in Philo-
sophico cursu Tradita sunt a Domino Io. Castellario philosophiae in Societate Ie-
su profess. ann. 1579». Le commentaire du De caelo se situe fol. 151r.-170r. :
«In quatuor libros Aristotelis De Caelo (151r.)
- Liber primus
In Caput Primum...
An mondus sit perfectus
(152 v.) In Caput 2...
An motus Coeli sit naturalis (153r.)
Quaestio An Coelum non solum habeat in se p° passivum sui motu an etiam
activum... (153v.)
Quaestio An Aristoteles ex duplici magnitudinem duplicem motum simpli-
cem colligeret (154v.)
276 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

II s'agit donc d'un cours qui, plus que sur Aristote, est centré sur

Quaestio an Coelum sit Elementum (154v.)


Quaestio An in coelo sit materia et forma
(157r.) In Caput 3
In Caput 4
(157v.) In Caput 5
In Cap. 6
In Caput 7
In Caput 8
(158r.) In Caput 9
De Immortalitate Mundi
(158v.) In Caput 10
In Caput 11
In Caput 12
- (159r.) In librum secundum A.lis De caelo annotationes
In Caput Primum
(159v.) In Caput Secundum
(160r.) Quaestio an in Coelo sint differentiae positionum
(160v.) In Caput 3
(161r.) In Caput 4
In Caput 5
In Caput 6
In Caput 7
(161v.) In Caput 8
(162r.) In Caput 9
In Caput 10
In Caput 11
In Caput 12
(162v.) In Caput 13
(163r.) In Caput 14
- In librum Tertium A.lis De Coelo annotationes :
(163v.) In Caput Primum
In Caput 2um
In Caput 3um
(164r.) In Caput 5m
In Caput 6
In Caput 7m
In Caput 8m
- In librum Quartum Arostotelis de Caelo annotationes
(164v.) In Caput lm.
In Caput 2m.
In Caput 3
In Caput 4m.
(165r.) De n° Elementorum
De forma Elementorum
Disputatio de n° natura et qualit. Elementorum
De n° Elementorum
(166v.) De natura Elementorum
(168r.) De Qualitate Elementorum
(168v.) Quales sint Causae gravit, et Levitatis
(169r.) Quaestio an gravitas et levitas quammultis elementis reperiuntur sint
eiusdem specie hoc est an levitas aeris specie distinguatur a levitate ignis et gravi-
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 277

les grands problèmes de la nature et de la structure du monde. On


voit par opposition que, dans le texte des Conimbricenses ,
l'importance du commentaire n'exclut jamais le texte antique, donné dans
sa version grecque, puis dans sa traduction latine (système de
colonnes qui permettent de mettre la traduction en regard de la
source). Si, dans le livre, le commentaire, au sens littéral du terme,
est considérablement développé, il vient après la source. Les quaes-
tiones, le plus souvent inscrites dans la tradition médiévale du débat
sur Aristote, naissent des problèmes posés par le commentaire : elles
le suivent donc. A titre d'exemple, la traduction du Livre I, chap. 1
est suivie d'un commentaire qui débouche sur la première question
«Sitne universum perfectum an non?». La réponse à cette question
se décompose en 7 articuli qui structurent les arguments et les
objections autour de ce thème200.
Chez Jordin, au contraire, les distances sont prises vis-à-vis du
corpus de base {De caelo), comme elles sont prises vis-à-vis des
ouvrages de référence qui auraient pu accompagner l'élaboration du
commentaire. Il est ainsi intéressant de comparer la liste des
questions qu'il débat avec celle des Conimbricenses : par-delà les thèmes
communs, qui sont partie intégrante de la physique aristotélicienne,
le professeur de Bordeaux opère des choix qui révèlent ses propres
centres d'intérêt. C'est particulièrement net lorsqu'il choisit de
consacrer la cinquième de ses disputes aux influences célestes et
astrales201. Le même problème est traité par les Conimbricenses dans le
cadre d'un unique paragraphe, en II, 3, q. 8, 1 : «Utrum corpora coe-
lestia in hominis voluntatem influant an non?».
Le fait de ne pas se limiter aux ouvrages jésuites est
caractéristique d'une manière de procéder qu'il partage avec la majeure partie
des autres auteurs de la Compagnie : il fait un usage récurrent des
anciens, des commentateurs médiévaux et de ses contemporains.
Aux côtés d' Aristote, sont cités Platon et Pythagore; pour le Moyen
Age, il se réfère à Saint Bernard, Bonaventure, Abélard, Thomas; il

tas terrae a gravitate aquae


(169v.) An qualitates motrices elementorum an ex qua
(170r.) Quaestio an dementa in propriis locis gravia sint vel levia
Finis Lib. de Caelo»
Un total de 39 folios r.-v. qui renvoient à un commentaire déséquilibré du
texte d' Aristote : 17 f. pour le premier livre, 8 pour le deuxième, 2 pour le
troisième, 12 pour le quatrième, mais qui conservent sa structure générale. On y voit
surtout un intérêt très net pour les questions de mécanique liées au commentaire
du livre 4.
200 Commentati Collegii Conimbricensis, SI, in quatuor Hbros de coelo, Meteo-
rologicos et parva naturalia..., Venise, 1602.
201 Ms 443, fol. 56r.
278 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

convoque parmi les auteurs récents, Ficin, Pic de la Mirandole, Sca-


liger, Charpentier, Zabarella, Maurolico, Zimara, Molina, et
d'autres, aux côtés des Conimbricenses . Il est intéressant de
constater qu'en dernière instance c'est la littérature jésuite qui fait autorité,
comme dans la partie mathématique du cours, et par-dessus tout le
texte biblique. Armé de ce système de références, prêt à affronter des
problèmes dont il ne minimise pas les enjeux, prêt aussi à répondre
à toutes les objections, Antoine Jordin livre une perception de
l'univers en pleine conformité avec les positions de la Compagnie dans ce
domaine : les cieux, il le répète après les autres, sont incorruptibles
et solides.
Il commence par se référer à la Bible, Psaume 148 et Job, 37202,
ce qui lui permet de conclure que «coeli solidissimi». Au même
moment, la théorie de la fluidité des cieux commence à remplacer celle
de leur solidité et, au cœur même de la Compagnie, le futur cardinal
Bellarmin développe sur cette question une conception propre, dans
le cadre de son cours de Louvain (1570-1572)203 : elle le conduit,
contre la tradition aristotélicienne à défendre la fluidité de la
matière céleste. Le professeur de Bordeaux ne pouvait pas connaître les
leçons, restées inédites, de Bellarmin, mais il ne fait par exemple
jamais aucune référence à Tycho Brahe, qui est l'un des premiers
défenseurs de la liquidité des cieux. En revanche, il passe en revue les
objections : la nova de 1572, interprétée comme signe de corruption,
les nouvelles réflexions sur la composition de la matière, la nature
corruptible des anges.
De la même manière, dans son propos sur les comètes, il reste
attaché à la vision jésuite de l'univers physique : il n'hésite pas à
renvoyer au Clavius du commentaire sur la sphère de Sacrobosco, sans

202 II doit sans doute s'agir de la première strophe du Psaume 148, dans
laquelle on peut voir une allusion à la liquidité des cieux (cette traduction est
empruntée à l'édition TOB, Paris-Pierrefite, 1989, p. 1459) :
«Louez le Seigneur depuis les cieux :
louez-le dans les hauteurs;
louez-le, vous tous ses anges;
louez-le, vous toute son armée;
louez-le, soleil et lune;
louez-le, vous toutes les étoiles brillantes;
louez-le, vous les plus élevés des cieux,
et vous les eaux qui êtes par-dessus les cieux».
Sur cette question, voir M. P. Lerner, «Les problèmes de la matière céleste
après 1550 : aspects de la bataille des cieux fluides», Revue d'histoire des sciences,
vol. 42, 1989/3, p. 255-280.
203 U. Baldini et G. V. Coyne, The Louvain Lectures (Lectiones Lovanienses) of
Bellannine..., op. cit.; U. Baldini, «L'astronomia del Cardinale Bellarmino», dans
Novità celesti e crisi del sapere, Florence, 1987, p. 293-305.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 279

préciser l'édition de référence, ne cite aucun des astronomes de la


période à l'exception de Maurolico, lui-même cité par Clavius, et
renvoie dos à dos la vérité des écritures et les propos des uns et des
autres. Cette attitude relève d'un choix délibéré : la comparaison
avec la partie mathématique de son cours est là pour le confirmer.
Ne pas citer Copernic dans son commentaire du De caelo ne signifie
pas ne pas le connaître. C'est au contraire maintenir implicitement
une hiérarchie des disciplines qui enferme le traitement
mathématique de l'astronomie dans une technicité sans rapport avec son
traitement physique.
Au total, sûr de son système d'analyse, il ne le met pas en
question, tout en prenant en compte les apports de l'astronomie
d'observation.

Appendices : musique, perspective et soutenance de thèses

Le caractère marginal de ces deux dernières parties du cours


pose d'autant plus problème qu'aucune d'entre elles ne suggère au
professeur de longs développements. Au point qu'il est légitime de se
demander pourquoi il en traite. A cette date, les mathématiciens de
la Compagnie ne se sont pas encore occupés de problèmes de
musique ou de perspective : dans l'un et l'autre genre, les traités
fleuriront au cœur du XVIIe siècle, dans le cadre de l'essor des
mathématiques mixtes204. Il n'est donc pas surprenant que l'ensemble des
auteurs cités pour leurs travaux sur ces deux disciplines n'appartienne
pas à la Compagnie : Vittelion205, Jacques Lefèvre d'Etaples, dont le
Musica Ubris quatuor demonstrata date de 1571206. La brièveté du
propos consacré à ces deux disciplines ne permet pas de
comprendre à quelle logique scientifique ou pédagogique obéit Jor-
din, en les abordant.

204 On rappellera cependant que le seul témoignage dont nous disposons de


soutenance de thèses pour les années 1620 rend compte de questions sur la
musique : voir le placard imprimé de la Bibliothèque nationale de Paris, dép. des
imprimés, V. 8665. Sans titre, ce document s'achève avec cette mention : Pro publi-
ca celebritate Canonizationis SS. IGNATII ET FRANCISCII, has thèses propugna-
bit Michael Langloys, in Collegio Parìsiensi eiusdem Societatis. 30. Iulii ab hora
meridiana, Anno 1622. Son étude fera l'objet d'un chapitre de la troisième partie.
Parmi les exemples de livres correspondant à l'espace français, on peut signaler
Le dessin ou la perspective militaire, par le feu P. Bourdin, Paris, G. Benard, 1655,
in-8. Pour une liste qui se veut exaustive, voir C. Sommervogel, op. cit., vol 10,
col. 830-845.
205 yojr dsB, vol. 14, p. 457-462 : son traité de la perspective, rédigé vers
1270, a connu une première édition à Nuremberg en 1535, sous le titre De optica.
206 yoir Die Musik in Geschichte und Gegenwart. Allgemeine Enzyklopàdie der
Musile, Cassel et Bâle, 1954, vol. 3, col. 1688-1690. Sur la musique à la
Renaissance, C. V. Palisca, op. cit.
280 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Pour finir cette analyse du cours de mathématiques d'Antoine


Jordin, il convient de rapporter son propos sur les mathématiques à
l'ensemble de son cours de philosophie : l'entreprise aurait présenté
d'évidents inconvénients liés à l'ampleur du cours, à la complexité
de la position du Stagirite, à la difficulté que présente la maîtrise du
commentaire aristotélicien du XVIIe siècle, si le manuscrit 445/2
n'avait recueilli les thèses de philosophie soutenues par un des
étudiants d'Antoine Jordin en 1606. En fait, les derniers folios de ce
tome contiennent à la fois des Positiones ex universa philosophia de-
promptae207 et des Thèses philosophicae20*. L'intitulé du premier de
ces deux documents pose un problème d'interprétation, que la
comparaison avec des textes postérieurs, - dont certains seront
étudiés ultérieurement -, permet de résoudre. Comme pour le second
document, il s'agir d'une liste de thèses, ou arguments
philosophiques, défendus publiquement en vue de l'obtention du grade de
magister artium209. Peut-être faut-il, à partir de la traduction littérale,
y voir une synthèse générale du cours de philosophie, dans laquelle,
pour chacun des chapitres, l'étudiant aurait résumé, autour de deux
propositions, les points forts de l'enseignement de son professeur.
C'est bien ce que semble indiquer l'organisation interne de ces
quelques folios :
Positiones . . .
De disserendi arte in commune (2 prop.)
Ex Porphyriana Isagoge (2 prop.)
Ex libris 7iepi èp\ir\veiaq (2 prop.)
Ex Priori Anal. (2 prop.)
Ex posteriori Anal. (2 prop.)
Ex Physica : Ex Physiologia generatim (2 prop.)v'
Ex libris de physica auscultatione (2 prop.)
Ex libris de ortu et interitu (2 prop.)
Ex libris Metheorologicis (2 prop.)
Ex libris de anima (2 prop.)
Ex Mathematica : Ex Mathematicis generatim (2 prop.)
Ex Arithmetica (2 prop.)
Ex geometria (2 prop.)
Ex Astrologia (2 prop.)

207 Ms 445/2, fol. 172r. et suivants.


208 Ms 445/2, fol. 179r. et suivants.
209 Pour une introduction générale sur les soutenances de thèses à l'époque
moderne, voir V. Meyer, «Les thèses, leur soutenance et leurs illustrations dans
les universités françaises sous l'Ancien Régine», dans C. Jolly et B. Neveu éds.,
Eléments pour une histoire de la thèse. Mélanges de la Bibliothèque de la Sorbonne,
vol. 12, 1993, p. 45-109; J. Verger, «Examen privatum, examen publicum. Aux
origines médiévales de la thèse», dans Ibid., p. 15-43.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 281

Ex Musica et perspectiva (2 prop.)


Ex Ethica : Ex Naturali scientia in genere (2 prop.)
De humana foelicitate (2 prop.)
Ex functionibus et affectionibus humanis (2 prop.)
De virutibus morum (2 prop.)
De virtutibus mentis (2 prop.)
Metaphysicae : Ex Metaphysica in universum (2 prop.
De ente et eius affectionibus (2 prop.)
De categoriis (2 prop.)
De substantiis separatis (2 prop.)
De Deo optimo max. (2 prop.).
Au total que faut-il retenir des mathématiques, après deux ans
d'études philosophiques à Bordeaux? Les propositions 21 à 30 (20%
de l'ensemble) rappellent les principales idées qui ont été
développées pendant le cours. Elles concernent le statut des mathématiques
par rapport aux autres disciplines philosophiques, elles énumèrent
les composantes de cette science ainsi que leurs caractéristiques210 :
Si cet extrait du manuscrit de Bordeaux correspond bien au
texte d'une soutenance de thèse, il faut remarquer la précocité de la
place faite aux mathématiques, précocité qui viendrait confirmer
l'intérêt de son étude. On aurait ici une preuve supplémentaire de
l'attachement de Jordin pour une discipline doublement mineure
par rapport à sa formation et à son enseignement, même si le
phénomène ne se présente pas comme une constante bordelaise. Car, les
autres thèses, soutenues par un étudiant d'Antoine Jordin en 1606,
qui couvrent elles aussi l'ensemble du cours de philosophie, restent
muettes sur les mathématiques, ne leur consacrant aucune des
trente thèses qui font l'objet de la dispute. L'étudiant procède selon
un ordre dicté par des critères scientifiques et non pédagogiques,
reprenant les grandes parties du cours de philosophie :
Thèses Philosophicae
Logicae (5 prop.)
Ethicae (5 prop.)

210 Ms 445/2, fol. 179r.-v. :


«21. Mathematicae disciplinae quas est scientiarum aluo expungimus
quinque partibus constant Arithmetica, Musica, Geometria, Astronomia et Opti-
ca esse quibus très posteriores in conjunctae quantitatis speculatione versantur,
donec priores disjunctam contemplantur, cum magnitudo per se spectata geome-
trae, globis coelestibus connexa astrologo aspectim obtica, numerus per se sump-
tus arithmetico, sonis junctus musico subjiciatur.
22. Est quatenus admittamus «mathesis» ordine in naturae philosophorum
est phisiologia, est quoque quatenus. Id ipsum inficiemur quod admodum
asseverare licet subjectum mathematicorum artium et prius et (mot non lu) esse ob-
jecto physicae nec vero nobis probatur illud quorundam affectum platonicum
potius quam peripateticum res mathematicas insitas esse in anima, nec ab ea ge-
nitas, nec (mot non lu) per abstractionem a rebus naturalibus».
282 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Physicae (5 prop.)
Psychicae (5 prop.)
Uranicae (5 prop.)
Metaphysicae (5 prop.).
Cette absence, plus que tout autre phénomène, souligne qu'en
dernier ressort, et malgré la qualité de l'enseignement dispensé par
Antoine Jordin dans ce domaine, les mathématiques ne constituent
pas une discipline noble du cursus philosophique : la nature du
propos développé par le professeur à leur égard renvoie donc bien à des
choix personnels, dans lesquels la culture propre à cet homme
incontestablement ouvert et cultivé, a été plus déterminante que des
choix institutionnels.
A l'heure de la normalisation des rapports entre la Compagnie et
l'autorité publique, la volonté de rester toujours concurrentiel vis-à-
vis du collège de Guyenne, n'apparaît plus comme une priorité à
Bordeaux. Non seulement parce que l'institution rivale poursuit un
déclin déjà amorcé à la mort d'Elie Vinet, mais aussi parce qu'en ce
début de siècle, le «modèle jésuite» n'a plus à faire les preuves de sa
réussite. A ce titre, le manuscrit de Bordeaux témoigne de la qualité
de l'enseignement prodigué. Celle-ci prend ses racines dans
l'universel d'une culture jésuite élaborée dans le demi-siècle précédent et
dans la spécificité d'une culture régionale particulièrement riche et
dynamique dans la même période.

Conclusion

A l'issue de cette analyse qui ne prétend pas avoir épuisé la


richesse du manuscrit bordelais, on comprend mieux le double intérêt
de cette source : en termes de rapport entre milieu jésuite et milieu
local, elle révèle les facteurs et les modalités d'une influence externe;
du point de vue des relations entre un jésuite et son institution, elle
constitue la preuve d'une réelle liberté d'action, au cœur d'un
dispositif pourtant déjà fortement normalisé et contrôlé par le centre211.
Reprenons chacune de ces conclusions plus précisément.
Cette étude suggère en effet que le contexte régional a pesé lar-

211 Cette conclusion ne constitue pas une concession in extremis, consentie


par le chercheur dépité et contraint de s'incliner devant les sources. Elle permet,
au contraire, d'insister sur la nécessité d'inscrire toute analyse globale sur la
Compagnie dans un contexte chronologique précis. Si le «devoir d'intelligence» a
été fondateur pour l'identité intellectuelle de la Compagnie, reste que les années
1610, marquées par la première condamnation du copernicanisme et
l'engagement actif de Bellarmin dans cette condamnation, ont constitué un tournant
pour l'enseignement des sciences dans la Compagnie. A cet égard, l'ouvrage de
Gatto R., Tra scienza e immaginazione..., op. cit., est éclairant.
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 283

gement sur l'attention portée par les pères de la Province d'Aquitaine


à la situation des mathématiques dans leurs deux principaux
collèges212. Il faut donc considérer que, indépendamment des
préoccupations romaines en mathématiques, un professeur bordelais a pu
développer ses interrogations personnelles sur une série de
problèmes qui l'intéressaient particulièrement, à partir de lectures
propres : dans le cas de la quadrature du cercle, le professeur de
mathématiques ne dépasse pas ses fonctions, puisqu'il ne se lance pas
dans une tentative de résolution du problème. Mieux encore, il
donne en dernier ressort la parole à Clavius! Mais, c'est en suivant
un itinéraire tracé par sa propre culture, balisé et limité sans doute
par les composantes de la bibliothèque du collège213 et les aléas de la
circulation des textes en ces premières années du XVIIe siècle.
L'itinéraire de Rome à Bordeaux est ainsi loin de se réduire à une simple
ligne droite. Dans les feuillets qui ont nourri cette étude, non
seulement il s'est révélé plus complexe, mais surtout il n'a pas hésité à
emprunter quelques chemins de traverse qui ne mènent pas tous à
Rome. Clavius s'y trouve largement concurrencé, et souvent
devancé, par Psellus, Nunès ou Vinet, précisément sur des terrains qui ont
peu intéressé le Collegio Romano.
L'étude du cas bordelais a aussi mis en lumière l'originalité du
rapport centre-périphérie du point de vue de la mise en œuvre de
l'enseignement. Cette autonomie s'incarne dans un homme, formé
dans la Compagnie. Elle se concrétise sur le plan pédagogique par la
mise en œuvre d'un programme d'enseignement compatible avec la
norme définie par la Compagnie, mais non réductible à celle-ci. Sur
les deux plans organisationnel et conceptuel, les modifications
introduites par Jordin se sont inspirées de l'exemple concurrent du
collège de Guyenne. Ainsi, dans l'optique d'une modélisation de la
relation centre-périphérie pour cette période, l'exemple bordelais
révèle un type de relation marqué par l'émergence d'un système
périphérique imposé par une logique externe à l'ordre et non déterminée
par le centre, mais rendu possible par la souplesse de la norme
définie dans les années précédentes214. Face à une tradition locale non-

212 La situation bordelaise se répercutant aussi sur Toulouse comme pourrait


le montrer une rapide étude de la mobilité des hommes/enseignants/étudiants
entre ces deux cités.
213 On aura mesuré à quel point l'absence de catalogue pour la bibliothèque
du collège est regrettable pour cette étude.
214 Cette flexibilité de la norme est inscrite dans sa genèse elle-même, dans le
fait que son élaboration ait été le résultat d'une confrontation permanente entre
principes et pratiques, entre centre et périphéries. La norme a aussi été conçue
pour prendre en compte la diversité des situations et des besoins. Aussi ne faut-il
pas considérer son existence comme élément explicatif de rigidification
systématique des pratiques. Voir sur cette question L. Giard, «Relire les Constitutions,
284 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

jésuite, la Compagnie a su créer à l'échelle locale, et sans perdre son


identité propre, une dynamique de concurrence au cœur de laquelle
les mathématiques ont eu un rôle stratégique. Non souhaité par
Rome, mais admis car réalisable avec les moyens disponibles, l'essor
des mathématiques au collège de La Madeleine a duré autant que le
collège de Guyenne constituait une menace pour l'implantation
jésuite dans le Bordelais. Aucune école n'a été fondée par Jordin et la
précocité comme la qualité de son enseignement n'ont pas débouché
sur la création d'une chaire de mathématiques dans les années
suivantes. L'impulsion de cet enseignement a été le fait de la capitale
voisine, et toujours rivale, Toulouse où le XVIIe siècle a vu l'éclosion
de travaux de mathématiques de premier plan215. Mais, il n'est pas
nécessaire, pour l'heure, d'analyser les modalités de ce processus.
Cette situation bordelaise appellerait assurément d'autres
réflexions : l'une se nourrirait de la comparaison entre deux
enseignements marqués par des obédiences religieuses non plus opposées
mais du moins différentes. Car, à partir des cours de philosophie
d'Antoine Jordin et de Robert Balfour, il reste à étudier le rôle des
conceptions religieuses dans la mise en œuvre de philosophies de la
nature et de systèmes du monde différents216.
Ainsi, résultat de l'état des sources, mais aussi d'une
confrontation originale, le cas bordelais éclaire un type de constitution d'une
culture et d'une pratique scientifiques jésuites, nourries non pas
essentiellement d'un apport fondamental du centre romain, mais
puisant au contraire leurs références tant intellectuelles que pratiques
dans un modèle extra-jésuite, aux valeurs et hiérarchie de valeurs
différentes. Si cette hypothèse ne revêt qu'un caractère
expérimental, elle peut, en tout état de cause, rendre compte d'une certaine

dans L. Giard et L. de Vaucelles dir., Les jésuites à l'âge baroque (1540-1640),


Grenoble, 1996, p. 37-59.
215 Qu'il suffise ici d'évoquer Antoine Lalouvère, lié à Pierre de Fermât (DSB,
vol. 7, p. 583-584 et troisième partie de ce livre), Gaston-Ignace Pardiès (DSB,
vol. 10, p. 314-315), Louis-Bertrand Castel (DSB, vol. 3, p. 114-115) : la production
mathématique de ces quelques représentants du milieu toulousain manifeste
l'iintérêt du pôle occitan à partir des années 1650. Ces seuls noms suffisent à
justifier une étude qui serait uniquement centrée sur cette zone.
216 Je pense ici au travail effectué par R. Feldhay et M. Heyd sur Eschinardus
et Chouet et à la problématique «mertonienne» qui est sous-jacente à cette
étude : R. Feldhay et M. Heyd, «The Discourse of Pious Science», Science in
Context, vol. 1, 1987/2, p. 109-142. En effet, pour l'un et l'autre établissements, on
dispose d'un texte sur l'organisation des études (Ratio I programme d'études pour
le collège de Guyène de Vinet), d'un Euclide de référence (Clavius / Vinet ou Foix
Candale, Paris, 1578, dont l'acte de fondation de la chaire de mathématiques
précise qu'il doit servir de manuel au collège de Guyenne), d'un commentaire d'Aris-
tote (celui du cours du P. Jordin / celui publié par R. Balfour en 1616-1620).
LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 285

complexité de la relation centre-périphérie, au moins dans ce qu'en


restituent les sources.
Le cours manuscrit, dont l'étude exhaustive reste à faire,
témoigne de cet éclectisme philosophique qui caractérise la tradition
aristotélicienne en vigueur dans la Compagnie de Jésus au début du
XVIIe siècle217. Certes, comme je le suggérais précédemment, l'ère
des tensions n'est pas encore arrivée. Et avec le débat sur le
géocentrisme en astronomie, sur le corpuscularisme ou le vide en physique,
la «rigidification» progressive des pratiques et des concepts prendra
le pas sur cette liberté créatrice du second XVIe siècle. Sans doute
l'entrée en vigueur du processus de professionnalisation, lié à la
création des chaires de mathématiques, constituera-t-elle un appui
institutionnel non négligeable pour cette nouvelle codification du
savoir mathématique jésuite.

217 On peut tenir que la Compagnie, attentive dès sa fondation à conserver


souplesse, mobilité et capacité d'adaptation au temps et au lieu, a adhéré à une
forme d'aristotélisme éclectique comme à une condition de possibilité pour
réaliser l'objectif fixé par les Constitutions. Sur cet éclectisme, voir C. B. Schmitt,
Aristote et la Renaissance..., op. cit. On peut aussi tenir que cet éclectisme a, sur le
plan conceptuel, conféré une certaine souplesse à l'enseignement jésuite jusqu'à
sa délégitimation, entreprise à partir des premières années du XVIIe siècle.
CHAPITRE 6

LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS


(1580 - DÉBUT DU XVIIe SIÈCLE)

La situation bordelaise apparaît, tout à la fois, révélatrice d'un


processus général, - par lequel, au XVIIe siècle encore,
l'enseignement des mathématiques revient au professeur de philosophie -, et
singulière du fait de la vaste et solide culture du professeur Antoine
Jordin. Elle ne permet pas de rendre compte de l'ensemble des
situations de cette période. Ayant choisi dans cette partie, à travers
l'élaboration d'une typologie française, de préférer les études de cas
à une approche générale, deux autres situations ont retenu mon
attention. Elles relèvent d'une autre logique d'émergence, qui paraît
plus représentative d'un projet culturel à part entière. A Tournon et
à Paris, à partir des premières années d'ouverture des classes, pour
des raisons propres à chacun des établissements, mais selon des
modalités qui engagent une relation directe avec Rome, s'opère un
lent processus de professionnalisation de l'enseignement des
mathématiques, qui s'accompagne parfois d'une spécialisation réalisée
privatim. Ces processus, originaux dans l'espace français,
s'organisent au tournant des années 1580, et sont le fait d'une génération
nouvelle, ayant en commun certaines qualités et caractéristiques,
comme en témoignent cours, échanges épistolaires, activités
mathématiques.

De Rome à Tournon : le réseau anglais

Premières expériences à Tournon

Le tournant des années 1580, qui s'inscrit dans une réalité


romaine déjà analysée, trouve aussi sa justification dans l'évolution de
la situation des mathématiques, dans certains établissements
français et notamment à Tournon. Dans cette capitale du Vivarais, sur la
rive droite du Rhône, au sud-ouest de Lyon, le cardinal François de
Tournon a fondé dès 1536 une école, érigée en Université en 1542.
L'étude des avatars de cette fondation et de la cession aux jésuites en
288 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

1561 n'intéresse pas directement mon propos1, mais il importe de


rappeler le contrat passé entre le cardinal et la Compagnie2 : celui-ci
stipule l'installation de sept professeurs, dont deux pour
l'enseignement, en latin et en grec, de la philosophie. Le souci de précision
dont fait montre le cardinal ne peut que satisfaire l'historien. Le
document indique, en effet, que l'un enseignera les mathématiques et
la logique, l'autre la physique et la métaphysique d'Aristote :
1. - Ce collège doit avoir sept professeurs, suffisamment formés à
la doctrine et aux lettres humaines pour le niveau des classes qui
seront en face d'eux : parmi eux, deux enseigneront les principaux arts
et la philosophie en grec et en latin, l'un s'occupant de
mathématiques et logique, l'autre de la physique et de la métaphysique
d'Aristote3.

1 Voir dans le chapitre 4, les éléments qui concernent l'approche générale de


cette histoire.
2 Ce contrat, daté de 1561, est déjà en germes dans le testament rédigé par
François de Tournon en 1558 : voir M. François, Le Cardinal de Tournon, homme
d'Etat, diplomate, mécène et humaniste (1498-1552), Paris, 1951, p. 520-521.
3 Les sources qui rappellent le contrat de fondation sont nombreuses.
J'indique ici les principales références de TARSI : GAL. 58, I, fol. 102r., compte-
rendu de la visite effectuée par E. Mercurian en 1571. Dans ce document, le
visiteur commence par rappeler les obligations de l'établissement :
«1. - Débet hoc collegium habere septem praeceptores doctrinae et Litterae
Humanae suffi'cienter praedictos pro qualitate classum quibus praeerunt,
quorum duo priores artes et philosophiam continuo docebunt graece et latine unus
verum mathematicas disciplinas et logicam, alter vero physicam et metaphysi-
cam Aristotelis».
De même que GAL. 56, fol. 124r.-v., Historia Collegii Tournoni, L. Richeome,
s.d. :
«Nonullis Billomo, Romaque, ad se vocatis anno 1561 sanctissimis legibus a
se temperatam perpetuo gubernandam dédit, annuosque perventus assignavit ad
professorem unum Theologiae, duos philosophiae, unum Mathematicae, et ad
humaniorum literarum quinque alendos. Habuit ergo Collegium hoc ab ipso sui
initio duum circiter millium et tricentarum librarum vectigal annuum... (v) (...)
Ceterum ab anno 1582 permissu RPN Gralis, additus est ad duos primos, tertius
philosophus, unde maximus extitit in hac Academia studiorum fructus, magna
ubique fama Collegii incredibilis auditorum multitude Quare ex privilegiis, que
ad id tempus propter bellicos tumultus latuerant, Baccalaurei, et Artium Magistri
summo cum honore tum primum creati sunt. Cum autem theologiae cursus in
hac provincia desideraretur : anno 1587 jussu ejusdem RP Gralis institui coeptus
est qui, ut speramus, una cum tertio philosopho, tandem vel a domo Turnonia (a
qua centum aureos jam semel habuimus); vel ab ipsis comitiis Gratibus fundabi-
tur : sicque Turnoni seminarium Theologorum, sicut Philosophorum esse pote-
rit».
Voir aussi GAL. 56, fol. 125r. :
«II Collegio di Turnone ha queste obligationi.
P° quanto a li maestri, haverne uno, sia o il Rettore o altro chi predichi le
festi al popolo, et leghi anche le scritture, et ciò si è inteso al principio di una let-
tione di theologia ordinaria, [...] Dopo havere un philosopho et metaphysico, un
logico et Mathematico, un Rhetórico, etc.».
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 289

La précocité de la mention de ce cours de mathématiques est à


souligner : par comparaison avec les situations étudiées dans le
chapitre précédent, la fondation de François de Tournon constitue
l'exception dans le contexte français. Le document de 1561 ne donne
certes pas naissance à une chaire de mathématiques, mais il offre la
première mention explicite, dans le cahier des charges d'un collège
français, de l'obligation d'un enseignement pour cette discipline. Il
serait intéressant de pouvoir mieux documenter les causes de cette
volonté : au-delà d'une logique de prestige qui se trouve au centre du
projet comme le souligne l'érection précoce de l'établissement en
université4, les travaux actuellement disponibles sur François de
Tournon ne permettent d'avancer aucune hypothèse d'une autre
nature5. A regarder le contexte spatial dans lequel s'inscrit la nouvelle
fondation, on peut cependant noter que la vallée du Rhône constitue
à la fois un axe de circulation important pour les idées, notamment
celles venues de l'Italie, et une frontière religieuse, avec la capitale
genevoise et calviniste sur le versant alpin du fleuve6. Dès lors,
même si Tournon ne présente pas le même intérêt que Lyon, elle
permet une implantation stratégique.
La confrontation du contrat et de la réalité révèle que la volonté
du fondateur est restée lettre morte pendant presque vingt années.
La situation inaugurée à Tournon par l'acte de fondation met en
lumière l'attitude des responsables jésuites face à une situation dont la
Compagnie ne fait pas le choix. Pour des raisons, déjà évoquées, de
manque de personnel compétent7, voire d'absence de vocations nou-

Le texte original, qui constitue en même temps le testament de François de


Tournonse trouve aux Arch. dép. de l'Ardèche, D 17 : Leges academiae Turnoniae So-
cietatis Iesu ab optimo sapientissimoque ipsius fundatore latae. Enfin dans M. Mas-
sip, op. cit. , p. 65, est signalée cette autre référence : Arch. dép. Ardèche, D. 8.
4 Dès 1552, alors que l'établissement est encore modeste, Jules III concède
les bulles d'érection en université : D. Julia et M.-M. Compère, Les collèges..., op.
cit., t. 1, p. 698.
5 Sur la problématique générale des formes, pratiques et enjeux de la
sociabilité scientifique dans la Rome du second XVIe siècle, voir P. Findlen, «The Econo-
my of Scientific Exchange in Early Modem Italy», dans Patronage and
Institutions. Science, Technology and Medicine at the European Court, 1500-1700, B. T.
Moran éd., Woodbridge, 1991, p. 5-24. Sur F. de Tournon au Concile de Trente,
A. Talion, La France et le Concile de Trente (1518-1550), Rome, 1997, 976 p.
6 Le rôle culturel de cet axe est souligné par la carte des imprimeurs français,
proposée dans A. Jouanna, La France au XVIe siècle, Paris, 1996, p. 120. Pour une
vision d'ensemble des établissements supérieurs d'enseignement, voir S. Guenée,
Les universités françaises des origines à la révolution. Notices historiques sur les
Universités, «Studia» et Académies protestantes, Paris, 1982, 143 p.
7 Dans ces années, certains des jésuites de Rome ou d'Espagne mettent
vigoureusement en question l'engagement dans l'apostolat enseignant : la synthèse
la plus récente sur cette question se trouve dans l'introduction de D. Julia à la
traduction française de la Ratio studiorum, op. cit.
290 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

velles dans cette phase d'expansion de la Compagnie8,


l'enseignement des mathématiques n'a pas commencé en 1561, dans cette ville
où parallèlement le collège prospérait au point d'atteindre
rapidement plus de mille étudiants9. L'état de conservation des sources
permet de suivre, avec quelques lacunes, les principales étapes de
l'application progressive du contrat.
Parmi les premiers documents de cette période, figurent les Lit-
terae quadrimestres de janvier 156410 qui signalent la présence de
Antoine François comme professeur de philosophie, arrivé dans le
groupe des premiers jésuites de Tournon : «Venio iam ad alios, qui
omnes quidem uno eodemque die pulsi sunt, sed non omnes uno die
Turnonem redierunt Primi fuerunt P. Sebastianus huius collegio oe-
conomus M. Antonius Francosus Philosophiae professor, ac Anto-
nius Pontanus...»11; ni les Litterae quadrimestres de mai 156412 ou de
156513, ni les Litterae annuae de 156614 ne fournissent d'indication
sur ce qui nous intéresse. Celles envoyées en 1570 par Jean Voille15
précisent que le collège fonctionne avec cinq classes d'humanités et
deux de philosophie, conformément au souhait du fondateur. En
marge de cette description, le rédacteur précise que les
mathématiques font partie du cursus philosophique, mais le caractère
marginal de cette pratique se trouve souligné par le fait que, dans les deux
pages qui suivent, les passages sur les cours supérieurs ou les
étudiants de ce cours n'y font plus aucune allusion.
En 1571 16, le compte-rendu de la visite d'E. Mercurian donne la

8 Voir A. L. Martin, «Vocational crisis and the crisis in vocations among Je-
suits in France during the XVIth century», The Catholical Historical Review, vol.
71, 1986, p. 201-221. Parmi les témoignages des sources, on peut noter cette
remarque adressée par le visiteur de la province de France, E. Mercurian, au
général Borgia en août 1569 : «Penuria sociorum observationem disciplinae religiosae
reddit difficilem», ARSI, GAL. 82, fol. 104r., cité dans MPSJ, vol. 3, p. 470-471.
9 ARSI, LUGD. 28, fol. 5v. : A. Voisin décrit, dans les Litterae annuae de
1583, la situation suivante : «Discipuli supra mille numerantur. Atque cursum
Artium baccalaurei magistris hoc anno primis inaugurati...».
10 ARSI, GAL. 53, fol. 214r.-220r., Litterae quadrimestres rédigées par Egide
Faber et datées du 30 janvier.
11 ARSI, GAL. 53, fol. 214v.
12 ARSI, GAL. 53, fol. 222r.-226r., Litterae quadrimestres rédigées par Claude
Matthieu.
13 ARSI, GAL. 53, fol. 227r.-230r., Litterae quadrimestres rédigées en janvier
1565, par Egide Faber.
14 ARSI, GAL. 53, fol. 200v.-201r. : «Post adventum R. P. Annibalis alii etiam
hic appulerunt, et inter hos P. Ioannes Lotharingus M. Claudius ac M. Ioannes
Burgundus. Quare cum iam nihil videretur obstare, mio sponte oblata esset rei
bene gerendae occasio, duae lectiones institutae sunt, altera in Philosophicis,
altera in graecis et latinis. Haec facta sunt sub initium septembris».
15 ARSI, GAL. 53, fol. 231r.-232v. Voir particulièrement fol. 231v.
16 H. Fouqueray, Histoire de la Compagnie de Jésus en France..., op. cit., vol. 1,
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 291

mesure des nécessités et des lacunes : les pages du rapport sont


divisées en trois colonnes, la première rappelle les termes du contrat ou
du règlement intérieur, la seconde recueille les remarques et
conseils du recteur et des consulteurs17, la troisième donne les
appréciations du visiteur18. Dans la partie intitulée De obligationïbus ,
face au paragraphe qui rappelle les termes de la fondation, le
constat dressé est nuancé. Commentant l'organisation du collège
avec sept professeurs, recteur et consulteurs soulignent :
Ceci n'est toujours pas observé à présent, en fait souvent nous
n'avons pas le nombre de professeurs, ni non plus les étudiants
susceptibles de suivre ces enseignements, à cause des guerres civiles,
fréquemment aussi parce que nous n'avons ni les professeurs
nécessaires, ni ceux qui en seraient capables, ni ceux qui seraient qualifiés
en grec, comme l'exige la fondation. Mais par rapport à cet
inconvénient on n'est pas encore suffisamment organisé, comme précisé plus
haut. Même jusqu'à présent, on n'a encore jamais enseigné la
philosophie en grec, comme le contrat l'exigerait (...) ni les auditeurs ne
seraient désireux, ni les professeurs, qui du reste sont médiocrement
versés en philosophie, ne pourraient l'enseigner en grec de manière
satisfaisante. Les mathématiques sont cependant enseignées, mais
deux fois par semaine19.

Ce témoignage rend compte d'une réalité peu idéalisée : les


problèmes engendrés par les guerres civiles et les carences en personnel
disponible dans le collège. Avec un réalisme qui donne une image
peu valorisante de la Compagnie, Mercurian insiste à deux reprises
sur cette question de la compétence qui constitue une limite
objective à l'application des volontés de François de Tournon. Malgré
ce constat peu réjouissant, il semble que les mathématiques soient

p. 489-490. On complétera avec la lecture des Litterae annuae de mai 1571, ARSI,
GAL. 53, fol. 233r.-234r., et juillet 1572, ARSI, GAL. 53, fol. 235r.-238r.
17 Sur la fonction de consulteur, voir W. Gramatowski, Glossario, op. cit.,
p. 19.
18 En tête de chacune de ces colonnes, on lit «Ex regulis communibus»,
«Rector cum suis consultoribus», «R.P. Visitator».
19 GAL. 58, I, fol. 102r. :
«Hoc non semper servatum est hactenus, nam saepe non sunt is Praecepto-
rum numerum non nunquam, quod discipulos non haberemus qui possent au-
dire illas facultates propter civilia bella, fréquenter vero quod non haberemus
Praeceptores necessarios, nec idoneos nec in graecis versatos ut exigit fundatio
necdum hune incommodum satis provisum est ut dictum est supra Hactenus
etiam nunquam lecta est philosophia graece, ut est in contractu (...) nec enim au-
ditores esset cupares, nec possent praeceptores philosophiam satisfacere in
graecis, qui alioqui in philosophia sunt mediocriter versati Mathematica legitur qui-
dem, sed bis habent in hebdomada (...)».
292 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

enseignées, à raison de deux heures par semaine : «Legitur etiam


mathematicae». Particulièrement laconique, la formule ne fournit
aucune précision sur la nature de cet enseignement : étant données
les compétences des professeurs de philosophie, il ne peut s'agir que
de fournir des rudiments.
Ainsi, contrairement à ce que laissent supposer les actes de
fondation, la réalité des pratiques met en lumière une situation confuse,
compromise par l'état de guerre, qui contribue sans doute à
«retarder» le processus éducatif jésuite en terre française. La comparaison
avec la situation napolitaine mise en lumière par R. Gatto permet de
mesurer ce décalage, confirmé par les situations de Toulouse,
Avignon, Lyon où aucune obligation précise ne concerne
l'enseignement des mathématiques. Le rapport de visite de Mercurian
s'achève sur un dernier chapitre qui décrit l'emploi du temps de
l'établissement :

Distribution des horaires dans ce collège.


Tous les matins, on réveille les frères à 4 h. (...)
Un peu avant 7 h., la cloche sonne pour le début des cours et à 7
h. le signal est donné pour l'entrée de tous les professeurs en classe, à
l'exception du physicien.
La cloche sonne à 8 h. pour le cours de physique et à 9 h. et
demie pour la fin du cours : alors a lieu la communion sacrée des sco-
lastiques. Après quoi, la cloche sonne sur le champ pour l'examen,
puis pour le service du déjeuner, à l'issue de la récréation. Il n'y a
presque pas de second service, sinon pour un petit nombre de coad-
juteurs.
A la première heure des lundis, mercredis et vendredis, la cloche
sonne pour la classe de théologie et, le samedi, pour la classe de
mathématiques. Il y a également une leçon de mathématiques le jeudi à
8 h. (...)
Peu avant deux heures, la cloche sonne pour le début des cours
et à deux heures le signal d'entrée des professeurs est donné : tous
entrent en classe à l'exception du physicien et du logicien qui
commencent à trois heures. A ce moment là, la cloche sonne pour
eux.
A 4 heures et demie, tous les cours prennent fin et la cloche
sonne pour les exercices qui durent une demi-heure.
A 6 heures moins le quart est donné le premier signal pour le
repas et à 6 heures et demie, le dernier; à 8 heures s'achève toujours
la récréation du soir et aussitôt tout le monde va aux litanies, puis la
cloche sonne pour l'examen qui prend fin peu avant 9 heures, heure
à laquelle celui qui a la charge de la visite de nuit fait son
inspection.
Les vendredis à 8 heures et demie on lit le catéchisme, les
dimanches et jours de fête a lieu la messe des scolastiques, à 8 heures
en hiver mais autour de 7 heures en été. Ainsi, ces jours-là, lorsqu'il y
a eu une réunion sur l'Ancien Testament, le déjeuner est servi à 11
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 293

heures, même les jours de fête et où on ne travaille pas. Le premier


signal du repas du soir est donné à 6 heures et le dernier, à 6 heures
trois quarts20.

Cet emploi du temps détaillé plonge dans la réalité


quotidienne des scolastiques de Tournon : il donne aussi l'exacte
mesure de la place des mathématiques dans la formation
intellectuelle jésuite : une discipline marginale, marginalisée dans le
temps scolaire, mais figurant dans les programmes
d'enseignement. Qui en a la charge? Sans aucun doute un professeur de
philosophie, du moins cette hypothèse est-elle plausible en termes
d'emploi du temps.
Pour les années suivantes, il est difficile de suivre l'histoire du
collège avec régularité : à la suite des Litterae annuae de 157221, les
sources disparaissent jusqu'à celles de 1575, qui ne font que signaler
deux professeurs de philosophie pour les enseignements
supérieurs22.

20 ARSI, GAL. 58, I, fol. 103r.-v. :


«Distributio horarum in hoc collegio
Mane hora 4a fratres semper excitantur (...)
Paolo ante septem pulsatur ad praelectiones et hora 7.a datur signum ut in-
grediantur praeceptores omnes excepto Physico.
Hora 8a pulsatur pro Classe Physices, hora nona cum dimidia pulsatur ad fi-
nem praelectionum et tune fit sacram communionem scholasticorum. Absoluto
sacro statini pulsatur ad examen, deinde ad prandium finitur recreatio matutina
hora duodecima, nec habetur prope modum 2a mensa nisi prò paucis coadiutori-
bus.
Hora prima diebus Lunae, Mercurii et Venerii pulsatur pro classe theolo-
giae, et die sabbati pro Mathematicis. Die Iovis hora octava fit etiam lectio Ma-
thematices (...)
Paulo ante 2.am pulsatur pro classibus et hora 2. a datur signum ut ingredian-
tur praeceptores omnes praeter physicum et logicum qui hora 3. a ingrediuntur,
tum etiam pulsatur pro ipsis.
Hora 4a cum dimidia absolvuntur omnes praelectiones, post pulsatur ad
exercitationem quae durât per mediam horam.
Hora sexta cum 4a parte horae datur p.m signum pro coena et hora sexta cum
dimidia datur ultimum; Hora 8a semper finitur recreatio vesperima et mox
omnes eunt ad litanias statim post pulsatur ad examen et finitur hora paulo ante
nonam; Hora nona visitât is qui habet cura noctu visitandi.
Diebus veneris mane hora 8a cum dimidia legitur catechismus diebus domi-
nicis et festis fit sacrum scholasticorum hora 8a in hieme, in aestate vero hora 7.a
aut circiter. His etiam diebus quando habetur (concilio mane in supremo
Testamento), prandemus hora undecima, his etiam diebus festis, et recreatonis datur
p.m signum coena hora sexta, et ultimum hora sexta cum 4a parte».
21 ARSI, GAL. 53, fol. 235r.-238r.
22 ARSI, LUGD. 28, fol. 2r., Historìa, 1575-1614, «Litt. annuae, Prov. Lugd».,
1575, P. Petrus Maturus.
294 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Premiers mathématiciens : les Britanniques de Tournon

En 1577, dans une série de notes sur la province d'Aquitaine, se


trouve insérées quelques lignes intitulées «De professore Philoso-
phiae Turnoni». Celles-ci signalent la présence dans l'établissement
du Britannique Richard Gibbons (Richardus Gibbonus)23.
Parallèlement une lettre adressée au général, à la même date, signale l'arrivée
à Tournon de deux nouveaux professeurs : ceux-ci sont signalés
pour leur manière particulière d'enseigner la philosophie, sans
prendre appui sur la manière romaine24.
Or, grâce au second compte-rendu de visite conservé et rédigé
par C. Matthieu en 157925, la personnalité de ce professeur anglais se
trouve éclairée. Le visiteur note la présence au collège de «M.
Richardus Gibbonus, professor physicae et mathematicarum discipli-
narum»26 : il s'agit bien de l'un de ces deux professeurs de
philosophie arrivés à Tournon en 157727. Cette première et brève mention
met en lumière un personnage intéressant pour l'histoire de
l'enseignement scientifique au sein de la Compagnie, le premier,
exerçant en France, à avoir une carrière au total spécialisée.
En effet, grâce au dépouillement des catalogues, on apprend que
Richard Gibbons est né en 1549 à Wells dans le Somerset28 : c'est un
de ces nombreux Anglais qui quittent leur île après 1550, pour des

23 ARSI, LUGD. 18, I, fol. 4 v. : le très mauvais état de conservation de cette


page rend difficile une transcription même partielle du document : «Cum magis-
tro Richardo Anglo non sit notatum scandatum publicum, nisi sciatur pro [...]
aliquid contra [...] de eius emendatione in aliis [...], ex sit in philosophia satis
doctus [...] donec ad legendum, indicatum [...]».
24 ARSI, GAL. 89, fol. 47r.-48v., cité dans MPSJ, vol. 4, p. 673 :
« Quod ad modum legendae philosophiae pertinet, visum est iisdem patribus
R. P.tem T. esse admonendam, quod P. Valentinus et M. Richardus, qui postre-
mum hue venerunt, non eam sequuntur methodum quam priores sequebuntur,
et nos Romae a praeceptoribus tum theologicis tum philosophicis teneri vide-
mus...»
25 Voir C. Sommervogel, op. cit., t. 5, col. 738-739.
26 ARSI, Gai. 58, I, fol. 158v. La même année se trouve aussi à Tournon,
comme je l'ai déjà signalé, le P. Jean Balmès : il y occupe la fonction de consul-
teur.
27 Le fait est rapporté par H. Fouqueray, op. cit., t. 2, p. 31.
28 Le catalogus primus de Bordeaux (1584) indique, ARSI, Aquit. 9, III, fol.
52v. : «Richardus Gibbonus, Anglus annorum 33. vires infirmae. Ingressus Socie-
tate anno 1571, Septem. Romae. Studuit in Societate très annos philosophiae
Romae. Magisterii. Docuit philosophiam et mathematicas annos octo». Le catalogus
secundus, Aquit. 9, III, fol. 62v.-63r., précise à la rubrique «profectus in literis» :
«maximam in philosophia et mathematica». A la rubrique «talentum» : «ad
mathematicas, ad philosophiam». Un doute subsiste cependant sur sa date de
naissance, puisque plusieurs dates sont proposées, selon les sources : 25 mars 1547
(ARSI, FL.-BELG. 9, fol. 248r.); 1 mars 1553 (ARSI, ROM. 53, fol. 66r.), en plus de
celle de Bordeaux.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 295

raisons sans doute religieuses29; entré dans l'ordre en 1571, il étudie


la philosophie pendant trois années à Rome30. A partir de Rome, il
est envoyé en France où sa présence est nettement identifiée,
comme je l'ai indiqué, à Tournon, entre 1577 et 1580, sans qu'il soit
possible pour l'heure de savoir ce qu'il a fait pendant les trois années
qui ont précédé son arrivée dans le Vivarais. Là il enseigne
philosophie et mathématiques, «pendant huit ans», précise le catalogue
de Bordeaux de 1584. En 1584-85, il poursuit à Rome des études de
théologie31, attestées aussi pour l'année 158632, où il est signalé en
troisième année; puis le catalogus primus d'octobre 1587 permet non
seulement de le localiser encore à Rome, mais aussi de confirmer
son rôle d'enseignant de mathématiques : «legit ter cursum (philo-
sophiae) et totidem annis etiam mathematicam»33. Après ses études
de théologie, il devient profès des 4 vœux à Coïmbra, le 6 octobre
159134. C'est le temps des années espagnoles : il est au collège anglais
de Valladolid en 159335. Puis à partir de 1595, Richard Gibbons passe
en Flandres36 où il se dédie à l'enseignement des mathématiques à
Louvain37. En 1611, il est mentionné dans le catalogue triennal de
Douai38 et c'est là qu'il meurt en 1632 39.

29 Sur la politique anglaise de la Compagnie, on trouvera une bibliographie


complète dans L. Polgar, Bibliographie sur l'histoire de la Compagnie de Jésus,
op. cit., vol. II, *, Rome, 1983, p. 252-258. On se reportera surtout à la synthèse de
T. M. Mac Coog, The Society of Jésus in Ireland, Scotland and England, 1541-1588.
«Our Way of Proceeding? » , Leyde-New York-Cologne, 1996, 316 p.
30 De fait, sa présence est enregistrée au noviciat de Rome le 1er septembre
1571 : ARSI, ROM. 169, fol. llr. De plus un catalogus primus postérieur indique
que ses études de philosophie ont duré trois ans (ARSI, ROM. 53, fol. 66r.) : on
peut donc en déduire qu'il a passé au moins les années 1571-1574 à Rome.
31 ARSI, ROM. 53, fol. 66v. et fol. 76v.
32 ARSI, ROM. 53, fol. 106r.
33 ARSI, ROM. 53, fol. 76v.
34 ARSI, LUS. 2, fol. 68r.; LUS. 44, I, fol. 47v.
35 ARSI, ANGL. 31/1, fol. 121r.
36 ARSI, FL.-BELG. 9, fol. 248r., fol. 285r., fol. 361v.; FL.-BELG. 43, fol. 59v.,
73v., 89r., 133r.
37 1598 : ARSI, FL-BELG 43, fol. 21r.; 1598 : ARSI, FL-BELG 43, fol. 33r.
38 ARSI, FL-BELG. 10, fol. 31r.-v. : «P. R. Gibbonus. Natus anno 1552, 25
martii. Viribus debilibus. Admissus ad Societatem Romae anno 1570. 1. sept, ante
ingressum Soc. studuit in patria et Lovaniis litteris et philosophia. Docuit in Soc.
Mathematicam, philosophiam in Gallia, Romae, in Lusitania idque per annos cir-
citer 24 continuos. Fuit minister, consultor, confessarius domesticus et praefec-
tus studiorum. Est Magister artium. factus est sacerdos Burdigaliae 1583. 17. dee.
Professus 4 votorum 1591. 6. octobris». Voir en outre, FL.-BELG. 10, fol. 199r.,
246r., 322r.; FL.-BELG. 43, fol. 187r., 219v., 247r., 331v.
39 ARSI, HIST. SOC. 43, fol. 196r. Voir, pour son activité editoriale, C. Som-
mervogel, op. cit., t. 3, col. 1404-1408; sur sa présence à Douai, P. Delattre dir.,
op. cit., vol. 2, col. 248.
296 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

De cette biographie retracée à grands traits, un fait


particulièrement intéressant émerge : Richard Gibbons a fréquenté le milieu du
Collegio Romano où il a passé au moins quatre années entre 1571 et
1585 et où s'est déroulée sa formation supérieure. C'est là qu'il a
personnellement connu Christoph Clavius. Cette situation de contact
avec le mathématicien du Collegio Romano constitue le premier cas
que j'ai pu identifier de relation directe entre milieux italien et
français. Or, de ce contact avec Clavius, les sources ont conservé
quelques précieuses traces. Si aucun témoignage ne subsiste de la
présence de Richard Gibbons auprès de Clavius, dans le cadre de
l'académie de mathématiques40, on peut cependant le déduire d'une
lettre de trente ans postérieure à cette période. Ecrite par R.
Gibbons en 1604, elle fournit la preuve irréfutable d'une
correspondance sinon abondante, du moins régulière et désigne un rapport de
type professionnel entre les deux hommes, caractéristique d'une
relation entre élève et maître.
Même si je n'ai pas écrit à V. R. depuis bien longtemps, je n'ai
rien non plus reçu d'elle; je ne vous oublie cependant pas ni ne vous
oublierai jamais avec l'aide de Dieu (...) Il y a une chose que je
souhaiterais ardemment savoir : à quel point en est votre œuvre
mathématique, ce que nous pouvons attendre, ce qui est en fin de compte
disponible, ce qui doit être édité. L'opuscule sur l'art de mesurer,
l'algèbre, d'autres que nous désirons ardemment (...) Saint-Omer, le
dernier jour d'août 160441.

40 Dans l'édition critique qui accompagne la correspondance de Clavius,


U. Baldini précise que Richard Gibbons est un des premiers étudiants connus de
l'académie de mathématiques du Collegio Romano : C. Clavius, Corrispondenza,
op. cit., vol. V, 2, p. 63. Parallèlement, dans le même ouvrage, il analyse cette
institution et fournit la liste des étudiants de cette académie : si le nom de Gibbons
n'y figure pas (Ibid., vol. I, 1, p. 85-89), en revanche, il est cité dans les pages
précédentes sans références (p. 74).
41 C. Clavius, Corrispondenza, vol. V, 1, p. 118 :
«Etsi multum iam temporis est, quod nihil scripsi ad R. V., nec ab ea quic-
quam accepi, non tamen id circo periit R.V.ae memoria apud me, sed neque peri-
bit aliquando Deo bene iuvante (...) Unum est quod vehmenter scire aveo, quo
loco sint mathematica vestra opera, quae possimus expectare, quae tandem edita,
quae vero edenda. De ratione mensurandi opusculum, Algebram, caetera, mirum
quam desideremus (...) Audomaropoli ultimo Augusti 1604».
Il convient de rappeler que la correspondance constitue une des pratiques
privilégiées de la circulation de l'information dans cette période, au cœur de la
République des Lettres. Voir sur cette question A. Johns, «The Idéal of Scientific
Collaboration : the «Man of Science» and the Diffusion of Knowledge», dans
Commercium Litterarium. La communication dans la République des Lettres,
1600-1750, Amsterdam et Maarsen, 1994, p. 3-22. A propos de leur importance,
notamment pour l'histoire des sciences, il existe actuellement peu de travaux
disponibles, même si un effort considérable de publication a été récemment
accompli dans ce domaine, tout particulièrement en Italie. Le problème général a
pourtant fait l'objet d'un colloque en 1975. Voir Les correspondances. Leur impor-
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 297

Ces quelques extraits confirment que non seulement les deux


hommes se connaissaient mais qu'en outre ils s'écrivaient depuis
longtemps, malgré le caractère cosmopolite de la carrière du
Britannique et sa grande mobilité. D'autre part, alors que les
responsabilités de Richard Gibbons au sein de la Compagnie ont davantage été
d'ordre théologique42 et administratif, le fait qu'en 1604 il soit le
recteur du collège de Saint-Omer, où étaient formés les missionnaires
pour l'Angleterre43, ne l'empêche pas de s'intéresser aux
mathématiques. De ces quelques éléments, il paraît possible de déduire que la
compétence mathématique acquise par l'Anglais, et souvent mise à
contribution dans son activité professorale au sein de la Compagnie,
résulte de la formation dispensée par Clavius. On peut donc
reconnaître en lui le premier jésuite «spécialiste» de mathématiques
envoyé dans les provinces françaises pour répondre à une demande
spécifique, correspondant aux conditions de fondation du nouveau
collège de Tournon. Certes, dès avant son arrivée, une leçon de
mathématiques était dispensée par le professeur de philosophie, sans
doute le moins inapte à en assurer la charge. Mais, l'arrivée du
nouveau professeur modifie quelque peu la situation, dans le sens d'une
professionnalisation accrue, respectueuse du contrat de fondation
du collège.
De fait, si les lacunes des sources ne permettent pas de mieux
connaître le personnage, cette esquisse biographique dessine à gros
traits un personnage dont l'activité, au sein de la Compagnie, s'est
ancrée sur une compétence et une spécialisation, l'enseignement des
mathématiques, même si de cette activité il ne reste aucune trace

tance pour l'historien des sciences et de la philosophie. Problèmes de leur édition.


Journées de Chantilly, 5-7 mai 1975, Revue de synthèse, vol. 81-82, 1976/1. On se
reportera, en guise d'introduction à la problématique, à R. Taton, «Le rôle et
l'importance des correspondances scientifiques aux XVIIe et XVIIIe siècles», op. cit.,
p. 7-22. R. Taton rappelle notamment, p. 8-9 : «Si, à partir du milieu du XVe
siècle, l'essor rapide de l'imprimerie a permis une diffusion beaucoup plus large
des textes et entraîné la naissance d'une véritable «civilisation du livre», il n'en
demeure pas moins que jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, - et d'une manière plus
limitée jusqu'à nos jours -, les correpondances ont constitué un moyen privilégié
d'échange d'informations scientifiques très vivantes. Malgré les difficultés de
transmission, les lettres ont ainsi suppléé pendant longtemps l'absence de
moyens commodes et rapides de diffusion des nouvelles scientifiques, tels que
seront les journaux et les revues. L'importance de ces documents épistolaires est
renforcée par le fait qu'ils apportent très souvent sur la genèse, les motivations et
les aléas de la découverte scientifique, des renseignements beaucoup plus directs,
précis et spontanés que les ouvrages imprimés où les circonstances de la création
se trouvent en général sinon dissimulées, du moins mal précisées». On ne peut, à
vingt ans de distance, qu'adhérer aux propos de R. Taton.
42 Voir C. Sommervogel, op. cit., t. 3, col. 1204-1208.
43 M. -M. Compère et D. Julia, Les collèges français..., op. cit.', t. 2 : La France
du Nord et de l'Ouest, p. 639-642.
298 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

écrite en dehors des mentions superficielles des catalogues et du


témoignage épistolaire. R. Gibbons relèverait ainsi de cette catégorie,
si importante pour cette période, des premiers professeurs de
mathématiques de la Compagnie que Clavius appelle de tous ses vœux.
Cet exemple français permettrait de prouver qu'au-delà des
hésitations jésuites devant le projet de Clavius, l'idée a dans son ensemble
été mise en pratique avant même de recevoir une reconnaissance
officielle. Par là même Tournon apparaît comme le premier centre
français d'enseignement de cette discipline, sans qu'il soit possible
d'évaluer l'impact scientifique provoqué par la présence de Richard
Gibbons. Une chose est donc acquise : c'est un élève de Clavius qui
pose, en France, les fondements d'une activité d'enseignement
mathématique, sans doute dans la continuité de la tradition inaugurée
à Rome. Si cette hypothèse est acceptée, elle permet d'avancer de
vingt-cinq années, par rapport aux dates traditionnellement
retenues, la pratique d'un enseignement des mathématiques à Tour-
non44.
Or, il semble bien qu'on puisse y voir le premier volet d'une
politique inscrite dans le long terme : s'il n'est pas possible de dire avec
exactitude en quelle année Richard Gibbons quitte Tournon45,
l'analyse des catalogues et des rapports d'activité du collège dans la
décennie suivante permet d'affirmer que l'enseignement
mathématique a été poursuivi après le départ du jésuite anglais. A partir de
1580, arrive dans l'établissement un autre Britannique, John Hay
(Ioannis Hayus). De la même génération que Richard Gibbons, John
Hay est un Ecossais de Delgaty46. Sa première mission en France
date de 157547 : une lettre adressée au général signale l'arrivée de
John Hay, depuis la Pologne. Il passe les trois années scolaires
suivantes à enseigner logique, physique et métaphysique à Pont-à-

44 1604 est la date retenue par F. de Dainville et de K. A. F. Fischer. S'ap-


puyant sur les seuls catalogues des personnels, leurs listes manquent ce type de
réalité, l'un et l'autre signalant le premier occupant de la chaire de
mathématiques : F. de Dainville, L'éducation des jésuites..., op. cit., p. 346; K. A. F.
Fischer, art. cit., p. 65.
45 Les sources laissent subsister le doute entre 1580 et 1583.
46 C. Sommervogel, op. cit., t. 4, col. 161-166; on trouvera dans J.-M. Prat,
Recherches historiques et critiques sur la Compagnie de Jésus en France du temps du
P. Coton, Paris, 1876, vol. 1, p. 109-115, une biographie détaillée sur John Hay,
professeur de Pierre Coton à Lyon.
47 L. Carrez, Catalogi sociorum et offìciorum Provinciae Campaniae SJ ab
anno 1616 ad annum 1662. Vol. Primum : Documenta praevia. status quidam eorum
Provinciae Franciae domicïliorum quae deinde ad Provinciam Campaniam trans-
missa sunt, ab anno 1564 ad annum 1616, Châlons, 1897, p. 32 : « Venit ex Polonia
M. Ioannes Hayus, est Mussipontini, ubi mense octobri cum Dei gratiam incipiet
curriculum philosophiae».
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 299

Mousson48. En 1580, sa présence à Paris est attestée par une lettre du


général49. Lorsqu'il réapparaît sur les catalogues, c'est à Tournon en
1584:
P. John Hay, Ecossais, du diocèse d'Aberdeen, 38 ans. Malade
mais courageux. Admis à Rome le 24 janvier 1566. A fait ses études de
philosophie à Aberdeen et à Louvain en dehors de la Société, mais ses
études de théologie à Rome, dans la Société. A été fait maître es arts à
Louvain, en dehors de la Société, en 1565. A enseigné la philosophie à
Pont-à-Mousson et Bordeaux, la Sphère à Paris, la théologie, les cas
de conscience et les mathématiques à Tournon 4 ans50.
La richesse du catalogue triennal permet de combler une partie
des lacunes dues à la disparition des catalogues annuels. Ainsi, John
Hay est arrivé à Tournon en 1580, sans doute pour la nouvelle année
scolaire. C'est dire que, par rapport à Richard Gibbons, dans
l'hypothèse la plus minimaliste, les deux hommes se sont succédés et, dans
la plus optimiste, ils ont été confrères pendant trois ans. Puis, sa
présence dans la capitale du Vivarais est attestée jusqu'en 159251.
Comme de nombreux jésuites de sa génération, John Hay a fait
une partie de ses études en dehors de la Compagnie : les sources
signalent sa formation philosophique à l'Université de Louvain où, en
1565, il est devenu magister artium. Les cours professés par les
jésuites dans cette université peuvent avoir déterminé la vocation de
Jean Hay, comme il a pu être attiré vers les jésuites par la mission
vers l'Angleterre ou les Exercices spirituels... Sans doute aussi
l'adhésion à l'ordre de son oncle, Edmond Hay, en 1563, l'a-t-elle incité
à rejoindre la jeune Compagnie. Par-delà les conjectures, le voyage à
Rome, pour assurer sa formation théologique, constitue un point
commun avec Richard Gibbons52. Entre 1566 et 1568, il se trouve au

48Ibid., p. 32 : en 1576-77, il est lecteur de logique; en 1577-78, il est lecteur


de physique. Lors de la visite de Maldonat, en septembre 1578, John Hay a quitté
l'établissement mussipontain.
49 ARSI, FRANC. 1, fol. 68r.
50 ARSI, LUGD. 12, fol. 17v. :
«P. Ioanis Hayus, Scotus, diocesis Abirdonense, annos 38. Valetudinarius
sed animosus, Admissus Romae 24 janu. 1566. Studuit Abirdoniis et Lovanii Phi-
losophiae extra Soc. Romae vero Theol. in Soc. Magister Artium Lovanii creatus
est extra Soc. 1565. Docuit philosophiam Mussiponti et Burdigalei, Spheram Pa-
risiis, Theol. casus Consc. et Mathem. Turn. 4 annos».
51 Références ARSI : janvier 1587, LUGD. 13, fol. lv.; juillet 1587, GAL. 92,
fol. 348r.; janvier 1588, LUGD. 13, fol. 3r.; janvier 1589, LUGD. 13, fol. 5r.; 1590,
LUGD. 13, fol. 7r.; 1592, LUGD. 13, fol. 9r.
52 Sur la politique anglaise de la Compagnie à Rome, voir supra. Le parallèle
est à établir avec sa politique germanique, dont la pièce maîtresse est la création
du Collège Germanique, à Rome. Sur cette fondation, voir P. Tacchi Venturi, op.
cit., vol. II, 2, Rome, 1951, p. 385-393; M. Scaduto, op. cit., vol. IV, 2, p. 325-333;
Id., ibid., vol. 5 : L'opera di Francesco Borgia (1565-1572), Rome, 1992, p. 186-190;
300 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Collegio Romano et les recherches récentes sur Clavius ont attesté


sa présence conjointe aux cours de théologie et à ceux de Clavius53.
Comme dans le cas de Gibbons, mais avec quelques années
d'avance, Hay bénéficie des cours dispensés à l'Académie de
mathématiques54. Lorsqu'il entame sa carrière d'enseignant, John Hay est
d'abord envoyé à Vilnius55, où, professeur de rhétorique puis de
philosophie, il poursuit sa formation, en lisant la logique de Toledo et la
première version du commentaire de la sphère publié par Clavius en
157056. Ces lectures furent-elles à la base de son cours, donné à
Paris, en 1579-1580? La chose semble évidente, même si aucune source
ne permet de l'attester. Ces quelques indices constituent, en tout état
de cause, de précieux indicateurs de la culture d'un maître de
philosophie jésuite dans le dernier quart du XVIe siècle, nourri de la
lecture de Francisco de Toledo, celui qui avait eu pour maître Domingo
de Soto, et des références astronomique du futur grand
mathématicien de la Compagnie.
Ainsi, depuis 1580, se trouve à Tournon un homme susceptible
de prendre le relais de Richard Gibbons et d'y pratiquer les mathé-

F. C. Cesareo, «The Collegium Germanicum and the Ignatian Vision of


Education», Sixteenth Century Journal, vol. 24, 1993/4, p. 829-841.
53 Sa date d'entrée dans la Compagnie est précisément le 24 janvier : ARSI,
ROM. 169, fol. 7r.
54 C. Clavius, Corrispondenza, op. cit., vol. I, 2, p. 59-60.
55 Voir L. Lukacs, Catalogi personarum et officiorum provinciae Austriae S.I.,
t. 1 (1551-1600), Rome, 1978, p. 687.
56 Cette pratique est documentée grâce à une lettre du général, adressée au
jeune professeur encore en poste à Vilnius : celui-ci répond à une demande faite
par John Hay, souhaitant se procurer les livres de Toledo et Clavius. Le général
répond en ces termes, ARSI, AUSTR. 1, fol. 22r. :
«Nihil est quod respondeam literis R.I. 24 junii et is Augusti superiore anno
datis nisi quod ea mihi pregratae fuerunt, intelligenti de fructu quem Dominus
per ministeria mirum percepit. Libros P. Toleti e spheram P. Clavii poterit T. R.
petere a P. Provinciali qui etiam dedi Agnis Dei fratribus nostris ut è re futurum
indicaverit distribuendos. Intérim (...) bono animo sit, et per virtutem solidarum
gradum ad veriorem philosophiam in dies (v.) ascendat, ut in animis nostrorum
scholasticorum cum liberum studiis semina potissimum pietatis iaciantur. Ego
me tuis orationibus et sanctis sacrificis valde comendo. Romae 20 februarii
1574».
Cette lettre présente de nombreux intérêts, car elle met concrètement en
évidence les modalités de transmission de la culture jésuite : elle souligne d'une part
que l'accès aux livres reste un phénomène contrôlé, y compris pour ceux écrits
par les propres membres de la Compagnie. Elle révèle d'autre part la lenteur des
processus de diffusion : le commentaire de la Sphère de Sacrobosco, rédigé par
Clavius a connu une première édition en 1570 : quatre ans plus tard, John Hay
n'obtient que l'autorisation de lire l'ouvrage. On remarquera enfin qu'à cette date,
il ne semble pas y avoir de relation directe entre les deux hommes, puisque
l'Ecossais ne s'adresse pas directement au professeur du Collegio Romano, comme
il le fera ultérieurement, pour obtenir son ouvrage.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 301

matiques pendant toute la décennie, comme il l'avait fait plus


ponctuellement à Pont-à-Mousson, Bordeaux et Paris, depuis son retour
de Vilnius. Certes, les catalogues de Tournon ne retiennent pas
systématiquement John Hay pour son activité de professeur de
mathématiques; pour 1584, différents témoignages sont disponibles, mais
l'absence du catalogus brevis rend toute certitude impossible. Le
compte-rendu de visite effectué par A. Voisin indique qu'«en plus
d'une classe de théologie, le collège a trois classes de philosophie,
dans l'une d'elles, on enseigne les mathématiques»57. C'est
exactement la même formule qui est utilisée dans le catalogus primus5*,
dans lequel figurent ensuite deux noms de jésuites qui se distinguent
pour avoir enseigné les mathématiques, Jean Balmès59 et John
Hay60. Si un doute devait subsister sur l'attribution de cet
enseignement à l'un ou l'autre des deux personnages, il serait définitivement
balayé par le catalogus primus de 1587. Sur celui-ci, Jean Balmès a
disparu puisqu'il se trouve à Lyon61 et la formule qui décrit les
activités de John Hay est exactement la même que celle du catalogue
précédent : «Docuit philosophiam Mussiponti et Burdigalae, sphaeram
Parisii, Theol. casus consc. et Mathem. Turn. 7 annos». Ceci
manifeste à l'évidence une continuité dans les fonctions assignées à
John Hay depuis 1580 : le cours de théologie et celui de
mathématiques. Le même type de raisonnement appliqué au catalogus primus
de 1590 permet d'aboutir aux mêmes conclusions, ce qui justifie
l'idée d'une tradition mathématique inaugurée précocement à Tour-
non et maintenue depuis la fin des années 1570.

L'essor en France de l'école de Clavius


Par-delà le passage à Rome et l'apprentissage direct auprès de
Clavius, la comparaison entre John Hay et Richard Gibbons se
nourrit d'autres éléments : leurs deux destinées postérieures
s'apparentent aussi par leur caractère cosmopolite. Ce n'est du reste pas un
hasard si les deux hommes se côtoieront au début du XVIIe siècle à
Douai62.

57 ARSI, LUGD. 18, 1, fol. lr. : «Praeter unam lectionem theologiae habet très
classes philosophiae in quarum una docentur Mathematicae disciplinae...».
58 ARSI, LUGD. 12, fol. 1 v.
59 ARSI, LUGD. 12, fol. 17v. A cette date, il a 51 ans et souffre sans doute de
sérieux problèmes de santé. Il est signalé pour avoir enseigné les
mathématiques : «Docuit in inferioribus classibus, casus conscientiae, mathematicas»;
mais, il est plus probable qu'à cette date, il n'exerce plus que des fonctions
purement administratives : «minister 3 annos, cancellarius Turnoni».
60 ARSI, LUGD. 12, fol. 17v. : «Docuit philosophiam Mussiponti et
Burdigalae, sphaeram Parisii, Theol. casus consc. et Mathem. Turn. 4 annos».
61 ARSI, LUGD. 18, I, fol. 6r.
62 En l'état actuel de la bibliographie, il n'existe pas de synthèse intéressante
302 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Pour l'un comme pour l'autre, le travail mathématique n'a


débouché sur aucune production : en quoi ils ne gravitent pas au cœur
du «noyau dur» de l'académie de mathématiques. Mais, de ce point
de vue encore, la comparaison entre les deux hommes s'impose : les
deux Britanniques maintiennent la relation avec Rome, par le biais
de la correspondance avec Clavius. De celle de John Hay avec le
maître, quatre lettres seulement nous sont parvenues, qui
complètent les informations laissées par les archives
administratives, même si elles ne datent pas de la période de Tournon63. Elles
couvrent une période tardive et brève par rapport à notre propos, de
1603 à 1607. Mais les informations qu'elles recèlent permettent de
mieux identifier la nature de la relation qui s'est progressivement
établie entre les deux hommes. Il ne peut s'agir, et c'est regrettable,
que des rares pièces conservées d'un échange épistolaire sans doute
plus étalé dans le temps, ce qu'indique assez clairement la première
lettre, datée du 7 février 1603 : l'absence d'un préambule particulier
et le ton direct soulignent une certaine habitude de l'échange entre
les deux hommes. De même, dans la seconde lettre, du 15 avril 1605,
est confirmé le caractère très ancien de la relation entre les deux
hommes : d'une part John Hay précise qu'il a adressé à Clavius de
nombreuses lettres restées sans réponses64 et d'autre part, il rappelle
l'ancienneté de leurs relations : «Lorsque j'habitais à Tournon, V. R.
me communiquait ses livres»65. Ainsi, voilà la preuve que non
seulement l'échange épistolaire remonte aux années 1580, mais que,
professeur à Tournon, John Hay se dédiait activement aux
mathématiques dans le sillage de Clavius.
C'est surtout l'objet de cette correspondance qui nous intéresse :
John Hay répond, dans la première lettre, à une demande formulée
par Clavius. «De la lettre que m'a transmise le R. P. Malcoete ce 12
janvier, je comprends que V. R. souhaite savoir si M. Coignet a enfin
édité ses Theoricae Planetarum»66. Ainsi, John Hay informe Clavius

sur l'établissement de Douai : une monographie sur le collège d'Anchin


éclairerait assurément le rôle joué par cet établissement dans la formation des
missionnaires destinés à l'Angleterre : pour une notice introductive, P. Delattre dir., op.
cit., vol. 2, col. 173-251; M. -M. Compère et D. Julia, Les collèges..., op. cit., t. 2,
p. 261-268.
63 C. Clavius, Corrispondenza, op. cit., vol. V, 1, p. 73 et 152-153; vol. VI, 1,
p. 53-54 et 62-63.
64 C. Clavius, Corrispondenza, op. cit., vol. V, 1, p. 152 : «J'ai très souvent écrit
à V. R. mais vous n'avez rien répondu depuis déjà quelques années».
65 Ibid. : « Cum Turnoni habitarem, R.a V. mecum libros suos communica-
bat...».
66 Ibid., p. 73 : «Ex litteris R.P. Malcotii ad me datis 12. Ianuarii intellexi
R.V. scire velie num M. Coignetus ediderit suas Theoricas Planetarum...».
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 303

des nouveautés éditoriales de la province belge, répondant en cela à


une demande formulée par ce dernier. Il est tout à fait significatif de
constater que c'est par l'intermédiaire d'Odon de Maelcote que
s'opère l'échange, c'est-à-dire par le biais d'un des plus proches élèves
de Clavius, lui-même d'origine belge et, dans ces années, professeur
de mathématiques au Collegio Romano aux côtés de Christoph
Grienberger67. La mention de cet intermédiaire suggère l'existence
d'une relation directe, sans doute de caractère scientifique, entre
l'Ecossais et le Belge. La possibilité en est d'autant plus forte que non
seulement Maelcote a fait sa formation dans les grands collèges de
la province flandro-belge, mais qu'en outre il y retourne
régulièrement dans les premières décennies du XVIIe siècle68.
L'évocation des Theoricae Planetarum de M. Coignet, professeur
à Anvers69, révèle à la fois le souci de Clavius de suivre l'édition
scientifique contemporaine et les modalités concrètes de circulation
de l'information au sein de la Compagnie. L'attente de la parution de
ce texte fait l'objet de différentes allusions à travers les quatre
lettres : dans la seconde, John Hay évoque la peste d'Anvers qui a
contraint M. Coignet à quitter la ville70; puis il parle de ses propres
relations scientifiques avec le professeur belge.
Le maintien de contacts épistolaires avec d'anciens élèves qui
enseignent en différentes parties de l'Europe constitue clairement
l'un des modes d'élaboration de l'identité jésuite. Il éclaire le
processus de centralisation romaine, de production et de circulation,
processus qui ne concerne pas spécifiquement les aspects
scientifiques71. Dès la fondation, en effet, Ignace a assigné un rôle explicite
à la correspondance entre les compagnons pour maintenir l'union
du corps dispersé72 : l'échange épistolaire permet de maintenir
Rome dans une situation centrale, mais susceptible de prendre en
compte la pluralité de l'expérience. C'est aussi ce qui est en jeu dans
les lettres entre Clavius et ses élèves.
Assurément, dans cette économie de l'échange les rapports ne

67 Sur Odon de Maelcote, voir les travaux d'U. Baldini, ad nominem.


68 La troisième et la quatrième lettre font, quant à elles, allusion à Christoph
Grienberger, renforçant ainsi l'hypothèse d'une correspondance scientifique
entre la périphérie et l'équipe du Collegio Romano.
69 Signalé dans le DSB, vol. 5, p. 382a, pour avoir été, à Anvers, le professeur
de Mario Ghetaldi.
70 C. Clavius, Corrispondenza, op. cit., vol. V, 1, p. 152.
71 Dans la lettre de mars 1607, John Hay décrit aussi des instruments qu'il a
pu observer récemment : une sphère armillaire et un astrolabe dont il précise le
fonctionnement : Ibid, vol. VI,1, p. 53.
72 Voir les remarques de L. Giard, «La constitution du système éducatif
jésuite», art. cit., et notamment p. 140 et suivantes.
304 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

demeurent pas unilatéraux : profitant d'une de ses missives, John


Hay demande à Clavius où en est son propre projet d'édition d'un
ouvrage d'arithmétique, annoncé depuis la parution de l'Epitome
arithmeticae practicae (1583). Ailleurs, il explique de quelle manière
il s'est procuré les derniers ouvrages de Clavius, fournissant ainsi
quelques information intéressantes à l'historien du livre73. Dans
d'autres lettres74, il fait allusion à la parution d'autres travaux de
Clavius, son livre sur le calendrier de 160375 ou sur la géométrie
pratique de 160476.
L'aspect sans doute le plus intéressant de ces lettres réside dans
la culture mathématique qu'elle suppose de la part de J. Hay :
Fasse le Ciel que V. R. édite sa grande arithmétique, promise
depuis tant d'années, pour qu'au moins on puisse adapter les
démonstrations du livre 10 d'Euclide aux nombres. Car on ne trouve pas Sti-
fel chez les libraires et l'homme est verbeux...77.
Un thème assurément récurrent de ces lettres est bien celui de
l'arithmétique, qu'il évoque à travers ses dernières lectures et en
développant quelques réflexions au sujet des besoins en matière
editoriale :
J'ai lu différents ouvrages d'arithmétique, dont aucun jusqu'à
présent ne m'a plu, Guillaume Gosselin, qui n'est pas un
mathématicien ignorant, a bien tenté quelque chose, que la mort ne lui a pas
permis d'achever. Bernard Salignac recommande chaleureusement
Balthasar Gerlach (...) comme un grand algébriste, mais ce Balthazar
a seulement écrit en allemand. S'il existait une édition complète des
œuvres de Diophante, on disposerait alors d'une aide précieuse pour
comprendre parfaitement toute l'arithmétique78.

73 C. Clavius, Corrispondenza, op. cit., vol. V, 1, p. 153 : «A l'exception de


votre sphère et de votre arithmétique, aucun autre de vos livres ne se trouve à
acheter en Belgique», écrit-il d'Anvers en 1605. On trouve aussi certaines
informations sur l'histoire de l'édition étrangère des textes de Clavius : la lettre de
septembre 1607 parle d'une édition allemande du commentaire d'Euclide. Il pourrait
donc aussi bien s'agir de l'édition de Francfort que de celle de Cologne.
74 C. Clavius, Corripondenza, op. cit., vol. V, 1, p. 153.
75 Romani Calendarii a Gregorio XIII P. M. restituti..., Rome, 1603.
76 Geometria practica..., Rome 1604.
77 C. Clavius, Corrispondenza, op. cit., vol. V, 1, p. 73 : «Utinam R.a V. ederet
magnam suam Arithmeticam multis ab hinc annis promissam, saltem dignetur
accommodare demonstrationes lib. 10 Euclidis ad Numéros, Nam Stifelius non
reperi tur apud Bibliopolas, et homo est verbosus...».
78 Ibid., «Legi aliquot Algebras quarum nulla mihi hactenus placuit, Guiliel-
mus Gosselinus non indoctus mathematicus aliquid tentavit, quod morte preven-
tus non perficit. Bernardus Salignacus vehementer commendat quendam Baltha-
zarum Gerlachum (...) tanquam summum Algebristam, at Germanicae tantum
scripsit hic Balthazarus. Si Diophanti opera extarent perfecta, magnum habere-
mus adiumentum ad perfectam totius Arithmeticae intelligentiam».
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 305

Dans les années qui suivent, il reprend ce thème, faisant de


nouveau allusion à ses lectures :
Quant à moi, j'ai regardé quelques uns des livres de Tartaglia,
que vous omettez de mentionner dans votre commentaire d'Euclide
(je n'en ai pas vu la dernière édition), ce qui m'a réellement étonné.
(...) J'ai regardé Nunès, Tartaglia, Gosselin, Stifel, Salignac, Scheu-
bel, Peletier et d'autres. De tous, c'est Stifel qui m'a paru le meilleur,
mais il écrit tout sans ordre et il a besoin d'un traducteur...79.
Lorsque deux ans plus tard, alors qu'il se trouve en Lorraine,
John Hay parle à nouveau de ses préoccupations, elles sont toujours
d'ordre arithmétique : il les partage avec un personnage que je ne
suis pas parvenue à identifier, Ioannes Baptista de Stabulis,
présenté comme mathématicien du Duc de Lorraine, mais aussi avec
M. Coignet et Adrien van Roomen80.
L'intérêt de ces lettres est multiple : au moment où John Hay
écrit à Clavius, il ne remplit pas officiellement la fonction de
professeur de mathématiques. Les catalogues l'identifient comme
théologien à partir de son arrivée à Lyon en 1590, ce qui du reste est
représentatif de sa production écrite81. Or le contenu même de cette
lettre, le niveau critique de sa réflexion le désignent comme
compétent dans le domaine mathématique et, particulièrement dans
un des champs les plus en pointe de cette discipline, l'arithmétique.
Ceci soulève donc un problème d'ordre institutionnel : dans quel
cadre John Hay se dédie-t-il aux mathématiques? Dans une sphère
uniquement privée, ce qui coïnciderait mal avec son statut
d'interlocuteur de Clavius et avec l'attention qu'il porte à ces différentes
questions. Dans le cadre d'un enseignement de mathématiques pris
en charge privatimi A ce stade de l'analyse, il est nécessaire de
différer une réponse même hypothétique : il faudra, à partir du contexte
mussipontain dans lequel John Hay évolue dans la première
décennie du XVIIe siècle, reprendre ces premiers éléments d'analyse.
D'autre part, ses lectures, françaises et allemandes, soulignent
une grande autonomie de réflexion : par rapport aux clivages reli-

79 Ibid., vol. V, 1, p. 153 : «Ego vidi opera aliqua Tartaglia, cuius R.a V. in
commentariis suis in Euclidem (ultimam editionem non vidi) non meminit, quod
sane mihi videtur permirum (...) Vidi Nonnium, Tartagliam, Gosselinum, Stife-
lium, Salignacum, Scheubelium, Peletarium et alios. Omnium optimus videtur
Stifelius, verum sine ordine omnia scribit, et interprete indiget...».
80 Ibid., vol. VI, 1, p. 63.
81 On citera par exemple les Disputationum libri duo, in quibus calumniae et
captiones Ministri Anonymi Nemausensiscontra Assertiones Theologicas et philo-
sophicas in Academia Turnoni anno MDLXXXXII propositas discutiuntur ,
publiées à Lyon en 1594, ou l'Antimoine aux responses que Théodore de Beze faict a
trente sept demandes de deux cents et six proposées aux ministres d'Ecosse, éditées
à Tournon en 1598.
306 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

gieux, puisque le jésuite lit les catholiques et les protestants


indifféremment; par rapport aux préoccupations romaines, car si
l'arithmétique se trouve au cœur de sa réflexion, tel n'est clairement pas le
cas de Clavius qui, après le texte de 1583, n'est toujours pas parvenu
à reprendre ce travail. Malgré l'insistance de Hay, ou d'autres
correspondants, l'Algèbre de Clavius ne paraît qu'en 1608, vingt-cinq ans
après l'Epitome.
Michel Stifel82, Guillaume Gosselin83, Bernard Salignac84, Bal-
thasar Gerlach85, même s'ils apparaissent comme des figures
mineures de la science mathématique du premier XVIIe siècle,
correspondent à un souci de connaissance, d'ajournement de sa culture et
de réflexion qu'aucune des lettres de John Hay ne dément. En plus
de ceux-ci, des auteurs beaucoup plus importants sont cités par le
professeur de théologie : le Portugais Pedro Nunès, le Français
Jacques Peletier, l'Italien Tartaglia86 ou l'allemand Jean Scheubel87.
Ceux-ci appartiennent à une catégorie d'hommes d'une autre stature
qui ne s'inscrivent pas systématiquement dans la culture
mathématique du Collegio Romano : nous montrerons ultérieurement que
certains de ces auteurs ne rentrent que marginalement dans le cadre
des références de Clavius88, ce qui permet de caractériser la
spécificité de la culture mathématique du professeur écossais, relevant de
réseaux d'échanges différents de ceux organisés autour de Rome.

82 M. Stifel, Arithmetica integra, cum praefatione Ph. Melanchtonis ,


Nuremberg, 1544. Voir DSB, vol. 13, p. 58-62. Voir J. E. Hofmann, «Michael Stifel
(1487P-1576). Leben, werken und Bedeutung fur die Mathematik seiner Zeit», Su-
dhoffs Archiv Vierteljahrsschrift fur Geschichte der Medizin und der Naturwissens-
chaften der Pharmazie und der Mathematik, vol. 9, Wiessbaden, 1968, 42 p.
83 G. C. Cifoletti, Mathematics et Rhetoric..., op. cit.
84 Bernardi Salignaci Burdegalensis Arithmeticae libri duo et algebra totidem
cum demonstrationibus..., op. cit.
85 Le recours aux instruments biographiques traditionnels ne m'a pas permis
d'identifier cet homme.
86 Voir DSB, vol. 13, p. 258-262; Quarto centenario della morte di Niccolo
Tartaglia. Convegno di storia delle matematiche, 30-31 magio 1959, a cura di M. Ma-
sotti, Brescia, 1962, 174 p.
87 Sur Scheubel, il n'existe pas de biographie spécifique.
88 II suffit de comparer cette liste à celle proposée par A. Possevino dans le
livre XV de la Bibliotheca selecta : ni Jean Scheubel, ni Jacques Peletier n'y
figurent : A. Possevino, Bibliotheca selecta..., op. cit., p. 256. En revanche, il faut
souligner les points communs avec Antoine Jordin, dont le cours est
contemporain de ces lettres. On trouve, dans les deux cas, la même volonté de suivre les
évolutions les plus récentes de la discipline. Mais, chez J. Hay, le niveau
d'approfondissement des connaissances est supérieur, comme l'indiquent les références
à Scheubel et à l'école italienne, avec Tartaglia.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 307

Bilan des premiers efforts de spécialisation


Après cette réflexion sur les hommes, leurs activités
personnelles et leurs centres d'intérêt dans le champ des mathématiques, il
convient de s'interroger sur les résultats concrets de cette entreprise
mathématique tournonaise. Si le passage de Richard Gibbons en
France, et principalement à Tournon, aura été trop rapide pour
laisser des traces décisives, celui de John Hay paraît en revanche plus
déterminant. L'un et l'autre, après avoir été formés, ont formé à leur
tour et c'était sans doute leur mission : leur rapport aux
mathématiques, qui n'a jamais été leur unique centre d'intérêt, a été plus
nettement de transmission que de recherche89. Ainsi, de l'expérience du
Vivarais, reste au moins une carrière de professeur de
mathématiques, qui invite à tisser prudemment une chaîne de filiations.
Dans le groupe des étudiants de la Compagnie qui ont suivi le
cursus de philosophie et théologie à Tournon dans ces années, il est
possible d'identifier un jeune jésuite dont l'activité mathématique
s'est poursuivie au-delà de sa formation. Certes, avec l'exemple de
Jean Falquestein, on bute de nouveau sur les silences des sources
administratives, mais les bribes d'informations puisées dans les
catalogues aboutissent à un résultat clair : lorrain d'origine, né à
Moyenvic en 1560, - une génération le sépare donc de l'Ecossais -,
entré dans la Compagnie en 1579, c'est en son sein qu'il fait ses
études de rhétorique, puis de philosophie, enfin de théologie90.
Différents registres le signalent occupant des tâches administratives
diverses à la fin du siècle, avant de le signaler à Pont-à-Mousson à
partir de 1606 où il enseigne les mathématiques, au moins
officiellement, en 1610-1611.
C'est donc au sein de la Compagnie, et dans un collège français,
que Jean Falquestein a opéré sa formation mathématique. En effet,
les registres le signalent à Tournon comme étudiant en philosophie
en 1587, logique en 1588, physique en 1589 et théologie en 1590.
L'année suivante, il va poursuivre sa théologie à Lyon, alors que
John Hay, qui a été son professeur à Tournon, y est lui-même
envoyé pour l'enseigner. Il paraît donc possible d'identifier John Hay
comme le professeur de philosophie puis de théologie du jeune
Lorrain. On peut alors le considérer comme son maître pour les
mathématiques. Si cette première série de faits met clairement en évidence

89 On se souviendra de l'anecdote du travestissement de J. Hay, dans les


années mussipontaines, pour aller controverser avec les protestants de Strasbourg.
De même la liste de leurs publications respectives est tout-à-fait significative de
cette dualité.
90 Sur Jean Falquestein (1560-1637), voir L. Carrez, Catalogus..., op. cit., ad
nominem. Voir, en annexe, la reconstitution de sa carrière. On trouvera en outre,
p. 309, une carte qui permet de suivre son évolution dans l'espace jésuite français.
308 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

l'influence de l'Ecossais, les résultats peuvent paraître maigres. Ici


encore, Falquestein n'a laissé aucune trace d'une quelconque activité
dans ce domaine, pendant les vingt années écoulées entre le départ
de John Hay de Lyon, en 1591, et les cours de mathématiques de
Pont-à-Mousson en 1610, ce qui pourrait suggérer le caractère
accidentel de la charge. Pourtant, c'est encore Clavius qui porte une
lumière différente sur le personnage, puisqu'une lettre, datée de 1594,
et signée par Jean Falquestein, figure dans la correspondance du
mathématicien romain.
Elle y fait mention d'un astrolabe que Falquestein eut l'occasion
d'observer lors d'un de ses voyages, et dont il décrit minutieusement
le fonctionnement et les avantages du point de vue de la fabrication.
Cette lettre semble donc désigner un homme qui goûte
suffisamment les mathématiques pour en faire une activité parallèle à ses
diverses fonctions, d'autant plus que, comme il le précise lui-même
dans cette unique lettre conservée, son goût pour cette discipline est
antérieur à son entrée dans la Compagnie91. En arrivant à Pont-à-
Mousson dans les premières années du XVIIe siècle, en y retrouvant
son professeur John Hay, Falquestein, nous le montrerons, renoue
avec un milieu de mathématiciens jésuites.
Ainsi, si le collège fondé par le Cardinal François de Tournon n'a
pas produit dans les premières années du XVIIe siècle des jésuites
scientifiques de premier plan, - sans doute cette mission était-elle
destinée à la seule académie de mathématiques du Collegio Romano
-, il a été l'un des maillons du réseau de diffusion, à l'échelle
européenne, d'une science élaborée par Clavius et son école et mise au
service d'une stratégie institutionnelle déployée par le centre romain
en coordination avec les responsables provinciaux. Aussi est-ce
peut-être dans cette précocité tournonaise que s'est ancrée une
tradition scientifique provençale, éclose au XVIIe siècle92. Après le
départ de John Hay, la pratique inaugurée par R. Gibbons en 1577 se

91 C. Clavius, Corrispondenza, op. cit., vol. III, 1, p. 83 : «Magistrum habui


V. R.ae discipulum P. Io. Hayum Scotum. Adde quod Germanis multum debeam,
quibuscum a teneris fui educatus, primoque in Mathematicis praeceptorem sum
usus D. Voolcker [Ieinio] Dasipodii in Argentoratensi illa nunquam satis laudata
mach'ina ex Mathematicorum praescripto dirigenda, adiutore...». Ces quelques
lignes permettent non seulement de confirmer la relation de maître à élève ayant
existé entre Clavius et Hay, puis entre Hay et Falquestein, mais elle confirme
surtout l'importance des relations d'échange intellectuel à l'échelle régionale. Ici,
l'évocation de Strasbourg et du Gymnase de J. Sturm, à travers son mathématicien
Dasypodius (voir première partie, chap. 3), souligne l'importance stratégique du
collège de Pont-à-Mousson, qui sera développée dans la suite de ce chapitre.
92 Voir notamment F. de Dainville, «Foyers de culture scientifique dans la
France méditerranéenne du XVIe au XVIIIe siècle», dans L'éducation des
Jésuites..., op. cit., p. 311-322 et J.-M. Homet, Astronomie et astronomes en
Provence, 1680-1730, Aix-en-Provence, 1982, 304 p.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 309

Carte 3. La mobilité de Jacques Falquestein.


collège ▲ collège disposant d'un enseignement de mathématiques.

maintient, comme l'indique le catalogue de 1593 : le jésuite Claude


Granier (Claudius Granerius), âgé de 34 ans, est signalé comme
enseignant la philosophie et les mathématiques93. Puis, en 1596, le
témoignage indirect du jeune Claude-Nicolas Fabri de Peiresc vient
confirmer la poursuite de la tradition d'enseignement scientifique
par les autres professeurs, confirmant ainsi la pérennité du projet
romain94. La biographie que lui a consacré le philosophe Gassendi

93 ARSI, LUGD. 18, 1, fol. 44r. : «docuit grammaticam et philosophiam quam


etiam nunc docet cum math».
94 Le témoignage de Peiresc est recueilli dans la biographie que lui consacre
Gassendi. Voir P. Gassendi, Viri illustri Nicolai Claudii Fabricii de Peiresc, Senato-
310 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

est confirmée par le catalogus primus de 159795, puis par les lettres
annuelles de 160096. Mais, à cette date l'exception tournonaise a pris
fin puisque le collège d'Avignon dispose lui aussi d'un professeur de
mathématiques .
La convergence de différents facteurs expliquerait la précocité
et la relative réussite de cette expérience : une volonté politique du
fondateur, Monseigneur de Tournon, exprimée dès le contrat de
1561, et qui transformait la discipline «mathématiques» en
composante du prestige d'un établissement à vocation universitaire;
l'arrivée à maturité des idéaux et des combats de Clavius en matière
d'éducation scientifique au sein de la Compagnie; les difficultés
rencontrées par les jésuites à Lyon, et la fermeture provisoire du centre
lyonnais, nécessitant un repli stratégique sur un centre moins
chargé d'histoire et assurant à la petite capitale du Vivarais le
déploiement d'une équipe pédagogique de première importance, au sein de
laquelle le mathématicien et théologien John Hay a pleinement pu
assurer le rôle de relais du centre romain. Il est certain que ce
dernier élément a constitué un argument décisif en faveur de Tournon.
Il suffit d'en prendre pour preuve a contrario l'affaiblissement rapide
de l'établissement à mesure que la réouverture du collège lyonnais
de la Trinité permet de redéployer l'activité des classes supérieures.
Parallèlement à la croissance des deux autres collèges de plein
exercice de la province de Lyon, Avignon et Lyon évoqués plus haut,
les premières années du XVIIe siècle sont celles de la régularisation
des pratiques d'enseignement des mathématiques : les témoignages
en sont nombreux, aussi bien dans la correspondance du général,
que dans les catalogues du personnel. Trente ans après le compte-
rendu de visite dû à E. Mercurian, le rapport du visiteur Laurent
Maggio fournit un point de comparaison :

3. Les mathématiques seront enseignées de cette manière : après


le déjeuner à la première heure, deux fois par semaine, à savoir les
lundis et mercredis mais la leçon de catéchisme aura lieu le vendredi
à la même heure, pour les mêmes étudiants. Mais comme à partir de
la saint Jean, les cours de l'après-midi ne dureront qu'une demi-
heure, alors mathématique et catéchisme n'occuperont qu'une demi-
heure. (...)
5. Mais puisque l'Université disposera d'un professeur
uniquement de mathématiques, il sera plus commode de mettre en place cet
ordre. Le premier cours du matin sera celui de casuistique; en même

ris Aquisextiensis vita, dans Opera, Lyon, 1658, t. V, p. 246-247. Sur cet érudit
provençal, Gassendi et les jésuites, voir infra, chap. 7.
95 ARSI, LUGD. 18, I, fol. 61r.
96 ARSI, LUGD. 28, fol. 232v.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 311

temps aura lieu le cours de mathématiques, qui n'accueillera que les


étudiants de physique. Dans l'heure et demie restante, les étudiants
de philosophie auront leurs cours et leurs répétition à la suite,
comme le prévoit la règle 14 sur les facultés. L'après-midi les
philosophes commenceront avec les rhétoriciens : leçon dans la première
heure, répétition puis dispute dans la seconde heure, comme
l'indique la règle 12. (...)
7. (...) Aussitôt que possible, on veillera à ce qu'il y ait un
professeur s'occupant uniquement de mathématiques qui enseigne chaque
jour, comme le précise la règle 1, et n'ait que des étudiants de
physique97.
On l'aura compris, le contexte de ce rapport de visite est celui de
l'entrée en application de la Ratio studiorum. Si le temps de
l'imagination et de l'originalité se trouve définitivement clos, il cède la
place à une organisation plus systématique qui fait passer les
mathématiques de la marge à la périphérie des enseignements. C'est ce que
montrera la troisième partie de ce travail.

Prestige parisien et repli mussipontain

Prémices

Le collège de Paris offre l'exemple intéressant d'une situation où


histoires politique, religieuse et culturelle convergent pour expliquer
difficultés, avancées et échecs98. Malgré le mauvais état des archives
et les nombreuses destructions qu'elles ont subi, il apparaît claire-

97 ARSI, GAL. 58, II, fol. 632v. : « Ordinationes R. P. Magii Visitatoris Pro-
vinciarum Galliae prò Collegio Turnonensi facta in visitatione an. 1603, mense
Iulii».
«3. Hac ratione Mathematicae docebuntur a prandio la scholarum, hora bis
in hebdomada scilicet die Lunae et Mercurii. Lectio autem cathechistica habebi-
tur die Veneris hora item scholarum p.a a prandio. Cum autem a festo S. Ioannis
detrahitur de pomeridianis scholis semihora, tum mathematica, et Cathechisis
semihoram tum occupabunt. (...)
Ac vero cum universitas habebit separatum Mathematicae Professorem, hic
commode ordo instituetur. Ingredietur casuista hora prima matutina, eademque
Professorem Mathem.a qui solos physicos habebit auditores, reliqua hora et di-
midia philisophi suas habebunt lectiones, et repetitiones iuxta regul. 14 com.
super Facult. post meridiem philosophi ingredientur cum Rhetoricis at l.a hora fiet
praelectio, 2. a vero repetitio, ac disputatio de qua reg. 12a.
(...)
7. (...) Cum primum fieri poterit, curandum est ut sit peculiaris prof essor
Mathematicae qui quotidie doceat iuxta reg. cuis, p.am et solos habeat physica
auditores».
98 Voir, en introduction à la question, les quelques remarques de J. P. Don-
nelly, art. cit. , qui vient s'ajouter à la bibliographie classique sur la question des
relations entre l'Université de Paris et la Compagnie.
312 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

ment que les rapports conflictuels entre la Compagnie et le pouvoir


se sont cristallisés sur le collège de Clermont, comme le confirme
l'épisode de la tentative d'assassinat d'Henri IV par l'ancien élève des
jésuites, Jean Chastel. Assurément, une histoire dégagée de toute
polémique reste à écrire, qui éclairerait les enjeux du conflit entre
Université, monarchie et Compagnie de Jésus" et elle constitue la toile
de fond sur laquelle s'inscrit l'essor de l'enseignement des
mathématiques à Paris.
La Compagnie a été soucieuse dès les origines d'offrir aux
Parisiens un collège prestigieux, autant par la qualité de ses enseignants
que par celle de ses enseignements100. Le rôle assigné au modus pari-
siensis par la première génération des fondateurs de l'ordre n'est
sans doute pas étranger à cette volonté d'excellence qui anime les
jésuites à Paris :
La sympathie et la reconnaissance qu'Ignace et les siens ont
toujours gardées envers l'Université de Paris n'ont échappé à personne.
Les premiers jésuites, «maîtres es arts et gradués dans l'Université de
Paris», comme le met en relief la Bulle d'approbation de la
Compagnie de Jésus, regarderont toujours cette Université comme leur
véritable «mère», en raison de la formation qu'ils y avaient reçue, et se
considéreront sans cesse comme ses «fils», même encore au moment
où la Faculté de théologie portera son décret de censure contre
l'Institut des jésuites101.
Malgré la déclaration faite en 1554 par la Faculté de théologie
jugeant les jésuites «dangereux pour la foi»102, les premières classes
ouvrent dix ans plus tard, le 22 février 1564, et, parmi elles, celle de
philosophie inaugurée par J. Maldonat103. Les premier succès sont
rapides si l'on en croit le témoignage de E. Hay, recteur en 1565 :
Nous donnons les leçons qu'on donne ordinairement dans les
autres collèges : une de logique, une autre de rhétorique. Nous avons
en outre deux classes de grammaire, qui abondent aussi d'écoliers.
Nous n'avons pu cette année-ci en ouvrir de nouvelles, soit parce que
nous n'avions pas assez de professeurs, soit parce que la place nous

99 On consultera aussi avec profit l'introduction consacrée par C. Sutto à


l'édition d'Etienne Pasquier, op. cit.
100 H. Fouqueray, op. cit., vol. 1, p. 363, rapporte ces paroles particulièrement
explicites du général Lainez qui entendait «faire de cet établissement l'un des
plus grands de toute l'Europe».
101 G. Codina Mir, op. cit., p. 258, et sur le thème général du modus parisien-
sis, p. 258-268. Sur le poids de cette question dans la réflexion des premiers
compagnons, voir la mise au point la plus récente, J. O'Malley, The first Jesuits,
op. cit., chap. 6, p. 215-227.
102 J. P. Donnelly, art. cit., p. 47.
103 Les travaux sur cette personnalité ont été mis en chantier au siècle dernier
par J.-M. Prat, Maldonat et l'Université de Paris au XVIe siècle, Paris, 1856, 636 p.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 313

manquait [...] Quant aux leçons de métaphysique, qui ont lieu à deux
heures, elles attirent un concours immense104.

Ce succès est confirmé par les Litterae annuae de l'année


suivante, qui précisent :
Nous disposons cette année de quatre classes d'humanités et
dans chacune, le nombre des auditeurs est grand. Deux classes de
philosophie sont aussi proposées qui, par le nombre des auditeurs,
dépassent largement les autres cours de philosophie. Nous
maintenons aussi deux cours de doctrine chrétienne105.

Si la croissance des effectifs souligne la bonne réussite de


l'implantation jésuite, il faut chercher à déterminer le plus précisément
possible ce que sont les enseignements. Or, contrairement aux
situations précédentes, la fin des années 1560 est bien documentée, et
éclairée par diverses sources. En répondant au vœu du général
d'adresser à Rome un état des pratiques éducatives, les jésuites de Paris
rédigent, dans le courant de l'année scolaire 1567-68, la première
Ratio française qui permet de saisir leurs préoccupations
immédiates :

Le règlement des études du collèges est le suivant.


En théologie, il y a une leçon par jour, et une autre de
catéchisme les jours de fête. En philosophie, il n'y a jamais eu jusqu'à ce
jour que deux professeurs. Le dialecticien enseigne quatre heures par
jour, deux heures le matin, deux heures l'après-midi. Le physicien un
peu moins. Les répétitions sont organisées, pour les dialecticiens,
pendant la dernière demi heure de la matinée et de l'après-midi, bien
qu'il soit difficile de retenir les externes. Les dialecticiens et les
philosophes internes ont des répétitions quotidiennes le soir. Les samedis
de 3 à 5 heures, les classes de physiciens et de dialecticiens se
réunissent en un même lieu et ont des disputes publiques, sauf pendant
les semaines de deux jours de fête ou plus.
De plus, les dimanches, de 4 à 6 heures, les étudiants internes de
dialectique et philosophie affrontent leurs professeurs dans une
dispute.
Le professeur de dialectique en première année a l'habitude de

104 Document publié par C. E. Du Boulay, Historia Universitatis Parisien-


sis..., op. cit., t. 6, p. 589. Reproduit dans H. Fouqueray, Histoire de la Compagnie
de Jésus en France..., op. cit., t. 1, p. 377.
105 ARSI, GAL. 53, fol. 71v. : «Habemus hoc anno quatuor classes in Hum. li-
teris et in omnibus magnam auditorum frequentiam. Duo philosophiam pro-
fitentur qui numero auditorum coeteros philosophos facile superant. Persévérant
quoque duae praelectiones in Doctrina Christiana».
314 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

commenter tous les livres d'Aristote et la dialectique de Porphyre, à


l'exception de quelques chapitres des Premiers Analytiques; ainsi
qu'un abrégé quelconque de dialectique, avant la reprise de cours.
Dans la même année, au début en général, il explique l'Ethique
d'Aristote.
Le physicien enseigne tous les livres d'Aristote sur la nature, le
traité du ciel, le traité de l'âme, les Météores, le traité de la génération
et de la corruption et quelques uns des livres de la métaphysique106.
En mettant l'accent sur les cours de théologie et de
philosophie, les pères entendent s'adresser directement au public
parisien en concentrant leur effort sur l'enseignement supérieur, qui a
pour enjeu la concurrence avec l'Université. En comparant ce
document à ceux qui décrivent la situation contemporaine des autres
établissements, on comprend mieux l'importance de l'effort
déployé à Paris. C'est donc un choix délibéré de leur part, même si
le centre romain impose certaines restrictions à l'activité
éducative, comme le suggèrent ces consignes, déjà évoquées, de J. Na-
dal, lors de son passage à Paris entre le 15 juin et le 15 juillet
1568 :
II ne paraît pas utile, pour le moment, d'organiser, dans le
collège de Paris, plus de leçons que celles qui existent déjà, ni plus que ce
qui est suffisant pour nos bienfaiteurs; ceux-ci, comme le provincial
me l'a rapporté, sont satisfaits du juste milieu que nous proposons
actuellement; c'est pourquoi, ils n'auront ni un lecteur de grec, ni un
autre théologien, ni un mathématicien107.

106 ARSI, FRANC. 37, fol. 121r., Fundatio Patisti, Régula generalis quibus
diebus docendum sint (1567) :
«Ratio scholae collegii haec est.
Est in theologia una praelectio quotidiana, altera cathechismi festis diebus.
In philosophia numquam hactenus fuerunt nisi duo praeceptores. Dialecticus do-
cet quatuor horas quotidie : duas mane, alias duas vesperi. Physicus paulo
minus. Repetitiones sint in dialectica ultima dimidiata hora mane et vesperi
quamquam externi vix retineri possint. Domestici dialectici et philosophi habent
quotidie repetitiones sub noctem. Diebus sabbathi ab hora 3 usque ad 5 conveniunt
classis dialecticorum et physicorum in unum locum et habent publicas disputa-
tiones nisi in hebdomade fuerint duo dies festis aut plures.
Praeterea diebus dominicis ab hora 4 usque ad 6 domesticis auditores
dialectica et philosophia una cum praeceptoribus conveniunt ad disputandum.
Praeceptor dialecticae primo anno solet praelegere omnes libros Aristot. et
Porphyrium de dialectica, exceptis paucis capitibus priores Analyt.; et compen-
dium aliquod dialectica ante studiorum renovationem. Eodem anno, inuente
vere, explicat Ethicam Arist.
Physicus interpretatur omnes libros Arist. de natura, de Caelo, de Anima,
Meteora, de Ortu et libros aliquot metaphysicos».
107 MPSJ, vol. 3, p. 161-163, document de 1568. Voir première partie, chapitre
1, p. 68, note 69. De ce séjour de Nadal à Paris, sont conservés quelques
témoignages édités dans les Monumenta Historìae Societatis Iesu, Epistolae Hiero-
nymi Nadal, vol. 3, Rome, 1902, p. 608-648. Leur utilité pour notre propos est mi-
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 315

Faut-il alors considérer que les mathématiques sont absentes du


programme d'enseignement? A s'en tenir à la seule lecture des
catalogues, on pourrait le penser : un autre témoignage sur la situation
parisienne de 1567-1568 108, décrivant l'organisation de l'emploi du
temps, ne fait aucune allusion au cours de mathématiques! Dans la
liste des professeurs un seul nom pour le cours de philosophie
(logique), celui de «Iacobus Valentinus». Or, la Bibliothèque nationale
de France conserve un manuscrit de cours de l'année 1567 : il s'agit
des notes dictées par ce même professeur de logique. Grâce à celui-
ci, on est plongé au cœur des pratiques d'enseignement et on peut
ainsi avoir l'assurance que le professeur de logique, Jacques
Valentin (Iacobus Valentinus) s'occupe effectivement de mathématiques :
le manuscrit, sans titre, s'ouvre en effet sur une première partie
intitulée Annotationes in regullas arithmetices dictatae per dominum Val-
lentinum in collegio Claromontano dicto des Jésuites in via Jacobea et
in hanc papirum scriptae per nobïllem virum Andream Bedellum par-
rochia de Benero prope urbem Cadomum, scriptum Lutetiae Parissie-
rum Anno Domini 1567109.
Précisons qu'il témoigne d'une pratique qui n'est pas
accidentelle, car à cette source, il convient d'ajouter les indications fournies
par un autre professeur de philosophie du collège, qui éclaire lui
aussi, pour l'année scolaire suivante, les modalités d'organisation de

nime. Après sa visite du collège en juin 1568, Jérôme Nadal écrit au général Bor-
gia, ibid., p. 620 :
«Io ho finita la visita di questo collegio con la gratia del Signore con molta
consolatione mia e speranza che sua divina P.tà cauara grandissimo frutto di
questo collegio, sicome insin'adesso s'è cauato molto grande; ma bisognia
sempre aiutare de buoni suggeti, buoni lettori, et sarebbe grandemente utile
un'altro lettor' in theologia, il quale col' P. Maldonato puotrebbono sodisfare al
seminario che puotrebbe farsi qui de theologi...»
Traduction :
«Je viens d'achever la visite de ce collège avec la grâce du Seigneur, et avec
la consolation et l'espérance que sa divine Paternité tirera un grand fruit de ce
collège, comme ce fut le cas jusqu'à présent; mais il est toujours nécessaire
d'aider les bons sujets, les bons lecteurs aussi et la présence d'un autre enseignant de
théologie serait utile : celui-ci, avec le P. Maldonat pourrait prendre en charge un
séminaire de théologiens qu'on ouvrirait ici...».
108 ARSI, GAL. 58, I, fol. 49r.-v.
109 Bibl. nat. de France, ms lat. 11243. La conservation à la bibliothèque
municipale de Loches d'un autre manuscrit de Jacques Valentin (ms 31) confirme
que l'année suivante, en 1568, il continuait à enseigner les mathématiques :
arithmétique, musique, géométrie, optique, traité de la sphère. N'ayant encore pu le
consulter, je me contente ici de le signaler en attendant de le confronter avec
l'exemplaire parisien. L'intérêt de ce second manuscrit résiderait dans l'intérêt
manifesté pour l'optique, alors que la conception générale des mathématiques
dont s'inspire J. Valentin est celle du quadrivium médiéval.
316 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

son cours. Si celles-ci ne se démarquent pas substantiellement des


indications de la Ratio, elles n'en présentent pas moins certaines
singularités que les documents administratifs ne permettaient pas de
soupçonner : J. Borrassà, professeur d'origine espagnole, précise en
effet qu'il enseigne logique, éthique, philosophie naturelle, sur la
base des Météores, du De partibus animalium, du De generatione
animalium et toute la métaphysique.

Ici on s'est concerté sur le temps qu'il fallait consacrer au cours


(de philosophie) et il a été question d'en prolonger la durée à deux ans
et demie. Pour moi, je serais capable d'y consacrer deux ans et demie,
voire trois ou quatre si V. P. l'ordonnait; mais je vous assure que si on
ne consent pas davantage de congés aux maîtres, en sorte qu'ils
n'aient pas à faire autant de leçons par an, ils ne pourront pas
maintenir le cours au-delà de deux ans. Non pas qu'ils s'occupent de choses
superficielles, parce que ceux qui ont vu aussi bien ce que j'ai
enseigné que ce qui s'enseigne à Rome, m'assurent que j'ai dit plus de
choses en deux ans, et avec autant de précision, sinon plus, qu'il ne
s'en est dit à Rome. Car à moi seul, j'ai enseigné la logique, l'éthique,
la philosophie naturelle, sans omettre les météores, une synthèse du
partibus animalium et du generatione animalium, de même qu'un
résumé d'arithmétique, un autre de géométrie, l'astronomie et toute la
métaphysique.
La raison en est que nous donnons ici un nombre de leçons qui
dépasse de presque plus de la moitié celui de Rome, en sorte que ce
qu'on met deux ans à faire ici, ne se ferait pas plus en trois ans qu'en
trois ans et demie, à Rome. C'est pourquoi enseigner la philosophie
ici représente une charge infinie110.

110 MPSJ, vol. 3, p. 441-442. Cette lettre de Jacques Borrassà est envoyée de
Paris le 12 juillet 1568 :
«Aqui se consultò del tiempo en que se avfa de acabar el curso, y se tratava
de alargarlo a dos afios y medio. Y aunque yo estoy apareiado ha tardar en él no
sólo dos afios y medio, mas aun très afios y quatro, si assi fuere ordenado de
V. P. ; pero, certificole que si no se dan algunas mas vacationes a los maestros, de
modo que no sea tantas vezes al ano, non es possible que pueda el maestro estar
en el curso mas de dos afios. Y no porque se traten las cosas rudimentare, porque
testimonio me dan los que an visto lo que yo he dictado, y lo que dictan en Roma,
que he dicho mas cosas y en dos afios, y tan exactamente o mas que en Roma;
porque yo solo he leido la lògica, las éthicas, la philosophia naturai, aun con los
météores, y una summa de partibus animalium y de generatione animalium, y un
compiendo de arithmética, y otro de geometria, y la astronomia, y tota la meta-
physica.
La causa, pues, es porque leemos aqui casi la mitad mas vezes que se lea en
Roma; de manera que las liciones que se hazen aqui en dos afios, non se harân en
Roma, no digo, en très afios, pero ni en très y medio. Y por esta cosa, es trabajo
infinito leer aqui philosophia».
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 317

Si ces précisions sont en conformité avec la Ratio du collège


déjà citée, donnant une nouvelle preuve de la nette inspiration
aristotélicienne de l'enseignement philosophique, - le cours se confondant
avec le commentaires des textes philosophiques d'Aristote -, il est en
revanche plus surprenant d'apprendre que le professeur enseigne
aussi arithmétique, géométrie et astronomie. La surprise, est-il
besoin de le préciser, n'est pas d'ordre épistémologique, puisque le
document explicite ce qui se produit dans les autres établissements sur
un mode plus circonstanciel. Elle tient en revanche, encore une fois,
au problème de l'interprétation des textes : la Ratio parisienne de
1568 ne permet pas, a priori, de saisir la complexité des pratiques
d'enseignement. Il est donc peu vraisemblable que, malgré le silence
des sources antérieures ou postérieures, cette lettre décrive une
situation exceptionnelle.
En attendant, on comprend mieux le sens à donner au propos de
Jérôme Nadal : il ne s'agit pas d'interdire l'essor des mathématiques,
mais de constater qu'il n'est pas possible, pour l'heure, de mobiliser
un professeur pour ce seul enseignement. C'est pourquoi il convient
de s'arrêter quelque peu sur le cours de Jacques Valentin, professé
sans doute vers 1568.

Un cours ordinaire de mathématiques au collège de Clermont, en 1568

L'intérêt principal de ce manuscrit tient au fait qu'à cette date la


Compagnie ne peut encore fournir à ses membres aucun texte de
référence pour l'enseignement des mathématiques, le premier ouvrage
de Clavius datant de 1570. L'analyse sera limitée par l'absence totale
d'information sur son auteur, Jacques Valentin, dont on ne peut
reconstituer ni la biographie, même rudimentaire, ni les différentes
phases de sa formation.
La structure du document est claire : sur 50 feuillets, écrits au
recto et au verso d'une écriture de plus en plus lâche, sont exposées
les principales notions de mathématiques proposées aux étudiants
parisiens. Puis, il se poursuit par le cours de logique, confirmant, si
besoin était, l'identification du professeur, sur le catalogue des
enseignants. Le cahier, comme son titre l'indique, correspond à des
notes de cours, prises sous la dictée du professeur. La présentation
matérielle semble indiquer que l'ordre des matières correspond à la
succession des leçons. Aussi, il semble que l'année de logique
commence avec les leçons de mathématiques, traitées de la manière
suivante : après l'introduction générale qui occupe les quatre
premiers folios, le professeur s'occupe d'abord d'arithmétique, sur sept
chapitres (fol. 4v.-llr.), puis de géométrie sans divisions internes de
cette partie (fol. 15r.-20v.), pour finir sur l'astronomie (une
introduction sur la sphère, puis une succession de treize chapitres avec ou
318 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

sans titre). A la suite du cours de mathématiques, commence l'étude


de la logique aristotélicienne. A partir de ces premiers éléments
quantitatifs, nous avons peu de possibilités d'analyse de la part
occupée par les mathématiques dans l'enseignement de la philosophie.
Car, même s'il est permis de faire des extrapolations sur les rapports
probables entre la part des mathématiques dans l'ensemble du
manuscrit et leur importance dans le temps d'enseignement, rien
n'assure que ce document corresponde à une année complète de cours.
Le fait paraît d'autant moins vraisemblable que la lettre de Jacques
Borrassà, citée ci-dessus, évoque des cadences autrement plus
soutenues. Se pourrait-il, en effet, que les étudiants apprennent dans
l'espace de la seconde année tout le reste du programme de
philosophie, à savoir éthique, philosophie naturelle et métaphysique? En
l'absence d'autres témoignages, cette source unique parle pour elle
seule.
Toutefois, l'étude de son contenu est plus suggestive, et d'une
première lecture ressort l'idée d'un cours de mathématiques de
teneur fort superficielle : il semble bien que le professeur Valentin ne
dispose pas d'outils conceptuels ou techniques particulièrement
élaborés, ou du moins spécialisés. Le ton est donné par la préface qui
constitue une vaste introduction au cours, prolegomena avant
l'heure, sans dimension épistémologique, mais avec un long rappel
de la tradition sur les origines de la discipline et des auteurs qui ont
transmis cette tradition, Pythagore, Aristote, Boèce ou Isidore de Sé-
ville111.

mBibl. nat. de France, ms lat. 11243, fol. lr.-v. :


«Antequam ad rem propositam veniamus quaedam prefabimur minimum
quae sit origo mathematicarum artium. Quis, nam, numerus. Quo pacto res ma-
thematicae abstractae sint, et quo abstractionis genere, a quibus causis res ma-
thematicae separentur. Quod sit subiectum. Quid denique ordo dicendi. Quod at-
tinet ad primum, Aristotellus in prefatione primae philosophiae cap. i. scribit
scientias mathematicas in Aegypto primum inventas fuisse et 5. cap. ait Pythago-
reos primum dedisse operam mathematicis. Idem Boetius testatur cap. 1. lib. i.
suae arithmeticae. Ceterum divus Ysidorus 3. lib. etymollogiae ea de re distinc-
tius loquens ait. In cap. 2. arithmeticam a pythagora primum inventam fuisse
post a nicomaco fuisse conscriptam et cap. 10. ait geometriam in aegypto
primum fuisse inventam quia in inundante nillo omnia prata illius limo operieban-
tur et ideo coeperunt terram dividere et metiri unde scientia nomen accepit. Est
enim geometria quasi terrae mensura et cap. 15. tradit ex sententia mosis fuerat
qui fuit et stippe cain inventorem musicae extitisse ante dilluvium, grecos tamen
velie pythagoras fuerit primus musicae author cui occasionem dedisse sonitum
malleorum et cordarum extensionem permissam, alliis vero piacere ut linus the-
beus et coetheres primi in musica claruerint post quos mirum in modum fuisse
(v.) auctam hanc disciplinam ut esset tam turpe musicam nescire quam literas et
usosque fuisse musica tam in letis quam in tristibus, nam in cultu divino hymni
in nuptiis hymenai in funeribus treni ad tibias cantabantur, In conviviis lyra et
cythara circumferebantur. Et cap. 24 scribit astronomiam ab Aegyptiis primum
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 319

Cette introduction aux mathématiques donne les principales


références intellectuelles de l'auteur : Aristote, convoqué le plus
souvent, Boèce cité à différentes reprises, Isidore de Séville aussi112.
Autant d'aspects d'une culture qui apparaît toute pétrie de
références médiévales et classiques pour la communauté cultivée du
temps : plus d'un millier de manuscrits de XEthymologia d'Isidore
circulent en Europe après 1470113. Il en va de même de l'œuvre de
Boèce, qui connut une grande diffusion du fait de la précoce
entreprise d'édition dont il fut l'objet114. L'ensemble du débat engagé sur
l'étymologie des mathématiques ou la division, la hiérarchie et la
nature des disciplines qui les composent s'apparente davantage à un
commentaire des textes d'Aristote qu'à une réflexion sur la nature
des mathématiques et leur statut vis-à-vis des autres sciences. En dé-

repertam fuisse. Nam in Aegypto ut fert opinio pene semper coelum est serenum.
Astrollogiam autem seu nativitatis observantiam caldeos primum docuisse pos-
tea Abrahamum egyptios in Astrollogia instituisse. De perspectiva autem nullam
facit mentionem. Quisnam autem fuerit primus Inventor, Dubium est. quod atti-
net ad secundum divus Ysidorus in prefatione eiusdem libri et boetius in 1. lib. i.
suae arithmetices et divus thomas super boetium articullo primo ad tertium fa-
ciunt quatuor scientias mathematicas, Arithmeticam, geometriam, musicam et
astronomiam, verum aristoteles plerisque in locis in mathematicis numerat pers-
pectivam nam 13 primae philosophiae cap. 2. illis quatuor adiicit perspectivam et
2. phis. cap. 2. inter scientias mathematicas médias recenset perspectivam et i. de
demonstartione cap. 7. et 10 ut musicam arithmeticae sic perspectivam geome-
triae subiicit quare ut in mathematicis habetur musica sic et perspectiva sed nos
in prolegomenis philosophiae naturallis in cap. i omnes scientias mathematicas
enumeravimus. Est hic dubitatio num eae très scientiae : musica, astronomia, et
perspectiva sunt magis naturalles quam mathematicae et quo pacto mediae sint
qui in verbi, aristotellis persuasi (2r.) 2. phis. eas an esse magis naturalles putent
has très scientias non tam mathematicas esse quam naturalles sed falsum id est
quoniam mathematicis subiiciuntur Musica quidem Arithmeticae Astronomia et
perspectiva geometrica et inde plerumquam sumunt sua principia, quod vero
Arist. scribit ita intelligi débet ut fiat comparatio inter has très scientias et reli-
quas duas arithmeticam et geometriam sitque sensus has très magis esse
naturalles quam illas duas».
112 Pour une appréciation générale du rôle de ces différents savants dans la
constitution de la culture scientifique médiévale, voir E. Grant, La physique au
Moyen Age, VIe-XVe siècle, trad. française, Paris, 1995, chap. 1 et 2.
113 Voir «The availability of ancient works», dans CHRP, p. 784.
114 Ibid., p. 778. Pour un commentaire général de ces références médiévales,
voir E. Grant, La physique au Moyen Age..., op. cit., p. 11 et suiv. Comparant
Boèce et Isidore de Séville, l'auteur précise :
«Pris ensemble, tous ces livres contiennent pratiquement la somme totale
des faits et des interprétations scientifiques connus du haut Moyen Age. Ils ont
mis les auteurs ultérieurs devant une masse anarchique, chaotique, conflictuelle,
d'informations souvent inconciliables et incompréhensibles; rares ont été les
esprits qui ont pu ordonner ce chaos avant qu'une nouvelle culture scientifique
devienne disponible par la voie des sources arabes puis grecques».
320 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

finitive, ce qui frappe ici, plus que les références, ce sont les
silences : alors qu'une abondante production mathématique se trouve
disponible, particulièrement à Paris où les professeurs qui gravitent
dans le milieu du collège royal ont déjà imprimé de nombreux
textes, le cours de Jacques Valentin apparaît bien comme celui d'un
non-spécialiste, héritier d'une bonne tradition scolastique, mais peu
sensible aux enjeux de son enseignement. Sans doute la persistance
de la référence à Isidore de Séville115 en constitue-t-elle l'aspect le
plus significatif : les travaux de cet illustre représentant de la culture
de l'Espagne wisigothique, ses Etymologiae sive Origines, ou les Libri
duo differentiarum, embrassent une vaste culture antique et tardo-
antique, notamment Boèce. Ils ne semblent pourtant plus
appartenir aux références postérieures des mathématiciens du XVIe siècle.
De fait, le livre III des Etymologiae, consacré aux mathématiques,
traite des quatre disciplines du quadriviumm, d'abord
d'arithmétique, de géométrie, puis de musique et d'astronomie. Aucune de ces
quatre parties ne soulève des questions susceptibles d'intéresser,
dans leur domaines, des figures aussi diverses que Jacques Peletier,
Oronce Fine, Cardan, voire Clavius.
L'inspiration médiévale du cours professé à Paris est confirmée
dans la suite du propos. La structure du cours est celle du «quadri-
vium des sept arts libéraux. Les quatre sciences mathématiques
(arithmétique, géométrie, astronomie et musique) qu'il comprenait
ont reçu des encyclopédistes leur forme condensée»117 et leur
perpétuation est assurée par le professeur parisien118.
A la suite de ces remarques, on comprend mieux la conformité
entre ce cours et les indications fournies par l'Espagnol Jacques
Borrassà : les leçons d'arithmétique sont suivies de celles de
géométrie et d'astronomie. Ensemble, elles constituent un moment du
cours de première année puisque le reste du manuscrit s'occupe des
principales notions de logique. Au total, il renvoie à une situation
qui n'engage pas, dans le processus éducatif, la mise en œuvre d'une
réelle culture mathématique. Il ne se démarque pas des pratiques
universitaires traditionnelles, mises en œuvre par les autres
institutions de formation.

115 Voir, pour une étude exhaustive de cette figure, J. Fontaine, Isidore de
Séville et la culture classique dans l'Espagne wisigothique, Paris, 1959, 2 vol., et tout
particulièrement t. 1, p. 341-450 et t. 2, p. 453-589. Je n'ai pas pu consulter la
seconde édition (1983), revue et augmentée d'un troisième tome.
116 Voir Isidori Hispalensis Episcopi Etymologiarum sive originum libri XX re-
cognivit brevique adnotatione critica ibstruxit W.A. Lindsay in universitate Andrea-
na literarum humaniorum professor, Oxford, 1911, 2 vol.
117 E. Grant, La physique au Moyen Age..., op. cit., p. 15.
118 Pour une analyse globale de l'état de l'enseignement des mathématiques
au Moyen Age, voir J. North, «The Quadrivium», art. cit.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 321

Certes, les sources manquent pour les années suivantes, et les


appréciations portées sur le cours de Jacques Valentin demandent à
être relativisées. La conservation d'un cours sur la sphère, prononcé
dans le même collège à une décennie de distance119 par Arnaud Sa-
phore, permet en revanche d'accréditer l'idée d'une tradition
parisienne de prise en charge des rudiments de mathématiques par les
professeurs de philosophie, en attendant la nomination postérieure
d'un père uniquement attaché à cette charge. Le manuscrit de 1577,
comme le passage de John Hay à Paris deux ans plus tard120
permettent même d'esquisser l'hypothèse d'une tradition astronomique,
plus que mathématique, qui dans le contexte scientifique général de
ces années ne serait pas dénuée d'intérêt. Pourquoi cette hypothèse?
Parce que les études du ciel connaissent, dans cette période
d'apparition de phénomènes nouveaux (la nova de 1572, la comète de 1577-
78, puis celles de 1580, 1582, 1585 et 1590), un réel essor. Il ne faut
pas en exagérer, d'un point de vue numérique, la portée, mais, plus
sans doute que le copernicanisme, il ébranle sérieusement la
conception aristotélicienne du cosmos121. Certes, il n'est aucun té-

119 Bibliothèque municipale de Tulle, ms 18, cours de philosophie d'Arnaud


Saphore (Arnaldus Saphorius), année 1577. Il se compose en premier lieu d'un
commentaire du De Caelo : «Prolegomena in libris de Caelo» (fol. lr.-4v.); «In li-
brum primum de Caelo» (fol. 5r.-18r.); «Disputatio de caelo et mundo» (fol.
19r.-25); «Disputatio de caelo in primo lib. de caelo» (fol. 26r.-39); «In librum se-
cundum de caelo» (fol. 40-50); un commentaire sans titre du troisième livre (fol.
51-54); «Annotationes in librum quartum Aristotelis de Caelo» (fol. 55-60v.). A
partir du fol. 65, commence le commentaire du Ortu et interitu. Ce cours s'achève
au fol. 194v. et la date de la fin des leçons est indiquée, le 8 août 1577. Après les
fol. 195-232, restés vierges, commence le cours sur la Sphère, dont la
numérotation reprend à 1. L'introduction au cours occupe les fol. l-16v. Elle est suivie du
cours (fol. 17-108r.), qui prend fin le dernier jour d'août 1577. Ce cours, qui est
mené en parallèle avec le cours de philosophia naturalis dans lequel est traité le
commentaire du De Caelo, propose certaines clarifications méthodologiques,
dont il faudra envisager une analyse ultérieure. Il soulève notamment les
questions suivantes : «An astronomia sit Physica an Mathematica an media scientia»,
«An astronomia magis sit naturalis an potius mathematica», «In quo différant
Physicus et Astronomus».
120 Voir supra. Rappelons en outre que, d'après les catalogues, son
enseignement à Paris est celui de «la sphère» (LUGD. 18, 1, fol. 17v.).
121 Comme J.-P. Verdet le rappelle, Une histoire de l'astronomie, Paris, 1989,
p. 135, «Toutes ces comètes, observées par Tycho et par d'autres avec un soin et
une précision qui ont permis, par la méthode des parallaxes, d'évaluer leur
distance en fonction du rayon terrestre, confirmeront, comme l'avait déjà fait la
nova de 1572, que l'immuabilité des cieux au-delà de l'orbe de la lune n'était qu'un a
priori métaphysique sans aucune réalité physique; mais elles feront plus, elles
ranimeront le débat sur les sphères corporelles et donc sur la substance même des
cieux et contribueront à l'élimination de ces sphères». Pour une analyse plus
précise du débat astronomique dans cette période, E. Grant, Planets, stars and
orbs..., op. cit.; M. P. Lerner, Le monde des sphères, 2 vol., Paris, 1996-1997, en
particulier vol. 2 : La fin du cosmos classique. Pour un meilleur éclairage de la si-
322 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

moignage de pratiques d'observations astronomiques dans les


collèges jésuites de France dans cette période122, et c'est à Clavius qu'il
revient de définir les conceptions de la Compagnie en la matière, à
l'occasion de son commentaire sur la Sphère de Sacrobosco123. Pour
autant, il serait faux de considérer qu'en astronomie, les seuls
mathématiciens fussent considérés comme compétents. Le domaine est
au contraire presque exclusivement occupé par les philosophes,
voire par les théologiens, ce qui, étant donné les remarques
précédentes sur le faible degré d'organisation des études et de division
des tâches, joue un rôle essentiel pour comprendre l'intérêt qu'un
professeur de philosophie pouvait porter à ces questions124. On peut
donc tout autant interpréter ce témoignage de 1577 comme un
développement du commentaire du De caelo, ce qui expliquerait aussi
l'absence de trace au sujet de la géométrie et de l'arithmétique.
Reste cependant à mesurer les silences qu'aucune de ces sources
ne permet de percer : ils concernent les compétences acquises par et
requises pour ces professeurs de philosophie dont les sources, -
principalement les catalogues annuels -, ne permettent pas de suivre
la formation intellectuelle125. Les éléments de la biographie
reconstituée d'Arnaud Saphore ne sont pas concluants en regard de ces
interrogations126. Né en 1543 dans le Béarn, reçu dans l'ordre par Oli-

tuation française, voir E. Poulie, «L'astronomie de Postel», dans Guillaume Pos-


tel, 1581-1981. Actes du colloque international d'Avranches, 5-9 septembre 1981,
Paris, 1985, p. 337-348. Sur Paris, dans les premières années du XVIIe siècle,
R. Ariew, «Theory of Cornets at Paris during the Seventeenth Century», Journal
ofthe History ofldeas, vol. 51, 1992/3, p. 355-369.
122 P. de Vrégille, «L'observatoire du Collège de la Trinité, à Lyon (1565-
1794)», Lettres de Cantorbéry, suppl., 1906/3, p. 51-71.
123 Rappelons que la première édition du commentaire est précoce, 1570,
qu'elle est suivie, en 1581 d'une seconde édition, d'une troisième en 1585... Autant
dire que la succession des éditions permet au mathématicien jésuite de prendre
en compte les découvertes et les débats les plus récents. Voir J. M. Lattis, Between
Copemicus and Galileo. Christoph Clavius and the Collapse of Ptolemaic Cosmo-
logy, op. cit.
124 Comme le précise M. P. Lerner, «Traditionnellement, la question de la
matière du ciel relève de la compétence du philosophe {naturalis, philosophus) et
pas de l'astronome (astrologus, mathematicus), pour reprendre la terminologie
courante à l'époque médiévale. On saisira d'emblée à quel secteur plus précis de
la philosophie se rattache cette question quand on aura rappelé ses textes de
référence : le Traité du ciel et le livre XII de la Métaphysique d'Aristote lestés de
leurs innombrables commentaires...» : M. P. Lerner, «Les problèmes de la
matière céleste après 1550 : aspects de la bataille des cieux fluides», Revue d'histoire
des sciences, vol. 42, 1989/3, p. 255.
125 Pour Paris, en effet, les catalogi triennales de cette période ont disparu.
Ceux des années 1580 restent trop vagues pour combler à eux seuls toutes nos
lacunes.
126 Voir C. Sommervogel, op. cit., vol; 7, col. 619; H. Fouqueray, op. cit., t. 2,
p. 318; P. Delattre dir., op. cit., t. 3, col. 1479.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 323

vier Manare en 1569 à Paris127, il semble commencer sa carrière dans


la capitale, où sa présence est documentée au collège de Clermont
de 1577 à 1586128 : il se distingue pour son enseignement de la
philosophie, puis de la théologie. Envoyé en Aquitaine à partir de 1587129,
c'est là qu'il poursuit une carrière de théologien, charge qui ne
l'empêche pas d'exercer certaines responsabilités dans le gouvernement
de la Compagnie : il est notamment l'un des délégués français qui
participent à la cinquième congrégation générale convoquée à
Rome130, mais sa mort à Toulouse en 1595 interrompt brutalement
une carrière qui l'aurait sans doute conduit vers des postes de
responsabilité de plus en plus importants. Sur cet homme dont
l'enseignement n'est assurément pas marqué par les mathématiques, les
sources indiquent qu'il a accompli sa formation hors de la
Compagnie : «il a effectué ses études de philosophie en dehors de la
Compagnie et s'est consacré cinq ans à l'enseignement de la
théologie», indique le catalogus primus de Bordeaux, en 1587131. C'est dire
que son cours sur la sphère constitue un épiphénomène par rapport
à sa réflexion d'ensemble, et aussi combien il est difficile d'identifier
son parcours avant son entrée dans la société jésuite.
L'abondance des sources directes s'estompe pour les décennies
suivantes et les années 1570, marquées principalement par les
rapports de visites, n'apportent aucun éclairage sur l'évolution de la
situation des mathématiques : les visites d'E. Mercurian en 1570132, de
C. Matthieu en 1576133, de J. Maldonat en 1579134 ne soulèvent plus,
comme cette exceptionnelle moisson de données de 1568, le
problème de leur enseignement. D'autre part, une tentative de saisie des

127 ARSI, AQUIT. 9, 1, fol. 94r. Le catalogus primus de Bordeaux de 1587


précise : «P. Arnaldus SAFFORIUS, Bearnense, diocesis Oloronensis pagi Deogen.
Annorum 44. Vires firmae. Ingressus est Societatem anno 1569 sub Oliviero Ma-
nareo Provinciali Franciae Parisiis...».
128 ARSI, année 1584 : FRANC. 1, fol. 186r.; FRANC. 10, fol. 9r.-10v. Année
1585 : FRANC. 1, fol. 215v.; FRANC. 1, fol. 236r.; FRANC. 1, fol. 255v. Année
1586 : GAL. 92, fol. 212v.
129 ARSI, GAL. 92, fol. 307r. Le provincial Pierre Lohier demande au général
une promotion pour A. Safforius : «Rogamus Vestram P. ut ad eundem gradum
[doctoratum] liceat quoque promovere Patrem Safforium. Nam (mot non lu) sua
eruditione et legendi assiduitate, satis autoritatis subi operaverit, tamen ad actus
huius Academiae publicos, nullum habet (effacé) nisi prius adhuc gradum pro-
moveatur. (...) Multae quoque aliae sunt rationes quas Va P. prudentiae satis
perspectus puto. De eruditione, de prudentia, de humilitate P. Safforii nihil scri-
bo».
130 ARSI, AQUIT.
131 CONGR.9,8,I, fol.
fol. 239r.
94r.
132 MPSJ, vol. 3, p. 205-212.
133 MPSJ, vol. 4, p. 388-389.
134 ARSI, GAL. 58, I, fol. 186r.-187r.
324 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

pratiques par l'étude des hommes est rendue impossible par


l'absence des catalogi brèves ou triennales.
La croissance de l'établissement va pourtant bon train, elle est
suggérée par l'accroissement du nombre des professeurs de
philosophie (trois), et de théologie (deux) dès 1578135. Deux ans plus tard,
les théologiens sont trois136. A cette date, d'après le même
témoignage, le nombre des étudiants dépasse les 1600. Le caractère pilote
de l'établissement parisien est confirmé en 1583 : à Clermont se
trouvent deux professeurs de théologie scolastique et un de cas de
conscience, trois professeurs de philosophie dispensant un
enseignement complet dans trois classes distinctes et sept professeurs
pour les classes inférieures137. Une telle structure permet donc
aisément de comprendre, comme le suggérait la situation de 1568,
comment les professeurs de philosophie ont pris en charge le cours de
mathématiques.
La stratégie éducative de prestige déployée à Paris a pour
pratique élective les disputes ou les soutenances publiques de thèses138.
Et à cet égard, les annales de la province de l'année 1581, document
non signé, mais émanant sans doute du provincial, sont
exemplaires :

Collège de Paris. (...)


Nous tous de la Société qui, depuis le début de l'année étions
moins nombreux, et seulement sept dans ces derniers mois, grâce à la
bonté de Dieu, nous sommes sains et saufs, épargnés par la peste

135 ARSI, GAL. 58, I, fol. 140r.-143v., Litterae annuae de J. Gentil, janvier
1578.
136 ARSI, GAL. 58, 1, fol. 215v., Litterae annuae de L. Richeome, janvier 1580.
Il précise à cette occasion que le nombre d'élèves dépasse les 1600, ce qui
commence à poser des problèmes d'espace, sans empêcher les auditeurs célèbres
de venir, comme par exemple, le fils du Duc d'Aumale, inscrit en classe de
rhétorique (fol. 216r.).
137 ARSI, GAL. 56, fol. 20v. Extrait de Ex commentariis Collegii Pariens., 1583,
non signé :
«Theologiarn Scholasticam docent duo, quaestiones conscientiae unus. Phi-
losophiam très in tribus classibus, philologiam seu literas humaniores in sex
item diversis classibus septem. Alii item duo publiée diebus festis Latino et
Gallice Cathechismus exponunt, auditorum numéros est prope mille quingenorum».
138 Ces exercices, faut-il le rappeler, ne sont pas une invention jésuite : ils
relèvent de l'ancienne tradition médiévale sur laquelle la bibliographie est
abondante : voir notamment J. Verger, «Examen privatum, examen publicum. Aux
origines médiévales de la thèse», art. cit. La Compagnie a su cependant transformer
ces différents exercices en véritables cérémonies publiques conçues comme des
vitrines de l'enseignement dispensé et permettant aux étudiants de mettre en
œuvre les connaissances et pratiques acquises. On aura l'occasion, dans la
troisième partie, d'étudier quelques placards de thèses, tant d'un point de vue formel
que scientifique.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 325

mais aussi par toutes les autres maladies, et pendant ce temps le


nombre des auditeurs a crû de jour en jour. Car ceux qui avaient suivi
à Bourges les maîtres qui, fuyant la peste, ont continué de retour à
Paris, ont poursuivi les cours et la peste la plus terrible n'a pas pu
empêcher les disputes de métaphysiciens. Ainsi, huit jeunes érudits, à la
fin de leurs cycle de philosophie, ont défendu des thèses sur toute la
philosophie. A cette séance se trouvaient de nombreux membres de la
noblesse ainsi que quelques évêques et docteurs de la Sorbonne. (...)
Ensuite, vinrent deux lecteurs royaux et un jeune noble, qui fit un
discours plutôt long sur les disciplines mathématiques, en présence du
Roi de France dans sa langue, et disserta, en latin comme en grec,
pendant longtemps, de philosophie, au collège. Ce dernier a été si
satisfait par la modestie et la science des nôtres, qu'il dit ensuite que
toute la philosophie devrait être transférée à l'Académie de Paris, si
elle n'avait pas élu domicile chez nous. Le premier nonce de Sa
Sainteté avait même honoré ces disputes de sa présence (...). Les
étudiants des classes d'humanités non pas été moins brillants que les
philosophes139.

On l'aura compris, l'intérêt de cette source est multiple : non


seulement, elle confirme que les professeurs de philosophie de Cler-
mont s'occupent, en 1581, de mathématiques, mais elle suggère aussi
qu'un jeune étudiant en philosophie, ayant accompli, dans son
ensemble, le cursus de philosophie, se trouve, à l'issue de ces trois
années, dans la capacité intellectuelle de soutenir publiquement des
thèses de mathématiques. Est-ce à dire que, depuis le cours de 1568,
la qualité générale de l'enseignement dispensé en mathématiques a
augmenté140? La réponse ne saurait être simplement affirmative,

139 ARSI, GAL. 53, fol. 84r. :


«Collegium Parisiense. (...)
Nosque omnes Societatis qui principio anni pauciores et ultimis mensibus
septem fuimus in collegio, non modo a peste sed ab omni alio morbo sani et
integri Dei benignitate conservati sumus, crescebat interea in dies auditorum nume-
rus. Nam qui praeceptores pestem fugientes Biturgi secuti fuerant, eosdem re-
deuntes rursus Lutetiam sunt consecuti, nec disputationes Metaphysicorum pes-
tis licet formidolosa impedire potuit. Octo siquidem eruditi iuvenes absoluto
cursu de tota philosophia thèses proposuerunt. Multi viri nobiles et aliquot
Episcopi Sorbonicique doctores interfuerunt. (...) Duo item lectores Regii et nobilis
iuvenis, qui de Mathematicis disciplinis aliquoties coram Rege Gallio idiomate
longiorem sermonem habuit, et graece latineque diu de philosophia in Collegio
disseruit. Cui a nostris, tanta modestia et arte satisfactum est, ut dixerit postea
philosophiam universam in Academia Parisiensi peregrinatum iri, si domicilium
apud nos non haberet. Pr.us Summi Pontificis Nuncius sua praesentia has etiam
disputationes honestavit (...). Litterares humaniores studiosi, non minus
diligentes fuerunt quam philosophi».
140 Rappelons que, pour la même période, sont conservées des thèses du
collège de Naples : R. Gatto, Tra scienza e immaginazione..., op. cit., p. 19-27.
326 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

mais le document suggère une évolution du statut de la discipline. Il


indique en outre que les mathématiques constituent, au même titre
que la philosophie, un élément de valorisation du modèle éducatif
dispensé par la Compagnie, ce qui suggérerait une évolution
certaine par rapport à la décennie précédente. Ce phénomène mérite
d'autant plus d'être souligné que ces manifestations s'adressent à un
public nettement aristocratique, étudiants ou auditeurs. Certes,
dans ce témoignage, la multiplication des termes laudatifs à l'égard
de la Compagnie relève d'une rhétorique de mise en valeur du travail
accompli. C'est aussi pourquoi cet extrait insiste tant sur la qualité
des personnalités présentes, qui sont autant de figures de
légitimation de l'apostolat enseignant. Il n'en demeure pas moins que, dans
la lignée des fondations épiscopales, le processus de création des
collèges jésuites s'est principalement centré sur le public noble. Sans
doute aussi cette sociologie induit-elle un certain type
d'enseignement des mathématiques, plus spéculatives que mixtes141, l'ère des
ingénieurs du roi correspondant au second XVIIe siècle142.
Malgré la faible éloquence des sources, on peut donc saisir une
pratique d'enseignement des mathématiques au collège de Clermont
qui apparaît exceptionnelle par sa régularité en regard des autres
établissements. Ces faibles indices invitent donc à tenter une
approche plus précise des professeurs. La période des années 1580 est
aussi celle de l'arrivée dans l'enseignement d'une jeune génération,
celle des hommes de trente à quarante ans, entrés dans la
Compagnie dans la décennie précédente, en pleine phase de croissance et
d'expansion de l'ordre. Cette génération doit régler les grands débats
qui occupent l'ordre après la disparition d'Ignace : débat sur la Ratio
studiorum, ou sur la soliditas et uniformitas doctrinae à l'intérieur de
l'ordre; débat sur l'organisation de la relation avec le pouvoir
politique, et spécifiquement en France, avec l'épisode de la suppression.
Aussi elle apparaît comme celle de religieux politiques, d'érudits, de
philosophes dont l'activité s'est partagée entre les tâches
d'enseignement et de gestion, d'apostolat et de haute diplomatie. La
conservation des catalogues triennaux de la province de France pour les an-

141 II convient, pour cette période, de préférer le qualificatif «mixtes» à celui


de «pratiques», qui s'imposera dans la seconde moitié du XVIIe siècle, avec
l'essor des études techniques. Sur les problèmes de vocabulaire scientifique, voir,
pour alimenter cette réflexion, D. Jacquart, «Theorica etpractica dans
l'enseignement de la médecine à Salerne au XIIe siècle», dans Etudes sur le vocabulaire
intellectuel au Moyen Age. V : Vocabulaire des écoles et des méthodes
d'enseignement..., op. cit., p. 102-110.
142 Sur cette question, R. Taton dir., Enseignement et diffusion des sciences au
XVIIIe siècle, Paris, 1986, 812 p.; H. Vérin, La gloire des ingénieurs. L'intelligence
technique du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, 1993, 455 p. Certains aspects de cette
évolution sociale et culturelle seront évoqués dans la troisième partie, chapitre 8.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 327

nées 1584, 1587, 1590, 1593, 1597, 1600, 1603 permet de mieux cerner
ces hommes, dans leurs activités, leurs évolutions, leurs relations143,
entre les années du grand essor et celles de la suppression.

La génération des années 1580


Ainsi, en 1587, on trouve dans le même collège de Clermont des
hommes dont l'historiographie s'est peu occupée jusqu'à présent :
Francisco Suarez, Jean Chastelier, Jean Lorin et Balthasar Chavasse
se partagent les classes supérieures en philosophie et en théologie.
Si l'Espagnol est le plus célèbre des quatre144, les trois autres
présentent un intérêt certain qui s'est parfois exprimé ultérieurement
dans leur carrière145. Balthasar Chavasse nous intéresse en première
instance car, pour la première fois dans les catalogues de Paris, en
juin 1590 son activité est précisée comme celle d'un enseignement de
mathématiques146. Cette mention, par son caractère laconique, -
«Docuit Philosophiam et Mathematicas» -, pose un réel problème
de datation. En effet, cet homme né vraisemblablement en 1561,
entré dans la Compagnie à l'âge de 19 ans, après avoir accompli ses
études de philosophie147, est sans doute arrivé au collège de
Clermont en 1582-83, puisque pendant l'année scolaire 1581-82, il figure
sur les registres du collège de Pont-à-Mousson comme lecteur en
logique148, y disparaît l'année suivante, puis apparaît à Paris en 1583-
1584 comme professeur de philosophie149 : à cette date, il se trouve
en présence d'Arnaud Saphore, désormais professeur de théologie.
En 1587, il se trouve toujours sur le catalogus triennalis du même
collège, et le rédacteur le signale de nouveau au titre de son
enseignement de philosophie. Sur celui de 1590, est enfin inscrit
«docuit philosophiam et mathematicas»150. L'usage du passé entretient

143 Précieux est, à cet effet, le registre coté FRANC. 10, qui recueille les
catalogues triennaux des années 1584, 1587, 1590, 1593, 1597, 1600. Complété par les
catalogi brèves du registre FRANC. 22, qui couvre la dernière décennie du siècle,
il constitue la base principale des fiches biographiques que j'ai pu établir pour
Cette époque. Celles-ci sont reportées en annexe 2.
144 L. Polgar, Bibliographie sur l'histoire de la Compagnie de Jésus, 1901-1980.
Les personnes, t. 3, p. 268-329 : l'abondante bibliographie sur le personnage se
trouve regroupée là.
145 Pour les approcher, nous ne disposons que des mentions des catalogues
triennaux à partir desquels des hypothèses peuvent être formulées quant à leurs
itinéraires respectifs.
146 Voir R. Soldo, «Un jésuite savoyard sur les routes de l'Europe : Balthasar
Chavasse (1561-1634)», Mémoires et documents de la Société Savoisienne
d'Histoire et d'Archéologie, vol. 94, 1992, p. 45-61. ARSI, FRANC. 10, fol. 134r.
147 ARSI, FRANC. 10, fol. 12v.
148 L. Carrez, Catalogi sociorum..., op. cit., t. 1, p. 37.
149 ARSI, FRANC. 10, fol. 12v.
150 ARSI, FRANC. 10, fol. 134r.
328 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

le doute sur la durée de son enseignement des mathématiques


d'autant plus que nous ne disposons d'aucun catalogus brevis de ces
années 1580 pour combler les lacunes laissées par cette
documentation. Il semble pourtant que cette concentration de l'activité
enseignante de B. Chavasse sur les seules mathématiques ne puisse
remonter avant 1589-90, car la présentation générale des
enseignements de Clermont confirme :
Nous sommes 43, dont 18 prêtres; 14 professeurs parmi lesquels
5 prêtres, dont 4 enseignants de grammaire pour toutes les classes,
un d'humanités, un mathématicien, trois professeurs de philosophie,
deux de théologie scolastique, un d'écriture et d'hébreu, un de cas de
conscience, huit scolastiques dont l'un qui lit les mathématiques151.
Avant cette date, aucune mention du même genre n'a été
identifiée à travers les différentes sources dépouillées. S'il n'apparaît pas,
dans les registres ultérieurs, que cette activité ait été poursuivie par
B. Chavasse, qui a continué sa formation intellectuelle dans la
Compagnie en suivant les cours de théologie parallèlement à son
enseignement, si le catalogus tnennalis d'avril 1993 précise qu'il ne s'est
adonné aux mathématiques que pendant deux seules années152, il
n'en demeure pas moins que cette mention joue un rôle important :
d'abord parce qu'elle met en lumière un processus évolutif de la
stratégie éducative jésuite qui consiste à offrir un cours de
mathématiques à ses auditeurs aussitôt qu'elle a pu ouvrir un cursus complet
en philosophie comme en théologie; ensuite, parce qu'elle pose le
problème du choix du professeur. En effet, quelles étaient les
compétences particulières de Balthasar Chavasse pour qu'il fût
désigné plutôt que ses autres collègues? L'extrait du catalogue cité ci-
dessus semble indiquer que le professeur de mathématiques
occupait cette fonction parallèlement à sa formation de théologie. Or,
fait symptomatique, bien que d'une interprétation malaisée,
Chavasse a étudié la philosophie hors de la Compagnie. Peut-être est-ce
aussi en dehors d'elle qu'il a appris les rudiments de mathématiques
nécessaires à en faire un professeur pour deux ans? A moins de
considérer qu'il s'est initié à cette discipline dans le cadre jésuite,
mais sur un mode privatus, au gré de ses contacts et de ses
curiosités. Troisième intérêt enfin de cette mention, Balthasar Chavasse
s'est intéressé aux mathématiques en dehors de ces deux années où
il les a enseignées. C'est du moins ce dont témoigne une lettre adres-

151 ARSI, FRANC. 10, fol. 127r. : «Alit e nostris 43. Sacerdotes 18. Praelec-
tores ex quibus 5 sunt sacerdotes 14, nempe grammatices 4 totidem classibus,
humaniores literae unum, Mathematicum unum, philosophiae très, scholasticae
duos, scripturae et hebraïcae linguae unum, casum conscientiae unum, scholares
8 quorum unus legit mathematicas...».
152 ARSI, FRANC. 10, fol. 161v.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 329

sée à Christoph Clavius, une dizaine d'années plus tard, lorsque,


professeur de théologie à Pont-à-Mousson, il écrit au maître romain
pour le remercier de l'envoi de son dernier livre Horologiorum nova
descriptio, paru à Rome en 1599153. Or, il ne s'agit pas uniquement
d'un billet de circonstance, car certains indices, dans cette lettre,
permettent de supposer que Balthazar Chavasse avait déjà écrit à
Clavius154. D'autre part, il manifeste un réel intérêt pour les
mathématiques, lequel n'est pas limité à la gnomonique. Il demande en
effet des nouvelles de l'édition de ce grand ouvrage d'algèbre, annoncé
depuis la parution en 1583 du Compendiimi arithmeticae, demande
qu'il partage avec John Hay, comme on Ta déjà vu. De la formulation
de cette demande, nous pouvons tirer deux conclusions : sans doute
B. Chavasse a-t-il eu accès au Compendium à l'époque où lui-même
enseignait la discipline; d'autre part, alors qu'il est officiellement
professeur de théologie depuis une dizaine d'années, il continue
suffisamment à s'occuper de mathématiques pour attendre la
production editoriale romaine et entretenir une correspondance directe
avec la grande figure scientifique de la Compagnie. Maigres indices
assurément qui ne conduisent pas à des conclusions très fermes,
mais qui constituent le début d'une preuve d'activité mathématique,
dans le milieu jésuite parisien dès les dernières décennies du
siècle155. On voit d'autant mieux l'intérêt de cette piste, qu'elle
suggère un modèle différent d'organisation du rapport avec Rome,
différent de celui mis en lumière pour Tournon.
Cette hypothèse est confirmée par l'étude des compagnons de
Balthazar Chavasse : son collègue Jean Chastelier, arrivé au collège
de Clermont au plus tard en cette même année 1587156, bien que n'é-

153 C. Clavius, Corrispondenza, vol. IV, 1, p. 134-Ì35, lettre n° 172, Pont-à-


Mousson, le 20 mars 1601.
154 Ibid., p. 134 : «Accepi librum novae descriptionis horologiorum eo praeci-
puo nomine mihi longe gratissimum quod munus sit R.ae V.ae quid enim mihi
gratius accidere potuit quam ab eo cognosci ex me quin etiam beneficio affici
quem semper colui et cuius consuetudinem compluribus litteris tentatam iam
me sortitum video?...»
155 Les éditeurs de la correspondance de Clavius mettent aussi l'accent sur le
fait que B. Chavasse transmet, par le biais de Clavius, ses salutations à Jean So-
lain (Ioannes Solanus), en train de suivre une formation en théologie à cette date.
Or cette jeune recrue de 25 ans aurait aussi fait ses études de théologie au
Collegio Romano et aurait, par là même, été directement en contact avec l'école
mathématique de Clavius. A son retour en France, ce Champenois est nommé en
1606 au collège de Bourges (FRANC. 10, fol. 241r.), puis, à partir de 1611, au
collège de La Flèche (FRANC. 10, fol. 275r.), dans le années correspondant à la
formation de Descartes. Les auteurs voient dans ce parcours la confirmation de «la
filière de La Flèche» comme canal de transmission de la culture mathématique
du Collegio Romano en France. Cet aspect du problème sera examiné
ultérieurement. Voir C. Clavius, Corrispondenza, voi. VI, 2, p. 76-77.
156 Sa présence à Paris en 1579-1580 n'est pas documentée dans les cata-
330 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

tant jamais signalé dans les sources administratives pour un


quelconque enseignement de mathématiques, partage pourtant lui aussi
un intérêt pour la matière. Ceci permet d'admettre que dans les
années passées aux côtés de Balthazar Chavasse, le Poitevin Jean
Chastelier pouvait trouver dans son collègue un interlocuteur potentiel
sur le sujet. D'autre part Jean Lorin, lui même âgé de 28 ans,
professeur de théologie, est promis à une carrière romaine qui le mènera
au Collegio Romano et à l'office de théologien du Général157. Cette
rencontre des trois hommes, loin de paraître anecdotique, est
importante : non seulement elle inaugure une relation amenée à durer,
mais surtout elle permet d'établir un lien entre la France, Rome et
les mathématiques.
La collaboration entre Chavasse et Chastelier se poursuit
jusqu'en 1590 puisque les mêmes hommes sont toujours présents à
Paris à la fin de l'année scolaire158; à ce groupe s'est agrégé le célèbre
maître du futur régicide Jean Chastel, Jean Guéret159. Ici encore,
l'homme est connu pour son enseignement de philosophie, puis sa
longue direction du collège de Verdun160. Pourtant lui aussi
manifeste privatim un intérêt pour les mathématiques qui, dans les
années postérieures, trouve une confirmation dans l'entretien de
relations scientifiques avec Jean Chastelier et Rome161.

logues alors que la conservation d'un de ses cours de philosophie (B.A.V., Vat. lat.
7508 : R.P. Castellani Joannis, Soc. Jesu, De Physica Auscultatione, de Caelo, de
Generatione et corruptione doctrina. Scribente Antonio Afurno 1580) permet de l'y
rattacher. En 1584, il enseigne le catéchisme à Bourges : ARSI, FRANC. 10, fol.
30v.-31r. Mais, en 1587, il enseigne la théologie à Paris : ARSI, FRANC. 10, fol.
71r.
157 ARSI, FRANC. 10, fol. 71r. : cette référence précise les origines avignon-
naises du personnage, son entrée dans la Compagnie à l'âge de 16 ans, ses études
de philosophie et de théologie, une carrière d'enseignant qui l'a fait occuper des
postes en humanités, philosophie jusqu'à la théologie en cette année 1586-87.
Voir en outre C. Sommervogel, op. cit., t. 5, col. 1-6 : «Né à Avignon en 1559,
entré au noviciat le 2 octobre 1575. Il enseigna la philosophie et l'Ecriture Sainte à
Rome, Paris et Milan, fut 24 ans recteur et longtemps théologien du Père
Général. Il mourut à Dole le 6 mars 1634». Outre sa production imprimée,
Sommervogel cite une lettre à Peiresc, envoyée d'Avignon, le 24 juillet 1624 et publiée dans
J.-M. Prat, Recherches historiques et critiques sur la Compagnie de Jésus en France
du temps du P. Coton, t. 5, p. 399-400, ainsi que huit autres lettres à Peiresc
conservées à la Bibliothèque nationale de France, ms franc. 9441.
158 ARSI, FRANC. 10, fol. 133r - 134r.
159 ARSI, FRANC. 10, fol. 134r. Celui-ci se trouvait déjà dans la province en
1587, mais au collège de Bourges. On voit que, dans ce cas, comme dans celui de
Chastelier évoqué précédemment, se profile un «cursus honorum», au cœur de la
province qui permet aux jeunes professeurs de passer de la province à Paris, avec,
pour les meilleurs d'entre eux, l'enseignement de disciplines de premier plan,
d'abord philosophie, puis théologie.
160 L. Carrez, Catalogi sociorum..., op. cit., vol. 1, ad nominem.
161 Une unique lettre publiée dans la correspondance de Clavius permet de
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 331

Certes, le témoignage du catalogus triennalis de juin 1593


souligne une réelle dispersion de l'équipe, puisque Balthazar Chavasse
se trouve à Pont-à-Mousson162, Jean Lorin a quitté la province et
Jean Chastelier se retrouve à la tête du collège de Verdun163. Mais, en
contraignant la Compagnie à quitter Paris quelques mois plus tard
(décembre 1594), l'attentat de Jean Chastel devait provoquer la
reconstitution du noyau parisien à Pont-à-Mousson avec des
conséquences décisives pour l'organisation de l'enseignement des
mathématiques. Cet enseignement aurait sans doute pris un réel essor si
l'attentat contre Henri IV n'avait contraint les jésuites de Paris à
quitter le Royaume dans les premiers jours de janvier 1595. Comme
à Lyon mais sur un mode beaucoup plus brutal, l'histoire politique
fait irruption dans le collège et marque un tournant dans l'essor de
la Compagnie en France.

ressaisir cette relation. Voir C. Clavius, Corrispondenza, vol. V, 1, p. 119-120, lettre


n° 228, envoyée de Nancy, le 2 septembre 1604 :
«Io mi son rallegrato d'haver questa occasione di scriver'a V. R. per poter
significare con queste pocce righe la memoria qu'io tengo della sua charita et
amorevolezza. L'occasione è questa. Il P. Castellano m'a scritto, che V. R. desiderava
saper'il nome di quello ch'a trovato la démons tratione, Quod diameter sit
commensurabilis peripheriae. Questo si chiama il Signore Giovanni Baptista Sta-
bilis Mathematico del Seren.mo Duca di Lorena surinttendente delle fortificatio-
ni del paese, il quale havrebbe scritto a V. R., s'il Courriero non fusse partito cosi
in fretta. Ma spera di vederla fra pochi mesi. Credo che V. R. sera advertita di
tutte le nove di Francia, pero non la faro più lunga...»
Traduction :
«Je me réjouis de cette occasion qui m'est offerte d'écrire à V. R., et de vous
rappeler, par ces quelques lignes, le souvenir que je garde de votre charité et
affection. L'occasion est la suivante. Le P. Chastelier m'a écrit que vous désiriez
connaître le nom de celui qui a trouvé la démonstration, Quod diameter sit
commensurabilis peripheriae. Il s'agit du sieur Giovanni Baptista Stabilis,
mathématicien du Serenissime Due de Lorraine, surintendant des fortifications du
pays, qui aurait écrit à V. R. si le courrier n'était pas parti en si grande hâte. Mais
il espère vous voir d'ici quelques mois. Je crois que V. R. sera avisée de toutes les
nouvelles de France, mais je ne voudrais pas vous retenir davantage...».
Pour l'heure, je n'ai pu établir aucune biographie précise du personnage, la
bibliographie sur cette question étant fort indigente. Le recours aux outils de
recherche classique n'a pas porté ses fruits : Dom Calmet, Bibliothèque Lorraine ou
Histoire des hommes illustres qui ont fleuri en Lorraine, dans les trois Evêchés et
dans le Duché de Luxembourg, Paris, 1751 ne signale pas ce mathématicien. Dans
la correspondance de Clavius, la lettre n° 203 de Chastelier (Pont-à-Mousson, le
20 janvier 1603) y fait une première allusion sans le nommer; enfin, la lettre
n° 273 de John Hay (Nancy, le 8 septembre 1607) y fait une dernière allusion :
«Egi cum D. Baptista de Stabilis de sua Demonstratione quam ipse perfectissi-
mam existimat...».
162 ARSI, FRANC. 10, fol. 161v.
163 Du point de vue strictement géographique, la dispersion, dans ce dernier
cas, est relative. La proximité entre Pont-à-Mousson et Verdun est indispensable
332 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Ces quelques remarques préliminaires montrent à quel point le


développement, même ponctuel, d'un enseignement de
mathématiques, ne correspond à aucune volonté particulière de la part de la
Compagnie dans ce domaine, du moins dans le cadre de la
périphérie française. Au contraire, si les jésuites ont, en tant
qu'institution, un souci, c'est celui des classes de philosophie, passage obligé,
propédeutique nécessaire pour aborder la théologie, définie, dans
leur projet, comme fin des études et objet assigné à la connaissance.
Dans ce contexte, ils se trouvaient de fait confrontés à l'existence
d'une tradition universitaire intégrant, dans la continuité du quadri-
vium médiéval, des leçons de géométrie et astronomie
principalement, développées à la Renaissance aux côtés de la philosophie
naturelle164, car même si un effort particulier a été déployé à Paris, il
est difficile d'y voir un caractère avant-gardiste ou novateur par
rapport à d'autres institutions de savoir. Cette affirmation exigerait,
même superficiellement une discussion approfondie, qui passerait
par la comparaison des différents enseignements de mathématiques
dispensés dans la France de la fin du XVIe siècle. Or, il faut bien
l'avouer, la nécessité de confronter pratiques jésuites et pratiques non
jésuites se heurte aux lacunes que présente la bibliographie actuelle
sur l'histoire de l'enseignement en France, et notamment à Paris, au
XVIe siècle165.
Sans doute la nécessité dans laquelle la Compagne s'est trouvée
de devoir fermer nombre de ses établissements français a-t-elle
interdit l'épanouissement d'une situation parisienne qui aurait
vraisemblablement permis la création d'une chaire de mathématiques,
indépendamment de toute obligation imposée par le contrat de
fondation. Les conditions semblaient en outre réunies pour que cette
création intervînt en marge du groupe des mathématiciens du
Collegio Romano. Les premiers éléments de biographie des professeurs
de philosophie de Paris rassemblés ici suggèrent que la dynamique

à souligner. Voir les cartes de localisation des établissements ainsi que celle qui
reconstitue l'itinéraire de Jean Chastelier, en annexe.
164 On se référera en premier lieu aux programmes des grandes institutions
parisiennes : J. Launoy, Regii Navarrae Gymnasii Parisiensis Historia, Paris, 1677,
2 t., 1114 p.; J. Quicherat, Histoire du collège de Sainte-Barbe, Paris, 1860, 3 vol.;
C. Thurot, De l'organisation de l'enseignement dans l'Université de Paris au Moyen-
Age, Paris, 1850, 213 p.; C. E. Du Boulay, Historia Universitatis Parisiensis..., op.
cit. A quoi s'ajoute la bibliographie citée dans la première partie, chapitre 3
notamment.
165 Voir, pour le Moyen Age, J. Verger, «Tendances actuelles de la recherche
sur l'histoire de l'éducation en France au Moyen Age (XIIe-XVe siècles)», art. cit.
Malgré le fait que cette étude s'arrête au XVe siècle, on y trouve les références de
bases pour l'histoire de l'Université de Paris, en particulier. On complétera par
Id., Les universités françaises au Moyen Age, Leyde, 1995, 255 p.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 333

impulsée par Rome n'a pas induit directement un essor de


l'enseignement des mathématiques en France du nord dans les
dernières décennies du XVIe siècle.

L'émergence du pôle mussipontain dans les années


du reflux de la compagnie en france

Contextualisation

A partir de l'attentat de Jean Chastel, le collège de Pont-à-Mous-


son prend le relais du collège de Clermont et la chronique jésuite de
l'établissement a gardé la mémoire de cette véritable rupture dans
son histoire :
Le 27 décembre 1594 le Roy ayant été blessé entre 5 et 6 heures
du soir, et puis après ayant recogneu celluy qui avait faist cest
attentat, avait fait ses études en notre collège, il fut décrété que tous les
membres du collège seraient mener chez Monsieur Brisard Conseiller
de la Cour; ce qui fut exécuté sur les huit heures et demie. Et corne
ces messieurs eurent apris que N (Jean Gueret) avait esté maistre en
philosophie du susdit criminel, il fut affolé et separé d'avec les aultres
estants en une sale, et mené par le sieur Brisard avec des archers au
logis de Monsieur le Per Président (...) A quoi N respondit qu'il le co-
gnoissoit pour avoir esté son escolier en philosophie environ trois
ans166.
De fait, le geste régicide de Jean Chastel intervient le 27
décembre 1594 et c'est le lendemain qu'a lieu l'arrestation de son
professeur de philosophie, Jean Guéret. Au même moment, un arrêt du
Parlement ordonne que «tous les prêtres et scolastiques du collège
de Clermont et tous autres soy-disant de ladite Société, corrupteurs
de la jeunesse, perturbateurs du repos public, ennemis du Roy et de
l'Estat» quittent Paris, ainsi que les autres villes où ils avaient des
collèges, dans les 3 jours, et le royaume dans les 15 jours, sous peine
d'être punis comme coupables du crime de lèse-majesté. Défense
était faite, dans les mêmes termes, à tous les sujets du Roi d'envoyer
leurs enfants aux collèges des jésuites situés hors du Royaume. Le
procès contre Jean Guéret aboutissait à une sentence de
bannissement à perpétuité et, parallèlement, dans les premiers jours de
janvier 1595, trente-huit pères et scolastiques quittaient Paris, se
dirigeant en grand nombre vers le collège de Pont-à-Mousson, dans le
duché de Lorraine, hors de la juridiction du Parlement de Paris.
Or, dans cette autre périphérie du Royaume qu'est Pont-à-Mous-
son, les facteurs de comparaison avec Tournon ne manquent pas et

1 ARSI, FRANC. 30, fol. 194r.-195v.


334 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

ce sont en définitive les mêmes schémas qui émergent dans


l'explication de l'originalité mussipontaine, par-delà une spécificité
régionale marquée dans ce second cas : celle-ci a été considérée par les
spécialistes de cette période comme l'une des «quelques grandes
réussites pédagogiques de la Compagnie»167. Il ne faut, en effet, pas
perdre de vue la situation, dans laquelle se trouve le Duché de
Lorraine, d'autonomie politique vis-à-vis du Royaume de France168,
ainsi que la position limitrophe par rapport aux pays rhénans et
allemands, acquis au protestantisme. Dans ce contexte géopolitique
singulier, il faut enfin rappeler la proximité de Strasbourg, pôle
culturel dynamique, et carrefour des sensibilités réformées169 : Jean
Sturai, dont le Gymnase constitue le modèle éducatif protestant, y
fait incontestablement figure de contre-exemple pour la famille
jésuite, même s'il porte sur le système adverse un regard intéressé170.
Du reste, dès avant Pont-à-Mousson, le Gymnase de Strasbourg
dispense un enseignement de mathématiques :
Tu auras à expliquer cette année les éléments de la géographie, la
Sphère de Proclus, les Phénomènes d'Aratus, Euclide, l'arithmétique,
le traité d'Aristote sur le monde; car quel que soit l'auteur de ce livre,
il contient des notions fort utiles. Je ne te prescris pas la façon
d'enseigner; tu connais ma méthode et tu auras fait assez cette année, si
tu achèves le programme; et tu l'achèveras, j'en suis certain; car par
ce début je vois que tu le traiteras en entier et que tu ne veux pas t'en
écarter d'une ligne171.
Ces différents éléments, ainsi que l'importance des liens avec le

167 J.-C. Margolin, «L'éducation au temps de la Contre-Réforme», dans dans


G. Mialaret et J. Vial dir., Histoire mondiale de l'éducation : des origines à nos
jours, Paris, 1981, p. 225.
168 Sur la situation politique de la Lorraine, voir M. Parisse dir., Histoire de la
Lorraine, Toulouse, 1977, chapitre 8, «Le siècle d'or de la Lorraine
indépendante», et chapitre 9, «La monarchie française et le partage de l'espace lorrain»,
p. 227-331.
169 Sur l'histoire de Strasbourg, voir B. Rapp dir., Histoire de Strasbourg,
Toulouse, 1987, chapitre 4, «Le beau XVIe Siècle. Prospérité, humanisme,
réformes», p. 125-164. Précisons en outre que l'aire de recrutement de la nouvelle
Université de Pont-à-Mousson s'étend clairement dans cette direction, comme
l'indique le P. Abram dans L'Université de Pont-à-Mousson. Histoire extraite des
manuscrits du P. Nicolas Abram, de la Compagnie de Jésus, publié par le P. A. Ca-
rayon, Paris, 1870, p. 26-27 : «Son Eminence acceptera des professeurs
allemands, italiens, écossais, flamands, français, et aussi des espagnols...». Pour la
culture écrite et le livre, voir M. U. Chrisman, «L'édition protestante à
Strasbourg, 1519-1560», dans La Réforme et le livre. L'Europe de l'imprimé (1517-v.
1570), Paris, 1990, p. 217-238. Pour le Gymnase, voir supra, chapitre 3.
170 J. Sturm, Classicae Epistolae..., op. cit., p. 9, lettre n° 1, à Albert, duc de
Prusse, Strasbourg, le 30 mars 1565, citée supra.
171 Ibid., p. 93, lettre n° 17, Jean Sturm à Conrad Dasypodius, mathématicien.
Sur Dasypodius, voir supra, chapitre 3.1.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 335

collège de Paris, justifient, pour Pont-à-Mousson, une évolution


propre et une croissance exceptionnelle, sans doute plus brillantes
que celles de Tournon.
Avec dix ans de retard par rapport à celui du Vivarais, l'acte de
fondation du premier collège jésuite lorrain172 exprime lui aussi
l'obligation pour les pères de tenir un cours de mathématiques : dès
1572, est promulguée la bulle d'érection de l'Université, qui prévoit
l'ouverture de deux chaires rares, l'une d'hébreu, l'autre de
mathématiques :
Que dans cet établissement il y ait aussi quatre professeurs de
théologie (...) et trois de philosophie (...) Ainsi chaque jour on fera
une leçon d'hébreu et une autre de mathématiques173.
Dès lors, le rapport dressé, dans les Litterae annuae de 1575, par
le Recteur ne nous surprend pas :
Et enfin, que l'un de nos professeurs expose les mathématiques
sérieuses. C'est pourquoi notre nouvel établissement fleurira à la
mesure de nos espérances (...) Le nombre des élèves s'accroît de jour en
jour. De toutes les parties de la Lorraine, et de la Germanie
supérieure, ils convergent tous ici comme vers une nouvelle Athènes (...)
au point qu'il nous faudra constituer six classes pour la philosophie et
la théologie, si l'on enseigne ces disciplines, l'an prochain, avec un
nombre suffisant d'heures174.
Si le nouvel établissement rencontre un franc succès qui justifie
le lyrisme du rédacteur du rapport, la situation est pourtant plus

172 La bibliographie sur l'établissement est relativement abondante : sur les


origines du collège de Pont-à-Mousson, voir G. Gavet, Diarium Universitatis Mus-
sipontanae (1572-1764), Nancy, 1891; E. Martin, Le P. Abram historien de
l'Université de Pont-à-Mousson et ses deux traducteurs, Ragot et le P. Carayon, Nancy,
1888, 32 p.; Id., L'Université de Pont-à-Mousson (1572-1768), Paris-Nancy, 1891,
455 p.; L'Université de Pont-à-Mousson et les problèmes de son temps. Actes du
colloque organisé par l'Institut de recherche régionale en sciences sociales,
humaines et économiques de l'Université de Nancy II (Nancy, 16-19 octobre 1972),
Nancy, 1974, 402 p. et particulièrement, pour une analyse des relations entre le
cardinal de Lorraine et la Compagnie, M. Pernot, «Le cardinal de Lorraine et la
fondation de l'université de Pont-à-Mousson», p. 45-66.
173 ARSI, CAMP. 38, Erectio Universitatis Mussipontanae quae hoc libro conti-
nentur sequens pagella indicat..., Paris, 1602, p. 6r. : «In eo quoque adsint
quatuor theologiae professores (...) ac très philosophiae régentes (...). Una ibidem li-
terarum hebraïcarum et altera mathematicarum lectiones quotidie inibì lega-
tur...».
174 ARSI, FRANC. 30, fol. 112, Litterae annuae Provinciae Franciae, Paris, juin
1575 :
«... unus (professor) denique Mathematicas sérias exponet. Itaque florebit
Academia nova, ut speramus (...) Crescit in dies singulos discipulorum multos.
Ex universis Lotharingae, et Superioris Germaniae partibus illuc tamque ad no-
vas quaedam Athenas confluunt (...) 6 classes constituere praeter philosophicas
et theologicas si quibus anno sequenti satis horis quotidie docebitur».
336 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

complexe : qui enseignerait les mathématiques à cette date? L'un


des professeurs de philosophie assurément, mais lequel et
pourquoi?
De fait, lorsqu'en 1578, Jean Maldonat175, bien connu pour son
œuvre de prédication et de lutte contre les hérétiques, effectue une
visite de l'établissement, il reste muet sur ce cours, mentionnant en
revanche les trois professeurs de philosophie. Mais à cette date, et
déjà depuis les trois années précédentes, une jeune recrue arrivée de
Pologne, assure un cours de physique ou de logique selon les années,
c'est l'Ecossais John Hay, déjà rencontré à Tournon176. Il jouissait
des compétences nécessaires pour assurer, dans le cadre de cette
tâche, une initiation aux mathématiques177. Ceci justifierait
l'absence de référence explicite à ce cours, lors des visites ou dans les
catalogues du personnel. Tel est effectivement le cas des documents
des années 1581178, 1584179, 1587180 ou 1590, à l'exception des
catalogues de 1590 et 1593 qui indiquent clairement à propos de Laurent
Le Loup, qu'il enseigne les mathématiques181. Pour le reste, seules
quelques indications très vagues permettent de supposer la présence
de ce cours. La chronique de l'établissement, sans date mais sans
doute écrite à la fin des années 1580, précise qu'à partir de l'année
1581, les enseignants de théologie et de philosophie sont au nombre
de trois, alors qu'on en compte six pour les classes inférieures,
même si l'acte de fondation ne contraint la Compagnie qu'à cinq.
Les leçons d'hébreu ont été interrompues, du fait du manque
d'auditeurs et celles de mathématiques se limitent strictement aux
obligations contractées. L'espoir est pourtant formulé qu'une classe propre
de mathématiques s'ouvre sous peu. L'importance de l'établissement
est confirmée par le nombre des jésuites qui y sont rattachés, soit
soixante-cinq à cette date, et l'allusion faite au visiteur, Laurent
Maggio, souligne l'importance de son rôle dans la solution de
nombre de problèmes182.

175 Voir J.-M. Prat, Maldonat et l'université..., op. cit., notamment p. 440-459.
176 Ibid., p. 447; voir aussi L. Carrez, Catalogi sociorum..., op. cit., t. 1, p. 32,
33, 35.
177 Dans J.-M. Prat, Maldonat et l'université..., op. cit., p. 447, l'auteur
indique, sans se justifier, que c'est Nicolas Le Clerc qui aurait assuré cette mission.
178 ARSI, GAL. 53, fol. 87r.
179 ARSI, FRANC. 10, fol. 20r.
180 ARSI, FRANC. 10, fol. 78r.
181 ARSI, FRANC. 10, fol. 145v. et 161v.
182 ARSI, GAL. 56, fol. 230r.-231v., Historia Instituti Collegii Mussipontani :
«... ab anno 1581, unum scripturam, duo scholasticam theologiam, unum
casum conscientia, très philosophiam, sex humaniorum literarum cum tamen e
Bulla erectionis Universitatis ad quinque solum obligemur (...) Lectio hebraica
ob desertum auditorum diu intermissa fuit. Denique superioris prò tempore
arbitrati sunt sufficiet qua de mathematicis disciplinis professons quotannis tradire
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 337

Certes, à travers ce témoignage, se révèle une certaine attention


de la part des autorités pour le cours de mathématiques, mais il
semble que ce soit davantage par souhait de respecter les
engagements du contrat de fondation que par intérêt spécifique pour cette
discipline. Ainsi, jusqu'à l'arrivée des pères de Paris, le sentiment
domine d'une situation très incertaine, n'excluant pas quelques leçons,
voire parfois un professeur à part entière183.
L'attentat de Jean Chastel avec toutes ses répercussions, la
fermeture de la plupart des établissements français, et de celui de Paris
en premier lieu, trouvent un écho dans le journal du collège mussi-
pontain où est noté : «Le 20 janvier de cette année 1595, plus de
quatre-vingt des nôtres arrivèrent à Pont-à-Mousson en provenance
du collège ou de la maison professe de Paris...»184. Avec l'afflux des
Parisiens et le renforcement considérable du corps professoral,
l'établissement va pouvoir disposer de la première structure française de
formation mathématique.
Aucune source directe ne l'atteste, mais on peut fonder cette
affirmation sur le constat suivant : les premiers occupants des chaires
de mathématiques ouvertes dans la France du nord, après la
restauration de la Compagnie en 1603, ont acquis leur culture à Pont-à-
Mousson. Selon quels processus? D'après quelles logiques?
On fera l'hypothèse que le repli mussipontain des professeurs
parisiens a aussi été celui du transfert d'une académie privée de
mathématiques, en germe à l'heure de la suppression. En effet, le
collège de Clermont dispose d'un premier professeur de
mathématiques à part entière, Balthasar Chavasse, uniquement détaché à
cette fonction. Dans la même période, Clavius à Rome prend part au

soient ad satisfaciendum lectionis numerum in bulla praescriptae. Numerat au-


tem jam Societatis collegium 65 personarum (...) R. P. Laurentino Maggio visita-
tor in visitatione Collegii julio et sequentibus mensibus facta, humaniorum lite-
rarum qua ad illas spectant, et agenda in Universitati circa actus, et promotionis
recognoverit, diligentiae examinavit et approbavit, multa circa praxim studiorum
dubia resolvit; resumpta quoque est diu intermissa (ut dictum est) lingua hebrai-
ca lectio, et sperandum brevi separatam mathematicarum schola non defutura.
Auditores porro in collegio mille trecenti et quinquaginta numerabantur...».
183 C'est aussi ce que l'historiographie a retenu : dans sa thèse consacrée à
l'Université, E. Martin, bon connaisseur par ailleurs des sources jésuites,
n'hésitait pas à écrire : «la bulle pontificale d'érection demandait une leçon de
mathématiques par jour; jusqu'en 1611, ce fut le professeur de philosophie qui la donna
dans la seconde année du cours; les sciences exactes étaient, du reste, comptées
par Aristote au nombre des parties de la philosophie... En 1611, une chaire
spéciale fut créée et confiée au P. Lallemant. Cette innovation est à signaler...», dans
L'Université de Pont-à-Mousson..., op. cit., p. 323. On ne peut que souligner à quel
point cette vision est éloignée de la réalité mussipontaine.
mDiarium Universitatis Mussipontanae (1572-1764)..., op. cit., col. 86 : «Eo-
dem anno mensis januari die 20 (1595) venerunt Mussipontanum e Parisiensi
Collegio et Domo professa supra quadraginta de nostris...».
338 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

débat sur la Ratio et défend l'idée de l'académie de mathématiques


développée privatim, et même de la multiplication des centres de
formation, comme on l'a vu dans la première partie. Qu'il songe à
Paris, comme un des lieux possibles pour accueillir cette structure,
ne fait aucun doute :
7 - Dans quatre grands collèges, comme ceux de Rome, Milan,
Coïmbra, Paris, on pourrait créer quatre académies : l'une
d'éloquence, l'autre de grec, la troisième d'hébreu, la quatrième de
mathématiques185.
Ainsi, alors que les jésuites parisiens allaient vraisemblablement
ouvrir une académie de mathématiques fondée à partir de ses
recommandations, la fermeture des classes à la fin de l'année 1594
mettait un terme définitif au projet. Malgré la précarité de la
situation de la Compagnie en France à la suite de cet événement, l'idée ne
devait pourtant pas se perdre et le repli à Pont-à-Mousson de la
plupart des pères parisiens offrait le moyen de répondre simultanément
à deux objectifs : mener ce projet à bien, et satisfaire aux termes du
contrat de fondation de l'Université lorraine186. Celle-ci s'est
structurée autour de l'activité déployée par Jean Chastelier, le collègue de
philosophie de Balthasar Chavasse à Paris dans les années 1580187.

Autour du rôle de Jean Chastelier


Cet homme que l'historiographie traditionnelle a retenu pour
ses activités administratives188 reste mal connu. Sur sa formation,
avant l'entrée dans la Compagnie, comme sur ses premières années

185MPSJ, vol. 6, p. 119-122 : «7 - In quatuor magnis collegiis, ut Romano,


Mediolanensi, Conimbrisensi, Parisiensi possent quatuor academiae institui :
eloquentiae una, altera linguae graecae, tertia hebraïcae, quarta mathematicae».
Pour l'analyse de ce document, se reporter à la première partie, chapitre 2.
186 pourtant, les choses sont moins évidentes qu'il y paraît. Car, dans la
mesure où l'essor des mathématiques s'est effectué en marge du cursus traditionnel
des études, privatim pour reprendre une expression contemporaine, il ne faut pas
attendre des documents traditionnels qu'ils consacrent effectivement de longs
développements à ce qui était secondaire et parallèle aux institutions.
187 On trouvera, en annexe, un tableau de synthèse qui reconstitue la carrière
du personnage.
188 Cet exemple paraît particulièrement significatif. Il est extrait de H. Fou-
queray, op. cit., t. 3, p. 17-18 : «Le P. Barny n'était venu à La Flèche qu'avec le
titre de supérieur et en vue de la première installation. Il retourna bientôt
reprendre à Paris l'administration des affaires temporelles où il excellait. Le P. J.
Chastelier le remplaça avec le titre de recteur. C'était un homme doué d'un grand
talent et d'une extrême facilité de travail. Après ses études à Pont-à-Mousson, il
enseigna au collège de Clermont la philosophie et la théologie. Lors du
bannissement, il gouverna en qualité de vice-provincial les membres de la province de
France réfugiés à Pont-à-Mousson et Verdun. Plus tard, il fut nommé
commissaire et chargé de promulguer la Ratio dans les provinces de France et Lyon».
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 339

d'enseignement, les sources restent presque totalement muettes :


quel fut son itinéraire avant l'entrée au noviciat de Poitiers?
comment s'est-il formé à la philosophie? quels étaient ses centres
d'intérêt? A ces diverses questions, l'historien ne peut aujourd'hui
apporter aucune réponse. Sur le début de sa carrière, en revanche, outre
les indications des catalogues des collèges ou celles de la
correspondance administrative interne, subsistent quelques témoignages de
premier ordre, qui ne sont autres que ses cours de philosophie : le
corpus aristotélicien, au programme des cours de logique, physique
et métaphysique, a été commenté dans les années 1580 par Jean
Chastelier à Paris. L'étude des notes de ses cours189 peut ouvrir la
voie à une meilleure saisie intellectuelle du personnage,
particulièrement ceux qui concernent le De caelo et mundo pour les questions
astronomiques, et les Prolegomena in libros de Demonstratione, pour
les questions épistémologiques190.
Ainsi, le cours de philosophie professé par Jean Chastelier à
Paris, en 1579-1580, a été pris en note par un étudiant : R.P. Castellani
Joannis, Soc. Jesu, De Physica Auscultatione, de Caelo, de Genera-
tione et corruptione doctrina. Scribente Antonio Afurno 1580 et il se
compose de 336 feuillets recto-verso191. L'index situé au début du
manuscrit confirme que pendant l'année 1579-1580 le cours de
physique a porté sur le commentaire des huit livres de la Physique, puis
du Traité du ciel, et enfin du De generatione et corruptione. Par
exemple, les trente-neuf feuillets du De caelo192 constituent un
commentaire déséquilibré du texte d'Aristote, puisque 17 s'attachent au
premier livre, 8 au second, 2 au troisième et 12 au quatrième.
L'ensemble d'une tonalité toute aristotélicienne ne fait écho à aucun
intérêt particulier pour la dimension astronomique du sujet. Il semble
donc que le jeune professeur de philosophie ne soit pas encore
ouvert à la culture mathématique nouvelle.
En devenant à la fin de cette décennie professeur de théologie193,
Jean Chastelier poursuit une ascension intellectuelle classique, d'au-

189 C. H. Lohr a pu identifier, dans sa quête des commentateurs d'Aristote à


la Renaissance, différents manuscrits des cours de Jean Chastelier. A partir de
ces indications, j'ai consulté les documents de Rome (B.A.V.) et Paris (B.S.G.).
Voir C. H. Lohr, «Renaissance Latin Aristotle Commentaries», Renaissance Qua-
terly, vol. 28, 1975, p. 704-705.
190 B.A.V., Vat. Lat. 7508.
191 II s'achève sur cette mention : «Finis eorumque in Philosophico cursu
Tradita sunt a Domino Io. Castellario philosophiae in Societate Iesu profess. ann.
1579», fol. 336r.
192 B.A.V., Vat. Lat. 7508, fol. 151r.-170v.
193 ARSI, FRANC. 10, fol. 133r. : Catalogue triennal du collège de Paris,
année 1590.
340 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

tant plus remarquable qu'elle a pour cadre le collège parisien dont la


situation est si précaire en ces temps d'opposition farouche de
l'Université à l'établissement jésuite. On sait combien la Compagnie
était attentive au choix des siens dans ses principaux collèges; il ne
fait donc aucun doute que, «exposé» comme l'était le professeur de
théologie du collège de Clermont, elle a mis beaucoup de soin à
choisir quelqu'un qui fût digne du poste. De fait, en 1588, le cours de
théologie est assumé conjointement par Jean Chastelier et Francisco
Suarez : les manuscrits 265 et 266 de la bibliothèque
Sainte-Geneviève permettent non seulement de l'attester, mais de suivre aussi
l'objet de ces leçons. En mai 1588, le français développe un
commentaire sur la question des pénitences194, puis en décembre sur la
confession195 : ce cours prend fin en juillet 1589. La même année,
Francisco Suarez étudie la seconde partie de la Somme de saint
Thomas196. Chastelier reprend les cours le 3 octobre suivant, avec le
commentaire de la première partie de la Somme197, alors que
parallèlement, le même jour, Suarez inaugure le commentaire de la
troisième partie de la Somme198.
Ces quelques indications précisent les modalités concrètes de
l'organisation du cours de théologie à Paris à la veille de sa
suppression momentanée. Elles révèlent aussi un autre aspect du
personnage de Jean Chastelier, collègue de Francisco Suarez. L'importance
de l'Espagnol pour la définition des grands principes métaphysiques
et théologiques adoptés dans la Compagnie, permet d'imaginer la
richesse du dialogue amorcé entre les deux hommes à la faveur de
leur proximité intellectuelle pendant au moins deux ans, au cours
desquels le débat sur la Ratio studiorum battait son plein. Cette
rencontre, en tous cas, tend à conférer à la personnalité de Jean
Chastelier un poids supplémentaire au cœur du dispositif jésuite
français199.
Rien de son parcours au sein de la Compagnie ne laisse
supposer que parallèlement il ait dû jouer un rôle quelconque dans
l'histoire de l'enseignement des mathématiques. Après Paris, un premier
séjour en Lorraine le conduit à Verdun où il est nommé recteur de
l'établissement fondé en 1564200. Délégué français à la cinquième

195 Ibid., fol.


194B.S.G., ms265,
280v. fol. 191r.
196 B.S.G., Paris, ms 266, fol. 251r.
197 Ibid., ms. 266, fol. 5r.
m Ibid., ms. 265, fol. 3r.
199 La suggestive étude de C. H. Lohr, « Jesuit Aristotelianism and Sixteenth-
Century Metaphysics», dans Paradosis. Studies in Memory of Edwin A. Quain,
New- York, 1976, p. 203-220, qui repose sur une analyse fort pertinente de l'œuvre
de Suarez, tendrait à justifier cette assertion.
200 Voir L. Carrez, Catalogi sociorum..., op. cit.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 341

congrégation générale entre novembre 1593 et janvier 1594, il passe


deux mois à Rome, avant de retourner à Verdun, où il se trouve lors
de l'attentat de Jean Chastel. Avec le titre de vice-provincial, puis de
provincial des jésuites de la province de France en exil, il séjourne
ensuite à Pont-à-Mousson, base de repli de presque tous les exclus
du nord du Royaume. Dans cette période, son activité diplomatique
se développe et trouve à s'exprimer dans les négociations avec le roi
de France : il appartient à la délégation qui, en 1603, rencontre
Henri IV à Metz dans le but d'obtenir le retour des jésuites dans le
Royaume. Il est ensuite nommé par le Père Général visitator studio-
rum, chargé de vérifier l'application de la dernière version de la
Ratio studiorum, avant de se stabiliser au moins deux ans (1604-1606)
au tout jeune collège de La Flèche. Il passe les six années suivantes à
Pont-à-Mousson, où il exerce officiellement diverses activités
administratives, on le trouve ensuite à Paris sans mission particulière,
puis recteur du nouveau collège de Caen. Enfin, à partir de 1620 et
jusqu'à sa mort, en 1629, il revient au collège de La Flèche, avec la
fonction de «préfet des études», qui l'autorise à s'occuper des
étudiants, tout en menant une activité personnelle.
Au cœur de cette carrière partagée entre l'enseignement,
l'administration et la diplomatie, la rencontre avec Clavius est
fondamentale. La relation entre les deux hommes est aujourd'hui connue
grâce à l'édition de leur correspondance et il paraît possible d'établir
un lien entre les ambitions de Clavius en matière de formation et ses
rapports avec Chastelier. En effet, Clavius s'est ouvert de son projet
d'académies «délocalisées», déjà évoqué ici, dans un document
adressé aux délégués de la cinquième congrégation générale (1593-
1594), notamment chargée d'examiner la seconde version de la Ratio
studiorum. Or, Jean Chastelier était dans l'assistance, en tant que
représentant de la province de France. Les deux hommes s'étaient
peut-être contactés antérieurement. Mais, la première lettre de
Chastelier à Clavius suggère que le voyage à Rome a été l'occasion
de la rencontre201. De quelles connaissances précises Clavius
pouvait-il disposer sur le dossier parisien? Si on ne peut répondre à
cette question, il est certain, en revanche, que la réunion de cette
cinquième congrégation générale lui aura donné l'occasion de
connaître l'un des principaux professeurs du collège de Paris, Jean
Chastelier, et de disposer, à travers lui, d'une bonne mise au point
sur le collège de Clermont. Il aura au moins eu confirmation de
l'intérêt de l'établissement : les infrastructures pédagogiques comme
les divers projets de nomination d'un professeur de mathématiques
à part entière se prêtaient bien à son projet.

201 C. Clavius, Corrispondenza, vol. III, 1, p. 98-111, lettre n° 109.


342 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

La rencontre avec Chastelier aura aussi eu un intérêt


mathématique. Car, la correspondance révèle aussi un homme qui,
parallèlement à son enseignement philosophique et théologique, a su s'initier
aux mathématiques - par quelles voies? -, au point de pouvoir
apparaître comme un interlocuteur de Clavius dans les mois qui suivent
la réunion romaine. On peut donc formuler l'hypothèse que si la
création d'une académie de mathématiques à Paris, sur le modèle de
celle du Collegio Romano, et destinée à former les professeurs de
mathématiques qui font si cruellement défaut à la Compagnie dans
ses provinces, constitue un projet de Clavius, la rencontre avec Jean
Chastelier, qui dispose des compétences et des qualités nécessaires
pour le mener à son terme, rend ce projet réalisable. Sans doute
alors l'attentat de Chastel, en provoquant la fermeture du collège de
Clermont, en a retardé l'exécution, nécessitant ainsi le
développement d'une stratégie de substitution dont la responsabilité revint à
Jean Chastelier : l'académie initialement prévue à Paris voit le jour
dans l'exil mussipontain.
Le prestigieux établissement de Pont-à-Mousson apparaît
comme un lieu propice à cet essor, les mathématiques y bénéficiant
déjà d'une certaine position de facto. Dans l'entourage du pouvoir,
mathématiciens de Cour et savants attachés aux questions
scientifiques constituent les différents maillons d'un réseau savant dans
lequel les jésuites parisiens ont trouvé à s'insérer. La maison de
Lorraine, fortement liée à la Compagnie, dispose dans ces années d'un
mathématicien de Cour, connu de J. Chastelier et John Hay comme
le montrent diverses lettres adressées à Clavius202. De surcroît, deux
Lorrains de cette génération ont laissé, dans le champ
mathématique, des ouvrages révélateurs d'une activité dans ce domaine,
pendant la période qui nous intéresse : Jean L'Hoste et Charles Le
Pois203. Le premier, un mathématicien, natif de Nancy, est ainsi
décrit dans la Bibliothèque lorraine :

202 Voir supra, note 161.


203 Charles Le Pois (1563-1633), médecin d'Henri II, duc de Lorraine, est
connu pour ses travaux de médecine mais aussi pour son traité sur la comète de
1618, Physicum cometae spéculum in quo natura, causae, species atque formae, va-
riis motus, statio, moles, natale temus, aetas, occasus, viresque seu effectu detegun-
tur, et accurate atque dilucide demonstrantur. Authore Carolus Pisone doct. Paris,
consil. et cobicul. Med. Henrici H, Serreniss. Ducis Lotharingae. . . , édité à Pont-à-
Mousson, en 1619. Jean Lereuchon, élève de Jean Chastelier, comme on le verra
dans la troisième partie, a lui aussi consacré un ouvrage à cette comète : il paraît
dès lors évident qu'habitant tous deux dans la même ville, ils ont dû avoir un
échange sur cette question. Dans son livre, C. Le Pois fait directement allusion
aux travaux du jésuite (p. 77). Dans les pages précédentes, il avait loué les
travaux de Galilée (p. 10). Il ressort de cette double présence que Galilée devait
probablement alimenter les échanges entre le professeur de mathématiques et le
médecin.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 343

Les mathématiques avaient été inconnues en Lorraine jusqu'à


lui, ce ne fut que le hasard qui lui apprit à quoi il était propre. Les
éléments d'Euclide lui tombèrent entre les mains, il les lut, il les
comprit, et il fut saisi de cet enchaînement que produit la géométrie
sur les grands esprits204.

Chargé de la réalisation d'une partie des fortifications de la ville-


nouvelle de Nancy ainsi que de celles de Marsal, il a laissé différents
traités dont il est frappant, par contraste avec ce que nous avons pu
dire de Bordeaux ou Tournon, qu'ils n'aient pas été utilisés en milieu
jésuite : une Pratique de la geometrìe105 ainsi que YEpipolimétrìe206 et
le Sommaire de la sphère artificielle1011. Chacun de ces trois livres
relève d'une culture mathématique encore peu développée dans la
Compagnie, celle de la tradition des mathématiques mixtes,
davantage orientées vers la pratique et la technique208. Comme L'arpenterìe
d'Elie Vinet évoquée dans le chapitre précédent, cette littérature
s'intègre mal dans un cursus philosophique et apparaît d'autant moins
nécessaire qu'elle n'est pas adaptée à un public le plus souvent
aristocratique et encore fortement marqué par une culture militaire qui
valorise l'art de la poliorcétique209. Ceci explique peut-être pourquoi
les professeurs de Pont-à-Mousson ne font pas allusion à Jean

204 Dom Calmet, Bibliothèque..., op. cit., col. 509.


205 Pratique de la geometrìe contenant les moyens pour mesurer et arpenter tous
les plans accessibles, avec les démonstrations d'icélles tirées des Elemens d'Euclide
les plus nécessaires pour parvenir à la congnoissance des Mathématiques, expliquez
practicquement par diverses figures et raisons Arithmétiques; utile et convenable a
tous arpenteurs, architectes, menuisiers et autres ouvriers travaillons par règle et
compas. Par Jean L'Hoste, licencié es drois advocat au Pont-a-Mousson, Pont-à-
Mousson, François Du Bois, 1607, 134 p.
206 Epipolimetrie ou art de mesurer toutes superficies. Comprenant la maniere
de bien dessigner, former, transmuer ou changer, mesurer et partager tous plans
quelconques; en quoi est demonstrée la practicque des six premiers livres des
Elemens géométriques d'Euclide. Oeuvre necessaire aux Géomètres, Arpanteurs, Geo-
graphes, Architectes, Sculpteurs et Statuaires, Peinctres et généralement a tous
artisans et ouvriers qui travaillent avec proportion, mesure, règles et compas. Par
I. L'Hoste, licencie es drois, Mathématicien, Conseiller et Ingénieur ordinaire des
Pais de son Altesse, etc., à Sainct-Mihiel, par François du Bois Marchand
Libraire, et imprimeur de saditte Altesse, 1619, 115 p.
207 Sommaire de la sphère artificielle et de l'usage d'icelle par Jean L'Hoste
Mathématicien, conseiller et Ingénier ordinaire es fortifications des pais de son Altesse,
Nancy, aux despens de l'auteur, 1619, 208 p.
208 On montrera dans la troisième partie que l'essor d'une production
scientifique orientée vers l'art des fortifications ou la navigation correspond à une
impulsion donnée par la monarchie.
209 On notera que l'épître dédicatoire de Y Epipolimetrie..., cité plus loin, fait
allusion au Maréchal de Barrois et à son rôle dans l'introduction des
mathématiques en Lorraine.
344 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

L'Hoste dans leur correspondance avec Clavius. Parallèlement, dans


sa Geometrìe, Jean L'Hoste n'hésite pas à se présenter, en 1607, en
ces termes :
A son Alteze.
(...) J'ay poursuivy l'estude tant des lettres humaines,
Philosophie, Jurisprudence, que des Mathématiques, et ay recongnu que tous
les arts non seulement libéraux mais aussi mechanicques ont quelque
sympathie avec les sciences desquelles ils prennent leurs fondemens,
comme de la Geometrie despens ung grand nombre des arts non
seulement utiles ains tres-necessaires à l'usage de l'homme, de la
Perspective despend la perfection de la peincture, aussi l'art de bien es-
crire qu'on appelle peindre sans doubte doit prendre sa perfection de
quelque science par le moyen d'ung aultre auquel est subordinée.
(...) j'ay plusieurs fois jette la velie sur les œuvres des plus excel-
lens Escrivains tant de France que d'Italie desquels j'ay apprins...210.
On voit donc ici à la fois l'expression d'un des paradigmes les
plus courants de la rhétorique mathématique du temps, celui de leur
utilité, de leur caractère de fondement pour les autres sciences et
arts. Dans l'allusion finale, se dessine aussi une évidente culture
mathématique contemporaine, qui inclut Peletier et Clavius, comme en
témoigne explicitement le passage du texte concernant la division
d'un triangle en deux parties égales211.
Dans la préface de son second livre, paru en 1619, l'autoportrait
qu'il dresse présente aussi un intérêt pour le sujet :
Epître dédicatoire :
(...) Je ne veux pas pour avoir entreprins ce petit travail, faire
aucun parangon de ce que s'y trouvera du mien au mérite d'Atlas, n'y
m'attrïbuer l'introduction des Mathematicques en Lorraine, mais di-
ray-je bien quen annales du pais ne se trouve aucun qui avant moy en
ayt escrit quelcque chose, ce que m'en faict parler si hardiment est
que j'ay l'honneur d'avoir esté incité a l'estude d'icelles par feu son
Altesse de tres-heureuse mémoire, m'ayant faict dire par feu Monsieur
de Maillanne lors Mareschal de Barrois, que je continuasse cet es-

210 J. L'Hoste, Géométrie..., op. cit., p. 3.


mIbid., op. cit., p. 39-43 :
«Proposition 6.
Diviser ung triangle en deux parties egalles.
Par la duplication du quarré cy devant demonstrée on peut colliger la
division d'icelluy en deux parties esgalles, dont ne sera mal à propos de rapporter icy
la division des triangles aussi en deux semblables parties. (...)
La preuve de ceste facon de diviser le triangle isosceles, se sera par la
réduction des parties d'icelluy en parallélogrammes, que je decriray cy après, car estant
reduictes les deux parties en parallélogrammes on les trouvera esgaux entre soy.
Je rapporteray encor une proposition de Iacob Peletier demonstrée par le
R.P. Clavius sur la trentehuitième proposition du premier des elemens d'Euclide.
La proposition est comme s'ensuit (...)».
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 345

tude, et que ce luy estoit fort aggreable d'avoir un de ses subjectz qui
s'addonnast a ces belles sciences : Aussi ne veux-je pas dire qu'aultre
que moy de ce païs n'eust pu faire le mesme et encore davantage, veu
que par tous les quantons de l'Europe, se retrouvent des Lorrains,
rares et excellens en diverses sciences, inventions et artifices, mais ce
que j'en ay faict, est pour tesmoigner aux estrangers, que oultre
l'exercice des lettres humaines, Philosophie, Théologie, Jurisprudence et
Médecine de vostre Université du Pont a Mousson, l'usage des
mathématiques est autant commun en ce pais qu'en aultre quelconque, ou
les ayant practiqué depuis dix ans que j'ai l'honneur d'estre ingénieur
ordinaire des Fortiffications des pais de V. A. j'ay remarqué les
problèmes comprins en ce petit traicté, par lesquelz j'ay tasche de de-
monstrer tout ce que se peut tirer en practicque des six premiers
livres des Elemens d'Euclides, touchant les dimensions des
superficies, la maniere de lever un plan, faire une carte ou description
topographique, et aultre traict de geometrie que j'ay estimé pouvoir
estre bien receus, notamment de ceux ausquelz le courage ne manque
nom plus que la curiosité d'entendre les fortiffications...212.
Sans citer la Compagnie, l'auteur indique clairement ici qu'il
n'ignore pas ce qui s'y fait, il ne donne cependant aucune indication
susceptible de nous éclairer sur les relations potentielles qu'il
entretient avec les jésuites. Parallèlement, il continue à évoquer Clavius,
et s'occupe aux pages xxiiii et xxxii de problèmes proches de ceux
qui intéressaient Jean Chastelier quelques années auparavant.
En arrivant dans le collège lorrain, il semble que J. Chastelier
déploie une activité, centrée sur l'arithmétique notamment, à partir
de laquelle s'organise l'échange épistolaire avec Clavius. Cet intérêt
se caractérise par deux niveaux d'intervention, qui, pour être
différents, doivent assurément s'inscrire en complémentarité dans sa
pratique. En tant que professeur, il a assuré la formation
mathématique de nombre de ses jeunes collègues dans le cadre d'un
enseignement développé privatim et sans doute institutionnalisé en 1604.
Mais, parallèlement, les rares vestiges de sa correspondance avec
Clavius rendent compte d'un important travail de poursuite de sa
formation personnelle et d'engagement dans la solution de
problèmes nouveaux, à la pointe des recherches en mathématiques,
dans ces années de transition entre Renaissance et Temps
Modernes.

La culture mathématique de Jean Chastelier


L'absence presque totale de sources sur le personnage de Jean
Chastelier renforce l'intérêt des informations qu'on peut tirer des
lettres échangées avec Clavius. Si cinq seulement d'entre elles ont

212 J. L'Hoste, Epipolimétrie..., op. cit., dédicace.


346 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

été retrouvées, elles permettent cependant de suivre les


préoccupations du professeur parisien pendant 15 ans, entre 1594 et 1609213.
Puis, la mort de Clavius interrompt cet échange et les témoignages
de l'activité mathématique de Jean Chastelier disparaissent presque
totalement. Leur examen révèle un univers mathématique riche et
original, développé sur un mode autonome. La première des lettres,
envoyée dans les mois qui suivent la rencontre lors de la cinquième
congrégation générale, est principalement composée de l'exposition
d'un problème de géométrie214. Ce problème, soumis à Chastelier par
un jeune mathématicien non jésuite, est accompagné de la solution
proposée par le jeune homme : elle sera intégrée par Clavius dans sa
Geometrìa practica en 1604. Dans le commentaire qui accompagne
l'édition de cette lettre, U. Baldini souligne l'appartenance de ce type
de question aux recherches mathématiques développées par Viète215.
Se dessine ainsi une filière de transmission des travaux des algé-
bristes français en direction de Rome. Outre son intérêt pour
l'histoire des mathématiques au sein de la Compagnie, cette remarque a
une importance tout aussi considérable pour notre propos : elle
esquisse en effet une relation centre/périphérie à double sens, qui doit
aussi permettre à Rome de rester le centre, via la confluence de
l'information depuis toutes les parties du monde. De plus, elle désigne
des sujets d'interrogation scientifique susceptibles de mettre en
évidence les travaux d'un groupe français à la charnière des deux
siècles. Enfin, elle constitue un précieux témoignage des échanges
en œuvre dans un même tissu régional : elle désigne des
mathématiciens qui se soumettent mutuellement des problèmes nouveaux, ou
des solutions nouvelles à des problèmes anciens et elle souligne la
place occupée par le collège jésuite dans cette relation. Seule la
réputation de l'établissement et de ses maîtres peuvent justifier une
démarche telle que celle rapportée ici par Chastelier.
Mais c'est avec la troisième lettre que se manifeste le plus
nettement l'envergure mathématique de Jean Chastelier216. Là, comme
dans la dernière lettre de cette correspondance à Clavius,
postérieure de six années217, se trouve définie avec une certaine précision
la culture mathématique du professeur au travers des différentes al-

213 Celles-ci se distribuent de la manière suivante : 4/12/1594, Paris (Clavius


C, Corrispondenza, vol. III, 1, p. 98-111); 15/03/1598, Pont-à-Mousson (ibid., vol.
IV, 1, p. 38-45); 20/01/1603, Pont-à-Mousson (ibid., vol. V, 1, p. 67-72); 26/02/1605,
La Flèche (ibid., vol. V, 1, p. 148-149); 13/01/1609, s.l. (ibid., vol. VI, 1, p. 116-127).
214 C. Clavius, Corrispondenza, vol. III, 1, p. 98-111, lettre n° 109.
2i5Ibid., vol. III, 2, p. 41.
216 Ibid., vol. V, 1, p. 67-72.
™Ibid., vol. VI, 1, p. 116-127.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 347

lusions à ses dernières lectures : l'allemand Scheubel, professeur de


mathématiques à l'Université de Tubingen, dont le traité
d'arithmétique est qualifié de «court et obscur»218, Pedro Nunès219, Jacques
Peletier du Mans, Viète dans la querelle qui l'oppose à Clavius au
sujet de la réforme du calendrier. Là surtout se révèle un intérêt pour
les questions algébriques qui semble vraiment caractériser Chaste-
lier. Car ces deux lettres présentent d'évidentes qualités, tant du
point de vue des questions posées à Clavius que pour les solutions
apportées. Le premier problème traité est précisément extrait d'un
des ouvrages d'arithmétique de Scheubel220, il concerne la
répartition des bénéfices entre trois marchands associés dans une affaire
commerciale221 : ayant réuni la somme de totale de 170 pièces d'or,
trois marchands dégagent leur capital à des moments différents. Le
premier, au bout de trois mois récupère la somme de 75 pièces d'or,
le second au bout de six mois gagne 200 pièces d'or et le troisième
au bout de huit mois, celle de 100 pièces d'or. La question posée par
Scheubel porte sur le capital initial de chacun des trois associés et
sur le bénéfice réalisé par chacun222.

218 J. Scheubel, Algebrae compendiosa facilisque descriptio, qua depromuntur


magna Arithmetices miracula. Authore Ioanne Scheubelio Mathematicarum
professore in academia Tubingensi, Paris, 1552, 52 f.; Id., Compendium arithmeticae ar-
tis, ut brevissimum ita longe utilissimum erudiendis tyronïbus, non solum propter
ordinem, quo paucis perstringuntur omnia hujus artis capita, sed etiam causa pers-
picuitatis quae plurimum delectat et juvat duscentes, summppere expetendum,
Bâle, J. Oporin, 1560, 205 p.
219 Voir son Libro de algebra eu arithmetica y geometria..., op. cit.
220 II existe deux versions de l'arithmétique de Scheubel. La première édition,
de 1551, n'est pas disponible à Paris. A Rome, on peut consulter l'exemplaire de la
B.A.V., sous la cote Race. I, IV, 1720; celle de 1552 se trouve à la Bibliothèque
nationale de Paris, sous la cote V. 6920 (1), ou à la B.A.V. de Rome, sous la cote
Misceli. G. 165 (int. 3). Entre ces deux dates, des changements sont intervenus
dans le texte : le problème que propose J. Chastelier est extrait de la première
édition, fol. 17v.
221 Dans la littérature arithmétique de cette période, les chapitres consacrés à
la fameuse règle dite «de société ou de compagnie» sont fréquents : outre
Scheubel et Clavius, on notera que le mathématicien lorrain Jean L'Hoste s'y intéresse
lui aussi dans L'epipolimetrie, p. xxiiij-xxxij. Dans le cas étudié par Scheubel puis
Chastelier, les données du problème sont cependant plus complexes.
222 C. Clavius, Corrispondenza, vol. V, 1, p. 68, lettre n° 203 :
«Très negotiares societatem ineuntes contulerunt 170 aureos. Primus itaque
cum sua pecunia collata huic contractui interesse vult 3 mensibus, Secundus 6,
tertius 8, Nunc si hac communi pecunia tantum hoc temporis spacio lucri fece-
rint ut sors cum lucro perficiat summam 375 aureorum, atque primo 75, secundo
vero 200 aurei et tertio deinde quod reliquum est tribuatur, quaeritur quantanam
uniuscujusque sors, sive a singulis pecunia fuerit».
La comparaison mot à mot de la lettre et de l'ouvrage de Scheubel permet de
certifier que Chastelier disposait directement du livre puisqu'il a recopié
exactement l'énoncé du professeur allemand.
348 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

Après avoir vivement critiqué la solution proposée par Scheubel


dont il remarque qu'elle est donnée sans démonstration - apport et
bénéfice du premier respectivement 60 et 15 pièces d'or, pour le
second 80 et 120 pièces d'or, pour le troisième 30 et 70 pièces d'or -
Chastelier en démontre le caractère erroné de manière fort simple :
le calcul de l'ensemble du capital rentabilisé s'élève à 900 pièces d'or
(60 x3 + 80x6 + 30x8 = 900). Puis appliquant un principe
classique de proportionnalité, il pose l'égalité suivante : la totalité du
capital exploité par la totalité du bénéfice dégagé égale la totalité du
capital engagé par le premier marchand par la totalité de son
bénéfice propre. C'est ainsi qu'il obtient pour le premier marchand le
bénéfice de 41 pièces d'or, pour le second 109 1/3 et pour le troisième
54 2/3223.
Loin de s'en tenir à cette simple démonstration de l'erreur du
mathématicien allemand, Chastelier offre une seconde preuve de
l'ineptie des résultats proposés, mais surtout il tente de résoudre ce
type de problème, c'est-à-dire de le réduire à une équation générale.
Il est pourtant obligé de confesser : «Caeterum cum ipse tentarem
quaestionem explicare nunquam potui». Par-delà l'échec, avoué et
analysé, l'intérêt du passage réside dans la méthode mise en œuvre.
Le professeur n'hésite pas à recourir aux meilleurs spécialistes de
son temps : il cite clairement P. Nunès, J. Peletier, deux noms qui ne
sont pas sans rappeler les références de John Hay. L'algèbre du
Français224, celle du Portugais, de vingt ans postérieure225,
constituent incontestablement les ouvrages les plus récents sur ces
questions. Mais, cette littérature à laquelle il a eu accès, comme la «règle
des sociétés» développée par Clavius dans l'Epitome arithmeticae226
elle aussi citée, ne prennent pas en compte la spécificité de son
problème, c'est-à-dire les variations du temps : « Sed in ea nulla est va-
riatio temporis. Ex hac autem variatione tota difficultas nascitur»227.
Sans se décourager, il tente de mettre au point «quidem modum
perveniendi ad aequationem». C'est sans doute dans cette
démarche, qui se préoccupe moins de résultat que de méthode, qui
cherche moins à atteindre un but chiffré qu'à généraliser un
problème par le biais d'une équation algébrique, que se trouve
l'originalité de Chastelier et son apport méthodologique propre. Il reste

22iIbid.,p. 68-69.
224 L'algebre de laques Peletier du Mans, départie an deus livres, A très illustre
Seigneur Charles de Cosse Maréchal de France, a Lion par Ian de Tournes, 1554,
229 p.
225 Libro de algebra eu arithmetica y geometria..., op. cit.
226 C. Clavius, Epitome..., op. cit.
227 C. Clavius, Corrispondenza, vol. V, 1, p. 69, lettre n° 203.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 349

pourtant attaché au système ancien marqué par le maintien des


notations cossiques. Celles-ci alourdissent son travail, et le recours au
terme «aliud» pour désigner une seconde inconnue réduit le
caractère novateur de la démarche. Pourtant le problème de la mise en
équation ne bute pas sur ces questions techniques mais sur le fait
que certaines des valeurs qu'il doit faire entrer dans son équation
correspondent à des fractions, dont il ne sait pas calculer la racine
carrée. De plus, il ne semble pas avoir lu, à cette date, les travaux des
algébristes italiens. Ceux-ci ne sont cités que six ans plus tard, dans
la dernière lettre qui nous soit parvenue de la correspondance de
Chastelier avec Clavius228. Cette seconde lettre témoigne qu'au cours
des six années écoulées, le vice-provincial, devenu recteur du
nouveau collège royal de La Flèche, n'a pas cessé de se pencher sur ces
interrogations qui renvoient aux origines de l'arithmétique
moderne. En poursuivant ses recherches dans les ouvrages des auteurs
étrangers, il a rencontré la tradition des algébristes italiens sans
doute Cardan et Bombelli229 : celle-ci ne pouvait pas plus que les
précédentes répondre à ses attentes230. C'est sans doute aussi avec une
certaine déception que, ayant reçu le traité tant attendu de Clavius,
son Algebra de 1608, il constate qu'aucune solution ne lui est
apportée par Rome! Manifestement, dans sa tentative de réduire en
équation tous ces problèmes, il a développé tous ses efforts puisqu'en
1609, il se montre capable de résoudre un problème du même genre
avec deux associés231.
On est tenté de faire le rapprochement entre ces références
mathématiques de Chastelier et celles de John Hay : l'insistance sur
l'algèbre de Clavius, les lectures de Nunès, Peletier et Scheubel
constituent autant d'éléments communs d'une culture mathématique
centrée sur les mêmes préoccupations. Cependant, alors que Hay lit
Tartaglia, Chastelier ne le mentionne jamais. Pourrait-on, à partir de
ces quelques éléments, esquisser une géographie de la culture
mathématique européenne? Une autre question reste en suspens à
propos de Viète. Si Chastelier le connaît et le cite à propos du différend
qui l'oppose à Clavius sur la réforme du calendrier232, il n'est pas as-

228 Ibid., vol. VI, 1, p. 116-127, lettre 300.


229 Pour Bombelli (1526-1572), voir DSB, vol. 2, p. 279-281 : son Algebra est
publiée en 1579. Pour Cardan (1501-76), voir DSB, vol. 3, p. 64-67 : son premier
texte, Practica arithmetice date de 1539, puis YArtis magnae, sive de regulis alge-
braicis... lui succède en 1545, etc.
230 En effet, les algébristes italiens sont parvenus à résoudre des équations du
type x3 +/ - px +/ - q = 0. Malgré le caractère élaboré de cette équation, celle à
laquelle Chastelier parvient pour son problème de marchands est du type ax3 + bx2
+ ex = d.
231 C. Clavius, Corrispondenza, vol. VI, 1, p. 117.
232 Voir sa lettre du 20 janvier 1603.
350 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

suré, en revanche, qu'il maîtrise son œuvre algébrique233. Quelle que


soit la réponse à cette question, ces deux lettres révèlent un
mathématicien jésuite de premier plan, sans doute le plus important pour
la France de ces années 1590-1610, qui est non seulement capable de
développer ses propres travaux, mais dont la culture mathématique,
pour être large, n'en présente pas moins une évidente spécialisation,
qui n'est pas impulsée par le centre romain. Rome constitue un
interlocuteur privilégié, sans pouvoir fournir l'ensemble des solutions
aux problèmes posés. Rome représente aussi un fournisseur
potentiel d'informations : ainsi, la seconde lettre, écrite en 1598234, est
exclusivement consacrée à des questions de gnomonique, et s'appuie
sur la lecture du texte de Clavius sur la fabrication des horloges235.
Elle vient précisément rappeler le rôle de référence et de producteur
de la nouveauté scientifique attendu de Clavius et de ses élèves, dont
certains sont aussi connus des pères français236; de même, dans la
quatrième lettre datée de 1605237, Chastelier, se montre peu intéressé
directement par les problèmes d'astronomie : plutôt curieux et sans
doute dans la nécessité de devoir formuler un avis sur ce sujet, il
demande des éclaircissements à Clavius sur la nova de 1604. On
remarquera au passage que les questions astronomiques, dans cette
période, ne constituent pas encore une «spécialité française» : c'est aux
hommes de la génération suivante qu'il reviendra de faire ces choix,
et notamment à certains élèves de Chastelier lui-même comme Jean
Lereuchon238.
La personnalité de Chastelier est ainsi prépondérante pour le
développement des études mathématiques jésuites dans l'espace
français. Dans ces années du repli mussipontain, il a su s'entourer
d'autres hommes qui, comme lui, ont partagé un même intérêt
intellectuel pour les questions scientifiques : Balthasar Chavasse, connu
pour son enseignement des mathématiques au collège de Clermont

233 La première de ses publications, In artem analyticem isagoge, est éditée à


Tours en 1591. Elle est suivie, en 1593 des Zeteticorum libri quinque. Les autres
textes sont postérieurs : c'est donc dire que, d'un point de vue strictement
chronologique, les ouvrages de Viète pouvaient être connus de Chastelier : mais
pourquoi ne les aurait-il donc pas cités, alors qu'il a nommé les autres?
234 C. Clavius, Corrispondenza, vol. IV, 1, p. 39-44.
235 C. Clavius, Fabrica et usus instrumenti ad horologium descriptionem pe-
ropportuni..., 1586.
236 II s'agit de Christoph Grienberger et de Odon de Maelcote, les deux plus
proches collaborateurs de Clavius au Collège Romain.
237 C. Clavius, Corrispondenza, vol. V, 1, p. 148-149.
238 C'est à lui que revient de publier le premier ouvrage mathématique jésuite
de la France, avec le Discours de la comète qui a paru aux mois de novembre et
décembre 1618, Reims, 1619 et Très excellent discours sur les observations de la
comète... avec les figures célestes, selon l'astrologie et mathématiques, Paris, 1619.
Voir troisième partie, chap. 2.
LES PREMIERS RÉSEAUX CONSTITUÉS 351

dans les années 1587-90, est présent à Pont-à-Mousson depuis 1590,


principalement au titre de professeur de théologie, avant de passer
en Germanie Supérieure en 1605239. On a vu plus haut que l'unique
lettre conservée de sa correspondance avec Clavius révélait un
intérêt non démenti pour les questions mathématiques240, alors que sa
fonction officielle était sans relation avec ce domaine d'étude.
Ajoutons que Jean Guéret241 après avoir été accueilli à Rome, où il a
rencontré Clavius, se trouve en Lorraine à partir de 1599, d'abord
comme recteur de la maison professe de Saint-Nicolas-du-Port, puis
de celle de Nancy et du collège enfin. La lettre qu'il adresse lui aussi
à Clavius en 1604242, témoigne de la régularité des relations avec son
ancien collègue de Paris, Chastelier, relations qui abordent aussi les
problèmes mathématiques.
C'est donc bien un réseau, constitué de professeurs, de pères
occupés à des tâches administratives et de responsabilité, qui
s'organise en Lorraine dans ces années et qui déborde sans doute les
cadres de la Compagnie. Son dynamisme expliquerait la décision
prise en 1604 par le Visiteur de la province, Ignace Armand, qui
connaît bien Chastelier, de proclamer :
On instituera privatim une Académie de mathématiques, à une
heure jugée commode les jours de fête, à laquelle sont tenus de
prendre part tous ceux des nôtres qui se consacrent à la
philosophie243.

C'est donc à la constitution du pôle scientifique mussipontain


qu'aboutit le repli de la Compagnie dans les collèges toujours en
activité. C'est sans doute à J. Chastelier, dans un effort coordonné avec
Rome pour l'aspect didactique et Clavius pour l'aspect scientifique,
que revient ce dynamisme.
Si l'étude des contenus d'enseignement dans cette période
soulève de nombreux problèmes qui demeureront irrésolus aussi
longtemps que les cours manuscrits ne feront l'objet d'aucun inventaire

239 C. Clavius, Corrispondenza, vol. I, 2, p. 27.


240 Ibid., vol. IV, 1, p. 134-135, lettre n° 172, envoyée de Pont-à-Mousson le 20
mars 1601.
241 Considéré par l'historiographie jésuite comme la première victime de la
suppression de la Compagnie en 1594, Jean Guéret était le professeur de
philosophie du régicide Chastel. Voir supra. A ce titre, il dut fuir vers Rome pour
échapper aux persécutions en France.
242 C. Clavius, Corrispondenza, vol. V, 1, p. 119-120.
243 ARSI, GAL. 58, II, fol. 721v. : «Instituetur privatim Academia Mathemati-
carum disciplinarum per horam aliquam commodam diebus festis cui teneantur
interesse omnes ex nostris qui student philosophiae».
352 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

puis étude systématique, Tournon comme Pont-à-Mousson


apparaissent clairement comme les deux pôles d'ancrage d'une tradition
d'enseignement des mathématiques à la croisée des XVIe et XVIIe
siècles français. Leur importance permettra de pourvoir les
premières chaires de mathématiques ouvertes à partir du retour de la
Compagnie en France.
Ainsi, loin d'avoir mis en crise le processus d'émergence d'une
tradition mathématique française en milieu jésuite, la période de la
suppression, qui a permis une réelle restructuration et
concentration des hommes et des moyens, a été féconde et dynamique. Avec
les premières années du XVIIe siècles, est inaugurée «l'ère de la
normalisation» : mise en pratique systématique d'une Ratio
définitivement achevée, ouverture des chaires de mathématiques et
enracinement de la spécialisation. C'est aussi la grande période de
cristallisation, à Rome, des tensions autour de la crise galiléenne : dans quelle
mesure la périphérie française en a-t-elle subi les conséquences?
353

CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

La confrontation de sources de natures différentes ouvre la voie


à une réévaluation de la période 1550-1600 pour l'espace français.
Sans offrir matière à l'établissement d'une trame chronologique
continue, elle permet d'identifier les indicateurs d'un processus
complexe, multiforme, discontinu dans lequel s'élaborent des
pratiques, se créent des réseaux, se construisent des échanges. Dans les
diverses initiatives, Rome et Clavius se trouvent impliqués selon des
modalités variables qui rendent compte de la réalité mouvante de
l'échange centre-périphérie. S'il faut chercher dans le texte normatif
romain les critères d'une identité culturelle partagée par tous au-
delà de la dispersion du corps dans les lieux et les activités, l'édiction
de la norme n'épuise pas le pluriel des expériences et, de ce point de
vue, la seconde moitié du XVIe siècle a été fertile. L'affirmation est
valable pour les différentes disciplines d'enseignement,
mathématiques incluses. C'est pourquoi, à l'idée d'une «science
mathématique jésuite» on préférera celle de «culture mathématique», celle
dont les contours épistémologiques ont été définis pas Clavius, mais
qui offre aussi à chacun des protagonistes de cette histoire des
possibilités d'investigation spécifiques et à différents niveaux.
Cette première période voit la constitution d'une trame spatiale
d'où émergent certains pôles comme Tournon, Paris et Pont-à-
Mousson. Certes, sa mise en évidence est largement héritée d'un état
lacunaire des sources. Pourtant, le poids de l'histoire politique dans
le processus d'installation de la Compagnie en France invite à
relativiser cette objection : tant que la pacification du royaume n'était pas
acquise, et indépendamment du travail d'élaboration du texte
commun, il était difficile pour la Compagnie de concentrer plus
massivement son effort sur les mathématiques. A ce titre, l'édit de
rétablissement signé par Henri IV, en 1603, concordant avec le
rétablissement de la paix, inaugure une nouvelle ère pour les collèges
jésuites.
Parallèlement, le début du XVIIe siècle engage la Compagnie
dans un monde différent de celui dans lequel Ignace de Loyola avait
fécondé son projet : du point de vue scientifique, la découverte des
satellites de Jupiter par Galilée confère une visibilité légitimante à
l'astronomie nouvelle; du point de vue culturel, le développement
354 DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE

des formes de sociabilité académique oriente définitivement vers ces


nouvelles structures les dynamiques de la production scientifique;
sur le plan politique, le renforcement généralisé des états
monarchiques détermine de nouveaux besoins de formation. Le processus
de professionnalisation des enseignants de mathématiques, amorcé
par le combat de Clavius, doit intégrer ces nouvelles données. En
continuant à enquêter sur le terrain français et à interroger le
rapport centre/périphérie, la troisième partie de ce travail cherchera à
mettre en évidence les réponses mises en œuvre par la Compagnie
dans le premier XVIIe siècle.
TROISIÈME PARTIE

LE TEMPS DES CHAIRES


(PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIIe SIÈCLE)
INTRODUCTION

Nous avons accordé ces présentes, pour ce signées de nostre


main, & de nostre grâce specialle, pleine puissance, & authorité
royalle, à toute la Société & Compagnie des Iesuites, qu'ils puissent, &
leur soit loisible de demeurer & résider es lieux où ils se trouveront a
présent establis en nostre Royaume, à sçavoir es villes de Tholoze,
Agen, Rhode, Londem, Perigueux, Limoges, Tournon, le Pois, Aube-
nat, Bezieres; et outre lesdits lieux, Nous leur avons en faveur de Sa-
dicte Saincteté, & pour la singulière affection que nous luy portons,
encor accordé & permis de se mettre & restablir en nos villes de Lyon,
Dijon, & particulièrement en nostre maison de la Flesche en Anjou,
pour y continuer et establir leur residence, aux charges, toutefois, et
conditions qui ensuivent.
1. Premièrement, qu'ils ne pourront dresser aucuns collèges, ny
residence en aucune ville & endroict de cestuy nostre Royaume, pays,
terres, & seigneuries de nostre obéissance sinon de nostre expresse
permission, sur peine d'estre decheus du contenu en ceste nostre
presente grâce.
2. Que tous ceux de ladite Société de Jésus estans en nostre dit
Royaume, ensemble leurs recteurs et proviseurs, seront naturels
François, sans qu'aucun estranger puisse estre admis & avoir lieu en leurs
collèges et résidences sans nostre dite permission. Et si aucuns y en a
de présent, seront tenus dedans trois mois après la publication de ces
présentes se retirer en leur pays, déclarant que nous n'entendons
comprendre en ce mot d'estranger les habitans de la ville & compté
d'Avignon.
3. Que ceux de ladite Société auront ordinairement près de nous
un d'entre eux qui sera suffisament authorisé parmy eux, pour nous
servir de Prédicateur, & nous respondre des actions de leurs
Compagnies, aux occasions qui se présenteront.
4. Que tous ceux qui sont à présent en nostre Royaume, et qui
seront cy après receuz en ladite Société feront serment par devant nos
officiers des lieux, de ne rien faire ny entreprendre contre nostre
service...1.

1 ARSI, GAL. 61, II, fol. 405-10, document n° 197, imprimé paginé, p. 3-6. En
1612, ce même document est de nouveau édité, accompagné de YArrest contre-eux
rendu par la Cour le 23 Décembre 1611, Paris, 1612, 15 p. Cet arrêt de la Cour du
Parlement de Paris, pris en réponse à la demande de réouverture du collège de Cler-
mont par les jésuites en août 1610, maintient l'interdiction d'enseigner à Paris.
358 LE TEMPS DES CHAIRES

Avec les Articles de restablissement et rappel des lesuites en


France, signés par Henri IV à la fin de l'année 1603, s'ouvre un
nouveau chapitre de l'histoire de la Compagnie en France. Celui-ci met
un terme à un demi-siècle de vie tourmentée, marquée par trente
années d'installation dans le conflit, puis presque vingt années de
suspension des activités de la plupart des établissements fondés dans le
royaume. En 1603 s'ouvre non seulement une période de
stabilisation et de reconnaissance, mais aussi une ère d'officialisation de la
présence jésuite en France sous la haute protection du monarque.
Cette césure chronologique, fortement inscrite dans l'histoire
française de l'ordre ignatien, correspond aussi à une phase de
stabilisation des pratiques éducatives liée à l'entrée en vigueur de la dernière
version de la Ratio studiorum : c'est en cette même année 1603
qu'est éditée, à Tournon, la version officielle du document révisé une
dernière fois en 1599. La conjonction de ces deux événements
contribue à une double normalisation politique et pédagogique qui
désigne ces premières années du XVIIe siècle comme un véritable
tournant pour l'histoire de l'enseignement des mathématiques en
France, puisque à partir de cette date vont se généraliser les chaires
de mathématiques, dans la lignée de l'application de la Ratio
studiorum. Il s'agit donc ici d'étudier les modalités d'installation ou de
création de ces chaires qui dessinent une nouvelle géographie de
l'enseignement scientifique jésuite en France et génèrent une
nouvelle dynamique de production et de transmission des savoirs.
Mais les conditions énoncées par Henri IV pour la réouverture
des collèges pèsent directement et indirectement sur cet
enseignement : les différents articles de l'édit de rétablissement explicitent le
droit de contrôle que s'octroie le monarque sur les membres de la
Compagnie et sur leurs activités. Ainsi, promulgué après de longues
et délicates négociations auxquelles a participé J. Chastelier, le texte
porte en germe les éléments d'une instrumentalisation des collèges
jésuites à des fins différentes de celles qui avaient permis
l'émergence du modèle éducatif de la Compagnie. Il faut donc chercher à
mesurer le poids que celle-ci a exercé sur l'enseignement des
mathématiques.
A un premier niveau, la volonté de «francisation /
naturalisation» des pères affichée par Henri IV affecte profondément, est-il
besoin de le souligner, la nature de l'institution jésuite ainsi que son
fonctionnement2. Non seulement, elle marque une étape décisive

2 Selon une formule plus souple et plus neutre aussi, en 1940, F. de Dainville,
évoquait cette césure chronologique en ces termes, F. de Dainville, Les Jésuites et
l'éducation de la société française. La géographie des humanistes, op. cit., p. 21 :
«Les provinces françaises s'estimaient assez riches de sujets pour n'avoir
plus besoin de secours étrangers (...). Des cours, puis des ouvrages rédigés par
INTRODUCTION 359

dans le processus de mutation de la Compagnie en organisme de


formation au service de la monarchie3, mais elle détermine
fortement les conditions de circulation des personnes et de production
des idées. Si l'on tient compte de l'importance, pour le second XVIe
siècle, d'hommes comme John Hay ou Richard Gibbons, si l'on
garde en mémoire la complexité de ces itinéraires qui les
emmenaient de Rome aux grands collèges européens, on comprend que
l'obligation de la «nationalité» française imposée aux professeurs
jésuites en 1603 a pour conséquence l'interruption d'un processus
complexe de formation des maîtres de mathématiques, conçu
originellement à l'échelle européenne, voire universelle4. A partir de
cette date, la multiplication des chaires de mathématiques
françaises - elles seront une dizaine au milieu du siècle5 - s'opère sur le
mode de la distanciation avec Rome, distanciation facilitée par la
disparition de Clavius. En d'autres termes, ce second temps de
l'histoire de l'enseignement des mathématiques dans les collèges
français s'inscrit sur fond de bouleversement de la relation Rome /
périphérie : la formation des maîtres et l'élaboration des savoirs ne peut
plus avoir pour unique siège la capitale de la Chrétienté et la
manifestation la plus tangible de cette mutation réside dans
l'émergence d'une production scientifique propre aux provinces françaises
dès les années 16206. Si ce processus a été préparé par J. Chastelier,

des jésuites français se substituent aux écrits des étrangers. L'humanisme, sans
cesser d'être universel, se nationalise. Cette évolution nous a paru assez
caractérisée pour légitimer et même imposer une division dans l'exposé de notre étude. La
ligne de partage qui sépare ces deux aspects, cela va sans dire, ne saurait être
tracée avec précision; elle flotte avec souplesse aux confins du XVIe et du XVIIe
siècle».
3 Assurément la connexion entre la Compagnie et les détenteurs du pouvoir
ne présente pas, en elle-même, une nouveauté. Les exemples que j'ai évoqués
dans la première partie de ce travail fournissent de nombreuses preuves de cette
relation. La nouveauté tient ici dans la mise en évidence d'un interlocuteur
politique privilégié et unique, le monarque, dont les besoins en termes de formation
ne contredisent sans doute pas ceux des aristocraties du siècle précédent, mais
présentent aussi leurs spécificités, surtout sur le plan scientifique. Voir, sur ce
point, M. Biagioli, «Le prince et les savants. La civilité scientifique au XVIIe
siècle», Annales, HSS, vol. 50, 1995/6, p. 1417-1453; Id., «Etiquette, Interdepen-
dence, and Sociability in Seventeenth Century Science», Criticai Enquiry, vol. 22,
1996/2, p. 193-238.
4 L'importance de ce processus n'intervient pas uniquement à l'échelle de la
Compagnie, comme l'indiquent les contributions réunies dans R. Porter et
M. Teich éds., The Scientific Révolution in National Context, Cambridge, 1992,
305 p.
5 Voir infra.
6 Les perspectives comparatives se révéleront sans doute les plus riches dans
les années à venir. Grâce par exemple au travail mené par U. Baldini sur la
province vénitienne, «L'altro polo dell'attività scientifica : la provincia veneta», dans
Legem impone subactis..., op. cit., p. 347-468, ou «La tradizione scientifica del-
360 LE TEMPS DES CHAIRES

notamment pendant son exil mussipontain, il a aussi trouvé sa


dynamique propre dans la nouvelle conjoncture française, laquelle
n'exclut cependant pas le maintien de relations transnationales
entre les pères.
En outre, cette nouvelle conjoncture affecte l'évolution de
l'enseignement des mathématiques sur un autre plan, celui des
contenus scientifiques. Car, l'essor des mathématiques mixtes, encore peu
développées dans l'espace français jusque là, correspond aussi aux
nouveaux besoins techniques exprimés par le pouvoir politique.
S'attachant à l'histoire de l'hydrographie en France, F. Russo notait
voici trente ans :
Dès le début du XVIIe siècle, les Jésuites avaient pris l'initiative
de faire enseigner l'hydrographie dans leurs collèges (...). Cet
enseignement prit un grand développement lorsque, à partir de 1669, et
après accord entre les pères Provinciaux de France et le Roi, des
chaires royales d'hydrographie furent fondées dans un grand nombre
de collèges. Cet enseignement était ouvert non seulement aux élèves
mêmes de l'établissement, mais aussi aux personnes du dehors.
Ces chaires étaient le plus souvent des chaires de mathématiques
et d'hydrographie, le maître assurant, à côté de l'enseignement
proprement dit d'hydrographie, un enseignement mathématique général7.
On peut étendre ce propos à l'ensemble des disciplines
mathématiques et mettre l'essor de la mécanique en relation avec le
développement de l'enseignement des fortifications, celui de
l'astronomie d'observation avec les besoins de la navigation trans-océa-
nique8. L'enseignement des mathématiques au XVIIe siècle répond à
des exigences politiques nouvelles auxquelles la Compagnie peut
d'autant moins se dérober que certains de ses collèges sont des
fondations royales9. On voit donc nettement que le temps est loin où les
textes fondateurs de l'ordre permettaient de définir précisément et

l'antica provincia veneta della Compagnia di Gesù. Caratteri distintivi e sviluppi


(1546-1606)», dans / Gesuiti e Venezia..., op. cit., p. 531-582, on peut suivre
l'émergence d'écoles régionales très caractéristiques du XVIIe siècle. On tirera aussi
un grand profit de la lecture de A. Krayer, op. cit., (voir mon compte-rendu dans
Revue d'histoire des sciences, vol. 46, 1993/2-3, p. 281-292), ainsi que du livre de
R. Gatto, Tra scienza e immaginazione..., op. cit. (compte-rendu dans AHSI, vol.
64, 1995, p. 196-200).
7 F. Russo, «L'hydrographie en France aux XVIIe et XVIIIe siècles», dans'
R. Taton dir., Diffusion et enseignement des sciences au XVIIIe siècle, Paris 1968,
p. 423-424.
8 Pour donner un exemple précis de cette situation, on peut signaler le cas de
Marseille où l'installation tardive d'un collège jésuite a rapidement été
compensée par l'ouverture de la chaire d'hydrographie : sur les liens avec Colbert, voir les
quelques remarques de E. Soulier, Les Jésuites à Marseille aux XVIIe et XVIIIe
siècles, Avignon-Marseille, 1899, p. 53-63.
9 Voir infra l'étude consacrée à La Flèche.
INTRODUCTION 361

définitivement le statut et le contenu de l'enseignement des


mathématiques. On comprend surtout que la géographie et la chronologie
de cet enseignement obéissent à des logiques largement
extra-institutionnelles. Il convient cependant de ne pas surévaluer la rupture
entre la seconde moitié du XVIe siècle et la période suivante. Dans
un article que j'ai déjà souvent mis à contribution, F. de Dainville
remarquait :
De fait, si on relève des preuves certaines de leçons de
mathématiques dans les collèges de Paris, Lyon, Avignon, Tournon, Toulouse,
Pont-à-Mousson dans la seconde moitié du XVIe siècle, on ne relève
pas avant 1596 la mention de «professeur de mathématiques» dans
les catalogues du personnel. C'est au XVIIe siècle que se sont
progressivement constitués en France les cadres de l'enseignement des
mathématiques. Le dépouillement méthodique des catalogues inédits
conservés aux archives romaines de la Compagnie de Jésus permet de
dresser la liste et la chronologie précise des chaires de
mathématiques, l'état de leurs titulaires successifs. D'autres documents pour la
plupart tirés des archives, nous aideront à les interpréter (...)10.
Cette vision, qui tend à opposer deux temps, une
«proto-histoire» de l'enseignement des mathématiques dans la seconde moitié
du XVIe siècle, suivie d'un processus d'officialisation au début du
siècle suivant -, doit être considérablement nuancée. Elle occulte le
fait que la période 1560-1603 a permis l'essor du premier réseau des
enseignements de mathématiques dans les provinces françaises,
selon une dynamique développée en marge de la politique générale de
l'institution, mais à travers des échanges riches et divers avec Rome.
Si la restauration de 1603 marque à l'évidence une rupture dans
l'histoire de la Compagnie de Jésus en France, elle profite aussi des
acquis de la phase initiale, et en particulier du travail entrepris dans
le cadre mussipontain, et poursuivi ultérieurement à La Flèche ou
ailleurs. On prendra la mesure de cette continuité dans l'étude de
l'évolution du réseau des chaires de mathématiques.
En outre, si quelques collèges commencent à se doter d'un
professeur de mathématiques à part entière, en général un jeune jésuite
en cours de formation théologique, le cas reste marginal et il faut
attendre la seconde moitié du XVIIe siècle pour constater une
généralisation de ces cours. Pour des raisons complexes, - de manque de
personnel en général, de manque d'hommes compétents ou intéressés,
problèmes financiers aussi -, la majeure partie des collèges
proposant un enseignement de philosophie n'a pas ouvert, au XVIIe siècle,

10 F. de Dainville, «L'enseignement des mathématiques dans les collèges...»,


art. cit., p. 325.
362 LE TEMPS DES CHAIRES

une chaire de mathématiques. Ce fait doit être souligné d'autant plus


vivement qu'il nuance considérablement l'un des topoi de
l'historiographie sur le rôle de la Compagnie de Jésus dans la généralisation de
l'enseignement scientifique et en particulier des mathématiques11.
Ce schéma d'ensemble n'exclut pas le développement d'une
production de qualité, elle-même héritière, au moins partiellement, des
acquis constitués autour des pôles tournonais et mussipontain.
Ainsi, le nouveau contexte qui préside au rétablissement des
collèges jésuites à partir de 1603 suggère d'organiser cette troisième
partie autour de trois axes : l'identification et l'analyse de la nouvelle
géographie de l'enseignement des mathématiques en France, puis
l'étude des nouvelles générations de jésuites pris dans un processus
de spécialisation qui accompagne l'autonomisation définitive des

11 Rappelons en effet les phrases presque lyriques de Paolo Galluzzi sur la


question, «II platonismo del tardo Cinquecento e la filosofia di Galileo», dans
Ricerche sulla cultura dell'Italia moderna, a cura di P. Zambelli, Rome, 1973, p. 39-
79, ou la synthèse proposée plus récemment par C. B. Schmitt : caractérisant à
grands traits l'histoire de ce «pluriel d'aristotélisme» qui a fait toute la vigueur de
la Renaissance, C. B. Schmitt est amené à poser, comme donnée constitutive de
cette période, l'idée d'un «aristotélisme éclectique», dont il donne quelques
exemples. Parmi ceux-là, l'un nous intéresse particulièrement. C. B. Schmitt,
Aristote et la Renaissance, op. cit., p. 128 :
«On trouve un autre exemple de ce mouvement d'assimilation chez les
jésuites qui font entrer dans leur programme d'études une solide quantité de
mathématiques à utiliser conjointement à la philosophie de la nature. Entre 1560 et
1650, les jésuites ont été à l'avant-garde de l'astronomie d'observation et de
computation, ce qu'on ne saurait dire ni d' Aristote lui-même ni de la majorité de
ses disciples. Ils ont greffé cet aspect de l'étude de la nature sur la synthèse de
philosophie de la nature et organisé le tout en un programme d'études généralisé
qui conservait une base à dominante aristotélicienne. (...) A Christoph Clavius,
l'un des meilleurs mathématiciens de la fin du XVIe siècle, revient la
responsabil té d'avoir fait des mathématiques un élément si important dans la Ratio studio-
rum. Le fruit de cette démarche n'est pas difficile à discerner dans le travail
scientifique des jésuites...».
Sans revenir ici sur le problème qui intéresse principalement C. B. Schmitt,
le rapport entre aristotélisme et platonisme à la Renaissance (notons à ce propos
que ses observations générales se fondent sur la bibliographie désormais
classique concernant ce problème : elle porte sur les articles et ouvrages que j'ai déjà
cités à différentes reprises, de A. C. Crombie à G. Cosentino ou P. Galuzzi), force
est de constater que les textes normatifs sur lesquels il se fonde ne rendent pas
compte d'une pratique institutionnelle, restée très en-deçà des déclarations prin-
cipielles. J'ai montré, dans la première partie, l'importance effective des nouvelles
conceptions développées dans la Compagnie et l'originalité du programme de
Clavius. Mais, il est nécessaire de confronter les déclarations de principe à la
réalité des pratiques. La «solide quantité de mathématiques» injectée dans les
programmes d'études dépasse-t-elle réellement le terrain des principes? Si oui, où,
quand, comment? Clavius a-t-il eu une influence si grande, en dehors du cercle
romain de l'académie de mathématiques? La troisième partie de cet ouvrage
cherche notamment à répondre à ces questions.
INTRODUCTION 363

mathématiques, enfin l'étude d'une pratique d'enseignement et


d'une production rendues visibles et lisibles à travers les ouvrages
imprimés ayant pour auteurs des jésuites.
Le choix de 1640 comme terminus ad quem de cette dernière
partie correspond lui aussi à la conjonction de facteurs de
différentes natures, dont le fait qu'à cette date, la Compagnie fête son
premier centenaire d'existence12. Certes, comme toute date précise,
celle-ci présente une part d'arbitraire qui sera particulièrement
sensible pour l'étude des carrières des professeurs13. Pourtant, le
changement de climat politique à la fin du règne de Louis XIII, le
nouveau contexte intellectuel correspondant à la diffusion du
cartésianisme et la lutte contre ce système engagé par la Compagnie14,
l'émergence de nouveaux modèles éducatifs qui forment des réseaux
concurrentiels et compétitifs vis-à-vis de la Compagnie15 constituent
autant d'éléments précurseurs de l'entrée dans le «Grand Siècle»16,
et de l'émergence de nouvelles problématiques propres à l'histoire
intellectuelle comme à l'histoire des sciences. Autant d'éléments qui
peuvent justifier la pertinence de la césure chronologique retenue.

12 On se reportera à ce propos à l'ouvrage par lequel elle commémore


l'événement, Imago primi saeculi Societatis Iesu a provincia Flandro-Belgica eiusdem
Societatis repraesentata, Anvers, 1640, 952 p. Pour un commentaire, M. Fumaroli,
«L'Imago Primi Saeculi Societatis Iesu (1640) et ses adversaires», dans L'école du
silence. Le sentiment des images au XVIIe siècle, Paris, 1994, p. 343-368.
13 On rappellera que le désormais classique ouvrage de R. Mandrou,
Introduction à la France moderne. Essai de psychologie historique, op. cit., s'attache à la
période 1500-1640.
14 Voir les pages consacrées à ce problème dans C. de Rochemonteix, Un
collège jésuite aux XVIIe et XVIIIe siècles ..., op. cit. , vol. 4, p. 56 et suivantes. Voir
aussi L. W. D. Brockliss, Trench Higher Education..., op. cit.
15 Souvent, ces nouveaux collèges sont imités, avec des variantes, du modèle
jésuite, mais la bibliographie actuellement disponible s'est peu arrêtée sur l'idée
même de concurrence. Pour les études italiennes, en revanche, les travaux de
G. P. Brizzi ont bien mis ce phénomène en évidence. Cependant, dans les
ouvrages de référence pour la France, R. Charrier, M.-M. Compère et D. Julia,
L'éducation en France du XVIe au XVIIIe siècles, op. cit. , ou J. Verger dir., Histoire des
Universités en France, op. cit., on trouve de nombreux éléments susceptibles de
l'éclairer. Sur le système éducatif de l'Oratoire, voir P. Lallemand, Histoire de
l'éducation dans l'ancien Oratoire de France, Paris, 1888, 475 p., et pour la
dimension scientifique P. Costabel, «L'Oratoire de France et la cosmologie nouvelle»,
dans Novità celesti e crisi del sapere... op. cit., p. 383-390. Enfin, J. de Viguerie,
Une œuvre d'éducation sous l'Ancien Régime. Les Pères de la Doctrine Chrétienne
en France et en Italie, 1592-1792, Paris, 1976, 702 p., éclaire un autre type
d'institution. On peut aussi renvoyer à P. J. S. Whitmore, The Order ofMinims in Seven-
teenth-Century France, La Haye, 1967, 367 p.
16 Sur le caractère intense de cette période, dont une délimitation
chronologique précise est impossible, voir R. Pintard, «Les problèmes de l'histoire du
libertinage. Notes et réflexions», dans Le libertinage érudit dans la première moitié
du XVIIe siècle, nouvelle édition augmentée, Genève-Paris, 1983, p. XIII-XLIII.
365

CHAPITRE 7

NOUVEAUX CADRES INSTITUTIONNELS,


NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT
DES MATHÉMATIQUES?

Les sources administratives de ce premier demi-siècle


présentent les mêmes caractéristiques d'ensemble que celles de la
période antérieure : elles confirment la marginalité des questions
mathématiques par rapport aux grandes préoccupations de la
Compagnie. C'est ce qui ressort du dépouillement de la correspondance des
généraux avec les provinciaux, ou de la lecture des milliers de pages
consacrées aux problèmes théologiques, de cohérence doctrinale, de
généralisation de la Ratio studiorum, pour ne prendre que les
exemples les plus proches de mes interrogations. Au total je n'ai pu
extraire de l'Archivum Romanum Societatis Iesu qu'une vingtaine
de mentions consacrées aux mathématiques : elles sont en général
peu précises, concernent des problèmes ponctuels de personnel,
éclairent peu les pratiques. Les censures, qui feront l'objet d'une
analyse dans un prochain chapitre, reflètent ce déséquilibre
structurel : le contrôle porte principalement sur les questions de doctrine.
Dans quelques rares cas pourtant, la découverte de nouveaux
indices m'a permis d'éclairer des situations ponctuelles qui
complètent ou nuancent nos connaissances sur l'enseignement des
mathématiques. C'est pourquoi il est nécessaire de revoir la
cartographie des enseignements scientifiques jésuites, en constitution
dans la première moitié du XVIIe siècle.

Nouvelles chaires, nouvelles hiérarchies

Présentation générale

Avec la multiplication des lieux d'enseignement des


mathématiques, les caractéristiques de la carte esquissée dans la seconde
partie de ce travail évoluent1. Si l'on se réfère à mes dépouillements
ainsi qu'aux travaux de F. de Dainville2, en 1640, les chaires de mathé-

1 Voir la carte 2, supra, chap. 4.


2 F. de Dainville, L'éducation des jésuites..., op. cit., p. 338-354.
366 LE TEMPS DES CHAIRES

matiques de l'espace français sont localisées dans les collèges


suivants3 :

établissement date de date de création de la chaire


fondation de mathématiques
Pont-à-Mousson 1560 1592
Tournon 1560 1604
Toulouse 1562 1619
Paris 1564 1620
Avignon 1565 1600
Lyon 1565 1605
Dole 1582 1615
La Flèche 1603 1608
Reims 1606 1620
Dieppe 1619 1633-36
Aix 1625 1637

L'établissement d'une telle liste soulève des problèmes


méthodologiques qu'il est inutile de développer de nouveau. Pourtant, il faut
s'y arrêter car elle appelle quelques remarques d'ensemble. La
première concerne le caractère généralement ancien des établissements
pourvus d'une chaire de mathématiques. Seuls La Flèche, Reims,
Dieppe et Aix se trouvent être à la fois de nouveaux établissements et
des collèges dotés d'un enseignement de mathématiques. Dans les
autres cas, l'ancienneté de la pratique est attestée par la seconde
partie de ce travail. Parallèlement et corrélativement, l'importance
d'un établissement se trouve confirmée par la présence d'une chaire
de mathématiques.

3 Cette liste exclut les collèges qui, actuellement sur le territoire français,
dépendaient, au moment de leur fondation, de provinces administratives jésuites
extérieures à l'assistance de France : c'est le cas des collèges de Douai et de Hes-
din. Le premier, dépendant de la province gallo-belge, dans l'assistance de
Germanie inférieure, a abrité une chaire de mathématiques occupée, dans la période
qui m'intéresse, par Charles Malapert. Le second, dépendant de la même
province, est passé sous le contrôle de la province de France en 1639 : voir P. De-
lattre dir., Les établissements..., op. cit., vol. 2, col. 819. C'est à cette date que la
chaire de mathématiques du collège de Dieppe y a été transférée : voir F. de
Dainville, «L'enseignement des mathématiques...», art. cit., p. 326. L'exclusion de
ces établissements, dans le tableau, se justifie par l'importance des logiques
administratives intra-provinciales : dans la plupart des cas, les jésuites se forment,
prononcent leurs vœux et travaillent dans le cadre d'une même province. C'est
donc dans ce cadre privilégié que se constituent les réseaux intellectuels. Sur
l'établissement de Douai, voir G. Cardon, La fondation de l'Université de Douai,
Paris, 1892, 543 p.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 367

MER MEDITERRANEE
100 200 Km

Carte 4. Les chaires de mathématiques de l'assistance de France (1640).


• collège ▲ collège disposant d'une chaire de mathématiques.

Cependant, indépendamment du lien objectif qu'on peut établir


entre le poids du collège et la présence d'un enseignement continu de
mathématiques, la situation est plus complexe. Il faut en effet
distinguer les établissements dont les contrats de fondation stipulent
l'ouverture d'un cours, comme Tournon et Pont-à-Mousson4, ceux où
cette ouverture correspond à l'application de la Ratio (c'est le cas de
Lyon ou Toulouse), ceux enfin où elle fait l'objet d'une sollicitation
externe postérieure à la fondation du collège, comme à Aix. Ce type
de distinction éclaire les décalages entre les dates de création des
collèges et celles d'ouverture des chaires. Seul Paris présente une excep-

Dans ces cas, la création de la chaire correspond à une demande externe.


1
368 LE TEMPS DES CHAIRES

tion : la réouverture du collège de Clermont n'a été autorisée qu'en


1618, soit trente-cinq ans après l'expulsion5; c'est pourquoi il faut
attendre 1620 pour que reprenne officiellement le cours de
mathématiques, alors que la pratique en est attestée dès les années 1560.
D'autre part, cette liste est restrictive puisqu'elle exclut les
situations où l'enseignement des mathématiques s'est poursuivi sans
création de chaire, c'est-à-dire à l'intérieur du cours de philosophie
et sous la responsabilité du professeur de philosophie. Cette
exclusion arbitraire tient à la nécessité de restreindre l'objet de l'enquête6.
Cette liste appelle enfin quelques remarques générales sur
l'espace mathématique jésuite. En effet, au sein de l'assistance de
France7, les chaires en 1640 se répartissent ainsi :

Province de France : La Flèche, Paris, Dieppe.


Province de Lyon : Aix-en-Provence, Avignon, Dole, Lyon.
Province de Toulouse* : Toulouse, Tournon.
Province d'Aquitaine : aucune.
Province de Champagne9 : Pont-à-Mousson, Reims.

Par rapport à la période précédente, la localisation périphérique,


largement justifiée par la guerre et les problèmes politiques
rencontrés par la jeune Compagnie du second XVIe siècle, s'est atténuée;

5 Voir P. Delattre dir., Les établissements..., op. cit., vol. 3, col. 1140. A la date
de la réouverture, on compte 300 pensionnaires et 1500 externes.
6 Elle signifie aussi qu'il faudra, dans une recherche à venir, reprendre
l'étude sur les enseignements scientifiques dispensés au XVIIe siècle par les
professeurs de philosophie, pour mesurer, entre autres, le degré de spécialisation
engendré par la création des chaires de mathématiques. Cette étude à venir exigera
l'établissement d'un fichier des manuscrits de cours encore disponibles
aujourd'hui, seule source fiable pour une telle enquête. Sur la question de la profession-
nalisation des professeurs, une réflexion a été engagée pour l'enseignement de la
rhétorique : M.-M. Compère, «La formation littéraire et pédagogique des jésuites
en Europe, fin du XVIIe et début du XVIIIe siècle», dans D. Julia éd., Aux sources
de la compétence professionnelle. Critères scolaires et classements sociaux dans les
carrières intellectuelles en Europe, XVHe-XIXe siècles, numéro spécial de la revue
Paedagogica Historica, vol. 30, 1994/1, p. 99-117. Cet article ouvre la voie à des
études comparables pour les autres disciplines.
7 Sur la création de cette entité administrative jésuite, voir P. Delattre dir.,
Les établissements..., op. cit., vol. 2, col. 525-535. On notera d'autre part que, par
rapport au schéma administratif de la seconde moitié du XVIe siècle,
l'organisation du territoire français s'est précisée avec la création de deux provinces
supplémentaires, toulousaine et champenoise, nées l'une et l'autre du redécoupage
des provinces de Lyon et de France.
8 Sur ses origines (1608) et son fonctionnement, voir P. Delattre dir., Les
établissements..., op. cit., vol. 4, col. 1240-1266. Le rattachement de l'établissement
de Tournon à la province s'effectue en 1620.
9 Sur ses origines (1616) et son fonctionnement, voir P. Delattre dir., Les
établissements..., op. cit., vol. 1, col. 1273-1280.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 369

mais, les contrastes régionaux n'ont cependant pas disparu. Au


contraire, certains déséquilibres s'affirment au bénéfice du sud-est
du royaume. Les cartes jointes en annexe illustrent ce phénomène.
La province de Lyon, même si on en exclut Tournon, détaché en
1620, après de la création de la province de Toulouse10, abrite le tiers
des chaires de mathématiques. La précocité du sud-est à se doter de
ces chaires de mathématiques paraît d'autant plus remarquable que
se succèdent rapidement à cet enseignement des hommes
d'envergure : avec Jean Della Faille, futur mathématicien de la Cour de
Madrid, Claude Richard qui lui aussi partira pour l'Espagne11, Athanase
Kircher, lors de son bref passage en France, ou Vincent Léotaud,
émergent des figures de premier plan, au moins pour la science en
milieu jésuite, des hommes qui allient à leur activité d'enseignant un
travail de production et d'édition qui enrichit considérablement la
bibliothèque scientifique de la Compagnie. Autour d'eux, se
constituent des réseaux de scientifiques, parfois d'envergure
internationale, au sein desquels l'échange est intense. Une étude plus appro-

10 Voir les cartes 5, 6 et 7 sur les différentes limites de la province de Lyon,


infra.
11 Pour son séjour espagnol, et les conditions générales d'enseignement des
mathématiques dans ce royaume, voir M. I. V. Maroto et M. E. Pineiro, Aspectos
de la ciencia aplicada en la Espana del Sigio de Oro, Salamanque, 1991, chap. 4,
«La academia de matematicas en el sigio XVII», p. 135-218 et les pages sur
Claude Richard, p. 169 et 198-199. On trouvera notamment ce document
particulièrement éclairant sur les conditions de nomination de celui-ci à la chaire
royale de mathématiques, «Informe de Don Juan de Billela recomendando que se
nombre para la câtedra de matematica del Colegio Imperiai a Claudio Ricardo» :
«Corno V. Mag lo tiene entendido y ordenado en los estudios générales desta
corte a de aber una câtedra en que se leean matematicas, y conbiene sumamente
que sea por un maestro muy consumado en ellas, de que ordinariamente suele
aber mucha falta, y por esta causa me a parecido que corno ministro a quien
V. Mag. fue servido de encargar esta fundaciòn debo darle quenta representar
que en el colegio Imperiai de la Comparila se alla agora un padre llamado
Claudio Ricardo, que es de nación Borgonona, Vasallo de V. Mag., y muy bien afecto
al servicio de V. Mag., que es eminente en esta facultad y la a leido en Francia, y
le enbia el generai de su religion para que la lea también en la India Oriental, y
que tengo por muy conveniente que V. Mag. le mandase quedar aquï para el mis-
mo efecto y que asta que viniese respuesta suya de Roma el provincial de esta
provincia no le dexase salir deste Colegio. Por que verdaderamente tengo ésto por
muy importante para el buen principio de los estudios y sus buenos medios y fin,
asi en esta facultad corno en todas, que consiste en los buenos y eminentes
maestros. En que V. Mag., corno en todo, probeerâ lo que mas convenga a su real
servicio. En Madrid a 7 de Agosto de 1629. Juan de Billela».
On peut aussi se référer à V. Navarro Brotóns, «Los jesuitas y la renovación
cientifica en la Espana del sigio XVII», Studia Historica, Historia moderna, vol.
14, 1996, p. 15-44; Id., «La ciencias en la Espana del sigio XVII : el cultivo de las
disciplinas fïsico-matemâticas», Arbor, vol. 153, 1996, p. 197-252.
370 LE TEMPS DES CHAIRES

fondie permettrait sans doute de montrer que l'une des


caractéristiques de ces réseaux réside dans l'importance quantitative et
qualitative des relations avec l'Italie, comme le suggèrent les travaux
sur Peiresc12.
Ces figures n'excluent certes pas des hommes de moindre
importance, «passant» par le cours de mathématiques, entre
l'enseignement de la philosophie et celui de la théologie : ce sont les plus
nombreux, «l'infanterie légère» à propos de laquelle les connaissances
restent les plus vagues et le resteront longtemps, car ces hommes
n'ont pas laissé de trace particulière de leur activité au sein de la
Compagnie, a fortiori au cours de leurs brefs passages au poste de
professeur de mathématiques. Tout porte à croire que, pour eux,
enseigner devait le plus souvent se résumer à lire le cours manuscrit
laissé par un prédécesseur plus illustre ou plus compétent. De ces
documents, hélas, les traces demeurent fort rares. L'étude systématique
et globale de ces professeurs, dans les pages qui suivent, permettra
d'établir des corrélations entre géographie et hiérarchie des
établissements d'une part et types de carrières professionnelles d'autre part.
La France du Nord, divisée entre la province de Champagne et
celle de Paris, compte peu d'établissements, mais ils sont
prestigieux, que ce soit Pont-à-Mousson ou La Flèche. Dès la réouverture,
enfin consentie en 1618, du centre parisien, les mathématiques
s'épanouissent rapidement dans la capitale et le prestige de ses
enseignants contribue largement à la réputation du centre13. En
revanche, la France de l'Ouest reste peu dotée sur le plan scientifique,
le déficit perdurant jusqu'à la vague de création des chaires
d'hydrographie par Louis XIV dans la seconde moitié du XVIIe siècle14. Tou-

12 Pour une présentation biographique synthétique, DSB, vol. 10, p. 488-492.


Sur les activités plus scientifiques de Peiresc, J. Bernhardt, «Les activités
scientifiques de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637)», Nouvelles de la
République des Lettres, vol. 2, 1981, p. 165-184; J. Ferrier et J. Silie, «Mathematica»,
dans Les Fioretti du quadricentenaire de Fabri de Peiresc composés et offerts sous la
direction de J. Ferrier, Avignon, 1981, p. 343-361; sur les relations avec le milieu
romain, V. Saxer, «Peiresc et les Romains», dans Les Fioretti..., op. cit., p. 127-
150; H. Louyat, «Une amitié sans faille : Peiresc et Galilée», dans Les Fioretti...,
op. cit., p. 151-163; sur les relations avec Gassendi, R. Lebègue, «Une amitié
exemplaire : Peiresc et Gassendi», dans Actes du Congrès du tricentenaire de
P. Gassendi, 14-17 août 1955, Paris, 1957, p. 193-201; R. H. Popkins, Histoire du
scepticisme d'Erasme à Spinoza, trad. française, Paris, 1995, p. 145 sqq.; pour la
correspondance, voir Lettres de Peiresc publiées par P. Tamizey de Larroque, Paris,
1888-1898, 7 vol.; A. Bresson, Lettres de Peiresc à Saumaise et à son entourage,
Florence, 1992, 569 p.
13 Parmi les professeurs de Paris dans la première moitié du XVIIe siècle, on
remarque J. François, P. Bourdin, G. Fournier, dont la production scientifique a
été abondante et importante. Voir infra, chapitre 8.
14 F. de Dainville, «L'enseignement des mathématiques...», art. cit., p. 326-
327.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 371

louse constitue, dans cet espace particulièrement sous-équipé, une


exception d'autant plus remarquable que certains des maîtres qui y
enseignent ne sont pas parmi les moins remarquables de la
Compagnie15. Une rapide allusion de F. de Dainville à ces déséquilibres
suggère des problèmes financiers propres aux établissements
concernés16. Il faudrait sans doute aussi mener l'investigation sur le terrain
de l'analyse sociale, c'est-à-dire sur les «stratégies de formation» des
élites locales (aristocraties et bourgeoisies) face à la réorganisation
du système des savoirs après 1540 et au statut encore incertain des
mathématiques.
De l'étude de cette nouvelle carte ressort nettement le lien entre
déséquilibres régionaux et ancienneté des installations, ce qui vient
confirmer le caractère fondateur de la première phase, au moins
dans l'organisation de traditions scientifiques. Dans les principales
villes du royaume, le souci de doter l'image positive de la Compagnie
d'un ornement supplémentaire par le biais des chaires de
mathématiques n'est pas non plus absent chez les responsables : il se lit dans
la carte des implantations scientifiques; mais, comme pour la
seconde moitié du XVIe siècle, il serait excessif d'y chercher les traces
d'une «stratégie» en matière d'éducation scientifique.
Le premier XVIIe siècle connaît aussi une mutation de la
géographie de l'enseignement des mathématiques à l'échelle régionale :
l'ouverture des chaires a contribué au rééquilibrage des relations
entre les différents collèges, comme on le voit nettement dans la
province de Lyon. Il faut noter, dans ce cas, une redistribution des
hiérarchies entre les établissements, avec l'amorce du déclin de Tour-
non, sans doute corrélatif de la reprise de l'activité à Lyon, une fois
la paix revenue. La petite cité du Vivarais ne pouvait pas longtemps
continuer à être attractive, alors que la capitale de l'axe rhodanien
offrait tous les avantages d'une grande cité cosmopolite. Dans cette
optique, un élément important de la restructuration des rapports
d'enseignement entre les deux collèges a sans doute été l'imprimerie
lyonnaise : symptomatique du rôle de cette donnée, au moins pour
la stratégie interne de la Compagnie, est la parution en 1598, alors
que l'interdit pèse encore sur les jésuites lyonnais, du cours des
Conimbricences , dans leur première édition française17. A cet

15 II faut surtout rappeler, pour cette période, le rôle joué par Antoine Lalou-
vère, spécialiste des travaux sur la cycloïde et correspondant de Pierre de Fermât.
16 F. de Dainville, «L'enseignement des mathématiques...», art. cit., p. 326.
17 J'ai consulté l'édition postérieure : Commentarii Collegii Conimbricensis,
SI, in Quatuor libros de coelo, Meteorologicos et Parva Naturalia, Aristotelis Stagi-
ritae. Postrema hac editione non tam Graeco contextu Latino respondente
comptiores, quam ab innumeris menais tersiores, in lucem dati, Lyon, Jean Pille-
hotte, 1608.
372 LE TEMPS DES CHAIRES

exemple, pourrait s'ajouter celui de l'arrivée dans le royaume, par le


biais des éditeurs lyonnais, des textes de Pereira ou de Clavius18. On
verra aussi que les échanges de professeurs entre les différents
collèges d'une même province, participent de cette même logique
hiérarchisée de l'échange.
Le même type d'analyse doit être conduit pour les collèges de La
Flèche et Paris : tant que l'établissement parisien n'a pas repris son
activité, La Flèche représente sans conteste le pôle d'attraction et la
vitrine de la Compagnie dans la moitié nord de la France19. A partir
de 1620, le redéploiement des professeurs vers Paris constitue la
manifestation la plus tangible d'une réorganisation interne de la
province. En Champagne, les brefs passages des uns et des autres de
Pont-à-Mousson à Reims, relèvent d'un même type de pratique.
Au total, en 1640, les onze chaires de mathématiques qui
jalonnent l'espace éducatif français ne résultent pas d'une politique
élaborée par le centre romain ou au niveau de l'assistance. Gérées
par les différentes provinces en coordination avec Rome et selon des
impératifs le plus souvent matériels, elles résultent en majorité
d'une demande extérieure, régionale ou locale.
De fait, l'histoire de ces chaires, quand elle est documentée,
confirme la situation de «gestionnaire» dans laquelle la Compagnie
s'est retrouvée. Il n'est pas question ici d'écrire systématiquement
l'histoire de chaque fondation20, mais d'établir, à travers quelques
exemples, une typologie des chaires, susceptible d'éclairer ce
processus.

18 On notera pour Clavius l'édition lyonnaise de la Sphère en 1607 et pour


Pereira, celles de 1585 et 1588 du De communibus omnium rerum naturalium... Il
n'existe à ce jour aucun travail spécifique sur les relations entre la Compagnie et
le milieu des éditeurs : une telle étude permettrait notamment de mieux
comprendre les modalités de la diffusion des textes scientifiques jésuites français
ou étrangers.
19 Une preuve, parmi d'autres, de cette position-charnière réside dans
l'importance accordée aux fêtes et célébrations publiques : la Henriade ou la
célébration de la canonisation d'Ignace et Xavier s'y déroulent avec un faste
particulièrement éloquent. Cet événement fait l'objet d'une publication : Le triomphe des
saints Ignace de Loyola fondateur de la Compagnie de Jésus et François Xavier
apôtre des Indes, au Collège Royal de la même Compagnie à La Flèche ou le
sommaire de ce qui s'y est fait en la solennité de leur canonisation depuis le dimanche
24 de Juillet 1622, jusqu'au dernier jour dudit mois, La Flèche, 1622. Sur
l'importance de ces fêtes dans les collèges jésuites, la bibliographie reste très
déséquilibrée, principalement concentrée sur le théâtre. On se reportera aux références du
chapitre 3, ainsi que à M. Mac Govan, «Les Jésuites à Avignon. Les fêtes au
service de la propagande politique et religieuse», dans Les fêtes à la Renaissance.
Actes du quinzième colloque international d'Etudes Humanistes, Tours, 10-22
juillet 1972, Paris, 1975, t. 3, p. 153-171.
20 D'autant plus que l'état des sources ne le permet pas systématiquement.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 373

Continuité et officialisation : Tournon, Lyon, Avignon


II est intéressant de commencer par Tournon car cet
établissement, pour avoir fait figure de pionnier dans la seconde moitié du
XVIe siècle, n'en continue pas moins à abriter une activité
mathématique importante et relativement documentée. Même si
l'enseignement n'a pas été interrompu dans les dernières année du XVIe siècle,
le Roi Henri IV signe en octobre 1604 des lettres patentes en forme
d'édit qui confirment les droits d'Université octroyés au collège21 : à
cette date l'établissement semble au sommet de son
épanouissement22. Puis, en octobre 1606, la Compagnie réitère ses engagements
par une convention officielle selon laquelle «dorénavant on tiendrait
lecture officielle de langue hébraïque, de mathématiques, de
philosophie entière et parfaite et des autres sciences des grands collèges
et universités de [son] Institut»23. Ainsi, ces deux actes confirment
un statut originel qui dans la pratique n'avait connu qu'une
application intermittente. La phase de normalisation amorcée en 1603
donne à la Compagnie l'occasion de reconfirmer ses devoirs et, à
partir de cette date, de s'y tenir, dans la lignée d'une pratique
inaugurée dès 1590.
Cette officialisation réactivée explique sans doute l'intérêt qu'y
prend le général Acquaviva. Entre 1605 et 1609, il s'exprime par trois
fois sur ce problème dans sa correspondance avec le provincial. Dès
1605 il manifeste le souhait que soient désignés des scolastiques
pour se préparer spécialement à cette tâche. C'est d'après lui une
nécessité puisque l'ordre s'est engagé à dispenser ces enseignements24.
S'adressant de nouveau au provincial, Louis Richeome25,
quelques mois plus tard, il ajoute :

21 M.-M. Compère et D. Julia, Les collèges français..., op. cit., vol. 1, p. 701.
22 Voir à ce propos, l'édition par J.-M. Prat du témoignage manuscrit d'un
étudiant de cette époque : la description du nombre des étudiants, comme celle
de l'attractivité de l'établissement sur la population estudiantine de l'époque, sont
parlants : Recherches historiques et critiques sur la Compagnie de Jésus..., op. cit.,
t. 5, p. 230.
23 M. Massip, Le collège de Tournon en Vivarais, d'après les documents
originaux inédits, Paris, 1890, p. 72-73.
24 ARSI, LUGD. 2, fol. 138r., lettre du général au provincial datée du 24
décembre 1605 :
«Tarn domino illa quo de numero professorum intra temporis per prioratis
possessionem explendo, et de mathematicae ac peregrinarum linguarum lec-
tiones, quatuorque e societate scholasticis quamprimum mittendis designaban-
tur, tolli ibidem modo debent, partim ob causas superius expositas; partim quod
concessa jam citius quam par erat, magna ex parte perfecta fuit».
25 Grande figure jésuite de la période, Louis Richeome (voir C. Sommervo-
gel, op. cit., t. 6, col. 1815-1831) s'est notamment distingué dans cette phase de
rétablissement en rédigeant d'importants textes de défense de la Compagnie
destinés au roi : voir notamment Tres-humble Remonstrance et requeste des religieux de
374 LE TEMPS DES CHAIRES

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Carte 5. Le dispositif éducatif de la province de Lyon (1582-1608).


• collège ▲ collège disposant d'un enseignement de mathématiques.

J'ai déjà écrit précédemment à V. R. au sujet des revenus du


collège de Tournon, que, dans l'exiguïté de nos fonds, je sens ne pas être
excessifs. A présent s'est ajouté ceci que la leçon de mathématiques
est faite par un professeur et celle d'hébreu par un autre, bien que les
deux puissent être enseignées par une seule personne26.

la Compagnie de Iesus au Tres-Chretien Roy de France et de Navarre Henry IIII,


Bordeaux, 1598; Plainte apologétique au Roy Tres-Chretien de France et de Navarre
pour la Compagnie de Iesus. Contre le libelle de l'auteur sans nom intitulé Le franc
& véritable discours etc. Avec quelques notes sur un autre libelle dict le Catéchisme
des Iesuites, Bordeaux, 1603.
26 ARSI, LUGD. 2, fol. 143r., lettre du général datée du 20 mars 1606 :
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 375

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Carte 6. Le dispositif éducatif de la province de Lyon (1608-1616).


» collège ▲ collège disposant d'un enseignement de mathématiques.

Il est clair qu'à cette date les problèmes de manque de personnel


compétent l'invitent à suggérer une stratégie de moyens réduits, ce
qui explique sans doute sa préférence pour la nomination d'un seul
et même professeur pour l'enseignement des mathématiques et de
l'hébreu. Malgré les difficultés, il souhaite pourtant maintenir cet
enseignement. C'est bien ce qui va se produire et l'étude des
enseignants effectivement nommés à ce poste montre à quel point ses

«Scripsi jam pridem V. Rva de oneribus collegii Turnonensis, quae nostri in


tam exigua fundorum nimis multa esse sentiar, nunc ad hoc adduntur nonnulli,
lectionem mathematicarum ab uno doceri et hebraicae ab altero, cum facile pos-
sit utraque ab uno perfìci...».
376 LE TEMPS DES CHAIRES

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Carte 7. Le dispositif éducatif de la province de Lyon (1616).


• collège ▲ collège disposant d'un enseignement de mathématiques.

inquiétudes sont fondées. De fait, en 1609, il revient sur la question,


rappelant :
A ce point, il faut pourvoir à ce que celui qui enseigne les
disciplines mathématiques soit différent du professeur de philosophie ou
de physique; pour ce dernier, non seulement cette leçon
extraordinaire est pesante en elle-même, mais en outre cela peut provoquer un
dommage pour les autres études comme pour le professeur lui-
même. Nous voulons que cela soit dit partout...27

27 ARSI, LUGD. 2, fol. 260v., lettre du général au provincial, datée du 28 avril


1609
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 377

II n'est pas indifférent que ce propos soit tenu par Claude Ac-
quaviva, le général de la Ratio studiorum et de la reconnaissance de
l'académie de mathématiques de Clavius à Rome. L'attitude qu'il
adopte vis-à-vis de Tournon s'inscrit dans la continuité de ses
décisions pour Rome. S'agit-il alors de l'esquisse d'une politique pour les
mathématiques, inaugurée à la fin des années 1590 et généralisée
dans le premier XVIIe siècle? Seule une enquête étendue
systématiquement à plusieurs provinces permettrait de confirmer cette
hypothèse.
Quoi qu'il en soit, malgré toute l'énergie déployée par le général,
la pénurie en hommes n'a pu être suppléée d'une manière aussi
radicale qu'il l'eût souhaité. Les annexes 1 et 2 montrent le caractère
encore largement interchangeable des professeurs qui passent d'une
discipline à une autre : Claude Polard, Jacques Georges, par
exemple, interviennent principalement en tant que professeurs de
philosophie, mais ils s'occupent aussi incidemment de
mathématiques. Ils le font parfois parallèlement à leur enseignement
principal. Et dans la seconde décennie du siècle, cette situation perdure,
malgré les injonctions du général et l'existence d'un cadre normatif
qui pose des distinctions entre les disciplines.
C'est cependant pour des raisons d'une autre nature que la
chaire de mathématiques de Tournon connaît un essor limité au
cours du XVIIe siècle : la proximité du pôle lyonnais, qui apparaît
comme le grand bénéficiaire de la reprise de l'activité éducative
jésuite, détourne de la capitale du Vivarais une population
estudiantine mieux servie à Lyon28.
Là, en effet, le développement tardif des classes de philosophie,
la fermeture à la suite de l'attentat de Jean Chastel, avaient, dans la
dernière décennie du XVIe siècle, peu contribué à l'essor des
disciplines mathématiques. La réouverture des classes, en mars 1604,
constitue l'amorce d'une nouvelle phase caractérisée par l'entretien

«Isthic est curandum ut qui mathematicas docet disciplinas, alius sit ab ipso
philosophiae seu physicae professore, cui non modo est gravis ex se illa
extraordinaria praelectio, sed reliquis est studiis aut sibi est unicam potest esse
detrimento. Quod universe dictum volumus...».
28 La bibliographie sur cet établissement est particulièrement indigente :
G. Guitton, Les Jésuites à Lyon sous Louis XIV et Louis XV. Activités, luttes,
suppressions, 1640-1768, Lyon, 1953, 303 p. Dans cet ouvrage au caractère largement
apologétique, sont répétés les clichés sur l'enseignement scientifique,
partiellement justifiés par la mise en valeur de quelques figures intéressantes. Voir
notamment p. 48-51 et 150-154. Sans être centré sur le collège, le travail de S. Van
Damme éclaire de manière neuve la présence des jésuites dans le milieu
intellectuel lyonnais : S. Van Damme, Les professeurs du Collège de la Trinité de Lyon et la
vie littéraire et intellectuelle d'une capitale provinciale au XVIIe siècle (1636-1724).
Sources et problématique, mémoire de DEA, Université de Paris I-Sorbonne, sous
la direction de Monsieur le Professeur D. Roche, juin 1993, 166 p.
378 LE TEMPS DES CHAIRES

de six classes d'humanités, trois classes de philosophie et de


théologie. Cette nouvelle structure se trouve confirmée et complétée par
les sources administratives contemporaines : l'annexe 1 montre la
stabilisation progressive de l'enseignement des mathématiques, un
professeur s'en occupant à plein temps à partir des années 1620. Elle
souligne aussi que le temps de la normalisation ne conduit pas
systématiquement à l'application de la Ratio studiorwn tout entière.
Nombre de facteurs d'ordre administratif ou conjoncturel limitent
l'application des règles ou les nuancent au point d'en rendre la
validité contestable : le fait que, comme à Tournon, un professeur de
logique, de physique ou d'hébreu s'occupe aussi de mathématiques
rappelle que la distinction entre les disciplines et la stabilisation des
pratiques ne prennent pas effet immédiatement.
La comparaison de la liste de Lyon avec celle de Tournon met
aussi en évidence les phénomènes d'échange qui ont accompagné la
croissance de chacun des deux établissements. Ainsi, même lorsqu'il
y a une simple officialisation inscrite dans la continuité
chronologique, la confrontation des sources fait émerger des pratiques plus
complexes.
La situation avignonnaise ne dément nullement ce constat : là
où la constitution d'un cours autonome de mathématiques est
apparue la plus précoce, la même polyvalence que dans le reste de la
province a rapidement succédé à l'apparente spécialisation, puis vient
la suppression du cours de mathématiques, en 161729. Mais là
encore, la situation n'est pas définitivement acquise : en 1628, le
provincial Etienne Binet propose à la ville une réduction du cours de
philosophie de trois à deux années, s'engageant parallèlement à
fournir un professeur particulier pour les mathématiques30. On
trouve en 1629 un témoignage de ces difficultés concrètes
d'organisation dans une lettre adressée au général :

Pour ce qui concerne le cours de philosophie que V. P. a accordé


à la France de faire pour deux ans, nous prévoyons une telle difficulté
à cause de l'enseignement que vous nous imposez dans la règle que
nous préférons (mots non lus) privilège, plutôt que de l'utiliser. La
difficulté pourrait être surmontée facilement si le nombre de nos
frères qui s'occupent de philosophie était grand. Mais dans la mesure
où nous en avons seulement tantôt deux, tantôt un, quel maître
pourrait avec ses élèves supporter la fatigue de cette troisième année, soit

29 II existe un témoignage manuscrit du cours de mathématiques de l'année


1616 : Matheseos totius summarium, conservé au Musée Calvet, sous la cote
ms. 39. Ce document est signalé par F. de Dainville, «Foyers de culture...», dans
L'éducation des jésuites..., op. cit., p. 312, note 7.
30 P. Delattre dir., Les établissements jésuites..., op. cit., vol. 1, col. 458.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 379

que le même professeur soit qu'un autre doive supporter le fardeu


d'une troisième année? Certains ont suggéré un troisième maître qui,
chaque année, enseigne l'éthique et s'occupe un peu de
mathématiques ou d'autres choses encore, renvoyées du cours biannuel vers
lui. Seraient admis à suivre ce cours non seulement les nôtres qui
auraient fini le cours biannuel, mais aussi les externes, logiciens,
physiciens, ou particulièrement métaphysiciens. Il serait alors nécessaire
que ce troisième maître enseigne à des heures différentes; de la sorte,
les externes pourraient suivre son cours, pas plus d'une heure par
jour, de sorte qu'ils ne se fatiguent pas trop en écrivant. De même, il
pourrait entraîner privatim les nôtres et les préparer au futur examen
et peut-être de cette manière on répondrait suffisament aux exigences
des Constitutions et aux attentes des externes du cours biannuel31.
A la rentrée de 1629, Etienne Furet prend en charge le cours de
mathématiques, inaugurant un nouvel équilibre dans
l'enseignement des disciplines qui composent le cycle des arts.
On note ainsi une situation de continuité pour les anciennes
fondations où l'entrée en vigueur de la Ratio studiorum ne
bouleverse pas fondamentalement des pratiques inaugurées dans les
décennies précédentes. Dans les nouveaux établissements, les choses
se présentent-elles sous un jour différent? L'étude de La Flèche
apparaît d'autant plus intéressante qu'il s'agit d'une fondation royale.

Première fondation royale : La Flèche32

L'ouverture de la chaire de mathématiques de La Flèche s'inscrit


dans un contexte de reprise du dialogue entre la monarchie
française et la Compagnie de Jésus. L'acte symbolique qui accompagne

31 ARSI, LUGD. 11, fol. 107r.-v., lettre de P. Casanus au général, datée du 7


juin 1629 :
Circa cursum philosophiae biennalem quem VPtas Galliae concedit tantam
praevidemus difficultatem ob traditionem quam sub praecepto nobis imponit ut
malemus (mot non lu) privilegio quam uti. Facile possent superari difficultatem
si numerus esset ingens fratrum nostrorum qui philosophiae dant operam; sed
cum aliquando duos tantum numeremus, ut aliquando unum, quis (cum) magis-
ter cum discipulis ferre posset taedium tertii illiq. anni, sive idem magister sive
alius hune 3i anni laborem ferre cogatur? Suggerebatur a nonnullis tertius
magister qui quotannis profiteretur Ethicam et tractatus aliquot mathematicos, vel
alios ad eum ex cursu biennali reiectos. Ad hune audiendum admitti possunt non
tantum Nostri (v.) qui biennium absolverunt, sed etiam externi seu logici, seu
Physici et Metaphysici praesertim. Idemque necessarium esset ut tertius hic
Magister doceret diverso tempore ut externi eum audire possint, idque per unam
tantum horam quotidie, ne scribendo nimium defatigentur. Idem ipse nostros
posset privatim exercere et ad futurum examen praeparare, ac forte hac ratione
sufficienter satisfiet et Constitutioni, et praeterea externis biennium expetenti-
bus».
32 La bibliographie sur La Flèche est ancienne : J. Clère, Histoire de l'école de
La Flèche depuis sa fondation par Henri IV jusqu'à sa réorganisation en Prytanêe
380 LE TEMPS DES CHAIRES

cette nouvelle phase des relations entre le prince et l'ordre ignatien


n'est autre que la fondation du premier collège jésuite royal du
territoire français - alors que d'autres pays étaient déjà dotés de tels
établissements33 -, sur les terres royales de La Flèche. Les longues
négociations qui ont accompagné cette fondation intéressent peu la
chaire de mathématiques : c'est notamment ce que montre un
rapport envoyé à Rome (1603), sur les conditions que le Roy veut estre
mises dans le Contract que sa Majesté desire faire avec les Jésuites
pour la fondation du college de la Flèche34. Quant au récit de la
fondation, postérieur de quelques années, il est peu bavard, sauf sur
l'architecture du lieu35. Puis, il en définit la structure pédagogique :
Le collège a toutes ses classes au complet, en effet en plus des six
classes d'humanités, il dispose d'un cours de théologie scolastique,
morale et positive, d'un cours de philosophie qui se déroule sur trois
ans, d'un cours de mathématiques. Ainsi, on compte quinze
professeurs, avec les deux professeurs de rhétorique...36

impérial militaire, La Flèche, 1853, 382 p.; C. de Rochemonteix, Un collège jésuite


aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le collège Henri IV de La Flèche, Le Mans 1889, 4 vol. Il
faut y ajouter les présentations de P. Delattre dir., op. cit., vol. 2, col. 904-919 et
M. -M. Compère et D. Julia, Les collèges français, op. cit., vol. 2, p. 380-391.
33 Sur le collège impérial de Madrid, par exemple, la bibliographie de base
est fournie par L. Polgar, op. cit., vol. 2, 1, p. 168-169; mais l'ouvrage de référence
est celui de J. Simon Diaz, Historia del Colegio Imperiai de Madrid (del estudio de
la villa al Instituto de san Isidro : anos 1346-1955) , 2e éd. augmentée, Madrid,
1992, 633 p.
34 ARSI, GAL. 61, II, fol. 437r.-438r. Ainsi, l'article 1 regarde le dépôt du cœur
du monarque dans l'église du collège, le second développe la question des messes,
un autre précise le budget qui devra être consacré annuellement à la
bibliothèque... Le fait que le dépôt du cœur du roi soit envisagé dès l'acte de fondation
souligne l'importance accordée par Henri IV à cette fondation : il désigne La
Flèche comme nécropole royale et la Compagnie comme un ordre religieux digne
de cette royale faveur.
35 ARSI, GAL. 56, fol. 23r.-24v. :
« Collegium Flexiense extructum fuit Regia fundatione Henrici Quarti Chris-
tianissimi Galliarum et Navarrorum Régis anno 1604 eum statutum habet.
Domus illa ipsa basilica est, in qua Rex satis in qua per pueritiae annos par-
tim habitus ac educatus est. Quippe vindocinensis patrimonii partem Urbs
Flexia, conficit.
Domui cohaeret septum ingens, umbrosum nemus altis arborum capitibus
nobile, pratis interstinctum, continenti horto ac piscinae vicinitate, circum de-
nique subiecta natura pulcherrime occulos amoenante, peramoenum ipsum at-
que spectabile. Dextro in recessu extremi horti stat etiamnum in colliculum as-
surgens terrae cumulus, circumincinctus arborum corona (...) Medium atrium
scholarum est et quam Meridiem spectat tempio, qua septentrionem aulam de-
clamationum amplissimam, Theologiae et Philosophiae scholis, qua Orientem et
Occidentem aliis auditoriis Rhetoricae et Humanitatis et Grammaticae includi-
tur. Aliud atrium (...)».
36 Ibid. : « Collegium est omnibus classibus absolutum Nam praeter sex hu-
maniorum literarum classes, habet theologiam scholasticam moralem, positi-
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 381

Ce texte reprend, en fait, les termes du contrat de fondation :


Henry par le grâce de Dieu Roy de France et de Navarre (...)
Pour ces causes et mûre, bonne et grande considération a fondé
et estably ausdits Pères un collège en ladite ville de La Flèche... qui
soit comme un séminaire gérerai et universel, ayant les
enseignements qui ont accoutumé... aux plus grands collèges et Universités de
ladite Compagnie, scavoir est la grammaire, les humanités, la
rhétorique, la langue latine, grecque et hébraïque, la philosophie, logique,
morale, physique, métaphysique, la mathématique et la théologie sco-
lastique, les cas de conscience et la Sainte Ecriture37.
Il ressort clairement de cet extrait que la classe de
mathématiques fait partie du schéma éducatif de prestige dans lequel s'inscrit
l'ensemble du projet fléchois. Dans ce cas encore, l'impulsion de la
création est donnée par l'extérieur, en l'occurrence le Roi38. Si la
Compagnie a accepté les engagements définis par Henri IV39, reste à
examiner comment elle les a tenus pour les mathématiques : dans ce
contexte de prestige aussi, la pénurie en hommes a déterminé les
modalités d'organisation de cet enseignement, même si, a priori, les
conditions semblaient plus favorables qu'ailleurs à une éclosion
rapide de cette discipline.
Dès la fin de l'année 1604, après la mise en place des premiers
cours, La Flèche accueille plus de 1000 élèves dont une centaine
d'internes. Si le cours de mathématiques est mentionné dès le
contrat de fondation40, il ne s'ouvre pas immédiatement : une source
de juillet 160641 précise en effet que le nombre des professeurs s'élève
à 10 (4 pour la grammaire, 1 pour les humanités, 1 pour la
rhétorique, 3 pour la philosophie, 1 pour les cas de conscience), ce qui
exclut la chaire de mathématiques. Et, en effet, le catalogue du
personnel de cette même année ne désigne que les trois professeurs de

vani, philosophiam, cuius curriculum triennio absolvitur, Mathematicas denique


disciplinas; unde geminis etiam Rhetoribus numerantur quindecim Praecep-
tores...».
37 ARSI, FRANC. 39, fol. 434r.-435r., édit de fondation par le roi Henri IV.
38 Sans doute accorde-t-il une place à cet enseignement dans la tradition
inaugurée presque un siècle auparavant par son prédécesseur, François 1er lors
de la création du Collège Royal. En l'absence d'une monographie sur cet
établissement, voir G. Du Val, Le Collège Royal de France ou Institution,
Etablissement et Catalogue des lecteurs et professeurs ordinaires du Roy..., Paris, 1645.
39 Par un édit de septembre 1603, Henri IV autorise la réouverture de treize
collèges de la Compagnie en France auxquels il joint un quatorzième
établissement, la fondation royale de La Flèche. En 1607, ARSI, FRANC. 39, fol. 434r., le
collège prend sa forme définitive, il s'agit non pas d'une Université, mais d'un
«collège de premier ordre ou Séminaire général et universel (...) analogue aux
plus grands collèges et universités de la Compagnie».
40 ARSI, FRANC. 39, fol. 434r.-435r.
41 ARSI, FRANC. 10, fol. 254r.
382 LE TEMPS DES CHAIRES

philosophie, Louis de la Salle pour la métaphysique, Philippe Ni-


caud pour la physique et, pour la logique, Pierre Pastorellus42.
Dans cette même période, le recteur de l'établissement est Jean
Chastelier : c'est à lui qu'est échue la tâche d'organiser les débuts du
collège royal. A la tête de l'établissement depuis 1604, c'est au
moment de son départ43 qu'est inauguré le cours de mathématiques et il
est particulièrement significatif que le professeur nommé à cette
fonction soit Jacques Guernissac44. Cette nomination présente un
double intérêt, non seulement parce qu'elle confirme les
compétences de Guernissac pour l'enseignement des mathématiques,
comme les archives mussipontaines permettaient de le suggérer,
mais parce qu'elle précise le lien qui unit ce dernier à Chastelier,
inscrivant ainsi l'histoire de l'essor des mathématiques à La Flèche dans
la continuité de la situation lorraine45. L'année suivante (1608-1609),
la même situation est maintenue46, alors que Chastelier retourne à
Pont-à-Mousson, pour quelque temps (1608-1613). Pour des raisons
d'ordre interne, le professeur de mathématiques abandonne cette
tâche après 161047, ce qui conduit ses supérieurs à nommer pour l'an-

42 ARSI, FRANC. 22, fol. 34v.-35r.


43 Sur la passation de pouvoir entre Chastelier et Charlet, tous les historiens
convergent pour retenir la rentrée 1606. Si cette date est exacte, il n'en demeure
pas moins que l'ancien recteur est encore à La Flèche tout au long de l'année
1607, comme l'atteste sa correspondance avec le général. On peut donc suggérer
qu'il n'a pas été étranger aux choix effectués dans le collège en 1606-1607.
44 Le catalogus brevis de 1607-1608 (ARSI, FRANC. 22, fol. 47r.-v.) donne la
liste des 38 jésuites présents dans l'établissement à cette date, toujours sous la
responsabilité du même recteur. Parmi eux, «Jacobus Guernisacius, minister,
professor mathematicarum, praefectus sanitatis». Les trois professeurs de
philosophie sont les mêmes.
45 Voir supra, chapitre 6, deuxième partie.
46 Le catalogus brevis (ARSI, FRANC. 22, fol. 58r.-v.), bien que fortement
entamé par les souris, permet de deviner la présence de Jacques Guernissac, suivi
de la mention «... Mathematicarum».
47 En 1609-10, le catalogus brevis (ARSI, FRANC. 22, fol. 60v.-61r.) signale
toujours «Jacobus Guernisacius, Professor casuum mathematicarumque». En
revanche, l'année suivante, 1610-11, le catalogus brevis (ARSI, FRANC. 22, fol.
71v.-72) mentionne la présence de «Jacobus Guernisacius, prof. Casuum, confes-
sarius» et il ajoute Nicolas Laplace, comme professeur de mathématiques, et
étudiant en seconde année de théologie. On peut penser que le manque de personnel
explique que les fonctions sont ainsi transformées, on peut supposer aussi que
soit le supérieur, soit l'intéressé lui-même, ou bien les deux à la fois aient jugé
plus importante son activité comme confesseur et sa nouvelle affectation. Si cette
supposition était exacte, cela signifierait que le responsable local accordait une
valeur secondaire à la discipline mathématique en matière d'efficacité
«apostolique». Mais, l'autre hypothèse, que l'intéressé ait souhaité exercer une activité
plus directement apostolique, est tout aussi plausible. Après avoir été nommé
confesseur, il est envoyé en Bretagne, à Rennes, où l'attend une longue carrière
administrative.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 383

née 1610-11, un remplaçant provisoire, Nicolas Laplace. Ce Dijonnais


d'origine est plus précisément décrit dans le catalogus primus de la
même année48, mais c'est surtout par une lettre du provincial de
France au général Acquaviva, en date du 6 juin 1611, que la situation
fléchoise est éclairée de manière inattendue. A propos de
l'enseignement des mathématiques, il parle de la difficulté, qui n'est pas des
moindres, à pourvoir ce poste, du fait du manque d'hommes
suffisamment compétents et susceptibles de l'enseigner dignement. Il se
permet en outre de porter un jugement sur ledit Nicolas Laplace,
auquel a été attribuée cette mission, et qui au total n'est parvenu ni à
enseigner vraiment les mathématiques, ni à se consacrer à ses
propres études de théologie. Devant ce bilan négatif, le provincial
demande au général de réfléchir à une solution honorable pour
l'établissement49. De fait, l'année suivante (1611-1612), le cours de
mathématiques se trouve provisoirement suspendu50, jusqu'à l'arrivée de
Jean François (1612), qui occupe le poste jusqu'en 1617. Si donc on
cherche à reconstituer la liste des professeurs de La Flèche pour
cette période, on aboutit au résultat reporté dans l'annexe 1. Il est
remarquable que, pour la plupart, les hommes qui se trouvent sur cette
liste, H. Nicquet, E. Noël, J. a Santo Remigio, F. Véron, G. Moret,
sont passés par Pont-à-Mousson. La plupart d'entre eux a pu y
rencontrer J. Chastelier51.
A propos de cette liste, la première remarque doit concerner la
gestion du personnel : dans cette phase de forte croissance des
effectifs52 et de stagnation relative du nombre des professeurs, s'opère
une première stabilisation des maîtres, caractérisée par l'émergence

48 ARSI, FRANC. 10, fol. 275 v. : âgé de 32 ans, il est entré dans la
Compagnie quinze ans auparavant. Il y a effectué des études de rhétorique (1 an), de
philosophie (3 ans), de théologie (2 ans). Puis, il est signalé pour avoir enseigné la
grammaire (1 an), la philosophie (6 ans), les cas de conscience (2 ans) et les
mathématiques (1 an). Il a obtenu son grade de maître es arts à Pont-à-Mousson.
Mais aucun des catalogues publiés par L. Carrez, op. cit. , ne le mentionne dans ce
collège.
49 ARSI, FRANC. 2, fol. 325v. : «Ceterum circa mathematicas disciplinas
quidem notaret RVa non mediocrem difficultatem ob inopiam professorum qui
et eas probe callerent et pro dignitate docere possent quo factum dicebar ut ea-
rum lectionem domandali P. Nicolo Laplace secundi anni theologo. Hunc vero
aiunt profunda quidem eruditionis, et ingenii sagacissimo sed illum neque
mathematicas vere docuisse, neque studiis theologis dedisse operam...».
50 ARSI, FRANC. 2, fol. 341v.
51 Voir, pour les datations précises, L. Carrez, op. cit., ad hominem. On
développera cet aspect du problème dans le paragraphe consacré aux formations.
52 Pour une présentation générale, voir F. de Dainville, L'éducation des
Jésuites..., op. cit.; S. J. Harris, «Les chaires de mathématiques», dans L. Giard
dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. 239-261.
384 LE TEMPS DES CHAIRES

d'un cursus-type. Le professeur assurera successivement le cours


d'humanités, puis celui de philosophie, enfin celui de théologie. Par
conséquent, un maître suit une cohorte d'élèves tout au long de leurs
études de philosophie, et éventuellement de théologie, soit pour
trois à sept ans. La seconde remarque concerne la place, encore mal
définie, des mathématiques vis-à-vis de la philosophie. A travers la
hiérarchie des savoirs que suggèrent les évolutions de carrière, il est
symptomatique que passer de l'enseignement des mathématiques à
celui de la philosophie apparaisse comme une promotion. C'est bien
ce qu'illustre le cheminement postérieur de J. François. A contrario,
le fait de confier les mathématiques au professeur de métaphysique,
comme un appendice de la discipline maîtresse, renforce l'idée
d'une science subalterne. La troisième remarque confirme, d'un
autre point de vue, cette conclusion : tous les professeurs qui
composent cette liste sont des hommes jeunes, à l'expérience
professionnelle le plus souvent encore réduite. La plupart se trouve encore
en pleine formation. Parmi eux, le professeur de mathématiques
présente tous ces caractères, mais de manière plus accentuée
encore : Jean François, comme Nicolas Laplace avant lui, est encore
étudiant en théologie53. Le catalogus primus de 1615 précise qu'âgé
de 28 ans à cette date, il est entré dans la Compagnie en 1605 où il a
étudié philosophie et théologie et où il a enseigné la grammaire
pendant deux ans, avant de s'occuper des mathématiques54. Les
professeurs de philosophie Etienne Noël, François Fournet et Honoré Nic-
quet sont nés en 1581, pour les deux premiers et en 1585 pour le
dernier : eux-mêmes appartiennent donc à la génération des hommes
de trente ans dont la pleine maturité intellectuelle n'interviendra
que dans les années 164055. Ainsi, malgré les lacunes qui relèvent de

53 Cette pratique, répandue dans les dernières décennies du XVIe siècle, avait
suscité une vive indignation de la part de Clavius, à Rome : elle rendait
impossible, d'après lui, une formation sérieuse sur le plan mathématique. Il avait donc
lutté pour obtenir une dérogation pour les étudiants de son académie : ceux-ci
avaient reçu l'autorisation de poursuivre les études mathématiques, sans aucune
autre charge, à l'issue du cursus de philosophie, et avant d'entreprendre celui de
théologie. Grâce au soutien, dans les années 1592-94, de Bellarmin, alors recteur
du Collège Romain, Clavius provoquait ainsi la naissance officielle d'une
académie supérieure de mathématiques : voir MPSJ, vol. 7, p. 119-122, pour le texte de
Clavius; ibid., p. 622, pour le décret de formation des maîtres de mathématiques
signé par R. Bellarmin. Pour le commentaire, voir supra, chapitre 3. On conçoit
donc, à la lumière de la situation romaine, que le fait de confier l'enseignement
des mathématiques à un scolastique étudiant en théologie, ne soit pas considéré
comme facteur de valorisation des mathématiques.
54 ARSI, FRANC. 11, fol. 16r.
55 E. Noël, entré au noviciat de Verdun en 1599, figure sur la liste des novices
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 385

l'état des sources56, le professeur de mathématiques de La Flèche,


plus nettement que ses collègues de philosophie, apparaît comme un
personnage encore peu avancé du point de vue de sa formation
intellectuelle et corrélativement peu spécialisé dans un domaine
particulier, - en l'occurrence les mathématiques -. Seul Jacques Guernis-
sac, que l'historiographie n'a pas réellement mis en évidence jusqu'à
ce jour57, disposait sans doute d'un outil mathématique plus élaboré,
acquis auprès de Chastelier.
Cette série de remarques sur les premières années de
l'enseignement des mathématiques à La Flèche confirme le décalage toujours
vif entre textes normatifs et pratiques. Mais d'autres exemples
auraient pu conduire à cette conclusion. Plus intéressant est le fait que,
constituant le premier établissement fondé après le rétablissement
de 1603, La Flèche soit contraint de s'organiser selon les nouvelles
normes définies par Henri IV. Aussi, pour les cours, doit-on compter
sur des hommes qui «seront naturels François»58 : le réservoir mus-
sipontain est alors mis à contribution, notamment pour le cours de
mathématiques. A ce titre, l'ouverture du collège de La Flèche
contribue à inaugurer une nouvelle relation entre la périphérie et
Rome : caractérisée par une plus grande autonomie à l'égard du
centre, cette relation est assurément à mettre sous le signe de la «
nationalisation» des provinces jésuites. Si cette évolution relève claire-

de la maison professe de Saint-Nicolas-du-Port en 1600 (L. Carrez, op. cit.,


p. 120) : cette année-là, il rencontre Jacques Guernissac, tertianus; l'année
suivante (1600-1601), il rencontre Balthasar Chavasse, à son tour tertianus. Ces
éléments biographiques témoignent effectivement des liens existant entre E. Noël et
le milieu mussipontain. Ses premiers livres de physique, entre autres centrés sur
la question du vide, paraissent à partir de 1646. Voir C. Sommervogel, op. cit.,
vol. 5, col. 1788-1790. H. Nicquet, né en 1585, entré au noviciat de Nancy en 1602,
Se trouve au collège de Verdun dès 1605 (L. Carrez, op. cit. , p. 22), puis fait une
carrière de théologien qui le conduit à Rome. Voir C. Sommervogel, op. cit. , vol.
5, col. 1712-1714.
56 Les indications sur la première partie de la carrière de Jean François
restent très lacunaires et ne permettent pas d'apprécier précisément les modalités
de sa formation. En voici les premiers éléments : 1607 (FRANC. 2, fol. 125) il est
présent à Paris; 1611-12 (Carrez), il est professeur en classe d'humanités à Pont-à-
Mousson; 1612-13 (FRANC. 22, fol. 86r.), il est répertorié sur le catalogus brevis
de La Flèche comme professeur de mathématiques et étudiant en première année
de théologie; 1613-14 (FRANC. 22, fol. 96v.), idem, et étudiant en deuxième année
de théologie; 1614 (FRANC. 3, fol. 108), une lettre le localise toujours au même
endroit; 1614-15 (FRANC. 22, fol. 106v.), idem, en troisième année de théologie; le
catalogus primus (FRANC. 11, fol. 16r.) propose une notice biographique plus
complète; 1615-16 (FRANC. 22, fol. 118r.), il est professeur de mathématiques et
étudiant en 4e année de théologie; 1616-17 (FRANC. 22, fol. 128r.), il occupe
uniquement la fonction de professeur de mathématiques.
57 J. Sirven, Les années d'apprentissage de Descartes (1596-1628), Albi, 1928,
p. 48, n. 2.
58 Voir l'édit de rétablissement cité en tête de cette partie.
386 LE TEMPS DES CHAIRES

ment de facteurs historiques généraux59, elle est rendue possible par


le legs de la seconde moitié du XVIe siècle.

Donation, prestige et mécénat : Aix


Le dépouillement de la correspondance administrative
conservée à Rome présente l'avantage d'éclairer parfois, de manière
inédite, un processus de création de chaire. Dans le cas d'Aix-en-Pro-
vence, l'intérêt est d'autant plus grand qu'il s'agit d'une de ces villes
dynamiques du réseau urbain du sud-est de la France, où les
échanges sont nombreux avec Avignon, Digne ou Lyon et où
l'existence d'une activité scientifique intense est documentée grâce aux
travaux sur Peiresc ou Gassendi, installé à Digne60. L'établissement
aixois, confié à la Compagnie en 162161, commence à dispenser un
enseignement de mathématiques sur l'initiative du prieur Jean-
Louis de Revillas. Comme le rappelle la chronique de
l'établissement, éditée par E. Méchin,
Après pasques de cette année (1633), le P. Recteur allant à la
congrégation provinciale qui se tenait à Lyon, comme il passa en
Avignon, Mon.r Jean Louis de Revillas, Prieur du Prieuré de St-Pierre de
Tourves, fait résignation de son prieuré entre les mains de Nostre St
Père, en faveur du Collège d'Aix, et le tout envoyé à Rome et agréé,
nommément que Mon.r le Prévost de Pignans en avait donné le
consentement, comme collateur dudit bénéfice, à pasque de trois
charges de bled par an, au gré du Pape. Il ne restait plus que
l'expédition des bulles, ce qui feut faict l'an suivant62.
De fait, le 10 octobre 1633, le prieuré de Tourves fut désigné
pour être annexé et uni à la manse collégiale du collège d'Aix; les
revenus devaient contribuer à l'entretien des élèves et à la fondation
d'une nouvelle chaire de mathématiques63. La lettre qui suit, adres-

59 Voir A. Romano, «Les jésuites et les mathématiques : le "cas des collèges


français de la Compagnie de Jésus (1580-1640)», dans U. Baldini éd., Christoph
Clavius e l'attività scientifica dei Gesuiti nell'età di Galileo..., op. cit., p. 243-282.
60 Cet espace provençal a connu un dynamisme scientifique déjà évoqué par
F. de Dainville, «Foyers de culture scientifique dans la France méditerranéenne
du XVIe au XVIIIe siècle», repris dans L'éducation des Jésuites..., op. cit., p. 311-
322, ou J.-M. Homet, Astronomie et astronomes en Provence..., op. cit. Les
connaissances actualisées à présent sur la personnalité et le rôle de Gassendi
confirment ces éléments : on lira avec profit la contribution de P. Galluzzi,
«Gassendi e l'affaire Galilée delle legi del moto», Giornale critico della filosofia italiana,
vol. 74, 1993, p. 86-119.
61 M. -M. Compère et D. Julia, Les collèges français..., op. cit., t. 1, p. 30.
62 E. Méchin, L'enseignement en Provence avant la Révolution. Annales du
Collège Royal Bourbon d'Aix depuis les premières démarches faites pour sa
fondation jusqu'au 7 ventôse an III, époque de sa suppression, Marseille, 1890, 1. 1, p. 80.
63 D'aujtre part, dans la liste des pièces justificatives fournies en fin de
premier volume, E. Méchin établit la liste des documents conservés aux Archives
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 387

sée au général Viteleschi, correspond à cette période. Elle constitue


non seulement un témoignage direct des modalités de constitution
d'une chaire, mais elle rend aussi et surtout compte des motivations
de son fondateur, ce qui est beaucoup plus précieux64.
Illustrissime et reverendissime Pére,
Voici deux mois que j'ai envoyé à Rome l'acte de renonciation à
mon prieuré de Tourves en faveur de ce collège d'Aix pour lequel je
fonde deux classes très nécessaires, à savoir celle de mathématiques
et celle de cas de conscience, la première sera grandement appréciée
par toute la noblesse de cette province et l'ensemble du Sénat
l'appréciera à sa juste valeur, car se trouve actuellement à Avignon le R. P.
Kircher, très grand mathématicien et très grand connaisseur des
lettres et des langues; j'ai pour ma part jugé expédient pour l'utilité de
ce collège, comme pour la satisfaction publique, de faire commencer
l'enseignement des mathématiques dans ce collège l'an prochain, à la
reprise des cours par le père Athanase Kircher, tant pour donner un
bon début à ce cours du fait de la valeur d'un si grand Père, d'autant
plus que ce père est bien apprécié par de nombreux beaux esprits de
ce pays, particulièrement par le reverendissime seigneur abbé et
sénateur de Peiresc un des plus beaux et des plus curieux esprits de
toute la France et d'au-delà, et très connu et aimé par Sa Sainteté et
du très éminent Cardinal Barberini, notre patron, lequel a une
bibliothèque universelle et extrêmement intéressante en manuscrits et
autres livres qui ne me paraissent se trouver ni au Vatican ou dans
d'autres bibliothèques italiennes, ni même en France ou dans d'autres
Royaumes. Aussi cette bibliothèque serait-elle très utile audit P.
Kircher pour lui permettre de faire ses belles compositions, il ne
trouvera une telle commodité nulle part ailleurs, sans compter que ce saint
abbé pourra lui servir par sa conversation, du fait de son universalité
et de son extrême compétence dans des domaines très curieux, et
étant donné que monseigneur l'abbé désirerait beaucoup que ledit
père restât dans le collège d'Aix...65

municipales d'Aix, qui concerne l'histoire du collège. Il identifie notamment : Dé-


lib. Rég. II, fol. 225, «sur un conseil municipal du 26 mai 1638, se référant à la
donation du prieuré de Tourves et la chaire de mathématiques», op. cit., t. 1,
p. 349.
64 Sur la stimulante situation intellectuelle de ces années à Aix, la
correspondance de Peiresc est particulièrement éclairante, notamment le vol. IV des Lettres
de Peiresc publiées par P. Tamizey de Larroque, Paris, 1893, où sont reproduites
les lettres adressées à Jean- Jacques Bouchard, proche de Francesco Barberini, et
celles échangées avec Gassendi. Plusieurs d'entre elles font référence à Athanase
Kircher.
65 ARSI, LUGD. 11, fol. 133 r. :
«Molto Illre et Rmo Pre...
Sonno doi Mesi che io mandai in Roma la rinontia di mio priorato di Tornes
in favor di questo Collegio di Aix, per la quale io fondo doe schole molto necessa-
rie, cioè di Mathematica, e di Casi di conscienza, la prima sarà grandamente
estima da tutta la nobiltà di questa Provintia, e tutto questo Senato la gradirà assai, e
388 LE TEMPS DES CHAIRES

Ici, le prélat affiche un intérêt pour les mathématiques qui


dépasse sa propre personne, comme l'indique l'allusion à l'aristocratie
locale66. Faut-il chercher dans cette remarque l'écho d'une évolution
des comportements vis-à-vis des questions scientifiques? Faut-il y
voir le résultat de l'influence de Peiresc et du cercle de savants qui
l'entourent? Est-ce pure remarque rhétorique? Seule une enquête
plus poussée sur le prélat et le milieu aixois permettra de répondre à
ces questions.
Quoi qu'il en soit, cette lettre met en évidence une partie du
réseau dans lequel il évolue, et qui semble se structurer autour de
Peiresc et de Francesco Barberini67, vingt-sixième neveu d'Urbain VIII,
dont la fortune est liée à l'accession de son oncle au pontificat, en
1623. Pourvu de nombreuses charges et d'un cardinalat, Francesco
devient cette même année membre de la célèbre Accademia dei
Lincei68. En 1627, il est nommé conservateur de la Bibliothèque
Vaticane, à laquelle fut aussi attribué le fonds de l'Archivio Segreto
Pontificio. Francesco Barberini reste à ce poste jusqu'en 1636. En tant
que cardinal, il travaille beaucoup aux côtés du cardinal Lorenzo
Magalotti, nommé secrétaire d'Etat par Urbain VIII. Son premier
poste important est la légation de France en 1625, où il doit traiter
avec Richelieu la question de la Valtelline : arrivé à Paris le 21 mai

perche dentro Avignone si trova il R.P. Athanasio Kerker grandissimo Mathema-


tico e versatissimo nelle buone lettere et nelle lingue, io ho giudicato espediente
per l'utilità di questo Collegio, e per sodisfattione pubblica di far principiar in
esso Collegio le dete Mathematice lanno seguente alla rinovatione delle schole da
detto Padre Athanasio, tanto per dar buon principio a detta schola per mezo del
valore di si gran Padre, questo per esser questo Pre assai amato da molti bei in-
gienii di questo paese, particolarmente dal Reverendissimo signore Abbate e
senatore di Peires uno di più bei e curiosi ingenii di tutta la Franza (et ultra) molto
cognosciuto et amato da Sua Santità e da Eminentissimo Signor Card. Barberino
padrone nostro, II quale ha una tanto universale libraria e tanto curiosa in ma-
nuscritti et altri che credo non si trovino nella Vaticana et altre d'Italia, ne manco
di Francia et altri regni, la qual libraria servirebbe assai a detto Padre Athanasio
per far le sue belle compositioni, qual commodita non trovara altrolui, oltra che
detto signor Abbate lo può servir assai conferendo con esso, per esser molto
universale e verzatissimo in cose curiosissime, e detto signor Abbate desiderarebbe
assai che detto padre stasse in questo Collegio (...)».
66 Cet intérêt est confirmé par un document cité dans F. de Dainville,
«Foyers de culture scientifique...», art. cit., p. 314. A propos d'Aix, il écrit : «Une
consultation sur l'horaire du cours de mathématiques qu'on venait d'instaurer au
collège nous apprend en effet à quel point les esprits en étaient friands. Les
nobles en grand nombre ont fréquemment sollicité le Père recteur de permettre
au professeur d'enseigner une heure entière tous les deux jours - et non pas une
demi-heure -, et garanti facilement plus de cent auditeurs à ce cours».
67 Francesco Barberini : 23 septembre 1597 - 10 décembre 1679. Voir DBI, t.
6, Rome, 1964, p. 172-176.
68 P. Redondi, Galilée hérétique, trad. française, Paris, 1985, p. 57.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 389

162569, il fait notamment au collège de Clermont une visite dont le


souvenir a été conservé70. Sa correspondance71 avec Magalotti
constitue un témoignage de premier ordre sur ce séjour français.
Car, par delà une carrière diplomatique où il montre un talent
particulièrement médiocre à en croire certains historiens72, le neveu
d'Urbain VIII déploie une intense activité dans le champ de la culture,
comme en témoigne la bibliothèque Barberini, bibliothèque privée
d'Urbain VIII dont il enrichit considérablement les fonds73. C'est
aussi un membre actif du parti pro-français de Rome, connaisseur
du milieu intellectuel dont, dans la plus parfaite tradition du
mécénat romain, il se fait l'hôte et même le protecteur. A ce titre il
apparaît bien comme l'un des animateurs les plus importants de cet axe
franco-italien, où se mêlent aristocraties de l'Église et du monde,
artistes, savants, philosophes. Parmi ses hôtes, on compte notamment
G. Naudé, Vossius, Heinsius, Milton74. Le Français Jean- Jacques
Bouchard a été son secrétaire pour les lettres latines75. Barberini fut

69 Sur cette question, voir A. Bazzoni, «II Cardinale Francesco Barberini.


Legato in Francia ed in Ispagna nel 1625-1626», Archivio Storico Italiano, voi. 12,
1983, p. 335-360.
70 ARSI, FRANC. 32, I, fol. 323v.-324r., Litterae annuae du collège de
Clermont, 1625 : «Iam his accédât qui abeunte anno habitus est item ab Illustrissimo
Francisco Cardinali Barberino Legato nostris adibus honos. Is ubi scholas se nos-
tras invisurum...».
71 Sur la question des correspondances, voir supra, chapitre 6, note 41.
72 P. Redondi, op. cit., p. 126 : «Les jésuites craignaient, en 1626, l'inaptitude
politique notoire du cardinal-légat Francesco Barberini qui en presque trois
années de charges n'avait su que collectionner livres, tableaux et échecs
diplomatiques...».
73 II en existe un catalogue, Index hibliothecae quant F. B.... magnificentissi-
mas suae famigliae ad Quirinalem aedes magnificentiores reddidit, Rome, 1681.
74 Voir R. Pintard, Le libertinage érudit..., op. cit., ad nominem. Pour certains
aspects du patronage des Barberini, H. Hammond, Music and Spectacle in
Baroque Rome : Barberini Patronage under Urban VIII, New Haven-Londres, 1994,
369 p.; I. Fosi, All'ombra dei Barberini. Fedeltà e servizio nella Roma barocca,
Rome, 1997, 318 p.
75 Pour la bibliographie de base, voir R. Pintard, Le libertinage érudit. .., op.
cit.; J. Ferrier, «Du côté de chez Peiresc avec J.-J. Bouchard», dans L'été Peiresc.
Fioretti II. Nouveaux mélanges composés et offerts sous la direction de J. Ferrier,
Avignon, 1988, p. 50-53. Des extraits de sa correspondance avec Peiresc sont
publiés par J. Tamizey de Larroque, notamment dans Les correspondants de Peiresc,
rééd. 1952, t. 1, p. 83 à 90 et 155. Du personnage lui-même, voir l'introduction de
E. Kanceff, dans Oeuvres de Jean-Jacques Bouchard, Turin, 1976, 2 vol. Il est
regrettable qu'aucune monographie récente n'ait été consacrée à ce personnage,
mort précocement à Rome en 1641, à l'âge de 35 ans. Il avait eu la charge de
prononcer, à Rome, l'éloge funèbre de son ami Peiresc (ce texte est publié dans
P. Gassendi, Viri illustri Nicolai Claudii Fabricii de Peiresc, Senatoris Aquisex-
tiensis vita, dans Opera, Lyon, 1658, t. V, p. 246-247). Outre la clientèle de
Francesco Barberini, nombreux sont les hommes qui voyagent entre la France et
l'Italie, dans l'entourage de la hiérarchie episcopale.
390 LE TEMPS DES CHAIRES

aussi l'un des commanditaires de Poussin, en particulier de la Mort


de Germanicus. Son intérêt pour les questions scientifiques
s'exprime dans l'accueil qu'il réserve à Galilée en 1623 - il participe à la
présentation officielle du Saggiatore au Vatican le 27 octobre -, ou
dans ses échanges avec Castelli, ou encore dans la dédicace que lui
adresse De Dominis, en tête de son livre sur les marées76. Le
biographe de Descartes, Adrien Baillet, mentionne la présence de
Descartes à Rome en 1625, précisément dans l'entourage de Francesco
Barberini77. Au moment où le fondateur de la chaire de
mathématiques s'adresse à Munzio Viteleschi, Francesco Barberini est aussi
l'un des acteurs du procès de Galilée78.
Or, dans la lettre citée ci-dessus, le prieur de Tourves, soucieux
des réseaux scientifiques, manifeste un intérêt tout particulier pour
la présence dans la région, à cette date, du jésuite Athanase Kircher,
à la culture et à la production encyclopédiques79. L'itinéraire
européen qui conduit le jésuite allemand dans le sud de la France, pour
cette seule année 1633, étape entre l'Allemagne protestante et la
Rome pontificale, souligne une grande mobilité qui ne constitue
plus à cette date qu'une exception dans les parcours jésuites. A ce
titre, la lettre de Revillas témoigne surtout de l'importance et de la
réputation de Kircher80, ainsi que de leur poids déterminant dans les
motivations du fondateur.
Pour finir, ce document renvoie à une économie de l'échange
direct centrée sur un lieu de sociabilité encore largement inscrit dans

76 M. A. De Dominis, Euripus seu de fluxu et refluxu maris, Romae, apud


A. Phaeum, 1624.
77 A. Baillet, La vie de Monsieur Descartes, Paris, 1691, vol. 2, p. 122.
78 Voir P. Redondi, op. cit., p. 309-311.
79 Voir dans la bibliographie les différents titres qui s'y rapportent ainsi que
C. Z. Camenietzki, «L'extase interplanétaire d'Athanasius Kircher. Philosophie,
cosmologie et discipline dans la Compagnie de Jésus au XVIIe siècle», Nuncius,
vol. 10, 1995/1, p. 3-32; Id., L'harmonie du monde au XVIIe siècle. Essai sur la
pensée scientifique d'Athanasius Kircher, thèse de philosophie, présentée à
l'Université de Paris IV, 1995, exemplaire multigraphié, 349 p.; P. Findlen, «Scientific
Spectacle in Baroque Rome : Athanasius Kircher and the Roman College
Muséum», Roma moderna e contemporanea, vol. 3, 1995/3, p. 625-666. Pour une
notice complète, voir L. Polgar, op. cit., vol. 3, p. 300-305.
80 Lors de son bref passage en Avignon, Kircher aménage un observatoire
dans la tour du collège. Voir F. de Dainville, «Foyers de culture scientifique...»,
art. cit., p. 313 : «Par un jeu de miroirs, dont il décrit lui-même l'agencement
dans ses Primiliae gnomonicae catoptricae (1633), il projetait sur les parois
l'image du soleil et de la lune. A l'entour, il avait dessiné par des procédés
empiriques les diverses projections uranographiques, en quoi se résumait toute la
cosmographie du temps. Danc cet observatoire, le premier de ceux que les jésuites
eurent en France, Kircher forma les premiers astronomes avignonnais, Tondutti
de Saint-Léger et Payen, deux magistrats».
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 391 .

le domaine de la vie privée, la bibliothèque81. Celle-ci suppose trois


acteurs : le mécène puissant, en l'occurrence un grand prélat ou
aristocrate, l'intermédiaire de rang moins élevé, dont le rôle, assumé
ici par le donateur, apparaît valorisant, et l'homme de science. A la
lumière de cet exemple concret, on comprend mieux les modalités
d'insertion des jésuites dans des réseaux intellectuels qui dépassent
largement les circuits internes, et on voit se dessiner la place que
certains d'entre eux occupent dans une communauté savante à
l'échelle de l'Europe qui prend lentement la figure d'une «République
des Lettres»82. Cette remarque, née de l'étude des réseaux
scientifiques, dépasse largement le cadre de la création des chaires de
mathématiques et renforce l'importance de la Compagnie dans la
constitution et la diffusion de la culture moderne occidentale.
Certes, le projet esquissé dans cette lettre n'aboutit pas83 et les

81 Parmi les nombeux travaux qui y ont été consacrés, voir R. Chartier,
«Pratiques de la lecture», dans Ph. Ariès et G. Duby dir., Histoire de la vie privée, Paris,
1986, vol. 3, p. 126-144; Id. dir., Lectures et lecteurs dans la France d'Ancien
Régime, Paris, 1987, et notamment D. Roche, «Du livre au lire. Les pratiques
citadines de l'imprimé», p. 165-222. Sur la question des bibliothèques plus
généralement, M. Baratin et C. Jacob dir., Le pouvoir des bibliothèques. La mémoire des
livres en Occident, Paris, 1996, 338 p.
82 Sur cette question, voir D. Roche, Les Républicains des Lettres. Gens de
culture et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, 1988, 392 p.; F. Waquet, «Qu'est-ce-
que la Réublique des Lettres? Essai de sémantique historique», Bibliothèque de
l'Ecole des chartes, vol. 147, 1989, p. 473-502; Id., «L'espace de la République des
Lettres», dans Commercium Litterarium..., op. cit., p. 175-189. Sur les jésuites
dans la République des Lettres, A. Romano, «Entre collèges et académies.
Esquisse de la place des jésuites dans les réseaux européens de la production
scientifique (XVIP-XVIIP siècles)», dans Académies et sociétés savante en Europe,
1650-1800, actes du colloque de Rouen, 14-17 novembre 1995, à paraître; Id., «Les
collèges jésuites, lieux de la sociabilité scientifique», dans Bulletin de la Société
d'histoire moderne et contemporaine, 1997, 3-4, p. 6-21.
83 Le reste de la lettre fait écho aux problèmes matériels qui entravent la
donation, puis revient sur Athanase Kircher, avec la demande formulée par le
donateur d'envoyer le jésuite allemand d'Avignon à Aix :
«(...) Io ho pregato il R. P. Paulo di Barry Rettore di questo Collegio di
scrivere al suo R. P. Provintiale, ma dubitiamo che detto Padre Athanasio non sia
ciamato altrolui, Pero volendo io prevenir prego humil.te V.P.R.ma di voler
ordinar questo punto al R.mo Padre Claudio Boniel Rettore del Collegio di Avignone,
overo al detto R.P. Provintiale, che lo mandi nel fine d'Agosto in questo Collegio,
essendo io sicuro che V.P.R.ma farà cosa gratissima alla sua Illustrissima
Reverendissima per esser detto Collegio di sua fondatione, come anco à tutto questo
Senato et universalmente a tutta questa provintia, e particolarmente a detto
R.mo Sgr Abbate di Peires et a molti altri bei ingieni, et io ne avero un obligo
particolarissimo a V.P. Reverendissima alla quale scrivendo io con ogni confidenza,
io non era deliberato di far ancora questa spesa di principiar ledette Mathematice
per molte raggioni, ma prevedendo esser il ben publico, lotilita di questo
Collegio, e sodisfattione di molti leteratissimi e valentissimi huomini, che detto Padre
Athanasio le venga principiar, io son deliberato di far questa e più grande speza
392 LE TEMPS DES CHAIRES

premiers professeurs de mathématiques qui se succéderont à Aix


n'auront pas la stature de Kircher : il faudra attendre l'arrivée de
François de Saint-Rigaud en 1637, puis l'année suivante la
nomination de Pierre Le Roy, un professeur plus compétent et plus
expérimenté, pour voir se réaliser le projet lancé en 1633. Pourtant, c'est le
prestige d'un des mathématiciens de la Compagnie qui a servi de
déclencheur à cette création due à un homme peu connu des
historiens, mais assurément représentant de ce milieu de clercs lettrés,
amis des sciences et des arts, à la charnière entre l'Italie et la
France84.
Cette situation exemplaire, indépendamment du résultat
acquis en termes d'essor des mathématiques, éclaire des mécanismes
sociaux et culturels qui ont pour objet les mathématiques. On ne
peut que déplorer que la documentation et les travaux disponibles
sur l'émergence d'une chaire de mathématiques à Dole85, Dieppe86

si fosse necessaria per tanta buona opera et Augurando a VPR.ma dal Cielo ogni
contento e longua vita faciendole humili.ma riverenza... Aix questa L p° di giunio
1633».
Traduction :
«J'ai prié le R. P. Paul de Barry, recteur de ce collège, d'écrire à son
R. P. Provincial, mais je doute que le père Kircher ne soit appelé ailleurs.
Cependant, voulant quant à moi vous prévenir, je prie humblement V. P. R.ime de bien
vouloir indiquer ce point au R. P. Claude Boniel, recteur du collège d'Avignon ou
au R. P. Provincial, qu'on l'envoie dans ce collège à la fin du mois d'août, étant
sûr que Votre Paternité R.issime fera le plus grand plaisir à l'illustrissime
fondateur de ce collège, ainsi qu'à tout ce Sénat et, universellement, à toute cette
province, et particulièrement au R. Seigneur abbé de Peiresc et à de nombreux
autres beaux esprits. J'en aurai quant à moi une obligation très particulière à
V.P. Rime à qui je m'adresse en toute confiance; je n'avais pas encore décidé de
faire cette dépense d'offrir les mathématiques pour de nombreuses raisons, mais
pensant qu'il y allait du bien public, de l'utilité de ce collège et du contentement
de nombreux très lettrés et très brillants hommes, que le père Kircher la vînt
inaugurer, j'ai donc décidé de cette plus grande dépense si elle était nécessaire
pour une si bonne œuvre, et souhaitant à V.P. Reverendissime tout contentement
du ciel ainsi qu'une longue vie, je lui présente ma très humble révérence..., Aix,
ce lundi premier juin 1633».
84 Sur l'organisation des réseaux d'échange entre les deux pays, de longs
développements seraient nécessaires : les quelques remarques formulées ci-dessus
suggèrent le caractère central de ces réseaux du point de vue de l'échange
scientifique. Pour l'époque classique, voir F. Waquet, Le modèle français et l'Italie
savante. Conscience de soi et perception de l'autre dans la République des Lettres,
Rome, 1989, 565 p.
85 Voir P. Delattre dir., Les établissements..., op. cit., vol. 2, col. 128-158. Dans
la notice, il est fait état d'une classe spéciale de mathématiques inaugurée en
1588. Aucune des sources dépouillées à ce jour ne m'a permis de confirmer le fait.
86 La situation dieppoise est de fait peu documentée puisque la Compagnie
n'a jamais reçu l'autorisation d'établir un collège dans la ville. Il semble
cependant qu'elle ait enfreint l'interdit à la fin des années 30, mais pour une brève
période seulement : P. Delattre dir., Les établissements..., op. cit., vol. 2, col. 13-30.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 393

ou Reims87 soient trop rares pour permettre une comparaison


détaillée des situations locales. Leur analyse passera donc par l'étude
de ceux qui ont occupé ces fonctions : inscrits dans un jeu de
l'échange à l'échelle provinciale, ils ont incontestablement participé
d'une homogénéisation des pratiques d'enseignement, sans doute
plus efficace que toute tentative de normalisation lancée par le
centre romain.
Au terme de ce premier examen, qui révèle des situations
d'origine contrastées, un même constat s'impose : la chaire de
mathématiques ouverte dans les principaux collèges français de la première
moitié du XVIIe siècle est le fruit d'initiatives locales. Ces fondations
ont été acceptées plus que souhaitées par la Compagnie qui, face à
cette obligation, a fait du mieux qu'elle a pu, à l'échelle provinciale,
pour satisfaire ses «bienfaiteurs» et tenir ses engagements. Aussi, la
première moitié du XVIIe siècle est une période importante dans
l'organisation, à grande échelle, de la formation d'un personnel
susceptible de prendre en charge cet enseignement. Dans cette
dynamique, le rôle des individus a été déterminant : de leur
investissement intellectuel sur le terrain mathématique, en plus de leurs
fonctions officielles, sont nés des cours, des manuels, des expériences
déterminantes pour l'histoire de l'enseignement scientifique en
France. A partir de 1620, on voit peu à peu apparaître les vrais
premiers spécialistes, génération nouvelle qui demande à être identifiée
plus précisément.

La première génération française des titulaires de chaires


de mathématiques

La multiplication des lieux d'enseignement des mathématiques,


conséquence de l'entrée en vigueur de la Ratio, conduit à un
changement d'échelle dans l'approche du phénomène étudié. Il ne s'agit
plus de chercher à détecter qui, dans les premières générations
jésuites, aurait pu activement contribuer à l'organisation de
l'enseignement des mathématiques; les catalogues des collèges offrent en
effet une documentation continue sur ceux qu'on désigne
indifféremment sous le vocable de «professor mathematicarum» ou de
«mathematicus». J'ai donc pris le parti de les étudier globalement et
de rassembler, à cet effet, les données collectives les concernant.
Dans l'annexe 2 a été regroupée une documentation
biographique qui ne prétend pas à l'exhaustivité, mais qui a l'ambition
d'éclairer plus précisément le «groupe» des professeurs de
mathématiques de la Compagnie. En effet, en comparant les catalogues d'ar-

87 Voir P. Delattre dir., Les établissements..., op. cit., vol. 3, col. 279-322.
394 LE TEMPS DES CHAIRES

chives88 avec les travaux disponibles89, j'ai établi la liste des membres
de la Compagnie pour lesquels les archives documentent un lien,
même ponctuel et ténu, avec l'enseignement des mathématiques
entre la restauration de 1603 et 1640. Pour chacun des personnages
ainsi identifiés, a été constituée une fiche biographique permettant
de suivre son parcours dans la Compagnie90.
A cette liste s'ajoute une série de données par établissement, qui
ne se limite pas aux professeurs de mathématiques, mais porte aussi
sur les professeurs de philosophie (annexe 1) : jusque assez avant
dans le XVIIe siècle, il est vain de vouloir comprendre les «carrières»
au sein de la Compagnie en séparant les mathématiques du cycle
philosophique dans lequel leur enseignement s'inscrit. Leur étude
constitue l'objet du développement qui suit : chercher à mieux
connaître ces hommes répond à une nécessité inhérente à l'analyse
de l'institution. Il s'agit aussi de comprendre ce groupe hétérogène
et d'en proposer une classification.

La place de l'enseignement des mathématiques dans la carrière


On voit émerger avec netteté l'opposition entre deux catégories
de professeurs, ceux qui ont occupé une chaire de mathématiques
de manière marginale et ceux qui, au contraire, se trouvent à
l'origine du processus de professionnalisation déjà en germe à la fin du
XVIe siècle. A partir de cette opposition, qui confirme la lenteur de la
stabilisation des pratiques, une série de remarques générales
s'impose qui concerne tant la géographie de cette situation que sa
chronologie. Les données biographiques recueillies dans les catalogues
disponibles ne répondent pas à toutes les questions qu'impose l'ana-

88 Voir le paragraphe de présentation de ces sources, dans le second chapitre


de l'introduction.
89 F. de Dainville, «L'enseignement des mathématiques...», art. cit.;
K. A. F. Fischer, art. cit.
90 Le choix de suivre, année par année, les différents membres de ce groupe a
subi quelques restrictions : le fait que l'enseignement des mathématiques ait pu
constituer, dans nombre de leurs carrières, une étape brève, justifie que, pour
ceux-là, l'étude n'a pas été suivie exhaustivement. Ce choix arbitraire est
grandement imputable au projet de ce chapitre qui cherche surtout à mettre en lumière
des processus de formation des maîtres. Car, le «devoir d'intelligence» dont
L. Giard a montré qu'il était au cœur du projet ignatien ( «Le devoir
d'intelligence ou l'insertion des jésuites dans le monde du savoir», dans L. Giard éd.,
Les jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. XI-LXXIX) signifiait, dans ses
applications concrètes, une grande flexibilité des membres face aux tâches à accomplir.
Mais, avec une codification des pratiques rendue nécessaire par la spécialisation
acquise par les disciplines - et au premier chef les mathématiques -, la flexibilité
devient moins réalisable et par là même la Compagnie rencontre la question de la
professionnalisation. Ces deux points marquent sans doute la différence
essentielle avec la période des commencements, analysée par L. Giard.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 395

lyse d'un tel groupe, mais leur croisement pointe des processus de
formation, des réseaux d'échelles diverses, des groupes aux profils
communs.
Les soixante et onze jésuites identifiés reflètent, dans la diversité
de leur rapport aux mathématiques, une forte hétérogénéité des
situations d'enseignement. A cet égard, la remarque de F. de Dainville
sur le cumul des charges par les professeurs de mathématiques me
semble devoir être inversée. En effet, il écrit :
Assez fréquemment (...), le mathématicien lui-même enseigne la
philosophie. En ce cas, il est, selon l'usage, tour à tour professeur de
logique, de physique ou de métaphysique, en même temps que de
mathématiques. D'autres joignaient des cours de théologie, de morale,
de cas de conscience, plus souvent d'hébreu et d'Ecriture Sainte91.
Les catalogues révèlent le plus souvent des situations inverses,
proches de celles décrites par Clavius quelques décennies plus tôt92.
Car même lorsque les fonctions paraissent définies, le nombre des
professeurs de mathématiques «par accident» ou plus exactement
«par obligation de service» continue à rester important. C'est ce
qu'indique clairement le critère biographique du nombre d'années
spécifiquement consacrées à l'enseignement des mathématiques. Il
est évident, dans le cas de cette seule donnée, que la plupart des
jésuites qui ont consacré moins de cinq ans à l'enseignement des
mathématiques - et ils sont le plus grand nombre - ne relèvent pas de la
catégorie, en cours de constitution, des spécialistes93. Il est
important de souligner encore que les fiches biographiques reconstituées
ne prétendent pas à l'exhaustivité : les connaissances disponibles
sont à la mesure de l'importance des hommes. Ainsi, les membres de
la Compagnie dont la fonction s'est limitée à des tâches
d'enseignement sont moins nettement identifiables que ceux dont la
production écrite a complété les fonctions professorales94. D'autre part,
l'investigation sur les «non-spécialistes» s'est le plus souvent limitée au
dépouillement de quelques catalogues, alors que pour d'autres le tra-

91 F. de Dainville, «L'enseignement des mathématiques dans les collèges...»,


art. cit., p. 331.
92 Voir première partie, chapitre 2.
93 A l'inverse, lorsque les catalogues mentionnent un petit nombre d'années
d'enseignement pour des hommes manifestement importants - et le critère de la
production scientifique publiée permet d'identifier ceux-là -, il peut s'agir d'une
sous-estimation qui ne tiendrait pas compte d'une pratique privatim, comme l'a
montré l'exemple de Jean Chastelier, développé dans le précédent chapitre.
94 Sans compter que cette production est non seulement importante en
termes de contenus scientifiques, mais aussi du point de vue des modalités de
l'activité intellectuelle et de l'insertion sociale de la Compagnie : à ce titre, les
dédicaces, avant-propos, préfaces, l'appareil du paratexte en somme, méritent une
étude propre.
396 LE TEMPS DES CHAIRES

vaii a été plus approfondi. Ainsi, à partir des informations


personnelles rassemblées en annexe, la synthèse sur ce groupe s'articule
autour de trois axes de réflexion, les niveaux de formation, la
typologie du groupe, la géographie de la professionnalisation.
L'analyse globale ne peut pas remplacer une connaissance plus
précise des individus : cette dimension de la recherche n'a été
écartée que dans la mesure où les sources ne permettent pas d'accéder à
ce niveau de connaissance sur les professeurs95.

Variété des niveaux de spécialisation


L'étude des notices biographiques, comme des listes de
professeurs des différents collèges, montre que la majeure partie de ceux
qui ont enseigné les mathématiques avant 1640 en France n'étaient
en rien spécialistes de cette matière. Le fait est incontestable pour
tous ceux qui ont exercé cette fonction le temps d'une seule année
scolaire : Ulric Alviset, Jean Arnoux, Raymond Bayle, François Be-
ning, Erard Bill, Désiré Cheminot... pour ne prendre que les
premiers d'une liste fort longue. Si donc on regarde ce seul critère, il
apparaît que les non-spécialistes correspondent à 67,5% du nombre
total des jésuites étudiés, ce qui n'est sans doute pas sans conséquence
sur la qualité de l'enseignement prodigué96. Dans les cas où l'on peut
s'appuyer sur la liste des professeurs de philosophie par
établissement, il est fréquent de constater l'annexion de l'enseignement des
mathématiques par les professeurs de philosophie,
indépendamment des engagements pris quant à l'ouverture de chaires. Cette
pratique est particulièrement lisible dans le cas d'Avignon dans les
premières années du XVIIe siècle. Léonard Patornay, Louis Delingendes
ou Claude Ponce prennent en charge le cycle de philosophie, suivant
la pratique de la Compagnie, qui consiste à ce que le même
professeur suive ses étudiants en assurant successivement les trois années
de logique, physique et métaphysique. Malgré le manque de
catalogues pour chaque année, on voit cette pratique se répéter à
différentes reprises. Puis, selon les besoins de la Compagnie et les

95 Ce qui contraint le chercheur à poser une nouvelle limite à son travail : il


eût été d'un grand intérêt d'éclairer le rapport que ces hommes ont entretenu
avec leur discipline, en tant qu'hommes de science, que professeurs et que
jésuites, et de mieux connaître leurs projets, leurs passions, leurs attentes.
L'absence de correspondances, pour tous ces hommes, rend toute tentative de
réponse impossible.
96 Ce pourcentage est calculé en comptabilisant les professeurs qui sont
signalés pour moins de deux ans d'enseignement des mathématiques. Mais, on
peut légitimement considérer qu'entre deux ou trois ans de cette expérience, la
différence qualitative est inexistante. Dès lors, ceux qui ont passé moins de trois
ans à faire le cours de mathématiques représentent 75% du total, soit les trois
quarts.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 397

compétences des uns et des autres, les carrières évoluent vers


l'enseignement de la théologie, la prédication ou la direction
d'établissements, d'abord de faible taille puis parfois de grande envergure. La
carrière de François Annat est, à cet égard, particulièrement
exceptionnelle puisque ce théologien devient à partir de 1654 le
confesseur du roi, mais celles de Jean Arnoux, de François Bening, de Jean
Falquestein et d'autres encore correspondent bien à ce schéma
général. Mieux encore, lorsque les archives sont suffisamment loquaces
sur les débuts dans la Compagnie, on repère des constantes qui
permettent de situer la phase d'enseignement des mathématiques par
rapport à la carrière d'ensemble d'un jésuite : le cas de Claude Po-
lard apparaît comme exemplaire de cette situation.
Entré dans la Compagnie à 18 ans en 1587, le jeune homme
dispose déjà d'un bon niveau de formation initial puisque dès l'année
suivante, il entame des études de théologie (1588-1590), ce qui
induit que les études antérieures ont été consacrées à la philosophie.
Pendant les quatre années de théologie, l'étudiant enseigne aussi
dans les classes inférieures et poursuit cette activité pendant une
dizaine d'années. C'est alors qu'il est affecté au cours de
philosophie et, dans ce contexte, il se trouve amené à prendre en charge
la chaire de mathématiques. Une trajectoire comparable à celle de
Jean Falquestein, de Jacques Guernissac ou Louis Lallemant. Mais
n'est-ce pas le même itinéraire qu'Antoine Vatier emprunte
quelques années plus tard? Pendant le cours de leurs études, les jeunes
hommes se forment à l'enseignement dans les classes inférieures et,
la maturité arrivant, s'occupent des matières plus sérieuses selon la
hiérarchie des études en œuvre dans la Compagnie : c'est à ce stade
qu'ils font l'expérience des mathématiques. On trouve une
confirmation de cette manière de procéder dans la comparaison des âges
à la date du premier cours de mathématiques : la majeure partie
des professeurs enseigne pour la première fois cette discipline entre
trente et trente-cinq ans, comme l'indique le tableau suivant.

Tableau 1 - Âge des enseignants au premier cours de mathématiques.

- 25 ans 25-30 ans 30-35 ans 35-40 ans 40-45 ans 45-50 ans

4 18 26 16 5 2

On notera, en revanche, le caractère exceptionnel des carrières


précoces, qui correspondent dans trois des situations ici
envisagées, à des spécialisations professionnelles : Pierre Courcier, Jean
398 LE TEMPS DES CHAIRES

Della Faille et Jean Lereuchon sont tous trois des professeurs de


mathématiques. Ils renvoient à une autre figure, celle du
spécialiste qui sera analysée ultérieurement.
En l'espace de quarante ans, ce phénomène a-t-il subi une
évolution chronologique? La question présente d'autant plus
d'intérêt qu'elle fait écho au problème dont Clavius se plaignait dès
les années 1580, et à quoi Acquaviva avait répondu en acceptant
des aménagements pour la formation des mathématiciens. Du
point de vue du cursus-type, aucun changement substantiel n'est
décelable pour ce premier XVIIe siècle : c'est toujours le même
parcours qui est suivi par le novice jusqu'à son affectation dans
un poste stable. En revanche, les différences apparaissent avec la
durée d'occupation des chaires : si au début du siècle, la mobilité
est forte, avec des professeurs qui sont nommés pour un an, à
partir des années 1620 s'opère une stabilisation qui se traduit par
une augmentation relative de la durée d'occupation du même
poste : à Dole, dès 1620, Jean Della Faille s'installe pour six ans, à
La Flèche Georges Fournier puis Jean de Riennes se succèdent à
partir de 1628; à Pont-à-Mousson, c'est Jean Lereuchon qui
domine l'enseignement des mathématiques depuis 1614. Pourtant,
plus qu'à un phénomène chronologique, c'est à une hiérarchie des
établissements que correspond cette réalité. Celle-ci sera examinée
en conclusion.
Ce que révèle surtout la place de l'enseignement des
mathématiques par rapport à une carrière générale, c'est le degré de
spécialisation des maîtres dont elle peut être révélatrice. Certes,
il n'existe pas de critères stricts de définition de cette réalité.
Mais il faut tenter de l'approcher le plus précisément possible
car elle est constitutive du processus d'autonomisation des
mathématiques par rapport à la philosophie selon l'idée exprimée
dès les années 1580 par Christoph Clavius. Surtout, elle fait écho
à une évolution sociale plus globale, qui touche à la figure du
savant.

Un critère central de classification : la formation

A l'exception de la mention d'une académie privée de


mathématiques à Pont-à-Mousson en 1604, les archives du premier XVIIe
siècle ne laissent rien entrevoir de ce qui pourrait être la mise en
place d'une filière de formation, constituée à l'échelle locale,
provinciale ou nationale. Pourtant, ce serait sans doute la pierre angulaire
d'un système contraint à produire des spécialistes. Mais, de même
que la Compagnie choisit, en France, non de créer mais de gérer des
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 399

chaires de mathématiques, de même elle n'a pas organisé


globalement la structure, acceptant et officialisant au besoin des situations
déjà acquises.
Parallèlement, des hommes comme Jean François, Jacques de
Billy, Pierre Bourdin, Jean Della Faille, Georges Fournier, Antoine
Lalouvère, Vincent Léotaud ou Jean Lereuchon, qui ont non
seulement enseigné les seules mathématiques mais aussi apporté une
contribution active à la recherche mathématique de leur temps, ont
été formés à cette discipline dans la Compagnie. Leurs biographies
permettent-elles d'éclairer des mécanismes communs
d'apprentissage? La question est assurément ambitieuse et ne pourra être
résolue par un jugement d'ensemble, mais l'étude de certains exemples,
mieux documentés que d'autres, permet de présenter quelques
hypothèses. Avant d'en engager l'analyse, il est nécessaire de s'arrêter
sur un thème particulièrement problématique ici. Ce travail
entraîne, en effet, une réflexion sur la spécialisation disciplinaire et sur
le processus de professionnalisation de la science. Les historiens de
la science moderne qui ont soulevé ce problème s'accordent pour
considérer que celle-ci n'intervient que plus tardivement dans le
siècle97. Si cette précision chronologique s'impose, il n'en demeure
pas moins que ce qui se passe au sein de la Compagnie permet
d'éclairer l'émergence du phénomène. Dès les premières années du
XVIIe siècle, quelques cas de spécialisation mathématique
apparaissent, comme en témoignent les exemples qui suivent. A ce titre,
la qualification acquise et reconnue, qui contribue à désigner ces
hommes comme des professeurs de mathématiques à part entière,
participe du processus d'autonomisation de leur discipline et
constitue une condition nécessaire à la professionnalisation de la science.
Celle-ci n'est cependant pas encore menée jusqu'à son terme dans le
cadre de cette étude, puisque le déterminant majeur, pour ces
hommes, reste le métier de professeur98. Du fait du caractère transi-

97 Voir notamment R. Hahn, L'anatomie d'une institution scientifique,


l'Académie des Sciences de Paris, 1666-1803, Berkeley et Londres, 1971, trad. française,
Bruxelles et Paris, 1993, 594 p. et V. Ferrone et P. Rossi, Lo scienziato nell'età
moderna, op. cit.
98 Cette remarque demande à être nuancée aussi : les fiches biographiques
publiées en annexe permettent de prendre la mesure du décalage entre les
fonctions officielles exercées dans la Compagnie et l'activité scientifique d'une part,
entre la période d'enseignement des mathématiques et celle de production des
livres scientifiques d'autre part. Le rapport à la professionnalisation est donc plus
complexe, lorsqu'il doit être traité dans le cadre d'un ordre religieux où les
critères d'affectation à une fonction déterminée ne relèvent pas uniquement de
logiques de compétence professionnelle. A titre d'exemple, la présence de Jean
Chastelier à La Flèche, entre 1620 et sa mort, comme préfet des études
supérieures, ne permet pas a priori d'établir la liaison entre qualification, fonction et
spécialisation. Même si aucun témoignage direct n'existe de son rôle dans l'en-
400 LE TEMPS DES CHAIRES

toire de la période abordée, c'est donc avec toutes les précautions


qui s'imposent que l'expression sera utilisée.

Dans la France du nord

A l'heure du rétablissement de la Compagnie en France, peu


d'hommes paraissent susceptibles de prendre en charge un cours de
mathématiques, à la notable exception de Jean Chastelier. Or, au
moment où est fondée l'académie en Lorraine, celui-ci est appelé à
quitter provisoirement la région. Est-ce à dire qu'à partir de cette
date il se détourne des questions mathématiques ou qu'il n'a joué
aucun rôle de formation? Ce correspondant de Clavius, son
interlocuteur privilégié dans le milieu français, cet homme qui a montré
un vif intérêt pour les questions algébriques les plus actuelles en son
temps, n'a pas laissé de dossier personnel permettant de suivre son
travail. En outre, pour les années 1610-1630, les documents
concernant ses activités scientifiques font cruellement défaut, puisque avec
la mort de Clavius, intervenue en 1612, se tarit notre source
d'information privilégiée. Mais, d'autres témoignages justifient la
permanence de son activité mathématique après cette date et jusqu'à la fin
de sa vie. Le premier est fourni par Claude-Gaspar Bachet de Mézi-
riac, dont la biographie est mal connue, mais dont le rôle est
essentiel pour le développement de l'analyse moderne". En traduisant en
latin les textes de Diophante, Bachet a permis la diffusion de l'œuvre
grecque sur laquelle s'est fondé l'essor de la géométrie analytique100.
C'est lui aussi qui a inauguré un genre mathématique appelé à une
certaine célébrité, celui des «récréations mathématiques», avec les
Problèmes plaisons et délectables qui se font par les nombres. Partie
recueillie de divers auteurs, partie inventez de nouveau avec leur
démonstration..., dont la première édition remonte à 1612101. Nombre
des problèmes proposés dans cet opuscule concernent les aspects les
plus contemporains de l'algèbre et tel est le cas du premier d'entre
eux, «deviner le nombre que quelqu'un aura pensé». Bachet propose

cadrement des professeurs et des étudiants de mathématiques, il est évident que


celui-ci a été déterminant.
99 Sur sa vie et son œuvre, voir C.-G. Collet et J. Itard, «Un mathématicien
humaniste, Claude-Gaspar Bachet de Méziriac (1581-1638)», Revue d'histoire des
sciences, vol. 1, 1947, p. 26-50; DSB, vol. 1, p. 367-368.
100 voir DSB, vol. 4, p. 111-119, pour Diophante. La traduction de Bachet est
publiée à Paris en 1621.
101 Le sous-titre de cette première édition est particulièrement éclairant :
Très-utiles pour toutes sortes de personnes curieuses, qui se servent d'arithmétique.
Cette première édition est devenue rare : il n'en existe en France qu'un seul
exemplaire, conservé à la Bibl. nat. de France, sous la cote Rés. V. 2065.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 401

différentes résolutions de ce problème et, pour la cinquième d'entre


elles, il précise :
Ceste façon de deviner le nombre pensé a été touchée par Forca-
del en ses annotations sur l'Arithmétique de Gemme Frise; et par
Guillaume Gosselin en la première partie de la traduction de
l'Arithmétique de Nicolas Tartaglia, et en ces lieux l'un et l'autre se
vantèrent d'en donner la démonstration; bien que ny l'un ny l'autre n'en
approche pas, comme ie feray clairement apparaître.
Quant à Forcadel il appert assez qu'il n'a point compris la cause
universelle de ce problème...102.
Cette citation individualise nettement le champ d'études dans
lequel intervient Bachet : il n'est pas sans liens avec celui qui occupe
Chastelier. Or, dans la seconde édition des Problèmes plaisons, en
1624, reprenant ce même problème «deviner le nombre pensé d'une
autre façon», Bachet apporte cette précision :
L'honneur d'avoir le premier inventé la façon de ce problème en
ce qu'il adjouste au précédent, ie le cede franchement au R.P. Iean
Chastelier de la compagnie de Iesus. Il est vrai que ie ne tiens point de
luy, ny la règle pour deviner le nombre pensé, ny la démonstration.
Mais seulement il me proposa par une sienne lettre ce problème, en
forme de question, et en ces mesmes termes, sinon qu'ils estoient en
latin103.
Plus loin, à propos d'un autre problème, dont la démonstration
lui a aussi été communiquée par Chastelier, il qualifie le jésuite
d'« homme certes très expert en toute sorte de science»104. Il serait
particulièrement intéressant de retrouver les éléments de la
correspondance dont ces extraits se font l'écho : celle-ci permettrait
d'éclairer les conditions de la rencontre entre les deux hommes et la
nature de leurs échanges. L'absence de référence au jésuite dans la
première édition tendrait à suggérer que les deux mathématiciens ne se
connaissaient pas encore en 1612, mais on sait par ailleurs que
Chastelier travaillait déjà à ces questions. Le témoignage de Bachet
permet d'éclairer ses travaux pour la période postérieure. D'autre part,
il constitue une preuve incontestable de l'inscription de Chastelier
dans un réseau d'échanges qui dépasse la Compagnie, au cœur
duquel l'élément central d'une culture mathématique commune est la
géométrie analytique dont l'algèbre moderne est née105. Rien ne per-

102 C.-G. Bachet de Méziriac, Problèmes plaisans et délectables..., op. cit., éd.
de 1612, p. 38.
103 C.-G. Bachet de Méziriac, Problèmes plaisans et délectables..., op. cit., éd.
de 1624, p. 72.
mIbid.,p. 97.
io5 Voir R. Taton dir., Histoire générale des sciences, t. 2 : La science moderne,
de 1450 à 1800, Paris, 1958, p. 208-219.
402 LE TEMPS DES CHAIRES

met d'assurer que Chastelier a lu l'œuvre algébrique de Viète, mais


du moins sa relation directe avec Bachet confirme sa connaissance
directe de l'essor de l'algèbre liée à la relecture des anciens106.
En outre, comment ne pas rapprocher l'ouvrage de
divertissement de Bachet de celui de Jean Lereuchon, les Récréations
mathématiques, qui perpétuent tout au long du XVIIe siècle le genre
inauguré par Bachet107? Cette mise en relation invite à tenter de mesurer
le rôle de Chastelier dans le processus de formation des premiers
professeurs de mathématiques de la France du Nord, mais aussi le
rayonnement du personnage dans les milieux savants du premier
XVIIe siècle.
Jusqu'à sa mort, survenue en 1629, Chastelier maintient avec le
minime Marin Mersenne des liens que laisse entrevoir la
correspondance de ce dernier108. Les deux hommes se sont connus à La Flèche
et sur cette rencontre aucun doute n'est possible puisque Mersenne
est arrivé au collège lors de sa fondation, alors que Chastelier était le
premier recteur du nouvel établissement. Les deux lettres que
Chastelier adresse au minime depuis La Flèche, en 1625 et 1626,
soulignent non seulement l'influence de Chastelier sur les premières
années du collège royal109, mais un intérêt pour les mathématiques
qu'aucune autre tâche accomplie au sein de la Compagnie n'est
venue démentir. Traitant de musique, ces deux lettres révèlent un
nouveau centre d'intérêt chez un homme attaché aux nombres depuis
presque quarante ans. Ainsi les liens avec Bachet et Mersenne
témoignent du rayonnement intellectuel de celui qu'il faut sans doute
considérer comme le premier mathématicien français de la Compa-

106 II faut ajouter que Clavius, quant à lui, était au fait de la traduction de
Pappus par Commandino. Sur cette question voir le chapitre sur Commandino,
dans P. L. Rose, The Italian Renaissance of Mathematics..., op. cit., p. 185-221. Il
faut, en outre, tenir compte des remarques sur son approche des mathématiques,
telle que j'ai pu l'esquisser dans le chapitre 3 de la première partie. Dès lors, les
orientations du travail de Chastelier sont révélatrices d'un autre type de rapport
aux mathématiques, c'est-à-dire d'une pluralité des approches et des
interrogations à l'œuvre dans la Compagnie.
107 La mise en rapport des deux textes, dans une optique d'histoire sociale
des sciences, a été récemment opérée par G. Chabaud, Sciences en jeux. Les
récréations mathématiques et physiques en France du XVIIe au XVIIIe siècle, thèse
pour le doctorat de l'E. H. E. S. S. sous la direction de J. Revel, Paris, 1994, p. 15-
78. Qu'il soit remercié ici de m'avoir donné accès à son travail.
108 Correspondance du P. Marin Mersenne, religieux minime, publiée par Mme
P. Tannery, éditée et annotée par C. de Waard, t. 1, 1617-1627, Paris, 1945, lettre
n° 27, La Flèche, le 12 avril 1625, p. 197-207; lettre n° 62, La Flèche, le 11 juillet
1626, p. 478-481. Ces deux lettres portent sur la musique et les harmoniques.
109 A la date à laquelle il adresse ces lettres à Mersenne, son influence doit
continuer à être importante auprès des étudiants, puisqu'il est préfet des études.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 403

gnie de Jésus. Mais, quel fut son rôle auprès des jeunes jésuites?
L'étude des premiers développements de la chaire de La Flèche permet
d'établir une filiation entre Chastelier et les jeunes professeurs.
Les premiers professeurs de mathématiques de La Flèche sont
chronologiquement Jacques Guernissac, Nicolas Laplace et Jean
François. La reconstitution de leurs parcours de formation présente
un point commun. Le premier, Jacques Guernissac110, entré dans la
Compagnie à l'âge de 20 ans en 1588, originaire de Bretagne, a un
itinéraire qui se confond partiellement avec celui de Chastelier. C'est
en Lorraine qu'il fait ses études, d'abord à Verdun où sa présence est
attestée en 1590 puis à Pont-à-Mousson où, entre 1596 et 1599, il suit
le cycle de théologie. Il est vraisemblable qu'entre la fin de ses études
de philosophie et le début de sa théologie il ait été envoyé dans un
quelconque collège pour y enseigner dans les classes inférieures.
Toujours est-il que ses années de théologie sont aussi celles de la
rencontre avec Chastelier, comme les années suivantes au cours
desquelles il fait ses premières armes comme professeur de philosophie
dans le même collège. En 1605-1606, alors qu'il assure le cours de
métaphysique pour la seconde fois, les catalogues indiquent qu'il
enseigne aussi les mathématiques, activité qu'il poursuivra dès l'année
suivante à La Flèche. On peut donc supposer que la formation
mathématique de Guernissac s'est effectuée à Pont-à-Mousson, priva-
tim et parallèlement à la formation théologique. Rien n'interdit de
supposer qu'avant 1605, alors que la Ratio studiorum de 1599
commence à entrer en vigueur dans le collège, il ait déjà assuré cet
enseignement en tant que professeur de philosophie, mais sans que
les catalogues le précisent.
D'autre part, sa nomination à La Flèche peut apparaître comme
une décision prise par le recteur Chastelier qui, au moment d'ouvrir
la chaire de mathématiques, fait appel à son propre étudiant. Dans
cette période de pénurie en hommes spécialisés, le choix présente
des avantages y compris lorsque Jacques Guernissac quitte cette
fonction. Remplacé par une jeune recrue sans expérience, Nicolas
Laplace, il peut, selon une pratique habituelle dans la Compagnie,
lui léguer ses notes manuscrites de cours111. L'incompétence du
jeune maître conduit le nouveau recteur à lui trouver rapidement un
successeur, Jean François. Parmi les maigres informations dispo-

110 Les dépouillements d'archives permettent de reconstituer, avec des


blancs, l'itinéraire de Jacques Guernissac : voir la notice biographique qui lui est
consacrée en annexe 2.
111 La pratique de l'utilisation du cours du prédécesseur est illustrée
notamment par Otto Cattenius à Mayence : voir A. Krayer, Mathematik im Studienplan
der Jesuiten..., op. cit., p. 47 sq.
404 LE TEMPS DES CHAIRES

MER MEDITERRANEE
0 100 200 Kn

Carte 8. La mobilité de Jean Chastelier.


• collège ▲ collège disposant d'un enseignement de mathématiques.

nibles à son sujet, celle-ci présente un intérêt particulier : l'année


précédant son arrivée à La Flèche (1611-12), J. François est
répertorié comme professeur d'humanités à Pont-à-Mousson. Il s'y trouve
donc aux côtés de Jean Chastelier affecté, quant à lui, à des tâches
administratives112. Cette rencontre pourrait éclairer les origines de sa
formation mathématique et son rôle ultérieur à La Flèche, où il se
trouve seul, sans Jean Chastelier. Elle aurait d'autant plus de sens
que, au moment où J. François arrive à La Flèche, J. Chastelier

112 Voir L. Carrez, Catalogi sociorum..., op. cit., p. 88. Cette année, au cours
de laquelle le cours de mathématiques est interrompu à La Flèche, aurait-elle été
mise à profit pour assurer une formation à J. François?
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 405

quitte l'espace lorrain; s'il se trouve accaparé par des tâches


administratives diverses, c'est d'abord au noviciat de Paris entre 1613
et 1616, puis au collège de Caen jusqu'en 1620, autrement dit dans
une aire géographique plus proche de La Flèche. Il ne faut donc pas
exclure l'hypothèse selon laquelle il aurait pu maintenir des contacts
avec l'établissement royal, notamment à partir du moment où Louis
Lallemant, un autre de ses anciens élèves, y est envoyé113.
De la même génération que Jean François, qu'il a côtoyé
pendant un an à Pont-à-Mousson, Louis Lallemant114 présente lui aussi
un profil intéressant. Plus jeune de six ans, mais entré dans l'ordre
en 1605, à la même date que son compagnon, ce dernier suit à Pont-
à-Mousson le cursus de philosophie (1607-1610) puis de théologie
(1610-14). Son enseignement de mathématiques, parallèlement à ses
études de théologie, peut s'appuyer sur la formation directement
reçue auprès de J. Chastelier de nouveau présent dans le collège entre
1609 et 1613. Puis, entre 1615 et 1618, à La Flèche, il partage avec
Jean François, mais aussi d'autres professeurs arrivés de Pont-à-
Mousson115, la formation de ceux de la génération suivante, Pierre
Bourdin116, Antoine Vatier117 ou Claude Reverdy118, qui occuperont
les chaires de mathématiques de La Flèche ou de Paris119.
Il paraît donc désormais possible d'analyser la situation flé-
choise à la lumière du rôle joué par Chastelier dans les années qui
précèdent la fondation royale : outre le fait qu'il correspond avec
Clavius sur les questions arithmétiques, on peut supposer qu'il s'est
chargé, vis-à-vis des siens, d'une formation dans le cadre d'un travail
d'enseignement qu'il aurait assuré privatim. Celle-ci a porté ses

113 L'idée paraît d'autant plus probable que ce dernier poursuit sa carrière
dans le sillage de son maître : après Pont-à-Mousson, il passe un an au noviciat
de Paris (1614-1615), en même temps que son maître en mathématiques, et
lorsqu'il rejoint La Flèche, c'est pour enseigner philosophie et mathématiques entre
1615 et 1618. Le catalogus brevis de 1617-18 le désigne comme professeur de
métaphysique et mathématiques, alors que Jean François, devenu professeur de
philosophie, inaugure son premier cours de logique (ARSI : FRANC. 22, fol. 134r).
C'est-à-dire, qu'en termes de carrière, cette évolution désigne une progression liée
à la hiérarchie des valeurs jésuites, déjà évoquée dans ce chapitre. Sur les
déplacements de Jean Chastelier, durant sa carrière, voir la carte 8.
114 Le même travail réalisé à propos de Louis Lallemant permet de
reconstruire une carrière elle-même présentée dans l'annexe 2.
115 II s'agit notamment de E. Noël et H. Nicquet, présentés plus haut.
116 Voir sa notice biographique dans l'annexe 2.
117 Voir sa notice biographique dans l'annexe 2.
us Voir sa notice biographique dans l'annexe 2.
119 On pourra suivre les enseignants de ces établissements dans l'annexe 1.
Pour une vision synthétique de leurs carrières, voir les travaux de F. de Dainville,
L'éducation des Jésuites..., op. cit., et K. A. F. Fischer, art. cit.
406 LE TEMPS DES CHAIRES

fruits dans les premières années du XVIIe siècle d'abord à La Flèche,


puis à Pont-à-Mousson, lors de son retour entre 1608 et 1613.
Dans le collège lorrain, les premiers mathématiciens de la
Compagnie ont le plus souvent fréquenté Chastelier : Charles Mala-
pert120 se trouve à ses côtés en 1610, comme professeur de logique, en
1611 pour la physique, et en 1612 pour la métaphysique. Sa
biographie ultérieure, qui le conduit à enseigner les mathématiques en
Pologne et à Douai, avant de devenir recteur du séminaire anglais de
Douai (il mourra sur le chemin qui le mène auprès du Roi d'Espagne
pour enseigner les mathématiques à Madrid) met en évidence des
liens entre le milieu mussipontain organisé autour de Chastelier et
le milieu écossais de Douai sans doute animé par R. Gibbons121.
Dans l'état actuel d'avancée de la recherche, il n'est pas possible de
préciser le lien qui unissait R. Gibbons à J. Chastelier. Mais les
préoccupations mathématiques communes aux deux hommes,
chacun lié à Clavius, suggèrent que, dans l'hypothèse d'une absence de
liens directs, C. Malapert a pu servir d'intermédiaire. Ainsi, après la
mort de Clavius, les échanges continuent à se développer entre les
générations qui lui succèdent. Dans ce cas, s'esquisserait une
géographie européenne de l'espace mathématique jésuite, jalonnée
notamment par les grands établissements des marches catholiques,
Pont-à-Mousson et Douai122.
Dans le cas de Jean Lereuchon, l'influence de Chastelier est plus
nette. Malgré la formelle opposition de son père, médecin du Duc de
Lorraine, le jeune homme rejoint la Compagnie en 1609, à l'âge de
dix-huit ans et reste implanté dans l'espace lorrain toute sa vie
durant. Maître es arts en 1611, étudiant en théologie en 1611-1614, il est
le contemporain de L. Lallemant, mais en retard d'un an sur lui. En
tous cas le jeune Leurechon succédera à Lallemant dans la prise en
charge du cours de mathématiques de Pont-à-Mousson en 1614-15123
et occupera cette charge pendant de nombreuses années, assurant à

120 Voir sa notice biographique dans l'annexe 2.


121 En effet, la présence de R. Gibbons est attestée à Douai de 1621 à l'année
de sa mort, en 1632. A la même époque, Charles Malapert rejoint le même
établissement comme professeur de mathématiques. C'est de là qu'il s'embarquera
pour l'Espagne en 1630.
122 La piste demande à être poursuivie, car elle mène aussi vers l'espace
ibérique, comme le suggère l'itinéraire de Jean Della Faille qui sera examiné
ultérieurement. Il peut paraître paradoxal d'inclure l'Espagne ou le Portugal dans ces
«marges catholiques», mais d'un point de vue géopolitique, il s'agit en effet d'une
frontière avec le Nouveau Monde. Les missionnaires en partance pour l'Amérique
latine ou l'Asie partent des ports ibériques et sont préalablement formés dans les
collèges de la péninsule ibérique.
123 Pour sa notice biographique, voir annexe 2.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 407

l'établissement une réputation non négligeable dans le domaine


scientifique. Il est clair que sa formation mathématique, peut-être
initiée dans le milieu familial, a été consolidée dans la Compagnie124
et Jean Chastelier était le mieux placé pour le faire. Une preuve
rétrospective de cette filiation est fournie par la production du
«mathématicien du Pont». C'est à lui notamment que l'établissement
doit les premiers écrits scientifiques français jésuites : Discours de la
comète qui a paru aux mois de novembre et décembre 1618, Reims,
1619; Très excellent discours sur les observations de la comète... avec
les figures célestes, selon l'astrologie et mathématiques, Paris, 1619; Se-
lectae propositiones in tota sparsim mathematica pulcherrimae, quas,
in solemnis festo sanctorum Ignatii et Xaverii prognabunt mathemati-
carum auditores125. Puis, dans la lignée des travaux de Bachet de Mé-
ziriac, il reprend le genre des «divertissements mathématiques»,
avec les Récréations mathématiques dont la première édition
remonte à 1624. Si, comme Bachet lui-même l'a souligné, Chastelier a
bien été un des inspirateurs des Divertissements, on peut affirmer
qu'a fortiori, le même Chastelier a pu inspirer son élève, Jean Lereu-
chon, voire jouer les intermédiaires avec Bachet. Les quelques
données disponibles sur la formation de Nicolas Fagot, ou de Pierre
Cazré126 conduisent aux mêmes conclusions : tous deux étudiants en
philosophie à Pont-à-Mousson entre 1611 et 1614, tous deux en
théologie dans le même établissement aux côtés d'un Jean Leurechon
plus avancé qu'eux dans les études, ils prennent en charge à ses
côtés la chaire de mathématiques du Pont ou de Reims, en cas de
besoin. Si, à nouveau, leurs relations directes avec Chastelier ne sont
pas éclairées par les sources, on ne trouve personne dans le collège
de plus apte à leur transmettre la culture mathématique nécessaire à
leur enseignement.
C'est donc bien la postérité de Chastelier qui se dessine au gré de
l'identification de ces jeunes recrues qui trouveront rapidement des
établissements pour accueillir leurs compétences. Pour la France du
nord, c'est assurément à lui qu'est due la constitution de cette
première génération, à l'exception de Jean Della Faille, dont les origines
anversoises expliquent un destin attaché à l'histoire de la province
flandro-belge127. Or, dans cet espace frontalier de la province de

124 Sans qu'on puisse éclairer le phénomène par les sources, on peut
supposer que le milieu familial a été propice à un début de culture scientifique.
125 Publié à Pont-à-Mousson en 1624, le texte fait l'objet d'une seconde
édition en 1629 : Selectae propositiones in tota sparsim mathematica pulcherrimae, ad
usum et exercitationem velarium academiarum.
126 Pour leur notice biographique, voir annexe 2.
127 A cette époque, la province dépend politiquement de l'Espagne. Cette
situation explique les liens entre les mathématiciens belges et Madrid.
408 LE TEMPS DES CHAIRES

France, les premières années du XVIIe siècle voient la naissance d'un


cours spécial de mathématiques, inauguré par Grégoire de Saint-
Vincent en 1617128. L'un des deux étudiants jésuites qui suivent cette
formation se trouve être Jean Della Faille, que le séjour postérieur à
Dole (1620-1626) définit comme le premier spécialiste des
mathématiques à avoir exercé sur le territoire français. En effet, avant son
arrivée en France, entre 1617 et 1620, sous le titre de mathematicus , il
se consacre à la seule étude des mathématiques, en marge du cursus
jésuite classique, à l'issue du cycle de philosophie et avant celui de
théologie129. C'est dans ce cadre qu'avec son maître, Grégoire de
Saint- Vincent, il se livre à l'observation de la comète de 1618 (à Pont-
à-Mousson, Jean Lereuchon fait alors de même). Sur le reste de sa
formation on ne sait rien d'autre. Mais le cas est intéressant car,
dans son unicité, il relève bien d'un processus complet de formation,
réalisé hors de France et différent de celui-là130. Cet exemple tendrait
même à souligner, a contrario, le caractère privé de l'activité
déployée par Chastelier à Pont-à-Mousson. De ce point de vue, la part
d'initiative prise par cette personnalité, sans doute essentielle pour
l'essor de la Compagnie dans la France du nord à la charnière des
XVIe et XVIIe siècles, confirme le caractère bilatéral de la relation
Rome/provinces. Rome ne constitue pas l'unique lieu décisionnel
qui, au nom du principe d'unité de l'ordre, concevrait et organiserait
l'apostolat jésuite sur une base unique. L'organisation provinciale, -
et à ce propos, il est nécessaire de rappeler que les premières années
du XVIIe siècle sont décisives pour l'évolution de la structuration de
l'espace français -, n'est pas à concevoir comme un échelon
supplémentaire dans un édifice pyramidal, qui tendrait à accroître la
hiérarchisation interne des rapports. Elle permet, au contraire, de
mieux inscrire les activités de la Compagnie dans des réalités
spécifiques et offre ainsi à ses membres une capacité d'intervention
propre, comme en témoigne Jean Chastelier.
Ainsi, dès le début du XVIIe siècle, il est possible de comprendre

128 voir O. Van de Vyver, «L'école de mathématiques de la province flandro-


belge», AHSI, vol. 46, 1980, p. 265-278.
129 II n'existe pas encore d'étude plus approfondie du groupe animé par
Grégoire de Saint- Vincent et cette lacune ne permet aucune étude comparative des
structures de formation spécialisées mises en place dans les différents provinces.
On peut cependant mettre en rapport cette organisation des études avec le projet
développé par Clavius d'une académie de mathématiques.
130 Les itinéraires de Jean Della Faille ou de Claude Richard révèlent une
situation espagnole, pour la première moitié du XVIIe siècle, caractérisée par
l'impossibilité de pourvoir les chaires de mathématiques en Espagnols. C'est
pourquoi, les hommes qui se succèdent à cette chaire ou auprès du monarque arrivent
de l'étranger.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 409

par quels mécanismes la France du nord parvient à doter les


principales chaires de mathématiques en hommes compétents, assurant
un enseignement de qualité, rapidement relayé par une activité
editoriale. Dans le sud du pays, malgré un réel dynamisme dans la
seconde moitié du XVIIe siècle, la situation apparaît moins claire et le
processus de spécialisation, plus tardif.

Dans la France du sud


En effet, les personnalités les plus marquantes pour les
mathématiques, qui s'illustrent plus tardivement aussi du point de vue de
leurs écrits, ne s'inscrivent pas dans des réseaux de formation
particuliers. Aucun ne semble avoir suivi une préparation spécifique, à la
seule exception de Pierre Le Roy. De ce point de vue, la carrière
d'Antoine Lalouvère est exemplaire. Son nom reste associé, dans
l'histoire des mathématiques, à la question de la cycloïde131. Pourtant,
l'enseignement des mathématiques lui a été confié tardivement et de
manière discontinue132. Faut-il mettre cette situation en rapport avec
le caractère secondaire des chaires de Toulouse et Tournon où il a
enseigné? C'est ce que laisserait entendre la remarque, qu'il livre aux
lecteurs d'un de ses traités, sur sa difficulté à se procurer des livres,
même dus à d'autres auteurs jésuites, et correspondant à ses centres
d'intérêt133. Faut-il, parallèlement, considérer que ses travaux
scientifiques l'ont occupé privatim ? Il est cependant inséré au cœur du mi-

131 R. Taton dir., Histoire générale des sciences..., op. cit., vol. 3, p. 235 : «Les
problèmes sur la cycloïde, ou courbe décrite par un point lié à un cercle qui roule
sans glisser sur une droite (...) concernent les fonctions trigonométriques. Posé,
paraît-il, par Mersenne à Roberval, étudié, dit-on encore, par Galilée, le problème
de la quadrature d'une arche de la courbe fut résolu par Roberval en 1637, grâce à
un procédé fort simple et ingénieux. A cette occasion, Roberval inventait la
sinusoïde (...). Dès que Fermât et Descartes eurent appris le succès de cette
intégration, ils en donnèrent leurs propres solutions, suivis, quelques années plus tard,
par Torricelli...».
132 Pour sa notice biographique, voir annexe 2.
133 Dans son ouvrage sur la quadrature du cercle, dédié à Louis XIV, il
précise qu'il n'a lu aucun des traités récents sur la question, à cause de la difficulté à
disposer d'une copie de ces textes. Il fait notamment allusion aux ouvrages de
Della Faille, Guldin, Grégoire de Saint- Vincent, répertoriés par P. Alegambre, Bi-
bliotheca scriptorum Societatis Iesu post excusum anno 1608 catalogum R. P. Pétri
Rïbadeneirae, nunc hoc novo apparata librorum ad annum reparatae salutis 1642
editorum concinnata et illustrum virorum elogiis adontata, a Philippo Alegambe
Bruxellensi, ex eadem Societate Iesu, Anvers, 1643. Voir Quadratura circuii et hy-
perbolae segmentorum ex dato centro gravitatis, una cum inventione proportionis
& centri gravitatis in portionïbus sphaerae plurimorumque periphericorum, nec
non tetragonismo absoluto certa cuiusdam cylindri partis, & aliorum : demonstrata
atque ad calculum reducta adiumento librae Archimedeae & a materia divulsae,
quam praesenti Opere restaurât et amplificat Antonius Lalovera, Societatis Iesu,
Toulouse, Pierre Bosc, 1651, adresse au lecteur.
410 LE TEMPS DES CHAIRES

lieu toulousain animé par Pierre de Fermât134 auquel il dédie son


travail sur la cycloïde135 et il correspond avec Pierre Cazré, comme
l'indique son opuscule sur la chute des corps136. A ce stade de l'analyse,
seule une étude biographique complète pourra résoudre la question
de ses activités scientifiques et de leur rapport avec le monde savant
du premier XVIIe siècle. Mais il paraît peu probable que, au sein de la
Compagnie, il ait joui d'une formation spécifique.
Il est possible d'établir la comparaison entre cet itinéraire et
celui de Vincent Léotaud, qui appartient à la même génération.
Vincent Léotaud, que des problèmes de santé ont empêché
d'enseigner les mathématiques autant qu'il l'aurait sans doute voulu137,
s'est consacré à des questions géométriques d'actualité, tout en
laissant un intéressant et volumineux ouvrage d'arithmétique, Institu-
tionum arithmeticarum libri quatuor. In quibus omnia, quae ad
numéros simplices, fractos, radicales, ac proportionales pertinent Prae-
cepta, clarissimis demonstrationibus, tum Arithmeticis, tum
geometricis illustrata tradunturm. Ses traités sur la quadrature du
cercle139 révèlent l'influence de Grégoire de Saint- Vincent sur sa ré-

134 Pour ce milieu, voir notamment M. Mahoney, The Mathematica! Career of


Pierre de Fermât, 1601-1665, 2e éd., Princeton, 1994; C. Goldstein, Un théorème de
Fermât et ses lecteurs, Paris, 1995, 229 p. On saisit ainsi la continuité entre les
problèmes étudiés par J. Chastelier, J. Lereuchon, A. Lalouvère et J. de Billy et le
caractère effectif de leur insertion dans les cercles savants de leur temps :
l'édition de Diophante avec commentaire de Bachet de Méziriac, qui intègre les
commentaires de P. de Fermât et un texte de J. de Billy, est réalisée en 1670 par
Samuel de Fermât. Voir Diophanti Alexandrini arithmeticorum libri sex, et de nume-
ris multangulis liber unus. Cum commentariis C.G. Bacheti V.C. & observationes
D.P. de Fermât Senatoris Tolosani. Accessit Doctrinae Analyticae inuentum
nouum, collectum ex variis eiusdem D. de Fermât Epistolis, Toulouse, 1670, in fol.
Pour le commentaire, voir chapitre suivant. A partir de cette remarque, on prend
la mesure de l'intérêt de ce milieu toulousain, dans lequel s'inscrivent aussi des
érudits et savants locaux.
135 Voir De cycloide Gallilaei et Torricelli propositiones viginti Autore Antonio
Laîovera, Societatis Iesu. Amplissimo Domino de Fermât in Suprema Curia Tolosa-
na Senatori integerrimo, s.l., 1658, 8 p. Il semble que ce soit Fermât qui lui ait
transmis le problème de Pascal sur la cycloïde. Cet ouvrage, qui constitue une
solution au problème posé, suscite une accusation de plagiat de la part de Pascal,
d'où la polémique qui s'en suivit. Voir infra, chap. 8.
136 Antonii Laloverae Societatis Iesu Propositiones geometricae sex. Quibus os-
tenditur ex Cazraeiana hypothesi circa propositionem qua gravia decidentia accele-
rantur, non recte inferri à Gassendo motum fore in instanti, s.l., s.d., 4 p.
137 Voir à ce propos, les mentions qui figurent sur sa notice biographique,
dans l'annexe 2, pour les années 1633-1637. On peut supposer que sa résidence à
Embrun dans la seconde partie de sa vie est la conséquence de son état de santé.
138 Lyon, Guillaume Barbier, 1660, 698 p.
139 Examen circuii quadratura^ hactenus editarum celeberriame, quam
Apollonius alter, magno ilio Pergae non minor geometra, R.P. Gregorius a Sancto
Vincendo SI, exposuit. Authore Vincendo Leotaudo Delphinate, eiusdem Societati. Cuius
opera e tenebris simul emergit perelegans et peramoena curvilineorum contempla-
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 411

flexion, comme son livre sur les questions magnétiques indiquent


celle des jésuites italiens140. Cet ensemble de références éclaire la
circulation des livres au sein de la Compagnie. Il faut noter la priorité
accordée aux auteurs de l'ordre et son corollaire, le maintien d'une
internationalité de la culture mathématique ainsi que son polycen-
trisme, nettement affirmé au milieu du XVIIe siècle. Au-delà de ces
remarques, il semble que l'intérêt de Léotaud ou de Lalouvère pour
les questions mathématiques s'inscrive en marge de leur activité
dans la Compagnie, ce qui tend à nuancer l'idée d'un processus de
professionnalisation constitué linéairement tout au long du XVIIe
siècle. La remarque vaut aussi pour Jacques de Billy, l'un des rares
jésuites rencontrés dans cette étude qui soit passé d'une province,
Lyon, à une autre, la Champagne141. D'une formation philosophique
inaugurée en Avignon au début des années 1620, alors que, dans
cette période, il n'existe pas là d'enseignement propre des
mathématiques, de quelle formation a-t-il pu bénéficier? Pourtant, il
commence à enseigner les mathématiques dès sa troisième année de
théologie, l'année de son transfert à Pont-à-Mousson, où il rejoint
Jean Lereuchon et son équipe. On peut donc supposer qu'il les a
apprises là, pendant les deux premières années de théologie, ou qu'il
avait commencé seul, entre 1624 et 1627, alors qu'il enseignait dans
les classes inférieures, à Avignon. Dans les années 1630, la rencontre

tio. Olim inita ab Illustrissimo & reverendissimo D. D. Artusio de L ionne,


Episcopo & comité Vapincensi & Abbate Solignacensi, Regioque Conciliano, Lyon,
Guillaume Barbier, 1654, 296 p.
Cyclomathia seu multiplex circuii contemplatio, tribus libris comprehensa. In
I. Quadratura Examen confirmatur ac promovetur. In IL Anguli contingentiae
natura exponitur. In III. Quadratricis inauditae proferuntur. Authore Vincendo Leo-
taudo Delphinate, Societatis Iesu, Lyon, Benoît Coral, 1663, 384 p.
140 Magnetologia, in qua exponitur nova de magneticis philosophia, Lyon,
Laurent Anisson, 1668, 420 p. On remarquera que, dans son adresse au lecteur,
Léotaud dresse une généalogie des travaux philosophiques concernant les
phénomènes magnétiques : W. Gilbert, certes, mais surtout les jésuites d'Italie, Cabeo,
Zucchi, Kircher, et de France, comme Grandamy :
«Quorum primus Cabeus eo praesertim spectavit, ut quae Gilbertus
expérimenta prodiderat, quaeque ipse de novo nec pauca, nec levia observaret, ad
Principia iuxta Philosophiae leges reduceret, unde ea proficissi necesse est : quae Zu-
chius deinde maturis prò eius more et facultate, ratiociniis et recoluit, et non me-
diocriter confirmavit. Grandamicus autem, in aureo ilio opusculo, quod de terrae
immobilitate ex virtute Magnetica demonstrata commentatus est, tersaque ac
plana methodo, & Schematismis perelegantibus publici iuris fecit : etsi illud
unum, quod instituit verset Argumentum : multa tamen eo necessaria
expérimenta adduxit tum a laudatis proxime Authoribus inita, tum a se primum longo
annorum usu et exercitio explorata; inter quae admodum rara quaedam obser-
vare est. Nec praetereundus hic est Kircherus tum aliis multis, tum de re
Magnetica editis monumentis clarus...».
141 Pour sa notice biographique, voir annexe 2.
412 LE TEMPS DES CHAIRES

avec Bachet de Meziriac a assurément joué un rôle déterminant,


mais rien ne permet de l'éclairer : Lereuchon ou Chastelier ont-ils
joué un rôle à ce propos? Elle explique cependant son intérêt pour
l'œuvre de Diophante et sa publication de Diophantus Geometra sive
opus contextum ex arithmetica et geometria simul; in quo Quaes-
tiones omnes Diophanti, quae geometrice solui possunt, enodantur
tum Algebricis, tum Geometricis rationibus. Adiectus est Diophantus
geometra promotus, in quo subtiles propositiones non ab simili me-
thodo pertractantur, et via nova ad eiusmodi praxes inueniendas ape-
ritur142. De même, son nom est associé, avec celui de Pierre de Fer-
mat, à l'entreprise d'édition intégrale, en 1670, de l'arithmétique dio-
phantienne143.
Avec cet autre exemple de «mathématicien de la Compagnie»,
la question de la professionnalisation croise celle de la
spécialisation. Il est remarquable, en effet, que la production
mathématique de Jacques de Billy renvoie à des domaines variés : outre
l'analyse diophantienne, ses ouvrages portent sur l'astronomie144,

142 Paris, Michel Soly, 1660, 261 p. De fait, l'adresse au lecteur, «Lectori
benevolo» (p. e ij-u ij), lui permet de présenter Diophante, ainsi que son traducteur,
Bachet :
« Scripsit ille primarii sui operis libros sex, qui a diversis fuerunt illustrati,
inter quos singulari laude dignus est Claudius Gaspar Bachetu a Meziriaco : hic
enim non solum tantes in textu graeco lacunas incredibilis labore implevit, &
apices numerosque tum integros, tum fractos, vel imperitia authorum, vel
incuria typographorum omissos resarcivit, verum etiam doctissimos commentarios
eddidit tanta ingenii subtilitate, ut intricatissimas quaestiones facile solvat,
dilucide explicet, féliciter promoveat, ac pene solus videatur mentem authoris sui,
quem interpretandum suscepit, attigisse».
143 Diophanti Alexandrini arithmeticorum libri sex, et de numeris multangulis
liber unus. Cum commentariis C.G. Bacheti V.C. & 6bservation.es D. P. de Fermât
Senatoris Tolosani. Accessit Doctrinae Analyticae inuentum nouum, collectum ex
variis eiusdem D. de Fermât Epistolis, Toulouse, 1670, in fol.
p. 1-64 : Doctrinae analyticae inventant novum. Collectum a R.P. Iacobo de
Billy Sacerdote ex variis Epistolis quas ad eum diversis temporibus misit D.P. de
Fermât Senator Tolosanus.
144 Voir par exemple Tabulae Lodoicaeae. Universa Eclipseon doctrina tabuli,
praeceptis ac demonstrationibus explicata. Adiectus est Calculus, aliquot Eclipseon
Solis et Lunae, quae proxime per totam Europam videbantur. Authore P. Iacobo de
Billy Compendiensi, Societatis Iesu, Dijon, Pierre Palliot, 1656, 186 p.; Opus as-
tronomicus in quo siderum omnium hypothèses, eorum motus tum medii, tum
veri, tabularum condendarum ratio, eclipseon putandarum methodus, observationes,
praxes, caeterorumque omniumquae ab astronomis pertractantur, scientificus
calculus, brevi ac facili via exponuntur. Auctore P. Jacobo de Billy, Societatis Iesu
compendiensi, Dijon, chez Pierre Palliot, 1661, 517 p. ; Discours sur la comete qui
a paru l'an 1665 au mois d'Avril. Par le P. Iacques de Billy de la Compagnie de Ie-
sus, Paris, Sebastien Mabre-Cramoisy, 1665, 10 p.
NOUVELLES PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES? 413

l'algèbre145 et même l'art militaire146. Dans les différents cas, le


niveau d'analyse mathématique varie, désignant un lectorat
hétérogène correspondant aux différents publics auxquels la Compagnie
entend s'adresser. A cette variété des partenaires sociaux,
correspondent différentes «figures du mathématicien jésuite» : le
professeur et ses manuels, le savant et son traité spécialisé. Sans
développer ici cet aspect de la question qui touche au statut du livre
de science comme au problème de la socialisation de la science,
je voudrais remarquer que la pluralité des centres d'intérêt
qu'exprime cette production met en lumière une figure qui ne
s'identifie pas encore systématiquement avec le professionnel, savant
installé sur le «front de la recherche», mais qui n'est pas non plus le
technicien, simple professeur appelé à la seule mission de
transmettre.
Mais, les analyses doivent se faire avec prudence comme le
suggère le cas de Pierre Le Roy, dont la carrière, largement consacrée
aux mathématiques147, n'a laissé aucune trace. De tous les jésuites
dont la biographie a été retracée, il est le seul dont un catalogue
indique qu'il étudie les mathématiques. Cette mention intervient à
l'issue de ses études de philosophie et théologie. Les dix premières
années passées dans la Compagnie présentent une ressemblance
évidente avec celle des autres jésuites : entrée au noviciat, études de
philosophie, enseignement dans les classes inférieures, études de
théologie. Mais, à l'issue de ce parcours classique, alors qu'il est
préfet des études au noviciat de Dole, il se consacre à l'apprentissage
des mathématiques. A cette date, l'établissement jurassien dispose
non seulement d'une chaire, mais les hommes qui l'occupent sont de
vrais spécialistes. La présence de Pierre Le Roy dans le collège à
partir de 1620 suggère que sa formation mathématique ne s'est pas
limitée à la seule année mentionnée sur le registre de 1628. En tant
qu'étudiant en philosophie, il a eu pour professeur Jean Della Faille,
auprès duquel il a pu continuer à développer ses connaissances,
privatim, en poursuivant ses études de théologie. Puis, il aura sans
doute poursuivi sa spécialisation auprès de Vincent Léotaud, avant
de partir enseigner les mathématiques pendant vingt années à
Avignon et à Lyon. Son cas relève donc clairement d'un processus d'au-
tonomisation savante, sinon engagé du moins consenti par les
autorités de la Compagnie. Celui-ci s'est réalisé dans les meilleures
conditions, puisque Jean Della Faille comme Vincent Léotaud sont,
dans la France du sud de cette période, les deux personnalités les

145 Abrégé des préceptes de l'algèbre, Reims, 1637, 54 p.


146 Le siège de Landrecy dédié au Roy, à Paris, chez Michel Soly, 1637, 63 p. +
plans.
147 Pour sa notice biographique, voir annexe 2.
414 LE TEMPS DES CHAIRES

plus importantes pour les mathématiques. Le paradoxe de cette


situation réside dans le fait que les vingt ans d'enseignement des
mathématiques de Pierre Le Roy n'ont laissé aucun témoignage.

Conclusion

A comparer les situations de la France du nord et du sud, il


ressort clairement que la carrière de professeur de mathématiques ne
s'organise pas selon des filières de formation spécifiques,
contrairement à la situation belge. Si cette absence n'a pas empêché certains
des hommes de la Compagnie de se distinguer du point de vue
scientifique, elle n'a pas non plus contribué à l'émergence d'une «école»148
qui se serait distinguée par la spécialisation dans un champ
particulier ou la fédération des intelligences autour d'une personnalité
unique, - un Clavius français du premier XVIIe siècle -, et la
production écrite de cette période garde la marque de cette absence,
comme le montrera le prochain chapitre.
Avant 1640, peu de collèges disposent au total d'hommes
véritablement formés pour enseigner les mathématiques, ce qui
souligne la continuité chronologique entre cette période et la
précédente. Dans ce groupe hétérogène, un certain savoir mathématique
commun a été transmis, privatim le plus souvent, aux étudiants : ce
phénomène reste marginal dans la pratique et l'espace éducatif
français.

148 De fait, le titre de l'article de O. Van Vyver est parfaitement discutable.


CHAPITRE 8

UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE

Introduction

L'ensemble des professeurs de mathématiques des collèges


jésuites français de la première moitié du XVIIe siècle présente dans
sa diversité un élément d'opposition interne particulièrement net,
qui contribue à renforcer le clivage entre les deux types de
professeurs évoqués dans le précédent chapitre. A côté des jésuites qui ont
ponctuellement enseigné les mathématiques, la presque totalité des
spécialistes a publié des textes scientifiques1.
La liste de ces livres, constituée à partir des indications fournies
par C. Sommervogel et complétée par les catalogues des imprimés
des grandes bibliothèques françaises et romaines, désigne un corpus
de textes dont l'étude se trouve au centre de ce chapitre2. Avant d'en
engager la présentation et l'analyse, quelques remarques
préliminaires s'imposent.
Ce corpus relève d'un nombre limité d'acteurs, par rapport au
groupe identifié dans le chapitre précédent, puisque tous les
professeurs de mathématiques n'ont pas écrit de livres3. Cette activité
constitue un critère d'évaluation du degré de spécialisation, voire de
professionnalisation des hommes et le tableau qui suit permet de

1 Leurs contributions scientifiques sont présentées en fin de volume sous la


rubrique «Sources imprimées».
2 Si la liste établie par C. Sommervogel est précieuse, on peut y relever
certaines erreurs ou lacunes que la confrontation avec les catalogues des
bibliothèques permet de rectifier. Dans la presque totalité des cas, ces ouvrages ont été
conservés. Mes vérifications ont été faites à Paris, Bibliothèque nationale de
France, Bibliothèque Mazarine, Bibliothèque de l'Arsenal, et Rome, Bibliothèque
Apostolique Vaticane, Biblioteca Nazionale Vittorio Emmanuele de Rome,
Bibliothèque de l'Université Grégorienne.
3 Dans cette sélection n'ont été retenus que les professeurs qui, ayant
enseigné les mathématiques, ont aussi publié des ouvrages de mathématiques ou de
philosophie de la nature. Certains des jésuites qui ont été pris en considération
dans le chapitre précédent ont écrit des ouvrages de philosophie ou théologie. Ils
ne sont pas intégrés ici.
416 LE TEMPS DES CHAIRES

mesurer la marginalité de cette activité par rapport à


l'enseignement. Il a même tendance à la surévaluer, puisqu'il intègre, dans les
calculs, tous les professeurs que j'ai pu qualifier «d'occasionnels».

Tableau 2 - L'activité de publication scientifique des professeurs


de mathématiques de l'assistance de France.

Province France Lyon Champagne Toulouse Total


assistance
nombre %assist.
total nombre %assist.
total nombre %assist.
total nombre %assist.
total nombre %

occupants
de chaires 13 18,5 26 36,6 14 19,7 18 25,2 71 100

auteurs 4 30,7 4 30,7 4 30,7 1 7,9 13 100

ouvrages
produits 20 40,8 8 16,3 16 32,8 5 10,1 49 100
% d'auteurs
par rapport
aux 30,7 15,4 28,5 5,5 18,3
professeurs de
mathématiques
de la province

Treize hommes4, soit 18,3% du nombre total des professeurs


considérés, produisent ce qu'on peut appeler la «bibliothèque
scientifique de l'assistance de France». Ce chiffre est peu significatif en
lui-même et il trouverait un sens dans la comparaison avec les
autres assistances de la Compagnie ou avec d'autres institutions de
la France. Pourtant, en observant le phénomène par province, on
saisit mieux les contrastes spatiaux mis en évidence dans le chapitre
précédent : toutes les provinces ne contribuent pas de la même
manière à cette production et les déséquilibres du tableau expriment
ceux de la distribution des établissements, et notamment l'absence
complété de la province d'Aquitaine qui ne dispose d'aucune chaire5.
Des analyses plus fines qui établissent la corrélation entre thèmes de
la production et province de rattachement du producteur permet-

4 II s'agit, par ordre alphabétique, de François d'Aix, Jacques de Billy, Pierre


Bourdin, Pierre Cazré, Pierre Courcier, Jean Della Faille, Jean Dorisy, Georges
Fournier, Jean François, Antoine Lalouvère, Vincent Léotaud, Jean Lereuchon,
Claude Richard.
5 La corrélation n'est cependant pas rigoureuse, comme on le verra à propos
de Lyon.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 417

tront en outre d'avancer quelques réflexions sur la spécialisation


provinciale6.
En revanche, un tel tableau ne met pas en évidence la nature du
lien entre enseignement et publication : si certains livres
apparaissent clairement destinés à un public d'étudiants, établissant
ainsi une complémentarité forte entre ces deux activités, d'autres au
contraire n'entretiennent aucun rapport avec les cours de
mathématiques dispensés dans les collèges, sans compter les quelques cas où
les livres ne portent pas sur les mathématiques. Ceci souligne donc
que, si on peut la retenir comme critère potentiel de professionnali-
sation, la production d'ouvrages doit être utilisée avec précaution.
Le corpus ainsi constitué se compose de quarante-neuf ouvrages
qu'il n'est pas question d'étudier individuellement. L'étude de ces
livres doit, en premier lieu, permettre de compléter l'enquête
esquissée dans le chapitre précédent sur l'enseignement mathématique
délivré par la Compagnie dans la première moitié du XVIIe siècle. A ce
titre, elle implique un travail de classification des ouvrages, qui
distingue les «manuels d'enseignement» des autres productions. Mais
tous les livres du corpus ne correspondent pas à cette première
catégorie. Leur diversité manifeste les différents niveaux d'insertion des
jésuites français dans la production scientifique, et notamment dans
certaines polémiques de la «République des Lettres». Aussi, au-delà
des problèmes d'enseignements, ce sont les centres d'intérêt
personnels ou les spécialisations qui émergent de ce corpus. Ils seront
analysés comme caractéristiques d'une culture mathématique propre.
D'autre part, ce corpus ouvre la voie à des interrogations sur
l'objet «imprimé» lui-même, sans épuiser les questions s'y
rapportant7. Ainsi, en plus de leur intérêt sur le plan scientifique (matières
abordées, problèmes traités, solutions proposées...), les livres
développent des discours sur les mathématiques qui accompagnent les
contenus de science. A ce titre, l'étude des préfaces, avertissements,

6 Ainsi, dans la province de Lyon, l'école des astronomes de Provence,


étudiée par F. de Dainville, a-t-elle fourni d'avantage d'ouvrages sur l'astronomie que
la province de Reims, relativement au nombre de livres écrits dans chacune de
ces provinces.
7 II n'est pas question ici d'évoquer l'ensemble des travaux pionniers sur la
question de l'imprimé. On se reportera en premier lieu à J. H. Martin, Livre,
pouvoirs et société à Paris au XVIIe siècle, Genève, 1971, 2 vol.; R. Chartier et H. J.
Martin dir., Histoire de l'édition française, t. 1 : Le livre conquérant : du Moyen-Age
au milieu du XVIIe siècle, Paris, 1983, 793 p.; t. 2 : Le livre triomphant : 1660-1830,
Paris, 1984, 909 p. Pour le livre scientifique, I. Pantin, «Les problèmes de
l'édition des livres scientifiques : l'exemple de Guillaume Cavellat», dans Le livre dans
l'Europe de la Renaissance. Actes du XXVIIIe colloque international des Etudes
humanistes de Tours, Paris, 1988, p. 240-252, et plus généralement aux autres
textes de ce colloque.
418 LE TEMPS DES CHAIRES

et autres éléments du paratexte présente un intérêt majeur pour


l'histoire sociale et culturelle des sciences. A travers ces propos de
nature et fonctions variées, on pourra s'interroger sur les lecteurs
visés, le statut reconnu aux mathématiques, la définition des fonctions
assignées à cette science. Le livre suggère en outre une série
d'interrogations sur sa circulation : il pose en effet la question du marché
sur lequel la Compagnie ne se trouve pas, loin s'en faut, en situation
de monopole. Développe-t-elle des stratégies propres à lui assurer un
succès éditorial particulier? Il suppose également une diffusion :
comment en mesurer l'étendue? La question est d'autant plus
pertinente qu'un ensemble croissant d'auteurs non jésuites fournit aussi
le marché des lecteurs. Sans revenir sur les principaux auteurs de la
seconde moitié du XVIe siècle, les grands noms n'ont pas manqué
non plus au XVIIe siècle, notamment à l'heure où le «monopole»
éducatif jésuite connaît un certain affaiblissement8. Une étude
comparative permettrait assurément de traiter bien des questions,
notamment sur la place que les autres producteurs accordent aux
auteurs jésuites dans leurs propres travaux (usage de la citation,
références croisées, imitations9, décalque pur et simple, etc.), sur la
spécificité des ouvrages jésuites par rapport à ceux disponibles sur
le marché. Cette analyse, essentielle pour replacer les livres
scientifiques jésuites dans leur contexte, dépasse les cadres de ce travail-ci.
La mentionner comme un horizon d'interrogation permet d'éviter de
surévaluer la Compagnie et son rôle dans la production scientifique
française10.
Ainsi, cette étude vise moins à mesurer la contribution
scientifique de ces auteurs dans le domaine des mathématiques qu'à poser
des jalons sur la place des mathématiciens jésuites dans la culture
française du premier XVIIe siècle et leur impact culturel11.

8 Pour une approche générale, R. Chartier, M.-M. Compère et D. Julia,


L'éducation en France du XVIe au XVIIIe siècles, Paris, 1976, 304 p. Sur l'essor de
l'Oratoire, P. Lallemand, Histoire de l'éducation dans l'ancien Oratoire de France,
Paris, 1888, 475 p.
9 L'exemple le plus significatif est celui des Récréations mathématiques de
Jean Lereuchon. En 1630, Claude Mydorge écrit l'Examen du livre des Récréations
mathématiques et de ses problèmes en Geometrìe, Mechanique, Optique & Catop-
trique ou sont aussi discutées et restablies plusieurs expériences Physiques y
proposées. Pour une étude précise du processus d'imitation du livre de Leurechon, voir
G. Chabaud, op. cit.
10 II est regrettable que nombre d'auteurs français n'aient encore fait l'objet
d'aucune étude particulière : on dispose notamment de A. Blair, «The Teaching
of Naturai Philosophy in Early Seventeenth-Century Paris : thè Case of Jean
Cécile Frey», History of Universities , vol. 13, 1993/1, p. 95-158.
11 A ce titre elle s'enrichira d'une comparaison, à mener, avec les autres
institutions d'enseignement et de production scientifique : à ce propos, le travail de
A. Le Dividich, L'enseignement des mathématiques en France (1600-1670) , thèse
une production scientifique plurielle 419

Le corpus des livres imprimés : approche générale

Les titres qui ont été retenus dans cette sélection ont pour
auteurs les jésuites qui ont enseigné les mathématiques en France
avant 1640 : j'ai fait le choix d'intégrer à cette liste tous leurs
ouvrages12, ce qui implique de prendre en compte un arc de temps
chronologique qui dépasse le milieu du XVIIe siècle13. On est ainsi
confronté à une production qui démarre lentement entre les années
1615 et 1640, pour connaître une accélération à partir de cette date,
jusqu'au pic de 1655-65. Le premier demi-siècle ne produit que 33%
des ouvrages de l'assistance, les deux autres tiers correspondant aux
trente années suivantes14.
Si l'on compare le graphique, établi à partir des lieux d'édition,
avec l'évolution générale du volume de la production d'ouvrages
mathématiques dans la France des années 1600-1670, on doit souligner
la spécificité du rythme jésuite, notamment dans la phase
d'émergence15. Ce qui a été montré dans le précédent chapitre sur la
constitution de la première génération des professeurs explique ce
décalage : la publication d'ouvrages intervient rarement en début de
carrière. Le plus souvent, celle-ci correspond à un moment de pleine
maturité intellectuelle, lié à l'acquisition d'une certaine notoriété en
tant que professeur ou à l'acquisition d'une position dans la
«République des Lettres». Ce graphique mériterait en outre d'être rapporté
à la production jésuite dans son ensemble, mais aucune étude n'en a
été réalisée jusqu'à présent, interdisant ainsi toute comparaison16.

pour le diplôme d'archiviste paléographe, École nationale des chartes, 1996, 4


vol., exemplaire dactylographié, 516 p., offre de précieux éléments pour une
analyse globale. Qu'elle soit remerciée ici de sa générosité et de la confiance qu'elle
m'a témoignée en me confiant, en juillet 1996, un exemplaire de sa thèse dans
laquelle j'ai pu trouver de nombreux éléments qui ont nourri ma réflexion.
12 Ceci a pour conséquence qu'au moment où les livres paraissent leurs
auteurs ne sont plus nécessairement professeurs de mathématiques. On le vérifiera
pour de nombreux exemples développés ultérieurement.
13 La production imprimée examinée dans le cadre de ce chapitre s'étend de
1619 à 1681. Elle inclut des éditions posthumes et ne s'occupe pas
systématiquement des rééditions qui n'ont fait l'objet d'aucune étude spécifique dans le cadre
de ce travail.
14 Cette évolution d'ensemble est largement conditionnée par le profil des
auteurs, leurs carrières et leur production. La rédaction d'ouvrages intervient dans
une phase avancée de la carrière : si Jean Lereuchon publie à vingt-huit ans ses
premières observations astronomiques, Pierre Bourdin publie à partir de l'âge de
quarante-quatre ans, Jacques de Billy, à quarante-deux ans. Ceci explique le
décalage entre la période considérée pour le développement des chaires et le temps
de l'édition.
15 Voir A. Le Dividich, op. cit., p. 113.
16 Seules quelques indications quantitatives sont proposées par S. J. Harris
pour l'ensemble de la Compagnie entre 1540 et 1800 : «J'ai dénombré 4770 titres
420 LE TEMPS DES CHAIRES

12 ■ Paris
M Province
10
■ Etranger
8
nombre de 6
volumes

0
10 20 30 40 50 60 70 80
Graphique 1 - Evolution de la production scientifique par provinces (1610-1690).

Les premières observations astronomiques, liées à la comète de


1618, sont l'occasion d'un compte-rendu signé par Jean Leurechon17.
Cette primauté mussipontaine, sur le plan éditorial, confirmée par
la publication, quelques années plus tard, d'un des plus grands
succès scientifiques de librairie du premier XVIIe siècle, les Récréations
mathématiques, n'est pas surprenante18. Elle correspond, au
contraire, à la carte des pôles scientifiques dressée dans le chapitre

concernant les sciences, répartis selon leur sujet en sept catégories : 1.


mathématiques pures, 2. mathématiques appliquées, 3. astronomie, 4. philosophie de la
nature, 5. histoire naturelle, 6. médecine, 7. agriculture». Puis, il en propose un
relevé qui permet de chiffrer la première catégorie à 592 titres, la seconde à 575
et la troisième à 954. Voir S. J. Harris, «Les chaires de mathématiques», art. cit.,
p. 247-248. Les ouvrages de mathématiques représentent donc 44% de l'ensemble
de la bibliothèque scientifique de la Compagnie. Dans sa distribution interne, le
poids des ouvrages d'astronomie est déterminant. On verra dans les pages qui
suivent que la composition du corpus étudié ici varie considérablement par
rapport à ce profil général. Pour comprendre ce décalage, il faut notamment tenir
compte de la méthode de travail de S. Harris : se fondant sur le seul ouvrage de
C. Sommervogel, il entérine les erreurs factuelles de ce dernier et incorpore
beaucoup d'ouvrages introuvables dont les historiens de la Compagnie n'hésitent
pas à mettre en cause l'existence.
17 Discours de la comete qui a paru aux mois de novembre & décembre de
l'année passée 1618. Parle P. I. L., Reims, Nicolas Constant, 1619, 30 p. Dans C.
Sommervogel, op. cit., vol. 4, col. 1756, est signalée une Pratique de quelques horloges,
publiée à Pont-à-Mousson en 1616, mais je n'ai encore jamais rencontré cet
ouvrage.
18 Sur le succès de ce livre et sa postérité, voir G. Chabaud, op. cit.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 421

précédent19. D'une manière générale, la distribution spatiale de la


production reflète l'évolution de cette carte, les principaux
mathématiciens de la Compagnie se trouvant dans les principaux
collèges20. Ceci explique que la province de France fournisse à elle seule
presque la moitié des ouvrages considérés (20 titres) et que
l'Aquitaine n'en édite aucun21. Le résultat global, qui ne préjuge pas de
l'évolution chronologique du phénomène, diffère quelque peu du
tableau précédent fondé sur le lieu d'édition :

Tableau 3 - Répartition de la production d'ouvrages scientifiques


par province de rattachement des auteurs.

Champagne France Lyon Aquitaine Toulouse Autres

6 28 6 0 5 4

Du point de vue chronologique, il est important de constater,


comme le suggère le graphique n° 1, que le poids des ouvrages
parisiens est déterminant avant le milieu du siècle. Dans cette période de

19 De fait, cette primauté mussipontaine tendra à s'effacer avec le déclin de


l'université dans les années 1630, le seul autre écrivain mussipontain de mon
étude étant Pierre Courcier.
20 Mais, il faut aussi tenir compte de l'apport respectif de chaque auteur à ce
corpus. En effet, sur les treize auteurs considérés, la part respective de chacun
varie considérablement : François d'Aix, Pierre Cazré, Jean Dorisy, Jean Della
Faille n'ont laissé qu'un seul ouvrage, alors que Jacques de Billy en a rédigé neuf
sur les quarante-neuf, soit 18%. Avec Pierre Bourdin et Jean François, ils
comptent, à eux trois, pour la moitié des livres étudiés. Ils contribuent ainsi à une
surreprésentation de la France du nord.
21 II faudrait engager la réflexion sur les lieux d'édition et la politique
editoriale de la Compagnie, en rapportant les données jésuites à celles de la librairie
française contemporaine. Il paraît difficile, à ce stade descriptif, de dégager des
règles générales. On constate que la ville d'édition correspond le plus souvent à
celle où est installé l'auteur. Par exemple, les ouvrages de Jean François sont
publiés à Rennes, où il est installé à partir des années 1660. Mais les exceptions à
cette règle sont nombreuses, comme en témoigne l'exemple de Jacques de Billy,
dont les livres paraissent à Dijon, Reims, Paris ou Lyon, sans que la corrélation
existe entre ces lieux et sa mobilité. A l'inverse, tous les ouvrages édités à Paris
n'ont pas des professeurs du collège parisien pour auteurs. En outre, si pour les
villes de province, on rencontre presque systématiquement le même éditeur, à
Paris, il ne semble pas qu'une maison particulière jouisse de liens exclusifs avec
les auteurs. Pour les relations entre la Compagnie et les Cramoisy, voir R.
Charrier et H. J. Martin., Histoire de l'édition française, op. cit., p. 475. Sur le sud-ouest
de la France, L. Desgraves, «L'imprimerie bordelaise et les collèges de
Bordeaux», dans Le livre dans l'Europe de la Renaissance..., op. cit., p. 133-142. A titre
comparatif, M. U. Chrisman, «L'édition protestante à Strasbourg, 1519-1560»,
art. cit.
422 LE TEMPS DES CHAIRES

lente émergence, la quasi-totalité des livres paraît à Paris22, ce qui,


dans la phase d'essor de la période postérieure, est mis en question
par l'affirmation d'autres pôles, pouvant correspondre à une
spécialisation disciplinaire ou au rôle particulier joué par un jésuite. Les
tableaux 2 et 3 soulignent le décalage entre l'importance des
infrastructures et le poids éditorial des provinces. Ainsi, la province de
Lyon, dont l'équipement en chaires de mathématiques est précoce et
abondant vis-à-vis du reste de l'espace français, présente un
dynamisme éditorial réduit, du moins pour le premier XVIIe siècle. Elle
abrite le plus grand nombre de professeurs de mathématiques de la
France et accuse le plus important décalage entre enseignants et
auteurs. Le phénomène est encore plus net si l'on considère que deux
des quatre écrivains qu'elle abrite, Jean Della Faille et Claude
Richard, ne font là qu'une partie de leur carrière, la moins
importante23. A l'inverse, la forte structuration scientifique du nord de la
France est confirmée par le double poids des provinces française et
champenoise. Huit des treize écrivains de la Compagnie en sont
originaires, pour plus des deux tiers des livres considérés. Parmi eux se
trouvent les principales figures jésuites de la science du premier
XVIIe siècle, comme Pierre Bourdin, Jean François ou Jacques de
Billy.
Ainsi, l'approche générale des livres permet de compléter la
série des analyses du chapitre précédent, tout en nuançant les
remarques de F. de Dainville sur l'école provençale24.
Entre tous les ouvrages du corpus, les différences sont notables
et une analyse matérielle précise rendrait largement compte de sa
diversité25. L'autre grand critère de présentation concerne la langue

22 Sur les seize ouvrages parus avant 1650, 12 viennent de Paris, soit 75%.
Entre 1650 et 1680, ce pourcentage recule à 67%.
23 Dans les différents tableaux et graphiques considérés, je n'ai jamais pris en
compte la présence ou la production d'Athanase Kircher. Ce choix me semble
largement légitimé par le fait que la carrière de ce personnage ne s'inscrit nullement
dans une logique française. Son bref passage à Avignon n'autorise pas à
considérer son abondante production comme partie intégrante de la bibliothèque
scientifique française.
24 Voir F. de Dainville, «Foyers de culture scientifique dans la France
méditerranéenne du XVIe au XVIIIe siècle», art. cit., p. 311-322.
25 Variés dans leur nature, les textes qui constituent ce corpus le sont
également dans leur forme matérielle. Le volume des ouvrages en est une
manifestation évidente : entre les quatre feuillets de Antoine Lalouvère et les centaines de
pages de Pierre Bourdin, la différence est considérable et signale la variété des
fonctions qui leur sont assignées. De ce point de vue, la comparaison des livres
paraît peu pertinente. Cette diversité a pour corollaire celle des formats, et de ce
point de vue encore, la comparaison paraît malaisée. Il faut cependant constater
que, si la plupart des ouvrages se présente sous un format in-8 ou in-4, les rares
volumes in-folio correspondent à des ouvrages de prestige. Ainsi, l'édition de Dio-
phante assurée par Pierre de Fermât, à laquelle collabore Jacques de Billy, est dé-
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 423

utilisée26. Ce corpus est en effet écrit en deux langues, latin et


français. Le XVIIe siècle voit s'imposer progressivement le français
comme langue de savoir pour toutes les disciplines, sans pour
autant provoquer un abandon radical et définitif du latin. La chose se
confirme dans le cas de nos auteurs jésuites. Ce phénomène se
manifeste d'abord d'un point de vue quantitatif : l'ensemble de la
production se répartit équitablement entre les deux langues27. Cette
répartition est chronologiquement homogène et nulle substitution du
vernaculaire au latin à partir d'une certaine date n'est repérable ici.
Au contraire, les livres les plus anciens sont rédigés en français,
alors que, dans les années 1670, le latin continue à être choisi
comme langue d'édition. Le caractère presque interchangeable des
deux langues se manifeste dans le fait que les auteurs usent
indifféremment de l'une et de l'autre. A l'exception de Jean Leurechon
qui n'écrit qu'en français, tous les autres auteurs ont recours à l'une
et à l'autre. Ainsi, des six ouvrages de Pierre Bourdin, trois sont
rédigés en latin et trois en français. Cette capacité à passer de l'une à
l'autre langue signifie-t-elle pourtant que les auteurs n'établissent
aucune différence ni hiérarchie entre les deux?
Il est regrettable que presque aucun de ces auteurs ne réponde à
la question, exception faite de Jacques de Billy :
Vous m'avez déjà témoigné tant d'inclination pour (cette
science), que j'aurois tort de ne la point rendre votre. Au reste ie veux
bien que tout le monde connoisse que ie ne l'ay pas mise en François
pour vous la rendre plus intelligible, l'on sçait assez que vous
possédez entièrement toutes les plus belles langues de l'Europe, & pour
moy ie suis asseuré que quand Diophante, qui en est estimé l'auteur,

diée à Colbert : elle se présente sous un format in-folio. En revanche, le même


texte édité par le seul Jacques de Billy est édité en format in-4.
26 La question de la langue scientifique a encore été peu travaillée, que ce
soit pour la Renaissance ou pour l'époque moderne. Sur le rapport latin-verna-
culaires à la Renaissance, en particulier pour la logique, voir L. Giard, «Lorenzo
Valla : la langue comme lieu du vrai», Histoire, epistemologie, langage, vol. 4/2,
1982, p. 5-19; «L'institution de la langue (Moyen Age et Renaissance)», dans
V. Branca et C. Ossola éds., Cultura e società nel Rinascimento tra Riforma et
Manierismi, Florence, 1984, p. 487-519; «Du latin médiéval au pluriel des langues, le
tournant de la Renaissance», Histoire, epistemologie, langage, vol. 6/1, 1984, p. 35-
55; sur le français et les algébristes du XVIe siècle, G. C. Cifoletti, Mathematics
and Rhetoric..., op. cit.; id., «Du français au latin. L'Algèbre de Jacques Peletier et
ses projets pour une nouvelle langue des sciences», dans Sciences et langues en
Europe, sous la dir. de R. Chartier et P. Rossi, Paris, 1996, p. 95-107. Pour une
réflexion plus générale, voir A. Blair, «La persistance du latin comme langue de
science à la fin de la Renaissance», dans ibid., p. 21-42; I. Pantin, «Latin et
langue vernaculaires dans la littérature scientifique européenne au début de
l'époque moderne (1550-1635)» , dans ibid., p. 43-58.
27 Les ouvrages rédigés en français représentent vingt-sept titres sur
quarante-neuf.
424 LE TEMPS DES CHAIRES

1610 1620 1630 1640 1650 1660 1670 1680


Graphique 2 - Structure de la production scientifique selon la langue utilisée.

l'auroit composée en son Grec tres-obscur, vous l'auriez aussi


aisément conçeue que votre langage maternel. I'ay creu neantmoins que
vous n'auriez pas pour désagréable que d'autres y profitassent que
vous, veu nommément que les Sciences sont bien d'une autre nature
que les richesses qui s'amoindrissent d'autant plus, qu'elles sont
communiquées à une plus grande quantité de personnes...28

Cet extrait de la dédicace adressée au marquis de Heilly,


«capitaine d'une compagnie de chevaux-légers pour sa Majesté»29 prouve
que non seulement J. de Billy a opéré un choix, mais qu'il lui a fallu
manier des arguments subtils pour le faire accepter. Il s'agit en effet
de justifier une langue qui n'a pas la noblesse du latin mais offre de
réelles possibilités de diffusion. Cette justification doit cependant
lever toute ambiguïté sur la capacité du dédicataire à entendre la
langue noble, la langue de son rang et de sa formation culturelle30.
Cet extrait invite donc à chercher les liens potentiels entre le choix
de la langue et la nature de l'ouvrage, voire le public visé.
L'Abrégé des préceptes de l'algèbre se présente comme un livre
bref (54 pages) et susceptible de livrer une culture algébrique de
base dont les applications sont immédiatement suggérées : le
cinquième et dernier chapitre y est entièrement consacré et il constitue
la raison d'être des chapitres qui précèdent31. On est donc confronté

28 J. de Billy, Abrégé des préceptes de l'algèbre, Paris, 1637, 54 p.


29 A propos du statut social de ce dédicataire, on retrouve ici la thèse de H. J.
Martin sur le rôle de la noblesse d'épée dans l'essor de la science dans Livre,
pouvoirs et société à Paris au XVIIe siècle, op. cit.
30 La formule utilisée par J. de Billy au début de cet extrait invite à
considérer le marquis comme un ancien élève du professeur. Ayant été éduqué par des
jésuites, il serait alors parfait latiniste.
31 C'est en ces termes que s'exprime J. de Billy, en introduction à ce chapitre,
op. cit., p. 33 :
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 425

à un texte qui cherche à mettre en évidence la dimension pratique de


la science algébrique, ce qui correspondrait à un lectorat plus large
que celui des élèves des collèges. Le recours au français
correspondrait alors à une volonté d'adaptation du discours à un public plus
vaste que celui des spécialistes. A l'inverse, lorsque J. de Billy
travaille sur Diophante32, c'est pour en proposer la traduction latine de
Bachet de Méziriac : le sujet lui-même suggère un niveau de
compétence mathématique autrement plus développé pour le lecteur
potentiel. De fait, l'auteur s'adresse à l'« Erudito Lectori». Dans ce cas
précis, l'épithète attribué au lecteur implique la maîtrise de la
langue latine et, par là même, le caractère plus réduit du public visé.
On pourrait formuler la même remarque pour les Tabulae Lodoi-
caeae, destinées à être consultées par la communauté des
astronomes dont la langue de communication reste le latin33. Pourtant,
généraliser à partir de ces trois exemples est délicat, puisque, par
exemple, l'observation de la comète de 1665, publiée neuf ans après
les Tabulae, est rédigée en français34. Il paraît difficile ici d'arguer du
caractère vulgarisateur du propos, puisque, malgré sa brièveté, cet
opuscule fait référence à toute la série des observations réalisées en
France à la même date, qu'elles émanent d'autres jésuites, - comme
L. Nyel à Pont-à-Mousson, H. Fabri et E. F. de Gottignies à Rome,
ou J. Grandamy à La Flèche -, ou de membres de la communauté
savante, comme A. Auzout35. Le genre des récits d'observations,
comme le suggère le premier texte de ce corpus36, et ceux qui lui suc-

« C'est beaucoup d'avoir pris la peine d'apprendre tout ce que nous avons
enseigné jusques à maintenant : mais j'ose dire que ceux qui s'arrêtent icy ne
sçavent encore rien, quoi qu'ils sçachent tous les préceptes, il faut donc faire en-
cor un pas plus outre, pour en faire l'application et pour les mettre en exercice.
C'est ce que le veux montrer en ce chapitre par quelques questions, dont la
solution donnera de grandes ouvertures afin de parvenir à la perfection de cette
science. le te prie (mon Lecteur) de ne point omettre de Chapitre dans lequel le
pretens de te doner du plaisir et de l'éclaircissement pour toutes les pratiques
précédentes».
32 Voir Diophantus Geometra sive opus contextum ex arithmetica et geometrìa
simul..., Authore Iacobo de Billy, Societatis Iesu Sacerdote, Paris, Michel Soly,
1660, 261 p.
33 II faut aussi rappeler que l'ouvrage s'inscrit dans la série des tables
astronomiques qui sont, par définition, rédigées en latin. Les tables alphonsines ou les
tables rudolphines sont ici le modèle de référence, qui pourrait expliquer à lui
seul le choix de la langue.
34 Discours sur la comete qui a paru l'an 1665 au mois d'Avril. Par le
P. Iacques de Billy de la Compagnie de Iesus, Paris, Sebastien Mabre-Cramoisy,
1665, 10 p.
35 Sur ce mathématicien (1622-1691), voir DSB, vol. 1, p. 341.
36 Sur la comète de 1618, voir J. Leurechon, Discours de la comete qui a paru
aux mois de novembre & décembre de l'année passée 1618..., op. cit.
426 LE TEMPS DES CHAIRES

céderont37, semble donc relever du vernaculaire, sans préjuger du


public auquel il est destiné.
Il est tout aussi difficile de comprendre ce qui a motivé le choix
de la langue dans les autres textes du corpus. L'objectif de
«vulgarisation», associé à l'usage du français, est repérable dans quelques
cas. Chez P. Bourdin, se côtoient un traité de géométrie en latin, à
l'usage des étudiants de l'académie de mathématiques du collège de
Clermont38, et un Cours de mathématiques en français39, «en faveur
de ceux qui veulent apprendre les mathématiques en peu de temps
et sans peine»40 : on voit clairement ici que les deux livres, rédigés à
quatre ans de distance, ne cherchent pas à atteindre le même public
et que, dans ce cas, le recours à l'une ou l'autre langue est déterminé
par cette finalité. De plus, les opuscules ou ouvrages à caractère
polémique maintiennent l'usage de la langue noble, comme celui de
P. Cazré ou ceux d'Antoine Lalouvère.
Ainsi, à l'heure où l'usage du vernaculaire apparaît, chez
certains protagonistes de la «révolution scientifique» comme une
revendication, voire un signe d'innovation, - les deux célèbres
exemples du Discours de la méthode de Descartes et des Discorsi e
dimostrazioni matematiche intorno a due nuove scienze attinenti alla
mecanica ed i movimenti locali41 de Galilée, tous deux publiés en
1637 et 1638, et précédés par le Dialogo dei Massimi Sistemi42 en
1632, sont là pour le rappeler -, dans le milieu jésuite français
aucune revendication ne semble se cristalliser autour du choix de l'une
ou de l'autre. Les auteurs, formés à une culture classique où le latin
joue un rôle déterminant et constitue la langue de communication
interne à l'ordre par définition, passent de l'une à l'autre au gré des
objectifs visés dans chaque ouvrage, sans qu'on puisse établir
comment les auteurs jésuites se situent par rapport à la hiérarchie qui
existe entre les deux langues43, ou déterminer une césure
chronologique nette à partir de laquelle s'opérerait le recul du latin au pro-

37 Entretien curieux sur l'éclipsé solaire du 12 aoust 1654. Par Théophraste


Orthodoxe, Lyon, 1654.
38 C'est ce qu'indique clairement le titre même du volume : Prima Geometriae
Elementa. Ad usum Academiae Mathematicae Collegiis Claromontani Societatis Ie-
su, Paris, Pierre Billaine, 1639, 191 p.
39 Le cours de mathématiques..., Paris, 1661.
*°Ibid., p. 4.
41 Voir l'édition de E. Giusti, Turin, 1990, qui succède à celle de A. Favaro,
dans les Opere di Galilei, edizione nazionale, vol. 8.
42 Dialogo di Galileo Galilei dove nei congressi di quattro giornate si discorre
sopra i due massimi sistemi del mondo Tolemaico e Copernicano, Florence, 1632.
43 Cette hiérarchie existe de fait, mais dans la période qui nous occupe, elle
est en voie de mutation et aucun des auteurs ne s'exprime sur la question.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 427

fit du français. Tout au plus peut-on constater que les arguments


sérieux supportent aussi bien la langue vulgaire que la langue noble.
J'en veux pour preuve le texte à caractère théorique de J. François,
Traité de la quantité considérée absolument et en elle-même,
relativement et en ses propres rapports, matériellement et en ses plus nobles
sujets. Pour servir d'introduction aux sciences & arts mathématiques
et aux disputes philosophiques de la quantité, publié à Rennes, en
1655. Faut-il y voir la preuve du terrain gagné sur le latin, un signe
de ce processus de la «nationalisation de la science» par le biais de
la langue? Faute d'éléments de réponses proposés par les auteurs
eux-mêmes, on laissera la question ouverte.
Sans doute plus qu'avec un processus de nationalisation, cette
situation linguistique est à mettre en relation avec l'appropriation
sociale de l'objet «mathématiques». Si, en effet, on prend en compte
le thème des livres, on constate que les mathématiques mixtes
relèvent plus fréquemment du français, alors que le latin reste
majoritairement employé pour les mathématiques pures. Ainsi, les traités
d'hydrographie, de fortification, de géographie, plus que la
géométrie ou l'algèbre, sont écrits en français, sans qu'on puisse non plus
généraliser totalement ce constat44. Les variations que révèle la
distribution des ouvrages par matières abordées, selon que l'on
considère les livres rédigés en latin et ceux rédigés en français, paraissent
pourtant significatives. La comparaison en pourcentage s'impose
d'autant plus que numériquement, chaque langue occupe la moitié
du corpus.
Comme le révèlent les graphiques 3 et 4, la structuration
thématique du corpus varie selon que l'on considère le corpus latin ou le
corpus français. Dans le premier cas, les mathématiques pures,
géométrie et algèbre, correspondent aux deux tiers de la production et,
avec l'astronomie, qui est la troisième discipline traditionnellement
enseignée dans les collèges, elles correspondent à la presque totalité
des titres. A l'inverse, pour les mathématiques mixtes, et notamment
les disciplines au caractère technique fortement affirmé, comme
l'hydrographie ou les fortifications, l'emploi du latin est
exceptionnel. De fait, aucun traité des fortifications n'est rédigé dans cette
langue et seulement un traité d'hydrographie.

44 Les deux ouvrages de géographie de G. Fournier, Asiae nova descriptio, in


qua praeter provinciarum situs, et populorum mores, mira deteguntur, et hactenus
inedita. Opus recens exit in lucem, cura L.M.S., Paris, Sébastien Cramoisy, 1656,
350 p., et Geographica orbis notifia. Per litora maris & Ripas Fluviorum, Paris,
Iean Henault, 1667, 372 p., sont publiés en latin, alors que son collègue J.
François écrit, quelques années auparavant, La science de la géographie divisée en trois
parties, qui expliquent les divisions, les universalitez, & les particularitez du Globe
Terrestre. Premiere partie. Des divisions géographiques. Par le P. Iean François de
la Compagnie de Iesus. Rennes, Iean Hardy, 1652, 448 p.
428 LE TEMPS DES CHAIRES

hydrographie
4% géographie

Astronomie
15%
géométrie
57%

Algèbre
12%
Graphique 3 - Les livres en latin répartis par domaines de savoirs.

Forti cations
hydrographie 13% géographie
13% 5%

Astronomie
24%
géométrie
24%

Algèbre
13%
Graphique 4 - Les livres en français répartis par domaines de savoirs.

Pourtant, ici encore, les situations sont rarement définitivement


tranchées et le recours aux valeurs brutes, repris dans le tableau 4,
permet d'éviter des conclusions hâtives. Partant du constat que sur
les vingt-et-un ouvrages de géométrie recensés, deux tiers sont
composés en latin, on pourrait être tenté d'analyser ce phénomène
comme significatif d'une opposition entre «culture d'école», - qui
aurait pour vecteur et critère principal d'identification le latin -, et
«culture mondaine» caractérisée notamment par la langue
française. Cette opposition manque de pertinence pour différentes
raisons. Le premier XVIIe siècle apparaît comme une importante phase
de changement du point de vue de la formation scientifique délivrée
dans les collèges et le poids croissant des mathématiques mixtes
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 429

dans les enseignements témoigne clairement de cette mutation.


L'enseignement jésuite est particulièrement représentatif de cette
mutation : dès les années 1620, manuscrits de cours, soutenances de
thèses et livres abordent ces disciplines, qui deviennent donc une
composante de la «culture d'école». D'autre part, tout en jouissant
traditionnellement d'un statut de mathématiques pures, l'algèbre
intéresse à la fois un public savant et un autre public auquel elle s'offre
comme technique de compte pour les activités commerciales, voire
comme divertissement pur. Dès lors, et la remarque vaut aussi pour
l'astronomie, elle s'adresse à des destinataires variés, sans être
porteuse, a priori, d'un niveau spécifique de culture. Si les titres, pour
ces deux disciplines, se distribuent également entre les deux
langues, c'est que ces savoirs intéressent des groupes de lecteurs
variés dont la langue de savoir est tout aussi variée.

Tableau 4 - Distribution thématique des ouvrages en français et en latin.

Algèbre Géométrie Astronomie Hydro. Fortif. Géo. Divers

Latin 3 15 4 1 0 2 1

Français 3 6 6 3 3 1 2

A ce stade, le critère de la langue, qui présente un intérêt évident


pour la diffusion de la production scientifique jésuite, pose plus de
problèmes qu'il ne permet d'en résoudre. La part acquise par le
français, notamment dans certains domaines, révèle que les membres de
la Compagnie s'efforcent de nouer ou de conserver des liens avec
une société elle-même en pleine mutation. Du point de vue de
l'institution, la multiplication des volumes dans les langues vernaculaires,
par opposition aux publications latines du second seizième siècle,
quel que fût leur lieu d'origine45, confirme le recul de l'idéal
d'universalité corollaire de l'entrée au service des états modernes. Elle
manifeste aussi une adaptation significative au contexte intellectuel
caractérisé par la concurrence de maîtres privés ou d'autres
institutions, par l'expression de nouveaux besoins. A ce titre,
l'interrogation précise du public visé par les auteurs étudiés ici
permettra de mieux comprendre les choix linguistiques et leurs
cohérences. Une réflexion préalable sur la nature des ouvrages doit
cependant être engagée.

45 On pense ici aux grands cours explicitement commandés par la


Compagnie pour les enseignements de philosophie ou mathématiques : à Coïmbra, en
Espagne ou à Rome, Clavius, Possevino, Suarez, Pereira ou Toledo ont produit
leurs grands livres de référence en latin.
430 le temps des chaires

Les formes de la participation à la vie scientifique :


enquête sur les livres

Ce corpus revêt une extrême diversité du point de vue de la


nature des ouvrages et des thèmes abordés. Cette diversité est aussi
synonyme de richesse, notamment en termes de contenus, qu'il ne
s'agit pas d'épuiser ici. En procédant à une analyse globale, j'ai prin-
ciplement cherché à éclairer les formes de la participation jésuite à
la vie scientifique, à mesurer, à travers cette production imprimée,
les niveaux d'intervention fixés et atteints. Certes, la démarche n'est
pas sans poser de réels problèmes de classification : dans la mesure
où les livres obéissent à différents buts, ils s'inscrivent dans des
«genres» qui ne sont pas clairement identifiables. Livres d'actualité,
ouvrages savants, manuels scolaires, ces différentes catégories de
textes doivent faire l'objet de saisies spécifiques, car leur
appartenance à telle ou telle catégorie conditionne le discours sur les
mathématiques et le niveau scientifique des contenus.

L'enseignement

Dans la mesure où ce corpus a été constitué à partir des auteurs


et de leur activité d'enseignement, on peut chercher à identifier les
liens entre ces deux activités. Ces auteurs se sont-ils attachés à la
rédaction de manuels scolaires? La question suppose l'existence, a
priori, de ce genre, ce qui soulève quelques questions de définitions.
Du point de vue de la Compagnie, le problème a pourtant été
posé précocement et, comme on l'a vu dans la première partie de ce
travail, le centre romain a souhaité et veillé à la mise en œuvre d'un
vaste programme éditorial destiné aux enseignements de tous les
collèges de la Compagnie. Dès la première version de la Ratio studio-
rum, on prévoyait, pour les mathématiques, de confier cette tâche à
Clavius46 et si celui-ci n'est pas allé jusqu'au bout du projet qu'il
s'était fixé, il a néanmoins fourni, dans les premières années du XVIIe
siècle, un ensemble de textes dont la diffusion a été assurée, comme

46 Voir première partie, chapitre 2. Sur la question de l'usage du livre dans


l'Université pendant la période antérieure, voir J. Verger, «Le livre dans les
universités du midi de la France à la fin du Moyen Age», dans Pratiques de la culture
écrite en France au XVe siècle, actes du colloque international du CNRS, Paris, 16-
18 mai 1992, édités par M. Ornato et N. Pons, Louvain-la-Neuve, 1995, p. 403-
420.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 431

le suggèrent les analyses développées dans la seconde partie. La


question des livres d'enseignement n'en perdait pourtant pas toute
actualité, principalement si l'on considère que les ouvrages
demandés par la Compagnie étaient d'abord destinés aux professeurs et
permettaient d'assurer l'unité de l'ordre sur le plan doctrinal et
pédagogique.
Dans le corpus français, l'identification de manuels scolaires
passe par celle des destinataires, mais ce n'est assurément pas le seul
moyen de définir ces textes. Les exemples qui suivent soulignent un
phénomène intéressant, que la coïncidence des dates ne fait que
renforcer : dans la phase de stabilisation du premier XVIIe siècle, les
premiers commentaires d'Euclide se multiplient, à peine 30 ans
après l'édition des Œuvres complètes de Clavius, à Mayence. Ancien
élève de La Flèche, puis professeur à Paris, Pierre Bourdin consacre
son premier ouvrage à une édition latine, rapidement suivie d'un
équivalent en langue vernaculaire, des Eléments47. Au même
moment, Georges Fournier, professeur à La Flèche, publie sa propre
version latine du même texte48, avant de se spécialiser dans les
ouvrages de fortification et d'hydrographie. De même, Claude Richard,
en 1645 consacre un important travail à ce texte49. A Douai, dès 1620,
Charles Malapert avait inauguré cette tradition50. Pourquoi cette
floraison française, qui connaîtra ultérieurement d'autres
manifestations51? Est-ce à dire que pendant ces trente années qui ont suivi la
disparition de Clavius, la France n'avait pas de besoins spécifiques
du fait du petit nombre d'étudiants concernés par la discipline?
Faut-il au contraire relier ce phénomène à l'absence de grandes
personnalités sorties de «l'école» de J. Chastelier? A moins que se soit

47 On retiendra ses Prima Geometriae dementa, ad usum Academiae..., Paris,


1639, suivis des Prima Geometriae elementa, nova methodo ac facili demonstrata...,
Paris, 1640; L'introduction à la mathématique... tirée des Eléments d'Euclide,
Paris, 1643.
48 Sex primi Euclidi Elementorum geometricorum libri..., Paris, 1643.
49 Euclidis Elementorum geometricorum libros predicem Isidorum et Hypsi-
clam et recentiores de corporibus regularibus..., Anvers, 1645.
50 Euclidis Elementorum libri sex priores, quorum demonstrationes tum alibi
sparsim, tum maxime libro quinto ad faciliorem cartum accomodavit C. Malaper-
tius..., Douai, 1620.
51 Parmi les continuateurs de cette tradition, on pourra rappeler le Cursus,
seu mundus mathematicus de C.-F. Milliet de Challes, publié à Lyon, en 1673
ainsi que l'Euclide de G.-I. Pardiès, Eléments de géométrie, où l'on peut apprendre ce
qu'il faut savoir d'Euclide et d'Archimède, d'Apollonius et les plus belles inventions
des anciens et nouveaux géomètres, Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1671, ou le texte
édité dans Oeuvres... contenant : les éléments de géométrie; un discours du
mouvement local... augmenté dans cette nouvelle édition d'une table pour l'intelligence des
éléments de géométrie selon Euclide, Lyon, 1725.
432 LE TEMPS DES CHAIRES

manifesté, à partir de cette période, un besoin de simplification de


l'œuvre du mathématicien de Bamberg pour répondre à un public
plus large. Sans qu'on puisse apporter une réponse nette à cette
question, il convient cependant de remettre ce phénomène en
contexte : la vogue des traités sur Euclide ne concerne pas
uniquement la Compagnie de Jésus. Entre 1600 et 1670, on a pu identifier
36 éditions du texte du mathématicien grec, correspondant, dans les
années 1630-1650, au tiers de la production totale des ouvrages de
géométrie52. A l'intérieur de ce processus général, les années 1650-70
«sont sans doute les plus intéressantes, dans la mesure où,
parallèlement à la diminution tant absolue que relative du nombre d'éditions
d'Euclide, on constate que les dernières sont le fait de professeurs
jésuites (...) On peut penser a priori qu'elles étaient avant tout
destinées aux étudiants»53.
Pour les auteurs qui nous occupent ici, seul l'ouvrage de Pierre
Bourdin, rédigé en latin, se définit explicitement comme un manuel.
Le titre, en précisant le destinataire, lève toute ambiguïté : Prima
Geometriae Elementa. Ad usum Academiae Mathematicae Coïïegiis
Claromontani Societatis Iesu54. Dans ce cas précis, la nature de
l'ouvrage, sa détermination comme manuel repose sur l'explicitation du
destinataire : cette manière de procéder avait déjà été utilisée à
Tournon, lorsqu'en 1592, l'éditeur Claude Michel décidait de rééditer
un ouvrage d'Elie Vinet55. Pour les autres ouvrages du corpus, la
clarté n'est pas aussi grande.
On peut suggérer que Claude Richard écrit lui aussi un manuel,
puisque, dans l'adresse au lecteur, il fait longuement allusion à son
expérience de professeur et précise que c'est dans sa pratique de
l'enseignement des mathématiques qu'il a puisé sa méthode de
présentation des problèmes. Dans le cas de l'édition de François Four-
nier, de quatre ans postérieure à celle de Pierre Bourdin, aucune
indication ne permet de trancher cette question, d'autant que la
dédicace à Nicolas Fouquet ne fait aucune allusion aux questions
d'enseignement et que l'indication de format qui accompagne le titre
«in commodiorem formam contracti et demonstrati», - il s'agit d'un

52 Voir A. Le Dividich, op. cit., p. 121.


5iIbid., p. 122.
54 L'expression «académie de mathématiques» soulève parallèlement un
problème, puisque les archives du collège ne livrent aucune information sur une
structure de ce type ou sur une classe particulière de mathématiques.
55 Voir supra chapitre 5, Michaelis Pselli Arithmetica, Musica et Geometria.
Item Proclii Sphaera, Elia Vineto Santone interprete. Accessit in hac ultima editione
singulorum librum in capita, necnon capitum in sectiones percommoda distribu-
tio, in usum studiosae iuventutis Academiae Turnoniae Societ. Iesu, Tournon,
1592.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 433

format in- 12 -, suggère un souci de maniabilité du texte rarement


manifesté pour les ouvrages scolaires.
Au total, ce qui permet de considérer ces premiers titres comme
des manuels scolaires réside dans leur objet. Euclide fait partie des
programmes des collèges de la Compagnie et, de ce fait, les ouvrages
qui en traitent trouvent dans les élèves un public tout désigné. Les
autres textes qui composent ce corpus peuvent être évalués selon ce
même critère, ce qui permet d'exclure nombre de titres dont la
production relève d'autres logiques, notamment les observations
astronomiques et les traductions de textes anciens.
Quelles que soient les difficultés à identifier avec précision la
catégorie d'ouvrages que sont les manuels scolaires, on peut suggérer
que leur diffusion dépasse largement le public des étudiants, au
moins pour de simples raisons économiques. En effet, même si
aucun chiffre ne peut être avancé à propos du nombre d'étudiants
suivant le cours de mathématiques56, il est certain que sa faiblesse ne
permet pas de considérer qu'il s'agit là d'un «marché». Certes, les
livres d'un Pierre Bourdin ou d'un Georges Fournier doivent être
utilisés dans différents établissements de la Compagnie. Sans doute
même, doivent-ils servir dans d'autres institutions. Mais cela suffit-il
à rentabiliser une telle entreprise editoriale?
Pour finir, la question des manuels scolaires soulève le
problème de leur usage dans le cadre des cours : comment les livres
sont-ils intégrés dans l'enseignement? Le professeur renvoie-t-il les
élèves à certains chapitres qu'il ne développe pas? S'appuie-t-il sur le
texte imprimé pour leur éviter la prise de notes et réserver du temps
pour des exercices? Inversement, dans quelle mesure ces textes se
nourrissent-ils de l'expérience acquise pendant les leçons? Prennent-
ils en compte les difficultés rencontrées par les étudiants en
proposant des exercices ou des démonstrations, expérimentés pendant les
cours? La présence de figures dans ces volumes à caractère
didactique suggère que les professeurs avaient la possibilité d'en faire un
usage actif57. L'absence de sources susceptibles d'éclairer ces ques-

56 Sur cette question F. de Dainville, très prudent, n'avance qu'un seul chiffre
correspondant à une situation précise, mais significative. Dans la province de
France, le catalogue des classes de 1627 précise que le nombre d'élèves est de 12
565, répartis sur 14 établissements. Sur ce total, seuls 64 suivent le cours de
mathématiques de Paris et La Flèche, soit 0,5% du nombre total des effectifs et
7,21% du nombre des étudiants du cycle supérieur. Voir «L'enseignement des
mathématiques dans les collèges jésuites de France, du XVIe au XVIIIe siècle»,
art. cit., p. 328.
57 Un exemple particulièrement net de cette fonction pédagogique des
figures est fourni par un autre ouvrage de Pierre Bourdin : Le cours de
mathématiques contenant en cent figures une idée générale de toutes les parties de cette
science, l'usage de ses instruments, diverses manières de prendre les distances, l'art
434 LE TEMPS DES CHAIRES

tions rend toute réponse impossible, mais leur conserve toute


validité. Mais, quel qu'ait pu être le type d'ouvrage, les auteurs de la
Compagnie avaient le souci de leur public et de sa diversité. Les
Récréations mathématiques représentent à cet égard un exemple
exceptionnel et les propos de J. Lereuchon sont cependant emblématiques
de ce souci du lecteur, présent dans nombre d'ouvrages :
Amy Lecteur.
Cinq ou six choses me semblent dignes d'advis avant que de
passer outre.
Premièrement, que ie n'enfonce pas trop avant dans les
démonstrations spéculatives de ces problèmes, me contentant de la monstrer
du doigt. Ce que ie faicts a dessein, parce que les Mathématiciens la
comprendront facilement, et les autres, pour la pluspart se
contenteront de la seule expérience, sans chercher la raison58.

Dans les débats scientifiques...

Au-delà du monde des collèges, les livres de ce corpus sont


inscrits de plain-pied dans leur époque. On rencontre ainsi des textes
sans rapport direct avec l'enseignement, notamment des écrits
engagés dans les débats scientifiques ou philosophiques de leur temps.
L'insertion dans une polémique génère différents types
d'attitudes de la part des mathématiciens de la Compagnie. Sur un sujet
aussi central que l'astrologie, qui occupe fort la société française du
temps59, certains textes réagissent vivement. L'avis au lecteur qui
ouvre le Traité des influences terrestres de Jean François est tout à
fait clair :
Les propositions de l'Astromantie sont si absurdes, ridicules, &
extravagantes, qu'à moins que de les lire dans leurs livres, elles seront
jugées incroyables. Partant j'aurois un juste sujet de craindre, qu'en
les publiant ie ne passe pour imposteur & calomniateur, si ie ne les
vérifie dans leurs livres. C'est pourquoy ie puis asseurer le Lecteur,
que ie n'avance rien de leurs resveries, qu'eux ne reçoivent pour au-

d'arpenter, divers moyens de lever et tracer un plan, la réduction des figures par les
triangles de rapport, la trigonométrie, les fortifications régulières et irrégulières, leur
dehors, profil, évolution et sciagraphie. Contenant de plus un traité de l'usage du
globe terrestre et un autre de l'optique, dioptrique et catoptrique, dédié à la noblesse,
3e éd., Paris, 1661. Dès la première édition de ce texte, publiée en 1641, l'image
joue un rôle essentiel, puisque le premier titre est Le cours de mathématiques
représenté par figures . . .
58 Récréations mathématiques..., op. cit., préface.
59 En guise d'introduction, voir M. Grenet, La passion des astres au XVIIe
siècle. De l'astrologie à l'astronomie, Paris, 1994, 295 p. Pour une étude plus
approfondie, H. Drévillon, Lire et écrire l'avenir. Astrologie, prophéties et prédictions
dans la France du XVIIe siècle (1610-1715), op. cit.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 435

tant de maximes de leur Art (...). Je me suis servi particulièrement du


Livre de Henry de Rantzau (...) imprimé à Paris en 1657 (...)60.
Le Traité a une finalité précise, réduire à néant la validité du
discours astrologique, et son but est de le proclamer dès le début du
texte. S'inscrivant dans une tradition jésuite qui a connu d'autres
illustrations en France61, il renvoie aux préoccupations de ses
contemporains ainsi qu'à leurs pratiques. On peut donc, à ce titre, le
considérer comme engagé dans la polémique.
Mais la présence jésuite est aussi importante dans la polémique
scientifique et philosophique. Pierre Bourdin s'engage dans la lutte
contre la philosophie et l'optique cartésiennes, lorsqu'il accepte de
rédiger la septième objection aux Méditations, qui est publiée dans
l'édition de 1642 du texte de Descartes62. C'est en 1645 que paraissent
les premiers ouvrages anti-galiléens. Ils sont signés par P. Cazré et
J. Grandamy. Avec sa Physica demonstratio, quae ratio, mensura,
modus ac potentia accelerationis motus in naturali descendu gravium
determinatur adversus nuper excogitatam e Galileo Galilei... de eodem
motu pseudo-scientiam63, P. Cazré, ancien professeur de
mathématiques et philosophie de la nature, fournit le premier écrit
explicitement opposé à Galilée, émanant du milieu jésuite français. Si ce
livre est le seul qu'on lui connaisse, on peut en revanche souligner
que son intérêt pour la question n'est pas ponctuel : d'autres de ses
textes, restés manuscrits, abordent les mêmes problèmes64. Le
second auteur, Jacques Grandamy, ancien professeur de philosophie,
puis recteur de La Flèche, propose une démonstration de
l'immobilité de la terre par le biais de l'étude des propriétés des aimants65.
Les deux auteurs, dont aucun n'est spécialiste de
mathématiques, appartiennent à la même génération qui a fréquenté Pont-à-

60 Traité des influences célestes. Ou les merveilles de Dieu dans les deux sont
déduites. Les inventions des Astronomes pour les entendre sont expliquées : les
Propositions des Astrologues Iudiciaires sont demonstrées fausses & pernicieuses, par
toute sorte de raisons, d'autoritez, & d'expériences. Par le P. Iean François, de la
Compagnie de Iesus, Rennes, Pierre Hallaudays, 1660, «Advis au lecteur».
61 Voir notamment l'ouvrage de Martin del Rio, Disquisitionum magicarum
libri sex, quibus continetur accurata curiosarum artium et vanarum superstitio-
num confutatio..., op. cit.
62 Voir R. Ariew, «Pierre Bourdin and the seventh objection», dans R. Ariew
et M. Grene éds., Descartes and his contemporaries. Méditations, objections and
replies, Chicago et Londres, 1995, p. 208-225.
63 Paris, J. du Breuil, 1645, in 4°.
64 Voir C. Sommervogel, op. cit., vol. 2, col. 934-935.
65 Nova demonstratio immobilitatis terrae petita ex virtute magnetica et quae-
dam alia ad effectus et leges magneticas, usumque longitudinum et universam geo-
graphiam spectantia, de novo inventa, auctore P. Iacobo Grandamico e Societate
Iesu, La Flèche, 1645.
436 LE TEMPS DES CHAIRES

Mousson ou La Flèche dans les premières années du XVIIe siècle66.


Engagés, après des années d'enseignement, dans des responsabilités
administratives diverses67, l'un et l'autre continuent à s'intéresser
aux problèmes de la physique contemporaine. A ce titre, ils se
trouvent insérés dans des réseaux épistolaires qui les placent au
cœur de la sociabilité scientifique de leur temps, animée par les
grandes figures de Mersenne ou Gassendi68. Ainsi, non seulement
Pierre Cazré adresse son ouvrage à Gassendi, mais il lui donne la
forme d'une longue lettre (44 pages) dans laquelle il écrit à la
première personne, interpelle directement le philosophe69 et signe son
propos à la dernière page.
Dans les années 1640, J. Dorisy rédige son traité sur les vents70 :
le problème majeur de cet ouvrage est celui des marées, celui-là
même qui a occupé Galilée dans les années précédentes et qui devait
confirmer, pour le Toscan, le mouvement de la terre71. Ces ouvrages

66 Pour la formation de ces deux personnages, les dépouillements permettent


de montrer l'importance du passage par La Flèche ou Pont-à-Mousson : Jacques
Grandamy n'est pas présenté en annexe car il n'a pas enseigné les
mathématiques, mais les catalogues de l'ARSI le signalent, pendant sa formation
philosophique, à La Flèche, aux côtés de Jean François, étudiant en théologie et
professeur de mathématiques.
Voir ARSI, FRANC. 22, fol. 53r., nouveau scolastique à Rouen; en 1607;
FRANC. 22, fol. 61v., auditeur en logique à La Flèche; en 1610; FRANC. 22, fol.
72r., auditeur en physique, au même endroit; en 1611; FRANC. 22, fol. 80r.,
auditeur métaphysique, en 1612. Pour Pierre Cazré, voir sa fiche biographique en
annexe 2.
67 Pour Jacques Grandamy, voir C. Sommervogel, op. cit., vol. 3, col. 1668-
1670. Dans l'abondance de sa production, il faut signaler, outre des ouvrages à
caractère théologique, De Die supremo et natali Christi quaestio evangelica..., 1651,
des textes à caractère scientifique et tout particulièrement astronomique : Le
cours de la comète, qui a paru sur la fin de l'année 1664, Paris, 1665, Le parallèle des
deux comètes qui ont paru les années 1664 et 1665, Paris, 1665, Dissertatio de Eclip-
si Solis notata a Pachymere in Historia de Michaele Paleologo..., Rome, 1666, etc..
Il faut surtout noter, à son sujet, une série de textes manuscrits, dont certains sur
la querelle du vide, dans laquelle se trouve engagé le jésuite italien N. Zucchi,
avec lequel l'échange est scientifique est important.
68 A ce propos, la dernière étude de P. Galluzzi, «Gassendi e l'Affaire Galilée
delle leggi del moto», Rivista critica della filosofia italiana, voi. 74, 1993, p. 86-119,
soulève des questions d'une importance considérable et éclaire sous un angle
nouveau la figure de P. Cazré.
69 «Audi igitur mi Gassende», «Pro tuam mi Gassende, philosophorumque
omnium, ac Mathematicorum fidem! istud - ne demonstrare est?» : voici un
exemple concret du ton de Cazré dans cet opuscule, p. 8.
70 Curiosae quaestiones de ventorum origine, et de accessu maris ad littora &
portus nostros, & ab iisdem recessu, Paris, 1646, 252 p.
71 Sur cette question qui parcourt l'œuvre du mathématicien toscan, voir
notamment G. Galilei, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, Florence,
1632, trad. française R. Fréreux et F. de Gandt, Paris, 1992, «Quatrième
journée», p. 427-430.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 437

constituent le seul exemple imprimé de la participation explicite des


jésuites à la querelle galiléenne en France, et ils ont fortement
contribué à alimenter l'image d'une Compagnie hostile à l'essor de la
science nouvelle. Dans les faits, cette idée doit être nuancée,
notamment à la lecture des autres ouvrages du corpus étudié ici. Mais,
lorsqu'on lit l'ouvrage de Pierre Cazré notamment, on peut sans
doute y chercher plus que l'expression d'un point de vue individuel,
l'auteur lui-même assumant à partir de 1646 des responsabilités de
plus en plus importantes au sein de l'ordre : assistant du provincial,
puis provincial, puis assistant de France72.
A la fin des années 1650, le Toulousain Antoine Lalouvère prend
part à la querelle sur la cycloïde : moins spectaculaire, elle est aussi
moins chargée d'enjeux philosophiques ou théologiques73, même si
elle engage le jésuite contre Pascal. La série des opuscules qu'il y
consacre relève d'une littérature hautement spécialisée, née dans des
circonstances particulières. Dans cet épisode, qui s'apparente à un
jeu savant, Pascal propose aux mathématiciens de son temps une
série de questions sur les propriétés de la cycloïde, déjà étudiée par
Torricelli, suscitant l'intérêt et les réponses de Roberval et Antoine
Lalouvère. La polémique a principalement porté sur la priorité et la
propriété des résultats publiés par Pascal dans les Lettres de A. Det-
tonville. Cette querelle, qui a agité les milieux mathématiques
européens entre 1658 et 1659, révèle une autre dimension du statut de la
production jésuite dans le champ de l'édition scientifique. Autant
que les manuels, ces textes confèrent une visibilité et une légitimité
à l'activité mathématique de la Compagnie qui en renforce le
prestige et l'attractivité. Dans le contexte particulier du milieu
toulousain, l'appui de Pierre de Fermât74, collaborateur de Jacques de Bil-
ly, dans la décennie suivante, pour l'édition latine de Diophante,
constitue une preuve définitive du rôle joué par les mathématiciens
jésuites dans l'Europe savante.
C'est dans cette même catégorie qu'on classera les livres de

72 Voir sa fiche biographique en annexe 2.


73 A partir des années 1650, le Lyonnais, Honoré Fabri, encore fort mal
connu, vient manifester la complexité doctrinale toujours en vigueur dans la
Compagnie de Jésus. Aucune analyse d'ensemble n'est actuellement disponible
sur ce sujet : on attendant, on se reportera à A. Boehm, «Deux essais de
renouvellement de la scolastique au XVIIe siècle. II : L'aristotélisme d'Honoré Fabri
(1607-1688)», Revue des sciences religieuses, vol. 39, 1965, p. 305-360; E. Caruso,
«Honoré Fabri, gesuita e scienziato», Quaderni di Acme, voi. 8 : Miscellanea
secentesca : saggi su Descartes, Fabri, White, 1987, p. 85-126.
74 C'est à lui qu'est dédié De cycloide GallUaei et Torricelli propositiones viginti
Autore Antonio Lalovera, Societatis Iesu. Amplissimo Domino de Fermât in
Suprema Curia Tolosana Senatori integerrimo, s.l., 1658, 8 p.
438 LE TEMPS DES CHAIRES

Vincent Léotaud : Examen circuii quadraturae hactenus editarum ce-


leberrimae, quant Apollonius alter, magno ilio Pergae non minor
geometra, R.P. Gregorius a Sancto Vincendo SI exposuit75 et Cyclomathia
seu multiplex circuii contemplatio, tribus libris comprehensa. In
I. Quadratura Examen confirmatur ac promovetur. In II. Anguli
contingentiae natura exponitur. In III. Quadratricis inauditae profe-
runtur76. Même si la quadrature du cercle a pu faire l'objet d'un
enseignement, comme le prouve le manuscrit d'Antoine Jordin, étudié
dans la deuxième partie de ce travail, c'est surtout une question qui
occupe la communauté savante de la Renaissance et dont l'intérêt a
été notamment renouvelé par les travaux de Grégoire de Saint-
Vincent. Sur ce dossier, qui touche au développement,
particulièrement important au XVIIe siècle, de la géométrie analytique, les
connections entre milieu savant et milieu jésuite restent à établir
avec précision : les hommes qui se sont occupés de cette question,
comme Bachet de Méziriac, Fermât, Lalouvère, Léotaud,
entretiennent entre eux des rapports d'échange direct ou indirect dont
l'étude doit éclairer de manière décisive les modalités de production et
de circulation de la science mathématique dans cette période. On a
déjà pu constater que, pour les jésuites, l'activité d'enseignement
n'est nullement exclusive de leur présence dans les débats savants.
De ce point de vue, le collège apparaît comme un pôle d'animation,
voire de structuration, de l'activité savante de la Compagnie, à
l'échelon local, provincial, voire même international. Et l'imbrication
des deux langues (latin et français) correspond à celle de l'insertion
dans le débat aux différents niveaux77.
Mais la participation imprimée au débat scientifique ne se
réalise pas sur un mode exclusivement polémique, ce qui accroît la
diversité du corpus considéré : observations ou tables astronomiques,
traités à caractère technique, traductions de textes antiques. Ainsi,
dans le domaine de l'astronomie, la Compagnie participe
pleinement à la vague d'observation des phénomènes célestes en cours de
généralisation dans ce premier XVIIe siècle, ce qui engendre la
publication des résultats. Le volume sur la comète de 1618, de Jean
Leurechon, s'inscrit dans ce genre particulier, ouvrant la voie à une
participation croissante de la Compagnie au phénomène, à mesure
que celle-ci s'équipe en observatoires78. Dans le corpus qui nous oc-

75 Lyon, Guillaume Barbier, 1654, 296 p.


76 Lyon, Benoît Coral, 1663, 384 p.
77 Voir, sur cette fonction du collège, A. Romano, «Entre collèges et
académies. Esquisse de la place des jésuites dans les réseaux européens de la
production scientifique (XVIP-XVIII6 siècles)», dans Académies et sociétés savante en
Europe, 1650-1800, actes du colloque de Rouen, 14-17 novembre 1995, à paraître.
78 Sur cet aspect, qui renvoie principalement à la seconde moitié du XVIIe
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 439

cupe, d'autres titres que celui de Jean Lereuchon illustrent le genre,


comme ceux de François d'Aix79 ou de Jacques de Billy80. Il faut
noter que, sur un même événement astronomique, les livres produits
dans la Compagnie sont nombreux et que leurs auteurs se
connaissent suffisamment pour pouvoir, dans leurs propres
ouvrages, renvoyer aux autres; on a vu Jacques de Billy procéder de la
sorte en 1665 :
La comete de Ianvier et de Février alloit fort lentement,
lorsqu'elle cessa de paroitre, i'ay de lettres qui portent qu'elle ne faisoit
lors que 3, i'ay parlé à quelques uns qui m'ont dit qu'elle sembloit
estre stationaire (...).
On le verra par les observations que i'en ay faites, et par celles
que mes amis m'en ont envoiées de divers endroits, particulièremen
de Rome, de Lyon, de Langres, de La Flèche, de Liège et de Bordeaux.
Les Pères Fabry et Gottignies, qui l'ont observée à Rome, (...),
ceux de Liège...81.

A travers cet exemple particulier, on comprend mieux


l'importance du réseau des observatoires jésuites, les possibilités de
coordination des activités astronomiques qu'il propose et l'intérêt qu'il
représente pour une monarchie en train de développer une politique
nationale de la science82. Les auteurs qui nous occupent ont
cependant été sensibles à l'élargissement du public des «curieux» sur ce
type de sujets. C'est ce que dit J. Lereuchon, de manière sans doute
excessive :
Le plus vray & plus sensible effect de cette Comete, c'est qu'elle a
faict force Philosophes. D'autant que la nouveauté des choses rares &
extraordinaires, dont on ignore les causes, jeté incontinent l'homme
en admiration, qui, au dire d'Aristote, est la source & premier prin-

siècle, voir F. de Dainville, «Foyers de culture scientifique dans la France


méditerranéenne...», art. cit. et J.-M. Homet, Astronomie et astronomes en Provence,
1680-1730, op. cit.
79 Entretien curieux sur l'éclipsé solaire du 12 aoust 1654. Par Théophraste
Orthodoxe, Lyon, 1654. Cette éclipse de 1654 a suscité une importante production
de textes dans le contexte politique particulier de cette période. Voir M. Grenet,
La passion des astres..., op. cit.
80 Discours sur la comete qui a paru l'an 1665 au mois d'Avril. Par le
P. Jacques de Billy de la Compagnie de Iesus, Paris, Sébastien Mabre-Cramoisy,
1665, 10 p. On trouve, dans les autres provinces de la Compagnie, de nombreux
autres exemples de cette pratique.
81 Discours sur la comete..., op. cit., p. 4, 6.
82 II s'agit ici de la naissance de l'Académie des Sciences, pour laquelle on se
reportera à R. Hahn, L'anatomie d'une institution scientifique.., op. cit. Sur les
problèmes de «science nationale», voir R. Porter et M. Teich éds., The Scientific
Révolution in National Context, op. cit.
440 LE TEMPS DES CHAIRES

cipe de la Philosophie. Car quiconque admire, ignore : & sentant son


ignorance comme messeante à la perfection de son esprit, pour s'en
faire quitte, se met à chercher ou à part soy, ou demandant aux
autres les causes de ce qu'il admire & ignore : qui est proprement
Philosopher.
Combien de millions d'hommes ont admiré la nouveauté de la-
dicte Comete? Et cette admiration, combien enfanter par la bouche
de demandes et questions? Les uns auront demandé ce que c'estoit,
quelle estoit sa matière, quelle sa forme; Les autres de quelle
grandeur elle pouvoit estre, quelle estoit sa figure & sa couleur : D'autres
se seront enquis de son mouvement, de son propre lieu, & combien
elle a duré : Qui, aura demandé à quelles estoilles & constellations
elle correspondoit, combien elle estoit elloignée de la terre; Quel
rapport elle avoit au Soleil, à la Lune, & autres Planettes : Quels pou-
voyent estre ses effects & présages, & faict autres semblables
questions; Desquelles je diray briefvement ce que j'ay peu apprendre, tant
par lecture que par observation; prest d'estre enseigné & corrigé des
autres83.

Il faut enfin mentionner un autre type d'ouvrages, les textes de


commande, qui relèvent d'un autre type de participation à la vie
scientifique. Lorsqu'il explique les raisons de la rédaction de son
traité de géographie, J. François s'inscrit en effet dans une autre
logique de production :
Mon cher lecteur. le commence à imprimer à l'âge de 65 ans, lors
que les autres ont deia fini. C'est aussi plustost par obéissance, que
i'en ay pris la resolution, que par inclination. I'avois tellement quitté
les estudes de Mathématiques & de la Philosophie, il y a plusieurs
années, que de tous les escrits que i'en avois fait, il ne m'en restoit pas
une ligne, lorsqu'un qui commandoit à la France me demanda un
Globe Terrestre artificiel, & un traité de ses proprietez. le ne pensois
lors pour luy obéir & complaire, que faire un petit livre de Geo-
graphie, quand la fécondité du suiet me porta insensiblement à
composer une ample Cosmographie ou ie déduis les raisons des plus
nobles effets de l'Art Divin, et les adresse & manières exactes des plus
importantes practiques de l'art humain (...)
Dans ce livre tu trouveras au chap. I & 3. des matières Physiques,
au 2. de Géométriques, & en la quatriesme partie des Astronomiques.
C'est le propre des sciences subalternes telle qu'est la nostre
d'emprunter des autres leurs principes. Ceux-cy sont utiles à l'entière
connoissance Géographique, non nécessaires à la Géographie
commune, & ne t'y arrestant pas tu seras moins docte, amis non pas
moins Géographe (...)84.

83 Discours sur la comète..., op. cit., p. 1.


84 La science de la géographie divisée en trois parties, qui expliquent les
divisions, les universalitez, & les particularitez du Globe Terrestre. Premiere partie. Des
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 441

Ce témoignage est d'autant plus intéressant qu'on se trouve dans


une situation exceptionnelle de préface à caractère
autobiographique. Ici, le livre naît d'une demande ponctuelle et c'est le seul
exemple de ce type que propose le corpus étudié. Mais, ces
circonstances n'interdisent pas à l'auteur de formuler quelques
réflexions sur les disciplines qui l'occupent. Son propos souligne par
exemple le lien entre géographie et exercice du pouvoir, ce que
d'autres textes du corpus pourraient aussi illustrer. De même, il
suggère une hiérarchie des disciplines et de leur articulation, qui fonde
la structure de son livre.
De l'oeconomie et des avantages de ce livre.
1. La fin et la nature de ce traité.
La Géographie n'ayant eu iusques à présent pour tout employ,
que de faire la distribution, & le dénombrement des parties qui
composent le Globe terrestre, doit plustost passer pour un art de me-
meoire, que pour un discours de raison. le desire icy la relever d'un
degré, & la faire monter à un estage supérieur, la mettant au rang des
sciences subalternes qui ont pour suiect quelque effect de l'art, & en
démontrent les proprietez nécessaires. En suite de quoy ie considère
icy le globe de la terre comme un ouvrage artificel, qui partant de la
main de Dieu souverain Artisan, ne peut qu'il ne soit le suiect de mille
nobles proprietez & merveilles; & par consequant d'une science très
agréable qui entreprend d'en découvrir les causes, & d'en faire de
véritables & tre évidentes démonstrations85.

La teneur de cet avant-propos illustre l'avancement de la


réflexion sur la géographie et les évolutions qui sont proposées par un
praticien de la discipline, un homme qui, par son enseignement, en
a fait avancer le statut86.
Ce tour d'horizon n'a pas épuisé la diversité du corpus du
point de vue des genres. Il a cependant permis de mettre en
évidence sa pluralité et la diversité des apports des treize
mathématiciens étudiés. Du point de vue des sujets, c'est le même constat
qui s'impose.

divisions géographiques. Par le P. Iean François de la Compagnie de Iesus.


Rennes, Iean Hardy, 1652, «Advis au lecteur».
85 Ibid., «La science de la géographie. Chapitre premier. Avant propos»,
p. 1-2.
86 Sur cette question l'ouvrage de F. de Dainville reste essentiel : Les Jésuites
et l'éducation de la société française. La géographie des humanistes, op. cit. Pour
une lecture stimulante de ce texte, voir D. Nordman, «La géographie des jésuites
(en relisant François de Dainville)», dans L. Giard dir., Les jésuites à la
Renaissance..., op. cit., p. 221-236.
442 LE TEMPS DES CHAIRES

Une production marquée par l'essor des mathématiques mixtes

Une présentation synthétique du corpus, du point de vue de ses


contenus, n'est pas sans présenter un certain nombre de problèmes,
limités cependant à mesure que, s'avançant dans le XVIIe siècle, on
voit s'affirmer la recomposition des champs disciplinaires et se
consolider les frontières entre les sciences et les disciplines. Les
exemples convoqués tout au long de ce chapitre le prouvent : le
corpus étudié correspond à des ouvrages d'une grande variété
thématique, astronomie, géométrie, algèbre, optique, hydrographie,
géographie, etc.. Cette variété, qui reflète celle du champ
disciplinaire lui-même, fait aussi écho à l'évolution des interrogations et
recherches dans ces différents domaines. C'est pourquoi, il est
nécessaire de l'étudier dans sa globalité et de proposer, dans une
première approche, une image des tendances qui s'en dégagent. Si l'on
observe la distribution globale de la production, on aboutit au
résultat figuré sur le graphique suivant.
hydro- géographie
graphie 6%
8% fortification
6%

astronomie
20%
géométrie
42%

algèbre
12%
Graphique 5 - Composition du corpus par matières.

Sans rendre compte du caractère évolutif du corpus, ce


graphique suggère une structuration dans laquelle les ouvrages de
géométrie dominent l'ensemble de la production. De même,
l'astronomie continue à intéresser vivement les mathématiciens jésuites et
sans doute apparaît-elle sous-évaluée ici, par rapport à l'ensemble
de la bibliothèque scientifique de la Compagnie, puisque nombre
de spécialistes de philosophie de la nature ont pu s'en occuper
aussi. En fait, ce corpus reflète l'importance accordée aux principales
matières d'enseignement des mathématiques (géométrie, algèbre,
astronomie), qui représentent les deux tiers des titres.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 443

On pourrait finalement voir s'établir ici le lien entre


enseignement et production scientifique, et conclure au maintien d'une
tradition d'études inaugurée par Clavius. Tout en étant correcte, une
telle analyse serait aussi partielle. Elle aurait tendance à gommer la
diversité des approches propres à chaque sujet. Comme on a pu le
voir dans les analyses qui précèdent, et sans reprendre ici les
arguments sur les types d'ouvrages, il est nécessaire de prendre en
considération la pluralité des niveaux de discours et des objectifs
des textes.
La structure thématique de ce corpus doit aussi être
appréhendée du point de vue chronologique. Les histogrammes qui suivent
permettent d'observer l'évolution de ce corpus, du point de vue de
sa composition.

■ Autres
□ Hydrographie
■ Géométrie
Q Géographie
□ Fortifications
■ Astronomie
□ Algèbre

1610- 1620- 1630- 1640- 1650- 1660- 1670-


20 30 40 50 60 70 80
Graphique 6 - Structure thématique du corpus par décennies.

■ Autres
D Hydrographie
nombre de ■ Géométrie
titres D Géographie
n Fortifications
■ Astronomie
Dre

1650- 1660- 1670-


60 70 80
Graphique 7 - Structure thématique du corpus par décennies
(valeurs brutes).
444 LE TEMPS DES CHAIRES

Si la constante de la géométrie et de l'astronomie y est


nettement perceptible, le poids des mathématiques mixtes s'accentue à
partir du milieu du siècle. On peut donc lire ici le résultat d'une
évolution des centres d'intérêt des mathématiciens jésuites. Le
phénomène n'apparaît pas limité aux ouvrages jésuites : comme l'explique
H. J. Martin, le XVIIe siècle voit la prolifération des textes
d'arithmétique commerciale, sur les règles à calcul et les logarithmes, sur
tous les instruments susceptibles d'améliorer les conditions de
navigation, les calculs astronomiques et topographiques, sur les
techniques architecturales et les fortifications, autant de sujets à mettre
en rapport avec la profonde restructuration de l'armée royale87. Tout
en conservant leur spécificité d'enseignants inscrits dans un vaste
projet éducatif humaniste, les mathématiciens jésuites ont aussi su
prendre acte de ces nouvelles tendances.
C'est sans doute en géométrie qu'ils poursuivent le plus
activement la tradition de Clavius. A côté des commentaires sur Euclide, à
côté des solutions proposées aux problèmes du temps, le corpus
jésuite se caractérise aussi par l'édition des œuvres de l'Antiquité,
Apollonius de Pergame, Diophante88. Par là, ils prolongent la
contribution à la diffusion des auteurs anciens sur lesquels s'est fondée la
«renaissance des mathématiques»89. Dans au moins un cas, cette
inscription dans la tradition est clairement revendiquée. Jacques de
Billy rédige l'adresse au lecteur, «Lectori Benevolo salutem», de son
ouvrage de géométrie sur un mode historique90. La généalogie qu'il
construit est largement fondée sur les auteurs de la Renaissance,

87 Voir H. J. Martin, Livre, pouvoir et société à Paris au XVIIe siècle. . . , op. cit. ,
p. 251-252.
88 Vacat.
89 Un indice intéressant du caractère savant de cette veine est proposé par
H. J. Martin, op. cit., vol. 2, p. 510 : dans son étude des collections particulières,
et notamment des petites et moyennes bibliothèques, il constate le peu d'intérêt
suscité par les sciences exactes ainsi que la méconnaissance de Diophante ou
d'Archimède, par opposition à Euclide, très largement diffusé.
90 Nova Geometriae clavis Algebra. Cuius beneficio aperitur immensus Mathe-
seos thésaurus, & resoluuntur plurima problemata hactenus non saluta in serie
multarum quantitatum continue proportionalium. Simulque aditur methodus uni-
versalis, qua quilibet Marte proprio inuenire poterit innumera alia eiusmodi, Paris,
1643, adresse au lecteur :
« Habemus Diophantum Algebrae accerimum propugnatorem qui suis Arith-
meticorum libris ostendit egregie quousque ingenii humani robor possit attolli :
habemus Hypatiam celeberrimi Theonis filiam (...); habemus Cardano, Stifelios,
Bombellos, Nunes, Xylandros, Stevinos, Albertos, Clavios, Ludolphos, Peletarios,
qui miram mentis aciem in propugnanda illius dignitate exhibuerunt : habemus
Franciscum Vietam qui excelsi instar gigantis omnes alios vastis meditationum
suarum passibus videtur superasse : habemus Claudium Gasparem Bachetum
qui profundis in Diophantem elucubrationibus immortalem sibi gloriam compa-
ravit : habemus innumeros alios hac aetate Mathematicarum cultores qui Alge-
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 445

parmi lesquels tous ceux que Clavius avait déjà utilisés et cités dans
ses propres travaux, - Cardan, Stifel, Bombelli, Nunès, Xylander, ou
Peletier -, et auxquels viennent s'ajouter les dernières contributions
de Viète et Bachet de Méziriac.
Les différents auteurs ne restent cependant pas uniquement
cantonnés dans ce registre, comme le prouve leur intérêt pour
l'optique. Si celle-ci n'a pas été évoquée jusqu'à présent, c'est à cause du
problème que soulève la présentation des ouvrages par disciplines :
l'optique ne fait l'objet d'aucun traité spécifique, mais, dépendante
de la géométrie, elle peut être abordée dans ceux-ci. Jean Lereuchon
en traite dans les Récréations mathématiques; Pierre Bourdin y
consacre le dernier chapitre du Cours de mathématiques, tous les
traités sur Euclide s'en occupent91. Le même type de remarque
s'impose pour la mécanique, abordée dans les ouvrages de fortification
ou d'art militaire : la question de la trajectoire d'un boulet de canon,
aux applications militaires évidentes, soulève des problèmes de
physique mathématique particulièrement développés à cette époque. A
ce propos, on retrouve la production galiléenne et l'ensemble du
dossier sur la science du mouvement, dossier que les
mathématiciens jésuites ne délaissent pas non plus, malgré ses enjeux
doctrinaux.
En astronomie, outre les ouvrages liés à l'observation des
phénomènes célestes contemporains, et notamment les différentes
comètes de l'époque, on compte des traités qui, dans la tradition
médiévale des traités de cosmologie, continuent à exposer la structure
de l'univers. Prenant acte des découvertes les plus récentes, presque
tous ces textes font aussi écho aux découvertes galiléennes ou aux
autres travaux de l'époque. Tel est le cas de Jean Leurechon, dès les
Récréations mathématiques. Par delà le caractère ludique de
l'ouvrage assorti de nombreux dessins, il faut aussi noter sa capacité à
proposer des solutions nouvelles à des problèmes de géométrie
notamment92, tout en restant d'une grande orthodoxie dans ce
domaine, très sensible de l'astronomie :

Je ne parle pas ici en mathématicien, mais comme le vulgaire qui


demande où est le milieu de la terre, et en ce sens absolument parlant
il n'y a point de milieu en sa surface car le milieu d'un globe est
partout. Néanmoins respectivement parlant l'Ecriture Sainte fait men-

bram ad praeclara quaeque & abstrusa inuenta directam maximeque tutam viam
esse demonstrarunt».
91 Sur cette question, voir A. Le Dividich, op. cit., vol. 2, p. 271-295.
92 Voir à ce propos A. Déblaye, «Etudes sur la récréation mathématique du
P. Lereuchon», Mémoires de la Société philotechnique de Pont-à-Mousson, 1874,
p. 171-183.
446 LE TEMPS DES CHAIRES

tion du milieu de la terre et les interprètes expliquent ces paroles de


la ville de Jérusalem située au milieu de la Palestine. (...)
La terre a de profondeur jusques au centre 3436 milles ou lieues
(...). Depuis le centre jusqu'à la lune, il y a bien 56 demi diamètres
(...) selon la plus vraisemblable opinion de Tycho Brahé93.

Outre l'intérêt présenté par la référence à l'astronome danois,


dont les principes apparaîtront dans les premières décennies du
XVIIe siècle comme la référence, dans la nouvelle astronomie,
acceptable pour la Compagnie94, dans cet extrait, il importe de relever que
l'auteur, laissant de côté sa qualité de mathématicien, se soumet aux
théologiens pour résoudre des questions même concrètes. D'autre
part, la référence à Tycho Brahe renvoie à un choix et est justifiée
par l'idée qu'elle correspond à «la plus vraisemblable opinion».
Cette manière de procéder, qui consiste à laisser la théologie parler
du vrai et les mathématiques du vraisemblable, doit être interprétée
à la lumière des événements de 1616 et de la première condamnation
du copernicanisme. En recourant à cette formule, Leurechon ne
s'interdit nullement de parler des travaux les plus novateurs, mais il
s'installe aussi dans une position qui n'empiète pas sur le terrain de
la doctrine et de la foi. Destiné à un vaste public, ce texte confirme
une hiérarchisation des champs de la connaissance, clairement
explicitée et totalement acceptée : l'observation quantitative des
phénomènes relève de l'étude du mathématicien, mais son étude
qualitative reste soumise à la maîtresse des sciences, la théologie; au
mathématicien de «s'éclipser» devant le théologien. Son travail sur la
comète de 1618, qui souligne l'avance, effective à cette date, de Pont-
à-Mousson sur les autres établissements français, exigerait une
étude approfondie de même qu'une comparaison avec les autres
productions jésuites consacrées à ce thème. Elle est suggérée par les
précautions rhétoriques qui accompagnent la présentation du
système de Tycho Brahe, précautions plus fortes encore que celles
développées en 1624 : «Que si quelqu'un suyvant cette mesme opinion,
& suyvant la hardiesse de Tycho Brahe, la vouloit placer au plus
haut et convexe ciel de la Lune, il devroit dire...»95. Le choix de dis-

93 Récréation mathématique composée de plusieurs problèmes plaisants et


facétieux en fait d'arithmétique, géométrie, mécanique, optique, et autres parties de ces
belles sciences, seconde édition, Paris, 1626, p. 183-184.
94 Voir U. Baldini, Legem impone subactis..., op. cit., seconde partie «La
scuola di Clavio e la crisi della teoria astronomica», p. 123-284, et M. P. Lerner,
«L'entrée de Tycho Brahe chez les Jésuites, ou le chant du cygne de Clavius», art.
cit.
95 Discours de la comete qui a paru aux mois de novembre & décembre de
l'année passée 1618. Par le P. I. L., Reims, Nicolas Constant, 1619, p. 23.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 447

joindre aspects quantitatifs et qualitatifs dans l'étude des


phénomènes célestes n'est pas propre au cercle mussipontain. On trouve
chez Pierre Bourdin une attitude comparable. A propos du système
tychonien, présenté dans le cadre de son Cours de mathématiques, il
écrit :
C'est celle qui est aujourd'hui en vogue, autrefois ébauchée par
Marrian Capella, et nagueres polie & achevée par Tycho Brahe
excellent Mathématicien. (...) La petite figure A montre les Astres de
Medicis depuis peu découverts, qui tournent autour de Jupiter...96.

En outre, dans cette dernière phrase, allusion est faite à Galilée,


sans que le nom du mathématicien italien soit cité. D'une manière
générale, ses travaux astronomiques ne sont pas évoqués, alors que
le système copernicien est presque systématiquement présenté à
titre d'hypothèse97.
Au total, les auteurs jésuites s'occupent de mathématiques
mixtes et mathématiques pures, avec une évidente prédilection pour la
géométrie, et au détriment des questions excessivement polémiques.
La qualité générale de cette production se mesure à sa capacité
d'adhésion aux thèmes de la «science nouvelle» dont elle est
contemporaine. D'une manière générale, les travaux les plus récents sont non
seulement connus mais cités, voire présentés. L'intérêt pour les
problèmes en débat, le souci de clarté souvent manifesté par le recours
aux illustrations, la bonne qualité typographique, - les ouvrages sont
le plus souvent produits par des imprimeurs de premier ordre -,
constituent autant d'éléments à mettre au crédit de ce corpus. S'il
n'a pas contribué à imposer les grands thèmes de la révolution
scientifique, du moins a-t-il fourni à un public croissant et toujours
plus attiré par ces sujets, une littérature scientifique variée dans ses
objets et ses modes d'approche de la science mathématique. Le souci
du public constitue, de fait, une des constantes de ce corpus.

96 P. Bourdin, Le cours de mathématiques..., op. cit., p. 124.


97 Dans le cadre d'un travail de présentation globale, on ne développera pas
davantage l'analyse des textes. Une étude plus détaillée permettrait de nuancer
considérablement cet ensemble de généralités, car elle permettrait de prendre en
compte les différents aspects du dossier astronomique en débat dans cette
période et de montrer le caractère éclectique des propositions développées dans les
ouvrages jésuites. Les résultats proposés par R. Ariew, à propos des comètes
étudiées à Paris au XVIIe siècle, devraient y trouver d'autres confirmations. Voir
R. Ariew, «Theory of Cornets at Paris during the Seventeenth Century», art. cit.
A. Le Dividich propose de nombreux exemples de cette attitude, dans les
ouvrages non jésuites, ce qui invite à systématiquement replacer la production de la
Compagnie dans son cadre général : voir A. Le Dividich, op. cit., vol. 2, p. 203-
245.
448 le temps des chaires

Le livre et son public

La question des lecteurs présente un intérêt majeur pour cette


étude : elle contribue en effet à éclairer le projet culturel des
mathématiciens jésuites. Face à l'immensité du chantier et aux multiples
modes d'investigation possibles, j'ai choisi de chercher à identifier le
public visé par ces différents textes, écartant délibérément l'analyse
de la diffusion qui aurait exigé le recours à d'autres outils. Les livres
de ce corpus visent, parfois explicitement, un lectorat, qui est le plus
souvent défini à travers les dédicaces ou les avant-propos.

Les dédicataires des ouvrages scientifiques

La majeure partie des ouvrages analysés s'ouvre sur une


dédicace : on en compte 29, soit 57% des cas98. Les dédicataires se
divisent en deux catégories, d'une part les autorités politiques, d'autre
part les autorités scientifiques. Mise en forme officielle d'une
relation de «patronage»99, la dédicace constitue un élément important
d'analyse du jeu de l'échange dans lequel s'inscrit la production
mathématique jésuite. A cet égard, le caractère plus nettement politique
que scientifique des dédicataires renvoie aux priorités qui sont celles
de la Compagnie du point de vue de son insertion dans le champ
culturel français. La légitimation valorisante est celle que confère
l'autorité politique de tutelle, qu'il s'agisse du prince, un prince de
sang, un agent central du pouvoir, ou du représentant du pouvoir
local. C'est en tout état de cause dans le champ aristocratique, laïc ou
clérical, que se situe le destinataire : le roi (quatre occurrences sans
compter celles, plus logiques, que les mathématiciens royaux, Jean
Della Faille et Claude Richard, adressent à Philippe IV d'Espagne) et
la famille royale (Armand, Antoine et Louis de Bourbon)
apparaissent comme les personnalités le plus souvent sollicitées100. Mais,

98 Sur le statut et la fonction de la dédicace, voir M. Fumaroli, «Sur le seuil


des livres : les frontispices gravés des traités d'éloquence (1594-1641)», dans
L'école du silence. Le sentiment des images au XVIIe siècle, Paris, 1994, p. 325-342.
99 S'il ne faut pas entendre ce terme dans son sens le plus technique, il n'en
demeure pas moins que la dédicace rend visible et lisible des relations de pouvoir
et d'autorité entre le dédicataire et le dédicateur : R. Chartier, «Patronage et
dédicace» dans Culture écrite et société. L'ordre des livres (XIVe-XVIIIe siècle), Paris,
1996, p. 81-106. Sur la question du patronage scientifique voir W. Eamon,
«Court, Academy, and Printing House : Patronage and Scientific Careers in Late-
Renaissance Italy», dans Patronage and Institutions. Science, Technology and
Medicine at the European Court, 1500-1700, B. T. Moran éd., Woodbridge, 1991,
p. 25-50.
100 Les dédicaces au roi émanent de Georges Fournier pour L'hydrographie...,
d'Antoine Lalouvère pour la Quadratura circuii..., de Jacques de Billy pour les Ta-
bulae Lodoicaeae. Jean Dorisy dédie son ouvrage sur les marées à Louis de Bour-
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 449

on rencontre aussi François Sublet de Noyers, Nicolas Fouquet,


Jean-Baptiste Colbert, le Duc de Lorraine, ainsi que des
représentants de la noblesse provinciale dont dépendent les collèges où
enseignent les auteurs101.
En s'adressant aux princes, les auteurs ne se conforment pas
uniquement à une stratégie courtisane. En témoigne la dédicace que
Georges Fournier adresse à Louis XIII, en ouverture de son
Hydrographie qui, après une longue digression sur les vertus du roi et le
nouvel état de la monarchie du point de vue maritime, développe
une série de réflexions sur la situation géopolitique du pays, et
avance des arguments sur les finalités de l'ouvrage :
Cela m'a donné la hardiesse, SIRE, ayant eu l'honneur d'estre
employé selon ma condition dans vos Flottes Royales, sous ces
généreux courages qui ont mis les Vaisseaux ennemis en cendre, et planté
la terreur au cœur de cette Nation, qui se persuadait tenir toutes les
Mers sous sa puissance : et par ce moyen ayant eu le loisir de voir de
prés, et de considérer les ordres, et les règles excellentes que V. M. a
pris peine d'establir, et eu soin de faire observer en toutes les
Expéditions de la Mer, soit pour la guerre, soit pour le commerce : I'ay
crû les devoir coucher par escrit, afin que contribuant, autant que ma
foiblesse peut permettre, à l'excellence de vos généreux desseins, et
faisant profit de ce que l'expérience m'a appris en ces voyages, ie
puisse dresser un estât, et comme des mémoires de l'art de la
Navigation, et instruire le mieux qu'il m'est possible nostre Nation aux
voyages au long cours : travaillant à la rendre capable d'exécuter ce
que vous ordonnerez pour la grandeur de vostre Couronne. C'est ce

bon, Pierre Bourdin adresse le sien à Armand de Bourbon, prince de Conti,


Antoine Laloulève à Antoine de Bourbon, prince de Conti, etc. . .
101 C'est ainsi que sont évoqués le marquis de Heilly, Marchion de Fabert,
Hugues de Lionne, Georges d'Aubusson, archevêque et prince d'Embrun,
François de Ponnat, Jean de Tanouarn, abbé, Henry de la Motte Odencourt, évêque de
Rennes, les seigneurs de Etats de Bourgogne, monsieur de la Motte Hay, Charles
de Blanche Epine, marquis de Chateauneuf, François de Chaillot de Toparche du
Plan. Pour certains d'entre eux, la dédicace entretient un rapport particulier avec
l'ouvrage dédié : ainsi lorsque Jacques de Billy adresse son traité d'astronomie à
Marchion de Fabert, c'est à cause de l'intérêt manifesté par ce dernier pour cette
question. La dédicace fait même allusion à un souvenir commun aux deux
hommes : lors d'un séjour auprès du cardinal de La Valette en Alsace, Billy aurait
initié son dédicataire à l'observation. De même, François de Ponnat a sans doute
été l'un des élèves de Vincent Léotaud, comme l'indique la formule «meas lu-
cubrationes amasti Arithmeticas et Cyclomatias. Magneticae ut placeant tuo ins-
cribo Nomini...», dans la dédicace de la Magnetologia. D'autre part, lorsque Jean
François, s'adressant à Monsieur de la Motte Hay, abbé de Chambon, écrit en
ouverture de L'arithmétique et la geometrìe pratique... : «A qui puis-ie mieux
présenter ce Livre qui contient les clefs des Sciences Mathématiques; Qu'a vous qui les
possédez en perfection, & en estes le Maître? (...)», on comprend que, par delà le
caractère rhétorique de la formule, il s'adresse à un homme éclairé dans ce do-
450 LE TEMPS DES CHAIRES

que i'ose maintenant présenter à Vostre Maieste, Si elle daigne ietter


quelquefois les yeux, et employer quelque heure de divertissement sur
cet Ouvrage...102.
Cette dédicace, où se mêlent considérations politiques et
objectifs pédagogiques, ne suffit pourtant pas à faire oublier la masse
des dédicaces-prétextes, obéissant au genre rhétorique de l'éloge.
Celles qui sont adressées à des mathématiciens n'y échappent pas
systématiquement. Celle de Antoine Lalouvère dans son De cycloide
Galïlaei et Torricelli propositiones viginti103 s'adresse à Pierre de Fer-
mat :
Voici dix jours (Sénateur très intègre) que pour la première fois
j'ai lu la lettre publiée par un très noble et très savant éditeur
anonyme; celle-ci, que tu m'as apportée, soumet à tous les plus fameux
géomètres de la terre le problème de toute cycloide et de son centre
de gravité. Bien que connaissant assurément mes limites, je pense
savoir quelle place j'occupe, bien après ces grands hommes, parmi tous
les géomètres. Puisque, malgré cela, tu m'as commandé de tirer de
cette question tout ce qui me venait à l'esprit, j'ai préféré être accusé
de témérité plutôt que de me soustraire à ta demande. J'ai donc
médité sur ces questions une vingtaine de propositions. Toi que tous les
mathématiciens d'Europe reconnaissent de manière méritée, si
quelque chose fausse a été écrite, ou s'il manque quelque chose à ces
écrits, corrige-les ou complète-les, pourvu que les charges de
magistrat auxquelles tu te consacres utilement depuis longtemps, le
supportent. Avec ces corrections ou ces ajouts, je suis confiant, ce petit
opuscule connaîtra une grande diffusion; c'est pourquoi il te parvient,
plein de cette espérance, envoyé par celui qui est à toi pour toujours,
à plus d'un titre.
Toulouse, du Collège, le 12 août 1658. Antoine Lalouvère SI, dit
ton serviteur par l'esprit104.

102 Hydrographie contenant la théorie et la practique de toutes les parties de la


navigation, composée par le Pere Georges Fournier de la Compagnie de Iesus,
Paris, 1643, dédicace.
103 II s'agit d'un opuscule de 1658, composé de 8 pages à peine et qui
s'apparente davantage à une lettre publique qu'à un livre. Il s'inscrit du reste dans un
contexte particulier que la dédicace cherche à éclairer.
104 De cycloide Galilaei et Torricelli propositiones viginti :
«Decem nunc sunt dies (SENATOR INTEGERRIME) cum primum legi à Te
mihi oblatam nobilissimi & doctissimi Anonymi typis éditant Epistolam, quae a
praestantissimis toto Orbe Geometricis postulat solutionem quarundam propositio-
num circa cycloïdem eiusque centra gravitatis. Ego, licet meae tenuitatis mihi probe
conscius, norim quant longo post magnos illos viros intervallos in Geometrarum
qualiumcumque numero locum teneam; quia tamen quid de quaesitis illis in men-
tem mihi veniret promere à Te tune iussus sum, malui temeritatis quam obsequii
Tibi non prompte praestiti nomine accusati. An igitur quas circa problemata eius-
modi meditatus sum viginti omnino propositiones. Tu quem omnes Europa Mathe-
matici merito suspiciunt, si quid perperam scriptum sit, aut si quid scrìptis desit,
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 451

II est net que la fonction de ce texte est avant tout d'ordre


scientifique : certes, le choix de Pierre de Fermât, comme interlocuteur et
juge, dans ce contexte particulier de polémique scientifique, a une
valeur de caution intellectuelle. Mais celle-ci n'est pas uniquement
ostentatoire : les deux hommes ont eu un échange scientifique
nourri, dont témoigne leur correspondance. C'est bien Fermât qui a
transmis au jésuite le problème de la cycloïde tel que Pascal l'avait
soumis à la communauté savante. Donc le propos de l'auteur, qui
consiste à rappeler toutes ces informations, a aussi pour objectif de
démentir une accusation de plagiat émanant de Pascal105. La
polémique scientifique éclaire ici la fonction de la dédicace. Quant à
Pierre Cazré, il adresse sa Physica demonstratio qua ratio, mensura,
modus, ac potentia, accelerationis motu in naturali descensu gravium
determinantur... à Pierre Gassendi. Ici, l'optique est différente, car si
le jésuite cherche aussi à s'inscrire dans une polémique scientifique,
comme le souligne la suite du titre qui vise explicitement la
physique galiléenne, il en est, en revanche, le déclencheur. Dès lors le
choix rhétorique qui consiste à s'adresser à Pierre Gassendi, savant à
la solide réputation scientifique, mais aussi défenseur des idées
nouvelles, permet au jésuite de prendre pied dans un réseau d'échanges
de premier plan106 et, s'adressant à un interlocuteur effectivement
reconnu par la communauté savante, de donner à son propos valeur
officielle.
Restent les seize textes privés de dédicataires : peut-on
caractériser ces ouvrages? Présentent-ils des points communs susceptibles
d'expliquer ce choix? Du fait de la différence des auteurs, des dates,
des lieux de publication, des objets et des objectifs, rien ne permet
de les réunir dans une même volonté qui correspondrait à une
même démarche.
Cette question s'inscrit en définitive dans une interrogation plus
large sur la «spécificité jésuite» de cette pratique de la dédicace,
qu'elle soit politique ou scientifique. Y répondre reviendrait à mener
une enquête sur le livre scientifique à l'époque moderne : chose
souhaitable, mais irréalisable dans le cadre de ce livre. A l'inverse, les
dédicaces visent à placer les scientifiques de la Compagnie dans un

emenda vel supple, modo tamen iudiciorum publicorum occupationes quïbus longe
utilius destineris, id patiantur. Hac emendatione vel etiam supplemento fidens nos-
ter hic libellus prodibit in vulgus intrepide; quapropter Te huius spei plenus adit, ab
eo nempe missus qui plurìmis nominibus iamdiu Tibi est. Tolosano in Collegio, XII
Kal. Aug. 1658. Addictus ex animo servus Antonius Lalovera, SI».
ics voir sur cette question DSB, vol. 7, p. 583.
106 On pense ici à Peiresc dont la correspondance évoque souvent des
interlocuteur jésuites. A titre d'exemple les lettres du début des années 1630, éditées
par P. Tamizey de Larroque, Lettres de Peiresc, op. cit, t. 4, rendent compte, pour
la France, du procès de Galilée et des réactions qu'il a suscitées.
452 LE TEMPS DES CHAIRES

rapport de proximité avec le pouvoir qui suggère un type particulier


de public visé.

Des ouvrages pour un public aristocratique


La diversité du corpus, soulignée à de nombreuses reprises déjà,
tient au fait que les auteurs s'adressent à différentes catégories de
lecteurs. Mais, de manière plus pragmatique, nombre d'auteurs
éclairent la nature de leur projet, en s'adressant à un lecteur idéal
dont ils livrent certains caractères. C'est en général dans la préface
ou dans l'avertissement que la définition du lecteur désiré intervient.
Cette définition s'opère de diverses manières, qui vont de la
désignation explicite d'un groupe professionnel ou social, à celle plus
implicite, qui s'exprime par l'exigence d'un niveau de compétences.
Un premier groupe de lecteurs est composé par les étudiants.
Etant donné la nature des ouvrages considérés, cela n'a rien de
surprenant. Ce qui devrait, au contraire, nous étonner, est que si peu
d'auteurs se soient adressés à eux. L'exemple de Pierre Bourdin, déjà
évoqué, est sur ce point très éloquent. Il retiendra d'autant plus
notre attention que ce jésuite a consacré toute sa carrière à
l'enseignement des mathématiques. Sur toute sa production, trois de
ses livres pourraient a priori être adressés aux étudiants, Prima Geo-
metriae Elementa, publié à Paris, en 1639, L'introduction à la
mathématique de 1643 et le Cours de mathématiques, de 1661. Si l'on ne
considère que cette première partie du titre, et si l'on met de côté la
question de la langue, il semble qu'on soit confronté à un même type
de livres. Mais, alors que le sous-titre de L'introduction pourrait
laisser penser que ce texte constitue la version française de celui de
1639107, la préface lève toute ambiguïté :
Dessein de l'Introduction à la Mathématique.
Si vous avez quelque affection pour les Mathématiques, &
desirez y faire du progrés, entrez-y par les portes ordinaires de la
Géométrie, & de l'Arithmétique : ce sont elles que Platon appelle les deux
ailes du mathématicien, tant elles lui sont nécessaires.
Vous avez la géométrie dans les Eléments d'Euclide, et
l'arithmétique dans les livres de quantité d'auteurs qui en ont écrit bien au
long. Et d'autant que ie désire vous bailler le cours entier de
mathématiques court et facile, autant qu'il me sera possible, ie vous
presente d'abord cette Introduction, qui contient un abregé des premiers
Eléments d'Euclide, & une simple Arithmétique, & l'ay fait a dessein
de vous faciliter l'entrée dans ces deux premières sciences, qui

107 Voici la suite du titre : Contenant les connaissances, & pratiques


nécessaires à ceux qui commencent d'apprendre les Mathématiques. Le tout tiré des
Eléments d'Euclide rengez et démontrez d'une façon plus briefve, & plys facile que
l'ordinaire.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 453

semblent espineuses et difficiles à ceux qui commencent, & de vous


mettre en estât en peu de temps, & sans grande peine de passer plus
avant, & d'entreprendre l'Euclide; ou si le temps & les occupations ne
vous le permettent si tost, de vous disposer au cours entier par ces
premières spéculations & pratiques adoucies.
A cet effet ie me sers de Théorèmes, problèmes et pratiques sur le
terrain, mêlés les uns avec les autres pour ne point ennuyer. Les uns
sont pour la spéculation et raisonnement et les autres pour l'usage, et
pour vous faire jouir du fruit de vos travaux à mesure que vous
avancerez; et les uns et les autres à dessein de préparer votre esprit aux
études, qui se font dans le cabinet sur le papier, ou dans la campagne
sur le terrain, pour de là vous élever jusqu'au ciel, et à la
considération de l'Univers.
Pour y réussir préparez un compas & une règle, & mettez en
pratique les Problèmes qui se présenteront, & vous en rendez l'usage fort
familier. De plus, si vous aimez la campagne, ayez en main des pic-
quets et cordeaux pour exécuter chaque pratique, ou du moins dans
quelque court ou lieu commode, ou si vous n'en voulez prendre la
peine, contentez-vous de le faire sur le papier avec un traict de plume,
ce que la pratique vous ordonne.
Pierre Bourdin s'adresse explicitement à des lecteurs
«amateurs» qui souhaiteraient, de leur propre chef, s'initier aux
mathématiques. Il s'agit donc de leur livrer un bagage théorique
minimum, en géométrie et en arithmétique, pour ensuite leur permettre
de s'engager dans les applications de ces disciplines. D'où le souci de
ne pas ennuyer ces lecteurs potentiels et de leur proposer une série
d'exercices pratiques, de leur livrer un savoir finalisé. De ce point de
vue, L'introduction est à rapprocher du Cours de mathématiques.
Dans ce second cas, le caractère pratique et didactique du manuel
est assumé par le recours aux figures : «Le cours de mathématiques
abrégé et clairement représenté par figures, en faveur de ceux qui
veulent apprendre les mathématiques en peu de temps et sans
peine», est-il précisé à la page 4. S'il est bien clair que les étudiants
de l'académie de mathématiques du collège de Clermont constituent
le public visé par Pierre Bourdin dans les Prima Geometriae Ele-
mentam, qui sont en revanche ces lecteurs individuels qui auraient

108 C'est ce qu'indique le titre de l'ouvrage : Ad usum Academiae Mathemati-


cae Cottegli Claromontani Societatis Iesu. En outre l'adresse au lecteur (p. 2),
d'une tout autre nature que celle de L'Introduction, pose un niveau de
compétence sans lien avec la précédente :
«Proludimus hisce primis Geometriae Elementis in eorum gratiam, qui Ma-
thesim quidem nosse volunt et illius fruì deliciis, adyta vero, et operta mysteria
obstudia alia, quibus sunt intenti, reformidant, daturi Deo favente Geometriam
integram suo loco cum caeteris Encyclopaedia Mathematica facultatibus. De ce-
tero te si novitas agendi, demonstrandique movet, adi notas geometricas; ac, si ti-
bi illi non fecerint satis, Examen Geometricum, quod suo tempore fiet, expecta».
454 LE TEMPS DES CHAIRES

le désir de s'initier aux mathématiques? Un élément de réponse est


fourni par la première page du Cours de mathématiques, sur
laquelle, outre le titre-programme, on peut lire, avant le nom de
l'auteur : «Dédié à la noblesse». Dédicace vague, qui n'est pas reprise
dans L'introduction et qui éclaire peu sur les destinataires de cette
production.
Avec le seul autre exemple de «manuel» fourni par ce corpus,
l'Euclide de Claude Richard109, la désignation du public est opérée de
manière originale et indirecte, à travers l'adresse au lecteur :
Au lecteur.
Pendant les vingt-sept dernières années, que j'ai employées à
donner des leçons publiques de mathématiques, j'ai passé cinq ans
dans notre Académie de Tournon, fondée par les Très Illustres
Comtes de Tournon, célèbres membres de la noblesse de France; sept
ans dans notre Collège de la ville française de Lyon, très noble place
de la terre; quinze ans dans notre Collège Impérial et Royal de
Madrid, à la très célèbre chaire du Roi Très Catholique d'Espagne et des
Indes : j'ai, pendant ce temps, rédigé six volumes sur les questions
géométriques . . . n0.

L'intérêt de cet extrait est double, puisque, sous forme


d'évocation autobiographique, il constitue le seul témoignage direct de
l'articulation entre l'expérience d'enseignement et la production
editoriale. Ceci ne signifie pas, cependant, qu'il faille considérer ce
volume et le suivant111 comme des reflets de l'enseignement de Claude

109 Euclidis Elementorum Geometricorum libros Tredecim Isidorum & Hypsi-


clem & Recentiores de Corporibus Regularibus, & Prodi Propositiones geometricas
Immisionemque duarum rectarum linearum continue proportionalium inter duas
rectos, tam secundum Antiquos quant secundum Recentiores Geometras, novis
ubique demonstrationibus illustravit, & multis definitionibus, axiomatibus, propo-
sitionïbus, corollariis & animadversionibus ad geometricam recte intelligendam ne-
cessariis, locupletavi, Claudius Richardus & S.I. Sacerdos, patria Ornacensis in
libero Comitatu Burgundiae & Regius Mathematicarum Professor dicavitque,
Anvers, Jérôme Verdusius, 1645, 563 p.
110 Euclidis Elementorum Geometricorum..., op. cit., p. 3 r.-v. :
«Ad Lectorem.
Viginti septem annorum decursu, quos in praelegendis publice mathemati-
cis insumpsi; quinque in nostra Turnonensi Academia ab Illustrissimis Comiti-
bus Turnoniis Gallia Nobilitatis clarissimis fundata; septem in Collegio nostro
Lugdunensi Urbis Gallia & orbis nobilissimo emporio; quindecim in nostro Cae-
sareo ac Regio Collegio Matritano & Aula Maximi Régis Hispaniarum & India-
rum Catholic. celeberrima : sex elaboravi disciplinarum geometricorum Tomos».
111 L'autre livre de Claude Richard, consacré aux Coniques d'Apollonius,
Apollonii Pergaei conicorum libri IV. Cum commentants R.P. Claudii Richardi, e
Societate Iesu Sacerdotis, Patria Ornacensis in libero Comitatu Burgundiae, & in
Collegio Imperiali eiusdem Societatis Regii Mathematicarum Matriti Professoris,
dicatis, Anvers, Jérôme et Jean-Baptiste Verdussen, 1655, 398 p. + fig., est
annoncé dès l'adresse au lecteur qui ouvre les Eléments. A la suite de la citation qui fi-
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 455

Richard, ne serait-ce qu'à cause d'un fait qu'il mentionne lui-même :


son programme éditorial est exclusivement géométrique, alors que
son enseignement a dû intégrer les autres disciplines
mathématiques. On peut cependant considérer qu'il a pu nourrir ses ouvrages
des fruits de son expérience de professeur. Si donc son public ne se
réduit pas strictement aux étudiants de mathématiques du Collège
Impérial de Madrid, il doit l'inclure, mais compter aussi des savants
s'occupant de géométrie.
On peut aussi penser que les professeurs cherchent à atteindre
un public plus large. Ce souci d'élargissement est perceptible à
différents niveaux. La structure thématique du corpus, étudiée plus
haut, révèle une évolution des chaires de mathématiques en
direction des mathématiques mixtes. Non seulement les livres sur les
fortifications, l'hydrographie ou la géographie indiquent cet
infléchissement des cours, mais ils révèlent aussi le besoin exprimé par
l'autorité politique de bons navigateurs, militaires et ingénieurs.
L'émergence de cette demande nouvelle, en matière de formation de
techniciens, de soldats, ingénieurs, navigateurs, d'hommes qui, dans
leur métier, peuvent avoir recours aux mathématiques, est prise en
compte par les professeurs qui s'en ouvrent à leur public scolaire et
offrent parallèlement une production mathématique jésuite sur ces
questions, susceptible de répondre aux besoins du public
aristocratique, plus généralement.
D'un point de vue sociologique, il n'existe pas de réelle
contradiction entre les deux. Certes, on ne dispose d'aucune étude sur les
élèves des collèges jésuites et ce travail est rendu impossible par les
lacunes des sources, mais dans les cas où des témoignages
subsistent, on est le plus fréquemment confronté à des étudiants issus
de la noblesse, ce qui confirmerait l'homogénéité sociale du lectorat
concerné par les ouvrages jésuites. Ici le livre de Georges Fournier
sur les fortifications112 apparaît exemplaire. En plus du caractère ex-

gure ci-dessus, il développe ses remarques sur les six volumes auxquels il a
consacré sa vie. Le premier est le livre sur Euclide. Pour les autres, il écrit :
«Secundum est in Zenodorum de figuris isoperimetris, in Archimedis opera,
in Apollonium Pergaeum, et in Serenum Antinsensem. Tertius in Theodosium
Tripolitam, in Menelaum de triangulis sphaericis, & in Pappi Alexandrini propo-
sitiones Geometricas. Quartus de sinibus, tangentibus, secantibus, & analogiis
earundem rectarum linearum; de triangulis rectilineis & sphaericis. Quintus de
natura Quantitatis secundum se, et de passionibus eius universalibus. Sextus de
sphaera Geometrica in universum, in quo fundamenta totius cosmographiae,
geographiae, gnomonices & astronomiae iaciuntur...».
112 Traite des fortifications ou Architecture militaire. Tirée des places les plus
estimées de ce temps, pour leurs fortifications. Divisé en deux parties. La premiere
vous met en main les Plans, Coupes et Elévations des quantités de Places fort
estimées, & tenues pour très-bien fortifiées : La Seconde vous fournit des pratiques
faciles pour en faire de semblables, Paris, Jean Henault, 1648, 183 p.
456 LE TEMPS DES CHAIRES

plicatif du titre, la longue préface désigne les lecteurs visés. Elle


s'intitule «Préface. Contenant plusieurs cognoissances nécessaires à
toutes personnes qui font profession des armes». Les différents
chapitres qui la composent s'adressent directement à ces hommes, qui
ne se réduisent pas aux militaires. Ainsi, le premier chapitre, «Que
l'exercice des armes est le plus noble employ de la vie civile»,
souligne le poids des armes dans la vie aristocratique de la société
française. Puis, les chapitres suivants s'occupent autant du métier des
armes113, que de leur usage social114. Aussi, lorsque le chapitre 10
explique «De quelles parties de Mathématiques on doit estre pourveu
pour ce dessein», il s'adresse bien à ce groupe nobiliaire qui jouit
seul du privilège de servir le roi par les armes :
A peine y en a-t-il aucune qui ne luy soit necessaire, ou qui ne luy
donne de grands avantages, ou au moins d'agréables divertissemens.
L'arithmétique luy enseigne à tenir bon compte et bon ordre,
tant dans ses affaires domestiques, que dans celles que son Prince luy
commet. Elle sert à dresser des bataillons, à former & distribuer les
logements d'un camp, à supputer le nombre d'hommes, l'argent, & le
temps qui est necessaire pour exécuter quelque dessein ou travail.
La geometrie luy apprend à mesurer les hauteurs d'une tour, la
largeur d'une brèche, ou d'un fossé, l'angle d'un bastion, à lever iuste-
ment un plan, ou le tracer sur terre, & mille autres choses
d'importance.
La Mechanique fait dresser des machines, des ponts, des es-
chelles, & tout ce qui est necessaire pour ruiner et renverser des
travaux, & sert grandement a un General d'armée, pour distinguer entre
les propositions d'un Charlatan, qui ne sont soustenuës que de son
imprudente ignorance, & de l'authorité de quelque introducteur trop
credule, & celles d'un habile ingénieur, qui n'avance rien qui soit
contraire à la nature, & qui propose des moyens qui paroissent
possibles.
La Cosmographie & Géographie sont tres-agreables, tant pour
voyager, qu'afin de parler pertinemment de ce qui se passe dans les
Estats estrangers, & se sçavoir servir des Cartes, pour bien conduire
& loger des troupes115.

113 Voir les thèmes des chapitres 2, «Quel est le but des armes», 3, «Qui peut
déclarer la guerre?», 4, «Qui a donné ce pouvoir aux souverain, & l'a osté aux
particuliers?», 7, «Quelles choses sont nécessaires pour bien réussir & s'avancer
dans la profession des armes», 8, «A quel âge il faut se ranger sous les armes», 9,
«Sommaire de tout l'Art militaire».
114 Voir chapitre 5, «Des duels», 6, «Remede à ce desordre». On comprend, à
la simple évocation de ces titres que le livre reprend la distinction entre l'usage
valorisé des armes, pour le métier de soldat, et son usage perturbateur,
politiquement et socialement, dans le duel. Sur la noblesse et les armes, voir F. Billacois,
Le duel dans la société française. Essai de psychosociologie historique, Paris, 1986,
539 p.
115 Traite des fortifications..., op. cit., p. 20-22.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 457

Dans cet extrait, non seulement la valorisation de l'art militaire


est permanente à travers l'évocation de ses différents aspects, mais
les autres fonctions des mathématiques signalées par l'auteur
renvoient systématiquement à une pratique culturelle propre à
l'aristocratie, comme «parler pertinemment de ce qui se passe dans les Es-
tats estrangers». Il n'est donc pas utile de désigner explicitement le
destinataire de cette littérature : celui-ci se reconnaît, de fait, à
travers le discours proposé.
Cette noblesse à laquelle s'adresse l'ouvrage est bien la même
que celle qui suit les cours du professeur de mathématiques. C'est ce
qu'indique la comparaison des manuscrits de cours et des ouvrages
d'un même professeur. Parmi ceux qui entrent dans le cadre de
notre étude, peu offrent cette possibilité de comparaison, le seul cas
que j'ai pu identifier étant celui de Pierre Bourdin. Ses deux livres
posthumes, édités en 1655, moins de dix ans après celui de son
collègue Georges Fournier, apparaissent beaucoup moins ambitieux
dans le traitement d'un même objet. L'architecture militaire, ou l'art
de fortifier les places régulières et irrégulières. Expliqué, pratiqué et
démontré d'une façon facile & agréable. Avec un Abregé de la pratique de
la Géométrie militaire et Le dessein ou la perspective militaire. Piece
très-facile et tres-necessaire à tous ceux qui désirent de pratiquer l'Art
de fortifier pourraient être qualifiés d'ouvrages de vulgarisation à
l'usage de la noblesse. Comme le précise l'éditeur :
Au lecteur.
Voicy un petit ouvrage qui est un excellent abregé des grands &
longs traitez de plusieurs bons Autheurs. le ne vous sçaurois assez
louer ce petit volume : il n'y a que l'expérience qui puisse vous faire
entendre combien vous le devez priser. Pour contribuer quelque peu
à votre satisfaction, & à l'honneur de la mémoire de son Autheur, ie
vous en diray seulement ce mot : que c'est un travail d'un bel esprit,
qui étant capable d'approfondir les plus subtiles parties de la
Mathématique, a estimé que son temps seroit bien employé s'il le donnoit à
la composition de cette piece, parce qu'il voyoit clairement que
renfermant en fort peu de pages tous les plus beaux enseignements qui
sont dans les gros Volumes des autres, & les proposant d'une
méthode très-facile, elle seroit très-utile à une infinité de Noblesse, qui
tient aujourd'huy à honneur de porter les armes pour le service du
Roy & pour la gloire de la France. Et luy n'eut iamais rien de plus
cher, après les interests de Dieu, que de servir de tout son pouvoir son
Prince et son pays. Agréez le fruit de son travail, & priez Dieu qu'il luy
en donne la récompense dans le Ciel, & qu'il nous y achemine tous.
Car après tout, le meilleur de tous les employs est celuy de se
sauver116.

116 L'architecture militaire..., op. cit.


458 LE TEMPS DES CHAIRES

On retrouve ici le caractère aristocratique du lectorat recherché,


caractère confirmé par la dédicace à la noblesse117. Au-delà de cette
première identification, on peut gager qu'il s'agit des élèves du
collège. Les textes sont d'un usage aisé et largement facilité par le
renvoi à un ensemble de planches répondant directement à l'écrit.
L'alternance entre l'écrit et l'image est strictement respectée. Mais à
cette présentation particulièrement didactique s'ajoute un autre
argument : il est fourni par le manuscrit du cours de Pierre Bourdin
des années 1636-39118. En 1636, le cours s'ouvre sur une série de
leçons de géométrie119, dans laquelle s'est glissé un bref cours de
mécanique120 : toutes les leçons entretiennent un rapport direct avec l'art
militaire ou la fortification. On est donc très loin ici du cours de
géométrie centré sur le commentaire d'Euclide, comme Clavius l'avait
organisé. Le même constat s'impose pour les leçons d'arithmétique
qui succèdent à celles de géométrie : «Arithmeticus militaris Tracta-
tus»121, puis «Tractatus Armentarium sive Machinatrix Militaris hel-
licas Machinas...». Enfin, on retrouve une composante plus
classique aux cours de mathématiques déjà étudiés : l'astronomie et la
cosmographie122 ainsi que les disciplines mixtes complémentaires,
hydraulique, gnomonique, optique123. En 1637, le cours de
mathématiques traite de la géométrie : il s'appuie sur des séries de figures,
imprimées sur des feuilles séparées et intercalées dans les notes de
l'élève. A cette première série de leçons, s'en ajoute une seconde
«Geometria militaris. Primus nomenclator militaris»124. L'année
suivante, l'enseignement est centré sur l'optique, comme l'indique la
suite du manuscrit125. Grâce à ce document, on peut donc

117 L'architecture militaire..., op. cit., p. 6-7.


"8 Voir Bibl. nat. de France, ms. lat. 17861 et 17862. Le premier volume est
composé de 792 folios, dont un tiers seulement intéresse directement mon
propos. Les notes sont prises par Paul Le Mercier, à partir du fol. 353r. Pour le
second, il s'agit aussi du cours de mathématiques de Paul Le Mercier, mais suivi
l'année précédente, en 1636-37. Composé de 989 fol., il s'occupe uniquement de
mathématiques .
119 Bibl. nat. de France, ms. lat. 17862, fol. 2r.-91v.; fol. 108-233.
120 Ibid., fol. 92r.-107v. : «Tractatus de ponderibus et machinis, sive de Me-
chanica».
121 Ibid., fol. 262r.-425v.
122 Ibid., fol. 486r.-592v.
m Ibid., fol. 594r.-989v. Les indications chronologiques qui figurent sur le
manuscrit ne permettent pas de reconstituer avec précision la durée des cours et
il est difficile de comprendre si ces leçons correspondent à une ou deux années
d'enseignement. Sans doute faut-il voir les deux manuscrits comme
correspondant à un ordre de présentation différent de celui des leçons.
124 Bibl. nat. de France, ms. lat. 17861, fol. 386r.-517v.
125 Ibid., fol. 534r.-561v.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 459

établir le lien existant entre l'enseignement et la production écrite, et


par là même considérer que le public de ces ouvrages de
mathématiques mixtes correspond potentiellement à celui qui fréquente le
collège.
Certains volumes à caractère technique désignent en apparence
un public plus restreint. Tel semble être le cas de L'arithmétique de
Jean François126, qui s'adresse, explicitement, dans sa préface, aux
arpenteurs. Ses ouvrages d'hydrographie127 désignent, par leur objet
même, des lecteurs en quête de connaissances pratiques, comme le
suggère la préface de La science des eaux :
II n'est point de meilleur moyen pour arriver à la perfection des
sciences que de voir les expériences que les Arts en donnent, ny pour
parvenir a la perfection des Arts que de sçavoir les raisons que les
sciences en rendent : a cause que les expériences de l'Art vérifient les
connoissances de la Science & les mettent dans un haut degré de
certitude; & les raisons des sciences conduisent l'Art dans toutes
occurrences, & le mettent en un degré éminent d'infaillibilité. Et pour
voir la nécessité d'une telle union nous n'avons qu'à considérer ces
deux vertus intellectuelles séparées dans diverses personnes; Nous
verrons les sçavants sans practique se rendre ridicules & tomber en
plusieurs fautes quand ils s'en veulent mesler, soit manque de vérité
en leur science prétendue, soit d'intégrité en leur véritable, & pour
ignorer plusieurs circonstances que l'Art leur apprend. Nous verrons

126 L'arithmétique et la geometrìe pratique. C'est a dire, l'Art de Compter toutes


sortes de Nombres avec la Plume & les lettons. Et l'Art de mesurer tant de loing que
de prés toutes sortes de Lignes, de Surfaces, & de Corps : Et particulièrement
d'Arpenter les Terres, & d'en contretirer les Plans. Et ensuite de Faire des Cartes Geo-
graphiques des Diocèses, Provinces, des Royaumes, etc. Hydrographyques des Mers,
Rivières, Lacs, Estangs, etc. Topographiques des Villes, Bourgs, Chasteaux, Forests,
Parcs, Prez, Champs, Iardins, etc. Par le P. Iean François de la Compagnie de Ie-
sus, Paris, Nicolas Langlois, 1681, 70 p.
127 La science des eaux qui explique en quatre parties leur formation,
communication, mouvements & meslanges. Avec les arts de conduire les eaux, et mesurer la
grandeur tant des Eaux que des Terres. Qui sont 1. De conduire toute sorte de
Fontaines. 2. De niveler toute sorte de pente. 3. De faire monter l'Eau sur la Source. 4.
De contretirer toute sorte de plans. 5. De connoistre toute hauteur Verticale, &
longueur Horizontale. 6. D'arpenter toute Surface Terrestre. 7. De Compter tout nombre
avec la Plume et les lettons. Par le P. Iean François de la Compagnie de Iesus,
Rennes, Pierre Hallaudays, 1653, 120 p. + 40 p. + 24 p. + 56 p. + 28 p. + 68 p.;
L'art des fontaines c'est-à-dire pour trouver, esprouver, assembler, mesurer,
distribuer, et conduire les Sources dans les lieux publics & particuliers, d'entendre la
conduite perpétuelle, Et de donner par Arr des eaux coulantes aux lieux où elles
manquent par nature. Avec l'art de niveler et par le niveau de connoistre les
hauteurs des sources sur le lieu où on veut les conduire; les bornes des Estangs qu'on
veut faire et les terres qu'on doit innonder, le moyen de dessécher les marais & lieux
trop humides; de faire des Canaux soit à porter bateaux soit à faire flotter le bois soit
à joindre les mers & les rivières, & à rendre celles-ci navigables, édition 2de, par le
P. Jean François de la Compagnie de Iesus, a Rennes, chez Hallaudays, 1665,
120 p. + 32 p.
460 LE TEMPS DES CHAIRES

pareillement les Artizans sans science demeurer tout court dans les
incidens qui les obligent a changer tant soit peu leur maniere accous-
tumée d'agir. Que si cela est vray universellement ce l'est
particulièrement dans les sciences qui ont pour suiets les ouvrages artificiels, &
dans les arts qui ont pour ouvrage & pour fin des effets dépendants
de diverses circonstances qui demandent divers moyens & change-
mens selon leur diversité. Telle est la science & l'art des eaux, où
plusieurs de ceux qui ont traité des Sources naturelles ont avancé par
manque d'expérience beaucoup de propositions... c'est pourquoi (...)
ie ioints la Science avec l'Art des eaux, la practique avec la raison (...).
Et pour ce que ie ne doute point que la practique ou la
communication avec les sçavants & les expérimentez aprendra touiours
quelque chose de nouveau afin que l'on puisse adiouter à cecy i'ay fait
insérer une feuille de papier blanc entre les Arts en plusieurs Livres.
Ainsi, dans ces différents cas, la référence à la noblesse disparaît
en apparence. Pourtant, si l'art des fortifications renvoie
explicitement et exclusivement à une culture nobiliaire liée au métier des
armes, l'hydrographie ou la géographie correspondent elles aussi à
une pratique culturelle propre à la noblesse : l'art des jardins, avec
leurs installations hydrauliques, l'architecture, l'aménagement des
palais constituent l'un des centres d'intérêt de ce milieu. Cette
catégorie de livres ne se distingue donc pas tant par la diversification du
lectorat qu'elle vise que par le fait qu'elle désigne un autre aspect de
la culture aristocratique, en prise avec une culture technique en
plein essor. En outre, certains passages, à caractère nettement
spécialisé, désignent précisément certaines professions. Dans L'art des
fontaines..., J. François ouvre le chapitre 3 en ces termes : «Ce
chapitre est pour donner (...) aux fontaniers».
Cette différenciation n'épuise pourtant pas la diversité des
lecteurs du corpus étudié. Car, certains des livres ou opuscules qui le
composent sont adressés à la communauté savante. Ils
correspondent le plus souvent à l'édition d'une œuvre mathématique
antique : Euclide, Diophante, Apollonius sont les cas les plus
représentatifs128. Il peut aussi s'agir de résolutions de problèmes alors en
discussion : la quadrature du cercle, la cycloïde, la chute des corps, le
problème des centres de gravité129. Dans ces différents cas, le public
visé est spécialisé130 et la teneur de l'adresse en est substantiellement
modifiée. Celle-ci développe des informations à caractère historique

128 Je renvoie ici aux deux ouvrages de Claude Richard, cités plus haut, ou
aux textes de Jacques de Billy, à propos de Diophante.
129 Voir, outre les exemples cités plus haut, Ioannis Della Faille Antverpiensis
e societate Iesu in Academia Matritensi Cottegli Imperialis Regii Matheseos
Professons Theoremata de centro gravitatis partium circuii et ellipsis, Anvers, Jean
Meurs, 1632, 55 p.
130 Ainsi, V. Léotaud adresse son ouvrage Examen de circuii... à «Te, bene-
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 461

sur le sujet traité, permettant ainsi, à travers la généalogie établie,


d'identifier un genre de travaux et la tradition d'études à laquelle
l'auteur se rattache131. La situation est la même pour Antoine Lalou-
vère qui, engagé dans la polémique qui l'oppose à Pascal sur la cy-
cloïde, s'adresse aux protagonistes de cette polémique ainsi qu'aux
spécialistes pour défendre ses positions.
Ainsi, le lectorat auquel s'adressent les mathématiciens de la
Compagnie se compose de différents groupes sociaux ou
intellectuels. Du monde de la noblesse d'épée à celui des techniciens socio-
logiquement plus composite, des cercles proches du pouvoir à la
République des Lettres, le dénominateur commun entre ces différents
groupes réside dans leur appartenance aux élites, du pouvoir
comme du savoir. De ce point de vue, la Compagnie reste dans la
continuité d'un projet intellectuel principalement centré, du point
de vue social, sur les cercles dominants.
Dans la mesure où la sociologie du lectorat visé détermine
l'objet et la fonction des livres, il convient de s'interroger sur les valeurs
culturelles dont ceux-ci sont porteurs. Ces ouvrages se caractérisent-
ils par un discours particulier sur les mathématiques, qui
correspondrait à une culture et à des valeurs qui sont celles des publics décrits
plus haut? Face à une question que ce livre n'a pas l'ambition de
résoudre132, le premier constat qui s'impose, pour ce problème comme

vole mi lector geometra». A. Lalouvère procède de manière identique dans le Ve-


terum geometria promota...
131 Theoremata de centro gravitatis..., op. cit., adresse au lecteur :
«E centro gravitatis quadratam ab Archimede parabolen nosti Amice Lector,
eamque adpropria deinde geometrarum principia revocatam. Haec mihi occasio
fuit cogitandi de centro gravitatis partium circuii, & an non aliqua ad quadratu-
ram eius hinc pateret via, primitus inquirendi; quae quam firmo cum hoc centro
sociata sit nexu, hoc opusculum percurrenti tibi palam fiet. (...) Annis abhinc un-
decim cum primum in Dolana sequanorum Academia Mathematicas disciplinas
professus sum, haec a me theoremata fuere excogitata, eaque tetigi verbo uno,
sed demonstratione praetermissa, in iis quae obiter de centro gravitatis auditores
mei scripto exceperunt; Triennio post in Mechanicis Thesibus, quas typis vulgavi,
eorum mentionem feci, nec ab iisque commentaria in ipsum edidere. Fredericus
Commandinus et Lucas Valerius in circulo & ellipsi centra gravitatis & figurae
idem convenire punctum ostenderunt, nempe quid sine ullo demonstrationis ad-
miniculo facile quilibet admississet, hac tamen in parte non sine laude scrupulo-
sae Mathematicarum disciplinarum integrati obsecuti».
132 II s'agirait, en effet, d'engager l'enquête sur culture et formation dans les
différents métiers et groupes sociaux concernés. Or, si ce travail est de première
importance, les travaux disponibles sur la question restent encore rares. Pour les
marchands, voir G. P. Brizzi, «Le marchand italien à l'école entre Renaissance et
Lumières», dans D. Roche dir., Cultures et formations négociantes dans l'Europe
moderne, Paris, 1995, p. 199-214. Pour la problématique d'ensemble les autres
contributions du volume et l'introduction de D. Roche compléteront la réflexion.
462 LE TEMPS DES CHAIRES

pour les précédents, est celui de la pluralité des objets traités, qui a
pour corollaire la variété des statuts faits aux mathématiques.

Fonction et statut des mathématiques à travers


les livres jésuites

Dans leur diversité, les ouvrages considérés ici développent,


dans leur paratexte, un certain nombre de remarques sur la nature
et la fonction des mathématiques. A travers leur analyse, on
cherchera à identifier certains des paramètres de la culture
mathématique engagée dans ces écrits et à interroger le statut assigné aux
mathématiques et au mathématicien.

Vocation pédagogique des livres

Quel que soit leur objet et indépendamment du niveau


d'approfondissement qu'ils supposent, les livres scientifiques jésuites
assument en général une vocation pédagogique qui dépasse largement la
catégorie des manuels scolaires, directement destinés à leurs
étudiants. Cette vocation pédagogique est posée dès la première page
des volumes, à travers les titres.
Leur caractère prioritaire est signalé par la mise en page,
puisque ceux-ci occupent la majeure partie du frontispice, comme
souvent dans la pratique de l'époque. Dans l'économie générale du
texte, ils assument différentes fonctions. Certains, les plus
nombreux, se contentent de présenter la matière de l'ouvrage : c'est ce
que fait Jacques de Billy, dans le Discours sur la comete qui a paru
l'an 1665 au mois d'Avril. C'est aussi le cas de Jean Della Faille avec
ses Theoremata de centro gravitatis partium circuii et ellipsis. En
revanche, c'est un choix plus subtil qui est fait avec les Tabulae Lodoi-
caeae, ou «tables ludoviciennes», qui décalquent la formulation
connue des Tables alphonsines : dans ce cas, la dédicace au roi, sur
laquelle s'ouvre l'ouvrage, est presque redondante. Mais cette
fonction dédicatoire dévolue au titre est rarement utilisée dans ce type
de production jésuite; en général, l'ouvrage a un dédicataire, comme
l'a montré l'analyse ci-dessus.
Cependant, la presque totalité des titres se composent d'un titre
assez général et d'un sous-titre à fonction explicative, qui s'ouvre sur
la préposition «ou» / «sive» : Pierre Courcier écrit une Astronomia
practica, sive motuum caelestium praxes per astrolabia quaedam, qui-
bus syderum loca, motus, defectus, cito & facile pro quolibet tempore
in perpetuum cognoscuntur. La deuxième partie éclaire le caractère
général du titre. En outre, non seulement elle donne à comprendre
ce qui constitue la matière du livre, mais elle précise aussi la mé-
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 463

thode employée. L'ouvrage de Vincent Léotaud, Institutionum arith-


meticarum libri quatuor. In quibus omnia, quae ad numéros sim-
plices, fractos, radicales, ac proportionales pertinent praecepta, claris-
simis demonstrationïbus, tum arithmeticis, tum geometricis illustrata
traduntur, en est un bon exemple. Les quatre livres de l'arithmétique
traitent de tous les types de nombres, mais les préceptes en sont
expliqués par des démonstrations très connues.
L'aspect didactique de certains titres se marque dans une
annonce du plan de l'ouvrage. C'est particulièrement vrai pour la
production de Jean François : La science des eaux qui explique en quatre
parties leur formation, communication, mouvements & meslanges.
Avec les arts de conduire les eaux, et mesurer la grandeur tant des
Eaux que des Terres. Qui sont 1. De conduire toute sorte de Fontaines.
2. De niveler toute sorte de pente. 3. De faire monter l'Eau sur la
Source. 4. De contretirer toute sorte de plans. 5. De connoistre toute
hauteur Verticale, & longueur Horizontale. 6. D'arpenter toute Surface
Terrestre. 7. De Compter tout nombre avec la Plume et les lettons. Cet
exemple constitue une véritable exception par sa précision, mais,
dans d'autres cas, c'est bien la même fonction qui est développée :
La science de la géographie divisée en trois parties, qui expliquent les
divisions, les universalitez, & les particularitez du Globe Terrestre.
Premiere partie. Des divisions géographiques.
Les titres sont aussi porteurs d'indications de méthode qui en
complètent la vocation pédagogique et distinguent l'ouvrage
d'ouvrages concurrents. Les Eléments d'Euclide de Pierre Bourdin sont
«rengez et démontrez d'une façon plus briefve, & plus facile que
l'ordinaire»™. Dans cet autre cas, c'est la simplicité qui est mise en avant :
L'architecture militaire, ou l'art de fortifier les places régulières et
irrégulières. Expliqué, pratiqué et démontré d'une façon facile & agréable.
Avec un Abregé de la pratique de la Géométrie militaire du même
Pierre Bourdin est un titre dont la formule générale, «l'architecture
militaire», s'accompagne d'une explication «ou l'art de fortifier...».
Mais cette présentation ne suffit pas, il y faut une caractérisation
supplémentaire qui insiste sur la facilité et l'agrément. L'édition de
Diophante par Jacques de Billy s'accompagne de «subtiles proposi-
tiones non ab simili methodo pertractantur, et via nova ad eiusmodi
praxes inueniendas aperitur»i3A.
Enfin, véritable mode d'emploi de l'ouvrage, le titre peut
désigner le destinataire pour lequel il a été fait : Jacques de Billy
destine son Opus astronomicus aux astronomes, puisque l'ouvrage four-

133 L'introduction à la mathématique..., Paris, François Pélican, 1643.


134 Diophantus Geometra sive opus contextum ex arithmetica et geometria si-
mul..., Paris, Michel Soly, 1660.
464 LE TEMPS DES CHAIRES

nit un ensemble d'observations et de mesures «ab astronomicis per-


tractantur»; le cours de mathématiques de Pierre Bourdin est «dédié
à la noblesse», ses Eléments de géométrie sont à l'usage de
l'Académie de mathématiques du collège de Clermont135; c'est aux
ingénieurs des fortifications qu'il adresse Le dessein ou la perspective
militaire. Ces différents exemples renvoient à des projets précis,
éclairés partiellement par la désignation explicite du destinataire, dans le
titre. Mais, en plus de ce qui a été dit à propos du lectorat, ils
révèlent un souci de clarté, confirmé par d'autres éléments du texte ou
du paratexte. La présence de figures, le caractère ludique de certains
passages, la concision, tous ces éléments participent du projet de
«normalisation» de la place des mathématiques dans la culture du
temps. Peut-on aller au-delà et identifier cette place? Dans quelques
ouvrages, la réflexion est engagée sur le statut des mathématiques et
du mathématicien.

Définition des mathématiques

Les pages qui précèdent ont donné matière à certaines


remarques concernant le regard porté par les mathématiciens sur
leur discipline et leur rapport aux autres sciences. D'une manière
générale, le respect de la hiérarchie entre théologie et
mathématiques est affirmé et accepté, comme on l'a vu à propos des
débats astronomiques; en revanche nombreux sont les éléments d'un
discours qui tend à valoriser les mathématiques par rapport à la
physique. Le milieu jésuite n'a pas le monopole de ce discours
qui, dans la continuité de la «renaissance des mathématiques»
lancée au XVIe siècle, se diffuse dans la période postérieure. On
peut en prendre pour preuve ces propos de l'éditeur Jean de
Tournes136, présentant, dans une préface adressée à la noblesse
française, sa traduction française de l'Euclide de Jacques Peletier
du Mans :
A la Noblesse françoise.
C'est à vous, Illustres et Généreux Seigneurs, a qui je presente et
dédie cette mienne traduction des démonstrations de Jacques
Peletier sur ses six premiers livres des Eléments d'Euclide. Car ayans
esté si long temps à l'escole et à la suite rendus capables de
commander aux plus grandes armées. Or n'avez vous pas seulemem acquis
cette capacité par votre courage viril et martial, et par votre dextérité
aux armes (que touteffois plusieurs estimem estre les parties
essentielles de la Noblesse) mais aussi vous y avez employé les sciences

135 Paris, Pierre Billaine, 1639, 191 p.


136 Sur la dynastie de Tournes, voir R. Chartier et H. J. Martin dir., Histoire
de l'édition française, op. cit., t. 1, p. 267-272.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 465

Mathématiques, notammem la Géométrie, à fin de vous servir de


l'ordre, de la proportion, de l'égalité, du milieu, de la division, des
angles, des lignes, des arcs, des superficies : de la réduction d'une
forme en autre : et generelemem de tout ce que vous avez trouvé en
la Geometrie estre necessaire et propre pour l'art militaire, soit pour
fortifications, soit pour places d'armes, les ranger, exercer, et s'en
servir commodemem. Ce n'est donc pas sans raison, que je vous
dédie un livre plein de préceptes, lesquels vous savez si dextremem
mettre en œuvre. Recevez-le, je vous supplie, d'aussi bon visage,
comme de bon cœur il vous est par moy présenté. Au demeuram je
scay que Forcadel et Errard om faict voir aux françois l'Euclide, ou
partie d'iceluy : mais cela ne m'a pas empesché de traduire et
imprimer Peletier, pour la singulière méthode et merveilleuse facilité qui
luy est familière. Et que je ne commence pas maintenam à
congnoitre, l'ayam appris et remarqué dès l'aage de quatorze ans,
lorsque ledit Peletier me lisoit, en la maison de mon pere, ses
démonstrations de Theon et de Champagne sur ces six premiers livres.
Mais, Illustres et généreux Seigneurs, je vous supplie me permettre
que je m'estende un peu plus en ce discours, et que je vous die une
méditation que j'avais lors, autam que mon bas aage le pouvoit
porter, et laquelle j'ay encor pour le jourd'huy. En toutes ces
démonstrations il n'y a Principe, Problème, ny Théorème aucum, depuis le
commencemem jusques à la fin, qui ne tende et conspire unanime-
mem à la conservation et establissemem parfaict de tout ce cors
géométrique : et ne s'en trouvera pas un seul, qui destruise ny interesse,
ny mesmes combatte tam soi peu, ny les précédents, ny ceux qui
suyvem. Jamais aussi les membres d'un corps ne conspirem à la l'un
de l'autre, si ce n'est en quelque personne furieux et maniaque. Et
vous, Généreuse Noblesse, à qui Dieu a tam departi de ses grâces,
qui avez le cœur si noble, et qu'on peut nommer comme membres
de la plus belle et plus florissante Monarchie qui soit ny qui fust
jamais au monde, doutez-vous qu'à presem, et à l'advenir, on vous
puisse reprocher, ou à breve mémoire, qu'au lieu d'estre estançoné,
solides colonnes, et arcsboutant de ces belles fleurdelis, vous abba-
tez par vos propres mains, de jour à autre, les piliers qui les peuvem
maintenir contre toutes les bourrasques de la mer impétueuse de ce
siècle? Sur la poincte d'une esguille vous fondez des querelles? vous
appelez honteux ce qui est directemem contre l'honneur de Dieu?
vous vous bouschez les oreilles contre les commandements qui vous
som donnez en la saincte Escriture? contre les conseils et
admonitions de vos parents, de vos amis, de ceux qui vous som donnez pour
conducteurs, et pour directeurs de vos actions? contre les Edicts
formels de votre Prince, de ce grand Henry, qui sçavoit, si jamais
homme se sceut, que c'est que du poinct d'honneur? Ha! Messieurs,
pardonnez moy, je vous prie, si je vous dict franchemem, que vous
pouvez et devez mieux faire, tam pour l'obéissance que vous devez à
Dieu, que pour le devoir et obligation que vous avez à la France
votre Patrie. Le Prince des Princes, le Seigneur de Seigneurs, à
l'honneur duquel tous les habitans de la terre doyvem buter, vous veuille
466 LE TEMPS DES CHAIRES

de plus en plus combler de ses grâces, à la gloire, et au bien et repos


de la France.
De mon imprimerie ce 28 mars 1611 137.
Cette préface est d'autant plus intéressante qu'elle émane de
l'éditeur-traducteur, un homme à même de juger de l'intérêt
commercial d'une telle publication. En outre, adressée générique-
ment à la noblesse française, elle cible le même public que celui de
la Compagnie, tout en se plaçant dans un rapport privilégié aux
protestants, comme le signalent le lieu d'édition, Genève et l'allusion à
Henri IV. De fait, on y retrouve les mêmes arguments que certains
de ceux évoqués par les auteurs jésuites, comme celui du lien entre
mathématiques et une culture guerrière mise au service du prince.
Autre point commun, le choix de traduire Euclide, qui renvoie au
phénomène déjà décrit dans le strict cadre de la culture jésuite, la
référence aux livres de Forcadel138 et Errard139 témoignant de son
importance, dès les premières années du XVIIe siècle. Enfin, la
proposition de cette nouvelle traduction est justifiée par l'argument de
«facilité», lui aussi récurrent dans le discours jésuite.
Indice de l'évolution de la place des mathématiques dans la
culture de cette époque, cet extrait est complété par celui que fournit
J.-P. Camus, à propos de l'excellence des mathématiques, dans Les
Diversitez140 :
Le plus propre remede, parmy la misere et désolation de ces
belles sciences délaissées, qu'ayent peu inventer en ces nostres
derniers temps ces belles lumières de nos jours, ces doctes et célèbres
Pères de la Compagnie qui, pour avoir planté les premiers le nom de
Iesus en un monde nouveau, en porte à tres-bon droit le nom; le plus
prompt expédient (dis-je) de ces habiles hommes a esté de joindre en
mesme temps ces deux estudes des mathématiques et de la
philosophie, comme sœurs germaines qui s'épaulent et accolent
nécessairement. A l'adventure, eust-il esté aussi à propos d'en faire comme

137 Les six premiers livres des Eléments géométriques d'Euclide avec les
démonstrations de Jacques Peletier du Mans. Traduicts en françois et dédiés à la
Noblesse françoise, à Genève de l'Imprimerie de Jean de Tournes, 1611, page 1 (non
numérotée).
138 Sur Pierre Forcadel, voir BU, vol. 14, p. 383-384. Pour son édition
d'Euclide, publiée sans lieu ni date, voir l'exemplaire de la Bibliothèque nationale de
France, sous la cote V 6746 (2).
139 Sur Jean Errard, voir BU, vol. 12, p. 580. Pour son édition de 1629 des
neuf premiers livres d'Euclide, voir l'exemplaire de la Bibliothèque nationale de
France (l'édition princeps date de 1604), sous la cote V 37987.
140 Les Diversitez de Messire Iean Pierre Camus Eveque et seigneur de Belley
contenant dix livres divisez en deux tomes, à Paris, chez Claude Chappelet, 1609.
Sur l'homme et son œuvre, voir la thèse de J. Descrains, Jean-Pierre Camus (1584-
1652) et ses Diversitez (1609-1618) ou la culture d'un évêque humaniste, Paris,
1985, 2 vol
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 467

un intermède entre les estudes des lettres humaines et la philosophie,


estans mitoyennes aux unes et aux autres, et certes, il seroit fort utile
d'estre imbu d'icelles, avant que de mettre le nez dans la philosophie.
Mais tant y a que, parmi l'ostracisme de ces arts, c'est le plus facile
moyen que ces beaux esprits, à qui non seulement celles-cy, mais les
autres sciences font hommage, ayent peu inventer pour les rappeller
de leur exil141.

Si on peut voir dans les propos de Camus l'expression de la


«culture d'un évêque humaniste», développant en 1609 des thèmes
qui parcouraient déjà la seconde moitié du XVIe siècle142, il faut aussi
les replacer dans un contexte plus global d'insertion des
mathématiques au cœur d'une culture aristocratique moderne qui mêle
philosophie et science. Il est de plus intéressant de constater que, faisant
l'apologie de cet enseignement, il est amené à faire celle des jésuites,
rendant ainsi hommage au rôle assumé par la Compagnie dans ce
processus.
Cet extrait demande cependant à être lu avec un œil critique : il
s'agit sans doute d'un texte écrit à la demande des pères de la
Compagnie, cherchant à obtenir la suspension de l'interdit qui pèse
sur leur enseignement à Paris143. De ce fait, on y retrouve un écho
des propos de L. Richeome :

le laisse pour n'estre comprinses proprement en la liste des


lettres humaines mais neantmoins voisines d'icelles, les œuvres de
toute sorte de mathématique de Christofle Clavius loué non
seulement par feu Monsieur de Candale, l'Euclide de nos siècles, mais
aussi par Ioseph de l'Escale, iusques à dire qu'il aime mieux estre loué
par un autre; louange d'un homme de la religion prétendue reformée
peu amy de nostre compagnie, & en titre de cette aversion plus rece-
vable en son tesmoignage donné pour un Iesuite...144.

Si l'on écarte le caractère circonstanciel du propos, on y


reconnaît différents thèmes sur les mathématiques qui, nés à la
Renaissance, intégrés par Clavius dans le discours sur les
mathématiques élaboré au sein de la Compagnie dans les années 1580,
continuent à être développés par des hommes proches du milieu jésuite.

141 Les Diversitez..., op. cit., p. 84 r-v. Cité par J. Descrains, op. cit., p. 407-
408.
142 On pense notamment ici aux Prolegomena de Clavius.
143 J. Descrains, op. cit., p. 408-409.
144 Louis Richeome, Plainte apologétique au Roy Tres-Chretien de France et de
Navarre pour la Compagnie de lesus. Contre le libelle de l'auteur sans nom intitulé
Le franc & véritable discours etc. Avec quelques notes sur un autre libelle dict le
Catéchisme des Iesuites, Bordeaux, 1603, p. 45.
468 LE TEMPS DES CHAIRES

Ces thèmes qui opèrent la jonction entre XVIe et XVIIe siècles,


entre culture jésuite et non jésuite, sont aussi repris dans les textes
mathématiques étudiés ici. On peut noter la volonté, exprimée par
différents auteurs du corpus, de valoriser les mathématiques mixtes
ou «sciences practiques». Ici, le thème de l'utilité est décliné sur le
registre de la finalité concrète. Ceci est particulièrement explicite
dans l'avant-propos que Jean François insère en ouverture de son
Arithmétique 145 .
Avant-propos.
En fait de sciences practiques on profite plus par une expérience
que par mille lectures des livres, qui en traitent : Mais quand on peut
avoir l'un avec l'autre, & avoir devant ses yeux le livre, qui dit ce qu'il
faut faire, et tout ensemble un homme, qui fait ce que le livre dit : Et
puis nous met en main les instruments pour en faire autant : C'est
pour lors que l'esprit conçoit avec ioye & facilité les veritez leuës, qui
sans cet ayde luy eussent esté tres-obscures. Et s'il arrive que dans la
longueur du temps on oublie ce que l'on a compris, on rappelle
incontinent par la seule lecture, ce qu'on n'a peu entendre au
commencement, qu'en y ioignant la practique. Outre que l'usage fait voir des
adresses, et des industries toutes particulières, que le livre ne peut
représenter : particulièrement en ce qui touche le mouvement, duquel
les livres ne peuvent nous donner aucune figure.
Cet escrit qui n'est qu'un petit et simple abbregé de
l'Arithmétique, & des quattre opérations communes sans descendre à plusieurs
particularitez, que les autres enseignent estant de cette nature, pour
estre parfaitement entendu la premiere fois demande par advance
quelque teinture de l'Arithmétique, ou plustost un guide, qui prenant
en main la Plume, & les lettons, en fasse voir la Practique, que i'es-
time icy réduite à une grande facilité pour l'exercice, & une grande
évidence pour la raison.
(...) le regarde [l'arithmétique] comme l'instrument des
supputations communes en mille matières civiles. Et ie brosse ce traite dans
cette double considération. Et d'autant que les sciences
Mathématiques, et les calculs plus communs en ont besoin en deux points
principaux (...)
Et ne faut pas que le mot d'Instrument degouste quelqu'un de
son estude. Ce luy est un honneur de servir de si Nobles sciences, ou
plustost de leur estre associée et estre leur fondement, puisque on la
peut apprendre sans les autres, non les autres entièrement sans elle».
De la même manière, son Art des Fontaines146 s'ouvre sur une
longue analyse de l'intérêt de la maîtrise des eaux :

145 L'Arithmétique ou l'Art de compter toute sorte de nombres avec la Plume, &
les lettons. Par le P. Iean François de la Compagnie de Iesus, Rennes, Pierre Hal-
laudays, 1653, 68 p.
146 Dont le sous-titre explique la dimension concrète de l'objet du livre L'art
des fontaines c'est-à-dire pour trouver, esprouver, assembler, mesurer, distribuer, et
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 469

1. La fin & le dessein de ce Traité.


Dieu voyant les Eaux nécessaires à la composition &
conservation des Mixtes, des Plantes, & des Animaux, en a fait la distribution
si grande, que la quantité en est plûtost excessive que défectueuse : si
entière qu'il ny a petit grain, ny brain d'herbe, qui n'en aye sa part par
les gouttes de pluies (...)
La fin donc de ce Traité est de donner le moyen de se servir des
Eaux, que la nature nous presente en divers endroits proches de nos
demeures, pour les conduire dans les Villes, Maisons, Iardins,
Moulins, & autres lieux pour la santé des hommes, & autres animaux,
pour la netteté & commodité des Offices; pour la fécondité des terres,
qui en sont arrousées, pour la nourriture des poissons dans les
Réservoirs, pour le mouvement des Roues, & par tel mouvement pour mille
usages; bref pour la récréation des hommes147.

Ainsi, le thème de l'utilité des mathématiques, qui constituait un


des éléments clés du combat de Clavius dans les années 1580,
continue à faire partie du discours jésuite sur cette science. Avec
l'évolution du contexte intellectuel et social, il subit un demi-siècle plus
tard, un infléchissement correspondant à un autre combat, moins
adressé aux autres membres de la Compagnie qu'à un public en voie
d'élargissement et aux besoins précis. De ce point de vue, la
conception des mathématiques qu'implique cette vision utilitariste est
strictement corrélée au caractère fortement pédagogique des ouvrages
produits. Plus que comme des mathématiciens, les premiers
professeurs de mathématiques de la Compagnie apparaissent comme des
éducateurs mettant leurs compétences au service d'une société. Si
l'affirmation paraît hardie, elle est corroborée par un dernier indice
que livrent leurs ouvrages : il concerne la désignation de l'auteur sur
les frontispices.
Dans presque toutes les situations examinées ici, la mention de
l'auteur occulte sa position de professeur de mathématiques, comme
si ce statut n'avait aucune signification particulière. En effet, alors
que tous les ouvrages qui constituent ce corpus sont de nature
mathématique, presque aucun des auteurs n'est présenté d'un point de

conduire les Sources dans les lieux publics & particuliers, d'entendre la conduite
perpétuelle, Et de donner par Arr des eaux coulantes aux lieux où elles manquent
par nature. Avec l'art de niveler et par le niveau de connoistre les hauteurs des
sources sur le lieu où on veut les conduire; les bornes des Estangs qu'on veut faire et
les terres qu'on doit innonder, le moyen de dessécher les marais & lieux trop
humides; de faire des Canaux soit à porter bateaux soit à faire flotter le bois soit à
joindre les mers & les rivières, & à rendre celles-ci navigables, édition 2de, par le
P. Jean François de la Compagnie de Iesus, a Rennes, chez Hallaudays, 1665,
120 p. + 32 p.
147 Ibid., «Chap. I. & Proemiai. La fin & les moyens en generai de ce Traité».
470 LE TEMPS DES CHAIRES

vue professionnel : systématiquement l'appartenance à la


Compagnie de Jésus est rappelée, le plus souvent le statut de prêtre est mis
en évidence, mais la fonction de professeur de mathématiques n'est
précisée qu'à titre exceptionnel. «Authore Iacobo de Billy, Societatis
Iesu Sacerdote»148 ou «Par le P. Iacques de Billy de la Compagnie de
Iesus, Paris » !49, sont bien les deux formules imprimées sur les
frontispices des livres de Jacques de Billy, comme ceux de Vincent Léo-
taud ou de Pierre Bourdin.
Cette manière de procéder ne préjuge en rien des compétences
scientifiques de tel ou tel auteur. Dans les trois exemples qui
précèdent, on est effectivement confronté à des professeurs de qualité,
mais aussi à des membres de la communauté savante, jouissant
dans ce milieu d'une reconnaissance dont témoignent certains de
leurs livres. Ainsi, on ne peut considérer comme disqualifiante sinon
l'absence de mention de la profession de mathématicien150, du moins
l'absence de référence à l'expérience d'enseignement des
mathématiques. Mais cette absence contribue à mettre sur le même plan des
hommes de stature et de statut différents, dont la contribution aux
mathématiques de leur temps paraît difficilement comparable, si
bien que la mention d'un rapport avec les mathématiques,
lorsqu'elle intervient dans le titre, correspond à des hommes de moindre
envergure.
Les trois exceptions de cette liste sont en effet Pierre Courcier,
Jean Della Faille et Claude Richard. Pour les trois ouvrages laissés
par le premier, il est intéressant de constater que la désignation et la
qualification de l'auteur varie systématiquement : «P. Courcier Ma-
themat. SX», indique-t-on en tête de l'ouvrage sur les surfaces sphé-
riques151, «Per R.P. Petrum Courcier Soc. Iesu, sacrae theologiae
doctorem», précise-t-on pour le supplément à la sphérométrie152, et
«Authore R.P. Pietro Courcier Soc. Iesu», pour son astronomie
pratique, publiée dix ans après le premier livre153. Si l'on peut
comprendre qu'entre le premier et le deuxième livre, la différence de
désignation reflète l'évolution de Pierre Courcier, du point de vue de
sa carrière de professeur dans la Compagnie154, en revanche l'ab-

148 Pour l'édition du texte de Diophante, Paris, 1660.


149 Pour le livre sur la comète de 1665.
150 De fait, la question de la professionnalisation, qui a été soulevée dans le
précédent chapitre, reste ici entière et d'autant plus complexe qu'elle se pose dans
un cadre religieux.
151 Opusculum de sectione..., Paris, 1663.
152 Supplementum sphaerometriae..., Pont-à-Mousson, 1675.
153 Astronomia practica, sive motuum caelestium praxes per astrolabia quae-
dam..., Nancy, 1680.
154 Ce qui tend à confirmer d'une part la valorisation de la théologie qui est
implicite dans cette nouvelle désignation, et d'autre part une situation où, s'adon-
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 471

sence de qualificatif pour le troisième volume reste d'une


interprétation plus délicate.
Pourtant, dans la situation française, il s'agit du seul exemple,
explicite et ponctuel, de qualification professionnelle155. Car,
lorsque, dans les deux autres cas, la mention du statut de professeur
de mathématiques apparaît dès la couverture, c'est pour signaler
celui qui occupe une chaire royale étrangère : Jean Della Faille et
Claude Richard se trouvent tous deux dans cette situation. L'identité
du premier est exhaustivement déclinée sur le frontispice de son
ouvrage sur les centres de gravité, «Ioannis Della Faille Antverpiensis e
societate Iesu in Academia Matritensi Collegii Imperialis Regii Ma-
theseos Professons»156. L'édition d'Euclide due au second est encore
plus bavarde : «Claudius Richardus & S.I. Sacerdos, patria Orna-
censis in libero Comitatu Burgundiae & regius mathematicarum
professor»157. Peut-être cette précision constitue-t-elle un usage édi-
torial dans un lieu donné, car les deux ouvrages sont publiés à
Anvers, à plus de dix ans de distance. Sans doute faut-il plus
simplement y voir l'expression d'une échelle de valeurs culturelles au cœur
de laquelle être professeur de mathématiques constitue une plus-
value dans le cadre du service du prince158. Le Collège Impérial de
Madrid est non seulement une fondation royale159, mais les
professeurs qui occupent la chaire de mathématiques, nommés par le Roi,
jouissent du titre de professeur royal. Dès lors, la mention de la
spécialité professionnelle n'est pas tant liée à la discipline enseignée
qu'au statut de son détenteur. Il est, à l'inverse, raisonnable de
suggérer que l'absence de cette mention sur un frontispice traduit la
faible signification culturelle du statut. Est-ce parce que la seule
évocation de la Compagnie suffit à garantir le sérieux et la qualité du

nant officiellement à une tâche d'enseignement de la théologie, Pierre Courcier


continue à manifester privatim un intérêt pour les mathématiques confirmé par
le troisième de ses ouvrages.
155 II paraît difficile de justifier cette évolution : d'un point de vue
chronologique, il est clair que l'acquisition du titre de docteur en théologie, intervenue
entre le premier et le deuxième livre de Courcier, vient se substituer à la simple
mention de la fonction. Mais, que pour le troisième ouvrage, aucun des deux
éléments ne soit repris paraît peu logique.
l56Theoremata..., Anvers, 1632.
157 Euclidis Elementorum Geometricorum libros Tredecim..., Anvers, 1645.
158 Qu'on regarde les frontispices des ouvrages de Galilée, désigné comme
«mathématicien et philosophe du Grand Duc de Toscane», à partir de son
passage de Venise à Florence. Et l'on sait toute l'importance d'une telle déclinaison
d'identité dans le contexte particulier de l'annonce de la découverte des satellites
de Jupiter.
159 Voir, à son propos, J. Simon Diaz, Historia del Colegio Imperiai de
Madrid..., op. cit.
472 LE TEMPS DES CHAIRES

texte? Cette question en sous-tend cependant une autre sur le


décideur : sont-ce les autorités de la Compagnie, les auteurs ou les
éditeurs qui déterminent la présentation matérielle des livres? Mais
l'absence presque totale d'informations disponibles sur les contrats
passés entre jésuites et éditeurs ne permet pas de mesurer la part
d'autonomie et d'initiative de chacun des partenaires160.
Cette lacune explique aussi la difficulté à éclairer la question des
pseudonymes161 ou celle de l'absence du nom de l'auteur. Dans ce
dernier cas, deux situations différentes doivent être distinguées :
celles où le nom de l'auteur n'est jamais mentionné, celles où il
n'apparaît pas en première page, mais au bas de la dédicace ou de
l'adresse au lecteur. C'est dans cette seconde catégorie qu'entre
l'ouvrage de Pierre Bourdin, quelque peu marginal par rapport à
l'ensemble de sa production, Sol fiamma162 : son nom n'apparaît que
comme signataire de la dédicace adressée à Armand de Bourbon,
prince de Conti. Il en va de même pour le traité sur l'origine des
vents163, dédié par Jean Dorisy à Louis de Bourbon, duc d'Enghien.
En revanche, aucune mention d'auteur ne figure sur un ouvrage
intitulé Traite des fortifications ou Architecture militaire. Tirée des places
les plus estimées de ce temps, pour leurs fortifications. Divisé en deux
parties. La premiere vous met en main les Plans, Coupes et Elévations
des quantités de Places fort estimées, & tenues pour très-bien
fortifiées : La Seconde vous fournit des pratiques faciles pour en faire de
semblables, publié à Paris, chez Jean Henault, en 1648. Comment
alors s'assurer de l'attribution à Georges Fournier? La consultation,
à la Bibliothèque nationale de France, d'une version traduite en
allemand du même ouvrage, permet de résoudre le problème, puisque
les traducteurs ont indiqué sur le frontispice : «in franzosischer bes-
chrieben durch Georg Fournier lesuit. . . » 164. L'autre livre de Georges

160 Je n'ai pas travaillé, du point de vue des sources, sur cet aspect du
problème qui mériterait à lui seul une recherche propre. Voir, sur les Cramoisy,
A. Ronsin, «L'imprimeur Sébastien Cramoisy et l'Université de Pont-à-Mous-
son», dans L'Université de Pont-à-Mousson et les problèmes..., op. cit., p. 345-364;
R. Charrier et H. J. Martin, Histoire de l'édition française, t. 1, op. cit., p. 483-486.
161 II s'agit de l'unique livre de François d'Aix, qui publie sous le nom de
Theophraste Orthodoxe, Les Entretiens curieux sur l'eclipse solaire du 12 Aoust
1654, s.L, s.d., 79 p.
162 Sol fiamma, sive tractatus de sole, ut fiamma est, eiusque pabulo. Sol exu-
rens montes, & radios igneos exsufflans. Aphorismi analogici parvi mundi ad
magnum magni ad parvum, Paris, Sébastien Cramoisy, 1646, 83 p. + 72 p.
163 Curiosae quaestiones de ventorum origine..., Paris, Georges Josse, 1646,
252 p.
164 Handbuch der ist ùblichen Kriegs-Baukunst. Aus den gestalten der besten
und iziger Zeit beruhmtesten Festungen..., in franzosischer beschrieben durch
Georg Fournier lesuit..., Amsterdam, 1667, 138 p. + figures. Cote Bibl. nat. de
France : V 22561.
UNE PRODUCTION SCIENTIFIQUE PLURIELLE 473

Fournier consacré à le description de l'Asie165 pose le même


problème : seule la mention manuscrite de l'exemplaire de la
Bibliothèque nationale de France permet de confirmer une attribution
jamais démentie166. On peut aussi s'étonner du caractère anonyme du
Siège de Landrecy, attribué à Jacques de Billy : c'est le seul ouvrage
de cet auteur qui soit présenté sans nom, d'une manière délibérée
puisque la signature de la dédicace au roi est remplacée par trois
astérisques. Mais est-on assuré de cette attribution? Les indications
fournies par cette adresse rappellent que l'auteur se trouvait présent
au siège décrit : que pouvait donc bien faire le jésuite auprès du roi
en 1637 sur un champ de bataille? Aucune des informations
biographiques disponibles à son sujet n'autorise à confirmer cette
présence. D'autre part, le traité, construit comme un éloge de ce fait
d'armes conduit par le roi, ne s'occupe d'aucun des aspects de l'art
militaire qui auraient pu intéresser le mathématicien, comme la
balistique, la mécanique ou l'art des fortifications. Ces éléments
pourraient servir à alimenter le dossier d'une nouvelle attribution.
L'hypothèse est d'autant plus plausible que l'un des livres attribués par
C. Sommervogel à Jean François, La jauge au pied du Roy n'a pas été
rédigé par le jésuite professeur fléchois, mais par son homonyme,
«bourgeois de Paris»167. Le dernier exemple d'ouvrage publié sans
nom d'auteur est la Physica demonstratio qua ratio, mensura, modus,
ac potentia, accelerationis motu in naturali descensu gravium deter-
minantur. Adversus nuper excogitatam a Galileo Galilei Fiorentino
Philosopho ac Mathematico de eodem Motu Pseudo-Scientiam. La
mention de son auteur, Pierre Cazré, n'apparaît qu'à la troisième
page, au début du texte : s'ouvrant sur l'adresse à Pierre Gassendi,
celui-ci est suivi du nom de l'auteur «Petrus Cazreus è Societate Ie-
su».
Au total, ces cas peu nombreux d'absence de référence à l'auteur
mériteraient des analyses plus approfondies qui engageraient aussi
bien les rapports avec les éditeurs que ceux entre auteurs et
responsables institutionnels de l'ordre168. Cependant, dans tous les cas, l'é-

165 Asiae nova descrìptio, in qua praeter provinciarum situs, et populorum


mores, mira deteguntur, et hactenus inedita. Opus recens exit in lucem, cura
L.M.S., Paris, Sébasten Cramoisy, 1656, 350 p.
166 II faut noter le caractère posthume de ce livre, ce qui serait alors en
rapport avec son anonymat? En revanche, une autre question se pose sur l'origine de
l'initiative editoriale : le titre précise bien qu'il s'agit d'un inédit, mis au jour par
une personne qui ne se manifeste que par d'énigmatiques initiales «L.M.S».
167 C'est ce qu'indique le frontispice de l'exemplaire disponible à la
Bibliothèque nationale de France, sous la cote V 29230.
168 Une enquête est à mener sur la tradition des attributions des livres dans la
Compagnie depuis les origines, c'est-à-dire depuis P. Ribadeneira, Catalogus
scriptorum religionis Societatis Iesu, dont la première édition remonte à 1608, sui-
474 LE TEMPS DES CHAIRES

lément le plus important de cette (re)présentation de l'auteur169 reste


bien la non-caractérisation professionnelle, sans doute à l'image
d'une culture jésuite qui valorise l'universalité de l'apostolat au
détriment de sa spécificité170. C'est peut-être aussi à ce type de
conception culturelle qu'il convient de rattacher la volonté de rester ouvert
à un public large et diversifié, volonté qui s'exprimerait alors à
travers le caractère pédagogique des ouvrages.

Conclusion

La première «bibliothèque mathématique» de l'assistance de


France permet, dans sa diversité, de saisir l'originalité et l'intérêt du
projet jésuite, à la fois par rapport à Rome et par rapport à la société
française. Les livres examinés dans le cadre de ce chapitre ont
incontestablement permis à la Compagnie de renforcer son influence
culturelle sur les élites du pays, dans un domaine dont la première
génération romaine, autour de Clavius, avait fait sa spécialité.
Inscrits dans cette tradition, conscients d'en poursuivre le travail, les
écrivains français ont aussi su se rendre attentifs aux spécificités de
la France du premier XVIIe siècle, tout en s'engageant sur des voies
correspondant à leurs intérêts propres. Ainsi, en intervenant à des
niveaux variés, en développant des œuvres aux finalités diversifiées,
ils sont devenus des figures incontournables de la vie scientifique,
comme le signale l'attitude de Descartes, lors de la parution du
Discours de la méthode : il lui fallait adresser un exemplaire de son livre
aux professeurs de La Flèche, moins par respect de ses anciens
maîtres, que par désir de connaître leurs réactions. Au début des
années 1640, mieux valait avoir les jésuites avec soi que contre soi.

vie de celle d'Anvers en 1613, le tout repris et complété en 1643 par Philippe Ale-
gambe. Cette tradition aboutit à la Bibliothèque... de C. Sommervogel.
169 On notera qu'aucun des frontispices ne recherche un effet esthétique
particulier : presque aucune image, un espace presque exclusivement occupé par le
titre. Contraste particulièrement net avec les frontispices de Galilée, par exemple.
170 Une comparaison avec les ouvrages mathématiques émanant d'autres
milieux serait nécessaire ici. Elle mettrait sans doute en évidence la récurrence de la
mention du titre de professeur de mathématiques chez les laïcs qui vivent de leur
enseignement.
CHAPITRE 9

PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE


DE L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES
DANS LA FRANCE DU PREMIER XVIIe SIÈCLE

Introduction

L'essor des chaires de mathématiques, la croissance numérique


des professeurs attachés à leur enseignement ainsi que la
spécialisation disciplinaire dans laquelle certains s'engagent, la progressive
constitution d'une bibliothèque scientifique des auteurs jésuites :
tels sont les éléments à partir desquels on peut apprécier les
changements notables qui affectent tant la place que le statut des
mathématiques dans les collèges jésuites français pendant la première moitié
du XVIIe siècle. Ces éléments ont incontestablement contribué à
imposer l'image, valorisante pour la Compagnie, d'un ordre présent sur
le terrain scientifique, voire même leader par la modernité de son
système. S'il est vrai qu'elle a déployé un effort institutionnel
considérable pour asseoir définitivement l'enseignement scientifique
dans ses collèges, la Compagnie a aussi travaillé et modulé l'image
qu'elle donnait d'elle-même et de son souci des mathématiques.
Dans une série de situations propices à l'auto-représentation et
habilement exploitées dans cette intention, la Compagnie s'est mise
en scène dans son rapport aux mathématiques. Certes, ce souci ne
s'est pas spécifiquement manifesté pour les disciplines
scientifiques : dès les origines, elle s'est attachée à donner une visibilité à
son activité et notamment à son apostolat éducatif1. Par là, elle
invite l'historien à interroger cette image, lui offrant un matériau
original et divers qui permet de distinguer les différents éléments qui
en sont constitutifs. S'offrent, en premier lieu, les récits des
manifestations publiques organisées dans les collèges : quelle place
symbolique, quel rôle effectif y sont assignés aux mathématiques? Quel

1 Voir M. Fois, «II Collegio Romano : l'istituzione, la struttura, il primo


secolo di vita», Roma moderna e contemporanea, voi. 3, 1995/3, p. 571-600. L'auteur y
fait allusion aux fêtes qui ont précédé l'ouverture du Collegio Romano, en 1553.
476 LE TEMPS DES CHAIRES

discours sur les mathématiques s'agit-il de valoriser à travers ces


manifestations? Au-delà du discours officiel, il convient de
confronter auto-représentation et perception. Certes, la question est
complexe du point de vue des méthodes d'approche comme des
sources. Je limiterai mon propos à la perception par les élèves. A la
lumière des rares données disponibles et alors que les élèves sont les
grands absents de ce livre, quelques témoignages éclairent leurs
points de vue, dont la Compagnie s'est aussi nourrie par la suite,
pour construire sa propre image dans sa mise en scène historio-
graphique2.
L'image de la science dans la Compagnie n'est pas un enjeu de
simple pouvoir. C'est aussi sa crédibilité scientifique tout entière
qu'il s'agit de prouver et dont il faut convaincre les groupes
dirigeants, aristocraties et Église. Cette crédibilité se fonde notamment
sur la cohérence et la sûreté doctrinales, dans une période où, par
ailleurs, le progrès des sciences semble contredire les énoncés de la
foi catholique. C'est pourquoi l'image de la science doit être lisse,
dégagée de toute tension : la censure y veille, contribuant, par une
série de mécanismes à polir cette représentation.
En travaillant sur les différents aspects de cette image, il me
paraît possible de poser, sous un angle différent, la question de la
nature et des contenus des enseignements, déjà présente dans les
chapitres précédents. En effet, les imprimés, dont l'émergence tardive,
pour l'espace français, contribue à ancrer le processus
d'émancipation vis-à-vis du centre romain, ne rendent pas nécessairement
compte des enseignements prodigués dans les collèges de la
Compagnie. Ils n'éclairent pas systématiquement la pluralité des pratiques
ou la diversité des niveaux d'enseignement. C'est pourquoi il m'a
paru nécessaire d'ajouter à cette enquête sur les enseignements
d'autres sources : elles vont des témoignages d'élèves aux censures,
des placards de soutenance de thèses aux cours manuscrits. A
travers leur confrontation, il est sans doute possible de saisir les limites
d'une image dans laquelle se fonde le pluriel des pratiques. Car la
stabilisation induite par l'entrée en application de la Ratio studio-
rum n'est pas systématiquement synonyme d'homogénéisation : face
à un cours qui se normalise, la diversité des points de vue et des
niveaux d'approfondissement reste; face à l'idée admise d'une
généralisation des mathématiques, les besoins en hommes compétents de-

2 La Compagnie, consciente de ce rôle, a systématiquement retenu, dans les


monographies des collèges, ses élèves célèbres. Il est vrai que, ce faisant, elle ne
s'écartait pas de l'usage des historiens d'autres types d'écoles ou d'universités. On
trouve encore trace de cette pratique dans l'ouvrage dirigé par P. Delattre, Les
établissements des Jésuites en France..., op. cit.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 477

meurent3. Aussi, considérer la seule production imprimée


reviendrait à occulter cette diversité non seulement pédagogique, mais
aussi doctrinale. En proposant une vision trop générale de ces
questions, on ne peut que construire une situation figée pour l'ensemble
du XVIIe siècle, voire pour l'ensemble de la période moderne :
Au XVIIe siècle (...), les mathématiques ne sont pas du tout
considérées comme une science philosophique. (...) Ce qui ne signifie
nullement que les étudiants en philosophie ne recevaient pas de
formation mathématique pendant les deux années du cycle d'études. (...)
Mais, avec l'avènement du cartésianisme, l'attitude du corps
professoral à l'égard des mathématiques a commencé à changer. Les
professeurs du premier XVIIIe siècle admettent que les mathématiques sont
une science philosophique4.

Ce type de vision synthétique homogénéise l'enseignement des


mathématiques dans les collèges de la Compagnie. Elle n'est certes
pas incorrecte, mais l'analyse développée plus haut sur les différents
professeurs de mathématiques doit aussi être prise en compte ici. Le
rapport critique et polémique aux problèmes mathématiques du
premier XVIIe siècle n'a pu être le fait de la majorité des professeurs
de mathématiques, dont l'enseignement se cantonnait aux
programmes : les premiers livres d'Euclide, des notions d'arithmétique,
un commentaire de la sphère, quelques notions de gnomonique,

3 Les articles de F. de Dainville fourmillent d'exemples qui illustrent ces


tensions entre volonté politique et moyens réels. Ainsi, il évoque les objections des
provinciaux français face à la décision de la Ratio de 1599 concernant la
formation mathématique des étudiants en philosophie. La réponse de Claude Acquavi-
va est claire : «S'il n'y en a pas les moyens, qu'on ne crée pas de chaire, mais il
faudra avoir soin de constituer les ressources qui leur permettront d'être un
jour». Voir F. de Dainville, «L'enseignement des mathématiques...», art. cit.,
p. 330.
4 L.W.B. Brockliss, French Higher Education..., op. cit., p. 381-382 :
«In the seventeenth century (...) mathematics was not considered a philo-
sophical science at ail. (...) This is not to say that the seventeenth-century philo-
sophy student received no mathematical training during his two-year period of
study.(...) From thè beginning of thè Cartesian era, however, professorial
attitudes to mathematics began to change. The early eighteenth-century professor
(...) recognized that mathematics was a philosophical science».
On voit, en outre, que l'analyse laisse peu de place aux phénomènes du
premier XVIIe siècle. Les travaux ultérieurs de l'historien anglais ont apporté
d'heureuses et précieuses nuances à ce tableau : «The Atoms and the Void in the
Collèges de Plein Exercice, 1640-1730», Magdalen College, Oxford, juin 1992, 24 p.,
inédit; Id., «Pierre Gautruche et l'enseignement de la philosophie de la nature
dans les collèges jésuites français vers 1650», art. cit. D'une manière plus
générale, la bibliographie sur la question de l'enseignement scientifique a connu
d'intéressantes contributions dans ces dernières années, comme en témoignent les
titres qui figurent dans la bibliographie.
478 LE TEMPS DES CHAIRES

quelques autres de musique5. Si telle fut bien la règle générale


jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, il n'en demeure pas moins que
parallèlement, dans des domaines particuliers, d'autres pratiques et
réflexions furent possibles. Il faudra tenter, en conclusion de ce
travail, de mesurer la part respective de chacune de ces tendances. En
attendant, toutes doivent être prises en considération.

Regards d'élèves

Un apport limité

Si l'historiographie a postulé, de manière quasi unanime dans


ces dernières décennies, le rôle fondateur de la Compagnie de Jésus
dans l'essor de l'enseignement des mathématiques6, c'est en s'ap-
puyant sur l'image d'un ordre installé dans un rapport privilégié à la

5 Cette pratique se déduit de l'étude comparée des manuscrits et des


fascicules de soutenances de thèses ou d'exercices publics, comme dans cet exemple,
inspiré directement de l'enseignement de J. Lereuchon : Selectae propositiones in
tota sparsim mathematica..., op. cit.
6 Pour la situation française, parmi les différents exemples disponibles, celui
qui concerne le collège de Lyon me paraît significatif. A. Steyert, Nouvelle histoire
de Lyon et des provinces de Lyonnais, Forez, Beaujolais..., t. 3, Lyon, 1899, p. 317-
318:
«Les Jésuites, de leur côté, avaient porté les études au plus haut degré. En
1658, Louis XIV entendit discourir dans leur collège en douze langues (...).
L'enseignement scientifique leur dut surtout une impulsion extraordinaire. Le goût
des mathématiques, de la physique, de l'astronomie se répandit dans toutes les
classes de la société. L'esprit méthodique, positif de ces maîtres s'accordait
admirablement avec le caractère des Lyonnais, accoutumés à la précision
mathématique des habitudes commerciales. C'étaient des Jésuites qui, les premiers,
avaient attaqué les ridicules doctrines de l'astrologie; ce fut aussi l'un d'eux qui
s'éleva le premier contre les procès de sorcellerie et le monstrueux système
d'informations judiciaires par la torture. (...)
Inspirés par de telles doctrines, ces religieux avaient ouvert à Lyon, dès la fin
du XVIe siècle, des cours scientifiques qui étaient publics et furent bientôt suivis,
avec une véritable passion, par tout ce qu'il y avait d'hommes éclairés. On est
étonné, quand on fouille les mémoires du temps, de voir des gens d'humble
condition et, en même temps, des hommes du monde, enchaînés par d'autres
devoirs, cultiver les sciences avec un réel succès et uniquement pour leur
satisfaction personnelle (...)».
C'est dans la logique de cette historiographie régionaliste, fourmillant de
données précieuses, mais difficilement utilisables de manière précise et
problématique, que se sont développés les «clichés» sur les différents aspects des temps
anciens. Ainsi, dans la monographie de G. Guitton sur le collège de Lyon, publiée
en 1953, l'ouvrage de A. Steyert sert encore à illustrer cette idée du caractère
déterminant des jésuites pour l'essor des mathématiques. Voir G. Guitton, Les
Jésuites à Lyon sous Louis XIV et Louis XV. Activités, luttes, suppressions, 1640-
1768, Lyon, 1953, p. 48-51.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 479

science. Cette image, - différents éléments des précédents chapitres


l'ont montré -, a été construite de l'intérieur, dès la fin du XVIe
siècle. Mais, comment les contemporains eux-mêmes percevaient-ils
ce phénomène? On a eu l'occasion d'évoquer, à propos du Gymnase
de Strasbourg, les analyses de Jean Sturm et une enquête
systématique reste à faire sur les autres structures éducatives, mais aussi sur
les différents groupes sociaux concernés par la question. Un point
de vue demeure essentiel, celui des élèves : il est malheureusement
très difficile de le connaître. J'ai déjà souligné cette carence des
sources qui contraint l'historien à considérer les étudiants, dans leur
ensemble, comme une masse anonyme d'où ne ressort que la
minorité des «grands hommes», Peiresc, Mersenne, Descartes, Daniel
Huet, voire quelques princes de sang ou des représentants de la
noblesse7.
Parmi ceux-là, certains ont laissé, dans leurs mémoires ou
autobiographies, des témoignages de leur expérience d'élèves des
jésuites. Nonobstant les difficultés méthodologiques que pose l'étude
de ces textes comme «sources» fiables8, on peut y chercher des
échos des pratiques d'enseignement. Les quelques éléments
disponibles ne permettront pas de mesurer le poids réel des jésuites dans
l'essor de la culture mathématique en France, mais ces témoignages
s'accordent à montrer que la Compagnie constitua un terreau
propice à l'éclosion des vocations scientifiques9.
Peiresc, l'un des principaux représentants de la République des
Lettres du début du XVIIe siècle10, n'a pas laissé de témoignage
direct sur sa première formation scientifique reçue auprès des jésuites
de Tournon. Mais, dans la biographie rédigée par Gassendi, peu
après la mort du magistrat11, se trouvent quelques indications. Elles

7 II faut aussi rappeler que certains témoignages ne donnent aucune


indication sur les problèmes qui m'intéressent : voir à titre d'exemple, F. Gaston-Che-
rau, «Pages de la vie de collège (La Flèche, 1611-1616)», dans Mélanges dédiés à la
mémoire de Félix Grat, Paris, 1949, vol. 2, p. 413-443.
8 Les règles rhétoriques liées au genre des mémoires ou de l'autobiographie
jouent un rôle déterminant dans l'élaboration de ces récits. Voir notamment
P. Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, 1975, 368 p.
9 A partir de ces témoignages, utilisés le plus souvent sans aucune
précaution de méthode, l'historiographie a conforté l'image de la Compagnie comme
véhicule de la science moderne. On le constate aussi dans les articles de F. de Dain-
ville. Voir «Foyers de culture scientifique...», art. cit., p. 312 :
«L'éveil des vocations astronomiques de Peiresc au collège de Tournon en
1596, de Tonduti de Saint-Léger, le futur correspondant de Gassendi et
correcteur des tables rudolphines de Kepler, à celui d'Avignon, marquent assez
l'importance de ces premiers, quoique modestes, foyers de culture scientifique».
10 Pour la bibliographie sur le personnage, voir le chapitre 7.
11 Cette biographie date de 1641. L'importance et l'intensité des liens qui ont
uni les deux hommes est aujourd'hui bien connue. Peiresc, de onze ans l'aîné de
480 LE TEMPS DES CHAIRES

décrivent un jeune homme de seize ans, issu du milieu


parlementaire provençal, dont les premières années d'études se déroulèrent
au collège jésuite d'Avignon12. Après une année à Aix, consacrée aux
études de philosophie et aux apprentissages de la culture
nobiliaire13, Peiresc arrive à Tournon :
1596 II fut ensuite envoyé avec son frère à Tournon pour
effectuer avec les Pères Jésuites ce qu'on appelle le cours de philosophie,
tandis que son frère en demeurait encore aux humanités. Mais s'en-
flammant surtout pour les mathématiques, il se consacra ardemment
à la cosmographie qu'ils y enseignaient, sûr que sans elle - mais sans
la chronologie non plus - l'histoire serait obscure en profondeur et
inconsistante. Aussi, après l'emploi de la sphère, étudia-t-il l'emploi de
l'astrolabe (il écrivit lettre sur lettre de réclamation à un artisan qui
avait autrefois reçu pour lui commande d'un astrolabe mais n'avait
pas exécuté le travail assez promptement). Cependant, il ne relâchait
rien de son étude de l'Antiquité (...)14.
Le récit décrit un cours non spécialisé où les premières leçons
de mathématiques sont dispensées par un professeur de
philosophie15 : la mention de l'astronomie, qui correspond, en effet, aux
témoignages contemporains, est sans doute à mettre en rapport, dans
le cadre de ce texte, avec les intérêts postérieurs de Peiresc,
observateur du ciel avec Gassendi. Que faut-il déduire de la mention de
l'astrolabe? Les professeurs initiaient-ils les étudiants à l'utilisation de
ces instruments dans l'établissement? Se contentaient-ils d'une
présentation théorique, laissant aux élèves le soin de compléter, dans la
pratique, cette première approche? Le texte de Gassendi reste trop
vague pour suggérer une réponse. Il n'en demeure pas moins que
cette initiation précoce du jeune homme aux mathématiques a
inauguré des relations épistolaires entre le magistrat aixois et les
mathématiciens jésuites, maintenues et approfondies jusqu'à la mort de
Peiresc16. C'est pourquoi, indépendamment de la qualité, réelle ou

Gassendi, avait introduit son cadet dans les cercles savants parisiens, notamment
celui des frères Dupuy.
12 Voir P. Gassendi, Viri illustri Nicolai Claudii Fabricii de Peiresc, Senatoris
Aquisextiensis vita, dans Opera, Lyon, 1658, t. V, p. 246-247. Une traduction
française est à présent disponible : Vie de l'illustre Nicolas-Claude Fabri de Peiresc
conseiller au Parlement d'Aix, par Pierre Gassendi. Traduit du latin par Roger Las-
salle avec la collaboration d'Agnès Bresson, Paris, 1992, p. 32. Pour une
présentation synthétique de Gassendi, voir R. Pintard, Le libertinage érudit..., op. cit.,
p. 147-156.
13 Vie de l'illustre Nicolas-Claude Fabri de Peiresc..., op. cit., p. 33.
l4Ibid.,p. 34-35.
15 Ce qui est confirmé par l'étude de Tournon, menée dans le chapitre 4.
16 La correspondance de Peiresc en porte de nombreux témoignages : voir
Lettres de Peiresc, op. cit., t. 4, p. 153, 353, 389, 399, 424. A travers ces différentes
lettres adressées à J.-J. Bouchard ou à Gassendi, on retient les noms de Scheiner
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 481

reconstruite, de l'enseignement des mathématiques à Tournon, le


passage par le collège jésuite a eu un rôle déterminant dans la
structuration d'une sociabilité, ici à caractère scientifique, qui maintient,
à travers les générations, l'insertion de la Compagnie dans la
République des Lettres17.
Dans le cas de témoignages directs et plus tardifs, comme celui
de Daniel Huet18, les informations sont tout aussi difficiles à
interpréter. Ces quelques lignes ne peuvent en aucun cas conduire à un
jugement général, comme son auteur lui-même le souligne :
C'est alors19 que je commençai mes études philosophiques, sous
Pierre Mambrun, jésuite, lequel, après avoir enseigné la rhétorique à
Paris, durant quatre ans, aux applaudissements de tous, vint
professer à Caen la philosophie (...).
Il me faisait venir chez lui, même pendant les vacances,
prétendant qu'il en agissait ainsi avec moi, comme autrefois Platon20 avec

et Kircher : la correspondance directe avec les jésuites et la lecture de leurs


ouvrages nourrissent l'échange.
17 On notera un même type de phénomène pour l'ancien élève des jésuites de
La Flèche, Mersenne. Outre que celui-ci correspond directement avec Jean Chas-
telier, il échange avec les jésuites des informations sur les observations
astronomiques. Voir Correspondance du P. Marin Mersenne, religieux minime, publiée par
Mme P. Tannery, éditée et annotée par C. de Waard, Paris, 1945, t. 1, p. 197-207
et p. 478-481; t. 2, p. 242. Quant à Gassendi, même s'il n'a pas fait ses études dans
un collège de la Compagnie, ses échanges épistolaires avec les jésuites ont été
nombreux : voir P. Gassendi, Opera, op. cit., t. 6, p. 35, 58, 98, 413, 417, 426, 436,
440, 446.
18 Né en 1630, à Caen, futur Archevêque d'Avranches et précepteur du
Dauphin, le fils de Louis XIV, à partir de 1670. Son entrée au collège jésuite de Caen
date de 1643 : après ses cinq années d'humanités, il entame le cursus de
philosophie. Voir L. Tolmer, P.-D. Huet, (1630-1721), humaniste, physicien, Bayeux,
1949.
19 C'est sans doute dans les années 1648-1650 qu'est situé ce passage. Dans les
années 1650, le collège ne dispose pas d'une chaire de mathématiques. Au début
du XVIIIe siècle, la présence de Yves André donne un lustre nouveau à
l'établissement : il occupe la chaire de mathématiques du collège de Caen pendant plus de
trente années, de 1726 à 1759. Son insertion dans la communauté savante est
attestée par l'entretien régulier d'une correspondance avec Fontenelle et Male-
branche principalement. On lui doit une biographie de ce dernier, La vie du
R.P. Malebranche, prêtre de l'Oratoire, Paris, Poussielgue, 1886. Outre l'intérêt que
présente pour nous l'existence de ce circuit épistolaire, la biographie que Y.
André a consacrée à son correspondant et «concurrent institutionnel» laisse voir
une prise de position scientifique explicite : le P. André adhère aux théories de
l'Oratorien et ce choix l'a condamné au sein de sa propre Compagnie. D'autre
part, différents témoignages de son activité scientifique nous ont été conservés :
au Musée des Beaux-Arts de la ville de Caen, col. Mancel, ms. 251 (164), «Traité
mathématique et historique d'hydrographie, dicté par le R. P. André professeur
de mathématiques à Caen».
20 Cette référence à Platon me paraît significative du maintien, au cœur du
XVIIe siècle, de la tradition renaissante qui s'est appuyée sur le philosophe grec
pour proposer d'autres fondements épistémologiques à la science : la biblio-
482 LE TEMPS DES CHAIRES

ses disciples, auxquels en vertu d'une loi qu'il avait faite et qui était
affichée aux portes de la classe, il interdisait l'entrée de son cours,
s'ils n'avaient au moins quelque teinture de géométrie.
Je me mis donc à la géométrie, sous la direction de Mambrun21.
J'en étais à la sixième proposition d'Euclide lorsque je fus contraint
de quitter mon maître (...) Je n'avais fait qu'effleurer la géométrie,
mais il m'en était resté une passion si vive de connaître cette belle
science que je passais les jours et les nuits à l'apprendre22.
Derrière l'imprécision de ces souvenirs, les quelques
informations sur l'enseignement des mathématiques ne manquent pas
d'intérêt : ici encore, c'est avec un professeur de philosophie que l'élève
a pris goût aux mathématiques; ce cours semble assuré privatim,
en dehors des cours, et hors des salles de classes; la géométrie
constitue la discipline dominante de cet apprentissage. On retrouve
ici des caractéristiques propres à la première époque de l'essor des
mathématiques en Europe et on mesure aussi les différences avec
la description de Tournon un demi-siècle auparavant, l'importance
de l'astronomie dans le sud de le France étant confirmée a
contrario par cette description. Les limites de ce témoignage tiennent à la
nature même de la source : elle décrit une situation exceptionnelle,
dont on ne peut tirer des conclusions générales. Mais dans le cas de
Peiresc comme dans celui de D. Huet, dans des contextes
intellectuels différents, à un demi-siècle de distance, le passage par le
collège jésuite semble avoir été déterminant pour la découverte des
disciplines mathématiques. Il en fut de même pour le jeune
Descartes.»

Le cas Descartes
Je me plaisais surtout aux mathématiques, à cause de la
certitude et de l'évidence de leurs raisons; mais je ne remarquais point
encore leur vrai usage, et, pendant qu'elles ne servaient qu'aux arts
mécaniques, je m'étonnais de ce que, leurs fondements étant si fermes et
si solides, on n'avait rien bâti dessus de plus relevé23.

graphie sur la question est évoquée dans la seconde partie de ce livre. Reste à
savoir si, dans ce contexte profondément modifié des années 1650, celle-ci relève
d'une simple réminiscence rhétorique qui, en milieu jésuite, prendrait sa source
dans les Prolegomena de Clavius, ou si elle demeure chargée d'une signification
particulière du point de vue du rapport aux mathématiques.
21 Voir C. Sommervogel, op. cit., vol. 5, col. 451-453. Pierre Mambrun (1601-
1661) entre dans la Compagnie en 1621. Professeur de philosophie et de théologie,
il devient un spécialiste d'Aristote.
22 D. Huet, Mémoires, traduits du latin en français par Ch. Nisard, Paris,
1853, p. 19.
23 R. Descartes, Discours de la méthode, texte et commentaire par E. Gilson,
5e éd., Paris, 1976, p. 7.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 483

Cette célèbre réflexion du Discours de la méthode, qui renvoie


aux années fléchoises de Descartes a fait couler beaucoup d'encre,
tant chez les historiens de la philosophie24 que chez les historiens du
collège de La Flèche. En effet, à travers cet exemple célèbre,
plusieurs problèmes de natures différentes sont en jeu : la réputation
scientifique de l'établissement aux XVIIe et XVIIIe siècles, le rôle
effectif que la formation scientifique dispensée dans l'établissement a
joué dans la constitution de la philosophie cartésienne. Cette
seconde question, traitée le plus souvent par des historiens de la
philosophie, n'a pas suscité de synthèse récente de la part des historiens
de l'éducation ou de la vie intellectuelle25 et, s'il n'est pas question ici
de s'engager dans l'analyse du cartésianisme et de ses fondements
épistémologiques, il est en revanche utile de reprendre les éléments
d'un maigre dossier de sources : quelles furent les conditions
d'apprentissage de Descartes, à La Flèche, entre 1605 et 1614? Qui lui a
transmis cette culture mathématique dont lui-même a expliqué
l'importance dans l'émergence de son engagement philosophique? Dans
quelle mesure ce que l'on sait sur cet exemple exceptionnel permet-il
des extrapolations sur l'enseignement des mathématiques dans les
collèges jésuites?
On peut, dans le cadre d'une première approche, s'appuyer sur
les informations disponibles au sujet de la vie de Descartes : outre
les remarques autobiographiques qui jalonnent le Discours de la
méthode20, la biographie rédigée par Adrien Baillet et éditée en 1691 sert
souvent de référence27. L'ensemble des données fournies par ces
textes sur le séjour fléchois soulève de délicats problèmes
d'interprétation, même si Adrien Baillet livre des informations plus précises que
le Discours. A propos des années au collège jésuite, il écrit :

On le fit passer ensuite à l'étude des mathématiques, ausquelles il


donna la dernière année de son séjour à La Flèche : et il semble que
cette étude devoit être pour luy la récompense de celles qu'il avait
faites jusqu'alors. Le plaisir qu'il y prit le paya avec usure des peines
que la Philosophie scholastique luy avait données; et les progrez qu'il
y fit ont été si extraordinaires, quelle collège de La Flèche s'est acquis
par son moyen la gloire d'avoir produit le plus grand Mathématicien

24 A titre d'exemple, on se reportera au commentaire d'E. Gilson, dans


R. Descartes, Discours de la méthode..., op. cit.
25 On pourra toujours se référer au travail de J. Sirven, Les années
d'apprentissage de Descartes (1596-1628), Albi, 1928, 470 p., qui inclut un important
développement sur la période fléchoise.
26 R. Descartes, Discours de la méthode..., op. cit.
27 A. Baillet, La vie de Monsieur Descartes, Paris, 1691, 415 p. Sur ce
bibliothécaire de l'avocat général Lamoignon, voir BU, vol. 2, p. 625-626.
484 LE TEMPS DES CHAIRES

que Dieu eût encore mis au jour. (...) Entre les parties des
Mathématiques, il choisit l'Analyse des Géomètres et l'Algèbre pour en faire le
sujet de son application particulière et la dispense qu'il avoit obtenue
du Pére Principal du collège pour n'être pas obligé à toutes les
pratiques de la discipline scholastique, luy fournit les moyens
nécessaires pour s'enfoncer dans cette étude aussi profondément qu'il
pouvait le souhaiter28.

Baillet semble indiquer que l'apprentissage des mathématiques


se fit dans la troisième année du cursus de philosophie, alors que la
comparaison avec les catalogues du collège et des autres
établissements suggère au contraire que ce cours se situe en complément de
l'année de physique, c'est-à-dire en seconde année29. On doit d'autre
part noter le caractère exceptionnel de la situation faite à Descartes :
dispensé de toutes les autres obligations scolaires, l'étudiant peut
s'immerger dans les sujets qu'il choisit lui-même et qui sont
marginaux par rapport aux objets mathématiques traditionnellement
étudiés. Ce qui est totalement tu, dans cette description, est le lien entre
cette situation d'exception et le fonctionnement de l'institution. Il
semble pourtant que la formation de Descartes s'est réalisée, au
moins partiellement, dans le cadre des cours ordinaires :

Le sieur Lipstorpius prétend qu'il laissa tous ses compagnons


fort loin de luy dans ce genre d'étude30, et qu'il alla infiniment au delà
de ce que son Maître en pouvoit attendre31.

28 A. Baillet, op. cit., p. 27-28.


29 Cette remarque s'appuie sur d'autres passages du texte. Ils sont tous
extraits du livre I, chapitre 4, «Dispositions de M. Descartes pour l'étude.
Établissement du collège de La Flèche. Son père l'y met en pension sous les jésuites.
Progrez qu'il fait dans les Humanitez». On en déduit une première information
sur la première année de philosophie : celle-ci se termine au début de l'été 1610
(l'année est précisée car elle correspond à la période de fermeture exceptionnelle
de l'établissement pour les funérailles d'Henri IV). On est assuré qu'il s'agit de la
première année du cycle puisque Descartes y a appris la philosophie morale et la
logique. A ce propos, A. Baillet écrit, op. cit., p. 24 :
«(Elle) était de toutes les parties de la philosophie celle à laquelle il a
témoigné depuis avoir donné le plus d'application dans le college (...) Dés ce tems il
s'aperçut que les syllogismes et la plupart des autres instructions de la logique de
l'Ecole servent moins à apprendre les choses que l'on veut sçavoir, qu'à expliquer
aux autres celles que l'on sçait».
Quant à la référence à l'apprentissage des mathématiques, elle intervient en
1611-1612. Il s'agit donc bien de la troisième année du cours. Même si les dates
sont discutables, il est important ici de remarquer cet apparent décalage entre La
Flèche et la chronologie suivie dans les autres collèges.
30 II s'agit des travaux qui concernent «l'analyse des Anciens et l'algèbre des
Modernes», A. Baillet, op. cit., p. 29.
31Ibid., p. 30.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 485

Le flou de l'expression rend toute tentative d'interprétation


délicate, même si un passage postérieur éclaire partiellement la nature
des études en question :
Mais [le sieur Lipstorpius] ajoute à ce sujet une histoire dont la
vérité semble dépendre d'une circonstance qui est absolument fausse.
Il dit que son Maître ne pouvant luy proposer des questions aus-
quelles il ne donnât des solutions sur le champ, et se trouvant
embarrassé luy-même à résoudre celles qu'il perméttoit à son Ecolier de luy
faire, il luy avoua nettement qu'il luy étoit inutile dorénavant et qu'il
n'étoit plus en état de luy rien apprendre de l'Algèbre qui luy fût
inconnu. Un jour qu'il luy avoit proposé la plus difficile des questions
qu'il eût pu trouver, il parut si surpris de la nouveauté et de la
sensibilité avec laquelle Descartes en avoit donné la solution par le moyen de
sa nouvelle méthode, qu'il ne pût revenir de son étonnement, qu'en
disant qu'il croyoit que Viète avoit écrit quelques choses sur ce
sujet...32.
La question de la lecture de Viète par Descartes a beaucoup
intéressé les spécialistes du cartésianisme. Ce passage semble suggérer
que La Flèche aurait été le lieu de cette découverte. Si Baillet
n'ajoute pas foi à ce témoignage, c'est principalement à l'appui d'une
lettre de Descartes à Mersenne, écrite en 1639, où le philosophe
indique que les travaux de Viète lui étaient inconnus dans la période
fléchoise33. Cette question intéresse mon propos dans la mesure où
elle a pour enjeu la culture mathématique dispensée à La Flèche et
le niveau d'approfondissement proposé pour l'étude de cette
discipline. En effet, les travaux de Viète, peu connus encore au début du
XVIIe siècle, ont permis de poser les fondements de l'algèbre
moderne. Aussi, le fait qu'ils aient pu faire l'objet d'un enseignement à
La Flèche constituerait un indice important pour la caractérisation
de l'enseignement mathématique de l'établissement. Dans l'état
actuel des connaissances, cette hypothèse doit être envisagée avec
prudence. Outre l'affirmation de Descartes, on peut s'appuyer sur
d'autres éléments. A travers la description de Baillet, le professeur
de Descartes apparaît comme un homme aux compétences limitées.
Si l'on rapporte cette remarque aux analyses proposées au chapitre 7
sur les premiers professeurs de mathématiques du collège, la chose
ne saurait surprendre. L'anecdote de Baillet suggère en revanche

32 Ibid.
33Ibid.,op. cit., p. 30 :
«II est à craindre que tout ce récit n'ait été le fruit de l'imagination de
Lipstorpius, plutôt que la relation d'un fait véritable. Pour en faire voir le peu de vray-
semblance, il suffit de produire le témoignage de M. Descartes, qui a marqué
dans une lettre écrite de Hollande au Pére Mersenne en 1639, qu'il ne se souvenait
pas même d'avoir jamais vu seulement la couverture de Viète pendant qu'il avoit été
en France... ».
486 LE TEMPS DES CHAIRES

que le professeur, tout en se montrant incapable de résoudre


certains problèmes d'algèbre, connaît du moins le nom de Viète.
Pour la date du séjour de Descartes à La Flèche, Baillet indique
la période 1604-161234. Longtemps reconnue, cette datation a été
mise en question par les travaux érudits de H. Gouhier, C. Adam et
J. Sirven, qui ont respectivement avancé comme plus
vraisemblables trois hypothèses : 1605-1613, 1606-1614 et 1607-161535. En
fait, ces différentes positions posent peu de problèmes quant à
l'identité du professeur de mathématiques, sauf à retenir l'hypothèse
de Baillet qui impliquerait alors que Descartes n'a pas eu de
professeur de mathématiques, - ce qui contredirait le récit qui précède -.
Dans les autres cas il s'agirait de Jean François. En revanche, selon
la chronologie privilégiée, l'identité du professeur de philosophie
change36. S'appuyant sur la lettre, contemporaine de la publication
du Discours, que Descartes adresse à Etienne Noël37, J. Sirven a opté
pour les années 1607-1615. Mais ce choix reste discutable. Aucune
source nouvelle ne permet aujourd'hui d'apporter des éléments
complémentaires à ce dossier : il n'est toujours pas possible de
préciser les dates de passage de Descartes à La Flèche. Réduit aux
conjectures, on ne peut que renvoyer à l'annexe qui reconstitue la
liste des professeurs de philosophie de La Flèche, année par année.
Selon la datation retenue, on pourra nommer ainsi les professeurs
hypothétiques ou potentiels de Descartes38.

34 Voir notamment ibid. , p. xlvij : Table chronologique de la vie de Monsieur


Descartes.
35 Voir, pour une présentation synthétique des différentes positions et la
bibliographie afférente, E. Garin, Vita e opere di Cartesio, nouvelle éd., Rome-Bari,
1986, p. 9. On consultera aussi J. Sirven, op. cit., p. 40-50. C'est en effet à lui que
E. Gilson se réfère, dans son commentaire du Discours..., op. cit., p. 103-105.
Pour l'interprétation la plus récente, voir G. Rodis-Lewis, «Descartes et les
mathématiques au collège. Sur une lecture possible de J.-P. Camus», dans Le
discours et sa méthode..., op. cit., p. 190, n. 8; Id., «Un élève du collège jésuite de La
Flèche : René Descartes», dans La formation de Descartes, colloque universitaire
du Prytanée national militaire, La Flèche, 12-13 avril 1996, La Flèche, 1997, p. 26-
36. Il est à noter que cette prise de position ne se fonde sur aucune donnée
nouvelle : voir A. Romano, «L'enseignement des mathématiques à La Flèche dans les
années de la formation de Descartes», ibid., p. 76-103.
36 Pour les différentes possibilités, voir le tableau des professeurs de La
Flèche en annexe 1.
37 Voir Correspondance de Descartes, t. 5, p. 96. Elle se trouve aussi dans les
Oeuvres complètes, éd. A. T., t. 1, p. 383. Elle est presque systématiquement citée
par tous les auteurs : voir par exemple C. de Rochemonteix, op. cit., vol. 4, p. 57.
38 Les commentaires du chapitre 7, supra, sur la formation mathématique de
ces professeurs contribuent à accréditer l'opinion de Baillet : le maître de
Descartes n'a pas pu assurer un degré d'approfondissement des mathématiques
correspondant aux capacités et au désir de son élève.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 487

On peut alors considérer la question de la formation scientifique


du philosophe sous un autre angle. En effet, si c'est bien l'analyse
des géomètres et l'algèbre qui ont été apprises par Descartes à La
Flèche, il est probable qu'un de ses maîtres directs, sans avoir pu
nécessairement lui donner des cours39, lui a fourni les outils, - livres,
références bibliographiques, notes40 -, nécessaires à son
auto-formation41. Dans ce cas rien n'interdit de chercher, dans l'héritage jésuite
de Descartes, l'influence indirecte de J. Chastelier. Ce dernier
remplit en effet deux conditions intéressantes par rapport à cette
hypothèse : il a sans doute assuré la formation des professeurs de
Descartes, et notamment celle de J. François; il s'est intéressé, dans ces
années, aux problèmes algébriques qui ont pareillement occupé
Viète. S'il est peu probable que Chastelier ait jamais rencontré
Descartes, sans doute a-t-il pu, par ce biais, contribuer à sa formation.
Peut-on, sur la base de cette situation exceptionnelle,
approfondir la connaissance de la culture mathématique à La Flèche dans les
premières années du XVIIe siècle? Il est difficile, sur une telle
question, de se détacher de ce que l'historiographie traditionnelle a érigé
en vérité. De manière générale, pour traiter de la place de cet
enseignement dans le cursus jésuite, les historiens de la philosophie
prennent appui sur la monographie de C. de Rochemonteix, qui
décrit la situation des années 1650 : «Si l'on veut se faire une idée

39 Un élément, chronologiquement postérieur, vient renforcer cette


hypothèse, il concerne la production scientifique des professeurs potentiels de
Descartes. L'analyse des livres de J. François ou E. Noël révèle des centres d'intérêt
mathématiques fort éloignés de ceux de leur ancien élève : le premier s'est
principalement occupé d'hydrographie et de géographie (C. Sommervogel, op. cit., 3,
col. 938-939); le second a pris position dans la querelle du vide (C. Sommervogel,
op. cit., 5, col. 1798-1790), soit des centres d'intérêt caractéristiques d'une
physique ou d'une mathématique appliquée. Voir C. de Rochemonteix, op. cit. , vol. 4,
p. 110-116.
40 II est nécessaire de rappeler que l'absence de catalogue pour la
bibliothèque du collège dans ces années interdit d'émettre toute hypothèse sur la
composition de la section «mathématiques». Voir L. Desgraves, «La bibliothèque
du collège des Jésuites à La Flèche», Revue française d'histoire du livre, vol. 55,
1987, p. 187-199.
41 Celle-ci semble avoir été importante pendant les années fléchoises.
Descartes évoque cette liberté, Discours de la méthode, op. cit., p. 4-5 :
«Et néanmoins j'étais en l'une des plus célèbres écoles de l'Europe, où je
pensais qu'il devait y avoir de savants hommes, s'il y en avait en aucun endroit de
la terre. J'y avais appris tout ce que les autres y apprenaient; et même, ne m'étant
pas contenté des sciences qu'on nous enseignait, j'avais parcouru tous les livres,
traitant de celles qu'on estime les plus curieuses et les plus rares, qui avaient pu
tomber entre mes mains».
D'autre part, A. Baillet ajoute, op. cit., p. 20 :
«Pour récompense de la fidélité et de l'exactitude avec laquelle il s'acquittait
de ses devoirs, il obtint de ses maîtres la liberté de ne s'en pas tenir aux lettres, et
aux compositions qui lui étaient communes avec les autres...».
488 LE TEMPS DES CHAIRES

exacte de l'état des sciences mathématiques pendant la première


moitié du XVIIe siècle, qu'on lise Ylnstitutio totius mathematicae du
P. Gautruche...»42. Mais, comment considérer que ce qui vaut sans
doute pour le milieu du siècle, vaut déjà vers 1610?
Les sources restent, il est vrai, largement lacunaires pour cette
période de fondation, avares d'indices sur l'enseignement
mathématique dispensé dans le prestigieux établissement. De celui-ci, toute
trace tangible a disparu. Certes, un poème sur les satellites de
Jupiter fut écrit à La Flèche en 1611. Peut-on y lire un écho de l'activité
scientifique déployée dans l'établissement? L'hypothèse paraît
hardie si on replace ce texte dans son contexte, la grande fête du
collège, la Henriade, célébrée tous les 4 juin, en mémoire du transfert
du cœur d'Henri IV à La Flèche43. La célébration de 1611, la
première, particulièrement grandiose, est connue grâce à un récit
officiel de l'événement, In anniversarium Henrici Magni obitus diem. La-
crymae Collegii Flexensis regii S./.44. L'ouvrage recueille l'ensemble
des textes de circonstance composés alors par les élèves de
l'établissement. Parmi les poèmes qui y furent prononcés, se trouve en
effet un Sonnet sur la mort du roy Henry le Grand et sur la
descouverte de quelques nouvelles planettes errantes autour de Jupiter,
faicte l'année d'icelle par Galilée, célèbre mathématicien du grand duc
de Florence :
La France avait déjà répandu tant de pleurs
Pour la mort de son Roy, que l'empire de l'onde
Gros de flots ravageait à la terre ses fleurs
D'un déluge second menaçant tout le monde;
Lorsque l'astre du jour, qui va faisant la ronde
Autours de l'Univers, meu des proches malheurs
Qui hastaient devers nous leur course vagabonde
Lui parla de la sorte, au fort de ses douleurs :
France de qui les pleurs, pour l'amour de ton Prince,
Nuisent par leur excès à toute autre province,
Cesse de t'affliger sur son vide tombeau;
Car Dieu l'ayant tiré tout entier de la terre,
Au ciel de Jupiter maintenant il esclaire
Pour servir aux mortels de célestes flambeau45.

42 C. de Rochemonteix, op. cit., vol. 4, p. 37. Le texte auquel Rochemonteix


fait allusion date de 1653. Pour la description qu'il propose de cet enseignement,
voir p. 37-49.
43 Voir J. Clère, op. cit., p. 101-105.
44 La Flèche, 1611.
45 In anniversarium Henrici Magni obitus diem..., op. cit., p. 163. L'ouvrage
est disponible à la Bibl. nat. de France, sous la cote 8° Lb35.1177; ce poème est en
outre reproduit dans C. de Rochemonteix, op. cit., vol. 1, p. 147-148.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 489

Ce poème, sans intérêt sur le plan astronomique, a souvent été


surinterprété dans les pages sur la formation mathématique de
Descartes46. Son utilisation me semble abusive et peu pertinente pour
illustrer l'activité scientifique de La Flèche dans cette période47. Il
paraît notamment peu probable que les professeurs de l'établissement
se soient livrés à des observations astronomiques48. Cependant, ce
poème fait allusion à un événement antérieur de quelques semaines
à peine. Depuis 1610 et l'annonce par Galilée de la découverte des
satellites de Jupiter49, le monde de l'astronomie était dans une phase

46 Chez J. Sirven, on observe déjà le décalage entre source et interprétation :


«Si Descartes conçut dès lors le désir de réaliser des choses extraordinaires au
moyen des lunettes, il l'alimenta bientôt par la lecture des livres qui traitaient des
sciences les plus curieuses et les plus rares», J. Sirven, op. cit., p. 50. Dans cette
citation, «dès lors» renvoie à la célébration de 1611. Un autre exemple significatif
de cette utilisation abusive se trouve dans la biographie consacré à Descartes par
E. Garin. Outre le premier chapitre sur «les années de formation», dans lequel
est plus nettement étudié l'enseignement jésuite de la philosophie que celui des
mathématiques, on trouve, en fin de volume, une table chronologique qui retient,
pour seul événement des années fléchoises, le poème sur les découvertes de
Galilée. Voir E. Garin, Vita e opere di Cartesio, op. cit., p. 3-18 et 235.
47 Si les satellites de Jupiter constituent enfin pour Galilée la preuve de la
mobilité de la terre (voir à ce propos, dans l'abondante littérature galiléenne,
l'introduction de F. Hallyn à l'édition du Messager des étoiles, Paris, 1992 et celle
d'I. Pantin au Messager céleste, Paris, 1992, ainsi que la biographie de L.
Geymonat, Galilée, trad. française, Paris, 1992), dans le poème, en revanche est
maintenue la théorie géocentrique, en conformité avec la position du Collège Romain et
de la Compagnie dès avant la première condamnation du copernicanisme en
1616. De fait, cette position n'est pas spécifiquement jésuite. Pour l'analyse des
théories astronomiques à Paris après l'annonce par Galilée des satellites médi-
céens, voir R. Ariew, «Theory of Cornets at Paris during the Seventeenth Centu-
ry», art. cit. L'auteur, citant entre autres ce poème de La Flèche, développe l'idée
que, malgré la rapidité de la diffusion des nouvelles découvertes, rarement les
enjeux de celles-ci ont été compris. Il montre au contraire, à partir de différents
textes de l'époque, comment la nouvelle configuration des cieux a été intégrée dans
le cadre aristotélicien traditionnel.
48 A titre comparatif, les premières observations du collège de Pont-à-Mous-
son datent de 1618, à l'occasion de l'apparition de trois comètes : réalisées par
J. Lereuchon, sans doute avec d'autres jésuites et des étudiants, elles on fait
l'objet d'une publication dans les mois suivants. Or, le fait qu'à cette même date,
aucune publication n'émane de La Flèche permet de considérer qu'il n'y a pas eu
d'observation de cet événement astronomique, dont l'importance a attiré
l'attention de l'Europe savante et généré une importante production écrite (voir J.-P.
Verdet, Une histoire de l'astronomie, op. cit., p. 167-169). Il paraît encore moins
probable que, sept ans auparavant, cette activité ait été pratiquée.
49 Cette annonce est faite par le biais de la publication du Sidereus Nuncius
magna, longeque admirabilia spectacula pandens, suspiciendaque proponens uni-
cuique, praesertim vero philosophis, atque astronomis, qua à Galileo Galilei patri-
tio fiorentino Patavini Gymnasii Publico Mathematico perspicilli nuper à se reperti
beneficio sunt observata in Lunae facie, fixis innumeris, lacteo circulo, stellis nebu-
losis, apprime vero in quatuor planetis circa Iovis Stellam disparibus intervallis,
atque periodis, celeritate mirabili circumvolutis; quos, nemini in hanc usque diem co-
490 LE TEMPS DES CHAIRES

de grande agitation. Les enjeux de cette observation avaient


convaincu Galilée, nommé depuis le 10 juillet 1610 «mathématicien
et philosophe du grand duc de Toscane», de se rendre à Rome pour
faire partager sa découverte au milieu pontifical. Présent dans la
Ville Éternelle à partir du 1er avril 1611, le mathématicien est reçu par
le Pape Paul V et nombre de princes et cardinaux. L'important
résidait cependant dans l'accueil du Collège Romain, dont Clavius et
son Académie étaient les seuls interlocuteurs compétents sur un tel
sujet. L'accueil des jésuites romains, en mai 1611, nous est connu
notamment par le récit qui en a été conservé, Nuntius Sidereus Collegii
Romani50, éloge en règle du mathématicien florentin, prononcé par
l'un des plus proches collaborateurs de Clavius, Odon de Maelcote51.
Comment dès lors ne pas considérer le poème fléchois comme un
pâle écho de la manifestation romaine52, relevant d'une culture
mondaine particulièrement importante dans le cadre aristocratique de
l'établissement, plutôt que comme l'indice d'une pratique
scientifique réelle centrée sur l'astronomie? La question est d'autant plus
pertinente que, au même moment, au collège de Naples, on assiste à
un phénomène équivalent. Costanzo Pulcarelli, professeur de
rhétorique connu pour ses talents poétiques, a laissé dans ses Carmina
deux épigrammes dédiés à Cosme II de Médicis portant sur la
découverte de satellites de Jupiter par Galilée. Une étude précise de ces
textes a établi qu'ils dataient de cette même année 161 153.
Si donc dans cet épisode quelque chose est à souligner, c'est la
rapidité avec laquelle l'information a circulé : en moins d'un mois la
nouvelle de la réception de Galilée par Clavius est arrivée à La
Flèche. Mais cette célérité ne surprend pas dès lors que l'on rappelle

gnitos, novissime Author deprehendit primus; atque Medicea Sidera nuncupandos


decrevit, Venetiis, Apud T. Baglionum, MDCX.
50 Le manuscrit de ce récit se trouve à la Bibliothèque Apostolique Vaticane,
sous la cote Barb. lat. 231, fol. 177r.-182r.; version imprimée intégrée par A. Fava-
ro dans l'édition nationale de Galilée, Opere, vol. III, 1, 1900, p. 293-298. On sait
que, dans les mois suivants, Bellarmin adressa une lettre à Clavius pour lui
demander son opinion sur les découvertes de Galilée (ibid., vol. XI, p. 87-88). En
réponse, Clavius reconnut la validité de l'ensemble des propositions du
mathématicien florentin (ibid., vol. XI, p. 92-93).
51 Sur ce personnage, voir les références disponibles supra dans le chapitre 3.
52 L'abondante bibliographie sur cet épisode ne peut être rappelée ici. Voir
A. Favaro, «Galileo e il Collegio Romano nel 1611», Atti e Memorie dell'Accademia
di Scienze Lettere ed Arte di Padova, n.s., voi. 20, 1904, p. 7-10; L. Geymonat,
Galilée, op. cit., et P. Redondi, Galileo eretico, op. cit.
53 Ces poèmes sont reproduits et analysés dans B. lezzi, «Un gesuita
estimatore napoletano di Galilei : P. Costanzo Pulcarelli», dans Galileo e Napoli. Atti del
convegno, Napoli, 12-14 aprile 1984, a cura di F. Lomonaco e M. Tonini, Naples,
1987, p. 141-157. L'auteur de l'article insiste lui aussi sur le caractère littéraire des
deux épigrammes, plus apologétiques vis-à-vis de Cosme II que soucieux de
références scientifiques ou de glorification de Galilée.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 491

les nombreux liens qui unissent les professeurs du Collegio Romano


à ceux de France. Odon de Maelcote est personnellement connu du
groupe de Pont-à-Mousson, comme l'indiquent les lettres échangées
entre Clavius, Chastelier, John Hay. Quant aux liens entre Pont-à-
Mousson et La Flèche, on a suffisament insisté sur leur importance.
Peu significatif du point de vue de son contenu54, ce Sonnet sur
la mort du roy Henry le Grand et sur la descouverte de quelques
nouvelles planettes errantes autour de Jupiter, faicte l'année d'icelle par
Galilée, célèbre mathématicien du grand duc de Florence doit donc
être rattaché au genre littéraire de la poésie d'éloge, dont le
destinataire ne serait autre que la Reine-Mère, Marie de Médicis, seconde
épouse et veuve d'Henri IV, le roi assassiné. Le lien de parenté qui
l'unit à Cosme II de Médicis55, son cousin, suffit donc à justifier,
dans le cadre de la Henriade, le thème du sonnet. Il faudra donc
attendre de nouvelles sources pour savoir si Descartes a pu s'initier à
l'astronomie dans son séjour fléchois.
Les témoignages d'élèves constituent une source rare. Les
exemples cités rappellent le caractère limité de cette source, peu
précise dans la description des mécanismes institutionnels ou
pédagogiques. Ces récits ont souvent contribué à nourrir, dans
l'historiographie, une série de clichés sur l'enseignement jésuite des
mathématiques qui s'avèrent, au total, peu fondés. Ce type de sources
demande à être analysé dans un rapport de complémentarité avec
d'autres témoignages. Les manifestations publiques (fêtes, séances
solennelles, représentations théâtrales, etc.) apparaissent comme
des moments privilégiés de la vie des collèges : dans l'image de la
Compagnie qu'elles contribuent à construire, elles constituent une
source précieuse pour la question du statut et de l'enseignement des
mathématiques .

Les mathématiques dans les manifestations publiques

On peut considérer les collèges comme des lieux privilégiés de


construction et d'exposition, à l'intention de la société civile, de
l'identité jésuite. Ils accueillent, en effet, d'importantes manifesta-

54 En revanche, significatif est le fait que le discours de réception de Galilée à


Rome ait été prononcé par Odon de Maelcote. Sur ce dernier et ses positions en
astronomie, voir U. Baldini, «La nova del 1604 e i matematici e filosofi del
Collegio Romano : note su un testo inedito», Annali dell'Istituto e Museo di stona della
scienza, voi. 6, 1981/2, p. 63-97, repris dans Legem impone subactis..., op. cit.,
p. 155-182.
55 François II, père de Marie, laisse le duché de Florence à son frère
Ferdinand, en 1587. Celui-ci règne jusqu'en 1609, et c'est Cosme II, son fils qui lui
succède à cette date.
492 LE TEMPS DES CHAIRES

tions publiques, réceptions de personnalités, anniversaires,


commémorations d'événements propres à l'histoire de l'ordre56. Ces
manifestations jouent un rôle déterminant dans la stratégie jésuite
d'auto-célébration et d'auto-représentation. Elles cherchent à
proposer une image de la Compagnie correspondant aux différents
registres de son activité. L'enseignement y est souvent présent sous
des formes variées, comme les défilés des élèves des différentes
classes lors des cérémonies de commémoration, c'est aussi une
activité propice à l'organisation de festivités, notamment lors des
examens57. Ces festivités solidarisent et stimulent la «communauté
éducative» (maîtres et élèves) du collège, permettent de recevoir les
familles, d'honorer les bienfaiteurs locaux et les notables politiques.
Les analyses qui suivent portent sur l'image et la fonction des
mathématiques, dans cette double perspective.

Les cérémonies publiques : place, statut, image des mathématiques

Dans l'espace français, les sources ne livrent pas de témoignages


de célébrations publiques importantes avant le début du XVIIe
siècle. Cela doit sans doute être rapporté à la situation politique
particulière du pays dans la seconde moitié du XVIe siècle et aux
difficultés rencontrées par la Compagnie dans cette phase d'installation.
Avec le rétablissement de 1603, dans un contexte de paix retrouvée,
les responsables jésuites saisissent diverses occasions, comme on a
déjà pu le voir à La Flèche, en 1611, avec la «Henriade». Mais le
premier événement à caractère universel pour l'ordre intervient en

56 Un exemple de cette fonction est analysé dans M. Mac Govan, «Les


Jésuites à Avignon. Les fêtes au service de la propagande politique et religieuse»,
dans Les fêtes à la Renaissance. Actes du quinzième colloque international
d'Études Humanistes, Tours, 10-22 juillet 1972, Paris, 1975, t. 3, p. 153-171.
57 Sur le théâtre jésuite, il existe une bibliographie abondante : voir L. Pol-
gar, op. cit., vol. 2. Le versant germanique en particulier a été étudié par J.-
M. Vallentin. Voir sa contribution la plus récente, J.-M. Valentin, «Les jésuites et
la scène : Orphée, Pallas et la renovatio mundi», dans L. Giard et L. de Vaucelles
dir., Les jésuites à l'âge baroque (1540-1640), op. cit., p. 131-142, sur le Collegio
Romano, les travaux novateurs de B. Fillipi, La scène jésuite. Le théâtre scolaire au
Collège Romain au XVIIe siècle, thèse de l'EHESS, sous la direction de J. Revel,
1994, exemplaire dactylographié; Id., «Grandes et petites actions au Collegio
Romano. Formation rhétorique et théâtre jésuite au XVIIe siècle», dans Cérémonial
et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), études réunies par M. A. Visceglia et C. Brice,
Rome, 1997, p. 177-199; Id., «Il teatro al Collegio Romano : dal testo drammatico
al contesto scenico», dans // teatro nei suoi primi prìmordi in Europa, actes du
colloque de Rome, 27 octobre 1994, à paraître.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 493

1622, avec la canonisation d'Ignace et de François Xavier : les


cérémonies qui accompagnent la célébration sont particulièrement
fastueuses. Elles ont fait l'objet de nombreux récits émanant des
différents collèges. A Pont-à-Mousson, La Flèche, Paris, Toulouse, Dole,
les responsables des établissements organisent cette fête selon des
modalités variées, qui demanderaient à être analysées avec
précision. Je me limiterai à étudier la place et le rôle accordés aux
mathématiques dans le cadre de ces festivités.
A La Flèche, comme en de nombreux autres lieux, l'événement
fait l'objet d'un compte-rendu imprimé, Le triomphe des Saints
Ignace de Loyola Fondateur de la Compagnie de Jésus, et François
Xavier Apôtre des Indes, au Collège Royal de la même Compagnie à La
Flèche, ou sommaire de ce qui s'y est fait en la solennité de leur
canonisation depuis le Dimanche 24 juillet 1622 jusqu'au dernier jour du-
dit mois58. Cette manifestation est non seulement l'occasion de
célébrer les hommes illustres de la Compagnie, mais aussi de proposer à
la population de la région un tableau vivant du triomphe de la
Compagnie dans le domaine de l'éducation. Le collège offre,
pendant plusieurs jours, un spectacle où se mêlent toutes sortes de sol-
lennités : processions, messes, pièces de théâtre, activités
intellectuelles variées, disputes, les soutenances de thèses constituant un
moment fort de ces spectacles. Pour l'occasion, le collège est
abondamment décoré de peintures, tableaux, fresques allégoriques, mais
aussi de «programmes des écoliers»59. Les élèves des différentes
classes préparent des activités correspondant à leur matière
d'apprentissage :
Les physiciens attiraient les spectateurs de la galerie par ces
mots écrits en lettres d'or, sur la porte : Foris ars; intus est natura; II-
luc obtulum hospes, hue aurem admovere; neenon utrobique heroem
utrumque suscipe, Europae lumen Ignatium, Xaverium Indiae...
Les logiciens mirent sur leurs thèses le triomphe de saint Ignace,
porté au ciel par les mains de la piété et de la doctrine60.
En 1622, alors que le cours de mathématiques est enfin
stabilisé61, les étudiants de cette classe participent de plain-pied à la
célébration :
Les mathématiciens furent encore de la partie, mirent le globe de
l'univers entre les mains des S. S., comme s'ils en étaient le support;
leur doctrine et leur Sainteté ayant empêché sa ruine (...). Chacun
était désireux d'entendre mille belles curiosités, dont leurs thèses

58 Le texte est publié à La Flèche, chez L. Hébert, en 1622. Il est reproduit


dans C. de Rochemonteix, op. cit., vol. 2, p. 219-250.
59Ibid., p. 238.
"Ibid., p. 243-244.
61 A cette date, il est tenu par Ph. Simon : voir sa carrière en annexe 2.
494 LE TEMPS DES CHAIRES

étaient composées, de sorte qu'il n'y eut pas le temps à demi pour
rassasier l'affection des auditeurs, qui y furent en très grand nombre et
fallut de nécessité quitter l'explication des problèmes, tous appliqués
aux qualités, vertus et perfections des Saints, afin de donner place à
ceux qui voulaient disputer.
(...) Le jeudi matin, les disputes de philosophie et de
mathématiques furent continuées avec les affiches jusqu'à dix heures (...)62.
On pourrait, sur la base de cette description, prendre acte de
l'essor des mathématiques à La Flèche : la mention du terme
«mathématiciens», à la suite des «physiciens» et des «logiciens» semble
indiquer qu'il existe une classe spécialisée, ce qui n'est confirmé par
aucune autre source63. La discipline est présente dans cette fête, au
même titre que les disciplines philosophiques, ce qui témoigne d'une
reconnaissance acquise. Il est cependant paradoxal que les thèses de
mathématiques citées ici n'aient fait l'objet d'aucune publication64.
Le paradoxe est particulièrement net si on compare la situation flé-
choise à celle de Pont-à-Mousson.
Dans le collège lorrain, la fête en l'honneur de la canonisation
des deux saints a, elle aussi, fait l'objet d'un récit publié, Les
honneurs et applaudissements rendus par le collège de la Compagnie de
Jésus, Université et Bourgeoisie de Pont-à-Mousson en Lorraine l'an
1623. Aux SS Ignace de Loyola et F. Xavier a raison de leur canoniza-
tion faite par notre S.P. le Pape Grégoire XV d'heureuse mémoire, le 12
mars 1622e5. Pour cette célébration, le collège prépare un immense
défilé dans lequel chacune des classes est présente sur le mode
allégorique. Le char de la fontaine des sciences est décrit en ces termes :
La cinquiesme classe divisée en quatre esquadres marchoit
soubs 4. enseignes, enrichies des Armes de la Ville, et de l'Académie,
de son Altesse, & de sa Saincteté, chasque escolier portant en main,
un cierge, un ecusson, ou chose semblable comme nous avons dict cy
dessus. Suyvoit une machine à soubassement quarré, soustenant un
rocher ou montagne, de laquelle iaillissoit une fontaine, qui pour
estre reconnue Fontaine des sciences, estoit entourée de trois ieunes

62 Le triomphe des Saints..., op. cit., p. 244.


63 II faut noter en particulier que les catalogues du collège, pour toute la
période considérée, ne mentionnent jamais séparément les étudiants de
mathématiques. Les élèves restent classés selon la manière traditionnelle : étudiants en
théologie (de la 4e à la le année), métaphysiciens, physiciens et logiciens. Voir les
reproductions des catalogues en annexe. La même remarque vaut pour les autres
établissements français, Paris compris.
64 D'autre part, aucune des affiches, sur lesquelles étaient sans doute
imprimés les résumés des thèses défendues, ne nous est parvenue. On est donc dans
l'impossibilité de savoir quelles branches du savoir mathématique étaient
discutées.
65 Celui-ci est rédigé par le R. P. Wapy et le texte est publié à
Pont-à-Mousson, en 1623.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 495

enfants de la mesme classe, assis en autant de niches cizelées dans le


roc, représentants trois principales sciences; voyés les en ce crayon.
La premiere vestuë de satin bleu-celeste, parsemé d'estoilles,
portant sur son chef une riche couronne estoillée, & un triangle d'or en
main, c'est la Théologie; celle cy qui paroist tenant une sphère, & qui
auroit une belle cotte de velours à ramages de diverses couleurs, à
fond d'argent, si le burin luy eust peu donner le lustre & la teinture,
c'est la Philosophie : Son estandard est de taffetas de Florence,
orangé pastel, orné des images des Ss. (...) chiffré par tout des lettres
capitales de leurs noms, couchées d'or, & timbrées de mesme. Si la
montagne estoit transparente, vous verriés de l'autre part l'Eloquence
diaprée de ses fleurs, maniant le caducée66.

La fontaine des sciences. D'après R.P. Wapy, Les honneurs et applaudissements


rendus par le collège de la Compagnie de Jésus..., op. cit., p. 12.

On assiste donc à une «mise en spectacle et en tableaux vivants»


des sciences et des arts. L'intérêt de l'allégorie présentée réside dans
la hiérarchie des savoirs qu'elle véhicule. Les trois sciences
représentées, la théologie, la philosophie, l'éloquence correspondent non
seulement aux disciplines valorisées dans la Compagnie, mais leur
ordre de présentation suit leur hiérarchisation dans le système
d'éducation jésuite. Dans d'autres représentations allégoriques, on a pu
voir la théologie, la philosophie et les mathématiques67. Aussi, même
si les étudiants de mathématiques participent activement à la fête,

66 Les honneurs et applaudissements rendus par le collège de la Compagnie de


Jésus..., op. cit., p. 12.
67 Voir notamment U. Baldini, «Legem impone subactis. Teologia, filosofia e
scienze matematiche nella didattica e nella dottrina della Compagnia di Gesù
(1550-1630)», dans Id., Legem Impone subactis..., op. cit., p. 19-74.
496 LE TEMPS DES CHAIRES

l'absence de leur discipline sur la fontaine de la science ou le fait


que, pour le défilé des classes, ils ne disposent pas d'un char, comme
les physiciens68, est significatif de la place qui leur est assignée dans
le dispositif d'enseignement mussipontain.
Ceci n'est pas contradictoire avec le fait qu'ils soient présents
dans les exercices de soutenances de thèses :
Les mathématiciens firent merveille, comme il se voyait en leur
programme, que j'insérerais ici volontiers si la longueur ne m'en em-
pechaît. Seulement dirai-je ce mot qu'à chaque heure ils
entreprenaient matière nouvelle, conformément à la célébrité; par exemple, à
l'occasion du siège de Pampelone ou S. Ignace receut la blessure qui
lui occasionna sa conversion, ils disputaient de l'art d'affaiblir et
défendre une place fortifiée selon les règles de l'art (...). Et parce que ces
deux saints sont comme deux étoiles nouvelles au firmament de
l'Église, ils mettaient sur le tapis plusieurs questions, touchant les
nouvelles étoiles et comètes remarquables. Et ainsi des autres parties des
mathématiques69.

A la différence de ce qui s'était passé à La Flèche, ces thèses font


l'objet d'une édition, Selectae propositiones in tota sparsim
mathematica pulcherrimae, quas in solemnis festo sanctorum Ignatii et Xaverii
propugnabunt mathematicarum auditores70. Sans approfondir
l'analyse de ce texte qui s'occupe autant de géométrie que de mécanique
ou d'optique, on peut supposer que, si l'activité de La Flèche avait été
du même niveau, elle aurait elle aussi fait l'objet d'une publication.
Cette absence pour 1622 laisse penser que dix ans auparavant, a
fortiori, dans les «années Descartes», les mathématiques ne jouissaient
pas à La Flèche d'une place aussi importante que les textes normatifs
le voudraient ou que l'historiographie traditionnelle aime à le dire.
A Paris, la célébration de la canonisation eut d'autant plus
d'importance que l'établissement venait à peine de rouvrir ses portes71.
On ne dispose pas d'une description globale des fêtes de
canonisation, mais on conserve un placard qui concerne les thèses de
mathématiques soutenues pour la circonstance72. Ce document unique

68 Les honneurs et applaudissements rendus par le collège de la Compagnie de


Jésus..., op. cit., p. 21.
69 Ibid., p. 39-40.
70 Pont-à-Mousson, 1622.
71 C'est en 1618 que la restauration du collège de Paris a enfin été autorisée
par Louis XIII.
72 Sur ce document, reproduit dans l'annexe 5, a été ajoutée à la main la
mention suivante, dans une écriture sans doute contemporaine, «ces thèses sont
du Père Jean François, Jésuite». Cette annotation est acceptable, puisque Jean
François enseigne les mathématiques à Paris entre 1620 et 1625. Voir l'annexe sur
la carrière des professeurs. Cependant, la dernière ligne du placard précise : «Pro
publica celebritate Canonizationis SS. IGNATII ET FRANCISCII, has thèses pro-
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 497

permet de suggérer que la discipline fut présente lors des diverses


manifestations organisées à Paris, sans qu'il soit possible de mesurer
son importance effective par rapport aux autres disciplines73.
On a aussi conservé un rapport manuscrit qui rend compte de
l'événement tel qu'il s'est déroulé à Toulouse, Novis Indigentibus Pa-
rentibus optimis Ignatio fundatori Xaverio novi orbis Apostolo Socie-
tas Iesu in Provincia Tolosana lubens volensque consecrabat in solem-
ni illorum Apotheosos celebritate haec pietatis monument. Collegium
Tolosanum74. L'intérêt de la comparaison avec les autres
établissements est évident, puisque le collège toulousain dispose à cette date
de trois professeurs de philosophie, et que l'un d'eux, François An-
nat, enseigne aussi les mathématiques. La participation des classes
de philosophie aux festivités s'est principalement centrée sur les
soutenances de thèses, les Toulousains n'ayant pas organisé de
grand défilé allégorique. En effet, le narrateur précise : «Die vero
Mercurii philosophicae thèses in publico lyceo agitatae sunt...»75.
Cette phrase constitue, dans un récit long de cinq pages, la seule
mention de la participation des classes supérieures à la
manifestation. Comment ne pas y voir une confirmation du caractère encore
très rudimentaire de l'enseignement des mathématiques à Toulouse
à cette date? Cette hypothèse trouve une confirmation dans l'étude
des professeurs menée au chapitre précédent. Elle permettrait en
outre de classer François Annat parmi les non-spécialistes, comme
sa carrière l'a ultérieurement montré.
On peut, pour nourrir la comparaison et bien que le collège
n'appartienne pas au groupe des établissements étudiés, évoquer le
cas de Besançon qui offre lui aussi un témoignage de ces
célébrations, Lettre historique de la célébrité faicte à Besançon en l'honneur
des saincts Ignace de Loyola fondateur de la Compagnie de Iesus, &
Francois Xavier de la mesme Compagnie Apostre des Indes Orientales
du lapon &c. Canonizés le 12. Mars 1622. Par nostre seinct Pere
Grégoire XV, à Besançon, par Nicolas de Moingesse76. On constate en
effet que l'organisation générale de la manifestation reflète celle de
l'établissement : à Besançon, ni défilé des philosophes, ni
soutenances de thèses en 1622. En revanche, les rhétoriciens apparaissent

pugnabit Michael Langloys, in Collegio Parisiensi eiusdem Societatis. 30. Iulii ab


hora meridiana, Anno 1622». Faut-il en déduire que l'élève, Michel Langloys, est
ici le porte-parole de son professeur, ce qui n'a rien de surprenant dans l'usage de
l'époque? Voir L. W. B. Brockliss, «Pierre Gautruche et l'enseignement de la
philosophie de la nature...», art. cit.
73 Le texte de ce placard est reproduit en annexe 5.
74 ARSI, TOLOS. 17, fol. 135r.-137r.
75 ARSI, TOLOS. 17, fol. 136r.
76 s. d., 20 p. Sur Besançon, voir P. Delattre dir., Les établissements..., vol. 1,
p. 634-654.
498 LE TEMPS DES CHAIRES

comme les principaux acteurs de cette fête, avec une nette


prépondérance accordée à la poésie et au théâtre.
Ces différents documents, rares au total pour l'ensemble de la
France, éclairent inégalement l'image des mathématiques dans les
différents collèges du royaume, puisqu'on ne dispose d'informations
que pour la France du nord. Mais, ils confirment l'hypothèse
énoncée au début de leur analyse : au-delà des difficultés
d'interprétation, ils témoignent de la place que la Compagnie entend assigner
aux mathématiques dans l'image qu'elle diffuse de ses activités
éducatives. Avec le pragmatisme caractéristique de son mode d'agir, elle
valorise la place des mathématiques là où cet enseignement est
dispensé. L'hétérogénéité des pratiques a pour corollaire une
hiérarchie des établissements77, qui n'est certes pas figée, comme l'a
montré le chapitre précédent, mais qui devrait, dans le cadre de toute
étude monographique, être prise en compte. L'enseignement des
mathématiques n'a pas connu un essor continu : sa qualité et son
prestige dans les établissements a été le fait des jésuites que la
Compagnie a pu désigner pour cette charge, en fonction des
circonstances. Seule la prise en compte systématique de ces données et
de leur évolution peut éclairer notre étude. Selon cette logique, la
présence ou l'absence des mathématiques dans les manifestations
officielles exemplifie elle aussi la hiérarchie des établissements. Ce
que les solennités de canonisation révèlent pour Paris ou pour Pont-
à-Mousson n'est pas transposable à l'ensemble des collèges, pas
même ceux qui disposent officiellement d'une chaire de
mathématiques.

Les soutenances de thèses : (re)présentation et contenus des


enseignements
Parallèlement à l'image construite à travers ces fêtes, un type
particulier de manifestation publique, la soutenance de thèses,
invite à analyser plus directement les contenus d'enseignement. Cet
exercice n'est pas systématiquement lié à une célébration, même s'il
lui est fréquemment associé comme l'indiquent les exemples de 1622
évoqués ci-dessus. Les thèses scandent une étape déterminée du
cursus universitaire78, qui sanctionne la fin du parcours des étu-

77 Cette hiérarchie renvoie au degré de développement des enseignements


supérieurs (nombre de professeurs de philosophie et théologie, durée du cycle de
philosophie...) ainsi qu'à la qualité ou au prestige des enseignants qui y sont
affectés. De ce point de vue, il existe une stratégie jésuite pour l'éducation.
78 Voir, dans la Ratio studiorum de 1599, les règles du préfet des études :
MPSJ, vol. 5, p. 374-376, où les conditions générales de soutenance des thèses
sont précisées : conditions à satisfaire, membres du jury, règles d'organisation de
la discussion, nombre de thèses à défendre, modalités d'accueil du public... La
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 499

diants en philosophie79, puis en théologie, selon l'usage établi dès


l'université médiévale80. Il s'agit d'une cérémonie publique qui, à ce
titre, fait l'objet d'une annonce publique, à travers les placards ou
opuscules édités pour l'information du public : c'est en s'appuyant
sur ces documents que l'historien peut analyser cet exercice. Dans le
cas français, différents exemplaires de cette documentation sont
encore disponibles, mais ils concernent plus généralement la seconde
moitié du XVIIe siècle et le siècle suivant81. Il convient alors de s'ar-

codiflcation formelle de cet exercice est donc très importante et soigneusement


réglée par la Compagnie.
79 A l'issue de cet examen, les étudiants reçoivent le grade de maître es arts.
80 Cette documentation de premier ordre pour l'histoire de l'éducation n'a
pas encore beaucoup suscité la recherche. On renverra donc au numéro spécial
des Mélanges de la Bibliothèque de la Sorbonne, Eléments pour une histoire de la
thèse. Textes réunis par C. Jolly et B. Neveu, vol. 12, 1993, 249 p., et
principalement à J. Verger, «Examen privatum, examen publicum. Aux origines médiévales
de la thèse» et V. Meyer, «Les thèses, leur soutenance et leurs illustrations dans
les universités françaises sous l'Ancien Régime». On se reportera en outre à
l'affiche de soutenance reproduite en fin de volume (Fig. 18).
81 En plus des thèses mentionnées ci-dessus, le dépouillement systématique
du catalogue des imprimés de la Bibliothèque nationale de France m'a permis de
repérer différents titres : Thèses mathematicae de geometria practica, mechanica,
statica, geografia, optica, propugnabuntur in collegio Claromontano Societatis Je-
su, Julii diebus V, VI, VII anni MDCLXXV (cote Vz 1016); Thèses de
mathématiques sur la pleine lune écliptique et pascale du 17 avril 1707, thèses soutenues et
démontrées par François Boyvin de Croixmare et Jean de Beauquemare dans la
classe de mathématiques et d'hydrographie du collège royal des jésuites de Caen
(cote Vz 1018); Discours sur l'excellence des mathématiques prononcé dans le
collège de la Cie de Jésus de la très célèbre Université de Caen le 6 décembre 1710, par le
P. J. M. Aubert de la même Compagnie, professeur royal de mathématiques (cote
Vz 1019). Une documentation fort intéressante, mais tardive pour mon objet : elle
ne fera donc ici l'objet d'aucune analyse. En revanche, au Cabinet des Estampes,
dans la série AA 6, sont conservés des placards de la période antérieure. Je ne
mentionne ici que ceux qui concernent les établissements jésuites, les autres
provenant du collège de Navarre ou de la Sorbonne. E 023235 : thèses de
philosophie soutenues par Antoine de Bourbon à Paris, s.d.; E 023237 : thèses de
philosophie soutenues collectivement, s.d.; E 023241 : thèses de philosophie et
théologie soutenues à Rome, en 1606; E 023242 : thèses de philosophie soutenues par
Pierre Sève à Lyon, en 1622; E 023243 : thèses de théologie d'Henri de Bourbon,
soutenues à Paris, en 1625; E 023249 : thèses de philosophie soutenues par
Antoine d'Estainville de Couvonge à Paris, en 1648; E 023250 : thèses de philosophie
soutenues à Paris, en 1652; E 023253, thèses de philosophie soutenues par
Armand De Maupas du Tour, à Paris, en 1657; E 023257 : thèses de philosophie
soutenues par Charles d'Orléans à Paris, en 1664; E 023267 : thèses de
philosophie soutenues par Stéphane Landais à Paris, en 1678. Ces documents
présentent donc un intérêt d'ordre symbolique, comme en témoigne la part prise par
l'image par rapport au texte, mais ils proposent aussi des indications non
négligeables sur les questions abordées et débattues. Ici encore, cette liste ne prétend
pas à l'exhaustivité et un sondage systématique dans les bibliothèques et archives
de province permettrait d'alimenter ce dossier. La thèse d'Aude Le Dividich, op.
cit. , apporte de précieux compléments à cette première liste. Dans le recensement
500 LE TEMPS DES CHAIRES

rêter sur les soutenances de 1622, premières en date pour l'espace


français.

- Les thèses de mathématiques de 1622


Les Selectae propositiones . . . constituent une réelle exception
dans le corpus des sources qui concernent la France du premier
XVIIe siècle. Il ne faut certes pas les considérer comme un
témoignage direct de l'enseignement dispensé dans les cours de
philosophie, mais elles rendent compte de sujets et d'interrogations
propres au groupe animé par Jean Lereuchon. On fera la même
remarque pour le document parisien, sans doute rédigé par J.
François. Malgré la différence de nature entre l'opuscule mussipontain et
le placard parisien, la comparaison s'impose pour qui cherche à
identifier les contenus scientifiques de ces thèses et à mesurer le
degré d'homogénéisation atteint par les enseignements, vingt ans
après la version définitive de la Ratio studiorum.

des thèses de mathématiques qu'elle a effectué dans les différents fonds français,
elle a pu identifer d'autres titres émanant des collèges jésuites. Je lui emprunte
les références correspondant à la période qui m'occupe : Dole, 1626,
Propositiones mathematicae de elemento aeris (...) Harum veritatem Deo duce defendet ac
demonstrabit, tum ratione tum experimentis, in aula collegii Dolani Societatis Iesu,
Hugo Nicolaus Mathon Salinensis, matheseos et physice auditor... (Bibliothèque
municipale de Lyon, 26467, fonds des jésuites de Lyon); Reims, 1629, Cuncta
intuenti oculos has ex universa optice delibatas propositiones Nicolaus de Creil, Pari-
sinus... Harum propositiones veritatem proponet, et quibusvis impugnatibus fa-
vente caelo propugnabit idem Nicolaus de Creil, in collegio Remensi Societatis Iesu
prò annua celebritate academica... (Paris, Bibl. nat. de France, Rp 368); Reims,
1630, Universa philosophia in centum quinquaginta placita distributa ab
il ustris imo principe Henrico a Lotharingia, archiepiscopo duce Remensi, primo Franciae
pari, Sanctae Sedis Apostolicae legato nato..., trìduana disputatione publice asserta
in collegio Remensi Societatis Iesu (Bibl. nat. de France, Z 747); Bourges, juillet
1634, Proponebat Ludovicus de Bourbon, dux d'Enguien, in collegio Bituricensi
Societatis Iesu... (Chantilly, Bibliothèque des Fontaines); La Flèche, 4-5 juin 1635,
Deo hominique Iesu Chris to eiusque matri virgini Mariae Dei parae encyclopae-
diam mathematicam D.D.V. Jacobus Pallu, Jacobus Touchelee, Turonenses. Iidem
se debunt propugnatores suae iïlius encyclopaediae prò annua celebritate acade-
miae regii collegii Flexiensis Societatis Iesu, die 4 et 5 junii..., (Bibliothèque Maza-
rine, rés. A 15226, pièce 18); Aix-en-Provence, 2 juillet 1639, Harum propositio-
num veritatem Deo duce defendet ac demonstrabit in aede collegii regii Borbonii
Aquensis Societatis Iesu, Petrus Polla..., (Bibliothèque municipale de Lyon, Rés.
26425, fonds des jésuites de Lyon); Paris, 9-10 juillet 1639, Augustae caeli reginae
Mariae Virgini Deiparae eiusque integerrimo sponso D. Josepho palatium mathe-
maticum D.D.C. , prò annuae celebritate literaria collegii Claramontani Societatis
Iesu, Parisiis... (Bibl. nat. de France, Vp 2408); Paris, le juillet 1640, D.O.M. ency-
clopaedia mathematica ad agones panegyricos anni millesimi sexcentesimi qua-
dragesimi... in Claromontano Parisiensi Societatis Iesu collegio. Agonista Carolus
Potier Castrotheodoricus... (Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, V 4° .63, inv.
539, pièce 5).
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 501

Par leurs structures, les deux documents présentent des


similitudes incontestables, même si le document lorrain est beaucoup
plus développé que l'autre : non seulement ils s'ouvrent tous deux
sur une série de remarques générales à propos des mathématiques,
mais ils développent ensuite la réflexion sur des questions classiques
comme sur des aspects moins traditionnels.
Les Selectae propositiones donnent l'énoncé de 128 thèses,
regroupées par matière : arithmétique, géométrie, mécanique,
cosmographie, musique et optique. L'affiche parisienne traite
d'arithmétique, de géométrie, de mécanique, de musique, d'astronomie,
d'optique et de gnomonique, soit d'un ensemble identique de sujets. Ces
textes gardent en outre l'empreinte de la «tradition romaine». S'ou-
vrant sur une série de réflexions générales, « Selectae propositiones
de natura mathematicarum in generis» (p. 1), celui de Pont-à-Mous-
son fait écho aux Prolegomena de Clavius, par la nature du discours
comme par son contenu. Le «Mathematicae sunt proprissime scien-
tiae», qui introduit cette partie, ou l'affirmation que les
démonstrations mathématiques sont «potissimae», suffisent à identifier la
source et le type de débat auquel il est fait référence. Sur le plan
épistémologique, tout se passe comme si les grands thèmes
développés par Clavius un demi-siècle auparavant avaient été assimilés dans
le sens le plus positif pour les mathématiques. De fait l'ensemble des
propositions a un caractère affirmatif, ce qui montre qu'elles ne font
plus problème, du moins pour les mathématiciens82. L'influence des
Prolegomena est aussi perceptible dans la division proposée entre
mathématiques «pures» et «mixtes» : certes il s'agit là d'un des topoi
de la littérature mathématique, mais ce sont bien les mêmes
classifications que chez Clavius. Cela veut-il dire que, vingt-trois ans après
la version définitive de la Ratio studiorum, onze ans après la mort de
Clavius, Rome reste la référence unique et figée pour structurer
l'activité mathématique de la France?
Une lecture plus précise conduit à nuancer le poids de la
référence romaine. Il faut, en effet, noter des variantes intéressantes
dans la présentation générale de la problématique, du moins à Pont-
à-Mousson :

82 De ce point de vue, une comparaison serait à faire avec l'opuscule de


Giuseppe Biancani, Aristotelis loca mathematica ex universis ipsius Operibus collecta,
et explicata. Aristotelicae videlicet expositionis complementum hactenus desiratum.
Accessere de Natura Mathematicarum scientiarum Tractatio atque Clarorum Ma-
thematicorum Chronologia, Bologne, 1615. Ici encore, la disparition des
catalogues des deux bibliothèques de Paris et Pont-à-Mousson empêche de savoir si
ce texte était disponible dans les deux collèges. Il a pu être lu par extraits, lors
d'une visite ailleurs, grâce à des notes vues, à un exemplaire circulant, etc.
502 LE TEMPS DES CHAIRES

Assurément, [les mathématiques] semblent à présent avoir été


conduites au sommet de leur perfection, à cause de l'excellence des
livres, inventions, démonstrations, expérimentations et de la
multitude des instruments; elles ont cependant leurs problèmes,
assurément solubles, mais non encore suffisamment expliqués, parmi
lesquels se trouvent la quadrature du cercle, la duplication du cube, et le
calcul des deux moyennes arithmétique et géométrique de deux
grandeurs données83.

L'intérêt de ce passage réside dans l'évocation d'une méthode


expérimentale d'investigation mathématique, comme l'indique le
recours aux termes «expériences» et «instruments»84. Le discours
n'est donc pas de simple reproduction. Au contraire, les
mathématiciens mussipontains s'inscrivent, dès ces premières lignes, par la
référence à la méthode nouvelle, et plus loin par le choix des matières
proposées, dans une perspective évolutive parallèle à celle de l'objet
de leur étude. Cette remarque, qui vaut pour le document mussipon-
tain, n'est pas systématiquement extensible à Paris, où le thème de
la certitude des mathématiques, présent dès la première
proposition, ne s'accompagne d'aucun commentaire sur l'expérimentation.
On y trouve, en revanche, une récusation de l'astrologie judiciaire
comme science mixte, dans la continuité des positions vigoureuses
énoncées à Rome, dès 1570.
Autre indice du changement, la présentation des disciplines
examinées : dans les deux cas, la première matière étudiée est
l'arithmétique, ce qui suggère une inversion des hiérarchies entre
arithmétique et géométrie, par opposition au schéma romain85.
Il convient enfin de souligner l'ampleur des champs couverts, à
la fois du point de vue quantitatif et dans le contexte jésuite. Cette

83 Selectae propositiones..., op. cit., p. 1 :


«Videntur quidem hoc tempore ad perfectionis apicem deductae, propter
excellentem, librorum, inventionum, demonstrationum, experimentorum, instru-
mentorumque multi tudinem; suos tamen habent nodos, solubiles quidem, at
nondum satis explicatos, cuiusmodi sint, Quadratura circuii, Duplicatio cubi, &
inventio duarum mediarum inter duas datas proportionalium...».
84 Sur le statut de l'expérience dans la Compagnie, voir P. Dear, «Jesuit ma-
thematical science and the reconstruction of expérience in the early seventeenth
century», Studies in History and Philosophy of Science, vol. 18, 1987, p. 133-175;
Id., Discipline and expérience. The mathematical way of the scientific révolution,
Chicago et Londres, 1995, p. 32-62; L. W. B. Brockliss, «The Atoms and the Void
in the Collèges de Plein Exercice, 1640-1730», art. cit.; M. J. Gorman, «Jesuit
Explorations of thè Torricellian Space : Cap-bladders and Sulphurous Fumes», ME-
FRIM, vol. 106, 1994/1, p. 7-32.
85 Cette inversion qu'il faudrait pouvoir constater sur des bases plus larges
pourrait indiquer une évolution par rapport aux choix épistémologiques de Cla-
vius, mis en lumière dans le troisième chapitre.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 503

table des matières est significative d'un état de l'enseignement qui,


outre les sujets traditionnels (géométrie, algèbre, astronomie),
intègre des objets nouveaux par rapports aux pratiques jésuites telles
qu'on a pu les identifier jusqu'à présent. L'optique ou la mécanique
correspondent à des domaines particulièrement dynamiques dans
les mathématiques de cette période et leur présence, dans les Selec-
tae propositiones ou dans les thèses parisiennes, souligne une
ouverture à des questions que ni les textes romains, ni les documents
français de la période antérieure ne signalaient à notre attention86.
Ici encore, sans entrer dans le détail de l'analyse internaliste, on
remarquera les éléments d'une culture commune, repérable à
nombre de positions communes aux deux textes. D'autre part, la
référence à un même problème d'arithmétique sur la capacité et le
volume de l'arche de Noé ne laisse aucun doute sur le fait qu'on se
trouve confronté à une même source; c'est ce que confirme aussi le
recours à un même vocabulaire technique ou à des exemples
identiques.
Il serait pourtant erroné, à partir de ces quelques exemples, de
considérer les propositions de Jean Lereuchon ou de Jean François
comme systématiquement traditionalistes, d'abord en raison de
l'intérêt que tous deux portent aux problèmes contemporains. Sur la
question de la chute des corps, notamment dans le vide, ils
manifestent une attention précoce à un domaine, celui de la
mécanique87, où les débats culmineront dans la décennie suivante88. De

86 A propos de la mécanique, il faut souligner que celle-ci a retenu l'attention


de Clavius dans le document programmatique des années 1580, «Ordo servandus
in addiscendis disciplinis mathematicis», MPSJ, vol. 7, p. 110-115. Mais, on
rappellera que le professeur du Collegio Romano n'a pas développé ce secteur. En
France, les thèses défendues par Jean della Faille, à Dole, en 1625 portent sur
cette science. Malheureusement, l'analyse ne peut être approfondie car ce
document, signalé par C. Sommervogel, n'est trouvable ni en France, ni en Italie.
87 Sur l'essor de cette discipline, M. Clagett, The Science of Mechanics in the
Middle Ages, Madison, 1959, 711 p.; Id., Archimedes in the Middle Ages, op. cit.
Pour l'Italie, E. Giusti, «Galilei e le leggi del moto», préface à G. Galilei, Discorsi
e dimostrazioni matematiche intorno a due nuove scienze attinenti alla mecanica
ed i movimenti locali, Turin, 1990, p. IX-LX; U. Baldini, «Archimede nel Seicento
italiano», dans C. Dolio éd., Archimede. Tra mito e scienza, op. cit.; R. Gatto, La
meccanica a Napoli ai tempi di Galileo, Naples, 1997, 166 p. Dans le cas qui nous
occupe ici, la comparaison avec les enseignements souligne la part occupée par
cette discipline dans l'enseignement. En effet, le cours manuscrit de J. François
(Bibl. nat. de France, ms lat. 14081) y est consacré. Le plan du cours est reproduit
dans A. Le Dividich, op. cit., p. 247. Pour son analyse, voir ïbid., p. 248-256.
88 La question du vide a retrouvé une actualité dans l'Europe de la
Renaissance, voir C. B. Schmitt, «Expérimental évidence for and against a void : the
sixteenth-century arguments», Isis, vol. 58, 1967, p. 352-366; E. Grant, «Medieval
and Seventeenth-Century Conceptions of an Infinite Void Space beyond the
Cosmos», Isis, vol. 60, 1969, p. 39-60; Id., «Much ado about nothing» : Théories of
504 LE TEMPS DES CHAIRES

plus, une référence à l'angle dans la partie géométrique, une


définition des comètes en astronomie et une évocation des théories coper-
niciennes manifestent leur intérêt pour l'essor de l'astronomie89. Six
ans après la première condamnation du copernicanisme, face aux
questions soulevées par les découvertes de Galilée ou l'observation
des comètes de 1618 90, on retiendra l'adhésion à la théorie des cieux
fluides91 ou au système tychonien92. Il aurait été paradoxal de trou-

Space and Vacuum front the Middle Ages to the Scientific Révolution, Cambridge,
1981, 440 p. Pour l'Italie, la bibliographie sur la question est abondante :
W. E. K. Middleton, «Torricelli and the history of the barometer», Isis, vol. 54,
1963, p. 11-28; C. Costantini, Baliani e i Gesuiti, Florence, 1979, p. 82-94;
F. D. Prager, «Berti's device and Torricelli's barometer from 1641 to 1643»,
Annali dell'Istituto e Museo di storia della scienza di Firenze, voi. 5, 1980/2, p. 35-53. En
Angleterre, la polémique sur le vide est étudiée par S. Shapin et S. Schaffer, Le-
viathan et la pompe à air. Hobbes et Boyle entre science et politique, trad. française,
Paris, 1993, 462 p. C'est le jésuite anglais F. Line qui s'est opposé aux thèses de
Boyle : voir C. Reilly, Francis Line S.J. An exiled English Scientist, 1595-1675,
Rome, 1969, 144 p. Dans le milieu français des années 1640, on trouve parmi les
plus farouches opposants au vide un des scolastiques formés dans le milieu mus-
sipontain, Etienne Noël. Engagé dans la querelle contre Pascal qui publie en 1647
les Nouvelles expériences touchant le vide, il réplique l'année suivante par Le plein
du vide.
89 La chose est d'autant plus remarquable que ces documents sont
postérieurs à la première condamnation du copernicanisme en 1616.
90 II faut rappeler que Jean Lereuchon en a fait une observation, la première
connue pour la France.
91 Selectaepropositiones..., op. cit., p. 21 : «Coelestis regio fluidissima est, ra-
rissima, facileque permeabilis».
92 Voici comment Copernic est condamné dans les thèses parisiennes : « Si
terra esset extra medium mundi, quod falso voluit Copernicus, raperetur, imo
non rapta nulla superaddita virtute circa medium mundi intra viginti quatuor ho-
ras circumverteretur sicut primum mobile...». A Pont-à-Mousson, où depuis 1618
au moins sont pratiquées des observations astronomiques, - comme l'indique
l'opuscule de J. Leurechon, Discours de la comète qui a paru aux mois de novembre
et décembre 1618, publié à Reims, en 1619 -, on trouve cette même position : «Si
fieret sensibilis motus terrae, in unam tantum partem, aedificia multa tuèrent»
(p. 19); «Sol est centrum omnium planetarum excepta Lunacita ut circa ipsum
magnum Epicyclis et spirali ductu Mercurius, Ven., Mars, Iup., Sat. moveantur.
Non est tamen immobilis in centro mundi, ut somniavit Copernicus...» (p. 23).
En l'absence des catalogues des bibliothèques des deux établissements, il est
impossible de savoir si le De revolutionibus circulait parmi les professeurs de la
Compagnie, ou si leur connaissance de Copernic est restée indirecte. La thèse
d'A. Le Dividich signale différents exemples de la référence au copernicanisme.
Ainsi, le cours de philosophie professé en 1616 (Bibl. mun. d'Avignon, ms 939),
présente les différents systèmes astronomiques depuis l'Antiquité jusqu'à
Copernic. Le cours de Pierre Bourdin (Bibl. nat. de France, ms lat. 17861-17862) fait
aussi une place à Copernic, tout en se référant régulièrement, pour rejeter ce
système, aux condamnations de 1616 et 1633. Pour conclure sur l'idée que ce
système est opposé à la foi catholique : «et cela est établi, d'une part la
condamnation de la Sacrée congrégation de l'Index où il est dit que Copernic traite non par
hypothèse mais présente comme vrais des principes qui sont contraires à Tinter-
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 505

ver, dans ce type de littérature, qui fait office de «manifeste de


l'orthodoxie jésuite», une position différente de celle imposée par la
condamnation de 1616. La production scientifique des uns et des
autres, étudiée dans le chapitre précédent, a montré elle-même les
limites d'un tel discours.
Ces différents points suggèrent donc, sans qu'on puisse
documenter cet aspect du problème, un bon niveau d'information et de
culture mathématique des professeurs de ces deux établissements.
Cependant, de Paris à Pont-à-Mousson, la différence est perceptible
et elle ne tient pas uniquement aux problèmes matériels de format
(une affiche à Paris pour un opuscule de 22 pages à Pont-à-Mous-
son). De même il est évident qu'entre les différentes disciplines
traitées, le niveau de scientificité varie : les problèmes d'arithmétique
proposés restent superficiels en regard de ce dont traitait la
discipline au même moment. Les remarques qui précèdent suggèrent
qu'il n'en va pas de même pour la mécanique.
Outre les questions de contenus, ces deux documents se
ressemblent par une rhétorique commune93. Les problèmes sont le plus
souvent illustrés par des exemples puisés dans une culture pour
non-spécialistes, qui s'alimente à deux sources principales, la
mythologie et les Écritures. On pourra remarquer la récurrence du
recours aux grands épisodes de l'Ancien et du Nouveau Testament, de
l'arche de Noé à la résurrection, dans les propositions
d'arithmétique par exemple. Dans le cas mussipontain, les problèmes de
proportionnalité, abordés notamment dans la dixième proposition, sont
illustrés par référence à la damnation : le calcul du nombre annuel,
puis quotidien, de damnés constitue l'une des applications du
problème posé94. De la même manière, dans les thèses parisiennes,
l'emprunt aux textes sacrés est fréquent95. Une étude comparée de ces
textes et de documents équivalents, émanant d'autres systèmes édu-

prétation véritable et catholique de l'Écriture, d'autre part par le fait que Galilée
qui enseignait la même opinion a été condamné deux fois à ce titre par les papes
Paul V et Urbain VIII et publiquement par la Sainte Inquisition, et enfin par le
fait qu'il s'oppose ouvertement à des passages de l'Écriture», cité par A. Le Divi-
dich, op. cit., p. 240.
93 Sur ce type de problème, on consultera notamment J. D. Moss, Novelties
in the Heavens. Rhetoric and Science in the Copernican Controversy, Chicago et
Londres, 1993, 353 p.
94 Selectae propositiones..., op. cit., p. 4 :
«Pone durationem mundi 6000 annorum et numerum damnatorum oc-
tingenties mille milliones, qui probatis Theologis videbitur iusto maior...».
95 Bibl. nat. de France, V. 8665, placard : «Explicare quomodo arca Noe 300
cubitorum longitudinis, 50 latitudinis, 30 altitudinis capere potuerit animalium
species omnes, cum requisitis ad victum. Si ex 16 doliorum asseribus unum
componeretur, tantam caperet illud unicum vini copiam, quantum 56 aequalia
uni ex sexdecim...».
506 LE TEMPS DES CHAIRES

catifs, devrait permettre d'éclairer les enjeux de cette manière de


procéder. S'agit-il d'un simple code rhétorique permettant à un
professeur de la Compagnie de décliner son identité d'homme d'Église?
S'agit-il de conférer au discours mathématique un statut et une
utilité et de les renforcer par la référence aux textes bibliques? Mais
alors, comment considérer les références à la mythologie, païenne
par essence?
Il semble d'autant plus nécessaire de poser ces questions que
chaque thèse mussipontaine se conclut par un énoncé de portée
générale, parfois proche de l'aphorisme, dont le lien avec la
proposition scientifique qui précède reste mince96. Il faut cependant noter
que ce caractère général s'estompe de plus en plus, à mesure que les
thèses concernent les mathématiques mixtes.
Une question reste cependant en suspens : les connaissances
mathématiques mises en œuvre dans ces deux séries de thèses
témoignent-elles du savoir commun aux étudiants ordinaires du cours
de philosophie, de celui des membres d'une «académie» de
mathématiques, organisée privatim, de celui des professeurs? Si, pour
Pont-à-Mousson, les documents du début du siècle permettent
d'envisager la deuxième possibilité, aucune source parisienne ne vient à
l'appui de cette hypothèse. Ainsi, prises globalement, ces thèses
signalent l'existence d'un groupe de professeurs et d'élèves qui
entretiennent, avec les mathématiques, un rapport plus poussé que celui
défini par la Ratio.

- Les autres thèses


Pour les années 1620-1640, l'échantillon constitué à partir des
divers dépouillements suggère quelques remarques sur l'évolution
des thèses, en rapport avec celle des disciplines. La lecture des
différents titres relevés ici rend compte du caractère exceptionnel et
tardif des thèses spécialisées dans le seul domaine des
mathématiques. Jusque dans les années 1640, les mathématiques ne sont le
plus souvent que l'une des matières discutées dans le cadre d'une
soutenance de philosophie. Dans ces cas, l'absence même d'une
référence aux mathématiques indique que la discipline n'est toujours
pas considérée comme matière d'examen, contrairement au vœu
formulé par Clavius dès 1580, pour valoriser la discipline. On notera
cependant la place spécifique faite à l'astronomie, à l'occasion du
commentaire du De caelo, dans le cadre du cours de philosophie na-

96 Selectae propositiones..., op. cit., p. 3 : «Credibile est, Deum elegisse opti-


mam complicationem possibilem, inter omnes mundi partes». Il s'agit de la
conclusion de la quatrième proposition d'arithmétique, qui rend un son presque
leibnitzien sur le «meilleur des mondes possibles».
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 507

turelle. Toutes les affiches de soutenance rendent compte de cet


enseignement et, malgré la brièveté des propos tenus, permettent de
mesurer les modalités de conversion des jésuites français au système
de Tycho Brahé, confirmant ce que révèlent déjà l'analyse des cours
et des livres publiés97.
Pourtant, les exemplaires identifiés par A. Le Dividich
permettent de nuancer cette première estimation. A Dole, en 1626,
Reims, en 1629 et 1630, La Flèche en 1635 et Aix en 1639, en
attendant la série des soutenances de Paris pour 1639-164098, subsistent
des témoignages sur la pratique de soutenances «spécialisées». Dans
certains cas, elles concernent une question particulière, comme
l'optique (Reims, 1629) ou la mécanique pour Pierre Polla (Aix, 1639);
dans d'autres, elles s'attachent à tous les sujets traditionnellement
abordés dans le cadre du cours de mathématiques, comme à La
Flèche en 1635, où les thèses portent sur l'encyclopaediam mathema-
ticam.
Au total, ces quatre nouveaux exemples confirment le caractère
isolé du phénomène, à l'exception de Paris où les dernières années
de notre étude semblent indiquer un réel essor du cours de
mathématiques autour de Pierre Bourdin, au moment où s'engage entre le
jésuite et Descartes l'importante polémique sur les Méditations".
Cette distribution dans le temps et l'espace correspond-elle à une
logique particulière d'organisation des enseignements de
mathématiques? Dans ces quelques thèses à contenus strictement
mathématiques, une situation toujours exceptionnelle permet de souligner le
lien existant entre ce fait et la présence, au cœur de l'établissement,
d'un professeur spécialiste de cette discipline sans doute inspirateur
direct du candidat qui affronte la soutenance. C'est particulièrement
net pour Dole et Reims, où la relative précocité du phénomène doit
sans doute être mise en relation avec les personnalités de Jean Della
Faille, dans le premier cas, et de Pierre Cazré dans le second, en
charge de la chaire correspondante de mathématiques, à cette date.
Cette remarque conduit parallèlement à nuancer les analyses du
premier chapitre sur la hiérarchie des établissements, celle-ci n'est

97 Pour une présentation générale de ce phénomène, voir M. P. Lerner,


«L'entrée de Tycho Brahé chez les Jésuites...», art. cit.
98 II s'agit des thèses des étudiants de Pierre Bourdin, en 1639 : voir Bibl. nat.
de France, ms. lat. 17861, fol. 531-532 : thèses de Jacques de Cullant, soutenues le
27 février 1639; fol. 530 et 533 : thèses soutenues par Antoine Petit; ms. lat.
17862, p. 901bis-901ter : thèses de Pierre Gaillard; p. 906-966, thèses soutenues
par Pierre de Cornouaille et Jacques Manchon, les 19 et 20 juin 1638; p. 966-989,
autres thèses soutenues en 1639.
99 Voir sur ce point R. Ariew, «Pierre Bourdin and the seventh objection»,
art. cit.
508 LE TEMPS DES CHAIRES

pas fixée une fois pour toutes, et elle est toujours à rapporter à la
chronologie et à l'identité des professeurs disponibles.
Cependant, à la fin de la période examinée, Paris semble se
démarquer nettement des autres établissements du fait de l'abondance
des thèses de mathématiques discutées dans ces années. La
concentration des documents disponibles est-elle due aux aléas de la
conservation ou témoigne-t-elle d'une exceptionnelle activité, dont
aucune autre source ne se fait, par ailleurs, l'écho? Les archives
administratives ne mentionnent aucun changement dans la
structuration des classes du collège et les élèves sont toujours répartis entre
logiciens, physiciens et métaphysiciens, suggérant donc qu'aucune
classe de mathématiques n'a été ouverte. Le fait que cinq des thèses
parvenues jusqu'à nous se trouvent dans le manuscrit du cours fait
par P. Bourdin entre 1636 et 1638, met l'accent sur les aléas de la
conservation : sans doute ces années ne présentent-elles pas de
caractéristiques particulières du point de vue du dynamisme du cours
de mathématiques. Pourtant, le contexte scientifique joue ici un rôle
important : abordant presque systématiquement des questions
d'optique, développant ces thèmes sur un mode spectaculaire100, ces
soutenances semblent se multiplier à partir de la parution de la Diop-
trique. De fait, le rôle assumé par ces manifestations dans les
polémiques scientifiques est pleinement confirmé lors de la séance
publique des 30 juin et le juillet 1640, au cours de laquelle C. Potier
attaque les thèses cartésiennes, déclenchant la réponse de Descartes
par la lettre du 22 juillet, et la rédaction des septièmes objections, de
P. Bourdin, publiées dans la seconde édition des Méditations, en
1642 101. Cet exemple parisien vient finalement rappeler la fonction,
assumée par les thèses, de manifeste des positions scientifiques de la
Compagnie, comme le suggère l'analyse de R. Ariew102.

100 yoir a. Le Dividich, op. cit., vol. 1, p. 47 : «D'après les programmes qui
figurent au verso de la page de titre de quelques thèses, la soutenance était aussi
l'occasion de démonstrations et d'expériences qui devaient attirer nombre de
curieux. Ainsi, dans l'après-midi du 20 juin 1638, Pierre de Cornouaille et Jacques
Manchon présentent des machines hydrauliques ainsi que des miroirs et lentilles
en tous genres. Les séances de 9 et 10 juillet 1639 donnent lieu à des expériences
diverses sur l'œil, l'hydraulique et la pneumatique, et à d'autres démonstrations à
l'aide de miroirs et de lentilles pour faire sans doute des anamorphoses».
101 Voir R. Ariew, art. cit. Pour un témoignage de l'époque, voir A. Baillet, Vie
de Descartes, op. cit., vol. 2, p. 73.
102 R. Ariew, art. cit., p. 224-225 : «There is no doubt that during the seven-
teenth century the Jesuits became the enemies of Cartesian philosophy and
science (...). There is also no doubt that the Cartesian philosophy was rejected by
the Jesuits (and other Catholics) on doctrinal grounds. However the greatest pro-
blem the Jesuits (...) had with Cartesian philosophy and science does not re-
present a doctrinal conflict, but a conflict over pedagogy and other pragmatic
matters. Even if Descartes' doctrines did not clash with Jesuit doctrines, Des-
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 509

II faut donc considérer que les documents de 1622 ou 1638-40, -


au même titre que les témoignages d'élèves -, renvoient à des
situations exceptionnelles, que l'initiation aux mathématiques reste
principalement le fait des professeurs de philosophie, qu'enfin dans les
collèges pourvus de chaires, le niveau de formation des étudiants
n'est généralement pas jugé suffisamment important pour faire
partie de l'évaluation générale.
Cette documentation doit cependant être analysée avec
prudence, surtout si on y cherche un écho des contenus
d'enseignement. Le fait que tous les étudiants ne subissent pas
systématiquement cette épreuve souligne le caractère sélectif de cette source, qui
met en lumière les meilleurs sujets ou les plus prestigieux. Sur cet
aspect des choses, les documents normatifs sont explicites :

Chaque année, quelques externes qui ont terminé le cycle de


théologie dans notre collège, non sans peu de louanges, sont invités à
passer les examens généraux103.

A cette première restriction, s'en ajoute une seconde de nature


sociologique : dans les documents français, qui correspondent, pour
la plupart aux grands collèges jésuites, et en particulier à celui de
Paris, les noms des étudiants qui figurent sur les affiches désignent
le plus souvent des membres de l'aristocratie, voire des princes de
sang. Faut-il en déduire qu'à une sélection de type intellectuel s'en
ajoute une autre, sociale? Celle-ci correspondrait à une logique
d'auto-valorisation de la part de la Compagnie qui, étant donné le
caractère public de l'examen, aurait trouvé là le moyen de manifester sa
capacité d'attraction des élites sociales. Mais, il faut aussi
s'interroger sur les aspects financiers des soutenances de thèses. En effet,
certains des placards qui en constituent le support, apparaissent
comme de véritables œuvres d'art, sans doute réalisées sur
commande, la partie iconographique du document étant parfois
demandée à un grand artiste. Dès lors, le problème du coût ne peut pas

cartes'
philosophy simply could not hâve failed to clash with other Jesuit intellec-
tual attitudes. Descartes was offering a novel philosophy, and even worse, his no-
vel philosophy was based on a method that espouses initial doubt. The Jesuits
could not accept a method of doubt or skepticism even as a heuristic. This is am-
ply demonstrated in the dispute between Descartes and Bourdin and the Jesuits'
condemnation of Cartesianism. Bourdin himself was not averse to ail novel phi-
losophies, yet he rejected Cartesian philosophy and its method of doubt. Bour-
din's rejection of Cartesian skepticism could not hâve been an individuai quirk».
103 MPSJ, vol. 5, p. 375 : «Ad actus générales habendos aliqui quotannis in-
vitentur externi, qui theologiae curriculum in nostro gymnasio non exigua cum
laude confecerint».
510 LE TEMPS DES CHAIRES

être écarté. Faut-il supposer que seules certaines familles jugeaient


utile à leur renom et statut social d'assurer la dépense d'une
annonce publique? On restera prudent ici, en raison de la difficulté à
contextualiser ces documents. Ainsi, ne pas pouvoir rapporter, pour
une année précise, le nombre de soutenances au nombre d'étudiants
pose un premier problème de méthode : le caractère sélectif de cet
examen est impossible à mesurer. D'autre part, le fait que nous
soient parvenus de fort beaux exemplaires d'affichés n'implique pas
qu'elles étaient toutes aussi remarquables du point de vue
esthétique. Les plus modestes et les moins attractives ont pu disparaître
tout bonnement, comme dépourvues de toute «valeur ajoutée». De
fait, l'exemplaire de Paris en 1622 104 est d'une grande sobriété, il ne
se compose que d'un texte, sans image. Ceci suggère une autre
remarque : dans la plupart des documents qui nous sont parvenus, le
poids de l'image est écrasant par rapport à celui du texte, ce dernier
se réduisant parfois à quelques lignes d'un intérêt scientifique
limité105. Certaines des affiches apparaissent comme de simples
prétextes à des discours sur l'étudiant qui soutient, sa famille et ses
rapports avec le pouvoir. Quel est alors le statut du texte? Quel rapport
entretient-il avec le cours suivi pendant trois ans par le candidat?
Toutes ces remarques invitent à manier ces documents avec
précaution, d'autant que dans ce corpus il faut distinguer entre ces
différentes affiches et le document mussipontain, où il paraît plus
difficile d'attribuer la rédaction des Selectae propositiones à des
étudiants106.
Cependant, le caractère public des soutenances en fait de réels
moments d'élaboration de l'image de la science dans les collèges
jésuites. Ainsi, à cause du contexte particulièrement spectaculaire
dans lequel elles ont été produites, elles expriment des points de vue
«orthodoxes» sur tous les sujets propices à la polémique. Aussi la
fonction de «représentation» des positions scientifiques de la
Compagnie dont ces thèses sont porteuses soulève-t-elle une
question sur le contrôle de la production mathématique. Car, si la
réflexion sur l'unité doctrinale est née dès les années 1560 avec la mise
en place des collèges, comme on l'a vu dans les chapitres précédents,
les enjeux dont elle se charge, pour les questions mathématiques, à

104 Bibl. nat. de France, V. 8665. On peut faire la même remarque pour deux
affiches de soutenances qui se trouvent dans un volume du fonds manuscrit de la
Bibliothèque nationale de France : ms. lat. 17861-17862.
105 Voir, dans les reproductions qui figurent en fin de volume, l'exemple de
Charles Armand De Maupas du Tour Champagne, cote Estampes AA6, E 023253.
106 Sur le rédacteur de ce texte publié sans nom d'auteur, voir G. Chabaud,
op. cit., p. 43-51.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 511

partir de 1616, invitent à développer l'analyse dans cette direction.


La question dépasse le cadre spécifique des fêtes et concerne, plus
généralement, les enseignements et les ouvrages.

Les leçons des censures

L'historien, confronté à la question du contrôle des


enseignements en milieu jésuite, dispose d'une source particulièrement riche
pour engager le travail. C'est une documentation de premier ordre
qui a été conservée dans quatorze volumes du Fondo Gesuitico de
TARSI, un vaste ensemble des censures prononcées par le centre
romain ou les responsables des provinces à l'égard des livres écrits par
les membres de la Compagnie ou des opinions émises ou enseignées
par eux107. Si la nécessité de mettre en place une structure de
contrôle idéologique dans la Compagnie a été ressentie dès
l'organisation du débat sur la Ratio studiorum, c'est cependant Claude Ac-
quaviva qui a organisé l'office des réviseurs généraux108.
Dans l'ensemble, les censures s'occupent de questions
théologiques et philosophiques109. La conséquence en est qu'elles s'arrêtent
aussi sur des ouvrages mathématiques, mais dans des proportions
infimes, puisqu'elles ne s'intéressent à leur objet que dans la mesure
où il est porteur d'enjeux doctrinaux. Ce fait se trouve confirmé par
l'index des thèmes censurés qui ouvre les deux volumes cotés Fondo
Gesuitico 656 : «Opinionum seu propositionum in his duobus tomis

107 La liste correspondant aux volumes que j'ai dépouillés se trouve dans la
présentation des sources, infra. L'analyse générale en a été faite par U. Baldini,
«Una fonte poco utilizzata...», art. cit. Dans la présentation des sources proposée
en introduction de ce travail, je développe les problèmes posés par une telle
documentation.
108 La fonction a été définie dans le cadre de la huitième congrégation
générale (1615) et confirmée à l'occasion de la dixième (1652). Les «Regulae revisorum
generalium» se trouvent dans les Instituti Societatis Iesu, op. cit., vol. 3, p. 65-68.
Le texte normatif définit d'abord les réviseurs, puis les sujets qui doivent faire
l'objet d'un contrôle, les modalités d'évaluation des livres, enfin les sujets qui ne
sont pas tolérés dans les ouvrages des membres de la Compagnie.
109 Instituti Societatis Iesu, op. cit., p. 67 :
«Providebunt itaque : 1. Ne in libris Nostrorum novae, et a communi doctri-
na discrepantes opiniones inducantur. 2. Ne communes rationes, quibus Religio-
nis christianae dogmata confirmant Theologi, convellantur. 3. Ne a D. Thomae
doctrina, iuxta Constitutiones et Congregationum Decreta, in theologicis disce-
datur. 4. Ne quid contineant, quod vel ad iura Principium, immunitates, iuris-
dictionem, et priviliegia, vel materiam Status, ut vocant, pertineat, vel alia quavis
ratione nationum provinciarumque res aut personas sic attingat, ut iusta sequi
possit offensio. In iis porro, qui contra haereticos scribunt, observabunt praeci-
pue, an cum doctrinae soliditate stilum ita moderentur, ne plus aequo acerbitatis
habere, aut alia ratione levior merito cuiquam videri possit».
512 LE TEMPS DES CHAIRES

exceperis definitis a F. Borgia et a Claudio Acquaviva eorumque re-


cognitione». Parmi les sujets «sensibles» pour la philosophie
figurent ceux-ci : «de materia prima», «de quantitate an distinguatur»,
«an componatur indivisib.», «de motu, de infinito», «de motu terrae,
de certis fluidiis » no.
Dès lors, cette source fait rarement écho à des questions
mathématiques, elle s'occupe de celles qui touchent l'astronomie, ou la
matière et sa structure. Au cœur de ce sous-ensemble réduit, les
censures qui portent sur les collèges français des premières années du
XVIIe siècle sont particulièrement rares. Au total, en comptant celles
qui ont trait à des problèmes philosophiques et mathématiques, je
n'ai pu identifier que quelques situations, datées des années 1630 et
suivantes, d'un intérêt variable et dont le caractère lacunaire a
déterminé le choix d'une analyse globale111.
Un premier constat regarde les jésuites confrontés à la censure :
sur tous les cas du Fondo Gesuitico qui concernent la France, deux
professeurs seulement appartiennent à la liste établie dans le cadre
de cet ouvrage, B. Labarthe112 et V. Léotaud113. Si d'autres
mathématiciens y apparaissent, c'est tout aussi exceptionnellement, et au titre
de censeur, comme Antoine Lalouvère114. Dans les autres
documents, on rencontre deux types de situations : soit l'auteur des
propositions examinées est anonyme, c'est-à-dire qu'il n'est pas cité par
les textes115, soit il est nommé et c'est un professeur de philo-

110 Fondo Gesuitico 656, IA, s. p.


111 Dans mes dépouillements, j'ai identifié d'autres censures portant sur les
mathématiques que celles utilisées dans ce chapitre. Elles concernent des
périodes nettement antérieures ou des régions qui n'entrent pas dans mon analyse. A
titre d'exemple, dans le Fondo Gesuitico 652, se trouvent les censures des pères
de Salamanque sur le livre de B. Pereira, De communibus rerum naturalium...
(fol. 28-32), celle de Clavius sur l'ouvrage de Possevino contre l'astrologie
judiciaire (fol. 79r.), celle de Christophe Grienberger sur le comput ecclésiastique de
Clavius (fol. 285r.). Dans le Fondo Gesuitico 655, Censurae librorum, t. IV, 1618-
1642, se trouvent les censures sur le fameux ouvrage de Scheiner, Rosa Ursina
(fol. 93r.), par Antoine Jordin et sur YEchometria de Biancani par Grienberger
(fol. 107r.-108v.). Ces documents présentent souvent, pour les questions qui nous
occupent, un intérêt nettement supérieur à celui qui ressort des provinces
françaises. Ce phénomène fera l'objet d'une analyse ultérieure.
112 Fondo Gesuitico 669, fol. 330r.-333v.
113 Ibid., fol. 129r.
114 C'est lui qui porte un jugement négatif sur l'ouvrage de B. Labarthe : Ibid. ,
fol. 330r.
115 Voir, par exemple, l'examen du placard de soutenance de thèses de Lyon,
en 1643 : Fondo Gesuitico 657, fol. 411r. : «Judicium R. P. Revisorum Genera-
lium Romae. De propositionibus (quarum aliquae titulum praeferunt Paradoxo-
rum) ex Universa Philosophia depromptis, dispositis in quinque columnas Lug-
duni impressis et defensis anno 1643».
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 513

sophie116. Cette première présentation invite à s'interroger sur


l'intérêt de la documentation prise en considération. De fait, celle-ci est
limitée par la spécificité de la chronologie française, en regard de
l'Italie notamment. On a, en effet, déjà noté le caractère tardif de
l'émergence d'une production scientifique française, ce qui aboutit au
fait que les censures apparaissent, elles aussi, tardivement117. A ce
phénomène s'ajoute une remarque, formulée comme une hypothèse
dans le chapitre précédent, qui concerne la qualité de la production
française : les ouvrages aux enjeux potentiellement importants sur
le plan scientifique n'émanent pas de l'espace français. Dans les
différents types d'ouvrages étudiés dans le chapitre précédent, les
premières générations de professeurs abordent, en défenseurs de l'«
orthodoxie», les questions qui touchent à Yuniformitas et soliditas doc-
trinae. Ceci n'interdit nullement des études de détail des livres
concernés, qui permettraient assurément de nuancer un propos à
caractère général, mais tel n'est pas l'objectif de ce travail. L'étude
des sources extraites du Fondo Gesuitico permet, cependant,
d'attirer l'attention sur le fait que les livres n'étaient pas seuls soumis à la
censure, puisque différents cas concernent les opinions exprimées
dans les cours118. Néanmoins, le fort degré de décontextualisation de
ces fragments permet rarement d'approfondir les analyses.
Sans qu'il présente un intérêt particulier du point de vue de
l'enseignement des mathématiques, le dossier de Léonard Champeils119
est particulièrement significatif d'un mode de fonctionnement de la
censure. Ses «propositiones phïlosophicas et theologicas» ont fait
l'objet d'un examen de la part des pères de Rome. La présentation
matérielle du document, de même que l'absence de documentation
complémentaire ne fournissent que peu d'éléments d'explication du
dossier : à la demande des responsables de la province, non désignés
dans ces textes, les réviseurs du Collegio Romano ont été saisis sur
onze propositions formulées par Léonard Champeils. Que sont ces

116 Fondo Gesuitico 655, fol. 177r.-180v. : «P. Leonardi Champeils


propositiones philosophicas et theologicas».
117 Certains dossiers, postérieurs aux années 1640, présenteraient un grand
intérêt, et particulièrement celui de Honoré Fabri. Voir, à son propos, A. Boehm,
art. cit.
us Voir, par exemple, Fondo Gesuitico 656, IIA, fol. 208v., réponse de Rome à
la province de France (1612) qui demande un avis sur une proposition, sans doute
formulée par un professeur de philosophie; ibid., fol. 253 : «Responsio de duobus
propositionibus Assistenciae Franciae an permitti posset ut doceantur in scholis
nostris».
119 Né à Limoges en 1590, entré au noviciat en 1609, il est nommé professeur
de philosophie et de théologie morale. Mort à Bordeaux en 1669. Il a laissé
différents ouvrages, dont un cours manuscrit de philosophie, conservé à Bordeaux :
voir C. Sommervogel, op. cit., vol. 2, col. 1052-1053.
514 LE TEMPS DES CHAIRES

propositions? Une partie du cours dicté aux étudiants, un ensemble


de thèses soutenues dans le cadre d'une dispute organisée dans le
collège? Un texte écrit par le professeur et mis en circulation pro
manuscripto dans son établissement? L'état des archives ne permet
de proposer aucune réponse.
Les réviseurs procèdent à un examen ligne à ligne du texte qui
leur est soumis et donnent leur avis sur chacune des propositions.
Ces propositions reflètent des thèses nominalistes rejetées par la
Compagnie120 et, à ce titre, font l'objet d'une récusation
systématique.
Dans ce cas, il est intéressant de constater le caractère collectif
de la réponse romaine qui engage les censeurs non pas
individuellement, mais en tant que membres représentants de la structure.
Ailleurs, les censeurs s'expriment en leur nom propre, soit que chacun
n'ait lu qu'une partie du livre, soit que la censure se compose des
différents jugements juxtaposés. Dans tous les cas, cette pratique
actualise le lien avec Rome au-delà du processus d'autonomisation des
provinces. Le lien n'est pas systématiquement imposé par le centre,
mais il est souvent activé par les sollicitations de la périphérie.
On peut, en effet, analyser l'exemple ci-dessus comme
l'expression d'une réponse, émanant des réviseurs romains, à une question
formulée par la province. C'est ce que semble induire la formule
inaugurale :
Nous avons examiné les propositions suivantes, de philosophie,
pour la plupart et de théologie pour quelques-unes; voici brièvement
nos jugements à leur propos121.

De même, la formule «Responsio de duobus propositionibus As-


sistentiae Franciae an permitti posset ut doceantur in scholis nos-
tris»122, qui introduit un jugement des censeurs prononcé en 1615,
invite à considérer ce texte comme résultant d'une demande faite
par la périphérie. Dans la province de Toulouse, c'est aussi la
congrégation provinciale qui sollicite Rome, souhaitant et
proposant une clarification sur certains points de philosophie et de
théologie morale123. Les lacunes des sources ne permettent cependant pas

120 En effet, dans la marge de la première page du dossier, une note sans
doute destinée à faciliter l'utilisation du document, précise : «hoc scriptum mis-
sus fuit a P. Leonardo Champeils quem saepius patres accusarunt ut auctorem
sectae Nominalium in Provincia, an. 1633».
121 ARSI, Fondo Gesuitico 655, fol. 177r. : «Examinata a nobis sunt hae pro-
positiones, majorem partenti Philosophiae; quaedam tamen Theologicae : de qui-
bus, quid nostri judicii sit, breviter aperiemus».
122 ARSI, Fondo Gesuitico 656, IIA, fol. 253r.
123 ARSI, Fondo Gesuitico 656, IIA, fol. 374r.-v. :
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 515

de savoir comment les thèses défendues à Lyon, en 1643, finissent


par faire l'objet d'une censure romaine, deux ans plus tard124.
Pourtant, toutes les censures de ce corpus ne correspondent pas
à une production romaine. Lorsque Rome est sollicitée, c'est
presque exclusivement pour des problèmes d'ordre théologique.
Certaines censures émanent, complémentairement, des provinces elles-
mêmes, comme en témoignent les exemples du registre Fondo
Gesuitico 669. On voit alors à l'œuvre une procédure beaucoup plus
simple que celle qui concernait le «cas Champeils». Claude-François
Milliet de Challes125, professeur de mathématiques au collège de La
Trinité à Lyon, lui-même auteur de différents ouvrages de
mathématiques, émet un avis positif pour la publication du livre de son
collègue Vincent Léautaud126. Dans le cas suivant127, à l'inverse, Antoine
Lalouvère, le mathématicien toulousain qui s'est illustré dans le
débat sur la cycloïde128, émet un jugement négatif sur le Hermetis Ma-
thematici praeludium de B. Labarthe129. Sa critique souligne la
médiocre tenue scientifique de l'ouvrage qu'en spécialiste, il compare
avec les Arithmeticis institutiones de Vincent Léotaud, évoquées
dans la censure précédente. Il est intéressant de constater que ce
jugement négatif est contrebalancé par ceux de Nicolas du Port Gui-
chart et de Jean-Paul Médaille, qui constatent que le texte est correct
sans formuler d'avis scientifique130. Ces censures, au-delà de leur
efficacité131, sont d'un moindre intérêt pour l'historien132 : dans la
mesure où les ouvrages examinés n'engagent pas de problèmes de fond,
il est inutile de recourir à la censure romaine, l'assistance disposant,
en général, de techniciens suffisamment qualifiés pour émettre des
jugements.

«Rogandus admodum Rdus P N Gnlis nomine totius congregationi, ut ex


catalogo opinionum huic Provinciae a paucis hinc annis prohibitarum velit has sal-
tem eximere et cuique pro arbitrât defendas permittere; tanquam videlicet nihil
habentes incommodi et alioquin non parum probabiles aut etiam communes».
124 ARSI, Fondo Gesuitico 657, fol. 41 Ir. : «Judicium R. P. Revisorum Gene-
ralium Romae. De propositionibus (quarum aliquae titulum praeferunt Para-
doxorum) ex Universa Philosophia depromptis, dispositis in quinque columnas
Lugduni impressis et defensis anno 1643».
125 Voir C. Sommervogel, vol. 2, col. 1040-1044. Professeur de
mathématiques, il a passé une importante partie de son temps dans les missions turques.
126 ARSI, Fondo Gesuitico 655, fol. 129r.
127 ARSI, Fondo Gesuitico 655, fol. 330r.-333v.
128 Voir supra, chapitre 7.
129 ARSI, Fondo Gesuitico 669, fol. 130r.
mIbid.,iol. 132r.-v.
131 II faut remarquer que l'ouvrage de B. Labarthe n'a pas été publié. Sans
doute ceci est-il à mettre en rapport avec le jugement de Lalouvère.
132 La même remarque peut être formulée au sujet des Parallela Geographica
veteri et nova de Philippe Briet, en 1648 (ARSI, Fondo Gesuitico 669, fol.
268r.-269v). Sur cet auteur, voir C. Sommervogel, op. cit., t. 2, col. 156-161.
516 le temps des chaires

Conclusion

Des témoignages d'élèves à ceux des fêtes ou des censures,


l'image des mathématiques dans la Compagnie de Jésus, en France,
pour la première moitié du XVIIe siècle, présente une certaine
homogénéité. Reconnue comme discipline d'enseignement à part
entière, intégrée dans la vie des établissements, la science
mathématique permet aussi d'établir un «pont» avec la société civile133. Pour
compléter ce tour d'horizon, il aurait été intéressant d'interroger la
perception des professeurs eux-mêmes. Comme l'ont montré les
deux précédents chapitres, ces hommes restent lointains : la
reconstitution de leur carrière, l'étude de leurs ouvrages ne livrent que
peu d'éléments sur les individualités. Aussi, comprendre quels
étaient leurs préoccupations, leurs intérêts, leurs idées sur la
discipline qu'ils enseignaient, demeure presque impossible. En guise de
conclusion, l'analyse de deux documents, trop exceptionnels pour
pouvoir donner lieu à une réflexion générale, soulignera tout ce qui
manque à notre connaissance des personnes.
Sur l'ensemble de la documentation dépouillée, deux lettres ont
retenu mon attention, qui rendent compte d'un rapport aux
mathématiques que les sources traditionnelles ignorent134. Elles
proviennent de deux hommes dont l'un au moins s'est sans doute
continûment intéressé aux problèmes scientifiques, Pierre Cazré135. Pour
le second, Jean Guérin, il faut souligner le caractère
particulièrement fragmentaire des informations disponibles à son sujet : le fait

133 On notera, à cet égard, l'intérêt de cette analyse, portant sur le XVIIIe
siècle, de F. de Dainville, «L'enseignement scientifique...», art. cit., p. 389 : «De
leur côté, les familles n'étaient guère sensibles à la formation équilibrée que
promouvait la Ratio studiorum des jésuites. Autant elles étaient favorables aux
humanités, autant la philosophie leur paraissait superflue. On ne la croyait
«nécessaire qu'aux gens d'Église; un homme d'affaires ou d'épée en a peu besoin». Lui
consacrer trois ans ou même deux leur semblait excessif. Le prévôt des
marchands de Lyon, ami des jésuites, le constatait dans une lettre du 24 septembre
1736 : «Leurs classes de logique et physique sont désertes. On enseigne la
philosophie en un an au séminaire; et c'est ce qui attire la foule des écoliers, qui ne
cherchent qu'à avoir bientôt expédié leurs études». Peut-on considérer que ce
témoignage sur la philosophie peut aussi s'appliquer aux mathématiques? Le
propos serait sans doute à nuancer, du fait du caractère concret de l'enseignement
des mathématiques mixtes, mais il est révélateur d'un état d'esprit des élites.
134 A l'ARSI, dans la série Opera Nostrorum sont conservés les papiers
personnels de certains des professeurs de la Compagnie : aucun des dossiers conservés
ne concerne les jésuites étudiés ici. A l'APUG, aucun des dossiers conservés n'est
français. De la même manière, aux Archives de l'Assistance de France, les
dossiers individuels, quand il en reste, ne recèlent aucun papier personnel.
135 Voir la fiche biographique le concernant en annexe 2.
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 517

qu'il ne figure pas sur la liste des professeurs de mathématiques


établie dans le chapitre 7 semble indiquer que le choix de ses
supérieurs n'a pas été de privilégier ses compétences scientifiques.
Pourtant, la lettre du 1er décembre 1620, adressée depuis Chaumont au
général Viteleschi, constitue le témoignage isolé, mais significatif,
d'une attention portée aux problèmes de la physique moderne136.
Manifestement intéressé par les problèmes de cette nature depuis de
nombreuses années, l'auteur de la lettre s'adresse au général au
moment où il pense avoir trouvé la solution du mouvement perpétuel,
solution à propos de laquelle il ne donne aucun élément précis. Le
recours à l'autorité supérieure est expliqué dans les lignes qui
suivent la présentation de ses travaux : Jean Guérin doit
expérimenter ses découvertes et se heurte donc à un problème financier. Il
est intéressant de trouver sous sa plume le terme même dìexperientia
qui, dans ce contexte précis, révèle un intérêt précoce en milieu
jésuite pour les pratiques expérimentales137. Le phénomène paraît
d'autant plus significatif qu'il semble être le fait d'un homme au
profil intellectuel commun, mais suffisamment au fait des travaux en
cours dans la Compagnie pour évoquer le successeur de Clavius,
Christoph Grienberger, lui-même à Rome aux côtés du général et
susceptible, comme le suggère Guérin, d'apprécier la valeur des
découvertes soumises à son jugement. On peut, face à cette démarche,

136 CAMP. 36, fol. 39r. :


«Parcat mihi adm. Rxda Paternitas V. si tot, tantisque negotiis districta ali-
quantulum illi importunus fuero. Zelo est qui me audentiorem facit. Jam sunt ali-
quot anni cum putavi aliquot modos invenisse Motus perpetui : sed eos
experientia probare non potui partim quod necessarias pecunias ad id non habuerim :
partim quia licet haberi fortasse nostrorum Patrum cura potuissent, neminem ta-
men inveni qui spem emere pretio vellet. Itaque supplex esse decrevi Vestra Pa-
ternitati, ut aliquot modos praecipuos, inter non paucos alios invenisse me arbi-
tror, hos Patri Griembergio examinandos, aut si fieri potest probandos tradam ut
quod sibi de iis videatur ad me scribar. Nulli alii rem patefactam velim, ne forte,
quod solet, de ea varii sermones habeantur, figuras quatuor ex figurarum inter-
pretationes nunc ad eum mitto. Plures aliquando misurus, si hue scripta mea Vir-
duno aliata fuerint. Si modi approbati fuerint (quorum quanta, quamque variae
sint futura utilitates facile est videre) quidni, si Vestra R.va videatur [...] praeci-
puis Dominis Venetiarum Magistratibusque tot modo iique diversi, possint offer-
ri, ut Societatem nostram, honore isto ac munere, emolliti ad se revocent? Et sic
sumptus ad Artis hujus descriptionem et modo non reliquorum experientiam
subministrem : qua ars toti orbi terrarum sine dubio admodum utilis esse possit.
Nam quicquid (sive aqua fluviatilis, sive alia vis) ad torquendam rotam est neces-
sarium, id omne hujus artis ope, suppleri posse videtur. Veniam dabit si placet
admodum Rxda Paternitas Va. simplicitati mea, et zelum Societatis juvanda aut
honoranda, aequi bonique consulat oro».
137 Sur cette question, voir les remarques faites ci-dessus, chapitre 8, au sujet
du même terme, présent dans les Selectae propositiones..., op. cit.
518 LE TEMPS DES CHAIRES

s'interroger sur ses raisons : pourquoi l'auteur de la lettre n'a-t-il pas


cherché des interlocuteurs en France et notamment à Pont-à-Mous-
son où Jean Leurechon s'occupe aussi de mécanique138? L'aurait-il
déjà fait et, devant la fin de non-recevoir qui l'aurait accueilli, aurait-
il cherché à intéresser directement Rome? Ou bien a-t-il le
sentiment de ne pas être apprécié à sa juste valeur par le supérieur local
et cherche-t-il à se signaler à l'attention du supérieur général pour
en être revalorisé à l'échelon local? Devant le caractère isolé de la
documentation, on ne peut formuler aucune hypothèse sérieuse : il
suffit de considérer cette lettre comme un témoignage de la
réflexion sur les questions scientifiques, jusque dans les collèges de
moindre envergure, à une date relativement précoce du XVIIe siècle,
sans pouvoir cependant apprécier la valeur scientifique d'un tel
intérêt.
La lettre de Pierre Cazré présente un intérêt différent,
notamment parce que son auteur est mieux connu : aussi du point de vue
biographique, elle constitue le premier témoignage d'une curiosité
scientifique qui trouvera d'autres confirmations, notamment dans
sa production et sa correspondance avec Pierre Gassendi139. On voit
d'autre part se profiler un type particulier de jésuite, susceptible
d'enseigner les mathématiques, comme l'indique sa carrière, mais
davantage intéressé par les problèmes de la physique moderne et, de
ce fait, le plus souvent professeur de phïlosophia naturalis. Ici, il
s'intéresse à un problème de cosmographie et fait plus exactement une
proposition concrète pour résoudre la question du calcul des
longitudes.
Le premier intérêt de cette lettre tient au sujet abordé : le
professeur en effet s'attache à une question particulièrement débattue
dans la période où il écrit, celle de la détermination des
longitudes140. On peut donc supposer que sa connaissance du débat sur la

138 Voir les Selectae propositiones..., op. cit.


139 II étudie les questions de physique qui occupent aussi Galilée, notamment
la chute des corps. Voir son ouvrage dédié à Gassendi : Physica demonstratio...,
op. cit. Celui-ci y répond dans Pétri Gassendi de Proportione, qua gravia decidentia
accelerantur. Epistolae très quibus ad totidem epistolas R.P. Pétri Casraei S.I. res-
pondetur, Paris, 1646. Ce texte et les lettres de Pierre Cazré qui constituent la
réponse à la réponse de Gassendi sont publiées dans Pietri Gassendi Diniensis
Opuscula philosophica, Lyon, 1658, vol. 3, p. 589-625.
140 C'est un des problèmes qui retiennent Galilée, mais aussi les Etats comme
le montre la proposition du Stathouder de Hollande d'offrir 25 000 florins à qui
permettrait facilement de les calculer : voir R. Taton dir., Histoire générale de
sciences, vol. 2, p. 285. Ce sont les tables de Cassini, élève des jésuites, qui
permettent définitivement de régler ce problème. La transcription du texte de la
lettre est la suivante, ARSI, CAMP. 36, fol. 19r-20r. :
«Cum ante annos jam aliquot Cosmographia navarem, praestantissimam-
que alioquin disciplinam, multis deformatam erroribus, incertisque authorum
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 519

question constitue l'un des principaux éléments de sa motivation, ce

conjecturis maie innixam animadverterem vehementerque dolerem; prosinus


animum meum ea subiit cogitatio in P.tis V.ae unis arbitrio constitutum esse, prae-
claram illam cognitionem ad exoptatissimum splendorem, verbo unico revocare,
ex orbi universo, renovatum repurgatumque orbem ostendere; quo numere, vix
fortassis in eo genere ullum aliud acceptius posset exhiberi. Etsi vero a pluribus
iam annis (ut dixi) ea cogitatio animum meum saepius pulsaverit, ab aliis tamen
cogitationibus semper hactenus repressa est, quod P.ter V.a in rebus gravioribus
occupatam, levioribus meis hisce imaginationibus importunius interpellare vere-
ret. Nunc autem cum res haec tota, verbo uno aut perfici possit, aut rejici,
tandem animum induxi eam P.tì V.ae proponere, ejusque deinde arbitrio integram re-
liquere. Res porro est hujusmodi. Constat nullius pene loci certam esse longitudi-
nem paucissimorum exploratam esse latitudinem; quibus tamen ignoratis,
necesse est medosissimam esse totius orbis descriptionem, et propter itinerum
anfractus incertain esse locorum inter se distantiam, et orbis totius veram exac-
tamque magnitudinem. Haec vero omnia P.tas V.a verbo potest et nullus alius, ad
summam perfectionem adducere, si ad universam Societatem rescribi iubeat ut
locorum omnim in quibus ipsa dispersa est, et in quibus quotidie peregrinatur,
tum longitudine tum latitudinem exacte exploret, et observationes suo tempore
profuturas, Romam transmittat. Quod si fortassis aliquibus negotium istud ope-
rosius videbitur, quod diligentiam requirat non vulgarem nos ab illis vulgarem
tantum operam exigemus, ut scilicet quacumque noctis hora, duarum saltem
stellarum quas nominare possint, altitudinem eedem tempore supra horizontem,
ope quadrantis, quo poterunt diligentia explorens; hoc enim si solum praestite-
rint, facile inde peritus astronomus loci latitudinem demonstrabit : si vero etiam
tempore lunaris ecclipsis; eo momento quo incipit vel quo desinit aut quo luna
tota incipit in umbram immergi; aut quo incipit ex umbra emergere, eadem
observationes fiant; pari facilitate ex illis, loci quoque longitudinem astronomus
concludet. Rem igitur non admodum operosam postulamus; sed quin in ea
tamen nonnullam diligentiam merita adhibendam putamus, si P.ti V.a consilium
hoc probaretur haec in particulari praescribenda viderentur. 1° ut in altitudinibus
explorandis non astrolabis, sed quadrante potius omnes uterentur, astrolabium
enim ut difficilius habetur, minus etiam exacte altitudines metitur; 2° vero
quadrante uterentur quam fieri commode posset maximo, et in quo minuta, si non
singula, quin (v.) saltem continerentur, ad quod pedalis magnitudo sufficeret.
Deberet autem esse exactissime divisus quadrans, et pinnacidia habere singulari
diligentia elaborata. 3° ut non solum urbium sed insularum etiam, ostiorum, pro-
montoriorum et similium locorum, quae notatu vidèrent digna, longitudo ac lati-
tudo observaretur. 4° ut sive altitudo poli nota existimetur, sive non, semper nihi-
lominus duarum saltem stellarum eodem tempore altitudo supra horizontem ob-
servetur, eaque observatio cum caeteris transmittatur : hinc enim explorari
poterit, an recte observationes caetera processerint. 5° ut simul omnes rescribant
quam diligentiam in suis illis observationibus adhibuerint, si exactum fuerit ins-
trumentum, magnumne an paruum an habuerit minuta necne, et si forte a peri-
tioribus habita esset etiam ratio refractionum, id quoque adnotare non negligant.
Et hac omina si deinde exscripta essent atque observata, intra paucos annos
merito magni Cosmographici thesauri loco haberi possent ac deberent, nec deessent
plerique, qui hoc freti auxilio, lubentibus animis Cosmographiae instaurationem
aggredì percuperent. Quoniam vero ad longitudines explorandas adhibenda sunt
éclipses lunares, eam ob causam ut plerisque consuleremus, aliquot etiam ad-
scribere decrevimus, ut si rem P.tas V.a probaverit ad eas observandas nostri
omnes paratiores accedere possint.
520 LE TEMPS DES CHAIRES

qui souligne son ouverture sur le milieu savant de son temps. De

Anno igitur proxime sequenti 1628 die 20° Januarii eclipsis una continget,
hic quidem hora 8a minut. 4r post merid. Roma autem circa horam 9am vel (ut
vos numerare soletis) circa horam 4am cum quadrante, inuentis diei 21. Constan-
tinopoli accidet circa horam lOam a mendie; Goa circa 3am post mediani noc-
tem. Apud Sinas et Japones, aut nullo nocte, aut eius tantum initium videbitur
circa horam 6am aut septimam a media nocte, die 21° . In partibus occidentali-
bus non videbitur, nisi forte eius finis, sole occidente in Brasilia cernatur. Eodem
anno alia continget eclipsis die 16° Julii, sed eam Europa non videbit : accidet
autem apud Mexicanos circa horam 3am a media nocte, inuente die 16, apud
Japones et Sinas, circa 8am et nonam a medie. In reliqua Asia, vix conspicietur,
multo minus in Africa et Europa.
Anno 1629, très contingent éclipses lunae, sed parvae et quae in Europa non
erunt conspicuae. Prima accidet die 9° januarii, videbiturque mane apud
Mexicanos circa horam 6am a media nocte. Apud Japones autem et Sinas circa horam
llam et lOam a mendie; Goa occidente sole, finis tantum ipsius conspicietur, in
citerionibus partibus nihil. Secunda eclipsis accidet die 5° julii, in Europa et
(20r.) America non videbitur; eius autem finis Constantinopoli aliquanto post oc-
casum solis cernetur; Goa vero continget paulo ante mediam noctem; et apud
Sinas et Japones inuente iam die 6° hora 3a et quarta post mediani noctem. Tertia
eclipsis eodem anno, die 30° novemb. neque in Europa, neque in America
videbitur, saltem integra, nam finis ipsius fortassis occidente sole Constantinopoli
videbitur. At vero Goa hora circi ter 9a post meridiem; apud Sinas autem et Japones,
inuente iam die 1° decemb. hora circiter 2a post mediam noctem.
Anno 1630, luna patietur eclipsim die 26° maii, Sed Romae, et in locis orien-
talibus non conspicietur; hic eius tantum initium videbitur; sed in America tota
cernetur : in Brasilia quidem circa horam 2am a media nocte, in nova Francia,
circa mediam noctem; apud Mexicanos autem, circa horam lOam a meridie ante-
cedentis diei 25. Eodem anno continget alia eclipsis die 19° novemb. hic a
quidem hora 10a post meridiem; Romae circa llam. Constantinopoli circa mediam
noctem : Goa vero circa 5a a media nocte, hoc est inuente iam die 20° : in
partibus orientalibus vix conspicietur : in Brasilia vero etiam, in occasu solis, ex parte
saltem videbitur.
Anno 1631 deficiet luna, die 15 maii Romae circa horam octavam post
meridiem, Constantinop. circa 9a. Goa circa mediam noctem. In America non
videbitur. Eodem anno alia continget eclipsis lunae, die 8a novemb. hic quidem hora
10a minut : 43 post meridiem; eius finis occidente sole in Brasilia videbitur : at
Romae circa horam llam. minut. 40. post meridiem; Constantinopoli vero paulo
post mediam noctem, hoc est inuente iam die 9. Goa autem circa 4a a media
nocte : vix in partibus orientalibus sui copiam exhibebit.
Has porro omnes Eclipses eo consilio adscribo, ut si fieri possit, non una
tantum, sed plures e locis singulis observationes, diversis temporibus habeantur;
res enim magni momenti est, et quam plerique vehementer desiderant, cum hac-
tenus nihil in eo genere exactum, et non infinitis mendis depravatum in lucem
prodierit. Caeterum P.ti V.e rem totam penitus committo, hoc uno contentus,
quod et honestissimo plurimorum desiderio, et Scientia unius praestantissima
splendori, hanc quantulamcumque operam non invitus impendi. Faxit Deus
Sanctissimis P.tis V.a precibus exoratus, ut saltem coelestis melius quam hae
terrena sapiamus.
Va Ptis
Obedientissimus in Christo filius
Petrus Cazreus, Remis 3° Octob. 1627»
PERCEPTION, REPRÉSENTATIONS ET CONTRÔLE 521

plus, le rapprochement s'impose entre sa formation et ses centres


d'intérêt : peu après son entrée dans la Compagnie, il a été envoyé à
Pont-à-Mousson pour ses études de philosophie, aux côtés de
Nicolas Fagot avec lequel il partage le cours de mathématiques à Reims
dans les années 1620. C'est aussi en Lorraine qu'il a suivi sa
formation théologique. La fréquentation de Jean Lereuchon expliquerait
alors les origines de sa formation scientifique141. Qu'en outre Pierre
Cazré ait pu être sensibilisé aux problèmes astronomiques et en
particulier aux observations est attesté par les premiers ouvrages de
Jean Leurechon, Discours de la comète qui a paru aux mois de
novembre et décembre 1618 (Reims, 1619), suivi du Très excellent
discours sur les observations de la comète... avec les figures célestes,
selon l'astrologie et mathématiques, édité à Paris, la même année. La
connaissance des éclipses de la lune que révèle la lettre de 1627 a
très certainement sa source dans la fréquentation du cours de Jean
Leurechon dans la décennie précédente. Il paraît difficile d'aller au-
delà de ce simple constat et en particulier de porter un jugement sur
les conditions techniques d'observation dans le collège lorrain au
début du XVIIe siècle.
Sur un autre plan, Pierre Cazré envisage, dans cette lettre, le
caractère universel de la Compagnie comme un argument essentiel
pour l'essor de son projet : la présence, en différents endroits du
globe, des pères jésuites permettra des observations simultanées et
comparables des phénomènes célestes. Cette réflexion souligne
l'originalité de la position institutionnelle de la Compagnie dans le cadre
scientifique du premier XVIIe siècle, position que les académies de
l'âge classique parviendront à utiliser dans des optiques propres. De
fait, si aucune source n'éclaire la suite donnée par le général Viteles-
chi à cette proposition, on ne peut que constater que, dans la
seconde moitié du XVIIe siècle, avec le développement de l'Académie
royale des Sciences, les correspondants jésuites des membres
académiciens rempliront entre autres cette fonction.
Ainsi, datant du début de la carrière scientifique de Pierre
Cazré, cette lettre éclaire des intérêts propres, contemporains d'une
carrière d'enseignant, et qui ne concernent pas encore les problèmes de
la physique moderne. Elle révèle la conscience d'appartenir à une
communauté aux idéaux de communication comparables à ceux de

141 Pierre Cazré se trouve à Pont-à-Mousson à partir de 1610 et il y demeure


jusqu'en 1623. Jean Leurechon s'y trouve aux mêmes dates, mais dans le cursus
supérieur : aussi, lorsqu'il prend en charge le cours de mathématiques pour la
première fois en 1614-1615, Cazré commence à enseigner dans les classes
inférieures, ce qui ne l'empêche pas de se former auprès de son collègue. Voir sa
notice biographique, en annexe 2.
522 LE TEMPS DES CHAIRES

la République des Lettres. On ne peut que regretter la rareté d'une


telle documentation qui permet de saisir un individu, dans son
parcours personnel et dans l'originalité de ses centres d'intérêt. Faute
d'informations complémentaires de cette nature pour les autres
professeurs de mathématiques de la Compagnie, il convient d'arrêter ici
cette investigation.
Au terme de ce dernier chapitre, les questions restées sans
réponses s'accumulent. Le problème de la perception et de la
représentation des mathématiques dans les collèges jésuites du premier
XVIIe siècle souligne à quel point l'historien est tributaire de ses
sources et révèle toutes les impasses que pose leur traitement. Mais,
elle manifeste aussi tout l'effort déployé par les autorités de la
Compagnie pour intégrer les disciplines scientifiques, et tout
particulièrement les mathématiques, dans une culture commune,
contribuant ainsi au processus de valorisation développé à travers les
livres imprimés.
CONCLUSION DE LA TROISIÈME PARTIE

L'ouverture du collège de La Flèche inaugure une nouvelle


relation entre Rome et la périphérie : caractérisée par une plus grande
autonomie à l'égard du centre, cette relation est assurément à mettre
sous le signe de la «nationalisation» des provinces jésuites. Si cette
évolution relève clairement de facteurs historiques généraux1, elle ne
représente pourtant pas une totale nouveauté en regard de la
situation dans la seconde moitié du XVIe siècle. Les exemples analysés
tout au long de cette partie mettent en défaut l'idée d'un processus
centralisé qui aurait permis la constitution d'une «mathématique
jésuite», ou d'une «science jésuite». Ils donnent plus précisément la
mesure d'un héritage intellectuel complexe que les textes normatifs
de la Compagnie ne permettent pas systématiquement de saisir.
Cette période s'inscrit donc sur fond d'une mutation profonde
des relations avec Rome, et plus particulièrement le Collegio
Romano. Le pôle romain perd sa fonction de centre unique d'impulsion de
l'activité mathématique déployée dans les collèges de la Compagnie.
Mais, cela ne signifie pas pour autant la fin des relations
interpersonnelles à une échelle transnationale. Les exemples analysés ici
en témoignent, comme ils témoignent aussi de la diversification des
interlocuteurs italiens. Rome continue en outre à exercer son
contrôle et à être vigilante, sur le terrain de Yuniformitas et soliditas
doctrinae.
Parallèlement, le processus de formation des maîtres, qui
représente le premier projet, à l'échelle nationale, de constitution d'un
groupe de spécialistes, s'appuie sur des initiatives ponctuelles
héritées de la période antérieure et parvient, dans l'ensemble, à répondre
aux besoins exprimés par une société en pleine mutation. Mais, au-
delà des efforts déployés, le nombre des spécialistes reste rare : au
cours du XVIIe siècle, la tradition selon laquelle l'étude de la nature
ne relève pas d'un savoir spécialisé et seul compétent, celui des
mathématiciens, se maintient. La mathématisation de la physique n'est
acquise ni dans les principes, ni dans les pratiques.

•Voir A. Romano, «Les jésuites et les mathématiques : le cas des collèges


français de la Compagnie de Jésus (1580-1640)», art. cit.
524 LE TEMPS DES CHAIRES

La France de la première moitié du XVIIe siècle fournit ainsi la


preuve des limites du projet jésuite pour les mathématiques, tel que
Clavius l'avait formulé dans les dernières années du XVIe siècle. De
fait, face aux grands thèmes de la «révolution scientifique», les
mathématiciens du premier XVIIe siècle français ne se trouvent plus sur
les fronts de l'innovation. Le système de Copernic n'est pas admis
par la Compagnie de Jésus en France, pas plus qu'il ne l'est ailleurs,
qu'on se réfère aux philosophes espagnols et portugais2, ou aux
mathématiciens du Collegio Romano3. Les mathématiciens de l'ordre
se rallient au système de Tycho Brahé, tournant ainsi le dos à
l'astronomie nouvelle : en ordre dispersé, entre 1590 et 1620, sans que
Clavius l'ait voulu4. Si l'on écarte ce sujet toujours polémique, on
constatera que, pas plus en astronomie que sur les autres «fronts»
de la recherche, la Compagnie n'est prête en 1610 à produire de la
«nouveauté». En algèbre, en mécanique, en optique, dont l'essor
allait être sans précédent au XVIIe siècle, les innovateurs furent
d'autres hommes. A cet égard, l'étude engagée sur la bibliothèque
scientifique des jésuites français fournit matière à un jugement sans
appel.
En outre, les jésuite français s'engagent peu sur des terrains
polémiques, suscitant par là même peu d'interventions romaines. On
ne peut donc pas chercher, à travers ces textes, la carte en négatif
des pôles de résistance philosophique ou scientifique à la
normalisation interne dont la Compagnie a fait l'objet à partir du généralat de
Claude Acquaviva. Il faut attendre l'essor du cartésianisme pour voir
les responsables français de la Compagnie s'engager dans un combat
résolument hostile à la nouvelle philosophie et prononcer à l'égard
des siens des interdits, parfois accompagnés de sanctions5. Mais,
alors qu'en Italie, le copernicanisme et l'essor des théories gali-
léennes ne laissaient pas indifférents certains jésuites6, les Français
s'intéressent peu aux grands systèmes cosmologiques. On peut

2 W. G. L. Randles, «Le ciel chez les jésuites espagnols et portugais», dans


L. Giard dir., Les jésuites à la Renaissance..., op. cit., p. 129-144.
3 M. P. Lerner, «L'entrée de Tycho Brahé chez les Jésuites...», art. cit.
4 Ibid., et C. Dolio, «Tamquam nodi in tabula...», art. cit.
5 Une bonne étude de cas correspondant aux années 1650 est fournie par
L. W. B. Brockliss, «Pierre Gautruche et l'enseignement...», art. cit. La formule
utilisée par l'auteur, p. 199, pour caractériser l'enseignement de Pierre Gautruche
me paraît particulièrement bien adaptée à son cas et à nombre d'autres qui
demandent encore à être étudiées :
« Le manuel de Gautruche montre que son auteur était un scolastique
aristotélicien éclectique, doté d'une certaine indépendance d'esprit. Il serait intéressant
de savoir dans quelle mesure son livre est caractéristique de l'enseignement
jésuite de philosophie de la nature au XVIIe siècle en France».
6 Voir notamment les Napolitains étudiés par R. Gatto, Tra scienza e
immaginazione..., op. cit.
CONCLUSION DE LA TROISIÈME PARTIE 525

émettre l'hypothèse qu'ils ont d'autant plus échappé à la polémique


qu'ils se sont engagés dans l'étude et l'enseignement des
mathématiques mixtes, répondant en cela aux besoins d'une monarchie
fortement solliciteuse.
Conscients de cette demande et de ses enjeux, les responsables
de la Compagnie sont parvenus à attirer dans leurs collèges la partie
la plus importante de la jeunesse en formation. De ce point de vue,
leur rôle a été déterminant pour l'élaboration d'un nouveau type de
rapports entre le monde des élites et la science. Aussi les collèges
jésuites apparaissent comme le principal instrument d'acculturation
scientifique dès cette période, et sur ce point ils ont été très
efficaces. Les témoignages de Peiresc, Descartes, Mersenne ou Daniel
Huet donnent, in fine, le meilleur éclairage sur l'important rôle joué
par les jésuites en France dans le premier siècle de leur activité.
CONCLUSION GÉNÉRALE

«Les mathématiciens, sérieux au XIIe siècle du temps de Fibo-


nacci et de l'école de Pise, sont des sorciers au XIVe, des faiseurs de
carrés magiques. Charlemagne avait une horloge qu'il avait reçue du
calife; mais Saint Louis qui revient d'Orient, n'en a pas et mesure ses
nuits par la durée d'un cierge. La chimie, féconde chez les Arabes
d'Espagne, et prudente encore chez Roger Bacon, devient l'art de
perdre l'or, de l'enterrer au creuset pour en tirer de la fumée. La
reculade que nous notions en philosophie, en littérature, se fait plus
magnifique encore et plus triomphante dans les sciences. Copernic,
Harvey, Galilée sont ajournés pour trois cents ans. Une nouvelle porte
solide ferme le passage au progrès, porte épaisse, porte massive, la
création d'un monde de bavards qui jasent de la nature sans s'en
occuper jamais».
J. Michelet, Histoire de France. XVIe siècle. La Renaissance, t. 7, Paris,
1876, p. 48.

«Il s'agit d'un passage. A l'un des bouts, la pensée des hommes
du XVIe siècle (...). Donc, à l'un des bouts, le bouillonnement du
siècle d'Erasme, de Luther, de Copernic; et aussi de Pomponazzi, de
Lefèvre d'Etaples, d'Ignace de Loyola, de Rabelais, d'Etienne Dolet,
de Jean Calvin finalement. A l'autre bout, cet ordre, cette
régularité : Descartes et le cartésianisme; Bérulle et l'Oratoire; Arnaud et
Port-Royal; Pascal. Une nouvelle philosophie, une science nouvelle,
de nouvelles formes de religion. Bref, un changement de style
radical. Un nouveau climat. Presque un nouveau monde. En tous cas,
une étonnante révolution dans les façons d'être, de penser, de
croire».
L. Febvre, «Aux origines de l'esprit moderne : Libertinisme,
Naturalisme, Mécanisme», dans Au cœur religieux du XVIe siècle, Paris,
1957, p. 337-338.

A l'issue de ce parcours au cœur de la culture mathématique


jésuite, saisie dans sa genèse et ses premiers développements, il est
difficile de proposer des conclusions générales sur le rapport qu'a
entretenu la jeune Compagnie de Jésus avec la science de son temps.
Constat paradoxal qui pourrait être interprété comme celui de
l'échec de l'entreprise mise en œuvre tout au long de ce livre : ce n'est
528 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

pas dans ce sens que je l'entends. Il me semble simplement que


l'heure des conclusions générales n'a pas encore sonné, pour des
raisons d'ordre historiographique. Dans ce travail, j'ai eu le souci
constant d'interroger et de confronter les sources. Par là, s'est
imposé l'angle d'approche qui a consisté à éclairer le plus
systématiquement possible la relation entre centre et périphérie. Le motif en est
double.
Il est d'abord d'ordre historiographique : il s'agissait d'éviter le
piège légué par une tradition abondante, mais marquée par
l'antagonisme radical entre défenseurs et opposants du sujet étudié.
Chez les tenants d'un anti-jésuitisme féroce et au mille visages, -
dont le moins virulent ne fut pas celui de l'école historique
positiviste anti-cléricale -, parmi les « hagiographes » de la Compagnie,
on trouve cette même tendance qui consiste à écrire l'histoire des
jésuites à l'aune des textes normatifs et de la situation romaine. Et
même lorsque ces livres ne s'inscrivent pas dans une approche
polémique de l'histoire de la Compagnie, ils permettent rarement de
prendre la mesure de la complexité de la réalité. On en a souvent
vu, dans les pages qui précèdent, le résultat appliqué à l'histoire
de l'éducation : pendant longtemps, écrire l'histoire de tel
établissement a consisté dans le fait de commenter plus ou moins
abondamment le texte de la Ratio studiorum, toujours considéré
comme s'étant imposé naturellement parmi les compagnons et su-
cesseurs d'Ignace. Grâce aux nombreux travaux qui, dans la
dernière décennie, se sont occupés de cette histoire, on comprend
mieux la diversité des réalités locales : l'accumulation des études
monographiques doit se poursuivre1.
Le second motif qui m'a fait privilégier l'angle d'approche
centre-périphérie tient à la structure même de l'institution étudiée,
dont l'une des spécificités fut sans doute de penser son universalité
dans et par le pluriel des expériences singulières. Cette spécificité,
que les Constitutions expriment déjà et tentent de formaliser2,

1 La, bibliographie convoquée dans ce travail, bien que ne prétendant pas à


l'exhaustivité, permet de prendre la mesure des disparités spatiales sur l'histoire
de l'enseignement jésuite. On notera la précocité et l'importance du dossier
italien, notamment du point de vue de l'histoire de l'enseignement scientifique. On
soulignera aussi l'immensité des zones qui ne sont toujours pas couvertes. Si
cette situation est compréhensible pour l'Europe de l'Est, où la conjoncture
politique du dernier demi-siècle a peu favorisé l'histoire des ordres religieux, elle doit
mériter toute notre attention pour des pays aussi différents que l'Espagne ou la
France. Cette dernière bénéficie depuis fort peu de temps de l'embellie liée au
«désenclavement» de l'histoire jésuite.
2 Je renvoie non seulement au premier chapitre, mais aussi à toute la
bibliographie sur laquelle il s'appuie.
CONCLUSION GÉNÉRALE 529

constitue l'une des explications majeures du processus de


production de l'échange au sein de l'ordre, et par là même d'engendre-
ment des sources. Ce qui devenait donc possible était la
confrontation du discours et des pratiques, de l'élaboration normative et
des situations concrètes. Je ne me suis donc pas trouvée face à
deux dossiers complémentaires, l'un romain et l'autre français,
qu'un artifice rhétorique permettait de relier. La relation centre-
périphérie est constitutive de l'histoire jésuite. Mais, elle ne
désigne pas uniquement la relation entre deux espaces de même type
entretenant un rapport de subordination qui se décline selon une
série complexe de paradigmes. A ce titre, la vision binaire, qui
imposerait Rome comme lieu de la décision et du pouvoir et les
provinces comme des zones de mise en œuvre de l'identité construite
en dehors d'elles, doit être totalement reconsidérée. Le recours au
couple centre-périphérie permet non seulement de dépasser cette
vision, mais aussi de mettre en évidence les différents types de
structures qui se croisent dans l'institution : la curie, les collèges,
les missions, etc. La réflexion sur la nature et le statut des
mathématiques ne s'est pas seulement déployée entre le Collegio
Romano et les autres collèges de l'ordre : elle a aussi mis en action des
hommes qui n'occupaient pas les mêmes places dans l'institution,
ou dont les compétences étaient sollicitées en raison des différents
«lieux» d'où ils parlaient. La figure de Jérôme Nadal en est
exemplaire : compagnon, professeur, visiteur, recteur. C'est à ces
différents titres qu'il a participé aux discussions qui ont occupé les
hommes de sa génération. Les autres compagnons d'Ignace et
leurs successeurs immédiats ont parfois dû occuper ces différents
lieux institutionnels, parfois ils sont restés dans une unique place :
tel est bien le cas de Clavius. La diversité de ces positions au sein
de la Compagnie est elle aussi constitutive du processus de
l'échange.
Cette manière plurielle de regarder l'histoire jésuite suppose la
multiplication des dossiers sur les espaces périphériques : eux seuls
pourront non seulement rendre compte de la diversité des situations
locales, mais aussi de la complexité de la synthèse opérée par le
centre. Alors, les tensions sur lesquelles s'est construite l'identité
jésuite seront plus explicites.
L'historiographie jésuite est donc en plein renouvellement,
permettant le «désenclavement» de la Compagnie et sa réintégration
dans un patrimoine commun qui a façonné l'histoire intellectuelle
de l'Europe au XVIe siècle. Ce constat vaut aussi pour l'histoire des
sciences de la Renaissance : dans la série des travaux qui
aujourd'hui tendent à mettre en question ou à mieux cerner la «Révolution
scientifique», la Compagnie occupe une place de premier choix.
Aujourd'hui encore ils s'inscrivent dans une polémique toujours vive
530 LA CONTRE-RÉFORME MATHÉMATIQUE

sur le rôle de l'Église face à la science moderne : le mythe galiléen


s'est longtemps nourri de l'anti-mythe jésuite; l'embellie historiogar-
phique qui souffle sur la Compagnie tendrait à inverser les
positions. Mais pas plus que nous n'avons fini d'écrire l'histoire de la
Compagnie, nous n'avons épuisé celle des rapports entre science et
religion à la Renaissance.
531

ANNEXES
ANNEXE 1

L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES


ET DE LA PHILOSOPHIE EN FRANCE DANS
LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIIe SIÈCLE1

Aix - physique : P. Malian


- logique : L. Patornay
- mathématiques : Claude Gra-
En 1637-38 (ARSI, LUGD. 14, nier
fol. 31 lr.) En 1601-1602 (ARSI, LUGD. 14,
- métaphysique : / fol. 12r.)
- physique : P. Dallier - métaphysique : P. Malian
- logique : T. Court - physique : L. Patornay
- mathématiques : François de - logique : L. Delingendes
Saint-Rigaud - mathématiques : Claude Ponce
En 1638-39 (ARSI, LUGD. 14, En 1602-1603 : pas de catalogue
fol. 328r.) En 1603-1604 : pas de catalogue
- métaphysique : / En 1604-1605 (ARSI, LUGD. 14,
- physique : T. Court fol. 15r.)
- logique : C. Decrozon - métaphysique : N. Magnesius
- mathématiques : Pierre Le Roy - physique : P. Raoux
En 1639-40 (ARSI, LUGD. 14, - logique : L. Delingendes
fol. 345r.-v.) - mathématiques : Léonard
- métaphysique : C. Decrozon Patornay
- physique : / En 1605-1606 (ARSI, LUGD. 14,
- logique : F. Beau fol. 21v.)
- mathématiques : Pierre Le Roy - métaphysique : P. Raoux
- physique + mathématiques :
Louis Delingendes
- logique : J. Arnoux
Avignon
En 1606-1607 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 31v.)
En 1600-1601 (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : L. Delingendes
fol. 7r.) - physique + mathématiques :
- métaphysique : M. Tourneboule Jean Arnoux

1 Ce tableau recueille pour l'ensemble des établissements dotés d'une chaire


de mathématiques, les noms de tous les professeurs de philosophie et
mathématiques. Ainsi, les enseignants de mathématiques ne sont pas isolés de leurs
confrères du même cycle d'études, ce qui permet d'étudier les mécanismes
d'interchangeabilité des fonctions. La période considérée pour chaque établissement
varie selon la date d'ouverture de la chaire de mathématiques. Le terminus ad
quem est constitué par l'année scolaire 1639-1640.
534 ANNEXES

- logique : A. Morgan - logique : P. -A. de Barny


En 1607-1608 : pas de catalogue En 1619-1620 : pas de catalogue
En 1608-1609 (ARSI, LUGD. 14, En 1620-1621 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 38r.) fol. HOr.)
- métaphysique : A. Morgan - physique
métaphysique
: L. Bovillet
: P.-A. de Barny
- physique + mathématiques :
Pierre Royer - logique : J. Lereteret
- logique : C. Doniol En 1621-1622 (ARSI, LUGD. 14,
En 1609-1610 (ARSI, LUGD. 14, fol. 118v.)
fol. 44r.) - métaphysique : L. Bovillet
- métaphysique : P. Royer - physique : P. Léritier
- physique : C. Doniol - logique : A. Brodonius
- logique : Claude Suffren En 1622-1623 (ARSI, LUGD. 14,
En 1610-1611 (ARSI, LUGD. 14, fol. 128v.)
fol. 54r.) - métaphysique : P. Léritier
- métaphysique : C. Doniol - physique : A. Brodonius
- physique + mathématiques : - logique : J. Amieu
Claude Suffren En 1623-1624 (ARSI, LUGD. 14,
- logique : Pierre Royer fol. 141r.)
En 1611-1612 (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : A. Brodonius
fol. 61v.) - physique : J. Amieu
- métaphysique : C. Suffren - logique : G. Mazet
- physique + mathématiques : En 1624-1625 (ARSI, LUGD. 14,
Pierre Royer fol. 149r.)
- logique : S. Rolerius - métaphysique : J. Amieu
En 1612-1613 : pas de catalogue - physique : G. Mazet
En 1613-1614 : pas de catalogue - logique : J. Malavaleta
En 1614-1615 : pas de catalogue En 1625-1626 (ARSI, LUGD. 14,
En 1615-1616 : (ARSI, LUGD. 14, fol. 161r.)
fol. 69r.) - métaphysique : G. Mazet
- métaphysique : J. Landricus - physique : P. Ricard
- physique + mathématiques : - logique : J. Gayet
Claude Boniel En 1626-1627 (ARSI, LUGD. 14,
- logique : F. Bening fol. 181r.)
En 1616-1617 : (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : P. Ricard
fol. 78r.) - physique : J. Gayet
- métaphysique : C. Boniel - logique : B. Jarrige
- physique + mathématiques : En 1627-1628 (ARSI, LUGD. 14,
François Bening fol. 188v.)
- logique : C. de la Croix - métaphysique : J. Gayet
En 1617-1618 : (ARSI, LUGD. 14, - physique : B. Jarrige
fol. 87r.) - logique : M. de Billy
En 1628-1629 (ARSI, LUGD. 14,
- métaphysique
physique : C. de
: F.la Bening
Croix
fol. 197r.)
- logique : C. Boniel - métaphysique : B. Jarrigue
En 1618-1619 : (ARSI, LUGD. 14, - physique : M. de Billy
fol. 99r.) - logique : A. Léal
- métaphysique : C. de la Croix En 1629-1630 (ARSI, LUGD. 14,
- physique : C. Boniel fol. 205r.)
ANNEXE 1 535

- métaphysique : M. de Billy En 1638-1639 (ARSI, LUGD. 14,


- physique : / fol. 322r.)
- logique : A. Léal - métaphysique : P. Guerin
- mathématiques : Etienne Furet - physique : /
En 1630-31 : pas de catalogue - logique : G. Ramard
En 1631-1632 (ARSI, LUGD. 14, - mathématiques : Pierre Aloys
fol. 217r.) En 1639-1640 (ARSI, LUGD. 14,
- métaphysique : A. Léal fol. 339v.)
- physique : / - métaphysique : G. Ramard
- logique : J.-C. Voile - physique : /
- mathématiques : Etienne Furet - logique : P. Guerin
- mathématiques : Pierre Aloys
En 1632-1633 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 239v.)
- métaphysique : H. Guillaume
Dieppe (résidence)
- physique : /
- logique : J. Goubot En 1634-1635 (ARSI, FRANC. 22,
- mathématiques : Athanase Kir- fol. 291r.-v.)
cher - mathématiques : Georges Four-
En 1633-1634 (ARSI, LUGD. 14, nier
fol. 253v.) En 1635-1636 (ARSI, FRANC. 22,
- métaphysique : J. Goubot fol. 302r.)
- physique : / - mathématiques : Georges Four-
- logique : I. Beausse nier
- mathématiques : Etienne Furet En 1636-37 (ARSI, FRANC. 22,
En 1634-1635 (ARSI, LUGD. 14, fol. 312v.)
fol. 268r.) - mathématiques : /
- métaphysique : I. Beausse
- physique : /
- logique : C. Maucler Dole
- mathématiques : Pierre Le Roy
En 1615-16 (ARSI, LUGD. 14,
En 1635-1636 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 70v.)
fol. 279r.) - métaphysique : /
- métaphysique : C. Maucler - physique : J.-B. Guesnay
- physique : / - logique : J.-A. Pivard
- logique : D. Bonamour - mathématiques : François Mu-
- mathématiques : Pierre Le Roy gnier
En 1636-1637 (ARSI, LUGD. 14, En 1616-17 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 290r.) fol. 80r.)
- métaphysique : D. Bonamour
- physique : / - physique
métaphysique
: J.-A.: J.-B.
PivardGuesnay
- logique : G. Vameret - logique : P. Maniglerius
- mathématiques : Pierre Le Roy - mathématiques : François Mu-
En 1637-1638 (ARSI, LUGD. 14, gnier
fol. 304v.) En 1617-18 (ARSI, LUGD. 14,
- métaphysique : G. Ramard fol. 89v.)
- physique : / - métaphysique : J.-A. Pivard
- logique : P. Guerin - physique : P. Maniglerius
- mathématiques : Pierre Le Roy - logique : A. Caderius
536 ANNEXES

- mathématiques : François Mu- - logique : Cl.-A. La Cley


gnier - mathématiques : Jean Della
En 1618-19 (ARSI, LUGD. 14, Faille
fol. lOlr.) En 1626-27 (ARSI, LUGD. 14,
- métaphysique : P. Maniglerius fol. 181v.-182r.)
- physique : A. Caderius - métaphysique : J. Dauxiron
- logique : A. Brodonius - physique : C.-A. La Cley
- mathématiques : François Mu- - logique : A. Geliot
gnier - mathématiques : Vincent Léo-
En 1619-20 : pas de catalogue taud
En 1620-21 (ARSI, LUGD. 14, En 1627-28 (ARSI, LUGD. 14,
fol. lllr.) fol. 189v.)
- métaphysique : A. Brodonius - physique
métaphysique: A. Geliot
: C.-A. La Cley
- physique : P. Maniglerius
- logique : A. Caderius - logique : L. Granon
- mathématiques : Jean Della - mathématiques : Vincent Léo-
Faille taud
En 1621-22 (ARSI, LUGD. 14, En 1628-29 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 119v.) fol. 198v.)
- métaphysique : P. Maniglerius - métaphysique : A. Geliot
- physique : A. Caderius - physique : L. Granon
- logique : / - logique : G. d'Albard
- mathématiques : Jean Della - mathématiques : Vincent Léo-
Faille taud
En 1622-23 (ARSI, LUGD. 14, En 1629-30 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 130r.) fol. 206r.)
- métaphysique : A. Caderius - métaphysique : L. Granon
- physique : J. Malavaleta - physique : G. d'Albard
- logique :Cl.-A. La Cley - logique : Claude Simon Brun
- mathématiques : Jean Della - mathématiques : Vincent Léo-
Faille taud
En 1623-24 (ARSI, LUGD. 14, En 1630-31 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 142r.) fol. 218r.-v.)
- métaphysique : J. Malavaleta - métaphysique : G. d'Albard
- physique : Cl.-A. La Cley - physique : C.S. Brun
- logique : J. Gibalinus - logique : P. de la Faverge
- mathématiques : Jean Della - mathématiques : Vincent Léo-
Faille taud
En 1624-25 (ARSI, LUGD. 14, En 1631-32 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 150r.) fol. 230v.)
- métaphysique : C.S. Brun
- physique
métaphysique: J. Gibalinus
: Cl.-A. La Cley
- physique : P. de la Faverge
- logique : J. Dauxiron - logique : P. Saulnier
- mathématiques : Jean Della - mathématiques : Vincent Léo-
Faille taud
En 1625-26 (ARSI, LUGD. 14, En 1632-33 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 163r.-v.) fol. 240v.)
- métaphysique : J. Gibalinus
- physiqtie
métaphysique
: P. Saulnier
: / ^
- physique : J. Dauxiron
ANNEXE 1 537

- logique : C. Fiancé - métaphysique : /


- mathématiques : Vincent Léo- - physique : J.G. Demongenet
taud - logique : /
En 1633-34 (ARSI, LUGD. 14, - mathématiques : /
fol. 255r.)
- métaphysique : /
- physique : C. Fiancé La Flèche
- logique : A. Morel
- mathématiques : Vincent Léo- En 1605-1606 (ARSI, FRANC. 22,
taud2 fol. 34v.-35r.)
En 1634-35 (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : L. de la Salle
fol. 269r.) - physique : P. Nicaud
- métaphysique : C. Fiancé - logique : P. Pastorellus
- physique : A. Morel En 1606-1607 (ARSI, FRANC. 22,
- logique : L. Chifflet fol. 39r.-v.)
- mathématiques : Pierre Aloys - métaphysique : P. Nicaud
En 1635-36 (ARSI, LUGD. 14, - physique : P. Pastorellus
fol. 280r.) - logique : L. de la Salle
- métaphysique : A. Morel - mathématiques : Jacques Guer-
- physique : L. Chifflet nissac3
- logique : F. Persy En 1607-1608 (ARSI, FRANC. 22,
- mathématiques : Pierre Aloys fol. 47r.-v.)
En 1636-37 (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : P. Pastorellus
fol. 291r.-v.) - physique : L. de la Salle
- métaphysique : / - logique : P. Nicaud
- physique : / - mathématiques : Jacques Guer-
- logique : H. Alteriet nissac
- mathématiques : Hubert En 1608-1609 (ARSI, FRANC. 22,
d'Auxon fol. 58r.-v.)
En 1637-38 (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : L. de la Salle
fol. 306r.-v.) - physique : P. Nicaud
- métaphysique : / - logique : illisible
- physique : / - mathématiques : Jacques Guer-
- logique : H. Alteriet nissac
- mathématiques : / En 1609-1610 ( ARSI, FRANC. 22,
En 1638-39 (ARSI, LUGD. 14, fol. 60v.-61r.)
fol. 323r.-v.) - métaphysique : P. Nicaud
- métaphysique : / - physique : F. Véron
- physique : H. Alteriet - logique : G. Moret
- logique : J.G. Demongenet - mathématiques + cas : Jacques
- mathématiques : / Guernissac
En 1639-40 (ARSI, LUGD. 14, En 1610-11 (ARSI, FRANC. 22,
fol. 340v.) fol. 71v.)

2 La mention suivante accompagne ce nom : «nisi morbo impediatur». Dans


la liste du catalogue, on rencontre aussi le nom de François Bau, suivi de la mention
«professor matheseos loco P. Leotaud. Theologus 4. anni» (LUGD. 14, fol. 255v.).
3 Présent sur le catalogue, il n'est pas signalé pour son enseignement des
mathématiques.
538 ANNEXES

- métaphysique : F. Véron En 1618-19 (ARSI, FRANC. 22,


- physique : G. Moret fol. 140 r.-v.)
- logique : J. Dubois - métaphysique : J. Deniau
- mathématiques : Nicolas La- - physique : J. François
place - logique : E. Noël
En 1611-12 (ARSI, FRANC. 22, - mathématiques : François de
fol. 79v.) Rand
- métaphysique : M. Moret En 1619-20 (ARSI, FRANC. 22,
- physique : J. a Santo Remigio fol. 148r.-v.)
- logique : F. Fournet - métaphysique : J. François
- mathématiques : / - physique : E. Noël
En 1612-13 (ARSI. FRANC. 22, - logique : F. Gandillon
fol. 86r.) - mathématiques : François de
- métaphysique : J. a Santo Rand
Remigio En 1620-21 (ARSI, FRANC. 22,
- physique : F. Fournet fol. 162v.)
- logique : E. Noël - métaphysique : E. Noël
- mathématiques : Jean François - physique : J. François
- logique : A. Quentin
En 1613-14 (ARSI, FRANC. 22,
- mathématiques : François de
fol. 96v.)
- métaphysique : F. Fournet Rand
- physique : E. Noël En 1621-22 (ARSI, FRANC. 22,
- logique : H. Nicquet fol. 171v.)
- métaphysique : F. Gandillon
- mathématiques : Jean François
- physique : G. Jordan
En 1614-15 (ARSI, FRANC. 22, - logique : E. Chenart
fol. 106v.) - mathématiques : Philippe
- métaphysique : E. Noël
Simon
- physique : H. Nicquet
En 1622-23 (ARSI, FRANC. 22,
- logique : J. Bruan
fol. 186v.)
- mathématiques : Jean François - métaphysique : J. Lebel
En 1615-16 (ARSI, FRANC. 22, - physique : P. Meslan
fol. 118r.) - logique : J. Bagot
- métaphysique : H. Nicquet - mathématiques : Philippe
- physique : J. Bruan Simon
- logique : L. Lallemant En 1623-24 (ARSI, FRANC. 22,
- mathématiques : Jean François fol. 195r.)
En 1616-17 (ARSI, FRANC. 22, - métaphysique : P. Meslan
fol. 128r.) - physique : J. Bagot
- métaphysique : J. Bruan - logique : L. Milquin
- physique : L. Lallemant - mathématiques : Antoine Vatier
- logique : J. Deniau En 1624-25 (ARSI, FRANC. 22,
- mathématiques : Jean François fol. 205r.)
En 1617-18 (ARSI, FRANC. 22, - métaphysique : J. Bagot
fol. 134r.) - physique : J. Sirmond
- métaphysique + mat. : Louis - logique : P. Meslan
Lallemant - mathématiques : Antoine Vatier
- physique : J. Deniau En 1625-26 (ARSI, FRANC. 22,
- logique : J. François fol. 21 lv.)
ANNEXE 1 539

- métaphysique : J. Sirmond - logique : N. Le Court


- physique : P. Meslan - mathématiques : Georges Four-
- logique : P. Sesmaisons nier
- mathématiques : Pierre Bourdin En 1632-33 (ARSI, FRANC. 22,
En 1626-27 (ARSI, FRANC. 22, fol. 271v.)
fol. 213v.) - métaphysique : /
- métaphysique : P. Meslan - physique : N. de Saint-Genoust
- physique : P. Sesmaisons - logique : N. Le Court
- logique : A. Feuquière - mathématiques : Georges Four-
- mathématiques : Claude Rêver- nier
dy En 1633-34 (ARSI, FRANC. 22,
En 1627-28 (ARSI, FRANC. 22, fol. 278v.-279r.)
fol. 222r.) - métaphysique : F. de la Barre4
- métaphysique : J. François - physique : N. Le Court
- physique : A. Feuquière - logique : N. de Saint-Genoust
- logique : J. Bouton - mathématiques : Georges Four-
- mathématiques : Claude Rêver- nier
dy En 1634-35 (ARSI, FRANC. 22,
En 1628-29 (ARSI, FRANC. 22, fol. 289v.)
fol. 232r.) - métaphysique : A. Vatier5
- métaphysique : A. Feuquière - physique : N. de Saint-Genoust
- physique : J. Bouton - logique : F. Haireau
- logique : M. Moreau
- mathématiques : Claude Rêver- - mathématiques : Jean Dorisy
En 1635-36 (ARSI, FRANC. 22,
dy fol. 299v.)
En 1629-30 (ARSI, FRANC. 22, - métaphysique : A. Vatier6
fol. 241v.)
- métaphysique : J. Bouton - physique : F. Haireau
- physique : M. Moreau - logique : J. Dorisy
- logique : P. Le Sade - mathématiques : Jean de
- mathématiques : Georges Four- Riennes
nier En 1636-37 (ARSI, FRANC. 22,
En 1630-31 (ARSI, FRANC. 22, fol. 310v.)
- métaphysique : F. Haireau7
fol. 249v.-250r.)
- métaphysique : M. Moreau - physique : J. Dorisy
- physique : P. Le Sade - logique : D. Auger
- logique : A. Vatier - mathématiques : Jean de
- mathématiques : Georges Four- Riennes
nier En 1637-38 (ARSI, FRANC. 22,
En 1631-32 (ARSI, FRANC. 22, fol. 324v.)
fol. 260v.) - métaphysique : F. Haireau8
- métaphysique : / - physique : D. Auger
- physique : A. Vatier - logique : H. Milet

4 II est en outre «Repetitor anni tertii philosophiae».


5 Idem.
6 Idem.
7 Idem.
8 Idem.
540 ANNEXES

- mathématiques : Jean de - métaphysique : A. de Digne


Riennes - physique : N. Demongenet
En 1638-39 (ARSI, FRANC. 22, - logique : A. Blanc
fol. 339r.) En 1610-1611 (ARSI, LUGD. 14,
- métaphysique : F. Haireau9 fol. 52r.)
- physique : H. Milet - métaphysique : N. Demongenet
- logique : J. de la Croix - physique + mathématiques :
- mathématiques : Jean de Antoine Blanc
Riennes - logique : A. de Digne
En 1639-40 (ARSI, FRANC. 22, En 1611-1612 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 352r.) fol. 60r.)
- métaphysique : F. Haireau10 - métaphysique : A. Blanc
- physique : J. de la Croix - physique + mathématiques :
- logique : D. Auger Antoine de Digne
- mathématiques : Jean de - logique : L. de Serres
Riennes En 1612-1613 : pas de catalogue.
En 1613-1614 : pas de catalogue.
En 1614-1615 : pas de catalogue.
En 1615-1616 (ARSI, LUGD. 14,
Lyon
fol. 68r.)
- philosophie : T. Raynaud
En 1604-1605 (ARSI, LUGD. 14, - philosophie : L. de Serres
fol. 15v.) - philosophie : C. du Piney
- logique : P. Granger En 1616-1617 (ARSI, LUGD. 14,
En 1605-1606 (ARSI, LUGD. 14, fol. 77r.)
fol. 20r.) - métaphysique : L. de Serres
- physique : P. Granger - physique : C. du Piney
- logique : N. Demongenet - logique : T. Raynaud
- mathématiques + hébreu : Jean - mathématiques : Ulric Alviset
Meynier En 1617-1618 (ARSI, LUGD. 14,
En 1606-1607 (ARSI, LUGD. 14, fol. 86r.)
fol. 29r.) - physique
métaphysique: T. Raynaud
: C. du Piney
- métaphysique : P. Granger
- physique : N. Demongenet - logique + mathématiques : Jean
- logique + mathématiques : Garand
Pierre Lamart En 1618-1619 (ARSI, LUGD. 14,
En 1607-1608 : pas de catalogue. fol. 98v.)
En 1608-1609 (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : T. Raynaud
fol. 37r.) - physique + mathématiques :
- métaphysique : P. Lamart Jean Garand
- physique : A. de Digne - logique : C. du Piney
- logique : N. Demongenet En 1619-1620 : pas de catalogue
En 1609-1610 (ARSI, LUGD. 14, En 1620-1621 (ARSI, LUGD. 14,
fol. 43r.) fol. 109r.)

109 Idem.
Idem.
ANNEXE 1 541

- métaphysique : C. du Piney En 1627-1628 (ARSI, LUGD. 14,


- physique : C. Delingendes fol. 187v.)
- logique : J. Chabron - métaphysique : P. Berthod
- mathématiques : François Mu- - physique : B. Constantin
gnier - logique : G. Colabaudus
En 1621-1622 (ARSI, LUGD. 14, - mathématiques : Claude
fol. 118r.) Richard
- métaphysique : C. Delingendes En 1628-1629 (ARSI, LUGD. 14,
- physique : J. Chabron fol. 196r.)
- logique : J. Dauxiron - métaphysique : B. Constantin
- mathématiques : / - physique : G. Colabaudus
En 1622-1623 (ARSI, LUGD. 14, - logique : J. Baron
fol. 127r.-v.) - mathématiques : Claude
- métaphysique : J. Chabron Richard
- physique : J. Dauxiron En 1629-1630 (ARSI, LUGD. 14,
- logique : Henri Alby fol. 204r.)
- mathématiques : Claude - métaphysique : G. Colabaudus
Richard - physique + logique : J. Baron
En 1623-1624 (ARSI, LUGD. 14, - mathématiques : /
fol. 140r.) En 1630-1631 (ARSI, LUGD. 14,
- métaphysique : J. Dauxiron
fol. 215r.)
- physique : H. Alby - métaphysique : /
- logique : L. Chifflet - physique : J. Baron
- mathématiques : Claude
- logique : C. du Lieu
Richard - mathématiques : Hubert
En 1624-1625 (ARSI, LUGD. 14,
d'Auxon
fol. 148r.)
En 1631-1632 (ARSI, LUGD. 14,
- physique
métaphysique
: L. Chifflet
: H. Alby fol. 228r.)
- logique : L. Dufour - métaphysique : C. du Lieu
- mathématiques : Claude - physique : /
Richard - logique : G. de Rhodes
En 1625-1626 (ARSI, LUGD. 14, - mathématiques : Hubert
fol. 159r.) d'Auxon
- métaphysique : L. Chifflet En 1632-1633 (ARSI, LUGD. 14,
- physique : L. Dufour fol. 238v.)
- logique : P. Berthod - métaphysique11 : C. du Lieu
- mathématiques : Claude - physique : G. de Rhodes
Richard - logique : P. Labbé
En 1626-1627 (ARSI, LUGD. 14, - mathématiques : Hubert
fol. 180r.) d'Auxon
- métaphysique : L. Dufour En 1633-1634 (ARSI, LUGD. 14,
- physique : P. Berthod fol. 25 lv.)
- logique : B. Constantin - métaphysique : /
- mathématiques : Claude - physique : P. Labbé
Richard - logique : G. de Rhodes

11 «Professor eorum qui repetunt philosophiam».


542 ANNEXES

- mathématiques : Hubert En 1621-22 (ARSI, FRANC. 22,


d'Auxon fol. 170r.-v.)
En 1634-1635 (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : C. Huet
fol. 266v.) - physique : L. Milquin
- métaphysique : P. Labbé - logique : A. Bauquemare
- physique : G. de Rhodes - mathématiques : Jean François
- logique : C. Décret En 1622-23 (ARSI, FRANC. 22,
- mathématiques : Hubert fol. 185v.-186r.)
d'Auxon - métaphysique : L. Milquin
En 1635-1636 (ARSI, LUGD. 14, - physique : A. Bauquemare
fol. 277v.) - logique : J. Grandamy
- métaphysique : G. de Rhodes - mathématiques : Jean François
- physique : C. Décret En 1623-24 (ARSI, FRANC. 22,
- logique : A. Degletain fol. 194r.)
- mathématiques : Hubert - métaphysique : A. Bauquemare
d'Auxon - physique : J. Grandamy
En 1636-1637 (ARSI, LUGD. 14, - logique : J. Lallemant
fol. 288v.) - mathématiques : Jean François
- métaphysique : C. Décret En 1624-25 (ARSI, FRANC. 22,
- physique : J. Lambert fol. 203v.)
- logique : J. Viguier
- physique
métaphysique: J. Lallemant
: J. Grandamy
- mathématiques : Pierre Aloys
En 1637-1638 (ARSI, LUGD. 14, - logique : F. Saint-Rémy du Pin
fol. 302v.) - mathématiques : Jean Fançois
- métaphysique : J. Lambert En 1625-26 (ARSI, FRANC. 22,
- physique : J. Viguier fol. 211v.)
- logique : P. Labbé - métaphysique : J. Lallemant
- mathématiques : Pierre Aloys - physique : F. Saint-Rémy du
En 1638-1639 (ARSI, LUGD. 14, Pin
fol. 319v.-320r.) - logique : N. Royon
- métaphysique : J. Viguier - mathématiques : Antoine Vatier
- physique : D. Bonamour En 1626-27 (ARSI, FRANC. 22,
- logique + mathématiques : fol. 212v.)
François de Saint-Rigaud - métaphysique : F. Saint-Rémy
En 1639-1640 (ARSI, LUGD. 14, du Pin
fol. 337r.-v.) - physique : N. Royon
- métaphysique : D. Bonamour - logique : A. Vatier
- physique : F. de Saint-Rigaud - mathématiques : Jean de
- logique + mathématiques : Riennes
François d'Aix En 1627-28 (ARSI, FRANC. 22,
fol. 220v.-221r.)
Paris - métaphysique : N. Royon
- physique : A. Vatier
En 1620-21 (ARSI, FRANC. 22, - logique : F. de la Barre
fol. 161v.) - mathématiques : Jean de
- métaphysique : J. Bruan Riennes
- physique : C. Huet En 1628-29 (ARSI, FRANC. 22,
- logique : L. Milquin fol. 230v.-231r.)
- mathématiques : Jean François - métaphysique : A. Vatier
ANNEXE 1 543

- physique : F. de la Barre - logique : J. de la Haye


- logique : C. Boucher - mathématiques : Pierre Bourdin
- mathématiques : Erard Bille En 1636-37 (ARSI, FRANC. 22,
En 1629-30 (ARSI, FRANC. 22, fol. 309v.)
fol. 240v.-241r.) - métaphysique : /
- métaphysique : F. de la Barre - physique : J. de la Haye
- physique : C. Boucher - logique : R. Chassebras
- logique : N. Roy on - mathématiques : Pierre Bourdin
- mathématiques : Jean de En 1637-38 (ARSI, FRANC. 22,
Riennes fol. 323r.)
En 1630-31 (ARSI, FRANC. 22, - métaphysique : /
fol. 248v.-249r.) - physique : R. Chassebras
- métaphysique : / - logique : F. de Puigeolet
- physique : N. Royon - mathématiques : Pierre Bourdin
- logique : J. Sirmond En 1638-39 (ARSI, FRANC. 22,
- mathématiques : Jean de fol. 337v.)
Riennes - métaphysique : /
En 1631-32 (ARSI, FRANC. 22, - physique : F. de Puigeolet
fol. 259v.) - logique : R. Chassebras
- métaphysique : / - mathématiques : Pierre Bourdin
- physique : J. Sirmond En 1639-40 (ARSI, FRANC. 22,
- logique : C. Bourbon fol. 350v.)
- mathématiques : Jean de - métaphysique : /
Riennes - physique : R. Chassebras
En 1632-33 (ARSI, FRANC. 22, - logique : F. de Puigeolet
- mathématiques : Pierre
fol. 269v.)
- métaphysique : / Bourdin
- physique : C. Boucher
- logique : R. Chassebras PONT-A-MOUSSON
- mathématiques : Jean de
Riennes En 1605-1606 (ARSI, FRANC. 22,
En 1633-34 (ARSI, FRANC. 22, fol. 31r.)
fol. 277v.) - métaphysique +
- métaphysique : / mathématiques : Jacques Guernissac
- physique : R. Chassebras - physique : C. Thiphène
- logique : J. de la Haye - logique : M. Rabordeau
- mathématiques : Jean de En 1606-1607 (ARSI, FRANC. 22,
Riennes fol. 37v.)
En 1634-35 (ARSI, FRANC. 22, - métaphysique : C. Thiphène
fol. 288v.) - physique : M. Rabordeau
- métaphysique : / - logique : J. Albert
- physique : J. de la Haye En 1607-1608 (ARSI, FRANC. 22,
- logique : J. de Machault fol. 46r.)
- mathématiques : Jean de - métaphysique : M. Rabordeau
Riennes - physique : J. Albert
En 1635-36 (ARSI, FRANC. 22, - logique : J. François
fol. 298v.) En 1608-1609 : catalogue illisible
- métaphysique : / En 1609-1610 (ARSI, FRANC. 22,
- physique : J. de Machault fol. 62v.)
544 ANNEXES

- métaphysique : J. François - mathématiques : Jean Lereu-


- physique : P. Plumeret chon
- logique : C. Malapert En 1617-1618 (ARSI, CAMP. 18,
En 1610-1611 (ARSI, FRANC. 22, fol. 7r.)
fol. 72v.-73r.) - physique
métaphysique
: N. Javel
: L. Wappy
- métaphysique : P. Plumeret
- physique : C. Malapert - logique : J. Lereuchon
- logique : J. Bruan - mathématiques : Nicolas Fagot
- mathématiques : Jean Falques- En 1618-1619 (ARSI, CAMP. 18,
tein fol. 13r.-v.)
En 1611-1612 (ARSI, FRANC. 22, - métaphysique : N. Javel
fol. 80v.) - physique + mathématiques :
- métaphysique : C. Malapert Jean Lereuchon
- physique : J. Bruan - logique : G. Mortimer
- logique : P. Plumeret En 1619-1620 (ARSI, CAMP. 18,
En 1612-1613 (ARSI, FRANC. 22, fol. 21r.)
fol. 87r.) - métaphysique : J. Lereuchon
- métaphysique : J. Bruan - physique : G. Mortimer
- physique : P. Plumeret - logique : P. Bouvier
- logique : J. Lebel - mathématiques : Pierre Cazré
- mathématiques : Louis Lalle- En 1620-1621 (ARSI, CAMP. 18,
mant fol. 27r.)
En 1613-1614 (ARSI, FRANC. 22, - métaphysique : G. Mortimer
fol. 97r.) - physique : P. Bouvier
- métaphysique : P. Plumeret - logique : P. Cazré
- physique : J. Lebel - mathématiques : Désiré
- logique : J.-B. Martignac Cheminot
- mathématiques : Louis Lalle- En 1621-1622 (ARSI, CAMP. 18,
mant fol. 33r.)
En 1614-1615 (ARSI, FRANC. 22, - métaphysique : P. Bouvier
fol. 97r.) - physique : P. Cazré
- métaphysique : J. Lebel - logique : J.-B. de Mongin
- physique : J.-B. Martignac - mathématiques : Jean
- logique : F. de la Vie Lereuchon
- mathématiques : Jean Lereu- En 1622-1623 (ARSI, CAMP. 18,
chon fol. 39r.)
En 1615-1616 (ARSI, FRANC. 22, - métaphysique : P. Cazré
fol. 119r.) - physique : J.-B. de Mongin
- métaphysique : J.-B. Martignac - logique : D. Mangeot
- physique : F. de la Vie - mathématiques : Jean
- logique : L. Wappy Lereuchon
- mathématiques : Jean Lereu- En 1623-1624 (ARSI, CAMP. 18,
chon fol. 48r.)
En 1616-1617 (ARSI, CAMP. 18, - métaphysique : J.-B. de Mongin
fol. lr.) - physique : D. Mangeot
- métaphysique : F. de la Vie - logique : N. Riqueil
- physique : L. Wappy - mathématiques : Jean
- logique : N. Javel Lereuchon
ANNEXE 1 545

En 1624-1625 (ARSI, CAMP. 18, - logique : R. Lhoste


fol. 61v.) - mathématiques : /
- métaphysique : D. Mangeot En 1632-1633 (ARSI, CAMP. 18,
- physique : N. Riqueil fol. 156v.)
- logique : J. Lereuchon - métaphysique : F. Dunaud
- mathématiques : Nicolas Forest - physique : R. Lhoste
En 1625-1626 (ARSI, CAMP. 18, - logique : N. de Condé
fol. 83r.) - mathématiques : Pierre Cour-
- métaphysique : N. Riqueil cier
-physique + mathématiques: En 1633-1634 (ARSI, CAMP. 18,
Jean Lereuchon fol. 167r.)
- logique : N. Forest - métaphysique : R. Lhoste
En 1626-1627 (ARSI, CAMP. 18, - physique : N. de Condé
fol. 102v.) - logique : C. de Veroncour
- métaphysique + - mathématiques : Pierre Cour-
mathématiques : Jean Lereuchon cier
- physique : N. Forest En 1634-1635 (ARSI, CAMP. 18,
- logique : N. Riqueil fol. 183r.)
En 1627-1628 (ARSI, CAMP. 18, - métaphysique : N. de Condé
fol. 118r.) - physique : C. Aloysius
- métaphysique : N. Forest - logique : F. Rousselet
- physique + mathématiques : - mathématiques : Pierre Cour-
Nicolas Riqueil cier
- logique : C.-F. de Haraucourt En 1635-1636 (ARSI, CAMP. 18,
En 1628-1629 (ARSI, CAMP. 18, fol. 193v.)
fol. 126r.) - métaphysique : C. de
- métaphysique : N. Riqueil Veroncour
- physique : C.-F. d'Harcourt - physique : J.-B. Sauvage
- logique : C. Segliere - logique : D. St Venné
- mathématiques : Jean - mathématiques : Pierre Cour-
Lereuchon cier
En 1629-1630 (ARSI, CAMP. 10, En 1636-1637 (ARSI, CAMP. 18,
fol. 136r.) fol. 204r.)
- métaphysique : C.-F. d'Harau- - métaphysique : /
court - physique : /
- physique : C. Segliere - logique : /
- logique : N. Forest - mathématiques : /
- mathématiques : Jacques de Bil- En 1637-1638 (ARSI, CAMP. 18,
ly fol. 216r.)
En 1630-1631 (ARSI, CAMP. 18, - métaphysique : /
fol. 137r.) - physique : /
- métaphysique : C. Segliere - logique : E. Vaussin
- physique + mathématiques : - mathématiques : /
Nicolas Forest En 1638-39 (ARSI, CAMP. 18,
- logique : F. Dunaud fol. 227r.)
En 1631-1632 (ARSI, CAMP. 18, - métaphysique : E. Vaussin
fol. 147r.) - physique : /
- métaphysique : N. Forest - logique : N. Thielment
- physique : F. Dunaud - mathématiques : /
546 ANNEXES

En 1639-40 (ARSI, CAMP. 18, - métaphysique : /


fol. 238v.) - physique : C.-F. de Haroncourt
- métaphysique : N. Thielment - logique : P. Cazré
- physique : / - mathématiques : Désiré Men-
- logique : / geot
- mathématiques : / En 1627-28 (ARSI, CAMP. 18,
fol. 119v.)
- métaphysique : /
Reims - physique : P. Cazré
- logique : D. Mengeot
En 1620-21 (ARSI, CAMP. 18,
- mathématiques : Jean Leure-
fol. 28r.)
- métaphysique : F. Bourgeois chon
- physique : / En 1628-29 (ARSI, CAMP. 18,
- logique : Pierre Sesmaisons fol. 127v.)
- mathématiques : Nicolas Fagot - métaphysique : /
En 1621-22 (ARSI, CAMP. 18, - physique : D. Mengeot
- logique : F. Duneau
fol. 34r.)
- métaphysique : / - mathématiques : Pierre Cazré
- physique : P. Sesmaisons En 1629-30 (ARSI, CAMP. 10,
- logique : P. Cellot fol. 137r.)
- mathématiques : Nicolas Fagot - métaphysique : /
En 1622-23 (ARSI, CAMP. 18, - physique : F. Duneau
fol. 40v.) - logique : J. Surgis
- métaphysique : / - mathématiques : Nicolas Ri-
- physique : P. Cellot queil
- logique : P. Bouvier En 1630-31 (ARSI, CAMP. 18,
- mathématiques : / fol. 138v.)
En 1623-24 (ARSI, CAMP. 18, - métaphysique : /
fol. 49v.) - physique : D. Mangeot
- métaphysique : / - logique : J. Gervais
- physique : G. Bouvier - mathématiques : Nicolas Ri-
- logique : J. Cloquet queil
- mathématiques : Pierre Cazré En 1631-32 (ARSI, CAMP. 18,
En 1624-25 (ARSI, CAMP. 18, fol. 149r.)
fol. 63r.) - métaphysique : /
- métaphysique : / - physique : J. Gervais
- physique : P. Cazré - logique : P. Le Roy
- logique : J.-A. Meinier - mathématiques : Jacques De
- mathématiques : André Billy
Poulain En 1632-33 (ARSI, CAMP. 18,
En 1625-26 (ARSI, CAMP. 18, fol. 158r.-v.)
fol. 84v.) - métaphysique : /
- métaphysique : / - physique : P. Le Roy
- physique : J.-B. de Mongin - logique : J. Gervais
- logique : C.-F. de Haroncourt - mathématiques : Jacques de Bil-
- mathématiques : Désiré Men- ly
geot En 1633-34 (ARSI, CAMP. 18,
En 1626-27 (ARSI, CAMP. 18, fol. 170r.)
fol. 104v.) - métaphysique : /
ANNEXE 1 547

- physique : J. Gervais Toulouse


- logique : J. de Billy
- mathématiques : Théobald En 1619-1620 (ARSI, TOLOS. 5,
Chastelain fol. 71v.)
En 1634-35 (ARSI, CAMP. 18, - métaphysique : F. Annat
fol. 185v.) - physique : R. Mercier
- métaphysique : / - logique : A. Bouclier
- physique : J. de Billy - mathématiques : Jean Fourcaud
- logique : R. Lhoste En 1620-1621 (ARSI, TOLOS. 5,
- mathématiques : Théobald fol. 86r.)
- métaphysique : R. Mercier
Chastelain - physique : A. Bouclier
En 1635-36 (ARSI, CAMP. 18, - logique : F. Annat
fol. 195r.) - mathématiques : Jean Fourcaud
- métaphysique : / En 1621-1622 (ARSI, TOLOS. 5,
- physique : / fol. 92r.)
- logique : R. de Ceriziers - métaphysique : A. Bouclier
- mathématiques : François Bou- - physique + mathématiques :
vot François Annat
En 1636-1637 (ARSI, CAMP. 18, - logique : F. Piquet
fol. 205r.) En 1622-1623 (ARSI, TOLOS. 5,
- métaphysique : / fol. 103r.)
- physique : R. de Ceriziers - métaphysique +
- logique : G. Ripault mathématiques : François Annat
- physique : F. Piquet
- mathématiques : François Bou-
- logique : A. Savignac
vot
En 1623-1624 (ARSI, TOLOS. 5,
En 1637-38 (ARSI, CAMP. 18, fol. 109)
fol. 217r.) - métaphysique +
- métaphysique : / mathématiques : François Piquet
- physique : G. Ripault - physique : A. Savignac
- logique : N. Chevalier - logique : F. Corbière
- mathématiques : Pierre Besche- En 1624-1625 (ARSI, TOLOS. 5,
fer fol. 131)
En 1638-39 (ARSI, CAMP. 18, - métaphysique : A. Savignac
fol. 227v.) - physique : F. Corbière
- métaphysique : / - logique : P. Veruin
- physique : N. Chevalier En 1625-1626 (ARSI, TOLOS. 5,
- logique : J. Hachette fol. 149)
- métaphysique : F. Corbière
- mathématiques : Pierre Besche-
- physique : P. Veruin
fer - logique + mathématiques :
En 1639-40 (ARSI, CAMP. 18, Francois Piquet
fol. 239v.) En 1626-1627 (ARSI, TOLOS. 5,
- métaphysique : D. St-Venné fol. 161)
- physique : / - métaphysique : P. Veruin
- logique : J.-B. de Comitin - physique + mathématiques :
- mathématiques : Pierre Besche- Francois Piquet
fer - logique : M. Malès
548 ANNEXES

En 1627-1628 (ARSI, TOLOS. 5, En 1637-1638 (ARSI, TOLOS. 5,


fol. 183) fol. 303)
- métaphysique : F. Piquet - métaphysique : /
- physique + mathématiques : - physique + mathématiques :
Michel Malès Raymond Bayle
- logique : / - logique : L. Lascombe
En 1628-1629 (ARSI, TOLOS. 5, En 1638-1639 (ARSI, TOLOS. 5,
fol. 201) fol. 327)
- métaphysique + - métaphysique : /
mathématiques : Michel Malès - physique + mathématiques :
- physique : J. Cantuer Louis Lascombes
- logique : F. Tarbe - logique : V. Trancher
En 1629-1630 : pas de catalogue En 1639-1640 (ARSI, TOLOS. 5,
En 1630-1631 : pas de catalogue fol. 359)
En 1631-1632 (ARSI, TOLOS. 5, - métaphysique : /
fol. 215) - physique + mathématiques :
- métaphysique + physique + Vital Trancher
mathématiques : Michel Malès - logique : F. Decomma
- logique : L. Brunet
En 1632-1633 (ARSI, TOLOS. 5,
fol. 228a)
- métaphysique : G. Sommière Tournon
- physique : L. Brunet
- logique : A. Lalouvère En 1604-1605 (ARSI, LUGD. 13,
- mathématiques : / fol. 16r.)
En 1633-1634 (ARSI, TOLOS. 5, - métaphysique : C. Polard
fol. 231) - physique + mathématiques :
- métaphysique : L. Brunet Jacques George
- physique : A. Lalouvère - logique : A. Germain
- logique : S. Durand En 1605-1606 (ARSI, LUGD. 14,
- mathématiques : / fol. 23v.)
En 1634-1635 (ARSI, TOLOS. 5, - métaphysique : J. George
fol. 243) - physique : A. Germain
- métaphysique : / - logique : G. Pasquelinus
- physique : S. Durand - mathématiques : Claude Polard
- logique + mathématiques : Jean En 1606-1607 (ARSI, LUGD. 14,
Ginesty fol. 30v.)
En 1635-1636 (ARSI, TOLOS. 5, - métaphysique : A. Germain
fol. 261) - physique : G. Pasquelinus
- métaphysique : / - logique + mathématiques :
- physique : J. Ginesty Claude Polard
- logique + mathématiques : Sal- En 1607-1608 : pas de catalogue
vator Durand En 1608-1609 (ARSI, LUGD. 14,
En 1636-1637 (ARSI, TOLOS. 5, fol. 38v.)
fol. 277) - métaphysique : A. Germain
- métaphysique : / - physique : P. Barnaud
- physique + mathématiques : - logique : E. Rolet
Salvator Durand - mathématiques + hébreu : Jean
- logique : R. Bayle Meynier
ANNEXE 1 549

En 1609-1610 (ARSI, LUGD. 14, En 1619-1620 : pas de catalogue.


fol. 45r.) - mathématiques + lecture
- métaphysique : P. Barnaud sacrée : Claude Richard
- physique : E. Rolet En 1620-1621 (ARSI, TOLOS. 5,
- logique : C. Junaeus fol. 87)
- mathématiques : Pierre Lamart - métaphysique : G. Baron
En 1610-1611 (ARSI, LUGD. 14, - physique : C. de Saint-Colomb
fol. 54r.) - logique : P. Veruin
- métaphysique : E. Rolet - mathématiques + lecture
- physique : C. Junaeus sacrée : Claude Richard
- logique + mathématiques : En 1621-1622 (ARSI, TOLOS. 5,
Pierre Barnaud fol. 94)
En 1611-1612 (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : C. de
fol. 62r.) Saint-Colomb
- métaphysique : C. Junaeus - physique : P. Veruin
- physique + mathématiques : - logique : E. Chavialle
Pierre Barnaud - mathématiques : Guillaume
- logique : C. Boniel Baron
En 1612-1613 : pas de catalogue En 1622-1623 (ARSI, TOLOS. 5,
En 1613-1614 : pas de catalogue fol. 104)
En 1614-1615 : pas de catalogue - métaphysique : P. Veruin
En 1615-1616 (ARSI, LUGD. 14, - physique : E. Chavialle
fol. 70r.) - logique : B. Carrelus
- métaphysique + - mathématiques : Guillaume
mathématiques : Claude Bordon Baron
- physique : J. Garand En 1623-1624 (ARSI, TOLOS. 5,
- logique : H. Mambrun fol. 112)
En 1616-1617 (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : E. Chavialle
fol. 79r.) - physique : B. Carrelus
- métaphysique : J. Garand - logique : M. Malès
- physique : H. Mambrun - mathématiques : Guillaume
- logique : C. de Saint-Colomb Baron
- mathématiques + hébreu : En 1624-1625 (ARSI, TOLOS. 5,
Claude Richard fol. 132)
En 1617-1618 (ARSI, LUGD. 14, - métaphysique : B. Carrelus
fol. 88v.) - physique + mathématiques :
- métaphysique : H. Mambrun Michel Malès
- physique : C. de Saint-Colomb - logique : M. Abadie
- logique : J.-B. Quesnay En 1625-1626 (ARSI, TOLOS. 5,
- mathématiques + lecture
sacrée : Claude Richard - métaphysique
fol. 151) .^ : M. Malès
En 1618-1619 (ARSI, LUGD. 14, - physique : M. Abadie
fol. lOOr.) - logique : A. Vallet
- métaphysique : C. de - mathématiques : Vincent Léo-
Saint-Colomb taud
- logique
physique: G.
: J.-B.
BaronQuesnay En 1626-1627 (ARSI, TOLOS. 5,
fol. 164)
- mathématiques + lecture - métaphysique : M. Abadie
sacrée : Claude Richard - physique : A. Vallet
550 ANNEXES

- logique : P. Gorse En 1634-1635 (ARSI, TOLOS. 5,


- mathématiques : Jean Broquin fol. 245)
En 1627-1628 (ARSI, TOLOS. 5, - métaphysique : /
fol. 185) - physique : G. Chabron
- métaphysique : A. Vallet - logique : R. Bayle
- physique : P. Gorse - mathématiques : Gilbert Jonin
- logique : M. Abadie En 1635-1636 (ARSI, TOLOS. 5,
- mathématiques : Jean Broquin fol. 262)
En 1628-1629 (ARSI, TOLOS. 5, - métaphysique : /
fol. 203) - physique : R. Bayle
- métaphysique : P. Gorse - logique + mathématiques :
- physique : M. Abadie Antoine Lalouvère
- logique : J. Rochet En 1636-1637 (ARSI, TOLOS. 5,
- mathématiques : François fol. 279)
Piquet - métaphysique : /
En 1629-1630 : pas de catalogue - physique + mathématiques :
En 1630-1631 : pas de catalogue Antoine Lalouvère
En 1631-1632 (ARSI, TOLOS. 5, - logique : F. Decomma
fol. 217) En 1637-1638 (ARSI, TOLOS. 5,
- métaphysique : / fol. 305)
- physique : J. Baure - métaphysique +
- logique : R. de Saint-Martin mathématiques : François Decomma
- mathématiques : Antoine Lalou- - physique : /
vère - logique : B. Labarthe
En 1632-1633 (ARSI, TOLOS. 5, En 1638-1639 (ARSI, TOLOS. 5,
fol. 228b) fol. 333)
- métaphysique : / - métaphysique : /
- physique + mathématiques : - physique + mathématiques :
Gilbert Jonin Bartholomé Labarthe
- logique : R. de Saint-Martin - logique : I. Duclot
En 1633-1634 (ARSI, TOLOS. 5, En 1639-1640 (ARSI, TOLOS. 5,
fol. 232) fol. 362)
- métaphysique : / - métaphysique + physique :
- physique + mathématiques : I. Duclot
Gilbert Jonin - logique : B. Labarthe
- logique : G. Chabron - mathématiques : /
55

ANNEXE 2

NOTICES BIOGRAPHIQUES SUR LES PROFESSEURS


DE MATHÉMATIQUES DE L'ASSISTANCE DE FRANCE
DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIIe SIÈCLE

1. Liste générale par ordre chronologique


Province de France Athanase Kircher
Pierre Le Roy
Jacques Guernissac
Pierre Aloys
Nicolas Laplace
François de Saint-Rigaud
Jean François Vincent Léotaud
Louis Lallemant
François d'Aix
François de Rand
Philippe Simon
Province de Toulouse
Antoine Vatier
Jean de Riennes Jacques Georges
Claude Reverdy Claude Polard
Erard Bille Pierre Barnaud
Georges Fournier Claude Bordon
Pierre Bourdin Jean Fourcaud
Jean Dorisy François Annat
Guillaume Baron
Province de Lyon François Piquet
Michel Malès
Claude Granier Jean Broquin
Claude Ponce Antoine Lalouvère
Léonard Patorney Gilbert Jonin
Jean Arnoux
Jean Meynier Jean Ginesty
Salvator Durand
Louis Delingendes
Raymond Bayle
Pierre Lamart
François Decoma
Pierre Royer Louis Lascombes
Antoine Blanc
Bartholomé Labarthe
Antoine de Digne
Claude Suffren
Province de Champagne
Claude Boniel
François Bening Jean Falquestein
Ulric Alviset Jean Lereuchon
Jean Garand Nicolas Fagot
François Mugnier Pierre Le Cazré
Jean Della Faille Désiré Cheminot
Claude Richard Nicolas Forest
Etienne Furet André Poulain
Hubert d'Auxon Désiré Mengeot
552 ANNEXES

Nicolas Riqueil Théobald Chastelain


Jacques de Billy François Bouvot
Pierre Courcier Pierre Bechefer

2. Notices biographiques restreintes des enseignants de mathématiques (ordre


alphabétique) '

-A-

François d'Aix
Né en 1609 dans le Forez, entré dans la Compagnie en 1624, mort en
1656 à Lyon.
1624-25 Admis au noviciat d'Avignon après des études de rhétorique
1625-26 Novice à Avignon, en 2e année
1626-27 Etudiant en logique à Avignon
1627-28 Etudiant en physique à Avignon
1628-29 Etudiant en métaphysique à Avignon
1629-30 Professeur en classes inférieures à Vienne
1630-31 Professeur en classes inférieures à Chambéry
1631-32 Idem
1632-33 Idem
1633-34 Etudiant en Ie année de théologie à Lyon
1634-35 Etudiant en 2e année de théologie à Lyon
1635-36 Etudiant en 3e année de théologie à Lyon
1636-37 Etudiant en 4e année de théologie à Lyon
1637-38 Professeur de logique à Roanne
1638-39 Professeur de physique à Roanne
1639-40 Professeur de logique et mathématiques à Lyon
1640-41 Professeur de physique à Lyon
1641-42 Professeur de métaphysique à Lyon
1642-43 Professeur de logique à Lyon
1643-44 Professeur de physique à Lyon
1644-45 Professeur de métaphysique à Lyon
1645-46 Professeur de théologie à Lyon
1646-47 Idem
1647-48 Idem
1648-49 Idem
1649-50 Idem
Etc..
1656 Meurt à Lyon, le 10 février

1 Les dates et lieux de décès sont extraits de J. Frejer, Defuncti primi saeculi
Societatis Iesu, 1540-1640, Rome, 1982, 2 vol.; Id., Defuncti secundi saeculi Socie-
tatis Iesu, 1641-1740, Rome, 1990, 5 vol. Lorsque ces informations manquent c'est
qu'elles ne sont pas données par J. Fréjer et qu'elles n'ont pu être retrouvées dans
les catalogues.
ANNEXE 2 553

Pierre Aloys
Né en 1593, entré dans la Compagnie en 1617, mort à Lyon en 1645.
1617-18 Entre au noviciat d'Avignon, après des études de philosophie
1618-19 Novice en 2e année à Avignon
1619-20 Pas de catalogue
1 620-2 1 Professeur en classes inférieures à Vienne
1621-22 Professeur en classes inférieures à Embrun
1622-23 Idem
1623-24 Idem
1624-25 Etudiant en Ie année de théologie à Dole
1625-26 Etudiant en 2e année de théologie à Dole
1626-27 Etudiant en 3e année de théologie à Dole
1627-28 Etudiant en 4e année de théologie à Dole
1628-29 En mission, rattaché au collège de Dole
1629-30 Pas de catalogue
1630-31 Troisième année de probation à Lyon
1631-32 Tâches administratives à Vienne
1632-33 Idem
1633-34 Idem
1634-35 Professeur de mathématiques à Dole
1635-36 Professeur de mathématiques à Dole
1636-37 Professeur de mathématiques à Lyon
1637-38 Professeur de mathématiques à Lyon
1638-39 Professeur de mathématiques à Avignon
1639-40 Professeur de mathématiques à Avignon
1640-41 Professeur de mathématiques à Avignon
1641-42 Tâches administratives à la maison professe d'Avignon
1642-43 Tâches administratives au collège de Lyon
1643-44 Tâches administratives au collège Notre Damme de Bon Secours
de Lyon
1645 Meurt à Lyon, le 5 avril
Ulric Alviset
Né à Besançon en 1573, entré dans la Compagnie en 1594, mort à Dole
en 1638.
1596-97 Professeur en classes inférieures à Chambéry
1597-98 Professeur de grammaire à Chambéry
1598-99 Professeur d'humanités à Chambéry
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 Porfesseur d'humanités à Besançon
1601-02 Professeur d'humanités à Chambéry
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Idem
1604-05 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1605-06 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1606-07 Professeur de rhétorique à Bourges
1607-08 Pas de catalogue
1608-09 Professeur de logique à Chambéry
554 ANNEXES

1609-10 Professeur de physique à Chambéry


1610-11 Professeur de logique à Chambéry
1611-12 Professeur de physique à Chambéry
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Idem
1614-15 Idem
1615-16 Professeur de philosophie à Chambéry
1616-17 Professeur de mathématiques à Lyon
1617-18 Professeur de théologie à Tournon
1618-19 Professeur de théologie à Tournon
1619-20 Pas de catalogue
1620-21 Recteur du collège de Carpentras
1621-22 Idem
1622-23 Idem
1623-24 Idem
1624-25 Tâches administratives à Avignon
1625-26 Idem
1626-27 Professeur de théologie à Dole
1627-28 Tâches administratives à Dole
1628-29 Idem
1629-30 Idem
1630-31 Idem
1631-32 Idem à la maison professe de Grenoble
1632-33 Idem
1633-34 Tâches administratives à Dole
1634-35 Idem
1635-36 Idem
1636-37 Idem
1637-38 Idem
1638 Meurt à Dole, le 6 septembre
François Annat
Né en 1590 à Estaing, entré dans la Compagnie en 1607, mort à Paris en
1670.
1607 Entré dans la Compagnie
1609-10 Etudiant en classe de logique à Toulouse
1610-11 Etudiant en classe de physique à Toulouse
1611-12 Etudiant en classe de métaphysique à Toulouse
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Etudiant en théologie au collège de Toulouse
1614-15 Etudiant en théologie au collège de Toulouse
1615-16 Pas de catalogue
1616-17 En 3e année de probation à la maison professe de Caen
1617-18 Professeur de logique à Toulouse
1618-19 Professeur de physique à Toulouse
1619-20 Professeur de métaphysique à Toulouse
1620-21 Professeur de logique à Toulouse
1621-22 Professeur de physique et mathématiques à Toulouse
1622-23 Professeur de métaphysique et mathématiques à Toulouse
ANNEXE 2 555

1623-24 Tâches spirituelles au collège de Carcassonne


1624-25 Professeur de théologie au collège de Tournon
1625-26 Idem
1626-27 Idem
1627-28 Idem
1628-29 Idem
Etc..
1648-52 Assistant de la Gaule
1653-54 Provincial de France
1654-69 Confesseur de Louis XIV et médiateur entre le Roi et le Pape
1670 Meurt à Paris, le 14 juin

Jean Arnoux
Né en 1576 à Riom, entré dans la Compagnie en 1594, mort à Toulouse
en 1636.
1596-97 Professeur en classes inférieures à Annecy
1597-98 Professeur de grammaire à Tournon
1598-99 Professeur d'humanités à Tournon
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 Professeur de rhétorique à Tournon
1601-02 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Pas de catalogue
1604-05 Etuidant en 4e année de théologie à Avignon
1605-06 Professeur de logique à Avignon
1606-07 Professeur de physique et mathématiques à Avignon
1607-08 Pas de catalogue
1608-09 Professeur de théologie à Tournon
1609-10 Idem
1610-11 Idem
1611-12 Tâches administratives au collège de Carpentras
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Pas de catalogue; profes des 4 vœux à Tournon
1614-15 pas de catalogue
1615-16 Envoyé comme prêtre dans la province de France
Etc..
1636 Meurt à Toulouse, le 14 mai

Hubert d'Auxon
Né à Besançon en 1597, entré dans la Compagnie en 1612, mort à
Besançon en 1645.
1613-14 Novice de 2e année à la maison professe de Lyon
1614-15 Etudiant en logique au collège de Lyon
1615-16 Etudiant en physique au collège de Lyon
1616-17 Etudiant en métaphysique au collège de Lyon
1617-18 Rattaché au collège de Tournon, en mission à Die
1618-19 Professeur en classes inférieures à Avignon
1619-20 Pas de catalogue
556 ANNEXES

1 620-2 1 Professeur en classes inférieures à Avignon


1621-22 Professeur en classes inférieures à Avignon
1622-23 Professeur en classes inférieures à Avignon
1623-24 Professeur en classes inférieures à Avignon
1624-25 Rattaché au collège de Roanne, en mission
1625-26 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
1626-27 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1627-28 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1628-29 Etudiant en 4e année de théologie à Avignon
1629-30 En troisième année de probation à la maison professe de Lyon
1630-31 Professeur de mathématiques à Lyon
1631-32 Professeur de mathématiques à Lyon
1632-33 Professeur de mathématiques à Lyon
1633-34 Professeur de mathématiques à Lyon
1634-35 Professeur de mathématiques à Lyon
1635-36 Professeur de mathématiques à Lyon
1636-37 Professeur de mathématiques à Dole
1637-38 Supérieur de la résidence de Salins
1638-39 Recteur du collège de Besançon
1639-40 Idem
1640-41 Idem
1641-42 Tâches administratives au collège de Besançon
1642-43 Idem
1643-44 Présent au collège de Besançon, sans fonction
1644-45 Vice-provincial, à Dole
1645 Meurt à Besançon, le 13 septembre

-B-

PlERRE BARNAUD

Né en 1575 à Fleury-la-Montagne, entré dans la Compagnie en 1600,


mort à Lyon en 1640.
1600 Entré au noviciat de Besançon le 30 septembre
1601-02 Au noviciat de Besançon
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Pas de catalogue
1604-05 Professeur de grammaire à Tournon
1605-06 Professeur de logique à Annecy
1606-07 Professeur de philosophie à Annecy
1607-08 pas de catalogue
1608-09 Professeur de physique à Tournon
1609-10 Professeur de métaphysique à Tournon
1610-11 Professeur de logique et mathématiques à Tournon
1611-12 Professeur de physique et mathématiques à Tournon
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Idem
1614-15 Idem
ANNEXE 2 557

1615-16 Professeur de théologie à Tournon


1616-17 Idem
1617-18 Idem
1618-19 Professeur de théologie à Lyon
1619-20 Pas de catalogue
1620-26 Recteur de la maison professe de Lyon
1626-31 Tâches administratives au collège de Lyon
1631-34 Vice-recteur du collège Notre-Dame de Bon Secour à Lyon
1634-37 Tâches administratives au collège d'Avignon
1637-40 Tâches administratives à la maison professe d'Avignon
1640 Meurt à Lyon, le 1er novembre

Guillaume Baron
Né en 1588, entré dans la Compagnie en 1608, mort à Clermont-Ferrand
en 1652.
1608-09 Novice à la maison professe de Lyon
1609-10 Novice, étudiant en phlisophie, à la maison professe de Lyon
1610-11 Etudiant en physique au collège de Lyon
1611-12 Etudiant en métaphysique au collège de Lyon
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Idem
1614-15 Idem
1615-16 Etudiant en 4e année de théologie à Lyon
1616-17 Professeur en classes inférieures à Chambéry
1617-18 Idem
1618-19 Professeur de logiqe à Tournon
1619-20 Professeur de physique à Tournon
1620-21 Professeur de métaphysique à Tournon
1621-22 Professeur de mathématiques à Tournon
1622-23 Professeur de mathématiques à Tournon
1623-24 Professeur de mathématiques à Tournon
1624-25 Tâches administratives à Billom
1625-26 Professeur de théologie à Billom
1626-27 Idem
1627-28 Idem
Etc..
1652 Meurt à Clermont-Ferrand, le 14 novembre

Raymond Bayle
Né à Toulouse en 1607, entré dans la Compagnie en 1622, mort?
1622-23 Novice à Toulouse
1623-24 Professeur en classes inférieures à Albi
1624-25 Idem
1625-26 Idem à Cahors
1626-27 Idem
1627-28 Idem
1628-29 Idem à Carcassone
1629-30 Pas de catalogue
558 ANNEXES

1630-31 Idem
1631-32
1632-33
1633-34
1634-35 Professeur de philosophie à Tournon
1635-36 Professeur de physique à Tournon
1636-37 Professeur de logique à Toulouse
1637-38 Professeur de physique et mathématiques à Toulouse
1638-39 Professeur de théologie à Toulouse
1639-40 Idem
1640-41 Idem
1641-42 Idem
1642-43 Idem
1643-44 Tâche administratives au noviciat de Toulouse
1644-45 Idem
1645-46 Idem
1646-47 Idem
Etc..

François Bening
Né à Toulon en 1581, entré dans la Compagnie en 1604, mort à Avignon
en 1662.
1604-05 Professeur en classes inférieures à Lyon
1605-06 Idem
1606-07 Idem
1607-08 Idem
1608-09 Idem
1609-10 Idem
1615-16 Professeur de logique à Avignon
1616-17 Professeur de physique et mathématiques à Avignon
1617-18 Professeur de métaphysique à Avignon
1618-19 Professeur de théologie à Avignon
1619-20 Pas de catalogue
1620-21 Recteur du collège de Chambéry
1621-22 Idem
1622-23 Idem
1623-24 Tâches spirituelles au collège d'Embrun
1624-25 Tâches spirituelles au collège d'Avignon
Etc..
1662 Meurt à Avignon, le 9 février

Pierre Bechefer
Né à Sainte-Ménéhould en 1605, entré dans la Compagnie en 1625,
mort à Reims en 1684.
1625 Entrée à la maison professe de Nancy, le 17 février
1526-27 Novice à la maison professe de Nancy
1627-28 Idem
ANNEXE 2 559

1628-29 Maître de grammaire au séminaire de Reims


1629-30 Etudiant en classe de logique à Pont-à-Mousson
1630-31 Etudiant en classe de physique à Pont-à-Mousson
1631-32 Etudiant en classe de métaphysique à Pont-à-Mousson
1632-33 Professeur en classes inférieures au collège de Dijon
1633-34 Professeur de grammaire au collège deSens
1634-35 Professeur d'humanités au collège de Langres
1635-36 Etudiant en Ie année de théologie à Pont-à-Mousson
1636-37 Etudiant en 2e année de théologie à Reims
1637-38 Professeur de mathématiques à Reims
Etudiant en 3e année de théologie ,
1638-39 Professeur de mathématiques à Reims
Etudiant en 4e année de théologie
1639-40 Professeur de mathématiques à Reims
1640-41 En 3e année de probation dans la province de Lyon
Etc..
1684 Meurt à Reims, le 22 juillet 1684

Erard Bille

Né en 1592 à Autun, entré dans la Compagnie en 1610, mort en 1651 à


La Martinique.

1610-11 Entrée dans la Compagnie le 20 décembre 1610, à Rouen


1611-12 Novice à Rouen
1612-13 Etudiant en classe de rhétorique à Rennes
1613-14 Etudiant en logique à La Flèche
1614-15 Etudiant en physique à La Flèche
1615-16 Etudiant en métaphysique à La Flèche
1616-17 Préfet au séminaire de Bourges
1617-18 Professeur de grammaire à Bourges
1618-19 Idem
1619-20 Professeur en classes d'humanités à Moulins
1 620-2 1 Professeur en classe d'humanités à La Flèche
1621-22 Etudiant en Ie année de théologie à La Flèche
1622-23 Etudiant en 2e année de théologie à La Flèche
1623-24 Etudiant en 3e année de théologie à La Flèche
1624-25 Etudiant en 4e année de théologie à La Flèche
1625-26 Professeur de logique à Bourges
1626-27 Professeur de physique à Bourges
1627-28 Prêtre en 3e année de probation à Rouen
1628-29 Professeur de mathématiques à Paris
1629-30 Professeur de théologie à Nevers
1630-31 Idem
1631-32 Tâches administratives à Nevers
1632-33 Idem
1633-34 Idem
Etc..
1651 En route pour l'Amérique, meurt dans le naufrage du bateau.
560 ANNEXES

Jacques de Billy
Né à Compiègne en 1602, entré dans la Compagnie en 1619, mort à
Dijon en 1679.
1619-20 Pas de catalogue
1 620-2 1 Novice en 2e année à Avignon
1621-22 Etudiant en classe de logique à Avignon
1622-23 Etudiant en classe de physique à Avignon
1623-24 Etudiant en classe de métaphysique à Avignon
1624-25 Professeur en classes inférieures à Avignon
1625-26 Idem
1626-27 Idem
1627-28 Quitte la province le 17 janvier pour faire ses études de théologie
à Pont-à-Mousson
1628-29 Etudiant en 2e année de théologie à Pont-à-Mousson
1629-30 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
Etudiant en 3e année de théologie
1630-31 Etudiant en 4e année de théologie à Pont-à-Mousson
1631-32 Professeur de mathématiques à Reims
1632-33 Professeur de mathématiques à Reims
1633-34 Professeur de logique à Reims
1634-35 Professeur de physique à Reims
1635-36 En troisième année de probation à la maison professe de
Nancy
1636-37 Envoyé à Châteauroux
1637-38 Tâches spirituelles au collège de Reims
1638-39 Idem au collège de Dijon
1639-40 Tâches administratives au collège de Metz
1640-41 Idem
1641-42 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson
1642-43 Idem à Sens
1643-44 Idem
1644-45 Idem à Châlons-sur-Marne
1645-46 Idem
1646-47 Idem
1647-48 Idem
1648-49 Pas de catalogue
1649-50 Pas de catalogue
1650-51 Tâches spirituelles à Autun
1651-52 Idem
1652-53 Idem
1653-54 Idem
1654-55 Idem
1655-56 Idem à Auxerre
1656-57 Idem à Charleville
1657-58 Idem à Reims
1658-59 Idem à Chaumont
1659-60 Tâches spirituelles au collège de Dijon
1660-61 Tâches spirituelles au collège de Dijon
ANNEXE 2 561

1661-62 Tâches spirituelles au collège de Chaumont


1662-63 Recteur du collège de Langres
1663-64 Recteur du collège de Langres
1664-65 Recteur du collège de Langres
1665-66 Professeur de mathématiques à Dijon
1666-67 Idem
1667-68 Idem
1668-69 Recteur du collège de Sens
1669-70 Idem
1670-71 Idem
1671-72 Tâches administratives à Auxerre
1672-73 Idem
1673-74 Tâches spirituelles à Dijon
1674-75 Tâches spirituelles à Dijon
1675-76 Tâches spirituelles à Dijon
167'6-77 Tâches spirituelles à Dijon
1677-78 Tâches spirituelles à Dijon
1679 Meurt à Dijon, le 14 janvier

Antoine Blanc

Né à Aix-en- Provence en 1570, entré dans la Compagnie en 1595, mort


en 1636 à Avignon.

1596-97 Au noviciat d'Avignon


1597-98 Etudiant en classe de logique à Avignon
1 598-99 Etudiant en classe de physique à Avignon
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 Professeur en classes inférieures à Annecy
1601-02 Idem
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Pas de catalogue
1604-05 Professeur de rhétorique à Annecy
1605-06 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
1606-07 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1607-08 pas de catalogue
1608-09 Troisième année de probation à Avignon
1609-10 Professeur de logique à Lyon
1610-11 Professeur de physique et mathématiques à Lyon
1611-12 Professeur de métaphysique à Lyon
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Pas de catalogue, mais toujours présent à Lyon
1614-15 Pas de catalogue
1615-16 Professeur de théologie à Tournon
1616-17 Idem
1617-18 Idem
1618-19 Tâches administratives au collège de Tournon
Etc..
1637 Meurt à Avignon, le 23 septembre
562 ANNEXES

Claude Boniel
Né en 1585, entré dans la Compagnie en 1604, mort à Avignon en 1666.
1605-06 Etudiant en classe de logique à Avignon
1606-07 Etudiant en classe de physique à Avignon
1607-08 Etudiant en classe de métaphysique à Avignon
1608-09 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
1609-10 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1610-11 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1611-12 Professeur de logique à Tournon
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Idem
1614-15 Idem
1615-16 Professeur de physique et mathématiques à Avignon
1616-17 Professeur de métaphysique à Avignon
1617-18 Professeur de logique à Avignon
1618-19 Professeur de physique à Avignon
1619-20 Pas de catalogue
1620-21 Recteur de la maison professe d'Avignon
1621-22 Idem
1622-23 Idem
1623-24 Idem
1624-25 Idem
Etc..
1630-35 Recteur du collège d'Avignon
Etc..
1666 Meurt à Avignon, le 12 août

Claude Bordon
Né à Avignon en 1574, entré dans la Compagnie en 1592, mort à Lyon
en 1628.
1596-97 Etudiant en classe de métaphysique à Avignon
1597-98 Professeur de grammaire à Dole
1598-99 Idem
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 Professeur en classes inférieures à Tournon
1601-02 Professeur d'humanités à Tournon
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Idem
1604-05 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1605-06 Professeur d'humanités à Lyon
1606-07 Professeur de rhétorique à Lyon
1607-08 Pas de catalogue
1608-09 Professeur de rhétorique à Dijon
1609-10 Professeur de philosophie à Dijon
1610-11 Professeur de physique à Dijon
1611-12 Professeur de logique à Besançon
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Idem
ANNEXE 2 563

1614-15 Idem
1615-16 Professeur de métaphysique et mathématiques à Tournon
1616-17 Professeur de théologie à Dole
1617-18 Professeur de théologie à Lyon
1618-19 Professeur de théologie à Lyon
1619-20 Professeur de théologie à Lyon
1620-21 Professeur de théologie à Lyon
1621-22 Professeur de théologie à Lyon
1622-23 Professeur de théologie à Lyon
1623-24 Professeur de théologie à Lyon
1624-25 Professeur de théologie à Lyon
Etc..
1628 Meurt à Lyon, le 10 novembre
Pierre Bourdin
Né en 1595 à Moulins, entré dans la Compagnie en 1612, mort à Paris
en 1653
1612-13 Au noviciat de Rouen, où il est entré le 17/10
1613-14 Idem
1614-15 Etudiant en classe de rhétorique
1615-16 Etudiant en classe de logique à La Flèche
1616-17 Etudiant en classe de physique à La Flèche
1617-18 Etudiant en classe de métaphysique à La Flèche
1618-19 Professeur en classe inférieure à La Flèche
1619-20 Professeur en classe inférieure à La Flèche
1620-21 Professeur en classe inférieure à La Flèche
1621-22 Professeur en classe inférieure à La Flèche
1622-23 Etudiant en théologie (Ie année) à La Flèche
1623-24 Etudiant en théologie (2e année) à La Flèche
1624-25 Etudiant en théologie (3e année) à La Flèche
1625-26 Professeur de mathématiques à La Flèche
Etudiant en théologie (4e année)
1626-27 Professeur de rhétorique à Rennes
1627-28 Professeur de rhétorique à Rennes
1628-29 En troisième année de probation à la maison professe de Rouen
1629-30 Professeur de rhétorique à Bourges
1630-31 Professeur de rhétorique à Bourges
1631-32 Professeur de rhétorique à Bourges
1632-33 Idem
1633-34 Professeur de rhétorique à La Flèche
1634-35 Professeur de mathématiques à Paris
1635-36 Professeur de mathématiques à Paris
1636-37 Professeur de mathématiques à Paris
1637-38 Professeur de mathématiques à Paris
1638-39 Professeur de mathématiques à Paris
1639-40 Professeur de mathématiques à Paris
1640-41 Professeur de mathématiques à Paris
1641-42 Professeur de mathématiques à Paris
1642-43 Professeur de mathématiques à Paris
564 ANNEXES

1643-44 Professeur de mathématiques à Paris


1644-45 Professeur de mathématiques à Paris
1645-46 Professeur de mathématiques à Paris
1646-47 Professeur de mathématiques à Paris
1647-48 Professeur de mathématiques à Paris
1648-49 Professeur de mathématiques à Paris
Les catalogues brefs de la période 1649-1658 sont manquants
1653 Meurt à Paris, le 27 décembre

François Bouvot
Né à Châtillon en 1607, entré dans la Compagnie en 1624, mort à Reims
en 1649.
1624-25 Entré à la maison professe de Nancy, le 30 août 1624
1625-26 Présent à la maison professe de Nancy
1626-27 Etudiant en classe de logique à Pont-à-Mousson
1627-28 Etudiant en classe de physique à Pont-à-Mousson
1628-29 Etudiant en classe de métaphysique à Pont-à-Mousson
1629-30 Professeur dans les classes inférieures à Pont-à-Mousson
1630-31 Idem au collège de Metz
1631-32 Idem
1632-33 Professeur d'humainités à Reims
1633-34 Idem
1634-35 Etudiant en Ie année de théologie à Reims
1635-36 Professeur de mathématiques à Reims
Etudiant en 2e année de théologie
1636-37 Professeur de mathématiques à Reims
Etudiant en 3e année de théologie
1637-38 Etudiant en 4e année de théologie dans la province d'Aquitaine
1638-39 Professeur de mathématiques à Poitiers
1639-40 Professeur de philosophie dans la province d'Aquitaine
Etc..
1649 Meurt à Reims, le 22 mars

Jean Broquin
Né à Aurillac en 1591, entré dans la Compagnie en 1608, mort le 16
septembre 1652.
1612-13 Etudes de physique à Toulouse
1613-14 Maître dans les classes inférieures au collège d'Auch
1614-15 Idem
1615-16 Pas de catalogue
1616-17 Maître dans les classes inférieures au collège d'Auch
1717-18 Idem
1618-19 Etudiant en Ie année de théologie à Toulouse
1619-20 Etudiant en 2e année de théologie à Toulouse
1620-21 Absent des catalogues
1621-22 Idem
1622-23 Idem
1623-24 Tâches administratives au collège d'Auch
ANNEXE 2 565

1624-25 Professeur en classes inférieures à Toulouse


1625-26 Tâches religieuses à Tournon
1626-27 Professeur de mathématiques à Tournon
1627-28 Professeur de mathématiques à Tournon
1628-29 Tâches administratives à Tournon
1629-30 Pas de catalogue
1630-31 Idem
1631-32 Tâches administratives à Aubenas
1632-33 Idem
1633-34 Idem
1634-35 Idem
1635-36 Idem
Etc.. *
1652 Meurt à Billom, le 16 septembre

-C-

PlERRE CAZRÉ

Né à Rennes en 1589, entré dans la Compagnie en 1608, mort à Dijon en


1664.
Entré dans la Compagnie le 4 mai 1608 à Paris
1609-10 Novice à la maison professe de Paris
1610-11 Etudiant en logique à Pont-à-Mousson
1611-12 Etudiant en physique à Pont-à-Mousson
1612-13 Etudiant en métaphysique à Pont-à-Mousson
1613-14 Professeur classe de 5ème à Pont-à-Mousson
1614-15 Professeur classe de 3ème à Pont-à-Mousson
1615-16 Etudiant en Ie année de théologie à Pont-à-Mousson
1616-17 Etudiant en 2e année de théologie à Pont-à-Mousson
1617-18 Etudiant en 3e année de théologie à Pont-à-Mousson
1618-19 Etudiant en 4e année de théologie à Pont-à-Mousson
1619-20 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1620-21 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1621-22 Professeur de physique à Pont-à-Mousson
1622-23 Professeur de métaphysique à Pont-à-Mousson
1623-24 Professeur de mathématiques à Reims
1624-25 Professeur de physique à Reims
1625-26 En troisième année de probation à Nancy
1626-27 Professeur de logique à Reims
1627-28 Professeur de physique à Reims
1628-29 Professeur de mathématiques à Reims
1629-30 Professeur de théologie à Reims
1630-31 Idem
1631-32 Idem
1632-33 Tâches spirituelles à Reims
1633-34 Tâches administratives à Reims
ANNEXES

1634-35 Recteur du collège de Metz


1635-36 Idem
1636-37 Idem
1637-38 Recteur du noviciat de Nancy
1638-39 Recteur du collège de Nancy
1639-40 Idem
1640-41 Recteur du collège de Dijon
1641-42 Idem
1642-43 Idem
1643-44 Recteur du collège de Metz
1644-45 Idem
1645-46 Idem
1646-47 Associé du provincial de la Province de Champagne
1647-48 Pas de catalogue
1648-49 Idem
1649-50 Idem
1650-51 Provincial
1651-52 Idem
1652-53 Assistant de la Gaule
1653-54 Idem
1654-55 Idem
1655-56 Idem
1656-57 Idem
1657-58 Idem
1658-59 Idem
1659-60 Idem
1660-61 Idem
1664 Meurt à Dijon, le 17 avril
Théobald Chastelain
Né dans le diocèse de Reims en 1606, entré dans la Compagnie en 1625,
mort à Sens en 1675.
1625-26 Novice à la maison professe de Nancy où il est entré le 29 octobre
1626-27 Idem
1627-28 Professeur en classes inférieures à Dijon
1628-29 Etudiant en classe de logique à Pont-à-Mousson
1629-30 Etudiant en classe de physique à Pont-à-Mousson
1630-31 Etudiant en classe de métaphysique à Pont-à-Mousson
1631-32 Professeur en classes inférieures à Langres
1632-33 Professeur en classes inférieures à Langres
1633-34 Professeur de mathématiques à Reims
Etudiant en Ie année de théologie
1634-35 Professeur de mathématiques à Reims
Etudiant en 2e année de théologie
1635-36 Etudiant en 3e année de théologie à Reims
1636-37 Etudiant en 4e année de théologie à Reims
1637-38 Professeur de rhétorique au collège de Langres
1638-39 Professeur de logique au collège de Chaumont
1639-40 Professeur de physique au collège de Chaumont
ANNEXE 2 567

1640-41 Professeur de logique et mathématiques à Reims


1641-42 Professeur de physique à Reims
1642-43 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1643-44 Professeur de physique à Pont-à-Mousson
1644-45 Tâches administratives au collège de Sens
1645-46 Responsable du séminaire de Reims
1646-47 Pas de catalogue
1647-48 Pas de catalogue
1648-49 Pas de catalogue
1649-50 Idem
1650-51 Professeur de théologie à Pont-à-Mousson
Etc..
1675 Meurt à Sens, le 17 octobre
Désiré Cheminot
Né à Pont-à-Mousson en 1590, entré dans la Compagnie le 30 avril 1609,
mort à Pont-à-Mousson en 1664.
1609-10 Novice à la maison professe de Nancy
1610-11 Etudiant en classe de physique à Pont-à-Mousson
1611-12 Etudiant en classe de métaphysique à Pont-à-Mousson
1612-13 Professeur dans les classes inférieures à Verdun
1613-14 Idem
1614-15 Professeur en convalescence à Verdun
1615-16 En convalescence à Pont-à-Mousson
1616-17 Etudiant en Ie année de théologie à Pont-à-Mousson
1617-18 Etudiant en 2e année de théologie à Pont-à-Mousson
1618-19 Etudiant en 3e année de théologie à Pont-à-Mousson
1619-20 Etudiant en 4e année de théologie à Pont-à-Mousson
1620-21 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1621-22 Confesseur et répétiteur en philosophie, à Reims
1622-23 Professeur de philosophie et confesseur à Châlons
1623-24 Professeur de philosophie et confesseur à Châlons
1624-25 Troisième année de probation à la maison professe de Nancy
1625-26 Confesseur à Pont-à-Mousson
1626-27 Confesseur à Pont-à-Mousson
1627-28 Professeur de théologie à Pont-à-Mousson
1628-29 Idem
1629-30 Idem
1630-31 Idem
1631-32 Idem
1632-33 Professeur de théologie à Reims
1633-34 Professeur de théologie à Reims
1634-35 Professeur de théologie à Pont-à-Mousson
1635-36 Se trouve dans le Comté de Bourgogne
1636-37 Idem
1637-38 Dans le duché de Lorraine
1638-39 Idem
1639-40 Se trouve auprès du Duc de Lorraine
Etc..
568 ANNEXES

1646-47 Quitte la France pour la province de Milan


1664 Meurt à Pont-à-Mousson, le 5 février

Pierre Courcier

Né à Troyes en 1608, entré dans la Compagnie en 1624, mort à Auxerre


en 1692.

1624-25 Présent à la maison professe de Nancy, entré le 10 octobre 1624


1625-26 Idem
1626-27 Maître en classe de grammaire à Bar-le-Duc
1627-28 Etudiant en classe de logique à Pont-à-Mousson
1628-29 Etudiant en classe de physique à Pont-à-Mousson
1629-30 Etudiant en classe de métaphysique à Pont-à-Mousson
1630-31 Maître dans les classes inférieures à Pont-à-Mousson
1631-32 Idem
1632-33 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
Etudiant en Ie année de théologie
1633-34 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
Etudiant en 2e année de théologie
1634-35 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
Etudiant en 3e année de théologie
1635-36 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1636-37 Tâches administratives à Reims
1637-38 En 3e année de probation au noviciat de Nancy
1638-39 Professeur de rhétorique à Pont-à-Mousson
1639-40 Idem
1640-41 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1641-42 Professeur de physique à Pont-à-Mousson
1642-43 Professeur de mathématiques à Reims
1643-44 Professeur de mathématiques à Reims
1644-45 Professeur de mathématiques à Reims
1645-46 Professeur de théologie à Pont-à-Reims
1646-47 Professeur de théologie à Pont-à-Mousson
1647-48 Pas de catalogue
1648-49 Idem
1649-50 Idem
1650-51 Recteur de la maison professe de Nancy
1651-52 Idem
1652-53 Idem
1653-54 Idem
1654-55 Idem
1655-56 Idem
1656-57 Idem
1657-58 Tâches spirituelles au collège de Pont-à-Mousson
1658-59 Tâches spirituelles au collège de Pont-à-Mousson
1659-60 Idem
1660-61 Professeur de théologie à Dijon
1661-62 Tâches spirituelles à Dijon
ANNEXE 2 569

1662-63 Idem à Reims


1663-64 Idem
1664-65 Recteur du collège de Sens
1665-66 Recteur du collège de Sens
1666-67 Recteur du collège de Sens
1667-68 Recteur du collège de Sens
1668-69 Professeur de mathématiques à Dijon
1669-70 Professeur de mathématiques à Dijon
1671-74 Provincial de la Province de Champagne
Etc..
1592 Meurt à Auxerre, le 5 janvier

-D-

François Decomma

Né à Toulouse en 1604, entré dans la Compagnie en 1623, mort à


Toulouse en 1678.

1623-24 Au noviciat de Toulouse, après des études complètes de


philosophie
1624-25 Professeur en classes inférieures à Tournon
1625-26 Idem
1626-27 Idem
1627-28 Idem
1628-29 Idem
1629-30 Pas de catalogue
1630-31 Idem
1631-32 Etudiant en 2e année de théologie à Toulouse
1632-33 Etudiant en 3e année de théologie à Toulouse
1633-34 Etudiant en 4e année de théologie à Toulouse
1634-35 Professeur de logique à Béziers
1635-36 Professeur de physique à Béziers
1636-37 Professeur de logique à Tournon
1637-38 Professeur de métaphysique et mathématiques à Tournon
1638-39 Tâches administratives au noviciat de Toulouse
1639-40 Professeur de logique à Toulouse
1640-41 Professeur de physique et mathématiques à Toulouse
1641-42 Tâches administratives à Béziers
1642-43 Idem
1643-44 Recteur du collège de Rodez
1644-45 Idem
1645-46 Idem
Etc..
1678 Meurt à Toulouse, le 22 octobre
570 ANNEXES

Antoine de Digne

Né à Digne en 1575, entré dans la Compagnie en 1600, mort en 1630 à


Embrun.

N'apparaît pas sur les catalogues de la province lyonnaise avant


1605
1605-06 Professeur de philosophie à Chambéry
1606-07 Idem
1607-08 Professeur de logique à Lyon
1608-09 Professeur de physique à Lyon
1609-10 Professeur de métaphysique à Lyon
1610-11 Professeur de logique à Lyon
1611-12 Professeur de physique et mathématiques à Lyon
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Pas de catalogue. Professeur au collège de Tournon
1614-15 Pas de catalogue
1615-16 Professeur de théologie au collège de Tournon
1616-17 Prêtre au collège de Tournon
1617-18 Tâches spirituelles au collège de Tournon
1618-19 Tâches spirituelles au collège d'Embrun
Etc..
1630 Meurt à Embrun, le 16 juillet

Louis Delingendes

Né en 1571 à Moulins, entré dans la Compagnie en 1592, mort à Lyon


en 1919.

1 593 Présent à la maison professe d'Avignon


1 593-94 Etudiant en classe de philosophie à Avignon
1594-95 Etudiant en classe de philosophie à Avignon
1595-96 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
1596-97 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1 597-98 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1598-99 Etudiant en 4e année de théologie à Avignon
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 Professeur d'humanités à Avignon
1601-02 Professeur de logique à Avignon
1602-03 Professeur de physique à Avignon
1603-04 Professeur de métaphysique à Avignon
1604-05 Professeur de logique à Avignon
1605-06 Professeur de physique et mathématiques à Avignon
1606-07 Professeur de métaphysique à Avignon
1607-08 Pas de catalogue
1608-09 Professeur de théologie à Lyon
1609-10 Professeur de théologie à Lyon
1610-11 Professeur de théologie à Lyon
1611-12 Professeur de théologie à Avignon
ANNEXE 2 571

Etc..
1619 Meurt à Lyon, le 22 septembre

Jean Della Faille


Né à Anvers en 1597, entré dans la Compagnie en 1613, mort à
Barcelone en 1654.
1613 Entré dans la Compagnie à Malines
1614-17 Etudes de philosophie à Anvers2
1617-20 Etudes de mathématiques sous la direction de G. de Saint-
Vincent.
1620-21 Professeur de mathématiques à Dole
Etudiant en théologie (première année)3
1621-22 Professeur de mathématiques à Dole
Etudiant en théologie (2e année)
1622-23 Professeur de mathématiques à Dole
Etudiant en théologie (troisième année)
1623-24 Professeur de mathématiques à Dole
Etudiant en théologie (quatrième année)
1624-25 Professeur de mathématiques à Dole
1625-26 Professeur de mathématiques à Dole
1626-27 Professeur de mathématiques à Louvain
1627-28 Professeur de mathématiques à Louvain
1628-29 Professeur de mathématiques à Liège
1629 Professeur de mathématiques au Collège Impérial de Madrid
1641 Conseiller militaire à la frontière portugaise
1644 Professeur de mathématiques de l'Infant d'Espagne, puis
teur et conseiller
1654 Mort à Barcelone

Jean Dorisy
Né à Muzon en 1586, entré dans la Compagnie en 1606, mort en 1657 à
Paris.
1606-07 Novice à Nancy
1607-08 Idem
1608-09 Catalogue incomplet
1609-10 Professeur dans les classes inférieures à Bourges
1610-11 Catalogue incomplet
1611-12 Professeur dans les classes inférieures à Amiens
1612-13 Etudiant en Ie année de théologie à Pont-à-Mousson
1613-14 Etudiant en 2e année de théologie à Pont-à-Mousson
1614-15 Etudiant en 3e année de théologie à Pont-à-Mousson
1615-16 Professeur de logique à Bourges
1616-17 Professeur de physique à Bourges

2 Dans cette période, il rencontre F. d'Aiguillon et Grégoire de Saint- Vincent.


3 LUGD. 14, fol. 116r : «Venerunt in hanc provinciam ex provincia Flandro-
belgica (...) M. Ioan. Delafaille».
572 ANNEXES

1617-18 Professeur de logique à Rennes


1618-19 Professeur de physique à Rennes
1619-20 Professeur de logique à Orléans
1620-21 Professeur de physique à Orléans
1621-22 Professeur de cas à Bourges
1622-23 En troisième année de probation à Rouen
1623-24 Professeur de cas à Bourges
1624-25 Idem
1625-26 Idem
1626-27 Idem
1627-28 Idem
1628-29 Idem
1629-30 Idem
1630-31 Idem
1634-35 Professeur de mathématiques à La Flèche
1635-36 Professeur de logique à La Flèche
1636-37 Professeur de physique à La Flèche
1637-38 Tâches administratives à Eu
1638-39 Confesseur à la maison professe de Paris
1639-40 Idem
1640-41 Idem
1641-42 Idem
1642-43 Pas de catalogue
1643-44 Pas de catalogue
1644-45 Confesseur à la maison professe de Paris
1645-46 Pas de catalogue
1646-47 Confesseur à la maison professe de Paris
1647-48 Idem
1648-49 Idem
1649-57 Absence de catalogues brefs
1657 Meurt à Paris, le 15 mars
Salvator Durand
Né dans le diocèse de Toulouse en 1597, entré dans la Compagnie en
1613, mort à Toulouse, le 8 avril 1646.
1613-14 Novice à Toulouse après deux années d'études de philosophie
1614-15 Novice en 2e année à Toulouse
1615-16 Pas de catalogue
1616-17 Etudes de philosophie dans la province de Lyon
1617-18 Idem
1618-19 Professeur en classes inférieures à Cahors
1619-20 Idem à Aurillac
1620-21 Idem
1621-22 Idem au Puy
1622-23 Idem
1623-24 Idem
1624-25 Idem à Béziers
1625-26 Quitte la province pour rejoindre Rome «studiorum causa»
1626-27 Rome
ANNEXE 2 573

1627-28 Rome
1628-29 Rome
1629-30 pas de catalogue
1630-31 Pas de catalogue
1631-32 Professeur de rhétorique au collège de Clermont-Ferrand
1632-33 Pas de catalogue
1633-34 Professeur de philosophie, Ie année à Toulouse
1634-35 Professeur de philosophie, 2e année à Toulouse
1635-36 Professeur de logique et mathématiques à Toulouse
1636-37 Professeur de physique et mathématiques à Toulouse
1637-38 Professeur de théologie à Montauban
1638-39 Répétiteur des étudiants de 3e année de philosophie à Billom
1639-40 Idem
1640-41 Professeur de théologie à Toulouse
1641-42 Idem
Etc..
1646 Meurt à Toulouse, le 8 avril

-F-

Nicolas Fagot

Né dans le diocèse de Verdun en 1587, entré dans la Compagnie en


1607, mort à Pont-à-Mousson en 1641.
1607-08 Novice à Nancy
1608-09 Catalogue incomplet
1609-10 Idem
1610-11 Etudiant en classe de logique à Pont-à-Mousson
1611-12 Etudiant en classe de physique à Pont-à-Mousson
1612-13 Etudiant en classe de métaphysique à Pont-à-Mousson
1613-14 Professeur de logique à Reims
1614-15 Professeur de physique à Reims
1615-16 Etudiant en Ie année de théologie à Pont-à-Mousson
1616-17 Etudiant en 2e année de théologie à Pont-à-Mousson
1617-18 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
Etudiant en 3e année de théologie
1618-19 Prêtre au collège de Nancy
1619-20 Prêtre au collège de Verdun
1620-21 Professeur de mathématiques à Reims
1621-22 Professeur de mathématiques à Reims
1622-23 Prêtre au collège de Bar-le-Duc
1623-24 Idem au collège de Metz
1624-25 Idem au collège de Pont-à-Mousson
1625-26 Missionnaire dans les Vosges, rattaché au collège de Nancy
1626-27 Idem
1627-28 Confesseur à la Maison de Saint-Mihiel
1628-29 Confesseur à la Maison de Saint-Mihiel
1629-30 Tâches administratives au collège de Auxerre
574 ANNEXES

1630-31 Supérieur du collège de Bouquenon


1631-32 Etc..
1631-32
1632-33
1633-34 Tâches administratives à Pont-à-Mousson
1634-35 Tâches administratives à Pont-à-Mousson
1635-36 Tâches administratives au collège de Metz
1636-37 Idem
1637-38 Idem
1638-39 Idem
1639-40 Idem
1641 Meurt à Pont-à-Mousson, le 7 septembre

Jean Falquestein
Voir annexe 3.

Nicolas Forest
Né à Reims en 1595, entré dans la Compagnie en 1612, sorti de la
Compagnie en 1638 et mort en 1650.
1612-13 Novice à Nancy, où il est entré le 01/10
1613-14 Idem
1614-15 Etudiant en classe de logique à Pont-à-Mousson
1615-16 Etudiant en classe de physique à Pont-à-Mousson
1616-17 Etudiant en classe de métaphysique à Pont-à-Mousson
1617-18 Etudiant en Ie année de théologie à Pont-à-Mousson
1618-19 Maître en classes inférieures à Pont-à-Mousson
1619-20 Idem
1620-21 Idem
1621-22 Professeur de rhétorique à Bar-le-Duc
1622-23 Etudiant en 2e année de théologie à Pont-à-Mousson
1623-24 Etudiant en 3e année de théologie à Pont-à-Mousson
1624-25 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1625-26 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1626-27 Professeur de physique à Pont-à-Mousson
1627-28 Professeur de métaphysique à Pont-à-Mousson
1628-29 En 3e année de probation à la maison professe de Nancy
1629-30 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1 630-3 1 Professeur de physique et mathématiques à Pont-à-Mousson
1631-32 Professeur de métaphysique à Pont-à-Mousson
1632-33 Professeur de théologie à Reims
1633-34 Professeur de théologie à Reims
1634-35 Professeur de théologie à Reims
1635-36 Envoyé à Mantoue et Rome
1636-37 Toujours en voyage en Italie
1637-38 Professeur de théologie au collège de Reims
Quitte la Compagnie
ANNEXE 2 575

Jean Fourcaud
Né à Auch en 1584, entré dans la Compagnie en 1608, mort à Auch en
1645.
1608-09 Pas de catalogue
1609-10 Idem
1610-11 Idem
1611-12 Idem
1612-13 Professeur en classes inférieures à Cahors
1613-14 Professeur de logique à Toulouse
1614-15 Professeur de physique à Toulouse
1615-16 Professeur de métaphysique à Toulouse
1616-17 Professeur de logique à Toulouse
1617-18 Professeur de physique à Toulouse
1618-19 Professeur de métaphysique à Toulouse
1619-20 Professeur de mathématiques à Toulouse
1 620-2 1 Professeur de mathématiques à Toulouse
1621-22 Tâches administratives au collège d'Aubenas
1622-23 Idem au noviciat de Toulouse
1623-24 Idem
1624-25 Idem à Béziers
1625-26 Recteur du collège d'Aubenas
1626-27 Idem
1627-28 Idem
1628-29 Idem
1629-30 Idem
1630-31 Idem
1631-32 Recteur du collège du Puy
1632-33 Tâches administratives à Aubenas
1633-34 Idem à Albi
1634-35 Vice-recteur du collège de Clermont-Ferrand
1635-36 Idem
1636-37 Idem
1637-38 Etc..
1645 Meurt à Auch, en septembre

Georges Fournier
Né en 1595 à Caen, entré dans la Compagnie en 1617, mort à La Flèche
en 1652.
1617 Entrée dans la Compagnie dans la province gallo-belge, à
Tournai, le Ie octobre
1619 Arrivée dans la province, à l'issue de deux années de probation
1619-20 Etudiant en physique à La Flèche
1620-21 Etudiant en métaphysique à La Flèche
1621-22 Professeur en classes inférieures à Eu
1622-23 Professeur en classes inférieures à Eu
1623-24 Professeur en classes inférieures à Eu
1624-25 Absent du catalogue de la province
1625-26 Idem
576 ANNEXES

1626-27 Idem
1627-28 Professeur en classes inférieures à Rouen
1628-29 Professeur de mathématiques à La Flèche
1629-30 Professeur de mathématiques à La Flèche
1630-31 Professeur de mathématiques à La Flèche
1631-32 Professeur de mathématiques à La Flèche
1632-33 Professeur de mathématiques à La Flèche
1633-34 Professeur de mathématiques à La Flèche
1634-35 Professeur de mathématiques à Dieppe
1635-36 Professeur de mathématiques à Dieppe
1636-37 Absent du catalogue
1637-38 Préfet des études à Alençon
1638-39 Operarius à La Flèche
1639-40 Professeur de mathématiques à Hesdin
1640-41 Professeur de mathématiques à Hesdin
1641-42 Professeur de mathématiques à Hesdin
1642-43 Professeur de mathématiques à Hesdin
1643-44 Professeur de mathématiques à Hesdin
1644-45 Préfet des études à Caen
1645-46 Pas de catalogue
1646-47 Absent du catalogue
1647-48 Pas de catalogue
1648-49 Absent du catalogue
1649-50 Présent au collège d'Orléans
Puis, absence de catalogues brefs
1652 Meurt à La Flèche, le 13 avril

Jean François
Né à Saint-Claude en 1582, entré dans la Compagnie en 1605, mort en
1668 à Rennes.
1607 Présent au noviciat de Paris
1607-08 Absent du catalogue
1608-09 Catalogue incomplet
1609-10 Idem
1610-11 Absent du catalogue triennal de la province de France
1611-12 Professeur en classes inférieures à Pont-à-Mousson
1612-13 Professeur de mathématiques à La Flèche
Etudiant en lère année de théologie
1613-14 Professeur de mathématiques à La Flèche
Etudiant en 2e année de théologie
1614-15 Professeur de mathématiques à La Flèche
Etudiant en 3e année de théologie4

4 Le catalogue triennal de 1615 précise qu'entré dans la Compagnie en 1605,


il a effectué des études de philosophie (3 ans) et de théologie, enseigné
grammaire et mathématiques : FRANC. 11, fol. 16r. La question est de savoir où il a
effectué ses études de philosophie.
ANNEXE 2 , 577

1615-16 Professeur de mathématiques à La Flèche


Etudiant en 4e année de théologie
1616-17 Professeur de mathématiques à La Flèche
1617-18 Professeur de logique à La Flèche
1618-19 Professeur de physique à La Flèche
1619-20 Professeur de métaphysique à La Flèche
1620-21 Professeur de mathématiques à Paris
1621-22 Professeur de mathématiques à Paris
1622-23 Professeur de mathématiques à Paris
1623-24 Professeur de mathématiques à Paris
1624-25 Professeur de mathématiques à Paris
1625-26 Prêtre au collège de Paris
1626-27 Tâches spirituelles à la résidence d'Alençon
1627-28 Professeur de métaphysique à La Flèche
1628-29 Prêtre au collège de La Flèche
1629-30 Idem
1630-31 Prêtre pour les laïcs au collège de Rennes
1631-32 Recteur du collège d'Alençon
1632-33 Recteur du collège d'Alençon
1633-34 Recteur du collège d'Alençon
1634-35 Recteur du collège d'Alençon
1635-36 Recteur du collège d'Alençon
1636-37 Tâches administratives et spirituelles au collège de Amiens
1637-38 Idem
1638-39 Idem
1639-40 Recteur du collège de Amiems
1640-41 Idem
1641-42 Idem
1642-43 Pas de catalogue
1643-44 Pas de catalogue
1644-45 Tâches administratives et spirituelles au collège de Nevers
1645-46 Pas de catalogue
1646-47 Recteur du collège de Nevers
1647-48 Idem
1648-49 Idem
1649-59 Pas de catalogue
Etc..
1668 Meurt à Rennes, le 20 janvier
Etienne Furet
Né en 1602 à Clairvaux, entré dans la Compagnie en 1623, mort à Dole
en 1675.
1623-24 Entre au noviciat d'Avignon, à la suite d'études de philosophie
1624-25 Novice de 2e année à Avignon
1625-26 Professeur en classes inférieures à Avignon
1626-27 Idem
1627-28 Idem
1628-29 Idem
1629-30 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
578 ANNEXES

Professeur de mathématiques
1630-31 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
Professeur de mathématiques
1631-32 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
Professeur de mathématiques
1633-34 Etudiant en 4e année de théologie à Avignon
Professeur de mathématiques
1634-35 En 3e année de probation à Avignon
1635-36 Professeur de logique au collège de Nîmes
1636-37 Professeur de physique au collège de Nîmes
1637-38 Professeur de physique au collège de Nîmes
1638-39 Professeur de physique au collège de Nîmes
1639-40 Professeur de métaphysique au collège de Vienne
1640-41 Professeur de logique au collège de Vienne
1641-42 Professeur de métaphysique au collège de Vienne
1642-43 Tâches administratives au collège de Vienne
1643-44 Professeur de théologie à Avignon
1644-45 Idem
1645-46 Professeur de mathématiques à Avignon
1646-47 Professeur de mathématiques à Avignon
1647-48 Professeur de mathématiques à Avignon
1648-49 Professeur de mathématiques à Avignon
1649-50 Professeur de mathématiques à Avignon
1651-52 Professeur de mathématiques à Aix
1652-53 Tâches administratives à Vesoul
1653-54 Idem
1654-55 Idem
1655-56 Idem
1656-57 Idem
1657-58 Idem
1658-59 Idem
1659-60 Idem
1660-61 Professeur de théologie à Vesoul
1661-62 Professeur de mathématiques à Dole
1662-63 Professeur de mathématiques à Dole
1663-64 Professeur de mathématiques à Dole
1664-65 Professeur de mathématiques à Dole
1664-65 Professeur de mathématiques à Dole
1665-66 Professeur de mathématiques à Dole
1666-67 Professeur de mathématiques à Dole
1667-68 Professeur de mathématiques à Dole
1668-69 Professeur de mathématiques à Dole
1669-70 Professeur de mathématiques à Dole
1670-71 Professeur de mathématiques à Dole
1671-72 Professeur de mathématiques à Dole
1672-73 Professeur de mathématiques à Dole
1673-74 Professeur de mathématiques à Dole
1674-75 Professeur de mathématiques à Dole
1675 Meurt à Dole, le 4 mars
ANNEXE 2 579

-G-

Jean Garand

Né à Riom en 1585, entré dans la Compagnie en 1604, mort à Châlons-


sur-Saône en 1638.
1604-05 Novice à Lyon
1605-06 Idem
1606-07 Etudiant en classe de physique à Lyon
1607-08 Etudiant en classe de métaphysique à Lyon
1608-09 Etudiant en Ie année de théologie à Lyon
1609-10 Etudiant en 2e année de théologie à Lyon
1610-11 Etudiant en 3e année de théologie à Lyon
1611-12 Etudiant en 4e année de théologie à Lyon
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Idem
1614-15 Idem
1615-16 Professeur de physique à Tournon
1616-17 Professeur de métaphysique à Tournon
1617-18 Professeur de logique et mathématiques à Lyon
1618-19 Professeur de physique et mathématiques à Lyon
1619-20 Pas de catalogue
1 620-2 1 Professeur de cas de conscience à Lyon
1621-22 Professeur de cas de conscience à Lyon
Etc..
1638 Meurt à Châlons-sur-Saône, le 10 mars

Jacques Georges
Né à Bourges en 1570, entré dans la Compagnie en 1587, il est mort à
Roannes en 1640.
1587-88 Novice à Dole
1588-89 Novice de 2e année à Lyon
1589-90
1590-91 Etudiant en classe de philosophie à Dole
1591-92 Idem
1593-94 Pas de catalogue
1594-95 Idem
1595-96 Idem
1596-97 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
1597-98 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1598-99 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 En troisième année de probation à Lyon
1601-02 Professeur de rhétorique à Avignon
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Professeur de logique à Tournon
1604-05 Professeur de physique et mathématiques à Tournon
1605-06 Professeur de métaphysique à Tournon
580 ANNEXES

1606-07 Tâches religieuses à Tournon


1607-08 Idem
Etc..
1629 Le 25 mars, part comme missionnaire à Constantinople
1640 Meurt à Roanne, le 28 décembre

Jean Ginesty
Né à Clermont-Ferrand en 1599, entré dans la Compagnie en 1617,
quitte l'ordre pour les Célestins en 1643.
1617-18 Novice à Toulouse
1618-19 Novice de 2e année à Toulouse
1619-20 Etudiant en logique à Toulouse
1620-21 Etudiant en physique à Toulouse
1621-22 Etudiant en métaphysique à Toulouse
1622-23 Professeur en classes inférieures à Rodez
1623-24 Idem à Carcassonne
1624-25 Idem à Toulouse
1625-26 Idem
1626-27 Idem à Cahors
1627-28 Idem à Béziers
1628-29 Etudiant en Ie année de théologie à Toulouse
1629-30 Etudiant en 2e année de théologie à Toulouse
1630-31 Etudiant en 3e année de théologie à Toulouse
1631-32 Etudiant en 4e année de théologie à Toulouse
1632-33 Professeur de philosophie au Puy
1633-34 Idem
1634-35 Professeur de logique et mathématiques à Toulouse
1635-36 Professeur de physique à Toulouse
1636-37 Professeur de théologie à Tournon
1637-38 Idem
1638-39 Idem
1639-40 Idem
1640-41 Idem
1641-42 Tâches administratives à Tournon
1642-43 Professeur de théologie à Tournon
1643-44 Quitte l'ordre

Claude Granier
Né à Vaison-la-Romaine en 1558, entré dans la Compagnie en 1578,
mort à Dijon en 1626.
Pas de catalogue avant 1586
1586-87 Etudiant en physique à Tournon
1587-88 Etudiant en métaphysique à Tournon
1588-89 Professeur de logique à Dole
1589-90 Professeur de physique à Dole
1590-91 Pas de catalogue
1591-92 Etudiant en théologie à Lyon
1592-93 Pas de catalogue
ANNEXE 2 581

1593-94 Idem
1594-95 Idem
1595-96 Professeur de physique à Tournon
1596-97 Professeur de métaphysique et mathématiques à Tournon
1597-98 Pas de catalogue
1598-99 Professeur dans les classes inférieures à Avignon
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 Professeur de mathématiques à Avignon
1601-02 Professeur de théologie à Dole
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Idem
1604-05 Idem
1605-06 Professeur de cas à Besançon
1606-07 Idem
1607-08 Professeur de cas à Vesoul
1608-09 Tâches administratives à Besançon
1609-10 Professeur de théologie à Besançon
Etc..
1626 Meurt à Dijon, le 21 août
Jacques Guernissac
Né dans le diocèse de St Poi de Léon en 1 568, entré dans la Compagnie en
1588, mort à Rennes le 2 février 1634.
1588-89 Novice à Verdun
1589-90 Novice à Verdun
1590-91 Pas de catalogue
1591-92 Pas de catalogue
1592-93 Pas de catalogue
1593-94 Pas de catalogue
1594-95 Pas de catalogue
1595-96 Etudiant en théologie à Pont-à-Mousson (Ie année)
1595-96 Etudiant en théologie à Pont-à-Mousson (2e année)
1596-97 Etudiant en théologie à Pont-à-Mousson (3e année)
1597-98 Etudiant en théologie à Pont-à-Mousson
1598-99 Professeur de grammaire à Pont-à-Mousson
1599-00 Prêtrise au séminaire de Saint-Nicolas-du-Port
1600-01 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1601-02 Professeur de physique à Pont-à-Mousson
1602-03 Professeur de métaphysique à Pont-à-Mousson
1603-04 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1604-05 Professeur de physique à Pont-à-Mousson
1605-06 Professeur de métaphysique et mathématiques à Pont-à-Mousson
1606-07 Professeur de mathématiques à La Flèche
1607-08 Professeur de mathématiques à La Flèche
1608-09 Professeur de mathématiques à La Flèche
1609-10 Professeur de mathématiques et de cas à La Flèche
1610-11 Présent sur le catalogus primus de La Flèche
1611-12 Rennes
1612-13 Confesseur et consulteur à Rennes
582 ANNEXES

1613-14 Confesseur et consulteur à Rennes


1614-15 Confesseur et consulteur à Rennes
1615-16 Confesseur et consulteur à Rennes
1616-17 Professeur de cas et consulteur à Bourges
1617-18 Consulteur à Bourges
1618-19 Idem
1619-20 Pas de catalogue
1620-21 Idem
1621-22 Tâches administratives à Quimper
1622-23 Idem
1623-24 Idem
1624-25 Idem
1625-26 Idem
1626-27 Idem
1627-28 Idem
1628-29 Idem
1629-30 Idem
1630-31 Idem
1631-32 Tâches administratives et spirituelles à Rennes
1632-33 Tâches administratives et spirituelles à Rennes
1633-34 Tâches administratives et spirituelles à Rennes
1634 Meurt à Rennes, le 2 février

- J-

GlLBERT JONIN

Né à Saint-Flour en 1596, entré dans la Compagnie en 1613, mort à


Tournon en 1638.
1613-14 Novice à Toulouse
1614-15 Novice de 2e année à Toulouse
1615-16 Pas de catalogue
1616-20 Envoyé dans la province de Lyon pour poursuivre ses études
1620-21 Professeur en classes inférieures à Auch
1621-22 Professeur en classes inférieures à Auch
1622-23 Idem à Cahors
1623-24 Idem au Puy
1624-25 Idem à Tournon
1625-26 Quitte la province pour poursuivre ses études à Rome
1626-27 Rome
1627-28 Rome
1628-29 Rome
1629-30 Rome
1630-31 Pas de catalogue
1631-32 Professeur de physique à Montpellier
1632-33 Professeur de physique et mathématiques à Tournon
1633-34 Professeur de mathématiques à Tournon
1634-35 Professeur de mathématiques et théologie à Tournon
ANNEXE 2 583

1635-36 Professeur de mathématiques et théologie à Tournon


1636-37 Idem
1637-38 Idem
1638 Mort à Tournon, le 9 mars

-L-

Bartholomé Labarthe

Né en Gascogne en 1602, entré dans la Compagnie en 1627, mort à Ca-


hors en 1682.
1627-28 Novice à Toulouse
1628-29 Professeur en classes inférieures à Carcassonne
1629-30 Pas de catalogue
1630-31 Idem
1631-32 Professeur en classes inférieures à Carcassonne
1632-33 Professeur en classes inférieures à Carcassonne
1633-34 Professeur en classes inférieures à Montpellier
1634-35 Professeur en classes inférieures à Carcassonne
1635-36 Professeur en classes inférieures à Carcassonne
1636-37 Tâches administratives à Carcassonne
1637-38 Professeur de logique à Tournon
1638-39 Professeur de physique et mathématiques à Tournon
1639-40 Professeur de logique et mathématiques à Tournon
1640-41 Professeur de physique et mathématiques à Tournon
1641-42 Professeur de logique à Tournon
1642-43 Professeur de mathématiques à Tournon
1643-44 Professeur de mathématiques à Toulouse
1644-45 Professeur de mathématiques à Toulouse
1645-46 Professeur de mathématiques à Toulouse
1646-47 Professeur de mathématiques à Toulouse
1647-48 Pas de catalogue
1648-49 Professeur de logique à Clermont-Ferrand
1649-50 Professeur de physique à Clermont-Ferrand
1650-51 Professeur de logique à Clermont-Ferrand
1651-52 Professeur de logique à Clermont-Ferrand
1652-53 Professeur de logique à Clermont-Ferrand
1653-54 Professeur de logique à Clermont-Ferrand
1654-55 Professeur de physique à Clermont-Ferrand
Etc..
1682 Meurt à Cahors, le 13 novembre

Louis Lallemant
Né en 1588, à Châlons-sur-Marne, rentré dans la Compagnie en 1605,
mort à Bourges en 1635.
1605-06 Entré au noviciat de Nancy
1606-07 Présent au noviciat de Nancy, où il étudie la rhétorique
1607-08 Etudiant en logique à Pont-à-Mousson
584 ANNEXES

1608-09 Etudiant en physique à Pont-à-Mousson


1609-10 Etudiant en métaphysique à Pont-à-Mousson
1610-11 Etudiant de théologie à Pont-à-Mousson (Ie année)
1611-12 Etudiant de théologie à Pont-à-Mousson (2e année)
1612-13 Professeur de mathématiques privatim
Etudiant de théologie à Pont-à-Mousson
1613-14 Professeur de mathématiques
Etudiant de théologie à Pont-à-Mousson
1614-15 Troisème année de probation au noviciat de Paris
1615-16 Professeur de logique à La Flèche
1616-17 Professeur de physique à La Flèche
1617-18 Professeur de métaphysique et mathématiques à La Flèche
1618-19 Professeur de cas à Bourges
1619-20 Professeur de théologie à Rouen
1620-21 Idem
1621-22 Idem
1622-23 Recteur de la maison professe de Rouen
1623-24 Recteur de la maison professe de Rouen
1624-25 Recteur de la maison professe de Rouen
1625-26 Recteur de la maison professe de Rouen
1626-27 Professeur de théologie à Paris
1627-28 Idem
1628-29 Absent du catalogue
1629-30 Instructeur à la maison professe de Rouen
1630-31 Idem
1631-32 Recteur de la maison professe de Rouen
1632-33 Préfet des classes supérieures à Bourges
1633-34 Idem
1634-35 Recteur du collège de Bourges
1635 Meurt à Bourges, le 5 avril
Antoine Lalouvere
Né en Haute-Garonne en 1600, entré dans la Compagnie en 1620, mort
à Toulouse en 1664.
1620-21 Novice à Toulouse
1621-22 Idem
1 622-23 Professeur en classes inférieures à Auch
1623-24 Idem
1624-25 Idem
1625-26 Idem
1626-27 Idem
1627-28 Idem à Aurillac
1628-29 Etudiant en Ie année de théologie à Tournon
1629-30 Etudiant en 2e année de théologie à Tournon
1630-31 Etudiant en 3e année de théologie à Tournon
1631-32 Etudiant en 4e année de théologie à Tournon
Professeur de mathématiques à Tournon
1632-33 Professeur de logique à Toulouse
1633-34 Professeur de philosophie à Toulouse
ANNEXE 2 585

1634-35 Troisième année de probation à Toulouse


1635-36 Professeur de logique et mathématiques à Tournon
1636-37 Professeur de physique et mathématiques à Tournon
1637-38 Professeur de théologie à Tournon
1638-39 Idem
1639-40 Idem
1640-41 Idem
1641-42 Idem
1642-43 Idem
1643-44 Idem à Toulouse
1644-45 Idem
1645-46 Idem
1646-47 Idem
1647-48 Pas de catalogue
1648-49 Tâches administratives à Toulouse
1649-50 Pas de catalogue
1650-51 Professeur de théologie à Toulouse
1651-52 Idem
1652-53 Idem
1653-54 Idem
1654-55 Professeur en classes inférieures à Auch
1655-56
1656-57
1657-58
1658-59
1659-60 Professeur de mathématiques à Toulouse
1660-61 Professeur de mathématiques à Toulouse
1661-62 Professeur de mathématiques à Toulouse
1662-63 Professeur de mathématiques à Toulouse
1663-64 Professeur de mathématiques à Toulouse
1664 Meurt à Toulouse, le 2 octobre
Pierre Lamart
Né à Auxonne en 1567, entré dans la Compagnie en 1587, mort à Dole
en 1636.
1587-88 Novice à Lyon
1588-89 Novice de 2e année à Lyon
1589-90 Professeur en classes inférieures à Annecy
1590-91 Professeur en classes inférieures à Annecy
1591-92 Professeur en classes inférieures à Annecy
1592-93 Pas de catalogue
1593-94 Pas de catalogue
1594-95 Pas de catalogue
1595-96 Pas de catalogue
1596-97 Etudiant en classe de métaphysique à Avignon
1597-98 Professeur d'humanités à Avignon
1598-99 Professeur d'humanités à Avignon
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 Etudiant en théologie à Avignon
586 ANNEXES

1601-02 Etudiant en théologie à Avignon


1602-03 Etudiant en théologie à Avignon
1603-04 Etudiant en théologie à Avignon
1604-05 Professeur de logique à Avignon
1605-06 Professeur de physique à Avignon
1606-07 Professeur de logique et mathématiques à Lyon
1607-08 Professeur de physique à Lyon
1608-09 Professeur de métaphysique à Lyon
1609-10 Professeur de mathématiques à Tounon
1610-11 Recteur du collège de Vienne
1611-12 Idem
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Idem
1614-15 Idem
1615-16 Recteur du collège de Vienne
1616-17 Idem
1617-18 Idem
1619 Présent à Chambéry
Etc..
1636 Meurt à Dole, le 19 septembre

Nicolas Laplace

Né en 1579, entré dans la Compagnie en 1596, mort à Rouen en 1617.

1596-97 Novice à Avignon


1597-98 Idem
1598-99 Etudiant en classe de logique à Tournon
1599-00 Etudiant en classe de physique à Tournon
1600-01 Etudiant en classe de métaphysique à Tournon
1601-02 Etudiant en classe de rhétorique à Tournon
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Idem
1604-05 Professeur de rhétorique à Bilioni
1605-06 Idem
1606-07 N'est pas encore dans la province de France (cf catalogue triennal
de 1606)
1607-08 Catalogue incomplet
1608-09 Idem
1609-10 Etudiant en Ie année de théologie à La Flèche
1610-11 Professeur de mathématiques à La Flèche
Etudiant en 2e année de théologie à La Flèche
1611-12 Etudiant en 3e année de théologie à La Flèche
1612-13 En troisième année de probation au noviciat de Paris
1613-14
1614-15
1615-16 Tâches spirituelles au collège de Rennes
1616-17 Tâches spirituelles au collège de Rennes
1617 Meurt à Rouen, le 29 août
ANNEXE 2 587

Louis Lascombes
Né en Auvergne en 1599, entré dans la Compagnie en 1617, mort à
Rodez en 1684.
1617-18 Présent dans la maison professe de la province, où il est entré en
1617
1618-19 Idem
1619-20 Professeur en classes inférieures à Auch
1620-21 Idem
1621-22 Etudiant en classe de logique à Toulouse
1622-23 Etudiant en classe de physique au collège de Toulouse
1623-24 Etudiant en classe de métaphysique au collège de Toulouse
1624-25 Professeur en classes inférieures au collège de Toulouse
1625-26 Professeur en classes inférieures au collège de Cahors
1626-27 Idem
1627-28 Professeur de rhétorique au collège de Billom
1628-29 Professeur de rhétorique au collège de Tournon
1629-30 Pas de catalogue
1630-31 Idem
1631-32 En 3e année de théologie au collège de Tournon
1632-33 En 4e année de théologie au collège de Tournon
1633-34 En 3e année de probation à la maison professe de Toulouse
1634-35 Professeur de logique au collège d'Auch
1635-36 Tâches administratives au collège d'Auch
1636-37 Tâches administratives au collège d'Auch
1637-38 Professeur de logique à Toulouse
1638-39 Professeur de mathématiques à Toulouse
1639-40 Tâches administratives au collège de Montpellier
1640-41 Idem
1641-42 Etc..
1684 Meurt à Rodez, le 25 mai

Vincent Léotaud
Né en 1595 dans les Alpes, entré dans la Compagnie en 1613, mort à
Embrun en 1672.
1614-15 Noviciat d'Avignon
1615-16 Etudiant en logique à Tournon
1616-17 Etudiant en physique à Tournon
1617-18 Etudiant en métaphysique à Tournon
1618-19 Rattaché au collège de Tournon, en mission
1619-20 Pas de catalogue
1620-21 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1621-22 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1622-23 Etudiant en 4e année de théologie à Avignon
1623-24 Professeur en classes inférieures à Avignon
1624-25 Idem
1625-26 Professeur de mathématiques à Tournon
1626-27 Professeur de mathématiques à Tournon
1627-28 Professeur de mathématiques à Tournon
588 ANNEXES

1628-29 Professeur de mathématiques à Tournon


1629-30 Professeur de mathématiques à Dole
1630-31 Professeur de mathématiques à Dole
1631-32 Professeur de mathématiques à Dole
1632-33 Professeur de mathématiques à Dole
1633-34 Professeur de mathématiques à Dole, «nisi morbo impediatur»
1634-35 A Dole : «Vacat sanitati recuperandae »
1635-36 A Dole : «solutus omni onere proper infirmitatem»
1636-37 A Embrun, «infirmus»
1637-38 Confesseur à Embrun
1638-39 Idem
1639-40 Idem
1639-40 Idem
1640-41 Idem
1641-42 Idem
1642-43 Idem
1643-44 Idem
1644-45 Idem
1645-46 Idem
1646-47 Idem
1647-48 Idem
1648-49 Idem
Etc..
1672 Meurt à Embrun, le 13 juin
Pierre Le Roy
Né à Amiens en 1595, entré dans la Compagnie en 1617, mort à Lyon en
1669.
1617-18 Novice à Lyon où il est entré après des études de logique
1618-19 Novice de 2e année à Lyon
1619-20 Pas de catalogue
1620-21 Etudiant en physique à Dole
1621-22 Etudiant en métaphysique à Dole
1622-23 Professeur en classes inférieures à Dole
1623-24 Professeur en classes inférieures à Besançon
1624-25 Rattaché au collège de Besançon, en mission
1625-26 Etudiant en Ie année de théologie à Dole
1626-27 Etudiant en 2e année de théologie à Dole
1627-28 Etudiant en 3e année de théologie à Dole
1628-29 Etudiant en 4e année de théologie à Dole
1629-30 Préfet des études au noviciat et «studet mathematicis » à Dole
1630-31 Présent au collège de Lyon
1631-32 Professeur de logique à Vienne
1632-33 Professeur de philosophie à Vienne
1633-34 En 3e année de probation à Lyon
1634-35 Professeur de mathématiques à Avignon
1635-36 Professeur de mathématiques à Avignon
1636-37 Professeur de mathématiques à Avignon
1638-39 Professeur de mathématiques à Avignon
ANNEXE 2 589

1639-40 Professeur de mathématiques à Aix


1640-41 Professeur de mathématiques à Aix
1641-42 Professeur de mathématiques à Avignon
1642-43 Professeur de mathématiques à Avignon
1643-44 Professeur de mathématiques à Avignon
1644-45 Professeur de mathématiques à Avignon
1646-47 Professeur de mathématiques à Lyon
1647-48 Professeur de mathématiques à Lyon
1648-49 Professeur de mathématiques à Lyon
1649-50 Professeur de mathématiques à Lyon
1650-51 Professeur de mathématiques à Lyon
1651-52 Professeur de mathématiques à Lyon
1652-53 Professeur de mathématiques à Lyon
1653-54 Professeur de mathématiques à Lyon
1654-55 Professeur de mathématiques à Lyon
1655-56 Tâches spirituelles au collège de Lyon
1656-57 Idem
1657-58 Idem
1658-59 Pas de catalogue
1659-60 Idem
1660-61 Idem
1661-62 Idem
Etc..
1669 Meurt à Lyon, le 6 octobre
Jean Lereuchon
Né en 1591 à Bar-le-Duc, entré au noviciat de Tournai le 17 août 1609,
mort à Pont-à-Mousson en 1670.
1610-11 Novice à Nancy
1611-12 Etudiant en Ie année de théologie à Pont-à-Mousson
1612-13 Etudiant en 2e année de théologie à Pont-à-Mousson
1613-14 Etudiant en 3e année de théologie à Pont-à-Mousson
1614-15 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
Etudiant en 4e année de théologie à Pont-à-Mousson
1615-16 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1616-17 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1617-18 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1618-19 Professeur de physique et mathématiques à Pont-à-Mousson
1619-20 Professeur de métaphysique à Pont-à-Mousson
1620-21 En troisième année de probation au noviciat de Paris
1621-22 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1622-23 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1623-24 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1624-25 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1625-26 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1626-27 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1627-28 Professeur de mathématiques à Reims
1628-29 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1629-30 Recteur du collège de Bar-le-Duc
590 ANNEXES

1630-31 Idem
1631-32 Idem
1632-33 Idem
1633-34 Idem
1634-35 Tâches administratives au collège de Metz
1635-36 Tâches administratives au collège de Pont-à-Mousson
1636-37 Professeur de théologie à Pont-à-Mousson
1637-38 Professeur de théologie au collège de Mons (province gallo-belge)
1638-39 Idem
1639-40 Idem
1640-41 Idem
1641-42 Idem
1642-43 Idem
1643-44 Idem
1644-45 Idem
1645-46 Idem
1646-47 Idem
1647-48 Pas de catalogue
1648-49 Idem
1649-50 Idem
1650-51 Idem
1651-52 N'est pas dans la province
1652-53 Idem
1653-54 Idem
1654-55 Idem
1655-56 Idem
1656-57 Idem
1657-58 Idem
1658-59 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson
1659-60 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson + bibliothèque
1660-61 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson + bibliothèque
1661-62 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson + bibliothèque
1662-63 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson + bibliothèque
1663-64 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson + bibliothèque
1664-65 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson+ bibliothèque
1665-66 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson+ bibliothèque
1666-67 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson+ bibliothèque
1667-68 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson+ bibliothèque
1668-69 Tâches spirituelles à Pont-à-Mousson+ bibliothèque
1670 Meurt à Pont-à-Mousson, le 16 janvier

-M-

Michel Mâles
Né en 1594 en Auvergne, entré dans la Compagnie en 1612, mort à
Montpelier en 1645.
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Idem
ANNEXE 2 591

1614-15 Idem
1615-16 Absent des catalogues des provinces de Lyon et Toulouse
1616-17 Idem
1617-18 Etudiant en classe de physique à Lyon
1618-19 Etudiant en classe de métaphysique à Lyon
1619-20 Etudiant en Ie année de théologie à Tournon
1620-21 Etudiant en 2e année de théologie à Tournon
1621-22 Etudiant en 3e année de théologie à Tournon
1622-23 Etudiant en 4e année de théologie à Tournon
1623-24 Professeur de logique à Tournon
1624-25 Professeur de mathématiques à Tournon
1625-26 Professeur de métaphysique à Tournon
1626-27 Professeur de logique à Toulouse
1627-28 Professeur de mathématiques à Toulouse
1628-29 Professeur de mathématiques à Toulouse
1629-30 Professeur de mathématiques à Toulouse
1630-31 Professeur de mathématiques à Toulouse
1631-32 Professeur de mathématiques à Toulouse
1632-33 pas de catalogue
1633-34 Tâches administratives au collège d'Auch
1634-35 Idem
1635-36 Etc..
1645 Meurt à Montpelier, le 28 mai
Désiré Mengeot
Né à Metz en 1592, entré dans la Compagnie en 1617, mort à Charleville
en 1661.
1617-18 Entré à la maison professe de Nancy
1618-19 Idem
1619-20 Professeur dans les classes inférieures à Pont-à-Mousson
1620-21 Idem
1621-22 Préfet des philosophes au couvent de Pont-à-Mousson
1622-23 Professeur de logique au collège de Pont-à-Mousson
1623-24 Professeur de physique au collège de Pont-à-Mousson
1624-25 Professeur de physique au collège de Pont-à-Mousson
1625-26 Professeur de mathématiques au couvent de Reims
1626-27 Professeur de mathématiques à Reims
1627-28 Professeur de logique à Reims
1628-29 Professeur de physique
1629-30 Tâches administratives au collège de Reims
1630-31 Idem
1631-32 Idem
1632-33 Idem
1633-34 Idem
1634-35 Vice-Recteur du collège de Reims
1635-36 Professeur de théologie à Reims
1636-37 Professeur de théologie à Reims
1637-38 Idem
1638-39 Tâches administratives à Reims
592 ANNEXES

1639-40 Idem
1640-41 Idem
Etc..
1661 Meurt à Charleville, le 27 septembre
Jean Meynier
Né en 1561 à Toulouse, entré dans la Compagnie en 1581, mort à
Vienne en 1633.
1581 Entré dans la Compagnie, à Toulouse, le 4 décembre
1582-86 Professeur en classes inférieures dans les différents collèges de la
province
1586-87 Professeur en classes inférieures au collège de Bordeaux
1589-90 Maître de rhétorique à la mission d'Auch
1590-91 Pas de catalogue
1591-92 Tâches d'enseignement au collège d'Agen
1592-93 Tâches administratives au collège d'Auch
1593-94 Pas de catalogue
1594-95 Préfet des études à la résidence de Saint-Macaire
1595-96 Préfet des études à la résidence de Saint-Macaire
1596-97 Pas de catalogue
1597-98 Mission à Béziers
1598-99 Pas de catalogue
1600-01 Etudiant en théologie au collège de Bordeaux
1601-02 Professeur en classes inférieures à Besançon
1602-03 Présent au collège de Béziers
1603-04 Idem
1604-05 Idem
1605-06 Professeur de mathématiques et hébreu à Lyon
Etudiant en théologie
1606-07 Etudiant en théologie
1607-08 Pas de catalogue
1608-09 Professeur de mathématiques et hébreu à Tournon
1609-10 Professeur d'hébreu à Tournon
1610-11 Idem
1611-12 Idem
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Professeur de cas de conscience à Vienne
1614-15 Pas de catalogue
1615-16 Professeur d'hébreu à Tournon
1617-18 Au collège de Vienne avec des problèmes de santé
1618-19 Tâches administratives à Roanne
1619-20 Pas de catalogue
1620-21 Idem
1621-22 Tâches administratives à Roanne
1622-23 Tâches administratives à Roanne
1623-24 Tâches administratives à Vienne
1624-25 Idem
Etc..
1633 Meurt à Vienne, le 17 novembre
ANNEXE 2 593

François Mugnier
Né en 1574 à Semur-en-Auxois, entré dans la Compagnie en 1595, mort
à Pontarlier en 1625.
1596-97 Novice à Avignon
1597-98 Idem
1598-99 Etudiant en logique à Avignon
1599-00 Etudiant en physique à Avignon
1600-01 Etudiant en métaphysique à Avignon
1601-02 Professeur de grammaire à Avignon
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Idem
1604-05 Professeur d'humanités à Dijon
1605-06 Idem
1606-07 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
1607-08 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1608-09 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1609-10 Préfet des études inférieures à Avignon
1610-11 Tâches administratives à Avignon
1612 Profès des 4 vœux
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Idem
1614-15 Idem
1615-16 Professeur de mathématiques à Dole
1616-17 Professeur de mathématiques à Dole
1617-18 Professeur de mathématiques à Dole
1618-19 Professeur de mathématiques à Dole
1619-20 Pas de catalogue
1620-21 Professeur de mathématiques à Lyon
1621-22 Tâches administratives à Aix
1622-23 Idem
1623-24 En mission, à Pontarlier
1624-25 Idem
1625 Meurt à Pontarlier, le 28 janvier

-P-

Léonard Patornay
Né en 1569 dans le Jura, entré dans la Compagnie en 1587, mort à
Besançon en 1639.
1587-88 Novice à Lyon
1588-89 Novice de 2e année à Lyon
1589-90 Etudiant en classe de physique à Dijon
1590-91 Etudes de philosophie à Dijon
1591-92 Professeur en classes inférieures à Dijon
1592-93 Pas de catalogue
1593-94 Professeur en classe d'humanités à Lyon
1594-95 Pas de catalogue
594 ANNEXES

1595-96 Idem
1596-97 Etudiant en théologie à Avignon
1 597-98 Professeur de rhétorique à Avignon
Etudiant en lère année de théologie
1598-99 Professeur de rhétorique à Avignon
Etudiant en 2ème année de théologie
1 599-00 Professeur de rhétorique à Avignon
Etudiant en 3ème année de théologie
1600-01 Professeur de logique à Avignon
1601-02 Professeur de physique à Avignon
1602-03 Professeur de métaphysique à Avignon
1603-04 Professeur de philosophie à Avignon
1604-05 Professeur de mathématiques à Avignon
1605-06 Professeur d'hébreu à Tournon
1606-07 Professeur d'hébreu et prêtre à Tournon
1607-08 Pas de catalogue
1608-09 Professeur de théologie à Avignon
1609-10 Idem
1610-11 Rattaché au collège d'Avignon, en mission
1611-12 Professeur de théologie à Tournon
1612-13 Idem
1613-14 Pas de catalogue
1514-15 Idem
1615-16 Prêtre à Tournon
1616-17 Professeur de théologie à Tournon
1617-18 Idem
1618-19 Idem
1619-20 Pas de catalogue
1620-21 Idem
1621-22 Tâches administratives à Dole
1622-23 Idem
1623-24 En mission à Die
1624-25 Idem
1625-26 Tâches administratives à Vesoul
1626-27 Professeur de théologie à Vesoul
1627-28 Tâches administratives à Vesoul
1628-29 Tâches administratives à Besançon
1639 Meurt à Besançon, le 15 mai
François Piquet
Né en 1591 à Velay, entré dans la Compagnie en 1609, mort à Rodez en
1665.
1609-10 Etudiant en classe de logique à Toulouse
1610-11 Etudiant en classe de physique à Toulouse
1611-12 Pas de catalogue
1612-13 Etudiant en classe de métaphysique à Toulouse
1613-14 Etudiant en classe de théologie à Toulouse
1614-15 Idem
1615-16 Pas de catalogue
ANNEXE 2 595

1616-17 Maître en classes inférieures au collège de Toulouse


1617-18 Professeur de philosophie à Cahors
1618-19 Idem
1619-20 Professeur de logique au Puy
1620-21 Professeur de logique au Puy
1621-22 Professeur de logique au collège de Toulouse
1622-23 Professeur de physique au collège de Toulouse
1623-24 Professeur de mathématiques à Toulouse
1624-25 Professeur de mathématiques à Toulouse
1625-26 Professeur de logique et mathématiques à Toulouse
1626-27 Professeur de physique et mathématiques à Toulouse
1627-28 Professeur de métaphysique à Toulouse
1628-29 Professeur de mathématiques à Tournon
1629-30 Pas de catalogue
1630-31 Idem
1631-32
1632-33
1633-34 Casuiste au collège d'Auch
Etc..
1665 Meurt à Rodez, le 28 novembre
Claude Polard
Né en 1569 dans la Dombe, entré dans la Compagnie en 1587 à Lyon,
mort à Besançon en 1640.
1587 Novice à Lyon
1588-89 Novice à Lyon
1589-90 Professeur dans les classes inférieures
1590-91 Pas de catalogue
1591-92 Professeur en classe de 5ème
1592-93 Pas de catalogue
1593-94 Idem
1594-95 Idem
1595-96 Idem
1596-97 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
1597-98 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1 598-99 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 Professeur de physique à Tournon
1601-02 Professeur de métaphysique à Tournon
1602-03 Professeur de logique à Tournon
1603-04 Professeur de physique à Tournon
1604-05 Professeur de métaphysique à Tournon
1605-06 Professeur de métaphysique à Tournon
1606-07 Professeur de mathématiques à Tournon
1607-08 Professeur de mathématiques à Tournon
1608-09 Recteur de la maison professe de Lyon
1609-10 Idem
Etc..
1640 Meurt à Besançon, le 12 février
596 ANNEXES

Claude Ponce
Né en 1564, entré dans la Compagnie en 1584, mort à Annecy en 1609.
1586-87 Professeur en classes inférieures à Avignon
1587-88 Idem
1588-89 Idem
1589-90 Idem
1590-91 Pas de catalogue
1591-92 Idem
1592-93 Etudiant en logique à Tournon
1593-94 Pas de catalogue
1594-95 Pas de catalogue
1595-96 Pas de catalogue
1596-97 Professeur de métaphysique et mathématiques à Tournon
1597-98 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
1598-99 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1599-00 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1600-01 Etudiant en 4e année de théologie à Avignon
1601-02 Professeur de mathématiques à Avignon
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Idem
1604-05 Tâches administratives au collège d'Avignon
1605-06 Tâches administratives au collège de Tournon
Etc..
1609 Meurt à Annecy, le 30 avril

André Poulain
Né à Nantes en 1593, entré dans la Compagnie en 1611, mort à Chau-
mont en 1665.
1611-12 Présent au noviciat de Nancy, où il est entré le 20 octobre 1611
1612-13 Idem
1613-14 Etudiant en logique à Pont-à-Mousson
1614-15 Etudiant en physique à Pont-à-Mousson
1615-16 Etudiant en métaphysique à Pont-à-Mousson
1616-17 Répétiteur d'humanités auprès des séminaristes de Verdun
1617-18 Maître dans les classes inférieures à Bar-le-Duc
1618-19 Idem
1619-20 Etudiant en Ie année de théologie à Pont-à-Mousson
1620-21 Etudiant en 2e année de théologie à Pont-à-Mousson
1621-22 Etudiant en 3e année de théologie à Pont-à-Mousson
1622-23 Etudiant en 4e année de théologie à Pont-à-Mousson
1623-24 Présent au séminaire de Reims
1624-25 Professeur de mathématiques à Reims
1625-26 En 3e année de probation à la maison professe de Nancy
1626-27 Tâches spirituelles au collège de Autun
1627-28 Tâches administratives au collège de Autun
1628-29 Idem
1629-30 Idem à Verdun
1630-31 Idem
ANNEXE 2 597

1631-32 Idem
1632-33 Idem
1633-34 Idem
1634-35 Tâches administratives au collège de Chaumont
1635-36 Idem
1636-37 Idem
1637-38 Idem
1638-39 Idem
1639-40 Idem
1640-41 Idem
1641-42 Idem
1642-43 Idem
Etc..
1665 Meurt à Chaumont. le 28 septembre

-R-

François de Rand

Né en 1591 dans les Vosges, entré dans la Compagnie en 1611 à Rouen,


mort à La Flèche en 1644.
1611-12 Au noviciat de Rouen, où il est entré le 24/04/11
1612-13 Idem
1613-14 Etudiant en classe de physique à La Flèche
1614-15 Etudiant en classe de métaphysique à La Flèche
1615-16 Professeur en classes inférieures à Rennes
1616-17 Professeur en classes inférieures à Rennes
1617-18 Professeur en classes inférieures à Rennes
1618-19 Professeur de mathématiques à La Flèche
1619-20 Professeur de mathématiques à La Flèche
1620-21 Professeur de mathématiques à La Flèche
1621-22 Etudiant en théologie à Paris (3e année)
1622-23 Responsable de la construction de l'église de Rouen
1623-24 Idem
1624-25 Architecte à Rouen
1625-26 Idem
1626-27 Idem
1627-28 Idem
1628-29 Idem
1629-30 Architecte à la maison professe de Paris
1630-31 Idem
1631-32 Idem
1632-33 Idem
1633-34 Idem
1634-35 Idem
1635-36 Idem
1636-37 Idem
1637-38 Idem
598 ANNEXES

1638-39 Idem
1639-40 Idem
1640-41 Idem
1641-42 Idem
1642-43 Idem
1643-44 Pas de catalogue
1644 Meurt à La Flèche
Claude Reverdy
Né en 1596 à Moulins, entré dans la Compagnie en 1613, mort à Paris
en 1661.
1613-14 Entré au noviciat de Paris, depuis le 30/09
1614-15 Novice à Paris
1615-16 Etudiant en classe de logique à La Flèche
1616-17 Etudiant en classe de physique à La Flèche
1617-18 Etudiant en classe de métaphysique à La Flèche
1618-19 Professeur en classes inférieures à Nevers
1619-20 Idem
1620-21 Idem
1621-22 Etudiant en théologie (Ie année) à La Flèche
1622-23 Etudiant en théologie (2e année) à La Flèche, apud convictores
1623-24 Etudiant en théologie (3e année) à La Flèche, apud convictores
1624-25 Etudiant en théologie (4e année) à La Flèche
1625-26 Tâches administratives à La Flèche
1626-27 Professeur de mathématiques à La Flèche
1627-28 Professeur de mathématiques à La Flèche
1628-29 Professeur de mathématiques à La Flèche
1629-30 En troisième année de probation à Rouen
1630-31 Préfet des études à Rennes
1631-32 Idem
1632-33 Idem
1633-34 Idem
1634-35 Idem
1635-36 Idem
1636-37 Idem
1637-38 Préfet des études inférieures à Paris
1638-39 Idem
1639-40 Tâches administratives au collège de Rouen
1640-41 Idem
1641-42 Supérieur de la résidence de Dieppe
1642-43 Idem
1643-44 Pas de catalogue
1644-45 Idem
1645-46 Présent à la maison professe de Paris
1646-47 Pas de catalogue
1647-48
1648-49 Présent à la maison professe de Paris
1649-59 Pas de catalogues brefs
1651 Présent à la maison professe de Paris
ANNEXE 2 599

1655 Idem
1658 Idem
1661 Idem
1661 Meurt à Paris, le 24 mai

Claude Richard
Né à Ornans en 1589, entré dans la Compagnie en 1606, mort à Madrid
en 1667.
1606 Entré dans la Compagnie, à Rome
Pas de catalogni brèves pour Rome entre 1606 et 1616
1611-12 Absent de la province de Lyon
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Pas de catalogue
1614-15 Présent à Tournon, en 2e année de théologie
1615-16 Etudiant en 3e année de théologie à Tournon
1616-17 Professeur de mathématiques et hébreu à Tournon
1617-18 Professeur de mathématiques et écriture sacrée à Tournon
1618-19 Professeur de mathématiques et écriture sacrée à Tournon
1619-20 Professeur de mathématiques et écriture sacrée à Tournon
1620-21 Professeur de mathématiques et écriture sacrée à Tournon
1621-22
1622-23 Professeur de mathématiques à Lyon
1623-24 Professeur de mathématiques à Lyon
1624-25 Professeur de mathématiques à Lyon
1625-26 Professeur de mathématiques à Lyon
1626-27 Professeur de mathématiques à Lyon
1627-28 Professeur de mathématiques à Lyon
1628-29 Professeur de mathématiques à Lyon
1629-30 Part en Inde en janvier 1629
1636-64 Professeur de mathématiques à Madrid
1667 Meurt à Madrid, le 12 juillet

Jean de Riennes
Né en 1591 à Rouen, entré dans la Compagnie en 1611, mort à La
Flèche en 1661.
1612-13 Novice à Paris
1613-16 Absent de la province
1616-17 Professeur en classes inférieures à La Flèche
1617-18 Idem
1618-19 Etudiant en théologie (Ie année) à La Flèche
1619-20 Etudiant en théologie (2e année) à La Flèche
1620-21 Etudiant en théologie (3e année) à La Flèche
1621-22 Etudiant en théologie (4e année) à La Flèche
1622-23 Professeur de philosophie à Amiens
1623-24 Professeur de philosophie à Amiens
1624-25 Professeur de philosophie à Amiens
1625-26 Idem
1626-27 Professeur de mathématiques à Paris
600 ANNEXES

1627-28 Professeur de mathématiques à Paris


1628-29 Professeur de mathématiques à Paris
Troisème année de probation à la maison professe de Rouen5
1629-30 Professeur de mathématiques à Paris
1630-31 Professeur de mathématiques à Paris
1631-32 Professeur de mathématiques à Paris
1632-33 Professeur de mathématiques à Paris
1633-34 Professeur de mathématiques à Paris
1634-35 Professeur de mathématiques à Paris
1635-36 Professeur de mathématiques à La Flèche
1636-37 Professeur de mathématiques à La Flèche
1637-38 Professeur de mathématiques à La Flèche
1638-39 Professeur de mathématiques à La Flèche
1639-40 Professeur de mathématiques à La Flèche
1640-41 Professeur de mathématiques à La Flèche
1641-42 Professeur de mathématiques à La Flèche
1642-43 Professeur de mathématiques à La Flèche
1643-44 Professeur de mathématiques à La Flèche
1644-45 Professeur de mathématiques à La Flèche
1645-46 Professeur de mathématiques à La Flèche
1646-47 Professeur de mathématiques à La Flèche
1647-48 Professeur de mathématiques à La Flèche
1648-49 Professeur de mathématiques à La Flèche
1649-50 Professeur de mathématiques à La Flèche
1650-51 Professeur de mathématiques à La Flèche
1651-52 Professeur de mathématiques à La Flèche
1652-53 Professeur de mathématiques à La Flèche
1653-54 Professeur de mathématiques à La Flèche
1654-55 Professeur de mathématiques à La Flèche
1655-56 Professeur de mathématiques à La Flèche
1656-57 Professeur de mathématiques à La Flèche
1657-58 Professeur de mathématiques à La Flèche
1658-59 Professeur de mathématiques à La Flèche
1659-60 Professeur de mathématiques à La Flèche
1660-61 Professeur de mathématiques à La Flèche
1661 Meurt à La Flèche, le 5 juin
Nicolas Riqueil
Né à Dieppe en 1591, entré dans la Compagnie en 1611, mort à Reims
en 1643.
1611-12 Entré au noviciat de Rouen, le 15 octobre 1611
1612-13 Présent au noviciat de Rouen
1613-14 Repetentem studia humanitatis in convictu, Verdun
1614-15 Maître en classes inférieures à Verdun
1615-16 Idem
1616-17 Idem

5 II s'y trouve avec P. Bourdin.


ANNEXE 2 601

1617-18 Etudiant en Ie année de théologie à Pont-à-Mousson


1618-19 Etudiant en 2e année de théologie à Pont-à-Mousson (séminaire)
1619-20 Etudiant en 3e année de théologie à Pont-à-Mousson (séminaire)
1620-21 Etudiant en 4e année de théologie à Pont-à-Mousson (séminaire)
1621-22 Professeur de logique à Dijon
1622-23 Professeur de physique à Dijon
1623-24 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1624-25 Professeur de physique à Pont-à-Mousson
1625-26 Professeur de métaphysique à Pont-à-Mousson
1626-27 Professeur de logique à Pont-à-Mousson
1627-28 Professeur de mathématiques à Pont-à-Mousson
1628-29 Professeur de métaphysique à Pont-à-Mousson
1629-30 Professeur de mathématiques à Reims
1630-31 Professeur de mathématiques à Reims
1631-32 Professeur de théologie à Reims
1632-33 Idem
1633-34 Idem
1634-35 Professeur de théologie à Reims
1635-36 Idem
1636-37 Idem
1637-38 Recteur du collège de Pont-à-Mousson
1638-39 Professeur de théologie au collège de Reims
1639-40 Professeur de théologie au collège de Reims
1640-41 Tâches administratives au collège de Dijon
Etc..
1643 Meurt à Reims, le 16 octobre
Pierre Royer
Né à Avignon en 1574, entré dans la Compagnie en 1592, mort à Paris
en 1649.
1593 Présent à la maison professe d'Avignon
1 593-96 Professeur dans les classes inférieures des collèges de la province
1596-97 Professeur d'humanités à Chambéry
1597-98 Idem
1598-99 Idem
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1601-02 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Idem
1604-05 Professeur de rhétorique à Dijon
1605-06 Professeur de logique et de cas à Dijon
1606-07 Professeur de physique, métaphysique et cas à Dijon
1607-08 Idem
1608-09 Professeur de physique et mathématiques à Avignon
1609-10 Professeur de métaphysique à Avignon
1610-11 Professeur de logique à Avignon
1611-12 Professeur de physique et mathématiques à Avignon
1612-13 Pas de catalogue
602 ANNEXES

1613-14 Idem
1614-15 Professeur de théologie au collège de Lyon
1615-16 Idem
1616-17 Idem
1617-18 Idem
1618-19 Part pour la province de France, pour enseigner la théologie
1619-20 Professeur de théologie à Paris
1620-21 Professeur de théologie à Paris
1621-22 Préfet des études à Paris
1622-23 Idem
1623-24 Idem
1624-25 Idem
1625-26 Idem
1626-27 Idem
1627-28 Professeur de théologie à Paris
1628-29 Tâches administratives à Paris
1629-30 Idem
1630-31 Préfet général des études à Paris
1631-32 Idem
1632-33 Idem
1633-34 Tâches administratives à Paris
1634-35 Préfet général des études à Paris
1635-36 Idem
1636-37 Idem
1637-38 Idem
1638-39 Idem
1639-40 Idem
Etc..
1649 Meurt à Paris, le 25 juillet

-S-

François de Saint-Rigaud

Né en 1606, entré dans la Compagnie en 1624, mort à Lyon en 1673.


1624-25 Admis au noviciat d'Avignon après des études de philosophie (3
ans)
1625-26 Novice en 2e année à Avignon
1626-27 Professeur en classes inférieures à Embrun
1627-28 Idem
1628-29 Idem
1629-30 Idem
1630-31 Idem
1631-32 Etudiant en Ie année de théologie à Lyon
1632-33 Etudiant en 2e année de théologie à Lyon
1633-34 Etudiant en 3e année de théologie à Lyon
1634-35 Etudiant en 4e année de théologie à Lyon
1635-36 Professeur de rhétorique à Aix
ANNEXE 2 603

1636-37 En 3e année de probation à Lyon


1637-38 Professeur de mathématiques à Aix
1638-39 Professeur de logique et mathématiques à Lyon
1639-40 Professeur de physique à Lyon
1640-41 Professeur de métaphysique à Lyon
1641-42 Professeur de théologie à Lyon
1642-43 Professeur de théologie à Lyon
1643-44 Idem
1644-45 Idem
1645-46 Idem
1646-47 Idem
1647-48 Idem
1648-49 Idem
Etc..
1673 Meurt à Lyon, le 27 septembre
Philippe Simon
Né en 1589 à Paris, entré dans la Compagnie à Rouen en 1609, mort en
1642 ou 1645.
1609-10 Présent au noviciat de Rouen depuis le 19 septembre 1609
1610-11 Présent à la maison professe de Paris
1611-12 Etudes de logique à La Flèche
1612-13 Etudes de physique à La Flèche
1613-14 Etudes de métaphysique à La Flèche
1614-15 Maître dans les classes inférieurs à La Flèche
1615-16 Maître dans les classes inférieures à Nevers
1616-17 Maître dans les classes inférieures à Nevers
1617-18 Maître dans les classes inférieures à Nevers
1618-19 Etudiant en Ie année de théologie à Paris
1619-20 Etudiant en 2e année de théologie à Paris
1621-22 Professeur de mathématiques à La Flèche
1622-23 Professeur de mathématiques à La Flèche
1624-25 Confesseur au noviciat de Paris
1625-26 Idem
1626-27 Confesseur au collège de Rennes
1627-28 Confesseur au collège de Rennes
1628-29 Idem
1629-30 Tâches administratives au collège de Quimper
1630-31 Tâches administratives au collège de Quimper
1631-32 Tâches administratives au collège de Quimper
1632-33 Tâches administratives au collège de Quimper
1635-36 Présent au collège de Paris
1636-37 Tâches spirituelles à la résidence de Pontoise
1637-38 Idem
1640-41 Tâches spirituelles au collège de Vannes
1641-42 Tâches spirituelles au collège de Orléans
1642-43 Tâches spirituelles à la résidence de Pontoise
Ni catalogue bref, ni catalogue triennal pour les deux années
suivantes
604 ANNEXES

Claude Suffren
Né à Aix en 1574, entré dans la Compagnie en 1592, mort à Fréjus en
1629.
1593 Présent à la maison professe d'Avignon
1594-95 Etudiant en classe de logique à Avignon
1595-96 Etudiant en classe de physique à Avignon
1596-97 Etudiant en métaphysique à Avignon
1597-98 Professeur en classe de grammaire à Annecy
1598-99 Idem
1599-00 Pas de catalogue
1600-01 Professeur en classe d'humanités à Annecy
1601-02 Professeur de rhétorique à Annecy
1602-03 Pas de catalogue
1603-04 Idem
1604-05 Etudiant en Ie année de théologie à Avignon
1605-06 Etudiant en 2e année de théologie à Avignon
1606-07 Etudiant en 3e année de théologie à Avignon
1607-08 Etudiant en 4e année de théologie à Avignon
1608-09 Professeur de philosophie à Dijon
1609-10 Professeur de logique à Lyon
1610-11 Professeur de physique et mathématiques à Lyon
1611-12 Professeur de métaphysique à Lyon
1612-13 Pas de catalogue
1613-14 Pas de catalogue
1614-15 Pas de catalogue
1615-16 Professeur de théologie à Dole
1616-17 Idem
1617-18 Idem
1618-19 Tâches administratives à Dole
Etc..
1629 Meurt à Fréjus, le 14 octobre

-V-

Antoine Vatier

Né en 1591 à Bayeux, entré dans la Compagnie en 1613, mort à Paris en


1659.
1613-14 Novice à Paris, où il est entré le 8/12/1613
1614-15 Idem
1615-16 Etudiant en classe de logique à La Flèche
1616-17 Etudiant en classe de physique à La Flèche
1617-18 Etudiant en classe de métaphysique à La Flèche
1618-19 Professeur en classe de 6ème à La Flèche
1619-20 Professeur en classe de 5ème à La Flèche
1 620-2 1 Professeur en classe de 4ème à La Flèche
1621-22 Etudiant en théologie (Ie année) à La Flèche
ANNEXE 2 605

1622-23 Etudiant en théologie (2e année) à La Flèche


1623-24 Professeur de mathématiques à La Flèche
Etudiant en théologie (3e année)
1624-25 Professeur de mathématiques à La Flèche
Etudiant en théologie (4e année)
1625-26 Professeur de mathématiques à Paris
1626-27 Professeur de logique à Paris
1627-28 Professeur de physique à Paris
1628-29 Professeur de métaphysique à Paris
1629-30 En troisième année de probation à Rouen
1630-31 Professeur de logique à La Flèche
1631-32 Professeur de physique à La Flèche
1632-33 Professeur de logique à Bourges
1633-34 Professeur de physique à Bourges
1634-35 Professeur de philosophie à La Flèche
1635-36 Idem
1636-37 Tâches spirituelles à La Flèche
1637-38 Idem
1638-39 Professeur de théologie à La Flèche
1639-40 Idem
1640-41 Idem
1641-42 Idem
1642-43 Préfet des études supérieures et tâches spirituelles à Orléans
1643-44 Pas de catalogue
1644-45 Présent à Orléans
1645-46 Préfet des études supérieures et tâches spirituelles à Orléans
1646-47 Pas de catalogue
1647-48
1648-49 Confesseur à l'église de la maison professe de Paris
1650-51 Confesseur à l'église de la maison professe de Paris
1654-55 Professeur de théologie à Paris
1657-58 Idem'?0
1659 Meurt à Paris, le 10 octobre

6 Le catalogue triennal (FRANC. 13, fol. 236r.) précise que l'enseignement


des mathématiques a duré 8 ans, celui de la philosophie 9 ans et celui de la
théologie 4 ans.
ANNEXE 3

QUELQUES ITINÉRAIRES BIOGRAPHIQUES DÉTAILLÉS

John Hay

année source type lieu information


1577-78 G. Gavet, op. Litterae Pont-à-Mousson V en i t ex Polonia
cit. annuae M. J. Hay, est Mussipon-
tini ubi mense octobri
cum Dei gratiam incipiet
curriculum philosophiae
1580-81 FRANC. 1, Lettre Paris Le général s'adresse à
fol. 68v. Hay à propos de son
incartade avec les
calvinistes
1584 LUGD. 12, Catalogus Tournon P. Ioannis Hayus, scotus,
fol. 17v. primus diocesis Abirdonense, an-
nos 38, valetudinarius
sed animosus, admissus
Romae 24 janu. 1566,
studuit Abirdoniis et Lo-
vani philosophiae extra
Soc. 1565. Docuit philo-
sophiam Mussipontani et
Burdigalei, spheram Pari-
siis, theologiam, casus
cons. et mathem. Turn. 4
annos.
1586-87 LUGD. 13, Catalogus Tournon Professeur de théologie
fol. lv. brevis
1587-88 LUGD. 13! Catalogus Tournon Professeur de théologie
fol. 3r. brevis
1588-89 LUGD. 13, Catalogus Tournon Professeur de théologie
fol. 5r. brevis
1589-90 LUGD. 13, Catalogus Tournon Professeur de théologie
fol. 7r. brevis et de mathématiques
Profès des quatre vœux
1591-92 LUGD. 13, Catalogus Tournon Professeur de théologie
fol. 9r. brevis
1592-93 LUGD. 18, I, Catalogus Lyon Professeur de théologie
fol. 25r. brevis
(à suivre)
ANNEXE 3 607

année source type lieu information


1593-94 LUGD. 18, I, Catalogus Lyon Professeur de théologie
fol. 41r. brevis
1595-1606 Province Flan- Louvain, Liège, Anvers
dro-belge
1607-08 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Chancelier de
fol. 45v. brevis l'Université, préfet des études
supérieures et consulteur
1608 Meurt le 21 mai

Jacques Falquestein

année source type lieu information


1587 LUGD. 13, Catalogus Tournon Etudiant en physique
fol. lr. brevis
LUGD. 18, I,
Catalogus Idem Idem
fol. 12v. primus
1588 LUGD. 13, Catalogus Idem Etudiant en logique
fol. 3r. brevis
1589 LUGD. 13, Catalogus Idem Etudiant en physique
fol. 5r. brevis
1590 LUGD. 13, Catalogus Idem Etudiant en théologie
fol. 7r. brevis
LUGD. 18, I, Catalogus Idem Studuit rhetoricam et
fol. 25v. primus philosophiam
1592 LUGD. 13, Catalogus Lyon Etudiant en théologie
fol. 9r. brevis
1593 LUGD. 18, I, Catalogus Billom Docuit grammaticam et
fol. 46r. primus rhetoricam
1596 LUGD. 13, Catalogus Dole Recteur
fol. 15r. brevis
1597 LUGD. 12, Catalogus Dole
fol. 166r. primus
LUGD. 13, Litterae Dole
fol. 175v. Annuae
1603 LUGD. 18, I, Catalogus Tournon
fol. 131r. primus
1605-06 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Consultor Rectoris
fol. 31v. brevis
FRANC. 10, Catalogus Idem
fol. 234r. primus
1606-07 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Consultor Rectoris
fol. 37v. brevis
(à suivre)
608 ANNEXES

année source type lieu information


1608-09 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Consultor
fol. 56r. brevis
1609-10 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Consultor
fol. 62r. brevis
1610-11 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Professor mathematica-
fol. 72v. brevis rum privatim, consultor
FRANC. 10, Catalogus Idem Studuit an. 1 Rhetorica,
fol. 27 lr. triennalis 3 a. philosophiae, 3. theo-
logiae; docuit 6. an. hu-
manis. et Philosophiae.
Rector 4 annos Dolae
1611-12 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Convalescens, consultor
fol. 80v. brevis
1612-13 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Convalescens, consultor
fol. 87r. brevis
1613-14 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson consultor, admonitor;
fol. 97v. brevis convalescens
1614-15 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson consultor, admonitor
fol. 108r. brevis
FRANC. 11, Catalogus Idem Praefectus stud. an. 2,
fol. 19r. triennalis confessarius nostrorum 1
an., Rector 4. an.
1615-16 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson consultor, admonitor
fol. 119r.. brevis
1616-17 CAMP. 18, Catalogus Pont-à-Mousson Admonitor rectoris et
fol. lr. brevis confessarius patrum
1617-18 CAMP. 18, Catalogus Pont-à-Mousson Admonitor patris v.
fol. 7r. brevis -rectoris et consultor provin-
cialis
1618-19 CAMP. 18, Catalogus Pont-à-Mousson Admonitor rectoris et
fol. 13r. brevis consultor provincialis
1619-20 CAMP. 18, Catalogus Pont-à-Mousson Admonitor rectoris
fol. 21r. brevis consultor provincialis
1620-21 CAMP. 18, Catalogus Pont-à-Mousson Socius visitatoris et
fol. 27r. brevis Consultor Provincialis
1621-22 CAMP. 18, Catalogus Verdun Praefectus spiritus et
fol. 35r. brevis confessarius nostrorum
1622-23 CAMP. 18, Catalogus Verdun Praefectus spiritus et
fol. 41v. brevis confessarius nostrorum
1623-24 CAMP. 18, Catalogus Verdun Confessarius domesticus
fol. 50v. brevis
(à suivre)
ANNEXE 3 609

année source type lieu information


1624-25 CAMP. 18, Catalogus Verdun Confessarius domesticus
fol. 63v. brevis et in congregatione
1625-26 CAMP. 18, Catalogus Verdun Confessarius domesticus,
fol. 87v. brevis Admonitor
1626-27 CAMP. 18, Catalogus Verdun Confessarius domesticus
fol. 105v. brevis et congregationis
admonitor
1627-28 CAMP. 18, Catalogus Verdun Confessarius domesticus
fol. 63v. brevis et in congregatione
1628-29 CAMP. 18, Catalogus Nancy Confesseur du collège
fol. 129r. brevis

1634-35 CAMP. 18, Catalogus Metz Confessor, consultor


fol. 173r. brevis
1635-36 CAMP. 18, Catalogus Metz Idem
fol. 193v. brevis
1636-37 CAMP. 18, Catalogis Pont-à-Mousson Senex emeritus
fol. 204r. brevis
Meurt
entre 1637
et 1639

Jean Chastelier1

année source type lieu information


1579 ms BAV, cat. cours Paris Commentaire de la
7508 manuscrit Physique

1583-84 FRANC. 10, Catalogus Bourges P. Ioannis Castellarius,


fol. 30v.-31r. primus Pictavinus, Annorum 30,
Vires firmae. Admissus
Parisiis 1571. Studuit
philosophiam 2 annos,
Theologiae quatuor fixe
annos. Docuit literas hu-
maniores et
philosophiam. Nunc docet cate-
chismus latine.
Entre 1571 et 1584, il n'existe plus de catalogues brèves ou triennales.
(à suivre)
610 ANNEXES

année source type lieu information


1586-87 FRANC. 10, Catalogus Paris Professeur de théologie
fol. 71r. primus
1588-89 ms BSG Cours Paris Leçons sur les
manuscrit sacrements
1589-90 FRANC. 10, Catalogus Paris Professeur de théologie
fol. 133r. primus
Ms BSG Manuscrit Idem Commentaire de Saint
de cours Thomas
1590-91 Pont-à-Mousson Profès des quatre vœux
1592-93 FRANC. 10, Catalogus Verdun Recteur
fol. 169r. primus
1593 Rome Présent à la cinquième
congrégation générale
1595-96 FRANC. 22, Catalogus Verdun Recteur
fol. 12r. brevis
1596-97 FRANC. 22, Catalogus Verdun Recteur
fol. 15v. brevis
1597 FRANC. 10, Catalogus Pont-à-Mousson Rector Virduni 5 ann.
fol. 175r. primus (...) lam v.-provincialis
1599 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Vice-Provincial
fol. 16r. brevis
1600 FRANC. 10, Catalogus Pont-à-Mousson Rector Virduni in 4 ann.
fol. 189r. primus Docuit 3 philosophiam, 6
theologiam scholasticam
1601 FRANC. 10, Catalogus Pont-à-Mousson V.-Provincialis Provin-
fol. 202r. brevis ciae Franciae
1603 FRANC. 10, Catalogus Pont-à-Mousson Idem
fol. 220v. primus
1604 GAL. 94, I Lettre du 17 Nancy
fol. 205r février
FRANC. 2, Lettre du 21 La Flèche Recteur
fol. llv. août
1605-06 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Recteur
fol. 34v. brevis
1606 FRANC. 10, Catalogus La Flèche Docuit grammaticam ses-
fol. 244r. primus quiannorun. In philoso-
phia 3 annos. In Theolo-
gia 6. Rector 7 an.
V.-Provincialis 5 an.
(à suivre)
ANNEXE 3 611

année source type lieu information


1606-07 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Recteur
fol. 39r. brevis

1607-08 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Recteur


fol. 47r. brevis
1607 FRANC. 2, Lettre du 6 Idem
fol. 101 mars
FRANC. 2, Lettre du 26 Idem
fol. 112v. juin
FRANC. 2, Lettre du 16 Idem
fol. 128r. octobre

1608-09 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Chancelier de l'Universi-


fol. 56r. brevis té, administrateur,
consulteur du recteur et
consulteur du provincial

1609-10 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Chancelier de


fol. 62r. brevis l'Université, administrateur,
consulteur du recteur et
consulteur du provincial

1610-11 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Tâches admnistratives


fol. 72v. brevis
1611 FRANC. 10, Catalogus Docteur en théologie à
fol. 27 lr. primus Pont-à-Mousson

1611-12 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Tâches admnistratives


fol. 80v. brevis

1612-13 FRANC. 22, Catalogus Pont-à-Mousson Idem


fol. 87r. brevis

1613-14 FRANC. 22, Catalogus Paris, maison Socius, consultor et ad-


fol. 95r. brevis professe monitor Provincialis

1614-15 FRANC. 22, Catalogus Paris, maison Socius, consultor et ad-


fol. 105r. brevis professe monitor Provincialis

1615-16 FRANC. 22, Catalogus Paris, maison Socius, consultor et ad-


fol. 117r. brevis professe monitor Provincialis

1616-17 FRANC. 22, Catalogus Caen Recteur


fol. 130v. brevis

1617-18 FRANC. 22, Catalogus Caen Recteur


fol. 136v. brevis

1618-19 FRANC. 22, Catalogus Caen Recteur


fol. 143v. brevis
(à suivre)
612 ANNEXES

année source type lieu information


1619 FRANC. 11, Catalogus Caen catalogue illisible
fol. 98r. primus
FRANC. 11, Catalogus Caen Ingenium optimum; iudi-
fol. 99r. secundus cium valde bonum; pru-
dentia satis magna; expe-
rientia rerum satis
magna; profectus in litteris
optimus in philosophia et
theologia; naturalis
complexio sanguine; ad
quae societatis ministeria
talentum habeat ad
générales studiorum Praefec-
turus; ad gubern.

1619-20 FRANC. 22, Catalogus Caen Recteur


fol. 151v. brevis

1620-21 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Praefectus studiorum et


fol. 162v. brevis sanitatis, consultor et
confessor provincialis

1621-22 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Confessarius Patrum,


fol. 171v. brevis Praefectus studiorum et
sanitatis et ecclesiae,
consultor

1622 FRANC. 11, Catalogus La Flèche Doctor in theol. an. 1608


fol. 125r. primus ut esset cancellarius Mus-
sipontani...

1622-23 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Praefectus superiorum


fol. 186v. brevis scolarum Templi
sanitatis, consultor

1623-24 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Admonitor, Consultor,


fol. 195r. brevis Praefectus sanitatis
Ecclesiae et Confessarius in
Congregatione malori

1624-25 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Admonitor, Consultor,


fol. 205r. brevis Confessarius in
Congregatione maiori
1625-26 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Admonitor, Consultor,
fol. 21 If. brevis Praefectus Ecclesiae et
sanitatis

1626-27 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Admonitor, Consultor,


fol. 213v. brevis Praefectus Ecclesiae et
sanitatis
(à suivre)
ANNEXE 3 613

année source type lieu information


1627-28 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Admonitor, Consultor,
fol. 222r. brevis Confessarius maiori
congregatione, Praefectus
Ecclesiae
1628-29 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Admonitor, Consultor,
fol. 232r. brevis Praefectus Ecclesiae
1629-30 FRANC. 22, Catalogus La Flèche Consultor
fol. 24 lv. brevis
1630 FRANC. 22, La Flèche Mort le 26 mai
fol. 257r. Supplément au
catalogue de
la province
de France
ANNEXE 4

LES VERSIONS DE LA RATIO STUDIORUM


SUR LES MATHÉMATIQUES

1. La Ratio studiorum de 1586 (extrait des MPSJ, vol. 5, p. 109-110)

«De mathematicis
1. Constitutiones (4 Par. cap. 12 C) «Tractabitur, inquiunt, logica, physi-
ca, moralis scientia et etiam mathematicae, quatenus tamen ad finem nobis
propositum conveniunt». Convenire autem videntur non parum, non solum
quia sine mathematicis academiae nostrae magno carerent ornamento, quin
et mutilae forent, cum nulla sit fere paulo celebrior academia, in qua suus
non sit, et quidem non ultimis locus mathematicis disciplinis; sed multo
etiam magis, quia illarum praesidio caeterae quoque scientias indigent ad-
modum. Illae namque suppeditant atque exponunt poetis ortus occasusque
syderum, historicis locorum facies atque intervalla; analyticis solidarum
exempla demonstrationum; politicis artes plane admirabiles rerum bene ge-
rendarum domi militiaeque; physicis coelestium conversionum, lucis colo-
rum, diaphanorum, sonorum formas et discrimina; metaphysicis sphaera-
rum atque intelligentiarum numerum; theologis praecipuas divini opificii
partes; furi et consuetudini ecclesiasticae accuratas temporum supputa-
tiones. Ut praetereantur interea, quae ex mathematicorum labore redundant
in rempublicam utilitates in morborum curationibus, in navigationibus, in
agricolarum studio. Conandum igitur est, ut sicut facultates caeterae, ita et
mathematicae in nostris gymnasiis floreant, ut hinc etiam nostri fiant magis
idonei ad variis Ecclesiae commodis inserviendum; cum praesertim non
parum indecore careamus professoribus, qui rerum mathematicarum lectio-
nem tam multis, tam praeclaris urbibus exoptatam habere possint. Romae
quoque, si unum, aut pene alterum demas, vix ullus reliquus fiet, qui aut has
facultates valeat profiteri, aut Apostolicae Sedi praesto esse, cum de eccle-
siasticis temporibus disputatur.
2. Ut tantae paucitati ac penuriae medeamur, duobus in Romano
Collegio mathematicis professoribus indigemus. Quorum unus sesquianno quoti-
dianis lectionibus breve curriculum mathematicarum rerum conficiat a
nostris et ab externis audiendum; cuius initium professer auspicabitur post
Pascha Resurrectionis mane prima hora scholarum auditoribus logicae;
quia per id tempus fere parant se ad Posteriora Analytica, quae sine
mathematicis exemplis vix possunt intelligi; et cum sint paulo tune provectiores,
impares non videntur oneri trium lectionum. Illud tamen constitutum esse
opportet, ut Euclidis dementa paulo spinosiora aliqua semper interpreta-
tione vel geographiae vel spherae condiantur; cum praesertim hae res non
egeant magnopere cognitione omnium principiorum Euclidis, sed primo-
ANNEXE 4 615

rum quorundam, quae postquam duobus circiter mensibus exposita fuerint,


ex tribus deinde quadrantibus, quibus mathematica lectio circumscribitur,
duobus prioribus sphaera aliave id genus gratiora traduntur, et in iis ad stu-
diorum usque finem perseveretur. Altero postmodum anno iisdem auditori-
bus, qui physici tune erunt, prima hora scholarum a prandio reliqua pars
compendii mathematici, a P. Clavio conficiendi, explicabitur. Cum vero ad
Pascha perventum fuerit, in gratiam novorum logicorum accédât altera
lectio matutina, qua denuo mathematicum compendium inchoetur. Qui cursus
ac recursus eodem ordine quotannis servandus est.
3. Professor alter, qui modo P. Clavius esse posset, constituatur, rerum
mathematicarum pleniorem doctrinam conférât in triennium, explicetque
privatim nostris octo circiter aut decem, qui mediocri saltem sint ingenio,
nec a mathematicis alieno, et philosophiam audierint; qui ex variis essent
convocandi provinciis, unus ex qualibet, si fieri posset. Nec pauci futuri
sunt, qui ex horum numero cupiant esse, si post philosophiam quo tempore
docent alii litteras humaniores, studeant ipsi mathematicis; deinde etiam
theologiae; ita sane ut primo biennio nihil praeter mathematicam audiant.
Tertio vero anno duas etiam lectiones scholasticae theologiae cum earum
brevi repetitione, quae fiet in scholis tantum; reliquum autem diem totum
mathematicis impendant. Porro ex hac academia eximii prodirent
mathematici, qui eam facultatem in omnes provincias, ad quas essent reversuri,
disseminarent, et nostrorum tuerentur existimationem, siquando opporteret
eos de mathematicis respondere. Neque grave futurum est cuilibet provin-
ciae unum aliquem ex suis philosophis tertio quoque anno dicare
mathematicis, cum spe tam eximii fructus».

2. La Ratio studiorum de 1591 (extrait des MPSJ, vol. 5, p. 236 et 284-285)


- Extrait des «Regulae provincialis», p. 236 :
«De mathematicis
41. Altero eiusdem anni semestri spatio ex iisdem philosophis domi
fiat academia rerum mathematicarum, quas navus aliquis ac bene peritus
professor bis quotidie explicabit nostris; quibus severe interdicendum, ne
caeteris ullis tunc studiis implicentur, sed mathematicis audiendis, repe-
tendis, disputandis se totos tradant. Fiat in his quanto amplior fieri po-
test progressus iuxta P. Clavii compendium, et qui magnopere proecerint,
nec ab ea re alieno sint animo, dicentur huic studio tam privatis acade-
miis fréquenter amplificando, quam publiée, quando opus fuerit, pro-
fitendo.
42. Audiant et secundo philosophiae anno philosophi omnes in schola
tribus circiter horae quadrantibus a prandio mathematicam praelectionem
ex Elementis Euclidis; in quibus postquam per duos menses aliquantisper
versati fuerint, ita dividatur praelectionis tempus, ut aliquid Euclidi, aliquid
vero Geographiae vel Spherae, aliisve, quae libenter audiri soient, tribuatur.
43. Ubi commode fieri poterit, vel diversis horis professor idem, vel ea-
dem hora professores duo binas quotidie lectiones publicas habeant, quibus
mathematicum quoddam curriculum a Patre Clavio scribendum explicent
duobus annis; priori quidem physicis, posteriori autem metaphysicis; tamet-
616 ANNEXES

si ad hune posteriorem nostri nec compellendi, nec admittendi sint, nisi qui-
bus id postulantibus superiores concesserint.
44. Severissime caveant, qui praesunt, ne philosophi professores inter
docendum aut alibi mathematicorum dignitatem élèvent, neve eorum refel-
lant sententias, ut de epicyclis; fit enim saepe, ut qui minus ista novit, his
magis detrahat».

- «Regulae professons mathematicae», p. 284-285 :

«1. Physicis omnibus explicet in schola a prandio tribus circiter horae


quadrantibus Euclidis elementa. In quibus postquam per duos menses ali-
quantisper versati fuerint, ita dividat praelectionis tempus, ut aliquid Eucli-
di, aliquid vero Geographiae vel Sphaerae, aliisve, quae libenter audiri
soient, tribuatur.
2. Semel aut iterum in mense auditorum aliquis in magno philosopho-
rum theologorumque conventu illustre aliquod problema mathematicum
enarret, prius a magistro, sicut opportet, edoctus.
3. In cuius etiam mensis sabbato uno, praelectionis loco praecipua,
quae per eum mensem explicata fuerint, publiée repetantur, non perpetua
oratione, sed se mutuo percunctantibus auditoribus; hoc fere modo : répète
illam propositionem. - Qomodo demonstratur? - Potestne aliter demonstra-
ri? - Quem usum habet in artibus et in reliqua vitae communis praxi? -
Nam et haec quoque indicandas sunt a magistro inter praelegendum, quo
magis auditores alliciat.
4. Ubi commode fieri poterit, vel diversis horis professor idem, vel ea-
dem hora professores duo binas quotidie lectiones publicas habeant, quibus
mathematicum quoddam curriculum a P. Clavio scribendum, explicent duo-
bus annis, priori quidem physicis, posteriori autem metaphysicis; tametsi ad
hune posteriorem nostri nec compellendi, nec admittendi sint, nisi quibus id
postulantibus superiores concesserint.
5. Praeter has publicas lectiones, ex iisdem philosophis nostris, qui phi-
losophiae repetitionem et ethicam per sex menses absolverint, altero eius-
dem anni semestri spatio domi fiat academia rerum mathematicarum, quas
in hunc usum P. Clavius in compendium quoddam redegerit. Bis quotidie
praelegatur, fiatque quanto amplior fieri potest progressus, nec auditores
aliis ullis studiis tunc implicentur, sed mathematicis audiendis, repetendis,
disputandis se totos tradant».

3. La Ratio studiorum de 1599 (extrait des MPSJ, vol. 5, p. 362 et 402)

- Extrait des «Regulae Provincialis», p. 362.

«Mathematicae auditores et tempus - 20. Audiant et secundo philo-


sophiae anno philosophi omnes in schola tribus circiter horae quadrantibus
mathematicam praelectionem. Si qui praeterea sint idonei et propensi ad
haec studia, privatis post cursum lectionibus exerceantur».
ANNEXE 4 617

- «Regulae professons mathematicae», p. 402.


«Qui authores, quo tempore, quibus explicandi - 1. Physicae auditoribus
explicet in schola tribus circi ter horae quadrantibus Euclidis dementa; in
quibus, postquam per duos menses aliquantisper versati fuerint, aliquid
Geographiae vel Sphaerae, vel eorum, quae libenter audiri soient, adiungat;
idque cum Euclide vel eodem die, vel al ternis diebus.
Problema - 2. Singulis aut alternis saltem mensibus ab aliquo audito-
rum magno philosophorum theologorumque conventu illustre problema
mathematicum enodandum curet; posteaque, si videbitur, argumentandum.
Repetitio - 3. Semel in mense, idque fere die sabbathi, praelectionis loco
praecipua quaeque per eum mensem explicata publiée repetantur».
ANNEXE 5

THÈSES DE MATHÉMATIQUES SOUTENUES À PARIS


EN 1622

Placard imprimé, 70x40 cm. Bibl. nat. de France,


Dép. des imprimés et de l'audiovisuel, V 8665

« Mathematicae.
Mathematicae scientiae sunt cognitionis certitudine, et evidentia reli-
quis superiores procedendi ordine, et methodo nulli inferiores, quarum
subjectum est quantitas, quae hic late sumitur, prout dicit compositum ex
pluribus partibus integrantibus homogeneis, quaeque prout est abstracta
ab omni sensibili proprio, puras; prout est contracta mixtas constituit. Im-
merito in hune numerum vocatur Astrologia iudicaria, ut pote quae nullum
cum veritate, certitudine, et objecto nostrarum scientiarum commercium
habeat. Quantitati permanenti conveniunt densitas, curvitas, parvitas, sive
anguli, sive extensionis; successivae tarditas; utrique divisio, de quibus
haec tria verificari possunt; primum posse illa omnia in infinitum crescere;
secundum posse eadem fieri actualia secundum omnem possibilitatem,
quam habent, tertium etiamsi sint sic actualia potest tamen dari alia
quantitas actu superans datam in centupla, et qualibet proportione ut omnis
densitas, possibilis potest fieri actualis, et insuper potest dari centuplo den-
sior quantitas, quam sit illa, quae continet omnem actu densitatem. Mobile
aliquod per omnem aeternitatem sine interruptione moveri potest, absque
eo quod possit motu ilio continuato vel pedale spatium percurrere.
Quantitas divisibilis est in infinitas partes proportionales absolute, in infinitas ae-
quales secundum quid.
Arithmetica.
Datur régula ad enuntiandum quotupliciter datae unitates ordinali
possunt, si daretur tempus sufficiens, omnia anagrammata possibilia supra da-
tum nomen fièrent actualia. Ex eadem sequitur syllabarum, vocum cuius-
cunque idiomatis, concentuum musicorum, imaginum opere vermiculato ex
finitis lapillis compositarum species possibiles numero finito contineri. Si
complicationes possibiles supra hanc secundam thesim scriptae essent, non
posset eas capere totius firmamenti capacitas et concavitas etiamsi multi-
plicaretur milies, et multo amplius. Si infiniti Rhetores circa eandem mate-
riam orationem componerent, infiniti necessario in eandem omnino scrip-
tionem concurrerent. Singulis non solum individuis, sed et speciebus
propria et distincta vocabula (***)imonere impossibile est, infinities minor est
verborum, quam rerum copia. Numéros in progressione Arithmetica ince-
dentes impari, et quadrato numero in figuram quadratam disponere, ita ut
numeri existentes in qualibet linea laterali, aut diametrali sint penitus ae-
ANNEXE 5 619

quales. Explicare quomodo arca Noë 300 cubitorum longitudinis, 50 latitu-


dinis, 30 altitudinis capere potuerit animalium species omnes, cum requisi-
tis ad victum. Si ex 16 doliorum asseribus unum componeretur, tantam ca-
peret illud unicum vini copiam, quantum 56 aequalia uni ex sexdecim.

Geometria.
Geometriae subiectum est quantitas continua, quae necessario
terminata est, et finita. Dari a parte rei indivisibilia necesse est, dari positiva distinc-
ta, vel etiam concipi impossibile est. Linea facta ex circulari motu, et recto
nihil habet aut rectitudinis, aut circuii, linea dividitur in pedalem, bipeda-
lem, etc. ut in species. Cuilibet angulo rectilineo datur curvilineus aequalis,
non è converso. Nulli mixto datur aut rectilineus, aut curvilineus, eiusdem
cum una linea mixti curvitatis aequalis. Angulus contingentie continet
quanti tatem. Circulus est figura ubique sui aequaliter curva continens actu angu-
los obtuso quolibet rectilineo maiores : licet in eo sit unicum, et indivisibile
centrum sit tamen multiplex, si circulum in plures sectores dividas. Sphaera
est maximum continens, et minimum contentum, maximus locus, et
minimum locatum. Gutta aeque retinens eandem extensionem potest ita consti-
tui, ut ad eam continendam angustior sit totius supremi coeli superficies
convexa. Vi circuii ignis in centro mundi et aqua in sublimi manere potest et
tenuissimum filium virtuti cuicunque etiam angelicae aequaliter prementi
resisteret. Quidlibet potest fieri aequale cuilibet per rarefactionem, vel
condensationem ut arenae granum toti mundo, quod demonstrat duorum
circulorum concentricorum supra plana immota circumvolutio, vel unius
supra planum motum.
Medianica.
Archimedis quatuor pottissimum seu facta, seu dicta in hominum ore
et admiratione versantur. Primo auri, et argenti mixtionem in corona depre-
hendisse aquae effluentis beneficio dicitur. 2. navim onerariam multorum
corporum ponderibus gravem solum eduxisse in littus. 3. specula archi-
tectatum esse, quibus Romanae naves conflagarent. 4. terram totani quanta
est, attracturum se dixisse si locus consistendi extra illam concederetur.
Contedimus posse primum, duplici via certius fieri. Secundum triplici ins-
trumentorum, quae Pancratia merito dici possunt, genere perfici. Tertio su-
peraddi posse alia specula vi quorum in tota linea longitudine ignis excite-
tur. Quartum fieri etiam sine assumpta hypothesi, idemque duplici via, imo
aquae mediocris ponderis virtute terram totam deprimi posse decernimus.
Possunt arcus non tot quin plures aequalis omnes resistentiae simul et
semel tanta insinuatione inflecti ab una finita potentia, a qua unus quilibet il-
lorum arcum praedicta incurvatione sinuaretur. Potest lorica globis è cata-
pultis vibratis impervia à cultro perforali. Potest frangi baculus ictu vehe-
menti percussus sustentatus paleis, vitris, vel aliis levibus fulcris illesis
sustentaculis. Dari potest motus perpetuus supposita materiae incorruptibi-
litate. In cochlea Archimedis aqua ascendendo descendit, et descendendo
ascendit. Ianue vel fenestrae, quae aequaliter ex utraque parte aperiatur ra-
tionem aperire. Pulpitum versatile multos libros continens construere, et
circumvertere absque eo quod libri décidant. Lucernae modum tradere in
qua oleum, quod in magna copia in vase contineri potest ita dispensetur, ut
quantum satis est effluat.
620 ANNEXES

Musica.
Musica a practicae imperito acquiri perfecte potest, tria sunt illius
genera Enarmonicum, Chromaticum et Diatonicum. Octava in dupla ratione
consistens consonantias complectitur in ripiici nervi divisione proportionali
vel in quinque primis numeris, et uni tate, vel in monochordo demonstra-
biles. Très ad congruam scriptionem regulae sufficiunt, ad elegantem plures.
Ut nervus ad nervum sic sonus ad sonum. Ex arteriae trachiae in animalibus
varietate soni prodeunt in acumine varii. Fit transitus ab extremo ad ex-
tremum per media omnia fieri non potest. Musicae convenit auditio reflexa,
et directa, unde instrumenta fieri possunt ad melius audiendum, sicut pers-
picillia ad videndum. Circa musicam haec problemata statuuntur. Primum
Ecclesiam ad eam formam architectari in qua unus cantans multiplicem ex-
citet in alterius auditu sonum. Sucundum Echus fabricandae modum tra-
dere, quae multoties sonum, vocemque prolatam répétât, id est, quae sit mo-
nophona, eptaphona, decaphona, etc. Tertium facere Echum multas sylla-
bas fideliter redentem, ut duas, très, sex, octo, decem, etc. Quartum :
Musicum concentum facere iuxta Musicae leges quatuor partibus constan-
tem, qui tamen fiat ab uno cantore unam cantilenam intonante.
Astronomia.
Mundus hic spectabilis habet perfectissimam suarum partium ordina-
tionem, habet medium et extremum solida, id est terram, et firmamentum,
reliqua astris exceptis fluida sunt, rapiuntur circa terram immobilem omnia
ab ortu in occasum. Cometae coelestis non elementariis regionis sunt inco-
lae Via lactea firmamentis pars est stellutis confetta, non ullius elementi. Si
terra esset extra medium mundi, quod falso voluit Copernicus, raperetur,
imo non rapta nulla superaddita virtute circa medium mundi intra viginti
quatuor horas circumverteretur sicut primum mobile. Dies, vel horae
ambulanti alterius sunt durationis quam quiescenti. Potest fieri dies 24. horarum
aequalis cuilibet morae datae, seu magnae, ut est saeculum, seu parvae ut
est minutum. Primus dies mundi fuit in variis partibus variae durationis, et
quidem in una parte opposita Palaestinae fuit 12. ferme horarum, in alia
huic contigua 36. horarum circiter. Si sub aequinoctio vicus esset continuus,
accidere necessarium esset pascha singulis annis fieri una die tardius una in
domo, quam in alia illi piane contigua, in qua semper fieret diversus dies
hebdomadae à die alterius vicinae domus. Accideret insuper ex duobus in eo
vico ad contrarias partes aequali celeritate pergentibus unum redire altero
citius duobus diebus, Terra haec quam incolimus habitabilis ab aeterno esse
non potuit naturaliter, nec in aeternum esse poterit.

Optica.
Opus est potentia organo instructa ad efficiendam, obiecto ad termi-
nandam, specie ad determinadam visionem. Organum est oculus septem tu-
nicis variisque humoribus constans, quorum primarius est crystallinus,
cuius obliqua constitutio strabones efficit. Iris lucidos oculos, et de nocte
cernentes facit. Concurrunt ambo pariter oculorum axes ad idem obiectum,
cuius causa non est ulla nerorum coniunctio. Oculus seipsum videt, nullam
videt rem divisibilem, et totam in proprio loco : Potest a speculis planis mul-
tiplicatis ignis excutari, quo posito excitaretur in toto hoc hemisphaerio
ignis si Deus supra illud tot soles multiplicaret, quo specula sufficiunt. In re-
ANNEXE 5 621

praesentandi virtute perfectissima specula sunt plana, in comburendi


parabolica et elliptica, priora plumbum liquare, caractères de nocte stellaris lu-
minis vel candele à longé positae beneficio légère faciunt, eosdemque in te-
motissimo pariete repraesentare possunt. Perspicillia fieri possunt, quae de
se (***)retraesentent obiectum sub eadem magnitudine, etiamsi habeat sem-
per diversam distantiam, vi cuius litterae a qualibet distantia legi possent
tam facile, quam a qualibet propinquintate. Quidlibet a quolibet obiecto
similis coloris per specula representari potest, qua una ratione Daemones arte
Magica absentia vel distantia obiecta referre posse asserimus, cum illa per
reflexionem exhibent.
Gnomonica.
Primi mobilis motus facit diurnam periodum, lunae menstruam, Solis
annuam, Solis et lunae decemnovemnalem Planetarum ordo hebdomadam.
His aliisque spatiis metiendis horologia inserviunt, quorum primum est Ae-
quinoctiale, cuius beneficio caetera fiunt, et demonstrantur. Circa quae haec
problemata explicandam proponimus. Primum, quaelibet horologia uno
dato describere, et demonstrare, vel in lapide quotlibet distinctis superficiebus
constante, horas ubique apponere, arcus signorum, anni tempora, dierum
noctiumque longitudines, festa immobilia, aliaque delineare. 2. horologium
horizontale construere, in quo interdiu hora videatur sole directos, radios ob
nubium interpositionem non emittente : facere item horologium, in quo
nocte hora, quam stelle désignant, facile deprehendatur, et ex illa solaris co-
gnoscatur. 3. Horologium excitare in quo acus magnetica horam demons-
tret. 4. horaria puncta in aequinoctiali linea duplici circini extensione certa,
et accurata methodo designare. 5. horologium hic excitare in quo umbra na-
turaliter rétrocédât. 6. horologii hydraulici, pneumatici, ignei, terrestris ra-
tionem aperire. 7. horologium facere, in quo hore ubi uis terrarum simul
existentes denotentur. 8. facere ut de nocte candela lucens horas perfecte in
horologiis ostendat. 9. facere ut in plateis turres extructae, arbores in hortis
et similia stylorum loco horas aperiant. 10. instrumenta ad variam aëris tem-
periem designandam proponere. 11. excitare in hac urbe pyramidem, de qua
verificetur, quo de aegyptiaca ipsa suas consumi Pyramis umbras 12. si ar-
bor in patenti planitie existens dividatur visa parte remanente quatuor mun-
di partes, designabuntur, visa ablata et translata, quam positione ad coelum
habuerit dicetur. 13. Horologia eo sunt accuratiora, quo sunt in partibus
polis vicinioribus.

Pro publica celebritate Canonizationis SS. Ignatii et Franciscii, has


thèse propugnabit Michael Langloys, in Collegio Parisiensi eiusdem Societa-
tis. 30. Iulii ab hora meridiana, Anno 1622».
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

SOURCES MANUSCRITES

Les fonds de l'Archivum Romanum Societatis Iesu

- Assistance de France :
Gali. 41, I : Lettres au général, 1605-1647
Gali. 44 Registres secrets, 1583-1602
Gali. 45 Lettres du général, France (1576-80) et Aquitaine (1575-79)
Gali. 52 Litterae annuae France, Allemagne, Portugal, 1615
Gali. 53 Litterae annuae, 1555-1584
Gali. 54 Litterae annuae, 1557-1763
Gali. 56 Fondations, XVI-XVIIP siècles
Gali. 58, MI : Visites, 1564-1617
Gali. 59 Divers
Gali. 60 Sur l'exil de France, 1596-1604
Gali. 61, II : Histoire des établissements, 1554-1604
Gali. 62, I-II : Histoire des établissements
Gali. 64 : Documents divers, 1554-1761
Gali. 65 : Documents divers et censures
Gali. 92 : Lettres, 1585-1587
Gali. 93 : Lettres, 1588-1603
Gali. 94, I-II : Lettres, 1603-1604
Province de France :
Franc. 1, I-II : Lettres du général, 1573-1604
Franc. 2 : Lettres du général, 1604-1612
Franc. 3 : Lettres du général, 1612-1619
Franc. 10 : Catalogi triennales, 1584-1611
Franc. 11 : Catalogi triennales, 1615-1633
Franc. 22 : Catalogi brèves, 1588-1639
Franc. 30 : Histoire, 1540-1604
Franc. 31 : Histoire, 1605-1614
Franc. 32, I-II : Histoire, 1615-1629
Franc. 37 : Fondation du collège de Paris
Franc. 38-41 : Fondation des autres collèges
Franc. 44 : Collège de Paris (documents)
Franc. 45, I-II : Nécrologe
Franc. 47 : Lettres, 1605-1653
Province d'Aquitaine :
Aquit. 1, I : Lettres du général, 1571-1598
Aquit. 1, II : Lettres du général, 1598-1612
Aquit. 2, I : Lettres du général, 1612-1626
624 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

Aquit. 6, III : Catalogi brèves, 1590-1669


Aquit. 9, I-II-III : Catalogi triennales, 1566-1648
Aquit. 15, I-II : Histoire, 1583-1758
Aquit. 16 : Fondations de collèges
Aquit. 17 : Fondations de collèges
Aquit. 18 : Lettres, 1605-1630
Province de Lyon :
Lugd. 1 : Lettres du général, 1583-1599
Lugd. 2 : Lettres du général, 1600-1610
Lugd. 3 : Lettres du général, 1610-1618
Lugd. 3a : Index vol. 1 à 3
Lugd. 11 : Lettres au général, 1605-1754
Lugd. 12 : Catalogi triennales, 1584-1597
Lugd. 13 : Catalogi brèves, 1587-1599
Lugd. 14 : Catalogi brèves, 1600-1649
Lugd. 18, I-II : Catalogi triennales et brèves, 1584-1628
Lugd. 28 : Histoire, 1575-1614
Lugd. 29 : Histoire, 1560-1639
Lugd. 32 : Fondations, Aix, Avignon
Lugd. 36 : Fondations, Lyon
Province de Toulouse :
Tolos. 1, I-II : Lettres du général, 1608-1620
Tolos. 5 : Catalogi brèves, 1609-1647
Tolos. 9 : Catalogi triennales, 1587-1642
Tolos. 17 : Histoire, 1595-1649
Tolos. 21 : Fondation de Toulouse
Tolos. 22 : Fondation de Tournon
Tolos. 26 : Listes des novices de Bordeaux et Toulouse
Province de Champagne :
Camp. 1 : Fondations des collèges
Camp. 2 : Fondations des collèges
Camp. 3 : Fondations des collèges
Camp. 4 : Litterae annuae, 1586-1760
Camp. 5 : Histoire, Litterae annuae, 1616-.. .
Camp. 6 : Histoire, Litterae annuae, 1621-.. .
Camp. 7, I-II : Lettres du général, 1616-1640
Camp. 10 : Catalogi triennales, 1619-1649
Camp. 18 : Catalogi brèves, 1617-1659
Camp. 22 : Catalogues imprimés du P. Carrez
Camp. 36 : Lettres, 1605-1680
Camp. 38 : Erection de l'Université de Pont-à-Mousson, 1602 (imprimé)
- Congrégations :
Congr. 3 : Congrégation générale de 1587
Congr. 8 : Congrégation générale de 1593
Congr. 41 : Congrégations provinciales (1565-1568-1579)
Congr. 42 : Congrégations provinciales (1573)
Congr. 43 : Congrégations provinciales (1587-1588)
Congr. 44 : Congrégations provinciales (1587-1590)
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 625

Congr. 46 : Congrégations provinciales (1593-1594-1603)


Congr. 47 : Congrégations provinciales (1597)
Congr. 48 : Congrégations provinciales (1599-1600)
Congr. 49 : Congrégations provinciales (1599)
Congr. 50 : Congrégations provinciales (1603)
Congr. 51 : Congrégations provinciales (1603-1606)
Congr. 52 : Congrégations provinciales (1607)
Congr. 53 : Congrégations provinciales (1603-1611)
Congr. 54 : Congrégations provinciales (1614-1615)
Congr. 57 : Congrégations provinciales (1622)
Congr. 59 : Congrégations provinciales (1625-1629)
Congr. 60 : Congrégations provinciales (1628)
Congr. 62 : Congrégations provinciales (1633)
Congr. 65 : Congrégations provinciales (1636)
Congr. 66 : Congrégations provinciales (1639)
Congr. 69 : Congrégations provinciales (1642)
- Fondo Gesuitico : Censures
Fondo Gesuitico 652 : Censures des livres, t. 1, 1584-1610
Fondo Gesuitico 653 : Censures des livres, t. 2
Fondo Gesuitico 654 : Censures des livres, t. 3
Fondo Gesuitico 655 : Censures des livres, t. 4, 1618-1642
Fondo Gesuitico 656, I et II : Censures des livres, t. 5
Fondo Gesuitico 656A, I-II : Censures des opinions, t. 1, 1565-1627
Fondo Gesuitico 657 Censures des opinions, t. 2, 1629-1650
Fondo Gesuitico 658 Censures des opinions, t. 3
Fondo Gesuitico 659 Censures des opinions, t. 4
Fondo Gesuitico 660 Censures des livres, 1590-1659
Fondo Gesuitico 662 Censures des livres, 1625-1649
Fondo Gesuitico 663 Censures des livres, 1626-1663
Fondo Gesuitico 669 : Censures des livres et des opinions, 1654-1665,
Assistance de France
Fondo Gesuitico 670 : Censures des livres, 1660-1669
- Studia : Documents autour de la Ratio studiorum
Stud. 1/a : De studiis Collegii Romani, Ledesma
Stud. 1/c : Miscellanea de studiis III (1553-1600)
Stud. 2 : Variarum provinciarum iudicia de ratione studiorum (1586-
1600)
Stud. 3 : Documenta de ratione studiorum (1583-1613)
Stud. 3/b : Varii Rationis studiorum 1591 textus; nonnullaque eadem de
re documenta (6 fascicules)
Stud. 3/c : Documenta varia de studiis, 1560-1645 (6 fascicules)

Les manuscrits de la Bibliothèque Apostolique Vaticane

- Vat. lat. 7508 : R. P. Castellani Joannis, Soc. Jesu, De Physica Ausculta-


tione, de Caelo, de Generatione et corruptione doctrìna. Scrìbente Antonio
Afurno 1580
626 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

- Barb. lat. 304 : notes de cours de B. Torrés


- Barb. lat. 232 : cours de logique professé par F. Capecce en 1581 à Rome

Les manuscrits français

- Paris, Bibliothèque nationale de France


- ms lat. 67'7, 40A : traité de Pierre Cazré sur la chute des corps.
- ms lat. 11243 : cours de mathématiques professé par Jean Valentin à
Paris, au collège de Clermont, en 1567
- ms lat. 14081 : cours de mathématiques professé par J. François à
Paris, au collège de Clermont, en 1621
- ms lat. 17861-17862 : cours de mathématiques professé par Pierre
Bourdin à Paris, au collège de Clermont, en 1637
- Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève
- ms 265 et 266 : cours de théologie de Jean Chastelier professé à Paris,
au collège de Clermont, en 1589 et 1590
- Bordeaux, Bibliothèque municipale
- ms 443-444 : cours de philosophie professé par Antoine Jordin, au
collège de la Madeleine en 1603-1606
- Toulouse, Bibliothèque municipale
- ms 786 : cours de géographie professé par le P. Lagnile, au collège de
Toulouse, en 1614
- Tulle, Bibliothèque municipale
- ms 18 : cours d'astronomie professée par A. Saphore, au collège de
Clermont, en 1577

Les sources pour les collèges


- Aix
Archives Départementales des Bouches du Rhône, série C 589, titres de
l'établissement du collège royal de Bourbon et de l'académie d'Aix; série B
2625, comptes des économes du collège; série C 570, état général des fonds
mobiliers et immobiliers du collège; série C 571, liste des personnels
enseignants (1764).
Bibliothèque d'Avignon, pièces concernant le collège des Jésuites d'Aix,
655, fol. 122; ouvrages provenant du collège d'Aix, 950, 1122, 1124.
- Avignon
Archives Départementales du Vaucluse, série B 53, catalogue de la
bibliothèque en 1768; série D 1-4; série E 1-35; série F 12.
Archives Municipales, série BB 22, fol. 316-325 : Contrat entre la ville et
les Jésuites, 2 avril 1604.
Bibliothèque Municipale, multiples cotes qui traduisent la présence du
fonds d'archives jésuites : on retiendra en particulier les Délibérations de la ville
sur les cours de philosophie, de mathématiques, de morale pour les années 1613-
1628, cote 2827, fol. 213-225; les «Cours divers du collège», cotes 1063, 1916; la
« Requête des Jésuites aux consuls pour faire approuver l'union à la Faculté des
Arts, des classes de physique, mathématiques et logique», cote 2570, etc..
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 627

- Dole

Archives Départementales du Doubs, série D 93, 19 pièces sur la période


1582-1724.
Archives Départementales du Jura, série D, 15 pièces sur les origines du
collège.
Bibliothèque Municipale de Dole, ms 219, Description des horloges qui
sont dans la cour du collège de Dole et qui furent faites en 1681 et 1684.

- La Flèche

Archives nationales de France, S 6284, testaments en faveur du collège


de La Flèche.
Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris, manuscrits provenant du collège
de La Flèche.
Archives Départementales de la Sarthe, série D 1 à 3, D 6 à 26 et en
particulier D 14, catalogue de la bibliothèque dressé en 1776.

- Lyon

Bibliothèque nationale de France, collection Moreau, 849, f. 184-186,


écrits du collège de Lyon; manuscrits de Bellarmin; collection Joly de Fleury
1611, f. 313, liste des ex-jésuites vivant à Lyon.
Archives Départementales du Rhône, série D 1 à 20 et particulièrement,
les prix des classes (D 8), la Bibliothèque (D 19), l'observatoire (D 18).
Archives Municipales, fonds particulièrement riche.

- Paris

Archives nationales de France, série M 148, 1 à 11, fondations, nécrologe,


procès avec l'Université; M 149, 5 à 16, fondations; M 156, 1, nécrologe
imprimé; MM 297 à 332; MM 386 à 389; H 2388 à 2900.
Bibliothèque nationale de France, série Fonds Français, ms. 15782, f.
391, lettres patentes donnant pouvoir d'enseigner publiquement dans le
collège de Clermont; série Fonds Latins, cours de physique de Jean Garnier,
1651.
Cabinet des Estampes, AA6, série de thèses soutenues au Collège de
Clermont.
Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms 226, f. 402, lettre d'un étudiant à son
père sur l'enseignement (1589).

- Pont-à-Mousson

Archives nationales de France, série K 1194, dossier et pièces relatives à


l'Université de Pont-à-Mousson.
Bibliothèque nationale de France, Fonds Lorrain, ms 318; collection de
.

Lorraine, ms 717, f. 206, n° 39.


628 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

Archives Départementales de Meurthe et Moselle, série B 1561, pension


du Prince François de Lorraine; B 1762, 6374, 6400, sommes données aux
Jésuites pour les prix des écoliers; série H 2116, fondations de prix par le Duc
François II; H 2139, catalogue des écoliers.

- Reims
Bibliothèque nationale de France, Collection de Champagne, t. 28, f. 74,
collège des Jésuites de Reims (1604-1626); t. 36, f. 89, pièces imprimées
concernant les Jésuites de Reims.
Archives Départementales de la Marne, série D 87, fondation du collège
(1606); D 121, n° 201, inventaire des meubles du collège; D 25 fondations et
donations du collège (1614-1750).

- Toulouse
Bibliothèque nationale de France, collection de Languedoc, 169, f. 176,
collège de Toulouse, XVIIIe siècle.
Archives Départementales de Haute-Garonne, série 1D, non inventoriée.
Archives Municipales de Toulouse, série AA 14, n° 98, institution du
collège des Jésuites; série AA 16, n° 118, lettres patentes du Roi; série BB 14, BB
15, BB 17, délibérations de la ville sur le collège des Jésuites.
Bibliothèque Municipale de Toulouse, nombreux manuscrits provenant
du collège des Jésuites notamment ms 7, 23, 24, 187, 274, 482, 524, 775-776,
cours de physique du professeur Ganières écrit sous la dictée par J. Gabriel
de Soulès; ms 786, ouvrages de cosmographie du P. Lagrille; ms 906, sup.,
cours de physique professé à Toulouse en 1670.

- Tournon
Archives Départementales de l'Ardèche, série D 1 à 58, et
particulièrement D 7, contrat entre le Cardinal de Tournon et les Jésuites, le 6 janvier
1561; dans la même série, non classé, inventaire de la Bibliothèque au
moment de l'expulsion des Jésuites.

SOURCES IMPRIMÉES

Le. corpus des textes mathématiques et philosophiques

Aix, François d'


- Entretien curieux sur l'éclipsé solaire du 12 aoust 1654. Par Théophraste
thodoxe, s.l.n.d., in-4, 79 p.
Barocius, Franciscus
- Opusculum in quo una Oratio et duae Quaestiones : altera de certitudine, et
altera de medietate Mathematicarum continentur, Padoue, 1560, in-4,
40 p.
- Admirandum illud geometricum problema tredecim modis demonstratum,
Venetiis, 1586, edited by L. Maierù, Bologne, 1991, 285 p.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 629

Biancani, Giuseppe
- Aristotelis loca mathematica ex universis ipsius Operibus collecta, et expli-
cata. Aristotelicae videlicet expositionis complementum hactenus desira-
tum. Accessere de Natura Mathematicarum scientiarum Tractatio atque
Clarorum Mathematicorum Chronologia, Bologne, 1615, in-4, 178 p.
Billy, Jacques de
- Le siège de Landrecy dédié au Roy, Paris, Michel Soly, 1637, in-8, 63 p.
+ plan
- Abrégé des préceptes de l'algèbre, Reims, 1637, in-4, 54 p.
- Nova Geometriae clavis Algebra. Cuius beneficio aperitur immensus Mathe-
seos thésaurus, & resoluuntur plurima problemata hactenus non soluta in
serie multarum quantitatum continue proportionalium. Simulque additur
methodus universalis, qua quilibet Marte proprio inuenire poterit innume-
ra alia eiusmodi, Paris, Michel Soly, 1643, in-4, 493 p.
- Tabulae Lodoicaeae. Universa Eclipseon doctrina tabuli, praeceptis ac de-
monstrationibus explicata. Adiectus est Calculus, aliquot Eclipseon Solis
et Lunae, quae proxime per totam Europam videbantur, Dijon, Pierre Pal-
liot, 1656, in-4, 186 p.
- Diophantus Geometra sive opus contextum ex arithmetica et geometria si-
mul; in quo Quaestiones omnes Diophanti, quae geometrice solui pos-
sunt, enodantur tum Algebricis, tum Geometricis rationïbus. Adiectus est
Diophantus geometra promotus, in quo subtiles propositiones non ab
simili methodo pertractantur, et via nova ad eiusmodi praxes inueniendas
aperitur, Paris, Michel Soly, 1660, in-4, 261 p.
- Opus astronomicus in quo siderum omnium hypothèses, eorum motus tum
medii, tum veri, tabularum condendarum ratio, eclipseon putandarum
methodus, observationes praxes, caeterorumque omniumquae ab astrono-
mis pertractantur, scientificus calculus, brevi ac facili via exponuntur,
Dijon, Pierre Palliot, 1661, in-4, 517 p.
- Discours sur la comete qui a paru l'an 1665 au mois d'Avril, Paris,
tien Mabre-Cramoisy, 1665, in-4, 10 p.
- Diophanti Alexandrini arithmeticorum libri sex, et de numeris multangulis
liber unus. Cum commentariis C.G. Bacheti V.C. & observationes D.P. de
Fermât Senatoris Tolosani. Accessit Doctrinae Analyticae inuentum
nouum, collectum ex variis eiusdem D. de Fermât Epistolis, Toulouse,
1670, in fol., 341 p. + 48 p.
- Diophanti redivivi, pars prior. In qua, non casu, ut putatum est, sed
ma methodo, et analysi subtïliore, innumera enodantur Problemata, quae
Triangulum Rectangulum spectant, Lyon, Jean Thioly, 1670, in-8, 302
p. et 140 p.
Borrel, Jean
- Opera geometrica, quorum tituli sequuntur, Lyon, T. Bertellum, 1554, in-4,
60 p.
- De quadratura circuii libri duo, ubi multorum quadraturae confutantur, et
ab omnium impugnatione defenditur Archimedes. Eiusdem, Annotatio-
num opuscula in errores Campani, Zamberti, Orontii, Peletarii, Io. Penae
interpretum Euclidis, Lyon, Georges Rovillium, 1559, in-8, 283 p.
- Logistica, quae et arithmetica vulgo dicitur in libros quinque digesta.
rum index summatim habetur integro. Eiusdem, ad locum Vitruvii cor-
630 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

ruptum restitutio qui est de proporzione lapidum mittendorum ad balistae


foramen, libro decimo, Lyon, Georges Rovillium, 1560.
Bourdin, Pierre
- Prima Geometriae Elementa. Ad usum Academiae Mathematicae Collegiis
Claromontani Societatis Iesu, Paris, Pierre Billaine, 1639, in-12, 191 p.
- L'introduction à la mathématique. Contenant les connoissances, &
tiques nécessaires à ceux qui commencent d'apprendre les Mathématiques.
Le tout tiré des Eléments d'Euclide rengez et démontrez d'une façon plus
briefve, & plus facile que l'ordinaire, Paris, François Pélican, 1643, in-12,
264 p. + 59 p.
- Sol fiamma, sive tractatus de sole, ut fiamma est, eiusque pabulo. Sol exurens
montes, & radios igneos exsufflans. Aphorismi analogici parvi mundi ad
magnum magni adparvum, Paris, Sébastien Cramoisy, 1646, in-8, 73 p.
- L'architecture militaire, ou l'art de fortifier les places régulières et
lières. Expliqué, pratiqué et démontré d'une façon facile & agréable. Avec
un Abregé de la pratique de la Géométrie militaire, Paris, Guillaume Be-
nard, 1655, in-8, 196 p.
- Le dessein ou la perspective militaire. Piece très-facile et tres-necessaire à tous
ceux qui désirent de pratiquer l'Art de fortifier. Par le feu P. Pierre Bourdin
de la Compagnie de Iesus, Paris, Guillaume Benard, 1655, in-8, 238 p.
- Le cours de mathématiques contenant en cent figures une idée générale de
toutes les parties de cette science, l'usage de ses instruments, diverses
manières de prendre les distances, l'art d'arpenter, divers moyens de lever et
tracer un plan, la réduction des figures par les triangles de rapport, la
trigonométrie, les fortifications régulières et irrégulières, leur dehors, profil,
évolution et sciagraphie. Contenant de plus un traité de l'usage du globe
terrestre et un autre de l'optique, dioptrique et catoptrique, dédié à la
noblesse, 3e éd., Paris, Guillaume Benard, 1661, in-8, 188 p.
Campanus, Giovanni
- Tetragonismus, id est circuii quadratura per Campanum, Archimedem syra-
cusanum atque Boetium, mathematicae perspicacissimo s, adinventa,
opus a Luca Gaurico editum, Venise, J. B. Sessa, 1503, in-4.
Catena, Pietro
- Universa loca in logicam Aristotelis in Mathematicas disciplinas hoc novum
opus déclarât, Venise, F. Marcolini, 1556, 110 p.
- Super loca mathematica contenta in Topicis et Elenchis Aristotelis nunc et
non antea in lucem aedita, Venise, 1561.
- Oratio prò idea methodi, Padoue, G. Perchacinum, 1563, 8 p.
Cazre, Pierre
- Physica demonstratio qua ratio, mensura, modus, ac potentia, acceleratio-
nis motu in naturali descensu gravium determinantur. Adversus nuper ex-
cogitatam a Galileo Galilei Fiorentino Philosopho ac Mathematica de eo-
dem Motu Pseudo-Scientiam. Ad Clarissimum Virum D. Petrum Gassen-
dum Cathedralis Diniensis Praepositum dignissimum, Paris, Jacques du
Breuil, 1645, in-4, 44 p.
Clavius, Christoph
- Christophori Clavii Bambergis E Societate Iesu Opera mathematica V Tomis
distributa Ab auctore nunc denuo correcta, et plurimis locis aucta...,
Mayence, 1611-1612, in fol., 5 vol.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 631

- Corrispondenza, edizione critica a cura di U. Baldini e P.-D. Napolitani,


print de l'Università di Pisa, Dipartimento di matematica, 7 vol., 1992.
Commandino, Federico
- Euclidis Elementorum libri XV. Una cwn scholiis Antiquiis a Federico
Commandino Urbinati in latinum conversi. Ac nuper a multis mendis
quibus antea scatebat vendicati..., Pise, C. Francischinus, 1572, 255 p.
Conimbricenses
- Commentarii Collega Conimbrìcensis Societatis Iesu in Quatuor libros de
Coelo, Meteorologicos, Parva Naturalia et Ethica Aristotelis Stagiritae.
Postrema hac editione non tam Graeco contextu Latino respondente
comptiores, quam ab innumeris mendis tersiores, in lucem dati, Lyon,
Jean Pillehotte, 1608.
Courcier, Pierre
- Opusculum de sectione superficiei sphericae, per superficiem sphaerìcam,
cylindricam, conicam. Item superficiei cylindricae per superficiem cylin-
dricam atque conicam. Denique superficiei conicae per superficiem
conicam, Paris, Simon Piget, 1663, in-4, 67 p. + figures.
- Supplementum sphaerometriae sive triangularium et aliarum in sphaera fi-
gurarum quod areas mensuratio, Pont-à-Mousson, Claude Cardinet,
1675, in-4, 76 p.
- Astronomia practica, sive motuum caelestium praxes per astrolabia quae-
dam, quibus syderum loca, motus, defectus, cito & facile prò quolibet
tempore in perpetuum cognoscuntur. Authore R.P. Pietro Courcier Soc. Iesu
et cura ac labore Carolis Rousselot Nanceiani in alma Medicorum Mons-
peliensum Academia Doctoris, Urbisque Nanceiani Concilaiarìi Medici in
lucem edita ad Fernandum a Lotharingia principem serenissimum,
Nancy, chez Antoine Claude et Charles Chariot, 1680, in-8, 152 p.
Dorisy, Jean
- Curiosae quaestiones de ventorum origine, et de accessu maris ad littora &
portus nostros, & ab iisdem recessu, Paris, Georges Iosse, 1646, in-8,
252 p.
Durer, Albrecht
- Géométrie, présentation, trad. de l'allemand et notes par J. Peiffer, Paris,
1995, 410 p.
Faille, Jean Della
- Ioannis Della Faille Antverpiensis e societate Iesu in Academia Matritensi
Collegii Imperialis Regii Matheseos Professons Theoremata de centro gra-
vitatis partium circuii et ellipsis, Anvers, Jean Meurs, 1632, in-4, 55 p.
Fine, Oronce
- Quadratura circuii..., Paris, 1544.
- Les sphères du monde, proprement dites cosmographie, composée
ment en françois, et divisée en cinq livres, comprenons la premiere partie
de l'astronomie, et les principes universels de la géographie et
hydrographie. Avec une epistre, touchant la dignité, perfection et utilité des sciences
mathématiques, Paris, M. de Vascosan, 1551, in-4, 64 f.
Fournier, Georges
- Euclidis sex primi Elementorum Geometricorum libri, in commodiorem
mant contracti et demonstrati, Paris, Mathurin Henault, 1643, in-12,
302 p.
632 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

- Hydrographie contenant la théorie et la practique de toutes les parties de la


navigation, Paris, Michel Soly, 1643, in-fol., 922 p.
- Traite des fortifications ou Architecture militaire. Tirée des places les plus
timées de ce temps, pour leurs fortifications. Divisé en deux parties. La
premiere vous met en main les Plans, Coupes et Elévations des quantités
de Places fort estimées, & tenues pour très-bien fortifiées : La Seconde
vous fournit des pratiques faciles pour en faire de semblables, Paris, Jean
Hénault, 1648, in-12, 190 p.
- Asiae nova descrìptio, in qua praeter provinciarum situs, et populorum
mores, mira deteguntur, et hactenus inedita. Opus recens exit in lucem,
Paris, Sébastien Cramoisy, 1656, in-fol., 350 p.
- Geographica orbis notitia. Per litora maris & Ripas Fluviorum, Paris, Iean
Hénault, 1667, in-12, 372 p.
François, Jean
- La science de la géographie divisée en trois parties, qui expliquent les
sions, les universalitez, & les particularitez du Globe Terrestre. Premiere
partie. Des divisions géographiques, Rennes, Iean Hardy, 1652, in-8,
448 p.
- La science des eaux qui explique en quatre parties leur formation,
cation, mouvements & meslanges. Avec les arts de conduire les eaux, et
mesurer la grandeur tant des Eaux que des Terres. Qui sont 1. De conduire
toute sorte de Fontaines. 2. De niveler toute sorte de pente. 3. De faire
monter l'Eau sur la Source. 4. De contretirer toute sorte de plans. 5. De
connoistre toute hauteur Verticale, & longueur Horizontale. 6. D'arpenter
toute Surface Terrestre. 7. De Compter tout nombre avec la Plume et les
lettons, Rennes, Pierre Hallaudays, 1653, in-4, 120 p. + 40 p. + 24 p. + 56
p. + 28 p. + 68 p.
- L'Arithmétique ou l'Art de compter toute sorte de nombres avec la Plume, &
les lettons, Rennes, Pierre Hallaudays, 1653, in-4, 68 p.
- Traité de la quantité considérée absolument et en elle-même, relativement et
en ses propres rapports, matériellement et en ses plus nobles sujets. Pour
servir d'introduction aux sciences & arts mathématiques et aux disputes
philosophiques de la quantité, Rennes, P. Hallaudays, 1655, in-4, 158 p.
- Traité des influences célestes. Ou les merveilles de Dieu dans les deux sont
déduites. Les inventions des Astronomes pour les entendre sont
expliquées : les Propositions des Astrologues Iudiciaires sont demonstrées
fausses & pernicieuses, par toute sorte de raisons, d'autoritez, &
d'expériences, Rennes, Pierre Hallaudays, 1660, in-4, 258p.
- L'art des fontaines c'est-à-dire pour trouver, esprouver, assembler, mesurer,
distribuer, et conduire les Sources dans les lieux publics & particuliers,
d'entendre la conduite perpétuelle, Et de donner par Arr des eaux coulantes
aux lieux où elles manquent par nature. Avec l'art de niveler et par le
niveau de connoistre les hauteurs des sources sur le lieu où on veut les
conduire; les bornes des Estangs qu'on veut faire et les terres qu'on doit in-
nonder, le moyen de dessécher les marais & lieux trop humides; de faire
des Canaux soit à porter bateaux soit à faire flotter le bois soit à joindre les
mers & les rivières, & à rendre celles-ci navigables, 2e éd., Rennes, Pierre
Hallaudays, in-4, 1665, 120 p.
- La chronologie divisée en quatre parties qui contiennent, La Science des
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 633

Temps par le dénombrement des diverses Périodes. L'Art des mesmes par la
description & pratique des Quadrans démonstratifs des Temps. La Science
et l'Arr des communications célestes sur le Globe Terrestre naturel, par
celles que reçoit le Globe Terrestre Artificiel, bien divisé et situé, Rennes,
Pierre Hallaudays, 1655, in-4, 230 p.
- L'arithmétique et la geometrie pratique. C'est a dire, l'Art de Compter toutes
sortes de Nombres avec la Plume & les lettons. Et l'Art de mesurer tant de
loing que de prés toutes sortes de Lignes, de Surfaces, & de Corps : Et
particulièrement d'Arpenter les Terres, & d'en contretirer les Plans. Et ensuite
de Faire des Cartes Géographiques des Diocèses, Provinces, des Royaumes,
etc. Hydrographyques des Mers, Rivières, Lacs, Estangs, etc.
Topographiques des Villes, Bourgs, Chasteaux, Forests, Parcs, Prez, Champs, Iar-
dins, etc., Paris, Nicolas Langlois, 1681, in-4, 70 p.
Lalouvere, Antoine
- Quadratura circuii et hyperbolae segmentorum ex dato centro gravitatis, una
cum inventione proportionis & centri gravitatis in proportionibus sphae-
rae plurimorumque periphericorum, nec non tetragonismo absoluto certa
cuiusdam cylindri partis, & aliorum : demonstrata atque ad calculum re-
ducta adiumento librae Archimedeae & a materia divulsae, quant praesen-
ti Opere restaurât et amplificat Antonius Lalovera, Societatis Iesu,
Toulouse, Pierre Bosc, 1651, in-8, 80-624 p.
- De cycloide Galilaei et Torricelli propositiones viginti Autore Antonio
ra, Societatis Iesu. Amplissimo Domino de Fermât in Suprema Curia To-
losana Senatori integerrimo, s.l.n.d., 1658, in-4, 8 p.
- Veterum Geometria promota in septem de cycloide libris, et in duabus adiec-
tis Appendicibus , Toulouse, Arnaud Colomère, 1660, in-4, 404 p.
- Propositio trigesima sexta. Excerpta ex quarto libro de Cycloide Antonii La-
loverae nondum quidem edito, viris tam doctrina & fide insignibus ante
aliquot menses communicato, s.l.n.d., in-4, 4 p.
- Propositiones geometricae sex. Quibus ostenditur ex Cazraeiana hypothesi
circa propositionem qua gravia decidentia accelerantur, non recte inferri à
Gassendo motum fore in instanti, s.l.n.d., in-4, 4 p.
Leotaud, Vincent
- Examen circuii quadraturae hactenus editarum celeberrimae, quant
nius alter, magno ilio Pergae non minor geometra, R.P. Gregorius a Sanc-
to Vincendo SI, exposuit. Authore Vincendo Leotaudo Delphinate, eius-
dem Societati. Cuius opera e tenebris simul emergit perelegans et peramoe-
na curvilineorum contemplatio. Olim inita ab Illustrissimo &
reverendissimo D.D. Artusio de Lionne, Episcopo & comité Vapincensi &
Abbate Solignacensi, Regioque Conciliario, Lyon, Guillaume Barbier,
1654, in-4, 296 p.
- Institutionum arithmeticarum libri quatuor. In quibus omnia, quae ad
méros simplices, fractos, radicales, ac proportionales pertinent Praecepta,
clarissimis demonstrationibus, tum Arithmeticis, tum geometricis
illustrata traduntur, Lyon, Guillaume Barbier, 1660, in-4, 698 p.
- Cyclomathia seu multiplex circuii contemplatio, tribus libris comprehensa.
In I. Quadratura Examen confirmatur ac promovetur. In II. Anguli
contingentiae natura exponitur. In III. Quadratricis inauditae proferun-
tur, Lyon, Benoît Coral, 1663, in-4, 384 p.
634 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

- Magnetologia, in qua exponitur nova de magneticis phïlosophia, Lyon,


Laurent Anisson, 1668, in-4, 420 p.
Le Pois, Charles
- Physicum cometae spéculum in quo natura, causae, species atque formae,
variis motus, statio, moles, natale temus, aetas, occasus, viresque seu ef-
fectu deteguntur, et accurate atque dilucide demonstrantur. Authore Ca-
rolus Visone doct. Paris, consil. et cobicul. Med. Henrici II, Serreniss.
Ducis Lotharingae. . . , Pont-à-Mousson, Charles Marchand, 1619, in-12,
157 p.
Leurechon, Jean
- Discours de la comete qui a paru aux mois de novembre & décembre de
l'année passée 1618. Par le P. I. L., Reims, Nicolas Constant, 1619, in-8,
30 p.
- Très-Excellent Discours sur les observations de la comete, presente au Duc
de Lorraine par le P. I. L. de la Compagnie de Iesus, avec les figures ce-
lestes selon l'Astrologie & Mathématique. Distingué par chapitres,
comme il se verra à la 4. page, Paris, Abraham Saugrain, 1619, in-12,
24 p.
- Récréation mathematicque. Composée de plusieurs problèmes plaisons &
cétieux. En faict d'Aritmeticque, Geometrìe, Mechanicque, Opticque et
autres parties de ces belles sciences, Pont-à-Mousson, Iean Apier Han-
zelet, 1626, in-8, 144 p.
L'Hoste, Jean
- Pratique de la géométrie contenant les moyens pour mesurer et arpenter tous
les plans accessibles, avec les démonstrations d'icelles tirées des Elemens
d'Euclide les plus nécessaires pour parvenir à la congnoissance des
Mathématiques, expliquez practicquement par diverses figures et raisons
Arithmétiques; utile et convenable a tous arpenteurs, architectes, menuisiers et
aultres ouvriers travaillons par règle et compas, Pont-à-Mousson,
François Du Bois, 1607, in-4, 134 p.
- Epipolimetrie ou art de mesurer toutes superficies. Comprenant la maniere
de bien dessigner, former, transmuer ou changer, mesurer et partager tous
plans quelconques; en quoi est demonstrée la practicque des six premiers
livres des Elemens géométriques d'Euclide. Oeuvre necessaire aux
Géomètres, Arpanteurs, Géographes, Architectes, Sculpteurs et Statuaires,
Peinctres et généralement a tous artisans et ouvriers qui travaillent avec
proportion, mesure, règles et compas, Sainct-Mihiel, François Du Bois,
1619, in-fol., 115 p.
- Sommaire de la sphère artificielle et de l'usage d'iceïle par Jean L'Hoste
thématicien, conseiller et Ingénier ordinaire es fortifications des pais de
son Altesse, Nancy, aux despens de l'auteur, 1619, in-4, 208 p.
Maurolico, Franciscus
- Opuscula mathematica, nunc primum in lucem aedita, cum rerum omnium
notatu dignarum, Venise, Franciscus Senenses, 1575, in-4, 285 p.
Nunès, Pedro
- Libro de algebra eu arithmetica y geometria, compuesto por el Doctor Pedro
Nunez, Cosmographo Mayor del Rey de Portugal, y Cathedratico Iubilado
en la Cathedra de Mathematicas en la Universidad de Coymbra, Anvers,
André Birckman, 1567, in-8, 341 p.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 635

Peletier, Jacques
- L'Aritmetique de Iacques Peletier du Mans, départie en quatre livres a
dore de Besze, reveûe et corrigée, Poitiers, J. H. de Marnef, 1552, in-4, 106 p.
- L'algebre de laques Peletier du Mans, départie an deus livres, A très illustre
Seigneur Charles de Cosse Maréchal de France, Lyon, Jean de Tournes,
1554, in-4, 237 p.
- In Euclidis Elementa geometrica demonstrationum libri sex, Lyon, 1557,
in-4, 166 p.
- Les six premiers livres des Eléments géométriques d'Euclide avec les
trations de Jacques Peletier du Mans. Traduicts en françois et dédiés à la
Noblesse françoise, Genève, Jean de Tournes, 1611, in-4, 299 p.
Pereira, Benito
- De communibus rerum naturalium principiis et affectionibus, liber quinde-
cim. Qui plurimum conferunt ad eos octo libros Aristotelis, qui de physico
auditu inscribuntur, intelligendos. Adjecti sunt huic operi, très indices;
unus capitum singulorum librorum; alter quaestionum; tertius rerum,
Rome, V. Tramezini, 1576, in-fol., 512 p.
Piccolomini, Alessandro
- In mechanicas quaestiones Aristotelis Paraphrasis paulo quidem plenior . . .
Eiusdem commentarium de certitudine Mathematicarum Disciplinarum :
in quo, de Resolutione, Deffinitione, et Demonstratione : necnon de
Materia, et fine Logicae facultatis maxime pertinentia, Rome, A. Bladum Asu-
lanum, 1547, in-4.
Proclus
- Les commentaires sur le premier livre des Eléments d'Euclide, traduits pour
la première fois du grec en français par P. Ver Eecke, Bruges, 1948.
Ramee, Pierre de la
- Arithmeticae libri très, Paris, A. Wechel, 1555, in-4, 110 p.
- Scholarum mathematicarum libri unum et triginta, Bâle, 1569, in-4, 320 p.
Richard, Claude
- Euclidis Elementorum Geometricorum libros Tredecim Isidorum & Hypsi-
clem & Recentiores de Corporïbus Regularibus, & Prodi Propositiones
geometricas Immisionemque duarum rectarum linearum continue pro-
portionalium inter duas rectas, tam secundum Antiquos quant secundum
Recentiores Geometras, novis ubique demonstrationibus illustrava, &
multis definitionibus, axiomatïbus, propositionibus, corollariis & ani-
madversionïbus ad geometricam recte intelligendam necessariis, locuple-
tavit, Anvers, Jérôme Verdussen, 1645, in-fol., 563 p.
- Apollonii Pergaei conicorum libri IV, Anvers, Jérôme et Jean-Baptiste
dussen, 1655, in-fol., 398 p.
Scheubel, Jean
- Algebrae compendiosa facilisque descriptio, qua depromuntur magna Arith-
metices miracula. Authore Ioanne Scheubelio Mathematicarum professore
in academia Tubingensi, Paris, G. Cavellat, 1552, in-4, 52 p.
- Compendium arithmeticae artis, ut brevissimum ita longe utillissimum eru-
diendis tyronibus, non solum propter ordinem, quo paucis perstringuntur
omnia hujus artis capita, sed etiam causa perspicuitatis quae plurimum
delectat et juvat duscentes, summopere expetendum, Bâles, J. Oporin,
1560, in-8, 205 p.
636 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

SlMPLICIUS,
- Simplicii Peripatetii acutissimi commentarla in octo libros Aristotelis Stagi-
ritae de Physico auditu. Lucïlio Philateo interprete, Venise, H. Scot, 1543,
in-fol., 279 p.
Toledo, Francisco
- Commentarla una cum quaestionlbus in octo libros Aristotelis de physica
auscultatione, nunc primum in lucem edita, Venise, Iuntas, 1578, 247 f.
Valla, Giorgio
- De expetendis et fugiendis rebus opera, Venise, 1501, in-fol., 2 vol.
Vinet, Elie
- Johannes de Sacrobosco Sphaera, typis auctior quam ante hac, ex diligenti
manuscriptorum impressorumque codicum castigatior, cum annotationi-
bus et scholiis..., Paris, G. Cavellat, 1551, in-8, 104 p.
- Michaelis Pselli Arithmetica, Musica et Geometria. Item Proclii Sphaera,
Elia Vineto Santone interprete. Accessit in hac ultima editione singulorum
librum in capita, necnon capitum in sectiones percommoda distributio, in
usum studiosae iuventutis Academiae Turnoniae Societ. Jesu, Tournon,
1592 (Ie éd., Paris, Guillaume Cavellat, 1557)
- La manière de fere les Solaires, que communément on appelle Quadrans,
Poitiers, E. de Marnef, 1564, in-4, 20 p.
- Definitiones elementi quindi et sexti Euclidis, ab Elias Vineto santone inter-
pretatae, Bordeaux, S. Millanges, 1575, in-4, 26 p.
- L'Arpanterie, Livre de géométrie, enseignant à mezurer les champs et
sieurs autres chozes, Bordeaux, S. Millanges, 1577, in-4, 94 p.
Zimara, Marcantonio
- Aristotelis omnia quae extant opera. Selectis translationibus, collatisque
eum graecis emendatissimis, ac vetustissimis exemplaribus, illustrata,
praestantissimorumque aetatis nostre philosophorum industria diligentis-
sime recognita. Averrois cordubensis in ea opera omnes, qui ad haec
usque tempora pervenire, commentarii. Nonnulli etiam ipsius in Logica,
Philosophia et Medicina libri, cum Levi Gersondis in libros logicos anno-
tationibus, quorum plurimi, a Iacob mantiono, sunt in latinum conversi.
Graecorum, Arabum et Latinorum lucubrationes quaedam, ad hoc opus
pertinentes. Marcantonii Zimarae Philosophi, in Aristotelis, et Averrois
dicta in Philosophiam contradictionum, solutiones, propriis locis an-
nexae, Venise, 1560-1562, in-8.

Les autres sources imprimées

Alegambe P., Bibliotheca scriptorum Societatis Iesu post excusum anno 1608
catalogum R. P. Pétri Ribadeneirae, nunc hoc novo apparatu librorum ad
annum reparatae salutis 1642 editorum concinnata et illustrum virorum
elogiis adontata, a Philippo Alegambe Bruxellensi, ex eadem Societate
Iesu, Anvers, Jean Meurs, 1643, 586 p.
Allard G., Bibliothèque du Dauphiné, contenant l'histoire des habitants de
cette province qui se sont distingués par leur génie, leurs talents et leurs
connoissances , nouvelle édition revue et augmentée, Grenoble, 1797.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 637

Articles de restablissement et rappel des Iesuites en France, en l'an 1603. Avec


l'Arrest contre-eux rendu par la Cour le 23 Décembre 1611, Paris, François
du Carroy, 1612.
Baillet A., La vie de Monsieur Descartes , Paris, Daniel Hortemels, 1691, 415 p.
Baldi B., Cronica di matematici overo Epitome dell'istoria delle vite loro, Urbi-
no, 1707, 156 p.
Id., Vite inedite di matematici italiani pubblicate da E. Narducci, Rome, 1887,
176 p.
Bouchard J.-J., Oeuvres, E. Kanceff éd., Turin, 1976, 2 vol.
Du Boulay C. E., Historia Universitatis Parisiensis ipsius fundationem, na-
tiones, facultates, magistratus, decreta, censuras et judicia in negotiis fidei,
privilegia, comitia, legationes, reformationes. Item antiquissimas gallorum
academias, aliarum quoque universitatum et religiorum ordinum, qui ex
eadem communi matre exierunt, institutiones et fundationes, aliaque id
genus cum instrumentis publicis et authenticis a Carolo M. ad nostra tem-
pora ordine chronologico complectens, 6 tomes, Paris, 1665-1673.
Dom Calmet, Bibliothèque Lorraine ou Histoire des hommes illustres qui ont
fleuri en Lorraine, dans les trois Evêchés et dans le Duché de Luxembourg,
Nancy, 1757, 1047 col.
Constitutions officielles de la Compagnie de Jésus, traduction du texte officiel
par F. Courei, S.J., Paris, 1967.
Copie de la lettre escrite par Messire Arnauld de Pontac, depuys Evesque de Ba-
zas, à Monsieur Lange, Conseiller du Roy en sa Cour de Parlement de
Bordeaux sur l'establissement du collège des Iesuites en la dite ville, si, 1611,
16 p.
Dorigny J., La vie du père Antoine Possevin de la Compagnie de Jésus. Où l'on
voit l'Histoire des importantes Négociations ausquelles il a été employé en
qualité de Nonce de Sa Sainteté, en Suède, en Pologne, & en Moscovie,
Paris, 1712, 541 p.
Du Val G., Le Collège Royal de France ou Institution, Etablissement et
Catalogue des lecteurs et professeurs ordinaires du Roy..., Paris, 1645.
For matters of greater moment. The first thirty jesuit generai congrégations. A
brief history and a translation of the decrees, J. W. Padberg,
M. D. O'Keefe, J. L. McCarthy éds., St Louis (Miss.), 1994.
Gassendi P., Viri illustri Nicolai Claudii Fabricii de Peiresc, Senatoris Aquisex-
tiensis vita, dans Opera, Lyon, 1658, t. V.
Id., Vie de l'illustre Nicolas-Claude Fabri de Peiresc conseiller au Parlement
d'Aix, par Pierre Gassendi. Traduit du latin par Roger Lassalle avec la
collaboration d'Agnès Bresson, Paris, 1992, 351 p.
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1911, 748 col.
Gaufreteau J. de, Chronique bordelaise, tome 1 (1240-1599), Bordeaux, 1876,
335 p.
Goulet R., Compendium recenter editum de multiplici parisiensis Universitatis
magnificentia, dignitate et excellentia ejus fundatione mirifico... suorum
suppositorum ac officiariorum et collegiorum... preterea supplementum
de duabus artibus et heptadogma perigendo recenter gymnasio multis cum
aliis utilibus documentis, Paris, 1577.
Hamy A. dir., Galerie illustrée de la Compagnie de Jésus, album de 400 por-
638 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

traits choisis parmi les plus beaux, les plus rares et les plus importants, et
reproduits en héliogravure, Paris, 1893, 2 vol.
Huet D., Mémoires, traduits du latin en français par Ch. Nisard, Paris, 1853,
308 p.
Imago primi saeculi Societatis Iesu a provincia Flandro-Belgica eiusdem So-
cietatis repraesentata, Anvers, 1640, 952 p.
Institutum Societatis Iesu, Florence, 1893, 3 vol.
Launoy J., Regii Navarrae Gymnasii Parisiensis Historia, 2 t., 1677, 1114 p.
Ignace de Loyola, Ecrits, traduis et présentés sous la dir. de M. Giuliani,
Paris, 1991, 1109 p.
Lukacs L. éd., Monumenta Paedagogica Societatis Jesu, Rome, 1965-1992,
7 vol.
De Scholis literariis omnium gentium, G. Lurbei J. C. Procuratori^ et syndici
civitatis Burdigalensis commentarium, Bordeaux, 1592, 72 p.
Monumenta Paedagogica Societatis Iesu quae primam rationem studiorum
anno 1586 éditant praecessere, Madrid, 1901, 911 p.
Pasquier E., Le catéchisme des Jésuites. Edition critique par C. Sutto,
Sherbrooke, 1982, 569 p.
Patchler G. -M., Monumenta Germaniae paedagogica, t. 1 : Ratio studiorum et
institutiones scholasticae Societatis Jesu (1541-1599), Berlin, 1887; t. 2 :
Ratio Studiorum 1586, 1599, 1832, Berlin, 1887; t. 3 : Ordinationes gene-
ralium etordo studiorum generalium (1600-1772), Berlin, 1890; t. 4
-.Monumenta quae pertinent ad gymnasia, convictus (1600-1773) itemque ad
rationem studiorum 1832, Berlin, 1894.
Pereisc C. N. Fabri du, Lettres de Peiresc publiées par P. Tamizey de Lar-
roque, t. 4 : Lettres de Peiresc à Barrilly, à Bouchard et à Gassendi. Lettres
de Gassendi à Peiresc (1626-1637), Paris, 1893, 615 p.
Possevino A., Coltura degl'ingegni ... nella quale con molto dottrina, e giuditio
si mostrano li doni che negl'ingegni dell'huomo ha posto Iddio, la varietà,
e inclinatione loro, e di dove nasce, e comme si conosca, li modi, e mezi
d'essercitarli per le discipline, li rimedii agl'impedimenti, i coleggi, e
università, l'uso de' buoni libri, e la corretione de'cattivi, Vincenze, 1598,
115 p.
Id., Bibliotheca selecta de ratione studiorum, ad Disciplinas, et ad Salutem
omnium entium procurandam. Recognita novissime ab eodem, et aucta,
et in duos tomos distributa..., Venise, 1603, 2 vol.
Ramée P. de la, Advertissement sur la réformation de l'Université de Paris,
Paris, 1562.
Ratio Studiorum. Plan raisonné et institution des études dans la Compagnie de
Jésus, édition bilingue latin-français, présentée par A. Demoustier et
D. Julia, traduite par L. Albrieux et D. Pralon-Julia, annotée et
commentée par M. -M. Compère, Paris, 1997.
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(1541-1556). D'après les Chroniques deJ.-A. de Polanco, Paris, 1990, 389 p.
Ribadeneira P., Illustrorum scriptorum religionis Societatis Iesu Catalogus,
Anvers, 1608, 287 p.
Richeome L., Tres-humble Remonstrance et requeste des religieux de la
Compagnie de Iesus au Tres-Chretien Roy de France et de Navarre Henry
IIII, Bordeaux, 1598, 161 p.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE 639

Id., Plainte apologétique au Roy Tres-Chretien de France et de Navarre pour la


Compagnie de Iesus. Contre le libelle de l'auteur sans nom intitulé Le franc
& véritable discours etc. Avec quelques notes sur un autre libelle dict le
Catéchisme des Iesuites, Bordeaux, 1603, 272 p.
Id., Remerciement avec une enseigne de treize pierres précieuses présentée au
Tres-Chretien Roy de France et de Navarre Louis trezieme. Pour avoir r'esta-
bly le College de Clermont de la Compagnie de Iesus à Paris, Bordeaux, 1618.
Sturm J., Classicae Epistolae sive scholae argentinenses restitutae, traduites et
publiée par J. Rott, Paris-Strasbourg, 1938, 132 p.
Tarde J., Ala rencontre de Galilée. Deux voyages en Italie. Préface et notes de
F. Moureau. Texte établi par F. Moureau et M. Tetel, Genève, 1984,
106 p.
L'Université de Pont-à-Mousson. Histoire extraite des manuscrits du P.
Nicolas Abram, de la Compagnie de Jésus, publiée par le P. A. Carayon, Paris,
1870, 552 p.
Vinet E., Schola aquitanica : programme d'études du collège de Guyenne au
XVIe siècle, publié pour la première fois par Elie Vinet, en 1583, et
réimprimé d'après l'exemplaire de la Bibliothèque Nationale avec une
préface, une traduction française et des notes par L. Massebieau, Paris,
1886, 77 p.
Wapy R.P., Les honneurs et applaudissements rendus par le collège de la
Compagnie de Jésus, Université et Bourgeoisie de Pont-à-Mous son en
Lorraine l'an 1623. Aux SS Ignace de Loyola et F. Xavier a raison de leur ca-
nonization faite par notre S. P. le Pape Grégoire XV d'heureuse mémoire,
le 12 mars 1622, Pont-à-Mousson, 1623, 48 p.

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R. Feldhay et Y. Elkana.
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élèves, 1600-1940. Catalogue des textes de grammaire, humanités,
rhétorique, latin, grec, français conservés dans les bibliothèques publiques
françaises et au Musée National de l'Education, Paris, 1986, 80 p.
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ra, vol. 1 : Dal periodo padovano al perìodo presalentino , Lecce-Galatina,
1995, p. 208-225.
Ariew R., «Theory of cornets at Paris during thè seventeenth century»,
Journal ofthe History ofldeas, voi. 51, 1992/3, p. 355-369.
Id., «Pierre Bourdin and thè seventh objection», dans R. Ariew et M. Grene

1 La bibliographie qui suit regroupe les seuls titres cités dans le corps du
texte. Les quelques exceptions mentionnées et qui ont été publiées en 1997, voire
ultérieurement, correspondent à des travaux lus préalablement. On ne trouvera
donc ici aucun livre ou article paru dans les deux dernières années.
640 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

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ben von E. Kessler, C. H. Lohr und W. Spran, Wiesbaden, 1988, 237 p.
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LISTE DES TABLEAUX, DES GRAPHIQUES
ET DES CARTES

Tableau n° 1 : Age au premier cours de mathématiques 397


Tableau n° 2 : L'activité de publication scientifique des professeurs
de mathématiques de l'assistance de France 416
Tableau n° 3 : Répartition de la production scientifique par
province de rattachement des auteurs 421
Tabelau n° 4 : Distribution thématique des ouvrages en français et
en latin 429

Graphique n° 1 : Evolution de la production scientifique par


province (1610-1690) 420
Graphique n° 2 : Structure de la production scientifique selon la
langue utilisée 424
Graphique n° 3 : Les livres en latin répartis par domaines de savoir 428
Graphique n° 4 : Les livres en français répartis par domaines de
savoir 428
Graphique n° 5 : Composition du corpus par matières 442
Graphique n° 6 : Structure thématique du corpus par décennies
(%) 443
Graphique n° 7 : Structure thématique du corpus par décennies
(valeurs brutes) 443

Carte 1 Les provinces jésuites au milieu du XVIIe siècle (cadre eu-


ropéen) 41
Carte 2 Les premiers collèges jésuites (1580) 190
Carte 3 La mobilité de Jacques Falquestein 309
Carte 4 Les chaires de mathématiques de l'assistance de France
(1640) 367
Carte 5 Le dispositif éducatif de la province de Lyon (1582-1608) 374
Carte 6 Le dispositif éducatif de la province de Lyon (1608-1616) 375
Carte 7 Le dispositif éducatif de la province de Lyon (1616) ... 376
Carte 8 La mobilité de Jean Chastelier 404
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Fig. 10 - Correspondance de C. Acquaviva


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Fig. 1 1 - Correspondance de C. Acquaviva avec le provincial de France C. Balthazar, Rome, 2 1 juin 1611.
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Fig. 14 - Rapport de visite du collège de Tournon par E. Mercuriali (1571). ARSI, GAL. 58, 1, fol. 104r.
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Fig. 15 - Rapport de visite du collège de Tournon par E. Mercurian (1571). ARSI, GAL. 58, I, fol. 104v.
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Fig. 16 - Censures émises par les réviseurs généraux sur des propositions de philosophie
défendues à Lyon en 1643. ARSI, Fondo Gesuitico 657, fol. 411.
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Fig. 17 - Censures
défendues
émises
à Lyon
par les
en réviseurs
1643. ARSI,
généraux
Fondo Gesuitico
sur des propositions
657, fol. 412.de philosophie
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LVDOVICO XIII. FRANCORVM ETNA


REGI CHRIS li ANI S SI MO.

Fig. 18 - Affiche de soutenance de thèses de Pierre Sève au collège de Lyon (1622). Bibl. nat. de
France, Dép. des estampes, AA6, 023 242. Cl. BNF.
ROBERTVS-BHLLARMI
CHRISTOPHORVS CL AVIVS BAMBERGENS1S £ CAPVANVS-ECCLESIA
SOCIETATE IESV/ETATIS SVAE ANNO l, XIX-
>r»iciKiuVillii::.iiiilìr Re-m* Anno iftoft llum pmiilrg.n Suninu PonlificK c S-jpr nonn.i .'j'-linciute. fnuiufa<«Va
Fig. 19 - Christoph Clavius. Gravure de F. Villamoena. Paris, Fig. 20 - Rober
Bibl. nat. de France, Dép. des estampes, D 114 643. Cl. BNF. Bibl. nat. de F
LISTE DES ILLUSTRATIONS

Fig. 1 - Catalogus primus du collège de La Flèche (1619).


Fig. 2 - Catalogus primus du collège de La Flèche (1619).
Fig. 3 - Catalogus secundus du collège de La Flèche (1619).
Fig. 4 - Catalogus secundus du collège de La Flèche (1619).
Fig. 5 - Catalogus brevis de la province de France (1619).
Fig. 6 - Catalogus brevis de la province de France (1619).
Fig. 7 - Catalogus brevis de la province de France (1619).
Fig. 8 - Catalogus brevis de la province de France (1619).
Fig. 9 - Catalogus brevis de la province de France (1619).
Fig. 10 - Correspondance de C. Acquaviva avec le provincial de France
C. Balthazar, Rome, 21 juin 1611.
Fig. 1 1 - Correspondance de C. Acquaviva avec le provincial de France
C. Balthazar, Rome, 21 juin 1611.
Fig. 12 - Rapport de visite du collège de Tournon par E. Mercurian (1571).
Fig. 13 - Rapport de visite du collège de Tournon par E. Mercurian (1571).
Fig. 14 - Rapport de visite du collège de Tournon par E. Mercurian (1571).
Fig. 15 - Rapport de visite du collège de Tournon par E. Mercurian (1571).
Fig. 16 - Censures émises par les réviseurs généraux sur les propositions de
philosophie défendues à Lyon en 1643.
Fig. 17 - Censures émises par les réviseurs généraux sur les propositions de
philosophie défendues à Lyon en 1643.
Fig. 18 - Affiche de soutenance de thèses, Lyon, 1622.
Fig. 19 - Christoph Clavius.
Fig. 20 - Robert Bellarmin.
Fig. 21 - Jean-Charles Della Faille.
Fig. 22 - Athanase Kircher.
INDEX DES NOMS

Les noms retenus dans l'index sont ceux qui figurent dans le texte et dans les
notes. Toutefois, les auteurs exclusivement cités en note n'ont pas été repris : on
les retrouvera dans la bibliographie générale, à la fin du volume.

Abadie, M. : 549-550 Armand, Ignace : 351


Abélard, Pierre : 277 Arnoux, Jean : 397, 533, 555
Acosta, Juan : 113 Auger, D. : 539-540
Acquaviva, Claude : 40, 70, 83, 111, 112, Auger, Edmond : 205, 220
113, 125, 130, 195, 207, 373, 377, 398, Augustin (saint) : 140
511, 512, 524 Auxon, Hubert d' : 537, 541-542, 555-
Adam, C. : 486 556
Adorno, Francisco : 113 Auzout, Adrien : 425
Aix, François d' : 416, 421, 439, 472, Averroès : 79, 150, 154, 156
542, 552 Azor, Juan : 112
Albert, J. : 543
Albin, Pascal : 199 Bagot, J. : 538
Albon, Antoine d' : 191 Baïf, Jean Antoine de : 173
Alby, H. : 541 Baillet, Adrien : 390, 483, 484, 485, 486
Alexandre : 260 Baldi, Bernardo : 86, 88, 91, 92, 155
Alfraganus : 273 Baldini, U. : 23, 28, 346
Alhazen : 79 Balfour, Robert : 236, 239, 240
Aloys, Pierre : 535, 537, 542, 553 Balmès, Jean : 203, 204, 209, 301
Aloysius, C. : 545 Barberini, Francesco : 387, 388, 389,
Alpers, Gaspard : 131 390
Alteriet, H. : 537 Barnaud, Pierre : 548-549, 556-557
Alviset, Ulric : 396, 540, 553-554 Barny, P.-A, de : 534
Ambroise de Noie : 81 Barocius, Franciscus : voir Barozzi
Amieu, J. : 534 Baron, Guillaume : 547, 557
André, Yves : 481 Baron, J. : 541
Annat, François : 397, 497, 547, 554-555 Barozzi, Francesco : 93, 135, 137, 142,
Antiphon : 258, 260 154, 155, 156, 157, 158, 161, 162
Apollonius : 104, 107, 125, 160, 162, Barre, F. de la : 539, 542-543
259, 260, 444, 454, 460 Bauceck, Adalbert : 92
Aratus : 334 Bauquemare, A. : 542
Archimède : 72, 107, 125, 157, 160, 162, Baure, J. : 550
258, 259, 260, 266, 273, 444, 619 Bayle, Raymond : 396, 548, 550, 557-
Ariew, R. : 508 558
Aristote : 48, 54, 58, 60, 64, 66-67, 91, Beau, F. : 533
96, 99, 106, 119, 136, 138-140, 142- Beausse, I. : 535
143, 150, 154, 156, 168, 174-176, 213, Bellarmin, Robert : 125, 126, 180, 210,
251, 258, 263-264, 275-276, 288, 314, 278, 384, 490
317-319, 334, 339, 362 Bembo, Pietro : 57, 162
Armagnac, Georges d' (cardinal) : 191, Bening, François : 396-397, 534, 558
195 Bernard (saint) : 277
680 INDEX DES NOMS

Berthod, P. : 541 Buonamici, Francesco : 154, 166


Beschefer, Pierre : 547, 558-559 Buridan, Jean : 105
Bessarion : 56, 161 Busée, Pierre : 112
Biancani, Giuseppe : 152, 154, 180, 501,
512 Cabeo, Niccolo : 411
Bille, Erard : 396, 543, 559 Caderius, A. : 535-536
Billy, Jacques de : 89, 399, 410-412, Campanus, Giovanni : 78, 88-89, 104,
416, 419, 421-425, 439, 444, 448, 449, 233, 257, 259-260, 261
462, 463, 470, 473, 546-547, 560-561 Camus, Jean-Pierre : 466
Billy, M. de : 534-535 Candale, François de Foix : 88, 104,
Binet, Etienne : 378 172-173, 235-239, 467
Blanc, Antoine : 540, 561 Cantuer, J. : 548
Boèce : 77, 78, 318, 319, 320 Capece, Ferante : 115, 131
Bombelli, Raffaele : 349, 444, 445 Capella, Martianus : 447
Bonamour, D. : 535, 542 Cardan, Jérôme: 172, 173, 257, 258,
Bonaventure (saint) : 277 349, 444, 445
Boniel, Claude : 534, 549, 562 Carpus : 259, 260
Bordon, Claude : 549, 562 Carrelus, B. : 549
Borgia, Francisco de : 36, 40, 67, 83, Carrez, L. : 15
111, 143, 290, 315, 512 Cassini, Jean-Dominique : 518
Borrassà, Jacques : 316, 318, 320 Castelli, Benedetto : 390
Borrel, Jean : 170, 173, 257, 260, 261 Castor, Bernard : 126
Borro, Girolamo : 166 Catena, Pietro : 81, 135, 154, 157, 158,
Borromée, Charles (cardinal) : 237, 159
238 Cattenius, Otto : 252, 268, 270, 274,
Bouchard, Jean-Jacques : 387, 389, 275, 403
480 Cazré, Pierre : 407, 410, 416, 421, 426,
Boucher, C. : 543 435-437, 451, 473, 507, 516, 518, 521,
Bouclier, A. : 547 544, 565-566
Bourbon, Antoine de : 445 Cellot, P. : 546
Bourbon, Armand de : 448, 472 Ceriziers, R. de : 547
Bourbon, C. : 543, 549 Cerretani, Niccolo : 155
Bourbon, Louis de : 445, 472 Chabron, G. : 550
Bourdin, Pierre : 370, 399, 405, 416, Chabron, J. : 541
418, 421-423, 426, 431-435, 445, 449, Champeils, Léonard : 513, 514
452-453, 457-458, 463-464, 470, 472, Charlet, Etienne : 382
504, 507-509, 539, 543, 563-564 Charpentier, Jacques : 169, 174, 250,
Bourgeois, F. : 546 278
Bouton, J. : 539 Chartier, R. : 1
Bouvier, G. : 546 Chassebras, R. : 543
Bouvier, P. : 544 Chastel, Jean : 312, 330, 332, 333, 337,
Bouvot, François : 547, 564 341, 377
Bradwardine, Thomas : 105 Chastelain, Théobald : 547, 566
Brahe, Tycho : 89, 274, 278, 321, 446, Chastelier, Jean : 126, 329-332, 338-
447, 524 349, 358, 359, 382, 383, 385, 399-
Briet, Philippe : 515 410, 412, 431, 481, 487, 491, 609-613
Broquin, Jean : 549-550, 564 Chavasse, Balthasar : 327-331, 337,
Bovillet, L. : 534 338, 350, 385
Brodonius, A. : 534, 536 Chavialle, E. : 549
Bruan, J. : 538, 542, 544 Cheminot, Désiré : 396, 544, 567
Brun, C.S. : 536 Chenart, E. : 538
Brunet, L. : 548 Chevalier, N. : 547
Bruno, Giordano : 274 Chifflet, L. : 537-541
Bryson : 258 Chossat, M. : 202
Buchanam, Georges : 226, 236 Clavius, Christoph : 28, 55, 57, 58, 76,
INDEX DES NOMS 681

79, 82, 83, 85-132, 133-180, 183, 188, Dasypodius, Conrad : 177, 308, 334
196, 199, 206, 210-212, 215, 229, 233, Dauxiron, J. : 536, 541
235, 237-239, 241, 249-255, 257, 258- De Dominis, Marc'Antonio : 71, 390
262, 266-268, 270, 273-274, 278, 283, Decomma, François : 548, 550, 569
296, 298, 302-304, 306, 308, 317, Décret, C. : 542
322, 329, 337, 341-342, 344-346, 348- Decrozon, C. : 533
350, 353-354, 358, 362, 372, 377, Degletain, A. : 542
395-398, 400, 402, 405-406, 414, 429, Delattre, P. : 7
430, 431, 444, 458, 467, 469, 482, Delfino, Federico : 155
490-491, 501-503, 506, 512, 517, 524, Delingendes, Louis : 396, 570
529, 615-616 Demongenet, J.G. : 537
Clément Vili (pape) : 91 Demongenet, N. : 540
Clenardus, Nicolaus : 198 Deniau, J. : 538
Cléomède : 236 Descartes, René : 142, 390, 426, 474,
Cloquet, J. : 479, 482-486, 489, 507, 525
Codina Mir, G. : 242 Deza, Alfonse : 113
Coignet, Michel : 302-303, 305 Digne, Antoine de : 540, 570
Colabaudus, G. : 541 Dionatensis, Henricus : 64
Colbert, Jean-Baptiste : 423, 449 Diophante : 304, 400, 410, 412, 422,
Columelle : 272 423, 425, 444, 460, 463
Comitin, J.B. de : 547 Domenech, Hieronymus : 143
Commandino, Federico : 85, 86, 88, Doniol, C. : 534
89, 104, 107, 135, 156, 157, 161, 402 Dorisy, Jean : 416, 421, 436, 448, 472,
Commolet, Jacques : 208 571-572
Compère, M.-M. : 9, 10, 31 Du Hamel, Paschal : 169
Condé, N. de : 545 Dubois, J. : 538
Conimbricenses : 131, 250, 251, 253, Duclot, I. : 550
259, 271, 272, 277, 278, 371 Dufour, L. : 541
Constantin, B. : 541 Dunaud, F. : 545
Copernic, Nicolas : 273, 274, 279, 504, Duprat, Guillaume (évêque) : 191, 192,
524, 620 194
Corbière, F. : 547 Dupuy (frères) : 480
Cordier, Mathurin : 226 Dupuy, Clément : 207, 208
Cornouaille, Pierre de : 508 Durand, Salvator : 548, 572
.Corriea, Ioannes : 126 Durer, Albrecht : 78, 257
Cosme II (grand duc de Toscane) : Dyonisius, Ioannes : 65
490, 491
Coster, François : 64-65, 112 Eck, Johannes : 64
Costerus, Franciscus : voir Coster Emmanuel-Philibert (duc de Savoie) :
Coudret, Annibal du : 195, 208 147
Courcier, Pierre : 397, 416, 421, 462, Epicure : 252
470, 545, 568 Errard, Jean : 466
Court, T. : 533 Escale : voir Scaliger
Cramoisy, Sébastien : 421, 472 Estouteville (cardinal d') : 167
Cremonini, Cesare : 48 Etienne : 48
Croix, C. de la : 534 Etienne d'Arezzo : 48
Croix, J. de la : 540 Euclide : 51-52, 55, 66, 72, 74-77, 81-
Cuse, Nicolas de : 257 82, 85, 88-89, 103, 107, 119, 122, 125,
129, 135, 137, 140-142, 157, 160, 162,
Dainville, F. de : 15, 31, 183, 187, 188, 165, 167-168, 170, 172, 175-177, 210-
219, 361, 395 212, 227-228, 233-234, 237-238, 243,
d'Albard, G. : 536 248, 253, 255, 257-262, 265, 268,
Dallier, P. : 533 304-305, 334, 343, 345, 432-433, 444-
Daly, L. : 28 445, 452-454, 458, 460, 464, 466,
Danti, Ignazio : 81, 88 471, 614-617
682 INDEX DES NOMS

Faber, Egide : 290 Gaufreteau, Jean de : 220, 222


Fabri, Honoré : 425, 439, 513 Gaullieur, E. : 225
Fabry : voir Fabri Gaurico, Luca : 260, 261
Fagot, Nicolas : 407, 521, 544, 546, 573 Gautruche, Pierre : 488
Faille, Jean-Charles Della : 369, 398- Gayet, J. : 534
399, 406-409, 413, 416, 421-422, 445, Gelida, Jean : 230, 233
462, 470-471, 503, 507, 536, 571 Geliot, A. : 536
Falco, Jacques : 257 Geminus : 137
Falquestein, Jean : 307-308, 397, 544, Gemme Phrysien : voir Frison Gemme
607-609 George, Alexandre : 208
Fantoni, Filippo : 165, 166 Georges, Jacques : 377, 548, 579-580
Farnese, Alexandre (cardinal) : 191, Gerlach, Balthasar : 304, 306
200 Germain, A. : 548
Faverge, P. de la : 536 Gervais, J. : 546
Fermât, Pierre de : 371, 410, 412, 422, Ghetaldi, Mario : 303
438, 450, 451 Giacon, C. : 143
Fernel, Jean : 72, 79, 82 Giard, L. : 1, 10, 133
Feuquière, A. : 539 Gibalinus, J. : 536
Fiancé, C. : 537 Gibbons, Richard : 224, 245, 253, 294-
Ficin, Marcile : 278 298, 300, 301, 307, 358, 406
Fine, Oronce : 51-52, 55, 81, 107, 166, Gilbert, William : 411
169-173, 210, 233-234, 238, 257, 260- Ginesty, Jean : 548, 580
261 Giustiniani, Angelo : 131
Flaminius, Richard : 208 Goncalvez, Gaspar : 112, 113
Flavius Josèphe : 273 Gonzague, François de : 147
Fonseca, Pedro da : 55, 90-91, 112, 259 Gonzague, Hercule de (cardinal) : 147
Fontenelle, Bernard le Bovier de : 481 Gordon, Jacques : 195
Forcadel, Pierre : 169, 401, 466 Gorse, P. : 549-550
Forest, Nicolas : 574 Gosselin, Guillaume : 173, 304, 305,
Fouquet, Nicolas : 432, 449 306, 401
Fourcaud, Jean : 575 Gottignies, Egide François de : 425,
Fournet, François : 384, 538 439
Fournier, Georges : 370, 398, 399, 416, Goubot, J. : 535
427, 431, 432, 433, 448, 455, 457, Gouhier, H. : 486
472, 535, 539, 575-576 Gouvéa, André de : 226, 227, 230, 233
François Xavier : 36, 493 Gramatowski, W. : 12, 21
François, Antoine : 290 Grandamy, Jacques : 411, 425, 435,
François, Jean : 370, 383, 384, 385, 436, 542
399, 403, 404, 416, 421, 422, 427, Granger, P. : 540
434, 440, 449, 459, 460, 463, 468, Granier, Claude : 309, 533, 580-581
473, 486, 487, 496, 500, 503, 538- Granon, L. : 536
539, 542-544, 576-577 Grégoire XIII (pape) : 85, 87, 94
Frison Gemme : 79, 81, 173, 177, 401 Grienberger, Christoph : 131, 303, 350,
Fuligatti, Giulio : 131 512, 517
Furet, Etienne : 379, 535, 577-578 Grosseteste, Robert : 87
Guéret, Jean : 330, 333, 351
Gagliardi, Achile : 113 Guérin, Jean : 516-517
Galilée : 48, 57, 90, 93, 98, 105, 153, Guérin, P. : 535
165, 239-240, 342, 353, 390, 426, Guernissac, Jacques : 382, 385, 403,
436, 451, 488, 489, 490, 491, 505, 518 537, 543, 581-582
Gandillon, F. : 538 Guesnay, J.-B. : 535
Garand, Jean : 540, 549, 579 Guillaume, H. : 535
Gassendi, Pierre : 144, 309, 386-387, Guisano, Antoine : 112
436, 451, 473, 479-481, 518 Guise, Charles de (cardinal) : 191, 192
Gatto, R. : 28, 69, 70, 292 Guldin, Paul : 89, 409
INDEX DES NOMS 683

Hachette, J. : 547 Lamart, Pierre : 540, 549, 585-586


Haireau, F. : 539-540 Lambert, J. : 542
Haraucourt, C.-F. de : 545 Landricus, J. : 534
Hay, Edmond : 222, 299, 312 Laplace, Nicolas : 382-384, 403, 538,
Hay, John : 258, 298-308, 310, 321, 586
329, 332, 336, 342, 348, 349, 358, Lascombes, Louis : 548, 587
491, 606-607 Le Clerc, Nicolas : 113, 208, 336
Haye, J. de la : 543 Le Court, N. : 539
Heinsius, Daniel : 389 Le Pois, Charles : 342
Henri IV (roi de France) : 312, 331, Le Roy, Pierre : 392, 409, 413, 414, 588-
341, 353, 358, 373, 381, 385, 466, 488 589
Herlin, Christian : 177 Le Sade, P. : 539
Héron : 76, 105 Léal, A. : 534-535
Hippocrate de Chios : 257, 259 Lebel, J. : 538, 544
Hood, Thomas : 177 Ledesma, Diego de : 60, 61
Horace : 173, 175 Lefèvre d'Etaples, Jacques : 53, 56, 279
Horteau : 222 Léonard de Pise : 80
Huet, C. : 542 Léotaud, Vincent : 369, 399, 410-411,
Huet, Daniel : 479, 481, 482, 525 413, 416, 438, 449, 463, 470, 512, 515,
Hurtado, Hieronimo : 69, 151, 196 536, 549, 587-588
Lereteret, J. : 534
Ianuer, Cretosle : 172 Lereuchon, Jean : voir Leurechon
Isidore de Séville : 318-320 Léritier, P. : 534
Leurechon, Jean : 342, 350, 398-399,
Jarrige, B. : 534 402, 406-408, 410-412, 416, 418-419,
Javel, N. : 544 434, 439, 445, 478, 489, 500, 503-
Jay, Claude : 192 504, 521, 544, 546, 589-590
Jonin, Gilbert : 550, 582-583 L'Hoste, Jean : 342, 344, 347
Jordan, G. : 538 Lhoste, R. : 545, 547
Jordanus Nemorarius : 53, 80, 107 Lieu, C. du : 541
Jordin, Antoine : 199, 219, 224, 242- Lilius, Antoine : 87
285, 287, 438, 512 Line, Francis : 504
Jules III (pape) : 289 Lippomani, Andréa : 47
Julia, D. : 1, 9, 10, 31 Lipstorpius : 484, 485
Junaeus, C. : 548-549 Lohier, Pierre : 207, 210, 323
Lohr, C. H. : 31
Kessler, E. : 142 Lorin, Jean : 330, 332
Kircher, Athanase : 369, 387, 390, 391, Louis XIII (roi de France) : 449
411, 422, 481, 535 Loyola, Ignace de : 38, 47, 49, 50, 57,
Knobloch, E. : 88 58, 59, 60, 71, 91, 131, 167, 179, 183,
Kristeller, P. O. : 28, 31 185, 192, 194, 303, 326, 353, 493
Lukacs, L. : 7-9, 47, 58, 73
La Cley, Cl.-A. : 536
Labarthe, Bartholomé : 512, 515, 550, Mac Coog, T. M. : 15
583 Machault, J. de : 543
Labbé, P. : 541-542 Maelcote, Odon de : 131, 180, 302, 303,
Lainez, Diego : 62, 147, 192, 312 350, 490, 491
Lallemant, Louis : 337, 397, 405, 406, Maestlin, Michel : 85, 86, 88, 106
538, 544, 583-584 Magalotti, Lorenzo : 388, 389
Lallemant, J. : 542 Maggini, Antonio : 272
Laloubère : voir Lalouvère Maggio, Laurent : 204, 310, 336, 337
Lalouvère, Antoine : 89, 371, 399, 409- Magnesius, N. : 533
411, 416, 422, 426, 437-438, 448-450, Malapert, Charles : 366, 544
461, 512, 515, 548, 550, 584-585 Malavaleta, J. : 534, 536
Lamalle, E. : 11, 13 Maldonat, Jean : 13, 312, 315, 323, 336
684 INDEX DES NOMS

Malebranche, Nicolas : 481 Morel, A. : 537


Malès, Michel : 547-549, 590-591 Moret, Guillaume : 383, 537-538
Malian, P. : 533 Morgan, A. : 534
Mambrun, H. : 549 Morosini, Domenico : 98
Mambrun, Pierre : 481-482 Mortimer, G. : 544
Manare, Olivier : 323 Mugnier, François : 535-536, 541, 593
Manchon, Jacques : 508 Munster, Sébastien : 238
Mangeot, D. : 544-546 Muret, Marc- Antoine : 81
Maniglerius, P. : 535-536 Mydorge, Claude : 418
Manilius : 272
Marguerite de Navarre : 173, 226, 239 Nadal, Jérôme : 49-50, 52, 57, 59-60,
Marie de Médicis : 491 63-64, 78, 83, 103, 106-107, 110, 119,
Martin, Alfonso de Souza : 36 179, 210, 270, 314, 317, 529
Maselli, Ludovicus : 115 Naudé, Gabriel : 389
Matthieu, Claude : 197, 202, 290, 294, Nicaud, Philippe : 382, 537
323 Nicomaque : 76
Maurolico, Francesco : 57-58, 71-72, Nicomède : 260
75-78, 86, 119, 139, 157, 161-162, 167, Nicquet, Honoré : 383, 384, 405, 538
196, 278, 279 Noël, Etienne : 383-385, 405, 486-487,
Martignac, J.-B. : 544 504, 538
Maucler, C. : 535 Nunès, Pedro : 78-79, 81, 92, 107, 226,
Mazet, G. : 534 230, 233-234, 257-258, 260, 262, 283,
Mazzoni, Jacopo : 166 305-306, 347-349, 444-445
Médaille, Jean-Paul : 515 Nyel, Louis : 425
Meinier, J.-A. : 546
Melanchthon, Philip : 175, 176, 234 Olave, Martin de : 58, 59
Ménélas : 75, 76, 78 Oliverius, Bernardus : 126
Mengeot, Désiré : 591-592
Mercurian, Everard : 18, 70, 111, 115, Paccioli, Luca : 81, 172
197, 202, 288, 290-292, 310, 323 Palmio, Francisco : 147
Merlières, Jean de : 169 Pappus : 79, 105, 107, 157, 402
Mersenne, Marin : 402, 436, 479, 481, Pascal, Biaise : 410, 437, 451, 461, 504
485, 525 Pasquelinus, G. : 548
Meynier, Jean : 540, 548, 592 Pastorellus, Pierre : 382, 537
Méziriac, Claude-Gaspar Bachet de : Patorney, Léonard : 396, 533, 593-594
400, 401, 402, 407, 412, 425, 438, Paul V (pape) : 490, 505
444, 445 Peletier, Jacques : 78-79, 81, 85-86,
Michel, Claude : 241, 432 107, 169, 171, 222, 231, 234-235, 257-
Mercier, R. : 547 258, 262, 268, 305-306, 344, 347,
Meslan, P. : 538 349, 444-445, 464
Milet, H. : 539-540 Pena, Jean : 169
Milliet de Challes, Claude-François : Pereira, Benito : 55, 69, 82, 131, 142-
87, 135, 431, 515 146, 151-154, 372, 429, 512
Milquin, L. : 538, 542 Pereisc, Claude Nicolas Fabri du : 201,
Milton, John : 389 309, 330, 370, 386-389, 451, 479-482,
Moleto, Giuseppe : 87, 154, 167 525
Molina, Luis de : 278 Pereyra : voir Pereira
Monantheuil, Henri de : 169, 173 Perpignano, Petro : 91
Mongin, J.-B. de : 544 Persy, F. : 537
Monte, Guidobaldo del : 86, 93, 156, Peurbach, Georg : 51, 107, 162, 166
158 Philippe IV (roi d'Espagne) : 448
Mpnteregio : voir Regiomontanus Phillips, E. C. : 28
Montucla, J. E. de : 89, 255, 256 Pic de la Mirandole, Jean : 272, 278
Morales, Sébastien : 112, 114 Piccolomini, Alessandro : 135, 150,
Moreau, M. : 539 154, 155, 157, 273
INDEX DES NOMS 685

Pie V (pape) : 91, 200 Ricci, Bartolomeo : 70


Piney, C. du : 540-541 Ricci, Matteo : 131
Pini, Carlo : 155 Richard, Claude : 369, 408, 416, 422,
Pio da Carpi (cardinal) : 72 431, 432, 454, 470, 471, 541, 549, 599
Piquet, François : 547, 550, 594-595 Richelieu (cardinal) : 388
Pivard, J.-A. : 535 Richeome, Louis : 126, 200, 201, 203,
Platon : 99, 139-140, 149, 171, 175, 241, 207, 288, 373, 467
249, 252, 277, 452, 481 Riennes, Jean de : 398, 539-540, 542-
Pline : 175-176 543, 599-600
Plumeret, P. : 544 Rio, Martin del : 271-272
Poblation, Martin : 169 Ripault, G. : 547
Polanco, Juan Alfonso de : 38, 47, 49 Riqueil, Nicolas : 544-545, 600-601
Polard, Claude : 377, 397, 548, 595 Ristori, Giuliano : 165
Polla, Pierre : 507 Roberval, Gilles Personne de : 437
Pomponius Mela : 64, 177 Roche, D. : 1
Ponce, Claude : 396, 533, 596 Rochemonteix, C. de : 487
Pontac, Arnault de : 221 Rochet, J. : 550
Porphyre : 48, 64, 314 Rolerius, S. : voir Rolet
Port Guichard, Nicolas du : 515 Rolet, E. : 534, 548-549
Possevino, Antonio : 111-113, 142, 146- Rore, Cipriano : 91
153, 155, 200, 208, 254, 429, 512 Rosis, Giovanni de : 74
Postel, Guillaume : 169 Rossignoli, Bernard : 126
Potier, Charles : 508 Rousselet, F. : 545
Poulain, André : 596-597 Rovere, Antonio della (évêque) : 239
Poussin, Nicolas : 389 Royer, Pierre : 534, 601-602
Proclus : 72, 78, 81, 137, 140, 142, 154, Royon, N. : 542-543
157-158, 160, 176-177, 232, 234, 241, Russo, F. : 360
250, 265, 334
Psellus : 227, 231, 232, 233, 234, 241, Sacrobosco, Jean de : 65, 67, 77-78, 85,
266, 267, 268, 283 93, 105, 119, 157, 162, 165, 167, 175-
Ptolémée : 72, 79, 80, 162, 165, 175, 176, 210, 226, 229, 234, 238, 241, 270,
176, 272 272, 278, 322
Puigeolet, F. de : 543 Saint - Genoust, N. de : 539
Pulcarelli, Costanzo : 490 Saint Venné, D. : 545, 547
Pythagore : 249, 259, 277, 318 Saint-Colomb, C. de : 549
Saint-Martin, R. de : 550
Quentin, A. : 538 Saint-Rémy du Pin, F. : 542
Quesnay, J.-B. : 549 Saint-Rigaud, François de : 392, 533,
Quintilien : 175 542, 602-603
Saint-Vincent, Grégoire de : 89, 180,
Rabordeau, M. : 543 408-410, 438
Ramard, G. : 535 Salignac, Bernard : 236, 304, 305, 306
Ramée, Pierre de la : 155, 174 Salignac, Louis de (évêque) : 239
Rand, François de : 538, 597-598 Salle, Louis de la : 382, 537
Raoux, P. : 533 Salmeron, Alphonse : 192
Raynaud, T. : 540 Salomon-Bayet, C. : 1
Regiomontanus : 53, 56, 78, 107, 156, Santo Remigio, J. a : 383, 538
161-162, 257, 272-273 Saphore, Arnaud : 126, 321, 322, 327
Reverdy, Claude : 405, 539, 598-599 Sardi, Benedetto : 113
Revillas, Louis de : 386-390 Saulnier, P. : 536
Rheticus, Georgius : 176 Sauvage, J.-B. : 545
Rhodes, G. de : 541-542 Savignac, A. : 547
Ribadeneira, Pedro : 5 Scala : voir Scaliger
Ribera, Francisco : 113 Scaliger, Joseph- Juste : 106, 238-240,
Ricard, P. : 534 272, 278, 467
686 INDEX DES NOMS

Scheiner, Christoph : 131, 180, 199, Trémélius : 127


245-246, 480, 512 Trencher, V. : 548
Scheubel, Jean : 107, 305-306, 347-349 Tucci, Etienne : 112
Segliere, A. : 545 Tyrius, Jacques : 112, 126
Serenus : 104
Serres, L. de : 540
Sesmaisons, P. : 539, 546 Urbain VIII (pape) : 505
Sextus Empiricus : 272
Simon, Philippe : 538, 603
Simplicius : 258, 260 Valentin, Jacques : 315-318, 320, 321
Sirlet, Guillaume : 239 Valla, Giorgio : 250, 253
Sirmond, J. : 538-539, 543 Vallet, A. : 549
Sixte V (pape) : 89 Vameret, G. : 535
Solain, Jean : 329 Van Roomen, Adrien : 93, 305
Somalius, Henricus : 65 Vanninus, Jean-Baptiste : 196
Sommervogel, C. : 5, 6, 15, 31, 219 Vatier, Antoine : 397, 405, 538, 539,
Sommière, G. : 548 542, 604-605
Soto, Domingo de : 81, 82, 300 Vaussin, E. : 545
Stabilis : voir Stabulis Vega, Juan de : 71
Stabulis, Ioannes Baptista de : 305, Véron, François : 383, 537-538
331 Veroncour, A. de : 545
Stagirite : voir Aristote Veruin, P. : 547, 549
Stifel, Michel : 107, 172-173, 176, 304- Vie, F. de la : 544
306, 444-445 Viète, François : 93, 173, 346-347, 349,
Stoeffler, Johannes : 51, 66 402, 444-445, 485-486, 487
Sturm, Jean : 127, 176, 308, 334, 479 Vignola : voir Danti
Suarez, Francisco : 82, 340, 429 Viguier, J. : 542
Sublet de Noyers, François : 449 Vinet, Elie : 173, 222, 225-242, 253-
Suffren, Claude : 534, 604 254, 257, 262, 267, 283, 343
Surgis, J. : 546 Viteleschi, Munzio : 387, 390, 517, 521
Sylvius, Petrus : 64-65 Vitellion : 53, 56, 279
Voille, Jean : 290
Tarbe, F. : 548 Voisin, Armand : 204, 290, 301
Tarde, Jean : 239 Volle, J.-C. : 535
Tartaglia, Niccolo : 305-306, 349, 401 Vossius, Gerardus Johannis : 389
Théodose : 75-76, 78, 85, 125
Théon : 78
Thielment, N. : 545-546 Wappy, L. : 544
Thiphène, C. : 543 Wolf, Hieronymus : 127
Thomas d'Aquin (saint) : 272, 277, 340
Toledo, Francisco de : 55, 82, 91, 131,
252, 258-259, 300, 429 Xylander : 444-445
Tomitano, Bernardo : 154
Torrés, Balthasar : 71-82, 92, 103, 119,
142, 179, 196, 203 Zabarella, Jacopo : 254, 263, 264, 278
Torricelli, Evangelista : 437 Zamberti, Bartolomeo : 88, 104
Tourneboule, M. : 533 Zenon : 252
Tournes, Jean de : 174, 464 Zimara, Marcantonio : 262, 263, 264,
Tournon, François de (cardinal) : 191, 278
193, 287-289, 291, 308, 310 Zucchi, Niccolo : 336, 411
TABLE DES MATIERES

Page
Remerciements IX

Table des abréviations XII

INTRODUCTION

La Compagnie de Jésus, l'enseignement des


mathématiques, l'histoire des sciences à la Renaissance
Sources manuscrites. Un corpus hétérogène pour une
approche plurielle de l'histoire de l'enseignement des
mathématiques
Les sources manuscrites de l'Archivum Romanum Societatis
Iesu, p. 10; Les fonds du Collegio Romano et leurs mystères,
p. 27; Les dépôts jésuites de France, p. 29; Les espaces de
conservation non jésuites : constitution d'un corpus sur les
collèges français, p. 30

Première Partie
LA QUESTION DES MATHÉMATIQUES DANS L'ANCIENNE
COMPAGNIE ET SES COLLÈGES

Introduction. L'apostolat universel de la Compagnie et


la question de l'enseignement 35

Chapitre 1 - Les mathématiques dans le cursus


philosophique : DES PREMIÈRES PRATIQUES AUX PRÉMICES DE
LA RATIO STUDIORUM (1540-1580) 43
Les premières codifications, autour des Constitutions 43
Les mathématiques dans les études philosophiques, p. 43; Les
mathématiques et l'écriture des Constitutions, p. 47.
Echos des pratiques d'enseignement des
mathématiques avant 1 580 62
Les premiers cours de mathématiques à la lumière des
règlements des études, p. 63; Premiers bilans pour l'espace italien,
p. 69.
688 TABLE DES MATIÈRES
Page
L'organisation d'un espace expérimental : Rome et
l'enseignement de B. Torrés 71
Les projets de B. Torrés pour l'enseignement des
mathématiques, p. 72; Sur la culture mathématique de Torrés, p. 78.

Chapitre 2 - Les mathématiques au Collegio Romano :


EXPÉRIMENTATIONS ET ÉLABORATION DUNE NOUVELLE
PRATIQUE (1580-1610) 85
Christoph Clavius, jésuite et mathématicien 85
L'action didactique en faveur des mathématiques 94
Réflexions de Clavius, p. 94; Les projets académiques de
Clavius, p. 102.
Clavius, les mathématiques et la Ratio studiorum 111
Premiers engagements de Clavius, p. 111; La version de 1586
de la Ratio studiorum, p. 116; Débats sur la première version
de la Ratio studiorum, p. 121.
Conclusion 132

Chapitre 3 - Clavius et les mathématiques au Collegio


Romano : au cœur des débats de la Renaissance ... 133
Introduction 133
Une action didactique au service d'une conception des
mathématiques 134
Les conceptions épistémologiques de Clavius, p. 134; Le
dialogue avec les philosophes du Collegio et ses ramifications
dans la Compagnie, p. 142.
L'ampleur du débat : la quaestio de certitudine mathe-
maticarum 153
Originalité du programme jésuite dans l'Europe de la
Renaissance 1 62
Pratiques universitaires italiennes du XVIe siècle, p. 162;
Réseaux français, p. 167; Dans les cercles réformés, p. 175.
Conclusion de la première partie 1 79

Deuxième Partie
DU CENTRE ROMAIN À LA PÉRIPHÉRIE FRANÇAISE
(SECONDE MOITIÉ DU XVIe SIÈCLE)

Introduction 183

Chapitre 4 - Les premiers cours de mathématiques :


répondre AUX ENGAGEMENTS PRIS 187
TABLE DES MATIÈRES 689
Page
Introduction. Les sources romaines et leur traitement 1 87
Esquisse d'une géographie des premiers centres
d'activité scientifique de la Compagnie 189
Premières pratiques : intermittence et marginalité dans
le cadre du cours de philosophie 1 94
Débats sur la Ratio dans les provinces françaises 206
Conclusion 216

Chapitre 5 - Une situation de concurrence exemplaire :


LES MATHÉMATIQUES À BORDEAUX 219

Introduction 219
Le collège de la Madeleine, au cœur des luttes
religieuses 220
Humanisme et mathématiques : Elie Vinet au collège
de Guyenne 225
Le cours de mathématiques d'Antoine Jordin 242
Le manuscrit de Bordeaux : présentation, p. 244; L'ombre de
Clavius, p. 249; A propos de la quadrature du cercle, p. 255;
«Sine arithmetica nulla scientia», p. 266; L'astronomie,
p. 269; Appendices : musique et perspective et soutenance de
thèses, p. 279.
Conclusion 282

Chapitre 6 - Les premiers réseaux constitués (1580 -


début du XVIIe siècle) 287

De Rome à Tournon : le réseau anglais 287


Premières expériences à Tournon, p. 287; Premiers
mathématiciens : les Britanniques de Tournon, p. 287; L'essor en
France de l'école de Clavius, p. 294; Bilan des premiers efforts
de spécialisation, p. 307.
Prestige parisien et repli mussipontain 311
Prémices, p. 311; Un cours ordinaire de mathématiques au
collège de Clermont, en 1568, p. 317; La génération des
années 1580, p. 327.
L'émergence du pôle mussipontain dans les années du
reflux de la Compagnie en France 333
Contextualisation, p. 333; Autour du rôle de Jean Chastelier,
p. 338; La culture mathématique de Jean Chastelier, p. 345.

Conclusion de la deuxième partie 353


690 table des matières

Troisième Partie
LE TEMPS DES CHAIRES
(PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIIe SIÈCLE)

Page
Introduction 357

Chapitre 7 - Nouveaux cadres institutionnels,


nouvelles PRATIQUES POUR L'ENSEIGNEMENT DES
MATHÉMATIQUES? 365
Nouvelles chaires, nouvelles hiérarchies 365
Présentation générale, p. 365; Continuité et officialisation :
Tournon, Lyon, Avignon, p. 373; Première fondation royale :
La Flèche, p. 379; Donation, prestige et mécénat : Aix, p. 386.
La première génération française des titulaires de
chaires de mathématiques 393
La place de l'enseignement des mathématiques dans la
carrière, p. 394; Variété des niveaux de spécialisation, p. 396; Un
critère central de classification : la formation, p. 398.
Conclusion 414

Chapitre 8 - Une production scientifique plurielle ... 415


Introduction 415
Le corpus des livres imprimés : approche générale .... 419
Les formes de la participation à la vie scientifique :
enquête sur les livres 430
L'enseignement, p. 430; Dans les débats scientifiques...,
p. 434; Une production marquée par l'essor des
mathématiques mixtes, p. 442.
Le livre et son public 448
Les dédicataires des ouvrages scientifiques, p. 448; Des
ouvrages pour un public aristocratique, p. 452.
Fonction et statut des mathématiques à travers les
livres jésuites 462
Vocation pédagogique des livres, p. 462; Définition des
mathématiques, p. 464.
Conclusion 474

Chapitre 9 - Perception, représentations et contrôle


DE L'ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES DANS LA
France du premier XVIIe siècle 475
Introduction 475
TABLE DES MATIÈRES 691
Page
Regards d'élèves 478
Un apport limité, p. 478; Le cas Descartes, p. 482.
Les mathématiques dans les manifestations publiques 491
Les cérémonies publiques : place, statut, image des
mathématiques, p. 492; Les soutenances de thèses : (re)présentation et
contenus des enseignements, p. 498.
Les leçons des censures 511
Conclusion 516
Conclusion de la troisième partie 523

Conclusion générale 527

Annexes 531
Annexe 1 - L'enseignement des mathématiques et de la
philosophie en France dans la premiere moitié du XVIIe
siècle 533
Annexe 2 - Notices biographiques sur les professeurs de
mathématiques de l'Assistance de France dans la premiere
moitié du XVIIe siècle. Présentation alphabétique 551
Annexe 3 - Quelques itinéraires biographiques 606
John Hay, p. 606; Jacques Falquestein, p. 607; Jean Chaste-
lier, p. 609.
Annexe 4 - Les versions de la Ratio studiorum sur les
mathématiques 614
1. La Ratio studiorum de 1586, p. 614; 2. La Ratio studiorum
de 1591, p. 615; 3. La Ratio studiorum de 1599, p. 616.
Annexe 5 - Thèses de mathématiques soutenues à Paris
en 1622 618

Sources et bibliographie 623


Sources manuscrites 623
Les fonds de l'Archivum Romanum Societatis Iesu, p. 623; Les
manuscrits de la Bibliothèque Apostolique Vaticane, p. 625 ; Les
manuscrits français, p. 626; Les sources pour les collèges, p. 626.
Sources imprimées 628
Le corpus des textes mathématiques et philosophiques, p. 628;
Les autres sources imprimées, p. 636.
Bibliographie 639

Liste des tableaux, des graphiques et des cartes 675


Liste des illustrations 677
Index nominum 679
Table des matières 687

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