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Claude THOMAS

Je suis chrétien et franc-maçon,


où est le problème ?

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I
Le manifeste

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Pourquoi ce Manifeste ?

23 mai 2013 : l’actualité se focalise sur Pascal


Vesin, curé de Megève (Haute-Savoie), démis de ses
fonctions par l’évêque d’Annecy, Yves Boivineau, à la
demande de Rome, en raison de son appartenance à
une loge du « Grand Orient de France (GODF) ».
Cette nouvelle crée en moi une perturbation
particulière, car je suis chrétien ET franc-maçon. En
effet, depuis plus de 35 ans, je pratique ma foi
chrétienne et contribue aux travaux d’une loge
maçonnique. Cette longue période de pratique
conjointe n’a entraîné ni laissé se manifester la
moindre contradiction ou incompatibilité ; ma foi
s’est manifestée sans être empiétée par la partie
« maçonnique » et vice versa. Donc, en prenant
connaissance de la mésaventure pénible que subissait
ce prêtre, j’ai décidé de faire part de mon expérience
de chrétien (et de membre d’une confrérie
maçonnique) enfin, essayer par ma contribution
critique, de m’impliquer dans l’évolution de mon

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Église. D’autant plus que ce sujet empoisonne depuis
fort longtemps les relations, la considération et le
respect réciproques dont l’Église et la franc-
maçonnerie se doivent mutuellement.
Ce manifeste, s’il critique, parfois avec dureté la
position de l’Église dans cette affaire, propose
l’éclairage concret d’un chrétien vivant la même
situation, sans être prélat, en souhaitant que
s’instaure, au plus tôt, un dialogue entre l’Église et la
franc-maçonnerie.
Je crois, en effet, le moment venu pour l’Église de
revoir sa position envers la franc-maçonnerie. Je
voudrais qu’il en soit de même envers cette situation
qu’il en a été suite au Concile Vatican II, vis-à-vis des
rapports de l’Église romaine avec le judaïsme, l’Islam,
les religions non chrétiennes et les non-croyants. Or,
jamais n’a été entreprise une analyse officielle portant
sur les rapports susceptibles d’exister entre l’Église et
les diverses Obédiences maçonniques, quelles qu’elles
soient à travers le Monde. Il est plus que nécessaire,
que l’Église en ce début du XXIe siècle et pour
l’ensemble de la communauté chrétienne,
entreprenne de parcourir le chemin conduisant vers
l’ouverture et la tolérance, reprenant à son compte les
résultats de l’évolution des siècles écoulés.
Ce livre est un manifeste entièrement tendu vers
ce but et visant à en convaincre les plus hautes
instances de mon Église.
Claude THOMAS

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Chrétien avant d’être franc-maçon

Je suis chrétien et franc-maçon, j’aurai pu être


musulman et franc-maçon ou pratiquer d’autres cultes et
malgré tout, rester un franc-maçon. Suivant le lieu de ma
naissance, j’eus pu vivre une autre existence en tout point
bien différente. Ce manifeste vise à poser la situation
anachronique de l’Église confrontée à une dualité de
pratiques. L’une religieuse, je suis chrétien, l’autre portée
sur la philanthropie, la philosophie et le progrès, je suis
franc-maçon. Je n’y perds toutefois pas mes devoirs
spirituels contenus dans ma foi de chrétien ou associés à
ma démarche de franc-maçon, en les assumant avec la
même ferveur. C’est ce témoignage, cette perception, ces
opinions et ces points de vue que je tente de vous décrire
au mieux dans les pages qui suivent.

Qui suis-je ?
Voilà 37 années que je pratique mon état de franc-
maçon parmi l’obédience de la Grande Loge de France,
en cohabitation harmonieuse et heureuse avec ma foi
catholique. Mais avant de développer cette position

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duale, objet de ce manifeste, permettez-moi de
présenter, en quelques mots, ma modeste personne.
Je vis le jour à Sainte-Adresse en Seine Maritime, le
29 décembre 1932, voilà donc 81 ans, déjà ! Mes
parents se sont installés au Havre, en 1933, où j’y
grandis, y déroulant mon adolescence jusqu’à la
maturité. Je fus baptisé et confirmé dans la religion
chrétienne et toute mon instruction primaire s’effectua
pendant le drame et les horreurs de la guerre 39/40 ; je
fus ballotté au gré des actions de l’occupant durant la
période 40 à 44 ; patronage tous les jeudis, sous la
tutelle du curé de la paroisse. J’ai réalisé le parcours
complet d’un scout de France à l’association Saint
Thomas d’Aquin au Havre. En ce lieu, me fut enseigné
le respect de notre parole, pas seulement celle de scout,
au cours de notre vie. Également, je me suis efforcé
d’accomplir une bonne action journalière, la fameuse
« BA ». Et à ce jour, je peux affirmer avoir toujours
respecté ma parole. Au cours de mon parcours, j’ai
consacré une part de mes activités au monde associatif,
en particulier : président d’une association du quartier
Saint François au Havre en tandem avec son vice-
président, l’abbé de cette paroisse, nos manifestations
s’organisaient en bonne intelligence avec l’association
paroissiale. Je suis toujours avec mes 81 printemps,
actif dans une association caritative, où depuis 1983
j’apporte mon soutien au père André Marie, moine
bénédictin et prêtre catholique, domicilié à Croixrault
en Picardie, œuvrant en faveur des pauvres à

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Madagascar, en liaison avec le père Pedro. C’est un
homme de foi qu’habite au quotidien l’évangile.
A contrario, je vous relate trois anecdotes
pénibles et négatives survenues au cours de ma
jeunesse. Elles auraient pu constituer un barrage
sérieux à ma foi, voire m’en détourner. Ce qui dut être
le cas de beaucoup ayant connu et subis ces outrages
de la part de représentants de l’Église.
La première anecdote se situait dans le cadre du
château d’Écrainville en Seine-Maritime au cours de
juillet 1947, où nous étions en colonie avec deux prêtres
nous accompagnant, Claude Carel et Fernand Boivin.
Un samedi, un moine a demandé d’être hébergé étant de
passage dans la région. Cela lui fut accordé. Le
dimanche matin, je fus agressé par ce moine trappiste
dans un couloir et ses intentions ne laissaient aucun
doute. J’ai réussi à m’enfuir et à alerter aussitôt les deux
prêtres accompagnateurs. Ils lui réservèrent une sortie
physique, tout en alertant sa congrégation.
La seconde anecdote se situe en 1950, au cours
d’un repas organisé par un prêtre dans son presbytère,
j’étais placé à sa gauche ; discrètement avec sa main, a
tenté des attouchements équivoquent. Je l’ai repoussé
en prévenant sa sœur, guère étonnée, car connaissant
les pulsions de son frère. Bien entendu après avoir
informé mon père, nous les avons quittés et sommes
rentrés à la maison.
La dernière anecdote ne me concerne pas
directement. Au cours de l’inhumation d’un homme

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connu pour son intempérance, son frère s’est
exclamé, mais à propos d’un autre de ses frères « Toi
au moins cela se voyait ». Ce frère était prêtre
catholique et fut emprisonné pour pédophilie.
Une question me taraude, Pourquoi ? Des
hommes dont la foi, la vocation les conduisent à
exercer un sacerdoce aussi exigeant au plan moral que
la prêtrise, peuvent-ils agir comme de vulgaires
obsédés sexuels. Des cas bien plus douloureux ont été
découverts au cours d’un passé récent et ces dernières
années. L’Église a fait preuve d’une négligence plus
que coupable en poursuivant sa route, laissant de côté,
comme sans l’apercevoir, ce problème. Je ne sais, si le
mariage des prêtres apportera la solution, car dans le
monde profane, malgré le mariage, des hommes
portent dans leurs gènes, les mêmes pulsions,
nuisibles à notre société. Ce que je peux affirmer du
fait de mon expérience, c’est que ceux qui se doivent à
des devoirs de moralité montrent l’exemple, car seule
l’exemplarité peut réconcilier ceux qui se sont
éloignés de l’Église. Si je maintiens et reste fidèle à ma
foi en l’homme et au monde chrétien, c’est que, ayant
côtoyé des hommes d’Église impressionnants par leur
dévouement, dont un exemple, celui du père Roger
aumônier des scouts de France au Havre dont le
comportement durant la guerre fut mémorable en
sachant, notamment, faire face à ses responsabilités de
manière exemplaire. En rapportant ci-après mon
témoignage, c’est ma façon de lui rendre hommage.

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