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UNE FENÊTRE OUVERTE SUR LE MONDE

K m ï
MARS 1964 (XVIIe ANNÉE) FRANCE : 0,70 F. - BELGIQUE : 10 Fr. - SUISSE : 0,80 Fr.

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L'ART DE L'ECRITÜRE
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Musée national d'histoire, Mexico
Photo L. Limón Aragon

EXERCICES

DE STYLE

Photos tirées de " Eccentric Typography ". par Walter


Hart Blumenthal. éd. Achille J. St. Onge, Worchester,
Etats-Unis, 1963

De nombreux artistes ont fait entrer des

éléments d'écriture dans la composition de


leurs Fuvres, peintures ou dessins. A
gauche en haut, la peinture à l'huile repré¬
sentant le comte de Galvez, grand seigneur
mexicain du 18" siècle, est l'uuvre de
deux artistes, Fray Pablo de Jesus et le
Père San Jerónimo, l'un peintre, l'autre
calligraphie. Ci-dessus, le corps du centaure
est composé de lettres capitales rustiques,
empruntées à un manuscrit du 10" siècle
de l'Aratea de Cicerón (British Museum,
Londres). A gauche en bas, le portrait du
Président des États-Unis, Abraham Lincoln,
apparaît comme en filigrane par l'effet calli¬
graphique. Le texte est celui de la Procla¬
mation de l'Émancipation dont on a célébré
le centenaire l'année dernière.

^»«ttMt unt^ (/-*»-


Le
Courrier MARS 1964

XVII© ANNÉE

PUBLIE EN

9 ÉDITIONS
Française 4 L'ART DE L'ÉCRITURE
Anglaise
Espagnole 9 PIERRES HITTITES ET MAYAS
Russe

Allemande
10 CHAMPOLLION DÉCHIFFRE LES HIÉROGLYPHES
Arabe

U. S. A.
13 NAISSANCE DE L'ÉCRITURE CUNÉIFORME
Japonaise
Italienne
14 L'ALPHABET, TROUVAILLE PHÉNICIENNE

17 VÉHICULE DE LA LOI ET DU SACRÉ

18 LA VASTE PARENTÉ DES ÉCRITURES INDIENNES

20 COMMENT L'EUROPE SE MIT A ÉCRIRE

22 MILLE MANIÈRES...

24 ONZE SIÈCLES D'ALPHABET CYRILLIQUE

NOTRE COUVERTURE

On appelle " bois parlants ",


26 ÉCRITURES NON DÉCHIFFRÉES
les tablettes ou objets de l' Ile
de Pâques couverts d'une écri¬
ture hiéroglyphique qui n'est pas
encore déchiffrée. Notre cou¬
30 LES CARACTÈRES CHINOIS
verture représente l'une de ces
tablettes de bois : dans le

cartouche, six des signes


34 NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT
qui se retrouvent sur les " bois
parlants " (voir page 26).

Photo ©
Musée de l'Homme, Paris

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ÉDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

Mensuel publié par I'UNESCO Ventes et distribution :

Unesco, place de Fontenoy, Paris-7*.


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Edition italienne : Maria Remiddi (Rome) N° 3 - 1964 MC 64-1-189 F

Maquettiste : Toute la correspondance concernant la Rédaction doit être adressée


Robert Jacquemin au nom du Rédacteur en Chef.

V
Le 21 janvier 1964, une exposition itinérante de I'Unesco, « L'Art
de l'Écriture », a été inaugurée à la Staatliche Kunsthalle de
Baden-Baden (République fédérale d'Allemagne). A l'aide de cinquante panneaux
photographiques et de textes explicatifs, l'exposition de I'Unesco retrace la
naissance des écritures, leur évolution et leur application dans la vie des hom¬
mes au cours de l'histoire. Elle a été réalisée par M. Willem J. Sandberg, ancien
directeur du Stedelijk Museum d'Amsterdam (Pays-Bas), selon un plan de
M. Marcel Cohen, professeur honoraire de langues orientales modernes à la Sor¬
bonne (Paris), et avec la collaboration de M. Dietrich Mahlow, directeur de la
Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden; des spécialistes de différents pays ont
également participé aux travaux préparatoires.
Les textes et les illustrations qui composent ce numéro du « Courrier
de I'Unesco » sont pour une bonne part tirés du matériel documentaire de cette
exposition qui sera, ultérieurement, présentée dans de nombreux pays. Le cata¬
logue de l'exposition, volume de 130 pages abondamment illustré, a paru en
langue allemande et des éditions en français, en anglais et en espagnol sont en
préparation. La préface de ce catalogue est due à Etiemble, Professeur à la
Sorbonne, et l'introduction, dont nous reproduisons ici de larges extraits, à
Marcel Cohen.

Ce vaste panorama de l'art de l'écriture n'offre pas un intérêt purement rétro¬


spectif. En un temps où doit s'accentuer la lutte contre l'analphabétisme, l'écriture
reste ce qu'elle a toujours été pour l'homme : la condition de tout progrès.
L'ART
DE L'ÉCRITURE
Par Marcel Cohen

Les premiers « textes » étaient faits d'une


succession de dessins évocateurs (pic¬
togrammes). Celui-ci servait d'aide-mémoire,
chez les Indiens Cuna, Panama, aux inter¬
prètes d'un chant rituel sur la recherche de
l'âme enfuie d'un malade. Les lignes se
lisent alternativement de droite à gauche
et de gauche à droite.

Photo Unesco

L'histoire de l'écriture, qui est un moment de


l'histoire de l'humanité et en constitue un fac¬

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teur Important, a commencé bien des fois et en plus d'un
endroit.

Sans doute doit-on faire remonter à cinq cent mille ans


l'existence d'hommes déjà pourvus d'armes, d'outils et
d'ustensiles divers, outils en pierre qu'on peut retrouver
ou ustensiles disparus à jamais parce qu'ils étaient fabri¬
qués avec des matières végétales.
C'est à une date relativement très proche, à 40 000 ans
au plus avant notre époque, pense-t-on, qu'on trouve
l'homme actuel (cérébralement parlant), non seulement
pourvu d'un outillage relativement varié et perfectionné,
mais, au moins pour certaines populations, capable d'in¬
ciser, de modeler, de peindre des représentations d'êtres
vivants d'une manière qui nous procure encore un plaisir
esthétique. Il ne fait pas de doute que, pour les hommes

ni $ R de ce temps-là, l'agréable se joignait déjà à l'utile.

On pense que l'utilité consistait pour eux à produire des


représentations dans certaines conditions et à s'en servir
de manière appropriée (récitations d'incantations, attou¬
chements, transpercements) de façon à favoriser la mul¬
tiplication et la capture du gibier. Le plaisir devait être
celui de la fabrication et de la contemplation à quelle
lueur fuligineuse dans les cavernes ? Il faut penser aussi
que l'art plastique n'était pas seul en cause, quelle qu'ait
pu être sa valeur d'efficacité magique. Les objets usuels
n'étaient pas dépourvus d'une certaine ornementation et
les individus portaient des bijoux.

Il est probable qu'au cours de l'évolution qui a perfec¬


tionné le langage, des moyens sont apparus de le sup¬
pléer de manière matérielle et de le conserver plus ou
moins bien. Ici trouverait sa place le grand chapitre des
« marques » (entendues au sens large) qui ont précédé
l'écriture, et ont subsisté à côté d'elle pour certains usages.

L'art, au contraire, ou tout au moins une habileté gra¬


phique qui en tient lieu, est à l'origine de tous les sys¬

t *V I tèmes consistant à présenter à la vue ce qui peut être


exprimé par la parole. Partout on rencontre d'abord la
pictographie (de la racine latine « peindre » et de la racine

a grecque « tracer, écrire »), dans les manifestations diver¬


ses de la protoécriture, transmettant à celui qui regarde
un fragment de discours figuré, sans que celui-ci soit
décomposé en mots, par conséquent sans qu'il y ait de
liaison effective avec une langue déterminée.

On a affaire d'une manière générale à des « histoires


sans paroles », avec des images-situations ou des signes-

ITÏl choses. Ceux-ci, de types variés, correspondent à des for¬


mes et à des usages différents, dans des sociétés elles-
mêmes différentes, mais toutes restées à des stades maté¬
riellement inférieurs, sociétés de chasseurs, pêcheurs,
agriculteurs modestes, en Afrique, en Asie septentrioale,
. \* en Amérique, en Océanie.
Il faut mettre à part les pictogrammes signaux qui ne

SUITE PAGE 6
L'ART DE L'ÉCRITURE (Suite)

Une hi de 6000 ans

comportent pas des détails descriptifs mais sont desti¬ le procédé du rébus à transfert. Celui-ci suppose des obser¬
nés à déclencher des récitations, en servant d'aide-mé¬ vations précises sur une langue déterminée ; ainsi on peut
moire à des récitants exercés. observer sur des mots courts qu'il existe des homophones
(de même son) terme plus précis que homonyme (à même
Une véritable écriture, correspondant à l'analyse des
nom) et, en faisant l'économie d'un signe, on pourra écrire
phrases en mots figurés successivement, témoignage nou¬
« peau » en dessinant un « pot » ; en allant plus loin, en
veau d'observation et d'abstraction, n'apparaît que dans
décomposant des mots en leurs éléments on pourra démon¬
des sociétés évoluées au point d'avoir des villes, ce qui
ter tel mot de plus d'une syllabe ; ainsi « chapeau , »
suppose des échanges complexes et réguliers, notamment
pourra être écrit par les dessins joints d'un chat et d'un
pour assurer l'alimentation des citadins par les ruraux et,
pot (ou d'une peau). Cette réalisation n'est naturellement
d'abord, le développement de l'architecture, activité d'ar¬
tisans et d'artistes. valable que pour une seule langue, dans le cas présent,
le français : ici l'écriture, à aspect encore idéographique,
adhère à la langue avec son phonétisme.
Les exemples qui suivent sont empruntés à une écriture
américaine. En effet, c'est par les écritures de l'Amérique
centrale qu'on a coutume de commencer, en dépit de la
ucuNE découverte archéologique de documents chronologie, l'histoire de l'écriture. Cela se justifie par le
décrits ne permet de remonter au-delà des développement inconnu ailleurs du tracé pictographique
environs de l'an 4000 au grand maximum : en gros, l'écri¬ ou hiéroglyphique, sans qu'il se soit réalisé de schémati¬
ture, non indispensable à la vie, n'a qu'une histoire de sation. Pour cette raison, ce classement empirique pour¬
6 000 ans approximativement et, au terme de cette période, rait bien subsister même si les efforts qu'on fait actuelle¬
elle n'a pas abouti à un usage universel, près de la moitié ment pour déchiffrer les documents mayas et aztèques
des hommes ne s'en servant pas. devaient déceller des mélanges de procédés idéographi¬
ques et phonographiques, tels qu'on en constate dans les
Pour ce qui est du fonctionnement, une véritable écri¬ écritures plus anciennes, du vieux monde, qui seront som¬
ture pictographique idéale supposerait que chaque mot est mairement décrites ensuite.
représenté par un dessin spécial reconnaissable, ce qui
est le procédé du rébus, plus précisément du rébus direct,
encore employé de nos jours par jeu, avec diverses conven¬
tions supplémentaires. Ainsi, un disque avec rayons signi¬
fiant « soleil », le dessin d'un couvre-chef signifiant
« chapeau », des animaux variés figurés par leur image Jonc, le stade urbain, avec emploi de l'écriture,
(par exemple « chat »). a été atteint en Amérique centrale. L'empire
Maya paraît avoir existé au ive siècle de notre ère. Il a
Les signes-choses sont en même temps des signes-mots ;
subi ensuite diverses vicissitudes et avait à peu près
comme ils expriment des sens sans évoquer et détailler
disparu avant même la conquête espagnole au xvie siècle.
les sons, leur emploi est idéographique, on peut les appe¬
Un grand développement de l'architecture pyramides
ler des idéogrammes. Au point de vue du tracé, tant qu'il
et escaliers monumentaux notamment est attesté par
s'agit de dessins réalistes, on peut parler d'hiéroglyphes
des ruines. Or l'écriture était liée à cette architecture :
au sens large d'après le nom donné par les Grecs aux
les marches de tel escalier étaient ornées de grands hiéro¬
caractères de l'ancienne écriture égyptienne. Les mots
glyphes sculptés. On connaît aussi des figures en stuc, et
grecs hiéros, « sacré », et glyph, « sculpter ».
l'on a constaté l'existence de fresques. La' couleur était
S'il s'agit de mots entiers, non décomposés, un tel sys¬ aussi employée dans la confection de codex sur papier,
tème peut être employé sans tenir compte des prononcia¬ avec des figurines plus ou moins grandes, en carrés soi¬
tions, et par conséquent se lire dans différentes langues. gneusement alignés.
Il faut supposer, si l'on veut écrire au sujet de choses
Beaucoup de figures étaient stylisées, certaines d'entre
variées, un grand nombre de dessins différents.
elles, imaginaires, laissaient supposer toutes sortes de
Le stade suivant de l'invention est celui où la notation
légendes et d'interprétations mythiques. On dit que, chez
des sons apparaît, où l'écriture devient, d'abord en partie les Mayas la connaissance de l'écriture était réservée aux
seulement, phonographique (du grec phonê « son »). Ce familles de prêtres et de grands seigneurs. Mais les sculp¬
résultat est obtenu sans quitter la picto-idéographie, par tures sur monuments s'étalaient sous les yeux de tous et
L'EMBRYON

DE L'ÉCRITURE
Les signes les plus anciens à partir desquels
l'écriture a pu se développer répondaient
aux exigences de la vie de peuples chas¬
seurs ou pasteurs. Il s'agissait de marquer
des biens, rappeler un souvenir, d'indiquer
un itinéraire, etc. Certains signes tendaient
à représenter la chose évoquée. D'autres,
abstraits, n'étaient compris que des initiés
et sont aujourd'hui impossibles à déchiffrer.
C'est le cas de ceux-ci. De gauche à
droite : signe où figure la lune et silhouette
portant deux étoiles à bout de bras, d'une
peinture rupestre préhistorique d'Espagne;
figure gravée sur roche, relevée au Brésil.

devaient se prêter à des explications, comme les statues l'identité de deux mots, et le tracé représente la pronon¬
et les vitraux de nos cathédrales romanes et gothiques. ciation en même temps que le sens.
De plus, on sait que dans cette civilisation régnait la C'est également en raison du fonctionnement de l'écri¬
croyance au retour périodique des mêmes événements. Il ture que le Chinois, qui ne remonte semble-t-il qu'au
paraissait donc éminemment pratique de fixer les données milieu du 3* millénaire, est traité ici avant les écritures les
permettant des prévisions à ce sujet. plus anciennement attestées. Le système chinois est pro¬
Les Aztèques, qui se sont établis au xrv" siècle au Mexi¬ che de la pictographie idéale en ce sens qu'il y a, en prin¬
que et dont la civilisation fut influencée par celle des cipe, un tracé, c'est-à-dire un caractère, pour chaque mot,
le mot étant un monosyllabe invariable.
Mayas, ont dû avoir des monuments comme ces derniers ;
il n'en a subsisté que très peu de chose après la conquête Ceci est vrai, bien que les linguistes soient arrivés à
espagnole. Heureusement, tandis qu'on ne connaît que reconnaître que ce monosyllabisme n'a pas toujours existé
trois manuscrits mayas authentiques, les manuscrits aztè¬ et bien que, très souvent, deux éléments soient accolés
ques conservés se comptent par quelques dizaines. On y pour former des espèces de composés. Il en résulte que les
discerne des données religieuses, d'autres historiques et caractères se comptent par milliers.
géographiques ; parmi celles-ci, des noms de ville ont
La lecture usuelle demande la connaissance de 3 000
fourni des exemples de rébus à transfert.
caractères, des dictionnaires pour lettrés en contiennent
Ainsi, le nom de la ville de COATLAN est figuré par un 40 000. plus encore avec les raretés.
serpent, sous lequel sont dessinées deux dents avec leurs
gencives ; le sens est « endroit des serpents » : COAT Ces caractères ne sont pas liés idéographlquement mais
désigne le serpent, et pour indiquer le lieu, la préposition associés à des ensembles de sons déterminés de la langue
Tlan « dans » a été figurée par tlantli « dents » (dont la
finale est négligée). L'analyse phonétique a fait remarquer SUITE PAGE 9

LE MOT ET

L'ORNEMENT

L'art de visualiser ce qui peut être


exprimé par la parole découle
d'une habileté graphique qui s'était
appliquée d'abord à l'ornement.
Ici, deux motifs décoratifs des

Élamites dont le royaume, assujetti


vers 640 av. J.-C. par les Assy¬
riens, s'étendait au nord du golfe
Persique, à l'est du Tigre. Les
Élamites avaient développé leur
propre écriture qu'ils utilisèrent
pendant cinq siècles et qui tomba
dans l'oubli.
fk
HITTITES

ET MAYAS

En Anatolie centrale, les Hittites


se servaient, à partir av.de 1500
J.-C, de leur propre écriture sylla-
bique hiéroglyphique. Ils utilisaient
en outre une écriture cunéiforme.

Leurs hiéroglyphes, qui n'avaient


pas la même forme qu'en Egypte,
étaient réservés aux inscriptions monu¬
mentales officielles (voir Courrier de
I'Unesco février 1 963). Très expressifs,
ils frappaient même ceux qui ne sa¬
vaient pas les lire (photo de gauche).
Presque vingt siècles plus tard,
chez les Mayas, en Amérique cen¬
trale, l'écriture hiéroglyphique, inti¬
mement liée à l'architecture et à la

sculpture, était au service du pouvoir,


de la religion et du calendrier.
Les hiéroglyphes du calendrier (voir
Courrier de I'Unesco, mars 1962)
représentent un tiers environ des
caractères connus et sont aujourd'hui
déchiffrés. A droite, deux initiales
en forme de personnages (7 * siècle
après J.-C).

Photo Unesco

L'ART DE L'ECRITURE (Suite)

La parole est à la pierre


chinoise (consonne suivie d'une voyelle et, dans une partie dans leur petitesse. (Certains sans doute figuraient des
des cas, d'une consonne finale) : ils sont donc des phono¬ gestes conventionnels.)
grammes syllabiques. Beaucoup en sont venus, par trans¬
Les dessins gravés ou peints, à usage monumental
fert sans décomposition, à désigner des objets variés.
en y comprenant des stèles inscrites de petite taille et
Secondairement, pour départager les sens, on a Introduit
les peintures garnissant l'intérieur des chapelles tombales
à l'intérieur des caractères des tracés eux-mêmes plus ou
ont subsisté jusqu'aux environs de l'ère chrétienne. Ils
moins compliqués (de 1 à 17 traits), distinguant des caté¬
ont cédé alors la place à l'écriture alphabétique emprun¬
gories de sons, donc à caractère idéographique qu'on
tée aux Grecs sous la forme qu'on appelle copte et qu'uti¬
dénomme clés.
lise la langue évoluée, conservée jusqu'à nos jours pour
Le système est en somme idéographique en même temps l'usage liturgique chrétien.
que phonographique. Il a persisté jusqu'à nos jours mal¬ Au bout d'un millénaire environ, l'écriture monumentale
gré la difficulté d'apprentissage pour le tracé et pour la s'est doublée d'une forme cursive, généralement écrite à
lecture. Depuis peu, l'écriture latine est employée pour
l'encre, où les dessins cessaient d'être reconnalsables, étant
enseigner la lecture avant que ne soient enseignés les
réduits schématiquement pour une exécution rapide :
anciens caractères, eux-mêmes en partie simplifiés.
premier exemple que nous ayons à citer où le besoin de
la vitesse dans l'écriture a prévalu sur la clarté pour la
lecture. Mais, dans cette écriture cursive, qui, suivant les
époques, a changé de tracés (tracé d'abord hiératique, puis
démotique), le système de notation est resté le même.

tN effet, ces caractères sont généralement com¬ C'était un système complexe, ce qui, une fois la tradi¬
pliqués, composés de nombreux petits traits tion perdue, a rendu le déchiffrement malaisé pour les
droits, faits à la pointe du pinceau. L'emploi de l'écriture, savants, habitués au système alphabétique. Il comportait
naguère réservé aux milieux instruits, fonctionnaires et en majorité des signes-mots, suivant le principe idéogra¬
membres des hautes classes (maintenant l'école est à peu phique , ces signes-mots étaient à l'origine des signes-
près généralisée), est imprégné de sentiments esthétique. choses employés soit en rébus direct, soit en rébus à trans¬
Chaque petit caractère, occupant un carré idéal, isolé fert sans décomposition pour des mots à sens analogues.
dans la colonne rigoureusement rectiligne avec des inter¬ Grâce à ces deux procédés, le nombre des signes pouvait
valles eux-mêmes égaux (des signes de ponctuation ser¬ être réduit à quelques centaines, réduction appréciable
vant à indiquer les groupements nécessaires) est une pour la mémoire et l'apprentissage des tracés, mais source
petite d'art. Les bons calligraphes, professionnels d'incertitude pour la lecture.
ou non, ont été réputés à l'égal de dessinateurs et de En conséquence, deux sortes de compléments ont été
peintres. L'emploi ornemental de l'écriture est fréquent. adoptés, destinés à faciliter la lecture sans être pronon¬
Grâce aux ruines conservées et aux documents retrou¬ cés en plus: d'abord, des signes (pris dans le stock idéo¬
<
vés, on sait que, dans l'Egypte ancienne, depuis une épo¬ graphique) pour spécifier les catégories de sens (êtres
© humains et leurs actions, animaux, ustensiles, etc.) ;
que antérieure à 3 000 ans, existaient des Etats organisés
avec de grandes cités, où l'écriture était en usage, avec
des hiéroglyphes aux dessins reconnaissables et élégants SUITE PAGE 12
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PTOLÉMÉE j. .- s

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Les deux noms en hiéroglyphes qui sont à la
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base de la découverte de Champollion : ci-
^4ft¿as:TWH«:ftíí-^ss^ dessus, Ptolémée, comme dans le cartouche 'HsmShíI. *ilyn^t/».aj
de la sixième ligne de la pierre de Rosette (à
vm¿';:¿ gauche) ; à droite, Cléopâtre. CLÉOPÂTRE

r r

Dessinées de la main de Champollion,

PTOLEMEE aussitôt après sa découverte, les deux


planches explicatives (à droite et ci-
dessous) accompagnaient sa « Lettre à
M. Dacier» publiée en 1822 à Paris
chez l'éditeur Firmin -Didot. A droite,

ET CLÉOPÂTRE Champollion a reporté en démotique et


en hiéroglyphique, une série de noms
propres qu'il venait d'identifier, parmi
V>i}iH+22J

lesquels ceux de Ptolémée, Cléopâtre,


Alexandre-le-Grand, Bérénice. Au bas

LIVRENT LES CLÉS de la planche, Champollion a signé


en caractères hiéroglyphiques. Ci-des¬
sous : une partie du tableau des signes
phonétiques avec équivalences des lettres
OÎ7A«««>

grecques, des signes démotiques et

DE L'ÉNIGME des signes hiéroglyphiques.

Photos Unesco

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M/lcluSUC.*
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Vif««*« ifttMto'U^uce *}lcyi\c> Flii JAUiOUtaii

A
/. (I S> w.
S <-» **. à * i.J. «=?.
E 22 septembre 1822, à Paris, un jeune savant français,
r X
passionné d'égyptologie, pauvre et accablé par le
surmenage, se précipitait chez son frère en criant : « Je tiens l'affaire ! »,
< 4
puis s'évanouissait. Jean-François Champollion venait de percer le mys¬
£
tère des hiéroglyphes égyptiens. Quelques jours plus tard, il annonça
2 la grande nouvelle dans une lettre à M. B.-J. Dacier, secrétaire perpétuel
de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Huit ans aupara¬
H m jH <n ju IHI.IMI..W P0 OH.&fl -=JJ . Q---3.
vant, un médecin anglais, Thomas Young, avait bien reconnu la présen¬
e
tation hiéroglyphique du nom de Ptolémée grâce à la fameuse pierre de
Rosette gravée en hiéroglyphique, en démotique et en grec. Mais le
i ^o m .
déchiffrement en était resté là. Champollion, de son côté, acquit une cer¬
K. titude : le texte hiéroglyphique comptant trois fois plus de signes que
5=7. s
>.n>.m..zi.¿D.c± R.^ijyiT. (p. a. «¿. le texte grec ne comportait de mots, plusieurs signes hiéroglyphiques
A
devaient être nécessaires pour former un mot. Sur la base d'un papyrus
M 5=k . «e= -T- S3 . «4 en caractères démotiques, il retrouva le nom du roi Ptolémée et réussit
en outre, en 1822, à écrire en hiéroglyphes, presque exactement, le nom
N
AAA . AMM%»~ **» . Q . g . { >S de la reine Cléopâtre. Ces deux noms lui fournissaient la clé de onze
>*.
lettres. L'identification du nom de Touthmosis devait enfin confirmer sa

rr-f/T-i découverte. Le déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens fit dès lors des
O fc.tfl.tfl.Q 9 Ç
progrès foudroyants.
n n DOS s^ff
British Museum, Londres. Photo Kunstarchiv Arntz Pour les Egyptiens, l'image et le hiéroglyphe ont toujours été insépa¬
p rables, même quand l'écriture hiéroglyphique perfectionnée est devenue
La pierre de Rosette fut un élément capital pour le déchiffrement des hiéro¬ syllabique, les signes ayant acquis une valeur phonétique indépen¬
glyphes égyptiens par Champollion. Découverte en 1799, cette stèle de damment de leur sens figuratif originel. Pendant trois millénaires, les
basalte noir porte le texte d'un décret daté de 196 av. J.-C. concernant
T hiéroglyphes sont restés à la base de l'écriture monumentale en raison
les honneurs à rendre au roi Ptolémée V dans les temples. Le texte y figure
en trois versions : en haut, 14 lignes d'hiéroglyphes; au milieu, 32 lignes eh
de leur beauté. Parallèlement, des formes d'écriture plus maniables
ï
10 démotique (écriture courante) ; en bas, 54 lignes en grec (langue de la (la hiératique, puis la démotique) se sont développées à l'usage des
11
cour). Sur le fragment ci-dessus, on distingue, à la 6e ligne, dans un car¬ besoins administratifs et de la correspondance sur papyrus ou sur
touche, le nom du roi Ptolémée. tablettes de bois.
L'ART DE L'ÉCRITURE (Suite)

Les savantes

mises en pages
mésopotamiennes

ensuite, pour diriger la prononciation des signes, sons ou


signes phonographiques représentant les consonnes (seu¬
lement) de mots courts à une ou deux consonnes, avec
souci non du sens mais de la seule prononciation ; dans
le cas le plus fréquent, celui du mono-consonantisme, on
a l'équivalent de ce qui sera plus tard la lettre.
Ces éléments phonographiques qui attestent l'analyse
poussée du mot en ses éléments sont employés seuls pour
noter les suffixes et les préfixes, les signes-mots ne notant
que les radicaux. C'est ainsi qu'on disposait d'un système
mixte idéographique et phonographique.
II a dû y avoir à l'origine des usages pratiques dont on
a perdu le souvenir faute de matériaux durs. Les plus
anciens documents conservés contiennent déjà des récits
d'événements contemporains. Par la suite, on trouve en
grand nombre des documents de la vie quotidienne et des
textes commémoratifs. Des images de plusieurs scribes
écrivant en même temps, apparemment sous la dictée,
montrent les débuts de la multiplication de l'écrit, autre¬
ment dit des livres. Un des usages à signaler est celui
des scarabées gravés de caractères servant de cachets :
c'est là un des plus anciens emplois de l'écriture, si l'on
en croit les vestiges de diverses civilisations, par exemple
celle des villes de l'Indus sensiblement contemporaines des
débuts des royaumes égyptiens, où l'on n'a retrouvé que
des cachets (encore indéchifïrés).

|ans une autre région de ce qui est pour nous


le Proche-Orient naquit, à peu près à la même
époque, un système d'écriture apparenté au système égyp¬
tien par son esprit, mais très différent quant à la réalisa¬
tion. Il y a près de mille ans d'intervalle entre les picto¬
grammes de comptabilité (vers 3 500) et l'écriture cunéi¬
forme classique, expression des deux langues qui ont joué
un grand rôle religieux et littéraire dans cette région, le
sumérien, auquel on n'a pas pu jusqu'à présent attribuer
de parenté linguistique, et l'akkadien (assyro-babylonien)
qui constitue le sémitique oriental.

Les dessins plutôt frustes, sans agrément artistique, se


sont peu à peu mués en assemblages de ces traits pourvus
d'un petit triangle à une extrémité qui méritent le nom
de clous, et de ces autres triangles avec deux petits pro¬
longements qui méritent celui de coin (d'où le nom d'écri¬
ture cunéiforme), tracés par enfoncement plus ou moins
appuyé d'une pointe de roseau taillé dans l'argile non
encore cuite d'une tablette, matériau qui a le mérite de la
pérennité.
Les nombreux scribes mésopotamiens, dont nous savons
qu'ils se livraient à maintes études (notamment les compa¬
raisons grammaticales entre les deux langues dont ils se
servaient), on su créer avec leur matériel anguleux tout
un art calligraphique, comportant de savantes dispositions
de mise en page, des resserrements étonnants sur de petits
espaces, et des « blancs » habilement ménagés.

Exemple intéressant, c'est cette espèce de cursive sur


matière molle qui a été utilisée par d'habiles graveurs sur
pierre dans de petits monuments, notamment des stèles Musée du Louvre. Paris. Photo M. Chuzeville

(ces murs en réduction), s'intégrant à la majestueuse


architecture mésopotamienne, avec sculptures souvent
géantes.

Comme en égyptien, la plupart des signes (environ 500


pour l'ancien sumérien) sont des signes-mots, provenant
d'anciens signes-choses. Beaucoup de mots sumériens sont
des monosyllabes à deux consonnes encadrant une voyelle,
mais d'autres sont plus cours (voyelle ou voyelle et
Détail dif relief dit « familial » du roi sumérien Urnansche de
consonne) ou plus longs. En akkadien, comme dans les
Lagash. Plaque de calcaire sculptée vers 2400 av. J.-C
j» autres langues sémitiques, les racines triconsonantiques
dominent. Le roi porte sur sa tête du mortier pour la construction du
temple; au-dessous, des fonctionnaires avec leurs noms.
SUITE PAGE 14 L'écriture et le dessin sont encore étroitement entremêlés.
British Museum, Londres. Photo Kunstarchiv Arntz. La Haye

Sceau d'un Sumérien, vers 2250 av. J.-C L'écriture du nom est illustrée d'une
scène montrant la libération du dieu du soleil.

L'écriture
naît sous une pointe de roseau
LES Sumériens de la nécessaire d'écrire les noms sans C'est l'écriture cunéiforme.
Basse - Mésopotamie ambiguïté, une valeur phonétique a Elle se trace dans l'argile ten¬
sont, avec les Egyptiens, les Cretois été attribuée à des signes qui dre, avant la cuisson, à l'aide d'une
et les Chinois, les premiers inven¬ avaient été d'abord pictographiques. pointe de roseau taillé. Les Baby¬
teurs d'un système d'écriture effi¬ Cela devient une sorte de rébus : loniens, les Assyriens puis les
cace. Ils Ont accompli le premier pas un mot difficile à exprimer par un Hittites et les Perses adapteront
qui mène de l'écriture pictographi¬ dessin est désigné par le signe d'un cette écriture à leur propre langue,
que à l'écriture syllabique, contri¬ mot se prononçant à peu près de la lui donnant une rigueur géométri¬
buant ainsi à l'élaboration de l'écri¬ même façon. Le développement de que. Un dessin illustre souvent le
ture moderne. Au début du 3e millé¬ ce système va permettre d'écrire texte pour indiquer à l'illettré de
naire, les Sumériens gravaient des presque toutes les combinaisons de quoi il s'agit. Mais l'image et l'écri¬
sceaux, marques de propriétaire, et la langue parlée. Evoluant à partir ture peuvent se passer désormais
bientôt des signes évoquant direc¬ de l'image-objet, le signe se réduit, l'une de l'autre. L'art de lire et
tement les objets. vers le milieu du 3e millénaire, à d'écrire se répand peu à peu dans
Puis, sans doute parce qu'il était quelques traits pourvus d'un coin. le public mésopotamien.

L'ÉVOLUTION des signes


pictographiques sumériens
vers l'écriture cunéiforme

apparaît ici. Le mot est


d'abord figuré par une ima¬
ge. Celle-ci bascule, puis
se schématise quand elle
s'inscrit dans l'argile à la
pointe d'un roseau, elle
se mue enfin en signes
abstraits, écriture syllabique
très efficace. Des milliers
de tablettes de textes litté¬
raires ont été retrouvées
en Mésopotamie et sont
aujourd'hui déchiffrées. De
haut en bas : oiseau, pois¬
son, âne, b
13
Tiré de A study of Writing, par
I.J. Gelb, University of Chicago
Press. 1963
LA

TROUVAILLE

PHÉNICIENNE

Un phénomène capital
pour le développement de
l'écriture s'est produit au
Proche-Orient, l'une des zones
d'échange et de passage les
plus importantes de l'ancien
mondé. Pour répondre aux
besoins du commerce et de
la diplomatie durant les 2*
et 1" millénaires av. J.-C,
les écritures syllabiques,
cunéiformes ou hiéroglyphi¬
ques ne suffisent plus. On
cherché à simplifier, on expé¬
rimente sans cesse de nou¬
velles écritures qui ne néces¬
sitent plus que 20 ou 30
signes. Les Phéniciens, peu¬
ple remuant, répandent dans
toutes les directions, et
notamment dans leurs colo¬
nies d'Afrique du Nord, leur
écriture très pratique qui
s'adapte facilement à la
plupart des langues. Il en
est issu, avec la version ara-
méenne et la version grecque,
deux branches puissantes qui
se sont finalement étendues
sur une grande partie de la
terre. A gauche, inscription
araméenne sur un bas-relief
du roi Barrakab de Sends-
chirli (vers 750 av. J.-C).

L'ART DE L'ÉCRITURE (Suite)

Enfin la lettre vint

Tant en sumérien qu'en akkadien, les mêmes signes sont ploi de récriture cunéiforme, avec abondance d'idéogram¬
employés avec des valeurs multiples par transfert psy¬ mes dont la présence a aidé au déchiffrement en donnant
chologique, pratiqué de manière large. une idée générale du contenu des textes.

Dans les deux langues, le transfert phonographique s'est Dans le monde égéen insulaire, en Crète et à Chypre, se
opéré, soit pour des mots courts, soit pour des parties de sont développées des civilisations originales où l'écriture a
mots longs, toujours avec la présence d'une voyelle commencé aussi par un stade hiéroglyphique. Le dévelop¬
(contrairement à l'égyptien). L'akkadien, ayant conservé pement en a été, assez vite, semble-t-il, phonographique,
des valeurs sumériennes et en ayant ajouté d'autres par l'analyse des mots s'étant faite systématiquement en syl¬
décomposition des racines sémitiques, a une particulière labes du type consonne suivie de voyelle.
abondance de signes à valeurs multiples qui souvent ne se
Le nombre des caractères de tracé moyennement com¬
différencient que grâce au contexte.
pliqué est toujours beaucoup moins grand que dans les
L'emploi est analogue à celui de l'égyptien, les radicaux systèmes idéo-phonographiques (80 en linéaire B de
étant figurés le plus souvent à l'aide d'un idéogramme. Les Crête, 55 pour le Cypriote). On n'a pas déchiffré de docu¬
idéogrammes de catégorie sont moins nombreux qu'en ments en langues antérieures aux invasions indo-euro¬
égyptien, plus abondants en akkadien qu'en sumérien. C'est péennes héelléniques. Dans les écritures syllabiques, on est
l'emploi des signes phonographiques qui assure la lecture ; arrivé à lire du grec d'environ 1450 à 1200 av. J.-C. en
ils sont employés pour les terminaisons et aussi pour des Crète et, sur le continent, à Mycènes, avant que les Grecs
débuts de mots, non seulement pour des affixes, mais pour aient reçu l'alphabet, et à Chypre autour de 500 av. J.-C,
des parties de radical, augmentées ou non d'un affixe. De alors qu'ailleurs les Grecs se servaient depuis longtemps
toute manière la lecture a été toujours compliquée et de¬ de l'alphabet.
mandait un exercice préalable sérieux pour la connaissance
Celui-ci s'est formé dans des circonstances et en un lieu
des valeurs variées d'un même signe.
exact qui nous échappent, sur la rive orientale de la Médi¬
L'écriture cunéiforme à usage idéographique et phono¬ terranée. Sans doute a-t-il une origine pictographique
graphique syllabique s'est répandue comme instrument de comme les autres écritures. Mais on n'a pas pu le rattacher
civilisation, vers le Sud-Est en Elam où une ancienne écri¬ à certains documents hiéroglyphiques de la région phéni¬
ture hiéroglyphique n'avait pas poursuivi son évolution ; cienne ; on n'est pas sûr qu'il soit en liaison avec quel¬
au milieu du troisième millénaire, l'écriture cunéiforme a ques documents gravés trouvés au Sinaï, d'une date dou¬
mm été adoptée, surtout sous son aspect phonographique. Au teuse (entre 1800 et 1500 av. J.-C), avec un petit nombre
nord-ouest, c'est au milieu du deuxième millénaire qu'ont de signes ayant plus ou moins le caractère de dessins
coexisté en pays hittite un système hiéroglyphique et l'em frustes.
Les Phéniciens ont introduit leur écriture
dans leurs colonies, comme à Carthage
où l'on a trouvé cette inscription sur une
pierre votive néopunique.

D'après David Diringer, The Alphabet, Londres, 1 949

Empruntée sans doute à l'écriture des Phéniciens-


Puniques, l'inscription ibérique sur un fragment
de céramique (ci-dessus) est orientée de
droite à gauche, comme l'écriture phénicienne.
Dérivée de l'écriture punique, cette Elle date d'environ 4 siècles av. J.-C.

écriture (à gauche) est encore en


usage aujourd'hui au Sahara. Il s'agit
* l
¡ci d'une lettre écrite par une femme
touareg.

D'après Marcel Cohen, La grande invention de l'écriture et son évolution, Paris, 1958

Ce qui est sûr, c'est qu'au voisinage des grandes écritures garit (au nord de la Phénicie), datées de 1600 à 1200 av.
de civilisation du Proche-Orient, deux millénaires après J.-C, avec tracé cunéiforme (lecture de gauche à droite).
elles, l'invention s'est achevée, une seule fois à notre Langue : variété de sémitique occidental proche du cana¬
connaissance, par la constitution d'une écriture phonogra¬ néen et de l'araméen.

phique, reposant sur l'analyse des mots en leurs plus petits


L'apparition du tracé qui devait devenir notre alpha¬
éléments, consistant de ce fait en un très petit nombre
bet se produit en Phénicie et dans les régions voisines, tant
de caractères (à peine plus de vingt) de tracés simples
pour le cananéen que pour l'araméen de manière certaine
sans figuration d'objets. On est arrivé ainsi au règne des
au moins aux environs de 1000 à 1300 av. J.-C. pour cer¬
signes-sons ou lettres.
tains monuments phéniciens, d'après certains archéolo¬
Ce moment où, dans ses efforts de réflexion, l'homme gues. Alphabet de 22 lettres, toutes consonnes : on en
avait pris clairement conscience de la constitution intime conclut que les voyelles, ne pouvant être ignorées, étaient
de son langage et en tirait des conséquences pratiques, est négligées et qu'en réalité les lettres représentaient des
vraiment capital. Ce phénomène s'est produit dans une syllabes à voyelle non notée, état intermédiaire entre le
région de petits états-cités, dont apparemment le com¬ syllabisme et l'alphabet complet.
merce lointain avec navigation ou traversée de déserts Tracés de lettres à dimensions diverses dont certaines
entretenait la prospérité, sans doute avec participation
dépassant la double ligne idéale des petits caractères, soit
assez large des citoyens à l'administration. Par la suite, en haut (hampes), soit en bas, à aspect, d'emblée, de cur¬
l'écriture, accessible à un grand nombre, devait faciliter
sive (à caractères séparés), transportés secondairement
toujours davantage les progrès de la civilisation intellec¬
sur la matière dure des sarcophages ou des stèles tomba¬
tuelle.
les. Dans les anciennes inscriptions ainsi que dans la seule
L'histoire de l'alphabet, des origines à nos jours, est inscription qu'on connaisse en moabite, autre langue
complexe : expansion dans diverses directions en rapport cananéenne, les mots sont séparés généralement par des
avec des événements sociaux ; différenciations nationales points. La direction est de droite à gauche.
des formes des caractères, plus ou moins en relation avec L'araméen, autre langue sémitique occidentale, avait,
des types esthétiques ; manières différentes de compléter dans ses débuts (vers 1000 av. J.C), presque les mêmes
l'expression phonographique (surtout figuration des formes de caractères, et le même fonctionnement (écri¬
voyelles) ; manières différentes aussi de délimiter les ture de droite à gauche).
mots, en faisant sa part nécessaire au côté idéographique. 15
De manière paradoxale le premier usage sûr de l'alpha¬ L'adoption de l'alphabet consonantique sémitique par
bet est attesté par des tablettes de la bibliothèque d'Ou- SUITE PAGE 16
L'ART DE L'ÉCRITURE (Suite)

Les vicissitudes de l'alphabet

les Grecs, peut-être 1000 av. J.-C, par emprunt direct aux Ce fait devait avoir, avec l'essor de l'Islam, d'énormes
Phéniciens ou par quelque voie de propagation en Asie conséquences scripturaires. L'écriture arabe était une cur¬
Mineure, a eu des conséquences considérables. sive liée rapide, surtout si l'on s'abstient d'y mettre les
signes-voyelles au-dessus ou au-dessous
caractères, des
La première a été l'achèvement du système alphabétique
comme on le fait pour le Coran et à des fins d'enseigne¬
avec des lettres consonnes et des lettres voyelles. Pour la
ment. Elle s'est prêtée à toutes sortes d'exercices et de
notation claire de leur langue, les Grecs ne pouvaient pas
jeux calligraphiques, en partie avec des stylisations, mais
se passer de représenter les voyelles ; ils en ont trouvé le
elle a été aussi abondamment employée à titre ornemen¬
moyen simple en utilisant des lettres qui représen¬
tal tant sur des objets que sur les monuments et spécia¬
taient des consonnes du sémitique n'existant pas en grec.
lement sur leurs parties ornementales en stuc.
Tel est l'aboutissement du principe phonographique.
Employée par les Musulmans autres que les Arabes, elle
Pour le tracé (dont la direction après quelques hésita¬
s'est répandueen Asie intérieure et centrale, dans une
tions s'est fixée de gauche à droite) les Grecs ont adopté,
partie de l'Inde et de l'Insulinde, dans diverses régions
dans ce que nous appelons la majuscule, des formes sensi¬
d'Afrique.
blement carrées, sans dépassement du haut et du bas et
avec de nombreuses symétries surtout latérales, obtenant L'écriture indienne a couvert le domaine des langues
ainsi un effet esthétique certain. Par la suite, pour l'usage indo-aryennes, allant jusqu'au Népal, et celui des langues
manuscrit rapide, il s'était constitué des formes rapides dravidiennes dans le Sud, mais, suivant le bouddhisme (qui
de minuscules. ne devait pas subsister dans l'Inde même), elle a atteint
L'écriture a dû apparaître dans l'Inde environ au Ve siè¬ le Tibet au nord et, au sud-est, une partie de l'Indochine
cle av. J.-C, presque sûrement par emprunt à l'alphabet et la majeure part de l'Insulinde. Les tracés toujours em¬
consonantlque sémitique, mais dès le début avec des tracés ployés suivant le type syllabique ne comportent pas,
tels pour la majorité des lettres que l'emprunt n'est pas comme l'arabe, de légères variantes, mais constituent nom¬
absolument prouvé. Ce qui est sûr, c'est qu'il s'est formé bre d'écritures réellement différentes d'aspect, qu'il serait
un système de notation des voyelles très différent de celui intéressant de mettre en rapport avec les variétés de l'art
ornemental.
des Grecs, aboutissant à la constitution d'un alphabet
syllabaire.
Les caractères nus se lisent comme une consonne suivie
de la voyelle a, celle qui se présente le plus souvent ; des
signes (et non des lettres) après, avant, sur ou sous le
corps du caractère notent des voyelles de timbres divers,
brèves ou longues. Les mots ne sont pas séparés dans la
phrase, dont la fin est marquée. Il n'y a pas une écriture
indienne, mais des écritures de formes diverses, avec des
calligraphies diverses (direction de gauche à droite).

II rentes
Il est passionnant de suivre,
régions du monde où l'écriture a plus
dans les diffé-

ou moins pénétré pour des usages variés, les vicissitudes


de l'histoire de l'alphabet, avec les progressions sur les
voies commerciales et celles de la propagande religieuse,
les changements de forme des tracés avec des matériaux
divers, des relations différentes entre la calligraphie et
d'autres arts, l'adaptation inégale à l'expression des lan¬
gues dans les orthographes, etc. On ne peut donner ici
qu'un schéma extrêmement réduit.

Au prototype sémitique ancien ne se rattachent pas seu¬


lement les rameaux cananéen et araméen ; une branche
méridionale est représentée surtout par les inscriptions
sud-arabiques, à caractères symétrisés (sans doute avec
une influence du grec), et la disposition alternative des
L'écriture hébraïque carrée (ci-dessus inscription dédicatoire d'une
lignes, de droite à gauche et de gauche à droite, fréquente synagogue du 5° siècle après J.-C.) est la forme essentielle de
dans de grandes inscriptions monumentales, atteste le l'écriture hébraïque moderne.
souci d'assurer la lecture continue au visiteur circulant
devant la façade. L'écriture éthiopienne qui en provint va L'écriture coufique, une des formes anciennes de l'écriture arabe,
de gauche à droite. était d'une grande richesse ornementale. Elle s'est développée vers
Une projection vers l'ouest est représentée par le libyco- la fin du 7e siècle en Mésopotamie. Ci-dessous, une inscription
berbère, demeuré d'emploi restreint, avec des caractères coranique en coufique quadrangulaire.
eux aussi symétrisés, avec un aspect original, rangés sur
les stèles anciennes en colonnes qui se lisent de bas en
haut.

L'écriture araméenne s'est différenciée sur le domaine


sémitique, où la langue araméenne elle-même s'est répan¬
due aux dépens du cananéen, de l'ougaritique, de l'akka¬
dien (et du sumérien), en différentes variétés lues de droite
à gauche. D'où l'hébreu carré, qui devait connaître une
fortune indéfinie et est maintenant l'écriture officielle de
l'Etat israélien ; le syriaque du petit Etat d'Edesse, qui se
survit encore comme écriture religieuse ; le palmyrénien
d'un autre petit Etat, celui de Palmyre, qui a été éphé¬
mère après avoir donné les premiers exemples de carac¬
tères liés, plus fréquents dans l'autre petit centre, au seuil
de l'Arabie, où s'est employé le nabatéen.

gujiKS
En dehors du sémitique, l'écriture araméenne a été por¬
tée vers le nord dans une grande partie de l'Asie, chez des
peuples de langue iranienne, turque, mongole.
16
Dans le sud du domaine sémitique lui-même, les Bé¬
douins d'Arabie ont emprunté l'écriture aux Nabathéens.
Photos Unesco.
L'écriture grecque, cantonnée jusqu'à nos jours dans un C'est, semble-t-il, une forme septentrionale, dans les
petit domaine sous sa forme classique, a connu diverses Alpes, qui a donné naissance aux runes (caractères des
expansions intérieures, avec des modifications plus ou anciens alphabets germaniques et Scandinaves) et à des
moins poussées, à différentes périodes dans diverses direc¬ usages en partie dérivés de la magie dans les pays Scan¬
tions. A l'Est, il faut tenir compte, à l'époque ancienne, dinaves.
de certaines langues d'Asie Mineure, qui n'ont pas sub¬
L'écriture latine, sous la forme majuscule, a reçu, comme
sisté, tel le phrygien. (Mais ces langues avaient peut-être,
le grec, des caractères en grande partie symétriques, d'une
au moins en partie, reçu l'écriture sémitique en même
grande clarté. Elle s'est prêtée à l'usage monumental,
temps que le grec, voire avant lui).
s'agrandissant assez au besoin pour être lue d'assez loin.
A l'époque chrétienne, au cours de l'évangélisation, le Pour l'usage courant et l'usage livresque, elle a reçu toutes
grec s'est trouvé employé en Afrique pour le copte et pour sortes de formes qui ont une histoire distincte, en partie
le nouba ancien, au nord de la Mer Noire, pendant un liée à des besoins esthétiques, ainsi qu'à des problèmes
temps, pour le gothique germanique, puis de manière pratiques de rapidité et de lisibilité.
jusqu'à présent définitive, avec un tracé distinct, bien que
On peut mentionner, au xvF siècle, l'écriture livresque
très proche, dit cyrillique, pour des langues slaves, en sui¬
gothique, qui rappelle singulièrement le style architectural
vant les destinées de l'Eglise d'Orient (la Grèce mise à
ogival, qu'on trouve dans les derniers manuscrits et dans
part).
divers imprimés incunables, doublée d'une cursive spécia¬
Des imitations aberrantes, avec des éléments d'autre lement mal formée, à laquelle a succédé l'écriture dite
origine, ont eu lieu en Arménie et en Géorgie. De nos humaniste, particulièrement sobre et claire, que reflètent
jours, l'Union Soviétique ayant opté pour un emploi uni¬ encore nos impressions.
forme de l'écriture cyrillique, celle-ci se trouve appliquée,
L'écriture latine s'est répandue en Europe, d'abord avec
en partie, en remplacement de l'écriture arabe, à des lan¬
l'administration romaine, ensuite avec les christianisa-
gues diverses (finno-ougriennes, turques, mongoles, etc.).
tions successives mais son expansion y a été limitée par
Vers l'Ouest, c'est dans l'antiquité, par contagion de civi¬ les positions de l'écriture cyrillique. Elle a ensuite, avec
lisations et sans intervention, semble-t-il, de facteurs reli¬ les navigations et les colonisations européennes, gagné une
gieux particuliers, que s'est propagée l'écriture alphabé¬ grande partie du monde, notamment les Amériques. Elle
tique, surtout en Italie, tant chez les Etrusques, dont la est actuellement la plus répandue de toutes.
langue d'origine inconnue n'est pas encore comprise, que, Grâce à l'instruction, inaugurée par des missionnaires,
avec ou sans l'intermédiaire de ceux-ci, chez les popula¬ l'écriture latine a été adaptée à l'usage du malgache à
tions italiques de langues indo-européennes, en particu¬
lier les Latins.

VÉHICULE
DE LA LOI J^W^l-\j$í^jr&lH^>o¿¿v^h^7"
ET DU SACRE

En passant sous la domination du


royaume d'Assyrie, aux 9e et 8e siècles
av. J.-C, une bonne partie des popu¬
lations des petits États araméens du
nord de la Syrie est déportée. Cette
migration forcée a une conséquence
inattendue : les vaincus vont répandre
dans toute l'Assyrie l'usage de la
langue et de l'écriture alphabétique
araméennes. Pour plus de mille ans,
cette langue devient la langue du
commerce et des échanges,
la de
Méditerranée à l'Inde. De plus en plus,
l'écriture et la religion vont se trouver
associées : le judaïsme, le christia¬
nisme et l'islam exposeront leur doc¬
trine dans des livres sacrés« La diffu¬
sion de la religion entraînera la diffusion
de l'écriture. Ainsi aujourd'hui, l'écri¬
ture arabe est utilisée non seulement
pour les langues arabes mais aussi,
avec de petites adjonctions, pour de
nombreuses autres langues de peuples
musulmans. C'est également l'araméen
qui servit de base principale à l'écriture
hébraïque carrée. Certaines parties
du Nouveau Testament ont été écrites
en araméen.

A droite, manuscrit du 1 5 * siècle en écriture


ouïgoure. Les deux lignes du haut sont en
écriture arabe. Les Ouîgours Turcs d'Asie
centrale, avaient une écriture issue de
l'araméen, qui fut au '12* siècle l'écriture
officielle des empereurs mongols.

Bibliothèque nationale, Paris. Photo Kunstarchiv Arntz

SUITE PAGE 20
ml I" 1 1 Willi

b4» '"Iv' t

J- ! » J $ h

Photo Séminaire d'archéologie de l'Université de Halle Photo Unesco

"| _ Éléphants, tigres, rhinocéros ' .%tvV>


tout un bestiaire indigène ®m iiï*i$ ï^m^^m^^
se mêlent sur les sceaux de la

Vallée de l'Indus à des personna¬


ges mythologiques et à des carac¬
tères non déchiffrés. Ces sceaux m i
vieux de 5 000 ans attestent l'exis¬

tence d'une grande civilisation


qui connaissait déjà l'écriture.

2 - Un manuscrit indien du 18e


siècle en écriture goujarâtî,
variété d'écriture nagârî qui s'est
largement répandue en Inde à feêlfe
partir du 11e siècle.

J - Plaque de bois tibétaine gra¬


vée pour l'impression : un
cheval ailé est entouré d'inscrip¬
tions gravées à l'envers. Les
Tibétains ont conservé de manière
fidèle une écriture indienne

qu'ils avaient adoptée au 7e siècle.

4 - Stèle nuptiale de Mysore


(16e siècle). Sous le cortège
de danseuses, texte en écriture
telougou, le type d'écriture le
plus employé en Inde méridionale.
3^>vv\ -
R _ Manuscrit en écriture mon¬
Photo Musée Guimet, Photo Musée Guimet, Pans
gole, dérivée de l'ouïgour,
qui se lit verticalement de haut
en bas et de gauche à droite.
Au-dessus, horizontalement,
écriture tibétaine. Lei icritures indiennes proprement dites deux types d'écriture. L'une, appelée gienne, balinaise, batak (Sumatra).

Photo Westdeutsche Bibliothek, Maribor


LA VASTE PARENTÉ ne dérivent pas de l'écriture qui était en
usagv, dans la vallée de l'Indus, il y a
cinq mille ans. Elles apparaissent mille
brâhmî s'est répandue dans toute l'Inde;
elle est à l'origine de toutes les écritures
régionales ultérieures. L'autre, la kha-
Aujourd'hui, les écritures modernes en
usage en Inde se différencient en
groupes : celles du Nord et celles du Sud.
deux

ans avant notre ère au sein d'une civili¬ roshti, était employée dans le Nord-Ouest La plus classique des écritures du Nord

7f^^|^|:^rff'*W *'#'**§ ^ílf sation très développée, niais essentielle¬


ment fondée sur la tradition orale. L'écri¬
seulement. La direction de ces écritures,
de droite à gauche, indique leur origine
est la nâgari, l'écriture du hindi, qui
généralise à présent pour noter le sanscrit,
se

iii-íl
DE L'ÉCRITURE ture dont sont issues les écritures indien¬
nes actuelles a été probablement introduite
en Inde vers l'an 600 av. J.-C.
marchands venus des régions
par des
où l'on
sémitique.
Le rayonnement de la civilisation
dienne a fait connaître très tôt l'écriture
indienne à des peuples éloignés : ainsi
in¬
auparavant écrit dans chaque région avec
l'écriture locale. La nâgari (appelée aussi
devanâgari) sert aussi pour écrire le
marathe; mais nombre d'autres langues
utilisait l'écriture araméenne (l'influence l'écriture goupta, variété de l'ancienne ont leurs écritures propres dérivées de
de celle-ci s'est fait sentir jusqu'en brâhmî, reparait au Turkestan oriental. formes anciennes. Une écriture du Sud,
18
INDIENNE Mongolie). Dans les plus anciens docu¬
ments
Asoka
connus,
(272-231
les
av.
inscriptions
J.-C.) il
du roi
existe déjà
L'écriture tibétaine est également une
écriture d'origine indienne, comme les
écritures birmane, siamoise, cambod
le tamoul, de caractère utilitaire et précis
contraste avec l'écriture singhalaise, par
exemple, qui est extrêmement ornée.
19

J -I J « â $ 4
L'ART DE L'ÉCRITURE (Suite)

La condition

de tout progrès
Madagascar, du vietnamien en Indochine. Elle est main¬
tenant adoptée par la République indonésienne et celle
des Philippines pour leurs langues nationales. Dans la
Chine continentale, elle a été donnée aux minorités qui
n'avaient pas d'écriture et elle est actuellement enseignée
aux Chinois eux-mêmes. Elle a commencé à servir aussi
pour des langues africaines et amérindiennes.
Complétée de manière systématique, elle sert pour les
transcriptions d'autres systèmes et pour les notations pho¬
nétiques.
Tout au long de son déroulement, l'histoire de l'écriture
est liée à celle de fabrications : support, instrument à
écrire, liquide pour écrire ; elle a longtemps dépendu de
l'habileté manuelle des graveurs et autres copistes. Un
tournant capital a été celui de la reproduction des écrits
en un grand nombre d'exemplaires par les procédés d'im¬
pression, conditionnée tout d'abord par une industrie du
papier.
L'histoire des estampages multipliés commence en Chine
au ir siècle de notre ère. La xylographie a été pratiquée au
vie siècle. Les caractères mobiles en Chine et en Corée
remontent au xr siècle. En Europe occidentale, après un
usage restreint de la xylographie, la fabrication des carac¬
tères mobiles et des presses au xv siècle a permis l'essor
du livre et de la feuille volante : extension considérable
de l'usage de la lecture, sans pourtant que l'instruction ait
été généralisée.
Naturellement, l'imprimerie voulait des catégories nou¬
velles de techniciens (mentionnons ici d'un mot la ma¬
chine à écrire et le peuple des sténodactylographes).
C'est au xixe siècle que se sont réalisées à la fois une très
grande masse d'impression avec les journaux quotidiens
(bénéficiant de l'usage de machines de plus en plus per¬
fectionnées) et l'instruction généralisée dans les pays de
civilisation industrielle développée. . . . .

Les progrès accélérés de l'industrie, à l'âge de


l'électricité, auxquels l'écriture avait largement
collaboré comme instrument intellectuel, lui ont suscité
diverses concurrences dans la satisfaction des besoins aux¬ COMMENT
quels elle répond : facilité de la communication (message),
conservation, transmission et généralisation des informa¬
tions, de l'enseignement, de la propagande (y compris la
L'EUROPE SE MIT
publicité), de la distraction. Téléphone, cinéma, radio,
télévision, magnétophone empiètent
dance, le journal, le livre d'instruction et de divertisse¬
sur la correspon¬
A ÉCRIRE
ment.

Le rôle de l'écriture paraît inentamé dans une partie de


ses premiers emplois, antérieurs au livre qui nous appa¬
raît dans une perspective secondaire comme le type même
de l'écrit. Ce sont ceux de l'authentification au sens large :
le message certifié, le contrat, la commémoration solen¬
nelle, l'édit ou le jugement, les textes religieux à répéter
textuellement. Ajoutons le testament (qui n'a pas toujours
été olographe), les comptes rendus authentiques de déli¬
bérations législatives et judiciaires. Pour les usages posté¬
rieurs destinés, semble-t-il, à durer : la correspondance
intime, les mémoires personnels, les notes et brouillons
en préparation d'ouvrages littéraires ou d'enseignement.
Dans quelle mesure l'enregistrement mécanique de la
parole mordra-t-il aussi sur tous ces usages ? Dans quelle
mesure au contraire l'écriture (à la main ou à la machine)
restera-t-elle en usage pour la préparation même des
enregistrements divers ? Problème de demain.

L'histoire commencée il y a 6 000 ans a connu de nom¬


breuses péripéties. L'apparition de l'alphabet vers 1 500
av. J.C. a eu une importance capitale. Celle de l'impri¬
merie en Europe au xv° siècle a marqué un autre tournant
dans l'amplification du rôle mondial de l'écriture.

marcel cohen est directeur à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes


à Paris et professeur honoraire à l'Ecole des Langues orientales.
Eminent linguiste, il a publié de très nombreux ouvrages de lin¬
guistique, dont « Les Langues du monde » (en collaboration avec
20 Antoine Meillet) , Champion 1955. « Nouveaux Regards sur la
langue française », son dernier ouvrage, qui vient de paraître aux
Editions Sociales, Paris, 1963, est destiné au grand public.
S '\XA(
Stèle découverte à Lem-
nos, une île de la mer
Egée. Elle remonte au
6e siècle avant notre ère,
et porte une inscription
dans une langue non dé¬
chiffrée apparentée à l'é¬
trusque. On suppose que
les alphabets étrusque et
lemnien se sont détachés
à peu près à la même
époque de l'alphabet grec.
Tiré de L'Écriture et la Psychologie
des peuples, Armand Colin. Paris,
1963

k^/:ô v. ^

CSU

Inscription étrusque sur


le mur d'un tombeau. L'al¬
phabet étrusque, d'abord
reproduction de l'alphabet
grec, évolua au cours des
sept siècles qu'a duré
l'histoire étrusque.

D'après Buanoamici. Epigrafía etrusca


Florence. 1932

Quelque 1 000 ans avant notre ère, l'écriture phénicienne l'écriture, environ 800 ans avant notre ère. Ils écrivaient,
fut transmise aux Grecs, probablement par l'intermédiaire comme les Phéniciens, de droite à gauche (voir page 28).
des marchands sémites. Les caractères' des inscriptions Les Romains leur empruntèrent. leur alphabet, mais ils lui
grecques les plus anciennes correspondent en grande par¬ donnèrent une forme nouvelle, sous laquelle il se diffusa
tie aux caractères phéniciens, et s'écrivaient comme ceux- dans de vastes régions du monde.
ci de droite à gauche. Les Grecs perfectionnèrent l'alpha¬ Les peuples de l'Europe orientale ont également reçu
bet phénicien en y adjoignant des voyelles, qui n'existaient l'alphabet des Grecs. En effet, l'écriture runique germanique
pas dans les langues sémitiques, et l'écrivirent de gauche représente une modification de certains alphabets de l'Italie
à droite. du Nord. Elle parvint en Scandinavie trois siècles environ
C© furent les colons grecs qui introduisirent l'écriture en avant J.-C. Quant à l'écriture slave, elle procède de l'écri¬
Italie, où les Etrusques furent les premiers à pratiquer ture grecque.

L'une des plus ancien¬


nes inscriptions latines
sur la « pierre noire »
du forum romain (600
environ av. J.-C).
Photo Alinari, Florence

Dessin rupestre décou¬


vert en Suède. Un héros

mythologique, Sigurd,
met à mort le dragon
Fafnir. Le corps du
dragon est couvert de
runes. Les runes étaient

censées posséder un
pouvoir magique. 21

Photo Kunstarchiv Arntz


L'ART DE L'ÉCRITURE (Suite)

CALLIGRAMMES
Des lettres arabes en fait des phrases
entières composent les contours
fabuleux de ce rossignol. Ce calli¬
gramme du 19e siècle est une repré¬
sentation imagée et symbolique a la
fois d'une citation du Coran, qui pro¬
met le Paradis à ceux qui font le bien.
Ci-contre, calligramme de Paul Klee :
des lettres imaginaires sont utilisées
comme élément graphique et spatial
de la composition.

Photos Unesco

DES MILLE MANIÈRES D'ÉCRIRE

Nous publions ci-dessous des NAISSANCE DU LIVRE vice des temples, des scribes spécialisés
extraits du volume " L'écriture dans telle ou telle catégorie bureaucrati¬
C'est un peu après le début de la pé¬ que... Le scribariat est un métier d'homme.
et la psychologie des peuples ", riode alexandrine, soit vers la moitié du Il est aussi l'un des plus considérés de
2e siècle avant J.-C., que naît le livre, c'est- la société sumérienne. Il l'était au point
qui vient de paraître chez Armand
à-dire le livre employé comme élément que plusieurs scribes accédèrent aux plus
Colin, Paris (38 F). Cet ouvrage usuel, comme quelque chose qui pénètre hautes dignités du gouvernement et que
réunit dix-huit exposés de dans la vie et devient indispensable. Cela quelques-uns montèrent sur le trône. Plus
est lié aux conséquences des conquêtes
savants qui étudient les rap¬
d'Alexandre, au développement de la cul¬
ports que l'on peut déceler entre ture générale, à l'ouverture des grandes
l'histoire de l'écriture et les écoles de philologie. Vers cette date, nous
entrons dans un cycle qui informe notre
particularités psycho-sociologi¬ vie à tous : l'ère du livre. C'est à partir
ques des divers milieux humains. de cette époque que le problème de l'écri¬
ture se confond en partie avec le pro¬
blème du livre.

Plusieurs données à la fois ont condi¬


PRÉCISION ÉGYPTIENNE
tionné l'écriture et le livre. D'un côté, c'est
Bulletin de vote grec, por¬
La précision du système hiéroglyphique l'expansion de l'industrie du papyrus, de tant le nom de Thémistocle
est extraordinaire. Quand les règles sont l'autre la diffusion de l'écriture grecque (471 av. J.-C). Les Grecs
appliquées fidèlement, on ne peut guère se dans un monde qui n'était plus uniquement écrivaient leurs suffrages
tromper. Un autre avantage du système est grec d'origine. Un Egyptien était obligé sur une « ostrakon », co¬
de s'écrire de gauche à droite ou de d'apprendre le grec comme un enfant d'au¬ quille ou tablette de terre
droite à gauche, en lignes ou en colonnes, jourd'hui fait d'une langue étrangère. On cuite, quand ils décidaient
la préférence étant au reste donnée, neuf ajoutera que la rivalité des grandes cités de bannir un citoyen
fois sur dix, de la droite à la gauche. hellénistiques favorisa cette émulation vers
(d'où le mot ostracisme).
L'orientation d'un texte est liée à celle des la culture. Pergame, rivale souvent heu¬
hiéroglyphes représentant des êtres animés reuse d'Alexandrie, invente une nouvelle

ou des objets dissymétriques ; lorsqu'ils matière à écrire : le pergamen, ce que tard, au temps des Assyriens et des Baby¬
sont tournés vers la droite, l'inscription nous appelons le parchemin. loniens, la profession s'ouvrit aux femmes.
doit se lire de droite à gauche, et lors¬ Dès le début du 2e siècle de notre ère RENÉ LABAT
qu'ils sont tournés vers la gauche, c'est naissait le conflit entre le papyrus et le
le contraire. On peut ainsi disposer les parchemin, d'une part, entre le volumen et
textes de façon très variée. le codex, de l'autre. Le volumen était une
longue feuille roulée sur elle-même, écrite BIBLIOTHÈQUES ET RUES
JEAN SAINTE-FARE GARNOT
d'un seul côté ; le codex était fait d'une ROMAINES
suite de cahiers écrits recto verso et pla¬
cés les uns à la suite des autres, proté¬ Dans le monde romain, à l'époque d'Au¬
gés par une reliure ou une sorte de porte¬ guste (né en 63 avant J.-C, mort en 14 après
feuille. Le codex, et notamment le codex J.-C), le nombre des citoyens qui savent
de parchemin, semble s'être développé écrire est très grand, mais très peu peu¬
plus rapidement en Occident qu'en Orient. vent se permettre d'avoir une bibliothè¬
Le conflit entre les différentes formes de que. Cependant, l'apprentissage de l'écri¬
livres fut long et varié. Non seulement il ture a dû tenir une place importante dans
y eut des codices de papyrus, adroite¬ l'éducation des esclaves et, par consé¬
ment montés, mais on vit longtemps les quent, assez nombreux ont dû être les
feuilles de papyrus se mêler dans un particuliers qui ont pu se constituer une
même livre aux feuilles de parchemin. bibliothèque en faisant copier à domicile
des livres empruntés.
ALPHONSE DAIN
Vers le milieu du premier siècle, les
Romains ont cessé de considérer l'écri-

LE SCRIBARIAT, MÉTIER
NOBLE ALPHABET ESQUIMAU

Vers le milieu du troisième millénaire,


Le sens très moderne de ces lignes
il existait déjà, à travers tout le pays de
n'est autre que : « Première conférence
Ce monogramme de Charle¬ Sumer, un certain nombre d'écoles où l'on
des Coopératives de l'Arctique. » Il
magne était écrit par le copiste enseignait la pratique de l'écriture. Les
s'agit d'une écriture créée récemment à
en bas des documents que signait documents de l'époque permettent de dé¬
22 l'usage des Esquimaux du Canada
l'Empereur. Celui-ci n'y ajoutait nombrer plusieurs milliers
il de scribes ;
(système syllabique). Elle a déjà servi
que son paraphe. y avait parmi eux des scribes subalternes,
à de nombreuses publications.
des scribes de haut rang, des scribes
affectés au service du palais ou au ser
ture comme purement utilitaire ; ils y ont CALLIGRAPHIE EN CHINE
découvert des possibilités de jouissance
esthétique. Les inscriptions peintes sont Si l'écriture chinoise a donné si tôt BIBLIOGRAPHIE
devenues des éléments du décor de la naissance à un art savant et complexe,
rue, comme les enseignes historiées ; la c'est à cause de sa richesse graphique et
LA GRANDE INVENTION
page d'un livre est devenue tuvre d'art. de la stylisation de ses formes : aussi
ses fonctions et ses aspects esthétiques DE L'ECRITURE
ROBERT MARICHAL
sont-ils plus riches que ceux des autres ET SON EVOLUTION
écritures. Elle n'a pas seulement valeur
par Marcel Cohen.
ornementale comme l'écriture hiéroglyphi¬
LE MAITRE DES CARACTÈRES que égyptienne figée dans des formes im¬ Imprimerie Nationale et Klinck-
muables, ou comme l'écriture arabe : elle sieck, Paris 1958 (2 vol.)
constitue un art à elle seule et le tem¬

Le caractère artificiel et savant de l'écri¬ pérament individuel du calligraphe s'y L'ECRITURE


ture chinoise la plus ancienne invite à exprime.
ET LA PSYCHOLOGIE
penser qu'elle était l'apanage plus ou moins C'est pourquoi les procédés de repro¬ DES PEUPLES
secret d'un corps de spécialistes et c'est duction fidèle de la calligraphie ont été
ce que confirment l'archéologie et l'his¬ développés en Chine antérieurement aux XXIIe semaine de Synthèse.
toire... techniques qui ne visaient qu'à la diffu¬ Armand Colin, Paris 1963
Il est significatif que l'écriture ait été sion courante des textes. La pratique des
comptée anciennement au nombre des Six estampages sur pierre parait remonter aux L'ECRITURE
Arts : rites, musique, tir à l'arc, conduite environs de l'an 500 après J.-C, mais elle
a encore cours aujourd'hui parce qu'elle par Marcel Cohen.
des chars, écriture et science des nom¬
bres (c'est-à-dire essentiellement science constitue un mode de reproduction bon Editions Sociales, Paris 1953
divinatoire), disciplines qui, selon la tra¬ marché et exact des belles calligraphies :
dition confucéenne, visaient à la forma¬ elle ne fait pas double emploi avec l'impri¬ HISTOIRE DE L'ECRITURE
tion des honnêtes gens, mais qui parais¬ merie qui vise à la satisfaction de tous
autres besoins. par James Février.
sent avoir été à l'origine des arts nobles
de caractère magique... JACQUES G ERNET Edition Payot, Paris 1959

Quand le pouvoir impérial s'affermit sous


les premiers Han (2e et 1er siècles avant L'ECRITURE

J.-C), la morale nobiliaire et le ritualisme SUCCÈS DE LIBRAIRIE AU par Etiemble.


de l'antiquité furent restaurés et réinter¬ 16° SIÈCLE
prétés au profit de l'Etat. Ainsi, c'est une Delpire Editeur, Paris 1963
conception ritualiste de l'écriture qui s'im¬ Au 16e siècle, à côté des ouvrages qui
posa dans les milieux dirigeants. L'empe¬ THE ALPHABET
forment des bibliothèques de culture, il
reur fut dès lors le gardien et le seul existe l'équivalent de ce que sont actuel¬ par David Diringer.
détenteur de la norme graphique, et l'écri¬ lement nos magazines et nos journaux,
ture devint une affaire d'Etat. Parce que Hutchinson, Londres 1949
toute cette littérature imprimée, faite de
l'écriture était un ensemble de symboles pièces de circonstances relatant les grands
représentant et évoquant tous les êtres événements qui peuvent se produire ; d'au¬
de l'univers et parce qu'il était admis que tre part, certains ouvrages réussissent à
l'empereur avait pour fonction principale atteindre un très large public. En voici
d'attribuer à chacun son nom et son rang, quelques exemples : dans un inventaire non IVENTION AFRICAIN!
l'écriture ne put être modifiée par ceux publié des Archives notariales, nous trou¬
qui l'employaient. Seul l'empereur était vons qu'un libraire parisien possède vers En 1899, Njoya, roi des Bamouns,
habilité à proscrire certains signes ou à en 1540, dans sa boutique, 250 000 livres au Cameroun, inventa un système
mettre de nouveaux en circulation. d'écriture. Il le conçut d'abord avec
d'heures. Un autre possède 30 000 petits
livres de piété. La Bible de Luther, si l'on des signes Idéographiques en vue
fait des calculs, a été éditée à des cen¬ de protéger le secret des messages.
taines de milliers d'exemplaires ; des ou¬ Puis il s'aperçut que ces signes
vrages portant la signature de Luther ont pouvaient représenter des groupes
r^cr-<r certainement été publiés, sinon à plusieurs de sons et en fit un système sylla¬
bique dont ¡I entreprit de diffuser
millions, du moins à plus d'un million avant
1560. De même au 17e siècle, j'ai re¬ l'usage parmi ses sujets. Enfin, par
La. bnL^br\o> A_oAc -DQ-Ccr trouvé, dans un inventaire, 30 000 exem¬ une réforme géniale, il transforma
plaires de pièces de théâtre dont 10 000 cette écriture en un système pure¬
du théâtre de Corneille, car la pièce de ment alphabétique.
diX* A-¿nrj J théâtre était un ouvrage très populaire ALFRED METRAUX.
23
à cette époque. Courrier de I'Unesco. Nov. 1950
HENRI-JEAN MARTIN
ONZE SIÈCLES
D'ALPHABET

CYRILLIQUE

L 'Unesco vient de commémorer le onzième centenaire de l'alphabet


slave, communément appelé alphabet cyrillique.
C'est en 863 que deux frères, originaires de Salonique, Constantin-Cyrille et
Méthode, parvenaient en Moravie (la Tchécoslovaquie actuelle). Les Slaves qu'ils
allaient instruire étaient en partie christianisés. Constantin-Cyrille était un
savant, formé par les plus grands maîtres de Byzance.
Les Slaves qui avaient envahi les Balkans dès le 6e siècle ne possédaient pas
d'alphabet. Constantin-Cyrille avait trouvé le moyen d'écrire le slave, non pas
en ayant recours aux alphabets grecs et latins qui se prêtaient fort mal à la
transcription phonétique du slave, mais à un alphabet complètement original
qu'il avait lui-même inventé de toutes pièces. L'écriture inventée par Constan¬
tin-Cyrille est appelée glagolitique, de « glagol », mot slavon signifiant « parole ».
En dépit des protestations du clergé germano-latin qui n'admettait que le grec,
le latin et l'hébreu, Constantin-Cyrille mena son ouvre à bien et à sa mort, en
869, son frère Méthode la poursuivit ; il forma des disciples et Instruisit les
Slaves dans leur langue. Mais en 885, Méthode meurt à son tour. Les disciples
de Cyrille et Méthode sont accusés d'hérésie, et chassés de Moravie. Ils gagnent
alors la Bulgarie et la Macédoine, apportant avec eux l'alphabet.
Les Bulgares lettrés n'écrivaient qu'en grec, puisque le slave n'existait pas
encore comme langue littéraire. Quand ils reçurent l'écriture qui leur venait
de Moravie, ils l'adoptèrent, mais en la modifiant. Ils substituèrent aux courbes
et aux ronds de la glagolitique la pureté et la simplicité des caractères grecs.

Cette pierre porte une inscription en langue slave qui date du 11 " ou 12*
siècle. Découverte récemment à Tulcea, en Roumanie, elle atteste l'exten¬ Aujourd'hui encore, les lettres cyrilliques
sion de l'écriture cyrillique mise au point en Bulgarie à la fin du 10* siècle. sont portées en procession dans les rues
de Sofia, lors des fêtes que les Bulgares
Photo Musée des Antiquités de Bucarest
instituèrent au 18* siècle en l'honneur

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Photo Musée Historique, Moscou

24
Évangile russe du début du 12* siècle,
en caractères cyrilliques. Les Bulgares
Photo Willy Pragher. Fribourg
de Cyrille et de Méthode, qui, au
9* siècle, dotèrent les Slaves d'un
alphabet. Ci-dessus, l'image des deux
frères dominant un cortège traditionnel.
En d'autres termes, ils gardèrent l'alphabet de Cyrille en tant qu'alphabet pho¬
nétique notant remarquablement les sons slaves, mais en hellénisant systéma¬
tiquement les caractères. Ainsi, vers 940, environ quatre-vingts ans après la
création du premier alphabet slave, glagolitique, une nouvelle version était entiè¬
rement constituée, celle de l'alphabet « cyrillique ». De vieilles inscriptions bul¬
YiU* £IfCtll M*ÙS1£AM gares du 10e siècle, comme l'inscription de Mostic, découverte il y a une dizaine
d'années en Bulgarie orientale, attestent l'usage de l'écriture cyrillique. C'est sur
B A N"Kf Hfl» Yf B* BAA l'euvre de Cyrille et de Méthode que se greffe la vieille littérature bulgare du
10e siècle.
rCHO^HY-Ac- jmlkÏa- Mais récriture cyrillique allait prendre une extension énorme. Après la Bulga¬
ta- Bya- ¿oABy1- jWfl» rie et la Macédoine, elle s'étendit en Serbie, en Bosnie, et surtout en Russie,
après la conversion de la Russie au christianisme, en 988. En Roumanie, ce n'est
%ÔN£JK3*AAAM qu'au 19e siècle que l'alphabet latin allait être substitué au cyrillique (les
Roumains n'ont d'ailleurs écrit qu'en langue slave jusqu'au 16' siècle).
Y'AE*MÍ¿*& >Á?S#
Telle qu'elle avait été fixée au 10e siècle, l'écriture cyrillique s'est conservée avec
une grande unité jusqu'à la cyrillique des langues slaves modernes où elle se
Y^AM*AffVT* continue avec certaines transformations relativement légères : en Russie, le tsar
WAA-AY'AHAYH Pierre le Grand fit débarrasser l'écriture cyrillique de traditions religieuses
encombrantes, créant un alphabet civil. Une autre réforme, après la Révolution
NAíÁ-fN-AfAl/Á russe, a supprimé quelques caractères inutiles.

KflAAANHM'ÄB*- Aujourd'hui, l'alphabet cyrillique, sous ses aspects modernes très légèrement
différenciés d'une langue à l'autre, est employé sur une aire géographique
ñstH&Sll'k'HAniCrV'k' immense. L'Union Soviétique ayant opté pour sa généralisation, il est appliqué
à des langues diverses parlées en Union Soviétique finno-ougriennes, turques,
MAT-¿.AN»B*A£KJirH mongoles, etc., et il a été transporté à travers la Sibérie jusqu'aux rives du
Pacifique.

25
donnèrent à l'alphabet de Cyrille sa forme
définitive, en hellénisant les caractères.
Le déchiffrement de nombre de langues anciennes

ÉCRITURES caractérise les énormes progrès de l'archéologie


au 19e siècle. Il était impossible de lire un seul mot
de l'écriture hiéroglyphique égyptienne, l'une des
premières qu'employèrent les hommes, avant 1822,
date à laquelle fut trouvée la clé de l'énigme.
Aujourd'hui, trois millénaires de civilisation se
découvrent à livre ouvert. Les écritures cunéiformes

qu'employaient les Sumériens, les Babyloniens et


les Assyriens furent toutes déchiffrées au cours
du 19e siècle. Au 20e siècle, deux autres écritures

DECHIFFREES cunéiformes étaient déchiffrées à leur tour, l'écri¬

ture ougaritique de Ras Shamra, en Syrie, et celle

N 1908, des archéologues italiens qui travaillaient à


lHaghia Triada, près de Phaestos, en Crète,
au jour une inscription dont il n'existe pas d'autres
mirent Le mystérieux dis
exemples. Cette inscription figure sur un disque de
terre cuite de 16,50 cm de diamètre, découvert dans
une dépendance du palais de Minos. Puis on décou¬ de 45 cachets de bois ou de métal ; il y en a 241.
vrit une tablette brisée couverte d'écriture crétoise et ils sont divisés en 61 groupes de caractères, qui
du linéaire A, qui fut datée de 1700 av. J.-C. environ. pourraient représenter des mots ou des phrases,
Sur chacune des deux faces du disque de terre séparés par des lignes verticales. On pense qu'il
cuite figure un texte imprimé en hiéroglyphes d'une s'agit d'une écriture syllabique ; ¡I y a quelques
forme jusqu'alors inconnue, texte disposé en spirale. caractères d'une écriture pictographique, et beau¬
Ces signes paraissent avoir été imprimés à l'aide coup d'une écriture alphabétique.

Ce disque d'argile
trouvé dans le Palais

de Minos, en Crète,
est couvert d'une

écriture énigmati-
que; le texte affecte
la forme d'une spi¬
rale. Les caractères

ont été imprimés à


l'aide de cachets. On

date le disque de
1700 av. J.-C.

Photo © Michel Audrain


Editions Arthaud

26
des Hittites, de même que l'écriture hiéroglyphique
hittite. Puis en 1953, c'était le déchiffrement du

minoéen linéaire B, et dernièrement, on vient

d'accomplir dans le déchiffrement de l'écriture


Les sceaux
hiéroglyphique des Mayas un travail considérable
en utilisant des machines électroniques (voir Cour¬
rier de I'Unesco, mars 1962). Tous ces résultats
ont été atteints grâce à l'effort de centaines de
de Plndus
savants, en maints pays. On peut espérer désor¬
DE la vallée de l'Indus (Pakistan) vient une écri¬
mais, étant donné l'appareil de la science moderne,
ture énigmatique dont nous possédons maints
que les langues qui gardent encore leur secret exemples. Les documents ont été datés diver¬
sement du troisième ou du second millénaire av. J.-C.
le livreront un jour. Ci-dessous, nous donnons
environ, avant les invasions aryennes, et ils ont été
cinq exemples d'écritures encore non déchiffrées. mis au jour lors des fouilles qui dégagèrent les
R. J. Spector villes de Mohenjo-Daro (Pendjab) et de Harappa
(Sind), de même que dans quelques villes de moin¬
dre importance. Il s'agit de sceaux de pierre, de
cuivre ou d'ivoire, et d'amulettes. Un matériel ana¬
logue a été découvert dans divers sites de Mésopo¬
tamie, et l'on pense que des relations ont pu exister
entre les cultures de l'Indus et de Sumer.

que de Phaestos
Les archéologues et les érudits ont essayé de Certains savants
décrypter cette écriture en se basant sur les ana¬ avaient cru pou¬
logies dégagées dans le texte, seule méthode pos¬ voir établir une

parenté entre l'é¬


sible faute d'une clé bilingue comme la pierre de
criture de la val¬
Rosette. Sir Arthur Evans lui-même avait conclu, de
lée de l'Indus (à
la présence des éléments de signification guerrière gauche) et l'écri¬
qui se remarquaient dans différents signes, qu'il ture de l'Ile de

s'agissait d'un chant sacré de victoire, et il pensait Pâques (à droite),


en se basant sur
qu'il provenait de la côte sud-ouest de l'Asie
diverses particu¬
Mineure.
larités qui sem¬
blaient communes
La difficulté majeure tient à ce que nul ne sait en
à ces deux écri¬
quelle langue ce texte a été écrit, On l'a cru tour
tures. L'hypothè¬
à tour philistin, lycien, carien, grec, chypriote, libyen, se est aujourd'hui
anatolien ou sémitique ; on ignore même s'il est écrit abandonnée.

de droite à gauche, ou le contraire. Chadwick attire D'après David Diringer.


l'attention sur l'emploi des cachets ; ¡I juge qu'il The Alphabet

s'agit là d'une remarquable anticipation de l'invention


de la gravure et de l'imprimerie. Il est en effet dif¬
L'écriture paraît pictographique, mais toutes les
ficile de croire, comme il le souligne, que la mise
tentatives faites pour la déchiffrer ont échoué. Le
au point d'un jeu de 45 cachets ait été faite en vue
nombre des signes varie de 250 à 400, selon le mode
de la seule exécution de ce disque.
de calcul (des experts considèrent que certains
Les tentatives de déchiffrement prouvent la diver¬ signes ne sont que des variantes graphiques d'autres
sité des interprétations. En 1931, un chercheur signes). Si l'on prend le chiffre moyen de 300, il
anglais, pensant qu'il s'agissait d'un texte grec, a est évident que cette écriture ne peut être ni alpha¬
attribué à chaque caractère une valeur syllabique et bétique ni syllabique, pas plus que purement idéo¬
développé chaque groupe de signes pour former une graphique.
Aussi la tient-on pour partiellement idéographique
phrase. Ainsi, un groupe de cinq caractères, dont la
et partiellement phonétique (sans doute syllabique),
lecture était an - sa - ko - te - re, se développait en
et contenant aussi des signes déterminatifs, comme
Aria, Saô, koô, thea, Rê, et traduit par : « Debout,
l'égyptien, le linéaire B, etc.
sauveur! Ecoute, déesse, Rhea » ! En 1948, un éru- La plupart des inscriptions ayant pour support des
dit grec, qui inclinait pour une langue sémitique, sceaux ou .des amulettes, il est probable qu'elles
aboutissait à : « Suprême divinité de l'étoile aux représentent surtout des noms propres. L'absence
trônes puissants - Suprême douceur de la consola¬ d'autres inscriptions indique qu'un matériel péris¬
tion des mots - Suprême donateur de prophéties - sable devait être employé.
Selon certaines théories, cette écriture aurait des
Suprême de l' la blancheur... »
liens avec l'ancienne écriture hittite, ou l'ancienne
Le professeur Davis, de Johannesburg, qui s'est écriture élamite ; B. Hrozny, l'érudit tchèque qui
livré à une minutieuse étude du disque au cours de déchiffra l'écriture hittite, la rattache à l'écriture
ces dernières années, l'a interprété comme la relation brahmi (à laquelle on attribue aujourd'hui une ori¬
d'une cérémonie votive dirigée par le roi Nokeul de gine araméenne). Un chercheur, le père Heras, S.J.,
Phaestos lors de la consécration du palais. Il publiera a attribué des valeurs syllabiques aux caractères et
bientôt un ouvrage consacré à ses dernières en a déduit qu'ils véhiculaient une langue qui a donné
conclusions. naissance aux langues dravidiennes du sud de
l'Inde.

27
ECRITURES NON DÉCHIFFRÉES (Suite)

PARLANTS"
DE L'ILE

DE PAQUES
L'ILE de Pâques, qui est située à quelque 4 000 km à
l'ouest du Chili, dans l'océan Pacifique, est célèbre
pour ses colossales statues de pierre, mais aussi pour
les mystérieuses tablettes de bois couvertes de caractères
pictographiques qui y ont été découvertes. Il en reste
D'après H. D. Jensen, Die Schrift
actuellement une quinzaine. Il s'agit surtout de fragments,
Signes écrits en linéaire A, écriture qui ont jusqu'à de 2 mètres de côté. On les appelle kohau
Cretoise non déchiffrée jusqu'ici. On rongo-rongo, ou « bois parlants ».
l'a découverte sur des objets et des Les signes on en compte 500 différents sont gra¬
tablettes d'argile. On pense qu'elle vés avec une dent de requin, selon un système sinueux
date d'environ 1750 avant J.-C.
continu. Caractéristique essentielle de l'écriture pascuane,
dans chaque rangée les signes sont renversés par rapport
à la rangée précédente, si bien qu'à la fin de chaque ligne

Textes la tablette doit être retournée afin que les signes de la


rangée suivante se retrouvent dans leur position normale.
Selon une tradition locale, Hotu-Matua, l'ancêtre des Pas-
des monuments cuans, vint dans l'île au 12e ou au 13e siècle ap. J.-C. avec
deux grands navires chargés de 300 guerriers, apportant
avec lui 67 tablettes de « bois parlants ».
crétois Bon nombre de caractères pascuans présentent une cer¬
taine analogie formelle avec l'écriture de la vallée de
l'Indus ; mais, comme l'a souligné l'anthropologue Alfred
SELON l'une des hypothèses avancées aii
cours des tentatives de déchiffrement

des textes étrusques, la langue étrusque


aurait eu des liens en Crète. Ce qui devait, des
années durant, entraver le déchiffrement d'une
autre écriture découverte en Crète, à laquelle
on donne le nom de minoéen linéaire B.
Ce fut seulement quand il eut renoncé à voir
dans l'étrusque la clé du linéaire B et qu'il se
fut tourné vers le grec que le linguiste anglais
Michael Ventris réussit à déchiffrer et à lire le
linéaire B. Mais il est une autre écriture Cre¬
L'étrusque,
toise toujours indéchiffrée : c'est le linéaire A,
qui a environ 48 signes en commun avec le
linéaire B (1). On le date de 1750 av. J.-C. IL y a près de cinq siècles que naquit la science du
Les inscriptions en linéaire A, qui dérivent déchiffrement des langues, lors de la découverte, à
des hiéroglyphes Cretoises, ont été décou¬ Gubbio, près de Perouse, en Italie, de tablettes couvertes
vertes sur des monuments de pierre et des d'écriture. Les tablettes eugubines (d'après Iguuium, le
tablettes d'argile ; l'on en connaît même cer¬ nom ancien du site), aujourd'hui fameuses, étaient en effet
tains exemples écrits à l'encre. Au contraire couvertes d'une écriture dérivée d'un modèle grec ; c'était
du linéaire B, on ne trouve pas d'exemple de l'écriture des Etrusques, peuple mystérieux dont les ori-
linéaire A hors de Crète ; l'écriture comprend
près de 85 signes et bon nombre d'idéogram¬
mes et de symboles. On pense qu'elle véhi¬
culait la langue non grecque de la population
Cretoise autochtone. Il est vrai que les élé¬
ments du linéaire A paraissent fort mal adaptés
au grec mycénien. J. Chadwick, de l'Université
de Cambridge, qui collabora avec Ventris au
déchiffrement du linéaire B, a, en particulier,
énergiquement repoussé l'hypothèse selon
laquelle le linéaire A pourrait être du grec.
Le docteur. C. Gordon, l'expert américain des
langues sémitiques, a établi un parallèle avec
l'akkadien babylonien ; et le professeur
S. Davis, de l'Université de Witwatersrand, à
Johannesbourg, a également suggéré une
parenté sémitique. D'autres enfin, comme le
docteur L. Palmer, philologue de l'Université
d'Oxford, inclinent à penser que le linéaire A D'après David Diringer. The Alphabet. Londres, 1949

peut recouvrir une langue indo-européenne


Dessin d'un bronze étrusque qui représente
autre que le grec. le foie d'un veau, trouvé à Plaisance, en Italie.

(1) Voir « Les comptes secrets du roi Minos », par


Il est couvert de noms de divinités étrusques,
Darsie Gillie, « Courrier de ¡'Unesco », mars-avril 1!)55. et était employé par les devins.
28
Métraux (voir « Courrier de I'Unesco », juillet-août 1956), phonétiques. Dernièrement, un ethnologue allemand, Tho¬
les similitudes qu'avait établies le savant hongrois G. de mas Bartel, a tenté de déchiffrer l'écriture pascuane ; selon
Hevesy étaient quelque peu forcées modification des lui, il s'agit d'une langue polynésienne ; les Pascuans
proportions, déformation de certains détails, etc. et il seraient venus de Rangitea, l'une des îles des Amis, située
n'y avait aucune preuve d'une homologie des caractères à quelque 2 500 km de l'île de Pâques.

Photo © Musée de l'homme, Paris Poisson de bois couvert d'inscriptions, sur lequel sont gravés des caractères picto¬
graphiques, découvert à l'île de Pâques dans l'Océan Pacifique. Ces signes
singuliers n'ont pas livré leur secret.

une langue évanouie


gines aujourd'hui encore restent inconnues, qui légua à contient plus de 5 000 mots, et il n'est toujours pas
Rome, puis au monde, sa culture et son alphabet, lequel déchiffré.

donna naissance, sous sa forme latine, à tous les alphabets Faute de textes bilingues assez importants, les déchif-
de l'Ouest de l'Europe. freurs n'ont pu que s'appuyer sur des significations évi¬
dentes, dégagées des textes. Ainsi, la répétition des ins¬
La plupart des tablettes d'Iguvine sont, en fait, écrites
criptions funéraires les a aidés à établir certains rapports :
en ombrien, dialecte italique apparenté au latin, et leur
la signification de quelque 100 mots qui reviennent pério¬
écriture était apparentée à l'écriture étrusque. Mais la
diquement, liste établie par un eminent étruscologue, le
curiosité qu'avait suscitée le peuple étrusque n'allait pas
professeur Pallotino, est à présent indubitable, et bon
cesser de grandir et, à l'époque de la Renaissance, les
nombre de phrases courtes et de fragments peuvent être
humanistes donnèrent aux Etrusques un regain d'intérêt.
interprétés par conjecture.
Au cours des siècles, de lents mais réels progrès furent Nous connaissons la numération étrusque jusqu'à 6
accomplis dans la lecture de l'alphabet; en 1880, on bien que l'on ne soit pas certain de l'ordre exact des chif¬
parvint à identifier la dernière lettre inconnue. fres c'est-à-dire mach, zal, thu, huth, ci, sa. Une inscrip-
typique se lit : « larth alethnas arnthal ruvfialc clan avils
Mais bien qu'aujourd'hui nous puissions épeler quantité
LX lupuce », ce qui signifie « larth (en latin lars) alethnas,
d'inscriptions étrusques découvertes depuis, on n'en peut
fils de Arn (Arrun) et de Ruvfi, mort à 60 ans ».
toujours guère comprendre que quelques fragments. La
Il est évident que cette langue singulière est différente
langue étrusque, en tant que telle, demeure une énigme.
de toutes celles que nous connaissons, et notamment des
Nous possédons quelque 1 000 inscriptions, qui, dans langues indo-européennes. Bon nombre d'experts se rangent
leur immense majorité, ont un caractère funéraire, et ne à l'avis d'Hérodote, qui donnait les Etrusques pour un
livrent guère plus que des noms et des indications de peuple d'origine orientale, et disait qu'ils étaient venus
parenté. Les documents les plus fournis comprennent une en Italie par mer au début du premier millénaire av. J.-C.
tablette d'argile qui contient à peu près 300 mots, un mou¬ Certes, il n'y en a jusqu'ici aucune preuve, mais, selon
lage en bronze du foie d'un veau sur lequel sont inscrits les certaines hypothèses, il y aurait une parenté entre les
noms des divinités étrusques et un manuscrit de lin (appelé Etrusques et les Lydiens dont le dernier des rois et
le livre de lin) qui avait à l'origine la forme d'un rouleau, et le plus fameux fut Crésus et qui vivaient sur la côte
qui fut plus tard découpé en bandes pour emmailloter la occidentale d'Asie Mineure. L'écriture des Lydiens est
momie d'une femme égyptienne de l'époque gréco-romaine. elle aussi à peu près indéchiffrée, mais on croit que leur
Le livre de lin, qui est actuellement au musée de Zagreb, langue n'était pas une langue indo-européenne.
29
Le caractère chinois ci-contre, en

haut, signifie « femme » et se prononce


« nü », celui du bas signifie « enfant »
et se prononce « tzu ». Les deux
caractères juxtaposés, qui se pro¬
noncent « hao », signifient « bon »,
« bien. » et par extension « amical ».
Ainsi l'idée abstraite est-elle exprimée
par un signe formé de deux caractères
concrets, chaque caractère représen¬
tant à la fois un signe-mot (la langue
chinoise est monosyllabique), et un
son. Tel est le fonctionnement de
l'écriture chinoise.

LES CLÉS

DU CHINOIS

Dans l'écriture chinoise, des signes


semblables peuvent avoir des signi¬
fications différentes; pour les recon¬
naître, on leur adjoint un idéogramme,
qui fait partie de l'ensemble du
caractère, mais ne se prononce
pas. C'est la « clé ». Par exemple,
le caractère 3, qui se prononce
« sang » signifie « mûrier ». Il est
composé de «you» (caractère 1),
qui signifiait «mains» et de « mou »
(caractère 2), qui signifie « bois »
ou « arbre », et qui sert de clé.
« Sang » peut aussi signifier « gosier »
(caractère 4) par l'adjonction du
caractère 5 « k'eou » qui signifie
«bouche» et sert de clé. Le caractère

6 se prononce « fâng » et signifie


« carré ». Dans le caractère 7 « fâng»
signifie « planche », par l'adjonction
de la clé « mou », bois, arbre (carac¬
tère 2). Dans les caractères 8 « fâng »
signifie « filer », par adjonction de
la clé « mi » (caractère 9), qui
désigne la soie ou les textiles.
Avec le caractère 10, le même signe
« fâng » signifie « enquêter », par
adjonction de la clé « yen » (carac¬
tère 11), qui signifie «paroles»;
dans ce caractère 11 on retrouve

le caractère 5, qui signifie « bouche »,


auquel sont adjoints des mots figurés
par des barres.
'rès d'un quart de la po¬
pulation mondiale' uti¬
lise aujourd'hui .encore un type
d'écriture qui s'est développé et
maintenu en Chine depuis trois mil¬
lénaires et qui est profondément
différent de ceux qui se sont imposés
dans le reste du monde. L'écriture
chinoise n'est pas de type alphabéti¬
que. Le caractère chinois est plus
qu'un simple signe ; représentant un
mot entier, il a par son contenu et sa
forme une valeur à la fois philosophi¬
que et artistique, celle d'un symbole et
d'une image. En tant qu'image, le ca¬
ractère chinois est à la fois idéogra¬
phique et pictographique.

Mais depuis que son évolution s'est


achevée, il n'est plus figuratif. Il n'In¬
dique que l'essentiel de ce qu'il doit
exprimer en le stylisant. Le dessin ori¬
ginel n'est plus reconnaissable.

Les premiers spécimens connus


d'écriture chinoise datent de 1400 av.
J.-C. On les trouve inscrits sur des
os divinatoires. Des os d'animaux et
des écailles de tortues étaient expo¬
sés au feu jusqu'à l'apparition de cra¬
quelures. Les devins convertissaient
ces craquelures en signes qu'ils
lisaient. Or, ces signes sont déjà d'une
construction linéaire et abstraite.

Il est probable que jusqu'au vnf siè¬


cle av. J.-C, l'écriture ne fut pratiquée
que par les scribes versés dans les
sciences divinatoires et magiques. A la
fin du vr8 siècle av. J.-C. la centrali¬
sation politique et l'affermissement
de l'Etat modifièrent le monde chi¬
nois. Alors, ce ne furent plus unique¬
ment les spécialistes des choses rituel¬
les et divines qui connurent l'écriture
et l'employèrent, mais des fonction¬
Photo Unesco
naires et des techniciens. A cette épo¬
que, l'écriture tend à devenir un sim¬
ÉLÉMENT DU DÉCOR QUOTIDIEN ple moyen de communication et d'en¬
registrement de la pensée.
Dans cette rue de Hong-kong, les caractères chinois des enseignes composent un décor
dense. La beauté graphique des caractères chinois, aujourd'hui comme autrefois fait de En 221 av. J.-C, la dynastie Tchéou,3i
l'écriture une -uvre d'art, tant en Chine qu'au Japon, où pour leur seule harmonie, on inscrit
des caractères sur les ustensiles qui servent pour le thé, et sur beaucoup d'autres objets usuels. SUITE PAGE 32
L'ECRITURE

CHINOISE (Suite)
Photos Unesco
y . "' ? '

qui s'appuyait sur Confucius, est éli¬


minée. Le nouveau souverain Ts'in
Che Houang-ti, qui régna en despote
et unifia la Chine, mit au point une
écriture simplifiée par rapport à celle 'k i. - *
de l'époque Tchéou ; cette écriture, 'i*l
réduite à un système de 3 000 carac¬
tères, est connue sous le nom de « pe¬
tite écriture sigillaire », ou Hsiao
Tchouan. Elle devait être utilisée sur¬
tout par les écoliers et les étudiants.

Mais ces caractères sigillaires, com¬


parables à des ornements compliqués,
étaient encore d'un emploi trop diffi¬
cile dans la vie quotidienne. Un direc¬
teur de prison inventa, pour simplifier,
dit-on, l'administration pénitentiaire,
l'écriture officielle Li-chou. C'est de

ipfiffllpi
l'écriture Li-chou que datent les for¬
mes de base qui sont encore employées \
quotidiennement aujourd'hui. Ces for¬
/
mes subirent au cours des siècles
diverses variations. L'écriture Li-chou 'h
tendait à systématiser et à simplifier
fortement les caractères. Dès le IT siè¬
cle après J.-C, les Chinois avaient
inventé le papier, ce qui favorisa beau¬
coup le développement de l'écriture.

cause de sa richesse gra¬


phique et de la stylisation
de ses formes, l'écriture donna de très
bonne heure naissance à un art sa¬
vant, la calligraphie. Un auteur du
Ier siècle av. J.-C. dit : « La parole
est la voix de l'esprit, l'écriture le des¬
sin de l'esprit. » Pour le calligraphe,
force et grâce du trait doivent s'équi¬
librer dans le dessin du caractère.

Toute une série de peuples d'Ex¬


trême - Orient ont adopté la totalité
ou certains éléments des caractères
chinois. Le Japon les adopta très tôt,
autour du iV siècle après J.-C. Le
premier témoignage connu d'écriture
japonaise date de 712 après J.-C. Il
s'agit du Kojüki, le plus ancien ou¬
vrage historique du Japon. Mais la
structure polysyllabique du japonais *& :X 'i
nécessita l'adjonction de caractères
syllabiques, capables d'indiquer pho¬
* ^¿ß
nétiquement les variations grammati¬
cales. On essaya d'y parvenir dès le
vnr siècle.

Au IXe siècle, les Japonais tirèrent


¡4 *
de l'écriture chinoise
syllabique phonétique, le « so-gana »,
appelée plus tard hiragana, qui pou¬
une écriture
'#&£& &
vait indiquer les variations grammati¬
cales. A la même époque fut inventée
récriture Ikatakana. Les caractères de
récriture
sont
katakana, plus
surtout employés
anguleux,
aujourd'hui
b i. 4f v ^ 'A ifly Y * 3
pour les mots étrangers.

Les Coréens, pour leur part, cher¬


chèrent à utiliser phonétiquement les
caractères chinois ; ils créèrent ainsi
récriture idu, dont il subsiste peu de
témoignages. Ce n'est qu'au xvc siècle
qu'ils imaginèrent un alphabet phoné¬
tique. Il n'est pas inutile de noter que
les Coréens avaient inventé l'impres¬ Les caractères chinois ont été utilisés très tôt comme élé¬
sion au moyen de caractères mobiles ments de création artistique. Des textes étaient calligraphiés,
32 dès 1403 (quand Gutenberg n'avait sur les peintures, écriture et peinture s'unissant harmo¬
que trois ans), avant même d'avoir
mis au point une écriture syllabique ! nieusement. Ici, feuille d'un manuscrit de Tseng Yen-tung.
rUNESCO 7-UXj <D&mmfia<Dm¿flÍ
i^3 (m^ménmwicítmm.j'v^e de
Fontenoy, Paris 7e, France) T'lfe llÄ^^T
!A§0

Le japonais utilise simultanément trois formes


d'écriture, le hiragana, écriture syllabique phonétique
qui indique les variations grammaticales, \ekatakana.
aux caractères plus anguleux, employés surtout
pour les mots étrangers, et les caractères chinois,
appelés kanji en japonais. Ci-dessus, quelques
lignés de l'édition en langue japonaise du
« Courrier de I'Unesco » où sont combinées
ces trois formes d'écriture, outre l'alphabet latin
pour l'adresse de la rédaction à Paris.

DE LA CALLIGRAPHIE
A L'IMPRIMERIE

Agenouillées dans les positions traditionnelles


des, scribes, ces élèves d'une
secondaire école
Pour composer un journal en chinois, il ne faut pas moins de 7 000 de Tokyo écrivent au pinceau sur des banderoles,
caractères. Aussi la composition se fait-elle encore à la main. En japonais, pour les fêtes du Nouvel An. En Chine comme au
il suffit de 2 000 caractères environ, ce qui permet l'emploi de la monotype Japon, on enseigne à l'école le « sho », ou calli¬
(machine à composer en caractères séparés). On cherche actuellement à graphie. Au Japon, de nombreux périodiques
mettre au point une machine pour la composition des textes en chinois. sont consacrés à cet art.

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*!
Nos lecteurs nous écrivent
L'ÉCOLE DU COURAGE qu'une économie agricole scientifique D'UNE PIERRE DEUX COUPS

ne pourront être établies. Je suis pro¬


fondément convaincu qu'il est grand
Je viens de voir dans le numéro de Nous vivons une époque « d'univer-
temps que I'Unesco s'attache au pro¬
janvier 1964 du Courrier de I'Unesco salisme », et rien de ce qui touche
blème démographique et publie ses
l'article intitulé « Grandeur et Servi- l'humanité ne peut être étranger à qui
conclusions (un peu comme elle l'a
ture de l'Athlète ». La présentation en que ce soit. Votre revue est utile à
fait à propos de la question raciale).
est fort intéressante, et je souligne I'Unesco pour mener à bien sa tâche :
Le domaine où la recherche est peut-
avec satisfaction que vous y avez fait rapprocher les nations les unes des
être la plus nécessaire, et sans tarder,
allusion au rôle que jouent dans le autres, grâce à une compréhension mu¬
est celui de la procréation et du
sport les personnes physiquement han¬ tuelle plus approfondie. Pendant les
contrôle des naissances, et sur ce
dicapées. cours de français que je donne à
point, de la diffusion de l'information,
l'Université et à l'Ecole Polytechnique
Il vous intéressera peut-être de de la manière de convaincre les gens
de Guayaquil, j'emploie beaucoup l'édi¬
savoir que le Groupe de Travail au de la nécessité d'une politique démo¬
tion française du Courrier de I'Unesco
nom duquel je vous écris a organisé graphique, et du rôle du planning fa¬
pour les traductions et les exercices.
en juillet 1963 les Premiers Jeux inter¬ milial dans les activités nationales
Je trouve que de cette
l'in¬ manière
nationaux pour les Handicapés, à Linz, car bon nombre d'entre nous sont
térêt que suscitent chez mes étudiants
en Autriche. Il y a dans les sports convaincus qu'il est essentiel que les
ministères de la Santé dans les divers
les sujets que vous traitez ne faiblit
spécialisés quantité d'activités impor¬
pas et qu'au contraire, il grandit.
tantes et intéressantes pour les handi¬ pays du monde deviennent officielle¬
capés qui veulent découvrir ce qu'elles ment responsables du planning fami¬ Luis Felipe Torres
ont de bénéfique pour la réadaptation lial.
Guayaquil, Equateur
des infirmes, et pour assurer aux han¬
dicapés des divertissements et des Sir Julian Huxley
exercices physiques. Londres, Angleterre

DE QUELQUES NACELLES
Norman Acton
N.D.L.R. Pour l'article relatif aux
President Groupe International
problèmes démographiques et à l'ap¬
de Travail Dans le numéro de septembre 1963
provisionnement, voir notre numéro
du Sport pour Handicapés du « Courrier de I'Unesco », j'ai lu
spécial sur « La lutte contre la faim »
Paris, France avec intérêt l'article de David Gunston
(juillet-août 1962).
à propos des ballons libres. En page,
31, l'auteur signale l'utilisation d'un
ballon amarré « près de Maubeuge ».
LE MANCHE ET LA COGNÉE UN CRÉATEUR D'ALPHABET
Cet engin le fut en réalité à Fleuras
(Hainaut), à l'occasion de la bataille
M. Müller ne veut pas que 400 mil¬ J'aimerais que soit publié un numéro fameuse au cours de laquelle les
lions de familles disposent de postes du Courrier de I'Unesco sur la vie armées de la République furent victo¬
récepteurs de radio bon marché, en et l' de Louis Braille ; je tra¬ rieuses de celles de l'Empereur d'Au¬
Asie, en Afrique et en Amérique, vaille en effet pour les aveugles à triche (26 juin 1764). C'est la première
parce qu!elle n'entend rien qui vaille Brisbane (Australie) et je fais du fois dans l'histoire qu'un ballon servait
au cours des émissions parisiennes braille pour les aider. à des observations militaires. Page 32 :
(« Le bruit et la culture », décem¬ je m'étonne que l'auteur ait omis de
Colin R. Brown
bre 1963). Surprenante logique ! citer le physicien suisse Auguste Pic-
M. Müller est-elle parfaitement cer¬ Coolangatta card, professeur à l'Université de
taine que les pays en voie de dévelop¬ Queensland, Australie Bruxelles, qui, en 1931, fut le pre¬
pement ne puissent faire mieux que mier à atteindre la stratosphère (16 000
Paris ?
N.D.L.R. Notre revue a publié di¬ mètres) grâce à une nacelle hermétique
accrochée à un ballon.
James Cunningham verses informations dans les numéros
Paris, France de juin 1960, mars 1958 et mars 1952.
Eliane Jacquemyns
Nous conseillons aux lecteurs qui s'in¬
Université libre de Bruxelles, Belgique
téressent à ce sujet de consulter en
bibliothèque ces numéros actuellement
LES BOUCHES A NOURRIR épuisés.
A LA PORTÉE DE TOUS

Je viens de prendre connaissance de


HONNEUR A LA SPÉLÉOLOGIE Nous considérons le « Courrier de
l'étude « Qu'est-ce que le sous-déve¬
I'Unesco » comme une revue extrême¬
loppement », qui avait paru en pré-
publication dans le Courrier de ment intéressante, et même passion¬
Quelques-uns des membres de notre
I'Unesco. Je dois dire que je suis nante. A quelques exceptions près nous
organisation, qui se consacre à l'étude avons lu tous les numéros avec beau¬
scandalisé que l'accent soit mis uni¬ et à l'exploration des grottes de Cuba,
quement sur le développement agricole coup d'intérêt. Les numéros sur « La
sont abonnés à votre revue, et nous
et technologique, sans aucun lien avec faim dans le monde », « Le racisme »,
donnons souvent lecture de vos arti¬
les problèmes posés par l'accroisse¬ nous ont particulièrement plu, de même
cles à nos réunions. Cependant, nous
ment de la population. Et ces pro¬ que le numéro consacré à Tagore.
avons remarqué que vous n'avez rien
blèmes sont particulièrement graves Ce qui est remarquable, c'est que
publié sur l'étude de la spéléologie
dans des pays sous-développés déjà la revue est à la portée de tous. Elle
et des sciences annexes. Pouvons-nous
surpeuplés, comme l'Inde. Il est au¬ est au point, en ce qui concerne la
vous suggérer de consacrer un numéro
jourd'hui parfaitement évident que si vulgarisation et l'éducation des masses.
entier à cette science merveilleuse et
le taux d'accroissement démographi¬ Nous en entretenons souvent ceux qui
peu connue ? <
que n'est pas rapidement abaissé nous entourent. On essaye de faire par¬
pour l'Inde, de 50 % au cours de quel¬ Manuel Iturralde Vinent tager aux autres ce qu'on aime.
z
que 40 ans selon Cole et Hoover, le Secrétaire du Groupe A. Leheup
point critique sera atteint et qu'une Spéléologique Martel, Bavent, Calvados
économie industrielle viable pas plus La Havane, Cuba France o
ai
O

J
UJ
34
UNE ANNEE Vient de paraître
DE RELIURE
Leonard S. Kenworthy
De nombreux abonnés nous font périodi¬
quement part de leur désir de conserver
sous reliure la collection du « Courrier de

I'Unesco ». Nous leur rappelons que nous


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liste. Les paiements peuvent être effectués dans (Vizcaya). ETATS-UNIS. Unesco Publica¬ BIQUE. Salema & Carvelholtda, Caixa Postal 192, Beira.
la monnaie du pays. Les prix de l'abonnement tions Center, 317 East 34 th. Street. New York NORVÈGE. A.S. Bokhjornet, Lille Grensen, 7, Oslo. Pour
annuel au « COURRIER DE L'UNESCO » sont N.Y. 1 001 6, ($ 5) et, sauf pour les périodiques : le «Courrier» seulement: A.S. Narvesens, Litteraturjeneste
Columbia University Press, 2960 Broadway, New York Stortingsgt. 4, Oslo. (Kr. 1 3,20). NOUVELLE-CALɬ
mentionnés entre parenthèses, après les adresses
27, N.Y. FINLANDE. Akateeminen Kirjakauppa, DONIE. Reprex, Av. de la Victoire, Immeuble Paimbouc,
des agents. 2, Keskuskatu, Helsinki, (mk. 540). FRANCE. Li¬ Nouméa (1 30 fr. CFP). PAYS-BAS. N.V. Martinus Nijhoff
brairie Unesco, Place de Fontenoy, Paris, C.C.P. 12.598- Lange Voorhout 9. La Haye (fl. 6). POLOGNE.
ALBANIE. N. Sh. Bocimeve, Nairn Frasheri, Tirana. 48. (F. 7.00). GRÈCE. Librairie H. Kauffmann, 28, « RUCH » Ul. Wiloza Nr. 46, Varsovie 10 (zl. 50).
ALGÉRIE. « Le Courrier » seulement : « Membres rue du Stade, Athènes. HAÏTI. Librairie « A la Cara¬ PORTUGAL. Dias & Andrada Lda, Livraria Portugal, Rua
du corps enseignant ». Institut Pédagogique National, velle », 36, rue Roux, B.P. 111, Port-au-Prince. do Carmo, 70, Lisbonne. RÉPUBLIQUE MALGA¬
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Oldenbourg Verlag, Unesco-Vertrieb für Deutschland, ILE MAURICE. Nalanda Co. Ltd., 30 Bourbon Str. Ministère de l'Éducation nationale, Tananarive. «Le Cour¬
Rosenheimerstrasse 145, Munich 8. Unesco Kurier Port-Louis. INDE. Orient Longmans Ltd. rier » seulement : Service des Tuvres post et péri-sco-
(Edition allemande seulement) Bahrenfelder Chaussee 1 7 Chittaranjan Avenue, Calcutta 1 3. Ballard Estate laires, Ministère de l'Éducation nationale, Tananarive.
160, Hamburg-Bahrenfeld, CCP 276650. (DM 8). Chamber, Nicol Rd., Bombay 1 ; 36a. Mount Road, ROUMANIE. Cartime'x Scr. Aristide-Briand 14-18.
AUTRICHE. Verlag Georg Fromme et C\ Spen- Madras 2. Gunfoundry Road, Hyderabad 1 ; Kanson P.O.B. 134-135, Bucarest. ROYAUME-UNI. H. M.
gergasse 39, Vienne V. (Seh. 60.-). BELGIQUE. House, 1/24 Asaf Ali Road, P. O. Box 386. Nouvelle- Stationery Office, P.O. Box 569, Londres S.E.I. (10/-).
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Standaard-Boekhandel, Belgiëlei 151, Anvers. Seule¬ ('Unesco, avenue du Musée, Téhéran. IRLANDE. 60 Dakar SUÈDE. A/B CE. Fritzes. Kungl. Hovbok-
ment pour le « Courrier » (100 FB) et les The National Press, 2 Wellington Road, Ballsbridge, handel, Fredsgatan 2, Stockholm, 1 6. Pour «Le Courrier »
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Brouckère, Bruxelles. C. C. P. 3380.00. BRÉSIL. 35, Allenby Road and 48, Nahlat Benjamin Street, Stockholm, C. (Kr.10). SUISSE. Europa Verlag, 5. Ra¬
Librairie de la Fundaçao Getulio Vargas, 1 86, Praia Tel-Aviv. (1$ 5.50). ITALIE. Librería Commissíonaria mistrasse, Zürich. C.C.P. Zürich VIII 23383. Payot, 40,
de Botafogo. GB-ZC-02, Rio de Janeiro. GB-ZC-02. Sansoni, via Gino Capponi 26, Casella Postale 552, rue du Marché, Genève, C.C.P. 1-236. Pour « Le Cour¬
BULGARIE. Raznoïznos, 1, Tzar Assen, Sofia. Florence (lire 1.200)., et, sauf pour les périodiques : rier » seulement : Georges Losmaz, 1 , rue des Vieux-Gre¬
CAMBODGE. Librairie Albert Portail , 1 4, avenue Bologne : Librería Zanichelli, Porcici del Pavaglione. nadiers, Genève, C.C.P. 1-4811 (Fr. S 8).
Boulloche, Phnom-Penh. CANADA. Imprimeur Milan : Hoepli, via Ulrico Hoepli, 5. Rome : Librería SLOVAQUIE. Artia Ltd. 30, Ve Smeckách, Prague 2. -
de la Reine, Ottawa, Ont. ($ 3.00). CHILI. Internazionale Rizzoli. Gallería Colonna. Largo Chigi & TURQUIE. Librairie Hachette, 469, Istiklal Caddesi,
Editorial Universitaria, S.A., Avenida B. O'Higgins 1058, Librairie Française, Piazza Castello, 9. JAPON. Beyoglu, Istanbul. U.R.S.S. Mezhdunarodnaja Kniga,
casilla 1 0220, Santiago. « Le Courrier » seulement : Maruzen Co Ltd, 6, Tori-Nichome, Nihonbashí, P.O. Moscou, G-200. URUGUAY. Representación de Edi¬
Comisión Nacional de la Unesco en Chile, Alameda B. Box 605 Tokyo Central, Tokyo (Yen 670). LIBAN. toriales. Plaza Cagancha 1342, 1 " piso, Montevideo (20
O' Higgins 1611-3 piso, Santiago (E° 4,20). CONGO. Librairie Antoine A. Naufal et Frères B. P. 656, Bey¬ pesos). VIETNAM. Librairie Papeterie XuanThu,
La Librairie, Institut politique congolais B. P. 23-07 routh. LUXEMBOURG. Librairie Paul Brück, 185-193, rue Tu-Do, B.P. 283, Saigon. YOUGO¬
Léopoldville. - DANEMARK. Ejnar Munksgaard A/S, 22, Grand'Rue, Luxembourg. MAROC. Librairie SLAVIE. jugoslovenska-Knijga, Terazije 27, Belgrade.
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