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MARS 1964 (XVIIe ANNÉE) FRANCE : 0,70 F. - BELGIQUE : 10 Fr. - SUISSE : 0,80 Fr.
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L'ART DE L'ECRITÜRE
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Musée national d'histoire, Mexico
Photo L. Limón Aragon
EXERCICES
DE STYLE
XVII© ANNÉE
PUBLIE EN
9 ÉDITIONS
Française 4 L'ART DE L'ÉCRITURE
Anglaise
Espagnole 9 PIERRES HITTITES ET MAYAS
Russe
Allemande
10 CHAMPOLLION DÉCHIFFRE LES HIÉROGLYPHES
Arabe
U. S. A.
13 NAISSANCE DE L'ÉCRITURE CUNÉIFORME
Japonaise
Italienne
14 L'ALPHABET, TROUVAILLE PHÉNICIENNE
22 MILLE MANIÈRES...
NOTRE COUVERTURE
Photo ©
Musée de l'Homme, Paris
Sandy Koffler
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Rédacteur en Chef adjoint : condition d'être accompagnés de la mention « Reproduit du Courrier
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René Caloz
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Edition japonaise : Shln-lchi Hasegawa (Tokyo) Librairie Unesco, Place de Fontenoy, Paris.
Edition italienne : Maria Remiddi (Rome) N° 3 - 1964 MC 64-1-189 F
V
Le 21 janvier 1964, une exposition itinérante de I'Unesco, « L'Art
de l'Écriture », a été inaugurée à la Staatliche Kunsthalle de
Baden-Baden (République fédérale d'Allemagne). A l'aide de cinquante panneaux
photographiques et de textes explicatifs, l'exposition de I'Unesco retrace la
naissance des écritures, leur évolution et leur application dans la vie des hom¬
mes au cours de l'histoire. Elle a été réalisée par M. Willem J. Sandberg, ancien
directeur du Stedelijk Museum d'Amsterdam (Pays-Bas), selon un plan de
M. Marcel Cohen, professeur honoraire de langues orientales modernes à la Sor¬
bonne (Paris), et avec la collaboration de M. Dietrich Mahlow, directeur de la
Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden; des spécialistes de différents pays ont
également participé aux travaux préparatoires.
Les textes et les illustrations qui composent ce numéro du « Courrier
de I'Unesco » sont pour une bonne part tirés du matériel documentaire de cette
exposition qui sera, ultérieurement, présentée dans de nombreux pays. Le cata¬
logue de l'exposition, volume de 130 pages abondamment illustré, a paru en
langue allemande et des éditions en français, en anglais et en espagnol sont en
préparation. La préface de ce catalogue est due à Etiemble, Professeur à la
Sorbonne, et l'introduction, dont nous reproduisons ici de larges extraits, à
Marcel Cohen.
Photo Unesco
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teur Important, a commencé bien des fois et en plus d'un
endroit.
SUITE PAGE 6
L'ART DE L'ÉCRITURE (Suite)
comportent pas des détails descriptifs mais sont desti¬ le procédé du rébus à transfert. Celui-ci suppose des obser¬
nés à déclencher des récitations, en servant d'aide-mé¬ vations précises sur une langue déterminée ; ainsi on peut
moire à des récitants exercés. observer sur des mots courts qu'il existe des homophones
(de même son) terme plus précis que homonyme (à même
Une véritable écriture, correspondant à l'analyse des
nom) et, en faisant l'économie d'un signe, on pourra écrire
phrases en mots figurés successivement, témoignage nou¬
« peau » en dessinant un « pot » ; en allant plus loin, en
veau d'observation et d'abstraction, n'apparaît que dans
décomposant des mots en leurs éléments on pourra démon¬
des sociétés évoluées au point d'avoir des villes, ce qui
ter tel mot de plus d'une syllabe ; ainsi « chapeau , »
suppose des échanges complexes et réguliers, notamment
pourra être écrit par les dessins joints d'un chat et d'un
pour assurer l'alimentation des citadins par les ruraux et,
pot (ou d'une peau). Cette réalisation n'est naturellement
d'abord, le développement de l'architecture, activité d'ar¬
tisans et d'artistes. valable que pour une seule langue, dans le cas présent,
le français : ici l'écriture, à aspect encore idéographique,
adhère à la langue avec son phonétisme.
Les exemples qui suivent sont empruntés à une écriture
américaine. En effet, c'est par les écritures de l'Amérique
centrale qu'on a coutume de commencer, en dépit de la
ucuNE découverte archéologique de documents chronologie, l'histoire de l'écriture. Cela se justifie par le
décrits ne permet de remonter au-delà des développement inconnu ailleurs du tracé pictographique
environs de l'an 4000 au grand maximum : en gros, l'écri¬ ou hiéroglyphique, sans qu'il se soit réalisé de schémati¬
ture, non indispensable à la vie, n'a qu'une histoire de sation. Pour cette raison, ce classement empirique pour¬
6 000 ans approximativement et, au terme de cette période, rait bien subsister même si les efforts qu'on fait actuelle¬
elle n'a pas abouti à un usage universel, près de la moitié ment pour déchiffrer les documents mayas et aztèques
des hommes ne s'en servant pas. devaient déceller des mélanges de procédés idéographi¬
ques et phonographiques, tels qu'on en constate dans les
Pour ce qui est du fonctionnement, une véritable écri¬ écritures plus anciennes, du vieux monde, qui seront som¬
ture pictographique idéale supposerait que chaque mot est mairement décrites ensuite.
représenté par un dessin spécial reconnaissable, ce qui
est le procédé du rébus, plus précisément du rébus direct,
encore employé de nos jours par jeu, avec diverses conven¬
tions supplémentaires. Ainsi, un disque avec rayons signi¬
fiant « soleil », le dessin d'un couvre-chef signifiant
« chapeau », des animaux variés figurés par leur image Jonc, le stade urbain, avec emploi de l'écriture,
(par exemple « chat »). a été atteint en Amérique centrale. L'empire
Maya paraît avoir existé au ive siècle de notre ère. Il a
Les signes-choses sont en même temps des signes-mots ;
subi ensuite diverses vicissitudes et avait à peu près
comme ils expriment des sens sans évoquer et détailler
disparu avant même la conquête espagnole au xvie siècle.
les sons, leur emploi est idéographique, on peut les appe¬
Un grand développement de l'architecture pyramides
ler des idéogrammes. Au point de vue du tracé, tant qu'il
et escaliers monumentaux notamment est attesté par
s'agit de dessins réalistes, on peut parler d'hiéroglyphes
des ruines. Or l'écriture était liée à cette architecture :
au sens large d'après le nom donné par les Grecs aux
les marches de tel escalier étaient ornées de grands hiéro¬
caractères de l'ancienne écriture égyptienne. Les mots
glyphes sculptés. On connaît aussi des figures en stuc, et
grecs hiéros, « sacré », et glyph, « sculpter ».
l'on a constaté l'existence de fresques. La' couleur était
S'il s'agit de mots entiers, non décomposés, un tel sys¬ aussi employée dans la confection de codex sur papier,
tème peut être employé sans tenir compte des prononcia¬ avec des figurines plus ou moins grandes, en carrés soi¬
tions, et par conséquent se lire dans différentes langues. gneusement alignés.
Il faut supposer, si l'on veut écrire au sujet de choses
Beaucoup de figures étaient stylisées, certaines d'entre
variées, un grand nombre de dessins différents.
elles, imaginaires, laissaient supposer toutes sortes de
Le stade suivant de l'invention est celui où la notation
légendes et d'interprétations mythiques. On dit que, chez
des sons apparaît, où l'écriture devient, d'abord en partie les Mayas la connaissance de l'écriture était réservée aux
seulement, phonographique (du grec phonê « son »). Ce familles de prêtres et de grands seigneurs. Mais les sculp¬
résultat est obtenu sans quitter la picto-idéographie, par tures sur monuments s'étalaient sous les yeux de tous et
L'EMBRYON
DE L'ÉCRITURE
Les signes les plus anciens à partir desquels
l'écriture a pu se développer répondaient
aux exigences de la vie de peuples chas¬
seurs ou pasteurs. Il s'agissait de marquer
des biens, rappeler un souvenir, d'indiquer
un itinéraire, etc. Certains signes tendaient
à représenter la chose évoquée. D'autres,
abstraits, n'étaient compris que des initiés
et sont aujourd'hui impossibles à déchiffrer.
C'est le cas de ceux-ci. De gauche à
droite : signe où figure la lune et silhouette
portant deux étoiles à bout de bras, d'une
peinture rupestre préhistorique d'Espagne;
figure gravée sur roche, relevée au Brésil.
devaient se prêter à des explications, comme les statues l'identité de deux mots, et le tracé représente la pronon¬
et les vitraux de nos cathédrales romanes et gothiques. ciation en même temps que le sens.
De plus, on sait que dans cette civilisation régnait la C'est également en raison du fonctionnement de l'écri¬
croyance au retour périodique des mêmes événements. Il ture que le Chinois, qui ne remonte semble-t-il qu'au
paraissait donc éminemment pratique de fixer les données milieu du 3* millénaire, est traité ici avant les écritures les
permettant des prévisions à ce sujet. plus anciennement attestées. Le système chinois est pro¬
Les Aztèques, qui se sont établis au xrv" siècle au Mexi¬ che de la pictographie idéale en ce sens qu'il y a, en prin¬
que et dont la civilisation fut influencée par celle des cipe, un tracé, c'est-à-dire un caractère, pour chaque mot,
le mot étant un monosyllabe invariable.
Mayas, ont dû avoir des monuments comme ces derniers ;
il n'en a subsisté que très peu de chose après la conquête Ceci est vrai, bien que les linguistes soient arrivés à
espagnole. Heureusement, tandis qu'on ne connaît que reconnaître que ce monosyllabisme n'a pas toujours existé
trois manuscrits mayas authentiques, les manuscrits aztè¬ et bien que, très souvent, deux éléments soient accolés
ques conservés se comptent par quelques dizaines. On y pour former des espèces de composés. Il en résulte que les
discerne des données religieuses, d'autres historiques et caractères se comptent par milliers.
géographiques ; parmi celles-ci, des noms de ville ont
La lecture usuelle demande la connaissance de 3 000
fourni des exemples de rébus à transfert.
caractères, des dictionnaires pour lettrés en contiennent
Ainsi, le nom de la ville de COATLAN est figuré par un 40 000. plus encore avec les raretés.
serpent, sous lequel sont dessinées deux dents avec leurs
gencives ; le sens est « endroit des serpents » : COAT Ces caractères ne sont pas liés idéographlquement mais
désigne le serpent, et pour indiquer le lieu, la préposition associés à des ensembles de sons déterminés de la langue
Tlan « dans » a été figurée par tlantli « dents » (dont la
finale est négligée). L'analyse phonétique a fait remarquer SUITE PAGE 9
LE MOT ET
L'ORNEMENT
ET MAYAS
Photo Unesco
tN effet, ces caractères sont généralement com¬ C'était un système complexe, ce qui, une fois la tradi¬
pliqués, composés de nombreux petits traits tion perdue, a rendu le déchiffrement malaisé pour les
droits, faits à la pointe du pinceau. L'emploi de l'écriture, savants, habitués au système alphabétique. Il comportait
naguère réservé aux milieux instruits, fonctionnaires et en majorité des signes-mots, suivant le principe idéogra¬
membres des hautes classes (maintenant l'école est à peu phique , ces signes-mots étaient à l'origine des signes-
près généralisée), est imprégné de sentiments esthétique. choses employés soit en rébus direct, soit en rébus à trans¬
Chaque petit caractère, occupant un carré idéal, isolé fert sans décomposition pour des mots à sens analogues.
dans la colonne rigoureusement rectiligne avec des inter¬ Grâce à ces deux procédés, le nombre des signes pouvait
valles eux-mêmes égaux (des signes de ponctuation ser¬ être réduit à quelques centaines, réduction appréciable
vant à indiquer les groupements nécessaires) est une pour la mémoire et l'apprentissage des tracés, mais source
petite d'art. Les bons calligraphes, professionnels d'incertitude pour la lecture.
ou non, ont été réputés à l'égal de dessinateurs et de En conséquence, deux sortes de compléments ont été
peintres. L'emploi ornemental de l'écriture est fréquent. adoptés, destinés à faciliter la lecture sans être pronon¬
Grâce aux ruines conservées et aux documents retrou¬ cés en plus: d'abord, des signes (pris dans le stock idéo¬
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vés, on sait que, dans l'Egypte ancienne, depuis une épo¬ graphique) pour spécifier les catégories de sens (êtres
© humains et leurs actions, animaux, ustensiles, etc.) ;
que antérieure à 3 000 ans, existaient des Etats organisés
avec de grandes cités, où l'écriture était en usage, avec
des hiéroglyphes aux dessins reconnaissables et élégants SUITE PAGE 12
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Les deux noms en hiéroglyphes qui sont à la
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base de la découverte de Champollion : ci-
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de la sixième ligne de la pierre de Rosette (à
vm¿';:¿ gauche) ; à droite, Cléopâtre. CLÉOPÂTRE
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Photos Unesco
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E 22 septembre 1822, à Paris, un jeune savant français,
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passionné d'égyptologie, pauvre et accablé par le
surmenage, se précipitait chez son frère en criant : « Je tiens l'affaire ! »,
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puis s'évanouissait. Jean-François Champollion venait de percer le mys¬
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tère des hiéroglyphes égyptiens. Quelques jours plus tard, il annonça
2 la grande nouvelle dans une lettre à M. B.-J. Dacier, secrétaire perpétuel
de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Huit ans aupara¬
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vant, un médecin anglais, Thomas Young, avait bien reconnu la présen¬
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tation hiéroglyphique du nom de Ptolémée grâce à la fameuse pierre de
Rosette gravée en hiéroglyphique, en démotique et en grec. Mais le
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déchiffrement en était resté là. Champollion, de son côté, acquit une cer¬
K. titude : le texte hiéroglyphique comptant trois fois plus de signes que
5=7. s
>.n>.m..zi.¿D.c± R.^ijyiT. (p. a. «¿. le texte grec ne comportait de mots, plusieurs signes hiéroglyphiques
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devaient être nécessaires pour former un mot. Sur la base d'un papyrus
M 5=k . «e= -T- S3 . «4 en caractères démotiques, il retrouva le nom du roi Ptolémée et réussit
en outre, en 1822, à écrire en hiéroglyphes, presque exactement, le nom
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AAA . AMM%»~ **» . Q . g . { >S de la reine Cléopâtre. Ces deux noms lui fournissaient la clé de onze
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lettres. L'identification du nom de Touthmosis devait enfin confirmer sa
rr-f/T-i découverte. Le déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens fit dès lors des
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progrès foudroyants.
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British Museum, Londres. Photo Kunstarchiv Arntz Pour les Egyptiens, l'image et le hiéroglyphe ont toujours été insépa¬
p rables, même quand l'écriture hiéroglyphique perfectionnée est devenue
La pierre de Rosette fut un élément capital pour le déchiffrement des hiéro¬ syllabique, les signes ayant acquis une valeur phonétique indépen¬
glyphes égyptiens par Champollion. Découverte en 1799, cette stèle de damment de leur sens figuratif originel. Pendant trois millénaires, les
basalte noir porte le texte d'un décret daté de 196 av. J.-C. concernant
T hiéroglyphes sont restés à la base de l'écriture monumentale en raison
les honneurs à rendre au roi Ptolémée V dans les temples. Le texte y figure
en trois versions : en haut, 14 lignes d'hiéroglyphes; au milieu, 32 lignes eh
de leur beauté. Parallèlement, des formes d'écriture plus maniables
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10 démotique (écriture courante) ; en bas, 54 lignes en grec (langue de la (la hiératique, puis la démotique) se sont développées à l'usage des
11
cour). Sur le fragment ci-dessus, on distingue, à la 6e ligne, dans un car¬ besoins administratifs et de la correspondance sur papyrus ou sur
touche, le nom du roi Ptolémée. tablettes de bois.
L'ART DE L'ÉCRITURE (Suite)
Les savantes
mises en pages
mésopotamiennes
Sceau d'un Sumérien, vers 2250 av. J.-C L'écriture du nom est illustrée d'une
scène montrant la libération du dieu du soleil.
L'écriture
naît sous une pointe de roseau
LES Sumériens de la nécessaire d'écrire les noms sans C'est l'écriture cunéiforme.
Basse - Mésopotamie ambiguïté, une valeur phonétique a Elle se trace dans l'argile ten¬
sont, avec les Egyptiens, les Cretois été attribuée à des signes qui dre, avant la cuisson, à l'aide d'une
et les Chinois, les premiers inven¬ avaient été d'abord pictographiques. pointe de roseau taillé. Les Baby¬
teurs d'un système d'écriture effi¬ Cela devient une sorte de rébus : loniens, les Assyriens puis les
cace. Ils Ont accompli le premier pas un mot difficile à exprimer par un Hittites et les Perses adapteront
qui mène de l'écriture pictographi¬ dessin est désigné par le signe d'un cette écriture à leur propre langue,
que à l'écriture syllabique, contri¬ mot se prononçant à peu près de la lui donnant une rigueur géométri¬
buant ainsi à l'élaboration de l'écri¬ même façon. Le développement de que. Un dessin illustre souvent le
ture moderne. Au début du 3e millé¬ ce système va permettre d'écrire texte pour indiquer à l'illettré de
naire, les Sumériens gravaient des presque toutes les combinaisons de quoi il s'agit. Mais l'image et l'écri¬
sceaux, marques de propriétaire, et la langue parlée. Evoluant à partir ture peuvent se passer désormais
bientôt des signes évoquant direc¬ de l'image-objet, le signe se réduit, l'une de l'autre. L'art de lire et
tement les objets. vers le milieu du 3e millénaire, à d'écrire se répand peu à peu dans
Puis, sans doute parce qu'il était quelques traits pourvus d'un coin. le public mésopotamien.
TROUVAILLE
PHÉNICIENNE
Un phénomène capital
pour le développement de
l'écriture s'est produit au
Proche-Orient, l'une des zones
d'échange et de passage les
plus importantes de l'ancien
mondé. Pour répondre aux
besoins du commerce et de
la diplomatie durant les 2*
et 1" millénaires av. J.-C,
les écritures syllabiques,
cunéiformes ou hiéroglyphi¬
ques ne suffisent plus. On
cherché à simplifier, on expé¬
rimente sans cesse de nou¬
velles écritures qui ne néces¬
sitent plus que 20 ou 30
signes. Les Phéniciens, peu¬
ple remuant, répandent dans
toutes les directions, et
notamment dans leurs colo¬
nies d'Afrique du Nord, leur
écriture très pratique qui
s'adapte facilement à la
plupart des langues. Il en
est issu, avec la version ara-
méenne et la version grecque,
deux branches puissantes qui
se sont finalement étendues
sur une grande partie de la
terre. A gauche, inscription
araméenne sur un bas-relief
du roi Barrakab de Sends-
chirli (vers 750 av. J.-C).
Tant en sumérien qu'en akkadien, les mêmes signes sont ploi de récriture cunéiforme, avec abondance d'idéogram¬
employés avec des valeurs multiples par transfert psy¬ mes dont la présence a aidé au déchiffrement en donnant
chologique, pratiqué de manière large. une idée générale du contenu des textes.
Dans les deux langues, le transfert phonographique s'est Dans le monde égéen insulaire, en Crète et à Chypre, se
opéré, soit pour des mots courts, soit pour des parties de sont développées des civilisations originales où l'écriture a
mots longs, toujours avec la présence d'une voyelle commencé aussi par un stade hiéroglyphique. Le dévelop¬
(contrairement à l'égyptien). L'akkadien, ayant conservé pement en a été, assez vite, semble-t-il, phonographique,
des valeurs sumériennes et en ayant ajouté d'autres par l'analyse des mots s'étant faite systématiquement en syl¬
décomposition des racines sémitiques, a une particulière labes du type consonne suivie de voyelle.
abondance de signes à valeurs multiples qui souvent ne se
Le nombre des caractères de tracé moyennement com¬
différencient que grâce au contexte.
pliqué est toujours beaucoup moins grand que dans les
L'emploi est analogue à celui de l'égyptien, les radicaux systèmes idéo-phonographiques (80 en linéaire B de
étant figurés le plus souvent à l'aide d'un idéogramme. Les Crête, 55 pour le Cypriote). On n'a pas déchiffré de docu¬
idéogrammes de catégorie sont moins nombreux qu'en ments en langues antérieures aux invasions indo-euro¬
égyptien, plus abondants en akkadien qu'en sumérien. C'est péennes héelléniques. Dans les écritures syllabiques, on est
l'emploi des signes phonographiques qui assure la lecture ; arrivé à lire du grec d'environ 1450 à 1200 av. J.-C. en
ils sont employés pour les terminaisons et aussi pour des Crète et, sur le continent, à Mycènes, avant que les Grecs
débuts de mots, non seulement pour des affixes, mais pour aient reçu l'alphabet, et à Chypre autour de 500 av. J.-C,
des parties de radical, augmentées ou non d'un affixe. De alors qu'ailleurs les Grecs se servaient depuis longtemps
toute manière la lecture a été toujours compliquée et de¬ de l'alphabet.
mandait un exercice préalable sérieux pour la connaissance
Celui-ci s'est formé dans des circonstances et en un lieu
des valeurs variées d'un même signe.
exact qui nous échappent, sur la rive orientale de la Médi¬
L'écriture cunéiforme à usage idéographique et phono¬ terranée. Sans doute a-t-il une origine pictographique
graphique syllabique s'est répandue comme instrument de comme les autres écritures. Mais on n'a pas pu le rattacher
civilisation, vers le Sud-Est en Elam où une ancienne écri¬ à certains documents hiéroglyphiques de la région phéni¬
ture hiéroglyphique n'avait pas poursuivi son évolution ; cienne ; on n'est pas sûr qu'il soit en liaison avec quel¬
au milieu du troisième millénaire, l'écriture cunéiforme a ques documents gravés trouvés au Sinaï, d'une date dou¬
mm été adoptée, surtout sous son aspect phonographique. Au teuse (entre 1800 et 1500 av. J.-C), avec un petit nombre
nord-ouest, c'est au milieu du deuxième millénaire qu'ont de signes ayant plus ou moins le caractère de dessins
coexisté en pays hittite un système hiéroglyphique et l'em frustes.
Les Phéniciens ont introduit leur écriture
dans leurs colonies, comme à Carthage
où l'on a trouvé cette inscription sur une
pierre votive néopunique.
D'après Marcel Cohen, La grande invention de l'écriture et son évolution, Paris, 1958
Ce qui est sûr, c'est qu'au voisinage des grandes écritures garit (au nord de la Phénicie), datées de 1600 à 1200 av.
de civilisation du Proche-Orient, deux millénaires après J.-C, avec tracé cunéiforme (lecture de gauche à droite).
elles, l'invention s'est achevée, une seule fois à notre Langue : variété de sémitique occidental proche du cana¬
connaissance, par la constitution d'une écriture phonogra¬ néen et de l'araméen.
les Grecs, peut-être 1000 av. J.-C, par emprunt direct aux Ce fait devait avoir, avec l'essor de l'Islam, d'énormes
Phéniciens ou par quelque voie de propagation en Asie conséquences scripturaires. L'écriture arabe était une cur¬
Mineure, a eu des conséquences considérables. sive liée rapide, surtout si l'on s'abstient d'y mettre les
signes-voyelles au-dessus ou au-dessous
caractères, des
La première a été l'achèvement du système alphabétique
comme on le fait pour le Coran et à des fins d'enseigne¬
avec des lettres consonnes et des lettres voyelles. Pour la
ment. Elle s'est prêtée à toutes sortes d'exercices et de
notation claire de leur langue, les Grecs ne pouvaient pas
jeux calligraphiques, en partie avec des stylisations, mais
se passer de représenter les voyelles ; ils en ont trouvé le
elle a été aussi abondamment employée à titre ornemen¬
moyen simple en utilisant des lettres qui représen¬
tal tant sur des objets que sur les monuments et spécia¬
taient des consonnes du sémitique n'existant pas en grec.
lement sur leurs parties ornementales en stuc.
Tel est l'aboutissement du principe phonographique.
Employée par les Musulmans autres que les Arabes, elle
Pour le tracé (dont la direction après quelques hésita¬
s'est répandueen Asie intérieure et centrale, dans une
tions s'est fixée de gauche à droite) les Grecs ont adopté,
partie de l'Inde et de l'Insulinde, dans diverses régions
dans ce que nous appelons la majuscule, des formes sensi¬
d'Afrique.
blement carrées, sans dépassement du haut et du bas et
avec de nombreuses symétries surtout latérales, obtenant L'écriture indienne a couvert le domaine des langues
ainsi un effet esthétique certain. Par la suite, pour l'usage indo-aryennes, allant jusqu'au Népal, et celui des langues
manuscrit rapide, il s'était constitué des formes rapides dravidiennes dans le Sud, mais, suivant le bouddhisme (qui
de minuscules. ne devait pas subsister dans l'Inde même), elle a atteint
L'écriture a dû apparaître dans l'Inde environ au Ve siè¬ le Tibet au nord et, au sud-est, une partie de l'Indochine
cle av. J.-C, presque sûrement par emprunt à l'alphabet et la majeure part de l'Insulinde. Les tracés toujours em¬
consonantlque sémitique, mais dès le début avec des tracés ployés suivant le type syllabique ne comportent pas,
tels pour la majorité des lettres que l'emprunt n'est pas comme l'arabe, de légères variantes, mais constituent nom¬
absolument prouvé. Ce qui est sûr, c'est qu'il s'est formé bre d'écritures réellement différentes d'aspect, qu'il serait
un système de notation des voyelles très différent de celui intéressant de mettre en rapport avec les variétés de l'art
ornemental.
des Grecs, aboutissant à la constitution d'un alphabet
syllabaire.
Les caractères nus se lisent comme une consonne suivie
de la voyelle a, celle qui se présente le plus souvent ; des
signes (et non des lettres) après, avant, sur ou sous le
corps du caractère notent des voyelles de timbres divers,
brèves ou longues. Les mots ne sont pas séparés dans la
phrase, dont la fin est marquée. Il n'y a pas une écriture
indienne, mais des écritures de formes diverses, avec des
calligraphies diverses (direction de gauche à droite).
II rentes
Il est passionnant de suivre,
régions du monde où l'écriture a plus
dans les diffé-
gujiKS
En dehors du sémitique, l'écriture araméenne a été por¬
tée vers le nord dans une grande partie de l'Asie, chez des
peuples de langue iranienne, turque, mongole.
16
Dans le sud du domaine sémitique lui-même, les Bé¬
douins d'Arabie ont emprunté l'écriture aux Nabathéens.
Photos Unesco.
L'écriture grecque, cantonnée jusqu'à nos jours dans un C'est, semble-t-il, une forme septentrionale, dans les
petit domaine sous sa forme classique, a connu diverses Alpes, qui a donné naissance aux runes (caractères des
expansions intérieures, avec des modifications plus ou anciens alphabets germaniques et Scandinaves) et à des
moins poussées, à différentes périodes dans diverses direc¬ usages en partie dérivés de la magie dans les pays Scan¬
tions. A l'Est, il faut tenir compte, à l'époque ancienne, dinaves.
de certaines langues d'Asie Mineure, qui n'ont pas sub¬
L'écriture latine, sous la forme majuscule, a reçu, comme
sisté, tel le phrygien. (Mais ces langues avaient peut-être,
le grec, des caractères en grande partie symétriques, d'une
au moins en partie, reçu l'écriture sémitique en même
grande clarté. Elle s'est prêtée à l'usage monumental,
temps que le grec, voire avant lui).
s'agrandissant assez au besoin pour être lue d'assez loin.
A l'époque chrétienne, au cours de l'évangélisation, le Pour l'usage courant et l'usage livresque, elle a reçu toutes
grec s'est trouvé employé en Afrique pour le copte et pour sortes de formes qui ont une histoire distincte, en partie
le nouba ancien, au nord de la Mer Noire, pendant un liée à des besoins esthétiques, ainsi qu'à des problèmes
temps, pour le gothique germanique, puis de manière pratiques de rapidité et de lisibilité.
jusqu'à présent définitive, avec un tracé distinct, bien que
On peut mentionner, au xvF siècle, l'écriture livresque
très proche, dit cyrillique, pour des langues slaves, en sui¬
gothique, qui rappelle singulièrement le style architectural
vant les destinées de l'Eglise d'Orient (la Grèce mise à
ogival, qu'on trouve dans les derniers manuscrits et dans
part).
divers imprimés incunables, doublée d'une cursive spécia¬
Des imitations aberrantes, avec des éléments d'autre lement mal formée, à laquelle a succédé l'écriture dite
origine, ont eu lieu en Arménie et en Géorgie. De nos humaniste, particulièrement sobre et claire, que reflètent
jours, l'Union Soviétique ayant opté pour un emploi uni¬ encore nos impressions.
forme de l'écriture cyrillique, celle-ci se trouve appliquée,
L'écriture latine s'est répandue en Europe, d'abord avec
en partie, en remplacement de l'écriture arabe, à des lan¬
l'administration romaine, ensuite avec les christianisa-
gues diverses (finno-ougriennes, turques, mongoles, etc.).
tions successives mais son expansion y a été limitée par
Vers l'Ouest, c'est dans l'antiquité, par contagion de civi¬ les positions de l'écriture cyrillique. Elle a ensuite, avec
lisations et sans intervention, semble-t-il, de facteurs reli¬ les navigations et les colonisations européennes, gagné une
gieux particuliers, que s'est propagée l'écriture alphabé¬ grande partie du monde, notamment les Amériques. Elle
tique, surtout en Italie, tant chez les Etrusques, dont la est actuellement la plus répandue de toutes.
langue d'origine inconnue n'est pas encore comprise, que, Grâce à l'instruction, inaugurée par des missionnaires,
avec ou sans l'intermédiaire de ceux-ci, chez les popula¬ l'écriture latine a été adaptée à l'usage du malgache à
tions italiques de langues indo-européennes, en particu¬
lier les Latins.
VÉHICULE
DE LA LOI J^W^l-\j$í^jr&lH^>o¿¿v^h^7"
ET DU SACRE
SUITE PAGE 20
ml I" 1 1 Willi
b4» '"Iv' t
J- ! » J $ h
ans avant notre ère au sein d'une civili¬ roshti, était employée dans le Nord-Ouest La plus classique des écritures du Nord
iii-íl
DE L'ÉCRITURE ture dont sont issues les écritures indien¬
nes actuelles a été probablement introduite
en Inde vers l'an 600 av. J.-C.
marchands venus des régions
par des
où l'on
sémitique.
Le rayonnement de la civilisation
dienne a fait connaître très tôt l'écriture
indienne à des peuples éloignés : ainsi
in¬
auparavant écrit dans chaque région avec
l'écriture locale. La nâgari (appelée aussi
devanâgari) sert aussi pour écrire le
marathe; mais nombre d'autres langues
utilisait l'écriture araméenne (l'influence l'écriture goupta, variété de l'ancienne ont leurs écritures propres dérivées de
de celle-ci s'est fait sentir jusqu'en brâhmî, reparait au Turkestan oriental. formes anciennes. Une écriture du Sud,
18
INDIENNE Mongolie). Dans les plus anciens docu¬
ments
Asoka
connus,
(272-231
les
av.
inscriptions
J.-C.) il
du roi
existe déjà
L'écriture tibétaine est également une
écriture d'origine indienne, comme les
écritures birmane, siamoise, cambod
le tamoul, de caractère utilitaire et précis
contraste avec l'écriture singhalaise, par
exemple, qui est extrêmement ornée.
19
J -I J « â $ 4
L'ART DE L'ÉCRITURE (Suite)
La condition
de tout progrès
Madagascar, du vietnamien en Indochine. Elle est main¬
tenant adoptée par la République indonésienne et celle
des Philippines pour leurs langues nationales. Dans la
Chine continentale, elle a été donnée aux minorités qui
n'avaient pas d'écriture et elle est actuellement enseignée
aux Chinois eux-mêmes. Elle a commencé à servir aussi
pour des langues africaines et amérindiennes.
Complétée de manière systématique, elle sert pour les
transcriptions d'autres systèmes et pour les notations pho¬
nétiques.
Tout au long de son déroulement, l'histoire de l'écriture
est liée à celle de fabrications : support, instrument à
écrire, liquide pour écrire ; elle a longtemps dépendu de
l'habileté manuelle des graveurs et autres copistes. Un
tournant capital a été celui de la reproduction des écrits
en un grand nombre d'exemplaires par les procédés d'im¬
pression, conditionnée tout d'abord par une industrie du
papier.
L'histoire des estampages multipliés commence en Chine
au ir siècle de notre ère. La xylographie a été pratiquée au
vie siècle. Les caractères mobiles en Chine et en Corée
remontent au xr siècle. En Europe occidentale, après un
usage restreint de la xylographie, la fabrication des carac¬
tères mobiles et des presses au xv siècle a permis l'essor
du livre et de la feuille volante : extension considérable
de l'usage de la lecture, sans pourtant que l'instruction ait
été généralisée.
Naturellement, l'imprimerie voulait des catégories nou¬
velles de techniciens (mentionnons ici d'un mot la ma¬
chine à écrire et le peuple des sténodactylographes).
C'est au xixe siècle que se sont réalisées à la fois une très
grande masse d'impression avec les journaux quotidiens
(bénéficiant de l'usage de machines de plus en plus per¬
fectionnées) et l'instruction généralisée dans les pays de
civilisation industrielle développée. . . . .
k^/:ô v. ^
CSU
Quelque 1 000 ans avant notre ère, l'écriture phénicienne l'écriture, environ 800 ans avant notre ère. Ils écrivaient,
fut transmise aux Grecs, probablement par l'intermédiaire comme les Phéniciens, de droite à gauche (voir page 28).
des marchands sémites. Les caractères' des inscriptions Les Romains leur empruntèrent. leur alphabet, mais ils lui
grecques les plus anciennes correspondent en grande par¬ donnèrent une forme nouvelle, sous laquelle il se diffusa
tie aux caractères phéniciens, et s'écrivaient comme ceux- dans de vastes régions du monde.
ci de droite à gauche. Les Grecs perfectionnèrent l'alpha¬ Les peuples de l'Europe orientale ont également reçu
bet phénicien en y adjoignant des voyelles, qui n'existaient l'alphabet des Grecs. En effet, l'écriture runique germanique
pas dans les langues sémitiques, et l'écrivirent de gauche représente une modification de certains alphabets de l'Italie
à droite. du Nord. Elle parvint en Scandinavie trois siècles environ
C© furent les colons grecs qui introduisirent l'écriture en avant J.-C. Quant à l'écriture slave, elle procède de l'écri¬
Italie, où les Etrusques furent les premiers à pratiquer ture grecque.
mythologique, Sigurd,
met à mort le dragon
Fafnir. Le corps du
dragon est couvert de
runes. Les runes étaient
censées posséder un
pouvoir magique. 21
CALLIGRAMMES
Des lettres arabes en fait des phrases
entières composent les contours
fabuleux de ce rossignol. Ce calli¬
gramme du 19e siècle est une repré¬
sentation imagée et symbolique a la
fois d'une citation du Coran, qui pro¬
met le Paradis à ceux qui font le bien.
Ci-contre, calligramme de Paul Klee :
des lettres imaginaires sont utilisées
comme élément graphique et spatial
de la composition.
Photos Unesco
Nous publions ci-dessous des NAISSANCE DU LIVRE vice des temples, des scribes spécialisés
extraits du volume " L'écriture dans telle ou telle catégorie bureaucrati¬
C'est un peu après le début de la pé¬ que... Le scribariat est un métier d'homme.
et la psychologie des peuples ", riode alexandrine, soit vers la moitié du Il est aussi l'un des plus considérés de
2e siècle avant J.-C., que naît le livre, c'est- la société sumérienne. Il l'était au point
qui vient de paraître chez Armand
à-dire le livre employé comme élément que plusieurs scribes accédèrent aux plus
Colin, Paris (38 F). Cet ouvrage usuel, comme quelque chose qui pénètre hautes dignités du gouvernement et que
réunit dix-huit exposés de dans la vie et devient indispensable. Cela quelques-uns montèrent sur le trône. Plus
est lié aux conséquences des conquêtes
savants qui étudient les rap¬
d'Alexandre, au développement de la cul¬
ports que l'on peut déceler entre ture générale, à l'ouverture des grandes
l'histoire de l'écriture et les écoles de philologie. Vers cette date, nous
entrons dans un cycle qui informe notre
particularités psycho-sociologi¬ vie à tous : l'ère du livre. C'est à partir
ques des divers milieux humains. de cette époque que le problème de l'écri¬
ture se confond en partie avec le pro¬
blème du livre.
ou des objets dissymétriques ; lorsqu'ils matière à écrire : le pergamen, ce que tard, au temps des Assyriens et des Baby¬
sont tournés vers la droite, l'inscription nous appelons le parchemin. loniens, la profession s'ouvrit aux femmes.
doit se lire de droite à gauche, et lors¬ Dès le début du 2e siècle de notre ère RENÉ LABAT
qu'ils sont tournés vers la gauche, c'est naissait le conflit entre le papyrus et le
le contraire. On peut ainsi disposer les parchemin, d'une part, entre le volumen et
textes de façon très variée. le codex, de l'autre. Le volumen était une
longue feuille roulée sur elle-même, écrite BIBLIOTHÈQUES ET RUES
JEAN SAINTE-FARE GARNOT
d'un seul côté ; le codex était fait d'une ROMAINES
suite de cahiers écrits recto verso et pla¬
cés les uns à la suite des autres, proté¬ Dans le monde romain, à l'époque d'Au¬
gés par une reliure ou une sorte de porte¬ guste (né en 63 avant J.-C, mort en 14 après
feuille. Le codex, et notamment le codex J.-C), le nombre des citoyens qui savent
de parchemin, semble s'être développé écrire est très grand, mais très peu peu¬
plus rapidement en Occident qu'en Orient. vent se permettre d'avoir une bibliothè¬
Le conflit entre les différentes formes de que. Cependant, l'apprentissage de l'écri¬
livres fut long et varié. Non seulement il ture a dû tenir une place importante dans
y eut des codices de papyrus, adroite¬ l'éducation des esclaves et, par consé¬
ment montés, mais on vit longtemps les quent, assez nombreux ont dû être les
feuilles de papyrus se mêler dans un particuliers qui ont pu se constituer une
même livre aux feuilles de parchemin. bibliothèque en faisant copier à domicile
des livres empruntés.
ALPHONSE DAIN
Vers le milieu du premier siècle, les
Romains ont cessé de considérer l'écri-
LE SCRIBARIAT, MÉTIER
NOBLE ALPHABET ESQUIMAU
CYRILLIQUE
Cette pierre porte une inscription en langue slave qui date du 11 " ou 12*
siècle. Découverte récemment à Tulcea, en Roumanie, elle atteste l'exten¬ Aujourd'hui encore, les lettres cyrilliques
sion de l'écriture cyrillique mise au point en Bulgarie à la fin du 10* siècle. sont portées en procession dans les rues
de Sofia, lors des fêtes que les Bulgares
Photo Musée des Antiquités de Bucarest
instituèrent au 18* siècle en l'honneur
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BAAïTANHK'A0BAHi
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EfATAtK9Úr§-
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24
Évangile russe du début du 12* siècle,
en caractères cyrilliques. Les Bulgares
Photo Willy Pragher. Fribourg
de Cyrille et de Méthode, qui, au
9* siècle, dotèrent les Slaves d'un
alphabet. Ci-dessus, l'image des deux
frères dominant un cortège traditionnel.
En d'autres termes, ils gardèrent l'alphabet de Cyrille en tant qu'alphabet pho¬
nétique notant remarquablement les sons slaves, mais en hellénisant systéma¬
tiquement les caractères. Ainsi, vers 940, environ quatre-vingts ans après la
création du premier alphabet slave, glagolitique, une nouvelle version était entiè¬
rement constituée, celle de l'alphabet « cyrillique ». De vieilles inscriptions bul¬
YiU* £IfCtll M*ÙS1£AM gares du 10e siècle, comme l'inscription de Mostic, découverte il y a une dizaine
d'années en Bulgarie orientale, attestent l'usage de l'écriture cyrillique. C'est sur
B A N"Kf Hfl» Yf B* BAA l'euvre de Cyrille et de Méthode que se greffe la vieille littérature bulgare du
10e siècle.
rCHO^HY-Ac- jmlkÏa- Mais récriture cyrillique allait prendre une extension énorme. Après la Bulga¬
ta- Bya- ¿oABy1- jWfl» rie et la Macédoine, elle s'étendit en Serbie, en Bosnie, et surtout en Russie,
après la conversion de la Russie au christianisme, en 988. En Roumanie, ce n'est
%ÔN£JK3*AAAM qu'au 19e siècle que l'alphabet latin allait être substitué au cyrillique (les
Roumains n'ont d'ailleurs écrit qu'en langue slave jusqu'au 16' siècle).
Y'AE*MÍ¿*& >Á?S#
Telle qu'elle avait été fixée au 10e siècle, l'écriture cyrillique s'est conservée avec
une grande unité jusqu'à la cyrillique des langues slaves modernes où elle se
Y^AM*AffVT* continue avec certaines transformations relativement légères : en Russie, le tsar
WAA-AY'AHAYH Pierre le Grand fit débarrasser l'écriture cyrillique de traditions religieuses
encombrantes, créant un alphabet civil. Une autre réforme, après la Révolution
NAíÁ-fN-AfAl/Á russe, a supprimé quelques caractères inutiles.
KflAAANHM'ÄB*- Aujourd'hui, l'alphabet cyrillique, sous ses aspects modernes très légèrement
différenciés d'une langue à l'autre, est employé sur une aire géographique
ñstH&Sll'k'HAniCrV'k' immense. L'Union Soviétique ayant opté pour sa généralisation, il est appliqué
à des langues diverses parlées en Union Soviétique finno-ougriennes, turques,
MAT-¿.AN»B*A£KJirH mongoles, etc., et il a été transporté à travers la Sibérie jusqu'aux rives du
Pacifique.
25
donnèrent à l'alphabet de Cyrille sa forme
définitive, en hellénisant les caractères.
Le déchiffrement de nombre de langues anciennes
Ce disque d'argile
trouvé dans le Palais
de Minos, en Crète,
est couvert d'une
écriture énigmati-
que; le texte affecte
la forme d'une spi¬
rale. Les caractères
date le disque de
1700 av. J.-C.
26
des Hittites, de même que l'écriture hiéroglyphique
hittite. Puis en 1953, c'était le déchiffrement du
que de Phaestos
Les archéologues et les érudits ont essayé de Certains savants
décrypter cette écriture en se basant sur les ana¬ avaient cru pou¬
logies dégagées dans le texte, seule méthode pos¬ voir établir une
27
ECRITURES NON DÉCHIFFRÉES (Suite)
PARLANTS"
DE L'ILE
DE PAQUES
L'ILE de Pâques, qui est située à quelque 4 000 km à
l'ouest du Chili, dans l'océan Pacifique, est célèbre
pour ses colossales statues de pierre, mais aussi pour
les mystérieuses tablettes de bois couvertes de caractères
pictographiques qui y ont été découvertes. Il en reste
D'après H. D. Jensen, Die Schrift
actuellement une quinzaine. Il s'agit surtout de fragments,
Signes écrits en linéaire A, écriture qui ont jusqu'à de 2 mètres de côté. On les appelle kohau
Cretoise non déchiffrée jusqu'ici. On rongo-rongo, ou « bois parlants ».
l'a découverte sur des objets et des Les signes on en compte 500 différents sont gra¬
tablettes d'argile. On pense qu'elle vés avec une dent de requin, selon un système sinueux
date d'environ 1750 avant J.-C.
continu. Caractéristique essentielle de l'écriture pascuane,
dans chaque rangée les signes sont renversés par rapport
à la rangée précédente, si bien qu'à la fin de chaque ligne
Photo © Musée de l'homme, Paris Poisson de bois couvert d'inscriptions, sur lequel sont gravés des caractères picto¬
graphiques, découvert à l'île de Pâques dans l'Océan Pacifique. Ces signes
singuliers n'ont pas livré leur secret.
donna naissance, sous sa forme latine, à tous les alphabets Faute de textes bilingues assez importants, les déchif-
de l'Ouest de l'Europe. freurs n'ont pu que s'appuyer sur des significations évi¬
dentes, dégagées des textes. Ainsi, la répétition des ins¬
La plupart des tablettes d'Iguvine sont, en fait, écrites
criptions funéraires les a aidés à établir certains rapports :
en ombrien, dialecte italique apparenté au latin, et leur
la signification de quelque 100 mots qui reviennent pério¬
écriture était apparentée à l'écriture étrusque. Mais la
diquement, liste établie par un eminent étruscologue, le
curiosité qu'avait suscitée le peuple étrusque n'allait pas
professeur Pallotino, est à présent indubitable, et bon
cesser de grandir et, à l'époque de la Renaissance, les
nombre de phrases courtes et de fragments peuvent être
humanistes donnèrent aux Etrusques un regain d'intérêt.
interprétés par conjecture.
Au cours des siècles, de lents mais réels progrès furent Nous connaissons la numération étrusque jusqu'à 6
accomplis dans la lecture de l'alphabet; en 1880, on bien que l'on ne soit pas certain de l'ordre exact des chif¬
parvint à identifier la dernière lettre inconnue. fres c'est-à-dire mach, zal, thu, huth, ci, sa. Une inscrip-
typique se lit : « larth alethnas arnthal ruvfialc clan avils
Mais bien qu'aujourd'hui nous puissions épeler quantité
LX lupuce », ce qui signifie « larth (en latin lars) alethnas,
d'inscriptions étrusques découvertes depuis, on n'en peut
fils de Arn (Arrun) et de Ruvfi, mort à 60 ans ».
toujours guère comprendre que quelques fragments. La
Il est évident que cette langue singulière est différente
langue étrusque, en tant que telle, demeure une énigme.
de toutes celles que nous connaissons, et notamment des
Nous possédons quelque 1 000 inscriptions, qui, dans langues indo-européennes. Bon nombre d'experts se rangent
leur immense majorité, ont un caractère funéraire, et ne à l'avis d'Hérodote, qui donnait les Etrusques pour un
livrent guère plus que des noms et des indications de peuple d'origine orientale, et disait qu'ils étaient venus
parenté. Les documents les plus fournis comprennent une en Italie par mer au début du premier millénaire av. J.-C.
tablette d'argile qui contient à peu près 300 mots, un mou¬ Certes, il n'y en a jusqu'ici aucune preuve, mais, selon
lage en bronze du foie d'un veau sur lequel sont inscrits les certaines hypothèses, il y aurait une parenté entre les
noms des divinités étrusques et un manuscrit de lin (appelé Etrusques et les Lydiens dont le dernier des rois et
le livre de lin) qui avait à l'origine la forme d'un rouleau, et le plus fameux fut Crésus et qui vivaient sur la côte
qui fut plus tard découpé en bandes pour emmailloter la occidentale d'Asie Mineure. L'écriture des Lydiens est
momie d'une femme égyptienne de l'époque gréco-romaine. elle aussi à peu près indéchiffrée, mais on croit que leur
Le livre de lin, qui est actuellement au musée de Zagreb, langue n'était pas une langue indo-européenne.
29
Le caractère chinois ci-contre, en
LES CLÉS
DU CHINOIS
CHINOISE (Suite)
Photos Unesco
y . "' ? '
ipfiffllpi
l'écriture Li-chou que datent les for¬
mes de base qui sont encore employées \
quotidiennement aujourd'hui. Ces for¬
/
mes subirent au cours des siècles
diverses variations. L'écriture Li-chou 'h
tendait à systématiser et à simplifier
fortement les caractères. Dès le IT siè¬
cle après J.-C, les Chinois avaient
inventé le papier, ce qui favorisa beau¬
coup le développement de l'écriture.
DE LA CALLIGRAPHIE
A L'IMPRIMERIE
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Nos lecteurs nous écrivent
L'ÉCOLE DU COURAGE qu'une économie agricole scientifique D'UNE PIERRE DEUX COUPS
DE QUELQUES NACELLES
Norman Acton
N.D.L.R. Pour l'article relatif aux
President Groupe International
problèmes démographiques et à l'ap¬
de Travail Dans le numéro de septembre 1963
provisionnement, voir notre numéro
du Sport pour Handicapés du « Courrier de I'Unesco », j'ai lu
spécial sur « La lutte contre la faim »
Paris, France avec intérêt l'article de David Gunston
(juillet-août 1962).
à propos des ballons libres. En page,
31, l'auteur signale l'utilisation d'un
ballon amarré « près de Maubeuge ».
LE MANCHE ET LA COGNÉE UN CRÉATEUR D'ALPHABET
Cet engin le fut en réalité à Fleuras
(Hainaut), à l'occasion de la bataille
M. Müller ne veut pas que 400 mil¬ J'aimerais que soit publié un numéro fameuse au cours de laquelle les
lions de familles disposent de postes du Courrier de I'Unesco sur la vie armées de la République furent victo¬
récepteurs de radio bon marché, en et l' de Louis Braille ; je tra¬ rieuses de celles de l'Empereur d'Au¬
Asie, en Afrique et en Amérique, vaille en effet pour les aveugles à triche (26 juin 1764). C'est la première
parce qu!elle n'entend rien qui vaille Brisbane (Australie) et je fais du fois dans l'histoire qu'un ballon servait
au cours des émissions parisiennes braille pour les aider. à des observations militaires. Page 32 :
(« Le bruit et la culture », décem¬ je m'étonne que l'auteur ait omis de
Colin R. Brown
bre 1963). Surprenante logique ! citer le physicien suisse Auguste Pic-
M. Müller est-elle parfaitement cer¬ Coolangatta card, professeur à l'Université de
taine que les pays en voie de dévelop¬ Queensland, Australie Bruxelles, qui, en 1931, fut le pre¬
pement ne puissent faire mieux que mier à atteindre la stratosphère (16 000
Paris ?
N.D.L.R. Notre revue a publié di¬ mètres) grâce à une nacelle hermétique
accrochée à un ballon.
James Cunningham verses informations dans les numéros
Paris, France de juin 1960, mars 1958 et mars 1952.
Eliane Jacquemyns
Nous conseillons aux lecteurs qui s'in¬
Université libre de Bruxelles, Belgique
téressent à ce sujet de consulter en
bibliothèque ces numéros actuellement
LES BOUCHES A NOURRIR épuisés.
A LA PORTÉE DE TOUS
J
UJ
34
UNE ANNEE Vient de paraître
DE RELIURE
Leonard S. Kenworthy
De nombreux abonnés nous font périodi¬
quement part de leur désir de conserver
sous reliure la collection du « Courrier de
comprendre
l'Organisation ns.
des Nations Unies
avions
et les institutions
T..J..J..vy¡0
apparentées.
L'enseignement relatif à
l'Organisation des Nations Unies
et aux institutions -apparentées :
Nouvelles suggestions
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tía 1 Un grand nombre de peuples ont utilisé **' mr*i
5¡ l'écriture cunéiforme signes en *_3l."*
forme de clous dès la plus haute ,y4 1¿f
^ antiquité en Mésopotamie (voir »' . . . ^ «