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L'Afrique française, l'empire

de Maroc et les déserts de


Sahara : histoire nationale
des conquêtes, victoires et
[...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Christian, P. (1811-1872). Auteur du texte. L'Afrique française,
l'empire de Maroc et les déserts de Sahara : histoire nationale des
conquêtes, victoires et nouvelles découvertes des français depuis
la prise d'Alger jusqu'à nos jours / par P. Christian ; édition
illustrée par MM. Descamps, Egg. Lamy, Isabey... [et al.]. 1846.
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,y
Nouvelle édition ù &0 c. In livraison.

LAFRW FRANÇAISE

L'EMPIRE DE MAROC
r ,' ,'v-V ET LES DÉSERTS DE SAHARA
.;.' ,/; .V:j ." .•"'.:''
A

v ; HISTOIRE NATIONALE DES CONQUÊTES,


] / '; VICTOIRES ET NOUVELLES DÉCOUVERTES DES FRANÇAIS, DEPUIS LA PRISE D'ALGER
JUSQU'A NOS JOURS,

PAR P. CHRISTIAN, / f'


:-
EDITION ULUSTUÉE

Par HH, E, làmy» ïsabey, îony Joliaiiiiot, 11. llcllaiigé, Philippotcaiix, K, 6irardel.ll. Baron, Horcl-Falio,
Célçstin Nanleuil, Jules Noël, c(c.

DE MAGNIFIQUES VIGNETTES SUR ACIER, D'UNE CARTE GÉNÉRALE DU MAROC


ET DE L'ALGÉRIE, DE TYPES POPULAIRES COLORIÉS,

lit (le têtes de pages intercalées dans le texte gravées par les premiers artistes.
Un iiiftg'iiMSfiue vol, gis in-$° jeans d'environ 600 itngcjs,
CONTENANT LA MATIERE DE QUATRE VOLUMES IN-8° ORDINAIRES,

n'est pas une famille qui no s'intéresse à l'Afrique française : presque


U
toutes ont payé l'impôt du sang et prodigué leurs fils pour concourir à la
grande mission civilisatrice que nous poursuivons depuis plus de vingt ans.
Toutes seront flores de lire, dans le travail que nous leur offrons aujourd'hui,
les noms des braves qui sont tombés sous le drapeau ou qui ont mérité de
nobles récompenses on illustrant nos combats, L'histoire élève u leur sou-
venir un monument national.
L'armée trouvera dans ce livre lo tableau fidèle de son courage, de son dé-
vouement, do ses glorieuses fatigues; les hommes sérieux y verront une
oeuvre do bonne foi; le peuple y reconnaîtra presque a chaque page des noms
chers à sa mémoire.
L'auteur a joint à son oeuvre un travail descriptif sur Y empire du Maroc i
travail auquel les événements prêtent un puissant intérêt,
Cotto nouvelle édition est augmentée de tous.les événements nouveaux
qui sont survonus en Afrique jusqu'à co jour et terminée par LA LISTE,
drossée sur les rapports officiels, Dti TOUS LES NOMS cités à l'ordre do l'armée
depuis 1830.

fjoiulltfions de la tëowscrlntlon.
Cette nouvelle édition de L'AFRIQUE FRANÇAISE, L'EMPIRE DE MAROC ET LES
DÉSERTS DE SAHARA, imprimée sur beau papier, est publiée en 65 livraisons
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fouille (8 pages) et d'une gravure environ pour doux ou trois livraisons.
L'ouvrage complet formera un beau et fort volume grand in-8 Jésus, de
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L'AFRIQUE
L'EMPIRE DU MAROC
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PAR P/ CHRISTIAN

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PUBLIlV 1>AU A. MURIER, ÉDITEUR


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'VROSPEGTUS-SPÊCBIKN!

U n'est pas une famille qui no s'intéresse à l'Afrique françaiso : presque toutes
ont payé l'impôt du sang et prodigué leurs iils pour concourir àla grande mission
civilisatrice que nous poursuivons depuis quinze ans. Toutes seront Hères do
lire, dans lo travail (pie nous leur offrons aujourd'hui, les noms des braves qui
sont tombés KOUS le drapeau ou qui ont mérité de nobles récompenses en il-
lustrant nos combats, L'histoire élève a leur souvenir un monument national.
lïautcur do ce livre a visité l'Algérie dans une position qui lui a permis de
recueillir des renseignements précis sur l'état des choses, sur les moeurs des Ara-
bes, et de juger la guerre africaine sur le champ de bataille, Un rapporté d'un
long séjour la conviction que notre conquête ouvre à la France une source iné-
puisable de vraie gloiro et do prospérité, En publiant le fruit de ses études, il
croit payer une dette h son pays et faire une oeuvre utile pour tous;
Après avoir tracé le drame brillant do la prise d'Alger, M. V, CHRISTIAN
nous fait connaître, par une description pittoresque et vivante, les riches con-
trées qui sont devenues notre immense héritage. Les traditions héroïques du
passé, les révolutions marquées par les conquêtes romaines, vandales, byzan-
tines, arabes et turques, dessinent les plans lointains de ce panorama de vingt
siècles, dont la Franco domine retendue.
Puis, reprenant d'une main sûre la plume de l'historien militaire, l'auteur
nous conduit, do victoire en victoire, à travers tous les épisodes de la guerre.
Ses récils, toujours empreints de la couleur locale, sont d'une saisissante vérité;
de graves réflexions philosophiques découlent de chaque fait nouveau. Patriote
avant toul, il n'a voulu écrire ni un panégyrique, ni une satire; mais, guidé par
un esprit d honorable indépendance, dont tout le monde lui saura gré, il dit avec
une égale franchise le bien qu'il u vu créer, comme les fautes qu'il déplore,
L'armée trouvera dans ce livre le tableau fidèle de son courage, de son dé-
nouement, «le ses glorieuses fatigues ; les hommes sérieux y verront une oeuvre
de bonne foi; le peuple y reconnaîtra' presque à chaque page des noms chors à
sa mémoire.
On aimera surtout a suivre de la pensée, au milieu (le celte croisade mo-
derne, les jouîtes princes élevés dans les collèges do la patrie avant de porter eu
'Afrique Tépée que la France leur a confiée. I.a plaine de MrisUara, les gorges
de l'Atlas, l'assaut de Constautiue, la prise de la Semala, Biskra et les monts
Aurès, Tanger et Mogador, ont tour à tour signalé leur valeur, et les sites
mélancoliquesdu Hiban semblent garder le deuil du prince royal,
Douze villes arabes, aujourd'hui françaises, debout sur la grève algérienne
comme les avant-postesid'i.nc puissance nouvelle, se relient, par la vapeur, à
(Marseille et à Toulon, devenus le sommet d'un vaste triangle que traverse la
marine du monde en saluant nos deux rivages, A-l'intérieur, des cités antiques,
des bourgades se relèvent ou se fondent dans les plaines et les vallées; un im-
mense rideau de forêts attend nos industries; la science découvre chaque jour
des richesses dont l'exploitation réclame des légions d'ouvriers, et notre com-
merce appreiKl,'par les récents travaux de M. Daumas, un des colonels les plus
distingués do l'armée, qu'il n'y a point au delà de Y Algérie un véritable désert,
mais que dos villes et des populations couvrent le Sahara, au seuil duquel s'ar-
rêtaient nos géographes.
Un tel avenir promet une belle page aux annales d'un grand peuple. En re-
produisant par l'histoire et l'art tant de nobles faits d'armes et d'heureuses dé-
couvertes, nous irons aussi, dans le palais du Maure et sous latente dulîédouin,
sonder les mystères do la vie arabe, si pleine de grandeur et de poésie; nous
détruirons des préjugés qui retardent nos espérances. A côté d'études profondes,
méditées dans le calmedu cabinet, nous publions' des scènes vigoureuses, écrites
au reflet des bivouacs et dans la fumée de la poudre y puis des tableaux d'inté-
rieur où se développent des caractères ignorés. •

Nous avons prié l'auteur do joindre à son oeuvre un travail descriptif sur
Vempire du Marna, et sur les découvertes poussées dans les déserts du Sahara,
Notre édition, à laquelle les événements qui viennent de surgir prêtent un si
puissant intérêt, contiendra eh outre tous les faits qui surviendront dans le
cours de la publication ; elle sera donc la plus complète, et, nous osons l'es-
péreiy la plus digne d'être favorablement accueillie,
L'ouvrage sera terminé par LA LISTE dressée; suivies rapports officiels, DIS
.TOUS LES NOMS cités à l'ordre de l'armée depuis 1830 jusqu'à ce jour.
Des artistes d'élite concourront a l'illustration do cette oeuvre nationale, Citer
les noms de MM, I)JU:AMI'S> IL BELLANGII»VPIIELUU'OT'BAUX'J' EUO. LAMV,
T. .IOIIANNOT, IL RAHON, ISAIIIÎY, K. CJIUAHDKT, MOIUX-FAIIO C, NANTEUIL,
,
ILNOKL, c'est nous dispenser (le tout éloge.
— Pour ne pas retarder la mise on vente, nous débutons, dans notre pre-
mière livraison, par une gravure de M, K, Girardet (le Passage des Portes-dc-
Fcr). Les livraisons suivantes contiendront : le Uombardement de Tanger, par
M. Isaboy; une magnifique vignette sur le glorieux désastre du lieulenant-eo-
'johel de Montaguae, par M. IL Hollangé; la Rataillo d'isly, par M. Eug. Lamy ;
les Grottes du Dahra, par M, T. .lolmnnot, etc., etc..'-—'•'
60 IWI'IIINOIIH II 9A eciitlineN.

L'AFRIQUE
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L'EMPIRE DE MAROC
LES DÉSERTS DE SAHARA

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ET NOl'VELLES DKCOUVEaTES BKS FRANÇAIS, DEPUIS i.A l'IUSE nlw.Ul'.U
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II. Baron, Morol-Fatlo, Céiestln Nautenll, Jnio» No«l, elc.
DE MAGNIFIQUES VIGNETTES SUR ACIER
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GlUVliKS PAR LKSPHKHIBHSAtlTISTKS


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lUJBIjfi PAR A. RARBIUR, fUllTIiUK


t3, liiiK I»K i.v sticuoim'i.iuv
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Il n'est pas une famille qui no s'intérosso à l'Afrique françaiso ; presquo toutes
ont payé l'impôt du sang et prodigué leurs fils pour concourir à la grande mission
civilisatrice que nous poursuivons dopuis quinze ans. Toutes soront flores de
lire, dans lo travail quo nous leur offrons aujourd'hui, les noms des braves qui
sont tombés sous lo drapeau ou qui ont mérité de nobles récompenses en illus-
trant nos combats. L'histoiro élève à leur souvenir un monument national,
L'auteur do co livre a Visité l'Algérie dans une position qui lui a permis do
recueillir des renseignements précis sur l'état des choses, sur les moaurs dos
Arabes, et do juger la guerre africaine sur le champ do bataille. H à'rapporté
d'un long séjour la conviction que notre conquête ouvre a la Franco une source
inépuisable de vraie gloire et de prospérité. Kn publiant lo fruit do ses études,
il croit payer une dette a son pays et faire une oeuvre utile pour tous.
Après avoir tracé le drame brillant do la prise d'Alger, M. P. CHRISTIAN
'nous' fait connaître, par une description pittoresque et vivante, les richos con-
trées qui sont devenues notre immense héritage. Les traditions héroïques dti
passé, les révolutions marquées par les conquêtes romaines, vandales, byzan-
tines, arabes et turques, dessinent les plans lointains de co panorama de vingt
siècles, dont la France domino l'étendue.
Puis, reprenant d'une main sûre la plumo de l'historien militaire, l'auteur
nous conduit, de victoire en victoire, à travers tous les épisodes do la guorre,
Ses récits, toujours empreints do la couleur locale, sont d'uno saisissante vérité ;
do graves réflexions philosophiques découlent do chaque fait nouveau, Patriote
avant tout, il n'a voulu écrire ni un panégyrique, ni une satire ; mais, guidé par
un esprit d'honorablo indépendance, dont tout le monde lui saura gré, il dit avec
une égale franchise |o bien qu'il a vu créer, comme les fautes qu'il déplore,
L'arméo trouvera dans co livre lo tableau Adèle do son courage, de son dé-
vouement, de ses glorieuses fatigues ; les hommes sérieux y verrontu no.oeuvre
de bonne foi ; le penplo y reconnaîtra presque'h' chaque page des noms «hors h
sa mémoire.
On aimera surtout à suivre de la pensée, au milieu de cotte croisade ma-
dôme, les jeunes princes élovés dans les collèges do la patrie avant do porter mi
Vfriquo l'épéo que la France leur a confléo, La plaine do Maskara, les gorges
do l'Atlas, i'assaut do Constantino, la prise de laSemala, Biskra et les monts
Aurès, Tanger et Mogador, ont tour à. tour signalé leur valeur, ot les sit*-s
mélancoliques dii IMban semblentgarder le douil du prince royal,
Douze villes arabes, aujourd'hui françaises, debout sur la grève nigérienne,
comme les avant-postes d'uno puissanco nouvelle, se relient, par la vapeur, à
Marsoillo et à Toulon, devonus le sommet d'un vaste triangle que traverse la
.marine du monde en saluant nos doux rivages, A l'intérieur, dos cités/antiques,
des bourgadesso relèvont ou se fondent dans les plaines et les vallées; un int-
menso rideau do forêts attend nos industries; la science découvre chaque jour
dos richessos dont l'exploitation réclame des légions d'ouvriers, et notre corn-
merco apprend, par les récents travaux do M. Dauntas, un des colonels les plus
distingués do l'arméo, qu'il n'y a point au-delà do l'Algérie un véritable désert,
mais que des villes et des populations couvrent lo Sahara, au seuil duquel s'ar-
rêtaient nos géographes.
tin tel avenir proniot une bcllo page aux annales d'un grand peuple. Lu re-
produisant par l'histoire et l'art tant do nobles faits d'armes ot d'heureuses dé-
couvertes, nous irons aussi, dans lo palais du Maure et sous la tente du Bédouin
sonder les mystères do la vie arabe, si pleine do grandeur et de poésie; non*
détruirons des préjugés qui retardent nos espéraneos, A eêlé d'études profondes,
méditées dans lo calme du cabinet, nous publions des scènes vigoureuses, écritfts
au roflot des bivouacs et dans la l'uméo de la poudre, puis des tableaux d'inté-
riour où se développent dos caractères ignorés.
Nous avons prié l'auteur do joindre à son oeuvre un travail descriptif sur
Yempire du Maroc vA sur les découvertes poussées dans les déserts-du Su/tara,
.Notre édition, à laquollo les événements qui viennent de surgir prêtent un si
puissant intérêt, contiendra en outre tous les faits qui' surviendront dans h»
cours do la publication ; elle sera donc la plus complète, et, nous osons l'es-
pérer, la plus digne d'être favorablement accueillie,
L'ouvrage sera terminé par M LISTK dressée, sur les rapports officiels, DK TOI S
i.rs NOMS cités a l'ordre do l'armée depuis 1830 jusqu'à ce jour.
Dos artistes d'élite concourront à l'illustration de cette oeuvre nationale. Citer
les noms de MM. DECAMPS, H. BKJ.LANUK, PIIHU'I'OTKACX, LUO, LAMY, T. JOIIANNOT,
IL BARON ISAHKY K. GJRARI>BT, MOIUÎL-FATIO C. NANTKIÎH-, J. NOKI. c'est nous
, , , ,
dispenser de tout éloge.
— Pour no pas retarder la mise en vente, nous débutons, dans notre j'ire-
inièro livraison, par une gravure de M. K. Girardet (le Passage des Portes-do-
l?or), Los livraisons suivantes contiendront : lo Bombardement de Tanger, par
M. Isaboy; une magnifique vignette sur le glorieux désastre du lieutenant-co-
lonel doMontagnao, par M. Bollangé ; la Bataille d'Isly, par M. Eug. Lamy;
tes Crottes du Dahra, par M. T. Johannot, etc., etc. -—>
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PAR P. CHRISTIAN

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1851
L'AFRIQUE FRANÇAISE.
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L'AFRIQUE

L'EMPIRE DE MAROC

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PAR P. CHRISTIAN

Par Philippoteuux, T, «ïolitmnot, E, Bellnngé, Idabey, E, Ltnny, K, Girurdct,


Morel Fatio, C, Nanleuil, H, Baron, etc.

A, BARBIER, IWITEUIt, 45, 1UJ E DE LA 3\l ICHODt EU E


JIISTOIIIE DE QUINZE ANS.

Xltf i'.l|li jliltoi'flill |IOI'llU KOMISlli t!IMI'i-llll'll|'lllli i


snl rl'iiiiilililms iiisotiliinii L'vpli'U ùviii'ili.l,
TAUTH, llitttr.t lili- H.

'Voyageur aux rives du Moghrcb, j'ai voulu tout étudier, toutconnaître, et j'ai
pris nia part de quelques périls, sans prétendre aux vanités de la gloire,
Placé plus favorablement qu'un autre pour voir de prés et pour observer avec
fruit, mais absolument désintéressé dans,,la question, je n'écris ni un panégyri-
que ni une satire, et je puis rester impartial entre les ambitions qui voudraient
l'aire de TAfriqtte une arène éternelle.
Dégageant chaque fait de eette polémique irritante et trop souvent renouvelée
dont s'arment les partis, et qui mène les esprits sérieux a. do funestes décourage-
ments, je dirai, avec une 'égale, franchise, le bien qu'on a tenté, comme les fau-
tes qui peuvent se réparer.
A de brillants combats se mêlent, eà et In, des excès dont l'humanité doit
gémir i je n'essayerai ni de les taire, ni de les pallier, Il faut itit grand courage

.
^iK^v
pour aborder de iVotit l'histoire contemporaine; l'écrivain se trouve parfois dans
, ' ' I
1 L'AFIUQUE rit A NIAISE.
Taltenialivcd'otTcnscrl'orgueil d'autrui,ou de trahir la vérité. N'éeoutanI d'autre
voix que celle de ma conscience, je ''.m'efforcerai, avant tout, d'être juste; cl
j'aurais voulu éloigner de moi certains événements, afin d'en parler comme la
postérité elle-même en parlera.
Fidèle an principe d'un sage historien, je m'occuperai peu des hommes et
beaucoup des choses. .Te n'ai de prévention ni pour ni contre,' entre ces detix
extrêmes est la raison, Des autorités irrécusables prêteront, t'i chaque pas, leur
force a ma faiblesse, et si, malgré ma réserve, le poids du blAme surcharge la
balance, qu'on ne s'en prenne pas à moi, mais bien aux faits.
J'ai rapporté d'un long séjour en Algérie la conviction que cette conquête ou-
vre ù la France un avenir de vraie gloire et de prospérité ; que son abandon
serait une honte et tin désastre. Mais, de l'aveu môme de personnages cininents
par icurs lumières et leurs fonctions, nous n'avons guère été, jusqu'ici, plus
heureux dans nos rapports politiques avec tes indigènes que dans nos velléités
décolonisation, «Des systèmes, des administrations, des hommes divers ont été,
essayes, beaucoup trop, nul ne le nie; des années se sont écoulées ; il n'y a eu
ni unité dans la pensée, ni unité dans l'exécution ', »
Et cependant, tout se tient dans la question d'Afrique, et la moindre partie de
la tâche, négligée ou mal comprise, rend tout le reste impossible. Malgré d'ex-
cellentes intentions auxquelles il faut rendre justice, nous'.avons' agi, depuis
quinze ans, 'presque au hasard, sans .connaître suffisamment ce qu'il y avait a
faire ; parfois, et do loin en loin, avec une énergie apparente qui n'était que
remportoment de l'impuissance ; la plupart du temps, avec un laisser aller tout
passif ; jamais avec une volonté suivie, Un jour» nous caressions les indigènes cl
leur accordions libéralement des faveurs qui leur étaient odieuses; le lendemain,
le système de compression et d'isolement remplaçait celui de rapprochement cl
de fusion. Procédant tour à tour par le massacre et la corruption 9, notre politi-
que, enfermée dans un cercle vicieux, ne pouvait inspirer aux Arabes que de la
haine, lorsqu'elle voulait faire de la domination et de la rigueur, ou du mépris,
lorsqu'elle était faible, haletante, indécise,
No perdons point de vue qu'une nation, quelque soit son degré de civilisa-
tion, n'abdique jamais sans regrets son indépendance, Quelque soin que l'on:'
prenne de lui cacher lo joug, elle ne courbe la tête qtio sons ttné nécessité fa-
tale ; et jusqu'au jour où, par l'effet- du temps, cite s'assimile au peuple vain-
queur, la résistance est dans sa pensée. Ce 'qu'elle semble accepter, elle ne le
permet pas, elle le subit, mais, avec d'autant moins de réactions que la loi qu'on
lui impose ménagera davantage ses habitudes, ses idées» ses croyances; et la
religion universelle du droit des gens.
(lardons-nousdonc, je no dis pas seulement pour-l'honneur do la France,
mais pour les intérêts du monde, gardons-nous d'imiter, en Algérie, la conduite

1 J)ii l'étabihsemr.nt des FntnçttU dans la régeiiùi d'Atiji:f, par M, Oonty do lius«y, cotisoillol'tt'I-Jlnt,
intendant militaire, membre do lu eliatnbro dus députes, tnnio lut, jiiut'iicoj page0.
2 Solution de la question du VAlijêik, pur 1c finirai Diivivlci, p. 2B0,— I.'Alyérie jirlxé nu sériellf, par
Leblanc do Î'MJIIOIB, capitaine au corps royal d'état-inajor, page!) CO, M, 05.— De la rétJénced'Aliior, ilotes
Bitr l'ocCtipiUloii,"pnflo Bôïiuriii tfiif'èiic Ciivaigimc, p. 207, — VAlgiiinoi \M\) pur A.
tJosjoboit, membf •
do itttiiatubl'0 dcsdûpulûs, \u -10, otd,, oh1.
HISTOIRE DE QUINZKANS, 5
des Espagnols au Mexique, des Anglais dans la Caf'reric et dans l'Inde ; et, par
respect pour la mémoire que nous laisserons, ne souffrons pas qu'un autre Haynal
puisse écrire sur nous cette flétrissureattachée aux successeurs d'Albuqucrquo î
«La Providence a voulu qu'il y et'it peu de Portugais, comme il y a peu de lions
et de tigres, alln qu'ils ne détruisissent pas l'espèce humaine1.»
Un officier général distingué pense que l'antipathie des Arabes pour nous et
notre religion durera des siècles 2. Les faits historiques ne paraissent point d'ac-
cord avec cette opinion.
Les Arabes sont les descendants de toutes les familles qui voulurent se sou-
straire au joug des monarchies, à mesure que les diverses régions de l'Asie com-
mencèrent a sortir du cycle patriarcal, pour entrer dans la période civilisée.
Le luxe impérial do l'Assyrie et de la Perse, la puissance égyptienne, l'invasion
d'Alexandre'et les armes romaines no purent ni les séduire, ni les dominer ; et
cependant, nu troisième siècle de notre ère, leur haute intelligence avait fait de
grands progrès dans les arts, dans les sciences exactes, la poésie et les lettres.
Lorsque îMohammcd-ben-Abdallahparut au milieu d'eux, leur nationalité se
fonda sans nuire il. leur indépendance ; et nous trouvons dans le Coron un code
complet de la plus saine morale, avec une législation civile et religieuse qui peut
suffire aux besoins d'un peuple simple et libre, Mohammed, quoi '.qu'en, aient dit
des historiens ignorants ou prévenus, ne fut pas ambitieux du pouvoir temporel ;
il n'agissait sur ses compatriotes que par la persuasion, par 'l'austérité de sa vie
et l'exemple de ses vertus 3, S'il eut recours aux armes, c'est que, persécuté,
comme le sont tous les génies qui luttent pour le bien général contre les intérêts
privés, il lui fallait abandonner son oeuvre ou la .sceller de son sang : on croit
qu'il périt par le poison V 4

Après sa mort, l'ardeur du prosélytisme entraîna ses disciples sur les chemins
de la conquête. Le tombeau de Médine semble s'illuminerd'un reflet du Cal vaire ;
le Christ et Mohammed se partagent le vieux monde,
Mais Abou-iJekr, le second chef de l'Islam et le plus intime confident de la
pensée du prophète, disait a ses soldats, en prenant le glaive : « Allez, et sache/
qu'en combattant-pour la religion vous obéissez l't Dieu, Ayez doue soin de faire
ce qui est juste et. équitable; ceux qui se conduisent autrement ne prospéreront
pas. Quand vous rencontrerez vos ennemis, comportez-vous en vaillants hom-

i Histoire philosophique, Hv, I, ehap. 10.


3 L'Algérie', don vinj/ims du coHiiurver et d'tUitisar celle liinufiivln, par &t. lo maréchal Jîugoaitd, p. 10.
'I « Adressant à Uloti doTrurpiontos prières, il était très-sobre do dlsCourn futiles, Se* parents ou loVétruti"
gor,^ Ion puissuntKotiuiHuibles, trouvaient oii lui imu Justice"ûgalo, il aimait luM hiiiiiblus,.ol.iio méprisait
pus; lo pauvre à catisu du «a inisôro, .comme 11 n'honuralt pas lo l'iclio a cause do ne H trésors. Aiioii-Uoraïra
non» it laissé la tradition suivante ! lo ploplioto, dit-il, sortit do co motido salis s'otro imo solde lois rassasié
do pain d'orgo. Il vivait,avec sa talhillo, do dattes et d'oali, Il était pnrfel» obligé, pour tromper sa faim, do
su serrer aVoesa coliitilro tlile pierre sur le ventru. (Abuu-ol-<l,,eddali) VIO do Mohammed, trud. do Noël
llcNvei'yors, p. 01.) »
'» Le 8 juin du l'an do l'ère obrétlunhe, il Médlno; oïl, clia<iiiouiiuée, nue l'oiilo immense do pèlerins ho.
iVi'à
rond de tous les points do l'Afrli[iiu ot do l'Asie, pour visiter son tombeau,
Lu pins savant éditeur ot interprète du Coran, Muraeei, i[Ui eu a donné la réfutation on même ioinps imo
i a traduction, otdorit, par ctmsdiriloiit, lo témoigliago no peut cite suspect«liu craint pas do dire que Mobain*
met! a conservé lotit oot|u'ou trouve ilo plus plausible et do plut, probable daiiit la religion eluéliuiuie, avec
tout eu ipti nous parait do plutf conforme à la loi et A la lumière do la naluio, (Afoi'Hthi tctiufi HHftic/SM«,-
4 1/AFIUQUE FRANÇAISE
mes; ot si vous êtes victorieux, no tuez point'les petits enfants, ni les femmes,
ni les vieillards; ne détruisez point les palmiers ; ne brCdez point les blés ; no
coupez point les arbres, et n'égorgez point lo bétail, à l'excoption do ce que vous
tuerez poiu* la noiuilturedes fldèlcs ; enfin, soyez exacts à tenir la paroledounéc,,>)
Aces mois, les Arabes se répandirent sur la terro, Leur domination s'étendit,
comme un torrent, desplainesd'Asie aux grèves atlantiques, huit.aimées leur suffi-
rcntpouroccupcrpresque toute l'Espagne, ot si une pareille rapiditéleur fut permis
se, si leurs émirs purent pénétrer on France on laissant derrière eux un immense
torritoiro, c'est qu'ils soumirent les peuples par la politique plutôt que par la
guerro, Amenés par une invasion, ils adoucirent, par leur contact, la barbarie
des races qu'ils étaient venus dompter; rendus maîtres d'une terre heureuse,
ils s'appliquèrent à l'enrichir do tout ce qui peut augmenter le bion-ôtro humain.
Des lois rigides, mais justes; des arts utiles parce qu'ils créaiont dos jouissan-
ces; l'agriculture encouragéo et devenue le premier état qui anoblit l'homme,
produisirent, avec l'aide du temps, une prospérité qui devait faire envie A plu-
sieurs États chrétiens.
En s'entourant des pompes orientales, les Arabes contribuèrent a développer,
dans l'Europe encore sauvage, les goûts de la vie confortable et les besoins du
bonheur matériel que peut réaliser l'opulence, Les artistes chrétiens venaient
apprendre des choses merveilleuses au soin des populations musulmanes ; les
écoliers do tous pays accouraient on foule aux universités do Tolède, deCordouc,
do Sévillo et do Gronado, pour y puiser les trésors do science que renfermaient
ces villes célèbres; et les guerriers du Nord s'y formèrent, dans les premiers
tournois, aux nobles vertus des temps chevaleresquesa. Les princes morçs
qui ont laissé dans l'histoire un nom fameux, ceux qui étendirent ou stabili-
sèrent la puissance arabe, se signalent par leur humanité et leur justice, plus
encore que par leur génie militaire, C'est le portrait qu'on font les auteurs ara-
bes eux-mêmes, qui, sans doute, rapportent comme un éloge ce qu'ils avaient
appris a juger comme une vertu 3.
Aussi ce ne fut point l'amour irrésistible de la liberté,: mais je fanatisme reli-
gieux des Espagnols qui renversa ce bel empire à la fm du quinzième siècle,
Ferdinand Je Catholique, instrument de quelques moines, souilla ses victoires
par de honteux sévices. Trompés par des capitulations déloyales, les Arabes
1 Co discours, conservé par Abou-Beltr, premier éditeur arabo du Coran, date du milieu du Bçpticmo siè-
cle, et forait honneur au géndratmodôrno qui le prendrait pour modèle d'ordre du jour à son armée.
lîn 1814, on a vu avec polno un général français publ|or, au nom du peuple !o plus civilisé do l'Europe,
cette proclamation, adresséo aux derniers descendants d'Abou-Hcltr,t «. Jo brûlerai vosvillage ot vos mai-
sons, jo couporal vos arbres fruitiers, u (Moniteuralgérien du 14 avril,)
Quolquos. jours plus tard, il annonçait ainsi son triomphe '. « Plus do cinquante beaux villages, bâtis en
piorro et couverts on tuiles, ont. été pillés et détruits, Nos soldats y ont fait un butin très-considérable, Nous
no pouvions songer, au milieu du combat, à couper los arbres. L'ouvrage d'ailleurs serait au-dessus de nos
forces, Vingt mille hommes, armés do bonneshaches, ne couperaient pas en six mois ICB oliviers et les figuiers
iw\ couvrent le beau panorama quo nous avons sous nos pieds, (Uapport officiel au ministre de In guerre, du
17 mai,) :'-,
8 Ilistory an taies o/Al-JIambra, by Washington Inving, trad. par P. Christian, p, 38,
3 Historia dossoberanos ma/tometanos das primairas qualro dj/naslias.e de parte daquinla, que rcinti-
râona Xfauritania, oscrlptuem arabo por Abou-Mohammod-Assalch, fljho do Abd-ol-Halim,mitural do
Granadu, e traduaida por P. José do Santo Antonio Moura, Lisboa, 1828, in-i<>, Abou-Moharnmod écrivait
au commencement du quatorzième siècle. C'est, dit lo savant Jacques Grabcrg, lo seul auteur vraiment clos-
siqiro, et qui mérite !o titre d'historien dos Mores,
lUBTOlIti; DE UUIN'ZE ANS, fi

virent bientôt leur foi proscrite, leurs enfants baptisés par violence, et le sanc-
luairodii foyor domestique indignement profané, Lo costume d'Orient fut cou-
vert d'avanies, le voile des femmes arraché comme un signe d'hérésie, et les
malheureux vaincus cherchèrent un vain abri dans les montagnes, La chasse
aux hommes s'organisa contre eux, pour alimenter l'orgie des bûchers, et les
derniers fugitifs demandèrent à, l'Afrique une rctraito où l'horreur du nom chré-
tien s'est immortalisée *,
Il appartient à la Franco do comprendre la grandeur, la sainteté do sa mis-
sion, Si nous no nous proposions, en effet, quo d'écraser la population arabe,
l'entreprise no serait qu'une criminelle folio, et l'intérêt, comme l'humanité, nous
prescriraient d'y renoncer, Nous avons des vues plus généreuses; mais, il faut
bien le dire, le plus grand obstacle qui s'oppose encore a notre établissement
civilisateur en Algério, vient do l'insouciance générale, et du système de laisser
faire dout les chambres se contentent,
Les événements qui vont passer sous nos yeux prouvent que nous avons pro-
digué contre les Arabes tous les moyens do destruction, avec des résultats qui
font sentir l'urgence de s'arrêter dans cette voie ; et si, d'accord avec im de nos
meilleurs généraux, nous condamnons l'immorale. *e ce système, «quele blâme
remonte à ceux qui en ont fait un pis aller nécts^ùro, ce n'est point par des
apparitions périodiques au milieu des Arabes, qu'on peut espérer de les réduire,
Ces épisodes do guerre ne sont bons, tout au plus, si rien ne leur succède, qu'à
entretenir leur haine et à aiguiser leurs appétits belliqueux ; ce serait nous pré-
senter à eux comme les plagiaires de leurs précédents maîtres, avec moins
de résolution et de force, L'hostilité permanente est un acte d'un autre siècle ;
et puisque nous avons rendu la guerre nécessaire, elle doit pordre, au moins,
le caractère agressif qui l'éterniserait. En usant de nos armes, nous ne devons
avoir pour but que do prévenir, par un déploiement de forces imposant, con-
tinu, cette guerre de détail qui ne produit que des massacres 9 et no promet aux
Arabes que des malheurs, au lieu d'êtro l'appui d'une politique pacifique et
protectrice dit travaila. »
D'où provint, en principe, cette fauto capitale? de co que nous avons sans
cesse confondu les Arabes avec ces pirates turcs dont nous étions venus punir
l'agression.
On a généralement aussi accrédité deux erreurs, et cela dans des vues diffiei-

1 Oranum virtuli Ximeniicatholicum, scit de A/ricano bcllo, Itomto, 1058, in-K — Alv, Goinoz, De
rtbus geslis fàancisci XÎmenii, (Passim,)
ï * Le système des razzias, qui a pris faveur, est, à mon avis, uno chose ignoble ot monstruouse, plus
propre îi déshonorer l'arméo qu'à la couvrir do gtoiro, Qu'on so représente une colonne, débouchant au point
du jour sur une tribu, sans rencontrer la moindre résistance.Elle surprend, dans ses buissons, quolquos con-
tnines do femmes et do vieillards, d'enfants nus, la plupart a la mamelle! Ll'.o los rassemble comme des
troupeaux, non sans joncher loterraln dos cadavres de ces malheureux, quo nos soldats, abusés par la res-
semblance des vôtoments dos doux sexes, se sont hâtes do tuer, On complétera co tableau par l'olFroyable
cohue causéo par des boeufs, des ànos, des moutons et des chèvres errant çà ot la, en poussant d'alTroux
hurlements; par l'aspect do nos spahis, do nos soldats assis, entourés des entrailles fumantes des bestiaux
qu'ils ont égorgés, Tout cola so termine par la marche en retraite do notre colonne, traînant à sa suite dp
malheureuses femmes chargées do deux ou trois petits enfants, et d'autres enfants,: marchant péniblement,
en poussant des cris douloureux. » {L'Algérie prise au sérieux, par Leblanc do l'rébois, eapitaino au corps
royal d'état major, p. <S5.)
'i Lu Régence d'Alger; notes sur l'occupation, par liugchu C'avaignae, p, 'ITi,
« L'AFUMiliE ritANÇAISE.
les a expliquer, eu accusant ces mêmes Arabes d'être fort en arrière de toute
civilisation, et d'apporter, dans la guerre qu'ils soutiennent contre nous, une
férocité instinctive (pie les hommes do bonno foi no reconnaissent pas dans leurs
moeurs. Il est aisé d'établir qu'ils sont, en fait, beaucoup plus intelligents et plus
moraux que la masse de nos paysans de France, «Nous avons, par une foule
de faits, la preuve quo les indigènes en relations fréquentes avec nous appré-
cient bientôt dos objets et des usages qui leur étaient inconnus, Remplis d'intel-
ligence, aimant le luxe et l'éclat, ils n'ont pas perdu les goûts qui les distinguè-
rent autrefois; ces goûts sommeillent, ils se réveilleront', »'•— «Malgré la
rapacité qu'on leur reproche, écrit M, le capitaine Pollissier, ancien directeur
des affaires arabes, ils exercent gratuitement, et avec beaucoup de grandeur, les
devoirs de l'hospitalité. Tout étranger qui so présente chez eux en ami est bien
reçu, sans acception de race ni de religion, Plusieurs officiers ont éprouvé sou-
vent les effets de cotte hospitalité, qu'ils ont toujours trouvée empressée et
affectueuse, soit lorsqu'ils ont paru chez les Arabes avec un caractère officiel et
le souvenir de quelque servico rendu, soit lorsqu'ils ont parcouru, comme sim-
ples voyageurs, des contrées éloignées, où ils étaient entièrement inconnus 9. »
Il n'est donc pas exact de publier que l'antipathie des Arabes pour nous et
notro religion doive durer plusieurs siècles 3, L'histoire du passé, comme celle
du présent, prouve le contraire, et la fusion des deux peuples n'est retardée «pie
par notre impolitique, Nous lisons dans le passé que les émirs d'Espagne Ira-.-'
vaillaiont à opérer ce rapprochement; ils favorisaient l'alliance des musulmans
avec des femmes chrétiennes, union que le faux orgueil des chroniqueursespa-
gnols a su présenter comme des actes de violence Les enfants maies étaient
élevés dans la religion de Mohammed ; les filles suivaient celle de leur mère, et
les émirs eux-mêmes cimentèrent, par de nombreux mariages, leurs traités avec
des princes chrétiens, En HHM), un chérit'du Maroc, Muley-lsmaël, faisait de-
mander a Louis XIV la main de mademoiselle de Conti, promettant de respec-
ter sa religion, et de faire bâtir pour elle une chapelle dans son palais *.
De nos jours, le vénérable évèque d'Alger se félicite de l'accueil qu'il reçoit
des Arabes 6, et d'humbles prêtres français sourient, pour toute réponse, quand

• L'Algérie, des moyens do conserver et d'utiliser cotto conquête; par M, lo maréchal HiiRcaud, p. 113.
3 Annules algériennes, par K. l'ollissior, capitaine uu corps royal d'état-major, t. L p, HOU,
a L'Algérie., des moyens do conserver et d'utilleor cette conquête ; par M. lo maréchal IlUgeaUd, p. 10.
* Ambassade d'Abdullah-ben-Aïssa-Raïs,à la cour de France,
— Manuscrits de Salnt-Olon. — Rap-
ports politiques de la Franco avec le Maroc, par U. Thomassy, do l'ecolu dos ChartcB.
S « U m'a été donné, écrit M, Tévèquo Dupucli, do prier aux burds du Hummol, et de présidor une
étranye assembléo de tous les principaux ministres do l'Islam, à Constaiitine. Nos signatures s'unirent, nos
cachots se mêleront, ot c'était uno réunion dans un but religieux ! » (Annales de la propag. de la foi, -ami,
1811, p. 355). —, a A lîlidah, aux portes de l'Atlas, dans le quartier général du vainqueur de Constnntinc,
les soldats plantèrent, sur lo minaret du prophète, uno croix façonnée dans la ville des pirates algériens,Six
Anibos la portaient, ot, bientôt après, allumaient les feux qui, durant la nuit, devaient éclairer les travail-
leurs. » (Ibid,) — « Un co momout môme, et depuis quinzejours, j'ai un do mes prêtres au milieu dos tribus
les plus ennemies, vivant aveo elles sous la tente, au camp même do l'émir Aod-el-Kader. » (Ibid, ami,
1812, p. B.) — u Nous remoutons à élevai, dit encore ailleurs le même prélat, et, durant vingt heures, à
peine interrompues par quelques Instants do sommeil sur. lu tapis d'une tente hospitalière, nous', chevauchons
à l'aventure, partout accueillis comme des anus, partout bénis comme des marabouts I Combien do fois ré-
pétions-nousqu'en .Europe on' no pourrait croire co dont nous avions été témoins à cet égard ! u (Ibid. umi.
1811, p, 13.) *

Certains hommes do fmci-rc ti,> l'Algérie accusent l'évcqiio d'être le plus maladroit et lo .plus dangereux
IliSTOUtE IHC QIUNZK. ANS, 7

on les interroge sur le prétendu fanatisme de ce peuple, auquel nos 'préjugés


imputent tant de fables*.
« Au début de mon voyage, écrit M, l'abbé Suehet, quand nous étions plus
rapprochés du IhéiUre de la guerre, nous rencontrions presque à chaque pas des
tribus fugitives qu'Abd-ol-Kador faisait émigror avec leurs troupeaux et leurs
bagages.Tou^ccs exilés, tioiumes,fcnmics,eiifaiUsmême, me saluaient avec res-
pect, -L'es plus curieux s'approchaient de moi cl me demandaient dans quel bul
je nie hasardais au milieu de leurs déserts; et sur ma réponse que j'allais "cher-,
cher nos prisonniers auprès d'Abd-el-Kader, ils me 'disaient ! «Que Dieu t'ae-
cardé.bon voyage et plein succès ! » Partout où je passais, j'étais, à mon double
litre de Français et do prêtre, un objet de curiosité et de vénération, Ma sou-
tane, ma ceinture et principalement le christ t|ui brillait sur ma poitrine, tout,
jusqu'il ma tonsure et à la coupe de mes cheveux, fixaitfattention des Arabes.
Les femmes me présentaient leurs petits enfants ; des infirmes s'étaient fait por-
ter sur la route; d'autres s'y étaient traînés eux-mêmes comme ils avaient pu ;
tous me demandaient do les guérir. » Le courageux missionnaire raconte ensuite
son entrevue avec Abd-el-Kadcr, qu'il parvint u rejoindre, après mille fati-
gues, entre Takdimt et Maskara; la délivrance do cinquante-six prisonniers
que l'émir lui rendit sans rançon, puis enfin sou retour dans un de nos camps,
auprès do Médéair, « .rattachai, poursuit-il, mon mouchoir blanc au bout d'un
bâton* et je l'agitai en l'air., en courant de toutes mes forces du côté des Fran-
çais, Ma longue barbe, mon visage brûlé par te soleil, ma soutane déchirée par
les ronces, nie donnaient un air étrange. Lo général lhiraguay d'Hilliers, à qui
l'on m'avait signalé, s'avance avec son état-major ; j'étais pour tous un objet
do surprise. Un prêtre au milieu do l'Atlas, sortant: du'camp ennemi, c'était
pour eux un mystère. — Mais d'où venez-vous donc? mo dit le général. — De
chez Abd-cl-Kadér. — Et tout seul?—Tout seul, général. Il 'répéta encore avec
stupeur ; -—Tout seul !!!—Oui, seul avec mon interprète. L'étonnement des offi-
ciers était au comble ; 1rs soldats, avides de m'entendre, formaient un cercle
épais autour do nous 9, »
Voilà ces sauvages indigènes dont quelques civilisés rêvent l'extermina-
tion.
Quant à leur cruauté, si vantée pour les besoins de Tépéc, il est vrai de dire
qu'à l'époque de nos premières guerres, ils ne faisaient presque jamais de pri-
sonniers, et qii'tV peu d'exceptions près, ils tuaient ions ceux qui tombaient en-
tre leurs mains, Mais ces actes de barbarie, qui suivirent notre arrivée en Afri-
que, leur étaient commandés par les Turcs; leurs maîtres et souvent leurs bour-
reaux. Une fois que la lutte eut sanctionné par des représailles ces épisodes
révoltants, elle se continua longtemps avec les mêmes excès do part et d'autre,
et certes, nous sommes loin d'avoir'offert aux Arabes des leçons d'humanité.
Plusieurs faits, sans rappeler les grottes du Dahara, prouvent assez qu'une

des négociateurs. Mais les hommes do paix et de civilisation tiennent compte do chaque fait qui peut servir
une cnuso d'intérêt national,
1
« Jo vols toujours, dit M, le maréchal UuRoaud, les Arabes ce'qu'ils sont t peuple lier, fanatique, etc. »
(Lettre au ministre de ta guerre, 15 janvier 1811.)
.-.
2 Annales delà propagation de la foi, ami. 1812, p, 81. j
8 L'AFIUQUE FHANÇAISE,
troupe européenne obéit ponctuellement à des ordres inouïs, quand sou chef en
assume la responsabilité.
Dans ces cas heureusement rares les lois aveugles do la discipline absolvent
le soldat, Mais pourquoi faut-il avouer que doux exemples d'anthropophagie ont
été donnés dans |c cours do nos guerres avec les Arabes ! « Et ce no sont pas
ces derniers qui s'en sont rendus coupables ; j'en ai acquis, dit un officier digne
de foi, la déplorable conviction '. » Mais quelle raison politique pourra justiller
un gouverneur d'avoir osé publier avec élogo, dons son journal officiel, que
soixante-huit têtes avaient été rapportées au camp au bout de nos baïonnettes !
« C'est une très-belleaffaire, ajoute-t-il,ctqui ouvre très-bien la voie *, » Horrible
encouragement décorné aux excès de l'avenir!—' Et qui donc encore se char-
gera d'expliquer pourquoi une autre tête fut, un jour, exposée ùlîone, plantée,
toute saignante, sur le drapeau français8!! I Le capitaine qui permit cetto scil-
lure est devenu maréchal do camp M
La presse a stigmatisé les cruautés du général Négrier pendant son comman-
dement de Constantiiic, et les registres officiels du gouvernement de l'Algérie
gardent le souvenir dos exécutions clandestines auxquelles le bras de. nos'soldats
fut employé plus d'une fois par le général Iloycr, qui avait rapporté d'Espagne
lo surnom de Pierre le Cruel V-
Enfin, pour que rien ne manquât sans doute aux motifs do désolation cl de.
vengeance qui devaient nous aliéner les Arabes, on n'a pas même respecté la
religion qui protège les morts, Un gouverneur a bftti six moulins à vent, près
d'Alger, avec la pierre des tombeaux qu'il avait fait briser; ot des navires de
guerre français ont versé sur le port do Marseille des charges d'ossements hu-
mains, déterres pour servir à la fabrication du noir animal ° !
Sans fouiller plus loin dans ces tristes archives, soyons donc bien persuadés
que les crimes qu'entraîne la guerre ne sont étrangers h aucune race, et que,
trop souvent, les peuples les plus civilisés vont plus loin que les plus sauvages,
Quand les passions sont excitées par la crainte de la servitude, par les-préjugea
religieux ou les opinions politiques, le meurtre d'un ennertu sans défense de-
vient un besoin et paraît un devoir, môme aux hommes doux et modérés dans
les temps ordinaires, Souvenons-nous qu'en France, de bons et paisibles labou-
reurs se faisaient gloire, en 1814 et 1815, de fusiller h l'affût des Prussiens et
des 'Russes,' et se croient encore des héros, Dans tous les pays où nous avons
porté nos armes, pendant les périodes de la république et do l'empire, les assas-
sinats commis sur nos soldats ont été bien plus nombreux qu'en Afrique, où ces

l Annales algériennes, par E. Pollissier, capitaine au corps royal d'état-rnajor, t, 1, :f partie, p. 30'iy
8 Moniteur algérien, du 14 octobre 1830,
8 Alger sous la dominationfrançaise, par lo baron l'ichon, conseiller d'iîfat, ex-intendant civil do l'Al-
gérie, p, 412. — Question d'Alger; politique, colonisation, commerce, par A. Desjobort, membre do la
chambre des députés, p. 219,
4Ordonnanceroyale du 10 juillet 1815,
s Annales algériennes, t. I, p. 233. — Jbid.y t, U, p. 40. — Ordre du jour du duc do Ilovlgo, du !>juin
1832,. — Moniteur algérien du 22 juin 1832.
0 Question d'Alger en 1837, par M. A, Dosjobcrt, membre do la chambre dos députés,
p. 118, — A bord
do la bombarde la Bonne-Joséphine, venant d'Alger, et chargée d'os, j'ai reconnu, dit le docteur Ségaïul,
des crânes humains;'du» cubitus ot des fémurs de lu classe adulte, récemment déterrés, ot n'étant pas ontlè-
rcmeul privés des partiescluiruiios! (Lettre insérée dans le Sémaphore deMarteillc,\o2 mare 1833.)
utsToiui; in; QUI ME ANS, I.»

événements sont très-rares, Les cruautés, les haines de races ne prouvent doue
pas contre la moralité particulière d'une nation, puisque ce sont des taches
'communes à toute l'humanité.
Si, dès l'abord de notre conquête, mieux instruits de la vie des peuples aux-
quels nous prétendions inlligep.ii main armée notre civilisation, nous avions eu
quelque plan d'entreprise, un peu plus de sagesse eût épargné à la France bien
du sang et des trésors perdus; aux Africains, bien des dévastations,
D'après une correspondance officielle, llen-Zamoun, chef des Kebaïles du
Ojerjera, la race la plus indomptable de l'Algérie, écrivait en 1830, à M, de
Hourmont, qu'eu voyant avec quelle promptitude les Français s'étaient emparés
d'Alger, lui et ses compatriotes avaient compris que Dieu nous destinait à régner
à la place dos Turcs, et que ce serait folio de vouloir s'opposer aux décrets de
la Providence, Eu conséquence, il offrait d'user de son ascendant pour réunir
les hommes influents do la province d'Alger, et leur proposer les bases d'un
traité qui réglerait, à l'avantage de tous, la naturo de nos rapports avec les
Arabes, tant dans l'intérêt actuel que dans celui des races futures. Il priait le
général en chef de considérer (pie, pour qu'un pareil traité fut solide, il ne devait
pas être imposé par la force à la faiblesse, mais librement débattu et consenti,
parce qu'alors tout le monde travaillerait de bonne foi à lo maintenir,
Ces ouvertures pacifiques furent méprisées, La révolution de juillet arriva; le
nouveau gouvernement, absorbé par les difficultés de la politique intérieure,
n'eut pas le temps do surveiller tout co qui se passait en Afrique, et nos géné-
raux firent la guerre pour la guerre, avec des chances diverses,'jusqu'à ce
qu'enfin .les sanglantes perfidies d'un ex-ministre do la police impériale provo-
quèrent, en 1832, la guerre sainte qui gronde encore,
La France, engagée dans une voie funeste, n'eut plus qu'à opposer de vail-
lants efforts à cette insurrection d'un peuple indigné. Des expéditions mémora-
bles relevèrent l'honneur de nos armes, et cinq fils de roi s'y distinguèrent au
premier rang. La plaine de Maskara, les gorges de l'Atlas, l'assaut de Constan-
tine,.la.prise de la Semala, Biskra et les monts Auvés, Tanger et Mogador ont,
tour à tour, signalé leur valeur; et les sites mélancoliques des Portes de Fer
semblent garder le deuil de celui qui n'est plus,
La victoire, aujourd'hui, nous livre un vaste espace. Dans les intervalles de
chaque combat, le soldat creuse des routes stratégiques, répare ou construit des
forts, défriche l'emplacement de nombreux points d'occupation, et nous rendons
hommago à l'activité déployée par quelques gouverneurs dans la sphère qui
leur est propre,
Mais il faut bien reconnaître aussi que les Arabes se sont accoutumés a no
voir, dans ces derniers, que des chefs do troupe investis d'une autorité-transi-
toire, et que rien ne leur annonce, dans ce système, une volonté, de conquête
sans esprit de retour. Chaque mutation de gouverneur leur semble un blâme
officiel do ses opérations. Un seul a laissé récemment de vifs regrets dans la
province de Constantine, où sa présence était bénie ; et maintenant, chaque bruit
qui vient de France émeut les Arabes ; chaque nouveau ravage qui les décime
parait vouerrÂlgério à lasolitude, à l'abandon ; et leur résistance puise dans notre
^apparente incertitude, comme dansiios fautes multipliées, un aliment perpétuel,
H» l/AlliMniE FUAMCAISK.
De plus, l'expérience a démontré que, le pays fût-il même entièrement sub-
jugué, la dictature d'un soldat no verrait jamais affiner eu Algérie une popula-
tion française considérable, véritablement intelligente, laborieuse, et décidée à
risquer son capital, ses éléments de fortune, à la merci d'une législation excep-
tionnelle, sous l'autocratie'd'un'général en chef et de ses conseils de guerre.
Grâce à ce régime dont l'arbitraire est la constante logique, l'Algérie n'est
encore qu'une immense ville de garnison où tout ce qui n'est pas militaire
est fonctionnairepublic, brocanteur ou lavemicr; et, malgré les pompeuses dé-
clamations do quelques journaux, la prospérité de notre conquête n'existe ou--
core que dans un avenir mieux étudié.
La fondation d'une colonie demande plus de sagesse que de dépenses; ee mot
dellaynal nous offre une grande leçon. L'Afrique a des trésors qu'il faut savoir
exploiter, et de fausses mesures, prolongées davantage, nous conduiraient fata-
lement à les perdre au profit d'une puissance rivale dont les yeux, sachons-le
bien, sont ouverts sur nous. Tant que des intérêts de clocher prévaudront, dans
les chambres, contre une couvre qui devait illustrer notre époque, la Franco
versera cent millions par au dans un gouffre, et l'opinion publique, trompée par
des phrases menteuses, accusera sans cesse de mauvais vouloir un gouvernement
qui ne peut rien fonder qu'avec le concours de toutes les volontés,
Les Anglais apprécient mieux que nous l'avenir de l'Algérie, « Il n'est pas
donné à la prévision do l'homme, dit William Shaier, ancien consul général des
États-Unis, de calculer les avantages immenses que retirerait le
genre humain
de l'établissement d'une colonie anglaise dans la JNumidie, si cette colonie rece-
vait les institutions do sa métropole, et une organisation qui-lui laissât le privi-
lège d'une certaine indépendance, sans autres obligations à remplir que celles
qui. résulteraient d'une affection naturelle, du souvenir d'anciens bienfaits et
d'une-•communauté d'intérêts, Quand on emploie des moyens digues de l'objet
qu'on se propose, rexpérienee a fait voir que les eil'ets dépassent toutes les espé-
rances, Si le surplus de la population de la Grande-Bretagne, qui est déjà pour
"(i.llo. un fardeau insupportable, y était transféré graduellement*
ou suivant un sys-
tème régulier, enfin, si ses capitaux étaient, employés au développement des
ressources naturelles de ce pays, il est probable que, dans l'espace d'un siècle,
co nouvel empire pourrait devenir une seconde Angleterre', »
Un autre publicistc de la même nation écrivait plus récemment : « Le seul
concurrent réel que la Grande-Bretagne puisse avoir sur la Méditerranée, c'est
la France, Elle a maintenant deux royaumes qui so fout face, et qui sont à
deux journées l'un de l'autre, La côte africaine se hérisse de forts, Que serait-ce,
si un des fleurons de l'Orient allait compléter une couronne déjà si riche? La
Méditerranée serait alors interdite au pavillon britannique, à moins qu'il ne se ré-
signât à y paraitre sous dos conditions d'abaissement. Si Toulon menace notre
supériorité maritime, Marseille ne compromet pas moins notre prépondérance
commerciale, Qu'il survienne ime guerre, et voyoz où nous en sommes. L'ami-
rauté en vole des forces imposantes dans la Méditerranée ; elle fait de Malte le
rendez-vous d'une flotte formidable. Admettons les chances les plus belles :

1 Sl.elehe.1 of Algicrs, polilkal, ftistoriçal and civil, by William Slmler, cliap, si, p, 205-211,
HISTOIHE 1>E QliNZE ANS, 11

cette flotte maîtrise les escadres qui sortent de Toulon î elle les réduit îi la dé*
feusive.—Mois les paquebots, qui les arrêtera? La vapeur se rit do la voile; elle
est destinée à changer, sous peu d'années, tout le système naval. Que le gou-
vernement français embarque sur ses pyroscaphes dix mille hommes de bonnes
troupes, et, l'Egypte est à lui, Excitées par des communications plus fréquentes,
les sympathies des Orientaux iront au-devant d'une nation préférée, et, pour ne
pas tomber entre les'mains de l'Angleterre, ces peuples so donneront spontané-
ment à la France, La clef dos Indes écherra à nos" ennemis ; l'Orient, qui aurait
pu être, si le calme eût prévalu, une succession longtemps vacante, décidera de
lui-même au premier choc, et s'adjugera, pour ainsi dire, Qu'on juge alors du
rôle qui resterait à l'Angleterre, Maîtresse de l'Egypte et de la régence d'Alger,
la France reproduirait sur le littoral de l'Afrique les pompes de l'occupation ro-
maine, et nous n'aurions gardé, nous autres Anglais, quelques stations militai-
res ou de méchants ilôts sans territoire, que pour assister en victimes au specta-
cle de ce triomphe et aux gloires de cette double colonisation. C'est là pourtant
qu'on nous mène, Nelson! Nelson! qu'en penses-tu? Les vaincus d'Aboukir et
do Trnfalgar prennent leur revanche ',,.,. »
Ces inquiétudes, si nettement formulées, méritent assez l'attention de nos
hommes d'État, car elles indiquent le but auquel devrait tendre une politique
sensée, active et persévérante,
Mais grâce aux théories qui se combattent, aux essais qui avortent, aux intri-
gues de certaines vanités ou de quelque chose de pire, notre oeuvre reste en
friche comme si elle attendait les bras d'un prochain occupant, Les capitalistes
sérieux qui font, en se promenant, le voyage d'Alger, reviennent au bout do.peu'
de jours, et les spéculateurs seuls y restent. Cette défiance tient surtout a ce que
le pouvoir y est assis sur des bases fictives,, contraires à nos moeurs, à nos insti-
tutions, à nos besoins; à ce que le choix des fonctionnaires n'est pas toujours ir-
réprochable. On a déporté dans les emplois africains plus d'un agent dont ou avait
à se plaindre on France ; plus d'un solliciteur bien recommandé, et dont il fallait
satisfaire les patrons aux dépens du budget, Ces malheureux choix ont paralysé
l'essor de nos établissements et jeté la déconsidération sur une grande partie du
personnel administratif ; ils ont fourni une déplorable, pâture à tous les abus,
et, par suite, à l'esprit de médisance ou de calomnie qui se dégage de toute so-
ciété aventureuse.
C'est au coeur de cette plaie qu'il foi' irait appliquer un remède actif; car,
suivant l'opinion d'un savant économiste, « avec !• système de laisser faire ou de
ne rien faire, adopté par le gouvcrnemci.i, nous >\é sommes pas en chemin d'im-
planter sur le sot de la conquête unepb'^iiitmon P'ançaise; et pourtant, jusqu'à
ce qu'il y ait deux ou trois cent mille citoyens, notre domination n'y sera qu'é-
phémère, à la merci d'un vole inopiné des chambres, ou d'un caprice ministé-
riel, ou d'un bruit de guerre; et, qui pis est, dans ce siècle positif, Alger nous
coûtera beaucoup sans nul retour 2. »
En toute civilisation, l'homme, selon ses facultés, est machine ou puissance,

l TuetPi maniht in the Méditerranéen, Hev. lirlt, IV sér. n" 37. J an. 1839, p, 30-12,
â Li'l1res sur l'Amérique du Nord, par Michel Clievnlicf, conseiller'd'Ktat, t. Il, p. 130,
42 LAFUIQI'E FltANCAI^E,
La machine, e'est l'armée, combinaison obéissar'e, ogent collectif voué au sacri-
fice en échange de la gloire,Mais la puissance, mais l'intelligence, c'est la
société civile, Le râle du soldat, immense par ses devoirs, est circonscrit par la
raison politique ; et après avoir traqué pendant quiu/.o ans les Arabes, nous ne
serons réellement maîtres du sol qu'en le possédant par le travail, Or, le travail
civil ne fonctionne pas comme une corvée militaire ; il a ses lois, ses conditions
économiques ; il lui faut les garanties de la liberté,
L'armée est encore tout, ou presque tout en Algérie. Nous admirons ses tra-
vaux, ses succès, son inaltérable courage; nous ne voulons pas qu'elle se
retire ou s'affaiblisse, mais qu'elle prenne sa place régulière dans l'État, M, le
maréchal Bugeaud avait compris cette vérité lorsqu'il publiait, en I8.|iî, que
le gouvernement du sabre n'est plus de notre époque 1, Plus tard, il adressait
au ministère ces lignes concluantes ; «11 n'y a en Afrique qu'un seul intérêt,
celui de l'établissement que nous fondons pour y développer la population, le
commerce, l'agriculture, Ces intérêts-là sont essentiellement civils ; la société
tout entière se compose d'intérêts civils, L'armée n'est point une partie distincte
de la nation ; c'est la nation elle-même armée pour la défense et pour le main-"
tien de l'ordre et des lois 2, »
Si ces paroles pleines de sens ne sont pas actuellement vraies pour l'Algérie
comme pour la France; si nos colonsdoivent encore vivre privés de nos institu-
tionslibérales et protectrices, les innombrablesbulletins de la conquête ne seraient
donc que les ehapitresd'un roman? Nous avions pu concevoir de meilleures espé-
rances en écoutant M, Bugeauddéclarer, eu 1842, que son oeuvre était achevée,
« Certes, disait-il, la France avait immensément à faire chez elle avant de songer
à conquérir l'Afrique; mais la question n'est plus là. L'Afrique est eonquiso, et
il faut que la France, pour sa gloire et ses intérêts, sache tirer parti de sa con-
quête ; cet événement est aujourd'hui consommé*,»
U iio s'agissait donc plus alors que d'adopter une sage politique pour recueil-
lir les fruits do nos victoires; il fallait montrer aux Arabes l'humanité, la jus-
tice et l'intelligence française ù côté de la force. L'opinion générale cherche vai-
nement eu Algérie tous les résultats désirés.
Les bonnes intentions ne manquèrentjamais à M. le maréchal Bugeaud ; mais
il est plus facile aux hommes d'épee de savoir vaincre que gouverner. Capitaine
infatigable et d'une brillante valeur, prodigue de sa personne il a déployé
toute sa capacité dans la guerre de coups de main dont l'Afrique est le
théâtre. Si des souvenirs impopulaires ont assombri sa carrière, l'Histoire, tou-
jours neutre au milieu du conilit des passions humaines, doit déplorer cette fata-
lité qui s'attache, comme la robe de Déjanire, à certaines existences. Du bien
réel qu'il a su faire ou préparer, comme des imperfections et des fautes qu'il ne
]>ut éviter, ressort un grave enseignement pour notre conduite future. Les boni-?
mes passent avec leurs systèmes, mais les faits survivent* et les faits seuls nous
préoccupent : leurs conséquences sont frappantes.
La retraite du gouverneur actuel nous ferait-elle, entrer dans une voie .pré-;

i L'Algérie; des moyens do consei'vet1 et d'utiliser cette conquête, p..13.


s LeHr/iau ministre de la guerre, du 2& janvier 18)3,
8 L'Algérie, des moyens do conserver ot d'utiliser cette eonquêio,
p. 101.
IIISTOlttK 1>F QUINZE ANS. m'
férable? Avons-nous, à l'heure qu'il est, des vues meilleures ot des imminents
prêts pour créer une oeuvre sans défauts? Quoi qu'il en soit, et à quelques géné-
raux qu'où remette aujourd'hui le pouvoir, si le gouvernement persévère dans
ses incertitudes, l'Algérie pourra nous échapper têt ou tard, comme nous avons
perdu l'Egypte, Au premier coup de canon tiré eu Europe, nous aurons une ur<
niée bloquée en tête par les Hottes ennemies, prise en flanc par le Maroc et
Tunis, décimée à l'arrièrc-garde par ces mêmes Arabes dont nos bulletins illu-
soires vantent la soumission, et qui ne se souviendront alors que du mal qu'ils
ont reçu de nous,
Mais en admettant eo paradoxe que la guerre soit encore le premier besoin de
la Franco au delà do la Méditerranée, n'y a-t-il pas au-dessus de lui l'intérêt de
lu colonisation agricole, sans laquelle nous ne posséderons jamais, dans l'inté-
rieur .'du.pays, ipie l'espace couvert par les pieds do nos soldats? Et, faire dé-
pendre d'une seule directiou spéciale, comme celle de la guerre, la solution
d'une question d'économie publique aussi compliquée, et qui exige le concours
de toutes les capacités do l'État, n'est-ce pas sacrifier indéfiniment le but nu
moyen? Ne nous étonnons plus si, malgré tant d'essais et de bonnes intentions,
l'Afrique a tant de peine à devenir autre chose qu'un champ do bataille, Eu lo-
gique française et constitutionnelle, l'armée se bat, triomphe cl ne gouverne pas,
M, Bugeaud nous traçait ainsi lui-même, en 1842, la véritable théorie de la
conquête: «C'est lo commerce qui soumettra les Arabes, La force peut les vain-
cre, il faudra longtemps qu'elle les domine; — niais le commerce seul pourra
nous attacher les populations, Chaque Arabe qui s'enrichira deviendra notre
partisan ; c'est un ennemi do moins et un allié de plus, Le joug de la force, au-
quel ils se résignent si facilement, servira de prétexte à leur soumission; l'in-
térêt en sera le véritable mobile. «A vous là mer, à moi la terre,» disait Abd-
cl-Kader, Depuis 1884, il a été fidèle à la politique dérivant du principe qu'il
avait orgueilleusement posé ; ses efforts ont toujours tendu à nous séparer de la
population arabe. Il voulait le commerce, mais il le voulait pour lui seul. D'une
part, le monopolo était un double moyen de s'enrichir; de l'autre, il comprenait
admirablement que les populations, en relations directes et libres avec nous,
trouveraient dans ces échanges des avantages tels, que l'intérêt étoufferait bien-
têt les passions politiques et religieuses ; (pie les haines s'affaibliraient dans ces
communications fréquentes, et qu'il y perdrait son influence et son pouvoir. —•
Ce système, si parfaitement accommodé aux moeurs du pays,'nous indique celui
que nous avons à suivre » \
A-t-il été suivi ?
A
Bornons-nous à citer deux témoignages éminents, dont les dates varient, mais
dont la conclusion sera la même.
«Depuis ouzo ans, publiait en 4841 M. le général Dùvivicr, on a renversé les
constructions, incendié les récoltes, détruit les arbres, massacré les hommes, les
femmes, les enfants, avec une furie toujours croissante. Les bulletins, les rap-
ports officiels qui en ont tiré vanité existerontà tout jamais, .comme pièces accu-
satrices1'. H
t rrVJ/^i'rrV; do? mcyc-ns do conscvvov et (l'utlliRei" rntto (nnfuiéte, p. III,
'i&idution du la quettinn t/r l'Algérie, p. 2Hô.
M LAFIUQUE FBANCAISE.
Aujourd'hui, le tableau n'est guère moins lugubre, Écoutons M, le directeur
général des affaires civiles en Algérie,
« Je laisse de côté les actes, dit M, Blondel, pour m'nrrêler à des faits moraux
et matériels en dehors de notre sphère d'action, et tels que, pour les nier,il fau-
drait nier la logique ou le coeur humain, Supposons qu'un peuple; sorti de je ne
sais où, veuille nous apporter le meilleur des gouvernements, avec tous les perfec-
tionnements sociaux, artistiques et industriels que l'homme pourra découvrir un
jour, en un mot, uno civilisation auprès de laquelle la nôtre serait une barbarie.
Assurément, ce (pie nous pourrions faire de plus sage serait de l'accepter. Mais
si l'on venait nous l'imposer à coups de canon ; s'il fallait recevoir ù la fois les
lois, le drapeau et jusqu'au nom des réformateurs, assurément aussi nous n'en
voudrions pas, A la seule idée do cette contrainte, le vieux sang de la France
lui monterait au front; elle résisterait avec toute l'énergie qu'elle peut avoir,
Vaincue au midi, elle se retirerait au nord; vaincue au nord, elle so réfugierait
dans ses montagnes; elle ferait comme elle a fait déjà sons les Valois; comme a
fait l'Espagne au temps des Maures, et de nos jours; comme ont fait la Grèce et
la Pologne. Elle n'obéirait enfin quo, lorsque garrottée et lo genou du vainqueur
sur la gorge, elle succomberait épuisée, mais non résignée, et sauf a se réveiller
un jour. — Co que ces réformateurs supposés seraient pour nous, nous l'avons
été pour les Arabes; ce que nous ferions, pourquoi ne lo feraient-ils pas?
« Les Arabes no nous désiraient pas, tant s'en faut ! Dès leur enfance, ils oui
appris à maudire les chrétiens, à les haïr comme les ennemis de leur race et de
leur religion, Cette civilisation que nous leur apportons à coups de canon, ils ne
la comprennent pas, ils la redoutent. Et commentla comprendraient-ils?
« Nous vepons changer leur gouvernement et leurs habitudes ; nous prenons
leurs terres; nous prétendons hardiment qu'elles nous appartiennent, à nous
étrangers, parce que leurs docteurs Bou-Malck et Bou-lïaneifa ont écrit que la
terre appartenait au souverain. Nous séquestrons le patrimoine do ceux qui ont
assez de coeur pour nous faire la guerre; nous bridons les villages; nous enle-
vons les troupeaux ; nous renversons les villes; malgré nos intentions presque
toujours meilleures que nos actes, souvent même a notre insu, nous jetons le
trouble dans les fortunes deceux même qui nous servent!
« Eh ! sans doute je ne méconnais pas les nécessités presque fatales que nous
ont imposées la guerre et la politique ; je n'ignore pas que -nous pouvons réparer
ces maux, effacer pour l'avenir ces tristes conséquences du passé, et rendre aux
générations futures plus de bien que nous n'avons fait do mal aux pères;—mais
je dis qu'il faut beaucoup de temps, beaucoup de force pour faire accepter, à ee
prix, la plus belle des civilisations; beaucoup de prudence, de justice et de gé-
nérosité pour réparer ces désastres et les faire oublier.
« Les Arabes n'étaient pas puissants par leurs ai'mécs; ilà Tétaient par leur
pauvreté, leur mobilité, leur organisation sociale, qui ne laisse jsas pnoe sur eux
a moins d'efforts incroyables ; ils l'étaient par la constitution lopogruphique d'un
pays très-montagneux et par leur bravoure personnelle. Us ont résisté tant qu'ils
ont pu défendre leurs familles et leurs troupeaux, seul intérêt vulnérable, cl
qu'il fallait saisir à la course, Ils ont combattu do retraite en retraité, de rochers
en rochers; il a fallu' les vaincre, pour ainsi dire, iin à un, Certes, ils ne peu-
iHSTOllU; l»E QUINZE ANS. Ci

vent nous aimer actuellement; et si nous ne savons pas nous faire pardonner la
victoire, cl lu rendre profitable a ceux qui ciiout tantsouffert, nous verrons renaître
la guerre'.))
Cette page, datée d'Alger, le u avril 18 44, et dont les prévisions sont trop
justifiées, semble rappeler cette opinion émise à la tribune eu1838, (pie l'Afrique
est un legs funeste fait par la restauration à la révolution de juillet -,
En présence de ces tristes aveux, la volonté nationale doit se prononcer, U>
passé n'est point irréparable, et les Anglais eux-mêmes, qui nous suivent d'un
oeil avide, pressentent, malgré eux, les destinées que Dieu nous garde. «Les
Français, dit un savant voyageur, ont commis des fautes, et ils les reconnaissent
avec regret; mais le temps leur apprendra un jour, comme aux Anglais dans
l'Inde, que la politique la plus sûre est d'être justes et humains, Irui-je rappeler
amèrement les cruautés reprochées aux conquérants d'Alger, moi Anglais, à
qui on pourrait répondre que nous avons été, en mille circonstances, .plus impi-
toyables? J'élude donc cette question délicate, bien convaincu, commejo le suis,
que le caractère français est, après tout, une garantie do la civilisation future de
l'Algérie 3.»
Les esprits éclairés qui n'ont d'autre passion que l'honneur du pays", vou-
draient voir le régime civil appliqué à notre conquête; et M', Bugeaud l'y croyait
admissible en 1842, sauf quelques'restrictions;' «Si vous trouvez, disait-il, parmi
vos administrateurs de Franco, l'homme qui convient le mieux à la chose géné-
rale d'Afrique, et vous avez peut-être plus de chances de le rencontrer parmi
.vos milliers'do lettrés, que dans le cadre restreint do Télal-major de l'armée,
hàlcz-vous de le prendre!!! mais qu'il ail au moins quelques-unes (les'qualités,
de Marins.et-de,Sylia;.car, je vous en préviens, si votre administrateur veut
être quelque chose, il prendra un sabre et monterua cheval V»
Quant à nous, humble philosophe qui étudions .laborieusement' le passé, dans
le seul but d'entrevoir l'avenir de l'Algérie, nous croyons qu'il y a mieux à
l'aire. -..
.
Quinze uns de vicissitudes nous ont trop démontré -l'impuissance désastreuse
de l'occupation purement militaire, et ptuit-tHre est-il permis de penser que sur
"un sol où nous avons semé tant de ..ferments de haine, un simple agent, tiré de
l'ordre civil, substituerait trop souvent aux excès du sabre l'inexpérience,"la fai-
blesse, ou l'essai de ruineuses théories.
C'est doncPLUS HAUT qu'il faut placer l'autorité souveraine.
Qu'un pouvoir appuyé sur les institutions de la patrie, et supérieur par le
rang à foutes les ambitions qui s'agitent parmi nous, vienne enfin commander
le respect aux vaincus en effaçant les maux du passé; faire naître autour de lui

1 Aperçu sur l'état actuel de l'Algérie ; Lettres d'un voyageur ù son frère, p. 40. Alger, imprimerie
du Gouvernement, 1841, —Cette broehuro, ttréo à un petit nombre d'exemplaires, et qui no fut pas, je crois;
mise en vente, parut sans nom d'auteur, hc Courrier d'Afrique, journal général do l'Algérie, a. révélé le
mystère de l'anonyme, dans son numéro du 17 mai 1815. Ce secret, qui n'en était pas un pour moi, pendant
mon séjour en Afrique, appartient désormais à la publicité,
a Discours de M. Bugeaud à la chambre des députés [Moniteur du 0 juin 1839.) — L'Algérie en 1811,
par A, Uesjobcrt, député, p, 1.
3 Trarel's in iioHhmi Africa, and Algier, by Thomas Campbell, llev. firit, t, XVIII, p. 329-333),
.';>. L'Algérie; des moyens de'conserver et d'uillisev cette conquête, p. 39.
Mi LAFHIQLE FUANCAISK.
la eontlauee, lés sympathies, le dévouement si nécessaire pour assurer l'oeuvre
immense d'une société nouvelle, cl alors, eette parole royale qui proclamait,
en 1842, l'Algérie terre pour toujours française, deviendra une vérité,
Je ne puis mieux clore cet aperçu quo par un jugement sévère dont l'organe
appartient au ministère de la guerre, « Le gouvernement, ainsi s'exprime
M, Genty deBussyi, a contracté l'obligation do faire connaître toute sa pensée
sur Alger; s'il colonisera définitivement; quand et comment il colonisera,—
Que nous nous soyons élargis beaucoup trop têt et trop vite, il n'y a plus à res-
saisir le passé. H faut aujourd'hui qu'une- loi proclame la réunion do l'Algérie à
la France, comme nous l'avons, le premier, demandé, comme tant d'autres
l'ont demandé après nous. U faut que le gouvernement fasse eonnaitre que l'ar-
mée n'est quo le moyen ; que rétablissement, la colonisation seuls sont le but ;
qu'il subordonne le moyen nu but, Il doit déclarer encore qu'on ne s'étendra
que lentement, sans reculer jamais ; que l'encouragement lo plus largo, Ja pro-
tection la plus éclairée seront accordés à ceux qui iront fonder des établissements
en Afrique. Si nous continuions à courir lopays sans savoir pourquoi, à préférer
le mouvement au repos, les bulletins à de sages progrès, la vaine gloire à l'uti-
lité, tout serait à chaque instant remis en question, et il n'y aurait pour nous ni
assiette, ni sécurité; ce serait déplorer la mobilité des Arabes, et n'en offrir
nous-mêmes que do pâles copies; car tel deviendrait notre rôle en Afrique, si
nous n'y changions de conduite. N'y serions-nous pas, on le demande, autrement
posés qu'aujourd'hui, si, au lieu de tenter de nous établir partout, pour être
compromis partout, nous eussions commencé par nous établir avec solidité sur
quelques points seulement? —- Si la France veut coloniser partout, elle ne coloni-
sera nulle part, »
Vienne donc en Afrique le règne des lois, d'une force intelligente et de In jus-
tice pour tous, et les résultats prospères ne nous manqueront point, si nous no
manquons plus à nous-mêmes, Les principes du développement moral de notre
belle conquête sont désormais hors de discussion ; ils sont graves dans nos fautes
comme dans nos succès.
Jo'place la vérité sous la sauvegarde de témoignages publics. J'aurais pu les
prodiguer, mais ceux-ci me suffisent déjà pour éloigner de mes lecteurs la penséev
que ee livre soit une oeuvre de parti.
Une fois que c'est entre les idées, et non plus entre les personnes, que la lutte
est engagée, il se fait autour de vous un grand calme, et les passions so taisent,
A la hauteur d'où l'histoire domineles hommes et les faits, à peine en tendez-
vous l'agitation des empires;—- à peine l'écho de la gloire individuelle arrive-t-il
jusqu'à vous.
l'établissement dis Français dans la régence d'Alger, par Genty de Ti\wy, conseiller d'État, inton-
i De
dant militaire, membre do la chambre des députés, 1.1, p, 42.
''v.H-AEHi.QvE- FR-âî-iÇAISE.,;~.
LlVR'tf PKEMlEIt.

PUISE D'ALGER LA GtlEUlUERE,

tu cOiiiuiH, mi lit Imiiliiinl» .'mis r-u Kiiiii|mMii', Alm'i' rii'li'î


i\«< ili!|iijiiitli^ rit", lu viii't'iUuité. Tu illcius IMI liai rniiir iiuiv ;

«
.lu lii'ii-i l.l luor sou» mi'-; loi*, «I les li.ilimn sunt tint |iiiiit' ! >.
l,i li'tti'ii'tilii île les wutni'iwv In iliiiuiiiil i|« lu nuilliitii'ii, M,ii<
tu ti! UUT.I* allinjuéi! (Inns (us 1,1
ur,i11!,-r--, i mm un tiisiMti lu-
vUsi'iii'qn'uil it'idt t'Iu'iTlii'i' |i.iriiii lo? riu'lioi's i!t dans «on tiiil,
i-'.-:-. JllWSllit.

Nos premières relations de. commerce avec le littoral algérien remontent vers
le milieu (lu seizième siècle, Deux négociants de Marseille» Thomas Liuclie et
Caiiiu Didier, avaient acheté, en -tant, de Hassan-Pacha, la faveur d'établir un
comptoir à la Çallc, pour la pèche du corail',
La régence d'Alger reconnaissait encore, à cette époque, la suzeraineté otto-
mane, créée par Kheïr-Eddin '*; mais, après la bataille de Lépante !l, celte
grande défaite doiit Constantinople ne se releva jamais, l'autorité des sultans
perdit son prestige et sa force} leur marine épuisée cessa de paraître dans les
1 Histoire de la Httrbttrie cl de ses rarsittrat, Alger, Tunis, (futé, Tripoli, tic par lo l 1, Dali, supérieur
,
do l'ohiro de la ttaililo-Trljiltô pour la rédemption des captifs, lit lit, lu-f", p. f»7,
2 MnitiiKcrlt arabe du GhucUrat, trad, de Voiiluro,
— llisturia
ijenerut de Arget, reparlidu in c.inco
fradados, parDiego de îtitcdo. 1(W>,
1V7 octobre lfi7l,
~ l'bertus fulkla, di'Mero.frrdero!u SfHmuM,]i, U)ffl,
''"-- ;':'.-. -
.5
ÏH L'AFRIQUE KBANÇAISi:.
.

ports bai'baresques ; l'empire de la Méditerranée leur échappait, tandis qu'Al-


ger la Guerrière (El-Djezaïr-el-Ghazie), grandissant de jour en jour, entrait en
révolte contre les gouverneurs qui lui venaient du Sérail. La.milice; turque,
tourbe indisciplinée d'aventuriers levantins, dont les rangs s'ouvraient aux re-
négats de tous pays, 's'empare-de la réalité du pouvoir, et n'en laisse plus à ses
chefs étrangers que les stériles honneurs. Les corsaires n'ont plus de loi que
leur cupidité. En 1004, ils expulsent les Marseillais de la Galle, et dévastent
leurs établissements qui s'étendaient déjà au cap Nègre, au cap Rosa et au bas-
lion de France *.'
Quatre ans après, Henri IV obtient de Mohammed III l'injonction, faite aux
pachas d'Alger, d'avoir à respecter le pavillon français; mais cette mesure fut
repoussée par la milice, devenue toute-puissante, En 1(120, la France met à pro-
fit des circonstances plus favorables ; Richelieu gouvernait sous le nom de
Louis XIII ; Sanson Napollon est envoyé à Alger pour ouvrir des négociations
directes avec les corsaires 2 après de grandes difficultés, un traité, signé le H)
septembre 1028, stipule la reddition mutuelle des esclaves, la sécurité de par-
cours pour nos navires, l'installation d'un consul français à Alger, le droit de
rétablir le comptoir de la Callc et les échelles de Boue, et d'ajouter à lu pêche
du corail le commerce des cuirs, de la cire, de la laine et. des chevaux, moyen-
nant \\\\a redevance annuelle de 10,000 livres de notre monnaie V
Cette convention ayant été violée plus tard, en ce qui touchait la remise des
captifs français, Louis XIII fit partir, au'mois de novembre 1(137, l'amiral de
iMaitty, avec treize bâtiments de guerre; mais une tempête dispersa 'cette esca-
dre à sa sortie de Toulon, et le vaisseau amiral arriva seul en vue d'Alger, Ses
.menaces; n'ayant produit aucun effet, et trop faible pour, rien tenter, M, de
M'anty se retira, en arborant à sa poupe le pavillon de guerre, cl, peu de temps
après, un navire de sa flotte captura, près de la cote, deux felouques algérien-
nes, A cette nouvelle, les corsaires arment cinq galères, vont piller le bastion
de France, les comptoirs (hi cap Rosa et de la Galle, et ramènent à Alger plus
de trois cents prisonniers, avec tut Ininiense butin,
L'année suivante, les Arabes du voisinage et les Kebaïles de la montagne,
qui tiraient de grands bénéfices de leurs relations nvee nous, refusèrent tout à
coup de payer l'impôt, atlêgaut, pour prétexte, que la destruction des comptoirs
français les avait ruinés, Un corps de janissaires, envoyé contre eux, fut taillé
en pièces. Cette insurrection gagna de proche en proche, et devint si formidable,
qu'Alger même était menacé, et n'obtint la paix qu'aux plus dures conditions,
Les Kebaïles furent affranchis de l'impôt arriéré, elles Turcs prirent '.rengage-
ment de relever à leurs frais le bastion et les autres échelles, et d'y rappeler les
commerçants français, qui en reprirent effectivement possession vers Kilo °.
Aucun désastre ne les atteignit plus dans la suile, malgré les guerres continuelles
que Louis XIV fit aux corsaires, L'intérêt des Arabes protégeait mieux nos mar-
chands que le canon de nos Hottes ; ees tribus, dtmt on exagère aujourd'hui l'état

l Mémoire adressé au roi pur Utilisa liiii/itloiid de fllên;/nt/,W\, Manuscrit!) do là bibliothèque


lioyule, vol, 77tf.
y Manuscrits de la bibliothèque lioyule. Traités du Tare avec les princes chrétiens,
;l Histoire de la llurtntrie et doses corsaires, parle T1,1)a», p. KM,.-:
LIVRE l'REMIttlL U»

sauvage, avaient fait de notre sécurité la condition rigoureuse du payement de


leurs impôts, et les Turcs sentaient la nécessité do'ménagerie, câline derrière
eux, pour s'occuper des affaires extérieures,
A l'époque du bombardement do 1083, Duquosno, craignant pour nos natio-
naux, envoya quatre'.vaisseaux à la Galle pour les recueillir, La paix, rétablie
par le traité du 24 septembre 1080, fut suivie do nouvelles négociations de la
compagnie d'Afrique, qui obtint, en janvier 4094, la restitution de ses établisse-
ments, moyennant une redevance aniuieile de 17,ooo francs. Ilone, la Galle,
Stora et Kollo furent désignés connue" points"d'exploitation commerciale. Notre
révolution de 1780 détruisit cette compagnie, dont .les"successeurs, grâce aux
difficultés du temps, ne firent plus que des opérations peu importantes.
Je passe rapidement sur ces détails du passé, qui n'ont avec n'ion sujet qu'un
rapport éloigne '. Touchons aux causes de la. conquête ; elles ont été diverse-
ment racontées; --je suivrai dans leur exposé le sens indiqué par les documents
officiels,
La régence d'Alger avait expédié, de 1703 il 4 74)8,.. dos-,quantités de grains
considérables pour approvisionner nos.départements du Midi, et les expéditions
d'Italie et d'Egypte. Le payementde ces fournitures, suspendu par l'épuisement
du Trésorâ et par.la nécessité de constater des fraudes signaléesa-, fut l'objet de
vives réclamations de la part du dey Mustapha. La guerre était.imminente} le
gouvernement consulaire y obvia par le traité du .17 décembre 1801, qui.lui.
rendit les privilèges commerciaux, en échange de l'obligation prise deliquider
la dette de l'Iiitut. Plusieurs sommes furent soldées à titre d'à-eompte; niais la
régence, supportant avec peine cette justice lente et partielle, renouvela bientôt
ses plaintes, et,.passant des menaces aux ell'ets, nous enleva, en 1807, nos con-
cessions, les vendit aux Anglais, moyennant une rente annuelle de 200,000 francs,
et, plus lard, expulsa le consul de France,
Le génie de'.Napoléon s'émut de ce conflit, Souvenons-nous-qu'une haute
pensée domina toute sa vie :'• l'abaissement de cette féodalité britannique, doiit
les chefs, au quinzième siècle, avaient porté la main sur la couronne de France.
La complète du littoral africain avait occupé un moment les rêves du grand siè-
cle: Leibnilz l'avait fait entrevoir à Louis XIV, connue la clef de la domination
(pie in France pourrait exercer.un jour dans le Levant,' mais le temps, plus que
les instruments, manqua à Louis XIV, connue à Napoléon,..Cependantdes mé-
moires furent préparés, des reconnaissances exécutées ; le ministère de la marine
étudiait, en 1808, la question barbaresque ^ et.si l'empereur avait possédé le
1 t.tllo dcH plus (jurlûURCs études dol'histoire moderne est cello de ces peuples «lit littoral africain, sur le-
quel la t'ïaiico est appelée à fonder une puissance plulito d'avenir. Lu endro des événements que j'ai en-
I repris du retracer nu mu permettait pas d'y l'aire entier le tableau des drames.- multipliés qui BJ^niilùicnl

l'existence du .lu piraterie biirbaïusque, depuis la lin du quinzième sléciu jiinqu'à nos Jours) on le trouvera
dans l'Histoire des corsaires de l'Océan et dé Id Méditerranée, qui suivie de prés la publication du présent
ouvrage,; -.'. :
2 Discours du ministin é<<$ affaires étrangles à la chambre des députés, le 20 juin lfôn,
il Plusieurs chartiomviilsdo blé ayant été trouvés avariés, et d'autres fraudes
reconnue;., les tlciiinlidos do
l'oliriilssuili'rt furent coiituKléoK, lJtis liouiiue.* rospuctubtcH, tels que MM. d'Aubonioii et llaiire, ordontiutoufs
Kéiiéluux, ont conservé ht iiièinulru de cette allUlio et des considérations graves qui la liront siispciidri!,
(Voyostio Mémoire tin roi et aur chambres sur loi véritables eu uses dela rupture avec Alger, pat
Alexandre lielaborde, -député de ta Heine, 1BÎI0, p, H, et ses pièces justificatives, p. \xvt, n<> i>.)
V
« Médite/, l'expédition d'Alger, tant. soii.i le point de vile du ..mur que sous'celui de terre. Ou pied sur
20 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
secret de la vapeur, l'Algérie serait française depuis plus do trente ans; mal-
heureusement d'impérieuses circonstances le détournèrent de ce projet,
Des négociations s'entamèrent avec Mustapha ; plusieurs a-comptes nouveaux
furent versés en 480?), et, comme la régence insistait toujours pour obtenir une
liquidation totale do sa créance, des promesses formelles auraient sans doute
reçu, en 1813, leur pleine exécution, si l'empire no se fût trouvé a la veille de
sa chute,
Louis XVIII, à son avènement, prit à coeur cette grave affaire qui intéressait
si vivement le commerce de nos provinces méridionales ; et, comme la rupture
do notre intelligence avec Alger n'avait d'autre motif que l'inexécution do cette
clause du traité do 1801 », il prescrivit l'examen des créauees. La bonne harmo-
nie se rétablit aussitôt. Le bail des Anglais, finissant avec 1'nnnée 1810, la
France fit valoir ses anciens droits; mais la régence exigeait que le taux actuel
des redevances fut .'maintenu, Comme ce qui importait avant tout, était do nous
remettre en possession des échelles, une convention fut conclue d'abord en ce sens,
au mois do mars 1817; et le 20 octobre suivant, un nouveau traité accepté
parle dey Ali, prédécesseur de Hussein-Pacha, réduisit les redevances à
oo,ooo francs, chiffre stipulé en 1801 3.
On s'occupait en même temps de liquider l'arriéré, A la suite d'un mûr exa-
men, le gouvernement reconnut qu'il serait plus avantageux pour les intérêts du
Trésor d'éteindre, par une transaction à forfait, toutes les réclamations, qui s'é-
levaient encore à quatorze millions ; et, par un arrangement spécial, signé le 28
octobre 1819, la somme à payer par la France fut fixée à sept millions en numé-
raire; en stipulant toutefois, formellement, dans l'intérêt des sujets français, (pie
le Trésor royal retiendrait le montant des oppositions qui lui auraient été signi-
fiées légalement, h la charge des créanciers algériens, et que les contestations
seraient vidéos par nos tribunaux. Le dey adhéra complètement à ces offres
dans les premiers jours d'avril 1820''.
Il faut observer que le monopole des grains, formant un des principaux re-
venus des souverains d'Alger, Hussein-Pacha se trouvait créancier des juifs
Busiiaeh et Baeri pour une somme de soixante-dix mille piastres, sur la valeur
des fournitures exportées en France. H serait difficile d'expliquer pnrqucis or-'
(1res lit commission de liquidation put admettre, comme oppositions privilégiées,

celte Afrique donnera à penser à l'Angleterre, »


(Lettre do Napoléon a M. Dcerès, ministre do la marine,
lu 18 avril 1808).
I « S, bî, le dey s'engage à faire remboursur toutes les sommiM qtil pourraient être dues à des français
liai' ses sujets, comme lo citoyen Dubois Thitinville, commissaire général des relations commerciales de la
république française, revêtu des pleins pouvoirs du premier coitiul, prend rengagement, an nom do son gou-
vernement, do faire acquitter toutes celles qui suralent Icgakvmit léclamécs par des sujets nigériens, u
(Art, K) du traité do paix avec Alger, du 17 décembre l'Oti)
S Discours du ministre des djfaircx étrangères à la chambre de* députés, lo 10 juillet 1821),
'1 Archives du ministère des affaires étrangères, Transaction sur la réclamation dessloiirs Itacrl ot Hits-

nach, d'Alger, signée entre MM, Mouiller, Hély d'Olssel, conseillers d'iitat, et Nicolas l'iévllle, fondé do
pouvoirs des créanciers algériens, — Jhillctin det lois, loi du 21 Juillet 1820.
II est pénible d'ajouter qu'A cette mémo date du 21 juillet 1820, le ministère français, i\ la suite do nou-
velles exigences, consentit it porter îi deux cent mille lianes la somme des redovaneoH de nos concessions
d'Afrique, ('o ne fut, dit le ministre, qu'après un débat prolongé que la Franco se résigna a un saorlllco pé-
cuniaire dont l'Angleterre lui cviilt dohiié l'exemple, Un gouvernementpeut bien vendre aux étrangers lis
liiléréls de son |>nysj cela so volt tous les jours i mais la France no se résigne jamais,
LIVRE PREMIER. ai
dans la transaction de 1819, toutes les créances qui se présentèrent, quoique le
chef de la maison Bacii, seul propriétaire en nom, avec Busnach, de l'arriéré
qu'on soldait, eût demandé, en 1817, qu'on payât le dey, sans tenir compté des
dettes contractées par des membres de sa famille, dont il n'était pas tenu de so
porter caution, Quoi qu'il en soit, Hussein-Pacha ne put apprendre, sans une ex-
trême surprise, que les sept millions avaient reçu des destinations étrangères, a la
faveur d'un imbroglio administratif, dont le secret fut bien gardé, Ce qui permet-
trait de penser qu'il y eut, eii cette affaire, de'coupables intrigues, c'est que le
ministère crut alors nécessaire d'informer te dey que le retard, pendant près de
quinze mois, de la conversion des rentes au Trésor, avait donné lieu a une in-
demnité en faveur de Bacri, et qu'on'lui destinait le "million qu'elle devait pro-
duire ', Une correspondance s'engagea sur ce sujet ; mais elle n'eut et ne pou-
vait avoir aucune'suite,' puisque les oppositions empêchaient le Trésor de se
dessaisir, Singulière idée, après tout, que d'offrir au dey une primo d'adoucis-
sement à des griefs légitimes!
Le souverain d'Alger écrivit alors au roi que M, Deval, notre consul, avait
trompé sa bonne foi, et gagné une somme considérable dans l'infidèle gestion d'un
intérêt sacré, Il demandait que cet agent fut rappelé, et qu'on lui envoyât à Alger
ses deux sujets, qui, d'accord avec M. Deval, s'étaient partagé les sept mil-
lions. Mais on lui répondit que le consul avait agi dans les termes précis de la
transaction de 1810, que Bacii s'était fait naturaliser Français, et que Busnueh
habitait Livourne. De nouvelles démarches, dont M. d'Àtlili, consul de Sai'-
daigne, fut l'intermédiaire, n'eurent plus ni résultat ni réponse, Le dey cacha
son' ressentiment jusqu'au.30 avril 1827.
Chaque année, à cette époque, après les fêtes du Béirain, il est d'usage que les
étrangers se rendent à la Kashah, pour complimenter le chef de l'État ; ils pre-
naient rang, dans cette cérémonie, après le dernier des Turcs : mais l'agent
français avait, depuis longtemps, su obtenir, pottrriionueur national, qu'il Serait
admis la veillé en audience particulière. Dans cette dernière entrevue, M, Deval
crut devoir débuter par prendre sous sa protection un navire romain qui venait
d'arriver dans le port. —«Comment, s'écria "Hussein avec impatience, viens-
tu nie fatiguer pour des objets qui ne regardent point la France, lorsque ton
gouvernement, ne daigne pas répondre aux lettres que je lui adresse pour ce qui
me regarde? » Soit ignorance de la valeur des termes de la langue turque, soit.
brutal oubli de toute dignité, M. DeVal osa répondre au prince algérien, en plein
divan : —»'« Mon maître ne descend pas jusqu'à répondre à uii homme tel (pie
toil » Les assistants murmurent ; le dey ne peut maîtriser sa colère, et frappe le
consul d'un éhasse-mouches en plumes de paon, qu'il tenait à la main,
M. Deval comprit trop tard la faute qu'il-venait de commettre, et rechercha
des accommodements que Hussein repoussa, en lui faisant intimer la défense de
reparaître devant lui. iNoits.«joutons a regret tpie cet agent diplomatique ne,
jouissait à Alger d'aucune considération â; on l'accusait hautement de s'être fait

i Mémoire au Volet miï. chiDnbt'ès sur les véritables causes de lu rupture avec Alger, pfii' Aloxalidtu
behiboide, député do la Beiile, p, 23, '-Correspondance de MM. itoy et de, t'ttlèle, du ,,,.. i
mal et dll
I septembre 1821,
s Los consuls étrangers m'ont assuré plusieurs M*, dit M, le baroii Hertln'/ene, ancien gouverneur de
22 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
payer chèrement ses services par Busnaeh et Bacri, et d'autres actions plus hon-
teusesl, et qui paraissent incroyables.
Au surplus, le rappel de M, Deval, si longtemps réclamé, et qu'auraient, si-
non justifié, du moins rendit nécessaire les inculpations dont il fut l'objet, au-
rait sans doute amené des explications suffisantes pour l'honneur national;
mais le ministère Villèle, dont toute la capacité résidait dans un système de cor--
ruption au dedans et d'abaissement à l'extérieur, crut saisir l'occasion de se po-
pulariser à bon marché. Il mitlo port d'Alger en état de blocus; inutile mesure,
dont l'unique résultat fut de coûter à la France sept millions par année 2. Des
vents do terre, qui, dans les parages d'Afrique, se lèvent à des heures réguliè-
res, emportant au large nos lourds vaisseaux do guerre, ouvraient un facile pas-
sage aux légères fustes algériennes, que d'autres vents ramenaient au port sans
plus de dangers, Toute cette côte n'a pas de mouillage; les variations de tem-
pérature y sont perpétuelles; notre escadre était obligée de se maintenir con-
stamment sous voiles ; d'excessives et meurtrières fatigues accablaient nos braves
marins; — dans la pratique doses pénibles devoirs, chacun fit briller son cou-
rage, son habileté, sa patienee; mais ces efforts ne démontraient que plus nette-
ment l'impossibilité d'obtenir un déiloiunent au moyen de nos forces navales,
Le ministère, poursuivi par l'opinion, rechercha bientôt la paix à tout prix,
et descendit jusqu'à prier lo dey de permettre qu'un de ses officiers se rencontrât,
comme par hasard, sur la corvette anglaise le Pilurus> pour donner, du moins,
un semblant do satisfaction. L'offre d'un brick armé en guerre achetait même
cette honteuse concessiontf ; mais Hussein-Pacha, fort de «on droit» no voulut
rien entendre, La dernière tentative diplomatique, confiée à M. do la Breton-
nière, commandant le blocus, se termina, lo 2 août 1829, d'une manière fatale,
Au moment où le vaisseau la Provence rangeait do près les forts de la Marine,
pour sortir du port sous pavillon parlementaire, quelques coups de canon lui
furent tirés, Lo dey s'empressa de désavouer toute participation à cet acte qui
blessait le droit des gens» et lit écrire par son drogman, Ben Zamoitn, qu'il ve-
nait do destituer son ministre delà marine, et qu'il ne désirait rien tant qu'une
paix honorable, Mais la Providence, qui se sert de totit pour arriver à ses fins,

l'Algérie, qu'ils nu l'nurulont polni, vu B'U Iftt revenu fi Algor uvoo l'arméo français, (Dh-huit mois à Al»
ger, de 181)0 àlajlnde 18111, p. 15.)
1 Lo 10 décembre 1817, dit M. A. Deluborde, une jeune personne, Itosa t'osonblno, d'origine sarde, pro-

tégée du France, fut nrraebéo des bras do sa mère et livrée à la brutalité du dey qui régnait ulors, ulnsl
qu'une jeune juive, Virginia l)ou~/amon, logée, dit-on, chez lo consul do France, I.o ert public accusa co
consul et son ami Jacob Uacrl d'avoir coopéré à cotutleiitnt, eu qu'il est impossible de crolro, Mais énlln
la plainte juridique des parents, et lo rapport de la victime, lorsqu'elle recouvra lrt liberté, faits devant lo
consul du Sardalgnu, lo 30 murs 18l8,ut que jopoBsèdo, articulent positivementce fait j oldùns cotte opinion,
fausse sans doute, les consuls porteront leurs plaintes au gouvernementfrançais et rompirent tout commerce
aveu M. Duval, Une enquête fut mémo ontuluéo a Marseille pur ordre du ministre du lu marine j muls II
faut crolro qu'elle u été a l'avantage de M. Deval, puisqu'il reçut pou après la décoration do la Légion
d'honneur, — Lu dey actuel (ttusaulu-l'ueha) lo jour même de son élévation, lé 28 février 1818, rendit ces
doux victimes à leurs familles, ot leur donna a chacune une indemnité du cinq mille piastres fortes, On con-
çoit quo co doy dut conserver des préventions Contre lo consul de France, et la nature de l'affront qu'il lui
lit fut plutôt causée, comiuo 11 l'a sans cesse répété depuis, par t'anltuadverslonqu'il nvult |iour sa personne
quo duim l'Intention d'oU'eiiRor la France. [Mémoire au roi cl aux chambres sur tes véritables causes de ta
rupture aveu Alger, p, 37.)
2 Discours du ministre des affaires étrangères à ta chambre des députés, lo 90 avril 182C,
» Dix~ltUit vtois à Atgert par lo lieutenant tjénôral ltcltbézène, p, 10 ot 17.
LIVRE PREMIER. 25
'permit'alors.que le ministère Polignaé, le plus décrié de toute la restauration,
nous préparât un immense avenir, en ne croyant servir qu'une pensée d'op-
pression.
v II faut, disait sous le consulat un homme ."dontla carrière politique traversa
bien des orages, il faut se préparer à fonder des colonies nouvelles, Notre situation
intérieure rend un déplacement de population nécessaire, Ce n'est pas un exil
qu'il s'agit d'infliger, mais un appât qu'il faut offrir. Combien de Français doi-
vent naturellement adopter l'idée d'un établissement dans des contrées lointai-
nes! Combien en est-il pour qui un ciel nouveau est devenu un besoin? — et
ceux qui, restés seuls, ont vu moissonner par la mort tout ce qui embellissait
pour eux la terre natale ; — et ceux pour qui elle est un monde ; — ceux qui n'y
sèment que des regrets, et ceux qui n'y recueillent que des remords j — et cette
multitude de malades politiques, ces caractères inflexibles qu'aucun revers ne peut
dompter; —ces imaginations ardentes qu'aucun raisonnement n'assouplit; — ci
ceux qui se trouvent toujours trop resserrés dans leur propre pays ;—et les spé-
culateurs aventureux, et les hommes qui brûlent d'attacher leur nom à des dé-
couvertes, àdes fondations de villes, à des civilisations, pour qui la France con-
stituée est trop calme; — ceux enfin qui ne peuvent se faire à des égaux, ni à
aucune dépendance I »
Ces paroles de Talleyratid n'ont rien perdu de leur actualité. Dans les sociétés
'que,nous appelons barbares, le trop.plein des populations s'écoulait par des
émigrations ; au sein des nations modernes, il fermente et fait éeloro des trou-
bles intérieurs. Le temps des croisades et des grandes conquêtes militaires
est passé ; les besoins du travail, les intérêts Industriels et les goûts raffinés du
bien-être enlacent peu a peu tous les peuples dans un système de paix générale,
dont la stabilité sera l'honneur de la diplomatie future. Mais les esprits les plus
avancés reconnaissent qu'il existe encore, au fond des masses, une secrète
souffrance que la misère égare trop souvent dans des voies dangereuses, L'ex-
tinction du paupérisme est toujours un problème digne des plus gravés étu-
des, et (pie les.efforts dévoués de plusieurs générations parviendront seuls à ré-
soudre. En attendant cet âge d'or, l'Afrique-semble ouverte à la France pour
offrir une propriété a ces communistes inquiets, qui réclament des lois agraires;
pour donner une patrie à tant d'êtres déshérités par le hasard de la naissance;
pour ramener au calme des esprit; M..très qui tenteraient de renouveler de tris-
tes désastres, Un gouvernement sage et prudent peut trouver, dans remploi de
cette riche possession, les garanties de sa puissance et de sa durée.
Tel ne fut pas, il est vrai, le mobile généreux qui fit agir la restauration. Il
est même presque impossible de croire que la conquête d'Alger ait été inspirée
par l'unique sentiment de l'honneur national ; les événements qui suivirent de si
près ce grand résultat laissent trop penser que, dans les rêves de ceux qui l'ob-
tinrent, il ne devait être qu'une diversion favorable aux succès d'un coup d'É-
tat, M, de Polignaé, ignorant et vaniteux, eut un moment l'orgueil de copier
Bonaparte, qu lé t oufl'ait la liberté sous des lauriers. On sait quel fut. le flilit
de ses illusions.
L'expédition d'Alger fut résolue dans le conseil de Charles X, vers le mois
de janvier I830; la majorité du'.ministère combattit vivement ce projet qui
M L'AFRIQUE FRANÇAISE.
ne semblait qu'un embarras de plus dans une situation déjà difficile, et qui allait
aboutir à une impasse. M. de Polignac, qui avait des vues secrètes, et M. de
Botirniont, ministre de la guerre, à qui souriait l'occasiond'effacer de fâcheux sou-
venirs, parvinrent, avec assez de peine, à décider le vieux roi. Des ordres furent
aussitôt expédiés pour hâter les apprêts matériels de cette grande entreprise, et
des négociations s'entamèrent avec l'empire de Maroc et la régence de Tunis
pour s'assurer leur neutralité, L'Angleterre intervint avee inquiétude; lord
Stuart, son ambassadeur, essaya quelques phrases d'intimidation qui furent dé-
daigneusement accueillies ; mais tous les États riverains de la Méditerranée ap-
plaudissaient à l'initiative de la Franco, qui allait venger le commerce européen
des ravages de la piraterie,
De son côté, le dey Hussein, instruit par nos journaux que recevaient les con-
suls étrangers, des immenses préparatifs qu'on organisait contre lui, avait ré-
clamé le concours du Maroc, de Tunis et de Tripoli. Sa position était critique;
Muslaplm-Bou-Me/.rug, bey de Titlery, et Achmet, boy de Constantino, our-
dissaient depuis longtemps une conspiration contre son pouvoir; les Arabes le
haïssaient, à cause de ses cruautés et de ses déprédations, et la milice des janis-
saires, toujours disposée à la révolte, lui inspirait plus d'une crainte, Le chérit'
du Maroc et la régence do Tunis ne répondirent a son appel (pie par des voeux
stériles. Le pacha do Tripoli lui écrivit que, trop faible pour lui envoyer une ar-
mée, il avait, du moins, consulté un saint marabout qui annonçait aux Français
le renouvellement des désastres de Chaiics-Qtiint, Hussein, doué d'un caractère
fortement trempé, se souciait peu des prédictions d'un marabout; mais sa
confiance reposait suivies déclamations de la presse contre l'expédition projetée.
Les journaux de 1830, avec une mauvaise foi qui fait peu d'honneur aux publi-
cistes de cette époque, exagéraient à Penvi les dangers de la guerre et en niaient
la nécessité. Le parti qui se disait libéral ne recula pas devant l'idée d'en appeler
aux intérêts de l'Europe; on ell'raya les peuples sur les résultats de cette cam-
pagne, et on se félicita hautement d'avoir amené la diplomatie anglaise a inter-
venir dans la destination de notre conquête présumée. Mais la fortune de la
France devait donner bientôt un éclatant démenti aux perfides menées de celte
opposition antinattonalé,
La flotte, rassemblée dans les ports de Marseille et de Toulon, était prête à la
fin d'avril; elle comptait 77 vaisseaux de guerre à voiles ou à vapeur, et 347
navires de transport, sans y comprendre les bâtiments au nombre de 230, des-
tinés au débarquement de l'artillerie, du matériel et des troupes,
L'infanterie formait trois divisions, et chaque division trois brigades '.
lf0 m VISION ! MM-, le baron Borthézènc, lieutenant général, commandant ; de
Brossard, colonel, chef d'état-major ; Ueveux, chcf.de. bataillon, sons-chef ; Ser-
gent de Cliumpigny» sous-intendant militaire,
4f0 brigade .' M, Poret de Morvan, maréchal de camp,
I0''bataillon du 2" léger)
j ', „
^r* ««l'rc^ehevnie,
, ,.,
'.
i<* id, du v* 0
i(î.

1 Los chiffres fiénérau.v do la composition de l'armée sont tirés ib|s noies do M, le llnillelmiit f.'cnérnl flor-
hiVine,
LIVRE PREMIER. *iï
3e régiment de ligne i M. 'Roussel, colonel.
2° brigade} M, Achard, maréchal de camp.
14° régiment do ligne : M. d'Armaillé, colonel.
37° id, M. deFeuchères, colonel.
3° brigade: M. Clouet, maréchal de camp.
20° régiment de ligne : M. Horric de la Motte, colonel.
28° id. M. Meunier, colonel,
.
Effectif de la lro division : 10,284 hommes, et 85 chevaux.
2°DIVISION ! MM. de Loverdo, lieutenant général, commandant; .îacobi,
colonel, chef d'état-major j Aupick, ehefde bataillon, sous-chef; Béhaghel, sous-
intendant militaire.
4»c brigade : M. de Damrémont, maréchal de camp,
(>• régiment de ligne : M. de Lavillc-Gilles, colonel.
'19° id. M. Magnan, colonel,
2° brigade .'M. Monck d'U/.er, maréchal de camp.
15° régiment de ligue : M, Mangin, colonel,
48° id. M. de Léridant, colonel.
3° brigade: M. Colomb d'Arcine, maréchal de camp,
21° régiment de ligne s M, de Gontefrey, colonel,
20° id. M. de Laclutu, colonel.
Effectif do la 2° division s 10,284 hommes, et 84 chevaux.
3° nivisioN s MM. le duc d'Escars, lieutenant général» commandant ; Petiot,
colonel, chef d'état-major ; Protêt, ehefde bataillon, sous-chef; d'Arnaud, sous-
intendant militaire.
i10brigade: M. Berthier de Sauvigny, maréchal de camp.

3«« régiment de ligne : M. Hullières, colonel,


2° brigade : M, Hurel, maréchal de eauip.
17° régiment de ligne : M, Dupral, colonel.
80° id. M, Ocher de Beaupré, colonel.
3° brigade : M, de Montlivattll» maréchal de camp.
23e régiment de ligne : M. de Montboissier, colonel.
34° id, M, de Rotiey, colonel,
Elfeetif (le la 3«Mlivisioiiî 10,284 homnies, et 8r> chevaux.
La cavalerie n'était forte que de fioo chevaux des f 3« et 17" chasseurs, soiis
les ordres du colonel Bontenips-Dubarry,
L'artillerie de siégé et de campagne, commandée par le général de La Mille,
conduisait 112 bouches à feu, avec un matériel porté par 3Ô0 Voitures, Son ef-
fectif était de 2,327 hommes, et 1,309 chevaux,
Deux'compagnies de mineurs, six de sapeurs, et une demi-compagnie du
train (1,310 hommes et 433 ehcvnu.s), formaient les troupes du génie, dirigées
par le général Vnluzé,
L'administration comptait 1,724 homnies, et l,38ôchevaux ; la gendarmerie,
127 hommes, et 3f> chevaux,
L'elfcelif généraldcs combattants s'élevait, officiers compris, à 3»,000homnies,
20 L'AFRIQUE FRANÇAIS!!;.
L'infanterie était approvisionnée de 5 millions de cartouches ; l'artillerie pou-
vait tirer 103,000 coups, — Des réserves considérables de poudres et d'armes
complétaient ce matériel.
L'armée navale était ainsi composée ;

YAissRAtix : La Provence, portant pavillon amiral, et commandée par
M. Villaret de Joyeuse; le Trident, commandé par M. Gasy, capitaine de vais-
seau, et. monté par le contre-amiral Rosamel; VAlgèsirm, comm. Ponée; la
Couronne, comm, de Bossy ; le Buquesne, comm. Basoche y le Marengo, comm.
Duplcssis-Parseau y. le Nestor, comm. Latreyte; leScipion, comm. 'Ëmcric; le
Superbe comm. Cuvillier; la Ville de Marseille, comm, WobGVt,
i
FitiîfiATiïs ; l/Amphitrite, comm. Le Serec; l'Aréthuse, comm. do Moges;
l'Artémise, connu, Cosmao-Dumanoir ; la Belle Gabrielle, comm. Laurens
doCuoisy; la Bellonc, comm. Gallois ; la Cybèlc, comm. RobiUard; la Circé,
comm. Rigodit; la[Bidon, comm. do Villcneuve-Bargomont ; la Biwhesse-de-
lierry, comm. de Kerdrain ; l'IIerminie, comm, Leblanc} l'Jphigénie, comm.
Christy de la Pallièro; la Jeunne-d'Are, connu. Lettré; la Magicienne, comm.
Bégué; la Médée, comm, dePlontys; la Melpomène, comm. Lanutrche; laMa-
rie-Thérèse,-comtiu Billard; la Guerrière, comm. Rahaudy; la Patlas, comm.
de ForSiinis; la Proserjùne, comm. do Rcverseaux; la Surveillante, comm.
Trotel; la Sirène,-mima, Massicu de Clerval ; la Thémis, comm. Legoaranl
de Tromclin ; la Thétis, comm, Leiiiohie; la Vénus, comm. Russel de Bedfort.
COUVRÎTES Î f'Adour, comm. Lemaitrc; la Bayonnaise, comm, Ferrin ; la
Jhmite, comm. Pnrnujon; la Cornétie, comm. Savy de Monldiol ; la Cara-
vane, connu. Dcnys; la Créole, comm, de Pêronné, et montée par M. Hu-
gon, commandant supérieur de la llottille ; la Bordogne, connu. Mathieu; VÈ~
cita, comm. Groeb; le Lybio, connu. Cosle; iOrythie, comm. Luneau ; la
Perle, comm. Villeueau; le Hltùne, comm. Febvrier-Despointcs ; le Tarn,
comm. Fleurine de Lagarde ; la Victorieuse, connu, Guérin des Essarts.
BIUCKS i L'Actéon, comm, Hamelin; ïAdonis, comm, Huguet; l'Alacrify,
connu. Laine; l'Alcibiude, comm, Garnier; l'Alsacienne, comm. DanetCléry ;
l'Aventure, connu. d'Assiguy ; l'Alerte, eoimn. Andréa de Nerciat ; la Badine,
connu. Guindet; la Cigogne, comm, Barbier; la Comète, comm. Ricard; la
Cuirassier, connu, de la Rouvraye; la Capricieuse, connu, Brindjone Tréglodé ;
le Cygne, comm. Ronger; le Bragon, comm, Leblanc ; led'Assas, comm. Pu-
jol; le Bucouédic, connu, Guy de Taradcl; T.fùidymion) connu, Nmmy; l'Bu-
ryalc, comm. Parsoval ; te faune, comm. Couhittc; te Griffon, comme Dttpetit-
Thouars ; le Hussard, comm.Thoulon; le Lézard, comm. Ilerpin de Frémont;
le Lynx, comm.'Armand ; te Basé, conim. Jouglas; lo Silène, comm, Brual ;
le Voltigeur, connu, Ropert; le Zèbre, comm. Le Férec.
GoRLimiis ; La Baphné, comm, Robert Dubreuil ; l'Iris, comm, Guérin,
BoMiiAiiDiis : L'Acltéron, comm, Lévèquc; le Cyelope, comm, T'exier; la
Dore, comm, Long; le Finistère^ comm, Rolland; l'Bécla, comm, Ollivier; le
Vésuve, comm, Mollet i le Volcan, comm. Brait; le Vuknin, comm. Biiudin.
GAIIAWIÎS Î L'Africaine, connu, Lautier; l'Astrolabe, connu, Verninac de
Saint-Maur; le Bayonmtis, comm, Lefebvre d'Abancotirt; te Chameau, comm,
Cotideln ; la Désirée, connu, Datinae ; la Garonne, comm, Aubry de la Noé; ta
LIVRE PREMIER. 27
Lamproie, comm. Dussaut', te Marsouin, comm. de Forget ; le Bobuste, comm,
Delassaux ; la Truite, comm, Miègeville; ta Vigogne i comm, deSercey.
BATEAUX A vAPiîim Le Coureur, comm, Lugeol; le Nageur, comm. Lou-
',

vrier; le Pélican, comm. Janvier; 'te, Bapide, comm. Gatier; le Souffleur,


comm. Grandjean de Fouchy y le Sphinx, comm. Sarlat ; ta Ville du Jfavre,
comm. Turiault.
Les choix des généraux commandant les troupes furent aussi bons (pic possi-
ble ''. Si quelques-uns n'inspiraient pas d'abord une parfaite confiance, si cer-
tains noms se recommandaient plus parleur fortune de courtisan que parles
services du passé, tous, par leur belle conduite, se montrèrent dignes de l'année.
M, de Bourmont devait à la faveur du Dauphin le commandement en chef
de l'expédition ; et si des préventions regrettables existaient dans l'opinion pu-
blique contre cet officier général, il sut prendre une glorieuse revanche. Son
état-major fut composé de MM. le lieutenant général Desprez, chef d'état major
général ; Tholozé, maréchal de camp, sous-chef; Denniée, intendant on chef;
Fil'ino, payeur général et commissaire des postes,
Lo vice-amiral Dupcrrê ?' fut placé à la tète de la flotte, partagée en trois es-
cadres qui portaient les divisions et l'artillerie, eUuivie d'un convoi en trois flo-
tiltes, chargé du matériel et des transports.
tin conseil d'amirauté avait été investi du soin d'examiner les plans d'opéra-
tions. Le gouvernement ne possédait, à cet égard, d'autres documents que les
rapports du colonel du.génie Boutin, qui avait fait autrefois, par ordre de l'em-
pereur» une rçconnaissaiicc détaillée des côtes barbaresques. Un seul membre du
conseil persista dans un avis contraire à l'expédition ; ce fut M. Dupcrrê, qui
rappelait tristement les désastres de Charles-Quint et d'Q'Rcilty, commentait de
toutes manières la fameuse phrase de Salluste : Mare stovum, importnosnm ;l,
et concluait qu'aux difficultés de l'atterrage il faudraitjoindre un temps énorme,
quinze jours peut-être, pour débarquer les troupes, etunmois pour le matériel;
Ce sentiment d'opposition refroidissait singulièrement l'enthousiasme du con-
seil; et la réputation de savoir et d'expérience consommés,, dont s'illustrait le
vice-amiral, allait prévaloir sur l'honneur du drapeau, lorsque M. de Bour-
mont no put s'empêcher de dire, en présence du roi et de tous les ministres :
« H est bien fâcheux pour.la dignité nationale de voir, eu 1830, la marine
française reculer devant une entreprise.'qui n'effraya point la marine espagnole
en 1541. .Comment so fait-il que Doria ait exécuté en quelques heures un dé-
barquement pour lequel M, Duperré demande six semaines? Je supplie Votre
Majesté de faire donner l'ordre à son ambassadeurà Madrid de rechercher, dans

t Le général lletthézèuo, dont les états do service datent du slcye do Toulon, avait conqiilH lotis ses
grndo» à la pointe do l'épéo. M.-it.es Lovordo, h nul nous devons d'excellentes études sur l'Afrique septen-
trionale, s'était distingué dans lus guerres do la républti[Ue ot do l'oinpiro, M. lu due d'I'isears n'avait, dit-
oit, Jamais fait lu e,uorro; mais c'était «u hoiniuo du («lus honorable caractère, fort instruit, et dont lu bra-
voure, la liante iiitelll|.;oueo, autant ipie ses qualités personnelles,justlllèrent co que lu naissance et la faveur
avalent fait pour lui. Les génértniN: du i,s Hltto ut Vahiné, coumiaudant l'urtlllorlu et lu génie, sont doux
ofllelurs du mérite lu tnli'itxéprotivé.
2 M, buperré Jouissait d'une belle réputation parmi les inurins. Il avait plus d'une fols combattu fclo*
rloiiseineut les Aurais, sur nos cotes et dans ics mors de l'Inde» et, ui\ M'J, Il avait déployé mm remar-
quable habileté pour mettre i'Adrlallqun dans un élut de défoime Impo-cml.
''* Sulliist.. ,/W/i/rMtr, cap. -xvti.
.
28 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
les archivés de l'Escurial, tous les renseignements qui pourront nous éclairer
sur les moyens employés par Doria dans l'expédition de Charles-Quint, et sur
ceux qu'employaCastéjon, dans celle d'O'Rcilly en 1773,' car il est bien prouvé
que ces deux expéditions n'ont échoué quo par le défaut de prudence, de con-
duite et d'habileté des généraux, et non par les obstacles et les dangers de la
mer L » Le conseil, roppelé à un examen plus attentif des difficultés présentées
par M. Duperré, reconnut que la plupart n'étaient qu'idéales, et les autres fort
exagérées. Mais on ne pouvait suspecter la bonne foi du vice-amiral, et le mi-
nistre de la guerre, assuré de sa prudence, insista pour qu'il fût chargé de con-
duire la flotte. Malheureusement, comme on le verra bientôt, M, Duperré sem-
bla garder rancune à M. de Bourmont du petit échec qu'avait subi son amour-
propre.
Le Dauphin, dans les premiers jours de mai, vint lui-même passer la revue
de l'armée, et, après diverses manoeuvres d'essai, faites en présence de ce
prince, et dont l'intelligence attestait l'excellente instruction des troupes de
toutes armes, l'expédition mit a la voile le 25, a deux heures après midi, Des
milliers de curieux couvraient les collines qui bordent la rade de Toulon, et sa-
luaient avec des cris de joie le départ majestueux de cette croisade moderne, A
sept heures du soir, la flotte avait gagné la pleine mer et voguait sur trois li-
gnes; lo corps de bataille au centre, l'escadre de réserve à droite, et le convoi
sur la gauche. Les bâtiments de transport ne devaient partir que deux jours
plus tard, et lo rendez-vous général était fixé au cap Caxines, à l'ouest d'Alger.
M. do Bourmont occupait une simple cabine à bord de la Provence, que mon-
tait lo vice-amiral. Tous deux vivaient sur le pied d'une politesse froide et céré-
monieuse, n'ayant de rapports que ceux du service, et do courtes promenades
sur la dunette; la musique militaire épargnait, à table» les frais d'une conver-
sation que rendait difficile la mésintelligence des chefs de l'expédition. «Les
préoccupations do M. do Bourmont, dit un témoin oculaire, les habitudes brus-
ques et impatientes de M, Duperré» le ton tranchant et sentencieux du général
Desprcz, chef d'état-major» l'incohérente loquacité do l'intendant Denniêo» n'é-
taient pas faits pour répandre beaucoup do charme sur cette réunion. Si l'on
ajoute à cela de petites rivalités de position, et la monotonie do la vie de bord,
on no sera pas surpris que chacun des convives désirât vivement être rendu à
son indépendance relative. Quoique, parmi les officiers de ta Provence et de Té-
tat-major général» on trouvât bon nombre do gens d'esprit» l'étiquette de ce
vaisseau était si vétilleuse, si tracassibre» qu'on peut assurer» sans crainte d'être
démenti par personne, que le séjour en était fort insipide, et qu'on puyaitpar
trop d'ennui l'honneur d'être placé sous le pavillon amiral 2. »

1 Anecdotes politiques cl mitUttirtt sur l'expéditiond'Afrique en 1B30, par U. Merle, secrétaire parti-*
eullor du génériil on chef, p, 12,
a Lo Bplrltuel historiographe qui accompagna M, do llourmont écrivait, quelques mois plus tard, nvee
cette von'o caustique que nous lui connaissons s « J'ui suivi l'armée, sans autre but que celui do voir) aucun
calcul d'Intérêt ot d'ambition no m'a fait entreprendra co voyage, quojo puis dire avoir fuit en dupe; im
pouvant avoir part, ni aux honneurs do lu victoire, ni aux bénéfices do la conquête j mais, connna l^aro, J'ai
voulu au moins du plaisir otijo lie trouvais pus de profit, et jo tuo fculs convaincu qu'il y avait plus de co-
médie dans une jouméd du quartier général, qu'il ii.e s'en fuit on un an daim qilntru théâtres royaux, »
Quelques années aptes, un autre écrivain, qui pronslt les choses avec moins do philosophie, s'était chargé
d'aller en A,frlqtio préparer,dans l'intimité d'nu célôbro guerrier, l'histoire do son gouvernement. Ce Quinte-.
LIVRE PREMIER. 5>u

Le 20, dé grand matin» on signala, au sud-est, une frégate turque, accompagnée


de la frégate française la Buchesse-dc-IJerry; ce navire portait Tahir-Pacha,
grand amiral de la Porte. Cet agent supérieur avait reçu mission de se rendre
auprès du dey Hussein, pour l'amener, s'il se pouvait, à un arrangement pacifi-
que ; mais les règles du blocus ne lui ayant pas permis de pénétrer dans le port
d'Alger, il se rendit à Toulon, après une entrevue de trois heures avec M. Du-
perré, à bord de la Provence,
Le .20, vers midi, on arrivait à la hauteur des Baléares, et le 30, à
onze heures, les communications s'établissaient avec l'escadre de blocus,
en vue des côtes d'Afrique. Les troupes de terre et de mer étaient animées
du meilleur esprit, Malgré lo défaut d'air et d'espace, malgré l'encom-
brement des navires, on comptait à peine quatre-vingts malades. Tout le
monde rappelait a l'envi nos journées de gloire; les grands noms des
Pyramides et d'Méliopolis étaient de magiques talismans qui faisaient vibrer
toutes les imaginations. Jamais entreprise ne s'était annoncée sous de plus heu-
reux présages. Nos jeunes soldats brûlaient de venger le malheur arrivé à deux
bâtiments faisant partie de l'escadre de blocus. Dans la nuit du 14 au if> mai, le
brick l'Aventure, commande par M. d'Assigny, qui courait en croisière sur les
côtes pour surveiller les mouvements de l'ennemi, avait été jeté par la grosse mer
sur les bas fonds du cap Bengut. Le brick te Silène, commandé par M. Briiat,
et venant de Mahoii avec des dépêches, subit le mémo sort dans la journée
ditl a, Les équipages de ces navires, faits prisonniers par les Kebaïles des envi-
rons (léDollys, avaient été pillés et en partie massacrés. On porta leurs têtes san-
glantes à Alger; ceux qui survécurent furent traînés dans les bagnes du dey,
d'où ils ne sortirent qu'à la prise de la ville., Leurs braves officiers, que les con-
suls d'Angleterre et de Sardaigne voulaient réclamer, refusèrent de séparer leur
sort de celui des marins. La nouvelle de ces cruautés, apportée par la frégate
i'rançaise/rt Bucttesse-de-Berry, exalta l'indignation de l'armée, Un seul homme,
au milieu de cet élan patriotique, parodiait, par son attitude muette et sombre,
les sinistres prédictions de Cassandre; mais ce n'était pas M. de Bourmont.
Tout à coup, commença une suite de manoeuvres contradictoires, qui furent
une énigme pour toute l'armée, "L'amiral fit virer de bord, puis revenir, puis
mettre en panne. Le 31, à trois heures du malin, la flotte se trouvait à cinq
lieues du cap Caxilics, et l'ordre fut donné de rebrousser chemin, Les marins
interrogés s'efforçaient de justifier la conduite de leur chef, sans pouvoir se l'ex-
pliquer ; on apprit plus tard quo la marche du convoi avait été si mal réglée,
qu'une partie s'était égarée en route, et que les bateaux do débarquement nous
manquaient,
Le. i«i juin, l'amiral retourna subitement du côté do Palnui» tandis que les

CurceImprovisé avait la tnuniu dangereuse dodlseutur avec son Alexandre, qui n'épargnait pas aux 11011111101
du lu prosco les épithètus les plus,,, défobllgeatltos. Un soir, ait retour d'une expédition dalis laquelle II
itvult eu l'honneur de prendre su fart de glorieux dangcri, Quinte -durée pensa que le baptême de feu devait
l'ttirrunchir du ces boutade», furieuses qui devenaient presque des personnalités, car elles éclataient sous Us
yeux des ofllciei's.supérieursde l'aimée Il osa s'en plaindre respectueusement, « Monsieur, lut répondit
Alexandre, Je votis lierai comme une.carotte de tabac, ut jo vous ferai porter au fort l'Mmpereur !»
Les petites anecdotes ne sont pas do l'histoire, mais elles jioiivoht quelquefois servir de pièces Justificatives,
« Le style, disait M. de liiiil'uu, c'est tout l'homme. »
30 l/AFRIOUE FRANÇAISE.
bateaux-ba'iifs,qu'il croyait dispersés, se ralliaient déjà au rendez-vous général,
dans les eaux de Sidi-Ferriich, Cette déplorable promenade dura onze jours,
pendant lesquels le général en chef regrettait, avec amertume, la perte d'un
temps précieux, et des indécisions qui pouvaient si gravement compromettre le
succès do notre entreprise, en laissant à l'ennemi tout le loisir do compléter son
système de défense, Les officiers de l'armée de terre s'égaraient en conjectures
de tonte sorte : —la rencontre do Tahir-Paeha, la mission de ce personnage,
dont le secret avait peut-être été gardé par M. Duperré, devaient-elles suspendre
nos opérations jusqu'à nouvel ordre du gouvernement? <— l'Angleterre inquiète
serait-elle intervenue dans nos débats?
— Au lieu des pirates d'Alger, aurait-on
bientôt une flotte britannique à combattre?
— Ou pout-être, et c'était le pire,
faudrait-il amener notre pavillon devant des intrigues de cabinet?
Enfin, le o juin, l'armée reprit sa marche; les généraux furent convoqués à
un conseil de guerre sur la frégate l'Aréthuse, où s'était rendu M. do Bour-
mont, On y arrêta les mesures à prendre pour le débarquement. La journée du
12 fut entièrement passée h louvoyer sur les côtes; mais le 13, à six heures du
matin, l'escadre do bataille se forma sur une seule ligne, et la Provence
mouilla, vers midi, devant Sidi-Forruch, à deux cent cinquante toises de terre,
Le général en chef oublia dès lors les désagréments d'une traversée dont les
lenteurs et les fautes semblaient accuser un mauvais vouloir inexplicable, mais
dont lo silence obstiné, ou les réponses évasives de l'amiral à toutes ses ques-
tions, augmentaientla probabilité; car, depuis l'apparition de la flotte en vue des
côtes d'Afrique, le vent avait été constamment bon K Toutefois, M, do Bour-
mont avait su, par un admirable esprit de ménagement, conserver un calme
sloïquo, et prévenir les chances d'une funeste division entre la marine et l'ar-
mée de terre ; car une ordonnanoeroyale l'autorisait à prendre le commandement
supérieur de la flotte, si l'intérêt dé l'État lui semblait l'exiger ; il était porteur
de cette ordonnance et d'une lettre du ministre de la marine, M. d'Haussez, qui
devait, dans le cas prévu, mais dont M, Bourmont était soûl juge, faire connaître
à l'amiral, les intentions du roi 2, Lo général en chef n'usa'point de cette prérov
gative, qui ne fut révélée qu'après la révolution de juillet ; et, quelques jours plus'
tard, pour prix de sa noble conduite, eii échange d'une victoire immortelle»
l'amiral Duperré lui refusait un bâtiment pour gagner en proscrit la terre étran-
gère ; et certaines gens, pour faire lâchement leur cour au nouveau règne, lui
contestaient à Paris le titre de Maréchal de France, acquis sur le champ dé ba-
taille teint du sang d'un de ses fils, et conféré par Charles X dans la plénitude'
de son pouvoir. '
Dans la nuit du 13 au 14 juin, lainer était calme, lé ciel pur, l'air embaumé
dos senteurs dé la terre ; Té débarquement s'effeetua sans bruit, dans un ordre
parfait. Cette opération, pour laquelle M, Duperré avait demandé quinze jours,
no coûta que quelques heures,
Le promontoire de Sidi-Fcrruch est une langue de sable, hérissée d'épaisses

i Dix-huit mois A Alger, par le lieutenant général Berthézene, p. 87."


a Voyez les Mémoires d'un officier d'élal-major, par Harcliou de Penhoori, aide de camp du général Her«
tliézÈno j — l'Algérie ancienne et moderne, par Léon Gallbert, p. 201 j — Journal delà campagne d'A»
frique, \wx Je général Dcsprez, chef d'étnt-major général. Pnrjs, 1831.
LIVRE PREMIER. 51

broussailles, qui s'avance à une demi-lieue dans la mer, où elle plonge tout à
coup ses falaises escarpées, Cette pointe relevée est couronnée par un plateau
qui porte un marabout, nommé Torre-Chica (la petite tour) ; le nom de Sidi-
Ferrueh lui vient du personnage vénéré dont les cendres reposent en cet en-
droit L La mer creuse, de ehaque côté, deux baies peu profondes, dont la plage
unie offre un facile accès ; l'armée prit terre par celle de l'ouest, A partir de ce
point jusqu'à deux lieues, le sol n'est accidente que par do faibles ondulations,
couvertes de bruyères, mais qui forment trois plans, l.e premier, jusqu'au plateau
do Staouéli, sillonné par des ravins peu profonds, n'offre'.que- de rareti cultures,
qui disparaissent bientôt ; des filets d'oau l'arrosent à fleur de terre. Le second
voit succéder aux broussailles épineuses un immense tapis de palmiers nains»
d'où s'élancent çà et là des mûriers, des oliviers, des lentisques et quelques
orangers, A une lieue plus loin, trois ou quatre chétives maisons prennent le
nom de Sidi-Kalef; Je terroir, bien arrosé, sort de pacage aux troupeaux des
Arabes, et s'étend jusqu'aux collines de Rou-Zariab, eu traversant les prairies
d'El-Biar. Le Bou-Zariah, tranché par des vallées profondes, commence-'un'
massif do hauteurs boisées, auquel s'adosse Alger du côté de la mer, et qui,
borné, à l'est et au nord, par la Méditerranée, à l'ouest par le lit duMaznfran,
est séparé, au sud, do la grande plaine de Métidjah, parles pentes du Saltel '•*,
Ou s'attendait à trouver sur la côte une énergique résistance; car la flotte
avait défilé devant les batteries d'Alger, dont le silence faisait penser que toutes
les forces ennemies nous disputeraient» pied à pied, le point de débarquement, Et
cependant, la solitude régnait à Sidi-Ferruch; une batterie, construite en avant
du marabout, se trouvait désarmée; une autre, placée un pou plus loin, mais
masquée par des dunes, nous lança quelques bombes, et s'éteignit sous le feu
du bateau à vapeur le Nageur,
A trois heures du matin, la première division, ralliée à l'ouest du tombeau de
Sidi-Ferrueh, se forma en colonnes serrées. La brigade Poret de Morvan, et la
brigade Achard, marchèrent à l'ennemi, taudis que la brigade Clouët s'avançait
pour les soutenir avec les canons déjà mis à terre. Les Turcs, au lieu de dé-
fendre les falaises de Sidi-Ferruch, où leur artillerie aurait pu nous arrêter
longtemps, occupaient, en arrière de la presqu'île, une position couverte par trois
batteries, et qu'il fallait aborder eh traversant une plaine encombrée de buissons,
Le feu s'engage, et les boulets -prouvent sur nos colonnes, où ils font de larges
trouées: mais bientôt les deux premières brigades tournent la position, prennent
les batteries à revers, les enlèvent avec vigueur, et s'y établissent. L'ennemi fil
retraite en tiraillant, jusqu'à la nuit, et recula sur le plateau de Slaouëli. Nos
pertes ne furent que de trente-quatre morts, et cent vingt-huit blessés.

1 L'Afrique est couverte, comme tous les pays musulmans, do ces construction*- pieuses qui tirent leur
nom des saints (le l'Islum ot des marabouts ou religieux qui veillent sur leurs tombeaux,-La petite mosquée
où sn trouve la sépulture do Sidi-Ferruch est entouréo d'une cour sur laquelle s'ouvrent dos cellules desti-
nées aux pèlerins. A quelque disienco, on trouve plusieurs citernes,
2 Vmir no point ralentir In marche desfaits historiques, nous avons cru devoir rcnvoyir'.u UVRI: iiHU.MÈMK
de cet ouvrage tous les détails descriptifs qui concernent Alger, lus autres villes du Moghreb, les moeurs des
indigènes et l'aspect général du territoire conquis, L'expédition française abordant un sol Inconnu, nous
avons procédé comme elle j puis il nous a soniblii nécessaire, pour éclairer les événements qui.suivront lu
prise d'Aller, do tracer immédiatement nprès, à vol d'oiseau, la physionomie du pays fol qu'il est connu
maintenant, en yjoifîitanl les découvertes que In savant colonel Uaninns vient de pousser dans le Sahara,
;33 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
Pendant que la division Berthézène obtenait ce succès, la seconde achevait
son débarquement, et se portait on réserve derrière nos combattants, Lo bivouac
s'établit sur la presqu'île, où la troisième division reçut ordre de commencer les
travaux d'un camp retranché, pour abriter le matériel et les ambulances de
"Vannée,
Un violent orage, qui éclata le 40, vers les neuf heures du matin, causa un
grand désordre dans la flotte, et quelques petits bâtiments furent brisés sur les
rochers, On se souvint,, avec-terreur, du désastre de Charles-Quint, et l'on put
craindre que les Turcs ne profitassent de ce moment pour lancer leur cavalerie
;

sur notre camp sans défense, Mais, vers le soir, une éclaircie ramena la con-
fiance; un Arabe se présenta, pour la première fois, aux avant-postes de la
indivision; il venait s'informer des dispositions des Français à l'égard de sa
nation, On l'accueillit avec mie encourageante bienveillance, et il partit le len-
demain pour porter uses compatriotesdes nouvelles pacifiques; —mais les Turcs
l'arrêtèrent et le firent périr,
La journée du 17 se passa sans autres épisodes que quelques engagements de
tirailleurs, et nous apercevions les travailleurs turcs occupés a construire des
batteries sur le plateau de Staouëli, L'intention du général en chef était de ne
se porter en avant qu'après avoir mis son camp retranché a l'abri de toute sur-
prise, L'ennemi prit ces délais pour un signe de faiblesse, et» dans la soirée du
18, des transfuges arabes donnèrent avis au général Berthézèno que toutes les
forces musulmanes attaqueraient les Français le lendemain, au point du jour.
On avait profité dé ces rapports fugitifs avec quelques indigènes pour répan-
dre une masse de proclamations rédigées en Fronce ; ces bulletins annonçaient
que l'expédition d'Afrique n'avait d'autre but que de venger l'outrage fait à notre
pavillon.
L'un d'eux était coneu en ces termes :
«Nous Français, vos amis, parlons pour Alger, Nous allons en chasser les
Turcs, vos tyrans, qui vous persécutent, qui vous volent vos biens et les pro-
duits de vos terres, 'qui ne cessent de menacer vos vies, Nous ne conquérons
pas la ville pour on demeurer maîtres, Soyez unis à nous, soyoz dignes de notre
protection, et vous régnerez, comme autrefois, dans voire pays, maîtres indépen-
dants de votre sol, »
M, de Bourmont en adressa un autre aux habitants d'Alger :
« Quant a vous, leur
disait-il, habitants des tribus et des villes, sachez que
jo ne viens pas pour troubler votre sol et pour vous faire la guerre. Notre pré-
sence sur votre territoire n'est pas pour faire la guerre à vous, mais seulement
à la personne de votre pacha, qui, par ses procédés, est cause qu'il est persé-
cuté ; par ses aetes, bientôt tous vos biens auraient été pillés, vos personnes ex-
terminées et vôtre pays,entièrement ruiné, Abandonnez votre pacha pour suivre
nos sages conseils» qui né tendent qu'à vous rendre heureux, »
Nous ne pouvons faire un crime aux Arabes de s'être unis a leurs coreligion-
naires pour nous résister, L'insuccès ou la stérilité des anciennes expéditions
espagnoles, danoises, anglaises et françaises leur permettait d'espérer que celle-
ci ne prétendrait pas à l'occupation du pays. Aussi les auxiliaires de là milice
turque ne furent-ils composés que des tribus les (dus immédiatement placées
LIVRE PREMIER, 55
sous le joug dé la terreur et de la dépendance, Après la chute de leurs oppresseurs,
ils firent les premières démarches pour une paix fondée sur les intérêts de l'ave-
nir. S'ils avaient pu prévoir le mal que leur causeraient quinze ans de ravage
effréné, au lieu de vingt millo adversaires, dont six à huit mille Turcs, nous
eussions trouvé toute l'Algérie en armes sur ses grèves, et dans les luttes déses-
pérées, Dieu seul est le juge du camp, Nous ne pouvons donc nous associer au sys-
tème actuel de certains hommes qui, faisant gloire et métier de tuer, nous don-
neraient tort aujourd'hui; dévoués à l'honneur de la France, nous ne le faisons
pas consister en de farouchesVxcès, L'heure vient, où le bras se lasso et faiblit ;
quand le sabre tombe, la conscience se lève; le sentiment national accuse do
Irop fatales erreurs, et l'histoire no peut les absoudre,
La milice turque et les contingents arabes des provinces d'Alger et d'Oran,
sous les ordres de Mustapha, bey deTitteri, so trouvaient rassemblés à Staoucii,
Quatre à cinq cents cavaliers du bey de Constnntine s'étaient portés sur la rive
droite du Haratch, au sud-est d'Alger, pour y attendre les événements.
L'agha des janissaires, Ibrahim, gendre du dey, commandait en chef toutes
les troupes de la régence; c'était un homme d'un beau courage personnel, mais
sans capacité militaire, 11 avait pu apprendre, comme le dey, par les consuls
étrangers, que les journauxde France tenaient au courant de tous les préparatifs,
notre projet de débarquer à Sidi-Ferruch ; mais, craignant d'être abusé par une
ruse de guerre, il avait établi d'abord son quartier-général à la Maison-Carrée, et
pensé «pie la rade d'Alger serait notre point d'opération, comme elle avait été celui
de Charles-Quint. Hussein-Pacha, loin de supposer qu'un débarquement fût dan-
gereux pour lui, comptait nous écraser, en nous attirant dans les ravins du Sahel;
ces fausses mesures, cette imprévision,jointes aune ignorance absolue de la tac-
tique européenne, ne diminuent en rien la gloire do nos jeunes soldats,
Dans les -guerres continentales, deux armées sont on présence : le suecès ou la
défaite résulte d'un jeu de combinaisons savantes; la bravoure individuelle y
.sert moins que l'habileté des manaun ces, En Afrique, suivant la pittoresque
expression de M, Bugeaud, une armée est dans la situation d'un taureau assailli
par une multitude de guêpes. Il n'y a pas de grandes batailles à livrer, mais
des combats sans trêve, et des luttes corps à corps; point de clef d'une contrée,
point de ces positions qui commandent au loin le pays, militairement parlant.
Les Turcs nous opposèrent une résistance compacte; mais ils étaient en petit
nombre, et vinrent expirer dans nos rangs, Quant aux Arabes, ils nous firent
une guerre de partisans meurtrière, et nous dûmes reconnnitre tout d'abord quo
l'art stratégique d'Europe est à peu près impuissant contre leur système d'atta-
ques irrégulières, imprévues, incessantes. « On ne tourne pas les Arabes, tous
les points de l'horizon leur sont indifférents; on ne s'empare pas de leurs lignes
de communications, tons les chemins leur sont bons ; on ne menace pas leurs
dépôts, m le siège de leur gouvernement; le coeur de leur puissance est aussi
mobile que bur camp. Les talents des plus grands généraux, concentrés en un
seul, ne forceraient pas les Arabes a combattre quand ils n'en ont pas l'inten-
tion : rien ne les oblige à vous attendre'. »

l Lettre du général Bugeaud, insérée dans le


' '

.
Courierfiançais du U février 18118.
,
S ':
ai L'AFUtOLE.FRA.NÇArSE,
Le vigoureux engagement dé Sidi-Ferruch et. ta retrait»» précipitée de l'ennemi
avaient.donne, à l'armée une eonflauce de bon augure; l'affaire générale de
Statméd devait.ta rendre invincible,
Pendant la nuit du LS au 41» juin, les Arabes auxiliaires avaient profilé des té-
nèbres pour s'approcher sans bruit, pas à pas, de broussaille eu broussaifle, jus-
qu'à portée de nos avant-postes, Au point du jour, un coup, .do canon» lirédu
camp'd'Ibrahim, donna le signal ; d'innombrables tirailleurs se levèrent, comme
des fantômes, de tons les plis du sol, cl firent une première décharge, Aussitôt,-la.
milice turque descendit tfu plateau, et, se couvrant d'une ligne de l'eu, protégée,
eii''outre,' par un .épais brouillard qui masquait-son- mouvement, se précipita
avec furie vers la gauche de nos bivouacs,..occupée par lé :,\Vy de ligne, La bri-
gade Clonet fut aussi abordée avec vigueur? le colonel Meunier, du 28°de ligne,
blessé à la tète de sou régiment, né quitta point le champ de bataillé; la brigade
d'Areine appuyases:clforts, et toutes deux parvinrent à repousser les assaillants,
que caiioiinaiéut à revers deux bricks enibossés près du rivage, L'agha Ibrahim
dirigeait en personne cet le atlatpie, dont le succès, d'après ses plans, devait
nous refouler vers la mer. Le premier ehoe fut mortel pour bien des braves;
mais nos troupes ne perdirent pas un pouce de lerraiu ; un nouveau combattant
prenait la place de chaque homme tombé, et les janissaires surpris, mais non
découragés, venaient expirer glorieusement sur nos baïonnettes. Après d'in-
croyables ellorls, l'ennemi repoussé fil retraite, selon sa tactique, dans laquelle
la fuite, même est encore m combat ; niais M, de Bourmont, considérant que son
matériel n'était pas entièrement débarqué, el (pie leselie.\aux du train lui man-
quaient encore, jugeait imprudent de prendre l'offenshe avant d'être en mesure
de ne plus reculer,
Cependant la \ive fusillade de nos tirailleurs tenait les Turcs eu respect, sans
pouvoir, toutefois, empêcher le mal que nous faisait leur artillerie. Les géuérauv,
Misant les soldats près de. fléchir sous la fatale immobilité à laquelle on les cou-
da muait, envoyèrent à Torre-Chica, prier le général en ehefde venir étudier lui-
même les difficultés do leur situation. M. de limirmonl, qui n'avait pas pensé
qucl'afiaire pût deveniraussi sérieuse, accourut du quartier général au galop, et lit
avancer l'année, en uiauieuvranl par échelons d'un régiment eu colonne serrée.
L'énergie des Français décida aussitôt la victoire : pendant que le général La
Mille détruisait le feu de la grande redoute des Turcs, la brigade Achard enleva
cette position au pas de course, et, franchissant, lo camp d'Ibrahim, poursuivit
les fuyards jusqu'à Sidi-Mialef, à plus d'une lieue, Trois mille Africains resté-
reut sur la place; les munitions, l'artillerie, les bagages et le trésor de Tagha
tombèrent en notre pouvoir, el nous ne perdîmes (pie six cents hommes, tant
Inès que blessés, L'armée triomphante occupa le plateau de Slaoucli, el les dé-
bris des Turcs se réfugièrent sous les murs d'Alger.
Les résultats de cette brillante alfa ire jetèrent d'abord une profonde démora-
lisation parmi nos adversaires. Quelques jours s'écoulèrent sans qu'on les vil re-
paraître; on apprit, par de nouveaux transfuges, qu'Ibrahim s'ëtnil caché dans
une maison de campagne du Saliel, n'osant ni se montrer aux regards dit dey,
ni tenter une revanche avec des troupes découragées. Le général en chef mit
a
profil ces moments de ti'éve pour assurer ses derrières, eu attendant que l'an'i-
LIVRE PREMIER. dVi
vée de tout son matériel lui permit d'attaquer à son tour. Pondant ces délais (or-
ées, les travaux de Sidi-Ferruch, poussés avec vigueur, furent achevés lé 24 juin ;
ils se formaient d'une ligne hast ionnée qui séparait le promontoire du continent;
et des redoutes, armées uvee les pièces prises aux Turcs, couvrirent les com-
munications entre la mer et Staouëli.
Lé même jour, les Musulmans ralliés revinrent à la charge, La division Ber-
thezène, la brigade Damrémout et nos escadrons de chasseurs les refoulèrent
jusque sur les pentes du Ilou-Zariah, à une lieue d'Alger, Ce combat reçut le
nom doSidi-Khalef; un des fils du comte de Bourmont, lieutenant de grenadiers
au 38e de ligne, y fut mortellement blessé. Le général en chef écrivit au prési-
dent du Conseil : « La plupart des pères de ceux 'qui. ont versé leur sang pour
la patrie seront plus heureux que moi : le second de mes fils vient de succomber,
L'armée perd un brave soldat; je pleure un excellent fils I »—L'histoire doit gar-
der l'expression modeste et touchante d'une si grande douleur,
Jusqu'au 21» juin, l'armée n'eut à soutenir que des combats partiels et sans
importance; c'étaient des engagements de tirailleurs, qui commençaient avec le
jour, et ii(5 finissaient qu'au soleil couché, Les compagnies, chargées de faire le
coup do feu, se relevaient de trois en trois heures, Les Arabes, sans cesse cou-
verts par les accidents d'un terrain parfaitement connu, tentèrent quelques sur-
prises qui nous coûtèrent des pertes assez considérables, Le 28, deux .détache-
ments du 35' de ligne, s'étant lancés à la poursuite de l'ennemi, revinrent fort
maltraités; et, le même jour, l'imprudence d'un chef de bataillon du 4e léger, qui
avait permis à tout son monde de nettoyer les armes en même temps, nous fit
sabrer cent cinquante hommes; et sans le secours des troupes voisines, tout ce
bataillon eut été détruit,
Après le mauvais succès du combat deSidi-Khalef, le dey d'Alger avait retiré
le commandement à son gendre Ibrahim, pour le confier à Mustapha-bou-Mez-
rag, bey de Titteri, Le muphty venait aussi de recevoir l'ordre de prêcher aux
Arabes la guerre sainte; mais ce général improvisé, fort embarrassé de son'
nouveau rôle, excita peu d'enthousiasme, et ne réunit guère de partisans, Les
Arabes loissaicnt marcher les événements ; nos proclamations leur étaient con-
nues ; vainqueurs, nous leur inspirionsde la confiance; vaincus, nous devions
être pour eux une riche proie ; la fatalité, qui est leur dogme absolu, devait bientôt
décider la question, .•
Cependant, le 2ft, les derniers bâtiments du convoi arrivèrent à Sidi-Ferruch,
et leur débarquement s'opéra sans retard, Le camp fut placé sous la garde du
eolonel Léridant, avec, un bataillon du 48% auquel l'amiral Duperré adjoignit
quatorze cents marins. Toute nos forcés étaient donc disponibles pour l'investis-
sement d'Alger, dont nos avant-postes n'étaient plus éloignés que de cinq quarts,
dé lieue
L'ennemi, réduit à l'extrémité, s'appuyait encore au mont Bou-Zariah, au
sud-ouest d'Alger. Ce terrain, dont les pentes nord sont très-escarpées,est séparé
de la ville par d'immenses ravins ; ces difficultés du sol sont augmentées par une
multitude do haies, qui servent de limites et d'enceinte à des propriétés parti-
culières, La défense en est redoutable ; et cependant, lo 21), ait point du jour,
l'armée, après avoir franchi la vallée qui servait d'abri à la position des'Turcs,
m I/AFIUQFE FRANÇAISE,
escalada sans hésiter les hauteurs opposées, el fit une chargé à la baïonnette,
qui balaya toute résistance t les vaincus se retirèrent sous le canon de la place,
Les trois divisions françaises n'eurent plus guère à lutter (pic contre les obsta-
cles naturels du sol ; le plateau de Boii-Zariab fut occupé ; mais, dans la pour-
suite des fuyards, on eut à regretter des actes d'inutile cruauté ! quelques habi-
tants de la campagne, désarmés, furent égorgés dans leurs maisons ; des femmes
furent violées, puis massacrées, Funestes épisodes, communs à toutes les guer-
res, mais que nous avons, plus tard, trop malheureusement érigés en principe,
dans certaines expéditions sans fruit, et qui n'honorent personne,
Lorsque l'armée fut parvenue sur la crête du Bou-Zoriah, point d'où Von
aperçoit distinctement Alger, et lo fort l'Empereur qu'il fallait enlever avant de
pouvoir battre la ville, les ordres, mal donnes ou mal transmis, du chef d'étal-
major général, semèrent la confusion dnns les mouvements des colonnes, et la
journée se perdit en eontre-morches aventureuses, dont un ennemi plus habile
eût cruellement profité, Los soldats étaient accablés de fatigue; néanmoins, le gé-
néral Vnlazé reconnut, des le soir, les abords du fort l'Empereur; et comme les
murailles, sans glacis, ni chemin couvert, s'offraient de toute part au feu de notre
artillerie qui les dominait de tous côtés, on ouvrit la tranchée à ooo mètres.
Le fort rEmpereur, appelé par les Turcs Sultan-Kalassi, et par les Arabes
Bordj-Muloy-Hassan, forme un carré un peu allongé dii sud au nord ; ses murs
étaient flanqués de saillies servant de bastions ; la face, du eôté sud, était
armée d'une double enceinte en maçonnerie; une grosse tour s'élevait au centre
cl commandait ses approches.
Dix pièces de 24, partagées en deux batteries, furent destinées à ruiner la
face sud-ouest; six pièces de 1(1 furent braquées, à gauche, contre la face
nord-ouest; deux batteries d'obusiers et de mortiers devaient lancer des feux
courbes sur l'intérieur du fort, Le 30 juin, le feu de'la-place et la lassitude des
troupes ne permirent pas de donner une grande activité aux travaux de la tran-
chée. Le 1" juillet, les Turcs firent une sortie, et furent repoussés avec perte;
mais des nuées de tirailleurs arabes continuaient de harceler nos travailleurs.
Le 3, l'amiral Duperré sa porta devant la ville avec une partie de la flotte, et
canonna les forts, mais à une telle distance que les boulets ne produisirent au-
cun mal. L'état de la mer justifie peut-être cette prudence excessive ; mais un
autre amiral, en 184r>, redouta moins les parages, aussi dangereux et moins
connus, de Tanger et de Mogador.
Cotte vaine démonstration n'eut d'autre effet que de ranimer le courage des
Turcs, et l'amiral eut ta faiblesse de lui attribuer plus tard un peu trop d'impor-
tance *. Qu'on ne croie pas, au reste» qu'il entre dans notre pensée de déprécier

l Vétat de la mer fut sans doute ce qui empêcha M, Duperré do raser de plus pr'-s les fortificationsqu'il
paraissait vouloir combattre, et le força de tenir notre brave marine si fort éloignée de la position qu'avait
prise lord Iîxmoutli, en 1810. Cotte démonstration eut cependant pour rf-sultat de partager un peu l'atten-
tion de l'ennemi, ot d'encourager nos soldats, qui durent croire que ce grand bruit étuit suivi de quelque effet.
On sait, aujourd'hui, que le dégât causé aux fortifications d'Alger par la marine a été évalué u sept fraticu
cinquante centimes, Les prétentions de M. Duperré, qui croyait ou voulait faire croire qu'il avait puissam-
ment coopéré à la'roddition de la ville, n'étaient donc qu'une faiblesse affligeante dans un aussi éminent
personnage,{Annales algériennes, par E. l'cllissicr, capitaine au corps royal d'étnt-nmjor, ancien directeur
des affaires arabes h Alger, p. (iOoi Ol,| '.'.'-,
I.IVBE PBEMIEB n?
notre brave marine; nous déplorons seulement les entraves apportées, à cette
époque, par une singulière politique, à l'action d'une Hotte digne d'un autre |)u-
(|uosue, et du jeune prince qui l'a, récemment, illustrée.
Enfin, le 4 juillet, à quatre heures du matin, tous nos préparatifs étant faits,
les batteries commencèrent lour feu. Le général eu chef s'était posté sur la terrasse
du consulat d'Espagne, poursuivre l'attaque, juger et diriger ses résultais, Le
dey d'Alger, avee tous ses ministres, était debout sur les créneaux de la Kasbah,
Les Turcs, enfermés dans la ville, et les Arabes, disséminés dans In plaine, at-
tendaient avec anxiété l'issue de ce duel qui devait décider de tout un avenir.
L'arméo française, impatiente de cueillir son plus beau laurier, couvrait le*
hauteurs qui regardent Alger, Une brume sombre pesait sur le fort l'Empereur»'
et les premières décharges déchiraient au hasard les plis de co linceul; mais, à
six heures, le jour éclaira le champ clos, Le tir de nos .pièces fut rectifié, et de
part et d'autre grondait un effroyable tonnerre, Les artilleurs turcs, soutenus
par.le canon de la Kasbah et des Tagarins, nous opposèrent une défense héroï-
que;'mais bientôt une pluie de bombes, de boulets et d'obus s'abattit sur les
remparts de Muley-Hassau ; des murs entiers s'écroulaient, les affûts de l'en-
nemi volaient en éclats, et plus la ruine augmentait, plus notre feu gagnait
d'intensité, Deux mille hommes périrent à leur poste, dans cette enceinte où
chaque coup portait la mort ; le désordre et la révolte se mirent parmi le reste
des combattants, el les débris de eette brave garnison, réduits à l'impuissance,
voulaient aller mourir sous les portes de la ville qu'ils ne pouvaient plus proté-
ger 5 ils furent écrasés par l'artillerie de la Kasbah, que le dey fit braquer sur
eux. Deux drapeaux rouges flottaient encore aux angles du fort l'Empereur; un
nègre se montra deux fois sur les brèches, et les enleva l'un après l'autre, Il
était dix heures. Un moment de silence solennel plana sur les ruines qui panle-
laicnt de toutes parts ; et nos généraux, indécis, se consultaient sur les moyens
do pénétrer, sans exposer trop de monde, dans cette citadelle béante, dont les
flancs pouvaient reeéler des périls ignorés, quand une-explosion foudroyante fit
trembler le sol. Le château s'entr'ouvrit comme un volcan; une immense trombe
de poudre et de fumée, mêlée de membres humains, de cendres, d'éclats de
pierre et de bois, enveloppa l'atmosphère, qui resta longtemps obscurcie parties
flocons de laine, provenant des ballots dont les Turcs avaient matelassé les
brèches, Des canons de gros calibre furent lancés à d'énormes distances, et des
lambeaux sanglants se retrouvèrent jusque sur les terrasses et dans les rues
d'Alger. Lorsque cet affreux désastre cessa, le fort l'Empereur apparut comme
un vaste tombeau, et les Algériens pressentirent que la fatalité se déclarait con-
tre eux. Ils se souvinrent alors des vieilles prédictions de quelques marabouts,
annonçant qu'Alger la Guerrière serait un jour la proie de soldats francs, vêtus
de rouge Î —l'oracle funeste allait s'accomplir,
Le général Hurel s'empara aussitôt de ces décombres fumants, et fit taire,
avec quelques pièces, les canons inutiles du fort Bab-Azoun,. qui défendait encore
Alger vers le sud, au bord de la mer.
Cependant, le trouble régnait dans la ville, et les chefs de la. milice, soulevés
contre le dey, demandaient la paix à grands cris. Hussein, exalté par son 'mal-
heur, voulait s'ensevelir sous les ruines de la Kasbah; deux fois il s'élança, le
W LArBiQlE IIUNCAIHE,
pistolet à la main, pmirniétlrc le feu auv magasins de poudre que contenait cette
citadelle; et ses officiers curent graud'peitié à fléchir sa résolution désespérée,
Accueillant alors la pensée qu'il pouvait.encore-sauver sa puissance au prix
d'une humiliation passagère, il envoya sou secrétaire Mustapha, proposer a
M, de Bourmont des excuses pour le gouvernement français, et lo payement des
frais de la guerre. Lo général eu Chef reçut le parlementaire sur les débris du
fort l'Empereur,' et répondit qu'il n'accepterait de capitulation qu'on occupant la
ville, U était onze heures du matin. Vers une heure, deux Maures influents,
Ahmed-Bouderbah et llassan-ben-Otinan-Kodjia, qui parlaient tous deux fran-
çais, vinrent essayer de nouvelles négociations, Mustapha les suivit de près,
accompagné du consul d'Angleterre, qui; offrait son entremise officieuse, M. de
llourmont, persistant à compléter sa victoire, dicta son ultimatum, qui fut porté
au dey par l'interprète Brascbéwit/,, et une suspension d'armes fut accordée auv
assiégés jusqu'au lendemain, à sept heures du matin.
En arrivant à la porte Neuve, qu'on n'ouvrit au parlementaire qu'après
beaucoup de difficultés, Brascbéwitz"se trouva au milieu d'une troupe de janis-
saires en fureur; ceux qui le précédaient avaient peine à faire écarter les
Maures, les Arabes et les «luifs qui se pressaient en foule sur la rampe étroite qui
mène à la Kasbah, Ce n'étaient, de tous côtés, que cris d'effroi, menacés, im-
précations; et ce ne fut pas sans peine que l'agent français put arriver aux rem-
parts du palais, Sidi-Musiapba en fit ouvrir les portos, qui se refermèrent aussitôt
sur la populace ameutée,
« La cour du Divan ou je fus introduit, raconta InMiiêmo Brasehéwitz, était
remplie de janissaires ; Hussein était assis à sa place aceoutumée ; il avait, de-
bout autour de.lui, ses ministres et quelques consuls étrangers, L'irritation était
violente ; Hussein me parut calme, mais triste; il imposa silence de In main, cl
tout aussitôt me fit signe d'approcher, avec une expression très-prononcée
d'anxiété et d'impatience.,l'avais à la main les conditions du général en chef,
qui avaient été copiées par l'intendant Denniée, sur la minute du général Desprez,
écrite sous la dictée de M, de Bourmont. Après avoir salué le dey, et lui avoir
ad ressô quelques mots respectueux; sur la mission dont j'étais chargé, je lus eu
arabe les articles suivants, avee un ton de voix que je m'eflbreai de rendre le plus
rassuré possible :—«L'armée française prendra possession de la ville d'Alger,
de la Kasbah et de tous les forts qui en dépendent, ainsi que de toutes les pro-
priétés publiques, demain, r, juillet i830, à neuf heures du matin (heure fran-
çaise}, »—Lespremiers fermes de cet article excitèrent une rumeur sourde,-.qui.'
augmenta quand je prononçai les mots neuf heures du matin, Je continuai!-—«La
religion et les coutumes des Algériens seront respectées; aucun militaire de l'ar-
mée ne pourra entrer dans les mosquées. »—Cet article excita une satisfaction
générale; le dey regarda toutes les personnes qui l'entouraient, comme pour
jouir do leur approbation, et me fit signe do continuer : *~ « Le dey et les Tnrcs
devront quitter Algerdans le plus bref délai, » — A ces mots, un cri de rage
retentit de toute part ; le dey pi'tlit, se leva, et jeta -autour de lui des regards iu^
quicts, On n'entendait que des menaces de mort, proférées avec fureur par
tous les janissaires.,lé nie retournai au bruit des yathagans et des poignards
qu'on tirait des fourreaux, et je vis leurs lames briller au-dessus de ma tète, ,1e
LIYHE l'HEMlEIL su
m'cIVorçai de conserver une contenance ferme, el je regardai fixement le dey.
Il comprit l'expression de mon regard, et, prévoyant les malheurs qui allaient
.arriver, descendit de'son divan, s'avança d'un air furieux vers cette multitude
il
effrénée, ordonna le silence d'une' voix tonnante,"et me lit signe de continuer.
Ce ne fut pas sans peine que je lis entendre la suite de l'article, qui ramena un
peu de calme: — «On leur garantit ta conservation de leurs richesses person-
nelles; ils seront libres de choisir le lieu tic leur retraite. »
« Des groupes se formèrent à l'instant dans la cour du Divan; des discus-
sions ardentes avaient lieu entre les officiers turcs : les plus jeunes demandaient
encore à défendre la ville. Co lie fut pas sans difficulté que l'ordre fut rétabli, et
que Tagha Ibrahim, lus membres les plus influents du Divan, et le dey lui-
même, leur persuadèrent que la défense était impossible, et qu'elle ne pourrait
amener que la destruction totale d'Alger et le massacre de la population. Le
dey donna l'ordre quo les galeries de la Kasbah fussent évacuées, et je restai seul
avec lui el ses'ministres, Sidi-Muslapha lui montra alors la.'minute de fa capi-
tulation, que le général en chef nous avait remise, et dont presque tous les ar-
ticles lui étaient personnels, et réglaient ses affaires particulières, Elle devait être
échangée le lendemain malin avant dix heures. Cette convention fui longuement
discutée par le dey et par ses ministres ; ils montrèrent dans la discussion des
articles, et dans le choix des mots, toute la défiance et la finesse qui caractéri-
sent les Turcs dans leurs transactions, On peut apercevoir, eu la lisant, les
précautions qu'ils prirent pour s'assurcr.toutes les garanties désirables ; les mots
et- les choses y sont répétés à dessein, et avec affectation ; et toutes ces répéti-
tions, qui ne changent rien au sens, étaient demandées, exigées ou sollicitées
avec les plus vives instances de la part des membres du Divan. Sidi-Mustapha
copia en langue arabe celle convention, et la remit au dey, avec le double en
français, que j'avais apporte.-Comme je n'avais pas mission de traiter, mais de
traduire et d'expliquer, je demandai à retourner vers le général en chef, pour
lui rendre compte de l'adhésion du dey, et de la promesse que l'échange des ra-
tifications serait fait le lendemain, de grand malin. Hussein me parut très-sa-
tisfait de la conclusion dé cette affaire ; pendant que ses ministres 's'entretenaient
entre eux sur les moyens à prendre pour l'exécution de la capitulation, le de\
se fit apporter par m.v esclave noir un grand bol en cristal,.rempli de limonade à
la glace. Après en avoirbu, il me le présenta, et j'en bus après lui. .le pris
congé; il m'adressa quelques paroles affectueuses, et me fil conduire jusqu'aux
portos de la Kasbah par le baehi-chiaoucli et par Sidi-Muslapha; ce donner
m'accompagna, avec quelques janissaires, jusqu'en dehors de la porte Neuve, à
peu de distance de nos avant-postes. Je revins au quartier général avec une
lièvre nerveuse, suite des émotions violentes (pie j'avais éprouvées pondant plus
de deux heures, et je ne pus être du nombre des personnes.'qui stv rendirent
le lendemain, vers sept heures du matin, à la Kasbah, pour prendre les 'derniers
arrangements relatifs à la reddition des portes d'Alger, des forts et de la cita-,
délie,"Cotte'mission fut confiée à M, deTrélan, aide de camp du général eu chef,
à qui Von adjoignit deux interprètes et M. le colonel Barlillut, commandant du
quartier général ', »
t Mvilr/nomUnlro particulier du eoiuU'al ou'chef, lUprdWon -d'Afrique, p.'yuo.-Urasrhewtiy,, api es la
IU I/AFBIQUE F II ANCAI.SE.
Le dey lit un dernier effort pour retarder d'un jour la ehute de son rè-
gne; mais, intimidé par les menaces de M. de Bourmont, il se résigna, et le
ô juillet, à midi, la division Bcrthézèiié prit possession du fort des Anglais et de
Ja porte llab-el-Oued. La division Loverdo entra dans la Kasbah» et occupa les
portes Neuve et Bnb-Azoun; la division d'Escars occupa le port, et le fort Bab-
Azoun ; le général Tolozé fut nommé commandant do la place, et la cavalerie
campa dans la plaine de Mustapha-Pacha, pour couvrir les routes de Constan-
tine et de Blidah, Quelques jours après, cet ordre fut modifié ; l'artillerie fut con-
centrée dans les fortd et aux écuries du'dey ; le génie disséminé sur les points oit
devaient commencer ses travaux, La division Bcrthézène répartit ses brigades,l'une
au nord de la ville, et sur le mont Bou-Zariah, occupant la pointe Pcscadc et les
forts des Anglais, des Yingt-qttalre-Heurcs, et Bub-cl-Oued; une autre au camp
-de Slaouéli, et la dernière sur le plateau d'EI-Biar. La seconde division s'éta-
blit au fort l'Empereur, aux Tagarins et dans Alger; la troisième à Mustapha-
Pacha, et sur les hauteurs de Kouba ; le matériel de l'administration se réunit à
l'est, et sous le consulat de Suède,
La capitulation définitive était rédigée en ces termes i « 1° Le fort de la Kas-
bah, tous les autres forts qui dépendent d'Alger, et les portes do la ville, seront
remis aux troupes françaises, ce matin, à dix heures, 2" Le général de l'armée
française s'engage, envers S. A. le dey d'Alger, à lui laisser la libre possession
de toutes ses richesses personnelles. âuLc dey sera libre de se retirer, avee sa
famille et ses richesses, dans lo lieu qu'il fixera; et tant qu'il restera à Alger» il
sera, lui et toute sa famille, sous la protection du général en ehefde l'armée
.française : une garde garantira la sûreté de sa personne et celle de sa famille,
4" Le général en chef assure à tous ics membres de la milice les mêmes avan-
tages et lamente protection. 6° L'exercice de la religion niahomélane restera li-
bre ; la liberté de toutes les classes d'habitants, leur religion, leurs propriétés,
leur commerce et leur industrie ne recevront aucune atteinte; leurs femmes se-
ront respectées} le général en chef en prend l'engagement, sur l'honneur. 0° L'é-
change de cette convention sera fait avant dix heures du matin, et les troupes
françaises entreront aussitôt après dans la Kasbah, et s'établiront dans les forts
de la ville, et de la marine, »
Ainsi finit, après vingt jours ', une campagne qui ensevelit dans sa gloire le
vieux drapeau de Henri 1V. Si l'histoire accuse la Beslauration, il est juste qu'A!»

prise d'Aller, tio fut point récompensé de fa périlleuse mbsloil, et mourut quinze Jours après, a l'hôpital,
de chagrin «t de misère.
I DuuniVcs critiques so sont élevées contre In conduite suivie pur M, Duperré, « 'route l'armée, dit une
personne attachée a l'êlat-majnr particulier du général en chef, était embarquée In 18 mai. Il dsl prouvé
qu'avec lo vent du N.-O,, qui souffla pendant touto l'aprêa-mldi du II), on uuralt pu sortir do la rade. I.o
litl au matin, l'escadre aurait été sous voiles en plulliu tuer. Kit supposant six Jours poiif arriver devant
ToncChica, nous aurions pu débarquer lu ml, SI tout nolfu iiutlérlel nous dût suivis en quatre jours au plus
nous aurions été sous les remparts dii fort l'Kinperunv, Lu lu- juin, les travaux du siège auraient com-
mencé, et eu calculant d'après co qui est arrivé, Alger aurait capitulé lo fi Juin, c'ust"à-dirc tin mois plus
tfit, el l'armée aurait perdu quinze cents hommes de moins dans les allaites do tirailleurs, Quant aux consé-
quences politiques, elles sont peut-être ineiiltmiiiblos! Les élections de 18M auraient été faites SOUS l'Ili-
tluoncu de la conquête, M, de lloiirmonl eut élé de retour a t'afls dans les premiers jours du Juillet, et, à
coup sur, les fatales ordoiiliauccH u'alirulenl point été rendues, — ttitu'e aux hésitations, du M, Duperré, si
par l'ollet dit hasard le temps nous eût fail «rrivnr ail inniilllii|io le If» Juin au lieu du li, le débarqtleineiil
te serait.tfouvA en plein uiouveintmt nu montent du l'horrible tempête que nous o^nyainés dans la niatliu:<.<
.
LIVBE PBEMIEB. il
.

ger pèse dans la balance. Le gouvernement des Bourbons commit des fautes,
mais il avait l'instinct des grandes choses, — Paix et respect aux tombes de
l'exil!
En entrant dans la ville conquise, les Français-n'y trouvèrent pus 'l'aspect
d'une population désolée par les malheurs de la guerre. Tranquilles sur la foi
d'une capitulation placée sous la sauvegarde do l'honneur, et résignés, du
moins en apparence, à cette fatalité qui justifie, aux yeux des Musulmans, tous
les événements de la vie, les habitants d'Alger nous reçurent dans leurs mu-
railles sans appréhensions inquiètes, et même sans curiosité, On eût dit qu'ils
étaient étrangers à notre prise de possession, Pendant les premiers jours, les
clauses du traité furent respectées t la Kasbah fut seule livrée au pillage, Un
mystérieux intérêt s'attachait, au moment delà complète, à ce vieux palais d'un
chef de pirates. « On y pénétrait par une porte lourde et massive, sous un porche
obscur, et sans autre ornement qu'une fontaine de marbre, d'où s'échappait,
dans une cottpe gracieusement sculptée, une eau fraîche et limpide, Une ruelle
étroite, flanquée par les écuries du dey, conduisait à la cour du Divan, Cette
cour était vaste, pavée en marbre et entourée d'une galerie couverte, soutenue
par des colonnades mauresques en marbre blanc, On y remarquait un magni-
fique citronnier, et uno fontaine d'où s'élevuit un mince jet d'eau, Sur un des côtés
de la galerie, plus orné que les autres, resplendissaient des glaces de toutes les for-
mes et de tous les pays ; une banquette régnait dans toute sa longueur, et, à l'une
de ses extrémités, elle était recouverte d'un tapis do drap ccaiiatc, bordé d'une
frange de même couleur Î c'est là que se plaçait le dey pour tenir son Divan,
rendre Injustice, ou donner audience aux consuls el aux marchands étrangers;
c'est là qu'eut lieu la scène du chasse-mouches, Cette galerie n'avait d'autres
meubles que des tapis de Smyrne, une pendule gothique à garniture de Boule,
enrichie de -bronze, doré, un petit meuble de laque, dans les tiroirs.duquel-se
trouvait un Koran, un calendrier turc 1 et quelques boîtes de parfums, H y avait
aussi un baromètre anglais, monté sur une table d'acajou, et dont les légendes
étaient gravées sur des plaques de platine. On trouvait plusieurs instruments
du même genre, et de foriiics dllVércntés» dans les appartements du dey, et un
surtout très-riche de Dollan, cadeau du Prince Bégcnt eu f H II), Sous cette munie
galerie, à l'autre extrémité de la banquette, s'ouvrait la porte du trésor, armée
d'énormes serrures et d'un fort guichet de fer ; elle.donnait entrée à deux ou trois
corridors, sur lesquels s'ouvraient des caveaux sans fenêtres, coupés dans leur
longueur par une cloison s c'est la qu'étaient jetées, en tas, des monnaies d'or et
d'argent de tout pays, depuis leboudjou d'Algerjusqu'à la quadruple ditMexiqitc.
« Autour de la cour du Divan, 'qui en formait la pièce principale, des salles ci
desmagasins, des écuries et de petits jardins, ou cours plantées d'arbres, et
dans lesquelles se promenaient des autruches *.,' un kiosque, une mosquée, une

du 15, peut-être In seconde division, surprise dam les chalands par les coups de vent ot la tuer furieuse qui
en fut ht suite, oui péri sans pouvoir aborder, que seraient devenue» alors lu sagesse, le savoir «t. l'expé-
Hélice do 3\l. Duperré! »
l Ce calendrier était une longue baiuln .le pitrchimdii, de qiialre pieds de longueur, et du trois polices et
demi de humeur, sur laquelle on voyait tracés, en caractères arabes, les mois d-i l'ht^lrc entouré» de ver-'
«ois du Koran s le tout orné d'arabesques d'or et de couleur, d'un Uni précieux,

''"
'i t,n Katmaii renfermait un grand imbibrc d'autruches j ces 'pauvres OUWIJC furent liilininiiiiieuu'iii plumés
"
'
..'. :<r
M L'AFRIQUE FBANÇA1SE.
salle d'armes; une ménagerie renfermant quelques tigres et quelques lions ; un
vaste magasin ù poudre, dont le dôme avait été mis à l'abri do la bombe par une
double couverture de balles de laine; enfin, un parc à boulets, formaient les dé-
pendances du palais» enclavé dans de hautes murailles de 40 pieds, terminées
par une plate-forme à embrasures, sur laquelle étalent braqués près de 200 ca-
nons de tout calibre, soigneusement peints en vert et en rouge ' ù leur embou-
chure» et dont une moitié servait à défendre la ville du côté de la campagne,
et l'autre moitié à la réduire en poudre en cas de révolte.
«Los appartements du dey et son harem étaient situés au second étage, dans
le côté de'VesL-: La gnlciie qui y conduisait par un petit escalier en bois peint
vert et rouge, comme toutes les boiseries de la Kasbah, servit de salle à manger
au général en .chef. Cet escalier menait à une autre galerie» fermée par des
stores de toile de Perse, et par de larges fenêtres àia turque, donnant sur la cour
du Divan. Trois grandes pièces, qui ne communiquaient pus entre elles, for-
maient le logement du dey, Au bout de celte galerie était un petit kiosque, en-
touré d'un divan rouge, dans lequel Hussein venait prendre lu café et fumer sa
pipe après les audiences publiques, Ce kiosque servit de salon aux aides de
camp de l'état-major général, Au-dessous était une polie drès-bassc, servant
d'entrée au harem, composé de deux, cours,- autour-desquelles régnaient des
chambres et dés boudoirs, et toutes les dépendances nécessaires au service des
femmes. Ces apparteinents n'avaient aucune;fenêtre sur les parties publiques
(lu palais; de petites croisées, garnies de barreaux serrés, ouvrant sur les jar-
dins, donnaient de l'air et du jour, et des ouvertures, longues et étroites comine
des meurtrières, laissaient seules apercevoir quelques." échappées dé mer et de
campagne, Le mobilier du harem était plus somptueux qu'élégant; on n'y trou-
vait ni le goût français, ni la propreté anglaise;mais des tapis de grand prix,
jetés a profusion sur le carreau, des étoiles d'or et d'urgent, un luxe étonnant de
coussins de toute grandeur et de toitle formé, en drap et en velours, rehaussés
de riches broderies arabes ; des glaces et des cristaux sans nombre;des meubles
iVaeojou lourds,massifs .et"surchargé» d'ornements'debronze doi'éi des lits en*-
'taures de moustiquaires en mousseline dé l'Inde brochée à fleurs d'or; des di-
vans partout, et tout cela dans une atmosphère de roses, de jasmin, de musc,
de benjoin et d'aloès» On trouva dans le harem un grand nombre de tablés de
toilette, dé coffres cl de nécessaires eu bois précieux de l'Asie, incrustés de
nacre, d'ambre, d'ivoire et d'ébène; des porcciaiiiés de la Chine et du Japon, du
plus grand .prix, et liiie multitude incroyable de petits meubles bizarres cl in-
connus en Europe, inventés pour satisfaire les caprices enfantés par reunul et le
(lésteuvreiucnt du harem, et par les habitudes fantasques et voluptueuses des
femmes de l'Orient,
« Les apparteinents du dey étaient beaucoup plus simples, avec leurs mit-
railles nues et blanchies à la chaux ; des lapis et des divans Ibrinaiciiliéur uiii-

'-.vivants, 1,'amatoar lu plus ctsricux de Imirs tltlpiullIeH était le général " *, qui en lit une très-belle collée-
. tinii j il disait ù ceux qui s'amusaient eu le voyant éoorulicr ces biallieUiotises bêtes, qui crlaiéni à feildre lo
ctuitti ttCéiil réu't plaisir a nul petite Anuïs, u t'eniot est resté provetbo u -l'armée, A émip sûr, iiindehnil-
suite Alln'us a dil avoir de quoi (nlintir de imifabottls'.Inities lesdames île sa totiéttV
;.t J.i'sert (!t:ci'i)itf:e (•titielit les t'oiilcuts itn di-yilli d'Abri'.
LIVRE PHEMIEIL i."

que mobilier ; des pipes, des armes, des pendules anglaises, et quelques lunettes
marines,furent tout ee qu'on y trouva ; mais les armes étaient d'un prix inestima-
ble. Quelques dignitaires de l'ctat-major général • se partagèrent les fusils garnis
de perles et de corail, les sabres a fourreaux d'or ou d'argent. C'étaient les épa-
ves de la victoire, et celui qui voudrait en condamner la répartition improvisée
ne doit pas oublier que certains généraux de l'Empire savaient mieux exploiter
les belles villas de la Lombardic et de la Toscane, les antiques cathédrales de
Tolède, de Grenade, de Burgos et de Valence, les châteaux de la Souabc, de la
Bavière, de la Saxo ctde la Bohêmea, »
De graves accusations s'élevèrent contre une prétendue dilapidation du trésor de
la régence. Des officiers sans troupe, des administrateurs, des officiers de santé,
des interprètes, des juifs, et cette foule d'hommes sans emploi et sans titre qui
s'attachent à la suite des armées et y sont toujours des agents do désordre, se
précipitèrent''pêle-mêle dans le palais du dey, beaucoup par curiosité, quelques-
uns, sans doute, dans l'espoir du butin,
Il est vrai (pie des portes furent enfoncées, des appartements envahis, La sin-
gularité des objets qui s'oflïaient partout aux regards excita certaines con-
voitises; des armes enrichies de pierres précieuses, des meubles, des vaisselles
d'or et d'argent", des tapis orientaux, disparurent, dit-on, avant que l'ordre fût
rétabli. Mais il serait odieux d'accuser trente-cinq mille hommes des fautes de
quelques-uns.
Malheureusement, des noms appartenant a l'état-major furent compromis dans
l'opinion publique. Le consul d'Angleterre avait dit à M. do Boitrntont que la
Kasbah renfermait au moins cent cinquante millions; on n'y trouva eu réalité
que 48,7oo,ooo francs, Une-commission'd'enquête fut nommée,.au mois de sep-
tembre suivant, par le général Clau/.cl; et sa déclaration, mêlée de réticences,
justifia, en niasse, l'armée victorieuse.
,
'Toutefois, si l'urinée resta pure de toute soustraction, un blême sévère doit
peser sur le service administratif, Bien des anecdotes ont circulé dans l'ombre,
cl. j'en ai mol-même ouï raconter, on Algérie, de fort dangereuses pour l'honneur
de gens tpii les croient ignorées. Mais il répugne à la dignité de l'histoire d'In-
struire le procès des vivants, et nous nous bornerons a rappeler un témoignage
respectable, cl d'une grande modération,
« Le gouvernement turc, dit. M, le général Bertliezene, aimait à amonceler les
approvisionnementsde toute espèce ; Alger regorgeait de riches magasins en sel,
laines, toiles, plombs, cuivres, marbres et grains.

I Un d'eux, que totitu l'ut'htéd connaît bien, se lit donner toutes lus amies do l'aghn, qui en possédait (un1
riche collection, Un employé supérieur de l'administration trouva le Moyen du faire sortir de la Kasbah,
et transporter dans uno maison purtleulioru, deux fusils turcs du travail lé plus admirable, dont la riche
garniture du corail était sans prix j et uno selle en velours rotqje, sur laqueMu 11 y avait, au moins, pour
tl,t)00 lianes d'or.
ï Anecdttes pour servir k l'/tisloire de lu miquftû d'Alger, en Irtrjt), par J.-T, Merle, secrétaire parti-
cullur du central eu thef, p,'Jl 1^2,'ltJ.
H I.a plus bol lu et la plus riche pièce d'orfèvrerie était une cafetière on
or, dominée au Trésor, Mlle fui
volée d'une manière dlfllcllo îi expliquer, lillu est à l'aria entre les mains do M, l!"\ employé de l'année,
Il cli fut do mémo des clefs «n or do la ville, Maintenant il serait curieux de savoir entre les mains do qui si)
trouvent les montrés et tabatières enrichies do diamants, ni les piècesd'arneiitei'ieqUl ont été transportées en'
franco ot t'ottilso1* au Trésor, (Dir-huit mois et Alger, par le (jetterai IMUtezoue, p, liai ;
H LAF BIQUE PB ANC AI SE.
« En prenant possession de cette partie de la fortune publique, l'administra-
tion avait le devoir rigoureux d'en constater les quantités et les qualités avec
soin ; elle l'oublia, et cette négligence coupable favorisa plus tard des vols scan-
daleux nu détriment du Trésor.
« Personne n'éprouvera de surprise quand je dirai qu'il serait difficile, et
peut-être impossible, de constater légalement les dilapidations dont je vais
parler; c'est le contraire qui étonnerait, après les progrès qu'a faits, parmi
nous, l'art de faire des affaires, D'ailleurs le temps a fait disparaître bien des in-
dices éloquents,
« Néanmoins, comme j'en ai la certitude morale, et que ma conviction, à cet
égard, est complète, je ne puis les passer sous silence. Si la publicité que je
donne à ces abus pouvait en prévenir le retour, je serais trop dédommagé des
haines que leur révélation va soulever contre moi, et que ma réserve n'apai-
sera pas,
« Une quantité énorme de laines, produit des contributions des quatre der-
nières années, était réunie dans divers locaux i on ne saurait l'estimer à
moins de quinze mille quintaux métriques,
« D'abord, on eut la pensée de la vendre en entier à Alger; mais ce mode,
réprouvé par Vannée, et si contraire à l'intérêt de l'État, fut abandonné. Plus
tard, on on for.'ia sept mille balles, dont l'Etat a payé les frais (remballage ;
quatre mille fin ont expédiées à Marseille, par les soins de M, Tintendanl Bey.
Que sont devenues les trois mille autres? ,1e Vignore. Il en était encore resté
dans les magasins; elle fut vendue à Alger par adjudication publique, au vil
prix de trente-six francs lo quintal, L'administration, avant de s'occuper de
cette vente, n'aurait-ellc pas dû profiter de cette ressource, pour fournir la
troupe de matelas, et la soustraire à l'humidité du sol, si funeste à la santé des
hommes?
«Un magasin, plus riche encore que celui dont nous venons de parler, était
celui des toiles,
« Ou d évalué à 20,000 le nombre de pièces de toile à voiles qu'il ren-
fermait ; et pas une amie n'a été employée pour les vaisseaux de l'État, pas une
aune n'est entrée dans les magasins de la marine, M, deC**% commandant de la
marine, m'a dit que dix mille pièces de cette toile valaient un million, 11 parait
qu'elle a été vendue eu grande partie eu Italie. Quelques acheteurs ont été
connus, niais les vendeurs sont restes dans l'ombre, quoiqu'on en ait dit les
noms à l'oreille.
« Quant aux toiles ordinaires, leur quantité devait être immense ; un
adminis-
trateur disait» sans doute par hyperbole, qu'elles pouvaient suffire au charge-
ment de cinquante bâtiments. Il est pourtant juste de reconnaître que tout n'a
pas été dilapidé s six mille paire draps grossiers ont été réservées potu' la
troupe et les hôpitaux,
«Toute l'armée a vil une quarantaine de lliskrls (portefaix du pays) occupes,
pendant une longue série de jours, à descendre de la Kasbah des saumons en
plomb, cnétain, en cuivre; ils ont été vendus, et six mille francs sont entrés au
Trésor I
« La Djéiiina (ancien palais des deys) renfermaît un magasin de grains coiisi-
L1VBE PBEMIEn, M'
dérablo ; c'était une réserve destinée à pourvoir aux besoins des habitants, en
cas de disette. On les estima à quatre mille cinq Cents mesures, du poids de
quatre-vingts livres chacune ; ils furent mis.en vente, et l'administration s'aper-
çut bien vite combien cette évaluation était au-dessous de la vérité, Selon des
calculs que la capacité des magasins paraît confirmer, elle aurait, été d'à peu
près quinze mille cinq cents mesures; il semble qu'on n'a rendu compte que de
sept mille huit cents. Partie de ces grains fut vendue à raison de doux francs
soixante-dix-neuf centimes la mesure, et partie échangée contredit lard. Bien-
tôt la situation du marché fit sentir la nécessité de les remplacer; une mai-
son de commerce fut chargée de ce soin. La même mesure, qui coûte à Alger,
'prix' moyen, six francs'cinquante centimes, fut payée au prix énorme de seize
ou dix-sept francs. Soit mauvaise qualité, soit manque de soins, ces grains se
détériorèrent promptomont, et l'administration se vit forcée aies revendre,
trois mois plus tard, à raison de cinq francs la mesure.
« Cette opération, si onéreuse au Trésor, avait été enveloppée d'une sorte de
mystère qui donna lieu à beaucoup de suppositions, injustes peut-être, mais ac-
cueillies par la voix publique.
« .le terminé cette nomenclature d'une partie des iniquités que j'ai vues, ou
qui sont parvenues à ma connaissance, par la moindre de toutes; Je veux parler
des marbres, Lu quantité en était considérable ; ils étaient taillés et prêts à être
mis en oeuvre; une partie fut vendue à un sou lu livre. Des colonnes, des coupes
à fontaines, des encadrements de fenêtres et des dalles de marbre blanc» sont
venus» en France, embellir des châteaux. Voilà les détails qu'il m'est permis
de donner sur ces matières si délicates; ils suffisent pour faire apprécier les dom-
mages immenses qu'a reçus l'État. Malgré la facilité de nos moeurs, le scandale
a été grand, à Alger, parmi les hommes les moins sévères '. »
L'historien subit une tâche pénible en se voyant réduit à enregistrer de telles
.
'révélations. Le premier acte du général en chef avait été, cependant, de créer une
\
commission de gouvernement chargée de prendre toutes les mesures exigées
par la situation des affaires; mais ce fut par-l'incurie de ces fonctionnaires im-
provisés, beaucoup plus que par suite de fausses .mesures,, que commença celte
longue série de fautes dont le développement ïemplirnil plus d'un livre, cl qui
rendent le tableau administratif de notre complète si longtemps, déplorable, que,
pour nous servir de l'expression d'un homme tpii a vu de près bien des choses,
.u si
l'on voulait savoir ce qu'on aurait dû faire, il faudrait prendre presque tou-
jours le contraire de ce qu'on a fait, »
la nouvelle de la conquête d'Alger fut accueillieen France avec enthousiasme,
M, de Bourmont reçut le bâton de maréchal ; M, Duperré obtint la pairie,
L'armée fut oubliée 8.
I -Dit-huit mots ri Alger, cliap. V, t>. lâU t't lut.
* Cette commission fut composéu do M, OuiinkV, intendant oit chef, président \ du HélitirrtlTltoloZM ; de
MM, riritio, payeur (iénéral de l'année, |)uval, neveu dé l'anclolt consul de franco, et d'Aublmtose, un-
eiflii commissaire général de police à llmnbout'i,', M, Kditioiid de tlusalère .remplissait les fonctions do se-
crétaire, :

3 Nous publierons, il ht lia de celte histoire, lu liste par ordre de dates, et d'aptes les rapports olllciels,
des noms dés braves (le toutes armes qui se sont signalés, depuis iHIlo» dans nos e,lorleuK combats, — Cet
A.ssuAtuli (I'HONNIK'H est uli soitven'r déposé sur la loitibe des morts, une Jusllce rendue à ceux qui siirvl-
Velit, tin holiiinage au dnipu.'Hi que tous ont IIIUBII'C.
4(1 l/AFBIQUE FBANÇAISE.
Ce triste oubli nous rappelle une amère plaisanterie d'un député de la première
session de 1830, qui ne prévoyait, dans l'affaire d'Alger, qu'une Iliade pour un'
ministre, et une croisade pour des traitants.
La première faute de l'administration française, en prenant possession d'Al-
ger, fut de n'avoir pas su respecter l'organisation existante, au moins dans les
premiers temps, et jusqu'à ce qu'il fut possible d'y introduire les modifications
exigées par l'intérêt du vainqueur. En vertu d'une sage capitulation, tous les
fonctionnaires devaient rester provisoirement à leur poste, L'expulsiondes Turcs
brisa le gouvernement indigène sans lui rien substituer ! telle fut la source de
tous les désordres ; car la commission centrale nommée par M, de .Bourmont
n'avait aucune connaissance du pays, et ne put prendre aucune mesure efficace
pour régler la nature de nos relations avec les services publics. C'est ainsi que
presque tous les documents officiels qui pouvaient nous éclairer disparurent
avec ceux qui les possédaient ; et telle fut l'incroyable négligence apportée dans
des devoirs si graves, que, dans la Kasbah même, et sous les yeux de l'inten-
dant en chef, M. Dcnuiéc, les soldats nHumaient leurs pipes avec les papiers du
gouvernement turc '. C'est ainsi que nous sommes tombés dans un chaos d'in-
certitudes, dont le moindre résultat fut de donner aux Algériens une triste idée
de nos lumières et de notre civilisation.
La commission centrale chercha des auxiliaires dans la création d'une espèce
de conseil municipal, où furent admis sans examen les premiers indigènes qui se.
présentèrent, Un Maure intrigant et rusé, Ahnied-Boudorbnh,ci-devant négo-
ciant à Marseille, d'où l'avait, chassé, une banqueroute frauduleuse, fut choisi
pour présider ce conseil. On y admit des juifs, race méprisable et avilie, qui
devint aussi notre instrument, et dut à l'influence du fameux Bacri une position
d'indépendance qui exalta son orgueil, et souleva contre nous le mécontentement
secret de tous les Musulmans,
Un service dé police, placé sous les ordres de M, d'Aubignoso, et composé de
nombreux agents, ne put protéger les indigènes contre des vols multipliés ou
«les exactions criantes,
Quelques individus, qui avaient suivi Vannée, s'installèrent en douaniers, et
perçurent à leur profit, pendant quinze jours, sans tarif et sans reddition de
comptes, les droits d'octroi, Le conseil municipal, présidé par Bouderboh, se
partagea le produit des impôts pendant plusieurs mois ; et ce ne fut que sous
l'administration du général Cltittzel qu'on ouvrit les yeux sur l'existence de ces
faits, L'arsenal de la marine et le matériel du port restèrent à la merci de qui-
conque voulut y puiser, Les portes do l'hôtel des monnaies, auquel personne ne
songea, so trouvèrent enfoncées, et les valeurs passèrent en des mains inconnues,
Au milieu de toutes ces dilapidations, l'excuse du général en chef et de son
entourage repose surl'incapacité on les vices des interprètes attachés a l'armée.
Ces personnages formaient une brigade assez singulière, et se partagent encore des
assimilations ridicules aux grades de colonels, de chefs d'escadron, de capitaines,
et de lieutenants V Leur utilité, dit le général Borthezènc, fut très-contestable ;

1 Annales algériennes, par K, l'ollissler, capitaine au corps royal ,1'état-inajor, t, t, p. ïi),


* Ils «ont ainsi classés dritis Y effectif de l'armée expéditionnaire, publié pat' M, Léon (Jtillhorl, d'après
les docuiniittts communiqués par te ministre de la (îiierre. (Voir l'Algérie ancienne, el moderne, p, mil,)
LIVBE PBEMIEB. 17

ce n'est qu'imparfaitement, et avec beaucoup d'eflbrts, qu'ils parvenaient à


entendre le langage ture ou arabe, et a remplir leurs fonctions auprès des auto-
rités françaises. Les seuls qui nous aient servis utilement sont quelques hommes
illettrés, nés en Orient, ou qui y avaient passé une partie de leur vie "s mais
presque tous ees individus sont très-vicieux et peu dignes de confiance ; ils jus-
tifient l'adage des Orientaux, « qu'un.interprète est pire que la peste' 1. » Aujour-
d'hui, les officiers de l'année s'adonnent en grand nombre à l'étude de l'arabe;
les fonctionnairescivils.doivent .être encouragés au même travail, et la suppres-
sion des interprètes sera un jour une mesure de haute moralité, qui n'empê-
chera pas d'appliquer a d'autres services les quelques gens honnêtes de cette
profession.
Bcprenons le cours des 'événements. Le général en chef ignorait les'Intentions
du'gouvernement sur l'usage qu'on ferait d'Alger; comptant peu sur Tocctipa-
jioh de sa cotuiuêle, il songea d'abord à démanteler les forts de la Marine et à
combler le port ; puis, il fit procéder au désarmement des habitants,
Ilusseiu-Pacha s'était retiré dans une'maison .qu'il possédait dans la ville basse,
On lui fit entendre qu'une visite à M. de Bourmont serait le seul moyen d'obte-
nir des arrangements convenables pour son départ d'Afrique;'il s'y résigna, Le
1 juillet, il se rendit à la Kasbah; son entrevue avec le général en chef fut
câline et digne ; il donna des renseignements précieux sur les hommes qu'il
avait gouvernés et sur les [revenus do In régence. « Ahmed, noy.de Coiislau»
line, mérité votre confiance, dit-il à M, de Bourmont; s'il se soumet, il vous
sera fidèle; Mustapha, bey de Titien,.est,un homme turbulent et peu sûr;
Hassan, bey d'Orau, est un vieillard sans influence. » Il discuta ensuite tran-
quillement les conditions de sa retraite, et choisit iVaples. Toutes ses demandes
el ses réclamations, relativesà sa fortune personnelle, furent loyalement accueil-
lies» Eu sortant do son palais, qu'il ne devait plus revoir, ttuàMu;,, monté sur
un cheval blanc, et précédé des aides de camp du général en chef, reçut des
postes les honneurs dus à son rang. Arrêté un moment sur la place de ta Kasbah,
par la foule de curieux qui s'y pressaient, son attitude était stoïque ; Il prome-
nait des regards dét' igiieux sur ht populace' indigène qui..se disputai! .quelques
débris arrachés <! pillage; mais-il parut.éprouver'un-sentiment pénible en
voyant les Turc .i|.porter tristement, de tous côtés, leurs armes aux pieds des
officiers d'artillerie, chargés de les recevoir, Il essuya une lunne furtive, et
poussa son cheval dans la rue de la Kasbah, Bientôt, renfermé dans sa maison,'
il ne voulut voir personne jusqu'au jour de sou embarquement; ce départ eut
lieu le 40 juillet, Le même jour, deux mille Turcs furent, renvoyés eu Asie; un
grand nombre de ceux qui s'étaient mariés à Alger obtinrent la permission d'y
rester,
Le H, Mustapha, lu;, de Tilteri, vint faire sa soumission ; le général en chef le
confirma dans son pouvoir, cl ce bey partit pour Médcah, promettant de fournir
huit cents boeufs à Vannée ; mais du apprit bientôt qu'il appelait ses coreligion-
naires ti la guerre sainte, pour répousser notre invasion.
Peu de Jours après la prise d'Alger, M, de Bourmont pensa qu'il convenait

1 Dix-huit mois à Alun; de juillet IH.ÏO à diVuiubie I8,'j|, p. 1,'tti,


18 I.Ai'lUQl'l'; FJt'ANCAISE.
de gouverner les Arabes par des chefs choisis dans le pays, et nomma, pour
agita, lliimdnn-hen-Amiii-el-Secea; niais son choix fut malheurcuv : llatiulan
était un Maure, de. la classe des négociants ; l'Arabe, peuple aristocratique,
obéit à la loi du plus fort, mais se-révolte'contre l'autorité d'un Imitant,
La .fortune-dé llamdati était le fruit de l'intrigue et de la duplicité ; sa bravoure
était nulle, et son improbité flagrante; —ou accueillit le nouvel agha avec des
murmures'de mépris, C'est, peu de jours après sou installation quo Beii-Za-
tiioun, chef de la grande, tribu deliissa, des montagnes de-Bougie, ci. l'homme
le plus influent par sa noblesse, son courage et. le respect qui l'entourait, écrivit
à .M, de Bourmont la lettre dont nous parlons au commencement de cet ou-
vrage. Lorsqu'il apprit, polir toute réponse, que les Français préparaient une
expédition sur.'Blida.lt, ii écrivit de nouveau, pour eu dissuader le général en
chef.. L'es tribus des montagnes s'inquiétaient de nos projets, et, malgré la stu-
peur produite, par la défaite dés Turcs, on se-disposait à combattre pour l'indc*
pendaiieo du territoire.
Le maréchal, cédant peut-être à la curiosité de quelques généraux, partit d'Al-
ger le 2:1 juillet» avec-douze cents hommes d'infanterie» cent chevaux et deux pièces
de campagne. Cette colonne fit halte au milieu de la 'plaine de Métidjah, au lieu
nommé BoirFarik, et. arriva le soir devant lllidah. Celte petite ville est située à
onze lieues-d'Alger, au pied, des'montagnes, au milieu de jardins d'orangers;
détruite» en l»2r,, par lui tremblement de terré, elle, se, relevait, peu à peu, et
n'avait pour défense que ses taillis, cl, une enceinte peu capable de-résister à une
attaque. Los notables vinrent protesterde leur soumission,'.mais prévinrent
tpie les tribus kebaïles de la montagne s'alarmaient, 'de la présencedes troupes,
et formaient des rassemblements hostiles. Eu ell'et, dès le lendemain, une re-
connaissance, envoyée sur la route deMédéah» 'fui assaillie a coups de fusil {

des partis'nombreux s'étaient embusqués pendant la nuit dans les jardins cl le.s
massifs qui avoisinent la ville';" .quelques cavaliers, s'étant écartes pour faire
boire, leurs'éiic.va.ux, Turent,-tués : lé ;ehol'd'escadron de trélan, aidé de camp
du maréchal» reçut un coup mortel, lire île dorHcro itlie haie. M. de BounuotiL
ignorant à quelles torées il pouvait avoir affaire, ordonna "la retraite vers nue
heure après 'midi. Au sortir dei-Blidah, -jusqu'au défilé de iiou-Farik", la colonne
fut haï celée, par une nuée, de tirailleurs qui nous fil perdre beatieoiipde monde ;
et» sans la-présence, d'esprit, du général lltirél, coininandaul l'avaut-gardè» et
qui changea ta roule difficile de-là.'veille pour gagner la plaine, l'eniietui,coti-
veii par les accidents du sol, nous aurait enveloppés; mais en plaine, la cava-
lerie exécuta plusieurs charges brillantes» qui tinrent les Arabes eu respect» cl,
la colonne vint camper a Ilir-Toula, où iM, deiliiurn'ioul trouva l'ordonnance
qui l'éicvail ii la dignité de iiiaréehal tic France.
Eu rentrant à Alger, il recul nue députalion des Maures, ipii» jalotix dé la
présence, des Turcs, autorisés à vivre au milieu d'eux, les accusaient d'avoir» par
leurs menées sourdes, excité contre nous les Arabes. On alla jusqu'à-huiltrc sous'
ses yeux des lettres supposées qui prouvaient une conspiration Contre les Français,
M, de llotiriimiil, blessédiiiis sou iitiiotir-propre par le résultat de su course im-
prudente à lllidah, accueillit, sans examen, les insinuations des Manies, llaiis un
premier itecès dé dépit i il voulait frapper 1rs Turcs d'une contribution de deux
l.'AUAlit: ht: I.A t'UlNi:
LIVBE PIVEMIEB, 41)

millions ; mais si son généreux caractère le lit renoncer à uno mesuré qui ne
pouvait s'accomplir qu'à l'aide de cruautés odieuses, les Maures ot lis Juifs du
conseilmunicipal s'entendirent parfaitement pour extorquer aux janissaires des
sommes énormes, à titre de rançon» pour une existence qui n'était pas menacée.
Un arrêté du maréchal ayant enfin décidé leur expulsion, en prescrivant do les dé-
pouiller de l'argent et des bijoux qu'on saisirait sur eux au moment du départ,
les sages remontrances du général Berthé/.èiié le ramenèrent encore à des pensées
plus dignes do lui, Toutefois, on accorda aux proscrits si peu de temps pour
mettre ordre a leurs intérêts, qu'ils furent obligés d'accepter, à tout prix, dés
lettres de change sur le Levant ou sur Vltalie, et plusieurs consuls étrangers
flétrirent riiOLiinour do lom' ntiys un prèUml leur nom à ces honteuses trans-
actions.
La première communication faite à M.de Bourmont par |o gouvernement
français.» après la prise d'Alger, semblait annoncer le projet de céder à la Porte
la possession de la régence, en nous réservant seulement le Ut loral compris de-
puis Alger jusqu'aux frontières de Tunis, Eu éonséquchee, le maréchal avait
décidé l'occupation de Bono ; cette mission fut confiée nu général llamréinoiit,
taudis que M, de Bourmont fils, capitaine d'état-major, se rendait à Orali pour
recevoir la soumission du vieux bey Hassan.
L'expédition de Boue parut devant cette ville le 2 août, débarqua sans obsta-
cle, el s'établit, sans coup férir, dans sa facile conquête, Le général voulut enta-
iller aussitôt des négociations avec les tribus voisines, et ne put réussir ; bientôt
même, des rassemblements considérables vinrent attaquer nos avant-postes, La
nuit du 7 ail.8 août fut témoin d'une lutte acharnée. Le il, un assaut général;.
.'menaçaitla ville et la Kasbah, située à quatre cents mètres de l'enceinte, et gardée
par un seul bataillon. A onze heures du matin, les Arabes se ruèrent avec un
courage furieux sur nos ouvrages .avancés, et plusieurs vinrent se faire tiier à la
baïonnette dans les rétraniiiéiiiéfiits escaladés, Dei'îtvçu des officiers présents o
cdto allhire, si les' Arubésde la province do Boue s'étaient trouvés à Staoïiéli,
notre victoire eût été chèrement achetée ; mais, découragés par leurs portos et
par Vadintrablé sang-froid de nus soldats, ils se dispersèrent peu à peu; et le
général Datiirênioiitsongeait à asseoir sa domination» lorsqu'une nouvelle impr- •

vue le rappela subitement à Alger* ,


Les événements d'Orait n'étaient pas moins heureux, Trop faible avec ses
'"Turcs pour tenir tête aux Arabes qui ctatent venus le bloquerdès qu'ils
avaient appris la ehutede Hussein-Pacha, le bey Hassan demandait au ca-
pitaine dé Botirtnotit une garnison française poiir prendre possession de la
ville et des fotts, et formait le projet de quitter le pouvoir et d'aller finir ses
jours eu Asie, Le capitaine Leblanc, commandant le brick le Brugon, venait
de s'emparer, avec cent inaiius, du port de Mcrs-cl-Kèbir, sans éprouver la
moindre résistance, Le maréchal, instruit deTétat des choses, fit partir aussitôt
le 2IU de ligne, avec fto sapeurs du génie et 2 olnisiersde montagne ; mais
cette troupe arrivait à peine en rade, qu'un contre-ordre lut parvint et la ra-
mena, comme la brigade do Boue, Hassan» surpris dé cette retraite, ne songea
plusà quitter sou beylik, cl, tout eu so déclarant l'ami déiuFi'atiéo, aiiiioiiça(|u'il
ne renonçait pas à l'espoir de contenir les Arabes, et de les aineiicr à la paix,
:.,;.;..---:; - -.;.". r;. ;
m '.'; '-;^';"N;;;;;i;AFiii'QUE; ijt A LNCAISE.
Petidiint eos allées et venue?, on avait aussi tenté de faire 'reconnaître à Bou-
gie l'autorité française, Un Maure de cette ville s'était présenté» le 3 août, à M, do
.Bourmont, se disant envoyé pour traiter de la soumission de ses compatriotes.
Il demandait le titre de kaïd, et un bâtiment do guerre pour assurer son instal-
lation, Mais, a peine de retour, les lîougioles lui coupèrent la tète pour prix dé
sa perfidie, et le brick sur lequel il était venu dut se retirer, après avoir échangé
quelques coups de canon.
Les troupes de Bohe et d'Oron partagèrent la surprise générale en apprenant
le motif qui les avait lait rappeler. Le lo août» un bâtiment de Marseille avait
apporté les détails de la révolution de juillet. Une lettre du général Gérard con-
firmait la réalité de cet événement ; le nouveau ministre do la guerre informait
M. de Bourmont que, le duc d'Orléans était liéiiteiiaut-général dit royaume, et
promettait au tmi réélut 1 le maintien de sa position, s'il se ralliait à l'ordre de
choses (pli venait de surgir d'un combat de trois jours. Le lendemain, M. de
Bourmont communiqua cette dépêche aux généraux ; « Tous:, dit M. Bcrlhézèhe,
se montrèrent mianimcs pour la reeonuaissance du gouvernement, Il y eut scis-
sion pour la reprisé de la cocarde tricolore ; c'était une hiéoiiséquonco; mais où
n'en Irouvo-t-on pas ?» Le t a, une nouvelle convocation eut lieu ; les chefs de
corps y furent appelés;quelqu'un., proposa de conduire l'armée en France ; le
maréchal eu prouva l'impossibilité. Cette assemblée fut agitée par des diseus-
sions ardentes; les démissions commencèrent»; et se multiplièrent le if, lorsque
les loris et la tlolle se pavoisèrent du drapeau national» salué par toute l'artille-
rie, Le is» ;Mi Duperré remit, au maréchal de nouvelles dépêches,qui procla-
maient l'élection de Louis-Philippe Ier, roi des Français,
Le trouble semé dans Vannée par le contre-éoup de ces graves changements
politiques né fut pas sans influencé sur les dispositions des Arabes à notre
égard ; le beyde Tiltcri, renseigné par ses affidés, crut pouvoir profiler des
circonstances, et, ne doutant pas du rappel de nos troupes, fit éireitter unma-
nifestc qui appelait les tribus aux armes, et nous menaçaitde paraître incessam-
ment sous les murs d'Alger avee aoo,Ooo hommes. La Métidjah se couvrait de
tirailleurs ; l'armée, réduite à la déledsive» construisait des blockhaus et des re-
doutes aux abords de la ville, .Quelques."-officiers imprudents furent égorgés
presque sous lés remparts ; et le général en chef, atterré par l'inquiétude et le.
chagrin, attendait dans la Kasbah des ordres de France qui n'arrivaient point.
Les démissionnaires de fout grade parlaient de joiu* en jour, comme si des
hommes de coeur pouvaient hésiter entre un roi et leur pays, et briser leur épée
quand la Franec avait, plus que jamais, bèsoinde tous ses défenseurs.
Enfin, le 2 septembre, VAlgésiras parut à l'horizon. Ce Vaisseau portail le
général Clauzcl, désigné pour remplacer M, de Boitnnont. Le jour suivant, le
vainqueur d'Alger, prévenu, par des lettres de sa famille, du danger qull courait
s'il rentrait enFrancc, résolutde se retirer à Mahon pour y aticndi'eles événements,
L'amiral lui refusa durement un navircdeVEiat, et il se vit réduit à errer sur le
port, avec quelques personnes de sa suite, jusqu'à ce qu'il trouvât un brick au-
trichien pour Vcthinencr avec deux de ses fils. L'alité était allé porter à Paris lés
di'apcaux de l'ennemi^ le dernier avait péri sur le chanip do bataille; leur père
quitta en Tufiitif les rivages témoins de son triomphé et de ses larmes,
LIVÎÎÏv. DEUXIKMF."

PANOHAMA DE L'ÀfcGEKlE.

Diîseitii'Tiox m; soi,, — KTiitXooaAi'ini', ors HACKS iNniofiMis,


EXPLORATION DU DÉSKtlT DB

Avant d'ouvrir le dédale où se poursuivent quinze- ans de vicissitudes tour a


tour glorieuses et funestes, jetons un regard sur la partie des régions africaines
que nos armes ont sondée. Ce tableau, précédant lo récit des opérations mili-
taires, en fera mieux saisir la marche, les résultats "et l'avenir.
Les anciens connaissaient peu l'Afrique avant la complète romaine, et ne nous
ont laissé aucune histoire des peuples primitifs de ces contrées, que les fables du
vieux monde remplissaient de mystères,.
Hérodote 1 .leur donne le nom de Lybie, et dresse un catalogue de 1s t'i,20-
peuplades riveraines, sans éclairer davantage ce stérile document. — Scylax, qui
reproduit à peu près son devancier, rapporte (pie les navigateurs mettaient U
jours et un quart pour aller, par mcr,'des bouches du Ml aux colonnes d'Her-
cule; il ajoute que tes Lvbiens, habitants d'un pays excellent, possèdent d'im-
menses troupeaux qui font leur richesse 2, -~ îîauiioii, général carthaginois,

1 Iforodot. Ititlletirnass. Ilisior, llli. iv, t.ti','cl. U.ttuV., 17lu.


8 il y/tpv. t/ûx'f, Aptottf, x.'/l it«|/.(j»îf»t«r/i, M\ tywmyi.t't. ««p* aùtiï$ int\ M\ jj.fydra, m\
TtliUvJ., M\ aitti ir>.'.U(Ji(ir».t'.l, Seylaols Carynndunnln l'eriplo, Oxott., 1008.
M L'A F BIQUE FRANÇAISE,
«

chargé, au temps le plus florissant de cette république, dé faire le tour de VÀ-


frique, écrivit, à son retour, des commentaires presque merveilleux, dans les-
quels la plupart dés auteurs grecs et latins ont puise toutes leurs fables,
Strabon se montre plus sérieux et déjà mieux instruit. « L'Afrique, nous dit-
il, a la figure d'une panthère ; ...ce territoire est couvert de lieux habités qu'en-
vironne un désert 'incalculable ; on y a rarement envoyé des armées, et le
peu de voyageurs qui en viennent se plaisent à raconter des Choses ineroya-
blcs, Toute la partie située entre Carthage et les colonnes d'Hereule (depuis
Tunis jusqu'à l'Océan) est d'une extrême fertilité, C'est là que vit un peuple
riche» que les Grecs nommaient Mauriisicns, que les Bomohis et les indigènes
appellent Maures. 1)ans le coeur du pays on ne trouve que montagnes et déserts,
entre lesquels s'étendent» par-ci, par-lit, les terres possédées par les Gétules, On
rencontre sur te littoral beaucoup de villes, de fleuves et de -lacs; mais les Mau-
res, en général, préferent la vie errante, Ils ont do petits chevaux d'une ".vitesse
extraordinaire,mais si doux, qu'il suffitd'une baguette pour les gouverner. Celle
contrée,'poursuit.Strabon, a été gouvernée par plusieurs princes qui furent tan-
tôt amis cl tantôt ennemis des Bomains; d'où il est arrive que ccux-cidonnaicnt
souvent des terres aux uns» tandis qu'ils en enlevaient aux autres. Les régions
les plus voisines de la Mauritanie était d'un meilleur revenu, et de plus de res-
sources; mais celles qui confinaient au territoire de Carthage étaient plus.floris-
santes et plus cultivées, quoiqu'elles eussent beaucoup souflert, d'abord par les
guerres puniques, et ensuite par celles de JUgurtha. Cirta (Coiistnittine},rési-
dence déMassinissa et de ses successeurs, est située fort avant, dans les terres;
c'est une ville qui a été bien fortifiée cl abondamment pourvue de toutes choses,
surtout par Mieipsa, qui y fit venir une colonie de Grecs, et la rendit si piiisr
saute, qu'elle put mettresur pied 40,ooo .chevaux et 20,000 fantassins. Outre
Cirta, il y a dans'lc pays les deux Hippones, toutes deux villes royales, La Gé-
tulie est séparée de la côte par de .-Vastes plaines»' de hautes montagnes» de
grands lacs et des fleuves, dont quelques-uns se perdent dans les sables. Ses
peuples'mènent mie vie frugale ; la polygamie est en vogue chez eux; ils ont
beaUéoup d'enfants, et ressemblent assez, pour le reste, aux Arabes nomades.
Leurs chefs s'appliquent, surtout à créer de beaux haras, qui produisent, tous les
ans, plus de eent mille poulains'. »
Polybe, ayant obtenu quelques vaisseaux de Scipiou Êmilien, gouverneur de
l'Afrique, a fait de sou voyagé une relation que rien ne vérifié, et que Pline ne
cite que pour mémoire.
Suetonius Pauiinus, le premier Botnain qui ait franchi' l'Atlas, décrit les
grandes forêts dont ses flancs sont couverts. « Les branches de ces arbres incon-
nus ressemblent, dit-il, aux cyprès, jettent une odeur forte, et sont chargées
d'une espèce de'.coton fort tendre, doiildii pourrait, avec un peu d'industrie,
faire des étoffes ."semblables à celles de soie, Le sommet des montagnes est eou-
"vcr't de neige,"même eu été. .l'ai pénétré au delà de celte chaîne jusqu'à un

(I) lh)M\w'j.vÀti iïly.'À Tî4).'JTî'/tfrè;, ?#>,>,« fil.ty,!ptpiï; ttï; Nop.at, tfty Àf^oiov... in-ito^'p»
Ci* «ï'ioiflv {<sr,(M^JM\i,ii^, ^'/«ftf^Ttoï t«î P««).*ti9tV».'âo?i' V/A à.bé\m t^tt^tteOai r.tâx^
..Jt'/T*- èVfeî d? jA'Jflst^j ^«'..STUAIioKtH, Uertim gcogrùiihlc, lib, 11 ut XVII, pàssim, Âmslelotl,, 1707.
LIVBE DEUXIEME, H3

fleuve appelé Gcr, en traversant des déserts brûlants. Tout le pays était rempli
de roches abruptes, et parsemées d'une poussière noire qui les faisait paraître
comme calcinées. Les habitants des forêts voisines, remplies d'éléphants, d'au-
tres bêtes sauvages et de serpents monstrueux, se nomment Canariens, parce
qu'ils...mangent des chiens *, » — Juba, père de Ptolémée le géographe, et qui
régna sur la Mauritanie, où il se rendit plus célèbre par son savoir que par sa."
politique, racontait les mêmes choses des régions de l'Atlas; Solin les a
copiées 2.
La géographie de Ptolomée divise la Lybie, do l'ouest à l'est, en Mauritanie
Itngitanc, Mauritanie césarienne, Numidie, Afrique, Cyrénaïque, Marmorique,
Lybie proprement dite, et Egypte, La Mauritanie césarienne (partie de l'Algé-
rie actuelle) s'y trouve bornée à l'O. par la tingitanc (le Maroc) et le fleuve Ma*
loua (Malouïa); elle a au N, la mer do Sardaigne (Méditerranée), lo long de la-
quelle elle s'étend jusqu'au fleuve Ampsaga (Oued-cl-Kébir, entre Djidjeli et
Kollo).. Ptoléméc. compte sur le littoral 25 villes, entre autres Porlus magnus
(Mcrs-el-Kébir), les colonies de Quiza (Oran) et d'Arsenaria (Arzew) ; ,lol Kaisa-
rcia (Cherche!!) ; Icosion (Alger) ; Igilgili (Djidjeli). —Au sud, la Mauritanie
.-césarienne est limitée par.la Lybie, auprès de la ligne qui joint, nu-dessus de la
Gétulie, les frontières méridionales,.— La Numidie continence au fleuve Amp-
saga, et finit sur les bords du Tusca (Oued-Zaine, rivière des chênes). Le même
géographe dénombre 72 villes dans l'intérieur de la Mauritanie césarienne,-et 20
'en Numidie, —L'Afrique proprement dite forme, à partir du fleuve Tusca, la
régence actuelle de Tunis, dont nous n'avons pas à nous préoccuper.
Poinponius Mêla dit que lu Mauritanie, occidentale n'a presque rien de remar-
quable ; qu'on n'y trouve quo'des.'bourgades, des rivières souvent desséchées ;
mais que le terroir vaut mieux que les gens qui.l'occupent 8. Selon ce géographe,
la Numidie, beaucoup plus petite que la'Mauritanie, est mieux cultivée et plus
riche. Il prétend qu'à .l'intérieur du pays.s'étendent au loin des campagnes sté-
riles, où Von trouve, s'il est permis de le croire, des arêtes de poissons, des co-
quillages, des morceaux d'écaillés d'huîtres, dés cailloux, polis, des ancres qui
tiennent aux rochers, et autres marques et indices semblables, qui font connaître
que la mer s'étendait autrefois jusque-là''. « Les habitants, ajoute-t-il, race très-
misérable, sont d'une grossièreté repoussante; ils couchent et mangent à terre;
leur vaisselle n'est que de bois ou d'écorecs d'arbres. Les principaux d'entre
eux s'habillent de sayes, et le commun peuple de peaux de 'moutons, Leur
boisson ordinaire est du lait, ou le suc qu'ils expriment.de''certains fruits ; tous
vivent de chasse, A mesure qu'on avance dans le pays, les hommes, devenus plus
sauvages, mènent une vie errante, passant avee leurs troupeaux d'un endroit à
l'autre, et établissant leurs cabanes partout où croissent des fourrages, Lorsque

1 Ultra flttvltim fini Gor vocarotiti', por Bollttullnos ni^rl ptilvoriB,citiiiii'iUlbi s.. i-rthini ycliit ctuislis citti*
Klbns, loca Inltnbltubilia forvorc, <iuatiquutii ltyborno temporo l'Un, Hoound., JJial, itatural., lib. V, l'url*
"Us, 11)85.
« J.Kolinl, l'oltjhistor., cttp. x.Viv, 'l'raj, ad Miel)., 1(180.
0 Uo«io ifc'tiobllis, et vis qtilc<itiain lllnstru Hurtitn, pat-vin opplditf linbitatilr, parViHlntnlnu cmittlt, ROIO
quam vlris inullor (Cap. V,), — * Spinm plscititn, intiricntn iiHtrcoruinqnu fiU|>menta» snxu atltita, uti Bolimt
llilutibus, inilxic cauiibttH anultorio, veatlylit cfl'uui ollni w\w; ad liu;e Iocn puliifil. (Cap. vt.) Pompon, Mida.,
De Situ Orbis, hem Duninof. 1711,
tH L'AFRIQUE FBANÇALS4C.
la nuit les surprend, ils s'arrêtent où ils se trouvent. Parmi ces peuplades, qu'on
dit habiter au delà du désert, sont les Atlantes, montagnards qui maudissent le
soleil ' chaque fois qu'il se lève ou qu'il se couche, parce (pic ses brûlants rayons
les désolent aussi bien que leurs champs. Ceux-ci no se distinguent pas entre
eux par des noms individuels ; ils no mangent point la chair des animaux et ne
rêvent point comme les autres hommes. — Les Troglodytes, dénués de tout, i\e
s'expriment que par une sorte de sifflement?- ; ils habitent des cavernes et se
nourrissent de serpents. •— Les Garnmantes ont des troupeaux de gros bétail,
mais ces bêtes sont obligées de paître en tournant' la tète sur le eôté, parce que
leurs cornes, pointées en bas et fort longues, les empêchent de brouter, Toutes
tes femmes y sont en commun, et pour juger à quel père, parmi un si grand
nombre, appartiennent les enfants qui naissent de celte promiscuité, on s'en
rapporte a la ressemblance3.— Les Augiles ne, reconnaissent d'autres divinités
que les ômes des morts; ils ne jurent que par elles, et les consultent comme des
oracles, Après leur avoir exposé leurs voeux, ils se couchent sur quelque tom-
beau, et reçoivent la réponse en songe, C'est un usage reçu parmi eux, que les
femmes, la nuit de leurs noces, se prostituent à tout venant, pourvu qu'il leur
fasse un présent, et plus elles ont eu de galants cotte nuit-la, plus elles sont ho-
norées; mais, au reste, elles sont fort sages et pudiques '•. — Les Gamphasantes
vont nus, et ne connaissent l'usage d'aucune armetl; ne sachant ni lancer un ja-
velot, ni en parer le coup, ils fuient tous ceux qu'ils rencontrent, et ne vivent
ou ne s'entretiennent avec personne qui ne soit de leur nation. — Les Blémyens
n'ont pas de tète; leur visage est placé sur leur poitrine °; — enfin, les Satyres
n'ont de l'homme quo la figure "', »
Suivant Pline le naturaliste, « l'Atlas élevait jusqu'au ciel ses crêtes escarpées ;
sa longue chaîne s'étendait du désert jusqu'à l'Océan qui en a pris le nom. Cou-
vert d'épaisses forêts et arrosé par mille sources, il produisait naturellement et
sans culture une si grande abondance de toutes sortes de fruits, qu'on y trou-
vait en tout temps de quoi contenter son envie. Durant le jour, on n'y voyait
paraître aucun habitant; il y régnait un profond.silence qui tenait do l'horreur,
et Verne se sentait saisie d'un respect religieux et d'une sainte frayeur quand
le regard mesurait son élévation au-dessus des nues, et presque par delà l'orbite
de la lune, On y voyait pendant la nuit beaucoup de feux : c'était le rendez-
vous amoureux des Égypans et des Satyres, qui le faisaient retentir du bruit
des flûtes et des tambours 8. »
Le tableau tracé par Salluste, qui fut gouverneur de l'Afrique pendant la
dictature de César, nous représente en peu de mots cette région comme un sol
fertile, nourrissant des troupeaux nombreux, mais dénué d'arbres, à cause de la

I Kolom execriintur, ot tlnm orltut', et dum occKlit. — 5 Strident magln quant lôqtutntur, — il Kx lils
qui, tant eoilfiiso parentum coïtu, }>a«Htm inccrtiqtic nascunttir, quos pro suis colnnt, fornue fiitiiillttidlnu
nglioKtNint. — * l'oeinitils ool'iltn fiolumne ont, Itocto qtla nttbunt, omnium stupro pâture, qui euni muncro
mlvencrliitt et tum, t'um pliiriinls conctllniisse, maximum deens; in l'cliqiunn pndlcitîa Ittslgnls est.

S Aniioriiin omnium i^iiarl, Ulemyis eapita abstint vultits in poctoto est. — 1 l'nutur ulllgleiii, niltll
—0
hiimaiil, (t'ompoil, Mêla, De Situ Orbis, Ucm llumiior, 1711.)
!

' ,
8 Innolnrum itemincm intordiu cernl ; Rllero omnla ; mibiro tarilam rcllRloncm anlmos propitiB acecdon-
tlnm, prstorqttc borrorom clnll «tipcr mibila, ittqtie in vlclnlum lunarls circuit. I'îttmdum nocllbim mienro
crebris IgnilttiB, Kgypanum Satyrorumqtto lasclvla impleri, tlbiarum ac fistultd eantu, tympanantmqiic et
•cymbnlonim so.iittt Hlmpfre. (fini, suntind., f/isl,iinturat.,\\[u^, éarlslis, KiS5.)
LIVBE DEUXIEME. rifi

rareté des pluies et des cours d'eau '.On a voulu, de nos jours, prendre à la
lettre cette opinion du célèbre'-historien ; mais il est permis de penser que Sal-
luste n'appliquait son jugement qu'à la partie du pays qu'il avait eu occasion
d'explorer, llnvnit fixé son séjour à Stora, sur la côté oriental do l'Algérie ae-
tuolle. Apre à l'abus du gouvernement militaire dont il était investi, Sallustc fut
plus occupé du soin de pressurer, par mille exactions, les indigènes placés
sons son autorité, que d'étudier les ressources du pays, N'oublions pas que sa
carrière finit avec la vie de son protecteur,'égorgé en plein sénat, au pied de
la statue de Pompée; c'est alors qu'emportant dans sa retraite lé chagrin d'une
perte à laquelle il survécut peu d'années, j'cx-proconsul écrivit, sous les om-
brages de son palais du Quiriiial, le beau drame des guerres de .lugurtha. Mal-
gré les richesses qu'il avait rapportées d'Afrique, les tristesses do. l'isolement et
les regrets cuisants de l'ambition déçue l'empêchèrent de dire toute la vérité
sur un pays dont les souvenirs s'alliaient à sa disgrâce.
Nous trouvons enfin dans Isidore de Sévillc, qui compilait au moyen âge les
écrivains grecs et romains, une explication singulière, mais plausible, du nom
do Lybie, quo les anciens donnaient assez généralement à la vieille Afrique,
« Elle a été ainsi appelée, dit-il, du vent
Lybs ou S.-E., qui en vient. D'autres
ont cru qti'tôpaphus, fils de-Jupiter, fondateur de Memphis, en Egypte, eut de
sa femme Cassiota une fille, nommée Lybia, ({ni régna ensuite en Afrique, et
que c'est d'elle que ce pays a pris s'in nom. Quelques autres enfin prétendent
quc'Lybio était le nom primitif, et qu'elle a reçu celui d'Afrique d'Afer, l'un des
descendants d'Abraham par Ccthura -, »
Tels sont les vagues renseignements que nous offre l'antiquité; mais les écri-
vains du moyeu Age, tels qu'Abou-el-Feddah, Fbii-llaukal, Edrisi, Ehn-el-l)in,
Jean-Léon l'Africain, Marmol, et, dans des teiiips plus rapproches de nous, les
voyages de Shaw, de l'abbé . Pqifet, des savants Peyssonel et Desfontaities, ont
éclairé d'une vive lumière la géographie du nord de l'Afrique.

DESCHIPTION DE LVAI.OIÔIAIK MODEHINE,

§ Y', l'Ol'l'UTIONS IXlUOÙMiS.

Ahou-el-Foddah donne le nom général de Mogitrob (pays du couchant) à cotte


saillie que forment au N.-O. les contrées africaines, à partir du :i:r degré de.
latitude. H divise cet espace en trois régions : I» le Moghrcb-el-Aksa (extrême
région de l'ouest), qui s'étend de la mer Atlantique, du couchant au levant,
jusqu'à Tlcmccn ; 2" le Moghreb-el-Aousat (région intermédiaire de l'ouest), de-
puis Tlcmcen, jusqu'à l'extrémité orientale de. l'ancien royaume de, Bougie;
8°TAfrikett (en langue phénicienne Fériké, terre des épis), qui régnait depuis
Bougie jusqu'au delà du territoire actuel de Tunis 3, »

• Marc sijovnni, Imporlunsuhl ; nROf fmgtlm' fortllls, bonus pcr-nrl, ardori Infocuudui ; coelo terrnqtto,
petutria uqnarum. (îrlsp. Sallust, Hélium Jogui'lliimim, cap. NUI,
a tsltlnrl, lîispal. tlriginiim, lit», AIV, Hutril., V>11.
'J Àboit-el-Fcddali, Al'ricu, arubi oot litllim, einmim Joliuu. Kicliliorti, notllnjum, lîttl, iu-B",
M L'AFBIQUE FBANÇAISE,
La domination romaine avait été lente à se fonder ; sa durée fut pleine de trou-
bles. Les Numides vaincus ne cessèrent point de protester contre le conquérant par
des révoltes multipliées ; cl eependant, malgré tant do di-,yicultés, nous voyons lo
sol africain chargé d'un réseau de colonies, de villes tributaires, de forteresses
et de communications stratégiques. Toutefois, cette grandeur n'était que fictive;
le pays était subjugué, mais non soumis ; les légions latines avaient sans cesse
les armes à la main pour comprimer, sur tous les points, des insurreetions tou-
jours renaissantes. Au cinquièmcsiècle de notre ère, l'empire romain, touchait
au dernier période de sa décadence, L'invasion des Vandales, après avoir pillé
Homo pendant 14 jours, se rua sur la province africaine, Bélisairc le Byzantin
vint 'écraser à leur tour ces farouches vainqueurs; mais ce triomphe passager
no put imposer aux indigènes la soumissionni la paix, et, 200 ans plus tard, ap-
parut l'immense émigration des Arabes d'Orient, qui balaya les vainqueurs et
les vaincus,
L'an du Christ (140, l'Egypte était soumise par Amroii-bon-cl-Aasi,qui jota
les fondements du Kairc, et prit la ville d'Alexandrie,
Sept ans après, un nouveau chef, Abdallah-bcn-Saïd, s'avancejusqu'au pied
de la vieille Numidie, disperse une armée de 120,000 Grecs commandés par le
putricc Grégoire, et s'empare de Tripoli ; mais bientôt, épuisé par les fatigues et
les maladies de ses troupes, il regagne l'Egypte, après 16 mois do campagne.
Eu 063, une seconde invasion, composée des plus braves guerriers d'Orient,
est attirée par les Indigènes africains eux-mêmes, lassés du joug des proconsuls
de Byzance; elle renverse tous les. obstacles et-parvient à Cyrènc; mais, au
milieu de ses succès, une insurrection éclate en Egypte et eu Syrie; le khalife
Moawiah rappelle ses soldats victorieux pour .défendre son pouvoir,
En 055, Okbah-ben-Nafy relève l'étendard des complètes lointaines, et, suivi
de 40,000 combattants, franchit les déserts de sables, les monts arides, les
plaines ignorées, et, comme si Dieu même l'eût.-conduit par la main, ce génie
du moyen age-arrivo à Tanger (Tingis), aux bords de l'Atlantique : — « Allah !
s'ccric-t-iUivec orgueil en poussant sou cheval dans l'Océan, tes flots m'arrêtent;
ouvre-les devant moi, et j'irai porter ton nom jusqu'aux royaumes inconnus du
Couchant!)) Mais, quand il voulut revenir sur ses pas, les Mauritaniens indi-
gènes, et les populations romaine et byzantine, que son audace avait frappées
de stupeur, s'étaient refermés derrière lui i —-l'armée arabe et son chef, cernés
de toutes parts, furent anéantis.
Les Arabes d'Egypte, inquiets du sort de leurs frères, envoyèrent une autre
urinée pour partager leur prospérité, s'ils avaient trouvé des terres heureuses, ou'-
pour venger leur défaite, Zobcir, brave comme Okbah, subit, comme lui, les
désastres d'une invasion aventureuse, cl périt avec ses compagnons,
Ces quatre expéditions apprirent aux Arabes qu'ils ne pouvaient s'implanter
dans les contrées d'Occident qu'en fondant leur puissance sur des établisse-
ments, successifs, Ils marchent cette fois avec précaution, occupent la terre,
absorbent dans leurs niasses les habitants qui se soumettent, refoulent les au-
tres, ouïes détruisent par la guérie. En 070, ils Coudent Kheïr-Ouan (Kairouan),
et leur domination s'y met à l'abri des révoltes. En 002, ils renversent Cartilage;
les Grecs do Byzance abandonnent l'Afrique: le christianisme en est banni
LIVBE DEUXIÈME. 67
comme eux» et l'invasion musulmane emporte dans son cours irrésistible tout ce
qui restait encore de la fortune de Borne. Les Arabes triomphent partout des
insurrections mauritaniennes, et, devenus bientôt trop nombreux par les ren-
forts continuels que l'Orient leur envoie, ils se jettent sur l'Espagne, en 7(0. Le
rocher de Gibraltar (Djebel-el-Tnrik) a gardé le nom du chef de ces belliqueux
conquérants. La France elle-même est envahie ; Marseille, Avignon, Narbonne,
Arles, Saint-Tropez, Fréjus, tombèrent en leur pouvoir : mais Charles-Martel les
arrêta dans les plaines do Poitiers, en 732, les vainquit dans une bataille mé-
morable, et les rejeta derrière les Pyrénées.
Nous n'entrerons point dans le détail immense des événements qui se pas-
sèrent en Afrique depuis l'établissement des Arabes jusqu'à notre conquête,
Douze siècles y embrassent l'histoire de la domination musulmane, et ce cycle
d'existence inquiète ne compte que dynasties qui se dévorent, empires d'un
jour qui chancellent et s'abîment au souffle des révolutions ; lo Moghrcb est
une arène sanglante, où la paix môme est sous les armes. ,
Expulsés d'Espagne en 1491, après un règne de huit siècles, les Arabes rede-
vinrent conquérants, et organisèrent des républiques de corsaires qui semèrent
souvent le ravage chez les vainqueurs. L'Espagne, nu seizième siècle, porta la
guerre en Algérie; lo Portugal, sur les côtes occidentales du Maroc.—Deux
aventuriers turcs, les fameux Barberousses, fondèrent, à la même époque, l'état
d'Alger, que Khcïr-Eddin plaça sous la suzeraineté de la Porte-Ottomane, et
qui devint bientôt redoutable à toutes les puissances chrétiennes, Nous verrons
plus loin quelle était la constitution de ce pouvoir L
La plupart des écrivains qui se sont occupés de l'Algérie ont singulièrement
exagéré le nombre de ses habitants* Cette question mérite aujourd'hui un exa-
men plus attentif,
Il est très-difficile d'avoir uno idée exacte de la population des états musul-
mans, parce que la religion do Mohammed interdit le recensement, Les voya-
geurs, les savants et les hommes parlementaires nous ont donné des clnffrcs
dénués de toute preuve. Ainsi, en 1820, William Slialer, ancien consul général
des États-Unis, évaluait lapopulationà800,ooohabitants 4. En 1830, le général
JuchcrcauSaint-Denis maintenait le môme chiffre ».' A la fin de la même année, le
Journal des Sciences militaires Yélevait à 1,000,000 Ames ; et, en 1837, un aca-
démicien, M, Dureau-Dclamallc,en imaginait déjà quatre millions". On ne pou-
vait s'arrêter en chemin si rapide; aussi Vévêque d'Alger, dans un pieux désir de
p osélytisme, entrevoyait-il, en 1842, 6 à 0,000,000 de futurs néophytes u,eton
1844, à la tribune de la chambre des députés, le général Bellonet proclamait
gravement l'existence de sept millions d'indigènes «111
Ces dernières erreurs sont déplorables do la part d'hommes sérieux, D'autres
•autorités vont nous ramener dans le vrai, et prouver que le petit nombre d'ha-

1 Voir ci-après, § III, Alger elle gouvernement turc,


iSkelcheaotAlgier'SfpoliticalJiistoricalandchil.Uo^oiuWiQ,^^,
» Considérationsstatistiques, historiques el militaires sur la régence d'Alger, 1830, p. 41 et 49»
4 Recueil de renseignementssur la,provinc& de C'onsianline, p, lfil,
8 Annales de la Propagation de ta foi, pour Ie« nnntoB 1812 ot 1811.
« lîapportpffçfif^m de la commission des créditssupplémenta'rcsde l'Algérie, lol7mal 1811.
M L'AFBIQCE FBÀNÇAISE.
bitantsq'ue l'Algérie renferme, eu égard à son étendue, en laisse les.trois quarts
sansculturo 1. « Très-certainement, dit M. Genty de Bussy, on s'est plu à exa-
gérer la force des tribus de la régence, et elle est de beaucoup inférieure aux
calculs des détracteurs delà colonisation. Le maréchal Clauzel évaluait le nom-
bre des fusils éparpillés sur le territoire à 50,000. Si le recensement en était
possible, il serait ' plutôt au-dessous qu'au-dessus** » M. Blond el, directeur des
affaires civiles en Algérie, reconnaît quo co pays est peu peuplé aujourd'hui,
mais riche de son soleil et de la fertilité de ses terres 3. Mais enfin, comme les
calculs de cabinet peuvent n'être pas exempts d'erreur, nous allons reproduire
Vétudè grave publiée par un savant officier d'état-major, qui suivit, pendant
plusieurs aimées, nos opérations militaires,
« Après dix années d'observations, nous dit-il, j'émets mon opinion sur le
nombre des habitants de l'Algérie, par les raisonnements suivants, L'Algérie, de-
puis l'embouchure de la Tafna jusqu'à La Galle, offre une longueur de 250 lieues
de 4,000 mètres; sa largeur moyenne estde 40 lieues; sa surface est donc de
10,000 lieues carrées, — Si 3,000,000 d'hommes occupaient ce territoire,
chaque lieue carrée, l'une dans Vautre, aurait 300 habitants, et, dans quelque
direction que l'on marchât, on devrait trouver moyennement, à chaque lieue do
poste, un.douar (village) de GO tentes, renfermant chacune 6 individus.
« S'il y "avait t ,500,000 habitants, les douars auraient 30 tentes au lieu de 00 ;
mais il est à la eonnaissanec de toute l'armée que Von fait souvent .6, (i, et même
jusqu'à 10 lieues, .sans'rencontrer un douar, mais seulement quelques patres
isolés, Je erois exagérer en comptant 50 habitants par lieue carrée ; mais je
m'en tiendrai à ce .'chiffre, qui certainement est plus près de la vérité que tous
ceux émis jusqu'à présent, et qui donne une population totale do 500,ooo âmes
sur les 10,000 lieues carrées de la régence,
« Formons-nous maintenant, avec ce point de départ, une idée de la force mi-
litaire du pays, Les femmes composent les trois cinquièmes de la population.
11 n'y a'donc qile 200,ooo hommes, parmi lesquels on peut compter 80,ooo
vieillards, enfants ou invalides, Restent à peu près 120,ooo hommes valides,
dont la', .moitié à peine est armée d'une manière iucotnplèté, Chacun sait-que,
dans toutes les circonstances, lorsque les Arabes vont faire quelque excursion
guerrière, ils laissent au moins la moitié de leurs forces pour protéger leurs fa-
milles et leurs biens contre les razzias ou'les attaques do leurs ennemis particu-
liers. La France n'a donc, dans toute l'Algérie, que 120,000 hommes valides en
état de lui résister; 00,000 d'entre eux à peine sont armés, les uns de fusils, les
autres de yalhagatis et de couteaux, et, d'après ce que je viens de dire, 30,ooo
seulement sont disponibles. — Ces 30,ooo combattants, qui forment la force
arabe, sont disséminés sur une surface de lo,ooo lieues carrées, et celte tourbe
indisciplinée, sans organisation, sans artillerie et souvent sans munitions, est in-
capable, on supposantmôme qu'elle pût se réunir, d'aucun effort sérieux.—En
1830, époque où l'arméo indigène, aidée de 0,000 Turcs, devait être la plus

1 Tableau du royaume d'Alger, de sou commerce, de ses forées ùc terre et dt tntr, par llennudot, ancien
o:llcler do la garde du consul dû France à Alger. 1830, p. Mo.
â De l'établissement des Français dans la régence d'Alger, 1.1, p. 143,
8 Apcfçu sur l'étal actuel de l'Algérie, par Lfon Blottdol, 1814, p. 17.
MARCHAND MAtîltK.

V Altfnr.
LIVBE DEUXIÈME. fiO

nombreuse' possible (soit parce que' les Arabes étaient encore solis l'influencé
d'une certaine organisation, soit parce qu'ils étaient attirés par :'l'appât d'un bu-
tin qu'ils croyaient certain), sa force, aidée de tous les pillards tunisiens et
marocains, voisins des frontières, ne présentait pas un effectif do 30,000 hom-
mes, Ici les-chiffres.'.viendront.encore à l'appui de mon assertion. L'expédition
française comptait 35,000 hommes de toutes armes. Pendant les vingt'jours de
campagne qui précédèrent la prise d'Alger, une seule division fut engagée à la
fois, c'est-à-dire que chacun de ses douze bataillons détachait une ou deux
'

compagnies eh tirailleurs, ce qui faisait au plus 2,400 hommes en présence de


l'ennemi. Cclid-ci ne s'est presque jamais montré en plus grand nombre;"mais'
admettons que la ligne de bataille ait été quatre, fois plus forte, et qu'il n'ait
déployé simultanément que la moitié de ses forces: d'après cette hypothèse exa-
gérée, il n'aurait eu encore que 20,000 hommes. En 1830, les seuls combats sé-
rieux que nous ayons livrés ont eu Hoir contre les Turcs s les Arabes ne fai-
saient que tirailler dans le lointain '.»
Ce simple exposé donne\\n singulier démenti au système préconisé, en 1838, par
un ministre de la guerre, qui put faire comprendre à la chambre des députés
-'quo le général français'se voyait condamné en Algérie à user demoycus dont
l'emploi, dovcnti de jour en jour plus rare, répugne justement à des peuples ci-
vilisés. On devait, disait-il, se résigner à refouler au loin, à exterminer peut-être
les populations indigènes. Le ravage, l'incendie des moissons, la ruine de l'uni-,
.'•'que industrie du pays, l'agriculture, étaient, à ses yeux, le seul moyen d'établir
notre domination M
Au reste, dès 1830, M. le commandant Pelllssicr pouvait résumer toutes les
misères des Arabes en ces mots : « Partout, où nous noils établissons en Algérie,
les hommes fuient et les arbres disparaissent. »' Et Tannée suivante, le général
Bugeaud leur annonçait ses projets par cette proclamation : «La première'campagne
commencera quand vos moissons jauniront ; elle finira lorsqu'elles seront dé-
truites» ainsi que vos arbres et vos forêts, La deuxième 'commencera après les
pluies, et durera jusqu'à la fin de, mars, afin que vous ne puissiez pas semer
vos blés 3i » Mais n'anticipons pas sur les événements.
Cinq races existoient sur le sol algérien à l'époque de notre apparition Ï
1° Six mille Turcs, petit peuple dominateur, gouvernant avec le sabre des ré-
gions ou, depuis quinze ans j notre pouvoir est encore contesté, malgré l'appa-
reil imposant do 100,000 baïonnettes ; 2o les Maures, h s Koulouglis et les Juifs,
dans les villes ; 3° les Arabes, dans la plaine ; 4° les Kebaïles, sur toute la région
montagneuse,
Nous avons expulsé les Turcs,— Les Maures des villes se livrent au com-
merce ; raec "abâtardie des fugitifs de Grenade, ils nous supportent sans réac-
tion t leur nombre peut s'élever à 50,000 '», Plus riches que les habitants de ht

1L'Algérie prise au sérieux, par M. Leblanc do l'rdlmls, capitaine au corps royal d'dtat-ninjoy, p, lu, C'o
«avant officier est l'autour d'un travail fort rotuarnimblc, iptl fait Justice de bien des préjugé», et réduit beau-
coup du fables ù leur triste Valctir, C'est une oeuvre do la plus liante portée.
2 Hxposé des motifs du projet de loi du i\ février 1838, par le (Jetterai Hornardj ministre de la guerre,
3 Lettre au ministre do la guerre, du 15 mal 18M7.
* L'Algérie; dos moyen» de conserver et d'utllit-er cetlo conquête, pat' M, lo maréchal IliipcatUl, p. f.O,
«0 I/AFBIQUE FBANÇAISE
plaine, ils vivent des anciens produits do la piraterie, ignorent les arts, dédai-
gnent l'agriculture, et ne rappellent eii tien les célèbres conquérants do l'Espa-
gne, De l'union des Mauresques avec les janissaires turcs proviennent les Kou-
louglis (fils de soldats), qui constituaient dans la régence d'Alger une classe à
part, exclue des rangs de la milice invincible. Maures et Koulouglis, énervés
par l'abus des plaisirs sensuels, ne comptent plus guère que pour mémoire dans
l'histoire de notre conquête.
Les Juifs, race cosmopolite, qu'on retrouve partout vivace et avide, intrigante
avec humilité, cachant sa vénale perfidie sous le masque de l'obséquiosité, lus
Juifs sont les trafiquants, les usuriers les plus actifs de l'Algérie, Ceux de la
classe la plus infime exercent des métiers de toute sorte; les capitalistes fai-
saient, sous le régime turc, le négoce des esclaves; quelques-uns d'entre eux
ont joué un rôle dans notre domination, comme on le verra bientôt, Méprisés
des musulmans, ils sont devenus, par Végalité que nous leur avons si impru-
demment accordée, orgueilleux à l'excès, sans reconnaître par aucun service
utile l'affranchissement qu'ils nous doivent. «En résumé, dit M, l'intendant
Genty dcBussy, les Maures et les Juifs ne nous donnent que les villes de l'Algé-
rie, et nous n'avons pas besoin d'eux pour nous y établir. Les Arabes nous li-
vrent la plaine et avec elle le pays, et il faut à tout prix que nous y restions
avec eux et par eux, Nous devons donc vivre à côté des Maures et au milieu des
Arabes, mais bien nous dire que par les premiers nous n'obtiendrons rien des
seconds, Indifférents pour les uns, uniquement préoccupés des autres, appor-
tons-leur, au lieu de coups de fusil, la tranquillité; au lieu de la discorde, l'u-
nion ; au lieu de la misère, le bien-être : ce sera leur donner à la fois le bonheur
et la paix, Une fois sur le seuil de ce changement de situation, ils seront les
premiers à pousser la porte pour y entrer tout à fait, Le plus difficile n'est pas
de vaincre, mais de soumettre et gouvernerl, »
Nous jugeons trop exclusivementles Arabes d'après quelques idées militaires,
Trompé sans doute par des appréciations inexactes, ou entraîné par le besoin de
justifier la guerre et les rubans de feu * qu'il promenait sur l'Algérie, un hono-
rable maréchal croit pouvoir les accuser de fanatisme 8 de mauvaise foi * et
d'un penchant au vol qu'ils ont, dit-il, « presque élevé à l'état de vertu ; si ce
n'est pas le vol du bétail qui les conduit, c'est le vol amoureux ; cette passion
leur fait faire des choses incroyables9, » — Il faudrait, ce nous semble, man-
quer de raisonnement pour condamner un peuple sur des exceptions ; les fana-
tiques, les gens de mauvaise foi, les pillards et les amoureux sont de tout pays,
comme les erreurs. Mais, sans passer d'un extrême a l'autre, on aime à ren-
contrer l'expression d'un examen plus impartial dans les remarques faites par
un officier fort instruit, qui a parcouru longtemps les tribus, soit comme chef

i De l'établissement des- Français dans la régence d'Alger, t. 1er, p. 145,


a Nous allâmes jusque sur le Haut-Isser sans rien brûler; personne n'étant venu au-devant de nous pou
se soumettre, nous finies de là à Oran, en passant par le.Sig, un ruban de feu d'environ deux lieues de lar-
geur. Ainsi finit cette petite expédition.'[lettre'-d'un lieutenant de l'armée d'Afrique à son oncle, vieux
soldai de la RévoltUion etde l'Empire, par M, Bugeaud. Paria, 1839, in-12.)
3 Rapport au ministre de la guerre, 16 janvier 1811,
* l'.AIgérie, des moyens de conserveret d'utiliser cette conquête, p, 31. —> Ibid,,
p. 9.
LIVRE DEUXIÈME. fil
du bureau arabe, soit comme simple voyageur, co qui est, à notre avis, le
meilleur moyen d'étudier les hommes,
« Les préjuges religieux, dit M. Pellissier, sont moins enracinés chez les Arabes
qu'on ne le croit généralement, Quoique attachés à leurs croyances, ils sont as-
sez disposés à s'affranchir de certaines pratiques gênantes et sans but ; mais,
dans ce qu'elle a d'essentiel, leur foi est vive et jeune encore. Doit-on leur eu
faire un reproche ? Non, sans doute ; car molheur au peuple qui ne croit à rien I
Chez eux, tout acte religieux a droit à leur respect, quel que soit le culte de ce-
lui qui s'y livre 1.
d Ils ont encore une qualité précieuse, et qu'il est d'autant plus juste de mettre
on lumière, qu'on la leur refuse généralement ; c'est de tenir à leur parole politi-
que. De ce qu'après avoir clé en état de paix, ou plutôt do non hostilité, avec
quelques tribus dans certaines circonstances, on les a trouvés hostiles dons
d'autres, on conclut trop légèrement qu'on ne peut compter sur rien avec eux.
Mais quels sont les traités qu'ils ont violés? J'avoue que je n'en connais aucun.
Il est arrivé sans doute, plus d'une fois, que des tribus ne se sont pas orues liées
par d'autres, et que même des promesses faites par des individus isolés d'une
tribu n'ont pas été tenues par la majorité. Mais quoi d'étonnant dans un pays
où nous avions laissé introduire une si complète anarchie quo la puissance et la
volonté publiques ne se trouvaient représentées par personne 8? Et cependant,
malgré cette absence de garantie, dotons les Français qui ont confié leurs tètes
aux Arabes, il n'en est pas un seul qui ait eu lieu de s'en repentir; tandis que,
sous l'administration du duc de Rovigo, deux parlementaires indigènes ont été
décapités à Alger, malgré le sauf-conduitdont ils étaient porteurs.
« Les Arabes sont, en général, doux pour leurs femmes, tendres pour leurs

t L'êvéque d'Alger, racontant son excursion pastoralede 1813, dit que, s'étant rendu à Constantine avec
l'Arabe Iîassounah, nouvellement converti, et dont il. avait fait son'interprète, cet indigène y reçut « l'ac-
cueil le plus inattendu, étant fêté de tous, mémo des chefs religieux, o Le gouverneur-général ayant bien
voulu Être parrain d'une cloché destinée à l'église"de cette ville, M. Dupuch la baptisa « parmi des (lots
d'Arabes émerveillés. I.o Cheikh Kt-Arab n'avait pas dédaigné, pour jouir de ce spectacle si nouveau pour
lui, de monter sur les épaules d'un de ses spahis...Enfin plus de cinq cents enfants arabes furent baptisés in
extremis parle prélat, sans opposition de la part des parents, » (Annales de la Propagation de la Foi
pour 18-14.)'
« Les Arabes, dit M, Baude, ancien commissaire du roi en Algérie, nous repoussent moins comme chré-
tiens que comme incrédules, (L'Algérie, t. H, p. 301.)
Plusieurs familles notables de Constantine, renonçant aux principes consacrés par la loi musulmane, In
pluralité des femmes et la faculté du divorce, ont demandé que le mariage de leurs enfants fût célébré sui-
vant la loi française, déclarant en connaître toutes les conditions, et en accepter toutes les conséquences.
(Tableaux officiels des établissements français en Algérie, publiés par le ministèrede la guerre; années
1813 et 1844.) •'-.'
8 On pourrait ajouter que le choix des chefs que nous avons imposés aux Arabes n'a que trop souvent
porté sur des intrigants, et des hommes tarés, chargés du mépris de leurs compatriotes. Le peu de con-
naissance que nous avions des indigènes servait autrefois d'excuse à nos erreurs; mais de funestes résultats,
tant de fois multipliés, auraient dû nous éclairer. On sait qu'à la surface de chaque nation croupit une
masse flottante d'individus sans patrie, vivant de ses trahisons, et faisant marché d'infamie. Cette lie sociale
qui, de tout temps et partout, mercenaire du plus fort, s'offre à lui comme séïde, existe on Algérie ; c'est
elle qui, avide, obséquieuse, avilie, s'est empressée autour de nous, s'est faite notre auxiliaire soldée ; nous
achetons ses honteux services, et c'est malheureusement sur cet échantillon flétri qu'onjuge encore le peu-
ple arabe. :

MaiB parmi tous les moyens de corruption que nous avons prodigués en Afrique, on n'eût pas dû compter
la prostitution do la croix d'honneur sur la poitrine d'intrigants indigènes, tandis que tant de braves sol-
dats, mutilés sous nos drapeaux, en sont encore privés, et le seront peut-être toujours.
«u i:\t'HMv»ri; ru.wc VISL.
enfants, hteuv cillants |ii">itr leurs serviteurs ; ils remplissent avec exactitude ton-
les devons de la vie soeiali cenv que leur position met un pou audessus du
commun sont remarquables par lo choix cl la délicatesse de leurs expression-,
dans louis relations publiques ou privées, |}s ne manquent m de délicatesse t;i
de déeenee dans leurs amours ; te evnismo, cet enfant grossier des peuples en-
dues, est mal reçu parmi eux; ils mugissent souvent, eouinte de jeunes lille.s,
a des conversations trop eomniuues parmi nous, el dans lesquelles ils ne s'en-
gagent jamais qu'avee répugnance. Cependant, malgré ce voile de pudeur el d.'
ehaslelé, ils tic sont point eotupléleineul étrangers à de eonrlamtiabtcs écarts;
mais les exemples eu son! aussi rares que chez tes autres peuples.
« l/existcnce des femmes est loin d'être aussi malheureuse chez les \ ratios, el
même cite/, les Maures, qu'on le croit en Lumpe. Les lois et les usages du pav-.
leur accordent des droits qui tes protègent coiilre les caprices de leurs époux, et
dont cites usent largement. Aussitôt qu'uni' dispute conjugale prend un caine-
tere un peu sérieux, la femme menace de l'intervention de la justice, qui et
presque toujours pour elle; aussi, en lîarîiarie connue en Lronce, c'est le beau
sexe qui tient ordinairement le sceptre du ménage; el ce pouvoir est rarement
partagé, car il n'y a que peu d'Arabes qui profilent du bénéfice de la pniv--
garnie, la plupart se contentent d'une seule femme, dont ils sont encore plu-,
souv.nl les serviteurs soumis quo les maîtres, tout comme dans nos conlréoc..
Les lois rendent tes liens du mariage assez faciles à rompre ; tuais, connue mit
ne peut renvoyer sa femme sans lui l'aire quelques avantages pécuniaires, le-*
répudiations soûl peu fréquentes. Les divorces par consentement mutuel le sort
beaucoup plus; il n'est pas rare de rencontrer des femmes qui ont passé dans les
liras de deux ou trois maris encore existants. Kilos peuvent aussi provoquer 1"
divorce pour des faits qui nous paraîtraient fort extraordinaires '. Ce n'est guère
que dans les villes que l'usage soumet les fenunes à la gênante obligation de
paraître voilées; dans les campagnes, ce rigorisme n'existe (pie rarement, sur-
11jt11 à tne<ure qu'on s'éloigne de ta capitale. Hien qu'il soit prescrit par le Koran,
les \robes d'Cspague s'en étaient olfrunehis, et l'on a vu, à Séville, des femme-,
professer en public les belles-lettres et les sciences. Celle tolérance a passé aux
\rabes d'Urique, qui, dans les campagnes, cachent peu leurs femmes, bien
qu'ils s'en mollirent très-jaloux. Les douars, ou villages, sont le théâtre d'intri-
gues amoureuses aussi fréquentes qu'eu Kuropo, et dont les dénoùmonts, par-
fois tragiques, ressemblent aux drames qui se passent chez nous; on peut en
conclure, quo. Ions les hommes ont les mêmes passions, et recourent aux mêmes
moyens pour les satisfaire 2. »
Tondis que les Maures des vides thésaurisaient par le négoce el la piraterie, h s
\rahes du dehors conservaient, avec leurs mu'tirs primitives, la libre jouissance
de l'espace. La bravoure indomptée des tribus n'est (pie l'instinct de la défense
personnelle; qu'elles ne craignent plus pour leur sûreté, el bientôt elles cesseront

! Kit le liaili d'Alger :v.;U une <k'iri;;ncV- , u M-J .'italii'it d'uni- fertilité qui se plaignait que- lV-r;;am;a~
ls:il,
tiim physique île son 111:1 n lut miilail lr,-p douloureuse lu s'-»mvii«sir 11 nt,x devoirs cr-i)jii{.'i(iix. le magistrat,
vérification faite des pièces du prorts, et est eiiriMdérai.k'li de l.i faiblesse de Ut femme, qui n'avait que-qu.i-
inr/.« ans pî<jri"i»;a le divorce.
2 Annules o!<jt[tiriiiies, par K, l'eili'-sier, capitaine an corps royal, d'étt't-miijor, 1. il'r, -Je partie, cli.'tp. .'!.
LIVUK HhtiXtKML (H
dé so fatiguer du poids des armci, Ucaucoup moins redoutables qu'on ne les a
faites, elles deviendront nos alliées quand elles croiront pouvoir se fier à nous;
quand la mitraille, rineendic et les fascines ne seront plus nus moyens do com-
munication. L'ennemi que nous avons ù combattre eu Afrique a'pris Irop sou-
vent, sous les plumes d'élut-mojor, des proportions gigantesques; t?t cependant,
qu'est-ce, après tout,'qu'un camp arabe? M, Htigoaud s'empressait, autre-
fois, de nous l'apprendre eu ces ternies ; « Qu'esl-éé qu'un camp arabe? Kst-il
retranché comme un Camp d'Kurope? occttpc-t-il Un point stratégique im-
portant à ôter ù l'ennemi? y a-t-il de nombreuses provisions de guerre et
de. botiéhé, nu grand .'matériel a saisir? est-ce quelque chose de difficile o
évacuer et qu'il y ait probabilité doprendre? Non, C'est tout simplement
une réunion de tentes mobiles, établies sur le bord d'un ruisseau oii d'une fon-
taine. Dix minutes suffisent pour tout charger sur des chameaux ; le camp s'en
va, et tes cavaliers se présentent pour combattre s'ils se croient assez forts,Hue
fois pour toutes, qu'onde sache bien, les talents des plus grands généraux, con-
centrés eu un seul, no forceraient pas les Arabes a;.combattre quand ils n'en ont
pas l'intention, Uien noies obligea vous attendre ; ils n'ont rien à garder, rieil it
protéger, parce (pie, leur force consistant en cavalerie irrégulière, ils no peuvent
défendre un point fixe contre une armée régulière, dont la principale force se
compose d'infanterie. La cavalerie régulière d'Kurope ne pourrait pas, beaucoup
plus que les Arabes, défendre une position, un eamp retranché. Qu'on lâche donc
de comprendre -enfin que les combinaisons stratégiques d'Kurope n'ont aueui»
sens en Afrique ; les choses, les armées étant toutes diiVérenlés, la guerre doit,
différer également. Il n'y a pas de clef d'une contrée, il n'y a pas à prendre de ces
positions-qui commandent au loin le pays, militairement partout. On ne tourne
pas les Arabes, tous les points de l'horizon leur sont indifférents ; on ne s'empare
pas de leurs lignes de communication, tous les chemins leur sont bons ; on ne
menace.'pas leurs dépôts, ni le siège de leur gouvernement, ni le coeur de leur
puissaiiee : -— leurs dépôts sont des silos invisibles, le ereiir de leur puissance
est aussi mobile «pie leur camp '. »
.
Il y a loin de celte simple description a l'omphâsc des bulletins qu'on nous
prodigue depuis cinq "ans; et 'cependant les Africains n'ont pas changé. Mais il
fallait à l'ambition d'un pacha français les'honneurs de l'apothéose ; des années
musulmanes sortirent de ses rêves, et le même homme qui, en 1 sus,'no voyait
dans les forées d'un camp arabequ'une puérile apparence, se mit a expédier
au ministère dépêches sur dépêches, pour obtenir do nouvelles troupes, toujours
insuffisantes contre tes géants créés par ses hallucinations,- — « Abd-el-
Kodcr, 'écrivait-il en 1813, dispute les restes dé sa puissaiiee avec autant d'é-
nergie qu'en déploya Napoléon dans lu campagne de France eu 1S1L Ce n'est
pas chose facile, (pie d'obtenir la soumission d'un peuple constitué comme sont
les Arabes, ayant ô sa tète un chef tel qu'Abd-el-lûider. Les Turcs n'ont pas
rencontré un tel adversaire, et ils ont mis plus de t,»o ans à s'établir dans le
pays comme nous les y avons trouvés,1 c'est-à-dire'avec, une-puissance'.assez
mal organisée, et, sur bien des -points,"plutôt-.fictive que réelle. Kl cepen-

l Lattre au Courrier français, insérée le 11 février ; -s. - -


":
(ii L'AFRIQUE THANCAISK,
dont ils avaient la mémo religion et les mêmes moeurs que les indigènes ; ils
épousaient les femmes arabes, ce qui leur donnait des alliances dons lo pays,
Mais nous, nos seuls moyens de conquête et de domination sont dons notre
force, dans notre activité, dans noire habileté militaire, et ce n'est qu'à la lon-
gue que nous pourrons créer des influences et des intérêts qui serviront notre
politique.»
Certes, M. Bugeaud possède une incontestable bravoure j mais cette qualité, si
commune en Franco, n'était en Algérie qu'une nécessité de second ordre; il fallait
avant, tout, de l'adresse, de l'esprit de suite et un plan d'action logiquement coin*
biné, Or le maréchal, ne connaissant que la force, croyait triompher par la ter-
reur ; il déploya, aussi loin que ses colonnes purent s'étendre, le système des
razzias, qu'il traduisit en victoires, et nous fit bientôt plus d'ennemis qu'il n'en
avait trouvé. Sa fortune militaire en profita merveilleusement; mais si la
France était assez riche pour payer ses bulletins, il est bien temps, aujourd'hui,
qu'elle compte avec des intérêts plus sacres.
Cet insatiable besoin do guerroyer, qui dénote une fausse intelligence des
choses, et dont les résultats n'ont produit jusqu'ici que de stériles sacrifices,
nous conduisait, en 1844, chez les Kebaïles des montagnes do Bougie, bien qu'il
fût avéré, par M, Bugeaud lui-même i, qu'un simple blocus de ces peuples pau-
vres, qui n'ont jamais subi aucune domination, mais qui commercent volontiers,
fût le plus sage moyen de les rallier à nous, par l'appât des intérêts matériels.
Les montagnards de l'Algérie sont généralement désignés sous le nom de
Kebaïles. Leur caractère sédentaire, leur attachement au sol et à la culture,
leur aptitude à l'industrie et au commerce, tous les traits enfin de leur organU
sation sociale, appellent au plus haut degré notre attention. Ces hommes in-
domptés se rapprochent évidemment, plus que les Arabes, des nations d'Europe,
telles qu'elles étaient il y a douze siècles, telles quo plusieurs d'entre elles sont
encore aujourd'hui.
Les nombreusestribus qui habitent les environsde Bougie résisteront longtemps
à notre envahissement; leur territoire trace un quadilatère inégal, dont le sommet
s'appuie vers le S.-S.-E., sur la chaîne neigeuse du Djerjera (mont de Fer des
Romains) ; sa base s'élargit en contournant les plages qui serpentent du cap Bert-
gut, près Dellys, jusqu'au pied du Gourayah, dont la crête domine Bougie,
Ces tribus kebaïles forment une confédération républicaine; chacune se par-
tage en kharouba, ou districts, qui se subdivisent en dechra, ou villages. Chaque
district élit son cheikh, qui change tous les trois ou six mois, ou tous les ans,
suivant les circonstances ; de telle sorte que chaque ehefde famille puisse, àson
tour, exercer le pouvoir. Le conseil deseheikhs décide la paix ou la guerre, à la
suite des différends qui s'élèvent entre les tribus. La guerre consiste en incur-
sions rapides sur le territoire ennemi ; quelquefois les marabouts interviennent,
et l'influence dont jouissent partout ces personnages vénérés peut soulever ou
faire taire les haines, et concilie tous les intérêts. Les cheikhs assemblés jugent
les crimes et délits commis par des individus. Chaque dechra, ou village, pos-
sède aussi un taleb, homme instruit dans les coutumes du pays, et qui apprécie

1 L'Algérie, des moyens dp conserver et d'utiliser cette conquèse, p. 11.


i.IVRK UKÙXIÈMK.
m
les contestations minime ; nids sou arrêt n'est sans appel qu'autaiit quo les
parties l'acceptent.—Les marabouts habitent-des zaoutus (chapelle, ermitage),
et se chargent de l'instruction (les jeunes gens parmi lesquels sont choisis les
tnlebs, La zaouïa est un sanctuaire inviolable, et dévient lieu d'asile pour les cri-
minels qui peuvent s'y réfugier.
Au temps des Turcs, le bey de Constautiue avait une autorité directe Sur
toute la provinee, exeepté Bougie, où résidait un gouverneur turc particulier,
qui-portait le litre de kaïd. Il y avait, en outre, un kadi pour la justice civile, un
agha pour commander la garnison, cl un inuphti, chef de lo religion, Le koïd
avait droit de vie et de mort sur les habitants de Bougie, et sur les Kebaïles du
dehors, quand il pouvait s'emparer d'eux. L'impôt était presque toujours refusé
par les montagnards,qui, toutefois, ne s'inquiétaient guère de porter secours aux
tribus des basses régions que venaient surprendre les janissaires. Il existait d'ail-
leurs une sorte d'accord tacite entre les Turcs et les Kebaïles des montagnes
inabordables; les premiers faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour empêcher lit
fabrication de la poudre et des armes dans l'intérieur; mais, le plus souvent,
ils échouaient dans leurs expéditions contre les points bien connus où cette
industrie lesbravait; — faille de .mieux, Je "gouvernement d'Alger en achetait
les produits,
Les Kebaïles, tout en refusant de payer tribut aux races étrangères, se coti-
sent entré eux pour l'entretien des pauvres, des chapelles, et pour les besoins pu-
blics. Ces peuples ontadopté le costume cl la religiondes Arabes ; ils sont de taille
moyenne, mais plus vigoureux que les gens de la plaine, Les riches ont des ca-
banes bâties en pierres brutes, superposées cl liées avec art ; ces cabanes sonl
tantôt isolées, et, plus souvent, groupées en villages de forme généralement
carrée, avec une place au milieu, Les pauvres vivent sous des huttes de ro-
seaux, enduites de terre grasse, à la(pielle ils mêlent un peu de paille. Les uns
et les autres conservent dans des trous coniques, appelés silos, les grains, les
légumes et les fruits. Les habitants des villages tiennent leurs provisions eu ré-
serve dans des jarres faites de terre glaise, séehéo au soleil, et qui ont 5 ou (i
pieds de haut, Ces jarres sont rangées le long des murs, ou appuyées contre des
poutres, et retenues par des cercles de fer. L'ameublement intérieur se compose
' de deux pierres pour écraser le
grain, de quohptcs papiers, de pots de terre, de
nattes de joue et de peaux de mouton qui servent de tapis et de couvertures.
Les lits sont (les estrades de pierre, revêtues de plâtre; les murailles sont blan-
chies A la chaux. — Les villages kebaïles n'ont point de mosquées; mais, de
distance en distance, on rencontre'des tombeaux de marabouts que fréquentent
de nombreux pèlerins. — La sobriété la plus'rigoureuse préside aux repasdes
montagnards; le kouskoussott, pâte dé riz ou de. froment, rarement niêlé de
viande, forme leur ordinaire, Les moins aisés se'contentent de galette d'orge et
de quelques fruits; tous boivent de l'eau, quoique le raisin ne soit point rare
chez eux.
L'industrie du pays esltrès-active. Les Kebaïles travaillent le fer, fabriquent
des fusils, des sabres, de la poudre et des balles pour la chasse ou la guerre, et
quelques instruments aratoires; ils connaissent aussi une manière de tremper
l'acier dont nous n'avons pas le .secret. Les femmes aident leurs maris aux
''V<V\M,'; ,: ' $
00 LArUIQl C FIIANÇAISIÀ,
travaux des champs, et, dans leurs temps de loisirs, elles tissent des étoffes de
laine, La principale culture est celle du figuier et de l'olivier; les Kebaïles font
avec les villes, et surtout Alger, un commerce assez.considérable.d'huiles, de
cire, dé fruits sees et de savon noir; leur richesse consiste en bestiaux, mais ils
n'ont point de chameaux, et fort peu de chevaux,
A l'époque do l'expédition do 1844, plus de 3,000 Kebaïles fréquentaient les
marchés d'Alger, ou venaient louer leurs bras comme domestiques ou journa-
liers, lorsque le maréchal Bugeaud se souvint que ces montagnards étaient ve-
nus au secours du dey, on 1830, sous la conduite du fameux Bén-Zamoun, Cet
ennemi redouté n'existait plus, mois un lieutenant fugitif d'Ahd-el-Kader avait
trouvé asile dans les montagnes. Lo maréchal voulut se le faire livrer; les Ke-
baïles, qui ne trahissent pas plus que les Arabes les droits do l'hospitalité, refu-
sèrent d'abaudotmor le proscrit, et le silence répondit à ces menaces renouve-
lées de f 841 : « Malheur à vos champs, à vos habitations, à vos troupeaux, à
vos arbres, qui ont été préservés depuis trois ans! Je ne veux pas encore vous
révéler tous mes projets ; l'avenir vous les fera connaître, » Kt cet avenir
fut une campagne de 20 jours, terminée par la destruction do 00 villages,
le massacre de I ,f>00 paysans ; et, à la suite de celte exécution, copiée des Van-
dales, le vainqueur écrivait au ministre de la guerre ; « Cette eontrée vaut assu-
rément les frais de la conquête; la population y est plus serrée que partout ail-
leurs. Nous avons là de nombreux consommateurs de nos produits, et ils pour-
ront les consommer} car ils ont à nous donner en échange une grande quantité
d'huile et de fruits secs. Ils ont aussi du grain et des bestiaux ; ils pourront, par
la suite, produire autant do soie qu'ils le voudront. Ces consommateurs, per-
sonne ne viendra nous les disputer contre notre volonté. Nous cherchons par-
tout des débouchés à notre commerce, et partout nous trouvons les autres peu-
ples on concurrence. Tci, nous aurons à satisfaire seuls les besoins d'un peuple
'neuf, à qui nôtre contact donnera des goûts nouveaux '. »
Malgré ces phrases patriarcales, trop de fois démenties par des proclamations
furibondes, notre contact n'a offert jusqu'ici aux Kebaïles, comme -aux'Arabes,
que le ravage et la mort, accompagnés des plus affreux épisodes de guerre dont
l'histoire ait gardé le souvenir;-et grâce a l'impéritie, aux violences, à l'aveu-
glement obstiné du gouvernement militaire, nous sommes parvenus à créer
contre nous, en Algérie, un sentiment de nationalité plus fort qu'il n'existe par-
tout ailleurs, et l'avenir de la civilisation a reculé d'un siècle, devant une dé-
plorable politique.
Il s'est formé de nos jours, au sein de l'armée et de la société civile, une
école qui proclame l'effusion du sang comme un bien, et qui, jugeant l'histoire
comme on l'écrivait au moyen âge, n'y voit que des batailles. Un peu de
philosophie lui apprendrait, cependant, les rapports qui existent entre les
luttes physiques et les progrès de l'humanité, et elle s'effraierait elle-même
d'avoir glorifié des fléaux; elle comprendrait aussi que les extravagantes cruau-
tés commises dans le Dahara, au mois de juin 1845, ont achevé de détruire
cette oeuvre de Pénélope que la crédulité .-.publique appelait si naïvement la

t Rapport officiel au ministre dé la guerre, le 18 mai 18 U,


: ---1.1 v n K ni<: u
-
\i 07
pacification de l'Algérie, Dieu pèsera les cadavres qu'il nous faut encore
amonceler pour étouffer les soulèvements nouveaux d'une race qui n'attend
plus de nous que d'effroyables malheurs | «Croit-on, disait naguère un officier
général, vétéran dé l'Algérie,croit-on que la postérité ne nous en demandera pt.s
compte? qu'elle ne nous flétrira pas .encore plus qu'elle n'a flétri les compa-
gnons de Cortèsçt de Pizarre? Du moins ceux-ci ont eu, pour s'excuser, la fai-
blesse de leur nombre, leur fanatisme religieux, et. surtout là réussite, qui efface
-tant'de. choses, Mais nous, qui no sommes point abrités sous ces deux#égide>,
si en outre nous ne réussissions pas; si on pouvait nous accuser, à juste titre,
d'avoir ainsi massacré, par pur passe-temps, sans avoir jamais su ce que nous
voulions, un peuple défendant sa foi, sa liberté, sou pays! —à quelle exécra-
tion ne serions-nous pas voués! Les Romains, massacrant les martyrs, virent
bientôt la chute de Rome ; les.Espagnols, massacrant les Mexicains, virent bien-
tôt la chute de la monarchie de Charles-Quint; no faisons point, parle mas-
sacre des Africains, sonner l'heure de notre propre chute! Ou retirons-nous de
suite, ou établissons-nous rationnellement, avec persévérance, en répandant
l'instruction chez les populations qu'il nous faut soumettre. Décidoiis-notls
franchement et irrévocablement, au lieu de nous borner a détruire, pour faire
des récits de destruction, Poussés envers les nègres, que nous ignorons en en-
tier, par un zèle fervent de philanthropie, fils de l'habileté anglaise^ nous vou-
drions ruiner nos concitoyens des Antilles; puis, aux mêmes jours, nous exter-
minons, sans même avoir un but arrêté, tout un peuple que nous étions venus
officiellement arracher au joug sanguinaire des Turcs, — Eh ! dil-on, nous mar-
chons à la tête de la civilisation ! Mais, c'est qu'ici encore .on fait abus do mois;
entre la civilisation exactement déterminée et ce quo l'on appelle actuellement
de ce nom, la distance est 'l'infini •. »
«Pour les Arabes, ajoute une grave autorité que nous avons déjà invoquée plus
d'une fois, deux systèmes sont encore en présence: l'extermination et la civili-
sation, Les partisans du'premier disent qu'il n'y a rien à obtenir de fanatiques
indomptés et guerriers, et que le plus sûr est de s'en défaire. Mois, inadmissible
dans l'état actuel de nos sociétés, repoussé par nos moeurs et contraire au droit
des gens, l'adopter nous mettrait au ban do l'Europe, et soulèverait contre nous
des flots d'indignation. Eh quoi ! nous ne serions venus que pour leur apporter
cette ultima ratio des gens qui n'en ont point d'autre ; et c'est à la lueur de leurs
foyers embrasés qu'ils apprendraient à nous connaître! Les Français d'aujour-
d'hui descendraient du Nord, comme jadis les Huns et les Vandales, pour pro-
céder au massacre de quelques milliers de familles! Non; il n'y aurait pas pour
nous assez de malédiction, si nous persévérions dans cette conduite ; et si, sur

< Solution de laques/ion de l'Algérie, pal' le Réitérai Duvivicr, p, 28S.~Les autorités que je cite à l'appui,
souvent même à la placo do mes propres jugetuentà, et (pie je choisis surtout dans l'ordre militaire, prou-
vent assez que je n'ai pas la prétention d'avoir seul compris lés affaires d'Afrique, U y a, dans les hauts
emplois de l'Algérie, des hommes qui voient aussi clairement la vérité, mais qui (ont ou qui ont fait tous
leurs efforts pour maintenir ce pays à l'état d'exploitation, dans l'intérêt particulier de leur.avancement et
de leur fortune. Ont-ils reconnu qu'en marchant dans une vole plus droite, ils n'atteindraient pas les rnnys
suprêmes de la hiérarchie t Ceci est triste à dire, et les pensées qui en naissent sont encore plus tristes. Je
fais cette remarque avec un militaire d'un mérite supérieur s et quelles que soient les haines, les calomniés
auxquelles un historien s'expose, il ne doit pas moins dire la vérité tout entière.
HS L'AFRIQUE FRANÇAISE,
cette terre d'Afrique, il n'y avait pas de place pour les indigènes et pour «ou?»
il serait plus sage de la leur laisser tout entière; notre orgueil pourrait on souf-
frir, mais notre caractère en serait rehnussé ; on nous saurait gré de nos efforts,
et ni le meurtre ni le carnage n'auraient au moins souillé nos lauriers! Si en-
core, au delà des limites de Taûcienhe régence, les partisans de l'extermination
ne devaient plus retrouver d'Arabes, ils expliqueraient peut-être l'emploi déecl
horrible moyen ? mais quand-nous sommes destinés à les avoir partout devant
nous,ipiand de partout ils nous enceignent et nous pressent, il serait vraiment
étrange que nous eussions la pensée d'aller, suivies corps sanglants do leursfrè-
ros, essayer d'entamer des relations de commerce avec eux M »
iVest-il pas temps de nous faire pardonner de tristes victoires, et do réparer
les désastres qui ont servi de piédestal à des ambitions déplorables? Devenons
justes et dignes, et les Arabes cesseront peu a peu de nous haïr, Jusqu'ici
nous avons mis en contact avec eux Une armée hostile qui, par les fautes de cer-
tains chefs", a cessé d'être une- force respectée ; nous avons mis en face de leur
nature forte et vigoureuse tout ce que notre prétendue civilisation ado pourri, le
fisc sans frein, l'agiotage, l'usure poussée à son dernier période, et une administra-
lion confiée à des hommes qui','pour la plupart, n'en ont compris que les abus.
Mais souvenons-nous, entin, que les nations nous regardent, et que Dieu nous
attend au terme de notre oeuvre : —des nations tiennent eu suspens sur nos tètes
-.l'admiration bu |c'mépris; Dieu, la récompense ou le châtiment!
Et qu'on ne se méprenne pas sur le sentiment qui nous inspire ces réflexions.
Èii signalant le mal que nous avons
aperçu, nous croyons à l'efficacité du re-
mède; et nous le disons avec une haute''indépendance, il n'existe pas dans une
stérile mutation de gouverneur; on ne le trouvera que dons lo vice- royauté doiit
serait investi un de ces jeunes princes qui ont si noblement soutenu en Afrique
l'honneur du nom français.

^J IL ZONi; LITTOnALlî

iiRPi'U tus FttONTiiittJîs nu MAtton JUSQU'À *i.c.Rn.

On est fixé sur l'étendue réelle de cette partie du Moghreb que nous nommons
Algérie : elle occupe un parcours de 250 lieues de l'est a l'ouest, et de 30, 40 à
GO, du nord au sud. Cette vaste conquête se partage en deux zones distinctes,
l'une maritime, l'autre intérieure, toutes deux parallèles à la hier. Le mont
Dyris, ou Atlas, les sépare dans toute leur longueur. Entre sa ligne de faite et
la Méditerranée, régnent plusieurs chaînes secondaires qui courentdans le même
sens; leur hauteur diminue à mesure que Ton s'éloigne du centre du continent ;
cites forment alors des plateaux successifs qui s'abaissent, comme des gradins,
les uns au-dessous des autres, La première série de ces montagnes intermédiai-
res, et la plus rapprochée du littoral, communément appelée Petit-Atlas, longe
la Méditerranée et vient se terminer à l'ouest de Donc. Quoique différentes, ces

l De l'établissement des Français dans la régence d'Alger, par Jf.Genty do Imssy, conseiller d'ICtat, in-
tendant militaire, 1.1, p. l.'l't.
LIVRE DEUXIÈME. (10

montagnes secondaires ne sont pas indépendantesles unes des autres, mais elles
se relient pur plusieurs enntre-forls qui, se détachant du Croud-Atlas, se diri-
gent vers lo nord, traversent les chaînes parallèles, et vont finir à la côte qui,
sur ces points, se dessine en falaises, Lo Djerjera (nions ferratus des Romains) en
est un exemple remarquable, Cette disposition de groupes montagneux divise
l'Algérie en un grand nombre de bassins^ sillonnés par des cours d'eau dont la
pente et la direction varient à l'infini. Lorsque le versant est trcs-rnpproehé de
la mer, les rivières sont torrentueuses, et leur lit reste souvent à sec ; mois lors-
qu'elles prennent naissance sur un des grands plateaux intérieurs, elles suivent
d'abord lo'prolongement général de la chaîne atlantique, de l'est à l'ouest. Arrê-
tées par la. barrière que leur oppose lu chaîne inférieure, elles la minent peu à
peu, et finissent par so frayer un passage ; ainsi lo Chéliff, la Chiffa et l'Oued-
Rutnmel n'arrivent à la mer qu'après avoir brisé les digues du Petit-Atlas.
Considérée physiquement, la zone maritime de l'Algérie présenté, surtout
vers l'ouest, un système de configuration pareil au midi de l'Espagne. Les Ro-
mains désignaient souvent par le nom éCIlispania transfretana la Mauritanie lin-
gitane, que les Arabes ont appelée, depuis, Moghreb-el-Aksa (l'extrême région du
couchant). L'Andalousie, le pays de Grenade,les Algarves (Y\ Gorb, l'Occident
dans la langue des Maures), offrent des analogies frappantes avec le sotbarba-
resque ; les montagnes pelées n'y attirent plus les nuages et la pluie ; les plaines
et les vallées sont arides partout où la main; de l'homme ne rencontre point des
eaux fertilisantes ; le désert se partage ces régions où l'oeil se perd et la pensée
s'attriste, OU milieu dé solitudes ardentes. Quand on s'élève au sommet de quel-
ques-unes des Sierras, on n'aperçoit nu loin, sons le ciel, que des plateaux in-
cultes et des pentes nues, dont rien de vivant n'adoucit l'uniformité ; seulement,
au fond des vallées, serpente çà et là une rivière ou un ruisseau, traçant une
lisière de verdure oit reparaissent les moissons, les vergers, et les habitations
d'un peuple indolent,- Les cimes culminantes de l'Atlas correspondent parfaite-
ment aux montagnes neigueuses de la Sierra-Nevada, situées vis-à-vis, dans
l'Andalousie cl l'ancien royaume de Grenade;—les deux systèmes ne diffèrent
que dans leurs dépressions. Le plateau d'Espagne a sa principale pente dans les
vastes plaines de l'ouest, tandis (pie sa dépression vers ia Méditerranée est beau-
coup moins prolongée et plus escarpée ; en Barbarie, au contraire, les grandes
plaines de la principale dépression se dirigent à l'est, Toutefois, le littoral nigé-
rien est parsemé de vallées d'une précieuse fécondité : les plaines de Métidjoh,
comme celles de Conslantine, la Bou-Djima près de Roue, les terroirs du Ché-
liff, le bassin de Tlïabra et d'autres espaces plus resserrés, aux environs de La
Calle, de Philippevillc, d'Oron, d'Arzcvv, de Mostaghaiiem, do Moskara, de
Tlcmcen, assuraient de riches produits aux Arabes, malgré l'imperfection de
leurs cultures.
La zone intérieure, ou le Tell, comprend toutes les terres arables, depuis'les
approches de la côte jusqu'aux, limites naturelles marquées au sud par le Grand-
Atlas, et sur lesquelles s'éelieloiment, de l'est à l'ouest, nos postes de Tcbessa,
Biskra, Msila, Bou-Sooda, Boghàr, TCniet El Had, Tiaret, Takdimt, Frendo,
Saïda et Sebilou. Sur plusieurs de ces points, oh se croit arrivé au terme de |a
végétation et de la vie ; les notions du moyen âge ne vont pas plus loin, et les
70 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
voyageurs modernes n'hésitaient pas, jusqu'ici, à déclarer infranchissables ces
espaces ignorés'.
La chaîne boisée des monts Trara, qui trace, vers le nord, la frontière occi-
dentale de l'Algérie sur la rive gaucho de l'Oued-Tafnaâ, se termine dans la
Méditerranée par le cap Hone V On double, en appuyant à l'est, le cup Noc, qui
prend son nom dos montagnes dont cette partie de la côte est bordée, et l'on
arrive a l'embouchure de la Tafna, rivière célèbre par le traité de 1837, et sur
la rive gauche de laquelle gisent les vestiges de l'ancienne Siga *.'Vis'â-vis l'en-
trée de la Tafna s'élève l'île de Harchgoun, formant un port commode ; —.
c'est l'Acra de Scylax. Les tribus qui habitent à Test de la rivière tirent
leur nom du Djcbcl-Hasa, montagne voisine des ruines de Hunaïn 5. I.n
Tafna 6 prend sa source au sud, dans les pays rocheux des Beni-Snous, et va droit-
à la mer sans changer de ...nom, Elle reçoit dans son cours le torrent de Sikkak,
qui vient du nord de Tlemcen, et Tisser, qui prend sa source au sud-est, non
loin du désert ^
En remontant la côte vers le nord, on rencontre l'Oued-el-Mailah 8 (fleuve
salé), qui reçoit"le Sinon dans la belle plaine de Zcïdour. Toute cette partie du
littoral est montagneuse ; après avoir doublé le cap Figalo, on trouve, non loin
dans les terres, les restes de la ville d'Andalousia, bâtie, en 1G10, parles Maures
chassés d'Espagne A peu de distance est Tilc Habiba, masquant l'embouchure
de rOucd-cl-Kesab (rivière des joncs), qui tombe dans une petite anse que li-
mite; à l'est, le cap Fatcon (Ras-el-Harchfa des Arabes). A Portent de ce cap
s'ouvre une baie a fond do sable;"qui fut le point où les Espagnols débarquè-
rent en'-;f7ii2, pour attaquer Oran, A deux lieues du cap Falcon, en appuyniil
au S.-E., est la rade dé Mei's-el-Kébir, qui sert de port à Oran, quoique celte
ville en ait un plus petit sous ses murs (Mcrs-el-Seghaïr), Le Mors-cl-Kcbir est
formé par une. pointe de terre qui abrite tes vaisseaux contre les vents du nord
etduN.-E.
Bâti sur deux collines que sépare un ravin profond, et dans lequel coule
un ruissealt qui fertilise de beaux jardins, Oran ° .présente un aspect plus euro-
péen qu'arabe. Ses deux quartiers supérieurs, divisés par le ravin, aboutissent à
la plage, où se trouve un troisième quartier, appelé la Marine* Cette ville, que. ks

i Voir, pour l'intelligence dû ces détails topographlqUes,la CAHTK oÈNtiitAUs bit MooitittcB, placée à lit
fin du Volume, et à laquelle ttous avons donné tous nos soins. Cette carte comprend i'empire de Mar-c,
l'Algérie, et la partie du Sahara qui nous .ont dêjù connue.
* Il n'est pas inutile de traduire, pour le loetqurj certains termes arabes qui se reproduiront fréquem-
ment. Ainsi le mot Oiierf signifie rivière ;/J>/*W, montagne; Jiàstlî)\e, cap ou promontoireiÀfoi, porte) A'< s-;
" bah de Méchouàr, eîtndi'llo;".»Sahel, hauteur boisée.
3 C'est lo grand promontoire, jj,s*|"/ àsijMtrijtWj de l'tolùmue, Ocog,, Iih, IV et vitt, Atnstelud., lfili),
— Suivant î.éon l'Africain, c'est le lias lîttnaïn des Arabes, sur lequel s'élevait autrefois uno putite ville.
k Strabon, lib. Xvtt,

Solin. Pntyhistor, cup. 25. — Mariaua, Itisloria gênerai de lispana, lib. ii, cri;',
'/i,' — Bejlaols Cariund, Pcriplu,
G -Djebel H.'tsa, liions atllssimus, oppido tliiuiuu vlcinus est. Léon, Aftïe. 7J« tolAfr. descript,

o Slgtt de l'tolomée, Oe.og., llh, tv, cap. i.


.1 C'est l'Assura do l'tolomée, llh, tv, cap, 2, et l'tsarls cité par le géogt'nphe anonyme de îtaveliné.
..
8 fluthcn BUIHUIU. Itlnci*, Anloitlili. titiilj,',, liatav., 1*06. J, Je Marintiu, Hislorid général de tispaù",
t.'.tt, îviadrid, ioan.
9 Ottaharan des Arabes, de onnhar, endroit de difficile accès. Cette ville a été tourâ tour hottum'e, pat
les historiens et les ^éogmplies, Maduurum,Aerain,A\tranum,Ouharan, (Gotneetus, De rébus ycstis'/ran-
ëiiciXifiiénii,lib, IV, Franeofmli, 1(109,''.'
L'IVRE DEUXIEME 71

Espagnols avaient autrefois aroiéé de savantes fortifications, u deux portes, qui


s'ouvrent toutes deux du côté de la vallée. Ses abords sont dominés à l'ouest
parte vieux fort Santa-Cruz ; A mi-côte de la hauteur est le-fort Saint-Grégoire,
et plus bas, près de la mer, le fort de la Moun.a. le 'ravin est couvert, sur so
droite, par les forts Saint-André et Saint-Philippe, la nouvelle Kasbah et la
pointe "de Sainte-Thérèse, qui .'commande la mei\ Lo vieille Kasbah, pres-
que entièrement détruite liai*' le tremblement de terre de !700, s'élevait.-au
i\.-0. Les rues d'Oran sont assez larges, mais irrégutiêrés; ses faubourgs, jadis
considérables, ont été sacrifiés aux besoins de sa défense. Le port de Mcrs-cl-
Kebir, le seul qui puisse porter de gros navires, en est éloigné d'une lieue et
-demie.; T
.. '''..
Eu continuant .de suivre le littoral, on arrive au port d'Arzew, plus grand que
celui de Mers-el-Kebir ; les Arabes le nomment Beni-Zion, du nom d'une peu-
plade kebailo des environs, qui fut, pendant 380 ans, maîtresse dece pays 1. Ar-
zew rappelle l'ancienne-Arsenoria*, dont les ruines sont à quelque dHlniicedi.i
port. La campagne qui s'étend derrière la ville offre une assez belle plaine, dans
laquelle on trouve une immensesaline. Élevée sur une montagne,-des.précipices'
profonds du côté de la mer lui servent de rempart naturel. L'eau potable y est
légèrement salée, parce qu'on la puise au-dessous du niveau de la tuer, A l'est
d'Arzew, on trouve deux petits ports, séparés par ml cap armé (Tune batterie
qui les défendait. — Plus loin est l'embouchure du Sig et de l'Ilabra •', qui se
réunissent avant de tomber dans la Méditerranée.. Le Sig a MI source au S.-O.
dons les montagnes des Beiii-Ameur-Gliarabo; l'Ilabra porte le nom d'Oued-el-
llammam (rivière des bains), jusqu'à ec (pie, recevant le Sig dons la plaine
d'Habra, il prend-le nom des peuplades qui campent sur ses bords.
'.'-. A peu de distance de la nier, en remontant vers le nord, on aperçoit Maza-
gron, sur la pente, occidentale d'une montagne, à unelielio de Mostaghanein.
Cetto bourgade était autrefois entourée de licites maisons de campagne» aujour-
d'hui dévastées.
Mostaghanein, située à six lieues de la rivé gauche (tu Chélilf, et à On quart
de lieue de la nier, sur une colline '..assez élevée, occupe la rive gauche d'un ra-
vin qui ressemble à celui d'Oroti, et lo sépare d'un de ses quartiers appelé
.Matamore, par lequel elle, est dominée. Sa 'forme''décrit un.amphithéâtre ayant
vue sur. lu. mer.- Entre cette ville ctMozo.urau s'étendaient beaucoup dé jardins
et de lieux cultivés, le long de la mer, et abrités au S.-S.-E, pal' une chaîne de
hauteurs qui leur fournissaient des eaux douces. On 'voit doits l'intérieur de Mos-
tnghnnem un vieux château mauresque bâti, au douzième siècle, par Yottssof-
ben-Tasehelln,Les restes'd'une outre citadelle qui '.s'élevait sur lit montagne an
N.-O., semblent d'origine roinoine ; ce serait petit-èti'é là l'ciiiplacement fie
Cartonna 4.
Eu.poursuivant-'la. route vers le N.-E,, on passe devant l'embouchure dit
Chéliff'' ; c'est lu rivière la plus considérable de-l'Algérie.' Sorti des confins du
1 i-'iiit penht Hntil-/uïii'f,K illtitfi (Tçluiiisini Rcllicet) regtil Imperttttii, ,'IHIJ feiô atitios, J. l.euti. -A/rica.
i! Sue,, Afric. tl.fivrip., llh, v, cap. 2,
IMittii
S Ciîstleti.v rivières formant te t'tlrletmtiB de IHohiitiéc, lib. iv, enp. a.

" -
;> !Jlitiii Hec., lib. v, cap. 2. t'tolom., lib iv, onp, y. Itliter. Atituiiliti,
M hltialuph de l'tolomée, |ih, tV, cap,'J,
7-2 l/AEiUOlJE FRANÇAISE.
'
Sahara, au S.-E.. son premier cours se dirige vers lest ; parvenu aux environs
de Médcah, il incline du N. au S.,-0,, puis, descendant vers le couchant, trace
une vallée presque parallèle à la nier, Il reçoit à gauche l'Oued-Derder, l'Oued-
Rouïna, l'Oucd-Féddah qui sort des montagnes de l'Oiinrensenis, l'Oued-lsIv,
rOucd-Tlclat, rOued-Djediouïa, rOuéd-Mina, l'Oucd-llghir ;—à droite, l'Otied-
Béid, lOued-Arat, TOued-Khatnis, TOued-ben-Knllt, rOucd-Ouaran cl..l'Oued-'
Ras. Le géographe Ebn-Saïd que cite Ahou-el-Fcddah, attribuait au Ctiéliff la.
,
propriété du ïNil, qui féconde ses rivages par des inondations régulières 1; ce
phénomène n'a sans doute jamais existé que dans l'imagination de l'auteur
arabe ; mais, s'il faut rarement prendre au pied de lo lettre les traditions roppor-
tées par les Orientaux, on peut du moins conclure de celle-ci qu'à l'époque où
écrivait Ebn-Saïd, la vallée qu'arrosé, le Ghéliff devait être d'une admirable
fécondité.
Au N.-O. de l'embouchure de cette belle rivière, s'élève le cap Ivi (Djebel-'
Diss des Arabes, ou montagne dcsroseau,v;\)\m loin coulé le ruisseau de Hag-
mis, dans une baie sur les bords de laquelle se tenait Un marché de grains pour
les marchands d'Europe.
Au-dessus du Uugmis est l'île Colomba (Zour-el-Hamom), petit Ilot de ro-
chers, couvert de pigeons sauvages. Plus haut se creusent deux baies (Kalla-
Chima et Mers-Agoleit) que sépare un promontoire.' Lés monts Miniss bordent
la côte, et contiennent'des lianes do sel cristallisé. De ce point on gagne Ténès,
placé dans un fond marécageux 2. C'était, avant, la.conquête de Barberousse, la
capitale d'un petit Etat, et dont il n'est resté que cette misérable bourgade ; il
s'en exportait beaucoup de grains; mois la rade, peu sure, est exposée aux
Vents de l'ouest et du nord. Une légende arabe raconte que les anciens nabi-,
tants de Téiïès étaient si habiles sorciers, que Pharaon, roi d'Egypte, les flt'v'e-
iiir h sa cour pour contrefaire les miracles de Moïse. Le cap Ténès est une haute
montagne queles marins maures appellent.j\nkos (la cloche), a cause d'une de
ses cavernes quia cette'forme: il se dessine de loin, aux regards des navigateurs
qui viennent de l'ouest, comme une hure de sanglier. — Après avoir passé
Ténès, on trouve des ruines au .fond. d'Une;baie, -que.les"'Maures nomment
Dahmouse (lieu obscur), sans doute à causé .-.des citernes qu'elles obstruent A A
quelque distance* d'autres débris marquent remplacement d'une station ro-
maine 4, Une langue de terre qui s'avance dons la nier à partir de ces ruines,
forme le Ras-el-Tcrf, entre .'lequel cl Cherehell s'ouvre une baie profonde.
Cherehell était réputée pour son acier et sa vaisselle de terre, Les maisons
sont couvertes on tuiles, (Vêtait autrefois une capitale importante ; ce (pli en
reste est situé au bas des ruines d'une grande ville presque aussi étendue -que
Carthogol!. On y retrou vu des cotouués, de grandes citernes et des pavés cil
mosaïque ; un magnifique aqueduc y conduisait les eaux de rdued-llachcm y

1 Setlf colebiis, ut ilttviim mitelui1*, qui inorc-cit dttiti cmtcrll lluvl deeruseu.ut, instar NUI /Hj,',vplli.—
Aïi'JU'tël-l'edduh)A/'ricu, arabicè et latine, curante Joliiin, i'.iehiiorn. (U,tllnt;uo> 1791,'in-h".
2 Téttès, 'fuis ou Toiitiis, de tint limon, C'était le Careoliiu dits auciena. l'tolom., Ctebg,, lib. IV, cap. 2.
-.3 Castra Gcrinanorum. l'toluitn, Cleoy,, ibid.
'* Ciinnuis de l'toîom., ibid,, ou Gtitttigi de t'Iine, lib, v, en p. U.

6 Serset, tiiuxliuiim ntqtte ntiiplifi&l.nitim est oppidum, ri tiomauis nit hinre' Mu'ilitçmini'utn n:dillentiim-;'
coiltilict lu ciieultu inillitiiia plus minus oelo, J. î.euti, Atric. de (ot. Afr, descnpl.
LlVIîE DEUXIEME. ?:V

plusieurs de ses débris .apparaissent encore dans les montagnes ait sud. D'autres
conduits bien conservés amènent l'eau du S.-S.-O, De fortes murailles la revê-
tent et la protègent du côté de la nier ; une partie de la ville est bâtie sur un
terrain plat, l'autre s'élève en pente a une hauteur considérable Une porte du
côté des terres mène aux montagnes escarpées des Beni-Meitosseiir; du côté do
la mer, une porte à l'ouest va aux montagnes de Beni-Sifroh ; celle do l'est, aux
monts de Chenouah. Il est plus (pie prouvé que cette ville est l'ancienne .loi ou
Julio Cicsareo, par le récit de Proçope, qui rapporte (pie les Romains ne pou-
vaient en approcher que par' mer, l'accès du côté des terres étant rendu impra-
ticable par les peuplades voisines, qui étaient maîtresses des passages 1, Une
vieille tradition rapporté (pic l'ancienne ville fut détruite par un tremblement de
terre, et (pic son port, anciennement vaste et commode, fut réduit par des.ébou-
lementsà son misérable état actuel. Quand la mer est cohue et basse, on trouve
encore, dons le fond, des colonnes ot des morceaux de muraille qui justifient
cette tradition.
Les environs de Cherehell sont, arrosés et fertiles; ou franchit plusieurs ruis-
seaux avant d'arriver à TOued-llachcm, .qui.- se jette dans la mer, à l'est de
la..ville. À l'E.-IV.-E. s'élèvent les montagnes dé Chenouah; qui courent
deux lieues le long de la mer, couvertes de terres labourables, avec des haies
d'arbres fruitiers. La pointe orientale, de cette chaîne formé une baie appelée
Meis-el-Amouelie, où les vaisseaux sont à couvert des vents d'O. et de N.-O. A
l'est de cette baie coule le Gtir-Moat, composé de sources qui viennent de lit
'montagne ; on trouve sur ses bords un réservoir carré, d'origine romaine.
Plus loin sont les .ruines de Tel'essad, l'ancienne Tipasa 2, qui s'étendent le
long de la nier, avec des arches'et des murs eu briques. Toute la côte, depuis ce
point jusqu'à Alger, est couverte de hauteurs boisées, qui abritent la plaine de
Mètidjah. Au S. E. de Tclcssad s'élève le Eoubbei'-el-Uoùiiiioh(^?/iA(?««^^
chrétienne), bout, de 20 pieds, sur une'basé.du diamètre de no. A cause de sa
forme tronquée et de lo tradition (pli le disait élevé sur un trésor, les Turcs IV
voient nommé le Trésor du pninde sucre. Les'marins l'aperçoivent de loin; c'est
probablement le monument (pic Pomp.onitis .Mêla place"'('.titre- loi et.-Icosium., et
(pli servait de'sépulture aux anciens rois deNtimidie 3.
A quatre lielics du Koubber-el-ltotuniah, sur lo même chaîne:.de. montagnes,
s'élève auN.-^E, la petite ville de Koléoh v, eu face de la Mètidjah. Elle est
assez. réguiiêrgnieut percée. Le. mur'd'enceinte qui existait autrefois, el la
plupart desmaisons qui, connue à Blidali, sont construites eu pisé, furent ren-
versés par te treinblenteiit de terre de Isa."», Koléah est..entourée de jardins où
croissent' presque tous lés arbres à fruits de'rEiirupé.éi''quelques orangers'; mais
lo campagne aux environsest mat cultivée; plus loin, on ne trouve plus (pie
des broussailles. —'On ne pouvait se" rendre d'Alger à Koléah qu'on passant par
la Mélidjali, quittant la route d'Ohm à Bir-Toutit, et longeant, le massif jus-

t K*
h(kài.'jy.jît'/v}' l*M|Aâtoi v/\i« [>h V.O-J.Û mi'tl'jW.i lh"f, Si ii-m VM dm b-n%v\ ,Vt'/'j-
fiOfitt't'rt i'i -y.'jrr, (•rwj.iiwi t^'y/is*. l'ioeopitts, /Je Dell. Vandal,,\\\\. u. cap, 20.
'.- 's Ptuloni.', Cféàg.' AV>„ lib, l'v,
cap. 2.
M'.ïinp. Mola, de Situ orbis, <a> ('..".'
V C'est, probablement, le Caïue (Mtrt.nli de l'iOiiérriIre il'Atitonin,
10- '
.
74 LAERIQUE FRANÇAISE.
qu'à l'embouchure du ruisseau de Bou-Farik dans le Mazafran, où le terrain est
marécageux et entouré de fourrés épais. Depuis que la route d'Alger à Bou-Fa-
rik, passant par Doueïra, a été continuée, on a tracé un embranchement qui
conduit à Mahelma, d'où l'on gagne aisément Koléah.
L'embouchure de l'Oued-Mazafran {rivière rottsse) est située au N.-N.-E.' de
koléah .Sa première branche descend de Miliana, se joint a un autre affluent
qui vient de Hammatn-Merga, et prend le nom d'Oued-eWIammam. On l'ap-
pelle plus haut Oued-Gcr ; elle serpente alors dans les vallées de l'Atlas, par
replis tortueux, L'Oued-Chiffa et lOucd-llek forment ses autres branches t Ta
première prend sa source au N.-E. de Médéah ; la seconde vient de cette partie
de l'Atlas qui avoisine Blidalt; ces rivières se perdent dans un lit commun, et
gagnent la mer sous le nom de Mazafran.
A quelque distance au N.-N.-E. du Mazafran, on aperçoit une tour ronde,
balie sur un cap hérissé de rochers, qui s'avance en une longue presqu'île : c'est
la Torre-Chica (petite tour), nommée par les Arabes Sidi-Efïroudj, dont nous
avons fait par corruption Sidi-Ferruch, Ce cap, comme je l'ai dit ailleurs, forme
deux baies, dont celle de l'otiest est la meilleure ; la flotte française y choisit,
en 1830,'son point de débarquement, On trouve sur la presqu'île quelques dé-
bris de murailles et de citernes; une voie romaine se découvre encore entre
Sidi-Ferruch, te Ras-Accounater et Alger; et près du marabout de Sïdi-Klwlef,
à moitié chemin de Sidi-Ferruch» à Alger, on rencontre plusieurs monuments
on carré long, couverts de pierres plates, qui y purent être d'anciens tom-
beaux. *
;
A l'est du Ras-Accounater, aujourd'hui cap Caxine, chargé de ruines d'aque-
.

ducs, s'enfonce le Mers-cl-Dliaban (port des mouches), ou pointe Pescade ; et en


tournant au S.-E., on entre dans la rade d'Alger.

/§ III. ALMÎIÎ SOlJS LE OOUVKtiiMîMKNT TtlftC»

La capitale de la régence s'élève en amphithéâtre triangulaire, au pied et sur


le versant d'une colline dont la hauteur atteint 130 mètres au-dessus du niveau,
de la mer. La base du triangle s'élargit sur les grèves de la rade ; le sommet,
adossé à la colline, porte la Kasbah, qui servait à la fois de citadelle et de palais
aux souverains turcs. Alger, vu de la mer, offrait, avant notre occupation, l'as-
pect d'une immense carrière de plâtre, :.''-*
La ville basse, bâtie sur un sol plat, est aujourd'hui déblayée en grande partie
des masures arabes qui l'encombraient. Les trois grandes artères qui la tra-
versent, sous le nom de rue de la Marine,; Bab-Azoun et Bab-et-Oued, sont pres-
que entièrement reconstruites à l'européenne ; leur point de jonction forme une
place magnifique, d'où la vue sur la Méditerranée rivalise avec celle du golfe
de Naples* — La ville haute, malgré les ridicules constructions ù quatre ou
cinq étages que des Européens y ont intercalées, conserve encore en grande
partie sa physionomie mauresque ; c'est un labyrinthe de rues tortueuses et de
passages voûtés, à l'exception de la rué de la Kasbah, qui, du milieu de celle de
iiab-él-Otted, monte
« la éitndelle.
LIVRE DEUXIEME..' " 7iS
.

Des terrasses de la Kasbah d'Alger, l'oeil embrasse un spîendide panorama.


La ville descend, par étages, jusqu'à la Mariné,''et se termine au môle et aux
batteries qui défendent les approches delà côte.
Presque toutes les maisons mauresques sont bâties d'une manière uniforme ;
les plus confortables se composent au rez-de-chaussée d'un cloître carré, pavé en
marbre, dans lequel on entre par un des angles. Sur chacune des quatre faces
de cette cour, qui ont 12 ou 14 mètres de longueur, régnent des colonnes de
marbre, soutenant la galerie du premier étage. Sous cette sorte de péristyle se
trouve rentrée de quatre salles .longues, étroites, et qui n'ont vue que sur la
cour; elles servent ordinairement de cuisine, de. cellier, et. autres communs. Au
premier étage, les appartements sont disposés de la même manière ; on commu-
nique des uns aux autres par une galerie d'environ 2 mètres de largeur, et
bordée d'une balustrade appuyée a des colonnes qui supportent, une partie do la
terrasse Les appartements ne reçoivent de jour que par la porte d'entrée sur la
galerie ; de chaque Côté sont des fenêtres basses et carrées, garnies de treillages
dé ferl'ces salles ont 10 a i2 mètres de longueur sur 2 ou 3 de largeur, et sont
très-fraîches malgré les chaleurs de l'été. Toutes les maisons d'Alger sont cou-
vertes de terrasses qui, en raison do l'assiette de la ville, forment une espèce
do cirque, d'où l'oeil embrasse la pleine nier ; elles sont blanchies a la chaux plu-
sieurs fois par an, et pour se préserver des ardeurs du soleil ou des pluies, on
place une tente au-dessus de lu cour.
Alger a cinq portes : Bab-cl-Oued (porte de ta rivière), Bab-Azotmi, Bab-el-
Djeddid (porteneuve), Bab-cl-Bahr (porte de la mer ou des pêcheurs), et Bah-
cl-Zira (porte du môle). Son origine est contestée ; les savants modernes sou-
tiennent que c'est l'ancien Icosium* ; Léon l'Africain l'appelle Mesganahâ ; Mar-
mol, Mosganah, du nom des Beni'>Mosgane, qui l'auraient bâtie '* y les '-Turcs la
nommaient El-Djezaïr, parce que le môle oriental 'dit port était séparé du -con-
tinent-par un Ilot» ;.
L'organisation du gouvernement turc formait, à Alger, une république mili-
taire d'environ six à huit mille hommes, dont le chef n'était qu'un soldat élu par
ses pairs, ou conduit au pouvoir à la suite d'une révolution. Ce corps'de troupe»
se recrutait, comme je l'ai dit, de tous les aventuriers, musulmans ou renégats,
que lui envoyaient Constaiitinoplé, Sniyrnc et les autres pays levantins. Lc«
Turcs se partageaient tous les emplois'-:politiques, et traitaient les Arabes eu
sujets ou alliés, selon le plus ou inoins d'action que les distances leur pérmeU
taient d'exercer sur lé territoire. Ils avaient partagé l'Algérie en quatre divisions
politiques, La province de Coiistautinc, à l'est, et celte d'Oron, à l'ouest, étaient,
régies chacune par m:Bey, espèce de gouverneur général, qui avait soiis ses or-
dres les autres fonctionnaires, Le centre "de la régence formait deux provinces :

t On dit iiu'Alger fut assiégée nu tnoyeti Age par un chef intime nommé Abouti, et c|tio în porte Hah*
Axoutt a gardésou nom. (b'Aivieux, Mémoires, t. V.)
* Icosium, no quts iitipositp a BO noutine prîvatim gloriarctux, de condeiitlum numéro tt'tbl Itomutt dututn.
(J. Solit), Polijhisto).,çttp, yr>.)
3 CîOZeïr Afrls idem atque tiohis Insula soltat. Coiiditoros habitit Aftos qui ex fàmilia Jfcsgattc origlnem
trnxctant, quaro et apud antiques Me*gnmih fuit appeilaltt J. Léon Afrlc, De toh'Afr, deScript.
4 tes Maures nomment Alger Uezéfre tlets Uciii-Mosgoiiej elle u été bâtie pur des Uerbèius de ce nom,
Mutmol' Gàwàltùy Dèseripeion gênera) de Ai>iica,\\U, v, cap. il. .Ot-niitirlci/ lr,7M, itt-K
7(1 /'.;';: L'AFRIQUE FRANÇAISE.
le beylik de Titert et le territoire d'Alger soumis à l'autorité immédiate du Dey.
Chaque province était subdivisée, pour l'administration et,le gouvernement, en
districts nommés fJuthans, confiés à des chefs nommés Kakisl. Les noms de ces
districts sont,Te plus souvent, des noms d'hommes qui, dans des temps reculés,
ont joui d'une haute renommée ou d'une puissante influence,' soit ".personnelle,
;

soit de famille. Dans chaque outhan, ou district, les tribus qui le;composaient
avaient à leur tête des Cheikhs commissioimésparle dey, sur la présentation faite
ou koïd par les notables habitants, et soumise parle kaïd à lo sanction du sou-
verain de la régence Les cheikhs pouvaient être révofpiêssurlcs plaintes qui ar-
rivaient des tribus, comme l'étaient les kaïds et les bey s eux-mêmes ; mois les
chefs supérieurs qui encouraient In' disgrâce "du dey étaient presque toujours
étranglés; on craignait que, s'étant fait dans leur gouvernement des partisans
et des créatures, ils n'y fomentassent des révoltes contre leur successeur.
Lé beylik de Titcri avait environ quatorze lutïds; on en comptait neuf dans,
le cercle d'Alger, cinq dans les montagnes., quatre dans la plaine. La grande pro-
vince de Constanthié en avait de trente à quarante; celle d'Oran en proportion.
Les kaïds habitaient communémentdans la capitale, près du bey, dont ils for-
maient la cour et qu'ils assistaient de leurs avis ; ils se rendaient* h des époques
fixes, dans leurs outhaiis, pour y faire une tournée d'inspection et de surveillance.
Lo petit nombre des villes qui existent dans la régence possédait une organi-
sation plus complexe, à raison de la réunion des diverses classes d'habitants et
dés différentes professions, industrielles ou commerciales, qu'on y exerçait. L'ad-
ministration cil était réglée sur le modèle d'Alger.
Les afVaires locales de cette capitale étaient confiées à des magistrats choisis
parmi les Maures. Le premier dé ces fonctionnaires.avait le litre de Cheikh-t't-
beled (chef du pays). Il percevait une contribution"' hebdomadaire-.'surles bouti-
ques et les métiers (fournissait, par voie de réquisition,Tés mulets et chevaux,,
de'transport pour les sorties des troupes turques, et défrayait pendant' leur sé-
jour les envoyés du dehors. <— Un outre fonctionnaire était \Q, Beif-el-mat, vn\-
ministraleùr dessuccessions, assisté d'un conseil'présidé par .un tHémn: (homme
de loi), qui examinait les titres et statuait sur les partages..— Un troisième nui-"
gistrot, ICI Mahtcb,.avait la police des marchés, à l'exception de celuidesgraitis,
que le dey faisait lui-même surveiller pour la perception des droits qu'il en
retirait. Le même employé était chargé deTciitreliett des rues.— \& Mézounr
(fermier des filles de joie), levait lin impôt considérable sur la. prostitution, Ce
magistrat présidait en outre a l'exécution dos jugements criminels.— Un chef
des fontaines, Amin-el^A'ioun, recevait les revenus appliqués à cette branché des
travaux publics, — Les divers corps de métiers avaient aussi chacun leur Ami?)',.
soumis"n la juridiction du Chcïkh-cl-bdi>d:—-'\)()U>i employés supérieurs voit-;
laiéitt à ta police générale î lé premier, Kaki (lieutenant), fonctionnait pendant,
le jour ; le second* qui devait toujours être Tttrc, faisait les rondes de nuit ; on

t M >" avait «lotis par outliiitt. Le premier, choisi pasini 1rs Turcs, réunlÈsalt les pouvolrti civil et ttiili-
el>
tiire. Lofiociind, iloititiié Kaid el Achour, était le collecteur de t'impût levé s>ur les récoltct. Il y avait ans»!
(in Uaïd pour les Arabe* du Salint'a, <[Ui ventilent, ii certaines époqttos, ééjouihcr en Algérie, et le Kaïd cl
(l/irtrti, nu.di! l'Onu*),, poitr le* Marocains «pii *e trouvaient «laits h< même <tt»,
-
JANiSSAIHt:
ITVHK DEUXIEME. 77
.

le nommait Ag/ta-el-h'ottl. Tous ces fonctionnaires obéissaient au Kazenadji, mi-


nistre de l'intérieur et des finances du dey.
Le gouvernement se concentrait dans un conseil suprême ou Divan, composé
de soixante ehefs des compagnies de la milice et des principaux dignitaires de
l'État. Dans les temps ordinaires, ce conseil procédait à l'élection du dey, ou
prononçaitsa déchéance. Aux jours de révolte, le pouvoir était conquis par le
plus brave; chaque .mutationde, souverain était .annoncéeau.sultan de Constan-
tinople, qui' la sanctionnait par un décret d'investiture, avec le titre de Paclio,
et l'envoi du kafetan d'honneur, accompagné de riches présents.
Lé dey gouvernait despotiquetnent, et rendait la justice en matière.criminelle.
Ses ministres immédiats étaient le Kazenadji, chorgé des affaires intérieures et
du trésor; VAg/ia, ministre de la guerre ; le Kotlja-el-Kril, chef du domaine .de
l'État; YOukil-el-Bardji,-intendant, de ta marine et des relations extérieures;
enfin le Che'ikh-el-Islam, où Mupltti-el-llunefi', chef de la religion et de la jus-
tice La législation eu matière civile .'était appliquée, dans chaque province, par
deux kadis, Tint dit-el-ltanefi polir les Turcs, l'autre, cl-Mttleki, pour les Maures
et Arabes'.
C'est nu moyeiide ces simples rouages que le pouvoir turc s'est maintenu
pendant trois siècles en Algérie. Son action militaire s'exerçait par la milice, ou
Odjak. Cette petite arnice, placée sous les ordres de l'aglia 8, se divisait eu com-
pagnies ; les grades appartenaient à l'ancienneté ou récompensaient les actions
d'éclat. Chaque chef ou soldat recevait une ration de pain par jotlr, et une solde
minime, dont le taux Variait selon les années de service, sans dépasser toute-
fois 30 centimes par jour, Mois il était permis aux janissaires de se'marier et
.d'exercer.'dans la ville une industrie quelconque, à lo charge de prendre les
armes dès (ju'ils en 'recevaient Tordre. Un grand .nombre.d'entre;eux-faisaient'
leur fortune, soit en exerçant des fonctions publiques, soit par leurs alliances
avec de riches 'familles maures ou arabes.' Les enfants issus de ces mariages
pouvaient servir dans la milice, mais seulement avec des grades inférieurs, et la
loi les '.excluait, comme les indigènes, de toute participation et de tout., droit au
pouvoir* -A'l'âge de .cinquante ans cessait l'obligation'de porter les armes» A cette
forcé militaire se joignaient, comme auxiliaires, des cavaliers fournis par les
tribus nrobes qui vivaient autour d'Alger; et, sur plusieurs-points des heyliks,
se trouvaient cantonnés, dans des forts, de petites garnisons composées d'aven-
turiers, dont la régence lirait d'utiles services pour maintenir s'a-'domination»"
1 Les hanejis ot les muhliix forment, deux.secks musulmanesqili dillèreitt t-tir quelques pratiques du eu'te
et sur quelques interprétationsde lajurisprudence tracée par te Korau. l'it res t>, elles vivent en bonite
intelligence, et. iie si; disputent point le paradis, comme les catholiques et les prête.- tmtls d'tClttope. Lis
Turcs appartiennent à la première ; tous les iiuisuiiiiitiiH 'd'Ali'iqtie loi.t partie de la seconde, dont lu chef
spirituel est le cliérllfde M as oc, comme te-sutliiu'de ('oiïstuntiin pie tst'"(.«lui des mitsiihniitis oililiti.u>/.
Chaque Oui/mit, ou district, avait soii Kadi particulier, pour la justice elvlle. Los allait/es criminelle-,
étaii'itt jiii;ées pitr VAgh'U ou par les Kaïds qu'il déléguait. L'ae.ha seul pouvait iidliuut' la pé'nis'de mort.
2 Co jmis-.ililiHjm, investi il'tttté autorité presque «'•.aile à celle du dey, exerçait sur les indij.*.' tics une s«.»Hû
de )ttridictio:t piévbtuie et terrible, il avait (brtiié, sotls le nom de Spithiv, lut éulps de cavalerie diitts toqt cl
lotit Airtbe jif.^.mtîiui! tiiieïiewit et un llisil | ouvnit eue iulmis,' en'payant ù l'agita tilt présent de 4U sultanis
('JOD ft'atiesl.Cet otiiôtcliioiit était fort recherché parce qu'il allïmiChljisiilt de tout -impôt ; les spahis ci-tisti-
ttluxuit une sorte de milice héicdltiiio. Cinquante il'entre eux étaient casernesn Alger, et -formaient la
K'urttc de l'anlia. Les autres, attirés par l'appât du butin, no manquaient jamais à l'npptl (plaint il «'imisr-ait
d'allei* en expédition, Au retour, ils rentraient elles», eu* jusqu'à tintivcl ordre.
78 l/AFÎUQUE FRANÇAISE.
Comme toutes les politiques de ce monde, le gouvernement turc trouva sa
ruine dans ses abus. La licence delà milice en altéra les formes. Du jour ou elle
put renverser avec impunité un pacha de la Porte et lui substituer un de ses
membres, toutes les ambitions éclatèrent ; la perfidie ou la force ouverte dé-
trônèrent tour à tour les souverains qu'elle se donna, et dont elle fit un hochet
qu'une révolte ou un complot brisait. Les deys, sans cesse menacés, réduisirent
peu à peu à l'emploi d'instruments les membres du conseil qui avaient jusque-
là balancé son pouvoir; le despotisme, arrivé a son faite, crouladans l'anarchie,
et la Kasbah d'Alger était depuis douze ans plutôt une prison qu'un palais, quand
H ussein, son dernier habitant, fut affranchi de son règne périlleux par l'expédition
française'.
Le système de piraterie auquel nous avons mis fin ofîraitdes chances de for-
tune aux indigènes de toutes les classes que leur exclusion de la milice turque
empêchait d'arriver aux emplois politiques. Les corsaires, soumis à une sur-
veillance légale, ne pouvaient capturer que les bâtiments des nations avec les-
quelles la régence était en guerre. Toutefois, pour couvrir de fréquentes infrac-
tions faites au droit des gens, le pouvoir turc saisissait les moindres prétextes
d'hostilité, et savait en créer au besoin. Les petits États d'Europe achetèrent
longtemps, par des tributs annuels, la sécurité de leur marine marchande; les
grandes puissances, telles que l'Espagne, l'Angleterre et la France, firent, à
différentes époques, des expéditions militaires qui n'obtinrent que des résultats
passagers. Nous avons eu la gloire de détruire ce fléau : sachons y joindre celle
de mieux comprendre les Arabes, et de relever à côté de nous, dans l'histoire,
cette race illustrée par tant de souvenirs2..

g IV, ÎÎONE LITTOBALE,

DBH'tS itofett JUSQU'AUX filONTlfetlKS DR TUNIS,

Si, des remparts du fort de l'Empereur, situé à un quart de lieue S.-O. d'Al-
ger, le voyageur tourne ses regards du côte du midi, il aperçoit un groupe de
collines, dont l'ensemble présente un terrain fort ondulé, et s'étend de l'E.-E.-JS.
à l'O.-O.-S. Au delà de ces collines règne la vaste plaine de Mètidjah, qui se
déroule, à perte deyttc, vers l'orient et vers l'occident, et du côté sud va se ter-
miner à une chaîne de montagnes très-élcvées, le Petit Atlas, dont la diree-
tion est sensiblement parallèle a celle du groupe de collines. La crête du Petit

l Après l'explosion du fort de. l'Empereur, les chefs des Janissaires, réunis eu conseil, avaient fait sortir
d'Alger, à l'insti de Hussein Cacha, un purleineutulic chargé d'offrir ù M. de Bourmont la tfto ilo ce dey, en
échange do la promesse que les français se retireraient, et que le gouvernementturc serait maintenu par un
traite. Le général eu chef repoussu avec indignation cette proposition de meurtre, et réponditqu'en prenant
la ville, il forait passer tous les TttrcB nu fil de l'épéo, si Hussein avait u se plaindre do la moindre insulte.
Lu retraite de notre année seraient devenue, ilans tons les cas, le signal de lu mort du prlhce algérien,
qui, depuis douze ans, était parvenu & contenir la milieu sous un joug de fer et à déjouer ses coin; lots, On
sait qu'tchuppc, pende temps après son é.cetloii, n une tentative d'assassinat, Il avait quitte sa maison do
ville pour s'enfermer dans la Kasbah, dont les canons étalent sans cesse bruqnés sur la tue que pouvaient
suivre les révoltés.
s Voyez le tableau des révolutions barbnresqucs dans VHisloire des pirates et corsaires de l'Océan et de
la Méditerranée, que nous mettons sous prédit).
LIVRE DEUXIEME. 70
Atlas offre beaucoup de découpures ; on y remarque plusieurs pics pointus:
mais, en général, les sommets sont arrondis, et les montagnes ressemblent as-
sez à la chaîne du Jura, Leurs flancs sont sillonnés par de nombreuses et profon-
des vallées, dont quelques-unes s'enfoncent très-avant dans l'intérieur de la
chaîne.
Que le voyageur se dirige droit vers le sud, et qu'après avoir traverse la Mè-
tidjah, il gravisse le versant nord du Petit Atlas, a la crête de cette chaîne, il
verra les pentes sud plus escarpées que celles du nord, et, au delà, une masse
de Collines qui vont se rattacher au Grand Atlas. En tournant les yeux vers
l'est, il verra, à 25 ou 30 lieues, une grosse montagne, le Djei'jcra, présentant
des arêtes vives et des cimes pointues; sur ses flancs, la roche est à nu et paraît
dépourvue de végétation. Au sud-ouest, on distingue plusieurs sommets fort
élevés, dont le plus éloigné a la forme d'un pain de sucre : c'est vers ce point
que convergent les deux chaînes de l'Atlas, dont il semble être le noeud*.
Le massif sur le versant duquel est bâti Alger présente un système de colli-
nes très-régulier, sillonné par de nombreux ravins; il porte à la Mètidjah, du côté
sud, ses eaux qui, vers le nord, tombent directement dans la Méditerranée ; son
point culminant est le Bou-Zariah, élevé do 400 mètres ou-dessus du niveau de
la mer. Ce massif, parsemé, dans le voisinage de la ville, d'habitations agréa-
bles, où des sources abondantes entretiennent la fraîcheur et une végétation
active, ne présente pas un aspect aussi riant sur les sommités. Le terrain y est
Sec, pierreux, couvert do broussailles peu élevées; les ravins, au contraire, lors-
qu'ils sont arrosés par quelques cours d'eau, sont boisés, et deviennent suscep-
tibles d'une grande fertilité.
La Mètidjah est une belle vallée de 10 à 18 lieues de long, sur une largeur
moyenne de G à 7 lieues; elle est peu ondulée, nierne au point de partage qui sé-
pare le bassin de l'Haratch et du Hamisde celui du Mazafran. L'Atlas et le massif
d'Alger qui limitent cette plaine s'élèvent subitement et presque perpendicu-
lairement au-dessus d'elle, sans qu'aueuu contrefort vienne adoucir et fondre
cotte jonction. La Mètidjah est bornée a l'ouest par les collines du Salicl, peu
élevées, que le Mazafran est obligé de rompre pour arriver à la mer; et nu
nord-est par les dunes de sable que PHuràteh et le Hamis traversent à leur
embouchure. Elle est bien cultivée dans la partie voisine des montagnes, et ma-
récageuse dans les régions inférieures» Son aspect est généralement découvert;
on aperçoit pourtant, sur quelques points, et plus particulièrement dans la par-
lie méridionale, des établissements agricoles, des villages, ou hameaux arabes,
dont les abords sont garnis de haies impénétrables de figuiers de Barbarie, et
entourés de plantations d'oliviers, de caroubiers, de jujubiers et de quelques
ormes 2.

i Voyage dans ta régence d'Alger; observations sur là géographie physique, la géologie, etc.; par M, Ho»
«et, ingénieur géographe, attaché a l'expédition de l830,„t, I, p. 3.
8 Cette plainu paraît avoir été anciennement couverte par les eaux de la mer, La couche de sol végétal
qu'on y trouve a plusieurs pieds d'é|)aisseur. Les terres, quoique couvertes sur plusieurs points de hautes
bruyères, ne sont pas difficiles a travailler; toutes les cultures de nos colonies doivent y réussir. SI l'on
mettait a exécution le projet importantqui consistait à lier le llaratelt au Mazafran, par un canal destiné à
recevoir les eaux qui ne seraient pas tombées directement dans ces deux rivières, la Mètidjah pourrait, eu
peu «Je temps, être cultivée et habitée en toute sécurité,
KO I/AFIHQUK KRANÇA1SK.
Los principaux cours (Vomi qui traversent le territoire d'Alger sont ; l'Oued-
l)jer, lu DhifJu, le Ma/afran, TOuecMlou-l'^rik, rOiicd-el-Kerma, le Harateh,
le Hamis et l'Oued-Ivaddara,
Ces rivières, ou ruisseaux, prennent naissance dans les montagnes du Petit
Atlas, à l'exception de rOued-el-Kerma.qui descend du massif d'Alger. Presque
tous sont des torrents dans la saison des pluies, et n'offrent eu été qu'un Ht
presque desséché; quelques-uns, cependant, le Harateh et le Mazafran, ont une
importance fort grande, en ce que, : destinés h recevoir les eaux que les dessèche-
ments de la plaine partageront entre ces deux rivières, leur cours supérieur
peut, à l'aide du travail, fournir de puissants moyens d'irrigation aux cultiva-
leurs de la Métidjah,
F,a ChiUa prend sa source dans le Petit Atlas, entre le mont Mouzaïa et le
mont Dakla ; elle descend du sud au nord, en laissant à droite ces monts, habités
par la tribu de Reni-SalaJi. Kn sortant de l'Atlas, elle reçoitTOucd-el-Kébir, qui
vient do la gorge de Blidah par un ravin large et profond, traverse laMétidjah,
en décrivant de nombreuses sinuosités, et roulant avec une grande vitesse sur
un fond de sable et de gravier ; arrivée au pied du Sahel, elle reçoit rOued-Djor,
et prend le nom de Mazafran, Ce cours d'eau ne conserve plus alors sa direction
primitive; il coule au JS.-K,, et suit cette nouvelle route jusqu'à ce que, re-
cevant l'Oued-Bou-Farik, son affluent de droite, il rencontre de front le massif
d'Alger, Il dévie alors de sa route, tourne au N.-N.-O,, perce lés collines du
Sahel par une gorge très-resserrée, et se jette dans la mer, à 8,000 mètres
(deux lieues) de Sidi-Ferruch,
Le Harateh a sa source dans le Petit Atlasj sur le versant nord du Djobol-Ouzra.
Sur sa rive droite, au pied des montagnes, règne Un sol fertile et bien cultivé;
sa rive gauche est marécageuse et couverte de broussailles. lia pente générale
de la Métidjah étant du sud au nord, les eaux, descendant des montagnes, se
portent dans cette direction et sont arrêtées par; je massif d'Alger, dont elles
sont obligées de suivre le pied ; l'inclinaison vers la mer étant très-faible, leur
écoulement se fait avec lenteur,,et "forme.dés marais qui .rendent le sol peu" sur
dans sa partie septentrionale, la Harateh, comme toutes les rivières de la plaine,
n'est ni navigable, ni même flottable. On le traverse sur un seul pont de 10 mè-
tres do long sur 4 de large, construit avec une grande solidité, à quelques
centaines de mètres de l'embouchure déjà rivière, près de la Maison-Carrée, sur
la route qui,, passant à la Rassauta, va aboutir.nu; cap Matifoux,
A l'est du Harateh coule je Hamis 1, qui descend du pays des Rcni-Djaad,'
franchit la Métidjah, et se perd dans la mer au S>0. du cap' Matifoux (Teménd-
fous), où Ton,trouve des vestiges qu'on croit appartenir a l'antique Rusgimioea.
Plus loin, la Reghaïa (Rcgia), dont le cours se verse à l'est du cap Matifoux, n'a
d'eau qu'en hiver. — A une lieue E, de cette rivière, coule le Roudouaou, qui
sort du Ojebel-bou-Zcgsïa, avec le nom d'Oued-Kaddara, tiré du pays qu'if ar-
rose, traverse les montagnes de Hammal, et prend le nom de Roudoiiaou en
arrivant à la mer. ; ,

1L'aiidou Savus de Ptolomée, llb. iv, cap, 2.


2 UineK. :\nlon\n\i -s- Ptotomr., lib. iv.cap. 2. — Popip. Mcla, ênp. 0, Pliuii Soc, illi, y, cap. 2. —

Martiamifi,/V Africn,—' Legôographo anonyme (In Uavonnc» " "\
-
LIVRE DEUXIÈME, 81
L'Oued*Corso vient après; ~~ un peu plus loin, coule l'Oucd-hou-Merdès, et à
4 lieues, vers l'est, Visser * qui jaillit dos monts du S.-12,, prend le nom d'Oued-
Zeitoun [rivière (les Oliviers) jusqu'au pays des Plissas, où il devient Isser, ou sé-
parant deux grandes peuplades, sur un territoire excellent.
Au-dessus de Visser est le Mcrs-el-Djennad [port des poules), cité par
Kdrisi, qui le nomme Mersa-Aldagiag. —- À trois lieues, à l'est, sort le lîoube-
rak, non loin du cap Rengut et de Dellys; cette rivière prend sa source au S.-E.,
chez les Chaouïah ; elle entre dans la vallée de Sebaou, où elle reçoit le Bou-
doura, qui descend du mont Djerjcra, longe ou nord les collines d'Abrt-el-Oua-
rct, sous le nom d'Oued-iVessa, et gagne la mer sous celui de Bouberak,
A l'est de l'Oued-Bouborak, on doublo le cap Rengut, et l'on trouve la ville
ou plutol la bourgade de Dellys, groupe de cent dix maisons Mlles'en briques
et couvertes en tuiles. D'anciennes ruines qui couvrent le sol et les hauteurs
voisines prouvent l'antique importance de ce point, où les Romains avaient un
grand poste militaire*. Une mauvaise chemise en pisé qui s'écroule en beaucoup
d'endroits peut à peine la défendre contre les fréquentes agressions des Kebaïles,
Elle s'étend du N. au S.-E,Ses maisons sont groupées par huit ou neuf; au
milieu do la ville règne une petite place, en forme de trapèze, et ombragée de
figuiers. En entrant du coté sud, on voit à droite la mosquée, assez vaste, corn
posée de huit nefs dont les arceaux supportent une toiture de chaume••revêtue
en briques rouges;son minaret, construit avec des pierres taillées, provenant de
débris romains et chargées d'inscriptions, menace ruine. En sortant de .Dellys
par le nord-ouest, on reconnaît les vestiges d'une porte antique, flanquéede tours
dont les assises ont résisté au temps ; à gauche, un sentier empierré gravit la
pente d'un mamelon où s'élevait jadis une citadelle faisant face à la mer. Des
restes de construction, d'aspect cyclopccn, marquent encore l'emplacement de
fortifications imposantes. La ville a une petite rade abritée contre les vents
d'ouest par le cap Rengut, qui s'avance au loin dans la mer, et brise de ses
angles le courant du Bouberak ; on dirait un lion couché, la tête au nord et les
pieds dans les ilôts; sur sa croupe est assis un marabout, tout entouré de sépul-
tures. A l'ouest de la ville, et sur les pentes du mamelon qui la domine, on
compte plus de soixante fermes qui s'étendent à près d'une lieue sur la grève ;
de riches plantations de vignes, de caroubiers, de figuiers, font de ce rivage un
délicieux jardin. De. la crête du mamelon, l'a>il découvre, par un temps clair,--a
l'ouest la pointe Pescadc, cl à l'est lesjpics sauvages du Gourayah, montagne de
Bougie,
Au sud-est de Dellys, à peu de distance de la mer, apparaît un grand village
kcbaïie qui semble tracer l'emplacement de l'ancien Iomnium 3, comme Taksibl,
un peu plus haut vers le nord, pourrait être Rusubeser *.
A quatre lieues de Dellys est le petit port do Mcrs-el-Fahn [port au charbon),
ainsi nommé à cause de la quantité de ce combustible que les Kebaïles y venaient
1 Scrbetis, Ptolom., Gcag, Nub., lib, iv, cap. 2.
2 Riiaiicurrium, Plin. Sec , A/r. descrip., lib. v, cap. 2, —Plolom., Geoij. Xuli., lib. IV, cap.'2. — Léon
l'Africain cito Te.ldelès à peu près sur le même point; niais malgré le rapport des noms, on ne saurait ac-
cepter cette version, parce que Léon parle do rivières qui traversent la ville; or, Dellys est sans eau. Léon,
Afric., J)c lot. A/r, descrip. Àntwerp,, 155G.
3fLJtoloïri>yG'<w/. Nub., lib. iv, cap. 2. — '* ffiitl,
;<^s)ï]k: >"•-.- .11 -'. '
m L'AFRIQUEFRANÇAISE.
embarquer pour Algcv. Quelques ruines romaines assez rapprochées peuvent
indiquer Rusa/us 1,
À trois lieues plus loin débouche l'Oucd-Sidi-Ahmed-Reu-'Voussef, et i\ la
même distance ou double, à l'est, le Ras-oun-Monkar (capCarbon),
Bougie (Bujiah, Bedjeiah, Bou-Jehia) est située au bord de la mer, sur les
ruines de Saldae', et à peu près dans la même situation que Dellys, Une .'partie
de l'ancien mur d'enceinte existe encore, et s'élève, comme a Dellys, jusqu'au
sommet du mont Gourayah, sur les pentes duquel la ville se développe en am-
phithéâtre ; elle est partagée en deux par un ravin qui se bifurque vers le haut
de la ville, Trois forts la défendent ; le premier, nommé Mouca, situé sur la rive
droite du ravin, commande les alentours; le second, fort Abd-eb-hader, est
construit à gauche du ravin, au bord de la mer; la Kosbah lui lait face sur la
droite, Depuis l'occupation française, Bougie est armée de nouvelles défenses ;
les Kebaïles du Gourayah et des autres montagues voisines la tiennent presque
constamment bloquée; le commerce des habitants consiste en huiles, cires, socs
de charrue, et autres ustensiles de fer dont la matière première abonde dans les
montagues,
Le golfe de Bougie règne entre les caps Carbon et Cavallo ; son mouillage est
vaste mais peu sur. Une rivière assez forte (l'ancienne Nasava), qui se jette daus
la mer un peu il l'est de la ville, se compose de plusieurs cours d'eau dont le
principal, OuedFaamah, formant sa branche occidentale, sort du Djebcl-Dira, ù
rO.-S.-O, de Bougie, prend le nom d'Oued-el-Addouz en traversant les plaines
de Hamza, celui d'Oued-Zouah en suivant les contours du Djerjera, d'où elle
reçoit le Ma-Berd [courant froid) et TOued-Mailah, rivière salée qui sort des
lUban (Portcs-de-Fer), La branche orientale, qui prend sa source au nord de
Sétif, coule d'abord nu sud-ouest sous les noms d'Oued-Bou-Sellam,puis d'Oued-
Ajebbi, et se jette dans VOued-Addouz, qui prend alors le nom de Summam et
coule au nord jusqu'à la mer, où elle se perd sous le nom d'Oued-Bou-Messaoud.
A rexceptioji des plaines de Hamza et de Sétif, le territoire que parcourent ces
rivières est fort accidenté, plein de rochers et de montagnes, où se creusent de
nombreux torrents à la saison des pluies.
A l'est du golfe de Bougie se jette VOucd-Mansouriah, sur lequel les Kebaïles
embarquaient autrefois une grande partie des bois de charpente destinés à l'ap-
provisionnement d'Alger.
Un peu au delà du cap Cavallo, qui forme la limite orientale du golfe de
Bougie, s'élève DjidjeliVil no reste, de cette ville très-ancienne, que de misé-
rables masures arabes.
À sept lieues vers l'est se déverse l'Oued-el-Kébir,à moitié chemin deDjidjeli
à Kollo. Cette rivière se compose de plusieurs afflueuts comme celle de Bougie;
les principaux sont, a l'ouest, VOued-Dsahab [rivière d'or), le ruisseau de Dje-
' .milan* qui suit, comme le précédent, la ligne S.-O. au N.-E. A l'est, VOucd-ei-

Hammam, qui prend sa source à l'ouest de Constantine, et le Sigan forment tous


deux le Rummel [rivière de sable) ; celui-ci, grossi du Bou-Merzoùg, laisse à

l Ptolom., Gcoçf. Nub., lib. iv, cap. 2. — 8 Plio.Seo., A/r. descrip., lib. v, cap. 2.
s Iglgili de Ptoloméo, Gwg. Nub,, lib. iv, cnp 2. — Plin. Sec, lib, v, cap.'8, — J. Solin, Polyhist,
.
cap. 2(3, .' .
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LIVRE 0EUX1EME. W
l'ouest la ville de Milan, et, joint aux eaux de VOued-el-Kébir, va tomber dans la
mer, Ce grand cours, que les Arabes nomment rivière de Constantine, ost vrai-
semblablement PAmpsaga des anciens, qui passait sous les murs de Cirta (Con*
stantine) et se versait a la mer, entre Igilgili et Kullu.
A l'est de l'Oued-cl-Kébir est le Mers-cbZcitoun [port des oliviers). Plus loin,
on double le cap Boujarone (Sebba-Rouss, les Sept-Caps), qui s'étend jusqu'à
Kollo; la rivière Zour, qui sort du Djebel-Ras, se jette entre ces caps, Les
Kebaïles de ces montagnes habitent des cavernes, comme les anciens Troglo-
dytes, et sont à la piste dos navires que la tempête fait échouer sur leurs côtes,
Kollo (Collops magnus) ou Cullul est situé sous le plus oriental des Sept-Caps ;
c'est un amas de masuros, comme Djidjcli; son port, de môme forme, quoique
plus grand que celui de Dellys, reçoit l'Oued-Ziamab, petit ruisseau dont la
source est peu avant dans les terres,
En appuyant au S,-EM ou arrive à Stora 8 (l'ancicrino Rusieada), plus grande
que Kollo, et qui possède des vestiges romains. L'Oucd-Sefsaf, qui se jette a la
mer sur co point, est le tapsas des anciens 3, A l'extrémité delà vallée du
Sefsaf, on a commencé, en 1839, les fondations de Philippeville, dont le dévelop-
pement rapide promet, dans un avenir peu éloigné, une situation de prospérité
florissante.
En remontant vers le N.-E., on double le cap de Fer (Ras-el-Hadid), rocher
escarpé et blanchâtre, qui formo l'extrémité orientale du golfe de Stora, en face
des Sept-Caps,
Toute cette côte est hérissée de rochers et de promontoires jusqu'au Mers-el-
Berber, aujourd'hui cap de Garde, où se trouvait le fort Génois, construit parles
Maltais et d'autres Italiens, contre les attaques des corsaires d'Alger. C'est l'en-
trée de la rade de Bonc,
Cette ville, appelée parles Arabes Beled-el-Aneb [ville des Jujubiers), à cause
de la quantité de ces arbustes qui croît dans le voisinage*, a été bâtie par eux
avec les ruines de la vieille Hippone, sur le penchant S.-E. d'une colline. Devant
la ville, s'ouvre à l'est un vaste mouillage bordé de hautes falaises. Le N.-O. est
dominé par le mont Edough ; et au sud s'ouvre une plaine fertile, richement
arrosée. La citadelle est bâtie sur uneéminenec, dans la direction du N. au S.,
à 400 mètres de l'enceinte do la place. Le port n'est qu'un bas-fond sablé, dé-
fendu contre les vents du large par les pointes du Lion et de la Cigogne.
En côtoyant le littoral vers l'ouest, on passe devant l'embouchure de l'Oued-
el-Erg, et l'on arme à La Calle, ancien chef-lieu de la compagnie française
d'Afrique. A cinq lieues vers le S.-E. sont les bouches de VOued-Mafrag (le
Rupricatus 5 des anciens), que quatre lieues séparent du point où la Seybousc
(ancienne Armua 8) se jette dans la mer. Les vestiges d'Hippone, célèbre par le
souvenir de saint Augustin, et dont il ne reste que quelques pans de murs, sont

* De eu lia, port, abri pour les vaisseaux; d'où les italiens ont fait le met sçala, et les Français celui
^'échelles.
* Ptolom., lib. îv, cap, 3.
— Pom. Mêla, cap. 7. — Plin. Sec., cap. 3,
3 VibiusSequoster, de fiuminibus ! — « Tap«aB, africos fluvius, juxta Rusicadcm. »
* Léun Afrio., De lot. À/r. descrip. Antwcrp., 1556.
8 Ptolom., Geog., lib. iv, oap. 3. Amstelod., 1019.
6 Plin. Sec, lib. v, cap. 4. Parisiis, 1085.
U L'AFRIQUE FRANÇAISE.
répandus sur la langue de terre qui sépare ces deux rivières, Hippone portait au-
trefois le nom d'Hippo-Regius, parce qu'elle était la résidence favorite des rois
numides»; elle était fortifiée et commandait un vaste territoire de plaines fer-
tiles, coupé par des collines boisées, des rivières et des lacs poissonneux. La Sey-
bouse, dont la source est à Tcmlouk, coule d'abord sous le nom d'Cued-el
Cherf, reçoit l'Aïn-el-Trab [fontaine bourbeuse), et courant au nord, sous le nom
de Zenati, prend à sa gauche les eaux de VOuod-Alligah, un peu à l'ouest des
bains chauds d'Hammani-Meskoutin, puis à droite les eaux de#Sebba-Aïoun.[les.
sept fontaines), et commence, deux lieues plus loin, à se nommer Seybouse;
dans ce dernier parcours, VAïn-Milfab [source du drap), le Hammam et J'Oued-
Mailah lui fournissent leur tribut, et son lit grossi par ces affluents se déverse
dans la Méditerranée avec la Rou-Djimah 8, après avoir arrosé la plaine de Bone,
Nous touchons à la limite orientale de l'ancienne régence d'Alger; cette
limite, souvent contestée par les beys de Tunis, est tracée par l'Oued-Zaine
[rivière des chênes), la Tusea des Romains, qui séparait la Numidio de la pro-
vince d'Afrique proprement dite 3. Cette rivière prend sa source dans les monts
El-Àrat, et baigne, sur sa rive gauche, près de son embouchure, les ruines do
Thabraca*, aujourd'huiTabarca, dont les habitants exploitent.la pèche du corail.

% V, ZOKÇ IXTKlUKlFRE J)K l/Al.GKRIE,

Le maréchal Bugeaud pensait sagement, en 1842, que nous, devions avoir,


en Algérie, deux lignes d'occupation, l'une sur la côte, l'autre dans l'intérieur,
et parallèle ù la mer. Nous venons de parcourir la première ; les stations indi-
quées pour la seconde sont, de l'ouest à l'est, — Tlemeenct Maskara, dans la
province d'Orart; —MilianaetMédéah, dans cejle d'Alger; — Sétif,Constantine
et GuelmaV dans celle de Constantine,
Tlemcenvfaisait partie de l'ancienne Mauritanie Césarienne ; les Romains, en
s'y établissant, la nommèrent Tremis ou Tremici Colonia; on y retrouve.encore
quelques traces de leur séjour. Les Maures en firent plus tard la capitale du
royaume de Tlenicen, qui, au commencement du seizième siècle, reconnut un
moment la domination epagnole. Les Turcs s'en emparèrent plus tard, et le dey
Hassan la détruisit en partie, en 1070; son enceinte se rétrécit, sa population
diminua, et;:ricn aujourd'hui ne rappelle son antique splendeur.
Tlcmcen est abrité au sud par le Djebel-Tierné et le Haniiï, élevés de plus de
000 mètres au-dessus du niveau, de la mer, et d'où la vue s'étend jusqu'à Oran.
A deux lieues dans la même direction, on gravit la grande chaîne de l'Atlas,

1 Silius Italicus, lib. îïi, v. 259. — Ilippone, bâtio par une colonie phénicienne,no tire pas son nom dus
chevaux qu'on pouvait y tlever, ainsi que l'ont prétendit plusieurs géographes, mais du Ba situation en-
caissée; Ubbo, eu. syriaque, veut dire fond; on en a fait hippo. (Bochart, lib, t, cap. 2t,)
2 Ladogus ou Yadog, de lu géographie de Lacroix, nom qui, par corruption, semble venir d'Edough,
montagne où elle prend sa source. .
3 Plin. Sec., A/r. descrip/., lib. V, cap, i, Parlsiis, 1085.
* Ce nom de Thabraca parait signifier branchue. 0«6p⻫, quasi frondosam dixoris, propter ambiontes
sylvas. (Bochart, lib. t, cap. il,) — Quales umbriferos ubi panditThabraca saltus. (Juven., sat. 10.)
s L'Algérie; des moyens de conserver et d'utiliser cette conquête, p. 16,
LIVRE DEUXIEME. 8»
d'où l'on découvre, le désert, qui n'est qu'à deux journées de marche. Comme
pour beaucoup de villes arabes, trois de ses côtés se terminaient à des ravins
escarpés qui en rendaient l'accès difficile; on ne pouvait l'aborder que vers le
sud-ouest, point où la plaine se rattache aux hauteurs voisines, —En partant
de Biskerik, vieux fort en ruines, son enceinte longe le ravin très-encaissé
d'El-Kalah, que l'on passe sur deux ponts do pierre, et descend jusqu'à un
escarpement qui domine le plateau inférieur. C'est dans cette partie qu'est la
porte de Daoudi,,par laquelle on entre en venant d'Oran et de Maskarah ; un
minaret est debout tout auprès, au milieu de nombreuses ruines. Cette porte,
de style mauresque, est construite, ainsi que la base du minaret, avee des
pierres qui paraissent être les débris d'un monument romain. Immédiatement
au dehors est le marabout très-vénéré do Daoudi, entouré de cimetières. — "A"
partir de Daoudi, l'enceinte suit l'escarpement de Test à l'ouest, jusqu'à.la
porte Sour-ol-Hamman. Entre ces deux points, la vieille muraille, qui se con-
fond un instant avec la nouvelle, est percée de quelques portes ; la plus com-
mode est celle de Bab-el-Kermadi; les autres sont d'un accès peu facile, à
cause de la pente du terrain, De Sour-el-Hamman, le reste de l'enceinte, dé-
crivant un arc de cercle, passe dans le vallon'qui sépare Tlenicen des montagnes,,
et va rejoindre le ravin d'El-Kalah, à 300 mètres au-dessus de Biskerik. Le
contour total a plus de 5,ooo mètres de développement.
L'enceinte nouvelle est plus petite, et embrasse à peine le tiers de l'espace
enfermé par l'ancienne. Elle s'est arrêtée, vers l'est, à un léger escarpement qui
la protège ; le sud-ouest en est toujours la partie la plus faible ; elle est en pisé,
flanquée de tours, souvent interrompue, sans fossés, et terrassée sur les faces
est et ouest. La ville est mal percée; ses rues étroites sont rafraîchies par de
nombreuses fontaines; les maisons n'ont qu'un étage et sont presque toutes cou-
vertes en terrasses; quelques-unes, comme à Alger, communiquent par des
voûtes jetées d'un côté de rue à Vautre, On bâtit en briques, en moellons, en
pisé; quoique la chaux ne soit pas rare, on ne l'applique pas extérieurement, ce
qui donne à la ville un aspect irisle et sombre. La citadelle de Ttemcen, nom-,
méc Méehouar, est située au sud de la ville, qu'elle louche, mais sur laquelle elle
ne peut avoir qu'une action imparfaite. A l'ouest, à une distance de 1,000 mè-
tres, et à peu près au niveau du Méehouar, est une vaste enceinte carrée, nom-
mée Mansourah, qui a la forme d'un rectangle de 900 mètres sur 700,
Les plaines en avant de Tlcmccn sont fertiles, quoique découvertes; elles
donnent d'abondantes récoltes de céréales. Les jardins produisent des figues,
des jujubes, des raisins qu'on fait sécher; on y recueille aussi des pèches, des
cerises, des amandes ; les pommes se trouvent dans les montagnes deTrarah;
les oranges sont rares et le jardinage peu varié. Le principal produit de l'agri-
culture est l'huile, fournie par les nombreuses plantations d'oliviers qui entou-
rent la ville. Les montagnes sont boisées et l'on fabrique du charbon ; les terres
voisines de Tlemccn fournissent beaucoup de salpêtre, qu'on en extrait par le les-
sivage. La position de cette ville, qui lui a fait donner le nom de Bab-el-Gharb
[porte du couchant), rend cette ville importante sous le rapport commercial. A peu
de distance de l'empire de Maroc, dont la limite n'est qu'à douze heures de
marche, voisine du désert, qui n'est guère plus éloigné, c'est un lieu obligé d'en-
m.\ L'AFRIQUE FRANÇAISE,
trepôt pour les caravanes venant de Fez ; elles y apportent des cotons, des
épiées, des soieries, des babouches, des maroquins, quolqucs armes, surtout des
sabres et des bois do fusil, ainsi que des draps ordinaires venant de Gibraltar;
le désert fournit des plumes d'autruche, de* laines, de Vivoire, et quelques
autres objets, Le port de Harchgoun, distant aussi do douze lieues,,ajoute aux
avantages queTlemcen présente pour le commerce intérieur ; il peut recevoir par
là des marchandises d'Europe en échange des grains et des denrées du pays.
Quatre routes principales partent de Tlemcen ; celles de Maskara et d'Oran,
qui conduisent à Alger, traversant l'une et Vautre VOued-Scfsaf sur des ponts
en maçonnerie; celle de Harchgeim, qui se bifurque vers Nedroma, en passant la
Tafna a gué, et celle de Fez, qui traverse aussi cette rivière. Plusieurs chemins
mènent en outre, par les montagnes, dans le désert',
Nedroma, au N.-O, de Tlemcen, bâtie dans une plaine fertile, au pied des
monts Trara (frontière du Maroc), et à 4 lieues au sud du cap Hone, n'est plus
qu'une bourgade dont les habitants fabriquent des poteries. C'était, s'il faut en
croire d'anciens historiens, une cité considérable et qui aurait été construite sur
le modèle de Rome ; rien aujourd'hui ne semble justifier cette opinion', maison
pourrait supposer que ce fut VUrbara de Ptolomée,
Maskara 3 (El-Maskar), située sur le versant sud des collines qui ferment au
nord la plaine d'Egbrès, est bâtie sur deux mamelons, séparés par un ravin, où
Veau coule en tout temps. Ce ravin commence au nord par un vallon large au
départ, mais se rétrécissant vers le bas; un rocher, taillé à pic, forme alors un
versant, où Veau se précipite en cascade, et de ce point, en descendant vers la
plaine, les bords sont flanqués de rochers escarpés, et le ravin se creuse à une
grande profondeur; les rochers disparaissent ensuite, et le ravin s'élargit de nou~
veau en approchant de la plaine : on le passe sur deux ponts, l'un au-dessus de
la cascade, Vautro un peu au-dessous. — La ville se compose de 5 parties qui
sont, 1° sur le mamelon, à l'est, Maskara; le faubourg de Baba-Ali, au nord do
la ville; celui d'Aïn-Beïda, au sud ; et un autre plus petit à l'est. — 2a Sur le
mamelon à l'ouest, le faubourg d'Arkoub-ïsmaïl, — Maskara est assise sur la
rive gauche du ravin, depuis la cascade jusqu'au point où finissent les rochers.
Elle a deux portes : celle d'Oran, au N.-O, ; celle d'Alger, à l'est, et une poterne
donnant, à l'ouest, sur le ravin. L'enceinte est en pisé, comme celle du faubourg
d'Arkoub-Jsmail, que ferment aussi deux portes, l'une au nord, l'autre au sud ;
plus, deux poternes, donnant, à l'est, sur le ravin.
' t Tlemcen se nomme en arabe Telem-san, formé de sillons. (Jacobi Golii, Lexicon arabico-lalinum.) —
Edrlsi l'appelle Sachratainj il est probable que le nom do Telem-san n'est pas plus ancien que les invaslonn
arabes. — Gramayc rapporte qu'un rabbin, nommé Abraham, avait découvert dans les ruines d'une vieille
mosquée plusieurs médailles avec l'inscription Tremiscol, d'où les géographes modernes ont fait Tremcon.
(Africte illustr., cap. 25.) Tclemsan componitur duabus urbibus muro distinctis; habet, a meridie, montem
qui vocalur Sachratain (id est duosaxa); atque in isto monte contra meridionalem utbls plngam porrecto,
sunt vineae, et ad cjus radius molcndinaj secus ingentem rivum, qui vocatur Anasrani (id est chrlstiani).
(Edrlsi, Géog, Nubiensis.) — Habct Telemsini territorium elegantissimasnnè rura, fontes limpidissimi, qmi
nium fructuum affluentia oculos luinc io modum pasçunt, ut, nunquam io. vlta, quicquam amaenius me vl-
disse meminerim. (J. Léon Afric,, De tôt, Afr. descript.)
* Scriptumreltquerunt illius temporis historiographi, ad unum eumdemque, quo Roma, oedlflcotam fuisse
modum, unde et nomen. Nec enlm, apud Arabes, idem prorsus atque similis nobls signlflcat. (J, Léon
Arrlo./6trf,)
8 Ancienne Victoria des Romsins. (Sanson, Index geograph. Parisii», 1083,)
LIVRE DEUXIEME. 87


'
La plaine d'Eghrès peut offrir un grand centre décolonisation; Maskara,
brûlée en 1835 par le maréchal Clauzel, fut relevée par les Arabes, et devint
pour nous un poste militaire important, lorsque le général Bugoaud la reprit
eu 1841.
Lorsque, venant d'Alger, on a.franchi le Téniah ou col de Mouzaïa, on des-
cend une pente d'environ 400 mètres, et l'on arrive a une langue de terre étroite
qui sort de point de partage à VOued-Chifta courant vers l'est, et à des affluents
de VOuëd-Djcr courant vers l'ouest, pour aller, chacun de leur côté, traverser
les montagnes que l'on vient de gravir, et se rejoindre dans la Métidjah, sous le
nom de Mazafran. A partir du bois des Oliviers, après avoir traversera son
point de partage, cette espèce de vallée transversale à l'Atlas, on remonte, par
une pente douce, un terrain étroit, faisant, pendant quelque temps, la contre-
partie du bois dos Oliviers, et continuant à séparer les affluents do la ChilTa.de.
ceux de l'Oued-Djer. En continuant ainsi pendant cinq lieues, et dépassant
Médéah, qui rosto à droite, on arrive sur un vaste plateau qui mène, sans grands
accidents de terrain, jusqu'au désert de Sahara. Là, on est parvenu à la sépa-
ration de toutes les eaux qui se versent dans la CbilTa, et de celles qui affluent dans
le ChélilT, Au delà, on trouve, à l'est, la source des eaux qui coulent vers le Djer-
jera; en deçà, un peu avant d'arriver à Médéah, on a rencontré la crète des
hauteurs qui, venant de Milianah et du mont Zakkar, séparaient les affluents de
l'Oued-Djer des affluents de droite du ChélilT inférieur. Un mamelon escarpé sur
les trois quarts do son pourtour, descendant en pente douce vers le sud, bordé
par des affluents du ChélilT, se rencontre peu après la tête du bassin de l'Oued-
Djer; c'est sur ce mamelon qu'est situé Médéah, à 1,100 mètres au-dessus du
niveau de la mer.
Cette petite ville, autrefois forteresse romaine, et depuis habitée par les
diverses races qui se succédèrent en Afrique, s'est accrue en gagnant vers le
sud, jusqu'au pied même du mamelon qui la supporte; c'est ainsi qu'ont pris
naissance la haute et basse ville, qui furent longtemps séparées l'une de l'autre
par uno coupure, tant en escarpement qu'en maçonnerie, et par une porte ; ses
maisons sont couvertes en tuiles comme dans le midi de la Franco, Les Romains
'avaient une route qui reliait Médéah et Milianah; une autre voie, partant de
Médéah et se dirigeant d'abord au sud, fléchissait ensuite vers Vest; tournait le
mont Djerjera, les Biban (Portes-dc-Fer), et parvenait sans difficultés de ter-
rain à Constantine (Cirta). C'était la route par laquelle les Romains, au temps do
leur puissance, faisaient communiquer la Mauritanie Tingitane (Maroc) avec la
province de Cirta et l'Afrique proprement dite (pays de Tunis).
Milianah s'élève à 900 mètres au-dessus du niveau do la mer, dans l'Atlas, et à
1

a millesde la plaine du Chéliff, qu'elle voit se développer sur une grande étendue.
Suspendue, en quelque sorte, au flanc d'un rocher, dont elle borde les crêtes,
elle est bornée, au nord, par le mont Zakkar, qui la couvre entièrement de ce
côté ; au sud, par une vallée fertile, que le Gontas sépare de la plaine ; à l'est, par
un ravin qu'elle domine à pic ; à l'ouest, par un plateau arrosé d'eaux vives qui
y favorisent la culture.
Le mont Zakkar (à 1,534 mètres au-dessus du niveau de la mer) se prolonge
i 'Maninna de Ptolom., Geng., X.\\. iv, cap. 2 —• Malliann do l'itinéraire d'Aritonin.
.
M L'AFRIQUE. FRANÇAISE
à l'est et à l'ouest, eu se reliant à la grande chaîne de l'Atlas. Sans être entière-
ment dépourvu déterres végétales, il apparaît plus aride, à mesure qu'on l'exa-
mine plus près de son sommet ; mais, à mesure qu'il descend vers la ville, son
versant méridional se couvre de verdure, d'arbros fruitiers et do jardins, .
Les maisons arabes de Miltanab, composées d'iin rez-de-chaussée et d'un
étage, sont construites en pisé blanchi à la chaux, renforcé par des portions en bri-
que, et couvertes en tuiles,1.Presque toutes renferment des galeries intérieures et
quadrilatérales, de forme irréguliôrc, soutenues assez souvent par des colonnades
en pierre, à ogives surjmissées. Commo celles detoutes les villes arabes, ses rues
sont étroites et tortueuses; mais dos eaux abondantes, conduites par des tuyaux
souterrains, alimentent les fontaines publiques et les maisons, L'occupation
française a ouvert de grandes places et percé deux larges rues, dont la première
aboutit à la porte du Zakkar, Vautre a celle du Chéiiff, La ville est pourvue
de fortifications extérieures qui en assurent la défense.
Le territoire de Milianah est d'une grande fertilité ; les ravins qui le sillonnent,
les pentes, les plateaux et la vallée, sont formés d'un sol excellent pour la cul-
ture des céréales, delà vigne, et de toutes sortes d'arbres à fruits. Le plomb et
le fer y abondent; le mont Zakkar contient des gisements de marbre considéra-
bles et des mines de cuivre,
Sétif, l'ancienne Sititls-Colonia, est située dans une plaine vaste et fertile, ar-
rosée par VOued-bou-Scllam, qui coule à 2,500 mètres des ruines de cette ville.
Au temps de la domination romaine, Sitifis était devenue, tant par son impor-
tance même que par sa position centrale, l'un des points les plus considérables
de leurs possessions en Afrique; et, malgré les ravages qui suivirent les inva-
sions successives des Vandales et des Arabes, il existe encore aujourd'hui d'im-
posants vestiges de ses édifices et de ses fortifications. Les historiens du moyen
Age parlent aussi de la prospérité do Sétif, sinon comme capitale, du moins
comme centre de population ; le sol avait conservé sa réputation de fécondité, et
ses plants de cotonniers sont cités avec éloge par les écrivains de cette époque.
Sous le funeste régime établi par la domination .'turque, Sétif dut subir le mou-
vement de décadence et de dépérissement qui atteignit toutes les parties de la ré-
gence. Les guerres d'invasion avaient renversé ses murailles et ses monuments ; le
défaut de sécurité pour les habitants sédentaires de son territoire ruina son agri-
culture : mais, comme pour attester son ancienne splendeur, au milieu des dé-
bris qui encombraient son enceinte désertée, on continua à tenir un marché pé-
riodique, où les habitants de toutes les parties de la province de Constantine
venaient échanger leurs denrées et se fournir des produits nécessaires à leur
existence et h leurs industries. Le caractère pacifique des tribus environnantes,
plus adonnées que partout ailleurs à la culture des terres, promet à une
administration régulière une domination facile, avec une grande sécurité,
La vieillo enceinte de Sétif, de forme rectangulaire, a 450 mètres de longueur
sur 300 de largeur. Les grands côtés étaient flanqués par 10 tours, et les petits
par 7; dans l'angle ouest s'élevait une citadelle de 150 mètres do long sur J20
de large. Les murs ont environ 3 mètres d'épaisseur ; les décombres couvrent
aujourd'hui une immense étendue de terrain. De tous les points que nous occu-
pons en Afrique, il n'eu est peut-être pas de plus saluhrc; l'établissement de
LIVRE DEUXIÈME. m
Sétif doit' s'alimenter un jour par Bougie, comme Constantine s'approvisionne
par philippeville. La route qui conduit de Constantine à Alger, et que suivaient
les caravanes arabes, passe par Sétif; elles mettaient to jours pour parcourir
ce trajet; 3 pour aller de Constantine à Sétif, et T pour arrivera Alger, lors-
que les Kebaïles des Bibans (Portes de Fer) leur laissaient le passage libre,
Nous donnerons plus loin (Liviuc 111°), en racontant la première expédition
de Conslantiue, la topographie de cette vieille cité, dont le siège, deux fois illus-
tré par un de nos princes, fut si difficile, si glorieux, et dont lu conquête ouvre un
si riche avenir à une sage administration,
Guelma est au sud et à 2,000 mètres de la rive tlroite de la Seybouze supé-
rieure, et à 2,500 mètres, au nord, du pic du mont Maouna. Une plaine peu
accidentée descend, en glacis, depuis les dernières limites inférieures de cette
montagne jusqu'à la rivière, La Seybouze, dans celte partie de la province
de Constantine, court du N.-O, au S.-E.; sa gauche est bordée par les der-
niers mamelons du système rocheux des Djebel-Aouara et Djobel-Talaa; sa
droite est formée par la vaste plaine de Guelma, que limite, au sud, une suite
continue de montagnes ; celles-ci, décrivant un arc, viennent se heurter contre
les appendices du Djebel-Talaa, et ne laissent qu'une coupure étroite et pro-
fonde pour le passage de la rivière, dont le cours s'incline tout à coup à angle
droit, et, courant du S. au N., se dirigedirectement sur Bone, La Seybouze, dans
toute cette plaine, est fortement encaissée ; son cours, même quand elle -a très-
peu d'eau, est rapide ; les affluents qu'elle reçoit, par sa droite surtout, présen-
tent des caractères semblables,
Cette ville, telle que les Français la trouvèrent à la fin de 1830, était construite
avec les matériaux do. l'ancienne Calanui, nommée par saint Augustin et Paul
Orose ; mais l'emplacement qu'elle occupe n'était pas celui de l'ancienne cité ro-
maine. Celle-ci était devenue la proie, soit des Maures révoltés, soit des Vanda-
les; ses habitants, réduits à l'extrémité, profitèrent de quelque temps de répit
pour bâtir une forteresse avec les débris de leur ville anéantie. En '1.830, nous
avons trouvé cette enceinte a peu près détruite ; mais l'examen des ruines fait
supposer, avec assez de probabilité, que cette "dernière catastrophe eut pour
cause un tremblement de terre. L'occupation de Guelma rendit de grands ser-
vices lors de la seconde expédition de Constantine.
Les points que nous venons d'esquisser tracent une zone suffisante pour l'in-
stallation de 3,000,000 d'Européens. Nous ne répéterons point tout ce qu'ont dit
les géographes et les naturalistes sur le climat, le sol et la végétation de l'Algé-
rie; grâce à une température élevée pendant l'été, sans être brûlante, et douce
en hiver comme notre printemps, la nouvelle colonie .française est propre a rece-
voir tous les genres de cultures. Suppléant par ses propres forces aux soins de
l'industrie humaine, la végétation étale autour des champs cultivés les s'plcnV
dides richesses de la nature sauvage ; les plantes des tropiques et celles de l'Eu-
rope tempérée croissent au milieu des productions indigènes, déjà si nombreuses
et si diversifiées; et, quoi qu'on en ait dit, la force étonnante des végétaux d'A-
frique suppose assez que l'eau ne peut manquer à cette terre. L'humidité, sous
toutes les formes, y tempère la chaleur du climat et celle du sol ; sur la pente
des montagnes, au fond des vallons creusés entre les collines, et à la surface des
',".'"1-2 ' '.:":."
!i0 J/AFRIQliE FRANÇAISE,
champs, ce iout des rivières, des sources d'eau vive, des ruisseaux, que lu
constitution-.physique du terrain tond à multiplier, à entretenir et à partager
comme autant de canaux d'irrigation, puisque partout des courants circulent
dans l'intérieur des terres, à quelques mètres du sol, et y répandent une fraî-
cheur cachée sous celte superficie ariditiée, Enfin, outre les grandes pluies qui
tombent de novembre au mois de mai, l'air, pendant le jour, est souvent im-
prégné do vapeurs légères qui, à l'approche de la nuit, se résolvent on abon-
dantes rosées.
Comme tous les peuples pasteurs, jeu Arabes ne cherchent que dans la végé-
tation naturelle et spontanée les produits nécessaires a l'entretien de leurs trou-
peaux; lorsqu'ils ont mis à nu certains points, ils se.portent sur d'autres. La
culture artificielle, si répandue en Europe, est complètement ignorée chez eux ;
niais, ne le serait-elle pas, leur indolence s'opposerait à ce qu'ils en lissent
usage. Cette indomptable volonté de jouir sans travail a été funeste pour les
bois; les Arabes mettent, en automne, le feu aux broussailles qui couvrent
d'immenses superficies dans le pays; ils fout brouter l'herbe qui croit sur le
sol après Vineendie, et, plus lard, les jeunes pousses. Les bois n'oIVreut à l'A-
rabe qui passe m vie sous la tente, et dont la sobriété est réellement primitive,
qu'un faible intérêt; aussi leur conservation le préoccupc-t-elle peu, et n'u-t-it
jamais eu la pensée d'une exploitation régulière. Il prend là où il se trouve,
sans s'inquiéter de l'avenir, le peu de bols qui lui est nécessaire pour cuire ses
aliments, Cependant, quelques forets rares, et séparées par de longues distances,
ont échappé à ce système d'incendie; les agents du service forestier ont constaté
l'existence d'environ 80,000 hectares de ce.s produits, Dans la province d'Alger,
toute la partie comprise entre les montagues rie Chenouah, auprès de Cherohell
et Coléah, est. très-boisée.-Au milieu des. oliviers ..et des lenlisques, on trouve,
dans la montée du Téniah de Mouzaïa, des chênes de la "plus belle venue. Lu
portion'du Sahel qui s'étend entre Coléah et .Alger -offre le bois du Mazafnin,
dont le développement est considérable, et qui m -.-compose de lenlisques, d'oïi-
\iers sauvages, de chênes, .d'ormes et de frênes.
En général, dans la province d'Alger, et jusqu'aux abords mêmes de la ville,
les coteaux sont plus ou moins couverts de '-broussailles. Les essences domi-
.'liantes sont l'olivier sauvage, le lentisque et le chêne vert ; on y rencontre aussi
quelques pins d'une grande beauté; il est hors de doute que tous les arbres de
.France y réussiraient parfaitement. Quelques soins, l'obligation pour les exploi-
tants de réserver un certain nombre de beaux sujets destinés à croître en futaie,
et à protéger les jeunes pousses, la prohibition de l'incendie, du pâturage dés-
ordonné, une surveillance active et une répression sévère, auront bientôt re-
peuplé cette ferre, qui-n'est pas, comme on Va cru, condamnée par sa nature a
ne point produire de bois.
La province d'Oran offre aussi de l'intérêt sous le rapport forestier. Dans le
défilé qui va de la plaine de Tlélat jusqu'au Sig, à 10 lieues d'Oran, c*t la fo-
rêt de Mnley-Ismaël, peuplée de .lenlisques et d'oliviers sauvages. Entre la
plaine de Ceïrat et Mostaghanem, au lieu dit EÏ-Maskra, il existe un beau bois
de lentisques. Nous avons trouvé la vallée du" Çhélifl'; ornée de bois assez vi-
goureux, et en assez grande quantité pour prouver que le KO! supporterait de
VIVRE DEUXIEME. i'I
belles forêts, si la nature était aidée, ou seulement n'était pas contrariée par:
l'homme.
Le peu de ressources qu'offraient les euvironsd'Orau ont été bientôt épuisées ; la
forêt d'Einsilah, située'à ( lieues do cette ville, sur le versant méridional du Oa-
mara, au dessus de Meserghiu et de Bridia, pourra être exploitée, mais avec ré-
serve, pour ne pas dépouiller les roches calcaires d'ombrages qui attirent l'hu-
midité, et conservent ainsi des ruisseaux auxquels la plaine doit sa fertilité, Cette
forêt peut avoir 3 à 4 lieues de superficie; elle est séparée de la nier par une
plaine d'une lieue environ, (pie bornent, au sud, des montagnes escarpées, sur
le versant desquelles se trouvent les bois. D'étroits défilîs sont les seuls com-
munications avec la plaine des Reni-Aineur. .Les essences qui dominent sont des
ormes, des chênes de diverses espèces, des hêtres, des pins, dent quelques-uns
ont atteint do fortes dimensions.
Le bois de la Mncta, situé sur la côte, entre l'emboueliure de Tllabra et Ma-
zagran, ressemble a nos taillis.do France après 20 ans; son étendue est d'envi-
ron 2 lieues; parmi les arbres qui s'y trouvent abonde le thuya.
La provinee de Constantine est mieux partagée (pie les deux autres. Entre
l'OuoiM-Akralet VOued-Nougha, on remarque un bois de pins agrestes, entre-
mêlés d'oliviers sauvages, de lenlisques et de genêts épineux. Il existe, entre
Bougie et le'cap de Fer, sur les montagnes qui avoisinenl le cap Boujarone, des
forêts de haute futaie d'une étendue considérable; dans les premières aimées de
notre occupation, Bone tirait de la sesnprovisionnemenlscnhois de chauffage, et
même de construction, par l'entremise des habitants do Kollo. De Bone à
Guelma, on ne trouve que des broussailles; ou aperçoit cependant, de divers
points de la route, des montagnes boisées à leur sommet : les renseignements
recueillis s'accordent à les dire couvertes de pins. Le versant nord et les débou-
chés de la deuxième chaîne de l'Atlas, qui commence derrière Guelma, sont boi-
sés partout de lcntisqucs et d'oliviers sauvages; mais, mie fois arrivé à la
crête de cette chaîne, le bois disparait totalement jusqu'à Constantine.
Des reconnaissances poussées dans les directions de Stora et de'Rjidjeli, si-
gnalent, à l'extrémité des plaines et dans une zone de s à 10 lieues le long de la
mer, l'existence de forêts immenses. Mais, de tous les points de cette province
et de nos possessions dans l'est de la régence d'Alger,, le mieux connu, celui
qui, par les produits qu'il peut immédiatement fournir, par les garanties qu'il
donne pour l'avenir, mérite le plus de fixer l'attention du gouvernement, c'est,
sans contredit, le territoire de La Oalle,
La Callc est environnée de forêts qui occupent une surface .'de terrain (bit
étendue; celles qui sont les plus rapprochées de la ville sont un peu dévastées
par le feu; toutefois elles peuvent offrir encore de.beaux produits; le chêne---
liégc est l'essence dominante, A mesure que l'on s'enfonce dans l'intérieur, les
traces de feu disparaissent, les bois se présentent plus serrés, plus élancés; il eu
est qui paraissent n'avoir jamais vu la cognée, et sous lesquels il n'y a-aucune
végétation. Ces bois sont en général des futaies pleines; on y retrouve l'orme,
le frêne et l'aulne ; le chêne vert et surtout le chéue-liége y abondent.
Ces bois pourront alimenter notre consommation, soit pour'le'chauffage,- soif
pour les constructions; et l'exploitation de l'écoreo du liège, conduite selon les
W LAI RIQUE FRANÇAISE.
règles pratiquées dans les pays où cette culture est familière, sera encore une
source de revenus importants.
La forêt lu plus considérable pav son étendue comme par sa beauté, est celle
que Von trouve sur la route de Bone, dans la partie qui avojsino le Monte-Rotondo ;
on y voit eu grande quantité des ormes, des frênes, des aulnes et des cbènes-
rouvres; elle dépend du territoire de Djeb-Allah, que deux heures et demie de
marche séparent de la grande plaine de la Mafrag qui conduit à Roue; on ne
connaît personne qui l'ait traversée dans cette largeur ; les Arabes prétendent
qu'il faudrait deux journées de marche,
Ces indications rapides ne signalent qu'une infiniment petite partie du sol
forestier de l'Algérie, Les côtes reconnues par nos navigateurs leur apparaissent
presque toutes garnies do bois, à uno distance plus ou moins grande du rivage.
Le pays, chaque jour mieux connu ou plus profondément pénétré, se trouve
autre qu'on ne l'avait d'abord dépeint. Il devient do plus en plus évident que
les points occupés sur le littoral sont les moins fertiles et les plus dépouillés;
après trois siècles de la domination turque, dans les 'villes où nous l'avions rem-
placée, il n'en pouvait être autrement, Des routes nouvelles, des communica-
tions plus faciles et plus promptes nous permettront bientôt d'apprécier de mieux
en mieux les ressources forestières que peut offrir la terre d'Afrique, et de les
utiliser quand elles seront mises à notre portée, Le dey tirait des bois do con-
struction de Bougie, de Kollo, de Djidjeli et de La Galle ; la régence, dont la'
population consommait, il est vrai, immensément moins que no le ferait une
population égale d'Européens, 'rie. demandait pas de bois à l'étranger; et nous,
jusqu'ici, nous n'avons presque rien tiré du pays même L
Il est malheureux d'avoir à reconnaître que les nécessités de la conquête ont
beaucoup contribué à l'appauvrissement des bois dans la zone littorale, L'occu-
pation purement militaire est destructive do sa nature; partout où nous avons
concentré des troupes, l'état du pays a empiré, et nos soldats ont fait disparaître
les éléments de production qui existaient avant eux. Sans parler de la coupe des
arbres fruitiers, pratiquée par les ordres du maréchal Bugcaud, comme moyen
de ruiner la résistance arabe, on avait de tout temps, avant ce système, gas-
pillé les ressources du sol. Lorsque Blidah n'était pas occupé par l'armée fran-
çaise, ses jardins et f>on territoire faisaient vivre une population nombreuse, et
approvisionnaient la ville d'Alger de légumes et de fruits. H a suffi de deux
années d'occupation pour détruire les conduits d'eau, les jardins, saper les
arbres, et remplacer l'abondance par une stérilité absolue, « A l'époque de mon
passage a Blidah, au mois de mai 1841, disait un écrivain fort éclairé sur la
question d'Afrique, ce" délieieux paradis n'était plus qu'un lieu de désolation.Les
jardins, n'étant plus arroses ni cultivés, ne produisaientque des plantes sauvages;
toutes les clôtures étaient renversées ; les bois d'orangers et d'oliviers, encore
debout, mais percés de larges trouées par la hache du génie militaire, étaient
abandonnés au sabre des soldats maraudeurs, et même des corvées régulières
qui faisaient leurs fagots avec des branches d'oranger ; ils ne produisaient plus

IL'administration forestière se livre avec zèle aux invostigation'i les plus précieuses, Les tableaux officiels
dressés par ordre du ministre de la guerre contiennent une statistique des eaux et forêts, dont les détails
minutions dénotent une étude consciencieuse et déjà féconde on riclies résultais.
LIVRE DEUXIEME.. m
rien, et dans cette localité qui fournissait auparavant les oranges a profusion, au
prix de quinze à vingt sous la charge d'âne, j'ai vu vendre des oranges de Mahoii
à trois sous la pièi-e, .l'ai trouvé Cherehell dans le' même état de dévastation;
les vignes admirables qui l'ombrageaient étaient couples par le pied, et les jar-
dins ravagés comme ceux de Blidah, La plaine qui s'étend entre Mostnghanem
et Mazagran, toute couverte, avant l'occupation, de jardins bien arrosés, ne pré-
sentait plus, lorsque je l'ai traversée, qu'une surface nue, aride, sablonneuse.
L'armée, dont la véritable destination est d'être l'instrument, cl l'auxiliaire de la
colonisation, en devient ainsi le fléau ; les camps militaires tracent autour d'eux
une large zone de dévastation, et malheur aux travailleurs agricoles qui sèment
et plantent dans leur voisinage ; ils sont condamnés à partager la récolte avec
les maraudeurs, et trop souvent à la leur abandonner tout entière! A llou-Fariek,
dans la plaine de Métidjah, il est arrivé plus d'une fois que les arbres plantés
par les colons ont été coupés par les soldats, et, au passage d'un convoi, plus
d'un habitant a vu les portes de sa maison enlevées pour faire cuire la soupe ou
allumer le feu du bivouac. Que les garnisons sédentaires travaillent et produi-
sent, et elles cesseront de dévaster, car alors elles ne souffriront plus autant de
ce dénùment auquel la stérilité environnante les condamne, et qui les sollicite
à tout détruire ', »
Les richesses minérales de l'Algérie doivent offrir aussi, dans un avenir peu
éloigné, des découvertes précieuses ; tes preuves de leur existence se montrent a
nu sur les flancs ravinés des montagnes. Le grès, les marbres blancs, l'ardoise,
les terres a briques, a poterie, se rencontrent dans le petit Atlas et le massif
d'Alger; les marbres statuaires, l'ocre jaune, la terre de pipe, le blanc d'Es-
pagne y abondent. L'exploitation du plâtre indigène est peut-être un des objets
les plus importants pour la colonie, qui est obligée de tirer d'Europe une grande
partie de celui qu'elle emploie; elle tournerait aussi nu.profit-de .l'agriculture,,
car on sait quelle force de végétation le plaire donne aux prairies artificielles.—
On a reconnu la trace do. mines d'or ùFrcndah. —Les montagnes des environs
de Bougie sont remplies de mines do fer. —A cinq ou si.v lieues do Maskara, il
existe une mine do cuivre presque à fleur de terre ; la direction des filons est de
l'est à Vouer-t, et en plusieurs endroits si rapprochée de la surface du sol,-qu'elle
lui communique une teinte verdàtre.
— 11 y a, en outre, non loin de là, une
mine de plomb aussi largement pourvue de métal ; de très-grosses chalcédoines
disposées par lits étroits dans une terre pyriteuse, et un ravin où l'on aperçoit
des monceaux de cristal de roche 2,
— Los montagnes dont l'extrême point se
rattache au port de Kollo, recèlent également du cuivre et du cristal de roche;
mais nulle part on n'a trouvé le minerai do cuivre en aussi grande quantité que
sur la route do Médéah, à une lieue au sud du Téniah ou col de Mouzaïà; le
principal filon s'y développe, sur une longueur de plus de 100 mètres. Les ré-
gions de l'Atlas renferment des mines inépuisables du plus beau sel 3; la côte
du territoire d'Alger est parsemée do fragments de sel blanc d'une excellente
qualité, produit par Vévaporation de la mer. La même substance forme une

I De la double conquête de l'Algérie par la guerre cl la colonisa Ho», par ttugèno lîurot, p'.25R
s Ucsfontafnes, Nouvelles Annal,s des voyages, t. XVI, p. 310-3D3,
'4 SkelcltcsofAlgfrr'spolUical,historical and civil, h y William Shaler, ch, î, p. 12.
!H l/ÀFttlQlF FRANÇAISE.
couche si épaisse dans les lagunes d'Arzow, quand elles sont desséchées par l'ac-
tive chaleur du soleil,.'qu'on extrait des rochers, à coups de pioche, un sel assez
pur. Les districts maritimes renferment des sebkas, .bu.lacs salés; les eaux
d'un grand nombre de ruisseaux, de sources et de puits, dans la province d'Oran,
«ont plus ou moins imprégnées de particules salines. Enfin, les observations mé-
téorologiques ont constaté eu Algérie que la vapeur d'eau répandue, dans l'atmo-
sphère tient constamment eu dissolution une certaine quantité de sel marin ; c'est
une des causes':-probables de l'excessive fécondité dos régions situées entre la
Méditerranée et les chaînes du araud -Atlas'.'

EXPLOBATION Dt) SAHARA.

Les colonnes françaises ont parcouru en tout sens le sol algérien ; et à'.défaut-
d'une conquête définitive et d'une domination paisible, nous avons du moins
obtenu la connaissance presque complète du pays. Mais parvenus au seuil du
SAH'AHA '"devions-nous .trouver le vide? Et si des populations nouvelles nous
,
apparaissaient,-'soit qu'elles fussent''nomades' ou sédentaires^ quels étaient leur
nombre, leur commerce;- leur industrie?-Qu'avious-nous à-craindre,-'que pou-
vions-nous espérer de leur contact? Si elles étaient•'puissantes,-né>.'pourrait-il pas
'"en surgir, u'u second Al:d-t t-Kader, plus., redoutable, que l'ennemi tant de fois
vaincu et toujours insaisissable? .Au cas où leur eonmierce serait do quoique
importance; un grand intérêt d'avenir ne devait-il pas nous faire-étudier'les;
.moyens d'en recueillir les bénéfices?
Celle question complexe a. motivé'des. recherchés actives; te colonel Damnas
s'y est consacré avec un zèle infatigable, Prenant -pour, nord la limite de notre
conquête- et les forts de séparation qui .fermentle Tell et dominent le Sahara, ce
savant officier s'est acheminé, de'renseignements .en renseignements, à travers
l'espace. La position de directeur central des'.affaires arabes l'a singulièrement
aidé dans ses patientes 'Investigations.; ancien résident de France à.Maskara,.'
auprès d'Abd-cl-Kader, huit années d'expéditions 'où de séjour au milieu des
indigènes lui ont acquis la connaissance familière de leurs moeurs, do' huit' lan-
gage aux dialectes si variés; et la réputation de justice cl de loyauté dont i!
jouit, au loin, parmi les tribus, n'a pas peu contribué à rendre son travail plus
facile. Nous allons en donner Une rapide analyse,
L'élymologic du -mol Sahara vient dé se/taur, terme par-lequel-les Arabes
désignent le moment presque insaisissable qui précède le point du jour, et où
eommenee.rigoureusementle joùtie proscrit, a .certaines''époques, par la loi reli-
gieuse; et connue cet. instant est plus facilement appréciable pour les habitants
de là plaine que pour-ceux.dont les montagnesrétrécissent..l'horizon,le nom de
,.SVf/w/v/.'(pays.(lù se/tatnj Cul donné, disent kstnlbim (lettrés) et les marabouts, à
.la.-région des plaines sans fin. Ait surplus, le iml.Sufturu, ([lie nous avons traduit
vulgairement par celui detlvsert, n'entraîne pus, en Afrique, l'idée dedépopu-

1 IVrsfoninlnns, S'mivi-Hrs Animlcs des vnijnges, t. XVfl, p, ,'trtl. — De la Culontsatitin dans le nord <l<.
/'.'l/rA/i'tf, pnr A, fiiilllii'i'l, clt, .xi»,
LIVRE DEUXIEME;-'--' 0;s

lalion, Les Arabes, selon ses aspects, le partagent en trois régions. La première;
qu'ils appellent Fiafi, contient les habitations groupées sur l'oasis, au bord des
eaux, à l'ombre des palmiers. La seconde, /Cifar, est la plaine qui produit, après
les pluies d'hiver,''l'herbe que vont paître les troupeaux des nomades. La der-
nière, /'«/«/, est la mer de sable, tour à tour agitée ou immobile, par les temps
d'orage ou de calme, et sur laquelle flottent les caravanes,
.'Etudié- dans son ensemble, le Sahara parait très-accidenté; on y trouve,
comme ailleurs, des montagnes, des ravins, des -rivières, des villes, des bour-
gades, des hameaux, et des camps de peuplades -errantes. Les montagnes, tou-
jours parallèles à la Méditerranée, sont, au nord et à l'est, roides et crénelées ;
puis, fuyant vers l'ouest, elles se fondent en dunes 'mouvantes, et'viennent
mourir au sud dans les sables'. L'hiver, une/infinité de torrents s'en échappent ;
l'été, c'est un réseau d'anfraotuosités où s'égarent quelques flaques sautnàlrcs.
La partie septentrionale du Sahara nourrit (les centres.do-population considé-
rables ; niais ces oasis sont souvent séparées par des espaces.dont la traversée
exige plusieurs jours de" marché.; quelques puits en marquent l'itinéraire et les
points de station. Sur chaque grande oasis, des' hours ou villages nombreux
s'abritent dansJerayon:'d'une ville principale; et au delà, campent sous latente
les tribus alliées qui vont, à la'belle saihou, échanger contre les grains du Tell
•je*'produits de l'industrie locale ou du commerce des caravanes. On s'étonnera,
sans doute, de rencontrer au'désert des populations sédentaires, agglomérées
dans des centres, la plupart fortifiés, et menant une vie qui, pour/être, exception-
nelle, oflre néanmoins des sujets aussi wiriés qu'intéressants d'étude;; physiolo-
giques et politiques. L'histoire des révolutions africaines donne le mot de cet'e
CUiullK'. '

Deux racesautoehlhoues, bien distinctes, occupaient, aux temps les plus recu-
lés, les zones du nord de l'Afrique. Les Nomades, peuple pasteur, .parcouraient
la région des grandes plaines; une race d'agriculteurs couvrait les vallées; le
littoral attirait les colonies étrangères, A l'arrivée de ces nombreuses; émigra-
tions, les habitants primitifs refluèrent'peu a-poli dans, les zones-.méridio-
nales, jusqu'au-d.éseri,' Les pasteurs,1 .refoulés dans In .mer-de sable, cou-
servéreiil, par leur .mobilité, la jouissance de l'espace; l'étal nomade .les/'pro-
tégea mieux que'n'eut fait la résistance. Ceux qui -Vivaient.du labeur agricole,
''gagnèrent pied à pied les hauteurs î éloulVés dans la plaine envahie, ils se
relevèrent sur l'Atlas, Les conquérants romains et vandales traitèrent de bar-
bares ces fugitifs'-}' puis,/quand, au "septième siècle de notre ère les Arabes,
;
\einis d'Orient, inondèrent les ''profondeurs du Moghreb, et dispersèrent aux
velils\lu ciel les débris des puissances du passé ; .quand leur innombrable cavale-
rie,-..succédant aux cavaliers numides, l'ut, mail rosse du plat pays, les retraites
de la montagne, où la défense était plus aisée, ou la nature élloiuênie protégeait
les vaincus, abritèrent, dans leurs forts de granit,'ce qui restait dos Vandales et
'des fa.milles indigènes échappées nil fléau de la guerre. Le flot arabe brisa sa
fougue autour des-mille- crêtes de l'Atlas, et t'imufensc blocus des montagnards
s'est immobilisé jusqu'à nos jours eu Algérie; connue la haine qui se perpétuait
entre la race conquérante et la race exilée.
Aux habitants réfugiés dans les fraîches oasis des régions méridionales sejoigui-
flti-' LAFIUQUE FRANÇAISE.
rent, plus tard, les Arabes eux-mêmes, attirés parleurs instincts vagabonds, qui
devaient trouver à ?e satisfaire sur un sol aussi bizarrement tourmenté. Il fallait
à leurs moeurs indépendantes et sauvages une liberté sans bornes; ils trouvèrent
dans le Sahara une patrie nouvelle, et, riches de leurs troupeaux voyageurs, ils
affectèrent-bientôt de mépriser les hommes occupés de jardinage ou do grande
culture, Forcés, toutefois, de se mettre en contact par des besoins oïl des inimi-
tiés, l'intérêt commun les réunit en petits États, dont les centres s'armèrent de

remparts, pour tenir à l'abri de toute attaque les provisions des familles et les
réserves publiques. Une double solidarité cimenta ces confédérations. Les dattes,
produit spécial du sol saharien, ne suffisant pas flux conditions hygiéniques de
l'alimentation humaine, il fallut recourir aux grains du Tell, et les caravanes
s'organisèrent. Les gens des villes en font partie, comme ceux de la plaine ; les
premiers exportent les objets, manufacturés, tels que bernons, hu'ïks, gan-
douras, pelleteries, parfums, armes et ustensiles, plumes d'autruche, etc. Les
seconds échangent leurs bestiaux contre des céréales ; puis, tous reprennent la
route du désert. Les blés sont déposés dans des silos ou dans les magasins des
bourgades, et les articles provenant d'Europe se débitent sur toute la surface du
Sahara, jusqu'aux archipels inconnus du Soudan.
Un fait qu'il importe do constater, en vue des intérêts de notre établissement
dans la zone intérieure de l'Algérie, c'est (pie nous tenons les Sahariens par la
famine 5 ils sont eux-mêmes si convaincus de la nécessité de commercer avec
nous pour se munir de grains, qu'ils expriment cette dépendance par une phrase
devenue provchiale ! « Nous ne pouvons être, disent-ils, ni musulmans, ni
juifs, ni chrétiens ; nous sommes forcément les amis de notre ventre. »
Nos armées ont déjà paru sur la lisière du Sahara ; et si nos postes no dépas-
sent point Boghar, au sud d'Alger, et liiskra, au sud de Constantine, la renom-
mée de la conquête française a pénétré au coeur du désert. ; ses populations ne
nous menacent point, et, pur une altitude énergique,; en gardant avec soin les
défilés montagneux du Tell, nous pourrons avec le temps ménager nos relations
avec les tribus qui vont passer sous nos yeux. Les unes, à l'est, paraissent plus
particulièrement agricoles ; celles de l'ouest sont guerrières avant tout.
Une grande ligue qui, partant d'Alger, coupe nos possessions et le désert en
deux portions a peu près égales, se termine, au sud, à Ouurgla,"après un par-
cours de 10» licites, ou 24 journées de marche. C'est le premier itinéraire tracé
par M. Damnas. Au mois de mai 1814, une colonne française s'avança sur cette
route jusqu'à la ville d'El-Arouat, éloignée de for lieues. Ahined-bcn-Salem, sou-
verain de ce pays depuis 1828, en avait été chassé par Abd-el-Kader, on Î83H, à
l'époque du siège d'Aïn-Mudhi ; niais il avait conservé, dans El-Arouat, des amis
puissants qui lui rendirent le pouvoir, Abd-el-Kader, irrité de la défaite de ses
troupes, jura de faire crever les yeux, n coups d'éperon, à tous les gens d'EI-
Aroiiiit qui tomberaient entre ses mains, de les faire écorcher, et de faire de
leur peau des tambours. Ses luttes contre nous ne lui eu laissèrent pas lu temps,
et, eu 1844, Ahnied-ben-Solein, pour se mettre à Vabri de révolutions nouvel-
les; envoya, de son propre mouveinenl, demander au maréchal llugoaud l'in-
vestiture et la confirmation de son titre de khalifah, sous l'autorité protectrice
de |a France, Celte expédition, qui s'accomjilit sans tirer un coup de fusil, nous
L1VKE -"DEUXIÈME,.- 07
ouvrit les avenues du désert, où -l'influence d'Abd-'cl-Kader est tombée eu pro-
fonde déchéance.
El-Arouat, capitale de 8 villes, et suzeraine de 3 grandes tribus, les Arbà
les Oidod-Sidi-Âtallah, et les Arazlïa, s'élève sur les pentes nord et sud d'une
petite montagne que baigne, à l'est, VOucd-M/.i. Son enceinte rectangulaire,
crénelée et défendue par deux tours sur les points culminants, abrite 7 à 800 fa-
milles qui peuvent armer un nombre égal de fantassins. Les jardins qui l'entou-
rent, arrosés par VOued-Lekhïer, forment, au nord et au sud des mamelons sur
lesquels elle est bâtie, deux forêts de 3,000 mètres de longueur. Toutes les es-
pèces d'arbres fruitiers s'y mêlent confusément, et la vigne enroule à leurs
troncs des lianes prodigieuses ; mais ses plantations de dattiers sont moins flo-
rissantes. Les eaux de VOued-Lekhïer's'y. déversent par de petites écluses, et
chaque propriétaire adroit, chaque jour, à une, deux ou plusieurs heures d'irri-
gation, -qui se mesurent au moyen d'un sablier. Les maisons de la ville sont
terrassées en mauvaise maçonnerie et blanchies a la chaux. Tour à tour tribu-
taire des Chériffs de Maroc et de la domination turque, El-Arouat payait, avant
1830, au dey d'Alger, un impôt annuel de 7 nègres, pour avoir le droit d'ache-
ter ses blés dans le Tell. Ses marchés sont fréquentés par les Béni-Mzab, les
Arazlïa, les Chamba, les gens de Hou-Saàdu ; on y échange les céréales, les ar-
mes, les pierres à feu, la poudre, les esclaves, l'huile, les dattes et les bestiaux,
contre des bernons, des haïks, de la coutellerie, des instrumentsde culture, des
essences, des épiées, le sucre, le café, cl d'autres denrées variées. Ces exporta-,
lions, qui venaient autrefois deTougourt et de la régence de Tunis, descendent
aujourd'hui d'Alger. Les habitants d'El-Arouat ont des moeurs douces et hospi-
talières; ils nourrissent les pauvres à frais communs, leur loi prescrivant a cha-
que famille d'apporter tous les ans, à la mosquée, lu'-récolte d'un dattier-pour
subvenir aux nécessiteux, A diverses époques, de petites bandes s'acheminent,
vers le Tell, pour acheter ou échanger les céréales dont la population a besoin,
Dans la plaine, a 10 lieues N.-O. d'El-Arouat, s'étend le /w/', ou village dé
Tadjeiuottt, dont les loi) maisons, protégées par une enceinte, garnie de petits
forts, sont entourées de fertiles jardins; les Ouled-Salah, fraction de la tribu des
Arbà, et les Sidi-Atallah, y meltcnt leurs provisions de blé et d'orge. L'indus-
trie de Tadjemout se borne, à la fabrication des vêtements de lai'ne. Son chef
peut mettre 120 hommes aux'-ordres 'de notre kliulifoh d'AI-Arount,
On aperçoit, a ô lieues S.-E. d'Aïn-Mudhi, et 12 lieues 0. d'ÈLArounl, le ha-
menu d'El-Haouïtn, situé au-dessus d'un ravin où coule VOucd-Dukhela, parmi
quelques vergers.
A 3 lieues E. d'El-Arouat, un groupe, de îjomnisoiis, bâties eu plaine, sans
mur d'enceinte, forme leksar d'EI-Assalla. C'était autrefois une ville assez con-
sidérable et,souvent eu hostilité'.contre sa suzeraine; mais, dans les dernières
guerres, le khalifah d'Âbd-eL.Kudor l'a presque entièrement détruite,
Ksir-el-llairan, à i> lieues S.-E. d'ICl-Arotiiit, contient à peu près 120 mai-
sons; ses habitants, niai fortifiés, sont pauvres ; mais les terres d'alentour, tra-
versées parTOued-Mzi, silonuée de rigides et de puits, dont on éli've l'eau dans
des bassins, fournissent des récoltes de céréales assez abondantes. Les hommes
labourent, les femmes tissent la laine. Ce village est un poste avancé dans l'est,
^P\ ":': '- i5: ;::
fi8 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
d'où lo khaiifali d'ËI-Araoïiat peut surveiller, eiï cas d'insurrection, les tribus
voisines; qui, en temps de paix, y font leurs magasins.
A 15 lieues 0. d'El-Arouat, et à G lieues deTadjcmout, dans lu même direc-
tion, s'élève la ville d'Aïn-Madhi, fameuse parlé siégé de 8 mois qu'elle a sou-
tenu, en 1838, contre toutes les forces d'Abd-el-Kader, Sa forme dessine une
ellipse, fermée par une muraille de 2 mètres d'épaisseur et de s de hauteur,
dont les créneaux, garnis de chapiteaux en pyramide, présentent un coup d'oeil
pittoresque. Les deux portes sont à VE. et au N.-O. ; celle de l'est, Bab-cl-Kébir,
flanquée de deux tours en saillie, s'ouvre sur une petite place d'armes que sé-
pare de la ville une seconde porte, percée à côté de la ligne de feu qui battrait
la première, Les jardins d'Aïn-Madhi, clôturés par une mauvaise chemise en
pisé, servent à la ville de double enceinte; les environs sont tristes et dévastés
depuis la guerre. La ville est plus remarquable par sa force que par sou éten-
due ; ses 200 maisons n'ont, pour la plupart, qu'un rez-de-chaussée et une
terrasse ; celle du marabout. Tedjini se distinguo seule par sa blancheur et son
élégance. La mosquée n'a point do minaret.
Tedjini, souverain d'Aïn-Madhi, est d'origine marocaine cl descend des ché-
riffs. Son caractère, alliance bizarre de mysticisme et d'instincts belliqueux,
n'admet ni égaux, ni dépendance; marabout; il commande la vénération par son
Age, sa piété et l'illustration de ses ancêtres ; chef politique, il né se mêle ja-
mais aux révolutions du pays, et gouverne sa ville avec un despotisme qui n'ex-
cite ni plaintes, ni soulèvements. Sa courageuse résistance contre Abd-el-Kader,
qui ne fut vaincue que par la trahison,Ta haut placé dans t'estime des Arabes.
L'émir, lassé d'un siège 'inutile, eut recours à l'adressé. Une députation, cou-
duite par son beau-frère, Sid-eHIadj-Moustapha-bcn-Tanii,klmlifah.de Maskara',
fut envoyée à Tedjini t — Abd-cl-Kader, le défenseur de la foi des croyants, ne
voulait que faire sa prière dans la mosquée d'Aïn-Madhi ; ce voeti si saint pou-
vait-il trouver obstacle à son accomplissement auprès d'uh marabout tic la race
des chériffs? *— Tedjini, cédant à ces hypocrites démonstrations, consentit à re-
cevoir Abd-el-Kadcr pendant (> jours, et se retira dans El-Arouat polir y passer
ce délai ; :ni«is à peine l'émir eut-il franchi les portes d'Aïn-Madhi, qu'il en lit
abattre les murs et ruiner les maisons, Les tribus du désert, indignées de ce par-
jure, pillèrent ses convois, mirent cil pièces ses soldats, et lui laissèrent'a peine
le temps de faire une prompte retruite. Tedjini vint alors relever les remparts
de sa ville, et rentra dausiine paix qui ne fut pas troublée depuis. Il a juré de ne
plus voir la face d'aucun sultan, et ne se montre à personne ; il répondit au ma*
réehal liugeand qui, dernièrement, recherchait son alliance t « Je suis chériff et
je suis marabout; je ne veux que faire le bien ; je lie suis pas de ce monde, »
Aux enviions d'El-Arouat campe la grande tribu des Arha, dont les fractions
obéissent à des elieïkhs nommés par notre klialifah Ilcn'Salem. Leur vie est celle,
de tous les hommes du désert : ils passent Vuulonuic sous la tente ; l'hiver venu,
ils fréquentent les marchés de Temuein, d'Ouurglu, de Totigotirt:; au printemps,
ils mènent leurs troupeaux dans les pacages du Kifar, cl pendant l'été ils
viennent acheter les grains du Tell. Leur existence aventureuse les met sou-
vent aux prises avec leurs Voisins ; ils sont braves, bien armés, -toujours prêts à
combattre pour la possession d'une source, d'un puits, ou d'nnpAlurage.
LIVRE DEUXIEME. H9
A côté d'eux, les Arazlïa sont plutôt commerçants que guerriers; leur ri-
chesse consiste en chameaux et moutons J les chefs seuls ont quelqics chevaux.
Autour de TadjcmoUt vivent les Sidi-Atallah, qui occupent une centaine de
tentes. Comme les Arazlïa et les ArhA, ils louent leurs chameaux aux marchands
voyageurs de la contrée.
En quittant-lé' territoire d'El-Arouat, on parcourt 40 lieues, tantôt sur des
mamelons, tantôt parmi les sables, pour arriver à Gardaïa, où commence la confé-
dération des lîcni-Mzab. C'est une ville presque aussi grande qu'Alger, flanquée
d'une enceinte garnie de 9 tours crénelées, et percée de 10 portes; ses maisons
sont bien bâties, et elle possède G mosquées, dont l'une est immense,' Des ver-
gers plantureux, arrosés par des puits, lui fournissent de belles récoltes; mais
la rareté des pluies rond difficile la culture des céréales. Son territoire est en-
touré de pics arides; une chaîne de rochers, nommés Djebel-Muzedj, qui lui
fait face à 12 lieues au nord, court vers l'ouest en s'aflaiblissant, et meurt dans
les sables, à 8 journées de marche. Le gouvernement de Gardaïa, sorte de
théocratie, se compose d'une assemblée de notables qui he, peut rien décider sans
l'avis du chef de la religion (cheïkh-baba), dont la volonté a force de loi, Le
commerce se borne à la poudre, et aux étoffes de laine que fabriquent les
femmes»
On retrouve aux environs, sur une montagne, des ruines antiques, nommées
Baba-Stul; ce sont peut-être les vestiges d'une fondation romaine. Six bourgades,
plus ou moins considérables, s'échelonnent h quelques journées de Gardaïa ; gé-
néralement situées dans le voisinage des rivières, entourées de jardins et assez
solidement fortifiées par des murs et des tours, elles se gouvernent, connue
leur chef-lieu, par des chefs particuliers, avec le concours des notables, dont
je conseil se nomme Djcfnu.
Los Beni-Mzab sont blancs ; ils ont les yeux bleus et les cheveux blonds ou
roux. Leur langue, semble être un dialecte du berbère ; les chefs et tes riches sa--
vent néanmoins l'arabe, qui est seul usité dans les prières, Les moeurs de ce
peuple sont chastes et austères \ lui fils ne peut voir que su-.mère,
un frère ne
parait point devant sa belle-soeur} toutes les femmes se voilent entièrement,
contre l'usage ordinaire des tribus sahariennes. L'adultère est lapidée ; sou
complice paie une forte amende, reçoit 500 coups de biHon, et on l'exile pour
toujours. Mais, dès qu'ils sortent de leur pays, les lîcni-Mzab perdent leurs
moeurs très-facilement, et alors leurs compatriotes les désavouent'; ils sont ou-
bliés comme desmorts ; leurs femmes peuvent se remarier, et s'ils reviennent
au pays -.mitai, ou les soumet à une expiation religieuse, Les Juifs ont trouvé
dans cette tribu une tolérance qui ne s'étend point aux Arabes. En 1844, les
chefs de Gardaïa ont expulsé 40 familles arabes, en leur signifiant qu'elles
eussent à se retirer ou à embrasser la foi des Ueni-Mzab, qui forment une secte
sehismatique de nslumisiiiéj connue sous lé. nom de kaunrcdj (
gens en de-
hors du medlieb al sennu, de la voie des préceptesdu prophète). Dans le Sahara»
comme dans les villes du littoral algérien, uiie antipathie traditionnelle existe
entre les Arabes et les Itcni-Mzab ; ceux-ci, disent les contes populaires, n'au-
ront qu'un cinquième dans les joies du paradis, où d'ailleurs ils entreront (f avec
des oreilles d'Ane. »
100 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
' Abd-èl*-Kader, au temps de sa puissance, et pendant le siégé d'Aïn-Madhi, n'a

pu obtenir leur soumission : — « Nous ne sortirons pas, lui écrivirent-ils, du


chemin qu'ont suivi nos pères ; nos voyageurs, nos commerçants te payeront,
dons les pays qu'ils traverseront, les droits ou tributs qu'ils payaient aux Turcs.
Mais nous ne te livreronsjamais nos villes; et le jour cm tu viendras avec ton
armée et tes canons, nous jurons d'abattre nos remparts, afin que rien ne .sépare,
la poitrine de nos jeunes gens de celle de tes soldats, Tu nous menaces de nous
priver des grains du Tell ; mais sache que nous sommes munis, pour 20 ans, de
poudre et de dattes, et que nous récoltons à peu près ce qu'il nous faut de blé
pour vivre. Tu nous menaces de faire mettre à mort tous les Ueni-Mzob qui ha-
bitent tes villes : — tue-les, si tu veux ; que nous importe? Ceux qui ont quitté
notre pays ne sont plus de nous! Fais plus : écorche-lcs, et si tu manques de
sel pour conserver leurs peaux, nous t'en enverrons en quantité, » L'émir algé-
rien, irrité de cette flère attitude, n'exécuta point ses cruels projets. Après'sa
retraite d'Aïn-Madhi et sou retour à Takdimt, il s'empara de tous les» Iletii-
Mzab établis à Médéah, Miliana, Taza, Boghar et Maskara ; mais l'opinion publi-
que soulevéeT'arrêta devant des excès dangereux polir son autorité vacillante}
il so contenta de dépouiller ses prisonniers et de les bannir.
Ne quittons pas le pays des Beni-Mzab sans signaler l'existence des mines de
cuivre et d'or que recèlent les montagnes rocheuses qui tracent au nord sa limite.
Parvenu sur les crêtes nues du Chabct-cl-Mehal, à loo lieues au sud d'Alger,
et à.52 du pays des Heiii-Mzab, le voyageur voit, à ses pieds, une forêt de dat-
tiers, au centre do laquelle se cache Ouargla, Cette ville occupe un vaste péri-
mètre, cerclé par une muraille, armée de 40 forts : 5 à «00 maisons et G mos-
quées s'abritent, comme dos nids, sous tes ombrages de magnifiques jardins,
«pie domine une kashah, ou citadelle. Un fossé, parallèle à l'enceinte percée de (I
portes, peut s'inonder à volonté. L'Oued-el-Mia, qui reçoit près de loo affluents,
vient se perdre dans les plantationsextérieures ; cette rivière est à sec pendant Tété ;
mais en creusant son lit à peu de profondeur, on en fait jaillir des eaux salubres.
Ouargla se prétend la plus ancienne ville du désert, Son gouvernement est
confié à un sultan élu par la Djcnia 5 ce contrepoids de l'autorité suprême se re-
trouve dans presque toutes les villes sahariennes, mais plus ou moins soumis a
un chef absolu et même héréditaire, Le sultan d'Ouargln n'a point de domaine
particulier; chaque quartier de la ville défraie à son tour sa maison ; an mo-
ment de la récolte des dattes, on prélève eu sa faveur une charge de chameau
sur le produit de loo dattiers ; cet impôt lui crée une richesse considérable, car
te territoire d'Ouorgla compte plus de 00,000 dattiers, soigneusement recensés,
Il perçoit aussi le produit des amendes ; mais la valeur de YAnhour (dîme) ne lui
appartient pas i c'est le revenu des pauvres et des pèlerins, Il arrive souvent,
et c'est le cas actuel, que tes notables de la Djcma se dispensent d'élire un chef,
et gouvernent par eux-mêmes, Au reste, quand le sultan qui règne s'est fait haïr,
ou ne convient plus, sa déchéance a lieu sans secousse et sans révolte, et s'exé-
cute par une sorte d'accord tacite que l'usage a sanctionné. A flieure de la
prière publique, quand sa musique jolie, un membre delal)jema fait signe aux
musiciens de se taire : sans autre formalité, le sultan n'est plus qu'un simple
particulier, et rentre de lui-même dans la vie commune.
LIVRE DEUXIEME. 401.
Les moeurs de la population d'Ouargla passent [jour très-dissolues ; à certai-
nes époques de l'année, elle a des saturnales : on habille les jeunes gens en cos-
tumes européens des deux sexes; on figure des lions en fureur; des enfants en-
farinés sont déguisés en chats; on affuble d'oripeaux un individu qui représente
le diable, et cette mascarade, escortée d'une multitude hissée sur des chameaux,
courl pendant sept nuits les rues et les marchés.
La langue du pays tient du Mzabïo, dialecte berbère fies chefs seuls et tes
; tolbas, oii
'lettrés,; parlent l'arabe. '
Dans un diamètre de quelques lieues, autour de la ville, s'élèvent plusieurs
villages soumis à sa juridiction : ce sont, entre autres, El-Rouïssat, bAti dans
une forêt de palmiers ; El-Hcdjaja et Aïu-Anicr, parmi d'admirables jardins;
Sidi-Khaled, au milieu des sables. Le territoire est, en outre, habité par trois tri-
bus nombreuses et guerrières, qui parfois déclarent la guerre aux gens des vil-
les; ceux-ci, à l'abri derrière leurs murailles, sont réduits à payer un impôt dès
qu'ils voient l'ennemi couper les arbres fruitiers et ruiner les conduits d'eau.
Mais la paix est ordinairement maintenue par des présents ou des espérances
qui sèment; la division parmi les assaillants; le système de la politique musul-
mane, en Turquie comme en Asie, eu Egypte'comme à Tripoli, à Tunis comme
au Maroc, chez les tribus algériennes comme .an désert, s'appuie sur ce principe
uniforme : Divide et in/pora, — Ouargla est d'ailleurs un des grands entrepôts du
désert i les armes, les épiées, les parfums, les draps, les vêlements de laine, la
quincaillerie, les bijoux de femmes, les mulets et les Anes, la'poudre à feu, arri-
vaient sur ses marchés de Tunis, de Tougourt et"du pays des Beni-Mzab ; mais
nous pourrons hériter de ces rapports commerciaux que nous saurons agrandir.
Un des membres de la Djemn, Choïkjwd-ïladj-el-Maïza,s'est rendu'dernièrement à
Alger i « Mes compatriotes, disait-il au colonel Datimas, m'ont envoyé pour étudier
Votre pays, car on vante beaucoup, au désert, votre puissance, votre justice cl
vos richesses. Voici deux ans que nous n'avons été A Tunis, vexés (pie nous
sommes sur toute la roule par une infinité de petits cheikhs qui lions imposent des
tributs sur leur territoire. La roule, d'ailleurs, n'est pas sûre. Chez vous, au
contraire, on voyage, avec, sécurité et sans rien payer i nous y viendrons faire
nos achats. »
Cette première série des recherches de M. Damnas inspire un vif intérêt. Nous
y trouvons déjà l'assurance de transactions pacifiques avec de grandes peupla-
des qu'un régime de bienveillance cl d'équité doit peu a peu nous rallier, si elles
peuvent se reposer sur notre-protection.;.car,'malheureusement', il faut bien le
reconnaître, on s'est beaucoup plus occupé, jusqu'ici, île vaincre par les armes
que de concilier les besoins réciproques. Le temps est venu d'y songer.
A fi lieues d'Ouargla, parmi les sables, existe la petite cilé guerrière de
Ngouea, qui n'a que MO maisons, soutenues par une enceinte que bordent
30 fortins crénelés. La plupart de ses habitants sont de race noire, mais libre ;
indépendants d'Ouargla, ils paient un tribut à Tougourt pour fréquenter ses
marchés.
En parlant d'Alger, et se. dirigeant au S. E., on arrive en 8 jours de marche
(02 lieues) à ïlou-SuAda, située entre lliskra et EkArouat* dans une plaine sèche
et pierreuse; mais l'emplacement de cette ville est d'une fertilitéremarquable,
102 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
Un mamelon nu la domine à l'ouest; sur tous les autres points, de riants jardins
lui font une verte ceinture, Ses 5 à OOO maisons, divisées en 8 quartiers, offrent
l'aspect d'autant de villages reliés par des plantations. Son industrie considérable
occupe 10 fabriques de savon et un grand nombre de forgerons, d'armuriers et
(le potiers. Les tribus du désert s'y rendent avec leurs denrées qui peuvent, de
là, prendre les routes de Constantine et d'Alger. Les gens du Tell y vendent des
céréales, des draps, des étoiles, des batteries de fusil, des chevaux, des boeufs,
des moutons, beaucoup de chameaux, des mulets et des Anes. Les nomades y
apportent des laines brutes, de l'huile, des plumes d'autruche, des dattes, des
tentes en poil et du sel, Les échanges se font contre des essences, des épiecs,
des outils do jardinage, de la soie, des cotonnades, du corail, des ouvrages de
serrurerie, de la vaisselle de cuivre, du sucre, du café, des bougies de, cire
jaune, de l'alun, des ornements d'or et-d'argent..Les marchands de Bou-SaAda,
qui ramènent ces objets d'Alger ou de Constantine, y vont négocier les produits
du désert. Placée sur la limite du Tell et du Sahara, cette ville, par ses rap-
ports habituels avec Médéah, Riskra,Tougourt, El-Arouat, verra croître l'inté-
rêt de sa situation, qui en fait le centre d'un vaste rayonnement, à l'est du
désert.
De Bou-SaAda, deux routes mènent A .Riskra, capitale du pays des ZibAn. La
première, celle de l'est, traverse Msilu, bourgade de 200 maisons, arrosée par
la rivière du même nom, et qui possède, à une lieue de dislance, un marais sa-
lant, large de 4 lieues sur 12 de longueur. Ses marchés, trop près de Bou-
SaiUla, n'ont pas d'importance. 'Vingt-quatre lieues plus loin, on arrive à Mouk-
dal, village pauvre qui s'approvisionne à Riskra. La seconde voie, un peu plus
courte, franchit plusieurs rivières, des chaînons rocheux, et finit à Riskra, sans
rencontrer d'autres points habités que lo hameau de Foiikhala.
Riskra, située à 124 lieues d'Alger par la l'outc 'de l'est, et 90 par celte du
sud-est, semble moins une ville qu'une agglomération de 7 villages, parmi des
dattiers qui s'étendent sur un espace de 20,000 hectares. Au centre, s'élève une
kasbah, et le minaret de sa principale mosquée domiucTcs plus hauts palmiers.
Comme dans tout le Sahara, ses maisons sont bAtics en pisé et couvertes de ter-
rasses; on évalue sa population à 4,000 Ames, Le pays des ZibAn, dont elle est'
le centre politique, est fermé au nord par des montagnes, où vivent des tribus
indépendantes ; deux défilés de cette chaîne ouvrent seuls l'accès du Tell algérien.
Cette région faisait partie de l'ancienne Mauritanie sitifienne ; on y trouve en-
core beaucoup de vestiges d'établissements romains, notamment sur les points
appelés 'Volga, Liehana, Feluouch, vers le nord, et au sud, dans le bassin de
rOucd-Djedi, Quoique le sol des ZibAn soit labourable, les récoltes de blé et
d'orge ne suffisent pas à la consommation des habitants, qui vont acheter les
grains du Tell; mais les palmiers y croissent sur une immense étendue. Les di-
verses branches de commerce que nous avons déjà éiiumérées s'exploitent dans
le ZibAn, oit prospèrent 38 bourgades, sans compter les tribus campées sous la
tente, et qui sillonnent leur territoire dans- tous les sens, Les deux principales
sont les Ilal-ben-Ali et les Cherfa, qui possèdent presque tous les palmiers. La
première, voit émlgrer une foule de ces hardis aventuriers qui font la chasse aux
caravanes; leurs espions, à l'nlïùl dans toutes les oasis, guettent la proie, sui-
LIVRE DEUXIÈME. 10S

vent sa direction,,s'informent de sa richesse, et donnent le signal dé l'attaque.


Toutes les ruses de la guerre sont mises en jeu pour ces expéditions : la défiance
est égale entre les deux ennemis, et quand le combat devient inévitable, c'est
plus faible, —La tribu de
une boucherie qui ne cesse que par la destruction du
Clicrfa, originaire de Fez,et celledo'Gramera, dont la souche, comme celle.des
Dréides, se perd dans la huit des traditions fabuleuses, sont, par leur nombre,
plus calmes, plus sédentaires et moins redoutées.
L'occupation de Biskra, par S. A. R. M&r le, duc d'Aumale, nous a ouvert
le chemin de Tougourt. D'une ville à l'autre, la distance est de 70 lieues ; la
première moitié s'avance en plein désert; la seconde, moins 'pénible, n'est, pas
dénuée d'eau.
L'oasis de Tougourt offre une suite de 3ô villages sous une double haie de
palmiers; richement arrosée et peuplée, c'est un des plus admirables sites du
Sahara, Elle ne possède pourtant ni rivières ni ruisseaux; mais, suivant la pit-
toresque expression des' indigènes, il semblerait qu'une mer souterraine règne
sous» le sol, a une
profondeur de .50 à 400 mètres. Les puits de chaque village ont
quelquefois, disent-ils, loo hauteurs d'homme. Un seul ouvrier creuse un trou
carré ; à .mesure que le forage y pénètre, il soutient l'excavation avec des pou-
tres de palmier ; quand la terre devient uoirAtre et humide,'signé infaillible du
voisinage des eaux, il se bouelio les oreilles et les narines avec de la cire, pour
éviter l'asphyxie, et'donné, le dernier coup de pie '. l'eau jaillit si violemment,
.-.qu'on retire presque toujours le travailleur à demi 'suffoqué. Des conduits en
troues de palmiers aménagent cette source inépuisable et la distribuent de tous
côtés.
Tougourt a O'OO maisons, et semble construite avec des débris" romains. Ses
habitants sont de sang mêlé ; là, connue dans tous les pays musulmans, le fils
d'une esclave, de quelque couleur (pie soit sa mère, possède tous les droits,
même d'héritage^ dont jouissent ses frères légitimes; et'du jour où l'esclave a
donné un enfant à son maître, elle fait partie de la famille, Ce l'ait, du mélange,
constant de la race blanche et do la race nègre sur la lisière du Sahara, est,
depuis longtemps, acquis à la science; cependant, la tradition locale dit que les
familles primitives du Tougourt étaient noires ! d'où Von serait peut-être autorisé
à conclure que jadis les peuplades nègres de l'inférieur s'avançaient jusqu'à cette
ville, et que les hommes -blancs du littoral méditerranéen, 'refoulés par les inva-
sions romaines, vandales, et même arabes, seraient venus s'y confondre. Tou-
gourt ne peut guère armer qu'un millier de fantassins ; mais les bourgades do l'oa-
sis lui prêtent leurs auxiliaires, Son enceinte, assez mal bAtie, est baignée par
un large fossé que remplissent les fontaines de la ville, au moyen de rigoles pra-
tiquéestlaiis les murailles ; ses deux portes, bardées de fer et garnies de poiits-
ievis, rappellent les fortifications du moyeu Age, Les habitants sont plutôt jardi-
niers qif agriculteurs. Ils obéissent A un chef qui prend te nom de eheïkh, et que
les Arabes appellent sultan ; son pouvoir est héréditaire, mais équilibré par un
conseil de notables, Celui qui règne maintenant est un enfant de 13 ans, Abd-el-
lUihman-hou-Lil'a, Par une anomalie singulière dans lesnnuurs musulmanes, sa
mère, Lella-Aïchoueh, a la haute main dans les alfaires politiques, autant par
ritifluence de sa beauté, célèbre dans tout, le désert, que par l'énergie elles vos-
loi L'AFUIOUK FRANCAlSF,
sources de sou intelligence; mais les Arabes l'accusent, on secret, de moeurs
trop faciles, et d'un certain penchant à s'enivrer en fumant du liAehieh.
Ou croirait voir revivre, A Tougourt, les pompes fantastiques dos Mille et une
nuits, en écoutant les récits des voyageurs indigènes sur la puissance et le luxe
de son sultan. « Il demeure, dit M» Damnas, dans une espèce de chAteau fort,
attenant aux murailles de la ville, Pour arriver jusqu'à la cour intérieure de ce
palais, il faut franchir 7 portes, à chacune desquelles veillent jour et nuit 2 es-
claves nègres; c'est là que sont renfermées ses richesses, fort exagérées sans
doute, ses 4 femmes légitimes, et ses loo concubines, lin mngzcn de 50 ca-
valiers noirs, qu'il tient à sa solde, lui forme une garde d'honneur quand
il sort, et, au besoin, une petite armée suffisante pour réprimer une émeute,
prélever les contributions, et assurer la marche du gouvernement.- Il a sous la
main G tribus, dont les douars, campés tout prés de la ville, peuvent lui fournir
immédiatement 7 à soo chevaux; ces tribus s'éloignent nu printemps pour re-
prendre la vie nomade et faire paître leur bétail dans le désert. Le sultan ne se
montre on public que le vendredi, jour de repos fixé par le Koran, et s'il sort
quelquefois pour aller se promener dans les jardins, il est accompagné de sa
garde qui marche le fusil chargé, et précédé de sa musique, hautbois et tam-
bours ; deux esclaves tiennent ses étriers ; un porteur de parasol le garantit des
ardeurs dii ciel. Le jour anniversaire de la fête du Prophète,-quand il va faire
Sidi-A.biLcs-Selu.ni, des cavaliers ou-
sa visite au tombeau du saint marabout
vrent son cortège, des fantassins le suivent, des esclaves écartent la foule, et
".(Vautres conduisent devant lui deux coursiers magnifiquement caparaçonnés,
couverts de selles brodées d'or, avec des glands cl des anneaux de même métal
aux oreilles et aux pieds, Ce qui paraîtra peut-être plus incroyable, c'est que ce
petit souverain aurait, comme nos seigneurs de l'époque féodale, un droit fort
en opposition avec la loi religieuse et les moeurs musulmanes, un véritable droit
du seigneur, qui lui serait, au reste, exclusivement réservé. Il semblerait même
l'exercer sur toutes les femmes de ses sujets; -mais, il n'eu use que quand elles
sont jolies, ajoutait naïvement l'Arabe qui nous donnait ces détails. Si le mari
murmure, il est pendu ou crucifié. »
Le gouvernement de Tougourt.est.rarement,en guerre avec ses voisins, d'a-
bord parce qu'il peut réunir 3 ou4,000 hommes; force relative imposante; et
ensuite, parce que son peuple d'artisans et do jardiniers n'a ni haines, ni lie-
soins, ni intérêts ambitieux*
Quarante tribus se donnent rendez-vous à Tougourt de tous les points du Sa-
hara, Tunis en a fait aussi un de ses grands marchés. Sa principale richesse est le
commerce des dattes, que les Arabes nomment le pain du désert.
.Nous recueillons, dans les notes de^M. Damnas, quelques renseignements pré-
cis sur la culture de ce fruit.
« Les palmiers-dattiers, venus
de semis, sont généralement inféconds et d'une
crue beaucoup moins belle que ceux venus de bouture ; c'est doue ce dernier
mode de reproduction qui est adopté. Quand un palmier atteint la hauteur de i,
ou 8 pieds, il jette des scions que l'on détache et que l'on pique dans une terre
préparée; on les arrose constamment, et a grandes eaux, au moyen de rigoles.
A 0 ou 7 ans, l'arbreVélève à une hauteur de 8 on 10 pieds; et commence A
LIVRE DEUXIEME. ion
donner des fruits. Les dattiers femelles, les seuls qui produisent, sont on bien
plus grand nombre que les miles». Dans le Sahara, comme en Nubie, les indi-
gènes favorisent l'union des sexes do la manière suivanto Ï à l'époque de la flo-
raison du"mile, qui devance d'une quinzaine do jours celle do la femelle, on
délaebc de cet arbre une grappe de fleurs, un des régimes qui couronnent, sa
tête, ci qu'on lie sur colle du dattier femelle ; la nature fait le reste, Les fruits
se cueillent vers le mois do novembre, Des magasins destinés à les recevoir
sont ménogés dans choque maison, et sillonnés de petits canaux qui laissent
écouler le miel de la datte, à mesure qu'elle se dessèche, Après cette opération,
les fruits peuvent se conserver 10 ou 12 ans. Les Arabes semblent tes préférer
aux dattes fraîches, dont l'usage est malsain. Celles qui nous arrivent en Eu-
rope, et même à Alger, sont d'une qualité tellement inférieure, que, dans le pays,
on les donne en nourriture aux chameaux, aux mulets et aux chevaux, en ayant
soin de les mélanger, soit avec de l'orge, soit avec une herbe fourragère, nom-
mée sefsa. Quand un palmier est reconnu stérile, les indigènes en tirent parti,
en lui faisant, au-dessous de la tête, une ou .-plusieurs incisions, à la base des-
quelles ils appliquent un vase qui se remplit bientôt d'une -liqueur acidulée que
la fermentation rend enivrante ; c'est le vin de palmier* L'arbre ainsi préparé
en donne pendant plusieurs mois. On bande alors ses blessures, après les avoir
fermées avec du sable; et, dirent les Arabes, cette opération le rend souvent
fertile.»
Nous avons tout lieu d'espérer que le grand commerce, dont le courant s'é-
coule de Tougourt à Tunis* se ramifiera un jour vers Constantine par Riskra, et
vers Alger par Bou-SaAda. Si le fanatisme religieux, et, plus encore, l'habitude,
nous opposent des obstacles, le premier s'affaiblira dès que nous serons plus
connus, mieux jugés ; Vautre ne résistera pas à quelques sacrifices administra-
tifs, dont nous pourrions retirer d'utiles compensations,
Le colonel Damnas a dirige d'autres recherches sur les différentes lignes de
parcours qui vont de Biskra à:El-Arouat, do Bou-SaAda àDcmcd, Sidi-Kholcd
et Cliarcf. 11 signale, dans b bassin de VOucd-Djedi, au pied des. versants sud.
du Djebel-Amour, 14 groupes de ruines romaines, et 30 affluents à la grande
rivière qui arrose, de l'ouest à t'est, un territoire long de 120 lieues sur une

'feu..'
largeur moyenne de 18 à 20. Ouled-Djellad, Sidi-Khaled et Dcmed sont des
bourgades fortifiées, dont les habitants .'fabriquent d'excellentes poudres à
:.'.//.
Le môme travail topographique explore ensuite le Djebcl-Sahri, pAté monta-
gneux qui sépare le Tell du Sahara, s'étend sur une longueur variable de 10 à
il lieues, en changeant de nom à chaque pas, et sur chaque versant, depuis
Biskra, à Test, jusqu'au Djebel-Amour, dans l'ouest, C'est le pays des Ouled-
Naïl, qui vivent dans des gourbis ou chaumières, et sous la tente. Cette tribu
forme deux grandes fractions qui se subdivisent en 20 peuplades, dont chacune a
son gouvernement indépendant, sous un cheikh soumis à l'élection. Ce territoire,
boisé sur les sommets et les pentes, est coupé de profondes hachures arrosées par
des sources qui, l'hiver, deviennent des torrents, Les Ouled-Naïl, qui peuvent lever
une puissante cavalerie, sont néanmoins plus commerçants que guerriers ; leur
richesse, qui consiste en troupeaux de boeufs, moutons, chameaux et Anes,
U :.':
.
100 L'AFRIQUE FRANÇAIS!;.
tenta souvent les Turcs, et le bey de Constantine leur imposait autrefois de lourds
tributs : ils ont aujourd'hui fait alliance avec nous,
Doux routes conduisent de Biskra à Tobcssa, visitée par une expédition fran-
çaise en 1842. La première, par la plaine, compte 80 lieues (to jours de mar-
che) ; la seconde, côtoyant les montagnes, n'en parcourt que 02 en 8 jours.
Cette ville (In Thovesta des Romains), au S.-E. delà province de Constantine, a
une population de 12,000 Ames. Ses murailles, hautes de 5 à 10 mètres sur
2 d'épaisseur, sont eu pierre détaille; son assiette est rectangulaire, et M tours
en saillie défendent ses approches. Elle a 2 portes, dont l'une est ouverte dans
un arc de triomphe, d'ordre corinthien, qui rappelle les plus beaux ouvrages
romains. Dans l'intérieur de la ville existe un édifice de la même antiquité,
fort bien conservé, et assez semblable à la Maison carrée de Nhncs, Vers le sud-
est, on retrouve un grand cirque, de forme elliptique, qui pouvait contenir 6,ooo
spectateurs. A 1,200 mètres, au nord, gisent également des ruines considéra-
bles. Les courses des Arabes pillards, campés dans les campagnes voisines,
entravent le commerce de Tebessa, dont les habitants sont misérables : leur
prospérité renaîtrait sous l'occupation française.
Le colonel Damnas, reprenant la direction de Tougourt à Ouargla, signale
Bou-Djenan, bourgade de 80 maisons, entourées de jardins, à une lieue S. de
Tougourt; la ville cic.Tenuicin, de 500 maisons, avec enceinte crénelée, à 8 lieues
S.-O. ; le ksar fortifié de Rlidet Amer; puis, franchissant, de l'ouest à l'est,
22 lieues, marquées de 7 puits ou stations, il pénètre dans un district appelé
Souf, formé par 7 villages, dont 4 relèvent de Tougourt, et les 3 autres de Te-
nuicin. Leurs habitants cultivent le tabac, principal objet de commerce, dont ils
fournissent une grande partie de l'Algérie et du beylik de Tunis. Ces indigènes,
qui passent pour être doués d'un merveilleux développement des sens de l'ouïe,
de l'odorat et de lu vue, se proclament aussi, avec une comique assurance, les
plus intrépides piétons du Sahara, et capables de faire, sans fatigue, 30 lieues
par jour. « De Tougourt A Sif-Soultan, disait l'un d'eux à M. Damnas, il y a loin
comme de taon nez ù mon oreille (et pourtant laVIislonee est de 10 lieues), ,1e
pisse, ajoutait-il, pour n'avoir pas une très-bonne vue, mais je dislingue une
chèvre d'un mouton à un jour de marche. J'en connais, disait-il encore, qui, à
30 lieues dans le désert, éventent la fumée d'une pipe ou de la viande grillée.
Nous nous reconnaissons tous à la trace de nos pieds sur le sable ; et quand un
étranger traverse notre pays, nous le suivons a la piste, car pus une tribu ne
marche comme une autre; une femme ne laisse pas la même empreinte qu'une
vierge. Quand un lièvre part, nous savons, à son pas, si c'est un mAle ou une
femelle, et, dans ce dernier cas, si elle est pleine ou non; en voyant un noyau
de datte, nous reconnaissons le dattier qui l'a produit. » De tels hâbleurs ne
surpassent-ils point les romanesques Mohicans des prairies américaines?
De Souf, on se rend à Nefta par deux chemins également fréquentés, l'un de
40, Vautre de 30 lieues de parcours dans les sables. Ncfta se compose do 8 vil-
lages dépendant de Tunis, et prend son nom de la rivière qui l'arrose. C'est
l'entrepôt intermédiaire des marchandises que sa métropole exporte dans le
Sahara aux époques du printemps et de l'été; mais comme leur transit est sou-
mis à des droits exorbitants sur la route, il est probable que nous arriverions
LIVRE DEUXIEME, 107

peu à pou, en leur offrant une protection gratuite, à détourner leur cours vers
Constantine et le littoral algérien.
De Nel'ta a Touzèr, ou voyage dans une fraîche oasis qui s'étend a 8 lieues;
cette avant-dernière ville du Sahara oriental, grande comme Alger, avec une
muraille crénelée, de 12 à 15 pieds d'élévation, est située dans une plaine que
domino, au N.-O.,' un mamelon, d'où jaillit l'Oued-Medirn, source abondante
qui va fertiliser les plantations de 7 villages voisins, — Enfin, à 20 lieues de
distance, Kefsa ferme la porte du désert; ses 800 maisons, resserrées entre
deux montagnes nues, sans enceinte fortifiée, sont protégées par une kàsbah ar-
mée de quelques canons, C'est la limite du Relcdel-Djerid (pays des dattes], Les
sables commencent à faire place aux terres cultivables ; l'olivier reparait, et les
huiles qu'on y fabrique s'écoulent dans les profondeurs les plus lointaines 'du
Sahara,
Ici s'arrête la première partie des éludes do M. Damnas. La région orientale
est explorée, Il nous reste à parcourir les contrées de l'ouest, depuis le Djebel-
Amour, frontières du Tell,
Cette chaîne s'étend, par une succession de pics et de vallées, sur un espace
de 15 lieues en longueur et de s à 10 en largeur. Des rivières, ou sources nom-
breuses, en rendent la végétation si active, les arbres et les broussailles y sont
si pressés, que la marche semble d'abord impraticable à travers ces forêts vier-
ges; puis on arrive à d'immenses éclaircies, où campent les tribus. Los hnl.i-
tanfs du Djebel-Amour sont nomades ou sédentaires ; mais les uns et les autres
obéissent à un cheikh, nommé Pjelloul-ben-Ynhîo, dont la famille est, de
temps immémorial, en possession du pouvoir. C'est un homme de 40 ans,
brave et fort, froid et sérieux ; son autorité s'exerce d'une manière absolue :
devant lui chaque tète se courbe ou tombe. En cas de guerre, le Djebel-Amour
offrirait à ses défenseurs de véritables Tlicrmopyles ; ses pics sont réputés inac-
cessibles ; le tigre, la panthère, la hyène y cachent leurs sauvages repaires;
un gibier varié peuple ses vallées. On pourrait s'étonner de ne point voir le lion
parmi les hôtes de ses forêts ; cette absence ne s'explique pas, et voici la sin-
gulière réponse que font les Arabes ; — « Autrefois les lions pullulaient dans le
Djebel-Amour; un saint marabout, nommé Sidi-Aïca, fut prié d'en purger la
contrée, que désolaient leurs ravages; la chose était difficile, mais Dieu est
grandi Le saint se mit en prière à travers la montagne, en ordonnant aux lions
d'aller chercher un gitc ailleurs ; on n'en a pas vu depuis, »
En quittant le Djebel-Amour, on trouvé le village de Bou-Aliim, arrosé par
des sources. De là, on arrive à Stiten, en laissant Al'0. le hameau de Mecheria ;
9 lieues plus loin, s'élève El-Kaçoul, bourgade ceinte d'un mur de deux hau-
teurs d'homme; puis, on longe les dunes de sable qui finissent à la vallée de
rOued-Brizina, dont le village crénelé n'a d'autre ressource (pie la fabrica-
tion d'une poudre médiocre ; les montagnes voisines contiennent de riches car-
rières de plAtre. La tribu qui occupe ce territoire (El-Arouat-Kson possède des
troupeaux considérables et peut armer 400 cavaliers ; elle se divise en plusieurs
fractions, dont chacune a son chef, mais qui dépendent toutes de la grande
tribu des Ouled-SidiTCheïkh, race de marabouts, dont l'influence religieuse est
sacrée sur un immense rayonnement.
108 L'AFRTQUE FRANÇAISE.
Cinq licuos séparent Brizina de Sid-oLiiudj-ed-Din, hameau vénéré par une
koubba, ou chapelle de saint, qui attire de fort loin tes voyageurs et les pèlerins ;
ses environs sont fertilisés par des puits nombreux. Au sortir do ce ksar, on se
dirige de VE. ù VO., pour arriver à El-Biod-Mta-Sidi-Cbeïkb, réunion de plu-
sieurs villages, dont l'industrie se borne à la culture de la garance et à la fabri-
cation du goudron qui sert à enduire les chameaux pour les préserver des gerçures
que produit la chaleur, Les montagnes d'alentour sont couvertes d'arbres rési-
neux. Au centre du village s'élève le dôme blanc d'un marabout, où reposent
les ancêtres des Oulcd-Sidi-Cheikh, De semblables édifiées funèbres se rencon-
trent à peu de distance ; la piété naïve des Arabes les enrichit d'offrandes et
d>j? voto, Cette puissante tribu, qui se divise en fractions de l'est et do l'ouest,
habite sous des tentes qui ont la forme d'un vaisseau renversé, et panaché de
bouquets de plumes d'autruche, plus ou moins gros, selon le rang et les richesses
de chaque famille, Trafiquants par instinct, les Oujed-SkU-Cheïkhfréquentent
les marchés lointains des Beni-Mzab, deMetlili, de Figuig et de Timimouh, Leurs
deux chefs suprêmes se prétendent issus en ligne droite du premier khalifah du
prophète, Sidi-bou-Beker-Seddik, pour qui Mahomet aurait fait ce voeu : —
Dieu fasse que ta famille monte toujours à cheval ' ; que ton genou soit toujours
baisé; que ta postérité mange, quand la mienne aura faim, » La réputation de
sainteté dont jouissent les Sidi-Cheïkh leur a attaché, de temps immémorial, un
grand nombre de tribus qui s'intitulent avec orgueil leurs serviteurs, et dont le
dévouement fidèle accroît leur puissance, Aussi, sont-ils souvent invoqués
comme juges conciliateurs des querelles qui s'allument de peuplade à peuplade.
Ils mènent au désert une vie splendide, aiment les vêtements chargés d'or, les
armes brillantes et les équipages de chasse; ils courent la gazelle et l'autruche
avec des meutes de lévriers qu'ils font voyager à dos de chameau. Les monta-
gnes de leur territoire sont peuplées de beaux villages qui, petits ou grands, se
ressemblent par leur situation, tantôt dans une gorge, ou sur un mamelon, et
la plupart sans autre défense que leur assiette naturelle.
Les versants nord de ces montagnes et les rives sud des deux grands lacs, ou
Schott, qui leur sont parallèles, encaissent une plaine de 15 à 20 lieues, où
campent les Hamian, Ces indigènes consacrent l'été à des courses nomades avec
leurs troupeaux, et reviennent passer l'hiver sur leur territoire, Essentiellement
voyageurs et marchands, ils pénètrent dans le Tell, jusqu'aux environs de
Tlemcen, et louent leurs hôtes de somme aux gens des caravanes. Il n'est pas
rare de trouver parmi eux des propriétaires de s à 10,000 montons et de 12 à
1,500 chameaux. Abd-el-Kader avait compris la nécessité de dominer par
l'impôt les tribus sahariennes du sudtde Tlemcen ; cette exigence détourna d'a-
bord les Hamian des chemins du Tell, et ils allèrent acheter leurs blés dans le
Maroc, Mais ce voyage demandait 20 jours, tandis que celui des montagnes de

l Dans tes coutumes musulmanes, le cheval est la monture des Jiomrncs libres, interdite aux esclaves et
aux juifs. Les chrétiens eux-mêmesont eu beaucoup de peine à s'affranchir de cette loi qu'on voulait leur
faire subir. Eu 1767, M. de Chénier, notre consul général au Maroc, entrant à Sàffi, fut obligé de forcer le
passage l'épée à la main, déclarant que personne n'arrêterait le représentant de la France. Le consul an-
glais Jackson, qui rapporte ce fait dans ses Mémoires, le cite comme le premier exemple de fermeté qui
ait brisé une servitudequi ravalait les chrétiens au niveau des juifs, dont la condition est, comme on le
sait, exposée à tant d'avanies dans tous les pays mahométans.
LIVRE REUXILuX 10u
.

Beni-Amer était plus court de doux tiers, L'intérêtmatériel soumit leur fierté ;
leur indépendance plia sous le besoin, et ils sont revenus sur les -marchés de
Tlemcen, que nous leur ouvrons aujourd'hui,
Le district do Figuig succède, vers l'ouest, au pays des Hamian, et dépend
des chériffs du Maroc, On y rencontre 12 villes, toutes fortifiées et flanquées do
tourelles, dont les plus étendues contiennent : Moïz, 800 maisons ; El-Oudarir,
500, et Zenaga, 1,200, Les autres sont plutôt des bourgades de a à 300 feuxi
situées à un quart de lieue de distance réciproque, et se reliant par des jardins
qu'arrosent des rivières, venues des montagnes qui tracent le bassin du Figuig,
La garance elle tabac sont leurs denrées de commerce, On y cultive l'orge;Te
blé vient du Tell, L'Oucd-Halouf, principale rivière du pays, n'a d'eau courante
qu'en hiver; mais les habitants ont pris soin de creuser 'dans son lit, de distance
en distance, des puits intarissables, dont le produit est amené dans les réservoirs
communs de chaque ville ou bourgade, Le moubel-ma (maître des eaux) pré-
side à la distribution, Chaque propriétaire ayant droit, selon l'impôt qu'il paye,
a certaines heures d'irrigation, l'officier publie ouvre ou ferme les écluses sur
des canaux qui suivent la direction de tous les jardins: le temps se mesure au
moyen d'une clepsydre, Cette sage police des eaux prévient toute contestation
d'individu à individu ; mais quand if s'agit de se partager Vusage des puits de
VOued-Haiouf, les villages ne sont pas aussi bien d'accord, et il en résulte des
luttes sanglantes. C'est par dès mines qu'ils se font la guerre; ils pratiquent des
boyaux souterrains de 3 ou 400 pas, chargent de poudre un caisson de maçon-
nerie, et si les assiégés n'ont pas su opposer la contre-mine à ces travaux, te
village menacé est presque entièrement détruit.
Le commerce du Figuig échange les vêtements de laine, les broderies de. soie,
bernous, draps, mousselines, parfums, ustensiles de cuivre, bestiaux, savons,
thé, sucre et café, hàchlch, mercure, antimoine, coutellerie, sels, poudre à feu,
plomb de guerre, salpêtre, cuirs tannés, poignards, fusils, pistolets, sellerie, es-
claves noirs, ivoire, poudre d'or et tabac. Ces denrées viennent de Fez, de Tafi-
lalet et du pays des Touat.
Entre le Figuig et Tafilalet, s'étend l'immense région des Zegdou, qui prend
aussi le nom de Beled-El-Moukhala (pays du fusil), La tribu qui l'occupe se-
coue perpétuellement le joug marocain, fait une guerre acharnée aux Berbères
des montagnes de l'ouest, et livre au pillage, de temps à autre, les bourgs du
Figuig, Au sortir de ses plaines sablonneuses, on entre dans le Toimt, divisé en
5 circonscriptions qui régnent, du nord au sud, sur une longueur do GO à
80 lieues ; 300• villages y sont disséminés, généralement bâtis en pâte de terre
cuite au soleil, parmi des jardins et des forets de dattiers. La première circon-
scription, qui porte le noni de Maharza, est une plage de sable, coupée de quel-
ques mamelons arides. Celle de Gourara, au sud, a pour chef-lieu Timimoun,
ville de 5 à 000 maisons, groupées autour d'un rocher que domine la kasbah, et
flanquées d'une muraille et d'un fossé. La circonscription d'Aouguerout vient
ensuite ; puis celle de Touat, à Test de la précédente, et enfin celle de Tiki-
delt, plus grande à elle seule que les 4 autres. Sa capitale est Insalah, ville de
Goo maisons, non fortifiée. Les Arabes donnent pour raison de celte anomalie
dans les coutumes sahariennes, quTnsalnh, par ses relations constantes avec
110 I.'AFIUOFE FltAXCAISE.
les Touareg, la plus redoutable des tribus du désert, se juge à l'abri de toute
agression, et méprise ses ennemis. Timiiuouu et Insalah sont les entrepôts du
commerce occidental, dont les produits, apportés, d'un côté, parles caravanes
de Tunis, de l'autre, par celles du Maroc, s'écoulent jusqu'à Timbektou et dans
le fond du Soudan, Alger fournissait autrefois les marchés de Touat, Depuis
nos
guerres avec Ahd-el-Kndor, les Anglais ont accaparé le commerce, qu'ils te-
naient déjà.par Mogador, Habat, Tétouan et Tanger. A mesure que l'Algérie se
pacifiera, notre politique et nos intérêts doivent tendre a le ressaisir,
Par la route capricieuse «pie nous venons de suivre, on compte d'Alger à In-
salah 48 jours de marche, ou 308 lieues, La voie des caravanes n'en parcourt
que gî-l en 34 journées, à travers des tribus, des villes et villages qui offrent
les moeurs et les aspects déjà signalés,
Parvenus aux limites du Touat, nous trouvons les Touareg, « Il est difficile,
dit M. Damnas, de circonscrire exactement leur pays, La vie exceptionnelle que
mènent ces pillards nomades échappe à toute appréciation géographique un peu
certaine, Nous les apercevons partout dans cet immense périmètre cerclé par
une ligne qui, partant d'fnsala'i, descend à Timbektou, longe le Niger de
l'O. à l'E., et remonte par le Fezziui jusqu'à lîdnmès, le point extrême de la ré-
gence de Tripoli. C'est là le véritable désert l'océan de sables, dont les Touareg
se sont faits les pirates. Un grand archipel montagneux, égaré .dans le centre, à
peu près, de cette immensité, et qu'on appelle Djehel-lloggar, est le repaire de
ces hommesde proie, qui prétendent tirer leur origine des Turcs, et affectent
de traiter les Arabes en peuple vaincu, .Quelques fractions des Touareg cam-
pent vers le nord du Sahara, et commercent avec Insalah ; les autres jalonnent
le centre; les derniers, postés au sud, en avant de Timbektou, tiennent cette
ville dans un état de blocus perpétuel, et gardent à la fois les portes occidentales
du désert et celles du Soudan, prélevant sur les caravanes un droit de sortie, un
tribut de passage, et pillant a ('improviste celles qui pensaient se soustraire, à
leur surveillance. Ces peuplades, même celles qui avoisinent TimbelUou, sont de
race blanche; mais, autour des autres villes du Soudan, leur sang est mêlé par
l'alliance avec les négresses. Bace vigoureuse, d'une énergie et d'une sobriété à
toute épreuve, les Touareg vivent de dalles et de lait de chamelle ; ils passe-
raient deux ou trois jours sans nourriture, plutôt que de-manquer l'occasion
d'une razzia. Leur costume consiste en une robe très-ample, faite débandes
réunies de cette étoffe noire et étroite appelée saïe, et qui vient du Soudan,
Sous ce vêtement, ils portent un pantalon à l'européenne, «pic soutient suivies
hanches une ceinture de laine. Leur tète est rasée, à l'exception d'une touffe de
cheveux qu'ils ne coupent jamais, et qui devient parfois si longue, qu'ils sont obli-
gés de la tresser. Les femmes sont très-blanches, et vont la figure découverte.
Quoique musulmans, les Touareg prient fort peu, ne jeûnent point et se dispen-
sent des ablutions. Les caravanes, qui se mettent eu route-au printemps, cher-
chent à garantir leur sécurité en achetant, à prix d'or, la protection des chefs les
plus voisins de ces bandits. Celles qui,, fortes, de leur nombre, veulent forcer le
passage, tombent, tôt ou tard, dans des embuscades de .12 à-1,.loi) hommes,
qui, montés sur des chameaux de la race la plus agile, appelée nia/tari, sillon-
nent les plaines et les dunes de sable avec une rare adresse à dérober leurs mou-
l.K TOlTAIHïCi.
LIVHE DEUXIEME. III
vemenls derrière les moindres plis de terrain, Dès que l'occasion d'attaquer
leur semble favorable, les Touareg, armés de lances, de sabres à deux tran-
chants et d'un bouclier de peau d'élépL.nt, poussent un cri de guerre effroya-
ble, et fondent avec une audace irrésistible sur les voyageurs surpris. Le pil-
lage succède au meurtre, et les vaincus, morts ou criblés de blessures, sont
abandonnés au milieu des solitudes, Quand le tmipsdes caravanes est passé, les
Touareg viennent effrontément vendre leur butin sur les marchés du nord. Il
n'y a, au reste, qu'une voix sur leur compte : — «Quels sont leurs ennemis? de-
mandait M, Damnas à un Arabe, » — Ils n'ont point d'amis, fut sa réponse,
,le n'ai vu de bon chez eux que leurs tentes et leurs chameaux. Braves,
rusés, patients comme tous les animaux de proie, ne vous fiez jamais o eux,
ils sont de mauvaise parole, Si vous recevez l'hospitalité chez l'un d'eux,
vous n'avez rien à craindre dé lui sous sa tente, ni quand vous serez parti;
mais il préviendra ses amis, qui vous tueront, et ils se partageront vos dé-
pouilles, »
Telles sont les données principales que vient do recueillir M. le colonel Datt-
mas surdos régions que la science n'avait pas encore soudées 1, Eu vérifiant son
travail à l'aide de l'itinéraire d'Ebn-cl-Din, qui'marque avec soin les stations,
jour par jour, des routes du Sahara, on y reconnaît une concordance qui permet
d'ajouter foi aux nouveaux renseignements de toute nature que la direction des
affaires arabes s'est procurés, Si le vaste ensemble de l'oeuvre (pie nous venons
d'effleurer laisse peut-être à regretter quelques légères erreurs de topographie,
l'avenir les fera disparaître, Constatons aujourd'hui un fait d'une haute portée :
leeommerco intérieur de l'Afrique est reconnu sur une grande échelle ; tâchons
de l'attirer au milieu de nos établissements ; car, derrière ces relations futures,
la civilisation pourra se glisser à son tour, et ce no serait pas le moins beau côté
de notre gloire que de la faire marcher de front avec l'intérêt.
Cartbage, fondée par une troupe d'émigrés, commença sa fortune par la-ri-
chesse-'agricole, qui lui permit d'étendre un jour son commerce au delà des
mers. La France, avec ses grandes ressources, resterait-elle au-dessous de Car-
tilage ? Qui pourrait le penser?
Mais si la terre d'Afrique reste encore longtemps rebelle et stérile, si de cou-
pables erreurs y laissent persévérer un système de destruction des hommes et
des choses, ce sera comme si nous déclarions au monde que désormais la France
n'est plus capable d'efforts continus d'intelligence et de force, et «pie son gou-
vernement, toujours en échec, vivant au jour le jour, n'a plus ni temps ni soins
à dépenser pour la grandeur et la gloire du pays.
L'Algérie se souvient des fils de France ; elle entrevoit, sur les marches du
trône, l'homme de l'avenir; mais ce. n'est point à nous qu'il est permis de le
nommer.

1 Voir, pour de plus amples détails, les Etudes géographiques, historiques cl statistiques sur le Sahara
algérien, publiées par le colonel Damnas, avec l'autorisation du ministre de la guerre'; Paris, 1815.
Tous les hommes éclairés, que -préoccupe la prospérité future de notre belle colonie, expriment le voeu de
voir un ouvrage d'une si liante .-importance et si bien fait prendre place dans le recueil des travaux de la
COMMISSION SCIENTIFIQUE u'A ion mr, dont le gouvernement français a ordonné la publication officielle
LIVRE TROISIME.

LA GUEBBE SAINTE,

DEPUIS LA MISE D*Al.0En JUSQU'AU" TflAlTK PB hh TAl'NA.

Opus adgredior opimum casibus, atrox praiiis,


ipsà etiam pace soevitin, Non tamen adeo virtu-
tum stérile s-rcculum, ut non et bona exompla
prodiderit,
"TACIT, Jfislor. lib, t, cap. 2,
.

L'histoire est un tribunal devant lequel tout le monde comparaît, mais qui
doit une égale justice à tout le monde ; qui n'éprouve ni affection ni haine; qui
ne connaît ni amis ni ennemis, et que la vérité seule émeut. Reprenant, à son
point de départ, la série des faits accomplis, nous marcherons avec la même
indépendance, laissant aux événements leur éloquence plus forte que de stériles
diseussions, et consultant sans cesse, avant d'émettre une pensée sur les hom-
mes ou les choses, les pièces justificatives qui sont entre nos mains,
L'expédition de 1830 n'ouvrait à la France qu'une seule ville. Au delà de
l'espace occupé par nos troupes autour d'Alger, entre les collines du Bou-Zariah
et celles de Mustapha-Pacha, grondaient des niasses de populations inquiètes.
La vieille haine des musulmans contre le nom,.chrétien réunissait, dans une
commune alliance, de nombreuses tribus guerrières, la plupart hostiles les unes
aux autres, mais que la foi religieuse appelait à repousser une invasion,
I.IVUE'.TKOLSIEME. 115
Nous avons cité les bulletins .pacifiques adressés par M. de Hourmont aux
habitants d'Alger» et répandus parmi les Arabes de la régence 1, Sur la foi de
ces promesses, nen-Zuuiouu, après la chute du gouvernement turc, offrait au
général en chef sa puissante intervention3 pour concilier, par un traité solide,
nos intérêts présents et futurs avec ceux des indigènes de la province d'Alger,
Quelles que pussent être les vues de la,Restauration sur l'avenir do sa complète,
Timpolitique promenade de M, de Bourinont à.Blidah n'eut d'autres résultats
que de causer à l'armée des pertes inutiles, et d'apprendre aux Arabes qu'ils
avaient tout à craindre d'un vainqueur oublieux de ses proclamations.
Les hostilités commencèrent.

GOMMANWMlîN'r DU O'IÎNIJBAL ClWm,,

A l'arrivée du général Clauzel, les tribus nigériennes se trouvaient partagées


en trois factions prétesà agir par des voies opposées, Tandis que la province d'Al-
ger ne semblait pas éloignée d'accepter, non la domination, mais l'alliance des
Français, la province d'Oran réclamait l'appui de l'empereur de Maroc ; celle de
Constantine, comptant sur ses propres forces, organisait sa résistance,
Les principaux chefs que nous avions en présence, étaient : dans l'est, sur les
territoires d'Alger et de Tittori, le marabout Ali-Ben-Aïssa 3, Bcn-Zainoun, chef
des Kebaïles de Flissa S et les chefs des Koulouglis de l'Oucd-Zcitoun ; —à
l'ouest, la famille de M'Harek emi tenait Koléah « ; ~- le marabout ElBarkani 8,
dans Chcrchcl; — à Médéah, le boy de Tittori, Mustapha-Bou-Mezrag7, et
Ibrahim,s ancien bey de Constantine.

l Voyez lo LIVRE I'REMIEII, p, 32.


3 V., plus haut, Histoire de quinte ans, p, 9. «— Ce fait officiel est attesté par. M; le capitaine d'état-
major Pellissier. (Annales algériennes, tome I, p. 100 et 310. — Ibid,, tome II, p, 393,)
8 Trcs-vênéré chez tous les Kebaïles, Bcn-Aïssa vivait dans les vallées du mont Djerjera, où il mourut,
pondant l'été de 1935, dans un âge avancé,
* Mohamrocd-Ben-Zamonncommandait le contingent de sa belliqueuse tribu à la bataille de Staouëli.
Ce chef, d'une brillante valeur, était, sous los Turcs, un des meilleurs officiersde l'agha desjanissaires, qui
lui confiait les missions lés plus difficiles. On le vit à la tête des insurrectionsdo 1831 et 1832 ; mais bientôt,
découragé par là conduite molle des Arabes, il se retira dans sa tribu, et ne prit plus aucune part à la
guerre sainte,
6 Sidi-Mohammod-Mahiddin-Ben-M'Barek était un marabout de Koléah, fort considéré, homme pieux,
sans fanatisme, et qui donna bientôt la preuve d'un esprit conciliateur. Cruellementpersécuté par le duc de
liovlgo, il fut mieux apprécié par le général Voirol, et le maréchal d'Erlon en faisait grand cas, Mais les
tracasseries do quelques commandantssubalternes lui ayant donné lieu de craindre de nouveau pour sa
sûreté, il quitta Koléah pour so réfugier dans une ferme éloignée, et mourut en route, à 70 ans, de fatigue
et de chagrin. «Ceux qui ont Uatô" la mon de cet hommode bien, dit M. le capitaine Pellissier, peuvent ge
vanter d'avoir rendu à la colonie un des plus mauvais services qu'on pouvait lui rendre. »
6 Sa famille était une dos plus anciennes et des plus puissantes de la tribu dos Beni-Menasseur; après la
prise d'Alger, la ville do Chcrcliell lui conféra la dignité de haïd, ou gouverneur,
7 C'était un Turc de l'Asie-Mineure, Investi du beylik par le dey Hussein, Envoyé on Franco comme pri-
sonnier de guerre après la prise do Médéah, en 1830, il obtint plus tard la permission de se retirer à
Smyrne,
8 Révoqué en 1822 par Hussein-Pacha, il s'était retiré à Médéah jusqu'en 1830, Lancé de nouveau sur

''.''- $?V' :t\ -:.:


n scène politique, Il mena une vie aventureuse dont nous aurons occasion do parler bientôt, et Unit par dis-
paraître, assassiné dans sa maison''iîa.'MB3.éah, en'1833.
': ;-:: t»./ ::.
III l/AI<'HIQliK l'ItANÇAlSU.
A Constantine, El Hadji-Ahmed ', affranchi du pouvoir turc par notre victoire,
se retranchait dans son indépendance, et le vieux Hassan, boy d'Oran, voyait
le pouvoir près d'échapper à ses mains débiles, pour tomber aux mains d'un
eheïk arabe.
Dans les environs d'Alger, quelques milices, régulières ou auxiliaires, que le
gouvernement turc employait à la levée de l'impôt ou au massacre des douars
qui voulaient résister à ses exactions, s'étaient mises à faire.la guerre aux Arabes
pour leur propre compte ; et les campagnes voisines de la ville conquise, livrées
par ces maraudeurs au pillage, à l'incendie, (i tous les excès d'un désordre
effréné, n'offraient aucune sécurité hors do la portée de fusil de nos avant-
postes.
L'abandon de Bone et du port do Mcrs-cl-Kébir, déterminé par la nouvelle
de la révolution de juillet, nous réduisait à la possession d'Alger, où la popula-
tion européenne, attirée par la conquête, s'augmentait chaque jour et devenait
un embarras, grâce à l'incapacité de la commission de gouvernement créée par
M, de Uourmont, qui n'avait su ni organiser les services publics, ni prévenir
un chaos dans lequel s'abritèrent tant de méfaits.
Le général Clauzel était resté, depuis quinze ans, étranger au maniement des
affaires militaires; mais une réputation brillante et méritée le précédait en
Afrique, et l'armée devait se ranger avec confiance sous les ordres de son nou-
veau chef.
Malheureusement ses débuts ne furcut pas heureux. Son premier ordre du
jour annonçaitaux troupes le changement de règne, mais sans qu'aucune phrase
leur témoignât que la France était fière du triomphe de ses enfants. Le lende-
main, un second ordre du jour signalait l'entrée en séance de la commission
d'enquête chargée d'instruire le procès de notre brave année, an sujet des dila-
pidations commises après la prise d'Alger. Certes il y eut dos coupables; mais
l'équité réclamait qu'on ne mit pas eu prévention nos régiments pour les fautes
de quelques individus.
Cette commission, composée de MM. l)elort, l,4ougeruux, Cadet de Vaux,
Bilaud de Bit et tlandin, ne négligea sans doute aucun moyeu pour découvrir la
vérité; mais, soit que ses recherches n'eussent amené aucun résultat, soit
qu'elle ail reculé devant la nécessité de frapper trop haut, elle rendit, le 22 oc-
tobre, par l'organe du général Dclort, un verdict d'acquittement pour l'honneur
do l'armée 2, «Personne, écrit M» le général Herthazènc, ne redoutait cette.

1 Fils d'un Turc, ancien bey de Constantine, qui périt étranglé, Lîl-IIiuljl-Ahmad niait Koulougll, CVM
à-dira né d'uiie femme arabe.' Après la mort du son père, su tiifcro, fille d'un cheikh du la tribu des Hon-
(l'ina, s'enfuit dans le Sahara, où Ahmed fut élevé, Revenu plus tard it Constantine, à l'âge de vingt ans, ri
nommé en IftlS ktmtifa (lieutenant) du bey Hassan, il lui succéda,en 1827, par la favmir de Husseln-l'nclin.
C'est de lui que le dey disait, en 1830, it M. de tlourmoiit ! « Si Ahmed se soumet a la Franco, comptez
niv «i foi, Il n'y a jamais manqué. »
2 OiiulUS Dit ,ioL'n. Lu déclaration expresse delà Commission est ((lie rien n'a été détourné du trésor de
la Knsbah, et qu'il a tourné au contraire, tout entier, au profit do lu France, •- l.ii Commission u reconnu
qu'on avait pris, â la Kasbah, quelques efl'ciS «t quelques bijou» abandonnés pur le dey et par des,officiers
tic sa maison, et dont tme partie avait déjà été prise par des Maures et des .tiilis; c'est nllllgeant, sans
duute. Imita il est consolant pour le général en chef d'avoir ntquls lu certitude que des soldais, des sous-
utflclcrs, ricR officiers de troupe et d'élat-inajor ont remis au payeur îles bijoux trouvés au milieu des bardes
et des meubles eh désordre, — Il a été commis aussi des désordres, dans quelques maisons particulières,par
dos hommes déshotion's, comme il «Vu glisse toiijonts qiielquéF-uns dans les urinées, — lin masse, l'année
LIVRE TROISIEME. Il»
épreuve, mais tous en étaient blessés, humiliés ; mais tous l'auraient voulue so-
lennelle et légale. Pourquoi, se disait-on, celte enquête, si clic est nécessaire,
n'est-cllc pas faite par des magistrats ?;Pourquoi des inconnus, des hommes sans
titre, sans qualité, sans mission, sans droit, peuvent-ils nous faire comparaître
devant eux, nous interroger, recevoir des témoignages pour ou contre nous,
prononcer sur notre sort et décider de notre réputation, même sans nous en-
tendre? N'est-ce pas le renversement de tous les principes et la violation de
tous les droits? —A ces réltcxions il s'en mêlait do plus vives, de plus amères
et déplus personnelles; car tout le monde se connaît dans une armée, et c'est
un bonheur 1, » Qu'il nous soit permis d'ajouter à ces paroles de l'honorable,
générai que, si le jury d'enquête avait fait son devoir avec une véritable intelli-
gence, on connaîtrait en France, depuis longtemps, les auteurs des scandaleux
pillages qu'il a lui-même dénoncés dans un écrit trop tardif 2.
Le comte Clauzel avait amené avec lui un assez bon nombre de protégés ci-
vils et militaires; les premiers accaparèrent les emplois, les seconds se firent,
presque tous remarquer par ces prétentionshautaines qui ne s'allient guère qu'à
des capacités très-médiocres. I.a révolution de juillet venait d'élever sur le pavois
une foute d'intrigants de tout genre, et l'armée d'Afrique ne fut pas exempte de
leur contact.
Après la revue du t> septembre* qui servit a l'inauguration du drapeau trico-
lore distribué aux régiments, le général en chef s'occupa de remplir les places
laissées vacantes par les démissions ; —cette mesure utile, et pour laquelle il
avait reçu plein pouvoir, fut gâtée par trop de choix concédés à l'obsession, en
dépit des lois en vigueur. Il avait remis à rétat-major sa signature lithogra-
phiéc : on en abusa ; mais les nominations les plus hasardées furent néanmoins
sanctionnées par le pouvoir souverain, qui croyait dangereux de créer des n\c-
contents autour de son berceau.
Pressé de pourvoir aux nécessités administratives, M. Clauzel institua, le 10
septembre, sous la présidence du baron Volland, qui avait remplacé l'intendant
en chef Denniée, un comité de gouvernement composé de MM, Devnl, consul
de France et président de la cour de justice: Cadet'do Vaux, directeur de l'in-
térieur, et Fougeroux, directeur des finances, M. Roland de lîtissy remplaça
M, d'Aubignosc dans ses fonctions de chef de la police, et deux autres em-
ployés, MM. de Calonne et Oirardin, se trouvaient, depuis le S septembre,
chargés du service des douanes et des domaines.
L'organisation des tribunaux, qui eut liett par arrêté du 22, rendit les musul-
mans h leur juge naturel, le kadi maure, assisté des muphtis : sa compétence
fut étendue nu- criminel comme ail civil, et ses arrêts furent sans -appel et eu

n'a aucun reproche à se faire j c'est mie assurance que le général eu chef almo 11 lui donner, qu'il aime
aussi à donner a la France, Les hommes qui ont pu s'avilir par des désordres parlletillers, on les livre ntiv
remords qui les poursuivent et les poursuivront sans cesse, et à la crainte, non moins poignante, d'être,
comme ils lu seront successivement, reconnus un peu plus tôt, un pou plus tard, pour les auteurs d'actions
eoupahlos, qui avalent donné lieu do siinjioser que le ttésor public avait été p lié pur l'année,
— Par ordre
du général en chef, le lieutenant-général chef de l'élat-fnfjor général, M, J.- H, Mort,
i Dix-huit mois à Alger, du li juin 18110 à la fin do 1831, p. 110. î)uns lu même écrit, fp. 171), M, Bet'-
Hiozôno, revenant sur te même sujet, dit que, « désespérés de lie point trouver de coupables, qiieliiuos-Uus
des inembres do cette commission piop"séiont du Buumeltre les ttecusés à la ToitTt'ui:, »
'i tliid,, clmp, v, p, 120 à 131, (Palaces cités dans le livre pmnie.t <ti ttl ouvrage, p. '13 à 15,1
110 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
dernier ressort. L'exercice de l'autorité judiciaire fut interdit au kadi turc, car
là condition actuelle des Turcs, dont la présence n'était que tolérée, les ex-
cluait du droit de rendre la justice, tes Juifs furent renvoyés par-devant leurs
rabbins, jugeant sans appel, au criminel comme au civil, Les causes entre mu-
sulmans et juifs furent portées en première instance par-devant le kadi maure,
et cependant, pour ne pas les laisser à la merci de leur ancien maître, la faculté
de l'appel leur fut ouverte, et ces appels portés devant la cour de justice, com-
posée de Français. Cette cour devait connaître en outre de tous les différends
qui pouvaient s'élever entre Français, mais avec faculté d'appel en France; en-
tre les naturels du pays et les étrangers de toute nation qui ne seraient pas sous
la juridiction de leur consul. Enfin l'instruction fut orale, les parties appelées à
se défendre elles-mêmes* et, en cas d'absence, parmi fondé de pouvoir; mais
le ministère des avoués et des avocats fut interdit. Quant aux délits de simple
police et à ceux de police correctionnelle, le commissaire général en l'ut rendu
juge, savoir : des premiers, comme le sont en France,les maires et les juges de
paix ; et des seconds, comme le sont nos tribunaux de première instance ; et,
dansée cas, le commissaire général devait être assisté de deux juges. Tous ces
juges furent nommés par le général en chef, auquel on référait des jugements
portant peine de mort, et qui en autorisait l'exécution. Une juridiction excep-
tionnelle fut, en outre, établie pour les cas où il serait attenté par les indigènes
aux personnes ou aux propriétés des Français; la connaissance de ces crimes
ou délits appartint aux conseils de guerrel,
L'administration des finances préoccupa aussi sérieusement l'attention du gé-
néral Clauzel. On se formerait une idée fort inexacte de3 charges supportées
par les Arabes sons le régime turc, si on prenait seulement pour base d'éva-
luation les revenus entrant dans le trésor du dey Î il faut y joindre les présents
que les beys et les chefs de tribu étaient obligés de faire, dans certaines cir-
constances et à des époques déterminées, tant au dey qu'à ses principaux mini-
stres et officiers, et même à des employés subalternes. Il résulte de documents
uuthetitiques que la valeur de ces présents s'élevait chaque année, pour le beytik
d'Oran, h environ soo,ooofrancs.; pour celui de Constantine, à 400,502 francs ;
le boy do Titteri donnait, au même titre, un peu plus de t80,ooo francs; enfin
les chefs des tribus de la dépendance d'Alger payaient environ 100,000 francs
de tributs ordinaires, sans compter le prix de leur nomination. Il y avait en
outre, dans ta même province, sept kaïds ou percepteurs d'impôts, qui, achetant
leur emploi fort cher, trouvaient une compensation dans les avanies et les exac-
tions qui leur étaient permises.
Ces usages furent abolis par le général on chef. Il fut défendu à tous les
fonctionnaires et employés, civils ou militaires, Français ou Maures, de recevoi
à l'avenir aucune gratification a raison do leurs fonctions 8. La valeur des pré-
sents ordinaires, auxquels les habitants de la régence étaient assujettis, fut ré~
1 Voir les Observations du général Cluuzei, sur quelques actes tte son commandementà Alger, p. loi.
9 Toutefois, eu Algérie comme ailleurs, tes meilleurs règlements iront souvent de valeur que sur le papier.
On pourrait citer, «mm le commandementdu général "Volrol, un personnage qui ne craignit pu» tt'ubusci' de
son influence pour extorquer aux Maures d'Alger plusieurs sommes considérables,à tilto d'u-eompto sur le
prix de services qu'il ne leur rendit jamais. Certaines fortunes lie font tache quu sur la conscience-, et pur le
temps où nous vivons, il n'est peut-être Jitts utile de tout dire,
LIVRE TROISIEME. 117
duite aux redevances annuelles payées-parles beys et les chefs de tribu, de
manière que la totalité des impots levés entrât dans la caisse du payeur géné-
ral de l'armée '. Les rétributions arbitraires et illégales, prélevées par les
agents du gouvernement, furent remplacées par des traitements fixes qui ne
laissaient aucun prétexte aux exactions,
Cette machine gouvernementale mit ses rouages en mouvement sous l'impul-
sion du général en chef. Peu de jours suffirent au comte Clauzcl pour apprécier
l'importance des établissements que nous pouvions fonder sur le sol conquis;
après avoir donné ses soins aux affaires de l'intérieur, il s'occupa du projet de
rendre à la France une partie de l'armée.
La formation d'un corps de naturels du pays et celle d'uiic garde urbaine, lui
parurent d'une utilité'incontestable, et devaient, à son avis, produire peu à peu
une espèce de fusion entre les indigènes et les Européens ; conduire les premiers
aune appréciation de nos moeurs, dont ils ne tarderaient pas à reconnaître la
supériorité ; et enfin, comme conséquence toute simple, malgré la différence de
religion, rendre les rapports plus faciles, et créer entre les races des éléments de
sympathie. Un arrêté prescrivit .l'organisation de deux bataillons d'infanterie et
de deux escadrons de cavalerie. Mais, au lieu de traiter avec les tribus arabes
voisines, le général fit recruter, sur le pavé d'Alger *, des vagabonds et des ma-
raudeurs, dont le nombre dépassa bientôt les besoins de l'effectif. Ces deux ba-
taillons furent confiés, l'un a M. Mauuiet, capitaine d'état major, l'autre à
M. Du vivier, capitaine du génie, officiers d'une capacité remarquable, niais dont
tous les efforts et toute l'activité ne purent'empêcher, dès les premiers mois,
des désertions considérables avec armes et bagages 3.
Le commandant d'artillerie Marcy fut changé d'organiser le corps de cavale-
rie indigène. « Afin d'agir utilement et de prendre des mesures appropriées aux
temps et aux lieux, cet officier s'adressa, pour obtenir des renseignements con-
venables, à un ecîtain Youssef, mameluk, alors détenu cîi prison, et qui depuis,
a joué une espèce de rôle. L'histoire de cet homme, du moins telle qu'il la ra-
conte, tient beaucoup du roman, Élevé dans le sérail, et destiné aux plaisirs du
souverain de Tunis, il eut le bonheur'de plaire à la fille de son maître. Un es-
clave l'ayant surpris dans un rendez-vous amoureux,' Youssef le lit venir dans
son appartement, et, pour acheter sou silence, lui jeta une poignée d'or. Pen-
dant que l'esclave se baissait pour ramasser les quadruples éparsos sur te tapis,
Youssef le tua d'un coup de poignard, et après l'avoir coupé en morceaux et
salé, il offrit usa belle maîtresse une main, un oeil et la langue de ce témoin
dangereux. Ce présent allégorique lut très-agréable à lu princesse, et redoubla

• 11 résulte des états dressés ii cette époque, par M. l'intendant eu chefVollanil, qtiola totalité du tribut
d'Oran, perçu par le de}'d'Alger, ciiaident ou en nature, avant la conquête, montait à tlOL', 182 fr. î/alicieil
tribut de Constantine lie s'élevait qu'à UlU,lr,0 fr, — Cu i tat qui a été trouvé, aptes la ptise do Médéah,
clans les papiers du béy de i'Itlcri, élève les contributions de cette province à H."i,!K:7 fr, Ce boy vendait
eu
outre aux tribus du Sahara, moyennant une icdOvàuce de U)0,t 00 fr., -te droit de ci-iiiiin'icoi' avec Médéah.
2 DU~h\,il mois à Alger, par le général llorlhezcno, deuxième partie, eh, 1, p. Mi,
-.-.!1 lbid.,"\t. US." Les '/oiiuveo, et plutôt les Xoiiuouas, sont des KebaïhM.indépendants, de la province
de Constantine, qui louaient lents services aux puissances barbnro.sqiios,cn.mme le font lus Suisses cil l.urupe,
(Annules tihjcricntttsi pat K. Pellissier, capitaine' d'état-iiinjur, t, 11, p, HS.i I.e mâiéehiii de Hoiir.luont
avait eoni;ii l'idée de mettre cette troupe auxiliaire à la solde du la j-ïnitro. M.clauzcl se trompa, eli faisant
otn-c'.lér ou ramassis d'Indigènes étrangers les Uns aux autres, et qui furent loin, d'abord,'de
nous être utiles
MX L'AFRIQUE FRANÇAISE.
son amour pour un homme qui savait si bien la mettre à l'abri de toute indis-
crétion. — Une autre fois, un mameluk, camarade de Youssef, l'offensa. Celui-
ci dut dissimuler pour assurer su vengeance ; mais bientôt l'occasion se présenta,
cl dans une partie de chasse, il sut se défaire assez habilement de son ennemi
pour n'être pas soupçonné do meurtre. Cependant la fortune se lassa de lui être
favorable ; accusé d'avoir volé des diamants pour une somme de quarante mille
francs, il fut forcé de chercher son salut dans la fuite; il y réussit, et passa à
Alger, ou il fut employé à la police.—Soit qu'il voulût rentrer en gt'àco, soit
que l'intrigue fût un besoin pour lui, on assure qu'il rendait des comptes au
boy de Tunis, Le général en chef en fut instruit, le fit arrêter, mettre aux fers
à bord d'un vaisseau, et ensuite en prison à Alger. C'est pondant sa captivité
(|ue le commandant Marcy le consulta sur l'organisation du corps d'Arabes à
cheval. Ce-fut un trait de lumière pour Youssef, et l'espérance pénétra au fond
de son cachot. Il conçut le projet de créer une compagnie de mameluks, dont il
serait le capitaine, uniquement"consacrée;'àla garde du général en chef, et qui
en porterait le nom. Ses fers furent brisés; mais la compagnie, complète au
bout de peu de jours, parut une création intempestive ; lés hommes qui la com-
posaient passèrent, avec Youssef, 'wxcfuMeitrs aUfériens, où ce dernier conserva
le grade de capitaine '*-*' » Nous verrons plus tard la singulière fortune et les
excès, plus d'une fois scandaleux, de cet aventurier.
Après avoir pourvu, autant qu'il était en son pouvoir, à tous les besoins ad-
ministratifs de la conquête,Te général Clauzel ne se dissimulait pas que l'étal

l A ces documents fournis par M. le général fietthezène (ouvrage cité, p. 110-117), notre impartia-
lité nous engage à. joindre ceux'qu'imagine .M. l'intendant Oenty de Bussy sur le même personnage;
« Youssouf, c'est ainsi qu'il le nomme (d'autres écrivent Yusuf), est né
à l'Ile d'Elbe, où bien jeune encore,
Il se rappelle, en 1814, avoir vu Napoléon) mais il n'a conservé aucun souvenir de sa famille, et toutes les
recherches à cet égard ont été vaines. A peu près vers cette époque (il pouvait avoir sept nns], les personnes
qui prenaient soin de lui le rirent embarquer pour Florence, où elles avaient le dessein de to faire entrer au
collège; mais le havlfc qui le portait tomba au pouvoir d'un corsaire) ot conduit k Tunis, YoussoUféchut
musuimaii, 11
nu hey. Placé.dans le sérull, et Improvisé noua. bientôt une intrigue uvec l'une dos filles du
bey, et ccile-et devint enceinte. SulWtrit une version datée de TIIIIIB/ surpris dans un dé ses rendez-vous par
un des eunuques du boy, YoUssouf prit sur-le-champ l'audacieux parti de le suivre dans les jardins, do
l'at-
tirereti embuscade, et de le mttssiicrt'i', Bon corps jeté dans une piscine profonde, il n'en conserve que ja
tête, et le lendemain, pendant que su maîtresse l'entretenait des vives terreurs atoqiiellos elle était en proie,
de
pour toute réponse, il Ja conduit dans la chambre voisine, et, dans une des armoires, lui moittie la tête
l'esclave dont 11 avait arraché la langue. Mais le secret n'étant point encore sufilsimt, H piéparasoii évasion,
C'était en 1830 ) le briclt français l'Adonis se trouvait en rudej tin canot devait l'y conduire) mais cinq
ehuotichs étaient «postés ti\ pour s'opposer a soh embarquement. Des sentiers détournés qu'il a pris, Vous-*
soufies h vusj il n remarqué qu'ils ont laissé leurs fusils en faisceau sur Une roche ; il s'élance de ce côté;
jeter les armes à In mer, se débarrasser de deux do ces hommes, incttre les autres en fuite, gnjmer le canot,
tout Cela fut l'alïaire d'un incluant, L'Adonis avait l'ordre do rallier la (lotte qui devait s'emparer d'Aller.
Peu de jours après, Youssnlif débarqua k Bidt-Ferr.uch avec l'atmée, Pendant la campagne, Il resta attaché
lui général eh chef et Tut placé prùvdu commissaire général dé police, A peltie étions-nous arrivés, que dé-
nonce comme coupabled'entretenir une correspondance avee tés ennemis de la Franco, il sti vit arrêter, mais
son innocence ne tarda pas k être reconnue, » (De l'établissement dés français dans la régence d'Alyert
u u,p,27a-27'>,) ;.
Le prince dePuliler-Muslmu, grand-lulmlïoteurde Youssef, donne le nom de lùhtdnura ù ta fille du boy
.

de 'l'unis, 'ot.raconte sur les aventures de son Réducteur des détails tellement Incroyable* (blmt qu'il affirme
les tenir do lahouctte même de Yuiissef), que IIOIIH croyons devoir renvoyer le lecteur aux Impressions du
Voyage du noble touriste. Chroniques de voyages, —^ Afrique, t, t> passitii,)
ijuniit à nous; historien sérieux, dont la tâche se borne ii produire les faits tels que les présente chaque
autorité qui IIOIIH sert do guide, fions avons admis, sans la discuter, la version de M. le baron Uortliczèno,
troisième général en chef de l'armée d'Afrique, ut qui dut a cette haute positionbcaueotipde renseignement*
qui proiineiit, HrMis <;a pluiiiu, \in caractèii'presqiu»ollh'lel,
LiVRiv'rnoisiÈJiK. nu
incertain, pour ne pas dire menaçant, de nos relations extérieures, lui imposait
le devoir de tenir à la disposition de la France la plus grande partie de ses
troupes. 11 écrivit en ce sens au maréchat Gérard, ministre de la guerre, pour
lui annoncer (pic sur les dix-huit régiments de l'expédition, douze pourraient,
au premier appel, retourner à Toulon, sans que cette diminution des deux tiers
de ses forces [put compromettre l'avenir des affaires d'Afrique. Le ministère
s'empressa d'accueillir les espérances que donnait le général Clauzcl, cl lui an-
nonça, le 30 octobre, qiie « le gouvernement, déjà déterminé à conserver la pos-
session d'Alger, voyait avec satisfaction la possibilité d'occuper cette ville et les
principaux points du littoral de la régence avec un corps de i 0,000 hommes, et
des dépenses peu considérables. Ces considérations l'avaient confirme dans 17»-
tention de fonder, sur le territoire d'Alger, une importante colonie. On pour-
rait, en concédant de proche en proche les terres qui l'environnent, imposer aux
colons la condition de participer aux travaux de fortifications nécessaires pour
repousser les incursions des peuplades voisines, et de l'aire partie d'une milice
locale, chargée do concourir aux mesures défensives. Nul doute que de sem-
blables combinaisons, auxquelles ou aurait soin d'associer l'intérêt des indigè-
nes, pourraient, avec le temps, transformer en "une vaste colonie la plaine de
Métidjah, en refoulant vers le Petit Atlas les tribus insoumises, ta France trou-
verait ht, peut-être, la plupart des produite qu'elle"tire maintenant de t'Aiiiéri-
(lue et de l'Inde ; elle y trouverait encore un précieux débouché pour ses manu-
factures. La colonisation du territoire d'Alger, sous un régime libéral, serait
une noble et Vaste.entreprise, dont le succès reposait principalement sur tes lu-
mières et le patriotisme du général en chef 1. » ..-.
])ans ces vues, dont le pouvoir sanctionnait.l'utilité, M. Clau/el pensa un
moment à établir par nos armes, dans les provinces de l'est et de l'ouest, des
gouverneurs choisis par le bey de l'unis, notre allié, lesquels reconnaîtraient
notre souveraineté sur la régence, et, par leur identité de moeurs et de cuite
avec le peuple qu'ils viendraient régir, nous épargneraient tes frais d'un coii-
(juéte onéreuse el les difficultés plus grandes de l'occupation.
Mais, taudis que des négociations s'ouvraient avec le bey de Tunis, iMustapha-
bou-Mczrag, beyde'l'itteri, nous bravait derrière ses montagnes, en prêchant la
guerre sainte et la délivrance d'Alger, il avait sous ses ordres 21 outhansy
ou districts populeux, et pouvait mettre sur pied des forces considérables. L'in-
surrection, fomentée par ses émissaires, oyait gagné les tribus do la Métidjah;
leur attitude hostile nécessitait un acte de vigueur ! le général eu chef résolut
de prendre Médéah. I.T11 arrêté du K> novembre prononça ta déchéance de Mus-
lapha-bou-Mezrug, qui fut remplacé, sur la proposition du conseil municipal in-
digèue, par Mustapha-heu-el-Hiidji-Oniar, parent de notre agha Itaindatî, et,
comme lui. Maître et négociant. Le 17 novembre, une colonne d'infanterie,
divisée en trois brigades, commandées par les maréchaux de camp Aeliord,
Monk d'tlzor et llurel, sous lesordres du lieutenant général lîuyer, qui avait
succédé au duc d'Lsears, se mit 'en-voulu pour franchird'Atlas, Ou joignit à ces

l Uêpêchê du maréchal Ucrard, ministre délit guerre, au général. 1,'ltitttéi, coiiimunduut.cn chef l'armée
d'Afrique, iyooctobre 18;IO,; -----
m LAFHIQIJE FHANÇAISK.
forces quatre cents chevaux, huit pièces d'artillerie de campagne et une batterie
de montagne.
te 18, cette division, forte de 7,000 combattants, parvenue à une demi-lieue
de Blidah, rencontra tin parti d'Arabes armés, dont le chef demanda que les
Français n'entrassent pas dans cette ville. Sur le refus du général Clauzel, les
Arabes se replièrent, en dirigeant sur nous un feu de tirailleurs qui causa peu de
mal. La brigade Achard les tint à distance, et quelques obus lcslnirent en fuite;
nous n'eûmes à regretter dans cette -affaire" d'avant-gardo qu'une quinzaine de
morts et le double eu blessés '. La brigade Monk d'Uzer balaya la plaine et
envoya quelques compagnies occuper les hauteurs voisines de la ville on les Ke-
baïles semblaient nous attendre;'' ils ne tirent aucune résistance. Les portes
étaient fermées, quelques voltigeurs escaladèrent renceiutc que personne ne dé-
fendait, et trouvèrent Blidah presque déserte; à notre approche, les habitants
riches s'étaient retirés dans les montagnes. L'armée campa hors des murs, Le
général en chef avait l'intention de laisser dans la ville une petite garnison et
d'employer la journée du 19 aux travaux nécessaires à son établissement; mais
les Arabes, ayant reparu dans la plaine, vinrent attaquer de front la brigade
Achard, tandis que les Kebaïles, répandus sur les mamelons du Petit Atlas, dont
le pied touche Blidah, l'inquiétaient sur son flanc gauche par une fusillade
assez vive. La cavalerie dispersa les premiers, pendant que les 20e et 37° de
ligne refoulaient les montagnards, L'ordre fut ensuite donné d'incendier les magni-
ilqucs jardins qui environnent la ville, en même temps que le grand prévôt de
l'armée faisait égorger dans les rues tous les habitants pris les armes à la'main 8.
Toutefois, il est juste d'ajouter que le général en chef, informé qu'une partie de
ces pauvres gens s'étaient réfugiés avec leurs femmes et leurs enfants dans des
cavernes de la montagne voisine, leur envoya un parlementaire pour leur dire de
regagner leurs demeures, La plupart se rendirent, pour leur -malheur, à cette
invitation t c'était rentrer dans un tombeau.
Le 20, l'armée se remit en marche, laissant à Blidah deux bataillons, l'un du
-34°, l'autre du 35°, avec deux pièces de canon, sous tes ordres du colonel llul»
bières, Après avoir franchi TOucd-el-Kébir, à sou point de jonction avec la
Chiffa, elle vint camper a i'ilaouch, ou ferme de Mouzaïa, à l'entrée d'une
gorge où lu route de Médéah coupe le Petit Atlas» La brigade Achard établit
son bivouac à trois quarts de lieue en avant,
On reçut au camp de Mouzaïa la visite d'un marabout, accompagné de cinq
cheikhs du pays, qui, protestant de leurs dispositions iiioffeiisivcs, venaient de-
mander qu'on épargnât les biens et les personnes des habitants. Ce marabout,
nommé Sidi-Mohammcd>-bend,'ékir, donna des renseignements sur la route de
Médéah. On avait deux chemins à choisir; le plus court et le plus direct, sui-
vant le liane des montagues, aboutissait à un col, nommé le Téniaît de. Mou*»'

l ttelation du chef d'état-major de la première brigade. (Dix-huit mois « Alger, par le généra) lierthe-
zène, p, MO.)
i Cotte boucherie dura si longtemps, qu'à la (lit les soldats ne s'y prêtaient plus qu'avec une répugnance
visible. Le général Clauzel crut/sans doute, Intimider les Arabes par ces actes do rigueur, qui n'étaient ce-
pendant pas dans ses liubllUdcsj mais II se préparait de sanglantes représailles, (Annales algériennes, par
H, Pellissier, capitaine d'étut>major ; t. t, p. 112.)
IJVItK TH01S1ÙMK. 1^1
zuia. Ce sentier, d'un périlleux accès, entrecoupé de ravins, donnait a peine,
passage à deux hommes de iï'ont, Malgré ces-difficultés,-le'général'Clauzel
n'hésita point à s'y engager; il pensait que plus les obstacles à franchir étaient
redoutables et plus il obtiendrait d'ascendant sur l'esprit des Arabes par un
succès que la vigueur de nos troupes rendait certain. L'artillerie de campagne
et les fourgons furent laissés à la ferme, sous la garde d'un bataillon du 21° de
ligue./ >-:.;' -
Le 21, au point du jour, l'armée commença son mouvement d'ascension. Les
,

'premiers' sommets de cette partie de l'Atlas se terminent iiar un large plateau,


d'où le regard, plongeant sur la Métidjah, s'étend jusqu'à l'horizon de la mer.
On lit halte, et l'artillerie de montagne salua de vingt-cinq coups de canon la
première apparition du drapeau français sur ces crêtes inconnues. Peu de temps
après, l'avaut-garde rencontra un pont 'fraîchement brisé, sûr indice du voisi-
nage de.l'ennemi qui se -montra bientôt, posté sur les bailleurs, et couvrant avec
deux mauvais canons le passage duTéniah. Une vive fusillade accueillit la co-
lonne; il fallut'prendre rapidement des mesures énergiques. Le défilé courait
en zig zag sur une pente roide et glissante, flanquée de mamelons coniques, do-
minant les deux côtés, et d'un profond ravin sur la droite. Les 14e, 20e et 28°
de ligne'attaquèrent la gauche de cette position, et chassèrent devant eux les
Arabes, eu suivant les crêtes, pour prendre à revers les rassemblements qui défen-
daient le col, tandis "que le 37u et deux compagnies du 14" continuaient à mar-
cher sur la route. Les difficultés du terrain se multipliaient; le jour baissait
et nos troupes soutiraient du feu de l'artillerie et de la fusillade; le capitaine
Lafarc eut ordre de franchir avec une compagnie du 37e le ravin de droite, et
de s'emparer d'un mamelon en même temps que la tète de colonne aborderait le
col au pas de charge. Le général Achard et lq commandant Durros du :)7u de
ligne firent l'attaque de front avec une grande vigueur,' et malgré des pertes
considérables, le col fut enlevé; niais l'ennemi, grâce aux accidents du terrain,
put sauver ses canons. Dans cette affaire, plusieurs officiers d'état-niajor s'étaient
jetés en avant pour indiquer la route, et l'aide de camp du général Achard,
M. de Mae-Mahon, eut l'honneur d'arriver le premier au col, L'intrépide capi-
taine Lafare l'ut tué au moment même où il s'emparait de la hauteur, et sa com-
pagnie eût peut-être été "détruite, si la colonne victorieuse n'était venue la dé-
gager. Nos pertes s'élevèrent à 30 morts et 72 blessés ', L'urmée campa sur le
col a; mais la brigade Achard et la cavalerie se portèrent eu avant; la brigade
Hurel et les bagages arrivèrent tard à ta position, après avoir soutenu plusieurs
combats de tirailleurs.
Dans l'enthousiasme produit par ce beau fait d'armes, le général en chef ré-
digea nue proclamation, dont le style nébuleux fit rire beaucoup de monde} eu
voulant imiter Napoléon, M, Clauzel, salis s'en douter, copiait une page d'Ossian ;
mais on peut pardonner quelques phrases h un homme qui n'avait pas de préteu-

1 l'hlll're donné par le général Jleithi'zcne, — Suivant le capitaine d'état-major Pellissier, cette journéo
nous coûta 220 liuiitirics mis hors de combat.
i Le Télliah de Mouzaïa s'élève ,'t i)(ll m, 70 cent, au-dessus du niveau île la mer. 11 est dominé, à l'est,
par un mamelon dont la hauteur est du 1182 m, M cent,; et à l'ouest, pur un autre de lo3l nii 71 cent, au-
dessus du mémo niveau. l,a distance qui sépare ecs/dçuk'polnts est do WO métros, (tiapportstia M, Filhoii,
chef tlu service lopiigraphique.) .:'.. %V,-:'" '
V'v-V' '
'."'•; ,
<
. ,
"'tu.'-
1^ L'AFRIQUE FHAJNÇAISL.
lions littéraires et qui couvrait de gloire nos jeunes bataillons,
—• « Soldats, leur'
dit-il, les feux de vos bivouacs, qui, des cimes de l'Atlas, semblent se confond
dans ce moment avec les lumières tics étoiles, annoncent à l'Afrique la victoire
(pic nous achevons de remporter sur ses fanatiques défenseurs, et le sort qui les
attend. —-Vous avez combattu comme des géants, et la victoire vous/est restée,
— Vous êtes, soldats, de la race des braves, et'les .véritables'émulesdes hommes
de la révolution et de l'empire, llccevez ce témoignage de la satisfaction, de
'•l'estime et de "l'affection de votre général en chef K »
Le 22, l'armée continua sa marche après avoir incendié les villages voisins}
la brigade Mohk d'Uzer fut chargée de garder la position du Téhiah. Le revers
méridional de l'Atlas offrait d'abord un chemin large, mais encombré de grosses
pierres, puis un sentier qui no donnait passage qu'à un homme de front, j us-:
qu'à un grand bois d'oliviers; tout ce pays est très-boisé. Parvenu au pied des
montagnes, lu brigade Achard eut à refouler une troupe d'Arabes, et combattit
sans cesse en avançant, Le 20e de ligne s'étant porté sur la gauche'-pour éloi-
gner des masses qui menaçaient notre liane, perdit cinq hommes dont l'ennemi
coupa les tétes. Au dota des oliviers, le terrain s'élargit} le général en chef lança
la cavalerie, .qui fut arrêtée court par un ravin, mais les Arabes se replièrent eu
désordre du côté de Médéah; à une lieue plus loin, un indigène, très-mat vêtu,
sortit des broussailles et vint au-devant de nous, en élevant au-dessus de sa tète
une lettre adressée au général etî chef} c'était la soumission de la ville, décidée
par les habitants notables, aussitôt qu'ils avaient appris la défaite des troupes de
Bou-Mczrug, Le même jour, ce bey fugitif, ayant vu les gens de Médéah tirer sur
ses soldats, et craignant la vengeance de ses compatriotes irrités par les malheurs
de la guerre, vint lui-même se réfugier au camp français; Le général Clauzel lui
reprocha sa trahison, mais ne le traita pas avec dureté. Ben-Omar 2, qui avait
suivi la colonne, fut installé à sa place, et le colonel Marion, du 20° de ligne,
prit le commandement de la ville avec une garnison de trois bataillons composés
des 20° et 28e de ligne et des zouaves,
L'occupation de Médéah semblait mettre fin aux hostilités, Lé général eu

1 Cette proclamation est tirée textuellement de l'ouvrage de M, Bcrthéiène, (l)ix*huit mois h Alger,
]>, Wi.) — Le général Clauzel avait ouvert lu campagne do Médéah par une autre, proclamation terminée
par ces paroles ! «Soldats, j'emprunte ici la pensée et les expressions d'un grand homme, ot je vou« dirai
aussi que quarante siècles vous contemplent! » «Quelques plaisants, racotito fort Spirituellement le capitaine
d'état-major Pellissier, prétendirent qtio tes sircles qui nous contemplaient.n'étalent autres que certains gé-
néraux (pie nous avait envoyés la jeune France de juillet, et qui, arrivés au terme d'une carrière fort itoiio-
l'ublo sans doute, semblaient se survivre a eUx-mêmes, Tout cela, ajottto-t-ii, est pou important (celte plai-
santerie fait penser que l'armée commençait à connaître et it jttgcf les hommes de l'empire, quoiqu'il cette
'

époque Ils fursent encore entourés d'un ecrtàiit pt'ofellgc, que beaucoup d'entre eux ont eu le malheur do.
faire disparaître, chaque, fols qu'ils se sont mis tli évidence. » {Annales algériennes, t. I, p, M!j.)
Le bravo général Clati'/et avouait ses emprunts d'éloquence, et nous sommes loin de les lui reprocher, car
les plagiats du stylo'impérial sont aujourd'hui plils nvcilUirntiXi Tonte la presse de lïmico s'est égayée de la
parodie des adieux île l'cntuinebioali, inventée par M. lu maréchal llugoaud, le 4 septembre 18(51 nMes-
sieurs, s'éciltt-t-ll avec ell'usloh, en quittant, le rivage d'Alger Jioiir venir en congé, je voudrais pouvoir vous
embrasser tous j j.'Vuiis embrasse dans la personne du général en chef!» (Courrier d'Afrique, du 11'sep-
tembre,) — L'Illustre guerrier r^iti veut copier Napoléon oiibliu malheureusement que le général llonapaitc
vainquit les Arabes d'Rgypte avec SU|()(H> soldats ; c'est pur leurs actes qu'il faut rappeler les i;riitid« hommes,
'i Noire nglm lluuidaii, pareht de ce lieu-Omar, avait accompagné /l'expédition jusqu'à la fermé do Mou-
zaïa, et se vantait de nous éclairer sur les dispositionsdes tribus de ta plaine ; mais comme, ce Maure était
aussi lucheque méprisé ilés Àrjibes, Il se tint, pondant toute lu campagne, prudemment il l'abri sous la,pin-
teiitlou de nos retruiiciienientsi
LtVHE Tlipi'SlfcMK. >I2S

chef reprit, le 20, la route d'Alger, emmenant avec lui Bou-Meziog, et les bri-
gades Achard et HureL II repassa le Ténia h sans nouvelle agression, et vint
camper à Mouzaïa, recevant partout des témoignages de l'altitude pacifique des
Arabes et des Kebaïles. Mais pendant qu'il triomphait sur les crêtes et au delà
de l'Atlas, Blidah était le théâtre de tristes événements.
Avant dequitter, le 21, la ferme de Mouzaïa, craignant de manquerde. munitions,
il avait fait partir pour Alger un convoi de cent chevaux, conduit par deux offi-
ciers et cinquante artilleurs. Ce faible détachement fut assailli dans la plaine près
de Bou-Farik, pur des masses de Kebaïles et d'Arabes sous les ordres de lîen-
Zamoun. La résistance était impossible; les 52 Français furent massacrés, et
l'armée, à son retour de Médéah, trouva leurs cadavres sur la route. Mais ce
coup do main avait été le sujet de terribles représailles. Bçn-Zamoun avait atta-
qué, le 20, le colonel Bulhière dans Blidah ; des Kebaïles étaient déjà maîtres des
rues, et la garnison française, acculée sous les voûtes de la porte d'Alger, se
voyait décimer par des forces supérieures, lorsque le colonel parvint à faire sortir
le chef de bataillon Coquebert avec deux compagnies de grenadiers du 3<r, qui
tournèrent la ville et rentrèrent par la porte de Médéah. Les Kebaïles,-surpris,
par cette manoeuvre, se crurent assaillis par l'armée qui revenait de l'Atlas;
l'épouvante se mit parmi eux, et ils prirent la fuite en franchissant.do tous côtés
le mur d'enceinte, Cette vigoureuse défense ne nous coûta que 2.3 morts et 13
blessés; mais il est à regretter qu'après ce fait d'armes la garnison ait peui-ôtre.
abusé de la victoire, pour venger ses pertes par des actes que désavouent les lois
de la guerre ; la responsabilité de cette faute remonte au chef qui s'en rendit cou-
pable '.
Le générai Clauzel rentra dans Blidah le 27, et, renonçant au projet d'occuper
cette ville qui offrait un mauvais poste militaire, il en partit, le 28, avec toutes 1rs-
troupes; les débris de la population se traînèrent à la suite de la colonne pour
échapper aux Kebaïles; cette longue caravane de vieillards, de femmes et de
pi'lits enfants offrait aux regards un spectacle désolant. L'année de l'Atlas pro-
digua des soins touchants a ces malheureux} beaucoup d'officiers les firent
monter sur leurs chevaux, et le soir, au bivouac de Sidi-llaïd, les soldats'se pri-
vèrent d'eau pour ces orphelins qu'avait faits la garnison de Blidfih.
Le premier soin du général en chef, à sou retour à Alger, le 2i)..novembre, fut
de procéder au ravitaillement de Médéah. Cette position était difficile à main-
tenir; la sécurité des troupes y dépendait de lu loyauté-des habitants. Le 20'- de
ligne occupait la ville ; le 28r et les zouaves campaient aux environs pour ob-

I Voilà l'ensemble de la chose; mais les détails sont encore couverts d'un nuage obscur et sanudant.
«
nildul), lorsquu:lu général Clauzel la travoisa, le 12? novembre, était encombrée de cadavres de vieillards, de
femmes, d'enfants ut de Juifs, gens tout ù l'ait IhoHeiislfs, Très-peu paraissaient avoir appartenu il des gem.
qui eussent, eu la volonté ou le pouvoir de m défendre, Après un si grand carnage, on ne trouva p.dut, mi
presque point d'armes sur les vaincus. Cette dernière circonstance fit naître d'étranges soupçons dans l'âme
du général Clmucl, qui,'dans sou Indignation, llélrit le chef de la garnison d'une épithùtu lâcheuse. L'hor-
reur qu'il éprouva, à la Vue des traces sanglantes du sac et du massacre do cette ville, fut partagée partout»
la partie de l'armée qui n'uvalt pas pris part a ce déplotable événement, » (Annales atijérieniirs, par le
capitaine, d'état'major l'olllsilor, t. I, p. 1D2.I — Ajoutons,' une fui* jour toutes, qu'il lie..«.auraït entier
dans notre pensée du teinlie nos braves régiments responsables des hideux excès que nous -serons forci1 d'at>
cusor, lie telles fautes nu .compromettent que certains chefs capables do ICH ordonner; et h? gouvernement
français, qui hm déplore, n'a jiu-ioiijoiirs les prévenir.
AU LAFlUQtJR FRANÇAISK.
server la campagne. Dès le lendemain de la ''retraite de l'armée, trois mille
Arabes étaient venus attaquer la ferme du bey, où commandait le chef de ba-
taillon Dclauuay, du 28°. Celte agression, repoussée d'une manière brillante, se
renouvela les deux jours suivants; nos soldats avaient profité do là nuit pour
créneler les murs de la ferme et la fortifier par quelques terrassements* Le 29,
ils furent assaillis par dés masses nombreuses qui interceptaient les communi-
cations avec Médéah ; les habitants de la ville entrèrent çn pourparlcr avec Ten-
nemi, et leur jonction nous exposait à un désastre, si une pluie ballante et pro-
longée n'eût mis fin à cette lutte inégale, Toutefois, dans ces divers assauts,
reimemi laissa plus de 400 cadavres sur le terrain ; nous comptâmes, de notre
côté, 36 morts et 154 blessés, Si les Arabes .avaient connu l'art de la guerre, il
leur eût suffi de détourner les eaux do l'aqueduc qui alimente Médéah, et de
prendre, dès le premier jour, position entre la ferme et la ville. Nos soldats,
sans vivres et presque sans munitions, n'auraient pu que mourir au poste de
l'honneur K Le général en chef s'empressa de leur expédier 14,000 cartouches
enfermées dans des ballots et confiées à des Arabes de la tribu saharienne des
Beni-Mzab ; ces messagers ignoraient ce qu'ils portaient, et n'eurent heureuse-
ment pas l*cnvie de visiter leurs charges. Les habitudes commerçantes dos Beni-
Mzab n'inspiraient aucune défiance; et leur voyage s'accomplit sans encombre ;
mais il s'en fallait de bien peu que des munitions ainsi exposées ne tombassent
au pouvoir de l'ennemi ; elles arrivèrent à Médéah le 4 décembre. Le 10, parut
en vue de cette ville une petite colonne amenant des vivres ; le. lieutenant général
Boyer, qui la conduisait, y laissa le général Danlion avec deux bataillons de
renfort, et reprit la route d'Alger sans coup férir,
La garnison de Médéah eut à lutter de nouveau contre les incuisions des tribus
voisines. Le général Danliou obtint d'abord quelques succès; mais ses vivres
s*épuisèrcnt, et il devenait impossible de se'-maintenir, Le bey créé par nous,
Ben-Omar, n'avait ni capacité, ni coui'age ; le commandant français, homme
d'énergie, manquait d'intelligence politique et d'habileté militaire; il ne sut
prendre aucune mesure pour nourrir ses soldats sur un sol parfaitement appro-
visionné do céréales, et dans une ville dont les habitants, s'étaicit déclarés pour
notre domination; et Ton peut ajouter qu'il compromit nos intérêts par une
expédition improvisée avec aussi peu de bon sens que de justice 3. Le général
en chef se vit forcé d'ordonner t'évacua'ion de Médéah; et comme la garnison,

i Le 27 novembre, le colonel Marioi) iivult c'etit au général "Clauzel i « tinvoyez-mol des cartouches j je
crains d'être au dépourvu, al jamais l'ennemi renouvelait son attaque, i» — Le 2H, il s'(!xprimait ainsi ! ,i Ma
position est très-critique par le peu de munitions tjué lue laisse cette journée. SI l'ennemi revient du boiint!
heure, à midi, je «oral réduit à me défendre à la baïonnette, J'ai besoin do deux pièces de montagne et d'un
bataillon pour ru|>tirer mes pertes, qui depuis deux jours me mettent hors dos rangs 301) hommes. »"— Le 21),
il ajoutait ! « Je manque de munitions, il est bien temps que vous vèullliez m'en envoyer. Nous sommes dé-
cidés à nous battre ù l'arme blanche, dans lus rues mêmes do la place, » L'intrépide colonel n'avait plus quu
trois cartouclus par homine.
2 » Le fait suivant donnera tille Idée assez exacte du généralTJantioii. Une tribu arabe ny; nt reçu tlii eheïldi
de la main de lien-Omar, le chassa Ignominieusement, ot fié mit en état de rébellion contre le bey. Le gé-
.

iiéral ''Dahllcin partit de Médéah, le 21 décembre, ii,ve<! une partie de fiOii monde, pour a 1er chàllet celle
tribu ; mais s'étaiit aperçu qu'elle demeurait un peu loin, ot qu'il serait fatigant d'aller jusqu'à elle, il se
mit ù brûler bu cubanes et se oulovor les troupeaux d'iittu tribu voisine, pensant que l'effet serait te n.èino. »
Aniiatvs algérienne*,'l. i, p, lU'i,}-— Au surplus, cel officier général n'est pas le seul auquel on pourrait'-
' ndrossur te iixiiuc tcpr.ehe, :
LIVnP/.TROlSIÈMK.' 12h
épuisée par les fatigues, était menacée de ne pas franchirl'Atlas sans dangers, la
brigade Achard vint au-devant d'elle jusqu'au pied des montagnes, et la ramena
dans Alger le 4 janvier 1881. Ben-Omar, fort inquiet de sa situation, avait voulu
renoncer à son beylik; mais les habitants de Médéah le retinrent parmi eux, à
force de protestations et de promesses.
L'abandon de ce point réduisait nos possessions a l'état où îe général Clauzel
les avait trouvées à son débarquement. Les fugitifs de Blidah étaient rentrés peu
à peu dans leurs foyers. L'aga Hamdun fut destitué dans les premiersjours do
janvier, à causede sa nullité, et envoyé eu France, de pour que sa disgràcc.no
lui fit des partisans qui nous susciteraientde nouveaux cmharras. On le remplaça
par le grand prévôt de l'armée, M. Mendiri, chefd'escadron de gendarmerie, qui
ne pouvait rendre et ne rendit aueun service.
A son retour de l'expédition de l'Atlas, le général en chef avait repris son
projet de concentrer notre occupation dans Alger et sur le beylik de Titteri, et
de donner sous notre suzeraineté, à des chefs tunisiens, le gouvernement des
provinces d'Ornu et de Constantine. La première était trop faible pour lutter
contre les divisions intestines qui la déchiraient; la seconde prenait les armes pour
nous repousser,"L'empereurdu Maroc, Abd-ch-Kliamau, profitant des circonstan-
ces, avait fait une tentative pour prendre Tlemcen ; on lui opposa une colonne
sous les ordres du général Damrémont, qui partit d'Alger le 11 décembre, arriva,
le 13, sur la rade d'Oran, et s'empara, le 14, des forts de Mers-el-Kebir et Saint-
Ci régoire; mais il n'avait pas d'instructions pour occuper Oran avant qu'on ne
lui notifiât l'issue des négociations entamées avec la régence de Tunis. Muley-rAli,
neveu d,e l'empereur du Maroc, publiait, par ses émissaires, qu'il agissait au nom
et par ordre de sou souverain, qui, lui-même, était d'accord avec le roi des Fran-
çais; et qu'il avait été convenu entre ta France et le Maroc que nos troupes
n'occuperaient que le littoral, et que l'intérieur de la régence devait être aban-
donné à l'empereur. A ces nouvelles, Muley-Ali ajoutait les menâtes et les pro-
messes. Le" caractère du bey d'Oran', fort avancé en âge, ne lui permettait de
prendre aucune mesure de vigueur ; abandonné de la plupart des tribus à cause
des vexations qu'il leur avait fait éprouver, il ne lui restait que les habitants de la
ville, et quelques Turcssur la fidélité desquels il n'osait même plus compter. Ces
circonstances, jointes à l'ascendant (pie devait exercer sur les esprits l'apparition
d'un jeune prince musulman, qui s'annonçait comme vêlant protéger les Arabes
contre les chrétiens, et qui reprochait hautement au bey d'avoir trahi son maître
cl su religion, ne pouvaient manquer de favoriser les projets de'Muley-Ali,
Aussi l'invasion faisait chaque-jour des progrès alarmants. Quelques émissaires
marocains pénétrèrent jusqu'à Milianah, et l'un d'eux parvint même à s'intro-
duire dans Alger, où on l'arrêta ; mais le général Clauzel lui rendit la liberté ',
Toutefois, il fallait se hâter de couper le mal dans sa racine; le général en chef
envoya le colonel Auvray à Tanger, pour représenter au gouvernement marocain
que son agression blessait le droit des gens, lui en demander réparation, et lui
signifier que, dans le cas où il la refuserait-,.nos troupes allaient agir, refouler
sur leur territoire les gens de Maroc, et exercer sur le pays de terribles re-
présailles,
t Observa/ionsdu général Clamml sur quelques actes de son commandement k Alger, p, 19 et.suivantes,
120 L'AI^IUQISE FRANÇAISE.
Quoique Muley-Ali tint la campagne et serrât de près la ville de Tlemcen, le
général Damrémont avait ordre de ne répondre à aucune hostilité avant le re-
tour du colonel Auvray. Cet officier supérieur lie put franchir Tanger pour se
rendre à Fez, auprès de l'empereur, et il dut se retirer sans avoir rempli su
mission. Le mauvais temps, le manque de moyens de transport, et, plus que
tout, l'ordre formel .venu de Paris de renvoyer en France la majeure partie des
troupes, ne permirent pas au général en chef d'exécuter ses menaces. Le minis-
tre de la guerre annonçait d'ailleurs que les difficultés survenues avec le'.Maroc
devaient être levées par voie 'diplomatique. 11 fallut renoncer à l'honneur de
venger, en cette occasion, l'insulte faite à la'France '*
Cependant, les négociations avec Tunis marchaient rapidement. Des commu-
nications laites par M. de LessepS, notre consul général, informèrent M. Clauzel
des bonnes dispositions de cette régence, Le 1 fi décembre, un arrêté prononça
la déchéance d'Fl-iladji-Ahmed, bey de Constantine, et, le 10, un autre arrêté
proclama son remplacement par Sidi-Mustapha, frère du bey de Tunis, Le
nouveau dignitaire s'engageait par convention écrite, sous la garantie de son
frère, a payer à la France, à titre de contribution pour la province de Constan-
tine, la somme de 800,000 francs pour l'année 4831, Ce tribut, divisé par
quarts, devait être d'un million pour chacune des années suivantes,'sauf les ar-
rangements qui pourraient être pris postérieurement, après que la province serait
pacifiée. Le général en ehcf.se réservait le droit de mettre garnison à Bone, à
Stora et à Bougie. Le bey promettait sa protection à tous les Français et autres
Européens qui viendraient s'établir, comme négociants ou agriculteurs, sur le
territoire soumis à son autorité.Dans le cas prévu où le souverain doTimis rappel-
lerait son frère auprès de lui, il nommerait un autre gouverneur sous l'approbation
préalable du général français. Cette convention, signée je 18 décembre, fut
suivie, le 0 février I8tfl,d'un traité spécial pour la nomination d'Ahmed-Bcy,
autre prince"'.'tunisien,, au commandement de la province d'Oran, à charge par
lui de payer a la France un tribut égal à celui du beylik de Constantine, et de
remplir les autres conditions stipulées dans l'acte'--du i s décembre.
Par suite de ces arrangements, le général Damrémont, qui avait pris posses-
sion d'Oran le 4 janvier, quitta cette ville dans tes premiers jours du mois sui-
vant, après y avoir installé le klialifa {lieutenant) du bey Ahmed, Le vieux bey
Hassan, lassé de son pouvoir'.usé, s'était retiré ù Alger, d'où il partit bientôt,
avec le général Clauzel, pour se rendre a Alexandrie, puis à la Mecque, où il
mourut,
Le ministère désavoua les actes diplomatiques' du général en chef, comme
entraînant une aliénation trop complète des droits de la France sur l'occupation
de l'Algérie, et comme n'assurant pas au Trésor un revenu proportionné avec,
les ressources présentes et à venir des territoires concédés à la régence de Tu-
nis, 'L'ancien bey de Constantine profita de ces.difficultés pour accroître ses

t Le ministère des nflalrcs étrangères n'eut point, en cette occasion, la gh/lre d'avoir éloigné, par sa diplo-
matie, l'Invasion marocaine. Cette retraite n'est due qu'à dos circonstances fortuites ; et noire politique de
temporisation,n'eut de longtemps obtenu.un tel résultat, si desmouvements sérieux de révolte qui avaient
édatédaus le Maroc, n'eUssimt obligé Abd-el-llalituaii ù rappeler ses troupes, dont les exactions c'omni.eii-''
çuieut tti^jâ A it-i'ittr fiillnhicu.i lo*j hdblltitit's «|ii'nvuiii iHsiroIU-s (!i.t^i>nt
LlVUF, TU01S1KMF, H?
moyens de défense, et, bravant l'impuissant arrêté/.du i.V décembre, il recruta
des troupes d'élite, doubla leur solde, et diminua les impôts pour reconquérir
une popularité qui s'appuyait d'ailleurs sur des intérêts généraux de religion et
d'indépendance.
C'est ainsi que, subissant avec une faiblesse déplorable les mfiuences bureau-
cratiques de son ministère, M. Horace Sébastiani sacrifia les vues sages du gé-
néral Clauzel à de mesquines susceptibilités privées. Le véritable motif de
l'opposition de ce '-.ministre des affaires étrangères venait do ce -que le traité
avec Tunis ne lui avait pas été soumis avant d'être conclu. Le comté Clauzel
lui répondit, avec un extrême bon sens, qu'il ne s'était agi que de la nomina-
tion de deux beys, fonctionnant sous l'autorité de la France, et dont le con-
cours, garanti par te gouvernement tunisien, devait, on diminuant nos frais de
conquête, assurer le /'développement normal des premiers essais do colonisation.
« Prétendre, ajoutait-il, coloniser à la fois toute la régence
d'Alger, est une
entreprise au-dessus des forces du plus puissant Fiat de l'Europe ; tandis qu'en
opérant progressivement, mais avec persévérance, c'est-à-dire en commençant
par le centre de la régence, le succès en serait facile, peu dispendieux et infail-
lible '. » Les événements ont vérifié cette espèce de prédiction;
Abreuvé de dégoûts qui portaient atteinte à l'exercice de son autorité, le gé-
néral en chef demanda son rappel, et partit d'Alger, le 21 février, laissant de
vifs regrets pîtrmi la population européenne, déjà nombreuse, dont il compre-
nait les besoins, et même au scinde l'armée, dont il s'était rallié les sympathies
par su valeur militaire, son dévouement à son bien-être et sa justice 2,

COMMANOlîMENT nu oéxéiiAL lilïaTIléZÎiXIÎ.

Après l'expédition de Mcdénh, les régiments dei l'armée d'Afrique avaient


successivement quitté ce pays, ùTexccplion des 15e, 20e, 21", 28° eUo° de ligne,
des zouaves, des chasseurs algériens, de Woxw escadrons du loc chasseurs, et de
quelques troupes'd'artillerie et du génie, Le sort avait désigné les numéros par-
tanls, et la force actuelle du corps expéditionnaire se trouvait réduite, 'par les
pertes de lu guerre et les maladies, à un effectif de U, 300 hommes 9,

1 Observations du général Clauzel sur les actes de son commandement à Alger, p. 80,
ï Les indigènes seuls furent plus mal traités qu'ils no l'étaient soiis le régime turc. « Depuis la prise
d'Alger, la population musulmane qui habitait la ville était dans un état du souffrance difliclle à décrire,
D'un côté, ses ressources avalent diminué ; de l'autre, le prix des denrées avait, augmenté d'iule manière
iill'rayniitc, lieuucoup d'immeubles fuient occupés inilitaireinent et quantité de maisons démolies, pour l'é-
largissement dos rues ut la. construction des pi: ces, Cotte fureur de démolition commença sous M, de lloiir-
niont; sous M, (Haunel, uitnrroté du 20 octobre IHMJ promit des indemnités aux propriétaires ainsi dépos-
sédés, et y affecta les immeubles du domaine, Cette mesure juste et humaine ne fut p:is mise à exécution ;
un odieux esprit de fiscalité prévalut sur lés règles de l.i justice et de 1 honneur, La capitulation fut uinsi
,1'oiiléo aux pieds, » Annales algériennes, t. I, p, l'iO.)
!| On peut ajouter à cet clluctif un l'niiiassis de soi-disant volontaires parisiens qu'un aventurier, sans
mission avouée, s'était chargé d'enrôler oprès la révolution de juillet, en prenant polir lui-même le titre de
lieutenant-général, et distribuant des grades d'ollieierà tout venant, Destinés d'abord pour TKspagiie, ces
hommes furent.'dirigés plus tard sur Alger. C'était la réunton de toutes les inlhniités morales et-physique*,
Sur environ triOU qui débarquèrent en'Afrique, près du tiers fut i ni propre û tout service éirt tout t/tivail. Le
128 L'AFHIOJJE FRANÇAISE.
Le général Berthézèiié trouva les Maures d'Alger dans le découragement et la
misère. Dans la ville, beaucoup de maisons et de boutiques, unique ressource
des classes ouvrière et moyenne, avaient étéabattues pour cause d'utilité publique,
ou sous prétexte d'embellissementsprojetés. Hors de la ville, les maisons de cam-
pagne étaient occupées ou ruinées par les soldats; les jardins restaient incultes, et
la plus grande partie des arbres fruitiers avaientété abattus et bridés, Enfin, des
Français peu dignes de ce nom, abusant de leur position, exerçaient des violen-
ces matérielles ou morales, et, ce qui est plus vil encore, usaient de fraude pour
dépouiller quelques riches habitants et s'emparer de leurs belles propriétés. A
ces causes d'un juste .mécontentementse joignaient la haine du joug étranger et
l'antipathie pour nos moeurs, qu'augmentaient encore nos airs méprisants, nos
dédains et nos Vexations de tous les instants. A beaucoup d'égards, les Maures
étaient plus malheureux que sous le régime turc,' et devaient le regretter.
Les Arabes et les Kebaïles redevenaient menaçants; lés tribus voisines de
Médéah, méprisant l'autorité nominale de Ben-Omar, notre créature, pillaient
à qui mieux mieux lé territoire de Tittori, et formaient le projet -d'attaquer 'les.
Français, s'ils sortaient d'Alger. Blidah venait de chasser honteusement le
gouverneur arabe que lui avait donné le général Clauzel. Tous ces faits, sans
ttvc d'une extrême gravité, réclamaient de notre part mie attitude énergique.
Le baron Bcrthézène s'arma tout d'abord d'une sévérité'draconienne. A la fin
du mois dé mars, tin Maure frappa un soldat, et fut pendu, Quelques jours plus
tard, un autre indigène fut trouvé nanti de quelques balles, et fusillé sans pitié.
Des Turcs dont on se défiait furent déportés, et des Arabes accusés de divers
délits périrent sous le bâton. Ces mesures d'intimidation,. que le général en chef
eut le bon esprit de ne pas prodiguer, avaient rétabli une certaine sécurité aux
environs d'Alger, et quelques tribus furent ainsi amenées à faire elles-mêmes,
dans notre intérêt commun, la police de la partie de la plaine qui s'étend du
Harateh au Hamis. Cependant, la conduite rcdcv.onuc modérée du général en
i haf- souleva tout à coup contre lui les critiques de beaucoup d'hommes cupi-
des, ceux dont la maxime est Î Malheur aux vaincus, ceux pour qui la foi ju-
rée n'est qu'un leurre, et ces essaims nombreux d'aventuriers qui, alléchés par
l'espoir d'une fortune rapide et facile, accouraient de tous les points de l'Europe
au pillage de notre conquête, Étrange contradiction de l'esprit humain I Nous par-
lions humanité, et tous nos actes étaient empreints de violence, d'iniquité, de
fraude et de cruauté..Nous voulions nous établir d'une manière ferme et stable,
cultiver les fruits do la paix, et nous nous abandonnions aux passions qui nous
ont fait perdre nos possessions d'Asie, Madagascar et Saint-Domingue ! Les
meurtres atroces, tes malheurs effroyables, les terribles représailles, qui ont
suivi partout l'avidité des spéculateurs, n'ont pu nous instruire, tant l'attrait
du lucre peut obscurcir la raisonI Jugeant, tout avec nos préjugés, nous crûmes,'
en prenant possession d'Alger, que, sous te despotisme des Turcs, le droit de

général Clauzel les avait répartis, en subsistance, dans les cadres des bataillons de zouaves j ceux de leurs
officiera qui n'avalent point de titre légal furent indistinctementadmis h l'emploi du sous-lteu tenant ; et
nonobstant leurs réclamations turbulentes, une rigoureuse discipline les contint dans le devoir ; et après les
épurations convenables, on utilisa'cou éléments pour former le 07e de lieue. (Vole Dix-huit mois à Alger,
par le général fierthézène, p, 181.)
hlYUE TltOtSlï'M!:. H\t
propriété était inconnu, et que, par suite, tous les biens appartenaient a l'Etat.
On fut bien surpris d'apprendre (|uc, parmi ces Arabesque nous flétrissons du
nom de barbares, la confiscation des biens n'est pas la Conséquence nécessaire
'.d'une condamnation politique, et quota, pas plus que chez nous, la violence ne
fait pas le droit \
Et néanmoins, dans l'origine de notre conquête, il se fit une .multitude de
transactions « que Ton peut hardiment qualifier de vols. Les propriétés desTurcs
en furent d'abord l'objet. Quelques intrigants maures et chrétiens parvinrent à
extorquer à M. de Bourmont l'ordre d'expulsion de cette milice, sous le prétexte
qu'elle conspirait,* comme si les débris de G,000 hommes, décimés par la
guerre, désarmés, et dont nous occupions les forts avec 3T,000 soldats, pouvaient
être dangereux. Ceci avait lieu précisément au moment' où cette milice avait
manifesté la volonté de se mettre sincèrement à notre solde et de continuer lu
domination pour notre compte, Les biens de ces malheureux furent, pour ainsi
dire, arrachés; te séquestre les frappa,-et ceux qui avaient été oubliés, poussés
"parla, force armée sur les navires qui devaient les conduire dans l'exil, se virent
contraints d'accepter les conditions que leur faisaient des misérables, tenant un
contrat à signer d'une main et quelques, éeus.do'l'autre. Ce mode d'achat trouva
bientôt des imitateurs. D'autres intrigants, cil répandant de faux bruits parmi
la population indigène, en déterminèrent Une partie à émigrer, en vendant à vil
prix des immeubles d'une assez grande valeur. Un obstacle s'opposait à ces ven-
tes : la plupart de ces immeubles étaient substitués à la Mecque ou aux corpo-
rations ; mais l'esprit inventif des acheteurs trouva un moyen ternie, qui fut. d'a-
cheter à rente perpétuelle. Les Maures ne crurent que louer ; mais its vendirent
en réalité, puisque, par l'astuce des contrats, ils ne pouvaient plus rentrer eu
possession de leurs biens, Depuis, le domaine, qui s'adjugea l'administraliondos
biens des corporations, de lu Mecque et des'mosquées, en même temps qu'il prit
possession des biens du beylik (l'Etat), a adopté ce mode de vente en renies;
seulement il y a introduit l'enchère.; Au premier abord, ces rentes paraissaient
rationnelles et justes; mais il n'est pas"difficile d'expliquer comment ce mode,
habilement exploité, a placé l'administration eu tête des agioteurs et des acca-
pareurs.
« Dans un pays dénué de tout ce qui est de première nécessité pour la vie eu-
ropéenne, et où, tout a coup,débarqua une armée nombreuse, traînant à sa

1 en existe une prouve frappante. —- Dans le cours de son règne, de douze ans, ta politique de Itussoin-
11

l'acha ne lui fit comtnetlre qu'un meurtre, dont la victime fui Yahïa, ngha des janissaires, Cp ministre avait
des sentiments ('levés et tm'ditalt une réforme dans l'ctatsocial do la régence, 11 cuit que le principal moyen
d'y parvenir sans secousses était d'encourager l'agriculture. Mans ce dessein, il b.Uit à ses frais, sur la rive
droite du llaratch et picsde sou omboichnre, cet o belle fernio dont nous ayons fait une .espèce de fort;
sons le nom do Maison^t'arrée, Ynlii'it pensait que cet établissement, destiné i\ l'éducation des bestiaux,
servirait h fixer nu sol les tribus nomades de lit Mélldjah. Hussein prit ombrage do ses projets, et l'exila h
nildah j peu de mois'après, Il lui supposa des rapports criminels avec les Arabes et résolut de s'en défaire,
Il charge i quelques-uns de: ses amis de lui t orlcr le fatal cordon ; en le recevant, Yahïa se plaignit del'in-
justice et do l'ingratitude do son mnUre, et prédit sa chute prochaine; puis il passa le cordon autour de
sr.n cou, ta coucha par terre, et pria ses amis de ne pas le faire soullVIr.. — Cette ex'ciition nous révolte et
nous eriorts à la barbarie. Cependant olU; est moins dégnclantu pour l'espèce humaine que ces muehlnaliotis
sourdes ot ces pièges tendus à la bonne foi qui, datisles payKc,ri.,//iVi.(i;, sont trop nnivent la base et le grand
ressort do lu politique, La veuve et les enfants île Yahïa ne furent pas dépossédés par Hussein. Noire occu-
pation les réduisit plus tard ;ï la Uii>ère, ^Voviit Dif.hiiit mois- il Aigre, par le général Ilerthozètte, p. la.'
17
toO L'A K1VIQI1E Fit ANC AISE.
suite une population civile, il était hors de doute qu'il il grand mouvementcom-
mcrciai allait naître ; c'est ce qu'avait prévu la direction des finances. Pour la
première fois, peut-être, on vit le fisc, sous toutes ses formes, précéder, pour
ainsi dire, une armée agissante. Avant que le gouvernement sût si Alger ne se-
rait pas un lieu de passage pour nos troupes, la douane vint grever les objets de
première nécessité que quelques spéculateurs aventureux apportèrent à nos sol-
dats. Cette activité fiscale fut si grande que, lors de la prise de lîoiigio, le géné-
ral Trézél dit, fort plaisamment, -qu'il"faillit' être arrêté court dans ses opéra-
tions par les douaniers, installés à l'avance dans la villo> comme par enchan-
tement. -,
«Les démolitions considérables qu'on fit dans la partie basse d'Alger, pour
ci'éer avec le port et l'extérieur des communications carrossables, rendirent les
emplacements a bâtir rares et précieux ; au lieu de faire des Concessions, le do-
inaine les vendit à rentes annuelles et à l'enchère. Dès lors l'agiotage des terrains
.'commença ; les colons, leurrés par la facilitéde ne débourser 'aucun capital, et
comptant sur les bénéfices certains que la consomiiinlioii forcée devait leur
donner, s'arrachèrent avec''frénésie ces'lambeaux de terrains ; lès rentes qu'ils
eoiïseiitireht à payer pour lès obtenir furent énormes et les rendirent aussi
clicrs que ceux (les quartiers les plus courus de Paris, La vente à rente et a
l'enchère devint le genre de bulletin exploité par radmibistration avec autant
d'impudeur (pi'ch apportèrent certains chefs d'arfiiée daiis l'exploitation des raz-
zias et."des escarmouches. Les expropriations couronnèrent l'oeuvre; eiir souvent
les minimes .indemnités promises par les agents du fisc ne furent point payées, et
tes propriétaires se virent réduits à la mendicité, comme si la prospérité de
riîtat et les intérêts du Trésor devaient être basés sur des revenus en quelque
sorte extorqués au détriment- des citoyens attirés sur la terre (f Afrique, Nos ha-/
biles financiers pensèrent sans doute qu'une colonie, ou un établissement dans
tin pays nouveau, est une ferme dont l'Etat doit retirer le tant pour cent, Mais
ils commirent une erreur; une colonie est un débouché pour ..le. trop plein de ht
population ; c'est un moyen de procurer du bien-être aux hommes que la misère
polisse trop souvent dans les complots, L'Algérie promet, dans l'avenir, des
huiles, des soies, des laines que l'étranger nous fournit à grands frais, et peut-'
être des richesses minérales incalculables. Elle promet une botiue solution au
problème de la loi sur les céréales ; mais il faut la laisser-grandir.sans l'épuiser;
quand elle sera riche, quand elle vivra de sa propre vie, alors il sera temps que
le fisc vienne s'y asseoirl.»
Ce déplorable état de choses, dont tous les germes n'avaient pu éttore sous
l'autoritévigoureuse du cointe Clauzel, se développa rapidement autour de son
successeur. Le général llerlhézènc, bien que revêtu des mêmes pouvoirs, n'a-
vait point celtemain de fer nécessaire, ù ht répression des abus; c'était un
'homme de la plus .haute probité, jointe à des vues éclairées qui tendaient à l'a-
doption d'un système pacifique, le seul (pii dût. assurer la sécurité publique et la
prospérité de notre établissement, en faisant cesser les plaintes des indigènes et
en établissant avec les tribus extérieures des relations plus durables que celles

C'tSUlV.) .;'''
i L'Algérie prise au sérienr, par Leblanc do t'rébois, capitaine au corps royiit d'état-liinjar, (f, \'àï>
L i Y n i?: :rr n o i si m
qui avaient existé jusqu'alors. Le nouveau général pensa qu'une, conduite rég'éo
par lajustice la plus rigoureuse était le moyen le plus efficace pour parvenir à
ce but; qu'avec des peuples de moeurs, d'opinions, de préjugés et de religion si
différents des nôtres, nous ne.pouvions.avoir d'abord qu'une seule idée com-
mune, celle de l'équité ; que les'Maures, par leurs relations habituelles, étaient-
le lien et l'intermédiaire nécessaire des rapports qu'il 'devenait urgent de créer;
enfin, portant ses regards dans l'avenir, il lui sembla que la conservation d'Al-
ger dépendait de ces rapports, et qu'eux seuls pouvaient la préserver du sort
qu'avaient éprouvé Malte et les îles Ioniennes.'.'Mais les hommes'.qui.remplis-'
saicnl les emplois civils n'avaient, avec la nouvelle autorité, rien de commun
dans les vues ni dans les principes. Loin delà, ils voyaient avec regret et cha-
grin jours projets menacés, et leurs espérances s'évanouir; et dès lors, au lieu
de pouvoir ou de vouloir lui offrir un concours utile, ils s'attachèrent à en dé-
crier sourdement les actes, et à en paralyser l'action par une inertie ou des luttes
calculées. Les agents des finances, correspondant directement avec leur minis-
tère, se coalisèrent pour agir en .dehors du pouvoir du général-on chef. De celte
prétention naquirent des conflits qui allèrent fort loin '. L'administration supé-
rieure fut baHue en brèche par quelques ambitieux qui voulaient exploiter le
pays sans contrôle, tandis que tous les actes de M. llerthézènc, inspirés par
cette sincérité, cette droiture, qui ont leur .source, dans l'amour de la justice et
d'ans un rare désintéressement3, devenait te point de mire de critiques envieu-
ses, passionnées, aveugles, qui devaient bientôt nous conduire aux plus funestes
résultats.
On doit ù ce général plusieurs travaux utiles pour, la réparation du port
d'Alger; le déblaiement et l'assainissement de Ja ville; la 'création d'abat-
toirs, de moulins, de casernes, d'un lazaret et, du camp baraqué de Mustapha-
Pacha. Plusieurs routes 'furent projetées et tracées ; les hôpitaux s'agrandirent ;
la Kasbah et les forts voisins de la place purent recevoir, des garnisons plus
nombreuses et mieux installées. Tout cela fut l'oeuvre de quelques mois, et jus-
tice ne put être refusée à l'auteur de ces améliorations que pur les spéculateurs
auxquels il dédaigna de servir de compère V. '
L'année d'Afrique se trouvait alors composée de trois brigades, mus les or-
dres des généraux Buehet, Feuchères et lîrossard, Le général Danlioii comman-
dait la place d'Alger. M1. Ilertliézène avait-pour chef d'élat-majtjr le colonel
Duverger. M. llonduraud remplaçait'le baron Yollund dans les fonctions d'in-

t «On m'a assuré qu'un agent supérieur do l'administration avait déclaré qu'il ferait fermer soi bureaux
au général on chef s'il s'y présentait, » {Alger sous la denlinalion française, par le baron l'ichoti, conseiller
d'Ktat, intendant civil de l'Algérie, p, 11.)
2 Donnons une seule preuve entre toutes de la haute dignité que M, lieilhézine apporta dons l'oxorcho
de son pouvoir. 11 refusa do donner tison beau-frère un emploi lucratif occupé par un homme contre lequel
s'élevaient beaucoup de plaintes, mais qui ne lui parurent pas niffisuiutucnt. prouvées
3 II fui activement secondé par M. l'Intendant'tu chef Uoudurand, déjà connu ttti' lu sagesse avec la-
quelle il administra la province d'Aragon sous le maréchal Si ehel, On doit aussi à M. Eloiidunind la créa-
tion d'un hôpital d'instruction à Alger. Cet établissement, d'une haute importance, a peur profcsseuis les
olllclcrs de santé de l'armée, parmi lesquels II faut citer le docteur liaudens,-qui s'est acquis une réputation
européenne, MM. les llmtonaiits-colono'.sLcmcrcler et Admirau't, du génie et de l'nttillcrle, dont le zèle
pour le bien public égale la capacité, et un ingénieur de la marine, M. Noël, dirigèrent les travaux avec
autant de savoir que de' rapidité,
152 L'AFRIQUE FUANÇAISK.
tendant en chef; mais ce fonctionnaire avait, dans une partie de son emploi,
plus de bon vouloir que de capacité, et l'administration militaire, placée sous sa
surveillance, en profita largement pour s'enrichir au détriment des soldats '.
Dans les premiers jours de mars, le général en chef fit une excursion dans la
Métidjah, visita Blidah, Koléah, et reconnut partout une parfaite sécurité. Les
habitants nous offraient des vivres en protestant de leur bonne intelligence, et le
chef du service topographique obtint même, a Koléah, de passer plusieurs heures
sur le minaret de la mosquée, pour rectifier quelques opérations géodésiques,
Mais, au mois d'avril, quelques hostilités inquiétèrent les tribus qui commer-
çaient avec nous. Les Beni-Msrah, qui habitaient les hauteurs de la rive gauche
du Harateh; lesfieni-Salah, des montagnes au nord de Blidah, et les Beni-Mcs-
saoud, qui occupent le revers méridional des mêmes montagnes, coupèrent nos
communications avec cette ville. D'autres tribus vinrent attaquer le marché des
Beni-Moussa, sur la rive droite du Harateh, et celui de Bou-Farik, au milieu de
la plaine. Ces insurgés défendaient avec menaces à leurs compatriotes de nous
apporter des vivres. Enfin, le kaïd des Krachelias, Mohammed-ben-el-Amri,
nommé par nous, étant venu à Alger offrir quelques présents à notre prétendu
agho, M. Mendiri, fut assassiné à son retour, comme traib'e à son pays.
Le général en [chef comprit la nécessité de réprimer ces troubles; il partit
d'Alger le 7 mai, avec 4,000 hommes, et se porta dans l'est vers l'embouchure
duHamis, dans le dessein de remonter cette rivière jusqu'à sa sortie des monta-
gnes, et de côtoyer ensuite le pied do l'Atlas jusqu'au territoire dos Beni-Msrah
et des Beni-Saluh, où fermentait la révolte ; mais l'intempérie de la saison ne
lui permit pas de suivre entièrement ce plan. A l'approche de l'armée, là tribu
d'El-Ouffnt â> accusée du meurtre du kaïd, prit la fuite. Le général autorisa la
' « La correspondancede l'état-majoi' constate qu'à diverses époques, surtout a celles du renouvellement
des généraux, des reprochestrès-graves furent adressés à l'intendance. .Depuis longtemps, ce sont les comp-
tables eux-mêmes qui fournis.ent les viandes, moyennant un abonnementdont len clauses Eont toutes h leur
avantagé. Chaque comptable a auprès de lui .quelques bêtes éttquos qu'il ne iiourt It pas, et qu'il fait abattre
quelques heities avant le moment où elles devraient mourir d'inaiiilion. L'oeil oit attristé n la vue do ces
squelettes ambulants qui se traînent autour dos demeures de nos comptables, et que l'on destine à lit nour-
riture de nos soldats, Un général a avoué en les voyant que l'existence de tes ombres do troupeaux. îulmi»>
nistrutlfs sufllrait, eu bonne tè^lc, pour motiver ta'destitution d'uii intendant. Mois, ce n'est encore rknj nos
boucheries militaires sont si mal approvisionnée»,même de mauvaiseviande, par les moyciiB employés par
l'administration,qu'a la moindre baisse dans les airivages des Arabes, on est obligé de diiuinuer lu ration,
et que même, plusieurs fois, In viande a complètement manqué, Les comptables, qui. ont un intérêt personnel
a.acheter bon marché, ne se pourvoient que do mauvaisesbêles, quelquefois malades, ou de bétes volées,
'-qu'ils ont, .par cela même, à bon compte (de sorte que notre administration nillilulro donne des primes d'en-
couragement pour le vol aux Arabes eux-mêmes. Itnchef do bureau arabe, pour avoir soulenu avec ehulcur
es droits de propriétaires Indigi'ncs et européens, qui avaient reconnu du bétail à eus appartenant dans le
troupeau d'un comptable, s'est vu ucciiBer par l'adinlnisiratlon de nuire à l'approvisionnementde l'année,
parce qu'il voulait que le bétail volé fût rendu. Voilà'donc une administration qui livoiio que le recel est
mis par o!io au nombre des moyens employés pour noiitrir l'armée dans un pays odnous iirétciidoiisinlro-
dulre la civilisation et faire cesser le brlgandagol n (Annales algériennes, par H. l*ollissier, capitaine nu
corps royal d'état-major, 1.1, p. 172,) — Je lie saurais ulllrmer que cet état do choses ait beaucoup changé j
les mêmes
car, pendant mon séjour eu Afrique (l«i;i et 1811), j'ai entendu bon nombre d'olllc ers former
plaiuios, et J'ai vu plus d'un 'comptable afficher un luxe et des dépenses auxquels M:n traitement lie devait
: pus
suflirc. '-."'
l'éducation des bcslluu.v ;
•2 Cette tribu inoiTetisive, et qui lie nous fut jamais hoslilc, ne s'occupait qUc de

elle fotirhis'uilt Alger de beurre et do Itilt, et les prollts qu'elle relirait de son commerce avec lions excitèrent
souvent la cupidité de ses voisins, t'itlslours fois elle fut Obligée de chercher protection solis nos postes, Kilo
a été exterminée, en 1812,' scus des prétextes qui tnc paraissent vains, (Dix-hnil mois h Algcr,\>i\tle générai
fijrthézôm;, p. 211,)
LIVHE -.TROISIEME.-. 155
famille d'El-Amrià garderies troupeaux des émigrants jusqu'à ce que le cou-
pable fût livré ; ce qui eut lieu quelques jours après, niais quand il fallut prou-
ver le meurtre, on ne trouva pas de témoins.
Le soir de cette première marche, un orage effroyable, et qui dura sept heu-
res avec une violence telle que des chevaux d'artillerie en furent culmines, ren-
dit le parcours de la plaine impossible. L'armée, forcée de rétrograder a travers
un lac de bouc, gagna la tribu des Bcni-Salah, qui avait."massacré un cavalier
de notre agha. Ceux-ci demandèrent un jour pour livrer le meurtrier, et profi-
tèrent de ce délai pour se jeter de l'autre côté des montagnes. Le général en
chef, voyant qu'ils s'étaientjoués de lui, fit saccager, leurs plantations, et conti-
nua sa route jusqu'à Thiza, l'un des sommets les plus élevés du Petit Atlas.
Parvenu sur ce point sans rencontrer de résistance, il se vit arrêter par un
brouillard si'épais, qu'il fallut se décider à la retraite. 11 descendit auprès de
Blidah, dont les habitants lui envoyèrent des provisions, et rentra dans Alger
le 13 mai. Cette course, qui n'eut pas do résultats éclatants, nous procura
du moins la connaissance dos richesses agricoles de la plaine. Sarts contester
l'utilité et quelquefois la nécessité de ces expéditions, il est permis de penser,
avec le général Berthé/.èiie, qu'elles doivent être peu fréquentes ; car, outre
l'inconvénient de fatiguer les troupes et d'augmenter considérablement le nom-
bre des malades, elles inquiètent les Arabes et les tiennent dans un état conti-
nuel d'agitation et de méfiance'.
On s'était flatté que la légère punition infligée aux Beni-Salab servirait d'a-
vertissement aux tribus de Tittori, dont cette tribu est voisine; cette illusion ne
tarda guère à se dissiper. Le fils du bey déchu avait obtenu, au commence-
ment de février, la permission de retourner à Médéah. Le caractère de co
jeune homme, l'influence que lui donnaient sa fortune, ses alliances elle souvenir
de la puissance de son père, en firent naturellement un chef de parti, dans un
pays où l'on comptait beaucoup de Turcs ct.de Koulouglis. Il intrigua d'abord
sourdement contre le bey Omar, et prit bientôt une attitude hostile si mena-
çante, que notre allié fut réduit à s'enfermer chez lui sous lu garde de quelques
habitants, et à réclamer la présence de nos troupes. Le général en chef, bien con-
vaincu (pic toute expédition sur un point éloigné est au moins inutile, quand on
n'a pas les moyens de s'y établir fortement, trouvait un autre inconvénient
dans cette expédition faite au mois de juin, et qui n'offrait d'autres résultats

1 Ces réflexions n'ont lien perdu de leur actualité. » Le général Dugcaud a leuu la campagne avec une
activité inconnue jusqu'à lui j ses qualités nous ont amenés à faire une triste, mais utile expériencei c'est que
cette activité u la.guerre/qui partout uillours est uno grande chance do succès, devient au contraire, tn
Afrique, une cause do ruino et do mortalité. Les hôpitaux d'Afrique oll'relit un aspect désolant ; presque pas
do blessés, mais parlent des fiévreux et des dyssenterlquos. Les ilgures inanimées des malades portent l'em-
preinte du désespoir et de l'épuisonietit. Ce ne sont pas seulement les soldats qui succombent, ce sont moine
les personnes qui sont dins les meilleures conditions de fortune pour se procurer tout ce qui pcutcontilbuer
à la Riiérlson. Cette ellïayantu mortalité produit des cllots tristes ù rcvcliv i h; dégoilt s'empare des olflcicrs,
le suicide gagne l'armée, nos t alalllons sont réduits de moitié j bien peu de militaires conservent cet enlhoii-
siasme qu'on remarquait au commencement do lit conquête. La mort pur le feu de l'ennemi est devenue ex-
trêmement raie; c'est donc sur des monceaux de cadavres exténués de misères que se base l'avancement
des hommesqui exploitent l'armt'o, et 'c'est cependant sur cet horrible piédestal qu'ils comptent continuer a
s'élever. Le gouvernement; en favorisant cette soif égoïste d'un .avancement assez médiocrement gagné, coii-
tlnuera-MI a se rendre complice des malheurs qui accablent l'arme'es d'Alriqtiot L'avenir nous l'apprendra,»
[L'Algérie prise du strieur, par Leblanc de I'rébois; capitaine au corps royal d'état-major, eh lit, p. 57.)
154 Ï/AE1UQUE KIUJNÇAlSE.
que celui d'encombrer de malades les hôpitaux ; et cependant le désir (qu'il re-
gardait'comme' un devoir) déporter secours à un homme qut tenait son pou-
voir de la Franco fit cesser ses hésitations. I) partit d'Alger, le 25, avec
4,5p.o hommes, commandés par les généraux Fciichôrcs et Buchet, avec huit
jours de vivres et une réserve de 7,0,000 cartouches. Le trajet s'accpinplit sans
obstacles. Les Turcs et les Kpulouglis avaient abandonne Mécléah; trois cents
cavaliers arabes, qui semblaient nous attendre sous les murs, furent chargés et.
dispersés pur deux escadrons de nos chasseurs. L'armée campa au- nord de ht
ville, où l'on ne fit entrer qu'un bataillon.
L'éloignement des tribus laissant juger au général en chef que sa retraite
ramènerait les hostilités autour de Médéah, ij envoya, le 1er juillet, (j bataillons
dans les montagnes d'Ouhara. Cette expédition, conduite par l'agha Mendiri,
fournit a cet officier de gendarmerie l'occasion de faire main-basse sur des ar-
bres et des champs de blé qu'il ravagea tout un jour. Cette stupide dévastation
n'était point propre à calmer les Arabes, et, lorsque la colonne reprit' la route
de MédéalL, dix tribus la poursuivirent chaudement et rendirent notre démons-
tration inutile. L'effroi régnait dans la ville, les-vivres et les munitions de l'ar-
mée touchaient à leur fin; et, le 2 juillet, le général en chef dut ordonner le
départ des troupes. Le bey Omar et ceux des habitants qui s'étaient dévoués a
son infortune déclarèi'ent qu'ils ne pouvaient rester seuls, et l'on fut obligé de
les emmener.
A cinq heures du soir, heure choisie pour rendre plus court un combat inu-
tile, l'armée se mit en marche, harcelée à l'urrière-gurde par les rassemblements
arabes qui nous avaient ramenés du plateau d'Ouhara, Parvenue, à huit heures,
au bois des Oliviers, elle en repartit a o.n/.c. Divers avis informaient le général
en chef que les 'Pures et diverses tribus, réunis aux Mouza.ïas et aux Soiiniiitas,
devaient, pendant la nuit, occuper le long .défilé qui mène au Téniah, et nous
livrer, à l'abri des arbres, des ravins et des rochers, un combat meurtrier, sans
danger pour eux. La célérité de notre retraite pouvait seule prévenir ou faire
a vorteivce dessein,
A notre approche du défilé, quelques coups de fusil nous tuèrent trois hom-
mes ; en mime temps, des cris répétés sur toutes les montagues indiquaient
notre mouvement. L'ordre, bien suivi, de ne pas riposter, rendit presque sans
ellét la fusillade de l'ennemi. La colonne, arrivée au col avec ei.ii(| ou six blessés, "

fit halte jusqu'au point du jour, et commença à descendre le versant nord de


l'Atlas, sans avoir plus de 1,500 ennemis à tenir en respect. Mais, comme on
n'avait pas pris la précaution d'occuper suffisamment les hauteurs jiour proté-
ger ce mouvement, les Kebaïles, embusqués sur les crêtes, suivirent le liane
droit de la colone, en dirigeant sur elle un l'eu vertical et bien nourri. Le batail-
lon du 20° de ligne, qui"formuil l'arrière-garde, se trouvant trop dispersé en ti-
railleurs, et manquunt de direction par la faute de son chef, qui, légèrement
blessé, négligea, en se retirant, de remettre son commandement a un autre offi-
cier, fut saisi tout à coup d'une panique, et se replia eu désordre sur le gros de
la cploiuic déjà entamée par les Kebaïles. Cette secousse démoralisa les soldats;
les régiments, les compagnies se confondirent, et ce pèle-mèle de fuyards cou-
rut en désordre jusqu'à la ferme de Mouzaïa. Dans ce moment critique, le .chef
LIVRE TROISIÈME.
''";::/": tSM -:

de bataillon Duvivier sauva l'armée, en se jetant, avec les zouaves et les volon-
taires parisiens, en dehors du flanc droit de la colonne, et soutint, avec celte
faible troupe, les efforts des Kebaïles; comhattant pied a pied avec nue valeur
héroïque, il dégagea une pièce d'artillerie renversée qui n'avait plus pour dé-
fenseur que te brave commandant Camin.
L'ëhneini s'arrêta au pied des montagnes ; mais, cii -.débouchant"-dans la
plaine polir réparer son désordre, l'armée française la trouva couverte dé cava-
liers. Le jeune officier qui vint en prévenir le général en chef lui dit avec émo-
tion : a Ils sont des myriades I» Toutefois, les soldats, honteux de leur pa-
nique, voulaient reprendre une glorieuse offensive. Arrivés à neuf heures sur lu
lisière de la plaine, ils se reposèrent jusqu'à six ticures du soir, et se remirent
On marche, formés en colonne double, et traversèrent daiis cet ordre, sans être
inquiétés sur leur front ni sur leurs flancs, la vaste étendue qui conduit au gué
de la Chiffa, s.iir la route d'Oran' ; mais, selon lcitr coutume, les -Arabes chargè-
rent plusieurs foist'arrière-garde. Le colonel du génie Lemcrcier cl le cnpifaiiie
Sairit-Hippolyte, aide-de-camp du général en chef,/eurenttcllrs chevaux blessés.
Le général Feiielières repoussa les assaillants et les tint a distance,
Le lendemain, quelques tirailleurs se -montrèrent aux environs du ruisseau
de Bou-FaiiU, mais hors de la portée du canon, La division rentra à Alger le
5 juillet, sans' autre perte que 55 morts et i90 blessés. Celte expédition
donna lieu à des critiques outrées. La vérité est que des fautes furent coinnii-
ses, et que les Arabes purent dès lors se persuader que nous n'étions pas invin-
cibles; mais jl nous semble au moins étrange que des militaires se soient rangés,-'
en cette occasion*-'parmi les détracteurs du général ou chef, On exagéra même
les pertes de l'armée avec une telle perfidie, qu'il fallut/menacer, par un ordre
du jour, do traduire devant un conseil de guerre les auteurs do ces calomnies,
qui île tendaient a rien-moins que détruire la'discipline, et la confiance des
troupes \'\./"'
Sans nous associer aucunement à des insinuations'.qtio.repousse',1c iipble ca-
ractère du général Berthézèné, nous croyons que le malheureux'incident de
la retraite de Médéah put .encourager, les tentatives menaçantes que tes Arabes
renouvelèrent bientôt. Vers le to-juillets le fils de l'ex-bey Bou-Mezrag vint
.'camper à lîoti-t'arik, tandis.que Beu-Zainoun. avec les Kebaïles de l'est,-, pi'o-
naît position stir là" rive droite duIturuU'h, De nombreux maraudeurs parcou-
raient le FnhS (banlieue d'Alger), et la terreur, grossissant, comme toujours, le
véritable danger, ramenait les colons dans la ville. Le petit-fils d'un marabout
Vénéré, Sidi-Suudi, arrivait, disait-on, de Itvouriie, ou le dey Hussein s'était re-
tiré, cl prêchait l'insurrection. Ce fanatique faconlait que le Prophète lui avait
apparu pour prédire la ruine des Fran.e:tis'; cent liouris-étaient promises h eha-
;

qur guerrier qui suceombéiait dans la lutte, et mille.iiiôwl fidèle croyant qui
tuerait un chrétien.

' l'ut tiiclre 'dû jour red itdda l'activité tic la malveillance, et lui -.prêta les hohaiabtes apparences de lii
,f. utic.hl.su pm'sécuti'e, i)u simple so.i.s-llcuiunant, mandé chez le gi neral tlerihf/.eriu'. (;o..r dis piopis d'une
singulière inconvenance, sa.ulint ce qu'il a\ait avancé, et mit le géneuat aii ~iïtift de le tradnlic devant un
conseil de guerre. (Voiries Annales algériennes, t. ter, p. âlî.Vt'ut officier.appartenait,sans doute, il ces
volontaires parisiens qui tle se foriliofent qii'a.yee iete.npsuu respect lie t,i discipline.
Iô« L'AFRIQUE l-'RAISÇAiSE.
Le générai en chef essaya tle combattre le fanatisme avec ses propres armes.
Le titre d'agha des Arabes, que M.-Meiidiri'était si peu propre à faire respecter, fut
donné à un marabout de Koléah, jouissant d'une haute réputation de sainteté,
et non moins recommandable passes alliances. L'élection d'Ei-rladji-Mahidiu-
bcn-M'BfU*ek, proposée par les Maures d'Alger, fut assez heureuse pour attiédir
les dispositions belliqueuses de plusieurs tribus ; c'était, au reste, un homme
honnête, et qui, moyennant 70,000 francs de traitement, consentit ù nous gaV
raidir la possession de quelques lieues carrées. Nous n'en eussions pas été ré-
duits là, si le gouvernement avait su ce qu'il voulait faire de sa conquête.
Cependant l'ennemi ne se retirait pas. Le 17, Bcn-Zumoun lança trois mille
hommes contre la ferine-modèle que défendait le 30° de ligne. La brigade
1

Feuehères marcha au secours de ce poste, et, à son approche, les Kebaïles se


retirèrent. Le 18, au point du jour, le général en chef marcha lui-même vers le
llnmma; Ben-Zamoun, menacé sur son front et sa droite par les 0 bataillons
venus d'Alger, et sur sa gauche par la garnison de la ferme, qui fit une sortie
sous les ordres du colonel d'Artanges, rie put tenir longtemps contre une attaque
vigoureuse, et perdit plus de 4 00 hommes : nous n'eûmes que 8 morts et 30 blessés.
'.Pendant qu'on le poursuivait, l'avant-garde des bandes de Tittori, conduite par
le fils de Bou-Mezrag, se portait en embuscade sur la route de la ferme à AU
ger. L'artillerie, à son retonr, fut attaquée près de Birkadem, vers dix heures du
soir; mais le sang-froid du colonel Admirault, qui eut un cheval blessé sous lui,
prévint tout désordre et rendit Ce coup de main inutile, Le 19, la ferme fut at-
taquée de nouveau; le 20, un convoi, escorté, par un demi-bataillon du 07e de
ligne, fut ni's.en déroute et ne dut son salut qu'à un détachement du 30° qui
accourut le dégager ; le "21, le général Feuehères eut à sotilenir un rude combat
sur les bords de l'Oued-el-Kerma, et l'arrivée du général en chef avec 4 batail-
lons décida la défaite de l'ennemi, qui s'enfuit dans foules les directions. L'in-
fanterie campa près de Bir-Touta [le puits des mûriers), et la cavalerie se porta
jusqu'à' Sidi-Haïd, près de Bou-Farik. Pendant ces luttes partielles, les Arabes
perdirent « à soo hommes ; nous comptâmes 28 morts et 124 blessés. Mais un
ennemi bien plus dangereux et plus difficile à vaincre étaient les maladies nom-
breuses qui décimaient l'armée. Deux mosquées, la caserne Bab-el-Oued et tes
agrandissements de l'hôpital'do' la'Salpêlrière, ne suffirent pas pour recevoir
tons ceux qui en étaient atteints; ce fléau ne diminua qu'au mois d'octobre.
Depuis la fin de juillet 1831 jusqu'à la fin de décembre, les hostilités cessèrent
entièrement 2. Les Arabes reprirent, le chemin de nos marchés avec une af-

» Le général Clnuitcl avait autorisé la création d'une forme expérimentale, pour servir du régulateur a
tous les établissements agricoles qui viendraient se former en Afrique. Il choisit polir eet objet le ttaouth-
Jtasian-Pàehd , qui fut loué aux spéculateurs sous le bout du ferme moditet Balle nu pied et sur le revers
méridional des hauteurs de Kouba, cotte ferme n'offrait point les variétés de site nécessaires nu but qu'on
se proposait i mais, en revanche, elle jouissait d'une réputation d'insalubrité bien connue des Arabes.
Comme poste militaire, elle ho valait pas mieux ! car elle ne commande aucune des route qui débouchent,
dims lu Métidjah j on ne peut l'utiliser que comme mtigaslns de vivres pour les expéditions qui opéreraient
dans lit plaine. Lu choix de nette localité eut encore le grave inconvénient de fatistor les idées des premiers
colons, ett les dirigeant vers In Mctldpdi, lorsque tout leur faisait un devoir du cultiver les environs d'Alger,
cl d'al'er progressivementdu centre a la circonférence.
,
ï Nulle nouvel aghu Mahlddin sut maintenir In paix, par l'intégrité de EOII administration, et le respect
que, de temps Immémorial,les Arabes portaient à la famille des M'Ilnrek de Koléah, dont il était le chef
LIVRE TROISIÈME. 137
fluence extraordinaire. Les Maures, émigrés au commencement de la conquête,
rentraient dans leurs foyers ; les tribus de Staouëli revenaient y dresser leurs
tentes ; les routes étaient sures ; les indigènes eux-mêmes ramenaient nos sol-
dats égarés, et les Européens pouvaient vaquer aux travaux agricoles avec une
entière confiance. Un accord tacite semblait régner entre les Français et les
Arabes, et nul doute que cet état de choses no fut devenu prospère, si des in-
trigues ministérielles n'avaient sacrifié te général Berthézènc à un nouveau
système administratif, dont le chef débuta par les actes les plus funestes ù notre
gloire. Mais, avant 'd'examiner cette nouvelle période de la conquête, il faut
reporter nos regards sur la situation des villes de Bone et d'Oran.
Tandis que les nécessités de la politique et de la guerre retenaient a Alger le
générai en chef, les communications avec la province d'Oran devenant de jour
en jour plus difficiles, le gouvernement divisa le commandement de l'armée, et
dégénérai Boyer fut mis à la tête de la colonne qui se maintenait à Oranavec les
faibles ressources de 1,300 hommes. L'insurrection des tribus de cette province
se composait de forces nombreuses, mais désorganisées. Parmi-tant de chefs
armés, pas un n'avait assez de génie ou de puissance pour imposer aux autres
son autorité; ils se faisaient incessamment une petite guerre de voisinage.
Ainsi, les Maures ou l/adars étaient maîtres de Tlemcen ; mais les Koulouglis
tenaient la citadelle [Méehouar), et les hostilités se perpétuaient avec des chances
diverses. Sur d'autres points lesHadarset les Koulouglis se partageaient le pou-
voir; et parmi les tribus qui entourent Maskara, l'ascendant religieux du mara-
bout Mahi-Eddin préparait déjà cette ligue arabe dont son fils Abd-el-Kader est
devenu le représentant, Les débris des vieilles milices turques s'étaient concen-
trés dans les trois villes de Mostaghanem, Maskara et Tlemcen, pour résister
aux Arabes de la plaine. Maskara, bloquée par, la famine, leur ouvrit ses portes
sur la foi do perfides promesses, vit égorger ses défenseurs, et devint, entre les
mains des Arabes, un centre d'action contre nous, Mostaghanem et Tlemcen
étaient menacées du même sort; le général Boyer prêta un secours d'argent aux
milices turques pour encourager leur défense. Sous la protection d'un bâtiment
de guerre en station dans le port d'Ar/ew, les garnisons d'Oran et de Mers-el-
Kébir purent s'y procurer des vivres et des fourrages, Aux portes d'Oran, les
Oharabas, aidés des Douairs et des Scmélas, ne cessaient d'inquiéter nos trou-
pes; le général Boyer ne dut s'occuper (pic de réparer les moyens de défense
dont la ville était armée, Mais, opposé en tout an système loyal et. conciliateur
que suivait à Alger le général Berthezèue, M..Boyer favorisa de tout son pou-
voir celui de la terreur et des exactions les plus criantes. Peu s'en fallut même
que ce général, par une conduite qui parait sans excuse, ne nous attirât ni^
guerre avec le Maroc.
Voici le fait. Un négociant marocain, Mohammcd-Valenciano, se trouvait
établi à Oron, ou il jouissait d'une grande fortune, « Des lettres, qui lui étaient
adressées par des Arabes, et qui le compromettaient, furent interceptées. On
lui coupa la tète, au mois de septembre 1831, sans jugement, ainsi qu'à son.es-

nctuol, Quant au fils de Mustapha lion Mezi'aK, il .s'était retiré à Médéah, où bientôt ses excès seandalaUv
le firent tomber dans un tcltliseiédit, que les habitants le chassèrent, et qu'il ne lui resta d'autre ressource
,„„quejk' chercher un osiie auprès d'Uudji Ahmed, bev de Constantine.
13B L'AFRIQUE FHANÇAISLV
clnve ; on chassa de chez lui sa femme malade, et on confisqua son argent et
ses marchandises *, Cette exécution produisit, dans les états de Maroc, une
exaspération qui y mit un moment la vie des Français en danger. Le gouverne-
ment parvint à la calmer; mais, en même temps qu'il faisait respecter chez lui
le droit des gens, il demandait à la France compte de ce qu'il appelait la vio-
lation des traités, et réclamait une réparation convenable, Un envoyé, chargé
de présents, partit de Franco, dans'le's premiers jours de janvier 1832, pour se
rendre à la cour de Maroc v» Cette satisfaction parut suffisante, et le coupable
auteur du meurtre de Valenciano put donner libre carrière à de nouveaux abus
de pouvoir sur lesquels nous reviendrons bientôt,
Tandis que la province, d'Oran, si fatalement soustraite à l'influence du gé-
néral en chef, devenait ainsi le théâtre de honteux excès, celle "de. Bone, éva-
cuée au mois d'août 1830, par le général Damiémont, par ordre de M. do
Bounuont, s'était gouvernée seule depuis cette époque, Les tribus voisines, ir-
ritées de sa soumission passagère, l'avaient plus d'une fois attaquée; une cen-
taine de Turcs s'étaient retranchés dans la kasbah, sous les ordres d'un Kou-
lougli, nommé Ahmed, et réclamèrent, au mois de juillet 1831, le secours du
M. de Bcrthézône. Le bey de Constantine tenait la ville si étroitement blo-
quée, que les habitants étaient réduits à se nourrir d'écorees d'arbre. Le géné-
ral en chef leur envoya le chef de bataillon lloudcr 8, avec 125 zouaves, tous
musulmans, excepté quelques officiers et sous-officiers. Cette pelitb expédition,
partie d'Alger le 7 septembre, arriva devant Bone le 13, sur ta corvette la
Créole. Les habitants l'accueillirent avec joie; mais le chef des Turcs laissa
percer un vif mécontentement du désir qu'annonçaient les Français d'occuper
la ville. L'armée du bey de Constantine, jugeant que les zouaves n'étaient (pie
l'avant-garde d'une division, se retira à plusieurs journées de marche. Le com-
mandant français sentait le besoin d'être on possession de la kasbah ; il y par-
vint, après quelques négociations, et se crut assuré des plus heureux résultats.
Mais il y avait à Bone un certain Ibrahim, ancien bey de Constantine, où il
avait gardé de nombreux partisans, Cet homme captait notre bienveillance, à
l'aide de laquelle il espérait ressaisir le pouvoir. M, Iloiider n'hésita point a se
fier a lui; cette imprudence le perdit. Le 20 septembre, Ibrahim se présente
à la kasbah, distribue de l'argent aux zouaves et aiix Turcs, fait fermer les

l Uicn no justifiait des mesures aussi acerbes, La population d'Oran n'était pas assez considérable ni
assez hostile pour qu'il fut nécessaire de la maintenir par do semblables moyens. Malheureusement la
cruauté était systématique chez le général lîoyer, qui s'était acquis en Espagne le surnom de Cruel, délit
il était le seul à s'honurer. [Annales algériennes, t. 1er, p, 1>;M.)
« \l)i.i:~hùit mois u Alger, par le général nerthezone, p. 27(1,) La fortune de ce malheureux, confisquée au
profit do la caisse militaire, no'fut restituée par ordre du gouvernement, à ses héritiers, qu'en 18HJ. Ne nous
étonnons plus si les Marocains ont cherché tant do fois, depuis, à nous susciter dos embarras. Quand le. droit
des geïis est violé, quand lesauteuis de ce crime n'en portent pas la peine, on se met. au-dessous des peuples
qu'on appelle barbares, Au surplus, M, Boyer no fut pus coupable d'un seul meurtre, et lo duc du llovigo
se vit réduit protester par un ordre du jour contre plusieurs exécutions clandestines qui déshonoraient
11

le drapeau français.
'i Le commandant lloudcr, officier d'ordonnancedu général Guillemiuot, alors ambassadeur à Constftnti-
noplc, était venu en Afrique aiec le général Clauzel, pensant que les connaissances qu'il croyait avoir des
Mauresde l'Orient pourraient y être utilisées. C'était un homme très-actif et :'.élé, mais d'un jugement peu
sûr. Chargé de cette petite expédition, II- reçut du «éiu-rn! en 'chef le titre assez singulier de consul de
l'rauce à Uon'o. 'Annales algériennes, t, L'r, p. •J.'iî.)
UVHF TUOISIKMF. .in»
portes et arborer le pavillon musulniau qu'il assure de trois coups'do canon,
-.Le.commandant Houder ot le capitaine Bigot accourent pour protester contre
cette trahison; mais, accueillis à coups de fusil, ils sont forcés de se retirer.
Leur devoir eut été'de "s'enfermer dans la caserne du port, et d'attendre, avec
les soldats qui leur restaient, l'arrivée des renforts que M, Houder avait de-
mandés, le 21 septembre, au général en chef,'et qui ne pouvaient tarder d'arri-
ver, Celte mesure'fut négligée. Le 20, les Kebaïles se présentèrent sous les
murs de la ville, attaquèrent les portes ; le capitaine Bigot fut tué de deux coups
de pistolet ; la kasbah et l'a'ville firent feu mv'la Créole cl l'Adonis; on se battait
sur le port et dans les'rues. Le petit nombre des zouaves restés fidèles gagna
les embarcations do 'la Créole, et, dans le désordre inévitable, do cette retraite
précipitée, le malheureux Iloiider, déjà blessé deux fois, reçut, une balle mor-
telle en mettant le pied dans un Canot. Le lendemain, les briks le C/'/gne et
le '-Voltigeur, montés par le 2° bataillon de zouaves, arrivèrent sur rade; le
brave commandant Duvivier voulait enlever la kasbah, mais il ne put obtenir le
concours de la marine qui-jugeait cette entreprise impraticable'. Le même jour,
les habitants de Bone, effrayés de rapparitioii des renforts, et des suites que
pourraient avoir pour eux les événements, rendirent 32 zouaves ot 1 officier
qu'on avait faits prisonniers, et envoyèrent, pour se justifier, une députution de
trois notables qui entrèrent à Alger avec la nouvelle de notre désastre,
Le général Borlhézènc n'avait pas assez do troupes pour venger cet échec par
une occupation sérieuse, La critique s'en empara, comme elle avait exploité la
retraite de Médéah ; et, foute de savoir juger de loin les exigences matérielles
d'une conquête pour laquelle on n'avait, en Franco, ni plan-d'exécution, ni vo-
lonté décisive, on fut entraîné sur une voie d'essais sans cesse renouvelés, qui,
ne pouvant offrir à l'opinion publique que des satisfactions illusoires, devaient
nous plonger dans un chaos do vicissitudes et d'erreurs dont la responsabilité ne
pèse pas uniquement sur les généraux mis en scène. Avec des moyens plus puis-
sants que ceux dont il disposa, M. Bcrthézènc, qui avait glorieusement parti-
cipé au succès de. 1830, était fort capable de soutenir l'honneur de nos armes,
Sa haute probité et la modération de son caractère lui valurent des détracteurs ;
il se retira devant l'injustice. Mais les errements de son successeur ne devaient
pas larder à le faire regretter,

coMMANniîXUJiST no. pue niMiovroo.

M. Casimir Péricr, président du conseil, avait conçu l'idée de gouverner lui-


même les affaires d'Alger, en séparant les pouvoirs civil et militaire. Une ordon-
nance, du l 01' décembre 1831, constitua un conseil administratif, formé du gé-
néral en chef, président, d'un intendant civil, du chef de la station navale, de
l'intendant militaire et des directeurs du domaine et des finances, Une ordon-
nance complémentaire, du 5 décembre, ajouta aux fonctions du général en chef
dos attributions de haute police, Le choix du cabinet no pouvait dès lors mieux
tomber que sur M. de Rovigo *.
I Né à Sedan en 1771, entré au service on 178'3, ofilcler au régiment do Royal-Normandief( l'époque de
140 LAFRIQIJE ;piU'NÇ.\ISK. ''.. .''.''
L'armée fut renouvelée ou grande partie, cl se trouva composée des t* et 07'* 1

de ligue, du 10° léger, d'une légion étrangère, des zouaves et de;> chasseurs
d'Afrique, "dont te 1er régiment s'organisa à Alger et le 2e à Oran. Dans le cours
de 1832, une ordonnance-dû roi créa deux bataillons d'infanterie légère d'A-
frique, où furent versés les soldats qui n'avaient subi que des condamnations
disciplinaires,
Le premier acte du nouveau général, arrivé à Alger le 25 décembre, fut d'é-
tablirdes camps sur les points principaux du Fahs et du Sahel; il choisit Kouba,
Tixeraïn, Birkadem et Deihy-Jbrahim. Ces camps furent unis entre eux par une
route de ceinture. Une route plus large, celle d'Alger h Delby-lbrahim, fut
poussée depuis le fort Bab-Azoun jusqu'au fort l'Empereur ; ses travaux exigè-
rent la coupure de deux cimetières musulmans, et c'est alors que fut donné le
triste scandale d'un peuple civilisé violant la religion des tombeaux. « Au lieu de
procéder avec ordre et décence, et de transporter les ossements dans un lieu
convenable, ces débris furent dispersés au hasard, et l'on vit des hommes gros-
siers jouer ignoblement avec des têtes humaines, Dans les travaux de déblai,
lorsque la ligne, tracée impassiblement par l'ingénieur, traversait une tombe,
la pioche coupait en deux la tombe et le squelette ; la partie qui tombait allait
servir de remblai à quelque autre point de la route, et celle qui restait demeu-
rait exposée à tous les regards sur le revers du chemin, Ces sépulcres béants
étaient comme autant de bouches accusatrices, d'où les plaintes des morts sem-
blaient sortir pour venir se joindre à celles des vivants, dont nous démolissions
en même temps les demeures 4, » Ce début n'était point fait pour nous attirer
t'estime et la confiance des indigènes ; mais M. de Rovigo n'était pas homme à
en rester là,
Ce général en chef, en arrivant à Alger, avait convoqué la municipalité, ren-
forcée de quelques Maures notables. Il leur avait annoncé, comme une preuve
de la sollicitude du gouvernement, la création de l'intendance civile qui avait
pour mission de protéger les droits de tous; il avait manifesté lesintentions les
plus prononcées de modération et de justice, Tout d'un coup, on lui suggéra

la révolution, Savary s'était distingué à l'armée du Rhin, sous les ordres do Morcau. Devenu lieutenant-
colonel, il fit, comme aide de camp du général Dcsaix, la campagne d'Egypte, et se trouva plus tard iiMa-
rerigo. Le premier consul l'attacha à son état-major et le nomma bientôt général de brigade. Appelé en 1805
au commandement d'une division, il prit part aux guerres de Prusse, de Pologne,d'Espagne,d'Autriche,etc.
Créé duc de Hovigo, Il c.ccepta en 1810 le poste de ministre de la police, pou fait pour un soldat, et qu'il
conserva néanmoinsjusqu'à la chute de l'empire. Proscrit par la Restauration, le duc do Rovigo s'empressa
.'d'offrir.ses-,services à ta révolution de 1830; mais ses habitudes d'arbitraire, son inclination malheureuse à
substituer son caprice dictatorial aux volontés de |a!oi, et surtout son dernier antécédent politique, n'étaient
p»int do hat'ûie à lui concilier l'estime et la confiance de l'armée. Le gouvernement du Roi ne pouvait rem-
ployer en France, et lui accorda en Algérie les moyens de refaire sa réputation. Nous verrous bientôt combien
ces bonnes dispositions et ces espérances furent trompées.
n Quoiqu'il on soit, dit .M,.le capitaine Pellissier, pour rendre justice au général Savary, et hommage la
k
vérité, nous dirons qu'ayant parfaitement compris qu'il n'y avait de position possible pour lui qu'en Afrique,
il y arriva avec le désir de s'associer franchement au pays, et de travailler avec zèle à sa prospérité, Si les
excès de ce zèle n'ont pas toujours été 'heureux, si même ils Ont été quelquefois'funestes, c'est qu'il "est do i
qualités qu'on ne peut se donner, et des habitudes "qu'à l'âge oit était parvenu le duc de Rovigo, on ne peut
plus perdre. »
l J'roch'VeibauT. de la commiMion d'enquête nommée par le Roi, le 7 juillet 1833, p. 333, — Alger sous
lu dominationfrançaise, par lé baron Pichon, conseiller tl'Ktut, intendant civil, p.. 281. — Annales algé-
riennes, t, jl"/|lv. i.v, p, 7. '
LIVRE TROISIÈME, 11!
l'idée do pourvoir au couchage do la troupe, on demandant aux habitants
d'Alger de la laine, dont on disait qu'ils avaient abondance che/. eux, Cette
proposition vint des agents de l'administration des finances ; elle avait déjà été
faite à M. le général Iterthézène, qui l'avait repoussée, résolu d'attendre l'eflet des
dispositions que le ministre de la guerre annonçait avoir prises pour pourvoira
ce service, On devait voir, ail premier abord, que frapper une contribution ex-
traordinaire sur une ville misérable, à qui Ton n'en avait, en arrivant, demandé
aucune, qui était dépeuplée des deux tiers de ses habitants, et des plus riches,
que notre présence avait éloignés, c'était déclarer mie urgence qui accusait le
ministère de la guerre. L'idée fut néanmoins accueillie, et lu mesure arrêtée
par M, de Rovigo, Cependant, on attendit l'arrivée de l'intendant civil, M, le
baron Piehon, pour procéder à son exécution.
L'apparition de ce nouveau fonctionnaire dans le conseil d'administration
fut saluée par la lecture d'un arrêté d'imposition do .-1,500 quintaux de laine,
qu'on lui proposa do signer.-L'intendant répondit que, l'arrêté ayant été déli-
béré et pris avant son arrivée, il ne pouvait le signer sans connaissance de
cause ; qu'il ignorait les besoins réels de l'armée et les forces contributives de la
ville, Cet arrêté parlait d'une répartition d'après des rôles dressés par la muni-
cipalité et autorisés par l'intendant ; mais ces rôles se bornaient à rémunération
des patentes, et il n'y en avait que pour 15*000 francs, Quelle mesure allait-on
décréter en face de l'insuffisance des documents? M. Piehon,/rie voulant pas
faire acte de mauvais vouloir,, promit quey malgré son refus de signature, il
coopérerait à l'exécution de l'arrêté, persuadé qu'elle n'aurait lieu que confor-
mément aux formes légales. Il réunit la municipalité indigène lo 4 février, et
lui fit espérer que la contribution ne serait qu'une avance remboursable par
l'entrepreneur de la literie militaire, avec lequel on savait que le ministère de la
guerre avait traité (mais, à la vérité, pour ne livrer ses fournitures qu'au mois
d'octobre suivant), et il demanda qu'on lui proposât un mode do répartition
équitable dont il rendrait les rôles exécutoires.
Mais cette conduite prudente était déjà devenue inutile, car, le même jour,
M. de Rovigo avait changé d'avis. Il ne s'agissait plus d'une contribution en
nature; on s'était aperçu que la laine n'était point aussi abondante qu'on l'a-
vait cru ; on l'avait convertie en une contribution facultative on argent, de
îîflO,ooo francs, à raison de 80 francs le quintal, Quoi qu'il en fût, l'intendant
déclara qu'en bonne justice la municipalité indigène devait elle-même faire
l'emploi dès deniers, et qu'il faudrait mettre à sa disposition un bâtiment pour
aller acheter des laines à Tunis, Mais il apprit bientôt qu'un singulier marché
venait d'être passé par M, de Rovigo avec le négociant Lacrouls (je dis singulier,
parce que do semblables actes ne devaient émaner que du ministère de la
guerre). Toutefois, l'intendant civil pressa la confection des rôles de répartition ;
mais lo général en chef ne l'entendait pas ainsi; la manière de procéder de
M, Piehon gâtait, disait-il, sa mesure; il fallait le laisser faire. Il voulait frap-
per la contribution sur utte cinquantaine de noms dont il avait la liste, Son ar-
rêté portait bien que les Européens contribueraient par une cotisation volontaire;
mais cet article a été presque aussitôt oublié que publié. L'intendant civil ne
pouvait se prêter à une assiette d'impôt qui ressemblait à une avanie ; il se
Mi! L'AFRIQUE FRANÇAISE.
hâta de déclarer au général qu'il lui laissait volontiers le mérite du succès par
une voie que l'honneUr lui interdisait do suivre, Ce furent alors, de la part de
M, de Rovigo, des explosions de colère qui furent du plus sinistre augure.
« Quand j'entendis parler, dit M. Piehon, de faire couper des têtes, do faire des
saignées, et de les faire bonnes,' toutes chose» bien regrettables quand il s'agit
de lever une contribution dans un pays (pie l'on qualifiait de colonie, je dus,
de prime abord, nie demander où nous mènerait une pareille manière d'admi-
nistrer un pays auquel nous avions annoncé la fin du régime oppresseur des
Turcs, comme inio ère de sécurité et de bonheur 11 »
Après une entrevue infructueuse entre l'intcndanl civil et le général en chef,
celui-ci, qui avait pris son parti d'avance, convoqua clic/, lui, en présence de
l'intendant'militaire seulement, le -kadi et la municipalité indigène, et là il leur
signifia sa liste do contribuables, avec les menaces les plus énergiques, qui gla-
cèrent de frayeur tous les assistants. Cette séance finit par l'arrestation du
Maure Roudorbah qui avait ente tort de n'être pas exact à l'appel, Quelques
jours après, Alger était dans une éploration universelle qui dura tout février et
la moitié de mars.
Le M mars, arrive un ordre du ministre de la guerre, eu date de février, qui
blâme la contribution et ordonne de la restituer ; ce ministre, qui fit preuve
d'une haute équité, ménageait extrêmement M. de Rovigo, en se bornant à dé-
clarer sa mesure inutile, Une nouvelle dépêche,- du 5 mars, renouvelle formel-
lement la même injonction. Que fait le général», i chef? Après quatre jours d'hé-
sitation, il s'appuie d'une délibération de son conseil, portant que le retrait de la
mesure semblerait un acte ùa faiblesse et produirait un mauvais effet. Il désobéit
nettement aux ordres du minisire, et passe outre avec une nouvelle énergie. Après
avoir emprisonné et menacé de toutes les violences possibles, on avait réussi à
recevoir 190,000 francs à la mi-mars, et :$G quintaux de laine! On prit les bi-
joux des femmes ; on enleva la caisse des curatelles, contenant les deniers de la
veuve et de l'orphelin ; on fit signer à des hommes, présumés riches, des enga-
gements personnels, remboursables, disait-on, par de nouvelles et futures ré-
partitions; et tout cela pour arriver à la fourniture de 2,500 lits vers la mi-
juin! « Si je publiais, dit M. le baron Piehon, le mémoire qui me fut remis; à la
fin de mars, par les kadis et les muphtis, et par plusieursmembres de la mu-
nicipalité, sur ce qui se passa dans le courant de ce mois, pendant que tout Al-
ger était en suspens pour savoir qui prévaudrait, de l'autorité du gouvernement
ordonnant un bienfait, ou de celle du général ..eu chef qui le refusait, on ver-
rait d'étranges eboses. On avait ordonné au kadi de dresser de nouvelles listes,
malgré l'ordre de restitution; on voulut le contraindre à remettre au général
en chef une lettre contredisant tout ce qu'on avait répandu de la douleur des
habitants indigènes et de l'oppression qui avait pesé sur eux. »
Le dernier ordre du ministre do la guerre laissait au duc de Rovigo toute la-
titude pour opérer le remboursement,-Le général se hâta d'en profiter pour le
subordonner à des mesures de nettoiement et de salubrité qu'il prescrivait aux
habitants, comme préservatif du choléra qu'on croyait dès lors voir arriver de

l Alger sous la dominatiaivyraneaisti';^, 85


UYRE TROISIÈME. M5
Paris. Celle manière d'exécuter le remboursement offrait une nouvelle pâture
à l'agiotage, Il fallait arriver à la caisse avec un certificat ..'du commissaire de
police. Les agioteurs européens ont trafiqué effrontément sur l'achat des récé-
pissés de Ja contribution ; en abusant tes indigènes sur la valeur de leurs droits
cl en exploitant les craintes de ces malheureux, il 'achetèrent leurs titres a
quarante pour cent de perte, — Qui doue, après de tels actes, oserait essayer
l'apologie de ce gouvernement militaire'?
La conduite de M. de Rovigo envers les Arabes ne fut pas dirigée par une
meilleure poliliiîue. Il commença par traiter avec une brutalité sans raison notre
agbft Mahiddin, qui nous rendait de si utiles services; et bientôt une occasion
s'offrit'à lui de déployer tout ce dont il était capable. Un ehc'fk, dès confins du
Sahara (et ennemi personnel du bey lladji-Ahnied, dont il convoitait le pou-
voir), lui envoya, dans le courant de mars, une dépulation, pour l'engagera
l'aire une expédition contre Constantine, et lui promettre, le,concours tics nom-
breuses [\i\ms rangées sous son autorité. Ces ambassadeurs 8 n'obtinrent du duc
de Rovigo qu'une réponse évasive, mais ils partiront comblés de présents, A
quelques lieues d'Alger, des maraudeurs les dépouillèrent sur leterritoire de la
petite triini d'El-Ouffla, qui campait près de ht/Maison-Carrée, sous notre
protection.
Le général en chef, informé de cet accident, ne prit point, la peine d'en re-
chercher les circonstances' mais, se livrant, au contraire, à une précipitation de
jugement qu'aucune véritable nécessité lie justifiait, il ne craignit pas de souil-
ler son pouvoir par une inqualifiable détermination. En vertu de ses instructions,
un corps de troupe du l(îr chasseurs d'Afrique et du ;j° bataillon de la légion
"étrangère,, commandé .par; le général Fatuloas,, ayant sous ses ordres le colonel
Schauenbourg, les chef d'escadron Marey cl Cadrât, et le chef de bataillon Sa-
lomon de Musis, sortit d'Alger pendant la nUîl du 0 avril 1832, surprit, au
point du jour, lu'tribu, endormie sous ses tentes, et égorgea tous les malheureux
El-Oufflas, sans qu'un seul cherchât'même ù se défendre, Tout ce qui vivait fut
voué a la mort; ou ne fit aucune distinction d'âge ni de sexe. Au retour de
cette honteuse expédition, nos/cavaliers portaient des têtes au bout de leurs
lances, et l'une .-d'elles servit, dit-on, à un horrible festin 3, Tout le bétail enlevé
sur ce champ de désolation fui vendu au consul de Danemark ; le reste du butin,
sanglantes dépouilles d'un. 'effroyable carnage, fut exposé au marché de ht
porte Rab-A/oun ';' on y voyait avec horreur des bracelets de femme encore at-
tachés à des poignets coupés, et des boucles d'oreilles pendant à des lambeaux

.
Ln courte administrationde M, l'ichon à Alger doit donner à tout homme impartial une idée favo-
1
»
rable dc.ee fonctionnaire. U s'y est montré homme du bien et ennemi'déclaré de l'Injustice, Il a eii à lutter
contre un système qu'un coeur bien placé ne pouvait combattre do sang-froid; c'était celui de l'abus de la
force,' pris pour buse gouvernementale, et soutenu avec aiitaul do déraison que' d'entêtement par des hommes
qui auraient été mémo incapables do l'appliquer". » (Annales algériennes, par lu capitaine d'état-major
!•:.l'ellissier, t. II, p. 10.) /
2 C'étaient, au dire de plusieurs Maures dignes de foi, dis aventuriers et des imposteurs. L'allia qui les
avait reçus i\ Kol<;ali sur leur passage les avait signalé..»-commetels, et M, do IJoviiio ne put être leur dupe,
qu'avecun extrême bon vouloir, Cette intnquo, mystérieuse eu tout point, "a été .montée, j'ai do fortes
raisons pour le croire, par une coterie de chrétiens et do juifs d'Aller. (Alger sous la domination tian-
çaise, p. 1;12.|
;» Annale* algériennes, par K. Pellissier, capitaine ail'.corps royal d'état-major, t. Il, Ixe partie, liv.
,
x,
!'• ~ï<
-
\h\ I/AERIQFE FRANÇAISE
de chair », Le produit de cette vente fut partagé entre les égorgeurs, et un ordre
du jour du 8 avril, consacrant une telle infamie, proclama la haute satislhc-
tion/du général pour l'ardeur et {'intelligence que les troupes avaient montrées,}-,
Le soir, sa police ordonna aux Maures d'Alger d'illuminer leurs boutiques et de
les tenir ouvertes plus tard (pie de coutume ; et à la morne heure, par les mêmes
ordres et par les soins de la mémo police, l'honorable baron IMchou, conseiller,
d'état et intendant civil, qui avait le tort de déplorer l'outrago fait au drapeau
de la France, fut contraint de subir, dans la cour de sa maison, une sérénade
mauresque en réjouissance de cet aifreux événement 3, i)e telles atrocités passe-
raient pour fabuleuses, si leurs preuves n'étaient établies par des témoignages
irrécusables; et, pour combler la mesure de ces excès, le cheikh des El-Ouffîas
n'échappa aux fureurs de l'extermination que pour apporter sa tête à Alger,
Malgré les généreux efforts de M, Piclion, il fut traduit devant un conseil do
guerre, jugé et exécuté, bien qu'on eut déjà acquis la certitude que ce n'étaient
pas les Kl-Ôufflas qui avaient dévalisé les prétendus ambassadeurs du désert.
Mais acquitter lo chef, c'était déclarer la peuplade innocente, et condamner mo-
ralement ceux qui en avaient ordonné le massacre, La tète du cheikh, Rabbia-beu-
Sidi-Cirahnem, roulant, le 10 avril 1832, devant la porte Rab-Azoun, fut donc
un cadeau offert aux convenances personnelles du due de Rovigo; l'aveu en a
été fait par l'un des juges, en présence du capitaine d'état-major l'cllissier cl
d'une foule d'officiers qui en furent indignés t.
La conduite de M. de Rovigo ne peut être palliée. « On était à peu près sur,
dit M,", l'intendant Piehon, que les députés du désert seraient arrêtés dans la
plaine à leur retour, Leduc m'en avait parlé dans ce sens, le 5 avril, jour du
départ ; il m'avait encore entretenu d'avance des mesures qu'il prendrait, si cela
arrivait; elles étaient bien différentes Ha celles qui..ont été prises; il ne s'agis-
sait (pie de faire arrêter tous les Arabes qu'on" trouverait au marché, 'jusqu'à
restitution, ,1'allais sortir do bon matin, le 0, lorsque le capitaine Leblanc,'atta-
ché à l'état-major, arrivant fort inquiet, vint nie dire : —« Ce que le général
avait prévu est arrivé ! » Avec cette prévision, n'aurait-on pas pu faire escorter
les députés", par les cavaliers de notre agha? Les voleurs, on l'a su avantt'exé-

t La Question d'Alger, politique, colonisation, commerce; par A • Desjobort, député do !a Seirio-fnférieure,


Cliap, IX, p. 219. (Paris, 1837.) — Aperçu historique, sur Alger, par Sidi-lïamdan, p. 42.
2 Ordre du jour du duc de Rovigo, du 8 avril 18'U.
s Alger sous la domination française, par le baron Piehon, conseiller d'Etat, intendant civil, Llv, l1"',
chap. 7, p. 108.
V Annales algériennes, t. II, lro partie, llv, x, p. i!8.

« Je savais, par le général.lui-mémo, que les voleurs étaient d'une tribu voisine, dont le
chef lui avait tout
renvoyé. »'(7.flf/n;.de M.-l'intendant Piehon au président du conseil des ministres, le 22 avril 1832.)
i" Le cheïUh Knbbia fut
assisté, nu procès do révision, par un défonseur tellement déconsidéré, qu<i'Iq pro-
cureur du roi m'a dit qu'il était exclu de postuler, f 1 ignorait d'ailleurs la langue arabe, et toute la procé-
dure se fit en français, Ne pouvait-on, du moins, procéder contre cet infortuné avec l'apparence des formes
légales, observées chez nous envers le plus vil criminel! «{Alger sous la domination française, \>. 'A'.i2.)
n J'ai vu avec peine nos journaux français, dès le niois d'avril 1831, employés par les correspondants
d'Alger à préparer l'opinion publique aux tètes rapportées « l'arçon delà selle pav nos cavaliers, et roulant.
plusieurs jours, dans les cours de nos casernes. Je m'arrête sur cette passion pour les têtes coupées qui s'est
emparée de nous-, je me tais sur les harangues que ce goût subit a inspirées, et sur des saillies dans le goût
de 9.1, qui ont été faites et écrites sur de notables décapitations!— « Apportez des têtes, des têtes f bouches'.
p:s conduits d'eau crevés avec la tôtodu
premierlîédouin que vous rencontrerez ! Nous battons monnaie et
du bon coin.., Que ne pouvons-tious trancher dans le vifl » etc., etc. (^lhne ouvrage, p. 108 et 100.}.
LIVRE TROISIEME. JUi
cutlon du cheikh des El-Ouflias, appartenaient à la tribu dos Kraehenas, voisine
du Petit Atlas ; le cheikh de celte tribu avait renvoyé tous les effets, avec une
lettre qui demandait au due de Rovigo la libération du malheureux Rabbiu : -*-
« Vous avez massacré des innocents, lui 'écrivait-il,'des.gens-qui vivaient sous
votre protection ; c'est tout ce que nous pouvons désirer J cela apprendra à lie
pas aller s'y mettre, Mais si vous continue/., vous n'aurez aucun approvision-
nement'de.'l'intérieur, du-pays,- Nous savons que vous pouvez en recevoir de
France, cela vous est égal; nous plaignons seulement nos compatriotes qui
sont avec vous ! » —-Le bétail, vendu à f amiable ' à M, Curstenslein, agent
consulaire du Danemark, comptait 2,000 moutons qui furent payés r> francs
partète, 700 boeufs à 20 francs, et 30 chameaux à loo francs. Une grande
partie de ce butin appartenait à des tiers. Quelques jours après la vente, des
Arabes vinrent chez moi, réclamer pour eux cl pour plusieurs de leurs cohabi-
tants, des tètes do gros et de menu bétail qu'ils avaient confiées aux El-Ouffias,
qui n'en étaient que les gardiens : « Nous ne sommes, me disaient-ils, ni des
voleurs, ni des conspirateurs contre le roi de France; pourquoi nous prendrait-
il nos biens? » Je ne sais ce qu'aurait à répondre à cette dojéance la logique du
sabre. Je dus me borner à dire que c'était une affaire militaire qui regardait le
général, Ils s'étaient déjà vainement adressés à luia, »
Les crimes politiques attirent des représailles, Au mois de mai suivant, une
reconnaissance de 30 hommes de la légion étrangère fut taillée en pièces à une
lieue de la Maison-Carrée, Notre agha Mahiddin, que n'avaient pu détacher de
nous les insultes du général eu chef, fit cause commune avec les Arabes indi-
gnés, Une expédition de l ,500 hommes, montée sur une frégate, un brick et
un bateau à vapeur, et dirigée vers l'embouchure de - Tisser, n'osa débarquer
comme si nous n'avions su que tuer des hommes endormis, des femmes et des
enfants ; le duc de Rovigo ne savait que nous faire haïr et mépriser,
Un soulèvement général se préparait : il éclata vers la fin de septembre. Lo
marabout Sidi-Saadi, que nous avons vu figurer dans.l'insurrection de 1831,
prêchait partout la guerre sainte. La Métidjah était couverte d'ennemis. Le 28
septembre, M. de Rovigo se décida à combattre ; il établit son quartier général
à Rirkadcm, et de là fit partir'.de nuit, le 2 octobre, deux colonnes, l'une conduite
par le général Faudoas dans la direction de Souk-Ali, à t'est de Rou-Farik, et
l'autre, sous les ordres du général Rrossard, dans celle de Koléah, Les Arabes
étaient sur leurs gardes; la colonne Faùdoas.tonilm.aii milieu d'eux et fut mise
en déroute, Le brave commandant Duvivier, avec les zouaves, rétablit le com-
bat 5 les officiers do cavalerie chargèrent avec résolution, et les chasseurs d'A-
frique, malgré leur désordre, reprirent l'offensive. Au point du jour, l'avantage
nous resta, cl, après avoir refoulé les Arabes, le général reprit la route d'Alger,
Quant au général Rrossard, il avait gagné Koléah sans coup férir; sa mission
était de s'emparer de l'agita; ne -le-trouvant pas, il enleva deux marabouts de
sa famille, qui furent enterrés dans les cachots d'Alger jusqu'au commandement
du général Voirol,

i L'ordre du jour du 8 avril avait prescrit que la vente se ferait iU'ciiclièro. M. do Itovigo eut, sans doute,

WiVX ''
d'excellentes raisons pour agir autrement.
rT^'KAlgersous lu domination française,"pur lo baron Piehon, Ire partie, p, 135,

140 L'AFRIQUE FRANÇAISE,
La défaite dos Arabes à Rou-Farik les avait découragés, Ren-Zamoun, le chef
le plus'belliqueux de la montagne, gourmanda inutilement leur faiblesse, et se
retira dans ses possessions chez les Flissus, décidé à ne plus prendre aucune part
à la guerre.
Lo due de Rovigo, satisfait de sa facile victoire, poursuivait alors son système
d'exactions, eu frappant d'une contribution de i,100,000 francs les villes de
IJlidah et de Koléah, pour la part qu'elles avaient pu prendre à la révolte ; mais
il ne rentra de cet impôt ridicule que 16,000 francs payés par la famille M'.Rarek
do Koléah, et. 1,'loo francs, remis plus tard au général Voirol par le hakem
[gouverneur) de Rlidah, Feu de temps après, un des intrigants indigènes qui
exploitaient la crédulité du général en chef, vint le trouver à Alger, et se plai-
gnit des dangers qu'il avait courus ù Rlidah, dont il avait cherché n se faire
nommer hakem. ftï. do Rovigo, qui ne cherchait que des prétextes pour faire
des Si ignées, s'empressa d'envoyer le général Faudous contre cette petite ville,
qui fut saccagée le 21 novembre, Les habitants avaient heureusement pris la
fuite la veille de notre arrivée, et, le surlendemain, les troupes revinrent nei-
ger plus chargées do butin que de gloire V
Enfin, pour couronner ces funestes violences, le général en chef commit en-
core un de ces actes qui n'ont d'exemple que chez les bandits du moyen âge.
Deux kaïds de la plaine lui avaient été signalés par sa haute police, comme
ennemis secrets des Français. Il voulut les faire venir à Alger, et, par une lettre
du G octobre, il enjoignait aux gens de Rlidah de les adjoindre à une députation
qui devait lui être envoyée. Ces deux Arabes, tourmentés d'un sinistre pressenti-
ment, ne se déterminèrent à venir que. sur la foi d'un sauf-conduit qui leur fut
adressé, A leur arrivée à Alger, ils furent saisis par des gendarmes, mis en pri-
son, jugés et décapités au mois de février 1833 s, Cet assassinat juridique de
deux chefs, qu'un sauf-conduit, respecte chez tous les peuples, couvrait du ca-
ractère sacré de parlementaires, metlc sceau à l'administration de M, do
Rovigo,
Habitué, comme toutes les natures cruelles, à se laisser dominer par les plus
grossières intrigues, ce général accueillit l'idée que les Maures d'Alger répan-
daient parmi les Arabes l'espoir que la France allait abandonner sa conquête,
en substituant au régime turc un gouvernement choisi parmi les indigènes. Sans
approfondir les rapports de sa police, il exila en Franco plusieurs notables qui
ne se doutaient guère des imputations dont on les chargeait 3. Mais parmi eux se
i Le général Trézol, chof d'état-major de l'armée, s'était porté; le 22 novembre, sur Sldl-ol-Kébir, beau
village situé dans une gorge dé l'Atlas, à une demi-lieue derrière Blidah ; il fit piller tous les biens que les
habitants éplorésd'une ville Inoflerisivo y avaient transportés; les femmes, les vieillards, les enfants, réfugiés
dans le sanctuaire d'un marabout, furent passés au fil de l'épéo !
2 L'existence do co sauf-conduit a été contestée. Mais M. Zakkar, aujourd'hui interprète principal do
l'armée, qui l'écrivit, sait bleu à quoi s'en tenir à net égard. Il proteste qu'il fut conçu dans les termes tes
2>lus explicites, et de manière a ne laisser aucuneexcuse à la mauvaise foi, (Voir \cs Annales algériennes,
}. If, p. 50.) Ces deux ka'ids se nommaientEl-Arbi-ben-Mouça et Messaond-bcn-Abd-Cl-Oued.Lo kaïd des
Kracherias, leur ami et notre allié, les conduisit lui-mémo à Alger, répondant on quelque sorte do lotir tête
sur la sienne. Leduc do Rovigo fit fabriquer des charges contre eux par un interprète complaisant.
3 Quelques Algériens non déportés par le duc, mais craignant d'éprouver pins lard quelques vexations, te
rendirent à Paris avec les expulsés, On y vit à la fois Ben-Omar,' uotro boy fugitif de Médéah, Ben~Musta-
pha-Pacba, l'ancienagha llamdan, Ahmed Bouderhuh, i'ex-banqueroutier de Marseille, ot quelques autres.
Tous ces gens-là furent très-biqn accueillis par tes ministres d'un gouveroemeût dont le représentant le
LIVRE TROISIEME. 117
trouva un certain Hamdan-Ren-Kodjia,qui déjoua la haute police, et parvint à
se faire envoyer, dans lo mois d'août 1832, auprès du bey de Constantine, sous
le prétexte de traiter avec lui, mais dans le but véritable d'aller, sous notre
protection, régler quelques affaires privées dans cette province. En même temps,
le Tunisien Youssef, dont j'ai déjà parlé, et qui était alors, à Roue, chef d'es-
cadron au 3P régiment de chasseurs d'Afrique, caressait le projet do se faire
nommer un jour bey de Constantine. La possibilité d'un traité avec Iladji-
Ahmed devant ruiner ses espérances, il entretenait avec un notable de Con-
stantine, nommé Sidi-yakoub, une correspondance secrète ;*—« J'ai reçu votre
lettre, lui écrivit-il, par laquelle vous m'informez du retour d'El-lIadji-Ahmed,
bey de Constantine, à son quartier général, ainsi que de l'arrivée de Sidi-
Hamdon-bcn-Kodjiaà Constantine, pour traiter dota paix entre les Français et
ce bey, Ne croyez rien de cela, ni de tout ce que pourra vous dire le bey ; mais
apprenez de moi la vérité ; coûte que coûte, les Français iront à Constantine et
prendront la ville, » Le due do Rovigo, à qui celle lettre fut livrée plus tard,
écrivit, le r» décembre, au général commandant à'-Rone :'«,"/. Je joins ici
. . .
Ja copie d'une lettre de Youssef, dont je garde l'original, H parait qu'elle n'a
été'-communiquée à Ahmed qu'après que Hamdaii eut quitté Constantine pour
se rendre a Roue, où Ahmed-Rey la lui a envoyée, comme témoignage
des motifs do sou changement de dispositions, Celle lettre de Youssef,
qui serait criminelle s'il y avait intention, je veux bien ne la considérer que
comme l'oeuvre d'un brouillon ambitieux qui veut, à tout prix, forcer l'expédi-
tionde Constantine, '-pour avoir sa part du pillage. Si cet homme n'est pas un
sot, ce que je crois, c'est l'homme le plus dangereux que nous puissions avoir
parmi nous. ,Te place sa conduite sous votre 'responsabilité, ot dussioz-vous le
faire fusiller ù la première faute,',/*?, vous approuverais. Vous voyez qu'il y a là-
dessous une intrigue dégoûtante, et. que celte intrigue a fait manquer les opé-
rations commencées ; je no reviens pas de l'audace de ce mnmeluclumi se place
entre nos ennemis et moi t,»
Le général on chef s'était trompé sûr la valeur des négociations proposées
par son envoyé, et sur les prétendues dispositions du boy de Constantine; mais
la conduite de Youssef, qui avait reçu sous nos drapeaux une trop brillante
hospitalité, était justiciable d'un conseilde guerre, et M. de Rovigo se relâcha
'singulièrement, en cette circonstance, de ses rigueurs/habituelles.
Co fait nous amène à parler de la troisième occupation de Roue, Après la mort
du commandant Houder, Ibrahim avait accablé les habitants d'exactions de toute
espèce, De son côté, le bey.'de Constantine avait envoyé contre, eux un de Ses
lieutenants, Ren-Àïssa, qui les tint bloqués étroitement pendant six mois, Ré-
duits a l'extrémité, ils oublièrent leurs griefs pour réclamer, do coilccrt avec
Ibrahim, le secours de la France contre l'ennemi commun. Kn attendant la saison

persécutait a Alger. On crut voir dans ces natures dégradées, qiii n'ont rien de commun avec les Arabes,
des échantillons de ces vigoureuses individualités africaines dont on ne su fait nulle idée à Paris. Ils devinrent
objet île mode. Les deux premiers reçurent la croix de la Lésion d'honneur j on appelait Ben-Omar, M. lo
bey, et Hnmdiiu, 11, l'jgha; on les Invitait dans lo grand monde, et l'on croyait posséder, dans lu personne
de ces deux pacitiquos.marchands do poivre, les plus grands des fils d'Ismaël. Ce fut une mystification vé-
ritable, (Annulesalgériennes, par K. Pellissier, capitaine au corps royal d'état-major, t. Il, p. 40.)
i L'Algérie en 1638, par A. Desjobert, député de la Selne-Inféricùre, chap. 2, p. 25.)
W L'AFRIQUE ERANÇAISE.
favorable pour une expédition, M, de Rovigo chargea le capitaine d'artillerie d'Ar-
mandy et Youssef, alors capitaine aux chasseurs algériens, d'aller encourager de
leur présence les assiégés, Mais les exhortations du brave d'Armaudy, qui s'é-
tait exposé à toutes les chances de subir le sort de Houder, ne purent relever le
moral des gens de Roue. Les portes furent ouvertes, dans la nuit du 5 nu 0 mars
1832, aux troupes de Constantine, qui pillèret h ville, M, d'Armandy eut lo
temps do se réfugier sur la felouque la Fartant:. Ibrahim, retranché dans ta
kasbah, se défendit 'jusqu'au 20, Le mémo jour arriva de Tunis la goélette/«
Jîéarnaise, commandée par l'intrépide capitaine Fréart, qui avait porté Youssef
à Tunis pour y acheter dos chevaux de remonte, M, d'Armandy se rendit à
bord de la goélette, et demanda à M, Fréart 30 marins, se faisant fort de ga-
gner avec eux ta citadelle, et de s'y maintenirjusqu'à l'arrivée dos troupes d'Al-
ger. Mais, comme le coup de main ne pouvait s'effectuer qu'avec le consente-
ment d'Ibrahim, M, d'Armandy et Youssef se rendirent auprès de lui dans la '
nuit; mal accueillis par ce chef, qui craignait, en se livrant à la discrétion de
la Franco, qu'on no fit plus tard une enquête sur la mort du commandant
Houder, ils furent obligés de se retirer, Après leur départ, les Turcs se divi-
sèrent; la majorité réclamait notre secours, Ibrahim et ses partisans, réduits à
la fuite pour n'être point victimes de la révolte, se réfugièrent à Rizerie, et un
émissaire sortit de la kasbah pour en porter l'avis à bord de la ItéamaiscNos
marins accoururent aussitôt, et, comme la porte était gardée à vue par les sol-
dats de Ren-Aïssa, ils s'introduisirent par derrière le rempart, au moyen d'une
corde qu'on leur jeta. Le drapeau français fut immédiatement arboré, cl les
Constantinois ayant voulu tenter un assaut, quelques coups de canon suffirent
pour les éloigner, Rcn-Àïssa se vengea sur la ville, dont il emmena les habi-
tants, et à peine eut-il disparu qu'une nuée de Kebaïles vint y mettre le feu,
Pendant ces événements, le capitaine d'Armandy, averti par un Turc que quel-
ques zouaves musulmans conspiraient on faveur d'Ibrahim, et tramaient une
révolte, en fit tuev trois pour l'exemple, et Youssef voulut-faire' lui-même l'of-
'

fice do bourreau, Ee lendemain, les Turcs sortirent de la kasbah pourchasser les


maraudeurs qui achevaient de piller les ruines de Roue,-et s'y établirent. Un
bataillon du 4° de ligue, quelques canonniei's et sapeurs du génie, arrivèrent
bientôt d'Alger, sous les ordres du commondnut Davois, qui donna un rare
exemple d'abnégation de toute susceptibilité hiérarchique. Le général en chef
lui avait fait connaître son désir de laisser à M. d'Armandy le commandement
supérieur de Roue, ajoutant que si cette disposition le contrariait, il était libre
de rester à Alger. M. Davois, plein d'estime pour le capitaine d'Armandy, ne
fit aucune objection, et ces deux officiers, dans une position toute exception-
nelle, s'entendirent pour la défense de Ronc, avec une générosité de procédés
qui les honore également,
Youssef ne mérite pas les mômes éloges. «Quelques traînards, abandonnés
sur la route par l'armée de Rcn-Aïssa, s'avisèrent de revenir à Ronc demander
un asile. Le premier qui se présenta fut un nommé 'Rcn-Karouf, avec sa fa-
mille; l'accueil qu'il obtint fut d'être décapité par ordre de Youssef. Le 7 mai,
des Arabcs? d'une tribu inconnue, vinrent, sous les murs de la ville, s'emparer
dé quelques boeufs. Le capitaine Youssef décida que les maraudeurs apparie-
LIVRE TROISIEME. 119
naient à la tribu des Kharézas; le même soir, il partit avee les Turcs, fut
.s'embusquer de nuit dans les environs de cette tribu, et, lorsque le jour com-
mençait à paraître, il massacra femmes, entants et vieillards, Une réflexion bien
triste suivit cette victoire,-lorsqu'onapprit que celte même tribu était la seule
qui, depuis notre occupation do Roue, approvisionnait noire marché, et qui, la
veille, jouissait encore de la confiance de Youssef lui-même. Le retour dos Turcs
fit une funeste impression sur les habitants de la ville, lorsqu'on aperçut une
tête d'Arabe son r.iî naAPKAi! l'iiANOAis « î »
Aussitôt que la nouvelle de la prise do floue parvint en France, 3,000 hom-
mes partirent de Toulon, sous les ordres du général Monk d'Uzcr, et vinrent
assurer, dans les premiers jours de mai, la possession do cette conquête, Ce
général adopta, dès le principe, un système pacifique, sans toutefois se mon-
trer faible quand les circonstances exigeaient quelque répression. Sa domination
no fut troublée que le 2s septembre, par Ibrahim, qui parut devant la place
avec 1,,'jOO hommes. Youssef se conduisit bravement, dans une sortie qui mit
en déroute ...celte petite armée; il reçut, peu de temps après, le grade de chef
d'escadron au 3e chasseurs d'Afrique, dont une ordonnance avait créé l'organi-
sation à Rone 'quelques mois auparavant, Ibrahim, après sa défaite, se retira à
Médéah, où le bey de Constantine le fit assassiner en 18tiiî V
Les événements d'Oran étaient toujours à la merci du général Royer; la
France s'occupait néanmoins de négociations avec l'empereur de Maroc ; ces dé-
marches, confiées iV-M. de Mornai, gendre du maréchal Soult, eurent pour ré-
sultat l'abandon de Tlemcen, de >Jédéah et de Miliana par les agents maro-
cains qui avaient tenté d'y faire reconnaître la souveraineté du chériff Abd-el-
llhaman a; mais une puissance redoutable, que nos. fautes devaient plus tard
sanctionner, allait éc'ore.
11 existait aux environs de Maskara,"dans'là grande tribu des lïachems, un
édifhe religieux, appelé luGuetna, appartenant n une antique famille de mara-
bouts qui faisait remonter son origine jusqu'aux khalifes Eatimitcs, proches des-
cendants du Prophète, .'Mahi-Eddin, chef actuel de cette famille, était vénéré
comme un saint, et consacrait son influence à calmer les dissensions intestines
des Arabes, pour les armer contre nous dans la guerre sainte de Tindépcn-

i Noies prises ù Donc pendant un séjour, a-partir du 17 avril au 20 mai 1832, par-le baron Piehon, con-
seiller d'état, intendant civil do l'Algérie. — Sous le 'commandement du général Clauzel, ce même Youssef,
dont Certaines gens ont fait un héros de. roman, aspirait'"au titre de bey de Titori, n la place de lieu-Omar.
Il aiinaUà parler de la forme de son futur gouvernement. « Un prenant possession du liçyliU, disait-il, je
couperai la tête des dix habitants les plus riches do Médéah," et contlsquerai leurs biens j ensuite, pour en-
tretenir le pays dans une crainte salutaire,j'en abattrai une.toutes les..semaines. » N'ayant pu obtenir te
poste qu'il ambitionnait* ce pillard se rabattit sur les tribus de In Métidjah, oi'i ses exct's effrénés compro-
mirent souvent sa vie, ; malgré les titres qu'il pron:>lt do grand écuyer ou dé lieutenant de l'aghti, (Voir
Di.r-huit mois à Alger, par ]a lieutenant-général Berthézèno, p, 117 ; et VAlgérie en 1HII8, par A. Desjobert,
député de la Séine-lnl'érieuro,p, 21.)
8 Ahmed-Heyne cessa point do troubler la province, Son agha s'avança au mois de novembre jusqu'à
Tnlaha, k sept lieues do Doue, et exerça contre les Arabes des cruautés inouïes. Un grand nombre d'hommes
furent égorgés j dos femires ot des jeunes filles furent mutilées de la manière la plus cruelle j on leur brilla
les mamelles et les genoux. C'était une honte de ne pas sévir à outrance contre le bey de Constantine. La
garnison do Iîone était, à cette époque, déciméu par les maladies; mais n'avlons-notis pas de forces en Franco!
et fallait-il tolérer de telles horreurs commises dans un pays oii nous avions la prétention de régner! (Voir
les Annales algériennes, U II, p. 59.)
8 Convention signée à Méquinez,le 4 avril 1832, et notiliée à Alger le 22 du même mois.
im L'AFRIQUE FRANÇAISE.
danee, tes tribus voisines de Maskara lui offrirent, en 1832, le commandement
suprême ; mais, dédaignant pour lui-même l'honneur de marcher à leur tête,
Mnhi-Eddin signala à leur confiance son plus jeune fils, Abd-el-Kndor '. Un
autre marabout, étant venu révéler dans Maskara que l'ange Gabriel lui avait
npparu, et l'envoyait annoncer que, par la volonté de Dieu, Abd-el-Kndor de-
vait régner sur les Arabes, ce jeune chef fut proclamé émir par les habitants,
qui, depuis l'expulsion des Turcs, se gouvernaient en république,
Le 3 mai 1832, plusieurs milliers d'Arabes inaiigurèrcul cette élection par
une expédition Sur Oran. L'artillerie du Château-Neuf les ayant repousses, ils
.'quittèrent ce point d'attaque pour s'attacher au fort Saiut-lMulippe, et ne firent
retraite que je soir, Le 4, 300 cavaliers se montrèrent en éclaireurs dans les
directions d'Arzcw, Maskara et Tlemcen, et au delà des lacs ou voyait se
mouvoir de grandes masses, A deux heures, ces masses se ruèrent sur le fort
Saint-Philippe par les hauteurs du village de Ras-cl-Aïii ; et 1,500 Arabes se je-
tèrent dans les fossés pour tenter l'escalade, Nos soldats répondirent par une
vive fusillade a une grêle de pierres lancées contre eux par d'habiles frondeurs,
La lutte dura jusqu'à la nuit ; nous ne perdîmes «pie 3 morts'et j i' blessés, Le
5 mai, les Français allèrent brider Kas-el-Aïu qui protégeait les embuscades de
l'ennemi; à deux heures, comme la veille, des cavaliers vinrent nous inquiéter.
Le fi, 32 tribus, formant à peu près 12,ooo hommes, avaient établi leurs tentes en
face des remparts d'Oran; mais tout se bornait à des escarmouches se diri-
geant contre le fort Saint-Philippe, que son mauvais état rendait plus attaqua-
ble. Le 8, les Arabes profitèrent d'un brouillard très-épais pour tenter l'assaut ;
te feu dura jusqu'au soir sans résultat, puis, découragés par leur insuccès et.le.
manque devivres, ces contingents reprirent, le 9, nu lever du soleil, lo chemin
do leurs montagnes. Mahi-Eddin et Abd-el-Kader assistaient à ces petits conv-
buts, et plus d'une fois, lo jeune émir, pour encourager les Arabes qu'effrayait
notre artillerie, lança son cheval contre les obus elles boulets qu'il voyait rico-
cher, et il saluait do ses plaisanteries ceux'qui sifflaient à ses oreilles,
Les hostilités ne se renouvelèrent que le 23 octobre; dans une petite affaire
'.l'Étang,'
sous les murs do la place, le 2° chasseurs, commandé par le colonel de
chargea l'ennemi avec une brillante ardeur ; le général de Trobriaiit se battait
au premier rang comme un soldat. Le 10, Abd-cl-Kader reparut, et après une
lutte acharnée qui nous coûta quelques pertes, il abandonna le champ de ba-
taille au généial Boyer «lui sortait de ses remparts pour la première fois* Pou de
temps après, ce général fut rappelé, à la suite des mésintelligences qui régnaient
1 Ahd-el-Kader naquit vers 1800; élevé dans les pratiques religieuses ot les exercices militaires', il don-
nait de bonne heure de riches espérances, A l'ége de huit ans, il fit, avec son père, un premier voyage a la
Mecque; au retour, Mahi-Eddin, qui rêvait déji pour lui l'honneur d'affranchir les Arabes du joug des
Turcs, répandit imprudemment le récit de prétendues révélations sur la gloire future de cet enfant. Le bey
d'Oran les fit arrêter, et ils n'échappèrent à la mort que par l'intervention d'am<s puissants qui achetèrent
à prix d'or loin' liberté, sous la condition d'un exil immédiat, Les dciix proscrits retournèrent à la Mecque,
et ne revinrent d'Oriont qu'eti 1R28. Vivant dans la retraite avec une grande austérité, Abd-cl-Kiider par-
ngea bientôt la vénération que les tribus témoignaient A son père. Lorsque lo moment fut arrivé do le mettre
en évidence, Mùhi-lùldin raconta aux Arabesquependant son dernier.pèlerinage, il avait visité, à lîagda I, un
Vieux faltlr qui lui donna trois pommes en lui disant : La première est pour toi, la seconde est pour ton (Ils
atné que voilà; la troisième est pour te sultan,—Quel est ce sultan! demanda M ahi-Kddln, •—C'est
l'enfant que tu as laissé dans ta maison, reprit le fakir. Cet enfant était Abd-el-Kadtr, fils cadet du mara-
bout. Los Arabes, ami» du morvvllloux, ont accepté cette tradition comme article de foi.
LIVRE THOtSIEME, 1«(
depuis longtemps entre lui et M, de Rovigo, M» lloyer so dispensait volontiers
de toute subordination, en se fondant sur son privilège de correspondre directe-
ment avec le ministre de lu guerre ; quelle que puisse être son excuse à cet égard,
nous devons signaler l'ordre du jour dans lequel furent signalées les exécutions
clandestines qu'il se permettait à Oran», Le général Dcsmichels lui succéda au
mois d'avril 1833,

COMMANDITENT W GKJSIÎRAL VOIROL,

Le duc de Rovigo quitta l'Afrique le 3 mars 1833, et; vint "mourir eu France
des suites d'une cruelle 'maladie que les Arabes regardèrent comme la justice de
Dieu, Le commandement par intérim échut au général Avizurd ; son pouvoir, qui
ne dura que peu de jours, fut marqué par la création .d'un Bureau arabe 2, qui eut
pour chef M. de la Morieièrc, capitaine aux zouaves* Cet officier, que sa bra-
voure et ses brillantes capacités devaient porter rapidement aux plus hauts gra-
des, s'était appliqué à l'étude do la langue arabej et fut le premier qui prouva

I Voyez les Annales algériennes, t. U'r, p, 21)3. /01V., f. Il, p, <18. — Dix-huil mois h Alger, par lo
lieutenant-généralUerthéaèno, p,270. .•— A Igor sous la domination française, parle baron Piehon, inton-
dant civil, p. 159 et '170, « I.e général en chef informe les officiers do tout grade do l'année qu'il u appris,
par des rapports dignes de foi, que des hommes avalent disparu dans les prisons et avaient été mis à mort
sans jugement, Lès troupes doivent refuser leur ministère à toute exécutionqui ne serait pas précédée do la
lecture de la sentence faite, en leur présence, nu condamné, car ce no serait plus qu'un assassinat dont
elles se rendraient complices, etc. » (Ordre du jour du duo de Rovigo du 5 juin 1832. — Moniteur algérien
du 22''juin 1832.) '
Les meurtres reprochés i\ M. le générai Boyer nous étonnent d'autant pi u s, que c'était, du reste, dit M, lo
capitaine d'état-major Pellissier, «un hommo d'esprit et do capacité, instruit et ami des arts, doux et
affable dans son intérieur, ut.pourvu enfin d'une foule do qualité.» estimables, qui contrastaient singulière-
ment avec sa terrible réputationjustifiée par ses actes. » Cet officier-général avait appris, en Egypte, à com-
battre les Arabes, mais non k les gouverner; et dans toutes les guerres auxquelles 11 prit uno part active, et
quelquefois glorieuse, nous ne lo voyonsjamais préposé à l'administration des pays conquis. Aide do camp
tte Kellcrmann en 1705, il fit, l'année d'après, la campagne d'Italie comme adjudant-général,puis il assista
aux expéditions du Nil et de Syrie. En 1802, il est envoyé à Saint-Dominguej au retour, il se trouve avec
distinction aux. batailles d'Iéna, do l'ultuslt, de l'ïledland et de Wagrum. Un 1810, ilcommaiidaen Espagne
une division do dragons, ù la tète desquels il acquit le surnom de Cruel, Il trouva l'occasion do se distin-
guer do noiivx'ati pendant la campagne do 1811 et les Cent-Jours,
,

II est regrettable qtlo M. lloyer ait été abandonné, en Afrique, «M'empirede fâcheux préjugés, et qt|0 liî
ministre de la guerre n'ait pas ouvert les yeux sur cette phrase d'un de ses rapports, qu'il fallait » civiliser
les Arabes par des moyens en dehors do la civilisation, « (Voir l'Algérie dnciennect moderne, par Léon Ga-
libort, p, 405,)
3 M.- lq général Duvivier écrivit, en 1811, que rien n'a été plus funeste au bien de nos relations avec les
populations indigènes, que cette Institution, sous quelque nom qu'on l'ait désignée, soit Uurcaux arabes, soit
Direction des affaires arabes, soitSe/wo de l'agha, « La cause principale do ce mal, -.lit l'honorable général,
fut que, par un désir trop hâté et mal examiné de bleu faire, on s'occupa trop des uffalres intérieures de.ces'
populations ; et que, par suite, on fut trop en prise aux menées habiles des intrigants, ce qui conduisit ù
s'immiscer encore plus dans les'affaires intérieures. Or, lo besoin le plus grand do ces populations est qu'on
les laisse eu paix chez elles, suivant leurs usages et leurs règles particulières. Il faut tendre'seulementù la
protection, à l'ordre entre les grandes tribus j mais, entraînés par do prétendues plaintes suscitées par des
intrigants, on a souvent changé les cheTs principaux. On crut faire ainsi de la popularité avec les indigènes
ot se les attacher. 11 n'en n rien été j on a même poussé à activer le résultat contraire en élevant au com-
mandement des gens de rien, des anciens domestiquas,'et cela cheK une des nation» les plus aristocratiques
du inonde, i» (Solution de la question de l'Algérie, p. 137,)
L'autorité do M. Duvivier, on cette matière^ est d'un grand | oidst Le» bureaux arab'es furent supprimés,
comme on lo verra plus tard, puis reconstitués. Deux officiers, JUM. de la Morieièrc et E* Pellissier, se sont
distingués, dans la première organisation,"par une conduite sugo et éclairée j et depuis plusieurs années,
M,, le colonel Daumas ne cesse de rendre les plus émments services, comme Directeur des affaires arabes,
[m L'AFRIQUE I'ItANÇAISK.
la possibilité de se faire comprendre des indigènes autrement qu'à coups de fu-
sil. Intermédiaire loyal, éclairé, et plein de zèle pour l'avenir de notre conquête,
il ne craignit point d'aller seul au milieu des tribus, leur porter des paroles de
paix, et les encourager à revenir sur nos marchés.
Le lieutenant-généralVoiroll vint, à la fin d'avril, prendre le commandement
des troupes. Il s'occupa tout d'abord des travaux de route, préparés par les in-
tendants civils Piehon et Oetity de Bussy 2. Des dessèchements considérables
furent commencés dans la Métidjah et la plaine de Bone. Quelques symptômes
d'insurrection furent étouffés avec vigueur, mais sans aucun de ces épisodes ré-
voltants que nous avons déjà signalés. Un camp fut établi sur les bords du Ha-
mis, pour protéger la récolte des foins dans les riches prairies qu'il arrose ; et
grâce aux soins actifs de M. de la Morieièrc, toujours prêt à se porter sur tous
les points pour prévenir des troubles ou faire quelque bien, les Arabes reprirent
confiance et revinrent k nous. Le général en chef créa, nu moins de juin, un
petit corps de cavaliers destinés à protéger les cultures du Fahs d'Alger contre
les maraudeurs, Après avoir assuré la sécurité do ce voisinage, il chargea le
chef du bureau arabe de négocier quelques rapports d'alliance avec les Hudjou-
tes de la plaine, et, sur leur demande, il consentit ù délivrer un.des cousins de
l'agha Mahiddin, enlevés de Koléah par M. de Brossant, le 28 septembre 1832,
et qui, depuis cette époque, avaient gémi dans les prisons d'Alger ; la liberté du
second devait bientôt récompenser leur soumission. Vers la même époque, un
camp fut installé a Douera, pour surveiller a la fois Blidah et Koléab; le délilé
périlleux de Bou-Farik reçut aussi de nombreux travailleurs qui en éclaireirent
les abords; puis le général en chef s'occupa d'un plan d'occupation de Bougie.
Sous le commandement du duc de Bovigo, un navire anglais avait été insulté
dans la rade de celte ville. Le cabinet britannique s'en plaignit, et ajouta que
si la France ne savait pas faire respecter le pavillon de ses alliés suivies côtes ni-
gériennes, l'Angleterre aviserait au moyen d'obtenir cile-mème la satisfaction
convenable, Le .ministère se hâta d'en informer le général Voirol, et M, de la
Morieièrc fut chargé de reconnaître la place. Le chef de bataillon Duvivier, offi-
cier du plus haut mérite, était désigné à l'avance par le ministre de la guerre
pour remplir, dans cette conquête future, les fonctions de commandant supé-
rieur, et le maréchal .de camp Trézel dirigea l'expédition. Une escadre, composée

i Cet officier-général était précédé, en Afrique, par Une hrillartle réputation. Colonel ci) 1815, il soutint,
pondant troisjours, celte belle défense do Nogotit-sur-Marno qui mérita qu'un historien militaire, le général
îloutourlin, aide-de-ciunp du l'empereur Alexandre, en tilt écrit « qu'il sufllsuit de trois journées de la vie
du général Voirol polir Illustrer toute une carrière. >t
I |o itotito d'Alger k lHidah, par Dcty-lbrahim et Douera', 2o mémo route par Bir-Kadem et l'Oued-
et-Kermuj 30 route des Tagarins, qui conduit de la porte Dab-el-Oued k celle de la Kasbah, noh loin de
laquelle elle eu relie n celle du fort 'l'Empereur ; <o route do Kouba, par la petite piultio de Mustapha-
Pacha t Go route do la Maison Carrée, qui ta sépare do la précédente au-dessous de Kouba ', 0U rotUo on
avant de la Maison Carrée, daiiB la Métidjah; 7o route de lu Maison Carrée au fort de. l'Jîuu,
M. Genty de Dussy, dont nous ignorons les services, devait son rapide avancement nu patronage d'un
homme puissant. M. Piclion, son prédécesseur, h'étalt retiré devant l'impossibilité d'adinlulBttcr légale-
ment, avec un personnuge lel que le duc do Hovigo, Pour mettre tin û de nouveaux conflits, une ordonnance
du 12 tutti 1832, avait replacé l'Intendant civil sous l'autorité du générât en chef. M. Gciity do Dussy fut
nommé k ces fonctions { c'est un hommo d'esprit et de savolt-îairo qui sut, par d'habiles concessions, capter
la faveur do M* de Hovigo, et se rendre Indépendant de fait, en ne paraissant agir que sous l'Impulakii de
bon etiof. Noua voudrions pouvoir dire qu'il n'employa son Influelicc que dans l'Intérêt yénèral,
-VLIVÏIK TUOlSlfiMK. ^3
de la frégate 'la Victoire, des corvettes la Circé, l'Ariane et l'Oise, des gabarcs la
JJurame alla Caravane, et du brick le Cygne, partit de Toulon le 22 septembre,
portant 2 bataillons du. 59° de ligne, sous les ordresdu colonel Petit d'IIautcrivc,
2 batteries d'artillerie, une compagnie du génie, une demi-section du train des
équipages, et une section d'ouvriers d'administration. Ce petit corps d'armée
parut [devant Bougie le 29. L'artillerie de l'escadre fit taire en peu de temps les
forts de la ville, le débarquement s'opéra entre la kasbah et le fort Abd-el-
Kader, et, malgré une assez vivo résistance, une partie des troupes enleva la
placé en quelques heures. DanS la nuit, les Kebaïles, qui occupaient les hau-
teurs, descendirent par le ravin de Sidi-Touati, qui partage en deux Bougie, et
vinrent attaquer la porte do la Marine» Le 30, au point du jour, ils cernaient
les rues et tiraillaient de tous côtés. Le 1er octobre, les soldats, fatigués de se
voir ainsi harcelés, s'en vengèrent sur les habitants, dont ils firent une horrible
boucherie; 14 femmes ou enfants furent égorgés dans la seule maison du kadi
Bou-Cetta, qui cependant était d'intelligence avec nous, et qu'on n'épargna pas
.plus.que les autres. Dans la nuit du 2 au 3, les hauteurs voisines furent ba-
layées avec vigueur par t compagnies que le brave La Morieièrc y lança; le 3,
le général Trézcl lit essayer sans Succès l'escalade du mont Gourayah ; le 4,
survint d'Alger un renfort du 4° de ligne, avec deux compagnies du 2e bataillon
d'Afrique, Après des combats partiels, qui durèrent jusqu'au 12, le'Gourayah,
qui servait do retraite à des masses de Kebaïles, fut abordé avant le jour par
trois colonnes; celles de droite et du centre atteignirent les crêtes sans éprouver
de sérieuses difficultés ; la colonne de gauche, conduite par le chef de bataillon
Gentil, du 4e de ligne, trouva plus de résistance ; 'mais un détachement de ma-
rins, que le commandant .Fur.sovol-Dcschénes fit débarquer au fond de. la rade,
uppuya son mouvement, et, après avoir refoulé l'ennemi sur tous les points, on
établit au moulin de Demous un poste suffisant, (lui s'entoura de .retranchements
habilement tracés'par te colonel du génieLeinercier, Les Kebaïles renouvelèrent,
jusque dans les premiers jours de novembre, des hostilités sans résultats. Nos
blockhaus se multipliaient, et bientôt les assaillants n'osèrent plus se montrer à la
portée de nos canons. M. Duvivier prit, le 7 novembre, le commandement de la
place,, et. lo général Trézcl, qui avait été grièvement blessé dans une escarmou-
che, retourna à Alger, laissant à Bougie un 'bataillon (\w Si) 0, un du 4" et le 2°
bataillon d'infanterie légère d'Afrique ; cette petite garnison fut renforcée plus
tard d'un escadron du 3e'chasseurs, envoyé de Boue.
Le général iVîonk d'Uzer, qui commandait dans cette dernière Ville, continuait
à recueillir les fruits dosa politique modérée} la tribu des Merdes» des bords de
laMafrag, ayant pillé quelques Arabes qui nous apportaient dos vivres, il mar-
cha contre elle, Après un léger combat, les Merdes demandèrent merci» et l'ho-
norable général, satisfait d'avoir montré sa force, eut la générosité de ne leur
imposerque la restitution de ce qu'ils avaient enlevé, Cette sage conduite nous
assura ta fidélité de cette grande tribu.
'f
Peu de jours avant expédition de Bougie, quelques ferments de révolte
s'étaient développés dans In Métidjah':.un de nos alliés, Bou-tféid-ben-Chaouïo,
kaïd des Beni-Klialil, périt assassiné au marché de Bou-Farik, le 9 septembre t»
i Le général Voirol demanda au gouvernement une pension pour ta veuve do eo kaïd qui nous était dé*
20
454 L'AFRIQUE FRANÇAÏSR.
LcsIIadjoutesfurent accusés de ce meurtre ; le général do Trobriand sortit d'Alger
avec une colonne, passa leMazafran à Mocta-Kéra, et mit le feu à leurs villages.
Le fils do Bou-Zcïd fut nommé kaïd à la place de son père, et nous servit avec
le même dévouement,
Toute la province d'Alger fut paisible dans l'hiver de 1833 à 1834, à l'excep-
tion de quelques incursions des Hadjoutes dans la Métidjah. Au mois de janvier,
le général eu chef reçut une députation du prince de Tugurth ; l'envoyé de cette
ville du Sahara l se rendit à Alger par Tunis ; il venait offrir le concours de
son maître, dans le cas où les Français marcheraient sur Constantine. Le général
Voirol l'accueillit avec bienveillance, et le renvoya comblé de présents, sans
toutefois engager sa responsabilité dans les éventualités de l'avenir, D'autres
ennemis personnels d'Ahmcd-Bcy, tels que Farhat-Bcn-Saïd, l'un des puissants
cheikhs du Sahara ; El-Iladji-Abd-el-Salcm, cheikh de Merdjianah, qui par sa po-
sition était maître du fameux défilé des Portes-dc-Fer ; Haznaoui, cheikh des
Hanonchas, grande tribu limitrophe delarégence de Tunis; A b-cl-Diaf-Ben-Ahmed,
chçikh de la plaine de Hamza au pied du Djerjera, et enfin Bcn-Ilasscm, cheikh
de Stora sur la côte, adressèrent au général en chef les mêmes propositionsa.
Ces ouvertures prouvaient qu'avec un système de protection éclairée, ferme et
persévérante, il eût,-été-facile d'assurer notre domination sur une portion consi-
dérable de l'Algérie. Les Arabes offraient des otages, des vivres et même de l'ar-
gent; paralysé par l'impuissance à laquelle le gouvernement le condamnait,
M, Voirol. ne put répondre aux bonnes dispositions des indigènes en notre faveur ;
ceux-ci ne tardèrent pas h douter de notre puissance, et les fautes de plusieurs
chefs militaires achevèrent plus tard d'effacer lo prestige dont notre nom s'en-
tourait encore.
Ail mois de niai 1834, les incorrigibles Hadjoutes ayant recommencé leurs
déprédations, le général Bro fut envoyé contre eux avec 2,000 hommes, auxquels
se joignirent les Beni-Klialil et les Beni-Moussas ; cette colonne les atteignit,
le 18, dons le bois de Koruzu, entre l'OUed-Jor et le Bourouini. Un parlemen-
taire se présenta pour traiter de la paix et demander un kaïd nommé par nous}
mais le général Bro voulait des otages, on ne put s'entendre, et les hostilités
commencèrent, Nos auxiliaires firent dans ce combat un butin qui les dédom-
magea de leurs pertes. Le lendemain, un autre député vint apporter la soumis-
sion des Hadjoutes, et l'expédition reprit le chemin d'Alger, après leur avoir laissé
pour kaïd Kouïder-Ben-ltebeha. Quelques jours après, nos nouveaux alliés célé-
brèrent par une grande fête, îi Blidah, leur réconciliation avec les Bcnl-Khalil,
et le général en chef, pour sceller ce bon accord, délivra Sidi-Mohammed, le
second cousin de Mahiddin, et le plus célèbre des marabouts' de Koléah, L'cx-bey

voué) elle fut refusée; ot cependant Don-Omar, ce boy timide qui n'avait pas su se maintenir û Médéah, eu
touchait une do 0,000 francs) et un réfugié obscur du Colistttutllie, nommé Ilen-'Zccry, qui gardait le fort
do l'I'utl avec quelques cavaliers, nous coûtait 18,000 francs pour des services fort contestables, et percevait
nlissiuit traitement, personnel do 0,000 francs!
1 (Voyez sUr Tugurth le UYÏIF. rjEu".\*t/;Miî, Exploration du déstrl de Sahara, p. 91.) I.o sultan de ce
pays était ennemi du bey do Constantine ; vaincu en 1833, dans une guerre contre lladjl-Ahmed qui lu
opposa de l'artillerie, et Irrité de sa défaite, Il avait conçu lo projet do se réunir a nous contre ce bey, et s
flattait de l'espoir d'obtenir lo gouvernement de Constantine Bous iiotre suzeraineté, Ot en payant JV la Franc
un tribut annuel,
l Voir les Annale» dl^iricnnéê, t, ÎI. tiv, xu, p, 118,
LIVRE TROISIÈME» 158
do Titteri, Ben-Omar, fut en même temps installé près de Douera, avec une mis-
sion de surveillance surt'Outhan des Beni-Khalil. La confiance était rôtablio de
part et d'autre ; et bientôt les Aribs, peuplade du Sahara, d'où la guerre l'avait
chassée, et qui s'était réfugiée dans la plaine de Hamza, puis dans la Métidjah,
se réunit sous notre protection,! dans les belles prairies de I\as-Soutlia et autour
de la Maison-Carrée, Ce fut un des beaux résultats de la belle conduite du gé-
néral Voirol, qui no négligeait aucun moyen de faire aimer et respecter en même
temps notre autorité,
A Oran, le général Desmichels avait succédé à M. Boyer, le 23 avril 18.33..il.
suivit le système d'indépendance adopté par son prédécesseur. Homme d'action
plutôt que de conseil,11 débuta par une razzia sur les Gharubas» au S.-O. d'Oran.
Abd-cl-Kader, informé de cette agression, vint camper à trois lieues de la ville;-'
plusieurs sorties vigoureuses le décidèrent à. se retirer. Encouragé par ce succès,
M. Desmichels résolut d'occuper Arzew et Mostaghanem.
Sur le premier de ces points, Abd-cl.-K.ndcr le prévint on forçant la popula-
tion à émigrcr.Le général s'empara des murailles vides, et se retira le 13 juillet,
en y laissant 300 hommes. Quelquesr-uns des fugitifs vinrent s'établir à Oran, le
plus grand nombre alla se mêler aux Arabes de la plaine de Ceïrat. L'émir, dont
le pouvoir ne s'étendait encore qu'à quinze lieues autour de Maskara, se porta
vers Tlemcen qui lui ouvrit ses portes; niais il échoua devant la citadelle que
défendaient les Turcs et les Koulouglis, et,'manquant d'artillerie, il reprit le che-
min de Maskara, oit il apprit la mort de son père»
Le 27 juillet, le général Desmichels débarquait au port des Poules, ù l'embeil-
ehurc de l'Habra, avec 1,400 hommes; il marcha rapidement sur la bourgade
de Mazagran, où les soldats ne trouvèrent qu'Une vieille femme aveugle, qu'ils
jetèrent dans un puits, et entra dans MosUighanem sans coup férir, Les
habitants, prévenus qu'ils étaient libres d'y rester sous notre autorité ou do
quitterleurs foyers en emportant leurs richesses, adoptèrent ce dernier parti, Lo
2t)ot lo30,lcs Arabes vinrent attaquer nos avant-postes, et, le 3 f, nous perdîmes
une cinquantaine d'hommes. Le 2 août, Abd-el-Kader arriva eu personne avec
des forces considérables. M. Desmichels crut alors prudent d'enfermer les troupes
dans les forts et de retourner à Oran, pour tenter une expédition dans l'intérieur
de la province pendant l'absence do l'émir» Le 5, il envoya le colonel de l'Etang,
du 2° chasseurs d'Afrique, attaquer avec 1,300 hommes la tribu des Smêlas.
Toutes les horreurs des razzias furent déployées dans cette alfaire; nos chasseurs
revenaient poussant devant leurs chevaux femmes, enfants, chèvres et moutons,
lorsque les Arabes se rallièrent et vinrent les charger» L'infanterie, sans vivres,
était accablée de fatigue et de soif, et l'ennemi, mettant Je feu aux brous-
sailles, traça autour d'elle un cercle urdent» On vit alors des hommes désespérés
jeter leurs fusils et refuser de marcher ; ceux à qui le courage restait n'avaient
plus de force pour combattre. La cavalerie, abandonnant sou butin, fut obligée
de soutenir seule les efforts des/assaillants»' et sans te dévouement de'M,'-.i)es-,
forges, officier d'ordonnance du colonel de l'Etang, qui se dévoua au salut com-
mun pour aller à Oran chercher des renforts,ti travers'milledangers, lu colonne
eût été exterminée.
l'eiitlaut ces événements, Abd-el-Kader pressait le siège de Mostugtiunem ; du
{M L'AFRIQUE FRANÇAIS?::
3 ou 0 août, la faible garnison française eut à lutter contre des efforts inouïs;
mais les Arabes, ayant épuisé leurs provisions, se dispersèrent peu à peu, selon
leur habitude, et l'émir dut regagner Maskara, en attendant une autre occasion
de reparaître. Ses émissaires parcoururent les tribus pour leur interdire, sous
les plus rigoureuses menaces, toute communication avec nous. Sur ces entre-
faites, un cheikh des Bordjias, que l'instinct du lucre avait attiré sur le marché
de Mostaghanem, craignant que cette désobéissance n'attirât sur lui le cour-
roux de l'émir, résolut de le détourner en lui offrant quelques tètes de chrétiens.
Il se présenta àArzew avec des vivres, et, après son trafic, feignant de craindre
les cavaliers d'Abd-cl Kadcr qui, disait-il, surveillaient les environs, il demanda
une escorte pour retourner dans son douar, Le commandant d'Arzcw lui donna
cinq chasseurs d'Afrique ; mais, à un quart de lieue des avant-postes, ces mal-
heureux tombèrent dans une embuscade ; un d'eux périt, et les autres furent
emmenés à Maskara. Le général Desmichels écrivit à l'émir pour les réclamer;
celui-ci répondit qu'il n'était pas responsable cu^ intrigues d'un misérable dont
le commandant d'Arzcw avait été dupe, et qu'il désavouait} qu'ausurplus, il ren-
drait les prisonniers pour mille fusils par tête. 11 reprochait en outre, au général,
de ne faire que des actes de pillage, et le déliait d'accepter en plaine un plus
noble combat. M. Desmichels ayant uppris, au reçu de cette lettre, qu'Abd-cl-
Kadcr était campé sur le territoire des Semélas, sortit d'Oran le 2 décembre, û
six heures du soir, avec toutes ses troupes, et marcha toute la nuit ; niais au
point du jour, au lieu d'attaquer le camp arube, il dévasta des douars inoffensifs,
et, après une effroyable boucherie, il se préparait à faire retraite, lorsqu'une nuée
de cavaliers vint tout il coup l'envelopper. Dans le premier moment de sa stupé-
faction, il s'empressa de relâcher quelques femmes et quelques enfants que nos
soldats traînaient avec eux; mais cette triste concession n'était point de nature h
apaiser la fureur de l'ennemi, et, sans le secours de notre artillerie, nous eus-
sions payé cher les exploits de cette matinée.
Le G janvier 1834, l'incapacité du mémo général nous valut encore un éeliee.
Éclairé un peu tard par les leçons de l'expérience, M. Desmichels changea de sys-
tème et revu la paix» Pur l'intermédiaire de quelques juifs, il sollicita une entrevue
que l'émir lui refusa, en envoyant toutefois ù Oran Miloud-Bcu-Haruch, son secré-
taire» pour écouter les conditions auxquelles un traité serait possible. Le général
Voirol ne fut instruit de ces négociations que par des officiers d'Abd-cl-Kader
qui vinrent lui apporter les dépêches de M. Desmichels, Far un incroyable
oubli de son devoir comme des plus simples convenances, le commandant su-
périeur d'Oran n'était parvenu qu'à humilier les intérêts de la France devant
ceux d'un chef arabe, dont il sanctionnait les prétentions et la souveraineté par
la convention signée le 20 février », Le monopole du commerce d'Arzcw livré
1 L'auteur d'un ouvrage Intitulé l'Algérie ancienne et moderne, avance, mi ne saurait dire sur quelles
preuves, qilo les contractants du traité do 1831 fiiynèrciit des articles secrets, non avoués par le yènérnl Des-
mlchcls, et igHorésmt'mc du gouvernementfiançais (p, 128). Kn voici le texte véritable ot complet, traduit
mir l'original arabe, tel qu'il existe entre les mains d'Abd-el-Kadcr,
I. Condition»des Arabes pour ta puis, 10 Les Arabes auront la liberté do vendre et acheter de la poudre,
des urnies, du soufre, enfui tout ce qui concerne la guerre* '$> Le eomtueteu de la Mersa (Arzew) sera sous
lo gouvernementdu Prince des Croyants, comme par le passé, et pour toutes les affaires. Les cargaisons no
so feront pas autre part que dans lo port. Quant à Mostnyhancm ut Oran, ils no recevront que les uiurchiin-
ilises nécessaires aux besoinn du leurs habitants, et porsoiuiu fié pourru s'y opposer, Cous qui déslfeut changer
Î.IVRE TROISIÈME 157

aux agents (VAbd-el-Kadcr; Alger ouvert aux espionsde l'éniir, que le général
en chef ne pourrait arrêter qu'en fournissant un prétexte de rupture ; le droit
concédé aux Arabes de venir acheter chez nous désarmes et des munitions qui,
tôt ou tard, seraient employées contre nous ; l'interdiction aux Européens de
voyager dans l'intérieur des terres sans un permis du chef arabe, tandis que les
musulmans pénétreraient chez nous sans obstacle et sans contrôle; et au-dessus
de tout cela, la rcconnaissaiice officielle d'Abd-el-Kader comme Prince des
Croyants, c'est-à-dire comme souverain que la France devrait désormais traiter
d'égal à égal ; tels furent les fruits de la diplomatie dont se glorifia tristement
un général brouillon qui n'avait pas même su faire respecter nos armes ',
Devenu maître de toute la partie de la province d'Oran, qui des frontières du
Maroc s'étend jusqu'au Chéliff, le jeune émir, dont l'ambition grandissait avec
le succès, rencontra parmi les tribus quelques.ennemis. Un chcïkli des Douairs,
Mustapha-ben-Istnaël, qui avait exercé sous les Turcs les fonctions d'agha, lui
refusa le titre de sultan, marcha contre lui, battit ses troupes le 12 avril, et offrit
à M. Desmichels de traiter avec la France. Ce général, qui tenait à avoir crée
un prince des croyants, repoussa ces ouvertures, et'écrivit à Abd-el-Kader pour
l'assurer de son concours; celte lettre accompagnait un convoi de poudre et de
4oo fusils. Cependant, l'heureux coup de main exécuté par Mustapha avait rallié
autour de ce chef révolté quelques partisans prêts à suivre sa fortune ; le kaïd
de Tlemcen Se proposait de lui livrer cette ville, et plusieurs chefs de tribu du
désert d'Angad étaient en pleine insurrection, M. Desmichels se concerta aussitôt
avec Abd-el-Kader,'et .porta son camp a Miscrghiti pour surveiller tes mouve-
ments de Mustapha, tandis que l'émir se portait avec, toutes les tribus fidèles au
bord du Sig, Après avoir détruit le village d'Fl-Bordj, Abd-el-Kader atteignit
Mustapha le 12 juillet, et du premier choc dispersa les rebelles ; leur chef, blessé
grièvement, implora le pardon du vainqueur, qui ne souilla sa cause par aucun
acte de vengeance. Profitant rapidement de ses avantages, il rentra dans Tlemcen,
dont il chassa le kaïd; mais les Turcs du Méehouar lui opposèrent, cette fois
encore, une résistance qu'il ne put briser, faute d'artillerie ». Mustapha-ben-
ttes marchandises devront so rendre k la Mersa, 30 Le général nous rendra Ions les déserteurs et les fera
enchaîner. 11 ne recevra piiB non plus les criminels. Le gciiérurconiinatulant à Alger n'uiiru pas de pouvoir
Sur les musulmans qui viendront auprès de lui avec lo consentement de leurs chefs, 40 Ou ne pourra empê-
cher un musulman do retourner chez lui quand 11 lo voudra. Ce sont la nos conditions, qui sont revêtues du
cachot du général commandant à Oran.
II. Conditions des Français, 10 A compter d'aujourd'hui, les hostilités cesseront citlru les 'français et
les Arabes. 20 La religion et les usages des musulmans seront respectés, 30 Les prisonniers français seront
tendus. 10 Les marchés seront libres, f>0 Tout déserteur français sera rendu par ICB Arabes. GO Tout chrétien
qui voudra voyager par terre devra être muni d'une permission, revêtue du cachet du consul d'Abd-ol*
Kuder ot do celui du généra), — Sur ces conditions se trouve lo cachet du t'rlnce dos Croyants,
i.Quelque temps uprè*, M. lJCsuitoliuls, so croyant l'uuteur d'un chef-d'oeuvre, écrivit à Abd-el-Kailcl*
Uiio lettre pleine d'adulation pour solliciter une entrevue qui lui avait été déjà refusée. Holtque l'émir ertt
gardé peu do considération pour le général qui voilait de signaler unu si triste incapacité, soit que des raisons
politiques rongngcasseiitjt éluder tilio visite dans iaqiietle il te sentait disposé à formuler des exigences
peut-être prématurées, soit ciillu que le jeune Prince des Croyants, du haut (lu. non pavois, regardât l'agent
français comme une espèce du subalterne, il persista dans son refus, malgré les Instances réitérées du
M. l)esmlchcls, qui no voulait sans doute pas rentrer eu franco sans avoir vu de ses yeux le souverain do
son invention, 11 était dilflclle tl'abdlquer plus eiiliêrcmetit la dignité du commandement,
2 11 fit demander doux obusiers au général Dcsiuichota, qui dut en référer au gouvernement, Lo ministre
du la guerre consentit uux désirs d'Alnt-el'Kader j mais quand cette autorisation parvint à Oran, l'émir
avait quitté Tlcincen*
158 "L'A.FÏUQUÉ -FRANÇAISE,..-'
Isinaêl, trahissant Ses serments, vint se liguer avec les Turcs. L'émir, au lieu
de punir les Douairs de cette défection de leur chef, poussa la générosité jusqu'à
donner à Kl-Mezary, neveu de Mustapha, le titre d'agha de la province.
Son génie, occupé d'un vaste projet; rêvait la souveraineté de toute la zone
intérieure dé l'Algérie, de l'ouestà l'est, en nous abandonnant lo littoral. Instruit
par ses émissaires que les villes de Milianah et de Médéah n'étaient pas éloignées
de se déclarer en sa faveur,' il écrivit au général Voirol pour sonder ses disposi-
tions, en lui annonçant son projet de venir lui-même eluUicr les brigandages des
Hadjoutes. Le général en chef^ trop habile pour ne point pénétrer les vues se-
crètes de l'émir, et trop sage pour élargir la plaie faite a nos intérêts par le
malheureux traité du 20 février, répondit avec fermeté que si •Abd-el-Kader
franchissait le Chéliff, ce mouvement serait regardé comme une rupture ; que,
du reste, l'armée française avait réprimé les Hadjoutes, et suffisait pour inain-
tenirau besoin la province de Tittcri.
Prenant alors des voies plus détournées, Abd-el-Kader profita des faiblesses
de M. Desmichels pour s'en faire, à son insu, un chaud partisan. Le kaïd de
Milianah, Sidi-Ali-cl-Kalati, se rendit à Maskara, sut capter par son esprit
les officiers de la légation française, et leur persuader que le général Voirol, jaloux
du traité signé sans sa participation, cherchait tous les moyens d'annuler l'oeuvre
diplomatique dei M. Desmichels. Ce commandant supérieur donna tête baissée
dans le piège, et fit déclarer à Abd-el-Kader «.'qu'il le rendrait plus grand qu'il
n'aurait osé mémo le désirer, et qu'il fallait qu'il régnât partout, depuis Maroc
jusqu'il Tunis1* » ]\ était impossible de pousser plus loin l'aveuglement ou lu
folie, Abd-el-Kader parut lui-même surpris du langage de l'officier français qui
lui rapporta de si singulières assurances. Tout conspirait en laveur de ses pré-
tentions, et, profitant sans perdre un moment de ces circonstances inespérées, il
donna tous ses soins à l'organisation politique de ses sujets, Son désir de con-
naître nos usages, notre législation et notre système militaire, lui faisait adresser
chaque jour de nouvelles questions aux officiers do la légation de Maskaraj et
tous ces renseignements, qui lui furent donnés par écrit, servirent puissamment
ses desseins. Il forma bientôt de toutes ses tribus cinq grandes divisions qui
furent placées chacune sous les ordres d'un agha; et pour soustraire les Arabes
ù la nécessité de corrompre par des présents les kaïds et les kudis, it «ssigua tV

i Annales, algériennes par Ë* l'eliissier, èapltulho tut corps royal d'état-majot1, chef «lu bureau arabe
Uil 1833 ot 1831, frai,, lîV. Xtttip, m,)
Cette intrigue tut conduite do telle sorte, cj.iici ta Vanité sculo dé M. Desmichels cq pouvait être la dupe»
SidUeirKalati écrivit à sa grandeur lo générul commandant les troupes françaises a Oran n< Mous avons
vu votre sagesse et notre prudeneci vous êtes nu homme du bon conseil, ot vous tivcsi de saines et grandes
idées i volto conduite nous l'a prouvât n (K la suite de ces compliments était transcrite Ut réponse fuite par
îë général Voirol uux prétcntlonn d'Abd-ol'KuJorsur la province do Tittcri j tnalHKl-Kalatls'étttltavisé d'y
ajouter eetto phruso ! « Le goiivernuiiiOntdo l'Afrique ne regurdu que mol, le général Desmichelsn'est rien
ot M'eut pas écouté du grand roi qui est it Paris, n L'habile émissaire de i'éinir donnait ensuite copie d'une
Uutro lettre quo M, Voirol lut avait porisotmclloinonladressée, et dans laquelle beaucou|) tle phrases déa-
obligeailtL-8 pour M, Desmichels se trouvaient intercalées,) Il terminait son tpitiè par de nouvelles flatteries,
dont la crédulité du commandant d'Oran fut émerveillée, Au lieu d'éclalrcir les fults, M Dcsmictieis se per-
*

tnit uno faute grave, on jouant ait dictateur dans le cercle de sa petite autorité, Voilà un des effets de co
régime militulto dont Àt, Dugeuml procliituo les lumières i « Nous n'avons pas, dit-il, lu prétention d'avoir
phi» de bon tons que les hommes de l'ordre civil, mais ou udmctU'u, je pense, qito nous pouvons en avoir
autant* n (L'Algérie, des moyens de conserver et d'utiliser edle conquête, [>, i'4.)

LIVRE TROISIEME. trt9
ces fonctionnaires des traitements fixes, avec défense rigoureuse d'accepter au-
cune gratification.Économe dans sa vie privée, il entoura sa dignité d'un appareil
extérieur imposant, créa des fabriques d'armes, une monnaie à son coin, et de-
vint rapidement, sous nos yeux, le représentant d'une idée morale et civilisa-
trice, tandis que, par nos actes, nous ne mettions en face de lui qu'une idée bru-
tale, une idée de destruction.
Pendant que la paix régnait en apparence dans la province d'Oran, le chef de
bataillon Duvivier luttait, à Bougie, contre les agressions fréquentes des Kebaïles.
Ce brillant officier, qui avait une parfaite intelligence do la guerre d'Afrique,
soutint, depuis le 5 janvier jusqu'au 23 juillet 1834, des combats partiels dont
le succès prouva ses capacitésmilitaires autant que la valeur de nos troupes.
/Le général en chef s'occupait à Alger dos soins de l'administration. L'inten-
dant civil, M. Ocnty de Bussy, créa plusieurs établissements agricoles, et entre
autres [une pépinière d'essai qui a prospéré de plus en plus; malheureusement
il se laissa trop souvent entraînera la manie de faire dos'arrêtés qui dépouillaient
les indigènes au profit des spéculateurs venus d'Kprope l. Lorsque M. Voirol
voulut résister à. des mesures qui compromettaient gravement les relations
d'équité dont la politique, autant quête droit des gens, nous faisaient un devoir,
l'intendant civil afficha des prétentions d'indépendance qui firent éclorc de
fâcheux démêlés entre les deux pouvoirs V

1 Dans le courant de 18.11, M."Ocnty do Hussy, voulant agrandir le jardin de naturalisation, expropria un
pauvre Maure, et le lendemain ce malheureux fut chassé du petit jardin qui le faisait vivre, lui ot sa
famille. U vint, tout on larmes, se jeter avec ses enfanta aux pieds du général on chef, qui lu renvoya à
l'Iutcndaiit civil. Celui-ci répondit que les roules de la comptabilité; no permettaient pas do payer sur-le-
champ à cet homme l'indemnité qui lui était due, mais qu'on s'en occupait. Le misérable exproprié, qui était
sans pain, no vécut longtemps que dos bienfaits du général Voirol, désespéré d'avoir signé de confiance un
arrêté qui avait do pareilles suites. Etult-ll si nécessaire d'agrandir la pépinière d'essai, ans dépens d'une
famille qu'on réduisait a mourir do fallut
» Je pourrais citer Une foule de traits semblables. Je me bornerai au suivant, qui a, peut-être, plus du
gravité que le premier. L'administration s'empara, en 1831, d'une carri're dont une partie était dans un
jardin, sans que l'expropriation fit prononcée, bt sans que le propriétaire ait pu, joue dis pas obtenir,
\mi\sfaire régler ta moindre indemnité I' Toutes ces avanies retombent sur les indigènes, et pour défendre
leurs droits si indignement méconnus, Je me suis fait plus d'un ennemi, lorsque j'étais à la tête du bureau
arabe, n ['Annales algériennes, par le capitaine d'étitt-uiajor t'elllsslcr, t. 11, llv. xtv, p. 193.)
2 Noiis nu voulons pas faire ici te procès de tous les actes administratifs de M, Ocnty de Hussy, La besogne
serait longue, et nous lions réservons do publier plus tard une Histoire administrative de l'Algérie, Mais
Voici, cil attendant, deux nouvelles prouves du savoit-l'ulre du cet intendant,
L'article 7 do l'arrêté du général en chef conito lllatlzcl, eu date du 22 octobre 18,'iit, notifiait que les affaires
criminelles entre Français seraient instruites devant la cour do justice d'Alger, mais que les prévenus seraient
renvoyés eu France, avec les pièces de l'information, pour y être jugés, Jusqu'à l'époque du 10 août 18112,
aucune loi, aucune ordonnance royale n'avait changé Cet état de chusts, lorsque M, l'intendant signa un
arrêté qui livrait les Français ù la cour criminelle, et ù la'discrétion-do M, du Hovigo; et certes nous
avons vu que ce général n'admettait guère,, en fait du Justice, qiié ses accès do cruauté oii ses convenances'
personnelles, On s'explique diillcllemeiit qu'un intendant civil ait ainsi donné ton concours ù un proconsul
militaire.
Voici .quelque chose de plus monstrueux.- fut' arrêté du 21 septembre 18112, M. Geiity prescrivait k tous
les propriétaires Indigènes des environs de Koliba et de Doli-lbruhlm de présenter leurs titres do propriété
le 21 septembre, à 7 heures et demie,du matin j et, faute par eux tlo comparaître en temps ot lieu, il leur ap-
pliquait l'atticluVlH du Code civil, ainsi coiu;U s — n Les biens qui 'ont pas du maître appartiennent il
l'Mtat, » Sous lé régime de barbarie que M. de Hovigo faisait subir aux indigènes, n'était-ce pus une amèro
dérision (pie de se servir d'un article isolé de nos lois, sans tenir compte de ceux (pli protègent lu droit des
absents] et de faire dépendre le droit de propriété d'une présentation de titres à heure fixe, Imposée à du
malheureux fugitifs, pour mettre l'Etat en possession, sans jugement, par un simple caprice administratif!
( Voir les Annales algériennes, t, II, l'o partie, llv. l.v, p, 20» —' Ibid,, llv, xiv, p, 193 et 101.)
100 I/AFRIQIÎR FHANÇAISE.
M. Piehon était rentré en Franco pour ne pas être davantage lo témoin des
méfaits de M. de Rovigo. Le ministère, peu soucieux d'intervenir dans leurs
conflits, quelque légitimes que fussent d'ailleurs les griefs de M. Piehon, s'é-
tait borné n remplacer ce dernier par M. Genly de Bussy, qu'uneordonnance
du 12 mai 1832 plaçait sotis l'autorité du général en chef. L'unique protection
que pouvaient espérer les intérêts civils des Fronçais et des indigènes se trouva
donc sacrifiée d'un trait de plume ; mais le cabinet de Paris secouait ainsi toute
espèce de travail, et le système de laisser faire semblait toujours le meilleur a,
l'égard d'une conquête sur laquelle, malgré tant de sacrifices et d'illusions par-
lementaires, nos vues d'avenir sont encore aujourd'hui une véritable énigme. Le
nouveau fonctionnaire n'était alors qu'un simple sous-intendant militaire de
3e classe, que ses protections, à défaut de services, avaient fait maître des re-
quêtes; mais c'était un homme d'esprit et fort capable de saisir le bon côté d'une
position si difficile à maintenir.
M. Genly deBussy profita des leçons que lui laissait son prédécesseur, et,
connaissant les manies impériales du duc de Bovigo, il sut, de prime abord,
gagner sa confiance par tous les dehors d'une parfaite soumission. Il n'en
fallait pas davantage pour conquérir un ascendant complet sur ce général en
chef, trop peu Versé dans l'art des paperasses pour ne pas se laisser dominer
promptement par un secrétaire qui se bornerait, on apparence, à lui épargner la
fatigue de rédiger des arrêtés. Peuïi "peu. M. Gcnty parvint a marcher sur une
voie d'égalité auprès de M. de Hovigo, qui toléra, sans les voir, ses nombreuses
usurpations. On emplirait un gros volume avec l'indigeste compilation de juris-
prudence administrative a laquelle il soumit tout ce qui pouvait donner pâture
au fisc. Les vices de l'année y gagnèrent surtout large carrière ; car les débi-
tants de liquides frelatés se multiplièrent a foison, et. l'on vit bientôt tomber
en oubli.l'arrêté' du 10 mars 1832, qui leur défendait de vendre à boire aux sous-/
officiers et soldats, « Si cette prohibition avait été exactement observée, dit
M» le commandant Pellissier, et il lie tenait qu'a l'autorité qu'elle te' fût, le vice
honteux de l'ivrognerie n'aurait pas fait tant de progrès dans l'armée d'Afrique,
oii il est poussé à nn degré révoltant. Les routes sont journellementjonchées de!
soldats ivres»morts, que les indigènes regardent avec dégoût ot pitié, et qui ne
serelèvent, le plus souvent, que pour aller peupler les hôpitaux '. »
Lorsque M. de Hovigo quitta l'Afrique, le général Voirol, homme de probité
et de conscience, mais frappé d'une sorted'impuissance par le sentiment conti-
nuel de sa position intérhnoire* n'eut pas l'heureuse pensée d'opposer une forte
autorité à l'envahissement'des abus. i\î. Gcnty de Bussy, déchargé du fardeau
d'un chef impérieux qu'il fallait sans cesse dompter par tous les arliliees d'une
politique minutieuse, prit ses coudées franches à l'arrivée du nouveau général*.

( Aujourd'hui tnéme, les villes île l'Algêrio sont encombréesde tabugios et do mauvais lieux* Dans quel-
ques cafés qui tiennent poiirtutit k Alger le premier rang, olllciers, sous'ofllclers, soldais, matins et gens do
tontes lus tinsses civiles se trouvent confondus, et il résulte parfois, de cette promiscuité, dus scènes lâ-
cheuses pour la dignité du commandement. Des femmes de mauvaise vie y viennent sur des -tréteaux, ex-
citer la lubricité par des chunsons d'un cynisme révuitunt. L'administration n'y prend pas gardu,ccsgoiis-la
paient un droit et la plus honteuso tolérance s'abilte ainsi sous lit protection du fisc, pour insulter iV la
>

morale publique* On getiveriicuietit elvll fermerait ces lupanars j le gouvernement militaire ignore ou per-
met tout,
MAUHKSQUK, COSTUME |)K VîLl.K.
'... LIVRE TltOISifcME. 161
et, faisant servir à son ambitieuse rivalité la phraséologie des bureaux, qu'il pos-
sède si bien, et uno facilité d'élocution qui ressemblait à du savoir, il s'empara
du conseil d'administrationj conduisit les discussions et les entraîna sous le poids
d'une omnipotence que personne n'eut t'énergic de contester. Si M. Gcnty n'a-
vait usé des conquêtes de sa faconde que pour en appliquer le pouvoir aux inté-
rêts dont le dé veloppemeiitlui était confié, le généralVoirol aurait': peut-être toléré
jusqu'au bonites prétentions de soii subalterne ; « niais, dit un officier supérieur
que j'ai déjà cité, lorsqu'il vit que l'intendant civil ne travaillait que dans l'intérêt
de son amour-propre, Sans ménager le moins du monde celui de son supérieur,
sa susceptibilité d'homme et de chef se révolta, et il en résulta, de la part du
général, une réaction dont les effets furent peu agréables pour M. de Bussy. »
Dans les"premiers'-jours de septembre tSîlt un événement assez important,
par lui-même Vint porter le comble à leur -mésintelligence, « Une Mauresque
divorcée se présenta au général Voirol, et lui déclara que son intention était
d'embrasser ta religion chrétienne. Le général en chef, après s'être assuré que
celte femme n'était pas en puissance de mari, l'envoya au commissaire du roi
près de la municipalité, en lui prescrivant de veiller à ce qu'elle ne fût point
maltraitée par les musulmans, qui pourraient voir sa conversion de mauvais oeil.
La néophyte, assurée de la protection de l'autorité, se mit alors a s'instruire des
premiers principes de notre religion, en attendant son baptême, Le kadi d'Al-
ger, Sidi-Abd-el-Aziz, homme instruit, mais fanatique, ayant appris ce qui Se
passait, courut se plaindre au général en chef, prétendant ([lie la Mauresque
n'avait pas le droit de changer de religion, et qu'elle méritait même d'être pu-
nie pour eu avoir formé te projet. M. Voirol l'écoutu avec beaucoup de
pa-
tience, et lui répondit qu'il lui était personnellement fort nidifièrent que cette
femme fût chrétienne ou musulmane; mais qu'il ne SouIVriruit pas .qu'il lui fût
fait la inoindre violence Sous prétexte de religion ; que chacun était libre de
suivrele cultequi lui convient;-que" ce principe avait été respecté par l'autorité
française, qui ne s'était opposée en rien a la/conversion de plusieurs chrétiens a la
religion musulmane, et que, par analogie, Il ne pouvait empêcher une conver-
sion il la religion-chrétienne. Le kadi, n'ayant rien de raisonnable à opposer a
cela, pria alors le général de lui permettre, au moins, de voir la Mauresque, afin
de .tâcher de la ramener, par ses conseils, au culte de ses pères» M, Voirol ré-
pliqua qu'il.eh était parfaitement libre, et le kadi parut satisfait de eetto assu-
rance. Mais, ayant échoué dans ses tenlaliVe.s, ce magistrat s'avisa de faire en-
lever la'Mauresque-pur ses chaouchs, Le général, instruit de cet acte de vio-
lence, envoya un de ses aides-de-eamp auprès d'Abd-cl-Aziz, pour lui:rappeler
ce dont ils étaient coiivemis. ï.u Mauresque, à qui l'on 's'apprêtait à infliger la
bastonnade, se trouva délivrée fort à propos, et se réfugia dans une église, tyï
elle fut immédiatement baptisée, sans que les indigènes cherchassent ù s'yop~
ser.Maisle kadi s'etont rendu chez le inuphli des Arabes, Sidi-Mustophu-heii-
et-Kelmbly, tous deux convinrent de'fermer leurs tribunaux, pour exciter, un
soulèvement'dans ja population. Le général eh chef eut bientôt brisé cette ré-
sistance factieuse; car, après 'avoirfait sommer les deux magistrats do repren-
dre leurs fonctions, sur leur relus, il les destitua «.
t.eluuli fat
;•
I
^v''::---:^. rolrtplHtM*- par Sidi-Àliimul-bMi-lijadoiin, kmli du Uêtt-êl-M al, qui fut Installé par los'snlir* du
'
ai. -
-
m LArniguic WANÇAISE.
(( Voici maintenant le rôle que M. Gentyde Bussy voulut jouer dans cette
affaire, Le jour de la fermeture des tribunaux musulmans, le général en chef le
fit appeler et lui dit : — « .lo vousm' mandé, monsieur l'intendant civil, pourvous
entretenir do l'événement du jour. » •<— « Quel événement, mou général? » de-
manda M. de Bussy, — « Mais, monsieur, reprit le général, vous devez bien le
savoir ; il s'agit de la conversion de la Mauresque réfugiée près de l'autorité ei-
vile, et des suites de cet incident, » — « Comment, mon général, il y « une
Mauresque qui a embrassé le christianisme? .le vous assure que je n'en savais
rien, » Lo général Voirol, indigné de cette affectation ironique d'ignorer une
chose que tout Alger savait, le pria froidement de so retirer, en ajoutant que,
puisqu'il en était ainsi, il lui ferait plus tard connaître ses ordres, Le lendemain,
de très-bonne heure, après avoir reçu la veille l'arrêté qui destituait les magis-
trats indigènes, M. de Bussy se rendit chez le général pour lui faire des obser-
vations sur cotte mesure. Au bout de peu do minutes, la conversation prit uno
direction telle, que M, Voirol, abandonnant sa position de chef, so mit a l'égard
de M, de Bussy dans celle d'un homme jaloux sur le point d'honneur, et qui se
sent outrager par quelqu'un qui n'a pas sur ces sortes d'affaires les mêmes idées
que lui. Cette scène pénible clôtura, d'une manière fâcheuse pour RI. de Bussy,
l'administration de ce fonctionnaire 1. » Los Maures, mécontents de la fermeté
déployée en cette occasion par lo général Voirol, se mirent a pétitionner contre
lui ; mais, comme il avait su se foire aimer delà majorité des indigènes, il y eut
des contre-pétitions, cl le terrain manqua aux perturbateurs, Le ministèro, qui
élaborait, depuis le mois de juillet, un nouveau système de gouvernement co-
lonial, au lieu de faire un acte de justice envers le digne général en chef, le
comprit avec l'intendant civil dans la iiêmc suppression.
M, Genty do Bussy laissa peu de regrets en Afrique, De retour en France, il
écrivit et dédia au maréchal duc do Dalmutie un livre à travers lequel on
trouve d'excellentes idées qui, si elles lui appartiennent, font d'autant plus re-
gretter sa triste administration 8.
Le général Voirol, ayant dignement refusé une position secondaire qu'on lui
(dirait auprès de son successeur, remit le commandement .-tu général Bapatcl;
et vécut à Alger, comme un simple particulier, jusqu'au mois de décembre.
Quand son départ fut connu, tous les kaïds des tribus soumises vinrent sponta-
nément lui faire leurs adieu v et lui offrir des armes du pays. La population eu-
ropéenne l'accompagna jusqu'au port et le pria d'accepter une médaille d'or,

n mimissairo du roi, Le muphti Mustapha-ben-el-Kebabtlvint offrir ses excuses nu général en chef, et fut
autorisé à reprendre son emploi, Quelques indigènes qui avaient insulté le nouveau hadi furent arrêtés, et
cet exemple suffit pour rétablir la plus entière tranquillité,
t Annales algériennes, t. II, lro partie, IlV. xiv, p. 201.
a On doit toutefois a eut Intendant la création des premières écoles primaires en Algérie, ot colle des deux
premiers villages français de Kouba et Doihy-Ibrahim. Dansl'ouvragequ'il a publié ot que nous avons déjà
cité plus d'une fois, nous aimons encore à signaler cette pensée ! « Avec un gouverneur venu de l'ordre civil,
o', nous ne le dissimulons pas, tel i si notre voeu formel, s'en va le dunger do voir substituer lo moyen au
but. Il y aura chez lui plus d'habitude de manier les hommes, plus d'inclination pour la douceur et la per-
suasion que pour la sévérité ot la force, Concentrée sur une seule pensée, sa gloire sera la paix ; son ambi-
tlnn, la prospérité piogressivo du pays. Inaccessible aux séductions des combats, devant lui l'esprit militaire
oiraccra ses excès et la colonisation reprendra la seu'e place qu'elle puisse occuper, la première, (De l'éta-
blisicmeiU des Français dansfa régence. d'Alger, t. II, p, 271.) M. de I3ussy est dans le vrai j malheureu-
sement, cette exquise intoUlRenen des choses lui est venue trop tard,
LlVItH TIUM'SlfcMl'î. ItiTi

comme gage de la reeoiinaissauee (('une colonie où sou nom n'éveille que des
souvenirs vénérés,

'fiOltVI5UMÏM.ENT PU OICKKRAL DIlOlIKT U F.ttLON.

Le juillet 1833, M, le maréchal Soult, ministre do la guerre, avait fait ap-


7

prouver au Roi, sur la demande des chambres, l'envoi euAfruptc d'une commis-
sion d'enquête, chargée d'apprécier l'état de l'occupation sous le double rapport
militaire et colonial, et de constater, d'une manière irrécusable, les faits qui se
rattachaient à l'administration de notre colonie naissante. Le gouvernement
eonlla cette mission délicate a des-hommes:'qu'entourait la considération pu-
blique, et (tout les aptitudes spéciales devaient concourir a éclairer puissam-
ment tous les objets d'études qui allaient leur être soumis. Le choix du minis-
lère se fixa sur MM. le général Bonnet ; d'Haubcrsaert, pair de Franco ; de la
Pinsonnièrc, Laurence, Piscatory et Beynard, députés; Monfort, maréchal de
camp, inspecteur du génie, elDuval d'Ailly, capitaine de vaisseau.
Cette commission débarqua le 2 septembre, visita toutes les villes occupées
par nos troupes, prit les plus minutieuses informations auprès des autorités ci-
viles et militaires, de la chambre de commerce d'Alger et de la commission
décolonisation; elle écouta les délégués de la société des colons, les négociants
européens, et admit les Maures et les Juifs à lui soumettre leurs griefs, Le
23 octobre, elle revint à Alger avec de nombreux documents,' L'ensemble de
son rapport, présenté aux chambres au mois do juin 1834 (mais que M. Pisca-
tory ', son secrétaire, déclarait n'avoir pas été destiné à la publicité}, confirma
l'existence du mat dont je n'ai retracé qu'une partie, Voici la sévère apprécia-
tion qui en ressort :
« Si l'on s'arrête un instant à la manière dont l'occupation a traité les indi-
gènes, on voit que sa marche a été en contradiction non-seulement avec la jus-
tice, mais avec la raison. C'est au mépris d'une capitulation solennelle, au mé-
pris des droits les plus simples et les plus naturols des peuples, que nousavons
méconnu tous les intérêts, froissé les moeurs et les existences ; et nous avons en-
suite demandé une soumission franche et entière a des populations qui no se
sont jamais bien complètement soumises à personnel
« Nous avons réuni au domaine les biens des fondations pieuses; nous avons
séquestré ceux d'une classe d'habitants que nous avions promis de respecter ;
nous avons commencé l'exercice de notre puissance par une exaction ; nous
nous sommes emparés des propriétés privées sans indemnité aucune; et, de*
plus, nous avons été jusqu'à contraindre des propriétaires, expropriés de cette

t La chambre, disait en 1831 AI, Piscatory, avait témoigné le désir de recevoir tous les documents néces-
saires A l'examen de la question d'Alger, soulevée par lit discussion du budget de la 'guerre, — I.o gouver-
nement a cru devoir déposer sur le bureau le procès-verbal de la Commission qui avait accepté d'aller en
Afrique. Quoique ce procès-verbal eût été rédigé uniquement pour mettre de l'ordre dons sou travail, et
pour témoigner de la marche qu'elle avait suivie, la Commission n'a pas cru devoir s'opposer à celle com-
munication j mais il est Utile que la chambre sache que ce procès-verbal n'était'pasdestinéiiVimpression,
et que cependont la Commission a pensé ne devoir apporter aucun changement à sa rédaction. (Procès-ver-
bauxet rapports, Tp. 39.) '
104 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
manière, a payer les frais de démolition de leurs maisons et môme d'une mos-
quée. Nous avons loué des bâtiments du domaine à des tiers ; nous avons reçu
d'avance le prix du loyer, et, le lendemain, nous avons fait démolir ces bAti-
nients, sans restitutions ni dédommagements,
« Nous avons profané les temples, les tombeaux, l'intérieur des maisons,
asile sacré chez les musulmans, On sait que les nécessités do la guerre sont
parfois irrésistibles, mais on devait trouver dans l'application de mesures ex-*
Ironies des formes de justice pour masquer tout ce qu'elles ont d'odieux, .Tnmais
les peuples do rautiquité, depuis les plus éclairés jusqu'aux plus barbares,
n'avaient pensé que la violation des moeurs "et des lois des nations vaincues piU
les leur attacher. Les Bomains, loin de suivre une telle marche, prenaient
toujours uno partie des coutumes des peuples qu'ils avaient soumis; les hordes
barbares du nord firent de même, Il est vrai que, plus tard, l'Europe substitua
ses moeurs et ses croyances à l'Amérique, mais elle fut obligée de détruire les
populations, et l'on ne pense pas que tel soit le résultat à rechercher aujour-
d'hui en Afrique.
«il y.'eut confusion dans l'organisation de la justice, confusion dans les ju-
ridictions, confusion dans l'administration, confusion partout; et certainement
les indigènes, quand même ils auraient été pleins de bonne volonté, n'auraient
pu se reconnaître dans ce chaos où nous ne nous retrouvions plus nous-mêmes.
Les interprètes, ignorants ou infidèles, vinrent encore ajouter aux difficultés de
nos transactions avec les Arabes,
« Nous avons envoyé au supplice, sur Un simple soupçon, et sans procès, des
gens dont la culpabilité est toujours restée plus que douteuse depuis; leurs hé-
ritiers ont été dépouillés, Le gouvernement a fait restituer la fortune, il est
vrai, mais il n'a pu rendre la vie à un père assassiné.
« Nous avons massacré des gens porteurs do sauf-conduits ; égorgé, sur un
soupçon, des populations entières, qui se sont ensuite trouvées innocentes ; notis
avons mis en jugement des hommes réputés saints dans le pays,des hommes
vénérés, parce qu'ils avaient assez de courage pour venir s'exposer à nos fu-
reurs, afin d'intercéder en faveur de leurs malheureux compatriotes ; il s'est."
trouvé des juges pour les condamner, et des hommes civilisés pour les faire exé-
cuter,, -...',
«Nous avons plongé dans les cachots des chefs de tribus, parce que ces tri-
bus avaient donné asile a nos déserteurs ; nous ayons décoré la trahison du nom
de négociation, qualifié (Yactes diplomatiques de honteux guet-apens; en un
mot, nous avons débordé en barbarie les barbares que nous venions civiliser, cl
nous nous plaignons de n'avoir pas réussi auprès d'eux 111 Mais nous avons été
nos plus cruels ennemis en Afrique, et, après tous ces égarements de la violence,
nous avons changé tout à coup de système pour nous lancer dans l'excès con-
traire ; nous avons tremblé devant un acte de rigueur mérité, et nous avons
voulu ramener ù nous, à force de condescendance, des gens qui n'ont alors
cessé de nous -craindre que pour nous mépriser.
« Oh ne peut attacher le blême à tel administrateur plutôt qu'à tel autre ; les
modifications survenues successivement dans le personnel, l'absence de système
déterminé, l'incertitude dé l'occupation, ont jeté la langueur partout. Les faux
MYK'RTlVOISIftMti. UW

errements des uns, inaperçus par leurs successeurs, n'ont pas été rectifiés ; des
mesures favorables à telle branche d'administration ont été légèrement adop-
tées, sans qu'on ait remarqué qu'elles étaient nuisibles à d'autres, Enfin, le sol
a manqué sous les pas do presque tous, parce que presque tous, en présence de
difficultés extrêmes, ont été inférieurs à leur position', »
La commission résumait ainsi son jugement s « Il n'y a personne qui n'ait été
frappé do l'incapacité, de la faiblesse et de l'ignorance de certains fonctionnaires.
Il on est résulté quo l'autorité a donné un spectacle honteux pour la France;
qu'ollo a été pour les Français vexatoire et tracassière, et que, loin de rien en-
courager, olle a éloigné les progrès, découragé les efforts, et que tous les bons
résultats ont été, sinon rendus impossibles, au moins ajournés pour longtemps,
Delà nait, pour nous, la déconsidération vis-à-vis des Européens, une impuis-
sance complète sur l'esprit des Arabes, et l'idée donnée aux étrangers que la
France ne veut pas conserver un pays qu'elle gouverne si mal,
« L'attitude de l'autorité militaire, jugée dans sou ensemble, est la faiblesse
et l'hésitation, la perte de son influence sur les nationaux, ot défaut de puissance
morale sur les indigènes, L'autorité supérieure a une large part dans ce
blâme,
« L'autorité civile est placée dans une mauvaise position : absence de haute
direction, défaut d'intelligenco de sa mission, activité peu féconde en résultats
utiles, souvent imprudente et dommageable *. La commission ne méconnaît pas
que les circonstances ont été souvent difficiles} l'autorité supérieure a fait tout
ce qui devait les aggraver,
« L'autorité judiciaire manque de considération et d'indépendance ; elle a été
mal composée dans son personnel ; la confiance s'est retirée d'elle, et l'opinion
publique réclame sa prompte réorganisation à. »
Puis, appréciant « les graves inconvénients attachés à l'action prédominante
du pouvoir militaire, inévitablement empreinte de cette marche brusque, vio-
lente, et plus préoccupée des droits de la conquête que des principes de modé-
ration et de justice qui doivent régler l'administration d'un pays qu'on veut
conserver», la commission pensait que « l'institution d'un gouverneur supérieur
au commandant en chef de l'armée, et qui, par conséquent, dominerait tout à

I Procès-verbaux et. rapports do lacommission nommée par le Hoi, le 7 juillet 1833, pour aller recueillir,
on Afrique, tous les faits propres à éclairer le gouvernement sur l'état du pays, et les mesures quo réclame
son avenir. (1\ .133. Paris, Imprimerie royale, juin 18,34.)
i Ceci justifie l'opinion que nous avons portée sur l'administration de M. Genty do Bussy, que la Commis-
sion n'a pas cru devoir excepter ; et ce fonctionnaire s'est empressé do reconnaître l'équité de ces conclusions,
car voici l'hommagequ'il leur a lui-même rendu ! — » Frise dans les deux premiers corps de l'État, une com-
mission est venue, en 1833, étudier l'Afrique sur les lieux. Guidée, avant tout, par lo besoin de saisir I9
vérité, elle a voulu voir et toucher par elle-même les éléments livrés u son examen. Pleine de circonspection
et de prudence toutefois, elle a pensé que les conséquences des faits qu'elle avait mission de recueillir ne
devaient pas être prématurément tirées, et qu'cllo n'avait pas d'avis à laisser transpirer sur les lieux. Loin
donodoBc presser d'écrire lorsque ses impressions étaient encore trop vives, clic a parfaitement senti qu'à
Alger elle devait se borner à tout voir, et que c'était à Paris seulement qu'elle était appelée à dire comment
elle avait vu. Inaccessibleà toute autre considération qu'a celle de bien faire, elle s'est mise à la tâche avec
ce patriotisme qui distingue aujourd'hui les hommes sincèrementattachés à leur pays. Grâces lui en soient
rondiies! La France lui a déjà tenu compte de ses travaux et do son dévouement k la chose publique, » ( De
l'établissement des Français dans la régence d'Alger, 2e édition, 1.1, p. 5.1
3 Procès-verbaux et rapport de la commission,
p. 117,
m LAFitiouE FHANI;AIHI;,
ln fois le pouvoir militaire et le pouvoir civil, sans appartenir plus spécialement
à l'un qu'à l'autre, pourrait concilier avec sagesse et ensemble tous les besoins
du pays *, » Elle terminait ses travaux en déclarant son unanimité d'opinions
sur ce point que, sans déclaration officielle do la réunion de l'Algérie à la
France, i) n'y avait pas de colonisation possible *, Toutefois, à côté du triste
tableau qu'elle' venait de tracer, elle avait su placer des espérances pour l'ave-
nir : « Tout nous paraît, disait-elle, devoir encourager nos efforts on Afrique;
In''fertilité du sol est grande, la perspective commerciale se présente aussi sous
les couleurs les plus favorables, et, quelques difficultés que l'on éprouve à na-
turaliser la civilisation sur cette terre, et, par suite, l'usage des produits de notre
industrie, la voio qu'une colonisation purement européenne ouvrirait serait déjà
bien assez large pour justifier toutes les espérances. La position militaire est
merveilleuse sous le rapport politique, en ce qu'elle commande une des mers
les plus riches d'avenir, et qu'elle présente à l'ennemi extérieur d'immenses dif-
ficultés d'attaque. »
Quant à la colonisation, quel était son état? M, l'intendant Gcnty de Bussy va
nous répondre ; « Trompés, dit-il, par le charlatanisme de quelques journaux,
des gens sans aveu, sans industrie, sans argent, ramassés dons tous les coins de
l'Europe, vinrent, eu 1831, fondre sur Alger, et ne tardèrent pas à faire con-
naître qu'ils n'avaient fait que changer de misère, avec l'éloigncmont de plus.
Tels ont été nos premiers colons, dont la moitié mourut, pendant que l'autre
vivait d'aumônes et devenait une charge publique, Plusieurs expéditions de co-
lons se répétèrent dans le cours de 1832, et, du Havre, il fallut les renvoyer à
Marseille, pour n'avoir pas à gémir du spectacle de tribulations nouvelles,
Ainsi, quand la politique des puissances réunit ses efforts contre l'odieuse indus-
trie de la traite des hommes, d'avides spéculateurs l'importent en Europe, et,
dans la vue d'augmenter la valeur des terres qu'ils ont acquises à bas prix, ne
craignent pas de compromettre la vie do quelques milliers d'individus ! Voilà ce
que nous avons vu, ce que nous n'avons pas oublié 5. »
Un écrivain militaire juge autrement ces infortunés ; « Des vagabonds de
tout pays, s'éeric-t-il, des misérables sans énergie, traînant après eux une foule
d'enfants et de vieillards, vinrent, disait-on, pour cultiver les terrains ; ils n'en
firent rien. "Vauriens, mendiants et paresseux, comme ils l'avaient été toute leur
vie, ils ne perdirent rien de leurs habitudes, et ce qu'on aurait pu prévoir ar-
riva. Au lieu d'être utiles en la moindre des choses, ils ne furent qu'une charge
et qu'un embarras de plus dans le pays. On leur montra quelques champs à dé-
fricher ; un peu plus tard, on leur construisit deux villages, et ce ne fut point
assez ; il aurait fallu, pour ainsi dire, leur préparer des aliments. En un mot,
c'était de la. canaille^([wl devait disparaître comme elle avait vécu, dans la mol-
lesse et la misère, La fièvre en décima les trois quarts, et lo reste se traîna dans
Alger, au milieu de toutes sortes de métiers, En 1832, et les années suivantes./

I Procès-verbauxet rapport de commission, séanpc du 'l novembre 183,1, p,123,"


'
8 Ibidem. Rapportdu 12 janvier 1834, p. .(73.
^ De l'établissement des Françaisdans là province d'Alger, t. t, p. 411. Ce fut pour sauver les débr s
de la première émigration que M* Getity de Dussy créa les villages de Kouba et de Dolhy-Ibraliim; et
pendant qu'on bâtissait leurs totts, les fièvres avaient encore diminué de moitié le nombre dç ces''mai-'
heureux. - ...
LIVUE THOISlfcME. 107
si quelques Européens reparurent, qu'on veuille bien ne pas se les figurer ex-
cessivement préférables ', » Mais, au lieu de dépenser son éloquence à tracer un
tableau si affligeant, et dans lequel apparaît une certaine exagération, ce pu-
bliciste clairvoyant n'eùt-il pas mieux fait do chercher la source du mal? car ce
ne sont pas los mendiants venus d'Europe qui ont compromis, à l'époque dont
nous parlons, l'avenir de la colonie; et voici la vérité tout entière, proclaméo
par un document officiel ;
« Un des événements les plus graves qui aient pu frapper le berceau do l'Al-
gérie fut l'arrivée subite, au/milieu de quelques gens honorables, de spécula-
teurs aventureux et sans ressources réelles, qui, se jetant sur notre conquête
comme sur uno proie facile à exploiter, ont envahi toutes les sources do richesses,
neutralisé tous les efforts honnêtes, exigé de lois naissantes, et souvent à créer,
un appui honteux pour de honteuses transactions. Ce fut alors que commeucc-
rcut ces spéculations dont quelques-unes no peuvent être trop flétries ; ce fut
alors que,' sans moyeu d'acquérir, on voulut devenir propriétaire. Tout parut
convenable pour atteindro ce but ! oïl voulut posséder, on posséda. La maladie
gagna toutes les classes, et l'on doit déplorer qu'elle soit parvenue jusqu'à celle
qui s'est toujours fait remarquer par son désintéressement et ses généreux sacri-
fices. Les consciences pures se laissèrent égarer; on crut être utile à la colonie
en augmentant lo nombre des colons, en devenant aussi propriétaire, et .quel-
quefois à des conditions si peu onéreuses, (pie la délicatesse publique s'en effa-
roucha, Couxdà furent nu moins coupables de donner un fâcheux exemple, dont
on a largement profité depuis pour couvrir de honteuses spoliations, Alger de-
vint le théâtre de manoeuvres frauduleuses do tout genre, qui achevèrent de
déconsidérer le caractère français aux yeux dos naturels. Nous apportions à ces
peuples barbares les bienfaits de la civilisation, et de nos mains s'échappaient
toutes les turpitudes d'un ordre social usé.
« Ces colons, inutiles pour la
colonisation, puisqu'ils no devaient jamais ni
semer, ni planter, ni exercer d'industrie ; ces colons, qui accaparaient .les terres
quelquo part que ce fût, sans les voir, sans les connaître; portant d'avance leur
envahissement sur les \w'mlsprésumés de l'occupation militaire; s'exposant a
l'improbité des Maures, en achetant à lllidah, par exemple, des maisons renver-
sées depuis six ans par un tremblement de terre, — dans la Métidjah, dix fois
plus d'étendue qu'elle n'en a, cl jusqu'à 30,000 arpents a la fois d'un seul pro-
priétaire; ces colons qui voulaient, à tout prix, compléter leurs spéculations
en revendant avec bénéfice des propriétés vraies ou supposées, exigèrent à
grands cris dota France qu'elle versât pour eux son sang, qu'elle fit, en Afri-
que et dans leur intérêt, ces grands travaux qu'elle ne peut faire chez elle-
même, et qu'on tout cas elle n'entreprend qu'avec les deniers de ses contribua-
bles. Il fallait que la France prodiguât ses soldats et ses trésors pour assurer
une immense fortune à des gens qui ne lui promettaient même pas, en échange,
le léger dédommagement de la reconnaissance; dont quelques-uns avaient fui
le contact mérité des lois pénales, et qui cependant regardaient les efforts do
leur patrie comme une dette envers eux, Tout fut paralysé dans la colonie ;

I Considérations politiques sur la colonie d'Alger, par le capitaine Poyroniiy, p, 138,


UH L'AFHIQUE FHAN'ÇAISE,
l'intrigue s'empara do toutes tes avenues ; l'administration chancela sous un
poids énorme; elle succomba presque, et ne so releva qu'à peine. L'armée eut à
se défondre aussi de cette puissance qui osa, dès le premier jour, lui contester
le droit de camper sur le champ de bataille qu'elle avait conquis. Les prissions
politiques se firent jour aussi, et servirent merveilleusement le désordre'. » —
« La rago de la spéculation, » disait à la tribune, le 20 avril 1834, M. Dupin,
président dota chambre des députés, « la rage de la spéculation a été poussée
jusqu'au scandale, Il y a telle maison qui est louée à l'Etat douze fois la valeur
que le capital entier a coûté ; un administrateur a fait cette spéculation, et vou-
drait faire tomber à la charge du gouvernement le soin d'assurer ce bénéfice,
Ou a vendu des terres à Alger, comme des quantités algébriques, comme à la
lloursc de Paris on trafique sur le sucre, le café et les eaux-do-vie, Le territoire
d'Alger appartient aujourd'hui à de gros capitalistes qui ont des numéros de lo-
terie, qui cherchent à les placer, et qui voudraient qu'une déclaration du gou-
vernement vint dire qu'ils ont vendu sous sa garantie, afin de faire hausser le
prix de leur marchandise, et ensuite de s'en départir, »
Voilà la vérité, et, à l'heure où nous écrivons cette pago, les choses n'ont
guère changé. Nous aurons plus tard l'occasion de le prouver,
Los tristes révélations de la commission d'enquête avaient fait pressentir qu'un
homme de la plus haute capacité allait porter aux affaires d'Afrique une admi-
rable impulsion ; mais, à la surprise générale, lo choix du ministère tomba sur
le général Drouctd'Erlon a, vieillard do70ans, fort étonné lui-même do ce véri-
table accident.
Une ordonnance, du 22 juillet 1831, qualifia du titre de possessions fran-
çaises dans le nord de l'Afrique les points dota régence d'Alger qui nous
étaient soumis, Le titre de gouverneur général fut substitué à celui de comman-
dant en chef du corps d'occupation. Ce n'était qu'un changement de mots; le
système ne devait point varier, et les accusations portées par la commission
d'Afrique restèrent comme non avenues. Le pouvoir se trouva concentré dans
les mains du gouverneur militaire, assisté d'un conseil fictif, composé du procu-
reur général, chef de la justice, do l'intendant militaire et d'un directeur des
finances; l'intendance civile allait être bientôt supprimée; l'action de la justice
civile fut enfermée dans le cercle étroit qu'il plairait au gouverneur de lui assi-
gner, et le règne des conseils de guerre commença 3.
Le gouverneur général, arrivé à Alger le 20 septembre, parut d'abord sentir
la nécessité de substituer, autant que possible, la politique des négociations à
l Procès-verbauxet rapports de la commission d'enquête nommée par le'Roi le 7 juillet 1833. (Rapport
sur là colonisation j Étal moral de la colonie, p, 330. )
a Soldat en 1787 au régiment de lîeaujolais, M, Drouct avait fait les guerres de la république etdol'empire,
Général depuis 1799, nommé comte et grand ofiiclcr de la Légion d'honneur pnr Napoléon, il se compromit,
en 1815, avec Lcfèvrc-De'mouettes, et fut exilé après les Cent jours, Rappelé par Charles X en 1823, il
vécut dans l'obscurité jusqu'à la révolution de juillet, Créé pair en 1831, et l'année suivante Investi du com-
mandement de la 12e division militaire, il concourut, après la trahison de l'infâme Deutz, à l'arrestation de la
duchesse de Berry,
8 L'intendant.'militaire Bondurnnd conserva ses fonctions jusqu'à sa mort, en 1835, et fut remplacé par
M. Melcion d'Are; — M. Léon Blonde! fut nommé directeur des finances; M. le contre-amiral de la 13rc-
tonnière eut le commandementdes forces navales ; M. Lepasquier, préfctdu Finistère, l'emploi d'intendant
civil, et RI. Laurence, député, qui avait fait partie do la commission d'Afrique, dut s'occuper de l'organi-
sation des servicesjudiciaires. .<,'
M VUE TROISIÈME. 'î«0
l'emploi do la force; mais c'était un hommo usé, que, sa faiblesse et son igno-
rance parfaite des devoirs de sa position livraient à la merci de tous les brouil-
lons. Les chambres, effrayées des sacrifices que l'Algérie avait déjà coûtés sans
rien produire, avaient exprimé Je voeu de voir réduire les dépenses du budget
d'occupation. M, d'Erlon créa, sous le nom de spahis, un corps auxiliaire d'in*
digènos, dont M. Mnrey, qui vouait d'être nommé Jieufenoiit-oolonel, reçut le
commandement, avec le titro d'agha' des Arabes. Cette création heureuse fut placée
à côté d'une faute ; on supprima le bureau arabe, à la tète duquel M. le capi-
taine Pellissier avait rendu les services les plmi éminents, et déployé les briL
tantes capacités qui le distinguent,
Un camp français venait d'être installé a Bou-Farik pour surveiller le mar-
ché, et nos rapports avec les Arabes se seraient maintenus sans hostilités, si
M.Tngba Marcy n'avait cru de sa dignité de venger a coups de fusil quelques'
plaisanteries que les Hadjoutes avaient risquées sur sa nomination. Lo'y-janvier
183">, 4 bataillons d'infanterie, les zouaves, les chasseurs d'Afrique, les spahis,
4 obusiers et 2 pièces de campagne, furent amenés en avant de Douera. Le
même jour, M, l'agba se rendit au marché do llou-Farik et .fit arrêter deux
Hadjoutes, dont l'un, qui devait un bienfait au général Voîrol, n'avait cessé de
nous être fidèle, Cet acte peu loyal, cette surprise en pleine paix, souleva tous
les esprits. Les Hadjoutes renoncèrent à notre alliance et se retirèrent en lieu de
sûreté, Le général Rapotol se mit à battre le pays, brûla un village des Mou-
zaïasqui ne nous donnaient aucun sujet de plainte, et eut à soutenir dans les
gorges du Petit Atlas un engagement très-chaud ; M, Marcy fut blessé ; la colonne
rentra, le 9, à Bou-Farik, poursuivie par les Hadjoutes et les Mouzaïas réunis,
Depuis cette époque, les Hadjoutes furent en guevre perpétuelle avec nous, et
f
nous firent essuyer des portes considérables. Un mois après échaultburéo du
général Rapatel, cent cinquante de leurs cavaliers vinrent balayer ".la roule de
Dcly-Ibrahim, tuèrent des voyageurs et des soldats isolés, cl se retirèrent char-
gés do butin. Les colons, frappés do terreur par cet événement, et plus encore
par les ordres du jour du gouverneur qui exagérait le mal, abandonnèrent les
cultures du Sahel,
L'expédition du 5 janvier avait trop prouvé aux Arabes quo le digne général
Voirol n'était plus au pouvoir. Les chefs de la plaine se détachèrent de nous
successivement pour faire cause commune avec nos ennemis, Bientôt la faiblesse
du gouverneur acheva de déconsidérer notre altitude. Un navire sarde avait
échoué près du cap Bengut; l'équipage parvint à gagner la terre, mais fut retenu
prisonnier par la tribu des Issers, qui demanda leur rançon. Au lieu de protéger
les Européens par une éclatante démonstration, M. d'Erlon souffrit que ces
malheureux fussent délivrés a prix d'or," et envoya même un officier d'élat-
major porter aux Issers la somme réclamée par eux, et dont le consul de Sur-
daigne fournit les fonds.
Vers la fin de mars, les Hadjoutes attaquèrent le camp de Bou-Farik, répon-
dirent à nos canons à coups de fusil, et pillèrent les bestiaux épars dans la
plaine, Le général Rapalel les poursuivitinutilement.
Pendant que nos armes n'étaient plus respectées dans la province d'Alger,
d'autres événements se passaient ailleurs. Le u octobre, le poste du mont Gou-
' ' 22" -'
HO L'AFRIQUE F U AIN" Ç Al SE.
rayah, au-dessus do Bougie, fut attaqué par les Kebaïles, et vivemeul défendu,
Le 5 décembre suivant, l'ennemi reparut, aveo ^os forces nombreuses, dans la
plaine et sur les hauteurs du moulin de Demoiis, Le brave colonel Duvivier lui
fit éprouver do grandes pertes, et, trois jours après, dirigea une reconnaissance
dans la vallée de rOucd-Bou-Mcssaoud ; assailli par une fusillade énergique, il
parvint néanmoins à faire reculer les Kebaïles, et opéra sa retraite dans un
ordre admirable, après leur avoir prouvé qu'il savait user de la force sans la
flétrir par do tristes dévastations, Sa belle conduite fut comprise, Oulid-Oure-
bah, clieïkb desOuled-Abd-ekDjebar qui habitent cette vallée, parut disposé à
négocier la paix ; mais son orgueil l'empêchant de s'adresser au colonel Duvivier
qui l'avait vaincu, il se mit en relations secrètes avec M, Lowasy, commissaire
du roi près de la municipalité imaginaire do Bougie.
M, Lowasy, fier de devenir un personnage, écrivit a M. Lopasquior, inten-
dant civil d'Alger, pour lui annoncer qu'il tenait entre ses mains {a. pacification
du territoire de Bougie, et que, si ce résultat n'était pas obtenu, il ne faudrait
s'en prendre qu'à la haine inspirée aux Kebaïles par M, Duvivier. Le gouverneur
général, informé de celte confidence, transmit à M. Lowasy rautorisation de
traiter avec Oulid-Ourebah. On no s'explique pas la conduito du général d'Er-
lon, confiant à un homme sans caractère officiel une'mission dont le comman-
dant supérieur do Bougie no fut pas même informé, Le 27 mars, d'un point
élevé d'où il oxaminait la plaine, M, Duvivier vit un bateau portant pavillon
français, aborder au loin la côto ennemie,'et entrer en communication avec des
Kebaïles armés et nombreux ; c'était M, Lowasy qui se rendait auprès du cheikh
Ourcbah, Leur conférence avait à peine duré quelques instants, que plusieurs
coups de fusil furent tirés par les montagnards; M, Lowasy perdit la tète, ro-
gagna son canot et fit force de rames vers Bougie, malgré les cris d'Oulid-
Ourebah quile rappelait,Mais le colonel Duvivier n'était pas homme à lo laisser
débarquer incognito ; une chaloupe de la marine s'empara du canot et déposa
M, Lowasy à bord du slationnairc. Les lois punissent de mort quiconque, dans
une place bloquée, franchit les avant-postes, ou entretient des correspondances
avec l'ennemi, sans la permission du commandant supérieur; elles assimilent
ce fait à la trahison. M. Duvivier pouvait livrer M, Lowasy à un conseil de
guerre, le faire juger et fusiller sans désemparer ; mais-: l'infortuné parlemen-
taire se hâta d'exhiber les instructions do M. d'Erlon ; il fut relâché et immé-
diatement embarqué pour Alger, avec un rapport du commandant qui déclarait
que s'il n'obtenait pas du gouverneur général une reparution convenable, il no
resterait pas un jour de plus à Bougie. Mais à Alger, ces plaintes ne furent pas
môme examinées, et notre singulier gouverneur général ne prêta l'oreille qu'aux
déclamations violentes de M, Lowasy; l'intendant civil, qui dominait M. d'Er-
lon, fit donner tort au colonel Duvivier, que le colonel du génie Lomercier Vint
aussitôt remplacer '. Les négoëations furent reprises avec Oulid-Ourebah ; ou

l Au départ du colonel Duvivier, la garnison so porta tout entière sur sou passage pour lui faire ses
adieux, ot lui témoigner combien tous les coeurs étaient froissés* I+ss'officiers vinrent à bord lui offrir une
épée d'honneur pour laquelle ils se cotisaient; il la refusa, Lo colonel Lemcrcior se joignit à eux pour qu'il
acceptât co gage d'estime, Le gouverneur, instruit do ces faits, défendit toute souscription ; niais ce témoi-
gnage publie n'a pas moins protesté conire l'injusUce subto ^^
LIVRE TROISIEME, 171

so rendit en bateau, sons troupes, sur lo rivage ennemi, nu milieu des Kebaïles
sous les armes; on déposa aux pieds du cheikh des cadeaux et de l'argent}
sur son premier mot, qu'il ne traiterait pas tant que l'ancien commandant do Bou-
gie ne serait pas renvoyé, on lui répondit que c'était déjà chose faite ; enfin, sur
ce petit coin d'une plage inhospitalière, on couvrit de fange l'honneur national ;
et pour prix do tant de honte, on obtint un chiffon de papier par lequel Oulid-
Ourclmli octroyait aux Français la permission de rester dans Bougie, sur laquello
ce chef de montagnards n'avait jamais eu aucune autorité,
Peu do jours après, les Mzaîa vinrent nous attaquer, Le colonel Lemcrcior
sortit contre eux dans ta plaine « Notre ami Oulid-Ourebah, disait-il à ses
.*

soldats, va venir leur couper la retraite, » Plusieurs heures se passèrent, et l'on


vit arriver des Kebaïles à pied et à cheval; c'était eu effet Oulid-Ourebah qui
s'avançait, mais pour tirer sur nous. Il fallut battre en retraite, et de nouvelles
sommes d'argent payèrent les explications que ce cheikh voulut bien donner ;
quand il n'eut plus l'espoir de rien obtenir, il déclaraqu'il s'était moqué, de nous »,
A la même époque, le gouverneur général avait remplacé à Oran le général
Dosniielicls, dont lotraité nous était si funeste, par le général Trézcl, chofdol'étnt-
major 8. Notre attitude devenait embarrassante, Incupablo do prendre une réso-
lution, et de soutenir par la force les menaces que lo général Voirol avait faites
à l'émir, pour l'empêcher do passer le Chéliff et de se jeter sur ta province do
Tittcri, M. d'Erlon, subjugué par les intrigues du juif Durand, s'avisa d'envoyer
à Abd-el-Kndor un officier avec des présents et la promesse de plusieurs mil-
liers do poudre. Les Hadjoutes escortèrent notre ambassadeur, qui fut témoin do
l'influence toujours croissante de l'émir. Ses relations diplomatiques avec nous
prenaient de jour en jour un caractère d'orgueil fort alarmant; mais le gouver-
nouiyloin de tenir compte des observations pressantes du général Trézcl, qui ju-
geait nettement l'état des choses, fut sur le point de livrer à notre prochain en-
nemi plusieurs pièces d'artillerie qu'il sollicitait, sous le prétexte de faire le siège
du Méehouar (citadelle de Tlemcen),
Cependant, sur le bruit répandu qu'Abd-el-Kadcr était entré à Milianah, où il
avait nommé pour kaïd El-Hadji-Mahiddiu (l'ex-agha du général Berthézçno),
M, Trézcl avait profité d'un voyage du gouverneur à Oran, pour lui représenter
l'utilité d'attacher à notre cause les Douairs et les Scmelas. M, d'Erlon refusa de
sanctionner ce projet, dont l'exécution serait, disait- il, une rupture des
traités. L'émir, averti par ses émissaires, envoya aussitôt à ces tribus l'ordre de
s'éloigner d'Oran, et chargeaTagha El-Mezary d'employer la force pour les y

t Un bon ouvrage/ Vingt-sir mois de séjour ti Bougie, par lo lieutenant-coloneld'nrtillorio Lnpcno, a jeté
un grand Jour sur toutes ces choses ; seulement, il n'a pu donner certains détails qui étaient inconnus forcé-
ment à cet ollicier supérieur. — M, le colonel Lemercier voyant que la position do Bougie ne pouvait s'amé-
liorer, demanda à reprendre son sorvico à Alger. Le lieutenant-colonel Girod, aldo do camp de M.d'Krlon,
lui succéda, et so borna prudemmentà défendre ses lignes contre les agressions impuissantesdes Kebaïles,
â M. Desmichels, quo tourmentait la manie des négociations maladroiteset de jouer un réle dans les rap-
ports do la France avec Abd-el-Kader, n'avait soumis au gouvernement que la seconde partie du traité du
2(5 février. Celle qui avantageait l'émir, en lui concédant lo monopolo du commerce, était restée dans
l'ombra. M, d'ICrlon ayant voulu s'opposer à co qu'il appelait d'intolérables prétentions*, Abd-el-Knder lui
donna, par l'intermédiaire du juif Durand, des 'explications péremptoircs sur l'existence de son droit. Nu
pouvant interpréter d'une manière favorable a M. Desmichels l'ignorance ou on l'avait laissé d'une partie dii
traité, le gouverneur général demandasur-le-champ nu ministre lo roppel do co commandant supérieur.
472 L'AFRIQUE FRANÇAISE,
contraindre, Les Dounirs et tes Semelas demandèrent du secours au général Tré*
zol, qui vint camper, le M juin, ùMcsorghinpourtes protéger, Quelques dissH
dents s'élant rangés sous l'nulorité d'Et-Mezory, les autres se portèrent en masse
n la position du Figuier, n 2 lieues au sud d'Oran, Le général Trézel leur lll>i»
guer un traité do soumission à la France, et prévint, par dons lettres, le gou-
verneur do là mesure qu'il avait cru devoir prendre sur lui, et Abd-el-Kader do
sa résolution de commencer les hostilités si les Douoirs et les Semolas étaient in-
quiétés, L'émir répondit que, sa religion ne lui permettant pas de laisser des
musulmans, ses sujets, sous l'autorité des infidèles, il les poursuivrait a oib
trance jusque dans les murs d'Oran s'ils y trouvaient un nsile; il demandait eu
même temps que les agents consulaires d'Oran et do Maskara fussent réciproque*
ment retirés,
La guerre était déclarée, Le général Trézcl fit aussitôt élever un camp relran<
çhc sur le ruisseau doTlélat, à cinq lieues d'Oran, tandis qu'Abd-cl-Kader don-
nait rendez-vous à tous ses guerriers au bords du Sig, Le 22, un convoi qui se
rendait d'Oran à Tlélat fut enlevé j le 25, 200 cavaliers sabrèrent nos fourra-
gcurs; le 26, M, Trézcl, n'ayant plus que quatre jours de vivres, marcha à
l'ennemi avec 2,500 hommes de la légion étrangère, du 2e chasseurs, du ooc, et
du 1er bataillon d'infanterie légère d'Afrique, six pièces d'artillerie et un convoi
de 20 voitures,
A 7 heures du matin, cette colonne s'engagea dans la forêt de Muley-Ismaël,
siir un sol entrecoupé de ravins. As heures,t'avant-garde rencontra les Arabes,
fut ehui'gee et se replia avec des pertes nombreuses; le colonel Oudinot tomba
percé de balles; la cavalerie tourna bride, et lo désordre gagna la légion étran-
gère, Le convoi allait tomber au pouvoir des assaillants, lorsque le général 'lança
contre eux une compagnie du bataillon d'Afrique qui rétablit le combat; les
troupes reprirent l'offensive avec vigueur et parvinrent à refouler les Arabes;
mais nous avions perdu 52 hommes, et il fallut sacrifier une partie des tentes et
des approvisionnements, pour mettre 180 blessés sur les voitures.
L'armée fit halte, à midi, dans la plaine du Sig. Mais là, des désordres fu-
nestes eurent lieu; des soldats enfoncèrent les tonneaux des cantiniors, un grand
nombre s'enivrèrent, et l'on dut les entasser sur los fourgons, pêle-mêle avec
les blessés, La colonne, parvenue le soir .sur. les bords du Sig,se forma en carré ;
le camp de l'émir était à deux lieues du nôtre ; c'est là qu'eut lieu, à la nuit,
rechange des agents consulaires d'Oran et de Maskara. Celui d'Abd-el-Kadcr
fut chargé pour son maître d'une lettre qui lui signifiait d'abdiquer ses préten-
tions sur les Douairs, les Scmélas, les Gharabos, tes Koulouglis de TJcmcen,
et de renoncer à ses projets d'invasion sur la rive droite du Chéliff. La réponse
de l'émir fut négative.
Le général Trézcl, affaibli par ses pertes et redoutant le manque de vivres,
passa le Sig le 28 au point du jour, et commença sa retraite sur Arzew, Le ba-
taillon d'Afrique marchait en avant-garde ; le convoi, flanqué par la légion
étrangère et la cavalerie, suivait sur trois files; le 06e et deux escadrons formaient
l'arrièrc-garde. Abd-el-Kader, voyant la colonne s'ébranler dans ia plaine de
Ceïrat, fondit sur elle avec dix mille cavaliers et l'enveloppa ; le choc fut bien
soutenu, et, malgré, une fusillade continuelle, nos troupes ne purent être
•v:
-xi'VHE'tivôiKf^-Mic; ; ;.-.-'' '..-.';,'/ '-.' i7?i'

entamées jusqu'à midi. Malheureusement, le généial, craignant de trouver pour


ses voitures des difficultés.'.do terrain trop nombreuses sur la route directe d'Ar-
zo\v, s'était décidé, contre l'avis des guides, à tourner les collines des Hamian,
ot à déboucher sur lo golfe par la gorge do l'Habra, au point où cette rivière,
sortant des marais, prend te nom de Mneta, Mais Abd-el-Kader, s'apercevant
de son dessein, envoya un gros de cavaliers avec des fantassins on croupe pour
occuper ce défilé, A peine la colonne y fut-elle engagée, ayant à sa gauche les
hauteurs et les marais ù sa droite, que les Arabes descendirent des hauteurs,
fondirent sur le convoi, dont les voitures ne pouvaient marcher qu'une à une, et
coupèrent l'arrièregarde. Celle-ci se jeta sur la droite pour regagner la tète de
colonne; une vigoureuse charge de cavalerie dégagea un moment le convoi eu
l'efoulant les Arabes sur les pentes des collines de gaucho; mais bientôt les voi-
tures, cherchant à éviter le feu roulant qui partait de cette gauche, s'embourbè-
rent dans les marais, et y furent assailliespar nue masse de cavalerie arabe. Los
conducteurs du convoi coupèrent lâchement les traits et s'enfuirent avec les
chevoux, laissant nos blessés au pouvoir de l'ennemi', Les seuls équipages de
l'artillerie, qui avaient suivi courageusement la roule, furent eau vos do ce désas-
tre, Tousles corps étaient confondus, la terreur était au comblé. « Heureusement
que les Arabes, occupés à piller les voitures et à égorger les blessés, ralentirait
leur attaque. Cela donna à quelques fuyards le temps de se rallier sur un ma-
melon, où"l'on conduisit une pièce d'artillerie qui semit à tirer a mitraille sur
les Arabes, Les hommes qui se réunirent sur ce point se formèrent en Carré, et
dirigèrent également sur l'ennemi "mi feu irrégulier, niais bien nourri, en chan-
tant la Marseillaise, qui danstour bouche ressemblait plutôt à un chant de mort
qu'à un chant do triomphe, La masse des soldats» entièrement démoralisée, et ce
qui restait de voitures s'entassèrent eu arrière du momolouv dons un fond qui
paraissait être sons issue ; car en cet endroit, la route d'Arzcw, à peine tracée,
tourne brusquement "'vers l'ouest. Plusieurs voyant la Matta à leur droite, et au
delà quelque chose qui ressemblait à un chemin, se précipitèrent dans la rivière
et se noyèrent. D'autres, et mémo /quelques chefs, criaient qu'il.fallait;'gagner
Mostaghanem La voix du général en chef se perd dans le bruit ; il y a absence
de commandement; et co n'est qu'au bout do trois quarts d'heure que celle
masse informe, après s'être longtemps agitée sur ellc-mèuie, trouve enfin la routé
d'Arzew. Mais les soldats restés sur le..mamelon n'entendent, ou plutôt n'écou-
tent pas les ordres qu'on leur donne, et ne comprennent point-qu'ils doivent sui-
vre la retraite. Ils font entendre des paroles décousues et bizarres* qui prouvent
que lu force qui les fait encore combattre est inouïs du courage qu'une exalta-
tion fébrile. I/un fait ses adieux au soleil qui éclaire de ses rayons celte scène de
désordre et de carnage ; Tant,re embrasse son camarade. Enfin, les compagnies
du 00'', encore plus compactes que te reste, finissent par se mettre eu mouve-
ment; mais les autres les suivent avec tant de.'.."précipitation-, que la pièce de ca-
non est un instant abandonnée, Elle fut dégagée cependant, et les hommes qui
étaient restés si longtemps sur le mamelon se réunirent à ceux qui étaient déjà

1 Une seule voltiiro, chargés de vingtblessés,fut sauvéepar l'énergie du maréchal -des-logis Fournit', qui,
le pistolet a la main, força les conducteurs à faire leur devoir et à serrer sur lac lonne.
174 L'AFRIQUE FRANÇAISE,
sur la roule d'Arzcw ? mais alors le corps d'armée ne présenta plus qu'une masse
confuse de fuyards, L'arrière-gardo n'était composée que d'une cinquantaine de
soldats de toutes les armes'qui, sans ordre, et presque sans chefs, se mirent à ti-
railler bravement, et d'un peloton de chasseurs commandé par lo capitaine
Bernard, Quelques pièces d'artillerie, dirigées par lo capitaine Allaud et le lieu-
tenant Pnstorct, soutenaient ces tirailleurs en faisant feu par-dessus leurs tètes;
mois leur nombre ayant été bientôt réduit à vingt,-les Arobes allaient entamer
une seconde fois la masse des fuyards, lorsque le capitaine Bernard les chargea
avec tontde bravoureet do bonheur, qu'il les força do lâcher leur proie; M, Maus-
sion, chef d'escadron d'état-major et oidode-camp du général Trézcl, eut trois
chevaux tués sous lui. Mois dès ce moment la retraite se fit avec plus do facilité;
bientôt on parvint sur le rivage de la mer, et la vue d'Arzcw releva un peu le
moral du soldat. Les Arabes, fatigués d'un long combat et surcharges de butin,
'ralentirent successivement leurs attaques, qui cessèrent tout à fait à o héuresdu
soir ; à 8 heures le corps d'armée arriva à Arzew, après 10 heures de marche et
quatorze heures do combats »
Pendant que nous subissions ce terrible échec, qui nous coûta 352 morts,
380 blessés, 17 prisonniers et la perte de presque tout notre matériel, le chef do
bataillon delà Morieièrc arrivait àOran avec le juif Durand. M. d'Erlon, informé
des projets du'général Trézcl, envoyait étudier la situation des affaires et sem-
blait toujours disposé à suivre la voie des négociations. M, de la Moricière fit
relâche à Arzew, où il apprit noire désastre, Sans perdre un moment, il se rend
à Oran, réunit 300 cavaliers des Douairs et Semelas, et revient par terre avec
ce renfort, protéger le retour do la cavalerie, L'artillerie et l'infanterie furent
transportées par mer à Oran,
Le général Trézcl, qui s'était montré plein de courage et de résolution, ne
voulut détourner sur personne la responsabilité de son malheur 8. L'armée res-
pecta sa noble conduite; niais M, d'Erlon, qui eut peut-être profité d'un succès,
se lutta de désavouer son lieutenant, et, ne lui laissant point ...'honneur, dont il
était si digue, d'en prendre une belle revanche, il lui ôta son commandement
pour le donner au géuéral^d'Arlanges. H voulait renouer, à quelque prix que ce
fut, des relations pacifiques avec Abd-ol-Kadcr ; l'opposition du conseil admi-
nistratif d'Alger et du général Bapatcl parvinrent difficilement à l'en détour-
ner 3. A la même époque, et sans nul souci des affaires d'Afrique, le ministère

t Annales algériennes, par le capitaine Pellissier, t, II, p, 272,


2 Avant que la'rupture avec Abd-el-Kader fût connueà Alger, dit M. lo capitaine Pellisslor, un bâti*
ment, chargé do poudre et de fusils destinés à l'émir, était parti de cette place pour aller porter cette car»
gaison i\ l'embouchure de la Tafna. Ainsi nous fournissions nous-mêmes dos armes à notre ennemi. Mais le
général Trézcl avait fait saisir ce bâtiment par le Btationnairo do Mers-el-Kébir, et artété ce monstrueux
commerce. Le gouverneur d'Alger lit nier, par son journal officie), l'envoi do ces armes et de cette poudre;
mais le fuit est prouvé autant qu'un fait peut l'être ; il est mémo de notoriété publique, Ce fut le capitaine
Bolle, commundpnt7e Loiret, qui saisit le bâtiment en question. Tout Oran lo sait et l'a vu. Du reste, les
preuves écrites et officielles existent,
3 Lo traité du général Desmichels n'ayant pas été désavoué par le gouvernementfrançais, Il fallait,
ce
nous semble, en respecter les clauses jusqu'à ce que le ministère, ou du moins lo gouverneur général, déci-
dassent le contraire. M. Trézcl, brave militaire, mais politique imprudent, sortit des limites tracées par
sa
position subalterne, en cherchant à soustraire les Douairs ot les Sumélas à l'obéissance de l'émir, et en pro-
fitant officiellement tic leur révolte, Àbd-el-K.ader attribuait plus de voleur aux conventions signées par un
de nos généraux; carvoici ce qu'il écrivait, le 3 juillet, au comte d'Erlon, après notre désastre do la Macta :
LIVUE TUOlSlfiMlk. -y m
français cédait à l'Espagne norre légion étrangère, composée do cinq mille hom-
mes, et qui se trouvait en majeure partie dans ta province d'Oran,
Autour d'Alger, nos intérêts n'étaient guère en .meilleure situation. Le gou-
verneur avait imaginé do placer îi Ulidali Bon-Omar, l'ex-bey de Tileri, dont on
ne savait quo faire. L'agha Marcy se chargea de l'y conduire avec une forte
colonne; mais cette ville lui forma ses portes, et les'''.circonstances ne permet-
tant pas d'avoir recours à la force, M, Marcy revint à Alger t.
Poursuivi par d'amères critiques, le ministère se décida enfin à retirer le
général d'Krlon, qui fut nommé plus lard maréchal de France en dédommage-
ment de son rappel, Ce triste gouverneur, dont le grand ôge excusait les fautes,
abandonna sans regrets une position pour laquelle il était si pou fait. Toutes les
espérances se tournèrent vers le maréchal Clauzela, qui ne .manquait pas alors
de popularité, et dont l'énergie était connue,

'. (ÏOUVERNEitEXT OU' MAHKCUAÏ» ChAUZEL.

Kn arrivant ù son poste, le 10 aoôl 1835, lo gouverneur se vit en face de


nombreux embarras, L'influence française était presque détruite, Quinze mois
d'une paix-équivoque-avec l'émir avaient séparé do nous les tribus du centre,
et le désastre de la Macta prouvait aux Arabes que nous pouvions être Vaincus,
peut-être chassés. Abd-el-Kader triomphant régnait depuis Médéah jusqu'il

— K Je croyais pouvoir compter sur la parole et l'alliance ; mais votreserviteur Trézcl, gouverneur i\ Oran, a
agi contrairement et dépassé les limites ; et moi je n'y ai pas fuit attention, parce que j'étais dans l'attente do
votre réponse. Son premier camp était a'MescrgHin,'pour protéger les Douairs et les Semelas, mes sujets ré-
voltés ; et moi je n'ai pas fait cas de cela, ù cause, de vous, Après, il s'est avancé au Figuier, et ensuite au
Tlciat, bfi il a commencé à commettre des dégâts dans les récolles do mes fidèles sujets, lcsGharabas; et
quand il a eu mangé leurs récoltes, je me suis luis en marche avec mes troupes et lés cavaliers qui sont soi|s
ma dépendance, Nous avons campé sur le ruisseau du Sig, pour attendre de vos nouvelles.Aussitôt qu'il a
appris notre arrivée sur la Sig, il s'est mis en route dans l'Intention de nous faire du mal ; et lorsque nous
t-ùinçs qu'il venait sur notre camp, nous nous sommes portés ù sa rencontre pour lui faire la -guerre, et alors
est arrivé ce que vous avez appris. Vous n'ignore? pas la fidélité do ma parole ; jo un fais aucun pas pour
troubler la, paix. Informez-vous<lo ce qui s'est passé,,vous trouverez que jo no dis quo" la vérilé, n (Ce do-
cument est publié par M. A, Uesjohort, dans la brochure qui a pour titre : Question d'Alger, politique,
colonisation, commerce, p. !i20,)<i Je ne sache personne, ajoute ce député, qui ne puisse s'honorer d'uno lettre
empreinte d'autant do loyauté ot de modération, 1» Il n'est donc pas permis d'attribuer à Abd-e'-ICader la
rupture du traité Desmichels, Ce traité froissait notre amour-propre plus unc.oro que/nos intérêts j mais il
fallait alors eu refuser Imutoment la ratification,
i Un simple fait peut caractériser le ridicule aveuglement de M, d'Krlon, qui no savait riun voir par ses
yeux, Au moment mémo on lion-Omar était repoussé de Blidah, ce gouverneur écrivait a,Paris que ce chef
indigène y avait ètà'-par/ailcmcnt reçu, et qu'avant pou Médéah se rangerait tous r'otre obéissance,
? Bertrand Clauzel, né à Mlrcpoix eu 1772, volontaire en 1191, avait gagné ses premiers grades do 1702
à-1705, à l'armée dos Pyrénées-Orientales. De 1700 à 1709, ii se distingue au delà des Alpes à Moùdovi, i\
Aréole, k Itivoli, « Noumark, à Lo;li, et devient général de brigade. Do 18:0 h 1WH, il prend part A l'ox-
pédltion de Saint-Domingue, et s'élève au 'commandement d'une division. Do 1805 à lSdO, on le voit aux
armées do Prusse, 'do.'Pologne," d'Allemagneet d'Autriche de 1810 à 1812, Il passe eu Espagne, et rem-
-,

place lemaréchal Marmoht blessé à Salamanqile, Do 1812 à lSlti, il combat en lîussio, en Saxo et un
franco, Après les cent jours, il fut proscrit par la Instauration ; rentré dans ses foyers en 1827, il fut
ilommé député, I.e gouvernement de Juillet, appréciant ses glorieux services, lui avait donné lo commande-
mont en chef de l'armée d'Afrlquo ; la belle campagne do l'Atlas lui valut le titre de maréchal de France.
Cet ofllcior-général fut malheureux à la (Inde sa carrière,-et mourut dans un triste oubli, Fidèle à l'esprit
d'impartialité qui est notre seul guide, nous exposerons les faits, toujours appuyés de pièces justificatives,.
iVhistoire parle et les peuples jugent,
170 L'AFltiQUE FRANÇAISE.
Tlemcen ; Blidah, si rapprochée de nous, recevait de lut un Hakem, et Koléah
n'était contenue que par les camps de Douera et de Mahelma. La Métidjah était
parcourue en tous sens par de sauvages cavaliers altérés de sang et de pillage, et
1 .'s colons fugitifs du Sahel n'osaient plus se montrer au delà de nos lignes.Dans

le beylik de Titcri, les partisans d'Hadji-Ahmcd et les Koulouglis, attachés à


notre cause, cédaient graduellement aux intrigues de l'émir, qui tenait toutes
ses forces concentrées dans l'ouest, prêt à les lancer, comme réclair, partout ou
leur présence pourrait jeter un désastre,
Le maréchal avait emporté la promesse de renforts considérables ; niais l'ap-
parition du choléra, qui passa de France en Algérie, où il fit d'affreux ravages,
suspendit l'envoi des troupes, et força de retarder les opérations militaires,
M. Oluuzcl crut pouvoir utiliser ces retards en nommant Ben-Omar, par un ar-
rêté du » septembre, bey de Milianah et do Cherchell. Le 15 du môme mo}s, il
créa bey de Titcri Mohttnmied~bcn-iiusscin, ancien janissaire échappé aux
proscriptions de 1830, et le général Itaputel .partit au commencement d'octobre
pour aller l'installer à Médéah. Mais, à peine arrivé au pied de l'Atlas, à la ferine
de Mouzaïa, ce général trouva les tribus eii armes et disposéesù lui re l'user pas-
sage. Les chefs de corps, consultés sur co qu'il y avait à faire, donnèrent le
conseil de ht retraite. La colonne rentra le ô à Alger, après avoir essuyé quel-
ques attaques a t'arrière-garde,-d'ans' l'une desquelles M. Bro, sous-lieutenant au
1er chasseurs d'Afrique, blessé grièvement ,ne dut son salut qti'au dévouement
de M. de la Morieièrc et des capitaines Grand et Bonorand,
M» Marcy, agha des Arabes, fut laissé à Bou-Farik avec mission de faire des
razzias, espèce de boucherie copiée des moeurs turques, et dont nos généraux,
dans ces derniers temps surloul, ont singulièrement abusé, pour couvrir par des
bulletins l'absence de combats plus glorieux et surtout plus utiles. Cet officier'
supérieur livra plusieurs fermes au pillage, et captura beaucoup do 'femmes.et.
d'enfants.
Mohammed-hen Hussein, contrarié de n'être qu'un bey ltctif, voulut se rendre
lï Médéah avec quelques cavaliers, et 'franchit' l'Atlas pendant la nuit; mais, au
premier coup de feu, son escorte l'abandonna, et il cut/grand'peinc ù se réfugier
chez son beau-père, qui le lit cacher dans un silo, pour le soustraire aux recher-
ches de ses ennemis,
Ben-Omar, conduit à ChereheU sur un bateau a vapeur par M, de Halicé,
aide-de-camp du maréchal, ne voulait pas débarquer, etcrlait qu'on vouluitlc faire
massacrer. Quelques habltaii.ts.de. la ville, qu'on eut beaucoup de peine à attirer
à bord, déclarèrent, eu ell'el, que tel était le sort qui pouvait l'attendre» M. de
Buueé lo'ramena à Alger, où il continua de/toucher paisiblement les G,ooo francs
do pension (pie lui conservait la singulière munificence du gouvernement
Irançuis.
Le maréchal, que les quolibets do rarniée ou sujet do ces petits incidents
commençaient à i'aliguer, sortit d'Alger, le lî octobre, avec .6,000 hommes,
annonçant le projet do marcher sur Milianah, et passa quatre jours en eseur-
mouches dans la plaine, brûlant les habitations et les meules 'do foin des Had-
joutes, qui s'étaient dispersés après une faible résistance. Le '21, il visita Blidah,
revint coucher ù Uoii-Farik, et rentra le lendemain à Alger, oit le bruit s'était
LIVUE TttOlSIEMI'. 177
répandu que les Hadjoutes avaient été exterminés. Les colons et l'intendant ci-
vil se portèrent a sa rencontre pour le féliciter ; il ne se trouva personne qui
osât dire la vérité, et, le soir, u'iio illumination générale célébra-notreprétendue
victoire, Malheureusement M. Clauzel éprouva bientôt une légère, mortification'
en apprenant, que la veille même du'jour où il avait respiré les fumées d'une
ovation, ces mêmes Hadjoutes s'étaient permis de Venir brûler, prés du pont
d'Oucd-ol-Kerma, la ferme de Baba-Ali, dont il était propriétaire!
L'arrivée des renforts venant, de Franco décida l'expédition de Maskara. A lu
nouvelle des préparatifs qu'on activait, Ahd-èl-Kadcrtlt courir dans la province
d'Oran le bruit que la France allait être engagée dans nue guerre continentale ;
cette fausse alarme causa la défection de plusieurs de nos tribus'..alliées. Dès le
niais de septembre, l'émir, comptant'-peu sur la position de Maskara, envoya sa
famille et ses ri liesses du colé du désert. Cependant les alliés qui nous restaient
se voyaient forcés de reculer jusqu'à la ligne do. nos avant-postes. La garnison
du méehouar de Tleinecn, commandée par Mustuphu-beu-Ismuël, ennemi per-
sonnel d'Abd-el-Kuder, était réduite aux abois.
A latin d'octobre, le 'maréchal Cluîizel ordonna l'occupation de l'Ile de Haroti-
goun, située ù la hauteur de Tlemcen sur la Tal'na, et d'où l'on pouvait espérer
de faire passer des secours aux assiégés; cette position favorisait aussi la sur-
veillance du littoral ; mais les Arabes, comme s'ils eussent deviné notre projet,
se portèrent sur la cote, enlace det'ilc,
Le 21 novembre, le maréchal débarqua à Oran, accompagné de S, A. Il, Mb'r
le duc d'Orléans, qui avait désiré faire lu campagne. Le corps expéditionnaire,
fort de 11 ,000 hommes, fut divisé en quatre brigades,-commandées.parles gé-
néraux Oudinot, Perrcganx, d'Arlanges et le colonel Combci, La réserve était
sous les ordres du lieutenant-colonel de Beaufott, du 4V de ligne ', Le 20, le
quartier général s'établit au camp du Figuier ; le /'ar* le général Oudinot se
porta sur le ruisseau du Tlélat, avec sa brigade, la 1°, cl le;bataillon d'Afrique
de la 3°; le 2», toute rarniée, réunie sur ce point, se dirigea vers le Kig,
"marchant on carré, l'altitlerie , les bagages, le convoi et la réserve au centre.
File traversa la forêt de Muley-lsniaëi sans combattre, et arriva le soir au bord
du Sig, à une licite au-dessous du point où la route de Maskara coupe celle
rivière» Le camp s'établit sur la rive gauche-; un bataillon et. les Arabes auxi-
liaires passèrent sur la droite. Le maréchal, instruit des /.difficultés de terrain
qu'il aurait 0 surmonter, lit commencer, lotlo, un camp retranché pour y lais-
ser les voitures et l'artillerie do campagne, sous la garde de'.1,000 hommes,
pris dans les 'différents corps de l'armée, Abtl-et-Koder, qui nous 'observait,'
placé à une lieue et demie au-dessus de notre position, envoya un de ses offi-
ciers, chargé de la mission assez délicate d'amener le maréchal a faire lui-même
des ouvertures paeillques, Le parlementaire fut bien accueilli, mais renvoyé
sans réponse.
t U''-'brigade ; Mmllouftlrs cl les Semélasi, lu 2e ehU«soiiifi d'Afrique, !OK zouaves, le !>o léger, deuxcom-
pagnie!) du sapctirn et initient'!!, deux oliUHÎers de moiiiiigiio. — ile brigade: trois x •inpiigiilês d'élite tirée."
des li)'? léger, 1:K- et lllle de ligne, lu 17c léger, deux obuslors,
-- Ile brigade t l.c Ivr b'aiai.lloti .d'infiiliierle'
légère d'Afrique,-le' lie.dû"ligné/douxobiislers, — 41-- brigade i Lu (?•-' de ligne, deux obtisler.*. Réserve. ;
-r-
un lalullliin du' liiU', tine coinpiignlc do sâpeurn, quatre' obiiitici'n, une biilterie de l'àmpiignc;
Le général DesuiichclH avait été renvoyé on Aftlqiie pour prendrepart à l'expédition de Miisliiini, nntis lo

>fftV'^{ 7
/<: .";* .- - -,•
maréchal lelaissaù. Alger.
,
•' 2r.
178 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
Le 1er décembre, le maréchal poussa une 'reconnaissance du celé des Ara-
bes, accompagné do sa cavalerie, des zouaves et des compagnies d'élite. A sou
approche, l'ennemi plia ses tentes, et gagna les montagnes en pordantbeaucoup
de monde sous lo feu de nos.obusiors ; mais bientôt, après s'être rallié, il nous
chargea à son tour, quoique assez faiblement. Le but du maréchal étant rempli,
la colonne rentra au camp, harcelée par une nuée de tirailleurs que nos obus
éloignèrent avec peine,
Le 3, au matin, l'armée évacua le camp du Sig, et se dirigea tout entière vers
ITlabra. L'arrièrc-gardo, occupée à relever les ponts après le passage, eut a sou-
tenir un engagement très-vif,-'et ne put rejoindre qu'assez tard, Les Arabes
suivaient le liane des montagnes sur une ligne parallèle a. la nôtre; le maréchal,
formant alors ses trois brigades en échelons, fil changer de direction ù droite et
aborder les hau leurs au pas de course, taudis quo la t" brigadecontinuait sa route.
Après avoir refoulé l'enlieini, le maréchal reprit sa direction primitive; forcé de
renoncer aux attaques de flanc, Abd-el-Kader se porta rapidement sur une ligne
perpendiculaire à notre''marche, dans un lieu resserré où il restait maître de sa
retraite. Arrivées à quatre marabouts, situés eu avant de cette ligne, nos trou-
pes furent assaillies par la fusillade de l'infanterie arabe ; nos auxiliaires hési-
taient, mais les 2° et il" brigades forcèrent le passage, malgré le feu tonnant des
canons de l'émir, qui se trouvaient assez bien servis, Le général Oudinot fut
blessé ; le colonel Menue, du T léger, plil alors le commandementde la l,c hi'i-
gauV, et .'ennemi.culbuté s'enl'olieu IIU.UH les montagnes, ù l'exception de quel-
ques tirailleurs et cavaliers qui continuaient il iio\\s.harceler, L'armée alla
camper sur les rives dei'tlubru, Dans la Huit, des (\uix nombreux, allumés sur
les collines, marquaient la présence des Arabes,
Bans lés .différents combats de celte journée, H, A, U. monseigneur le due
d'Orléans trouva plus d'une fois l'occasion de déployer celle brillante intrépidité
qui était une des moindres vertus de ce jointe prince, objet de tant de regrets,
Le matin, après le passage du Sig, on l'avait vu s'élancer, a la tète de nos ba-
taillons, au milieu du fou meurtrier qui partait des bois de l'Habra ; légèrement
blessé dans cette lutte corps ù corps, il ne quitta pas un instant le poste du
danger. Quand le maréchal fil attaquer les montagnes par son infanterie, Tor-
tillerie, habilement dirigée par le prince, eonliibua surtout ù refouler la cavale-
rie arabe dopl les masses InnUdutoHt la vallée, et lui fit éprouver des pertes
considérable». IMus tard, a la hauteur des quatre marabouts de Sidi-tëinburek,
un profond ravin coupait le passrtge de la colonne française, et sur sacrèle op-
posée tou^o l'htlanterie d'Ah-et-Kadcr faisait pleuvoir une grêle de balles, Ce fut
éiieore i'ity'éi. dit ('rince Royal qui ouvrit a nos braves soldats le chemin de la
victoire. Donnant Uii-iuèmo l'exemple d'une héroïque audace, il jette en tirail-
leurs dans le bois un détachement du 1T° léger, et, suivi de deux compagnies du
biilaijloli d'Afrique, il franchit le ravin, h\\\ almi'deV Volùietul A lit buïonnelle,
ul reste maître du la position après mi eomhnt ml-liilvi\ô Kiïr un terrain jonché «le
t/nduvres, L'admirableipodestjedit i/'VU»'^ i^Vè» le- «iiçeès, égalait sa bouillante
énergie, dans l'action.
tu \, au malin, la rivière fut \\i\wy\U et l'airut'o-garde (\ii iuquiélvé vomme
par derrière et sur noire i\m droit :
lit veille; reimotui mm u^\i\H \\\\ loin
LIVRE TROISIÈME. 17P.

le feu de nos obusiers le tenait à distance. Après avoir marché quelque temps à
l'est, le maréchal tournabrusquciupnt ù droite, et donnant au général Marbot, de
la suitedu prince, le commandement do la 110 brigade, lui confia le soin d'occuper
les crêtes a droite de la route, pendant que la 2° brigade s'emparerait de celles
de gauche. Les deux dernières brigades et le convoi's'arrêtèrent dans la plaine,
Los Arabes, nous voyant maîtres du passage, se débandèrent successivement;
lin grand 'nombre regagnèrent leurs tribus.; Abd-el-Kader disparut avec les au-
tres du côté do Maskara, qu'il espérait encore défendre.
LAvfo au point du joui% après avoir bivouaqué au coeur (\ÙA montagnes, rar-
niée continua son mouvement sans rencontrer d'autres ennemis que des partis
peu nombreux ; niais les.difficultés du terrain so.multipliaient ù' chaque pas et
retardaient sa marche, malgré l'activité merveilleuse des travaux du génie, di-
rigés par le colonel Lemercier. Cependant le maréchal, ne voulant pas laisser a
l'émir le temps de réunir des troupes nombreuses autour de Maskara, prit les
devants, le 0, avec les deux premières brigades, laissant "au'général d'Arlanges
le commandement des deux autres et du convoi. Parvenu sur lo plateau d'Aïn-
Kebiro, qui s'étend, de l'est il l'ouest, jusqu'à Maskara, il trouva un cheikh du
village d'El-iîordj, qui le supplia d'épargner sa tribu inoffeusiviv M, Clauzel
'proposa, il ce cheikh et aux Arabes--qui raccompagnaient une somme de trente
mille francs pour la tète d'Ab-el-Kodcr : un profond silence accueillit ses offres.
Un peu plus loin, les soldats arrêtèrent un Juif qui déclara ipio l'émir avait
fait évacuer la ville. M. Clauzel, laissant aussitôt derrière lui ses brigades,
courut au galop avec son.escorte jusqu'il Maskara, grave imprudence qui.pou-
vait exposer le chef de l'armée et le Prince Royal n'être enlevés dans ce trajet, si
les paroles du juif avaieiiteuehé une trahison, Les brigades n'arrivèrent: en ville
qu'a la huit close, deux heures après l'état-major du quartier général.
Au lieu de profiter de sa conquête et de l'effet moral qu'elle pouvait nous as-
surer parmi les tribus voisines, le maréchal ordonna, dès le H,:-l'évacuation 'et la
..retraite.'Le lendemain, l'armée, ne voulant pas être venue si loin sons y laisser
un souvenir, mit le feu a la ville, où la négligence de l'élal-inajor abaudoniia
.'cent cinquante mille cartouches, et reprit le chemin d'Ô'rùn eti poussant devant
elle quelques centaines de -Juifs qui n'avaient pas émigré, et que ce barbare in-
cendie réduisait à la misère. 1 Cette.-retraite s'accomplit au milieu d'épais brouil-
lards cl. d'une pluie continuelle. Ou vit-dans-cet affreux moment, des êtres hu-
mains, des femmes, des enfants exténués « si profondément ensevelis dans des
lacs de boue, qu'il était impossible de reconnaître,'autrement .(pie par le mouve-
ment de la vase où ils s'agitaient, la place où ils venaient de tomber. Il (mil re-
noncer a -peindre celte scène de désolation; niais on pourra en concevoir toute
refendue, eu sachant que, dans une année où se trouvaient nombre d'hommes
que trente ans de servièe et plus avaient bien familiarisés avec les'migres lui -
maines, il. ne s'en trouva pas un qui ne convint, qu'il n'avait jamais rien unie
semblable '. » Une nuée d'Arabes suivaient les derrières de rarniée, et, coimuiî
des corbeaux dévorants, se jetaient sur les malheureux.qui. nu pouvaient plin
résister o lu faim, a la soif, aux privations de tous genres, L'expédition rentra,

i Relation de l'expéditionde Maskara, par M, tiorbruggcf, secrétaire particulier du maréchal Clmizcl, p, :Ci,
18(1 L'AFRIQUE FRANOÂÎSE.
le 12, ii Mostaghanem, où S, A. R. M«| le due d'Orléans, accablé des fatigues do
1

ces derniers bivouacs, et menacé d'une fièvre chaude, s'embarqua le 18, suivi
des voeux de toute l'armée que sa présence encourageait, et dont il devait bientôt
revenir 'partager les dangers.
Pendant la campagne de Maskara, le colonel Marcy avait soutenu contre les
Hadjoutes plusieurs combats dans lesquels le capitaine de Signy, du lCf chas-
scurs, et M. Vergé, lieutenant de spahis, déployèrent surtout une brillante
valeur. Le 31 décembre, le général Desmichels, envoyé contre les insurgés avec
une nombreuse cavalerie et une colonne d'infanterie, obtint aussi quelques suc-
cès, après lesquels il s'égara dans les broussailles autour de Rou-Farik, et laissa
réprendre aux Arabes la moitié des troupeaux qu'il leur avait enlevés. Cotte
petite guerre de coups'demain ne servit qu'a montrer que nous agissions sans
but, sans volonté suivie et sans véritable esprit de domination.
La prise de Maskara portait un coup funeste "ii.la politique d'Ab-el-Kader ' ;
elle détacha de sa cause un personnage notable, El-Mczary, qui avait été son
agha, Cet indigène, neveu de Mustapba-ben-lsniaël, accepta un emploi de klia-
lifa (lieutenant) de notre bey de Mostaghanem ; le maréchal Clauzel y ajouta le
titre d'agha de ta plaine d'Oran, Nos alliés revinrent a nous. Cependant, rémir
n'était pas découragé; quinze jours après, il reparut devant Tlemcen pour
combattre les Arabes du désert d'Augad, qui voulaient délivrer les Koulouglis
bloqués dans le Méehouar.
M. Clauzel partit d'Oran le 8 janvier t830v avec trois brigades formant
7,000 hommes '>, et commandées par les généraux l'errégaux, d'Arlanges, et le
colonel Vilmorin du 11° de ligne. Il arriva, le 13, dans la belle plaine de Tlem-
cen; Abd-el-Kader se retira Sans échanger nu coup de fusil, et te niaréchal, ac-
cueilli avec joie par les Koulouglis, eut Un long entretien avec MUstapha-ben-
Isinnël, qui entra dès lors à notre service 3. Le 15, les deux premières brigades,
auxquelles se joignirent les cavaliers d'El-Mezary, khalifa de Mostaghanem, et
les Turcs cl Koulouglis de Mustapha, se lancèrent à la poursuite "do .l'émir, tail-
lèrent en pièces son infanterie, et rentrèrent, le 17ruvce 2,000 prisonniers, pics-
(pie tous femmes et enfants,
Jlcn-Nouna, ancien kaïd de Tlemcen, s'était retiré chez les Kebuïles des nion-
tognçs des Reni-Stniel, sur la i'ive gauche de la Talha. Le gouverneur général,
pour lui couper le retoiuyctolln d'assurer les communications de.Tleuiecn avec
' Toutefois, on peut ajouter que cette destruction'fut une faute.'Dans un pays où le 'manque de villes os t
le principal obstacle h lu civilisation, Ou tin Village est un c'nimenccif.olit de progrès, on incendie la seule
ville qui existe, In ville sainte l Y)km lin pays que l'on voudrait l'aire passer du l'élat nohiiute à l'état séden-
taire, oi'i le premier progiÔ3Ïi faire est la construction d'habitations fkes, on brûle l'une des rares liiihitàlloii».
qui existent, etToi! rejette sesi habitants sous la toute I
2 Iro brigade i Le 2e chasseurs d'Afrique, les zouaves, deux coinpagniusdo sapeurs, un balitlllon d'élite
formé de .1 compa gnies du 2<i ié||çr, le J7« léger, les tfounlrs et les SciuOlari auxiliaires, doux obUsicrs de mon-
t.if^iio. — a« brigade : Le |ur bntalllih d'Infaiiterio légère d'Afrique, le 00" de ligne, douKoblislets, — «lu M-'
-(finie'/La lie do ligne, doits obusîors,
3 Ou cher olult do race turque, et, bien que déjà fort fi^é, conserva jusqu'à tu liiort; loiito l'énergie d'une
'aine belliqueuse, — 7;5 Turcs ou Koitlouplis furent dcllvrés du Méehouar.'tloTjcineen, Sur ce nombre, ;}-lll.
n'étaient pas iiriiiés) c'est donc avec Hlli combattants que cette s'ailliuitc irariilstitt résista, pendant cinq ans,
aux ellurts des A'abes. Co lait lions donne la mesure des Immoiises résultais que nous pourrions obtenir en
Afrique aveu und Urinée «lo 100,000 soldats, telle qu'elle est aujourd'hui, si l'ambition tlo quelques chefs mi-
litaires tioso faisait un jeu déplorable d'éterniser lit ^lierre par des rattias sans gloire;'.qui nous ont voués ii In
lisltio dea Arahes/aans faire.iivancev d'un pas tes résultais de la coiiquêlc,
LIVRE TROISIEME. 481
la mer, se porta au confluent de Tisser et de loTafnai pour y établir une posi-
tion militaire», Il rencontra en route de nouveaux ennemis, lès Hachcms et les
lîeni-Amérs, joints aux Kebaïles et à des aventuriers marocains qui avaient passé
la frontière. Après deux combats heureux, l'armée revint à Tlemcen ; le maré-
chal Clauzel donna le titre de bey à Mustopha-bcn-Mckaltek,avec un bataillon
soustes ordres d'un capitaine du génie, M. Cayaignac, qui est devenu plus tard,
par ses services, un officier-général plein d'avenir.
Noiis sommes malheureusement anienés à reproduire ici le souvenir d'une
triste affaire, .dans laquelle le nom de M. Clauzel l'ut compromis d'une manière
''fâcheuse. .':
'
/V-:--.„-,.,.--.-
Ce maréchal, admirant la fertilité du territoire de Tlemcen, s'imagina peut-
être que les habitants regorgeaient d'or, et les frappa d'une contribution de
guerre, destinée au payement des frais de l'expédition, à l'intretien du bataillon
chargé do la garde du Méehouar, et à une gratification pour son corps d'armée.
L'effet de cette mesure portait principalement sur ces mêmes Koulouglis qui
avaient épuisé leurs ressources pondant' .fin' blocus de cinq ans, et qui venaient
* do se déclarer nos alliés. C'était un étrange système que-'do traiter en vaincus, en
gens corvéables a merci, une population qui, d'elle-même, s'était donnée à nous,
/ dont la fidélité enlevait ù nos ennemis une place importante, et privait Àbd-el-
Kudor d'un point do ravitaillement par lequel il pouvait avec toute facilité cor-
respondre avec le Maroc, pour en tirer des armes, des munitions, des subsides.
Opprimer les Koulouglis de Tlemcen, c'était les faire repentir de leur conduite
a notre égard, c'était autant quo possible les détaelicr de notre/cause, et les
pousser à se jeter dans tes bras de l'émir, a devenir ses auxiliaires. Nous n'a-
vions, a cette époque, aucun moyen d'occuper Tlemcen avec des forces suffisan-
tes; tout faisait donc un devoir il une politique juste et raisontiable de ne point
nous aliéner par une exaction des secours que nous ne pouvions remplacer» Le
."..'maréchal Clauzel ne crut pus devoir s'arrêter il ces rélloxioiis,'et,je u février, une
assemblée générale des principaux habitants de''.Tlemcen fut coiivoquie, i otis la
présidence du colonel du génie Lemcrcior. Voici le cohipte rendu -par cet officier
supérieur des résultats de cette séance.
« Les notables Koulouglis et Maures de Tlemcen ayant été réunis par ordre de
M. le 'maréchal Clauzel,-pour se prononcersur leurs moyens de /'défense, à l'é-
poque où l'armée française viendrait a se retirer, je reçus l'ordre de nie rendre
au conseil cl iVossisler à ses délibérations» A mon arrivée, Mustaphu-leti-Mekul-
lek, bey de Tlemcen, et Mezury, khatifa de Mostaghanem,- m'annoncL'i'cnt au
lion» du conseil que, comptant sur le bataillon qile le. inar.éeh'al leur avait pro-
îuis, Koulouglis et Miiuresveiiaieutdesejurcr, sur le Koraii qui était sous mes
yeux, une union éternelle; que désormais il n'y aurait .plus de distinction entre
eux ; qu'ils se regardaient connue frères, et combattraient ensemble Jusqu'à tu
mort, pour empêcher que leur ville né tombât au pouvoir des ennemis dé lu
-.'France,'- /-'-.
« .le leur ni répondu (pie le maréchal apprendrait avec joie la réconciliation
d^s habitants (l'ii:;entéme ville, dont les intérêts étaient inséparables; qite le
gouvernement français u'abaudt:nnerait jamais des alliés fidèles comme lès Kou-
louglis, et comme leur brave chef Mustuphu-ben-Ismucl» qui avait fuit preuve,
182 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
tout récemment encore, d'un courage et d'un dévouement admirés de l'arméo
entière ; qu'en conséquence, ils pouvaient compter sur la protection de la France
et sur le bataillon qui leur avait été 'promis, .l'engageai les Maures u prendre
pour exemple les Koulouglis, lés Semélas et les Douairs, qui venaient de contri-
buer si puissamment a nos succès, et de mériter, à la première occasion» la con-
liancc que nous avions en eux. Ils répondirent en renouvelant leurs serments,
et en protestant de leur dévouement,
« Ne pouvant plus douter de leurs intentions, je voulus connaître leur
opinion
sur leurs propres forces, et je leur demandai si, avec le bataillon qu'on allait
leur laisser, ils se proposaient de défendre toute la ville, ou de n'en occuper
qu'une/partie-,seulement,, Leur réponse a été celle de gens de coeur : ils m'ont
assuré qu'ils défend raient tout ; qu'ils seraient assez forts pour cela avec des
Français, t'ai beaucoup applaudi ù cet acte de courage, et pour suppléer au
nombre dans une aussi grande ville qui. n'a encore recouvré qu'une faible partie
de ses habitants, je nie suis engagé à relever les portions de muraille les plus
délabrées de l'enceinte.
« La seule inquiétude que le conseil m'ait manifestée, c'est de ne pouvoir en-
tretenir toujours le bataillon qu'on mettait à leur cl.arge, parce qu'ils craignaient
d'être bloqués longtemps et de ne pouvoir vendre leurs denrées. Mais les habi-
tants donnaient au maréchal l'assurance de partager eii frères leurs ressources
avec les Français, et de ne rien acheter au marché qu'après qu'ils se seraient ap-
provisionnés. — ,le ne pouvais répondre à ce sujet d'une "manière positive, parce
que mes instructions n'étaient pas assez étendues, .le nié suis borné a dire au
conseil 'qu'il faudrait probablement consulter le gou verneinent français, mais (pie
notre grande nation était 'trop généreuse pour tenir ù l'entretien d'un bataillon,
quand il s'agissait d'assurer la tranquillité d'une des plus belles provinces/de ses
possessions en Afrique ; que j'avais la presque certitude quelle n exigerait rien
de ses fidèles Koulouglis de Tlemcen, sitôt que M. le maréchal aurait fait eoii-
linitre leur position malheureuse,, depuis sixnus que les habitants les tenaient
bloqués dans le Méehouar,
« «le les ai tous engagés à faire connaître dans le pays leur réconciliation fran-
che avec tes.-.Maures, et a employer toute leur influence sur les tribus pour ac-
célérer rétablissement d'une communication prompte avec le littoral, c'est-à-dire
avect'ile de Ilarschgoiin, qui n'est qu'à deux journées de marche;'que*: s'ils
réussissaient dans cette négociation déjà entamée, leur '-fortune-serait assurée ft
cause du débouché qu'auraient leurs grains et leurs grandes récoltes d'huile;
que d'ailleurs la maréchal était prêt et se montrer reconnaissant de ce qu'ils fe-
raient dans cette circonstance, de manière à lie leur plus rien laisser à désirer.
«Le conseil, satisfait do l'avenir.qui lui étaitoffert, et des intentions bienveil-
lantes du maréchal, n'a plus demandé que le respect (te la religion musulmane
et des moeurs du pays»'—.l'ai répondu que ce/qu'il demandait était conforme aux
ordres les plus sévères du gouvernement français, qui tious faisait un devoir
impérieux de respecter la religion et les tuteurs des mahométaus, comme ce
que nous avons nous-mêmes de plus sacré.
« l'ois ont été les divers sujits traités dans la séance du conseil des Koulouglis
tt des Maures de Tlemcen, Le. dévouement qu'ils ont montré,tes craintes qu'ils
:.';v;/-:: LIVRE TROISIÈME. :-,."'^ ';;"/," * 8»

ont émises, les voeux qu'ils ont manifestés, méritent d'être pris en grande consi-
dération. Depuis que nous avons vu les Koulouglis sur le champ do bataille,
personne ho peut douter de leur sincérité, et oii n'aura point a regretter lo bien
qui leur sera fait». »
Beaucoup plus préoccupé de son idée fixe que des obligations qu'imposait à
un chef français une si honorable conduite, etd'aillcurs aveuglé par lés indignes
suggestions d'un Juif nommé Lassery, qui vivait dans son intimité, le maréchal
Clauzel démentit bientôt par ses actes les protestations de générosité que le co-
lonel Lemercier avait portées de sa part à nos alliés» 11 formula nettement, ses
exigences, et, tort de l'appui doses baïonnettes, il décréta sa contribution, dont le
ohilfro, énorme d'abord, no fut enfin réduit qu'à cent cinquante mille francs.
Ce sévice l'épanditla consternation dans la ville, et Mustapha-ben-Tsniaél lui
écrivit en ces termes, au nom des malheureux qu'on s'apprêtait à dépouiller ;
« Voilà six ans que nous sommes en '.guerre' contre les Arabes, en ville et au de-
hors; Dieu ne nous avait pas éclairés sur la conduite que nous devions tenir,
jusqu'au jour où il nous a inspirés de nous réfugier sous les /drapeaux do la
France. Vous êtes venu, avec votre année victorieuse,-attaquer et repousser nos
ennemis et nos oppresseurs. Vous nous demandez aujourd'hui le remboursement
des dépenses qu'a faites celte armée depuis son arrivée de France. Cette de-
mande est hors de proportion avec nos ressources ; il est même au-dessus de no-
tre pouvoir de payer une partie de ces dépenses, En conséquence, nous implo-
rons Votre compassion^ Mura sensibilité, et vos bons sentiments polir nous qui
sommes vos enfants, et ne pouvons supporter cette charge; car il n'y- a parmi-
nous ni riches, ni hommes faisant le commerce, mais bien des hommes faibles et
pauvres, Nous reconnaissons lotis lo service que vous nous avez rendu* et lions
prions Dieu qu'il Vous eu récompense, four ildus, nous votis donnerons tout ce
dont nous pourrons disposer, c'est-à-dire les maisons (pie nous habitons en ville,
nos maisons de campagne et attiresimmeubles.'que nous possédons ; niais nous
vous prions de nous accorder un délai, car nous soimnes vos sujets et vos en-
fants; vous êtes notre sultan, et nous .'n'avons ..que Dieu et Vous pour soutiens,
Nous sommes:;sous vos ordres, et disposés à vous servir comme soldats partout
où vous voudrez 2. »
Si le maréchal Clauzel n'avait écouté en cette circonstance que la voix de la
justice et lo sentiment do l'honneur personnel, il n'eût pas fait un pas de plus
dans /une voie où ht dignité du caractère'/français" ne pouvait s'engager, Mais
toujours dominé par les conseils du Juif Lassery, son. conuneiisni ettoii affidé,
il s^obslinait h voir les choses sous un aspect fantastique. « Je ne sache aucun
pays, disait-il, où, lorsqu'on demande do l'argent à ses habitants, il ne s'élève
pas aussitôt des doléances sur leur pauvreté. Fn France même, on a été obligé
d'armer la loi fiscale de moyens eoëreitifs qui vont jusqu'à dépouiller le contri-
buable de sa propriété; et c'est parce qu'on u l'expérience que ces moyens seront
implarablcinent employés, (pioia perception de l'impôt est parvenue à être si ré-
gulière» Muis, qu'on demandât extraordinuiremenlt si cela était possible, une

i liupporti\\\ colonel commandant le génie, Lcmereioty présidant lo cotisuil des Rotiloiiglis ot Mnhrcs,
le il février îaiio, /
USnit.lt TlelvUieii
S lixpltcalions du in'aréelinl Clauzbl, p, 03,
184 I/AF'IUQUE FUANÇAISE.
misérable somme de 10,000 francs à une ville de troisième ordre, par exemple,
et immédiatement il surgirait de terre des milliers de réclamations, pour attester
la pauvreté des habitants de cette ville. Je savais qu'il en serait ainsi à Tlemcen;
mais Tlemcen est une ville considérable et aisée; là se trouvaient des hommes
riches d'une fortune qui ne leur appartenait pas; c'étaient eeux qui, lors de la
prise d'Alger, s'étaient enfuis en emportant une valeur, dérobée au trésor du
dey, de près de :500,ooo soquins d'or, environ trois millions de francs '. Fit
Afrique, Juifs, Maures, Koulouglis ou Arabes ne considèrent comme fortune
que l'or et les bijoux qu'ils possèdent et qu'ils peuvent fiicilement soustraire à
leurs ennemis, dans cette fluctuation de combats, de revers el de victoires, qui
les met si souvent à la merci lesuusdesautres'. Celte réserve restait toujours soi-
gneusement cachée, et le premier cri d'un habitant, de l'Afrique est de dire qu'il
est misérable, parce qu'il est accoutumé aux exactions de tout genre :!. »
Pour en finir d'un coup avec ce qu'il appelait aies phrases de sensiblerie, »
mais redoutant toutefois le spectacle d'une population éplorée, M. Clauzel char-
gea le Juif Lassery (« sou intermédiaire avec les indigènes, l'interprète de ses
dispositions et. l'agent qui les mettait à exécution ») de procéder par toutes les
voies possibles, conjointement, avec le nouveau kaïd Muslapha-ben-Mekallek et
lechef d'escadron Youssef, au recouvrement des cent cinquante mille francs qu'il
lui fallait.
Ces trois personnages, armés de pleins pouvoirs, firent aussitôt emprisonner
les plus notables Koulouglis et même les Juifs, el, voyant que les cachots ne
suffisaient pas, ils eurent recours à la torture. Chaque habitant était (rainé aux
pieds des collecteurs et roué de coups jusqu'à ce qu'il eût fourni sa part. Ces
malheureux offriront alors les bijoux de leurs femmes, qui furent acceptés; mais
Lassery prit soin d'estimer tous ces objets fort au-dessous de leur valeur. Tout
cela se fil au nom de la France, eu face d'une armée honteuse et indignée ;i. Une

I M. Cluu/.el, qui avait remplacé M, do II uirimcit en IHJIII. savait mieux que personne l'iuiposMliibic oit
l'un s'était innué de constater l'état réel du trésor du t!cy cl les tevenus de la ré;onoc d'Alti'-r. Nous u>-on•
vu livre !«', ]<, 1,'î et Id) quêtons Icsériits nflicicrli qui pouvaient IIOIIH éclairer avaient disparu par uni' Cou-
pable iiéjilifceiice iju'tin uo s'explique point, e| quo, dans la eour de la Kasb.ih, MUIS les yeux de liiileinlaie
eii chef do l'année, nos soldats iithimiiicnt leur* pipes uv;.>c les papier* du uoiivrruemelil. tore, Car ip:es
m iveiiH M. Cinu/.el a-t-il doue pu savoir (pie trois mi lions de Iranes avaient 'té dérolu'-s au tiésor de llus-
si'liwl'aciia, et portés ù 't'Icinccli î Le rapport de la commission d'empiété, instituée par lui au mois de sep-
tembre IBItil, n'en dit pas nu mot, Celle allégation, pvoiliiile sans preuves en lsilli, justifie mni Al. Clauzel,
car elle ne pouvait sans doute provenir que .les insinuations du Juif Lassery, qui ne clieichait qu'une oeeasion
de pillage, et qui sut réi.ssir nu delà de ses espérai;ees.
i /ij-plh:atii>ns du maréchal Clauzel, p, Hii,
Ces raisons p;uirra:enl être plnu<u!oes, s'il était croyable qu'aprîs six ans ,|e pierre, et. île b'oeiis, et
I'. migration do la presque tolulîté «les Arabes de île en, ces piéleiiiluos rirhes-cs n'eussent plis été coli-
sMéial'Iolilfiit réduites pal les nécessité-: do la vie el lis frais de la défense ; tuais, iploi qu'il eu soit, les me-
sures eiuptoyéci.i pour faire suer '!, l'or à <U:< malheureux appellent hautement le Maine de l'histoire; Ions
les hommes jaloux de l'honneur liau;ais eu ont vainement alt-inlu la juste punition-, la postérité s'en
elnr^eiii, r'nr le jour de la Vérité se lève |.M ull lard sur toute chose,
Annales algèrir.nties, t. III, Ire pallie1, llv, xvtii, p, 0L>,
II

Voici en quels termes les habitants de Tliuuecii rcadnat complu de colle exéculoii, dans Hue p'nlnle qu'ils
iidr s-érent au <.:uilvernoinenf. IViliçais : -~ " lai uii clin d'ie',1, nous avons été dépouillés do tins biens, do nos
lisji.uvet de nos vêtements... "u nous mil en prison avec nos (mûmes et nos enlauls, dont il s'en trouvait
qui n'avaient pas encore six alis,., N'oh- MIIIIIIIIS S IS i|ue le spm ti.c!e de m..s miiè-r'- MUIS arracherait 'les
armes car lions n'avons pins que l'ajiparenc'' d'houim s.,. I.e eouiiiiiiinlaiil. Votissel, le .luit Lassery et Mus-
taphii-ben-Mi'liJitleh étirent, les iih-cuts dans ee'le iiil'aire, >. \ Question il'Alger, par A. iJe-job; ri, députe de
la Seine-li.férieuie, p. lut.'
JL'hl. M A II I !»!•:.
LIVRE TROISIÈME. m
somme do 94,000 francs fut ainsi obtenue ; sur ce chiffre, 3f>,200 francs seulement
furent versés à la caisse du payeur, dont 29,200 servirent à la solde des troupes,
et 0,ooo à l'entretien provisoire du bataillon de garnison. Ce fut la seule partie
de la contribution dont remploi ait été constaté légalement par l'administration
pendant le séjour du maréchal Clauzel a. Tlcmccn. On ne sait pas au juste ce
que les honnêtes collecteurs prélevèrent pour leurs droits de recette, mais Las-
scry revint a Alger avec un riche butin, et se ciut obligé de déclarer à la douane
une valeur de 110,000 francs en lingots et bijoux, apparemment pour consta-
ter qu'il n'en rapportait pas davantage. Quant aux bijoux perçus, ils ont eu, à
Alger, les honneurs d'une exposition publique, et ont fait l'admiration de plu-
sieurs villes de la Méditerranée ; les habitants de ces ports durent croire que ja
piraterie était rétablie dans la régence. Ce qu'il y a de plus curieux dans cotte
affaire, c'est que la petite portion qui avait essayé d'entrer au Trésor fut rendue
aux contribuables ; c'est, du moins, ce que nous apprend le Moniteur algérien
du 30 septembre 1830. Mais les habitants de Tlemcen sont i\ portée aujour-
d'hui d'apprécier la régularité do certaines comptabilités, en comparant ce
qu'on leur a pris et ce qu'on leur a rendu'.
,
Après cet acte d'oppression, dont, il ne parvint jamais à se justifier pleine-
ment, le maréchal Clauzel rentra, le 12 février, à Oran, et, pour atténuer l'effet
produit par ses sévices, il publia un ordre du jour emphatique pour annoncer
qu'Abd-cl-Kador fugitif ne cherchait plus qu'un asile dans les déserts brûlants du
Sahara, et que la guanc était finio ; 'mais, en réalité, la destruction de Maskara
et la prise do'Tleinccn ne pouvaient offrir que des résultats incomplets tant que
l'émir serait debout. L'Arabe ayant partout une existence aussi belliqueuse que
nomade, Abd-cl-Kader, malgré ses défaites, retrouvait partout des soldats;
les masses que nous avions dispersées se reformaient plus loin : nos ennemis
semblaient sortir de terre. L'organisation du pays fait de la guerre, en Afrique,
uho guerre d'exception, qui doit mettre on garde également contre l'exagération
des difficultés et des résultats/ Il fallait, sinon augmenter, du moins conserver
des forces imposantes ; niais les crédits étaient limités, et l'armée fut réduite*
au moment où son action devenait le plus nécessaire.
1 L'administration, dit î*î, le capitaine d'état-majot' Polllssior, n'eut aucune oonnaissîûu.'oollieiellc do en
«
qu'avait produit la contribution on sus des 35,2i)u francs versés dans la caisse du payeur. L'annonce do
l'abandon du lu contribution, lorsqu'on vit qlte les coups de bftloli rie foraient pas écloro 15(1,000 franus, dm
lui faire penser, comme à tout lu monde, que les dlvorsoH vaieuiB avaient été laissées au liey nommé pi:r
M, (Mutuel | mais oit apprit blcntùt que ces lutteurs suiriiiriilte imtrêcltttl h Oran, et qu'elles étaient trans-
portées lititis un /bttrgdn ilu quariier-yfnèral. Plus tard, on stit queLassery, qurd'Oran te rendit I'I Alger,
avait déclaré à la doiialio pour 110,1)00 fr. do Valeurs or et argent ; qu'une vente do bijoux avait été offcclutc
citez MM. ttiicéuet et Uelurd, négociants ù Alger, et que Lassery avait transporté d'autre1! bijoux à Tuhis.
De. là, certain» bruits dont il est facile de concevoir que M. le maréchal ait été vivement blessé, Il résulte
des explicationsque ces bruits l'ont IIIIR dans la nécessité de donner, quu les valeurs on bijoux, et autres objets
(l'oiTévrorlo emporlé." de Tlemcen par Lassery devaient être réalisées on numéralté par celui-ci, et renvoyées
HOUB cette forme au bey, jusqu'à concurrence des suintiies portées en recette nu rôle de lu contribution que
ces valeurs représentaient, ou plutôt dont ollo.i étalent le gage. Ce fut p»ur la stlrcld de ce ijuge que M* le
maréchal le Ht déposer «/ruts un'duses/ourijoni, La disposition à croire au mat est déplorable sans doute,
mais M. Clauzel lui-mémo y a-t-ll toujours été étranger! Kiwuite, dans l'alVairo de îlemeen, n'étnlt-tl pas
(tutnrol que les violences' commises eti soulevant les conscience!? nicht rendu les esprits plus soupçonneux 1 »
(Annules Hitlériennes, t. 111, p. 05.) — VAlijtbk en ltf;i7,pav M. Desjobcrt, députû, p. 2M,
180 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
Les autres points de l'Algérie étaient loin d'être pacifiés. Le contrecoup de ta
Maeta avait excité les populations de l'est; Milianah, Chcrchcll, Médéah rele-
vaient d'Abd-el-Kador ; les Hadjoutes, brigands de la plaine, faisaient une guerre
de pillage a tous les partis. C'est ainsi qu'Ali-M'Rovek, lieutenant de l'émir à
Milianah, fut attaqué et pillé parles Soumatas ; et quand il voulut se réfugier à
Médéah, les habitants ne consentirent à le recevoir que sans escorte, tant se
multipliaient lo vague et la confusion des pouvoirs sur cette terre morcelée par
tant de rivaux. Los Arabes comprenaient que nos armes pouvaient percer jus-
qu'au coeur du pays ; mais il aurait fallu joindre les faits aux croyances, et no
pas laisser à chaque pas notre oeuvre incomplète,
Le maréchal Clauzel était retourné à Alger vois la fin de février, Le calme
paraissait renaître sur les bords du Mazafranj les Koulouglisde rOued-Zcitoun,
qui formaient, sous la régence turque, uno colonie militaire chargée d'assurer
l'ordre à l'est de la plaine, nous demandèrent un chef, Les Bcni-Misrah se cour-
baient devant nous; les cheikhs des sept tribus do la montagne de Beni-Moussa
sollicitaient l'investiture frauçftisc; enfin, des essais de culture européenne se
hasardèrentdans laMétidjab, et des fermes furent créées en dehors de nos postes
avancés,
A Bougie, l'occupation était restreinte par la configuration du sol et les habi-
tudes guerrières des Kebaïles, On se demande encore si Jlos causes qui avaient
motivé l'occupation de cette petite ville du littoral étaient de nature à la faire
maintenir, et si l'on n'arriverait pas, dans tous les cos, aux mémos résultats par
l'adoption d'un système différent et moins dispendieux.
Le 29 mars 1830, un corps d'armée de 6,000 hommes se réunit à Bou-Farik
pour aller soutenir, a Médéah, notre boy Mohammed-ben-Husscin contre l'in-
fluence tVAli-M'Barek, créature de l'émir. Ce dernier marcha sur Médéah, suivi
des montagnards do Soumala, des Mouzaïa, des Beni-Salah, et, après trois jours
de combats, Mohammed, trahi par les Maures, tombait au pouvoir do nos en-
nemis. Cependant, cet accident ne causa pas de préjudice réel à notre position.
Les tribus hésitaient, et, fatiguées d'une guerre sans terme, attendaient que la
destinée se prononçât. Los Isscrs luttaient dans l'est contre les Ameraouas qui
voulaient les entraîner dans les,rangs d'Abd-el-Kadcr ; un camp formé sur la '-

Chiffa tenait les Hadjoutes en respect.


Dans la province d Oran, le maréchal Clauzel avait chargé le général Porré-
gaux de surveiller, avec uno colonne mobile, la vallée do Chéliff. Les Douairs et
les Semélas, attaqués par les Gharabas, s'étaient retranchés sous le canon d'O-
ran, Le général Perrégaux tomba sur l'ennemi avec 5,000 hommes, et, après
lui avoir fait subir une razzia désastreuse, il se porta sur l'Habra et la vallée du
Chéliff, en recueillant des soumissions arrachées à la terreur. Mais le rappel
d'une partie du corps expéditionnaire d'Oranno permit pas de pousser ces avan-
tages. Les proclamations romanesques du maréchal, sur la prétendue fin do la
guerre, avaient fait croire au ministère que l'état du pays permettait de rentrer
dans les limites du budget, en réduisant l'effectif de l'armée. Le lieutenant-colonel
Delaruc apporta de Paris des ordres précis touchant cette réduction, dont
M. Clauzel eut dû ..connaître mieux que personne l'impossibilité, Un nouvel
échec en donna bien|ôt la triste preuve,
LIVRE TROISIEME, W
Le gouverneur avait prescrit la formation d'un camp sur la Tafna, pour mettre
la garnison de Tlemcen en facile communication avec la mer, Le général d'A r-
laugcs s'y rendit avec 3,000 hommes le 15 avril, et, malgré des.engagements.,
successifs, il poursuivait activement les travaux, lorsqu'il fut averti qu'un corps
de 7,000 Arabes venait l'attaquer, Un combat fut livré, le 25, a deux lieues du
camp. Après une lutte acharnée, dans laquelle le général fut blessé, nos troupes
se retirèrent, avec des peines inouïes, dans leurs retranchements, laissant 300
hommes sur le champ de bataille. Notre camp de la Tafna, étroitement bloqué,
allait devenir un tombeau ; des renforts immédiats furent demandés à la France ;
trois nouveaux régiments, le 23p le 24° et le «2° de ligne, furent embarqués sur-
le-champ et transportos à la Tafna, où ils arrivèrent le (î juin, avec le maréchal
de camp Bugeaud, Le général do l'Étang remplaça M, d'Arlangcs a Oran,
La situation critique de nos troupes avait ranimé l'audace des Arabes, et le
boy Ibrahim, notre allié, campé près de Mazagran avec des forces minimes, fut
contraint de se replier sur Mostaghanem.
Ce concours do circonstances fâcheuses réclamait impérieusement un retour
offensif, pour dégager notre supériorité compromise. Le général Bugeaud n'ap-
portait pas en Afrique une réputation militaire bien connue; le gouvernement
de juillet l'avait replacé comme colonel après quinze ans d'obscurité, et son
grade de maréchal de camp, qui datait de 1831, ne l'avait encore mis on relief
que par la mission de BJaye, et, plus tard, dans les émeutes de Paris, Mais c'é-
tait un homme audacieux, résolu, et que plusieurs années de service dans l'ar-
mée d'Aragon, de 1809 à 1814, avaient dressé a la petite guerre de partisans
qui se fait en Algérie V Fort indécis d'abord sur le plan d'opérations qu'il de-
vait suivre dans un pays dont la connaissance lui manquait, il résolut enfin de
se porter à Oran, pour marcher de là sur Tlemcen, Sorti du camp de la Tafna
le 12 juin, vers minuit, à la tête de G,ooo hommes, il eut, au point du jour, un
premier engagement avec trois ou quatre cents cavaliers d'Abd-eî-Kader, qui
vinrent attaquer ses bagages et y causèrent un désordre promptement réparé,
Une seconde affaire l'attendait, dans la même matinée, au passage d'un ruis-
seau; l'armée avançait sur trois colonnes, et ses tirailleurs tinrent l'ennemi à
distance. Une masse do cavaliers s'éfant jetée sur son flanc droit, le général les
fit charger brusquement et les vit bientôt hors de portée. Ses troupes, composées
d'hommes'venant' de France, no campèrent que très-tard, après dix-huit heures
d'une marche forcée. Les trois journées suivantes se passèrent sans combats,
et, le 10, on arrivait à Oran, Le 19, M. Bugeaud prit la roule de Tlemcen,
qu'il atteignit le 24, sans obstacles sérieux. L'armée s'établit devant cette ville,
dont la petite garnison n'avait pas souffert ; le brave capitaine Cavaignac, "qui
la commandait, soutenait admirablement le moral de ses soldats. Dans la soi- ^
rée du 26, le général retourna au camp de la Tafna, en explorant le pays avec

' Le 28 juin 1815, lorsque les alliés avaient déjà occupé Paris, le lie de ligne, commandé par le colonel
Bugeaud, luttait encore au pied clés Alpes pour la défense du territoire envahi, Ce régiment arrêta seul une
division de 8,000 Autrichiens soutenue par fi pièces do canon, qui pénétrait par la Savoie dans la vallée de
Graisivaudan, Après sept heures de lutte, l'ennemi perdit dans cette affaire 2,000 morts et 4U0 prisonniers,
Il est à regretter que M. Bugeaud, deyenu gouverneur de l'Algérie, ait plus tard exagéré l'importance de
plus d'un fait qui ne vaut pas celui que nous venons de citer.
IMS' L'AFRIQUE FRANÇAISE.
soin ; arrivé le>.>, ù neuf heures du matin, il fit préparer sans retard un fort
convoi destiné au ravitaillement de Tlemcen, et, après cinq jours de repos, il
reprit "la campagne. Mais, cette l'ois, Abd-el-Kador épiait do plus près ses
mouvements.
Le corps expéditionnaire venait de quitter, le «juillet, son second bivouac,
et descendait, par trois colonnes, dans la vallée deTOucd-Sefsnf, Dos feux al-
lumés, pendant la nuit précédente, sur toutes les hauteurs, avaient signalé le
voisinage d'ennemis nombreux; on devait penser que l'émir, fatigué de son
rôle d'observateur, se préparait à tenter un coup do main ! cette prévision fut
justifiée, L'arrière-garde française fut chargée, au point du jour, par la cavale-
rie arabe, embusquée au tournant d'une gorge. Nos auxiliaires, commandés par
Mustapha-bcn-Ismaël,soutinrent ce choc avec résolution, tandis que l'armée,
franchissant la vallée, se déployait sur les plateaux de la rive gauche, Bientôt
l'infanterie ennemie, conduite par Abd-el-Kader lui-même, se présenta] sur
là ligne de direction que suivaient nos colonnes, Cette fausse manoeuvre livra
nu général Bugeaud uno facile victoire, car la double agression des Arabes sur
notre front et nos derrières coupait leur ligne de bataille, Par un mouvement
rapide, le 02° de ligne et un bataillon léger d'Afrique se portèrent à l'arriére-
garde pour la soutenir, tandis que le reste du corps d'armée accueillait les
masses confuses d'Abd-el-Kader avec une telle vigueur, que les fuyards, pous-
sés par notre cavalerie dans uneespèce d'entonnoir formé par le cours de Tisser,
perdirent plus de 200 morts et 130 prisonniers, Notre arrière-garde n'obtenait
pas un moindre succès, et Y artillerie acheva la déroute, des vaincus, Ce succès,
décidé en quelques heures par les dispositions énergiques du général Bugeaud,
lui mérita la confiance des troupes 1, Le lendemain, 'Tlemcen fut ravitaillé,
La défaite d'Abd-el-Kader eut un grand retentissement parmi les tribus ; leur
fidélité s'ébranla sur plusieurs points, et si M, Bugeaud, profitant de sa victoire,
avait pris quelque souci de rattacher à notre cause les populations voisines de
Tlemcen, ces négociations, appuyées par une force imposante, ne seraient pas
restées stériles ; mais, soit qu'il ne voulut pas, à cette époque, outrepasser la
mission militaire qui lui était confiée, soit que son antipathie pour la'conquête'
d'Afrique ne lui permît point encore d'entrevoir le rôle qu'il était destiné à
jouer sur ce théâtre, il revint à Oran sans rencontrer de nouveaux ennemis, et,
pour occuper ses soldats, il causa tout le mal passible au pays, dévastant sur sa
route et brûlant les moissons, Après ce triste et puéril ravage, qu'il appelait
faire àcs rubans de ft% il s'embarqua, lo 30 juillet, pour Alger, d'où il repassa
en France, et fut nommé lieutenant général,
L'émir s'était retiré du côté de Maskara pour y réparer ses pertes, Doué d'un
courage k toute épreuve, il ne se laissait point abattre par la mauvaise fortune,
et le Maroc lui fit passer des secours d'argent pour fabriquer de la poudre, des
armes et des vêtements; mais la présence d'un grand nombre de JVÎarocains
sous ses drapeaux avait été l'objet de nouvelles et vives représentations au
chéiïff Abd-el-Rahman, qui s'empressa de désavouer, près du gouvernement
français, toute participation do sa part à cet acte d'hostilité, Des défenses ex-
t Ce combat reçut, dans les bulletins, le'noni de Sitiftak, qtto prend rOued-Solaaf au-dessus de sa réu-
nion avec les eaux de l'Isser.
LIVRE TROISIEME. 189

presses furent aussitôt publiées, en sou nom, parmi ceux de ses sujets qui avoisi-
neuf la province d'Oran, et l'on put espérer momentanément qu\'U)-el-Kador,
privé de cette ressource, serait de longtemps hors d'état de nous inquiéter.
Pendant que nous réparions l'échee do la Tafna, M, Salomon de Munis, chef
du 3« bataillon d'infanterie légère et commandant supérieur de Bougie, avait a
repousser les attaques incessnnles des Kebaïlos; le "4 août, il eut l'imprudence
d'accueillir des offres de traité sans prendre dos précautions suffisantes, et, s'é-
tant rendu avec quelques officiers au lieu proposé par le frère d'Oulid-Ourcbah,
il périt victime d'une trahison VM, Lapone, chef d'escadron d'artillerie, qui le
remplaça provisoirement, sut maintenir notre inutile position jusqu'à l'arrivée
du lieutenant-colonel d'état-major Chambouiion.
Au commencement do 1830, notre domination semblait assise autour de
Bonc, On surveillait les projets d'Ahmed ; la côte était gardée avec soin pour
prohiber tout débarquement d'armes et de munitions étrangères, et Je général
Monk d'Uzer profitait de la haine que des cruautés inouïes allumaient contre lo
bey de Constanline, pour attirer a nous les opprimés par l'espoir d'un appui, et
nous préparer, dans un prochain avenir, le chemin dé cette riche province, dont on
disait merveille, Prévoyant la nécessitéprochaine do cette conquête, dont il voulait
s'assurer la gloire, le maréchal, pendant son séjour à Tlemcen, et a l'époque de
la contribution dont nous avons parlé, avait donné d'avance le titre de bey au
chef d'escadron Youssef. Les antécédents de cet aventurier n'étaient pourtant
guère de nature à justifier cette faveur. Le ministère ne la sanctionna qu'avec
peine, et encore écrivait-il à M, Clauzel en ces termes : « Malgré les plaintes
graves que les excès commis à Tlemcen ont soulevées, le gouvernement con-
sentira à laisser Youssef investi du titre de bey qui lui a été conféré par vous;
mais un officier général, capable de lui imposer et âo le diriger, sera: placé dans
la province .*. » Les faits vont établir la justesse de ces appréhensions,

f précédemment la bizarre équipée diplomatique du commissaire Lovvasy auprès d'Oulid-Ou-


Otv n vti
rebah, Ce cheilili étant mort, son frère lui avait succédé. Sur ces entrefaites, lo (Ils d'Oulid-Ôurebah, jeune
homme do seize ans, s'otant avisé de conduire quelques boeufs nu marché de Bougie, les Keba'iies soupçon-
nèrent son oncle d'entretenir des intelligencessecrètes avec les Français, Le che'flih ne trouva d'autre moyen
de sàdlsculper aux yeux du ses compatriotes, que de faire tomber le commandant de Bougie dans un piège
odieux, 1) écrivit ù M. de Mtisls, etYsousle prétexte de négocier, l'attira, lo 4 aoftt 183t>, à quelque distance
en avant du camp retranché Inférieur, Par une imprudence trop cruellement payée, cet officier descendit au
lieu do l'entrevue, accompagne de son interprète, de M, le sous-intendant militaire Fournier,du Uaïtl do
Wougle et de la compagnie franche dit 2o batatijon léger d'Afrique ; le capitaine Uliiiigini laissa même cette
faible escorte un peu oit arrière. L'entrevue commença par dos civilités réciproquts, et traînait en longueur
sans que le ruse JCehuïle parût arriver au fait. Pendant ce temps, les cavaliers du cheïlili s'approchèrent à
In faveur des accidents du terrain et sans être aperçus, Tout ô coup, une décharge presque à bout portant
foudroya M. do Musis et soit interprète ; le Uaïd do Jîiugte fut grièvement blessé; l'intendant militaire eut
son cheval tué, et courait risque de la vie si M. lilangini, sauvé miraculeusementdo ce désastre, et la com-
pagnie franche accourue au bruit des armes à feu, n'avaient chargé rapidement les meurtriers, qui prirent h
fuite sans combattre, La garnison de Bougie n'était pas assez forte pour venger cet acte de perfidie par une
expédition contre ces montagnards. Toutefois, la responsabilité d'Une si atroce violation du droit des gens
doit peser tout entière sur le cheikh. Les gens des tribus d'alentour en furent consternés, et n'osaient plus
nous apporter de vivres,
2 Lettre du ministre de la guerre au maréchal Clauzel, le 15 aoftt 1830.— En présence do tant d'épisodes
regrettables qui assombrissent la physionomiedes guerres d'Afrique, il est difficile u l'écrivaind'être vrai sans
paraître sévère, Notre impartialité n'admet aucun fait sans fonder son jugement sur de gravés autorités-
L'inflexible logique do l'histoire ne peut transiger avec les fautes ; elle les signale, afin que le remède en soit
cherché, et que l'avenir profite du passé, Noiis avons déjà, plus d'une fois, rendu justice au bien, et terni
compte même des Intentions; nous aurons Bans cosse à porter de nombreux témoignages en faveur des
m L'AFRIQUE FRANÇAISE/
Lo général Monk d'Uzér avait des ennemis U Bone parmi les colons qui lui
reprochaient sa politique bienveillante n l'égard dés Arabes ; on l'accusa d'a-
voir trafiqué sur les propriétés, et nonobstant une enquête, qui prouva la faus-
seté de ces allégations, M, Clauxel, sur qui planaient des soupçons du même
genre, demanda et obtint la révocation de ce général, On peut supposer que
Youssef, qui avait un système particulier a exercer sur lés indigènes, ne resta
pas étranger aux malveillantes insinuations dont M. Monk d Uzer fut la victime,
Quoi qu'il en soit, après la retraite de cet honorable officier général, l'ex-employé
de la police d'Alger fit à Bone une entrée triomphale au bruit do l'artillerie.
Mais rien n'était réglé sur les pouvoirs, les attributions, les ressources de ce
bey; on le jetait nu milieu des Arabes avec des pouvoirs indéfinis et illimités,
lui donnant, pour budget et pour liste civile, sa position à exploiter comme il
"l'entendrait; Pour s'installer avec honneur dans son gouvernement, il lui fal-
lait un banquier, et son choix tomba naturellement sur le Juif Lassery, son col-
lègue de Tlemcen et l'ami intime de son protecteur. 11 emprunta à ce Juif une
somme de 20,000 francs qui devait être, aux termes du contrat, remboursée
en têtes de bétail. Pour acquitter sa dette, il demande des troupes au colonel
Cori'éard du a** chasseurs, qui, n'ayant pas d'autres instructions que celle de ne
pas entraver les actes de Youssef, lui refuse son concours, promettant toutefois
d'envoyer un détachementsur la route qu'il suivrai pour le protéger en cas d'échec,
Youssef, autorisé par le maréchal à former un corps de 1,000 Turcs, Maures ou
Koulougiia, fait enlever violemment dans les cafés, les boutiques et les maisons
particulières, toiit individu en état dé porter les armes, Là population indigène,
effrayée de ces sévices révoltants, réclame auprès de l'autoritéfrançaise; M, Di-
sant, sous-intendant civil de Bone, s'oppose courageusement à la brutalité du
nouveau bey, et fait mettre On liberté les malheureux dont il s'était emparé,
Youssef est réduit à 300 aventuriers, qu'il joint aux escadrons de spahis régu-
liers dont il est le commandant, Sa première expédition se dirige contre les
Radjètes, nqs alliés, qu'il surprend, et auxquels il enlève près de 2,000 boeufs et
1,200 moutons, Ce bétail, compté à vil prix à Lassery, fut, par ce dernier, vendu
au quadruple à l'administration française., Une difficulté s'éleva sur la suite du
marché, et le tribunal de Bone fut épouvanté d'une cause où l'on produisit des
billets constatant ces hideux traités 1.
Plusieurs expéditions semblables assaillirent d'autres tribus. Les razzias faites
parYoussef produisirent,à son bénéfice, des sommes considérables ; ja plus grande
partie des bestiaux était exportée àTunis, ou vendue directement aux Maltais, Le
colonel Duverger, qui avait succédé au général d'Uzer, craignant peut-être de dé-
plaire au maréchal, n'osa prendre sur luide réprimer les scandaleuses dilapidations
de Youssef; mais M, Melcion d'Are, intendant en chef, les dénonça vivement au
ministère, et un arrêté du 20 juillet interdit, dans l'intérêt (les approvisionne-
ments de l'armée, toute exportation do bétail dans l'est de la régence, Puisque
hommes qui ont noblement mérité la reconnaissance publique; mois chaque fuis aussi qu'un rnefait, qu'un
sévicé ou un 'oubli du devoir frapperont nos regards, et que la preuve sera dans nos mains, nous obéirons avec
tristesse, mais rigoiireusi;meht, aux exigencesde la vérité.
i Alger cri 183IJ, par A, Desjobert, député, chap, 2, }>» 20,
— Annales àlyôrienncs, U HT, lre partie,
liy, xtx, p. 04, — L'Algérie, par M, le baron Bande, conseiller d'État, ex-commissaire du roi eh Afrique,
1.1, p. 284,- ' ; '•." .".'
LIVRE TROISIEME. lui
Te gouvernement croyait devoir protester contre ces vols par un acle officiel, il
eut été plus moral d'en flétrir l'auteur; mais cette sévérité aurait frappé pins
haut : le bey futur de Constantine avait entre les mains des lettres du maréchal
Clauzel, qui lui donnaient carte blanche et approuvaient toute sa conduite M
Los résultats ne se firent pas attendre, Les Arabes s'éloignèrent de nous en
disant : « Puisque lo boy des Français nous traite encore plus durement
qu'Ahmed, mieux vaut retourner à celui-ci, » Par sa conduite effrénée, Youssef
détruisit tout le bien qu'avait produit l'honnête administration du général
Monk d'Uzer,
Ne voulant pas toutefois encourir le reproche de partialité dans lo jugement
sévère quo nous venons do porter sur les actes do co personnage, il nous a sem-
blé nécessaire derocherchor aussi les témoignages qui pouvaient lui étro favo-
rables. Voici l'appréciation que fait de Youssef M. lo conseiller d'État (îenty de
Bussy : — « L'histoire, dit-il, offre pou d'exemples d'un semblable héroïsme,
On retrouve Youssef partout où la Fronce eut besoin do réclamer la double as-
sistance de son bras et de ses conseils, Au commencement de 1837, il fit un
voyage à Paris, et il y passa près d'une année. L'éclat que son nom avait déjà
jeté en France; les combats auxquels il avait pris part on Afrique; Je nouveau
drapeau sous lequel il venait de s'illustrer en si pou de temps ; cotte étrangeté
mêlée de gloire qui, chez un peuple blasé, semble avoir seule le privilège de
ranimer la curiosité, avaient déjà fixé les regards sur lui, L'élégance de ses ma-
nières et de sa tournuro, la grâce qui lui était particulière, la richesse de son
costume, et, ce qui est bien mieux encore, une omo élevée, une grande solidité
dans ses affections, un dévouement sans bornes pour ceux dont il avait reçu les
bienfaits, tout contribua à augmenter un succès que compléta bientôt le tour
original do son esprit. '
a De rares qualités distinguent Youssef; nous n'en citerons qu'un exemple :
Un homme, qu'il avait connu à Alger, et que nous ne voulons point nommer,
était à Paris, sans emploi et sans fortune, Une longue maladie venait d'ajouter
encore à la gravité de sa situation, Youssef l'apprend, "vole clic/, lui, attend qu'il
soit seul, et, le force d'accepter la totalité du traitement qu'il venait de toucher,
Youssef n'avait alors pour toute ressource que la dcmi-soldo du grade de chef
d'escadron, Il n'hésita pas cependant; il secourut le malheur la veille, sans

( t n les a montrées à M. Loyson, avocat général au tribunal supérieur, (Annales algériennes, t, TU,
p, 102.) -— Il parait, au surplus, que lo meurtre no coûtait pas plus à Youssef que les exactions. Un ancien
hatli de Bone, nemmé Khalit, s'était réfugié à Tunis en 1832; il entretenait de la une correspondance
avec Ahmed-boy, L'autorité française le réclama. Riais comme il n'avaitjamais reconnu notre domination,
etqu'il avait été saisi sur un terrain neutre, on ne pouvait le faire juger. Il fut renvoyé d'Alger à Bone, et
placé sous la surveillance et, par conséquent, la protection du commandant français. Youssef en fit son se-
crétaire. Quelque temps après, Khalil, témoin de ses odieux excès, blâma ses actes et lui devint suspect.
Uno nuit, après avoir passé la soirée a jouer aux échecs avec le bey, au camp de Dréan, il fut enlevé de sa
tonte, et décapité, sans que l'officier supérieur qui commandait le camp fût instruit de cotte exécution.
Youssef prétendit que Khalil avait voulu, l'empoisonner, et no put fournir aucune preuve à l'appui do cette
accusation; mais l'Impunité lui était assurée,Seulement,l'autorité civile arraclja de ses mains un Maure et
un Juif qu'il s'était avisé de faire arrêter comme complices de Khalil, et dont il aurait sans doute obtenu
par la torture tous loa aveux a sa convenance. Co fait, rapporté par le capitaine d'état-mnjorPellissier, ne
donna lieu à aucune répressionjuridique.
(Voir aussi l'Algérie, par le baron Baude, conseiller d'iitat, ex-commissairedu roi on Afrique; t. I,
p. 1M.) . ..

192 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
s'inquiéter pour lui du Umdemain, Combien pou do Français, en pareil cas,
eussent montré la mémo générosité qu'un Arabe i ! Comment cette bonne action
est-elle arrivée jusqu'à nous? Nous garderons là-dessus le silence, et nous nous
contenterons de dire que ce n'est pas de Youssef que nous la tenons,
« Les causeries orientales do Youssef sur les Arabes, sur leur sauvagerie,
leur intrépidité, leur insouciance de la vie, sont empreintes (|eco charme qui
s'attache h tout co qui vient d'un pays inconnu ; sa phrase est vive, abondante et
imagée, Dans la paix comme dans les combats, il conserve les habitudes d'un
guerrier, et des exercices violents peuvent seuls compenser pour lui le temps du
repos, II avait donné à Bone quelques jours d'hospitalité à Horace Vernot; elle
lui fut, à Paris, largement rendue ; pendant son séjour dans cotte ville, la fa-
mille du grand artiste devint la sienne, ot il fui pour elle un enfant de plus, Ra-
rement la noblesse do coeur est séparée do l'émincnco du tulcnt, et, toute sa vie,
Horace Yernct a réuni les deux,
« Les débats de la tribune après la retraite de Constantine, le rappel du maré-
chal Clauzel, qui en fut la suite, le titre do bey de cette province prématurément
donné à Youssef, avaient rendu sa position délicate, et l'avaient contraint à ex-
pliquer sa conduite, Il Je fit avec dignité, avec calme, et sans tenir compte des
préventions do certains hommes. Fort des brillants servicos qui plaidaient pour
lui, il obtint, après quelques mois d'attonte, la récompense qu'il avait si bien
méritée, et retourna lieutenant-colonel à Alger. Tel est cet homme déjà célèbre
dans la régence, qui no dit, qui ne fait rien comme un autre; bravo parmi les
braves, enthousiaste, fidèle, téméraire, audacieux surtout, avec quelque chose
de ce grandiose de l'Orient, qui ne voit souvent entre une chaumière et un
trône que la longueur d'une épée s véritable 6cngis-Khon.au petit pied,
« On a conféré à Youssef un grade dans l'armée; à mon avis, c'est uno
faute ; lui appliquer les dispositions de notre loi d'avancement, c'était l'étendre
sur lo lit de Procustc, lui mettre des lisières que sa nature ne comporte pas ;
c'était l'étouffer sous un habit étranger : il fallait lui laisser le sien. Qu'en est-il
arrivé? officier pour nous, il a continué d'être boy pour les indigènes, qui lui
rendent des honneurs inconnus, qui lui baisent les mains ; c'est que, malgré
nous et malgré nos formes, il est resté lui, et c'était là le seul rôlo qui nous l'eût
donné tout entier. Le gouvernement d'une province, le maintien de sa pacifica-
tion, voilà la mission que, sous l'autorité do la France, j'aurais offerte eu pers-
pective à Youssef, et que je n'eusse pas hésité a lui confier quand l'opportunité
en serait venue, .le l'aurais placé a Constantine ou o Bougie comme bey, et
grandi par la dénomination, si je n'avais pu assez tôt Je grandir par le grade.
En un mot, j'aurais voulu qu'exception pour tout le monde, il n'eut été objet
d'envie pour personne',»
t Nous sommes heureux de reproduire ce beau trait ; mais de pareilB exemples sont plus fréquents chez
nous que ne paraît le croire M, Genty do Bussy. Ce conseiller d'État commet ici deux erreurs : la première,
qui ne devrait pas se trouver soiis une plume française, accuse bien a tort ses compatriotes de manquer
d'une noblesse de cteur qui est la plus belle vertu de notre nation/L'homiiie, quel qu'il soit, qui oserait
soutenir un tel jugement, B'exposerait à se Voir surpris en flagrant délit d'ingratitude par un blograjthe bien
renseigné. La seconde erreur est l'excuse do M, Genty do Bussy, on prouvant qu'il pense on qu'il écrit
parfois avec une singulière légèrelé. Cet honorable publlciste qualifié d'Arabe l'ex-mameluck Youssef, et
cependant, dans le même chapitre, six pages plus haut, il affirme qu'Youssefest né à l'ilo d'Elbe!
2 L'amour de la phrase entraîne tel M, Genty de Bussy, NOUR avons déjà cité trop de faits, et il nous en
LIVRE TROISIEME. IM
Pour (.'oinplélor co panégyriipio, M. Genty do Bussy « ne peut résister au désir,
do faire connaîtro à ses lecteurs'uno lettre do M. le ducdo Mortoniart ù Youssef,
et qui lionoro également l'un ot l'autro, » Voici cotte loltro', écrite à Paris, le
1er mars 18118 ;— «Moucher colonel, après dix'mois do séjour ou Franco, et
do sacrifices, vous devez'vous trouver à court d'urgent. Si. cela est, souffrez que
jo vous'prie d'accepter mille éeus, Sur lo vu de ootlo lotlro, vous les louehoroy,
soit ù Alger, soit à Paris, chez mou banquier» M/Erard. Adieu, mon cher colo-
nel; que lo mémo Dion nous protège tous los deux! »
Après ce. document, M. de Bussy ne voit plus rion à ajoutera la gloire d<i
son (Ïongis-Khon, et passo à d'autros exercices littéraires, Quant à nous, nous
avons dit les choses, toiles que nous les savions, toiles qùo nous (es trouvions
établies, Livrant les faits officiels comme les apothéoses romanesques nu jugement
de nos lecteurs, nous eomplorous toutù l'heure les nouveaux .services do l'homme
a qu'on relroiw partout où la France a besoin de réclamer l'assistance de son
bras et de ses conseils. »
Lo maréchal Clau/.ol s'était rendu on Franco le Il avril 18!Mi, pour soijlenir,
par ordre du ministère, les intérêts de la colonie,dont l'abandon ou la conser-
vation pouvaient dépendre d'un vote des chambres, fatiguées do tant do vicis-
situdes-et do sacrifices, M. Clauzel, qui caressait dans sa pensée los glorieux
résultats d'une expédition sur Constantine, sut merveilleusement exploiter los
instincts belliqueux do M. Thiers. Co ministre demanda un.plan qui fut tracé
par lo chef d'escadron do 'Ronce, aido do camp du maréchal, ot promit de l'ap-
puyer chaudement un soin du conseil. M. Clau/.ol était dorotour îi Alger, lo i28
août; leSsoptonibro, M.dcRaiicé lui apporta la nouvelle do la chute prochaine du

minislèro dont M, Thiers faisait partie*. Lo nouveau 'cabinet, so montrant peu
favorable aux projets du maréchal, celui-ci craignit son rappel, et dépêcha M. do
R.ancé à Paris, avec mission do'demander los moyons d'exécuter son,plan» ot
d'offrir sa-démission on cas do'refus. Pour'-toute réponse, lo général Dnniré-
inonl fut invité a se roiulro on Afrique pour prendre lo commandement des
mains do M, Clau/el, si lo maréchal persistait dans ses projets do retraite, A
l'arrivée do son successeur 'conditionuol, lo:gouverneur d'Alger s'omprosso do
roslo encore trop h signalor, pour qu'il soit nécessaire do discuter lo côté faibled'une appréciation qui
semble crouler sur elle-même. Il est à regretter qu'en Franco, la religion du public et du gouvernement ail
été trop sauvent éclairéo bien tardivement. Si l'état des choses s'était toujours montré sans voiles, si des
intérêts privés n'avaient point faussé, dans des vues coupables, les simples notions do in, vérité, nos affaires '
soraiont plus avancées on Algérie, et le minislèro so verrait affranchi do bien des critiques qu'il n'a pas
toujours méritées, car il no pouf, la plupart du temps, juger ce qui so passo ou Afrique quo suc des bulle-
tins exagérés ou sur des rapports pou fidèlos.
1 De l'établissement des Français dans la régence d'Alger, et dus moyens d'en assurer la prospérité,
(£' n°. Appendice, p. 273 a y£3,) —- Nous sortons curieux d'apprendre, à quelle sourco l'nubmr a puisa co
mandat à vue de M. le duc do Mortemart. Nous comprenons difficilement co que lo cadeau d'un grand
soigneur peut ajouter do lustre aux rares qualités que M. do llussy prêto à 6on héros.
m l/Al'IUOtJlvl'RANCAtSK.
déclarer qu'il n'avait pas donné de démission officielle, ol que, puisqu'on lui
refusait des troupes, il s'en passerait,- Quelques jours après, il voulut envoyer
M, Domrémnnl à Oran ; mais cet officier général ho crut pas devoir accepter un
emploi subalterne, ot revint on Franco après un court séjour, pondant-lequel
il ne prit o'ucunp part aux affaires,
; Lo maréchal hâta sos préparatifs pour répondre aux "inquiétudes du minislèro
par un succès dont il so croyait assuré; mais l'expédition n'élait encore qu'au-
torisée par uno dépêche du 37 septembre, qui on laissait à M. Clau/.ol toute
la responsabilité '. Kilo fut enfin sanctionnée , lo ââ octobre, par une lollro du
général Rornard, ministre-'.do laguorro, ainsi conçue : « Jo vous ai fait con-
naître, par ma dépêche télégraphique d'hier, quo j'ai appris avec, satisfaction
quo vous entrepreniez l'expédition do Constantine, et quo vous n'étiez, pas in-
quiet dos résultais. Jo vous ni annoncé, on mémo temps, quo S. A. R. monsoi-
gnour lo duc do îNomours est confié à vos soins, quo lo princo arrivera a Toulon
lo 2H, ot .qu'il, s'omlmrquora immédiatement pour être transporté a Rono, Jo
confirmé cet avis, ot jo mo hàto do vous dire quo j'ai éprouvé uno vivo satisfac-
tion do la nouvollo marque do confiance quo vous donne lo roi, L'intention do
S, M, est quo M," lo duc do Nemours assiste h l'expédition do Constnntino, comme
lo Princo Royal a assisté à eollo do Maskoro, L'armée sous vos ordres verra dans
sa présence un témoignage patent do la sollicitiulo du roi pour lo corps d'ooeu-
palion d'Afrique. C'est, on outre, une prouvo do l'intérêt quo prond S, 'M."au
succès de Toxpédition do Constantine, »
Lo général Trézel avait remplacé à Bone lo colonel Duvergor, pour orgnuisor
10 point do départ do l'armée. Youssof, qui s'était flatté d'exercor sur les tribus

uno haute influence, reçut alors un cruel démenti ; los défections.étaient géné-
rales ; ce boy in. partibus avait promis do fournir1,800. hôtes do somme pour
porlor lo iriïiloriol.'j mais ou dernier moment il put a poino on offrir 400, ot
quand il fallut les présenter, oh n'eu trouva que 128.11 s'était fait fort(rappeler
de.;Tunis 2,000 Turcs auxiliaires ; sa haute influence n'en réunit quo 40 ; la
mystification so glissa jusquo dans los cartons ministériels-: 10,000 xVrabosdo-
vutont marcher avec nous; lo crédit qu'on ouvrit pour leur soldo fut à poino
entamé; ot cependant, M.'.Clauzel prônait tellement au sérieux los forfanteries
du chef d'oscadron Youssof, qu'il so proposait de le laisser ù Constantine avec
un bataillon français, 1,000 Turcs et quatre escadrons do spahis. Lo ministère,
par uno dépêche du 30 octobre, allouait, on outre, à co boy, unsubside do
SQ,000 francs.
L'arméo expéditionnaire so réunit à Rono lo 8 novembre.".Son effectif était do
7,0001 hommes, répartis on 5 brigades, commandées par lo général do Rigiiy,
los colonels Corbin, Lovosquo, Polit d'IIautorivo ot HéquoL Los 2% 3° et 5^ bri-
gadesfurent placées sous los ordres du général Trézel. L'artillerie comptait
quatorze pièces approvisionnéesà 1,400 coups; l'armée emportait pour quinze
jours do vivros, dont moitié à pou près dans lo havresac*.
? <r Lo. gouvernement du. roi aurait désiré qu'il îi'oftt pas encore été question de l'expédition de Constnn-
tino. C'est parço quo cotto expédition a été annoncée, ci par va seul motif, quo lo gouvernement l'autorise.,.-
11 doit étro bien entendu qu'elle doit se faire avec les moyens {personnelet matériel] qui sont actuellement
à votre disposition. » (Dépêche du ministre de ta guerre, du 27 soptombro 183G\j
« 1"
brigade : les snahls réguliers et auxiliaires} lo bataillon d'ilifunlurio du Youssef, avec quatre obusiers
LIVRK TROIS! U M F, 105

S. A. R. monseigneur te duedoNomours, arrivé deFranco te20 octobre, MM. do


Morlomart ot doCnramnh , ainsi quo M, Raudo, membre do la chambro îles dé-
putés et commissaire du'roi on Afrique, suivaient lo quartier général, Cotait la
seconde fois qu'un do nos princes venait-s'associer, on Afrique, aux travaux do
la conquête; uno héroïque émulation brillait ontro ces rejetons d'une roynlo
famille; los premiers exemples donnés par lo duc d'Orléans méritaient bien-'de
foire ocloro uno si noble rivalité do courage et do dévouement au drapeau de
la patrie, Mais quoique chose do plus touchant doit fixer les regards do l'his-
toire : ce sont les inquiétudes socrotos, et los Ion nos do cette 'mitre .auguste et si
cruellement éprouvée, qui payait, elle aussi, l'impôt du sang «pie doivent toutes
les mores, ot qui, confiant à Dieu ses craintes avec ses'espérances, attirait sur
ses enfants la protection du ciel par les prieras .dti tant. d'iutorùinos soulagées
.qui font partout bénir son nom vénéré,
Le maréchal Clauzel,avant de so mettre ou marche, avait fait répandre parmi
los tribus uno proclamation, datée du 4 novembre, et adressée aux habitants do
Constantine : « L'année française sous mes ordres, leur disait-il, respectera
votre religion, vos personnes et vos propriétés, Il ne vous sera itou demandé,
riou imposél Lo soldat sera logé dans dos maisons séparées dos vôtres, et lo
plus grand ordre régnora dans Conslantino si notre ontréo so fait sans rosis-
tiUico et pacifiquementdo votre part ', »
Dos ronsoignomontstrès-oxacts avaient été recueillis sur la route quo l'arméo
devait suivre; ou savait que nos troupes ne trouveraient d'aulros vivres quo
ceux qu'elles porteraient, ol, pour mener a bien l'expédition, il fallait pouvoir
compter sur uno saison favorable, ot réunir dos moyens do'transport suffisants ;
or, d'une part, dit M. Raudo, nous n'avions que du tiers nu quart dos équipages
indispensables, on supposant quo lo temps 'fut constamment beau; et, de l'autre,
l'époquo des grondes pluies était arrivée. Malgré los inquiétudes légitimes quo
faisaient noitro cos obstacles, officiers ot soldats so montraient ploins do con-
fiance ot d'ardeur; lo mouvement commença sans que personne s'avlstU d'ex-
primer ime arrière-pensée; los Français no calculent jamais les [(révisions sinis-
tres, et cotte généreuse audace, qui no mesure ni difficultés, ni périls, avait
trop -souvent produit dos résultats inespérés pour qu'on "'crût devoir, en cello
circonstance, laisser porcor lo moindre hésitation,
Le 8 novombro, la Tr 0 brigade, moins lo 3° chasseurs, mais", renforcée du
17e léger, partit do Rono eh avant-garde, et s'arrêta lo surlendemain àGuelnia,
pour attendre lo corps -d'armée. Lo général do Rigny, qui'lo commondaU, se
fortifia dans une enceinte do ruines romaines qui couvrent co point, Los tribus
voisines no montraient pas do dispositions hostiles; elles convinrent mémo do
fournir dos hôtes do somme pour los transports; mois, lo moment venu, soit
mauvaise volonté socretc, soit impuissance, elles no réaliseront point cotte pro-

du irio'ntRgnoj le 8* chasseurs d'Afrique ; lo 1" bataillon d'infnntorio îégoro, ot la compagnio franche du 9' ;
doux compngnio3 do Bapours du génie; doux pièces do campngno. 9* brigade : lo 17* léger; un bataillon du
S'léger ; doux piûco» do montagnes. 3' brigade : lo 09* do ligne, doux pièces do montngnos. t* brigade : lo
Ml* do ligue; deux pièces do montagnes.G* brigade : lo 03* do ligne; doux pièces do campngno,— I.n l"bri-
gido formait l'avant-gardo; la 4* marchait on réservo. l/artillerio ot lo génio étaient sous los ordres des
colonols Tournemino ot Lemorclor; l'intendant Molcion d'Arc dirigeait les services administratifs,
l Moniteur Algérien du 93 novombro 183»,
m L'AFRÎQIÎF FïUNÇAÏRF,
messe, Le 0, le général Trézel vintVduMlr-ou camp do Dréan avec, lo 02" de
ligne, — Lo 10, le bataillon du 2° léger l'y rejoignit avec l'artillorio ot une
partie du convoi, — Los journées du 11 et du 12 furent troublées pur dos orages
continuels qui '-suspendirent lo mouvement commencé,- et le boy Youssof perdit
plus do doux cents indigotios qui désortorent.
Lo 13, Jo corps d'armée s'ébranla; mais l'affroux état dos chemins contrai-
gnit l'artillorio do laisser on arrièreses équipages do pont, qui resteront V;c
camp deCuolma ; lo train, le convoi et l'arrièro-gardo no'puront dépasser Dréan,
Le maréchal vint camper, lo soir, sur la rive droito du ruisseau de Rou-Fufra,
Vers huit heures, la pluie tombait par torrents, ot dura sans intorruplion jusque
dans la matinée du 14. Ce jour-la, l'avont-garde perdit plusieurs.chevaux: ou
possago du Rou-Fufra ; l'infanterie no put lo franchir que dans l'après-midi,
avec.-.de l'eau jusqu'à la 'ceinture; l'artillorio ne parvint qu'avec dos peines*
infinies ou haut do la rampe rapide par .'laquelle on montée l'ancien Ascurus,
et lo maréchal s'arrêta au bord du ruisseau do Noelmioyo, àdeux liouosbf demie
de son dernier bivouac, « Lo convoi ot rorrièro-gordo, dit M/Rondo,dont nous
suivons la relation, n'eurent pas, do leur côté , moins a souffrir; dos malados
désespérés cherchaient..un asile dans lo oampdésorl. Après doux heures d'ofi'orls/
on arracho los prolonges du génie dos boues argileuses do Dréan,et..elles nvaueè-
l'ont do trois ou quatre cents pas ; il fallut so décider, dons l'impossibilitéoù l'on
était do faire autrement, à jolor une partie dos fourrages ot les échelles fabriquées
pour l'escalade do Constantine, L'orrière-garde atteignit avec difficulté, ot do
nuit, lo bivouac quitté vers niidi par le maréchal, Le londomain, le temps était
rassuré; lo maréchal et l'orrioro-gardoportirontdo leurs positions respectives.et
arrivèrento la Soybouze, l'un à midi ot demi, l'autre lo soir. Pour franchir, on col
do Mouolfa, la crête du rameau do l'Atlas, qui encadre nu nord la vallée do lo
Soybouzo, on fut contraint d'attelor jusqu'à vingt chevaux riux pièces do cam-
pagne. Fnfin, vers cinq heures ot demie, lo corps expéditionnaire, qui,depuis
le 8, était échelonné sur la route, so trouva réuni sur los rives de la Soyhouzo,
o quinze liouos do son point de départ*,- Pondant cette nuit, 80'-mulots, avec
leurs conductours arabes, s'échapperont du parc doTorlHlorio;l'effectifdo nos

t Du camp do Dréan au ruisseau do Bou-Enira, lo pays est très-acoidontô; des montagnes garnies d'ar-
bustes, isolées do la ehalno ds l'Atlas, et dont on no saurait donner uno idée exnota qu'on I03 comparant à ,
des tronçons de pics volcaniques, s'élèvent, çom'mo des îles, au milieu do la'plaine. Sur une partie du
trajet, lo sol est maigre et léger; il redevient oxcelloiit à l'approche du Bou-Enfra. Après ce ruisseau, on
«mtro, pour n'en plus sortir, jusqu'au delà de Oonstanllne, dans un terrain calcaire; on a, devant soi, lo
rameau do l'Atlas qui oncadro, du coté nord, la valléo do la Seybouze ; uno collino droito s'en détacha per-
pendiculairement, et s'avance comma un éperon dans la plaino. Lo ehomin commenoo par ensuivre l'arête,
ot passa auprès des ruines A'Àsmirus, ofi vint échouer lo fils do Pompée, lorsque, par los conseils do Caton,
il essaya de soulever laMauritanie contré César. L'on croise ou l'on côtoie, do distança en dlslanco, dos
tronçons do l'antique voio d'Hippono ù Girta, Au-dessus du Bou-Enfra, le terrain ost boisé et traversé par
plusieurs ruisseaux limpides. Du col, on descend, lo long d'une jolio valléo, aux eaux thermales d'Hamman
Berda,qui sont, probablement, VAqum Tibilitanw do l'itinéraire d'Anlbiiiu, Elles s'écoulent dans un bassin
leur tempéraluro est celle des bains
en pierres de taille, et sont abondantes, cintres, insipides, inodores;
ordinaires, c'cst-à-diro 35 à 80'. Lu site est agréable, le sot fertile, la vigueur dos lauriers roses annoncequo'
los ruisseaux, dont Jours festons do feuillages et do fleurs dessinent lo cours, sont rarement à soc. L'éta-
hUssemont romain devait ôtro considérable, muis il n'en rosto quo los fondations, La" valléo d'Hamman Borda
débouche dans celle de la Soybouze, vis-à-vis Guolma; la rivière a, dans co lieu, environ 00 moires do
largeur, ot son cours est fort rapide ; sa rivo gauche est couverte do marécages. (L'Algérie, par le baron
Baudo, conseiller d'État, ex'Commissairodu rot en Afrique ; t. l,f p. 2C0.J
.
LIVItK TROISIKMF, 107
hôtes do somme so trouva ainsi réduit à 232, ifiO malades étaient déjà restés ou
camp do Ouolma sous uno,.gordo suffisante, et l'ordro fut transmis à Rono d'y
envoyer" lo 3q bataillon du 02° do ligne. — L'arméo se remit on marcho le 10,
o dix heures du matin ; et, remontant la valléo do la Soybouzo , la première
brigade par la rive tlroifo les oulros par la rive gauche, arrivèrent à doux
,
houros dans lo vallon do Mjez-Amnr, au pied du Ras-el-Akba, La Soybouzo re-
çoit à ce point l'Ouod-Olierf, et remonte vers lo nord pour-tourner lo Ras-ol-
Akba parla coupuro profonde a "l'entrée do laquelle sont les thermos fameux
d'IIamnian-Moskoutin; la petite plaine dans laquelle olle débouche ost élevée
do 20 à 30 mètres nu-dessus de son lit; les-berges sont rocheuses et presque
vorlioolos, La cavalerie et l'infanterie turquefurout envoyées sur lo rive ilroilo
do la Sovbouzo, et le génie' travailla toute la nuit à ouvrir, pour l'artillorio, des
rampes qui no devinrent praticables quo lo lendemain, à huit heures du malin,
—-
Le 17, eut lieu le .passage de la Soybouzo, do 7 à f I" heures, et lo lit)" i\o ligne
ont ordre d'attendre, sur lo rive gaucho, le convoi qui n'arriva "qu'à deux
houros, On commença à gravir lo Ros-ol-Akba;mais à une l'orlo lieiïodu point
do départ, on reconnut l'impossibilité do faire franchir le col aux canons et
aux voitures, sans ouvrir un chemin; pour donner aux sapeurs le temps do
faire co travail, l'arméo campa ou-dossoiisdos ruines d'Announo; Tovonl-gorde.
soûle alla bivouaquer sur je revers occidental', de la .-montagne, Le 'maréchal,
poussa uno reconnaissance vers lo col, et y trouva los fossés d'un camp, occupé
l'année précédente par Ahmed Roy, et où gisaient dos squolottos do chevaux,
tués, dit-on, par une grôlo extraordinaire,
« Lo Ros-ol-Akbo, dont la hauteur est si olfrayante dons los récits dos Arabes,
pont so comparer a Ja montagne do Tarare; mois les formes.on sont plus Apres,
ot le'col est dominé dos doux côtés par dos rochos élevées. L'Ame est pénétrée
d'un profond sentiment do tristesse à l'aspect du pays où l'on va s'enfoncer;
l'ioil découvre, a porlo de vue, dos montagnes mamelonnées par masses gigan-
tesques, entre lesquelles on no distinguo, do loin aucun pointdo direction;
,
fout cola est nu, dépouillé,' et dans cet immense horizon, on cherche en vain un
arbre, uno broussaillo, Los ruines d'Announo rampent à mi-hautour du Ros-ol-
Akba,'sur'uno terrasse .naturelle,- bordée de précipices, dominée par dos pics
verticaux, et abordable d'un seul côté. Cotte singulière ville, dont lo nom on-
tiquo ost ignoré, semble n'avoir été btUio on dehors do toute communication
que pour faire jouir ses habitants d'une délicieuse vue sur la valléo de la Sey-
bouze. Kilo était construite en pierres do taille.; un arc do triomphe, simple et
de bon gont, ost encore entier; vis-à-vis ost une façade qu'itno inscription tron-
quée, gravéo à" l'extérieur, ot uno croix, font reconnaître pour celle d'un temple
païen converti ou 'église; plusieurs arcades d'un bol aqueducsont aussi debout,
Lo solost jonché do débris entre lesquels so distinguent ceux d'un vaste édifice
dont lo plan ost oiicoro dessiné par -les.soubassements de ses. colonnes. On croi-
rait la ville renversée depuis 'pou par un' tremblement,(le terre, plutôt que dé-
truite par l'action du temps/Au nord, "et au-dessous dos murailles, règne uno
zone do .-tombeaux'couverts do simples piorres avec dos épilophos effacées, —
Pondant qu'on examinait curieusement ces ruines, quelques Arabes on haillons
so présentèrent au bivouac do Youssof, qui leur distribua dos bornons avec la
108 L'AFRIQUF FRANÇAISF,
triste préoccupation d'un homme qui voit son boylik s'évanouir à mesure qu'on
avance vers Constantine, Los Arabes, on ofibl, n'apportaient point do vivres,
comme ils eussent l'ait pour Aliniod; oh n'en trouvait nieino point à acheter* et
los spahis, qui no recevaient pas, comme nos soldats, dos distributions régu-
lières, commençaient à souffrir "de la faim,
« Lo iH, la route ost torminéo par le génie, aidé d'un bataillon du 03", et
l'arméo so remet on innuvonioiil. I.os brigades, no marohaul pas ensemble,
font, au delà du col, beaucoup '.de chemin inutile dons-dos directions difi'érenlos,
Lo maréchal finit par les rallier, et à lo tombée do la nuit, toutes los troupes
bivouaquèrent dans un bas-fond, a une liouo du Ros-ol-Akbo; l'artillorio ot les
équipages, qui, malgré leurs efforts, no parvinrent à dépasser le.col que d'un
millier de moires,resteront soûls sur la hauteur, Dans cette journéoolla précé-
dente, on no trouva qu'un pou do paille hochée à donner aux chevaux; lo nuit
était froitlo, quoique sans pluio, ot lo soldat put réunira graud'poiuo .quelques
herbes sèches, — Lo 19, après avoir franchi, on marchant a l'ouest, doux cou-
froforls du Ros-ol-Akba on so retrouva vors dix heures du matin, ou bord de
,
la Soybouzo, non loin du-marabout-do Sidl-Tomtom; ou était donc-revenu,.,
sauf la différence duo à la ponto do la rivière, ou niveau do Mioz-Amor'*.' Lo
Soybouzo s'appelle ici rOuod-tfonnti, du nom do la tribu dont elle traverse lo
territoire; il n'y coulo qu'un filet d'eau, Le convoi, qui s'était égaré* ayant
rejoint à Sidi-Tnmtnm -, los troupos réunies continuèrent o remonter lo rive
gaucho do l'Oued-ZonaU. Dos groupes d'Arabes observaient leur marche*, ot
nous virent camper sur los bords do la rivièro, Toute la nuit l'arméo fut battue
par uno bise aiguè; la 'pluio,'tamisée par la toile, inondait l'intérieur dos tontes,
et hoilrolixlo soldat qui put trouver, pour s'étondro, uno rocho où' l'oau coulait
sons former do mnrol — Le lendemain, l'orméo marcha do huit heures à cinq,
par un vont glacial, avec dos Intormiltoncos do pluio, Kn quittant lo bassin do
la Soybouzo, elle outra sur un plateau bien cullivé, où se pressaient dos douars
qui no s'enfuiront pas'-à notre approche; ces Arabes étaient los fermiers dos
lorros du Roylik', On tourna bientôt, vors lo sud un groupe de montagnes
,
décharnées, poui* dosoeudro par la valléo do l'Ouod-Rorda dons collo du Rou-

( Lo Has-el-Akba forme uno espèce do promontoire que double la Soybouzo ; la distance de Mjez-Amar
a Sidi-Tanùam est do 32 kilom. par la montagne, ot do 30 par les bords de la rivière. Une route excellente
fut-elle pratiquée sur la direction la plus courte, 11 y aurait économie do tomps et surtout do force a pré-
férer ja plus longue, Mai3, on suivant les gorges d'Ilammàn-Meskoutini on rencontre A 20 kilom. do Mjoz-
Amor, la valléo do l'Alliga qui so dirige sur Constantine, et où se retrouvent les tracés do la voie romaine
do Sicca Vc/imY (Koff) à Cirta, Par cette vojo on n'est plus qu'à 40 kilom. do Constantine, tandis qu'on
continuant à romontar la vallée de la Soybou/.o, pour descondro colle du. Bou-Morfcoujj, on fait un circuit
do 71 kilom. La llgno qui côtoio l'Alliga ost de 7 Houes plus courte que l'autre. On ne gravit le ltus-el-Akha
que pour éviter los attaques auxquelles on soniit expose dans les défilés profonds de la Snybouzo; mais la
pacification complôto du pays ferait disparaître un jour co motif de préférence, et par conséquent, aban-
donner, à partir doMjez-Amar,la direction quo nous avons prtso pour nous rendre à (Jonstantltto.
2 Quelques tirailleurs Vinront harceler notre arrièro-gardo.Le capitaine d'état major Leblanc daPrùbois,
chargé du service topographique de l'expédition, fut vivomont attaqué, perdit ses chevaux, ot no dut la vio
qu'à Tadmiiablo sang-froid qui s'allie dans cet oflicior à. une brillante valour. (Annales algériennes; t. 111,
P- 1G4.J .
'

3 Personne neso présenta pour m&rchor gousles drapeaux d'Youssef, qui les promenait on vain de la
tâto à la quouo do la colonne, au sou d'utio souvago musique. Les phoïkhs, les cavaliers qu'il avait annoncés
avec emphase, et sur lesquols on avait compté avec crédulité, no so présenteront point, ou so présenteront
en ennemis. (Ibid, t. III, p. 15(1.)
IJVItlvCROISlKMK. I0P
Morzoug.qui so jette dons lo Rumnlul, uu-dossus do Constantiiio, A rapproche"
d'un défilé court, mais étroit, los Arobos firent mine de vouloir lo défendre ;
mais quelques obus los éloigneront aussitôt, Lutind'année parvint sur le pla-
foou glaiseux deSouinah ; lo soleil so montre et fait briller, à trois liouos i\,n\,-0,,
.un groupe do maisons blanches ; c'est lo haut quartier 'de Constantine , à demi
masqué par lo plateau do. Mansourah,; et los soldats lo saluent do leurs acclama-
tions, L'arméo, sauf loconvoi, qui no put rejoindre qu'au milieu de la nuit,
so groupa autour d'un, monument romain qui consiste on un do élevé sur une
base cylindrique, et surmonté do quatre pilastres rompus outre lesquels devait
,
ôlro une st0th05.il. était ou contre d'une rotonde colonnes dont los débris jon-
à
chaient le sol à l'entour, — A six houros ot demie du soir commença une pluio
battante, entremêlée do uoigo, qui dura toute la nuit, Depuis trois jours nos sol-
dats n'avaient pas un'-brin'" do bois,-et lo plateau maudit n'offrait pas un abri,
pas uno horbo pour faire du fou. Épuisés do lassitude, les soldats so coucheront
tiens la boue glocéo, où huit hommes périront.do froid, Dos malados nombreux
Oncombroiont déjà los ambulances; les chovoux affames inonraiont de fatigue'
ot (l'inanition, ot plusieurs personnes, qui étaient roVfmuos (le Moskoii par un
froid do vingt dogrés, tempéré, il ost vrai, par dos feux do sapin, préteudiront
n'avoir jamais autant souffert qu'à cet horrible bivouac,
«Lo 21, transi, presque sans nourriture,.parce qu'il mange pour so désen-
nuyer, ot alléger son fordeoti, le soldat, fouetté depuis quatorze heures par une
pluio de neige, se remet on roulo à travers une nflïouse tourmente; mois le
jour et le mouvement semblent, après cette nuit d'ongoissos, un adoucissement;
chacun se croit soulagé, pour avoir changé de souffrances. Ou atteint pénible-'
mont los bords du Ïtou-Morzoug ; ce torrent, gonflé par los pluies, roulo ses
vagues furieuses sur dos rochers aigus ; ime douzaine do cavaliers qui l'affron-
tent sont "renversés avec leurs chevaux, ot, par'une espèce de miracle, los che-
vaux soûls sont noyés. ()ii trouve enfin un gué : los sapeurs du génie passent
un long cordage d'une rive 0,l'autre; ils forment sur choque bord, on so serrant
los uns -contre los outres, dos'poteaux vivants autour desquels- s'oiiroulont los
extrémités de cotte espèce do trahie, et quand la résistance paraît assurée, les
soldats plongeant jusqu'aux aisselles dans le torrent glacé, lo traversent on se
cramponnante" In corde. Plus loin, ils rompent ieeouranlon s'éoholonnout par
groupes serrés ; on doux houros, l'infanterie et la cavalerie sont passées sans
perdre un hommo ; do moindres affluents los ."retardent pou, et do doux à
trois heures après midi, elles arrivent ensemble sur lo plateau do Mansourah ;
oïlos découvrent alors Constontino dans toute son étendue, et n'en sont plus
séparées; quo par l'abîme ou fond duquel bondit et gronde lo Hummcl. — L'ar-
tillorioet les équipages, ne pouvant franchir aussi aisément d'aussi grands
obstacles, restent on arrière, sous l'oscorto du 02e, et bientôt les maux et les
olforts des troupes qui marchaient les premières sont surpassés, Quand la pluie
ot.la-m.iigo,-dit lo rapport du colonel du 02", eurent redoublé do-violence ot d'in-
tensité, les chemins-devinrent presque; impraticables, ot lo régiment fut dans
l'obligation d'employer cinquante houros^ sans 'interruption et sans le moindre
ropos, à porter et proléger le matériel des équipage» ot du génie ; ces SO liouros,
mises à faire un trajet do trois liouos, ont été funestes ou régiment. « Encore
200 1/AKlUQUK FRANÇAISE.
plein dos souvenirs do la campagne do Russie, ajouto cet officier supérieur, jo
n'hésite pas à déclarer quo los souffrances quo viennent d'onduror nos soldats
ont été plus cruelles encore quo colles do leurs devanciers. Sans sommeil, sans
fou, sans vivres,, constamment mouillés à fond, ot les'pieds toujours dans la
boue, avec l'obligation do rosier à la mémo place pendant plusieurs houros,
pour attendre lo départ dos dernières voitures", los maux los plus affreux n'ont
lias tardé à fondre sur ces malheureux. Le plus grand nombre a été -atteint do
tremblements et de fièvre ; la mort survenait bientôt; enfin, pondant ces 80
fatales heures, j'ai pordu 1 officier, 10 sous-officiers et 11 (ï soldats. Pondant
(pie lo régiment était on proie à cos calamités, il fut constamment harcelé par
un ennemi nombreux, qui, malgré la faiblesse de nos hommes, fut toujours re-
poussé.» Au travers do ces'mornes,horreurs, et prenant Jour part de toutes les
souffrances, l'artillerie ot lo génie'conservèrent.une contenance admirable, ot
arrivèrent le lendemain devant Constantine '.
.Celle ville ost placée en amphithéâtre s'élovont, vers le nord-ouest, dans une
presqu'île de roches, contournée par rOiiod-Runimol, et dominée par lu mon-
tagne d'Iiil-Mansourah, dont elle est séparée par uno grande coupure, oh cou-
lent los eaux du Huminol [rivière de saMc), qui,:au-dessus de la ville, reçoit
rOued-bou-Merzoug' dons 'un lieu appelé Ll-Kouar [les arceaux), Co ruisseau
vient de t'est, ot aboutit à la 'rive droito du Rtinmiol.
La montagne d'EI-Monsourah s'étend dans In direction du S.-L, au M.-O. ;
elle est dépouillée d'arbres, mais le sol on est cultivable ; vis-à-vis do Constan-
tine, son plaleau porte doux mamelons; celui do l'est domino la ville, à grande
portée de canon; il est couronné par-doux marabouts ou maçonnerie, nommés
Sidi-Mubroug. L'autre mamelon, uu N.-R, porte lo nom dos tombeaux doSidi-
Mocid ; do ces appendices très-accidentés on peut battre lo ville.
Au S.-O. do Constantine,' à environ 1,800 métros du faubourg, sont los bon-
leurs de Koudiol-Aly, sur lesquelles gisent dos tombeaux, ot qui doininonl los
approches do lu ville. Constantine, entourée de jardins ot de .cultures, offre un
silo pittoresque. Au sud ot à l'ouest, la vue s'étend très-loin ; ou delà dos plaines
apparaissent dos tnufttognes boisées. Au N.-L\> l'horizon, pou étendu, est borné
parla huutotir d'ttl-Monsourah,
La place o lo forme d'un.ovale allongé dans la partie tournée vors le sud-est,
Sur cet espace, long doeinq-ou six cents métros, il y a trois portos ; celle do
l'ouest se trouve o l'angle saillant, sur le point le plus élevé du contrefort, là où
les rochers cessent d'être continus ot do'former- uno enceinte naturelle; 'on
nomme cotte porto Rab-ol-Djédid ; lo chemin d'Alger y aboutit. Colle du contre
s'appelle Rob-ol-Ouod, ou de lo Roclibuh ; elle conduit vors lo sud, et peut foire
gagner, par un enibrancliomont, le chemin d'Alger, dit du (iitarb, La troisième
porto, nommée LI-l)jabto, communique avec lo rivière du Uunimol; elle ost
dominée par lo porto ot lo rempart Rab-ol-Ouod. Cos trois portes sont réunies
par uno muraille antique, liaulo do 30 ptodrf, souvent sans fossé. On remarque
on avant, sur le contrefort.qui so lie ou Kotidial-Aly, une. espèce de faubourg

I L'Algérie i relation du ta prumlêrc expédition do CoiisiuuUno, par le baron tlaudo, ox-eominlasuirodu


toi eh Afrique j t, 1", cliup, U.
pou étendu, terminé por quelques fondouks et los écuries du boy; do co côté
gisont aussi 'beaucoup, do ruines romaines.
Kn fuco du mont Mansourahs'ouvre une quatrième porto, dite d'Ei-Kontara,
ou du pont. Lo pont, d'où elle tire son nom, est do construction antique, largo
ot fort élevé ; il a trois étages d'arches, il traverse la rivière ot unit les deux
côtés do cotto grande coupure qui séparo la ville do la montagne. A côté do
co pont, le long dos murs de la placo, règne uno mauvaise rampo qui conduit
au fond du ravin, véritable précipice où les eaux du Rurnmol coulent quelques
instants sous torro, ot reparaissent à découvert un pou plus loin.
Kntro la porto d'KI-Kantara et colle do Ral-et-Djodid.., vers l'ongle élevé quo
formenttes murailles, se trouve la Kasbah, édifice atitiquo qui sort do caserne,
ot couronne les rochers à pic qui entourent presque toute la ville ; tes escarpe-
ments de co;côté oui pies do 100 mètres de hauteur ; ils diminuent graduollo-
mont et finissent par (lisparaUre vers la porto Kl-Djodid.
Los maisons do Constantino s'adossent on partie contre Poneointo; los rues
sont étroites ot tortueuses comme dons le Haut-Alger, Do la porto d'Ël-Koti tara, on
.parvient, à lo Kasbah,en;tournant.à droite et înoiilant assez rapidement, par
quelques zig-zugs, jusqu'à lo rue.101-Mar, qui, par un coudo à gaucho, gagne lo
hatiiuur."de la ctladollo. Lit maison -du' bey'occupe lo centre do la ville.
Le Rurnmol, qui fournil' ses eaux à .Constantino, ost agréable on toute saison ;
son Ht, pou profond, n'atteint"que quatre pieds par los [dus fortes pluies. En
amont do la ville , los plaines cultivées sont sur lo rive go'uche, lo droite ost
bordée parIMlaiisoliroh, A la porto d'tël-Rjabioh, uno cascade se-précipite dans
le ravin, largo de 00 mètres et profond do 50, -qui contourne lo ville depuis
celle porto jusqu'à colle d'Ll-Koninru 1.
-
Le maréchal Clauzel s'était porté fort avant, avec son élat-niajor, sur lo
plaloau-.de Mansourah, on laeodo la ville; surpris do n'avoir pas trouvé sur,sa
roulo une résistance sérieuse, il so berçait encore .do fa.pensée que ht campagne:
était finie, ot que, selon los belles promesses do Youssof, uno dopittotion dos
habitants allait apporter à ses pieds los .'clefs do Constantino. Il en était si cou*
' vaincu qu'avant son
départ do Roue il avait luit lithographie)' un ordre du joui'
$
l'ouuiieiiçatilainsi i nAujouY^hul^hi corpsc>c|iédtllonniilro oulroro dons Cons-
tantine, qui a été le'but do ses opérations,)) Mais, -.comme il cherchait fies yeux
los plénipotentiaires chargés do lu capitulation , lo fou subit -d'une batterie fit
entendre un écho de guerre qui le rappela au sentiment de sa véritable situa-
lion. Los portes de la ville restaient formées, et quand la tôto do nos colonnes
se montra près dos marabouts do Sidi-Mabroug, un drapeau rouge fut
hissé sur
la Kasbah'} une clameur d'hommes, et do femmes s'éloVa de la villo ot annonça
que ses habitants étaient préparés à soutenir lo siège/.Une iut'te garnison.'do
Turcs, do Koulouglis ot de Kcboïlos, 'commandée par Reii-Aïssd, lieutenant
d'Ahniod-Roy* gardait les remparts ; ol los cavaliers dos tribus voisines, sons los
ordres du boy on personne, tenaient la campagne.
Constantino n'est abordable que par le Koudiut-Aly ou la porte d'Lt-Kaiitara,
202 L'AFIUQUK VRA NÇAlSK.
dont le pont franchit l'nbîmo du Runimol. Mois le véritable point d'attaque se
trouvait au sud-ost, par jo plateau deKoudiot-Aty, qui conduit do plein pied on
bas du rniir d'enceinte. Il n'y avait pas do tonips à perdre ; dos montagnes eou-
Vertes do neiges uous"'entouraient do toute part; l'argilo dotrompéoétalt l'unique
Ht offert a l'armée; seulement, comme lo plateau do Mansourah est formé do
couches alternées do rocho ot do morno, la dégradation dos couches hiollos
avait fait saillir en corniches les plus dures, ot les soldais malados pouvaient
so blottir, comme dos Troglodytes, sous ces abris, dont] tous ne devaient pas
sortir vivants.
Une impérieuse nécessité faisait ou maréchal un devoir do pousser rapide-
ment ses opérations. Los redoutables effets delà saison, l'insuffisance et la mau-
vaise organisation do ses moyens de transport, qui no so composaient, disait-
il, quo du matériel usé do l'ancienne expédition do Morée ; plus quo tout cola,
la porto d'une partie do sos vivres, enterrés dons un lac de boue, et les mala-
dies qui commençaient à affaiblir sa petite urméo, pouvaient faire présager un
immenso désastre, ' t lo but de l'expédition était manqué, Lo soulèvement do
toutes los tribus de la province nous menaçait après un échoc; et comment
opérer une retraite entre doux ennemis également acharnés, los hommes et le
climat I il est donc permis de s'étonner quo Mi Clauzel n'ait pas sur-lo-cliamp
dirigé tous ses efforts sur lo Koudial-Aty. L'ignoranco dos lieux ne pouvait, de
son aveu môme, excuser uno pareille foute : «Ce n'était pas, a-t-il dit plus tord,
Constantino souloment quo je connaissais ; jo connaissais encore sos portos,
son pont, sos -vues,, sos places publiques, ses mosquées, ses palais ; jo savais
paroii ot comment il fallait l'altaquor; je savais par où ollo était forte et par où
elle était faible ; jo savais qu'il y avait une partie do son.enceinte qui n'était
défendue que par une chemise où muraille qui no pouvait résister à quelques
coups do canon 1. ».Comment toute cette science, toutes cos prévisions se trou-
vèront-ollos on défaut quand il fallut agir ?
La brigade do Higny reçut l'ordre de s'emparer du Koitdiat-Aty :— le gé-
néral détacha en tirailleurs, pour aborder le platouu supérieur, la 8° compagnie
i.tlu .l°*lmlùillpn -iégov tVAft'llittb ".(ItôutctiuntBidon)»sitccbâsivoiiibiit'ititi|iiiyi)n.-.pn!•."
la 7° (capitaine Vielle) et la lie (lieutenant Soutoul). L'oimetnî sorti Jde Con-
stantine fut vivement repoussé dès le premier choc} mais', voyant à combien
pou do'"monde il avait affaire, it reprit l'offensive; la compagnie Ridon, serrée
do près, dut 'reculer on so défendant; tuais bientôt l'arrivée do la'brigade fit
disparaître les assaillants, qui rentreront pôle-môle dans leurs murs. Si le gé-
néral de Rigny avait abordé la hauteur' avec résolution et avec ton tes sos forces,
ou lieu d'envoyer dos tirailleurs pou utiles, il est probable que nos soldats
; seraient entrés dons lo villo avec les fuyards.
Il est permis do penser que M. do Rigny s'était borné h suivro ses instructions.
Mais 31 y a, on guerre, dos circonstances où un général doit savoir prendre sur
lui quolques décisions vigourousos. lîti officier supériottr d'une houle intolli-
1 liaspUcations du mttrechat CJt(Hi/.u), p. 4S,.— Otttts lo mémo écrit, cet officier général accuso do sottise ot
do niaiserie los hommes qui, après son désastre, lui proposèrent, comme Aine découverte admirable, des
t>!aiis qu'il colilittiseatt, dlt-ll, inieUiV qu'eux et avant em\ ot qui écrivirent dé grandes pages kif l'ineptie d'un
général qui n'avait pas la prévoyance d'un soUS'tieutemtnl, — Mais ces hommes ii'dvuteiit qu'un mol a lui ré-
pondre i * l'tiisqttu Vous losuvlus!, pourquoi lie I'avoz'VoUs pas fuilVX

LIVRE TROlSlKAli;. 203

gonco, qui se trouvait près de lui, lo colonel Duvivior, lui offrit plusieurs con-
seils excellents, dont l'heureuse exécution pouvait amener des résultats'positifs;
il no jugea point à propos do los utiliser; ot cependant le temps marchait avec
une funeste rapidité; chaque instant perdu so colorait d'un sinistre augure , et
l'ennemi, fortifié par nos hésitations plus que par ses remparts, croyait déjà
nous creusor-un tombeau.
Lo 22 novembre, lo maréchal fit canonor la, porte d'Kl-Kon tara, espérant faire
une broche qui permettrait do tenter un coup do main la nuit suivante. A mi-
nuit, Je colonel du génie Lomercior devait monter à l'assaut avec los compa-
gnies d'élilo des B9" et'03« de ligne ; il envoya le capilaiuo Ilockett examiner
l'étal des lieux avec 'quelques.; hommes choisis, (les braves accomplirent leur
•périlleuse mission sous une vivo fusillade ; la porte était brisée, mais derrière il
en existait une seconde.
Le lendemain, un corps nombreux do cavalerie du boy so présenta eu arrière
de la hauteur de Koudiut-Àty. M. de Rigny lui opposa los chasseurs d'Afrique,
los 17e et 2" légers, ot doux pièces do montagnes; après une lutte assez courte,
l'ennemi so retira. Dos rassemblements.arabes,qui venaient attaquer la position
d'El-Mansourah furent contenus par le 89(l do lignoi
A la nuit, le général Trézel porta les troupes du génie a la tôte du pont ; on
devait faire sauter la "première porto, ot monter à l'assaut pondant qu'on .enfon-
cerait la,seconde, Mais los assiégés veillaient';' des .décharges, redoublées fou-
droyaient les assaillants; un clair de lune brillant éclaira tout à coup celte scène;
la nitlrailio pleuvait sur Jo polit encombré de soldais, et le bravo général Trézel
tombe'ou milieu des.blessés';.les officiers n'eurent plus qu'à se dévouer pour
sauver ces héroïques débris ot los ramoner sur le "plateau.
Vors il houros du soir, -le maréchal n'oyait'pas encore perdu l'espoir d'enle-
ver la place de vivo force, par lo côté plus accessible do -Koudiot-Aty; c'était 'sa
dernière chance, car los vivras s'épuisaient comme los munitions. 11 envoya tut
colonel Duvivior l'ordre d'ultaquor, avec lo-bataillon' d'Afrique, in-porte Rab-cl-
Ouod, qui fait-face ou Koudiot-Aty. On mil à sa disposition le capilaiuo (îrand
avec 13 hommes du génie portant dos/"pioches, dos haches ot un sac do 80 livres
de poudre ; on y adjoignitdoux obustors de montagnes,- commandés par le lieu-
tenant Rcrtrond/ A '.minuit la colonne so mit on .marche, en tournant par la
gaucho du' Koudiot-Aty; mais l'ennemi s'en aperçut bientôt, it coninionça à
tirer. Le colonel Duvivior s'orrôta dans un.fond, Iros-près do la place, et à
l'abri de sou feu ; puis il fit avancer son monde,- en longeant h droite ot à gaucho
les masures du faubourg. Parvenue-à trente pas de la porto, l'artillorio s'arrêta
et tira doux coups; ce fut le signal d'une effroyable mitraille qui jaillit dos
remparts et .détruisit beaucoup do inonde. Le colonel Duvivior redoublant d'é-
nergie pour soutenir le. moral dos soldats, s'élança vers lo-porte'pour la faire
sauter avec los haches et lo sac de.poudre; mois pendant dix .m huiles' personne-
lle répondit'à sou.appel; lo faubourg se couvrait do morts et de blessés, los ha-
"ches et la '.poudré .ne se trouvaient pas ou.milieu 'de lo confusion de celte scène
do carnage/Le capitaine Grand et le commandant Ricllopatipe, fils du général
républicain déco nom ,-Tomberont percés du.coups mortels.. Lu colonel se vil
forcé do battre on retraite, sauvant du moins glorieusement son orllllorie et tt>
20« L'Al'ltlQljK FRANÇAISK.
blessés. On no peut s'expliquer pourquoi le général do Rigny n'eut pas la pen-
sée d'appuyer l'attaque de la porto, on dirigeant sur les remparts le fou do ses
canons. Cette diversion, proscrite par les plus simples notions do l'art de la
guerre, aurait assuré le succès du brave Duvivior, ou du moins, grôco à cette
tactique, nous eussions perdu moins de soldats.
Le soleil était déjà lève,To. 24 novembre, et l'on enlevait encore dos blessés
de l'atnbulanco, lorsqu'un officier, envoyé par lo commandant Changarnior,
du 2" léger, à M. Duvivior, lui demanda- pourquoi-'il différait tant à partir, et lui
apprit quo depuis bien longtemps le 17e léger, la cavalerie ot lo général do Rigny
s'en étaient allés. M, Duvivior sentit do suitecombien sa position devenait péril-
leuse ; il allait avoir derrière, lui toutes les troupes sortant de .Constantino ; il
apercevait déjà, devant lui, uno .'très -nombreuse cavalerie dons l'ongle du Un ni-
niel et du Rou-Merzoug; il fallait..passer à gué ces deux cours il'oali, dons dos
lorrains d'une oxirômodifficulté. Sans perdre un mohiont, il fit charger sept ou
huit blessés qui -restaient oncoro, et avec son bataillon qui n'avait pas dormi do
la nuit et qui. so trouvu.lt affaibli, tant par sos portos récentes quo par le grand
nombre d'hommes qu'il avait fournis pour lo service dos blessés, il so mit on
marche, suivi par la section d'artillerie de nioiilagnés, qui devenait une res-
ponsabilité do plus, Heureusement, le mouvement s'exécuta sans circonstances
défavorables; on passa lo Ruminol à nu gué -au-dessus du confluent, Le 2"
léger servit d'arrière-gardo, ot la petite colonne atteignit sons" perte.considérable
los marabouts do Sidi-Mabrotig,-près desquels so ralliait toute l'arméo. Il n'était
poul-ôtrodonnéqu'à do pareils hommes de ne pus montrer la moindre hésita-
tion, la moindre crainte, lorsqu'à, leurs..fatigueset à leurs portos so joignait
l'idée fatale .qu'ils avaientété abandonnés par toutesTes outres troupes" de-'lotir
b.ngado'.
L'insuccès do ces doux attaques terminait la -campagne» L'orttllorio n'avait
plus que trente livres do poudre; les soldats tombaient d'inanition; lo. retraite-
devenait une nécessité, et le .maréchal, après avoir si .tristement subi, les résul-
tats de su fatale crédulité et de son imprévoyance, allait offrir'le bel. exemple...
d'un chef plein de dévoiiontont et do présence d'ospril, car il ne s'agissait do
rion moins quo de sauver l'annéepar une retraite admirable,
Le 24, «lès cinq houros du 'matin, los troupes avaient été rappelées do Kou-
diat-Aty, Tout le .matériel qu'on ne/pouvait emporter sans rolletitir la marche,
tentes,' effets bagages, sonl détruits; la moitié du régiment de .chasseurs est
»
mise à pied; les blessés ot les malades sont chargés sur Tes voitures, les eho-

l Extrait du rapport du colonel Duvivior, fait alloue, lo 2 décembre 1830, — La conduite deM.deUlgiiy
semble extraordinaire. Lo colonel (aujourd'hui général) Duvivior déclare positivement dan.s sou tat*port,
qu'il ignorait entièrement cette retraite, Il ust vrai titto lo maréchal Ciatwol avait envoyé au général do Hlgny
l'ofdfo d'évacuer la Ivoudiat-Aty, ot do rovolilr sur lu plateau do MatiHOUralt. Mais il est vrnl aussi quo eo
chef do brigade s'omiirosm do partir aveu sa cavalerie, laissant derrière lui le 17* léger, un bataillait d'Afrique
ot Un dus' léger, opérer leur retraite sous I; fuit do l'ennemi. SUIIH lo bravo commandant(Jiiaitgarnler,qui
ravllit sur ses tut», sans l'énergie dit cototiol Duvlvlnr, nos blessés ot Itos traînard» seraient devenus la proie
de* Arabes, ot los héroïques débris do i'altaqUo iioclutiiu oitfalelit été écrasés. — <; Jo n'ai lia» oublié do dlro
au. colonel foi colument to général do itlgiiy m'abandonna, mol et Mes blessés, sur le plateau do Koudtat-
Aty, tno laissant, uiix prises uvoo la garnison do Constantino nul mo suivait avoO acharnement, ot A Uitilo la
envulerio du bey Ahmed, qui viuutlt pour mo eoupni' ht chemin au pas«i>;<> do. lu tlvltriv.» '.(Mire <t<> «H'VM»'.-
' oj'jlvwr supérieur au marérhnt Vlau-»!, éiTilMtvtltitiliiui, le v7 j.iitvii.'r lHilï.)
L1VHL* TUOISIKM.K. 20»

vaux et les hôtes do somme qu'on a rendu disponibles. A huit heures, le signal
du départ est donné; los .spahis éclairent la marche, "lé 17e léger los suit, ot lo
convoi, flanqué par lo Bl)° et lo 62°, reprend en ordre le chemin du retour. Lo
colonel Duvivior couvrait, avec une troupe do bravos, lu crête du ravin de
Mansourah, ot 'protégeait la retraite avec cotte rare .intelligence do lo guerre
dont il a donné tant de prouves on Afrique. L'arméo était déjà on mouvement,
lorsque lo queue delà brigade de Rigny arriva sur le plateau do Mansourah. Le
maréchal avait proscrit de foire morchor à l'arrièro-gardo les B9° ot (1.1° du ligue;
malheureusement, la plus grande confusion régna un instant. Dos nuées d'Arabes
sortis de la ville fondirent sur les derrières et sur los flancs dos 'troupes;
.d'innombrables cavaliers d'Ahmed accouraientde tous côtés on 'poussant des"
,
cris affreux. Quelques caissons d'artillerie, doux obnsiors do Youssof, ot dos pro-
longes chargées do blessés furent abandonnés. Plusieurs outres blessés ot ma-
lades so trouvèrent aussi oubliés dans "les cavernes' oà leurs'"camarades los
avaient déposés. Le sang-froid d'un admirable officier, qui rosla tout à coup à
former, avec uno poignée do braves, l'extrême arrière-gardo, prévint alors do
plus grands malheurs;'.c'était le commandant Chatigornier, du 2° léger, dont
la conduite rappelle los [dus beaux faits dos temps antiques; avec son bataillon,
réduit à 1100 hommes, qu'il forma on carré, il soutint la retraite! «Allons, mes
omis, leur dit-il, voyons ces goiis-là en faco; il sont six mille cl vous êtes trois
coûts: la partie ost égale 1 » Ml colle phalange héroïque, digne d'un loi chef,
fait un feu do doux rangs à portée do pistolet; l'ennemi recule foudroyé, et se
disperse on tirailleurs,
La retraite, 'cependant, ressemblait à un convoi lugubre; los soldats, sans
vivres ot presque sans munitions, so traînaient.par dos chemins effondrés; à
'chaque instant dos hommes tombaient de fatigue ou d'inanition, se-"couvraient
la têto, et attendaient le yathagon qui devait finir leurs misères. — Le 2îi, los
Arabes revinrent à la charge. L'année dut'marcher on carré, lentement, ot eu
"combattant toujours. Ahmed-Dey lit jouer co jour-là contre lions les deux' pièces
qu'il nous avait enlevées la veille. Lo mauvais étal dés-chemins augmentait
la tristesse générale; vers quatre heures après midi lo fou cessa. Le-maréchal
s'élatt porté à la télé de la colonne, -pour étudier l'emplacement de son bivouac,
lorsque l'inquiétude'mal fondée de M.de Hlgny faillit jeter le désordre dans
l'armée, (lo général, qui commandait l'arrièro-gardo, voyant passer sur sos
lianes quelques. Arabes qui se rendaient à leurs bivouacs, crut qu'il allait être
attaqué dons coite position défavorable'.'. Aux signes, înallioiirousonioiit poli
équivoques» d'une faiblesse coupable, se joignirent, de sa part, des expressions
imprudentes, et do nature à démoraliser l'arméo, Le maréchal'se.crut obligé de
sévir contre cette faute publique, et rédigea, lo soir mémo, un ordre du jour qui
signalait la conduite de M. de Hlgny» ot lut relirait sou commandement; mois
se laissant fléchir par les excuses ot los supplications de cet ollloior général,
il consentit [h lui laisser lo temps do réparer un moment d'oubli; ot oo ne fut
que conlroinl par do nouvelles marques d'Insubordination qu'il publia , lo 2!>
novembre, un autre ordre du jour dont la rigueur était néanmoins toiupérée

I Annales alqérkmis, par le .'/tpitiùi.' d'élal-liiiij.ii' l'.'llitsi.'t'i t, III, p, Uii.


206 I;AW
par une extrême Indulgence» car M. do Higny ne s'y trouvait pos offlciollcmont
désigné,
1,0 20» la marche fut rallonlie pour atténuer los souffrances des malades ; los
Arabes nous suivirent hors do portée, et so dispersèrent dans les montagnes,
quand l'arméo, vers quatre heures, atteignit lo/rharabotit do Sidi-Tamtoni. « Lo
londomoin, de grand matin dit M. Houde, témoin..oculaire,-, les troupes frnti-
,
ohiront lé plaine ot gagnèrent la montagne; elles/eurent alors lo spectacle qu'a-
vaient donné, 1881 ans auparavant, àl'armée dellésar, les trente cavaliers
gaulois qui, dons saretraite sur Hûspihn, refouleront sous les murs iPÂdrumète
doux mille Maures qui la poursuivaient 1. Nous étions sur un coteau comme
»
sur les gradins d'un cirque ; le 3e chasseurs restait soûl dans la plaine, enbà-
laillo, porpondiculairomonto lo rivière et séparé des Arabesd'Ahmed par le
»
bivouac tpiehousquittions./Toutà coup un cri sauvage se ioit entendre, et les
Arabes se ruent» comme dos bondes de chokuls affamés, sur lo catnp abandonné.
On a vu so précipiter éperdus dos moutons surpris par leur chiens sur un pA-
turage dêlbmlu ; ainsi fuient ot tourbillonnent, aux rires dos spectototirs »ios
Arabes chargés par l'escadron du capitaine Morris ; ce fut pour los soldats la
petite pièce do la tragédie dans laquelle ils venaient d'être acteurs. L'épuisement
dos chevaux ne permit oiix chasseurs de sabrer que dos traînards » et ils revin-
rent un pas rejoindre lo régiment. •— Le grosdo l'armée » rartiilerie et los équi-
pages reprennent alors, pour monter au Has-ol-Akho, le chemin par lequel ils
"

en sont descendus; le 2° léger et plusieurs compagnies de voltigeurs couronnent


sur notre droito les hauteurs du delà desquelles so montrent los Arabes» et, vers
deux heures nous sommes réunis ou sommet de la moutognorLà s'orrôlonl los
poursuites de l'ennemi; mois nu coi, Une troupe de Kebatios tonte de nous arrê-
ter; ceux qhi sont ou face do nous tiennent Terme ; une douzaine d'entre eux,
et tton pas 400, comme l'a dit le bulletin» tombent sous los coups do nos Titres
et de nos spahis; quelques tirailleurs, jetés sur les lianes, .-.dégagent bientôt le
passage; mais les derniers coups de fusil tuent sous lui lo cheval do ÀL Napoléon
îlurtruiid.» : //','/-,"-../..:
Le 28, j'arniêo passa la Soybouzo, et vint bivouaquer» sans nouveau combat,
devant (luelnia, oh le maréchal laissa une partie do ses malades sur dos hottes
do paille étendues par torre, à l'abri de quelques braiicliagos, Le jour suivant» los
troupes reprirent je:chemin do Mono par ilanimon-Hei'do» et rentrèrent dans
leurs quartiers le ltf décembre. Kilos avaient» comme on lo voit» cruellenioiit
souitbrt, et cependant cettecampagne désastreuse ne nous coûta» d'aprèslos
états Officiels soumis pur les différents corps le 4 décembre/,; que 11 officiers et
44». soldats';.les blessés étaient au nombre de 30Î-, dont i(> officiers; niaiii ce
chiffre s'éleva on peu de temps à 2,000, par suite dos malades qui moururent
dans les hôpitaux de Houe et d'Alger, ou (Ions les mouvements d'évacuation.
Celte relrailo» accomplie avec tant d'ordre ou milieu do tant de périls ot
d'obstacles thit honneur à l'énergie,/oi aux jaleiils millilitres' du mnréehul
»
OloUKel» et laisse regretter qu'il n'ait pasavoué les véritables cousesde son re-
vers uvoo cotte noble franchise qui relève si haut le courage malheureux. Il est
i "Àt'eldll, l'eu liuii'edlblllsj Ut équités minus six (Jttlll, 'tnuu'romiïi/uqtttlùm duo Milita luco Imiteieltt,
ui'goi'olitriue in oppidum, iCiiMris Cumulent. De kilo ÂjUc,\ cap, (J.)
IdVUK TIIOISÏEML. 207
surtout pénible do penser qu'il put on foiro poser un moment lo responsabilité
partielle sur le.(12" de ligne, qu'il accusa d'avoir pillé los vivres dont la conser-
vation aurait permis do'eonlihuer les travaux du siégo'."« Los soldats, dit à ce
sujet M. Haude, n'ont point pillé do vivres, par lo raison qu'il n'y on -avait plus;
lo général on chef était le soûl dans l'armée, qui paru! l'ignorer, et il y avait au
moins quelque exagération à qualifier ainsi lo défoncomonl, par dos hommes
affamés, do quelques barriques d'oou-dc-vie enterrées dons les boues, et quo lo
génie ovuitdéclaré no pouvoir enlever. Gomment, d'ailleurs, si los résultats d'une
expédition ot lo sort-même d'un corps de 7,000 hommes avalent été compromis
par un acte do pillage, commoiitlo chef do co corps no livrait-il pas sur-lc-ohonip
a un conseil de guerre les autours do ce.crime?» A .la lecture dos rapports du
maréchal» los officiers du (I2U adressèrent au ministère uno protestation éner-
gique; d'après la demande du colonel, une commission d'enquête fut nommée;
mais lo résultat do sos investigations n'était pas encore connu, lorsque le maré-
chal quitta, son gouvernement. Assailli do tous côtés, on Franco, par los récri-
minations de la presse, M, Glau/.oldemanda au ministre do la guerre (pie co.
document fut imprimé dans lo Moniteur \ mais il n'obtintqu'un refus*. Il semble,
néanmoins quo, dons l'intérêt do la vérité et de l'histoire, le minislèro côl d(V
publier lo verdict, quel qu'il lot» do la commission d'enquête ; los- coupables» s'il
on existait quolques-uns, seraient roslés flétris, ou la calomnie aurait, élé dé-
masquée. Au surplus, Voici, sur co fait, lo témoignage du capitaine.d'étol-inajor
Pollissior :« Lo 21 novombro, l'année'était arrivée devant Constantine ; elle s'éta-
blit sur lo plateau do Mansourah. Lo convoi-, escorté par lo 02° do ligne, ne put
arriver à.la position; il'fut forcé, do s'arrêter à uno lieue on deçà , dans un silo
tellement horrible et fangeux, quo los soldats l'ont appelé le camp de la boue,
Le lendemain, 22, on fit do vains efforts pour retirer le convoi du bourbier dans
lequel il était plongé. On ne parvint qu'à'échelonner les voitures, ot à on rendre,
par conséquent, la garde plus difficile, Los Arabes .commençaient;à'tirailler,- ot
le convoi fut enfin définitivement abandonné, o'est-à-diro los voilures de l'admi-
nistration ; car les mulcls étaient arrivés à Mansourah. Los soldais, avant d'oban-

l « Lo 21 novombro, lo seul parti étnll do so rollror, puisque nous n'avions rion pour vivro. Hw nos
subsistances, prises pour quinze jours, la moitié, enterrée dans los houes do Mansourah, vouait d'dlrnaban-
doiinéo ot pillée par los soldats'chargés do les défendre. » {Dépêche télégraphique du maréchal Clauzel.
Moniteur A\i Ifl décembre lSMtl.}
.,..,« On apprit qu'une partie du fis', qui accompagnait les prolonges, avait pillé les vivres, défuiicé los
tonneaux do vin ot d'oau-do-vlo, ot vouait ulnsi do nous priver d'uuo paille do .nos, ressources. » (Rapport
du maréchal ; Moniteur du 10 décombro.)
« Honneur soit rendu nu couraga, A la conslnitco, A la fermeté dont les troupes ont fait prouve, (,'os
paroles no s'ndrosscitt point t\ cous qui, après avoir pillé ot ahaudoiuié lo convoi do vivres, ont mis lo corps
expéditionnaire dans l'impossibilité d'atteindre lo but qu'il so proposait. » (Ordre du jour du maréchal
Clauzel» du 4 décomhre.)
* « M. lo maréchal, lut écrivit lo général Homard, lo \1 mars lfifl?, j'ai l'honneur do vous provenir, on
réponse A la hiltro quo vous m'avez fait celui do m'ndressnr lo 11 mars courant, quo lu mission de la
commission dVnquétu ttoinméo par votre ordre pour rechercher les causes do l'abandon du convoi de vivres'
près Constantino, élant uno allairo toute
d'administration Intérieure, j'ai décidé, après un mùr exatuoii, quo
lit rapport de cette commission no pouvait élro rendu publie, ainsi quo vous lo désirez. Vous apprécierez,
comme mol, jo n'eii doute pas, la réserve qti'o Je dois tti'impoâor dans uno matière qui intéresse & un si haut
point lo régime intérieur do l'armée. »
« Qu'on Jugo maintenant, dit lo maréchal ClauzM, dans ses Implications, onlro ceux qui tlomdndont lit
vérité lit roux qui lie veulent pas la dlro. IVuit nuire côté, Jn rciivulu ceux qui savent lire A. lit protestation
l'ilti-méino i — on a pillé, maïs peu pillé, singulière défense /> (p. 61.}-
!

208 L'AFIUQUF, FHANÇAIHL,
donner les voitures, los pilleront. Grand nombro d'ontro oux , déjà soumis aux
angoisses delà faim', se gorgèrent d'onu-de-vie. Gotto boisson, perfide sur dos
estomacs vides, les plongea dons une ivresse toile» quo ne "pouvant plus opposer
la moindre résistance aux Arabes, ils tomberont sous les coups du yatagan.;
leurs têtes, portéos à .Constantino, redoubleront lo courage, dos habitants. Los
voitures du génie ot uno partie do colles do Fartilterio n'arriveront qu'à minuit
à Mansourah1,»
Nul n'aurait, toutefois lo triste courage d'accuser do malheureux soldais,
,
livrés à tant do souffrancespondant cette compagne désastreuse. Mais un oxcmplo
do faiblosso plus coupable fut donné dans la retraite, ot nous avons du signaler
son aulour, le général vicomte de Hlgny. Sa haute position, militaire prête un
caractère bien plus grovo à une foute commise eu un pareil moment, alors que lo
.dévouementot l'abnégation de chaque chef étaient presque devenus lo condition
du salut do l'armée. Do rotour à Hone, le l'1'décombro, cet officier général eut la
ftU'house ponséo d'écriroou gouvernement pour se faire l'accusateur du maréchal
Clau/.ol, qu'il taxa on outre d'Injustice ot do calomnie à son égard 2, Lo 17 dé-
combro, uni! dépêche ministérielle réclama un rapport circonstancié sur los dé-
tails do cette affaire 3; il n'était plus, dès lors, possible ou gouverneur général do
reculer (lovant la publicité d'une conduite qu'il aurait voulu généreusement
oublier ; et sa réponse au ministre do la giiorre exposa los'faits on cos tonnes :
» Nous avions quitté, l'uvant-veillo, los houleurs.de Constantino; ot pondant
toute la journée notre arrière-garde avait tiraillé avec l'ennemi; notre marche
avait encore été retardée par lo mauvais étal dos chemins; aussi élîons-nous
oncoro à quoique distance du. bivouac que j'avais choisi (au marabout do Sidi-
Tumlom, sur POuod-Zonati) lorsque le jour commençait à tomber» L'ennemi
avait presque entièrement disparu depuis près do doux houros; j'étais à quelques
centaines do toises de lu tête de la colonne, afin do voir par moi-même l'em-
placement le plus convenable pour faire camper l'arméo, J'ordonnais quelques
dispositions, lorsque jo vis accourir vors moi M. Napoléon Bertrand, un de nies
officiers d'ordonnance» que j'avais envoyé porter un ordre au général do Hlgny».
H avait rencontré cet officier général seul, au galop, ot loin do sa brigade, puis-
qu'il élait à ta hauteur de l'ambulance, interrompant vivement M. Bertrand qui

l Annates algériennes ; t. 111. l"'partld, liv. xx, p. ifiO,


8 « Monsieur lo ministre,j'ut l'honneur do vous adresser uno copie do l'ordre du jour de M. le maréchal
(Mauzol au rotour do l'expédition do Constantino. Lu phrase qui feignait» la faiblesse d'un seul s'adresse A mol.
Jo ropousso cotto imputation, ot jo la déclara calomnieuse, (.'o n'est pas tout. M. lo maréchal m'a traité
avec plus d'injustico encore, dans un autre ordro du Jour, qu'il n'a retiré qu'après on avoir ltiUmémo donné
lecture A tous los chefs do corps de l'armée, Après cette communication, l'ordre du jour n'appartient plus A
M. le maréchal, ot jo supplie Votre Excellence d'ordonner qu'il soit représenté. Oit fuit mettre en jugement
un ofûeior général! nul n'a le droit do lo déshonorer. Jo vous demande, avec les plus vives instances, que
toute ma conduite, pendant l'expéditionde Constantino, soit défét'éo A un conseil d'enqiioto j Votre Excellence
no mo refusera pas celte grAco. Je me considère comme incapable do servir lo roi, jusqu'au moment ou il
sera reconnu si c'est aux fautes de l'officier général qui a constamment commandé l'avant-gardo on mar-
chant contre Constantino, et devant cetto place, et l'arrlère-gardo au retour, quo sont dus les résultats
désastreux do l'expédition. >> A llouo, le t" décembre 18.10, — Sifjnê lo maréchal do camp, vlcomto do Hlgny.
LIVilli TU01S1KMK. m
allait lui communiquer mes ordres, il lui dit, dtino voix émue : « Monsieur,
commencez par écouter les niions; mon arrière-garde est complètementeo-
foncèe, on viont d'y couper deu,r, cents tètes; il y a, sur mon .flanc droit, une
colonne d'Arabes excessivement forte,'qui niorcho on bon ordre, n'attendant quo
lo moment favorable pour nous couper (j'entends même lo musique du boy) !
Le maréchal soconduit avec honte et''déshonneur i il so f.... do son arrière-garde
pourvu qu'il puisse sauver son avant-gardo ; il ne nous reste qu'un parti à
prendre : c'est d'abandonner notre matériel Q\ de nous'retirer comme nous
pourrons; ma cavalerie est on désordre complet, je ne puis la rejoindre. »'
« Telles sont,.Monsieur lo minislro, les paroles de M. lo général do Higny;
jo viens do los -écrire tcoetucUcmcnt, sous la dictée do M. Hortrand; et j'ai cru
quo, .dans des circonstances aussi graves, jt! iio devais nie permettre dos altéra-
tions d'aucun genre. Quoique étonné quejedusso être de cette étrange commu-
nication, 'Monseigneur lo duc do Nemours ot moi tournâmes bride, suivis do
tout Pélot-mojor; jo -fis.immédiatement arrêter la tête de lo colonne, ot pris
quelques dispositions .militaires,'..
« Pou do moments-après nous fûmes joints par M. lo général do Higny, qui
nie répéta uno partie dos paroles que'je viens-do portera votre connaissance;
il ajouta .seulement qu'Ahmed senï savait faire la guerre. Ces paroles étaient
proférées, à haute voix, devant dos hommes on'majeure-partie malades ou
blessés; une terreur poniquo pouvait on être'la. conséquence,!et cependant:
tous restèrent à leur poste; Ils se portèrent on silence et avec calme sur tous
los points que j'indiquais. Aussi n'oi-je ou à signaler que la faiblesse d'un soûl.
« Je continuai à marcher sur l'arrièro-gardo, Tous los corps s'avançaient
successivement, dans un ordre parfait ; j'atteignis-enfin 'la' cavalerie ; toujours
te même ordre, et dons la compagne pas un coup de fusil no se faisait entendre.
Los régiments qui, à leur grand étonnement, avaient pris position, par mon
ordre, pour combattre les ennemis dont on avait annoncé la présence, ot qu'ils
avaient depuis longtemps cessé d'apercevoir, so remirent en route, et il était
nuit lorsque nous atteignîmes noire bivouac.
« Le lendemain, M, de Higny continua à tenir dos discours qui pouvaient
agir d'une manière féehouso sur lemoral do nos soldais. Dos fonctionnaires
d'un rang élevé dons l'arméo» dos officiers supérieurs crurent devoir m'en'ex-
primer leur Indignation ; jo dus me résoudre à agir avec sévérité, .lo donnai
l'ordre aux chefs de corps ot au général do Higny do so rendre à huit houros
dans tua lente; los premiers seulement so présentèrent. Après leur avoir de-
mandé si, ht veille, ils avaient aporyu du désordre dans lu colonne, ot avoir reçu
leur réponsenégative, je leur donnai con naissance do l'ordre du jour quo lo
général do Higny demande que l'on vous représente'.

I« Soldais, jo vous félicita avec plaisir ot empressement du courage, Jo lu ptitleitco ot de la résignation


quo Vous avez montrés, dans cos derulors jours, A supporter tous les périls ot les soull'raneos tes plus cruelles
do la gtiorro, Jo vous félicite surtout d'avoir méprisé los Insinuations'porlhios, les conseils coupables d'un
chef pou propres A vous cotnniandor, puisqu'il no suit pas sotill'rlr cotnmo vous, commitnous, Autrefois,
Soldats, un peuple glorieux faisait la gtiorro dans ht province do Constantino, ut pondant ses châtiées.,
diverses, un chef suballerno chercha A soulever l'arméo contre son général, Qu'arriviut-ll, soldats"? Kilo
passa sous les Fourches-l'audiites, ollo fut déshonorée ! C'est co que l'on nous préparait hier pour demain !
..Molj_so|ilttts, jo vous plumets de vous retirer
avec gloire de tous les dauyors, de toutes les., positions dilil-
210 L'AKltiQUK FîtANÇAISK.
« Vors -neuf heures','arrivé M. le général do Higny ; je lui dis d'aller prendre
connaissance do l'ordre qui était porté elle/ lo chef d'élot-major ; après, il rentra
dansnia -.tente. Il m'est pénible d'être obligé d'entrer dons les détails do la scène
qui eut lieu pondant près d'une demi-heure, ot à la suite de laquelle jo. promis quo
l'ordrodu jour ne -partittrait pas le lendemain. Dans cotte circonstance,jo \mk,
je le sois» être taxé de faiblesse; niais qui n'aurait éprouvé, comme moi» une
vive et profonde émotion, on .entendant'un officier générai dire avec-l'accent du
désespoir : — « Mais, Monsieur je maréchal, vous voulez donc déshonorer un
père do famille ? Faites-inoi fusiller plutôt ; il no fout quo quatre balles pour
celai Mois donnez-moi du'temps';, je. ino jette à vos genoux, que cet ordre du
jour no paraisse pas I »
« Jo lui promis que cet ordre no paraîtrait pas le lendemain, car jo croyais
l'avoir compris et je voulais lui donner du lcmps.u.> Cependant, le lendemain,
nos escadrons eurent une brillante affaire,' et quelques officiers do chasseurs seu-
lement limivèrcnt l'occasion d'y déployer'.jour courage.—- J'avais ordonné au
colonel d'élot-major I.Kiverger do prendre le commandement do l'arrièro-gardo;
et, toujours sous l'impression, de ta scène do la Veille, jo consentis à annuler
cotte disposition réclamée cependant pur l'arméo: entière» J'eus tort; car, plus
,
tard» M. lo général do Higny, loin do me tenir, compte do ce quo j'avais fait
pour, lui» pour son oncle» pour la .mémoire do son iïèro lo ministre, je dois lo
dire, continua ci- tenir dos propos capables do démoraliser Une armée chez la-
quelle ou' aurait trouvé moins do courage et de résignation»
« Mon ordre du a!) parutl, mais il n'élait quo l'expression bieiv affaiblie do nia
pensée, cl j'aurais été plus juste et plus vrai on maintenant cette phrase'i « Je
Vous félicite (l'avoir méprisé les insinuations perfides, les conseils coupables
d'un chef pou propre à Vous .commander» puisqu'il ne sait pas souffrir comme
vous, co.ni.mo-' nous. » /—Il n'est jamais entré dons mes intentions de rendre
M» le général de Higny responsable des malheurs, dos portos cruelles .quo la
rigueur do la saison o fuit éprouver à l'arméo pendant notre marche toute paci-
fique.sur Constantino » niêtuo pendant loslégo, et les doux premiers jours de
nblfo rotour à Houe. Je n'ai .aucune plainte à élever conIre la conduite do cet
officier général » et il doit mémo lui •revenir une part dos éloges que j'ai donnés
oux troupes qu'il avait alors sous ses ordres» cor elles étaient supposées agir pur

cilos qui pourraient sa présenter. Ku attendant, jo rémois ce chef au ministre de la guerre, et jo Vous eu
donne un iittlro, expérimenté, et tout à fait digne do Vous commandor. -^Soldats, sotivoiiez-vous que vous
nvez la gloire du noiit do votre pays, votre bulle réputation et un fils do franco t\ défendre I — Il m'est bien
pénible, jo suis profondément affligé d'être obligé de sévir ainsi, niais Un devoir Impérieite mo le proscrit
rigoureusement.—leprésent ordre sorti lu demain, rivant lo départ, u la této de toutes les compagnies, :»
(Aubh'ouae de Sidi Tatniam, sur j'Oued-Zenati,)
général
I
« .Soldais, c'est avec une émotion profondo ot une Vive satisfaction, quo lu maréchal gouverneur
félicite les bravos troupes sous ses ordres, du couingo et do la résignation qu'elles ont ttionltés dans leur
mouvement sur Constantino, en supportant avec uno admirable eoiislanca les sotiflVaucos los plus cruelles
do la guerre. Honneur soit rendu i't leur caractère ! Vu mil a montré de la faiblesse; maison a oit le hou
tmprlt du'faire Justice- do propos Imprudents oit coupables, qui n'auraient jamais du sortir do étt hotteho. —
Suldats, dans quoique position quo hotis nous trouvions ensemble, je Vous en sortirai avec honneur! re-
covoz«eii l'assurance de voire général on chef, .Souvenez-Vous toujours que volts nvoi* la Bloiro do Vulro pays,
votre bollo imputation, et on ills de franco à défendre. Cette iiobjo tàcho â été dignement roniplie ; votre
conduite, pendant celle mémorable, campant-, Volts assure la luconliliissaiico de la France, là satisfaction
du roi ot rttdmliatioii du monde onlior.' » [Au caiiqntela' fSejibouw) lo 8i) novembre ItWO.j
LIVnK TllOTSlKMK. 211

son impulsion ; mais depuis le jour que j'ai signalé, M. lo général do Higny pa-
raît avoir été soiis lo poids d'une influence funeste quo je no dois pas qualifier.
» Tols sont les faits, Monsieur le ministre, que j'avais à vous faire connaître ;
ils ne seront malheureusement pas les seuls qui seront connus du conseil d'en-*
quête, si vous l'ordonnez, et ils ne suffisent que trop .pour.motiver nios ordres
du jour, J'étais bien loin do vouloir traiter cet officier général avec injustice;
car, on allant, jo lui avais cou lié le conunondoniontdo-Pavant-garde, et, on reve-
nant,celui de Parrièro-garde; mais jo me"suis vu dans l'impossibilité de par
roltro ignorer une conduite qui n'a'été'que-trop publique,- et qui d'ailleurs pou-
vait avoir dos effets fâcheux pour l'armée qui m'était confiée. Les.paroles (tue jo
vous ni citées ont été on tondues do la majeure partie do mou état-major, et
\Yune personne dont les hautes 'convenances m'empêcheraient do réclanler le
témoignage;.,-J'ai Cru devoir m'abstenir'do. toute récrimination sur .ce, qui m'est
personnel, car il est dos attaques qui, no blessent pas1.»
En Vertu do ce rapport»'lo général Hornord, ministre de la guerre, annonça»
par sa dépêche du 17 jouvier 18117, qu'aux tonnes 'le «'«rllc.lo 11 do la loi du |
fructidor an V, M. dis Higny serait Iradnil devant un dés conseils do guerre per-
manents-do la 8" division militaire. Cet officier général .futabsous.
Los plus âpres récriminations accueillirent à Paris l'insuccès du maréchal
Clau/.ol ; on l'accusait d'avoir perdu la îuoitiédo son armée; d'avoir fait atteler à
sa voilure les mules enlevées aux prolonges des blessés » et d'y être monté pour
fuir. .';-
Lo témoignage do toute l'armée protège aujourd'hui sa mémoire contre ces
odloi^escalomnies. Mais il no s'est guère trouvé"qu'un seul homme,."co fut le
bravo ot savant général' Peiet, qui osfU s'exprimer ainsi hautement sur le coniplo
dit maréchal ! ((Comme art militaire, il était plus'difficile de ramoner l'année
do Constantino que de prtmdro Constantino; et» .-quant a moi, à pari les résul-
tats, j'aimerais mieux avoir l'ail colle ..retraiteque d'avoir'emporté'.la ville. »
M. Clauwsl, .instruitpar les journaux"et par'dos avis officieux de toutes les iiu-
pulallous qui s'amoncelaient conlro lui, se renditeu l'ïaneo avec l'espoir do
conjurer l'orage ; mais ses services étaient oubliés, ses ennemis prévalurent, ot
son épée l'ut brisée,
Ou n fait, à celte époque, bleu dos réflexions sur .les causes .probables du dos-
astre do Constantino, La plus apparente-vient du mauvais'-choix''do la saison.
Lo seconde tient à l'imprévoyancede l'administration» qiiiiiosul pas,réunir.eu',
loinps utile » et par des mesures efficaces» tous les moyens tlo transport, néces-
saires, Le ministère do la guerre avait fait "concentrer:à Houe .j'approvisionne-.'
I Gouvernement générai des possessionsfrançaises dans le nord de l'Afrique, Itàpporl do M. lo maréchal ''
Clauïol sur M. do Itlguy, Al^oi*» .8 janvier 18'I7. — Ces principaux témoins Indiqués par le maréchiil dans
l'all'ittro do M. tlo Kitftiy fnl'eiit MM. le lieutenant général Vulbert ot lo colonel Uoipr, aides do camp do
Mgr. loduo.de Nemours; Mande, membre do la Chambre dos députés ; lu. Iloûtonaul colonel de Gliabaiineu,
«rilcler d'ordonnaiica du prince ! de Mnc-Mtihon, capitained'état-major i Meleion-d'A re, Intutidtint lull.ltulru ;
lo colonel Duvergi>', chef tlo l'éttit major général i de TvlirneOiine,'coloneld'ai'HUerle i HuvivUr, lioiitotia.nt
Coloiiot, poinimiudaiilsupérieur du' camp do (îtieimiii Ghnngarniei',- chef do bataillon auA? léger}''/" fho-
rigny, oliof d'escadron au II' chasseurs d'Afriquei Napoléon tiertrand, Iteuleiiaui au S" chasseurs', de. tirée,
cttpitailio au \" idm; de Molière, capitaine do zouaves! Heubelt,' capitaine au lfl chasseurs, officier d'or-»
doiiliauco du mai'éclmî gouverneur général \ lo chef d'escadron de Hat\eét sou aide do camp j lo docteur
llaudens; la capitaine d'étal-mnjor rSaiiit-ïïippolijtei etc., elc. (Mxlrait do la lettre du mitréclmtt'iauzel au
ministre de la Rimn'o, du"SH janvier 1811*0
212 L'AFfllQUE FHÀNÇAISF.,
ment pondant six -semaines d'un corps do dix mille hommes ; ainsi les vivres no
..(lovaient pas'.manquer. Le maréchal écrivait'ou ministre, lo 11 septembre, que
lo boy Youssof avait procuré tous les mulots demandés pour l'expédition; son tort
fut do compter trop aveuglément sur dos assurances;quo rien no justifiait, ot
qui entraîneront do funestes retards jusqu'au moment des grandes pluios. Et
cependant il est permis do croire que, malgré tant de chances contraires, lo suc-
cès lo plus complot eût couronné rapidement nos opérations, si lo maréchal, au
Hou d'entreprendre une double attaque, avait porté la majeure partie do ses
forces sur le plateau do Koudiat-Aly, qu'il avait lui»même reconnu commo lo
point lo plus faible. Mois il est vrai do dire que si, après l'événement, les intel-
ligences ordinaires peuvent'apprécier'.los causes réelles d'un revers ou d'une
victoire, les plus hautes no sont pas toujours ou niveau des difficultés présentes.
Lorsqu'il vit le pouvoir tomber do sos moins, ot les accusations so multiplier
autour de son désastre, le maréchal Clauzel prit la plume ot jota a ses adver-
saires un do ces manifestes énergiques,-.dont tous les coups devenaient à leur
tour dos accusations. — « Si co n'est pas pour moi, s'écriait-il, uno chose inac-
coutumée.quo la ltttlo sur les champs do bataille, jo suis mol habitué aux com-
bats de lu presse, Qu'on me pardonne donc si je n'exprime pas toujours nia
pensée avec la; convenance d'un écrivain expérimenté. Vieux soldat qu'on' foret!
de prendre la plume pour défondre son épée, si joparais 'inhabile à manier celle'"
arme nouvelle, qu'on so souvienne que c'est avec du fer que j'ai écrit mon nom
sur les marbres do l'Arc do Triomphe, et que mon épée protège mu plume.
«J'ai cru longtemps qu'on désirait garder Alger, ou plulôtla régence d'Alger;
tant do raisons imposantes mo semblaient militer en faveur de cette conserva-
tion, que je no pouvais admettre l'idée qu'il y eût un homme on Franco qui
pensât sérieusement à l'abandonner. Quand l'Angleterrerecherche tous les
points do la Méditerranée oh elle peut s'établir, avec tant de persévérance que,
si un rocher s'êlèvoà flour d'eau, elle court y planter son drapeau;'— quand la
lUtssio se ménage si soigneusement le passage dos Dardanelles, pour loiro do la
mer Noire un bassin cl'oii elle puisso un jour lancer ses flottes contre nous ; —
quand lo commerce maritime, poussé depuis lo quinzième siècle vers les Amé-
riques, semble se retourner Vers l'ancien monde» redevenu presquo 'nouveau'
par l'abandon oh il a été laissé; — quand la Turquie bubllo jusqu'à so religion
pour se constituer commo puissance européenne ; — quand l'Egypte, cotte terre
féconde, appelle do tout son pouvoir los arts et les sciences pour prendre rang
tlo nation ; .—-'quand tous les intérêts politiques ot commerciaux"tondent à se
concentrer autour do celte mer qui lie tant de peuples entre otix; —-quand
l'Angleterre etla Hussle occupent les deux portos do cette Méditerranée, oh nul
ne devrait pouvoir entrer sons notro permission : jo supposais, jo croyais qu'une,
grande pensée do prévoyance avait fait entreprendre la conquête d'Alger.
((Posséder,'-en lace du littoral européen, un littoral africain non moins étendu ;
être postés sur les doux lloiics do cotle mer, de manière à la contenir dons notre'',
obéissance; pouvoir protéger liotro commerce du nord et du .midi de colle
vaslo roulo oh voyagent tant de richesses; avoir, on cas do guerre» dos ports
et dos 'arsenaux qui'so regardent et se, secourent; être les -maîtres do porter
:
le combat adroite oh à gauche; avoir» on cas do-revers»- dos asiles devotil. cl
LIVRE TIIOISIKMF. 213

dorrièro ; c'était une position qui me semblait si bollo, si forte, si supérieure,


quo prévoir qu'on voudrait l'abandonner m'eût semblé une injuro ou bon sens
lopins grossier.
.-" «
Quand nous nous omparêtnerfd'Algor, les Arabes nous virent avec déplaisir,
parce quo nous étions chrétiens ; niais» habitués à une obéissance absolue aux
hommes"et aux événements,' ils répéteront co mot qui, pour eux, est In raison do
tout co qui arrive : «Dieu lo vcutl» ot ils se résigneront à notre domination,
comme ils s'étaient résignésautrefois à celle des Turcs. Certes, nous avions moins
à faire quo ceux-ci pour la tnaintoiur, puisque nous rencontrionsune populo-
lion désunie, prête à se donner à qui voudrait la gouverner, accoutumée à être
traitée ou esclave. En même temps,.lo renom militaire/de la notion française,
les récits merveilleux du règne de Napoléon, nolro victoire si rapide, avaient
frappé les imaginations, et nous avaient entourés d'un prestige qui rendait
l'obéissance encore plus facile. A ce moment, on pouvait foire, en quelques mois
et sans opposition, ce qui maintenant no s'obtiendra plus qu'à force «le combotsot
dé dépenses. Ce n'était point Alger qu'il fallait 'conquérir, mais/la puissance dos
Turcs qu'il fallait remplacer par la nôtre. Los Arabes s'y attendaient; ils no
s'imaginaient pas qu'un peuple qui se disait .intelligent et fort serait embar-
rassé d'uiio 'terre qui/avait obéi à huit inillo janissaires. Ils s'atlendaiontà voir
se développer-un système largo et rapide d'occupation, qui s'entpartU de tous les
points do la régence, y établit l'autorité française, et.prit sous son abri los tribus
joules prêtes à sosoumotlro. Malheureusement, il n'en fut pas ainsi ; les hésita-
lions du pouvoir, l'inaction do l'armée, .l'Instabilité, des ciiascs et des hommes
chargés de les diriger,'.donneront lieu do supposer que la France no voulait,
pas fonder un établissement durable sur la côte d'Afrique. Dès que les Arabes
douteront do la volonté du.vainqueur, ils doutèrent do la volonté de Dieuiiiii.
moment quo nous ne mines plus des,maîtres civilisateurs » mais redoutés, on
nous regarda comme dos ennemis'-presque -déconsidérés ; du moment qu'on
n'était pas sûr que .nous resterions, il devenait urgent do nous chasser, Voilà
quelle fut la marche de l'esprit public. Cn mémo temps» des/espérances qui
non-seulement no so seraient pas produites,mois qui même n'auraient pas osé
naître si nous avions su'montrer une autre attitude , se dressèrent tout autour
de nous; tles intrigues, qui fussent restées dans l'Ombre et dons l'impuissance»
éclatèrent tlo loule port,
=: « Il fallait, pour garder la régence.d'Alger, un
système simple et fort ; il fat-
lait so porter résolument on avant, à droite, à gaucho, avec des troupes suffi-
santes ; posséder des centres principaux d'aclion ; entre ces points principaux
des points intermédiaires pour les relier les uns aux autres; il fallait couvrir la
régence d'un réseau de garnisons et do camps qui no permissent pas aux popu-
lations de.-se rassembler tumultueusement, qui no laissassent pas un champ'
ouvert à tous ceux qui voudraient y venir semer la révolte; Il fallait maintenir
lis pays complètement. Kl qu'on ne ponsu pas (pie» pour arriver'à ce but, on eût
besoin d'efforts prodigieux, de dépenses énormes ot constantes; il.suffisait tlo
'doux, campagnes entreprises avec les forces nécessaires, poursuivies.avec la
volonté de faire sincèrement ce qu'on dit toujours vouloir foire, el ce qu'un ne
fait jamais; et la colonie, maîtrisée,, soumise e! Ironquillo» se serait gardée avec
m L'A FIUQtJF F HA NÇ A ISIv.

lo même nombre d'hommes qui oujourd'hni no pouvont empêcher quelques, ma-


raudeurs do venir assassiner jusqu'aux portes do nos villes,
« Dès les premiers moments do notre occupation d'Alger, la conduite et les
actes do Tadminislration dénoteront cotto fatuité, cette légèreté, co mépris des
liommos sans oxamon, sans appréciation du passé, sans projets arrêtés pour
"l'avenir, qui blessent los mepurs,les intérêts d'une nation ; qui, dès quo se
'présentent los plus légers obstacles, la moindre résistance, amènent los revers,
loti iscorde, le découragemeu l, et par un juste retour» le mépris do ceux envers
lesquels on a agi avec si pou deménagements, avec tant tl'impudonco ot d'im-
prudonco tout à la fois, Nous entassons trente mille hommes dans un espace/
qui peut à peine les contenir; au lieu tlo camps et do positions militaires» nous
encombronsdes hôpitaux^ si nous prenons les armes» c'osl pour aller faire une
pointe, sans motifs plausibles, sans but réel, sans résultat ni probable ni pos-
sible ; nous apprenons aux, Arabes à nous combattre et à nous vaincre. Ceux qui
se sont compromis avecnous et pour.nous sont attaqués, dépouillés, massacrés
pur les autres; l'anarchie s'établit.dons toutes les provinces; nous ne donnons
pas un gouvernement à ceux qui demandevità êlro gouvernés ; nous ne pu-
nissons pas efficacement ceux qui nous menacent °t nous insultent. Avant
qu'un hou - gouverneurait ou. le temps tlocomprendra la ti\cho qui lui ost im-
posée, nous le remplaçons par un aelro; il n'est pas un Arabe qui no voie que
nolro gouvernement ho sait pas co qu'il veut, et quo, par conséquent, ceux qu'il
envoie en Afrique lo savent encore moins. Nous 'sommes déconsidérés, et dès
lors il s'opère dons les esprits, chez les Arabes, une gronde révolution,
« Un simple chef de tribu, estimé, respecté 'parmi, los siens, habile» '.pnt.rop.rq-.
nanl, s'appiiyant sur lo parti mauve, qui peut Polder puissamment, parce que-cô
parti es! riche, intrigant, ot qu'il vit au milieu de nous, conçoit de hrillonles
espérances,'entreprend le grand o)uvro de la régénération de son pays, et bien-
tôt, ralliant oiisoinnottontlos tribus les plus puissoutos et les plus belliqueuses,
il étend sa domiualion sur loulo la régence, et nous plnco, nous » acculés, en-
tassés, étroitement emprisonnes sur quelques points du rivego, oh présence
d'une nationalité arabe finHl ftuitdésorniois étoiiflor, ou devant loquollo il fau-
dra reculer hoiilouseincnt.
« Pour lo nouvel Emir, lo moiuotUde lover lo masque est arrivé. Il se proclame»
on Afrique, le roi do la terre, et,.'nous accordant lo souvoroinolé du littoral, il
no daigne toutefois conserver encore pour nous celle condescendance qu'à dos
.'concluions humiliantes",.inlolorablos. Le bravo général Trézel veut châtier son
insolence ; trop confiant, il court à sa rencontre, il est battu ; nous subissons
l'échoo tlo la Macta, C'est olors qu'Abd-ol-Kadod' devient vériloblemeut lout-
piiissont. Il commande partout, et si tout le monde no prend pas les ormes pour
Itfi, personne du moins n'ose Pnftaquor, Comme il est fort et victorieux» il trouve
dos .alliés. L'empereur do Maroc lui envoie (tes .'armes ol dos soldats; la Turquie,
sans dqu.to,l'encourage socrèlçment,el bionlêt tille va chercher à inotlroà profit,
les obstacles sérieux qu'il vieiitd'élevor sur nos pas déjà si incertains, Lo parti/
maure lève la tête, il répand l'or partout; il"ados émissaires conhus, avoués,
salariés o -Ports, et il trouve clos Fronçais pour prendre parti contre nos armes,
notre gloire, notre avenir. Taudis que loiifos les circonstances se réunissent
L1VHL THOlSUvMF. 215
ainsi contre nous eh Afrique, par une de cos fatalités qui font parfois s'endormir"
connue malgré soi celui qui devrait agir» lo gouvernement, qui d'abord s'est
ému, qui d'abord a proclamé bien haut que l'échec de lo Macta serait prompte-
mont vengé; lo'gouvernement» sans doute préoccupé par (Poutres intérêts,
semble oublier qu'il so-trouve'sur les côtes algériennes une année française
vaincue» humiliée, bloquée étroitement»; qui ne peut plus s'approvisionner quo
par lo mor, et qui subit uno semblable honte de la part d'une population h rave»
il est vrai, mois inhabile à la guerre, privée des ressources et des moyens for-
midables qui nous sont familiers, à nous gronde nation, naguère encore l'effroi
du monde entier.
— « Vous le voyez, s'écrie Abd-el-Kader dans ses.proclamations, je suis plus
puissant ot plus fort que lo roi dos Fronçais I II lui fautdes mois entiers pour
rassembler des soldats on'assez grand nombre pour essayer do venger leurs
frères que nous 'avons vaincus, taudis qu'en un instant vingt ou trente mille
guerriers se lèvent à ma voix » Heureusement, comme .pour démentir, d'uno
1

manière plus éclatante ces fatales paroles, c'est l'héritier du trône qui vient en
personne ramoner lo victoire sous nos drapeaux. Que voulait le gouvornoinont?
Evidemment détruire lo puissance d'Abd-ol-Kador, qui nous tenait bloqués dons
Oran, qui prétendait déjà exercer son autorité souveraine do l'autre côté du
Chélilï, et jusqu'aux portos mêmes d'Alger,' car il était venu établir dos-chefs à
HlidahetàKoléah.
« La citadelle de Tlemcen se trouvait occupée par lés Turcs et les Koulouglis,
nos alliés, qui lo défendaient oti désespérés contre .l'tëmir. La possession de
cette place était une nécessité aussi impérieuse -que lo prise de Conslonlino. Car,
sons foire do slratégio, tout honnno qui sait la guerre, tout homme -qui sait
comment on peut occuper'militairement un pays'travaillé' par-l'insurrection,
tout homme qui o jeté les yeux sur lo carte d'Afrique ino comprendra : Tlemcen
est la porte par laquelle le Maroc nous enverra toiis lesombilioux qui voudront
troubler notre domination; Constantine est colle par où passeront toutes les.
tentatives de Tunis suscitées par nos rivaux. Si nous n'occupons pas ces doux
Gibroitttrdc la régence d'Alger, jamais nous n'en serons les maîtres.-' Il fout à
l'Afrique française Tlemcen ot Constantino-, comme il fallait ou royaume do
Franco Calais et Hordeitux; tant que les Anglais oui occupé ces doux villes, c'a
été sur notre terre uno guerre d'extermination. lOt cependant, 'alors comme' au-
jourd'hui, il y avait des amis de la paix, qui trouvaient que les Anglais étaient
fort bien à Calais ot à Hordoaux, ot..quo vouloir les on chasser était une préten-
tion folio, malintenlionnéo ot pernicieuse ou pays. Lo race des peureux est éter-
nelle.
« La délivrance des Turcs ot dos Koulouglis de Tlomccu était urgente, car le
gouvernement, après leur avoir promis du-secours depuis plusieurs mois, ne
pouvait los laisser égorger -jusqu'au dernier, Leur péril était affreux; lotis
outres se-seraient rendus: ils mangeaient leurs soudoies, mais ils nous atten-
daient I Tout cela est si vrai, qu'une lois los-troupes rassemblées'à Oran',.et
lorsque S. A» H. Monseigneur lo duc d'Orléans.s'y trouvait avec moi, on se demanda
si l'on commencerait la campagne par la prise do Muskaro, ou si l'on no devait
pas plutôt se rendre d'abord à Tlemcen, Au retour de Moskora, Abd-el-Kodor
21fi L'AFHIQUK FitANÇAISK.
n'était pas anéanti ; quelques-jours après,.- il courait vers l'ouest, soulevait le
pays, et se réunissait à son knïd lîon-Nounà, qui-tenait Tlemcen assiégé; il
s'emparait do celte ville et réparait ainsi la perte do Maskara. On va donc à
Tlemcen ; la citadelle est occupée par nos troupes, la.Ville par les Koulouglis, et
le 13111 proposé par lo gouvernomehteslalors.atteint. Abd-ol-Kader n'a plus lo pres-
tige de la victoire ; Maskara no lui présente plus un refuge, qu'il est obligé d'aller
chercher sous la tente; encore quelques efforts et sa dernière influence est en-
tièrement détruite. Mais le minislèro mo reproche tout à coup d'avoir laissé
garnison à-Tlemcen,'et rappelle sur lo champ les .troupes on France; il semble
ainsi ne rien négliger pour perdre lo fruit de celte campagne et pour laisser a
Abd-ol-Kader jo lomps et les moyens do réparer ses revers, ot do rallier do nou-
veau les Arabes, en leur faisant comprendre que le gouvernement renonce à
tout projet de'-.domination , et-'regrette jusqu'à ses succès. Pondant qu'on me
désavouait à Paris, voici cependant ce qu'on m'écrivait à Alger :—« J'ai vu, par
votre dépêche télégraphique du 18 décembre, quo vous vous disposiez à 'foire
l'expéditionilé Tlemcen, Si la saison no contrarie pas vos projets, le moment
d'abattre complètement Abd-ol-Kader'-.semble en effet devoir être celui oh vous
venez do détruire son pouvoir à Maskara. J'attends avec impatiencevos premières
dépêches, pour savoir lo résultai do vos opérations '. »
« Après l'expédition do Tlemcen venait celle de Constantine I.'quand/on no
veut pas quo les voleurs entrent dons une maison, on commence" pareil- fermer
les portos; les plus grands principes de guerre so;réduisent souvent à dos appli-
cations aussi simples et aussi vulgaires 'que celle-là. Je m'étais entendu à Paris
avec M. Thiers ; ((.Non-seulement, me dit-il, nous vous donnerons en hommes
et on matériel tout ce qui vous manque, mois si, lorsque vous serez à l'oeuvre,
dix mille soldats vous étaient nécessaires pour triompher plus rapidement et plus

I Minislèro de la guerre. Direction du personnel ot dos opûiatlons militaires. Lettre du maréchal Maison)
du ti janvier 18J3G» — Celte lettre proscrit en mémo temps la ïciitrêe dos HT, GO" et 00' régiments de ligue,
ot du lu* léger.
Des Instructions très-posltlvés avalent été adressées le môme jour, au maréchal Clauzol, pour l'en-
gager a pousser lu guerre le plus vigoureusement possible. Les Voici s « J'ai reçu la dépêche télégraphique
dans latiuelto vous m'nniioheui', qn'Et Aloxory, premier agita d'Abd-ol-Kader, s'est rendu près de vous, J'ai
répondu, lo 4 du courant, par la mémo vole, quo je pensais que vous lie vouliez négocier avec Abd-ol-
Kader que comme avec un sujet; que le traité qui a été conclu par le général I)esmicltels so trouve aboli;
que l'intérêt de la France s oppose à ce que ce traité soit renouvelé. Qu'Abd-el-Kadcr se soumette, qu'il rocoti*
naisse KC«II» condition l'autorltô du roi dans la personne du gouverneur général, et lions lo laisserons en
repus. Je vous confirme celte dépêche,11 ne vous aura pas échappe, monsieur lo maréchal, quo lu traité du SO fé-
vrier 1834, s'il ti paciilc la province d'Oran, avait donné à l'émir un pouvoir qui tendait sans cesse à s'ao*
croître, et qui devenait nuisible ù nos intérêts politiques, Il faut donc anéantir jusqu'aux traces do co traité ;
'car un nouvel arrangement qui en reproduirait quelque partie ferait de nouveau d'Abd-el-Kader une puis-
sance,.Il n'aurait rien perdu à nous'Taire la guerre. tro«s reconnaitress sans doute, M. lo maréeiiul, .qu'il
vaut mieux continuer les hostilités que de replacer ce chef arabe dans une position d'indépendance, par un
ttetoT'eVétu do la siilietion do l'autorltô française. Qu'Àhd-el-Kndor soit indépendant défait, nous pourrons
lo tolérer, alitons le jugeons cohYohiihlei mais nous ne pouvons soujfrir qu'il parvienne à se replacer dans
une position semblable à celle qu'il s'étaitfaite par le traité du SO février 1831, Il n'y a donc qu'une choso ù
fuira do sa parti c'est qu'il so soumette, comme sujet, au roi des irancalsi alors ou le laissera tranquille,"
et on le traitera avec bienveillance conime los mitres chefs indigènes qui ont fait leur soumlHsion, et. vivent
en rapports do bonne amitié avec nous. Je me persuade quo si Kl Atûttary vous a mit dos propositions nu
nom d Ahd-el-Kadcr, vous n'atirnz consenti à entrer eu négociations avec lut que sous la condition oxpresso
que j'ai posée dans nia dépêche télégraphique du i de co mois, dont jo vous al rappelé le coiitenu .au com-
mencement de cette lettre. » (l.'ltre du maréchal Maison, ministre do la guerre, au guuvomour général,
comlo Clauzel.)
L1V.HK TROISII-MK. 217
complètement,domnndoz-les,et noits vous les enverrons. » Aprèsdo halles pa-
roles, je no doutai plus de la conquête.do Constantine; mais c'était bien peu
do chose à côté do colle qui me restait à foiré! Celle-ci devait avoir lieu dons
les bureaux de la.'Guerre, et Dieu sait si jamais les Arabes ont si bien défendu
leur pays que certains Français lo font pour eux î Cependant, d'après les pro-
messes positives du président du conseil, je ne trouvai pas alors, ou ministère
do In-guerre, toute lo résistanceque j'ai rcnconlrée depuis.-Je posai on principe,
quo je'demandais-30,000 hommes d'effectif réel, c'est-à-dire valides, non em-
ployés aux services administratifs, 30,000 combattants ; plus 5,000 hommes do
troupes régulières indigènes, et 4,000 irréguliers, soldés seulement pondant
l'expédition. Lo ministre me promit tout d'abord los troupes quo-" jo deman-
dais; jo.passai à la discussion des outres questions. De lo part d'un homme.de'
guerre aussi distingué que M. le maréchal Maison, elles ne pouvaient rencontrer
aucune difficulté. Il fut convenu quo tous les préparatifs et tous les envois de
matériel seraient terminés le 1(1 septembre, et les ordres furent donnés, séance
louante, à M. le directeur général du personnel. J'écrivis, en conséquence, à
M. lo général Hapotel, pour faire organiser à-Alger les troupes indigènes, lit
recueillir les perceptions do toute sorte nécessaires à mon entreprise. Quelques:
jours après, je partis moi-mémo, pressé parle ministre, et comptant sur la bonne
foi dos assurances que j'emportais.
« A peine avais-jo quitté Paris, (pie commença la crise ministérielle qui amena
ou pouvoir le cabinet du 0 septembre; on mémo temps commencèrent les hési-
tations, les dénégations, les contre-ordres qui ont été los véritables obstacles ou
succès do la campagne. Du moment (pie le ministère du" 22 février prévoit so
chute, il déclare ne pouvoir plus engager sa responsabilité vis-à-vis des cham-
bres pour une expédition qui peut, déliasser les'crédits votés par elles; il s'ar-
rête, et donne aussitôt l'ordre de suspondro l'envoi des troupes. Plus de trois
semaines s'écoulent dons cet élat d'incertitude; le boy Ahmed, qui, s'il nous
avait vus agir vigoureusement, serait venu peut-être négocier sa soumission,so
réveille ot s'arme. Tandis quo nous perdons du temps, il le mot-à profit, marcha
sur Bone, vient attaquer le camp do Dréan , .chaTio les tribus qui s'étaient coin-
promises pour nous, leur'apprend qu'il n'y o aucun fonds à foire sur nos pro-
messes, nous déconsidère dans un pays oh l'action de combattre suit immédia-
tement la menace qu'on en fait, et nous perdons à la fois notre position mili-
taire ot notre position morale, lin'Afrique, vis-à-vis du la plupart des indigènes,
un.bon capitaine ne combat pas seulement ovec les ormes : il combat en leur
persuadant qu'il soutient une juste couse;.qu'il est représentant de la volonté
d'un grand état; que ce qu'il veut, son gouvernement et sa nation le veulent.
Alors, co n'est plus, pour ces Arabes intelligents ot bien informés la lutlo do
»
quelques bataillons contre toute une population ; c'est la lutte de la gronde no-
tion française, contre los Arabes, ot alors les Arabes se soumettent, même avant
d'avoir été attaqués ; alors on fait un refuge , un secours, une alliance de ce
qui, grAceà uno coupable hésitation, devient bientôt de la défiance, du mépris,
de l'hostilité.
« Pressé par lo temps, par les circonstances, jo commençai à comprendre que
jej^OrTiouvois plus m'allondre qu'à une faible partie des ressources qui m'ovoienl
218 1:A1-1UQUK FBANOAfSlv
été si formellement annoncées; j'expédiai à Paris M. de Bancé, mon aide do
camp. Après de nombreuses entrevues, tout ce qui m'avait élé promis me fut
positivement refusé; et comme M. do Bancé avait laissé entrevoir que jo pou-
vais donner-ma' démission si l'on renonçait a l'expédition de Constantino,do
conseil dos ministres envoya M. lo général Damrénionl à Alger, avec les pou-
voirs nécessaires pour recevoir celle démission et me remplacer dons te gouvor-
nomenlMe la colonie. M. do Bancé reçut l'ordre de partir avec lui, et voici les
paroles qu'il me rapporta de la pari do M. le ministre de la guerre : — « Dites
bien à M. le maréchal que je suis persuadé (pie tout lo..ministère est entière-
ment, convaincu (pie l'expédition peut se faire avec les moyens que le gouverneur
général lient aujourd'hui à sa disposition.. Dites-lui que nous regardons comme
utile, comme nécessaire, quo cette expédition ait lieu. Dites-lui bien enfin que,
comme ministre de la guerre, je le presse vivement de la faire, et que» comme
général Bernard, qui ai toujours été et serai toujours sincèrement attaché au
maréchal Clauzel» je désire vivement qu'il la fasse. » Ces paroles me furent tex-
tuellement rapportées, et malgré l'habileté avec laquelle, dons les dépêches offi-
cielles, on me laissait lo juge do l'opportunité ou do l'inopportunité do'l'expé-
dition,'je crus à lo sincérité-dii voeu exprimé par M. le général Bernard. Je.no
voulus pas laisser faire à un outre cette expédition que jo croyais devoir m'ap-
parleii'r par cela même qu'on la rendait plus dangereuse..D'ailleurs» confiant
dans los précédentes dépêches du ministère, qui me. disaient qu'il 110 mettait
aucun obstacle à lo campagne , j'avais .annoncé que. les Arnh.es allaient être
punis de leur insubordination; j'avais noué des relations qui pouvaient com-
promettre un grand nombre d'indigènes si je 110 donnais pas do suite 0 mes
projets; il m'était impossible de reculer sans compromettre aussi lo dignité do la
France aux yeux do l'Afrique et du monde entier. Mais avant de partir, j'écrivis
Ou ministre de la guerre pour lui bien expliquer ma position ; jo rappelais dans
cette lettre toutes les paroles données, tous les secours promis verbalement, toutes
les choses faites de bonne foi. I.o 3 novembre, il me fut répondu par une lettre
oh étaient'rappelés et extraits avec soin tous les mots écrits et perdus dans do
.nombreuses dépêches, et qui semblaient prouver qu'à aucun moment, ot en
aucune manière,' le gouvernement n'avait précisément ordonné l'expédition do-
Constantine. Cette lettre est une des compagnes les plus habiles exécutées dans
lo ministèro do la guerre 1. J'avoue que j'y fus battu, car je n'avais pour moi que
ma conscience et le témoignage d'une vérité .qui- n'avait pas élé niiso sur le
1 « Vous dites, monsieur le maréchal, que les ordres que vous avez reçus pondant quo M. do ltnncô so rendait,
u l3arls, la certitude quo vous aviez do rocevolr tien renforts, ot enfin la nécessité do vous mettre prompte-
mont eu mesure pouf l'expédition.ordonnée, vous ont déterminé a prendre sur-le-champ des dispositions
que Vous combiniez d'ailleurs aveo la prochaine arrivée dos troupes sur lesquelles voiis compilez.
« Dans ma dépôoho du S? septembre,jo vous dis quo lo gouvernementdu roi aurait désiré qu'il n'eut pas
encore été question do l'expédition do Constantino, ot quo c'est parce que cette expédition a élé annoncée,
ot par co soûl motif, que lo gouvernement do S. M, l'autorise; mais qu'il no l'autorise que commo une opé-
ration nécessitée par crênement; ot qu'il duit, être bien entendu qu'elle doit so faire aveo los moyens (per-
sonnet et matériel) qui sont actuellement it votre disposition, Il l'a d'autant moins prescrite, que vous aurez
vu dans la lettre que j'ai écrite an général Damrémont, le 0 octobre, et qu'il a eu ordre de Vous communi-
quer, qu'il y a doute, de la part du gouvernement du roi, quo vous fassiez l'expédition. Il n'en aurait pas
été parlé d'une manière dubitative si elle Vous avait été ordonnée i et d'ailleurs jo vous al dit formelle,
,
tuent, dans ma lotira du 18 octobredernier, quo, comme Vous n'êtes qu'autorisé h faire l'expédition , vous
pouvez vous dispenser île la faire; qn'il dépend de tous seul de prendre n cot égard uno détermination, selon
.;-,.u'vn'K TUOisiEML:. 219
papier, tandisque le ministère avait pour lui do petits bouts de '.phrases fort
bien arrangés, très-perfidement glissés dans los dépêches,; et dont, je l'avoue, je
n'avais pos d'abord compris suffisamment la portée. Et puis, s'il faut tout dire,
,
je sais depuis longtemps l'influence secrète et totale qu'une bureaucratiejalouse
exorco dans le ministère de la rue Baint-Doininique; et quand on 1110 rappelait,
dans celte singulière dépêche du 3 novembre, une lettre signée du 'ministre-'de
' la.guerre-, oh ou -.prétendait que le gouvernement du roi u aurait désiré 'qu'il."
n'eût pos été encore question de l'expédition de Constantine, » j'avais à choisir
entre les expressions de cette lettre et les paroles que M. de Bancé m'apportait,
'au nom de ce même miniaire ; paroles sorties de sa bouche, paroles'prononcées
dans l'effusion du. c<euiy et en dehors.do toutesces petites combinaisons par les-
quelles on" préparait une retraite habile à la "'responsabilité ministérielle.
«Je choisis donc. Je pris la parole d'un homme d'honneur» apportée par tin
homme d'honneur, et je no doutai pas que le ministère nodésirAt l'expédition
projetée, surtout quand l'arrivée d'un fils de Fronce sembla m'apporter, .do.son
côté, une nouvelle.attestation de lo volonté du /ministère.- Je crus, à tout cela, et
voilà la véritable foule ([uc j'ai commisevis-à-vis de moi-même, celle qui a.élé la
.première couse des autres accusations de tout genre dont on m'a poursuivi ; cor lo
faute n'a pos élé de foire l'expédition de Constantine, elle o élé de ne pas savoir
que, pour servir lo Fralice, il fallait avoir un contrat en règle passé par devant
ministres, Lo foute o été do no pas préférer nui position personnelle à la dignité
do la France. Je- ne crois pas avoir manqué à mes devoirs do général.'La guerre
est un jeu qu'il fout rendre aussi sûr quo. possible; mais ce n'est pas un jeu
(levant lequel un capitaine doit reculer -parce qu'il a une chance contre lui:
cotte chance, je Pai rencontrée.
«Agent du gouvernement, ai-je trouvé dons le pouvoir cet appui qu'il prête
à tous les employés qui sont sous ses ordres? L<i dernier de ceux-ci lui tient à
coeur; mais moi,.maréchal de Franco, j'ai été désavoué /par lui. Je faisais co
qui me paraissait juste et convenable pour le maintien de notre puissance en
Afrique, pour la conservation de la colonie. Mon tour est venu do dire mopen-

qtlo vous trouverez los moyens a votre disposition suffisants ou insuffisants. Il est dono bich évident quo
lo gouvoruemeiit n'a pas ordonné l'expédition do Constantine.
« Vous dites, monsieur lo maréchal, quo cette expéditionest devenue uno nécessité commandita par les cir-
constances, quelles que soient -.d'ailleurs les difficultés ot les .conséquences qu'elle pttisso présenter, et vous
ajoutez quo ces difncuités ot ces conséquences m'ont été déduites dans ta note que votre aide do camp m'a
remise d'après votre ordre. Mais ici encore vous raisonnez dans l'hypothèse où l'expédition de Constantino
a été ordonnée ; vous ajoutez mémo qu'on ost beaucoup trop avança pour pouvoir reculer, et que vous devez
i'i la confiance dont te roi vous honore, ot au pays, do faire, contro votre opinion mémo, co quo lo gouver-

nement jugo utile otconveitabio do faire.


<i
lin co qui concerne les entreprises d'Ahmcd-lley, je vols dans lo rapport du général llapatot, du M oc-
tobre dernier, quo les Arabes ont été battus dans la dernière reucontro qui a eu lieu eu avant du camp do
Dréan, ot qu'on en tira avec raison la conséqnenco quo t'es opérations, si vous faites l'expédition, seront
couronnées d'un plein succès,
', \< Lo (^ouvernomont du roi vous a fait counaîtro bien franchement ses intentions, ot n'a pas entendu vous
.
placer dans une position critique. Il Vous a laissé juge do la question. Il vous appartient do la. décider
selon que vous le croirez le plus conforme uu.y intérêts de la France, ainsi qu'a l'honneur do nos armes. »
(Ministère </•. ta guerre, Direction «éuéruto du personnel et des opérations militaires. Lettre du général
llirnard nu comte Clauzel, lu il novembre 18.0(1.j
Celle lettre est fort miroita j et montre les dispositions du cabinet du tl septembre il .recueillir los fruits
du succès, ot à s'abriter, ott cas do revers, derrière uti désaveu. —Ces insinuations privées .du général lier-
niird, mises en regard do ses éciîls offleiols, ressemblent u une perlkllo dont lo secret nous échappe.
M) L'AFltlQUK FRANCAISK.
sée. Oui, je vous accuse de ne pas vouloir garder Alger; et jusqu'à-co que. vous.,
soyez venu lo jurer de manière à ce que personne n'en puisse douter,même les
puissances étrangères je dirai que vous travaillez-secrètementà col abandon.
,
C'est une volonté secrète, mois follement engagée; que vous faites tout pour y
arriver, J'avais encore mon épée, on me Po ôléo, autant'-qu'on pouvait me i'ôler ;
on a laissé une carrière do victoires trébucher sur un revOrs, sans vouloir lui
laisser-prendre un 'dernier laurier ; on o pensé sans doute que j'étais assez tombé
pour m'empêcher de me relever. Non ,11011, je me relève, moi. Jo me relève
pour rentrer, "la tête houle» dans mes foyers ; et sur le seuil do celle maison
paternelle 0Î1 je retourne, je poserai, entre .moi etla calomnie, nia vieille.'épée de
combat. Bogardez-la bien ; elle n'a ni or nl diamants a sa monture ; elle n'a
que du sang s.ur so lome : C'est le sang des ennemis de la Franco. »
Le maréchal Clauzel ajoutait à co manifeste un grand nombre de récrimina-
tions acerbes contre ceux qui oyaient frappé do blAme son administration. Il so
-plaignait du ministre de la guerre, qui n'avait point publié son rappoit sur les
actions d'éclat signalées par l'expédition de Constantine, et qui n'avait accordé
qu'une partie dos 'avancements demandés on faveur dos officiers, sous le pré-
'; texte-que, celte compagne devant être refaite avec les'mêmes troupes, le gou-
vernement croyait devoir ajourner jusque-là les 'récompenses à distribuer. « On
m'a reproché disait-il encore » la"confiance apparente quo je nion Irais à mes
,
soldats Sans doute je n'ai pas fait comme certains hommes' qui suivaient mon
I

arniée; je n'ai pas, (|tiand les dangers croissaient autour (le inoi, jo n'ai pas dit
.qu'il n'y avait point de salut possible 1 J'ai montré do la confiance, parce que
j'ai voulu l'inspirer ; j'ai laissé voir'do l'insouciance, pour ne pas laisser gagner
Porinée par le souci do son danger; lo rôle do Irembleur ot d'alarmiste ne m'ap-
; poiiona.il pas. Du reste dons cotte triste expédition de Constantine, il 0 été
»
assez habilement joué par un homme qui s'est fait assez mon ennemi potir
qu'il n'y eut plus rien à foire après lui. Que Ceux qui étaient près do moi, et
.qui Trouvaient que la gaieté do mes paroles était une injure pour les frayeurs
(|ii'ilséprouvoieiif,qno ceux-là ne m'aient pas défendu quand on m'a attaqué à
ce sujet, jo le conçois, et je leur pardonne ! "niais lorsqu'un journal a osé écrire
que j'avais -l'ait atteler à ma voiture les mules enlevées aux prolonges des bles-
sés; quand le même journal a ajouté que j'étais -monté dons cette voiture pour
aboinlonnornion armée, que pas un do ceux qui étaient dons celle voilure el
»
qui so trouvaient à Boris, no so soit écrié sur-le-champ : «Ceci est un men-

songe I c'est moi qui étuis dans cem^ voiture, oh lo maréchal Clauzel n'a pas
mis le pied! » et qu'on m'ait réduit enfin à venir dire moi-niémo que d m'ont
celle retraite jo n'étais pas descendu de cheval un moment, c'est odieux, c'est
triste » c'est méprisable, et j'en ai rougi pour eux encore plus que pour moi I
Si. ce fait avait besoin d'un .témoignage dans -lequel lues ennemis doivent avoir
grande confiance, j'attesterais celui de M. Boude, qui était, lui, dans cotto voi-
lure; et, sa us doute il répondrait selon la vérité, si Intitofois il 0 garde la mé-
molrodo co qu'il 0 vu ou de ce '.qu'il a cru voir durant l'expédition de Constan-
tino. D'ailleurs, quaiicl il me disait, sous l'influence du danger : « Dieu est
miséricordieux» i! nous sauvera 1 » il m'a 1Ion né de sa dévotion uno idée qui
me
faitsupposor que la charilé n'en est pas exclue, et que ce n'est pas l'oubli des
/ / LivitL TROISIKMIV. 221

services qu'il a reçus ipi'il pratique chrétiennement, Je h'ui pas ordonné d'o-
bandonner les blessés » pas.-plus.que je'n'ai ordonné d'abandonner le matériel
de moti armée, malgré les conseils empressés de M. Boude. J'ai maintenu la
retraite jour par jour, pos à pas, sons accélérer un moment notre marche, ou
lieu do ni'échnpper d liront lo nuit, comme M. ll.iudo m'en suppl ioi t. Qu'il d ise
donc tout co qu'il soit, tout ce qu'il a pu'..apprendre sous ma-lento.'ou.'je., l'ai,
reçu, u ma table oh je l'ai nourri, dans nia voiture ofijl s'est tenu '. »
Los justifications do M. (llauzol, ou sujet, do lo contribution de'Tlemcen» sont
d'une faiblesse affligeante. Les outres actes de son administration se mêlent aux
vicissitudes ordinaires que subissaient nos projets de colonie depuis le comnion-
comoht do la conquête. L'arrivée de ce gouverneur général avait pitrudu plus
heureux augure; 1l'opinion publique lui otail fovorolile; la population française
lendit à s'accroître un moment, ot quelques capitaux survenus à sa suite/por--.
mettaient aux établissenionts civils une espèce do développementdont leschances
no lardèrent pos o s'éteindre sous des difficultés imprévues, et on face d'une
impulsion qui manqua d'unité et de persévérance2.
Le inaréchal avait pensé qu'il suffisait d'appeler dos .hommes' en grand nombre
sur la terre d'Afrique, et que les moyens de les utiliser so présenteraientd'eux-
mêmes. Il se mit à correspondre avec la plupart des comités agricoles de France
et d'Alloihugno...Sarép.iitatipi"L,'(Pexp(u,iehce et l'autorité de sou nom influencèrent.,
beaucoup de gens incapables de juger de loin les obstocles.-qui les oltoudaient.
Ils lurent promptomonlol cruellement désabusés. Les, Concessionnoires de'-gros,
lois de terrain no furent guère plus heureux. Dès lo..commencementdé son
1 Explications du maréchal Clauzel sur l'affaire de Constantino, p, 4"», •!!) cl frj,—M, J3uude, envoyé on
Afrique au mois d'août 1830, aveo lo litre do commissaire du roi, pour diriger l'enquête prescrite par lo
gouvernement sur les faits relatifs à la 'contribution de Tlemcen, nous semble avoir rempli, avec prudence
cette mission délicate, Il avait, dit-il lui-même, reçu l'ordre do suivre l'expédition de Constantino; il it pu-'
bliéà son retour un recueil d'études sur l'Algérie, dans lequel il se montre souvent observateur profond et.
éclairé. .Sa relation de la retraite de Constantine est aussi exacte que les circonstances lui permettaient de
la faire. I.e maréchal Clauzel l'accuse de timidité i ce reproche ne nous semble pas mérité par un homme
dont la guerre n'avait sans doute jamais été le métier. Jj'ailleiifs'j depuis la semaine qtii avait précédé lo
départ pour Constantine, M. Caude/avait ressenti plusieurs accès do cette cruelle lièvre des murais dont
il est si difficile de se préserver à llonc; ils redoublèrent pendant l'expédition au retour, le mal prit lu
S

dessus. Le baron de la Susse, commandant le Montebvllo, alors mouillé KOUS le fort Génois, lo vil en cet
état, et lo ramena à Alger, Il est vrai de dire que, dans son écrit, M, ..Jia'udo s'est -exprimé d'une manière;
tranchante sur les causes qui lui paraissaient motiver le désastre do Constantino. 1C semble ou faire peser
tout le poids sur le gouverneur général, Kous croyons qu'une parfaite équité pourrait en attribuer uim
bonne part à la conduite du ministre, qui ne devait «u^m/r l'expéiiliou qu'après une exacte appréciation
des foress qu'elle exigeait et des difficultés matérielles qui pouvaient eu compromettra le résultat, J.'ettvoi
officiel en Afrique de S. A. Il, Mgr, le duc de Nemours devait équivaloir, au yeux du maréchal, à tin ordre
formel de se mettre en marche. S'il entreprit la campagne avee plus do courage que de prévoyance,
M. Clauzel ne nous paraît accessible qu'à un seul reproche que nous avons déjà formule s celui de n'avoir
pas jugé suffisamment le côté, faible do la ville ennemie, pour diriger contre ce point la majeure.partie de
ses efforts.
* Tant que la paix ne sera point rendue ù l'Algérie par une décision formelledu gouvernement sur l'usage
qu'il Veut fairo de sa conquête', laul qu'une administration légale n'y sera pas constituée, les capitaux
s'en tiendront prudemment éloignés. Ce commerce de l'argent s'y t'oit .avec.un cynisme Incroyable. Une
ordonnance'royale du 7 décembre 1835 à établi que, dans les possessions françaises, l'intérêt légal, à dé-
faut de conventions particulières, serait (isé à dix pour cent, ou matière éivile et commerciale ; mais le.-s'i.'on-.
Ventsdns particulières devaient faire loi entre les parties. Ainsi en même.temps que le prêt 4 usure tendait ;'i
s'eftacer, il trouvait un vaste refuge dans la tolérance accordée aux usuriers. Il y a, eu J8i(î,à Alger, de-s
homme* qui vivent ouvertement de ce métier, qui ne rougissent pas d'offrir quelques oeuj àsoixante-cinq
pour cent d'intérêt, et qui trouvent des clients! (Ju/c ceux qui ou douteraient se 'promènent, te &oir> dans ia
'galerie Duehassaing. ils pourront signer leur contrat sur les lubies du calé de la Ilourse,
222 L'A h" H L Q U K F U ANC A :

administration, M. Clauzel avait paru disposé à frapper d'un impôt eonsidéroblc


les terres non cultivées par les propriétaires européens; niais il s'en tint fin
simple projet, car ..cotte -.mesureTout attein t comme beaucoup d'autres. Aussi les
spéculateurSj voyant arriver des convois d'émigronts, prétendirent les faire tra-
vailler à un prix tollomont insuffisant, qu'un grand nojnbro do ces malheureux
périrentde misère, les autres se retirèrent désespérés 1.
Un réfugié polonais, lo prince Théophile de Mh'-Mirski, avait obtenu dit ini-
nislèro de la guette, par arrêté .'du "29, juillet 1833, uii lot de Iroismille hectares
dans, la plume de Méiidjah. Ce domaine dont lo haouch.'.[ferme) de Has-Soullia
formait le contre, enihrassaitlIaouch-iMei'edj Ilaouoh-Meridjuh, llîiouch-el-lîey-
el-Cherk ot llaouch'hon-Zoï'ga. Il avait été concédé par le général Voirol à la
tribu des Aribs, sous la sanction du gouvernement* et avec exemptiond'impôts
;

pendant trois ans. Sous l'adniiuistrotion do M. d'Erlon , les Aribs furent dé-
pouillés sans aucun--sujet de plainte, elles bureaux de la guerre, au mépris des
arrêtés précédents, donnèrent ou prince de Mir cettebelle propriété,.franche de
lotit impôt pendant dix ans, à charge par le concessionnaire do payer h l'tëtat, passé
ce ternie, une rente annuelle do cinquante centimes par hectare. Itien ne nous
explique l'utilité do cet acte d'injustice-'commis enVersdes indigènes paisibles, et
qui devaient se croire sous la .protection du gouvernement français, et dûment
pourvus du sol qui leur avait été donné. Lo princo de Mir eut plus de prévision
que le ministère;"et son premier soin fut do conserver sur son terrain tous ceux
dos Aribsqui voulurent y rester, en les établissant comme colons paritaires [jour
un cinquième dos produits. Les bâtiments de llas-Southa, choisis pour centre
.administratif, furent restaurés avec soin, et le prince do Mir les lit surmonter'
d'une croix que les Arabes respectèrent.; On vit alors celte création européenne
donner un -'démenti vivant aux assortions de tous ceux qui, depuis quinze ans,
-.proclament, le fanatisme des Arabes et le système d'oxlcrininalioii, On vit les
cultivateurs européens vivre on parfaite intelligence avec les musulmans, les
enfants des deux races partager:-les mêmes jeux, les femmes se visiter, les
hommes vivre en frères. Malheureusement le 'princo de Mir, imbu des idées
"

féodalesdo son pays, semblait vouloir s'entourer d'une espèce do principauté,


ot régner sur de nombreux vassaux; il épuisa ses rosourecs pour .augmenter la
population do son domaine, et fut obligé do s'adresser à des capitalistes. L'éla-
l «r
spéculation sans frein ot sans terme sur la propriété que no cultivent pas les détenteurs actuels,'
L'a
dans l'atteuto d'un bénéfice à la revente, et quo les véritables cultivateurs no peuvent obtenir qu'à des
Conditions qui les décourûgotit, est une cause do dommago à laquelle on espère prochainement trouver un
remède, » (Tableau- de ta situation des établissements français en Algérie, présenté aux Chambres par la
minlslro de la gtiorro, oii Ï833, p. 282.) 11 appartenait au gouvernement seul de faire cesser pitl' tin acte of-
tiélelcet accaparement al contraire aux intérêts généraux et particuliers dos véritables colons. Il eut été
facile do créer BUÏ le terriloiro soumis do grands établissements agricoles conçus dans un but national,
c'est-à-direencouragés et directement protégés par l'Étal, à l'aide d'un système dirigé par dos vues do justice
ot d'avenir. L'administrations'est bortiéo ù laisser la lorro d'Alger dévorer les cadavres do milliers d'indi-
gents qu'elle y a exportés comme un engrais. Do tant de familles qui s'expatrient chaque utinéo sans res-
sources, les nues demandent comme uno grâce qu'on les rejette sur le sol français; d'autres s'efïorecnt dit
lutter contre lu misère en exerçant quelques trafics sans valeur\ les pères meurent à la peiné j les fils de-
viennent vagabonds, los filles prostituées, .Si l'on publiait la statistique do Ce martyrologe, on en verrait
sortir une sévère leçon pour tant d'Incurie ou do mauvais" vouloir. Co n'est puint toutefois au ministère que
nous adressons co dernier reproche, mais à la prétendue administration civile de l'Algérie, dont les fonc-
tionnaires, a pond/exceptions près, n'oiit pas rinlelligenoo do leur mission, ot ne sont quo les commis du
régime militaire. .
LÎVKK TltOlSlKMK. 2i!3
hljssementdo ltas~S6utha fut mis on actions. Los actionnaires vouhirenl s'asso-
cier a la direclion des affaires ; le caractère du princo -"polonais no pouvait
supporter ni contrôle ni entraves ; après un an do luttes, il succomba; mais le
souvenir de cet essai prouva du moins hautement que la fusion des Arabes avec
les Européens élail loin d'êlreuiio chimère, ot qu'avec dos lumières, do la persé-
vérance et une invariable.équité, un gouvernement civil obtiendrait prompte--
nient des résultats bien opposés aux désastres exploités par quelquesambitieux
do l'ordre militaire.
Do nouvelles tentatives agricoles furent entreprises à l'Ilaoucli-Roghaya par
un colon français, M.Mercier. Un autre Européen,M. Montagne, s'élalilil dans
rOuthaii do Honi-Mouoa; M. de Tonnacdans celui des Kraohoiios, au pied dos
:
montagnes. Los deux premiers n'obtinrent pas de succès , malgré leur activité
.01 leur bon vouloir; mais M. de Tonnac, qui parlait la langue arabe, se mil à
Vivre .seul au milieu dos indigènes, dans uno parfaite sécurité.
beaucoup do concossiouiiairos n'ayant pas les moyens de remplir les obliga-
tions imposées, so désistèrent ou furent évincés par la direclion du domaine,
qui porta au reste la manie des concessions jusqu'à l'abus leplus ridicule;
ainsi, pour n'en.donner qu'uncurieux exemple, elle donnait, le 13 mai l"8!l.'î, à
M. L'ocré, siir le sol de Douera trois cents heclures de torro domaniale, «a cas
qu'il en clristdtsUrccpoint;N..\.acr<S\i'm] a pas trouvé un mètre carré.
/Lo maréchal Clau/.ol prit, lo 22" mars. 1830, un arrêté qui appelait ait service
do la garde nationale lousios Européens Agés do 20 à liO ans. Le 28* il institua
une espèce de petit ministre do la poli co pour toute la régence, sous le titre île.
commissaire général*..-Celle création.,."désapprouvée par le gouvernement, no
vécutqtte quelques mois.
Au mois d'avril,d'inUmdniU civil, M. Lopusrpiicr, ex-préfet du Finistère,
qui s'nccordoit poil avec M.".Clau/.ol,"rentraen France et fut remplacé 'provisoire-',
mort par M. Vullot de Chovigny.
Le 28 octobre, un nouvel arrêté, modifié le .1er décembre, constitua la garde
nationale sur des hases..définitives, et lui donna le nom do Milice africaine,
qu'elle 'a.conservé. Elle so composa de tous les Européens-do 18 ù 00 ans, do-
miciles îi Alger. Lo gouvernement se réservait la faculté d'y adjoindre des com-
pagnies d'indigènes. Tous les emplois d'officiers étaient à sa nomination,lin codo
sévère fut appliqué aux devoirs do'.cotte 'milice,; les' moindres"peines pouvaient"
"aller-de dix ît vingt jours de prison. De nos jours encore, ce régime est d'une
extrême sévérité ; ht 'milice, rangée sous l'autorité des officiers do place,-, est
soumise à tous les caprices et quelquefois même à la brutalité de ces messieurs.
Los,grades sent distribués sans distinction a'.'.dos individus de (ouf pays; gruvo'
inconvenance qui blesse les Français; car le peuple dominateur qui paye do son
sang et do ses sueurs les frais de la conquête, ne devrait pas être commandé
militairement par des parasites étrangers dont la moralité échappe.a toute inves-
tigation. Tous les habitants des villes nigériennes doivent concourir n lu défense'
de tour établissement; mais l'honneur de ce service lie peut upparloiiirqii'u nos
nationaux, (pli devraient choisir leurs chefs j.
t Cet amalgame do gens do toute nation dunalïdul-mujor dos milices africaines a plu» d'une fois entraîné
des coiiséqU'jnces déplorables. Coudant niuii séjour ou, Algérie, un honorablu négociant français, établi à
à2/i^:'V'/:f T;A F 11 T 01 î ft I' HA >f Ç À T S K.

' M. Rrosson remplaça i\L Lopasquicr dans tes ftmcUons d'Intendant civil. Cet
administrateur se montra dignedu poste qui:lui étoit confié. Son premier soin
fut d'étudier à fond l'étal des choses, ot d'éclairer le gouvernement sur la, pluio
que les accapareurs causaient aux véritables> intérêts do la colonie, Sous son
intelligente direction, les travaux publics parvinrent a un notable accroisse-
ment ; dos chemins' vicinaux furent ouverts aux environs d'Alger ; les construc-
tions particulières, soumises à une surveillance constante, activèrent le déve-
loppement des trois grandesrUoSJiali-Azoun.iîab-ol-Otiodet de la Marine, qui
do biplace Koyalo conduisent aux portes principales do la ville. M. l'oirol, chef
du service dos pmits-ol-chuusséos,assura par des travaux admirables la sécurité
du port, et s'occupa du prolongement du môle, oduvro grandiose dont la belle
exécution doit Illustrer lo nom tlo co savant ingénieur. Los aqueducs ot les fbn-
faines furent en partie restaurés; et des essais do dessèchement commenceront
dansia ptaino, autour de Uoil-Farik. :'•,/:-.'•'/ .-'".'
.';. Mal heureusement,aicôté do cos utiles occupations, lo maréchal Çlauzol s'avisa
do supprimer l'hôpital d'instruction d'Alger, oh nos jeunes officiers do santé
pou valent faire, sous les auspices d'excellents professeur, des études fort impor-
tantes sur une foule dp maladies peu connues en Europe '.Cotle suppression
dénolo encore le pou d'intérêt qui s'attachait au progrès do la colonisation ; le
charlatanisme de l'administration algérienne n'a presque jamais placé une
hoirie intention qu'entre doux fautes consommées,

Constantine, eut avec un négociant italien des contestations d'Intérêt, dont le caractère flétrissait la probité
do cet étranger, l'eu de temps après, un emploi,do capitaine vint à vaquer dans lu compagnie de milice
dont tous deux faisaient partie l'Italien fut nommé. Le Français, Indigné do so voir sous les ordres d'un
>.

homme- tara, adressa sutMo-champ à l'autorité militaire une protostation slgnèo par plusieurs de sos com-
patriotes, pour oxposer les antécédents do cet Individu, et solUcltoi" su, révocation comme indigno do se
parer des épattlettes françaises, ko commandant supérieur do Constantine accueillit cette plainte comme un
acte A'insubordination,ol fît intimer au négociant français l'ordre do quitter Constantino dans lo délai de
quarante-huit heures. Ce malheureux, dont cotto Inique mesure devait rendre la ruine inévitable, Implora
Vainement un répit sufrisanl pour tnottro ordro à ses nflaires. A l'expiration du délai fixé, les gendarmes
vinrent s'emparer de lui, et lé conduisirent à iïolie comme un malfaiteur. Voilà un exemple do la protec-
tion quo lesIntérêts et l'honneur des citoyens français pouvout espérer eu Algérie, tant que le despotisme
du sabre y tiendra lioU do loi. :

I « ISOUB le point de vue politique, dit M. Polllsster, cette Institution n'était pas moins utile. On sait que

les Arabes ont fol dans la médecine» qui, do toutes les sciences, est colle à laquelle il serait lo plus facile do
les déterminer. Afiisl, loin do détruire l'hôpital d'instruction, on aurait du en fuira un établissement du
genre de l'écolo do médecine d'Abou-Zftbel,fondée par iiotro compatriote le doctour Clot-Hey, eu
Egypte,
où elle est un Si puissant levier do civilisation. SoUs le comte d'Krlon, un hôpital pour les Aïaoos, dirigé
par le docteur Pptr/.lu, avait élé établi par souscription à hou-Farlk. Cet établissement) no recevant que do
faibles secours* a été presqUe abandonné, »
II eut été digne du gouvernement français de créer, dans chaque vlllo soumise ù sa domination, un hos-
pice pour les indigènes. Chaque malade qui oit serait sorti guéri nous nurnlt attiré plus de partisans dans
les tribus que nos guerrosjnutiles n'ont écrasé d'ennemis. Quand on voudra étudier do bonne fol la question
d'Afrique, on s'étontiofii do Voir apparaître uno foule do vétltôs aussi simples.
lit! OÉNKUVt. DAMIIKMOST.

GOUVERNEMENT M) Gt^ÉRAL nAMIlliMONT,

1/admlnislralîon précédente avait plus d'une fois paru manquer do moralité


et de cette haute justice qui devrait accompagner partout les actes do la France.
Nos bulletins de cette époque sont remplis d'ignobles détails à propos do têtes
coupées ot payées, h pou près commo chez, nous on paye une loto do loup. Ainsi,
pour n'en citer que deux exemples pris au hasard, un ordre du jour du 14 aoht
i8!lB porto"quo 13 têtes d'ennemis et H 50 bêtes à
cornes sont restées entre tes
mains ih nos soldats. Nous lisons dans \u Moniteur algérien du M octobre 183(1
(articleMono)./que 20 tôles ont été envoyées au camp, et 08 rapportées ait bout

: {Observations sur la convention conclue le 1)0 mtti, entre le nouerai Dugeaiid et Abd-el-Kader, adressées,
le 15 juin 18117, an président du conseil et au ministre.-lu h guerre, par le comte de Damrémont, gouvor*
neuf général do l'Algérie,
-
*5i'
22G L'AFRIQUE FllANÇAISE.
des baïonnettes : « C'est \tnc très-belle affaire et qui ouvre très-bien la voie, »
ajouto l'organe,'officiel du gouvernement d'Alger ; ot commo si co trophéo clo
tôtos n'était pas/'suffisant, l'assassinat le complète : sur 10 prisonniers; 9,"après
le combat fini, ont ou la tête tranchée, à '/quelques/-pas du drapeau tricolore,
dans lo camp d'un officier français '.La bastonnade employée a Tfqmcon pour
extorquer do l'or,l'incendio déployé h Maskara, les décapitations, lo pillage dos
bestiaux, érigés -partout en système, toute celle vie de carnage ot do désordre ho
pouvaient quo laisser dos traces funestes dans l'osprit de nos soldats. Quels se-
ront, Un-jour, leurs .souvenirs ait milieu do leurs familles? Quels enseignements
rapporteront-ilsà la veillée? Oui, sans doute, il serait puéril do vouloirl'ordre
dons la guerre; niais toutes les guerres n'ont pas ce caractèro de sauvage exter-
mination quo nous, lui-donnonsen Afi'iquo. Il est triste de le dire, mais à l'heure
,jnêino. oh nous écrivons, après quinze ans do sacrifices on tout genre, les pos-
sessions françaises en Algérie ne sont encore, on réalité, que celles d'un potit
nombre de monopoleurs qui ont;acheté flctlvomont, ou a vil prix, des terres
qu'ils espèrent revendre bien plus cher, lorsqu'elles auront été engraissées por
le sang de nos soldats. A chaque soldat qui. lombby un spéculateur so lève et dit :
Mon bien vaut plus!
Lo général Damrémont, nommé le 12 février 1837, vint prendre, lo 3 avril,
possession do soii gouvernement. La gtiorro somblait un moment, suspendue,
'mais ."l'émir n'était pas'.vaincu dans l'ouest; Tlemcen étaltdo nouveau séparée do
nous par ses troupes, et le général Bugeaud fut encore expédié de Franco a Oran,
avec une espèce do mission secrète et une autorité assez vaguement définie,
'.mais qui, par lofait, devait lo rendre indépendant du gouverneur général. Il dé-
buta par uno proclamation sur i'elleldo laquelle il comptait beaucoup: l'iticon-ï
diodes forêts'-1 en était le moindre épisode. Mais h poino avait-il annoncé ces
vastes projets qui ..semblaient menacer nos. ennemis' d'une défaite foudroyante,
que, changeant tout 'à', coup do'système, il so mit ou rapport avec le juif
Durand, l'intermédiaire d'Abd-el-Kader. Ce '•marchand, 'd'un' caractère peu
honorable, et qui n'avait d'autre but quo d'exploiter tï son profit la lenteur
des négociations, capta aisément la crédulité de M. Bugeaud, cl lui démontra
quo, si les résultats de ses démarches se faisaient attendre, -il. fallait en cher-
cher la cause dans los coiitre-iiégociatioiis tentées parle gouverneur. Le fait est
quo l'émir avait pris 'subitementle parli de s'adresser à M. Damrémonl, et
lui écrivit on "termes adroits, niais dont l'ensemble équivalait à unodemande
dp paix. Ce général dut répondre sur le même ton, et se .montrer-'disposé, h,
accueillir des ouvertures plus complètes ; il en prévint le ministre, de la guerre,
et lut proposa des bases do (railé qui limiteraient Abd-ol-Kader au Chélill'.
Grande fut la colère de M. Bugeaud en apprenant cette nouvelle. Son imagi-
nation naturellement fougueuse accusa, sans plus d'examen, le gouverneur
général d'avoir fait auprès do l'émir des tentatives de nature a nuire aux négo-

1 Discours do M. IlaUdo a la Chambre des députés. (Moniteur universel du II juin Ul87.)


2 « La première campagne commencera quand vos moissons jauniront j elle llnirn lorsqu'elles seront dé-
truites, ainsi que vos arbres ot vos forêt», élu., etc.•> [ï,<ttrc au ministre detagiurre, \K mal 183T.) —N'est-il
point.bizarre do voir un général, distingué -pur «es connaissances,agricoles, déclarer ainsi la guerre û toute
în végétation d'un pays quo la France veut coloniser?
LIVHK QUATU1KMK. 227
-'dations qu'il avait lui-même entamées1'; il prétendit/en-outre avoirscul\o droit
do traiter. Et cependant une lettre .du ministrode la guerre, adressée le 20 avril
1837à M. Damrémout, contenait ce passage fort clair : «Je rappelle au général
Bugeaud que, dans le cours do ses négociations, il ne doit rien faire sans vous
avertir, ni rien conclure sans votre attache. Do votre côté, vous aurez soin do
no/rien arrêter définitivement sans l'approbation du gouvernement du roi, et
do m'adressor, a cet effet, toutes les propositions qui vous seraient faites. » En
vertu do cette dépêche officielle, M. Bugeaud devait -soumeltro ses intentions et
ses actes ait gouverneur général; et cependant il prétendait avoir reçu des in-
structions contraires, car, le 25 mai, il écrivait à M. Damrémout : «Nulle part
il n'y est dit ([Ue vous devez sanctionner la paix que je ferai, et que, selon l'ex-
pression de votre lettre dit \A mai, je .no-dois quo préparer le traité. Si le gou-
vernement vous dit autrement, si vous avez des pouvoirs qu'on m'a tenus cachés,
les quiproquo, les inconvénients qui sont survenus, ne sont ni de votre faute
ni de la mienne. Ils sontdu fait du gouvernement, qui n'a pas établi d'une-
manière nette et bien tranchée la séparation des pouvoirs..... Que la fauto soit
rejetée sur ceux a qui elle appartient..'»'. v '/'.'./.
Mais tandis que M. Bugeaud, trop malheureusement inspiré par un esprit do
mesquine rivalité, perdait un temps précieux a .contester l'autorité supéricuro
du gouverneur général, sans toutefois produire en faveur de ses prétentions un
litre officiel qui les autorisa'^ Abd-ol-Kader''mettait à profit ces regrettables dis-
sidences, dont ses émissaires secrets lui rendaient, jour par jour, un compte
exact. Informé par le juif Durand du désir de paix à tout prix qui dominait,
pour le moment, le caraclè.re vorsalile du général Bugeaud, et craignant do voir
les dispositions énergiques du gouverneur prévaloir sur les intrigues ministé-
rielles, il s'était ha té, do montrer partout sa présence pour ranimer le moral des
tribus hésitantes, pour recueillir les impôts nécessaires u l'accomplissement do
ses vues prochaines, ot.surtout pour fomenter parmi les populations do lu vallée
dicChélilf un.soulèvement qui ne permit pas aux doux généraux français d'opé-
rer contre lui la jonction do leurs troupes. Tout le mois d'avril s'écoula dans
cesdémarehesimportantes. Le premier résultat qu'il obtint fut la soumission do
ChiU'chell, qui reçut un kaï'd de ses mains. Les Bénl-Meiinssers"qui habitent les
montagnes voisines de cette ville, ne /voulurent prendre'parli ni pour ni contre
nous, ot refusèrent-.de payer h l'émir leIribut qu'il exigeait. Pressé par les cir-
constances, Abd-el-Kador-n'insista point, redescendit vers Miliaiiah, où il passa
peu de jours, ot annonça son retour à Maskara. Mais, parvenu sur les bords do
TOiied-ol-Feddah, il fit uno brusque contre-marche, se jeta- dans Médéah, lo 22
avril, arrêta une centaine do Koulouglis dont la présence lui causait doToni-
In'ugo, et les envoya prisonniers à Milianah. Après ce coup do vigueur, auquel

l Lo juif Durand, dit M. lo commandant l'eliissior, voyant qu'il fallait on finir, softs peine do perdro
toulo son importance, trouva un moyen qui lui parut excellents disâl.muiant a l'émir les facilités quo lui
offraient les dispositions pacifiques du gouvernement, 11 lia craignit pas do lui deinundor une somme cou*
stdéraWo pour corrompre, disait-il, los généraux français. Il ne serait pas impossible que l'émir eût trouvé
.
celte diplomatie trop chère, et quo cotte considération ail été ait nombre des causas qui |e déterminèrent à
D'adresser au général Damrémont, l'oiulitiilquo Durand domandalldo l'argent i\ Abd-ol-Kader, il on deman-
dait aussi au général Uugcaud, pour cànonipre, disait-il oueore, les consoillors do l'émir, VoilA jo crois,
l'origine de ces cadeaux de chancellerie dont 11 a été parlé dans lo procès du général Uroaaurd. ,
2;!S L'AFiUQIK Fit A NC A I SK.
personne n'osa résister, il envoya le marabout Shli-Saadi, que nous avons
déjà vu figurer, prêcher la guerre sainte choy. les tribus de l'est de la province
d'Alger,
Le prestige dont s'entoure, depuis 1832, le nom d'Abd-el-Kader, lui fait
trouver partout des hommages el des secours publics ou secrets on faveur de sa
cause, devenue une cause nationale. Dès (pie sa présence à Médéah fut connue,
presque toutes les tribus lui envoyèrent des députaiions mystérieuses ; la ville de
Blidah se déclara ouverleuteiit pour lui, ot los douars campés sous le canon do
Boii-Furik, menacés de l'incursion dos Hadjoutes,contre "lesquels nous n'avions
jamais su les protéger, expédièrent des présents au bey de Milianah pour acheter
leur sécurité, Ainsi l'insurrection gagnait de proche en proche; lo libérateur
do l'Islam n'avait qu'un- signal adonner pour mettre eu feu toute la Métldjah,
et venir planter ses drapeaux devant les remparts (l'Algitr,
Le gouveriioiir général comprit la gravité do celte situation, et,-pour contenir
los Arabes par l'effet moral d'un acte d'autorité, il so porta le 28 avril devant
Blidah. Uno colonne aux ordres du général Bro marcha vers la droito pour tenir
en respect les montagnes des Béut-Salah ; uno autre, conduite parle général
Négrier, fit par la gauche mie nuum.uvro semblable; la troisième, avantù sa
lêto M, do Danirénionlen personne, .so dirigeait par la plaine. Dès le malin, nos
troupes avaient couronné les hauteurs et-'paralysé,la résistance des montagnards,
Lo gouverneur étudia l'assiette do la ville ; son projet était d'en assurer l'occupa-
tion parmi camp placé sur rOtied-el-Kébir, au, point où un .barrage'-:soulevait
les eaux de celle rivière pour alimenter Blidah. Mais les divers chefs do service
lui déchirèrent qu'ils n'avaient pas les moyens do faire .construire avec la rapi-
dité nécessaire les travaux qui'pourraient nous assurer la possession do co bar-
rage, situé dans une petite gorge qui le met on quoique sorte à la-discrétion'des
montagnards. D'ailleurs, il eût fallu détruire la y.ôiic entière de vergers, d'oran-
gers, do citronniers, de figuiers ot do toutes sortes d'arbres à fruits qui entouraient
Blidah du côté do la plaine. Le général recula devant cet acte do vandalisme,
et, songeant a mettre on (ouvre dos. moyens'd'action moins contraires à une
complète'civilisatrice, il ramena ses troupes à Bou-Forik, et borna sa .petite ex-
pédition a l'établissement'do quelques hlokhaus.
Pondant celte tournée, Abd-ol-Kader surveillait do Médéah les dispositions du
général Bugeaud." Hus'siiré sur les événements de l'est par la retraite (le M. do
Damrémont, il reprit le chemin delà province d'Oran, et laissa dans celle de
TittOri son frère El-lladji-Musl.aplia, avec le titre do kholifa, ot la mission do
nous susciter lotis les embarras possibles, sons risquer" toutefois des hostilités
trop manifestes,Cetteligne decQuduilo fut habilement suivie pur ..Mustapha.
Le 9 mai, un fort parti do cavalerie, composé des Amoraouas et des Issers,
vint surprondro la ferme deBeghaya, etsonui l'effroi dans la plaine. Lo gouver-
neur général fit sur-le-champ partir une colonne sous les ordres du colonel
Schauonbourg, du l 01' chasseurs d'Afrique. Du brillant fait d'armes était réservé
à cet officier supériour, sur qui posait malheureusement on partie lo cruel sou-
venir du massacro des El-Oufflas,
A peu do distance à l'est du méridien do la Beghaya, court du nord au sud
une chaîne de petites niontugnesqui bornent, dans colle direction, la plulno de
MVttlvUlJATlUKMK. 221)

Mélidjah, ot lu séparent du bassin dos Issors, Ces monhiguos, assez abruptes,


no présentent-que' deux passages ; l'un est un défilé étroit entre la mor et des
rochers escarpés; on lo connaît dans le pays sous la dénomination significative
de Choroh-ou-Eurob {bois et fuis!). Ce nom lui vient d'une fontaine située dans
ce Hou sauvage, oh lo voyageur a sans cesse à craindre la rencontre des brigands
et (les bêtes féroces, et où,--'par-.conséquent, il ost dangereux do s'arrêter. Lo
second passage, qui s'ouvre a trois lieues plus haut, est un col très-prolongé,
mais qui du reste ne. présente pas do bien grandes difficultés de lorrain. Le pays
oh so trouvent ces deux passagesest habile, du nord au sud, par les Djebils,
les Bou-Khranfar et les Beni-Aïcha, Ces montagnards n'avaient pris aucune
part -directe à l'attaque de la Beghaya, mais ils avaient livré passage à l'ennemi.
',L'approche des Français leur causa do vives inquiétudes, ol ils n'hésitèrent
pas'à-déclarer au colonel Schauenbourg les autours do l'agression qu'il venait
réprimer.- On apprit par eux, eu même -temps, qu'au'delà de leurs montagnes
so formaient des rassemblements hostiles, Muni des instructions du gouverneur,
qui, pour appuyer l'expédition, venait do .faire partir d'Alger, par'mer,' lo général
Porrégaux avec mille; hommes et uno.demi-section d'obustors, pour aller débar-
quer sur les côtes des Issors, le colonel Schauenhoiirg n'Hésita pas à franchir le
col »les Boni-Aïcho, sans calculer le nombre des adversaires qu'il aurait à re-
pousser. Dans la nuit du 17 au 18 mai, il quitta sou bivouac do la rive gaucho
do l'Ouod-Boudouaou, avec, deux bataillons du 2" léger, un du 48% 200 chas-
seurs d'Afrique ou spahis, et malgré une pluio 'ballante qui avait rendu les
chemins presque impraticables, il arriva au col" vors huit heures du matin. Cette
position, faiblement défendue par une centaine do montagnards, ne put résister
a Une vigoureuse 'attaque do front, Le col franchi, la tête de colonne fit iialto
pour rallier les traînards; mais la vallée (les Issors était couverte d'une nuée
d'Arabes et do Kebaïles','conduits pas fion-Znhioui!, qui voulait nous disputer
l'abord du territoire. Cependant celte multitude se vlisporsa,.presque sans com-
battre,devant l'ordre et la décision qu'annonçaient les mouvements do la co-
lonuo française. Deux compagnies du 2° léger, qui balayaient los mamelons do
droite, eurent seules un engagement assez sérieux et perdirent un officier,
/ LeeolOnol Schauenbotirg prit sans hésitation la ligne qui conduisait vers
l'embouchure del'lssor, pour opérer sa jonction avec les manieuvros du général
Porrégaux, Les douars effarés pliaient leurs tentes et fuyaient eu 'désordre avec
leurs troupeaux, ol le soir la troupe française atteignit le rivage de la mer sans
avoir été inquiétée dans sa marche. Mais un violent orage, survenu au moment
oh lo général Porrégaux devait quitter la rade d'Alger, avait contrario son dé-
part, et le .gouverneur avaitdonné contre-ordre, Co fâcheux incident nous pré-
parait une 'lutte extrêmement acharnée; le colonel Sehuuonboïirg so montra
plein de conir et de sang-froid, ot les braves soldats qu'il commandait furent
dignosdolui. '

Lo 19, dès l'aurore, n'ayant plus de vivres que pour un jour, car on avait
compté sur des provisions venues.'par nier, il commença son mouvement de
retraite pour regagner les bords du Boudouaoti par le passage du Cherob-ou-
Eurob, qui lui traçait la ligne la plus courte. Ce jnoment fut celui d'une
Ultaquo générale; Les Arabes et les Kebaïles, qui comptaient nous acculer a Ju
230 IMFRIQUK FBANÇALSE.
mer, fondirent avec des cris effroyables sur lo liane gaucho ot la quouo do la
colonne, Il fallut reprendre lu lorrain pied à pied otconibaltredo niamoloneu ma-
melon contre dos forces qui semblaient se multiplier, La bonne contenance do
nos troupes fut à la hauteur du danger, et ollo.s atteignirent sans portes bien
considérables le passage du Cherob, ou, par bonheur, l'ennemi n'était pas on
.mesure do nous opposer des obstacles sérieux, Après cinq houros de combat, la
colonne arriva sur ioBoudouaou, exténuée do lassitude ot do faim, mais agréa-
blement surprise de la'présence d'un convoi de vivres et de munitions que vo-
uait do lui amener lolloulouant-colonel Bourlon, du 0!î" do ligne.
Le gouverneur, instruit do celte affaire, résolut d'établir un camp sur la po-
sition du Boudouaou ; mais comme la province d'Oran lui semblait devoir être
lo théâtre d'une lutte prochaine contre l'émir, et comme il n'entrait point dans
sa pensée do donnor aux Arabes un funeste aveu do notre faiblesse, en couvrant
do son autorité' les négociations intempestives de M. Bugeaud, il fit successive-
ment revonir sous sa main los colonels Shauonbourg ot Bourlon, avec la ma-
jeure parlio des troupes réunies au Boudouaou, et confia la défonso do ce poste
au commandant de LaTorré, du 2e léger, qui ne dut conserver que 900 fantas-
sins, 45 cavaliers et 2 pièces de montagne.
Cet officier supérieur dut s'occuper inunédialoment dos travaux d'un camp
retranché; mais lo 25 mai au matin, sa polilo garnison fut assaillie par plus
de 5,000 cavaliers qui parurent sur la rive droito, M. de LaTorré lit aussitôtdis-
poser en carré son matériel otsos bagages; doux compagnies ourout ordre d'oc-
cuper lo villago do Boudouaou , ù gauche du camp , et lo pololon do cavalerie
prit position sur la droito, derrière uno ligne do tirailleurs qui liaient outre eux
les points de la défonso,
L'ennemi passa la rivièro et s'établit parmi des ruines en avant du village,
pondant qu'un fort détachement se déployait do manière à couper aux Français
larouto d'Alger; mais colle 'manoeuvre fut brisée par uno charge à fond, exécu-
tée avec uno brillante ardeur.par notre poignée de cavaliers. L'avantage était
déjà décidé on notre faveur, lorsqu'uno sonnerie mal comprise faillit tout com-
promettre. Lcsdeux compagnies embusquées dans lo village, ayant cru ontondro
lo sighuUlo la relraito, évacueront aussitôt eetto position, qui tomba dès lors
au pouvoir do l'ennemi, Deux autres compagnies placéos sur la droito du
camp, trompées par co faux mouvement, s'étaient également repliées. Les Ara-
bes nous cornaient; les officiers voyant lo péril so jetèrent ou avant et crièrent :
A la baïonnette! Nos soldats répondirent à co noblo élan, ot marchèrent à l'en-
nemi sous un fou roulant qui ne put les arrêter; on se joignit corps à corps;
ce fut uno lutte meurtrière do part ot d'autre; mais la victoire dovait rosier à la
tactique ot à la discipline ; lo villago tut ropris, los autres positions furent oule-
.
véos rapidement, et nos obusiors débusquèrent les fuyards .qui voulaient se ral-
lier parmi les ruines, Enfin l'arrivée d'une compagnie du 48e, envoyée.-do .'la
Beghaya au bruit du Combat, fit croire à l'onnoini que co faible renfort était
l'avant-gardo d'une colonne, et il se retira, mais on bon ordre, on enlevant ses
blessés, et en tiraillant toujours jusqu'à ce qu'il Tôt hors do portée.
Cette bollo défense, dont lo succès honore lo chef do bataillon do La Torré, fit
sontir lanécossilé d'uno démonstration décisive, Le gouvernour général expédia
LIVUE QUATUlfiME, n\
siir-lo-champ doux colonnes pour prendre une offensive éclatante, La première,
commaudét! par M, do Si'huuonbmirg, so porta vers le défilé do Choroh-ou-Eu-
rob. Lu seconde, dirigée par le général Porrégaux, franchit--le coi dos Boni-
A'ïcha, Cos deux troupes, combinant leurs opérations,dispersèrentde nombreux
rassemblements, et jetèrent parmi eux une tollo épouvante, que, le 28 mai, los
marabouts des Issors vinrent nu camp du général, à Itaoueh-Nakrel, au bord
de la nier, et implorèrent sa pitié, on offrant toutes sortes do satisfactions. Lo
corps oxpédilionuaife rentra dans ses cantonnements,- ot une dépulallon dos
(ribiis do t'est so rendit à Alger, pour porter au gouverneur ta soumission des
insurgés, L'iufiuonce do noire succès s'était', fait sentir jusqu'à la petite ville do
Dellys, à 'l'est "du cap Bongut, qui nous livra pour otages son Iiakom, son
kodi, et plusieurs do ses notables, Ainsi, par les mesures fermes ot prudentes do
M, doDamrémont, lo foyer do la guerre s'éteignit dans l'est do la proyineo d'Al-
ger, Los Uudjoulos tenaient encore la plaine, et tontaiontde fréquentes razzias
sur les douars 'abrités dans lo rayon de nos postes, Lo gouverneur général leur
opposa sur toutes les directions d'excellents officiers; le chef d'escadron d'état-
major Maumot, son aide do camp, fut chargé do couvrir lo Sahol ot d'observer
la valléo du Mazafron, Lo général. Négrier, 'campé à Bou-Furik, d'où il no pou-
vait prendre une utile offensive, fut bientôt r(\jolut par M, do Damrémout lui-
même, qui préparait uno expédition sur Médéah ou lo Chéliff, selon los nou-
velles que lui ferait parvenir M. Bugeaud, dont il espérait encore le concours
actif, bien loin,'de prévoir l'issue des forfanteries bellhiitouses île co comman-
dant supérieur, Mais du..moment oh'il allait se mettre on nuircho, quelques
cavaliers du khalife do Milianah lui aiiporlèronl des dépêches do M, Bugeaud,
et la copio d'un traité do paix signé avec Abd-el-Kador, le 30 mai, sur Ja Tafna,
Désolédo voir rhonuour français compromis par les intrigues secrètes ou l'in-
capacité vaniteuse d'un négociateur à tout prix, M, de Damrémout rentra dans
Alger, pour attendre que le minislèro se prononçât sur un acte dont la conclu-
sion prénialUréo engageait tout notre avenir, en détruisant tous les fruits du
passé. '-,' : '-'-';/ '

Nous avons signalé le conflit d'autorités qui s'était élevé outre lo gouver-
neur général et M. Bugeaud. L'indépendance quo ce dernier s'attribuait sem-
blait aussi contrairo à la disciplino qu'à l'unité si nécessaire au bien do nos
opérations. Nous ayons dtV signaler les "accusations, d'une haute Inconvonanco
et d'uno inqualifiable brutalité, dont M, Bugeaud s'efforça do flétrir Jo caractèro
do M. do Daniréniont. Le .gouverneur général opposa uno -modération .'pleine do
dignité aux aveugles déclamations d'une rivalité qui, no s'appuyant que sur
une mission mystérieuse, devait mériter: une répression sévère do la part du
pouvoir officiel constitué on Algérie. Malhourouscinonl cet admirable esprit do
tolérance ot do conciliation no nous conduisit qu'au déplorable résultat quo nous
allons déeriro V
i Ujto correspondance violonté s'engagea outre MM. Damrémont et IJugeaud. Ce dernier la termina par la
lottro que voici : — « Général,je vous dois uno réparation, jo vais vous la faire avec franchise. Abd-ol-Kadar
assure quo votis no lui avez jamais fuit do propositions do paix. J'ai donc été trompé par Durand, qui
jouait un double jeu, pour obtenir Aen concessions dés doux parties contractantes, on mendiant à l'utto et
A l'autro. Il travaillait surtout a sa foi tune; c'est un homme sordide. Je no l'ai pos om ployé dans cesdor*
nièros négociations ! j'ai traité directement.- Recevez mes exousos, générul; efface» do votro esprit los-im»
pressions qu'ont diV y laisser mei roproçhosmal fondés. » (Au camp de la Tafna, lo Si) mai 1837.)
SÎV3 ,' L'A Fit IQ F F Kit ANC AI SU.
Pondant que M, do Damrémont s'occupait dos al l'a ires de l'est, 'une'.dépêche
ministérielledu 10 mai avait abandonné an boit plaisir do M. Bugeaud lasohitioh
dos événements par un trailé ou par une victoire ; ot celui-ci, tout glorieux de
son omnipotence passagère, se lu\(a déjouer, à la létod'uuo brillante division
française, en face d'une poignée'do" cavaliers arabes sans organisation, lo plus
'triste rôle dontl'histoire puisse garderie souvenir; d'un Irait do .phiiue.il allait
faire d'un petit chef do tribu un haut et puissant souverain, dont nos drapeaux
soraiont réduils à saluer lo bernons.
Les négociations s'étalent engagées,do la .part do M, Bugeaud, avec, une
activité fébrile.'; los propositions de paix furont d'abord établies sur une.ligne
conforme aux instructions du ministère; mais bientôt des hésitations so niant-
foslèront dans l'altitude d'Abd-el-Kader, Lo H niai, les pourparlers étalent
rompus; l'émir ne voulait laisser à la Franco que le Sahel d'Alger, et dans la
provinco d'Orau le polit pays situé onfroBridjaotla Macta. Lo général Bugeaud
so mit on roulo, le 15 mai, avec 9,000 hommes 1, pour aller ravitailler Tlemcen,
faire évacuor lo camp do la Tafna et revenir opérer sur le Chélilf, Il outra le
20 à Tlemcen, ot retourna; lo'i.'l, surla Tafna,
Le juif Durand, qui continuait son rôle de négociateur,: vint alors le prévenir
qu'Abd-ol-Kader consentait à traiter avec lui pour la province d'Oran, mais qiio,
pour colle do Tittorl, son inlenlion était do s'adresser diroelenient au gouver-
neur d'Alger, Brossé d'en finir, le général expédia lo 21, au camp do.l'émir, un
indigène nommé Sidi-lIomudi-Bon-Sokkal,.qui rapporta 16 lendemain des pro-
positions plus:agréables à M, Bugeaud, Abd-ol-Kader consentait à traiter avec.
lui soûl, pourvu quo la provinco do Titteri fôt abanddnnéo, Cotlo exigence in-
quiéta un moment la 'responsabilité de' notre général, car lo gouvernement lui
prescrivait de limiter Abd-ol-Kader sur la vivo gaucho du Chélilf; il oui même
laponséodo consulter M, Damrémont, et lui écrivit quo s'il no'croyait "pas de-
voir .approuver cotte condition du traité, los hostilités coïnmoncoraient, Mais,
renonçant presque aussitôt à toute couiniunicatlon.av.eelo gouverneur général,
il prit sur lui do passor outre, et envoya le jour mémo son projet de trailé on
Franco par un baloau à vapeur.
Un nouvel incident parut om.'oro renouveler les oiuharras. Le projet do traité
contenait la stipulation d'un tribut annuel payable par l'émir; mais Ben-Sekkiil
rovint déclarer qu'Abd-ol-Kador repolissait cette clause. M. Biigoaiid consentit à
sa suppression comme il avait abandonné la provinco de Tlttori, et le traité fut
échange lo 30 mai V

t Cette colonne formait trois brigades, commandées par les généraux I.eydot ot Kulhières ot le colonel
Combes, — 1" brigade'; le 1" de ligne; lo y bataillon léger d'Afriquo,— 9* brigade: les S3* ot 21'do ligne.
les 47* ot 03' do ligno. La cavalerie so composait du S' chasseurs d'Afrique ; dos spahis ré-
— 8' brigade; —
guliers; des Douers ol Somelas, auxiliaires. L'artillerio avait 13 pièces do montaguo; le convoi comptait
550 mulots ot 300 chameaux, fournis par les Arabes auxiliaires,
8 lîniro le lieutenant général Bugeaud, commandant les troupes françaises à Oran, et Vernir FJ^lladji-
AbA-el-Kader-Oulid'Mahiddin,a été convenu lo traité suivant:
1" L'émir reconnaîtla souveraineté do la Franco on Afrique,
2° La Fronce so résotvc, dans la provinco d'Orati, —Mostaghanem,Mazagran et leurs territoires; Oran,
plus un territoire limité a l'K. par la rivière do la Maota et lo marais d'au elle sort; au S, par tino.ligiie
parlant du marais ci-dessus moutionné, passant par Je bord sud du lac Sobka, et so prolongeant jusqu'il
l'Oucd-Malah (Hio-Salado), dans la direction de .Sidi-.Saïd, ot do cotte rivière jusqu'à la mer, do manière à
ce que tout le terrain comprisdans co périmètre soit territoire français; — Pans 1» province; d'Alger, A ly'er,
IIVU QUATIUkMly
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(lotte convention, presque humiliante pour nos armes, souleva l'opinion pu-
blique ot les chambres ; lo ministère, effrayé de'cette manifestation, protesta Je
ll> juin, par l'organe du comte Mole, président du eonsolj, -que le traité do la
'
tafna no serait point..ratifié sans modifications importantes; et cependant, te
même jour, un ol'hVior supérieur parlait do Paris pour porter au général Bu-
geaud l'approbation complète du gouvernement ;ot'uno dépêche télégraphique,
rédigée on termes qui no laissaient aucun doute, annonçait à M, Damrémout
celle mesure hupolitique ' !
Ainsi toute convonauco avait élé méconnue, tout intérêt trahi, tout devoir
foulé aux pieds ; pour arriver au terme do sou leuvro, dont les -conséquences
naturelles équivalaient a l'abandon de l'Algérie,M. Bugeiuul s'était soumis sans
réserve et sans contestation à toutes les exigences de l'émir; il avait, do sou
autorité privée,' réduit à néant les ordres du Bouvoir, secoué tout conlrêle, et
rédigé même les tenues do son traité avec uno telle précipitation et si peu do
soin,-quo ces expressions, traduites au hasard on arabe devaient donner lion
,

leSahel, la plaine do Métldjah, bornéo a VU. jusqu'à l'Ôtièd-Kaddaru et nu delà; au S., par la première,
crélo do la premièro chaîno du petit Atlas jusqu'à la Cliifl'a,nit y comprenant Ulidah et sou territoire! à VO,
par la C'hfiVa,jusqu'au coude du Mazafran, et de là, par une ligne droite, jusqu'àla mer, renfermant Koléah
ot son territoire ; do manière à ce quo tout lo tarrain conquis dans on périmètre soit territoire fiançais.
as L'émir administrera la province d'Oran, celle do Tittorl, ot la partie do celle d'Alger qui n'est pas com-
prise, à l'0.,dans la limitq indiquée par l'article 2, Il no pourra pénétrer daiis aucune autre partie do la
régence, '

4° L'émir n'aura aucune autorité sur los musulmans qui voudront habiter sur le territoire résorvé à lu
Franco ; mais ceux-ci resteront libres d'aller vlvro sur lo terrltoito dont l'émir a l'ridmlhistratioii; commo
les habitants du territoire do l'émir pourront s'établir sur le lorrilotro français.
5" Los Arabes vivant sur lo territoire français exerceront librement leur roligion. Ils pourront y bâtir des
mosquées, et suivre oii tout point leur discipline religieuse, sous l'autorité do leurs chefs spirituels,
(i" L'émir donnera à l'armée française 30,000 fanègues d'Orriu do froment; 30,000 fanègues d'Oran d'orge,
et 5,000 boeufs, La livraison de ces denrées se fora à Oran, par tiers, La première aura Hou du V au
15 septembre 18117, et los doux autros do doux mois en dons mois,
7'L'émir achètera en Franco la poudre, le soufre ot les armes dont il aura besoin.
8' Les Koulouglis qui voudront rester A Tlemcen ou ailleurs, y posséderont librement lonrs propriétéa,
et y seront traités comme les lladars (citadins). Ceux qui voudront so rotirer sur Ja territoire français,
pourront vendre ou affermer libromontleurs propriétés,
O" La Franco cède à l'émir : Ilarchgouiïo, Tlemcen, lo Méchonar ot los canons qiti étaient anciennement
dans cotte citadelle, L'émir s'obijgo à faire transporter à Oran tous les ollots, ainsi que les munitions do
guerre et do bouche delà garnison do Tlomcon,
10' Lo commerce sera libre entre les Arabos et les Français, qui pourront s'établir réciproquement sur
l'un ou l'autre territoire. ."'*."'.'./ :
11° Les Français seront respectés chez les Arabos, comme les Arabes chez les Français. Les formes et
les propriétés quo les Fronçais auront acquises ou acquerront sur le territoire arabo leur soront garanties.
Ils on jouiront libromont, et l'émir s'obligo à romboursor les dommages
quo les Arabesi Jour foraiont
éprouver. '

,
138 Les criminels dos detix territoires seront réciproquement rondiis,\
13» L'émir s'engage à ne concéder aucun point du littoral à uno puissauco quelconque sans l'autorisa-
tion do la Franco,
14° Lo cbmmorco do la régence no pourra so faire quo dans les ports occupés par la Franco.

15° La Franco pourra entretenir dos agents auprès do l'émir, ot dans les vilies soumises à son admi-
nistration, pour servir d'intermédiaire près do lui aux sujets français, pour les contestations commerciales
ot autres qu'ils pourraient avoir avec les Arabos. L'émir jouira do la même faculté dans los villes ot ports
français. '.-
Dépêche télégraphique do l'avis, du lo juin 18.37, à cinq heures et demie du soir. Lo ministro do la
1

guerre à M. le général de Damrémont, gouverneur général : «Le roi a approuvé aujourd'hui le traité
conclu par le général niigeaud avec Abd-ol-Ktidor. Lo lieutohaut-Dotonel Delaruo part aujourd'hui pour
porter cotto approbation au général Bugoaud,A Oran; il se rendra ensuite à Alger, Jo vous enverrai copio
do co traité par le courrier. »{ Pour copie, signé Ult, Lomatstro.)
" '. ' ' ao
m i/AFlUOlIlvJVUANtlAiBi:.
bientôt à do nouvelles contestations au profit d'Abd-el-Kader. l'itait-codonc là
que devait aboutir celle volonté du gouvernement français, formulée si peu de
temps auparavant- ou cos termes si clairs t «Le traité conclu par lo général Des-
mictiols se trouve aboli, ot l'intérêt de la France s'oppose à ce que ce traité soit
renouvelé. Un nouvel arrangement qui on reproduirait quoique partie ferait de
nouveau d'Abd-ol-Kador .une puissance. // n'aurait rien pn'du à nous faire (a
guerre; et nous tu'pouvonssouffrir .qu'il parvienne à HO, replacer dans une posi-
tion semblable à celle qu'il s'était l'aile par le traité du;iîO lévrier jHIli. » Se
charge maintenant qui voudra d'expliquer lés singulières allures de notre poli-
tique, et de nous révéler les engagements occultes qui -pouvaient'-existerentre
un général qui sacrifie la gloire el les intérêts do son pays et les agents d'un
pouvoir dont les ordres apparents ont été transgressés, olquine trouve cepen-
dant ni blamo ni désaveu pour une conduite flétrie par l'opinion publiquo l
J\Tous avions 'commisuno premièro faute par l'adoption du Imité Dosinichols,
qui avait élevé Abd-elrKader, do simple 'marabout, au rang d'émir; aujourd'hui
le traité de la Tafna on faisait l'égal de la France,Coreligionnaire des tribus
répandues autour do nous, Abd-ol-Kader exerçait sur elles un pouvoir de fait
quo nous subissions sans le reeoniiatlro ; mais nous avons ajouté le droit nu
fait, on ne le niera pas davantage, ot c'est par là surtout que notre conduite pa-
raît blêniable, Alger conquis, notre position exigeait .qu'on " ne tolérât aucun
rival auprès de nous. La supériorité devait exister d'un côté, l'infériorité-do
l'autre; dans celte situation, l'inimitié partielle, les exactions, l'inquiéludo eus-
sent incessamment traversé notre occupation; nous devions nous y attendre;
'/mais ces obstacles, le temps et les lions Ir'u'ilomo'uts', l'intérêt ou nos ormes en
eussent peu à pou triomphé, Au lieu do cela, nous avons démoli la puissance
turque et 'bâti lu puissance arabe ; 'nous'n'ayons l'ail quo changer d'ennemi '.
La conduite do M, Ihtgoaud n'a trouvé qu'un apologiste,dont les raisonno-
monts, comme conseiller d'état, paraissent bien faibles dans cette circonstance.
« Après la victoire de la Sikkak, dit M, 'Genty- do Bussy, Ahd-el-Kader, vaincu,
mais non soumis, avait cherché une retraite à.'Maskara; mais 'colle retraite
n'était en réalité qu'une trêve, et ilne voulait par là quoso donner lo lomps de
'réparer ses portes, pour nous attaquer de nouveau,. L'occasion ne se fit pas at-
tendre, Nos affaires avaient pris une, physionomie plus sombre; d'une part, -le
retentissement de l'échec do Constantino, et l'affaiblissement momentané, du
pouvoir qui on avait été lu '.suite ; de l'autre, là présence d'Abd-el-Kader dans la
province do Tilleri, à Médéah, et les efforts qu'il y avait faits pour soulever les
populations contre nous, l'appui enfin que lui prêtait son /voisin l'empereur de

»'" t « M. le général Bugeaud, dit le commandant l'cdlissler dans ses -Annales, s'est repenti plus d'nno fois
d'avoir signe ce. traité,. 11 suffit do lo lire, et do connaître tant soit peu les niïairos d'Afrique, pour e'tr'o con-
vaincu que, si c'était là tout ce quo lo gouvernement voulait faire, il était fort inutile do mettre à grands
frais uno division en campagne, et do détourner M, Uugeaud do ses occupations législatives et agricoles;
car il u'ost pas permis do douter que, sans sortir d'Oran, ot sans tant d'apparat, lo généra! Brossard n'eut
pu en faire autant. » (T, III, p, 357.)
'.',. <: Abd-ol-Kader, écrivait eu 1813 M. lo capitaine d'état-màjor Coblano do Prébois, ost un croqucmifaiiie
qu'exploitent cimpablemout les héros de l'Afrique, ot qu'ils sont parvenus ,\ faire.considérer, on France,
.commo l'onnoml qui no'is arrête en Algérie ; ol c'est sans examen sérieux et raisonné de la question que
los chambres prodiguent l'argent ot los hommes, taudis qu'elles discutent aveu lésinerie los summua faibles
"qui leur sont demandées pour les grands travaux do colonisation.» (L'Algérie prise au sérieux, p. 81.)
f.iVRK QFATUÏKMK, 835

Maroc, tout avait concouru à accroili'e sa puissance et son hostilité, Le général


ïiugoaud avait laissé la Franco fatiguée de faut d'agitations et do coursés stériles,
'pou disposée dos lors à Continuer.un, système aussi'onéreux pour le budget quo
funeste pour uno armée qu'il.tondait à diminuer tous los jours, Dans celte dispo-»-
sillon d'esprit, il était sensible qu'elle 'acceptait à l'avance tout ce qui pourrait
avoir pour luit de ramener le calme, Fiillu co n'était point la première fois que
nous consentions à .traiter avec, les Arabes '..»..
Mais l'opinion publique n répondu qu'une honte no rachète jamais nu revers;
—-.que leseul .moyen (le relever./les esprits découragés était do frapper un
grand coup; — quo M. Hugoaiul, avec neufmille hommes ot un peu do bon
vouloir, pouvait attirer Abd-ol-Kader et détruire ses masses confuses, comme il
avait su le faire à la Sikkak; — et que» si les véritables intérêts de la Franco
devaient rendre alors un traité profitable, ce imité, soumis aux chambres avant
d'être ratifié', eût il il placer Abd-ol-Kader sous notre autorité, sous notre surveil-
lance;—il eût détruit le vain prestige dont M, Ihigeaud s'est efforcé do l'entourer
depuis lors dans ses bulletins, dans ses écrits, dans ses discours: «Je ino.ronds'
garantilo l'émir, disait ce général; jo (trouve la foiquo j'ai dans sa parolo, par
la grande responsabilité que j'assume sur/ma., tête.'4,» Mais oîi donc avdl-il ap-
pris à connaître l'émir? A quoi prix lui a-t-il cédé un si -vaste lerritoiro, lotit
arrosé du sang do nos soldats?
F.n recevant dos mains do son envoyé lo doublo du traité, revêtu du cachot do
l'émir, M, Uugeaud sentit le besoin de voir au moins une fois, do près, co sou-
verain né de ses oeuvres, dontil.se rendait garant, sur sa tétei II lut fit deman-
der uno entrovtio pour le lendemain, à trois lieues du camp français, ot a six
ou sept do celui dos Arabes. Abd-ol-Kader y /consentit3.''
Lo général so rendit, lo" 1°*'juin', avec six bataillons, son artillerie et sa cava-
lerie, nu lion fixé pour le rendez-vous ; mais, à son grand désappointement, il
n'y trouva point l'émir, Lo jeune chef musulman,qui venait do nous vaincre
sur le papier, n'avait gardo, on.oll'ol,- do compromettre sa nouvollo position par
dos avances inutiles. Toutes les concessions -qui lui avaient été si libéralement
faites l'autorisaient bien à prendre uno altitude de supériorité ; ot comptant
/dès lors lotis los avantages placés de son côté, il n'avait fait quo rapprocher son
bivouac, pour so laisser rejoindro par le diplomate français, dont la visite, selon
les moeurs arabes, allait paraître un hommage .officiel .rendu au oaraeloro do
.souveraineté quo lo traité lui-reconnaissait. M. Bugeaud, trop/préoccupé sans
doute des ovations que le litre de pacificateur lui faisait rêver dans l'avenir,
excusait do son mieux les retards d'Abd-el-Kader; Témir n'avait-il pas sept
liouos à faire? '.et n'était-ce pas une énorme distance à franchir pour un corps
do cavalerie? Cependant vers deux houros après midi l'émir n'avait pas donné
signe do vie, ot les soldats commençaient à soupçonner uno mystification, lors-

l De rétablissement des Français dans la régence d'Alger, t, I,r, p, Cl,


'- Lettre à M, le comte-Mole, président du conseil des ministres, écrite du camp do la Tafna, le 29 mat 1837.
3 M, Ïiugoaud laissa rédiger sur cetfo aventure uno sténo do roman quo publièrent plusieurs journaux
do l'époquo. 11 était loin do prévoir l'accueil quo l'opinion publiquo allait faire au trailé do la Tafna; otsou
orgueil no lui pormit pas do remarquer qu'Abd-ol-Kadcr l'avait reçu oit vassal plutôt qu'on plénipotentiaire,
Mois l'honneur do touehor la main d'un soimrain, qu'il devait plus tard'comparer A NAPOLÉON, pouvait bien
en r.o moment fairo capittitor quelques suscoptibilités, •
m l/AFUKU'F F UA NOUS F.
<pie arrivèrent enfin quelques Arabes qui apportaient les tins des paroles dila-
toires, et les a u Ires des espèces d'excuses : — l'émir avait élé malade; il n'avait
pu quitter sou camp qu'un peu tard; peut-être dcniandornil-ilque l'entrevue l'Ut
ajournée, D'autres Arabes vinrent successivement annoncer que l'émir u'élail
pltisluiii; puis il était fout près, mais arrêté; enfin un dernier porteur de pa-
roles engagea le général à s'avancer un peu, disntil qu'il ne pouvait tarder à
rencontrer Abd-et-Kader.
Lo sentiment exquis dos convenances nationales prescrivait peut-être à M, Bu-
geaud de se retirer devant le peu d'égards et de considération que semblait
ttlloeter l'émir, Lu effet, vis-à-vis d'un personnage re\èln, à ses yeux, d'une
plus haute importance, et qui aurait conservé le droit de se l'aire respecter, le
chef arabe se serait conduit avec plus de convenance; il aurait délaché un de
ses lieutenants pour justifier ses délais, son état de maladie on lotit autre motif.
Il n'en fil rien, et M. Uugcaud no parut point comprendre le ridicule de sa po-
sition; la eitriosilé l'emporta.
Il était tard. Plus fatigué qu'ému par huit heures d'atlenle vaine, ce général
arrêta ses troupes et se porta on avant, suivi de son état-major. Après avoir
cheminé pendant une heure parmi les détours inconnus d'une gorge étroiie,
entrecoupée île collines, et où l'on no voyait pas très-loin devant soi, il arriva,
vers six heures du soir, en lace de la troupe arabe qui se massait, au fond d'une
vallée, sur des mamelons épors. A ce moment, un chef de tribu vint l'avertir
qu'Ahd-el-Kader se trouvait à peu de distance, sur un coteau qu'il lui montra
du doigt. Il fallut marcher encore pendant près d'un quart d'heure; on lit bonne
eoiilouonco, et l'on aperçut enfin l'escorte de l'émir qui s'avançait, au pas, dn
côté des officiers français, M, Hugeaud, eu se risquant ainsi, avait fait prouve
de courage personnel ; mais si ces mêmes Arabes, dont il a trouvé tant de mal
à dire depuis qu'il s'est voué à leur extermination, n'avaient [tas élé un peuple
honnête, religieux, ot fidèle observateur du droit des gens, le plénipotentiaire
de la Tafna pouvait se trouver enveloppé avec son élnl-major, et réduit à la-
bourer les terres de l'émir en attendant sa rançon, Mais Alul-t l-Kader, en fin
politique, louait plus à un hommage qu'à un esclave; un général français ve-
nait do se rendre, sans armé»!, sans appareil, nu milieu de son camp! i)u(>
pouvait-il désirer de plus après un trailé qui lui avait tant donné?
L'aspect de l'escorte arabe otl'rail une des scènes les plus dramatiques que l'on
puisse imaginer; ou pouvait y compter deux cents chefs, d'un physique re-
marquable que relevait encore lit majesté de leurs costumes. Ils étaient tous
montés surdos chevaux magnifiques, qu'ils faisaient piaffer avec uni. extrême
1

élégance. L'émir les devançait do quelques pas, sur un coursier noir qu'il ma-
niait supérieurement ; plusieurs Arabes tenaient les élriers et les pans de son
bernons. Le général Hugeaud lance sou cheval au galop, arrive auprès de l'émir
et lui tend la main. Abd-ol-Kader met pied à terre et s'assied sans engager son
visiteur à l'imiter. Celui-ci prend place à ses cotés ; une longue conversation
s'engage.
— Sais-tu, s'écria M. Hugeaud, qu'il y a peu de généraux qui eussent osé
faire le traité que j'ai conclu avec toi? Je n'ai pas craint de l'agrandir et d'ajou-
ter d ta puissance, parce qwje suis assuré quo lu ne feras usage do la grande
i.i,-iiAi),ii-Aiii)-r,i.-i\Aiu:ii.
LTVnKQUATHÏI^lF, 237
existence que nous le, donnons que pour améliorer le sort..do la nation arabe,
et la maintenir en paix et en bonneIntelligence aveo la Franco,
— Jo te remercie de tes lions sentiments pour moi, répondit Abd-ol-Kador ; si
-J)iou le veut, jo forai lo bonheur des Arabes ; et si jamais la paix ost rompue, co
no sera pas do ma faute.
/: -— Sur ce point, jo nie suis porté ta caution auprès du roi des Français, As-
tu ordonné do rétablir les relations commerciales avec Alger et autour do nos
.

villes?.'.:'
•— ISon; jo loferaidès que lu m'auras rendu Tlomcon,
/—; Tu sais bien, reprit le général, que je no puis te le rendre quo quand lo
traité aura élé approuvé par loon roi,
*—
Tu n'as donc pas lo pouvoir do traiter?
~~ Si,'mais il faut que mon
trailé soit ratifié : c'est nécessaire pour sa ga-
rantie; car, s'il était fait par moi tout seul, un autre général qui me remplace-
rait pourrait lo défaire,
— Si lu nome rends pas Tlemcen, comme tu le promets-'dans, lo traité, jo no
vois pasla'-nécessité de faire la paix ; ce ne sera qu'une trêve,
— Cela esl vrai ; mais c'est toi qui gagnes à celte trêve ; car, pendant le temps
qu'elle durera, je no détruirai pas tes moissons,
— Tu poux lo faire ! cela nous ost égal; et à présent que nous avons fait la
paix, je te donnerai, par écrit, l'autorisation do brftler tout co -que tu pourras;
lu ne poux en ravager qu'une bien faible partie.,, et les Arabes no manquent pas
do grain,
'— h crois, reprit M. Hugeaud, que tous no pensent pas, comme, toi ; et quel-
ques-uns m'ont remercié d'avoir ménagé les campagnes,
Abd-el-Kador sourit d'un airdédaigneux, et.'.demanda ensuito combionil fal-
lait do temps pour avoir /l'approbation'du roi (les Français, Sur l'observation
qu'elle ne pouvait arriver .avant trois semaines, l'émir fit un goste d'iiupalieuce;
— Kh bien, on co cas, reprit-il, nous ne rétablirons les relations oonimoiv
claies qu'après (pie la paix sera définitive,
Le général, un pou omharrussédo la tournure quo prônait l'entretien, jugea
prudent de ne pas insister ; un mot do plus pouvait replonger son iBuvre dans lo
néant; et M. Bugeaud,cédantaux difficultés do la situation qu'il avaitlui-même
cherchée, se crut encore un grand politique,' Pressé de terminer Uno entrevue
pendant laquelle l'émir lui avait constamment témoigné peu do sympathie, il so
lova pour prendre congé, a Abd-ol-Kader restait.'assis, dit-ilplus larda ta cham-
bre dos députés; je crus voir dans cet acte un certain air de supériorité; alors
je lui fis dire par hion interprète ; -—Quand un général français so lève devant
toi, tu dois te lever aussi. Et pondant que mon inlerproto lui traduisait ces pti~K
rôles, avant même qu'il eût fini do les traduiro, je pris la main d'Abd-el-Kader,
et jo lo soulevai : il n'est pas très-lourd '.»-Nions no contestons pas cette anec-

i
Biographie anonyme publiée Limoges, on 1810, nvoo la devisa du maréchal Bugeaud : jinse etaratro.
1

— « Plus qtio personne (dit lo biographe), ot sons crainto d'otro contredit, lo maréchal Hugeaud pont répéter
aveo la Tour d'Auvergne, le premier grenadier do Franco s J'appartiens h la patrie; soldat, je lui ni voué
mon bras j citoyen, je fais respdotor ses lois, »
Plus loin , il ajoute (p. 40) ou parlont du traita do la Tafnn :
— < Los amis du maréchal lui ont entendu
dire souvent que lo trnltâ n'était pas avantageux) mais, commo 11 n'était pas alors partisan do l'occupation
238 L'AFIUQUK FRANC A TSF.
dote qui fit sourire la chambre ; nous ajouterons seulement que celle, main que
M. Hugeaud tint un moment dans la "sienne est jolie, mais petite et faible, et
qu'Abd-el-Kader est lui-même d'une staturo frêlo et délicate- '.
Quand cette triste comédie fut achevé», les doux interlocuteurs s'éloignèrent
après s'être salués froidement. L'émir s'élança sur son cheval, au milieu dos ac-
clamations.do son escorte, que répétèrent tous los Arabes qui, des versants des
collines, avaient assisté à celle scène. Des témoins oculuh'es ont évalué à près
de dix mille chevaux l'armée d'Abd-el-Kader, massée en grande profondeur sur
um ligne de plus d'une demi-lieue. Au moment oh finit l'entrevue'', éclata un
long et .'violent coup do tonnerre, dont les échos multipliés ajoutèrent à tout ce
quo eollo scèiie avait d'iuip'osim.t, Le' collège arabe 'frémit, des cris d'admiration
se firent entendre pondant que.M. Bugeaud rejoignait ses -'troupes, eh conti-
nuant à s'eiitretonir d'Abd-ol-Kader et du beau -spectacle" auquel-on avait
assisté.
Lorsque les Arabes font la paix sur un pied.d'égalité, ils la sanctionnent par
des salves générales de coups de fusil; ce genre d'honneur que se rendent chez
eux les guerriers n'avait point signalé la visite du chef français."Cet oubli vo-
louloiro prouve assez, que l'émir jugeait le traité commo un aveu do noire fai-
blesse, et qu'il croyait accorder la j'iaix plutôt que la recevoir, Si M. Hugeaud,
avant son malheureux essai diplomatique , avait recueilli quelques renseigne-
ments sur los tuteurs'musulmanes,il se serait convaincu que sa démarche isolée
lui prêtait, aux yeux des Arabes, l'attitude d'un vaincu, et ce n'était-'pas celle
quo devait accepter sou courage. Les officiers de la colonne qu'il avait luissée si
longtemps à plus d'une lieue en arrière, fort inquiets do co qui pouvait lui être
arrivé, songeaient a marcher à son secours, lorsqu'ils le virent reparaître. On
lui représenta le péril auquel il venait de s'exposer ; sa colidulie, en effet, sem-
blait colle d'un intrépide partisan plutôt que d'un général ' (l'arméo : — « Mes-,-
de l'Algérie, il pensa quo co. traita donnerait à la Franco le temps do ïéfléehll'. On se rappelle, dii rosta,
combien lo représentant de la France, dans Pontrovuo qu'il eut aveu Abd-ol-Kader, so mollira- jaloux de la
dignité dû pays. »
l Abd-el-Ktidei' est Agé aujourd'hui d'environ trente-neuf ans. « ,Sa laillo est médiocre, dit M. lo com-
mandant Peilisslori il a pou d'einhonpoitiii sii physionomie, douce , spirituelle et distinguée, ressemble
assez au portrait qu'on nous a donné tnulitloniio.lleni.oiit do Jésus-Clirlsts sos yeux sont fort beaux; sa
barba est rare ot nolroj sas mains sont jolies et 11 en a un soin particuliers 11 porto sa této un pou penchée
Vers l'épaule gaucho j ses manières sont allecttlouses et pleines do politesse et de dignité{ il «o livre rare,
ment u la colore, et reste toujours matli'C do lut; sii conversation ost animée ot quelquefois brillante ;
toute sa personne séduit) H ost dlfllclio do lo Voir sans l'aimer. —Il n'a qu'iina femme,qu'il aime tondra-
nient. Ha famille su compose d'une tille, et d'un fils qui lut est né peti do jours avant l'eillréo des Fran-
çais (VMaskara, Toujouts vêtu très-simplement, son costume est celui d'un pur Arabe, sans aucune espèce
d'ot'notnmiti il n'emploie quoiqueluxe que pour ses armes ol ses chevaux. Il vivait dans cotte -ville, sans
garde», et comme un particulier. Il est honnête homme} rien n'est plus éloigné de suil caractère qitu In
cruauté t il gouverne les Arabos aveu justlco et douceur, et donne, par la, Un démenti formel et permanent
à'cou* qui soutiennent aveo tant d'emportement qu'on no peut les gouverner que par la terreur ; il s'est
toujours montré, lorsqu'il l'a pu, clément ot gétiéroux envers sos/tmiiemls. Voilà tut caractère que nous no
croyons pas flatté, et qui sera reconnu par tous ceux qui ont vu do près l'original, Avec plus d'habileté et
tlo eotivenant'o dans ses relations aveo lui, lu France aurait pu lu mettre dans sa dépendance, et alors on
tirer d'immenses services. Maintenant 11 s'est élevé trop haut pour qito liutis songions « autre chose qu'a
lo renverser complètement.»..(Annales algériennes, t, 11,p.DoH,) ;

Un oi'licier de marine, M. Oefranco, prisonnier d'Abd-el-Kader depuis lu 12 août 188(1, et rendu au gé-
néral Hapntot aU IHOIKdo mal Î8.')7, a éerlthi relation du sa captivité. H fait, .4 quelques mots près, h)
mémo portrait de l'émir, et sulotm dus ndouclssoiiionts qu'il ou obtenait i\ s.t triste position. '(Cinq mois
de captivité ches tes Al'ote, 3 Vol, iu-S"; l'nrls, 1H.')7.)
LlVlti: (Jt]iVTlUKMl% m
sieurs, dit-il, collo multitude d'Arabes no fait rien à l'affaire; il n'y a là que dos
individualités, et pas de force d'ensemble. J'aurais bien vile ou raison de ces
dix millo cavaliers avec mes dix bataillons et mou artillerie !» M. Hugeaud a
laissé imprimer ces paroles ; si elles expriment sa conviction /pourquoi fit-il si
bon marché dos intérêts de la France?
.11 suffit, eu oll'et, de jeter tin coup dVeil sur la carie doTAigério pour appré-
cier '.combien pou nos intérêts avaient été ménagés; resserrés autour d'Oran et
d'Alger, nous voyions Ahmed-Hoy et Abd-el-Kader dovenir les véritables maîtres
du sol oïl nous avions déjà enseveli, On sept ans, trois fois autant do Français
quo lo gouvernement turc entretenait do soldats. L'expédition de 1.830, telle quo-
la restauration l'avait connue ot exécutée, avait eu un résultat remarquable,....
sous le rapport financier; c'est ta seule guerre poiit-êtro qui n'ait rien coulé au
vainqueur ; nous étions alors vérilablenieiil conquérants. Mais peu à peu nos
faiblesses/ ont porté leurs fruits, et le traité de la 'l'ufiia, révélant à Abd-ol-Kader
tout ce qu'il pouvait espérer, nous a conduits,de conséquence eu conséquence,
à dépenser aujourd'hui cent 'millions par ah. (l'est nous qui sommes conquis.;,'
l'Afrique s'est emparée do/lu---Franco'.,:-"on lui jetant dés bulletins fantastiques/.,
pour le plus perde son or.
/ Les esprits qu'indigna cette mesure désastreuse se souvinrent alors des anti-
pathies (pie le général Hugeaud éprouvait pour la colonie et qu'il avait plus
,
d'une/fois haulomènt proclamées à la tribune. On disait, do tous côtés, qu'il
n'avait montré .envers l'émir tant do condescendance que pour mieux annihiler
notre domination"..Quoi qu'il eu soit, it crut devoir expliquer sa/condiiihs et
justifier, auprès du ministère, la liberté qu'il s'était donnée do traitera sa giiiso.
« J'ai toujours pensé, écrivait-il la veille 'mémo du traité, quo 'dans les grandes
circonstances un général ou un homme d'tètal, doit, savoir prendre sur lui une
grande responsabilité, quand il ala conviction qu'il sert bien sonpays. (lo
principe,.gravé depuis longtemps'dans mou esprit, je viens d'en faire l'applica-
tion. J'ai cru qu'il était, de "'mon devoir,' comme bon Français, comme, sujet
fidèle ot dévoué du roi, do traiter avec Abd-ol-Kader, bien que les délimitations
du territoire soient différentesdo celles qui m'ont été indiquées pur le ministre
do la guerre. Je me suis dit que le ministre ol ses bureaux de pouvaient juger
les nuancés de la question .comme moi, qui suis sur les lieux. J'ai, d'ailleurs,
reconnu (pie l'on était encoredominé, h Paris, par des idées qui pouvaient être
justes il y a lin an ou/di.v-liuit mois, mais qui ne Sont plus, aujourd'hui, eu
rupportuviio les circonstances. J'ai l'ait'.con'uaiire,,piir'inailép.écho du î27 (qui a
liasse par l'Espagne), le peu d'Importance que j'attachais à nodonner à Abd-
ol-Kader quo toile au telle portion du territoire; (pie mémo jo trouvais des avan-
tages à'lui; céder, plus, parce qu'il nous ollïail plus de garanties do sécurité et
plus d'avantages comiuorehuix (pie des boys sans influence que l'on voudrait
établir entre l'émir et nous,,.,, Jo.réponds que la Connaissance (pie j'ai acquise
du caractère religieux ol sincère do l'émir, comme de sa puissance sur les
Arabes, me donne la conviction profonde 'quo.toutes les .conditions.serontp'U'-
l'ai loi ne nt exécutées, Je nie rends garant de -l'élu If, et je prouve la foi quo j'ai
dans su parole, parla grande responsabilité que j'assume sur ma télé,.,
« Je l'avouerai cependant, une seule pensée m'a "l'ait hésiter : il huit, mo
2/iÙ L'AFHIQUK/FRÀNÇAISÉ
suls-jo dit, Irois semaines ou un niois avant que ce traite puisse être autorisé
/pur Jo gouvernement, Cet ospiico do temps est le plus propre à la guerre contre
les Arabes; ce sera une campagne à moitié nianqhéo;-.quo ponseru-t-on'/de mol
commo militaire? Voici comment j'ai vaincu ces scrupules : J'ai d'abord envisagé
tout co qu'il y aurait do barbare, de déchirant, à incendier les moissons d'un
peuple qui no demande pas mieux que de Imiter, et avec qui j'ai trailé; et puis,
j'ai considéré (pie la Campagno serait .encore'--très-profitable on juillet, qui
sera, celte année , la véritable époque des"-'moissons' du froment; et que si lu
campagne commence plus lard , elle se prolongera aussi plus longtemps. SI le
traité,"mal exécuté, no remplit.pas nos espérances, ne "pourrons-nous pus luire,
1'nnnéo prochaine, ce (pie nous voulions faire cette année? IÂs Arabes le redou-
teront, car ils avaient porfailoniontcompris toute la puissance dévastatrice d'une
colonne commo la îhloiino. Ils disaient liuutomont qu'ils savaient bien qu'ils no
pourraient pas in'empêcher do 'brûler leurs moissons, mais qu'ils fuiraient vers
le désert, oit Ils avaiont dos provisions en/réseryo, et qu'ils reviendraient/quand
la lassitude nous Ibrcorait à rentrer dans nos places.
« On me dira pout-étre ; (lommont, avec de tels avantages, n'uvez-vous pas
pu limiter Abd-el-Kàdor dans lu province d'Oran ? J'ai fait tout co qu'il était
humainement possible de faire pour atteindro ce but; et jouirais obtenu d'Abd-
ol-Kudor livré à lui-même quelques concessions; mais les autres chefs et lés
marabouts so sont écriés plusieurs fois qu'ils aimeraient mieux mourir que de
céder davantugo. il u fallu "disputer longtemps pour obtenir l'article 4, qui établit
que les .'.musulmans .qui vivrontsur notre territoire no seront pas soumis à lit
domination' de l'émir. Il n'a pas pas fallu moins do débals pour obtenir la con-
cession do quelques portions de territoire uppnrlonnnt à des tribus dévouées.qui;
les premières* ont élevé Abd-ol-Ko.der sUr le pavois. Enfin il n'est presque pus
un article qui n'ait été vivement disputé..... J'ai la ferme persuasion qu'il était
impossible d'obtenir davantage avant d'avoir fait une longue guerre semée de
;
succès...,, '/,
« Tout sanctionno : mon. traité, excepté co seul passage dos 'instructions du
ministre do la guerre i *— « Y^ous devez insister d'une manière absolue, comme
vous m'en annonce/ vous-même l'intention, pour réserver autour d'Oran lu zone
((lie vous ave/, 'indiquée, et pour renfermer -Abd-ol-Kader, dans la province
d'Oran, Dans celle-ci mémo vous devez exiger pour limite^ si ce n'est lo rddduh,
au moins le Cliulilf,et n'abandonner à Abd-el-Kudcr ni Milianah ni (Ihoreholl,
Les trois points essentiels dont vous ne deVcz pas vous dépurlir, c'est lu souvo-
ralheté de la France, la limilalion d'Abd-el-Kader dans la province d'Oran,
bornée un moins par le tlhéliltV c'est-à-dire on laissant on dehors (iheroholl et
Milianah et lu réserve de la zone que vous avez indiquée.depuis i'IIubru jus-
,
qu'au Hio-Suludo, »
« (!e qui a dû m'otihurdlr à passer outre cos prescriptions, c'est que l'idée,'pro-
inièro de celte délimitation paraît avoir été prise dans ma correspondance".avec

mêmo'.y
V I
'
lu minisire; ce sont donc, eu quelque sorte, des idées,que; je modifie,'niol-

- -
Lettre du général Hugeaud
TUUIU, tu 90 Ulttt 18'J7,
'
'IK. /.' -.'-./

'
.//y^H^/•'-/
/"S^ ^•\, :',;>'\
' ..;'-":.-
à M. le comte Mole, président du coiis/lldoâ mtyliuros, écrite'au fctihtp du la
fî^ '''l;/''.^ 'J'V- '-"/i '' '
LTVRF QUATUJÙMK. 2/il
Lorsquo le gouverneur général, qu'on avait.laissé dans uno Complèto Igno-
rance do cos faits," reçut pur les émissaires d'Abd-el-Kador uno copie dh traité,
il adressa au mlnistro do la Gtiorro ot au président du Conseil les observations
suivantes, oh se révèlent il.la".l'ois une sérieuse connaissanco des choses et lo
sentiment lo plus élevé do l'honneur national ;
« Une convonlion a été conclue, lo '10 niai, entre M. lo général Iîugeaud et
"l'émir Abd-el-Kador. (lotie convention semblo inexplicable; elle soulève mille
objections; on so domande'comment il était possible do prévoir un dénoiVinent
pareil, aux projets annoncés, aux efforts faits par le gouvernement pour réduire
l'émir, On recherche les causes qui ont amené un résultat aussi imprévu, aussi
fâcheux, et les conséquences qui s'ensuivront pour -la'puissance.et. Indurée de
notre établissement dans-le nord do l'Afrique I —Cotte convention rend l'émir
souverain 'do fuit de toute l'ancienne régence d'Alger, moins la province de
Constantino cl l'espace étroitqu'il lui a plu de nous laisser sur le littoral autour
d'Alger. Elle le rond souverain indépendant, puisqu'il est affranchi de tout tribut,
que les criminels dos doux lerriloit'os sont rendus réciproquement, que les
droits'relatifs à la monnaie île sont pas réservés, et qu'il entretiendra des agents
diplomatiques chez; nous, comme nous on aurons chez lui.:
w Ft c'est lorsqu'on à réuni à Oran quinze inilto hommes de bonnes troupes,
bien commandées,/abondamment pourvues do lotîtes choses; lorsque (les dé-
penses considérables ont été fuites, ; lorsqu'une guerre terrible a été annoncée
avec éclat, que, sans sortir l'épée du fourreau, ail moment oh tout était prêt pour
que la campagne s'ouvrit avec vigueur, a Oran comme à Alger; c'est alors, dls-je,
que tout à coup on apprend la conclusion"d'un traité plus -favorable à l'émir
que s'il avait .remporté les plus brillants avantages, que si nos armées avalent
essuyé les plus honteux revers! Que pouvait-Il exiger^ que pouvait-on lui ac-
corder de plus après une défaite totale ? Il y a peu de jours, on voulait le forcer,
lo réduire à la paix, e'est-à-diro, jo pensé, lui on dicter les conditions; et tout
.à.coup, sans qu'aucune circonstance apparente ail changé notre situation ou la
sienne, on lui accorde plus qu'il n'avait jamais songé iVdeiuander; plus, assu-
rément, que les ndvorsutros les plus ardents de notre établissement on '-Afrique
n'ont jamais osé l'espérer l Ou souscrit un traité peu 'honorable pour la Franco;
ou -abandonne salis pitié des alliés qui se sont compromis pour nous, et qui le
payeront do leur tête; on nous met, en'quelque sorte , à la discrétion de notre
ennemi. Il y a peu do jours que l'on donnait pour instructions do no permettre,
sous aucun prétexte, à -Abd-ol-Kader de sortir do la provinco d'Oran ; ou pur-
lait "même do le limiter à POucd-Fcddah; on Insistait, avec raison, sur l'impor-
tunée do conserver Médéah ol Millunn, pour y placer des boys indépendants, et
éviter la réunion de toute lu puissance arabe dans les.mains d'un seul 'homme';
et voilà.que d'un seul trait de plume on cède à cet homme, la provinco de Tit-
tei't, Chorehell, uno parité de la Métldjàh, et tout lo territoire de la province
d'Alger qui se trouve hors des limites qu'il nous a fixées, ot sur lequel II n'avait-
encore ni autorité ni prétentions 1 Ainsi, tous nos préparatifs, toutes nos dépenses»
toutes nos .menaces n'ont abouti qu'à un résultat pire que celui qu'on aurait
obtenu si, sans déplacer un soldat et sans dépenser un écu, on avait négocié
depuis Paris, par l'intermédiaire du plus humble do nos agonis diplomatiques!'.
;
s\i<n-"N/ ; ; ; :M
2/i2 L'AFRIQUE FRANÇAISE»

« Los résultats do la guerre n'étaient pas douteux. Abd-ol-Kader n'aurait pas


accoplélo combat; s'il l'acceptait, il aurait été'battu partout; son infuntorio au-*
rait été détruite, sa cavalerie dispersée; lui-mémo 'rejeté dans lo désort. Nos
troupes auraient semé l'épouvnnlo, agi puissamment-surl'imagination des
Arabes, fait comprendre à tous qu'ils doivent opter entre la paix avec la Franco
ou l'abandon d'un pays quo nous pouvons ruvngor chaque année, même avec,
do petites colonnes. Il fallait essayer du moins; tout était prêt, les dépenses con-
sommées, l'arméo pleine do confiance ot d'ardeur; quo "risquait-on? Quoique -.
opiniêtre ot orgueilleux que l'on suppose Abd-ol-Kader, il est impossible quo
ses défaites no l'oussont pas rendu plus Iraitnblo, et quo, dans son conseil, des
voix no so fussent pus élevées pour proclninor quo nos succès étaient l'amvro
do Dion, ot pour prêchor lu soumission. Kl lors mémo qu'on eût élé décidé à lui
donner tout le pays quo lut laisse cotte convention , il eût élé d'une meilleure
politique do lo faire après qu'il aurait éprouvé la force do nos urines.,.,
« Enfin quelle nécessité de traiter, si on voulait lo faire do celte manière?
:
Nous avions assez do forces, môme.on rontrantdnns los limites du budget ordi-
naire de l'Afrique, pour nous établir '.solidement dans lu Métldjuh ot autour
d'Oran. Qui nous empêchait de lo faire ? d'annoncer que, pour le moment,
nous nous renfermions dans ces limites, quo nous voulions vivre en paix avec
lofi Arabes, et que désormais nos armées no seraient employées qu'à protéger,"
on dedans de ces limites, nos colons ot nos alliés, et à repousser toutes les agres-
sions? Co système, poursuivi avec persévérance, avec modération, avec énergie,
dovail réussir on fort peu de temps, Les Arabes on auraient promptoment com-
pris les avantages; ils savent bien qu'il leur ost impossible de nous résister,
encore plus do nous faire évacuer lo pays; ils auraient peu à pou repris leurs
habitudes do commerce, et la paix se serait établie d'elle-même. Abd-ol-Kador
aurait peut-être grandi malgré nous; mais du moins la'question restait entière,
intacte; nous n'étions pas liés; nous conservions la faculté do profiter de
toutes les circonstances favorubles, et surtout notro liohneur n'éprouvait aucune
atteinte ; nous n'étions pas humiliés, rabaisses aux yeux dos Arabes 1
M
En Franco, on a los idées los plus fausses/ sur Abd-ol-Kader ; on s'exagère
sa puissance, ses ressources ; on lo croit un grand prince, on lo mot presque sur
la ligne du pacha de l'Egypte, On perd do vue qu'il y u quutrn ans, cet hommo
n'était rien; que la position qu'il a acquise, co sont nos fautes qui lu lui ont
fuite; que l'influence dont il jouit,: c'est nous qui l'avons créée, On oublie
combien il a élé rabaissé l'année dernière} on no tient aucun compte des haines
et dos rivalités qu'il a soulevées, do sos spoliations, do la lassitude des Arabes,
du besoin qu'ils ont do commercer avec nous, de lu misère, du découragement
ouquol ils sont livrés. Enfin» et ceci est le pire de tout, on ne prend aucun soin
dos populations éloignées qui, après avoir réclamé noire protection, ont résisté à
l'ennemi commun, se sont refusées à lui rendre hommage, l'ont utlnqiié, bullu,
et oiit fuit souvent une diversion utile à notre cause» Que doviendront-olles?
Qua deviendront surlout leurs chefs, aujourd'hui qu'ils ont amassé sur eux la
haine et la vengeance de l'émir? Ce traité ne stipule rien en leur faveur; mau-
dissant notre alliance, ils uchèleroiit leur soumission aux .conditions les plus
dures, ils la cimonteront du sang dos principaux d'entre eux, S'ils réussissent à
LIVRE QIJATIUEMK. 243
«migrer, ot qu'ils viennent nous demander un asile, quo soru-t-il permis do leur
répondre?
«Enfin, voyons l'avenir qUo nous prépare lo traité. J'admets qu'on ait l'in-
tention do le maintenir, et qu'il duro plusieurs années; car, si on n'avait traité
quo pour obtenir uno trêvo do quelques mois, j'avoue quo jo comprendrais
encore moins ce système, puisque jamais nous no serons placés dans des con-
ditionsmeilleures pour la guerre que nous ne sommes aujourd'hui ; mais si
nous supposons quola paixdurora, pur exemple, trois ans (et cette supposition
n'est pas invraisomblàbloi puisqu'il est dans l'intérêt d'Abd-ol-Kader de prolon-
ger un état de choses aussi avantageux pour lui), nous le verrons' mettre hnbi-
lomorttlo temps à profit, pour étendre sa domination sur les Arabes, pour de-
venir lotir chef spirituel, lorsque nous lo déclaronsdéjà; lout* .'maître temporel ;
pour former un soûl otgrand état, compacte et bien discipliné; pour se créer un
trésor par des impôts qu'on n'osera pas refuser, et plus encore pur lo commerce
quij-malgré la prétendue liberté de l'article'JO, no so fora qu'avec su permission
ot à son profit ; surtout enfin pour améliorer et augmenter ses moyens de dé-
fense et d'agressioncontre nous. Trop prévoyant'pour-no'pas so préparer à
uno nouvelle lutte désormais inévitable, trop éclairé pour no pas 'reconnaître lu
supériorité de notre organisation militaire, mais trop suges.pour l'imiter servi-
lement, il s'appropriera colles do' nos inventions dont il pourra faire usage ; et
quand le moment do recommencer la guerre sera venu, nous/retrouveronsles
Arabes plus nombreux, mieux armés, plus instruits*/ plus confiants. Leurs
moyens do résistance se seront puissamment accrus, et nos chances de succès
auront diminué dans une égale proportion. — J'ai dit qu'Abd-el-Kader dovion-
drait le chef spirituel/des-Arabes"; pour y parvenir, sa conduite est aussi adroite
quola nôtre a été inhabile. La prière se faisait, dans lu régence, comme elle se
fait encore dans tout l'Orient,du nom du sultan de Constantinoplo. L'émir a
obtenu quo lo nom du sultan serait remplacé par celui de l'empereur deMaroc,
dont il se dit le lieutenant. Laissons-le faire, ot bientôt la prière se fera ou son
nom. Si un jour il tient cotte arme puissante à la main, il sera maître de sou-
lever les populations à son gré, ot do les .déchaîner contre nous, pario double
motif de la religion et do là haine do l'étrahger.
«Si j'arrivo maintenante, l'examen des urticles du traité,'jo trouve, d'abord.qho'
la reconnaissance de la souveraineté de tu Fruhce n'est qu'un vain mot» puis-
qu'il n'est point expliqué eh quoi consistera cotte souveraineté vis-à-vis d'Abd-
el-Kader; au contraire, partout il est traité .commo un égal. 11 ne paye point do
tribut ; ii aura le droit do rendre la justice en son nom, do battre monnaie ;
car apparemment, si on eût voulu l'en empêcher, on aurait pris lo soin do'iq
dire. Abd-el-Kader n'est pas homme à en négliger lu remarque. Qu'est-ce donc
que cotte souveraineté qui, on traitant avec lui, lo rend maître do tout le pays,
moins deux petits coins que la France se réserve? Il est vrai que l'émir s'en-
gage à ne Commercer qtio dans les, ports occupés par nous, et à no concéder
aucun point du littoral à une autre puissance, sans l'autorisation de la France;
mais l'obligation oh l'on s'est cru d'introduire cette dernière réservé n'ost-ollo
pas là theilloure prouve du pouvoir indépendant d'Abd-el-Kadef? Et, quant à
l'nuire, elle est un peu illusoire, car co qu'il ne fera pas à Dellys ou à Cher-
2A/i L'AFRIQUI" FRANÇAISE.
cheH, il lo fera dans le promior petit port du Maroc, aveclequel, sans doute, oh
no prétend pas entraver son commerce.
«Si /j'examine la "délimitation qui résulte do l'art. 2, jo vois quo, dans lu
province d'Oran, Moslaghanom et Mazagran rosteront séparés d'Oran et d'Ar-
zew, c'est-à-diro qu'ils seront en état constant de blocus. Puisqu'on guidait ces
deux villes, il était naturel do les lier à la zone duo nous conservons. Pour cet
effet, au liou do se borner à la Macta, il fallait garder los montagnes ah delà do
cette riyibro,- qui s'étendent lo long do la mor, et leursversants dans la plaine,
et no s'arrêter qu'à l'embouchure do ChéliflV Cette extension valait mieux (pie
je Itio-Salado et ses environs.
«Dans la provinco d'Alger, la délimitation est plus défectueuse encore. Qu'est-
ce qu'une limité comme la Chifl'a, qui, les trois quarts de Tannée, n'a pas doux
pieds d'eau, qu'on peut franchir partout* etdont la rive opposée est habitée par
la population la plus turbulonto do la régence?Pourquoi rie pus garder au moins
toute la plaine do Métidjoh? pourquoi en abandonner une dos parties les plus
riches, sans avantage et sans nécessité? Certes, uno telle prétention était bien
modeste, ot jamais, à ma connaissance, la possession de cette plaine n'avait été
mise en doute. En l'occupant tout entière, depuis Chénoiiah, qui domine Chor-
clioll, jusqu'aux crêtes dos montagnes qui lu bornent'au sud, nous étions maî-
tres dos routes do Médéah et de Milianah',; et du col do Mouzaïa, do ce passage'
si difficile, qui est la clef do le Métidjnh d'un côté et de Médéuh do l'autre.
«L'article!) cèdeàt'éniirlu position do llurcligoune, Ccttopositionuvuitoupour
but d'empêcher les Arabes do recevoir,à la Tafna, des armes et des munitions.
L'étublissement que nous y avions formé répondaità son objet. Pourquoi l'aban-
donner, ot quel intérêt Abd-ei-Kader u-l-il à cette/évacuation? Do deux choses
l'une : ou il .Veut'observer lo trailé de bonne foi, et alors il doit> aux termes de
l'article-ib, renoncer à faire le commerce do la Tafna, ou il so promet de violer
cet article, et dans ce eus la possession de Harchgouno nous est nécessaire pour
en assurer l'observation.
«L'article 18 et dernier est encore une reconnaissance de la souveraineté iiide-
jiendatile d'Abd-el-Kader ; cor il place ses agents :sur le moine pied quo les nôtres.
Leur titre n'est pas déterminé, rien ne stipule .qu'ils devront reconnaître lu sou-
veraineté delà Frunce, et se considérer comme tes envoyés d'un pouvoir établi
pur elle, et dans sa dépendance»;
«Enfin, quelle est lu garantie de ce Imité ? Quel gage Abd-ol-Kader donno-
l-il à lu France de son désir d'en observer les conditions, de sa sincérité, dosa
bonne foi? Aucun; lo général Bugeaud le dît lui-même. L'oxéculion du traité
ne repose que sur le caractère religieux et moral do l'émir. C'est la pre-
mière fois, sans douté, qu'une pareille "garantie a fait partie d'une convention
diplomuliquot Muis ulors, comment serons-nous à l'abri d'une rupture impré-
vue, d'une Insurrection subite et générale, qui ruinerait nos colons, et cohte-
raltla vieil un grand nombre d'outre eux?
« Je me résume» Le traité n'est pas AVANTAOKUX , car il rend l'émir plus puis-
Haut qu'une.victoire éclatante n'aurait pu le faire, et nous place dans une posi-
tion précaire, sans garantie, rossorré.s dansdo mauvaises limites. Il n'est fias
îioNottAtni:, (nw notre droit de souveraineté ne repose sur rien, et nous abandon-
LIVRE QUATRIEME 2/i5

lions nos alliés; il 'n'était pus NÉOUSSAIIUI, car il no dépondait qiio de nous do
nous établir solidement dans lu Métidjoh et autour d'Oran, et do nous y rendre
inattaquables, en réservant l'avenir *. »
Nous n'ajouterons pas un mol à co document officiel, d'une si incontestable
valeur, ol quo les phrases do M. Bugeaud n'ont pu réfuter.
L'oeuvre était consommée. Le 12 juillet 1837, un bataillon du Ml0, qui avait
relevé le commandant Cavnignac, évacua Tlemcen ; la division Bugeaud était
rentrée, dès le .1), à Oraii. Peu do jours après, lo gouverneur général reçut,
à Alger, une lettre d'Abd-ol-Kader ainsi conçue : « Lounnges à Dieu seul. —
L'émir des croyants, Sidl-el-lIadjt-Abd-ol-Kador nu très-illustro gouverneur
Danirémont, chef des troupes françaises a Alger. — Que le salut et la bénédic-
tion d(i Dieu, ainsi quo sa miséricorde, soient sur celui qui suit la voie do Injus-
tice. — Tu no dois pus ignorer la paix quo nous avons fuite avec le général
Bugeaud. Nous aurions désiré que la paix se fit par ton entremise, parce que tu
os un homme sage, doux et accoutumé à ce qui so pratique dans lo conseil des
rois. Mais le générul d'Oran nous -ayant écrit qu'il avait la signature du /tut pour
traiter, ainsi que cela a. ou lieu, vu aussi sa proximité, nous avons passé avec
lui un note authentique à ce sujet, comme la nouvelle t'en est parvenue en son
entier. Jo suis donc maintenant avec toi sur la foi et le traité liasse outre nous
et la nation 'française Calme-toi donc do ton côté ; compte que tout tournera à
bien ot selon tes désirs, Tu n'éprouveras 'aucun mal de ce que pourront faire/
les Arabes (Uns contrées placées,.sous mon autorité, du côté de Bou-Farik, de la
Métidjnh et dos environs. — Dans pou, s'il plaît à Dieu, je nie porterai'de ton
côté; je forai cesser le/désordre ; je tirerai au clair toutes les affaires, tant avec
toi qu'avec d'autres, pour qu'il ne reste plus rien .qui ne soit on harmonie avec
lu raison. —Si tu as besoin do quelque chose qui soit on notre pouvoir, nous
te satisferons, et nous ne resterons pus on arrière. Il doit on être de même do
loi ànoiis. Ainsi, que tes lettres nous arrivent, demandant'tout ce que tu yeux,
comme -cola a été, comme cela sera toujours entre des princes amis. Mol aussi
je t'écrirai pour tout ce qui concerne les affaires do.ce inonde. (— Ecrit le soir
du P jour du mois do Bubl-ol-Ttiui, de l'an., de l'Hégire 1283, par ordre de
1"

/notre seigneur l'Emir dos Croyants, celui qui rond lo religion victorieuse, QUe
Dieu le protège, et que la'délivrance arrive par luil) »
Pondant que cos choses se passaient, le colonel Duvivior, (pie lo maréchal
Clauzel avait laissé à Cuelniu depuis la retraite do Constantino, parvenait avec
des forces très-minimes à exercer sur les tribus voisines un uscendunt moral
«pie su protection active rendait chaque jour plus assuré ; supérieur aux .diffi-
cultés''de'sa position, il savait tenir eu respect los partis lancés par le bey Ah-
med, et remporta sur eux des avantages signalés,'prouvanttout co que peuvent
"lu courage ot l'habileté (l'un chef français contre des ennemis plus nombreux,
mais qui n'avaient à lui opposer que la violence du premier choc* .Le gouver-
I Observations sur la. convention concilie, lo Ut) mal, ontfo lo gùnûrnl Ïiugoaud ot Abd-ol-Kador,adressées,
lo îo Juin ÎN.'IÎ, i\ M. lo président du Conseil ot un niitifnita tlo la Uiiorre jmr lo lleutoiiunt général comte
'île hiltntïmiouUinjuvefnuiirgénéral dos possessionsfruncaisus dans le nord dol'Alïlquo.
'* honnis quo M. l'ttvlvior
a |>Ubllô .ses excellentes éludes mi la question d'Afrique, los détracteurs lia lui
ont pas manqua dans certains otuts-tmijorsdo l'Alyério. Mais nour tout lo monde ost venu le jour dos ré-
tributions historiques, ol Jo m'umiircssu tlo citer un fait curieux qui ttémontro tissez clairement tous les sor*
noniont, éclairé sur lu valeur d'Youssof, suppriina, eh ihois de mai, son titre
do boy futur do Constantino, otlo capitaine do Mirboelc avait pris lo commande-
ment dos spahis do Mono, oh le général Damrémont se rendit lo 23 juillet,
Des in sir actions précises étaient tracées à co gouverneur ; lo ministère,
tourné vors un système d'occupation restreinte dont le traité do la Tafna outre-
passâmes vues ^ ho semblait pas se soucier do renverser la puissanced'Hudjî-
Ahmed, dont il croyait pouvoir faire un rival cupablo de détourner do nous
l'attohtioiid'Abd-el-Kader. Cotlo ponséo no -manquait pas d'une certaine sngosso,
dans la position d'Impuissance que nous venions do nous créer vis-à-vis do
l'émir ; mais il mil ait tenter des négociations avec lo bey do Constantino.
'..::.

M. Damrémont ordohnna au capitaine Eoltz, un do ses aides do camp, de


se rendre à Tunis, pour entamer do la, par dos voies indirectes et habiles,
cette aluiire délicate» Mais, sur cos entrefaites, lo juif Dusnach (noUs avions
lomalhour incessant d'écouter cotte classe d'indigènes); vint annoncer au
gouverneur qu'Hadjl-Ahmed lo proposait pour négociateur entre lui et lu
Franco, M. Damrémont lo chargea donc de porter à Constantino les bases
d'uh trailé par lequel uno grande partie du territoire passerait sous notre
autorité, et te bey reconnaîtrait notre suzeraineté par lo payement d'un tri-
but annuel. M. Foltz revint Irès-prompfohieht de Tunis, -avec un autre juif
investi auprès do lui do lu mémo mission que Ihtsnach remplissait auprès du
/gouverneur. M» Damrémont donha pleine carrière aux pourparlers, sans hégli*
ger do se tenir prêt, à tout événement, pour faire succéder des liostilliés ra-
pides à la rupture possible des négociations. L'incertitude se prolongea jusqu'à
la fin du tnois d'août ; Àhmed-Uèy espérait d'un côté quo la Turquie lui four-
nirait des secours, et, do l'autre, encourage par los avantages quo recueillait
Àbd-ol-Kadoi1du traité do la Tafna * et no pouvant se résoudre à 'accepter dos
conditions moins brillantes, il rompit brusquement tous rapports diploma-
tiques. ,";'.;;;'/-'-'"//,' ;:.-" .-."-'; ./'/ :/;.-''";/ / ':';/,.; ;:^";/;':"/i-'-.."'.:'-;. ,:^/': .v.--
tînedépèchodu 3 septembre» expédiée de Parispar le président du Conseils se
terminait ainsi r~- ((jusqu'au dernier moment, la jiuix plutôt que la gtiorro ;
tuais ht paix aux coiidilioiis fixées, sans y rien ujoufor/ou h prise do Constantino
h toutprix.» Dèù que l'issue des négociations parvint h l»aris> l'oxpûdition Tut dcW
cidêe,ct lo Princo Royal on sollicita vivement le commandement; mais dos consi-
dérations do ftimille privèrent sa belle et trop courte existence do cette page do
gloire, et te ministère décida que le gouverneur général marcherait à ta tête de

VitioS quô riôus lioùrliofii) ûltéiutfo dà M. Duvivior si cet officier géliéral était appelé à commander Ulio
province du notre conquête. Nous avons dit qu'un rotour de l'expédition do Constantino, lo maréchal Clnuzoi
«volt crû devoir ordonner l'ouoûpatloii permanente de Guelma. faite mission confiée nu bravo Duviviof
était pleine dé dlftieuHos} car là foïco clo ce poste établi parmi dos ruines lits pôiivftll Otfô un obstacle :
bètious aux incuïfitôtiÉ d'Atmied-Hoy du côté do Wono, qu'à, la condition dâ maintenir notre Intlueneo sur
tes tr|l)its Voisines jtisqtt'au Îlas'ol-Akbu, Le caractère do M. Duvivior «lit Inspirer au* Arabes une toi lo
:
confiance, quo lès envols d'argent do ïfono au camp de Guetnia ayant plusieurs fols éprouvé des retarda,
Ils lifeiit iVerédit les fournitures de vivres nécessaires A la garnison, et ttccdptèrettt du colonel dos billots A
tofirié qui eircliloreiil dans los tribus Comme Monnaie Courante. Ce fait prouve les hottroux résultats qti'un
Byslètiio pacifique, appuyé d'une force suffisante, obtiendraitparmice» Indigènes qu'il serait si utile (l'étu-
dier âfond, avant dô les Jugor stir les déclamations passionnéesi do l'ignorance ou do la mauvaise fol, to
gouvernementmilitaire a presque toujours1 manqué do lumières ( et à partir de la prise do Constantine, qui
devait exercer sur ioUio l'Algérie un ascendant moral si puissant, nous Verrons bientôt par quelle Bériu de
fautes cl d'ineotifcôquàiicôB ta logique du sabre a stérilisé l'àvoiiiHo la colonisation.
LJVItE QUATRIEME. W
l'armée, dont S. A. H. Mgr le duc do Nemours partagerait les nobles dangers,
avec lotltro do chef d'uno brigade.
A l'arriyée.''du princo en Afrique, oh discuta, dans un conseil tenu chez lui,
l'opportunité do renvoyer l'expédition au printemps suivant; le 12° do ligne/
qUi vonalt de débarquer,'apportait le choléra, ot l'on craignait 'd'ajouter-ce fléuii
h toutes los chances de la saison qui avaiont été si funestes, en 183(îv au maré-
chal Clauzel. Mais pendant les 21,22 ol 23 septembre, lo général Rulhières avait
été assailli, au camp do Mjez-Ammur, pur sept ou huit mille cavaliers que con-
duisait' lo bey Ahmed on personne; Il avait ropoussél'onhomt avec succès, et
"-.lo; lieutenant-colonel do lu Moricièro s'étuit distingué pur les belles qualités
.militaires-qui l'ont conduit aux premiers grades do l'armée, Cotto victoire n'é-
tait point toutefois un gage do sécurité pour l'hiver ; et lo général Damrémont,
complunt sur l'énergie dés troupes et sur l'houreux augure qui s'attachait au
retour d'un jeune prince français,'/donna, l'ordre de tprminor les préparatifs,'
pour so mettre en marche au 1e'' octobre. Le corps oxpéditionhairo fut divisé en
quatre brigades, sous les ordres do Monseigneur, le (lue de Nemours, des géné-
raux Trézel et Hulhiores, eldu colonel Combes'. Le matériel ilo siège se compo-
sait do i.7 pièces de dilférenls calibres, approvisionnées de 200 coups par pièce ;
de 80 fusils do t'ompurls, do 200 fusées à la Cougrèvo, ot d'une réserve do doux
-...,milliers de poudre. Cette artillerie, munie do 120 voitures,'était sous les ordres
du général Vulée, qui avait pour .-commandant'/on second le général Curu-
mun» L'infnnlerie emportait 500,000 curtouches; dix compagnies du génie et
les équipages de pont marchaient avec les-, généraux Hohnulldo l'ieury etLumy»
L'administration mililnire, dirigée par l'hitondunt 'd'Arnaud conduisait un
y
convoi de 1)7 voitures escortées pur cinq '-compagnies, du train, ot portant pour
" 18 jours do vivres; un troupeau nombreux suivait pour les distributions do
viande, ."
Les doux premières brigades et le quartier général partirent du camp .do
Mjez-Anthiar, oh l'armée .s'était réunie, et vinrent bivouaquer, la première au
sommet du Has-el-Aliba, et la deuxième tt la hauteur d'Auouna, avec le ninté-
rioldo siège. Celle première journée fut pluvieuse, otlo.^ voitures n'avancèrent
qu'avec difficulté. Le 2, le tempspunit se remettre, el la division passa la
nuit à Sidi-Tamtum, romplncée au Hus-ul-Akba pur les troisième'et quatrième
'

brigades ipii gardaient le convoi. (Ici ordre de marche fut observé jusqu'à Con-
stantino. Los Arabes,-.d" l'approche de nos colonnes, se reliraient après avoir
Incendié les meules de paille épursos dans les 'champs.
On arriva, lo 8 à midi, sur les bailleurs de Kom.muh, après avoir écarté quel-
qiies tirailleurs ennemis ; lu vue du camp d'Ahmed et de Constantino'excitèrent
les acclamations do l'arméo, îiuputioulu do -'venger l'échec do l'année précé-
dento." Mais dans la nuit le temps changea ; lo (I, vers trois heures (ht matin,

Cl" tit'iginlo:-$ bataillons du 17' léger) 1 bataillon dit,S'; lo a*régiment de edussours d'Afriquej 1 ba-
taillon de sioimvos.s 2escadrons do spahi»j.S pièces do campagne et y obtisiors do montagne. '<!' brigade,-

lo 'Jfi' do ligne t 1 bataillon du 11*; ï biitulllon titre auxiliaire: tilt bataillon do flpiilits Irréguliors j 1 ba-
taillon du tirailleurs d'Afrique} 8 pièces (k! campagne ot 2 ohiisiors. il' brigade.; la il' bataillon légor

d'Aftlqtta; 1 bataillon do la légion étrangères 2 escadrons du 1" chasseurs j ''2 escadrons do spahis régu>
liorsj'l pièces de tiiotilagiie.--•t' brigade ,'to 17* do ligne; 1 bataillon du 50' \.li pièces do campagne ot 9
obiisiers.
2/18 L'AFRIQUIM-UANÇATSK.
une forte pluio commença, et le général enchefdut se hAtor do pnrior/los trou-
pes sur lo plateau.de Mansourah, oh les doux premières 'brigades eampèrent u
neuf houros. Comme l'année précédente, d'immenses drapeaux'rougos flottaient
sur les mosquées et la Kasbah ; les terrasses des maisons étaient chargées de
femmes qui mêlaient des clameurs aiguës aux voix sonores et graves des dé-
fenseurs postés sur los remparts et sur la crête du ravin qui séparo la ville du
Mansourah. Elle apparaissait plus mcnuountcque jamais, la forto cité qui avait
compté nos morts dans sos champs ot suspendu leurs létos aux créneaux du pa-
lais do son bey t Le Joune et brillant duc de Nemours, qui devait bientôt donner
lo signal de d'assaut, frémit d'un saint orgueil on songeant que les yeux de
l'Europe étalent fixés sur lui, et que l'histoire allait, dès sa seconde cumpugne,
graver son nom sur les drapeaux do la patrie. On lo vit parcourir avec le sang-
froid d'un vieux guerrier, près du bravo général Damrémont, le front de la place,
hérissé do canons, dont les boulots venaient ricocher à leurs pieds.
L'armée se déploya sur lo" plateau';, lo 2U léger et les zouaves refouleront 400
hommes qui, sortant de la ville par la porte d'El-Kanlaro, s'étaient jetés dans le
ravin pour Inquiéter nos .'mouvements. lîen-Aïssn, lioutenuntdtt boy, comman-
dait la garnison, tandis qu'Ahmed tenait la plaine avec ses cuvuliers.
Les généraux Volée ot Eloury décidèrent uprès un rapide examen, confirmé
par les rapports do lu campagne do 183(1,- que lo plateau de Koudiat-Aty,' qui
n'est séparé do lu ville tpte pur lo mur d'enceinte, était lo véritable point d'at-
laquo; lu batterie de brècho y fut placée. Trois autres batteries établies sur lo
Mansourah devaient battre do front ot à revers celles de ''Constantino. Les doux
dernières brigades laissèrent le convoi près dos marabouts'du Sldt-Mubroug, en
arrière de la.-premièro division, et se portèrent sur lo Koudiat-Aty. La cavalerie
d'Ahmed était postée à peu do dislance do tour passage, sur l'espèce de pro-
montoire qui séparo lo Rurnmol et le Hou-Mcrzoug, Le général Hulhièros gagna
le Koudiat-Aty avec la 3e brigade, sans recevoir un seul coup de fusil ; el le.
général Floury lit aussitôt travailler a la construction d'une ligne do relroti-
chomeutsvon pierres sèches; mais, 'pendant, co mouvement, l'artillerie do
Constantino avait ouvert lo fou, ol nous eh mes ù regretter la perte du capilaiuo
Rabin, aide do camp do M. Eloury, tué au passage du Rurnmol» Le temps,-qui
s'était éclaire! dans la matinée, so couvrit, h doux, heures, de sombres nuages;
une pluie froide tomba jusqu'au soir, et los travaux'do la tranchée, placés sous
la'.direction du capitaine'do Salles, no purent-commencer qu'assez tard.
Le général Vuléo lit placer la première batterie sur lu gauche, ol un peu au-
dessous du plateau de Munsourah ; elle dovuit huître le corps do place it 300
mètres; la seconde et la troisième, établies sur la'crête, furent terminées les
premières; on leur donna les noms de huileries du tloi, d'Orléans et Mortier,
I/O duc do Nemours, qui venait d'être nommé coiumundnut des troupes du
siège, Visita les Iruvnux lo 7, au point du jour» Quelques heures après, AUUK
sorties furent exécutées avec uno grande vigueur par la garnison de Constuii-
line;l'uno, qui déboucha purin porto d'EI-Kuntut'u, fui repousséo par les
Zouaves et te 2U légor ; l'uuire, frunohlssunt lu porto qui s'ouvre devant. Koudiat-
Aty, recula devant la légion étrangère, le 3*,balalllon d'Afrique et lo 2(1" de ligne,
dont une compagnie fut un moment compromise. La cavalerie ..arabe u'éluit pus
LIVRE QUATRIEME. 269
restée inuctive; mais, coiitoiiuo pur lu fermeté du 47u de ligne, elle fut disper-
sée; pur les'"charges à fond des 'chasseurs d'Afrique ; ces escarmouchesprouvè-
rent aux défenseurs do Constantino qilo la fortuné avait changé.
Le 8, après une nuit pénible que nos soldats, fatigués et presque sans abri,
passeront dans la boue, les pièces que l'on conduisuit a lu butterio du tloi, sur
Une ponte défoncée, furent entraînées dans lo ravin; il -fallut so buter d'établir.
sur la'pointe méridionale du plateau une batterie provisoire, année de 3 cations
de 24 et do 2 oblisiors,. pendant qu'une corvée d'artillerie .relevait les pièces
versées. Cotte batterie reçut le nom de Damrémont, Un épais brouillard,-qui,
dura tout le jour, no permit pus do commencer le fou, .'Lu nuit suivante fut
affreuse, elles troupes^ découragées pur les souffrances de leur position, atten-
daient avec une cruelle 'impatience les effets-'du bombardement.
(lotte opération décisive eut lieu le 9. A sept heures du mutin, des, cris do joie
salueront la première décharge do toutes nos pièces; un tonnerre épouvantable
roulait d'échos ou échos, ot la ville s'enveloppa d'un linceul de fumée, que dé-
chiraient, h chaque instant, de rouges éclairs. Les zouaves, troupe excellente,
el si bien commandée pur M. do lu Moricièrô, avaient dégagé'du' ravin do Man-
sourah los canons culbutés pur les éboulenieiits du sol ; la huilerie"du lloi, ra-
pidement armée, tirait comme les outres, et deux obusiers conduits au Koudiat-
Aty par le commandant d'Arniuiidy, bultuienl en brèche ce côté do reiicelnlo.
Malheureusement le feu do Mansourah no produisait pas tous les résullats es-
pérés ; los abords do ta place avalent soulfert ; l'artilloriodo la Kasbah ot dos
remparts' ne grondait plus quo'de loin' en loin; mais nos obus et nos fusées
à lu / Cougrève" n'allumaient aucun incendie; Constantine offrait...une résis-
tance inerte, plus formidable, qu'un combat soutenu, Le général en chef com-
prit Uloi'sqtto les batteries de Munsouruh épuiseraient en pure perle nos muni-
tions, dont II était temps d'êtro avare, et porta tous les moyens d'ûtluqtio sur le
pluleuu de Koudiat-Aty.'-Dans-la nuitdu 9 au 10, lo colonel Tournoniino reciit
l'ordre, d'y amener # pièces dos batteries d'Orléans et Damrémont, avec leur
approvisionnement.'Cebravo officier remplit- sa mission ù travers des lorrains
presque impraticables ; la pluie tombait a flots, le sol devenait une grève inou-
vunte, et il fallut atteler /à-chaque canon jusqu'il 10 chevaux pour les tirer suc-
cessivement de ces difficultés.
Le 10, un pont do chevalets fut conslruil sur le ltiunitieh pour remplacer''
de simples passerelles que la crue des eaux avait emportées ; la nuit suivante,
on lit arriver do Mansourah le reste des pièces qui garnissaient les huileries
d'Orléans, Damrémont et Mortier} celle dite du Uni, resta seule en permanence
pour couvrir le pont d'El-Kaula.ra..Quatre batteries nouvelles -.furent organisées
au Kpudiat-Aty ; elles étaient commandées pur les capitaines Cullbrd, Loeourtois,
Coteau et le lieutenant Reaitutoiil. Lo. 11, au point du jour, un beau soleil fa-
vorisait l'activité do nos derniers travaux.' Iles partis '.Considérables sortiront
.'successivement de la ville ot s'épurpitlèreiit en ti railleurs dans loiis les plis de
terrain, M. Duinréhiont, qui les observait'de Mansourah, pensa que los Cou»
stunlinois se préparaient ù une •attaque-générale, et envoya pour les balayer
quelques'compagnies de ta.légion étrangère, qui .furent,accueillies de pied
ferme et par un feu si meurtrier, qu'elles eurent un moment d'hésitation ; muis
'"' 32 ''
250 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
lo gouverneur général, S, A. R. Mgr le ducdo Nemours et les officiers do l'état-
major arrivèrent au galop,/et, ramenant"au combat, par jour exemple, cette
petite troupe indécise, mirent l'ennemi en pleine déroute sur tous les points.
On employa les .instants précieux qui suivirent cet avantage ù établir, u 120
métros de lu place, une nouvelle batterie do brèche qui devait se relier à la ligne
d'arrière, éloignée do 400 mètres, par une place d'armes retranchée oh se réu-
niraient los troupes désignées pour l'assaut';'.cottefortification, favorisée pur les
plis naturels du sol» fut terminéo dans la niatinéo du 11, sous la protection du
47° do ligne»
A 9 heures du nuitin, le gouverneur général et S. A, R» Mgr lo duc de Ne-
mours se rendirent à la batlorio do brèche, et le feii commença de batterie en
batterie ; les artilleurs arabes furent bientôt détruits, mais te mur d'enceinte,
formé do blocs énormes, n'élait pas mémo ébranlé, lorsque enfin, il deux heures
et demie, un obusior do la batterie Lecourtois, pointé par le commundunt
Maléchard, détermina le premier éboulemont. Ce succès réveilla l'enthousiasme
de l'armée ; Constantine n'élait plus invincible ! Le général en chef profita de
la .soirée pour faire amener do nouvelles pièces à la batterie do brèche.
Le 11, les Arabes l'entèrent une sortie pur la porto d'El-Knnlara, et lurent
écrasés par la batterie du Moi et l'infanterie du général Trézel. La nuit sui-
vante, vers deux houros, les assiégés dirigèrent du côté de lu batterie de brèche
une "fusillade' qui ralentit les travaux sans les l'aire abandonner ; mais, réduitsù
la mousqueterlo, nos braves adversaires annonçaient qu'il faudrait encore payer
chèrement tour défaite.
Le i 2, les troupes électrisées demandaient',à grands cris l'assaut ; cependant,
peu/désireux des sanglants lauriers qu'on ramasse dans le pillage et le massucro
d'une cité, le brave Damrémont voulut tenter les voies d'une capitulation qui
lie rendrait pas sa gloire moins éclatante. Il choisit pour parlementaire un sok
dut turc, ot le chargea d'une proclamation on lunguo urube, adressée) aux habi-
tants» introduit dans la place au moyeu de cordes que les assiégés lui tendirent
puivilossusies renipurts, notre envoyé revint, le 13 au matin, avec une réponse
Verbale : « Les défenseurs de Constantine uvu ion t encore, du blé et do la poudre ;
ils on ollïuicnt aux Français, qui n'entreraient dans la ville que sur lo cadavre
du dernier Arabe» »
— « Co sont des gens do coeur ! s'écria le 'général on chef ;
Eli bien, il ne nous roslo plus qu'à les vaincre l» Cellenouvelle fut bioutôtu'é-
pntiduo parmi les soldats, et M. Damréniont, salué pur leurs.'acclamations, ne
songea plus qu'à contenir dans les bornes de l'honneur les résultats d'un assaut
dont le succès n'était pus douveux. Avant de..prendre sos dernièresdispositions,
il voulut étudier do plus près l'état de lu brèche, et se porta en avant dos hui-
leries avec S» A. R. Mgr le duc de Nemours et sou état-major» Parvenu stir un
point découvert, Il mit pied a terre et fit quelques pas en avant ; le général
Itulhièros lui représenta vivement le péril auquel il s'exposait !.*—« C'est égal,»
dit tranquillemenl M. Damrémont. Ce'/fut son dernier mot i un éclair brtllu sur
les rempurls, et le dernier boulet parti do Coiislanllno foudroya cette noble exis-
tence I 11 tomba sans pousser un cri ; le général Rerrégutix s'élançait pour le
relever : une balle le blessa mortellement au visage ; et de ces deux hommes,
qu'une étroite amitié unissait l'un ù l'autre» le second, sou chef d'étul-mujor,
LIVRE QUATRIEME. 251

lui porta-la-haut, quelques jours plus tord, les regrets do lu Franco et les con-
solations du triompha ' I
Sans la présonce du princo, la porto du gouverneurgénéral eût peut-êtreété lo
signal d'unoporturbation de lotis les esprits. L'année inquièto tournait ses regards
vers lui ; mais, par un sentiment d'admirable modestie, S. A. R. Mgr lo duc do
Nomours s'empressa do signalor M, lo général Valéo comme lo plus ancien de
grado, et lui déféra lo commandement.
Les Testes du bravo Damrémont, couverts d'un manteau, sont transportés
uvec respect derrière nos lignos ; on laisse auprès uno gardo d'honneur, et lo
nouveau général on chof ordonne le fou pour lo venger. Dès les premières sal-
ves, nos boulets emportent des sucs do laine, et fout Voler on éclats dos affûts
et des bAts, quo les habitants avaient amoncelés pendant lu nuit précédente sur
les déchirements de la brèche. Vers lo soir, une largo trouée panteluit il nos
regards, et l'assaut fut résolu pour lo lendemain. Trois colonnes d'utluqtio fii-
ront organisées sur-le-champ, La première, commandéo par l'Intrépide la Mo-
rlcièro, comptait 300 zouaves, doux compagnies d'élite du 2° léger, et 40 sa-
peurs du génie. La seconde réunissait sous les ordres du colonel Combes 300
hommes..du 47° do îigiiOj 100 du 311 bataillon léger d'Afrique, 100 do lu légion
étrangère, 80 sapeurs du génie ot ta compagnie franche du 2° bataillon d'A-
frique* La dernière colonne, formée do doux bataillons, composés de détache-
ments choisis dans los quatre brigades, devait marcher avec lo eolonol Corbln.
En attendant le signal do l'assaut, vers trois heures."et detuio du mutin, les cn-
piluinos Cnrdorons, dos zouaves, et Roufuult,du génie, furent chargés d'aller
reconnaître la brècho, Cos doux officiers remplirent avec dévouement cette
"dangereuse mission, et revinrent annoncer que lo pussugo était libre.
Cotto dernière nuit s'écoula dans un silence solennel, interrompu seulement
do temps h autre par quelques coups (location tirés dos batteries, h intervalles
inégaux, pour empêcher les assiégés do travailler h la réparation du rempart,
L'année, après tant do fatigues, étui! décidée ù emporter la ville ou à s'enseve-
lir sous ses ruines. Lo princo, commandant on chef los troupes do siège, avait
veillé u tous les préparatifs avec la haute'intelligence qui lo distinguo ; sa pré-
sence ajoutait d l'enthouslasmo dos soldats, et la confiance régnait partout t
c'était le gage d'un glorieux succès.
Rien dos récits ont été faits sur lu prise do Constantine ; dans l'intérêt do
l'histoire, nous allons reproduire lo plus dramatique ot le plus exact, tracé pal*
M» lo capilaiuo d'état-mujor de La Tour-dtt-lMn.

1 N6 IÏ Clmumont on.ÎWJ, élévo tlo l'école militaire do Fontainebleau on 1803, Donis tlo Danuémont
outra commo sotis-llotttciiant mi.t# elinwMurs a choval, ou Isol. Colonel ou lSltt, Il servit lu Hostauralioii
après lu chuta tlo l'KmpIro,commanda la'légion do lit Ç'iHo-d'Or, et fut nommé maréchal do camps ou \HH\
11 fit, on 18?3, la campagne d'Espagne, ot colle d'Alger en 1RUO." Promu, lo 10 décembre do lu mémo année,
n» Brade do lloutoniint général, il fui appuie au coiiinminloinont do la 8* division tnitltairo il Marseille,
llommo instruit, éclairé, blaiivolllaiit, il comprenait'les'.véritables Intérêts do la France on Afriquoi ot
«près avoir vengé l'échec do t'oiistuiitlno, il comptitil s'adonner A un synlomo do ptiultlcatlon ot d'équitables
rapports avec los ludleoiios, qui devait porter d'itotiroux fruits. Sa porto fut eruollomciil Soutlo, car cite
brlsitlt bien des espérances, Un douil publie honora sos restes glorieux,.qui furent transportés A l'arls, et
déposés dans los caveaux diis'Invalides.
Le Kéneral l'orrésaux, ramoné à llono, ol embarqué pour ta Franco, mourut pjndrtiit la traversée, et fut
oilsovott en iSardalgiio.
m L'AFrUQlîJv FIIANÇAIBL.
sur la toiture d'uno maison dont nous occupions lo pied, il dispose au-dessus
dos comhats do torro forme comme uno coucho supérieure do comhats aérions,
Le 'capitaine Banzni, arrivant pour remplacer lo colonel dans colto orga-
nisation, reçoit une hullu mortelle. Après avoir soudé plusieurs couloirs qui
paraissent des amorces do rues, mais qui n'ahoulissont point, on finit pur
on rencontrer un qui, s'élnrgissant au bout do quelques pas, présente
dos caractères d'importance ot do dosliuntlon ultériouro, Dos doux côtés sont
pratiqués do cos enfoncements carrés qui, dans les villes /d'Afrique ot d'O-
rient, servent do houliquos; la plupart sont à moitié formés par des planches
et dos espèces do volets, On pénètre dans ce passage, ot h poino quelques sol-
dais y sont-ils engagés, qu'une double décharge, partant'do ces niches do droito
ot do gaucho, avertit qu'elles servent do Houx d'embuscade ù l'ounenii. Mais
celui-ci, qui avait cru arrêter par sa fusillade la marcho des assaillants, les
voyant arriver droit sur lui la buïonnotlo ou avant, et n'ayant plus d'autre dé-
défense (pto son yathagun, so préoipito hors do cos Irons sans issue,-qui," ou
lieu d'être dos abris pour lui, dévoilaient dos pièges, IMusiours do cos fuyards
sont tués d'autres échappent ot disparaissent comme s'ilsdussent pu s'onfoncor
5

on torro ou percer les murs, On avance, ol après avoir fait quelques pas, on so
trouve on faco d'une porte; une archo do maçonnerie traversait la ritollo, ot do
solides battants on bois forré ou fermaient lo passage, Ition n'avait fait soup-
çonner l'existence do cet obstacle, dont on s'explique difficilement'Jo.but'; il
parait qu'une ligno continue do maisons, régnant lo long ot en dedans do lu
muraille, était considérée commo uno seconde onceiulo qui, pur cotte porlo, so
mettait on rapport avec lo rompart ou s'on isolait, En frappant t\ coups de hache
ot de crosso do fusil les battants, on reconnaît qu'ils no sont pas fixés pur des
formoturos permanentes, et quo, maintenus soulomont par des étais mobilos,
ils étaient destinés a do'nnpr facilement passage aux défenseurs, soit pour la
retraite, soit pour un mouvement offensif» Cependant, commo on craint l'im-
puissance dos moyens qu'on a d'abord omployés pour forcer ce pussogo, on-fait
approcher dos sacs do poudre, dont plusieurs soldats du génie avaiont été chargés
pour do somblnblos circonstances; mais avant d'étro forcé do recourir a cette
rossourco oxtrémo, on parviontà ontr'ouvrir un dos battants, Los Arabos, réunis
à (lots pressés dans la rue, on arrière do la porlo, guotluiont ce-moment et te-
naient leurs armes prêtes; dès qu'ils voient jour h tirer, ils font une déchurgo
générale, ot font pleuvoir los halles dans notre colonne. Le capitaine du génio
Leblanc a la cuisse fraenssée d'un coup do fou qui fut mortel, et plusieurs sont
atteints, Alors le capiluino Desmoyen, dos zouaves, so précipite sur lo battant
pour lo refermer, et pondant qu'il fait effort sur cetto masso, il est frappé dans
la gorgo d'une ballo qui lo jolie blessé mortollomont, mais respira ut oncoro,
soits le coup d'aulros périls plus terribles, au milieu desquols il succomba
bientôt.
« À quolquos pas en arrière de cette scène, s'on passait uno autre, marquéo
d'un coractèro plus lugubre. Un potit bâtiment on saillie, dont lo piod avait élé
miné par les boulots,/resserrait un étroit passago tout engorgé d'une foule do
soldats. Soit par l'effet do l'ébranlomont qu'occasionnaient les mouvements tu-.-
multuouxet irréguliers do la troupe, soit par suito-d'une machination do l'on-
L! Vitlv UHATltlLMi;. 255
nemi et d'uno pression qu'il aurait volontairement exercée par derrière, sur co
pan do iiiuçonuei'io, toute uno face du mur ruiné s'écroula. Celte calamité frappa
surtout los troupes du siéger; plusieurs hommes furent blessés ou entioromont
ensevelis, Le chef do bataillon Sérigny,-pris sous les décombres jusqu'à la poi-
trine, vécut encore quelques instants dans une agonie désespéréo, implorant à
cris étouffés dos secours qu'on n'ont pas le lompsdo lui donner, s'éphisaiit doit-
lourousemont on oftbrts impuissants pour ronuier la musse sous laquelle il pé-
rissait, ot sentuuttoutco qui restait d'entior dans son corps so briser pou a pou»
« A peine cet accident vouait-il.do .s'accomplir, qu'un autre;encore plus ter-
rible éclata. Le feu dos tirailleurs placés sur les toits, et pont-ôtro la crainte
d'une atlaquo a l'arme blanche, avaient dissipé lu 'multitude d'ennemis rainasses
d'abord dans la ruo, en arrière do la porte. On put bientôt songer a dépasser
cet obstacle ot à s'avancer dans la direclion cenlralo ; et déjà, pour éclairer et
assurer lès voies, lo colonel do la Moricioro venait do lancer on avant" un pelo-
ton du 2° bataillon d'Afrique, Tout à"coup'ceux qui étaient sur lo lliéuiro de cos
événements sentent commo tout leur êtro s'écrouler. Ils sont étreinls ot frappés
si rudement dans tous leurs sens à la fois qu'ils n'ont pus conscience do ce
,
qu'ils éprouvent; la vie, Un instant, ost "commo anéantie en eux. Quand ils res-
saisissent..quoique connaissance, il leur semble qu'ilsunfonconl dans un abîme;
la nuit s'est faite autour d'eux, l'air leur manque, leurs membres no sont pas
libres ot quelque chose d'épais do solide ol do brûlant les enveloppe et los
, ,
sorro, Heaucoup no sortent do ce premier étourdissonient qu'avec dos douleurs
aiguës ; lo feu dévore leurs chairs ; lo'fou,--attaché, à leurs habits, les suit et les
ronge; s'ils voulont faire un effort avec leurs mains, ils trouvent leurs mnins
brûlées; si, reconnaissant que lo jour renaît autour d'eux, ils chorchont à dis-
tinguer oh ils sont et co qui les environne, ils s'uporçoivont quo leurs yeux no
voient plus ou no voient qu'à travers un nuage. ÏMiisieurs no font que passer
dos angoisses do la premièro secousse a celles dol'agonie. Quolquos-uns, dé-
pouillés de leurs vêtements, dépouillés presque entièrement do leur poau, sont
pareils à des écorchés; d'autres sont dans lo délire; toits s'agitent au hasard et
avec des clameurs inarticulées..Cependant les premiers mots qui so font en-
y
tendre distinctement sont ceux: « lin avant ! a la ijaïonnotto » prononcés d'a-
1

bord pur los plus valides, répétés ensuite commo d'instinct, par ceux mémo
,
qui n'en comprennent plus le sous. Une explosion venait d'avoir lieu, Lo pro-
mier et principal centro de cette explosion parait avoir été auprès do la porto;
mais, a on jugor parT'étondue dh terrain iJoulovorso et par lo nombro d'acci-
dents semblables qui so reproduisirent autour do différonts points assez distants
les uns dos autres, on poiitVr>.tvo qu'il s'alluma dans une suc.cossion rapido de
plusieurs foyers. Probablement los assiégés avaient, auprès du lieu oh se; trou-
vait la têto do notre colonne, un'magasin h.poudre, auquol le fou prit par ha-
sard, plutôt qu'on exécution d'un dessein do l'ennemi. Lorsque l'air fut en con-
flagration les sacs a poudre quo portaient sur leur dos plusieurs soldats du
,
génio, durent s'enflammer ot multiplior les explosions. Les cartouchièresdos
soldats dovinront aussi, sur uno foulo do points, dos contres ignés dont les irra-
diations, so croisant et so heurtant dans tous les sons, remplirent de fèn et do
sconos horribles tout co grand cercle do calamités, Sous tant do chocs, sous
25U L'AFUIQUK FRANÇAISH.
l'action do tant de forces divorgontos, lo sol avait été romué et s'était creusé;
lit torro on avait ot» arrachée et s'était élevée ou tourbillons dans l'air; des pans
domurs s'étaient renversés; l'atmosphère s'était commo solidifiée ; ou no res-
pirait .que du sable et uno poussière do débris; |o fou semblait pénétrer par la
bouche, par les narines, par les youx, pur tous los pores, Il y eut quolqiios mo*
monts do confusion ; ou no savait oh était lo péril; ou voulant le fuir, ceux qui
étaient hors do sa sphère d'action veuaiont s'y jotor, ot d'autres qui auraient pu
y échapper s'on laissaient atteindre, croyant que tout lo lorrain était miné, (pie
touto muraillo allait s'abîmer sur eux, et quo so mouvoir c'était so jotor au (lo-
vant do la 'mort, Los assiégés, qu'on venait d'écarter dos lieux les plus voisins
du cratère do cotte éruption, ouront moins à en soulfrir, et profitant du trouble
duns lotpiol los assaillants étaient restés sous le coup de cotte catastropha; ils
rovinreut dans lu rue qu'ils avaiont naguère 'abandonnée, lûchèroutplusieurs
bordées do tromhlons et d'autres armes h fou sur tes groupos à demi brûlés otù
demi torrassés pur l'explosion, qui étaient entassés autour do la porto ; et, après
avoir ainsi achevé do brisor ce qui était encore assez ontior, assez consistant
pour so défondro,ils s'approcheront ot hacheront ù coups doyutaghantout ce qui
respirait encore, ot jusqu'aux cadavres.
« Cependant, uno fois le premier instant d'étonnemont pus^o, ot dès que le
voile épais de fumée et do poussière qui dérobait lo jour se fut un pou abaissé,
ceux quiétntenten état do so soutoulr otdo so servir do leurs armes, quoique bien
peu d'entre eux fussent intacts, so portèrent d'eux-mêmes aux postes qu'il était
lo plus important d'oecupor, La seconde colonne d'assaut fut envoyée pour ap-
puyer la premièro, dos quo celle-ci, s'étant creusé un sillon dans la ville, so fut
écoulée, laissant la brècho libre et dégagée, Lo colonel Combos arrivait avec los
compagnies du \T otdo la légion étrangère, presque nu moment oh co sinistre
vonait d'avoir lieu; il prit le commandement quo le colonel do la Moricîère,
horriblement brûlé et privé do la vue dans l'explosion ', avait, dopujs quol-
quos instants, cessé d'oxorcor ; et après avoir reconnu l'état dos choses ot dis-
posé nno partie do ses hommos do manière h assurer la conservation do co qui
était acquis, il songea à agrandir le rayon d'occupation",' Los ennemis, rovenus
de leur premier élan (l'audace, h mosuro .quo nous avions secoué la pousstèro
des décombi'os, s'étaient retirés un peu on arrière, mais sans sortir do la rue
par laquelle nous voulions nous ouvrir un passogo. Ils étaient embusqués prés-
quo en face do la porto, derrière un amas do débris ot do cadavres qui.formaient
nno espèce do barricado ; de lu ils faisalont un feu meurtrier, ot il devenait né-
cessaire do les expulser au plus tôt do cotto position par un coup do vigueur; Le
colonel Combos ordonne i\ une compagnie de son régimont d'onlover cotto bar-
rière, en promottant la croix au premier qui la franchira, La compagnie so pré-

I Par un bonheur inespéré, col officier d'un ai haut mérite fut guéri do sos cruelles blessuros, Depuis
que ses glorieux faits d'armes l'ont élevé au grade de lieutenant général, il a prouvé plus d'une fois que lo
commandementde l'armée d'Afrique ne pourrait être conflê à un homme plus éclairé, plus brave et plus
ami de nos institutions. Si, comme lo réclament les. intérêts de notre conquête, une vice-royauté vouait
enfin donner a nos établissements d'Algérie des gages do puissance, de paix et de sécurité, nous croyons
que la dignité do maréchal do France serait, pour M. do la Morioièro, une juste rémunération dos services
qu'il no cesse dorondro, ot quo le princo choisi pour gouvorner l'Afrique no pourrait donner sti conllaneo à
un lieutonant plus capable et plus dévoué,
LIVIIK OUATIVÏKMK, 357
cipite contre le retranchement, et déjà le lieutenant s'élançait par-dessus, lors-
qu'il tombe sous une décharge .générale dos ennoniis. Cependant cet officier
n'était pas atleiut; ayant trébuché contre un obstacle, il avait plongé nu-dessous
do la d.lroclion dos bulles, ol ceux qui étaient nu pou eu arrière essuyèrent le
dm; le capitaine fut frappé mortollomout, et plusieurs soldats lurent tnés ou
blessés. Ce fut ù pou près en co moment (pie le colonel Combes,qui veillait sur
l'opération, fut atteint, coup sur coup, do doux balles, dont l'une avait frappé
en plein dans In poitrine, Après s'être assure do la réussite complète du mouve-
ment qu'il avait ordonné, il so retira lontomentdu champ de butaillo, ot seul,
calme ol froid il regagna la batterie do brècho, rendit compte au général en
,
chef tle In situation dos affaires dans la ville, ot ajouta quelques simples paroles
indiquant qu'il-so sentait blessé., à mort, A lo voir si forme'dans sa démarche,
si''naturel dons son'! attitude et sos paroles, on n'aurait jamais supposé que ce
fût là un homino "quittant un lieu do .carnage pour ni 1er. mourir,!! y avait dans
celte scèno quelque chose do la gravité, do la fierté sereine,' do la beauté aii-
s|ère dos trépas antiques, moins la solennité théâtrale',
« A mesure quo, do la batterie dû/brèche,-on observait que In .colonne des
troupes déjà onlréos dans la ville diminuait do longueur et disparaissait dos
lieux qui élaient on vue, on envoyait des troupes nouvelles, par fractions peu
considérables, afin qu'elles pussent fomplir les vides qui so formaient, ot four-
nir aux oxigoncos successives' de,la position, mais sans gêner les mouvomonts ni
encombrer le thoù/trodo l'action, La'troisième colonne, sous les ordres du colo-
nel Corbin, était déjà toutentièro dans la place, et cependant lo cercledos opé-
rations n'ovail encore acquis qu'uno oxtonsion médiocre. Lu disparition dos
deux chefs* les colonels do la Morieièro et Combes, qui, les premiers, -avaiont
conduit lo mouvement, avait laissé lo commandement llollant et incertain.
Les .soldais, ne voyant aucun but qui leur fût désigné, aucune direction qui
Jour fût positivement.'indiquée toujours nudacioux a travers lo péril, niais
,
irrésolus sur .la/manière do l'attaquer et de lo hure reculer, s'exposaiont
beaucoup et avançaient pou, ot perdaient du temps îiso faire luor, A gaucho do
l'a rue/dont on faisait la grande ligne d'attaque,débouchait une ruo transver-
-,
sale par laquelle arrivait, sur le flanc gaucho dos assaillants, un feu terrible.
On s'oplniutra longtemps à opposer sur ce point les coups de fusil aux coups
do fusil; mais, dans cette lutte, on ne pouvait parvenir à prendre lo dessus sur
un ennonn qui no lirait qu'abrité par los murs dos maisons ou par dos saillies
do bâtiments, Cependant la position sur -laquelle il paraissait posé si solidomont
était minéo sourdement, et allait manquer sous lui, Uno compagnio do zouavos,
appuyée do sapeurs du génie, avait abandonné la guerro dos rues, qui est péril-
leuse el infructuouso pour l'assaillant, ot avait commencé à luiro la gtiorro do
maisons, oh los avantages sont à pou près égaux pour les doux partis. Uno autre
Compagnie du même corps, se jetant absolument h gauche tout on débouchant
'9B8 L'AFRIQUE .FRANÇAIS!?,
tlo la broche, avait poussé uno attaque entièrement symélriquoàcollo qui avait
été, dès le commencement, dirigée contre los batteries do la droito, Kilo avait
aussi trouvé dos canonniers turcs, qui s'étaient défondus jusqu'à la mort, dans
une batterie casomatéo, Do là elle avait cheminé lentement, péniblement, ot
souvent comme à l'aveuglo, par dos molles, dos cours do maisons, dos commu-
nications secrètes ; fréquemment lo fil do la direction se perdait, et pour lo ro-
trouver il fallait percer los murs et briser des portos à coups do liacho el do
crosso de fusil, conquérir le passngo sur dos obstacles do nature inorlo. Mais
une lois quo l'on eut effrayé lu défonso do co côté ou lui faisant si clièromonl
oxptor ses elforts à la batterie, ollo no so montra plus, sur cotte routo, quo
timide et incertaine, soit que les onnomis craignissent, on s'atturdant sur la cir-
conférence, do so trouver serrés outre los différentes lignes do Français qui se
ratniflniont dans la ville, —soil que les plus résolus ot los plus vaillants s'étnnt
concentrés vers le coeur, il ne fût plus resté eux extrémités que les parties do
la population les moins chaleureuses, los moins vives et les moins consis-
tantes.
« Kns'avnnçnnl ainsi sans trop s'écarter du rempart, les zouavos gagnaient,
sans la connaissance dos Houx ot sous la seule influence do leur hourouso inspi-
ration, la rue qui conduit ù la Kasbah, une dos grandes voies de communication
do la ville, colle qui passo par tous los points culminants do la position, la vraio
routo stratégique au travers de ce pays ennemi, S'il tour avait été donné quel-
ques instants de plus, avant quo los habitants cessassent los hostilités, ils allaient
prendre à revers los assiégés dans tous les postos où ceux-ci tonaiont tête ù notre
attaque contralo, et, los menaçant do loin* couper In retraite, ils jetaient•'parmi
eux l'épouvante, ot lotir ôtaiont toute force pour résistor plus longtemps,
« Enfin, uno troisième compagnie do zouaves, prônant uno direction inter-
médiaire entre lo rempart et la rue centrale, pénétrait de maison on maison ot
contribuait à éteindre ou à éloigner lo fou do l'onnomi sur la gaucho do la
gronde attaque, Kilo arriva ainsi à un vaste magasin à grains, oh elle rencontra
une résistonco assez vivo, L'opiniâtreté avec laquelle co biïlhnonl était défendu
fit supposer qu'il y avait près do lu quolquo centre d'action, Eu olfot, après être
entré do vivo forco dans co posto, on passant sur lo corps do plustours Turcs ol
Kohaïlos qui so firent tuer, on parvint, par dos passages intérieurs ot des esca-
liers do communication, à la porte d'une maison d'où s'échappait un bruit do
voix et do pas annonçant qu'ollo était fortement occupée; et une saisissante
odeur do parfums indiquait que c'était lu, sans douto, l'habitation d'un por-
sonnage opulent ot distingué, On ouvrit la porlo, et avant qu'on eût ou le lomps
do reconnaît™ quo toutes los galorios do l'étage supérieur étaient garnies do
canons do fusil braqués sur l'entréo, il sofit uno grondo'décharge do toutes cos
armes. Lo cnpitaino do la compagnie était on lélo do la colonne, outre unsous-
offleior ol un soldat; ceux-ci furent, l'un tué et l'autro blessé, le capitaine soûl
ne fut pas atteint, Il reforma la porto ot la fit porcor de trous, dont on so servit
'comme de créneaux pour tirer sur les défenseurs do la cour intérieure, Lors-
qu'on remarqua quo leurs rangs étaient éclairais, et. leur résolution ébranlée
parles balles, on fit irruption dans la maison. La plupart des ennemis s'échap-
paient ; quelques-uns soulomenl so bntllront jusqu'au dernier' moment, ot péri-
IJVHIvQtiATItlKMK, 25!)

rontles armes h la main. Ceux-ci paraissaient être des serviteurs do In maison,


'

et ils étaient chargés d'or, qu'ils vouaient do puiser, sans doute, au trésor du
propriétaire. Uno femme mémo, une négresse dévouée h ses maîtres, gisait
parmi les cadavres, tuée d'un coup do fou, ot encore année d'un yathagan ot
d'un pistolot» On trouva dans un coin dos appartements un petit colfro plein
d'or, que probublomont on venait de tirer dosa cachette, ot qu'on so disposait h
(importer sous bonne escorte, lorsqu'on avait été surpris par l'otluquo, Cotte
habitation était colle do Ron-Aïssn, le lieutenant du bey Ahmed. 'Lorsque les
vainqueurs Poitront fouillée et roconnuo, ils s'aperçuront qu'ollo longeait, par
uno do sos facos, uno rue pleine do combattants indigènes. C'était cette ruo
mémo d'oh partait lo fou si bien nourri qui, arrivant sur la grande ligne d'opé-
ration, y arrêtait la colonne dos assaillants, Commo le foyer do cette fusillade
était en arriéra do la maison dont los zouavos venaient do s'emparer, ceux-ci
pratiquèrent uno ouverturo dans lo mur do l'étage supérieur du côté do la rue,
et jetant par là les moublos, los coussins, les tapis, les cadavres qui so trouvaient
dans los appartements, ils formèrent par eot amoncellement, entre les tirailleurs
ennemis et la této do nolro colonno principale, une espèce de barrière par la-
quelle fut tntereopté co fou stincommodo. Notre mouvement central put donc
reprendre son cours, Comme h pou do distance au delà du point ou lo temps
d'arrêt avait élé marqué se trouvait une intersection do plusieurs rues divergen-
tes, il allait devenir possible do faire rayonner plus libromont nos forces dans
différentes directions, do manière à couper olrocotiper los lignos do l'ounomi, ot
d'étendre otdo nouer lo résout» d'opérations sous loquol la défonso tout entière
devait étro serrée ot étoufïéo, Co fut sans doute l'imminence do co résultat qui
amena bientôt los habitants à cossor les hostilités.
« Cependant, lo général en chef, voulant donner à l'athiquo plus d'unité, or-
donna au général lUilhièros d'aller prendre lo conunundemont dos troupes qui
so trouvniont dans la place. Lorsque ce général fut.entré dans la ville, il roconuut
quo la distanco à laquelle los onnomis s'étaient.maintenus étaitencore d'un
rayon bien court, puisque Jours baltes arrivaient à quelques pas do l'endroit oh
l'oxplosion avait ou lieu. Après s'étro assuré que l'on pouvait déjà décrira un
grand circuit par la droito, mais que co moyen do tournoi* l'onnemi soralt lent
et peu officaco, pnrco quo toute cette partie do la ville avait été presque aban-
donnée par los habitants armés, il se porta en avant pour dépassor la première
ruo de gaucho, dontie fou avait jusque-là marqué la limite du mouvement con-
trai. Son intention était do se rabattre-ensuite, vers la gaucho, pourgagnor la
z'ôno la plus élovéo de la villo, et prendre ainsi les défenseurs dans un domi-
corolo d'attaque ; mais il n'eut pas lo temps d'exécuter son projot, Il arrivait à la
hauteur dos tiraillours los plus avancés, lorsqu'il vit vonir vors lui un Mauro
ayant à la main une feuillo do papier .écrite ; c'était un homme quo députait le
pouvoir municipal de la ville, pour demander quo l'on arrétAt los hostilités. Lo
général fit cossor lo fou, ot conduira l'envoyé au général on chef, Celui-ci, après
avoir pris connaissance de la lettre por laquelle les grands do la cité, rejetant
la responsabilité do la défenso sur les Kebaïles ot les étrangers soldés, sup-
pliaient que l'on acceptât leur soumission, donna une réponse favorable, ot fit
prévenir le général Hulhlèros do proudro possession do ht ville. Ce général so
« L'Al'lUQUL FUAAÇAISK,
dirigea aussitôt vers la Kasbah, allud'occuper co poslo important s'il était libre,
ou de s'en emparer par la force, si quohpios Turcs ou Kebaïles do lu garnison
avaient songea s'y renfermer et à s'y défendre comme dans uno citadollo, mal-
gré la reddition des habitants. Eu outrant dans cette enceinte, ou la crut d'abord
désorlo, mais en avançant nu travers des constructions dont elloétait encom-
brée, vers lo bord dos précipices qui l'entourent du côté extérieur, on aperçut
los deruiors défenseurs, ceux qui ne voulaient point accepter le bénéfice do 1

l'aveu do leur défaite, s'oufonçnnt dans les ravins h pic, la soulo voie qui s'ou-
vrit désormais à leur retraite, Quelquos-uns, avant do disparaître dans cos pro-
fondeurs, se rotournaiont encore pour décharger leurs fusils suivies premiers
Français qui se montraient à portée,—Quand on fut tout à fait au-dessus do
cos abîmes, ou y plongeant le regard ou découvrit un affreux spectacle, Un talus
extrêmement rapide retombe du terre-plein do la Kasbah sur une muraille de
rochers verticaux', dont lu base poso sur un massif do pierres aiguës et tran-
'

chantes, Au pied do cotto muraille, sur co sol do granit, gisaient brisés et san-
glants, dos corps d'hommes, do femmes ot d'enfants, Ils étaient entassés les
uns sur los autres, et à leurs teintes sombres et livides, à la manière dont ils
étaient jetés pur musses''.'flasques et informes, on pouvait les prendre d'abord
pour dos amas de haillons, Mais'quelques mouvements qui trahissaient encore
ta vio vinrent bientôt révéler l'horrible vérité, On finit par distinguer des bras,
dos jambes qui s'agitaient, et dos agonisants qui frémissaient-''dans leurs der-
nières convulsions, Dos cordes rompues, .'attachées aux pitons supérieurs des
rochers, oh on les' voyait encore pondantes, expliquèrent cette effrayante
éuignio : réveilléede la sécurité dans Inquelle elle avait dormi jusqu'au dernier
moment pour tomber dans los angoisses do l'épouvante, la population s'était
précipitée vers los parties delà ville qui étaient h l'abri do nos coups, afin de
s'y frayer un chemin vers la eampagno, Ces malheureux, dans leur vertige,
n'avaient pas compté sur un ennemi plus cruel ot plus inexorable que no pou-
vaient l'être lesF'rançnis vainqueurs : sur la fatalité do cos lieux iufranehissa-
blos, Quelques sentiers, tracés par tes chèvres et par los patres Icebuïlos, existent
bien dans différentes/directions ; mais la foulo s'était lancée .ait hasard à travers
ces pontes, sur lesquelles on no peut plus s'arrêter : los premiers flots urrivunt
au bord do la cataracte, poussés par coux qui suivaient, et no pouvant les faire
refluer ni les contenir, roulèrent dans t'abîme, et il se forma uno effrayante
cascade humaine. Quand la presse ont été diminuée par la mort, ceux des
fuyards qui avaient échappé à Ce promier danger crurent/trouver un moyen
do continuer leur roulo périlleuse ou so laissant glisser lo long do cordes fixées
aux rochers ; mais soit iuhubileléou -/précipitation' à exécuter cette manoeuvre,
>
soit qhoios cordos so rompissent, les mômes résultats se reproduisirent par
d'autres causes, et. il y eut encore une longue série do chutes mortelles.
«Après avoir mis un poste à la Kasbah, lo général Hulliièros so rendit chez
le cheikh do la villo, afin do s'assurer du concours des principaux habitants pour
lo maintien de l'ordre, et do so faire indiquer les grands établissements publics
et les magasins appartenant à l'État. Il parcourut ensuite les rues, rassemblant
en troupes les soldats qui co'ihmoneaiuniî a se répandre suns ordre do tous côtés,
et posant des corps do garde à tous les points importants, On était niuitrode
Ltvitiv oiunuinii:, M
Constantine, et doux ou trois heures après le moment auquel la soumission
avait élé l'alto," "le général en chef et S, A. R, Mgr lo duc do Nemours'entrèrent'
dans la ville et allèrent occuper lo palais du boy Ahmed..-» Co fut un étrange
et hideux'spectacle (pu* colui do la brèche pour ceux qui» arrivant du dehors,'
tombaient sans préparation devant ce tableau. C'était comme uno scènod'onfor,
avec des traits tellement saisissants, que, sous cette improssion, l'esprit, dans son
ébranlement, se persuadait quelquefois qu'il créait lorsqu'il no faisait qu'npor-
covoir ; car il y a dos horreurs si on dehors do toutes les données do l'oxpérîonco,
qu'il ost plus facile do tes regarder commo des monstruosités enfantées par
l'imagination 'que commo dos objets offerts pur la réalité, A mesure que, mon-
tant par la brècho, on-approchait du sommet, il semblait qu'une-atmosphère
chaude, épaisse, plombée, s'abaissait pou à poil ot .remplissait entièrement
l'espace, Arrivé sur lo rempart, on no respirait plus l'air des vivants; c'était
une vapeur suffocante, pureillo à celle qui s'écliupporoit de tombeaux ouverts,
commo uno poussière d'ossements brûlés, En avançant oncoro, on apercevait
des têtes cl des bras sortant de dessous un monceau do torro ot do décombres,
là oh quolques-uns avaiont péri sous les ruines d'une maison écroulée; plus
loin, on trouvait un chaos do corps entassés les uns sur les autres, brûlés,
noircis, mulilés, d'Arabes ot de Français, do morts ot d'agonisants.'U'y avait
des blessés qui étaient oncoro engagés sous des cadavres, ou à demi enfoncés
dans tes excavations que l'explosion avait ouvertes sous leurs pas,'On en voyait
dont la conteur naturelle avait entièremont disparu, sous la teinte que leur
avaient inipriméo le fou ot la poudre ; d'autres, que' leurs vêtements entièrement
'consumés avaient laissés h nu, Do plusieurs il no restait quo'quolqiio chose qui
n'a pas de nom, un je no sais quoi noir, affaissé, racorni, presque réduit eu
charbon, avec une surfaco on lambeaux, et à larptollolo sang arrivait partons
les pores, nui is sans pouvoir couler; et do ces petitesmasses informes sortaient
dos cris, dos gémissements, des sons lamontablos, dos souffles qui glaçaient
d'efiVoi, Ce que les oreilles ontendaient, co quo los yeux voyaient, ce quo les
narinesrespiraient, no pont so rendra dans aucun langage.
«; Pendant quo l'assaut so livrait, ot mémo avant qu'il conimouçAt, et dès les
premières clartés du matin, lin mouvement extraordinaire d'émigration s'était
mailifosté autour de la place. De Koudiat-Aty ou voyait la foulo inondor les ta-
lus suspendus on Ire la ville ot los précipices, et bouillonner dans cet espace,
soumise à dos flux ot reflux qu'occasionnaient sans doute les difficultés et les
désuslros do la fuite, Lo rebord do la profonde valléo'" du.- Rurnmol dérobait la
scène qui so passait au-dessous do lu crête dos rochors verticaux ; ou perdait do
-, vue
le cours des fluctuations do, toute cotto multitude, mais on lo retrouvait plus
loin, lorsqu'il sortait du ravin pour se ramifier on mille directions, le long dos
pentes quo couronnait le camp d'Aluuod-Roy. C'est vers co contre (pie conver-
geaient toutes les longues files d'hommes armés ot désarmés, de vieillards, do
femmes ot d'enfants, et tous les groupes qui, entre los principales lignes do.com-
munications,-fourmillaient ù. travors champs. Doux pièces do montagnes, ame-
nées sur la lisière supérieure du fronl do Koudiat-Aty, lnncèrant dos obus au
milieu do cette nappe mouvante do têtes et do bornons, qui recouvrait los abords
do la ville les plus rapprochés do noire position, Les frémissements qui suivaieul
262 L'AFRIQUE FRANÇAISE,
la chute do chaque projoclilo indiquaient quels cruels effets ils avaient produits;
mais à mesure.quo les progrès do l'assaut so développaient, les coups do nos
pièces so rnllontiront, commo si, lo succès uno fois assuré, on oùt craint d'é-
craser un onnomi vaincu K
«Dès qu'on ont roconnu los principaux édifices do Constantine, on on choisit
un pour y établir rambulanco; aussitôt après la cessation des hostilités, les
blessés avaient été ramassés partout oh ils étaient tombés, arrachés do dossous
los morts et los décombres, et déposés à une porto do la ville, Dès que leur
nouvel asilo fut déblayé et garni do matelas que los habitations voisines four-
nissaient en abondance, ils y furent transportés, En même temps on avait
placé des postes dans tous los magasins do l'Etat, do pour quo le gaspillage cl
lo désordre no s'attachassont, comme un ver rongeur, à cos dépôts dont dépen-
daient, sous beaucoup do rapports, los déterminations à prondro sur le sort dis
notro conquête. Uno partie dos troupes fut introduite dnns In ville, taudis que lo
reste continua à occuper tes ancionnos positions. Los soldats logés dans l'In-
térieur et ceux du dehors, lorsqu'ils pénétraient, par los faux-fuyants et tes sou-'
Hors escarpés, dans la Capouo qui leur était interdite, parcouraient avec uno
étonnante vervo d'activité toutes les habitations restées ouvertes, et dont lu
plupart étaiont uhundonnéos, onlovantles couvertures, les,tapis, los matelas ol
les objets d'habillement qui loin* tombaient sous In main. Reaucoup d'officiers
déployèrent à celte occasion un grand luxe do suinte indignation et d'austère
stoïcismo, gourmandant, avoc un omporlomont plus fondé on motifs généraux
qu'on raisons actuelles, do pauvres soldats qui, après de rudes privations,
voyaiont à Jour portée dos éléments do bion-ôtro et croyaiont pouvoir on profi-
ter. Ceux-ci, on ofïot, so croyaiont absolument dans Jour droit lorsqu'ils travail-
laient à se pourvoir, contre los intempéries do la saison ot les incommodités du
bivouac, aux dépens du luxe d'un onnomi qui était tombé d'épuisomont plutôt
qu'il no s'était rendu pour éviter aux doux partis los calamités oxtrêmos, ot qui
n'avait tondu leramoau do paix à ses adversaires que lotit baigné do tour sang.
Dès lo matin du troisième jour do l'occupation, l'ordre était rétabli. Los soldats
cusorués dans los rues qui avaiont été régulièrement assignées aux divors corps
s'occupaient à nettoyor Jours armes ot leurs vêtements, comme'dans les cours
dos quartiers d'Europe, La population d'abord fort appauvrio on nombre par
,
la fuite dos cinq a six mille individus que la crainte do nos armes avait succes-
sivement détachés do son soin, so reformait déjà, ot s'arrondissait par los ren-
trées quotidiennes de nombreuses .familles. On voyait les habitants, dans cer-
taines rues qui leur avaiont été plus particulièrement abandonnées, dès le soir
mémo do notro rontréo, s'assooir dovant lours portes avec un culmo parfait, ot
former dovant lours maisons do petits cordes oh, accroupis les uns à côté dos

I On no poutse défendre d'un sentiment pénible en lisant co dornlor épisode de la relation écrite par
M, do La Tour-du-Pin. Le sang do nos soldats qui tombaient glorieusemont dans les rues de Constantino
dovait-il être vengé par des coups do mitraille sur uno multitude de vieillards, de femmes et A'enfants qui
rayaient los désastres d'un assaut? L'officier qui put ordonner cot acte d'inutile cruauté osorail-ll aujour-
d'hui l'avouer publiquement ? L'honneur français désavoue los meurtros commis hors du théâtre do la ré-
sistance; mais l'inhumanité d'un individu no saurait ternir l'âdmlrablo conduite do nos braves j l'assaut do
Constantine resteradans l'histoire A côté dos plus héroïques faits d'armes, ut jamais ville prise no fut, peut-
être, après la victoire,plus générousumoittépargnée.
LIVRE OUATRIEMF. 2GB

nulros, ils causaient avec une grave insouciance commo si aucun événement
extraordinaire ne s'était accompli dans la journée, et qu'ils oussont àso raconter
soulomont dos histoiros du temps passé ou des pays lointains, ot non dos faits
encorechauds, danslesquels ils avaient été acteurs, et dont ils étaient vio-
limos, »
Los instructions adressées lo 31 septembre au gouvorneur général lui recom-
mandaient do resiiecter ot do maintenir l'administration qu'il frouvorait établie
dans la nouvello conquête M, Yaléo s'y conforma rigoureusement, Il donna le
titre do kaïd h Sidi-llamoudu, fils du ('hoïkh-el-ltelod1; c'était un jonno homme
d'une famillo ancienne et si vénérée parmi les Arabos, qu'Ahmod-Roy n'avait
jamais osé faire poser sur lui s'on.cruel despotisme, Un conseil, composé do
fonctionnaires français el do notables indigènes, fut adjoint au kaïd pour pro-
léger tous les intérêts; les vaincus furent traités avec douceur; et lo général on
chef so borna à exiger d'eux lo pniemont dos fournitures ot denrées nécessaires
à l'arméo. Tous los documents administratifs qui pouvniout nous éclairer sur la
situation et les ressources do la villo et du'pays furent préservés do tout dés-
astre, et il no se commit aucun dos désordres qui avaient signalé la priso d'Al-
ger, Plusieurs .tribus vinrent bientôt nous offrir leur soumission, ot annoncèrent
(pie lo boy Ahmod, abandonné do la plupart dos sious, parcourait en fugitif los
vallées dosinouïs Aurès.
Quelques jours après notro installation, on vit arriver a Constantino lo 12° do
ligne, qui avait été retenu à Rono par los symptômes du choléra, dont plusieurs
soldats do co régimout, nouvellement arrivé do Franco, avaiont paru atteints,
Lo princo do Joinvillo, monté sur VJfmule, élant arrivé à Rono lo 4 octobro,
n'avait pu résister au noble .désir do venir partager les dangers du duc do Ne-
mours} lo 12" do ligne l'avait suivi avec enthousiasme; mais ces bravos arri-
veront trop lard. L'outrovuo des doux frères hit touchante; doux fils do Franco
s'embrassèrent sous lo drapeau do la patrie, ot l'arméo, témoin do lotir jouno
courage, salua do ses .acclamations tes présages do gloire hcmvollo quo cos
deux noms devaient réalisor dans l'avenir.
Le 20 octohro, lo général on chef fit partir lesdépouilles mortelles du comto
de Damrémont et l'artillorio de siège, sous la garde do 1,800 hommes ;co convoi
fil la roulo on sept jours et sans .combats, Lo 20, lo général Trézel so mit on
marche avec une seconde colonne escortant les malades ot les blossés; et lo 29,
lo général on éjiof, inquiété par les ravages du choléra, auquel beaucoup do sol-
dats et lo général do Caruman vonuiont dosuccoinboiyso.hulado'ramener à Rono
lo reste do l'arméo, laissant h Conslanlino une garnison do 2,800 hommes, suf-
fisante pour tes premiers besoins, ot qui fut élevée ensuite au chillVo do cinq
mille,
Ainsi finit la campagne do 1837'*, Le dernier pouvoir do l'ancionuo régouco
vouait do tomber; la prise (|o Conslanlino assurait à notro domination un riche

t I,o kriaMfn Uou-Aïssa,lieutenant d'Ahmed, était parvenu à s'échapper pendant l'assaut, Plusieurs aiitros
oflioiors de marque avalent péri, ou succombôront plus'tard dos suites do leuis blessuras,
8 Voir, pour fa noms cités à l'ordre de l'armée, la llsto générale placée A la fin de cotto hlsloiro, four' ne
pas entraver la niarpho dos faits, et pour faciliter los recherches, nous avons cru devoir les réunir on forme
d'ANNOAiRB, ot par dates de combats.
m L'AFRIQUE FRANÇAISE,.
développement, Assise sur un plateau élevé, à pou de distance do la mer; en-
tretenant do faciles rapports avec les confins du désert ; débouchant par do belles
vallées dans los plaines situées a l'est dos Ribun (Portos de Fer), cotte ville de-
vait opérer uno notable influence sur la prompte pacification du pays,
Mais, taiidis quo nos armes obtenaient dans l'est un immortel triomphe, la
désastreuse convention du général Rngoaud annulait dans l'Ouest tous los sacri-
fices d'hommos ot d'urgent que la Franco avait prodigués, depuis sept ans, sur
la torro d'Afrique, Tant do fautes accumulées pur une politique do faiblesse et
d'hésitation permanentes, ion t. d'erreurs qui ressemblaient à. du mauvais .vou-
loir plutôt qu'à de l'impuissunco, se trouvaient couronnées pur l'inexplicable
abandon .du sol dont la complète nous .avait coulé.si cher, Nos drapeaux vie-
torioux passaient sous les fourches caudines, et nous do gagnions une ville que
pour devoir aux couvonancos do M, Rugeaud la porto do toute l'ancienne ré-
gence, moins la province do Conslanlino, et l'espace étroit qu'il lui avait plu do
nous laisser sur lo littoral autour d'Alger,
Ou a vu, dans le livre 111% ..qu'au début des '.premières opérations militaires
qui suivirent notro conquête d'Alger, les tribus do la provincod'Oran, limitrophe'
dos états do Maroc, réclamèrent l'appui du chef do cette puissance, Profitant
des dilfîcultés qu'éprouvait.lo vieux bey Hassan à so maintenir, avec une faible
garnison turque, au milieu..dos Arabos,que,notre victoire et nos proclamations
appelaient à l'indépendance, le cbérilf Abd-ol-Rahmau avait tenté, au mois de
novembre 1830, do s'emparer do Tlomcon l ; son noveu Muloy-Ali, répandant
partout l'or et les émissaires, s'était créé rapidement dos iutelligoncos jusqu'à'
Milianah, ol même dans Alger, —- ()n a vu rinfructuouso mission du colonel
Auvray h Tangor compliquer nos embarras devant ces projets d'invasion qui
n'avortèrent quo par un événement fortuit, une révolte intérieure dont la répres-
sion nécessita le rappol dos troupes marocainqs déjà rassemblées sur la fron-
tière do l'Algérie. —• A la fin do l'annéo suivante, lo meurtre d'un richo négo-
ciant do Maroc,' décapité à Oran, sans jugement, par ordre du général Royor,

\ Tlomcon formait .encore, en 1517, un polit élat indépendant, dont lo chef, Muloy-Abou-Uamoud-Bon»,
Abdallah, parvenu nu pouvoir par uno porfidie, s'était allié ans Espagnols pour soutenir sou usurpation.
Deux nolnblos do Tlemcen, Muloy-Youssof ot Sidi-Hoti-Ytihia, so rendirent secrètement a Totiès, dont Un*
roudj-Barborousso venait do s'emparer avec un millier do Turcs, ot solliciteront lo secours do co pirate déjà
fameux, Ilaroudj saisit aveo omprossomont cotto occasion d'étendre-'ses conquêtes dans l'intérieur <ju
Moghreb; il morolia sur Tlemcen, qui lui ouvrit sos portes sans résistance, s'y établit en mnttre et y Ut
régner la terreur. Los Espagnols marohèrent contra lut, la surprirent ot s'emparèrentdo Tlomcon, HaroudJ,
forcé do fuir, mais chaudement poursuivi, fut attoint à trente lleuos do là, sur lo tortltoiro du Maroc, ot
périt dans un combat désespéré. Muley-Abou-Ilamoud,rétabli dans Tlonicon, convint do payor aux Espa-
gnols Un tribu annuel do 13,000 ducats îl'or. Sous los rognes suivants do nouvelles'dissensionséclateront ;
les Espagnols versèrent beaucoup do sang pour défendre Jours droits Bitr Tlomcon ; on 1550, lo chôriff do Vm
s'en empara, ot Abd-ol'Kador, son lieutenant, marchait déjà sur Mostaghauom avec 10,0i,'(U>ommos, annon-
çant mémo sos projets de conquérir Algor, lorsque los Turcs se portèrent au-devant do lut aveo une toile
rapidité ot des forces si Imposantes,qu'Abd-ol-lvador no songea plus qu'à fairo uno prompte retraite ovoo un
butin considérable. Attaqué au passage d'une rivière, il périt dans un sanglant combat. »Sa tôle, enfermée
dans une engo do fer, fut portée en triomphe à Algor, et suspendue sous la vouto do la porto Hab-Azoun.
Le Turc Safftj fut laissé à Tlemcen par Hassau-i'acha, avec 1,500 janissaires et 10 pièces do canon, A
partir de cette époquo, Tlemcon devint un beylik do la régence d'Algor, Après l'expulsion dos Turcs par la
conquête françaiso, lo chériff marocain crut avoir d'anciens droits à faire valoir sur la possession do Tlomcon ;
mais, trop faiblo pour les appuyer parles armes, il s'en désista lul-mâmo, en 1833, à la suite do négocia-
tions diplomatiques. (Voyea, pour les détails dé cotte partie dos révolutions barbaresques, mon IJistoire des
f irafes et Corsaires de l'Océan et de la Méditerranée ^ t, (".)
h mu; gu VTRIKMK, ;*!(}»"
compromet la vie des Français établis dans les villes du ehérill'A't notis réduit à en-
voyer une ambassadechargée de présents pour acheter lasûroté do nos nationaux,
et pour éviter une déclaration do guerre dont le motif nous oui déconsidérés,
—On a vu onfiu l'habite diplomatie do M, do Mornoy, gendre du maréchal Soult,
\
obtenir, lo avril 1832, la signature d'une convention qui retirait Tinfluonco
marocaine des villes do Tlomcon, doMédénli etde Milianah V
Mais, forcée de renoncer à des prétentions directes sur la régence d'Alger, la
politique (rAbd-el-Rahmau prit alors dos voies eontro lesquelles''notre iuoxpé-
rionce dos choses, notre ignorance presque complète dos mmurs et des relations
musulmanes no pouvaient s'armer d'aucuno prévision, L'apparition d'Abd-el-
Kader n'est pas un fait isolé pour les esprits observateurs qui ont étudié do près
la question arabe, Pour apprécier avec, justesse co remarquable incident do
l'histoire africaine, il faut bien comprendre l'action du ressort religieux dans
los contrées soumises a la domination do l'Islam.
La loi musulmane, considérée soit eommoloi civile, soit comme loi religieuse,
repose sur doux buses ; le texte du Korun, nnpolô, Hl-Schcraft .(la loi'),"quiré-'
.pond à la loi mosaïque,' et lu Sonna, ou loi iradilionuollo, qui répond au
Mishna dos Hébreux, Sonna, au milieu d'une foule d'autres sons, signifie cou-
tume, régie, institut; c'est comme uno sorte do supplément du Korun, composé
de tous les précoptes recueillis par tradition delà boucho momodti Prophète, ot
qu'il a négligé d'écrire. Ce n'est que sottste kluilifat d'Ali qu'ils ont élé rassem-
blés on corps do doctrine, et une foule do coinmontairos ont été ensuite publiés
-sur ce commentaire ménio. Los Sonuites, ou tradltionuistes orthodoxes, se di-
visent on quutro sectes : celles d'Huueofnh, Malek, Shafoï et llannbaî, quatre
docteurs qui sont, en quoique sorte, los qualro colonnes de la fol, les;quatre
Pères do l'Eglisemusulmane lluncofah, lo plus illustra, était néà Corfou, dans
l'an 80 do l'hégire. Do tous les connnon tuteurs du Koran, c'est celui qui a fait
la part la plus largo à la raison humaine et à l'équité naturelle, et qui s'est lo
moins soumis à l'empire do loi tradition. Les dernières -années de sa -vie so pas-
sèrent duus une prison, à Rugdud, oh il aima mieux mourir que do céder aux
instances du khalife Kl-Mansour, qui voulait lo lbreor à accepter los .difficiles,
fonctions de kliadi.D'innombrables disciples ont suivi les traces do ces quatre
docteurs, et entassé sur leurs travaux uno masse éiiormo de commentaires, do
plus en plus divergents à mesure qu'ils s'éloignent do lu source oh les mnitres
ont puisé, Lu doctrine d'IInneofnh, née dans l'Irak, règno aujourd'hui dans la
Turquio, laTartarioot rilindoustan; c'est la plus répandue dos quatre. Colle do
Malek, qui florissait à Médino, a dominé surtout dans l'Espagno musulmuno^
ot règne oncoro dans tout lo Moghreb. A l'inverse do colle d'IIaneofnh, elle
écrase la raison de l'homme sous l'autorité do la tradition, La doctrine do Sha-
foï, surnommé le-Soleil dumonde, né on Syriodt mort eu Egypte (au de l'hé-r
giro 204), est maintenant répanduo dans l'Arabie et dans l'Egypte, mais a cessé
deTétro dans lu Perso, Enfin, coite d'IIannbal, le rival d'abord, puis lo disciplo
ot "l'ami do /Shafoï, est confinée dans quelques recoins obscurs do i'Arabie,-Hann-"
bai mourut àRugdud, l'an de l'hégire 'Qii ; nouf cent millo personnes suivirent

l Voyez pour cos faits divers, le uvnu m', p, 110, 1-J3,137 ot MO.
.'34 -'/';''
ahu iMi/RiQui«; t'UAN'çÀi.siv
son convoi, ot vingt mille infidèles, le jour mémo de sa mort, embrassèrent la
foi du Prophète. Et cependant, sous le joug de cette loi absolue, qui n'admet
que l'obéissance,mais jamais le doute nil'examen, liudépcuduneo de la pensée
humaine a su encore se faire jour, et tes hérésios n'ont pas manqué, mémo
sous l'empire du Koran, Nous ne parlerons pas eu détail dos hérétiques musuk
nions, beaucoup plus nombreux-.que' les orthodoxes ou Sonnites, Mentionnons
seulement, pour mémoire, los noms des quatre grandes hérésios qui se sont sé-
parées do la soucJio do l'Islam ; 1" les Motnzolites, qui nient l'éternité des attri-
buts do Dieu, lu prédestination, l'éternité des peinos ot colles du Koran ; W los
Sifati, défenseurs opiniûlres dos attributs do Dieu ; .3° los Khoréjitos, ou rebelles,
qui se séporèrout d'Ali, ot firent périr sous le poignard le gendre du Prophète,
et 4° los Schyilos, partisans fanatiques d'Ali, qu'ils révèrent au moins à l'égal du
Prophète. Ce dornier schisme, qui rejette obstinément l'autorité do la Sonna,
règno surtout en Perso ; do là, lu haine réciproquo dos Persans et dos Turcs, ou
des Schyites et dos Sounitos, qui tons doux ont beaucoup moins do répulsion
pour un infidèle que pour un ...musulman do lu secte opposée. Chacune de ces
quatre sectes se subdivise en uno foulo de rameaux » plus éloignés oncoro de la
souche mèro dont ils se sont séparés,
Mais il fallait un guide au milieu do ce chaos do jurisprudence et do traditions
contradictoires, qui laissent le champ trop largo à r interprétation du jugo. La
brièveté du texte sacré n'avait fait que multiplier les longs travaux dos commen-
tateurs. Parmi tous les livres qui ont élé composés dans co but, un dos plus ré-
guliers et des plus complets est, sans contredit, VHcdaya (mot hiyoi le guide),
composé, par lo cheikh Pou-Khan-Kddin-Ali, célèbro légiste, né dans l'Indo vors
le douzièmo sièclo, C'est une sorte do Digeste de la loi musulmane, oh l'on a es-
sayé de ranger, dans un ordre assez peu méthodique, les confuses prescriptions
législatives du Koran, en joignant au texte sacré los commentaires les plus ap-
prouvés. L'auteur incline en général vers la doctrine d'Haneofah, que son livre
résume; aussi l'IIodaya n-t-il surtout autorité dans l'Indo i où lo gouvernement
anglais l'a fait traduire pour l'iisago de ses sujets musulmans V»
D'après co que nous vonons do dira, la doctrine d'Haneofah régnant aujour-
d'huidans là Turquie, et celte do Malokdans tout lo Moghreb africain, le sultan
de Çonstantinople et lo cheriff du Maroc sont, en Orient et en- Occident, les doux
chofs on qui so résument les pouvoirs spirituel ot temporel ; l'unité de l'empire
musulman s'est brisée par ce fait que les sujets do l'tui regardentcomme sehis-
matiquos tes sujets de l'autro; mais'ja plénitude du pouvoir réside également
dans la personne du sultan comme dans celte du chéridV L'Islam étant l'entière
soumission do l'umo et du corps à la volonté do Dieu, il résulte aussi de ce
f Voye? l'Jfi's/oire iî'Jîs;)fij7i!(?,parKosseeuwSairit-Itila.ire,t, III, liv. 7, chnp. /le".—Histoire du mahomé-
//sw«,par Mills,chftp. %—Tableau de l'empire ottoman, par Mouradjéa d'éhsson.
:
« La doctrine de Haneefab, dit M, Uosseeuw, est la seule qui soit connue en Europe, par le précieux
commentaire qu'en a fait l'IIëdaya, et par le savant ouvrage do Mouradjéa d'Ohsson, emprunté presque
tout entier a la Moultelm-eï-Eliboiir (le confluant des moeurs), résumé de la doctrine d'Hanoefah, qui sert
encore de codo À l'empire turc,>
Quant a la doctrine dé Malek, qui dominait dans l'Espagne arabe, et règne encore en Barbarie, elle
mériterait d'être traduite par quelqu'un de nos orientalistes,- pour nos possessionsd'Algérie,. où elle est
toujours en vigueur. Elle ne diffèro, au resto, de celle d'Ilaiicefali que Bur certains détails, et est d'accord sur
toutes les généralités.
MViUî QUATRIEME, 207
dogme fataliste que tout usurpateur succède aux droits du souverain quand-la
:
volonté do Dieu, c'est-à-dire le succès, a légitimé son usurpation, ho fait', dans
ce cas, est synonyme do droit, et lo pouplo passo bientôt avec la Providence dans
locamp do l'usurpateur heureux : ((Lalégîlimilé, disent les docteurs arabes, s'ac-
qnlort pur lo triomplio dos armes et parl'exercice do l'autorité souveraine, » Ce
principe donne la clef do toutes les révolutions qui ont traversé l'existence dos
dynasties musulmanes; lodroit d'aînosso n'y confère point do droit à la couronno;
U no fournit que dos prétextes aux rebelles qui Jo font valoir los armes à la main.
Le trône, du reste, au milieu dos longues dissensions qui viennent déchirer l'em-
pire, n'est jamais divisé, et l'Europe eJiriHionno, affaiblie ou morcotéo pur tant
do partages insensés, pourrait prendre, sur ce point, dos leçons do l'empire
oralio, Un dogme roligloux et politique, fondé sur l'unité, n'admet point do
partage; «le fourreau du Prophoto, comme le disait Mohammed lui-même, no
contiendrait pas plus doux sabrosquo son empire doux rois!»
En laissant les musulmans d'Afrique soumis à la domination turque, lo ché-
riff marocain avait cédé à la fatalité do la conquête, Quand cette domination fut
renversée par nous, il eut un moment la pensée d'oxorcer ses anoions droits sur
TAIgério; mais entouré do populations qui, sans contester su suprématie spiri-
tuelle, s'affranchissent'nlsémont de son autorité tomporollo qui no règne qu'à
quolquos liouos do sa capitale, il n'eut ou no so sentit point la forco do tenter.,
contre notre invasion une résistance persévérante. Frappé de terreur par nos
rapides Victoires et par la chute do/'/cette redoutable puissnnco dont Alger
était la tête dopuis trois sièclos, il craignit d'attirer nos armes au erettr
do sos propres états, ot borna ses démarches à sondor les dispositions dos
Arabos voisins do sa frontière. Privé d'une armée régulièro, il no put faire
appuyer son novou Mtiloy-Ali que par dos contingents indisciplinés, dont los
désordres et les pillages firent germer l'Insurrection partout sur leur passage, ot
nécessitèrent leur prompt licenciement. Cot occidont rendit plus faciles les négo-
ciations do M, do Mornuy, ot détermina la convention signée à Mequi.no/. on
avril 1832, Dans cette circonstance, Abd-ol-Rahman cédait oncoro à la futaille,
mais sans abdiquor ses droits, et on so réservant tacifomont tlo susciter à notro
établissement tous les obstacles dont il pourrait so .servir sans une violation fla-
grante des traités.
La famillo d'Abd-oI-Kadorjouissait, do temps immémorial, d'uno haute véné-
ration parmi los Arabes. Une jeunesseaventureuse, et plusieurs voyages on Orient
etautombeau du Prophète, reflétaient sur lo front du jouno fils do Mahiddin uno
auréole do célébrité; les légendes dos 'marabouts lo présontniont commo l'in-
strument prédestiné à la restauration do l'indépondanco musulmane. Su no-
blesse, ''qui s'enorgueillissait do remonter nu Prophète, formait aussi uno sorte
do lion do parenté entre Abd-él-Kndor et Abd-ol-Rahman '. Le chérilï crut

i Muley-Abd-Bl-Raiimtin-ben-Muloy-Isohem est réputé doscendro au 30* degré, en ligne direoto et mas-


oultno, d'Ali, gondro du prophète Mohammed.
El-Hadji-Abd-oi-Kader-Oulld-Mahiddiu,émir dos Arabes algériens,, est de la race dos Hachems, qui se
prétoiid issue de la famillo du mémo nom, à, laquollo appartenait Abdallah, père du Prophète.
Ces niltoiicos si rapprochées, ot qu'aucun musulman ne conteste, expliquant lo secret appui quelooliériff
de Maroc accorde, depuis 1833, à Abd-el-Kader, et ta profonde vénération qui entoure lo jouno émir, Quoi
2(i8 L'AERIQUK ERANCAiSE.
trouver dans l'enfant de -la tribu dos liachems l'agent le plus propre à seconder
secrètement ses desseins, Il se mit en /communications intimes avec Abd-el-
Kudor, qui accepta ce patronage, saul'à l'employer plus tard pour agrandir ses
.destinées. A peine entré contre nous en élut d'hostilité, le futur émir no larda
pus a recounaitro quo la province d'Oran, oiï son nom était déjà célèbre, était
colle qui lui offrait le plus do chances pour y fonder lu puissance du seul maître
dont il voulait relever, (iurder son alliance mystérieuse aussi longtemps qu'elle
pourrait lui être utile la secouer dès ([lie le succès lui poriuellruit do so passer
,
d'appui ,ot jouer un jour ou vers te cliériff le rôlo/do Mehemol-Ali vis-à-vis du
sullun Mahmoud,; tel fut te 'plan.'d'Abd-el-Kader ; et il faut bien reconnaître (pie
nos funtes ne l'ont pusmoins servi que son génie. Le truite du général Dosmi-
.-chois,' on 18'14, on fit un petit souverain ; et le truite de la Tafna, dont nous
avons raconté la triste histoire, complétant celte njuvro iin|>olitiquo, éleva notre
adversaire au rang d'égal do la Erance.
<
Lo résultatimmédiat dos négoidUhUis du général Rngeaud fut do resserrer
étroitement l'nlliaiieodu chérilf avec l'émir algérien, L'abandon, de -Ttei.nco.h-
livrait A. Abd-ol-Kader la clefdo/'ses rapports futurs avec tes populations, mu-
sultuanes do l'ouest; ot dès ce moment,' l'histoire do nos guerres d'Afrique va se
compliquer do nouvelles difficultés el d'embarras sans /cesse.renaissants, qui
n'aboutiront, le 18 novembre "18iB; qu'à un traite sans /valeur,/ot dans lequel
ladignilédolu Erunce no sera pus plus ménagée que ses intérêts 'matériels»
Comme les événements ultérieurs do la conquête vont, dès à présent, se mêler
à la politique anglo-uiurocaino, nous allons étudier les divers aspects do ce
nouveau IhéAtro, devenu le foyer d'une sourde fermentation dont il n'est pas
encore permis d'en (revoir les derniers résultats.
qu'il on soit do cotto"généiilogli.' que l'on no peut pas plus contester que prouvor, notre'Infatigable adver-
saire semonlro, par son génie, à la hnuteiir do la position que lui ont créée nos fautes, Nous verrons blonl/U
tivoo quelle adresse"ot qitolio persévérance il n'u cessé de los mettro a piollt,
MVÎlK/CINQUIÈME,

TAllhl'IAU m l/KMPIHK I)K iMAIlOO,

% Ier, l'AltCOlillS f>i:S ItlHiiONS INTIÏIUMCIIIVS.

Le Moghreli-el-AI(sa [occidens ea'tremus, oxlrêiiio région do l'Ouest '), que


nous nommons vulgairement' Empire de Maroc, so compose d'une réunion
do provinces montagneuses, sur lesquelles l'autorité du chériIV ne règne tpio
nonilnalemeut.au delà d'une petite distance do su capitule, (lotte contrée occupe'
un territoire de deux cent vingt lieues on longueur sur cent cinquante do lar-
geur ; elle a cent liouos de côtes sur lu Méditerranée, et deux cents sur l'Océan.
Sa population, dont le chllfro exact nous .'échappe 'i, ost répnndue dans uno
dizaine de villes et une multitude do villages .ou do douars, Au nord, su limite
est tracée pur lu Méditerranée et le délrott dis Clhrultur ;—uu sud, par le désort do
;
Sahara 5 à l'est, pur les monts Truru, qui lu séparent do l'Algérie,- et pur le
--
Reled-el-bjerid ;•—- à l'ouest, pur l'Océan Atlantique»'A- l'est, au nord et au sud
-régnent les chaînes de l'Atlas, dont los rumenux 'innombrables prennent los
noms dos sauvages tribus qui les habitent,
l Voyez lo tiviitî iii:i!Xli';Mn, p. fiS ol 09, — Abou-el-Fuddtth, Afriea, arablcè et latine, curante Joh.
,7<>/ifio>'«.,|ti<>Uliigii',171)1.)
* (Irabut'g do lleiiiHul', dittis (ton Specchiodl Muroceo, t'évaliiull, mi 183S,I\ 8.fi00,000 habitants; ilnii» ce
.ôlilllVa 11 comprmid 8,71)0,000 Kubttïlt'8 ou rlcholloil'i*. •
Un (tutfo voyageur, M, ltoy, lu tixalt, mi.1810, a 8,000,000. l/lmimsslblillùdodénombrorliisnioiitagiitird'»
doit faire paraîtra ce cblil'ro osagéro. En ttdojiiuiit une inoyoimo tlo fi,ooo,000, on est probablementoncoro
Itli'll un«deR8i\s do la véltlé,
270 L'AFRIQim 1 nANÇAÎSK.
L'asjïect général du Mogbrob-ol-Aksaost analogue, sous les rapportsphysique
ot agricole, à Celui do l'Algôrio. Son climat, semblable à celui do l'Espagne
méridionale, est tempéré, à l'est, par le voisinage dos hautes montagnes dont
les coins d'eaux fécondent sos plaines et ses vallées ; aU nord et à l'ouest, par
deux mors dont los brises régulières adoucissent les chaleurs do l'été. La terre
peut fournir; trois récoltes dans l'an. Le blé, malgré sa culture imparfaite, y rond
souvent soixante pour un, Les fruits à écorco y viennent en plein champ :
tous les arbres de l'Europoy atteignent des proportions admirables, La canne à
sucre, quo nous n'avons pas encore réussi à implanter en Algérie, se cultive
avec succès dans les régions méridionales; los ciiedb.su. glands doux, los lièges,
los cyprès, les gommiers, tes lcntisquoSj les cèdres, les arbousiers, formont sur
les montagnes dés forêts prodigieuses; lo mhrior, lo citronnior, l'orungor,l'acacia,
lo dattier, l'ôliviot', l'amandier, le grenadier, lo micocoulier, le thuya couvrent
les vallées ; l'orge,; lo froment, le maïs, l'avoino qui n'existe pus on Algérie, lo
millet, los fèves se disputent la plaine ; lo'tabac') le colon, la vigne prospèrent
dans toute son étoitduo. D'autres denrées (l'exportation y abondent, telles quo
les cires, l'huilo d'oiivo et lo sel, Tant de richesses, dépréciées par une longuo
barbarie, méritent bien qu'un grand peuple fasso quelques efforts pour les
rendre à lu circulation en échange de ses produils. Les Maures 110 cultivant
lours terres qu'on raison do leurs ."besoins les plus rigoureux, les deux tiers au
moins du Maroc sont en friche, Le palmier nain y pullule comme en Algérie.
Ce dénumont matériel estde fruit du despotisme qui avilit ces contrées dégéné-
rées. Chez uno nation oh l'homme n'a poinldo propriété, puisquo Jo sultan est
maître do tout, oh l'homme n'a pus la liberté de disposer du fruit de son tra-
vail oh enfin il.n'o peut ehjouir ni s'en glorifier aux yoiix.de ses compatriotes
»
do pour d'éveiller la cupidité do ses/maîtres, il est facile de trouver la 'cause do
son inertie, do son abrulissoineut et do sa misère. L'arbitrairedu régimo poli-'
'tique dépasse, au Maroc, l'absolutisino du vieux pouvoir ottoman"» Lo sultan do
Consfuntinople est limité dans ses caprices par son divan^ par lo corps des
ulémahs, organes do la religion et de la jurisprudence; lo chériIV muroeuin n'a
tlo loi que su convenance et de mobile que son uvarico. Sous Un pareil joug, le
sujet qui ne compte pour rien aime u être ignoré ; il so cache avec soin do la
présence du maître. Les ugohta du pouvoir ne sont pus moins asservis quo le
peuple ; chargés do recueillir les Tributs, sous leur responsabilité, ot souvent
mémo au prix do révoltants sévices, ils pillent lo double des sommes quo fùk.
chuno le despote, pour défrayer loin1 emploi qu'aucun traitement public ne ré-
munère, purco que le-trésor dalla chose du souverain. Gruee a .ce système qui
tue toute vie morale chez près do cinq millions d'individus, la prospérité physi-
que du Maroc n'a fait qu'aller ou /décroissant. Une épouvantable famine s'y
déclara en 1779 ; les récoltes, ravugéos par des nuées do sauterelles venues du
sud, manquèrent de toute .part; et les malheureux hubitanls, vivant au jour le
jour, sans greniers publics, sans épargnes, so trouvèrent aux abois. Les bes-
tiaux, polir lesquels Ils n'ont point d-apprpvisionnements,1 mouraient do faim
duus les plaines urulifléos, L'aimée suiyanlo fut encore plus désastreuse; les
gens des villes etdes cumpugnos périssaient par milliers. «.J'ai vu, écrivait à
colle époque notre consul général, une ibuiodltifbrtunés, sur los chemins, dans
I-KMMK in; M A il oc
LIVRE CINQUÏËMK, 271

les rues, oxpirùnt d'inanition, et qu'on 'mettait en truvors sur des unes-pour l'os
aller entorror ; j'ai vu des pères vendant leurs enfants pour un setter do blé ; un
mûri, d'accord avec sa femme, no pouvant plus la nourrir, alla la marier duus
une nuire province, comme si c'était sa senur, et vint la réclamer ensuite,' lors-
qu'il se fut créé do nouvelles ressources. J'ai Vu dos femmes et dos onfunts cou-
rir après dos chameaux,' chercher dans leurs'excréments quelques grains d'orge
qui ne fussent point digérés, et se les disputer avec avidité. On ne sait à quelles
extrémités le mal so serait étendu, si -l'Espagne et lo Portugaln'avaient permis
l'exportation do l'huile, du bourre, des fruits secs, et dos blés du nord, qui
abondaient à Cadix et a Lisbonne. Ce blé, souvent avarié,monta, sur tes mar-
chés do Salé, à cent vingt livres lu mesure qui /équivaut au seller de Emiico ;
lu mauvaise huilo et le beurre rauço valaient cent quatre-vingts livres lequinlul ;
les pois, les loves, les lentilles, qui abondent- ordinairement dans tes contrées
marocaines',' étaient devenus des denrées do luxe dont on comptait les grains ;
ou en donnait douze ou ipiinze pour lu valeur d'un denier. Huns l'état do eu-
lamilé oh se trouvait l'empire, on no pouvait voir "qu'avec éloniieineul et une
sorte do respect la résignation de ces peuples malheureux. Ils supportuionlle
lléuu suns so plaindre, parce que, selon leur foi, rien n'arrive eii.-cn inonde
que par la volonté"du Toutd'uissunt '» » Les Européens feraient une révolution
si quelque fatalité élevait .'subitement àdouze sous la livre do'puiu, comme cela
s'est vu uu Maroc en 1780,
Ces misères peuvoht.se renouveler à la suite de lu décadence qui opprime
tout lo Moghreb. Eh bien, en l'ace de Ces cruelles prévisions, n'appurliondra-t-il
pus quelque jour à ta -Krance.de prendre une généreuse initiative dans les inté-
rêts, «pli s'allieraient si bien, de sa puissance extérieure otdo la régénération
d'une contrée dont l'histoire uneionno proclame l'Immense richesse '/Quelles
que soient les réflexions que soulève actuellement l'exnmon de celte question,
on poiit prédire, avec cerlitudo, que lu conquête du Maroc sera, lotou.iurd , le
corollaire obligé de notre occuputioti do l'Algérie. Il reste ù voir sidans nos
intérêts politiques bien entendus, mieux vaut y subir lo.voisinage do l'Aiiglo-
terre qued'y planter /notredrapeau.
.
En pénétrant par terre dans le Maroc, lo premier point qu'on -rencontre' est
Ouchdnh, bicoque.do quinze cents dînes, tut sud-ouest de Tloniech, "et sur la
lisière du désert d'Angad. Ses.'maisons"do pisé sont busses, étroites, mal huiles.
Nous y trouvâmes,"on \H\4, -.'environ deux cents familles originaires do Tient*
cen, qu'Abd-ol-Kudoiyutt temps du/sa-puissance," avait forcées a émigrer. Ces
familles, auxquelles se .mêlaient quelques juifs, vivaient de jurdiituge. Ouchduh
est uu centre do'magnifiques vergers. Au delà, de tous côtés, d'est le désert, et
plus loin, l'Atlas, dont la chultio, venniit d'Algérie, traverse le Maroc, dans lu
direction du N.-të. uu S.-(K, grandit et s'élève à mesure qu'elle se déploie au
centre, el vu s'ubinior dans l'Atlantique en bornant le pays (le Sous, qu'elle'se-
pure du Roled-el-Niiti et du Suhtira.
Après avoir quitté Ouchduh et franchi tes .-premières ramifications du petit
Allus, on arrive h Dou-Roudou, ville iunréo, sur une hauteur .qu'eiilourénl de

i Recherches historiques sur tes Maures, pur M. du Ciioiiior, coiisut (jènûral «u Maroc, t. tll» l'urlu, 1Î80.
272 L'AFRIQUE FRANÇAIS*..
fertiles vallons; puis, au sud des-montagnes du Rill'et à l'ost du royaume do
Fez, on'rencontre Tnzu, petite ville qui commando l'Apre pays de Scliau.
D'Oiichduh à Koz on compte soixnnte quinze lieues, et les difficultés de luroiilo
sont telles, qu'il faudrait seize h vingt jours do marcho pour y conduira une
armée, en supposant qu'elle put traverser, sans coup férir, los montagnes do
l'Atlas el l'Immense désort de Scliau, dans lequel on ne trouve pus un puils ou
un cours d'eau toutes les dix liouos.
Le royaume de Koz est borné au nord pur les montagnes du RifV, à l'est'et
au sud pur l'Atlas-et les subies do Scliau, au sud-ouest par lo pays de Tomse-
nnh,et, en remontant vers le nord, par los régions dos Renidlussen ot du Ghurb.
..Lu situation do Koz est pittoresque, au fond d'un bussin qu'entouront dos-co-
teaux cultivés avec soin. L'Oued-Sebou, qui so jolte dans l'Océan au-dessous
d'EI-Mamorah, arrose la vallée de Fez do loUostau siid-ost. Eu descendant dos
hauteurs vers le fond du bassin, la route 'serpente à travers dos jardins magni-
fiques, rangés on amphithéâtres aux abords de lu 'ville, Celle-ci se divise en
deux parties ! le vieux.Koz,.buli sur le terrain plut, el le nouveau Fez, créé uu
treizième siècle pur •Ynkoub-cl-Muhsour, sur une hauteur qui. douiino l'uncionno
ville. Une forte enceinte et doux citadelles, l'une à l'est, l'autre à l'ouest, pro-
tègent la capitule du Chérill'. Le bus Fez est (reversé pur l'Oued-Rus-Aleinuli, qui
conlluo avec l'Ouod-Sebou. Cette petite rivière, qui, malgré les saisons, garde
toujours lo même niveau, mouille les rempurls du nouveau Fez, et fait tourner,
par l'inclinaison do sa pente, une grande roito qui porlo ses outix dans lu ville
haute. Colle mécanique fort simple est garnie d'ailerons que le courant met en
jeu ; elle a, do distance on distance, des vides qui puisent l'eau el la versent duus
un conduit pincé h Heur do sommet des murailles,
L'origine de Fez date do lu lin du huitième siècle; au douzième, elle était a
l'apogée do su splendeur. Lu conquête d'une partie de l'Espagne par Yukoub-ol-
Mansour lui ôta pour un temps sou orgueil de capitule; mois l'expulsion des
Maures lui ramena ses hubllunts -avec les débris do la grande civilisation gre-'
iiudiuo, Ses maisons sont buttes on briques, blanchies à la chaux, connue- toutes
les villes arabes, avec des terrasses qui font suillie et rendent les nies si étroites,'
que le jour y pénètre ù peine. Les boutiques n'y sont, 'comme dans le vieil. Al-
ger, que des échoppes obscures, oiï le marchand s'entasse avec ses puquols, el
l'unie gravement tout lo jouiyoïiulteuduut lu pratique. Ou n'y trouve plus aucun
vestige de ces palais merveilleux dont partent si coiiiplaisatniiioul Léon TAl'rt-
enin ol Mnrmol ', son fidèle copiste.'Iles, sept cents mosquées dont'partent, ces
historiens, il ne reste quo deux cenls zuouiu ou 'chapelles fort mesquines, et
ht mosquée d'KI-Kuroiibi, .sUrmoiltéo. d'un "'minaret de soixante-quinze pieds
d'élévation, L'Anglais Jackson attribue a cette ville une population de 1180,000
habitants ï il n'exagère quo 31)0,000,
Koz. est réputée dans tout l'Islamisme comme la seconde .ville sainte après
, ,
la "Mecque. Sou fondateur Edris, que los Maures prétendent issu on ligne directe
de Mohammed, après s'être caché ùMédinooii fuyant les proscriptionsdu khalife

i Miiriiiul-ljnraviijal (t.ulsdui), llenrii'cion gênerai de Afrlca, (Clivintt.ln, 167iJ, lii-fol,) —Luoliia Alrlcaiii
'du lotius Aj'riciv dïseriptionc librl iwvein, latiho vufdl nur'.Joh. t'iorianuiu. t A at\voi'ii liu> 1650.)
LIVRE CTNQUIKiVIE, m
Abdallah, ne so criit on sûreté qu'aux oxt'.l'émîtes du Moghrob. Su sépulture est
vénérée dans lu"mosquée d'EI-Kuroubi dont l'accès est interdit aux chrétions.
,
Au quatrième siècle do l'hégire, tes'musulmans du Couchant so. rendaient à Koz
avec la dévotion que mettaient jadis les chrétiens à visiter les saints lieux do
Jérusalem.--C'était aussi le séjour oh la science des/pouplos arabos a conservé
longtemps un do ses derniers asiles. Fez possédait oncoro, vers le milieu du
seizième siècle, des écoles nombreuses qui gardaient les traditions dos collèges
do Tolède, do (lordouo, do. Sévillo ol do Crenado; « l'encre du docteur veut lo
sung du martyr, dit un proverbe populaire des Arabes; le monde est soutenu
pur quatro colonnes : la science du savant, la justice (los grands, la prière des
bons et la valeur des braves;!» »
Avant l'apparition de:'Mohammed, les Arabos,-.échappant u lu fols, dans
leur vio errante, à la civilisation et à la conquête, avaiont conservé les vices
commo les vertus grossières des peuples enfants. Leur ignorance était profonde ;
l'écriture mémo leur était étrangère, mais le surnom du Peuple du livre,donné
pur eux aux chrétiens et aux juifs, atteste leur respect pour un art-qu'ils .ri'dmi»
raient sues l'envier. Le subêisnio était leur culte avant l'islamisme, et lu base',
do 'toute religion, l'unité de Dieu leur était inconnue. .Mohammed, on leur en-
seignant cotto unité , leur fit donc faire un pus immense; 'mais lo Koran était
loin, toutefois, do ...contenir eu lui le germe, do ce vaste développementde l'iii-
tolligouee qu'on vit bientôt écloro à l'ombre du khulifut. L'uge d'or des lettres
et des sciences arabes ne s'annonce donc à Rugdud que sous lo règne du kliu-
llfo/El-Muusour, vers 7fi{>. Tandis quo.l'pmporoiir grec Léon-.l'isiiurion bridait
les livres et les auteurs1*, El-Munsour se.montra l'assidu protecieiir.de la scieiico
nu berceau. La '.théologie, lu "jurisprudence, l'astronomie' et la poésie furent en-
couragées ot cultivées pur lui, et Ce-orges' lîaktishuu, médecin chrétien de l'Inde,"
Iradiiisult par son ordre les ouvrages médicaux grecs, .syriaques et persans 8» Lo
;petit-fils d'El-Munsour, le fumeux llarpim-el-llaschid,. surpassa ehe'oro son aïeul
duus la protection éclairée qu'il assurait aux lettres ; il lie voyageaitJamais,
dit El-nMaciu , sans un cortège d'une eeiituhio do savants qui l'accompagnaient
.même à lu guerre, (l'està lui qu'on doit/ce louchant usage dos Arabes, qui veut
qu'une école gratuite S'élève toujours ù c'ùté'd'une, mosquée, Aussi l'instruction
se répandit-elle dit haut de son trône dans toutes les élusses" de la société, Mal-
gré ses préventions religieuses contre les chrétiens, lluroilu 'finit pur confier à
lhiwWeshuu, profondément versé dans lu littérature grecque le soin do diriger
,
les écoles do son empire. Il appela égalenieiit auprès do lui un nioino nestorien
de Nisubottr, dans lo Khorussui'ï,. pays qui ..semble.être le siège (l'une culture In-
lellectuelle fort ancienne»
Les moines" nostoriens exercèrent/une grande Influence sur les origines de lu
civilisation ui'ulie. Dès les premiers siècles de l'ère chrétienne, nous voyons ces*
pieux lettrés, pacifiques .précurseurs de Mohammed,' pénétrer, dans lu Perso, dans.

I ilodrlgo do Custro liibl, Ëspan,, t. I, l'rotègom,, jt, il. 'liwte, ji, 11. — Jtlddoldorf, île Insliï,.HtleV,
,
n/s/).0«itllliB.,l8il),in-h
m L'AFRIQUE FRANÇAISE.
l'Inde et jusqu'au fond de lu Chine, propageant la foi à l'aide do la science, tan-
dis qu'à l'autre extrémité do notro hémisphère, le moine Nicolas traduisait pour
les Arabes Andaloux les oeuvres do Dioscoride.—-Los juifs d'Orient, alors cé-
lèbres par leur savoir, pouvont aussi revendiquer, mémo avant les chrétiens,
l'honneur (J'avoir initié los Arabos aux sciences profanes do l'antiquité. La mé-
decine était.surtout cultivée par tes Hébreux, qui l'enseignèrentaux Arabos, et
ceux-ci la perfection lièrent encore, avec cotto sagacité pénétrante ot cotte patiente
observation qui les caractérise. Mais, avec le déclin de lu civilisation musul-
mane, des pratiques superstitieuses remplacèrent peu a peu l'étude et l'observa-
tion, ot ce qui était une science devin t uno jonglerie grossière,
L'éclat du règne de lIuroun-ol-Kuseliid fut encore surpassé par celui d'EI-
Manioun, son fils, do 813 à 833. A Rugdud, commo plus lard à Cordouo, les
premières dignités do l'Élut furent l'apanage exclusif du mérite otdo lu science,
îles familles entières, les femmes'comprises, so voueront au métier de traduire
les (ouvres étrangères, quoique, pur un étrange cuprico, les originaux, une fois
traduits, fussent brûlés pur ordre d'El-Mumoun, qui, vuinquour des Crocs, oxi-
geuit d'eux dos manuscrits pour tribut 1. Mais, à côté do cette espèce do folie, le
mémo khalile faisail élever à grands frais 0,000 écoliers dans un seul collège de
llagdad, Passés, presque sans transition, de la barbarie à la civilisation lu plus
raffinée, les Arabes se ruèrent vers l'étude avec lu mémo ardeur que vers la
conquête; arrivés trop tard [tour créer, ils prirent les sciences toutes fuites aux
mains dos peuples qu'ils avaient vaincus ot imiteront co qu'ils no pouvaient.
,
plus inventer. Do là celle rapide croissance et ce déclin non moins rapide do
leur civilisation, écloso à la,halo, sans culture 'préalable, el trop vite développée
pour ne pus se faner '.bientôt. Toutes leurs connaissances sont des emprunts :
l'alchlmio, cultivée pur eux uvec lunt do crédulité et d'amour, leur vient de
l'ÉgypIo; la géométrie et l'uslroiioniio des Crocs, leurs premiers maîtres; la
philosophie ot l'histoire nulurello d'Aristote, qui régna sur eux commo sur le
moyen ugo européen ; lu médecinedos.Hébreux, ol l'algèbre do l'Indo; ht bous-
sole 2, imparfaite il est vrai, des Chinois, qui la possédaient dès le premier
siècle do l'ère chrétienne; enfin le papier do l'Asie '', et la poudre à canon des
Mongols 1, Avides de toute espèce do connaissances, les Arabes, à défaut d'in-
vention, .semblent avoir été doués do la fuculté de s'upproprier, pour les porfoo-

i Itonaïm, savant chrétien, traduisit, parordro do co Ithatlfo, les oeuvres d'Kucllde, i'tolétnéo, Arlstota,
Iltppocruto et Galion j aussi l'uvalt-on surnommé l'Interprète; lil-Mansour lui payait sos 'traductions au
poids do l'or. Elles sont on général pou fidèles ; 'l'ordre do l'original y ost souvent intarvorll. (llpist. Henau-
doll'ad' Dacertum Fabricium; liiblloth, grmea; t. I, p, 8(11.)
* La boussole, sous lo nom do catamita, était connue et employée par los républiques commerçantes do
i'Ilalio, dès lu tin du xit* Btèelo. Alors l'uigulllo ulmautéo n'étult pas siispondiie, mais flotlnltallttcliéo
à un morceau do pitlllo. (llist, des sciences mathématiques m Italie, par Llbrl, t. Il, p, (là.) Mais longtemps
avant les chrétiens, los Arabes so sorvnlont do la boussole t'oiir se guider dans la navigation, ou dans leurs
courses a travers lo désert. (Luotitc. (Jhntoottdyl. /A r«'ftns
1

a Dès l'an ai) do l'hégire musulmane, lo papier, connu do.totnps iinmémorittl par les Chinois qui le fit-
briquaient avec do la solo, était répandu dans toute l'Asie. tën l'an as, on établit à la Mecque uno fabrique
do papier de coton. Les Arabes on porteront l'Usagé en Ityiaguo. (Audrès, Origine eprogressi d'ogni telle-
ratura; p. 108 à 2«!î.)
i L'historien lil-Muoln rapporte qu'un siège do la Mecque, on l'an ilo-J.-O. 000, ltadjl-Itiigliig m servit
tl'ttnd sorte do mortier, ~- l'iorro, évoque do Léon , qui écrivait uu su 1 siècle, jmrlo de vaisseaux du priiire
do Tunis qui portaient des bombardes.
LIVRE CINQUIEME. 275
lionnor, les découvertes dos autres peuples, ot d'en faire, on les propageant dans
loin* vosto empire, te patrimoine du genre humain. Lu soulo chose qui lourup-
partienno.cn propro dans toute celte culture do seconde main, c'est lotir .littéra-
ture, produit Indigène do.lour sol ot do lour génio, ot qui est à eux pur sos qua-
lités et surtout par sos défunts, 'Mais le grand et réel service qu'ils ont rendu au
monde jco n'est pas d'avoir créé les sciences,-c'est do no pus les avoir laissé
périr. -
Lours principaux historiens sont: 1° Tomun-bon-Amri, mort on 8i)fi, qui a
écrit los annotes des émirs d'Espagne; 2° Mosandi. qui, vors lo milieu du dixième
siècle, a raconté, dans son livre intitulé les Prés d'or, les guerres d'Abd-el-Hah-
manIII contre les enrôlions; 36 Abou-Abdullah-boti-Abou-Nusr-el-lIoiuaïdl,-'au-
teur d'une courte chronique sur la conquête do la Péninsule et sur le rogne dos
Ommyados; 4° lîen-el-Abar-el-Kodaj, do Valence, qui a trailé lo mémo sujet;
d° Ahnied-ol-Itn/i, qui vivait vers lo -.quatrième siècle de l'hégire, auteur d'uno
histoire fort étendue do l'Espagne'ot des vies de ses hommes illustres; (>°Abou-
Mcrouun, plus connu sous lo nom d'Ebn-Hnyuh, mort en 1088, qui a écrit les
annules de l'Espagiio on dix volumes,el un autre ouvi'uge historique eu soixante;
1° Aboul-lIassonid{hulaf4)on-Paskual, do Cordoue, mort en Hi)Y, qui u raconté
lo démembrement du khalifut; 8" Abd-el-IIulim, de Crenade, écrivain du qua-
torzième siècle, historien des empires do Koz, des El-Moravidcs et des El-Mohados*,
Du Ebn-Khuldoun, do Tunis, du mémo siècle; et enfin, 10° pour les derniers
temps do lu domination arabe, Ll/an-Eddi'n-Assalemanni,scerotuiro des princes
do Cronado, qui u raconté leurs règnes sons le titre bi/.arrodo Pleine Lune;
i 1° Abdallah-Alt-ben-lIouzoïl,do Crenade, u écrit sur l'histoire et l'art militaires;
12° Ahmed-ol-Mokhri, do Tlomcon a composé, le dernier, Vers le dix-septième
,
siècle, une compilation abrégée des travaux de tous ses devanciers.
Les continuels voyages des savants arabes, à travers l'immense étendue dos
pays soumis à la loi de l'Islam, ont produit d'excellents travaux do géographie
et de statistique. La plupart dos traités que nous possédons encore ont élé com-
posés par ordro des khaliles de lîugdad'e't do Cordoue. Abeiidsu-ol-Cazuni u
laissé une description scientifique de l'Egypte. Au douzième siècle le ohérifl'
-,
lOdris, qui Ut pour Roger II-, roi de Sicile, le fumeux globe céleste etr urgent,
dont le moyen Âge u tant parlé, u compris duus su volumineuse géographie, dont
nous no possédons qu'un fragment, une description détaillée de l'Espagne 1.
Dès les premiers temps do la conquête, l'émir El-Sumah avait dressé liti-niénio

1 tëdrîs ou Édrlsl, plus connu sou» lo 'nom .«lo Ucographusnubiensis,étaitorigiuairo do Coûta, sur lacôto
nord du Maroc actuel. La partie do ses oeuvres qui con'corno l'Afrique il été traduite par M. Jaubert.
Los autres publications historiques ot géographiquesrelatives au Maroc où a 1*Afrique on général, et qui
sont duos à dos autours arabes, sont les suivantes i — Histoire des Oerbères, tmr Abd-el-llaliman, trad. do
l'arabe on anglais, par .Samuel Loo. (Londres,...,, iu-C.) Abou-ol-Feddah Afrlca, «rablcè ot laliliè, cu-

rante Johftii. tëiohhorn. ((Jottlug., nul, ln-8'.) — (hschichie der MaurUaniseheniùvniee,aus dot» nrablsehon
AbouHlassan-AH'llon-Àbdullaii uoborso-it, von Fraiw von Dombay, (Agratn, l1Uy\\\-w,\—tMscrute fan
l'es nach TujiUi; uns dont ttrabiseheil Ahmed ICbn-llilssau uoborsc/.l, Von l'autus. (Llpsltu, 1702, iu-B',)

Voyage en Afrique au suv' siècle, libii-Uattutn, do ranger l'riu.1. anglais .Samuel Lue. (Londres,
tmr j on par
I8ï!)( ln40,) — The oriental geographu, an Arabian traveller, by Kbii-tlaulitit, ti'ttnslatod by W. Ousoloy.
iLoildou, 180D, iu-1".) —Itinéraire de l'Afrique septentrionale, pur Ël'lladji-Kbu-el-JJin,do Kl-Agoiiatli ;
trad. sur te texte arabe par D'Avezuo. (l'uris, 18311,111-8*.) — Leoiils Afrluant de tollus AJricw descriptioiie
Ubri novem ,• ialihèVorsl per Joli, l/loriûiiuni, (Antwcrplio, IfàO, lu.kM
27(1 L'AFRIQUE-FRANÇAISE.'.
une slatistiquo do la Péninsule 'soumise, destinée au khalife Omar, avec:le "la-'
bloau des impôts qu'ollo devait acquitter.
Quant à lu philosophie) los doctrines d'Arislote furent la base dos éludes ura-
bes. Averroès do Cordoue lui seul a fait plus de vingt volumes de commentaires
sur los écrits de co grec illustre ; mais l'orthodoxie musulmane se souleva bien-
tôt contre des travaux dont les conséquences eii propageant l'esprit do libre
,
discussion, menaçaient d'étendre son audace jusqu'au livro sacré du Prophète.
.Toutefois'cotte élude abstraite trouva dos adeptes distingués, parmi lesquels on
doit citer Ebn-Sina (Aviconno), mort on 1037, pliilosopho et médecin do renom;
— El-Earubi, mort on'.980, qui connaissait, dit-on, soixante-dix idiomes, et qui
a laissé sur toutes les sciences do son époque uno vaste encyclopédie; —El-
(Uizuli, mort on 1343, qui a appliqué la philosophieà la théologie; — Ebn-Tou-
fatl, lo premier auteur de cette fiction, si souvent répétée depuis, do l'enfant
joté dons uno lie déserte, et à qui lu nature révèle, pur degrés, tout un système
do métaphysique; — onfin, hu début du onzième siècle, El-Khiiidi, le plus grand
philosophe, médecin et astrologue de cette brillante époque, et qui n'a pas laissé
moins do doux conts ouvrages1.
Muls lu science eût été stérile aux yeux des Arabes, si ol.lo n'eût armé d'un
pouvoir "surnaturel celui qui creusait ses mystères. De là vint l'alchimie; ot si
l'art do transformer en or tous les métaux, si l'invention de la liqueur d'immor-
talité no couronneront point leurs patients efforts, il 'faut reconnaître néan-
moins qu'ils étendirent fort loin lo domaine do la chimie. El-Gober, do Séville,
qui u donné son nom h l'algèbre, inventée dans l'Inde longtemps avant lui, a
écrit plusieurs traités sur Valchimie et lu chimie, qu'il confond souvent l'une
avec l'autre; Ebn-Moshuu et El-Ruzi partagentavcc.ee savant l'horinour d'avoir
transmis ot développé dos connaissances dont In source remonte aux anciens
Crocs et aux Indiens. — Les autres branches do. l'histoire nuturello doivent
encore aux Arabes .Un souvenir'reconnaissant; Ebn-Kudi-Schiubn et Abou-
Othniun ont écrit l'histoire des 'animaux ; Abd-el-Kihnn-ol-Bionni traita celle
du règne minéral; Ebn-ol-Royfhur, do Mulugu, mort.en 1218, explora toutes
los parties du monde connues des musulniuns, depuis les bords du Cungo jus-
qu'aux rives"do l'Atlantique, et recueillit d'immenses trésors d'observations,
.
Mais -l'art dans lequel excellèrent surtout los Arabes fut lu médecine, La
fumeuse écolo de Sdlorne comptait des musulmans parmi'les 1 professeurs les
plus renommés. On trouve, dans los écrits d'EI-Zalinravi, chirurgien éminent,
iuort en l'un 800 de l'hégire, le détail do plusieurs instruments déjà perfection-
nés, et l'application du mooea..contre lu goutte; on admire mémo la. hardiesse
do certaines opérations do cet art encore" dans" l'enfance a. La pharmacie^ ne
restait pus en'arrière; lo.savent. Aben-Zour, de Sévillo, a donné son nom au

I Voyez) pour la vio ot los ouvrages do tous cos savants arabes, Y Histoire critique de la philosophie, do
Urlleker,t, III.
'fil faut cependant remarquer que la majorité dos musulmans est lnibuo de préjugés presque Invincibles
contre la dissection dos corps humains. L'Ame, sulvunt les doctrines du Koran, ne so séparo point du
corps au moment do la mort j «1 lo passe successivementd'un membre t\ un itutro, jusqu'à ce qu'elle se cou-
cenlro dans la poitrine,.'où elle séjourne pendant un long espace du temps, Les anges, on passant on revue
los morts ,nii pourraient fitlrd cet oxumoti sur des cadavres mût liés ; de la eu préjugé superstitieux qui dlspa-
rallia, tôt ou tard, devant les lumières d'une nouvelle civilisation.
LIVRE CINQUIEME. 277
bézotir; la première pharmacopée qui ait été publiée est duo aux Arabes, a la
fin da neuvième siècle, et beaucoup do noms''pharmaceutiques dont on use au-
jourd'hui sont tirés do lour langue.
(l'est du mémo peuple que nous vient la substitution des chiffres simples do
notre.arithmétique ou système compliqué des Romains. Thobith-bon-Koruh et
Mohummed-bon-Mouça pousseront les mathématiques jiisqu'h la solution des
.'équations, du second degré ; et,l'on conserve dans l'université de Loydo un
traité manuscrit, do Bon-Omar, sur les équations cubiques, Thebith avaittraduit
les.:'couvres d'Archîmède, et "' les sections coniques d'Apollonius, don t une partie
u été restituée par lui. Toutes les couvres dos géomètres grecs passèrent égale-
ment dans lu langue arabe, et l'aptitude do ces peuples pour co genre d'études
explique lours talents incontestables en architecture ot en mécanique.
Le khalife El-Matnoiin donna l'impulsion aux recherches astronomiques.
Sous son règne, dit Abou-el-Ecdduh, la circonférence do la terre fut fixée à
9,000 liouos (chiffres correspondant à nosiioUes-.de France). Rien que lu dé-
couverte du système solaire nedùi appartenir qu'à des siècles postérieurs, les
mouvements des astres, le disque du soleil ot les éclipses furent étudiés avec
soin, et lu science moderne a profilé do ces," travaux'.du passé. La'fameuse'tour.
Giralda, do Séville, fut élevée en 1.190 par El-Ceber, et c'est poul-étre le plus
.ancien, et à coup sûr, le plus bel observatoire du monde.
les écoles publiques,'placées à côté des.'mosquées,.' n'enseignaient d'abord
que la .grammaire et le Korun. .Mais, plus tard, do vastes collèges s'ouvrirent
pour toutes les sciences. On y subissait des examens, eommoduns nos univer-
sités modernes ; ces séances étaient des jours solennels, et grade à l'esprit de
tolérance do ces grandes époques du moyen Age, on vit mémodes juifs
figurer au seindu corps enseignant.
Tel est le vaste édifice"' scientifique que la religion musulmane avait buti,
après deux siècles d'existence conquérante. A l'impulsion briitalo du glaive avait
succédé un élan non moins fécond vers les .conquêtes' de l'esprit. Le Kuire,
Kuirouun ot Eez le disputaient à l'Orient et à l'Espagne mauresque ;pur lo noin-
bre et la splendeur do leurs.,établissements.: Le nord de l'Afrique, sorte d'ap-
pendice :.oh 'R.oi'no avait porté la civilisation après lu conquête, renaissait à uno
vie nouvelle, et-oubliait sous des maîtres plus lettrés, les ravages dos Vundules,
et ceux des grossiers disciples do Mohammed. Mais l'invasion chrétienne, en
rejetant hors do l'Espagne les débris de l'émirat de Crenade, brisa ht. chaînedo
coite: civilisation bornée par los obstacles que lui'opposait l'aridité du KoranVet
lïsluhiisnie, arraché pur une secousse violente du sol oh il avait fleuri /retourna
languir et s'étioler dans lo désert africain. Eez ouvrit un asile passager uux
derniers lettrés do l'Andulousio, puis il ne resta do cette grande tradition tpio
dus souvenirs errants parmi des ruines '.
l Nous n'avons qu'effleuré lo rteho tautoim dos splendeurs ûrabos| il faudrait y joindre l'Iitstotto do leur
poésie, de Un îitt.'raturo fantastique, dont quelques oliols-d'oetivio font encore nos délices, Il faudrait ra-
conter leurs chroniques, l'élogunco de leur vie passée, et lu ehitrmo liiolutblo qui revêt leurs monuments.
Un écrivain do nos jouis, M. Itossoomv .S'iilutjllllalro, auteur d'une llhioired'F.spagne, aussi précieuse
quo
biillitiite, u verso dos'trésors do limitera sur les détails si [mit connus de cette grande scène du moyen éga,
Les totnos U, 111 ot IV île son ouvrage se recomuitilidoiitpar leur putssii'nt intérêt à toutes les intelligences
i|ùi no niaient point la gloire do notre pays datis l'extermination tl'utio nico à qui nous n'avons encore ex-
pliqué qu'il coups do mitraille les bienfaits ol la supériorité do notre civilisation.
m 1/AF1UQUF PlUNÇAISE,
« Quand uno époque ost tinte, écrivait quoique' part Armand Carrai,- le moule
est brisé, et il suffit à la Providence qu'il ne se puisse refaire ;iuuis des débris
restés à terre, il on ost parfois de beaux à contempler. » Ainsi l'histoire des
Arabos ost a faire tout entière, et jamais étude no fut plus nécessaire que colle
du peuple dont Dieu nousolfro la grandeur à reconstruire à côté do la nôtre. Ses
huit siècles do domination sur l'Espagne eu sont uno pugo magnifique, On suit
quo le génie arabe et Ja ponséa chrétienne s'y sont livrés do rudos assauts, ot
quo des fortunes singulières ont tour à tour marqué cos luttes do doux puis-
sances dont l'histoire admiré autant los défaites quoles triomphes, Los Maures
d'Espagne ont tracé parmi les peuples une oxistenco à pari; malgré l'étendue
de leur domination ot lo nombro do siècles qu'elle a vécu, nul no saurait quali-
fier, d'un terme exact, leur origine politique, L'invasion arabe poussa sa cou-,
(luôte sur le midi do l'Europe, du promontoire do Gibraltar jusqu'aux Pyré-
,
nées, avoc uno rapidité égaie à colle qui '.soumettait, sur d'uutros plages, lu
Syrie à l'Egypte, Sans la défaite do,ces farouches onvahissours dans los plaines
de Tours, la Franco et puis l'Europe auraient succombé aussi vite que l'empire
d'Orient, ot pouMtroquo Londres ot Paris soraiont oncoro, a l'heure qu'il est,
des cités musulmauos, Refoulées derrière les Pyrénées, ces grandes multitudes
renoncèrent aux moeurs de la conquête, pour fonder on Espagne un état paci-
fique, Et ce n'est donc point par un vain ''Orgueil--quoles Arabos d'Espagne
ont chargé d'inscriptions à leur gloire les monuments do leur pays d'adoption.
La mosquéo do Cordoue, l'Alcazar do Séville, i'Alhambra do Grenade ot les
restes du Djinaralif portent los témoignages de toutes les magnificences de cette
époque oubliée, Le règno dos Maures n'a pas duré moins longtemps on Espagne
que l'occupation dei'Angteterro par les Normands. Los onfants do Mouçu ot do
Tharik no devaient pas plus s'atlondro au désastro qui les expulsa do leur con-
quête, que les racesde RolJoh et de Guillaume no s'iniaginont, do nos jours,
qu'on pourrait los déposséder du sol qu'elles ont gardé. Et pourtant, malgré toute
cette #pleudouri l'empire dos Maures d'Espagne n'était qu'un vaste monument
élevé sur te sable, et dont les destinées no parviendraientjamais à un état flxo,
La religion et les, moeurs de ce peuple opposaient un obstacle invincible à sa
fusion avec les royaumos voisins; son pouvoir, privé d'alliances, vécut
toujours en hostilité ou sur la défensive; son existence tout entièro no fut
qiv'uno lutte perpétuollo,oîila torro devait rosier avec la dernièro victoire au pre-
mier occupant. L'Espagne maurèsquo formait en EuropoTavant-gurclodo l'Isla-
misme; l'éclatante valeur dos hommes d'Orient fit des prodigos dans cent batail-
les; mais après uno longue étreinte, te colosse do fer des peuples du Nord brisa
leur cimeterre sous .-s'a lourde armure, Quo sont devenus maintenant les Maures
d'Espagne? ~» Vainement chorcho-t-on sur la côte africaine quelques vestiges
indistincts do ce beau typo effacé ; les .hordes dégénérées do Tripoli, de Tunis,
de l'Algérie ot du Maroc sont indignes de porter un nom consacré par huit siè-
cles do gloire, Le Maroc, malgré lo titre d'empire qu'on lui laisso par habitude,
n'est plus qu'un, vaste amalgamé de peuplades sans nationalité. Lo Fez dos an-
ciens jours ne vit que do souvenirs; c'est 'unevillo de trafiquants et d'industrie,
barbare, dont la valeur ost tombée* avec los produits do la piraterie.
Trente heures do marche séparent l^oz du rivage atlantique» On s'y rend par
LIVRE CTNQIÎIKMK. 270
Méquinoz et Salé, Méqnincz est à une distance do neuf lieues, .quo los mules
du pays parcourent on six boums, |,o chériff on préfère-jo séjour à celui do
Fez. Cotto ville touche aux limites du pays dos Roni-IIusson ; elle ost située
duus uno grande plaine, à vingt lieues do lu nier, et à quatre-vingts do Maroc,
vers te sud, MUloy-lsmuol. l'a fuit agrandir et fortifier; mais ses défenses,
qui n'ont guère quo doux mètres de bout, no sont en réalité quo des rotran-
chomonts d'infunlerie, A son extrémité sud-est s'élève le palais impérial,
El-Kassar, dont nue partie 'est: restée' on-ruines'depuis le tromblementdo
lerro qui renversa Lisbonne on 177S, et dont les secousses furent ressenties
violemment nu delà du dédroit, Los pores Jeun do lu Euyo, llonis Mncknr,
Augustin d'Arsisas et ..Henri Lo Roy, do l'Ordre do lu Trinité, qui se. rendirent
un Maroc, dnns los années 17â:V,' -17&V et 1725, auprès do Muloy-lsnmèï,
pour traiter du rachat des captifs chrétions, nous ont laissé uno description
curieuse du palais d'EI-Kassaf,: Son circuit est d'uno deini-lioue sans y
coinprendro los jardins. Il so compose'-do plusieurs séries do mèchouars, nu
.

corps do logis séparés qui semblent former Une petite ville dont los rues sont
"tirées au.cordeau. Cliuquo niéchotiur a luliguro d'u.n cloUro, Lo plus grand, oh
logentios'.fournies du chériff, ressemble a lu'Plueo Royale de Paris, à l'exception
(pt'il n'est point carré. Los grands côtés sont soutenus par vingt-cinq colonnos
do marbro .hjanc, les petits côtés on ont huit, A chaque coin do ce carré long
s'élèvo une fohtuino do marbre, eu farine do coquille,-ot'près do chuquo fon-
taine s'ouvre Une 'salle-do bains, Los galeries sont dallées on marbro do plu-
sieurs conteurs. Au milieu du préau formé par elles jaillit uno gorbo (l'eau
d'un bassin taillé en. étoile. Entre chuquo colonne des galeries, Une porte en
chêne bruni, ai'listemenlsculptée, donne accès dnns les chambras des favorites
impériales,' Les quuire femmes légitimes du chériff occupent chacuno un corps
do logis plus petit/mais construit sur lo. mémo'-modèle, et attenant aux appar-
tements du souverain. Ceux-ci no so composent .quo do doux salles, La pre-
mière, oîi il couche, mesure soixante pas en carré; lo sol est on mosaïque re-
couverte do'riches'tapis. Les lambris sont ornés do groupes d'armures do toute
sorte ; lo lit impérial est do fer doré, charge de plusieurs mutolus revêtus do soie
rougo, avec un dais do môme étoffe à crépines d'or. La socondo pièce est pavéo
do marbre, blanc"; au milieu -chauffe'sans cesse un fourneau pour entretenir «Y
toute heure à une égale température lo bain, quo fournit un oquoduc dont
-.l'eau doute sans cosse dnns uno grande chaudièro qui'la reverse, pur un con-
duit, dans la cuve impériale, qu'une soupapo do dégagement maintient au mémo
niveau, L'EI-Kassnr est servi par trois cents eunuques noirs, 'chargés dp la
guide dos femmes, dont les religieux auxquels j'emprunte ces détails, n'éva-
luent pas lo nombre à moins do trois mille. Lorsqu'elles ont un enfant, la loi
leur permet de le garder jusqu'à dix ans; pusse cet Age, on lo leur relire. Chuquo
ulcnïdo ou gouverneur de ville, on venant payer au chériff l'impôt levé sur sa
provinco, no manque jamais d'apporter des présents considérables pour chaque
femme légitime. Les simples, favorites, dont lo rang diffère pou do l'état d'escla-
ves, no reçoiviuit dit priiu:e que la nourriture et lo vêtement'.
I lielationdu voyage-à AAow, dos Péros do l'ordre do la Sainte-Trinité pour la rédemption dos captifs,
en 179io't 17i?.i.
280 L'A FIU QUE FRANÇAISE,
On passe du pays do Fez à celui de Maroc en traversant les montagnes'do
Chuouïu, peuplées do tribus qui no vivent que do pillage. On Inisso h gaucho
le Djobel-Todlu, ot à droite lo pays do Teinsenn, -limitrophe de l'Océan, Los ha-
bitants du Haut-Atlas, près de Fez ol do Maroc, portent le nom do Rorbèies ; le
plus polit nombre d'entre eux reconnaît la suprénintio du Maroc ; lo chériff,
pour les tenir en bride, force leurs chefs à vivre on otages à sa cour ; ces Ror-
bères font lo principal commorco dos marchés do Maroc, Los tribus dos Aït-
Ainouro ot des Zomouro-Schollouqhs, qui habitent tes montagnes voisines do
Fez, reproduisent l'ancien lypo romain ; elles s'occupent d'agriculture, élèvent
do nombreux troupeaux et ont beaucoup d'aboilles. Du mois do novembre au
mois do février, cos indigènes habitent les sommités do l'Atlas, otpassont avec
lours troupeaux la mauvaise saison dans dos envornos ot dos solitudes uffrouses,
plutôt que de descendra dans los vallées, oh ils perdraient lotir indépendance,
Los agriculteurs s'appellent Kebaïles (do hebyla, tribu) ou Djebaly, c'est-à-dire
montagnards (do djebel, montagne). Ces Kebaïles forment une grande partie
dos armées murocuinos ; très-pauvres dans leur pays, ils votent et pillent oh ils
pouvont, et regagnent los rochers avec leur butin, commo dos oiseaux do proie,
Los plus redoutés sont tes Aït-Amoure, au nord-ost do Fez. Los Zomoure-Schol-
Jouqhs cultivent los plaines entro Fez et Méquinoz; ils sont dé boite stature, et
leur physionomie a los traits européens, Non loin do lours habitations, sont
situées, au pied de l'Atlas, les [ruines d'El-Kussur-Pharaouun [chdtean de Pha-
raon), qui ont suivi on grande partie a bâtir les villes do Méquinoz et do Tafllol,
Les rostes do ces ruines, dans lesquelles on trouve beaucoup d'antiquités, rup-
pollont lo stylo égyptien, — Les Kebaïios do la région dos neiges habitent, de-
puis le mois de novombro jusqu'à colui de février, los groltes des montngnes;
on los voit so livrer dos combats acharnés, do tribu à tribu, do villago à village,
ot mémo do maison contro maison ; los vengeances héréditaires s'y perpétuent
jusqu'à Toxtinction des familles. A l'époque du recouvrement dos impôts, ils
ontront aussi on lutte ouverte avec los troupes régulières du chériff, ot -souvent
la victoire lour reste avec l'impunité,
Maroc est situé à vingt houros do murcho do lu mer, à PE.-S.-E. du port do
Saffl, dans uno plaino formée à l'ost pur lo grand'Atlas, qui atteint près do
cotto ville sa plus haute élévation l. Au pied de pics neigeux qui n'ont pas
moins do 10,800 pieds au-dessus du niveau do la mer, s'étendent do frais et
tièdes vallons, do vastes cultures en plein rapport, entrecoupées do vergers oît
croissent des arbros à fruits do toute ospèco, au-dessus desquels des bosquets de

l Lo haut Atlas (Djebel^Dgrisou Daran) sépare la terrassa littorale de l'empire du Maroo dos provinces
méridionales et occidentales de Sous, Tarodan et de Sugtilmcznh ; formant uno sério de plusieurs chaînes
parallèles, oltes s'étondont depuis lo petit Atlas (El-Uifi) dans la direction du S.-O., ot cos montagnes so
dégradent, entra le flouvo Djuhaet le cap Ger, dans lo désert do Sahara, Prôs de Maroc, les chitines
tournent brusquement a l'E.» et forment ù uno demi-journéedo cotte ville, huit canes supérieurs, dont les
cimes, couvertos de neige toute l'année, so réunissent en uno sério de sommités qui longent Muroo, à VF,.,
à uno distance do 80 milles anglais. De Mogador, ville situéo sur la côto do l'Océan, à 140 milles anglais,
on aperçoit oncoro leurs pics neigeux, quand lo ciel est seroln, L'existoueo des uelgos éternelles,
suppose, au Si* de latltudo nord, une élévation do 10,800 pieds au-do.s3iis du niveau do la mor; ce-
pendant la neige n'onvohit nulle part do vastes espaces j elle no couvre que quelques' sommots qui sur-
gissent du milieu do cos hauteurs. Los gluciors sont, d'ailleurs, inconnus dans celle région. (Ansiehkn d<r
Natur, van Al.deHumholdt, 1.1", p. III (1808). — Account of Marocco,by Jokson, p. 10, — Nachriclo'ti
von Marocco und Fet, von Hoost, p. 79. (Coponhoguo, 1781, in-i°.)
LlVltK CIIVQIM ^M 381

palmiers balancent leurs verts panaches. Maroc, appelé par les Arabes Mura-.
hesch, ost ornio do trois enceintes construites ou béloii, et flanquées de tours
énormes, réparées on 1702 par Muley-Yéy.id. La plaine qui l'entoure était fé-
coudéopurplusde cinquiillo cours d'eau qui descendaient dos gorges do l'Altus;
mais les révolutions qui ont précédé el déchiré lo règne de Mutoy-(sniaël ont
'-fuit'détruire.la majeure partie dos riehos propriétés do ce territoire. Fondé par
/Vbou-Tuschofln, on TOtiâ, pris d'assaut et rasé, on 1148, pur le premier chériff
de la dynastie dos El-Mohudi, Abd-ol-Moumin, qui fil réduira en poussière ot
passer uu crible une partie de sos murailles ; reblUt pur ce mémo conquérant;
assiégé et pris, en 1047, par tes montagnards do l'Atlas ; gouverné pur un Juif,
favori du chef kobuïlo Krohi-ol-lludji, jusqu'où itiu7 ; '.'reconquis'., pur lo chériff
' Muloy-Archid ; livré, en 1(572, nu pouvoir de Muloy-Achmet, neveu ot compé-
titeur do Muloy-lsinnol ; rattaché, l'année suivante, à l'unité-' do l'empire, Maroc
dut, un siècle après, eu 1773, uu chériff Sidi-Mohnmiuedun vaste agrandisse-
ment ot l'exécution d'un magnlfiquo palais, élevé hors do l'enceinte, ot on face
do l'Atlas, pur dos architectes européens, Situé au milieu do vastes', jardins-
parsemés de kiosques carrés que .surmontent des pyramides sculptées à jour, co
palais a i,371,mètres do long sur uno largeur de H\S ; il est fait do pierres do
luillo revêtues (lo murbro, et couvert en tuiles chinoises.
Entra lu ville et lo palais s'élend un faubourg muré, d'environ doux milles
do tour, quo tes habitants nomment EI-Mitlnh,<C'ost lo quartier dos juifs, popih
lation do pnriahs au milieu dos Arabos qui '.leur font subir toutes sortes d'ava-
nies, et los détestent oncoro plus que les chrétiens.
Maroc est aujourd'hui dépeuplé. Ses maisons, basses, humides et mal édi-
fiées, formont en quelques endroits des cloaques impraticables, La peste l'a si
cruellomont ravagé dans tes années i078 et 1752, qu'on y compterait difficile-
ment aujourd'hui 30,000 Aines, triste débris du million d'habitants que les
chroniqueurs arabes lui.attribuaient au douzième siècle. Il lui reste pou de mo-
numents do sa splendeur usée pur tant do révolutions, Les mosquées d'El-Muoz-
zin, de Sldi-Hol-Abbess ot d'EI-Koutoubiah'rappellent cependant les gloires do
(Irenado, Sidi-Iîol-Abboss possède un hospice pour los pauvres, les malades et
los vieillards; dos fondations pieuses et quclquos aumônes assurent son -entre*-
tien, Lo sanctuaire do cotto mosquée ost un lieu d'asile inviolable pour les crimi-
nels ot les proscrits, —- El-Koutôubiah repose sur des murs d'un mètre d'épais--
seur ; ses nefs sont divisées par dos colonnes do marbre d'un travail exquis.
Do son minaret, élevé do 200 métros, l'oeil découvre à vingt liouos le cap
Canlin. Une autre tour do colle mosquée est surmontée do trois boules d'or, a
la conservation desquelles les Muuros prétendent que leur empira ost attaché.
A une llouo au nord do -Maroc, coule l'Oued-Tonsif, qui sort de l'Atlas et so
perd dans l'Atlantique près de Suffi. La route le franchit sur.'un vieux pont do
briques, construit à la fin du seizième siècle par les prisonniers faits à la ba-
taille d'El-Kassar, oh péril Doni Sébastien do Portugal,
A pou do dislance au sud do"Maroc, sur lo versant occidental du grand Atlas,
on rencontre lu ville d'Achmet, qui fut le premier séjour des sultans de Maroc,
collo d'Àmiu-Ey, et plusieurs vitlugos misérables oh so réfugient les juifs quand
ils no peuvent plus supporter les mauvais traitements auxquels ils sont en
-'
.",36'"'
282 L'A F JtMJU F FUANÇÀISIÏ.
bulle do la part dos Maures. Les environs sont Fertiles, mais souvent ravagés
par la descente des Kebaïles de l'Atlas.
Par la possession do Maroc et do Fez, qu'ils habitent tour à tour, selon les
circonstances politiques, los chériffs maintiennent assez bien Jour autorité, du
sud au nord, sur los villes principalos; niais los innombrables populations de
toute la chaîne do l'Atlas n'eu restent pas moins pour oux un éternel sujet d'in-
quiétudes et do guerres partielles qui rendent leur pouvoir très-précaire, — Los
'montagnards du sud do Maroc s'uppollont généralement Schollouhs ou Schol-
leuqhs; ils vivent à pou près do la mémo manière quo los Kobaïlos ; soulcnionl,
leurs habitations sont plus fortifiées et presquo toutes entourées de forêts, Ils
sont robustes, passont pour excellents chassourset vivent on troglodytes sur tes
plus hautes crêtes do l'Atlas, Leur nourriture fort simple so compose do miel ot
d'orgoqu'ils apprêtent de différentes manieras; ils no mnngont prosquo jamais
do viande, Leur langage dlfl'èro do celui dos Uerbèrosou Kebaïles; Léon l'Afri-
cain rappelle Amarig, Jakson Amazirk,ot Marsdon Amazigh,
La dernièro place un pou importante du Maroc so trouvo à l'extrémité sud.
C'est Tarodan, dans une plaine superbe, mais inculte, sur les confins du pays
do Souz ; c'était au moyen Ago la capitale d'un polit royaume ; les chériffs on
donnent aujourd'hui lo gouvornomont aux princes de Jour lamillo qui n'ont pas
la perspective do monter sur le trôno,
Si, partant do Tarodan, on franchit l'Atlas, on descond par los pentes orien-
tâtes dans lo pays do Tafilet, vaste contrée dont les horizons lointains fuient vors
lo Sahara '. Plusieurs grands Heures l'arrosent du nord au sud. Co sont, on
romonlant de l'ouest a l'est, rOuod-Soqorah, TOued-Mouzounah et l'Oued»Co-
dratqui se réunissent on un seul lit pour dovenir le Dahara. Plus loin, l'Ouod-
Torkela qui baigno la ville do Tafilet, rOued^Togdah; puis l'Oued-Ziz qui tra-
verse Sugulmozah (Je Sigilltm-Messa), do Léon l'Africain),"et enfin l'Oued-Ger.
Ces fleuves pordent leurs eaux dans dos lacs ou Schotts, parmi les sables du dé-
sort, Los dattes sont le principal produit do co territoire, qui confino, à l'est, uu
Bolod-oW)jérid, Tafilet ost, pour le Maroc, te premier point d'arrivago dos
curavanos qui vionnont do Timboktou, du Soudan ot dos terres contrâtes do
l'Afrique-,
l Un des phénomènes Jes plus remarquables quo nous offre Jo Haut-Atlas, o'est sou peu d'étendue en
largeur. Vue de profit, cette chaîna apparaissait, aux ancions navigateurs des côtes, comme uno colonno
aérienne isolée, supportant la voûte du ciol ( K(OV« TRÎJ O5J*O$). Aucun voyageur, pas môme los caravanes
les plus lentes, ne mettent plus de troisjours pour se rendre des plaines du N.-O, aux plaines du S.-E. Léo,
qui franohit le Haut Atlas à cheval, par lo défilé qui mène du pays do Hea a Souz, mit trois jours pour
aller do Tofetna, village situé sur lo versont septentrional, à Mossa, sur lo versant sud,
Le défilé (Biban) conduisant par-dessus le Haut-Atlas, par la routo do Maroc à la ville de Tarodan, nous
est représenté partout commo très-pénible, et copendant il n'est pas :\ comparer aux passages alpins do
l'Europe. Lemprièro le passa nu mois de novembre ; il partit du pied do la montagneà six heures du matin,
monta pendant trois heures et un quart, par des chemins étroits, escarpés ot pierreux; et à deux heures
après midi, il commençait déjà à redescendrei le lendemain soir, il avait franchi toute la chaîne du Haut-Atlas.
(A Tourfrom Gibraltar to Marocco, S}' ôdit. i p. 174. London, 1793, in-8°.) Co défilé s'élève presquo perpen-
diculairement du câté nord ; au sud, il se dégrade on énormes rochers do marbre, et en plusiours endroits
il ost si étroit, qu'un cheval n'y passe qu'à grand'poine, ot quo lo cavalier est toujours obligé de mettre pied
à terro, Toute la partie do l'Atlas qui séparo les plaines do Maroc do colles du S.-E. est hérissée do sem-
hlablos rochers otdo précipices infranchissables, el c'est là un des principaux caractères du plateau dot?
Berbères
• Co Soudan, vers lequel se dirige continuellement l'allântiou de tous tes iudigèuos du Moghrob, est eu
M VUE CIXQFIKMK. '28«
En traversant lo Haut-Atlas, pour aller do Tafilet à Maroc, on parcourt, pon-
dant les cinq premières journées, do vastes plaines dénuées do végétation, ot
oh il ne pleut jamais. Do là on passe, après trois jours do niorcho, un défilé
conduisant par-dessus les ruines'do Pharoah, et do là à Foz; do semblables dé*
filés conduisent aussi do Sugulmozah au mémo point, Les hordes qui los habh
lent sont toutes enrichies par les impôts qu'elles oxtorquont dos caravanes du
Soudan, forcées do franchir cos Portes de Fer, polir se rendre dans la région
littorale, Lo principal de ces défilés , long do quatorzo à qninzo liouos, très-
étroit ot facile à défondro, ost situé près do Sugulmozah, sur la route do Foz,
Son entrée so trouve sur los rives do l'Ouod-Zis ; elle est armée do trois forts,'.-
celui do Tamaracost sur la rivioro, celui do Custir au pied do la plaine, et
celui do Hehbol sur la hauteur, Nous connaissons oncoro lo défilé d'Agmot,que
traversent nnnuollemont, au mois d'octobre, les hordes nomades, lorsqu'elles
so rendent, avec leurs chameaux chargés do dattes, aux marchés do Maroc,
Plusieurs autres sorveut enfin do passage aux caravanes qui so,dirigent au nord
jusqu'au Petit-Atlas et au cup Blanc.
Le pays do Souz [Souzah) s'étend au sud du Maroc ot au nord du Sahara,
depuis Aghudus qui est sa capitale, sur les bords do l'Océan /jusqu'à Tarodan,
Quoique touchant au désort, cette province ost d'une admirablo fertilité, riche
on céréales ot en arbres fruitiers do toute ospèco ; ou y rencontra à chuquo pas
de petites villes, des bourgs et des chiltoaux 'fortifiés,-ayant chacun son gouver-
nement patriarcal, Los habitants, d'imo taille, élancée, sont d'anciens Arabos,
dont los moeurs indiquent qu'ils furent autrefois los voisins do la Judéo ; ils sont
bravos, laborioux, zélés sectateurs do l'Islam et fiers do leur indépendance.
L'oisnhco règne généralement parmi eux, et leurs nombreux troupeaux rap-
pellent le temps dos anciens patriurchos',
Il nous reste à étudier los réglons littorales dos États de Maroc, do l'est h
l'ouest sur la Méditerranée, ot du nord au sud sur l'océan Atlantiquo,

g II, ZONE LinOnALEDU MOGUaRn-Rf,-AKSA, SUn LA M&MTERIUNËE,

La côte la plus septontrionalo ot qui conflno à l'Algério commonch sur la rive


droite de l'Oued-Mouilah, C'ost lo désert do Onrot, borné au nord par la Médi-
terranée, h l'ouest par le paysd'El-Uif, et au sud par tes contre-forts de l'Atlas,

Afrlquo oe qu'est l'Orlont en Asie j seulomont iol, conformémentè, la nature imiformoducontinent, lo contra
du commerce coïnoldo d'uno manlèro remarquablo aveo lo contre géographique do cotto partie dit monde,
Lo Soudan est situé à l'endroit mémo où so touchent los basses terrés ot lo plateau de Barbarie| on vient
enlever l'or ôtineolont à sos entrailles, sos noirs enfants à son sein 5 et lo génie du gain retourne précipi-
tamment aux cotes, chargé d'or et do malédiotions i puis il confio sa proio aux vonts ot A l'océan do la vio
commerciale,
Un fait qu'il importe do constater ici, c'est qu'il est constant qu'on peut faire, par terre, le voyage do la
Guinée jusqu'à la ville de Maroc, on ne s'éoartant point du bord de la mer. « On a vu venir, en 1781, doux
Français à Maroc, qui étaient partis du Sénégal. Ou apprit par eux la prise que les Anglais avaient faite de
plusieurs forts bâtis sur la rivièro do co nom. Il ost probable quo ces téméraires voyagours eussent été
massacrés on chemin, si, dans quelques endroits dangereux à passor, ils n'avaient pas été protégés par dos
peuplades douces et hospitalières.» (A tour from Gibraltar to Tangier, Sallee, Mogodore, Santa.Crus,Ta-
rudans and the)we,owor mount Atlas, to Moroeco, elo, By \V, Lemprièro. (London, 179'}» p. 200.)
l Voy. J; Hltoy, Loss ofthn brlgg Commerce, etc. (London, 1817, in4°.) P. •iSfi-.'iOl.—Jaokson'sAccount
of Marocco', p. 117.
m I/AFIWQFK FRANÇAISE,
On y trouve Mélilln, ville maritime dont quelques -géographes attribuent la
fondation à une colonie cnrthnginoiso. Kilo fut occupée pur les Coths, qui en
furent chassés par 'l'invasion des Arabes ; les Espagnols s'en emparèrent au
quinzième siècle et t'ont gardée.
,
Du désert de Caret on entre dans lo Hiff, sol montagnoux et aride, plngo
inhospitalière tient les habitants vivent do guerre et do butin, La côte porto
encore doux présides espagnols, Kl-lhizémah, et Urpegnon ou chAtoau do Yeez,
bAti sur un rocher d'oh los Marocains protégeaient autrefois Jo départ et le re-
loue do loiirs bateaux-pirates.
Tétuan, sur les bords do rOticd-Dou-Sega, sépare la cote do HifVd'.i pays do
Harb, Cottovillo, aux constructions misérables, commo lotîtes colles du littoral
africain, ost habitée par des Maures ot dos juifs commerçants; do riches- cultu-
res l'onvironnont; plusieurs consuls ouropéons y résideront jusqu'en 1770, Kilo
fournit des vivres h-Gibraltar, quand tes vents d'ouest no permettent pas aux
navires anglais d'aller jusqu'à Tnngor,
Au-dessus do Tétuan, ot. on face do Gibraltar, s'élève Conta, la secondo clef
du détroit du côlé do la Méditerranée. Coûta, ville très-forte mais qui n'a do
t
port quo pour les petits navires, parait être, commo Mélllla, d'orlglno cartha-
ginoise, Les Homainson firent uno colonie qui devint, plus tard, la métropole
des possessions quo los Coths avaient acquises dnns VIfispanid transfretana,
et onfin la proio dos Arabes. Au commencement du quinzième siècle, les Por-
tugais, ayant formé lo projet do dominer tout lo commerce méditerranéen, at-
taqueront simultanément Gibraltar et Coûta, Uno tempête les chassado la eôlo
d'Espagne; mais presque tous les ports occidentaux du Moghrob tombèrent suc-
cessivement en leur pouvoir; Conta, El-Kassar-Seghaïr, Tanger, Ar-Zillah,
Azumor, Mnzagon, Suffi, Mogador et Sainte-Croix lurent occupés, En s'emparant
ainsi du littoral marocain, lo Portugal formait à cet empire toute communica-
tion avec l'Europe, ot en accaparait tout lo commerco, Los Sultans do Foz et do
Maroc so disputèrent sa protection dans lours guerres intérieures; mais l'orgueil
d'intervenir dans les débals do ces fiers despotes détruisit, on 1578, la prospé-
rité dos Portugais. Muioy-Mohammed, sultan do Foz, détrôné par un do sos on-
cles,étant venu h Lisbonho implorer dos secours, Dom Sébastien lo ramena
en Afrique avec une armée ; mais il fut défuit et tué dnns la plaine d'El-Kassar.
La conquête du Portugal par Philippe II acheva la ruine de son commorco au
profit do la Hollande oldes Anglais. Enfin, lors de la révolution qui rétablit la
maison do Ilroganco, Coûta resta aux -Espagnols, Los conquêtes do Muleyds-
maèl, au dix-septième siècle,-échouèrent contre cette forteresse, qui fatigua les
Maures pur vingt-six uns do résislunco,
En appuyant vers l'ouest, on trouve El-Kassar-Seghaïr, bourgade ruinée,
qui fut, au douzième siècle,' un lieu de plaisance du chériff Yakoub-el-Man-
sour. Do là ou arrive à Tanger, dans une baio ouverte, h l'entrée do l'Océan.
Sa position sur le point le plus serré du détroit en faisait. un dos plus
redoutables abris des corsaires marocains,! qui do là surprenaient au pas-
sage les petits navires vouant dos deux mers. Mais, depuis 1817, Tanger
n'est plus qu'un port insignifiant ; los débris du môle et des romparts que les
Anglais firent sauter avant do l'ubandonnor, en 168i, ontongravé sa rade, ou
LIVHK CINQUIEME 285
les gros vaisseaux no peuvent -jeter' l'ancre avec sûreté que vers la pointe do
l'est. L'importance do Tanger ost toute dans l'avenir ; sa position peut rempla-
cer Coûta dans les projets do l'Angleterre, Au fond de sa, baie, du côté do l'esl,
débouche une petite rivière oh les corsaires faisaient hiverner leurs felouques ;
mais sa passe est onsaldéo et nécessiterait do grands travaux'do déblaiement.
On mot, au plus, quatre houros pour ollor do lu côte espagnole à Tanger,
ou d'Europo on Afrique ; et cependant lu différence entre les habitants do ces
doux points si rapprochés est."telle,, qu'on no la--trouverait pus plus frappante
entre dos individus pris au contre des doux parties du monde, A 'l'est; on pns-r
saut do l'Arabie, pur la Syrie, à lu Turquie, à lu Hongrie, à l'Allomagno, o[ct,
on remarque une transition graduée d'un peuple h l'autre; mais ici les doux
extrêmes do la civilisation so touchent, et, après quelques heures, on semble
avoir franchi un espace do plusieurs milliers d'années, Los savants géologues
supposent avec assez de raison que, par suite d'un cataclysme dont l'époque
ost perdue, les masses granitiques do l'Atlas, qui s'affaissent au nord dans
l'Océan, ont creusé le détroit do Gibraltar; ol on effet, comblez ce détroit, et
l'aspect physiquo do l'Espagne méridionalo vous offrira l'avant-scono de l'Afri-
-
que j supposez le canal desséché, ot vous verrez que lo système de l'Atlas so
rattacho naturellement à l'Europe par toute sa structure ',
A l'ouest do Tanger, les côtes du Maroc redescendent au sud, dnns l'Océan,
On double le cap Spnrtel pour venir mouiller-.'à Ar-Zilluh. Celte petite place,
butte h l'issuo d'une rivière /possédée par les Portugais, et abandonnée par eux
à la fin du seizième siècle, n'a plus ni commerce ni relations. On n'y trouve
qu'une misérable population do Maures et.do.Juifs..
En louvoyant vers lo sud, on rencontra, à douze lieues d'Ar-Zilluli, lo port
et lu ville d'El-Àraicli, sur l'Ouod-Lukos. Sa rivière est navigable ; ses envi-
rons, couverts de magnifiques jardins, hit ont valu son nom (cité fleurie) ; la
fablo antique aurait.pu y placer lo jardin des Ilespérides, El-Araïeh avait été
fortifié, en IBtH, par Muley-Nacor, qui, soutenu par lo roi Philippe H, était

l Voye?.Io mv«K nKUXiÙMK, rMne littorale de l'Algérie, $ 11, p, 63, -rltonnol, Observ, in appeml,,t), 83,
—Jackson's-Account of Marocco, p, 130. — J. lliley, Narrative,"p, Stip, — Voyages d'AU-Bay-el-Abbassi,
en Afrique tien Asie, de 18011 à 1807, 1.1, p. 3.
A l'extrémité septentrionaledo l'Afrique, sur la côte do la Barbarie,l'antiquité avait indiqué, dans les deux
colonnes d'Hercule,te passage de la Libye 4 l'IIespérie, Après tas invasions dos Golhs et des Vandales, les
Arabes reconnurent la conformité do la nature do la Libye avec l'Europe, ot ils entreprirent do réunir à lotir
ompiro la bollo péninsule espagnole Mais lés:peuples, par lours luttes et leurs guerres, mirent la discorde,
du moins pondant certaines périodes, dans ce que la nature avait uni; les traditions et les idées do ces
peuples tendirent toujours a faire disparaître cotto discorde, parce que lo lien commun, formé par la naluro,
semblait les appeler trop fortement a l'union. Quand la haino divisait los peuples, los noms A'Àlgârêe dans
l'Hespério ot El-Garb dans lo jtoghreb attestaient oncoro l'alliance'formée par la nature. Du temps d'É-
drisi, c'était une tradition répandue; chez les Arabos, qu'Horoulo, autrefois fatigué do l'antique haine qui
existait entre les Africains et los Andnloux, alors que la. mor no séptunit pas encore los peuples,-'unit ta
Méditerranée à l'Océan par lo détroit, éleva dos deux côtés d'immensesmurailles do rochers, et sépara ainsi
les peuples rivaux. La môme fable a cours oncoro aujourd'hui parmi le peuplé arabe; et l'on dit quo Traf-
el-Garb, le fameux Trafulgur, est ainsi appela pnreo qu'il n'est qu'uno port'lo A'El-Garb, Da màma Djebel-.
Tarif, c'est-à-dire Gibraltar,Ost ainsi nppe!6 parée qu'il ost une montagno de cette partie (Traf ou Tarif),
ou un fragment de l'Afrique (selon d'autres DjebeUel-Tarik,rocher dti Tarik ,jlu pa$?lW)> Ainsi s'unissent
les anciennes et los nouvelles traditions des peuples; ainsi les tendances étymologiques récentes s'accordent
avec Ja scionco qui cherche a prouver, par osemplo, quo la barbarie n'appartient pas au caractère africain,
mais <V celui de l'Europe, ou plutôt qu'ello forme un type unique' ot pjropro avec celui des eûtes do la
Méditerranée, /
280 L'AFIUOFE'FRANÇAISE;
venu d'Espagne pour détrôner Mhley-Aehmet, vainqueur do Dom Sébastien.
Muley-Nacor fui mis on déroute a sa premièro bataille, ol renonça à ses 'projets.
En 1G10,. Muloy-Ziduu, héritier du trône do Fez, out pour compétiteur'ison
fràro aîné, Muloy-Choïkh, Celui-ci acheta pur la cession d'El-Aruïch, qu'il te*
nnil.on son pouvoir, lu protection do Philippe 111, qui no fit rien pour lui, mais
garda sa ville, Miiloy-Ismuol reprit cette place à l'Espagne on 1681), Elle est.ar-
mée d'un fort et do batteries a fleur d'eau, qui peuvent opposer uno vigoureuse
résistance à une attaque navale, Sous lo rogne do Sidi-Mohnmmod, elle était
l'onlropôt do quoique commerce qui'fut supprimé par ce princo on 1780, La
pusse do l'Ouod-Lukos est profonde; on y pourrait fairo hivornordo grosbati-
monts; mais te pays déboisé ne fournirait pus do matériaux pour élovor des
chantiers, et d'ailleurs le sol, presquo partout do sable mouvant, est pou propre
à recovoir des constructions durables..
A trois lieues à l'ost d'El-Aruïch, sur l'Ouod-Lukos, dst blUio lu ville d'El-
Kassar-Kébir (lo grand palais). Sa fondation est duo à Yukoub-ol-Maiisour. Elle
est située dans un vallon d'une morvoillouse fertilité; mais presque tous les
hivers los inondations do l'Ouod-Lukos dévastent ses alentours, ot submergent
le rez-de-chaussée do sos maisons,
Depuis El-Araïch jusqu'à El-Mamorah, sur uno longueur de vingt liouos, Je
territoire du paysdollarb ost coupé par do vastes forêts, dos marais et dos val-
lées plantureuses peuplées do villages et do douars. Dans la dernière, on cô>
loio, on approchant d'El-Mamorah, des lacs d'oau douco qui ont jusqu'à huit
liouos do long, et qui sont tous couverts do canards sauvages et do sarcelles.
On y pèche uno quantité d'anguilles considérable ; les pécheurs maures so
servent do balolots faits do roseaux ot do joncs tressés, dans lesquels un seul
homme peut se placer, avec uno perche pour lo gouvornor, ot un dard au bout
d'une cordo pour happer lo poisson. Dos marabouts, parmi losquols celui do
Sidi-Edris jouit d'une lointaino vénération, parsèment la campagne, au miliou
do nombreuses formes ou haouchs, dont los propriétaires se livrent à do grandes
cultures. A l'extrémité .sud do la vallée, on passo l'Ouod-Sobaou, qui vient do
Foz, ot qui, réuni nux eaux do l'Oued-Both, lombo dans la mor, au nord d'El-
Mamorah.
Cotto ancionno fortoresso, commoncéo pur les Portugal en 1818, détruite
par les Maures, puis rolevéo et finie, en 1604, par los Espagnols, auxquels
Muloy-ïsmaèl l'enleva en 1681, s'élève h doux milles do l'Ouod-Sobaou, qui sé-
para io Garb du pays dos Boni-llasscn, L'embouchure do la rivlèro est obstruéo
par des dunes de subie. El-Mamorah sert maintenant d'asile à une cinquan-
taine de pauvres familles do péchours.
Do ce point jusqu'à Salé, la distonco est de cinq liouos. Cotte ville, fameuse
dans les annales do lu piraterie, avait autrefois un port considérable, aToiubou-
churo de l'Oued-Bou-llhogreb, qui so grossit des eaux de l'Oued-Guerouaou.
.-Mais depuis l'extinction de la marine marocaino, ce port s'ost ensablé comme
les autres, et dos navires do 200 tonnoaux n'y pourraient plus entror qu'on
so déchargeant do tout leur lest. Salé fut pris, en 1261, par Alphonse X, roi do
Castiite, et retomba presque aussitôt au pouvoir dos chériffs de Foz, On y voit
encore des remparts étendus, garnis de batteries de gros calibro qui commun-*
M VUE CINQUIEME, .'387
dont la rade; une redoute couvre aussi l'entrée do la -rivière, Au nord et à peu
do distunco do la ville, gisent les ruines d'une autro ville, quo'-Muloy-Ismuél
avait fait blitir pour y loger les familles do sa'garde noire. ~~;:L'importance ma-
ritime do Salé a diminué progressivement depuis 1766, lorsque Sidi-Mohani'
med concentra dans Mogudor les relations du commercé étranger,
Au sud (lot'Oued-Bou-Hhogreb, ou yoildo Salé la ville do Bobut, Toutes deux
associées pur les mémos intérêts, formèrent, pendant des siècles, une espèce do
régence indépendante qui devint, nud|x<soplièmo siècle, feiidutniro do Muloy-
Ismaol.Co chériff on tirait dix pour cent du produit do ehuquo prise, et sur cent,
esclaves en prélevait dix, Los galioles de Salé et Bubat croisaient dans lo détroit,
J'ai lu dans les inamtscrils arabes que la plupart d'outre elles étaient dépourvues
(l'artillorio; dii les chargeait fortement;, dé-galets-'do rivière, ot au moyen de
frondes, dont les corsaires so sorvuteid fort hululement, ils faisaient pleuvoir
sur los bateaux marchands une si grande quantité de pierres, quo les'équipages,
bouleversés, n'osaient tenir tête à l'abordage qui. décidait do'jour'prise. Dans le
courant du dix-huitième siècle lo pouvoir élult disputé par deux rivaux,Muloy-
Mustady et Muloy-Abdallah. Vaincu dans 'une, rencontra auprès''. d'Êl-Kussar-
Kébir, Muloy-Mustady, fugitif, clierchaun asile à Salé, qui lui ouvrit ses portos
et ombrasm son parti. Bahut ayant;refusé'de. suivre cet exemple, la guerre civile
éclata entre les doux villes; Muloy-Mustady en fit le siège pendant quatorze
mois; mais enfin, lassé d'une lutte inutile, il renonça à ses vuos ambitieuses,
ot laissant Muloy-Abdallah paisible possesseur du trôdo, il finit ses jours dans la
retraite, àAr-Zillah» occupé do quelques.affaires de négoce, comme unsimplo
particulier, En 1788, Sidi-Mohammed, jaloux do lu prospérité do Bahut et Salé,
vint los assiéger avec vigueur, Lo mémo gouverneur do Salé qui avait-accueilli'-
Mustady, vint faire hommage do sa soumission le 26 août,'aux pieds du chériff,
qui le reçut avec les marques do taplus vive satisfaction, et '.quelques jours après,
sur un frivole motif, le fit lapider en sa présence, en lui disant qu'il n'y avait
rien de bon à attendre d'un homme assez lAcho pour vendre ses concitoyens.—
Babat so défondit longtemps et no capitula qu'à la dernière extrémité,-Mais Sidi-
Mohammed usa cruelleniont des droitsdu vainqueur : trois ' riches négociants,
dont deux français et un anglais, n'obtinrent leur liberté qu'en'sacrifiant chacun
10,000 piastres fortes, qui furent payées on effets, appréciés si bus, que cette
rançon s'éleva, par lo fait, à plus du double do .l'a sommostipulée, Un couvent
do franciscains espagnols qui n'avait rien à.-donner' pour se racheter, fut tout
entier réduit on esclavage. Un négociant anglais, convaincu d'avoir vendu de la
poudre a Mustady, dans sa. lutte contre Muloy-Abdallah, père de Sidi-Mohammed,
fut l'objet do tant d'avanios de ta pnrt des Maures, qu'il se pondit do désespoir,
Babat, avant sa réunion a Idmpiro, compta dans son sein, à divers inter-
valles, un assez grand nombro d'établissements européens ; co fut aussi le séjour
do plusieurs consuls; mais les difficultés qui entravent la navigation sur rOued-
Bou-Bhogreb ont toujours empêché son commerce de s'étendre vers i'i ntérieur.
Ce serait copondant aujourd'hui, par sa situation au centre du littoral atlan-
tique et ses rapports directs avec Fez, un des points qu'il importerait te plus de
développer, dans l'intérêt européen. Yukoub-ol-Munsour, dont les conquêtes

embrassèrent, au douzième siècle, une partie de l'Espagne, avait fait construire
288 L'AFRIQUE FRANÇAISE,
à l'embouchure de la rivière, du côté de Babat, un cbûtoau fort, avec dos maga-
sins cusomatés. Sidi-Mohammed lo démantela. On voit encore sur un mamelon,
au sud dos ruines du chdtcuu, un fortin carré, bûti pur Muloy-Archid au dix-
soptièmo siècle, et qui communiquait avec lo château du nord par un mur ser-
vant do chemin couvert et qui n'existe plus. Yakoub-el-Mansour, qui voulait
fairo do Babat sa capitale africaine, l'avait entouréo de l'encointo actuelle, flan-
quée do lours carrées qui s'échelonnent sur deux milles do diamètre ; co fut l'ou-
vrage d'osclavos espagnols. Cette immense clôture enfermait la ville avec de
vastes jardins ot uno mosquée supportée par trois cents colonnes do marbre, qui
n'a été détruite qu'en 1773, Du côté opposé ot faisant faco à l'ouest, s'élève une
tour carréo, en pierres do taille, qui n'a pus moins de deux cents pieds d'éléva-
tion, et qu'on nommo tour de Hassun, On y remarque la même forme, les mêmes
proportions ot les mêmes ornements qu'à, la fameuse Giralda de Séville, De
cette tour on découvre au loin co qui so passesur -l'Océan. '-..''
La rude do Salé n'est guère sûre que depuis lo mois d'avril jusqu'à la fin de
septembre; quand los vents tournent au sud-sud-ost, elle n'est plus tonable, Lo
meilleur mouillage est au sud de la rivière, du côté do< Rabat, et de façon quo les
navires soient embossés entre la tour de la mosquée du château ot colle do Has-
san, en gardant colle-ci au nord.
A l'orient de Rabat on trouvo les vestiges d'une bourgade appelée Schella, que
les musulmuns regurdent comme un lieu suint, à cause de plusieurs tombeaux
do marabouts qu'on y vient visiter do très-loin.
Au sortir de Rabat on entre dans le pays de Teinsonu. A huit lieues environ,
vors le sud, s'élève au bord do la mer une forteresse appelée Mansourlah, bAtio
par yakoub-ol-Mansour, pour protéger les voyageurs contre los bédouins do la
plaine.
Plus bus s'ouvre une mauvaise crique, sur les bords do luquello Sidi-Mohum-
med fit commencer une ville, en 1773. Les Maures ayant découvert aux envi-
rons de co point .un'-grand nombre do ces puits coniques, appelés silos en Algé-
rie, matàmours dnns lo Maroc, ordonna quo tous ceux qui voudraient prendre
part à l'extraction du blé contenu dans ces pulls, seraient tenus de construire
une maison dans lo voisinage. Les Maures élevèrent do mauvaises barraquos en
pisé, et les abandonnèrent quand tout lo blé fut mangé,
A quatre lieues plus loin rampent d'autres ruines, celles do Dur-Beïdu, ancien
poste portugais, à l'entrée d'une belle plaine richement cultivée*
En quittant Dar-Reïda, la côte avance dans lu mer vers le sud-ouest. A quinze
lieues commence lo pays de Dou-Kullah, à l'entrée duquel on trouve Aznmore,
sur l'Oued-Omurbuïm (vulguiromenlMorbeyo) ; cette pelito ville, située à quelque
distance do lu côte, sur une rivière pou navigable, appartint aux Portugais en
1813, et fut abandonnée par eux à la fin du seizième siècle.
A quatre liouos plus au sud, s'élève Mazugan, Mil pur los Porluguis en 1806,
sous lo nom do Cuslillo-Réul. Près de ses murs, du côté nord, les très-petits nu-
vires peuvents'abriter; mais les bâtiments do fort tonnage sont forcés de mouiller
à doux lieues de lu côle, Mazagnn, tombé nu pouvoir des Maures en 1761), est à
peine habité; ses maisons, mu! construites, tombent en ruines. Il y existe ou»
core une citerne cusomutéo, soutenue pur vingt-quatre colonnestorses, et dans
LIVRE CINQUIEME. 289
laquolîo on descend par des escaliers de marbro.*- Lorsque cette ville apparte-
nait aux enrôlions,-: les Maures qui no pouvaient accomplir lo jièlorinago de la
Mecque, croyaiont suppléer a cette dévotion en venant de loin tirer des coups do
fusil sur Mazagan. Un de ces fanatiques ayant été coupé en doux par un boulot
parti dos rempurts, ses compngnons l'ensevelirent commo un suint ot emporteront
lo boulet; mais ils eurent soin a .l'avenir do faire In fantaziah hors déportée do
l'artillerie.
A douze lieues au sud on rencontre Valédia, dans uno plaine plorrouso, à
quelquo distance du rivage, bordé de hautes falaises hubitées do nos jours par
uno peuplade féroce, toujours à.l'affût dos nntifragos, fpour on piller les débris.
L'oau manquo presque partout dans le pays do Dou-Kullnti.
Après avoir doublé lo cap Cantin, on arrive à Suffi, dnns lopnys d'Abduh ;
c'est lu soulo ville de copotit territoire, Balle par les Portugais en 1808, elle fut
abandonnée par eux en 1641, Les Franeuts y avaiont créé plusieurs établisse-
monts pour le commerce des luines, do lu cire, de la gonimo et des cuirs. Sidi-
Mohnmmod, du vivant de son père, en fut longtemps gouverneur, Cette ville a
une bonne rade; mais Mogador lui a enlevé tout son- commerce. Sos environs
sont tristes ot déserts; la terre, privée d'ciiii,;-.no produit que dos broussailles
chéllves. Un grand nombre do marabouts,"situés h ses portes, lui avaient conféré
lo privilège des villes suintes. Les juifs n'y pouvaient entrer que pieds nus, et
l'on no souffrait pus que les chrétiens y entrassent à cheval. M. Chénler, notre
consul, fut le premier qui brisa cette honteuse exigence. Pdi entrant à Suffi,
après le traité do 1767, il força lo passngei'épéo à lu .main-, déclarant quo par--'
sonne n'arrêterait Jo représentant du roi de Franco. Le vice-consul Jukson, qui
rapporte ce fait, le cite comme le premier exemple de fermeté qui ait affranchi
los chrétiens d'une servitude qui les ravalait au niveau dos Juifs 1.
L'Oued-Tonsifséparo ait sud lo pays d'Abduh de celui do lieu. Il baigne à son
embouchure,-du côté nord, los ruines.'d'une petite ville que les Maures appo-
lnlent Souheïmh, ot d'où les exhalaisons marécageuses et les Inondations do la
rivière ont dû les chasser, Sur la rive sud, quo l'on atteint pur un gué facile,
s'élève une construction carrée et fortifiée, qui dulo du règne de Muloydsniuolé
Les environs sont incultes,
Do rOued-Tensif à Mogador ou compte environ dix-huit Hoiios do côte, Des
vallées, tantôt pierreuses et tantôt cultivées, vuiiont l'aspectdu sol, j'ai déjà dit
utlleiti's qu'on 1700 Stdl-Mohnmmod fonda celle cité pour placer lo contre
du commerce maritime a chiquante lieues de Maroc et à portée-de su sur-
veillance, Cette ville, que les Arabes du désert nomment Soiihe'trnh,et les Meures
Mogador ou plutôt Mogodour, du noind'iin sulnl porsonnuge dont lo tombenu
révéré existe encore à peu de distance au sud des remparts, n'était autrefois ([ti'uii
mauvais fort huit iiur tes Portugais pour relier les coinmnnlcntlons de leurs coii"
quêtes -maritimes sur la côte ouest du Maroc, Sull-Mohammed en fit une ville
assez agréable, malgré sa position sur une presqu'île très-basse, battue, do tous
côtés par les vagues et au milieu d'une mer de subies mouvants. Ce polit Sahara
l'entoure jusqu'à doux lieues dedisluueo; uu delà, vers le sud-est, sont des
af-Marocco,
1 « Aditliig Huit no o'no liiiould sloj» tlto reprcsonltitlvo of tint Un» uf France, ,v (.lu accoun't
'
--
by Jaltfioit'V S* ùillt. »
il(.
il»-
-
200 IMF BIQUE FRANÇAISE,
cnmpugnes ferllles et dos montagnes boisées, Lu population de Mogador était
de 12,000 Ames avant su destruction par notre escadre; on no comptait sur ce
chiffre qu'une -quinzaine d'Européens. Celait le port Je plus actif du Maroc; su
douane seule produisait, nu chériff un million pur an, lundis que Suffi n'en rap-
porte quo 80'à 60,000, et lundis que Rabat ot Salé, qui viennent, après Mogador
pour l'importance commerciale, et qui ont à elles doux 80,000 habitants, ne
fournissent qu'un revenu annuel do 380-à 400,000 francs. L'Ile seule s'appelle
Mogador; la ville u plus communément lo nom de Souheïrnh. Le port est formé
pur un îlot, situé nu sud-ouest du débarcadère. Les navires de commerce mouil-
lent sur la côte orientaledol'llol, et c'est pur le moyen de canots qu'ils commu-
niquent du port ù lu ville; l'îlot a. un-quart do lietio de louget six cents métros do
largeur; détail uriné do (piatro batteries maçonnées. 'Là plus forte partie des
défenses do la ville battait le port et le -mouillage ù quinzo cents mètres. Mogndor
n'avait pas encore essuyé une attaque par mer; mais les peuplades voisines el
los montagnards-dé l'Atlas l'avaient doux fais assiégé. Nous l'uvohs renversé;
niais son cnnihiorce petit remonter salis inconvénient à Suffi oii à El-Àraïcli.
Lo'port «le Sainte-Croix est le dernier dit Maroc, en descendant tout à l'ail uu
sud, -jusqu'à In distance do troute-cinq lieues de Mogador. Suinte-Croix, que les
Arabes nomment Agliadir, capitale du pays de Souz, fut d'abord uno citadelle
batio pur don Munuel de-Portiigul, et conquise par les Maures en 1836. Ses rem-
parts ont été détruits en 1773, par Sidi-Mohuiumod, qui craignait de lu voir
tomber aux mains des Espagnols, tandis qu'en 1774 il irait faire lo siège de
Melillah,
L'oued-Sohz et un désert do sables séparent ce territoire du Reled-el-Nun,
vaste contrée qui n'a-, jusqu'au cap Bojador, sur une longueur de.soixante lieues,
ni paris ni mouillages, et (pie bordent, à l'ouest, dos' plages arides, dont les
abords sont des récifs à.Iteurd'eau, détachés de l'archipel des Canaries. Malheur
aux' navires qui vienne-lit échouer dans ces parages; le trépas dans les liais se-
raitpréférable au sert.qui attend les naufragés : devenus lu proie desauvages
qui ont à -.peint! dos traits ..humains, ils sont culmines dans des solitudes igno-
rées, et I roques, avec les caravanes du désert contre.des bestiaux ou du blé. Quel-
ques imitotols d'un liuvire nantais qui se brisa sur celle côte a lu fin do 1778,
ni! parvinrent h s'échapper, qu'après deux uns de souffrances inouïes,
Le désert de Sahara 'confine immédiatement ù l'océan Atlantique; sa eôlo,
depuis le 32" jusqu'au 20° latitude-nord (elle commence déjà près de Mogador),
parcnhséiiu'ent.suruheéloiuh.iotloct'ntciliqiianteniiilesgéograplilqueiiaunioiu.s,
n'est qu'une bordure aride, couverte d'immenses dunes, d'un sable mouvant.que
les vents chassent.de l'Intérieur du continent, sous les formes les plus variées,
vers la.hier, et qui remplissent également l'Océan et l'atmosphère de particules
.siliceuses.'. Lo fond de la mer u'olfre qu'un banc, de sable qui se prolonge au
loin dans l'Océan. Les Arabes vaut jusqu'à une delni-llouo dans, lu nier ù lu re-
cherche des cargaisons untifrugéos, sniis (pie l'eau leur dépasse les genoux-. Cet
immense banc s'étend le long do la côte, sur une largeur d'uni! h deux lieues et
presque au niveau de la nier, depuis l'Oued-Nlin (le fleuve coller du cap Nun)

I .lilltfitUl's Aiwilint of MnriïiVn, ji, (il, (!). .((•


LIVRE CINQUIEME. 201
Jusqu'au cap Bojador, C'est oncoro ici, sur celte côte brûlante ot inhospitalière1,"'
que le courant circulaire de l'océan Atlantique ot la violence des vagues causent
annuellement la porte d'une quantité do navires. L'atmosphère, remplie d'atomes
desablo qui s'étendent au loin sur les flots, comme une brume blanche, cacho
aux marins l'approche du danger qui les menace, et les entraîne ainsi trop sou-
vent à leur ruine,
Le cap Blunc n'est pus un promontoire élevé, niais au contruiro une suillio
plane qui s'avance dans la mer. Dépourvu do verdure, d'arbres et d'autres mar-
ques do terra, il est difficile à reconnaître, mais n'en est pus moins pour cela un
des points les plus importants do la côte. Au sud et au nord do ce cap, le désert
a accumulé loâ bancs de sable2. L'un do ces bancs, entre autres, s'étend en demi-
cerclo depuis le cap Blanc jusqu'au cap Mirik, au sud, et no permet que doux
pùssuges peu profonds pour entrer duns le golfe d'Arghin, égutement parsomo
do bancs et d'Ilots do sable, et sillonné sur ses côtes par de vastes et arides dunes
do grèves mouvantes. La côte se prolonge ainsi le long de l'embouchuro du Sé-
négal et do tout le pays plane qui l'entoure jusqu'au cap Vert V
Lo curactèro essentiel de ces déserts présente dos surfaces absolliment hori-
zontales avec des élévations et dos abuissements relatifs pou considérables ; do là
vient qu'on n'y rencontre nulle part des amus d'eau atmosphérique, ni celte
Variété importante de montagnes otdo vallées, L'uniformité",do leur substance
est également remarquable.-Co sont -généralement des masses do cailloux ou des
couches do sel étendues sur la surface ; là oh elles manquent, on no trouve ni
sotdêcomposé, ni humus, mais seulement des rochers nus, pour la plupart do
calcaire, souvent analogue a celui de dos monts Jura .-*, Ces rochers sont re-
couverts de galets et do sable mouvant que le vont emporte comme un fin
brouillard à travers les airs'.K La surface n'est, par conséquent, nulle part co-
hérente; à poino y voit-on quelques traces do l'état d'agrégation, premièro con-
dition do toute vie organique. Le sable du désorl libyquo se compose de grains
do quartz iranspurcnts, d'un tiers de ligne do diamètre, terme moydn, et suns
mélange d'aucune autre substance; su .'surface est généralement modelée sur sa
buse comme une couche do neige. Mais chaque éminonco, quoique Insigni-
fiante qu'elle sott, un buisson d'épine, un écueil, ou même une eurcusso do
chameau, clouno naissance a des collines do sable quo te vent accumule avec
une rapidité extraordinaire, Les venls du nord et du noriUouost prédominant

l i, lUley, Loss of Ihe American brlft Comhiôrcn, iCrecMt ou the ikstem voasl of Âfrtca, (Lundi, 1811,
in4*,p, 17.) *~A. Scott, Account of Ihe capticiltj atitong the Wandefing Arabs of ihe ÙfeatAfrkan deséfl.
|îti Ëdlmb. i»hll. joiirnatj 1821, n° VI!, p, Ob,')
STli. Astloy, Nctb général collection. (Loiul,, 1745, IM", t. II, p. «J.j—rM'Mid, Veudge au (Sénégal,
i. ii, p. io, ;---."-.-
•t- On a comparé l'otonduo du Saliata à lu moitié do l'Europe, OUJCO qui ost oncoro mieux, au double do
la mor Méditerranée, On évalue l'aire du désort u 72,000 milles carrés géographiques(200,000 liouos carrées),
y compris ton ortsls j ot tï 50,000 milles carrés géographiques, saiis los dttslsj ait longueurest, dit-on, do 150,
et sa largeur do 300,000 mlllos géographiques, Mais ces données no peuvent être qùtrtrùs-uppmfclMiiUvdS,
aeausu do lu imluro mémo do t'ospaco on question. Toutes los fols qu'il s'agit do lu vlo intoriutiri! ot activa
tlo la iiiitilro( co» indications,
commo toutos los données arithmétiques on jouerai, «ont en gramlo pàrtio
aussi stériles quo la désertjut-mémai elles noi joitcnt aucun jour sur les contrées qu'on étudia, ot sont on*
com mollis câimltloà do tlotlB on dolitior Utiu Initigo ^dèla ot Vivante.
• Aloïamtor
von Uumuoldl, AnsichtenderNatur, 1.1, p. (50,
y Jacksim's AcCouni t>f Marocco,'p,'S70,'"MuiiKO'J,flikl8.'/,i'itt,cîiii'li..-.lih< .''
202 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
dans lo désert libyquo, oh ils soufflent pendant neuf mois, il on résulte que los
collines do sablo s'avancent, chaque année, do dix a douze pieds, commoon a pu
le calculer d'après la disparition des sources ot des puits. Lo vont n'onlevo tou-
tefois quo les subies très-fins; les cailloux et les galets rostent il découvert. Le
désert errant doit par conséquent couvrir do ses sables tous les espaces qu'il
conquiert, tandis que la véritable patrie-'du sable mouvant se change on un
champ de graviers, do cailloux ot de gulcts'.
Du caractère essentiel et de la nature du désort dépenclont tous les autres
phénomènes quo l'on rencontre sur sa surface ; elle est plus perfide quo l'Océan
lui-mêmea, et l'homme n'échappe pas plus ù ses mouvements qu'il n'échappe
aux tremblements de torro;qui bouleversent la surface du sot qu'il habite. Les
Àmmoniens avaient conservé sur le -'désastre"do l'arméo do Cambyso une ef-
froyable tradition publiée par Hérodote; les "savants Poncot, lîruco, Mungo-Park
mentionnent tous ces terribles tourbillons do subie qui so placent comme des
colonnes menaçantes h côté des voyageurs; los chroniques arubes sont pleines
do récits sur la disparition des sources, phénomène si funeste pour tous les
pèlerins. Léon l'Africain a recueilli une quantité de documents, jusqu'alors
inconnus, sur les caravanes mortes de soif; ot l'Anglais Jukson a confirmé la
vérité de cos faits par-la relation du sinistre qui eut lieu, on 180rj, pondant son
séjour sur la frontière du désert. Toute uno.caravane, composée do deux mille
personnes et do dix-huit cents chameaux, périt également sur la route do Tafilet
h Timboktou, parce qu'une ousis, qui jtisquo-lti avait été uno-station indtspen-
snble, avait lout a coup perdu son eau.
Mais co ne sont pas la tous les dangers du désert; des privations d'uno autre
nature y attendent encore lo voyageur. L'urdeur dévorunto du vent fuit éventer
les meilleures outres, ot mémo les dessèche entièrement; le riche alors s'estime
heureux lorsque pour une somme de dix ù cinq cents dollars, Il peut acheter une
gorgée d'eau. Les chameaux tombent aussi souvent do soif et do fatigue; dans
les voynge.4 do long cours, leurs cercussos blunchlos et les os d'une quantité
d'autres bêtes de somme, jonchunt les routes dos caravanes, sont autant do té-
moignages dos périls du désert, L'aspect do ces débris fit entrevoir a Poncot,
Léon -l'Africain, Rruce, llornemnnn, Lyon et autres explorateurs qui purcou-
rurontsolt lo nord, l'est ou le sud de la mer do subie,' toute l'immensité du dungor
.qu'ils.avaient couru en franchissant los limites de ces affreuses solitudesa.
Les oiseaux qui ne s'avancent que jusqu'à une certaine distunco des endroits
habités, et qui, pur cela même, apparaissent aux musulmuns comme des mes-
sagers du Prophète.envoyés pour les consoler et relever leur courage.abuttu,
les oiseaux sont souvent jetés, pur les tourbillons do subie, duns lus.espaces do
colle mor aride, oh l'on rencontre leurs débris sur lu plugo sablonneuse. Lo
petit nombre d'endroits arrosés.du désert sont hubltés pur des éléphants ot des
sangliers, et sur sos bords errent des bêtes féroces, des lions et des panthères *.

1 Costa*, Hur le» sables du désert, t. II, p. 201,


2 Austor aronas quasi maria ageus slccls lluctlbus, (Pompon, Mola, llb, I, cap, 0,)
il Léo Arrle, j p. ftO.

l'oncot, Lettres édif, V, p. t).~llruce, Travels, p, 382 ot sulv,— llornemanii,
Voyages, édlt. Langtés, p, 81. — Mango-l'arlCn Tnmts, p. IW.
i Marmol l'aravujal (Luis dul), Description gênerai de Africa, (Uruuada, lôîU, lU'fol.» t, l", p, 31.) —
LIVRE CINQUIEME, 293

Les autruches farouches et les antilopes aux pieds légers peuvent soûles vivre
dans rintériour du désert, oh elles n'entendent plus quo lo sifflement des vents
et, de temps à autre, le pus cadencé, dos caravanes, car la végétation même a
presque entièromont disparu. Seulement quelques plantes isolées semblent avoir
été organisées par lu nature pour résister aux vents ardents qui, d'ordinaire,
brûlent tout sur leur passage, ot dont lo souffle renverse l'homme avec son
'compagnon do souffrance, lo chameau. Plusieurs espèces do chardon dont les
fouilles conservent dans leurs angles lo pou 'd'humidité qu'elles peuvent aspi-
rer, le buisson do manne appelé Itt-Goul, uno espèce do thymian odoriférant,
AtiShe des Arabos croissant sur un sol détaché,et.quelques mimoscs gommifères,
voilà los végétaux les plus répandus et souvent, pondant plusieurs mois, la seule
nourriture dos:chameaux et des Anes. Dans plusieurs réglons privées d'eau, il
croit cependant, pur ci pur là, quelques buissons rabougris qui servent do
guides naturels aux enruvunos, ot dont los feuilles sans suc no sauraient raf-
frulchir lu lnnguo brûlante des bêtes de somme; cà et là on volt poindre nussi,
dans les endroits abrités, des acacias épineux qui; produisent de la gomino,
Mais outre'ces faibles produits de lu nature, on n'aperçoit de tous côtés quo le
ciel et les sables; les points pourvus do quoique végétation apparaissent aux
Arabes commo des lies, qu'ils appellent Djczaïrou Djeaira lorsqu'elles portent
dos bouquets do dattiers,
Il paraît certain cependant,quo, comme sur tous les autres points de la (erre,
la végétation finirait aussi pur couvrir lo désert ulïlculn, si lo sol no se déplu-
mait d'nnnéo en année, et même do jour on jour. Mats tout ensemencement
est enlevé avec lo subie ; et partout oh so montrent quelques misérables buis-
sons, il se forme presquo aussitôt un monticule" de sable. Si purfois, par un
heureux hasard, là végétation a commencé à prendre racine en un endroit
quelconque, co, n'est que pour un temps très-court, cor elle no saurait résis-
ter au mouvement périodique et général dos sables, à l'époque des tempêtes
équinoxlales»
L'homme seul est pnrvonu à se rendre lo désert presque hospitalier; et il est
évident que l'océan de subie sépare moins lo Soutien tles pays de l'Afrique sep-
tentrionale quo ceux-ci ne sont sépurés de l'Europe pur la Méditerranée.
L'homme a su tirer partie du sable lui-même ; dès qu'un vont frais commence
à souiller, l'habitant du Fezzun se couche duns cette musse continuellement
échauffée pur le soleil, et y trouve un abri. Entume-t-il une conversation avec
ceux qui l'entourent, il commence pur égaliser l'espace qui est devant lui, afin
qu'à chaque p' use il puisse appuyer son opinion punies figures qu'il dessine.
S'il conclut un innrché, il fait aussitôt ses calculs sur lo subie» Les musulmuns
sont forcés, duns ces réglons, d'accorder au subie la même vertu efficace que
rislamlsnio prête à l'eau, et Us s'en servent pour toutes leurs ablutions reli-
gieuses, Mnls, ce qui ostsurloutdigno d'utteiiHon, c'est l'avantugeque l'homme
tire du chameau, cet animal dont le sabot, l'estomac et la denture correspon-
dent si bien nu sol du Saitara, et qu'il a su arracher à l'élut du nature pour en

Lucas, Vroceedings, t, 1" p, l2l,~J. Ulloy, Account afiïahafa in IMS of the americ. hrig,, de, éhtfp,
XXVI, — C'apl. Lyoli'a, Marrât., p. lUi,
29/i L'AFRIQUE FRANÇAISE,
faire te compagnonde ses travaux. Le chameau estlo naviro du désert,- ot, sans
lui, l'océan de sablo serait infranchissable.'-La soute ot principale tâche du
voyageur consiste dans In -connaissance-dossaisons, dos ports, et dans l'art do
so diriger sur lotîtes les routes possibles. Do là vient que les guides sont appelés
dans ces contréos los savants, los sages, llybir ot.Chabir (du mol arabe chabar
qui veut dire savoir) K Comme il n'y a là ni forêts, ni flouves, ni montagnes,
ni sentiers, muis seulemont des monlugnos errantes, les llybirs se dirigent
d'après lo vol des oiseaux, dos corbeaux et des vautours qui so rencontrent
près dos lieux habités, et là oh les caravanes ont laissé dos cadavres; ou bleu
ils suivent, comme des hnnunours, la direction des vents dominants. Comme
ils voyagent plus souvent la nuit quo lo jour, Ils ont aussi quelque science des
étoiles et do leurs constellations; ils connaissent, pur exemple, l'étoile polaire,
ot s'on servent pour so diriger ; mais là se bornent, à co qu'il parait, toutes leurs
notions, du moins pour co qui regarde les guides de la caruvano do Timbektou
et du Dar-Fottr, Ils no connaissent pas non plus la boussole, bien que certains
historiens arabes nous assurent qu'ils se servent du Kibla-Name dans leurs
courses à travers lo désert 2.
De même que, sur les glaciers du nord, les guides des Alpes, pour no pas
s'égarer duns les labyrinthes et les précipices, umoncollont des tus do pierres, de
même aussi los llybirs réuniusent toujours quatre à cinq, blocs do pierre qui
leur servent do jalons pour s'en retourner.-,Là oh les pierres manquent, ils sont
obligés do tracer leur direction d'après telle ou tollo saillie do rocher ; mais cotte
manière n'est pas très-sûre, attendu quo souvent los rochers sont recouverts pur
tes subies. Nous voyons ainsi que partout les plus grands obstacles s'opposont à
tout, co'qui tend à devenir stable dans celte mer do sable. Browno, duns son
voyngo uu Dur-Four, obsorvn plusieurs fois quo les plus habiles des guides, qui
avaient déjà fait douze fois la môme route, no pouvaient so retrouver dans ces
plaines sans fih, et étaient obligés d'expédier des éclaireurs pour s'orienter, H
n'est donc pus étonnunl que les guides soient les sages du peuple, duns un
pays oh tout est errant, la nature aussi bien que l'hommo et los peuples, los
dynasties et les religions.
Après avoir franchi la zôno dos déserts, on trouve, à l'extrémité méridionale
du lloted-el-Nuii, dos réglons cultivées dont les habitants échangent la gomme
ut la cire contre les toiles d'Europe, Liés pur dos relations suivies avec nos
comptoirs du Sénégal, ils servent aux Marocains d'interniédialros pour l'achat
des esclaves noirs do Nigritle,
Tous ces détails, quo nous avons dû ubrégor lo plus possible, suffisent pour
faire envisugor dans son ensemble lo terrain sur îcquol les intérêts do notre po-
litique d'outro-iner nous entraîneronl tôt ou tard. Il nous reste à parcourir les
vicissitudes do nos relations avec les contrées marocaines; co tableau nous
offrira dos données précises sur sa situation actuelle, et des rotisolgnomeiits pur
induction sur la conduite quo tes éventualitésfutures pourraient nous dicter.

1 llriico, Trarels, t. VI, p, lia.—Tyoltson, Antiwrh sur deutschen Ausg,, tb.V, p, 060.'
2 «Seetzoll, Monall, correspondent, Voyugo do .Sidl-Itainet, dans i, Ulley, Loss ofthe Americbrlg,etc.,

IL UlO, —Descrlpciongênerai do Espanna de Xerlf Alcdrls, pur D. S. Colidq. (Madrid» 1700, p, «00.)
LIVRE CINQUIEME, 296'.'

% III, cour n'omii msTOMQim ET DIPLOMATIQUE suit .LES HAITOIITS DES OIIKIUITS DE
MA'llOC AVRG LES 1MJISSÀN0ES EUIlOl'ÉENNES, ET. EN l'AllTICULJEll AVEO L'ANULlJTEtUUÎ
ET LA MANGE..

Lo 'premier chrétien qui osa tenter, en 1402, une descente sur ces plages in-
connues, fut un marin normand, Jehan do Béthencourt. Co capitaine nvontu-
reux dcvnnçnit ainsi, ,do près d'un siècle, les grandes explorations do Vuscodo
Canin otdo Christophe Colomb. Avec une poignée do compngnons enthousins-
tos, il. avait imaginé d'imiter les croisades, en portant la foi catholique et la
civilisation'do'l'Europe aitx lies Canaries. Son expédition donne à la Franco le
droit do priorité dans los découvertes qui furent poussées sur l'Atlantique, Il
parcourut les côtes marocaines, ontro te cap Cuntin et le cup Blanc, pénétra
dans les terres vers le cup Bojndor, lutta plusieurs fois contro les peuplades qui
voulaient lui fermor le passage, ot revint duns sa polito colonio avec un butin
considérable et dos prisonniers qu'il espérait convertir '.Mots lu France, préoc-
cupée d'autres Intérêts, ne so soucia ni des rapports,qui s'étaient fondés entre les
Conuries et lo Mnroc, ni de in conquête chevnloresque de Béthencourt, qui re-
vint mourir, obscurci oublié, dnns son manoir do Normandie, après uvoircédé
lo fruit do ses travaux à la couronne de Cnstillo, pour punir l'indiflorcnco de
son pays,
Co n'ost que deux cents ans plus tard, sous le règne do Ilonrl IV, qu'on res-
saisit lo fil do nos relations fugitives. Un Houennuis, Pierre Troillnnt, a laisse
uno îoltro adressée, lo 11 janvier ,1BI)7, au connétable do Montmorency *-, et
dans laquelle so trouve racontée au long lu fumeuse bataille,gagnée auprès de
Foz, lo 12 mai 181)0, pur Muloy-Clieïkh, contre un prétondnnt, du nom do Mu-
ley-Nacor, dont lo père avait perdu la vie, avec Dom Sébustien do Portugal,- duns
les plaines d'EI-Kassur. A l'époque d'oh prend date lo document que nous
venons do citer, plusieurs marchands français avaient aussi pénétré dans tes
extrêmes régions du Moghreb, ot nous avions, à Maroc, un consul nommé
Cnslollano.
En 1017, un homonyme marseillais'do M. Cnslollnno vient s'insluller à Fez,
avec do fausses lellres do Louis XIII et du duc de Cuise, s'attiro la confiance du
prince régnant,' Muloy-Zldun, on abuse, et disparaît avec un'dépôt précieux.
Co chérllf indigné enveloppe dans su vengeance' tous les Français qui vivonl
dans sos étals, et les réduit on- esclavage, Il fallut, pour réparer cette disgruce,

4 Jolmii do Uélltoncourt ot (lad|fer du la Sale n'empareront do trois llos do l'archipel canarien, habitées
parties poii|)lades IdoliUros, et y fonderont dos Hors qui rappelaient ceux do la Sloilo otdo la (Jalabro au
Xi* slèeloj Véritables colonies chrétiennes on les vainqueurs convertiront los vaincus, ot consommeront
lour alliance avec oux on «'unissant par mariage aux familles indigènes, (Des relations politiques et comme)'- "
dates de la France avec te Maroc, par U. Thoinassy, p. 10.) t.'es Iles, ajouta co savant octivaln, avalent
été, bliw antérieurement h Hothuneourt, connues ot explorées pur des navigateurs génois ot catalans j mais
auettti d'eux u'on avait pris possession,"(Voir, au sujet de eus derniers navigateurs, le précieux Allas va*
tatan do Ï876, publié par MM, Tustu ot Utiolioil. l'nrls, ÎHM.)
2 l'a Ulorrt! Troillnnt avait été olfloîor do la maison du ohôrllï Muloy-Alimod-el-Mansour, et il occultait
oncoro cotto position, lorsque Muley-Olieïkh, fils do co princo, remporta la victoire* qui lui assura l'oniplro
do Maroé, S'a relation témoigna do l'Intérêt que lo cotmétablo du Montmorency apportait aux rapports do
la Franco aveo eellu partlo do 1*Afrique soptentrloiialy. On on retrouve l'original tout ontior h la Iliidu
maiiiiRerlt n» liooydola hlbllotitùqun Uoyaio do Paris.
296 L'AFHIQUE FRANÇAISE,
quo le sultan do Consiantiuôplo intervint, comme chef spirituel do l'Islam ot
suzorain religieux du roynumo doFoz.
Toi fut lo premier démêlé tjiid nous eûmes avec le Maroc, La sourco on est
regrettable, malgré la prompte satisfaction qui fut donnée à Muley-Zidan par
le châtiment du coupable.
Douze ans après, le ministre fameux îi qui la Franco doit sa promioro vietoiro
navale sur les Anglais, devant la Rochotlo, ot cette haute pensée du règne do
Louis Xit.I qui nous ouvrit lo Canada 4, Richelieu, voulant justifier son titre do
surintendant général do la marine royale, s'occupait d'étondro notre commerce
dans la Méditerranée par des traités avec la Porte et les États lîarbarosquos,
En 1629, uno escadre, aux ordres de Raztlly, parait devant Salé 2, république
d'ocumours do nier qui n'obéissaient ni au choriffde Fez ni a celui do Maroc,
ot faisaient do la piraterie pour leur propre compte Los assiégés, serrés do fort
près, parlementent ; mais avant la conclusion d'un accommodement, la mau-
vaise saison force l'escadre française a rentrer dans nos ports.
Le 20 juin de l'année suivante, uno noùvcllo oxpédïtion, conduite par ce mômo
ftazilly, part de Saint-Martin de Rhé, rencontre plusieurs corsaires tlo Sulo» les
coule, et revient bloquer la ville maurosque. Un traité conclu lo 12 août ter-
mina utilement celte entreprise, par l'installation d'un consul do Franco u Salé,
ot par la délIvrance, à un prix fort mocliqiie, des esclaves do noire nation.
Profilant avec rapidité de ce promior succès, le commandant lUizllly lit an-
noncer auchériffdo Maroc, MuIcy-ubd-el-MalcIt, sa marche immédiate sur lo
port do Saffi, au sud du cap Cantin, pour demander la mise en liberté des es-
claves chrétiens retenus dans ses provinces, Ce chériff, qui s'intitulait avec or-
gueil khalifa du Prophète et empereur d'Àfrhme, s'exécuta courtoisement. Le
mauvais temps avait, commo on 1620, réduit nos vaisseaux à se retirer; mais
quelques jours après leur départ, les esclaves furent .'amenés a Safll, avec une
loltro do Muloy-abd-ol-Malek a Louis XIII 8, dont les termes expriment les meil-
leures tli: positions.
Kn 1606, les Anglais, qui occupaient Tanger depuis cinq ans, tiraient do cette
possession une inlluenco maritime dont les progrès inquiétaient la politique do
Louis XIVé Leurs alliances, habilement ménagées, avalent pénétré jusqu'à Fez,

i Ordonnança «lo Louis XIII» du mois de .niai 1GÏ8, pour reprendre la colonisation française nu Canada,
oie»convertir tes Indigènes nuctithulfclamo.:
2 Voyez, lui Voyages d'Afrluuofait* par te commandement dui'ot,ct dtdlê au duc de lUciwltcUf par Jean
Armand, dit Mustaitlm, Turo do nation, l'arls, l(i!Jl, Oui auteur, dit M, Thottmssy, avait été converti au
christianisme par lo cardinal lui-même, dont II avultruçu lo prénom d'Armand,comme autrefois lo Maure
Léon l'Africain avait vc^u lésion du papu Léon X ; curieuse similitude quo cetteconversion, qui nous
montre d'ailleurs comment la politique do Uleliolleu, non contente d'embrasser touto l'Europe, se dirigeait
encore vers 1'Afrtqiio et l'Orient. Lo narrateur des expéditions do Unsdlly nous apprend le prix que lo
grand ministre uttuehult alors et la prépondéruncd maritime de in France, en louant HOU protecteur '« do
tto s'être pas contenté d'avoir uno fols emprisonné la mor pour lu cotiquôto d'uuu ville rebelle, mai» d'en
ouvrir aussi ldj portg et les golfes, ulin qu'il n'y eut aucun lieu où lu réputation des Français no fît
publiée. » -
a On trouve lo toîilo do culte letlto dans lit Climtomtltie arale du .M. Sllvcstre de Nftey, t, 111, p. 2ïfi.
Il faut rétablir dans l'adresse le nom do Louis Xllt au Heu do celui do Louis XIV qui y ligure par uno
orruur typographique; La gracieuseté dos tonnes do eetto missive est presque sans exemple dans l'histoire
de nos relations politiques uvoe lus princes musulmans i on no saurait dire, un la llsunl, s'il,faut plutôt
l'attribuer au oaraolère personnel du chériff Abd*ol-Muluk qu'à la crainte que pouvait lui inspirer l'imml*
Iiollcd d'tllio liouvello expédition,
M AH A IHH'S
LIVRE CINQUIEME. 207
Un négociant do Marseille, Roland Fréjus, rociU alors -du roi la mission d'aller
fonder îi Fez une vasto agence commerciale. Le chériff Muley-Arschid accueillit
avec favour l'envoyé do Louis XIV. C'était un prince ambitieux, qui ne voulait
rien moins qu'enchaîner sous son joug tout le Moghreb. II acheta au commerce
français Une grande quantité do munitions do guerre. La fortune qui protégeait
ses armes en faisait aux yeux do Louis XIV un allié de quelque importance ;
les Anglais ne virent pas sans dépit cette bonne intelligence; mais leurs intri-
gues ne parvinrent pas à l'affaiblir 1.
Le gouvernement île Cromwoll avait dès longtemps compris les avantages
éminentsque pouvait assurer la position de Tanger. Charles-II, en adroit poli-
ti([ue, l'avait 'détachée de la couronne de Portugal par son mariage avec T infante'
Catherine. Il balançait, par celte acquisition, la puissance commerciale des Hol-
landais dans la Méditerranée; mais lorsque Fez ouvrit ses portes à Muley-
Arsehid, lorsque ce conquérant, qu'aucun obstacle n'arrêtait, porta ses armes
jusqu'au détroit, les Anglais se virent enfermés dans Tanger. Lu 167», ils en-
voyèrent a son successeur, Muley-Ismaël, un ambassadeur avec do riches pré-
sents pour demander la paix, Au moment de la conclure, un marabout couvert
do haillons, et qui jouissait dans le pays d'une haute réputation de sainteté,
s'approcha du chériff, et lui dit que la nuit dernière lo Prophète lui était ap-
paru, et lui avait ordonné d'annoncer que Muley-Ismael triompherait dotons
ses ennemis, à la condition de no faire aucun traité avec les Anglais. Le chérilt',
affectant un profond respect pour ce suint marabout, baisa sa tète sale, et ré-
pondit a.l'ambassadeur qu'il; ne pouvait traiter de la paix, de peur d'encourir
la disgrfk'o de Mahomet*, L'envoyé britanniquo se retira fort désappointé, et
Muley-Ismuël garda ses présents.
En 1678, malgré la peste qui s'introduisit dans le Maroc par les communi-
cations d'Alger et de Tétuaii, et qui y causa d'affreux ravages, surtout dans la
partiedu nord, les ulcuïdos des environs de Tanger attaquèrent plusieurs fois
cette place, Atuaf-lladoti, alcaïde d'FI-Kassar, s'empara au mois tic mars de
doux petits forts avancés* tua une trentaine..d'hommes et enimena les autres on
esclavage,
L'année suivante, sur le faux bruit .quo Louis XIV allait envoyer une Hotte
nombrouse pour établir uno citadelle à tël-Kassar-Sogliuïr, près île Tanger,
deux armées sortirent de Fez etde Méquincz pour investir do nouveau les posses-
sions anglaises, Amar-lfadou tenta un coup de main sur Tanger, niais il perdit
.quatre mille hommes et fut repoussé, Il revint h la charge en 1680,coupa les
communications du fort Charles avec la ville, réduisit la garnison parla famine,
ot la mit en pièces dans une sortie. Los Anglais songeront.alors à munir Tan-
ger de nouvelles fortifications :); mais le parlement refusa (le. voler les sommes
nécessaires à cet immense travail,
4 lMittkm du Voj/aijfi fuit, en 1000, aux royaumes do Maroc et do Fez, pour l'établissement du commerce
avec la Franco, par llolàitd Fréjiis. l'aris, hiB-2.
2 Iln'hcrchcs historiques sur les Maures, par M. do L'Iiénier, consul général do Franco au Maroc, t. III.
l'arisi 178?.
it A cette époque parut a Londres sous io titro de A discourut ioitrhing Tanger, un excellent, mémoire
publié par le duo d'York ^depuis Jacques II, sur les moyens do s'assurer h possession d'un point qui in*
tén'wnil au plus haut degré la pii'qiundôi'.'iijci! Inailtlnio do l'Aiigli'Ierro. »\lai<< les iliuinws sa trouvaient
il)uiaic5|.oj^Tinv«fl' >',.'t<iinlia"ait iio'uvoiï iloi
'298 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
L'abandon do Tangor fut alors décidé. Lo Portugal offrit, dans Fin térôt général
de la chrétienté, do reprendre cotte position qui pouvait tenir en échec les au-
dacieuses déprédations dos corsairos barbarcsquos ; maisTégoïsme d'Albion no
pouvait consentir à remettre en d'autres mains ce qu'elle se voyait incapablodo
garder; lo port do Tanger fut ruiné, ses romparts tombèrent sous le canon bri-
tannique, et on 168^, les Maures se rétablirent dans la ville démantelée, ot fêtè-
rent comme une victoire l'acte do faiblesse d'un grand peuple qui no devait ré-
parer, cotte faute qu'en 1704, par l'occupation do Gibraltar '.
Muloy-Ismaol, fidèle au caractère musulman, éternel ennomi du nom chré-
tien, acheva son règno en guerroyant contre los établissements espagnols d'El-
Mamorahotd'El-Araïch ; mats ses efforts échouèronteontro Coûta, après vingt-six
ans do siège, qui lui avaient coûté plus do cent mille hommes. La Franco, on
bonne politique, s'était contentée de traités favorables h son commerco; cette
sage conduite augmentait son influence do toute la haine qui poursuivait les
nations ses rivales sur la côto du Moghreb. Dès 1682, Muley-Ismaël avait re-
cherché lui-même l'amitié do Louis XIV; ses députés étaient venus admirer les
splendeurs do Versailles; un excellent traité avait, été le fruit du noble et impo-
sant accueil dont ils s'étaient vus l'objet. Les pirates do Salé so trouvaient tonus
en échec, et "si quelques raros infractions à la foi jurée éclataient do temps à
autre, elles étaient l'objet immédiat do négociations diplomatiques, pondant
lesquelles l'ensemble do nos affaires commerciales jouissait d'une protection
non interrompue.
Los intrigues étrangères s'efforçaient vainement do profiter des guerres do
Louis XIV pour troubler nos relations avec l'Afrique. En 1696, Muley-Ismaël,
excité contre nous par les agents secrets du princo d'Orange, so brouille avec
notro consul à Salé, ot s'emporte jusqu'à dos menaces do mort; mais la paix de
Riswick survient et relève notro influence. Lo chérifl', étonné do la fortune do
Louis lo Grand, propose lui-même les bases d'une alliance sans réserves, et a
partir do 1699, la puissance du Moghreb semble chercher l'éclat de la couronne
do France.
Lo capitaine général de la marine do Muloy-Ismaël, Bon-Aïssa-Raïs s'embarqua
sur uno frégate do l'escadre do ChAloau-Ronatid qui croisait devant Salé, et fut
amené an port de Brest, au mois do décembre 1698. Louis XIV y envoya des
commissaires, ot les négociations commencèrentsur les articles du traité de 1682 ;
mais comme l'ambassadeur marocain ne voulait rien conclure qu'avec lo roi do
Franco en personne* lo gouvernement le fit venir a Paris, oîi rien ne fut négligé
pour lui donner la plus haute idée de notro puissance.
Partout sur son passage, los troupes lui fournissaient un cortège d'honneur,
et lo 16 février 1699, il fut admis on audience royale dans lo palais do Versailles,
en présence de toute lu cour, Louis XIV ne répondit aux offres de traité du chériff
marocain qu'en renvoyant cet examen à ses commissaires; niais il mil tous ses
soins h captiver par los séductions do son accueil l'amiral maure, dont le carac-
tère aussi bien que l'attitude pleine do dignité frappaient de surprise tous ceux
qui l'approchaient, et tenaient h distance l'indiscrétion des courtisans '4.
I I[Maria de. Tangnre, por don Fernando de Menazùs, p. 981, (Lisboa, 17M.J
* « Far uno singulière circonstance, dit M. Thoinnssy, il so rencontra quo l'ancien bionfallour de Bon-
LIVRE CINQUIEME, 209
Cependant au milieu des magnificences de Versailles et do Paris, la négocia-
tion n'avançait qu'à pas lents ; les commissaires de Louis XIV so montraient

Aïssa, Jacques II était alors flous la protection du roi do Franco, Uo simple rapprochementdut faire «no
révolution dans l'amogénéreuse do l'ambassadeur marocain. Colul-ol alla plusieurs fois visiter lo monarque
déchu, qui, au temps de sa prospérité, après l'avoir fait prisonnier do guerre, lui avait rendu la liberté
sans rançons ot il lui ronouvoluit l'expression do son éternelle roconnalssanco, l'assurant qu'il soglorlfio-
rnlt toujours de s'avoUer son esclave affranchi, plus quo do tous les honneurs qui pourraient lut arriver. La
sincérité du dévouementdo nen-Aïssa no pouvait ùlro égaléo quo par la simplicité do son Amo. Lorsqu'il
Vit l'infortuné Jacques II pour la dernière fois, il ;so jota à ses pieds on le priant d'accepter un présont,
ot vorsa un torrent de larmes, qui en fit couler ù toute la royale famille dos Stuarts. lllKarro ot tou-
chant caprice do la fortune, qui allait ainsi ohorcher dans la Mauritanie l'hommage dos sontimonts los plus
nobles et les plus désintéressés quo put alors recevoir Un prince niallieuroux !
« Sous lo rapport religieux, lo caractère do Ilen-Aïssa no roérlto pas moins d'être connu; il montra
toujours la plus austèrepiété, et déjà, bion que lo lUiamadan fut passé, il avait prolongé son joftno do deux
niois par dévotion, lorsque, élant tombé malade, il poussa Pobseryalionjdo sa toi jusqu'à l'héroïsme. Itofu-
sant do prendre certains remèdes qu'on lui disait étro nécessaires a sa guérlson, il annonça que, si sa ma-
Indio augmentait, il voulait qu'on lo couchât sur lu torro,afln d'y être plus prooho de la poussière on
laquelle il devait être converti, — Voici un autre irait caractéristique dosa croyance Pendant son voyago
do IJrosl a Paris, comme'.il traversait la plaino do Saint-Martin-lo-Boau, on allant A Amboise, on lui dit
quo les Sarrazlns y avaient été défaits par Charles Martels 'aussitôt il se mit en prlèro, ot il lit recueillir
plusieurs poignées do celto torro, qu'il croyait sanctifiôo par les martyrs do l'Islam.
« Uen-Aïssa était d'uno grande et forto stature, et sou esprit n'était pas moins élevé quo son coeur. Il con-
naissait les langues anglaiso et espagnolo, ot il était lo porsonnngodu Maroc lo plus au courant dos affaires
do la chrétienté. — Un jour, il fit demander A Louis XIV, comme «un grâce particulière, qu'il put balsor
et mottro sur sa télo uno lettre quo los Mauros prétendent avoir été écrllo par lo prophèlo Mohammed A
l'oniperour llôraollus, des mains duquel ello a passé aiix rois do Franco, qui l'ont toujours conservée avoa
grand soin, et qui, selon les Maures, est la cause do toutes tes prospérités de la monarchie françaiso.
Louis XIV lui répondit franchement qu'il n'en avait jamais ouï parler, mats qu'il consentait volontiers i\ ta
lui montrer, si on la trouvait diins sa bibliothèque, Los recherches qu'on y fit, on cotte occasion, rappelè-
rent seulement qu'on possédait les lettres du sultan .Sotyman A François 1".
u Durant son séjour on Franco, Eon-Aïssa montra, dans l'obsorvatlon do toutes choses, autant d'esprit
que do bon sons ; ot sôs réparties (Iront forluuo dans le Mtrenra galant do 1000. Ainsi, lorsqu'on lui de-
manda pourquoi, dans son pays, los liomnios épousaient plusieurs femmes s <— ("est, répondit-il, afin do
trouvor réunies on plusieurs les qualités que chaque Française possède à ello sculo, — Comme on lo mo-
liait ASaint-Clond, on lui raconta, en passant surlo pont, l'histoire do Torchiteeto, Oh sait que colui-ci,
n'eu pouvant achever la construction, promit au diable, qui lui apparut ot s'engagea à l'achovor pour lui,
la première chose qui passerait dessus, et pour s'acquitter do sa parole, y fit passer un chat quo lo diable
prit A son grand désespoir,fauto do mieux, Sur quoi Îîeii-A'issa s'écria: Comment peut-on espérer do gagnor
quoique chose avec les français, ot do vaincro des gons qui savent vaincre lo dlablo?'— Le chAtoau do
Salnt-Oloud appartenait alors au duo d'Orléans, et plut singulièrement iV Uon-Aïssa, qui avait déjà été
comblé des bontés de ce prince ; on comparant cotte domonro A Versailles : —' J'aime autant, dit-il, co qui
me fait plaisir que co qui m'étonne. •— En parlant des eaux do Versailles, il avait déjiV dit quo la paroto
ot les expressions lut manquaient ) et à l'aspect d'un des plus hauts jets d'eau i — Il suit la renommée do
sou maître, et voudrait aller jusqu'aux cieux !
S'aint-ÎJonls, ses
« iSalnt-Olou lui fit visiter les monuments les pluscarioux do Paris et dos environs,
tombeaux, son trésor, et surtout son vitrage gothique, lo frappèrent d'éloiitiement; le prieur do l'abbayn
lui lit les honneurs de l'église, on venant lo recevoir avec plusieurs do, ses religieux et faisant jouer les
orgues lorsqu'il so retira, IJou-Aïssa remarqua è'ga)àmont'Notre-Omne avec ses tours, et surtout la cha-
suble qu'on lui dit avoir .été portée par saint Denis, il y avait quln/o cents ons, et qu'il regardait Ace titre
comme lu palladium do laFrauce; —' kn Invalides, dont il HO fil donner lo plan | — l'()ke)-eatotre, oii II
fut extrémomolit surpris des ell'ofs du miroir ardent, ot demanda A Cassint une lottrû pour tes astronomes do
Fez ot do Maroc. Mais l'Opéra, et les courses do clidvaux étaient cequl lui plaisait le plus. AU milieu do"
toutes cos distractions, ou no négligeait rien pour lui suggérer dos idées utiles pour la Franco t c'est ainsi
qu'on lui montra la manufacture do glaces du faubourg .Suint-Anloliio» ôtï il admira autant la perfection
du travail quo ta quantité des ouvriers, alors au nombre do huit cents. 11.vit a cotte occasion plusieurs fois lo
«tour JourdUli,secrétaire du roi, A qui Louis XIV avait donné la conduifo de cotto manufactura., ot Holi-
Aïssa s'occupa avec lui du projet d'établir le commerce des glaces A Maroc. On s'appliqua également A lui
montrer les ressources personnellesde la royauté i un Jour, entre autres, parcourant le gardo-meiiblo du
roi, qui était au Vieux Louvre, il s'écria on Jetant les yeux sur la iSojno s — Quand ce» eaux seraient dij
l'encra, oltos no suffiraient pus à décrire les merveilles que je vois chaquo jour' — Quant A son apprécia-
tion généralo do la Franco, il l'exprima un jour on revenant do Salnt-Uermuiu, après sa dernière visito A
300 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
exigeants, et le diplomate africain restait sur la réserve. Il fallut so séparer sans
avoir rien terminé.
Do retour à Maroc, Ron-Aïssa fut chargé par Muley-Ismaël do renouer l'aiïairo
par uno demande sur le succès do laquelle il comptait beaucoup, cello do la
main de la princesse de Conti, fille naturelle do Louis XIV et de madame do la
Val Hère. Cette demande était formulée on termes pressants, «au nom du chérilV
descendant du Prophète, par Abdallah-Hon-Atssa-Raïs, serviteur et ministre do
la royauté dos Hachémiles, et capitaine de la mer,)) On Ht dans le Mercure galant
d'avril 1(199, qu'au sortir d'un bal do la cour ofi il avait admiré la jeuno princesse,
Ren-Aïssa, ravi de sa beauté, n'avait pu s'empêcher de dire à M. de Saint-Olon,
notre ambassadeur au Maroc, qu'il avait vu onErauce trois choses qui n'avaient
rien d'égal :1c Roi, l'Opéra, ot mademoiselle de Conti.— «j'ai fait à mon maître,
écrivait-il officiellement au minisire Ponfcharlrain, le portrait do cette princesse,
de son bel esprit, de son air royal, et de sa parfaite intelligence aux exercices
du bal et des instruments dû musique, que nous vîmes une nuitau Palais-Royal,
chez, le prince son oncle, Monsieur, où M. do Saint-Olon me mena, J'ai parlé
dos grandes honnêtetés que j'ai reçues do co prince, et des manières civiles et
charmantes qu'ils observaient les uns envers les autres en notre présence. Nous
avons fait l'éloge de tout cela, ot une description au roi notre maître; tellement
quo cela lui est demeuré gravé dans l'esprit,'et qu'il y pense avec soin et in-
quiétude. Sur quoi il m'a dit : 11 faut que tu écrives au visirPonlchartrain, ton
ami, afin.qu'il demande pour moi en mariage, au roi son maître, cette prin-
cesse, sa fille, soeur du dauphin, h part sa mère qui n'a point d'époux a présent.
Notre chéri If la prendra pour femme, selon la loi d'Allah et de son prophète
Mohammed, assurant qu'elle restera dans sa religion, intention et manière do
vivro ordinaire, Elle trouvera en son palais tout co qui pourra lui faire ploishy
selon Dieu et justice.»
Muley-Ismaël écrivait en même temps h Louis XIV, mais sans parler de la de-
mande failo par son ministre, Sa lettre donnait au roi de Eranco les qualifica-
tions les plus affectueuses*. «Comme la paix que je désire, ajoutait-il, sera plus
avantageuse et plus utile pour votre royaume et pour vos sujets qu'elle ne peut
jamais l'être pour nous, par rapport au commerce considérable que les négo-
ciants français font dans nos états, c'est à vous à donner de justes bornes a vos
prétentions, et a proposer des conditions raisonnables .qui puissent établir uno
paix stable entre nous '.'»
L'orgueil de Louis XIV se révolta do ce que ses courtisans appelaient Pou-

Jacquos IL Le coup d'ail magnifique qu'on a des hauteurs do l'aquéduc do Marly lui donna lieu do se
récrier sur lu multitude des villes, bourgs, villages ot bâtiments, qu'il avait vus donslo royaume i *- La
France dit-Il, n'est qu'uno ville, mais B! remplie de peuple, qu'elle suffirait A remplacer lo reste du monde,
il le resté du monde so désemplissait.
« Beii-Aïssa no so montra pas moins touché des attentions délicates dont l'avait
entouré madame de Saint-
Olon durant son séjour A Poris, Il lui écrivit de Hrest, on l'appelant *a biin-aimee et la regardant comme
sa soeur. Jamais chevalier du moyen Age no fit prouve d'une galanterie plus noble et plus pure ; et il faut
dire nu^si que cette dame on était parfaitement digne, par la manière dont elle avait rempli les Instruc-
tions de Louis XIV, on entourant l'ambassadeur marocain des plus douces influences de notre civilisation. *
[[)(& relationspotitlqws (t commerciale* de la France avec le Maroc, p, 05 A 71.)
1 Voir, pour tous los détails do cette curieuse négociation, le Journal manuscrit do Pidou de Saint-

Olon, ambassadeur de France A Maroc, t. JII.


LIVR E CINQUIEME. 301

trecuidanco (l'un petit despote barbarosqtio. Les beaux esprits do la cour s'en
donnèrent à ..coeur joie; les madrigaux ot les épigrammos affublèrent do rubans
roses lo lion amoureux, et les hommes d'état no réussirent pas a faii'o com-
prendre fi Louis XIV do quelle-importance un paroil mariage pouvait, malgré
son apparente élrangeté, rohaussor h l'extérieur les relations do la Erance. Le roi
dédaigna do répondre sur co sujet à Muloy-Ismaël, et lo traité fut ajourné, Ce fut
uno faute immense.
Et cependant, au dix-septième siècle, la Eranco avait déjà pour un million
cinq cent mille francs de capital engagé dans ses relations d'affaires avec le
Maroc, Elle y débitait ses propres denrées, dit Saint-Olon, elle y faisait valoir
ses manufactures; ses marchands n'y versaient point d'argent, et par le moyeu
des échanges, ils en reliraient toujours des marchandises de plus de valeur
quo celles qu'ils y avaient portées. Les draps de Languedoc, les étoffes do Nîmes,
do Montpellier, los soieries do Lyon, et les denrées du Levant y trouvaient un
vaste écoulement; les toiles de Rouen ot de Saint-Malo s'y vendaient chaquo
annéo pour plus do doux cont mille livres ; on en lirait abondamment la cire,
les cuirs, la laine, los plumes d'autruche,.'du cuivro et des dattes, Les juifs et
les chrétiens s'y.-.partageaient largement tous les bénéfices du trafic. Salé et Té-
tuan étaient des ports faciles, et des centres d'exportation on continuelle acti-
vité. Les caravanes de l'intérieur affluaient à Sainte-Croix et à Suffi, La ville do
Fez était l'entrepôt du commerce do toute la harbario. L'Espagne portait au
Maroc la cochenille et le vermillon, l'Auglolorre ses draps, la Hollande ses toiles,
j'Ilolic fournissait l'alun, lo soufre et les
ses épices, des armes et do la poudre;
poteries do Venise; le Levant y importait ses colons» du vif-argent et de
l'opium '.
D'autres causes que le refusde la main de mademoiselle de Conti no tardè-
rent pas à compromettre nos «d'aires, avec, lo Maroc. La possession de Coula,
que Muley-Ismaël voulait reprendre aux Espagnols, nos alliés, devint un motif
d'hostilité, D'un autre .côté, l'influence anglaise travaillait à se.rétablir.'parles.'
intrigues d'une renégate (levenuo la favorite du Chériff; et en outre, un protes-
tant français du Languedoc,' nommé Pillet, réfugié après la révocation deï'édil
do Nantes auprès du prince d'Orange, qu'il servit dans les guerres''d'Irlande,
s'étant fait plus tard commerçant a Ee/, oîi il avait embrussé l'islamisme, occu-
pait lu'dignité do gouverneur (le Salé, et se dévouait par vengeance à nos éter-
nels ennemis.
Il aurait fallu combattre ces circonstances fAcheuses par la 'présence d'esca-
dres permanentes sur les côtes du Maroc; mais toute notre activité portée dans
les guerres continentales avait affaibli notre marine, Les Anglais, qui avaient
surpris; Gibraltar, ot'qui le gardaient au nom de l'archiducd'Autriclie, mais avec
la pensée de no jamais s'en dessaisir, se consolaient de ''l'évacuation de Tanger,
et accaparaient pied u pied l'iniHtoneo mariliino que nous laissions, échopper,
Toutefois, notre commerce devait encore un certain calme au besoin que le
Maroc avait de nos produits. Nous n'avions guère d'autres intérêts h suivre que
le rachat des esclaves; mais après la bataille de Malaga, qui livra Gibraltar aux
1 iteialion dé l'empire île Maroc, situation du pays, do ses mmurs, coutumes, gouvertumiPiH, religion
et politiques par PldoU de .Saint-Olon, ambassadeur de France, {Paris. IfKirj,)
302 LrAFR1 QUE ERANÇATSE.
Anglais, on vit la politique do Mulcy-Ismnël changer envers la France. Le
chériff traita avec ses nouveaux voisins à des conditions d'uno surpronanto fa-
veur, et tourna contro nous la hauteur do sos exigences.
L'ordrereligieux dela.Merci fit deux pèlerinages au Maroc, en 1708 ot 1712,
pour travailler au rachat dos esclaves. Muley-Ismaël montra uno avarice presquo
intraitable. Cependant il no voyait pas sans inquiétude l'alliance qui régnait entra,
la Franco et la Porto Ottomane. Craignait-il pour son indépendance quo pour-
raiehtmonaeer ces doux puissances unies? Rival dans l'ordre spirituel dusultan de
Constantinoplc, prétendantquoles chéri fl's du Maroc étaient les seuls conservateurs
orthodoxes do la loi du Prophète et sos lioutenants immédiats, voulait-il à tout
prix enchaîner la Franco, par des services, à ses intérêts do suprématie politique et
roligiouse?Quoi qu'il on Tôt, on le yit de nouveau écrire à Louis XIV, au mois do
juin 1701) :«II nous importe, lui disait-il, et pour plusiolirs motifs, do savoir avec
certitude de quelle manièrevous vous conservez en paix et on amitié avec la
Maison Ollomaiio. Voyant que sa longue et constante opposition à là Maison
d'Autriche a discontinué dans le temps présont pour des misons particulières [et
qu'elle s^est (linsirùtlachéeàvosennùmis}^ voyant encore qu'au miliou do tant do
guerres dans lesquelles vous êtes engagé, vous conservez toujours avec ladito
Maison une bonne paix et amitié, nous vous écrivons pour vous informer que si
dans la conjoncture présente vous nous envoyez votre ambassadeur, vous trou-
verez également avec nous tottto la satisfaction possible, autant qu'il nous sera
permisdo vous la donner. Si vous avez besoin d'un secours de troupes pour vous
défendre contro la Maison d'Autriche, je vous l'enverrai tant en cavalerie qu'on
infanterie, parce que nous considérons quo vous êtes meilleur voisin que los
Autrichiens1.))
La hauteur de Louis XIV no fut pos moins blessée do ces offres qu'ollo no
l'avait été du caprico matrimonial de Muley-Ismaël ; mais les revers do 1709,
et, l'année suivante, la défaite de Malplaquot, lui firent comprendre trop tard
tout lo parti qu'il eôt pu tirer depuis longtemps do l'alliance marocaine. Ses
forces osaient usées; les jours do la mauvaise fortune avaient accablé sa
vieillesse.
Après Louis XIV, .
la faiblesse du dite d'Orléans sacrifia, on 1718, notro con-
sulat do Salé, ot l'Angleterre, confirmée par le traité d'Utrecht dans la possession
do Gibraltar,' cl pouvant ainsi couper en deux nos flottes, supplanta bientôt
notre commerce avec les côtes barbaresques.
« La position do Gibraltar, dit un savant publicisto, Conquise sur lo sol en-
nemi do l'Espagne, et en même temps occupée par uno nation commerçante
qu'elle rendait Voisine des ports marocains, avait été doublement agréable a
Muloy-lsmaël, et surtout aux alcaïdos do Tanger et doTétuart, Ceux-ci, en effet,
trouvaient duns Gibraltar un débouché pour leur commerce ot une sourco do
richesses pour leurs douanes, Ils so hâtèrent donc do s'allier aux Anglais, et les
favorisèrent de tout lotir pouvoir à la cour do Méqulnoz. Mats c'est surtout après
ht mort do Mtiloy-Ismaol, en 1727, quo cette possession devint avantageuse, pour
nos rivaux, Les discordes civiles qui éclatèrent alors dans lo Maroc leur ouvrt-

4 Relation </u iw/nflé dos religieux do la Merci dans lo Maroc, o» 1*701,1708 ot 1715. (Paris, 1751. J.
LIVHE CINQUIÈME. 303
rent l'accès do co pays. Egalement recherchés par les partis CJUÎ so faisaient la
guerre, ils surentmeltro toutes les circonstances à profit, par les services qu'ils
rendirent à propos aux uns otaux autres sans partialité. Tant quo dura la guerre;
avec i'Espagno, qui les tenait assiégés par torrc, ils surent aussi tirer du voisi-
nage des villes africaines les fascines et les gabions dont ils avaient besoin
pour leur défense, los brosses pour nettoyer les vaisseaux, et tous los ustensiles
nécessaires qu'ils auraient été obligés do faire venir à grands frais d'Oran,
d'Alger ou do Portugal, L'entretiendo la flotte et de la garnison exigeait donc
qu'on maintint la moilleilro intelligence avec Tanger et Tétuan, seules
places d'ailleurs d'oît les hôpitaux anglais tiraient la subsistance des ma-
lades qui, sans ce secours, auraient péri do faim et do misère, C'est ainsi quo
l'alliance avec los côtes du Maroc devint bientôt indispensable pour'alimenter
Gibraltar. D'un autre côté, la présence constante dos flottes d'Angleterre sur ces
parages donna aux Maures la plus hauto idée do la nation anglaise. Ces peuples
n'étaient pas accoutumés à voir de grands vaisseaux comme ceux qui allaient
do temps on temps jeter l'ancre dans la baie de Tanger; ils comparaient ces
palais flottants à ceux qu'avait fait construire Muley-Ismaël, et bien des curieux
arrivaient do Méquinez pour voir co qui en était, Les Maures s'habituèrent
ainsi à négocier avec les Anglais de Gibraltar, et lo profit 'qu'ils /trouvèrent"
leur fit multiplier ces relations. Ils avaient d'ailleurs besoin de l'Angleterre, qui
en échange des approvisionnements en vivres qu'ello recevait d'eux, leur four-
nissait les munitions do guerre, la poudre, les boulets et les bombes dont ils so
servaient los uns contro les autres ou contro leurs ennemis communs. Or,
coittmo les alcaïdos de Tétuan et de Tanger qui obtenaient ces munitions,
étaient les plus influents do l'empire, l'intérêt qu'ils retiraient do ces relations
leur fit nécessairement favoriser les Anglais. Le même motif contribua a les
rendre très-mécontents do la paix qui, bientôt après, fut faite entro l'Angle-
terre et I'Espagno, car ils craignaient que ce dernier pays ne contribuât aussi à
l'approvisionnement do Gibraltar et ne troublât lo commerce qu'ils y faisaient*
Aussi, par une convention signée le 14 janvier 1728, le gouvernement maro-
cain s'empressa-t-il do déclarer quo « les Anglais ont la permission d'acheter an
prix courant, dans tous los ports do la domination du chériff de Fez et doMaroc,
toutes provisions, do quelque espèce qu'elles puissent être, pour les flottes de
S. M. Britannique et la ville de Gibraltar, avec pleine liberté de les embarquer
sans payer les droits do douanes, ainsi qu'on los avait exigés dernièrement '. »
On aura uno idée do l'importance acquise par le commerce anglais, depuis
son allianco confirmée par le traité de 1732, en lisant dans los rapports, do notro
consul à Cadix, qu'il arrivait, bon au; mal an,dans le port de Salé, plus do
cent navires britanniques chargés do .marchandises.; et pendant les guerres ci-
viles qui suivirent la mort de Muley-Ismaël, la moyenne de ces transports était
encore de quarante a cinquante, pondant qu'a peine avions-nous quatre a cinq
tartanes do Marseillo qui n'abordaient a Sol» qu'on tremblant %
l Ues relations potitiijiies et.commerciales de la France
arec le Maroc, par tl, Thoimissy, p, 108.— Voyez.
aussi l'Histoire des révolutions du Maroc on \W et 17S8, par lo eapituinO Urailliuwuite, historiographe do
l'atubassado ànglaiso do 1727, p. 813. (Amsterdam,l"!fi.)
^ Correspondance des q/l'aires étrangères, imiuuscrlt'intitulé Maroc; documents relatifs; aux affaires pu-
liUques et commerciales, do 157'» AÏTô\h
30/j L'AFRIQUE FRANÇAISE.
En 1732, ccpondant, un armateur marseillais, Joseph Nadal, adrossa un mé-
moire à Louis XV sur les moyens de réprimer les nouvelles attaques dont notro
marine marchande était redovenuo l'objet do la part des corsaires marocains.
Co brave citoyen, à qui l'on daigna objecter quo les Marocains étaient 'trop mè-
prisables pour qu'on dût prendre lo souci do leur opposer un armement des
vaisseaux du roi, répondit qu'il ne demandait que la permission d'armer lui-
même trois bàHimonls on course. On fit la sourdo oreille aux plaintes du pauvre
armateur; la politique, exclusivement continentale, avait trop a faire pour se
mettre on émoi devant ce qu'elle appelait des accidents d'un ordre secondaire;
et toutes les récriminations du commerco n'aboutirent, on 1737, qu'à un traité
pour lo rachat général des esclaves.
Les abus viennent on foule à la suite des faiblesses et de l'insouciance, Les
ports marocains devinrent le refuge des banqueroutiers et dos spéculations les
plus infAmes, « Les Français qui sont à Saléotà Saffl, dit un mémoire inédit
do 1753, ne sont connus que par leur mauvaise foi. Ils y étaient vonuspour so
soustraire à la rigueur dos lois, et n'ayant pas la confiance do ceux qui com-
mercent on Barbarie, ils ne sont plus occupés qu'à traverser les facteurs plus
intelligents et d'une probité reconnue qu'on y envoie. Ils vivent ainsi dos
droits qu'ils exigent de ceux qui vont trafiquer dans leurs ports, ot qu'ils obli-
gent do s'adresser à eux ; et, comme ils sont on possession do la placo, on est
nécessairement réduit à leur confier le soin des marchandises invendues, ou
des sommes à recouvrer, que les capitaines sont obligés do laisser en partant;
do sorte que ce seul inconvénientfait réduire l'importation de nos marchandises
dans le Maroc à la plus petite quantité possiblo, et aux articles les moins con-
sidérables, De là aussi l'interruption, cause principale domine pour les affaires
qui ne vivent que pur la continuité, Or, on no pourra placer dans les ports do
celte côlo des régisseurs tels qu'il les faut, quo quand ils seront protégés par un
consul, qui fera en môme temps obsorver les règlements qu'on jugera à propos
d'établir, Il devrait être convenu que lo prince do Maroc obligerait tous les Fran-
çais qui sont établis sur la côte, et qui n'y sont point agréés ni approuvés par
notre Coîir, do s'embarquer pour l'Europe; qu'il accorderait main-forto à nos
consuls, pour faire sortir nos computriolcs qui s'écarteraient de leurs devoirs, ot
les renvoyer on Franco, oit ils recevraient la punition do leurs fautes '. »
Tout lo commerce d'imporlution dans le Maroc était donc monopolisé par la
Hollande, l'Italie ot lo Danemark, sous la protection do l'Angleterre, qui se fai-
sait les parts du lion.
Cependant lo souvenir des bons rapports quo Muley-Ismaël avait si longtemps
entretenus avec la France no s'était pas évanoui, Après io règne tourmenté de
Muloy-Abdallah, son second fils Sidi-Mohammed, irrité contro les Anglais qui
avaient soutenu les provinces marillmos dans leurs révoltes contre l'autorité do
son père, équipa tous ses corsaires, ot fil courir sus aux navires de commerce
î
l Des relations politiques de la France avec le Maroc, par ît, homussy, p. lai. — Six uulres mémoires,
également Inédits, signalent lo triste état do notre situation commarclato A cotte époque, dont Marseille
avait surtout A souffrir. Tons ces avis, qui émanaient do commerçants plains do patriotisme, mériteraient
encore aujourd'hui un sérieux examens car, aujourd'hui plus que jamais, les traditions du commerce ma-
ritimn, BI longtemps affaiblies et dédaignées par uno fausse politique, ont. bnsoin d'iUro prosqUo entiéremput
régénérées.
LIVHK CINQUIEME. 305
anglais. Mais tel est dans lo Maroc lo peu d'autorité réelle que tes chériffs exer-
cent au delà do leur capitale, quo les corsaires eux-mêmes, trouvant plus do
profil avec moins do peine dans des relations amicales avec l'Angleterre, le for-
cèrent en quoique sorte de conclure un nouveau traité de paix. Aussitôt que
cette négociation fut réglée, les Anglais envoyèrent tin consul à Suffi \ dont le
port acquérait, chaquo jour une plus notable importance. La Franco continua do
no prendre part au commerce du Marocquo par unesorto de honteuse tolérance,
et en achetant de seconde main.
Mais les dernières années du dix-huitième siècie devaient nous.relever de
tant do chutes. Le ministère du duc de Choisoul rendit à la France quelque
dignité au dehors, et conquit la Corso. La navigation se releva ; les savants
obtinrent de nouvelles découvertes ; l'astronomie perfectionnée rendit l'essor à
notre 'marine. En 1760, on prit on considération nos intérêts de commerce
extérieur si longtempssacrifiés, et lo bailli de Suffren, <£iii plus lard rendit de
si nobles services, demandait une mission pour aller étudier lo Maroc, au
point do vue des besoins de notre politique.
Sidi-Mohammod, après avoir rétabli par les "amies l'unité do l'empire do
Muley-Ismaël, nous avait lui-même fait offrir do traiter avec nous sur les bases
de noire, alliance avec la Porte Ottomane.Mais son envoyé, qui était un com-
merçant français, trafiquant sous pavillon anglais, servit si bien ses patrons,
(tue les négociations furent traînées en longueur pendant deux années, En
17G4, un autre Français, nommé Salva, entreprit à Maroc do renouer les pour-
parlers. Au mois de juin, le ministre Choisoul, croyaiitmcnor i'a'fiairo plus vite
par un coup de vigueur, envoya tout à coup une flottille qui bombarda Et-
Araïch pondant trois jours. Dix-huit chaloupes armées en brûlots se détachèrent
do nos vaisseaux pour aller audacieusoment, jusque dans le port, incendier
trois corsaires, Mais cetto témérité nous coûta cher. Le reflux ayant mis tout à
coup nos chaloupes à sec, 480 Français soutinrent contre 1,200 Maures une
lutte furieuse, cl périrent tous, à l'exception d'une quarantaine de blessés, que
les vainqueurs firent esclaves.
Ce revers était fatal ; car au montent oti tout accommodement devenait si dif-
ficile, Venise, république:marchande, achetait à prix d'or une alliance qui de-
vait singulièrement affamer l'avarice de Sidi-Mohainiued ; l'Angleterre et le l)a-
nohiarek unissaient leurs menées pour nous rendre tout accord impossible,
300 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
la somme générale qui serait fixéo pour le rachat des captifs. La somme fut
énorme; mais le dévouement religieux vint au secours do l'État. Il y avait 223
esclaves à rédimor; le chériff exigeait 700 piastres fortes par tête} l'ordre des
Pères do la Merci on fournit 70,000.
Pour paralyser encore l'effet des intrigues britanniques, il fallut consentir à
rendre plusieurs Maures par têto do Français dans l'échange des prisonniers
faits à El-Araïch. Enfin, au mois do mars 17G7, lo comte do Breugnon fut en-
voyé à Maroc avec lo titre d'ambassadeur extraordinaire pour signer lo traité et
en recevoir l'accomplissement, Il vint débarquer, lo K mai, àSaffi '. Doux mille
livres do poudre furent brûlées dans une brillante f'antaziah pour lui faire bon-
nourî jamais ambassade chrétienne n'avait reçu, dans tout lo Moghreb, un pa-
reil aecu.oil, Sur toute la roule de Saffl à Maroc, il fut traité avec la plus grande
cérémonie. Son entrevue aveeSidi-Mohammod eut lieu le 19 mai ; ello futdigno
do la part du diplomate français, et presque affectueuse do la part du chériff.
Lo 27, les esclaves français, détonus à Salé ot à El-Araïch, furent mis en liberté,
et, le 28, les doux puissances signèrent lo traité.
Co traité est important à connaître, parce que ses conventions étalent exécu-
toires, entre la Franco etlo Maroc, jusqu'à l'époque des hostilités, qui éclatèrent
dans le courant do mai 1844. Le voici toxtuolloment :
A HT. 1". Lo présent traité a pour baso ot fondement celui qui fut fuit ot conclu entre lu très-haut et
très-puissant empereur Sidl-Ismaël (que Dieu ait béni), et Louis XIV, empereur do France, do glorieuse
mémoire.
AHT. V. Les sujets respectifs des deux empires pourront voyager, trafiquer et naviguer on touto assu-
rance et partout oit bon leur semblera, parterre ot par mer, dans la domination dos deux empires, BOUS
f.Helquo prétexte que co Soit.
A UT. 3, Quand les armements do l'empereur de Maroc rencontreront ou tuer dos navires marchands
portant pavillon de l'empereur do Franco et ayant passe-port de l'amiral, dans la forme transcrite au bus
du présent traité, ils ne pourront les arrêter ni los visiter, ni prétendre absolument autre choso que de
présenter les passe-ports; et, ayant besoin l'un do l'autre, ils So tendront réciproquementdo bons offices, lit
quand les vuisseaux do l'emporeur do France rencontreront ceux de l'omporeur do Maroc, ils en useront du
même, ut ils n'oxlgorout autre chose quo lo certificat du consul français établi dans les états dudit empe-
reur, dans la forme transcrite au bas du présont traité. — Il no sera exigé aucun passo-port des vaisseaux do
guorro français grands ou petits, attendu qu'ils no sont pus on usugo d'en porter, et il sera pris des me-
sures, dans l'espace do six mois, pour donner aux petits bâtiments qui sont au sorvico du roi dos signes
do reconnaissanco, dont 11 sera remis coplo par lo COIIBU! aux corsaires do l'empereur do Muroo. Il a été
convenu, de plus, quo l'on So conformera A ce qui so pratiquo avoo les corsaires ûo la régence d'Atgor, A
l'égard do la chaioupo quo les gens de mer sont on usugo d'envoyer pour se reconnaître.
AHT. 1. SI les vaisseaux de l'empereur do Maroc entrent dans quelque port do la domination de l'empe-
reur do Franco, ou si, respectivement, los vaisseaux français entrent dans quelques uns dos ports do l'em-
pereur do Maroc, ils no seront empochés, ni les uns ni les autres, do prendre A leur bord toutes les provisions
de boucho dont ils peuvent avoir besoin; ot il en sera do mémo pour tous les agrès et autres choses nécos-
> Dos forliilcattoiis peu importantes défendent S'affl du côté do la mur. h'urtllloria qu'on volt sur cette
parllo dos murs ne consiste qu'en quelques canons do différents calibres, Los brisants qui occupent tout lu
ilvago aux environs de fiiafll le rendent presque Inabordable à nos chaloupes ot canots ( mais les Maures
ont, pour passer sur ces bancs, dos pirogues à fond plat et irôs-élevées aux doux extrémités. Ils affrontent
avec ces pirogues los plus grosses lames, qui élèvent quelquefois ces petits bâtiments « dix ou douze pieds
de haut, et où ils retombent avec Uno rapidité effrayante pour ceux qui no connaissent pas cette façon do
naviguer. Ces pirogues, quoique à fond plat, no pouvent pas toujours remonter assez haut sur lo rivage,
pour que l'on puisse sauter a terre a pied sec, co qui arriva lo jour que l'umbassadourdoFranco descendit
u Suffi. La mer était grosso, des Juifs eoimnandés pour lo transporter à lorro uvec sa suite accoururent on
foule ot abordèrent !ns pirogues, Aussitôt que M, du UreUgnon eut grimpé sur los épaules d'un dos trois
juifs qui lui étalent destinés, tandis quo les doux autres lui serraient la boltu pour le soutenir, los officiers
de sa suite enfourchèrent chacun leur porteur. Plus de quatre-vingts personnesallant à terro, ainsi montées,
formaient le spectacle le plus singulier. {Relation inedite de l'ambassade de 1707, u la suito du Journal nw«
nuserlt de Saint-Olon.)
LIVRE .(ÎINQl/l.KM V.'C 307
salves d l'avItalUomont do jours vaisseaux, nu log payant nu prix courant, sans autre, prétention. Ils rece-
vront d'ailleurs |ons los lions traitements qu'exigent l'amitié et la bonne correspondance.
AHT.'S. Les doux nations respectives pourront.librement entrer ot sortir, à leurfjiùeten tout temps, dos
ports do la domination des doux empires, ot y trafiquer avec touto assurance; et si, par hasard, il arrivait
que Jours marchands no vendissent qu'uno purtlo de leurs marchandises, ot qu'ils voulussent ompoiter le
rosfant, ils lie seront soumis ù aucun droit pour la sortie des effets invendus. Los marchands français pourront
voudra et acheter, dans touto l'étendue doTompiro do Maroc, comme ceux des autres nations, sans payer
aucun droit do plus; et si jamais il arrivait que l'empereurdo Maroc vînt à favoriser quelques autres na-
tions sur lés droits d'entrée'ot.'de sortie,dûs lors les Français jouiront du mémo privilège.
Atiiv'O, SI la pajx qui est entre l'empereur do Franco et lesrégoncos d'Alger,.Tunis,Tripoli ot autres,
venait à. se rompre, ot qu'il arrivât qu'un navire- français poursuivi par son ennemi vint so réfugier dans les
ports do l'empereur do Maroc, les gouverneurs dosdits porls sont tonus de lo garantir ot do folio éloignai'
j'onneml, mémo en lui tirant des coupa do cation, ou bien do lo retenir dans lo port un temps aufilsaut pour
que le vaisseau poursuivi puisse lui-même s'éloigner, ainsi quo cela nst généralement usité; do plus, los
vaisseaux do l'empereur de Maroc no pourront croiser sur les cêtes do Franco qu'à trente milles loin
des côtes,
ABT, 7, Ni un bâtiment onnoml do la France Venait à outrer dans quoique port de la domination do i'om-
porour do Maroc, ot qu'il so trouve dos prisonniers français qui soient mis A lorrn, ils serontdès l'instant
libres et étés du pouvoir do l'onncmi. Il en sora usé do môme si quelques vaisseau ennemi de Pompèrent.'
doMaroc entra dans quelque port do Franco, et qu'il molto A terre des sujols diidlt empereur. SI les ennemis
do la Franco,quels qu'ils soient, outrent avec dos prises françaises dans les ports.du l'emporour do Maroc,
ou qii'aUoriiatlvemout los ennemis do l'omperour do Maroc entrent avec «los prisas dans quelques ports do
Franco, les uns ot les antres no pourront vendre cos prises dans lus doux empires ; ot les passagers, fussent-ils
pléino ennemis, qui so trouveront réciproquementembarqués sous les pavillons des doux empires-, seront
do part et (j'autro respectés; ot l'on.no pourra, sous aucun prétexte, toucher i\ leurs personnes ot a leurs
biens; .et.si, par hasard, il so trouvait des Français passagers sur des prises fuites par des vaisseaux do
Tontporeur de Maroc, cos Français, eux ollours blons, seront aussitôt mis on liberté; et il ou sora do même
dos sujets do l'empereur do Maroc, quand ils so trouveront passagers sur dos vaisseaux pris par lns Fran-
çois ; mais si les uns et les autres étaient matelots, ils no jouiront plus de co même privilège,
AUT. 8. Los vaisseaux marchands français no seront pas contraints do charger dans leur bord, contro
lour gré, oo qu'ils ne voudront pas, ni d'ontrcpreiidro aucun voyage forcément cl contre leur volonté.
AHT, 0. En cas de rupture entre l'empereur do Franco ot les régences 'd'Alger, Tunis et Tripoli, l'em-
pereur de Maroc lie donnera aucune aide ni assistance anxdttes régences, on aucune façon, ot il no per-
mettra A aucun de ses sujets do sortir, nid'armov sous aucun pavillon desdiles régences, pour courir
sur les Français; ot si quoiqu'un desdlls sujets venait à y manquer, l'empereur le ohiUlora,el répondra du
dommage causé par son sujet. L'empereur do Franco, do son côté, on usera de même avec les ennemis do
l'empereur do Maroc; il lie les aidera ni ne permettra ij aucun do sos sujets de los aider.
AnT. 10. Les Français no seront tenus ni obligés do fournir aucune munition de guerre, poudre, canons
ou autres .choses généralement quelconques,servant à l'usugo do la guerre.:
A.IV1'. IL L'empereur do Franco peut établir dans l'empiro de Maroc la quantité do consuls qu'il voudra,
pour y représenter sa personne dans los ports dudlt empire, y assister los négociants, les capitaines et los
matelots, on tout ce dont ils 'pourront avoir besoin, entendra leurs dill'éronds ot décider des cas qui pourront
survenir entre eux, sans qu'aucun gouverneur dos planes oîi ils se trouveront puisse les eu empêcher. Lesdits
consuls pourront avoir leurs églises dans leurs'maisons pour y.fulro l'office divin ; et si quelqu'un des
autres nations'chrétiennes voulait y assister, on ne pourra y mettre obstacle ni empêchement; cl il en Sera
usé do mémo à l'égard dos sujets do l'empereur do Maroc, quand ils seront on,Franco; l|s pourront libre-
ment so faire uno mosquée dans leurs maisons, Ceux qui soront au service des consuls, secrétaires, inter-
prètes et courtiers ou outres, tant au sorvlco dos consuls quo dos marchands, no seront point empêchés
dans leurs fonctions, et ceux du pays soront libres do toute imposition et charge personnelle. Il no sera
perçu aucun droit sur les provisions quo les consuls achèteront potti1 leur propre usage -, et ils.tie payeront
aucun droit sur les provisions ot autres on'ots a leur usago qu'ils recevront d'Kiiropo, do quoique, ospèco
qu'ils soloiit; do plus,-les consuls français auront te pus et préséance sur les consuls des autres nations;
et tour maison sera respectée, ot personne n'y exercera nnennu voie do fait contro un autre.
AHT, 18, S'il arrive un différend oiilro un Mauro et un Français, l'empereur en décidera, on bien ceint
qui représenta sa personne dans la ville oîi l'accident sera arrivé; sans quo le khadi ou lo juge ordinaire
puisse ou prondro coiinalssanco ; et lion sera usé do : mémo .en Franco, s'il arrive un .dlivérotnt outre tin
Français ot un Maure.
Aiir. Ifl. SI un Français frappe un Mauve, il ne sera jugé qu'en la présence du consul, qui défendra sa
cause,ot elle sera décidée avec justice et impartialité; oliiit casque le Français'vint a s'échapper, lo consul
n'en Sera ptts responsable; et si pur contre un Maure frappe un Français, il sera chiltfû suivant la justice
ot l'exigence du cas t.
' Cot «Hicle <lu trutii do iWî itt.it* mjqicllô «ne>«»tou«a ixticciloto qui (icut donner uno linutn
1
Mita iVi.en'trtoiArA «Mha,
^lititliiilntifl im |>nrotAilriUve. AHrtimmcm'Mrtnllt ilii niolit dàimint IsiP. At, Sotnilo.iii.tintio consul gotiornl, Ho promenait sur
!W8 l/AEHIQEE EHANfJAISi;.
AHT. M, Si un Français iloif Î\ un sujet de l'omperour do Maroc, lo consul no sera responsable du
payement que dans lo cas où il aurait donné son cautionnement par écrit; alors il sera contraint de payer;
et par la mémo raison, quand un Maure devra à un Français, celui-ci ne pourra attaquer un autro Mauro,
A moins qu'il ne soit caution du débiteur t.
Si un Français vouait à mourir dans quoique place do l'omperour .do Maroc,'ses bloùs otsos culots seront
h la disposition du consul, qui pourra y faire motive- lo scellé, faire l'inventaire,et procéder enfin a son gré,
sans quo la justice du pays ni le gouvernement puissent y mettra lu moindre obstacle.
ART. 15, Si les mauvais temps ou la ponrsnltoU'unennemi forcent un vaisseau français ù échonor sur les-
eûtes do l'ompbrouv do Maroc, tous lus habitants des côtes ou lo cas 'peut arriver seront tonus do donner
assisianco pour romolU'o ledit navire ouinor, si cola est possible; et si cela un so peut, ils aideront a
retirer les marchandises et oiïols du chargement, dont le. consul le plus voisin du liijii (ou son procureur)
disposera suivant leur usage, ot l'on no pourra exiger quo le salaire des journaliers qui auront travaillé au
sauvetage;do plus, il ne sera perçu aucun droit do douane- ou autre sur les marchandises qui auront été
déposées :\ terre, oscepté celles que l'on aura vendues.
Arvr. 10, Les vaisseaux do guerre français entrant dans les poils et rades de l'ompnrour de Morne, y
seront reçus et salués avec les honneurs dus a leur pavillon, vu lit paix qui vègno cintre les .deux empires;,
ot il no sera perçu aucun droit sur les provisions et outres choses que les commandants ot officiers pourront
acheter pour leur usage on pour lo service du'vaisseau ; et il eu sera usé de mémo envers les vaisseaux de
l'empereur do Maroc, quand ils soroiit dans les ports do France,
ART, 17. A l'arrivée d'un vaisseau do l'omperour do Franco on quelque port ou rndd.de l'empiro do Maroc,
in consul dii Ijeu en avisera le gouverneur delà place, pour prendre les précautions ot garder les esclaves,
pour qu'ils no s'évadent pas dans ledit vaisseau ; et au cas que quelque esclave vint À y prendre asile, il
no pourra c'Uro fait aucune recherche, a cause do l'immunité et des égards dus au pavillon ; do plus, lo
consul ni jiorsoniie nulro no pourra êtro rochorclié à cet effet; et il on sera usé do mémo dops les ports do
Franco, sf quêlquo esclave venait à s'éobappor et A passer dans quojquo vaisseau de guerre do l'empereurdo
Maroc,':.''
AHT, 18, Tous les arlielos qui pourraient «voir été omis seront entendus.ot expliqués do la manière la

lopnrtdo Tanger, torsijvi II fut fruppo par lin .fanion (fou) musulman. M, Sourdoau«'empressa d'âiiger uno éctntnnfo répa-
"

ration ,1a oe(tfi offoiitc. ',o chériff Mnloy-Rallman lui éeiivll, nu préulablo, uno lettre qu'on çroirnlt cmpriltlléo nux. pages
les plus vénérnblea dos l'iros do l'Kgllso chrétienne, Volcl ce eurtouxdocument:
,.Au non) du Pieu clément otmUérleonlioux,
< Il
n'y a do puissance et do force qu'avec lo Pieu Trûs-Grnml ot Très-Haut. Anion.
« Au consul do In. nation
française, Snurdéau. S.ilut a quiconque marche dans lo droit çlienilii! Comme lu oa iiotre li6fc,
placé aoui notre protootion, et oonsuld'uno grnndo niition dan» nolro paya, noua no pouvons quo te souholtorla plut limita
considération et |o plus sublime honneur. C'est pourquoi tu 'comprendra,*combien nous n pnril Intolérable co qui t'est nr<
rivé | quand mémo la faille on oiU été au plua clior do nos fils ot ntulB, Kt, bien qu'on no puisse s'opposer an» décrets do
la Providence, noua no pouvons tolérer que semblable chose BOfnBsé, mémo nu plu» vil de» hommes ou bien nus bfltcs,
Aussi no laUa.eronB-noiis pn» certainement do t'aocordorJustice, s'il plaît II Pieu.
i. Cependant, von» mitres thrtiims, vous nvea locraur plein do pitié et êtes paliont» dam les Injure», 'd'après Vcrpmplt
ilo voir» Vropjiilt (quo Pieu l'ait dnns sa gloire), Jésus, Vils do Mario; lequel, dnna'lo livre qu'il vous apporta nu nom do
Bleu, von» recommande, lorsque quoiqu'un vou» n, frappé »ur une Joue, do lui présenter encore Vautro; et lui-mémo (qu'il
suit tonjoitr» béni do Plouj iin 80 défendait pn» lorsquo les Juifs vinrent pour le tuor; ~ c'est pourquoiPieu lo retira
iniprés do lui.
• Dans nofre livre il est dit aussi, pnr la bouche de notre Prophète, qu'il no BO trouvera nuoun peuple plus rapproché
par In charité! dos vrais croyant» quo ceux qui disent ! Nàut'sommei'chréttmiI Co qui est très-vrai, puisque parmi eux il
y n des prêtre» ot dos liommos saints qui, certainement, no sont peint orgueilleux. Kotto l'rephûto nous dit enooro qu'on
n't'»ipii(prapoint ù faute les action» de trois sortes do personnes, «avoir: do Yiwinsti, jusqu'à ce qu'il nit recouvré son bon
peint du petit entant et do Yhomme qui dort.
.. Or, l'homme qui l'u offensé est {ntemi et
ii'n pas son Jutjomontj cependant nous '(irontbrdônnrf qu'il te fdt tendu
ii

justice de son outrage, fil pourtant tu lui pardonnes, (n feras /'MUTA il'mi homme «Kijrnanfme, et tu en sera» récompensé
par le trèa-miséricordloujc, Mais «l lu veux'absolument qu'il to soit f.dl juslloo dans oo monde, cola dépendra do toi.; at-
tendu quo, dans mon empire, pnrBomio no doit crnliulro ni injustice »! voie do fait, avec l'aide de Pieu, •>

M. Suurdonu eut le bon esprit do se rendre à de si sages remontrances. I.o obctllntont d'un malheureux nlléné n'ciU Joie
nnoun éclat BHr la politique frangiiso; et si l'on veut blon remarquer que, dans l'antiquité, les être» frappés do démonco
étalent placé» son» In protection dos dieux, 'et que chou le» musulmans cotte tradition cbnrllablo est entourée du respect lo
plus profond, on comprendra loa graves danger» qu'imo conduite différente ont pu soulovor contro nos iiatlunnux,dans tin
pnya où los proBCrlption» du Koran oxorcont un tel empire, qu'il soralt inclus Imprudent d'y offenser le plus haut digni-
taire quo te dernier dos Individus placés sous la tutelle religieuse 1,

» Cette élnuso était fort tnipoitanto; volol tin fait qui en fournit la prouve, —'En IVIS, lo protestant français l'Illêl, agent
aocret des Intrigue» do l'Angleterre, étant marchand 6, Salé, nvnnt do se faire renégat, avait emprunté duvloo-rol do p'os,
fil» do Muloy-IeniaiJI, uno forte somme 'd'urgent qu'il no put ou no voulut pn» rendre n l'époque fl»éo, Comme il élnlt Fian-
çais, tous (oa nationnnx furent déclaré» Bolidairea do Ba iiotto; et pour »o rombonraor, lo vioc-rol de l'er, lit vondre leur»
bien», ko gouvernement frnnjils so oonloi ta do rappeler St. do la Mado|atiio, notro consul il Salé. Oo fait n'empêchapoint
!e renégat l'Illot de devenir plus tard gouverneur de Salé, Privé do eolté position npréB la mort do Mutay-ismaill,Il dut
«a réintégration & l'argent de» Anglais, peur qui rien no ooiite quand leurs Intérêts sont enjeu, e| Ils nvnlent on l'Mlet un
entremetteur dévoné,
hlVUM ClNUl'IKM.', 309
plus favorable pour le blon" ot l'avontogo réciproque des sujets des doux ompiros, ot pour lo maintien et la
conservationdo la pais et do la meillouro iiitelligonco.
ART, 1!). S'il vouait iV arriver quoique contravention aux articles et conditions sous lesquels la pais a été
feite, cela no causero aucune altération à ladite poix j mais le cas sora mûrement oxamiué, et la justico
sera faito do part ot 'd'autre. Les sujets dos cîuiix om pires qui n'y auront auouno part n'en seront point in-
quiétés, et il no sera fait aucun acto d'hostilité que dans la cas d'un déni formol do justice.
AHT. SO. SI lo présent traité de pain venait ;\ étro rompu, tous les Français qui so trouveront dans
l'étendue do l'empiro do Maroc auront la permission do so retirer dans loup pays, nvoo leurs liions, et lours
familles, ot ils auront pour cola lo temps ot tormo de six mois I,

traité relevait notro attitude et humiliait l'Angleterre, jalouse de co qui


Co
pouvait, à l'extérieur, étendre ou maintenir les intérêts do notre commerce, Le
comte do'Breugnon volournu en France le 18 juin 17(17, laissant à Maroc, M, de
(lliénior, qui venait de recevoir lo titre de consul général ù Salé, et semontra
projecteur actif et éclairé do nos rapports politiques et de nos industries, f/Fs-
pagne, notre alliée fidèle a cette époque, profita avec nous des bénéfices'<io ce
traité, dont l'exacte observance amena, sous le règne suivant, des résultats
encore plus précieux...,'..'
Louis XVI, à son avènement, écrivit àSidi-Moliummod pour renouveler les
gages de la lionne intelligence qui existait entre los deux nations. Il y a, dans
leur correspondance de cotte époque, un fait remarquable.• Lo chéri tf, qui prend
dans sa réponse le titre do très~granil empereur, ne donne à Louis XVI que
celui de chef de la nation française, qui est aujourd'hui à la tète du gouverne-
ment, Pour obtenir le titre iYcmpereur ou de sultan An Franco, il fallut entrer
dansdo nouvelles négociations. 'Mi' de Sartincs oh fut chargé; on convint des
litres précis dont so qualifieraient les deux monarques dans, leurs relations à
venir ; mais probablement par suite de la susceptibilité religieuse qui influe
sur la conduite des princes musulmans vis-a-vis des infidèles chrétiens, cette
convention ne fut point ratifiée par le chériff. Dans ses lettres suivantes, il ne
s'adresse pas directement à Louis XVI, mais ù la Cour do Franco, Du reste, u
part ce détail d'étiquette, les articles du traité de i707 furent loyalement ob-
servés, .'-.'.,
Fn 1777, la générosité naturelle et l'esprit de charité religieuse qui ani-
maient Sidi-Mohamnied le conduisirent à abolir, d'accord tacite avec Louis XVI,
l'esclavage entre chrétiens et musulmans V (le remarquable progrès do eivili-

< Co traité so trouve nu complet dnns In C/iiçs/oiiini/ii'e araoe do M, do Snoy, Sr édlt., t, III, et dans l'excellent ouvrage
déjà, cité do M, H. Tlioniassy, Nous laissons (i la sagnellé du lecteur lo sein d'établir un curieux rnpprocliomont ontio cet
auto diplomatique conclu nu unie siècle, malgré los Intrigues do l'Angleterre, et celui que noua relaterons plus lard sous
,
la date du IS mars 181!i, et qui fut l'omvro d'un minUtèro dumlnépar t'Influence britannique, 'et"auquel los gloriouscB vic-
toires du prince do ifoliivlllo no purent faire secouer uno politique d'abaissementnational, honteuse pour notre passé et
déplorablo pour l'nvenlr,
2 Dons les premiers jours do novomhro 1777, l'nlcriïdo .Sidi-Tahor-Fonlsohétait venu ;\ Paris, nu ambas-
sade, pour traiter nvoo I.onls XVI l'imporinnto question do lu suppression de l'esclavage. Il offrait d'ar-
rêter, do la part du chériff, que fout osclayo chrétien détenu dans les états do Maroc serait racheté par
la miso on lihorté d'un musulman, této pour tùto| et quo dans le cas où il no so trouverait point do mu-
sulmans captifs on France, on donnerait 100 piastres pour la rançon de chaquo 'chrétien, ot réciproquement.
<i On no fera A cet égard, ajoutait lo chériff, aucune distinction cuire lo riche ot lo pauvre, l'homme robuste
et celui qui sora infirme; la rançon sora la mémo pour tous, Aucun''captifno demeurera uno année ontièro,
soit dans I03 torres dos musulmans,soit dans celles dos chrétiens. Quant aux septuagénaires ot aux femmes,
ils no pourront être considérés commo captifs, Tontes los fois quo quelques vieillards de cet Age, ou quelques
fommoB so trouveront sur les vaisseaux des musulmans ou des chrétiens, ou les remettra sur-le-champ on
liberté sans rançon. C'est là, à ce quo nous croyons, un sacço accommodement, utile aux deux poytios. .Si
lo chose est aceoptéo sur co pied,onvoyoz-noUfl un écrit de votre part, portant l'engagement do vous y cou-
;V|n I/AFMM^MM'UAXIIAISF,
sation s'accomplit en l'ail, s'il ne fut jamais l'objet d'ilneconvention que lu gé-
néralité des musulmans aurait ropoussée. Sidi-Moliamiued était un prince
éclairé, pieux de cunir, et favorable 'ù toute '-pensée do progrès. ïl reehoreha,
stirlout vers la fin de sa vie, tous les Furopéens qui pouvaient lui être utiles
par les ca|ia<dés les plus diverses, Il' n'est, certes, pas indilTéronl do remarquer
qu'un'Marseillais, .Samuel Si'imbol, fut longtemps son ministre favori, Il proté*
geait aussi les renégats français; la garnison de Mogador en était entièrement
composée, Les chrétiens do tontes nations qui se distinguaient par des qualités
éminentes ne trouvèrent pas auprès dolui moins d'accueil s on compte parmi ses
ministres un autre Français, nommé dorant, "un Triestin, vin Toscan,' ot.. un
(iehèvois, pour qui leur religion ne fut pas un obstacle,
Fn 17s;i, la Kussio menaçait déjà l'Orient, La czarine Outhoriue 11 s'était
emparée de la (Iriinée, convoitait la (îéorgie, et s'alliait avecl'Autriche. La Tur-
quie sentit Kon danger et tourna sos regards vers le Moghreb, pour y chercher
des alliés,Mu 1787,une ambassade ottomane vient, nvec.de riches présents,
faire àSidi-Mohommed un (îinprunt de vingt millions de piastres; et le chérilT
arme tous ses corsaires contre le commerce de la Hussieet doTAutriche. Il offre
nu sultan quatre frégates, etmenace l'Angleterre d'une déclaration de guerre
si elle refuse do conduire ces luttimouls à Fonstnulinoplo. Fn même temps il
mettailsons les armes soixante mille cavaliers,
L'Angleterre ayant refusé do conduire les'-'frégates, Sidi-Mohammdd menaça
les consuls''européens;'do Tanger d'une guerre générale s'ils laissaient exporter

.former, ot'nous vous ferons fnliir un écrit signé do notro main et ninui de notro cachot, par loque! noiis
nous engagerons A accomplir toits les articles contenus dans la présonto lettre, on ce qui concerne lo rachat
respectif dos esclaves, aux termes ci-dessus exprimés, Si cela a lion , cet écrit restera outre vos mains. »
(Vqyo?, Relations polit Optes dota France arec ^rilfoiw, par Thomnssy, p, 188.)
Celle lettre, remise par Tnher-Fmiiscb, donna proteste A des conflits d'étiquette, Louis XVI n'y était
nommé quo le plus grand des Français; |l voulut oxiger le fltro (l'empereur; les pourparlers i\ cet égard
n'obtinrent aucune réponse de SidUftJohariimed, Toutefois le rachat dos captifs mil jieu sans obstacles de
BU" part,' ot cinq nus après, lo mémo chériil' écrivit à là Gourde France uno lotira qui nous indique le motif

de sa conduit» s— Quant u la domaniie que vous nvoi! fnito, y est-il dit, pour que nous vous donnions le
<<

titre do Sultan, il faut que vous sachioîtqiio l'on no pourrit connaître quo dans l'outre vio qui sont consent
méritent.ce nom, C'eiix qui auront été agréables a Dieu, qu'il regardera favorablement, qu'il rovét|mdos
vêtements impériaux, ot auxquels il mottra la couronne sur In'tâtoj ceux-là seront dignes du titre do Sultan,
Nous demandons sï Dieu do nous mettre ait nonibro do ceux qui auront le bonheur,do lui plaira dans l'autre
monde, Quant a ceux, ou continue, qui seront, dans cotte vie, l'objet do .la colore- do Dieu, auxquels on
passera une corde sur le cou,et que l'on traînera ignominieusement sur l<> visage, ils soront bien loin do portor
lo litre do Sultan, Puisque c'est uno chose dont la vérité ne peut étra COIIIIUQ que dans la vio à venir, de
quelle utilité peut-il étro d'user do ce titra"'on.co monde-ci? Pîniso a Dion do nous garantir do sa colère III
No nous donnez donc plus désormais, quand vous nous écrire'!!, lo titre do Sultan, ni aucun autre titre ho-
norifique, et contentez-vous do nous appeler du nom quo nous avons reçu do notre pèro, nom qui est Mo-
hammeii.Ron-Abdallali,ainsi quo nous lo ferons nous-môme»ou écrivant, soUà vous, soit a d'a«trûs. Si lo»
.'régences do la partio orientale do l'Afrique- sesorvont envers vous do la dénomination de Sultan, c'est uni-
quement pour vous complaira qu'oltos eu agissent ainsi. » [Cette lettre est datée de 178',*,)
L'orgueil do Louis XVI était bien abaissé par cette tottro modeste d'un princo musulman qui so refusait
(Vlui-mômo non-seulement le titre 1I0 Sultan, mais encore celui de Mulet/ (maître), qui distinguait les moni-
bros do sa famille souveraine. Laissont cotte dernière qualification à toiis les autres chérilïs, Mohammed so
contenta toute sa vio du .titra d.cj'.S'Mr,- commun n tous loi musulmans, ot donna ainsi, dit l'historien qui
rapporte sa lettre, un exemple d'égalité sans modèle ni cnpio choiï los princes chrétiens. Lés termes do In
~
lettre que nous venons do citer semblaient rmifOriivr uno prédiction fatale, colle du sanglant orage qui devait,
quelques années plus tard, engloutir ie malheureux Louis XVI dans uno révolution qui l'eut fait si grand
dans l'histoire s'il 'ont marché à sa tête, nu lieu d'opposer .Y l'intelligence française affranchie l'impuissant
obstacle d'une résistance aveuglée.
LivuF axytniaiK. au
(lu territoire marocain les moindres-provisionspour Gibraltar, L'Angleterre es-
saya les voies d'intimidation, mais le vieux'- euéritf était on mesure de riposter
vigourousenienti La iioUlique britannique dévora sou affront, et calma la fu-
reur belliqueuse de t?idi-Mohamniod par le don de neuf canons do bronze, *~~
La Franco sëujo se voyait à l'abri de cette recrudescence d'aversion contre les
_

races chrétiennes,
J'ai dit tout h l'heure que le plus beau souvenir du règne de Sidi-Mohammed
était sa volonté d'abolir l'esclavage entre chrétiens et musulmans. Fn 1788,
nous lo voyons écrire au consul do France pour l'informer que dosmarchands
chrétiens vouaient acheter .des.esclaves'' a Sainte-Croix pour les. transporter aux
Indos Occidentales, et il interdit tbrmollomout la conlitiuatioft do ce tratie, -~
Plus tard, en 1790, il écrit do nouveau à notre consul pour lui demander com-
bien il y a d'esclaves chrétiens h Alger, annonçant son projet de les racheter a
ses frais, pour los échungor ensuite contredes esclaves musulmans.
Mais cette mémo unnéo 1790 le vit mourir, le M avril, au milieu de ses nobles
désirs, Après lui, le Maroc rédevint la proie de la barbarie.
Le commerce .européen',; soiis soti règne, s'était insensiblement déplacé de
Salé etdo Softi, pour se concentrer h Mogador, qu'il avait créé eu 1700, et
qu'il appelait sa ville chérie.
Muloy-Yézid, son lils, qui lui succéda, continua les relations do paix du Ma-
roc avec la Frnueo, Lorsqu'on février 1701, l'inauguration du drapeau tricolore
lui apprit la révolution française, il lui ht rendre les honneurs à Salé, et com-
manda à tous ses sujets do le respecter.>~ Le règne do ce chéritnitt tte courte
durée. Fn lutte continuelle avec ses frères, qui lui disputaient le pouvoir, il
lour livra plusieurs combats, et mourut on février 1793, après une victoire sous
les murs de Maroc, des suites d'une blessure mal soignée.
Notro Consul, qui était allé chorcliorà Paris'.-lo titre d'ambassadeur pour don-
ner une nouvelle importance n nos uffaires, arrivait à Gibraltar/ lorsqu'il ap-
prit la mort .do'Muloy-Yé/.Ul ot les discordes civiles qui mettaient aux prises ses
quatre frères,
" Louis XVI avait péri dans la tourmente révolutionnaire. La guerre était dé-

clarée entre l'Angleterre et lu Hépubliquo française, et notro ambassadeur,


M; Diirocher, venait chercher au Maroc la ratîlication des anciens traités, Le
gouverneur de Gibraltar, violant lo droit des gens, le retint malgré son sauf-
conduit, s'empara des présents dont il était chargé, et ne lui permit de rega-
gner Marseille qu'au moment oiï lés Anglais et les Fspagnols nous enlevaient
Toulon.
Quelques années s'écoulèrent. Fn 1797, Muley-Sûlynian avait vaincu ses
frères et conquis le trône à là pointe de répéo; les premiers succès de Bona-
parte permettaient à la France de respirer ; M. Diirochor reprit la routedu Ma-
roc; mais la mort l'arrêta a Cadix, Il fut remplacé;par un chargé d'affaires, An-
toino Guillet, qui sut si bien ménager sa position, que les Anglais,-..devenus
pour Muioy-Solymau l'ol)jot d'ime avorsion très-prononcée, se virent réduits à
demander o. Oran et au boy de Maskaru les ravitaillements nécessaires h Gi-
braltar, et que le Maroc leur refusait. C'est de la même époque que date la trans-
lation a Tanger de notre consulat-général.
"rtia l/A FH1Q IF Fit ANGAlSi;.
L'expéditiond'Fgypte, ce magnifique drame oriental, agrandit aux yeux des
races musulmanes le prestige de notro supériorité. Les relations nouvelles pro-
duites par les caravanes qui ne pouvaient aller à la Mecque sans traverser îles
Houx tout pleins du bruit de nos gloires, consolidaient notro alliance avec le
Maroc, dont les pèlorins upprouniont ù nous mieux connaître, et se rendaient
aux villes saintes sous notre protection.
Lorsque Bonaparte, on 180%, mit la couronne sur sa tête, lUuloy-Solyman
no parut surpris que d'une seule chose, c'est qu'il ne l'eût pas fait bien plus
tôt. Du reste, il résista froidement aux démarches que le nouveau consul do
Tanger ronouvola plusieurs fois auprès do lui pour l'engager à féliciter par
écrit l'avènement do l'empereur: —«Le sultan des vrais croyants, disait-il, ne
doit-'pas commencer d'écrire ù celui des chrétiens,»
Lo désastre do Trafalgar, un mois d'octobre 1805, créuso une profonde la-
cune dans nos rapports avec Je Maroc, L'Angleterre 'n'a'.pas payé trop cher sa
victoire, puisqu'elle reprend d'un seul coup le monopole du commerce àMo-
gador. Napoléon qui rêvait, depuis lo siège de Toulon, aux moyens d'écrasoruu
jour cette puissance rivalo, fulmine, en novembre 1800 , un décrot, daté de
Berlin, qui ta déclare tout entière en état de blocus, File répond, le 7 janvier
1807, par un décret de confiscation de tous les Mthuonts se rendant on France
ou dans les pays qui nous étaient alliés; puis, le 11 novembre, elle oso publier
l'injonction à tous les bâtiments destinés pour nos ports do se rendre d'abord
dans les siens, et d'y payer une taxe, Napoléon s'indigne, et décrète de Milan,
lo 17 décembre, que tout vaisseau qui paye un impôt h l'Angleterre est déna-
tionalisé.
Un immense duel dopouple à peuple est engagé. .Napoléon veut Gibraltar,
cello clef du détroit qui ouvre les deux mors. Pour y atteindre , 'l'alliance.espa-
gnole no'.Uii.'suffit plus, °t une injustice ne lui coûte pas : TlCspague est enva-
hie, Mais l'Angleterre a préparé ses armes ; à la grande armée continentale elle
opposo un système de grande armée maritime ; elle recrute tous les matelots de
1 Furopo. Napoléon a méconnu la'.marine; son système exclusif chancelle : cela

dovait êtro, — Il songe au Maroc, sa diplomatie'do'co.côté peut fàiro couper los


approvisionnements do Gibraltar, Le'capitaine du génie Burol y est envoyé en
mission ; niais il échoué par la maladresse',deM. d'Ornnno, notro cousiil géné-
ral, qui veut briser, de haute lutte, la neutralitédo Muley-Solyman.—• L'ap-
plication du système continental au commerce du Muroe, la saisie à Marseille do
quclquos cargaisons mauresques 'séquestrées comme suspectes, détruit nos rap-
ports, Plus d'importations ni d'exportations ; l'Angleterre hérite encore de nos
taules.- ..'.;
Néanmoins, tondis que la guerre dévorait l'Furopo, et que les corsaires har-
baresques recommençaient plus audacieusomont quo jamais la chasse aux
chrétiens, lo Maroc, malgré ses griefs, garilo la noulralité,
Après la chute do .l'empiro; en 1817, Muloy-Solyman désarmo volontairement
touto sa marine militaire, ot la piraterie marocaine s'éteint sous Une. volonté
civilisatrice, Bientôt une disette menace nos populations : lo chéritï nous ouvre
son empire, et nous livre ses blés affranchis, par une faveur unique, de tout
droit do douane pour l'exportation, La Beslauration ramène avec elle les con-
AlUt-IJ,- Il A KM AN,
'I'jiqn.-riMir d... .Mante.
LIVIUÏ CIXUFIFMF. Slrt

vonnncos diplomatiques: nos rapports avec le Maroc ne cessent pas d'être réglés
par une bienveillance mutuelle; mais le commerce européen tombe ttans tint»
langueur générale, Muley-Solyman affectait des moeurs d'une extrême rigidité ;
observateursévère des préceptes religieux, il s'était étudié à bannir de son em-
pire le goût du luxe et des aisances profanes.On lo voyait lui-même donner à
ses sujets l'exemple d'une simplicité dans ses vêtements et ses meubles, qui
porta tin coup ruineux à l'industrie étrangère, parce que les sujets étaient con-
traints d'imiter, sous peine de cluUiment, la conduite du maître. Un fils do
Sidi-Molmmmed, Muley-Abd-ol-Salem, osait seul enfreindre la loi commune, Sa
succession au trôuo aurait été un bienfait pour le Maroc; mais Muley-Solyman
mourut lo 88 novembre 1822, après avoir désigné par tostamont et fait procla-
mer son neveu Abd-ol-Bahmaudien-Muley-lschem, qui règne aujourd'hui,
Lo nouveau chérit!' ouvrit aux Européens le port de Mazogan. Fn 1825 il
»
répondit au consul de Franco (mi lui olVrait des présents de la part do son gou-
vernement, tpie notre nation était « des plus proches et des plus considérées
dans son amitié, » Le traité de 1707 continua d'être, jusqu'en 1811, le seul
titre officiel do nos relations.
Les huit premières années du règne d'Abd-el-Bahman n'ofl'ront point d'évé-
nements a l'histoire. Les derniers rollets de Tantique splendeur du Moghreb
s'éteignont de jour on jour, et le chef des musulmans d'Occident, déchu du
prestigo qui faisait craindre ou vénérer ses belliqueux ancêtres, n'est plus guère
qu'un suzerain féodal oh lutte perpétuelle avec dos vassaux qui bravent sa puis-
sance fictive. Les coutumes-diplomatiques lui ont conservé le titre tV empereur!
mais qu'est-ce qu'un titre si pompeux sans l'oxercice des droits qu'il confère?
qu'est-ce qu'un empiro dont l'autocrate .vit à la merci de révoltes incessantes,
sans armée régulière, sans trésor, sans commerce, et bloqué dans sa capitale
par dos populations de montagnards qu'il no peut ni dompter ni atteindre? /
L'action politique d'Abd-el-Bahman s'exorco sur les frontières par dos pachas
qui ont pour lieutenants des khalifes ot des kaïds, fonctionnaires inquiets, ré-
duits au rôle périlleux de collecteurs d'impôts à main armée, commo étaient
les boys dans l'ox-régonco d'Alger. Gouvernant lias la terreur et administrant
par l'exaction, ces officiers publics s'affranchissent de toute responsabilité en
versant dans lo trésor du chéritf le produit périodique do contributions extor-
quées par le meurtre; là tortureol le pillage.
Los contributions qu'ils prélèvent au nom du chéritf sont de plusieurs sortes.
C'est d'abord la dîme, impôt religieux commo VAchour algérien, qui se perçoit
en nature et se compose do la quatorzième partie des récoltes; le produit on
poiit être évalué à la somme de 480,000 piastres (2,750,000 fr.), Viennent
ensuite los impôts directs que dos Mahzen ou corps régulû/rs recueillent dans
les provinces,dt souvent au prix de sanglantes collisions'; leur chiffre peut
monter à 280,000 piastres. Puis, c'est l'impôt des juifs, de 30,000 piastres; ce- ^
luides licences accordées aux marchands, et qui s'élèvo h 950,000 piastres; le
droit sur los monnaies; de 50,000 piastres; lo produit des douanes, qui en re-
présente 400,000, et enfin celui des tributs que poyent encore plusieurs puis-
sances chrétionnes f. Le total général do cos clivors revenus roprésoiito annuel-
< Depuis le xvi* siècle, tous les États d'Kuropfl, excepté la Franco, la Russie ot la Prusse, sont assujettis
10
m L'VFHM^IïlM'HANCAISF.
•l'ompnl In somme do 2,000,000 piastres, ou environ treize millions de francs.
Les dépenses iU\ gouvernement absorbent 990,000 piastres.; l'excédant 'de. re-
cettes est enfoui dans lu trésor du palais impérial de Méipilnez, C'est une for-
teresse à triples remparts gardés par un corps spécial-do 12,000 nègres. L'inté-
rieur se compose de 'cellules séparées".'par. des cloisons bardées do.for, et dont
le chériff a les clefs. Sous tes prédécesseursd'Abd-ol-Uahman, les condamnés à
mort étaient obligés, avantde subir leur supplice,d'y venir déposer eux-mêmes
leurs richesses, Ce trésor, du.reste, par suite des troubles..qui agitèrent le règne
de Mnloy-Solymnn^etd'une guerre intérieure do quatre ans que soutint Ab'd-
o|-Bahman au commencement du sien, se trouve réduit, selon toutes les proba-
bilités qu'on a pu recueillir, aune somme qui .déliasserait' ù peine 50millions,
L'armée marnraiuo se compose actuellement des contingents irréguUors, que
fournissent au besoin les tribus soumises au «'Ucu'ilV* et d'un Mnltzéti, ou corps
régulier dont l'effectif s'élève à Mi,000 hommes soldés et toujours prêts a tenir
la campagne. (Iliaque pacha tient aussi sous ses ordros une milice employée nu
recouvrement des impôts. Fn cas de révolte, les contingents (les tribus sont
tenus de marcher et soutenus par 2,000 réguliers,'Ces troupes no portent point
dé vivres ayee elles ; sur les territoires paisibles, elles s'approvisionnent au jour
tojour par voie do réquisition ; dans les provinces révoltées, elles vivent de
razzias*
'\: La gardo personnelle du chériff est formée de {,500 Outtaïas (Arabes du dé-
sort), de 1,500 Abid-Uokaris (fantassins nègres) et de 2,000 cavaliers nègres.
Cette force, jointe a 7,000 fantassins réguliers et h 4,000 cavaliers, forme un
total do 10,000 hommes.
(lhaquo place est armée, selon son importance,d'environdO canons en
bronze, 150 pièces du calibre de 8 fi 24, en for, et d'une vingtainede mortiers
de 30. Lo corps-dos artilleurs ne compte que 2,000 hommes,
La marino militaire n'existe plus depuis l'extinction do., la piraterie. Sa force,
qui consistait, on 1817, oii 10 frégates, plusieurs bricks et un personnel de 0,000
matelots, est réduite à 1,500 hommes,''répartis.sur trois bricks et une (|uinzoine
de chaloupes canonnières,
Ou suppose qu'un appelà la '.guerre, sainte pourrait réunir sous les drapeaux
300,000 Arabes des tribus; nuits C(vciiilfre, éviilemnient exagéré, ne saurait
constituer une armée redoutable etpermanente, Laconfusion, l'indiscipline,
l'nbsonco do toute tactique, do points de ravitaillements etd'équipagos de guerre,

ç\co itontoux nsiige. L'Angleterre no s'y est, il est vrai, jamais ouvertement soumise-; mais son consul ù
Tanger payo, chaque année, 10,000 douros distribués on présents pour les ministres du chéri IV ; et, d'après
lo tableau des subsides payés fc l'étranger, ot publié on 1815 par lé Parlement britannique, lo Marne ilgii-
rait, do 1707 éABU, pour 10,1.77 livras sterling (9,0^,100 fr.). L'Espagne payait 1,000 (/onros eu présents
annuels, ot 13,000 àebaquo obangomoitt do consulj-l'Autriche» 10,000 sequhis par an; la Hdlla'iido 15,000
douros; le Dunamark y5,000; la Suède 20,000; les États-Unis '15,000 dollars en présents! la Toscane, la
Sardaigtio et les Doux-Sicllos apportaient aussi leur contingent nu trésor doscliériiïs; Mais députe la bril-
lante expédition française,dirjgéu en 1811 par la prince du Joinyillo contro .Tanger, In plupart des ccmsuls
étrangers notifieront aux -ministres d'Abd-nl-llaliman que leurs gouvernements ne voulaient plus payer 1»
tribut ; d'autres s'en étaient affranchis depuis quelques années. L'Angleterre soûle n porsislé, par Une po-
litiqUo particulière qui déeoro du titre do présents les sommes qU'idlê versa"-dans la Maroc, et les fourni-
tures gratuites d'armes et de munitions qu'elle y falwit passer iV -l'époque' do notro dornior conflit avec
Abd-el-Ralimaii. L'avenir dévoilera peut-être l'énigme de la conduite anglaise, dont to ciiblnot français no
pomblo pas se douter, ou qu'il tolère par une triste faiblesse.
LtVlUv CINUUIKMLV ;Mft

la rivalité dos chefs dis chaque rassemblement, ne permettent pas ait chériff
d'entreprendre des opérations suivies. Les difficultés de la conquête du Maroc
ne consisteraient donc pas dans (les batailles livrées à un ennemi numérique-;
nient supérieur, mais dans une guerre de partisans acharnée, interminable,
coniniecelle(pi'unelaussepolitiquoacréé(!(l(!piiisquinze ans sur losot algérien,
Un plan plus saga-diminuerait les obstacles en se bornant.à réduire, par Une
expédition maritime, les places frontières, d'ofi notre influence, aidée des res-
sources du commerce et soutenue par une force suffisante, parviendrait avec
le temps à pacifier les montagnards en créant entre eux et nous le lien si puis-
sant des intérêts matériels, Les invasions sanglantes ne sont plus do '"notre,
époque, et lo temps approche de jour eu jour ovi los peuples, mis en contact par
des besoins réciproques, chercheront le bonheur ot une gloire plus réelle dans
l'échange dos lumières et des fruits do la paix,
J'ai montré la Franco s'inscrivant à la télé des promières explorations pous-
sées sur l'Atlantique; inspirant plusieurs fois la terreur doses armes, et toujours
le respect do sou nom aux chefs sauvages d'un pays barbare qui exigeait'"un
honteux tribut des autres états d'Europe, J'ai fait' voir son intlUence civilisa-
trice souvent combattue, jamais abaissée par Pégoïsiuo mercantile de cette pe-
tite île appelée (U'ando-Brolagno, qui, au moyeudis son .système'colonial ot de
l'immense commerce qu'il lui a procuré, est parvenue à être la plus riche dos
.
nations, et par suite Puno des puissances modernes les plus prépondérantes,
L'insatiable Angleterre, n'osant pas nous disputer l'Algérie, s'évertue à nous
créer en Afrique des embarras qu'elle croit inextricables. Mais nous prouverons
à l'Europe que notre patriotisme généreux domine l'astuce do ses agents; que
notre politique sait marcher au grand jour avec notre drapeau.
L'Afrique est le berceau d'un immense avenir. Interrogeons l'histoire do tous
les Ages, les auteurs anciens, les voyageurs modernes et les savants les plus
renommés et les plus dignes de foi de tous les pays : un accord unanime pro-
clame le nord do l'Afrique comme la contrée la plus fertile du monde. Dieu a
donné la terre a l'homme pour être fécondée par son travail. Une vaste colonie
a nos portes offre une riche.propriété, une patrie à tous ceux .qui n'ont pas uno
pierre oè reposer leur tète ; pour ramener au calme des esprits qui, ne trouvant
point leur place au. soleil d'une félicité à laquelle tous les hommes ont droit,
seraient tentés de renouveler de tristes désastres, ("est au gouvernement à se
pénétrer do cet impérieux besoin des niasses, et à y pourvoir, dans l'intérêt do
sa sûreté et de son avenir.
L'élargissement du champ, trop rétrécijusqu'à prosoiit, ouvert en Afriqueuux'
émigrations, est un gage à donner au repos do la France, Il faut, dit un écono-
misle distingué quiaséricnisenientéltidiiM'ette iptestiou, it faut aux espritséinus,^
aux coeurs froissés par nos agitations .politiques, une carrière vaste, comme celle
qu'après la révolution de 1088 offrit aux Anglais l'Amérique du tNord. Ce mou-
vement contribuerait doublement à la puissance.do notre pays; il maintiendrait
dans la population de l'établissement algérien la supériorité relative do l'élément
français,.qui, sans cela, risquerait de s'effacer entre les autres ; il rendrait a
notre gouvernement la liberté d'action cl d'esprit qui s'est alfutblie au milieu
do nos troubles intérieurs, (loinluent, en ellet, un pouvoir sans cesse détourné
310 -.' 1/A P H i 9 lî. ïv-1«* Il A"' N I

par lo soin do sa propre défonse, de ceux qu'oxigoruiont les affaires extérieures"


du pays, pourrait-il préparer des combinaisons prévoyantes, former des projets
do haiilo attitude nationale, inspirer a ses alliés dos égards ot une alliance du-
rables?
Il serait beau de voir la Franco, maîtresse -des derniers refuges do la bar-
barie sur la Méditerranée, donner à ceux do ses enfants qu'ont déshérités les
hasards do la naissance et delà fortune, un patrimoine ù conquérir et à garder,
ef favorisant partout los grandes associations du travail, commencersur les rives
africaines uno ère nouvelle de gloire et do liberté, Nous no prêchons point la
croisade, et nous nous garderions d'avancer que la conquête militaire du Maroc
'pût devenir uno question do politiqueactuelle, Mais si un traité rigoureux, signé
sous la volée de nos canons, n'assurait pas toute sécurité au libre développe-
ment do nos intérêts algériens; si dos événements que la Franco ne redoute pas,
mais que les esprits sérieux doivent prévoir avec calme, nous amenaient tôt-ou'
tard en face do cette grande nécessité, l'astuciouso diplomatiedu eabihotanglais
no prévaudrait pas contro rontralnomont do notre esprit public.
Nous verrons bientôt Abd-el-Kader mettre on ceuvro lo double prestige île
son nom et do la position quo nous lui avons falto, pour so créer dans lo 'Maroc,-
uno influence occulte, mais dont l'empiro s'étend do procho on proche à la fa-
veur du soution quo lui prêtent los intrigues britanniques, Sa politique do lon^
guo vue consisto à cultivor lenlomont les haines sourdes qui s'agitent autour
d'Abd-el-llahmàn, dont les cruautés et l'avarice sans frein rendent l'autorité de
plus on plus précaire, Ses futures destinées vpouvont surgir tout a coup d'une
conspiration do palais audacieusemont exploitée Si lo sort des armes ne lo fait
pas tomber entre nos mains, attendons-nousàlo voir s'élever au trôno des ché-
riffs, soit par surprise, soit par le concours do nombreux partisans; et alors,
ce sera outre nous ot le successeur d'Abd-ol-Hahman une guerre a outranco,
qui n'est différée que pour être un jour plus ardente que jamuis, Nos excès
commo nos faiblesses servent également ses dessoins. Accoutumés à lutter con-
tre nous avec des alternatives de demi-succès ot de demi-revers, les Arabes
commencent aujourd'hui à ne plus nous croiro invincibles, A partir do 18^5,
nous verrons lo beau rôle de peuple dominateur nous échapper peu ù peu ; et
la dictature on démence d'un héros do razzia.Sj fortune payée par nos sacrifices
de toute espèce, nous entraînera fatalement sur la pento d'un désastro irrépa-
rable, si le Pouvoir, éclairé par l'opinion publique, no se hftto pas de recourir
è l'unique voie do salut qui peut nous conserver l'Algérie.
M VUE SIXIÈME.

KIÎVlilL DE IS. CUmm SAINTIï, ~ (.AMPAttMW 1)1! l'IUNfîK UOVAb,

1838-1841.

Chacun son tour, entre onnomis un jour pour vous, un jour


••

pour mol. La moulin'tourna pour tous doux, niais toujours


ou écrasant do nouyolîcs viottmos, APIJ-KI.'KAIIEII i.

Repronons lo cours dos événements,


L'assaut do Constautine ne nous avait coûté que 200 morts ; mais il ost permis
de diro que le succès do cotte expédition tenait du miracle. Hors d'état de comp-
ter sur lé concours dos indigènes, nous avions dû, on 1837, prélover sur les cré-
dits du budget une somme do .2,208,880 francs pour achat d'animaux do bAt, de
solloet do trait, fournis par la Franco, la Sardaigno ot la régence de Tunis ; plus
Une secondo somme de 2,493,772 francs, ajl'ectéo aux transports généraux, (l'est
à peu près co quo l'Afriquo rapporte en trois ans ; et ce chiffre énormo n'était
sans doute pas au-dessous dos besoins, car nous lisonsdnns un rapport dressé,
lo 19octobre 1837, par M.d'Arnaud, sous-intendant militaire, que les voitures'
du génie et de l'artillerie avaient été chargées d'une portion des vivres de l'armée
au lieu de -munitions de guerre. La vérité est..quo l'intendance prévint, le 2î)
septembre, le général Damrémont que los moyens do transport manquaient. On

:
A Passage do la réponse d'Abd-td-lvader nus premières négociations du général Dosniieliols, on 1H33.
{Cran sous le commandement du général Desmichels, p. 79.)
818 L'AFRIQUE F1UNÇA1SK,
devait partir le 1cr octobre, on no pouvait rotanlor lo départ ni obtenir un animal
de plus; on prit le parti do laisser une partie dos projectiles pour prendre des
rations. Le succès de la campagne était encore compromis lors do'l'assaut: on
allait manquer de tout: «Ëucoro quarante-huit heures, écrit un témoin oculaire,
et pas un cheval n'aurait survécu ; prince, général et soldats, tous auraient été
contraints do faire la route à pied. A poiuo s'il restait encore quelques coups de
canon à tirer...,. Il aurait été tout à fait impossible d'emmener uno seule voiture,
uno seulo pièce d'artillerie ot même un seul blessé ', » C'est-à-dire que l'armée

îiAlgérie en 1838, par A. Desjobert, député do la Seine-Inférieure, clirtp. 111, p. 7(1, —Journal do
i
M, lodoctour Damions, chirurgien do l'armée.{Revuedu Parts, 1" avril 1888.)
On comprend, dit R.t. Desjobert, combien ces difilcitltés du transport rendant péniblo et souvent impos-
sible lo service des ambuluncos ; et cependant, c'est ou Afrique rpioles ambulances sont do touta nécessité.
Dans nos guerres d'Europo,lo blessé qui rosle eu arriére est secouru par los populations, ot Souvent môme
reçu dans les ambulances ou les hôpitaux de l'armée ennemie, Mais en Afrique, l'arméo ennemie c'est In
population j uno population implacable, car cite vomlal pour son existence; elle roeueillo ttVeo respect lo
blessé arabe, car il a sacrillé sa vio pour alla; mais lo blessé français ost toujours Sou ennemi, ot souvent
sa télo dovtent lo trophée du Musulman, commo la chevelure est lo trophéo do l'Américain. D'ailleurs, que
pourrait faire pour son ennoini cetto population qui, dépourvuedo tout moyen.curatlf, no peut donner à ses
amis mémo qu'uno compassion stérile V
M. lo docteur Unudcns rapporte , dans son journal précité, quo nousnvloiis laissé à Mansourah cinq é
six cents fiévreux; la plupart n'avaiout pas mémo un abri sous là touto; Ils étalent couchés sur le sol
encore humide, sans matelas, sans couvertures, sans mémo un pou do pnillo pour reposer leurs membres.
D'autres étalent houroiix de trouver un Ht do cailloux polir s'élovor au-dessus do la fango daiis laquelle
l'armée était oufouln; d'autres, plus heureux encore, cherchaient un asilo sous dos pierres sépulcralus. Au
milieu do tant do misères, la plupart dos amputés périssaient. C'était, moins les tristesses do la retraite, le
mémo spoctaclo qu'avait oiïort lu campagne do lMlll.
M. le ministre de ht guerre atuioiignit 'pompeusement à la Chambra do pairs, lo S janvier l8îl8 , qu'il:
avait expédié do Toulon une lime et demie de long do bttrraquoment ayant G métros do largo, et quo nous
avions pu recovotr et faire traiter dans cet'établissement do 1,500 à 3,000 malades. M, lo mlnisttn ci donné
l'ordre, sans doute,'mais los malades n'ont pas été logés, ou leur nombre dépassait los prévisions du mi-
nutera j M. lo ministre aurait bleu dà préciser l'endroit occupé en Afrique par sa lieue et doiiilo d'hôpital I
car lo fait ost quo, lors du deuxième convoi do retour do Conslimllno, r/cii de semblable n'a-frappé les yeux
do ceux (pli Imploraient un abri. Il périssait alors, i\ lionu, un bataillon par mois,
« Chaque- jour, écrivait oucoro un chlrurgliui-iiinjor, nuits constatons l'oll'ot déplorable du retard produit
par lo mauqito do navires pour l'évacuation do nos malados sur franco. Ceux qui, pour cause de nostalgie
ou d'all'octious incurables sous lo climat d'Afrique, ont embrassé l'espoir légitime do retourner prochaine-
ment dans lo pays natal, sentent leur forco vitale faiblir successivement lorsqu'ils volent los semaines, les
mois s'écouler dans une déception continuelle; bientôt leurs soiillïances su multiplient,ils tombent dans un
marasme envoyant, se plaignent amèrement, ou bien leurs regards désespérés polgiiont seuls lo triste oint
do leur moral. Parfois, ù la (lu do la Vie, qui est,si souvent prophétique, un iuallieuroux HO soulève avec
effort pour déclarer quo, s'il ne part pas sous peu de Jours, Il expire épuisé pur uno résistance que rien no
soutient plus I »
A liono, des douleurs encore plus cruelles s'exprimentphi' la bouche d'un autre oftlcior de santé t« L'espé-
rance seule dit retour vers la inèro patrie produisait sur iios soldats une amélioration surprenante; l'an-
itoneo du départ d'un bâtiment leur imprimait uno secousse électrique. Tous s'étudiaient a disslmutor leur
faiblesse, et à ramener sur leurs lèvres pâles et déColuiéos le sourire qu'on avaient chassé depuis longtemps
les souffraucos, afin do tromper l'euil observutour du chirurgien do marine, peu disposé â prendre à bord
coiU qui lui semblaient incapables du supporter" la traversée,,, Kt comment rosier insensible tuix prières
tl'itû moribond,dont l'oeil humide su tourne vers ht Franco, commo pour nous demander uno mèro altoti-
dant au village un llls qu'elle ne doit plus revoir '! »
Un convoi do malades part do llouo; ou lo dirige sur. Alger j la commission sanitaire refusa do les rece-
voir, sons prétexte qu'ils viennent d'un endroit, atteint du choléra i Lu commission sanitaire est entière--
tnetit composée do colons, et les colons qui appellent à grands cris nos soldats pour ouvrir un nouveau
champ ii leurs 'spéculations, les repoussent malades, car alors ils ne peuvent plus servir d'enjeu a leur cu-
pidité I Pondant plusieurs jours ils conU'inplnut d'un nul sec. lo spectacle do ce? navires ballottés par une
mer houlouse, et jetant par-dessus le bord les morts auxquels on refuse même une sépulture ! Leurs vic-
times partout eiiliu pour Mursollto, oil les Wplltiilx oltc6nibr«''Bpeuvent ou.recevoir une pnrlio seuloiuoill;
le surplus se réfugie à Toulon, uît l'hôpital iSiiiut-Maudrlordévore tous cos débris uxlilimés do véritables
tombeaux I
blVIir; SIXlilMK. ait»
entière eAt péri, car elle n'aurait ou ni cations pour protéger sa retraite, ni vivres
pour se soutenir; elle n'aurait trouvé sur son passage quolo Kebuïlo -impitoyàblo,"
cl les cendres des meUlos dont l'incendie avait éclairé sa route, à sou arrivée.
Trop: souvent l'administration olle-nième concourait, par son i in prévoyance, h
seconder les funestes influences du climat:— Comment expliquer;, oa idfet, la
mesure qui fit envoyer en Afrique le 12" de ligne, qui était atteint en Franco du
choléra? Lo voyage développa celle contagion,'qui fut.importée par nous ùCkms-
lanlino ; puis nos cholériques, traînant sur toute celui roule, et repoussés à Alger,
sont revenus terminer Jours maux en France, a leur point de départi
Néanmoins, au milieu de tant de misères et de fautes accumulées, la fortune
de la France dominait chaque épreuve, et les lauriers cueillis a (lonstanUno dé-
mentaient notre honte signée sur la Tafna.
l/adniinislratiou du général Daniréniont, plus prévoyante et plus sage que
colle du comte (llauzol, dura trop peu dé temps poiir imprimer aux intérêts civils
do l'Algérie un mouvement efficace, Le traité do la Tafna, signé sans son con-
cours et sans même qu'il fût consulté, avait fait sentir à ce gouverneur l'impé-
rieuse nécessité de réparer, autant que possible, la,fan te. de M. lUigeatid par un
coupd'éelalqui rolcvlU, (\u i n'oins dans l'Fst, l'honneur denosarmes. Tropnbsorbé
par les préoccupations militaires pour donner desseins immédiats ù tant d'au-
tres objets (ligues de sa sollicitude éclairée, M. de Daniréniont. avait m toutefois,
avant sa marche sur (lonslanliiio, semer derrière lui quelques germes d'umélh>
ration coloniale, qui laissent d'autant plus regretter sa perte prématurée,
(l'est h ce gouverneur qu'est duo lu centralisation de nos rapports avec les in-
digènes on u\w direction des affaires arabes, .dette, création, eu date «lu Ko avril
1837, ouvritune carrière nouvelle à l'émulation de jeunes officiers qui, eu s'ap-
pliquanl a l'élude, de".la-langue,' des hiu'Urs, des itsagesef.de la jurisprudence
arabe, pouvaient devenir d'excellents iuterinédlhires pour nos transactions avec
les tribus, et pour la surveillance des point soumis à notre obéissance. •
Loti juin suivant, parut un arrêtéde la plus..haute-importance, concernant
les nombreux Kebuïlos qui venaient chaque année louer leurs services comme
journaliers, garçons de labour ou domestiques, soit dd.ns Alger même, soit dans
nos établissements ruraux. Plusieurs attentats • nglants leur étaient reprochés ;
soit vengeance, soit cupidité ou tout autre itiolif, ces montagnards émigrants
.avaient.commis des meurtres accompagnés de circonstances effroyables, puis
disparti sans qu'on pût les saisir ni retrouver la trace de leur fuite. I/arrêté du
l> juin
ies .plaça, sous l'autorité responsable û'un A min (chef de corporation),
qui devait être de leur race et domicilié h Alger V
D'autres mesures, sutifuisant à des besoins divers, détermineront l'étendue

l Ku voi'tu do col arrêté, tout Kehuïln arrivant sur notre territoire fut tenu do se présenter' devant l'Amln
" innir être inscrit sur tes contrélus de la corporation, et recevoir un livret et une plaque portant son numéro
d'admlssloli; celui qui changeait de maître, nu voulait.retournerdans sa tribu, (levait également prévenir
l'Amln, et justicier des motifs qui Tongugonleiit è piirtlr. Tout Kelmïlu arrêté sans livret et sans plnqiin en-
courait uno condamnation correctionnelle pour délit de vagabondage. Tout Maure , Arabe ou européen
qui prendrait â s'oii service un Koballe lieu Inscrit oheV. l'Aiiiln,- suliiiait uiio amende de lf> â fit) francs, ot
tui emprisonnement do cinq jours à nu mois, 'l'ont Kebaïlo quittant notre territoire saiis déclaration faite
n l'Amln, et siilis un permis en boniio cl duo forme, était passible d'une miionde dolo francs et do trois jours
de prison, sans préjudice des antres peines rpt'tj ]ioitrrall avoir encourues a.raison de ses actes,-
32(1 1/AFHIQUF Kit A NljA IS F,
de la juridiction des tribunaux civils ot .le ressort des conseils de guerre'. Enfin,
des prohibitions rigoureuses, en date du 10 juillet, tendirent à diminuer, du
moins pour le moment, les accaparements de terrain par los spéculateurs.
A la fin do l'année 1837, la population européenne avait atteint le chiffre de
16,000 Ames, dont 0,000 Français. Les communes formées dans lo Fahs et lo
Sahel, sous l'administration du comte d'Erlon, possédaient environ 7,000 hec-
tares do sol, défriché ot occupé par environ 2,000 Européens auxquels se mê-
laient h ù tlOO familles indigènes. Des essais de grande Culture pour le mûrier et
l'olivier promettaient déjà, les plus fructueux résultats. Mais dans laMélidjah,
nos établissements étaient loin do prospérer ; l'abandon de cetto vasto plaine
par les Arabes émigrés on avait presque supprimé los produits, u l'exception de
quelques récoltes do foins pour les services militairos,
Fn résumé, après sept ans de combats» et on présence do 49,000 soldats fran-
çais, notre occupation se trouvait bloquée dans quelques villes du littoral et
acculée à la mer : tels étaient les fruits créés par la grossière vanité diplomati-
que du général Dugeaud.
(iOUVlillNlîMlîNT 1)U MAllÉCIlAi. VALrîlî,

Lomaréchal Valéo * était rentré u Alger dans les premiers jours de novem-
bre ; hommo de science et de progrès, il comprenait parfaitement les devoirs quo
lui imposait sa nouvollo mission. Lo vainqueur de Oonstantino allait so trouver
aux prises avec les difficultés créées par le traité de la Tafna, dont les résultats
ne so liront pas uttendro. Abd-el-Kuder, trop bien instruit doco qui passait au
milieu de nous, voyait grandir son influence et son pouvoir; il persuadait aux
Arabes, avec uno admirable habileté, quo nous étions fort embarrassés de notro
conquête, et que, tôt ou tard, lo découragement ou l'impuissance nous ' rédui-
rait îi l'abandon.
La présence du nouveau gouverneur général'était donc impérieusement exi-
gée par Jes circonstances mêmes qui s'étaient développées depuis lo 30 mai
1837, Pendant que son prédécesseur agissait dans l'est do nos possessions, le

1 Arrêté du B juin 1887, pris eu vertu de l'ordonnanco royale du 10 août 18114.


2 Lo comte Votée (Sylvain-Charles), ost né â Hrioniiodo-Châtoau, lo 17 déeotttbro 1778, Sorti commo
sousdleutonant do l'école- d'artillerie do Châloim, le 1" septombro 170», lieutenant lo 1" juin 1701), Il as-
slsla aux sièges de Churloroi, do Laudrocios, du Quosnoy, do VuleucleiinoS, do Coudé, de Malistrlcht, otau
passage du Khln ù Numvled, où il se distingua. Capitaine lo 20 avril 1705, il so lit remarquer l'année sui-
vante, à la bataille do Wurtubourg. La campagne do 1800 lui fournil, â Moosltlrclio et à Itohenllndeit,
l'occasion du rendre de nouveaux et brillants services. Lioulonant-colonol,ot chevalier do la Légion d'hon-
neur en 1801,11 remplit en 180(5, «t la Grande Armée, los fonctions desoils>chofd'état-major du l'artillerie, so
couvrit do gloire A la batalllo tl'léiiti, et fut nommé colonel du P' d'ortlllorlo, le 19 jauvlor 1807, Sa belle
condullo à la balalllo d'Kyhtu lui valut lo grade d'ofllcler dans la Légion d'honneur, et il no so distingua
pas moins ù la journée du Krledlund. Après la campagne do 180H, â lnGrundo Armée, Nupoléon lut confia
lu commandement' do l'artillerie du !)' corps de l'armée d'Uspngiio. Général do brigade lo 92 août 1810, lu
comte Valéo prit part aux sièges do f.érhla, do Méqulueiiza, doTunagnuo, do Tortoso ot do Valence, Géné-
ral de division le 6 «ont 1811, il lit la campagne du 1818,et so slgualule 1!) avril 18I8A l'aifatredeGuastalta,
llontré en France après l'abdication du Napoléon, Il accepta les fonctions d'inspecteur général de son armo,
Dans les cent jours, l'empereur lui donna le commandementdo l'artlllerlo du 6" corps, A lu seconde res-
tauration, M. Vuléofut do nouveau chargé do l'emploi d'Inspecteur général, et. devint rapporteur, puis
président du comité central d'artlllerlo, Lo gouvernement de juillet, appréciant ses capacités, lo maintint
dans sa haute position, et lui donna lo bâton du muréchul, quo la victoire du Coustantlno avait déposé sur
la tombe du brave Datiirémout,
LIVrtK SIXIKMK. 321
commandement de la division d'Alger avait été exercé successivement par les
généraux Bro et Négrier, mais avec dos forces insuffisantes pour agir, surtout
dans une saison si féconde en maladies, qu'on pouvait à peine compter i ,800
hommes on état do sortir d'Alger pour tenir la campagne. L'émir et sos lieu-
tenants discutaient les expressions du traité do la Tafna, qu'ils ne paraissaient
pas comprendre do la mémo manière quo le général Bugoaud. El-Hadji-Musta-
pha, frèro d'Abd-ol-Kador, etbey deMédcah, leva des contributions sur Blidah,
quo le traité nous avait concédée. Los Hadjoutes recommencèrent h piller notro
territoire, et le boy do Milianah, sommé de réprimer leurs brigandages, fit ré-
pondre insolemmont quo los Français n'avaient qu'a, s'enfermer dans les murs
d'Alger. Co mémo boy employait tour à tour les promesses ou l'intimidation
pour détourner les tribus do commercer avec nous; il envoya même un jour
dos cavaliers pour chasser des Arabes qui amenaient des bestiaux au marché do
Bou-Farik; ce petit coup do main avait, pour but do favoriser la voiito u plus
haut prix do 2,000 boeufs que le juif Durand avait achetés d'Abd-cl-Kader, et
qui arrivèrent à Alger dans le courant du mois de septembre. Enfin, do son
côté, l'émir, peu soucieux d'exécuter les clauses du .traité qui lui étaiont oné-
reuses, refusa de livrer les 8,00.0 boeufs et les (10,000 fanègues de grains que lo
général Bugeaud lui avait imposé de nous fournir; et lo plénipotentiaire do la
Tafna quitta l'Afrique vers la fin do 1837, sans avoir obtenu l'accomplissement
d'un seul article du traité dont il s'était rendu garant «sur sa tête t »
Cependant, sous prétexte de poursuivre, on dehors du torritoiro limité par le
traité delà Tafna, des ennemis qu'il n'eût pu atteindre autrement, Abd-ol-Kador
pouvait inquiéter de nouveau notro domination. Le gouvernement fit signifier
a l'émir-quo l'administration française se réservait la contiguïté des provincos
d'Alger et de Constantine, la possession facultative de tout lo littoral, depuis
Alger jusqu'aux frontières do Tunis, et tout le territoire au nord d'une ligne
tracée d'Alger aux Portes de Fer, avec ce défilé et la position de Hamza.
La province île Constantine est vaste et pouptén, Les établissements français
ne devant être fixés que sur \\\\ nombre limité do points choisis dans lo double
but'd'affermir'la domination et do favoriser le'développement, do toutes les
sources de richesse et de prospérité, lo commandement ne pouvait se faire sentir
dans les autres parties du pays que par l'intermédiaire des notabilité, indigènes.
Ce système do gouverner le pays par lo pays parut le plus propre à éviter un
surcroit de sacrifices et d'embarras '.
I « Lobut que lo goiiverncme.nl se propose, disait unodépécho mlnlslérielto, n'est pas la domination
absolue, ni par conséquent la conquête immédiate et l'occupation oll'ectivo do tout le territoire do l'an-
cienne régence. Lu guerre acharnée et ruineuse qu'il faudrait soutenir.polir on venir 1A, Imposerait ù ta
France des sacrifices hors do proportion avec les avantages quo poùrraillul procurer lo succès, Lu prin-
cipal objet qu'elle doit su proposer dans ses possessions du nord do l'Afrique, c'est sou établissement
maritime, c'est la sécurité ot l'extension de son commerce, c'est l'accroissement de son Influence sans la
Méditerranée, ot parmi les populations musulmanes qui en habitent le littoral. La guerre ost un obstacle)
a tous ces résultats. Le gouvernement no".l'iiecepto que comme une néccssiUS dont il désire, dont il espère
pouvoir hâter le tortno, I! s'y résigne, parce qu'il est impossible de passer .brusquement d'un système à un
nutrot et parce qu'au point où en sont les choses, ses intuitions ne seraient point comprises s'il se montrait
pacilique sans se montrerfort.., —-Dans le systèmo dont les luises ont été poséus eu Votro présence par lo
conseil, le point le plus Important pour la Franco, c'est ht possession du littoral ; les principaux points \
occuper sont : Alger, Mono ot Orati. Toutofols, vous .lo savez, cotto occupation ne (but pas s'ontoiulro seu-
lement do l'cncclnto des villes et de leur banlieue (on parle ici du territoire qui doit être réservé dans les
trois provinces),.. Lu reste doit élro abandonné A dos chers Indigènes, choisis parmi les hommes qui ont
M
322 r/AFU!QUK FUANÇAISF.
Lo kàïd do Milah était l'un des premiers chefs dont nous avions reçu la sou-
mission, Milah, situé -a douze lieues do Constantine, sur la route du port do
Djidjeli, commando celle qui s'ouvre sur les plaines do la Medjanah, pour aboutir
directement aux limites do la province d'Alger, Une colonno française trouva
cotto villo fermée d'une muraille construite avec des ruines romaines et entou-
rée do jardins. L'investiture fui donnée au kaïd, et plus tard .l'armée vint y pront.
dro une position permanonto qui peut servir do base d'action pour agir sur
l'ouest, vers la côte au dola de la baie do Stora, ou dans la direction dos Portos
do Fer.
-:
Au mois d'avril 1838, le général Négrier fut chargé do compléter la recon-
; naissance
déjà commencée, dans lo courant de janvior, du chemin do Constan-
tine à Stora. Sa marche hardie dans une contrée où les Turcs n'osaient pas s'a-
venturer, étonna les Kobaïles. Le pays traversé était fertile et boisé richomonl.
Dès lors commença l'exécution d'une voie militutro longue do vingt-deux lieues,
qui, par le camp du Smorklou et celui d'El-Arrouch, conduit on trois jours de
marche do Constantine a son port naturel,
Il fallait régulariser le payement de IMmpôt. lin corps mobile, composé en
gronde partie de cavaliers indigènes S parcourut les cerclcsdoBono,deCuolma,
doModje/-Amar, et protégea sans violence lo recouvrement des taxes établies sur
les Arabes. Aux environs do la Callo, cotto colonne fut attaquée faiblement par
des tribus limitrophes du territoire d'Alger et do Tunis, et qui profiteront do
l'incortltudo dos frontières pour piller dos doux côtés,
Vors le même temps, le commandant do Mjcz-Amar oyant dirigé une recon-
naissance sur lo pays do (iuorfa, pour y vérifier l'exislonco présumée d'ancien-
nos mines, fut attaqué par les llaraklas, et lit une retraite difficile. Le général
Négrier marcha pour les punir; mais, a l'apparition des troupes, cotto tribu de-:-,
manda l'<t«t(tri(amnislio), et so soumit à la réparation qui fut exigée d'ello.
Cependant El-lIadjl-Ahmcd avait rassemblé quelques débris do ses troupes,
ot s'approchait pas h pas de Constantllio qu'il espérait surprendre. Lo général
Négrier so porta au devant de lui avec dos forces imposantes, françaises et in-
digènes, devant lesquelles rox-bey recula sans combattre, et perdit, par lu dé--
l'oclloii, ses derniers partisans.
Au mois do mai s'accomplit définitivement l'occupation do La Càllo.

une influence déjà faite, et assez nombreux, s'il est possible, pou." qu'aucun d'eu» n'ait «tir les autres une
prépondérance excessive. i> {Lettre du ministre de la guerre au giitéral Damrémont,/du S'I mal 1837.)
Co document officiel condamnait d'avanco la traité do la Tivfna, tel que M. Bugeaud l'a conçu dans sa
fantaisie, cl Infligé au gouvernement aVec son mépris ordiniilra do touto raison commo do toute autorité,
Lo ministère désirait ht paix, mais il ne devait la vouloir qu'honorable ot fructuoiiso, c'est-à-dire, garantie
par tttio puissante attitude il pouvait consentirà l'abandon d'une purtlo du territoire conquis duiis l'inté-
rieur du pays j mais cotte concussion, faite on vue d'alléger nos sacrifices futurs,devait étrd offerte à des
chefs indigènes ralliés à notre cause, administrant sous nos auspices, et asSes nombrnta pour quo lu siirvcll»
lauco de leur conduite- fui plus aisée, pour qu'un put maintenir'outra ou* uno coftaluu rivalité de positions,
et leur appliquer cello vieille maxime du ta pollllqiio dos conquérants s « divide et impera, » Ail Hou de pro<
céder «linl, au lleii do no se montrer pacifique qu'après s'être montré fort, M. Hugeand trouva plus expé-
dltlf de tout livrer ù l'ennemi sans combattre, ot cela nii mémo moment quo par nue do ses forfnnlcirles
dont personne n'est plus In dupé aujourd'hui, co général proclamait qu'avec six bataillons il attrait raison
de toute l'armée d'Abd'tt-tiadcr,
l Là dtssolution du régime turc à Constantine avait entraîné celle de ses milices régulières, La maréchal
Valéo s'occupa d'eu réunir, les débris, auxquels il no restait d'autres ressources quo l'émigration, On mi
forma j sous le commandementd'ofticlers français,'ht bataillon de Constantine,
LlVllli SiXlKMK. 323
Ainsi, sur tous les points la soumission était obtenue. Bon-Aïssa, le khalifa
d'îladji-Ahmed, celui dont la résistance, un moment heureuse, avait retardé en
1837 lachuto do Constuntilio, venait de protester de son dévouemotit à Algor
môme, entre los mains du gouvernour général.
Le traité do la Tafna tenait dans un calmo provisoire les provinces do l'ouest
ot du contro, lorsqu'au mois de décembre 1837, Abd-el-Kader fit un mouve-
ment, et porta ses tentes dans i'outhan d'Ouannouglm, au voisinago do Hamza
ot dos limites do la province do Constantine, L'alarme propagée par sos agents
s'étendit jusqu'aux extrémités orientales do la Métidjah. Un camp do 2,B00
hommes fut aussitôt placé sur le Ilarnis pour surveiller ses projets; mais l'émir
s'étant dirigé, peu do jours après, vers Médéah, les troupes françaises rentrèrent
dans leur position. Cependant le gouverneur général apprenait que le puissant
cheikh Abd-ol-Salom, de la Medjanah, avait accepté d'Abd-el-Kader le titre do
boy ; co fait pouvait devenir inquiétant, Bientôt après, l'émir tomba, sous un
prétoxte frivole, sur les Koulouglis de l'Oued-Zeitoun ; ceux qui échappèrent au
niassacre franchirent l'OUed-Kaddara et vinrent nous'demander asile. Pendant
son séjour à Médéah, Abd-el-Kader instituait encore un kaïd dans l'outhande-
Sobaou, qui s'étend ui'ost, entreTOiicd-Kaddaraet les montagnes, et devançait
ainsi los interprétations contestées qui devaient finir par la rupture du traité de
la Tafna. Sos continuelles apparitions sur les limites du territoiro gardé pur la
France, et les razzias qu'il exécutait contre les tribus dos points contestés an-
nonçaient un renouvellement d'hostilités trop prochain pour qu'il iio devînt pas
nécessaire d'écloircir les termes do la convention du 30 mai 1837. L'article 2,
mal rédigé, nous réservait la Métidjah, bornée à l'est par l'Oued-Kaddara était
delà; l'émir prétendait que ces trois derniers mots, ne fixant rien, n'avaient au-
cune videur, et nous soutenions au contraire qu'ils constituaient notre droit de
nous étendre, dans l'est, aussi loin qu'il conviendrait a notre politique. Le gou-
vernement, Consulté sur celte obscurité du protocole de M. Bugeaud, décida
qu'il ne serait accepté d'autre interprétation que celle qui, nous assurant la con-
tiguïté des provinces d'Alger et de Constantine» et l'occupation facultative du
littoral jusqu'à la frontière de Tunis, nous attribuerait également tout le pays
situé ûu nord d'une ligne tracée d'Alger aux Portes de Fer, on y comprenant la
possession de en délité et du fort do Hamza.
L'émir, autorisé par la conduite du général Bugeaud h tenir peu do compte
des observations du gouverneur général, eut recours u une adroito démarche
pour faire résoudre à son profit dos difficultés auxquelles il supposait quo le ca-
binet français n'attacherait pus une importunée sérieuse. Il députa son secrétaire
intime, Miloud-ben-lïarrach, chïirgé offleielleménl d'offrir au roi des présents,
ot de négocier au fond ses intérêts, Mats le ministère eut l'heureuse pensée do
renvoyer au maréchal Valéo la solution de cette affaire; et après un court séjour
h Paris, l'émissaire de l'émir revint a Alger, oft fut signé, le juillet 1838, i
un acte additionnel (pli réglait définitivement l'inlorprélutlon du traité, et de-
vait faire cesser pour l'avenir tout malentendu, si l'émir se montrait do bonne
foi, comme son agent l'assurait encore on son nom !.

1 Volet lu losclo précis do coi éclaircissements!


Art. 1", {Relatif à l'art, « du traité du m imti.) llans la province d'Alger, les limites dti (orriloiro quo
324 L'AFIUQUE HUNÇAISE.
Peu do temps après, Àbd-el-Kuder marcha sur Takdimt, oiï il avait ou quelque
temps la pensée do fixer lo siégo do son autorité, et oh s'activaient les pré-
paratifs d'une expédition qu'il projetait du côté du désert, contre la villo d'Aïn-
Madhi, dont lo chef, lo marabout Tedjini, lui avait refusé te tribut. Il parut
sous les murs do cette place à la fin do mai, et trouva des obstacles multipliés
à vaincre. Lo siégo traînait en longueur. L'émir semblait so soustraire a toute
communication qui no so rapportait pas è son entreprise ; les officiers français
ne pouvaient obtenir d'escorte pour so rendre auprès do lui, et Mouloud-ben-
Harrach, son agent, no pouvait lui-môme se rapprocher do lui pour rendre
compte do sa négociation.
U était temps d'occuper les villes et territoires de Koléah et de Blidah, réservés
a la France par lo traité du 30 mai. Lo maréchal Valéo couvrit d'abord Koléah
pur un camp tracé îi l'ouost delà ville et oîi furent -placés quatre bataillons, avec
do l'artillerio et quelques chevaux. 'En mémo temps il portait sur lo Humis des
forces considérables, ouvrait la route de la Muison-Carréo è cotto nouvelle posi-
tion, ot rendait définitivement praticable celle d'Alger à Koléah,
Lo 3 mai 1838., l'armée était devant Blidah. Le hakcni de la ville, avec les
ulémas, les notables et le kaïd desBoni-Salah se présentèrent au maréchal Valée,
qui leur garantit la sécurité des habitants, se bornant à choisir l'assiette de camps
fortifiés destinés a. assurer cette position importante, Le premier fut marqué
entre Blidah et laChiffa, sur un point qui domine la plaine, et d'où l'on découvre
Koléuh et le pays des Ihuljoutes. Le second fut établi sur une ligne intermé-
diaire, a. l'ouest do Blidah, pour couvrir lu roule qui.conduit- du blokhaus do
Mered au camp do l'ouost *.

la Franco s'est réservé au delà do l'Oucd-Kudduva sont théos do la manièro suivanlo ,i Lo cours do l'Oued-
Kaddara jutqu'à sa source uu mont Tlblarln \ doco point jusqu'à Visser au-dessus du pont de t3eu-Hlnl, la
ligne actuollo de délimitation entra l'outhan do Khaohnu ot celui do DunhDjaad j et au delà do Visser
jusqu'au Blban, la route d'Alger à Constantine, de manièro û co quo lo fort de Hamm, la route royale ot
tout lo territoire au nord et à l'est dos limites Indiquées restent tV la Franco, et quo ht partie du territoire
do Bonl-Djaad, do Hamxa et d'Ouatmoughtt, au sud ot à l'ouost do ces mémos limites, soit administrée
pttrl'émlrr
.
Dans la province d'Oran, la Franco conserve lo droit do passngo sur la routa qui conduit actuellement
du territoire d'Arzew à celui do MoStaghanem. Ello pourra, si ollo lo juge convenable, réparer ot «iitroleiilr
la partie do cette route, à l'est de luMucta, qui n'est pas sur le territoire de Mostttghutioni ; tuais los répara-
tions soront faites c\ ses frais, ot sans préjudico dos droits do l'émir sur le pays,
Art. 2. -(Relatif à l'art. 0 du traité,) L'émir, en remplacement dos 00,000 fanègues de blé et des «0,000
fanègues d'orgo qu'il aurait dû donnera ta France avant lo 16 janvier 1838, versera, chaque année, pondant
dix uns, 2,000 fanègues (d'Oran) do blé ot 2,000 fanègues d'orgo. Ces denrées seront livrées à Oruu le
1" janvier do chaque année, à dater do 1639. Toutefois, duils lo cas où la récolta aurait été mauvaise,
l'époque do ht fourniture serait retardée.
Art, a. {Art. 1 du traité.) Los ormes, la poudro, le soufro ot lo plomb dont l'émir aura besoin, seront
demandés par lui au gouverneur général, qui les lui fera livrer a Alger, au prix do fabrication, et sans
aucuno augmentation pour lo transport par mer, do Toulon on Afrique.
Art. 4. Toutes les dispositions du traité du 30 mat 1837, qui no sont pas modifiées par la présente con-
vention, continueront à recevoir pleine et entière oxéoutlon, tant dans l'est quo dans l'ouost, (Archives du
youvcrnemeiil général de l'Algérie)
l Lo 12 juin suivant, fut signalé par un déplorable événement. Lo dernier blokhaus établi on avant do
Blidah éialt commandé par un lieutenant du 21* de ligne, M. Edouard de Gavaudan. A l'houro du déjeuner,
un capitaine du mémo régiment vint lo trouver à son poste, et lo pria do l'accompagnerjusqu'aux abords
d'un marabout qu'il désirait voir do plus près, Sur l'observation faite par l'ofllcior do garde qu'il no pouvait
s'éloigner étant de service, to capitaine s'oublia jusqu'à dira !« Eh ! jeuno homme, vous ave?, peur ! »
M. do (Javnttdan, qui avait pris sa pat t. do glorieux dangers i\ l'assaut do Colis tontine, se sentit blessé do
;V^"-::' v
La position do Blidah nous rendait'.maîtresdos chominsqui, do co point cen-
tral, conduisent a Médéah par les gorges do lu montagne, et dans toutes lés di-
rections vers l'est et l'ouest de la plaine. Cependant lo siégo d'Aïn-Mttdhi ne
finissait pas. L'émir, absorbé par cette entreprise, laissait suspendus tous rap-
ports avec nous. Nos provinces, du reste, jouissaient (l'un calme que no pouvaient
troubler quelques maraudages isolés.
Au mois de septembre, le hiaréchal Valéo se rendità Constantine, polir en dé-
terminer le territoire soumis ou a souniottro, par uno double ligne qui, s'abais-
sant do Constantine vers la mer, d'une part vers la frontière do Tunis, do l'autre
sur la baio do Stora, enferme uii espace facile à défendre, et qui suffira long-
temps aux besoins de la. colonisation. La nouvelle organisation politique, tout
eh respectant les moeurs, les traditions, et ménageant les influences acquises,
comprit trois khalifes (lieutenants), trois kaïds (administrateurs) do premier
ordre} lo Clieikh-el-Arab (['ancien des Arabes) pour leDjerld et la partie voisine
du désert ; enfin ie jiakem (gouverneur) pour la villo môme do Constantine.

l'imprudent défi quo lui 'adressait un-supérieiii', et par un mouvement plus dlglio d'éloges quo de Mairie,Il
suivit le capitaine. A doux cents pas do la dernière sentinelle, les deux ofliciors longeaient un massifdo hautes
broussailles, lorsque cinq Arabes armés on sorllrolit fout à, coup. Le capitaine proposa do fuir, ot. gagnait
déjà du torroin ; mais le chevalerosqtio Oavaudàn lui renvoyant a son tour l'espèce do provocation qui
l'avait entraîné sa retournait pour lui criors « Eh ! capllnlna, vous avosî pour) s lorsqu'un coup do feu 1
,
l'atteignit pur derrière ot lo renversa inôrloltemont blessé. Les Arabes l'outourèront aussitôt on déchargeant
leurs armes, dont tous les coups l'atteignirentj l'Infortuné Oavnuduii, si cligne d'un plus glorieux trépas, so
roloVait, retombait et choix hait encore ft opposer ttvue son satire uno inutllo résistance. Le sergent Lorin,
; averti trop tard par les"détonâtions, ot par le capitaine qui regagnait lo blokhaus, courut au secours do
son jemno lieutenant j majs les meurtriers avaient pris la fuite, et leur victime expira le surlendemain. A
l'hôpital do Douera, après avoir générousomontassumé toute la responsabilité de son héroïque impui-
/doilCO. ''
Une enquête fut ordonnée sur les circonstances do cotto catastropho qui privait le 21' d'un officier
d'iiiio haute instruction,.aimé do tousseschofs et do ses camarades,ot dont l'avenir donnait les plus riches
espérances,i Lo capitaine qui l'avait'abandonnéà l'hoitre suprême no trouva qu'Uito raison pour justifier sa
fuite mémoire du bravo qui lui pardonnait
i « J'cVci/s, dit-il, persuadé qu'il mu'suivrait'/* Par respect pour la
a son lit do mort, nous tairons lo nom do col officier, en ajoutant seulement; qu'il fut obligé do quitter lo
régiment, où sou inqualifiable faiblesse le rendait indigne thi conserver son commandement. Si quelque
chose- put adoucir l'ainèro donloiir du la jeune famille qui survivait u Gaviiiuluii, co fut d'apprendre que, par
un mouvementspontané, les sommités de l'armée se joignirent aux ofliciors do tous les corps qui se pressaient'
au bord do sa tombe, pour saluer d'uiiaultues regrols l'éiiio d'élite quo Bleu avait rappelée,
lieiiri4',rnhç.o(s-Xnvlt!r do Holziineo do Custel-Moroti, lo célèbre évéque do Marseille, (Ils du marquis de Bot*
znuce, baron de Oavaudàn, gouverneur de l'Agénols, et d'Anna do Oatimoul-Lau/.uiij était le grand-olicte
d'Edouard do (iuvaudan. L'histoire a éternisé lu souvenir do l'héroïque dévouement do ce saint prélat,
pendant la peHoqtil ravagea Marseille oit 1720, et la reconnaissance publlquo place,lo nom de Bolauhueà
côté do ceux do Fénelou ot do Vlucuiit do l'ouï.
* Noblesse oblige, > dit un vieil adage/.français j lu trop courte existence du. pollt'tievw do
Boiiiunco fut
consacrée tout ohtlèro a t'accomplissomontdo co devoir do famille. Officier d'ordoiitiancodu général Tré/.el,
pondant la seconde expédition do Constantine, itmérita quo son chef rendit compte on ces toritios de stl
liello conduite s « Entré des premiers dans ht villo, après avoir pordu son cheval, reçu trois balles dans lu
shako, brisé son sabre, Oavaudau va\k et lu, partout oîi II y a un ucto d'humanité u esorcor. Portant les
blessés a l'ambulance, Elançais et Arabes tous ont des droits a sou secours.. Il contient lo soldat, ot doiiiio
un sublima exemple à ses camarades, * Appelé A donner soti upliiion sur l'oitqliêlu provoquée par lo fàtut
événement de Blidah, le général Trèzol écrivit lui'mémo un mémoire ou, passant on rovuo toute la carrière
do M; Gavaudan, il ne trouve quo prouves do *èie, do respect pour la discipline, ot d'amour pour son état.
w
tl est mort comme lo bravo des braves, écrivait son capitaine, M, Bugii. On a donné son nom au lie-
khuUs qu'il eommatidait le 8 Juin, Hier, j'accompagnaislos marèchau* Clautel et Valéo j un officier d'étal-
major nous avertit quo nous étions au Utokhaus-Gacatidan; -~« C'est dolle ici 1 dit avec émotion lo maré-
chal Claudel. Messieurs, ajou(a-t-ll, celui qui fut tué ci cotto place, avait'un. immonso avenir) lu jouiiuariueo
d'Afrique n fait une grande perte I » Noblesse oblige, disons-nous oiicolo, et lo jeune fils du bravo tombé
au champ tVlionhuttr, sera dîguo du nom qu'il doit continuer.
m L'A 'pi QUE FllANCAlSE.
Leurs attributions furent nettement définies, ot on tour fit prêter serment do
fidélité îi la Franco. Parmi les nouveaux dignitaires étaient quelques hommes
qui avaient figuré avec éclat dans les rangs do nos ohnomis;—une famillo alliée
do près a l'andoii boy fournit lo chcik-el-Arab, ce fut BouaKiz-bon-GatVjih ; •—
Ahmed-ben-Bouasd^ol-Mokrani, d'une raeo ancienne et puissante, reçut le titro
de khalifa de la Medjanah.
tin conseil d'administration fut créé pour contrôler la perception des revenus
publics, et un conseil municipal fut appelé ù veiller au bon omploi des res-
sources que la ville peut fournir.
La Subdivision de Boue plus particulièrement réservée ù l'administralion
française, fut partagée en quatre cercles ; Boue, La Callo, Guolma et Modjez-
Ahmar, sous l'autorité des commandants militaires.
Lo 6 octobre, 4,000 hommes, réunis au camp"d'El-Arrôuch, en partirent le
lendemain, et .allèrent lo inémé jour camper sur les ruines do l'ancienne Hti-
sicaddi au voisinago des Rebâties'» Quelques coups do fusil, tirés sur nos avant-
postes, protestèrent seuls contre notre prise do possession. Mais le S, 1 m con-
voi do mulets arabes, escorté par des'milices turques, ayant été attaqué avec,
avantage dans un défilé, lesmontagnardsenhardis se jetèrent, la nuit suivante,
sur lo camp d'EI-Arroueh, gardé par des Turcs. Cette tentative avortée fit toute-
fois sentir la nécessité de renforcer cette position î au lieu d'un camp, tu ma-
réchal Valéo conçut l'heureuse idée do fonder une ville. Lo sol, couvert do do-
bris romains, Tut déblayé, et les pierres éparses de Busicada devinrent lo ber-
ceau de Philippeville.
La campagne d'automne se termina, dans la province do Constantine, pur
l'occupation définitive de Milah, et par l'ouverture d'une roltto tracée de cette
ville it Sélif par Djlmmilah, et qui devenait nous assurer le parcours facile dé' la
bollo pleine do Modjanah» Co travail préparait on mémo temps les opérations
-'projetées contre Djidjili, dont le gouverneur s'exagérait l'importance .maritime,
M, Vuléo, de rolour h Alger au commcnceinetit.de novembre 18*18, voulait
metU'oè .profit les derniers beaux jours de lu saison pour aller prendre posses-
sion du fort de llainza, qui nous était concédé par l'acte additionnel du 4 juillet
1838. La colonne expéditionm,iiro était déjà prête a marcher, lorsque les gran-
des pluies do décembre, devançant leur époque ordinaire, firent ajourner au
printemps de 1830 l'exécution de ce mouvement, Le général Calbols, qui com-
mandait a Conslatilino, s'élaii porté du côté de Sétlf, en laissant des renforts
a. Milah et une garnison à Djimmilahj mais le mauvais temps le força de rétro-
grader, après une marche pénible, et quelques combats partiels dont il no put
recueillir les fruits.
L'hiver m passa en nouvelle négociations avec AbiKel-Kudor, qui revenait du
siégo d'Àiii-Mudliii La convontiuii supplémentaire du traité de la Tui'na, signée
a Alger entre le maréchal gouverneur et Mouloud-beii-llarrach, n'avait pas
encore reçu là sanction de l'émir, Ce ministère français hésitait a prendre l'ini-
tiative d'une rupture, et notre adversaire, comptant sur notre faible politique
,
no songeait qu'u gagner du temps pour organiser ses troupes et se préparer à
une nouvcllolullo '.
I Nous UVons raconté (tivai; iJtaxiLMi:, p, 08) loa offorls d'Abd'ohKador Contre la Ville d'Aïii-Madhy.
LIVBE S1XIEMK. 327
L'année 1839 no fut marquée par aucun événement sérieux dans la province
d'Alger, Les tribus du territoire d'Oran , pressurées pos los exactions do l'émir
qui voulait on accaparer toutes les ressources pour les tourner contre nous, s'agit
'talonl. avec inquiétude sous le joug do fer qu'il leur faisait subir, Les popula-
tions voisines de Constantine, où son nom n'excitait encore aucun enthousiasme,
chancelaient entre deux déterminations; los besoins do la paix no les domi-
naient pas moins que la présence de nos troupes ; et lorsque les émissaires do
l'émir venaient essayer de les soulever, ces tentatives avaient pou de portéo,
Uno paternolle administration pouvait donc, en protégeant efficacement nos
alliés, amener a nous, par un heureux contraste, les tribus qui avaient connu
le pouvoir de nos armes-, et qui n'étaient retombées que par nos fautes sous
l'ambitieuse autorité d'Abd-ol-Kador.
Au mois do février, lo brick français l'Indépendant ayant fait naufrage sur la
côto do Djidjoli, les Rebâties des montagnes capturèrent l'équipage. À la noU'-
velle do ce sinistre, le maréchal Valée résolut do s'emparer de cette ville, Le 13
mai, un bataillon de la légion étrangère, 50 sapeurs du génie ot 4 pièces d'ar-
tillerie, détachés de Philippeville, débarquèrent ù Bjidjeli sans rencontrer do

Devenu multro par ruse, après un siégo de huit mois, do cotto place importante dont U projolalt do faire
lo centro do sa puissance, l'émir s'était vu foreé d'abaudonnor sa conquête, pour iio pus se voir fermer les
passages du Toll par los tribus sahariennes qu'avait soulevées son Usurpation. Do rolour sur le terriloho
.algérien quo lui concédait io traité do ta Tafna, il apportait tonte sou activité au recrutement d'une nrulén
régulière, quo nos déserteurs dressaient à la manoeuvre française. Depuis lo traité Desmichols, On 18JM le
,
génio do col homme extraordinaire recherchait avec un zèle inouï tous los moyens de s'assimiler los res-
sources de notre organisation, Commo il n'avait autour dn lui, pour lo seconder, que des intelligences assez
médiocres, il était forcé d'entrer lui-mémo dans tous lus détails, tl attira à Maskarahdes onvrlars armuriers
qui parvinrent à lui faire d'assez bons fusils sur dos modèles français. Non désir do connaître notro légis-
lation, nos usages ot notre système militaire, lui faisait adresser chaque jour de nouvelles questions.à un
certain commandant Abdallah, que nous avions placé auprès do.lui. Mais commo cot officier no pouvait
toujours lui répondre d'uuo manièro assez complèto, assez satisfaisante, il fut convenu qu'il serait dressé
Une série do questions auxquelles nous répondrions par écrit, d'une manière positive, avec tes développe-
ments nécessaires, do telle sorto quo l'émir pût, sans crainte d'erreur, puiser dans 'cosrenseignement»
toutes les Idées ^'amélioration qu'il Jngoruil applicables a- sa nation. (Oran, sous te commandement du.gé'
néral Desmichets, p, 170.) Nous avons appris à nos dépens le profit qu'il avait su tirer do nos leçons.
Abd-el-Kader accueillit plus tard pour secrétaire intime tut Français, lo sleiïr Léon Hoche, ox-inlorprèto
assermenté à Alger. Il recevait alors nos principaux journaux) ot so les faisait traduire chaque jour, pour
mieux connaître nos projets. (De l'établissement des Français dans la régence d'Alger, par Uoiity doUussy,
intendant militaire, t. i","p, KM,) Après un long séjour auprès do l'émir, dont 11 s'était attiré la confiance
et qiil l'avait comblédu bienfaits, M, Hoche l'abandonna subituuioul pour revenir churcher forluuo duocHê
des Français. M, Uugeaud, ravi de posséder un homme qui avait été l'ami d'Abd-ol-Kuder, en lit son in-
terprète, ot l'associa aux gloires do sos bulletins, l'our mieux prouver la sincérité du sou retour, ï'ca-amt
des Arabes donna dès lors, télé baissée, dans toutes les razzias, ot s'y distingua sous les yeux d'un jugo
compétent. Malgré los dlros do certaines personnes qui n'approuvent pas entièrement sa double conduite,
M. Hocho a réussi, et lo succès justifie tant do choses ! Cet interprète est doVeiiu ofllcter do la Légion
d'Honneur, ot secrétaire du consulat de Taiigor,-après lo traité do 1S1G.
Commo' tous les gons quo favorise uno fortiino singulière, M. Hocliu a des ennemis on Algérie, On m'y
racontait, ou 1811), quo pour épruuver la fidélité do l'homme qui venait lui olliir sos services, Alnkd-KUdor
lui aurait ordonné un jour do coupor ht tête ou sa présence a. pluslours prisonniers français, et quo M, Hocho
so serait prêté, sans hésiter » I'I cotto horrible exécution. Mais noiis croyons quo co.bruit, répandu pur les
indigènes, ost dénué do réalité, J.o caractère do l'émir, loi quo nous l'avons dépeint d'après l'autorité d'of-
liciers français d'une haute distinction ot qui l'ont particulièrementconnu, dément lu possibilité d'un fuit
Si odieux, Nous n'hésitons pas à ajouter quo si l'on petit reprocher À M, Hocho, eu sa qualité do Français,
d'avoir été lo familior d'Abd-oMvtidorj Il nous paraît incapable d'avoir usé do sa position contre nos compa-
triotes malheureux. Profondément instruitduns lu langue arabe et les coutumes musulmanes,courageux et
doué d'une grande finesse d'esprit, Il pourrit so rendre très-utilo dans lu poste auquel vient de l'attacher la
confiance du gouvernement.
328 T/AFRIQUE FlUNÇAlSK.
résistance. Les habitants avaient fui a notre approche, et la petite garnison put
improviser a la h<Uo des fortifications suffisantes pour so nieltro à l'abri d'un
coup do maiu l.
(
Une seconde colonne, dirigée par la voie de terre, pour assurer lo succès de
cette petite expédition, fut détournée de son but par ta nécessite do porter un
secours immédiat à notro khalifa do la Modjunah, qui venait d'étro attaqué par
Un parli do l'émir. Le résultat do cette opération fut l'occupation définitive de
Djimmilah. Le général Galbois, agissant sur tous les points avec une infatigable
activité, déjoua les projets d'Abd-el-Rader, qui s'était proposé do marcher sur
lîougio, et se retira, découragé, du coté do Médéah. Mais, do là, ses partisans
no cessaient do parcourir le pays ; dans la province d'Oran, ils empêchaient les
Arabes d'approvisionner nos marchés; dans colle do Constantine, ils négo-
ciaient la soumission do Farhat-lion-Saïd, lo Chëikh-el-Arab, qui nous avait
juré fidélité ; enfin, toutes ces intrigues prenaient un caractère d'hostilité plus
manifeste par les prétextes incessants qu'alléguait l'émir pour retarder le paye-
ment des contributions on nature qui lui étaient imposées. Tous ces sujets de..
mécontentement présageaient le prochain réveil de la guerre sainte,'Le maréchal
Valéo comprit l'urgence de so tenir prêt à tout événement ; son premier soin
devait être d'assurer uno communication par terre entre les provinces d'Alger
et do Constantine : — la reconnaissance du défile des Biban fut définitivement
ordonnée.
L'arrivée de Mgr le duc d'Orléans fit hâter les préparatifs de cotte entreprise,
bien digne de séduiro la brillante imagination du jeune prince. Kn acceptant le
commandement d'uno division sous les ordres du maréchal Valéo, il venait
prouver encoro uno fois qu'après avoir pris part à nos combats, il voulait aussi
s'associer aux travaux utiles de l'année, et que les maladies, si nombreuses colle
année, no l'éloignaient pas plus des rangs que les périls de la guerre. Après
avoir Visité Constantine, il se rendit, le 10 octobi'e, avec le gouverneur, à 'bjlni-

t Djidjoli (IgitgiUs do Ptolomén, Geoc/. nub., I.lb. IV, ciip, g,-Pllull sociiudi ,111), V, cap. 3. — j. Solln,
~ Potyhtst,, cap. 2fl) ost bfttl sur «no languo do terre qui formé un double
niouillago, C'était oncorn , nu
svt* siècle, une petite cité commerçante cm'rapports; aveio Marseille, {Jénos, Llvonriïo ot Venise. .Sous la
domination romaine, Igilgitis communiquait par do grandes voies avec Suldie (IJoiiglo), SiUJis Calait ht
(Sétlf), CMha (Constantine) et llippO'Regius (Hlppolio). A l'époquo delà grande invasion .arabe, ses hu-
bilaulj combattirent longtemps ttVee vigueur pour le maintien do leur Indépendance, lîn îfiM, Djldleli
acheta, moyonnunt un léger tribu, l'alllanco du corsaire Haioudj-liurberoussOiqui en fit une place do guerre"
fit le magasin do ses prises, jusqu'à ce qu'il so fût emparé d'Alger, ha Franco, sous Louis XIV, l'assiégea
pat mor, et en coiiRorva quoique temps la possession) mais après notre évacuation, lus Kebaïlus des mon-
tagnes voisines ruinèrent cette ville par des attaques fréquentes, et dès 1725, époque dit voyage de l'oys-
sonnel et Desfoiilainos, on n'y comptait plus guère qu'une soixantainede chétivos masures.
L'expédition du maréchal Valéo fournit l'occasion d'un mrigniilqUo bulletin de conquête; mais blntitol
l'occupation do Djidjoli no fut en réalité qu'un embarras do plus ajouté ù tons eoux qui nous pressaient en
Afrique. Los marais voisins do la ville tondant sa situation malsaine ; co n'est qu'un hideux cioaqiie où
pourrissent dessoldats. Mais, objectora-t-on, bjldjoll possède un avantage précieux, une jetée naturelle,
formée par 800 mètres deroolieS,qni no laissent entre elles que d'étroits intervalles faciles a remplir, et avec
l'avantage
peu dn dépenses on aurait ht une oxcolleuto station pour nos navires, Je Huis loin do contester
des rochers do Djidjoli, ot josomlsltoureux qu'on on lirAt prochaluemout tout le parli possible. Mais est-il
nécessaire pour cola d'occuper lucoinplétomont un point inutile'? lit l'éfablissemonl d'iule station maritime
dans sa rade ne nous assurerait-il pas suffisamment la posses/don do cotto côto ? Tollo qu'ollo osl tiujonr-
d'iiui, l'occupation de Djidjoli est innlllo ot désastreuse i uno station maritime conterait moins, no ferait
mourir persolilio, ot produirait pttis do fruits. Avons-nous à choisir T .-;.'-"-
LIVRE SIXIÈME. 329
milah ';. bit se trouvaient réunies les troupes qui devaient marcher sous ses or-
dros, tandis quo lo général Galbois se portait à Sétif.
Le 28 octobre, u 8 heures du matin los divisions d'Orléans et Galbois se
,
mirent en marche dans la direction d'Aïu-Turk,ot vinrent camper sur los bords
do rOued-bou-Sollam, près do l'endroit où il pénètre entre les montagnes de
Summah et d'Annini, pour former le principal affluent de la rivière de Bougie*
Lo bruit se répandit qu'on marcherait lo lendemain sur Zamorah, petite ville
occupée par des Turcs quo nous devions rallier à notre cause pour avancer en-
suite sur Bougie. Le 20, à six heures du matin, on quitta le bivouac d'Oued-
bou-Sellam, encore éclairé pur les dernières lueurs de la lune, et après doux
houres de route, un murmure joyeux s'éleva dans lu colonne; quelques soldats
qui avaient déjà parcouru en rccoiinaissuueo le chemin de Zamrorah, s'étaient
aperçus qu'on s'en écartait pour appuyer vers le sud. L'imagination do chacun
s'exalte, et le nom mystérieux dos Portes de Fer est dans toutes les bouches.
Plus de fatigues pour cos bravos Français qui ont si.vivement l'intelligence dos
grandes choses; et les esprits les plus réfléchis, ceux qui jugent lu témérité do
l'entreprise, les obstacles qui lu menacent, la faiblesse de la colonne destinée à
l'accomplir, lu saison pluvieuse qui peut la rendre impossible, et les dangers do
la retraite, personne ne peut se soustraire à l'exaltation qui s'est emparée du
corpsd'arméo : —chacun cherche a y trouver un heureux prestige.
U devenait important d'assurer, par la rapidité do nos manoeuvres, la garantie
du secret qui pouvait seul fuvoriser.l'accomplissement d'un si audacieux projet.
Le Prince Hoyal, dont les soins actjfs avaient tout prévu pour alléger sa division,
après l'avoir fait reposer à Sidi-M'Barck, la conduisit jusqu'au camp do Bou-
Areridj, on vue du fort de la Medjanah, à près do dix lieues du camp de l'Oitod-
bou-Sellam. La division Galbois suivait de près ce mouvement. .Eu renonçant

4 Lu camp de Djimmllah se trouve élubli au milieu des plus boites antiquités .romaines qui aient résisté,
en Afrique, t\ l'action dos siècles, Un temple, un théAtre, deux mosaïques très-étendues attestent la
grandeur do la ville dont los débris Jonchent lo sol ; mais l'altnntlon du Prince Hoyal fut surtout llxée par
un nfc do triomphe admirablement conservé, d'une structure élégante et hardie, ut dont les riches propor-
tions sont relevées par une grnudo beauté du sculpture. Co monument, presque entier encore, s'élèvo tout
doré du cas tous rotigeutros dont la temps a coloré sos assises, Quelques pierres détachées gisent au pied
du sus larges pilastres, mais si bien conservées,que lu main d'un architecte retrouverait facilement la place
que chacune d'elles doit reprendre, Lo prince, a la vue do co splondido .monument des vieux Ages, exprima
lo Vaut que ses pierres, numérotées, fussent transportées en Franco, ot vinssent, sous la direction d'un ha-
bile artiste, toptodtllro sur l'une dos places de la capitale ce symbole éclatant do In grandeur romaine ou
Afrique. S don lo voeudoS. A, H., uno situ plu" Inscription gravéo au faite du monument (I/AIIMIJE u'ACHlqui!
À u PitANcii), rappellerait à la ponséo do tous le sang versé par nos soldats, leurs travaux, leurs souf-
frances pour conquérir ces vastes contréesA loiir patrie ot a la civilisation moderne. La vno de. co glorieux
arc de triomphe, les souvenirs qu'il révoillorait des grandes fondations dos Humains, feraient songer uu pè-
ulblo contraste quo présentent nos établissements provisoires oh lo soldat trouve A peine un abri, où les
privations l'accablent : et salis nul doute, ht Franco voudrait aussi que rien ne îuunquat ci ceux do ses enfants
cpi'ello envole toinpllr la grande et pénible tAche do la conqiiélo d'Afrique.
'830 " L'AKÏWQliK FRANÇAISF.
au crochet de Zamorah, on gagnait déjà uno journée dé distanco, et c'était pont-
et ro le succès 1 El-AIokrani, notro khalifa do la Medjanah venait do parcourir
,
toutes les tribus soumises a son administration ; son autorité n'était contestée,
sur aucun point; ello était aussi reconnue h Zamorah. Lo maréchal Valéo, in-
struit do ce résultat, prescrivit au général Galbois de prendre à lu solde do la
Franco los Turcs et les Roulouglls qui habitent cotto villo, et do leur donner
uno organisation régulière, en los mettant provisoirement à la disposition d'EI-
Mokraîii. Notro manoeuvre permettait aux populations do la Medjanah, que la
présence d'un agent d'Abd-ol-Kador dans la province de Constantine avait fait
fuir, do rentrer dans leurs douars. Des ordres furent donnés pour que lo fort do
la Medjanah, ou plutôt do Bou-Aroridj, fût réparé et confié à la garde de SO
Turcs. Le plan de ce fort fut lové; il est construit avec des mulériuux romains,
et repose sur des rochos calcaires a fossiles, "qui représentent ici le terrain néo-
comion ou crétacé inférieur.
Lo 27, u six heures du matin, les deux divisions se mirent eu marche a tra-
vers uno plaine mamelonnée que Voilaient d'épais brouillards. Sur un avis par-
venu au maréchal, qu'Omar, lieutenant d'Abd-el-Rader, cherchait à gagner les
Portes de For, la cavalerie de la seconde division fut détachée contre lui, mais
ne put le rejoindre, car il abandonna son camp à l'approche du lieutenant-
colonel Miltgen, qui commandait nos cavaliers; elVon sut depuis quo, n'osant
so risquer dans les gorges du Biban, il avait gagné à marches forcées la limite
du désort,
La colonne fit halle sur un des plateaux de Djebel-Dahr-el-llamur, oh se ter-
mine la plaine, et où quelques sources jaillissent des plis de la moulagne» De
l'un do ces sommets l'on commence ù voir s'échelonner les chaînes imposantes
et les vallées multipliées, au milieu desquelles l'armée devait aller chercher les
Portes de For. \h\ vieux spahis qui, dix ans auparavant, s'était rendu d'Alger
ù Constantine, et qui 'marchait en tête de lu colonne, chercha même à faire dis-
linguer deux mamelons lointains, entre lesquels, disait-il, était lo passage tant
désiré. Il fallait (Acher de gagner le plus de terrain possible. Le Prince Hoyal
forma une avant-garde qu'il composa du 2» léger, avec 2 obusiers, et de lli()
chasseurs et spahis; puis, laissant le reste de la division sous le.commandement
du colonel Gueswiller, il poussa en avant.
Mais bientôt, après avoir descendu le versant du Duhr-ol-Humar et traversé
une petite plaine, la colon ne dut rencontrer des contreforts sur les crêtes dos-
'quels il était fort pénible de cheminer. Le pays avait d'ailleurs entièrement
changé de physionomie; au lieu des terrains nus et mamelonnés .'que nous
parcourions -depuis tant de jours, se déroulait.une vallée plantureuse entre des
montagnes couvertes'do pins, de mélèzes, d'oliviers, de genévriers de plus de.
cinquante pieds de haut, qui rappelaient les silos pittoresques des Alpes et des
Pyrénées, Fn avant, et sur le liane de notre ligue de.direction» s'étendaient
quatre grands villages Kobuïles, dont les maisons, bu4lies en pierres et couvertes
en tuiles, éliraient l'aspect des bastides de Provence. Dans les plis do lorrain,
des bouquets d'oliviers, de citronniers, d'orangers, annonçaient une culture per-
j'cctionnéo; sur les pluleuux inférieurs paissaient d'immenses troupeaux, et pas
un coup do fusil ne vint signaler la.moindre inquiétude do la part des nom-
-Lrvruï SIXIIUIF. m
broux habitanlsde cotto rioho vallée, qui sont les Boni-Bou-Rothoun et les
Boni-Abbes,
Apres avoir quitté les grés ferrugineux du Dahr-el-Hamar, l'arméo descendit
lo Cheragrag, pour atteindre le lit do i'Oued-boii-Rolheuu, qu'il faut suivre
pour arriver aux Portos do Fer, Los difficultés do co passago sont inouïes; lo
chemin, dont la largeur n'est que do quelques pieds, est entouré do ravins pro*
fonds. L'avant-gardo arriva à six .heures" au plaloau doSidi-IIasdan, situé près
delà rivière; il était impossible d'allor plus loin, et toutes los dispositions fu-
ront prises pour y camper. A dix heures du soir seulement l'arrièro-gardo s'y
rouva rondiio, après -d'oxlrôïnos fatigues, mais sans avoir éprouvé de portos.
Un trajot do plus do vingt lieues se trouvait franchi en doux marches, depuis le
camp do l'Ouod-bou-Sellam, ot notro aventureuse expédition touchait presque
au Biban. Des foux brillants de mélèzes s'élançaient do tous los points de nos
bivouacs, et les chants des soldais so mêluiont a leur pétillement. Jamais los
Turcs n'avaient osé s'arrêter sur co point; la voie romaine do Carthago uCésu-
rée qui laisse en dehors les Portos do Fer, se perdait au loin vers le gauche, el
toute traco de construction; romaine avait disparu à peu de distanco de Bordj-
Medjanah. Malgré la proximité du confluent de l'Ouod-bou-Rethouii et do l'Oued-
Maleh, dont les Ilots réunis ont creusé los Portes do Fer, on manquait d'eau ;
car ces rivières coulent surdos marnes bleues qui produisont uno grande quan-
tité d'offlorosenneos de sulfate do magnésie, dont elles sont inipi'égées au point
d'en êlro nmères. Celle privation, courageusement supportée, fut toutefois com-
pensée par l'empressement dos Beni-bou-Bethelm et des Beni-Abbos, accourus
on foulo au camp français chargésde lail, do raisins, d'orge et do paille qu'on
leur paya généreusement. Leurs cheikhs, .surnommés les gardiens des Portesde
Fer, et qui s'offrirent pour guider la colonne, reconnaissaient l'autorité d'El-
Mokrani, nolro khalifa, dont la famille est des plus anciennes ot des plus vé«<
néréosdans ce pays. Ils reçurent.des mains du Prince Hoyal leurs bornons d'hii
vesllturo, on promettant d'être les fidèles alliés des Français.
Le lendemain, 28, était lo jour fixé pour la séparation.des-divisionsd'Orléans'
et Galbois. Cette dernière allait rentrer dans la Medjanah pour continuer îi oc-
cuper lu province de Constantine, rallier les Turcs de Zamorah, et terminer les
travaux nécessaires à l'occupation définitive de Sol if, Dès lo matin, les officiers
de tous los corps-vinrent successivement prendre congé du Prince lloyul, On
voyait chez fous ces braves une profonde douleur de no pas continuer a marcher
en avant; mais leur tueho était grande et belle aussi, dans la vaste province
qu'ils devaient maintenir sous l'autorité française.
Il avolt plu la malin, et Co no fut qu'il dix heures et demie quo-la division
d'Orléans put se mettre on marche'.
File cheminait depuis une heure, .tantôt dans lo lit "de l'Ouod-bou-Rotlioun,
tantôt sur l'une ou l'autre de ses rives, ayant en têle les doux cheikhs arabes

< Kilo complaît 5?,fi<11 fantassins des S* et lï'légers, et du M* de ligue i —<Ji)8 chiiMmirs A chevalet
«pahlHi —150 artilleurs avec 4 obilslors da montagno approvisionnés A (Itl coups, avno min réserve do
70,00d cartouches d'iiifuulnrins eteiilln 8Î liommos du génie, t'ilifautorio portait six jours do vivres} uu
parc do 800 bétes de aomino, chargées do sept jours do vivres, ot Uu troupeau ilestiué à fournir la viande,
complétaient les équipages de convoi.
3itè L'AÏ'BJQUF, KltA-NCAISK,
pour guides, lorsque la vallée, assez large jusquo-lu, se rétrécit tout à coup, eu
plongeant au pied d'immenses murailles de granit, dont les crêtes, pressées les
unes contre les antres, découpaient sur l'horizon leurs silhouettes fantastiques,
Il fallut gravir un apro sentier sur la rive gauche du torrent, et après dos moiK
lées et des descentes pénibles, où les sapeurs durent travailler avec efibrt pour
ouvrir un passage aux mulets, la colonne se trouva encaissée au milieu de celte
gigantesque formation de roches escarpées qu'elle avait admirées devant elle
quelques pas auparavant, Ces masses calcaires, de huit à neuf cents pieds de
hauteur, toutes orientées de l'Est 10° Nord, à l'Ouest 10° Sud, se succèdent, sé-
parées par des intervalles de quarante à cent pieds qu'occupaient des parties
marneuses détruites par le temps, et vont s'appuyer ù des sommets qu'elles
brisent en ressauts infranchissables, et qu'il serait presque impossible do COIK
remuer régulièrement. Lue dernière descente, presque à.pie, .conduisit au mi-
lieu du site le plus sauvage, où après avoir marché, pendant, près dodix mi-
,
à
nutes travers des rochers dont le surplomb s'exhausse de plus en plus, et après
avoir tourné a droite à angle droit, dans le torrent, l'ovant-gardc arriva clans
,
uno espèce d'entonnoir où il eût été facile de la fusiller à bout portant du haut
de ces espèces do remparts, sans qu'il fût. possible de riposter.
Là se trouve la première Porte, tranchée largo de huit pieds, pratiquée per-
pendiculairement dans une de ces grandes murailles, rouges dons le haut et
grises dans le bas. Des ruelles latérales, formées par la destruction dos parties
marneuses, se succèdent jusqti'iVla seconde Porte, où un mulet chargé peut à
peine passer, La troisième est a quinze pas plus loin, on tournant à droite. La
quatrième'Porto, plus large que les autres, esta cinquante pas do la troisième;
puis te défilé, toujours étroit .s'élargit un peu et ne dure guère plus do trois
,
cents pas, C'est du haut en bas des murailles calcaires (pie les eaux ont péni-
blement franchi ces déchirements étroits, auxquels leur aspect extraordinaire,
et dont aniM.mo'description no peut donner l'idée, a si justement mérité lo nom
do Portesde Fer. C'est la quo s'est précipitée notro avant-garde, ayant à sa tête
le Prince Hoyal et le maréchal Valéo, au son des musiques militaires, et aux cris
de joie des soldats qui saluaient ces roches sauvages, Au sortir do co sombre
défilé, Un radieux soleil éclairait Une gracieuse vallée, et bientôt chaque soldat
gagna la grande halte a peu de dislance de là, portant à la main uno palme ar-
rachée au tronc des vieux palmiers du Biban.
Le Prince Hoyal avait ordonné à l'avant-garde de s'élancer à travers lo délité,
et d'occuperimmédiatement les crêtes de sortie; trois compagnies d'élite en (le-
vaient faire autant, à'droite et à gauche, pondant tout le passage du reste de la
division et du convoi, Ces dispositions, qui furent couronnées d'un plein succès,
mettaient à même de déjouer une attaque; mais quatre coups de fusil, tirés au
loin par (les maraudeurs, et qui n'atteignirent personne, vinrent seuls protester
contro le passage miraculeux que venait d'opérer notre eolonno, et pour le-
quel il ne fallut pas moins de trois heures ot demie. Une nouvelle, halte eut
lieu sous un ciel étincotanl; nos baïonnettes;"couvraientleshauteurs voisines;
un orage, éclatant au loin à notre droite, mêlait seséelairsaux bruyants accords
de notre musique militaire; officiers et soldats se livraient à leur enthousiasme,
sentant (pie l'on venait d'accomplir la partie la plus difficile de notre belle en-
LIVRE SIXIEME, 338
trépriso, quo la moindre crue d'onn, qui nn s'élève pas à moins de tronto pieds
entre los Portos, eût ronduo désastreuse,
A qiiatro heures, la eolonno so remit on marche, et suivit dans une largo
vallée le cours do l'Oued-bou-Rhoteun ou l'Oued-Btban (nom que prend co tor-
rent après avoir franchi los Portos) ; mais, retardée par un violent orago, elle
put atteindre lo mémo soir Boni-Mansour, et dut bivouaquer à doux lieues
no
dos Biban, sur les bords de la rivièro, au lieu nommé El-ma-Ralou, La rivière
qui prend alors lo nom d'Oiied-Maleh ost encore saléo, et nous trouvâmes cruol-
lemont juste lo dicton arabe, qui appelle Chemin de ta so»y celui quo nous ve-
nions do parcourir.
Lo lendemain, 99, le temps était éelairci, et après avoir traversé uno forêt,
l'avant-gardo do la eolonno expéditionnaire couronna un mamelon devant le-
quel so déployait doux magnifiques vallées dominées par lo mont Djerjerah, ot
qui, so réunissant en une seule au confluont do TOued-beni-Mansour et de
rOued-Maleh, vont so diriger.vers Bougie, On voyait en face et à peu do distanco
six grands villages bion construits, ontourés do-jardins ot pittoro.squomont
groupés sur les pointes des dernières hauteurs. Au loin, à gaucho, apparaissait,
sur le revers opposé, uno villo à laquelle deux minarets donnaient un coractèro
d'importance et d'étendue. La valléo, couverto d'oliviers et régulièrement cul-
tivée, annonçait l'industrio et la richesse dos populations au milieu desquelles
nous nous trouvions, Los habitants nombreux dos villagos étalon! par groupes
devant leurs moisons, évidemment surpris do Parrivéo d'une eolonno française
dont ils ne soupçonnaient pas l'approcho, ot dont l'orage do la voillo leur avait
dérobé touto connaissance. Un mouvement rapido de notre cavalerio no leur
permit pas de songer à la fuito; les chefs vinront offrir leur soumission ; me-
naco lotir fut faite do tout détruiro chez eux si un seul coup do fusil était tiré
sur la eolonno; ot notro armée défila entre deux villagos, nos soldats achetant
les denreos quo venaient leur offrir les Arabes, mais sans commettre un seul
acte do violence ni d'indiscipline. L'aspect de cos villagos qui annonçait une
population laborieuse, do nombreux pressoirs, ainsi que l'oxamon des innom-
brables oliviors do la vallée, font croiro que c'ost surtout chez los Beni-Mansour
que so fabriquo l'huile apportée sur les marchés d'Alger, Uno grande halto faite
sur l'Oued-Hakal pormit enfin de faire boiro nos chovaux,qui, depuis cinquante-
deux heures, n'avaient pas trouvé d'eau, Une houre après, la eolonno, après
avoir rendu guéablo cette rivière, dont le lit, formé d'alluvions, est très-large,
et présdnto dans sos cailloux roulés les plus belles variétés de grès, de marbres
et de poudingues, se remit on marcho par la rive gaucho, dans la direction
d'Hamza, qu'il devenait impossible, comme on l'aurait désiré, d'attoindro le jour
môme. Des courriers d'Abd-el-Rader, que notre avant-gardo fit prisonniers, ap-
prirentquo locamp d'Ahmed-bon-Salem, boy do Sebaou, khalifa de l'émir, était
établi sur lerovorsdos montagnes do la nvo droite, vers le pays d'Ouannougba.
On saisit sur ces courriers des lettres d'Àbd-el-Rader destinées aux gens..de
Njidjeli, et qui prêchaientun. soulèvementgénéral contre nous ;ollosétaientdatées
do Maskarah, 17 octobre. L'avant-garde hâta sa marche pour prondro position
avant la nuit ; l'armée franchit l'Oued-Rodjillah (môme cours d'oau que l'Oued-
Hamza), et locamp fut établi, à six heures du soir, sur la rive droite de co torrent,
m L'AFRIQUE FIIAN1M1SF.
La eolonno avait suivi, depuis Sétif, la grande voin qui conduit deConstant
tino ù Médéah, par les plainos élevées do la Medjonah et do rOued-boni-Man»
sour, Pour so rapprocher d'Algor et franchir la première chaîne de l'Atlas, elle
devait tourner au nord et à hauteur du fort de llamza, pour so porter ensuite
do la vallée do l'Ouod-Uamzu dans colle do l'Oued-'boni-Djaad» cours d'eau qui,
réuni a l'Oued-Xoitoun, forme la rivièro dos Issers, Dans le cas où lo khalifa
Bon-Salom aurait ou dos intentions hostiles contro notro eolonno, il dovait avoir
pour but do s'établir sur lo plateau du fort do Ilamza, pour appuyer sa droite
aux tribus soumises à Abd-ol-Rador, ot barror la route d'Algor. Pour prévenir
cetto manoeuvre, .lo maréchal Valéo chargea le duc d'Orléans do réunir toscan!"
pagnios d'élito do sa division, touto la cavalerie et deux obusiors do montagno,
do partir do Rof-Hedjillah, lo 30, uno houro avant to jour, et do so portor rapi-
dement sur Hamza, Il so réservait do conduire lui-mêmo lo rosto do la colonne,
do manière ù so trouver en mesure do soutenir S, A, H. si le combat s'enga-
geait, Au moment où la têto do colonne do Mgr lo duc d'Orléans débouchait
dans la vallée do Hnmza, Ahmod-bourSulom, après avoir passé l'Oued-Nougub
(nom quo porto dans cette partiodo son cours rOued-boni-Mansour), so prolon-
geait sur la creto opposée à cello quo suivait la troupo française. Lo Prince
Hoyal, après ovoir fait occuper fortement par son infantorio los hautours qui
dominent l'Oucd-IIamza, lança sa cavalorio dans la valléo, Los chasseurs et les
spahis, conduits par lo colonel Millgcn, gravirent rapidement la borgo sur la
crôto do laquelle paraissaient los cavaliers do Hon-Sa|om; coux-ci no tardèrent
pas à se replier, sans tirer un coup de fusil, et le khalifa, dont on apercevait les
drapeaux, averti par ses éclairours quo lo Princo Hoyal so dirigeait sur Alger,
donna l'ordro h sa cavalerie do so retirer, et so porta vers l'ouest, du côté do
Médéah, renonçant au projet qu'il avait sans doute formé do défondro la posi-
tion doHamza.
Dès quo notro cavalorio eut couronné los hautours que los Arabes abandon-
naient, Je Princo Hoyal, qui s'y était porté de sa porsonno, fit donnor l'ordre à
son infanterie do remonter la valléo ot d'occuper llamza, L'avant-gardo no
tarda pas à s'établir autour do co fort qu'elle trouva complètement abandonné '.
A midi, le maréchal Valéo arriva avec lo rcslo do la division, A doux houros,
la colonne so remit on marche, vors lo nord, on contournant l'extrémité occi-
dentale du mont Djerjerah, pour descondro dans lo bassin do l'Issor, La routo
no tarda pas h devenir très-difficile. Le camp s'établit au bas du défilé, sur un
platoau assez dominé, et qu'il fallut falrogardor par do nombroux postos avan-
cés, On arrivait alors sur lo territoire do la tribu dos Boni"Djaad, placéo sous
l'aulorité d'Abd-el-Rader, ot l'ordre fut donné do ressorrorlo plus possibio la
marché do la colonne pour la journée du londemain,
Le tfi octobre, l'armée reprit son mouvemont à six heures du matin. Ello
eut dvibord a franchir le difficile défilé do Dahr-ol-Abagal, Les habitants dos
* Lo fort do Ilamm est un carre étoile, dont les revêtements sont on partie détruits, Les logoments inté-
rieurs, construits par les Turcs, n'existent plus, Onzo piècos de canon , en partie enolouéea, gisaient sur
le sol; aucune n'avait d'affût, et l'armée no trouva dans l'enceinte du fort aucun approvisionnement do
bouche ou de guerre, Lu position de Bordj-llttinzaest excellente, elle commando uno vaste plaine fermée
par do grandes montagnes, et à laquolle aboutissent trois vallées qui mènent a Alger,'a Bougie et aux
Portes de Fer, et un col qui conduit a Médéah.
LIVHE SIXIEME.. 335
nombroux douars qui garnissent ces crêtos la regardaient passorsans annoncer
d'intentionshostiles,'lorsqu'àdix heures, au momont ou notro arrière-gardedes-
cendait les derniers contreforts du défilé, quelques cavaliers parurent sur les
crêtes, et des coups de fusil furent tirés sur nous. Lo.Princo Hoyal, qui se porta
rapidement à l'arrièro-gardo, reconnut bientôt qu'uno faible partio do la popu-
lation prenait part à cotto attaque, et après avoir fait répondre quelques coups
do fou pour venger lo sang français qui venait do couler, il ordonna a la eo-
lonno do continuer sa route.
La division fit halte à OuIdja-Daly"Halta, près d'une rivièro qui prond le nom
du lieu, ot qui est l'un dos affluents do l'Isser, Des cavaliers urabos, en assoz
grand nombre, no tardèrent pas à so montrer sur nos derrières ot sur les crêtes
à droite du plateau où notro colonne était arrêtée. Des coups do fusil commen-
çaient a partir do cos divers groupes, au milieu desquels so glissaient dos Arabes
à piod, On reconnaissait los bornons écartâtes dos cavaliers du boy do Sebaou,
et il dovonait évident quo l'on no pouvait éviter uno affaire, ot conserver jus-
qu'au bouta l'expédition son caractère 'entièrement pacifique. Lo maréchal so
chargea d'ommenor lo convoi avec les 17° et 23° régiments. Un ravin profond
et boisé traversait lo plateau quo nous occupions, Lo Princo Royal lo fit franchir
par Je 2° léger, et garnit les crêtos do tirailleurs; trois compagnies d'extrême ar-
rlère-gardo furent cachées dans lo ravin pour marchor do front à l'ennemi, et
les 80 chovaux du colonel Milfgon furent divisés.on trois polotons, dont doux
pour tournor los Arabes par la droite et par la gaucho, et lo troisième pour cou-
rir sus aux traînards. A Un signal donné par lo prince lui-même, qui no cessa
do so montrer au milieu do nos tirailleurs avec son képy, le seul qui fût décou-
vert do tous couxdo l'armée, et dont là couleur éclatante était un point de mire,
ainsi quo sa sollo rougo et sa plaquo do la Légion d'Honneur, lo mouvoment
s'exécuta avec un élan ot uno précision admirables, Les Arabes feront culbutés
dos crêtes qu'ils occupaient par la charge do notre cavalerie, ot les compagnies
embusquées les atteignirent au pas do course, et en tuèrent plusieurs à bout
portant, IX ou s n'eûmes t\.regretter qu'un chassour tué et quelques blessés. Cette
poussée vigoureuso suffit pour ralentir l'audace dos onnemis; pendant près do
doux heures oncoro ils continuèrent à suivre nos lignes de tirailleurs, échan-
geant quelques coups do fusil avec eux, et couronnantchaquo position à me-
suro quo nous la quittions. Vers los quatre heures, lo Prince Hoyal, voulant leur
apprendre que nous avions fait passer du canon aux Portes do Fer, fit avancer
un obusior qui onvoya avec beaucoup de justesse doux obus nu milieu des grou-
pes les plus nombroux. Cette démonstration acheva do décourager los Arabes,
et nos chasseurs no furent plus inquiétés dans la retraite en échelons qu'ils fu-
rent chargés do f'airo pour clore la journée, ..„.
L'armée arriva le soir sur l'Oued-bcn-lIini ',1'un des principaux affluents do

1 Cotto rivière, ainsi que los nombreux cours d'eau qu'il avait fallu traverser dans la journéo, était un
des ohstaoios qui pouvaient dovenir fuuostes pour la eolonno expéditionnaire, Les pluies enflent rapidement
ces torrents et los rendent infranchissables, Qu'aurait pu faire l'armée eu pareil cas,, avec un nombre de
Jours de vivres limité, sans équipage de pont, on présonco d'ennemis infatigables, ot que notro situation
critique aurait saus cesse augmentée? C'est oiieore uno do ces questions auxquelles on no répond quo par
te succès,
Un beau pont ruiné so trouvait a fieu-Iiinii il avait été exécuté par tes ordres d'Omar-I'aoha, dey
336 L'AFHIQUE FRANÇAISE,
Pisser, et campa sur un plateau qui domine la rive gauche, Ou n'était plus qu'à
un jour do marcho du Fondouk ; on allait donner la main a la division Hul-
hières, dont un ordre du jour annonçait la réunion sur l'Oued-Ruddaru ; et ce-
pendant il y avait encore do grandes difficultés ù surmonter avant d'être au bout
de la bollo expédition des Portos de For. Il fallait franchir les contreforts du
Djobel'-Hammal, ot jamais sentiers plus alVronx no furent suivis par do pauvres
soldats qui venaient do faire près décent vingt lieues, pour ainsi dire, sans s'ar-
rêter, et après avoir été presque tous atteints, dans le courant do cette torriblo
année, do l'une dos maladies dont l'Afrique recèle les germes funestes,
Lo V* novembre, à sept heures du matin, l'avant-gardo commença a gravir
la pente escarpée qui menait du dornier bivouac ù Aïn-Sultan. Afin de mieux
couvrir la marche du convoi, lo colonel Corbin resta en position ù Ben-Hini
avec lo 17* léger, 80 chassours et deiix obusiers, Le Princo 'Hoyal conduisait l'a-
vant-gardo, et l'avait établie on position près d'Aïn-SuJtan, lorsqu'il apprit que
quelques coups do fusil étaient tirés a notro arrière-garde» Il s'y rendit aussitôt,
remontant à travors mille difficultés, et dans dos terrains que l'on aurait cru
impraticables, un long défile oncombrô par nos bagages et par un convoi arabe
qui so rendait au Biban, et que l'engagement rejetait au milieu do nous. Le
princo arriva promptement sur la ligne des tirailleurs, au moment où les Ara-
bes venaiont d'éprouver une porte assez considérable au passage du ravin qui
séparait lo camp do Bon-Hini du défilé où la division se trouvait maintenant
ongagéo, On avait remarqué, entre autres, la chute d'un cavalier à bernous
rougo, l'un de coux qui guidaientTaltaquo des Arabes, et dont lo cheval avait
été tué sous lui, Lo princo ressorra la : ligne dos 'tirailleurs.ot la restreignit aux
crêtos qui couvraient immédiatement le défilé ; reforma los réserves, les réunit
et fit portor près du convoi, ot sur le chemin que suivait la colonne, la covalorie
qui no pouvait être utile dans un terrain aussi accidenté; puis, jugeant avec raison
quo tout mouvement do retraite doit être assuré par un vigoureux mouvement
on avant, Mgr lo duc d'Orléans, après avoir placé ses doux obusiers dans un
pli du terrain, d'où ils battaient un point par lequel devaient so retirer les Ara-
bes, lit sonnor la charge par doux compagnies du 17% qui s'élancèrent à l'en-
nemi et lui tueront beaucoup do monde, Deux coups d'obus sur les masses con-
fuses des Arabes achèveront leur déroute ; dès lors le mouvement de marcho do
l'arriorc-garde put so reprondro régulièrement. A la fontaine d'Aïn-Agha, qui
coule dans un fond resserré, les Arabes essayèrent une dernière agression sans
résultats, et l'armée atteignit pou après un mamelon élové d'où la vue embrasse
au loin la mer et la ville d'Alger, On fit halto, et dos. fanfares guerrièros sa-
luèrent onfln l'heureux accomplissement de l'expédition. Quelques heures en-
suite, la jonction s'opéra, sur la rive gauclie de l'Oucd-Ruddara, avec la division
Hulhièros, composéo d'un bataillon do zouaves, do deux du 62", d'un du 48",
do doux escadrons do chassours, d'un do spahis, d'une compagnie du génie ot
de 4 obusiers. On voyait point sur lo visage de tous ces braves frères d'armes,

d'Alger, dont Hussein-Dey, que nous avons détrôné, était le cinquième successeur. Ce pont a été ren-
versé par les affouilleniQjits des piles ; ot lu routa on pierre, construite de co point ù la Métidjah par le
mémo dey, est aussi détruite «ur uno grandu partie de son étonduoj son trace comprend, au resta, des
pentes; quila romlout de la plus Branla difficulté.
LIVRE SIXIEME, 337

avec la joio devoir arrivor lo princo, lo regrot do n'avoir pu dépasser la limite


qui leur avait été flxéo, pour venir partager los fatigues ot les dangers de la dU
vision d'Orléans, Lo soir, toute l'armée bivouaquait sous lo eamp du Fondouk,
où chaque soldat avait trouvé un ami,
Le lendemain, 2 novombro, à la Maison-Carréo, le princo adressait a sa divi-
sion do touchants odioux : •— « Mossieurs, dit-il aux officiers do tout grade
réunis autour do lui, au moment d'une séparation que jo vois arriver avec re-
gret, je suis heureux do pouvoir vous remercior du concours que vous m'avez
prêté, ot du dévouomont quo vous avo& apporté à la bollo enlrepriso quo l'habi-
leté consomméo du chef illustre qui nous commando nous a permis d'accomplir
avec un si éclatant succès, L'honnour d'avoir marché à votre tête dans cette cir-
constance mômorablo sera toujours un dos plus beaux souvenirs do ma vie.
Votre campagne est finio ; aujourd'hui, Messieurs, ma tûcho, à moi, va commen-
cer: c'est do faire connaître los titres que vous acquéroz chaque jour a ^recon-
naissance do la patrie et aux récompenses du Roi, dans co pays difficile, où tout
S'use, excepté lo coeur dos hommos énorgiques commo vous. En cessant d'être
votre chef et le compagnon do vos travaux, je rostorai Pardont défenseur de
vos droits ; la causo ost bonno, puissé-jo la gagner! Jo dirai toutes los grandes
choses quo l'armée a faites on Afriquo, toutes les éprouves qu'elle subit avoe
un dévouement d'autant plus admirable, qu'il ost souvent ignoré, ot quelque-
fois méconnu, Dans les pays que nous avons traversés onsomble, je no me suis
pas cru absent de la Franco, car la patrie est pour moi partout où il y a un
camp français; jo no mo suis pas cru éloigné de ma famillo, car j'en ai trouvé
une au milieu do vous, et parmi los soldats dont j'ai admiré la persévérance
dans les fatigues, la résignation dons les souftïancos, lo courage dans lo combat,
La plupart d'entre vous ont déjà prosquo entièrement payé dans ce pays la dette
que leur a imposée lo sorvico do la patrie, et si do nouvelles circonstances me
rappelaient en Afriquo, je n'y trouverais que do nouveaux régimonts auxquels
vous avoz montré l'exomplo; mais partout où le service do la France vous ap-
pellera, vous mo vorroz accourir au milieu: do vous; ot là où sora votre dra-
peau, là sora toujours ma pensée. »
Lo Princo Royal voulut onsuito défiler avec sos troupos devant lo maréchal
gouvorneur général, pour lui témoigner combien il avait été heureux d'être un
des chefs d'une expédition si romarquablo, ot lui remottro pour ainsi dire les
troupos dont, naguèro, lo commandement lui avait été confié, Une marcho
triomphalo termina celte journée. L'armée ronlra dans Alger au milieu d'une
foule innombrable d'Européens ot d'indigènes qui faisaient rotentir les airs
d'unanimes acclamations L

i Le 4 novembre, un banquet fut offert au prince par la population civile d'Alger» et la lendemain,
S, A. R. conviait a son tour à une fête da famille les offlclers, sous-officiers ot soldats de la division qu'il
venait de commander, Cette belle réunion militaire eut lieu sur l'esplanade Bab-el-Oued, entre le fort Neuf
et celui des Vingt-Quatre-Houros, Au dessert, après une salve d'artillerie, le maréchal Valée porta la
santé du Roi. Le duo d'Orléans, par un mouvement spontané, s'élança sur uno table, et promenant 90s
regards sur la foule de braves qui l'entouraient, fit entendre d'une voix qui trouvait des échos dans tous les
coeurs, ces paroles dont tous les assistants ont gardé la mémoire :
t Au nom du Roi, s'écrla-t-il, je porte cotte santé à l'arméed'Afrique et ;\ son général en chef le maréchal
Valée, sous les ordres duquel elle a accompli de si grandes choses l
43.".-
:
.'338.;. L'AFRIQUE FRANÇAISE,
On a toujours prétendu qu'Abd-ol-Rudor avait lui-mômo rompu lo traité do
la Tafna; colle croyanco ost uno erreur. Los conventions supplémentaires si-
gnées ù Algor,lo 4 juillet 1838,ontro Miloud-bon-Horrach et le maréchal Valée,
n'avaient point oncoro été ratifiées par l'émir, lorsque fut tonte lo passage dos
Portesde For, La prise do possession du fort do Ham?,a, qui fut un dos résul-
tats do cotto oxcursion, fut jugée par Abd-ot-Rader commo uno reprise d'hos-
tilités; Récrivit au gouverneur général pour lui annoncer quo tous los musul-
mans voulaiont se rallier do nouveau sous l'élondard do la -guerre sainte,
M, Valéo, hommo d'uno hauto capacitéspéciale, mais pou fait, par ses habitudes
militaires, aux petites manoeuvres d'un ennemi qui no combat presque jamais
qu'on tirailleur, prit lo change sur los projelsdo l'émir. Il s'attendait à uno atta-
que régulièro, dont notro stratégie déjouerait l'impuissance, et crut qu'il serait
temps do prendre quelques mesures quand l'avant-gardo d'Abd-ol-Rador dé-
boucherait dans la Métidjah, Cotto erreur nous valut plus d'un revers; car au
signal secret transmis par les émissaires arabes, toutes les tribus que nous
supposions soumises à nolro autorité so loveront en armes autour do nos pos-
tes mol gardés-ot do nos colons endormis dans uno funosto sécurité, Dès les
premiersjours do novembre la plaino se couvrit d'assaillants; nos convois fu-
furont enlevés, nos camps surpris, les récoltes des colons livrées au pillage et
leurs fermes brûlées ou rasées. Los boys do Médéah otdo MiUanah se mon-
traient sur tous les points nvoc des partis do cavalorio qui passaient comme la

« A cette armée qui a conquis à la Franco un vaste et bol empire, ouvert un champ illimité à la civili-
sation dont ello est l'avant-gardo ! A la colonisation,dont elle est la première garantie I
« A cette armée qui., maniant tour o tour
la pioche et lo fusil, combattant alternativement les Arabes
et la fi&vre, a su affronter, avec une résignation stoïquo, la mort sans gloirede l'hôpital, ot dont la brillante
valeur conserve les traditions da nos lésions les plus célèbres l
« A cotte armée, compagne
d'élite do la grande arméo française, qui, sur le seul champ de bataille ré-
servé à nos armés, doit devenir la pôplnlèro des chefs futurs do l'arméo françalso, ot qui s'enorgueillitjuste-
ment da ceux qui ont déjà percé a travers ses ranfis I
« A cotte arméo qui, loin do la patrie, a le- bonheur do no connaître les discordes'intestines de la France
que pour les maudiro, et qui, servant d'asile ft ceux qui les fuient, no leur donne 4 combattre, pour les
intérêts,généraux do la France, que contre la nature, les Arabes et le climat I
« Au chef illustre qui a pris Constantine, donné à l'Afrique françalso un cachet inoffaçablo de perma-
nence et do stabilité, et fait flotter nos drapeaux là oie les Romains avalent évité do porter leurs aigles !
« C'est au nom du Roi, quia voulu quo quatre
fois sos fils vinssent prendre leur rang de bataille dans
l'armée d'Afrique, que jo porto co toast 1
ci
C'est au nom de deux frôres dont jo suis justement fier, dont l'un vous a commandés dans le plus beau
fait d'armos quo vous nyo?, accompli, ot dont l'autre s'est vengé au Moxiquo d'être arrivé trop tard a
Constantine, quo je porto cette santé I
« C'est aussi, pormeltez-moi do vous lo dire, comme
Uâ'd'une manière indissoluble à l'armée d'Afrique,
dans les rangs de laquelle je m'iionoro d'avoir marché sous les ordres do doux maréchaux illustres, que je
porte cetto sauté : A la gloire do l'arméo d'Afrique, ot nu maréchal Valéo, gouverneur général! »
En co moment, lo plus ancien lieutenant de la division dos Portos do Fer s'approcha do S. A, R, et lui
offrit, au nom do ses compagnons d'armos, uno palme verto cueillie sur les rochers du ISiban. Fort ému
do ce simple et touchant hommage,lo jeune prince fixa encore uiio fois toutes ces nobles figures militaires
qui attachaient sur lui des regards attendris, « Mes amis, reprit-il, jo contracte envers vous une detto Jra-
nionsoj mais dans les moments difficiles, je mo rappellerai que j'ai reçu celte palmo do ceux dont l'héroïque
persévérance emporta Constantino d'assaut ; dans les privations, je mo rappollerai qu'elle me fut donnée
par dos hommes dont aucune souffrance no lassa l'àtiergioj et quand, uu jour du danger,jo vous ropré-
santorai cette palme, vous vous souviendrez à votre tour que vous l'avez çuoillio dans dos lieux réputés
inaccessibles, et vous saurez prouver alors que rien n'est impossible à des soldats français I »
Il faut avoir approché le duc d'Orléans pour coinprendrol'euthouslasmo qu'excitait daus l'armée chaque
parolo sortie doco noble coeur, Les bravos qui los recueillaient pouvaient-ils prévoir qu'ils pûrtoruiout
sitôt lo deuil du jenno prince on qui n'alliaient tant cio vertus populairos a do si hautes espérances 111
LIVRE. SIXIKM'K. ÙJ9

foudro, ot laissaient après eux la désolation. Lo maréchal Valéo no resta pas


inactif; plusiours combats, dans lesquels les 02° et 23° do ligne, lo 2° léger ot
le 1er chasseurs d'Afriquo déployèrent touto lour énorgio, parvinrent h ra«
monor l'avantage do notro côté, Lo 31 décombro, après uno rudo ofiairo, les
Arabes s'étaient, il est vrai, éloignés do nos postos; mais Jours masses frémis-
santes remplissaient encore los vorsants soptentrionaux dos montagnos les plus
voisines, La plaine do Métidjah était dépeuplée d'Européens; leurs habitations
avaiont été détruites, Dos partis ennemis so glissaient, à la faveur dos plis du
terrain, jusqu'aux abords d'Algor; nulle part la campagno n'était sûro, et les
communications d'un posto à l'autre no s'ofibctuaiontplusquo par des colonnes
avec tous les périls do l'état do guerre, Les troupes, jusqu'à l'arrivéo dos rai-
forts demandés par lo maréchal Valéo pour pouvoir roprendro l'offensive, gar-
daient soigneusement les positions qu'elles occupaient, Toutefois, divers enga-
gements avaiont eu lieu sur plusieurs points, ot les Arabes avaiont toujours été
repousses; le 31 décembre, l'iufantorio régulière d'Abd-el-Rader et 1,500 de
ses cavaliers, rejoints entro la Chiffa et lo camp supérieur do Jîlidah, avaiont
été mis on complèto dérouto. Mais cos rencontres n'étaient pas et no pouvaient
ôlro décisives; il dovonait évidont quo l'émir no verrait anéantir sos ressources
quo par une suite d'opérations combinées qui emprunteraient uno puissanto
assistanco à une politique forto ot persévérante.
La division d'Oran, dès le 13 décembre 1839, avait eu aussi à soutenir» à
Mostaghanom ot à Mazagran, dos attaques très-vives. Los forces que déployait
l'onnomi dans cette provinco étaient assez considérables pour quo do nouvelles
troupos dussent ôtro dirigées do co côté, non dans un but agressif, mais pour
résister avec succès, dans los positions occupées, à dos hostilités qui, dans
aucun temps, n'avaiont semblé plus vives et plus menaçantes.
Dans la provinco de Constantine, les intrigues d'Abd-ol-Kador avaient allumé
un foyer d'insurrection parmi les tribus do la Medjanah et celles de la zone
méridionalo. Lo Zab, lo Belcd-ol-Djérid, la lisière du Sahara, le territoire situé
ontro los Portos do For et Sôtif, élaiont ou exploités ou dominés par plusiours
lioutonants do l'émir, et les khalifas nommés par nous ne pouvaient, sans as-
sistanco, tour disputer lo commandement. La frontière oriontalo était agitée
parla présence d'Ahmed, l'ox-boydo Constantino, autour do qui se groupaient
encore quelques partisans, et par les préparatifs do résistance qu'organisaient
plusiours tribus puissantes. Los Robaïlos tonaiont investies nos garnisons do
Bougie ot do Djidjoli. C'était donc partout la guorro, ou uno situation voisino
d'hostilités réelles.
Dans cet état do chosos, et vers la fin du mois do janvior 1840, lo maréchal
Valée fit connaîtro ses projets d'opérations pour la campagno qui allait s'ouvrir.
Il déclara quo la destruction d'Abd-ol-Rador n'était pas uno oeuvre qui .pût ôtro-
accomplie rapidement, ot qu'une campagno no suffirait pas pour la consom-
mer, Il proposa d'employer l'annéo 1840 : 1° à refouler et anéantir los Hadjou-
tes, ce qui entraînerait la prise do possession de Chorchell ; 2° d'occuper Mé-
déah et Milianah, on construisant une routo qui conduirait de la plaino do
Métidjah dans la vallée du Chéliff; 3° d'opérer ensuite dans cette valléo mémo,
do manièro à détruire les établissements nouveaux do l'émir, et ù donner la
340 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
niain ù la division d'Oran, Les doux premières parties du projet devaiont s'exé-
cuter avant l'époquo dos grandes chaleurs; la troisibnio on automne. On pou-
vait, dans lo cours do cette dernièro, ôtro, par la faveur dos circonstances, dé-
terminé a marcher sur Maskara ; mais dans tous les cas, toute opération sur
Tlomcon devait être ajourné» au printempsde 184t. La division do Constantine
ne demeurerait pas inactivo, non plus quo celle d'Oran, La 'première so porte-
rait sur Sétif, ou, indépendamment do la protection qu'elle assurorait à la Med-
janah, en tenant on échec le khalifa de l'émir, ello contiendrait peut-être les
auxiliaires qu'U pourrait Jrouver, pendant laguorre, dans la provinco de Tittèri,
Lasecondo, presque immobile jusqu'à l'automne, entrerait en ligne au mois
do septembre, ot, s'appuyant sur Mostaghanom, porterait la guerre au sud du
ÇhéUfT, au coeur môme de la puissance do l'ennemi, pondant qu'une autre
division française, ayant Milianah pour base d'opérations, descendant lo cours
du flouvoj parcourrait un pays fertile et peuplé, et viendrait communiquer avec
les troupes sorties do Mostaghanom.
Les diverses parties do ce plan obtenaient, au commencement de février, une
approbation à peu près entièro. Le ministre do la guerre pensait qu'on devait
faire a l'émir uno guerre patiente ot opiniâtre, et qu'il était désormais impossi-
ble do traiter avec lui, U fallait le poursuivre et l'atteindre dans les lieux oh il
avait fixé sos principaux établissements, sans so croire pour cela obligé de les
occupor d'uno manière pormanonto, Les troupos et les autorités françaises de-
vaient être placées seulement dans dos centres militaires ou commerciaux, on
nombre fort limité, et choisis sur uno ligne tracée parallèlement au rivage, do
Constantino à Tlomcon, La garnison dos villes occupées devait être assez consi-
dérable pour fournir uno colonne do trois a quatre mille hommes, destinéo à
contenir et châtier au besoin los tribus insoumises. Enfin, il était recommandé
de veiller avec la plus grande sollicitude sur là santé des loldats,
L'ennemi, qui ne s'était pas montré dans la Métidjah depuis lo combat du 31
décombre 1839, y reparut à la fin de janvier 1840, s'approcha de Mered, et
chercha à s'établir près de Blidah ; mais il fut chassé do chacune do ces positions,
Uno autre tentative que les Arabes firent plus tard sur le camp du Fondouk fut
également repoussée.
Les hostilités recommençaient aussi> dès le niois do janvier, dans la pro-
vince d'Oran, oh la tranquillité n'avait pas été troublée depuis quelque temps,
A des tontatives faRos les 17 et 22 janvier sur les Douairs et les Semélas, ainsi
qu'au pied de la montagne des Lions, succéda une lutte acharnéo contre Maza-
gran. Le 2 février, un des lieutenants d'Ab-ol-Rader/Mustapha-ben-Tumi, at-
taqua ce petit poste, dépendance do Mostaghanom; co réduit était occupé par
423 hommes de la 10e compagnie duIer bataillon d'infanterie légère d'Afrique,
On croit que Mustapha-bon*Tami avait sous ses ordros dix à. douze mille
hommos, dont 4,000 fantassins. Pendant quatre jours, ces forces imposantes
enveloppèrent, dit-on; le réduit do Mazagran, et lo sépareront entièrement de
Moslaghahem ; le commandant do cotto dernière place fit plusiours sorties, qui ne
pouvaient produire qu'une diversion momentanéo. Tout se réunissait donc pour
rendre pi us critique la position de la petite garnison do Mazagran. Un promior
assaut fut ropoussé par elle ayee une, froide intrépidité; un deuxième assaut,
LIVRE SIXIÈME. 3ftt
tenté lo 6 au matin, par deuoo mille Arabes, disontoncoro los documontso^fcjii^,
no fut pas plus heureux. L'ennemi se retira, emportant cinq u. six cents tués ou
blessés, La compagnie do Mazagran n'eut quo 3 hommes tués et 16 blessés ',
Los 8 ot 12 mars, d'autres entreprises, qui furent énorglquomont ropous-
séos, eurent lieu sur le camp du Figuier, et on avant do Misorghin, h Ton-
Salmot. Lo colonol Youssef trouva l'occasion do s'y distinguer.
Dans la journéo du 20 décembre 1839, des pirates sortis do Chorcholl s'é-
taient emparés d'un bâtiment do commerce français; l'occupation do co port,
qui menaçait ainsi do devenir un uouvoau foyor do piraterie, ayant été résolue,
lo maréchal Valéo réunit à Blidah ot à Roléah, dans los premiers jours do
mars, un corps expéditionnaire qui so mit en marche lo 12. Dans los doux
premières journées, tous les douars dos Hadjoutos furent disporsés ou détruits;
le 14, l'avant-gardo, composée du 17° léger et du 2° bataillon d'Afriquo, tra-
versa l'Ouod-Hachom, devant 300 cavaliers qui so retirèrent, ot ello bivouaqua
sur la rivo gaucho de cotto rivière. Le 16, lo corps expéditionnaire prit posses-
sion do Chorcholl, abandonné à notre approche par sos habitants; lo 19, il so
romit on marche pour rovonir ù Blidah ; lo 21, il était rentré dans sos canton-
ncments.
I Toi ost lo simple exposé do l'affaire do Mazagran. D'autres récits, fourmillant du détails dramatiques,
ont été publiés par divers journaux de cetto époque, Sur la foi de correspondances particulières dont il
nous eèt impossible de justifier la valeur, ces journaux ont cru pouvoir affirmer que quinze mille Arabes,
contingentsde quatre-vingt-deuxtribus, avaient assiégéMazagran,et ouvert le feu de leurartillerie à cinq cents
mètres de ce poste; quo dès les premiers coups de canon la brèche fut praticable, et que dès lo premier
élan de l'assaut, l'ennemi vint planter quatorte drapeaux sous les murs, « Notre héroïque troupe, dit un
livre publié récomment, se battit pondant quatro jours et quatre nuits i la fumée de la poudre obscurcissait
les rayons du soleil ( les nuits otaiont éclairées par les flammes dus bivouacs et des amorces, Fatigués d'uno
si énergique résistance, les Arabes se retirèrent lo cinquième jour, honteux et conjus, emportant plus de
mille des leurs, tués ou blessés, » (Histoire de l'Algérie française, par C, Levnadlor ot G. Clausol, t. II,
P.W-)
J'ai eu l'honneur d'assister en Afriquo à plusieurs faits d'armes, et j'ai vu do trop près lo courage de nos
jeunes soldats, j'ai trop do fois admiré la brillante conduite do nos braves officiers, toujours unie à une
modestie qui ne les honore pas nioinç quo leurs services, pour contester la valeur réolie du combat de
Mazagran ; mais je dois nvouor qu'en interrogeant plusieurs militaires haut placés, sur les détails de cet
épisode do nos guerres, j'ai vu lo sourire effleurer leurs lèvros.
II est vrai que la 10' compagnie du 1" bataillon d'infanterie légère d'Afrique eut à repousser une vive
attaque des Arabes, et qu'elle fit son devoir sans compter le nombre des assaillants, Il ost vrai oncore que la
fusillade fut entendue de Mostaghanem, qu'une liouo seulement séparo de Mazagran. Mais si l'affaire était
si chaude, si persévérante, pourquoi le chef do bataillon Dubarrall, commandant de Mostaghanem,ne vint-il
pas au secours du fort do Mazagran? 11 nous répugne do croire qu'un officier supérieur français ait aban-
donné cent vingt'lrois soldats a la merci de quime mille Arabes sans se fairo jour, à tout prix, jusqu'à eux,
De plus, npe armée de quinze miilo hommes se sorait-ello arrêtée pendant quatre jours au siège d'un mi-
sérable rétranohomentdéfendu par cent vingt-trois hommes, enfermés dans son enceinte et dont la position ne
pouvait empêcher la marche de l'ennemi sur Mostaghanom, soûl but raisonnable d'une attaque? Et silos
Arabes étaient parvenus, dès les premiers coups de leurartillerie, à.faire une brèche au retranchement,s'il était
vrai qu'ils eussent déjà planté quatorzedrapeaux au pied de Bon parapet croulant sous leur feu, cont vingt-
trois hommes auraient-ils pu lutter pendant quatre jours, dans la proportion do UN contre CENT VINGT? ils
no pouvaient que mourir au posto do l'honneur, et pas un n'eût rendu ses armes. NOUB aimons dono mieux
croire à un peu d'exagération do la part du héros de Mazagran, que d'accuser do faiblesse le chef do la gar-
nison de Mostaghanem.
Le capitaine Lellôvre, qui commandait la compagnie do Mazagran, fut nommé chef do bataillon,
ot plus tard mis en non activité. J'ai ouï dire, en Algôrlo, quo certaines indiscrétions sur l'exacto vérité
do ce qui s'était passé h Mazagran, n'auraient pas été étrangères à la mesure qui éloigna des rangs cet
officier supérieur. Mois si tous les bulletins un peu exagérés devaient motiver la disgrAce do leurs auteurs,
pourquoi n'y aurait-il pas justice ôgalo pour tous? Car d'après los confidences do plusiours officiers respoc-
tables qui assistaientà la côlèbro bataille d'tely, l'illustre guorrier qui se fit un duché de son bulloliu,aurait
aussi lui-même soufflé dans les trompettesde la ronomméo.
342 L'AFRIQUE FRANÇAISE,
Cependant, la tranquillité générale dont semblait jouir la provinco de Con-
stantino, ou, cotto annéo comme la précédonto, los intrigues d'Abd-ol-Rador
étaient demeurées sans succès, avait besoin d'être protégée et maintonuo. Si la
plupart dos tribus so montraient disposéosà la soumission, ot on donnaient dos
gages, quelques-unes, ou contraire, plus éloignéos du contro do notre domi-
nation, on cédant ados hubitudes dodésordros et de pillage, rendaient quelque-
fois nécessaire l'emploi do la force, ot appelaiont sur leurs têtes un châtiment
qui no so faisait jamais attendre.
Dès le mois do février, lo khalifa do la Medjanah, avec lo secours do plusiours
chefs de co canton, poursuivit Bon-Omar, kalifah d'Abd-ol-Rador, et lui fit
éprouver dos portes sensibles, Les Beni-Abboss, gardions des Portos do For,
demandèrent, a cotto môme époque, la faveur de commercer librement avec
Constantino.
Dans lo courant du mois do mars, los tribus kôbaïlos do Bcni-Saak et do
Boni-Oualban, coupables do quelques brigandages sur la routo do Philippovllto
h El Arrouch, éprouveront la sévérité do notre justice militaire. Lo fils du choïkh
des Eulma accourut nous porter dos excuses do lu part do son père ; los cheikhs
des tribus voisines s'empresseront do faire leur soumission,
Sétif, occupé par dos indigènes ot un polit nombre do Français, commençait
à sortir do sos ruines. Les Aumor-Gliarabahoffrirent lour cavalerie au comman-
dant français pour marcher contro Alnl-ol-Kador, et leurs familles comme otages
en garantie do leur fidélité. Les Rebaïles vinrent concourir aux cultures do
Guolma, ot recommencèrentè approvisionner Djidjoli.
Un événement d'une notable importance vint en mémo temps révéler lo pro-
grès réel do^notre domination. Los fonctions doChoïkh-ol-Arab avaient été con-
férées, on janvier 1839, a Bou-Aziz-ben-Gauah. Depuis lo commencement do
la guerre, Abd-el-Kadercherchait a soulever, contro l'autorité do la Franco,
dos tribus qui habitent à l'entrée du Sahara, dans lo Boled-ol-Djérid ; il avait
envoyé, dans la direction do Biskra, son khalifa Ben-A/,ouz, avec un bataillon
d'infanterie, 800 cavaliers irrégullers, et doux pièces do cunon, dans la ponséo
quo ces forces suffiraient pour l'accomplissement do ses desseins. Ben-Ganah, a
la nouvelle do l'approche dos troupos do l'émir, courut à lour rencontre ; 16"24.
mars, il les atteignit ot engagea lo combat avec une tollo vigueur, quo le lieu-
tenant d'Abd-el-Rader fut mis en pleine déroute après avoir perdu cinq cents
hommes, ses canons, trois drapeaux et tous ses bagages. Ainsi, pour la pre-
mière fois, un chef arabe, institué par nous, marchait seul contre nos ennemis,
b. plus do 80 lieues du siégo do notro puissance dans la province do Constan-

tino. Bientôt après, les Haraklas, excités par los émissaires d'Ahmod-Boy, ayant
attaqué des tribus placées sous notre obéissance, uno eolonno française, partio
do Constantino, pénélra jusqu'aux extrémités do lour territoire, et leur enleva
uno grande quantité do bétail. Les cavaliers do cette tribu furent culbutés, et
lus ehefe vinrent demander grâce, A la môme époque, les Rebaïles do Boni-
Moussu, qui avalent dépouillé plusieurs habitants du Djkljoll, furent l'objet do
représailles énergiques, et plusieurs chefs de ces montagnards, renonçant h
faire uno guerro ihutilo, outrèrent en relations pacifiques avec nous.
La situation générale do la pro /-inio do Constantino ofïruit «lusi do jour en
LIVRE SIXIEME. 343
jour plus de sécurité, Los populations, éclairées sur leur véritable intérêt, n'ac-
cueillaient qu'avec défiance les monéos d'Ahmed ot do l'émir. Plus do six cents
familles se réfugieront dans lo Fordjiouah, pondant quo leurs chefs, réunis au
khalifa do laMedjanah, observaient les mouvements do l'ennemi, et tenaient en
respect les tentatives de Bon-Omar, C'est ainsi quo nous voyions se développer,
sous los plus favorables auspices, l'avenir do notre influence, tandis quo les
efforts expirants do nos onnomis s'éteignaient devant notro supériorité mani-
festée par l'issuo do chaque combat.
La prise do possession défihitivo do Médéah ot do Milianah étant résolue,
l'armée, forte do 9,000 hommes, s'ébranla, lo 2S avril, pour l'eftbctuor, et prit
position sur la Chifla do Koléah, au camp de Blidah. Los renseignements re-
cueillis sur les dispositions d'Abd-ol-Rador annonçaient qu'il avait convoqué à
la guerre suinte tous les cavaliers do la plaino du-Chéliif, et quo son infanterio
régulière était on marcho pour nous fermer lo passago do l'Atlas, Nous dovions
Irouvor devant nous dix a douze mille adversaires. Lo 27, l'arméo franchit la
Chifl'a et marcha sur quatre colon ncs. Le Princo Hoyal formait l'avant-gardoavec la
première division ; il avait ordro do se prolonger dans la direction do Bordj-el-
Arbah, do passer l'Oued-Ger, ot do prendre position a la tôle du lac Alloulah, do
manièro adéborder lo bois do Kharézas, dans lequel les autres colonnes devaient
pénétrer. S. A. H. parvint au poste indiqué sans .rencontrer l'ennemi,
A l'oxtrômo droite, lo colonoi do la Moricièro partit do Roléah avec les zouaves
et les gendarmesmaures, un bataillon du 3U léger et un escadron de cavalerie
de résorve, Il avait pour mission do s'avancer entre le Sahol et les Rharézas, do
pénétrer dans les bois et d'y détruire tous les repaires des Hadjoutesd.

A Nous reproduisons l'expression dont se servait lo maréchal Valéo dans son rapport. Los Hadjoules
sont effectivement la population la plus bolltquouso de lu plaine; t Mais, dit M. le commandant Pelllssler,
ttiioien directeur dos bureaux arabes, on a beaucoup exagéré leurs brigandages, Les Hadjoutes sont Dus,
indépendants,assoz disposés a fairo aontlr leur supériorité a leurs voisins \ ot pondant longtemps on leur
a exclusivement attribué tous les ravages qui so commettaient dans la Métidjah. Maintenant que nous los
connaissons mieux, Il ost sago do so mettre en garde contre cos.acousotlons exagérées. » Leur territoire)
était encore, H y a quelques années, fort beau ot parfaitement cultivé, co qui annônco des hubitudes d'ordre
ot de travail. Leur marché so tenait, tous les samedis, a tlaouch-el-Sebt, qui était autrefois lu résidence du
kaïd dd l'Oùtltant ou district du mûmo nom,
On volt sur ce torrltoiro, au sommet d'uno colline d'ot'ilo regard ombrasse lamor, uno pyramldo assois
élevée, connue dans lo pays sous lo nom do Tombeau de la chrétienne (Koubber-eMtouniia).Selon Marmol
Caravajul, ce monumont était la sépulture do Cava, fille du comto Jullon, Au commencement du vin' siècle,
époquo dû la domination des Goths sur l'Espagne, lciir roi Ilodérlo, qui prônait aussi lo titre do roi des
Humains, ayant violé la fille do co comte Julien, l'un do ses généraux, colut-cl, pour so venger, so créa dos
intelligences secrètes avec l'Iuirlk-Con-Zaïd,lieutenant do Mouça, ot lui offrit d'introduire les Arabes au
coeur do l'Espagne, Tharlk prit GOO cavaliers d'élite, et franchit avec eux sur quatre barques to détroit qui
sépare l'angor do la rivo opposée. A la tôto de cotte petite troupe, il ravagea les côtes do l'Andalousie, et
ropassa on Afrique, au mois do juillot 710, avoc un immonso butin ot do nombroux prisonniers. Au prlu»
temps dû l'année suivante, il reparut aveo 20,000 hommes, livra bataille à lîodôrlc, aux environs do Cadix,
auprès do la pellto villo de Xérès ot do la rivière Guadalèlo, fut vainqueur par la trahison du comto Julien, "
tua le roi des Ooths, ot, poursuivant soit triomphe, se rendit bientôt maître do touto l'Espagne.
Los traditions arabes signalent aussi t't ildouch-iïcn*0mar, dans le .Sitiiol, tes ruines antiques du palais
d'une princesse chrétienne, nppolco Metidja, et qui aurait donné son nom a la plaluo de Méildjah, On peut
choisir entra cotto tradition ot le réolt do Marmol, et supposer que lo Koubber'el'Roumla pourrait ôtra le
tombeau de la même personne.Quoiqu'il on soit, les Indigènes, passionnés pour lu merveilleux, croient
que ce monument renferme do grondes richesses, ot. nous trouvons a co sujet, dans lits Annales algériennes,
une légondo popululro qu'on nous saura gré do roprodutro.
Il y avait Jadis, ou pays des Hadjoutes, un certain Youssef-Uou'Kassem,riche ot heureux dans sa maison.
m L'AFRIQUE FRANÇAISE.
Au contro/lo général do Rumlgny, avoc trois bataillons do la douxièmo divi-
sion et doux oscadrons, devait appuyer le mouvement de M. de la Moricièro, e
prendre position au confluent do l'Oucd-Gor otdu Bou-Boumi.
Le maréchal Valéo so porta lui-même, avec la résorve, ontro la première et la
douxièmo division, pour envelopper lo bois des Kharézas, Il laissa le convoi au
champ de la Chiffa, sous la garde d'un bataillon du 24°.
Vers quatre heures, au moment où la réserve arrivait au centre du bois, toute

Sa femme était douce commo le miel, et blanche comme l'ôlollo du soir t. ses enfants étaient robustos et
soumis. Fatigué de sa vio paisible, Youssof voulut aller à la guorrej mats, malgré sa bravoure, U fut pris
par los chrétiens, qui lo conduisirent dans leur pays ot lo vendirent comme esolavo, Quolquo son maître le
troltiU sans inhumanité, son Ame était pleino do tristesse au souvenir de sa famille et des biens qu'il avait
perdus. — Un jour qu'il travaillait dans los champs, Il se sentit plus abattu qu'a l'ordinaire, et après avoir
terminé sa tache, U se coucha sous un arbre et s'abandonna aux plus douloureuses réflexions, « Hélas 1 so
disait-il, pondant quo jo cultivo loi los champsd'un maîtro, qui est-ce qui cultive los mleus ? Que deviennent
ma femme et mes enfants ? Suls-jo dono condamné à no plus los, revoir et a mourir dans' le pays des
infidèles?»
Commo il faisait entendre ces tristes plaintes, il vit venir à lui un homme grave, qui portait lo costume
dos savants et des hommes do prière parmi los chrétiens, Cet homme s'approcha ot lui dit i « Arabe, do
quollotribu es-tu?*- t Je suis Hadjouto,» répondit Ben-Kassom, — ce En co cas, roprlt lo chrétien, tu
dois connaître le Kotèber-eURoumla. »—« Si joie connais 1 a'éorla lo pauvre captif; hélas I ma ferme, où
j'ai laissé tous les objets do ma tendresse, n'est qu'à une heure de marcho do co monument. » — « Serais-
~
tu bien aise do lo revoir et do retourner au milieu dos tiens ?» « Pouvoz-voiis mo le demander? Mais A
quoi sert de faire des voeux quo rien no pout exaucer !» — « Jo lo puis, mol, repartit lo chrétien, Jo puis
Couvrir les sentiers do ta patrie, et lo rendro aux embrassomenlsde ta famille. Mais j'exige pour cela un
service, To sens-tu disposé a mo le rendre? » — * Parles!. Il n'est rien quo jo no fasso pour sortir de ma mal*
heureuse position! pourvu, toutefois, quo vous n'exigiez rien de mot qui puisse compromettre le salut do
mon âme. » — «No crains rien à cet égard, répliqua lo chrétien. Voici do quoi il s'agit, Je vais, do ce pas,
te racheter à ton maltro, et jo to fournirai les moyens do te rondro A Alger. Quand tu seras do retour cho?.
toi, tu passeras trois jours a to réjouir oveo ta famillo ot tes amis! ot te quatrième, tu to rendras auprès
du Koubber-obRoutnla.Tu allumeras un petit fou à sept pas du monumoiit, ot tu brûleras dans co fou lo
parchemin que jo vais to donner. Jure de faire co que Je te demande i ta liberté ost a co prix. »
Ben-Kussem prêta lo serment qu'exigeait le chrétien, Celui-ci lui remit un sachet couvert do earaotèros
magiques, dont il ne put connaître lo sens, Le même jour ta liberté lui fut rendue, ot son bienfaiteur te
conduisit dans un port de mer oïl il s'embarqua pour Algor. Il no resta que quelques Instants dans cotte
Villo, tant il avait hAte de rovolr sa femme et ses enfants, ot so rendit lo plus promptement possible dans
sa tribu, Je laisse t\ deviner la joie de sa famillo ot la sienne, Sos amis vinrent austd se réjouir avec lui, ot
pendant trois jours son haouch fut plolu de visiteurs.
La quatrième Jour, Il se rappela co qu'il avait promis i\ son libérateur, et s'aohomlna, dès l'aube, vers lo
Koubbor'OUnoUmla.Lit, Il alluma du feu,ot brûla lo parchemin, comme le chrétien to lui avait prescrit. A
peine la flammo eut-elle dévoré la domlèro parcelle de cot écrit, qu'il vit, avoo une surpriso Inexprimable,
des pièces d'or et d'argent sortir par milliers du monument, A travers los pierrest oh aurait dit une ruche
d'abeilles effrayées par quelque bruit inaccoutumé,Toutes ces pièces, après avoir tourbillonné ith instant
autour de la pyramldo, prenaient la direction du pays dos chrétiens aveo uno extrême rapidité, ot formant
une colonne d'uno longueur indéfinie, semblable a plusiours votées d'élourneaux, Ben-Kussem voyait toutes
ces rlchesBos passer au-dessus de sa tôto. Il sautait le plus qu'il pouvait, ot cherchait avec ses mains à on
saisir quelques faibles parties ; après s'ôtre épuise ainsi en vains efforts, il s'avisa d'ôler son bornons ot do
le jeter le plus haut possible. Cot expédient lut réussit, et il parvintA faire tomber Ascs pieds une vingtaine
de pièces d'or ot une contalno de pièces d'argent. Mois A peine cas pièces euréttt-eltos touché le Sol, qu'il
no sortit plus do pièces nouvelles, ot que tout rentra dans l'ordre ordinaire,
Ben-Kassom ne confia cette aventure qu'A quelques amis. Cependant,le bruit on arriva jusqu'aux oreilles
du Paohn, qui envoya des ouvrierspour démolir lo Koubber-ûl-lloumla,afin de s'emparerdôsrlehessesqu'il ren-
fermait encore, Ceux-ci so mirent A l'ctmvre avec beaucoup d'ardeur f mais aux premiers coups do marteau, un
fantôme, sotis la forme d'une fomme, parut au sommet de la pyramide, et s'écria ! « Alloulah, Altoutah,
viens A mon secours l » Aussitôt des moustiques énormes, aussi gros quo dos rais, sortiront du lac voisin,
et mirent en fuite les ouvriers par leurs cruelles piqûres, Depuis to Jour-IA, toutes los tentatives que l'on
a faites pour ouvrir lo Kotibber-et-ltoumlu ont été Infructueuses, ot les savants ont déclaré qu'il n'y a qu'un
chrétien qui puisse s'emparer dos trésors qu'il renferme,
Telle est, dans ioulo sa naïveté, la légende algérienne. Nous n'engageonspersonne à démolir lo kottbber*
el-Roumla; mais nous léguons aux archéologues présents et futurs le soin do retrouver son histoire.
LIVRE SIXIÈME. m
la cavalorio de M'Barek, khalifa do Milianah, déboucha par la gorge de l'O.ued-
Gor, et so déploya parallèlement à notre flanc'.gaucho. L'arméo était alors pres-
que entièrementréunie ; le maréchalordonna do marcher a l'ennemi, quoiqu'il
fût déjà tard, et do l'aborder vigoureusement. Les troupes so formeront à gaucho
en bataille; la réserve se plaça outre los première ot deuxième divisions; et la
colonne de la Moricière, qui était dans le bois, vint prendre position on arrière
de la division Rumigny,
Le Prince Royal «averti quo lo maréchal voulait déborder Pomiomi par ses deux
ailos, et le rejeter sur les montagnes do Mouzuïa, était déjà on marche dans la
direction de la gorge do l'Ouod-Gor. Dès qu'il fut à portée des Arabes, il les lit
charger pur un escadron de chasseurs d'Afrique, à la tôto'duquel-marchait,
S. A. R. Mgr lo ducd'Aumale. L'ennonii fut refoulé,dès le premier choc,'sur'
lu rive gaucho do l'Oued-Gcr. La cavulerio, suiviodo près par l'infanterie, passa
la rivière, et se porta rapidement en avant. Notro aile droite se trouvait alors à
hautolir ot à peu do distance do la gorge de l'O.ucd-Cer.-Lo corps du général
Schramm, composé do la dcuxièmo division, do la réservo et do la colonne la
Moricièro, et qui avait servi do pivot au changement de front do l'armée» devint
aile marchante-a son lour, Cet officier général lança contro "l'ennemi lo .Ie»' ré-
giment do marcho, qui culbuta la cavalerie arabe; après un engagement très-
vif, l'ennemi recula jusqu'au pied dos hauteurs do l'Afroun, où le khalifa do
Milianah avait établi son camp. Le maréchal Valéo, pressant alors le mouve-
ment do l'infantorio, quoiqu'il fût déjà six heures du soir, dirigea lo Princo
Royal sur la gaucho des Arabes, 'pondant quo le 17° léger abordait lo contre do
lu position, et quo le général Blanquefort, avec les zouaves, reprenait l'offensive.
Kn arrivant au pied des montagnes, l'infanterie jota sos sacs il terre; la charge
battit sur toute la ligne, et l'ennemi fut attaqué à l'armo bluncho, avec un toi
élan, que, malgré les difficultés du terrain, la cavalerie arriva on môme tomps
que l'infantorio sur les crêtes do l'Afroun. Les Arabes furent renversés dans la
vallée du Bou-Roumi, et la nuit seule arrôta notre poursuite. Nous n'avions
perdu dans cotte afl'airo que G hommos tués et .'10 blessés; parmi ces derniers
so trouvait lo bravo colonel Mlltgen, dos chasseurs, qui succomba quelques
jours après. Les trouiies, fatiguées pur.ûno marche de seize heures, s'établiront
dans le cump arabe.
Le 28, l'ennemi avait complètement disparu par la vallée de..l'Ouod-Gor. Lo
29, lo maréchal Valée quitta l'Afroun à six heures du malin, La division d'Or-
léans formuit l'avant-gardo. Vers neuf heures, on aperçut un corps de cavalorio
arabe qui so replia sans engager lo combat; des forces considérables nous at-
tendaient plus loin. Le Prince Royal Ut déployer sa division sur deux lignes, et
pou à peu toutes les troupes d'Abd-el-Rader se montrèrent dans la direction do
l'ouest. Vers midi, on fut en présence; lo maréchal ordonna une Italie pour -
observer tes mouvements des Arabes. La cavalerie de l'émir se réunit en masse,
exécuta uno manoeuvre par sa -gauche').pi se prolongea, a.uno. lieue environ de
nous, entre notre flanc droit et lo lacAllouluh. Dès que ce mouvement fut pro-
noncé, l'armée fit face en arrière, et marcha è l'ennemi, les divisions niarcliant
en échelons do manière h occuper touto la plaine, Le 17° léger, qui avait été
d'urriyro-gaixio depuis le mutin, forma le premier échelon ; appuyé par la cava-
3ÀG L'AFRIQUE FRANÇAISE,
lorie do réserve, il èiit ordre do se rapprocher dès indntâghosj d'en occuper les
premières crêtes, et do gagntii' avant les Arabes là goi'gb do l'OOed-Goï. Lo gé-
néral Schralnm, qui commandait, comme lo 27} Uti corps composéde la 2é divi-
sion et do la résorVd, fit appuyoi1 le hibUVonioht put- les iroulies du géiléi'al do
Rumigny, qui formèrent je deuxièfiio échelon, cil môme tehipë que le Prince
Royal se portait rapidement sur 10 lac Âlloiilah, dansi l'espoir d'atteindre là ca-
valorio arabo sur ses bords, et de lui fairo éprouver dés pertes considérables.
Mais lés Arabes marchèrent si précipitamment, Cl la première division était si
éloignée du lut, qu'il fut impossible de1 les joindre. Abd-el-Radcr passa devant
nous u une grande distante, ot se prolongea ensuite du nord au sud, dans la
direction do la goi'go do l'Oued-Gor, Lit tête de la eolohnc y arriva au montent
oïl lo 17° léger couronnait les hauteurs. Le général Sohrumm fit atlttquor ^en-
nemi par co régiment; toute kl cavalerie arabe essaya du so jeter sur ce corps
et sur quelques escadrons des réginionls do marcho qui avaiont appuyé son
mouvement; mais elle fut culbutée, et la 2° division, eittrunt eti ligne, refoula
ses masses sur la rive droite do. l'Oued-Ger. Adb-ol-Radcr so i'etli'à dans1 la di-
rection do la Chill'a ; l'arhiéo s'arrêta. •
Dans la nuit du 29 au «0, lo maréchal rol,Htt de Blidah une dépêche télégra-
phique venant d'Alger, ot qui diindiiçail l'atlaque de Chorcholl bar des forces
nombreuses. D'autres avis liiiapprirent que toute l'infanterie régulière do Pdm|r
UVItit pris position ait col do Mduzaïah et s'y était fortifiée. Voyant que les ten-
tatives do l'ennemi so liortaiontsur la province d'Algor, lo maréchal, après avoir
pris l'avis de Mgr le dued'drléahs, résolut d'attaquer le ebl, afin do déconcerter
lëë projets do l'ennemi par un'coup do vigueur. Mais,avaiit tout, il Voulut dé-
gftgor Ctierclioll et appeler a lui und partio des troupes momentanément inu-
tiles datis la provinco d'Oran, ou régnait uno parfaito tranquillité. Renvoya au
général Guéhénouc l'ordre do faire marcher sur Cherctiell trois bataillons dd sa
division, et prescrivit à l'Intendance do 1 arméo do diriger oh même temps sur
celte placo 100,000 rations pour on opérer le ravitaillement. En attendant que
cos ordres fussent exécutés, il décida la construction d'uti canin a la i'ornio do
MoUMah, pour contenir lo matériel ot les approvisionnements destinés a l'oc-
cupation de Médéah. Pondant co temps, il comptait tenir en échec la cavalerie
arabe, qui ne pouvait, faute de vivres,' tenir longtemps lu campagne;
Le 30 avril, h.sept heures du hiatiii, l'armée quitta son bivouac do Fum-
Oued-GoiV et se dirigea stir le gdé qui se trouve auprès de Haouch-R'ndri.
Après avoir traversé la rivière, lo Prince Royal forma sa division sui' la rive
droite, pour protéger le passage du convoi et la 2° division que l'ennemi se
,
préparait u attaquer» Un engagement très-vif cul lieu, en effet, quelques mo-
ments après; les Arabes rju lavaient campé dans le hok* de Khuréfcas, et tous les
cavaliers arrivant do l'ouest, so ruèrent sur les troupes du général do Rumigny;
le combat fut soutenu avec une énergie remarquable; un balulllutt de la légion
étrangère, contre lequel l'ohnenii s'acharnait particulièrement, repoussa cet as-
saut avec un sang-froid digue d'éloges; un très-grand nombre de cavaliers fu-
rent tuéa ou blossés par lo feu do co corps, qui passu la rivière lo dernier. Dès les
premiers moments do l'afiaire, le maréchal avait arrêté la marcho de la colonne,
et déployé lo (7° léger sur la gaucho, pendant quo' te Prince Royul prenait posi-
LIVRE SIXIEME, 347
tlpn, sur Ipfjanp droit. I/ongqgomontdura doux heures, ot los Arabes s'éloigne-
ront nvec dos portes sensibles.
L'armée pas,sa la nuit sur lo Bou-Rouml, a uno lipuo du champ do bataille Lo
1e»' mai, ollo arrivait, i\ midi, sur lo camp de la Ghifl'a, oh. ello fut arrôléo par un
parti considérable de cavalerie, en tête duquel marchait Abd-pl-Kador. Lo Prince
Hoyal, iiyant on seconde Hgno la cavalerie do réserve, chargea l'pnnomi, qui
ne
soutint pas. }o choc do nos bataillons, pne partio do la journée du 2 fut em-
plpyéo à éyacuer sur Blidah les malades ot los blessés ; après cotto opération,
l'arméo vjnt s'établir a la formo do Mpu/.aïah, ou; furent immédiatement com-<
moneps les travaux d'élargj.ssoment et do fortification. Lo 4, lo maréchal so
porta sur la ChilTa, on laissant auponip un bataillon du 48° ot les sapeurs du
génie. La cavaloyio arubo vint attaquor l'urrièro-goido formée par la division
d'Orléans. S. A. R. prit position, otjos y.ouaVos culbutèrent les, assaillants, quo
quelques obus achevèrent do disperser. Le bivouac, fut établi lo soir au bord de
larivièrp,
Lo B mai» arriva un convoi do matériel destiné pour Médéah. Los travaux du
camp do Mouzaïah étant très-avancés lo G, lemaréchal y laissa tous jos.appro-
visionnements de l'arméo, ot so porta, lo 7, sur le Bordj-ol-Arbah, pt, le 8, sur
Chercho}l, Au passago do l'Oucd-Nador, un engagomont eut lieu avec les cava-
liers arabes qui suivaient nos mouvements ; mais lo feu do l'arlil|orjo les con-
tint, o| la colon ne attoignit sans obstacle les bords do l'Ouecj-el-IIacheui, dont
la boi'go opposéq et fprt escarpée était garnie par uno'"mosso do Rebaïles. Lo
Princpjioya! prpsprjyit au général.-|)uvivler. do les l'ujro attaquer, par la droite et
par la gauche. Quatre compagnies du 2" léger enlevèrent Cette position avec
beaucoup d'élan ; mais lorsque co détachement eut dépassé la première crête, if
fut chargé avec fureur par les Rebaïles, qui so formèrent on donil-cerclo pour
l'envolopper, Lo colonel Changuriiier fit niettro les sacs h terro et pla^a son dé-
tachement derrière la crête du mamelon; au moment oit les montagnards al-
laient gagner lo plalcau, col officier supérieur fit sonner la charge ; on se baltil
îi la baïonnette, corps h corps, et, après une lutlo acharnée, l'avantage nous res-
tait déjà, lorsque cinq compagnies du 23% commandées par le colonel Gttos-
wlllor, vinrent compléter ce succès, qui mit une fois de plus on relief la bril-
lante vnleuiulu bravo Changarnior.
Pondant quo l'avant-garde se trouvait aux prises, 1-ennomi harcelait nos der-
rières; mais, malgré son ardeur, nous no perdîmes que B2 hommps tués ou bles-
sés. L'armée arriva,, lo 0, devant Cliercbell, que lo chef do bataillon Cavaignae
avait éliei'giquement défendue pendant six -jours. 1 L'ennemi s'élait retiré, los
travaux de fortification, bleu dirigés par cet officier supérieur, pouvaippl défier
toute attaque nouvelle; et le maréchal Valée, pressé de se rendre nu col do
Mouzuïahjsc remit on route le 10, a la pointe du jour, enimepaiit avec lui -
2,000 hommes des reiilbrls venus d'Oran.
Après plusieurs combats partiels, la colonne.So. retrouva, vers cinq heures du
soir, ti soii ancienne position do Boi'dj-el-Arbah. Le lendemain, elle rentra au
camp de ritaouch-Mou/aïaii sans tirer un coup de fusil, Des ordres furent (loin
nés aussitôt pour que le passage de l'Atlas pût être opéré le 12»,
t Lo not de Mouzh'Wh se trouva ddlia un enfoncement dn fit ehallto principale, a peu de dlalanco d'il»
S/18 L'AFRIQUE'FRANÇAISE.
Le PrinceRoyal réclama l'honneur d'onlovor cotto formldablo position. Sa di-
vision fut augmentée do trois bataillons; lo rosto do la 2° division otlo 17« lé-
ger formèrent une réserve prêle à soutonir au besoin la lro. La cavalerie,
inutile on cette circonstance, devait rester au camp do Mouzaïah, oh tous les
préparatifs étaient faits pour recevoir nos blessés.
Le plan d'attaque était dicté par la nature du terrain. L'occupation du piton
do Mouzaïah était indispensable; il fallait y arriver par la gaucho, de manière
a protéger la marcho do la eolonno qui suivrait la routo; mais il n'était pas
moins nécessaire de soutenir cet assaut en faisant débordor par la droite los
positions des Arabes, c'ost-à-diro on portant dos troupes sur la crôto par uno des
arêtes qui pronnont naissanco au sud-ouest du pilon.
Mgr lo duc d'Orléans forma sa division sur trois colonnes ; collo de gaucho,
commandéo par lo général Duvivicr, et forte do 1,700 hommes, était composée
do deux bataillons du 2° léger, d'un bataillon du 24° ot d'un bataillon du 41°.
Ello avait pour mission d'attaquer lo piton par la gaucho, et do s'emparer do
tous les retranchements quo les Arabes y avaient élevés. —La seconde eolonno,
sous les ordres du colonel do la Moricièro, comptaitdoux batuillons do zouaves,
un bataillon do tirailleurs et un bataillon du 15° léger, on tout 1,800 hommes.
Elle devait, dès quo lo mouvement do la gaucho serait prononcé, gravir par uno
arête do droite, afin do prendre a rovers les retranchements, et se prolonger
onsuito jusqu'au col. — La troisièmo colonne, conduite par lo général d'Houde-
tot, formée du 23° do ligne ot d'un bataillon du 48°, était dostinéo h. aborder lo
col do front, dès quo lo mouvement par la gaucho aurait chassé l'onnomi dos

piton élevé qui domine au loin la position. Tl no peut être abordé do front, et lors môme qu'on pourrait y
arrlvor, il ost tellement surplombé par des roches à pie qu'il soralt Impossible de s'y maintenir, La route
qui y conduit, construite en lbBO par lo maréchal Clauzel, suit d'abord uno arôle qui so dirige du sud au
nord, et qui permet d'arriver sans de grandes difficultés jusqu'au tiers do lu hauteur. La route so développe
ensuito jusqu'au col sur le versant occidental do la montagne, on contournant plusieurs arêtest elle est
dominée constamment par les crêtes qui se rattachent d'un côté au piton do Mouzaïah, ot do l'antre au col
lui-même. A droite de la routo se trouve un profond ravin qui prend naissanco au col, et dont la borgo
occidentale, extrêmement tourmentée, nopotitôlro abordée sans do grands dangers, Â l'ouest du col, ta
chaîne se bifurque, s'abaisse et se rattache, par une arôto pou élevée, au territoire de Dou-Alonan,
Le col n'estdono évidemment abordable, en venant de ta ferme de Mouzaïah, que par la crâto orientale,
dominée tout entière) par lo piton de Mouzaïah. Abd-el-Kader, depuis six mots, avait fait exécuter do grands
travaux pour te rendre Inattaquablei un grand nombre de redoutes, reliées entre elles par des bronches dé
retranchement, couronnaient tous les saillants do la position ; ot sur le point lo plus élevé du piton, un
réduit presque Inabordable avait été construit j d'autres ouvrages sa développaient ensuite sur ta crête
jusqu'au col. Les arêtes que ta routo contourne avaient été également couronnées par des redoutes, et le
col lui-même avait été armé do plusieurs batteries, Enfin, l'émir avait réuni sur co point toutes ses troupos
régulières, Los bataillons d infanterie de Médéah, de Milianah, do Masltara ot do Sobaou ovulent été appelés
à la défense du passage,', al les Kobaïles do toutes les tribus des provinces d'Algor ot do Titteri avalent été
convoqués pour couvrir cette position, regardée commo la plus redoutablo ot la plus importante do
l'Algérie,
En présence d'une armée européenne » on eut fait une feule gravo en attaquant do front dos obslaclos
aussi périlleux, 11 eut été plus sage du prolonger lo mouvement dos troupes par ta droite Jusqu'au point le
moins élevé de la chaîne, ot de tourner les hauteurs de MoUzttïah, soit pour so porter directement sur
Médéah, soit pour aborder le cot par la crête lu moins élevée, Mais dans las circonstances où 11 se trouvait
placé, en foco d'onnemls très-bravo», mats sans discipline, sans tactique, sans notions do l'art do In guerre,
le maréchal Valée devait frapper un coup décisif, pour semer lu découragement dans les masses arabe*,
en leur prouvant combien la supériorité du savoir ot l'énergie Intelligente peuvent l'emporter sur le
nombre, D'ailleurs, toutes les ressources d'Abd-ol-Ktidorétant concentrées sur co point, Une éclatante vie*
tolro nous ouvrait ta routo do Médéah, portait au loin la terreur de nos armes, ot détruisait le proMl^o
exercé par l'émir, sur toutes los tribus dont les contingents marchaient sous sos drapeaux,
LIVRE SIXIEME. 3/i9

crêtes.—- La 2e division et lo 17e léger devaient soutenir la l™, protéger l'artil-


lerie qui suivrait la roiite, et repousser los attaquos que les Kobaïles tenteraient
probablement Sur nos derrières.
Lo 12 mai,-a quatre heures du matin, dès que lo général de Rumigny out
couronné lo mamelon qui domino l'entrée do la routo, lo Prince Royal so mit on
marche. Les Arabes n'opposèrent aucune résistanco jusqu'au plateau situé ù la
naissanco de l'arête. On apercevait distinctement, sur les hauteurs, les inouve-
monts des troupos d'Abd-ol-Koder. Do tons les points de l'horizon, ses batail-
lons réguliers ot do nombreux détachements kobaïles arrivaient dans les retran-
chements ; oty malgré la distance a laquolle nous nous trouvions, il était facile
do voir qu'ils, so préparaient a un rude combat. A midi et demi, lo Princo
Royal fit fairo lêto do colonne a gaucho au général DuviviOr. Les soldats s'éle-
vèrent vers le piton de Mouzaïah par un terrain d'un accès extrêmement diffi-
cile, ot sur lequel ils no pouvaient souvent cheminer qu'en s'accrochent des
pieds et des mains aux broussailles, (le fut un solennel moment que celui où
ces braves, dont un si grand nombre no devaient pas revenir, s'éloignèrent do
nous pour accomplir uno des actions de guerre les plus brillantes do nos an-
nales d'Afrique. Dès que celte colonne commença u gravir les pentes du piton,
elle fut accueillie par une vivo fusillade qui la prenait de front et en flanc. Los
Kobaïles étaient embusqués derrière les roches presque à pic sur lesquelles il
fallait monter; ils avaiont profité, avec une.'remarquable intelligence, pour ca-
cher leurs tirailleurs, des ravins infranchissables quo présente lo sol, ot ils
avaient construit trois -retranchements successifs dont les parapets étalent gar-
nis do défenseurs, Le général Duvivior fit rapidement avancer vors la crête h
gauche du piton, sans s'inquiéter des retranchements, qui furent débordés ot
enlevés par ses fluiiqueurs, pendant quela colonne, profitant du passage d'un
nuage qui' empêchait l'ennemi do l'apercevoir, fit une halle de quelques in-
stants. Kilo continua ensuite son mouvement, et,; on sortant du nuage, elle
essuya, a demi-portée, le feu de trois autres retranchenienls se dominant outre
eux, et dont lo dernier était protégé par un réduit et se reliait uu sommet du
pic, oh se trouvait Un 'bataillon régulier. Le 2e léger, éleclrisê par l'exemple do
ses officiers et la vigueur.du colonel (îhnngaruier, se précipita suivies retran-
chements et les enleva en uu clin «l'oeil. Les Arabes (fui occupaient le pic vou-
lurent leliler un reloUt' offensif; niais, abordés eux-mêmes avec furie, ils furent
précipités dans les ravins, et le drapeau du 2e tlotta glorieusement sut' la plus
baille cime de l'Atlas, Le général Ditvivier échelonna slir la route qu'il Venait
do. parcourir les bataillons du 2'<e et du 41°, ot-porta le 2° léger dans la direc-
' lion du col.
.

Pendant ce combat, le Prince Royal avançait avec les deux autres colonnes,
A trois heures, on atteignit un crête boisée qui prenait naissance à droite du-
piton, et que dut gravir la 2* colonne, (ïetto escalade,., exécutée par le colonel de'
la Moricièro, fut un 'moment .compromise au .'pied d'un rolraiicltcntotit dominé'
par un plateau de roches h pic d'otVpurtalt. un feu terrible;-on"mil un.moment
il'anxlélé, mais qui cessa bien vile pat' l'arrivée du 2" léger sur les derrières do
l'ennemi ; les zouaves s'élancèrent dans la redoute, oiV tout lut massacre, et
quelques minutes après les deux colonnes liront leur jonction au point oh l'a-*
360 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
rôle qu'avait suivie M. do la Moricièro se détache do la chaîne, Los troupes dos
divers corps se précipitèronf à la poursuite des fuyards, en sp dirigeant vprs lo
col, au milieu d'accidents do terrain prosquo infranchissables.
Dos quo la 2° colonne oui accompli sa mission lo Princo Royal marcha vers
,
le col avec le 23° ot lo 48°. L'onnomi lontade l'arrêter en démasquant a l'ouest
uno batterie qui battaitd'écharpe la direction do la routo. Lo maréchal Valéo
fit avancer aussitôt uno contro-batterio qui éteignit le feu des Arabes. Algr lo
duc d'Orléans, lançant aussitôt un bataillon du 23e en tirailleurs sur la gaucho,
so porta'a la tôto dos doux autres droit au col, qu'il atteignit au moment mémo
oti la colonne do gaucho, qui avait marché ù sa hauteur, couronnait los crêtes.
Mgr lo duc d'Aumalo, qui s'était déjà fait ' remarquer dans plusiours occasions
par son joune et brillant courago, voyant quo lo colonol Guoswiller avait peine
à suivre cotto marcho rapide, so jota à bas do'son cheval, força le colonel de lo
prendre, courut u la tôfe dos grenadiers, et arriva un dos promiors sur lo col.
Le Prince Royal fit alors poursuivro l'ennemi par les trois colonnes réunies.
Los réguliers d'Abd-ol-Kudor so retireront du côté do Milianah, et les Kobaïles
disparurent h travers les anfracluosités dos montagnes,
La prise du col fut un beau spectacle l Quelques officiers pleuraient de joie.
L'écho de l'Atlas répétait les cris des vainqueurs, et le glorieux drapeau do la
Franco flottait avec orgueil sur co pic tout a Phoii.ro si menaçant, dans cos re-
doutes meurtrières oh tant do sang avait coulé. L'infanterio do la division d'Or-
léans avait perdu plus do 280 liommos; lo général do Rumigny était blessé ; le
général Marbot, atde-de-camp du Princo Royal, et lo chef de bataillon Grosbon,
dos tirailleurs, l'étaient également, Lo colonel Ohangarnier avait reçu sept
balles dans sos vêtements,
Malgré leur défaite, los Arabes n'étaient pas découragés; et quand l'armée
out consacré quatre jours u fortifier lo col, ot il rondro le chemin pratica-
ble, ollo trouva l'onnomi rallié dans lo grand bois d'oliviers quo franchit la
route do Médéah, au pied du versant méridional do l'Atlas; il fallut l'en débus-
quer dans la journée du .16. On le vit oncoro, lo 17, prendre position à une
petite distance de Médéah, dont il ne disputa pourtant pas l'entrée, et quo nous
trouvâmes complètement évacuée. Une garnison do 2,400 hommes y fut laissée,
et lo rosto du corps expéditionnaire commença, le 20, son mouvement do re-
traite. Los Arabes s'étaient reportés sur lu route do Milianah, prévoyant quo
l'arméo française continuerait sos manoeuvres de co côté; mais la possibilité do
notro retour vers la base dos opérations no leur avait sans douto pas échappé,
car on los retrouva, commo par enchantement, sur notre passage.
L'infanterie ne comptait plus que 11,000 baïonnettes. Cinq bataillons for-
maient l'avant-garde, sous le commandement du Princo Royal; l'urrièrc-gardo
on avait quatre. Entre tes deux marctiaiont la cavalerie ot l'immense convoi
des subsistances ot des bagages. Arrivée au bois des Oliviers, l'avant-gardo
couronne rapidement toutes les hauteurs en avant dos passages difficiles par
oh le convoi doit défiler et so masser, ot laisse un bataillon pour protéger au
besoin la queue do la colonne. Rientôt, le convoi so trouvo engagé dans les
défilés dos mines do cuivre, oh lo passage n'est llbro quo pour un homme ou
un cheval. Ace moment, l'orrière-gardo, qui avait été inquiétée, dès le matin,
LIVRE SIXIEME. 361

par Un fdrt parti do cavalerie, est do nouveau attaquée par trois bataillons do
réguliers et 2,000 cavaliers, qui, arrivés sur le terrai n au galop, mettent pied
a terres se jettent on avant do l'infanterie ot commencent :iui combat furieux
contro los nôtres. Jamais on n'avait vu les Arabes déployer uu tel acharnement,
ni vendre si chèrement leur vie. Ils défendent, reprennent, perdent do nouveau,
Occupent une seconde fois a la baïonnette toutes les positions attuiiuéos par
nous, et que nous n'emportons a la fin qu'on les couvrant do cadavres. L'achar-
nement do co combat fut tel, qu'une fois à terre, les blessés français et arabes se
jetaient dos pierres. Le 17°-léger ot lo 48° déploient une valeur admirable. Le
2° bataillon des zouaVos, envoyé eu secours do l'arrière-garde, se jotto sur le
flanc des réguliers qui menacent le convoi, et leur fait un mal affreux.-'Lo-
Princo Royal ordonnée ses quutro bataillons de se prolonger en arrière, le long-
dos crêtes qu'il avait fait garnir, et lo plus possible dansla direction de l'arrière-
garde, sans trop affaiblir toutefois les positions .qu'ils' occupent en avant ot tout
autour du Convois Enfin, par un dernier effort dos braves engagés dans ce com-
bat, un champ do bataille jonché do morts"et baigné du sang le plus généreux
reste décidément ttux Français '. Mais il fallait coin p 1er ses perles; depuis, l'ou-
Verturodo la campagne, l'armée n'en avait pas subi do plus doulourottses : 140
tués et 212 blessés, prosquo tous mortellement 1 Ge fut, toutefois, notre dernièro
lutte, et la colonne avait regagné, le 21, la ferme de Mouzaïah.
Le 27 du niôhïe mois, le"duc d'Orléans quitta de nouveau l'Algérie, qu'il no
devait pllts ïeVoiri Mais il venait d'accomplii' une belle mission. : son jeune
frèrd Venait d'illustrer, sous ses yeuxv sa première campagne. Le baptême do
feu, coiiSdcré parmi des plus périlleux faits'd'amies dont l'Afriquo ait été le
théatro, Vouait u l'amour de l'arméo lo troisième enfant royal dont la victoire
avait écrit lo nom sur les drapeaux do la patrie. '
Malgré notre démonstration vers l'est avant l'entrée en campagne, les troupes
do Don-Salem, khalifa do l'émir, avalent, dans lu nuitdu27uu28 avril, traversé
l'Ouod-IIaratch, et ou point du jour qiloiquos-uns do leurs cavaliers s'étaient
présentés aux., environs do Rir-Khadom. Les Arabes/ vivement repoussés du Sa-
hcl, se dirigèrent sur la Maison*Gari*éo pour attaquer les Arlbs, nos alliés. là
encore ils furent forcés do se rotirei'.
Api'ès lo chdtiino.nl de la tribu des Huraktas, une diversion dans l'est, pen-
dant que nos troupes marcheraient sur Médéah, avait paru nécessaire. D'un
autre côté, notre khalifa de la -Medjanah, Mohanimed-el-Mokrani,étant toujours
inquiété par Don-Omar, lieutenant d'Abd-el-Kuderj il 'importait également d'al-
ler le rassurer, lîiie colonne, organisée au camp de Sétlf, fut dirigéoj le 11 mui|
sui'la roule do Zamorah et do Dougioj et arriva a Aïn-Turk, il sept lieues do
8êttfi Le catiipj qui fut établi sur ce point, eut, pendant plusiours jours, h ro-*
pousser diverses attaques qui demeurèrent impuissantes*
Dans lo corde de l'Edoiigh, aux environs de Hoiio, les Kobaïles se jnou-
* Lo colonel îledeau, du 17* léger, boitant d'une blessure qu'il avait reçue quelque!» Jours auparavant, lo
no/, mutilé par uno balle qui venait do i'ujloliidro, lo visage Inonda do sang, était resté debout au milieu
do sos intrépides tirailleurs,qu'il animait encore de la voix ot du gcBlo. Plusieurs ibis 11 les ramena cï i'armo
blanche sur tes Arabes, dont il fit un grand carnuge, l'hisullo, lo combat iiiil, il présida de sa personne a
l'ehlôvomont des blessés,; lit emporter sur les épaules des soldats lo quart do son beau régiment couché A
terre, 6t n'abandonna ni un blessé ni iui mort, Quutici tout fut sauvé, il songea tUo foire panser,
352 L'AFRIQUE FRANÇAISE,
traient disposés à uu rapprochement; c'est ainsi que ceux do Kollo étalent ve-
nus, pou auparavant, portor lour soumission h Constantino; et en juin, ceux
qu'Abd-ol-Kodor avait entraînés sous ses drapeaux so rangcaiont sous l'autorité
do notro khalifa do la Modjanah.
Dans la provinco d'Oran, Bou-Humocli, khalifa d'Abd-ol-Kador, faisait do
vaines efforts contro les tribus qui nous étaient soumises, et contre Jo camp do
Bridia. Après plusiours attaques, dans lesquelles il fut ropoussé avec porto, du
14 au 28 mai, et du 1er au 14 juin, il dut renoncer a ses entreprises et so retirer,
Pour complétor los opérations projotéos pondant la campagno du printemps,
il restait, après la prise do Médéah, à occuper Milianah, situéo plus avant à
l'ouost dans l'ancienno provinco do Tittori, ot dont la possession devait plus
tard faciliter nos opérations dans la valléo du Ghéliff, LL. AA, RR, MMgrs les
ducs d'Orléans otd'Aumalo, qui avaiont si glorieusement partagé los dangers et
les fatigues de l'oxpédition do Médéah, no dovaiont point prendre part à cette
nouvello campagno; ils repartaient pour la Franco le 27 mai. Mais avant do
s'éloignor des braves pour lesquels la présonco d'un prince était un gago do
triomphe, le duc d'Orléans adressa do Blidah, aux troupes do sa division, un
ordro du jour dans lequel il lour exprimait, avec cetto élévation do pensée et
cette grâce qu'il apportait dans tout, sa noblo satisfaction ot sos touchantes
sympathios,
Pendant les préparatifs do l'expédition do Milianah, Abd-ol-Kador combinait
do nouveaux moyens do défense. Bon-Saiem, khalifa de Sobaou, dut rester dans
l'est d'Alger ; El-Berkani, khalifa do Médéah, fut chargé do surveillor la popu-
lation émigrée de cotto ville, pour l'empêcher d'y rentrer. Sidi-Mohammod, kha-
lifu do Milianah, campa ontro cette villo ot lo Ghéliff, avec ordre do suivro tous
nos mouvements; ontin, Mustapha-Ren-Tami, khalifa de Maskara, occupa lo
pont du Ghéliff, Tous cos lieutenants do l'émir, ayant chacun, indépendamment
d'autres troupos, un bataillon régulier, reçurent pour mission do s'opposor au
ravitaillement do Médéah ot à la prise do Milianah,
Dans les promiors jours de juin, 10,000 hommes étaiont réunis à Blidah, Lo
8, la colonne so mit on marcho, et cetto fois elle se dirigea par lo torritoiro des
Beni-Monad, sur lo col do Gontas, qu'olle franchit lo 7. La veille, un léger en-
gagement avait eu lieu avec les Kobaïles, Lo 8, on était on vue do Milianah,
d'où s'élevait un nuago do fuméo, signodo l'incendie allumé par l'onnomi,
mais qui no fit houreusomont quo pou do ravages. Touto la cavalorio do l'émir
paraissait réunie dans la plaine; ello so retira aux promiors coups do canon,
et Milianah fut occupée lo soir même. La villo fut trouvéo déserte, commo Ghor-
chell ot Médéah. Oh employa trois jours à la mettre' en état de défense et à' pré-
parer l'installation do la garnison, qui se composa de deux bataillons. Lo 12, le
corps expéditionnaire commença son mouvement do retraite; les Arabes, ayant
pour auxiliaires los Kebaïles des montagnes voisines, tentèrent do disputer lo
passage ; nos troupos les repoussèrent devant elles, pondant quo l'arrièro-gardo
leur tenait têto, L'arméo marchait parallèlement a la chaînodos montagnes, so
dirigeant sur le col do Mouzaïah, par lequel, après s'êtro mise on communica-
tion avec Médéah, elle dovait rodoscondro dans la plaine. Les Arabes no ces-
saient do la suivre, Lo iS, on marcha sur lo col de Mouzaïah, Les attaques do
LIVRE SIXIEME. 353
l'onnomi et principalement dos bataillons réguliers de l'émir furent très-vives
et les engagements meurtriers. On so battit do part et d'autre avec acharne-
mont; mais l'impétuosité do nos soldais et le feu bioh dirigé do notre nrtillorio
jetèront à la fin lo désordre au soin do cos masses confuses et indisciplinées.
Nous comptâmes do notro côté 32 morts et 300 blessés ; niais la porte do l'on-
nomi fut plus considérable ; on l'évalue" à 1,000 tués et à un nombre égal
d'hommes hors do combat.
Lo col demeura fortement occupé, pondant quo lo convoi do nos blessés était
dirigé sur BJidah, ot qu'on faisait venir do la formo do Mouzaïah, oh ils avaiont
été réunis, los approvisionnements destinés au ravitaillement do Médéah, Tout
étant prêt le 20, lo corps expéditionnaire so porta sur cetto ville, où il arriva vers
midi. L'onnomi so montra do nouveau, muis on petit nombre, et borna sos leu-
tativos a quelques tiraillements sur l'arrière-garde,
Pendant quo lo maréchal Valéo s'occupait d'assurer la défense de Médéah,
6,000 hommes étaiont envoyés ù Milianah pour compléter l'approvisionnement
do cette possession, et pour faire en route lo plus, do mal possible aux Arabes.
Le 23, cotto colonne, aux ordres du général Ghangarnier, communiqua avec
lo commandant supérieur do Milianah, qui était venu au devant du convoi. Une
attaque conduite par l'émir on porsonno à la tête do touto sa cavalorio, fut re-
foulée avec plein succès. Le 24, uno masso do cavaliers était encoro on vuo,
au momontou M. Changarnier se portait sur la rivo gauche du Ghéliff; mais cette
fois, nos adversaires so tinrent hors do portée, Lo 25, l'arrière-garde fut légè-
rement inquiétée; le 26, la colonne, rovonuo au pied du Djebel-Nador, fut ro-
jointo par lo maréchal Valéo; ot lo 30, un nouveau convoi, tiré do Blidah, put
ontror sans encombre dans Médéah,
Les chaleurs no permettant guèro alors de continuer les opérations dans la
provinco de Tittori, lo gouvornour général-so disposa à ramoner ses troupes fa-
tiguées sur lo territoire d'Algor ; mais avant d'y rentrer, il fit exécuter une
sanglante razzia sur les Kobaïles du Mouzaïah, qui, depuis lo commoncomont
do la guerro, s'étaient montrés très-hostiles et avaiont sans cesse attaqué nos
convois. Il infligea le mémo cliâtimont aux Boni-Salah, évacua lo camp do
Mouzaïah, qui n'était qu'un posto armé do fortifications passagères, ot ordonna
dos travaux préliminaires a l'établissoment d'une routo qui permettrait do
tourner îi l'est lo col do Mouzaïah, comme on l'avait déjà tourné a l'ouest. L'ar-
méo était, le 8 juillot, rentrée dans ses cantonnements,
Chorcholl, Médéah, Milianah occupés, lo torritoiro dos Hadjoutes balayé, les
plus turbulentes tribus de la montagne atteintes et elwitiées dans leurs propros
foyers, l'onnemi repoussé partout ou il avait essayé une résistance, tels étaient
les résultats matériels do la campagne. On espérait do plus quo l'impuissance,
de l'émir à défendre ses villes affaiblirait son autorité, et quo l'interposition
dos forces françaises dans le pays au sud des montagnes, en contenant les po-
pulations jusqu'alors ennemies qui environnent la Métidjah, rendrait plus dif-
ficiles, si elles no les ruinait tout à fait, ses tontatives sur la provinco do Gon-
stantine. Cos dernières conséquences des opérations consommées au prin-
temps do 1840 ne pouvaient d'ailleurs so produire quo lontemont.
Le gouvornour général, do retour a Alger, s'occupa immédiatement des mo-
- /|5.. .-
85/» L'A FIUQ DE FRANÇAISE.
sures h prendre pour la campagno d'automne, Au milieu du mois d'août, il
avait arrêté ot fait approuver dos dispositions dont l'ensemble s'éloignait, en
plusiours points, des projets annoncés au commencement do la campagne du
printemps ; elles pcuvont se résumer ainsi : ln Dans la provinco do Constantino,
achovor la soumission dos tribus indécisos, et compléter l'approvisionnement
do toutos les places jusque dans los premiers mois do 1841 ; 2° dans la provinco
do Tittori, ravitailler pour six mois Médéali ot Milianah, opérer autour do Mé-
déah pour umonor la soumission du territoire dont cotto villo est lo contre,
détruire l'établissement d'Abd-el-Kador è Taza; 3° dans la provinco d'Alger,
couvrir lo Sahol, manoeuvrer dans la Métidjah pour tenir les Arabes en respect
et maintenir les communications; 4° transporter dans la province d'Oran lo
théâtre .do laguorro, occuper Maskara, détruira l'établissement do l'émir à Tnk-
tlimt. Si cos dernières opérations réussissaient, au printemps de 18V1, los forcos
françaises soraient employées, dans toute la longueur do la valléo du Ghéliff, et
en partant dos oxtrémités opposées, à parcourir un territoire plus riche et plus
peuplé, h. harceler l'ennemi ot à l'appauvrir par tous les moyons possibles, pour
le forcer a une complète soumission.
Quelquos événements d'une certaine importanco précéderont l'ouvorturo do
la campagno d'automne, Médéah avait été très-yiv'emorti attaquée, dans la nuit
du 2 uu 3 juillet, par Abd-el-Kador et El-Borkani, que la garnison repoussa et
mit en ploine déroute, Milianah, souvent attaquée aussi jusqu'au 1er août, s'é-
tait vaillamment défendue, malgré la maladie qui décimait nos soldats. Vers la
fin do juillet, la cavalerie arabo avait fait des incursions menaçantes dans la
Métidjah. Chorcholl avait ou a, repousser, les 18 et'1(1 août, les agressions d'El-
Borkani. Lo camp do Kara-Muslapha, momentanément évacué par mesure de
santé* avait été le théulro d'un engagement avec Bon-Saloin, dont les troupes
furont sabrées et disporséos, le 19 septembre.
Vers lo fin d'août, les dispositions étant faites pour los approvisionnements
des places ot pour ceux dos expéditions projetées, une colonne partit, le 26, do
Blidah* pour se rendre à Médéali, Pondant sa marcho, le 27 et lo 28, ello exé-
cuta des razzias sur les tribus hostiles; à son retour, elle fut assaillie, au bois
des Oliviers, par des rassemblementskebaïies qui furent aisément repoussés ù
la baïonnette,
Lo ravitaillement do Milianah no so fit pas moins houreusomont. La colonne
chargéo do cette mission partit do Blidah le 1er octobre et arriva le 3, sans op-
position, jusqu'à l'Oued-Djor, ayant laissé à sa gauche lo Téniah. Lo 4, ello se
trouva devant Milianah, on présence do 4 à 5,000 Arabes; mais par dos ma-
noeuvras habiles elle communiqua lo môme jour avec la place, et rentra sans
pertes sensibles, le 7, à Blidah.
Le corps destiné à opérer dans la provinco do Tittori s'ébranla le 29 octobre,
et se dirigea sur Médéah avec un convoi destiné à la garnison do cotto ville,
qu'ollo atteignit le 29, après une seule rencontre avec les Arabes uu bois des
Oliviers. L'arrière-garde fut encore attaquée, au retour, le l 01" novombro; ces
divers engagements n'eurent point d'importance* le terrain et los passages n'é-
tant point sérieusomont disputés.
Lo 5 novembre, lo gouverneur so remit on marcho pour so porter sur Mi-
1.1 VRE SIXIÈME, 355
lianah; ildevait opprovisionnor la place pour six mois, Il espérait d'ailleurs,
d'après quelques avis reçus, renconlror l'émir, qu'on disait s'être dirigé, avec ses
bataillons réguliers, vers la valléo supérieure duOhélill', La routo fut priso par
lo col do Goûtas. L'arméo n'aperçut qu'une seule ibis des cavaliers, qui s'éloi-
gnèrent sans combat, Dos Koboïios, dont lo territoire était traversé, vinrent on
petit nombre tirer de loin quelques coups do fusil, On arriva lo 8 dans Milianah.
L'émir avait congédié ses troupes, parce qu'on approchait do la saison dos se-
mailles, ot il s'était lui-même retiré du côté de l'ouest. La placo fut trouvée dans
un oxcollont état do défense; niais la garnison avait beaucoup souffert, L'é-
nergie des troupes et do lour chef élait demeuréo au-dessus des privations et dos
maladies, ot leur moral s'était soutenu dans le complet isolement où ils étaient
restés durant cinq mois; ignorant même si les événements do laguorro per-
mettraient do.lour porter secours, La garnison fut relevée et l'approvisionno^
mont effectué; dos mesures furent prescrites pour assainir la villo, faciliter
la culture do ses nombroux jardins, et assurer en tous points lo bien-être do lo
troupo,
Lo9, lo corps expéditionnaire reprit la route de Blidah, divisé on trois co-
lonnes pour mieux parcourir lo pays ot châtier les tribus qui, do co côté, bor-
daient la Métidjah et infestaient la plaino do maraudeurs.depuis longtemps im^
punis, On reconnut, lo 10 , l'ancien poste romain do Aquwealidoe, oh so bifur-
quait la voie conduisant do Chorcholl-a Milianah et Médéah. Lo 11, l'arméo
était ronlréo ù Blidah, Les Rebaïles de Boni-Monad avaient une seule fois in-
quiété nos colonnos; uno autro fois, au passage do l'Ouod-Djor, on aperçut on?
viron 2,000 cavaliers précédés d'une ligno de tirailleurs, mais on no put réussir
à los amonor au combat.
Du 15 nu 22 novembre, lo gouverneur général s'occupa do rolover la gaiv
uison do Médéah, et do ravitailler complètement cette placo, dans la prévision
dos opérations qui devaient être ont-reprises nu printemps suivant, Sos inten-
tions purent s'accomplir sans incident qui mérite d'être remarqué.
M. lo maréchal Valéo no s'élant pas porté de sa personno dans la provinco
d'Oran, ot los troupos do la division n'ayant point reçu do renforts, on no dut
pas songer à exécuter do ce côté les opérations qu'on avait prévues on août ot
soptembro précédonts. Toutefois, lo général do la Moricièro put atteindre au
loin des tribus ennemies qui so croyaient en parfaite sûreté ù grando distanco
do nos postes. Les Boni-Aamor, les Beni-Yokoubdos Beni-ClKuicha, les Oulod-
Gbarabo et los Oulod-Khalfu, furent successivement frappés jusqu'aux extré-
mités do leurs territoires.
La punition dos tribus rebelles n'était pas-poursuivie avec moins do vigueur
dans la provinco de Constantino. Le kaïd Messaoud, dos Righa, après avoir ro*1
connu l'autorité française, avait passé à l'eunorni. Les indigènes rangés sous
notre drapeau chêtièront eux-mêmes cette infidélité; le chef parjure'fut com-
plètement ruiné par uno razzia dirigée contre lui, et parvint à grande poino à
s'échapper, —- Lo cheikh des Boni-Salah do la montagne avait fait assassiner
un do nos officiers, le capitaine Bagot, Cette trahison no pouvait rosier sans
vongeanco; uno eolonno sortie do Bono, lo 22 décembre, mit à feu ot à sang
les douars do la tribu, coupable Ces oxemples do rigueur maintenaient une se-
350 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
cnrité générale dans la province, ot los résultats s'on faisaient sentir, Ainsi,
uno expédition dirigée du côté do Msilah, traversait les montagnes sans coup
...férir.- Los Boni-Abbess fermaient les Portes do Fer aux partisans d'Abd-ol-Kador;
Bou-Akkas, un dos principaux chefs du pays, offrait ses .services contro l'onnomi
commun à notre khalifa do la Medjanah ; les troupes do l'émir qui s'étaioht
approchées do Sétif so voyaient refoulées au loin, a l'extrémité do la province;
les Harakla rapportaient eux-mêmes, toutes cachetées, les loltros répandues par
les émissaires d'Abd-el-Kader; les Nemenchah repoussaient l'ox-bey Ahmed ;
des partis do cavalerie, surpris au col d'Ouled-Bralmm, étaiont chassés do
la .Medjanah; 'ot los tentatives faites pour soulcvor contro nous les Koboïios
échouaient complètement/Enfin,la province do Constantine devenait lo rofugo
do beaucoup do familles do la provinco do Tittori qui émigraiont pour venir
habiter sous la protection des armes françaises, D'un autre côté, lo comman-
dant supérieur de la provinco recevait do bonnes nouvelles dos points les plus
éloignés, La ville saliarieniio d'Aïn Madhi était rontréo sous la domination pa-
cifique du marabout Tedjini ot se ropouplait; Biskra demandait quo lo choïkh-
ol-Arab institué par nous vînt s'établir dans son enceinte, ot lo chef do Tou-
goùrt nous envoyait du désert uno députation chargée do préparer avec nous
son alliance,
L'impôt, perçu sans trop do difficultés sur uno portion du pays, commençait a
offrir quelques ressources, les promièros de co gonro qu'on eût encore obtenues,
Les marchés étaient presque partout fréquentés par tes indigènes. Les Arabes
paisibles, cultivant la terro avec sécurité,demandaient qu'on leur confiât des
soldats pour Jour enseigner dos procédés moins imparfaits, ot particujièromont
la culture de la pommo do terre, dont ils commençaient à apprécier la valeur ;
et enfin, nouveau rapprochement, et peut-être le plus remarquable do tous,
près de 400 indigènes venaient se faire vacciner à Constantino. Ces signes
multipliés d'un progrès véritable attestaient quo s'il restait encore beaucoup a
faire do ce côté, la situation y était, on 1840, réellement meilleuro que par-
tout ailleurs,
« Du côté dos Arabes, disent à cette époquo les documents .officiels du gou-
vernement, la guerre s'est continuée pendant touto cette année solon le même
système do déprédations, do ravages, et d'attaques contro des individus isolés
ou do faibles détachements, L'émir no défend ni lo pays ni los villos; jamais
do rencontrés sérieuses, d'engagements décisifs; l'avantago final,semble devoir
être le prix do la persévérance. Malgré d'assez fréquents sinistres, il semble, à
certains signes, quo la barbarie s'adoucit ; on ne tue"plus les prisonniers, on
les conserve ; on a môme tenté quelques ouvertures pour les cartels d'échange,
Abd-ol-Kodor a fait et continue do grands sacrifices pour organiser des batail-
lons réguliers; il y est en partio parvenu, Los déserteurs, presque tous de la
légion étrangère, servent d'instructeursa ses soldats, qui tiennent mieux qu'au-
trefois devant nos troupes, et so plient au commandoment, L'art de la guerre
est évidemment on progrès chez les indigènos non soumis, et cependant, ce
que nous aurions a on redouter est compensé,par do réels avantages ; l'ennemi
est devonu plus facilement saisissablo, et sos corps réguliers ont beaucoup souf-
fert en plusieurs rencontres. Los moyens de recrutement do l'émir so bornent
LIVRE SIXIEME, 357
à la violence matérielle, La crainte du châtiment, l'appât de ht solde, l'espoir
du butin, tels sont les soûls liens qui assemblentou retionnentles troupes arabes,.
Lo pillago sur nous ou nos alliés devient chaque jour plus difficile, et la solde
no peut êtro assuréo qu'au moyen d'exactions pratiquées sur les non combat-
tants, dans lo pays soumis a Abd-ol-Kador; colui-ci ne saurait donc entretenir
son arméo régulière ot permanonte sans fouler sos partisans dans los tribus,
Cet état do choses no semble pas pouvoir durer longtemps, L'Arabe, qui :pro>--
cluit .pou, a des besoins bornés, sans doute, mais par cola même plus impérieux;
il'no. peut plus les satisfaire, Aucun marché ne lui est ouvert, ni sur la côte,
ni à 1'intériour, Les villes où il so pourvoyait, on échange do ce qu'il y vouait
von'dre, sont prosquo toutes outro nos mains; la misère des indigènes est
grando, le mécontentement, peut contribuer a los désarmer, Le blocus terri-
torial que l'armée française maintient est déjà efficace; il peut et doit devenir
plus rigoureux encore par une plus étroite surveillance dos côtes,
« La grando guerre a été reconnue sans résultat eu Algérie; on s'est enfin oc-
cupé d'atteindre, dans co qu'il offrait de saisissablo, un ennemi qui se déro-
bait toujours, On a rononcé à la ceinture do postes'jsolés qui no protégeait rien,
commo l'a prouvé l'irruption dos Arabes en novombro 1839. On a occupé les
villes et commencé à- pratiquer dans la province d'Alger Jo système qui con-
siste ù rayonner autour do soi, on partant d'une position permanente, Co sys-
tème, qui a complètement réussi dans la provinco de Constantino, aurait eu
probablement le même succès dans celle d'Oran, si Tlomcon ot Maskara, uno
fois conquis par nosdrmos, avaient été occupés. L'onnemi est ainsi tenu à
distance; monacé incessamment dans les seuls bions qu'il possède, les mois-
sons ot los troupeaux, il est réellement réduit à la défensive, et s'appauvrit
chaque jour, Il est a présumer qu'il se soumettra partout ou il craindra qu'on
arrive jusqu'à lui. Accoutumés à nous voir quitter presque immédiatement les
points vors losquols so dirigeaient autrefois nos expéditions, los Arabes s'éton-
nent déjà que nous demeurions à Médéah ot à Milianah, ils accusent l'émir do
les avoir trompés, on lour prédisant lo contraire; rien no les frappo commo la
patlonco et lo succès, et Abd-el-Kader le sait bien, En plusieurs circonstances,
il a tenté directement ou indirectement de renouer quelques négociations avec
l'autorité française, qui a rojoté toute ouverture de ce genre : la paix est impos-
sible avec co chef, qui no profiterait do la trêve quo pour so préparer à dos hos-
tilités nouvolles. On a, au contraire, saisi toutes les occasions do faire savoir
qu'on no traiterait plus avec Abd-el-Kader, mais qu'on recevrait avec bienveil-
lance les chefs et les populations qui, se séparant do sa causo, demanderaient
à traiter pour leur compte. La causo françalso gagne ainsi de nouveaux défen-
sours; los troupes indigènes à notre solde témoignent une grande fidélité;
près de 7,000 musulmans, cavaliers ou fantassins, marchent sous nos dra- ^
peaux.
«En résumé, pendant l'annéo 1840, l'occupation miiitairo et politiquo s'est
étendue, en co sens qu'ollo conserve uno'surfaco qui s'agrandit do jour on jour;
mais ollo est restreinte en ce qu'ollo no comprond, avec la possession exclusivo
do tous tes ports, qu'un nombre limité do points, choisis dans l'intérieur des
terres, et jugés dominateurs. La Franco n'est pas ot ne doit pas être partout
358 V.VFlUQtîE Fil A NÇV ÎSIv
elle-mêmo, soit par des soldats, soit par dos agents français; il lui suffit que
son autorité, directe ou déléguée, soit eu tous lieux présente, et qu'on n'eu
reconnaisse point d'autres que la sienne, là même où des indigènes combattent
et commandent en son nom. C'est la souveraineté dans sa véritablo acception ;
c'est, sans doute, la domination générale,mais non pas l'occupation univer-
selle et effective',,''
«Autour d'Alger, dans la provinco dont il avait été pris possession après lo
traité de la Tafna, nous occuponsChorcholl, Médéah, Milianah; on travaillo à
assurer les communications oniro ces divers points. Des tribus ont demandé à
fréquenter nos marchés ; malgré la pénurie ou la cherté dos denrées, on leur
a répondu que le commerce était un fruit do la paix, ot qu'on no voulait pas oh
faire avec des populations insoumises Î —-«Chassez, lour n-t»on dit, los agents.:
do l'émir, déclarez-vous contre lui ; vous serez avec nous, et nous avec vous.»
Les tribus sont ébranlées, ot le succès de cette politique résolue ne saurait être
bien éloigné,
« Dans la province do Constantino, les cercles do Bono, do l'Edough, La
..Callo, Guolma, Philippeville, nous sont parfaitement soumis ; los commandants
français y obtiennent aisément l'obéissance et le concours des Arabes a titre
d'auxiliaires. L'immense rayon de {Constantino ost paisible, sinon complètement
assujetti ; quelques rigueurs, infligées ?i propos, ont agi puissamment sur les
esprits;-—le souvenir du boy Ahmed est à peu près effacé. Malgré quelques dé-
monstrations un moment suspectes,' il n'y a rien a régler avec' Tunis qu'une
question de limites. Les résistances, les agressions provoquées par l'émir sont
également vaincues. Los tribus qui avaiont seulement refusé ou ajourné lour
soumission, sont, l'une après l'autre, forcées d'imploror leur pardon et d'ac-
quitter l'impôt, Sétif, fortement occupé, devient un nouveau contre d'action, et
forme uno subdivision mililairo importante; 'l'autorité", déléguée au nom de la
France, s'étend jusqu'aux confins de-désert. Nos amis oiitdéjà paru a Biskra,
et doivent prochainement chercher à s'y établir, Zamorah ot les ehoïkhs dos
Portes de Fer nous envoient ou nous apportent des paroles d'amitié, Ainsi,
dans l'est, la situation estcomparativement.favorable, etToxpérionce jusqu'ici
concluante.
« C'est dans la provinco occidentale que l'occupation est lo plus limitée, Ello
ne comprend quo la villo d'Oran, avec le port de Mors-ol-Kébir, son annexo, et
:Mostaghanom, Les postes sont pou avancés dans la campagne, et néanmoins le
général qui commando la division depuis quelques mois, a déjà su tirer bon
parti de:ses troupes; il a exercé sur le torritoiro arabe d'utiles représailles, Les
tribus do l'intérieur, forlenient imposées et appauvries par la cessation du com-
merco,' annoncent des dispositions moins hostiles. Encore contenues par les
troupos régulières d'Abd-ol-Kadei', olles refuseront probablement;l'obéissance,
dès que, les circonstances paraissant favorables, chacune d'elles saura qu'elle
no sera pas la soulo à faire sa paix avec nous. Cette paix peut,'êtro aussi obte-
nue pard'autros moyens, et la politique fera, sans doute, pour y parvenir, au-
tant au moins que la guerre, Nos alliés les Douairs et les Semolas, qui noitS
fournissent 1,000 cavaliers, ont beaucoup souffert cotto année, par la perte do
leurs bestiaux et de leurs récoltes;mais depuis que la division française est de-
LIVRE SIXIEME. 359

vonuo active, ils so dédommagent aux dépens de l'ennemi. Quelque succès que.
les armes ou tes conventions puissont réaliser, il no faut point toutefois so dis-
simuler quo cette partie do la régeuco offre des obstacles et dos difficultés blon
plus grandes quo partout aillours ; la pacification n'y suivra quo de loin les pro-
grès accomplis dans los autres provinces, Cependant il n'y a plus guère parmi
les Arabes qu'une tradition de haino rollgiouse, entretenue par les prédications
de quolquos marabouts fanatiques ; et cette fdchouso inlUienco no tardera pas à
disparaître, si la paisible jouissance du sol, dos habitudes, du culte, est assnréo
par nous, Du côté do Constantino, ce. phénomène s'accomplit chaque jour ; il
doit naturellement s'étendre do l'est à l'ouest, selon la marche naturelle do
toutes tes conquêtes dans lo nord do l'Afrique, lAmivro sera plus difficile ot
plus lento à mosuro qu'on so rapprochera du Maroc,-parce quo'là est Un foyer
do réaction contro la civilisation et lo christianisme tout ensemble
« Les montagnards ou Kobaïles, insoumis à presque toutes les époquos, ne
nous reconnaîtront pas de longtemps pour"'maîtres ; mais ils no demandent que lo
repos et no fuiront quo lo mélango avec un peuple nouveau. En ayant soin do
ménager leurs susceptibilités ot d'éviter do leur porter unoguorre inutile, on
parviendra a les fairo produire pour nos ports, car ils sont industrieux ; ils y
viendront acheter, car ils consomment plus quo la race arabe. Ils se civilise-
ront à la longue plus aisémont, parce qu'ils sont sédentaires; do plus, ainsi
quo les habitants do nos montagnes do Franco, ils émigrent un temps pour al-
ler travailler parmi les Européons de la plaine, Il y en a eu toujours à Alger;
presque tous los manoeuvres do Philippevillo n'ont pas d'autre origino, et plu-
siours compagnies du bataillon d'infanterie indigène,do Constantino sont com-
posées de Kobaïles.
«La population européenne de l'Algérie s'augmente dans une proportion
rapide; au 31 décembre 18i0,ello atteint lo chiffre de 28,000 Aines, dont 13,000
Français, le rosto Italiens, Maltais ot Allemands.
«Les villes d'Algor, de Bono et d'Oran se couvrent de constructions nou-
velles; lu première de ces villes a pris un tel développement, qu'il a .fallu
agrandir son enceinte. Philippevillo, do création toute récente 1, compte déjà

1 En 1837, un sentier presque impraticable eu hivor conduisait do lîouo ù la rade do Stora, Une roule
fut colnmoiicée en septembre 1838, dans In direction do l'ancienne Uusicada, par los valides do Smoiidou,
de l'Éntsa ot do l'Ouacli, Un premier camp fut établi près do Smondou, A six lieues do Constantino ; et un
second camp couvrit to point où conflubut les oatix do l'Arroucli ot de l'Eiitsa. Lo 5 octobre, unu colouno,
purtio do Constantino parcourut la routo sans obstacle ot vint, le 7, aux ruines de Huslcnda. Vingt lieues
séparent Constantino do la rade do Stora; les convois parcourant cette distancé ' en trois jours,
Philippevillos'est élevée sur les ruines do Husicadn. Uno citadelle a été biVtio sur un mamelon détacha
à l'O,, ot tout près do la bautour qui en se déprimant vers lo N., forme lo cap Skikd.i, Cu mamelon était,
dans l'antiquité, lo point central do défense do celte position. On l'a trouvé revêtu, sur presque tout sou
contour, d'énornios pierres do gros quo le temps a dérangées; mais il ofl'ralt, môme dans eut étal, do bonnes
ressources pour la défense, Les piorros ont été rolovées et ont servi, ù la construction du fort do Franco.
A l'Ë. ot à l'O. do cotto position, s'élèvent doux mamelons qui se prolongent-, vors lo S., on so rappro-
biiant, et renferment ontro eux une valléo étroite. La défense do la place est assurée par un système do
forts détachés, quo roliont entro eux des chemins do rondo couverts par dos parapets, Los Humains avaient
Bulvi lo môme système, dont nous rotrouvons les vestiges, .Le fort qui domine In'position A.l'O, a reçu
le nom Aafort Royal. Sur un mamelon situé sur la nier A l'extrémité opposée du massif, a été éluvé un
ouvraeo qui porto lo nom de JW d'Orléans, A l'E., sur lo mamelon qui s'uva.tico lo plus vers la plaine, on
û fait un blockhaus appeléfort Valée.
Les bâtiments, par le beau 'temps, peuvent mouiller vis-ic-vis du fort do Frimce. Mais la rudo
360 I;AFI11QUK>RANÇ/VISU,
4,000 habitants, et promot de dovonir un port important, Chorcholl va étro dis-
posé pour recevoir une, cojonio française/ Bou-Farik se peuple et s'assainit.
Blidah s'ouvre aux Européens, et son territoire attend dés cultivateurs, Mosta-
ghanem esta la veille do prospéror, La plaine do Bono s'ouvre aux plus riches
ospéraiicos do colonisation; enfin tes travaux publics» poursuivis avec activité,
impriment do plus en plus a notro conquête lo sceau do la civilisation 8, »
Malhourousemont, il faut loreconnaîtro, les écrivains du ministère do la guerre
étaiont trop' loin du théâtre des faits pour apprécier lo véritable état do la
quostion d'Afrique à la fin do 1810, En rendant justice au dévouejnont do nos
soldats ot aux bonnes intentions du gouvernement, ils n'ont pas vu, ou plutôt
il ho leur était pas permis do dire que ces bonnes intentions ne pouvaient suf-
flro au développement efficace ot raisonné do notro conquête, Il ost triste d'a-
vouer que cetto prospérité, trop vantée par les récits officiels, n'existait guère
que sur le papier, et que les champs de bataille témoins de nos luttes militaires
redevenaient sans cesse, après notre passage i le foyer de nouvelles insurrec-
tions, La rupture du traité de la Tafna par l'expédition dos Portes do Fer avait
relevé l'honneur dos armes françaises ; mais toute l'oeuvre do la conquête était a
recommencer, Lo maréchal Valéo, qui joignait uno capacité remarquable à Un
bon vouloir quo nous no pouvons contester, fit co quo lui permettaient des
forces insuffisantes pour reconquérir quelques lambeaux du vaste torritoiro sa-
crifié par M. Bugeaud. Losystomo d'occupation partiollo, qu'il 'remit on vigueur
avec quelques succès, semblait devoir amener peu à pou l'envahissement du
torritoiro arabe par zones succossivos, et l'établissement, dans l'intérieur, d'un
centre do domination qui n'avait point existé jusqu'alors, Mais l'application de
co systomo aurait exigé lo déploiement de plusieurs armées considérables, sans
produire aucun résultat politique, sur un sol admirablement disposé pour dos
guerres interminables. Nous no mettons pas on doute que la haute expérience
militaire du maréchal Valéo no lui eût promptemont signalé l'impossibilité du
système d'extension progressive, et quo co gouvornour n'eût découyort et réa-
lisé le plan de conquête le plus honorable pour nos armes et le plus sûr pour
nos intérêts, en supprimant ces expéditions temporaires qui nous coûtaient si
chef, et qu'il fallait toujours terminer par un stérilo retour à Alger. Mais, sans
cesse aux prises avec les intrigues des bureaux ministériels, et avec l'impuis-
sance relaiivo des moyens dont il disposait pour agir ; peu fait d'ailleurs pour les
petites émotions d'une guerre d'escarmouches et de carnage, il dut se décider à
laisser son oeuvro inachevée,
L'opinion publique resta stupéfaite on appronant lo choix du successeur qui
lui fut donné, Les adversaires de la quostion d'Afriquo s'en réjouiront ; les es-
prits séfieux crurent à une méprise ; la presse française attendait l'avenir pour
se,prononcer, :.;;-.;'
B'ouvrant m vent du Nord, lorsque ce vent souffle avec force, iU se réfugient à Stora, bu l'on peut jeter
l'ancre près de terre, '"..'._'.'..".
M pays voisin de Phlilppévllto est bien cultivé. Los vallées de l'Oued-Ouaoli et de TOued-Sefsaf sont
ohtourdea de collines ot do montagnes boisées, sur lesquelles on remarque beaucoup do cljônes, do lièges
de bolle venue,
1 Voyez Je Tableau do la $itua.tlon des établissement!)français dans l'Algérkon 1810; publié par ordre du
ministre de 1» guerre, j», 11. •
UVUE .'.SEPTIÈME.

(iUGllRK D'OCCUPATION'r.lÎNlUlAI.E,

1841-1813,

GOUVERNEMENT DU GÉNÉRAL BUGEAUD,

L'historien qui jugo les morts ou les pouvoirs déchus romplit uno tdcho aisée;
car, suivant l'expression do l'illustro Chateaubriand, on n'exige de lui que la
connaissance dos événements, l'impartialité dos appréciations, et un stylo
simple et grave, Sa force est dans l'exactitudo, ot l'art qu'il met à raconter fait
sa gloire,
Mais quand l'histoiro vient so placer on fnco do certaines actualités, pour
demander compte aux vivants do l'usage auquel ils ont prostitué la puissanco;
dos intérêts généraux sacrifiés à leurs calculs ; du mépris joté par eux au
Pouyoir, qui, de la plus humhlo obscurité, les avait élevés au sommet do la
hiérarchio sociale; et dos provocations quo leur démence udresso à l'opinion
publiquOjCc juge qu'on n'achète pas et qui no mourt jamais; —l'écrivain
s'arrête indécis. Uno impitoyablo logique traîne à nu dovant lui lo cortège des
faits ; la vérité le sollicite, et pourtant, une secrète compassion le retiont.
C'ost qu'il y a dans l'aspect d'une intolligonco égarée quelque chose de si
lugubre, qu'on s'ofi'rayo do voir avec quollo activité flévroUso elle manie pour
achever sa propro destruction l'autorité quo lui laisse une imprudente politique,
40
,
'm.-.' J/AFRIQUK FIIANÇAISP;.
comme ces armes qu'une fatale négligence expose parfois à la portée d'un'
enfant,
Si, livrant son A mou des illusions généreuses, l'écrivain a pu, dans quelques
pages éphémères, dissimuler lo mal qu'il Savait, pour laisser ouverte à l'auteur
du mal une voie do retour,-'.l'opinion publique absoudra co mensonge, pourvu
que l'écrivain n'ait pas louché au burin de l'histoire pour tracer son esquisse
indulgente, Mois quand, malgré cette précaution, lo mal atteint do procho en
proche sa triste plénitude, il n'est plus permis d'apporter dans une couvre
sérieuse des ménagements'qui,neseraient qu'une coupable faihlesso; la vérité
reprend ses droits imprescriptibles, et la magistrature do l'histoire déloro à la
postérité les témoignages du présent.
Nous avons retracé les services antérieurs do chaque gouvornour do l'Algérie,
.La carrière -publique' du général Bugeaud possède aussi son genre d'intérêt.
Dans une récente et enriouso biographio, toute pleine de détails évidemment
confidentiels, ot modestement signée do la devise : Ense et aratro, qui sem-
blerait trahir quelque pou l'anonym'o, nous recueillons les faits suivants ;
« Thomas-Bobort Bugeaud do la Piconnorio naquit à Limoges, dans la rue
Oucho-d'Or, le î8 octobre 1784. Son pèro était gentilhomme périgoiirdin ; sa
mèro appartenait.'ù l'une des plus illustres familles do -l'Irlande.'."
« Un matin, lo 2!) juin 1804, un grand et vigoureux garçon se présente de-
vant un officier supérieur d'un régiment (l'infantorio, et demande à êtro inscrit
commo simple soldat.
« —- Votre nom? lui dit l'offîcier.
« — Je suis né Bugeaud, marquis de la Piconnorio,
« — Il n'y a plus de marquis, jouno hommo,
« —- ,1e lo sais ; mais vous me demande?, mon nom, et je vous le donne. Du
reste, effacez marquis, si cola vous fait plaisir ; je no tiens qu'à la qualité do
Français.
((—Fort bien, reprit l'officier; mais jo n'aime pas non plus co nom do la
Piconnerie! cola ost furieusement aristocrate. Voyons, prenez un autre nom.
« — Pardon, Jo mo contente do celui qu'à porté mon pore,

) Le biographe ojçhume, t\ ce propos, des archives féodales do lu Piconnerie, un pompeux document gé-
nénlogicpio ainsi rédigés — Lo 35 octobre 1781, J'ai bnplisé3'/ioma*-Bofe(,t,) né lo mémo jour, fils légitimer
*!:

do messiro Jean-Ambroise Bugeaud, chevalier, soigneur do la Piconnorio, et de dame Françoise de Sultan


dcClonard, dnmo de la Picnnnorio, son épouso, A été parrain messire Robert de Sulton, vicomta de Gloï
uard , lioutonant des vaisH<;,iux du roi, chevalier do l'ordre royn) et militaire de Saint-Louis | et marraine
ditmo Thomassinc-Mariede Sutkmde Clonard, dame do Frénot, Lo parrain a été représenté par M, Louis
Letocq, ot la.'marraine pnr M"' Anno Poyriinony, qui ont signé avec moi, D'Ayma, vicaire do Saint-
Pierre. » (Biographie (nudiiymoi du maréchal Bugeaud, duo d'Isltj, nvoo cotte épigraphe i Ense et aratro.*"
imprimée à Limoges, 1845,) :

« La"tourmente révolutionnaire,
dit l'anonyme précité (p.; fi), n'épargna pas les soigneurs da la Picon-
nerioi deux do leurs enfants émfgrôront, Le jeune Thomas-Robert vit les sions persécutés,"-'emprisonnés,
mémo a Limoges, Kh bien, chose admirable 003 premières Impressionsde l'enfance, qui, elioii la plupart
1

des hommes, s'eiïncont si difficilement,céderont dès cotto époque, dans le coeur du jeune hommo » à des
idées do patriotisme et de liberté, Tout portait à croire qu'il so joterait dans le parti qu'avaient embrassé
ses frères j à l'eneontre do cela, lo jour oà 11 fut nssex, Agé pour prendre une détermination, Il résolut do
sa vouer t\ la défonsa du sol natal.>
Nul n'avait jusqu'ici, dans lo Périgord ni ailleurs, soupçonnéla gentilhommorie do M. lo marquis Bugeaud,
Au commencement dosa carrière politique, il so vantait, a la tribune, do son origine'plébéienne,et ne
s'indignaitpoint contre les biographes qui, jusqu'en 1844, le disaient petiUfils d'un forgeron,
LIVK'K' SHPTlKMIv 803
« — Comme vous voudrez, dit l'officier, on acliovant l'inscription. Mois, uu
régiment, on ne vous appellera quo Bugeaud; c'est d'ailleurs lo nom d'un bravo
caporal quo nous votions de perdre, Imito?.-le, et vous obtiendrez aussi tes
galons,»
Co fut commo grenadier dans los Véliles quo M. le marquis do la Piconnorio
fît ses premières armes. Après avoir assisté, dans les grades inférieurs, commo
un simple roturier, aux campagnes d'Allemagne, do Prusse et de Pologne, il
passa, on 1809, dans l'arméo d'Aragon, où il parvint, à son tour, lo 10 jan-
vier 1811, au grade do major, qui équivalait au grade actuel do lieutenant-
colonel '. Lorsque Napoléon,.trahi par ses lieutenants, succomba sous la pre-
mière coalition, ot signa, lo 11 avril 1814,son abdication à Fontainebleau, le
major liugoaud, soit qu'il crut ses droits lésés par les lenteurs do la fortune,
soit qu'il so souvint beaucoup plus do son marquisat de lu Piconnerie quo do
sa qualité do Français, s'empressa d'offrir son épée à Louis XVIII, dont le pre-
mier acte royal coûtait doux cent soixante millions à la France, par l'abandon
qu'il Ht aux puissances alliées du matériel de nos places fortes et de nos dépôts
militaires, ..'.-...-
Nommé colonel du 14" do ligne, le 28 juin 1814, le marquis do la Picon-
nerie, qui faisait en garnison dos couplets ultra-royalistes, redevint subitenionl
roturier, et tourna le dos à Louis XVIII, lorsqu'on apprit que, lo'1er. mars 1815,
un brick et six felouques, arrivant do l'Ile d'Klbo, avaiont jeté Napoléon sur la
plage du golfe Juan, avec 400 grenadiers do sa Vieille-Garde; quo Grenoble, a
défaut do clefs, lui avait apporté tes débris do ses portes, et qu'un décret impé-
rial, daté de Lyon, venait de casser les doux Chambres, do convoquer do nou-
velles élections et de rejeter l'émigration hors de Franco,
Lo colonel Bugeaud fit comme tant d'autres, et conduisit son régiment à
l'empereur, Malhoureusomont, moins heureux que tant d'autres, il resta colo-
nel 2. L'avonir fut do courte duréo. L'aigle, après cent jours do gloire, tomba
blosséo à mort sur lo champ do Waterloo, et le marquis de la Piconnorio revint
saluer Louis XVIII et los baïonnettes étrangères. Mais la seconde restauration
le renvoya dans son manoir, où il passa quinze ans à réfléchir sur nos vicissi-
tudes politiques, et sur la chute dos girouettes.
Était-il si fort on droit de so plaindre? Certes, l'histoire peut flageller ses
doléances, fin effet, qu'après l'abdication de Fontainebleau, le major du..14? so
fût dévoué corps ot ûmo à Louis XVIII, il n'y avait rien a blAmor dans co parti
dicté à un soldat de fortune par l'impérieuse nécessité do.' vivre. Que, devenu
colonel par la grâce do Dieu et dos Bourbons, lo marquis restaure eût ctiauté en
patois de Périgord les improvisations do sa tendresse monarchique, ce n'était
encore la qu'un préludo aux futures excentricités politiques et militaires du

A Caporal le S janvier 1806; sous-lioutonant, le 19 avril, au 01* dn ligne; lieutenant, lo 21 décembre


suivant ; capitaine do grensdiors au 110* do ligne, lo 9 mars 1809 ; chef de bataillon, dans lo môme corps,
lé-S mars 1811; major (ou lieulenaiit-colonol)au 14' do ligne, le 10 janvier. 1814;'colonel'du'mémo corps
le 98 juin de la méino année; licencié après los cont-jours, M. Jlugoaud rentra-au service on 1830, fut
nommé maréchal do camp on U31, lioutonant génénil on 1830, ol.maréchal do Franco en 1N43.
2 Dans sa btographio (p, 14) ii prend soin do nous avertir qu'o» voulut mvx FOIS !O faire maréchal do
camp, mais qu'il refusa, on disant ; « Jone vous pas que l'on croie que la détermination que j'ai prisé oit
été dictée par l'ambition ; je no puis recevoir d'avancement que sur Jo champ de bataillo.»
;m/i L'AFRIQUE FHANÇALSK.
mémo personnage. Mais voici ringralitudo ot la perfidie caractérisées par deux
faits, Lo 21 août 1814, Louis XVIII recevait du colonel do la Piconnerie l'adresse
suivante : — « Siro, les officiers et soldats de votre 14" régiment d'infanterie
do ligne attendaient avec ta plus grande impatience leur nouvelle organisa-
tion,,., , pour renouveler un serment déjà gravé dans tous les coeurs, celui d'être-
fidèles à Votre Majesté .IUS^U'A LA MORT ', >> Six mois après, la cour dos Tuileries
faisait le voyage de Gand, et M. do la Piconnorio, redevenu Bugoaud, tirait
bravement son épée contre lo roi qui l'avait fait colonel, et auquel "il avait juré
d'être fidèle jusqu'à la mort! U est donc permis do penser que Louis XVIII fut
bien miséricordieux, ou que ce prince, qui jugeait nettement les hommes, no se
souciait pas plus dos nouvelles protestations qu'il no redoutait les: mécontente-'
monts d'un transfuge subalterne,
La révolution de 1830,•.".qui créa tant do fortunos singulières, rencontra
M. Bugeaud paysan et le refit colonel, sans s'inquiéter du passé. L'ox-marquis
avait la voix rude et les mains calleuses; un grand npmbro.de courtisans-co-
lonels donnaient leur démission, sauf à revenir ensuite sur .leurs' pas, comme
plusieurs d'entre eux l'ont fait avec bénéflco : tout s'arrangeait alors pour jo
mieux, Le nouveau colonel protestait do son dévouement à l'ordre do choses;
on lo nomma général de brigade, au mois d'avril lt>3j'. Mais co n'était pas assez
pour quinze ans 'd'attente. M. Bugoaud voulait sournoisement mordre au gâ-
teau du pouvoir; il s'était ûiit do chauds amis dans la société Aide-toi, le ciel
t'aidera, qui u lancé quelques-uns do ses mombros dans les plus hautes régions
de la politique. "L'influonco do cette société appuya la candidature du général,
qui proclamait dans son sein son invariable atlachomorit à la cause populaire ;
il fut élu député du 2Barrondissement de Périguoiix. Mais ses commettants
s'étonnèrent bientôt de son attitude vacillante; la, girouette, à peine relevée,
tournait déjà au vont de la faveur. — ce Messieurs, leur dit plus tard M. Bu-
goaud en rendant compte de son mandat, j'arrivai à la chambre avec l'inten-
tion d'être, non pas de l'opposition qui, blâmant tout, no redresse rien, mais do
cette opposition vivifiante qui, on so renfermant dans les règles de la loyauté ot
do la raison, maintient le gouvernement dans do justes bornes, ,/e reconnus
bientôt que l heure de cette opposition consciencieuse n'était pas encore arrivée, »
A partir de cette époquo, l'arrondissementélectoral do M. Bugoaud devint un
bourg-pourri. ;-'/';-V-;.;--
.'-" ^V:'. ..i.:
Mais si les rangs do l'opposition te virent lâcher pied pour-se ruer sur les
amorces do la faveur à 'tout prix, l'héroïque Pologne te trouva do pied ferme
pour combattre le généreux enthousiasmo qui éclatait on faveur do sa révolu-
tion; Le députe de la Dordogne s'éleva de toutes ses forces contre l'insistance
quo ses collèguos'ayaiont iniso dans la discussion do l'adresse do 1832, pour
fairo adopter cette phrase qu'il jugeaitdangereusei« IVousfwm/^
là Pologne ne périra pasii> ï)ans los idées de M. Bugoaud, il n'avait pas dé-
pendu de la Franco d'ompôcbor la Pologne do périr. Satiriste conduite parle-
mentaire dans cotte grave question lui valut, au mois^^d^ chari-

1 Voyeî le Dictionnaire des grandes girouettes, d'après, elles mêmes| Biographies politiquescontenipo'
raines, Paris, 181?. (Article Bugeaud, p. f)0.j ;
LlVltli SKPTIKMIV.. m
varl dans les rues do Périgueux, Il sortit bravement do sou hôtel, ot se mêlant
à la jeunesse delà ville : «Messieurs, s'éeriu-t-il, je suis on ne peut plus flatté
dol'honnonr quo vous me faites; je le préfère à uno ovation, et j'ai l'orgueil
de penser quo jo l'ai amplement mérité. Mes droits au charivari datent do loin.
Il est évident .qu'un patriote comme moi doit être ehurivnrisé par des patriotes
Commo vous ot ceux qui vous envoient, fit voilà «loue la liberté que vous voulez
nous donner? eollo des émeutes ot des charivaris ! C'est le despotisme do la ruo,
le plus odioux do tous! Allez, vous eios. indignes de la liberté, puisque vous
savez si mal on user. Vous l'assassinez par votre turbulence. Maintenant ebari-
vurisoz tant que vous voudrezl. »
Chargé, en 1833, de garder dans la citadelle, do' Blaye, madame la duchosso
do Berry, prisonnière d'tôtat, le général Bugoaud se montra plus zélé dans les
menus détails do cette mission do police, que pénétré du sentiment des devoirs
et do la dignité militaires. Les historiens contemporains do tous les partis ont
tous tracé avec les mémos couleurs lo tabloau do sos actes j une anecdote
moins connue pourra lo compléter.
«Lorsque madame la duchesse de Berry Vit s'ouvrir, lo 8 juin, les portos do
sa prison, écrit M, le comte do Mosnard, M. Bugeaud prétendit devoir, par égard,
l'accompagner jusqu'à Palormo. Aucun do nous no fut dupe de ce semblant do
politesse ; co n'était qu'une suite du rôlo de goôlier auquel le général Bugeaud
s'était si vite'' ot si bien habitué, Il n'eut pas lieu de so. louer de l'accueil qu'on
lui faisait sur l'Agathe, mémo parmi les matelots ; car ces bravos gens, avec
leur franchiso populaire, no cachaiont ni "dans'leurs propos, ni dans leurs nia-'
nièros, co qu'ils ponsaiont du rôle joué à Blayo par le général.[Il était fort isolé,
et si fort gêné do sa position, il on conçut un tel dépit, qu'il eut un violent accès
do llèvro, et donna des inquiétudes sérieuses, Il n'avait rien tant à coeur, depuis

i Voici commo s'exprlmo la biographie semi-autographe do M. Biïgeaiid i —• « Les combats do juillot 1830
avaient tourné la tôto a tout le monde, et l'on s'était imaginé quo, puisque sopt ou huit nilllo hommes da
la garde ot des Suisses avalent été battus dans Paris, on pouvait battra aussi les armées coalisées do
l'Europe tout entière. Les partisans do la guorre comptaient aussi beaucoup sur l'enthousiasme des soldats,
qui ne peut produire de résultats qu'avec d'excellents bataillons. — « Mais, disait à laChambra M. Bugoaud,
homme du métier, quelquesjours do mauvais bivouac font tomber cet enthousiasme; ot uii'e batterie do qua-
rante bouches à fou qui vomit la mllraillo sur los enthousiastes, fait taire biontôt les cris d'enthousiasme. »
(P. ai.)
Ces paroles prouvent seulement que M. Bugoaud n'a jamais lu'l'histoire, do'Franco, ou qu'il eût peut-»
étro fait uns triste figure parmi ces volontaires do la république,qui déclaraient la guerro ù l'Europo en 179?.
Brillante époque où l'on vit quatorze armées courir aux frontières, sans expérience et avec des assignats ;
ou l'on vit Oustino prendre Moyence; Moutesqulou enlever la Savoio; Lille bombardée repousser les Au-
trichiens ; DumourieT! envahir la Belgique ; ot Louis-Philippe, duc do Chartres, général de dix-neuf ans,
gagner la bataille Vie Valmy, et..'enlever les redoutes de Jommapcs avec cotto baïonnette, arme terrible do
l'impétuositéfrançaiso, qui substituait alors l'enthousiasme à la vieille tactique.
Honte nu soldat qui méconnaît los glorlouses traditions de sa patrie I Mais que peut'-on penser do
l'homme politique qui s'exprimait ainsi sur la quostion poloholso i — « Pour empêcher la Pologne de périr,
il fallait au moins 800,000 hommes, et une base d'opérations qui no pouvait ôtro autre quo lo'IUiin. Or,
comme la France n'avait pas de places de guerre sur lo Rhin, on auraitdû commencer par en faire le siégo.
Quo serait devenue la Pologne pendant co temps ? Lo premier coup de canon tiré sur le" Rhin était lo signal
do sa chute} lfi,000 hommes partis du duché de Poson, ot uu pareil nombre parti du duché de Galicie,
auraient en huit jours achevé le pays quo l'on uurait prétendu défondro, Après coin, les armées ennemies
se seraiont, do !a Pologne, reportées sur le Rhin, pour une guerre plus vaste ot plus grande! »
Certes, on cetto occasion, M. Bugeaud mesurait la valeur de nos armes d'après ses propres capacités, et

nous no doutons pas qu'aveu 800,000 hommes il no so fut montré aussi nul eu Pologne .que nous lo
voyons l'être on Algérie depuis six ans.
366 L'AKUIQUK FUANÇÀiSK.
que les rôles étaient changés, quo do faire sa cour à MADAME, et ne négligeait
aucune occasion pour attirer son attention. En un mot, ce n'était plus lo môme
homme.
«Un jour quo, par un temps magnifique, la princesse travaillait avec madame
de Bcaufremont à un ouvrage do tapisserie, ot qu'elle s'était retirée sur l'ar-
rière avec plusiours personnes do sa suite, M. Bugeaud s'avança vers le groupe
qui entourait S. Av B. et so mit a parler, avec beaucoup de vivacité et do cha-
leur, des projets charmants qu'il faisait an pensant à son voyage en Sicile : —
« Je compte, nous disait-il, parcourir tous los lieux oh l'on retrouvo encore des
souvenirs d'antiquité ; je me réserve do découvrir ce qui a pu altérer la fécon-
dité du sol sicilien, au point 'quo ses produits peuvent à peine suffire aux be-
soins do la population, qui est cependant prodigieusement diminuéo.» Et
comme personne de nous no répondait, il continua ainsi : «On raconte de. ter-
ribles histoires sur los dangers que l'on court en parcourant los grandes routes.
Savez-vous, messieurs, si ces histoires sont exugérées, et si les brigands peu-
vent, ainsi qu'on le dit, commettre impunément des vols et des assassi-
nats?»-"
((Celte demande était trop directe polir no pas provoquer une réponse, et
pourtant nous gardâmes tous-le silence, *— «Cénéral, dit alors MADAME en re-
levant gravement sa tête, qu'elle avait tenue jusiuio-la baissée sur son ouvrage,
il n'y a rien à craindre do ce côté ; la police se fait admirablemoni bien on Si-
cile; les routes g sont aussi sûres que les rues de filage,,.,. Mais, continua-t-olle
avec un sérieux qui cachait une gaieté pleine do malice, si ce danger n'est pas à
craindre, U en est un autre contre lequel il est difficito de so défondro, »
«Le générai Bugeaud s'était penché vers MAÛÀMKJ il était tout oreilles, et
semblait partagé entre lu satisfaction do se voir enfin en conversation "directe,
avec S. A, IL, et l'attente pénibleVoit il était du danger dont parlait la princesse.
—- «Oui, général, reprit MADAME en appuyant sur plusiours mots, si un homme
avait à craindre uno vengeance particulière, s'il s'était conduit de manière à
sentir qu-il Vu provoquée, jo ne lui conseillerais pus do mettre le pied on Sicile,
et surtout à Palerme, oh la vie d'un homme no tient à rien. Il suffit do possé-
der un ducal pour no plus'entendre parler de la personne dont on veut se dé-
barrasser, Avec un ducat, on trouve vingt bras pour un, prêts à frapper dans
l'ombro, et sans quo l'on puisse savoir d'ofi le coup est parti 111 »
«Logénéral Bugeaud tressaillit j et je vis, à l'altération do ses traits, que
..MADASIIÎ avait atteint le but qu'elle se proposait par cette mystification. Lo loiide-
inaiu, M. Bugeaud in'aborda en nie disant que, n'ayant pas reçu tf.ordreê posi-
tifs pour être du voyago do madame la duchesse do Berry, voyage entrepris par lui
dans Id seulepensée de dtMwr à £, A, H, une marque de respect^ il trouvait bon,
vu la froideur avec laquelle la princesse le traitait, do retourner en France, sans
H'arrêter un seul jour a Palerme. *•-*;« Kii quoi, général, iiii dts-jo avec un ton
do regret qui n'était pas exempt de malice, vous renoncez b vos projets agrono-
mes, vous ne voulez plus visiter les antiquités de la Sicile? Un si beau pays 1
C'est vraiment dommage » 1

« Je fis part à MADAMI; do la nouvelle résolution du général, et nous rimes beau-


coup de la frayeur que les bra\>i avaient ufccltéo en lui, Celle iïayeUr était telle,
LIV11K SEPTÎKMK. M7
qu'il n'y eut pas moyen de le faire descendre à Païenne. Nous avions trouvé, on
vue do cotte villo, un potit batimont qui avait ordre do fairo voile pour la Franco
dès qu'il aurait vu l'Agathe entrer dans lo port; il dovait en porter avis au gou-
vornomont français. Ce petit batimont fut Varche de salut oh so réfugia lo général
Bugeaud. Mais, avant do partir, l'ancien gouverneur do Blayo me dit : —«Je
désirerais prondro congé do madame la duchesse do Berry, ot jo viens vous de-
mander conseil à co sujet. Jo crains do lui ètro désagréable eu faisant cette de-
mande, et d'ôtro mal reçu. »
'•.--— « Vous dovoz comprendre, général, lui répondis-je avec autant do politesse
qu'il on fallait pour fairo passer co que j'avais à dire, vous devez comprendre
quo MADAME trouve pou do plaisir dans votro société, et quelo souvenir de filage
n'était guèro propre à vous mottro on faveur.'. Cependant, jo crois pouvoir vous
ussuror quoS. A. B, consentira à recevoir vos'adieux» et ne vous fera entendre
aucune parolo blessante, »
« Vous voudrez blon alors, reprit M, Bugoaud, prendre à ce sujet les ordres do
MADAME.»
t'avais prévu, S. A. B. consentit à lo'recevoir. Cette excellente
« Comme jo
princesse n'avait ni fiel ni hoiuo nu .'fond'du coeur; elle se contenta de rire en
pensant à la peur qu'ollo.avait causéo à son ancien geôllor, et elle fut parfaite
do bonté dans cotte dornlèi'o entrevue.
« l'Agathe fut bientôt en vno de Palermo. Au débarquement do MADAME, CO
navire, rendant à S, A. B. los hommages dus à son rang, la salua do 21 coups
do canon. M. Bugoaud so fit transporter sur le petit brttiment qui allait fairo
vollo pour la Franco, Jo suis convaincu qu'il gardera longtemps le souvenir de
la ciladollo do Blayo, et (pie co souvenir lui sora pénible '. »
Co souvenir conduisit la halte qui tua lo député Dulong; M.Bugenud prouva,
par ce duel, qu'il tirait le p.islolot avec uiiorure udresse.
Lo 13 et le 14 avril 18M, une émeute républicaine effraya Paris. La maison
n" 19 do la rue Tratisnonain passait, à tort ou à raison, pour son dernier re-
tranchement. La résistanco fut désespérée; la vengeance fut Impitoyable; le

<Voyez les Mémoires du comto do.Mesiiard, premier éeiiyer et chevalier d'honneur de S, A, 11, M"" la
dticliossc! do Herry, |T. lit', p, BS<1 c\ 2.rn.)
Le général Uilgeaud avait succédé a Illayo au colonel de gendarmerie L'Iiousstodo. « Jeu» «aurais trop
déplorer to remplacement do M, lo colonel Clicuisscrlé, écrivait, lo 'X) février l8:i:l, M, lo comte de Mnstiiml.
llonilour aux braves qui siivent ailler A leurs devoirs io respect dû au intilhoiirl l)o tels hommes devraient
étro considérés par lus gouvernements comme lus plus fermes sentions du pouvoir. Mais, loin do la, tel est
l'aveuglement d'un gouvernement, quel qu'il soit, qu'on In volt pres<|uo toujours repousser l'homme on placo
dont les actions tendent a rendre lo jouit mollis pesant au peuple, taudis qu'il attirera â lui ot récompen-
sera l'homme prél A 'dépasser sus ordres, si ces ordres ont pour but d'uxéc'ulor un iicle do rigueur 1 11 on
a toujours été, il on sera toujours ainsi : 1,1 est 1« véritable éoiioll où la royauté vïeut échouer, — Lu général
Uiigenud, d'après ce qu'on m'éerll, nie parait réunir toutes les .condition» voulues! l°pour faire uu bon
goôllorj S4 polir faire ressarllr tout ce quo l'emprisonnement do MAIUMIÎ peut oMrlr d'Inique et d'Inutile-
meiit barbare, La princesse nie inniide ciu'cdlo lui veut point le voir, tpi'ollo no lo verni cpio s'il force sa
chambre. » (Lettre adressée de Montbrison, le <i0 février 1KW,ce M, le baron Armand de ", Insérée dims les
Mémoires, t. tll',p, llfl,)
Ou sait le teste, (Voyez Y Histoire du divans, par Louis îlliinc.)
Quant A l'anecdote cpio rapporte M, de Mounnrd, elle eut pour témoins In capitaineTiiipln,commandant
l'Agathe, ot los personnes autorisées ))àr le générai lltigeaucl.a-l'ornior la suite do madàmei ta duchessede lîoriy.
,

n'étalent l(M>Hlicentlapriiiun8soclenoanfrtnntnii,ied<i'cleiirM(>siilor.l'ulM,Srtbbiitlbr,olniesdaines llnnslor


et Lebnsohil, damos do Roivlco.
308 L'AFKIQUK FHANÇAfSF,
général do.-brigade-Bugoaud dirigeait les troupes lancées sur co foyer de guerre
civile ; un effroyable égorgemont termina co drame ; des citoyens Inoflbnsifs,
dos femmes, des enfants, périront en grand nombro sous les baïonnettes, L'opi-
nion publique, révoltée de ces actes do sauvage cruauté, vouait leur auteur à la
flétrissuro; la presse do tous les partis n'a cessé d'en faire peser sur M. Bugeaud
la responsabilité, et M. Bugeaud courbait le front malgré lui. En 18iî> seule-
ment, son biographe écrivit à Limoges, sous sa dictée, quo,«par suite de Jïm-.
possibilité de constater les faits, la presse l'avait choisi rfe^r^'enceaux généraux
Tourton, Lascours et do Bumigny, qui commandaient.ayee lui, pour le charger
des prétendues atrocités .dont un parti intéressé n'a pas craint d'accuser nos
soldais.» C'est ainsi que M. Bugeaud so défend:—simple général, il n'eut pas
osé accuser ses collègues; — maréchal do France, il ose tout; qu'u-t-il désor-
mais à craindre, ou à ménager ' ?
Depuis celte époque jusqu'à colle de su promièromission on Afrique, M. Bu-
geaud no s'était plus fait remarquer quo par l'intempérance, le décousu et te
style grotesque de ses discours à la tribune. Les journaux lui "firent.d'honneur
d'une guerre ouverte! lo député d'Fxcideuil répondit par l'injure : « La société
me paraît dans une bien graiule inconséquence, disait-il en 1838; nous con-
damnons avec la dernière sévérité un crime ordinaire, un crime isolé, ot nous
sommes toujours disposés à la plus coupable indulgence envers les crimes poli-
tiques. Ainsi, nous envoyons atlx galères un hommo qui aura volé un sac de blé
pour nourrir sa famille ; et cependant un journaliste est, à mes yeux, cent fois
plus coupable que le malheureux qu'on envoie aux galères pondant dix ansA»"'
Au mois do juin 1836, ennuyé de la vie parlementaire, et trouvant lo mini-
stère fort embarrassé do le nommer lieutenant-général, M. Bugeaud obtint do
M.Thiers, son protecteur, un petit commandement en Afrique. Le bulletin do
la Sikkak, hululement exploité, fit morveillo, ot l'heureux vainqueur se hûta do
revenir prendre son poste auprès do l'urne du scrutin.
Nous avons exposé ailleurs, avec uno prudente réserve, les démarches qui
préparèrent le traité de la îafna. Dos bruits compromettants pour le caractère

t
Voyez la tilographie déjà citée, p. M, On polit lira dans l'Histoire de dte ans cetto scène du cannibales
racontée par Louis Uianc, tes noms des victimes, et les exploits d'une soldatesque effrénée qttrayufl déjà
fait ses prouves en Afrique, le 20 novembre 181)0, dans le massacré du lllidalt. [Voyais le uvitt; in*,
P- lgiji '"-
a Tout le monde se rappelle le fumeux picotin d'aboine que le général Uugeaud réclamult à la Chambre
eu faveur de l'armée; Cotto saillie faillit lui couler cher, et lui fournit l'occasion-de parader à la tribune,
avec une anecdote qui excita un rire homérique sur les bancs du palais Hourbon. — « Quand je laissai
échapper coite expression' do picotin d'avoine ( raconta M. Dugennd dans sa 'biographie ), Vous allez voir
que co n'est pas si risiblc jlo journal to ïhnps défigura tellement mon opinion, il changea tellement co.qul
avait précédé et slilvl cette expression, qu'il niu lit dt.'o les choses los plus ignobles ot les plus hoiilousen
pour UÎt militaire.;lî en est résulté qu'un chef de bataillon du ciupaHumeiit.de lu Lozèro m'écrivit ime
iollre infâme, on II me disait qhe j'étais un homme vil, ot tno demandait vit j'avais servi,
pour"-prêter à
l'ûrméedo pareils sentiments. Jolul répolidiss«Jo Vols bien que Vous êtes un vil esclave delà presse; et
quoique Vous soyez, un esclave jo Veux bien tn'abaisser jusqu'à votis, Jo Vous donne roiidcit-vou» à moitié
,
chemin i il y aura entre nous un combat à mort I » Voilà ce que la presse a produit | ello a fait déjà verser
beaucoup do sang, elle en fora verser d'autre encore. Le chef do bataillon me'répondit i .«J'ai lu depuis le
Journal des Débats; je -m'empresse do Vous faire mus excuses, otjo nie désabonne au 'temps. »
Après celle petite victoire, lu Doit tjuiebotte limousin se nïolNa les buts devant ce qu'il appelait dé-'
'

dalgtieilsctiieilt l'aristocratie de l'écritoire.Aiw (a\l d'aristocratie, la presse, depuis ls.'ilj jusqu'en 181(1, h'a
jamais contesté à AI. Uugeaud celle de l'odleiilr, et eello du lldlcute
LIVItF SKPTIKMK; M
du négociateur circulèrent bientôt on Algérie et en France. Après la conclusion
do co traité qui avilissait nos armes, lo général Bugeaud avait gardé le com-
mandement supérieur de la province d'Oran; le blume de l'opinion publique
l'irritait, les attaques des journaux ne ménageaient plus l'homme qui, on 1838,
avait bien voulu classer les journalistes à cent degrés au-dessous du voleur quo
la loi condamne à dix ans do galèrosî— l'heure allait venir pour la presse do
peser à son tour la valeur morale do son bouillant adversaire. Le scandaleux
procès do Perpignan, à la fin duquel M. Bugeaud, perdant touto présence d'es-
prit, d'accusateur qu'il était venu, so retira presque accusé par sos propres
..aveux, contribua Mon malheureusement à ôter à cet officier général tout espoir
do réhabilitation prochaine dans l'opinion publiquo. Voici, en pou do mots, la
physionomie do co procès, tello qu'elle ressort des actes judiciaires, dos débats,
et des écrits ou confessions verbales do M. Bugoaud lui-même.
Le maréchal do camp do Brossard exerçait le commandement supérieur à
Oran, lorsque M. Bugeaud s'y rendit nu commencement do 1837, avec cotto
mission particulière qui lo rendait indépendant du'gouverneur générall. Le grado
supérieur de M. Bugoaud plaçait momentanément M. de Brossard sous son
autorité. Ces deux officiers vécurent d'abord en parfaite intelligence; c'est du
moins ce que prouvo le témoignage .suivant, écrit et signé par M. Bugeaud lui-
mémo i — « J'ai jugé M. lo général de Brossard fort, au-dessus do la réputation
que quelques personnes ont Voulu lui faire} ot, appréciant chaque jour son
intelligenco des affaires,'de la guerre et de l'administration, je n'ai pu m'expli-
quer l'indifférence et presque le dédain dans lesquels il est tombé dans l'esprit
de certains chefs, ,1e no connais aucun officier général à qui je voulusse donner
la préférence pour la mission do-maintenir la paix, et de faire prospérer le
commerce ot l'industrie agricole dans la province d'Oran. J'ai la coMi!«Y,//iw.quo
M, de Brossard nie remplacera très-bien, et quo mémo il vaudra mieu<iu[m moi
pour aplanir toutes les petites difficultés de délail qui pourraient s'élever, et
pour conduire journellement toutes les petites opérations de l'établissementA »
Un commandant supérieur ne s'exprime pas officiellement an ternies si for-
mols sur lu conduite d'un subordonné, sans posséder la certitude fondée du
haut mérite qu'il signale à l'attention.du Gouvernement. Pour quo lo lieutenant
général Bugeaud se fit ainsi lo panégyriste ardent de M. do Brossard, 11 fallait
que les services do ce maréchal de camp fussent incontestables, que sa probité
fût «ans taclio, et qu'il possédât l'estime du corps d'officiers placé sous ses or-
dres. On sait quo, dans los étals-majors, l'intrigue, la médisance , et parfois
mémo la calomnie, travaillent ténébreusomentn la ruino do quiconque peut
exciter l'envie. Si donc M. Bugeaud condamnait lo dédain dans lequel avait pu
tomber M. de Brossurd, c'est que cette opinion fâcheuse no reposait sur aucun
fait; c'est qu'il s'était enquisavec soin des causes do ce dédain, et qu'il croyait
remplir un devoir de conscience eu restituant à lin olflclor toute su valeur réelle,
Une intimité presque singulière s'était établie outre ces deux hommes. Le lieu*
tenant général faisait conlldeiico au maréchal do camp de ses excellentes dlspo-

1 Voy. le t.ivutMV, p. SSII.


3 Lettredu llouteuant général Ihtgettud nu ministre de lu (jUerro, datée'd'Oran, le '.'Vjnln 18.17. (Dossier'
du procèiJLïJisfard.)
;'.7h L'AFHIQÏ'K FHANCA1SK,
sitious, el, chose facile à comprendre , M, de Brossard , touché dos sympathies
dimi il so \oyait l'objet, séduit par les bons procédés dont l'entourait sou chef,
se laissait aller aux [dus doux élans de la reconnaissance; il protestait de son
dévouement corps et Ame. M. Bugoaud et M. de Brossard, c'étaient Castor et
Pollnx , c'étaient Achille et Patroclo, c'étaient Nisus et Kuryaie. L'antiquité eût
élevé lies autels à une pareille amitié, pour qui ic-s formules de la hiérarchie
niilifaire.se fondaient an creuset d'une tendresse ineffable.
Le 2 septembre 18M7 (remarquons cette date ), le lieutenant généra! écrivait
encore à .son subordonné : « Mon cher général, Vous savez; s'il nie tarde de
vous remettre les rênes de mon commandement, Votre affectionné et dévoué
iJiig'.'iiiid '. »
(Quatre jours après,le (i septembre, M, Bugeaud déchirant tout à coup te paclo
do l'amitié, récusait ses lettres précédentes par l'acte d'accusation que voici :—
« I.e général de Brossard c<if capable
de itmt pour refaire sa fortune, qu'il ne
refera jamais» parce qu'il dépense en femme* ou ttnlrc'nicut, avec aussi peu de
réserve qu'il ramasse, C'est l'homme le plus corrompu en tout point que j'aie
encore roncnnlré! .le ne nie persuadais même pas qu'il put y avoir tant de
perversité'dans le euMir humain .le ne puis vivre avec ce tixntxtrt', et encore
!

moins le laisse]' derrière moi —-Sans doute, les preuves de ses crimes ne sont
1

peut-être pan de nature à le l'aire condamner par un conseil de guerre, mais jo


crois à leur réalité, comme si j'avais vu et entendu!' »
A (oUc lettre! était joint, sous forme de rapport un long exposé des griefs
,
fpii venaient d'apparaître comme par enchantement aux regards de M, Bugeaud.
Par quel miracle d'iniquité {'affectionné de la veille était-i! devenu subitement
le monxtrc du lendemain'.' Que se passait-il entre ces deux hommes? Il est né-
cessaire d'examiner la .situation des a lia ires an milieu desquelles ils s'étaient
rencontrés, Laissons parler des témoignages honorables qu'aucune voix n'a
démentis,
ce
Lorsque le général de Brossard prit, le Ul janvier |M!)7, le coiitmaiidetnonl
de la province d'Oran, eii remplacement du général de l'étang qui rentrait en
t'ïauce, l'adminisiralioii militaire était au bout de ses ressources; aussi accueil-
lit-elle avec empressement les offres de deux juifs, les frères Durand, qui pro-
mirent de la sortir île cet embarras, (les habiles Israélites avaient conçu la pensée
hardie de lirer des tribus mêmes soumises à Abd-el-Kader, de quoi approvi-
sionner nos garnisons réduites aux abois. Leur projet, qui réussit complète-
ment, était d'intéresser l'émir lui-même à celle opération qui devait être une
nouvelle source de richesses pour la maison Ihiralid, Mais pour qu'il leur !dl
loisible d'opérer, il ne sullisait pas d'être d'accord avec l'administration mili-
taire, il taliait encore avoir l'autorisation du gimvcriieiir général. Ils l'obtin-
rent, en présentant uu maréchal Olan/.el leurs spéculations commerciales comme
un moyen d'arriver, avec Abd-el-Kader, à une paix que le maréchal dé-dralt
alors, el qui avait été» déjà une j'ois dans ses idées,

i 1,-Ur.i |-.rf,d'iil" |„'ir M' D.,!nvi!ii..!tvivnrn! de M. i- j.-i;rrr<! .i- l!r.v-".(ir I, <!<>\iint 1-' r„ie.-iï .1.- s.-'i.-ftM
(! I'i.t),i^li»li, *m ni.,;., ,i'c»...it !s:">.
-' I.«'tli-i« du li'-'i|.iii!iiit p'li<'f;tï Hil-'yTt i un mi:,ete; [: lu |.; i; i<>td.<HilU''> INiJi".
<..<n..rf.> , d:i|...p ..l'( ir •!!
.
MMilIbSoUt: Ali IIAUI-M.
LIVRE SKPTIKMr,, ;V71

« La convention passée entre les frères Durand et l'administration n'eut point


le caractère synallaginatique des marchés ordinaires'\-'~ l'administration s'en-
gagea h recevoir, à des prix convenus et très-avantageux pour la maison israé-
lite, les fournitures que celte maison présenterait; mais les Durand no s'enga-
gèrent ù. rien. Ils semblèrent dire ou plutôt ils dirent réellement : « Nous nous
croyons surs do réussir; cependant, pour entreprendre, nous voulons être assu-
rés des placomonts, sans courir les chances do perle d'un marche non accompli
par l'entreprenour. Si nous envoyons dos boeufs, vous serez forcés do les
prendre; si iioiis n'en envoyons pas, vous n'aurez rien à dire, et vos soldats
s'arrangeront comme ils le pourront. >>
« Cette transaction oh les Durand no couraient quo le risque de na rien ga-
gner, n'offrant aucune garantio réelle, ou se crut oh droit, cVOran, de passer
des marebés particuliers avec d'autres négociants, et on les passa sans la parti-
cipation de l'administration centrale d'Alger, qui y resta étrangère. L'affaire
dont nous parions ici avait été commencée par le plus jeune des frères Durand,
et elle fut continuée par l'aîné; ce dernier soûl resta en sç'ètie.
« Les négociants Israélites uvuiont raisonné juste. -. Àh.d-ol-Kader, qui avait
besoin de plusieurs marchandises que les marchés européens pouvaient seuls
lui fournir, leur permit d'acheter des,.-boeufs sur ses terres, et do les envoyer ù
Oran, a la condition qu'on lui procurât les marchandises qu'il désirait. (Jolie
première opération eut un plein succès. Quelques centaines de boeufs' arrivèrent
a Oran, et du soufre, du 1er, de l'acier, furent expédiés u l'émir. Les voitures
de l'artillerie servirent mémo h transporter ces objets au point où livraison
devait on être faîteaux agents d'Àbd-el-Kader.
« Mais ce n'était pas tout quo d'avoir pourvu a l'approvisionnement dos
troupes placées sur le littoral, il fallait encore songer a la garnison de Tleniceii,
qui commençait à éprouver le besoin d'un ravitaillement. En l'opérant par les
moyens précédemment employés, le général de Ihussard so serait vu forcé de
faire une expédition qu'il no se croyait pus en mesure d'entreprendre1, Ensuite,
les besoins mémos des troupes qu'il aurait fallu mettre en campagne, devant
absorber une grande partie des transports, il n'en serait resté que Port poil de
disponibles pour le raviluillonieiitde la place, but unique do l'expédition. Ces
diverses considérations déterminèrent le général do Brossard à acctqiler do nou-
veau les services de Durand, qui se lit fort de faire ravitailler le Méeliotmr pal'
l'émir lui-même. Il y parvint en faisant entendre à Abd-el-Kader (|ue la Kraiico'.
lui rendrait, pour prix do ce service, les prisonniers qu'elle avait à lui depuis
l'affaire do la Sikkuk. L'émir n'attachait pas une grande importance mutériello
a la remise de ses prisonniers, niais il regardait commo un devoir religieux de
profiter do l'occasion qu'on lui offrait de délivrer des musulmans des fors des
chrétiens, Au l'osio, il ne figura point dans celte affaire d'une manière directe.
Lo marché ostensible, relatif au ravitaillement.. tiu Méchotiur, fut passé par un
des membres de i'intenduuce militaire d'Oran avec Durand seul; il n'y fui pas
question, des prisonniers. On convint avec Durand du prix, de la nature et de lit
quantité des denrées a fournir, et ce fut ît lui à s'entendre aveo-l'émir; pour- les
moyens d'exécution. Il conduisit lul-hifïiiui ùîlenicon locouvol qui i'ulorgaiiiiié
par les soins d'Àbd-eùKuduiS lequel fournit le blé, l'orge et les biniils. Dans sa
872 L'AFRIQUE Fit ANÇAISK.
ponsée, cette fourniture devait ôtro la rançon des prisonniers; car c'était ainsi
quo Durand lui avait présenté l'allmïo. Ainsi ee juif ne lui parla en aucune ma-
nière de l'argent qu'il toucha pour cet objet, et dont il disposa à sa fanluisie,
sans que l'émir en ait jamais eu un centime Nous no pouvons, ajoute M. Pel-
.lissier,.nous étendre davantage sur cette affaire-'; ello est-au nombre des causes
qui ont motivé la mise on accusation du général do Brossard *.»
A l'époque oh l'historien que nous citons écrivait cette page, la justice mili-
lairo instruisait lo procès Brossard. Les débats s'ouvrirent dans la citadollo do
Perpignan, lo 27 août 1838. Sur tes rapports faits par M. Bugeaud, lo général do

i Annales algériennes, par E. Pelllssler, capitaine au corps royal d'étut-roajor. (T. IIP, 1" partio,
liv. XXII, p. 104-107.)
On u vu, dans lo cours do cotte hlstoiro, quo los juifs ont do tout lomps exploité, on Algérie, la fai-
blesse ot la 'ci'àdulllâ, los erreurs ou los fautes'de quelques-uns do nos généraux. Dans les Etats musul-
mans, oit la loi rullglouso fait place A l'esclava au foyer do la fnmlllu, los juifs sont réputés au-dessous du
l'usalave. Leur condition on Afrique, sous lo régime turc, rappelait, pur sa dégradation, cello de» parlahs
tlo l'Inde, L'administration française eut tort, politiquement parlant, do lour donner, après la conquête,
des droits civils égaux a ceux dos Français. Doués do toutes les i)liesses du mercantilisme, les juifs ab-
sorbont aujourd'hui la melllouro part d'un eommorco que foraient fort bien nos nationaux, otB'ourlchlssont
A nos dépens. Adorateurs du Veau d'or, comme aux temps bibliques, Ils vendent nos soorols A Abd-el-Kader,
ot no font oneoro payer par nous loursJrahisons.
ltuppeloiis-noiis quo les juifs lluauaelt ot Amar Mardoclié furent les entremetteurs du traité Dosmlohels j
— quo lo général d'Erlon n'agissait quo pur l'Impulsion du juif lîou-Durund; — quo lo maréchal Cluuwl
cohiproii.lt sadlgiitto porsonnello et l'honneur do là France par son intimité nvco lu juif Lnsscry ;~ que
le géuétal Daniréniont perdit un temps prèoloux avant l'expédition de Conslauline, oit accordant au juif
llusimoli un rôle do négociateur nuprôs du bey Ahmed ; et qu'enfin M, Uugoaud fut presque constamment
la dupo dos roueries do Boti-Durund pendant sa triste mission de 1837.
Co dernier officier général, éclairé un peu tard par les dures leçons do l'expérience, voua aux juifs touto
son aversion, Devenu gouverneur do l'Algérie, il écrivit lo 18-mai 1812, au ministre do la guorro, uu long
mémoire Intitulé ! Des mesures à prendre contre tes juifs, On y Ht co passage s « Je considère los juifs
comme constituant uu fléau et uu dangor permanent. Si nous étions capables do grandes ot bonnes réso-
lutions, analogues a nos vnos d'avenir on Afriquo, nous donnerions doux uns aux juifs polir porlor leur
fortune ailleurs. En vorlu des ordonnances que nous avons faites, les juifs sont assimilés aux Fruneuls,
Cotte assimilation n'a pus changé leurs moeurs s ello n'a pas fuit quo lotus vices soient devenus spontané-
ment des vertus, ot ils profilent do la liberté qui leur a été donnée pour so venger do l'état d'infériorité
duns lequel ils ont été tenus longtemps par les Arabes, on volant ceux-el, on les Injuriant, ou les outra-
geant. L'Arubo no suit comment se faire rendre justice devant l'autorité ctvllo ; celle-ci d'tilllours est d'au-
tant plus disposée A donner raison aux Juifs, quo c'est parmi eux qu'ollo a pris tous ses Intcrprètos, et
tous ses agents secondaires pour lo service municipal. L'Arabe souffre ot n'Indigne{il ramasse do la haine
pour l'exhaler, du ti, dans des temps plus heureux. C'est une grando faute quo d'avoir élevé, sans transi-
tion, los juifs do l'Algérie a notre hauteur, Nous uo l'avons pas fuit dans nos villes du l'intérieur; ils y
uoitt sur lu mémo pied que les Arabes; ils sont soumis comme eux a la Juridiction militaire, et l'Arabe
n'est pas humilié par le contraste, si choquant pour lut, du voir uu juif qu'il méprise jouissant do toutes
les formes protectrices dd notre jurisprudence; formes tellement protectrices qu'elles amènent souvent
l'impunité ou uno répression très-tardive ot Irès-iiislgiililuntoi pendant quo lui reçoit do Injustice arabe
des coups de bâton pour la plus pellto faute.'— Cetto question des juifs est beaucoup plus grave qu'elto
ho le pamît d'abord. Cos gens-là nous créeront do grands embarras, et commo ils tiennent la place que
tiendraient dos Européens, sur lesquels nous pourrions compter au jour du danger, ils sont une causo do
faiblesse; il lio faut compter sur eux ni pour la défense du pays, ni pour son exploitation agricole ! ils no
sont que trafiquants, et ils absorbent la plus grande partio dos ulmlros aaim payer aucun impôt, pas mémo
celui do lu milice, »
VullA co quo M. Jjugottiid écrivait au Gouvernement on 1848. .S'il eut mieux compris ses devoirs d'admi-
nistrateur, au Hou d'écrire, il eût agi, non pas eu expulsant les juifs pur la forco brutale, unique agoni
dont il sache so servir, mais on surveillant l'exoreleo de tous los pouvoirs placés sous son contrôle ; eu
donnant lut-môme l'exemple d'une protection éolalréo pour tous lus Intérêts Indigènes et français; on no
renlutit pas lo lendemain, par une fuiioslo inconséquence, ses bonnes intentions, ses croyances, ses sonlt*
monts do la Veille ; ou no passant pas sans cosse- do la faiblesse A l'Intolérance, et des biillcllns d'une pacl-
Ikutloii déinolitle par les falls, ttux sauvages excès du rôle d'oxtcrinlnulour auquel il s'est livré, depuis
1811, avec lu frénésie d'une nature presque impuissante pour lo bleu,
LIVllK SKPTIK.MI5.. 373

Brossard était prévenu : 1° de concussion ; 2° de s'être immiscé dans dos affaires


incompatibles avec sa quulilé do fonctionnaire; 3° d'avoir cherché à exciter un
corn [îlot contre l'autorité royale.
Appelé commo principal témoin ù charge,-'M. Bugoaud s'abandonna devant
10 conseil do guerre à tin tel dévergondage d'expressions, de récriniinations.en
dehors de la cause, et de personnalités brutales, que te maréchal do camp qui
dirigeait les débats fut sans cosse occupé à lo ramener au fuit, ou contraint do
lui ôter la parole quand il s'emportait jusqu'à monucor la justice, les avocats et
l'auditoire.
Un des membres les plus émlneuts du barreau do Paris, Mu Boinvilliers,
déploya, dans la défense du général do Brossard, uno froide et sévère logique
dont M. Bugeaud fut écrasé. Le fougueux accusateur n'avait pas prévu quo sa
conduite personnelle serait niise'au grand jour* Enfermé dans uu cercle vicieux,
ot moralement compromis par ses propres agressions qui retournaient en partio
contre lui-même, il perdit bientôt toute contenance,.ot se livra lui-même à son
rude adversaire, qui le châtia do sa mordante parole, sans pitié, sans rel/iolte,
jusqu'à la fin de la lutte." '
M. Bugeaud, à son arrivée eu Afrique, avait publié uu manifeste incendiaire
contre les Arabes de la province d'Oran; puis, sans que rien expliquât un'chan-
gement de système aussi rapide, Il s'était mis en rapports avec un itifdmo juif,
l'aine dos frères Durand, espion à lit double solde d'Abd-ol-Kader et de la
•/raiico, trafiquant des concussions de plus d'un administrateur militaire quo
l'on pourrait nommer, et prêt a tout faire pour un pot-de-vin. M. Bugoaud,
«édult par l'aspect de Ben-Durand, parla confiance qu'Inspirait sa richesse, son
'langage patelin et sa fausse 'bonhomie, se laissa duper par ce misérable, et
en lit son agent. Ben-Durand sut jouer parfaitement son rôle pour'gagner
un peu d'or de chaque inuin; chargé pur M. Bugeaud d'offrir la paix ù Abd-el-
Kader, moyennant 100,000 boudjous, il demandait cette somino à l'émir pour
corrompre, disait-il, les généraux français, Abd-el-Kader trouva cette diplomatio
trop chère, et s'adressa au général Daniréniont, pendant que Bon-Durand, pour
faire coup double, demandait à M, Bugeaud uno somme destinée h corrompre,
tlisuit-ll encore, les conseillers de l'émir. Aucune somme ne fut, je crois, don-
née en celle occasion ni d'une part ni (le l'autre. SI. Bugeaud pouvait consentira
vendre la paix, niais il n'est pas permis do supposer qu'il fût capable de l'acheter.
11 reconnut un
pou tard les intrigues de Ben-Durand, et, brisant tous rapports
avec cet homme qui l'avait, par d'indignes mensonges, excité à la révolte contre
l'autorité du gouverneur générai, 11 écrivit à ce dernier une lettre d'excuses
dans laquelle l'espion juif est apprécié à sa juste valeur.
Mais ed que nous no pouvons nous empêcher' de blihiicr hautement dans ht
conduite ultérieure de M, Bugeaud, c'est son retour subit vers Ben-Durand, c'est
la recrudescence d'Inexplicable Intimité qui les lie de nouveau après le traité do
la Tafna; c'est l'Incroyable légèreté avec laquelle M. Bugeaud se rendit dénon-
ciateur de M. de Brossard, sur la fol d'un homme tel que Ben-Durand, qui
n'avait d'autre intérêt que de semer, au profit de l'éinir, la désunion entre les
généraux fruneuls.
OtVso trouvaient les preuves à l'appui du procès?
374 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
i° M. Bugeaud accusait M. do Brossard d'avoir vendu a Abd-el-Kader la re-
mise des prisonniers faits au combat do la Sikkalc, en échange do denrées
envoyées par l'émir a Tlomcon, denrées dont AL do Brossard so serait approprié
lo prix soldé par l'administration française. — Los prouves fournies par M. Bu-
goaud se bornaient uu témoignage d'un jeuno aventurier tunisien, nommé Alle-
gro, quo M. Bugeaud s'éluit attaché comme officier d'ordonnance, et qui répé-
tait machinalement les suppositions do son chef abusé.
2° M. Bugoaud accusait M. do Brossard d'avoir passé dos marchés onéreux à
l'Etat, pour on partager les bénéfices avec les fournisseurs, ot d'avoir louché
pour sa part uno somme do 120,000 francs.---Pour prouves, il offrait les asser-
tions du juif Durand, colles d'un fournisseur do viandes, nomméPtiig-y-Mundo,
et du tunisien Allegro.
Qu'était-co que lo juif Durand? Un homme taré, quo M. Bugeaud qualifiait
naguère de mendiant sordidei,
Qu'était-co quo Puig-y-Mundo? Un grossior marchand do boeufs, dont M. Bu-
geaud no dédaignait pas los petites gratifications, sauf à les restituer au plus
vite, en cas d'Indiscrétions menaçantes, ainsi quo nous le verrons tout a l'heure.
Qu'était-ce quo lo tunisien Allegro? Un soldat do fortune intrépido et bril-
lant, duquel il no fallait pas exiger toutes les délicatesses françaises, mais cu-
pablo do cette obéissance passive à un chef quelconque, ot do ce dévouement
instinctif ot complet, sans réflexion commo sans arrière-pensée, qui fuisuit au-
trefois la principale vertu dos condottieri,
3° M. Bugeaud accusait enfin M. de Brossard î 1° D'avoir chargé te juif Ben-
Durand do négocier son passage ou sorvice d'Abd-el-Kader, moyennant une
prime do 200,000 francs, et lo payement annuel do «0,000 francs de rentes à
sa famille, 2D D'avoir chargé le mémo Durand do promettre a Abd-el-Kader que
ledit général do Brossard ferait passer en Afriquo 20,000 carlistes ou républi-
cains pour l'aider à chasser los Français do la régence. — M. Bugoaud déclarait
dans sa dénonciution n'avoir pour ce dernier fait, commo pour les précé-
dents, que dos témoignages fort peu acceptables, celui du juif Durand, co men-
diant sordide I Mois qu'importe l M. Bugeaud voulait ell'acer le souvenir do la
Tafna et tant d'autres, par un coup do Jarnuc, el nous avons eu le procès Bros-
sard. Qu'en est-il résulté pour sa considération personnelle? Une de cos chutes
presque irréparables, qui peuvent briser toute uno carrière.
Écoute2-le s'agiter et frémir sous les ripostes de la défense. M0 Boinvilliers te
presse, le pousse, l'acculo au fond do sa conscience, et no lui rend la respi-
ration quo pour confesser tout à l'heure ce qu'on ne lui demandait pas. —
«Monsieur le président, s'écriait d'abord M. Bugeaud, si vous no me fuites
pas respecter, je me forai respecter moi-même t » — « Calmez-vous, reprend te
chef du tribunal ; vous n'avez pus le droit d'interrompre la défense.» L'ac-
cusateur aux abois parvionl-ll encore à HO faire entendre, voici l'étrango révé-
lation qui lui échappe uu milieu du llux de sa colère aveuglée l
« Messieurs, dll-il, avant de partir de Paris, en 4837, pour mo rendre on Afrique,
j'avais demandé ù M. le comte Mole que, si les événements de la guerre ni'ame-
•Voyez (LtvnU IV, p. 2;!1) la lettre d'excuses adressée A M. le gouverneur général comte do Duinrémonl
par M. Bugoaud, la veille du truite do la Tanin.
LIVRE SEPTIEME. 375
naiont h faire la poix avec Abd-el-Kodor, il mo 'fût permis do lui demander cent
mille francs quo je voulais consacror aux chemins vicinaux do mon départe-
ment, M. Mole me dit : « Jo ne vois dans cotte, demande'rien que 'do très-hono-
rable; jo serai votro avocat dons le conseil, lorsque Vous lui on soumettrez la
demande *, » Au lieu do cent rnillo francs, commo l'unité monétaire on. Afrique
consiste en bottdjous, il no m'en coûtait pas davantage do demander cent
mille houdjous (180,000 francs, dont 100,000 pour mes chemins vicinaux). Jo
voulais distribuer les 80,000 frdncs restant aux officiers de mon étal-major qui
m'avaient rendu service 2. Jo voulais aussi sur cette sommo-là payer à Bon
Durand quelques missions' dont je l'avais chargé. Je voulais aussi donner dix
mille francs au général de flrossard. Quant ù 20,000 francs quo M. do Brossard
m'accuse d'avoir reçu d'un négociant, voici co qui m'est arrivé. Un négociant
est venu mo proposer do fairo .de.» affaires commerciales avec lui. Il s'agissait
dé faire venir des bAtimonts chargés do marchandises. Co négociant me disait ;
«INoiis gagnerons 1>0,000 francs chacun, si la paix est ratifiée.» Quelques jours
après, jo fis chercher co négociant; il était allé on Espagne. J'avais oublié co

1 Ce fait vient jeter quelque lumière sur lo traité do la Tafna, ot semblerait lui prcHer un caractère d'In»
trlglio que lions voudrions vainement, écarter de cotto négociation,
M, Mole t'Unit A cotto époqilo président du Conseil, Le général Ilugenud prétoliil avoir sollicité do ce ml-
iilstro l'autorisation de tirer d'Abd-el-Kutlor, par un nrtlclo secret, un vérltablo pot-de-ytn. Muls nous
n'avons d'autro prouve do l'assentiment de M, Mole que la parole do M, Uugettud, ot cetto parole ne
slifllt pas pour engager lo président du Uonsoll dans lit responsabilité d'un acto pou moral,
SI l'assertion' du général est irrécusitblo, si los 100,000 francs do primo lui furent promis pour les chemina
vicinaux du Bon département) nous avons ou raison d'appliquer A l'arrondissement do co député lo nom do
bourg-pourri. On pourrait, (tu surplus, trouver nssos! piquante l'Idée ministérielle do fairo solder par Abd«
el'Kilder une portion do nos frais do corruption électorale. Il resterait seulement A examiner si l'emplolto
d'un député tel que M. Uugeaud vaut bleu 100,000 francs. QUniid les électeurs vendent leurs Voix A si haut
prix, il faut qu'A leurs yeux lo candidat Vaille blon pou.
Quoi qu'il en soit, nous aimons mieux accueillir sulis conteste la déclaration do M, Uugeaud, quo de
supposer quo ses chemins vicinaux menaient droit à sa caisse.
'i AI, Uugoitud faisait ses comptes d'uno manière tuiit soit pou Israélite, —Moii ministre, se cllsalt-ll in
petto, m'uiicordo 100,000 francs; maison Afrique ou 110 connaît qiui loboudjoii;.demandons 100,000 boud-
joiix, ôl uvoo cola Jo forai, comme dit le proverbe, d'une pierre qualro coups. A mol la part du lion, sous
11) pseudonyme gascon do mon département ! —100,000 francs, ni plus ni moins ; jo respecta la consigne.—

,Sur les 80,000 francs .qui resteront, je payerai A ee lien-Durand , qui n'est qu'un misérable, lo prix de»
petits services qu'il m'aura rendus; — Je jetterai au général do JJrossiird une dlsutliio do mille francs pour
i'/iveilgior, et puis,.,,,
lui lit plume tombe des malus. Quoi liomino ost dono M. Uugoaml (iour flétrir soli étal-major'/ou quels
étaient lus ofliciors qu'il employait ou 1H!)7 7 Quels services le.» mombriis d'un état-intijor dolvont'lls A leur
chef, qui lio soient l'accomplissement d'un devoir.public-.'Imposé par l'honneur do servir son pays'/îuut
service rondu A l'arméo est soldé pur l'Ktal; les degrés de mérllo personnel donnent lleli A dos récompenses
(ifliclellos décornées par lo Gouvernement, lin dehors do celle limite, tes services honorables qui s'éelmiigolit
entre gens d'épéu sur lo champ do bataille ou dans la Vie privée, ne s'acquittent point, que je suclio, nVeo
l'or d'illi chef. Quel goura do services M. Uugeaud avrtll-il doue pU recevoir de son olat-iunjor, pour songer
A en drosser le tarif'/ Colle couthlenno Injurieuse poiir ses,subordonnés éclate devant to cotise!! do guerre ;

pas uu n'élùvo la voix pour protester I Dans I'étal-major do M, llilgetiud sa trouvait le jouiio liihlsieh
Allegro t serait-ce lui que pourrait utlelndro l'unlfiigoï Une telle pensée réptigno A nos convictions, ,1e n'ai
pus ou l'occasion du eonuntlro en Afrique M. Allegro»-tuaisje retrouve ot jo publie avec plaisir l'opinion
suivante, émise cu.lHDO par M, le commandant i'otllsslor : « Four démontrer aux Arabes, d'une manière
claire et précise, los avantages d'une alliance avec nous, Il faudrait' puiiVoir envoyer sur les lions dos agent»
lidtMes, surs, éclairés, Au premier rang des agents quo l'on pouirnlt employer, Je citerai M, Vergé et
Mi Allegro, jonno tunisien qui, pour lo courage ot l'intelligence, no te cède A aucun Français, (.'oux-là n'uc»
copieraient pour récompense que des grades ot dus décorations,» (Annules algériennes, t, II, 1" part,,
llv xii» p. M ut lu:),) Allugro remplit lo rôle do téliiolu ù cliurgo dans lo procès llrossard; mais II élait
dans uno position dépendante, exceptionnelle, el ces posilloiis-lA exposent A bien des erreurs,
376 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
fait, lorsqu'un joui' ce négociant revint et me dit t « Je n'ai pas fait tout co que
j'espérais, mais je vous apporte pourvotre part de,bénéfices, douze mille francs.»
Je lui dis ; « Jo ne pensais plus à cette alrairo, je rie veux pas do cette somme
pour moi, mais jo vais i'onvoyor à notre préfet pour tes chemins vicinaux de
mon département, Quelques jours après, je dis a M. Eynard, mon aide de camp:
— «.Tenez, cet argent-la me pèse, je veux le rendre h cet homme,» J'avais déjà
envoyé 7,000 francs à mon préfet pour les chemins vicinaux ; mais j'aimai mieux
sacrifier cette somme, et je fis rendre les 12,000 francs à cet homme, qui est
M. Puig, le marchand de boeufs. C'est mouqui ai raconté ce; fait, au'.générai de.
Brossard, et il le savait déjà, car je lions de Durand que c'était M. do Brossard
lui-même qui avait envoyé Puig me faire celte proposition ; ot quand il sut
que j'avais reçu cette somme, il dit : «. Ah I nous le tenons donc enfini-, ce Bru tus
de vertui» Vous le voyez, messieurs, J'IÎ.MÎ UÉCÙIUÎ.IIAUTKMKNT pour les jeunes
officiers qui m'entendent, j'ai commis un acte indigne de la noblesse et de la
dignité du commandementl. »
Certes, nous sommes loin d'affirmer que, dans co chaos de repoussantes in-
trigues, le général de Brossard n'eût pas a se reprocher quelques torls ; mais s'il
n'était d'ailleurs ressorti dos débats que ces torts avaient été partagés, autorisés
môme par le fâcheux oxompte'd'uii fonctionnaire"supérieur,l'incroyable aveu
si explicitement formulé par M. Bugeaud sorait venu lever bien dos doutes.
L'imprévoyant adversaire do M. de Brossard so livrait, démantelé, aux assauts
de la défense qui, changeant do terrain, allait è son tour devenir accusatrice.
conduite du général Bugeaud ? s'écriait l'avocat.
— « Quelle est donc la
Il offre au général do Brossard uno gratification do 10,000 francs : celui-
ci la refuse. Il veut plus tard que le général do Brossard gagne 20,000 .francs
sur uno livraison do fusils à faire U Abd-el-Kader : le minislre s'y refuse,
car c'eût été une concussion ati premier chef. M. do Brossard savait les
secrets de M. Bugeaud. M. Bugeaud savait que M. do Brossard était instruit
de son association mercantile avec Puig, et qu'il on avait reçu 12,000 francs.
On conçoit qu'ait courant de toutes cos choses, le général de Brossard devait
être un homme complètement acquis au général Bugeaud, ou uti hommo è
sacrifier, h envoyer en Portugal, en Espagne, lo plus tôt, et lo-plus loin pos-
sible do la Franco, afin que co scandale no fût pas dévoilé. Telle est la posi-
tion du général Bugeaud. Dans ces circonstances, voici venir le juif Durand,
qui continue entre Brossard ot Bugeaud co qu'il a fait entre Bugeaud et M. de
Daniréniont ; il calomnio le général de Brossard ; il le représente commo
un ennemi de la gloire do M. Bugeaud. Il lui attribue des confidences, des
absurdités, des infamies, et enfin , il fait appel aux passions politiques (lo
M. Bugeaud, on lui faisant le conte ridicule do i& ou 20,000 carlistes ou ré-
publicains que le général do Brossard a, dit-il, le projet de faire passer en Afri-
que, en ballon sans doute, pour chasser les Français do la régence. Tout cela
est honteusement absurde.
«Tout lo procès so réduit donc aux marchés onéreux. Mais s'il y avait eu
associulioii entre le général do Brossard et Ben-Durand, M. de Brossard n'aurai t
t Celle déposition se trouve textuellement insérée dans le compte rendu du procès Urosshrd publié par
le fourmi des Débats, (Voir polir tous les détails de cotto affaire los n" des 9, fl, -J, 5 et (3 septembre lSHS,»
LIVRE SEPTIÈME, 377
pas refusé de donner un ordre d'urgence pour un marché quo te sotis-intendunt
militaire Sicard voulait passor avec ce mémo Durand. Le général do Brossard
A' îiEFusÉ, tandis quo lo général Bugeaud A DONNÉ un ordre d'urgence, al à un
taux bien plus élevé, à cent quinze francs, et cependant il y avait un million de
rations en magasin l,,, Le général Bugeaud ordonnedo passer lo marché : l'a-
gent comptable s'y refuse, à cause dei'énormité du prix et du défaut d'urgence
Lo général Bugeaud force l'administration'à passer co marché, et à co sujet, lo
ministre do la guerre lui écrit : « Vous ne deviez pas vous immiscer dans les
clauses de ce marché,)) Telle est la conduite do M. Bugoaud. — Quant à la vonto
prétendue des prisonniers do la Sikkak, il existe un ordre écrit par M. Bugeaud,
le 27 mai 1837, d'avoii' a rendre les prisonniers a Abd-el-Kader, et c'est au
mépris do sa propre signature quo:M. Bugeaud no craint pas d'accuser un offi-
cier général do les avoir vond us'.» i'.''.'
Et do quelle confusion no fut pas couvert M. Bugeaud, lorsque, pour couron-
ner ce plaidoyer foudroyant, lo respectable lieutenant général Berthézèno vint
déposer ainsi lui-mômo on faveur do l'homme que M. Bugoaud avait accablé do ses
injures dans sa correspondanceavecio ministre : — « Messieurs, dit aux membres
du conseil l'ancien commandant en chef do l'armée d'Afrique, il y a longtemps
que je connais M. le général de Brossard. Nous avons fait connaissance à la cam-
pagne de 1812, à Moscou, A cette époque, j'ai reconnu on lui ce qu'on recon-
naît encore de sos qualités militaires et de ses sentimons très-nobles et très-
élevés, ot uno conduite ou harmonie avec cos sontimons. A celte époque, M. do
Brossard était dans la garde impériale; j'étais moi-même officier général, et
j'avuis des rapports très-fréquents avec lui, Dans le cours do notro retraite, je
dois dire (pie, sans lo général do Brossard, une partie de notre-corps aurait été
enseveli sous les glaces. M. le général do Labordc a été sauvé par lui à Waterloo.
J'ai demandé quo M. do Brossard fût attaché à mon état-major, ot c'est pour
récompenser ses services que j'ai demandé pour lui au ministro lo grade do
maréchul do camp. Pendant mon commandement on Afrique, je n'ai jamais
entendu dire qu'il eût trompé dans aucuno affaire d'argent. J'ai vu dans sa fa-
mille la plus grando union ; je n'ai jamais ouï dire rien do fuclioux sur sa mora-
lité; la conduite qu'il a lenuo toujours auprès do moi me persuade qu'il est
incapable d'avoir comniis los faits qui lui sont reprochés. »
Il ost permis do penser quo si lo savant et digne avocat Boinvilliers eût plaidé
cette causo devant un tribunal composé de quelques-uns des membres de cette
grave et vénérée magistrature, do France qui perpétue l'illustre souvenir do nos
vieux Parlements, M. Bugeaud so serait vu lui-mémo frappé d'une haute répro-
bation. Mais devant cotto justice exceptiontiollo des conseils de guerre, qui
n'est aux yeux de la civilisation qu'un reste do féodalité '2, la puissance du grade
ot le prestige de la faveur prévalurent peut-être sur l'insuffisance des preuves

1 fcxlralt textuel An plaidoyer de M' Uoluvltllors on faveur do M. de Brossant, (Journal des .Débuts du 'i
au 0 soptembro 1838.)
2 Cotto pansée no conttont nullo allusion blessante pour aucun des membres du conseil qui jugea M. do
Brossard. Mais cette rôservo posée, nous disons qu'un tbùsô générale, l'institution des conseils de guerra»
-
telle qu'on la volt encore l'oiiollotinor aujourd'hui, est aussi éloignée que possible du progrès do nos moeurs
et des lois do la civilisation. Tous le» esprits éclairés réclament depuis longtemps uno amiplôlo révision
378 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
matérielles produites par l'accusation. M, de Brossard pouvait être condamné, il
lé fut. Cette victoire ne suffisait pas toutefois a M, Bugeaud; car, le 31 août 1838,
co général, irrité du courage civil clôplôyé par M° Boiiivitliei'Sj termina son triste
rôle par uno véritable provocation i — «Monsieur, 4ui écrivit-il, vous avez excédé
a mon égard les bornes d'une défense légitime. Vous ne vous êtes pas contenté
de repousser les accusations dont votro client était l'objet ; Vous m'avez attaqua
personnellement, d'une manièro blessante et injuste ; si vous n'avez pas eu
l'intention de m'outragor, j'espère que vous no refusorei! pas de me donner sur
ce point une déclaration dont vous comprendrez que j'éprouve le besoin.
«J'ai l'honneur, etc. BUGEAUD.»

L'aVocat, fidèle au sentiment de la religieuse mission qu'il venait d'accom-


plir, répondit le même jour à cette bravade, on quelques 1 ignos sévères, que
voici : «—* «Général, je suis certain d'être resté dans les limites de mon droit
et mémo dans la stricto observation des convenances a votro égard. Ce que
j'ai dit n'était que la reproduction exacte des faits que vous-même avez déclarés
publiquement, ou do pièces que vous avez écrites, Il serait de mon devoir, et je
l'accomplirais u regret, de dire tes mêmes choses* si l'occasion se présentait
de nouveau, et de ta même manière* Quant à l'intention de vous insulter per-
sonnellement, elle oût été contraire âmes devoirs, ello était étrangère à mon
' esprit.
«j'ai l'honneur d'être, etc. E. BOINVILLIEIIS,»
M, Bugeaud se contenta de cette déclaration ot la fit imprimer !..,
Tols étaient les antécédents de l'homme auquel la trop grande confiance du
gouvernement abandonna tout a coup les destinées do l'Algérie.
Cependant la presse ne fut pas hostile au nouveau dignitaire. Le Siècle, journal
d'opposition constitutionnelle, qui jouissait alors d'une haute influence par ses
40,000 abonnés, apprécia co fait avec une louable modération : — « L'envoi do
M, Bugeaud dans la colonie d'Alger, publiait cette feuille, le 6 janvier 1841, vient
deranimer les discussions qu'a fait naitre si souvent l'occupation de ce pays. La
question personnelle, la seule, selon l'usage, dont se préoccupe vivement lo
Pouvoir, n'a pour nous d'imporUuice qu'on co qu'elle est inséparable do la
bonne direction a donner, soit aux expéditions militaires, soit aux travaux do

boti sons. ..'.'''


de noire code militaire, dont la rigueur draconienne est si souvent en désaccord avec les principes du

Nous admettons sans doute que le droit d'innigor une sérié do punitions disciplinaires, graduées pour
toutes les fautes commises dans le service intérieur, doit être remis A l'autorité discrétionnairedus chefs do
troupe, Le contrôle de son Usage est garanti» jusqu'à un certain point, par là faculté de réclamation dans
l'ordre hiérarchique,
Nous admettons également la nécessité d'un pouvoir absolu, dictatorial, Inflexible,exerçant,en certains
ces» le droit de vie et de mort, 'en campagne, devant l'ennemi ; eut 11 est des cas où la discipline no peut
régner que par la crainte d'un châtiment immédiat et sans appel.
Mais» en temps de paix» lorsqu'il s'agit do disposer do l'honneur ou do l'existence d'un citoyen, dans un
pays libre du tout homme» soldai ou yéitéval, est égal devant la loi» il nous semble plus quo dangereux de
confier l'orme terrible do laJustice A des(iitollls;ences qui ne sont que trop portées A mollroîa loi du sabre
au-dessus de toutes les lois L'exercice des fonctions judiciaire*demande une longue suite d'études epèclates,
la gravité perpétuelle d'unu vie austère, une science de la vie et du droit social qui no s'acquiert pas dans
les écoles militaires, les casernes
ou les camps. Et le 'moindre Inconvénient de la juridiction militaire fit-Il
d'être sujet A t'en >Ur, cette raison capitule aurait d A tWolItor la sollicitude do nos léjjiiiltttours,
LIVRE SEPTIEME. 379
l'administration. Que nous importeraient los antécédents do M. Bugoaud, comme
hommo do parti ù la Chambre, si nous étions convaincus qu'il fût plus capa-
ble qu'un autre do servir, comme gouverneur général, les intérêts de la
France on Afrique ? Celte conviction, nous ne l'avons pas. Sur quoi, en effet,
aurait-elle pu so fonder, si ce n'est sur la haute opinion que paraissent avoir
conçue du général quelques-uns de ses amis politiques? Caaanûanl, nous sommes
loin de prétendre qu'il n'ait aucuno capacité militaire, aucuno des qualités qui
conviennent au commandement dont il vient d'être rovêtu. Lo passé, dans lo-
quel il faut bion comprendre le traité do la Tafna, n'est point une garantie.
Laissons-lui l'avenir, ot prouvons au détracteur systématique de la presse l'injus-
tico do ses préventions, on déposant au moment où il entre dans uno nou-
velle carrière, celtes qui, ayant été légitimement conçues jusqu'à présent, lui
seraient défavorables» C'est ainsi que nous nous étions déjà, exprimés, avant
mémo quo la nomination du général Bugeaud fût officiellement consignée
dans U Moniteur, Plusieurs journaux ont donné à ontondro que le maréchal
Volée a été rappolé parce que lo ministro do la guerre n'était pas homme à
souffrir, commo ses prédécesseurs, l'action indépendante quo prétendait oxorcor,
dans son commandement, l'ancien gouvornour d'Alger. SI cola est vrai, il ost a
croire quo lo maréchal Soult n'entend pas non plus s'en remettre au général
Bugoaud, et qu'il ne lo laissora point partir sans lui tracer nottomont un plan
do conduite. Lo gouvornomont a fait choix d'un hommo qui a sa confiance ;
eh bion, qu'il fasso choix aussi d'un système »1

Toile était la disposition dos esprits. Passons aux faits.


Nommé aux fonctions do gouverneur général do l'Algérie, par ordonnance
du Iloi en date du 21) décombro 18^0, lo lieutenant général Bugeaud vint pren-
dre possession do son commandement lo 22 février suivant. Los instructions
du ministère lui prescrivaient do poursuivre activement la destruction do la
puissance do l'émir. Dans co but, l'occupation do Maskara, avec une force
agissante, était considérée commo essentielle} quelques postes pou importants
dovaiont être évacués, afin do concentrer, nos troupes} Mostaghanem était ap-
pelée a. devenir uno base d'opérations dans la province d'Oran.
Lo ministro do la guerre, sans attendre les demandes du nouveau gouverneur
général, avait pris los mesures nécessaires-.pour quo l'effectif de l'arméo fût
porté, dès l'ouvorturo do la campagno du printemps, à 73,ft00 liommos et
13,t>00 chevaux. Cet effectif devait être encore augmenté, pour la campagne
d'autonino, do f> bataillons, soit environ h,b'00 hommes.'Mais en mettant dos
forces aussi considérables è la disposition du gouverneur général, le ministro
crut devoir préciser, dans sos ordres, que l'intention du gouvernement du Roi
était doconsorvor los places de Médéah, Milianah, Chorcholl, ot de dohtior aux
ouvrages défonsifs les développements quo tes localités pouvnioul exiger ou
permettre, afin que les troupes y trouvassent.dos facilités pour so livrer à divers
genre do cultures, dont los produits augmenteraient.leur bien-êtro et nos res-
sources,
En arrivant à Alger, M. Bugeaud ne négligea point les précautions oratoires)
— son peu do popularité l'inquiétait, lu presse lui faisait peur, et il comprit
lo nécessité d'ossuror ses débuts par la publication d'un programma richo de
380 L'AFRIQUE FRANÇAISE,
promesses qui coûtent si peu, et d'ospérancGs qui donnent du temps pour s'in-
staller à l'aise. La population civile do la colonie reçut donc, te 22 février, la
proclamation suivante:
« Habitants do l'Algérie, à la tribune comme dans l'exercice du commande-
mont mililaire en Afrique, j'ai fait des efforts pour détourner mon pays de s'en-
gager dans la conquête absolue dû l'Algérie. Jo pensais qu'il lui faudrait uno
nombreuse arméo ot do grands sacrifices pour atteindre ce but; que pendant la
durée do cotte vaste entreprise, sa politique pourrait en être embarrassée, sa
prospérité intérieure retardée.
« Ma voix n'était pas assez puissante pour arrêter un élan qui est peut-êtro
l'ouvrage du destin, Le pays s'est engagé, je dois lo suivre, J'ai accepté la
grando et belle mission do l'aider à accomplir son oeuvre. J'y consacre désor-
mais tout co que la nature m'a donné d'activité, do dévouement et do résolution.
Il faut que les Arabes soient soumis, quo le drapeau de la Franco soit seul de-
boutsur cette terre d'Afrique.
« Mais la guorro, indispensable aujourd'hui > n'est pas lo but. La conquête
serait stérile sans la colonisation. Jo serai donc colonisateur ardent; car j'atta-
che moins ma gloire à vaincro dans les combats qu'à fonder quelque chose
d'utilement durable pour la France.
« L'expérience faite dans la Métidjah n'a que trop prouvé l'impossibilitéde
protégor la colonisation par formes isolées, et c'est à peu près la soute qui a été
tentée jusqu'ici : ello a disparu au premier soufflo do la guerre. No recommen-
çons pas cette épreuve avant que lo temps soit venu; laforce militaire s'y affai-
blirait par le fractionnement, et l'arméo y périrait par les maladies sans donner
aux cultivateurs la sécurité agricole. Commençons la colonisation par agglomé-
ration dans des villages défensifs, on même temps commodes pour l'agricul-
ture, ot assez militairement constitués ot harmonisés outre eux pour donner lo
temps h une force contrôle d'arriver à lour secours. Je mo dévoue à cette oeuvre,
Formez do grandes associations do colonisateurs ; mon appui, mon zèlo do tous
les instants, mes conseils d'agronome, mes secours militaires, ne vous man-
querontpas.
« L'agriculture et la colonisation sont tout un, Il est utile et bon sans doute
d'augmenter la population des villes et d'y créer dos édifices; mais ce n'est pas
là colonisor, Il faut d'ubord assurer la subsistance du peuple nouveau et do ses
défenseurs, que la mer sépare do la Franco; il faut donc demander à la terre
coqu'elte peut donner. La fertilisation dos campagnes est au premier-rang dos
nécessités coloniales. Los villes n'en sont pas moins l'objet do ma sollicitude ;
niais jo les pousserai, autant que je le pourrai, à porter leur industrio et leurs
capiteux vers les "champsj car, avec les villes soutes, nous n'aurions que lu
tête delà colonisation et point le corps} notre situation serait précaire, et in-
tolérable h la longue pour la mèro patrie.
« Empressons-nous donc de fonder quelque chose do vital, do fécond} d'ap-
peler, provoquer les capitaux du dehors à se joindre aux vôtres ; nous édifie-
rons dos villagos, et quand nous pourrons dire à nos compatriotes, à nos voisins t
'—Nous vous offrons dans des lieux saliibreS des établissements tout bâtis, en-
tourés do champs fertiles, et protégés d'une manière efficace contro les attaque?!
LIVRE SEPTIEME. 381

imprévues do l'ennemi, — soyez sûrs qu'il se présentera des'colons pour pou-


pter, Alors la Franco aura véritablement fondé uno colonie, et recueillera lo
prix des sacrifices qu'ollo aura faits 1. )>
Après ces préliminaires, lo gouverneur général, conformément au plan qui lui
avait été tracé, s'empressado donner tes ordres nécessaires pour l'évacuation, dans
la province d'Algor, do tous los postes qui n'étaient pas d'une importance tello
que leur abandon pût produire un fâcheux effet moral. Diverses mesures, pro-
pres à augmenter la sécurité, furent égalemont prises} tous les maraudeurs ot
les réfugiés indigènes, auxquels on attribuait les vols ot los assassinats qui so
commettaient dans loSahol, on furent expulsés, et réunis en avant do la Maison
Carrée. Cette réunion donna naissance à la colonie de l'Ouod-IIaratch. Un ser-
vice d'embuscades et do patrouilles très-actif fut également établi dans le Sahel,
et produisit des résultats immédiats.
Tout était ainsi préparé pour la guerre, dont lo théêtro principal allait
changer. La campagne précédente l'avait rojotéo au delà do la Métidjah, et
nous avait permis do mottro à Médéah et Milianah des garnisons suffisantes
pour garder cos doux, postes, mais pas assez pour exercor l'influence nécessairo
au dehors. Los populations, refoulées seulement sur do très-petits espaces,
n'avaient rien perdu do lour. ardeur belliqueuse; Abd-el-Kader réparant les
portes que nous lui avions fait éprouver en 1840, réorganisait ses troupes ré-
gulières; la riche cl populeuse province, d'Oran lui fournissait toujours do nou-
velles ressources. Il s'agissait donc essentiellement do porter la guerre dans
colto province, on mémo temps quo dans celles d'Algor ot de Tittori ; de détruire
tous les dépôts fortifiés do l'onnomi; d'occuper Maskara, et do poursuivre dans
toutes les directions les tribus les plus puissantes, pour les soumettre, en les
troublant lo plus.'• possible dans la jouissanco agricole du torritoiro.
Au début do son gouvernement, lo général Bugeaud so montrait animé des

ltn ordre générât fut on mémo lomps adressé aux troupes qui recevaient leur nouveau chef avec lo
calme plat do l'obéissance passive, et sans autre opinion que les lointains échos qui leur étaient venus do
France. L'essai dé llttératute mllltalro de M, Bugeaud no fut point malheureux ; il était ainsi conçu t
« Soldats do l'arméo d'Afrique! lo rolm'appelle A votre této, Un pareil honneur no so brigue pas; car
on no saurait y prétendre ( mais si on l'accepte aveo enthousiasme, pour la gloire que promettent dos
hommes commo vous, la cralnlo do rostor un-dessous do cotto immense tAcho modèro l'orgueil do vous
commander.
« Vous avez souvent vaincu les Arabes, vous les vaincrez encore) mais c'est pou do los fairo fuir, il
faut los soumettre, l'our la plupart, vous êtes accoutumés aux marches pénibles, aux privationsinsépa»
rablos de ta guerre. Vous les aveu supportées avoo courage ot porsévérance,dans un pays do iiomados qui
on fuyant no lulssent rien au vainqueur.
« La compagne prochaine vous appelto de nouveau A montrer A la Franco ces vertus guerrières dont
elle s'enorgueillit, Je domandoViil A votre ardeur, A volro dévouement au pays otau Roi, tout ce qu'il faut
pour attelndro lo but; rien au délit. Jo sorol attentif A ménager vos forces et Votre santé, Los ofliciors do
tout grado et les sous'ofilclcrs mo seconderont, j'en suis sAr Us no négligeront jamais ni d'épargner
quelques Instants do fatigue A la troupe, ni do prendre la plus petite précaution d'hygiène, ni do donner
los encouragementsmoraux que los circonstancespourraient ojlgor. C'est par ces soins cohstunts quo llous
conserverons nos soldats, Notro devoir, l'humanité, l'intérêt do notro gloire nous lo commandentégalement,
Jo serai toujours heureux do pouvoir signaler au Roi non-seulement les actes do coutago» mais encore, et
sur la môme ligne, los chefs qui se distingueront por les soins paternels qu'ils auront do leur tronpo, sous
un climat oit il faut multiplier los précautions,
« Soldats, A d'nntros époques j'avais su conquérir la conrmnco do plusieurs des corps do l'arméo d'Afrique.
3'al l'orgueil do croire que ce sentiment sera bientôt général, parce que je suis bion résolu A tout fairo
pour le mériter, Sans la confiance dans lo chef, la forco moralo qui est le premier élément do succès no
saurait exister. Ayez donc confiance en moi, comme ltt Franco et votro général ont confiance en voit?, u
382 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
meilleures intentions ; ot malgré qu'il ne fut point partisan do l'occupation com-
plète do l'Algérie, il semblait décidé à seconder de toute son activité, do toutes
ses forces, lo nouveau système essayé par lo gouvernement. S'il avait beaucoup
à faire oublier, il était hommo d'entroprlso ot d'exécution, admirablement orga-
nisé pour supporter toutes les fatigues do la guerre, ot doué d'un courogo mt-
litairo qui, avec un sons plus droit, avec quelquologiquo dans los idéos, eût pu
amener des résultats durables, au lieu do nous engager dans tes vicissitudes
funostos d'uno lutte interminable ot trop souvent souilléo do hidoux excès. L'ox-
gouvornourdo Blayoqu'avait fait pâlir uno mystification, ot qui n'osait affronter
les prétondus bravi siciliens, pouvait êtro impassible on fa co do l'onnomi, et
nous avons nous-mômo admiré, on 1844, son sang-froid, la justesse do son
coup d'oeil, ot la spontanéité toujours hourouso do sos mouvements dans les
combats algériens. Si nous avons paru narrateur austère do ses antécédents
politiques, ot si, dans la suite do co tableau rapide, la vérité nous contraint do
blâmer encoro plusieurs de sos actes et do condamner ses principes, nous ren-
drons toujours à l'intrépide guorricr unejustico méritée.
L'ambition do parvenir, jointe au désir plus noblo.ot plus patriotique d'effacor
le passé do sa carrière, pouvait fairo du général Bugoaud un oxcollont instrument
do conquête, si la récompense ne s'était laissée entrevoir, qu'au termo do son
oeuvro. Agent subordonné, il n'était pas incapable do remplir parfaitement les
dosseinsdu gouvernement; mais la dignité de maréchal do Franco lo surprit et
l'enivra; de cette élévation prématuréo datent ses conflits uvoc lo Pouvoir, son
aveuglement, sos fautes mulllpliéos, et l'impossibilité do lui consorver une posi-
tion trop lourde pour sa raison, 'trop, supérieure a. ses capacités réelles, et dont
il no s'est fuit uno dictaluro quepour.s'abîmer dans toutes les folios d'une or-
gueilleuse impuissance. C'est a lui quo pourrait s'appliquer la poiiséo profondo
et vraio, d'un offleior supérieur fort éclairé, ot quo nous avons cité plus d'une
fois: —«Les liommos à connaissances générales, dit quoique part cet historien
militaire, sont extrêmement rares ; cependant il est évident qu'on aurait plus
dochancos de trouver, dans la classe civile, un bon gouverneur d'Alger que
dans l'armée, puisqu'ici lo choix no peut porter que sur les quatro-vingts indi-
vidualités do maréchaux et do lieutenants généraux dont los uns sont usés par
l'Age, et dont los autres appartiennent à une génération à laquelle les bienfait?
do la haute instruction ont complètement manqué. Il existe certainement plu-
sieurs exceptions h celte règle générale, mais uvouons aussi quo dans un siècle
do criso commo lo nôtre, oh chaque période de quinzo ans amèno dos idées ot
des besoins nouveaux, les hommes d'uno époque devraient disparaîlro avec ello,
et no pas attendre quo lo public leur apprenne d'uno manière désobligeante
qu'ils sont restés trop longtemps sur le IhétUre. La patrie, reconnaissante pour
quelques anciens services, les inscrirait sans trop d'examen sur los fastes do sa
glolro, tandis qu'on s'obslinant à rester en scène, ils s'exposent à co qu'après
avoir reconnu ce qu'ils sont dans te moment, on ne vienne a examiner avec
trop de curiosité ce qu'ils furent nulrefols.))
Pour être fidèles à l'esprit des faits, nous avons fuit deux parts do l'adminis-
tration du général Bugeaud, La première so développe favorablement sous la
direction du ministre do la guorro,pondant uno période do trois années; — la
LIVRE SEPTIEME. 383
seconde so perd dans la fumée dos ovations, dans les ténèbres d'une singulière
ingratitude.; et à la place d'un gouverneur d'Algérie on est tenté do ne plus
voir qu'un pacha révolté. Maisdo ces.excès mêmes jaillit l'impérieuse nécessité
do substituer à un individu, à un système, l'imposant concours des plus grandes
forces dont lo pays puisse disposer, et d'illuminer enfin los destinées algériennes
d'un reflot du irôno français.
L'année 18*1 s'ouvrait sous do favorables auspices. Dans la provinco d'Oran,
une colonne de 4,000 hommes part* do cette ville, dans la nuit du 12 au 13
janvier, sous los ordres du commandant do la placo, el marchant à la rencontre
du khalifa d'Abd-pl-Kador, Bon-Tami, elle le contraint à la retraite. Dans la
provinco de Constantino, la tribu des Boni-Oualban, coupable do plusiours
meurlros sur la route do Philippevillo, est sévèrement punie. Dans le mémo
temps, la garnison de.'Djidjoli fait payer chèrement aux Kobaïles une tentative
qu'ils avaient exécutée contro elle, avec autant do perfidie quo d'audace, .lo' 3
février. Lo commandant, pour repousser leur attaque, sort à la lêto do quelques
compagnies, ot s'omparo d'une gorge étroite qui, fermant touto retraite aux
assaillants, les acculait à la mer} ils perdirent là près de 80 hommes. Los;atla-
quos d'EI-Berkani, autre khalifa do l'émir, furent également repoussées dans
la province de Tittori ; et malgré tous les efforts de l'onnomi, le ravitaillement
de Médéah put être effectué à la l'Indu mois'do mors. Celui do Milianah devait
suivro immédiatement; cotte dernière placo attendait des vivres ot des effets
d'hôpitaux.
Un convoi, parti de Blidah te 27 avril, fut déposé à Médéah, le 29, La co-
lonne chargée des approvisionnements destinés à Milianah se dirigea vers cette
Villo par un chemin nouveau qui ne demandait que doux Jours, et qui, pas-
sant chez les Oulcd-Ben-Sonna, et par les 'crûtes du Contas, aboutit à A'in-
Solthan, ot do là dans la plaine du Chéliff. Le l'* mai, elle rencontra l'ennemi
hors de Milianah, et eut avec lui un engagement sérieux. Un.autre engage-
ment plus meurtrier eut encore lieu, le 3 mal, avec les Kobaïles; Abd-el-Kader
s'y trouvait avec trois bataillons réguliers, et sa nombreuse cavalerie do l'Ouest.
D'après les rapports, on aurait compté 10 ou 12,000 fantassins sur les collines
à l'ouest do Milianah, flanqués à leur droite pur 10,000 cavaliers. Le corps
expéditionnaire, commandé par M. Bugeaud, so composait do 8,000 hommes do
toutes armes. LL. AA. îltl, MMgrs les ducs de Nemours ot d'Aumale hono-
raient cette petite urméo de leur présence; lo premier avait sous ses ordres la
gaucho et une portion du centre ; le second commandait doux bataillons. L'en-
nemi laissa 400 hommes sur le terrain. La colonne, franchissant le Chélifl",
joignit les réguliers d'Ab-ol-Kadcr, les mil en déroute, et en revenant à
Blidah, cliâtia les Soumata qui s'étaient toujours montrés hostiles.
Le gouverneur général, dès les premiers temps de son arrivée, avait rapide-
ment visité la province do Constantino, Dans cette province, comme dans celte
d'Alger, 11 ordonna la suppression de tous les postes inutiles, sur la ligne do
Bono.à Constantino, et sur celle de celte dernière ville à Sétif; cette mesure
permit do renforcer les garnisons do Constantine, Sétif, Gitohnu et Boue. A son
retour, M. Bugeaud s'occupa des préparatifs de la campagno du printemps,
dont les ravitaillements do Médéah et do Milianah pouvaient être considérés
38V L'AFRIQUE FRANÇAISE,
comme l'heureux prélude'. Cos opérations terminées, il confia-au général Ba-
raguay d'Hilliers la division qui devait agir dans lo Bas-Chélill', pendant que

( Le retour du ravitaillement de Médéah fut signalé pur un épisode qui faillit priver la France d'un écri-
vain religieux, M. Louis Veuillot, qui avait suivi lo général Bugeaud, en qualité do secrétaire,
« Cet épisode, dit M, Veuillot lui-mémo, dans un livre récomment publié, pourra donner une idée du
pays et do la guerre, La desconte du col do Mouzaïa avait été rendue très-difficile par la pluie i les chovaux,
les hommes ot los mulets glissaient sur cotto ponto rapide, et il fallait beaucoup do précautions pour em-
pêcher les accidents, Lo passage de l'atnbulnnce surtout avait pris du temps; il en était résulté une solu-
tion do continuité dans ltt colonne; l'avant-garde, marchant sons obstaclo, s'était éloignée d'environ uno
demi-lieue du gros do l'armée, précédé lui-môme de l'ambulunco, encore engagée dans l'étroit chemin qui
s'allongo, on serpentant,du premier plateau do la montagno A l'entrée du col.
« Je me trouvais aveo un jeune lieutenant des chasseurs d'Afrique, attaché comme officier d'ordonnance
A la personne du gouverneur, entre l'ambulance qu'un détour nous avait fait perdre de vue, et l'avant-
gardo que nous n'apercevions pas. Lo lieutenant me racontait quelques aventures do guerre que J'écoulais
aveo un grand intérêt, lorsque tout A coup, je vis A peu de distance des tourbillons de fumée. Je los fis
remarquer A mon compagnon : — Ce sont, dit-Il, dos gourbis que l'avant-garde a brûlés, pour punir les
Soumalas d'avoir tiré sur nous; ils ne doivent pas être bonne humeur!,,, Mais, ajoula-t-il en regardant
do tous côtés, nous sommes seuls; pressons le pas, on pourrait nous faire un mauvais parti, —Quoi dis-jo,
1

au milieu do l'armée?— On en à vu dos exemples, reprit-il en souriant! pressons le pas,


« Nous nous mimes au trot. Au bout d'une minute ou doux, nous rencontrâmes cinq sapours du génie,
conduisant deux chevaux, — L'avant-garde est-elle loin? demanda lo lieutenant.—Non, répondirent cos
liommos, ello vient do passer. —Pourquoi ètes-vous roslés en arrière? poursuivit sévèrement le lieutenant;
il ost défendu de marcher ainsi par petits groupes I rétrogradez vors l'armée t —Mais, diront encore ces
hommes, t'avont'gnrdc est 1A. '
« Nous nous remîmes nu pas. — U'69t quo voyez-vous, continua le lieutenant, los Kabaïles soiitonrflgés
quand leurs maisons brûlent, et ces grcdins-lh, qui tiennent si peu devant uno force régulière, sont d'uno
audace inimaginable qunnd il s'agit do faire un mauvais coup, lis s'embusquent dans les rochers, derrière
les orbres, rompent sur l'herbe, IAchont leur coup de fusil, coupent la tdto do celui qu'ils ont tué, et puis.,,
cours après ! Ils sont déjà loin, ou ils ont regagné leur cachette, Nous en avons poul-etro une vingtaine
autour de nous, en fuce desquels nous ferlons vilaine figure.
« Tout on causant ainsi, nous avions perdu do vue les sapeurs, et nous n'apercevions toujours pas l'avant-
gardo. La route quo nous suivions formait une espèce d'oréto tmtro doux vallées remplies do hautes herbes,
de broussailles et de bouquets do bols, A drolto et A gaucho, on voyait brûler les gourbis, Jo remarque!,
sans rien dire, que mon compagnon nous faisait roprendro le trop. J'entendis lo clairon. — Ah! m'écrlnl-jo
Avec une verlaine joie, voici l'avant-gardo I — Oui, répondit le lieutenant, elle ost au camp, A uno petite demi-
lieue de nous. Mos pistolots ne sont pas chargés; et les vôtres?—Ils Sont chargés, mais j'ai oublié'ri'//
mettre des capsules. — Ah !,.. pressez votre cheval.,, Saurioz-vous manior votre sabre ?
* Jo m'çtals,en effet,affublé d'un long sabre, jo no sais trop pourquoi; probablement pur simplicité
d'homme do lettres,—Monsabrol dls-je; il no me sert exactement qu'A mo faire trébucher quand je marche.
J'Ignore si josauruls mémo lo tirer du fourreau.., franchement, est-ce quo vous croyez qu'il y u du danger?
—Tenez,{dlt lo lieutenant, jo no veux pas vous effrayer, main nous sommes dans un mauvais pas. Nous
nous défendrions pout-ôtro mat contre trois ou quatre fusils; ainsi, faisons un temps do galop,—Galop-
ons, répondl8-je; il faut so plier aux coutumes du pays.
<i
Mais nous n'avions pas fait ainsi quelques toises, quo je m'arrêtai tout court.—Eh bien, s'écria lo
lieutenant, tout étonné, quo falts-vous donc? — Ayez la bonté do tenir un momont mon choval, lui dis-jo ;
11 faut que Jo le sangle
; la sotte tourne BCUB moi I—Non certes, rèpllqua-t-il avec une expression très-

•'.''
sérieuse ; jo no Vous laisserai pas dosceiidro; tenez-vous comme? vous pourrez, et filons I — Je vais tomber I
Empoignes ht crins I Nous n'Irons qu'au trot si vous voulez, mais, pour Dieu, no descendez pas ! Jo suis

étonné que nous n'ayons pas déJA reçu quelque chose, lis nous croient, sons douto, bleu montés ot bien
urmés I
« Dlsmil cela, il trottait toujours, et commo je vis quo jo me tonals à peu près en équilibre sur ma sella,
Jo n'Insistai pas. Jusque-IA, j'avais un pou pensé que le lleutonant voulait so divertir. Comment Imaginer
qu'il poussât la plaisanterieJusqu'à me faire rompre lo cou? Jo m'affermis donc sur mes élriers, ot mémo,
jo me sentis meilleur cavalier quo jo no l'avais été de toute la campagne. Le lieutenant tenait un oeil sur
mol, un autre sur les doux côtés de la routai —Comment cela va-t-il? — Ëh ! répotidJs*Jo, mo rappelant
l'histoire do cet homme qui tombait d'un cinquième étugo, cola va bien, pourvu que cela dure I —Quand
nous aurons pusse ce bouquet de bols, poursuivit-il en m'itidlquant un petit fourré dont nous opprochiolis,
jo réponds do vous, et je vous laisse sanglor votre cheval, — Écoutez, lieutenant, lui dis-jo A mou tour,
faites-en co quo Vous voudrez, mais, pour mol, jo dis uu Ave Maria ! — Dites-le pour deux, répondit-Il.
« Nous passâmes ou silence ot sans encombre devant lo fourré, el deux minutes après, nous
arrivâmes
au bivouac, Au mémo Instant, et lorsqu'à peino on avait dessellé nos chevaux, quelques coups do fusil so
LIVRE SEPTIÈME. 885
lui-mémo dirigerait l'expédition qui allait so faire dans la provinco d'Oran.
M. le général de Bar recevait en mémo temps l'importante mission do com-
mander Alger et son torritoiro. C'est a cette même époque quo s'accomplit duns
la provinco d'Algor un événement remarquante ; un échange de prisonniers
français et arahes eut lieu, près do Bou-Farik, lo 19 mai, avoc des circonstances
propres à en conserver lo souvenir.
Abd-el-Kader avait, depuis longtemps, prescrit a sos khalifes do fairo épar-
gner la vie des soldats français qui tomberaient entre leurs mains. Son humanité
naturelle était, on cela, d'accord avec la politique; ses ordres furent observés
religieusement. Quelques arabophages 'militaires ot civils s'imaginèrent quo
l'émir n'était inspiré que par lo désir de se ménagor ainsi des voies do négo-
ciations pour sauver sa puissance menacée. Mais des hommes plus éclairés,
plus généreux, des esprits de paix et de civilisation, jugeant do plus haut les
qualités du caractère arabe, tentèrent une épreuve glorieuse dont les résultats
devaient démontrer tout ce que la charité chrétienne peut accomplir de supé-
rieur aux oeuvres do la guerre. Le premier évôquo do l'Afriquo française, M. I)u-
puch avait obtenu du gouvornour général l'autorisation d'onvoyor un do ses
prêtres auprès d'Abd-el-Kador, pour négocier la rançon do quelques soldats
prisonniors, L'abbé Suçhot s'était acquitté do celte pieuse mission avoc un cou-
rage apostolique, et avait pleincmont réussi. L'émir, qu'il était parvenu à re-
joindre auprès do Maskara, lui avait rendu, sans rançon, cînquanle-six Fran-
çais. Sur toute sa route, les Arabos des tribus les plus hostiles avaient salué
l'hommo do prière avec vénération, et l'admirable abbé Stichot avait regagné
Médéah on compagnie d'un seul interprète, avec plus do sécurité qu'au mi-
lieu d'une colonne expéditionnaire, lîlncouragé par cet heureux fruit de la piété et
de la fol, l'évéquo d'Alger avait repris avec le khalifa do Milianah de nouvelles
négociations pour obtenir l'échango de 138 prisonniers français contre autant

firont oitlondro. Uno vingtaine, d'hommes oncoro en sello so précipitèrentsur lo chemin; Ils revinrent avoo
la colonne, rapporlulit los corps décapités des cinq sapeurs A qui nous avions parlé une deml-heuro aupa-
ravant, sans avoir pu atteindre! les meurtriers. J'échangeai avec le lieutenant uu regard significatif, que la
gouvornour Intercepta et comprit, co qui nous attira do sa part une semonce inllllalro, contro laquelle je
nie gardai bien do réclamer, rendant grAoos A Uiuu d'un étro quitte A si bon marché. » ( Les Français en
Algérie, souvenirs do lK-U, p. M5-2&8.)
M. Votilllot a écrit un livre plus mystlquo qu'historique, mats dans loqtiot on trouva eA ot là do
piquantes anocdole3, l'eu fuit pour les scènes do la guerre, il voudrait convertir los Arabes, et co moyeu
do pacification lut parait le plus sûr. —« Il faudrait, dit-il (p, 381), dos moines, des corporations d'hommes
ot do fommos pour suffire A tant do besoins divers j C03 congrégations réussiraient, car la grAco do UUu
no lour manquerait point. 'l'ont quo les Arabes no seront pas chrétiens, nul gouverneur, nulle armée tlo
pourra garantir, pour un mois, la durée de la paix, » Une conclusion si étrango ne nous somblo pas reposai'
surdos buses plus solides que ia Boita qui tournait sous M.Vouillot. On comprend, au reste, quo le secré-
tiiiro éminoniinontcuthollqno do M. lo'général Uugcaudsosolt vito lassé des émotionsdu combat, car la nature'
du soldat n'est pas lo partage do tout lo monde, (Je qu'il admire surtout dans to gouverneur do l'Algérie*,
c'est d'avoir été lo promior qui permit Ados aumôntors do suivre les grandos expéditions i—nous croyons
sans polno que la société .d'un ttUmôntor l'eût mieux réconforté que collo d'un officier do cavalorio, en
doscoiidant los pontes du Mounaïah, Mais un l'ait plus inlporiant quo nous recueillons dans son livre, c'est
l'antipathie protioncéo du général Ungoaud pour la conservation do l'Algérie i—« Nous no nous lovions
guère do lubie, dit M. Veuillot (p, 12), quo lo gouvornour général n'eAt calculé aveo amertume la sommo
quo lo repas quo nous venions do fairo ovnit coûtée A la France, suns compter lo sang. Lorsqu'on lui
parhilt do la colonisation el des colons d'Algor, son bon sons n'y pouvait lenlr. Il so répandait eu raillerie»
poignantes contre ce mensonge criant, n'épnrgliaiit personne, ot s'Iuquiétant peu de savoir qui l'écoutalt.
J'en gémissais, commo d'une faute politique, car cos discours étalent interprétés et commentés nurdi'poiis'
de son patriotisme, «
'.' in
386 L'AFRIQUE FRANÇAISlï.
do captifs arabes. Sa lottre, portée par quatre Arabes dont la liberté venait d'étro
obtenue par lo plus digno prélat, fut accueillie favorablement5 et commo si la
Providence so fût chargée de conduire pour notre enseignement celte oeuvro de
charité, toutes les difficultés s'aplaniront d'eilos-mômos, et laréponsè du lieute-
nant d'Abd-ol-Kader annonça presque immédiatement lo succès de cette sainte
démarche, en fixant le jour, l'heure et lo lieu do l'échange convenu '.
Lo 17 îhai, h six heures du matin, les 138 prisonniers arabes, hommes,
femmes et enfants, furent habillés do neuf aux frais de l'évéquo ; et lo cortège
sortit de la Kasbah d'Algor, pour so mettre en route par la porto de la Victoire.
La voiture do M. Dupuch ouvrait la marcho ; douze autres la suivaient, portant
les femmes, les plus petits enfants, et quelques hommes malades ou blessés. La
veille au soir, le prélat avait reçu, do la part de Mohammed-Sidi-ben-Allal, dos
dépêches qui l'informaient do' l'arrivée do co khalifa, pour lo lendemain, 18
mai, d l'heure où se partage le jour, c'est-à-dire vers midi ;—lo rendez-vous
élait donné a la fernio do Mouzaïah, au'. pibd du fameux Téniah. Au moment
oîi les cavaliers arabes, porteurs do cette lettre, descendaient les pentes du fort do
l'Empereur, ils avaient été rencontrés par le général Baraguay-d'Hilliers, qui
parlait avec une eolonno pour ravager la provinco do Tittori 5 mais co général
no devait arriver a Blidah quodans la soirée du 17, et son mouvement ollonsif
pouvait étro ajourné do quelques houros, pour laisser à l'oeuvre de l'échange
le temps do s'accomplir,
L'évéquo se hâta d'adresser a co général une lettre fort pressante pour le
supplier do 110 pas rondro stérile un acte do charité qui allait couronner tarit
do travaux ot do dévouement religieux. Malheureusement, M, Baraguay^d'Hil-
liors ne crut devoir fairo aucuno réponse, ot sos troupes durent occuper lo

i Quelques passages do la lettre do Sldi-Mohammod-Uen-Allol,khalifa do Milianah, A Mgr l'évoque


d'Algor, peuvent servir A prouver, une fois do plus, quo les Arabes n'ont pas fout le fanatisme quo M, llu-
godud ot tant d'autres s'efforcent' do leur prêter. Voici quelques pensées extraites ele ce message, dont là
forme vt la slyje rappollolit d'uno manièro naïve les touchantes Vertus dos temps primitifs qui so porpè*;
tuent cliozfles indigènes do l'Algérie, ot dont uno meilleure politique ont pu tirer tant do fruits i
Lolla-Murlom (Mark), nous avons reçu tes lettres,
« Vénérable serviteur de Sldl-Aïssa.(Jésus) ot do
nous en avons compris te contenu, Nous avons reconnu avec bonheur ton amitié et la vérité dont tu os la
lumière, Los quatre prisonniers que tu as délivrés pour nous les apporter sont heureusement arrivés,11
ailleurs, et très-particu-
nous resto A to prier do nous occuper du soin do ceux qui sont encore A Alger ou
lièrement do Mohammed-Jlen-Moktttr, qui m'est cher. Les parents, les umis do cos pauvres captifs étalent
Vénus avoc nous, lo jour où. nous nous sommes déjà si doucement teiioonliôs, Quand Ils ont vu que ceux
qu'ils nlmoiil n'y étalent pas, Us se sont mis A pleurer ; mais dès qu'ils ont su co que tu nous avais promis,
et qu'ils ont vu ton écriture, Ils se sont réjouis; l'amertume de lour Ame s'est changée cil allégresse, por«
suadés qu'ils les rovorrolit bientôt, puisque tu l'as dit, Nous t'écrivons ceci parce que, tous les jours,
Ils viennent pleurer A la porto do notre tonte. Aussi seront-ils consolés j car, pour nous, nous to connais*
sonsj et nous savons bien qu'il n'est pas nécessaire que nous le fassions do nouvelles rocommandatloiis;
nous èavotis qui tues, et quo ta parole do chef de la prière parmi les chrétiens est sacrée.
« Nous t'envoyolis ht femme, la petite fille, et les hommes do ton pays qui étaient restés captifs A T'akdlmt
oli chax Ailloud-Ucti-tlorraehj quant au capitaine et aux autres priàonniors chrétiens qui sont avec lui, sois
sans inquiétude mm eux; ils sont on toute sûreté sous la garde de Uiou, La guerre soulo nous empocha
encore do to lus renvoyer; mais bientôt tu les auras tons, Jo t'onvoia, en attoiidant, lo sauf-conduit dont
tes amis pourraient avoir besoin, Ils feront bien d'ullor d'abord chat lo kaïd dos Ittidjûutesj les chemins
lia sont pas surs. Je l'envolé vingt chèvres avec tours polils qui tottont encore leurs mamelles pendantes.
Avec oilos, tu pourras nourrir lus petits olifants quo tu as adoptés au nom do Dion, ot qui n'ont plus dd
mères, Dalgno excuser le peu de valeur do ce présent', tu sais que io don no se mesure pas A son prix, mais
Au bon coeur
qui l'offre,—Que Dieu tout-puissant et miséricordieux te protège,, et to Conduise toujours dans
sa lumière, >t
LIVRE SEPTIKMH. 387
llâouch do Mouzaïah, dans la nuit du 17 au 18. Co manque do déféronco h.
l'égard d'une mission que lo gouverneur général avait lui-mémo autorisée,
nous semble appeler lo blAmo sur la conduite do M. Baraguay-d'Hilliers, qui
rendait ainsi, d'uno part, impossible la conclusion dos négociations de M. Du-
puch, et, do l'autre, exposait nos malhouroux aux représailles dos Arabes. Bour-
relé d'angoisses, l'évoque néanmoins no perdit point courage. Arrivé a Bon-
Farik, a. six houros du soir, il écrivit au khalifa de Milianah pour lui déclarer
la douloureuse surprise que lui''faisait éprouver la marche d'une armée hostile
au moment d'uno transaction pacifique; il protestait, au nom des chosos les
plus saintes, qu'il était ontioremont étranger au mouvement du général Bara-
guay-d'Hilliers, près do qui ses remontrances et ses supplications n'avaient
obtenu qu'un silenco dédaigneux. Il terminait on conjurant lo khalifa do ne
pas rompre dos relations accueillies dans un but d'humanité, ot qui touchaient
à un terme si désirable, mais do vouloir bien on changer l'époque et lo lieu.
Lo courrier arabe qui so chargea de co messago partit de Bou-Furik, lo 18,
au point du jour, après avoir promis d'olre de retour avant lo milieu du jour.
Pendant les six heures que dura son absence, lo digno évéquo, entouré do ses
prêtres, déplorait ambromonteo fatal concours do circonstances, et les obstacles
quo la logiquo du sabro opposait brutalement au succès de ses efforts. On
entendait distinctement l'écho lointain du canon ot de la fusilladodans la di-
rection du Mouzaïah ; les uns comptaient avec effroi cos tristes détonations;
les autres priaient avec un coeur plein do trouble, partagés entre l'espoir qu'ils
no pouvaiont so résoudre a perdre, et les affrouses craintes quo leur inspirait
le dénoûinent possible, probable mémo do l'imprudente conduite du général.
Enfin, u. midi, par une cludour étouffante, lo courrier reparut aux avanl-postos
du camp d'Ërlon, accompagné do doux onvoyés du khalifa do Milianah, On los
conduisit chez te commissaire civil do Bou-Furik, oh l'évêquo attendait l'issue
dosa démarche. La réponse écrite qu'ils apportaient de la part do Sidl-Moham-
med-ben-Allal fut déchiffrée avec avidité ; ello était sévère et presque mena-
çante. Lo khalifa so plaignait de la présence do l'armée, commo d'une trahi-
son. Sans accuser l'évoque d'avoir directement participé a cotte agression, il
no comprenait pas quo'le chef de laprière eût pu manquer d'influence pour s'y
opposer. Cotto opinion était justifiée par le respect dont les Arabes entourent
leurs marabouts, respect qui va souvent jusqu'à leur faire déposer les armes à
la sonîo parole do ces liommos investis d'un caractère sacré. Sidi-Mohummcd
ignorait la position do quasi-impuissance quo subissait au milieu d'une arméo
chrétienne l'évéque négociateur; irrité do Tapprocho do nos troupes, dont il
n'avait pas soupçonné lo danger uu moment de son onli'ovuo avec un dlgni-
lairo qu'il croyait honoré parmi nous, il ..s'était retiré en toute liAlo, entraînant
avec lui nos malheureux compatriotes prisonniers, qu'il no s'inquiétait plus do
soustraire aux mauvais traitements des Arabes exaspérés.
Quo faire a cotto nouvelle? Abandonner son oeuvre, c'était livrer 138 tôtos
françaises h la fureur do l'otiiicinil L'évoquo ne consulte plus que son coeur, il
veut monter a cheval, ot s'élancer tout seul sur les traces du khalifa. Mais ses
prêtres lo retiennent, et deux d'entre eux, accompagnés d'un interprète, et do
M. do Tottstaln du Manoir, jeune Français plein do cujur et d'audace, sodé-
388 L'AFIUQUK FBANÇAISK.
vouent pour le salut do leurs frères. Ils partent avec les trois Arabes et un
jeune officier des réguliers d'Abd-ol-Kadcr, nommé Ahmed-Khoraçin, pris dans
un des derniers combats du mois d'avril, et dont l'évoque autorisait la remise
immédiate, et sans conditions, ù Sidi-Mohammcd-bed-Allal '. Celte petite cara-
vane s'élance à toute bride, et parvient à rejoindre lo khalifa sur la lisière do
la foret des Kharézas, où il campe avec sa cavalerie et les prisonniers confiés a
sa garde. A la vue d'Ahmod-Khoraçin, le farouche guerrier s'attendrit, et pour
no pas 1e céder on générosité à l'évoque,.il délivre immédiatement un Français,
M. le sous-intendant militaire Mussot. Les pourparlers se reprennent, et il ost
décidé que trois Français resteront en otage au camp arabe, tandis quo le qua-
trième, M. de Touslain du Manoir', va retourner sur ses pas, à travers mille
dangers pour annoncer au digne prélat quo l'échango aura lieu le lendemain
1,

i(J, il uno domi-liouo do Bou-Farick. Il était en outre convenu que l'évoquo


d'Alger et lo khalifa s'aborderaient seuls ot sans escorte. En effet, le lendemain,
à l'heure dite, milieu, douze cents cavaliers parurent dans la Métidjah, condui-
sant avec une grave solennité les captifs chrétiens. Mgr Dupuch vorsaitdes
larmes de joie; des doux côtés, Français et Arabes furent accueillis par leurs
compatriotes avec dos acclamations touchantes. Après une longuo entrevue, les
doux négociateurs se séparèrent on échangeant des signes do sympathie et de
vénération mutuelle ; c'étaient doux cauirs faits pour se comprendre et con-
server un éternel souvenir do co rapprochement fugitif, opéré par la foi au
Dieu unique dont la providence gouverne toutes los races ; puis l'évoquo reprit
lo chemin d'Alger avec lo cortège des infortunés qui lui devaient la vie et la li-
berté ; le khalifa rejoignit au galop ses cavaliers, ot disparut on un clin d'ceil
ù l'horizon de la plaine. La mission do la paix était achevée : colle du sang
allait bientôt poursuivre son funeste avenir,
Abd-el-Kader, constamment instruit do.nos projets, se donnait beaucoup de
mouvement depuis plusieurs mois. Les forteresses de Thaza, Tlomcon et Tak-
dimt avaient éto l'objet do tous ses soins; mais lo moment approchait oit il allait
perdre en, pou do jours te fruit des efforts qu'il avait consacrés à leur établisse-
ment ou a leur reconstruction.
Une colonne, portie de Mostaghanem lo 18 mai, ot commandée par lo gouver-

* Un mois ou deux auparavant, Ahmod-Khoraçjn commandait, dans le camp d'Abd-el-Kador, le poste


d'honneur placé près do la tonte des premiers députés de l'évéquo d'Algor, Trahi par les chances do la for-
tune do guorro, co jouno chef , Issu d'une dos familles les plus notables du pays, était tombé au pouvoir
des Français, à la suite d'un combat dans la valléo du Chéllff. Conduit dans les prisons d'Algor, et con-
fondu avec les autres captifs, il y reçut un jour la visite do Mgr, Dupuch, ot fut reconnu par un des ecclé-
siastiques qu'il avait momentanément protégés, Dovonu l'objet d'un intérêt tout particulier, il montrait dans
son malheur une stoïquo résignation, Aux marques do compassion qu'il recevait, ou no l'entendit répondre
qu'une soulo chose s •—« C'était écrit I »
2 M, do ToUstaln du Manoir, joint ci un beau nom et aux quatités personnelles les plus distinguées une
élude approfondie des moeurs arabes, et un savoir d'orlontallsto qui lo met et mémo do rondre en Algérie
do précieux services, Il fit preuvo dans la mission qu'il avait volontairement acceptée en 1811 d'un chaleu-
reux dévouement et d'uno rare intrépidité, car il risquait sa vio sans nntre espoir de récompense que la
conscience d'uno noble action. Mais c'est un do ces hommes rares dont s'honore notre jouno génération, et
qui, fidèles û la maxime française que * noblesse oblige, » font lo bien pour lo bien, sans rien chercher au
delà. La reconnttissanco publlquo voudrait voir attachée sur sa poitrine l'étoile do l'honneur; mats, vic-
time d'uno modestie dont on lie trouve plus quo si poli d'exemples, -M. do Toustain du Manoir ne comptait
pas mémo sur los rémunérations do l'histoire. It ost juste que l'histoire, en .signalant sa belle conduite, ré-
clame on su faveur lo prix d'un service plus éditant que M^^^
.
LIVRE SEPTIEME. 889

neur général on personne, arrive, après plusieurs petits combats d'arrlèrc-gardo


et de flanc, devant Takdimt, le 28 mai ; ello en prend possession après uno
affaire Irès-chaudo entre les zouaves et la cavalerie ennemie qui occupait les
hauteurs voisines. La ville et le fort étaient évacués par les habitants ; quelques
maisons, construites en chaume, brûlaient incendiées par les Arabos eux-
mêmes; colles on maçonnerio, recouvertes en tuiles, étaient intactes, ainsi que
la fabrique d'armes, une scierie et les magasins. L'arméo travailla immédiate-
ment à faire sauter le fort. Abd-el-Kader vit, te lendemain, des hauteurs oit il
avait pris position, s'écrouler la citadelle oii il avait placé Son principal dépôt
d'armes et do munitions en tout genre, et qui lui avait coûté tant do peiiios et
d'argent ù édifier'.
La colonne avait pris la route de Maskara ; ello marcha dans la direction do
cette villo, suivie pur deux gros corps do cavalerio que commandait l'émir ;
niais on fit de vains offorts pour engager uncombat.Le 30, Abd-ol-Kodor reparut
stir les hauteurs qui environnent Maskara; il était renforcé par 4,000 chevaux
que lui amenait Bou-IIamodi, khalifa de Tlomcon ; niais 11 évita encore toute
hoslllilé. L'arméo prit possession do Maskara, dont les portes et les meubles on
bois avalent seuls été brisés. Une forte garnison y fut laissée.
A son retour, le corps expéditionnaire fut attaqué par 8 à 0,000 Arabes, au
défilé d'Àkbot-Keddu ; nous perdîmes quelquesVhommes'; l'onnomi laissa plus
de 400 cadavres sur lo terrain.
S. A. 11, Mgr lo duc do Ptemours, après avoir pris part"'aux ravitaillementsdo
Médéah et de Milianah, ainsi qu'aux expéditions do'Takdimt. et do Maskara,
s'embarqua, le 8 juin, a Moslagliunom, pour revonlrou France.
Pendant que le gouverneur général détruisait Takdimt, prenait Maskara, s'y
établissait fortement, el retournait ù Mostaghanem, lo général Baraguay-d'IIil-

1 Takdimt ost a doux fortes journées do marche do Maskara; la route, qui Borponto avec dos difficultés
Inouïes à travers des terrains montagneux, est coupéo neuf fois pari'Oueti-Mina, la plus forte rivière do
l'Algérie après lo Chéliff. Cotto placo d'armes était située uu milieu do collines couvertes do chélios ot
d'amandiers sauvages,'à pou do distance do ta Mina, Do tous les èlabllssemeiils créés par l'émir depuis le
traité de la Tafna, c'était, sans conlrodit, le plus considérable et le plus important, La forteresse, les nm«
gusiiis et los souterrains casemates offraient un beau travail, C'est ta qu'Abd-el-Kudor avait installé ses
fabriques 'd'amies sous la dlreclion do dix ouvriers français ongngés ù Paris par Miloud-Ucn-Ilarrach»
otrltstifl, O'ost lu ousst quo RO frappait ht monnaie au coin du sultan ; tous los instruments nécessaires à
cetto fabrication y avaiont été envoyés do Franco ( mais les Arabes n'élulont parvenus à produire quo des
pièces de cuivro d'une vuleur do quelquos centimes.
Impatient do Voir so développer la ville qu'il avait rêvée, Abd-el-Kader avait fait Incendier les cabanes
des familles groupées autour du fort do Takdimt, pour contraindre ses sujets.a les reconstruire on pierres,
Mais il h'obtlut d'autre résultat quo rétablissement d'une oncoiulo moitié pierres et moitié pisé, servant
do ceinture il des masure» capables do recevoir environ y,000 habitants. I'IUB loin s'éparpillaient trois a
quatre cents chaumlèras occupées par des Koulonglis do Milianuh, do Mostngliunem ot do Maskara .issus
presepio tous do familles puissantes, aujourd'hui forcées., do gugnor, ù la sueur de leur front, uno chéttve
'- existence."
.-La.citadelle do Takdimt consistait, comme celles do lioghar et do l'iiav.u , ou un carré de maçonnerie,
ouvert par uno seule porte, et variant d'un métro a un mètre ot demi d'épaisseur, perlant 'cinq t'i sept mètres
de hauteur, avoc clnquttiilo ù soixante mètres du face. A chaque angle, une burette ou guérite; au contre
do l'oticelnte, uno placo oillourèe do hlingàrs et de mitgusilis assis sur do grandes cuves, Pour mulérioux
do ces constructions, les Arabes n'avaient employé qu'un méliiligo mal digéré, do pierres» do subie et d'uno
Jiolllo quantité do oliatix ; pour architectes, l'émir avait sus secrétaires ; pour ouvriers, tous los prisonniers,
des renégats, dos hommes pris, à tour do corvée, dans les douars voisins, et enfin dos Kobaïles travaillant
volontairement pour dix ou oin-ô sous pur jour, un pou du biscuit ut un morceau de chèvre.
390 L'AFRIQUE FRANÇAISE,
Hors, chargé d'opérer sur te Bas-Chéliff, au sud de la provinco doTitteri, rem-
plissait habitemenl la tAcho qui lui était confiée. Sa colonne, partio lo 18 do
Blidah, s'avança outre in socondo cluiine du l'etit-Attos ot celte du Grand-Atlas,
jusqu'au bord du désort. Après avoir déposé uu convoi à Médéah, elle marcha
dans la direction du Sud-Ouest, traversa le pays assez découvert dos Abids, et
bivouaqua sur rOuod-ol-Akoum. Le 23, elle étoit en vue do Boghar, établisse-
ment fortifié d'Abd-ol-Kader ; tout avait été livré aux flammes, dès lo 22, par
los Arabes ; nos troupes n'auront plus qu'à achever cette owvro do destruction ;
'quelques heures auparavant, elles on avaio'n't fait sauter le fort, quo ses habi-
tants avaiont également abandonné, et ou l'on no trouva quo des débris ', Le
lendemain, 24, la colonne poursuivit son mouvemont vers le sud; après avoir
parcouru la lisière du désort d'A.ngad, ello arriva, te 20, dovant lo bordj ou châ-
teau do Thaza, dans lequel Abd-el-Kader enfermait les prisonniers français.
Mais cotto fois encore, l'incendio avait précédé notre apparition; la pioche et
la mine achevèrent do raser le fort do fond en comble'*, La eolonno, repassant
ensuite dans la plaino du Chéliff, cbdlia la tribu hostite des Ouled-Omrah ] et
rentra dans gos cantonnomeiïs te 1"' juin, après avoir touché à Milianah et à
'"Médéah, • V:
Pendant cette campagno, MgT le duc d'Aumalo marchant sans cosse à la tête
de son régiment, partageant toutes les misères du soldat, donnant à tous l'exem-
ple do la plus parfaite abnégation, avait acquis il chaque' instant do nouveaux
droits à l'admiration do l'arméo;"et depuis le général Baraguay-d'Hilliers, com-
mandant de la eolonno, jusqu'au dernier soldat, il n'y avait qu'une soulo voix
parmi tous los témoins do la belle conduite du jeune prince, pour diro qu'un
tel chef vaudrait plus lard dos armées a la Franco, car avec lui l'affection plus
que le devoir commandent lo dévouement et l'obéissanco.

t Boghar est situéo à une journée de marche de Médéah, sur des ruines romaines, On y arrive par un
chemin moittueiix et malaisé où ou no rencontre pas une seule source d'eau; Cette forteresse avait longtemps
servi de dépôt d'armés ot d'asile pour les Arabes blessés; mais à l'approche des Français, tout le matériel
avait été transporté à Takdimt, à l'exception de trois canons de petit calibre. '

9 Thaza était, avec Takdimt, une des positions sur lesquelles Abd-el-Kader comptait
.
lo. plus, Aussi l'un
des magasins intérieurs avait-il reçu le nom de Palais-du-Sultan, aveo la décoration et l'ariieublomoiit qui
devaient le rendre cligne de sa destination.
Cette forteresse, élevée sur un mamelon, dans la chaîne dé Matmata, occupait l'emplacement d'un chic-
teau romain, dont on voyait encore quelquos traces jusqu'au moment oît elles furent recouvertes par hv
nouvelle construction, Cerlains archéologues prétendent quo cos-ruines'appartenaientà une ville arabe du
nom do Thaza, bdtio depuis trois siècles seulement, par un choïkh nommé Kl-Iïadjt-Chîtoui, A pou de-,
distanco de ces ruines, on a trouvé, ou creusant, Uno pierre sur laquelle est gravé on caractères arabes lo
mot Thaza, au milieu d'un cadre d'inscriptionstirées du Kornn. Cette pierre couronnait le cintre du por-
tail de la forteresse qui fut élevé par des ouvriers français, que lo maréchal Valée avait mis à ia disposition
d'Abd-el-Kader,
Thaza, situéa â une journéa de marche de Milianah, à portée do sources abondantes, d'une forêt im-
mense, de riches carrières dô plâtre et d'uno mine do sol gemme, ayant à peu de distance, vers l'est, lo
mont Kapsaga qui contient du soufre et du salpêtre; également peu éloignée du mont Zakkar, ou sa
trouvent de riohes mines de fer, Thaza semblait destinée à répondre, par un accroissement rapide, aux
vues do son fondateur. Entre Thaia ot Milianah court la valléo du Chélilî; sur chaque versant, la routo
traversa des bois d'un accès difficile, Uo Thaza à Médéah, lo chemin devient encore plus sauvage; it faut
passer au pted du fort de lîoghar, après avoir traversé la montagne do Matmata, par des sentiers presque
inaccessibles à l'artillerie,
En deux jours la pioche et la mine détruisirent complètement les belles voiltes, les vastes magasins
du fort et le fort lui-même. De la ville de Thaza et de sa citadelle, qui avait coûté 400,000 francs à l'émir,
il ne resta qu'une masse de pierres se confondant aveo les rochers environnants.
MVHE SEPTIÈME, 391
Cette expédition fit beaucoup do mal aux tribus, mais Mon plus encore a
Abd-el-Kader, par la ruine do Boghar ot de Thazo, Jusque-là, les Arabes n'a-
valent pu so figurer quo nous porterions nos armes aussi loin ; ils durent ac-
quérir dès lors ta conviction que nous pourrions détruire les établissements do
l'émir partout ou il essayerait d'en fonder do nouveaux.
Pendant Ces courses ù l'ouest et au contre de nos possessions, la province
d'Alger, parfaitement administrée par lo général do Bar, continuait à jouir du
plus grand calme,
Dans celte de Constantine, Abd-ol-Kador avait conservé, du côté do Msitah, à
vingt-huit lieues environ au .sud-ouestdo Sétif, un reste d'influenco, C'est do
ce point, où. il avait établi on dernier lieu son khalifa, El-Hadji-Mohammod,
qu'il expédiait ses auxiliaires dans la province, pour y prêcher la guerre sainte
et so fairo dos partisans. Avec les forces qu'il entretenait près de lui, El-Iladjl-
Mohammed avait réussi à jeter Uno telle'crainte parmi les populations delà
Medjanah, qu'elles avaiont toutes déserté cette plaine si étendue et si richo, et
s'élaient retirées dans les montagnes, Il fallait foire cesser cet éht'.do choses. Lo
lieutenant général ''Négrier, commandant la province, quitta Constantino te 29
mai, et so rendit à Msilah, u la tôto d'une forte eolonno. Il fit reconnaître l'au-
torité d'Kl-Mokrani, notro khalifa, par un grand nombre do tribus qui vinrent
fairo leurs soumissions, et pourvut, en mémo temps, aux dispositions nécessaires
pour mottro le khalifa d'Abd-el-Kader dons l'impossibilité d'y créer do nou-
veau lo contro do ses intrigues. Nos affaires ne prenaient pas uno tournuro
moins favorable dans le sud do la province, vers te désert; Bon-Ganah, te
Cheïkh-cl-Arab, remportait à la mémo époquo dos avantages signalés sur son
compétiteur, Farhat-bon-Saïd, allié d'Ah-ol-Kador; —co dernier recevait donc
à la fois, sur tous les points, des coups funestes au maintien do sa puissance.
La première période des opérations dirigées en personne par le gouvornour
général s'était terminée par la prise de Maskara; mais il restait à assurer a la
garnison do cette ville les moyens do subsistance qui lui étaient nécessaires
jusqu'à la campagne d'automne. Une'colonne, partio lo 7 juin, do Mostagha-
nom, sous les ordres do M. Bugeaud, arriva lo 10, avec un convoi, devant
Maskara, sans aucun événomont sérieux. Elle parcourut lo pays dos ilachem
au sud et au sud-est, pendant plusiours jours, on poussant devant ello los popu-
lations jusqu'aux bords du désort, et moissonna dans la plaino d'Eghris.
La campagno du printemps était ainsi terminéo : dos combats heureux, dans
losquols l'ennemi n'avait cessé d'éprouver des pertes assoz considérables; l'in-
vasion do pays qui nous étaient encore inconnus; la capture do nombreux
troupeaux, dos récoltes abondantes do céréales; la destruction do Takdimt, do
Boghar et de Thaza ; enfin l'occupation de Maskara, tels avaiont été sos impor-
tants résultats. A la' nouvelle de nos succès, les tribus jusqu'alors domouréos
los plus fidèles a la causo d'Abd-ol-Kader commencèrent h s'en détacher, et
uno partie notable delà population des Medjehors annonça hautement l'inten-
tion do passer sous notro autorité.
Lo gouverneur général, instruit do cet événement, et voulant seconder par
sa présonco les dispositions do soumission qui so manifestaient d'ailleurs dans
un assez grand nombre d'autres tribus, s'emprossa, en mémo temps, do so
m% L'AFIUQFE FRANÇAISE,
rendre n Mostaghanem, Il s'agissait do rattacher à un contre commun tous les
éléments do défection qui se préparaient dans la province d'Oran contre la
puissance, jusqu'alors .incontestée, do l'émir, et do rétablir en quelque sorte les
tribus sous le drapeau français.. C'est dans cette vue qu'El-Hadji Muslapha,
fils de l'ancien bey Osman,-fut créé boy de Mostughanoiu et do Maskara; sa
nomination no pouvait 'manquer d'avoir les effets les .plus heureux, Déjà les
Fllttah, les Boni-Zoroual, les Bordjia et les tribus du Dahara, paraissaient dis-
posés à se soumettre au nouveau bey, et réclamaient son appui contre Abd-el-
Kader. Un détachement nombroux des Oulod-Bou-Kamol et des Cherfa, venait,
ou plein jour, et on armes, rendro hommage à Mustapha; les Sidi-Abdallah,
autre fraction considérable des Mcdjehers, lut envoyaient des députés avec des
otages. Abd-el-Kader, loin de pouvoir empêcher ces manifestations significa-
tives, voyait les tribus sur lesquelles il exerçait .sa plus immédiate influence
chanceler dans leur obéissance, ot so séparer peu à pou d'uno cause dans la-
quelle ils commençaient à no plus avoir la mémo fol. La campagno d'aulomno
qui approchait allait donner encore à toutes Ces soumissions un caractère plus
prononcé et plus général,
M. Bugoaud était arrivé à Mostaghanem lo il) septembre, pour diriger les
nouvelles opérations; lo général de la Moricièro, commandant la province, l'y
avait devancé avec sa division.
Dès te 21, uno colonne, sous les ordres du gouvornour, sort do Mostaghanem
et se porto vers le ChélilY. Cette forco dovait d'abord appuyer notre bey de Mos-
taghanem ot do Maskara,'auquel plusieurs tribus avaiont promis do se trouver
sur les rives do la Mina, pour négocier leur soumission. Mais ces tribus, cou-
tenues par Abd-el-Kader, no se'trouvèrent pas au rendez-vous. M. Bugeaud se
décida alors à poursuivre plusieurs de celles qui s'étaient retirées dans les mon-
tagnes de Sidi-Yahïa, où les Turcs n'avaient jamais osé s'engager. On eh lova à
l'ennemi 2,000 têtes do bétail, et 329 prisonniors, liommos, femmes et enfants,
tombèrent on notre pouvoir. Après ce coup do main, la eolonno rentra à
Mostaghanem.
Pendant qu'elle opérait, uno autre colonne, sous les ordres du général do ta
Moricièro, effectuait de nouveau lo ravitaillement'do Maskara, après uno lutte
opinicUro ot mourtrièro avec los troupes do l'émir.
Lo corps expéditionnaire so dirigea ensuite au sud do Maskara, et détruisit le
villago do la Guetna, berceau do la famille d'Abd-ol-Kador; le frère aîné de
l'émir s'y trouvait encore la veillo do notre arrivée. Lo fort do'.Saïda fut égale-
ment renversé, et Maskara put être approvisionnée pour 0,000 hommes, pen-
dant plusiours mois. Dans lo cours de cette expédition, la tribu des Mcdjehers
avait constamment combattu avec nos troupos, Des cavaliers arrivés du sud,
représentants do six tribus qui avaiont fait alliance avec nous, étalent aussi ac-
courus sous notre drapeau. Pour recueillir los fruits de ce succès, lo comman-
dant dote province d'Oran reçut l'ordre d'établir son quartier général au contro
du pays ennemi, à Maskara. Cette attitude, après une campagne qui avait duré
cinquante-trois jours, et qui avait porté nos bataillonsdans les contrées les plus
éloignées, ot jusque-là étrangères à la guerre, on annonçant aux populations
do l'Ouest notre résolution d'abattre définitivement la puissance de l'émir,
LIVUK SEPTIEME, m
achevait de les éclairer sur leurs véritables intérêts, et les disposait do plus ou
plus à so ranger sous notre autorité protectrice, Aussi les Douairs, qui avaiont
.déserté l'année précédente, songèrent les premiers à se rattacher à la fortune
de nos armes. Une colonne fut chargée do favoriser leur retour; 2o0 lentes,
2îî0 cavaliers bien montés, 3,000 bmnfs, 7,000 moutons et plus do SOI), cha-
inaux, rentrèrent dans le rayon d'Oran.
Dans la provinco de Tittori, les opérations avaiont commencé un peu plus
tard que dans l'ouest. Le but principal de nos manoeuvres y fut le ravitaillement
de Médéah et do Milianah. Ce double résultat, obtenu par le général Baraguay-
d'Hilliers, après"quelques combats on l'avantage nous resta, contribua puissam-
ment encore à démontrer aux Arabes notre supé^^
3DA L'AFHlQliE FIIANÇAISE.
Et-Aghouat, fraction dos Beiii-Aamer, vint réclomor leur protection pour sa
tribu, menacée d'une razzia par Abd-el-Kader. Le général -Mustapha ramona
cette tribu, après une marche forcée do dix-huit heures, La colonne rentra à
Oran lo llv janvier 18Ï2,sans avoir rencontré.d'ennemis pendant une course do
treize jours, Mais tel était le .prestige exercé par le génie d'Abd-el-Kader, qu'il
n'avait qu'à reparaître au milieu des Irilius qui venaientdo le maudire, pour
rallier à sa cause tous leurs cavaliers. Dans une guerre d'indépendance et do
religion, l'esprit national peut s'endormir un moment, le courage épuisé par
les revers peut 'faillir ; mais au premier appel de l'homme on qui s'incarnent
les idées de liberté, la nationalité se réveille, et les guerriers semblent sortir de
terre pour se rallier à son drapeau.
Une autre eolonno partie le 22 décembre do Mostaghanom,"sousles ordres du
général Bedeau, pour appuyer les'mouvements qui'avaient' Hou au sud-ouest
do la provinco, sur lo territoire des Bcni-Aamer, avait obtenu sur lo haut llabra
des résultats non moins remarquables. L'importante tribu des Bordjia s'était
soumiso, ot avait amené des troupeaux qui n'étaient pas évalués à moins do
doux cent mille têtes.
Tous ces événements qui Se .succédaient raphlomont faisaient présager pour
l'avenir dos succès décisifs. Tout était tranquille, à la fin do l'année, dans les
provinces d'Algor et de Tittovi, Une centaine do familles, appartenant aux
anciennes tribus do la Métidjah,qui avalent émigré à la fin do 1839, étaient
rovenuos dans tes ouvirons d'Algor, et plantaient leurs tentes sur la rivo droite
do rOued-IIaratch. Les garnisons do Médéali et do Milianah jouissaient d'une
parfaite sécurité. L'état politiquo ot militaire do la provinco do Constantino
s'était encore amélioré; la paix y régnait, et les contributions se percevaiont
avec facilité dans los divers cercles do i'Edough, do Guolma et do Philippevillo.
Un assez, grand nombre do tribus, situées à l'ouest do la route de cette dernière
Villo à Constantine, avaient apporté leur soumission. Les travaux agricoles
prospéraient autour de Constantino : la plaine do Tcmlouka, qui depuis quatre
ans n'avait pas été cultivée, était couverte d'Arabes qui l'ensemençaient. Enfin,
sur tous tes points do l'Algérie, la guerre avait changé do face; Abd-el-Kader
s'était vu réduit à la défensive; et tandis qu'il venait, à la fin do 1839, incondier
nos établissements presque aux portes d'Alger, il avait essayé vainement,
on 1841, do défendre les siens sur la limite du désort ; ses ressources avaient
"diminué' sensiblement, et l'on pouvait prévoir que la continuation do la guerre
porterait à sa puissance des atteintes irréparables. D'un autre côté, la confiance
dans l'avenir do nos possessions s'était affermie; tous les éléments do la richesso
publique, la population, les capitaux, lo travail, tendaient à se développer ; la
colonisation, rendue à la sécurité, allait fécohdorToeuvro do la guerre. Il n'était
plus douteux quo la Franco serait dédommagéo do ses persévérants sacrifices,
et retirerait les fruits qu'ollo a droit d'attendre de sa conquête, le jour où Abd-
el-Kader, entièrement découragé et vuincu, chercherait un refuge dans lo désort,
ot où toutes les tribus, fatiguées de l'anarchie, encore plus quo dos combats,
spraieht contraintes do placer leurs intérêts sous la sauvegarde- do notre
domination.
Mais, afin do consolider à l'ouest notre force dans les provinces de Titteri et
LIV11E SEPTIEME. 391;
d'Oran, le ministre do la guerre insista, dans ses instructions, sur la nécessité d'y
établir dos routes et des ponts pour assurer nos communications avec les places
do Médéah, Milianah, Maskara et Tlomcon; il recommanda aussi d'appliquer
tous les soins possibles à une bonne organisation de corps auxiliaires indigènes.
Dans l'est, l'autorité de Don-Salom, khalife de l'émir, décroissait chaquo
jour, Les tribus do son gouvernement, d'ailleurs considérable,-ontamaiontavec
Alger des relations commerciales qui prenaient un développement rapide, four-
nissaient à cette ville dos grains, de l'huile ot.dos- bestiaux, et l'on pouvait déjà
augurer que los quatre nghallks dépendants.- do Bon-Salom.no tarderaient pas à
se soumettre; co fut on effet le premier résultat de la campagno d'automno
do 1812. Sous l'influence d'événements si favorables, lo commerce d'Alger 110
pouvait manquer d'acquérir une prospérité féconde ; il y régnait uno grande
activité; des exportations nombreuses do produits du pays avaiont lieu; les
revenus do l'octroi .do mer s'enrichissaient graduellement, et paraissaient devoir
atteindre, à la fin do l'année, le chiffre de 1,500,000 ;'rancs.
Sur tous les points, do nouvelles tribus firent successivement leur soumis-
sion, ot la marcho du gouverneur-général, ait mois de juin 1812, dans la
valléo duV Chéliff, avec trois mille cavaliers arabes auxiliaires, ainsi que sos
opérations dans l'Atlas, produisirent un immense effet moral et malériol; toute
la chaîné, depuis CliercliOl jusqu'à l'Oued-llaratch,était à nous.
Dans les cercles do Milianah et de Médéah, les habitudes d'uno paix profonde
so maintenaient; les chemins étaient fréquentés par dos hommes isolés, Arabes
du Européens ; les voitures «liaient à Blidah sans escorte ; et sous l'empire do
la sécurité qui régnait Constammentdans un rayon do 'trente-cinq lieues, la
construction de petits villages dans le Sahol faisait do rapides progrès,
Dans l'ouost do l'Algérie, on so tenait en mesure de réprimer tout mouve-
ment hostilo. Abd-el-Kader ayant réuni les Beiii-Snassen et quelques autres
tribus, avait pénétré chez les Trara; mais une marche du général Bedeau avait
suffi pour l'arrêter. A la suite do cette expédition, des ordres furent donnés par
l'empereur du Maroc aux chefs do la frontière, afin qu'ils ne laissassent passer
aucun rassemblementhostilo sur notro territoire; et do notro côté, des instruc-
tions furent envoyées au commandant de Tlomcon pour qu'il eût à éviter tout
acte do violation du territoire marocain.
Une campagno do vingt-deux jours, accomplie en mars par la division
d'Oran, eut pour résultat la soumission des trois portions de la tribu des Fliltah,
et de la presquo totalité des Hachom de l'est et do l'ouest. Les Sidi-Ali-bou-Talob
écrivirent pour demander merci. La totalité des Sedoma, les Haouara, tes
Khollafa et les habitants do Frondait se soumirent. Atterrés par tant de revers,
les Ilachoms et toutes les tribus auxquelles Abd-el-Kader essayait do so mon-
trer, dans te massif entre Maskara et Mostaghanom, reçurent à coups de fusil,
au mois de juin, lo chef à qui naguère encore ils obéissaient.
Dans la subdivision do'Tlomcon, la plus grando tranquillité 110 cessait do
régner. Au milieu des difficultés d'uno première installation, ot malgré le mau-
vais vouloir et l'Incapacité de quolquos chefs, les impôts y furent généralement
recueillis, ot los travaux do culture entrepris avec une parfaite confianco; cinq
cents hectares pouvaient déjà y ôtre labourés pour lo compte déi'administration.
300 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
Dans les arrondissements do Bono et de Constantino, quelques essais d'in-
snrrecliou tentés par Si-Zeghdoud aux abords de Philippevillo furent prompte-
ment étoulfés ; les Ouled-Egoub demandèrent notre appui, et la tribu dos Ilarak'la
'tout ontière'accepta notre 1domination,'
Toutefois, malgré celte tendance générale a la paix, les opérations militaires
ne manquèrent pas en 181-2 d'une certaino importance, et c'est surtout uu
succès persévérantde nos armes qu'il faut attribuer lo maintien defoutes les
promesses de prospérité que rien ne semblait plus devoir démentir. Nous no
mentionnerons donc que les principaux faits do guerre.
Dans la provinco d'Alger proprement dite, la paix était incontestée; mais sur
te territoire do Tittori, des attaques sérieuses eurent lieu contre les Hadjoutes, les
Beni-Menad, tes Boni-Menasser» et les contraignirent à l'obéissance, Une
colonne partio de Milianah se porta, le 0 juin, par les crêtes du Zakkar, sur la
tribu des Beni-Menossor, et soutint contre eux un combat acharné, dans lequel'.
ceux-ci laissèrent plus de deux cents morts sur le terrain.
Devant l'ébranlement occasionné par l'arrivée de la eolonno de• l'ouest;
'accompagnée do plus do 2,000 cavaliers arabes, auxiliaires do la province
d'Oran, les khalites do l'émir, M'Barek et Berkani, furent complètement
abattus. Bientôt après, à la suite d'un combat très-vif, livré à Aïu-Telemsil,
par lo colonel Korte, du 1er chasseurs, contro les Kobaïles, 300 prisonniers,
oOO chameaux, 3,00 chevaux ou mulets, et 1S à 10,000 têtes do bétail sont ra- '
menés au canip français,—• La colonne aux ordres du colonel Comniau, dans
l'est do Tittori, pénètre sur le territoire des Beni-Solyman : a son approche,
Ben-Salem s'enfuit vers le désort, et son agha Mahi-Eddin passe dans nos rangs
avec 000 cavohors, —• Lo général Changarnier, parti des bords do TOuod-ol-
Feddah, en septembre, avec 1200 hommes, pour marcher au secours do notre
agha du sud, Ben-Ferhat, fut assailli, dans les défilés do TOuarensonis, par
plus de 3,00i) Kebaïles, ombusqués à travers les plis de terrains, les rochers,
les broussailles, suspendus aux crêtes, rampant dans les ravins, et couvrant
tout l'espace comme un réseau de guêpes furieuses, La petite colonne française,
cernée do tous côtés, et décimée par un feu meurtrier, épuisa bientôt ses car-
touches, et no dut son salut qu'à l'énergique résolution du bravo Changarnier,-.'
qui renouvela la belle scène do la retraite do Constantino. Après deux jours do
lutte corps à corps, à i'armo blanche, les Français parvinrent à reprendre l'of-
fensive, culbutèrent l'ennemi, et sortiront des gorges en ramenant avec eux
de nombreux Ireupeaux,
Au début do la campagno d'automne, une colonne dirigée par le gouverneur
quitte l'Isscr do l'est, et pénétrant dans le pays qu'administrait Ben-Salem, rase
do fond en comble les forts de Ben-Keroub et d'El-Arib, où.cet ancien khalifa
avait concentré ses dernières ressources. Toutes les tribus dos environs se sou-
mettent à la suite d'une lutte désespérée, et le résultat de cette course est la
dissolution à pou près complète du gouvernement do Ben-Salem.
En novembre, Abd-el-Kader occupait dans rOuarensonis uno position qui
pouvait devenir menaçante, et qu'il fallait, à tout prix, onipêchor de se conso-
lider. Lo gouverneur général porte de ce côté ses forces disponibles, en prescri-
vant à M, de la Moricièro des manoeuvres (fui devaient fairo diversion dans lu,
LIVItE SEPTIEME, 897

provinco d'Oran. Trois colonnes, mises on mouvementde Milianah, soumettent


ou frappent d'exécution les tribus environnantes. Après des combats heureux
contro les Kobaïles,' les corps d'expédition reçoivent la .soumission de la petite
ville de Matmata, et détruisent les bourgades de Karnaehil et de llurdjaïi. Les
villes de Miknès et Besuès, frappées do terreur, envoient des chevaux de sou-
mission. Les hautes montagnes dos Beni-Oiiragii, dernier refuge des populations
du pays envahi, sont attaquées, enlevées et soumises, A la suite de ces succès,
plusieurs tribus des doux rives du Chéliff se rangent sous notre autorité.
Dans lu province de Constantine, dès le mois de janvier, une attaque dirigée
contro Msilah par Ben-Omar, khalifa de l'émir, avait échoué complètement.,
Uni! autreagression des Kobaïles voisins do Djidjoli,"soulevés par Si-Zoghdoiid,
au mois do mars, resta égalemont sans résultats, ainsi quo doux tentatives
contro les troupes do la garnison de Bougio. Dans la dernière, qui eut lieu dans
le courant d'août, l'ennemi foudroyé par notre artillerie se retira avec des perles
sensibles.
Le camp d'El-Arrouch avait été assailli par uno masse de Kobaïles ; une sortie
brillante, exécutée par lo colonel Lobrelon, les mit en pleine déroute,
Les principaux membres de la tribu des Neinenchas, des Oulod-Yuhia-bon-
Taleb, et de la ville do Tebessah, ayant envoyé au général Négrier des offres do
soumission ,en le priant do venir, au nom do la France, établir l'ordredans
leur pays, ce commandant supérieur partit, lo 27 mai, d'Aïn-Bebbouch, et
arriva, le 31, avec sa colonne à Tebessah, dont il prit possession '. Après avoir
donné, dans cette 'ancienne colonie romaine, l'investiture, au nom du gouver-
nement français, à des autorités indigènes, et avoir arrêté'l'organisation des
tribus voisines des Ouled-Yahia-bon-Taleb et des Nemoncha, il revint à Con-
stantine, en dissipant sur sa route quelques rasseniblemenls qui voulaient lui
disputer lo passage, V

En applaudissant à ces résultats, te ministro de la guerre recommanda do


donner à la population do Tebessah une organisation semblable à celle que pos-
sédait déjà Msilah, de manière quo cotte localité .put se garder par elle-même, et
offrir un point d'appui aux tribus qui-on sont rapprochées. Il appela l'attention
du gouvornour général sur l'importance quo' lui paraissaient appelés à prendre
les trois points doTobessah, Biskra et Msilah, destinés à couvrir ie sud et l'est de
1U province do Constantine; il l'engagea enfin à favoriser leurs fréquentes rela-

* Tebossah (l'ancionne Thevesta) est située a trente-cinq lioues S.-'E. de Constantino. Los ruines do la cité
romaine sont magnifiques. On y voit des restes.considérables do temples et do monuments: un arc do
triomphe, sur lequel on lit quo Thevesta, détruite par les barbares; fut relevée par Salomou, vainqueur des
Vandales; un cirque qui pouvait contenir six mille spectateurs ; et une forteresse encore debout avec son
mur d'enceinte, flanqué do quatorze tours, Les sources d'eau y sont nombreuses, et les jardins d'uno
admirablo fertilité. Une grande voie puvêo conduisait, du temps' des Romains, do t'arthago à Thevesta, —
Léon l'Africain mentionno los remparts do cetto ville bâtis en pierres do taille comme le Colysée do ltome,
et lo grand nombre do colonnes do marbre, do pilastres, d'inscriptions latines qui décoraient l'ancien Forum
et les,mitres édifices publics.
Lo voyagour Urueo a retrouvé parmi les ruines de Lambîosa (aujourd'hui Tozzout), dan3 uno plaine qui
côtoie la base dos monts A tires, tine inscription qui ''fixe dans cette ancienne ot importanto cité romaluo
lo séjour do la faatouso7>o/o 111 Augnsltt,qui construisit la voie de Carthago à Thevesta. —Uno étude ap-
profondie dus innombrables vestiges do la domination romaine sur lo sol africain n'offrirait pas seulement
ii l'archéologio des découvertes précieuses, mais servirait encore puissammont la bonne direction do notro
politlquo, ot là véritable marche à suivre pour l'établissement et lo progrès de la colonisation.
398 IMERIQUE FRANÇAISE.
lions avec le chof-liou de la provinco, afin que désormais leurs produits y arri-
vassent, et quo los habitants pussont y effectuer lours échanges.
Le général Ilandon ayant fait à la mémo époque; fin de mai, uno tournéo
dans le cerclo de l'Édough, qu'agitaient les prédications do Si-Zoghdoud, tes
Djondel acquittèrent instantanément les contributions, et les chefs des Sonhadja
vinrent se mettre à noire discrétion,
L'ex-bey Ahmed, assisté des Oiilcd-llassan, s'étant approché du camp d'Aïu-
llnmmel, lo général Sillègue marcha contre lui, te" 10 septembre; mais Ahmed,
abandonné:subitement"par son infanterie, se retira presque sans combattre.
C'est surtout dans la province d'Oran quo los événements militaires avaient
do l'intérêt, en raison do la lulto qui durait encore avec le pouvoir expirant
d'Abd-el-Kador, Otilid-Sidi-Chiqi', marabout des bords do la Tafna, secoua
l'autorité de l'émir et demanda notre protection, Lo gouvornour général et lo
colonel Teinpoure mannmvrèrent aussitôt pour l'appuyer; nos troupos outrèrent
à Tlemcen, s'emparèrent du fort do Sebdou, et dans uno campagno d'environ
trois semainos, tout l'ouest lut soumis depuis les bords do l'Habra jusqu'à la
lisière du Maroc, Cependant Abd-el-Kador, usant do son influence sur los tribus
limitrophes, parvint à envahir doux fols les environs de Tlomcon avec un corps
do 5 à 0,000 hommes, composé dos partisans qu'il avait recrutés do toutes
parts. Mais, battu deux fois do suite par lo général Bedeau, et le Maroc lui refu-
sant dos secours, il so vit obligé do regagner, par le désort, les ruines do Tak-
dimt, ou il avait laissé sa famillo ot les débris de ses bataillons réguliersçi
La guerre continuait sur la:rive droite do la Mina, Contro la grando tribu
des Hachera, qui s'honora d'avoir donné naissanco à .Abd-el-Kader, En mars, lo
général de la Moricièro soumit les llachem do l'ouest. Ceux do l'est suivirent
d'abord la fortune de l'émir au delà do Takdimt, puis l'abandonneront successi-
vement à mesure .que lours ressources s'épuisaient. Lo mémo officier général,
dans sa campagno d'hiver, réduisit sous notro autorité la plus grando partie de
l'aghalik dos Sodamas, cimenta l'alliance faite avec plusieurs tribus do la fron-
tière du désort, et nous attacha, commo auxiliaires, la population bolliqueuso
dosTrara.
Aux environs de Mostaghanom, lo général d'Arbouviilo, agissant sur la rive
droite do la Mina, soumit toutes les tribus de sa plaine, après avoir fait allianco
avec la famillo puissante des Ouled-Sidi-ol-Aribi,dont lo chef avait été mis à
mort par Abd-el-Kader,
Au mois do mai, lo gouvornour général réunit à Mostaghanem 3,000 cava-
liers arabes do la Bosso-Mina dos plaines do l'Issil ot de'l'Habra'; organisa un
,
convoi de 2,000 bêtes de sommo fournies par les tribus alliées, et, joignont à ces
forces 3,000 hommes d'infanterie, remonta la vallée du Chéliff, oh.devait so
rendre le général Changarnier venant do Milianah. Pendant sa marcho, plu-
sieurs expéditions heureuses amenèrent de nouvelles soumissions. Un grand
mouvement fut ensuite combiné pour envelopper les tribus do l'Atlas situées
entre Médéah et Milianah. Le général Changarnier pénétra daris la chaîne par
l'ouest dos Boni-Menasser, tandis que M. Bugeaud remontait lo ChélifY. Le 9 juin,
la plus grando partio des populations se trouva cornée; lo lendemain, toutes les
tribus à l'ost jusqu'à l'Isser, à l'ouest jusqu'à Chorcholl et au delà, so rangèrent
LIVRE SEPTIEME. 89D

sous notre obéissance pour éviter les malheurs'-do,1a guerre, ot la sécurité se


rétablit dans touto la plaine et dans tout le cercle des montagnes.
Au milieu do ces succès, l'armée (l'Afrique se sentit tout à coup frappée
d'une consternation plus poignante que n'eut été le plus funeste revers, Le lu-
gubre écho des plaintes do la Franco avait franchi la Méditerranée; un ordre
du jour ordonnait d'attacher aux drapeaux un crêpe do deuil ; Lo Prince Hoyal
était mort *,
Le13 juillet 1812, un accident vulgaire, une chute de voiture avait brisé,
aux portes de Paris, cette jouno existence ; et lo soir, quand il n'y eut plus
d'espérance, tout Paris pleurait, depuis les sommités sociales jusqu'aux derniers
enfants do la vieille cité. Tous les partis, oubliant les passions politiques, s'age-
nouillèrent (levant Cette majesté do la mort qui relie à Dieu les royautés de la
terre ; et, courbés autour do la tombe oh s'éteignait la première étoile d'une
brillante dynastie, tous les hommes qui vivent par l'intelligehce et par lo coeur
recherchaient dans lour mémoire ces paroles chrétiennes qu'avait prononcées
Bossitot sur la cendre du grand Coudé : — c< Venez, peuple do France,'venez
maintenant; mais venez plutôt, princes el seigneurs, et vous .qui jugez la terre,
ot vous qui ouvrez aux Ames d'élite." les portos d u ciel,.... Venez vol r le peu qui
nous rested'une si auguste naissance, de tant de grandeur, do tant do gloire t
Jetez les yeux do toutes parts : voilà tout ce qu'a pu faire la magnificence et la
piété pour honorer un héros : -—des titres, des inscriptions, vaines marques
de ce qui n'est plus; —des figures qui semblent pleurer sur un cercueil, et do
fragiles images d'uno douleur quo le temps emporte avec tout lo reste ; -—' dos

l Ferdiriand-PhilippQ-r.ouis-Chartes-Honri,ducde Chartres, fils aînej de S.' M.Louis-Philippe I", naciuit


à Palerme, la 3 soptembro 1810, Sa première onfalico eut potir berceau la Sicile. Conduit u Paris, après la
seconde restauration, il entra le 23 oetobra 181(1, au collège Henri IV, où il reçut une éducation nationale,
sous la direction de savants professeurs, et entouré do condisciplesdont il fut le modèle, dont il était resté
l'ami, ot qui pleurent toujours sa porto prématurée.
Nommé côlonol du 1" règimontdo hussards, le 13 août 1825," ot pair do Franco l'nnnéo suivante, il visita
on 1839 l'Angleterre et l'Ecosse, De retour on Franco, il prit le commandement de son régiment, qu'il
ramena do Luhévillè à Joigny. A la nouvelle, des 'événements de 18.'K), il accourut i\ Paris, oit son entrée fut
une ovation, et par l'avènement de sou pore au trône français, il succéda au titre do duo d'Orléans, auquel
celui de Princo Uoy.ni ajoutait l'hérédité monarchique.
Le 21 août 1831, dos troubles civils désolèrent Lyon; le Prince Royal reçut du roi la belle mission
d'aller apaiser par sa présence uno population prête a s'eitlr'égorgor. Il porta ans insurgés des paroles
conciliatrices, et contribua généreusement do sa fortune personnelle à tarir les misères qui avaient armé
les ouvriers. Ce souvenir est vénéré des Lyonnais.
En 1839, lo choléra désolait Paris, Chaque jour vit le Princo Hoyal parcourir les quartiers les plus po-
puleux, pour y porter dos secours, des encouragements, dos récompenses. Chaque jour vit, uu chevet dos
mourants, cetto forte jeunesse défiant l'épidémie, les miasmes do l'llâlel-Dieu, du Val-do-Gruce et do la
Charité, Los bénédictions de la douleur suivaiont partout sou passage.
Vers la fui de la môme année, au siège d'Anvers, il reçut, avec son frèro, le duc de Nemours, le glorieux
bnptëmodu feu, : '
Pendant les troubles d'avril.1831, il parut au milieu dos soldats, et s'exposa pour losnlut do l'ordre
,
public,it des dangers salis gloire. Quand l'émeute fut étouffée, une voix respectée ordonna d'épargner los
Vaincus : c'était la vois du Prince Hoyal. Los familles dos blessés et des victimes furent l'objet do ses bienfaits.
Enfui, quand, à diverses reprises, des.fanatiques s'essayeront au régicide, le Prince Huyal partagea'plus
d'une fois les périls do son père; et la môme Providenco lo couvrait do la mémo égido.
Nous avons raconté ses campagues d'Afriquo, et sa gloire populaire dans tous les rangs de notre jeune
arméo. Comment tant d'espérances devaient-elles s'évanouir? Comment laiit d'affections n'ont-elles pu dé-
.
tourner do son front le coup qui l'a frappé? C'est en faco do catastrophes si imprévues que l'esprit de
l'homme s'abîme dans sa propre faiblesse, et sous l'impèiiétrablo mystère qui couvre les dessains de Dieul
/|00 I/AFIUQU'K FRANÇAIS):.
..
colonnes qui semblent vouloir porter jusqu'au ciel le magnifique témoignage
de notre néant ! Hion enfin no manque dans tous cos honneurs que celui à
qui on les rend ! Pleurez donc sur ces faibles restes do la vie humaino; pleurez
sur celte triste immortalité que nous donnons aux héros 1 Riais approchez en
particulier, ô vous qui coure/, avec tant d'ardeur dans la carrière de la gloire,
dmesguerrières et intrépides! Quoi autre fut plus digne de vous commander?
Ml vous, no viendroz-vous pas à ce .'triste monument, vous qu'il a bien voulu
mettre au rang do ses amis? Tous ensemble, on quelque degré do sa confiance
qu'il vous ait reçus, onvironnoz ce tombeau'} versez des larmes avec des prières ;
et admirant dans te prince uno amitié si commode ot un. commerce si doux,
conservez te souvenir du héros dont la bonté avait égalé lo courage! Ainsi
puisse-t-il toujours vous être un cher entretien! Ainsi puissioz-vous profiter do
ses vertus ; et quo sa mort, quo vous déplorez, serve a la fois de consolation et
d'exemple! »
(l'est ainsi quo Notre-Dame do Paris entendait, lo 10 mai 1087, la voix do
Hossuet répandre sa dernière et sa plus sublime oraison funèbre, sur lu dé-
pouille d'un prince.;dont -il- avait été lo plus noblo ami. Mais si, un siècle et
demi plus tard, le S'août 1812, un outre lîossuet no so rencontra point pour
tracer, du haut de la moine chaire, l'éloge du dernier duc d'Orléans, In peuple
qui l'aimait lui a élevé dcsslatuos, amvres"d'art imparfaites, bronzo périssable
et cpio le temps pout ronger, mais dont l'histoire éternisera l'hommage.
Il y a aussi, entre les rejetons do cotto soucho royalo qui afformit, depuis
quinze ans, les destinées françaises, une solidarité do dévouement et do vertus
civi([ues dont l'arméo traduit on victoires rnugusto enseignement ; cl l'esquisse
niililairoquo nous allons achever prouvera quo les caveaux funèbres do Dreux
n'ont point gardé l'épéo du Prince Hoyal.
L'annéo 18^2 so termina, on Afriquo, par de'nouvoaux avantages. ï-o général
(Ihangarnier obtint successivement la soumission dos tribus composant les
aghaliks des Iloni-Zoug-Zoug, des Djendel, des Ouled-Aïad, Dans une de ces
excursions, il fondit sur In semalah du khalifa Bcn-Allal, lui fit un grand
nombre de prisonniers, ot ramona plus do 30,000 têtes de bétail '.
La province d'Oran ayant repris un calmo complet, le général Bedeau s'oc-
cupa alors do relever une partio dos ruinos de Tlomcon, fonda plusieurs établis-
sements d'utilité militaire, créa des routes ot favorisa la culture sur uno notable
surface de co riche territoire. Vers le mémo temps, M. do la Moricièro poursui-
vait jusqu'aux confins du désert les semalah d'Abd-el-Kader et de ses kbalifus,
et engageait avec la cavalerie do l'émir un brillant combat, dans lequel il lui
tua 80 hommes et prit 200 chevaux.
Aux approches do l'hiver, l'émir, traqué do tous côtés, s'était jeté dans
les montagnes do l'Ouaronsenis, pour y recruter des troupes régulières. Lo

l Le mot arabe semalah, difficile à traduire d'une manièro précise, représente à peu pris l'idée àe quar-
tier général.ij'est la réunion des tontes d'un chef puissant, lo centre qui abrite sa famille, ses drapeaux de
commandement, sos équipages, sos serviteurs et ses richesses. La semalah suit tous les mouvements de son
chef, s'avance avec lui dans les terres cultivées quand la fortune des armes lui est favorable. et en cas
d'échec s'enfonce rapidement vers les horizons du désert, sous la gardo d'une trotipo d'élite, Abd-ol-
Knder et chacun do ses khalifus avaiont chacun leur somalah, dont la prise ou la destruction équivalait
àla perto d'un palladium sacré.
gouverneur envahit cette région prosquo inaccossiblo, pur la route do Milianah,,
avec trois colonnes commandéespar S*. A, H, Mgr lu duo d'Aumnlo. ut les géné-
raux Gentil et do la Moricièro, Bientôt co foyer d'insurrection fut étouffé, et les
populations do la montagne ot de la rive gaucho du («liûlitt* furent réduites ù
l'inaction,
A la lin do 18ïS>, tout, dans la province de Titlori, se trouvait organisé jus-
qu'au désort, Los aghaliks du sud et de l'ouest de l'ancien gouvernement de
M'Barek exigeaient seuls, do tomps à autre, (a présence do nos troupes, Au-
dessous de Milianah la soumission régnait dans la vallée du Chélilt'; presque
,
tous les Koba'dos, jusqu'à Ténès, s'étaient réunis sous un chef dont le dévoue-
ment à la Franco ne semblait pas douteux, La ville do Muzouna s'était ropou-
p|éo. Knli'o Ténès et Chèrchell, il restait quelques tribus à réduire; mais notre
domination était réello et bien assurée dans tout l'Atlas, depuis l'Arba jusqu'à
Chorcholl, Une égale sécurité oxistajt dans lo carré (pie forment les villes d'Oraii,
Tlumcon, Maskara otMostaghanem. La conslritclion do ponts sur le Bas-CItélilf
et sur la Mina devant favoriser l'action de notre autorité, les reconnaissances
nécessaires dans co but avaient été laites, tënfin, la possibilité dos communica-
tions entre. Iiono et IMùlippoville était constatée, ot des troupes établies dans
l'Edough, continuant la routo stratégiquedéjà ouverte dans cetto contrée par
les soins du générai Nandou, préparaient ainsi les moyens d'entreprendre pro-
chainement Poxploilation dos riches forêts qui couvrent cette montagne.
Mais dès lo commencement de janvier I8Î-3, Abd-ol-Kodor reparut au milieu
des tribus de la vallée du ChéliuVot parvint à recruter près do 3,000 Kebaïtes.
La marche simultanée do trois colonnes françaises, dont l'une, partant d'Al-
ger, le 27 janvier, et dirigée par le gouverneur général en porsonne, pénétra
au coîur des tribus insurgées, et brûla la bourgade d'Haïnda, fit promptemont
justice de cetto insurrection. Poursuivant son succès, lo général Bugeaud avait
combiné les manoeuvres do ses troupes do manière à cerner Abd-oI-Kader, dont
plusieurs avis lui annonçaient la présence dans les montagnes des Beni-Monas-
ser, aux environs do Cherche!!. Malheureusement sa colonne, surprise..par un
violent orago au milieu do cos montagnes, fut obligée de rétrograder vers la
mer, où. stationnait le convoi, Dos tourmentes do neige mêlées de grêle et de
torrents do pluie so succédèrent, prosquo sans interruption, du o au 7 février.
La persistance du gouverneur général surmonta uno partie de cos obstacles ;
son exemple oncouragoait les soldats qui lui voyaient partager leurs fatigues et
leurs privations ; l'ennemi fut rencontré; Abd-el-Kadcr et son khalifa Berkani,
qui avait réuni do nombreux Kobaïlos, no purent tenir devant la résolution do
nos attaques et disparurent, sans .qu'on put les atteindre à travers un sauvage
pays que nous connaissions à peine. Dans un des combats partiels qui signa-
lèrent cette courto expédition, le général Bugeaud courut un grand péril ;
tombé tout à coup dans une embuscade, il essuya, à bout portant, cinq à six
coups do fusil ; son cheval fut tué, et il ne dut lui-môme" la vie qu'a un heureux
hasard. Malgré le demi-succès de cetto course, les Arabes révoltés avaient en-
core appris à reconnaitro la supériorité do nos armes, et tandis qu'Ahd-ol-
Kader fuyait devant le gouvernour général, uno autre colonne, commandée
parS. A. R. Mgr le ducd'Aumalei s'emparait, du côté de Bogliar, du trésor dp
*M L'AïaUQUIi l'HANÇAlSL,
Bon-Allal-Oulid-Sidi-M'Barek, dont la majeure partie fut distribuée aux indi-
gènes auxiliaires.
Dans la province de Constantino, où quelques tribus kebaïles résistaient
encore à main arméo, le général Baraguay-d'Hilllors, après avoir assuré, par
ses opérations contre les Zerdézas, la sûreté des 'communications do'Constantino
à Boue et à Philippoville dirigea contre les tribus insurgées deTKdough une
,
expédition qui fut couronnée d'un plein succès, Si-Zeghdoiid , l'un des plus
ardents promoteurs des hostilités, fut défait ot tué dans le marabout d'Akeïrhu,
d'où nos soblats enlevèrent sept drapeaux sous lesquels combattaient les tribus
qu'entraînait co chef redouté. Plus, tard uno autre expédition parmi les popu-
,
lations des environs do Kollo; sur le littoral, n'obtint pas des résultats moins
heureux.
Le 10 mai, par une marche rapide, S. A. IV. Mgr le duc d'Aumalo s'empara
de la semalah d'Abd-ol-Kader, aux environs do Taguin. Le princo avait ras-
semblé à Boghar, dans les premiers jours du mois do mai, des grains, des
vivres et des moyens de transport. Lo 10 mai, il quitta co poste avec 1,300
baïonnettes des 33% Gic do lignes, et des zouaves; (500 chevaux, tant spahis
quo chasseurs et gendarmes; une section de montagne, et un approvisionne-
ment do vingt jours on vivres et on orge, porté par un convoi de 80Ô cha-
meaux et mulets. Il laissait à Boghar assez do vivres pour ravitailler au'besoin
la colonno, et une petite garnison de 250 hommes, commandée par le capitaine
du génie Mottet, officier plein.do ressources et d'intelligence, qui devait y ter-
miner quelques travaux indispensables do fortification. Lo but de S. A. K. était
d'atteindre la semolah d'Abd-el-Kader, soit en agissant de concert avec le
général de la Moricièro, soit en opérant seul, si des circonstances politiques
retenaient cet officier général dans la province do Maskara.
Des renseignements dignes do foi, fournis par l'aglm dos Oulod-Ayad, pla-
çaient la semalah dans les environs de Coudjilah, sans déterminer sa position
d'uno manière exacte. Il importait donc, avant tout, d'atteindre co point le
plus promptemont possible, en '.tâchant, decacher à l'ouuo'mi la direction que
suivrait la colonno, dont on no pouvait espérer de lui.'dérober, la sortie. Grâce
à des guides fidèles, le princo put arriver à Coudjilah en suivant uno étroite
valléo ; et le il mai, à la faveur d'uno marche do nuit, co petit village fut
cerné. Coudjilah se trouvait peuplé de gens de métier que leurs professions
mettaient sans cesse avec la semolah ; on arrêta quolques-uns do ses habitants,
et l'on sut par eux que la semolah était campée à environ quatorze lieues vers le
S. 0. Dans la nuit du 14 au 15, la colonne so remit on route vers ce point.
Quelques individus surpris dans les bois révélèrent à S. A. B. que l'ennemi
avait quitté son camp la veille au soir, ot s'était dirigé vers Taguin, pour do là
gagner le Djebel-Amour. Cotte montagne était couverte do grains déjà mûrs
dans cette saison, ol.'qui devaient nourrir pendant quelque temps les nom-
breuses populations qu'Abd-ol-Kader traînait à la suite do son douar. Lo prince
fut informé en même temps quo le général de la Moricièro était à quelques
lieues dans le S, 0., et que sa présence avait déterminé co brusque mouvement.
L'émir l'observait avec 230 ohovaux, afin de pouvoir mettre sa semalah à cou-
vert, mais no ei'aignàit rien do la colonne dé l'est, qu'il croyait rentrée à Boghar,
I.IVHK KLPTILMK, AOS.

Celte dernière nouvelle no laissait à Mgr lodiicd'Aumalo qu'un parti à pren-


dre : c'était do gagnor aussitôt Taguin, soil pour y atteindre la semuluh, si elle
/était encore, soit pour lui fermer la roule de l'est, et la rejeter forcément sur
lo Djebel-Amour, où, prise entre.les.dons colonnes do Maskara et.do Médôah, il
lui serait difficile d'échopper, car, dans ces vastes plaines où l'eau est si rare,
les roules sont toutes tracées par les sources précieuses qu'on y rencontre. Co
plan était simple, niais il fallait, pour '.l'exécuter, une grande confiance dans le
dévoilement «les soldats el îles officiers; j| fallait franchir d'une seule traite un
espace de plus de vingt lieues, où l'on uodovait pas trouver une goutte d'eau.
Mais lo prince comptai!.sur l'énergie dos troupes qu'animait son noble exem-
ple; l'expérience a montré qu'il ne s'élailpas trompé,
S, A, B. subdivisa sa colonne en doux : l'une, essentiellement mobile, com-
posée da la cavalerie, de l'artillorio et des zouaves, auxquels furent joints 150
millets pour porter les sacs et les hommes fatigués; l'autre, formée do doux
bataillons d'infanterio et do 50 chevaux, devait escorter le convoi sous les or-
dres du lioubnant-colonel Chadeysson.
Après une halle de trois heures, les doux colonnes partirent ensemble, con-
duites chacune par des guides sûrs. Le rendez-vous était a Bas-esl-Aïn-M'to-
Taguin. Lo (0, à la pointe du jour, on avait déjà rencontré epiolquos traînards
do la semolah. Sur dos renseignements inexacts qu'ils donnèrent, lé prince-fit,
avec la cavalerie, une reconnaissance do quatre lieues droit au sud, epii n'or-
houlit à .rien. Craignant'do fatiguer inutilement les chevaux, S. A. B. reprit la
direction de Taguin, où toute la colonne devait se réunir.'Ou n'espérait plus
rencontrer l'ennemi, lorsque vers on/.e heures, l'Aglia dos Ouled-Ayud, envoyé
en avant pour reconnaître! l'emplacement do l'eau, revint au galop prévenir
Mgr le duc "'d'Au'malo (pie la semalah tout entière (environ 300 douars) était
établie sur la source même du Taguin.
Notre colonne en était tout au plus u mille mètres, et c'est à peine si elle
s'était déjà aperçue de notre approche. B n'y avait pas à hésiter. Les zouaves,
que |o lieu tenant colonel Chassoloup amenait .rapidement-avec l'ambulance du
docteur Beurelet l'artillerie du capitaine Aubac, no pouvaient pas, malgré toute
leur énergie, arriver avant deux heures ; et une deiui-houre de plus, les femmes
et les troupeaux do la semalah se seraient trouvés hors de notre portée» ; les
nombreux combattants de cotte villo de tenlejs auraient eu le temps des so rallier
et ele s'entondro:.— le succès devenait improbable», et notre situation très-cri-
liquo. Aussi, malgré les prières .des" Arabes, qui, frappés de notre.petit nombre
et de la grande quantité île» nos ennemis, suppliaient le princo d'attendre l'in-
fanterie, S. A. B. se décida à altaepier immédiatement.
La cavalerie se déploie et .se-lance à la charge aveu; cette» 'impétuosité qui est
le caractère distinctif de notre courage national, et qui ne permit pas un in-
stant ele douter du succès. —- A gauche, les spahis, entraînés parleurs braves
officiers, attaquent le douar d'Abel-el-Karier, et culbutent son infanterie régu-
lièro qui se défend avec la furie du désespoir. ---Sur la droite», lus e-hasseurs
traversent toutes les''lentes sous une vivo fusillade, renversent tout 'c-o'. qu'ils
rencontrent, et vont arrêter là tête des fuyards <pio do braves et nombreux ca-
valiers cherchent vainement à tlégagor. Dans colle charge à fond, tpii produisit
/lOq f/AFIt]QU FRANÇAISE.
l'effet de la foudre, mille traits d'audace, mille épisoeies incroyables d'une
lutte corps à corps, et qui dura plus d'uno heure, pourraient être racontés. Lo
joune princo qui accomplit co fait d'armes, digne des plus belles époques de
notre histoire, n'avait que 500 cavaliers, et il y avait cinq mille fusils dans la
semolahlOn no tua quo des'combattants, et il resta 300 ennemis sur le ter-
rain : tout lo reste fut pris! S.A. B., aussi calme qu'inlrépido, était au Centre
du mouvement, à la tête d'un escadron etdo tronto gendarmes, envoyant du
renfort là où il était réclamé, là"où elle le jugeait nécessaire; sa générosité mo-
déra l'entraînement du soldat et sauva bien des victimes. Cotte belle journée,
qui mérita au colonel des spahisYoussof, au lieutenant-colônol Morris, des
chasseurs, au commandant d'Allonvillo, d'êlro cités au premier rang des bravos
par un fils de Franco, devait être immortalisée par notre pointro national.
Horace Vernet a choisi le moment sublime où lo jeune et brillant duc d'Au-
mato arrête les coups de la victoire, et prend sous sa royalp protection les
femmes de ta semalah qui l'implorent à genoux pour les vaincus désarmes.
Magnifique leçon donnée a nos généraux, la clémence du prince rappello les
plus beaux traitsde la chevalerie françuise, ot continue les héroïques traditions
des fiayard et dos pugueselin. >
Quand les populations prisonnières virent nos escadrons qui avaient pour-
suivi au loin les cavaliers de l'émir, elles no pouvaient croiro qu'une poignée
d'hommes eût dissipé cetto forco immense dont lo prestige moral cl réel était
si grand parmi les Iribus 1,
Vers quatre heures du soir, après une marche admirable ( trente lieues en
trente-six heures! ), l'infanterie arriva, fatiguée, mais en bon ordre, sans avoir
laissé on arrière ni un homme ni un mulet. Lo lieulenant-colonel Chadeysson
avait conduit sa colonne avec une énergie digne des plus vifs éloges, Le lendo-
inain, 17, on fit si-jour sur lo champ do bataille, pour rassembler les troupeaux,
et mettre le feu 'aux' tontes et a tout le butin qu'il éluil impossible d'emporter.
Lo 18^ la colonne au complot se remit en route. La marche fut lento et diffi-
cile; les étapes étaient marquées par les sources quo séparaient do longues dis-
tances sous un ciel brûlant; il fallait avec 1,800 combattants, ramener d'im-
menses troupeaux, escorter une population prisonnière, et se ménager une
force disponible on cas d'attaque ; malgré ces embarras, Mgr le duc d'Aumale
termina heureusement, avec la prudencod'un vieux général, cetto glorieuse
oxprdition, qui nous livrait plus de 3,000 prisonniers, les tontes.do l'émir, sa

i Après eu coup de main, la chef du golim juavaterlo auxlfltiirc) dosUoualrs et dos Bemetas, Mustapha»
ben-lsimiei, notre allié, so détacha imprudemment do la colonno du général de là Moricièro, pour retourner
à Oran, nveo stt troupe chargée de riches dépouilles, Il fut attaqué dans uri bols j Ws cavaliers, au nombre
do cinq ou six cents, craignant do perdre leur butin, so dispersèrent sans combattre, abandonnant à la
merci des Arabes leur Vieux chef, qui fut bientôt percé do coups. Son cadavre fut porta à Abd-obJCader,
quo cette mort vengeait do plusieurs trahisons, et su lélo coupée servit longtemps do trophée aux Arabes
restas Ildèles à là cause de l'émir.
Mustupha-ben-tsiiiHiil mourut à quatre-vingt» ans} le gouvernementfronçais, pour récompenser ses ser-
vices,l'itvnit nommé maréchal do ennip et commandeur de la Légion d'honneur. C'était, malgré ton grand
Age, un homme de guerre encoro remarquable, plein de courage et doué d'uno certaine habileté. Ou uvatt
blett fait salis doute d'utiliser ses capacités et do l'attacher à nous par uno part de pouvoir) mais nous no
pouvons nous empêcher do blilmor lo déplorable abus qu'oii lie COSM de commettre on donnant la croix
d'honneur i» des indigènes.
';. L.1VILK SKPTIEMli. 405
correspondance, son trésor, quatro drapeaux, les débris do son artillerie et un
immense butin.
Dans la matinée du 10, le général do la Moricièro, qui manoeuvrait près du
Chélift', apprit parepiolquos fuyards delà tribu dos Iïachoms, le désastre d'Abd-
cl-Kadeiv Portant aussitôt sa cavalerie dans la direction qui lui était indiquée,
il no tarda pas à reconnaître un fort détachement de cette tribu au milieu du-
quol so trouvait l'émir on personne; mais les vaincus découragés n'essayèrent
pas mémo do se défondre, et se rendirent à discrétion. Quelques réguliers, for-
mant l'escorte d'Abd-el-Kader, so dévoueront soûls pour l'entraîner dans leur
fuito, après avoir tiré leurs derniers coups de fusil sur les lAches qui jetaient
leurs armes aux pieds de nos soldats. Les derniers débris do la semolah furent
do nouveau rencontrés, lo 22, sur lo plateau do Djeda. Cette fois leur résis-
tanco fut désospéréo; une lutte corps (V corps, qui dura quelques heures, so
termina par la destruction de 280 réguliers ; 140 prisonniers, !100 fusils, 150
chameaux, le drapeau d'Abd-el-Kader restèrent on notre pouvoir, et rémir lui-
medio ne dut son salut qu'à la vitesse de son cheval.
Au mois de juin suivant, une nouvelle opération, comluitopar lo gouverneur
général dans l'Oiiaronsenis, h travers dos difficultés de terrain presque infran-
chissables, amena l'organisation do co pays sous un chef institué par l'autorité
française. Enfin, le 11 novombre, dans un brillant combat près do l'Oued-
Malah, le général Tompoure défit les troupes régulières do l'émir, commandées
par Ben-Allal-Oulid-Sidi-M'Barek, le plus puissant do ses khalifas.
Co maréchal do camp avait' formé uno colonno île marche, composé do 800
hommes d'infafitorie choisis parmi les plus valides, et de 300 spuhis ot chas-
seurs des 2° et 4e re»gi monts. Après plusieurs jours d'uno course excessivement
pénible et incertaine, pendant laquelle il fallait à chaque instant s'arrêter pour
retrouver la trace perdue, on arrivait à l'entrée do la vallée.do l'Oued-Malah,
lorsqu'on aperçut tout'a coup une épaisse fuméo sortant d'un bois. Le chef do
la colonno ne douta point que l'ennemi fût là. l'ormunt aussitôt sa cuvalerio sur
trois lignes, fortes chacune do deux escadrons, il eu donna le commandement
ou colonel Tarlas, du ¥ chasseurs, Derrière la reiservo, également composée do
doux escadrons, il plaça 3o0 fantassins d'élite, avec un obusior do montagne,
sous les ordres du colonel Bogiiet, du 41". Le convoi, laissé sous lu gurelo do
280 hommes avec deux obusiers, devait suivre" lo; mouvement avec lu plus
grande rapidité possible, 'précédé à courte distance parle conunandunt Bosc,
du 13° léger, à la loto de 200 hommes, Ces dispositions prises, le général Tom-
poure so remit en marche, en profitant ele tous les accidents du terrain pour
dérober à l'ennemi son approche. La colonne continua ainsi jusqu'à un quart
de liouo d'une petite coltine masquant lo lieu d'oîi sortait la fumée, sans avoir
aperçu un seul être vivant; mais on vit bientôt un cavalier sortir d'un taillis,
tirer un coup de fusil et s'enfuir à toute bride. Lo général fit alors prendre h*
grand trot, ot on arrivant sur la colline, ou aperçut l'ennemi à portée ele feu.
Sidi-M'Barek fit aussitôt prendre les armes; il avait avec lui deux bataillons
de réguliers qu'il -forma on colonne serrée, tira peaux en tC'te, et les mit en
marche au son du tambour. Ils étulent eléjà parvenus au inilieu d'une petite
plaine qui les séparait d'un mumelon boisé qu'ils voulaient gagner; mais
7)00 L'AFRÎQUlï FBANÇAISK.
Voyant qu'ils n'en auraient pas le temps, ils s'arrêlèrent et firent forme. Il n'y
avait pas un instant a perdre. La cavalerie mit le sabre à la main; lo général
lui avait prescrit de no pas tirer un seul coup de fusil, et donna le signal do la
charge. Lo colonel Turtas, elont l'élan, le sang-froid et le brillant courago no
sauraient être trop exaltés, dépassait seul son l?1' escadron, et entra le premier
dans Ion rangs ennemis a travers imo vivo fusillade, pendant que les deux co-
lonnes tournantes les enveloppaient* "et leur enlevaient toute chance de re-
traite. En;peu d'instants tout fut cttlbulé; mais c'était surtout vers la tête.'des
bataillons que se précipitaient nos braves cavaliers, et lo lieutenant-colonel
Sentuary était sur ce point et lés entraînait par son exemple. C'était la qu'é-
taient les drapeaux : tous ceux qui les défendaient furent.sabrés,: et ces glorieux
trophées tomberont entre nos 'mains. Jusque-là, lo succès était grand, mais ce
n'était pas tout ; il y manquait Sidi-M'Barek, le conseiller d'Abd-o!-Kador, son
meilleur homme do guerre. Était-il parvenu à s'échapper? Le général commen-
çait a le craindre, quand le capitaine des spahis Cassaignoles vint lui apprendre
que co chef redoufable avait été tué sous ses yeux.
Après avoir éfé lo témoin du massacre de ses porte-drapeaux, et de l'horrible
carnage qui venait d'anéantir ses bataillons, le khalila, suivi do quelques cava-
liers, avait cherché à fuir ; mais serré de près par lo capitaine Cassaignolejs, qui
--l'avait distingué dans lanielléea la richesse de ses vêtements,, il avait été at-
teint uù moment où il .'..cherchait à gagner l'escarpement rocheux qui ferme, à
l'est, la vallée ele l'Oued-Malah. Là, perdant."tout espoir de salut, il s'était elé-
terminé à vendre chèrement sa vio, D'un coup do fusil, i| avait tué lo briga-
dior du 2° chasseur Labossayo; d'un coup de pistolet» il abattit lo cheval du
capitaineCassaignoles, qui avait lo sabre levé sur lui ; puis, d'un autre pistolet,
il avait blessé légèrement lo maréchal des logis Siquot, qui venait do lui asséner
un coup ilo sabre sur la 'tête. Dégarni do son feu, il avaitmis à la main le ya-
thagan; ce fut alors quo lo brigoelier Gérard termina cotte luttodésespérée "eu
lo tuant d'un coup do fusil'.
Les insultais de ce brillant combat furent 404 fantassins et cavaliers arabes
restés sur lo enrreatt ; 280 prisonniers; trois drapeaux enlevés, plus ele (100
fusils, 80 chevaux harnachés, ef un grand nombre do bêles; dp somme,
A la fin do décemibro, <io nouveaux succès, obtenus par les généraux'. Bedeau
ol Temipouro vers la Tafna et vers loChott, sur dos tribus qui hésitaient à
prendre parti entre nous et Abd-el-Kader, vinrent rendre encore plus com-
plète l'impuissance) oh il était' déjà do rien entreprendre do sérieux contre nos
armes victorieuses.
La campagne tic 1843 ajoutait donc uux résiillats des précédentes. Sur tous
les points, les grands intérêts do la colonisation oble-naîent sécurité et protec-
tion ; ragriculture, lo commerce, l'industrie, pouvaient trouver eioscoulresele»
développement, ot la population e|Ui n Votait, à la ïln de'.i8l-2,<)Uû.<ln4'<,000{\mes,
»
ai.leignu.it le chiffre do .soixante-cinq, huile. Vingt-doux villages créés par nous

M.» téta du khalifii fut portée à Alger, où, par ordre du gouverneur général, olle resta longtemps exposée,
nu bureau nraho. Tous les indigènes étalent conviés à Venir voir ce sanglant trophée, dont 1 exhibition pu-
blique pouvait s'esptiquer par l'utilité de prouver physiquement aux Arabes la «turf, de ce chef célèbre, qui
fut longtemps contestée,
>
LIVRE SEPTIÈME 407
études se préparaient pour en
se trouvaient habités par des Européens; des
augmenter le nombre progressivement. Dix-neuf routes étaient entreprises ; tes
Arabes venaient on foule à nos marchés. Lés Iravauxdu port d'Alger marchaient
avec activité; la jetée du nord était'.déjà poussée a 289
hiètres, sur 480 que
devait atteindre sa longueur. Enfin, l'exploitation prochaine des forêts de
l'Algérie reconnues shr une surface do 80,000 hectares, etdes mines précieuses
que rènfermp le sol de cette contrée^ devait amenor un développement do
richesses inappréciable.
En résumé, notre domination apparaissait générale et tranquille d'une extré-
mité a l'autre do nos possessions du nord do l'Afrique; les travaux de la paix,
exécutés eh partie par ies mêmes soldats qui avaient si gipriéUSehtcnt com-
battu, succédaient partout aux travaux de la guerre, et, dirigés par une admi-
nistration sago et vigilante, ilsdovâieiit assurer a l'Algérie là prospérité que
notre civilisation lui a promise.
LlVIlti-HUITIEME.

La plus triste déception qui puisse atteindre un historien, c'est de voir ses
convictions do la veille exposées à encourir le reproche de légèreté, lorsque exa-
minant de plus près les personnes et les choses, il les .trouve elill'érentes de ce"
quelles lui paraissaient au premier aperçu. Heureux qui s'égare par excès do
bienveillance I
Je projetais, dopais e|uclque)s années, d'écrire .'.l'histoire dos établissements
français dans le nord do l'Afrique. J'avais compris qu'une oeuvro si largo no
pouvait s'enfermer dans les mesquines proportions d'un travail do cabinet, et
qu'il fallait tracer les drames de cette conquête comme écrivaient jadis les histo-
riens des croisades, en parcourant les champs de bataille, l'épée d'uno main,
la plume de l'autre. Familiarisé par mes souvenirs avec les habitudes de la
vie militaire, avec la poésie du péril, et les graves méditations dos camps, jo
songeais encore vaguement à me rendre en Algérie, lorsque la renommée du
combat glorieux-do Taguin vint, au mois do mai 18Î-3, fixer ma résolution.
Jo communiquai mes idées au gouverneur généra! qui mo fournit l'occasion
do les exécuter. Accueilli avec empressement par lui, jo lo vis comme je l'ai dé-
peintdans un opuscule échappé a ma plume dès les premiers jours do mon re-
tour en France.
Le maréchal m'avait promis les renseignements indispensables pour liorenlro
eux les événements antérieurs à mon séjour on Afrique, Mon projet, devenu le
sien, fut encouragé par lui, et pondant son dernier voyage à Paris, en 18*8, il
LIVRE IICITIKMF. 409
voulut bien mo recommander notre omvro par des lettres flatteuses, restées
sans effet.
•.'. Réduit aux documents généraux do l'histoire, les faits so sont manifestés sous

un jour différent; mes illusions se sont évanouies, mes convictions so sont mo-
difiées. En face de mes devoirs d'historien, mes affections ont disparu ; la vé-
rité s'est produite. Effrayé do son aspect, j'ai prié lo gouverneur général do me
donner les moyens de vérifier les indices que jo rencontrais :—• mes demandes
sont restées sans réponse.
J'ai dû me borner, dès lors, à suivre les traces do l'histoire
Si l'on remarque quelquo différence entro les lignes hâtives do ma première
esquisse et l?couvro sérieuse que j'achève aujourd'hui, les faits qui précèdent
expliquent cette différence.

li'OllVKIlNKMKXT. DU MAIlrélîHAT. HlJdKAlJD.

18M-18M.

Je déclare on tonte vérité, ot sur ma conscience, X I.A


l'ACK DE LA FiiitJpK, que je renonce à toute espèco d'avan-
cement. Oui, messlours, si le roi me nommait lieutenant
général, JI; RKi'usfiitAis, JO todéclareI
J'ai pris mon bâton de maréchal, jo resterai naréchal
de camp t. Le maréchal do camp BOOKAUB eu 183t.

Le systèmo do gouvernement que l'on choisira pour


l'Algérie peut avoir une immense influence sur sos destinées.
Jo n'ai pas la prétention do m'étofnïser eu Afrique %
Lo général HUUKAOD on 1812.
Ah! vous voûtes», mo donner un gouverneur civil? fth bien,
qu'il vlonno Ici ce gouverneur civil! qu'il vieillie, et
j'etntnfmernl mon armée, et J'irai, moi, transportée mon
.
quartier général a Môdéahj Jo lie laisserai pas un do mes
soldats dans Alger, et nous verrous nlolr, co quo fera
monsieur le gouverneur civil >''.
F.o maréchal Ilemiuim eu l84(i.

Au début do la session do 18i2, le Roi adressait aux Pairs et aux Députés


réunis ces paroles quo 'salueront d'unanimes'acclamations : — « J'ai pris des
mesures pour qu'aucune complication extérieure no vienne altérer la sûreté de

* Voyez dans lo Moniteur universel, la discussion do la loi relallvo il ta fixation du cadre do i'état-major
général do l'armée. {Séance de ta Chambre des députés du 90 février 1831.)
^ îi'Âtgérle ; lies moyens de conserver et d'utiliser cttte conquête, p. 37,
:

H II a été publié védomment, sous lo titro de La t<'rancn en Afriqiu>,\nia brochure qui contient une critique

discrète du régime du sabre, Inauguré ou Algério par M. lo muréchttl 'llugoaud, et la proposition d'y
substituer les garanties d'uno mlminlstfiUlon civile. I,o public a supposé quo cetto pubtlcallu'u émanait
des inspirations do M. lo ministre des affaires étrangères j des personnes qui so croient mieux informées
l'attribuent au secrétaire do la présidence du conseil. Quoi qu'il eu soit, c'est un livre écrit eu vue do
prochaines améliorations que nous appelons do tous nos voeux, Malheureusement» il n soulevé la colora
do M. îtugeàud, et le journal'la Presse a publié Un monologue qui se serait échappé de la bouche du gou-
verneur général, en présence d'un prince, ot dont nous avons extrait l'épigraphe ci-dessus.
Il nous répugné do croire que -M. ttugeaud ait osé manquer si grossU-romentau respect que tous les
-.'82
.
410 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
nos possessions d'Afrique, Nos braves soldats poursuivent, sur cette terre tf&or-
îMiset pour toujours françahet\e cours de ces nobles travaux auxquels je suis
heureux que mes fils aient l'honneur de s'associer, Notre persévérance achèvera
l'oeuvre du courage do notre armée, et la Franco portera dans l'Algérie sa civi-
lisation à la stiito de sa gloire.»
A la fin do 1843, les plans du gouvernement semblaient avoir été suivis avec
sagesse et persévérance. Satisfait des résultats obtenus, lo gouverneur général ;.

venait do publier un écrit, dans lequel, après avoir t'ivallié à 78,000 hommes la
force collective destinée u garder les points principaux do la conquête, il propo-
sait d'é|evor l'effectif à 80,000 hommes, «si l'on voulait faire les choses avec
toute sécurité, par la possession et avec la rapidité désirable pour le progrès des
travaux '.» Passant on revue les oeuvres accomplies et les espérancesde l'ave-
nir, il nous montrait la conquête de l'Algérie coasommt'c 2, et reconnaissait que
depuis les Biban jusqu'au rivage ele Kollo, ce pAté de montagnes, qu'il a plus
tard intitulé Kttbiflk, pouvait s'isoler do la conquête, on lo tenant dans un
état do blocus par terre ot par mer, qui amènerait tôt du lard les farouches
habitants de ces montagnes à uno capitulation quelconque *\ Il ajoutait que
riiommo n'étant nulle part indifférent au bien-être, lorsqu'il peut se le procu-
rer, lo commerce seul pourrait nous attacher les Arabes; épie nous n'avions
pas assez songé à gouverner les indigènes, et que pour protéger h la fois leur*
intérêts et les nôtres, il faudrait plus de soins et tlo sollicitude ept'il n'en avait
fallu pour les vaincre ''.
Plus décisivo quo la plupart des expéditions qui l'avaient précédée ou suivie,
la brillante victoire do Taguin, en signalant un jeune prince a notre admira-
tion, avait ruiné pour longtemps la puissance d'Abd-ol-Kador, et tout faisait
présager qu'avec uno franche impulsion .donnée- aux travaux de la colonisation,
une èroelo prospérité allait s'ouvrir, et compenser progressivement nos longs et
pénibles sacrifiées. M, Bugeaud venait el'êlrc élevé à la dignité ele maréchal do
France, et l'opinion publique, facilement oublieuse de ses griefs, s'attendait a
voir le gouverneur général s'élever à la hauteur ele sa '.'mission administrative;
diriger du fond de son cobiiiet les manomvrcs ele ses lieutenants} et maintenant
d'une nuûil la paix armée, travailler de l'autre au développemeul physique! de
la société nouvelle dont tes destinées n'exigeuiemt, pour éclore, quo .les res-

citoyens doivent aux membres de ta famille régnante j car une telle conduite serait plus que de la démoneo,
Mais quel qu'Bil été lu témoin du .-jette scène fâcheuse, le iluhito journal ajoute qu'BceiistmfJeiiKuile le gou*
Yorueim-lildo faiblesse et A'ingyàiUude, et revenant à co livre, te maréchal so Serait écrié:'— « (Ju dit quo
c'est la pensée du M. Gui/ol i eh I que tn'lmporlo, ù mol. M. (JuW.ot I Je le connais ce M, Guizot, c'est un
impuissant (Je mo sers du terme poli, dit le correspondant do la Presse; l'expression du maréchal est par
trop soldatesque pour être rapportée \ ; 11 parle beaucoup, mais il no fora'rions et s'il osait jamais se
mêler do'mes affairas, je saurais bien y mettre ordre \ mais il no l'osera pas; je vous commander ici, et
jo commanderai.» (Voyoi tous les journaux de l'époque,'ot notamment ta Presse ai h .S'tcWfldn r> avril Iblo.j
t)e telles paroles constituaient le gouverneur général en étui de rébellion flagrante' vls»A*vjs lo Pouvoir*,
Do telles paroles, si elles n'avaient plis élé prononcées, réclamaient Un démenti solennel, M. îîngeniid s'est
abstenu. Nous no «oyons pas, au surplus, que sa virulente agression parvienne à lu hauteur du dédain de
M. Guizot', mais il est déplorable qu'un fonctionnaire comblé des bloiifails du gouvernement injurie, duiis
ses lettres ou dans ses discours, le mémo ministère qui a signe ses
brevets de gouverneur général, do ma-
réchal de franco et do duc d'isly,
* L'Algérie! Des moyens de conserver et d'utiliser celle mtquéte, p, $2, ~-2
Itdd,, p. 101.. — 3 Ibid., p. M,
-r-itbid., p. 110,119 et lift,
LIVRE HUITIEME. 411
sources.d'un dévouement ordinaire. Pendantles repos do la guerre, nos soldats
avaient tracé des routes, construit des ponts, fortifié-, dos camps, élevé des ma-
gasins; derrière eux l'agriculteur d'Europe demandait'a s'installer, et le mo-
ment paraissait venu do laisser gronder le fracas des armes aux frontières du
sol ennemi, pour semer dans la zono dont la conquête était consommée les
éléments si longtemps désirés'd'une existence politique.
Dans la province d'Alger régnait l'ordre et lo calme. Les tribus les plus voi-
sines du Sahel-acquittaient ".leurs impôts sans difficulté, lorsque le maréchal
Bugeaud apprit que Bcn-Salem, ancien khul.ifa.de Sebaou, était rentré dans
l'est, où il cherchait par ses intrigues a fomenter contro nous quelques soulè-
vements. La Métidjah n'était pas menacée, et c'était peut-être l'occasion de
fermer les passages des montagnes insoumises, et do parer h toute occurrence
d'hostilité par co blocus dont M. Bugeaud avait lui-même proclamé la suffi-
sance. Oublieux de sos convictions d'autrefois, ou plutôt préférant l'éclat'do. ses
bulletins à des gloires plus modestes mais évidemment plus durables, il an-
nonça tout a coup son projet de porter lu victoire sur les cimes du Djerjerah. On
s'émut on Franco devant ces symptômes de guerre nouvelle sur un sol inconnu,
le plus difficilement accessible de toute l'Algérie, et possédé par une raco qui
avait tenu on échec les coneiuérants de plusieurs siècles. Le Moniteur Algérien
reçut l'ordre d'assoupir provisoirement l'inquiétude publique, et témoigna, lo
1er mars, que l'on ne pensait pas à guerroyer contre les Rebâties do l'est ; que si
ces fiers montagnards no nous étaient pas soumis, du moins ils ne nous étaient
pas hostiles, fréquentaient nos marchés, et n'aspiraient qu'à conserver leur in-
dépendance, qu'ils croyaient garantie par les forteresse naturelles do leurs après
montagnes. Le 30 du mémo niois, lo même organo officiel du maréchal Bu-
geaud démentait tout bruit d'expédition par la déclaration suivante î «Pour
éclairer lo public do bonne foi, nous devons dire tjue les projets d'exécution dans
les htontognes do Bougie'-n'ont jamais existé.»
Cependant, lo ministre de la guerre, par sa lettres à la commission des crédits
extraordinaires indiquait, lo 3 mars, au nombre des:raisons qui lui faisaient
proposer a la chumbro uno addition do 15,000 hommes h l'effectif do notre
armée d'Afrique, et la nécessité de faire des démonstrationsparmi les populations
kebuïlos qui entourent lo Djerjerah, et epii, plus guerrières quo le reste des
tribus arabes, sont plus difficiles è dompter, et seront longtemps remuantes.-y
Lu commission, frappée do cette divergence entre l'opinion du ministre et celle
du gouverneur général, crut devoir demander quelques éclaircissements : il lui
fut répondu «quo l'expédition était déterminée par lu nécessité do ranger dans le
nombre des tribus payant l'impôt toutes celles qui lo payaient au gouverne-
ment turc; et quo le moyen de domination à appliquer après l'expédition se-
rait le gouvernementexercé par des chefs'indigènes" nommés par nous, agissant
sous noire autorité, surveillés et appuyés, au besoin pur nos troupes, et chargés
de recueillir l'impôt h notre profit.)»
Pendant que la commission tlélibérail, lo gouverneur général se passait de
renforts, activait ses préparatifs- et son journal oubliant ses déclarations des
itf et30 mars publiait, lo 14 avril, cette adresse aux Rebâties : — <c Soumettez-
vous a la Franco, et II ne vous sera fait aucun mal. Dans lo cas contraire, j'en-
412 L'AFRIQUE FRANÇAIS!-:.
trerai dans vos montagnes, je brûlerai vos villages, et je couperai vos arbres frui-
' tiers '. » ';
Plein de confiance élans son étoile belliqueuse, M. Bugeaud n'hésita pas a
assumer la responsabilité d'une guerre quo l'opinion générale considérait
comme impolitique, et qu'il avait lui-mêmejugée fort inutile. Un corps d'armée
d'environ 7,000 hommes du toutes armes fut réuni, le 27 avril, on avant do
,
la Maison Carrée, et, parti le même jour, vint camper à trois lieues de là, sur
des prairies do la plus belle végétation, qui s'étendent lo long des bords do
rOuod-Hatnis. Lo lendemain, dès l'aube, la rivièro fut traversée sur un pont
volant. La plaine était effondrée par les pluies qui n'avaient cessé do tomber
depuis plus d'un mois; l'infanterie marchaitdans l'eau et la vase jusqu'aux go-^
noux. On franchit de bonne heure l'Oued-Boudouaou, qui serpente dans une
vallée profondo dont la fertilité no lecédait en rien à celle du Hamis. La grande
halte se fit dans une vaste clairière encaissée par des collines plantureuses.
Pendant le repos des troupes, arrivèrent successivement 200 chevaux français,
et plusieurs détachements d'indigènes auxiliaires conduits par un officier do la
Direction dos affaires arabes, tandis que survenaiont d'autre part 600 cavaliers
des Beni-Djaael, desBoni-Solyman, ot des Aribs du Ilamza, sous la bannière do
Si-Malii-Eddin, notre khalifadeSebaou. Ce dernier., fort instruit dos projets des
Kebaïies, nous annonça que ces montagnards avaient juré do périr jusqu'au
dernier, plutôt que do voir leur pays envahi par l'étranger. Lo bivouac fut in-
stallé lo même soir sur les bords de l'Oued-Corso ; lo gros de l'arméo campa
dans la vallée, pendant quo do forts avant-postes occupaiont les hauteurs. Lu
kaïd des Krachenus, dont nous foulions les champs, vint apporter la Diffa devant
la tente du maréchal ; c'est la redevance en vivres olferto par les tribus au
sultan ou au dominateur .du pays, partout ou il. campe sur un territoire qui lui
'est soumis. ••.
Le 29, la route changea île physionomie : plus do marais, plus do vallées,
mais des montagnes rocheuses, des sentiers déchirés a chaque pas par dos fon-
drières et des ravins tortueux. Après deux heures d'une marche lento à travers
les obstacles qui semblaient conjurés pour nous fermer lo passage, ou passa
l'Oued-Touquobat, et, plus loin, deux de ses ufllueuts, lo Chabu-M'Taa dos
Boni-Aïchu, et l'Oued Boni-Klialila, A partir do la, les pontes so rendissent, les
éclats de roche tranchante percent les bruyères ; le caroubier, le lontisquo, le
chôuo-liége et l'olivier suuvugo s'entrelacent on inextricables halliors. Une

< t'iio proclamation traduite eu arabe était en mémo temps répandue parmi les 3,U0O Kebaïies qui fré-
quentaient la ville d'Alger, les uns comme marchands, les autres comme pitres, journaliers, domestiques.
—c
Habitants du Djerjerah, leur disait-elle, cultivai eu paix vos terres, échange}?, vos produits icetto der-
nière situation n'cst-elio pas préférable a une guerre contre un peuple grand et puissant, qui n'aurait qu'A
vouloir pour vous détruire? Il ne me sorait pis difllcilo do "pénétrer dans vos montagnes, si vous m'y
contraigniez' pur dos démonstrations hostiles, Les délités des Uoni-A'ichti et les sentiers do (,'herob no Kont
pus inconnus aux Français. J'irai bien plus loin quand j'en prendrai lu résolution. Malheur.alors à vos
troupeaux, a vos arbres, ù vos champs, à vos habitations, qui ont été préservés depuis trois ansl Je lie
veux pas vous révéler oncoro tous mes projets : l'avenir vous les fera connaître. »
A cette menaça Inattendue, lus Kebaïies s'empressèrent du déserter Alger, pour porter à leurs compa-
triotes l'avis de se préparer A Une rude défense. Aujourd'hui qu'ils .savent co qu'ils ont A redoute! , Dieu
.•ait par quels moyen-* on pourra , mémo eu ciuihimiut do système, vaincra leur défiance cl les ramener â
nous,
L1VRK lilJlTlEMK. 'il3
gorge s'allonge et so creuse entre eles hauteurs qu'on dirait échancrées par la
foudre ; les chevaux glissent à chaque pas, les cavaliers se couchent sur la
sollo pour éviter les branches mortes que les arbres tendent do tous côtés comme
dos bras immobiles ; les fantassins, courbés sur l'âpre sentier que les sapeurs
d'avant-garde ont à demi déblayé, so suivent à la file, comme un serpent de
fer tordant ses innombrables anneaux autour d'une ruine séculaire.
C'est le Téniah oufof eles Beni-Aïcha.
Au sortir de co long tléfilé on descend, par un plan largement incliné, dans
la vallée do l'Isser. Les cultures reparaissent; la prairie émailléo ele fleurs re-
prend encore la place des arides bruyères; tous les contrastes se succèdent à
courte dislance sur ce territoire si varié, à travers les accidents multiformes
d'une si puissante nature. L'armée s'arrête vers midi a l'Ilaouch-bou-Ameiir,
sur la rive gauche de l'Isser. Le soir les chefs des douars voisins apportent la
Biffa, et nous apprennent que lu grande tribu k'èbaïlo de Flissa vient de mettre
on sûreté ses femmes, ses enfants, et se prépare à une lutte énerghiuo. Petielunt
la nuit la pluie tomba par torrents, les trombes d'un vent furieux dévustuient
les broussailles, les feux des bivouacs s'éteignirent, et quand à j'aubo les sol-
dats se réveillèrent transis de froid dans tin vaste bourbier, les eaux de l'Isser,
chargées du limon de leurs rives quo la crue détachait en grondant, roulaient
comme des vagues. L'impossibilité d'employer l'équipage de pont forera lo ma-
réchal d'attendre au lendemain. Co jour-là, les chefs des Boni-Khulfoun, tribu,'
do la rive droite de l'Isser, amenèrent au camp un marabout des Flissas,
nommé Bon-Tofat, qui voulait, disait-il, épargner a ses compatriotes les mal-
heurs do la guerre. Il ne s'annonçait pas comme leur hiandatairo; son inter-
vention n'était qu'officieuse; il venait s'informer des projets des Français, et
promettait.-de rapporter, le 1er mai, la réponse des Flissas au camp do Bordj-
Monaïol, 0C1 l'armée devuit so trouver. Le maréchal lui accorda yingt-quatro
heures pour tenter une négociation paciflquo.
Lo soir, les kuïds dos Issers traversèrent le llcuvo malgré,lés, périls élu pas-
sage, pour apporter la Diffa. Le lendemain, Boti-Tafat reparut; cet homme vé-
nérable était triste; il n'avait rien obtenu des Flissas; mais, pensuM quo.sa"
présence au milieu de nous pourrait encore servir ses compatriotes, il se décida
à suivre l'urtnéo. Les chefs dos Oueehetoiilàs, dos Ne/.eliouas et des Beni-Khal-
toun étaient votius supplier lo maréchal d'épargner leurs villages, et se porter
garants do la neutralité dos tribus qu'ils commandaient. On apprit par eux ejuo
la plus grande indécision régnait parmi les Kebaïies; les pauvres voulaient
combattre, mais les puissants et les riches, qui voyaient leurs biens exposé a
nos dévastations, se senlaient disposés à traiter; la crainte tic perdre Jour pou-
voir et d'être massacrés comiiio traîtres les empêchait seule do proposer dans le
conseil des voies d'accommodement, ils attendaient que le menu peuple eiVt
assez souffert pour ouvrir, le premier, des projets ele soumission et réclamer
l'intermédiaire dus chefs ontro lui et le vainetliour,
Le 2 mai, a B heures élu matin, le polit fut établi sur un point giiéable. Les
soldats, impatients dp roneonlrtjr l'ennemi, faisaient retentir les -airs de cris
joyeux, et s'engagèrent sans murmurer."dans les nuirais qui s'élomlont ail delà
liiti L'AFRIQUE FRANÇAISE.
do l'Isser. A dix heures on so trouvait à Bordj-Monaïel !. Lo camp fut tracé sui-
tes plateaux; le maréchal, décidé à fixer'dans cette position d'uno facile dé-
fense un granel poste ele ravitaillement, fil commencer les travaux d'une re-
doute, et écrivit à Alger pour que deux bateaux à vapeur lussent rendus, le 7,
devant la bourgade de Dellys, avec des vivres pour quinze jours, ot un renfort
considérable de munitions do guerre. Un marché fut ouvert au camp, avec
ordre de protéger les Arabes qui s'y présenteraient; quelques hommes des
lssers s'y rendirent ; mais leur attitude était pleine ele défiance : une rude partie
allait s'engager, et les tribus auxquelles la crainte avait conseillé la neutralité
attonelaient que le sort se-fut prononcé, pour le subir avec résignation,' ou
pour tomber sur nous, si, comme ellesTespéruicnt, nous étions repoussés.
Le 3, à onze heures du matin, lo colonel d'élal-major Pélissier alla -recon-
naître, avec deux bataillons, la région située au S. F. du camp, ot parvint, après
uno heure de marche pénible dans un défilé, à l'entrée d'une vallée circulaire.
J'accompagnai cet officier supérieur. A droite et à gaucho do la gorgo que nous
venions do franchir, les rochers s'écartaient comme des parois de citadelle. Fn
face do nous, une petite plaine descendait par gradins insensibles jusqu'au pied
do la chaîne des Flissas, dont l'arête la plus escarpée porto à son flanc une
large bâtisse carrée, surmontée d'un dôme blanc: c'est le marabout de Timo-
zorit h Quand nous arrivâmes on faco de ces rempurts do granit, on vil des
rassemblements considérables s'agiter à droite et à gaucho du marabout. Des
.clameurs, sauvages saluaient notre approche, mais une vingtaine d'éclairours à
cheval, parmi lesquels ou distinguait a leurs bernous rouges quelques régu-
liers d'Abd-el-Kader, vinrent seuls échanger avec nous uno centaine de balles;
le colonel Pélissier, après avoir longtemps observé les montagnes, fit un mou-
vement par le flanc gauche, eiélilu au pas devant le front des Kebaïies, et revint
au camp par uno gorge parallèle à celle que nous vouons do suivre.
Le 4, une seconde reconnaissance, dirigée vers la gaucho do la chaîne dus
Flissas, revint comme la. première, sans perdre un seul homme. Mais dos

t Le Ilordj-Mena'ùi est nu fortin carré, bâti autrefois pin- les Turcs, qui y tenaient un poste commandé
parmi kaïd, Ce chef dirigeait les cavaliers tics Issers et des Ainernouus,charges do prélever, à des époques
fixes do l'imitée, sur les Kctmïlos de lu montagne, les redoyiincos que le dey d'Alger exigeait d'eux pour
leur permettre du fréquenter les mnreliés de ta Villa et do labourer une portion do la plaine. Ce fort, qui
prend sou nom de l't.)ued-Moiiuïel,est entouré de guérels fertiles, dont la culture serait d'un plus riche
produit si elle était faite par des liras européens. La vallée est oiicelnto d'un rideau de collines, où l'orgo
et le froment se'disputent les moindres plis du terrain,
•.S Timcuril est un Hou saint ot'i les Flissas se réunissent, de temps immémorial, pour discuter eii assem-
blée générale leurs nllairea do paix et de guerre. Les tribus kebaïies de cette légion forment do petites
républiques dont les membres se convoquent on congiès populaire [Djéuida], toutes les fois que l'intérêt
Commun l'exige, Chacun, depuis le chef jusqu'au dernier berger, a le droit d'y parler ù son tour et do
donner sou avis. Ce molle do procéder entraîne souvent des lenteurs interminables. Lorsque la décision
[lit Mas) est prise, on fait une décharge do toutes les armes, suivie d'une prière à l'Kturnel, pour sanc-
tionner la volonté nationale.cl protéger ses effets, Los marabouts exercent dalis ces assemblées une in-
fluence très-considérable, Ici, comme partout ou ce monde, la naissance, l'entourage et les richesses .sont
des moyens puissants pour agir sur les résolutions publique?.
L'approche d'une année franyniso était Un événement do liante importance polir ces Montagnards, qui
avalent sommeillé pendant tant de siècles dans leur llero indépendance, Les Turcs, on lus tenant bloqués
quand ils refusaient d'acheter par un tribut le droit de descendre en plaine, leur avalent causé peu de mal,
et n'eussent jamais osé tenter l'accès de ces monts redoutés, oh chaque ravin peut cacher uno embuscade,
chaque buisson couvrir un tirailleur, chaque pierre devenir une arme, chaque fossé un tombeau pour
l'assaillant.
;- :\LivnE--"Hyi_TiEM':i«:;--_;;::'"-.''.-.;:-'. ,';.'.'.'."':,7ili»'-
qu'elle se mit en retraite, los Kebaïies descend iront en grand nombre des ro-
chers^ pour mettre lo fou aux cabaneséparsos élans la vallée. La flanimo elo ces
incendies semblait annoncer que, 'décidés à tout sacrifier, les bravos monta-
gnards no nous laisseraient pénétrer chez eux epi'cn passant sur leurs corps.
D'après los renseignements-qui nous parvenaient, trois rassemblements con-
sidérables so trouvaient devant nous. L'un, commandé |>arle Uhalilïi Tîon Salom
on personne, occupait les hauteurs de .-Timé/.erit.- Le second, sous les ordres do
lïen-Kasscm-Ou-Kassi, campait chez- lesAmeraouas, h liordj-Tiziouzou; lo
troisième grossissait autour du drapeau d'FI-Djoudi, sur les peni.es' qui couron-
nent la vallée de l'Oued-ol-Ksab. On n'évaluait pas leurnombre total à moins
de 20,000 guerriers, et nous n'étions que 7,000, un contre trois; niais les élé-
ments do la division française..étaient excellents. Dans ia matinée du 6 mai, lo
Icadi des IJeni-Khalionn, dont lo chef marchait avec nous, arriva au camp. Il
venait do Timezerit, et avait assisté à l'assemblée des Kebaïle's. Une grande peiv
plexité, dit-il au maréchal, règne au milieu ele tous les groupes; les Flissas, e|0i
ont tout a 'pord.ro, et que ruine, comme une invasion, le? séjour des contingents
auxiliaires qu'il faut fournir ele vivres et de fourrageai, et qui dévoremt à merci
le territoire qu'ils s'ont-venus, défendre ;' les Flissas voudraient la paix, car leur
'véritable, ennemi,'c'est le ravage des cultures, c'est le gaspillage de»s fruils des
arbres,''c'est le 'piétinement des chevaux sur les récoltes en herbe,'.'Les Flissas
sont bravos; ils seraient prêts a mourir..:jusqu'au ejernler .niais leurs femmes,
leurs enfants, (ours vieillarels? Que elevietidront, au; sein des dévastations qui
so préparent, tant d'objels clicrs aux peuples ^sédentaires, uiix tribus qui' ne
peuvent fuir comme'les gens do la plaine, emportant nu loin leurs villages-
mouvants, leurs familles et'Jours "richesses? Depuis que les Français sont en
face de leurs montagnes, la prévision de j'atlatpio Ion tient sous i<>s armes ; mais,
pour cola, ils ont quille leursdoits do pierre; ils n'ont ni ternies ni abris; la
pluie qui tombe presque sans cosse les a glacés, el In", misère les consume; et
les alliés venus pour les défendre': ne valent pas plus qu'un ennemi pour' ces
'hommesqu'attachent au sol natal les '-bonheurs simples et vraisdo la propriété,
»—.«Ne Volls réjouissez pas du retour du soleil, ajoutait, .le'lundi, car son éclat
réchauffe vos adversaires,'ot'dureil la lerro sous les pas (les .guerriers. Les ge»ns
de la'montagne no s'eut iront pas sans combattre; mais si les pluies avaient
encore duré dix jours, la disette los aurait renvoyés élans leurs villages loin-
tains, ntienix que:ho feraient peut-être dix journées de poudré.»
A lotît cela, le maréchal ne faisait qu'une réponse invarialdn: -
-ee.Qu'ils se
soumettent! Dans le cas contraire,' p briderai leurs'-v.lllagvs. o.-jo couperai
leurs arbrt»s fruitiers,» Le même jour, il reçut la nouvelle do d'arrivée* à Dciïy.s.
des deux bateaux a vapeur, qu'il, attendait. Le général (lehtii avec sa brigade,
renforcée de eleiix bataillons du'lftf et du dît", avec toute"la 'cavalerie régulière,
fut chargé ele garder le poste Ibtiilié do .Bnreij-Menaïel.-.'Lc maréeilial se* mit eu
route pour Dnllys avoir le reste des lroup(»s, eu sedirigcunl 'veirs lé N. F. par fe
pays des Iss.ors. Nous traversâmes dos-valléesdininhétisos, en laissant"-a droite,
vers l'est, dos plaines., couvertes à perte ele vue d'une riche culture en cellules,
Les habitants, rassurés sur la foi ele leur neutralité, ne quittaient pas leurs
villages, cl.des troupeaux innombrables foulaient•frafiejullïej'mont tels gras pA~
7ilG l/AFBIQUF. FRANÇAÏSK.
tarage des collines ', A cinq heures du soir, l'armée traversa l'Ouéd-Bon-
Arous (rivière des Cascades), et vint camper sur le mamelon do Souk-el-Etnin,
oh se tient, tous les lundis, le marché des tribus voisines. Au pied de cette
pente, couloTOuèd-Neça, large do 400 pieds, a l'endroit où nous le trouvâmes
guéablp.
Le T niai, au point du jour, on eût dit quo toutes les cataractes du ciel
avaient rompu ioursdigucs. La pente du Souk-el-Etnin était battue en brèche
par des trombes d'eau que le vent chassait en avant. L'Oued-Neça, si limpide
cl si calme dans la soirée de la veille, clapotait comme une mer houleuse. Vers
dix heures, son courant mordait les talus dos deux rives, et se couvrait d'argilo
et de débris. Le maréchal comprit qu'uno houro plus tard il so verrait bloqué
comme aux abords de l'Isser» Le camp était de toute part environné d'ennemis
.qui guettaient le moment favorable pour une attaque; le passage du;'fleuve fut
ordonné, et s'accomplit au chant national do la Marseillaise; on ne perdit que
trois hommes entraînés par cet effroyable torrent, dont les masses d'eau grossis-
saient de minute en minulo avec une tollo violence que la cavalerie do Maln-
Kdelin, qui formait l'arrière-garde, fut obligée de reslor sur la rive gaucho avec
uno cinquantaine de soldats français.
Lo pays des Ameraouas commence au delà de l'Oued-Neça. Le premier vil-
lage que rencontra l'arméo appartient a un marabout tellement vénéré, que,
dans les guerres les plus acharnées entre les tribus, son territoire avait été res-
pecté do temps immémorial. Le maréchal défendit qu'on troublât celte popula-
tion paisible. On s'arrêta un pou plus loin, car les chemins devenaient impos-
sibles, et le déluge no cessait point. Le bivouacfut établi tant bien que niai sur
un coteau (jui domino quatorze villages, dont chacun compte au moins quarante
maisons elo bois ou do pierre, parmi des vergers couverts d'oliviers, de figuiers,
de vignes et d'arbres a fruit; tout le pays est on pleine culture; l'orge, les
fèves et le froment s'y -déroulaient on nappes immensos.
La nuit suivanlo fut tourmentée par de violents orages; au retour ele l'aubo,
la crue do l'Oued-Neça semblait un peu diminuée, mois lo gué que nous avions
franchi restait impraticable, et dans la mutinée lo courant so gonfla de nou-
veau. '
Nous marchâmes, on suivant le lit do la rivière, sur le pays des Beni-Thour, a
travers dos marécages oh nos chevaux et mulets bronchaient a chaque pas. Les
villages de cotte tribu étaient abandonnés ; lo maréchal pensa ejuo les habi-
tants s'étaient réfugias à Dellys, et défendit provisoirement le pillage de leurs

t En arrivant sur les hauteurs du Saiiet qui domino l'Ouod-Schendel, ôii aperçoit au loin la pointe
Pescado, qui baigne dans la mer ses blanches batteries, ot lu ville d'Alger, qui semblo uno tache do craie
entre la verdure sombre du Ilou-Zarlnh et les flots bleus qui dorment à sus pieds, —Des.vestige» de con-
struction romaine rampent épars de'tous côtés. —A,0,000 mètres eh avant de nous, nppuroissait la masse
carrée du HordjSebaou, s.ur la pente d'un mamelon qui regarde te nord, Plus loin, à 10,000 mètres, le
Uordj-TiziouzoU, dernier avant-posto de la puissance turque, occupait uno autre hauteur, Partout se pres-
saient do grands villages eiitoilrés d'une ceintura de Vergers. —Au sud, tes pentes nord tteTlme/.erlt,dniit
dos toits do
nous étoliis séparés par doux étroites vallées, étaient aussi chargées de villages oti pierre avec
brique, Nos guides arabes nous montrèrent les riches .propriétés do là famille du célèbre iloU'Zanioun,
chef des Plissa». — Plusieurs sentiers qui suivent les arêtes de cetto montagne démontroient qu'elle ne
serait pas Inaccessible, mais que lo passage y cerait vivement disputé. — !,e pays des Ahieraouas s'enfonce
vers l'est, au delà des forts du Sebnou nt do ÎÎ/IOUTIOU.
LIVRE HUITIEME. 417
propriétés. Après uno marche pénible, l'armée s'arrêta, vers midi, sur les ro-
chers do Statire, au-dessus do l'embouchure do l'Oued-Neça qui prend, en cet
endroit, le nom do Bouberak. De nos bivouacs, nous vîmes Dellys à nos pieds,
et à notre gauche, au delà du lleuvo qui refoulait la mer de ses flots débordés
sur une largeur do 7 à 800 mètres, nous apercevions les tentes de notre allie
Mahi-Eddin, qui attendait avec impatience la possibilité do nous rejoindre avec
sa cavalerie.
Notre arrivée ne causa nul effroi aux gens de Dellys, qui l'attendaient comme
une protection. Ben-Salom avait voulu los contraindre à émigror ; mais les Ke-
baïies des montagnes voisines lui avaient déclaré qu'on leur passerait sur lo
corps avant qu'ils consentissent a laisser abandonner cetto ville, qui était pour
eux un centre de relations continuelles avec Alger. A notro approche, le kaïd
Abd-el-Hahman, s'était retiré précipitamment, suivi do quelques habitants, pour
aller fairo cause commune avec Ben-Salom, son ancien chef. Un des notables
de la ville, nommé Mouloud, vint au devant de nous pour so porter garant des
bonnes dispositions do ses concitoyens'.
Après avoir donné quatre jours à l'organisation militaire do Dellys, le ma-
réchal quitta son camp le 12 mai, a quatre heures du matin, et remonta la rive

* J'ai donné, uvitk UKUXIÈMI!, p. SI, la description do Dellys.


Mouloud était un hommojeuno, robuste, intelligent, et onnemipersonnel du kaïd fugitif. Le maréchal
l'accueillit sous sa tente avec beaucoup d'égards, et lo nomma kaïd. Les habitants do Dellys nous offrirent
leur mosquée pour en faire un magasin, et quatre maisons voisines pour loger uno petite garnisondont ils
sollicitaient la présence. M. liugeaud tour promit do faire réparer la mosquéo dés qu'où n'eu aurait plus
besoin, ou de leur en faire construite uno autre, si l'on croyait indispensable do la garder commo bâtiment
militaire, Des mesures furent prises pour isoler la portion do la villo quo nous devions occuper do çello
où II était convenable de laisser les habitants à l'abri du contact Un peu rude do nos soldats, Cette priso
do possession s'olfectua avec beaucoup d'ordre, et do manière a fairo vivement regretter que lo maréchal
ait rarement procédé dans lu suite ttVoo la même justice, unique moyen du s'attirer le respect qui devrail
partout et toujours uccueiltir notro drapeau.
Dans le port, se trouvaient rendus les huteanx à vapeur l'liupht'ak, que montait l'amiral Ittgodtt, et le
Vautour, commandé par lo capitaine do corvette l-'ouriohon, l'un des officiers supérieurs les plus instruits
et les plus distingués de la division nuValo qui fuit lo service des cotes d'Afrique, Ces bâtiments apportaient
150,000 rations, de la poudro, des fusils do rechange, et des masses de projectiles. Les habitants do Dellys
nous aidèrent à débarquer ce convoi et ù lo ranger dans la mosquée. On leur distribua 1Ï0 fusils pour
s'organiser en milice. Une garnison de 1C0 hommos loin- fut laissée avec doux obusiors, sous lo commande-
ment d'un capitaine, et une demi-compagnie de discipline fut appelée de Pliilippovilto, polir- travailler im-
médiatement aux blokhaus et «titres ouvrages du. fortification. L'ordro fut, ou mémo temps, expédié au
Llamone, qui faisait le service do siationnairo à Dougie, de venir s'embosser devant Dellys, pour protéget
ses abords du côté de l'est.
Nous passâmes quatre jours au cftmp do Statire, Le kaïd Mouloud, qui venait souvent visiter le maréchal,
nous apprit que, jusqu'à quatre journées de marche de Dellys, les Turcs s'élaiont réservé d'immenses terres
qu'ils nommaient biens du beylick. Ces terres s'étendent, do l'O, à l'të., depuis le Ilordj-Menaïel jusqu'au
delà du Bordj'îisfioUi'.oU, et du S. au N. depuis lo Dordj-Kebaou jusqu'à Dellys ( elles étalent on quelque
sorte affermées aux Kebaïies. Les tribus des Ameraouas ot des Isscrs, organisées en Maghzen, cavalerie
irrégulière, s'appuyaient sur les pottts postes de Jlordj-ol-Doghui, Dordj-Mouatel, Dordj Sobaott, JJordj-
Tlitlouzou, ot tombaient de là sur les récalcitrants qui ne payaient pas leur redevance. Do cotte façon, les
Turcs, on arrêtant à volonté lo commerce des Kebaïies, maintenaient ces montagnards, chez lesquels Ils
n'étalent guère on mesure de s'aventurer, cl ils los obligeaient à devenir, sinon leurs tributaires exacts, du
moins les locataires forcés du territoire fertile qui règno au pied des chaînes du DJurjorah. Vers la «Bisou
d'automne, nu moment du labour, ils dressaient des embuscades dans chaque pli dus vallées, coupaient la
této à quiconqueso montraitdans lit plaine, ot produisaient une telle terreur, que tes Kebaïies,abandonnant
leurs travaux, n'usaient do longtemps su risquer hors do leurs montagnes.
Pendant notre séjour, quelquesmarabouts de» villages d'alentour vinrent offrir leur soumission, en do-
mandantqu'où les protégeât cohtro les Àhiuraouas. Lu maréchal, no pouvant ulialbllr sa colonne, les renvoya
dire aux Chefs- de tribus qu'il n'accepterait que dos soumissions faites régulièrement et sans restrictions.
^f}l>;"'X- 63 :'
m L'A F II IQ U \( F H A N C A l S !-:.

droitodu l'Oued-Neça jusqu'au gué qui conduisait à notro ancien bivouac do


Souli-el-Ftnin, Quelques cavaliers arabes s'étant montrés sur les bailleurs, il
ordonna au goum do Mahi-Keldin, qui nous avait rejoint la veillo, do s'embus-
quer sous les ordres du lieutenant-colonel Damnas, Ou aeljoignit a ces auxi-
liaires deux pelotons formés do sous-officiers et do brigadiers du train, com-
mandés par lo capitaino d'état-major eio Gissoy. Vers sept heures du matin nous
arrivions au.'gué. elovant Souk-el-Etnin., lorsque quelques coups elo fusil,
tirés hors do portée, firent penser quo les Kebaïies so proposaient d'assaillir lo
convoi, Lo maréchal, arrêtant sa colonne, confia au bravo colonel Hegnault,
du 48% la mission d'effectuer lo passage do la rivièro avec lo convoi', sous la
garde d'un bataillon, et d'allor reprendre position à Souk-ol-F.luiu; puis, fai-
sant mettro sacs à lerro à l'infanterie, il forma rapidement uno colonno d'ntta-
quo. Los grenadiers du 48° marchèrent a l'avant-gardo, suivis dos gendarmes a
pied et à cheval. Vouaient ensuite 28 spahis de l'escorte du maréchal, uno sec-
tion d'artillorio avec deux obusiers; les tiraillours indigènes, les zouaves; un
bataillon d'élito composé do soldats d'artillorio ot du génie; un bataillon du
genio, un du 48% un du ii3° et un du 20% en tout 2,000 hommes, non compris
la cavalerie auxiliaire.
Un coup d'obusier, signal convenu, avertit lo colonel Daumas d'opérer son
mouvement. L'infanterie et l'artillerie abordèrent les hauteurs au pas do
course, et les enlevèrent sans résistance. Lo premier plateau étant couronné,
la cavalorio ennemie, au nombre d'environ 400 hommes, se massa devant
nous en reculant; le colonel Daumos ayant gagné los hauteurs par des son-
tiers fort difficiles, exécuta uno charge brillante, pendant doux licuos, do pla-
teau on plaloau. Le soleil à pic chauffait'comme une fournaise, pas un arbre
n'offrait un pied d'ombre : nos chevaux épuisés durent s'arrêter pour prendre
un pou do repos ot attendre l'infanterie. Quand les bataillons furont réunis, le
maréchal franchit lo rideau do collines qui masquait la retraite des Kebaïies,
et plongea dans la vallée ele Taourgha. Gelto vallée est presque fermée au
sud par. des pentos escarpées qui so creusent en arc do cercle, dont la poinlo
gaucho touchait à la ligno do direction do la colonno d'attaque, et l'autre s'en
éloignait do quelques cents mètres. Au sommot do l'arc s'élevait un grand
villago;-à l'oxtrômo droite s'en ouvrait un second ;—à la gaucho do l'arc, sur
uno crêtedifficile à aborder, deux villages non moins considérables semblaient
promettre uno longuo résistance. Los rassemblements qui couvraient, en faco
de nous, la ligne do bataille do l'ennemi, offraient à premièro vue cinq ou six
mille hommes. Des cris menaçants partaient de ces masses confuses, qui se
croyaient inaccessibles, et>qui engageront une fusillade dont la fumée enve-
loppa on quelques minutes lo-théâtre'do la lutte qui allait s'engager,
Lo maréchal, placé sur uno petite éminenco, faisant facodu sommot do l'arc
do cercle, lança de front le bataillon du 48% et les tirailleurs indigènes, ou
prescrivant de no répondre au fou des Kebaïies qu'après avoir enlevé la crête.
Cette manoeuvre, exécutée rapidement, fut soutenue par lo goum qui chargea les
masses opposées à nolro gauche. En dix minutes, la ligno do défense de l'en-
nemi fut coupée en eieux ; il se replia dans les ravins.
Tandis qùo'le 48% continuant son mouvement, marchait sur le village du
LIVRE HUITIÈME. m
sommet de l'are pour l'incendier, les tirailleurs indigènes détruisaient à l'ox-
trêmo droite le premier dont on avait débusqué, les Kebaïies, L'ennemi refoulé
s'était rallié à la gaucho de l'are, pour défendro ses "deux derniers villages,
Trois compagnies du bataillon d'élite, armées de grosses carabines, y furent
envoyées sous les ordres élu capitaine Jacquin; mais, presque au pied delà
hauteur,' elles s'embourbèrent tout à coup élans un profond marais, et mouillè-
rent toutes leurs carlouches. Les Kebaïies, encouragés par co moment d'em-
barras, redescendaient en foule des pentes elo gauche, pour fusiller à bout por-
tant cette petite troupe compromise, lorsque lo lieutenant-coloneldu 48% accou-
rant avoc six compagnies,'dégagea les grosses .carabines.'Los voltigeurs du
20% quo le maréchal lançait vers lo même point, enlevèrent à la baïonnette lo
quatrièmo vlllogo, ot précipitèrent les 'fuyards élans un ravin ou lo jeu do
nos obusiors acheva do les écraser.
Il était trois heures après midi; les soldais, tourmentés par la faim, s'élan-
"çaiont do maison on maison avec un acharnement qu'on no saurait décriro ;
les malheureux paysans de la valléo de Taourgha défondirent à peino jours
foyors ; on en fit aisément une affreuse boucherie,qui se termina par l'incondio
do quinze villages, Toute la valléo était on flammes, tous les jardins regor-
geaient do cadavros, parmi los<iuelsonrpouvaitcompter, avec plus d'horrour quo
de gloire, nombre elo 'femmes et d'enfants massacrés. Los Kebaïies perdirent
plus de 400 individus eles doux sexes et do tout Age ; et cette affaire, plus com-
parable a une chasse aux loups qu'a un combat, no nous coûta que cinq cava-
liers auxiliaires, dont doux tués sur place, et trois atteints mortellement. L'in-
fanterio française n'eut que huit ou neuf blessés. Le butin fut digno elo la
victoire : onze prisonniers misérables, une centaine do mauvais fusils, quel-
ques yatagans ou flissi, des piques grossièrement fabriquées, eles outils.aratoires'
transformés en armes, ot un chiffon do calicot rouge que, par erreur sans
doute, on décora du titre de drapeau dans lo bulletin do eetlo razzia, tels furent
nos trophées'.
A six heures du soir, l'armée avait repassé l'Ouetl-Ndça, après quatorze heures
do fatigue .inutile,' pendant lesquelles plusieurs milliers de cartouches furent
consommés d'une manière bien déplorable. En rentrant h son bivouacdo

i Je juge l'affaire do Taourgha en témoin oculairo, Cotte course nu clocher, qui ne pouvait avoir d'autre
résultat quo d'épuiser nos soldats,.'fut entreprise sans uno véritable nécessité. Il serait;mémo' permis de
penser quo le maréchal Dugeaud se monda plus emporté'que prudent';-car, ipeltro outre si colonno ot sou
convoi uno rivière que trois heures"d'orage pouvaient rendre ingu&ablo; — exposer ce convoi a\yo un soûl
-bataillon;'& toutes (es chances d'une 'attaqué sur un point dominé par dos mamelons,do telle sorte que les
"assaillants,pouvaient l'acculer à la rivière ; — perdre dû vue ce convoi pour aller bâtira l'estrade pur monta
et par vacx , sur un espaco de plusieurs Houes, sans direction précise., sans assurance de retraite, c'était
manquer, au moins en apparence,'docette haute intelligence de la guerro qui devrait présider à toutes les
."manoeuvres Commandées par tin maréchal de Franco,
Mais il faut tenir compte à M, Bugeaud du bonheur qui favorise toujours sa conduite aventureuse; il
faut surtout reconnaître qu'il apprécie avec une raru justesse do coup'd'çoii tout lo parti qu'il peut tirer do
sas lieutonaiits pour aborder dos tentatives quo lo succès peut seul "'justifier, Il y avait,dans la journée
îï
du m'ai, plus de difficultés à répondre do tout le convoi, avec un bataillon, sur un point fort exposé,
qu'à faire la chasso avec2,000 hommes nus paysans do Taourgha. Il fallait pour cotte mission un officier
supérieur doué de sang-froid,ot d'une expérience prête à résoudre sur-Ic-clmmp lo problème d'une situa-
tion périlleuse. En faisant choix des soldats du 4S', chargés .de seize cumpntrnes, le maréchal entouraitd'un
mur de ferle poste de Souk-el-Etniu; car le colonel UKUN.VUJ'.T,avec un seul bataillon, vaut une colonno
pour l'attaque, uno redoute pour la défense s — l'épéedu brave Regnault, c'est le drapeau vivant du 48».
420 L'AFIUQUF. FHANÇAISE.
Souk-ol-Ktnln, lo maréchal dépécha un exprès au général (ïontil pour l'in-
former do la prise t|o Dellys, elo sa position nctuollo, de ses projets'ultérieurs, ot
lui porlor l'ordre do quitter Horelj-Menaïol le 15, pour nous rejoindre du côté
do Itonlj-Sebaou, Cet officier général devait parcourir la valléo supérieure elo
TOuod-Menoïel, ou elétruisant les villages situés au bas dos pontes nord do la
montagno de Flisso. Lo camp retranché devait rester, en son absonco, sous la
gardo elo l'intrépido commandant Fossié, avec un bataillon du 48*.
Lo 13 mai, vors deux houros après midi, l'arméo remonta le cours do l'Oued-
Neoa jusqu'à l'entrée do la valléo elo Sebaou, ot campa sur les hauteurs que
côtoio la'rivo gaucho do celle rivière, qui prend, on cet endroit, lo nom de Se-
baou, ot d'où l'on aperçoit, a uno lieuo ot domio, lo fort ou Jtordj du mémo
nom, debout sur la rive droite, Los Flissas nous envoyèrent, lo l\, dos parle-
mentaires, auxquels lo maréchal accorda uno trêve do vingt-quatre heures, Le
15, 'h six heures du 'matin, après avoir suivi pendant uno Houo et demie la
rivo gaucho do rOued-Sebaou, la colonno s'arrêta dans la petite plaine elo
Tamdahit, au pied dos montagnes oton face do llordj-Sebaou. Los montagnes
s'étendaient à notro droite, chargées do riches cultures; à Jour cime s'élovaiont
plusieurs villages qui formaient lo contre do rassemblements considérables,
Après le déjouner, lo maréchal, accompagné do son état-majoret do quelques
spahis, fit lui-mômo uno reconnaissance au pied dos monlagnos, on allant de
la droito à la gauche du camp vers la rivière, pour étudior les chemins par les-
quels l'ennemi pourrait lonter uno attaque elo nuit. Les credos de cos monta-
gnes paraissaient d'un abord pou aisé ; cependant, vors la gaucho, il oxisto un
sentier accossiblo ù l'infanterio, et dont la direction pouvait favoriser uno ma-
noeuvre ayant pour but do tourner la position des Kebaïies. Lo maréchal or-
donna toutes los mesures nécessaires pour éviter une surprise.
Lo 16, nous fûmes rejoints par la colonno du général Gentil, qui avait ou on
routo un engagement d'orrièro-gurdo'. La journée so passa en observation, et
les négociations n'ayant pas été entaméesd'uno manière sérieuse, le gouver-
neur général proscrivit, à huit heures du soir, les dispositions d'uno attaque noc-
turne, eïont lo mouvement devait commencer à trois houros du malin.
La pluio tombait depuis la veille; des vapeurs épaisses couvraiontla rivière,
et du sol, inondé comme un vasle marais, s'élevait une brume pille qui se dé-
tachait vors les monlagnos on écharpes flottantes. Vers trois heures du matin,
la pluie avait presquo cessé; les brouillards gagnaient los crôtos, et masquaient
aux regards de l'ennemi le mystère do nos mouvemonts, Les hurlements des
chiens qui orront aux alentours des villages no so faisaient pas ontondre; un

t Le généra} Gentil avait rencontré sur sa route un rassemblement d'environ 2,000 Kebaïies, posté sur
les pentes d'une chalno de collines au pied desquelles il était forcé de passer. Averti par les instructions du
maréchal que des négociations n'étaient pas loiu de s'ongager avec la IrUm des Flissas, il désirait éviter
le combat, et envoya un intorprète annoncer aux chefs do co rassemblement qu'il n'avait auouna intention
de commencerlos hostilités, et que pas un coup de fusil ne serait tiré par la colonne française, à moins qu'on
ne le forçât de repousser uno agression. Les chefs ayant accueilli cette démonstration pacifique, nos troupes
défilèrent devant le front des Kebaïies, et poursuivaient tranquillement leur chemin, lorsqu'un coup de fou
dirigé sur l'arrièro-garde fut lo signal d'une décharge de plus do cinquante autres. Le général Gentil arrêta
sa colonne et Ht un retour offensif avec tant de vigueur que l'ennemi se dispersa, laissanttrente morts sur
a place. Nous n'eûmes qu'un seul blessé.
LIVHK HintlFMF. m
morne silonco dormait sur les flancs sombres des rochers, La colonno d'attaque
s'organisait sans bruit sur la Hmito du camp; les officiers commandaient à voix
basse, et les différents corps, après s'être formés, s'allongeaient dans l'ombro
comme un convoi funèhro, Il était rigourousomont défondu île parler ot mémo
do fumer. Chaquo soldat portait du biscuit pour doux jours, «toux rations de
viando cuite, et uno provision do cartouches excédant ccllo de la giberne. Ces
munitions étaiont roulées dans do sac elo campement porté on sauloir. Les
havresacs devaient rester nu camp, avec les tontes ot les gros bagages, sous la
protection d'un bataillon et du train des éemipages,
Doux^compagnios de zouavos, conduits par lo lieutenant-coloneldeChassoloup-
Laubat, une compagnio de chasseurs d'Orléans et uno section do sapeurs du
génio venaient do partir on avant-garde. Lo maréchal prit lo commandement
do la colonno; il était suivi du bataillon d'élite; venaient ensuite trois ohusiers;
cent cavaliers français ot arabes, sous les ordres du chef d'escadron do Nouo;
los tirailleurs indigènes ; doux bataillons du 3e léger, deux du 23° de ligne, ot
doux du 48°, Les régimonls étaiont animés 'd'uno telle ardeur, quo, pour ne
point faire do jaloux, on les avait mis on marche par ordre do numéro. Dos
détachements do cacolots, pour recueillir los blessés,' étaient répartis do distance
en distance. — Le mouvement commença.
La petite plaine de.Tamdahit, avant d'arriver aux montagnes, s'abaissait
tout à coupon ponte rapide ; de hautes broussailles no permettaient aux hommes
d'avancer qu'un à un. Des ruisseaux ot dos marécages obstruaient lo chemin ;
l'obscurité faisait trébucher los chovaux ; mais l'ordre do marche était si par-
fait que pas un cliquetis d'armes n'éveilla' la torpeur de mort qui pesait sur
cotlo nuit. La colonno parvient au pied do ."l'arête ; le crépuscule éclaircit les
ombres; la pento se dossino, moitié pierreuse ot aride, moitié jonchée d'herbes
que la roséo a ronduos glissantes. Lo maréchal s'avance le premier. L'avant-
garde est déjà loin ; on n'ontond que le frôlement dos buissons qui s'écartent^
foulés par le poitrail dos chevaux. L'arête est droite, escarpée; il faut décrire
sur cetto ligno millo sinuosités pour no point rouler on arrière. A mesure que
nous montons, les ravins so creusent à droite ot à gaucho; lo précipice aug-
mente do profondeur on raison du dogré do notre asconsion, et nous avons
huit cents mètres do hauteur à escalader.
Parvenus îi moitié roule, il nous faut mottro pied à torro; le terrain n'offre
plus que des éboulements do granit, On traino les chevaux après soi, on s'ac-
crochant aux ronces do la pente. Par delà los ravins, des groupes elo chau-
mières kebaïies donnent sous les figuiers; sont elles abanelonnéos?.,. Le si-
lence règno toujours et la solitude est monaçanto, Chaque soldat prête l'oreille
avec inquiétude aux frémissements indistincts qui agitent l'ombro comme des
fantômes invisibles. Si l'alarme était donnée, si les flancs des ravins so cou-
vraient do combattants, nous serions fusillés à .droite et a gauche, presque sans
défense, L'arête so défonce tout ù coup, et nous ouvre un chemin Couvert ; do
grosses haies de cactus et d'agaves font un mur à notre gaucho; le lentisquo
et l'olivier sauvage se courbent en voûtes sur nos têtes ; la montéo devient pou
a peu plus aisée et moins rapide. Un air frais soulève les senteurs de la terre ;
l'azur du ciel se colore de lueurs lointaines annonçant l'aurore. Derrière nous,
m L'AFIUQUK FUANÇAISE.
la plaine est encoro obscure, les feux du camp que nous avons quitté tromblot-
tont comme des météores égarés; devant nous les brouillards so roulent on
fuyant; les creHe»s semblent se rapiuwher.
Tout à coup la fusillade éclate au-dessus ele nos têtes ; l'avant-garde est aux
prises ; nous doublons le pas pour In snulohir. Des traces elo sang sillonnent
déjà les pierres du sentier; quelques zouaves blessés, trois ou quatre morts
gisent sur l'iiorbe. Hiontôl le bruit a cessé. L'a va ut-garde a enlevé le village
d'Ouuroz-Kddin; ses habitants, surpris dans leur sommeil, ont été massacrés.
Nous passons élevant leurs eadovres; nous touchons aux'erôtos, quand au elelà
du village, sur notre gauche, des masses d'ennemis poussent lo cri do guerre,
ot semblent préparées à uno lutte corps à corps. Le maréchal y lance les zouaves
d'avaut-garele, à l'exception ele) deux compagnies epi'il fait tourner à droite avec
les sapeurs. Un officier d'ordonnance reste ou point elo partage élu sontior
pour faire appuyer ces détachements pur lo 18"; --- malheureusement, la ca-
valerie et les cucolets'embarrassèrent la marche'do l'infanterie, et le 18° no
put gagner les crêtes assez vite pour faire face à un énorme rassemblement
do Kebaïies qui tombait sur notre droite, Les 'deux compagnies do zouaves ot
les sapeurs, emportés trop loin par leur ardeur, essuyèrent à bout portant un
feu terrible qui leur tua vingt-deux hommes, demi un officier, ot en blessa
quaranto-ciuq; peut êlre-mômo .les deux compagnies eussent-elles été dé-
truites, si le 3P-léger et le 48° n'étaient venus rétablir le combat, L'intrépide
capitaine Corréarel reçut quatre coups ele feu sans vouloir quitter lo comman-
dement, et ne futsauvé quo parle soldat-Cuichard, qui l'emporta sous une
grêlode balles; lo lieutenant Hampon fut grièvement blessé au visage; lo sous-
lieutenant Dodille gisait parmi les morts, et un.' jouno et brillant capitaine du
génie, M. Ducossc, venait d'avoir la cuisse cassée.
Cependant l'arrivée eles renforts avait'coupé.en doux la ligno de bataille de
l'ennemi. Nous voyant maîtres des points culminants <pti tléborelaient sa droito
sur laquelle nos troupos n'avaient plus eju'à elescendre, toute émette d.roilo prit
l'épouvante cl se précipita confusément vers la valléo elo l'Oued-el-Ksab, La
cavalerie du général Korto, qui avait elû sortir du camp au point du jour pour
suivre le cours elo FOued-Solmoiv rencontra des marais profonds qui ralenti-
rent sa marclio on contournant lo pied eles montagnes, et arriva trop tard pour
couper la retraite aux fuyards, Lo maréchal lança à leur poursuite los cent
chevaux français et arabes qu'il avait avec lui; jo suivis Cotte charge, qui, au
lieu do descendre perpendiculairement dans la vallée, fut obligée do plonger nu
galop dans un ravin tortueux, La ponte" opposée'nous conduisit dans un gros
village quo'l'ennemi abandonna devant nous; et au delà de co village une fon-
drière hérissée do.'roches.bouleversées, et de trous creusés on traquenards,
suspendit notre poursuite ; il fallut descendre à pied et perdre une'demi-heure
en tâtonnements, La ponlo s'abîmait presque à pic, et so prolongeait au pied
d'une longue, chaîne de collinos d'oit l'ennemi, pouvait nous foudroyer si les
crêtes eussent été gardées. Nous IqurnAnios enfin à droite, sur les bords do
rOucd-ol-Ksab, et la charge fut reprise à franc élrior, mais sur un sol inondé
par les pluies do la saison, et a travers des broussailles qui diminuaient notre
rapidité. La cavalerie des Ameraouas, gagnant do l'avance, franchit la rivière ;
LIVHK H UT1 ifï.MK. /»23

sur un point qui n'avait guère quo trois pieds «le prolbmleur, et s'enfonça élans
los gorges el'un pAté ele montagnes dont plusieurs milliers elo Kebaïies cou-
ronnaient les crêtes sur notre gauche. L'arrièro-gardo eles fuyards fit face à
quelques cents mètres eles hauteurs, mais le chef d'escadron do Noue, epti avait
passé rOued-él-Ksabavecune poignée elo e-basseurs, engagea un fou elo tirail-
leurs prosquo à bout portant et balaya la valléo.
Lo général Korto, reconnaissant l'impossibilité el'attaquer ces hauteurs avec
deux bataillons et une cavalerie fatiguée-, avait pris position sur un mamelon
qui commande la rivière, et se borna a fairo incendier ejttelques villages aban-
donnés, L'ennemi n'ayant point cherché à s'y opposer, et le bruit eloTartille-rio
sur les crêtes indiquant que lo maréchal manoeuvrait dans une attire direction,
la colonne de réso'rvo retourna au camp, sans être iinpiiétée a son arrière-garde,
•composéedo nos Arabes auxiliaires, sous les ordres du colonel Damnas,
Cependant lo combat continuait sur la ligno do droite ele»s crêtes de Flissa,
où los Kebaïies délbudaiont avec acharnement plusieurs villages do difficile
accès, perchés coninio des nids d'aigles sur la pente sud do la..montagne, lors-
que cette partie du front d'attaquo fut éclaircio par l<;s zouaves, les tirailleurs
indigènes et le bataillon d'élite, je maréchal so porta sur la crête do portage
avec lo 3e léger et'le-26" elo ligne. Toutes les forces eles Flissas y relluaient en
masse, et la fusillade recommença sur le terrain où les eleux compagnies do
zouaves avaient soutenu, avec tant elo portos, lo premier choc. L'ennemi fut
refoulé sur l'espace d'uno lieue. L'ordre fut alors donné ou général Gentil do
rallier les bataillons qui avaient opéré sur la gauche, elo redescendre au camp
de Tamdahit, et d'incendier plusieurs beaux villages couverts en tuiles qu'il
trouverait dans cette direction, Les Kebaïies, observant ce mouvement do re-
traite, crurent quo les Français abandonnaient la partie. Leur courage se re-
lèvo; leurs rangs déchirés par la mitraille se dispersent en tîroillours innom-
brables qui nous investissent elo louto part, et vont nous élreindro dans un
cercle do feu. Lo maréchal les laisse arriver à portée do ses troupes, et quand il
les juge assez près pour qu'on puisse les joindre a lu baïonnette, il fait prendre
l'offensive au pas elo course. Ce système, d'un éternel succès contre les Arabes,
produit son effet accoutumé. Les Kebaïies sont, en un clin el'odl, précipités
do roche on roche; les chemins qu'ils suivent en fuyant se jonchent do cada-
vres, et n'osant plus défomlrodes positions au pied desquelles ils pouvaient re-
tarder encore leur défaite, ils cherchent un abri-sur los versants opposés.
A la suite ele co dernier engagement, on revenait camper en arrière, près de
la'fontaine'do Sidi-Ali-lîounêm. Les troupos avaient besoin do [repos; l'affaire
semblait terminée, lorsquelos Kebaïies, prenant de nouveau cette marche ré-
tregraeiopour un signe do faiblesse, se rallièrent une seconde lois, avec d'autant
plus d'ardeur qu'ils voyaient arriver par notre flanc gaucho un gros contingent
des tribus du Djerjerah. Ce renfort paraissait se composer d'environ 3,000.
hommes; il so réunit tout près ele notro position, élans un bois do chênes-lièges
qui couvre la pento sud de Sidi-Ali-Douném, et s'avança, sans bruit, fort près
d'une compagnie do voltigeurs du 48% chargée d'observer l'arête par laquelle
devaient reparaître les assaillants. La forme du lorrain no nous permettait pas
do voir co qui se passait dans le bois, et pourtant on voyait les Kebaiios défiler
m L'AFltlQUI- FUANÇAISI',
au delà, A la laveur d'une pente Irès-rapido et (rès-couverte, ils s'upproohèreuit
îles voltigeurs jusqu'à portée elo plstedet, et firent une décharge si violente quo
nos hommes éprouvèrent un moment d'hésitation ; mais soutenus à l'instant
par trois compagnies de leur régiment, et oppuye»s par les dentx bataillons du
3e le»ger qui accouraient au-bruit élu combat, les voltigeurs prirent une écla-
tante revanche. Dans le même moment, le colonel d'état-major Pélissier, à la
tête du 26% repoussait un assaut eles plus énergiques tenté sur notro droite. Il
était alors cinq heures du soir; lo maréchal avait h Aie d'en finir, et l'artil-
lerie termina celte bataille ele quatorze heures, qui nous coûtait 32 morts et
\m blessés'.
I Pondant la première partie de la bataille, j'avais l'ait partie do la charge do cavalerie lancée du haut
dus crêtes do Flissa dans In vallée do l'Oued-el-Ksiib. Nous rejoignîmes la rosorvu du général Korte, qui
regrettait do n'avoir pu sabrer qu'une trentaine d'hommes a la queue dus Ameraouas, et d'avoir été, commo
nous, arrêté par dos accidents do terrain presque impraticables aux chevaux.
(Jette réserve rentra au eomp de Tarudiihit vers lo milieu du jour, au moment où le général Gentil
descendait des montagnes et ramonait les blessé!».
AI. le général Korte me chargea de porter au gouverneur général le bulletin du ses manoeuvres dans la
voilée. U fallait franchir do nouveau lo chemin suivi, pendant la unit du 17, par la colonne d'attaijuo, et
chercher sur les crêtes la position du maréchal, ou prenant pour guide l'écho de la fusillade, ("était doux
lieues ù franchir parmi des chemins sauvages ot désolés, des villages ou fou, et dos ennemis éparpillés dans
toutes les directions. Plus la mission qui m'était confiée par M. lo général Korte pouvait être périlleuse, plus
je dus m'Iionorer de la remplir avec, empressement. Je regagnai seul lo village d'Ouarez-lSdiîjn après deux
heures d'une ascension pénible, en traînant derrière moi mou cheval harassé. Parvenu sur les crêtes, jo re-
connus au bruit du combat que la position dti maréchal Cdinuinmll à nia droite une hauteur dont j'étais
séparé par des hois do diéiiesdiéges et quelques plis du terrain. C'était lo mamelon de .Sidi-Ali-Iinimêm. J'y
arrivai au moment où l'ennemi, réunissant ses derniers eltorjs, attaquait les voltigeurs du 18', et j'as-
sistai au dénouaient do la lutte.
Le maréchal, debout sur un potit plateau découvert, dirigeait lui-mémo le combat, ot animait du
geste et do la vois l'ardeur des soldats. Uno grélo do balles tourbillonnait autour de lui sans qu'il parût
s'en apercevoir. Les pontes et le ravin étaiont jonchés do débris d'hommes; nos obiisiors faisaient d'af-
freuses trouées dans les niasses ennemies; uno vapeur de sang s'élevait cies broussailles, ot des cris sau-
viiges répondaient aux décharges de nos braves soldats, (''était uno lutte à bout portant, sans merci, «utro
des nssaillants désespérés et des vainqueurs qu'exaltait la présence et l'exemple d'un chef intrépide Lis
maréchal était admirable dans ce moment suprême. Uno heure après, lorsque le silence eut remplacé la
tourmente du combat, sous ce beau ciel dVur que bordaient du pourpre et d'or les rayons du soleil cou-
chant, on vit serpenter dans le lointain ot se perdre dans les gorges dos files innombrables de Kebaïies
qui emportaientles dépouilles do leurs frères pour les couder a laterro de la patrie. Nos drapeaux flottaient
au vent du soir sur cos crêtes fameuses où Taefariiuis et les Musulani, Fhmus et les Isaflenses av.iient
brisé l'oll'ort des légions romaines, sous les grands règnes do Tibère et de Valenthiien,
La guerre outraîuo avec ollo des excès, toujours et partout déplorables, mais qui trouvent quelquefois
leur excuse dans los nécessités do la politique, ou dans l'ivresse momentanée qu'éprouve lo soldat au
milieu d'une ville prise d'assaut. Eu Afrique, malheureusement, cos exceptions sanglantes font trop
souvent la règle, ot certaines cruautés, que l'insouciance do certains chefs encourago par l'impunité, sont
plus propres à démoraliser l'nrméo qu'à, houuror ses victoires. Jo me suis quelquefois demandé co quo
deviendront en Franco, après leur congé, tant do soldats auxquels a manqué lu bienfait d'uno premièro
éducation, et qui n'ont appris, en guerroyant contre les Arabes, qu'à so familiariser avec l'abus des armes.
Rentrés dans la vie civile, quels souvenirs, quels instincts, quels penchants funestes n'y rapportent-ils pas ?
Nos annales judiciaires ont déjà répondu à cetto grave question. On remplirait nu gros livre dos épisodes
hideux qui accompagnant nos razzias quotidiennes, si énergiqueinent flétries par des généraux et des offi-
ciers d'élat-uinjor. Je ne citerai quo deux faits on passant.
Dans la matinée du 17, une joune tille du village d'Ouaroz-Eddin, voyant tomber à ses côtés un vieillard
qui peut-être était sou père, ot qu'un zouave venait d'abattre, avait ramassé le fusil du mort et tué le
zouave, Frappée à son tour d'un coup du feu on pleine poitrine, elle resta sur la place, Il n'y avait rien à
dire, c'était un fait do guerre. — Mais dans l'après-midi, lorsque jo traversai pour la seconde fois lo mémo
Village, on apportant de Tanidahit lo bulletin do AI. lu général Korlo, cetto malheureuse râlait encore j
quelques individus, indignes do l'uniforme français, avaient imagine d'allumer do chaque côté do sos flancs
de petits fagots d'épines, et se livraient à de cyniques plaisanteries devant cette horrible agonie. D'autres
brûlaient vivants des bestiaux dans les établos.
Le 18, au point du jour, au bivouac do Sidi-Ali-Ilouném, deux grenadiers amènent au maréchal un petit
i !; M M i: K i: u \ 11 i:
ÙVMF. HiiTiRMl»:, m
Dans un torrain aussi haché, qui nécessita uno infinité de petits combats
partiels, sur une ligno do près do doux lieues, il était impossible d'évaluer lo
mal fait aux Kebaïlos, I,o chiffre- do ses cadavres laissés sur lo earroau dépassa
7 à 800; nous apercevions on outro dos convois do blessés emportés dans los
gorgos sous lo fou do nos obusiers ; leur nombre dut s'élovor ù 1,000 ou 1,200
hommes. Une soulo compagnio du 48e égorgea 50 paysans qui défendaient m\
villago ; plus de cinquante bourgades bâties on pierre furent pilléos et .livrées
aux flammes} les soldats français et los Arabes auxiliairos revinrent chargeas
do butin,
Lo bivouac fut tracé sur lo platoau do Sidi-Ali-Bounôm, au milieu d'uno
forêt do cbônes-Iiégos, à 800 mètres ou-ilossiis du nivoou do la mer, Do grands
feux, où la sapo précipitait dos arbros ontiers, serviront à nous protéger contro
un froid très-vif qui so fit sontir dans la soiréo. A la nuit tombanto, un brouil-
lard humide onveloppa la forét, et biontôtuue pluie fine nous glaça sur los lits
d'herbe où chacun s'était jeté sans abri.
Dans la matinéo du 18, les bataillons quo lo général Gentil avait ramenés la
veillo au camp do Tamdahit remonteront avoc leurs sacs; trois bataillons des-
cendirent aussitôt pour maintenir la routo libre, par ces mouvomonts croisés,
Vers midi, le général Korlo, après avoir dirigé nos blessés sur Dollys, et ron-
voyé la cavalerio régulière- à Kordj-Monaïel, sous les ordres du colonel do
Bourgon du 1" chasseurs, rejoignit la colonno du maréchal avec le train dos
équipagos et lo rosto do l'armée. Pour occuper les loisirs do cetto journée sans
combats, M. Bugeaud envoya quelques compagnies incendier un gros ot richo
villago que l'onnomi somblait avoir abandonné sur notro flanc droit. Après un
reste do résistanco opposé par quelquos tirailleurs embusqués dans les maisons,
ce village fut détruit on peu d'instants,
Lo 19, à onze heures du matin, les troupes so porteront à uno lieue ot demie,
sur les hauteurs voisines, du côté S. 0., ou point nomméo Souk-el-Arbu dos
Boni-Ouriach, Notro bivouac h peino installé fut enseveli d'une brume épaisse.
Un rassomblomont do Kebaïies qui s'était rallié dans les ravins en profite,
gravit les pontes jusqu'auprès do nous, ot fait uno décharge dans uno direction
heureusement inoccupée; on mémo tomps lo rideau do brouillard so déchiro,
et nos soldais so trouvant à portéo do co groupo d'assaillants, l'abordont h la
baïonnelto, le culbutont,récharpent, et vont brûler, en poursuivant les fuyards,
un autre villago caché dans les plis do la montagne. Cette échaufïouréô fut lo
dernier soupir du courago malheureux.
426 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
Au point do vue politique, la bataille d'Ouarez-Eddin ne devait obtonir
aucun résultat durable ; ot c'est co quo l'avenir se chargea do prouver,- Mais
comme fait d'arme isolé, l'enlèvement des crétes do Flissa, jugées inaccessibles
par uno populotion belliqueuse, dont l'indépendance redoutée so perd dans la
nuit des siècles, fait le plus grand honneur a notre arméo d'Afrique, et doit so
placer, militairement parlant, a côté des plus glorieuses expéditions dont lo
Teniah do Mouzaïah s'était vu lo théâtre pondant les années précédentes, Lo
maréchal Bugeaud prit sa part do périls, comme lo dernier soldat; constam-
ment exposé au feu le plus vif, il dirigea lui-m»*me toutes les manoeuvres, et
déploya los qualités d'un chef do partisans aussi audacieux qu'habile.
Lo 80 mai, lo fils do Ben-Zamoun, chef dos Flissas, accompagné dos princi-
paux koi'iis do cotlo grande tribu, se présenta au camp pour négocier. Conduit
à latente du maréchal par le colonel Daumas, il nous apprit quo les portos dos
Kebaïlos étaient bien plus considérables qu'on no les avait supposées; quo lo
pays dos Flissas avait été ravagé parles contingents du Djerjerah, et que lo
nombre des morts s'élevait h 1,100, Il domanda l'autorisation do fairo enlever
par des hommes sans armes, pour leur donner uno sépulture honorable, les
cadavres entassés sur un espace eio doux lieues pendant nos quatorze houros do
combat, Lo maréchal lui accorda en outre la liberté do quolquos prisonniors.
La dernière prièro du chef kebaïle fut quo désormais les propriétés fussent
respoctées, et que l'armée française redescendit dans la plaine pour y attendro
la signature du traité. Il représentait quo sa démarche n'était faite qu'au nom
de cinq fractions de la tribu de Flissa - ; mais qu'il espérait obtonir lui-môme,

i Les Keba'ilesdes montagnesde Bougie forment une grande confédérationdont j'ai déjà parlé, d'une ma-
nière générale, dans le LIVRE II' (p. Cl et suiv.). Les principales sont les JJarbacha, les Beni-4tbat, les
Souah&lia, les Zouaoua, et les Beni*Abdal!ah,
Les Barbaoha, rjui habitent sur la rivo droite de l'Oued-Beni-Messaoud,â un jour de marche de Bougie,
dans Jo sud-ouest, comptent seize dechra ou villages. Ils exploitent dos mines do for considérables, et tra-
vaillent ce minéral dans des forges à la catalane.
La population des Beni-AbbaB, établie û trente lieues sud'Ouost de Bougie, sa divise en deux parties \
l'une occupe la ville d'El-Kalah, l'autre a pris de sa positionle nom de Souahëlia, gens du Sahel. — El-Kalah
est entourée d'une forte muraille avec deux portes en fer, Les indigènes prétendent que cette place peut
contenir 10,000 habitants, (Jo en attribue la fondation ii Muley-Nocor, qui, chassé de Bougie par les Génois,
se réfugia ait milieu des montagnes, Cette ville est construite sur un rocher qui ressemble au Gourayah,
et qu'on ne peut aborder que par deux sentiers, praticables pour les mulets, qui aboutissent aux deux portes
de for. Les malsonssont en pierre et couvertes en tuiles, El-Kalah à été, de tout temps, un lieu d'asile pour
tous ceux qui fuyaient la justice ou la vengeance des beys turcs, La crainte des rawias y a fait accumuler
les plus précieuses richesses des montagnards ; ceux qui s'y réfugioutîachètent une propriété sur le sol de
la tribu dont ils deviennent citoyens. La position de cette ville la .signalait à l'ambition des Turcs ; située
près du défilé des Bibans, que leurs armées devaient franchir pour aller d'Alger à Constantino, elle eû;t été
pour eux de la plus haute importance, et c'était pour n'avoir pu la soumettre qu'ils étaient obligés do lui
payer une sorto do tribut, toutes les fois qu'ils voulaient passer le défllé qu'elle commande. Los gens d'El-
Kalah oulttvent une portion de la plaino de Medjanah et des vallées des Bibans.
Les Souahëlia occupent tes bordi de l'Oued-Akbou, qui, réuni à l'Oued-Mahin,forme l'Oued-Beni-Mes-
saoud, Cette tribu partage avec les Zouaoua la fabrication dos canons ot des batteries de fusils dont les
Barbaoha fournissent le for; mais ceux des Zouaoua sont moins estimés j on les compare dans le pays aux
fusils flamands, armes de pacotille qu'on tirait autrefois de Liège.
Les Zouaoua couvrent quatre ou cinq chaînons de montagnes, notamment le Djerjerah [Mont de Fer des
Romains), et s'étendent jusqu'à la mer, A la différence dos Beni-Abbas, ils sont très-pauvres. Le nombre
pour lequel ils entraient dans les milices recrutées par lo gouvernement turc a donné lieu au nom do
Zouaves, si glorieusement naturalisé aujourd'hui parmi nous pour désigner un corps d'infanterie algérien,
où. les indigènes otles Français figurent à peu près par moitié. Comma les soldats de ce corps, les Zouaoua
portent chez eux de larges culottes et un barnous ou caban très-court.
MVUE HuniKMi;. 427
du temps, do l'ascondant moral qu'iloxorçait ot dos avantages do nos futures
rolations pacifiques, la soumission successive des quatorze autres fractions, Lo
maréchal, reconnaissantqu'il no pouvait s'ongagor dans uiioguerro d'intérieur
sans forces suffisantes, et sans points de ravitaillement assurés, so rendit aux
voeux do Bon-Zamoun, ot promit quo lo londomain, après la cérémonie do
l'investiture, il reprendrait le chomin do Bordj-Menoïol, A l'issue do cotto con-
féronco, et pour donnor» selon l'usage des montagnards, lo signal do la paix aux
populations voisines, l'armée se porta sur le front du camp; uno salvo d'artil-
lorio et uno décharge générale do toutos los armes, oxécutéo par un fou de
deux rangs, annonça la fin des hostilités,
Uno pluie battante termina encoro cotte journéo, et désola toute la nuit sut*
vanto.Lo 21, lo temps s'éclaircit, mais la paix réduisait nos chevaux à la fumine j
il fallut suppléer aux fourrages par une ration de biscuit. A onze heures eut lieu
l'investiture; Ben-Zamoun fut proclamé khalifa des Flissas au nom de la
Franco; Un de ses parents, plus âgé quo lui, ot personnage fort considéré dans
le pays, lui fut adjoint avec lo titre d'agha, Puis, après do mutuolles promosses
de foi ot d'amitié, l'arméo reçut l'ordro du départ, pour redescendre au camp
retranché do Bordj-Monaïel,
Au niomont de quitter le plateau do Beni-Ouriach, lo maréchal, voulant pré-
venir do nouvolles razzias qui remettraient tout on question, domandait autour
de lui un officier pour aller on avant prévenir le commandant do Bordj-Mo-
naïel do la conclusion du traité. Lo capitaine Guilmot, dos chasseurs d'Afrique,
officier d'ordonnance du gouverneur, réclama avec empressement l'honneur
d'accomplir cotto dangerousomission, et voulut partir sans escorte ', L'armée,

Les Béni-Abdallah, qui habitent le territoire désigné sous le nom de Flissah-el-Bahr(Flissah du bord de
la mer], fabriquent aveo le fer tiré dos Barbaoha dos sabres connus dans le pays sous le nom do Flissi. Les
gens de Flissah ont gardé mémoire d'uno époque qu'ils regardent comme la plus glorieuse de leur histoire,
et qu'ils appellent <4tti-I'7rssa7i (l'année de Flissah), qui répond à colle de 1750 do notre ère. Dans un jour,
disent-ils, ils tuèrent 9,200 Turcs qui étalent venus attaquer leurs montagnes.—Surleur territoire se trouva
la ville d'Akrib, assez considérableet garnie d'une forte enceinte. Ils fabriquent on grande partie la poudre
de guerre qui se consomme dans les tribus de la province de Constantine.
Les Flissah se divisent en dix-neuf fractions,qui peuvent mettra sur piod environ 20,000 combattants.
La population guerrière de tout le pâté des montagnes de Bougie peut être évaluée à 50,000 hommes.
* On lui donna pour guide un Kebaïle auquel Ben«Zamoun remit son fusil d'investiture, enfermé dans un
étui de drap rouge\ ce signe, disait notre nouveau khalifa, devait être un gage de sécurité que personne
n'oserait violer. Et cependant lo Kobaïle tremblait de tous ses membres à l'idée de conduire un Françaisà
travers ses compatriotes, dont plusieurs villages coupaient la direction de Bordj-Menaïel. Le capitaine
Guilmot,qui a gagné tous ses grades à la pointe du sabre, n'hésita pas un instant devant les chances de
cette course aventureuse. Il avait été pour moi un excellent camarade pendant la campagne; nous vivions
•pus la même tente, et je ne pouvais lui donner une meilleure preuve d'amitié qu'en partageant son dê«
vouement, pour traverser aveo lui le dernier danger de l'expédition.
Précédés du guide et suivis d'un seul chasseur, nous partîmes au galop, en plongeant dans les massifs
débroussailles qui couvraient les pentes et les ravins. Après une heure de course a travers des «ailiers
qu'il fallait ouvrir à coups de sabre, la région des bols s'éclaircit} une espèce de sentier frayé se déroula
au loin comme un ruban jaune, à travers les ressauts des vallées verdoyantes > et un groupe de ywrbii _ '
fermes apparut au tournant d'un rocher, Nous le traversâmes sans mauvaiserencontre, A cent pas plus
loin, la route décrivait un autre angle. A notro gauche, un long village s'accrochait aux parois d'un ma-
melon ; il était vide en apparence, mais quelques chiens aboyaient aux portes des maisons. Plus loin, sur
la droite, au delà d'un petit ravin, un second villago dressait ses maisons blanches sur un plateau chargé
d'oliviers et palissade de caotus épineux. Les habitants, qui s'y montraient en armes, nous regardèrent
défiler au pas jet soit qu'ils eussent reçu quelque avis de la paix, soit quo la vue du fusil d'investiture porto
par notre guide leur imposât quelque scrupule, ou qu'ils nous crussent suivis d'nno troupe que leur
cachaient les détours continuels de la foute, ils restèrent immobiles, Profitant do leur indécision, qui
./i28 .L'AFRIQUE FKANÇA1SK.
retardée par ses bagagos, vint bivouaquer ù uno lieue ot demie de Bordj-Me-
naïol, où elle rentra lo lendemain, pour se reporter, le 23, à son. ancien camp
de Tamdahit, où lo traité do-paix avec les Flissas fut signé.
Parmi les bravos qui s'étaient distingués à la bataille d'Ouarez-Eddin, il faut
signaler en première ligne le général Korte, dont la glorieuse réputation
s'était faite pendant qu'il commandait le 1er régiment do chasseurs d'Afri-
que; et le général Gentil, dont lo nom se retrouve également dans mainte cir-
constance où notro drapeau s'est illustré.—-Lo colonel Daumas, savant aussi
distingué que modeste, et qui joint aux éclatants service-v ,io l'épée ceux d'une
haute intelligence dos affaires arabes dont la direction lui est confiée. — Le
colonel Pélissier, chef d'état-major du corps d'armée.—M. de Gouyon, chef
d'escadron d'état-major, qui eut un cheval blessé sous lui, ot dont les travaux
topographiques sont si vivement appréciés..— Dans les régiments, MM. lo
colonel Hegnault, et lo lieutenant-colonel doComps, du 48« ; MM. les colonels
do Smidt, du 83% etGachot, du 3° léger. — M. lo lieutenant-colonel de Guéri-
mau, du 26e. — Lo capitaine du génie Jacquin, commandant le bataillon
d'élite.—Le lieutenant-colonel de Chasseloup-Laubat, des zouaves.— Le capi-
taine Corréard et lo lieutenant Bampon, du môme corps.— Le capitaine du
génie Ducasse, — Le lieutenant Hurvoix, commandant le détachement des
chasseurs d'Orléans, -— Dans la cavalerie, M. lo chef d'escadron de Nouo, du
1er chasseurs. -— Lo capitaine Guilniot. — Dans l'artillerie, M. le commandant
Liautey. — Dans le corps des officiers do santé, M. le docteur Philippe, chi-
rurgien principal, dont le dévouomont est admiré de nos soldats.
Lo service administratif de l'expédition avait été dirigé avec une extrême
sollicitude, ot des ressources toujours prêtes, par M, l'intendant Paris de la
Bollardiere, qui se recommando autant par ses qualités personnelles que pur
ses hautes capacités.
Une mention toute particulière est duo ù M. lo chef d'escadron d'état-major
pouvait devenir funeste s'ils s'apercevaient do notre Isolement, nous lançâmes tout a coup nos chevaux
u toute bride, pour gagner la petite plaine qui longe lo pied dos montagnes, au-dessous du marabout do
Timezerlt,
A l'entrée de la gorge que le colonel Pélissier avait suivie» le a mal, pour venir reconnaître la région
8.-Ë. de Bordj-Menaïel, jiiGqu'en face de là chaîne dos Flissas, nous aperçûmes au-dessus do nous dos
groupes armés qui semblaient en observation. Après uno petite halte pour laisser respirer nos chevaux, et
visiter nos pistolets sous les yeux do ces vedettes, nous nous jetâmes dans le dôHlé, prêts a voudro chère-
ment notro vie en cas d'embuscade, mais sans compromettre, jusqu'à la plus extrême nécessité, le râle
prudent qu'imposait au brave capitaine Guilmot l'urgente mission qu'il avait reçue du maréchal. 11 serait
permis de supposer que cette dornlère partie de notre coursa no fut pas ta moins dangereuse, car lo guide,
do plus eu plus effrayé do sa situation on compagnie do trois chrétiens, après avoir échangé avec les
Kebaïies quelques paroles que nous no Comprenions pas, s'arrêta en nous expliquant par signes quo sou
cheval ne pouvait plus aller, ot nous suivit de fort loin, la tête basso ot comme un homme qui se trahie
uu supplice. 11 était tard ot nous n'avions plus do temps a perdre; eu sortant du dédié, d'autres groupes
de Kebaïies, embusqués dans des haies do lauriers-roses que séparait de nous un large ruisseau, n'é-
talent peut-être pas animés d'intentions fort pacifiques j, mais la redouto de Bordj-Meiiaïél nous apparut
tout ù coup, à 800 mètres de distance ; lo sol n'était plus accidenté, et en un temps de galop nous fran-
chîmes cet Intervalle.
Quelques heures auparavant, los chasseurs d'Afrique avalent poussé uno reconnaissance vers les mon-
tagnes, mais des signaux transmis aux habitants de lt plaine pur ceux des hauteurs, pour annoncer lu
pnix, avaient heureusement suspendu toute agression. Notre cavalerie venait do rentrer au camp lorsque
lé capitaine Guilmot confirma celte nouvelle. Qu'il me soit permis d'offrir Ici à MM. te commandant
Fossié du 48', lo chef d'escadron do Noue, et à tous les officiers du 1" chasseurs, un souvenir reconnais-
sant do l'hospitalité cordiale et ciiiprunsée dutit Je fus l'objet i\ mon arrivée,
xiviuv iiuniEMK. m
Eugène Lheureux, officier d'ordonnance du maréchal duc de Dalmatio. Cet
officier supérieur, atteint d'une grave indisposition au commencement de la
campagne, voulut néanmoins prendre part à toutes ses fatigues; dansla journéo
d'Ouarez-Eddin, il se montra partout où il y avait le plus de péril, en trans-
mettant lui-môme, avec une brillante activité, une partie des ordres du gou-
verneur-général l.
La nouvelle de ce résultat précaire, dont M. lo maréchal Bugeaud s'exagéra
l'importance dans son rapport adressé le 18 mai au ministro do la guerre, était
à peine arrivée a Alger, que, par lo retour du courrier, survint t'annonce d'assez
graves événements dans la province d'Oran.
Après lo désastre éprouvé l'année précédente par sa soihalah, l'émir Abd-ol-
Kader, fuyant devant l'épée victorieuse du duc d'Aumale, s'était réfugié dans les
états marocains. Attentif depuis longtemps aux dissensions intestines qui s'agi-
taient autour du chérifl' Abd-ol-Haliman, il avait habilement profité des circoii-

* Je donnerai à la fin de cet ouyraga tous les autres tïohis que le bulletin do la victoire a conservés.
Voicrquolleétait la composltibn du corps expéditionnaire i
État-mnjor particulier du maréchal gouverneur général. MM, lo lieuleiiant-colonel Daumas ( ^'chas-

seurs d'Afrique], directeur central dos affaires arabes ; Lheureux, chof d'escadron ou corps royal d'étal-
major, officier d'ordonnance du ministro do la guerre ; les capitaines Rivet (do,l'artillerie), Guilmot
(des chasseurs) et doGarraubo (légion étrangère}, officiers d'ordonnance';'Mossoti,' lieutenant de caVaterio
prusstehne, nutorisé à suivra l'expédition.
Éjat-major général MM. le colonel Pélissier, chef d'élat-major; Do Gouyon, chef d'escadron ;

Conrtot de Clssey, Anselme et ltaoul, capitaines.
Colonne du centre. —- M. le colonel de Smldt (du BU' do ligno), commandant. — 2 bataillons du SO* do ligne ;
MM. de Guérlman, lieutenant-colonel) Miller et Titard, ohefs de bataillon. (SB officiers, 803 sous-offîelers
et soldats.)—;-l bataillon du 53' de ligne; M, do Luslgnan, chef do bataillon. (17 offleiors, 801 Bous-offl-
çiers et soldats,) — 1 bataillon de zouaves-, MM. do Chasseloup-Laubat, lloutonnhl-colouol; Uardereiis, chef
de bataillon. (21 officiers, 720 sous-officiers ot soldats.) —• 1 compagnie de grosses carabines du 8' bataillon
do chasseurs d'Orléans, commandée par M, îlurvoix. lieutenant, (3 officiers, 107 sous-ofllciers et soldats,)
Cavalerie.— 1": chasseurs d'Afrique j MM. de liourgoit, colonel ) do Noue, chef d'escadron, (15 officiers,
Î02 sous-offlclors et cavaliers,) — Spahis ; détachemont commandé par la lieutenant Jacquet, (4 officiers,
112 sous-officiers et cavaliers,)—Artillerie de montagne }d pièces, commandées par M. le chef d'escadron
Liautey, (10 officiers, 237 sous-ofllciers et soldats,)
Service du génie, dirigé pur M. le colonel Charron.
Équipago do pont, sous tes ordres de M. lo commandant Mathieu.
Bataillon d'élite, composé do soldats d'artillerie et du génie, commandés par M. la capitaine du gèitiû
-Jaeqiittû ./-
Train des équipages j capitaine Saint-Martin. (Oofllclers, 500 sous-offlciers et soldats,)
Bureau arabe. (G officiers, et 12 hommes.)
Gendarmerie. (3 oftlclérs et 5fi sous-ofllcters el gendarmes.)
Colonno do droite, — MM. lo maréchal do camp Gentil, commandant j Hoquet, chef d'étai-major j Lu-
pacè, capitaine aide do camp.—-2 bataillons du .'fiV do llgnoi MM. Blùnglnl, colonel i Foroy, lieutenant-
colonel; Hlgaiid, chef de bataillon, (ÎÎ2 offtciéts, OU Hoiis-ofilciers et soldats.)—a bataillons du 3' léger i
MM. Gachot, coloiioli hèse, chef de bataillon. (27 offleiers, 872 hommes.) — Plus, oti cas do séparation,
25 spahis; une section d'artlllerlo; Une detnt-sectloii d'ambulances, détachés do ta colonne du centre.
Colonno de gaucho, —MM, te maréchal do cump Korte, commandant; Zaragoza, chef d'état-mojor ;
Léora, lieutenant d'étnt-mojor, officier d'ordonnance, — Le -18* do ligne ; MM. Hegimult, colonel i do
Oonips, lieutenant-colonel; Fosslo , Jiloiideau, chefs de bataillon, (1,28:1 ofllders, sous-ofllciers et soMuts.
<—1 bataillon de tirailleurs Indigènes i M. Vergé, chef do bataillon, (582 oflleiers, sous-officiers et soldats.)
—Plus, en cas do séparation, un détachement do spahis, 'd'artillorio et d'ambulance, égal iVcelui de ht
colonno do droite.
Administration de l'armée,—M. l'drls do la IJollurdlèro, sons-Intendant militaire. — Ambulances )
M, Philippe, chirurgien principal, chef du survico. (M oflleiers de sitnté et 60 iiommns du trtiiii.)
Subsistances militaires; M, Beck, chef du service. (3 oflleiers et 11 homirios,} —Ouvriers d'administration j
-
M. Uirbel, oiief de service. (80 hommes.) —Vaguemestre général, M, d'Hérisson, chef d'escadron aux
chasseurs d'Afrique. —Service dos mutels do réquisition polir les transports) M. Chapsal, lioutonant
du train. ;
MO L'AFHIQUE FRANÇAISE.
stances pour so créer un parti dans la province d'El-Riff, contréo sauvage du
littoral méditerranéen, habitée par des peuplades turbulentes et sur lesquelles
l'autorité du sultan ne règno quo de nom. Il envoya de là deux affidés à Fez*
pour demander à Abd-el-Bahman la dignité de khalifa do ce territoire. Le ché-
rift' n'ignorait pas le prestige que le titre do marabout, dont Abd-el-Kader a
hérité, pouvait exercer sur les tribus d'El-Bifï. Le voisinage do l'émir lui cau-
sait do graves inquiétudes pour sa propre sûreté, et il hésitait entre lo danger
de céder ot la quasi-impuissance d'un refus, lorsque l'amiral VVilson, gouver-
neur de Gibraltar, se rendit a Tanger. On no sait pas au juste co qui so passa dans
les conférences do l'agent anglais avec lo gouvernement marocain, mais le fait
est que, presque aussitôt, Abd-el-Kador obtint l'investiture qu'il avait sollicitée.
Cette faveur était accompagnée de riches présents, d'un convoi d'armes et de
munitions de guerre. Pressé d'agir, il ne tarda: pas à trouver un prétexte pour
allumer entre nous et le chérifï des discussions qui pouvaient entraîner de
graves hostilités. Il parvint à faire comprendre à Abd-el-Hahrnan que notre gou-
vernement français avaltviolé sa ligne de frontières en élevant le fort do Lclla-
Maghrnia sur la rivo gaucho do la Tafna. Il fit valoir avec adresse l'interven-
tion que l'Angleterre no manquerait pas d'exercer dans ce litige, et par suite
de cette intrigue, lechériff se décida a envoyer un corps d'observationon avant
d'Ouchdah.
Lo général do la Moricière, embarrassé do l'attitude <iu'il devait tenir, trans-
mit au gouverneur général l'avis do cette démonstration menaçante, au mo-
ment môme oh Sldi-el-Mahmoun, proche parent d'Abd-el-Rahman, arrivait
lui-mémo avec 600 Berbères se joindre aux (i où 6,000 hommes réunis devant
nous sous les ordres d'Abd-el-Kader et du pacha Guennaoui. Lo 30 mai, du
bivouac deSidi-Aziz, M. de la Moricièro put remarquer los apprêts d'un mou-
vement agressif, A dix houros du matin, l'armée marocaine se porta en avant
sur les bords de l'Oucd-Mouilah, et déploya 1,000 à 1,200 cavaliers on tirail-
leurs. Le général français sortit de ses lignes, ot après un engagement qui dura
trois quarts d'heure, l'ennemi lit retraite du côté d'Ouchdah. Deux prisonniers
capturés dans celle affaire donnèrent l'explication do celte levée de boucliers.
Sidi-cl-Mahmotin, entraîné par son humour belliqueuse, avait déclaré qu'il vou-
lait voir do près lo camp des chrétiens, ot s'était mis en marche avec sa cava-
lerie, malgré la résistance ot les observations de Guennaoui, qui, tout en allé-
guant les ordres du éhérifl', n'avait pas osé opposer un refus formol h un princo
du sang impérial» Quant a l'issue de celle échaulfouréo, elle était facile a pré-
voir; l'indiscipline des Berbères devait causer leur défaite, malgré l'exaltation
fanatique qui les avait entraînés.
Lo maréchal Bugeaud» qui s'était rendu sans retard a Oran, no voulait pas
s'engager prématurément dans un conflit dont il n'était pas permis do pré-
sumer les limites possibles j ot avant d'exiger uno satisfaction à main armée, il
demanda une eiitrevuo au chef de l'année marocaine, Lo général Bedeau fut
chargé d'aller négocier avec Guennaoui le rétablissement do la paix violée. Lo
lieu du rendez-vous était llxé iV trois quarts do lieue du camp français) sur
l'Oucd-Mouilah, et a quatre lieues des lignes ennemies. Le 18 juin, à sept
lieures du matin, Guennaoui et le général Bedeau, accompagné do plusieurs
LIVRE HUITIEME. V»81

officiers et du kaïd de Tlemcen, so rencontrèrent au point convenu. Le chef


marocain avait fait avancer à petite portée 2,800 cavaliers noirs, 2,000 cava-
liers irréguliers, et 8 à 600 fantassins. C'était tout un corps d'armée, dont la
tenuo pleine d'agitation, no promettait pas une conférence bien calme, ni une
sécurité do loriguo durée. Plusieurs fois Guannaoui fut obligé do rômpro l'en-
tretien pour comprimer lui-môme refïorvesconco do ses troupes. Mais bientôt
les envoyés français furent entourés, et lo feu commença sur les quatre batail-
lons qu'ils avaient amenés. Poux officiers partirent au galop pour aller in-
former le maréchal do co qui se passait. Colut-ci fit mettre siics à terro à quatre
autres bataillons, ot les lança au pas de course avec sa cavalerie vors le Hou de
la conférence. Il apprit en route quo los négociations étaient rompues. Nos
troupes revenaient au camp l'arme au bras, harcelées à l'arrièro-gardo par uno
nuéo do cavaliers. Aussitôt le maréchal commando volte-face, formo ses 8 ba-
taillons en échelons sur celui du contro, qu'il dirige droit au coeur do la masse
ennemio. L'ihfantorio marocaine fut travcrséo on un clin d'oeil par nos braves
chasseurs, et la cavalerie arabe, jetée presque sous lo fou do nos échelons, no
s'échappa qu'a la faveur de l'immense poussière que sa déroute souleva sur lo
.champdo bataille.
Ce coup de main rapide pouvait produire un grand effet moral on avant et
en arrière dos troupes françaisesj mais il fullait profiter sans retard do ce pre-
mior avantage. Dès le lendemain, lo maréchal écrivit à Guennaoui pour lui
reprocher lo violation du droit des gens, et lo menacer do marcher sur Ouchdah
s'il n'obtenait uno réparation convenable V'Lo'chof marocain fit uno réponse
ovasivo, quine faisait pas fairo un pas à la question ?, Lo maréchal, impatienté

i Voiol cette lettre t ^~ « Los Murocalns Ont violé plusieurs fols notro territoire. Deux fols ils
nous ont
attaqués, sans aucune déclaration de giiorré, Cependant j'ai voulu te donner une prouve du désir que j'avais
do rétablir la bonnu harmonie que vous seuls avez troublée. Je t'ai offort une entrevue) tu y es venu, ot
tu nous as proposé d'abandonner notro frontière, et de nous retirer derrière lal'afna; et pondant que mon
lieutenant, le général Bedeau, était, lui quatrième, au milieu des lions, n'ayant"d'outre gardo
que votre
loyauté, il ft dû entendre des paroles offensantes;-tes troupes ont fait fou sur les miennes; un do niés
officiers et deux, soldats ont été blessés, Cependant, malgré cette indigne conduite.,-' nous n'avons
pas ré-
pondu un seul coup do fusil, ot nous avons fait retirer nos troupes. Los tiennes ont pris notro modération
pour de la faiblesse, et elles ont attaqué notro iirrlôro-gardo. Nousavoiis été forcés do nous retourner.Après
do tels faits, j'aurais lo droit do pénétrer au loin sur le territoire de ton maître, de brûler vos villes, vos
villages et vos moissons ; mais jo veux encore te prouver mon humanité et ma'modération,'parce que jo.
suis convaincu que l'empereur Abd-el-ItaUmanno vous a pas ordonné do Vous conduire comme vous l'avez
fait, et quo mémo il blAmera cetto conduite, je veux doue mo contenter d'alior iV Ouchdah, non pour lo dé-
truire, maiB pour fuiro comprondro à nos tribus, qui s'y sont réfugiées, parce que vous los avez excitées à
la rébellion, que je peux les atteindra partout, et quo mon lutonllon est de les ramener à l'obéissance par
tous les moyens. En marne temps, je te déclare quo je n'ui aucune intention do garderOuchdah, J)l de
prendre la moindre parcello du territoire du Maroc, ni do lui déclarer ouvertomontla guerre; jo veux seu-
lement rendre aux lieutenants d'Abd-td«Uahnian itilo partie des mauvais procédés dont Ils se sont rendus
coupables envers mol. »
a Volol la réponse do Guennaoui ;
— « Lorsque Je suis venu sur la frontière, Ju n'avais d'unlro intention
quo de faire le bien do nos Sujets, ot do lus forcer ;V rester sut- ledrs limitas respectives. Alors II est arrivé
tin événement sans intention ni osseiltlmoutdojnlt part. Jo nie suis abouché aveo ton représentant, avec
.
bonne foi, et le ccuur exumpt d'urrlèro.ponsée, Vous (ivox fait dos propositions, j'en ai ff.lt de
mon côté j
nous île lions sommes pas entendus, je n'ui oumluutio cohiirtlssunco do eo qui se passait après mon départ
jusqu'au moment ofi ou vint mo dire-, ïl est arrivé ce qui est arrivé ! H<\cha que je no puis approuver la
mauvaise Intelligence ontro nous, quand blell même les mauvais -procédés, viendraient do voire part; mais
ou no peut pus revenir sur les événements accomplis, car à Dieu appartient M diriger toutes choses, 'i'u
nous dis que tu es encore disposé ùii bien et u la paix ; il en est do mémo de notre part ; et du reste, jo ji'fll
pas la permission de faire la guerre.
7132 L'AFIUQUE KltANÇÂISK.
de cos formes, qu'il taxa do jésuitiques, reprit la plume pour tracer son ultima-
tum.— «Nous voulons, écrivait-il, conserver la délimitation qu'avalent les
Turcs, et Abd-el-Kader après eux ; nous ne voulons rien de ce qui est à vous ;
mais nous voulons quo vous no recoviez plus Abd-el-Kader pour lui donner
des secours, le raviver quand il est presque mort ot le lancer de nouveau sur
nous. Cela n'est pas de la bonne amitié : c'est do la guerre, et vous nous la
faites ainsi depuis doux ans. Nous voulons que vous fassiez interner dans
l'ouest do l'empire les chefs qui ont servi Abd-ol-Kador ; quo vous fassiez dis-
perser ses troupes régulières ; que vous ne receviez plus los tribus qui émi-
grent do notre territoire, ot que vous renvoyiez immédiatement chez elles
colles qui se sont réfugiées chez vous. Nous nous obligeons aux mômes pro-
cédés a votre égard, si l'occasion se présente. Voilà ce qui s'appelle obsorvor
les règles do la bonne amitié entre doux nations ; à ces conditions, nous serons
vos amis; nous favoriserons votre commerce et le gouvernement do Muloy-
Abd-ol-Bahmun, autant qu'il sera en notre pouvoir. Si vous voulez fairo lo
contraire, nous serons vos ennemis. »
Cet ultimatum, signifié le 17 juin, resta sans réponse. Le maréchal se rendit
alors a Ouchdah, en remontant l'Oued-Aïn-el-Abbess,afin de rester le plus
longtemps possible on dedans de notro frontière, et do menacer quelques tribus
qui avaient fourni récemment des contingents a Abd-el-Kader. La route dura
trois jours, à cause du vent du sud qui rendait la marche excessivement pénible
pour les hommes ot pour les chevaux. L'armée arriva, lo 19, à Ouchdah, vors
six heures du matin, et traversa, sans échanger un seul coup do fusil, les ma-
gnifiques vergers qui entourent cette bourgade, Un bataillon du 3e léger rosta
chargé de fairo la police intérieure ot do défendre l'entrée do la place, et le
camp fut établi à une lieuo au delà sur la route de Thaza. Ouchdah n'était oc-
cupé, à notro entrée, que par la population juive, et environ 200 familles, ori-
ginaires de Tlomcen, qu'Abd-ol-Kader avait autrofois forcées d'émlgrer. Le
maréchal interrogea les notables, pour apprendre quelques nouvelles do
l'armée marocaino qui avait disparu comme par enchantement. On lui raconta
que la discorde régnait entre Guennaoui ot un autre chef nommé El-Kéblbi, et
que l'indisclplino avait semé le plus grand désordre dans les troupes. Parmi les
chefs, les uns voulaient combattre ; les autres soutenaient qu'on no pouvait
engager la guerre sans les ordres de l'empereur. On se reprochait mutuelle-
ment la trahison qui avait rompu la conféronco du 18 juin, et l'échec déplo-
rable qui en était résulté. A la suite de ces âpres discussions, El-Guonnaoui et
El-Kébibi, fort mécontents l'un de l'autre, s'étaient retirés, en apprenant noire
approche, avec 3,000 cavaliers réguliers, 1,800 hommes dos contingents, ot
qualre pièces de canon. On ajoutait quo cette année avait dû so dissoudre à
quolquo distance d'Ouchdah, après avoir abandonné ses chefs} qu'Abd-el-
Kuder n'avuit plus quosoptou huit tonles; quo le Maroc iio'lut avait pus fourni
do secours pécuniaires, et qu'il n'avait vécu, dans cos derniers temps, que du
produit des razzias qu'il exécutait sur lo territoire algérien,
Le 2 juillet, lo maréchal s'avança sur la haute Mouilah pour favoriser la
rentrée d'une grosso fraction des Àngads, dont lo chef était venu, la veille,
traiter do sa soumission et do son retour. L'armée s'arrêta sur l'Oued-Isly, à
LIVKE lltJfTimiK. 7(33
double portée do canon d'un camp marocain, dont les éclairours vinrent on-
gager lo feu avec notre arrièro-garde, dans la matinéo du 3. La cavalerie fran-
çaise les chargea et dépassa Ouchdah. Pondant les marches ot contre-marches
du gouverneur, l'empereur do Maroc répondit par l'organo de son ministre, Si-
Mohammed-Bon-I)ris, a la lettro que notro consul général à Tangor, M. do
Nyon, lui avait adressée le 28 juin ; mais cette réponse, qui parvint a Tangor
le 12 juillet, n'était point satisfaisanlo. Elle reconnaissait, il est vrai, la violation
do notre territoire, et promettait la punition dos chefs marocains, mais de-
mandait en échange lo -rappel, du maréchal Bugeaud à raison do la priso
d'Ouchdah; elle so taisait au sujet d'Abd-ol-Kader.
Au reçu do cotto nouvelle, ot instruit tpto la guerre continuait sur les fron-
lièroS de l'Algérie, S. A. H. Mgr lo princo do Joinvillo parut lo 23 devant Tan-
ger, et recueillit à sou bord lo consul do Franco, sa famille et un certain
nombre do nos nationaux. Par son ordre, lo bateau à vapeur le Yêtocc aïïa sur
>
la côto atlantique, jusqu'à, Mogador pour on retirer nos agents consulaires.
M. do Nyon adressait lo m.ômo jour Un ultimatum au chérifT, on fixant 16 délai
do réponse a huit jours, puis lo prince ot le consul général do Tangor so roti-
rèrent ù Cadix, pour attendre l'issue dos négociations.
Sur ces entrefaites, Guennaoui fut destitué et mis aux fers. Sidi-IIamida, son
sticcessour, fit dos ouvertures do paix ; mais lo .maréchal Bugeaud s'en tint à la
rigueur des conditions qu'il avait posées au .-'nom du gouvernement français.
On apprit alors qu'Abd-ol-Rahman, quittant sa capitale, s'avançait vers lo
nord, et que M. Drummond Hny, consul général britannique, étaitalléà sa ren-
contre.
Lo 4 août, lo pacha d'El-Araïeh, .Sidl-Bou-Soiam répondit au nom du ehé-
liff à l'ultimatum do la Franco. Cette réponse no disait rien au sujet de la dis-
solution des troupes marocaines réunies sur la-frontière algérienne, ot dont lo
nombre allait s'augmenter par la prochaine arrivée du princo héréditaire, Sidi-
Mohammed, avec uno armée que l'on supposait forte de 1» h 20,000 hommes.
Elles renouvelaient d'ailleurs lu promesse d'une punition oxcmplairo dos chefs
marocains qui avaient provoqué les hostilités, mais on subordonnant toujours
l'exécution de cotto nouvelle au rappel du maréchal Bugeaud. La partie concer-
nant Abd-el-Kader élait pleine de restrictions ; tous les moyens de conciliation
so trouvaient donc épuisés.
1/escadro française reparut lo 8 août devant Tanger. Le 0, à trois heures du
matin, lo bateau à vapeur le Véloee -remorqua le vaisseau le Jemmapes, et te
Suffren, monté par le princo do Joinvillo, vint-s'embossersur la mémo ligne, à
portée des murs.do la place. Le Triton^ placé en arrièro a gaucho, (lovait battro
le fort quj défondaitio porto du côté dit niouillogo. La frégate la Hèlle-Poute,
les bricks te Cassant ot l'Argus avaient pour mission de battre les forts de la "'
côte '.Tons les .bâtiments h vapeur formaient une seconde ligne, pour porter

I Tanger (Voyez, r.tvitii v'|-p. S.-8-1), dont ta population n'est que do 8,000 Ames, éiait lo séjour des agents
consulaires européens. Située sur le penchant d'une montagne calcaire, dont une piirlio dénuée do toUta
végétation, atirlsto l'oeil prit son uspoct , cette ville était entourée d'une formidable enceinte flanquée du
tours rondos ot carrées, et précédée d'un fossé sans contrescarpe, nur tin développement d'environ y,00D
mètres. Uiyj k'Usblih et tui fort du construction portuénlst', bnstloluié I'I la tiio-b-rue, dominent ses abords.
Vers le port se trouvait un fortin rcilé ;\ la Kaslmh par une suit'» de hiuruill-"- éoludoliiuVs le IOIIK de la
OU
m L'AFRIQUE FRANÇAISE.
les ordres du princo el secourir les vaisseaux de guerre qui éprouveraient, des
avaries. A î) heures du matin, le bombardement commença; les 180 bouches à
fou qui défendaient les remparts et les forts furent presque loutes démontées en
uno heure; à onze heures le rivage était couvert do décombres, et l'ennemi ne
ripostait plus. La division française so rallia vers cinq heures du soir. Lo vais-
seau amiral quo montait lo prince avait reçu 4-9 boulets dans sa coque ot
avait, à lui soûl, tiré 1G80 coups contre la ville. Uno division espagnole, deux
bâtiments de guerre anglais, ot plusieurs navires sardes, suédois ot américains,
avaient été spectateurs do ce brillant fait d'armes. Les commandants do la ma-
rine étrangère vinrent féliciter le prince ; les Anglais seuls ne prirent aucune
part à cette démonstration ; dès lo matin, ils avaient laissé tomber leurs voiles
ou bannières, et hissé leur plus petit pavillon.
Après avoir démantelé Tanger, lo princo français remit à la voile, lo 7, pour
aller foudroyer Mogador sur la côte occidentale. Pendant qu'il faisait roule, le
maréchal Bugeaud était revenu à Lolla-Mughrnia. Cette position, convenable-
ment retranchée, était devenue le point de ravitaillement do toutes nos troupes
employées sur la frontière, ot y couvrait la ligne de l'ouest; lo général Tom-
pouro a Sobdou, lo colonel d'élat-major Eynard ùSatda, ot lo général Maroy
ù Tiaret surveillaient la ligno du sud-ouest el du sud, tandis quo lo général de
Bourjolly, posté on arrière sur la Mina, était prêt à so porter devant chacun
des intervalles où la présence d'uno colonne pouvait devenir nécessaire.
Lo nouveau chef marocain Sidi-Hamida ayant engagé do nouvelles négo-
ciations, le maréchal so porta en vuoducamp ennemi pour observer ses forces
et lutter la conclusion dos affaires; mais il dut bientôt reconnaître que les ou-
vertures n'avaient d'autre but que de gagner du temps ; lo bruit courait mémo
parmi les Arabes do la province d'Oran que l'armée marocaine devait prendre
Tlemcon, Oran, Maskara et chasser les Français de toute l'Afrique. Il devenait
urgent do discréditer ces bruits par un coup île main qui prouvât notre supé-
riorité, ot fit faire les excitations à la révolte. Le maréchal envoya au général
Bedeau l'ordre de venir lo joindre avec les trois bataillons ot les six escadrons
qu'il commandait ; cotlo jonction fut effectuée le 12 août.
Nous croyons devoir céder à uno plumo olllciolle le récit do la bataille d'Isly,
on reproduisant ici, textuellement, quelques fragments d'un écrit publié par
lo maréchal Bugeaud, en 1818. pendant son voyage en Franco.

« Le 15 août au soir, les oflleiers do l'ancienne cavalerie de la colonne offrirent ù leurs camarades qui
venaient d'arriver un grand punch. Le lit pittoresque de l'Ouordefou, ruisseau sur le bord lequel nous
étions campés, avait été arlisleinont préparé et formait un jardin délicieux; il était illuminé pur toutes les
bouges que l'on-uvait pu trouver dans lo camp, et par qiiaranlu gamelles de punch dont la flamme bleue,
so rélléchissanl sur les feuillages divers, produisait un effet admirable.

montagne. Les principales défenses eomlHiilenl dans le rentrant de la porte marine, devant le déhurcu-
déro. On y voj-uil tleu.v Kfadlns de batteries portant (iti pièces do (miniers hatliud d- front
«ros calibre et S
i-nr le port. Deux autres huileries, élevées sur d-.-s cniliiic-s- tic Î.IU pieds, flanquaient lo délntvudère A
droite et à f-imeho, el dix autres à fleur de terre, et fermées h h
(foru-e, rasaient la bai». Unis de vvi der-
nii'res était liAlie .sur los nihk-s du vieux Tainjur [Tuujir des Humains). l,e port de Tniij.'er
i-.l petit, peu
profond, et n'a «pie huit pied.-, tl'i-uu iliins tout-.; les munies i mais In rade t;.l belle, spiieieus;;, et tnuto
une
llolle peut y inoiiilh.-r slir une grande tenue de douze à quinze. br.t^.eS. fcllu Cl hu^ciiieul oiiveile N'.-M.
an
mais on peut s'y abriter dos Veiils d'O, et d'K.. eu mouillant sur un des cdtis. C'est lu port le pins éloigne;
iî"= trois villes impériales d» là*/, Marée et Mcqniinv.
MVttK IlllTlKMi:, (iïb
« J.*?maréchal avait été invité à cotto fête do famille Au premier vorro do punch, il lui fut porté m»
toast qui lui fournit l'heureuse occasion do parler de la bataille qui so préparait, Il lo fit aveo tant du
chaleur, quo lo plus grand enthousiasme se manifesta dans cotto foule d'ofllciors jeunes ot ardents. Ils sa
précipitèrentdans les bras los uns des autres, on jurant de fairo tout pour mériter l'estime do leurs ohofs et
do leurs camarades; ils sa promirent de so socourir mutuellement do régiment ù régiment, d'escadron «
escadron, do camarade ft camarade, Dos larmes, provoquées por le sentimont lo plus vif do la gloire ot do
l'honneur, ruisselaient sur leurs longuos moustaches, Jamais on no vit une scèno plus dramatique otplus
touchante. — Ah s'éorla lo général, si un. seul instant j'avais pu douter do la victoire, co qui se passo
1

en ce moment ferait disparaîtra toutes mes incertitudes i avec des hommes comme vous, on peut tout
.entreprendre,
« Il indiqua alors la marche progressive do la bataille, sas ôplsodos probables, ses résultats, ,Sos auditeurs
so rappelleront toujours quo les choses so sont passées oiactomonl comme II les avait décrites, C'est en
sortant de cetto scène qu'il écrivit la dépêche si remarquable, dans laquelle il annonçait D'AVANCE t'a victoire.
« On craignait que los Marocains no voulussent pas accepter lo combat ; dans lo but do lo leur rendra
inévitable,nous feignîmes, le 18 nu soir, do faire un grand fourrago qui noua porta à quatre lieues eu avant
de notro camp. Commo nous avions souvent fourragé dans la mémo direction, et presque \\ la mémo
distance, il était h présumer quo l'ennemi ne prendrait pas cela pour un mouvement offensif, et qu'ayant
ainsi gagné qnatro lieues, nous n'en'aurions plus quo quatre « fairo pondant la nuit, do telle sorte qu'au
point du jour nous pouvions nous trouver ou présonco du cump marocain que nous croyions plus près qu'il
ne l'était réollemont, A l'entrée do la nuit, las fourragonrs so roployôront sur los colonnes pour simuler la
retraite sur notro camp, ot dès que nous nous fûmes dérobés à la vue des éclaireurs marocains,tes colonnes
s'arrêtèrent; il leur fut ordonné doso reposer durant quatre heures, sans rien déranger à l'ordre de niarchoj
elles furent entourées do vedettes,
.
« A minuit nous nous remîmes on mouvement} au potit jour, nous arrivions ù l'Isly ; nous n'y trouvâmes
point d'onnomis. Le passago, nsse?, difficile, nous prit plus do tomps quo nous ne pensions- il était cinq
heures du matin quand nous nous remîmes on marche. Comme nous avions été signalés par loséolairours,
los Marocains avaient tout le temps nécessaire pour lever leur camp et éviter la bataille i mois, pleins do
confiance daim leur nombre, et fiers du souvenir do la destruction do l'nrméo do Dom Sébastien de Por-
tugal, ils s'étaient décidés à l'accqptcr, ot nous rencontrâmes leur arméoau second passage de l'Isly. Leur
camp s'aporcovait à deux lieues de là; il blanchissait toutes I03 collines. A cet aspect, nos soldats firent
éclater des cris do joie, Le bâton qu'ils portent pour s'aider dans la mnrcho et tendra leurs petites tontes,
fut jeté on l'air nyoo un ensemble qui prouvait que tous à la fols avaient été frappés du même sentiment
do satisfaction.
« Le maréchal fit fairo uno halte do quotquos minutes pour donner ses dernières instructions à tous les
chefs do corps réunis autour de lui, Comme il savait qu'il n'y avait quo trois gués, il ordonna de passor la
riviôro en ordre de marche, et de i:*> prendre l'ordre de combat quo sur l'autre rivo, après en avoir chassé
loi, nombroux cavaliors qui l'entouraient. Cetto manoeuvro hardie eût été impossible devant des troupes
européennes, car on sait lo danger qu'il y a à se former sous lo feu de son ennemi ; mais entre deux incon.
vfnients, il fallait éviter lo plus grand. SI l'on avait pris l'ordre do combat avant do passer la rivière, il
aurait fallu presque autant de gués quo de bataillons, pour ne pas so brouiller ; or, il n'y eu ftvait que trois ;
partout ailleurs c'étaient des berges escarpées. Lo possage s'opéra avec oudace; l'ordre de bataillefut pris
sons lo feu lo plus vif et sous des attaques réitérées t. Bientôt l'onnomi déploya toutes ses forces en un
vaste croissant, qui en se fermant nous enveloppa complètement. Le bataillon do tête fut dirigé sur le camp,
les troupos marchaient au grand pas accéléré, Je général ayant défendu do battre la charge, disant quo
de tels ennemis ne méritaient pas cet honneur.
.
« Nous marchûmos pondant uno heuro au milieu de cotte nuée do cavaliers, on repoussant leurs attaques
mitraille; its portèrent leurs principaux efforts sur nos derrières, peut-être dons l'espé-
par la fusilladeet la
rance de rallentir notre morcho sur lo camp. On ne fit que doux petites haltes pour raccorder les bataillons
qui avalent été dans la nécessité do s'arrêter, afin de repousser les attaques. Enfin, lo général, voyant l'en-
nemi dégoûté du combat ot éparpillé sur tous les points de l'horizon, fit sortir la cavalerie qui se forma en
quatre échelons disposés à l'avancei lo premier se dirigea sur le camp, los autres étaient échelonnés , le
dernier devoit s'appuyer à la rivière. Cetto cavalerie ne pouvult plus rencontrer sur sa routo de foices capa-
bles do l'arrêter, et d'ailleurs, l'infanterie, continuant et accélérant sa marche, lui présentait un appui, et

» C'était nu grand, los&tigo fait aveo dos colonnoa h domt-dlslanoo par bataillon, prêtes U formor Jo carré. Derrière to
bataillon de direction ip trouvaient deux bataillons on réserve, et no faisant pas partie du systilmo, o'cst-fi-dlropouvant
Otro détachés eolon le» circonstance».
L'artillerie était distribuée sur lo» qnatro faco», vts-a-Yis de» Intervalle» des bataillon» qui étaient do cent vingt pas,
L'ambulance,les bagngo», lo troupeau étalent an contre, ainsi quo la cavalerie formée on deux colonnes sur chaque côté
du. convoi. On devait roaroliet h l'ennemi par un dos angle», formé par un bataillon qui serait celui do direction.
Oolto disposition en losange est plus avantagouse qu'un carré; chaque bataillon est Indépendant do son voisin qn'it
protégo ot dont il reçoit protection par lo'croisement des feux, Kn CM d'éclieo d'un bataillon l'autre no saurait être com-
promis, Il u 6n force eu lui-même, Enfin, la cavalerie peut sortir cl rentrer par Ion intervalles, saint rien déranger au
Hystcme.
hW lAU'HIQtlIv l'IlANÇAISK.
nu besoin uii asile assure..'Tout c-ida'd-a'ànt elle : l-j cu.my, le*, canons, h.',* ba^ag.'s,"l;,ii botes du somme,
tout tomba en son pouvoir, :

« L'ennemi était parvenu à rallier de l'autre côté du camp y à 10,000 chevaux, qui se disposaient à
.Toprendre l'offensive sur notre cavalerie rompue par l'enlèvement'do co vaste camp i mats l'infanterie,"
laissant les tentes sur la droite, vint faire un bouclier à nos cavaliers, Après un petit temps d'arrêt pour
ïidlier et laisser respirer les hommes, on reprit l'offensive, et notre cavalerie a'étant réunie, nous franchîmes
Une troisième fois l'I.«ly, ot nous poussAmes cette vaste cohue sur la route de Xre?. II était alors midi,
aucun autre cours d'eau n'était connu que celui d'Aïoun-Sidl-Meltouk, qui est a doù'tu lieues de la* on ne
pouvait espérer de prendre la cavalerie, et l'on avait entre les mains tout ce qui était saisissablo.
,'« Le marénlia', toujours attentif a ménager les forces des soldats, fit cesser la poursuite, et nous ramena
nu camp marocain, où de nombreuses provisions nous dédommogèrent do nos fatigues. Ainsi finit celte
bataille qui a consacré la conquête de l'Algérie.
.-« Ce qui rend ce récit vraiment remarquable,c'est qu'il point, outre la halaiUe d'I-dy, le général qui l'a
pnfîuée, Nulle part lo moréohal Bugeaud no parait mieux tel qu'il'est s nulle part son caractère et son
génie militaire no sont mieux exprimés. A côté du récit d'un grand événement, on voit le portrait d'un
homme, et d'un homme qui a sa physionomie cl sa destinée à part dans l'histoire de notre siècle,
* Nous croyons savoir que le maréchal Bugeaud songe ;V écrire l'histoire ;dii ta guerre d'Afrique depuis
quatre ans. Ce récit,-emprunté en grande partie aux conversations do Yithistrc maréchal, peut donner une
jdée de l'intérêt qu'aura un pareil ouvrage, Cet intérêt tiendra surtout à l'homme. Va ne sera plis seulement
nue collection de bulletins de l'armée d'Afrique; co sera, si nous pouvons pnrlor ainsi, une collection de
leçons sur le genre do guerre qu'il faut fairo en Afrique, leçons vérifiées par le succès. HenriIV disait que
les Mémoires du maréchal de Monttuc étaiont lo bréviairedu soldat ; h'S mémoires du maréchal Bugeaud
seront le bréviaire de l'of/wief el du général,
« Lo grand enseignement surtout qui sortira, selon nous, dos fnémoires du màrêohat,et qui ressort clai-
rement du récit de lo bataille d'Isly, c'est l'importance de la forco morale dans la guerre, La force morale,
aux yeux du maréchal Bugeaud, l'omporto singulièrement sur la force matérielle, jHxjaiqnvtiCKdu maréchal
Bugeaud, sans y penser et sans s'efforcer, atteint naturellement .\v
sunr.iMi-, lorsqu'il montre d'un mot aux
soldats la supériorité d'une armée disciplinée sur une multitude confuse ot désordonnée,
eu comparant
l'armée disciplinée au vaisseau qui fend les (lots de la mer, emblème A la fois simple et admirable do la
force intelligente aux prises avec la force brutale,
« Et ce n'est pas seulement nu milieu do ses officiers que M, lo maréchal Bugeaud professe hardiment
co spiritualisme do Ja guerre, co n'est pas seulement à cette armée qui l'aime 6i qui l'admire, qu'il prédit la
victoire et en démontre l'Infaillible certitude, Il écrit eu Europe avec la même
assurance, ot personne n'a
oublié ce rapport rédigé la veille de la bataille et qui finissait ainsi J'ai environ 8,500 hommes
s «
d'infanterie, 1,400 chevaux réguliers, 100 irréguliors ot 10 houohos à feu. (''est
avec cette petite forco
numérique quo nous allons attaquer cette mnltiludo qui, 'selon tous les dires, compte 30,000 chevaux,.
10,000 hommes d'infanterie ot 11 bouches à feu; mais mon armée est pleine de confiance et d'ardeur; elle
compte sur la victoire tout commo son général. Si nous l'obtenons, co sera lin nouvel exemple que la vic-
toire n'est pas toujours du côtédes gros bataillons^ ot l'on no sera plus autorisé à dire que la guerre n'est
qu'un jeu, du hasard.
« (Je n'est pas là seulement (poursuit l'illustra écrivain) le langage d'un général sur de la victoire,
c'est aussi le langage 'd'un chefd'école ardent à proclamer ses principes, empressé à convertir,ef qui&cutfaire
de sa victoire imuseulement un trophée pour son pays, mais un argument pour doctrine i,
sa »

Le lendemain du jour où le maréchal Hugeaud chassait devant lui les con-


tingents marocains, S. A. R, Mgr le prince do Joinvillo écrasait Magador. L'os-

' Nous avions gardé le souvenir de ce remarquable travail, inséré dans la IIRVIÎK DES DKDX MONDES. La
haute renonméa dont jouit, à si juste t|tre, lo recueil politique et littéraire quo nous venons do citer,
nous engagenit dernièrement à y rechercher des pages qui nous semblaientécrites par un témoin oculairo,
et qui n'aval,>nt dû être accueillies que do bonne source. Eu feuilletant la table des matières (xv* onnéo,
tomo ix, 6* livraison, publiée lo 15 mars 1815), nous y avons lu, p. 11*10, l'intitulé de l'article ainsi rédigé:
Guerres d'Afrique. —Campagne de I8ii. —Bataille d'Isly, p&r M. U maréchal BoaKAVB.
Commo nous avions jusqu'alors ignoré que M, lo maréchal fut un des collaborateurs de la Bévue des
dhtx Mondes, nous pouvions croire à quelque méprise. Mais l'article ci-dessus Se trouvant enclavé entre
deux autres, l'un y La traite à Cubact le Droit de visite, par M. Xavier DOHRIED; l'autre intitulé: Académie
française, réception de M, Sainte-Beuve,par M, Charles'LAIÙTTB, nous avons dû conclure que M, lo marér
chai Bugoottd était aussi incontestablement l'autour du travail placé sous son nom dans la tablo des ma-
tières, quoique, par une rare modestie, il no l'eût d'abord-signé quo do trois étoiles dans la livraison du
1" mars,
Nous avions entendu accuser de quelque exagération les merveilles do stratégie déployées par les bul-
letins, à propos do la batuiljii d'Isly ; mais on présence d'un fait accepté, il ne nous appartient pas de discuter
uviii' IMJ m KM.:.-. -w
cadre française était arrivée, le 11, devant ses remparts, fondant quatre jours,
In violence dos Vents et la Curie de la nier dans ces parages suspendirent les
opérations. Cependant, le. lîî, vers l'après-midi, les vagues ayant diminué, le
princo fit avancer lo Triton et le Jemmapcs en Taco dos batteries de l'ouest, et
se porta lui-mémo, avoc le Suffren, dans la passe du nord, pour canonnor d'é-
cliarpo les batteries do la Marine, et do front lo fort rond situé sur un îlot h
l'entrée de lapasse, tandis qu'avec ses pièces do retraite il répondrait à une
batterie do l'ilo dont les coups d'enfilado devaient génor sa manoeuvre A doux
heures, le bombardement fut ouvert; l'ennemi riposta si vivomont que lejem-
mapes essuya des pertes sensibles. Mais los batteries de la Marino, prompte-
mont démantelées par le Suffren, ayant éteint leur feu, il no restait plus que
colles de l'ouest, armées do 40 pièces abritées par un époulement en pierre
sèche, do plus de deux mètres d'épaisseur, Les frégates la lielle-Poule, les bricks
te Cassard, te Volage et l'Argus reçurent ordre do forcor dans le port; la pre-
mière pour combattre les batteries de l'ouest, et les autres celles de nie; do
grosses carabines, placées dans los hunes, fusillaient à 600 mètres tes artilleurs
marocains.
Quand lo passage fut assuré, les bateaux à vapour le Gassendi, le Platon et
le Phare avecuOO hommes do débarquement, conduits parle lieutenant-colonel
Chauchard et le capitaine do corvette Duquesno, onlrèront dans le port et se
postèrent dans les créneaux do la ligne dos bricks; les chaloupes mirent a. la
mer a cinq heures et demie, sous un feu très-vif, gagnèrent lo rivage, et gra-
vissant à la course un talus escarpé, nos soldats enlevèrent la première bat-
terie, où le princo do Joinvillo vint les diriger lui-même, Doux détachemonls
firent aussitôt le tour de l'Ile pour débusquer-l'ennemi des maisons; 300 Ma-
rocains s'étaient barricadés dans une mosquée dont les portes furent brisées à
coups do canon ; on se battit corps a corps sous dos voûtes obscures; et après
un grand carnage, 150 prisonniers restèrent en notre pouvoir.
Le lendemain, l'oeuvre do cette foudroyante' victoire fut achevée ; l'ennemi
avait disparu, laissant le terrain jonché do cadavres; la division française était
maîtresse du port et de l'Ilot ; les canons furent encloués ou jetés ù la mer,
les embrasures détruites par la mine, ot les magasins noyés. Le princo laissa
une garnison dans l'ilo et so rembarqua ; la ville restée sans défense fut, après
son départ, saccagée pendant quatre jours par les Kebaïlos que l'espoir du pil-
lage avait attirés des montagnes voisines'.

la valeur des critiques, et nous sommes heureux de leur opposer un document qui signifie à la France
l'admiration que s'accordo le triomphateur.
Nous nu hasarderons à cet égard que deux réflexions. Le lieutenant général Bugeaud, faisant du
journalisme en 1838, écrivait le 11 février dans lo Courrier Français, « quo les combinaisons stratégiques
d'Europe n'ont aucun sens en Afrique. » En admettant cette opinion du héros do la Sikkak, l'utilité des ,
manoeuvres savantes exécutées à l'affaire d'Isly no serait plus incontestable. D'un autre côté, quand on n'a
on face do soi que des adversoires méprisables, combien vaut la victoire, et à quoi bon la récompense'/ Le
maréchal disait à ses soldais, en parlant des Marocains, quo de tels ennemis ne méritaient pas l'honneur
que les tambours battissent la charge. Vu telles paroles, suivies de publication, atténuent singulièrement
l'éclat do celte journée. Par quelle inconséquence lo maréchal KO lulssn-t-il créer duc d'Isly? Et si
cetto faveur était justifiée , pourquoi le maréchal Vnlôo ne fut-il lias nommé, en 1837, duc de Constantiue?
.Sans prétondre amoindrir les travaux do notre bravo orméo, nous croyons pouvoir dire que l'assaut do
Constantino fut plus glorieux pour nos drapeaux quo la prise d'une tente et d'un parasol.
1 Mogador (voyez
MVIIK Ve, p. '.'89) est bail sur une presqu'île très-base quo les vagues battent do tous
438 l/AFIUQUF, l-'HANCAJSF,
Les glorieux combots do la marine française frappèrent do (erreur lo chérilf
du Maroc, et soulovèrent les haines de l'Angleterre. Un oratour do la chambre
dos communes demanda môme uno enquête sur les droits do la Franco à oc-
cuper l'Algério, et sur lo préjudico que cetto occupation causait aux intérêts bri-
tanniques, ot lord Palmorston intervint auprès du cabinet français pour stéri-
liser nos victoires. Kn so retirant de Mogador, lo princo de joinvillo avait adrossé
auchérilTun dernier ultimatum, dont l'uno dos conditions était lo rembour-
sement dos frais do la guerro. Abd-ol-Ilahman allait traiter sous la voléo do
nos canons, lorsquo la diplomatie s'empara tout à coup du champ do bataille.
Doux plénipotentiaires, MM, do Gluksborg et do Nyon arriveront sur los ruines
do Tanger, portours d'instructions secrètes approuvées par l'Angleterre, et le
10 soptembro, fut signée par eux une convention préliminairo dont los termes
n'offraiont ni avantages pour lo présont, ni garantie pour l'avenir, Lo chérifl'
marocain n'eut à nous payor aucune indomnité ; l'îlot do Mogador fut évacué,
la flotte rontra à Toulon, ot les troupes do terre ropriront lo chemin do leurs
cantonnements. Un article do la convention stipulait que dos négociations ulté-
rieures seraiont ouvertes pour fixor la délimitation do l'Algério ot du Maroc.
M. lo général comte do La ttuo,chargé do suivre los détails de cette affairo, la
termina lo 18 mars 1818, à Lolla-Maghrnia, par la signaturo d'un, traité définitif,
dont l'article 7, rolatif à Abd-el-Kader ot qui dovait fermer a notro insaisissable
ennemi tout refuge dans les états marocains, a, depuis, été sans cesse éludé
par le gouvernement du cheriff.
La politique modérée suivio par le cabinet français après la double victoire
de Tanger et de Mogador souleva les récriminations d'une partio de l'opinion
publique ot do touto la presso opposante. On accusait lo ministro les affaires
étrangères d'avoir, on particulier, timidement sacrifié à l'Angleterreles lauriers
de nos soldats, les intérêts do notre commerce, et la dignité de notro pavillon,
Pour los esprits, trop nombreux en Franco, qui no jugent le3 faits que d'après
leur physionomio extérieure, il y avait rnatièro use tromper do honne foi sur la
véritabJo portéo des actes du pouvoir; mais pour les hommes sérieux dont lo
regard plus pénétrant saisissait lo véritable aspect de notre situation, il parais-
sait difficile à prouver que lo ministèro eût pu mieux fairo qu'il n'avait fait en
cetto circonstance. L'issue de nos négociations avec lo Maroc n'a offert aucuno

côtés, Los sables mouvants qui l'entouront, accumulés en cônes irrégullors, forment une série d'ondulations
offrant l'aspect d'une mer houlouso qui st serait subitement immobilisée. La ville so nomme Souhoïrah.
Le port formé par l'Ilot de Mogador, ou Mogodour, est exposé aux tempêtes du S.-O. Le long de la côte
orientale do l'Ilot peuvent mouiller les navires, à l'abri des vents d'ouest ot du nord. Les rues do la villo,
tracées par des ingénieurs européens, sont presque toutes tirées au cordeau, mais si étroites que deux
chevaux pourraient à peine y passer de front. Quant aux maisons elles no diffèrent en rien do toutes les
constructions arabes.
Les fortifications ne pourraient soutenir un siège du côté do la terre; mais elles étaient redoutables sur
les fronts qui regardent l'Océan au N.-O. et au S.-E. Sur tous ces points s'étendait un rempart en lignes
brisées, flanqué de tours ot de batteries casomatées, qui se reliait à la Kasbah. Les plus remarquables dé-
fenses étaieut au débarcadère, placé à la pointo de la presqu'île, et séparé do la ville par uno petite plage
intérieure. 11 était défendu par une enceinte en maçonnerie très-épaisse, flanquée d'uno seconde en rotour,
et armée d'une nombreuse artillerie.-—A 1,500 mètres au S.-O. du débarcadôro, s'élèvo un îlot d'un quart
do lieue do long, et d'une largeur de 600 mètres, qui forme lo port. Le pourtour do cet îlot est très-escarpé ;
dominent la ville et le débarcadère à une distance de 800 toises, il était défendu par quatre batteries ma-
çonnées, par des rochers ot des bancs de sablo qui no laissent d'abord que par une plage étroite donnant
sur la rade.s 900 pièces de canon couvraient le développement de co système do défense,
LIVRR HIHTÏÎCMK. ft3«

garantie aux intérêts français ; l'abandon do Tangor ot de Mogador fut évidem-


ment sollicité par la politique anglaise; mais avions-nous, d'une part, les
moyens do porter la guerro au cWir dos états marocains? et d'un autre côté,
lorsquo tant d'embarras .do toute nature pèsent encore sur nos possessions d'A-
friquo; lorsqu'uno dépense de cent millions par au ot la présenco do cent
mille soldais no peuvent oncore suffire à rien fonder do stable sur lo sol où six
mille Turcs avaiont régné pendant trois siècles, eut-il été sage do nous onguger,
on outro, dans uno voie do mésintelligence inutile avec un royaumo européen,
trop rapproché do nous pour quo son allianco no soit pas a ménager contre lo
cas d'uno secousse continentale qu'il est permis do prévoir?
Sans s'arrêtor a l'oxamon do cotto question politique, lo gouvornour général
do l'Algério no vit dans la conduite du ministèro qu'une attointo portéo a ses
prétentions autocratiques. Jaloux d'abord des succès qu'on avait obtenus sans
le consulter, et choqué plus tard do n'avoir pas été choisi pour négociateur,
il laissa porcor l'oxpression do sa mauvaise humour, On l'entendit parlor do
venir en France; il y vint, on olfot, pour l'ouverture do la sossion dos Cham-
bres; mais lo ministèro, n'ayant pas do temps à perdre- avec l'orateur d'tëxci-
douil, avait pris à l'avanco un adroit moyen do lui former la boucho; il n'on
coûta qu'un parchemin ot'l'invention du duché d'Isly, C'était prondro M. Bu-
geaud par son faible : il fut pris. Les fonctionnaires dos départomonts qu'il
devait travorsor pour venir à Paris lui préparèrent dos ovations ; ot la Franco
put jouir du singulier spectacle do ce duc in jmrtibus voyageant, avec une gra-
vité comique, à travers los arcs do triompho, les dîners et los discours do pré-
fecture ; tandis qu'un jeune princo, déjà célèbre dans l'histoire, et qui avait on
quelques houres jeté les remparts do deux villes aux pieds do la marlno fran-
çaise, s'était modestemont dérobé aux véritablos acclumations populaires qui
l'attendaiont sur toute sa route. M, Bugeaud prit au sérieux la petite comédie
qu'on fit jouer à sa grande vanité, et no dédaigna pas de so comparer, on petit
comité, à Bonaparto revenant d'Égypto.
A son retour dans sa capitale, lo duc d'Isly daigna, lo 31 mors 1845, se fairo
présenter une épée d'honneur dans la grande sallo do son palais, par MM. La-
croutz, Descous, Malle ot Montagne. c< — Messieurs, voulut bien s'écrier l'illustro
guerrier, jo suis profondément reconnaissant du présent magnifiquo quo vous
me faites; jo no faillirai pas à la doviso quo vous y avez gravéo : DÉSORMAIS LA
CHARRUE M'OCCUPERA PLUS .QUEL'KlrÉE, »
Pour justifier avec sa logique ordinaire les paroles qu'il vonait de prononcer,
il so mit, dès lolondemain, à préparer uno nouvolle grande expédition contre
les Kebaïies des montagnes do Bougie. Los troupes étaient sous les armes et les
chefs de colonne désignés, lorsqu'uno levéo do boucliers eut lieu à Ténès. Au lieu
d'envoyer à ses lieutenants les instructions nécessaires, M, Bugeaud reprit la
campagne pour son propre compte, et recommença cotto guerre do partisans
aussi féroce qu'infructueuse, qui nous a rendus pour los indigènes l'objet d'uno
haine que des siècles n'éteindront pas. Après des coursos en tout sons et dos
razzias multipliées, trois chefs do détachement, les colonels Pélissier, Ladmi-
rault ot Leroy dit Saint-Arnaud, travaillaient dcuis lo Dahara. Quelques tribus
so soumettaient pour éviter l'extormination; .d'autres luttaient couragousomont,
/I/IO 1,'AJ'HIQIJK Flt..\,\(;AISl'.
et parmi ces dernières les Oulotl-Hlah devaient s'ensevelir dans uno pagt.» san-
glanto de l'histoire do France.
Le Dali ara forme une vaste plainte entre Ténès, Orléansvillo et la rive droite
du Chélifi'. Cette pleine est parsemée de mamelons qui se- détachent et ({n'en-
tourent des champs d'une riche culture. Deux de ces mamelons, sont unis natu-
rellement'par un massif de rochers d'environ cent mètres de largeur, nommé
Ll-Kantara [le Pont), et qui franchit un profond ravin. Dans ce massif s'ou-
vrent des grottes considérables, où les Arabes et les Kebaïlos se réfugiaient au
temps des Turcs pour se soustraire au pillage; les Oulod-lUah s'y étaient retirés
avec leurs familles, et leurs troupeaux! à. l'approche d'une colonne guidée par
le colonel d'état-major Pélissier, Lue scène de cannibales, que l'honneur fran-
çais a flétrie, et. dont il n'était permis qu'à M. Bugeaud de fairel'éloge, termina
celte expédition.
<c
Le 17 juin-18io, écrivait naguère au journalYUeralda un officier-.espa-
gnol au service de France, nous marchions dans le Dahara, sur la rive'-gaucho
de l'un des ruisseaux qui vont se jeter à la mer sous lo nom d'Ouod-Djérah et
do Bel-Am-Blah, lorsqu'un petit nombre de Kebaïlos s'avancèrent en Itrailleurs,
et ne cessèrent pas leur feu, même lorsqu'un de nos bataillons se dirigea de
leur côté pour couper les figuiers et autres arbres fruitiers, et pour briller quel-
ques-maisons."Jo partis avec ce bataillon, et m'avançai avec plusieurs officiers,
quinze cavaliers du goum auxiliairo et autant de fantassins, pour reconnaître
des grottes où l'on savait qu'une grande portion do la tribu des Oiilèd-lUah
avait l'intention do's'enfermer et de se défendre. Arrivés à un quart de lieue
de ces grottes, nous vîmes cinquante à soixante Kebaïlos qui se mirent à courir,
sans doute pour se cacher dans l'intérieur do ces cavernes. Quelques-uns
d'entre eux se détachèrent vers nous, et firent feu d'une distance énorme; ce
qui fut cause néanmoins que nos Arabes auxiliaires nous abandonnèrent peu
a peu, Au moyen de nos guides, on fit appeler l'un des Kebaïlos, et on lui dit
que s'ils ne se soumettaient pas 'ils seraient brilles par les Français, qui avaient
cinquante-skc mules chargées de matière:' combustibles, L'Arabe répondit, sans se
troubler, (jue ses compatriotes étaient résolus à se défendre.
« Le 18, la colonne du colonel Pélissier partit de bonne heure, forte do deux
bataillons et demi, avec une pièce d'artillerie de montagne et un détachement
de cavalerie, pour venir assiéger la fameuse grotte ou caverne que nous avions
reconnue la veille, située sur les bords de l'Oued-Fréchih et nommée Dhar-ol-
Frécliih. Après avoir porté des chasseurs devant les ouvertures placées du côté
le plus accessible du Kantara, les troupes commencèrent à couper du bois età
ramasser de la paille pour allumer le feu du côté de l'ouest, et obliger ainsi les
Arabes à so rendre, attendu que tout autre genre d'allaquo eût été très-sanglant
et peut-elfe infructueux. À dix heures du matin, ou commença à jeter des fagots
du haut du contrefort K!-Kantara; mais lo feu ne se déclara qu'à midi, à cause
de l'obstacle qu'opposait à la flamme un grand amas d'eau que l'on suppo-
sait exister à l'entrée des grottes,mais plus vraisemblablement à cause de la
mauvaise direction ({lie l'on avait donnée aux matières combustibles,
«Pendant la soirée, nos tirailleurs s'avancèrent davantage et serrèrent do
près les ouvertures de la grotte; néanmoins un des Arabes parvint à se sauver
L1VBF IIUITIKMK. Ml
du côté do l'est, et sept autres gagnèrent les bords du ruisseau, où ils firent
provision d'eau dans des outres, Vers une heure, on commença à jeter à l'ou-
verture do l'oriont, des fagots qui, cetto fois, prirent fou devant los doux ouver-
tures do l'autro côté, et par une circonstance singulière, le vont chassait aussi
les llammos et la fuméo dans l'intérieur, sans qu'il en partît presque riou au
dehors, de sorte quo les soldats purent poussor les fagots dans les ouvertures de
la caverne, comme dans un four.
« On no saurait décrire alors la violence du feu. La flamme s'élevait au haut
du Kanlara (à plus do soixante mètres), et d'épaisses colonnes do fumée tour-
billonnaient devant l'entrée de la caverne. On continua à attiser le feu toute la
nuit, et on no cessa jusqu'au point du jour. Mais alors, le problème était résolu,
on n'entendait plus aucun bruit. A minuit souloment, quelques détonations
avaiont rotonti dans l'intérieur do la grotte, co qui avait fait penser qu'on s'y
battait, *

« A quatre heures ot demie du matin, jo m'acheminai vers la grotte, avec


deux officiers du génio, un officier d'artillerie ot un détachement do cinquante
à soixante hommes do cos deux corps. A l'entrée se trouvaient des animaux morts
déjà en putréfaction, et enveloppés de couvertures do laine qui brûlaient en-
core, On arrivait à la porto par une traînée do cendre et de poussière d'un pied
do haut, et do là nous pénétrâmes dans une grando cavité do tronle pas envi-
ron, Bien ne pourrait donner uno idée do l'horriblo spectacle quo présentait la
cavorne. Tous los cadavres étaient nus, dans dos positions qui indiquaient los
convulsions qu'ils avaient dû éprouver avant d'expirer. Lo sang leur sortait par
la bouche ; mais ce qui causait lo plus d'horreur, c'était do voir des enfants à la
mamelle gisant au miliou dos débris do moutons, dos sacs do fèves, etc. On
voyait aussi dos vases de terre, qui avaient contenu de l'eau, des caisses, dos pa-
piers, et un grand nombre d'effets. Malgré tous les efforts des officiers, on no
put empocher los soldats de s'emparer de tous ces objets, do chercher les bijoux,
et d'emporter los bomous tout sanglants. J'ai acheté un collier pris sur un des
cadavres, ot je lo garderai, ainsi quo deux yathagans quo le colonel nous a en-
voyés comme un souvenir de ces effroyables scènes.
« Personne n'a pu savoir co qui s'était passé dans la grotte, et si les Arabes,
étouffés par la fumée, so sont résignés à la mort avec ce stoïcisme dont ils so
font gloire, ou bien si ce sont leurs chefs et leurs marabouts qui se sont opposés
à leur sortie. Quoi qu'il en soit, ce dramo est affreux, ot jamais à Sagonto ou à
Numance plus de courago barbare n'a été déployé.
« Lo nombre des cadavres s'élevait do huit cents à mille. Lo colonel no voulut
pas croire à notre rapport, et il envoya d'autres soldats pour compter les morts.
On en sortit de la grotte environ six conts, sans compter tous ceux qui étaient
entassés les uns sur les autres, commo une sorte de bouillie humaine, et los
enfants à la mamelle presque tous cachés dans les vêtements de leurs mères.
Lo colonel témoignait toute l'horreur qu'il éprouvait d'un si affreux résultat; u,
REDOUTAIT PRINCIPALEMENT LES ATTAQUES DES JOURNAUX, qui ne manqueraient pas sans
doute de critiquer un acte si déplorable,
'ft/j?, 1/AFlUyiiL ntA.XÇAïSK.
le Daharà. Ce prestige était immense ; jamais los Turcs n'avaient osé attaquer les
grottes..-— Le :2îi, au soir, nous avons porté notre camp à une demi-lieue plus
loin, chassés par l'infection, et nous avons abandonné la place aux corbeaux.
et. aux vautours qui volaient depuis plusieurs jours autour de lo grotte, ot que
de notre nouveau campement nous vîmes emporter des débris humains '. »
Lorsqu'on apprit en Franco qu'il avait pu se rencontrer dans l'armée d'Afri-
que un homme, capable de faire brûler vivants, avec leurs femmes et leurs en-
fants, des ennemis qui refusaient de se rendre, toute la Franco fut indignée,
toutes les voix demandèrent quo cet homme fût livré h la justice du pays. Le
gouverneur généra! de l'Algérie prit seul la défense du colonel Pélissier —non
par un sentiment de générosité envers cet officier qui n'était coupable que d'a-
voir obéi à des ordres stupides — mais pour insulter-lui-même à l'opinion pu-
blique et à l'honneur du commandement, Voici ce que M. Bugeaud, rédacteur
en chef des journaux algériens, fit insérer dans VAlchbar :
« Dans la presse, à la tribune et dans le monde, on a souvent reproché à
< Voirn .''autre*; rîél-iils que met sous nos yens: une lettro particulière,adressée a sa famille par un soldat
de la colonne Pélissier,
« Deux heures après noires 'départ'du camp, nous arrivâmes (lovant las grottes. Ou fit descendre uno com-
pagnie do grenadiers,par le chemin eroux qui y conduit; mais, à peine eurent-ils fait quelques pas, qu'une
déchnrgo les obligea do rétrograder. Lit position était inabordable; on ne pouvait entrer qu'homme à homme,
«H notre corps aurait été entièrement détruit, d l'on eût fait cetto tentative, fiers do leurs retranchements
devant lesquels les Turcs ont toujours échoué, n'ayant jamais été soumis à la domination française, les
Arabes refusèrent do se rendre.
« Alors le colonel Pélissier donna ordre de couper du bois, de faire des fagots, qu'avec beaucoup do peine
on parvint à faire descendre vis-à-vis de l'outrée des trois grottes, Ces fagots, mêlés de paille, étaient retirés
par les Arabes, A mesure qu'ils arrivaient, malgré les coups de fusil de nos tirailleurs embusqués. Enfin
plusieurs de ces malheureux ayant été tués, et l'entrée des grottes étant encombrée de fascines, on lit tomber
dés gerbes enflnmmées pour allumer cet immense bûcher.
< La journée du 18 fut employée a alimenter cotte fournaise,
•r Alors, on entendit dans l'intérieur un tuniultn formé de cris, de gémissements et de coups de fusil. On
sut plus tard quo le* Arabes délibéraient sur lu parti â prendre, ot que les uns demandaient à se soumettre,
tandis quo les autres s'y refusalont. On ignorait encore que les plus violents l'avaient emporté; on suspendit
Jo feu de3 fascines, ot l'on recommença les pourparlers.
« Le ïi), à neuf heures du matin, un Arabe sortit à travers los flammes ; il venait offrir sa soumission. On
l'envoya prévenir ses malheureux compatriotes qu'ils devaientsuivre le mémoexemple. Les Arabes ofi'riront
'rlu payer 75,000 francs, si l'armée se tulirnit. Cette condition ayant élé refusée, ils rentrèrent dans les grottes;
Jour fusillade recommença sur nous et, sur ceux d'entre eux qui tentaient de s'échapper. De notre côté,
l'ordre fut donné par le colonel Pélissier de. continuer les corvées de bois, Trois heures furent laissées aux
reclus pour réfléchir encore,
e Enfin, lo 19, à midi, lo feu se ralluma et fut alimenté toute la nuit ! ! I Quelle plume saurait rendre ce
tableau ? Voir, au milieu da la nuit, à la faveur do Ja lune, un corps do troupes françaises occupé a entre-
tenir un feu infernal ! Entendre les sourds gémissements des hommes, des femmes, dos enfants et des ani-
maux; lo craquement des rochers culcinés s'écroulant, et les continuelles détonations des armes! Dans
cetto nuit, il y eut unn terrible lutte d'hommes el-d'animaux !
«.Lu niatin, quand on chercha â déjjayof l'ontréo des cavernes, un Imioux spectacle frappa les yeux des
assaillant!!.
.'• « J'ai visité los trois grottes ; voici es quo j'y ai vu.
..- «
A l'entrée gisaient des boeufs, des Anes, des moutons-, leur instinct los avait conduits à l'ouverture des
ftrottos, pour respirer l'air qui manquait Al'intèrleur,Parmi ces animaux ot entassés sous eux, so trouvaient
de» femmes ot de» enfants, J'ai vu un homme mort, le genou â terre, la main crispée sur la corne d'un
boeuf. Devant lui était uno femme tenant son enfant dans ses bras. Çot homme, il était facile de le recon-
naître, avait été asphyxié, ainsi quo la femme, l'enfant et la boeuf, au moment où il cherchait à préserver,
sa famille do |a rage de cot animal, v
<;
Lus grottes sont immenses! on u compté h;er sept cent soixante cadavres; uno soixautulne d'individus
seulement sont sortis, duc trois quarts morts; quarante ont pu survivre; dix sont à l'ambulance dange-
reusement malados ; les dix derniers qui peuvent se traîner encore ont été mis en liberté pour retourner
"tans leurs tribus; — ils n'ont plus qu'A pleurer sur des ruines ! •
hiviti-; iiumiuiiv ' m
l'armée d'Afrique les razzias, l'incendie des moissons et des villages, et la des-
truction dos arbres. Ihi événement cruel, mais inévitable, celui dos grotlos des
Ouled-Biah, dans le Dahara, paraît avoir réveillé la sensibilité 'publique.- Il ost
donc opportun d'examiner la valeur de ces reproches et de justifier enfin l'armée
d'Afrique des accusations pou réfléchies-qui ont été si souvent dirigées contre
ses actes, Nous ospérons démontrer qu'au lieu du blâme, c'est l'i'xooi-: q'u'it'fau-
drait lui donner; car si, dans certains cas, ello fait violence aux sentiments
d'humanité qui l'animont à un aussi haut degré quo toute autre partiodela
nation, c'est par dévouement patriotique.
« Nous commencerons par examiner, à son véritablo point de vue, lo terrible
siège des grottos dos Oulod-Bbia, Pour quo lo public puisse apprécier cot évé-
nement fnnosto, il faut qu'il sache combien il était important, pour la politique
et pour l'humanité, do détruire la confiance que les populations du Dahara et de
beaucoup d'autres lieux avaient dans les grottes.
« Toutes les tribus qui en possèdent s'y croyaient inexpugnables, et, dans
cetto opinion, elles se sont do tout temps montrées fort récalcitrantes. Sous les
Turcs elles refusaient l'impôt fort souvont, ci quandia cavalerie du gouverne-
ment se présentait, la tribu tout entioro so retirait dans les cavernes, oit l'on ne
savait pas la forcer. Abd-el-Kader lui-même l'a éprouve à l'égard des Sbéha,
qui se sont mis deux fois en révolte contre lui. Il a pu les réduiro au moyen de
sa grande influence morale, qui lui a permis de les faire bloquer et séquestrer:
par les autres tribus environnantes: un pareil moyen serait inefficace entre nos
mains ; on ne sort pas k$ chrétiens comme on servait Abd-el-Kader.
« Le gouverneur général, après avoir soumis ot on très-grande partie désarmé
rOuarenscnis, se rendit à Orléansvillo afin d'aviser aux moyens d'obtenir les
mômes résultats dans tout lo Dahara, déjà fortement ébranlé par M. lo général
Bourjoly et le colonel Saint-Arnaud. Trois colonnes furent formées et eonfiéos
aux colonels Ladmirault, Saint-Arnaud et Pélissier. Le colonel Ladmirault de-
vait agir isolément dans l'est de Tenez, les deux autres dovaient opérer do con-
cert dans lobas Dahara. M* de Saint-Arnaud partait do Tenez, et devait parcourir
la chaîne montagnouso qui règne tout lo long do la mer. M, lo colonel Pélissier
devait descendre loChéliff jusqu'à Ouarizen, do là remonter chez los.Boni-'
Zentes et puis prendre par l'ouest la chaîno do montagnes que M. de Saint-Ar-
naud envahisssait par l'est,
« Le colonel Pélissier, après une razzia chez les Beni-Zontos, somma les Ou
lecl-Bhia de se soumettre ; une partie do la tribu y consentait en montrant beau-
coup de tergiversations ; l'autre partie rofusa d'une manière absolue; force fut
de l'attaquer, Les guerriers battus se retirèrent dans leurs grottos célèbres, où
d'avanco ils avaient envoyé leurs femmes, leurs enfants, loiirs troupeaux ot
leur mobilier. Le colonel Pélissier en fit l'investissement ; cetto opération lui
coûta quelques hommes, Arabes et Français. Quand l'investissement fut complet,
il tenta de parlementer au moyen des Arabes qui étaient dans son. camp; on fit
feu sur les parlementaires, et l'un d'eux fut tue. Cependant, à force de persé-
vérance, on parvint à ouvrir des pourparlers : ils durèrent toute la journée sans
aboutira rien. Los Ouled-Biah répondaient toujours : «Que lo camp français
» se relire, nous sortirons et nous nous soumettrons, »
MU L'AKIUQUK FRANÇAISE.
.

« Co fut eu vain qu'on leur fit, à plusieurs reprises, la promesse de respecter


tes personnes et les propriétés, de n'en considérer aucun comme prisonnier do
guerre, et de se borner au désarmement. De temps à autre, on les prévenait que
le combustible était ramassé, et qu'on allait les CHAUFFEK si on n'en finissait pas.
De délai on délai, la nuit arriva.
« Fallait-il que le colonel Pélissier so retirât devant cette obstination, et aban-
donnât la partie? Mais les soldats et les chefs l'en auraient vivement blâmé. Les
conséquences politiques do ces déterminations eussent été funestes, car la con-
fiance dans les grottes aurait beaucoup grandi. Aurait-il dû attaquer de vive
forco? Cela était à peu près impossible, et dans tous los cas, il fallait perdro
beaucoup de monde dans cetto giiorro souterraino qui n'eût pas été beaucoup
plus satisfaisante pour l'humanité. Se résigner ù un simple blocus qui pouvait
durer quinze jours, c'était perdre un temps précieux pour la soumission du
Dahara, et refuser son concours à M. lo colonel Saint-Arnaud. Après avoir pesé
ces divers partis, il se décida h employer LE MOYIÎN qui lui avait été IIECOMMANDI'.
t'Aii IJÎ (H)UYKiiNi:ua OÉNIÏUAL pour les cas d'extrême urgence d. «
Il résultait de ce manifeste que lo colonel Pélissier n'avait été qu'une machine
incendiaire, dirigée par M. Bugeaud; et comme co colonel n'avait été jusque-là
qu'un officier fort ignoré *, l'opinion publique l'abandonna pour s'attacher do
l A côté de l'odieuse apologie de l'acte du colonel Pélissier que vient do publier le gouverneur général de
l'Algérie, en déclarant que le colonel s'était conformé ù ses ordres, nous croyons devoir placer le récit d'un
épisode do la guerre de 1510, emprunté par l'ObservateurdQlhttXQWcs hVtiistoircdes républiques italiennes,
pir Simonde de Sismondl Î
< Uno partie des
Vicentlns et des habitants des campagnes voisines avaient choisi un autre refuge, Dans
les monts nu pied desquels Vicouce est bAtio, se trouve un souterrain nommé la grotte do Masano ou du
Longara. Il a été creusé de main d'homme, pour en tlror les pierres aveo lesquelles Vlcehco etPadoue sont
construites. On assure qu'il s'étend à une grande profondeur, formaut un labyrinthedont les compartiments
sont séparés par d'étroits passages, et coupés souvent par des eaux,
« Co souterrain, n'ayant qu'une étroite ouverture, est facile A défendre, et, dansla précédente campagne,
il avait servi de refuge aux habitants du voisinage. Six mille malheureux s'y étalent retirés avec tons leurs
biens ; les femmes et les enfants étalent au fond de la grotte, lus hommes eu gardaient l'entrée». Un capi-
taine d'aventuriers français, nommé l'Hérisson, découvrit cette retraite, et lit avec sa troupo de vains
efforts pour y pénétrer; mais, rebuté par son obscurité ut BCS détours, il résolut plutôt d'étouffer tous ceux
qu'elle contenait, 11 remplit du fagots la partie qu'il avait occupée et y hllt le feu. Quelques gentilshommes
Vicentlns qui su trouvaient parmi les réfugiés supplièrentutors les français do faire UUe eieepttôii en leur
faveur, et de leur laisser racheter pat une rançon eux, leurs femmes et leurs enfants, et tout ce qui était
de sang noble. Mais les paysans, leurs compagnons d'Infortune, s'écrièrent que tous devaient périr ou su
sauver ensemble. Cependant la caverne cutiete était en flammes, et son ouverture ressemblait à In bouche
d'une fournaise. Les aventuriers attendirent que lo feu eut achevé ses terribles ravages, avant de visiter
le souterrain et d'en tirer le butin qu'ils achetaient par une si horrible cruauté. Tous avalent péri étouil'és,
A la réserve d'un seul jeune homme, qui s'était trouvé A portéo d'une crevasse, par laquelle 11 lui arrivait

un peu d'air Aucun des corps n'était endommagé par le feu ; mais leur attitude suftlsuil pour Indiquer les
angoisses par lesquelles ils avalent pasiô avant do mourir. Plusieurs femme» étaient accouchées au milieu
do ces tourments, et leurs -enfants étalent morts aveu elles.
n Lorsque les aventuriers apportèrent au camp leur butin, et racontèrent comment ils l'avalent gagné,
ils excitèrent une Indignation universelle, Le chevalier Bayard se rendit hiUmômo A h caverne, avec le
prévôt do l'armée, ot lit pCNimu en sa présence, et au milieu do celte scène d'horreur, deux dos misé-
rable» qui avalent allumé le fou. -Mats cotto {lUiiltluit mémo no put olfucer, pour les Italiens, le souvenir du
tant de cruauté. *
Que l'on prononça maintenant entre le chevalier sam peur et WIIIS tu proche ut lo héros de la rue Traus-
nonain, culul-ct justifiant et louant eu quo cotui-lA punissait d'un supplice infamant ! Et cependant, de lôlo
A 1815, quel uitouciss'jmoiit n'est plis survenu dans les moeurs, et combien Jusqu'A ce jour s'en étalent res-
senties mémo les terribles nécessités de la guerre ! ( Entrait du l'atrhte des Alpes, X* unnéfl, u* Hv!0, publié
le SU juillet 1815.)
L'a simple rapprochement nous dispense de tout commentaire.
5 Le colonel Péllsskr dont il est Ici question n'u rie» de commun, pas mémo l'orliiograpln) du iiuui.aveo
LIVHK HUITIKMK. /i65

nouveau, plus étroitement, à la poursuite du maréchal. Les journaux les plus


sérieux, les plus haut placés dans l'estimo générale, ouvriront leurs colonnes
aux plus étranges révélations, et il fut avéré quo M. Bugeaud laissait soumettre
à d'infâmes supplices los malheureux soldats do la légion étrangère, des ba-
taillons d'infanterie légère d'Afrique ot dos compagnies de discipline Dès les
premiers jours d'août 18*8,; la somme des récriminations accumulées contrôles
.

M, K. PKLLISSIER, officier supérieur d'état-major, ancien chef du bureau arabe A Alger, ot auteur dos Ariitateit
algériennes, Le colonel Pélissier du Dnhnra est devenu maréchal de camp, M. B.'PULLISSIBU, hommo dé
guerre instruit,et savant d'élite, occupa actuellement le poste de consul do France A Souza, dans la régence
do l'unis. Membre do lu commission scientifique d'Algérie, ses précieux travaux sur l'histoire, l'ethnographie
et les institutions des races arabes font regretter quo lo gouvernementno lui ait pas créé, on Algériemémo,
une haute position, dans laquelle sou expérience dos affaires d'Afrique, ses véritables capacités administra-
tives et ses éminehtos qualités personnelles eussent rendu les plus importants services A l'avenir politique
des nos établissements.
1 Un suit qu'indépendamment delà répression régulière A laquelle est soumis le soldat par la loi pénale,

11 y a, il doit y avoir une répression disciplinaire abandotinéoA l'appréciation des supérieurs, ot qui est pro-

portionnée A la naturo des Infractions, A leurs conséquences, aux circonstances particulières dans lesquelles
filins so produisent. On sait quelle est, eu générul, sur lo continent, la naturo do ces peines disciplinaires,
.Voici celles quo l'on no craindrait pas d'appliquer en Algérie i nous ne parlons quo des plus graves, et nous
leur conserverons les noms que, dans sa naïveté brutale, leur donne lo langage disciplinaire. Co sont i
te sito;—• la barre : — la crapaudlne ; ~*le clou au rouge et au bleu.
Voici en quoi consiste chacune do ces polnes, ou plutôt do ces tortures s
Le silo,—On appelle silo une fosse profonde dans laquelle on descend los hommes coupables d'Infractions
A In discipline militaire. Le silo est le premier degré de l'échelle de cette pénalité exceptionnelle il vient
s
après la suite de police et la prison. Dans l'espace étroit qui formo te fond do cetto fosse, les condamnés
peuvont ruromeut s'asseoir ou se coucher, car presque toujours leur nombre est considérable. En été, on y
èloiilfe, col- rien n'y garantit contre les ardeurs d'un soleil brûlantÎ on hiver, on y a do l'eau, ou plutôt do
la bouo, jusqu'aux genoux on tout tomps, les Insectes, les immondices qui y-sout accumulés, en font un
,•

cloaque infect. Quelquefois des condamnés sont descendus dans cette fosse tout nus, à poil (c'est l'expres-
sion consacrée). Ceux qui ont conservé leurs vêtements sont bientôt obligés de les quitter, autant pour se
soumettre A l'uniforme général, que parce que les vêtements deviennent intolérables dans cetto atmosphère
brûlante, Ceux qui, par ivresse ou par résistance, ne peuvent ou lia veulent pas descendre, sont poussés du
haut do l'échelle, et tombent en roulant sur la tête do leurs compagnons. — Lo régime du silo est lu pltln et
l'en ù, —I,a seule occupation, lit sdulo distraction des condamnés au silo, est d'échanger entre eux la récit de
lents méfaits, et de so livrer A toutes les aberrations do leur naturo corrompue. Qu'un jutilie soldat entre
au silo avec un soiitlmeut do dignité humaine, avec un reste do moralité, il est A jamais perdu.
La barre,— On soumet A la barre tes hommes sur lesquels la peine du si7o est Inefllcuco, ou ceux qui
sont assez dépravés, assez endurcis pour se la fairo infliger, alla d'cviler uno corvée ou d'y retrouver
leurs compagnons de débauche. La-barre est uno traverse en feroU en bois, plantée horizontalement sur
des piquets A 80 centiinèlros du sot, ot à laquollo on altncho les condamnés par 1ns pieds. Volet quelle
est l'attitude do l'hotnmo condamné A la barre: Un dos pieds ou les doux pieds sont tenus A la barre au
moyen d'anneaux rivés, dans une position plus élevée que la tête. L'homme, couché sur le dos ou sur lo
ventre, est exposé, comme dans lo silo, lo jour aux ardeurs'du sololl, lu nuit nu froid ou A l'humidité,
Ceux qui ne subissent pas docilement nu semblable supplice sont l'objet d'un rafliiiomont particulier s
tantôt on croise les deux pieds sur lit barre, tantôt on lie les deux bains déniera tu dos, et les pieds
restant attachés A la barre, tus patients no peuvent plus se retourner ni changer do position ; tantôt enfin,
l'un dus pieds étant détaché de la barre, on ploie ta jambe sur la cuisse pour attacher lu pied avec lus
deux mains s ot lo condamné qui veut lutter contre los soulfriitices d'une telle position no peut fuira
aucun mouvement sans su déchirer les chairs. Si ce cluUlment tio BUIfit pas» si le condamné n'est pas
dompte^ comm on dit, il eu est un autre plus afïroux encore : c'est tu crapaudinn.
La crupaudiue, •— Lo mot Indique assez quel est co genro do supplice lo bras gaucho ut la jambe droite
*.

sont liés derrière lu dos, ut s'entrecroisent avec lo bras droit et la Jambe, gaucho, Ainsi paré eu quelque,
sorte, l'homme soumis nu supplice du la irapatutlne est couché tantôt i.ur lo ventru, tantôt sur lu dos, S'il
se début, s'il lutto pour changer do position, on le dompté bientôt e'.l combinant nvue la crapaudlne un
châtiment iuvuntô depuis peu dans quelques provinces do l'Algérie : c'est uolul qu'on appelle clou.
Le vlott, — Le supplice du ctmt 'consiste à suspendra A un clou ou n une barre, par lu corde (pli réunit
derrière le dos lus pieds et les malus, l'homme déjà sounili A la en'/""""»" i .«t. qui no la supporte pas
doeilimiuut, Ainsi suspendu, lo condamné rosplro A poiiu», et bioiilôl lu sang injecte et empourpre ses
yeux i c'est le c/eu ait rougey et alors on le dosveltd A terre. NI culte première opération ne suffit pas pour
m L'AFRIQUE FRANÇAISE.
abus d'autorité commis par le gouverneur d'Alger, débordait la publicité. La
presse coalisée demandait sa mise on jugement ou sa destitution. M. Bugeaud
ne pouvant tenir tête à l'orage, ni s'opposer à l'ontrée en Algérie de tous les
journaux qui, chaque jour* vouaient livrer assaut àson pouvoir, au milieu môme
do son armée, dut quitter provisoirement son gouvernement dont l'exercice al-
lait devenir impossible. Il s'embarqua le 4* septembre, et do retour en France,
se rendit à Soultbcrg, auprès du ministro do la guerre, dont il ne put rien ap-
prendre au sujet do l'avenir qui lui était réservé.
Une décision royale du 24 août, rendue sur la proposition de M. le maréchal
duc de Dalmatiej président du conseil, conférait par intérim à M. lp lieutenant
général de la Moricièro, les attributions de gouvorneur général, ot tous les
gens do coeur avaient salué ce premier gage do salut offert aux intérêts de
l'Afrique française. Doué d'un esprit organisateur, M. do la Moricièro se serait
sans doute proposé do substituer une paix intelligente et forte, aux désastres
d'une guerre dont les opérations décousues fatiguaient l'armée sans résultats,
et dont les excès, trop fréquemment renouvelés* éloignaient à porto do vue la
possibilité d'une calme domination sur le sol conquis, et les ospérances d'un
rapprochement civilisateur entre les races française et arabe. Malheureuse-
ment, l'épouvantable histoire do la destruction des Ouled-Biah uvait parcouru
toute l'Algérie avec une rapidité menaçante. L'horreur profonde excitée parmi
les populations indigènes par les récits dos infortunés que l'asphyxie semblait
avoir épargnés pour porter témoignage contre nous, provoqua dans la pro-
vince d'Oran une insurrection générale qui pouvait s'étendre» de proche on
proche, depuis la frontière marocaine jusqu'à celle do Tunis, et depuis les tribus
riveraines de la Méditerranée jusqu'aux hordes belliqueuses du Sahara. Le
maréchal Bugeaud avait quitté Alger le 4 septembre; quatre jours après son
départ, la révolte éclate aux environs do Cherchell; huit jours après dans le
Dahara; quinze jours après chez les Flittas ; et dix-huit jours après, les victimes
des grottes sont vengées par le plus cruel événement qui ait signalé jusqu'ici
nos guerres africaines,
triompher du condamné, ou lo suspend une soeondo fois, et la congestion no tarde pas A bleuir son visage;
«'est le clou au bkil; puis ou lo descend A terto ; c'est là lo dernier degré de la pénalité disciplinaire,
Nous avons suivi l'éohellu ascendante de cetto monstrueuse pénalité j volet l'éehclle descendante, Quand
lé patient so trouve dompté après avoir subi le o/ou-j on le luisso quelque temps encore A la crapaudine.
S'il est docile et 'demanda grâce, on lui détache utia jambe, puis doux; puis il reste A la barre .iltsché
seulement pat un pied, et là il doit attendre que lu temps fixé pour stt punition soit expiré. Co genre
d'épreuves a ses fanatiques, Il y a tels hommes qui rougiraient de supporter patiemment la 'barre avant
d'avoir passé par tous les degrés do la pénalité disciplinaire, «t qui, après avoir subi toutes ces épreuves,
en tirent vanité, Aussi n'est-ll pas étonnant qhu do Buinhlablos châtiments panUssént indispensables à ceux
qui Veulent maintenir la discipline dans touto son énergie,
Les oflleiers des bataillons d'Afrique, des compagnies de discipline et de lu légion étrangère pensent
tousquo s'ils n'étalent pas urinés d'une pénalité éxceptloniiolle, ils cesseraient d'êlro obéis et suralent
assassinés par leurs soldais. Nous comprenons-parfaitement' les.Nécessités de cotto discipline, ûti milieu
des éléments si hétérogènes cl. si dangereux qui composentCertains régiments, et dans un pays ou, l'étù't do
guêtre est continuel. Nous linvoiia que la discipline normale sentit insuffisante duns dé KomblubUia condi-
tions ; qu'il faut !A, commo dans la marine, une répression spéciale, etqu'uiio main do for doit contenir
les liens de la subordination. Mais, s'il est Vrul que los'chosoî en Soient an point quo nous venons dé
signaler, n'esl-il pas évident quo la" discipline su maintiendrait'au mépris des droits de l'humanité, aux
délions delà dignité ot des munirs dol'r.uméiS'r' Des tortures pareilles A celles qu'on lui Inflige démoralisent
le soldat, ot développent otlcoro en lut les déplorables'habitudes que lut liouiin lu genre de guerro .A demi
sauvage qu'il faut fuite dans ce pays.
LIVRE HUITIÈME. M7-
Un compétiteur d'Abd-ol-Kadoiy nommé Bou-Maza, était à la tête dos Flittas
insurgés. Le général do Bourjolly marcha contre cette tribu; un engagement eut
lieu le 23 septembre ; lo lieutenant-colonel Berthier du 4° chasseurs d'Afrique
fut tué, et le commandantClère du 9° bataillon des chasseurs d'Orléans griève-
ment blessé; nous eûmes trente morts et cent hommes hors do combat. Le
général Bourjolly dut battre on retraite et appeler à son secours los subdivisions
do Maskara et d'Orléansvillo. A la première nouvelle de cet échec, le gouver-
neur général par intérim fit partir deux bataillons du 6e léger sur les bateaux
à vapeur le Cerbère et te Grondeur, qui remorquaientchacun un navire do com-
merce chargé do vivres, à la destination do Mostaghanom. Mais un autre drame
se passait lo môme jour aux environs du posto de Djemrria-Ghazaouat, situé sur
lo bord de la mer, non loin des frontières du Maroc.
Abd-el-Kader s'était montré avec uno nombreuse cavalerie devant la tribu
des Souahëlia. Ceux-ci, feignant do redouter la'présenco de l'émir, mais, en réa-
lité, travaillés par l'esprit de révolte qui soufflait de toute part, députèrent un
kaïd au lieutenant-colonel de Montagnac, du 18° léger, qui commandait la pe-
tite garnison de Djemma-Ghazouat. L'envoyé arabe,demandait protection contre
Abd-el-Kador, qui, disait-il, voulait traverser le territoire des Souahëlia. pour
gagner celui des Traras, oh tout le mondo prenait les armes en sa faveur depuis
la côte do Djemma-Ghazouat jusqu'à l'embouchure de laTafna. M. de Monta-
gnac no put obtenir aucun renseignement précis spr les forces do l'émir ; mais
c'était un homme de coeur et d'audace, dont toutes les pensées n'avaient d'autre
but que l'honneur do prendre Abd-el-Kader mort ou vif. Assuré do l'énergie ot
du dévouement do ses troupes, il sortit de Djomma-GIta/.aouat,le 22 septembre
a dix heures du soir, avec 380 hommes du 8B bataillon des chasseurs d'Or-
léans sous les ordres du commandant Froment-Costo, et (10 cavaliers du 2° hus-
sards conduits par lo chef d'escadron Courby de Cogtïord. Il arriva au point du
jour sur l'Oued-Saouli, et s'établit dans une bonne position dont la trahison
devait bientôt l'arracher pour l'entraîner à sa porte. Le 22, à deux heures du
matin, do nouveaux renseignements l'engagèrent à s'avancer dans la direc-
tion do l'est, jusqu'au ruisseau do Sidi-Brahim, oh il laissa sns bagages sous lu
gardo du commandant Coste. Espérant .surprendre Abd-cl-lU.der, qui, d'après
les dires do son guide, n'avait avec lui qu'une faible escorte, il se porta on
avant, suivi de trois compagnies do chasseurs d'Orléans et des soixante hus-
sards, A peine avait-il fait trois quarts do lieue,que des cavaliers arabes en assez
grand nombre parurent sur un plateau. Les deux premiers pelotons des hus-
sards entamèrent la charge; mais presque aussitôt ils furent écrasés sur leur
gaucho par une masse do cavalerie, dirigée par Abd-el-Kader en personne, et
sortie à l'improvisto d'uno embuscade couverte par les plis d'un défilé. Au pre-
mier choc, le commandant de Coguord fut démonté et blessé; lo capitaine
Genlll-Saint-Alphonso eut la tôle fracassée d'un coup tle pistolet tiré à bout
portant. Le colonel Monlagtiac s'élance avec deux pelotons de réserve, auxquels
se rallient vingt hommes échappés au carnage»; mais un ennemi dix fois su-
périeur en nombreTeiftoure, le presse; il tombe atteint (l'un coup mortel.
Btlppelant à lui, pour sauver ses braves, le reste de ses forces, il ordonne de
former le carré, et dépêche le maréchal des logis Barbie pour aller appeler lo
(M L'AFRIQUE FRANÇAISE.
commandant Cost.e avec sa réservé. Pendant trois heures de combat, les hé-
roïques chasseurs d'Orléans cl les débris des hussards soutiennent comme un
mur les assauts de la cavalerie arabe ; mais le carré tombait homme à homme,
et les cartouches s'épuisaient. Le courageux Montagnae, se sentant mourir,
trouve encore assez do voix pour dire à ses malheureux soldats : « Enfants,
laissez-moi, mon compte est réglé tilchez de gagner le marabout de SktUlÎj'a-
5

him et do vous y défendre jusqu'au bout. » Ce fut sa dernière parole.


Le commandant Coste accourait avec une .compagnie," mais los.."-premières"
décharges le renversèrent, et tout son inonde périt autour de son cadavre.
Il lie restait plus que quatre-vingt-trois chasseurs d'Orléans sous les ordres du
capitaine de Géraux. Cette petite troupe parvint à gagner le marabout de Sidi-
Brahim, avec lo convoi qu'elle protégeait encore. La porte du marabout étant
très-basse, on escatada les murailles.Une partie des bôtos de somme put entrer
dans la cour, qui présentait Un carré contenant vingt hommes sur chaque face,
Il était onze heures du matin.
Le caporal Lavaissière, sur l'ordre de son capitaine, monta sur le marabout
et y arbora, au milieu d'une grêledo '.baltes, nh drapeau formé de la ceinture
rouge du .lieutenant Chiippedelailie, ot d'un mouchoir bleu qui appartenait au
caporal lui-même* Ce drapeau était Un signal que l'on pensait pouvoir être ap-
perçu par la petite colonno aux ordres du colonel de Barrai, laquelle n'était pas
'

a plus de trois lieues de là. Descendu du poste périlleux qu'il venait d'occuper,
le caporal Lavaissière dut y remonter quelques instants après, pour, à l'aide
d'une lunelte, regarder dans toute lu campagne à l'en tour;on ne voyait que
des cavaliers arabes, qui accouraient en foule et cernèrent étroitement le ma-
rabout. Un des nôtres, fait prisonnier, fut envoyé par Abd-el-Kader pour som-
mer le capitaine de Géraux de se rendre. Un refus énergique fut la seule réponse
qu'obtînt ce premier message. Un second ne produisit pas plusd'ell'et. Abd-el-
Kader lit alors écrire une lettre par l'adjudant thomas, qui était au nombre
des prisonniers. Cette lettre, uppovtéo par un Arabe qu'on laissa approcher
après l'avoir fait descondre de cheval, portait qu'il y avait quatre-vingt-deux
prisonniers, au nombre desquels se trouvaient M. le lieutenant Larrazet et
quatre clairons, Abd-el-Kader taisait dire dans cette lettre que, si les Français
ne se rendaient pas immédiatement, il les aurait plus tard, et qu'il ferait, en
cas de résistance, couper la tête à tout le monde. La réponse de M.de Géraux
fut aussi notle, aussi précise que celles qui avaient précédé. Une seconde lettre,
écrite en arabe, fut envoyée ensuite, mais avec aussi peu de succès.
Alors le fou commença sur les quatre faces, Les Arabes iie se bornaient'pas
a tirer, ils. lançaient des pierres. Cetle attaque acharnée, et faite presque à bout
tJbrtaritytturd çiiii|.ituar-tFt tlMitîiire/Vpiirt. ^io^lx^h«ui'qH^ÂlK^ol-Ktt^.l^'i^fltccs»oi;'lo
feu el donna l'ordre à ses troupes d'aller camper à dix minutes du marabout.
Jusque-là il n'y avait eu 'qu'un seul blessé parmi les nôtres, lo sergent Styard ;
les portes do l'ennemi avaient dû être considérables. L'atlatpte ne tarda pas à
recommencer de la part des Kebaïies, tant à coups de fusil qu'à coups de pierres.
La nuit survint; on lira peu. Le lendemain 2i, Abd-el-Kader revint lui-même
à la charge avec ses cavaliers et son infanterie; mais cette dernière seule fut
chargée do l'attaque,
L1VHE HUITIEME. <Vi9

Dans l'obscurité, de la nuit, les assiégés avaient fait des sortes de demi-cré-
neaux aux murs d'enceinte du marabout, et coupé en quatre et même on six les
halles qui leur restaient. On continua do se baltrejusqu'au lendemain, à doux
heures après-midi. Alors Abd-el-Kader fit sonner, par un des clairons prison-
niers, lo signal du départ, et s'éloigna avec tout le gros doses troupes, ne lais-
sant autour du murabout quo trois colonnes d'observation, fortes chacuno do
180 hommes environ, • .
A la fin du troisième jour, la faim et la soif se firent sentir parmi les nôtres.
Comme los sacs avaient été abandonnés lors do la marche stirie marabout, il y
avait très-peu do vivres, et pour toute boisson, on était réduit à mélanger de
l'urine avec un pou d'eau-de-vie et d'absinthe. D'abord, il avait été résolu qu'on
profiterait de la nuit pour évacuer ce poste désormais indéfendable, et oh il n'y
avait plus que la mort à attendro ; mais les Arabes ayant rapproché leurs sen-
tinelles et fait une garde très-activo, on dut renoncer à ce projet. A Sept heures
du malin, tout ayant été disposé pour lo départ, la petite troupe franchit le
rempart, ayant ses officiers on tête, et portant sept blessés qu'elle ne voulut pas
abandonner. Ce mouvement fut exécuté d'une manière si prompte, et tellement
inopiné, que trois sentinelles seulement eurent le temps de tirer, et que le pre-
mier poste fut enlevé à la baïonnette. Après ce premier succès, la colonne, for-
mée en carré de tirailleurs, so mit en marche. Les Arabes, très-fatigués eux-
mêmes, se montrèrent d'abord peu acharnés à la poursuite, et vers huit heures
du matin, on so trouva vis-à-vis le village des Ouled-Zéri, n'ayant eu que quatre
nouveaux blessés. Mais au moment ou le capitaine de Géraux venait de former
sa petite troupe en carré pour prendre un moment de repos, les gens des Ouled-
Zéri, ceux des Sidi-Thamar, et les Arabes des villagesenvironnants, qui avaient
été prévenus, accoururent eu grand nombre, armés de fusils, et descendirent
dans le ravin, afin do lui couper la retraite. D'un autre côté, 2,000 Kebaïies en-
viron pressaient les nôtres par derrière. Il n'y avait pas à balancer, le plus sûr,
l'unique moyen, pour mieux dire, c'était de fondre par la ligne la plus courte
suivies Arabes qui barraient le passage du ravin. Le capitaine de Géraux y fit
en conséquence descendre son monde, qu'il reforma on carré quand on eut at-
teint le milieu du ravin. Là, bon nonihrode nos braves succombèrent; les
Arabes pouvaient à loisir et de tous côtés tirer sur eux: Us venaient d'épuiser
leurs dernières cartouches. Lorsqu'on fut parvenu tout à fait au bas du ravin, il
ne restait plus que 40 hommes; je lieutenant Cbappedeiaine avait été tué; an
milietidu petit carré qu'Us forniaientétaieut encore debout le capitaine, lechirur-
gien ot l'interprète. Les Arabes étaient en si grand .nombre,qu'il n'y avait plus,
pour échapper à une véritable boucherie, qu'à prendre conseil du désespoir et
à Vendre chèrement sa vie. Après s'être mutuellement encouragés et dit un der-
nier adieu, les Français fondirent sur les assaillants à la baïonnette
./iJBO.
;
L'AFRIQUE FRANÇAISE.
sinage beaucoup plus rapproché, elle tenta une nouvelle sortie. Au moment oh
elle parvinià atteindre le petit phileaii'.'sur lequel'so passait l'action quo nous
venons de rapporter en dernier lieu, il.no restait plus que 14 hommes, dont
deux sont tombés morts en arrivant. Parmi les survivants so trouve le caporal
Lavaissière, au récit duquel nous avons emprunté la plupart des détails qui pré-
cèdent.
Peu do jours après co désastre, le général Cavaignac voulant augmenter la
force du poste d'Aïii-Toniouchin, situé sur la roule d'Oran, à moitié chemin
entre rOticd-Senau et l'Oued-Malait, y envoya 200 hommes, pris parmi ceux
que leur faible santé ne permettait pas d'utiliser dans les colonnes expédition-
naires ; co détachement fut attaqué par des forces supérieures, et contraint do
mettre bas les armes.
,
Abd-el-Kader, toujours habile à profiter des circonstances, fit publier parmi
les tribus que, pour éprouver le courage et la foi do ceux qui suivaient sa ban-
nière, il- avait voulu qu'à Sidi-Brahim les soldats français se défendissent
comme des héros. Plus lard, il annonça qu'il avait fasciné do son regard les
200 hommes capturés à Aïn-Tompticliin, et paralysé leurs bras, pour récom-
penser la fidélité et, lo dévouement do ses'guerriers. C'est ainsi qu'il sait exploiter
au profit de sa cause la passion des Arabes pour lo merveilleux, et quo ses dé-
faites comme nos revers servent sa politique.
Cependant, le général de la Moricièro s'était transporté, sans perdre un mo-
ment," sur le théâtre des événements, et dès le 8 octobre, il était parvenu par des
manoeuvres excellentes à concentrer le foyer de l'insurrection dans le patê do
montagnes qui occupe le triangle.compris'-entre Lella-Maghrnia, Djeinma-Gha-
zonat et l'embouchure do la Tafna. Les rassemblements ennemis s'étaient
réunis au col d'Aïu-Kebira, qu'il fallait franchir pour pénétrer dans les mon-
tagnes. Le 13 au malin, M. de la Moricièro se dirigea sur co point avec 4,800
baïonnettes, 700 chevaux et 10 pièces do montagne. La position qu'il avait re-
connue la veille était attaquable, à droite, par un sentier eu corniche assez cou-
vert, et à/gauche parties pentes accessibles quoique très-escarpées, et expo-
sées dans lôulc leur longueur à une fusillade plongeante. L'attaque do ce côté
paraissait d'autant plus chanceuse que, dans la partie moyenne du col, s'élevait
un mamelon très-saillant,.hérissé de tirailleurs, et «pu aurait do plus en plus
séparé les deux colonnes d'atluquo dans leur mouvement do'progression. Pour
ne rien 'laisser.au hasard, le gouverneur général par intérim forma trois co-
lonnes ; l'une, sous les ordres du général Cavaignac, ot formée du 41e de ligno
avec une section de montagne, fut lancée sur la petite gauche. Le colonel Ca-
chot, avec un bataillon du 3e léger, dut aborder le mamelon du centre. M. do la
Moricièro en personne s'avança par le sentier eu corniche.
Les trois têtes de colonnes partirent au même signal et furent accueillies par
un fou', des'pi us vifs. Celle de gauche; surtout avait à gravir des pentes abruptes
et découvertes sous la fusillade plongeante .d'une ligne épaisse de tirailleurs, et
éprouva des pertes .sensibles.;Mais tel fut l'élan du 41", (pie la position.fut tin-'
lovée salis la moindre hésitation, Les autres colonnes n'étaient pas moins heu-
reuses, et le col d'Atn-Kebira rosl/i en notre pouvoir sans (pie la cavalerie
d'Abd-el-Kader, qui nous observait à distance, osât nous charger. Elle demeura
LIVRE HUITIEME. â51
spectatrice inimobilodu combat que l'émir avait ordonné aux tribus d'engager,
et après l'occupation du col, elle évacua les crêtes de gauche et se replia dans
la valléo do l'Oued-Tleta.
Continuant leur mouvement offensif, les trois colonnes françaises manoeuvrè-
rent aussitôt pour refouler vers la mer toutes les populations, et leur fermer les
chemins do l'Ouest..Après avoir franchi lo défilé par lequel on débouche à Soulc-
Oulcd-Ali„ balayô^les combattants épars sur les crêtes rocheuses qui environ-
nent cette espèce d'entonnoir, traversé à la baïonnette lo défilé de Bab-Mes-
mar, qui sépare le pays des Boni-Ouersous de celui des Beni-Smiel, le général
do la Moricière fit masser ses colonnes et attaquer l'ennemi sur tous los
points où il se trouvait en force. Les montagnards ne tardèrent pas à recon-
naître que la retraite leur était coupée, et qu'ils allaient être jetés à la mer.
Convaincus do l'inutilité d'une plus longue résistance, les chefs dès Trams,
des Gliozels, et'des Boni-Ameur demandèrent à parlementer. Toutes les peu-
plades resserrées entre nos bataillons et ila-rner au fond d'inextricables ravins,
pouvaient êlro passées au fil de la baïonnette, et los soldats demandaient à
grands cris qu'il leur fût permis de venger leurs frères de Sidi-Brahim. Mais le
général do la Moricière no voulut pas souiller sa victoire par un égorgement, et
se contenta de désarmer l'ennemi qu'il venait d'abattre.
Pendant quo le gouverneur par intérim rétablissait ainsi l'honneur do nos
armes, lo ministèro dirigeait sur l'Afrique 12,000 hommes de renfort, infan-
terie et cavalerie, pour lutter, contre une révolte qui semblait avoir remis en
question tous les résultats de nos guerres, et qu'on s'attendait en France à voir
grandir sur une immense échelle. Des ordres pressants appelèrent en mémo
temps à Paris le maréchal Bugeaud, pour -s'expliquer sur la situation actuelle
dos affaires d'Afrique et pour recovoir les instructions du cabinet. Mais au lieu
d'obéir, lo duc d'Isly so proclama lo seul homme capable de sauver la colonie.
M. do la Moricière lui avait adressé uno lettre confidentielle sur la gravité des
événements ; il la fit colporter dans tout Paris, comme un aveu de Pinipuissanco
du gouverneur intérimaire; et couronnant ce trait pou délicat par une scène de
charlatanisme périgotirdin, il écrivit, le G octobre, do ses terres d'Excideuil à
M. do Mardi lac, préfet de la. Dordogne, l'épitre suivante qui fut onsuito livrée à
tous les journaux i—
>

« Mon cher préfet, M, lo chef d'escadron Ilivot m'apporte d'Algor les nouvelles les plus fâcheuses ;
l'orméo ot la population réclament à-grands cris mon retour.
te
J'avais trop à me plaindre de l'abandon du gouvernement vis-à-vis de mes ennemis do la prosso et
d'ailleurs pour quo je no fusse pns parfaitement décidé h no rentrer en Algérie qu'avec la commission que
j'ai demandée, et après la promosso do satisfaire A quelques-unes de m os idées fondiimenlales. Mais les
événements sont trop graves pour que jo marchande mon retour au lieu du danger. Jo me décide donc A
partir après-demain, Jo vous prie du m'onvoyor demain quatro chevaux du posto, qui mo conduiront A
Périgneuic après-demain malin.
ù Jo vous donnerai une domUlieuro pour vou,s raconter In gros dos nouvelles. Un mot. cependant sur ceci t
Abd-el Kndor est entré dans l'ouest do la province d'Oran, La garnison do l)jommn-0ha-/.outtt u été
piosque entièrement détruite. Nous avons perdu là un lioutoimiit-coloiiel, un chef d'escadron, un chef
de bataillon et environ quatre cents soldats. f,e général Cavaignac, instruit do l'npprortio d'Abl-el-Knder,
ot de la révolte des tribus sur la rivo gaucho de la 'fufmi, s'y est porté, et n livré doux rhiiuds conduits dont"
nous Ignorons les résultats, Ce qui est certain, c'est qu'il est rentré A Tlmncen. Co grand succès d'Abd-el-
Kader doit avoir fait bouillonner toute la province. Do noire coté, il y it do grandes fautes commises. Des
symptômes de révolta so manifestaient sur plusieurs autres points, ot le général lîourjolly était peu en
m L'AFRIQUE FRANÇAISE.
mesure do réduire l'insurrection sur la. Mina ; elle a du gagner du terrain. Il est fort à craindre que cela
ne sott une forte guerreà recommencer. Hélas! les événements ne donnent que trop raison à l'opposition
quo jo faisais au système qui étendait sans nécessité l'administration civile, et diminuait l'armée pour
couvrir les dépensés de cette extension.
« J'ai la coeur navré de douleur do tant de malheurs, ot DK TANT D'AVKOOLKMENT DE r.A PART DES GOU-
VEUNANTS et do la. presse, qui nous gouverne bien plus qu'on ne veut l'avouer, »

Le ministère, tancé si rudement, se trouva fort embarrassé de sa conte-


nance. L'indiscrétion d'un préfet ou la malveillance d'un employé avait livré au
public la confidence des sentiments hostiles du maréchal Bugeaud."Une prompte
destitution devait peut-être châtier l'irrévérencieux gouverneur do l'Algérie.
On no sait ce qui se passa dans le Conseil, mais aucune répression ne fut faite,
et après avoir jeté au Pouvoir lo gant du dédain révolté, M. Bugeaud reprit
tranquillement le chemin de ses razzias. Le Journal des Débats M seul chargé
do lancer quelques flèches au duc trop oublieux des faveurs dont le ministèro,
l'avait comblé depuis six ans : -—«Que veut donc M. Bugeaud? s'écria, le 12
octobre, l'organe ministériel ; que signifie ce reproche véritablement puéril
qu'il- fait au ministère do ne pas le défendre contre les attaques de la presse?
Est-ce que le ministère n'est pas vingt fois plus attaqué que lui? Faut-il donc
créer pour M. Bugeaud une législation spéciale? Faut-il faire cqnsacrer son in-*
violafnlitè parmi article de hiCharte? Faut-il présenter aux Chambres \niprojet
de loi portant que ses actes, ses discours, ses circulaires seront à l'abri do la
discussion ? Évidemment M. lo maréchal Bugeaud ne se rappelle pas dans quel,
temps et dans quel pays nous vivons. On dirait que le long séjour qu'il a fait
hors do la Franco lui en a fait oublier les moeurs. INous no croyons pas que la
liberté do penser et d'écriro soit on danger parce qu'elle a lo malheur do lui
déplaire, Vhostilité do M. Bugeaud est très-fâcheuse, sans doute ; mais enfin il
parait qu'on n'en meurt pas toujours, car les journaux vivent, et môme, ù ce
tpron dit, ils gouvernent. Co n'est pas d'aujourd'hui que; nous savons que
M. Bugeaud n'aime pas la presse; il s'en est môme servi pour le dire. M. Bu-
geaud est injuste envers les journaux. Mon Dieu! ils no lui rendent pus ta
moitié des sentiments d'inimitié qu'il leur porto. Nous no pouvons nous rési-
gner à croire que la hiérarchie militaire et administrative soit renversée, que
la discipline soit à jamais perdue, et l'anarchie intronisée dans le gouverne-
ment, parce quo M. Bugeaud a eu un accès do mauvaise humeur, et a confié
son mécontentement au préfet do la Dordogno'. )>
1 Quêïlo Idée peut-on so faire, écrivait à co sujet le rédacteur 'du Siècle, d'une administration sous
l'empire de laquello Uh préfet et nii général échangent des réflexions pareilles à celles que M. Bugeaud A
uommunlquées à son ami M. do Marclllac, et quo ce dernier, si co n'est M, Jïugeuud lul-môbo, a confiées
i\ la discrétion du public? Quo M. Hugoaud éproUVo peu de respect pour le ministère,'cela so Conçoit ; mais
le cabinet représente le Pouvoir, qui doit toujours être respecté par ceux qui acceptent do lui un grand
commandement» M, Bugeaud a compris trop tard toute l'Inconvenance do sa lettre à M, do Marclllac,-'
Cependant, coquin éle dit est dit; et nprt'*s avoir lu la nouvelle épitré suivante de M, llugoaud, on ost con-
vaincu dn l'incohvénlent d'avoir à la tété do l'Algérie un général dont les excentricités touchent bleu
souvent au burlesque» Voici lit lettre adressée, le 11 octobre l$I!>, au Sémaphore de Marseille, par M. le
maréchal Hugcaml;
<t Je
Ils dans votre joUrnul dô ce jour une lettre que j'aurais écrite fV.M. lo préfet de la Dordoguo, 11 est
très-vrai qu'en apprenant les nouvelles d'Afrique, j'éarlvis à ce magistrat, qui est mon nmi de vioillo date,
pour lo prier do m'envoyor des chevaux do posto a tîxcidûuil. fin même temps, je lui donnais dos ronsui-
guements qui me parvenaient sur ces fùehonx événements.
•:' Comme j'écrivais dam le trouble de mes preinlùm imprisslons, jo ne puis tne rappeler porfaitemeiU le*
LIVRE HUITIEME. 453

Le gouvernement se montra généreux en n'expédiant pas immédiatement


par voie télégraphique la révocation d'un fonctionnaire dont la brutale inso-
lence ne respectait pas même lo Pouvoir auquel il devait tout. -— M. Bugeaud se
IiAta do gagner Marseille, et prit passago sur la frégate à vapeur le Panama, qui
le conduisit à Alger. En débarquant le 1S octobre, il débuta par uno proclama-
tion adressée aux colons, et dans laquelle, passant avec son inconséquence
ordinaire d'une idée à l'autre, te même homme qui venait de fustiger le mi-
nistère, déclarait que le gouvernement venait do prendre uno détermination
digno do lui et de la Franco : «Votre gouvernement, disait-il, est bien averti ;
il veille attentivement à vos destinées; do puissants renforts nous sont généreu-
sement accordés, pour ramener les affaires au point oh elles étaient, et même
les améliorer. »,
-
Lo gouvernour titulairo a repris son omnipotenco ;*"Jes événements sont gra-
ves ; il devrait naturellement KO porter avec une forco active sur lo théâtre de la
guerre; mais comme pour mettre en défaut touto prévision raisonnable, il or-
ganise un corps d'année, et s'achemine par terre vers la province d'Oran, en
passant par Blidah, Médéah, Milianah, Teniet-ot-IIad et Aïn-Tekeria. Voyons
sa conduite.
Le général do la Moricièro manoeuvrait do l'ouest à l'est, pour rabattre tes
populations arabes vers l'Algérie, au lieu do leur laisser prendre la route du
Maroc.
M. Bugeaud suit une marche inverse : il s'avance do l'est à l'ouest, on pous-
sant devant lui, l'épéo aux reins, les tribus qu'il rencontre.
La politique des deux chefs n'est pas moins opposée quo leurs mouvements.
M. le duc d'Isly no paraît préoccupé que do tuer ot do brûler, pour montrer aux
tribus la peine de la révolte. M. de la Moricièro agit par la force intelligente;
car après avoir triomphé do l'insurrection lo l.'l octobre, il- a montré, par
l'exemple de sa générosité, le prix que les vaincus doivent attacher à une fidèle
soumission.-—Les résultats sont là pour prouver l'efficacité de son système;
quelque temps après lo combat d'Aïu-Kebira, deux razzias furent dirigées par
Abd-el-Kader contre la tribu des Traras :— ceux-ci, abandonnés à leurs pro-
pres forces, se défendirent vigoureusement et nous restèrent attachés.
Le maréchal, semant partout lu dévastation, arrive à Aïn-Tekeria. Là, il ap-
prend que des maraudeurs ont incendié uno maison de plaisance appartenant
n un chef indigène. 11 ordonne aussitôt au général Youssef do raser impitoya-

ternies do ma lettre. Coquejo puis hautement affirmer,'c'est quo ma lettre était toute confidentielle ;
n'était l'épanchementd'une vieille amitié qui ne devait avoir aucune publicité,
« .T'Ignora los circonstances qui ont fait arriver sous les yeux du publio uno lottrô dont lo sens est grave-
ment altéré. Je déplora lachoso do toutes les forces de mon dmà.ot do mou esprit- Jo suis parfaitement
convaincu, toutefois, quo cola a été fait contrairement rticf intentions de M, le préfet do la Dordoglio, si co
n'est mémo di son insu, par to fait do quelque Indiscret malveillant. »
Ce n'est pas tout. On lisait, quelques jours après, dans l'Echo de Vesone s « Depuis plusieursjours, la
villa do Périguoux est vivement préoccupée d'une lettre confidentielle écrito par M. IJugeaitd à M. le préfet
do la Dordoglio, ot qui n été publiée, par inadvertance, dans un journal do la localité. Ce journal, pour
réparer cetto fauto involontaire, en commet uno seconde, et publio dans son dernier numéro qu'il il été
l'objet d'une mystification, et que cette Mire est apocryphe /.,.•>>
Décidément, le préfet de la Dordoglioest bien maladroit dans ses justifications, ot M. ttngeaud bien mal-
heureux dunj les épanchements de sa vieille amitié, '
m L'AFRIQUE FRANÇAISE.
Moment trois tribus voisines; et quand il s'agit de massacrer, de piller et do
brûler, Youssof est toujours le bras droit du maréchal.
Après cette première exécution, que fait M. Bugeaud?
La tribu des Flittas formait encore le centre du mouvement insurrectionnel
dont Abd-el-Kader et Bou-Moza étaiont les deux pôles. M. delà Moricièro opère
à l'ouest de cette tribu ; le général Bourjolly au nord ; lo colonel Saint-Arnaud
à l'est. La portion, du sud reste seule ouverte, et Abd-el-Kader manoeuvre de ce
côté, pour entrer en communication avec Bou-Maza et les Flittas. La présence
d'une colonne française suffirait pour déjouer les projets de l'émir, rabattre los
Flittas sur les trois autres colonnes, et terminer les hostilités par une affaire
décisive. M. Bugeaud se conduit alors d'une manière inexplicable: soit qu'il
n'ait rien su prévoir, soit quo la manie des bulletins à tout prix l'entraîne
à prolonger la guerre par des contremarches qui feraient taxer d'impéritio le
dernier do ses lieutenants, il laisse ouverte la trouée du sud, revient sur ses pas,
pénètre dans l'Ouaronsonis, ot bataille pendant cinq ou six jours contre des frac-
tions do tribus sans consistance, sans unité, sans influence politique, dans un
pays oh les difficultés du sol lui enlèvent la disposition complète de ses forces.
Le temps perdu dans cotto lutlo insignifiante, los fatigues qu'elle a imposées à
l'armée, obligent alors lo maréchal à venir se ravitailler et so reposer à Sidi-Bel-
Hacel, a huit lieues Sud do Mostaghanem.
Tollo est la première périodo do la campagne, période qui n'a pas duré moins
d'un mois.
De Sidi-Bel-Hacel, lo maréchal Bugeaud et lo général Bourjolly pénètrent en-
semble dans le pays des Flittas, qu'ils abordent par le nord. Malheureusement,
il était trop tard; la trouée du sud était restée ouverte, et les Flittas en avaient
profité pour communiquer avec Abd-el-Kader, qui avait pu s'avancer jusqu'à-
Loha, rallier autour do lui toutes les forces des insurgés, et les emmener, no
laissant sur leur territoire que les plus pauvres et les invalides, sans armes et
sans chevaux. M. Bugeaud détache alors toute la cavalerie de sa colonne qu'il
envoio à la poursuite do l'émir, et lui-même, traversant un pays abandonné
par ses habitants, so dirigovers Tiarct, oh il était oncoro lo 12 décembre.
Pondant co temps, Abd-el-Kader s'était porté rapidement de Loha à Goud-
jila, et de là à Taguin. Chemin faisant, il avait rançonné ou saccagé nos
alliés los Oulod-Chaïb, lesZonakra, les Sahara, les Bou-Aïch, et détruit les éta-
blissements construits sur la route d'El-Aghouat par le général Marey. Et quels
sont, dans l'exécution de ce coup de main, los auxiliaires de l'émir? Ce sont les
Flittas quo M. Bugeaud est venu chercher après leur émigration; co sont les
Oulod-Bessam, les Beni-Meïda, les Ouled-Lckrif qu'il avait fait raser, et enfin
toutes les tribU3 situées entro Tenict-el-IIad et Tiarct qu'il a négligées pour
aller faire uno promenade militaire dans l'Ouaronsonis, promenade inutile,
puisque d'après les nouvelles les plus récentes, on savait Abd-el-Kader paisible-
ment établi sur l'Oucd-cl-Ardjem, auprès do co. mémo Ouaronsenis oh M. lo
gouverneur général perdait son temps à guerroyer.
Tandis que ces événements so passaient dans l'est do la province d'Oran,
M» do la Moricièro pénétrait chez les Sedamas, au sud do Maskara, dont il as-
LIVRE HUITIÈME. 465
surait en grande partie les soumissions ; lo général Géry maintenait l'ordre
dans la Yakoubia, et le général Korte chez les Djafl'ras.
Si nous comparons los résultats des deux politiques suivies durant la dernière
campagne, que voyons-nous?
Dans la première période, Abd-el-Kader appelle les tribus à l'émigration,
afin de nous susciter des embarras militaires et des embarras diplomatiques
plus grands encore. Il est donc important de fermer aux émigrants les chemins
de l'ouest : — M. do la Moricièro opère de co côté, et il réussit.
Dans la seconde période, Abd-el-Kader, chassé du pays dos Traras, se jetto
dans le sud-est, vers lo centre do la province d'Oran. Là, il cherche à faire sa
jonction avec Bou-Maza et les Flittas. Pour, empêcher cette jonction, il est ur-
gent do fermer aux Flittas la trouée dit sud, la seule par laquelle ils puissent
communiquer avec l'émir : — M. le maréchal Bugeaud se promène de ce côté,
et so retire presque'aussitôt, comme pour laisser toute liberté à l'ennemi.
Dans les montagnes de Traras, M. do la Moricièro parvient par uno marche
hardie à se rendre maitro dos insurgés; il pourrait les anéantir, mais il craint,
ce sont ses propros expressions, que la vengeance de nos soldats ne soit trop
sévère, et il leur accorde pleine et ontièro amnistie, sans condition, Quelque
temps après, un khalifa d'Abd-el-Kader se présonto parmi les Traras, et il est
repoussé. *
Dans los montagnes de l'Ouaronsonis, M. le maréchal fait une guerre do par-
tisans, uno guerro d'extermination, puis il se retire. Quelques jours après son
départ, Abd-el-Kader se présonto aux tribus do ces montagnes, ot elles l'accueil-
lent.
Ce parallèle doit éveiller l'attention du gouvernement, et désillusionner l'o-
pinion publique aveuglée par une pluie do bulletins. Lo gouvernement, lassé
d'être le jouet d'un seul homme, se prononcera quelquo jour, entre une guerre
do ravageur qui désole les populations arabes sans les vaincre, et une guerre
sensée qui les subjugueraitsans les ruiner. Les derniers bulletins dol84S annon-
çaient dos masses de soumissions ; croiro à ces résultats serait uno grave orrour.
Les indigènes, chaque année, posent les armes, à l'époque du labour; les tribus
ont besoins d'une trêve pour ensemencer leurs champs. Plus tard, elles revien-
nent au combat. Qu'on so rappelle ce qui advint à la fin do 1814. M. Bugeaud
rentrait en Franco, annonçant avec l'outrecuidante vanité qui lo caractérise
que la conquête par los armes étaient achevée. Quelques mois après, les la-
bours et los semailles étant terminés, la France apprenait, avec uno surprise
douloureuse, la tcnlativo d'enlèvement du posto do Sidi-Bel-Abbess, l'insurrec-
tion du Dahara, de la vallée du Chéliff, do l'Ouaronsonis, et la réapparition
d'Abd-el-Kader par Sliten, le Djebel-Amour et Taguin. Ainsi à l'époque :leslo
botirs et de la moisson, on chante victoire et l'on s'endort; après les labours et
la moisson, on so réveille en criant aux armes 1 Telle est la chaîne sans fin
dans laquelle nous tournons on Afrique, depuis que M. Bugeaud s'en est pro-
clamé le conquérant. Tels sont les fruits do cetto guerre qu'il déclare finie au
bout do chaque bulletin; telle est la uiauièro dont il a justifié celte mystification
qu'il nous prodiguait dans uno brochuro où chacun peut lire lo pussago sui-
vant i
m .L'AFRIQUE FRANÇAISE.
« — La plus grande partie de ta côte nous est soumise I
« Les armées françaises sont établies dans les villes de l'intérieur, et s'avan-
cent jusqu'au désert, sans rencontrer aucune résistance sérieuse !
« La ligue formée au nom de Mahomet el de la haine politique est brisée !
« Les tribus, détachées une à une du faisceau, no viennent plus acheter par
une parade le droit momentané do faire une récolte qui n'existe plus l
« Elles viennent, vaincues, lasses de laguerro, haletantes, épuisées, demander
la paix, un gouvernement, et dos chefs choisis par nous!
« Le pouvoir ennemi que nous avions créé en 1834, nous l'ayons brisé par
la force!
«Le Jugurtha nouveau se cache dans le voisinage du désort; il- peut in-
quiéter, troubler un moment sur la frontière ; il ne peut plus rien do sérieux,
ot il s'usera avec le tomps clans ses efforts impuissants! »
.

Voilà ce qu'écrivait M. lo maréchal Bugeaud ; ce n'est pas nous qui lui don-
nons un démenti, ni qui l'accusons d'impuissance, Mais que faut-il penser
d'un maréchal de France placé à la tête d'une arméo do 100,000 hommes, et
chargé d'un gouvernement aussi important que celui de J'Algério, qui entasse
ainsi mensonges sur mensonges, démentis sur démentis, désaveux sur désa-
veux, contradictions sur contradictions? Quelle confiance poumon avoir dans la
suite de ses idées, dans la maturité do ses dessoins, dans la sincérité de ses
paroles?
Au mois do février 1846, M. Bugeaud, dont la seule pensée fixe est depuis
longtemps la conquête dos montagnes de Bougie, faisait uno expéditionsans fruit
du côté du Djerjerah, oh dos renseignements lui avaient appris qu'Abd-ol-
Kader avait pénétré; mais l'émir, à son approche, eut tout le temps de se
retirer par lo revers sud-ouest, dans lo pays do Hamza. Lo 24 du môme mois,
le maréchal rentra à Alger à la tête d'uno colonne do 1,200 hommes exténués
de lassitude, couverts de haillons, mais supportant leurs misères avec une
admirablo résignation. La contenance de ces braves produisit une vive sensa-
tion sur la population civile. M. Bugeaud, qui ne manque jamais une occasion
do cultiver l'art oratoire, trouvant à Hussein-Dey, près d'Alger, un détache-
ment do la milico urbaine, mobillséo par ses ordres, lui tint ce discours, duquel
il résulterait que, s'il n'avait pu cetto fois s'emparer d'Abd-el-Kader, il n'en
aurait pas moins le génie do César, d'Aloxandro et du grand Frédéric; Cette dé-
claration officielle, sortie de la boucho du célèbre guerrier, nous paraît trop
précieuse pour no pas trouver sa place dans l'histoire. « — Messieurs, s'écria
M. Bugeaud, nous venons de subir une crise bien longue, et cependant tout
n'est pas fini; mais elle est'dominéo. Abd-el-Kader no compte que 3 à 400 ca-
valiers; toutefois, sa forco n'est pas dans les hommes qui l'accompagnent, elle
réside dans son influonco sur toutes les tribus, dont le.i sympathies lui sont ac-
quises, parce quo celte causo est colle do leur religion. On so demande com-
mont.il se fait qu'avec 100,000 hommes nous ne venions pas à bout do nous
emparer d'Abd-el-Kader? La raison ert est bien simple. Notre ennemi fuit con-
stamment devant nous, avec une troupe peu nombreuse, et constamment il rc-
fuso le combat ; il s'échappe comme un renard par les passages les plus étroits
et des rochers presque inaccessibles. Bien n'entrave sa marche, qui n'est pas
LIVRE HUITIEME. 657
retardée par un convoi, car partout ou lui offre dos subsistances pour sa troupe
et ses chevaux. Ses malados ou ses blessés sont reçus par des frères qui en
prennent soin; ses chevaux hors de service sont à l'instant remplacés par dos
chevaux frais; tandis quo si nous abandonnions nos blessés, ils seraient à
l'instant décapités. Ainsi, la puissance d'Abd-el-Kader so compose, en réalité,
des ressources et-des forces réunies de toutes les tribus. Donc, pour ruiner sa
puissance,-il faut miner les Arabes; aussi avons-nous niucoour--INOKNMIÏ,.HEAU-
OOUP DKTIUJIT. Peut-être me traitera-l'Oti de barbare,' MAIS SK MI; IM.ACK AU-DESSUS
J>I;S iiKiMiooiiiis DELÀ I'IUÎSSK, quand j'ai la conviction que j'accomplis une oeuvre
utile-h. mon pays. On me reproche de ne pas l'aire la guerre avec.de la cava-
lerie; mais la cavalerie ne peut se passer de convois ; elle no-peut •abandonner
ses malades, et ne saurait marcher plus vile que l'infanterie; Le bruit a couru
en France que nous ne voulions pas prendre Abd-el-Kader ;' cette imputation
est l'oeuvre de la sottise ou de la mauvaise foi. Quel est celui de nos officiers
qui n'attachât sa gloire à uno pareille capture? Comment supposer qu'en don-
nant à un dé mes généraux le commandement d'une colonne, je lui fasse la
recommandation de ne pas prendre Abd-el-Kader? Qu'en dites-vous, général
d'Arbouviile? — Le général Gentil a failli le prendre ! car, c'était bien Abd-
el-Kader qu'il avait devanllui; Abd-cl-Kador, qui, aii dire de vingt témoins, a
eu deux chevaux tués sous lui dans cotte affaire. Quoi qu'il en soit, je soutiens
quo7e hasard seul peut faire tomber notre ennemi dans nos mains, ot que i,v,
GÉNIE D'ALUXANDUE, DE CÉSAIl KT DE FllÉDÉftlC Y SEItAlt IMPUISSANT. »
M. le maréchal a exposé ensuite l'état des populations do la JCabylie (c'est
le nom qu'il a inventé pour lo pftté de montagnes qui s'étend do Dellys à
Bougie, et du littoral au Ilamza). Abd-el-Kader, disait-il, y trouverait 40,000
fusils, s'il pouvait s'y établir. — «Pour dompter un pareil peuple, ajouta-t-il,
il falit une poigne vigoureuse; il faut savoir se servir de ses armes. Voilà pour-
quoi je veux quo la milice soit fortement organisée. Quant à présent, jo le ré-
pète, nous sommes maîtres du feu, style de pompier ; mais l'incendie fume
encore; gardons-nous de nous assoupir, et veillons '.»
Comme le prouve encore co nouveau discours, M. le duc d'Isly no laisse échap-
per aucun moyen d'attirer sur lui les traits du ridicule. Mais si quelque chose
pouvait surpasser une telle outrecuidance, si l'on voulait chercher d'autres
prouves de la complète aliénation du bon sens à laquelle depuis plusieurs an-
nées co fonctionnaire semble eu proie, il suffirait do parcourir les élucubra-
tions de la presse algérienne. En vertu d'un arrêté ministériel eu date du
l 01' septembre 1834, le gouverneur général de l'Algérie est investi du droit do
réviser et de censurer toutes les publications qui s'impriment dans le ressort de
son autoritéa. De censeur à rédacteur en chef il n'y avait qu'un pas : M. Bu-

*. Voyou l'Alchbar du 20 avril MG.


" Voyez l'atrêlê pris lo U soptombro 1831, par lo imn\;clinl oOmto Gérard, ptosi.t. • •>• aoiisoll et ministro
tin lu çuorro, enexécution de l'ordonnance royale du'21! juilletprécédent. — Chiip. I", art. 10 : «Lo gouver-
neur KÔnéral surveille l'usage delà presse, cljvrmclou interdit toute publication d'Oerits imprimés dans lo
ros.un-t do son gouvernement. »
Un nouvel arrêté, du 2 noûl 18U0, art, 9, contient la mima proscription j et c'est, do tous les
privilèges do sa limita position celui .impie! M, Ilujjeaiul semhlo tenir le pins» I/cxorcleo de co droit
,
»M( poussé pur lui jusipi'A Uno rigueur IncrovuMc. Kn voici II no prouve, l'etidanl mon séjour en Aiïi*pu«
.8»
468 L'AEBIQUE ERAMÇAISE,
geand l'a franchi résolument, et grâce à sa toute-puissance, les journaux d'Alger
sont devenus, par ordre, les prospectus dosa gloire. Lorsque toute la presse de
Fraiicè demandait que justice fût faite des infamies commises dans lo Dahara,
voici ce que. publia, sous le visa de M. Bugeaud, le Courrier d'Afrique, journal
général de {'Algérie : •—• «Avant même que le roi l'eût sanctionnée, la popula-
tion algérienne, d'un mouvement spontané, avait décerné te glorieux titre dp
Duc au guerrier q ui venait d'ajouter une si bollo page à l'histoire des victoires et
conquêtes des armées françaises. Depuis ses jours-do'fête et de triomphe, M. le
maréchal Bugeaud, à son retour d'un congé assez court passé en France^ n'a
pas cessé de diriger avec la même activité, avec le mênvz bonheur, lAmême sa-
gacité l'administrationdu pays, et pourtant, voilà quo tout à coup et LA piitîSSE
et LA TninuNB,tout semble se .déchaîner à la fois. Loin de nous la pensée de cher-
cher à enIroprendre la justification de M; le maréchal Bugeaud contre ses ob-
scurs advorsairos.-;Comme--Sùi.i'ioN.L'AFn!dÂ'iN,-'ilTi'aurûitpour sa meilleure dé-
fense qu'à faire le récit de ses exploits., et à dire pour péroraison : — « A pareil
jour, nous avons remporté une grande victoire : MONTONS AU CAPITULE, et allons
en rendre grâce aux dieux M» On voit que M. Bugeaud ne se refuse aucune
licence fil n'a quo d'obscurs adversaires : avis à ses collègues delà Chambre,
car ce n'est pas seulement à ta presse, c'est à là tribune parlementaire quo s'a-
dressent ses injures. L'asphyxie des Ouled-Biah est peut-être à ses yeux uno
grande victoire, mais nous n'avons jamais lu que Scipion l'Africain, auquel le
duc d'Isly se compare; eût donné de pareils exemples aux généraux do son
temps ; — il savait que la roche Tarpéienne est près du Çapitole.
Et ce n'est pas uniquement dans sa presse locale que le gouverneur de
l'Algério s'est créé des apothéoses. Les fonctionnaires dont l'ambition veut con-
quérir les hautes positions do ce pachalik français, écrivent des brochures dont
l'Imprimerie du Gouvernement fait les frais, C'est ainsi que M. Léon Blondel,
n'étant encore quo simple directeur des finances, publiait aumois d'avril 1844,
avec la #cm»ssùm do M. Bugeaud, des lettres anonymes dans lesquelles on
peut lire les passages suivants : -—«Ce qui m'a le plus étonné dans les Arabes,
ce n'est pas dé les voir si proniptomcnt remis des désastres dont ils nous fai-

'.j'avais-traité tivec la librairie Bastide i d'Atgor, pour la publication d'un Guidemanïicl dû voyageur en
Algérie, AU moment de mettra sous presse ce petit travail, M, Htislido nie déclara qu'il ne pouvait so
plisser d'un prrmis d'imprinur..Le maréchal était absent. Jo crus devoir eh référer au directeur de l'inté-
rieur' ot lo il) juin 381*1, M. G. iMorcior, secrétaire général, m'écrivait ainsi i u Aux ternies dos arrêtés,
c'est au gouverneur général qu'il appartient de donner les autorisations relatives aux publications qui so
l'ont dans la colonie pur la voie de lu presse {art. 9 de l'arrêté du iaoût 18'Jtl). C'est donc ù lui quo vous
devoir, vous adresser pour obtonir lo permis que vous sollicite/., Jo no suppose pas qu'il puisse vous élro
refusé, puisqu'il s'agit d'uno publication qui n'a rien do politique. Je regrette de n'avoir pu mol-môme
tous donner cette autorisation; j'aurais été heureux do saisit' cotto occasion do Vous renouveler, olc, etc. »
C'est ainsi qu'une simple étude do géographie et de statistique fut arrêtée par les méticuleuses déliunces
do M. UiigeàUd. Peu cîo temps après, lassé d'entendre les diatribes grossières Inncées contre la pressa da
Paris parce maréchal dans ses.conversations*quotidiennes, publiques OU privées, je m'étais décidé à
revenir en France. Itoildu fi .mon Indépendance, j'ai 'dft écrira touto la Vérité sur les afl'airos d'Afrique,
Lan premières pages do mon histoire étaient déjà l'expression dé colle austère franchise qui juge do haut
les hommes ot les faits. J'uf appris, depuis mon retour,••qu'il était, interdit aux journaux algériens d'an-
noncer l'Ai'itiQtiG l'iUNÇAtsiî uveo le nom de l'auteur. No pouvant proscrire l'ouvrage, on espérait diminuer
sa publicité; mais lu. valeur do cotto précaution u été comprise; et la vérité s'est fait jour, malgré ceux qui
avaientIntérêt à l'étouffer.
i .Courrier' d'Afrique, ns J.U, publié le 53 août 1845.
LIVRE HUITIEME, A59
saient sous la tente lo naïf récit ; ce n'est pas de voir les populations faire nu-
pieds, à travers les montagnes, sept à huit lieues, pour demander au maréchal
ou justice ou faveur; discutant leurs intérêts avec, chaleur; acceptant immé-
diatement et en silence la décision quelle qu'elle soit ; entourant lo gouverneur,
et lui baisant les mains, les pieds, les vêtements l Co.qiii me charmait \Q plus
dans le maréchal, ce n'était passa bonté à laquelle je suis accoutumé, ni la clarté
avec laquelle il expliquait ses opérations.'militaires, dans leurs causes, leurs
moyens et leur but; ni l'aveu qu'il faisait qu'il s'était trompé dans telle dispo-
sition; ni sa simplicité, vertu privée que j'osais combattre presque comme une
imperfection politique, on présence d'un peuple qui aimo l'éclat dans le pou-
voir; ce n'était pas de le voir employer à réparer des malheurs, à vêtir un
pauvre, à faire bénir le nom da roi, h terminer un travail urgent, à faire effec-
tuer des plantations et des greffes, cic, les quelques 'fonds secrets dont il était
avaro pendant la guerre, tant il avait plus de confiance dans son épéo quo dans
l'argent; —c'était de le voir toujours excellent citoyen, politique pratiqua, vrai
philosophe sons le savoir, préoccupé sans cesse do la gloire de notre pays, de ses
intérêts sérieux, du développement de la grande et véritable colonisation, du
bien-être du soldat, des colons vides Arabes, songera tout, s'occuper de tout,
repousser toutes les théories brillantes, tous les rêves, toutes les utopies, toutes
les inopportunités, pour chereber et trouver le bien dans la raison, dans los
faits réels, dans le génie du bon sens, ou dans le bon sens du génie ! Combien do
tels hommes n'ont-ils pas droit à'nos-respects et à notre reconnaissance I La
guerre aujourd'hui n'est plus la guerre, c'est la fin du commencement, c'est le
complément forcé, rationnel, politique, économique du travail accompli. Suivant
quelques journaux, c'est la guerre pour des épaulettes 1 Voilà un maréchal de
Franco qui fait la guerro pour ajouter à son illustration.,, quoi? et no voyez-
vous pas qu'il n'a plus rien à faire ici en ce genre? AhI. messieurs, soyez in-
grats, si vous voulez, mais ne soyez pas absurdes 1 De la tuer ail désert, d'uno
frontière à l'autre, les villages mobiles en. poil do chamedux, les femmes, les
enfants, les vieillards, les troupeaux ne s'enfuient plus devant nos colonnes
protectrices; les populations no sont plus errantes de précipices en préci-
pices ' »
Certes, à la lecture do cet éloge patriarcal, on serait tenté de décerner au
maréchal Bugeaud une couronne civique. Mais, franchissons vingt pages;-nous
voici en pleine actualité, dans la même brochure. Lisons :.-— a"Les Arabes ne
nous désiraient pas, tant s'en faut,)) écrit.M. Blondel avec non moins do cha-
leur ; « ils ont appris à maudire les chrétiens, les Houmi, à les haïr comme les
ennemis de leur race et de leur religion. Cette CIVILISATION que nous leur appor-
tons A cours DU CANON, ils ne la comprennent pas, ILS LA IU'.I»OUTI:NT. Et com-
ment ta comprendraient-ils F— Nous venons changer leur gouvernement et leurs
habitudes; nous prenons leurs terres, nous prétendons hardiment qu'elles nous
appartiennent \ nous séquestrons le patrimoine de ceux qui ont assez de coeur

I Aptrçu sur l'étal actuel du l'Algérie; lettres d'un voyaguur é son frère,— Alger, imprimerie du gow
vernemmt, 1811, p. 7, 10, 19, SO.
M. Léon niondol n'été nommé, pou de temps apn'-s, romntaudeor île la Lésion d'honneur, puis directeur
Rénéral des alliilro? cîvilos ou AIKI'IIO,
tm L'AFRIQUE FRANÇAISE.
pour nous faire la guerre ; nous brûlons les villages, nous enlevons les troupeaux,
nous renversons les villes, nous jetons le trouble dans les fortunes de ceux mêmes
(fui nous servent l / »
On s'expliquera, difficilement une telle incohérence d'idées dans l'opuscule
de soixante-quinze pages quo le futur directeur général dos affaires' civiles do
l'Algérie .soumettait en 18H ù l'approbation de M. Bugeaud, Ce dernier pas-
sage fut-il intercalé après le visa du gouverneur? ou bien M. lo maréchal fut-il
enivré par les adulations.qui enflent les premières pages, au point do .s'oudor-
mir au milieu do sa révision? C'est co que nous no saurions décider. Mais si
la brochure fut tracée tout entière sans arrière-ponséo, et si M, Blondol ne
crut pas se donner à lui-même un flagrant démenti, nous croyons qu'il ne
pouvait mettre eu action, d'une manière plus piquante, la fable do l'ours qui
saisit un pavé pour écrasor uno moucho sur la têto de son mailro. Co prudent
panégyriste n'avait pas toutefois voulu porter, devant l'opinion publique, la
responsabilité tlo son oeuvro; malheureusement, le Courrier d'Afrique n'a pas
été si discret 2,
« Si après avoir vaincu, écrivait oncoro M, Blondel, nous no savons pas nous
fairo pardonner la victoire, ot la rondro prolltablo à ceux qui en ont tant souf-
fert, NOUS VENIONS IUÏNAÎTUIÎ LA GUEMIK; nous ouvrirons de nouveau los outres
d'Eole pour qu'il on sorto oncoro

« Luctantcs vontos, tempostalesquo sonorns 3, p

Sans s'arrêtor au vernis épique dont lo promior fonctionnaire civil d'Algor


couvrait sa prévision, chacun reconnaît aujourd'hui, d'après los événements
do '-181*3 et do 181(5, quo los conséquences forcéos dos dévastations qu'il accu-
sait so sont toutes produites, Il fallait, selon M. Blondol, «beaucoup do temps,
beaucoup do force, pour fairo accepter à ce prix la plus belle dos civilisations;
beaucoup do prudence, do justice et do générosité, pour réparer ces désastres,
ot les fairo oublier •'.))
Au lieu do cola, quels fruits a fait écloro la politique du sabre ? Notre cava-
lorio est prosquo détruite, l'arméo exténuée ; Abd-ol-Kadoi; continue, à pou près
commo il l'entend, ses excursions dans l'Algério ; lo maréchal Bugeaud est
tombé du haut do ses promesses dans des réalités fort mesquines, On mobilise
la milice, commo si Algor était menacé, ot après los exagérations do l'outrecui-
dance, on exhibe ainsi los exagérations de la peur. Los réquisitions, tout l'atti-
rail oppressif do la guerro, recommencent à fonctionner, ot l'on so domandosi
nous sommes plus avancés, après quatre ans do dépenses énormes et do fati-
gues inouïes, que nous no l'étions en 1840, lors do l'invasion do la Métidjah,
Tel est lo bilan des affaires militaires, ot il est assez triste pour quo l'on n'as-
sombrisse pas lo tableau, comme on est trop porté ù lo fairo on France, où, à
chaque incidont, on croit la colonio en péril, Non, certes, la colonie n'est pas,

t Mémo ouvrage, p. 41, J'ai donné en ontlor la citation'do cette partie do la brochure danB mon Intro-
duction, intitulée. Histoire de quinte ans, p, M,
2 Voyez dans le n" l>> publié lo 17 mai 1845, l'article intitulé : Souvenirset impressions sur la colonisation,
pev K. Lofèvre,
3 Ilrochuro eitéo, p. -43.
LIVRE HUITIEME. ôrtl
ne pont pas être en péril; mais lo système du maréchal Bugomid n porté ses
fruits, et Ton pont maintenant le juger ù sa valeur, La politique, comme on
appelle ici la direction des affaires arabes, no présente pas des résultats plus
satisfaisants; pendant que nos petits échecs, l'inanité de nos courses, les désas-
tres même causés par les éléments, diminuent notro action morale, et nous in-
fligent, aux yeux des Arabes, la fatalité du revers, l'émir grandit tous les jours
dans l'esprit des indigènes. Après avoir jeté sa base d'opérations dans je Maroc,
et réveillé son influence dans l'Ouest, il laisse reposer les populations de cotte
partie du pays, so montre dans l'Est; se révèle a la Kebaïlio quo nous avons
ou lo tort d'inquiéter ; lèche, par une eourto apparition, d'agiter la province de
Constantino, témoigne parlant do son action et do noire impuissance, ot so
rotiro ensuite pour no pas lasser matériellement les tribus, nous laissant croire
H uno pacification qui no sera qu'une trêve, et à eles résultats qui no soront
quo dos points d'arrêt,
Dans les affaires civiles, le désordre est ù sort, comblo;—- l'ordonnance du 15
avril 1845, qui les organisait, a poino née, reste sans exécution, On no sait
sur quel texte so fonde l'autorité ; cotto autorité mémo, on ja cherche et on no
Ja trouve point, Los divers services se musent, s'cntrayonl, se siérilisont l'un
par l'autre, ou, pour mieux diro, ces services n'oxistoiit plus; Il n'y a que dos
personnalités qui lultont, des intérêts qui s/agitont, et, au milieu do tout ce
désordre, les fonctionnaires honnêtes no savent que fairo do leur penséo, do
leur dévouement, do leur spécialité. Le découragomont est immense, et, bioii
qu'à travers ces conflits la forco dos choses, et la force des choses seule fasse
marcher lo pays (qui vit do la vitalité qu'on n'a pu oncoro lui retirer, et so"'.sou-
tient par son propre poids), ce découragomont va dos administrateurs aux ad-
ministrés; ceux-ci, voyant en haut l'irrésolution, l'incortitudo et l'incopacité, so
prennent à douter de l'avenir. Ils assistent avec douleur à un spectacle inouï.
Ils voient un gouvernement qui n'a ni la force do ses intentions, ni le courage
do ses désirs: -—un gouverneur insubordonné, étalant le .scandale do ses
désobéissances avec une aisanco quo lo succès môme no justifierait pas, et qui
n'a point, hélas ! lebénéfice do cetto excuse,
ïlainouxcontro tout ce qui no procède pas do l'autorité brutale du fait; bou-
leversant le droit à mesuro qu'on tftche do l'infiltrer dans les affaires îocoles;
convaincu quo les institutions,civiles perdent les Etats, et agissant en consé-
quence} dévoué à sa personnalité avec fanatisme ; absolu par calcul autant quo
par nature; appliquant à tout son système do forco aveugle; razziant les in-
térêts coloniaux comme los tribus arabes : repoussé à peu près par tous, et res-
tant debout malgré tous; réussissant enfin par ses vices, comme d'au 1res par
leurs qualités, le maréchal Bugeaud s'est déclaré indispensable on Afriquo, à
force d'être impossible en France, — A côté do cet homme perpétuellement
on antagonisme avec le ministore, les administrés no voient que des pouvoirs
épars, incomplets; des volontés soumises, modifiées par des intrigues; lo défaut
absolu d'unité quand le maître est absent, la boutade, ot le fait dominant quand
il est là; et ils se demandent si c'est à l'action d'un gouvernement régulier qu'ils
assistent, ou ù un essai ciu'iènx d'anarchie morale.et pratique, Voilà, on tputo
7*62 L'AFHÏQ.UK FRANÇAISE,
.

vérité, la situation do l'Afrique française, fp'i n'espère pîus qu'on doux éléments
do régénération Ha ebnmbro législative el |a presse.
Le mal, en effet, n'est pas sans remède, et en Algérie comme on Franco, lo
découragement va trop loin. Il suffit pour s'en convaincre de jeter un coup
d'eu il sur celle situation, Quo prouve la stérilité de nos efforts ; contre Abd-el-
Kader, le vide do résultats coloniaux, le désordre dans l'administration dos
affaires? Est-eo a dire que la colonisation soit sérieusement menacée, que la
pacification. Soit impossible, qu'aucun résultat colonial no puisso être obtenu,
quo radministration soit définitivement condamnée ou décousu, à l'inefficacité?
Non, certes. Sur tous cos points il y a des solutions à tenter; il faut les chercher,
motlre la question d'Afrique à l'ordre du jour en Franco, eldiro qu'il est temps
d'entrer dans d'autres voies, Si lo système du maréchal Bugeaud n'a point réussi,
malgré son cortège de razzias et de violences, c'est que nous avons affaire à un
ennemi insaisissable matériellement, et qu'aie moral nous devons peut-être
aux Arabes autre chose quo des razzias. Avec do la cavalerie, au"di'r'o de cer-
taines personnes, la guerre entêté, plus décisive qu'on opposant dos fantassins
ù des gens qui font vingt lieues a cheval par jour, et dont la tactique consisto à
ho pas so laisser rencontrer. La question, d'ailleurs, est déplacée par la conduite
aveugle do M. Bugeaud, et au lion d'attondro commelui quo la guerre ait
amené la pacification, il serait plus juste, do .dire ot do 'prouver, en agissant,
qu'il faut coloniser pour amener la fin do la guorre. Notro lutte impuissante
grandit Abd-el-Kader; uno prise do possession sérieuso du sol, aidéo d'une
bonne organisation indigène, affaiblirait toute résistance, C'est lo sol, je le
répètoj.qu'on doit conquérir par l'implantation; c'ost par l'implantation euro-
péenne soulo, juxta-poséo avec la possession arabe, qu'on peut arriver à des
résultats durables, Au bout du système actuel, je défie qu'on trouve uno aiitro
issuo quo colle do l'extermination, et les plus logiques do nos faisours militaires
l'avouent oux-mômos. .'Il est évident, en offet, qu'en passant sur le pays à coups
de razzias, nous ferons uno pacification momoptanéo, qui durera jusqu'à co
qu'un marubout vienne souffler sur notre oeuvre, En supposant, d'ailleurs, le
moillour vouloir de la part des Arabos, commo nous no pouvons les protéger
partout, ils sont obligés do se soumettre au plus fort. Il faudra donc recom-
mencer la razzia, perpétuer la razzia* c'est-à-diro exterminer en détail. Or,
nous no pouvons ni no devons accueillir de semblables barbaries; et y em-
ployer davantago lo sang et l'argent de la France, serait poursuivre une oeuvre
d'insensé. Installer, au lieu d'un syslèmo ruineux et ruiné, celui d'une colo-
nisation progressive, mettre ce grand travail en tête de nos préoccupations, ot
lui donner la plus forto part dans nos sacrifices; trouver place pour les Euro-
péens et pour les Arabes sur un sol qui peut suffire à tous j relier ceux-ci à
nous par l'intérêt matériel, par une politique sage, par uno entente éclairée de
leurs besoins; les administrer enfin, et ontror dans les voies de leur organisa-
tion; renvoyer à d'autres temps cette expédition do la Kebaïlie, que nous au-
rons on détail, au lieu do la conquérir en bloc; jeter, quand il se pourra, des
ioutes dans cette portion du pays; ouvrir à cette population industrielle et sé-
dentaire l'accès de nos marchés et les bénéfices de nos échanges : tello serait
l'idée principale dans laquelle il faudrait entrer. Et, si l'on objectait que ce
LIVRE HUITIEME. 463

sont là des théories inapplicables, il suffirait, pour toute réponse, do mettre ou


regard les résultats déjà connus des deux systèmes. Certes, la razzia et la des-
truction ont eu leurs coudées franches, et l'Ouest est en mu, L'incident dos
grottos du Dahara n'a pas amené, quo nous sachions, des soumissions bien
définitives; tandis que la .province de Constantino, oùTidéecontiairoa prévalu
sous les auspices d'un général intelligent, jouit d'un calmo que l'émir liii-
mêmo a essayé inutilement, do troubler,
Quant à l'administration civile, créer une véritable et forte unité* on con-
fiant la direction des affaires à un administrateur de haute position ; marchor
par degrés, mais sans dévier, vers l'assimilation à la législation métropoli-
taine; faire un choix d'agents capables et honnêtes, car longtemps encore les
hommes auront; en Algérie plus d'influence quo les institutions, ou du moins
les institutions auront besoin puissamment du concours des hommes ; placer
les administrateurs en position honorée ; au lieu do rebutor les dévouements,
lès encourager ot so charger do leur avenir ; •— VOULOIR enfin, vouloir -.fort et
bien, toiles sont les conditions qui doivent précéder toute organisation, et aux-
quelles toute organisation sera facile. Mais comment espérer do pareils ré-
sultats, quand le gouvernement paraît sans force, et que ses décisions sont
cassées sur placo par une autorité rivale au lieu d'être subordonnée? Comment
espérer l'unité en bas si l'on no sait pas la faire en haut? Avant tout il fau-
drait au ministore l'obéissance de son premier agent local, et il est évident quo
cette dépendance hiérarchique n'existe pas,
Malheureusement aussi, la Chambre so contente do votor, ebaquo année, les
sommes quo le ministère abandonne au gouverneur ; après quoi, les députés, qui
ont volé sans s'expliquer la portée de leur vote, ne s'occupent plus do l'Afrique
que pour croire quo tout est perdu quand il survient un revers, Le ministère,
qui a obtonu ses crédits, retombe dans l'irrésolution, et le gouvomeur do l'Al-
gérie remonte à cheval; il n'y a rien do changé qu'un vote do plus, ot un
nouveau budget qui se gaspille,
Les faits généraux que nous venons do tracer ne sont pas exagérés, car il
n'y a pas longtemps qu'à la tribune parlementaire M. Dufauro, rapporteur/dela
commission nomméo pour exposer los motifs du projet do loi relatif aux nou-
veaux crédits extraordinaires demandés pour l'Algérie, faisait entendre à la
chambre dès députés de sévères paroles sur la situation administrative de la
colonie, livrée à l'abandon et à tous les genros do désordres par l'incapacité
ou le mauvais Vouloir do M, le maréchal Bugeaud. En voici quelques passages/
plus expressifs que tout ce que nous pourrions ajouter :

« Pondant qu'Abd-el-Kader promène rapidement le troubla et le pillage dans les provinces d'Alger et
d'Oran, pendant que lotîtes nos colonncssonl à sa poursuite,l'administration du pays est fatalementnégligée;
aucune grande mesure d'organisation n'est prise ; une société civile, agglomérée au hasard, se forme sans
règlea,-jsaiis discipline, sans unité, Des ordonnances Importantes, promulguées par la ministre de la guerre,
restent sans exécution, par- la lutte à peu près publiquo qui s'établit ontrele pouvoir local et le pouvoir
central, Enlln des désordres éclatent dans plusiours parties de l'administration locale, môme dans celle qui
est chargée des intérêts les pliia rospectabies, les plus élevés, celle des cultes, Des fonctionnaires sont rap-
pelés on France, d'autres sont traduits devant des commissions d'enquête ou devant des tribunaux ! — Au
uiilieu de là préocoupalioh générale que ces circonstancesont éveillée, on s'est demandé ce qu'étaitaujour-
d'hui notre occupation en Afrique ? Jusqu'où elle devait s'étendre ? Quelles étaient lea populations sou-
mises à notre autorité ? SI nous devions toujours les avoir pour ennemies, ou si nous pouvions los gou*
'Mf. L'APBÏQUE FltANÇAÏSE,
veriior ntilemoul pour «lins et pour nouî'.'' ICnfiiï si le youyernoroont du l'Algérie était coiifiUluâ comme il
(levait l'être? >

La commission a reconnu qu'au delà du rayon qu'embrassent


nos postes,
toute expédition qui nous entraînait vers lo Sahara était ou moins inutile ;
qu'elle ne nous préservait d'aucun péril, no nous assurait aucun avantage, ot
ne pouvait avoir d'autre résultat que d'exténuer nos troupes par des marches
forcées au profil de certaines ambitions signuhios par quelques bulletins.
A l'égard do lu famouso guerre contre los Kebaïlos do l'est, dont la déter-
mination tant do fois avortée n'en est pas moins restée la manie do M. Bu-
geaud, M, DiilUure révole ainsi le blamo du gouvernement ;


Los déclarations fermes et réitérées do M. lo mini.slre do la guerre nous ont appris qu'il était ivès-
léeidé à y niottre obstacle. La pansée do M.' le gouverneur général est, nous a-l-il dit, parfaitement con-
forma à celle du gouvernement, Mais, nu centre do notre domination'eu Algérie il s'est créé des intérêts
,
de. spéculation qui aiment ht guerre pour les profits qu'elle leur rapporte, et qui poussent
aveo ardeur h cette
lullo contre la lùba'itte, dont lo moindre défaut est d'être inutile. Ces intérêts sont actifs; ils parlent, ils
écrivent, ils forment i\ Alger uno sorte d'opinion publique C'est contre ous que nous prenons nos pré-
cautions, ?>.

La population indigène dont, par tous ses actes, M, Bugeaud veut accom-
plir l'oxtormination, a fixé ; l'attention du gouvernement, A rencontre de ce
système, flétrissant pour notre civilisation, la commission fait remarquer a la
C.hambro que nous nous trouvons on présence d'un état social qui n'a aucune
analogie avec le nôtre, et qu'il faut savoir comprendre pour pouvoir le con-
diii.ro et'lo modifier ;

« Gouverner les t.ibus arabes, c'est exercer sur elles uno haute police, ot maintenir-entra elles l'ordre.
et la paiv; c'est véglor l'impôt qu'elles doivent et le percevoir; c'est surveiller lésmarchés où. elles se
réunissent, et leur assurer'.«ne loyale et bonne justice: c'est les couvrir do notro protection et leur pro-
curer, pur nos conseils et nôtre coopération, des avanlagos réels qui les attachent A nous,
«Mais pour exercer en Algêrio un gouvernement franc et bienfaisant, conforme a nos intérêts comme A
notro honneur, il faut employer dos instruments divers, suivant lo caractère dos tribus qu'ils doivent diriger.
— Au sein do quelques-unes, se sont élevées do grandes familles, anoblies par le sacerdoce ou par la guorre,
ut dont lu puissance est consacrée par le temps. Lorsquo les chefs de ces familles consentent à exercer le
pouvoir eu notro nom, ils nous rendent do vrais services, et pondant longtemps sans doute il sera utile do
les avoir pour Intermédiaires outre los indigo-nus ot nous,—Si ces chefs ont miens aimé nous être hostiles,
il n'y ajamais grand avantage à leur on substituer qui nous doivent leur élévation ; qui le plus souvent
cherchent a s'enrichir ou à so faire craindre a force d'exactions, et qui déshonorent le gouvernement
;

qu'ils servent. Souvent aussi Ils excitent le dédain de cous qu'ils devraient commander, so font pardonner
leur puissance en nous trahissant à la première occasion, ou meurent sous los coups dos sujets quo nous
leur avions donnés,
-.; La France est venue soustraire au joug de leurs .'oppresseurs les populations qu'elle a trouvées sur
le sol do l'uncitmne régence d'Alger; oHo prétend los relovor elo leur antique servitude, et les initior à une
vio nouvelle, Les Arabes conquérants de l'Espagne ont été, dans lo moyen Age, lo peuplo le plus brillant
ut lo plus éclairé de l'Europe. Par quello raison leurs descendants seraient-ils voues pour toujours sV une
i vie turbulente et antisociale? 11 n'appartient pas mémo à la fatale influence du despotisme d'opérer des
transformations si profondes ot si irréparables !
« Mais; Jl. ne suffit pas que les indigènes actuels soient soumis u l'action do notre gouvernement; il
faut qu'ils soient éprouvés, façonnés au contact île nos populations européennes. Le territoire qu'ils occu-
pent est trop vaste pour eux : il appelle de nouveaux habitants. Ouvrons-le donc, mais aveo prudence,
aux émigrations européennes qui en demandentrentrée, »

La commission arrivant, dans son étude, à l'examen des plans de colonisa-


tion militaire inventes par le maréchal Bugeaud, les a repoussés sans détour :
Ihéoriiiui»
« Cette Conception, plus quo pratique, n'a jamais été adiuiso par l'administrationdo la guerre,
L1VHK HUITIEME. 465
plusieurscommissions lêginlativos l'ont déjà examinée ot condamnée. Après d'énormes rléponso»
pour mottro
co système en pratique, on s'nporcovrait qu'il no repose que sur des illusions. Los causes qui ont nmoué lu
ruine do l'établissement militaire essayé a Fouku étaient trop dans la naturo dos choses pour qu'on toutes
circonstances pareilles, elles ne produisent pas lo mémo résultat. L'établissement des colons ouropéens
sur
lo sol d'Afrique demande, do la part du gouvernement, beaucoup moins d'ort ot do petits
moyens. On doit
compter sur l'intérêt individuel, suffisamment éclairé et convonablemont garanti i ot en donnant les terres
du domaine, nous avons un moyen d'activer lo mouvement social qui s'opérerait naturollamont
sans nous,
mais, a la vérité, plus lentement. >

Ces préliminaires posés, la commission a posé, d'une main fermo, la valeur du


gouvernomont militairo, tel qu'il.fonctionne aujourd'hui on Algérie; et comme
périodo de transition à uno oro do stabilité et de développement social, qui doit
écloro ot fleurir sous los auspices d'uno plus haute création dont l'avenir garde
los destinées, ollo a proposé la formation d'un ministèro dos affaires d'Afrique :

1
« L'armée est tout au moment oîi elle conquiert j la conquête aohovôe, ollo remplit plus ou moins labo-
rieusement le rôle définitifajx'vmn armée permanente remplit en Franco ; elle protégo nos possessions contre
un ennemi extérieur; elle apaisa dos troubles Intérieurs; ollo couvre, elle sauve les intérêts civils menacés
par la révolte ou par la guerre s — BLLB NB IV.S ADMINISTIIK PAS.
« Ce qu'il y a A faire en Algérie, c'est do conduire ensomblo tous los intérêts par des mesures spéciales,
transitoires,habilement combinées, jusqu'au point où, malgré la différence dès races et des langues, ot
l'antique hostilité des principes religieux, l'Algério pourra, commo la Corso, être rôunto à la Franco.
C'est une oeuvre toute particulière, qui ne rontro dans les attributions d'aucun dos ministères actuels; ollo
est d'ailleurs trop importante pour demeurer l'occupation secondaire d'un homme, quoique émiuent qu'il
soit. On arrive donc a cotte idéo que lo Pouvoir qui dirige, de Paris, nos possessions dans lo nord do
l'Afrique, no sera exercé avec assez de soin, et sous uno responsabilité réelle, que lo jour ou il sera remis
a un ministère spécial,
< L'organisation A Paris du gouvernement central do l'Algério serait inévitablement suivie d'une nou-
velle organisation do l'administration locale Elle a été remaniée bien dos fois depuis la conquête ; mais
on ne peut guère voir dans ces nombreux essais quo des tâtonnements sans plan arrêté, sans but définitif,
ot qui ont toujours échoué devant les plus frivoles considérations de personnes. Ainsi est-il arrivé du dernier
de ces remaniements, de l'ordonnancedu 15 avril 1815. 11 ne pouvait en être autromont. Tant quo lo gou-
verneur général n dû conserver un pouvoir presque absolu, les administrationsdo l'Algério no pouvaient
être que ses bureaux; plus tard, créées au milieu do la lutte qui était engagée entre lo gouvernement do
l'Algérie et le ministèro do la guerre, elles ont dû porter l'empreinte do leur époque, L'organisation, no
sera bonno que le jour ou il sera bien entendu que te pouvoir local n'est autre chose qu'un agent d'exécution,
chargé démettre en pratique les volontés d'un ministre, dont chacun do ses aotos pourra engager trÔ3-rôelIo-
mont la responsabilité et compromettre l'honneur politique. Une conduite irrégulière ou immorale chez
les représentants de l'autorité française est un malheur public »

Co grave exposé de la vérité des faits, soutenu do touto l'autorité dont s'on-
tourait la parole d'un dos membres les plus distingués do la Chambre, produisit
une vive sonsation. Néanmoins, los crédits furent votés avec la précipitation
ordinaire, los questions fondamentales et la,création du ministèro spécial se
trouvèrent indéfiniment ajournées. Mais l'écho des critiquos élovées par M. Du-
faure avait retenti dans les bureaux do la presse algérienne; los publicistes aux
gages du gouverneur général y répondirent, comme ils savent répondre à tout,
par l'éloge amphigourique des gloires de leur patron, saturé do plates injures
a l'adresse des pouvoirs de la métropole.
Co serait une triste histoire que colle des condottieri littéraires du maréchal
Bugeaud, race famélique accourant, sous le fouet du maître, léchor sa botto
sanglante au retour d'une boucherie, puis s'escrimant, à tort et à travers,
contre les actes, los projets ou les ordres du ministèro, aux frais des fonds se-
crets jetés sur la terre d'Afrique par ce même ministère I Ce scandaleux oubli
deJtcuite pudeur a été poussé si loin, que, dans sa séance du 11 juin 1846,
tm L'AEIUQUE PHANÇAISE,
la Chambre dos députés s'en est émue; ot copondant lo pouvoir n'a pvisau-
cuno mesure pour faire sentir à son agent la responsabilité qui devrait posor
sur lui.
Mais on dehors de la polémique révoltée qu-oncourogo ot subventionne lo
duc d'Isly, veut-on juger dos singulières doctrines qui se publient sous sou
contrôle, ot avec sou visa ou celui do ses lieutenants? Pour en citor un seul
oxomplo, pris au hasard, ouvrons le Courrier d'Afrique, du 1S avril 1846;
voici los espérances que M. lUigonud nous laisse adrossor do sa capitale, ot lo
patriotisme intelligent quo prôohont ses publicislos :
K II est tout à crolro quo nos oeuvros sur l'Ouest do
l'Afrique rostoront infé-
condes, Nos idées ot nos moeurs nous ompéchoront do suivra le précepto coni"
pelle nos intrare, sans lequel il est impossible do dompter ot do civiliser ses
habitants. Nous voulons rospector l'élément indigènoj nous voulons des trans-
actions, une FUSION : or, cos moyens soront impuissants contro uno population
opiniâtre, résistanto, ot possédant au plus haut degré l'amour inné do la sau-
vagorio.
» Mais, h côté do nous, il est un pouplo qui, par son caractère national,
pout dominor ot civilisor lo Moghrob, c'est LE PËUPLU ESPAGNOL, En olïot, doué
du génio do la porsévéranco, il est admirablement apto à combattre uno notion
persévéranto ollo-mômo, Par sos antécédents, par sospenchants naturols, porté
instinctivement a employer los moyons do riguour, il les emploiera sans hési-
tation; ot cola lui donnora lo seul moyon d'action qui s'harmoniseavec lo càrac-
tèro dos Moghrobins. Pour cos motifs, jo voudrais voir l'Espagne chargée do
coloniser, puis do ciyilisor lo Môghrob. On lui a reproché d'avoir été cruollo
envers les aborigènes do l'Amérique continontalo ot insulaire, Admottons-lo;
mais aux yeux du véritable philanthropo, la prise do possession do l'Amérique
a été un bonhour pour l'humanité» La misanthropio seulo pout meltro los mal-
heurs do cotto conquéto au-dossus dos bionfaits qui on ont résulté. Or, l'Afrique
occidontalo est aujourd'hui uno nouvollo Amérique. Si l'Espagne parvenait à
l'européiser, ollo aura bion mérité do l'humanité entière En vérité, c'est uno
nation qui ressomblo beaucoup aux Moghrobins. Elle est, commo eux, sobre,
opiniâtro, ardonte. Elle ost ennemie dos transactions et do la fusion* Ses moeurs,
un peu sauvages, lui permottont d'employer les procédés quo nous n'osons pas
employer à l'oncontre dos aborigènos. A tout prendro, mieux que news, elle pout
lutter, à armes égales, avec la sauvagorio africaine. »
Voilà pour l'avenir : observons lo présent, Douzo oit treize colonnes par-
courent on tous sens, tantôt à petites journées, tantôt à bride abattue * tous les
coins et recoins do l'Algério. Le gouverneur général, en personne, rapetissant
son rôlo aux proportions do celui quo remplirait suffisamment un lieutenant*
colonel, promène dos soldats do marches en contre-marches, depuis l'Ouaren*
senis, dont il aflbctlonne la route, jusqu'au Djerjerah, ou la mémoire des lau*
riers do Théodoso l'ompôcho do dormir. Do temps en temps c'est une razzia t
—- tollo tribu a
été sévèrement châtiée} —« telle autre a reçu une rude correction,'
—• tel
colonel a pillé (stylo'des bulletins) quelques misérablos douars; — tel
officier général a livré un brillant combat à l'émir insaisissable, mais dont on
ronconlro partout les vestiges de la veille; ~- on a pris des quantités incalcu-
LIVRE HUITIÈME, m
Jablos de boeufs, do moutons, do chameaux, qui s'éclipsent ensuite comme par
enchantement} — pour résultats, nos soldats se démoralisent, tantôt por los
furioux excès auxquols ils s'abandonnont, tantôt parce qu'ils comprennent
qu'après tout, ils no sont que les instruments de l'ambition ot des vanités do
quelques chefs, Au rotour, les hôpitaux se remplissent; mais les houroux du
métiov récoltent, «M'onvi, grades ot décorations; l'Algério est pour oux uno
terre promiso, un pays d'exception; tout est bien, pourvu quo tour fortune do
guerre y soit rapido ot complèto, Ceci n'ost point uno critiquo failo a plaisir;
c'est un fait que les intéressés osovaiont seuls démontir, mais sons quo lour
désaveu pût atténuor en rien sa gravité, Nul n'ost plus disposé que nous à re-
connaîtra les nobles exemples do courage, do dévouomont ot d'abnégation dont
i
l'armée d'Afrique a le droit do s'enorgueillir; ot pout-ôtro nous sora-t-il donné
d'écrire un jour un livre oh chaquo héritier do nos gloiros trouvera lo récit do
ce qu'il a faitl. Mais si, commo no rougissont pas do l'écrira, h Alger, les jour-
nalistes do M, lo maréchal liugoaud, s'il ost vrai qu'Abd-ol-Kador soit « un
pauvre garçon qui èpelle le Korcm, et qui court les monts et les broussailles, en
1 Los épisodes do bravoure individuelle dont les luttes africaines no cessent d'ûtro lo théiUro fourniraient
la matière d'un long ouvrago, et les militaires qui s'y distinguent no trouvent pas tous la récompense A
côté dos services. Nous trouvons dans les bulletins plus d'un nom souvont proclamé par d'incontostables
actions d'éclat, qt qui no figura que bien tardlvomout sur la fouilla des promotions, U est vrai qu'on no
saurait contenter tout le mondo, ot qu'en rovanoho, la favour intriganto ost ollén pluy d'une fois cher-
cher ses élus sur des olmmps do Imtaillos fantastiques. En Algérie commo ailleurs, à do rares exceptions
près, pour quiconque n'ost pas déjà revêtu d'un haut grade, on no porte pas, on vampaut, Ja laisso doréo
do l'étot-mnjor, la vio militaire ost bien aride, et lo justice trop partialo. L'histoire fera, quoique jour,
la part des uns et des autres, Ello n'oubliora pas ce jouno et brillant Muchovô, simple sous-Jioutouant
nu 1" ohasgeursd'Afriquo,etqulcompto déjà vingt-six cfimpngnos; Machorô, vrai Centaure par son nitrosso
l\ manier lo cheval arabe, vrai Bayard pour donner l'exemple do la générosité' et du oourngo. Lo 17 oo-
tobro 1844, dans un],combat contro la belliqueuse tribu koboïlo des Flissas.ol-flahr, Jo Jleutonant-colonol
JToroy, duC8% avertit lo commandant de Noue, du 1" chasseurs, que son infanterie ost serrée de près ;
le 4* escadron part au galop, M, de Noue ordonne nifsous-lioutonant Machorô do déployer son peloton
on tirailleurs ; oot officier se jetto en avant de ses hommes ; il gravit un mamelon, ot dorriôro un massif
boisé, une embuscade so découvre et l'entoure i — Chargez) s'écrio le commandant do ?jquo. Un moment
d'indécision so manifeste parmi los chasseurs, on fncod'un ennemi supérieur on nombro. Le sous-lieute-
nant Maoherô entame seul la ohargo, tua plusieurs Arabos, ot enlève son peloton électrlsô par ce-trait
do dévouement. — Lo 10 juin 1845, la colonno du général Mnrcy venait de fairo sa jonction aveo cello
du général d'Arbouville, aux environs du Djerjerah, Lo bravo commandant d'Allonvillo apprond quo
le copitalno Picot ost fortoment engagé ; il s'élance à son secours. Los chemins son affreux ; la oavolorio
jrnet pied 4 torre et se bot pendant deux heures. Lo sous-lieutenant Machoré, dojà blessé, -nb veut pas
quitler lo combat, et fait lui-même lo coup do fusil, avec les lieutenants Toussaint ot Carus, dos spnhis,
Dans cette rude affaire, l'adjudant Perrotln so dévoue en allant, seul, à travers mille dangers, chorebor
un bataillon d'infanterie du gros do la colonno , qui arrive a temps pour dégager les cavaliers. — Lo 28
décembre 1815, au combat do Tamda, le sous-lieutenant Macheré est grièvement blessé dans uno
charge. L'intrépide capitaine Kiefler, qui avait eu déjà deux chevaux tués sous lui, veut donner k un
autre officier lo commandement du peloton, M, Machoré no veut pas quitter ses chasseurs , U reste à
cheval couvert do sang, et à Ja fin do cette lutte, il vole à l'arrlèro.garde, auprès du capitaine Jozon, dés
spahis, qui protège la retraite do la cavalorio. C'est alors quo le colonel du V chasseurs, témoin do cetto
admirable oondulto du jouno Machoré, l'envoie chercher par un adjudant, ot lui dit ; « Monsieur, c'est assez
pour aujourd'hui ; votre place est loi, près do mol! » Trait do bienveillance militaire qui honore égaloraent
lo colonel et le sous-lleutonant,car cotto place était encore celle du péril, ' t '
M. Maoherô est le beau-frôro d'uno do nos célébrités scientifiques, lo docteur Hamon , ancien médecin
on chef de l'hospice royal do Charonton, ot directeur aotuol do la maison do santé do Confions. Noble et
touchante union des plus bellos vertus do famille ! Pendant quo son jouno beau-frôro retrace chaque jour en
Afrique le type du vieil honneur français, le docteur Ramon, providenco do tout ce qui souffre, partage
sa vie entre les pauvres d'un pays qui le bénit, et les malades d'une société' d'élite qul'trouvo dans la VILLA.
»E CONFLANS les soins les plus habiles et les plus délicats, joints au charme d'uno splendido existence do
château. ' '
tm I/AFIUQUF FRANÇAISE.
compagnie d'une centaine ou deux de brigands en guenilles *, » à quoi sont donc
employés nos cent mille soldats, ot les cent millions par an quo nous vorsons
en Afrique? VA si lo bon sons public acceptait cetto opinion qui s'imprime sous
les yeux d'un gouverneur militaire, combien vaudrait, poséo par M, lo duc
d'Isly lui-même, la somma do ses bulletins de victoires ot do soumissions quo-
tidiennes, sans cesse démenties lo lendomain par la puissance irrécusable dos
faits?
Montrons dans In voio sérieuse, la soulo solide, la seule honorablo pour lo pays,
Qu'une simple étude en soit faito parles hommes qui n'ont d'autre mobile quo
le véritable intérêt do la Franco, intérêt dégagé do toute spéculation personnelle. '
Mettant pour un 'jnstant do côté los considérations de justico et do morulo,
n'onvisageons la question quo sous lo point do vuo matériol, et supposons que
Ja Franco soit dans la fermo intention d'établir, a tout prix, sa domination on
Afriquo : commont y parviondra-t-ollo?—• Doit-ollo oxtorminor les indigènes,
ou les réduire on servitude, comme l'ont fait les Espagnols en Amériquo? Si
cotto ponséo pouvait êtro la sionno, touto sa puissance viendrait échouer dans
les tentatives d'oxécution. Los Arabes no sont point, comme los premiers Amé-
ricains du Sud, des créatures faiblos et désarmées, Co sont dos hommos braves
et vigoureux quo nos armes n'ofl'rayont pas, et qui, poussés à bout, soraient
terribles, — Pout-on ospérer do los rofouler dans l'intérieur, ot do les obligor
à nous abandonner la place? Pas davantage Lo systèmo dorefoulcmont a pu
réussir dans l'Amérique du Nord, parcoquo los naturolsdo cette contrée avaient
dorrièro oux 18 à 1,800 lioues do terres, et qu'ils ont pu reculer sans crain-
dra quo lo sol lour manquât. Mais los Arabes savent fort bien qu'à uno cin-
quantaine do lieues au midi, ils trouveraient une mer do sable, dans laquelle
ils n'ont nullo onvio d'aller s'ensevelir ; ils défendraient donc tours terres avec
autant d'acharnement quo tour vie ot leur liberté, Si cependant une action in-
cessante do tous los avantagos quo nous avons sur oux parvenait à refouler
quolquos tribus, elles iraiont augmenter los moyens do résistanco de celles quo
nous aurions oncoro à combattra, on so môlant à olles; de sorte que chaque
pas quo nous forions rondrait plus compactes les forces do nos onhomis, et plus
difficiles les pas qui nous resteraient a fairo; et comme les Arabes sont obser-
vateurs et intelligents, cetto lutte prolongée lour donnerait bientôt le socret do
notre scionco militaire. Alors nous nous trouverions en face d'une nation que
nos succès passagers n'auraient fait quo rendre plus unie et plus puissauto, ot
qui nous combattrait avec des avantagos naturels, joints à ceux qu'elle devrait
à l'imitation ; heureux oncoro si do nombreux transfuges n'allaient pas so join-
dre à ollo. Nous aurions donc créé h la porto de nos établissements un ennemi
aussi habilo que rodoutablo ; or, c'est là ce que nous devons surtout éviter nvoç
lo plus grand soin.
No pouvant ni extorminer ni refouler les Arabes, devons-nous, sans nous

3 Voyez

»
le Courrier d'Afrique,, journal général de l'Algérie, du H mai 1840, n° 116. — « Pourtant
(continue lo mémo écrivain), voilà l'homme qui nous ocoupe; et ce qu'il fait pour nous embarrasser est
co qu'il y a de mieux à faire pour lui ot dans lo/pays où nous venons le joindra, pays où tout se fait
autremeut qu'ailleurs.
LIVRE HU.ItlfcMR.;; hm
fixer ches eux comme colons, les administrer commo souverains, ainsi que lo
font les Anglais dans riIindoustan?Co système, qui no serait pas d'uno applW
cation très-facile, serait sans profit pour la Franco, 11 n'offre à l'Angleterre dos
avantagos qui, du reste, sont contestés, quo parco qu'elle on fait l'application
à une contrée dont les éléments do commorco sont immensos et indépendants
dos Européens ; mais il sorait ruineux en Algérie, oïi tous les produits qu'il
nous est donné d'espérer doivent ôtro demandés à la torro cultivée par dos
mains européennes, ou du moins par nos méthodes, co qui nous force à nous
y établir autrement quo les Anglais dans les Indes, -— Ce point arrêté, il nous
reste à nous installer au miliou dos Arabes, ot comme souverains, et commo
colons. Mais notro souveraineté devra-t-ollo s'oxorcor pour les mettra simple-
ment sous la môme dénomination, ou, pour mieux dire, sous lo mémo gou-
vernement que les Français, ou consacrora-t-elle à tout jamais la prééminonco
d'une raco sur une autre? Le dernier système fut colui des Arabes on Espagne
et des Turcs en Grèce et partout; de graves inconvénions y sont attachés* car
il n'y a guère que les Juifs qui ne se soient pas encore lassés d'Ôtro dans uno
position d'infériorité humiliante, Lo premior fut colui dos Francs dans les
Gaules; il donna naissance à la nation la plus compacte, la plus unio du
globe, la nation française, C'est le système do FUSION, lo seul rationnol, lo seul
qui offre des résultats durables, parce qu'il est lo seul juste, Los conquérants
qui le suivent sont des instruments dont se sort la Providence pour modifier,
presque toujours à leur avantage, les sociétés humaines; les autres ne sont quo
des fléaux transitoires. Nous devons donc l'adopter, et comme le plus avanta-
geux, et commo le plus juste.
Comment l'appliquerons-nous? Ici, les difficultés se présentent en foule;
mais elles ne sont pas insurmontables; elles sont môme bien loin do l'être, Le
plus grand obstacle à la fusion viendrait peut-être des Européens, L'expé-
rience prouve malheureusement que ceux d'entre eux qui s'établissent dans
ios colonies ont plus de prévention contre les indigènes que los gouverne-
ments, môme les moins éclairés : nous on avons vu de fréquents ot tristes
exemples, Cela tient à ce que la plupart, sortant d'uno position pénible, sont
avides, en arrivant dans un pays nouveau, d'avoir à lour tour quelqu'un au-
dessous d'eux, lis sont en outre peu éclairés généralement* et se sontontde l'é-
nergie ; or, rien n'a plus d'orgueil que l'ignorance aventureuse, Il faudrait
donc mettre autant i le soin à éclairer les Européens quo los indigènes eux-
mêmes ; leur bien faire comprendre que la fusion ost autant dans leurs in-
térêts que dans celui des naturels; et n'admettre dans les emplois publics que
ceux d'entre eux: qui auraient secoué bien franchement les préjugés de race.
Au reste, de tous les Européens, les Français sont ceux chez qui les fâchouses
dispositions que nous combattons sont les moins enracinées. Du côté des indi-
gènes, ce qui paraîtrait devoir s'opposer le plus à la fusion, serait le préjugé
religieux; mais il se trouve fort heureusement qu'en Algérie les interprètes les
plus vénérés de la religion, c'est-à-dire les marabouts, sont en général des
hommes de paix et de concorde, U faut mettre cette circonstance à profit *. Plu-

* 11 est certain que les marabouts les plus célèbres n'ont jamais montré d'éloignemontpourles chrétiens.
tm L'AFRIQUE FRANÇAISE,
sieurs do ces hommes sont assez éclairés pour comprendre, mioux que beau-
coup de chrétiens, que lo niahométismo n'est, on définitive, qu'une secte du
christianisme. .Ensuite, y a-t-il donc tant do chrétiens parmi nous? Certes, les
Arabie connaissent tràs-biôn notre indifférence religieuse ollo est pour eux 5

une garantie que nous no les inquiéterons pas dans leur croyance, Co qu'il y
a encore do foi parmi nous no los effarouche pas non plus; car cette foi est
progressive; c'est elle qui, selon la subliïno hyporbolo do l'Évangile, doit chan-
ger les montagnes do pince, c'est-à-dire, faire un peuple do tous los peuples,
uno famille do toutes les familles, un homme de tous les hommes,
.Jo sois que lo système do fusion rencontré do nombreux contradicteurs;
mais qu'y fairo? C'est Jo tort do toutes los vérités utiles. Cependant la pensée
do faire do tous les éléments, soit-indigènes, soit exotiquos, qui so rencontrent
on ce momont dans la régence d'Algor» ou qui pourront y affluer, uno nation
jouno et vigoureuso, a par ello-mômo trop do grandour pour qu'on no
s'y arrête pas un instant. Les hommes les plus prévenus n'osont l'attaquor en
principe ; ils se contentent do la reléguer dans les utopies t Mais quoi! uno
nation qui, commo la nation françaiso, a, dans l'ospaco do quelquos années,
changé toute son oxistonco politique ot socialo, au point que, si los pères do nos
pères sortaient do tours tombeaux, ils no reconnaîtraient plus lour patrie; une
notion qui a si violemment rompu avec son passé qu'il n'en reste pas vostigo,
doit'Ollo resserrer les bornes du possiblo dans l'ordre moral, au point de se
persuader qu'oucuno modification no peut être apportée à la manière d'être
dos Arabos? Supposons quo dans cinquante ans d'ici ils fournissent des géné-
raux à nos armées, dos organes à nos lois, des députés à nos chambres lôgls-
lativos, dos peintros à nos ateliers, co changement serait-il bien plus surpre-
nant quo celui qui s'est opéré entre la Franco do 1780 et la France do 1830?
Combien do fils des sauvages des Pyrénées, de l'Avoyron, do la Bretagne, ne
brillent-ils pas maintenant parmi nos notabilités sociales? Pourquoi donc croi-
raient-ils les fils dos sauvagos do l'Atlas ot do la Métidjah incapables d'arriver
à co poste élové? Espérons donc quo la Franco verra dans les Arabos dos êtres
progressifs commo nous, qu'ollo leur tondra une main secourante ; qu'elle les
olèyorn ou rang des nations on los adoptant pour ses enfants, Mais ollo n'arri-
vera pas à la fusion en déclarant soulomont qu'ollo la croit possiblo. Pour cola,
elle ne doit pas attendra quo les Arabos fassent tout le chomin ; ollo doit oh
fairo une partie olle-mômo; il faut quo ses lois so pliont aux exigences des lo-
calités, qu'il y ait possibilité do constituer des familles mixtes d'après les formes
usitées dans le pays ; que nos formes judiciairos, quo notre régime adminis-
tratif se rapprochent do la simplicité si chère à ces peuples, Nous gagnerons
autant qu'eux à co changomont, •—Mais si l'on suppose aveuglément aux
Arabes trop d'avorsion pour les Français pour qu'aucun rapprochement moral
puisse s'opérer outre les doux peuples, il ost clair quo, braves comme ils le
sont, ils se refusoront toujours à reconnaîtra pour maitros ceux dont ils n'au-

A l'aU'airo de la Maota, des prisonniers français ne durent qu'à dos marabouts Ja conservation de leur
oxistonco; des déserteurs qui sont revenus parmi nous parce qu'ils so trouvaient trop mal chez les Arabes,
nous ont assuré qu'ils obtenaient toujours aido ot protootion auprès des marabouts, mémo lorsqu'ils mani-
festaient lo désir do retourner ohe/, les chrétiens.
LIVRE HUITIÈME. u71

ront pas voulu pour frèros. Co serait donc outre eux et nous uno guerre inces-
sante, oh la Franco déponsorait son sang ot son argent, le tout pour avoir sur
la côte quelques chéfifs comptoirs qu'ollo devrait abandonner tôt ou tard,
comme les Anglais ont abandonné Tanger, ot les Espagnols Oran, Lo système
do fusion ost donc lo seul applicable ; s'il était impossible, il faudrait s'en aller,
et lo plus tôt serait lo mieux,
Admottons copondant que l'on puisse forcer les indigènes à vider la place,
Est-on bien sûr do les remplacer? Sommes-nous à uno époque oh de très-
grandes émigrations soient possibles? Les causes qui ont peuplé l'Amérique
du Nord agissont-oilosoncoroon Europe? Doit-on renoncor à essayer do tirer
parti dos hommes quo nous trouvons sur los Roux, dans l'ospérance do les
remplacer par des élémonts plus docilos, si l'on veut, mais quo peut-être nous
no pourrons réunir? Voilà, cortos, do graves questions. J'admets, pour un in-
stant, qu'il serait à désirer quo nous n'oussions dans la régence quo dos Euro-
péens; mais ces Européens viendront-ils?—«Us no viendront quo si les causes
do guerro ot do dévastation disparaissent do la colonie, quo si la paix et le bon
ordre y règnont, La paix et l'ordre no règnoront que lorsque nous aurons con-
stitué le pays ; or, on no pout constituer lo pays qu'avec los élémonts quo l'on a
sous la main, ot ces éléments sont les indigènes, Soixanto-quin/.o mille hommes
suffiraient pour assurer on mémo temps notro domination sur tous les points
do la régonce, et préparer lo terrain à l'application du systèmo qui nous parait
le soûl admissible, lîonaparto soumit l'Egypte avec beaucoup moins, mais lo
Nil lui donnait uno oxcollonto ligne d'opérations qiio nous n'avons pas. Avec
ces 78,000 hommes, la conquête du pays devrait être assurée, prosquo sans
effusion de sang; car les Arabes, menacés partout, no pourraientse réunir nullo
part, L'application du système deviendrait alors facile, et ce n'ost pas trop s'a-
vancor quo do dire qu'après dix ans do co régime, la Franco compterait on
Afrique plus do quatre millions do citoyens dévoués.-—On s'abuserait, du reste,
étrangement, si l'on croyait quo la régence d'Alger procurera un jour à la
Franco un bénéfice not, Tout co qu'elle pourra faire, mémo dans les circon-
stances les plus favorablos, co sera do couvrir ses frais. On no doit donc pas
la considéror pour l'avenir comme uno fermo qui puisse ôtro oxploitéo au profit
du,fisc; car, puisque la métropole, malgré ses immenses ressources, no pout
que tout juste supporter les dépenses do son administration, comment espéror
qu'un pays ou tout est à créoiy paye jamais un tribut à la France, on outro dos
contributions nécessaires à l'acquittement de ses dépenses intérieures? L'Afri-
que, bien administrée, pourra se suffire à elle-même; c'est toqt ce qu'on peut
en attendre et en oxiger. Les avantages pour la Franco résulteront d'un ac-
croissement de commerco que chaque année rondra plus sensible, et d'une
extension de puissance, maritime et militaire, duo à la création d'uno nation
nouvelle; qui lui serait unie par les liens do l'affection et do la communauté
d'intérêts. Ensuite, n'aurait-ello à attendre de ses sacrifices quo la gloire atta-
chée à toute grande entreprise; elle no devrait pas hésiter à les faire; car, quoi
qu'en disent les hommes de chiffres, c'est quelque chose que la gloire dans
l'existence des peuples, et surtout cette gloire noble et puro qui no consiste pas
à conquérir et à détruire, mais à ORGANISER et à GRÉER.
.m L'AFRIQUE FRANÇAISE,
Une sogo répartition de soixante^quinze mille hommes permettrait encore do
disposer, sur plusieurs points, de forces considérables toujours prêtes à so mettre
eu campagne aux premiers symptômes de révolte. Il faudrait mémo, dans les
premiers temps surtout, que do petites colonnes mobiles allassent fréquemment
d'une garnison à unoautro,pourobsorvorl'état du pays, ot appuyer où besoin
serait l'autorité do nos kaïds; mais il demeura bien ontcndu.que cet emploi do
la forco matériollo no s'exercerait que dans un but d'ordro et do justice, ot que
le système do fusion s'établirait à l'abri do nos baïonnottos civilisatrices, par
les moyens moraux qui ont déjà été proposés,
La conquête simultanéo serait ronduo plus facile oncoro par nos négocia-
tions quo par nos ormes, Il n'ost pas do provinco oh nous n'ayons déjà des re-
lations suivies avoe des tribus puissantes, qui nous sont partiellement acquises,
Elles nous soraiont d'un très-grand secours, pour la connaissance des localités
ot l'approvisionnomontdo nos magasins; mais il faudrait éviter avoc soin, dans
nos relations avec los indigènes, d'employer los sorvicos d'une foulo d'in-
trigants sans patrie et sans pudeur, toujours disposés à compromettra la di-
gnité do coux qui los omploiont, pour satisfairo leur basse et souvent tyranni-
quo cupidité. —• A mesura que los établissements européens prendraient do la
consistance, quo lo pays s'organisorait, et quo les éléments do trouble disparaî-
traient, des milices localos, composées d'Européons ot d'indigènos, remplace-
raient la plupart dos garnisons françaises qui n'occuporaiont plus que les capi-
tales dos provinces, ot qui pourraient môme abandonner par la suite le pays à
ses propres forces, et so retirer entiàromont. —-Au bout do dix ans, la nou-
vello nation gallo-algôrionne présenterait un tout complot, uno individualité de
pouplo, enfant oncoro, mais bion constitué. Au bout de vingt ans, secouant ses
dorniors langes, olle pourrait s'élancer, jouno ot ploino do vie, dans la carrière
do l'avenir.
Mais on agit rarement, on France, par desseins longtemps et mûrement
prémédités, On y va au jour lo jour, d'après les caprices du moment ot les
petites passions don coteries; on y est tantôt prodigue, tantôt parcimonieux,
et presque toujours à contro-sens, Los abus sont des divinités oxigeantos
auxquelles il faut sacrifier; los lois, los usages, les intérêts personnels les con-
sacrent. Chaque contimo a sa placo arrêtéo à l'avance ; chaque écu connaît,
pour ainsi dira, la pocho dans laquelle il doit ontrer. Il nous faut nécessaire-
ment dos régiments organisés do tolto manièro, avec tel costume, tel nombre
d'officiers, tollo quantité de sapours, do musiciens, coûtant telle somme ; il nous
faut une administration militairo composée d'un toi nombre d'individus, faisant
telle chose ot non pas tollo autre; prise dans uno certaine catégorie et non ail-
leurs, écrivant beaucoup ot ne produisant rien l II nous faut toi nombre dé gé-
néraux, toi nombro d'officiers d'état-major, perdant tour temps à la rédaction
do quelques lettres insignifiantes; dos officiers du génie pour maîtres maçons,
étouffant dans la chaux et lo mortier ce que la nature et l'éducation la plus
soignéo leur ont donné.do lumières 1 II nous faut uno administration civile
coûteuso et routinière ! Dire que tout cela pourrait êtro organisé autrement et
plus économiquement, serait poine perdue. Aussi nous ne nous y arrêtons pas.
Et cependant, le système de fusion, adapté à la province d'Alger, une bonne
LIVRE HUITIEME, 073
et patornollo administration, l'ordre et la tranquillité établis don« la contrée,
rendraient les Arabes qui l'habitent riches et heureux. La vue de leur bion-
êtro ne tardorait pas à fairo désirer aux tribus plus éloignées d'enfer dans ce
nouvel état, qui, s'agrandissant par des adjonctions successives, finirait pout-
êtro par ombrassor toute larégenco, Certes, co système n'a rien do trop grand
ni do trop chovalorosquo, ot va à la taille do nos hommes d'état. Nous croyons
donc qu'il conviendrait do s'y arrêter.
Il faut bannir do l'Afrique l'accaparement des terres ontro los mains do grands
concessionnaires, do manièro quo lo sol arrivo aux véritables producteurs, à
ceux-là qui seuls devralont lo possédor dans toute société bion organisée, si
toutefois il doit rostor propriété exclusive, Lo systèmodes formos serdt absurde
en Algérie; U n'y a quo l'appât do la propriété qui puisso y attirer dos labou-
rours, De trompeuses illusions entraînent en Amériquo do pauvres paysans qui,
une fois à deux mille lieues de choz oux, no peuvent plus revonir sur louivs
pas; mais aux portos do l'Europe, l'illusion ost impossiblo : il faut do la réa-
lité, Los spéculateurs de terres no doivent donc pas espérer défaire à Alger la
traite dos blancs, Il faut pour qu'Algor prospère, quo lo labourour y soit pro-
priétaire, et non formior. Mais, dira-t-on, oh trouvora-t-il dos capitaux? En
effet, ici comme ailleurs, oxisto cette épouvantabio plaie dos sociétés moderno^,
qui met dans des mains improductives los instruments d'industrie qui forcont
lo travail à soldor la fainéantise. Eh bienl cotto soido, puisqu'il lo faut, cette
récompense do l'oisiveté sera payéo; mais ollo lo sora par un labourour pro-
priétaire; voici comment :—Lo travail do l'hommo a uno valeur qui pout êtro
évaluée on argent; que l'on forme donc dos sociétés do laboureurs et do capi-
talistes où cette valeur sera la base dos actions. Cliaquo membro do la société
prendra des actions selon ses facultés, et les payera, soit en argent, soit on tra-
vail, soit enterre; los produits so partagoront par actions. Pour fixor los idéos,
évaluons à 800 francs le travail annuel d'un homme, Lo labourour qui mottra
dans la société ses bras ot un champ do 800 francs aura doux actions. Lo capi-
taliste qui mettra 800 francs aura une action. Avoc los 800 francs, la société
achètera ce qui est nécessaire à la culture, ot les produits se partageront égale-
ment ontre les trois actions. Maintenant on pout prendre uno plus grande
échollo j on sont que ce projet d'association a besoin d'être développé, mais on
voilà le principe, —Si los laboureurs avaient quolques avances, ils pourraient,
ce qui vaudrait mieux, s'associer seulement ontro oux, pour cultiver on com-
mun. Les frais seraient, de cette manière, bien moins considérables} car, au
Itou d'avoir, par exemple, uno charrue, une herso, uno paire de boeufs, ou
toute autre chose, par lots, ils en auraient doux soùlement pour trois lots, ou
pour plus, selon la nature de l'objet. Personne n'ignore la puissanco de l'associa-
tion pour produire de grands effets avec do petits moyens; lo gouvernement en
favorisant les associations, attirerait les laboureurs en foule dans la nouvelle
colonie.
hlh L'AFRIQUE FRANÇAISE.
exploiter dans dos intérêts d'étroite fiscalité, ou languissont, ou so séparent avec
violence de la mèro-patrie, pour laquollo plies no sont souvent, au reste, qu'un
fardeau plus lourd quo productif. Tous les économistes modernes croient qu'un
pouple sogo no doit établir do colonies qu'avec la pensée ot dans lo but do les
abandonner à ollos-mômos aussitôt qu'elles n'ont plus besoin dos secours do la
métropolo. Us los comparant aux petits des oiseaux quo lour.s parents abandon-
nent à tours propres forces dès qu'ils sont en état do pourvoir à lour subsis-
tance. Il no faut pas croire quo co système sorait sans profit pour los pouplos qui
établiraientdes colonies d'après ces principes ; caries colonies, liéos à la métro*-
polo par uno communauté do moeurs, do langage ot d'origino, contractent natu-
rollomont avec elle tours habitudes de commorco, et lour commorco ost d'autant
plus développé que la liborté dont elles jouissent ost plus grande. L'Américain
Shalor et uno foulo do publicistos, même anglais, ont reconnu quo 1'Angleterro
tlro.plus do profit do l'Amérique, depuis la séparation, qu'ollo n'on tirait aupa-
ravant. Au reste, lo Nord do l'Afrique ost si voisin do la Franco, quo celte puis-
sance pourra prondro à son égard, lorsque lo tomps on sora venu, un terme
moyon ontro l'état do sujétion ot celui d'indépondance totalo : co serait do la dé-
clarer partie intégrante do son empire, ot de la fairo jouir do la mémo liberté
polltiquo; mais dans co cas, il lui faudrait plus d'indépendanco administrative
que n'en ont nos départemonts, ot surtout uno législation plus simplo. No per-
dons pas do, vite quo l'administration ost si compliquée ot si coûteuse en Franco,
quo co beau et magnifique pays a do la peine à en.supporter lo poids. L'appli-
quer à l'Afriqup, c'est écraser la poitrine d'un onfant avec lo genou d'un géant.
Los abus do la centralisation appliqués à co pays sont surtout uno chose mons-
trueuse. Dans un temps où ils n'élalent pas poussés aux mômos excès qu'au*
jourd'hni, ils suffirent cependant pour étouffer la prospérité du Cunnda. C'est
dons les localités quo dolvont so débattra los intérêts dos localités ; co sont ceux
qui ont intérêt à lu chose qui doivent s'ocottpor do la choso. —'Ainsi donc, fusion
aveo les indigènes; bonno direction donuéo à l'activité coloniale, liberté admi-
nistrative d'abord, liborté politique ensuite, ot lo pays prospérera. En cas do
guerre, il pourra rendre à la Franco, sinon on urgent, du moins on hommes,
les secours qu'il on aura reçus i lo tomps n'est pas éloigné, pout-ôtro, où les
compagnos du Midi do l'Europe rovorront les burnous arabes.

1 ït nous parait évident quo si h possibilité d'uno fusion outre los racos arabe et frmiçaiso avait été
sériousoinont étudléo et comprise, dans les hauts rangs de l'armée, par dns hommes éclnirés, et plus dévoués
«ux grands Intérêts du pays qu'aux calculs do leur ambition personnelle, nos all'airos d'Afrique seraient,
depuis longtemps i on plelnu vole do piospérlté ot d'uvenlr, M. lo maréchal Vulée, qui joignait nus plus
omlnentes capacités militaires uno fil parfaite intelligence do sa mission do gouverneur, uvait développé
pendant son administration des vues sages ot progressives qtio son successeur ost venu stériliser), ut II faut
mallieuroUsemcnt reconnaîtra quo M. ihigoaud, brutale persontiKlcailon do la forco dastruotlva mais im-
puissanta a édiflor, s'est appliqué à plongcir dans un funosto oubli les tentatives morales, ot couronnée» do
succès, qui portaient ombrage A «os manies belliqueuses, Volet Un fait pou connu ot d'une grande portéo,
dont l'exemple n'a pas été suivi, et qu'il ost permis d'opposer victorieusementaux panégyristes des excès
que préconise M. lo duo d'isly.
Au mois d'avril 1819, la discorde ot la guerre troublaient Jft tribu dos Radjettas, la plus riélio cl la plus
puissante du cercle de l'hillppevllle, Notrtf kaïd El-lIay-bon-Kkallfa était accusé d'exactions par un pttïll
composé des principaux chefs de douars, Lo général Négrier,qui a laissé dans la province do Constantin*.»
la mémoire dos plus atroces cruautés, proscrivit uno étiquete dont M. lo colonel Brlco, commandant supé-
rieur do l'hitlppovltu^fut chargé,—Au Heu d'appeler auprès do lui ses justiciables, lo colonel Urlco les fit
LIVRE HUITIÈME. 476
Et qu'on no pottso pas quo lo système à suivre soit un arcane politique dont
la découverte oxigo des investigationsnouvollos. Non, ce système logique, frite*

prévenir do sa prochaine Arrivée au milieu d'eux, et tour donna roiulez-voitsl, pour le 18 aVtll, daiiS lo vallôlt
do l'Oued-Mozerla,qui so trouve au contra de lour pays, Lo 17, U|ie colonne do 800 hommes, d'ilifantorld,
avoû S pièces dp canon et 100 chevaux, sortit do l'hillppovillo, pour so rondro au point fixé, distant do
otmd lieues, Ot Vint bivouaquer, lo mémo sotr, au milieu do nombreux douars dont los habitants, Informés
de vues pacifiques du colonel Brtce, s'empressèrent d'apporter a son camp des vivres dolil lu prix fut tégU-
liôremont payé, Parvonu dans la matinée du londomain au terme do sa course, lo olief franonls trouva dunS
ltt vallée uno niasso consitlérablo d'Arabes ot do Kebaïies qui attendaient son arrivée. 11 établit un cordon
do sontittelles pour Jaissor libre l'elicoltito ou. devaient so discuter les Intéréls do là tribu j convoqua, autour
de sa tente los officiers dosa colonne, fit approcher les accusateurs ot les partisans du kaïd, et comment-d
son enquête, après avoir fait traduire aux assistants, pur son interprète, une allocution paternelle qui fut
accueillie avec tous les slgneà d'un chateuroux assentiment ! — -.t Jo no vous apporte pas, loui* dit-il, une
justice turque i U n'if « pas de bourreau avùo mot : Voné». t\ nous «uns crainte \ o'est lu justice des peuples
civilisés que jo vous promots, la protoollon pour vos porsonnos et vos bielis, si Vous nous ôtos fldèlus" et
dévoués. » /iîncourogêo par cetto noblo assurance, la plus grando liborté régna dons.la discussion, que lo
kaïd no put influencer, 'fous les faits éclàlteis, lo colotiol Brlco acquit la cotivicUon qUo co ohof indlgénu
possédait l'estime ot la vénération de la mnjdrlté des habitants do sa tribu ; Il parvint sniid poillo, paf des
paroles prudentes et des raisonnements équitables, à concilier toutes, les dissldonoos ,'ot l'nssembléo des
Arabos so sépara on faisant retentir les airs d'acoiamations do joio pour lo sage chrétien qui avait su ré-
tablir l'ordro et la paix.
N'est-ce pas un fait admirable et profondément significatif, quo le Épeotacio d'uno tribu tout entière» dont
le sol n'avait été foulé par nucun Français, représentée par 800 do sos notables devant un tribunal do
paix improvisé, et Uoceptartt volontairement l'arbitrage d'un ofliolor plein d'oxpérionco et de généroux son-
ttmonls? Après la tenue do co Ht de justice, Arabos et Kobaïles se ffiélotoitt à uos soldats, ot jamais" haf-*
monio plus complète n'avait existé entre, dos peuples si opposés.
Lo colonol Brlco prollta do cos dispositions amicales des indigènes pour tohtor uno reccnnatssauco do la
route jusqu'alors Inexplorée qui pouvait conduire de Pliillppovillo i\ Bono, Les cheïklis des îlUdjotlas
s'empressèrent do lui offrir tous les renseignements désirables, et il sa mit en toulo, lo 19, On ayant soin
de faire annoncer de tous côtés, à mesure qu'il avançait, ses dispositions pacifiques, les habitants dos
douars innombrables quo la colonno avait à traverser accoururent sur son passage, et pas Uii coup dé fusil,
pas un cri, pas un slguo de déflanco no troubla cotto marche pùclflquo. Lo 2l, los troupos arrivèrent
à Donc, qu'elles quittèrent lo 83, après un repos nécessaire Durant cette expédition qui dura huit jours,
lo colonel Brloo n'eut pas uno seule faute à réprimer parmi ses soldats j 11 avait dos forces suffisantes pouf
repousser toute agression ) mais le succès do sa mission conciliatrice s'était répandu dans tout le pays ; Ot
la reoontitilssanoo dos Arabos pour su belle conduite, pour l'exempto si rdro qu'il Vouait d'opposer A tout
un système do dévastation, attirait partout à cet officier supérieur les hommages dos populations.
Dans d'autros occasions, lorsqu'il fallut déployer la forco dos armes,lo colonol Brlco «ut ïappoler glorieuse
mont à l'arméo d'Afrlquo l'illustration qu'il avait acquise on défendant tô Sol français eu l8,U ot 1816,
Parmi los faits do guetta auxquels se ratluoho le nom do co brillant ofliolor supérieur, lo combat du 8 mat
18'IS ofl'ro uno des plus belles pages de noire histolro africaine.
Un marabout fanatique, nommé Si-Zerdoud, avait, dans los dorniers Jours d'Avril, soulevé les populations
du Sahel à l'ouost do Phlllppovlllo. Lo colonel Brlco réunit 1,S5U hommes du 19* l'égof, du 8é bataillon
d'Afrique, des sapeurs du génlo et des spahis {11 so porto lo 1" mal, uvoo cotto colonne ot 2 pièces do mon-
tagne, à doux lieues ouest du blokhaus d'Ël-Dlssj arrive, le 3, dons la valléo de l'Oudd-Guobly', dlsslpo utt
rassombloment déjà formé au marché du Toltu, ot y prend position. Mais Vors uno heure dô l'aprôs-midl,
au moment d'opérer son mouvement do retrailo, ot do regagner les côtes qui conduisent i\ El-Dlss, Il so
Volt assailli pat l'apparition soudaine de plus do 11,000 Kobuïles. Sous les ordres d'un chef éprouvé ot qui
possède touto leur confiance, nos troupos no comptent pas leurs adversaires, et lo combat s'ongàgo aveo
un ordre ot uii sang'froid parfaits sur ce terrain hérissé do difficultés. Uno môléo (omble eut lieu pendant
ne>if heures. A la nuit dose, on s'Ut'rôta sur un plateau peur paiisor nos blessés, Lés Kobuïles vouturont
profites' de ce moment pour tenter uno dernière attaque, et, favorisés par los ténèbres, vinrent fairo uno dé-
charge presque o, bout portant sur l'ambulance, «- « A la baïonnette I » s'écrio «lors lo brave colonel ïlrico,
on «'élançant lul"ihômo au milieu des ennemis, l'épéo aupitog, aveo lo colonel do la 'IW-du-Pin, comman-
dant on second la cotonne, et uno polgnéo d'officiers, Les montagnards lâcheront pied devant colle rispoto
héroïque, ot ^'osèrent plus reparaître. Après Uno heuro do soins consacrés aux blessés, ceux-ci, au nombre
de cinquante-six, furent placés sur des cacolols ot sur les chevaux des officiers, et la retraite s'ellbolua dans
un ordre parfait. Nous n'avions perdu quo nouf hommes; l'ennemi on laissa lui-mémo plus docont vingt
sur le terrain, présquo tous tués a la baïonnette, et parmi lesquels quinsio ou seize cheïkhs ou porsonuages
marquants.
C'est ainsi que, comme administrateur ot comme guerrier » M. lo colonel Brlco a laissé ou Afrlquo do
m L'AFRIQUE-FRANÇAISE.
tueux et immédiatement applicable, seul facile, raisonnante et pou dispendieux,
consisterait a prendro commo base d'opérations les points principaux du littoral,
et à porter on avant dos postes fortifiés, pour protéger la culture, au fur otà
mosuro de son développement. Co no serait point lh de lo colonisation dans la
mauvaiso acception qu'on a voulu donner à ce mot, co ne serait point do l'agri-
culturo onrégimontéo nu son du tambour, tollo quo la rôvo M. Bugeaud, co fou-
gueux ennemi des institutions civiles; ce serait do Toxploitation utilo, lucra-
tive, qui, a mosuro qu'ollo gagnorait du terrain, augmenterait les revenus do
l'État ot diminuerait sos dépenses. Il s'agirait seulement do protéger efficace-
ment, pondant quelques années, une foulo d'hommos industrieux, attirés de
tous los points do la Franco et do.l'Europe; d'hommes qui seraient tout a la fois
cultivateurs pour produire, citoyens pour so gouverner, soldats pour défendre
leurs pénates adoptifs; d'hommes enfin qui no prétondraient pas oxterminer los
populations indigènes, mais los joindre a eux pour lour profit mutuel '. Co sys-
tème, on un mot, fut colui des Romains, dont les postes fortifiés, les routes, les
travaux existent oncoro partout, sur lo sol do l'Afrique septentrionale.
On a trop souvent considéré la raco arabo commo n'ayant rion changé à sos
anciennes habitudes de fanatisme ot de sauvagerie; co jugement erroné est de-
venu uno croyanco fixe, mémo pour un grand nombre d'esprits sérieux; et ce-
pendant) il faudrait former les youx à toute vérité historique pour no pas recon-

précioux souvenirs, qu'on pout livrer o. la méditation de plus d'un chef militaire. O'ost on so montrant
équltablo ot invincible, selon les circonstances, qu'on obtiendrait on Algérto dos résultats durables! La
raison du for n'enfante souvent quo des bulletins éphémères} mais la raison civilisatrice, mais la justice
pratiquée produisent des fruits impérissables, des enseignements patriotiques, ot Uno gloire dont la posté-
rité tient -plus do compte à l'homme do bien quo dos lauriers du champ de bataille.
Lo colonot Brlce, quittant Phlllppovlllo pour venir on congé, recevait au mois d'août 1813 un témoi-
gnage spontané do la reconnalssanco ot des veaux publics, Une adresse signée de tous los notables de la
villo ost ainsi conçue i — « L'époque où nous avons joui d'une autorité paternelle ot bienveillante a,
commencé aveo votre administration, ot nous no pouvons, au moment do votre départ, vous laisser
ignorer quo vous emportas nos justes regrots. Acuoillez, colonel, ce pur hommage do touto une population
qui vous aime et vous révère, ot qui gardera do vous un précieux souvenir, Vous avess donné dans co
pays un bol oxomplo t\ suivre, car vous avez su réunir aux qualités qui ont Illustré votre carrière militaire
colles qui distinguent l'administrateurjuste et bon, et l'hoinmo do bien pnr excellence, »
Pou do commandants supérieurs ont mérité ou Afrique l'expression d'uno si henoïablo sympathto, Cotte
lottro do noblosso, décernée par touto une ville, et publiée on son nom par touto la presse de France, peut
so placer on regard des actes do M. Négrier, commandant supérlour do Constantino, et dont lo trophée
militaire so compose d'au moins qtiaroutc-deux têtes d'Arabes coupées par sa justice particulière) à propos
de délits parmi lesquels on pourrait signaler lo vol d'uno bouteille do vin do Champagne, commis au pré-
judice da co général par son domestique Indigène
*i Quant aux intérêts commerciaux,ils sont palpitants. La France reçoit annuellement de l'étranger pour

dix-huit millions d'huiles d'olive qui nous arrivent do Naplos, do Sardalgno ou du Piémont. No serait-il
pas plus avantageux, au Heu do continuer a Olro les tributaires do l'étrangor, do recevoir celte matière pre-
mière? d'uno colonie françtttso placée à doux jours do nos côtes? —Lyon reçoit tous los ans pour plus do
trcnte-clnq millions do soles. SI nous no possédions pas l'Algérie, où la culture du mûrior réussit d'une
manière merveilleuse, nous verrions l'Angloletro s'omparor entièrement do notro commerce do soieries.—
tënfln la Franco consomme annuellement pour quatre-vingtsmiltions do francs do coton. Les cotons nous
viennent dol'Égypto et do l'Amérique) ceux-ci nous coûtent fort chor, parce quo le transport augmente
leur prix. A Alger, les cotons ont admirablement réussi «. les échantillons obtenus sont d'une valeur égalé
A celte des plus beaux produits do la Louisiane. Ëst-11 sage do demeurer tributaires do l'étranger pour ces
80 millions, lorsque nous pouvons ne l'être que de nous-mêmes, ot da continuer & recevoir tes cotons do
l'Amérique lorsquo cette Importante matlôro première pout êtro placée à nos portes, ot arriver sur nos
marchés do Marseille on deux jours? Quand nous récolterons tous nos cotons à Alger, nous les fournirons
i\ bas prix a nos fabriques i elles nous livreront leurs tissus au mémo prix que l'étranger, et nous n'aurons
plus do concurrence & craindre.
LIVRE HUITIEME. 477
natlro avec quelle étonnante facilité cetto race spiriluollo, intolligonto ot vivo,
a subi plusieurs fois los transformations les plus brillantes, et le contact d'uno
civilisation trôs-avancéo. H faut avoir oublié quo Pcmpiro arabo, que la rési-
dence des khalifes ont été longtemps lo foyer des lumières, quand ollos
étaient éteintes dans notro Occident; il faut avoir oublié quo les Maures, venus
do cette mémo Afrique, après avoir conquis l'Espagne, lui rondiront los plus
beaux jours de la domination romaine; qu'à Cordouo il y avait dos savants,
quand chez nous los clercs soûls savaient liro ot copior; quo los Arabos vonus
d'Afrique, les montugnards ou Kebaïlos oux-inômos (car ceux-ci sont aussi vonus
en Espagno au secours do leurs frèros contre les armes chrétiennes), quo cos
Arabos, dis-je, étaiont un peuple ami dos arts, qui a laissé dos traces magnifi-
ques do son passogo, et h qui les mathématiques, l'astronomie, la médecine, la
chimio n'étaiont pas étrangères, puisque nos pères tes étudieront dans leurs li-
vros ot dans leurs écoles, No soyons point injustes ou aveuglos; los Romains ot
les Grecs avaient été lours maîtres ès-scioncos; ils furont les nôtres à lour tour ;
le moyen dge lour doit'la plus grandiose do ses institutions, la chovalorio;
leurs moeurs étaiont polies, quand nous étions presque aussi barbares qu'ils lo
sont maintenant.
Les races humaines sont longtemps, toujours roconnaissablos. Lo type arabo
ost trop fortement prononcé pour s'être effacé, L'Arabe avec nous pout redevenir
ce qu'il fut; il peut apprendro comme apprirent sos oïoux. Sans doute, il ost
déchu, mais pas autant quo bion d'autres pouplos; il pourra so relever commo
homme, commo être doué d'intelligonco, animé du souffle divin; il ost aussi dis-
posé qu'aulrofois aux grandes choses ; il n'a pas changé. L'Arabo, a-t-on dit,
est amoureux do sa liborté, do son indépendance, et quand un étranger vient
aborder ses rivages, c'est do cotte indépendance, do cotto liberté qu'il s'occupe
d'abord ; il veut la défendre, et il a pour lui dos armes quo la civilisation n'a
pas contre lui : la fuite ot lo désort. U y a du vrai, mais on so fait oncoro illu-
sion sur cetto partie du caractère dos Arabeu.
Pour nous, dans nos moeurs, nous entendons la liborté commo liberté poli"
tique) et co mot revient si souvent so mêler a nos débats, quo nous ne lo
comprenons plus 'autrement; mais la liborté dos Arabos n'est pas cello-là.
La liborté politique n'oxisto quo dans les pays réunis ontro oux par des lions
communs, qui ont uno nationalité connexe et difficilement séparablo ; — chez
tes Arabes, rien de pareil ; chaque tribu forme, pour ainsi diro, un état à part ;
chaque agglomérationdo familles est un petit peuple qui a sos intérêts, ses droits,
sos passions, ses souvenirs; qui so venge, qui fait la paix ou la guerro, selon
qu'il convient h ses intérêts du moment, et sans consulter sos voisins; ot on
n'a pas lo droit do lui imposer uno opinion contraire à sos intérêts. C'est ainsi
quo l'Arabo quo son intérêt a fait notro allié, et cola arrivo souvent, est notro
allie aussi longtemps que nous pouvons maintenir dans sa main cet intérêt
qu'il comprend, dont il jouit, qu'il savoure; car, lui non plus n'ost pas étranger
aux jouissances do la vie. Mais du jour oh nous no pouvons plus lui procuror
ces jouissances, cetto sécurité devenue tant do fois un mensonge par les fautes
do quelques chefs militaires inintelligents; du jour, oh soit d'autres tribus, soit
un ensemble de tribus s'approchent ot le menacent, il dit h son allié, a lu
478 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
France ; «Étos-vous prête? Avez-vous la main assoz longue pour mo garantir
do l'atteinte du péril? Jo suis votro ami, jo no suis pas assez fort pour résister
seul; jo voux roster votro ullié, mais jo vais êtro razzié, anéanti, si vous no
venez à mon oidoj protégez-moi, ot jo tirerai des coups do fusil à votre compte.»
Tel est le langage naturel do l'Arabo, otil est fidèle jusqu'à co qu'il ait reconnu
que notro putronogo est illusoire. Nous sommes vonus on Afrique pour achever
dodétruiroun mal général, la piraterio; nous avons voulu implanter sur cette
côte, qui a possédé pendant mille ans la civilisation romaine, une civilisation
plus perfectionnée oncoro,' la civilisation française. Eh bien, qu'y allons-nous
approndro? Nous y apprenons la guerro dos temps barbares, et trop souvent nos
soldats, au Heu d'aller h l'école delà bravoure et do l'honneur, y sont conduits
à l'écolo do l'incondlo et du meurtro '. v
Un fait déplorable s'est accompli récemment iiU- c'est le massacre d'un
grand nombre dos prisonniers français, capturés à ^idl-Rrahim et sur la route
d'Aïn-Tomouchin.Lo ministro des affaires étrangères, interpellé, le 1 juin, sur ce
fatal événonient, répondait on ces termes du haut de la tribune J « Nous avons
appris on même temps la proposition d'échange des prisonniers, faite por Abd-ot-
Kudor, ot l'avis du maréchal Bugeaud. M. lo gouverneur général nous mandait
qu'il considérait ces ouvertures comme n'étantni sérieusesntnullemontsincères;
il était convaincu quo celte démarche n'avait pas d'autre objet que de persuader
aux populations arabes qu'il y avait dos négociations pour la paix entre la France
ot Abd*el-Kador, ot d'aider co dornier à maintenir son ascendant sur los tribus
qui étaiont sur le point do lui échappor. Lo gouvernement eût oto parfaitement
déraisonnable s'il avait cru dovoir imposer uno conviction différente à M. le
maréchal Bugeaud. Au surplus, lo gouvernement a employé tous los moyens on
son pouvoir, directs ou indirects. Ainsi, quelques tentatives pour surprendre la

* Co sont nos soldais oux-mômos qui portent témolgnago do cette durô vérité* Uno loltrd éorllô par l'un
d'eux a Tlomcon, au mois do décombro 18*13, s'exprime on cos termes j nous no modifions ou rien sa pensôo
ni son slylo t
« On avait laissé los Arabos tranquilles du côté do Thautt, Nédroma, los Angttds, les ttarohgouns, enfin
tout lo territoire qui borde lo Maroc ot lu mor. Après avoir récolté et ensemencé, lo général leur a demandé
les impôts i Ils so sont rofusés do vouloir les payer. La colonno s'y est transportée par une morcho do nuit.
A la pointo du Jour, les tribus ont voulu échapper ', mais cola lour fut impossible, car, dans la première
journée, TOU*I'vu*r I>IU,É, nnûiii, IJNK CMANDK iMimit Kdonumi, et ïotms LKS I'ÈMMKS l'onRM'J? PAIÏKH
l'MSONNtlMIïS kl' CONDUlîKB A hk fJUSON l)li ÏLlîMCKN I
« Colu était blnn cruel A voir t Ces pauvres femmes pieds nus, portant leurs enfants derrière leur dos 1
Encoro le général leur avait dit qu'ils n'habiteraient plus le pays, qu'il mettrait d'autres tribus i\ leur place,
ot qu'aux iHAiiiNi1 ou ILS vuuMUiuNT ! Celait uno grande désolation pour cos famines d'être privées de
leurs maris.
« jo crois bioli quo l'on sera obligé de Vétiouveter lo peuple, ot de no laisser vivre que depuis doUKo ans.
'Paus les autres devraient être tués outre t sans cola, on no fera jamais rien, car l'Arabo est trop vindicatif.
Quelque moment qu'uno colonno sera un peu faible, les Arabes Vont so révolter et la mettre en pousslèrov
Car les ravages que nous leur faisons sont trop cruels pour tio pas so rovonger. Lorsque leur troupeau ost
pris, quo leur grain ost vnkvét que lour cabane est brûlée, quo leurs arbres portant fruits sont coupés^ ot uno
partie da leur famille égorgée, il no faudrait pas avoir do coeur, lorsqu'on trouve l'occasion, de no pas
prendre sa revanche 1 »
Nous taisons lo nom du Soldat qui a écrit celte page, mais nous pouvons déclarer que sa lotira est ehtro
los mains do M. Dosjobert, membre do Ja Chambru des députés. Cetto loltre est l'expression naïve dos
sensations éprouvées par un témoin oculaire, par un acteur de ces drames hideux. L'imperfection de la
forme n'ôte rien tut fond. Mais, dlra-t-on, ce témoin n'est qu'un soldat! C'est vlai, mais co soldat est
Français, il sort des rangs du peuple, il est homme, et il a réfléchi.
DeVrtt et délivrer nos prisonniers ont été faites ou commencées; et on même
temps/des négociations ont été quvortos avec l'empereur do Maroc pour arriver
à co résultat, L'empereur a répondu îi notre appel. Il a fait avancer dos troupes*
et il a changé le gouverneur de la province voisine do notro frontière; mais
alors, la crainte a gagné la Deïra ; elle a senti que lopéril approchait, et elle a
pris je parti do so dissoudre, par les ordres formols d'Abd^oHCader lui-môme.
C'est au moment où cette résolution critique était prise qu'a ou lieu la déso-
lante catastrophé dont s'occupo la chambre. La Deïta no s'est pas sentie on état
do^gardor les prisonniers et de les nourrir ; ot plutôt que do los rendre a lu H*
berto, elle a exercé sur eux uno vongoanco atroco. »
Nous n'élevons pas un doute sur la franchise dos déclarations faites par
M. le ministro des affairos étrangères, ni sur l'exactitude des démarches; ten-
tées par lo gouvernement on faveur do nos malheureux officiers ot soldats. Mais
il est permis do s'étonner d'entendre M. Guizotproclamor a la tribune quo lo
maréchal Bugeaud « est généreux, humain; qu'il porte dans la guerro tout ce
qui peut Radoucir, en attéttuor les déplorables oiTols. » Lo savant historion-
ministre avait donc oublié le drame brûlant dos grottos du Dahara, fruit dos
instructions secrètes avouées plus tard par M. Bugeaud ; funeste exomplo donné
par uno raco Civilisée h. ces peuples prétendus barbaros, mats aux yeux desquels
lo massacre du 27 avril fut uno horrible roprésaillo qu'il était permis do prévoir l
La faiblosse dos argumonts produits par l'honorable M. Guizot, dans l'essai do
justification qu'il a tenté on faveur du maréchal, consacre mieux que toute
réflexion la responsabilité morale qui pèse sur la conSciohco du potit despote
à qui tant do familles on pleurs réclameront, dovànt Dieu, leurs enfants sacrifiés,
On dit que M. Bugeaud, lassé des récriminations qui l'assiègent depuis long-
temps, songo h quitter le pouvoir '. Uno ère nouvelle commencerait alors pour
l'Algério, et nous no manquons en France ni d'épéos sans tache pour guider
nos drapeaux, ni do hautes intelligences pour ouvrir à dos progrès pacifiques
les voies d'un puissant avonir.
Dans un pays comme celui que notre gouvernement est appelé h régêttoroiy
tout est observation, parce que tout est progrès. Il ne faut pas faire un pas sans
savoir pourquoi et commont ou le fait; il no faut pas proscrire une chose sans
prévoir quel obstacle peut se rencontrer, quelle facilité peut so trouver sur la
route; et si, par exomplo, cette facilité se trouve dans une route qui n'ost pas
4 Parmi les souvenirs néfastes quo son administration laissera dans l'histolro, nous no pouvons passer,
BOUS silence un dernier fait.
Une procédure, tout récemment instruite
,
devant, la cour royale d'Alger, a révélé quo la bastonnade est
souvent employée pour obtenir les aveux des indigènes soupçonnés do crimes et même da simples délits,
ayant mémo que des indices suffisants de culpabilité aient été reeuelllls par l'instruction. Le toi, sous les
yeux dé qui ont été mises les pièces de cotto procédure, a'écrit du sa main, eu margodu rapport do M. le
ministre de lu justice, l'annotation suivante H La QUiiSt'ioti FitÉPAitAtômÈ a été abolie depuis soixante dm,
dans notre législation, aux applaudissements de toute la France. U estausti doutôureuv qu'iUégat dû la
voir ainsi rétablie en Algérie, Il est indispensable que les ministres de la guerre ot do ta justice fassont do
telles injonotlons, qu'on n'ait plus recours nulle part â do pareils moyen». >
En «égard des lignes du mômo rapport, lndlquaht qu'un des Indigènes dont U s'agit avait rétraôtô devant
ta cour royale ses précédents aveux, on ajoutant que c'était la torture qui les lui avait arrachés, Sa Majesté a
encore écrit do sa hialn i—t Voilàun des tristes résultais] de cette Indlgnitét %
On peut rapprocher co fuit des traitements àiiotpUnaim appliqués à nos soldats sous les auspices du
»uém« gouverneur. (Voy» p, 445-1
/i80 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
la nôtre, dans des usages qui nous répugnent, mais qui sont sacrés chez celui
qui los suit, no craignons pas do los ompruntor. La civilisation ne s'implante
pas tout à coup dans un pays d'où ollo a disparu depuis longtemps; elle no s'y
infiltre quo goutte à goutte. No pensons pas exiger que les Arabes reçoivent nos
lois à genoux, et qu'ils s'inclinent d'admiration devant ellos. Laissons-leur le
tomps do los comprendre; ménageons les sentiments naturels qui, chez eux,
sont los mômes que chez nous ; car, commo nous, ils sont susceptibles do sen-
timents généroux, tlo bionfaisanco et d'équité. On a dit quo la politiquo française
viendrait échouer contro leurs préjugés religieux; mais cola n'est plus vrai, do
nos jours, commo aux temps reculés oh l'Islam s'étendait parla conquête. Sans
doute, lo Koran, qui est la soûle loi écrite dos musutmans, prescrit la guerre
sainte commo uno oeuvre agréablo h Dieu, et pour nous servir do l'expression
consacréo, commo l'échelle du paradis. Mais cette croyance n'est pas d'uno
autre naturo quo colle qui, pondant plusiours siècles, poussa los peuples enrô-
lions vors lo tombeau du Christ, a Jérusalem. Lo mémo principe qui alimentait
chez nous les croisados a été suivi, pour los musulmans et pour nous, dos
mêmes progrès; ot l'absenco do provocations do la part des puissances chré-
tionnos a éteint pou ù pou, ou du moins singulièrement amorti cet esprit. Los
khalifes ot les émirs d'Espagne traitaiont avec les Espagnols, et il no serait pas
plus difficile do traiter avec los Arabes du Moghreb, on partant du principe do
la souvoruinoté que la victoire nous donne* Si nous savions user à propos de
la forco unie à l'équité; si chaque tribu qu'Abd-el-Kader veut soulever en pas-
sant avait tout à gagner, ot rion à perdre en rostant neutre, elle ne s'armorait
pas contre nous; si elle avait quoique choso à gagner avec nous, et quelque
choso a pordro on suivant l'émir, elle passerait do notro côté, du côté do son
intérêt matériel; ollo ferait co quo font tous les pouples civilisés» Si, au con-
traire, nous sommes Impuissants à la protégor, ot si colui qui vout la soulever
a le droit d'oxiger qu'on lui obéisse, chaque tribu ira so réunir h lui, commo
los puissances du second ordre, humbles satellites qui so mouvont dons notro
Europe. Par un syslèmo do paix armée, on laisserait se formor, autant que pos-
sible, dans les points quo nous occupons, des foyers do paix, do sécurité et do
commerce, qui créeraient des besoins do rapprochement; et lo spectacle do cetto
protection efficace pour les tribus soumises forcerait les dissidents oux-mômes à
lui rondro hommage.
A l'appui do cos légitimes espérances, on pout rappeler los succès de l'an-
cienne compagnie d'Afriquo. La Callo, qui avait un mauvais fort avec 180 in-
valides ot quelques canons pour lo détendre, faisait'un commorco étendu. Los
Espagnols ont longtemps occupé lo port d'Oran, et certes, s'il devait s'élever un
mur d'airain, c'était entre cotte race et los Arabes dont la haino avait été excitée
par tant do massacres ; ot cependant les marchés d'Oran étaiont ouverts, et los
tribus voisines y venaient librement trafiquer. Ces exemples permettent de
crolro qu'on pourrait diminuer los causes et, par conséquent, les chances d'hos-
tilité, ot qu'à mosuro quo les tribus trouveraient avantage à vivre sous notro
protection, ellos reconnaîtraient notro justice. La justice agit sur tous los
hommes t co n'ost pas une chose do convention ; elle n'est pas d'institution
humaine s elle vient do plus haut, elle vient d'une révélation divine* SI la force
LIVRE HUITIÈME. 481
est sentie, la justice est comprise; si l'on se soumet à l'uno, on persuade par
l'autre.
Il ost depuis longtemps démontré à tout homme do bonno foi quo les Arabos
arrivent sur nos marchés, toutes les fois qu'ils peuvent y venir sans avoir à
redouter la vengeance d'Abd-el-Kader. L'Arabo algérien tient à son sol plus
qu'on ne lo croit on Franco ; sa propriété y est assise mieux qu'on no lo pré-
tend, ot, a cet égard, nous avons oncoro beaucoup à apprendre. Los tribus des
régions intérieures qui touchent au désert sont nomades, porco qu'il lour faut
alimenter les troupeaux, leur soute richesse; mais c'est, qu'on lo sache bion,
c'est là l'excoption; et si dans chaque tribu il existe, commo dans nos com-
munes , des terrains de vaino pâture, ougmontés, il est vrai, par la faiblesse
numérique do la population, lo plus grand nombre possède, d'unomanière
déterminée, la torro qu'il occupe. Les tentes no so plient pas aussi souvont qu'on
pourrait le croire, et los douars, astreints au voisinage des sources et des rivières,
no se déplacent quo pour satisfairo à, la condition do l'engrais successif dos bions
do chaque famille. Si l'on avait quelques doutes h cot égard, il suffirait do con-
sulter la rédaction des titres do propriété , et do rechercher sur les lieux bien
rares oh nos ravages n'ont pas oncoro tout effacé, cos arbres respectés, cos
bornes anciennes, qui, à défaut do limites écrites, servent do témoignages et de
prouves. On aurait donc tort do croire que parce qu'ils sont pou nombreux sur
un sol do dix mille lieues carrées, les Arabes, indifférents à nos dévastations,
sauront toujours, dans leurs émigrations, trouver un dédommagement, par
l'occupation d'uno torro sans possesseurs. Nos coursos atteignent toujours la
propriété directe, et quand nous sortons de nos lignes, les Arabes ont a choisir
ontro l'abandon momentané do lours points d'habitation, ou la soumission
momentanée aussi qui préservera leurs moissons; cur Abd-el-Kader no pout
rien pour eux; il sait bion qu'il no peut les défendre; qu'il peut échapper ù nos
coups, mais non pas nous atteindre, et c'est là presquo toute sa tactique.
Placé dans cette alternative, l'Arabo veut-il so soustraire à notre présoneo?
Tout ost perdu pour lui. Veut-il nous attendre ot nous fléchir? C'est alors envers
son maître, son sultan, qu'il devient responsable do sa. conduite; car, quo l'on
ne croie pas quo, réduit à abandonner ceux qui lui obéissent, Abd-el-Kader
leur tienne compte do sa faiblesse. S'ils pouvaient croire h la duréo do cet
abandon, les Arabos préféreraient à une autorité qui les livre colle qui se
montre à eux redoutable ot capable do lour nuiro. Mais Abd-el-Kader revient h
l'improviste, il revient après chaque retraite do nos expéditions, et il chûtio les
tribus qui n'ont pas fui à notro approche. Il livre à d'autres plus obéissantes,
leurs moissons, leurs troupeaux, et los chefs puyont do lour loto lour confiance
on nos vninos promesses. Telle est la véritable condition des Arabes. Placés
ontro doux puissances ennemies qui so los disputent, ils n'attendent de toutes
doux quo la ruine et la misère. Ils no savent à qui demander cetto protection
efficace qui leur manque des doux côtés; ot lour haino se reporto alors sur nous
qu'ils regardent commo les premiers autours dn tous leurs maux.
C'est là un des plus grands vices do notro guerro on Afrique. Non-seulement
elle n'a ou jusqu'à co jour ni cot ensemble qui devait imposer oux Arabes, ni
cette suite qui pouvait los fairo croire à des projets étendus; mais si quoi-
Cl
m '. L'AFRIQUE FRANÇAISE.
ques tribus ont'voulu chercher dans lour confiance on nos paroles un moyen de
salut, un gage do sécurité, elles en ont toujours été cruollomont punies par los
désastres auxquels los a sans cesso exposées notre retraite. Or, nous l'avons
déjà dit, la guorro no doit pas être notro but on Algérie j honorablement con-
duite ollo no pout êtro que l'appui d'uno politique pacifiquo et protectrice du
,
travail. U no faudrait donc point ravager les populations sur losquollcs nous
voulons agir, mais tout d'abord les laisser derrière nous, porter nos armos au
delà du pays qu'elles occupont, et mettro ainsi lour tranquillité hors do cause.
Placés au delà d'un territoire qui, livré au commerce ot à la colonisation, peut
produire pour tous nos besoins, nous serions soulagés d'un grand om-
barras.
L'occupation d'uno ligno do frontières (car c'est à cela que doit so réduire un
syslômo d'opérations militaires bien compris) so compose do deux élémonts : la
gardodos villes ou postes, et la surveillance des communications qui les unis-
sent. Lo maintien do la sécurité sur cette ligno d'occupation tracée par uno bonne
route, garnio do points d'étapo fortifiés, remplirait notre but, on soumettant les
tribus ainsi onvoloppées à un grand ascendant militaire et moral, on les sous-
trayant à l'action d'Ab-ol-Kador, notro véritablo, notre seul onnemi, ot on ne
lui laissant d'autre ressourco que do s'y présenter à son tour pour essayor une
lutte décisive. Bion loin qu'il y eût inconvénient, il y aurait au contraire
avantago h avoir dans nos lignes uno population indigène ; car si elle voulait
d'abord nous opposer uno rôsistonco combinéo avec colle du dehors, ollo renon-
cerait biontôt à uno giiorro quo nous saurions rendre sans but pour ses intérêts,
otque nous pourrions, au besoin, lui rendre bion funeste sous lo réseau de
nos forces. Abd-el-Kader n'aurait aucun moyen de nous bloquer sur un vaste
développement dont tous les points stratégiques soraient suffisamment gardés ;
sa tactique no consisterait plus à tomber par surprise, commo il le fait tous les
jours, sur lo territoire dos tribus qui approvisionneraient nos troupos ( il no
voudrait pus nous fournir coite chanco do lo détruire d'un soûl coup) ; il se bor-
nerait tout au plus à laucor contro elles quolquos partis assez téméraires pour
traverser nos lignes. Mais alors, croit-on quo, fortes do notro appui, los tribus
ainsi attaquées no deviendraient pas pour nous d'utiles auxiliaires? Il faudrait
évidemment qu'Abd-ol-Kador so rêsignôt h nou3 voir agir sur ollos, ou qu'il les
contraignit à lo combattre lui-même. Les rôles alors seraient changés entre
nous ; los Arabes verraient biontôt lour véritable ennemi dans colui qui se pose
aujourd'hui comme leur libérateur. Nous no prétendons pas, toutefois, qu'il ne
parvienne h lour faire subir, de temps à autro, quelques razzias; mais c'est alors
aussi,quo nous irons au dehors chercher chez les assaillants uno compensation à
donner aux tribus qui nous soront restées fidèles. Nos expéditions n'auront pas
d'autre but quo do prendre, chez ceux qui voudront êtro nos ennemis, la juste
indemnité méritéo par nos alliés. Co no serait plus alors, comme tant do faits
l'ont proclamé trop souvont, uno guerre de pillages ot do massacres; co serait
uno guorro do justice et do réparation, intelligible aux Arabes, et respectée par
eux. Nous serions los grands arbitres de l'Algérie, et l'ensemble do nos lignes
de défense serait la première majllo du réseau dominateur dont il nous importe
de couvrir lo sol do la conquête.
DERNIERS ÉVÉNEMENTS.
(Janvier à Juillet 1810.)

''.RETOUR SUR LE PASSÉ. — COUP D'OEIL SM\ L'AVENIR.

L'année 1846 a commencé sous de tristes auspices. Lo 8 décembre précédent,


le général Levasseur était sorti de Constantino pour so diriger vers lo sud do
la province; il avait emmené un bataillon du 43° de ligne, 300 hommes du
3° bataillon d'Afrique, et deux escadrons do cavalerie, reunis à Ras-el-Aïoun.
Son but était d'agir chez los Ouled-Solthan, quo soulevaient les intrigues d'El-
Iladji-Mustapha, frère d'Abd-el-Kader. Parvonu dans la région située ontro
Sétifet les hautes montagnes de l'Aurès, il avait fait plusieurs exécutions meur-
trières, dont le résultat devait rétablir l'ordro ot la paix, d'après lo système do
pacification mis en vigueur par M. Bugeaud. L'approcho do la saison des la-
bours devenait un nouveau gage do sécurité, et la prudence faisait un devoir à
cet officier général de ne pas pousser plus avant des courses désormais inutiles.
Malheureusement pour les soldats qu'on lui avait confiés, M. Levasseur ignorait
sans doute que los observations do tous los savante qui ont étudié l'Afrique y
signalent pendant chaque hivor la chute soudaine, mais à époques irrégulières,
do grandes masses do neige, dont les couches atteignent souvent, on uno seule
nuit, dans les défilés élevés, ta hauteur d'une lance, c'est-à-dire plus do doux
mètres. Entraîné par l'espoir do glaner quelques bulletins, il vaguait à l'aven-
ture sans se défier d'un climat dont il n'avait pas appris à redouter les caprices.
La fatalité fut complice^lo son imprévoyance ! un désastre en fut lo fruit. Lo 2
janvier, lo temps, qui jusqu'alors s'était montré favorable, fit place à uno averse
de neigo qui suivit la colonne jusqu'au bivouac d'Aïn-cl-Hall, près do la plaine
de Sétif ; pendant la nuit du 2 et du 3, une horrible tourmente mêlée de grêle
produisit un froid si intense, que la colonno et le convoi, à demi enterrés dans
les neiges, perdirent beaucoup d'hommes ot de mulots, et ne pouvant plus
pousser on avant dans une région oh toute trace do route avait disparu, furent
obligés de rétrogader. Après avoir perdu la journée en tâtonnements dons une
contrée où toute direction devenait impossible, le général Levasseur parvint à
rogagner, vors le soir, les douars des Oulcd-M'tan, oh il fallut camper sans abri,
sous la neige qui ne cessait de tomber, et qu'un vent glacial fouottait au visage
de nos soldats. Retracer lo tableau des souffrances que cos malheureux eurent à
endurer serait choso impossible ; les Arabes eux-mêmes on conçurent uno telle
pitié, qu'ils se portèrent spontanément au secours des fantassins qui, saisis par
le froid, se laissaient à chaque pas tomber dans lu neigo, sans pouvoir so relo-
ver. Dans la matinée du 4, la pluie do neige avait cessé, mais la température
n'en devenait que plus rigoureuse» Le général Levasseur» aidé dans cetto triste
<Wi L'AFRIQUE FRANÇAISE.
taoho pur lo colonol dos spahis Bouscarin, s'efforça do rallier lo petit nombre
d'hommes valides qui lui restaient, et songea à regagner Sétif sous la conduite
de quolques Arabes, avec los débris de sa cavalerie et son artillerie. Cette journée
do nouf grandes lieues compléta lo désastre; les fantassins épuisés s'efforçaient
on vain de se traîner, ot jonchèrent la route de cadavres; onfin,, vors quatro
heures après midi, la tête do ce lugubre convoi parut en vuo de Sétif. Les habi-
tants européens qui possédaient des voituros ou dos chevaux s'ompressèrent
d'allor au devant d'une si grande misèro ; los officiers et los soldats, la plupart
dans un état désespéré , furent portés à l'hôpital qui dovait être leur tombeau;
et malgré les rapports officiels qui s'ompressèrent do déguisor lo chiftro do nos
portes, les familles françaises peuvent compter aujourd'hui lo nombre dos vic-
times, qu'on disait égarées, mais pour lesquelles il n'y a pas eu de retour '.
Le 7 mars, à cinq heures du matin, au bivouuc d'El-Abiad, lo colonol Camou
fut informé par les Arabes qu'Abd-el-Kador venait de puraître à une distance
do quutre ou cinq lieues; on avait vu son goum couché dans los Alfas. L'ordre
tlu départ fut aussitôt donné, ot un avis expédié au général indigène Youssef,
qui battait lo pays aux environs do Boghar avec 300 chevaux. La colonno du
colonel Camou so mit en marche à six houros, dans la direction de Birin;
elle fut rencontrée par notro allié Bon-Yohia, qui venait d'engager ses cava-
liers contre lo goum do l'émir, mais n'avait pu l'ompôcher d'exécuter uno razzia
complète sur les douurs qu'il traversait. Biontôt, on effet, le colonol Camou put
apercevoir une longuo file de chameaux otdo bestiaux qui fuyaient rapidement;
l'arrièro-gardo onnomio était formée d'uno nombreuse cavalerie, dont on no se
trouvait guère qu'à doux lieues, sur lo flanc gauche. Le colonol Camou so dé-
tacha aussitôt do son convoi, en lui laissant l'ordre d'allor campera Birin, ot
doubla do vitesse avec deux bataillons d'infanterio sans sacs, doux obusiers de
montagne c^ ltfO chasseurs du lul' régiment, commandés par l'intrépide et bril-
lant lieutenant-colonel de Noue. Une heure et demie plus tard, on était on pré-
sence d'Abd-el-Kader, qui parut un montent disposé à soutenir notre attaque;
mais ayant bientôt reconnu nos forces, il tourna bride. Aussitôt les cavaliers de
notro goum arabe, jusqu'alors indécis, s'éparpillèrent en tirailleurs, ot l'escar-
mouche s'anima de plus oii plus, à mosuro quo notre colonno gagnait du terrain
sur l'arrièro-gardo onnomio, que ralentissait la conduite do son butin. Enfin,
n'étant plus qu'à 3,000 mèlros, la cavalerie française fut lancée au trot; à 800
mètres, ollo mil le sabro au poing et commença la charge. Les cavaliers d'Abd-
el-Kader prirent alors uno alluro de fuite décidée, laissant derrière eux toute la
queue du convoi qu'ils escortaient. Ils se rallièrent une seule fols pour sauver
nu moins quelques chameaux qui portaient la meilleure part de leurs prises, ot
* Les ronselanomontaprovisoires publiés par los journanu ministériels, et entra autres lo Messager du
0 février, Htir lu détastro de Sétif, portent io chiffre de nos pertes à 4 hommes tués ot 1S blessés, dans une
alTairo d'nrrlùre-prJo, ot à 1)4 morts do froid,
Nous comprenons parfaitement quo lo ministère n'oit pas voulu jeter l'alarme avant d'avoir reçu d'Afri-
que des documents positif!*, mois il ost permis aujourd'hui do déclarer la vérité.
Les débris dé la colonne du général Levasseur ont rapporté a Sétif, le 4 janvier, 11) cadavres.
Un ofllclor d'infanterio, M. do la Ulgotlèro, qui s'est transporté sur lo Heu du sinistre, aveo un déta-
chement, pour rechercher ot faire enterrer les morts, a retrouvé 174 cadavres. 28 sous-offloiers ou soldats
n'ont point reparti, sans qu'on ait recueilli lo moindre Indice de leur sort. Plus do 600 hommes, altelnta
de congélation, ont été portés a l'hôptlul de Sétif ; 3D avaient péri a l'époque du H février, ot les médecins
conservaient peu d'espoir de sauver un faible nombre des survivants.
DERNIERS EVENEMENTS. m
los fommos; mais cetto tentative resta sans succès. Dès lors lo goum onnemi,
commandé par Djedid-ben-Daouda, so sépara des réguliers pour s'enfoncerdans
la région du sud. Réduit à 180 cavaliers, ceux-ci durent payer do leur porsonne
pour faire jour à Abd-el-Kader à travers nos tirailleurs qui comnionçatont à les
cerner; on en tua un grand nombre, ot leur déroute dovint complète. La cava-
lerie française so trouvait alors à Ben-Nahr ; elle avait fait cinq lieues on com-
battant, los chevaux étaiont épuisés. Le lieutenant-colonel do Noue rallia son
monde sur un plateau, d'où il apercevait, d'un côté, l'onnoml fuyant on dé-
sordre, et, do l'autre, notre infanterie encore à doux Houes, mais qui prenait
par intervalles le pas de course pour appuyer son opération. A uno heuro do
l'après-midi, l'affaire était terminée; et, à huit heures du soir, toutes los frac-
tions do troupes avaient regagné le camp de Birin, aprèsiuno course do ouzo
lieues, sur un sol dépourvu d'eau J. .* ^
Quelques jours après, lo colonolCamou opéra sa jonction avec le général
indigèno Youssef, qui se trouvait ainsi à la tête d'uno forco considérable, dont
il composa deux petites colonnes do ravitaillement, sous les ordres du lioute-
nant-colonol O'Keflb et du chef do bataillon Carbuccia, ot uno troisième plus
mobile avec laquelle il prit la direction do Couiga. En y arrivant, lo 12, on re-
connut les traces d'un bivouac que l'ennemi devait avoir quitté la veille, et l'on
finit môme par distinguer, à uno distance d'onviron six lioues, la fumée do son
nouveau camp. Le général Youssof, laissant la gardo du sien nu colonel Ca-
mou, forma rapidement uno colonne de chasse avec (100 chevaux, commandée
par le lieutenant-colonel de Noue, et 4*00 fantassins portés à dos de mulets, et aux
i Los résultats de cetto affaire, dit lo ilJTonMmir oflleiel de M. Bugeaud (lfi mars), furent brillants*
SûO chevaux sellés et bridés, 9,fi0p têtes de bétail ot mille chameaux tombèrent entre nos main».
Depuis le temps que nous prenons, eu Afrique, des chameaux par centaines, et mémo pur milliers, nous
pourrions ou fournir toutes tes ménageries des quatre parties du monde. Lo mal est que nos bulletins sont
presque toujours chargés do chiffres fabuleux. Toutefois nous avions conquis assez, do ces utiles unlmaùx,
pour on tirer quelque parti stratégique, si les bonnes idées pouvaient agir aveo un peu de fixité sur l'esprit
do M. Bugeaud.
Dans le courant do 1843, on avait essayé avec quelque succès do fairo voyager un corps d'infanterie
porté à dos de mulets. Mais cot essai parut bientôt trop dispendieux, ot l'on y renonça. C'est alors, qu'au
mois d'août, un*bfflcler intelligent, lo chef do bataillon Carbuccia, du IW de ligno, entreprit, ù la Maison-
Carrée, avec l'autorisation provisoire du maréchal Bugeaud, la création d'un escadron do 100 chameaux,
aveo 200 hommes du 38* et du 0* bataillon des chasseurs d'Orléans.
Dans lo système do manoeuvre Imaginé par M. Carbuccia, Il y a deux hommes par chameau j un seul
monte, l'outre conduit ', ils se relayent à chaque halte ; en cas d'urgeneo, tous deux montent, C'est sur
l'arrière du bat que le cavalier est assis t te devant est occupé par tes doux havremes, par doux outres con-
tenant chacuno 41\ G litres d'eau, ot par une besace do toile renfermant des vivres pour un mois, ou bis-
cuit, sel, sucre, café et ris, — Le bat se maintient au moyen d'uno cordu fortement sanglée. A l'extrémité
do l'une des traverses du bat, â laquelle s'attache les bagages, vient s'enrouler uno double cordo que tra-
versent deux élrlers on bols, Le cavalier est, de cette manière, libre do mettre ses pieds â la position qui
lui convient le mieux, et de se servir des étriers pour monter et descendre. — Le licol est à la fois slmpto
et ingénieux, Au moyen de deux anneaux fixés on dessus et en dessous du museau, on fait passer ou sens
contraire une double cordo attachée a l'anneau supérieur. A l'aide de ces brides, on maîtrise aisément lo
chameau le plus rétif, Le cavalier monte en faisant agenouiller l'animai par un coup de baguette sur les
jambes de devant ; pour descendre, U passe tes deux jambes du môme côté, et se laisse glisser au comman-
dement.
En janvier ou février 1844, j'ai vu sur lo champ de manoeuvres de Mustapha-Pacha,cet escadron bizarre,
oiécuter avec beaucoup do précision, au pas ou au trot, divers mouvements do cavalerie, tels que marcher
en colonne et en bataille, se former sur ta droite, sur la gauche ou en avant en bataille.
Ce projet, quo lo commandant Carbuoolà était capable do développer sur uno plus grande échelle, ,
eût pu
amener d'excellents résultats sur différents points de l'Algérie | mais faute d'encouragement, Il est aujour-
d'hui a peu près abandonné.
A86 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
ordres du colonol Renault. Doux autres bataillons, confiés au lieutenant-colo-
nel do Clonard, appuyaient do loin ce mouvomont. On marcha toute la nuit,
guidé par los tracos mémo do l'ennemi, quo la clarté do la lune permettait de
suivre sans interruption sur le sable foulé. A minuit, on avait oncore découvert
les vestiges d'un nouveau bivouac abandonné; à cinq heures du matin, on
était en présence du camp d'Abd-el-Kader, oh lo jour commonçait à poindre :
mais l'alerte y était donnêo. En co moment, une troupe de cavaliers s'en échap-
pait avec toute la rapidité imaginable; au milieu d'eux so trouvait l'émir lui-
même, hors d'état do résister à cetto surprise, et qui confiait son salut à la vi-
lessodo son cheval, on laissant dorrioro lui tentes, mulets, bagages et gons de
pied, dont los apprêts do fuite s'achovaiont en désordre. Cos derniers ne pou-
vaient déjà plus sô soustraire à notro cavalerie lancée dans toutes les directions.
Nos hommos los mieux montés et particulièrement beaucoup d'officiers, s'a-
charnèrent à la poursuite du polit groupe do réguliors qui escortait Abd-el-Ka-
dor ; on enjoignit quelques-unsqui furent sabrés ; et cette chasse no fut infruc-
tueuse quo par l'extrême lassitudo dos chevaux qui vonaiont de foire trente
lieues presque sans respirer, ot dont plusieurs étaient déjà tombés morts d'épui-
sement, Huit cents mulots qui restèrent entre nos mains dans cette affaire,
étaient dirigés, dit-on, sur Bou-Sûada, d'où ils dovaiont rapporter dans lo Dje-
bel-Amour un grand convoi de vivros pour les troupes do l'émir qui s'était pré-
paré un Heu do retraite dans l'ouest do ces montagnes.
Le 18 mars, arrivèrent à Algor S. A. R. Monsoignour lo duc d'Aumalo ot son
beau-frèro lo princo do Saxe-Cobourg. Lo 28, los illustres voyageurs partirent
pour Milianah, oh lo jouno vainqueur do la Smalah devait prondro lo comman-
dement d'une division. Après une expédition habilement dirigée contre plu-
sieurs tribus révoltées dans l'Ouarensenis, S. A. R., informée par uno dépêche
.*
télégraphique do l'arrivéo du grand-duc Constantin, second fils du czar do
Russie, rovint à Alger pour lut fuiro los honneurs do l'hospitalité française. Do
rotour à son poste, lo princo prit part h do nouvelles opérations, dlrigêos par lo
gouverneur général en personne dans los montagnes do l'Ouaronsonis, d'où los
émissaires d'Abd-el-Kader, Bou-Ma/.a, El-Bcrkani et Bon-Allal, ^éloignèrent
bientôt, sans opposer uno sérieuse résistance.
C'est à la fin do cos opérations quo so répandit la nouvollo du mossacrodo
nos prisonniers, oxécuté dans la Deïra par lo khalifa Ben-Tamy, quelques houros
après l'arrivéo d'un courrier d'Abd-el-Kador. Los promiors renseignements obte-
nus sur cette catastrophe avalent été rapportés par Guillaume Rolsand, clairon
à la 2U compagnie du 8U bataillon des chasseurs d'Orléans, qui était parvenu à
s'échapper et qu'un Marocain reconduisit au camp do Lolla-Maghrnia. Suivant
lo récit do co soldat, certaines dispositions prises par les Arabes à l'entrée do la
nuit du 27 au 28 avril, auraient fait naître dans son esprit quelques inquié-
tudes; mais sa fuite presque immédiate no lui laissa pas lo tomps devoir tous
les détails do cette scène sanglante. Depuis quolquos jours, la Deïra, qui était
campée à trois lieues environ do l'Oued-Mouilah, se trouvait dans uno position
dos plus critiques. Uno sorte do papier-monnaie, créé par l'émir, ot auquel l'es-
poir d'un succès chimérique avait jusqu'alors donné crédit, n'obtenait plus de
cours parmi, los tribus marocaines chez lesquelles Abd-el-Kader faisait acheter
DERNIERS EVENEMENTS. 487
des vivres. Il n'y avait plus d'existence possible pour la Doïra on restant sur le
point qui lui était assigné ; mais son chef Ben-Tamy n'osait prendre sur sa res-
ponsabilité l'ordro d'effectuer le départ. Il écrivit à Abd-ol-Kador pour lui oxpo-
ser l'embarras de sa situation, quo rendait plus difficile la nécessité de nourrir
les trois cents prisonniers français dont la garde lui était confiée. L'émir, ayant
échoué dans les propositions d'échange qu'il tenta près du maréchal Bugeaud,
transmit à son lieutenant dos instructions secrètes qui lo laissaient libre d'agir
solon les circonstances. Ben-Tamy, redoutant le courage désespéré des Fran-
çais, eut recours à la perfidie. Sous prétexte deles convior à une fête, il fit ap-
peler auprès de lui les chefs prisonniers, MM. Courby doCognord, Larrazot, Ma-
rin et Hillerin; M. Cabasse, chirurgien; l'adjudant sous-officierThomas, le
maréchal des logis Testard et trois soldats. Les autres prisonniers furent porta-
1 gés en plusieurs fractions de huit à dix hommes, isolées los unes dos autres au

milieu des gourbies occupées par les fantassins réguliers, dont lo nombre s'éle-
vait à près de cinq cents. A minuit, des cris poussés par ces derniers furent le
signal du massacre. Le clairon Roisand so tenait éveillé, ainsi que sos camara-
des, et lorsque les meurtriers se présentèrent, ils purent opposer quelque résis-
tance, Armé d'un couteau qu'il était parvenu à soustraire dopuis trois ou qua-
tre jours, Rolsand blossa plusieurs des assaillants, ot réussit à s'échapper dans
les ténèbres, presque nu. Après do longues alternatives do crainte et d'espérance,
il fut arrêté et réduit on esclavage sur le territoire marocain ; mais l'appât d'une
rançon avait enfin décidé son maître à le conduire au poste do Lolla-Màghrnia.
Nous avons déjà caractérisé la pitoyablo question d'amour-propro qui con-
duisit M. Bugeaud à sacrifier ces malheureux plutôt que d'accepter d'Abd-el-
Kader un cartel d'e'change, Nous laissons à l'opinion publique lo soin d'appré-
cier la valeur do sa justification, et nous Voudrions n'avoir plus à signalor do
nouveaux fruits d'un systomo d'imprévoyance qui livre au hasard les plus pe-
tits événements, Il ost pénible do voir un bravo officier, toi quolo général Ran-
don, subir la responsabilité d'uno faute que do simples mesures do précaution
pouvaient faire éviter. M. Randon était sorti do Bono, lo 16 mal, avec uno co-
lonne, destinée à visiter Tobessa. Arrivé dans cette ville, il crut devoir fairo
évacuer 20 malades sur Guolmah ; co convoi devait voyagor sous la protection
d'une escorte suffisante ; malhcurousomont, lo général crut pouvoir lo confier à
quelques cavaliers arabes dont la fidélité no nous était point garantie. En ar-
rivant sur lo point limitrophe du cerclo doGuelmah et do la tribu dos Nomon-
chàs, nos malados furent égorgés, pondant la nuit, dans un douar oh ils s'é-
taient arrêtés, Lo général, informé doco malheur, so vengea do son imprudence
par une razzia qui ne fit nulle différence ontro los innocents et les coupables t
200 morts, 800 chamoaux,"800 booufs ot 10,000 moutons payèrent le sang
do nos soldats 1,
Le 20 juin, la même Colonne eut à combattre un rassemblement d'environ

1 Nous remarquons, en passant, les cinq, cents chaméauts; joints aux mille conquis, lui mars, par le
colonel Camou, en voilà quinte cett/sprluen deux mois til Nous serions bien curieux do savoir si on
pourrait nous los représenter.
Ition no serait, au reste, plus singulier quo lo recensement exact, depuis 1830, des millions do bes-
tiaux enlevés aux Arabes. Sil'armée mangeait ces boeufs et ces moutons, lo trésor public devait faire de
lieu grandes économies l Or, il ost de notoriété que l'armée d'Afrique ne s'alimente guère du produit de»
488 L'AFRIQUE FRANÇAISE.
400 cavaliers et (100 fantassins, détaché? des tribus tunisiennés, voisines dono«
tro frontière et attirées sur lo territoire algérion par des émissaires d'Abd-el-Ka-
dor. Le général Randon exécuta contro eux uno charge vigourouso, leur tua
uno centaine d'hommes et captura oncoro, disent tes bulletins, un nombreux
bétail et vingt-cinq chameaux, Après cette petite victoire, il vint camper le len-
demain à Sidi-Voussof, en pays tunision, oh il reçut uno dépêché do notro con-
sul, avec la traduction do doux lettres adressées par loboy aux kaïds do la fron-
tière, pour lour défondro do so mêlor do nos affaires.
Tels sont' les derniers événements notables dont l'Algérie a été récemmont lo
théâtre, Les colonnes expéditionnaires abandonnées à olles-mômos continuent
d'orror sur tous les points, sans -direction combinée, et parlant sans résultats
positifs. Membres galvanisés d'un corps sans tête, ollos frappent au hasard, ot.
malgré l'activité, lo dévouomont, lo courage dos chefs socondairos, ollos n'on-
voiont à la Franco que do stériles relations do leurs courses sans fin. De tomps
à antros, le maréchal Bugeaud court dresser sa tente sur chaquo vido qu'Abd-
ol-Kader vtent do laisser dorrièro lui, Parfois, mécontent do son impuissance
avec 100,000 soldats, il s'aviso do mobiliser la milice; plus tard, il roviont à
ses goûts littéraires, et assuro son armée «qu'elle n'est pas restée au-dessous de
son estime,)) puisqu'elle a étend son bras sur les points du, désert oit se forment
les oragesl. » Tantôt, commo il lui faulsans cosse guerroyer contre quoiqu'un ou
quoique choso, il taillola plumo do ses chaouchs pour critiquer le ministèro qui
l'a fait gouverneur, maréchal et duc; M. deSalvandy lui-mômo, à peine débar-
qué, n'échappo pas aux épigrammos dos journolistes quo surveille do si près
l'aulocralo périgourdin 3. Tantôt, so rappolanl avec tondrosso los chomins vici-
rnzzlus, — Par quel chemin s'écoulent donc ces viandes sur pied? Iraient-elles toujours se promener à
Malte ou à Tunis, comme en 183(1?
Snns uccuser qui que co soit, il est permis do s'extasier devant ces prises phénoménales et incessantes
qui n'en (^missent que nos bulletins, Certaines personnes bien informéoa prétendent que, pour avoir lo
chiffre ù peu près probable des botes plus ou moins u cornes dont on proclame quotidiennement la eap-
turo, il suffirait, eu général, do supprimer un ou deux zéros à la fin do chaquo nombre, Nous aimons
mieux accepter couima une mystification l'effectifprétendu des bestiaux razziés, quo d'élever un soupçon
sur lu.destination qu'ils reçoivent. La vunité do quelques chefs do colonnes peutninsi so satisfaire ù pou
de frais; mais la vanité estici trop près du ridicule, Quinze cents chameaux conquis e£ deux combats,
snns compter tous ceux quo nous n'avons pas énuuiérés dans cent uutres razzias non moins brillantes l.En
vérité, personne n'y croira, surtout en Algérie,
* NOUR n'avons pus, écrivait naguère M. Bugeaud, la prétention d'avoir plus de bon sens quo les
hommes de l'ordre civil ; mais on admettra, je pense, que nous pouvons on avoir autant. » Nous serions
d'accord avec lui s'il voulait bion nous montrer seulement lus quinze cents cluuueauxdu colonel Camou
ut du général iinndon, et nous croyons qu'à leur aspect, la France, terrassdo d'admiration, s'enlproqso-
vait do les lui offrir pour peupler son duohô.
I Proclamation du 18 murs 18*10.
-M. de Snlvundy, ministre de l'instruction publique, vient de fairo, dans les premiers jours de juillet,
un voyage en Afrique, pour assister au mariage de son beau-/rère aveo mademoiselle Bugeaud,
Lo pacha d'Alger s'est empressé, pour le congratuler, do lâcher uno bordée de sa presse locale. Le
Courriel' d'Afrique (12 juillet) compare M. do Salvandy ù l'ovèque d'Alger, qui arrive ventre Nonc el
Vêpres. La troupe lui a rendu, dit-il, les honneurs de la bienvenue. » Nous trouvons très-convenable
qu'un ministre du roi reçoive en Algérie les bonnours dus à son rang, et qu'on tire le canon quand il y
pose le pied. — Mais le journal de M. Bugeaud ajoute ! « Voilà votre affaire, pauvres soldats! quand
vous n'êtes pas à la guerre, "C'EST A CELA QUE vous SKRVKZ !.., > Un peu plus loin uous lisons : « On se
plaignait en Algérie do l'importation do gens dé toute farine; alors on nous a envoyé la fleur.,. fleur
do noblesse : marquis et comtés ressuscites aveo l'édition illustrée de Molière,* Dieu nous garde
d'accuser d'esprit les journaux d'Alger la Guerrière. Mais M. le comle de Sulvandy, qu'ils appellent te
généreux auteur d'Alonso, dont ils proclament l'activité guerrière et napoléonienne, a dû être médlo-
/'i'ement flatte des compliments viséa par M. Bugeaud, en vertu de l'article 9 de l'arrêté du S août 1830.
PKItNlKKS KVKiNKMKiNTS. m
naux qui mènont à ses pâturages d'tëxcidouil, M, Hugeoud adresse aux Arabes,
lo londomain d'uno dévastation, des conseils agricoles sur la groffo «les oliviers
ou l'éducation des troupeaux ; puis, lo jour d'après, commo il veut être quelque
chose, il roprend son sabre et monte à cheval, pour aller, doci delà, saigner à
blanc quelque pauvro tribu dont les débris, échappés à son amour Ho la des-
truction, et changés en hélés fauves par la soif dos représailles, deviendront iV
lour tour, commo on l'a vu trop souvent, los meurtriers do nos soldats écloppés
ou pris, Lo fruit de tous cos ravages, qui,, suivant l'austère expression do
plusieurs généraux ot offlciors d'éjat-major, déshonorent notre armée{, no sora
jamais la prise d'Abd-ol-Kâdor; et puisque M. Bugeaud a si naïvement pro-
clamé lui-môme que 10 hasard seul pourrait nous livrer cet habile adversaire,
il ne lui reste plus qu'à'resiljer un pouvoir dont l'exercice n'est, enlro ses
mains, qu'un flagrant.aveu d'impuissàncoVol dont les funestes abus, tolérés
tlaVantago, ho soraiont, eh Algorio, qu'un désordre porpélué au préjudice de
l'honnour et dos intérêts français V
La prochaine session dos Chambres s'ouvrira, sans doute, par roxameri
sérieux ot approfondi de la situation actuello de nos affaires d'Afrique. Lo pays
ot le gouvornomont reconnaîtront alors, mieux quejamais, que le,s. destinées de

I \oy, Notes sur ^occupation de IH régence d'Alger, par le général Cnvaignoe, clmp. *iv> p, ICO j clïhp, vi,' '
p,i!07, 3*0.-1 Solution do la question,de l'Algérie, par le ,gônéral Duvivlçr, ohap. ifxxxyu, p. 980;.—f)o\
l'établissement des Français dans la régence d'Alger,,par l'intendant militaire Ueutyile Bussy, t, 1",,
p. 42 ot 18\,—L'Algérieprise ausérlèuie, par 10 capitaine fl'éiaf-mojor Leblanc de Prôbbls, cli'àpl ifi, p. (35, '
* Dans un ouvrage Intitulé IM giwr're eu Afrique, tout féc'èmnienf publié par M, Dugnt^officier do
gendarmerie, l'auteur, homme d'énergie, mais, avant tout, nomma de coeur, est réduità dôploreiydans ses
récits de razzias les coups do feu tirés sur de paùvi 's femmes que l'ennemi n'avait pas toujours le temps ,

,
d'emmener; et l'on ne peut, dit-il, se défendre d'un sentiment de pitié à la vue de ces malheureuses, couvertes
de sang, et cherchant en vain à fuir. (Chap, vin, p. 115.)
• PJus loin (ohap. xvi, p. 967), le même dfqçier raponto l'arrivée ai» camp français d'un envoyé d'Abd-joI-
Kader, chargé do négociations. M, Hugeaud l'accueille, l'écoute, le congédie, puis so ravise, lofait arrêter,
et jeter en prison à Tioret, nu mépris' du caractère sacré do parlem-ântoirù dont co cliof arabo est j-ovétu I •
N'était-ce pas donner à Abd-el-Kader, au nom*'de la France, un bion ttisi,'» exemple do déloyauté? '
Plus loin (chap. xviu, p. 889), l'auteur nous aunonoe une ' des plusMkv pages de notre histoire hlgé-,
rienne, C'est lo 23 décembre Ï845, Àbd-èl-Kader est rejoint dans la vallée dé Temdu pnr le générai Yoiissof;
800 cavaliers arabes sont en face de 400 cavaliers français. Les deux troupes se formant tranquillement éh
batnlllo, A TBKNTIS PAS l'une de l'autre; Abd-el-Kader ost on tête, ot le général Youssef ne se décide a or-
donner la charge qu'après avoir essuyé huit cents coups de fusil, à petite portée de, pistolet, à trente pas II!
L'auteur s'empresse d'ajouter que nos chevaux étalent rendus de fatigue ; mais alors, comment expliquer
cette poursuite qui refoula l'èhnéini de mamelons en vianielons, et qui dura Une heure? SI nos ohevaux pou-
vaient encore fournir cette course$ pourquoi;le général Youssef ne chargeaU-ihpas quand trente pas seu-
lement le séparaient. d'Abd-el-Kader? Qu'est-ce quo ces deux troupes qui se contemplent et s'admirent,
quand un peu dé présence d'esprit et d'audace de la part du chef des Français pouvait terminer la guerre ?
Quelles étaient dono on so le demande, les instructions données au général Youssef par M, Bugeaud?
,
Nous n'inventons pas ce fait incroyable; nous le reproduisonsd'après le témoignage d'un bravo officier,
témoin oculaire.
Mais si M. Bugeàùd n'est rien moins que disposé à capturer Abd-el-Kader,eu revanche, il a fait peindre
sa couronne de duo sur les toiles de sa tente (chap. via, p. 119), et promène do bivouac en bivouac cetto
splendide enseigne.
Après le récit do Temda, l'auteur termine son, livre en affirmant quo, grdceuux vigoureuses mesures du
maréchal, qui viennent d'être couronnées d'un si éclatant succès, l'Algérie est acquise à tout jamais à la
France, et que M. d'Isly a établi surco vaste territoire l'ordre, lo sécurité, la richesse II! Nous concovons
la nécessité de position qui a, peut-être, dicté à l'auteur do La guerre en Afrique une apothéose que
plusieurs de ses récits démentent, à son insu, d'uno manière aflligeanto; mais nous regrettons qu'il n'ait
pu trouver, pour défendre son idole, des raisons meilleures que les allocutions offensives qu'il adresse
de temps è, autre a la prosso française,
/|00 ; IM l'Il 1 g U K KHANIjÀISiV'-.
l'Algérie ne sauraient faillir faute d'un homme, et que leur salut repose tlans le
choix d'uno nouvelle .direction..
Mais quelles quo soient les vues do la politique future, quinze ans d'épreuves
presque stériles attestent que les/meilleurs essais, tentés par des gouverneurs
passagers, n'obtiendront encore que dos résultats transitoires, en léguant, à
chaque imitation., les embarras d'uno conquête purement nominale, plus ou
moins ruineuse ot inachovée,
La question d'Afrîquo no peut donc être résolue que si elle tombe entre les
mains d'un homme à qui dos succès signalés, une haute influence personnelle,
ou l'appui de sympathies unanimes, donnent l'autorité nécessaire pour dominer
les difficultés d'uno paroillo tacho; et depuis longtemps, l'opinion publique
signale ait pouvoir le .projet do créer eu Algérie une vice-royauté, Depuis
longtemps elle sa]uo elo sos yoeux Jo princo dont cette institution pourrait de-
venir lo'glorioux apanage ; et tous les osprits élovés, qui n'ont d'autre ambi-
tion que celle do voir le nom français honoré sur les rivages africains, se ral-
lient à cettepensée.
_v
L'épée que décorent les lauriers de l'Afroun et du Mouzaïàh, de liiskra et do
Taguin, dos rnonts Auras et doTOuarensonis, n'est qu'au début d'uno immense
carrière; et déjà, tous les regards, fixés sur ellej la désignent pour guider nos dra-
peaux .Co FII.S nu SULTAN m FIUNUK , qu'autour de Constantino les populations
arabes, qui aiment l'éclat du pouvoh', venaient de toute part fêter et bénir, paji'co
qu'il représentait la force et la justice, est lo gage do régénération et de progrès
quo l'Algérie attend comino sa dernière espérance,

Debout sur le chemin do l'histoire, j'ai mesuré d'un regard le présent et le


passé ; la physionomie tles faits généraux a posé dovant moi ; spectateurimpar-
tial do longues vicissitudes, j'ai osé réunir on faisceau des vérités sévères, mais
que je croyais utiles, et jo les publie aujourd'hui, sans redouter ia haine do
quelques hommes puissants, '

Arrivé au terme do nion o.»uvro, fondée sur dos documents si nombreux, jo


puis dire, avec Montaigno : — « Ceci ost un livro do bonne foi. » -y Houroux,
s'il m'est permis d'écriro un jour uno pago plus brillante, et d'assister aux ri-
ches moissons do l'avenir,

P. CHRISTIAN.

t'.uus, \*r AOÛT 1816.


CITATIONS A i/onmu: m I/AIUHH:.
I,l„ A A, NR. Mgr. lo duo «VOIUKANS, Princo Uoval (M»,*,, 18IW).
Mgr. lo duc do NKMOUHS (181111, 18:>7. 1H11).
Mgr. lo prince do .IOINVII.I.K (ÎH.'H, 1KH).
Mgr. lu duo d'Ai'MAi.i: (1810, 1811), 1811, 18111, Ml, 181,'., 18.pl),
Mgr. le duc do MONÏII>'.'SSIKR(18-II,1811).
COXQUATK li'Al.tIKH (1830).
MM. la lient, gén. baron Borthéz-'uio. Losmaréch. Le col. nulhlnres, du 3.V. Chambaud, chof do lut,
do canin Potet de Morvan ot Achnnl, Louis do Bour- du génio. Lu g-m. d'artill, do La illttn, Le gén. Ilu-
mont, Bessiôre, ofllo. au :)' de ligne, Mounior, col, rnl. ItrnHchuwitx, interprét» du géu. on chef. DoTré-
du 38* do lljtno, Lo mnréoli. do camp d'Avclno, Ua lnn, chef d'nscad., nido do cnmp du gén, on chof. Lo
l.nchsu, col, du y,)', Lo innréch, do cnmp Monck gén. lliîsproz, rhftfil'èlnt-nHijor do l'itrméa, Lo niar,
d'User. f,o col. Bontemps Dubnrry, Aniôdéodo Ilour- dt'S logis Ponlatmvsky. S|un, chof do la grnndo huuo
mont, lient, nu 88'. Lo liant, gén. duc d'Kscors. do la frôgato lu Thétis, ilruuon, matelot do la Sur-
Borna, chef d'uscad,, nido do cnmp. Itnoliopollo, Li- veillante,
moges, cnp, nu H' do ligne, Bigot de Morngucs,lient.
OCCUPATION l'KOVISOl'lUi 1>K HONK K'I' Mi:ilS-EI.-KKHIU.
HIC
( liane), Lo gén. Damrémont. col, (îontefroy du SI* do ligno, Leblanc, comm. lo
[Merx'el'Kébir], Ls cap. Louis do Bourraont. Lo brick le Dragon,
DKPKNSE DU FOUT 1)1'. 8AINT-l'IUI.U*l'K (l»II 4 M \) MAI 1832).
Lo moréohal de o»mp de Trobriant. Favart, chof Mnis, — AndrliMi, liant, au SO*. Sautoraud, four-
do bat. du génie, Tatarenu, cap, d'état major. Lo- rier, id. Itourniit, sap du génie. •
vret, id. .Sergent, cap. du génie, Lhormito. lient, du lilessés. — 10" d'artill, Chnrtler, m'ar. des logis.
génio, Kurvéla, lient, nu 10' d'artill. Hué, cap. do Arène, nrtif. Hurle, Cnzanouvo, (Goujat, Lacas, Mo-
volt., SO' do ligne. Vlgior, id. Coudray, surg.-maj,, roi, rniionniers. Aui'O'dti ligno 'Blsford, gron. Dos-
M. Ferrand, voltig., Id. cudmnnn. Fortand ot Mieliolot, voltlii.
COMBAT DE KAWtOUU-DKBllY (8 MAI 1833).
Roux, liant, col, du S' ohass. d'Afrîquo, Biguon , ofllc. iVordnnn, du gon. Dosnilchols. Lnubet, niar,
ohef d'oscad. Droleuvaux, cap. adj.-mnjor nu 6(1' do dos logis nu 10' d'artill, Ligonnler, sorg.-mnjor do
ligne. Claparède, cap. do voltig. Id. Poccntte, cap. voltlgour» nu 00*. Dupons, gren. id, Ducros, Borg.
lég, étrang., 4' bat. Blanconi, s.-lieut. au (id* do lig. nu 4' bat. légion étrnng. Cnrbet, sapour au 2' du
Meunier, lieut. au S' ohass. d'Afrique. Do Vnlnos, génio.
COMBAT DU 27 MAI DBVANT OHAN.
Cavaignac, cap, au 3' du génie. Buis, cap. à lu colni, mar. dos logis au 2* chass. Ducros, serg. à la
lég. étrang, Laroque, cap. nu 66*. Doncé, cap. au S* lég. étrnng. Hoo, cnpornl nu mémo rég, Morille, ca-
chass. Souplot. s.-lieut, an (Kl", Marcel, mar. des lo- poral un lili', (iris, gren, id. Corbut, tap. au 2" du
gis chef au 10' d'artill. Féret, serg. au 00'. Mar- génie. Lamouroux, brlg. nu S' ohass,
guin, serg. id. Rudaux, fourr. au a* du génio. llo-
EXPEDITION CONTRK I.K8 IIAUJOIITES (17 MAI 1834).
Le gén. Bro. Le cap. d'état-major F.. Pallisslor, i cièro, chef do tint, nux zouaves. Plock, cap. au 1"
aldodecamp. du gén. en ohef. Le col. Bemolle, do chnss. d'Afrique, Duhosmo, s.-lliut. au même corps.
la lég, étrang. Le liout.-col. Jaubert. De la Morrl-
COMBAT DE l/lIABIU (3 D1ÎCBMBUE 183B) ET PUISE Dli MASKAHA.
Le lieut, Duhesmo, ofrio, d'ordonnancedu mnréoh. chass. d'Afrique. Looap, Cuny, le liout. Blsson.dos
Clnuzol. Lo chof d'esond. ltlchepanse, ot lo cap. d'é- zouaves. Locnp, Digonuet, du V léger. Los gén. Per-
tat major Tat'areau, Le s.-lieut, d'Arnaud, ofllo. d'or- regaux, d'Arlanges et Marbot. Le col. Duvarger,
donnance du maréoh. Le col. Combes, du 47*. Le chef d'état-major. Méano,du 3' lôgnr. Corblu, du
cap. Hernnrd.des chass. d'Afrique,Le gén. Oudinot, 47*. Lévdque de Villomurin, du 11'. DeGouy, du 2'
Le lieut.-ool. Maison, lo cnp, DuohiUel. Lo bout, La- chnss. d'Afrîquo, Le cap. d'état-mnjor do Hiincé, Les
fond et le seig.-maj. Doze, du 17' léger. Lo chef col. Lnsnon ot l.oraeroier. do l'arllll, ot du génie.
•l'escad. da Bourgon, le cap. d'état-mnjor Pellissier, L'intendant militaire Melolou d'Arc. Les sous-iutun-
lo lieut. do spahis De Villiers. Le cap. Mollière, lo dants do Guiroye et Luffllto.
lieut. TIxador, dos zouaves.- Le cap. Daumas du 2*
COMBAT Dli LA SIKKAK (U .IIJIIXBT 1830).
Tremblay, adj.-mnjor du ohass. d'Afrîquo, col, Combes, Horman, Corbin, ot Maussion, chef
2*
Mesine, comm. des spahis. Savnresso, s,-lient, au 2' d'état-major do la colonne.
ohass. Lo cap. Montaubon.Lecap. Martimproy.Les
EXPEDITION ET EETUAITE DE CONSTANTIN!-: (NOYKMUIIK 1836).
Le gén, Trézel. Les cap. du génio Ruyat Hackotl. liout.-col. do rimbnunes, Bnudons, ohirurg.-major.
Lo coinm, Morin, Le cap. Grand du mémo corps. Le Les ducs de Mortemart et de Caraman. Do Sainte-
chef d'escad. de ltlchepanse, Lo liout.-col. Duvlvier. Aldogoiidu. Lo r.np.d'étnt-mnjor Lqblano de Prébois.
Le lieut.'d'artill. Bertrand. Lo chef de bat. Changnr- Les liout. Hewbelt et Guyon. Lo cnp. d'état-mnjor
nior, du 2' léger, Le cap. Mollière, Le cap, d'état- Lavnux Coupé, Lo liout. do Morny. Lo col. Dnvor-
major de la Tour du Pin, Les Haut, do Drôe ot Bai- gor, chuf d'otnt-ninjor. Lo comm. l'arriu. Lo cap,
chls, ofllc. d'ordonnancedugouv. gén. Lo comm, do Znrngoza. Lus liant. Mimon et Lotellior. Lo cnp.
llancé, aide de camp. Lo cap. Mac-Mahon, Lo col. d'étatiiinjor Saint-IIippolyto. L'intond. niilit, Mul-
d'artill. Tournemine. Le col. Lovesque, du 0-J', Le <-ion d'Arc. Le s.-intemJ. F.valn. L'agont comptablo
roi, Boyer, aide do camp du duo de Nemours, Lo Thibault,
/|i»8 l/AFit IQIIK KHANÇAISR.
CUISIS lili ÇUNSTAVriNB (13 OCTOBRE 1837).
MM. lo llrttit. gén, bnron Flcury, Les maréchaux zouaves. Les chefs do bat, Montréal, du 3' bal.
do camp TWi'l oi Hulhières. (î'Afriquo, Bedeau, do la lég. étrang., et Lnclero,
MM. lu cap.-de Salins, major do tranchée, Les du 47*. Los cnp. Levnillnnt ot de (îardurens, des
lient. Mimontct F.otellior, nidos-majots, zounvos, Houronu, du 3' liai. d'Afrîquo. Snint-
Dans l'artillerie, — MM. lu col. do Touruomhio, Amand, do la lég. étrnng. Cnnrobert, Taponnier ot
Los i-hofs d'c.swnl.Mnléolmrdut d'Armaudy. Lus cap. Blanc do Loire, du 47', Mérnn , Haindro de la lég.
Comtois, ('ttllort, Le Bri'uf, Munster. Los liout, étrang. Do Rohuutt, Morulax , du 17'léger. Gui-
liomndon et ll'Wimunt. Les marée!), dos logis Ca- gnant, da la compagnie francho. Do Btlly, du bat.
prollnn et lloimami. Lo lnïg. Solgoot, des tlralll. d'Afrique. Les lient, Desnuisons, oftlc,
Dans te génie, —MM. los chefs d« bat. Vieux et d'ordonnauco du gén. Rulhières. De Gevaudan, du
do Villiiitouve. Los cap. Niol, Boutault, Hockott, tué. H' do ligno, oflio. d'ordonnauco du rén, Trezol.
Lohlnno, Potior, blessé à mort, Los liout, Wolf ot Jonrdan, Adnm, du 8* bat, d'Afrique, Dufresnn, du
Hurol-Vivior. 47' de ligne, Nicolas, du 83*. Los s.-oflc. Léger et
Dans le carpi royal d'état-mnjor, — Lo chef ilosoad. Dobamf, du 8' bnt. d'Afrique Justnud ot Doze, de
Dosi'iiioy. Los.cap, Borol, Alun-Manon» do Crony, la lég, étrang. Mariguet et Vincent, du 47', Les
Lo lient, do Cissuy. gren, et voltig. Dasurtenne, caporal. Colmann ot
Ihins la cavalerie— MM, Do Leueau, col. du Reiloin, du 47*. Pérès ot Jourdat.du 17* léger. Cour-
'.V ohass. LRS cap. Rîohopanso, offlc. d'ordonn, du tois, sorg. do zouaves, et Quatrehomme, caporal, Le
gén. Hulliif'rus. De Dellonu, du !î* chas's,'et le chof do bat. do Sérigny, du 2* léger, tué dans la
H.-liout, Galfalla, do» spahis réguliers. brèche, Lo cap, do Leyritz. Los s.-offlc, Debray et
Dam l'infanterie. —MM, lo col. Combos, du 47». Reuguot, du mémo corps,
blessé à niorti Le liout.-col, do la Moricièro, des
'EXPEDITION" DKS PORTES DE FEU, (OCTOBRE 1830).
Lo Princo Royal ot le gén. Galboia,comm- les divis. do Mnrgueijot, La s.'llout, Daillé. Le «erg, Bounic,
Dans le corps rouai d'étai-majur, —MM. Lo liout.» Dans le 3' chasseur d'Afrique, —- MM. le lléut.-
col, dé-Suites, chef d'état-mnjor gén. Lo chef d'oscad. col, Aliltgen. Los cap. Poyronnet, Legrand, Los
Duspiuoy, Los cap, do Rozièros ot Mosnil. liout. Ducret et Lostnpy, blessés. Les maréoli. dos
Dans 'le service topographique, — MM. les cap. logis Cousin, Dniito, blessés. Pnlangior.
J'uillon, Boblay, do Saint-Sauvonr ot Snget, 'Dans le 1" nhaskurs, T M. lo lieut. de Maloslrin,
Dans l'administration,— MM. la s,-iiitend, milit. Vans l'artillerie. *r* Les.elieut. nostning.
Haussinnnn.'Darricttud, s.-intond. milit. adjoint, et Vans la deuxième division, •— MM. «éalllo- do
Fabus, agent du sorvico des subsistances, Biarro, cap. faisant fonctions do chef d'ôtat-major.
/J'Ois le service de santé. — MM. Atitonini, méde- Do Chumporon,liout, nu 3' chnss. Chanabas, maréch.
cin on chef do l'arméo. Guyon, chirurg, en chef, des logis. Doluportalière, |l«ut. d'artill, Foucaud,
Ccocnldi, chirurg.-mnjor. cap. du génio.
Dans la première division. — MM. lo col, Gérard, Vans te Û'bat, d'infanterie d'Afrique, —• MM, lo
chef d'état-mnjor, Changarnior, col. du V léger. cap, Peyssard et de Montaubsn,
Picouleau, chef de bat. au 9' léger. Forez, cap. do Vans le 28' de ligne. •— MM. Genton, cap, do
enrab. au 2'léger, Martinet, serg,, et Dussollinr, grou, Brunot, serg. Uastoix, sorg.-major,
chass. uu mémo régiment, Dans les spahis, —M. le lieut, do Vernon. Lo
Dans le 17' léger. — MM. le col, Corbin, Lo lieut, maréch. dos logis Bonnomain.
EXPEDITION DR MEDEAlt (DU 2iJ AVRIL AU 2i MAI 1839).
Le Prlone Royal, lo duo d'Anmale et les gén. Vans l'artillerie, — MM. Je chef d'esoad. Ver-
Schramm, Duvivjor, D'Iloudotot, Blanquefort, do notty. Les oap. Sainto-Foix et Conrot.
Rumlgny, de Dampiorro ot Dolnhitte. Dans le génie, — MM. le col. Bellonot, Lo lleut,-
Dans le corps royal d'état-major, — MM. lo col. col, Charron, Les cap. Montfortet Guyot-Duclaux,
Gérard, Los liout,-col, do Sallos ot Pélissier. Les Dans les services administratifs et de santé.-r-
chefs d'oscad, de Monlguyon, de Courligis. Les cap, MM, les s>intoudants milit. Marchand ot Elohnr,
de Wongy, Rognard, de Laiihospin, do ('reny, Le médoo. en chef Antonini ot lo chirurg. on chef
ballot, do Tnulay, t)o Cissoy, Lo cap, d'artill, Lo Guyon. Los chirurg. principaux Pasquler et Snhlossor.
Boeu, ofllo. d'ordonnauco du maréch. Vidéo, Los chirurg.-mnjorsCeoaaldl ot Uonnnfond.Les offlc.
D'ans l'état-major des Princes, — MM, les ohofs d'administrations Baihaut et Dufrosne.
d'oscad,. Olinhaud Liilour, d'Rlohingen, Berlin et lo Vans le train d?s équipages, — Le chef d'escad.
cap, Jamin, Poiré, Les llèut, de Saint-Martin,Cantiçier et Mallarl,
COMBAT DE I.'AFPUN (27 Avnu, 1830).
M, la col, d'état-major Dolarue, iten auprès du Vans la cavalerie do réserve, — MM. les liout.-col.
Princo royal. Miltgeu et Korte, Los chefs d'esoad, Orabassan,
Dana \« l*f chasseurs d'Afrique, — MM. les chefs Charbonnel, Les cap, Ruault, Cordier. Les lieut,
d'escad. Delierno et Dolormo, Los cap. Boyer et Clorgô, do Saint-Léger, Durutty. Los maréch. des
Gnrtn, Lo liout. Frolivlllo, Les s.-lieut, Jouvo et logis Rougeot, Sinnt. Le brigad, Lieutier. Le ohass,
Thomas, Les maréch. des logis Escousseau» Do- Castéra et le trompette Guérin.
mange, Bretoui). Los brigad. Gentin et Broquel. Les
naval. Bnroquot, Delmas.
(L'0UBIHiUlt (29 AVRIL 1839).
COMBAT DE
MM. le cap. Bisson. Lo sorg.-major Lottra. Les Dans le 58'.—MM. los cap. de Thôvony et Lacroix.
serg. Bedos et Por.itty, Lo caporal Bonnet ot lo Les sorg. Hénon et Deforô,
voltig, Biron, du 17' léger. ' -Doits la légion c7r«iigére.--Lesoap, Muyran,Clerc,
, Gance, Suint-Arimult. La, «.-lient. Dorey. L'adjud.
M. lo gén. de Rumigny, blessé. Guicbnrd. Le serg. Reilk, Les voltig, Caroli et Vaul-
Dans le 48', — Lo sorg. Fallot, Lo gren. Leherson. cour.
COMBAT DE VouIUl-EL-llACIIEM (8 ET 10 MAI 1839).
Dans le »• léger. — MM. lo col. Chiiiignrnier. Le Le lieut. Desessarts. Le s.-lieut. Daillé. Le serg.
chef do bat. Lévaillnitt. Lo cap. Saiiteuii. Les lieut. Bedos. Le carab, Mir et la chass.LeBoso. Meyer. La
do Gibon et Musset. Le serg. Doueet. Le cavab. Dans la légion étrangère. — cap,
Robinet. lieut, Espinasso, Los serg. Gfllfet et Pessart. Le ca-
poral Val, Los voltig, Marchai, Lombard, Gonzalès
Vans le. lï' léger, —Los cap. Mngagnoso, Bisson. et Vanzanper,,
CITATIONS A l/OHDKK UK I/AIUIKK, /,{)»
PUISE DU COI, DE M017.AÏAII (12 MAI 1839),
MM. les gén. Duvivinr, d'Iloudotot, Les col. Vans les wuaves. — Los chefs do bat. Rognnnlt et
Changarnier, do Lamériciôro, Uuouwilhu-. Le cap. Reunud. Los cap, Lndmirault, Blnnglni, do Harral
d'état-mnjor do Crény. ot d« Mont Louis. Lo l'Iiirurtt.-ninjor Ilougny. Lo
Vans le v" léger. '— Lo lleut.-col, Drolonvaux. Los liout. Gnulhior. Lo «..lient. Blniso, Los aerg.-mnjors
chufs du bat. Levnlllnnt et do Luzy, Les cap. I.nljo, lîscnlon et Marin. Los fourr. Ilérnrd et d'Harcourt.
Bécho, Souloul. LBS lieut. do Gibon, Porion, Hrnn- Lu sorg. Tlioninssoti. Lo caporal Moussacré,
i-)iel|n, M'jssot. Los, s.-lieut. do Guyon, do Urav, Dans l<$ tirailleurs. — Los cap, Clerc ni Gault.
tf'ndjud, Choisy. Les «org.-mnjor Guilhom et Es. L'ûdjud. Pistoulot.
inlon. Les serg. Pierre et Parlant. Lo caporal Uos- Dans le tf-'P de ligne, — LOB cnp.'Coodroy, d'Hugues,
sières. Le chass. Thomas otlo «op. Bunul. Heriiiann. Lo lieut, Vincent, Lo 8,-liout, Adriau. L\»
Vans le 24' de ligne, •— Lo cop. Leduc. Les s.-lieut, sorg. ('Lois ot lo gren. Garrigo,
Lnure, Duerat ot Gillo. Les sorg. Goulu et Bit'tor- Dans te. \V léger, — Lu s.-liout. Besslèros, Le sorg.-
lin, Lu caporal Kloin. Lo gren. Petit ot lo fusiiior major Cnhors ot lo curai», Mir,
Landry,
COMBAT DU BOIS DES OLIVIERS (20 MAI 1839),
M, lo gén, Dampierro. Vans les tirailleurs. — Lo cap. ("loto et le liout.
Vans te 17' léger, — Lo col, Bedeau, blessé, Lo S'aiivin.
lient.-ool. De la 'l'orré, Les chefs do bat, Pages, Dans le l.V léger. — Los cap, Bourdiorot Bodot.
blessé^ et Leyrllz. Los cap. Bisson, Mugagnoso, Lo Lo lient, André. Lo fourr. Rongé,
lieut. Bernard. Le s.-lieut. Daillé, Los s.-offiu, Dans le -18* de Hune, — Le col. Rambnu. Le chef
Hugues, Traverso, Rinolfyz, Alméric, Valdouairo, do bat Marcherai!. Les cap, do la Logo otBorlii), Le
Pondret, Clmmbaret, Le fourr. Pujens. Le caporal serg, Biguoii.
Legras. Lu carab, Noir. Les voltig, Biron, Melusson, Vans ta cavalerie du réserve, — Lo chirurg. aida-
Pothier, Les chass, Castetlaui ot Nozin, mnjor Cnunioiit, Lo liout. Durruthy, Le «.-Haut.
Dans les souaves, — Lo comm. Renaud, Le» cap. Bristielle. Les maréch. des logis Foullhtbort, Bi-
Ladmiraud, do Barrai, de Mont-Louis. Los liout. zouard, Bùrard. Lu brig. Liontiar, Lo chass. Fou-
Coumot, Gauthier, Lopoitevin. Lo caporal Thévenot lard.
et le zouava Baylet.
DEFENSE DE MAZAGRAN (DU 2 fl FlIVRIRR 18-10).
AU
JO' compagnie du V bataillon d'infanterie légère Cordonnier,id. Durand, B.-liout,, Id, Muslor,Tnino,
d'Afrique, r- Lo cap, Lelièvro, comm. le fort. Lu Girond, Villomond, sorg. Vouillon, Leborne, soldais,
lleut.-col. Dubarrail, comm. la garnison do Mosta- — DoForton, cap. au 2' chass. d'Afrique. Snuvago,
ganom. Palais,cap. d'rçrttll, Kollor, brigad. Albinnl, s.-lieut., id, Tuhouf, maréch. do logis do spahis.
cap, du génie. M.agnan, lieut. au 1" bat, d'Afrîquo,
COMBAT DU MOUZAÏAIl (lli 1840).
JUIN
2' teger, — Locol. Changarnier, Les lient. Pourcot Giizoïme, Lerat, Richard, serg. Augnssol otFloquot,
et Costamagna*. te s.-lieut, Goyon. Lo carab. Bonnet, cnpor. Juuoau ot Ribiôro, soldats, Lofèyro, chirurg,-
17' léger, — Lo lieut. Bernard, Lo cap. Mmulnz, major.
Davin ot Paillé, s.-lieut, Mitton» Traverse, Guillot, 48' da ligne. — Lo col. Rombaud, Les chefs do
Gulraud, sorg. Cautoh, Dovillo, oapor. Martin,Phi- bat, Marchosnn et de Comps. Le docteur Robert.
lippon, soldats. * Les cnp, (iillet.Losngo et Paer. Les lieut. Marchand,
Zouaves, — Frémy, cap. Ouzanneau, s.-liout. Sta- Godait, Vindrloz, Corbizst. Lo s.-lieut. Boloz, Ro-
nislas, Valentin, Bortrand, serg. Marigny, "Wntolior, quotaillade, Bosons ot Well, Victor, ndjud, Monti-
capor, Masson, Cussol, Sàntolo, soldats, gny, serg.-maj. Mignon, Bryhaud, Clioulot, Dnrlou,
Tirailleurs. — Lo oap. Vichery, Clerc, Bellefond, Traby et Mnno,sorg. Alfurno, Ceccnld), Audibort,
cap. Collet, Airoles, s.-lieut. Lossalle, ndjud, Prost, capor. Lamoro, Dematty, Léonard, Brida,Mayran, soldats.
Enderlolu, soldats. Légion étrangère. — Pobrio, chof do bat.
3" léger. — Le col, Champion, Fauro, Lagrève, Màyar,Silvostro,'Paupln,cap, Mouli, s.-lieut, Lidorlf
cnp, Guercy, Lopolley, liout. Rossimôs, s,-lieut.
oiRamlot, sortants.
Daguas, adjud. Chené, Leroy, Gérard, serg.-maj, Dans 'te génu: — La cnp, Boquot,
COMBATS DE MILIANAH (DU 23 AU 20 JUIN 1840),
Artillerie. — Le cap. Conrot. Muller, lieut. Salo- Artillerie, — Le çommand. Porchain, Los cap.
mon, brigadier. Fournlor, Chabord , Liôdot, Bonamy. Lafayotto,
s.-lieut. Cnrcloro, maréol», des logis. Sohliohter,
"
' 94' da ligne,
— Baohelet, ohef do bat. Tournomluc,
Leduc, cap, Doymié, lieut, Amjotto, cap, Joly, soldat. artilleur.
Zouaves, — Malssiot, Gautrin, Ladmirault, oap. Génie. — Le col. Bellonot. Guyot-Duolaux, oap.
D'Antiu, lient. Dltrit, zouave. D'flaulovlllo, chef do bat, Noël, Lbâjpital, Dumou-
Arrière-garde, — Le col. Bedeau. La liout.-col, lin, Bocquet, do Villolégier, cnp, Le lient, Robbo,
Charpenay, du 23' do ligno. La cap. d'Hugues. Lo Decoux, Onfroy, sorg.-mnj. Leroy, serg, Poirrlor,
liotl't. d'étot-maj. Bèsson, Le voltig, Bec. Lo col. canojinier.
Changarnier'du 2' léger. Lo oap. Lacharrlère. Los Service médical. — Antonlnl, , roédeoln en chof.
capor. Guillaumo, Singery, Noury. Ronaut et Pujade, chiriug. aides-maj. Anjou ot Bou-
68' dé ligne,—•Chninpmorln,ohefdebat, Fedlom, gny", id. Los sous-aidès Langa ot Variât. Tripier,
liout, Qulhemant,serg.-maj,Semporay, soldat. phnrm,-major.
Ktai-major. —• Lo lieut, gôri, Schramm, Les gén. Train des éguipaqes, —Poiré, chef d'osend. Mo-,
d'Houdetot et Blanquefort. Les .lleut.-col. do Salles reau,Mallart,Saint-Martin,lieut. Leglaive, Lufebvro
et Pélissier. Tatàreau et de Courligis, chefs d'escad, et Borry, maréch, dos logis. Los brigad. Beruin ot
Dé Crény, d'AllonvlIle, de Villiers et Mac-Mahon, Gorso.
aidés do carapdugén. d'Houdetot. De Tniilay, Bosq, Administration,— Les, -intendantmilitairoEschor,
Lebris, Sptlzor, cap. Roillo ot Besson lieutenant! Bachaut et Sallcls, offlolors comptables.
COMBAT DE KARA-MUSTAP1IA (19 SEPTEMBRE 18*j0).
Le général Changarnier. Mac-Mahon, cap. Pour- Lo can, Crignon, Jnubort de Pasta , liout. Camps,
cet, lieut, d'étal-roajor, serg. Nabot, capor.
1" Chasseurs d'Afrique, — 'Parlas, lleut,-col.
Zouaves. — Leflo, chef do bat. Gaulherln , cap. Boyer, Lapérouso, lieut, Regnautt, do Coïls ,
Crolllet,serg, Gulllormi, capor. Ducouodrë, Pelle- maréch.cnp, des logis, Salondro, brig.
tier, Jalabut, soldats. Artillerie, — Le cap, Bonamy.
Tirailleurs d'Orléans, — Ladniirault, chef de bat, Génie. — Le cap. de Villelégior.
Wi l/AFHIQIJI? FHANÇAISK.
tOtlUAT D'AKIIET-KKDDA (30 MAI HT JUIN 18U).
l'Uni-major delà <v!nnuc. — Pélissier, liout.-i'ol. Mou/in de Lyrie, Haut. Rolloton, sorg, Rutlault ot
Martimpruy, cap. Do ('aatetnau. lient, Wnlsin Kstor- Fauchon, Loliniau, Berne, soldats,
liazy, cap. d'artill, Uaumns,chefd'oscad. nus chass, 41' de ligne, Lo col, Roguot, Maisslat, chof débat,
d'Afrique. Ey nard, chuf d'oscad. d'ctat-ninjor. Vergé, llillon, cap, Roynaud, s.-lieut. Garuior et Dieu,
cnp, de chas». Rofih*miore,chof d'oscad, ou 4' chass. sorg.-mnjor. Guyomard. serg. L'oudert, capor.
Clonard, cap, lég, étrang. Roziôres, do Weugis, du 15' léger. — Le col. Tompoure, Bariolado, cap.
Cissuy, Travot, cnp. d'élat-mnjor. 5G* c/c ligne. Lo col, Laieulllo. Caillard, chef de
1" Division. --S. A. R. Mgr. lo duc de Nemours. bat. Boudhors, liout.-col, Le cftp, Fossier.
Gén. Boyor, nide do camp. Lleut.-col. Despinoy, Artillerie, — Lo cap, Laumiôres, Briant, lient.
ohHfd'étnt-mnjor. Bardoniiat, marécji. des logis, Lagardo, fourr, Cha-
Ilalaillon délite, Renaud, liout.-col. Carondelel, tenu, brig, Lelinno et Gaucol, arlill,
Frontil, cap. Cavalerie, — Lo col, Randon, du S' chass, Bor-
1" de ligne,. D'Anthouard, chef do but, Dany nard, Grattepaiu, cap. Herbin Dessaux, chef d'es-
chirurg.-innjof. Bardou cap. Rouby s.-liout. Bo-, cadron,
,
quillon, sorg. Gauguin, Fnbro, soldats,, Spahis.—Moutauban, chef d'oscad,|Jores d'Arcos,
13' léger. Wnlsin Estorhnzy,' chef Je bat, Beau» capitaine.
champ, La Rousselièro et Billot, cap. Bailly, lient. Artillerie. — Pariset, Destouchos, cap. Mangères,
Polyniarcliutli, s.-liout, Lapédngno et Kriêii, sorg- adjudant.
major. Gers , carabinier. Bussoudrado ot Boucassel, Génie. — Lo gén. Berlhois. Devaux, Curtal, Vau-
chasseurs. bnn, Félot, Véronique, Dumas, Rittier, cap. Pé-
1" bataillon d'infanterie légère d'Afrique, — Lo guillet, Courier, serg. Chassé, sap.
chof do bat, Gêrnudon, Lo cap. Cordonnier. ' Administration. — Hniuaux, adj. auxll, des ambu-
t» division, Lo gén. la Moricièro. Les cap. d'éint- lances. — Train:Martin, chef d'oscad. Moroau, cnp.
major Philippe et Susleau de Malroy. Les lieut. For- Snint-Martln, Daguet, liout. Etienne, Bidard, Pnjol,
uior et de La Gulche. Laruo du Barry, chirurg, maréch. dos logis. Blecliy, Brig, Pierre, sold, Bréa,
sous-nide. oftic, compt, Marion,adj. des subsistances,
()• léger, Costo, chef de bat. Do Fayot, Dulor, cap. Ouvriers d'administration, Lo lieut. Foucaud.
COMBAT DE MILLWAII (l(l ET 3 MAI 18il),
Ktat-major,—Le gén. Bnraguay d'Hilliors, Le cap. Latouoho, Duchosne, cap. Espéron, lieut, Sensier,
d'Adolsward, son nido *V> camp. Los cap. do Cissey, s.-lieut, Mignot, Pivot, Labrift'e, maréch. dos logis,
do Gouyon, de Wongy. Delmotto, lieut. col. Ey- Thomas, brig. Chaix, Lofranc, Rlquet, cliass.
nard, chof d'oscad. Travot, cap, Los gén. Changar- i' chasseurs. — Hondaille, Rocheniore, chef d'eso.
nier ot Boyor. Despinoy , lieut.-col. Burthlor , chef Do Loô, Guerre, cap. Baslido liout, Vnlabrèguo,
,
d'oscad, Borol do Brétizol, Lotellier, Latour du Pin, Gulohnrd, Delago,s.-liout. Llchtllu, Gourt, Leiellier,
Roger, cnp, Luvigcrlo, Cordicr, muréch, des logis, Dougla, brig.
1" chasseurs, — Lo cap. Boyer. Raoul, lient, d'é- Dalh, Cazac, Maurus, chass. Bordier, chirurg. nido-
tat-major, Rougel, Lallemaud, Choix, chnss. mnjor.
4» chasseurs. — Lo col. Bourgon. Gendarmerie, — Broquevillo, cap. Méchin lieut,
Pruch, maréch, dos logis, Dornier, brig. Néaud, ,
21' de ligne, Le col, Gentil, Le lieut.-col. duo d'Au-
mole. Lo chef d'escad Jamln, offle. d'ordonnance du Prndier, Schmidt, gendarmes.
princo. Grandchnmp, cap. Ducros, Ijeut. David, ser- Gendarmes maures. Le cap. d'Allonville, Balai,
~
gent. Bressct, Paul, Vordin, Mauret, sold. lieut. Martini, s.-lieut. Marguerite, Aubin, maréch.
58* de ligne, Vatihedegghem, lieut.-col. Plerson, des logis. Delmas, chirurg. aide-mnjor.
cap. Bertrand, lieut, Clémout, s,-liout, Gremelnn, adj,
Veilhon,
Tirailleurs indigènes. — Pollô, lieut.
Gulnohord, sergent-mnjor, serg, Robert, Artillerie.— Potier, liout. Narey,ld. Batte, ma-
grenadier, réchal des logis,
2(1' de ligne, La col. D'ArbouvIllo. Guerrimand,
chof de bat. Mnnselon, cap. Cabillaut, id. Martin Intendants, Molofde Cambls. Mallarmé ot de La
Lacosto ot Berruyor, lieut. Poter, sorgent. Doumet, Calvinière, adjoints.
fourrier, Train des équipages. — Poiré, lieut.-col. Ledain,
Zouaves. — Le lieut.-col. Cavaignac. Leflot, Le- Gulh, Remond, liout.
roy, dit Saint-Arnaud, chef de bat. Frômy, cap. Service de sauté. — Baudens, chirurg. princ. Tri-
Mayart, lieut. Royer, s.-lieiit. Peureux, Raffin, Du- pier, pharm. nide-major. Bertrand, chirurg. id. Pas-
clmsnois ot Pomol, serg, Joubort, zouave, qnier, /.audik, chirurg. s,-aides, Artigues, chargé de
Artillerie, — Poitiers, lieut. l'ambulance.
1" chasseurs d'Afrique, Lo col, Korte. Torlas, Service des subsistances, — Letellier, offle. compt.
Heul.-ooJ. DoVHoMie, chof d'escad. Boyor, cap, Pigot, lieut. des ouvriers d'administration.
COMBAT DK BENI-MERED (il AVRIL 1842,!.
Blandan, sers'- .»"- s6' do ligne, chof de détache- nuée d'Arabes, le gouvernement a autorisé l'érec-
ment, tué. LooLir, tué. Girnud , amputé, Elie, mort tion à Beni-Mered d'un obélisque dont le fût, haut
de ses blessures. Béai, blessé. Lecomte, blessé. Lau- do 22 mètres, repose sur uno base disposée en fon-
rent, blessé. Bourrior, blessé, Michel, blessé, Lnrinou.t, taine, Doux inscriptions fort laconiques rappellent
tué. Blro , Girard, Estai, Marchand, Monot, non co fait d'armes ; l'une, du côté d'Alger, porto ces
blessés i tous soldats au 20' do ligne. morts Î « Aux vingt-deux braves de Beni-Mered. »
Vitlars, brig. au 4' chasseurs d'Afrique, bkssé. Sur l'autre, faisant face à Blidah, on lit : H Combat
Duoasse, chass., lue. Lomercier, id., ÎIO» blessé, du 82 avril 1842. » Il n'eût pus coûté bien cher de
Ducros, chirurg. sous-aide, amputé. graver los noms des vingt-deux braves. Tout autre
Pour perpétuer la mémoire de ce glorioux combat, général en chef que M. Bugeaud n'eût pas refusé
soutenu dans la Métldjah, entre Bou-Forlk ot Beni- d'accorder à l'arméo cette satisfaction,
Mered, par cetto poignée do Français contre une
COMBAT DEL-D1SS (3 MAI 1842).
M. le col. Brlco, commaudont supérieur do PJil- Duport, carab. Grapdoup, Lacrosse, Carboni et Es-
telle, chass. Kliugensteiner,serg, Schott, lient., tue.
Dans le Va' léger. — MM. lo col. de la Tour du Lepelletinr, chirurg-mai., tué.
Pin, de Chabrièro et Cornet» cap. Gilbert, lieut. Fai- Vans l'artillerie, — M. Lix, lieut.
vre, Henrion , s.-lieut. Hébert, serg.-maj. Heston et Dans le génie. — MM. Brincard, Riffault, cap.
Guyon, chass, Monot, serg. Robert, Bernard, Gros, Mathieu, liout, Roblin, serg. Barratier, sap,
«CITATIONS A i; OU lUlr, DK I.' A II M KK. /illft
//<IHS iV 3*bataillon d'Afrique. — MM, Poysgnrd, Dans les troupes indigènes,—MM, Rossayro, liout,
comm, Pnpus, Sniut-Goriimiu, cap. Adam, Paillard, Bnzoelio, s..lient.
liout, lliHson, Bastide, serg, Lnpôro, ohlrurg.-ninj, Dans l'administration.—MM, Charmelton, adjoint
ut Frauoesolii, sorg.-mnjor. du •." daskn a l'intondnnco. Stéphanopoli, chirurg.
aidtî-mnj, Martin, iulirin. Canapa, interprète,

PRISE DE LA SEMALAH (10 MAI 1813),


S, A. R.Mgr, le duc (I'AUMAU:. Lo col. dos spnhis Drnin, Ciuiclaux, Dolngo, s.-liout,; Droux, Carroi»
Youssef, lo lieut.-col. Moiris, lo comm Jnmin, nidu Laroche, Camhriul, Mouphoux, mar. dus logis ; Mas-
de camp du prince; los cap, do Bcauforl, Durrieux, son, Bertrand, Hoissonny, Briout. brig.; Mngnliii
do MargiiQuati l'intorprôto Urbain, Morel, l)ulncoui',PerriiylLoiuolue,Despro/., Ardouin,
Vans h 3;P de ligno ; lo cap, Dupin, dal'état-nnjor, chasseurs,
Dans la gendarmerie : le lieut, Grnsjonnj Chnm- Aux *,7)(i/it.s'.*lochufd'esondrond'Allonvillo;loscnp.
bert, mar. dos logis | Murot, brig. i Fonnenu, gond. Oiiroiet Pint; l''luiiry1Jncquot,FrontvlllootLogrnnd,
Vans le 1" chasseursi Lichtlin, lieut. i d'Orvlusy, lient, ; Dubnrrnll, Gaulhtot, Bréauté, de Urotmiil,
Pohéguin. mar. dos logis. Pint, s,-liout. ; Olivier, n-ij. • Mosinor, doChamilz,
i'
Dans le chasseurs : D'Espinay, cnplt ; Grand- mar, des logis ; Gnrnier, biig.
vallot et Cadto, id,', Paulzod'Yvoy, liant.; Marchand,
COMBAT DE I.'OUKD-MAI.AII (11 NOVEMBRE 1813).
4' chasseurs d'Afrique, — Tartas, col. De Culte, ban, Bouchamp, Delplano, s..liont. Bardotto, Chnm-
chef d'escad. Dents, ehirurg.-mnjor, D îlinconrl, Do bns, Gantés, Bougerai- llnusquot, maréch, dos logis.
Loé, Duorot, Lomonnier , do Nellnc. cap. Da Vnla- Girard, Saint-.Snrdos, Thomas, Astruc, brigad. Mar-
brèguo, Lebèguo, Marohnnd, liout. Du Caullncourt, tiny, Déon, Sirel, Sourp, Sublit, Rocher, Bull,chus-
do Closmadouo, s.-lieut. Lécarller , ndjud. Snlguier, sours,
trompette major. Bouvard,Cardoller, Dougla, Licht- Spahis d'Oran, — Cassnignolos, cap, Slgnot, brig.
lin, maréoh, des logis, Bergorel, Fourguos, Lcslo- Routé, spahis,
quoy, Voisse,Saint,Roux, Leguy, Thuault, Lhonno, Corps royal d'étal-major. -- Dojnrrns, cap. Bau-
chass, doin, Martin, lieut.
2' chasseurs, Sontuary, lieut.-col.Da
„ Cotte, Sava- Artillerie, — Charra?, cap. Briant, lieut.
veise, cap. Vldll, da Boune, lieut. Wégomond, Hu- Ambulance. — Gama, chirurg.-niojor.
COMBAT DE TAOURGHA (12 MAI 184*1).
Lo lieut.-col, Daumas, directeur central dos af- Pacot, liout. Rouan, sorg. Gravil, voltig.
fairas arabes. Lo cap. Pelle, des tiraill, indigènes. 48' de ligne, — Lo lleut.-col. do Comps, Le cnp,
Les cap. d'état-major Gaborlau, de Cissey. Lo doc- Vnulier, Viotor ot Montigny s.-liout, Cïmlut, Ua-
,
teur Ametoln, chirurg. du bureau arabo. Springuis- que, gronad,
feld et Gnillot, liout. du train. Bertrand et Keslel, Tirailleursindigènes, — Vergé, chof do bat, Wim-
maréch. des logis, Niviôres, trompette, Eiïeu, cap, Hugues, Marllneau des Chosnoz, lient,
Bataillon d'elile. — Le cap. du génio, Jacquin, La acroix, adjudant.
cap, d'artill. Bourson. Damaret, Peter, maréch, des Etat-major delà colonne. Zaragoza, chef d'escad.
logis. Le docteur Volage, chlr'urg.-mnjor. Sedilte, offlo, d'ordonnance du gén. Korte. La chof
sJG* de ligne, Miller, chef do bat, Cavadlny, cap. d'escad. do Gouyon.
COMBAT D'OUAREZ-KDDIN (17 MAI 1844).
Vans l'état - major général, — MM. les gôuér. Dans les tirailleurs indigènes, — MM. lo chef do
Gentil et Korto ; locolon. Pélissier; le chef d'escadr, bat, Vergé, lo s,-liout, Volentin, blessé, Lo liout,
do Gouyon. Les caplt. Anselme, do Cissey, Raoul Gentil.
et Lapasset ; l'interprète Louis Goher. Vans le ...8' léger, — MM. le col, Gaohot. Lo chof
Dans l'état-major particulier du gouverneur.— do bat. Bess. Lo cnp. Daurlheau. Le s.-lieut. Iloc-
MM. les caplt, Rivet, de l'artill., de Unrrnube, do quet. Le liout, Walkor. Lo serg. do carab. Durnzzo.
la lég, élrang,, et Guilmot dos chass. d'Afr,, ofllo, Le carab, Lnntrein et le voltig. Larignldy.
d'ordonn. Lo chef d'escadr. d'état-major l'Heureux, Vans leW de ligne.—MM. lieut.-ool. Guérlman.
offlo, d'ordonn. du ministre de la guerro. Locnp.Cavftdini, Leonp.adjud.-mnj.deBerruyur. Lo
Vans lessouaves,—MM-!e liout.-col. deChassoloup- lieut, de voltig., Pacaud, blessé. Le lieut, do voltig,
Laubat ; lo caplt, Corréard qui, ayant reçu quatre Hergorel. Lesorg.-maj. do gronad. Dornonud. Rohan,
coups de feu, conservait encore le commandement ser«, de voltig.
da sa compagnie; les caplt, Paër et Frèche; les Dans le 48' de ligne, — MM, lo col. Rognault. Le
liout, Rampon (blessé), Lnrroux-d'Orion ; le sous- chirurg.-maj, Robert. Lo lieut. Fourot, Lo s.-lieut,
liout. Rognes, Les serg, Camut, Morelly; le fourr. Glaentzor. L'adjud. Tapy, Les sorg-moj, Benos ot
Chapsal [blessé de trois coups de feu) ; lo sorg. Dé- Fabre. Le serg, Turpln, Le capor. Loroux. Lo voltig.
chard l&frssél ; le serg.-maj. Do Reuss [blesse) ; les Clmlr.
serg. Pois, Destuuches, blessé. Les capor. Leprévost, Vans le 58' de ligne,— MM. locol, doSchmidt, Lo
blessé, Desmnrets, Les zouaves Guiohard, qui a sauvé cap. Turpand.
la vie BU capitaine Corréard, et l'a emporté sous Dans le 58* de ligne, —'MM. le lleut.-col. Forey,
une grêle de balles ; Bouton, Mouiller et Caila. Le liout. Féry. Le capor. Baurès, blesse.
Agneaux, blessé. Porche, ambûlé. Amps, amputé. Vans l'artillerie. — MM. le chef d'escadr, Liautey,
Beaudrand, blessé, Duvlvler. La s.-lient, Douille, Le cap. Chabord. Lo maréchal des logis Raymond,
tué. du 12' d'artill,
Vans la compagnie de carabiniers du 8' bataillon Dans la cavalerie, — MM. le chof d'escadr. do
de chasseurs d'Orléans, MM. le lieut. Ilurvoix, Nouo, du 1"chass. Lo s.-lleut. Merlet,des spahis.

blessé. Le s.-lieut. Lautard. La serg.-maj, Revol. La Le maréchal des logis do chass. Christel.
fourr, Castevin. Le capor. Foissy, blessé, Lo carab. Dans le génie, — MM. la col. Charron. Lo cap.
Bonnet, blessé grièvement. Ducasse, blességrièvement,
Dans le bataillon d'élite. — MM. lo cap. comra. Vans le train des équipages. — Las maréch, des
Jacquin, blessé. Lu cap. Lamarqua, du 8' d'artill. Lo logis Église et Bnronquo, et le brig. Bonotto.
lieut, Marion, du mémo corps. Le lieut. Stéanig. Les Service des ambulances.—MM. Philippe, chirurg.
maréoh. des logis d'artill. Damant ei Potor. Le serg, priiicipul. Le 'ohirurg.-maj. Duroujot, Lo sous-aide
du génie Merlin. Le capor, Jacquin et le mineur Souville, et M, Juviu, adjud, d'administration du
Poligny, service des hôpitaux,
4M L'AKUIQIÎK t'HANCAISE.
lUTAIM/H'l/lNVV {U AOUT 1844).
liUU'mijor général, r~ tëynntd, col, Do Orény, c'np. l'ernot, lient, Arngnoii, s.OlQUt. Damoiid et
l.Vpol, île' (loiivoii, 'MaitUnprnyy chefs. dVsca'd.'Foy, AJarHeiii' innrêch, des logis,
col, (*IHU«, t'iiuf d'eseed. ('ouviiiii, Esfiivonl, de Ois- j.o ooi, Tnrtim eitn le cap, Bastide du 4' elinss,
K«y, l'jip. Baudouin, lient. Uiiiimol, cap. nus cliuss, IJSR ndjud. L^earlJer do A'eslud «t Dtirya. , Le troin*
d'Afrique, petto niajnr Siiiguies et )o brig, !,osloquoy.
Spahis, Damottn fil Dilor, lient, Rozelti, Do- Dans (e Maghsim/-* Le chof d'osond.AValsiii Ks»
—-
ehakor, 8,-limit, D'Ailouvillo, Payas, Cussaienoies, terliazy,
chefs d'oscnd, OITroy» Blond, JO/OII, cap, Lambert et Colmnic (h tlroilc, lu*» k'gcr, —* f,e .cal, ChadeyfiSnn,
Floury, id, Lngniitil, (inutrot, Michel, Meut. Du Ba« VA* M$er, Le chof de bat; Bose» Le ejïaf de bat.
rnil, Bertrand, dô Noissno,s,4iout. Stéphniiojmlii —
d'Auteinaro» dps zouaves. I,n cap, Grtyotj du fl' hat,
elnrurg, aîdo-mnjor, Lagardère, vélérii). kohua, -Lo- do eltasHP.nrs d'Orléans, Lu rap, Hardy» du 13* léger,
féyro ndjud. Cumins, maréch, dos logis, Cuissin i L'adjud, Oambon, des zouaves, Le serg, Safrane, du
Ourdies,
>
Pigcnii, Lamyctte, Mignot, Béguin,Massé, màmn corps,
Gide, ('lml«mnl,m!ii'éoh*> lies logis, Pradel, Jqçotot, VolaiiM de 'qavalw, Le eol, de Oonips, du 48*.
lloti/â, Bris . JiiiiHifossB.s, Com'vo|siur, IJugon, do Las chefs do liât, —
Blondeaii. CiiévatichBUd'Lntourot
Douliot, Lfiiiiîri, Jusliu, Dngommier, spahis. Fossior, F^o lient, t'arbonneî et le cupornl Brëgaud
4' de l'hasseut's. r~ Ci'ostey, chef ri'esend. De Loé, ,
du' 48*. Le col. Renault, du fi* léger. Lo chef de bal.
Duorost, Lniltol, do Noyae, enp, Uonjut; 'LehèpUo,- Blol, du 10' bâti do chass, d'Orléans. Le caporal
'llont. Guiraud, Nyei, Ilay'aoïi, Diily.ne, s.-lient, Vu!»' Serval,
Iin,çhïrurg. 'aide-major', Vallon vétorin, Donraud ,
Cardolle, Cordior, d'IJeuricmoii,, Vinlnud, Potion
liatiîiilam /(lisant t('(a (ta ùùhhtiv. ^ Le chef de
bat. Frontoht Cosio, dit 8' oluiss. d'OrHans, Les cap,
JJoirns, innréfih, dos logis.IJory, Nuuiur, Dnpug,, Delmas ot Dutérli'Q, et l'adjud, Fléelïot,
Gérard, Judo, brlg. Dargeét, Courtean, Cnriior, Dé- 33* (la ligna, -j-i Glmrdon, cap. BJnkér, sergent,
lirai, Ilnlsteiri» Jayot, VOBSO , Hugues y Bobut/G11'- :41* de hyiie.— Le col. RogUet, Iratsogity, IJeUt. ,

«hetau, Barlbélemi,Heynmid, chasseurs,- Mijliourat, serg,'


2* f?ftv<!fi(is«'H>'i'.'-Itmidnillo, cliof.d'fisôad, Forton,
:
Arrière - garda. —Bèze,; élief dé bat, au 8* léger,
do Cette, RnuRsiiau, JiR('oiul0i Joly, Doïacriso, Ilmis- iMorizotj cnp, Bonnofpus, s.-ïieut, Duroùtgé, c|ii-;
sayo. c-np. Vnlornoau, doyidil, Coloniia, Bout, Ma- rilrg.-niaj. DuraiîKo, UttezeaiiBO, «erg, Lautri», Be^-
gny, DiiliiRlifern , Kspnuot ,' -Roger-, sï-lieut. Justrae, lière, sold,
ndjud, De Pongoivillci Daudetto, Attliin, Maury, ' 3" bnlaiiiàn de ,
chasseurs il'Orie'ons, — Bàuyn de
;
,
roirouli; dos logis chefs, Cormuy de Br.igqde, Lenor- Perreuse, chef do bat, Jourdain,
maud, Pargny, Franiz, Houlangoryftàudouiii, Single, cnp.
Rongerai mnréoh, des logis, Landry, Maurice, Kor- boeuf, Artillerie. — Olappior, Pince, cap, Dubbaud, Le-
grée, Diiigé, Renaud, Ile mrd, Guillaume»!!, RiôLés, Cbavaudret, lient, LoubionjWoeteber,Manrei
hrig. Tiinet Délias, Lallomand, Vaguer» Esihor, Fa- Déeh^) inaréol), des logis. Cotleret, brigad, Lamboii*
gOB , Malpns, Schmilt, chasseurs,
las, artill. :.
-... ;,.'.'.'
Intendance, Ufilamptasoïilèro, cap {ju 48*, fai-
.
1" chasseurs, Tflllet, Vidnlin cap.Rivât, lient. •—
1

Dqryionx, s.-Hont, Lauth ot Raymond, , maréch. des sant fonction do «.-intendant, -


logis. Pack, brignd, Service de santé, — Le docteur Philippe, cHlruVg.
2" hussards. —* De Gognon, col, Courby -de Co- principal de rarmée, Barbot off. conipt.» directeur
gijord, chef d'escad, Gentil Haint-Alphonsoot Delurd, des ambulances,
DlîFEXSE DU rOOTB J)E SEtinÔU (3 OCTOHIIE 1843,
M, Brochet, capitaine commandant. MAL Pascal, gou, fourr. el Basson, serg. au 41*. Alorlon et Bon»
cap. au 41* de ligne, Donuory. cnp, adjml.-maj. repos . miiavos. Pivuis, chass, eu 15' léger. Gloppe,
Davini.T, lient, Lcsccq,lieut. du guuie. /.oillcr, s,-lient. zouave, Clialiguc, capor,, id. Dourco chass, an 15°
an 41'. Lnhir, snrg.-maj. nu 11*. Dufaux , serg-nmj. léger. Ruy, sap. du génie, Clavier, capor, au 41*. Ste-
des zmmves, Hus, maréch. des logis d'nrtill. Belu- ncr, greund., id, Pliilippo, vollig, Id.
COSIHAT DE SIDI-JIHAIUM (13 OCTORHE 184H).
Le lient-col. Montagnao, Le chef de bat. Froment id. Le docteur Rosagutti, même corps, L'Interprète
Co^te, du 8* bal. d'Orléans. Le chef d'osendr. de Lévi, id.
Courby do Cngnord . du Q' linss. Le cnp. Gentil Noms des quatorze homm"séchoppés an désastre de
Samt-Atpimnso, du i" huss. Le linnl, Klein du Sidi-lirahhiit cl rentrés à Djuitvui Ghasouaf, —
môme corps. Le cnp, tidjud.-mnj, Dnlerlrn, du tj' ,bal, D.'ivaiin, Natalie, huss. au 3* régiment, Lavnissiùro,
d'Orléans. Los cap. Chargoro, Burgurd, du mémo cnpor. nu 8* bat, de chass, d'Orléans, Léger, L»ppà-
bat, Le lient, do Raymond, Lo s.-liout, Larravet, du rat, Michel, Sier, Blanc, Antoine, Armand, Dolfleu,
mémo bat. L'adjud. Thomas, id. Le cap. do (jé- Rapin, carab, Langlais, Raymond, chass, au 8* bat.
reaux,du 8* bat. d'Orléans. Le lient. Chappedelaine, d'Orléans.
COMBATS CHEZ LES THAUAS (13 AU liî OCTOBRE 1848).
Etat-mujor. — Lo cap. Anselme. Beaudoin, cap. benutde et Galichon. cap, Beaumené, adjud. Lesage,
dôincho aux chnss. d'Afrique. cap.
Artillerie. — Lugan, Goslin, cap. comni. Cliavnu- «• léger. Etienney, chef de bnt. Varlet, chirurg.
drat, cap. en second. Tnffnrln, adjud. s.-off. Hus- nido-maj. ^oumier lient. Badouville, cap. Recopé,
senet, maréeh. des logis. sorg-.mnj, Saison, lieut. Sorel, serg.
Génie. — Gaubort, Thouvenin. cap. 15* léger. — Durcaille, lieut. Bonnet, cap. adjud.-
Zouaves. — Fraueeschettl ot Saint-Pol, cnp. Du- .maj. FaUion, s..lient, Morcoroiï, serg.-maj.
bos, lieut. Robin des Villars, sorg, Bonat, lieut,-col. 10* bataillon de chasseurs d'Orléans. — Levassor-
Lecoutenx, cap. SorYal, «.«p. comm.
41' de ligne. Mac Mahon, col. Garondelet, ehaf de 8* bataillon. — De Noë, cap. Semidéï et Brice,
bat. Fraboulot, cnp, adjud,-tnaj, Sinlet, sorg. Téarel, s,-Heur, liaison, capor. Simon, sorg. Iinoff, chass.
vollig. Geneslay et Laurent, greuad. Lemonuier, 4* chasseur d'Afrique.—Vernon on p. Dor, B\-
.
cap, lliollé, serg.-mn.j. lieut. Doluins, do'Lacoste, s.'lieut, Durys, adjud.
Arrière-garde, 3" léger. — De Gôraudon, lieut.- Delouehe, maréch. des logis. Guichard,lieut.Julien,
col, Deserro, chef do bat, Fourrier, sorg, Soulier, maréuh. des logis.
carab. * Service de santé. — Gama» chirurg.-moj. Lapeyre,-
Légioti étrangère, — Faivre, uol. du 43', oomm, chirurg, uide-maj.
Delumarre, ohuf de bat. Clerc, cap, adjud,-maj, Ga«
CITATIONS V l.'OHUUt: Dl'l l/A KM HIC. .'•')7

RXI'BMTIUN CONTRE 1RS t'IlSSA-KI. n.uili (17 lit' 28 ocioiiiiK 1849).


Le gén. Comman, Vaut le 3' /egec — MM, lo Tuilliô, fusilier. Caubort, enp, Gremolin, porte-drA-
col. Gachot. Pnillot, O'Hérail do Drlsia, Giron, cnp. peau. Martin, fusilier, Tupinu, sorg-maj.
Martin, sorg. Cavalerie. — Le col. dos spnliis, Voiissof.
Dans le 3' bataillon des chasseurs d'Orléans, — 1" chasseurs, — Lo chef d'cscadr. de Nuiin; Tint-
Servies, chof du bat. Cngarrlga Petit, cnp. Dautol, not, s.-lieut. De Mange, innraeb.dos logis. Carayon-
.
fourr. Boisson, capor, Nattior, adjud. Intour, s,.liout. Ajnx, troinp. De Béiot, lieut. Ma-
Dans le iiO' de ligne, Titard, chof do bnt. Choppin cherô, s.-|ieut, Gérig, vélérin, Parcolior, chass. l,o-
de Bessey, cap. Beauguillaume, lieut. Pietrl, «.-lient. bengut, brig. De M Un vaille, maréch, dos logis. Lar.
Poyrolles, adjud. Braun, serg.-mnj, Raymond, gre- feuillu, marérli. dus logis, Villemniu, s.-lieut.
nad, Luuro, scrg. Dans les spahis, — Lo chof d'escadr. d'Allonvillo,
Dans le r>3' de ligne, — Le col, Leroy, dit Saint- Stepliauopoli, chirurg. aide-mnj, Pinl,-çap, Jacquier,
Arnaud, Do Galland, chef do bat. Mnissiat, cnp. lient. Perrotin, ndjud.
Grandpiorre, lloul. Bagol, cap. Lachau, id. Tur- Dans l'artilhrie, — Aubnc, Brunot, cap. PoiBson,
(Juilli'inain,lieut. Léger,ndjud, Chambon, attilleior.
peaud, id. Jardot, s.-lieut. Fouchou , adjud. Lovô- Bernard, canonninr.
que, lieut. Martin, cap. Picard, adjud,-mnj, Lauiuon- Dans le génie, — Lomor, Féraguay, cap, Cotlin ,
nier, ndjud, Herbault, serg.-major, Valarot, fusilier. cnpor. Allarl, sap,
Delvigue, id. Uatailhm d'élite, — Jncquln, cap, comm, Prudent»
Dans k êS" de ligne. — Le col, Blangini. Bouche- cap. Volage, chirurg.-mnj. Prévost, Daiiiol, sorg.
ron, serg. Jouanny, cap. ndjud.-maj. Doschamps, Jacquin, capor, Montbrun., adjoint a l'intendance
serg. Auge, id. Brien, lient, Soubié, fusilier. Amier, militaire, Durand, chirurg. sous-nidÛ aux ambu-
id. Pujo, fourr, F'orry, lieut, Lobieuvouu, s.-lieut. lances.
COMBAT DE TEMDA (23 IitalURE 184B).
Le gén, indigène Youssof, Cnrnyou Lateur, lient, Laliant, Wnmpers, id, Satr/èdo, llout. Noël, Licht-
aux spahis, ot le chef d'uscadr. Rivot, ses oftîoierslin , Chousserio, s.-llout, Polliur, maréch, des logis.
d'ordonnance. Chénier, brigad. Barthélémy, Boyor, chass,
Dans le l" chasseurs, — Le col, de Rlchepanse. Au» spahis. — Lo cap, Joson, Lo cnp, do la Ro-
Le chefd'escadr, Dourin. Le cap, Kieder. Les adjud,- chofoucaiilt. Curély, Peirier, s -lient. Voyer, maréch.
maj, do Lapeyrouse et Vidalnnc, Le lieut, Massut. dos logis, Bellot, spahis. Chnlumol, id, Larolior,
Lo s,-lieut. Machoré. Lo s,-lieut. Bergmullor. Can- brigadior.
dolon, Barbasto, Saint-Martin, maréch. dos logis, Dans la gendarmerie. — Ladevô/.o, lieut. Do La-
Millier, brlgad. Fraction, Bureau, chass, Fouré, motto, s.-lieut,
trompette, Leloir, chirurg.-ninj. du 1" chass, Bocuo'ur, aide
Dans lo 4* chasseurs. — Le col. Tarins, l,o chef major du 4' choss.
d'cscadr, Berot de Cologne, Vulubrèguo,Cndio, eup,

CLASSEMENT DUS VIGNETTES.

. Blortdu colonel do Monlnannc (en regard du tilre), «


Prise do îlofjndnr.,,,..,,.., 200
Atger, vue prlso de U nier 17 *i Marabouts , 207

«• nataille du Siauueli. .....' 31 i Alidnl-Ralnnan, empereur du Maroc, ,
,
313
' L'Arabe dans la plaine
, .
48 » Passage des Perles de Fer S32
Marchand mauro 5!) ,
Le duo d'Oilri.'ins nu Ténlali de Mouznïnli 349
, , . . , , ,
i Danse nuuirof(iuo a Alger 02 i Mauresque nu linreni 370
i Janissaire 77 ( Femme IU'IKIÏIC ,, M\
• Carnaval d'Ounrgla. lui . llnmliaidénient <le Tnngcr 433
i Le Touurcg. .,,.,. ...
' Lu lllioduliuy doTunls -, ...
110
117
• Les grottes du Diilirn
• Le Marabout do Slili-Urnliim
>

410
4"B
i
' Juive mariée
. .
Haiircsi-uu en costume de ville
. . ,
Kit
|84
«Retraitedu capitaine do Ocïnux .
i Rentrée à
Djomma-Gliawiotiat,
. ,
........ 440
450
, , .
»
El-Hadji.Alid-el.Kuder 230 Le duc li'Aiimalodans les innnla Ames 400
,
1
Femme du Maroo^ '•-.,. 271 i Carlo du
Megliroli (à la /in).
-,
Harem marocain 270

(M
TAHLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES.

INTIIOBIJCTÎOiV, HiKTotitK nis giijN/K ANS, — But de l'otiyrago. ~- Coup d'oeil général sur les Arabes.
— Erreurs et fautes de notre politique. —
Opinion des Anglais sur la valeur do l'Algérie, Apuré,
clniion des résultats du gouvernement militaire. Nécessite —
— do créer en Algérie une vice-royauté
française 1
, ,
MVlUi PREMIER, VHISK H'AUII'-II M uuBiuttîïitK. — Coup d'oeil sur nos relations primitives avec le
littoral baibiircsque. — Projets de conquête de Napoléon, — Causes de nolro rupture avec Alger.

— Insulte faite nu Dey parle consul Duynl. — Immoralité de cet agent diplomatique. — Blocus d'Al-
ger — Mission de M. do la Bmtonnièro. — Préparatifs de l'expédition de 1830, — Mésintelligencedu
l'amiral Duperie et du comte de Boniment. Débarquementde l'armée française ù, Sidi-Ferruch,
Insouciance primitive de Ilusseiu-Paeha. •— —Bataille do Stnoubli, — Combat do Sidi-Khalef, Oeeu- —
pation du plateau de Doii-Za'riuli, — Siège du fort de l'Empereur. — Capitulation d'Alger, ——Pillage
du la Knsbuh et des magasins publics, — Fautes commises par l'administration provisoire, — Désur-
hieinent des Turcs. — Départ de Hussein-Pnchu. — Malheureuse expédition de Blidah. — Occupation
—Retraite
LIVRE
du
DEUXIÈME,
morcclml do Bonrmont. ,..,,.
passagèro do Bonn et du Mors-ul-Kébir,—Révolutionde 1830,—Arrivée du général Clanzel a Alger.

UANOUAMA ni-: i.'At.uiiiuB. —Notions des anciens suV le nord do l'Afrique, —


Conquêtes des Arabes nu vit* sièuio, — Dénombrementdo In population actuelle do l'Algérie.'— Éttldo
17

ethnographique des diverses races indigènes, — Turcs, — Maures, — Arabes. — Juifs. — Kebn'iles. —
Description de la zone littorale depuis les frontières dii Maroc jusqu'à Alger. — LaTufnn, Ilnrrh-

gouu.—

Mors-ol-Kebir.
Chcrclioll. — Lu
- Orun. —
Konbber-el-Roumiah.
Arzow.

— Mazagran.—
Kolpnh. — Lo
Mostngunnem. — LeOhélifF, — Toiiès.
Mazafran, — Sldi-Furruch, — Alger «ces
lo gouvernement turc, — Division politique do l'ex-régence. — Administration turque. —LaLes Jnn'è
suites.— Description do la zone littorale depuis Alger jusqu'aux frontières de Tunis, — Mëtidja'i..
— Les rivières, — Le petit
Atlas. — Le eau Bengut. — Dellys. — Bougie.' — Djldjell, — Kollo, —
Storu, — Philippevillb. Boue. — Les ruines d'IIippono, — Ln Galle. — Tabarca. — Description du

la zôno intérieure do l'Algérie, do l'ouest ù, l'est, — Tlemcen. — Nédroma. — Maskara. — La plaine'
d'tëghrès. — Milinnah. — Médéah. —-Lé mont Zakkur. — Sétif, — Constantino, — Guelniu. — Ri-
chesses forestières et minérales do l'Algérie 51
lïXJU.on.vnoN nu niisKirr DK SAHAH.V. —Aspect général de cette région. — Kl-Arouat, — Tadje-
moiit. — Kl-Assatla. — Ksir-el-lhlran.— Aïn-Mndhl.— Gurduïah, — Les Beni-M'zab. — Ouargla, —
N'gouça, — Bou-Saada — Les Zihan. — Biskra, — L'Oasis deTougourt. — Les palmiers, — Lo bas-
sin du 1 Oued-Djedi. — Le Djebel-Suhri, — Les Ouled-Nnïl. — Tebessti. — Le pays do Souf. — Nefta.
— Touzur. — Kofsa, porte orientale du désort, — Le Diebel-Amour.— Les Oiiled-Sidi-Cheïkh.— Les
Haintnn,— Le Flguig, — Los Zegdou. —Insalah, —Timinioun, — Les Touareg !)4
LIVRE TROISIÈME, I.A aminiu; SAINTE, «Bruis I.A riusB D'ALOBR JUSQU'AU TRAITÉ DU V\ TAFNA. —
Commandement du général Clausel, — Dispositions des Arabes après lu prise d'Alger. — Enquête
relative nu pillage de la Kusbah. — Organisation des services publics. — Création d'un uofps dé trou-
pes indigènes, — Histoire do l'ex-mameluckYo'ussef. — L'expédition do l'Atlas, — Prise de Blidah.—
Passage du col do Mouzaïah. — Occupation deMédéah, —Massacre de Blidah. —Ravitaillement do
Médéah, — Tentatives do l'omporour do Maroc sur la province d'Oran.—Missiondu colonel Auvray
à Tanger. — Négociationsdil général Cluuzel avec lu régence de Tunis. — Désavoué par lo ministère, ce
général demande son rappel. — Commandement du général Berlhésène, — Premières spéculations
des accapareurs do terres, — Bonnes intentions du nouveau général on chef, — Situation de l'armée, —
Expédition dans lu Méltdjuh, --Nouvelle occupation ot abandon deMedéab. — Désustre au retour. «—
Belle conduite du commandant PuvWlur. — Insurrection do Ben-Zamoun.— Situation des niliiifes dtips
l'Ouest. Exactions ot cruautés du généralBoyor a.Oran. — Première occupation de Bono. — Trahison
des habitants.— Mort tragique du chef de bataillon Houder. — Rappel du général Berthézènet — Com-
mandement du duc de Ravigo, i— Renouvellementdes troupes. — Violation des cimetières musulmans.
— Exactions du nouveau général en chef.cheikh— Kgorgemcnl des El-Ottfflas. — Insulte faite par lui à,
i'in- _'
tendant civil, — Assassinat juridique du des Kl-Oufiias. — Expédition do l'Isser, — IrisUfreotiôn
dans la Métidjuh, — Sno do Blidah par le général Fnudoas, —Meurtre do deux/eparlememnlres, or-
donné par lo duc do llovigo. — Intrigues du chef d'escadron Youssef, — Nouvelle occupation de
Boue par le capitaine d'Armandy. — Beau trait du commandantDavoit.— Pillages commis par Youssef.
— Evénements d'Oran.—Apparition d'Abd-el-Kuder. — Attaque d'Oran. — Mésintelligencedu duc
de Rovtgo et du général Boyer. — Exécutions clandestines et sans jugement. — M. Boyer est remplacé
par le général Desmiehels. — Mort du duo de Rovigo, — Commandement du général Voirai, — Créa-
tion du bureau urubu. — Le capitaine do La Morieièro. —Expédition de Bougie, — Le généralMonk-
d'Uzer à Bono, — Dcputation à Alger du sultan de Tougourt. — Expédition du générul Bro contre les
Hudjoutes. --' Le général Desmiehels à Oran. — Occupation d'Arzew et deftlosiaghanem. — Siège do
cette seconde pince par Abd-el-Knder. — Incapacité militaire de M. Desmiehels. — Traité du 2(i
février 1834. — Mustupha-ben-IsiuaL'l. — Intrigues du général Desmiehels nuprès d'Abd-el-Kuder.—
Le commandant Duvivier a Bougie, — Sage administration du général Voirol. — Fautes et incapa-
cité de l'intendant civil Gcnty de Bussy. — M. Voirol emporto de la colonie les regrets unanimes
de la population civile et des Arabes. — Envoi en Afrique d'une commission d'enquête, chargée'
d'apprécier1 état des affaires. Jugement sévère qui résume ses travaux,— Création a'un gouverne-

ment général des possessionsfrançaises dans le nord do l'Afrique. — Le comte Drouet d'Erlon, gou-
Suppression du bureau urabe. — Echecs dans la Métidjah,
verneur général, — Création des spahis. — d'Erlon.
— Teneur des colons, — Fnibleeso de M. —
Affaire du commissairedu roi Lowasy, à Bougie,
TAIUK ANALYTIQUE l>KS MATlfcll ES. /iOl>

— Fermeté du colonel Duvivier. Rappel do eo cotntnaiulant supérieur. — Le général Trézol rem-



place à Oran M. Desmiehels, — Le juif Durand s'empare du comte d'Krlon. —Traité du général
l'rezel avec les Douatrset les Senudas. Désastivdela Maein, — Notn» légion étrangère est cédée a
l'Espagne. — Rappel du comte d'Erlon. —
— Gouvernement du maréchal Clausel. — Situation do la
colonie, — puissance d'Ahd-ol-Kadur. — Echco du général Rapntol au cul do Miiuztiïah. L'nglm
Ben-Omar ii Cherohell. — Course du maréchal Clauzel ii Blidah, —Renforts venus do France, ~th- —
cup.itlon do l'ilo du Hurcbgounn. — Expédition de Mnskurn,— Brillante euuduilo du Prince Royal,—
Incendie de Mnskara et retraite du maréchal Clauzel. Contribution
imposée h nos alliés par lo gouverneur général. — Indigne — Expédition do Tlmueen. —
conduite du juif Lasser)' et du chef d'esca-
dron Ynu8scf, agents des exactions du maréchal. — Indignation do l'annéo. — Etat général do la
conquête.— Razzias. —Proeliunutlons romanesques do M, Clauzel sur lu prétendue llh do la guerre.
— Lo général d'Arlunges bloqué au camp do la Taftut. — Mission du maréchal do camp Rugoiiud. —
Ravitaillement de Tlemcen. Combat do la Sikkak, — M. Bugeaud rentre en Franco. — Intrigues

d'Abd-el-Kiideruveo le Maroc—Meurtre do M, Salomou do Musis, commandant Ruiiérieur de Bougie,
— Le chef d'escadron Ynussof nommé bey futur de Constantino par M. Clauzel. — Conduite blâmable
de Youssef ù Boue. — Détails anecdotiques sur ce persoiinituo. —Voyage do M. Clauzel ft Paris —In-
trigues et désavoux ministériels au sujet de l'expédition de Constantino. — Mgr le due de Nemours si;
rende,n Afrique. — Marche du maréchal Clauzel sur Constantino.— Souffrances do l'annéo, —Topo-
graphie do Constantino. — Prise du plateau do Kotidiut-Aty, — Assaut do la porto d'El-Kanlura. —
Attaque de la porto Bab-ol-Oued par lo colonel Duvivier. — Incapacité du général do Rigny. — Dcllu
retraite du bravo Duvivier, — Héroïsme du commandant Changarnior. — Retraite do Constantino. —
Terreur panique et Insubordination du général de Ulgny. —Récriminations dirigées par lui contre le
maréchal Clauzel, Explications données par ce gouverneur général sur les actes do son «otivcriii-
mont.—Coup d'oeil—sur son administration. —Travaux remarquables de M. l'intendant civil Rrexson
et de M. Poircl, ingénieur en chef du port d'Alger. — Disgrâce du maréchal Clauzel, . , , ,'IIS
LIVRE OUATIUEME. TIUITIÏ tu-: i.À TAVNA, et PUISE t>B CONSTANTIN!:,— Résumé do l'administration
brécédente. — Gouvernement du général Dnmrémont, — Nouvelle mission du général Bugeaud, —
Le juif Durand exploite sa crédulito.— Contlits entre M. Bugeaud et lo gouverneur général. — Intrigues
d'Abd-el-Kuder, — Marche de M. Damrémont siir Blidah. — Attaque do la Reghnyu. — Expédition
ûù eôl des Bénl-Aïcha, — Combat du Boudoiiaou, M. Bugeaud saerllie à Abd-ul-Kadurl'bouuein et 1

les intérêts de la Fruitée, Traité do lu Tafna. Entrevue
— — de M. Bugeaud et d'Abtl-el-ÎCador. — Alti-
tude déduiBnuiise île l'émir. — Lettré de M. Bugeaud au président du conseil. — Sevùro condamnation
dit traité do la Tafna par le gouverneur général.
— Leltres d'Abd-el-Kuder a M, Damréniont. — Lu
colonel Duvhiot' à Gtieimu, — Négociations avec le bey do Constnntine. — Rupture des pourparlers.
— Retour en Afrique de Mgr lo duo de Nemours.— Seconde expédition de Cohstanthle, —In-
vestissement do la place. —Combats pnitiels, — Ouverture de la brèche. —Mort du général Damré-
niont. — Le général Valéo prend le commandement en chef, — Assaut et prise de Consinutlile. — Bril-
lante conduite du cololiel do La Moriclèro ~- Mort héroïque du colonol Combes, — Horrible aspect îles
résultats do l'assaut. — Le général Vuléeorpuiiise la conquête. — Arrivée ao Mgr 10 prince do

Tafna et l'abandon de Tlemcen. ,,,,,,,,...,..',.,......


Joiuville. — Touehunto entrevue des deux flls du roi. Retour du corps expéditionnaire. — Situation
de la colonie. — Politique d'Abd-el-Kador et de l'empereur —
do Maroc, favorisée par le traité de la
LIVRE CINQUIÈME, TAIU.KAU IIB I'BMPUIB «E MAROC, — Aspect général, physique et politique, —
Parcours des régions intérieures. — Ouchdah. Doii-Boudou. — T«za. — La province de Fez,—
W>


Coup d'oeil sur lés lettres, les sciences et. les arts chez, les musulmans do l'Ouest.— Etat actuel de Fez.
— Mèqulnez, — Les Berbères, les Sehellettqs et les Kobuïles. — Maroc. — Tarodan. — Lo pays de
Tufllet. La province de Souz. Zone littornle du Maroc sur la Méditerranéo, Le désert de Omet,
— — —
— MéliUnh. — Lés montagnes d'El-Riiï, — Tétuan, — Ceuta. —
El-Kassar-Segbaïr. —
Tanger. —
Zone littorale dû Maroc sur l'Océan, — Arzillah, —El-Araïeh. — El-Kussar Kebir. El-Muinornh,—
-
Salé. — Rabat,— Le pays de Temsena. Mansouriab,— Dar-Béi'da, Le pays do Dou-Kullali. —
— —
Azamore. — Mazagran,
— Vnlédia. — Saffl. — Souhéïrah. — Mogador, —
Sainte-Croix ou Aghtidir.

Le Beled-el-Niin. — Lo Sahara. — Le cap Blanc. Etude géologique do la région des subies. —
Physionomie, dangers et ressources du désert. Tableau —
— historique et diplomatique des rapports créés
et entretenus par les ChériUs marocains avec les puissanceseuropéennes, ot en particulier lu France et
l'AnRleterre. Premières découvertes do Jehan doBethencourt. Pierre Trcillnht. — Nos premiers
démêlés avec — —
le Maroc. — Expédition do Ruzilly. — Intrigues anglaises. — Mission du RollandFiéjus.
*- Abandon do Tanger par les Anglais, — Le oheriff Muley IsmniU, — Ambassade do Boit Aissu ii lu
cour de Louis XIV,—Occupationde Gibraltar par les Anglais, — Situation de notre commerce avec le
Maroc, sous le règne do Louis XV. — Expédition du d(io de Chniseul, — Désustre des Français a El-
Araïcli. — Le chérifT Sldl Mohammed. Ambassade du uomte do Breugnon. — Traité de 1707, —
Rapports de Louis XVI nveo Sidt Mohammed, —
— Abolition de l'esclavage entre chrétiens et musul-
mans. — Le ebérilT Muley-Yézid, — Avènementde Muley-Soliman. — Négociations de Napoléon avec
le Maroc, — Muley-Solimnn fait cesser ia piraterie marocaine en 1817. — Géhlo civilisateur de co
cbérlf, — Avènement d'Abd-el-Rahman, chériiT régnant, — Il favorise notre commerce jusqu'en 1830,

,.,.,.,..
— SitUution actuelle, politique, ilnanoière et militaire des états de Maroc,
ûveo l'établissement fondé par la France en Algérie.
considérée dans ses rapports

LIVRE SIXIEME, RBVKIÎ. DB I.A (IUEIIHE SAINTE,- CAMPAGNES DU I'RINCK HOYAU — Coup d'oeil sut;
l'adtiiinistralion.du général Dnmrémont. — Gouvernement du maréchal Valée, — Inexécution du traité
• .
»'(IH

de la Tafna; — Retour en Franco du général Bugenud. — Etat do la colonie — Occupation do Milnli


ot de La Cnlle. — Mouvements d'Ahd-el-Kader, — Difficultés sur l'interprétation du traité de la Tafna.
— Ambussado de Mitoiid-ben-llarrachà Paris. — Convention additionnelle du 4 juillet 1838. — Abd-
el-Kader assiège Aïn-Madhi, —Occupation définitive do Koleah et Blidah,—Organisation politique de
là province de Constuntine, — Fondation de PhiUppevillc, — Prise de Ujldjoli. — Arrivée dû Prince*
Royal.— Expédition des Portes de Fer. —Les ruines du Djimmilah. — Passage dusBibanB.- Cgmbat
-
d'OuIdjn-Daly-Balia, Combat d'Ain-Sultan, — Fête do fàmillo ofTerto à l'armée par le Prince Royal,
nu retour des Portes do Fer. •- Agression d'Abd-el-Kuder dans la Metidjah. — Combats dans lu pro-
.
vince d'Oran. — lnsurrbctlons dans celle de Oortstantine. — Plan de campagne du maréchal Valee. —
Combat de Mazagran. — Etat général des affaires. — Expédition contre les Hadjoules. — Légende du
Koubber-el-Roumiah.— Combats des Kharezns et de l'Afroun,—Brillante conduite du Prince Royal
.etdeMgr le duo d'Aumale, — Combat de l'Oued-Ger, — Marche du gouverneur général sur Cher-
chell. — Combats partiels.— Expédition de Médéah. — Attaque et prise du col do Mouzaïah par lo
Prinoe Boyal,*- Occupation définitive de Médéah.— Combat du bois dus Oliviers,— Le Prince Rojal
500 TAHLE AN A E Y T1Q U E 1) E S M A T l È U E S.
quitte 1'Algério, — Situation générale des affaires. — Expédition do Milinnah. — Soumission do la pro-
vince d'Alger. — Plan d'opéraijon du maréchal Vulco pour la compagne d'automne. — Ravitaillements
do Médéah et du Miliunah. — Evénements du côté de Bâne. — La sago administration du maréchal
Valéu contient ou pncillo les tribus. Tableau de la situation do nos établissements. — Lo maréchal,
découragé par le défaut do concours—du ministère, deniundo son ruppel 810
LIVRE SEPTIEME. ouKiuiB D'OCCUPATION OÉNÉIUI.I:.-- OOUVKIINI'.MBNT DU OÉNÉIIAI, UUOBAUD.—•
Anecdotes sur lus antécédents du nouveau gouverneur. Ses prétentions aristocratiques.— Sa.con-
duite envers l'empereur et Louis XVI11 avant, pendant —
et après les Cent-Jours. — La seconde
restauration refiibo sus services, ot lu comprend dans la giando mesure du licenciement. — La
révolution de juillet le refait colonel, puis maréchal du cump, La société Aide-toi, le ciel t'aidera
le fait nommer député do Périgtieux. — Il passe do l'opposition—dans le parti ministériel.— Il se pose
h lu chambre on adversaire do lu question polonaise, et recul' ù Périgueux un charivari. Il est

nomme gouverneur de la prison do Dlayo, — Son voyage à Païenne. — Les souvenirs du comte de
Mesnnrd, — Mort du député D.ilong. La rue Trun3iionnln. — Huine de M. Bugeaud conlro la
presse,—Anecdote du picotin d'avolno.—— Lo bulletin de la Sikkak et lo traité de la Tafna. — Les
scandales du procès Brossant. — M. Bugeaud est -nommé gouverneur général de l'Algérie. — Ses pro-
clamations a l'année et aux habitants d'A'«or, — Instructions ministérielles. — Pourquoi, devenu
muréchal, M. Bugeaud n perdu IOH uffuIruB d'Afrique — Premières.opérations do co gouverneur.—
Situation du pays. — Ravitaillement do Médéah ut de Milinnah. — Echange des prisonniers français
et arabes, négocié par l'évoque d'Alger et compromis pur le général Buraguay d'Hllliers,—Dévouement
de M. Toiistain du Manoir. Destruction do Takdlmt, do Boghar et du Tluiza. — Occupation do
Mnsburu. — Combat de Sidl-Yuhla,— Ruine de Saïdu. — Assemblée pacifique des chefs dus tribus

de l'Ouest auprès de Tlemcen. — Le colonel Tempoiiro y fait proclamer la déchéance d'Abd-ol-Kader.
— Situation générale de la colonie en 1849. — Nouveaux événements do la province d'Orun. — Expé-
dition dans 1 Oiinrunsunls, — Prise do possession do Tébessa.—Mouvement d'Abd-el-Kuder du câté
du Tlemcen. —Expédition heureuse du général do La Morlcière. — Deuil de l'armée d'Afrique on
apprenant la mon (lu Prince Royal.— Soumissions obtenues par le général Clinngarnier. — Lo général
Bedeau relève les ruines de Tlemcen. — Expédition du M. Bugeaud contre les Beni-MenuBseûr, aux
environs de Cherchell. — Faits d'armes du duc d'Autnale, près de Boghar.— Le général Baraguay
d'Hllliers dans tu province de Constantino. — Prise do In semnlah d'Abd-el-Kador, par Mgr. le duo
d'Aumulo, -Nouvelles opérations dans l'Ounroiisunls,-—Combat du l'Oued-Mulah, —.Succès du géné-
ral Tempoure.—Situation favorable des affaires en 1843 301.
LIVRE HUITIEME, (KIDVBIINEMKNT DU MAHÉCUAL IIUOEAUD.—Simples réflexions de l'auteur. — Les
palinodies de M. Bugeaud.—U est élevé U la dignité do maréchal de Franco.—Il veut porter la gttorro
chez lus Kcbaïlus de l'Est, entre Alger et Bougie. — BlAmé par l'opinion publique ut les chambres, il
accélère ses préparatifs, et se met en campagne. — Proclamation sauvage qu'il udresse aux Kubnïles.
— Ses résultats. — Expédition contre la tribu de Flissu. — Lu cump de llnrdj-Munnïol, — Occupation
de Dellys. — Combat du Tuourgu. — Escalade nocturne des montagnes do Fllssn, — Bntulllu d'Ouare'z-
Eddln. — Atroces cruautés. — Soumission de quelques fractions des Fllssas, — Nouvelles du la pro-
vince d'Oran. — Attaque du fort de Lolla-Muglirniupar les Marocains. — Combat de l'Oued-Mouflah.
— M. Bugeaud se rend à Oran. — Entrevue pacifique du général Bedeau utdéroute du chef de la troupe ma*
roealne.— Perfidie de l'ennemi. — M. Bugeaud prund l'offensive, et met en ce rassemblement
indiscipliné.—Nouvelles négociations sans résulttits. — Mnrcbo sur Ouchdah.— Les troupes maro-
caines su dispersent sans combattre,— Lu gouvernement français demande satisfaction nu chérlff du
Maroc, par l'organe de notre consul général, au sujet do la violation du territoire algérien,— Réponse
évuslve du chérllï, qui se plulnt d son tour de la prlsu d'Ouchdah.— Une escudre française, commandée
par le'princo de Jollivlllo, paraît devunt Tanger, ut en retlru notre consul. — Ultimatum.adressé au
chérliV Ahd-'jl-Riibmiiii. — Encourage secrètement par le consul anglnlB, le chérlfT élude IIOB slgnilleu-
tloiis. — Bombardementdo Tanger, par S, A. R. le prince de JoinvlUe. — Bntaillo d'Isly. — Apothéose
du maréchal Bugeaud, rédigée pur lui-même, ut publiée dans la Bévue des deux Mondes, — Bombar-
dement ut prise de Mogador, par S, A, R. le prince du Joinvillo — Intervention anglaise. — Traite
de Tanger. — M. Bugeaud nommé duo d'Isly. — Son voyage en France. — Retour ù Alger, — Horrible
drumu des grottes du Dnhru.—Indignationdes chambres, du pays ut de ht presse.—Justification du M. Bu-
geaud, — Parnl èle historique du chevalier Baynrd et de M. Bugeaud. — Révélation des tortures appli-
quées aux soldats de l'armée d'Afrique sous lu gouvernement de M. Butzeuud.— Attaque généraledlrigéu
contre lui-par lu presse française. — U se dérobe à l'orage, rentre en France, ot se retire à Excldeuil.
-l.es cruautés du Dahurii excitent unu itisurrucilon générale en Algérie—Désastru do DJemmu-
Ohnzouat.— Héroïque défense de Sldl-Iirnhlni.— Retraite du capitaine de Géruux, — M. do Lu Mo-
rlcière, gouvurnuiii' générul pur intérim, se transporte sur le théâtre de nos revers. — Combat d'A'ïn
Keblsr. — M. do Lu Morlcière, victorieux, l'ait grilee aux vaincus. — Ce liait de générosité ontiquu
apaise l'insurrection. — Lu gouvernement frunçalM envoie des renforts en Afrique, et mundo ft Paris
M. Bugeaud, — Désobéissance du ce maréchal.—Il outrage lo pouvoir dans une lettre écrite an préfet
du la Dordogne. et court s'embarquer à Marselllu — Parallèle du M, Bugeaud et du M. du LaMuiioière.
— Nouvelle course de M, Bugeaud chez les Kebuïlca du l'Est. — Son discours burlesque au retour
du celte promunado militaire,— La presse algérienne, les fonctionnaires et M. Bugentid, — Situation
actuelle de lit colonie.—Bilan de nos affaires militaires. — Désordre dans les affaires civiles,—
Scandales étalés sous l'administration du M. Bugeaud. — Itupport sévère de M. Dufuiiro à la chatnbru
<1UM députés.
— Caractère do la presse d'Alger. — Comment la Franco peut parvenir a fondur su domi-
nation an Algérie. — Système de l'extermination et du refoulement des indigènes. — Système de
fusion. — De l'avenir physique et politique du nos établlsiumenis. —Conduite du colonul Brlce opposée
nux partisans des razzias. — Véritable caractère de lu race arabe. — Son Intelligence de la justiuu. —
But que devrait atteindre la guerre en Afrique. — Considérations générales 408
IllIUNlBKS ÉVÉNBMBNTH ( janvier 0 juillet 181(1). — KKTOtMl SUR \>Y. TASSE. — COUP p'oKII, 81)11 1,'AVBNIU.
"Pûrl». - Itiijirinnjrto de PôMUK'itti* cl RfonnAo, qûal <1« A^eUitlns, lï,'
L'EMPIRE DE MAROC
v:t

LES DÉSERTS DE SAHARA

fï\ '"^A CONQUÊTES,


.yiciojrtls
ET DÉCOUVERTES DES FRANÇAIS DEPUIS LA MISE D'AI.CUH
,
Ù<m*y JUSQU'A NOS JTOURB»

PAR P. CHRISTIAN

VIGNETTES

Par PhîHjipotoaUX, T. «ïolmnnot, E, Bellangô, Iiabey. E, Lnmy, K. Girnrdct,


Morel Patio, C, Nantcuil. Ht Baron, oto.

PARIS

A. îumiiEtt, Éniwiiit, Bo, nun D'EMUIIKN.

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