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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 15-840-G-10 (2004)

15-840-G-10

Lomboradiculalgies persistantes
ou récidivantes après traitement chirurgical
P. Anract
M. Revel

Résumé. – Les échecs de la chirurgie discovertébrale surviennent dans 10 à 30 % des cas. Une enquête
soigneuse, reprenant l’ensemble des éléments cliniques et l’imagerie depuis le début des symptômes, permet
d’analyser la cause de cet échec dans la majorité des cas. Un syndrome dépressif ou une recherche de
bénéfices secondaires doivent être détectés et pris en charge car ils participent à l’évolution vers la chronicité
de la symptomatologie. La principale cause d’échec reste une mauvaise indication d’un geste chirurgical de
décompression basée sur une analyse erronée de la clinique et de l’imagerie. En cas d’échec, une
réintervention ne peut être motivée que par un conflit intracanalaire discal ou osseux évident. Dans tous les
autres cas (notamment de fibrose périradiculaire), le traitement est médical et associe des antalgiques, des
infiltrations et une activation physique en milieu de rééducation.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Disque intervertébral ; Compression nerveuse lombaire ; Sténose lombaire ; Lombalgie ;


Sciatique ; Récidive ; Arthrodèse rachidienne ; Complications postopératoires ; Réintervention

Introduction Démarche diagnostique devant


une radiculalgie ou une lombalgie
Quand l’indication est correctement posée, une intervention de persistante ou récidivante après
libération radiculaire pour hernie discale ou canal lombaire rétréci
procure de bons résultats dans 70 à 80 % des cas. [1, 2, 3] Yorimitsu et chirurgie
al., sur une série de 72 patients revus plus de 10 ans après une Cette enquête doit être menée de façon rigoureuse en reprenant la
discectomie, notent que 13 % souffraient d’une lombalgie invalidante démarche d’une expertise. Cette démarche est menée au mieux par
et 12 % avaient été réopérés pour une récidive herniaire. [4] L’échec, un médecin indépendant de l’équipe qui a déjà pris en charge le
avec radiculalgie ou lombalgie persistante ou récidivante, constitue malade ou dans le cadre d’une consultation multidisciplinaire
donc la « complication » la plus fréquente de ces interventions, a regroupant des chirurgiens, des rhumatologues, des rééducateurs,
fortiori si l’indication n’est pas correctement posée. des psychiatres et des radiologues.
La notion d’échec est cependant difficile à préciser ; elle varie d’un
facteur 1 à 10 selon les critères d’évaluation utilisés comme l’ont EXAMEN CLINIQUE
montré Howe et al. [5] Par ailleurs, la douleur est très subjective et
largement influencée par le contexte psychosocial : la recherche d’un ¶ Histoire de la douleur
bénéfice secondaire, un syndrome dépressif ou un conflit La douleur initiale doit être précisée : son trajet, son intensité et les
professionnel vont dégrader le résultat perçu par le patient. éventuels facteurs déclenchants. L’absence de lombalgie, une
Devant la persistance ou la récidive d’une radiculalgie après un douleur mal systématisée ou de topographie discordante par rapport
traitement chirurgical, il convient dans un premier temps de réaliser à l’imagerie doivent faire douter de la responsabilité d’une sténose
une enquête étiologique pour rechercher la cause de cette douleur rachidienne et faire rechercher une cause non radiculaire. Une
avant de proposer un traitement adapté. Cette enquête repose radiculalgie modérée, des sensations de chaud-froid, des
d’abord sur une reprise complète de l’histoire, des différents paresthésies, peuvent faire partie des séquelles acceptables d’une
documents d’examen clinique et d’examen d’imagerie depuis la intervention de libération radiculaire. [6] Une lombalgie modérée est,
situation avant la première opération jusqu’à la situation actuelle. là aussi, tout à fait banale ; elle devient inquiétante si elle est
Elle repose aussi sur la chronologie d’installation des symptômes où invalidante et surtout d’horaire inflammatoire. [6]
il faut distinguer la sciatique persistante (voire apparue dès le réveil La chronologie d’apparition de la douleur doit être parfaitement
de l’intervention), la lombosciatalgie apparue dans les jours qui précisée. Schématiquement, quand la radiculalgie est présente dès
suivent l’intervention, dans les 6 à 8 semaines, et enfin les récidives le réveil, il convient d’orienter vers une erreur de diagnostic ou une
tardives, au-delà de plusieurs mois. mauvaise indication de l’intervention, un événement survenu
pendant l’intervention tels une erreur d’étage, un conflit restant ou
une complication. La récidive des douleurs après plusieurs mois
oriente vers une nouvelle hernie discale ou une sténose osseuse
compressive. La récidive après un délai de quelques jours oriente
P. Anract (Professeur des Universités-praticien hospitalier) vers une mauvaise indication opératoire, l’amélioration de courte
Adresse e-mail: philippe.anract@cch.ap-hop-paris.fr
Faculté Cochin-Port Royal, Université Paris V, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Service de chirurgie durée pouvant être attribuée à l’effet placebo de la chirurgie. Enfin,
orthopédique, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris, France. c’est dans les récidives après quelques semaines que le diagnostic
M. Revel (Professeur des Universités-praticien hospitalier)
Service de rééducation et de réadaptation de l’appareil locomoteur et des pathologies du rachis. Assistance
est le plus difficile et qu’intervient la très discutable notion de fibrose
publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris, France. postopératoire.

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¶ Terrain La recherche d’une spondylodiscite postopératoire est toujours le


En dehors d’une situation particulière de conflit médico-légal, de diagnostic à éliminer en premier. Il est relativement facile quand la
recherche d’un bénéfice secondaire toujours difficile à apprécier, c’est persistance ou l’aggravation des douleurs s’accompagne d’un
surtout la détection de facteurs de chronicité qu’il faut envisager tableau infectieux avec fièvre, augmentation de la protéine
très rapidement en parallèle avec l’évaluation d’une cause C-réactive (CRP). L’IRM est l’examen de choix, mais il ne faut pas
lésionnelle. Parmi les facteurs de chronicité le plus souvent mis en hésiter à répéter les imageries et aller vers une ponction-biopsie
évidence, on peut retrouver des facteurs sociaux avec de mauvaises complétée par des hémocultures. Les spondylodiscites se
conditions de logement, un mauvais niveau éducatif et des manifestant de façon retardée ou avec des tableaux cliniques
ressources insuffisantes, des facteurs comportementaux où un subaigus et chroniques sont plus difficiles à diagnostiquer. Bien qu’il
certain nombre de traits apparaissent, en particulier l’attente de existe probablement un certain nombre de réactions inflammatoires
toute solution par l’entourage et l’extérieur, les difficultés de « faire ostéochondrales secondaires à l’acte chirurgical et en particulier
avec » (coping). Parmi les facteurs psychopathologiques qui quand le disque était le siège avant l’intervention d’un signal de
émergent dans la plupart des travaux, il faut retenir le terrain type Modic I (hypersignal en T2 et hyposignal en T1 des plateaux
dépressif, soit une dépression nerveuse présente, soit des adjacents au disque en cause), [13] l’importance de la lombalgie, ses
antécédents de véritable dépression nerveuse, soit même un mode caractères inflammatoires, a fortiori si elle est accompagnée d’une
de réaction de type dépressif aux évènements difficiles. L’anxiété augmentation de la CRP, et la présence d’un signal liquidien
semble être moins prépondérante et malheureusement souvent intradiscal même sans image d’abcès doivent faire suspecter une
entretenue par un discours alarmiste médicochirurgical. [1, 7, 8, 9] spondylodiscite à germes à croissance lente. Les germes peuvent être
une mycobactérie atypique ou un germe à Gram positif anaérobie,
¶ Examen physique cela doit conduire à une ponction avec culture suffisamment longue
L’examen neurologique complet a pour but de détecter des signes et milieu adapté pour mettre en évidence ces germes.
objectifs dans le territoire radiculaire concerné (abolition d’un
réflexe, déficit sensitif ou moteur), en sachant que l’abolition d’un PERSISTANCE DE LA RADICULALGIE
réflexe et des troubles sensitifs sont habituels après une chirurgie de SANS ESPACE LIBRE
libération radiculaire. [6] Des signes radiculaires dans les autres
territoires et des signes neurologiques médullaires ou centraux sont ¶ Dans le même territoire
aussi soigneusement recherchés.
Persistance du conflit
IMAGERIE
Il peut s’agir de la persistance du conflit par erreur d’étage ou de
Toute l’imagerie préopératoire et postopératoire doit être revue de
côté, d’un séquestre herniaire persistant sur une hernie exclue, d’une
façon chronologique et comparée avec l’histoire clinique. Les étages
sténose latérale non libérée.
sus- et sous-jacents sont explorés avec attention, sans se polariser
sur l’étage suspecté initialement. Une anomalie transitionnelle est
Création d’un autre conflit
systématiquement recherchée. Une imagerie postopératoire récente
est nécessaire. Un fragment osseux (de laminectomie ou un greffon) intracanalaire,
Des radiographies standards (de face, de profil et de trois quarts) une compresse hémostatique oubliée, peuvent créer un nouveau
sont effectuées dans tous les cas ; elles permettent de visualiser une conflit. Lors de la réalisation d’une arthrodèse instrumentée, une vis
anomalie transitionnelle, de localiser l’étage et le côté de la extrapédiculaire peut entraîner un conflit radiculaire.
laminectomie, un pincement discal, un glissement vertébral ou une Enfin, une exacerbation de la douleur, surtout si elle est associée à
fracture de l’isthme. Des clichés dynamiques peuvent parfois mettre des signes neurologiques déficitaires pluriradiculaires et/ou un
en évidence une instabilité non visible sur les clichés statiques. La syndrome de la queue-de-cheval, doit faire rechercher une
tomodensitométrie (TDM) permet de mieux visualiser les structures complication rare mais gravissime, l’hématome postopératoire, qui
osseuses, de détecter une fracture de l’isthme ou d’une articulaire conduit à une réintervention en urgence. [14]
(si besoin après recherche d’une hyperfixation ponctuelle en La blessure ou la section d’une racine est une complication
tomoscintigraphie), une sténose latérale. L’imagerie par résonance rarissime ; elle s’accompagne souvent de signes neurologiques
magnétique (IRM), avec injection de gadolinium, est plus déficitaires.
performante pour détecter une récidive herniaire, une sténose
foraminale, une pseudoméningocèle ou une tumeur intradurale. Une pseudoméningocèle secondaire à une brèche durale peut être
responsable d’une persistance de la douleur radiculaire, voire d’une
Il faut cependant signaler que l’imagerie TDM et IRM postopératoire
douleur pluriradiculaire.
précoce est d’interprétation difficile. En effet, les images de conflit
restent visibles sur la TDM et l’IRM jusqu’à 6 mois après
Autres causes
l’intervention. [6, 10, 11]
La saccoradiculographie ne trouve sa place que dans les contre- Il convient de se poser systématiquement la question de la réalité
indications ou les insuffisances des précédents examens, notamment du conflit radiculaire. La révision de l’imagerie préopératoiore peut
lors de la présence de matériel métallique qui « artefacte » les mettre en évidence un conflit modeste, voire absent (simple
images. Le discoscanner a une place très limitée dans la recherche protrusion, sténose modérée). Le compte-rendu opératoire apporte,
de hernie discale au sein du tissu cicatriciel. là aussi, des informations intéressantes s’il relate l’absence de conflit
évident.
TESTS D’ANESTHÉSIE Il convient de rechercher un des diagnostics qui figurent dans
Une infiltration foraminale peut, dans certains cas, permettre de l’article Sciatalgies et autres irradiations non discales, en particulier :
préciser la racine concernée, une infiltration extracanalaire (canal
– une origine tronculaire : tumeur du nerf sciatique, syndrome du
pyramidal) ou d’une grosse articulation périphérique peut
canal pyramidal ;
contribuer à redresser un diagnostic erroné. [12]
– une origine vasculaire : le terrain, la palpation des pouls et un
Situations cliniques doppler artériel permettent de faire le diagnostic ;

les plus fréquentes – une douleur d’une articulation adjacente qui peut, par son
irradiation, simuler une radiculalgie ; c’est le cas des douleurs de la
Au terme de cette enquête, plusieurs situations cliniques peuvent sacro-iliaque [15] et de la hanche ; un examen clinique et des
être distinguées. radiographies ne permettent pas toujours de faire le diagnostic ; un

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test d’anesthésie par infiltration de xylocaïne de l’articulation – Existe-t-il une stratégie thérapeutique particulière dans ce contexte
suspectée permet souvent de déterminer la cause de la douleur ; [12] de douleurs sans autre découverte que la cicatrice intracanalaire ?
– une tumeur du sacrum, qui peut aussi simuler ou provoquer une Le tissu cicatriciel qui enserre le sac dural et les racines peut
radiculalgie ; il doit être exploré par la TDM ou l’IRM ; [6] participer à l’entretien de la souffrance radiculaire en limitant les
– les kystes de Tarlov, qui peuvent aussi être responsables de échanges nutritifs avec le liquide céphalorachidien, les racines ayant
douleurs d’allure radiculaire ; leur infiltration, si elle est déjà été sensibilisées peut-être par la durée du conflit ou de l’acte
accompagnée d’un soulagement, permet de les incriminer dans la chirurgical avec pour résultat un mécanisme de désafférentation. Le
symptomatologie ; tissu fibreux péridural peut être associé à une réaction
d’arachnoïdite et à une poursuite de la phase inflammatoire du
¶ Dans le territoire controlatéral ou sus-jacent processus cicatriciel comme le suggère la prise intense et très tardive
de gadolinium ou de contraste dans certains cas. Enfin, dans tous
Il peut s’agir d’un séquestre exclu sur une volumineuse hernie les cas, l’accolement du sac dural et des racines aux parois peut
débordant sur la ligne médiane, d’une sténose du récessus empêcher les libres glissements à l’intérieur du sac dural et favoriser
controlatéral décompensée par l’affaissement du disque après les étirements méningoradiculaires lors des mouvements du rachis.
discectomie.
Quelques caractères cliniques semblent cependant fréquents dans les
La création d’un nouveau conflit, dont les causes sont évoquées plus lomboradiculalgies sans autre lésion que la présence de tissu
haut, peut être à l’origine d’une douleur controlatérale ou à l’étage cicatriciel.
sus-jacent. C’est le cas notamment d’une vis extrapédiculaire ou
d’un hématome postopératoire. Il existe dans la plupart des cas un intervalle libre de 2 à 3 mois
entre l’intervention chirurgicale et la réapparition des douleurs. Les
réinterventions chirurgicales sur ce tissu cicatriciel s’accompagnent
RÉCIDIVE DE LA RADICULALGIE APRÈS UN ESPACE très souvent d’une très nette amélioration des douleurs pendant
LIBRE NON DOULOUREUX quelques semaines, puis les douleurs réapparaissent et deviennent
Les patients soulagés quelques jours, voire quelques semaines, par plus importantes.
le repos et la prise d’antalgiques à forte dose après une intervention, Le réveil des douleurs à la manœuvre de Lasègue et à la flexion de
doivent être classés dans les cas de figure précédents. la nuque est particulièrement net. La topographie est souvent
Le mode de récidive est important à préciser ; une récidive brutale pluriradiculaire, bilatérale, dépassant le territoire de la
évoque plutôt une récidive herniaire. lomboradiculalgie initiale.
¶ Dans le même territoire La douleur souvent décrite comme une brûlure, s’associe
irrégulièrement à des douleurs paroxystiques décrites comme des
Récidive herniaire décharges électriques. Ces dysesthésies s’accompagnent aussi de
sensations de refroidissement, de peau morte, voire de paresthésies.
Cette éventualité n’est pas exceptionnelle. Ce risque varie de 5 à L’apparition de signes déficitaires moteurs et sensitifs, de troubles
13 % selon les séries. [4, 16, 17, 18] La récidive est typiquement brutale, génitosphinctériens avec dysurie, incontinence, impuissance, dans
avec souvent un facteur déclenchant traumatique minime. Les signes les suites opératoires sans récidive compressive importante fait
« discaux » sont souvent présents. Le diagnostic de certitude repose partie des tableaux dits d’arachnoépidurite grave. [23] Bien entendu,
sur la TDM avec injection d’iode ou, mieux encore, sur l’IRM avec ce diagnostic n’est alors posé qu’après avoir définitivement éliminé
injection de gadolinium. Dans certains cas, le diagnostic de récidive une pathologie neurologique centrale.
est difficile à établir. Un discoscanner peut être utile pour distinguer
une récidive d’une simple fibrose. [6] La question de reconnaître du tissu discal compressif au sein d’une
fibrose péridurale est en fait facilement réglée si on garde à l’esprit
Sténose d’origine osseuse qu’une petite quantité de tissu discal n’entraînant pas de net effet
de compression n’est probablement pas responsable de la
Il peut s’agir d’une sténose latérale ignorée et non libérée (4 % des symptomatologie et que les chances de succès d’une réintervention
échecs après discectomie pour Cinotti et al. [18] et 20 % pour Jönsson sont dans ce cas très aléatoires. Une volumineuse hernie discale dans
et al. [19]), ou d’une instabilité secondaire avec spondylolisthésis la fibrose est donc facilement mise en évidence soit par TDM avec
dégénératif ou secondaire à une fracture de l’isthme ou d’une injection intraveineuse de produit iodé, soit par IRM avec injection
articulaire fragilisés par l’intervention. [6] Un kyste articulaire peut de gadolinium. En pratique, il n’est donc pas nécessaire de recourir
venir comprimer la racine libérée. [20] à d’autres examens et en particulier au discoscanner qui a été
Des repousses osseuses après laminectomie sont aussi possibles et proposé dans ce contexte.
peuvent entraîner une récidive de la symptomatologie. [21]
¶ Dans un autre territoire
Cicatrice péridurale
Après avoir revu l’ensemble du dossier et éliminé un diagnostic Controlatéral
différentiel en cause avant l’intervention, éliminé une récidive de
hernie discale, une sténose osseuse ou toute autre cause de douleurs Il convient de rechercher une sténose du récessus controlatéral
dans les membres inférieurs, la tentation est grande de chercher la décompensée par l’affaissement du disque après discectomie. Une
cause des douleurs dans le tissu cicatriciel toujours présent dans la récidive herniaire controlatérale peut expliquer cette
zone opératoire. Le diagnostic de « fibrose postopératoire » pose symptomatologie. [17] Les mêmes arguments que ceux développés
cependant beaucoup de questions parmi lesquelles : plus haut peuvent être repris sur la possible responsabilité du tissu
cicatriciel.
– Pourquoi certains patients seraient symptomatiques alors que ce
tissu cicatriciel est présent après toute intervention dans le canal Sus-jacent
rachidien ? Les modèles expérimentaux pour étudier la fibrose
postopératoire consistent simplement à faire une laminectomie chez La cause la plus fréquente est une sténose canalaire adjacente
l’animal et on obtient toujours ce tissu. [22] existant avant l’intervention sans être symptomatique ou survenant
après l’intervention (notamment au-dessus d’une arthrodèse [24]). Il
– Existe-t-il des particularités cliniques qui seraient dues à ce tissu peut s’agir de la composante foraminale non libérée d’une hernie
cicatriciel ? mixte (postérolatérale et foraminale). Une sténose foraminale non
– Comment reconnaître au mieux une récidive de hernie discale symptomatique peut le devenir après affaissement du disque
dans le tissu cicatriciel ? secondaire à la discectomie de l’étage concerné. [6]

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RÉCIDIVE OU AGGRAVATION DE LA LOMBALGIE ont aussi un effet antalgique sur ces douleurs et sont
particulièrement justifiés quand il existe une dépression
¶ Après libération canalaire (réactionnelle ou non), un mode de réaction habituel de type
La présence d’un caractère inflammatoire des douleurs fait suspecter dépressif, avec souvent dans ce cas des antécédents médicaux de
une spondylodiscite et amène à explorer le patient par IRM. Les dépression nerveuse. Il faut bien expliquer au patient que
radiographies permettent de détecter une instabilité rachidienne l’utilisation de ces médicaments ne signifie pas que leurs douleurs
dont les causes ont été évoquées plus haut. Dans la majorité des cas, sont d’« origine psychique », mais qu’ils sont un complément
aucune cause n’est retrouvée. Il s’agit sans doute d’une indispensable au traitement compte tenu de la complexité et du
« inflammation » locale postchirurgicale sur un disque caractère multifactoriel du vécu de la douleur.
préalablement en phase de discolyse. L’IRM montre dans cette Parmi les traitements locaux, les injections épidurales sous pression
situation un signal inflammatoire des plateaux vertébraux sans signe ont une efficacité meilleure que les simples injections épidurales. [25]
liquidien discal. L’évolution est sensiblement la même que celle des Il est nécessaire d’en réaliser trois dans un délai de 1 mois avant de
discopathies avec signal de type Modic I. décider de leur inefficacité. En cas d’efficacité incomplète, il est licite
d’en refaire une par mois pendant les 3 mois suivants. Les
¶ Après arthrodèse infiltrations articulaires postérieures n’ont pas grand intérêt en
La persistance ou la récidive de lombalgies après une arthrodèse dehors de la mise en évidence d’un kyste articulaire.
incite à rechercher une pseudarthrose. Ce diagnostic est difficile à Quand il existe un signal de type Modic I sur le disque opéré et
affirmer sur les radiographies standards. Des clichés dynamiques, qu’il n’y a aucun argument pouvant faire suspecter une
s’ils montrent une mobilité évidente de l’étage concerné, peuvent spondylodiscite 6 mois à 1 an au moins après l’intervention, il est
être utiles. Une TDM, avec des reconstructions sagittales et frontales, possible de tenter une injection de 25 mg d’acétate de prednisolone
peut procurer des renseignements utiles si le matériel est en alliage avec toutes les règles de précaution entourant une injection
de titane et n’est pas responsable d’artefacts. Une tomoscintigraphie intradiscale.
peut montrer une fixation anormale en faveur d’une pseudarthrose Au-delà de tous les traitements à visée symptomatique, il faut
si elle est faite plus de 12 mois après l’intervention. La dégradation résolument engager le patient dans un processus de reprise
des étages adjacents à l’arthrodèse peut aussi être responsable de d’activités physiques, de reconditionnement socioprofessionnel, avec
lombalgies ; cependant, sa responsabilité sur des lombalgies isolées l’aide d’une équipe de rééducation comportant tous les médecins et
est difficile à affirmer et doit rendre très prudent dans l’indication paramédicaux concernés (kinésithérapeutes, ergothérapeutes,
d’une extension de l’arthrodèse. Dans tous les cas, il convient de assistants sociaux et psychologues). Ce processus doit être conduit
vérifier que l’indication d’arthrodèse était justifiée : en effet, une des de concert avec les médecins du travail et les médecins des caisses
principales causes d’échec des arthrodèses est une indication d’assurances.
erronée.
Le traitement chirurgical ne doit être discuté que s’il existe un conflit
intracanalaire prouvé : récidive herniaire, sténose canalaire par
Traitement arthrose ou déstabilisation rachidienne. En effet, le taux de succès
de ces réinterventions varie de 50 à 90 % selon Cinotti et al. ; [18]
La stratégie thérapeutique dépend d’abord des résultats de l’enquête Waddell et al. notent même 25 % d’aggravation après deux
étiologique et de la révision totale du dossier. Le plus souvent, cette interventions. [ 2 6 ] Ebeling et al. et Cinotti et al. soulignent
enquête ramène à un problème lomboradiculaire d’origine lombaire l’importance de la notion d’espace libre et de la visualisation à
avec les facteurs habituels de chronicité aggravés par un contexte de l’imagerie d’un véritable conflit avant une réintervention pour
déception de la chirurgie. L’analyse des mécanismes de la douleur hernie discale ; quand ce diagnostic est prouvé, les résultats sont
est toujours difficile ; les conclusions de cette analyse et les satisfaisants dans 80 % à 88 % des cas. [18, 27]
indications thérapeutiques sont faites au mieux par une équipe En cas de conflit isolé, une nouvelle intervention de libération
pluridisciplinaire permettant d’élargir le raisonnement sur les radiculaire est effectuée. Il faut savoir qu’une réintervention est
aspects médicaux, radiologiques, chirurgicaux, psychologiques et beaucoup plus délicate en raison de la présence d’adhérences. [28]
sociaux qui doivent être pris en compte avant de se lancer dans des Elle est menée en commençant la libération à partir d’un étage
escalades thérapeutiques. Quel que soit le traitement envisagé, il adjacent non opéré et en la poursuivant vers le conflit. Un sacrifice
doit toujours être décidé à la lumière de la balance articulaire est parfois nécessaire, notamment lorsque le conflit est
bénéfices/risques. foraminal. La survenue d’une brèche durale est fréquente.
La responsabilité d’une déstabilisation du rachis lombaire sur les
DANS LES LOMBORADICULALGIES douleurs est souvent difficile à établir et le bénéfice escompté d’une
C’est seulement en cas de conflit persistant ou de nouveau conflit arthrodèse n’est pas toujours certain, notamment chez des patients
postopératoire évident et prouvé qu’une intervention chirurgicale souffrant d’une arthrose lombaire étagée. Nous avons l’habitude
est justifiée pour aller lever ce conflit. Un hématome compressif d’effectuer un test d’immobilisation par lombostat à prise crurale
impose une réintervention en urgence ; une vis extrapédiculaire est pendant 15 jours afin de simuler l’arthrodèse de rachis
retirée rapidement en contrôlant la racine durant ce geste. Une lombosacré. [29]
pseudoméningocèle symptomatique justifie aussi une réintervention. Si ce test est franchement positif et pour les déstabilisations
En dehors de ces cas particuliers et urgents, une prise en charge évidentes, une arthrodèse de l’étage concerné peut être proposée.
médicale globale doit être privilégiée aussi longtemps que possible. Ces arthrodèses sont effectuées habituellement par voie postérieure
Elle associe des traitements médicamenteux généraux et locaux ainsi avec greffe postérolatérale associée à une instrumentation qui
qu’une activation physique en milieu de rééducation. améliore les chances de fusion. Il est aussi possible de réaliser des
Le rôle des antalgiques, leur posologie et les horaires de prise arthrodèses intersomatiques, par voie postérieure ou de préférence
doivent être parfaitement expliqués au patient. Les antalgiques de par voie antérieure. Si la greffe intersomatique est associée à une
palier I sont souvent insuffisamment exploités avant de passer aux arthrodèse postérolatérale, il s’agit alors d’une arthrodèse
antalgiques de palier II. Il est exceptionnellement licite de donner circonférentielle qui procure un taux de fusion supérieur aux
de façon prolongée des antalgiques morphiniques dans ce contexte arthrodèses postérieures ou antérieures isolées.
où ils sont d’ailleurs beaucoup moins efficaces que dans d’autres En l’absence de conflit discal ou osseux, il n’y a aucune indication
pathologies douloureuses. de libération radiculaire pour « fibrose ». Les échecs dans cette
L’origine neurogène des douleurs justifie l’utilisation de clonazépam indication sont quasi constants et les améliorations sont toujours
à faible dose ou de gabapentine. L’amitriptyline ou les tricycliques transitoires.

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DANS LA LOMBALGIE crurale positif, et s’il n’existe qu’un disque responsable (deux au
Il y a encore moins de place pour les traitements chirurgicaux. La maximum). [29] En effet, les arthrodèses de plus de deux étages dans
stratégie médicale est peu différente de la situation des cette indication procurent des résultats aléatoires ; Kozak et al. ont
lomboradiculalgies, en dehors de l’inutilité des antidépresseurs et montré que le pourcentage de fusion passe de 81 % pour un étage à
des antiépileptiques. La stratégie d’utilisation des antalgiques est en 53 % pour les arthrodèses postérolatérales sur trois étages. [30] En
revanche superposable. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ne plus de la clinique et des radiographies, l’IRM est devenue un
doivent pas non plus être donnés pour de longues durées et retenus examen indispensable dans le choix du traitement. Chataigner et al.
seulement quand leur efficacité est prouvée, c’est-à-dire quand la ont montré que la présence d’une anomalie de signal de type disque
douleur diminue notablement lors de leur prise et quand elle noir, sans anomalie de signal des plateaux vertébraux (type 0 de
réapparaît à l’arrêt. Les infiltrations épidurales sous pression n’ont Modic) avant l’intervention est corrélé à de mauvais résultats
pas de place ici, les infiltrations intra-articulaires postérieures sont d’arthrodèse ; un tel aspect IRM incite à chercher une autre cause de
rarement efficaces en dehors de quelques arthropathies résiduelles la lombalgie. Il en est de même d’un signal de type II de Modic. Un
difficiles à mettre en accusation sur des arguments cliniques et signal de type I de Modic traduit une véritable souffrance discale et
l’imagerie. La discussion d’une infiltration intradiscale doit suivre la l’IRM a dans ce cas une valeur localisatrice ; ce signal de type
démarche et la rigueur vues plus haut. La thermocoagulation inflammatoire constitue un argument important dans la décision
percutanée articulaire postérieure semble avoir encore moins d’effet d’arthrodèse et incite à proposer une excision du disque avec greffe
dans ce cas de figure que dans les lombalgies en général. intersomatique, associée ou non à une arthrodèse postérieure. [31]
Là encore, une démarche pluridisciplinaire de réactivation physique En cas de pseudarthrose, s’il existe suffisamment d’arguments pour
paraît l’élément primordial de la prise en charge thérapeutique. l’incriminer comme cause à la lombalgie, un nouvel apport
Une intervention chirurgicale doit toujours être une solution d’autogreffe est effectué.
exceptionnelle. Une arthrodèse peut être discutée en cas d’instabilité Les gestes de libération canalaire n’ont pas d’indication dans le
patente ou après un test d’immobilisation par lombostat à prise traitement des lombalgies.

Références
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