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Éducation et didactique

15-2 | 2021
Varia

L’activité numérico-algébrique à la transition entre


l’arithmétique et l’algèbre
Numerical-algebraic activity at the transition from arithmetic to algebra

Julia Pilet et Brigitte Grugeon-Allys

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/educationdidactique/8580
DOI : 10.4000/educationdidactique.8580
ISSN : 2111-4838

Éditeur
Presses universitaires de Rennes

Édition imprimée
Date de publication : 30 juin 2021
Pagination : 9-26
ISBN : 978-2-7535-8373-3
ISSN : 1956-3485

Référence électronique
Julia Pilet et Brigitte Grugeon-Allys, « L’activité numérico-algébrique à la transition entre l’arithmétique
et l’algèbre », Éducation et didactique [En ligne], 15-2 | 2021, mis en ligne le 02 janvier 2023, consulté le
02 janvier 2023. URL : http://journals.openedition.org/educationdidactique/8580 ; DOI : https://
doi.org/10.4000/educationdidactique.8580

Tous droits réservés


L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION
ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet
Univ. Paris Est Creteil, Université de Paris, CY Cergy Paris Université, Univ. Lille,
UNIROUEN, LDAR, F-94010 Creteil, France (julia.pilet@u-pec.fr)
Identifiant ORCID : 0000-0003-2698-2666
Brigitte Grugeon-Allys
Univ. Paris Est Creteil, Université de Paris, CY Cergy Paris Université, Univ.
Lille, UNIROUEN, LDAR, F-94010 Creteil, France (brigitte.grugeon-allys@u-pec.fr)
Identifiant ORCID : 0000-0002-9769-8219

Cet article contribue à explorer le caractère pré-algébrique de certains objets mathématiques comme l’égalité ou les
expressions numériques à la fin de l’enseignement primaire et au début du secondaire. Nous faisons l’hypothèse que leur
développement au sein d’une activité mathématique, que nous appelons « numérico-algébrique », pourrait favoriser
la négociation des ruptures d’ordre épistémologique dans la transition entre l’arithmétique et l’algèbre. Nous plaçant
dans le cadre de la théorie anthropologique du didactique, nous caractérisons les aspects d’ordre épistémologiques
de l’activité « numérico-algébrique » à partir d’une synthèse de travaux prenant en compte différentes approches,
notamment celle visant à modéliser l’enseignement de l’algèbre par un processus d’algébrisation des programmes de
calcul. Puis nous décrivons les principales praxéologies dans lesquelles l’activité « numérico-algébrique » se construit.
Enfin nous montrons qu’il y a des potentialités dans les programmes scolaires français pour la développer mais qu’elles
sont soumises à des conditions et contraintes institutionnelles fortes.

Mots-clés : algèbre, modèle épistémologique de référence, praxéologie, activité numérique-algébrique, programmes


de calcul.

Numerical-algebraic activity at the transition from arithmetic to algebra


This article aims to explore the pre-algebraic nature of specific mathematical objects such as equality or numerical
expressions at the end of primary education and the beginning of secondary education. We hypothesize that their development
within a mathematical activity, which we call “numerical-algebraic”, could favour the negotiation of epistemological
breaks in the transition between arithmetic and algebra. The theoretical framework is that of the anthropological theory
of didactics. We characterize the epistemological aspects of the “numerical-algebraic” activity, based on a synthesis of
research taking into account different approaches. We consider in particular the one aiming at modeling the teaching of
algebra through a process of algebraization of calculation programs. Then we describe the main praxeologies in which
this activity is constructed. Finally, we show that there is potential in French curricula to develop it but that it is subject to
strong institutional conditions and constraints.

Keywords: early Algebra, epistemological reference model, praxeology, numerical-algebraic activity, calculation programs.

Éducation & Didactique, 2021, vol. 15, no 2, p. 9-26 9 Article soumis le 06/05/2020 et accepté le 16/09/2020
L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

IntroductIon Nous faisons l’hypothèse que différents aspects


épistémologiques d’objets mathématiques tels l’éga-
L’apprentissage de l’algèbre élémentaire dans le lité ou les expressions numériques présentés dans
secondaire reste un passage délicat pour beaucoup cet article, sont accessibles aux élèves de primaire
d’élèves alors que c’est un moment décisif de leur avant l’introduction du symbolisme alpha-numé-
cursus scolaire. De nombreux travaux montrent les rique et peuvent être développés au sein d’une activité
liens entre les difficultés constatées des élèves en mathématique, que nous présentons sous l’appella-
algèbre élémentaire et un enseignement privilégiant un tion d’activité « numérico-algébrique ». Cette activité
rapport institutionnel formel à l’algèbre (Chevallard, permettrait de préparer et de négocier la transition
1984, 1989) qui n’accompagne pas adéquatement la entre l’activité arithmétique et l’activité algébrique (cf.
transition entre l’arithmétique et l’algèbre. Cette tran- figure 1). La développer favoriserait la construction de
sition met en jeu la négociation de ruptures d’ordre rapports idoines à des objets mathématiques communs
épistémologique (Vergnaud et al., 1987 ; Vergnaud, et compatibles en arithmétique et en algèbre. À travers
1988) ce qui a déjà fait l’objet de nombreuses la résolution de tâches relevant de types de tâches que
recherches. Le caractère pré-algébrique de certaines nous allons définir, elle pourrait faire vivre des aspects
activités mathématiques du primaire et du début du épistémologiques nécessaires à l’activité algébrique,
secondaire – « activité » est pris au sens de la théorie sous-estimés ou laissés implicites à l’école primaire.
anthropologique du didactique (Chevallard, 1999) –, Pour ce faire, nous prenons en compte le fait que
est d’ailleurs pointé dans plusieurs recherches autour l’élève, au cours de sa scolarité, étudie dans plusieurs
de l’enseignement des fractions (Chevallard, 1984), institutions dans lesquelles des décalages entre les
de la résolution de problèmes des champs additifs rapports aux objets mathématiques qu’elles déve-
et multiplicatifs (Vergnaud, 1988, 1990), du calcul loppent peuvent exister. Nous nous situons d’abord
réfléchi1 (Butlen et Pézard, 2000 ; Butlen, 2007 ; principalement dans le cadre de la théorie anthropolo-
Carraher et Schliemann, 2007), de la distributivité gique du didactique (TAD) qui permet de questionner
(Constantin et Coulange, 2017), des travaux rele- le savoir mathématique et sa transposition didac-
vant de l’Early Algebra et du développement de la tique dans les institutions scolaires à travers l’activité
« pensée algébrique » (Radford, 2013 ; Kieran et al., mathématique qu’elles visent (Chevallard, 1999).
2016 ; Kieran, 2018). Dans quelle mesure ce caractère Ici, nous décrivons l’activité numérico-algébrique
pré-algébrique pourrait-il être un levier pour négocier au moyen de la notion de praxéologie2 qui propose
la transition entre l’arithmétique et de l’algèbre ? une modélisation de l’activité mathématique et des
Dans cet article, nous contribuons à explorer la savoirs qu’elle utilise et engendre. Nous prenons en
transition entre l’arithmétique et l’algèbre en France compte les élèves à la fois, comme des sujets assujet-
au début de collège (11-12 ans) en postulant que tis aux institutions dans lesquelles ils apprennent ou
certains objets mathématiques comme les nombres, ont appris et construisent leurs praxéologies apprises
les expressions numériques, l’égalité, les équations mais aussi comme des sujets cognitifs confrontés à
relèvent de l’arithmétique et de l’algèbre mais avec la négociation des ruptures d’ordre épistémologique,
des usages différents. Selon nous, les institutions ici entre l’arithmétique et l’algèbre (Grugeon, 1997).
scolaires sensibilisent peu les élèves à ces différences Ce deuxième point de vue nous conduit à considérer
ce qui peut provoquer pour certains élèves une perte des travaux didactiques afin de considérer les proces-
de repère probablement en partie responsable des sus cognitifs dans la conceptualisation des concepts
difficultés rencontrées en algèbre. Cela est certaine- communs à l’arithmétique et à l’algèbre. Nous
ment d’autant plus accentué par le fait qu’il y a une commençons par situer l’activité numérico-algé-
« fausse continuité » (Kieran, 1992) dans les usages brique dans une réflexion plus large sur l’élaboration
de l’égalité, des opérateurs, des symboles alpha- d’un modèle épistémologique de référence étendu de
numériques. Comment amener les élèves à négocier l’algèbre élémentaire (Grugeon, 1997), qui trouve
le passage d’un rapport personnel à ces objets mathé- son origine dans le processus d’algébrisation des
matiques communs construits au primaire et relevant programmes de calculs (Ruiz-Munzón et al., 2020).
de l’arithmétique, à un rapport personnel qui soit Nous caractérisons ensuite les aspects didactiques et
compatible avec celui attendu pour l’algèbre scolaire épistémologiques mis en jeu à partir d’une synthèse de
du secondaire puis du supérieur ? travaux. Puis nous décrivons les principales praxéolo-

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gies dans lesquelles elle se construit. Ces outils d’ana- (2012) définissent un MER de l’algèbre élémentaire
lyse nous permettent enfin d’étudier les potentialités dans lequel ils interprètent ce domaine comme un
des programmes scolaires français pour développer processus d’algébrisation de praxéologies mathéma-
cette activité. tiques et non mathématiques. Concernant l’intro-
duction à l’algèbre élémentaire dans l’enseignement
secondaire, ce processus est initié par l’étude des
L’actIvIté numérIco-aLgébrIque programmes de calcul, notés PC :
en perspectIve d’un modèLe
épIstémoLogIque de référence Un PC est formé par une suite d’opérations avec des
de L’aLgèbre éLémentaIre quantités ou des nombres pouvant s’effectuer l’une après
l’autre et qui finit toujours par un résultat numérique
Nous proposons de situer l’activité numérico- concret. On peut les désigner par l’expression PC (a1,
algébrique au regard des travaux de didactique sur la a2, …, an) où a1, a2,…, an sont les quantités à opérer
conception de modèles épistémologiques de référence (ou « arguments » du PC). (Ruiz-Munzón et al., 2020,
(MER) à l’algèbre afin de décrire les objets mathéma- p. 130)
tiques qu’elle concerne et ce qui la caractérise.
L’étude des PC est suffisamment riche pour
rencontrer la raison d’être de l’algèbre, à savoir
À propos de la notion de modèle qu’elle permet de modéliser des problèmes mathéma-
épistémologique de référence dans la TAD tiques. Le processus d’algébrisation relatif aux PC est
scindé en plusieurs étapes (Ruiz-Munzón et al., 2012,
Gascón (1994) soutient que le didacticien doit 2020) : la première porte sur les expressions algé-
prendre du recul vis-à-vis du modèle épistémologique briques, la seconde sur les équations et la troisième
dominant de l’institution étudiée pour en analyser le sur les formules. À chaque étape, le système atteint
processus de transposition didactique. Cela se carac- des limites pour traiter de nouveaux problèmes sur
térise en TAD par l’élaboration de modèles épistémo- les PC ce qui engendre le besoin de nouvelles tech-
logiques de référence du contenu étudié. Un MER est niques et de nouveaux ingrédients technologico-
un découpage possible du savoir à enseigner propre théoriques et donc d’une nouvelle étape. Comme
au didacticien qui « représente aussi une tentative nous nous intéressons aux prémices de l’introduction
de réponse à des questions de recherche à propos de à l’algèbre, nous développons uniquement le système
la structure et de la dynamique du domaine consi- initial du processus et sa première étape. Pour Ruiz-
déré, ainsi que sur les rapports entre ce domaine et Munzón et al. (2020), le système initial est « formé
d’autres contenus d’enseignement » (Ruiz-Munzón par les problèmes arithmétiques définis comme ceux
et al., 2020, p. 127). En TAD, ce découpage peut s’ap- qui peuvent se résoudre à partir de l’exécution d’un
puyer sur la notion de praxéologie et donner lieu à PC » (p. 130). Une technique possible est « basée sur
un modèle praxéologique de référence, sans toute- la méthode d’analyse-synthèse » (Gascón, 1994) qui
fois qu’il soit totalement formalisé. Des modèles de permet d’obtenir la valeur d’un argument inconnu
référence ont été élaborés par des didacticiens pour d’un PC à partir de son résultat final, par exemple
l’algèbre élémentaire (par exemple, Chevallard, 1984, en remontant le PC par les opérations inverses.
1989 ; Gascón, 1994 ; Ruiz-Munzón et al., 2012). Ils Le système rencontre ses limites lorsque le patron
s’appuient sur des analyses successives des processus d’analyse-synthèse ne suffit plus ou est trop coûteux
de transposition didactique de l’algèbre dans diffé- (par exemple avec des verbalisations orales). C’est
rentes institutions depuis le XIXe siècle. la première étape du processus d’algébrisation. Il
devient nécessaire de considérer le PC du point de
vue de sa structure, comme un tout, et, non de le
Un MER du processus d’algébrisation : traiter, comme un processus, pas à pas. Cette étape
l’algèbre comme un processus de modélisation va conduire à introduire la notion d’expression algé-
brique et les priorités qui permettent de les trans-
Partant d’un grand nombre de recherches anté- former même si, comme le soulignent les auteurs,
rieures dans le cadre de la TAD, Ruiz-Munzón et al. l’utilisation des lettres peut être reportée :

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Cela ne comporte pas nécessairement l’utilisation [(n + 20)/5 + 2] × 3 – n/2


de lettres pour indiquer les nombres ou grandeurs [(n + 20 +10)/5] × 3 – n/2
qui interviennent dans le PC (ses « arguments ») ; (3n + 90)/5 – n/2
mais cela demande toutefois de pouvoir écrire la suite 3n/5 + 18 – n/2
d’opérations sans les effectuer, d’expliciter sa structure n/10 + 18.
et de prendre en compte l’ordre et la hiérarchie des
opérations à effectuer (les « règles des parenthèses »). À partir de ce point, par le biais de la technique
Il faut aussi pouvoir déterminer si deux PC sont ou non inverse et sachant que le résultat final est 24, on arrive
équivalents, de les simplifier, voire de les comparer pour à la solution n = 60. (p. 132).
savoir si l’un est toujours plus grand ou plus petit qu’un
autre. (Ruiz-Munzón et al., 2020, p. 131) Au début du secondaire, il semble peu envisa-
geable d’attendre des élèves la production d’une telle
Nous faisons l’hypothèse que l’introduction et le expression algébrique sans un travail préalable sur
développement d’une activité numérico-algébrique les écritures numériques et leurs propriétés. Quelles
pourrait éclairer cette période transitoire entre le sont alors les étapes intermédiaires ? Comment
début de la première étape du processus et l’utilisa- préparer les élèves à produire des expressions numé-
tion des symboles alpha-numériques. riques parenthésées « en ligne » dont il faut analyser
la structure pour pouvoir les simplifier ? En définis-
sant l’activité numérico-algébrique nous cherchons à
Activité numérico-algébrique à la transition caractériser cette richesse en identifiant l’équipement
entre le système initial et la première étape praxéologique nécessaire pour permettre aux élèves
du processus d’algébrisation d’aborder dans des conditions optimales la première
étape du processus d’algébrisation.
L’élargissement du système initial vers la première L’activité numérico-algébrique intervient dans des
étape du processus d’algébrisation joue un rôle déter- praxis (types de tâches et techniques) qui relèvent du
minant pour la suite du processus. Pourtant, comme système initial. Certaines sont justifiées par des logos
le soulignent Ruiz-Munzón et al. (2020), ce passage (discours descriptif, explicatif, justificatif et organisa-
n’est « ni immédiat, ni spontané » : teur de la praxis) qui reposent sur des savoirs qui sont
peu à peu formalisés et élargis pour les besoins du
Nous avons déjà indiqué que le recours non formel à processus d’algébrisation. Comme nous le dévelop-
l’outil algébrique demande de se situer dans la première pons dans la partie suivante, ces savoirs concernent
étape du processus d’algébrisation. Or, le passage du l’équivalence de l’égalité, les expressions numériques,
travail arithmétique à cette première étape n’est ni les relations entre données connues et inconnues dans
immédiat ni spontané. Pour cela, S [le système initial une équation, les propriétés des opérations. Nous
formé par les problèmes arithmétiques] constitue un faisons l’hypothèse qu’ils peuvent être rencontrés
point de départ suffisamment riche pour développer au par les élèves du primaire, à travers la résolution de
départ un travail « arithmétique » d’exécution de PC nouveaux problèmes relatifs aux PC qui nécessitent
d’une manière relativement économique et faire surgir d’enrichir le niveau technologico-théorique. Mais,
des limitations qui motivent le passage à la première comme l’institution scolaire, tout au moins en France,
puis à la deuxième étape du processus d’algébrisation. ne les spécifie pas comme nécessaires pour la suite
(ibid., p. 137) des apprentissages en algèbre, ils sont certainement
laissés implicites et c’est à la charge des élèves de les
En effet, ils développent le problème suivant identifier. L’absence de ces besoins d’apprentissage
comme exemple de la première étape du proces- ignorés par l’institution primaire (Castela, 2008) sera
sus d’algébrisation : « Gabriel pense à un nombre, il d’autant plus marquée qu’elle intervient au moment
ajoute 20, divise le résultat par 5, ajoute 2, multiplie le de la transition institutionnelle primaire-secondaire.
tout par 3 et soustrait la moitié du nombre pensé. Si à Nous définissons maintenant les aspects épisté-
la fin il obtient 24, à quel nombre a pensé Gabriel ? » mologiques de l’activité numérico-algébrique afin
(ibid., p. 11). Ils en proposent une résolution algé- de caractériser les principales praxéologies qui la
brique suivante : sollicitent.

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L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

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Les aspects épIstémoLogIques although the are not known, one starts from the
de L’actIvIté numérIco-aLgébrIque indeterminate quantities and operates on them (i.e.,
adds, subtracts, multiplies, divides them) as if they were
Nous proposons dans ce qui suit une synthèse known. (p. 260)
d’un ensemble de travaux portant sur l’enseignement
et l’apprentissage de l’algèbre et plus particulièrement Concernant l’analycité, il écrit :
ceux qui concernent la transition de l’arithmétique
vers l’algèbre issus de diverses approches théoriques. In order to operate on the unknown, or on
Vergnaud (1988) évoque une double rupture indeterminate quantities in general (e.g., variables,
entre l’arithmétique et l’algèbre. La première rupture parameters), one has to think analytically. That is, one
porte sur la nature des raisonnements mis en jeu has to consider the indeterminate quantities as if they
dans la résolution de problèmes de chaque domaine. were something known, as if they were specific numbers
La deuxième rupture porte sur le statut des objets […]. From a genetic viewpoint, this way of thinking
comme l’égalité, les lettres et les opérations. Cette analytically—where unknown numbers are treated on
double rupture concerne le passage du système initial a par with known numbers—distinguishes arithmetic
à la première étape du processus d’algébrique. Elle from algebra. And it is so characteristic of algebra
porte, au niveau technologico-théorique sur le statut that French mathematician François Viète (one of the
des objets et le raisonnement, et, elle impacte les founders of modern symbolic algebra) identified algebra
techniques. Nous y revenons dans les paragraphes as an analytic art (Viète 1983). (p. 259)
suivants. Partant de cette double rupture, nous orga-
nisons notre synthèse en deux entrées. Nous consi- Ce caractère analytique de l’activité algébrique est
dérons d’abord des types de problèmes qui peuvent déjà présent chez Vergnaud (1988) lorsqu’il définit
mettre en jeu l’activité numérico-algébrique pour la première rupture épistémologique. Alors que le
ensuite décrire les objets mathématiques mobilisés, raisonnement arithmétique consiste à déterminer les
leurs propriétés et les registres de représentation mis données cherchées en partant de celles connues dans
en jeu dans la résolution. un contexte particulier, le raisonnement algébrique
conduit à modéliser le problème pour traiter simul-
tanément données connues et inconnues en vue de le
Les problèmes de l’activité numérico-algébrique résoudre, et même de résoudre des problèmes équi-
valents ou de même classe. La puissance du raisonne-
Le raisonnement analytique ment algébrique réside dans son caractère analytique
dans la résolution de problèmes qui permet de raisonner en traitant données connues
et inconnues et en opérant sur les deux.
Dès les années 2000, les travaux de l’Early Algebra Radford (2013) ne cherche pas à définir les condi-
(Kieran et al., 2016 ; Kieran, 2018) s’intéressent tions pour qu’un problème nécessite le raisonnement
aux aspects de l’activité algébrique que les élèves analytique mais cherche à caractériser ce qui relève
(6 à 12 ans) pourraient développer avant qu’ils ne de l’analycité dans un raisonnement mathématique,
rencontrent le symbolisme algébrique. Pour Radford notamment ceux produits par les élèves lorsqu’ils
(2013), l’entrée dans ce qu’il appelle la « pensée généralisent des motifs géométriques.
algébrique » se caractérise par des formes de pensées Nous retenons l’analycité comme une caracté-
spécifiques à l’algèbre et épistémologiquement diffé- ristique de l’activité numérico-algébrique en ce sens
rentes de celles de l’arithmétique. Il en donne trois qu’elle nécessite, au niveau technologico-théorique,
caractéristiques : non plus de traiter les données connues les unes
après les autres mais de traiter globalement leurs
(1) indeterminacy: the problem involves not-known relations avec les inconnues, et donc de développer
numbers (unknowns, variables, parameters, etc.); de nouvelles techniques. Nous spécifions ci-dessous
(2) denotation: the indeterminate numbers involved dans quels types de problèmes l’activité numérico-
in the problem have to be named or symbolised. […] algébrique peut être travaillée avant que les élèves ne
(3) analyticity: the indeterminate quantities are rencontrent les expressions algébriques.
treated as if they were known num- bers. That is,

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Les problèmes de généralisation syntaxe propre au système symbolique choisi, alors


l’algèbre commence, ou peut commencer, dès l’école
Les problèmes de généralisation de motifs l’élémentaire. (p. 189)
géométriques 3 (« patterns ») sont souvent pris
comme exemples dans les travaux de l’Early La représentation des relations du problème par
Algebra. Facilement accessibles à de jeunes élèves, une égalité à trous, même élémentaire (a+…=b ou
ils conduisent à exprimer globalement des PC et à a−…=b), peut être vue comme une des premières
travailler le raisonnement analytique : « Failing to occasions d’exprimer par une équation l’égalité de
notice this central analytic characteristic of algebra deux PC (dont l’un est une constante) et de faire
may lead us to think that the production of formulas émerger un raisonnement analytique. Le traitement
in patterns (regardless of how they were produced) is a de ces relations s’appuie sur l’équivalence entre addi-
symptom of algebraic thinking. » (ibid., p. 259). Leur tion à trous (a+…=b) et soustraction (b−a=…), de
implémentation dans les classes a permis de montrer même avec la multiplication et la division. Produire
que la pensée algébrique peut émerger de façon une telle relation nécessite de raisonner sur les quan-
incarnée chez de jeunes élèves (« embodied forms of tités connues comme sur les quantités inconnues et
algebraic thinking », ibid., p. 258) à travers des gestes, donc de construire un modèle du problème.
des mots et leur rythme, ainsi que dans des modèles Des recherches (par exemple Bednarz et Dufour-
symboliques rudimentaires qui correspondent à de Janvier, 1994 ; Adihou et al., 2015) ont montré les
nouvelles techniques de production et de manipu- potentialités de certaines structures de problèmes
lation de PC. Toutefois, ces recherches s’intéressent additifs et/ou multiplicatifs, notamment celles de
en priorité à la première étape du processus d’algé- problèmes de comparaison déconnectés, pour faire
brisation. Radford (2013) suit ainsi sur cinq ans un émerger le raisonnement analytique.
groupe d’élèves jusqu’à l’introduction des expres-
sions algébriques. Mais il est rarement évoqué les
conditions d’enseignement pour conduire les élèves Les objets mathématiques mobilisés,
jusqu’à la modélisation algébrique et le traitement leurs propriétés et leurs représentations
des expressions algébriques et des équations dans les dans différents registres de représentation
autres étapes du processus d’algébrisation.
Nous présentons ici les aspects épistémologiques
de l’équivalence de l’égalité, des propriétés des opéra-
Les problèmes arithmétiques élémentaires tions, des expressions numériques exprimant le
résultat de PC, des équations exprimant l’égalité de
Existe-t-il d’autres problèmes que ceux de généra- deux PC pour un même nombre à partir des relations
lisation dans lesquels les élèves peuvent faire émerger entre données connues et inconnues.
une forme d’analycité ? Plusieurs travaux pointent le
caractère pré-algébrique que peut prendre la résolu-
tion de problèmes arithmétiques élémentaires rele- L’équivalence de l’égalité
vant des champs conceptuels additifs et multiplicatifs
(Vergnaud, 1990). Nous citons ci-dessous Vergnaud Les travaux de didactique des mathématiques
(1988) : développés sur la transition entre l’arithmétique
et l’algèbre (Vergnaud, 1988 ; Kieran, 1992, 2007)
Pourtant, certains modes de représentation et mettent en évidence que l’égalité a majoritairement le
d’écriture comme les égalités à trous, utilisées dès les statut d’annonce de résultat. Elle sert à désigner l’exé-
premières classes de l’école élémentaire, ressemblent cution pas à pas d’un PC pour un nombre donné. Les
étrangement à l’algèbre. Et si l’on considère comme calculs, souvent écrits pas à pas, et lus de gauche à
étant de nature algébrique, la tâche qui consiste à droite, sont effectués jusqu’à obtention d’un nombre,
mettre un problème en représentation, c’est-à-dire à donc d’un résultat sans signe opératoire. Cette utili-
extraire d’un problème ou d’une situation les relations sation de l’égalité peut provoquer des écritures
pertinentes, à en fournir un modèle symbolique, puis incorrectes pour réaliser une succession de calculs.
à traiter les relations ainsi représentées à l’aide d’une Prenons l’exemple du PC « Prendre un nombre,

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lui additionner 3 et multiplier le résultat par 5 » à gner un calcul à effectuer. Dans l’algèbre telle qu’elle
effectuer pour le nombre. Des élèves produisent est construite en didactique des mathématiques, le
souvent l’écriture incorrecte 7+3=10×5=250, certai- résultat du calcul peut être un nombre, une expres-
nement favorisée par l’usage privilégié du caractère sion algébrique ou une relation entre deux expres-
procédural du PC. Au contraire, le résultat du PC sions algébriques. Cette différence est étayée par
peut s’exprimer par l’expression numérique (7+3)×5 Chevallard (1984, p. 75) qui distingue l’« effica-
qui contient des signes opératoires. Son évalua- cité désignative » et la « valeur monstrative » des
tion repose sur le statut d’équivalence de l’égalité : expressions numériques et algébriques. L’efficacité
(7+3)×5=10×5=50. Ce statut est aussi mis en jeu désignative repose sur le fait qu’un même nombre
dans le cas général d’une expression algébrique, ou expression algébrique peut avoir plusieurs dési-
ici (x+3)×5, pour la transformer en une expression gnations : « 5+3 » et « 23 » désignent le même
équivalente. Plusieurs recherches ont analysé cette nombre, de même que « 5(x+2) » et « 5x+10 » sont
rupture, entre pratiques arithmétiques et algébriques, deux expressions équivalentes. Mais chaque expres-
comme le dilemme process-product (Davis, 1975 sion donne à voir une propriété ou une information
dans Kieran, 1992) ou l’acceptance of lack of closure différente, c’est sa valeur monstrative. Par exemple,
(Collis, 1974 dans Kieran, 1992). « 5+3 » et « 23 » ne donnent pas les mêmes proprié-
Nous soutenons que l’équivalence de l’égalité tés de l’entier « 8 ». L’appui sur la valeur monstra-
peut aussi être travaillée dans le cadre de l’étude des tive sert en particulier à organiser l’heuristique de
propriétés des nombres et des opérations, notamment la réalisation d’une tâche de calcul : une réécriture
dans des tâches de calcul réfléchi. En effet, le calcul devient nécessaire parce qu’elle permet de faire appa-
réfléchi est un calcul mental (Butlen et Pézard, 2000, raître « l’information monstrative pertinente » au
2007) ou écrit, dont la réalisation nécessite de mettre regard du but visé. Il peut par exemple être néces-
en œuvre une stratégie (Piolti-Lamorthe et Roubin, saire de faire apparaître que tel nombre est une puis-
2010), qui conduit à des calculs plus économiques. sance de 2 mais aussi qu’il peut s’écrire sous la forme
Ces stratégies consistent à utiliser les propriétés des d’une somme particulière (deux entiers consécutifs,
nombres et des opérations pour produire un PC ou deux impairs, etc.). Nous faisons l’hypothèse que
équivalent, plus économique à effectuer, dans un les pratiques arithmétiques du primaire, souvent
cas générique. Cela se traduit par la réécriture des centrées sur l’effectuation de PC, privilégient l’effica-
expressions numériques en jeu. Par exemple, rempla- cité désignative des expressions et tendent à ignorer
cer le PC « Multiplier un nombre donné par 99 », leur valeur monstrative. Pourtant, nous soutenons
par le PC équivalent « Multiplier un nombre donné qu’elle peut être travaillée sur des expressions numé-
par 100 et soustraire le nombre donné au résultat », riques dès l’école primaire notamment lors de tâches
conduit à réécrire : 12×99=12×100-12 (numération de calcul réfléchi : réécrire les expressions numé-
décimale, distributivité). La réécriture du calcul tend riques pour transformer un calcul en un calcul plus
à produire une expression numérique égale, mais de économique met en avant leurs valeurs monstratives.
structure souvent plus complexe (plus de nombres, Nous l’avons par exemple montré pour le calcul de
plus d’opérations, éventuellement présence de paren- 12×99 dont la réécriture s’appuie sur la valeur mons-
thèses). Cela va à l’encontre du principe d’achève- trative de 99 comme 100−1.
ment des calculs, et, tend à considérer l’égalité
comme une relation symétrique et équivalente.
Sens et dénotation des expressions numériques

Efficacité désignative et valeur monstrative La dénotation4 et le sens des expressions numé-


des expressions numériques et algébriques riques et algébriques sont définis par Drouhard
(1992) en référence à Frege (1971) en distinguant les
Dans l’arithmétique telle que la recherche en aspects syntaxique et sémantique d’un objet mathé-
didactique des mathématiques de l’enseignement matique. La dénotation exprime le fait que des expres-
primaire la conçoit, les résultats d’un calcul sont sions numériques et algébriques peuvent mettre en
des nombres et les expressions numériques ont un jeu des signes (nombres, opération, parenthèses)
statut transitoire. Ces dernières permettent de dési- différents mais référer un même objet, leur déno-

15
L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

tation. Par exemple, x2 + 2x + 1 et (x + 1)2. Elles PC. Selon Sfard (1991), dans l’apprentissage d’un
ont des sens différents puisqu’elles ne donnent pas la concept, l’élève mobilise souvent en premier son
même information au regard du but visé par le calcul. caractère procédural avant son caractère structural.
La recherche de PC équivalents, en jeu dans le calcul Le développement complémentaire des caractères
algébrique, mais aussi en calcul réfléchi, poussent procédural et structural des expressions numériques
à transformer les expressions tout en s’assurant engage l’élève dans la réification du concept de PC en
de conserver leur dénotation via les propriétés des une expression numérique manipulable et est selon
nombres et des opérations. Le choix des transforma- nous un facteur favorable au développement de l’acti-
tions est piloté par le sens des expressions à travers vité numérico-algébrique. En particulier, le caractère
leur valeur monstrative. Sackur, Drouhard, Maurel structural contribue à travailler sur des expressions
et Pecal (1997) montrent lors d’entretien avec des numériques en ligne (et non pas à pas sur le PC)
élèves issus de l’enseignement secondaire français, comme ce qui sera attendu pour les expressions algé-
que ceux-ci considèrent peu que les transformations briques (Grugeon-Allys et Pilet, 2017).
d’une expression algébrique conservent sa dénota-
tion, même lorsqu’ils la transforment correctement,
l’aspect syntaxique restant toujours très prégnant. En Les égalités à trous et les équations
particulier, ils ne considèrent pas comme moyen de
contrôle de leur action le test de l’équivalence des Les travaux de l’Early Algebra (Kieran et al., 2016)
expressions algébriques sur quelques valeurs numé- insistent sur le fait que l’enseignement de l’algèbre est
riques. C’est pourquoi nous considérons que la déno- basé sur la capacité à représenter des relations entre
tation et le sens des expressions numériques sont des quantités. Ces relations sont rencontrées en particu-
caractéristiques épistémologiques essentielles de l’ac- lier dans le cas de la résolution de problèmes arith-
tivité numérico-algébrique qui doivent être travail- métiques élémentaires que nous pouvons assimiler
lées pour préparer l’entrée dans l’algèbre. à l’évaluation d’un PC ou la recherche d’un nombre
pour lequel deux PC sont égaux. Par exemple, pour
le premier cas, le problème 1 : « Pierre a 15 billes, il
Les caractères procédural et structural en gagne 5 au cours d’une partie. Combien de billes
des expressions numériques a-t-il à la fin ? », correspond au cas de l’évaluation du
PC « Prendre le nombre 15 et lui ajouter 5. Quel est
Le modèle de développement conceptuel proposé le résultat ? ». Pour le deuxième cas, le problème 2 :
par Sfard (1991) repose sur l’idée d’une réification des « Pierre a gagné 5 billes au cours d’une partie. Il en
concepts symboliques. La distinction entre les carac- a maintenant 16. Combien en avait-il au départ ? »,
tères structural et procédural des concepts mathéma- correspond à la recherche d’un nombre, pour lequel
tiques y est centrale. Sfard (1991) distingue concepts les deux PC suivants sont égaux : PC1 « Prendre un
et conceptions. Les conceptions sont des représen- nombre, lui ajouter 5 », et le PC 2 constant, égal à 16.
tations ou des associations évoquant des notions Toutefois, le contexte peut certainement masquer les
mathématiques abstraites qui sont perçues comme PC en jeu.
des processus (procédural) ou comme des objets Comme nous l’avons déjà souligné, dans le cadre
(structural). Ces deux caractères cohabitent lors de la résolution de problèmes arithmétiques élémen-
de l’activité mathématique. Par exemple, en ce qui taires, les élèves peuvent, très tôt, être amenés à
concerne l’exécution du PC « Prendre un nombre, lui produire des équations, sous la forme d’égalités à
additionner 3 et multiplier le résultat par 5 » pour le trous, et à raisonner sur des relations équivalentes,
nombre 7, au moins deux représentations du calcul notamment entre l’addition à trous et la soustraction.
sont envisageables, l’une qui privilégie le caractère Les relations peuvent être exprimées par des repré-
procédural 7+3=10 et 10×5=50, l’autre le caractère sentations en cours de formalisation (par exemple
structural du PC (7+3)×5=10×5=50. Le premier solli- en utilisant des symboles « ? » ou « … » pour dési-
cite uniquement l’effectuation des calculs pas à pas. gner l’inconnue) et à partir de différentes représenta-
Le second nécessite d’appréhender l’expression dans tions connues des élèves en primaire comme la droite
sa globalité et de connaître les priorités opératoires graduée (Elia, 2011) ou des schémas.
et le rôle des parenthèses pour savoir représenter le

16
L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

De plus, exprimer des relations entre quantités numériques, qui peuvent permettre de négocier les
repose sur des conversions entre registres de repré- ruptures d’ordre épistémologiques pointées par
sentations sémiotiques (Duval, 1993) qui peuvent Vergnaud (1988). Ces praxéologies participent au
être travaillés dès l’école primaire à l’occasion de la système initial du processus d’algébrisation des PC
résolution de problèmes. Les relations exprimées décrit par Ruiz-Munzón et al. (2020).
dans la langue naturelle, utilisées pour énoncer un De plus, cette synthèse fait ressortir que l’activité
problème, qui ne sont pas congruentes sémantique- numérico-algébrique met en jeu différentes praxéo-
ment (Duval, 1993) avec le calcul (par exemple le logies locales : d’une part, des praxéologies de modé-
problème 2:16−5) mais le sont avec l’égalité à trous lisation5 (Gantois et Schneider, 2012) relatives à des
(…+5=16), sont particulièrement intéressantes pour problèmes arithmétiques verbaux des champs addi-
le développement de l’activité numérico-algébrique. tifs et multiplicatifs ou des problèmes de générali-
Le problème 2 nécessite de réinterpréter la formula- sation et, d’autre part, des praxéologies de calcul.
tion « a gagné » pour analyser l’ordre de grandeur du Nous décrivons plus en détail ces praxéologies dans
nombre de billes de départ qui est inférieur à 16 et la section suivante.
écrire la relation entre données et inconnue éventuel-
lement par l’intermédiaire d’une autre représentation
en particulier graphique ou schématique (Fagnant, Une praxéologie régionale relative
2019). Or, la formulation « a gagné » peut suggérer aux expressions numériques
une opération d’addition pour des élèves qui asso- pour caractériser l’activité numérico-algébrique
cient la présence de certains mots clefs à des opéra-
tions (Verschaffel et De Corte, 2008). Selon Ruiz-Munzón et al. (2020), un MER d’un
domaine mathématique décrit des « organisations
mathématiques relativement larges et interconnec-
Synthèse tées » (p. 6) afin de rendre visibles leurs raisons
d’être. L’activité numérico-algébrique mettant en
En conclusion, cette synthèse permet de mettre jeu des objets mathématiques communs à l’arithmé-
en valeur les aspects épistémologiques de l’acti- tique et à l’algèbre, nous faisons le choix d’étendre le
vité numérico-algébrique : l’analycité, la représen- modèle praxéologique de l’algèbre élémentaire déjà
tation des relations entre les données connues et existant pour l’intégrer. Ce choix repose sur le fait
inconnue(s) d’un problème par un modèle symbo- que nous l’étudions relativement à l’activité algé-
lique, le calcul s’appuyant sur des propriétés des brique qui sera attendue des élèves par la suite dans
nombres et des opérations et sur l’égalité comme l’enseignement secondaire.
relation d’équivalence, la dénotation et le sens des Partant du MER de Ruiz-Munzón et al. (2012),
expressions numériques, les caractères structural nous avons élaboré un modèle praxéologique de
et procédural d’un concept. Au-delà de leur carac- référence de l’algèbre élémentaire permettant d’ana-
tère indispensable au développement d’un rapport lyser les phénomènes didactiques de l’enseignement
adapté à l’algèbre (Pilet, 2012, 2015), nous faisons de ce domaine dans l’institution scolaire française
l’hypothèse que ceux-ci peuvent être développés secondaire et de concevoir des parcours d’étude
avant l’entrée dans le symbolisme en arithmétique et de recherche (Grugeon-Allys et al., 2012). Ces
dès l’école primaire dans le cadre de l’étude de PC : recherches visaient à utiliser la praxéologie de réfé-
exprimer par un PC la généralisation d’un motif, rence pour mettre en relation des praxéologies à
traduire l’effectuation d’un PC pour un nombre enseigner attendues en fin de collège avec celles
donné par une expression numérique, traduire apprises de collégiens français, voire pointer l’in-
l’égalité de deux PC égaux pour un même nombre complétude des praxéologies à enseigner et la mettre
(souvent pour résoudre des problèmes numériques) en relation avec celle des praxéologies apprises ou
par une équation (égalité à trous en primaire) pour leur incorrection. Pour cela, nous avions déjà pris
exprimer les relations entre connues et inconnues, en compte le point de vue de l’élève avec des travaux
ou encore produire un PC équivalent afin de se issus d’une approche cognitive (Vergnaud, 1988 ;
ramener à des calculs plus économiques. Aussi, nous Sfard, 1991 ; Duval, 1986). Pour cette étude nous
décrivons des praxéologies relatives aux expressions avons décrit des praxéologies des deux premières

17
L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

étapes du processus d’algébrisation, sur les expres- praxéologie régionale sur les expressions numériques
sions algébriques (Pilet, 2015) et les équations du en trois praxéologies locales. Pour ceci, nous utili-
premier degré (Sirejacob, 2017). sons les PC afin de spécifier les différentes praxéolo-
Le découpage en praxéologies que nous avons gies locales de la praxéologie régionale « expression
proposé repose sur le fait que, dans une institution, numérique » ou praxéologie numérico-algébrique.
les praxéologies sont rarement isolées les unes des Les PC permettent de modéliser différents types de
autres. Elles s’agrègent suivant l’échelle des niveaux problèmes, mais contrairement au travail développé
de codétermination6 : les praxéologies ponctuelles dans l’arithmétique scolaire de cycle 3, l’activité
(sujet d’étude) s’agrègent en praxéologies locales numérico-algébrique visée concerne les PC réifiés en
(thème d’étude) centrées sur une technologie, puis tant qu’expressions numériques, nouvelles entités
en praxéologies régionales (secteur d’étude) formées mathématiques que l’on peut manipuler.
autour d’une théorie, et enfin globales (domaine Les trois praxéologies locales se distinguent par
d’étude) autour de plusieurs théories. leur environnement technologico-théorique. La
Le modèle praxéologique de référence du première praxéologie locale concerne la modélisation
domaine de l’algèbre élémentaire est découpé en de problèmes de généralisation et le raisonnement
trois praxéologies régionales (cf. figure 1) : une rela- analytique qui contribue à initier la première étape
tive aux expressions algébriques (première étape du du processus d’algébrisation. Les nombres inconnus
processus), une relative aux équations (deuxième y ont un statut variable au sens de nombre généralisé.
étape du processus) et une relative aux formules La deuxième concerne la modélisation de problèmes
(troisième étape du processus). Nous l’étendons pour verbaux arithmétiques via des représentations de
considérer l’activité numérico-algébrique et faire des relations entre données connues et inconnues. Elle
ponts avec l’arithmétique. Cette extension se traduit contribue à initier la deuxième étape du processus
par une quatrième praxéologie régionale relative aux d’algébrisation. La troisième concerne le calcul d’ex-
expressions numériques et qui se situe avant l’intro- pressions numériques issues de PC.
duction du symbolisme algébrique formel. Nous décrivons chaque praxéologie locale en
précisant leur praxis et logos (Chevallard, 1999).

Trois praxéologies locales de la praxéologie


régionale sur les expressions numériques Praxéologie locale 1 : Modéliser des relations
et les relations dans un problème de généralisation (pattern, suite)

Prenant en considération les aspects épistémolo- Cette praxéologie repose, au niveau technolo-
giques et des raisons d’être de l’activité numérico- gico-théorique, sur le développement du raisonne-
algébrique décrits plus haut, nous structurons la ment analytique et le concept de variable au sens de

Figure 1. Extension de la praxéologie de référence du domaine de l’algèbre

18
L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

nombre généralisé. Elle met en jeu la modélisation proche (« les chaines du joaillier ») repère
de problèmes de généralisation sans utilisation d’un des techniques relevant de plusieurs tech-
symbolisme formel. Cela peut conduire les élèves nologies : des technologies de généralisation
à considérer les nombres généralisés comme des explicite, des technologies de généralisation
implicite, technologies de généralisation par
exemples génériques (au sens de Balacheff, 1987) et
investigation et induction.
à initier un raisonnement analytique7.
– T1.2 : Exprimer les propriétés arithmé-
Le principal type de tâches qui génère la praxéo- tiques d’une expression numérique (parité,
logie locale 1 est T1 : Modéliser la relation générale multiple, diviseur, etc.) obtenue par un PCn
entre un nombre générique et le résultat d’un PC formulé en langage naturel ou donné par ses
dans un contexte intra ou extra-mathématique. Nous premiers termes.
distinguons deux cas : celui qui consiste uniquement – Par exemple : exprimer le fait que la somme
à exprimer cette généralisation et celui qui conduit à de trois entiers consécutifs est un multiple
prouver une assertion. de 3 à partir d’un ou des cas particuliers. Dans
– T1.1 : Étant donnée un motif numérique ou ce cas, le PCn est : prendre un nombre n, lui
géométrique (« pattern »), généré par un pro- ajouter son prédécesseur et son suivant. Par
gramme de calcul PCn et décrit à partir de ses exemple pour 42, l’écriture numérique donne :
premiers termes PC1, PC2, PC3, etc., calculer 42+41+43=42+41+(1+42)=42+(41+1)+42=3×
PCn à une étape n donnée (pour n entier, n 428. Le nombre 2 peut jouer le rôle d’exemple
étant un grand nombre). Prenons par exemple générique pour exprimer que la somme de
le motif géométrique présenté en figure 2. trois nombres consécutifs « semble » être un
– Trouver le nombre de carreaux grisés qui multiple de 3. On peut recommencer pour
composent un patron d’un « grand » numéro plusieurs nombres qui jouent aussi le rôle de
par exemple 99) nécessite de généraliser le nombres génériques. L’expression numérique
pattern. La généralisation conduit les élèves 2+1+3 est transformée par des réécritures suc-
à exprimer un programme de calcul PCn qui cessives (cf. praxéologie locale 3) portant sur
donne le nombre de carreaux pour un nu- les propriétés des opérations. Faire apparaître
méro n de patron : ajouter 3 fois n carreaux ces réécritures renforce la valeur monstrative
au carreau central. Comme l’analyse Rad- des expressions numériques.
ford, cette généralisation relève d’un raison-
nement analytique. La formulation produite
par les élèves peut se présenter sous plusieurs Praxéologie locale 2 : Modéliser des relations
formes, verbales, gestuelles mais aussi par des entre les quantités connues et inconnues d’un
signes conventionnels ou non. Par exemple,
problème additif et/ou multiplicatif
1+1+1+1 ; 1+2+2+2 ; … ; 1+99+99+99, etc.
Nous ajoutons que cette généralisation
conduit à considérer le numéro du patron Les problèmes considérés ici sont ceux des
comme un exemple générique. Bronner problèmes élémentaires des champs conceptuels
(2015) pour un problème de généralisation additifs et multiplicatifs (Vergnaud, 1990). Suivant

Figure 2. Un pattern géométrique

19
L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

les valeurs des variables didactiques (structure, non- distributivité en acte de la multiplication par rapport
congruence sémantique, choix des nombres, etc.), à l’addition.
leur résolution peut conduire à modéliser des rela- Les types de tâches principaux de la praxéologie
tions entre les quantités données et les inconnues par locale 3 sont au nombre de quatre :
un modèle symbolique comme des égalités à trous ou – T3.1 : Évaluer (pour un nombre donné) un
des signes non conventionnels (gestes, flèches, etc.) PC par une expression numérique ;
et à opérer sur les inconnues (par exemple équiva- – T3.2 : Effectuer un calcul réfléchi appuyé
lence entre addition à trous et soustraction). Cette sur l’usage des propriétés des nombres et
modélisation met en jeu des expressions numé- des opérations (par exemple 11×8, 57+13,
405 :5) ;
riques. Le statut du signe d’égalité, la dénotation et
– T3.3 : Calculer une expression numérique
le sens des expressions numériques et leurs carac-
mettant en jeu des priorités opératoires ou
tères procédural et structural, la congruence ou non l’utilisation de parenthèses (par exemple cal-
congruence de la conversion entre registres de repré- culer 5× (7+3)) ;
sentation et l’analycité sont les principaux ingré- – T3.4 : Associer des nombres, des expres-
dients technologico-théoriques. sions numériques ou des PC égaux mais de
Le type de tâche principal de la praxéologie structures différentes. Par exemple, associer
locale 2 est : T2 Résoudre un problème relevant des 40 + 41+ 42 avec 3×41 et 123, prendre un
champs additifs et multiplicatifs, c’est-à-dire évaluer nombre (41), lui ajouter son précédent (40)
un PC ou rechercher un nombre pour lequel deux PC et son successeur (42).
sont égaux. Nous distinguons deux types de tâches Ces praxéologies relatives à l’activité numérico-
selon que la modélisation soit à la charge ou non de algébrique sont un levier pour négocier le passage
l’élève. Nous considérons également la congruence de l’arithmétique à l’algèbre au début du proces-
sémantique entre registres de représentation (Duval, sus d’algébrisation. Etudions ce qu’il en est dans les
1993). programmes français de fin de primaire et de début
– T2.1 : Résoudre un problème relevant de collège actuellement en vigueur.
des champs additifs et multiplicatifs sans
congruence sémantique pour déterminer
le(s) nombre(s) inconnue(s). Par exemple, anaLyse des potentIaLItés
résoudre « Pierre a gagné 5 billes au cours du currIcuLum françaIs
d’une partie. Il en a maintenant 16. Combien
pour déveLopper L’actIvIté
en avait-il au départ ? » ;
numérIco-aLgébrIque au cycLe 3
– T2.2 : Associer et traiter des représenta-
tions de relations entre différents registres de
représentation. Par exemple, associer l’égalité Les programmes français sont organisés en cycles
« 76=45+? » à l’énoncé de problème « Paola a de trois années scolaires pour en principe assurer
76 ans, elle a 45 ans de plus que Marc. Quel une meilleure continuité des apprentissages. Depuis
est l’âge de Marc ? ». 2014, le cycle 3, « cycle de consolidation » (9-12 ans),
recouvre les deux dernières années (CM1-CM2) de
l’école primaire et la première année du collège (6e),
Praxéologie locale 3 : début de l’enseignement secondaire. L’algèbre est
Calculer des expressions numériques introduite un an plus tard, en classe de cinquième
(12-13 ans), au début du cycle 4 (12-15 ans). Cette
Cette praxéologie locale vise à réifier les PC période d’un an, durant la transition institution-
à travers l’expression numérique de leur résultat nelle de l’enseignement primaire au secondaire, qui
(structural) et non à travers les étapes intermédiaires marque le passage de l’arithmétique à l’algèbre, peut-
du PC (procédural). Le bloc technologico-théorique elle être utilisée comme un temps propice au déve-
contient en particulier le statut d’équivalence du loppement de l’activité numérico-algébrique ? Nous
signe d’égalité, la dénotation des expressions numé- analysons les programmes de cycle 3 pour apporter
riques, le caractère structural des expressions lors des éléments de réponse.
de la réécriture, la prise en compte des propriétés Notre méthodologie consiste à utiliser la praxéo-
des opérations et des nombres, en particulier de la logie épistémologique de référence relative aux

20
L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

expressions numériques comme unité d’analyse Poursuivons l’investigation avec la description des
des programmes de cycle 3 pour éclairer la trans- « compétences et connaissances » pour les différents
position didactique à l’œuvre. Nous interrogeons domaines des programmes. « Nombre et Calculs »
la complétude des praxéologies à enseigner. Quels et « Grandeurs et mesure » sont les deux des trois
sont les habitats et niches de l’activité numérico-algé- domaines des programmes qui présentent des habi-
brique ? Le découpage des programmes en domaines tats possibles de l’activité numérico-algébrique. Nous
et thèmes d’étude laisse-t-il vivre cette activité ? détaillons les praxéologies sous-jacentes qui peuvent
Nous analysons les instructions officielles du leur être associées dans le tableau 1.
cycle 3 (MEN, 2018), qui sont actuellement en Le tableau 1 permet de montrer que la praxéologie
vigueur en France, et les documents d’accompa- mathématique locale 1 de modélisation des relations
gnement aux programmes intitulés « Le calcul dans un problème de généralisation (T1) est absente
aux cycles 2 et 3 » (MEN, 2016a) et « Le calcul en au cycle 3. Les problèmes de généralisation ne sont
ligne au cycle 3 » (MEN, 2016b) qui apportent des pas mentionnés (T1.1). Le domaine « Nombre et
précisions théoriques et didactiques des notions Calculs » pourrait pourtant permettre d’aborder la
concernées et donnent des exemples de situations généralisation des propriétés arithmétiques (T1.2).
d’enseignement. Nous situons cette analyse relati- La praxéologie mathématique locale 2 de modé-
vement à celle des programmes précédents (Pilet et lisation de relations dans des problèmes addi-
Grugeon-Allys, 2020). tifs ou multiplicatifs est partiellement présente.
Dans l’introduction des programmes de mathé- Nous retrouvons les types de tâches T2.1 et T2.2.
matiques du cycle 3, les enjeux du cycle sont mis Toutefois, d’une part, la question de la reformula-
en perspective de ceux visés par la suite en algèbre tion des relations dans le cas d’une non-congruence
mais sans en préciser le contour : « Si la modélisation sémantique entre représentations n’est pas évoquée
algébrique relève avant tout du cycle 4 et du lycée, et, d’autre part, le niveau technologico-théorique
la résolution de problèmes permet déjà de montrer attendu n’est pas explicité. En effet, même si les
comment des notions mathématiques peuvent être programmes font référence aux quatre opérations
des outils pertinents pour résoudre certaines situa- arithmétiques (« Résoudre des problèmes mettant en
tions. […] » (MEN, 2018, p. 100). Cette introduc- jeu les quatre opérations », cf. Tableau 1), seule une
tion est suivie de la présentation des six compétences référence à l’organisation des calculs est mentionnée
spécifiques aux mathématiques pour le cycle 39. Pour au sujet de la représentation des problèmes, comme
la compétence « Modéliser », il est attendu de l’élève l’illustre l’extrait suivant : « L’organisation des calculs
de « reconnaître et distinguer des problèmes relevant et leur réalisation contribuant aussi à la représenta-
de situations additives, multiplicatives, de propor- tion des problèmes, il s’agit de développer simulta-
tionnalité ». Pour la compétence « Représenter », nément chez les élèves des aptitudes de calcul et des
l’élève doit savoir « utiliser des outils pour repré- aptitudes de résolution de problèmes arithmétiques
senter un problème : dessins, schémas, diagrammes, (le travail sur la technique et sur le sens devant se
graphiques, écritures avec parenthésages, etc. ». Pour nourrir l’un l’autre) » (introduction au domaine
la compétence « Calculer », il doit savoir « calculer « Nombres et calculs », MEN, 2018, p. 103). Dans
avec des nombres décimaux et des fractions simples cet extrait, le fait de mettre en relation des données
de manière exacte ou approchée, en utilisant des stra- connues et inconnues n’apparaît pas comme un
tégies ou des techniques appropriées (mentalement, moyen de représentation efficace à la modélisation
en ligne, ou en posant les opérations) ». Nous faisons et résolution de problèmes. C’est aussi le cas dans les
le lien entre la description de ces compétences et quelques exemples donnés dans les documents d’ac-
certains types de tâches (Winslow, 2005) des praxéo- compagnement où la technologie de mise en relation
logies locales 2 (pour modéliser et représenter) et 3 des données connues et inconnues, notamment sous
(pour calculer). Toutefois cette description reste la forme d’une égalité à trous, n’est pas explicitée. Et
trop imprécise pour retrouver les aspects épistémo- pourtant le domaine « Nombre et Calculs » pourrait
logiques de l’activité numérico-algébrique que nous être une niche potentielle. La praxéologie locale 2 de
avons définis. Dans ce contexte, dans quelle mesure modélisation est sur ce point incomplète et muette
les programmes de cycle 3 permettent-ils de négocier dans les programmes.
la transition entre arithmétique et algèbre ?

21
L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

Tableau 1. Praxéologies sous-jacentes associées aux domaines « Nombres et calculs » et « Grandeurs et Mesure »

« Compétences et connaissances » Praxéologies sous-jacentes


« Nombres et calculs » (MEN, 2018, p. 103-104)
Utiliser et représenter les grands nombres entiers, des fractions simples, les T3.4 : Associer des nombres, des
nombres décimaux expressions numériques ou des PC
– Composer, décomposer les grands nombres entiers égaux mais de structures différentes
– Comparer, ranger, encadrer des grands nombres entiers, les nombres décimaux
et les fractions, les repérer et les placer sur une demi-droite graduée adaptée.
– Connaître diverses désignations des fractions et des nombres décimaux
Calculer avec des nombres entiers et des nombres décimaux. T3.2 : Effectuer un calcul réfléchi
Calcul mental ou en ligne : T3.3 : Calculer une expression numé-
– Connaître des propriétés de l’addition, de la soustraction et de la multiplication. rique mettant en jeu des priorités
– Utiliser ces propriétés et procédures pour élaborer et mettre en œuvre des opératoires ou l’utilisation parenthèses
stratégies de calcul.
– Dans un calcul en ligne, utiliser des parenthèses pour indiquer ou respecter une
chronologie dans les calculs.
Résoudre des problèmes en utilisant des fractions, des nombres T2.1 : Résoudre un problème relevant
décimaux et le calcul du champ additif ou multiplicatif sans
– Résoudre des problèmes mettant en jeu les quatre opérations : […] problèmes à congruence sémantique pour détermi-
une ou plusieurs étapes relevant des structures additive et/ou multiplicative. ner le(s) nombre(s) inconnue(s)
– Reconnaître et résoudre des problèmes relevant de la proportionnalité en utili- T2.2 : Associer et traiter des repré-
sant une procédure adaptée. sentations de relations entre différents
registres de représentation
« Grandeurs et mesure » (MEN, 2018, p. 104)
Résoudre des problèmes impliquant des grandeurs (géométriques, phy- T2.1 : Résoudre un problème relevant
siques, économiques) en utilisant des nombres entiers et des nombres du champ additif ou multiplicatif
décimaux pour déterminer le(s) nombre(s)
– Résoudre des problèmes de comparaison avec et sans recours à la mesure. inconnue(s)
– Calculer des périmètres, des aires ou des volumes, en mobilisant ou non, selon T3.3 : Calculer une expression numé-
les cas, des formules. rique mettant en jeu des priorités
– Identifier une situation de proportionnalité entre deux grandeurs à partir du opératoires ou l’utilisation parenthèses
sens de la situation. Résoudre un problème de proportionnalité impliquant des (pour des expressions simples ici)
grandeurs.

La praxéologie locale 3 de calcul des expres- – à la compréhension des différentes écritures d’un
sions numériques est présente. Le calcul d’expres- même nombre […], en motivant leur utilisation ;
sions numériques et le calcul réfléchi relevant de – à la compréhension progressive des propriétés
T3.2 et T3.3 apparaissent mais T3.1., correspondant des opérations en favorisant leur utilisation (il est
au calcul du résultat d’un PC par une expression attendu des élèves qu'ils manipulent ces propriétés
numérique, est absent. Les tâches de composition, en situation et qu'ils les explicitent avec leurs mots ;
décomposition, comparaison sont des occasions de les dénominations données ci-dessous ne sont pas
travailler la dénotation des nombres (T3.4) même si des objectifs d'apprentissage pour les élèves) […];
T3.4 est partiellement présent puisque l’association – à la connaissance de propriétés relatives aux
d’expressions numériques et de PC équivalents sont opérations, pouvant faciliter le calcul mental ou en ligne
absents. Néanmoins les documents d’accompagne- en permettant de créer des étapes intermédiaires ; […]
ment révèlent d’autres aspects épistémologiques pris – à la compréhension progressive de la signification
en compte sur les expressions numériques. Elles sont du signe « = », à concevoir comme équivalence entre
travaillées à travers un type de calcul appelé « calcul le membre écrit à gauche et le membre écrit à droite,
en ligne », qui participe à : et pas seulement pour donner le résultat d’un calcul ;
– à la compréhension progressive de la signification des
parenthèses et de leur utilisation pour écrire un calcul
complexe. (MEN, 2016b, p. 3)

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L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

Ainsi les documents d’accompagnement sont Ainsi, nos analyses mettent en avant une poten-
riches quant aux aspects épistémologiques en jeu tialité curriculaire, certes limitée mais présente, au
dans le calcul sur des expressions numériques. La développement de l’activité numérico-algébrique au
dénotation des expressions numériques et le statut cycle 3. Il nous semble pourtant que cette potentia-
d’équivalence de l’égalité sont pris en compte. Il lité reste fragile étant donné les contraintes institution-
est mis en avant que les propriétés des opérations, nelles fortes qui pèsent sur l’enseignement, et ceci à
comme la distributivité, ne sont pas explicitées aux des niveaux de codétermination didactique supérieurs
élèves mais participent aux transformations opérées à celui du domaine d’étude notamment celui de l’école.
sur les expressions numériques. Il est souligné que les Premièrement, les évolutions des programmes,
écritures en ligne des calculs préparent à l’algèbre : notamment sur le calcul des expressions numériques,
sont prises en compte de façon disparate par les auteurs
Résumer en un seul calcul, écrit en ligne, les calculs des manuels (Pilet et Grugeon-Allys, 2020) ce qui
séparés permettant la résolution d’un problème modifie le processus de transposition didactique visé.
nécessitent la maîtrise de l’utilisation des parenthèses ; Deuxièmement, en France, les enseignants de
ceci est une étape importante de l’apprentissage, l’école primaire sont majoritairement issus d’études
préparatoire à la production d’écritures algébriques, non scientifiques. Certainement par manque de
objectif essentiel du cycle 4. (MEN, 2016b, p. 8). formation, ils considèrent probablement que l’algèbre
commence par le traitement des expressions algé-
Néanmoins, dans cet extrait, les expressions briques et des équations et non sur celui des expres-
numériques sont présentes dans la résolution d’un sions numériques ou des équations à trous. En outre,
problème uniquement pour « résumer un calcul » et même s’ils proposent des tâches relevant de l’activité
passer ainsi du PC considéré pas à pas (procédure) au numérico-algébrique, leur discours technologique
PC comme une entité (structure). Rien n’est dit sur peut rester majoritairement absent et contribuer
leur rôle dans la modélisation et la représentation des à rendre la praxéologie régionale des expressions
relations du problème, limite que nous avons déjà numériques incomplète, voire muette, au sens de
soulignée au sujet des praxéologies locales 1 et 2. Wozniak (2012).
En conclusion, l’analyse écologique et praxéo- Troisièmement, malgré une volonté institution-
logique des textes officiels montre que l’activité nelle de favoriser la continuité de l’enseignement
numérico-algébrique trouve des niches et des habi- entre le primaire et le collège, les enseignants de
tats potentiels dans les textes officiels mais que les cycle 3 du premier et du second degré se rencontrent
praxéologies locales de modélisation et de calcul peu pour échanger sur leurs pratiques et mettre en
sont incomplètes relativement à la référence. En place des conditions pour favoriser le développement
effet, certains types de tâches sont potentiellement de l’activité numérico-algébrique.
présents mais les rares éléments sur les techniques et
technologies sous-jacents sont limités pour soutenir
une activité numérico-algébrique adaptée à la négo- concLusIon et perspectIves
ciation du passage de l’arithmétique à l’algèbre. En
effet, concernant les praxéologies locales 1 et 2, l’ana- Nous avons fait l’hypothèse que développer l’ac-
lycité est absente, le rôle de la modélisation et de la tivité numérico-algébrique peut permettre de négo-
représentation dans la résolution de problèmes est cier la transition entre l’arithmétique et l’algèbre.
implicite, la mise en relation des données connues et Pour la caractériser, nous avons montré que ces
inconnues n’est pas développée et la question de la deux domaines partagent des objets mathématiques
congruence sémantique n’est pas abordée. Toutefois, communs comme l’égalité et les expressions numé-
l’ajout du « calcul en ligne » depuis les programmes riques. Leurs aspects épistémologiques sous-tendent
de 2015 contribue à rendre plus visible la praxéologie l’activité numérico-algébrique. Nous retenons princi-
locale 3. À ce sujet, les documents d’accompagnement palement : l’analycité, la représentation des relations
de 2016, relatifs au calcul sur les expressions numé- entre les données connue(s) et inconnue(s) d’un
riques, apportent un nouvel éclairage, compatible problème par un modèle symbolique, le calcul s’ap-
avec une partie de l’activité numérico-algébrique. puyant sur l’égalité comme relation d’équivalence, la

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L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

dénotation et le sens des expressions numériques, les récupérer directement en mémoire un résultat ou une
caractères structural et procédural d’un concept. procédure directement applicable, mais d’élaborer une
Nous avons montré que l’activité numérico- procédure adaptée au calcul particulier qui est proposé.
algébrique s’insère dans une réflexion plus globale Stratégie et raisonnement sont alors sollicités. »
sur la conception d’un modèle épistémologique de 2. La notion de praxéologie est décrite par quatre éléments :
référence de l’algèbre s’appuyant sur les PC. Nous un type de tâche, une technique, une technologie et une
montrons qu’il est nécessaire de considérer des théorie. Toute activité relève d’un type de tâches, qui peut
modèles épistémologiques de référence étendus, être accompli par une certaine manière de faire, appelée
pour identifier des conditions didactiques favorables technique, qui est rendue intelligible et justifiée par une
au développement de rapports institutionnels et technologie, qui est elle-même justifiée et rendue compré-
personnels à des objets communs à l’arithmétique et hensible par une théorie. Le bloc technologico-théorique,
à l’algèbre compatibles à l’activité algébrique. Nous composé d’une technologie et d’une théorie, est ordinaire-
avons défini une praxéologie régionale de référence ment identifié comme un savoir, alors que le bloc pratico-
des expressions numériques par trois praxéologies technique, composé d’un type de tâches et d’une technique,
locales : Modéliser des relations dans un problème constitue un savoir-faire.
de généralisation (pattern, suite), Modéliser des rela- 3. Un exemple est le carré bordé, qui en France s’est large-
tions entre les quantités connues et inconnues d’un ment répandu (Combier et al., 1995).
problème additif et/ou multiplicatif, et, Calculer des 4. Soulignons que nous utilisons le terme « dénotation »
expressions numériques. dans le sens introduit par Drouhard (1992) et non celui
La conception de la praxéologie de référence nous introduit par Radford (2013) comme une des caractéris-
a permis de structurer une analyse des programmes tiques de la pensée algébrique.
français de cycle 3. Nous avons montré que les 5. Gantois et Schneider (2012) définissent « […] des
programmes et leurs documents d’accompagne- praxéologies “modélisation” dans lesquelles les tâches
ment ne développent pas la modélisation des rela- consistent à modéliser par des concepts mathématiques
tions dans un problème de généralisation mettant des systèmes intra ou extra-mathématiques faits d'objets
en jeu le raisonnement analytique. Ils ne déve- préconstruits au sens de Chevallard (1991). Ceux-ci, telles
loppent que partiellement les praxéologies sur la les aires ou les vitesses, ne sont pas définis d'emblée par
modélisation dans des relations dans des problèmes le biais de concepts mathématiques, en l’occurrence le
additifs ou multiplicatifs et sur le calcul des expres- concept de limite. Ils existent seulement par le truchement
sions numériques. Ces potentialités sont nouvelles d'une désignation, non pas construits mais présentés « par
puisqu’elles ont émergé avec les évolutions récentes une deixis qui est un appel à la complicité dans la recon-
des programmes français. Une perspective serait de naissance ontologique » (Chevallard, 1991). On cherche,
développer des parcours d’enseignement et d’ap- dans un premier temps, non à les définir mais à les déter-
prentissage pour outiller les enseignants de cycle 3 miner par l'une ou l'autre technique en s'appuyant sur les
afin de les accompagner à faire vivre l’activité numé- convictions, images, intuitions que l'on peut avoir à leur
rico-algébrique dans leurs classes et à développer un propos. » (Gantois et Schneider, 2012, p. 61)
discours technologique continu du cycle 3 au cycle 4. 6. Chevallard définit les niveaux de codétermination didac-
Pour avancer dans cette perspective, la praxéologie tique pour analyser les conditions et contraintes institu-
régionale que nous avons construite pourrait consti- tionnelles qui pèsent sur le processus de transposition
tuer une référence. didactique. Il distingue les niveaux suivants : civilisation,
société, école, pédagogie, discipline, domaine, secteur,
thème et sujet d’étude.
7. Larguier (2015) indique des critères pour identifier un
NOTES « type de pensée » entre l’arithmétique et l’algèbre à partir
de la typologie de preuves de Balacheff (1987) : preuves
1. Le terme de calcul réfléchi est utilisé dans le document pragmatiques (cas particulier, exemple générique) à des
d’accompagnement des programmes de 2002 (MEN, 2002) preuves intellectuelles (expression de la généralité en
intitulé « Le calcul mental » qui oppose calcul automatisé langage naturel, justification juste de la généralité).
et calcul réfléchi (page 5) : « Le calcul réfléchi est d’une 8. Une autre réécriture possible est : 42+(42−1)+(42+1).
autre nature que le calcul automatisé. Il ne s’agit plus de

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L’ACTIVITÉ NUMÉRICO-ALGÉBRIQUE À LA TRANSITION ENTRE L’ARITHMÉTIQUE ET L’ALGÈBRE

Julia Pilet & Brigitte Grugeon-Allys

9. Précisons que les programmes français décrivent six collège. Première partie. L’évolution de la transposition
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