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ABSTRACT. The aim of our study was to analyze a didactical sequence for the teaching
of addition and subtraction procedures and algorithms. In the conception of that sequence,
we have taken into account diagnostic and repair models for procedural bugs in addition
and subtraction algorithms, as well as learning and teaching methods for multidigit addi-
tions and subtractions. The didactical sequence included situations involving many of the
characteristics associated with procedural bugs; however, when the children encountered
those situations they had many conceptual tools to detect their mistakes and correct them,
giving that way a meaning to the actions made in addition and subtraction procedures and
algorithms. Our teaching activities were submitted to second grade school children (7–
8 years old). The didactical interactions and the procedures used by children in problem
solving activities were analyzed in order to get a better understanding of the interaction
between numbers, numeration and operations knowledge which are involved in the con-
struction of addition and subtraction procedures and algorithms and to relate children’s
knowledge acquisition to the didactical situations.
RÉSUMÉ. Cette étude est consacrée à l’analyse d’une séquence didactique portant sur
l’enseignement de procédés et d’algorithmes d’addition et de soustraction. La construction
de cette séquence prend appui sur les résultats de recherches consacrées au diagnostic et
à la remédiation des erreurs de calcul arithmétique, ainsi qu’à l’enseignement du calcul
arithmétique. La séquence comporte des situations réunissant les conditions productrices
d’erreurs de calcul; toutefois, lorsque les élèves rencontrent ces situations, ils disposent
de plusieurs connaissances pour détecter leurs erreurs et les corriger, donnant ainsi un
sens aux actions intervenant dans l’exécution des procédés et algorithmes d’addition et
de soustraction. Les situations ont été expérimentées auprès d’élèves de deuxième année
primaire (7–8 ans). Les interactions didactiques et les procédures utilisées par ces élèves
dans la résolution des situations-problèmes ont été analysées; ces analyses ont permis de
mieux comprendre l’interaction des connaissances sur les nombres, la numération et les
opérations qui sont impliquées dans la construction de procédés et d’algorithmes d’addition
et de soustraction et de préciser les effets des situations didactiques sur l’acquisition de
connaissances des élèves.
Les erreurs des élèves en calcul arithmétique suscitent depuis longtemps un intérêt marqué
chez les chercheurs en didactique et en sciences cognitives. Les conditions d’occurrence
de plusieurs de ces erreurs sont désormais connues. Les interprétations et modélisations de
ces erreurs se sont multipliées au fil des années. Il en est résulté des tentatives tout aussi
variées de remédiation. Peu d’études ont pris en compte ces diverses connaissances pour
concevoir une séquence d’enseignement comportant des situations réunissant les condi-
tions productrices des erreurs, mais offrant des possibilités de les détecter, de les corriger et
de donner un sens aux écritures et aux transformations qui interviennent dans l’exécution
des procédés et algorithmes usuels. Notre recherche sur l’enseignement de procédés et
algorithmes de calculs d’addition et de soustraction s’inscrit dans ce contexte didactique.
Les études sur les erreurs de calcul réalisées par Brown, Burton et Van
Lehn (Brown et Burton 1978; Brown et Van Lehn, 1980, 1982; Burton,
1982; Van Lehn, 1990) sont bien connues; elles ont permis de franchir une
étape importante dans la compréhension de ces erreurs. Selon la théorie de
réparation qui en découle, l’erreur est le produit d’une impasse que l’élève
surmonte en inventant une solution personnelle. Pour modéliser les er-
reurs de l’élève, les règles de calcul adéquates pour une tâche donnée sont
d’abord générées; les règles de calcul incomplètes menant à des impasses
sont ensuite générées par l’application de transformations aux règles cor-
rectes. Cette façon de faire permet d’apprécier la distance entre les règles
correctes et les règles déviantes et délimite l’espace des modifications
possibles que l’élève peut appliquer pour réparer les règles déviantes.
La théorie de réparation montre le caractère profondément organisé de
certaines erreurs. Comme le soulignent certains chercheurs (Brun et al.,
1994a, 1994b; Conne et Brun, 1991; Van Lehn, 1990; Payne et Squibb,
1990), le caractère formel des règles et celui relativement mécanique des
conduites masquent le fait que ces règles sont le produit d’une coordina-
tion de connaissances multiples sur l’écriture des nombres et la valeur de
position des chiffres composant une écriture, sur les relations d’ordre et
de cardinalité entre les nombres, sur la composition additive des nombres,
sur les propriétés des nombres et des opérations, sur le fonctionnement
des algorithmes de calcul, etc. Les inventions erronées des élèves ou les
rafistolages de règles suite à des impasses témoignent ainsi d’un processus
de coordination de connaissances générant des formes transitoires d’un
schème en élaboration (Brun et al., 1994b; Vergnaud, 1991). Comment
l’enseignement peut-il tirer profit de ces inventions et rafistolages dans
la construction de situations qui en permettent l’éclosion, mais aussi la
? Les auteurs désirent remercier Monsieur Francis Théberge, enseignant titulaire de la
classe dans laquelle l’enseignement a été réalisé. Sa collaboration et ses conseils ont été
fort précieux.
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 271
complètes. Notre intention est de poser quelques jalons pour une étude
ultérieure plus systématique.
O BJECTIFS DE LA RECHERCHE
Tableau I
Synthèse de la séquence d’enseignement
A Ajoute 2 dizaines à 29
B Ajoute 2 dizaines et 3 unités à 29
C Ajoute 2 dizaines et 3 unités à 30
D Ajoute 2 dizaines à 30
Tableau II
Procédés élaborés d’addition et de soustraction
Procédé 1
Algorithme 1 4913
Procédé 2
Composition 4913
Procédé 3
Transformation additive 4913
dentes. Il n’a pas été possible de réaliser ces situations, dans le temps qui
nous était alloué par l’institution scolaire.
prévus dans l’école où nous avons effectué notre recherche. Notre analyse
tient compte de ce contexte.
Les conduites des élèves et les interactions didactiques lors des situations
de la première phase de la séquence
Les situations de la première phase visaient la construction de procédés
variés d’addition et de soustraction. Dans la présentation des résultats,
nous montrons les exigences cognitives du travail de construction et de
coordination de connaissances sur les nombres, la numération et les opéra-
tions réalisé par les élèves et discutons des effets des situations sur ce
travail.
Les conduites des élèves et les interactions didactiques lors des situations
de la seconde phase de la séquence
Dans la seconde phase de la séquence, les élèves ont pour tâche d’examiner
divers procédés d’addition et de soustraction, dont les algorithmes usuels,
afin de pouvoir les utiliser dans d’autres calculs. Cette phase commence
avec des situations de représentations des nombres qui sont par la suite
utilisées dans l’enseignement des procédés et algorithmes.
Comme nous l’avions prévu, la majorité des élèves (20 des 23 élèves)
trouve facilement la somme des nombres 503 et 107, se référant aux re-
présentations produites dans la situation A-2.1. Quelques élèves effectu-
ent une composition explicite des nombres, soit 500+3+100+7. D’autres
savent aussi appliquer l’algorithme usuel d’addition, algorithme non en-
seigné en classe. Un grand nombre d’élèves trouve la somme en procédant
d’abord par addition des centaines, puis des unités. En revanche, si on
inverse l’ordre d’exécution de ces additions, soit des unités aux centaines,
la majorité des élèves ne sait traiter les sommes partielles et produire une
réponse juste. Nous présentons un extrait de la discussion concernant le
problème que pose aux élèves la construction de ce dernier procédé 2 .
1. E-C: EL-3 et EL-12, j’aimerais que vous présentiez aux autres ce que
vous avez fait et que vous expliquiez ce qui vous dérange dans ce
calcul.
2. EL-3 et EL-12: On a fait 5+1, ça fait 6; 0+0, ça fait 0 et 3+7, ça fait
10. C’est le 10 qui nous dérangeait. C’est comme. . . on disait si on
enlevait le 3 ou le 7. On ne savait pas où mettre le 10. Puis si on
mettait le 1 ici, ça ferait 601.
3. E-C: Qu’est-ce qu’on fait avec ce 10 là? C’est votre question. Dites-
moi, pourquoi vous dérangeait-il ce 10? Si c’était un 9, est-ce que
vous auriez un problème?
4. EL-3 et EL-12: Non!
6. EL-9: Parce que c’était deux chiffres que ça les dérangeait.
7. E-C: Est-ce que quelqu’un peut me dire si elles auraient pu faire
‘6010’?
8. EL-T: Non!
9. E-C: Alors c’était ça leur problème! Elles ne pouvaient pas écrire
6010.
– EL-15 n’est pas d’accord avec le fait énoncé par certains élèves
que les zéros ne servent à rien. Il dit que ça sert à compter. EL-18 dit
qu’il faut enlever le zéro –.
10. E-C: Attention! EL-18 dit que zéro, ça ne vaut rien! Si on les enlève
tous, ça donne 53+17! – Les élèves disent qu’on ne peut faire cela,
parce que c’est 503 et 107 pas 53 et 17 –.
11. EL-9: On entre 10 en bas mais on enlève le 0 de 0+0
– Plusieurs élèves sont d’accord.
2 Lorsque nous présentons des extraits d’interactions, nous utilisons la lettre E-C pour
parler du premier auteur de cet article; nous désignons les élèves par les lettres EL suivies
d’un chiffre de 1 à 23. Lorsque nous ne pouvons identifier les élèves qui prennent parole,
nous utilisons les codes suivants: EL-S: un élève; EL-P: plusieurs élèves; EL-T: majorité
des élèves.
284 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE
Les interactions à propos du problème soulevé par les élèves EL-3 et EL-
12 sont nombreuses. Ce problème se pose parce que ces élèves savent que
la somme ne peut être 601 ou 6010. Ils envisagent, de garder seulement
le 1 du 10 dans l’inscription de la somme (ligne 2), puisque ce nombre
compte plus que le 0. Les connaissances des élèves à propos du 0 font par
la suite l’objet d’un examen. Dans un rapport à ce nombre fondé sur des
connaissances sur les opérations (a – a = 0, 0 élément dans une collection;
a + 0 = a; a – 0 = a), certains élèves pensent que l’on doit ignorer le 0 qui
n’est rien; dans un rapport à ce nombre fondé sur des connaissances sur la
numération (écritures des nombres), d’autres élèves pensent au contraire
que l’on doit inscrire ce 0. En poussant le raisonnement relevant du premier
rapport (ligne 10), l’enseignant entraîne les élèves dans une discussion
qui se solde par la proposition d’un élève (EL-9; lignes 11), acceptée par
plusieurs, qui est de ne pas inscrire le 0 de l’addition des nombres de
la seconde colonne. Cette accommodation relève d’une coordination de
connaissances sur le rôle du 0 dans l’écriture des nombres et sur l’addition
en colonnes, en regard de la somme attendue. La connaissance de cette
somme contrôle ainsi les ‘inventions ou rafistolages’ des élèves.
Le choix de nombres composés du chiffre 0 dans une même position
semble heureux. Une meilleure analyse des conséquences de ce choix aurait
peut-être permis à l’enseignant de saisir la situation d’accommodation pour
amener les élèves à valider la proposition de l’élève EL-9 (ligne11) dans
des additions de nombres qui ne présentent pas ces caractéristiques spéci-
fiques.
l’algorithme usuel. Enfin, une équipe trouve la réponse ‘496’ mais n’inscrit
rien sur papier.
L’enseignant organise ainsi la gestion des solutions des élèves. Il les
invite à expliquer leur façon de calculer et à réagir aux solutions et ex-
plications des autres. Lorsque des élèves produisent des erreurs ou ne
parviennent pas à dénouer une impasse, l’enseignant essaie de ne pas in-
tervenir, demandant aux autres élèves de faire ce travail. Il ne fut pas
possible de poursuivre le travail amorcé au cours de cette période, en raison
d’événements imprévus à l’école où nous intervenions. Nous avons dû
passer outre à une des situations initialement prévues (comme nous l’avons
indiqué lors de la description des situations A-2.1 et B-2.2) compromettant
grandement les possibilités de construction de procédés de soustraction. Il
nous apparaît important d’examiner des extraits du travail amorcé, afin de
montrer la complexité du jeu de coordination des connaissances sur les
nombres, la numération et les opérations dans la construction de procédés
de soustraction.
1. E-C: J’aimerais que tu nous dises EL-4 comment tu as fait ton calcul?
2. EL-4: J’ai enlevé le 3 puis le 7. C’est 500 –100, ça fait 400. Alors
avec le 3, ça fait 403; –7, je me suis dit que ça faisait 396 parce que
7, ça égale à 3+4; là on dit –3 puis là, on a juste à dire – 4.
3. E-C: Peux-tu écrire tout cela?
4. EL-4: Je fais 500 –100 = 400 , j’ajoute 3; 400+3 = 403; j’enlève 7
parce que 107; 403 –7 = 396.
5. EL-S: Je ne comprends pas pourquoi elle ne fait pas après 500 –100,
7–3.
6. EL-S: Parce que c’est 3 –7, pas 7–3. On ne peut enlever 7 à 3.
7. EL-4: C’est pour ça que j’ai calculé en moins . . . c’est – 4; je l’enlève
à 400.
– Tous les autres élèves disent ne rien comprendre à ce qu’a fait EL-
4-.
8. E-C: EL-6 et EL-14, vous nous expliquez ce que vous avez fait.
9. EL-6: On a essayé de le faire avec des centaines. On a fait 500 (dessine
5 plaques), après on a enlevé une. Puis, on a fait des unités (dessine
10 unités). On en a enlevé 7. On a une dette de 4. . . Il en restait 3. Ça
fait 403. On avait mis 404. On ne sait pas ce qui est bon.
10. E-C: On va regarder cela ensemble. – Les élèves discutent sur leur
représentation des dizaines et centaines. La cloche signalant le début
de la récréation marque la fin de cette période de travail. –
Les rapports des élèves à la soustraction mettent en cause des connais-
sances sur la numération, les nombres et les opérations. Ces connaissances
assurent un traitement séquentiel des chiffres composant les nombres: sous-
286 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE
Tableau III
Procédés d’addition des élèves pour les nombres 497 et 98
Élèves Premier calcul réalisé Deuxième calcul réalisé Troisième calcul réalisé
EL-3 595
EL-4 595 400 + 97 (compo-add)
90 + 8
400 + 90 = 490
97 + 8 = 105
490 + 105 = 595 595
EL-9 5 + 9 d. + 7 u. + = 110
EL-10 497 + 98 = 4 18 15
EL-13 – – – 400 + 49 + 54
505
traction des centaines, puis des unités. Chez la majorité des élèves, ces
soustractions sont effectuées indépendamment soit ‘500 –100 = 400 et 3
–7 = 4’. Puisque les pratiques de soustraction en classe ont été associées
à des écritures convenables (le plus grand des nombres en premier), c’est
sur elles que se greffe naturellement l’inversion des nombres 3 et 7.
Les conduites des élèves EL-6 et EL-14 semblent davantage sous le
contrôle du sens de l’opération. Ces élèves (ligne 9) effectuent une re-
présentation du nombre 503 sur la base de l’écriture positionnelle; puis,
ils enlèvent 100. Puisqu’il faut enlever 7 unités, c’est naturellement sur la
partie unités du nombre obtenu (403) que ces élèves tentent d’effectuer
l’opération. Sur la base de connaissances sur le sens de la soustraction,
ils savent que si on a uniquement 3, on ne peut prendre 7; ils parlent
d’une dette de 4, faisant référence à des situations bancaires du manuel
Défi mathématiques (Lyons, 1989) en usage dans la classe. Ils font alors
10 unités (ligne 9) pour pouvoir en prendre 7. Ils ne parviennent pas à
coordonner ces différents états (dette de 4, reste de 3, emprunt de 10).
Une équipe enfin (lignes 1 à 4) réussit la soustraction par un procédé qui
utilise une composition des nombres. Cette composition permet facilement
de soustraire d’abord 100, trouvant 400+3, 403. La soustraction de 7 à
403 est étonnante. Le procédé décrit fait intervenir une composition de 7
qui utilise 3, le chiffre en position des unités dans 403; soustraire 7 est
alors interprété ‘–3 et –4’. L’élève EL-4 conclut alors qu’il doit enlever 3
à 403, puis 4 à 400. Ce procédé décrit bien l’ouverture des représentations
des nombres et des opérations que la coordination de connaissances rend
possible.
L’analyse de cette situation montre la complexité de l’enseignement
des procédés de calcul et les problèmes que pose la gestion didactique de
situations. Les études sur l’analyse didactique des erreurs des élèves en
calcul montrent les voies multiples et opaques qu’empruntent les solutions
des élèves (Brun et al., 1994a, 1994b; Brown et Van Lehn, 1980, 1982). En
ne proposant qu’une seule soustraction, en raison d’événements imprévus
mentionnés antérieurement, nous avons toutefois peu permis aux élèves de
s’interroger sur le sens des opérations et de valider leurs solutions.
Tableau IV
Procédés de soustraction des élèves pour les nombres 497 et 98
Élèves Premier calcul réalisé Deuxième calcul réalisé Troisième calcul réalisé
EL-1 396
EL-2 396
EL-3 495 – 98 = 397
EL-8 316
EL-10 399
EL-11 –––
EL-12 399 – 397 + 2 = 399
(trans-add)
EL-18 409
EL-19 –––
EL-21 401
EL-22 396
EL-23 401
(9 est barré;
1 est inscrit au-dessus du 7)
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 293
Bien qu’elle soit inappropriée, il trouve la réponse juste. Les élèves EL-7
et EL-16 recourent à deux occasions à un procédé similaire au procédé 2
(compo-add), réalisant une composition des nombres prenant en compte
l’écriture positionnelle. Leurs réponses sont incorrectes et leurs erreurs
difficiles à interpréter. Trois élèves (EL-4, 12, 13) appliquent un procédé
similaire au procédé 3 (trans-add), montrant une analyse des différences
entre les écritures et une transformation des nombres réduisant le calcul à
effectuer (ex: 497-98, 498-98, 400-1). Il est possible que les deux élèves
qui produisent une réponse juste sans faire aucun calcul aient recours à un
procédé similaire au procédé 3 (trans-add), puisque sa gestion peut se faire
facilement sans écriture des calculs. N’ayant pu disposer d’une période
supplémentaire pour interroger les élèves, nous ne pouvons discuter du
bien-fondé de cette hypothèse.
C ONCLUSION
Dans l’enseignement que nous avons réalisé, nous avons choisi de présenter
les procédés et les algorithmes usuels d’addition et de soustraction comme
de petits systèmes de sélection et de contrôle de connaissances sur la numé-
ration, sur les nombres et sur les opérations qui peuvent intervenir dans la
réalisation d’autres procédés. Nous avons ainsi créé des situations visant
la construction et la coordination de connaissances débouchant sur divers
procédés de calcul. C’est par la création d’un tel milieu que nous avons
pu, par la suite, proposer aux élèves d’autres procédés de calcul, dont les
algorithmes usuels, en leur donnant la responsabilité de donner un sens
aux actions intervenant dans l’exécution de ces procédés, afin de pouvoir
les appliquer à d’autres nombres. Ce dispositif s’inscrivait dans un contexte
d’utilisation des résultats des études sur les erreurs de calcul.
L’analyse des conduites des élèves montre la pertinence de plusieurs
des situations qui ont permis de concrétiser les idées précédentes. La réa-
lisation des situations de la première étape a permis un travail essentiel
sur les nombres et leurs compositions additives; ce travail a mis en cause
diverses connaissances très typées sur la numération. Ces connaissances
ont été transformées dans un processus de coordination avec d’autres con-
naissances sur les nombres et les opérations. L’analyse de ces situations a
montré la complexité de la construction de la numération. Ces résultats
rejoignent ceux obtenus par plusieurs chercheurs (Kamii, 1990; Fuson,
1992; Bednarz et Dufour-Janvier, 1986).
Notre analyse a également montré comment la construction des procé-
dés d’addition et de soustraction et plus spécifiquement, celle des procédés
de calcul en colonnes fait intervenir des problèmes de composition et
294 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE
d’écriture des nombres qui ne peuvent être résolus que par une coordina-
tion de connaissances multiples. Comme le montrent plusieurs recherches
(Brun et al., 1994a, 1994b; Conne, 1988, 1987), les erreurs des élèves dans
l’application des algorithmes de calcul sont des accommodations de con-
naissances sur la numération et les opérations; leur traitement didactique
doit prendre en compte ces connaissances. Les situations que nous avons
construites montrent qu’un tel traitement est possible. Nous avons mis
en évidence plusieurs moments dans lesquels les élèves étaient engagés
dans un processus d’examen et de confrontation de leurs connaissances et
qui ont résulté en de nouvelles connaissances permettant de corriger les
premières erreurs produites.
L’examen des situations a été aussi un révélateur très important des
problèmes d’enseignement des algorithmes. Le sens des écritures et des
transformations d’écritures qui marquent l’application de ces algorithmes
est apparu difficilement accessible aux élèves. Plusieurs, du moins pour
l’addition, avaient pourtant construit des procédés qui reposaient sur des
compositions et des transformations des nombres comparables à celles
réalisées dans ces algorithmes. Par ailleurs, les échanges subséquents aux
tentatives d’application de l’algorithme usuel d’addition se sont avérés
fructueux, la construction du sens des transformations bénéficiant alors du
sens des écritures dans les autres procédés utilisés.
Dans le cas de l’algorithme de soustraction, le problème d’interprétation
des écritures est apparu encore plus sérieux; la majorité des élèves n’est pas
parvenu à lier le sens des écritures aux transformations qui interviennent
dans le déroulement de cet algorithme. Il faut nuancer ce résultat, car
nous n’avons pu mener à terme les situations préparatoires à ce travail
d’interprétation. Mais ce fait n’est pas seul en cause. En effet, comme
le montre Fasser (1993), les transformations intervenant dans le dérou-
lement de cet algorithme sont nombreuses et la construction de leur sens
s’en trouve fortement compliquée. Nos résultats amènent ainsi à ques-
tionner notre choix de présenter ces algorithmes dans leur forme stan-
dard. Il conviendrait d’examiner davantage nos situations d’enseignement
des procédés de calcul et de concevoir des écritures moins denses des
algorithmes, plus transparentes qui permettraient de rendre compte expli-
citement de chacune des actions de composition et de transformation qui
interviennent dans la réalisation de ces algorithmes. Il serait donc essentiel
d’étudier attentivement le problème du passage des procédés de calcul aux
algorithmes. Des situations variées de formulation des procédés de calcul
et des situations comportant diverses écritures des algorithmes pourraient
être construites et soumises à une expérimentation didactique. Il serait
également important de demander explicitement aux élèves de réaliser
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 295
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Vergnaud, G.: 1991, La théorie des champs conceptuels, Recherches en didactique des
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CATHY ARSENAULT
Département des sciences de l’éducation,
Université du Québec à Rimouski,
Campus Lévis,
55, rue Mont-Marie,
Lévis (Québec),
Canada G6V 8R9,
Téléphone: (418) 833-8800 poste 230,
Télécopieur: (418) 833-1113,
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GISÈLE LEMOYNE
Département de didactique,
Université de Montréal,
C.P. 6128 Succ. Centre-ville,
Montréal (Québec),
Canada H3C 3J7,
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