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CATHY ARSENAULT and GISÈLE LEMOYNE

UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES


D’ADDITION ET DE SOUSTRACTION ?

ABSTRACT. The aim of our study was to analyze a didactical sequence for the teaching
of addition and subtraction procedures and algorithms. In the conception of that sequence,
we have taken into account diagnostic and repair models for procedural bugs in addition
and subtraction algorithms, as well as learning and teaching methods for multidigit addi-
tions and subtractions. The didactical sequence included situations involving many of the
characteristics associated with procedural bugs; however, when the children encountered
those situations they had many conceptual tools to detect their mistakes and correct them,
giving that way a meaning to the actions made in addition and subtraction procedures and
algorithms. Our teaching activities were submitted to second grade school children (7–
8 years old). The didactical interactions and the procedures used by children in problem
solving activities were analyzed in order to get a better understanding of the interaction
between numbers, numeration and operations knowledge which are involved in the con-
struction of addition and subtraction procedures and algorithms and to relate children’s
knowledge acquisition to the didactical situations.

KEY WORDS: addition, algorithms, computation, teaching, subtraction

RÉSUMÉ. Cette étude est consacrée à l’analyse d’une séquence didactique portant sur
l’enseignement de procédés et d’algorithmes d’addition et de soustraction. La construction
de cette séquence prend appui sur les résultats de recherches consacrées au diagnostic et
à la remédiation des erreurs de calcul arithmétique, ainsi qu’à l’enseignement du calcul
arithmétique. La séquence comporte des situations réunissant les conditions productrices
d’erreurs de calcul; toutefois, lorsque les élèves rencontrent ces situations, ils disposent
de plusieurs connaissances pour détecter leurs erreurs et les corriger, donnant ainsi un
sens aux actions intervenant dans l’exécution des procédés et algorithmes d’addition et
de soustraction. Les situations ont été expérimentées auprès d’élèves de deuxième année
primaire (7–8 ans). Les interactions didactiques et les procédures utilisées par ces élèves
dans la résolution des situations-problèmes ont été analysées; ces analyses ont permis de
mieux comprendre l’interaction des connaissances sur les nombres, la numération et les
opérations qui sont impliquées dans la construction de procédés et d’algorithmes d’addition
et de soustraction et de préciser les effets des situations didactiques sur l’acquisition de
connaissances des élèves.

LISTE DES MOTS-CLÉS: addition, algorithmes, calcul, enseignement, soustraction

Les erreurs des élèves en calcul arithmétique suscitent depuis longtemps un intérêt marqué
chez les chercheurs en didactique et en sciences cognitives. Les conditions d’occurrence
de plusieurs de ces erreurs sont désormais connues. Les interprétations et modélisations de
ces erreurs se sont multipliées au fil des années. Il en est résulté des tentatives tout aussi

Educational Studies in Mathematics 42: 269–296, 2000.


© 2001 Kluwer Academic Publishers. Printed in the Netherlands.
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variées de remédiation. Peu d’études ont pris en compte ces diverses connaissances pour
concevoir une séquence d’enseignement comportant des situations réunissant les condi-
tions productrices des erreurs, mais offrant des possibilités de les détecter, de les corriger et
de donner un sens aux écritures et aux transformations qui interviennent dans l’exécution
des procédés et algorithmes usuels. Notre recherche sur l’enseignement de procédés et
algorithmes de calculs d’addition et de soustraction s’inscrit dans ce contexte didactique.

LE DIAGNOSTIC , LA REMÉDIATION ET LA PRÉVENTIONDES ERREURS


DE CALCUL

Les études sur les erreurs de calcul réalisées par Brown, Burton et Van
Lehn (Brown et Burton 1978; Brown et Van Lehn, 1980, 1982; Burton,
1982; Van Lehn, 1990) sont bien connues; elles ont permis de franchir une
étape importante dans la compréhension de ces erreurs. Selon la théorie de
réparation qui en découle, l’erreur est le produit d’une impasse que l’élève
surmonte en inventant une solution personnelle. Pour modéliser les er-
reurs de l’élève, les règles de calcul adéquates pour une tâche donnée sont
d’abord générées; les règles de calcul incomplètes menant à des impasses
sont ensuite générées par l’application de transformations aux règles cor-
rectes. Cette façon de faire permet d’apprécier la distance entre les règles
correctes et les règles déviantes et délimite l’espace des modifications
possibles que l’élève peut appliquer pour réparer les règles déviantes.
La théorie de réparation montre le caractère profondément organisé de
certaines erreurs. Comme le soulignent certains chercheurs (Brun et al.,
1994a, 1994b; Conne et Brun, 1991; Van Lehn, 1990; Payne et Squibb,
1990), le caractère formel des règles et celui relativement mécanique des
conduites masquent le fait que ces règles sont le produit d’une coordina-
tion de connaissances multiples sur l’écriture des nombres et la valeur de
position des chiffres composant une écriture, sur les relations d’ordre et
de cardinalité entre les nombres, sur la composition additive des nombres,
sur les propriétés des nombres et des opérations, sur le fonctionnement
des algorithmes de calcul, etc. Les inventions erronées des élèves ou les
rafistolages de règles suite à des impasses témoignent ainsi d’un processus
de coordination de connaissances générant des formes transitoires d’un
schème en élaboration (Brun et al., 1994b; Vergnaud, 1991). Comment
l’enseignement peut-il tirer profit de ces inventions et rafistolages dans
la construction de situations qui en permettent l’éclosion, mais aussi la
? Les auteurs désirent remercier Monsieur Francis Théberge, enseignant titulaire de la
classe dans laquelle l’enseignement a été réalisé. Sa collaboration et ses conseils ont été
fort précieux.
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validation et l’adaptation débouchant sur des procédés de calcul adéquats?


Pour répondre à cette question, nous examinons d’abord les propositions
didactiques visant la prévention et la remédiation des erreurs de calcul
chez les élèves (Fuson, 1986, 1990a, 1990b, 1992; Fuson et Briars, 1990;
Resnick, 1982).
Resnick (1982) plaide pour le recours à des méthodes d’enseignement
des algorithmes selon lesquelles les élèves sont invités à effectuer les cal-
culs en mettant en correspondance les opérations sur les nombres et les
actions réalisées sur un dispositif matériel de représentation des nombres.
L’écriture numérique est alors considérée comme une forme d’enregistre-
ment des actions effectuées sur le dispositif et ces actions viennent justifier
les étapes de l’algorithme. Selon Resnick, certaines des erreurs définies par
Brown et Burton (1978) peuvent être évitées (ex: 245 – 148 = 103), s’il
est impossible d’effectuer le processus qui les engendre avec le matériel
de numération sans transgresser les principes de base de l’échange et de
l’équivalence. C’est le cas notamment lorsque l’élève ne peut représenter
que le premier terme d’une soustraction. En tenant compte de cette con-
trainte, pour effectuer, par exemple, le calcul ‘245– 148’, si l’élève re-
présente le premier terme du calcul, soit 245, avec des blocs Dienes de
la manière suivante ‘2 plaques, 4 bâtonnets, 5 petits cubes’, il ne peut
enlever 8 petits cubes (représentation du chiffre 8 dans le nombre 148)
aux 5 petits cubes (représentation du chiffre 5 dans le nombre 245). Il doit
ainsi transformer la représentation du nombre 245 (remplacer 1 bâtonnet
par 10 petits cubes), afin de pouvoir enlever les 8 petits cubes.
Plusieurs chercheurs proposent d’enseigner conjointement les procédés
de calcul et la numération de position, ce qui permet aux élèves de réaliser
rapidement des additions et des soustractions à plusieurs chiffres, de cor-
riger leurs erreurs et de donner un sens aux connaissances sur la numéra-
tion (Balka, 1993; Fuson, 1986; Fuson et Briars, 1990; Hiebert et Wearne
1992; Ross et Kurtz, 1993). Cette approche comporte toutefois certaines li-
mites. Bednarz et Dufour-Janvier (1986) font remarquer que les représent-
ations proposées adoptent toujours l’ordre de l’écriture conventionnelle
des nombres, rendant difficile la construction de liens entre les procédures
de calcul et le travail de groupement effectué sur les objets. Conne et Brun
(Conne et Brun, 1991; Conne, 1988, 1987, 1985; Brun et al., 1994a, 1994b)
questionnent également la place importante accordée aux connaissances
sur la numération. Selon eux, bien que l’apprentissage des algorithmes
de calcul nécessite une compréhension de la valeur de position, la cons-
truction du sens des opérations et des écritures de calcul s’appuie sur une
coordination de connaissances multiples sur la numération et les opéra-
tions.
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L E JEU COMPLEXE DES CONNAISSANCES SUR LA NUMÉRATION ET


LES OPÉRATIONS DANS LA GENÈSE DES PROCÉDÉS ET ALGORITHMES
DE CALCUL

Les études précédentes montrent la complexité du jeu de coordination de


connaissances sur la numération et les opérations dans la construction de
rapports adéquats aux procédés et algorithmes de calcul arithmétique. Si le
recours à des représentations physiques et picturales peut donner accès au
sens de certaines règles et écritures marquant le déroulement de procédés
et d’algorithmes de calcul, il peut laisser intacts les schèmes assimilateurs
ou connaissances utilisés antérieurement avec succès dans certaines situ-
ations, mais qui s’avèrent inadéquats dans d’autres situations (Conne et
Brun, 1991; Conne, 1988, 1987, 1985; Brun et al., 1994a, 1994b). L’erreur
examinée précédemment et causée par la règle ‘soustraire le petit nombre
du plus grand’ peut être expliquée par l’existence d’un schème de sous-
traction sur les entiers selon lequel on ne peut soustraire un nombre plus
grand d’un plus petit; l’adaptation ‘opportuniste’ de ce schème conduit
l’élève à lire les chiffres de la colonne dans les deux directions. Lorsque
dans un calcul l’élève n’est plus contraint de recourir à des représentations
physiques ou picturales, rien ne permet de prédire que le schème précédent
ne soit appliqué, surtout si aucune situation n’a permis explicitement d’en
questionner la validité.
L’introduction didactique d’un nouveau savoir ne rend pas nécessaire-
ment caduques des savoirs anciens, quelle que soit la justesse de ces sa-
voirs. Lorsque l’introduction est faite à l’aide de dispositifs expliqués par
l’enseignant qui en montre l’application dans quelques situations, il y a de
fortes chances, selon Brun et Conne (1994a, 1994b), que l’élève se fie da-
vantage aux exemples pour apprendre qu’aux explications de l’enseignant.
On conçoit aisément les limites de cet apprentissage.
Dans la pratique scolaire usuelle, il est rare que la construction du
sens des opérations arithmétiques et des écritures de calcul soit envisagée
simultanément. Le sens des écritures dans les algorithmes de calcul est
souvent déconnecté de celui des opérations. L’économie respective des
procédés et algorithmes est peu étudiée en relation avec les nombres
auxquels ils sont appliqués. Comment faire en sorte que les connaissances
sur la numération et les opérations interviennent dans la construction de
procédés et d’algorithmes d’addition et de soustraction? Comment dévelop-
per chez les élèves une mobilité opératoire leur permettant de faire un
choix éclairé des procédés et algorithmes? Si ces questions motivent notre
travail, notre ambition n’est pas d’y apporter des réponses satisfaisantes,
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complètes. Notre intention est de poser quelques jalons pour une étude
ultérieure plus systématique.

O BJECTIFS DE LA RECHERCHE

La construction et la mise à l’épreuve d’une séquence d’enseignement de


procédés et d’algorithmes d’addition et de soustraction constituent, dans
cette étude, un dispositif pour mieux: 1) préciser les exigences cogni-
tives du travail de construction et de coordination de connaissances sur
les nombres, la numération et les opérations que l’élève doit réaliser pour
construire divers procédés et algorithmes d’addition et de soustraction;
2) évaluer les effets des situations d’enseignement et des interactions di-
dactiques sur ce travail de construction et de coordination.
L’idée maîtresse qui est incarnée dans la séquence est la suivante: pré-
senter les algorithmes usuels d’addition et de soustraction comme un petit
système de sélection et de contrôle de connaissances sur la numération,
sur les nombres et les opérations qui peuvent intervenir dans la réalisa-
tion d’autres procédés de calcul. La genèse didactique des algorithmes
d’addition et de soustraction que nous proposons comporte deux phases.
Dans une première phase, la construction de procédés variés de calcul
est réalisée par une coordination de connaissances sur la numération, sur
les nombres et les opérations. Les connaissances ainsi construites per-
mettent de constituer un milieu (Brousseau, 1990) pour la construction des
algorithmes de calcul entreprise au cours de la seconde phase.
Dans cette séquence, les nombres sont à la fois des objets d’études et
des outils de travail. Chacun des nombres peut être étudié en fonction des
relations d’ordre et de cardinalité qu’il entretient avec d’autres nombres, en
fonction de la valeur de chacun des chiffres qui le composent, en fonction
des lois de composition interne de l’ensemble des nombres naturels dont
il est un élément. Ce sont ces connaissances qui permettent aux nombres
d’être des outils de travail, des outils pour opérer, pour réaliser des calculs
en recourant à divers procédés. Leur choix repose principalement sur les
travaux de Brown, Burton et Van Lehn (1978, 1980, 1982) qui fournis-
sent un inventaire de catégories d’erreurs, d’impasses générées par des
calculs particuliers. Pour réunir plusieurs caractéristiques de ces calculs
tout en tenant compte du curriculum, nous avons sélectionné des nombres
supérieurs à cent ou près de la centaine. Par exemple, les nombres 503
et 107 réunissent plusieurs caractéristiques conduisant à des impasses:
1) présence du chiffre 0 dans la même position pour les deux termes;
2) chiffre des unités du second terme est supérieur à celui du premier;
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Tableau I
Synthèse de la séquence d’enseignement

Situations Représentation de Problèmes additifs Algorithmes


nombres (A) et procédés d’addition et de
d’addition et de soustraction(C)
soustraction (B)

Objectifs des Construire des Construire des Construire le sens


Situations représentations de procédés additifs des écritures
nombres. économiques. et de leurs
transformations
dans l’exécution
de procédés et
d’algorithmes de
calcul.
Première phase A-1.1 B-1.3
de la séquence Représentation Représentation
du nombre 205. de nombres et
A-1.2 problèmes additifs.
Représentation B-1.4 Résolution de
du nombre 205 problèmes additifs.
avec contrainte.
Deuxième phase A-2.1 B-2.2 Exploitation C-2.3 et C-2.4
de la séquence Représentation des représentations Étude de procédés
des nombres 503 et des nombres 503 et et algorithmes
107. 107 dans l’addition d’addition et de
et la soustraction de soustraction des
ces nombres. nombres 503 et
107; application
aux nombres 497 et
98.

3) impossibilité d’emprunter sur le 0 pour trouver la différence entre 3 et 7


sans un travail de composition sur les centaines et les dizaines.

D ESCRIPTION DES SITUATIONS DE LA SÉQUENCE D ’ ENSEIGNEMENT

L’enseignement a été réalisé par le premier auteur de cet article auprès de


23 élèves de sept-huit ans, d’une classe régulière de la deuxième année
primaire. Le second auteur et l’enseignant titulaire de la classe ont pris en
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charge les enregistrements audio de toutes les sessions d’enseignement1 .


Les élèves n’avaient pas bénéficié d’un enseignement des algorithmes de
calcul, ni effectué de calculs avec des nombres comportant plusieurs chif-
fres. Le Tableau I présente une synthèse des phases de la séquence.

Description des situations de la première phase de la séquence


La première phase de la séquence comporte des situations visant la cons-
truction de procédés variés d’addition et de soustraction. Après avoir effec-
tué les tâches que comportent chacune des situations, les élèves sont invités
à présenter et à justifier leurs réponses, ainsi qu’à se prononcer sur les
réponses et justifications des autres élèves. Lors de ce travail, l’enseignant
s’abstient d’intervenir pour faire valoir les bonnes réponses. Il intervient à
la fin des échanges, si un consensus se dégage, pour énoncer ce qui doit être
retenu. S’il n’y a pas consensus, il signale que l’objet de cette discussion
sera repris plus tard. Pour ne pas alourdir la présentation des situations,
nous ne décrivons que les tâches.

1. Représentation de nombres: Situations A-1.1 et A-1.2


Les situations A-1.1 et A-1.2 concernent la représentation du nombre 205.
Dans chacune d’elles, les élèves doivent représenter ce nombre à l’aide du
matériel de numération disponible en classe ( blocs Dienes, jetons, cubes)
et inscrire dans un tableau de numération composé de quatre colonnes
(unités de mille, centaines, dizaines et unités) les entrées qui correspondent
à leur représentation. Dans la seconde situation, deux contraintes de re-
présentation sont imposées: a) utiliser d’abord 19 dizaines; b) utiliser des
bâtonnets et des petits cubes ou faire un dessin montrant les 19 dizaines et
les unités. La réalisation de cette représentation engage des connaissances
sur la numération, les relations d’ordre et de cardinalité et les opérations
qui seront exploitées dans les situations subséquentes.

2. Problèmes additifs et procédés d’addition et de soustraction: Situations


B-1.3, B-1.4
Les situations B-1.3 et B-1.4 offrent aux élèves des occasions de mettre à
l’épreuve leurs connaissances sur la numération, sur les relations entre les
nombres, sur la composition additive des nombres et sur les opérations et
de réaliser une première construction du sens des écritures de calcul.

1 A moins d’indication contraire, lorsque nous utilisons le terme ‘enseignant’, nous


référons au premier auteur de cet article.
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• Situation B-1.3: Résolution de problèmes additifs associés à des


représentations du nombre 205
L’enseignant propose l’écriture ‘195 + __ = 205’ et demande à un élève
de formuler un problème à partir de celle-ci. Ce problème est ensuite
résolu par les élèves afin de compléter l’écriture initiale. Par la suite, deux
problèmes sont présentés: 1) Tu es allé chercher des oranges chez ton ami.
Tu les comptes et tu en as 212. Tu devais en prendre 205. Que dois-tu
faire?; 2) Tu as maintenant 410 oranges. Tu décides d’en garder 205 pour
toi et ta famille. Combien en rapportes-tu à ton ami? En équipe de deux,
les élèves résolvent ces problèmes et produisent des écritures qui montrent
les relations entre les données. Ils disposent d’un tableau des nombres
multiples de 10.

• Situation B-1.4: Résolution de problèmes additifs


Les élèves complètent une feuille comportant des additions dans lesquelles
interviennent des nombres voisins. L’enseignant leur demande d’essayer
de faire le moins de calcul possible, de bien lire chacune des consignes
avant de commencer à solutionner les calculs présentés dans le tableau.
Il est prévu qu’un certain nombre d’élèves verra l’intérêt de réaliser, par
exemple, le calcul C avant le calcul B.
Consigne Solutionne Réponses

A Ajoute 2 dizaines à 29
B Ajoute 2 dizaines et 3 unités à 29
C Ajoute 2 dizaines et 3 unités à 30
D Ajoute 2 dizaines à 30

Les élèves doivent ensuite résoudre deux séries de problèmes de compo-


sition, de transformation et de comparaison de mesures (cinq problèmes
par série) et associer les solutions aux calculs réalisés précédemment. La
seconde série comportent des problèmes plus complexes que la première
(Série 1: problème 2- J’ai 30 pommes dans une boîte. Un ami me donne 2
paquets de 10 pommes et ma sœur me donne 3 pommes. Combien ai-je de
pommes maintenant?; Série 2: problème 3- Ma grand-mère me donne 52
bonbons, mais je dois les prendre en trois fois. La première fois, je prends
29 bonbons. J’ai le droit d’en prendre encore deux fois. Quels nombres de
bonbons je vais prendre?
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Description de la deuxième phase de la séquence


La seconde phase comporte quatre situations. Les deux premières incluent
des tâches de représentation, d’addition et de soustraction de nombres; ces
nombres sont ceux utilisés par la suite dans les présentations de procédés
et d’algorithmes de calcul. Les deux dernières situations sont consacrées à
la construction de procédés et d’algorithmes d’addition et de soustraction.

1. Représentation des nombres 503 et 107, sous diverses contraintes:


Situations A-2.1 et B-2.2
Dans la situation A-2.1, les élèves doivent trouver trois façons de représen-
ter les nombres 503 et 107. Nous souhaitons les amener à utiliser diverses
connaissances, à examiner les nombres, leurs écritures, leurs relations,
leurs compositions additives. Pour ce faire, une contrainte est imposée pour
l’une des représentations. Pour le nombre 503, il faut utiliser 49 dizaines,
ce qui permet de générer une représentation correspondant à celle produite
dans l’application de l’algorithme au calcul 503 − 107. Pour le nombre
107, il faut utiliser le nombre 110; par exemple, si on veut additionner les
nombres 503 et 107, on peut ainsi ajouter 3 au nombre 107 et annuler
cette transformation, en enlevant 3 au nombre 503, obtenant alors 500
et 110. Dans cette addition, ces transformations sont certes peu utiles,
mais des transformations comparables seront davantage pertinentes dans
les situations suivantes.
Dans la situation B-2.2, les élèves doivent examiner les représentations
précédentes et formuler des problèmes additifs pour chacune d’elles, ce
qui contribue à lier sens et écriture. Ensuite, en équipe de deux, ils doivent
choisir ou produire une représentation économique pour l’addition ou la
soustraction des nombres 503 et 107 et expliquer leur procédé aux autres
équipes qui doivent en faire l’évaluation et proposer, si nécessaire, d’autres
procédés. Cette tâche oblige les élèves à s’arrêter sur les différentes re-
présentations pour en saisir le sens, à les comparer, à les analyser, à choisir
celles qui permettent d’effectuer aisément l’addition et la soustraction de
ces nombres. Voici la consigne donnée pour l’exécution de cette tâche: ‘Tu
dois additionner ces deux nombres, 503 et 107. Trouve une façon simple
de les additionner en utilisant une des représentations que nous avons
examinées en grand groupe. Tu devras expliquer ton procédé aux autres
élèves.’
Mentionnons qu’initialement, il avait été prévu de proposer d’autres
nombres à représenter, à additionner et à soustraire (ex: 314 et 95), ce
qui aurait permis aux élèves de poursuivre le travail de construction de
procédés ou d’éprouver les procédés construits dans les situations précé-
278 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE

Tableau II
Procédés élaborés d’addition et de soustraction

Procédés d’addition Procédés de soustraction

Procédé 1
Algorithme 1 4913

(algo) 503 503


+ 107 – 107
610 396

Procédé 2
Composition 4913

Additive 503 500 + 3 503 490 + 13 = 503


(compo-add) + 107 100 + 7 – 107 100 + 7 = 107
610 396
500 + 100 = 600 13 – 7 = 6
3 + 7 = 10 490 – 100 = 390
600 + 10 = 610 390 + 6 = 396

Procédé 3
Transformation additive 4913

(trans-add) 503 500 + 110 = 610 503 507 – 107 = 400


+ 107 – 107 400 – 4 = 396
610 396

dentes. Il n’a pas été possible de réaliser ces situations, dans le temps qui
nous était alloué par l’institution scolaire.

2. Procédés et algorithmes d’addition et de soustraction usuels:


Situations C-2.3, C-2.4
Les deux dernières situations visent plus spécifiquement la construction de
procédés et d’algorithmes de calcul; ceux-ci figurent parmi ceux que l’on
retrouve dans les manuels scolaires.

• Situations C-2.3, C-2.4: Étude et application de procédés et


d’algorithmes d’addition et de soustraction
Dans la situation C-2.3, l’enseignant distribue une feuille montrant trois
procédés d’addition des nombres 503 et 107, deux de ces procédés (procé-
dés 1 et 2) correspondent aux algorithmes habituellement enseignés. La
situation suivante (C-2.4) est similaire à la précédente, sauf qu’elle pro-
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 279

pose trois procédés de soustraction des nombres 503 et 107. Le tableau


II suivant indique les procédés proposés aux élèves. Pour l’addition, on
retrouve l’algorithme usuel (algo); un procédé qualifié aussi d’algorithme
dans les manuels récents, montrant une composition additive des nombres
selon la valeur de position des chiffres différents de 0 que comportent leurs
écritures, (compo-add); un procédé montrant des transformations additives
des nombres à somme nulle (trans-add). Pour la soustraction, on retrouve
l’algorithme usuel (algo); un procédé qualifié aussi d’algorithme dans les
manuels récents montrant une composition additive du premier nombre
correspondant à celle produite dans l’application de l’algorithme (compo-
add;); un procédé montrant des transformations additives des nombres à
somme nulle (trans-add).
Les élèves doivent étudier les procédés et les appliquer ensuite aux
nombres 497 et 98. La consigne pour l’addition (consigne similaire pour
la soustraction) est la suivante: ‘Regarde bien les additions suivantes pour
comprendre comment les personnes ont fait leur calcul. Lorsque tu com-
prends bien, additionne les nombres 497 et 98 en utilisant le procédé de
chaque personne’.
Aucun travail de représentation n’a été effectué sur ces nombres qui
possèdent les caractéristiques des nombres associés aux erreurs de calcul.
Il s’agit par ailleurs de deux nombres voisins de nombres particulièrement
faciles à calculer, en autant que l’on puisse en produire des représentations
appropriées. L’inclusion du procédé 3 est importante; ce procédé renvoie
aux représentations des nombres et aux procédés de calcul qui pourront
avoir été produits par les élèves dans les situations A-2.1 et B-2.2. L’étude
et l’application du procédé 3 ne devraient pas poser problème. Sachant
réaliser ce procédé, les élèves peuvent ainsi produire les réponses attendues
pour les calculs avec les nombres 497 et 98 et s’appuyer sur ces réponses
pour réaliser les autres procédés. Les solutions trouvées par les élèves
sont analysées en groupe; les élèves expliquent et justifient leurs solu-
tions. Ces situations constituent un test important sur l’utilité des connais-
sances construites précédemment et permettent de discuter des conditions
d’application de chacun des procédés.

A NALYSE DES RÉSULTATS

L’analyse des résultats est réalisée en regard des objectifs de recherche.


Il nous apparaît important de préciser, dès maintenant, que nous n’avons
pu réaliser l’ensemble des situations prévues initialement, notamment les
situations d’enseignement de la soustraction, en raison d’événements im-
280 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE

prévus dans l’école où nous avons effectué notre recherche. Notre analyse
tient compte de ce contexte.

Les conduites des élèves et les interactions didactiques lors des situations
de la première phase de la séquence
Les situations de la première phase visaient la construction de procédés
variés d’addition et de soustraction. Dans la présentation des résultats,
nous montrons les exigences cognitives du travail de construction et de
coordination de connaissances sur les nombres, la numération et les opéra-
tions réalisé par les élèves et discutons des effets des situations sur ce
travail.

1. Extension et généralisation des connaissances sur la numération


(Situations A-1.1, A-1.2)
La très grande majorité des élèves réalise aisément et adéquatement, à
l’aide du matériel mis à leur disposition, la première représentation du
nombre 205 (situation A-1.1) et complète tout aussi facilement la première
ligne du tableau de nombres.
À la seconde situation, si toutes les équipes savent faire une illustration
de 19 dizaines (contrainte sur la représentation), les problèmes rencontrés
sont majeurs. Aucun des élèves ne recourt spontanément à un procédé
de comptage par 10 pour trouver la valeur de 19 dizaines et ne trouve
d’autres moyens d’y parvenir. Pour compléter leur illustration de façon à
montrer 205, un grand nombre d’élèves tente d’associer à 19 dizaines le
nombre correspondant (190) pour pouvoir, par un procédé de comptage,
identifier le nombre d’objets à ajouter à ce nombre afin d’obtenir 205.
Plusieurs élèves dessinent 19 bâtonnets ou 19 colliers formés de 10 perles
et ne complètent pas la tâche. Ils aimeraient lever l’interdit d’utiliser les
objets usuels pour représenter 205 (dans ce cas-ci, les deux plaques pour
montrer les deux centaines), ce qui leur est refusé. L’enseignant tente de
diverses façons d’obtenir leur engagement dans la recherche de solutions;
n’y parvenant pas, il pilote pas à pas leur travail, recourant à un procédé
‘maïeutique’ bien connu des chercheurs en éducation.
Lorsque l’enseignant a donné plusieurs éléments de réponse, chacune
des équipes est invitée à poursuivre l’exécution de la tâche. On assiste
alors à des accommodations des solutions aux problèmes de la première
situation. Pour faire 19 dizaines, une équipe dessine d’abord 2 plaques,
puis enlève un bâtonnet (noircissant le dernier bâtonnet de la seconde
plaque), dessine plus loin ce bâtonnet enlevé et ajoute aussi 5 petits cubes.
D’autres équipes dessinent d’abord 19 bâtonnets, puis entourent les 10
premiers bâtonnets marquant ainsi qu’il s’agit d’un objet typique. Enfin,
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 281

plusieurs équipes dessinent 19 bâtonnets ou 19 paquets de 10 objets; ils


procèdent alors à un comptage par 10 pour arriver à 190, puis trouvent en
poursuivant le comptage par 1 ce qu’il faut ajouter à 190 pour obtenir 205;
ils ajoutent ensuite 15 petits cubes. Plusieurs entourent ou séparent 10 des
objets composant les 15 objets à ajouter à 190 pour faire 205, marquant
ainsi la distinction dizaine-unité.
Ces accommodations révèlent bien tout le poids didactique des savoirs
institués. A la fin de la première année, les notions de dizaine et de centaine
se montrent dans des pratiques constituées de gestes qui subissent une ins-
titutionnalisation, tels ceux d’entourer 10 objets, 100 objets. Le schème de
comptage par 10 est difficilement dissocié de cette fonction, compromet-
tant son utilisation dans d’autres situations. Ce n’est que sur l’invitation de
l’enseignant que les élèves ont recours à ce schème pour trouver le nombre
associé à 19 dizaines. L’extension et la généralisation des connaissances
des élèves au cours de cette situation procèdent d’une accommodation des
schèmes de représentation et de comptage liés aux tâches sur la numéra-
tion. Il s’agit d’un travail important, essentiel pour donner ultérieurement
un sens aux représentations de nombres intervenant dans les procédés et
algorithmes d’addition et de soustraction. La contrainte imposée pour la
seconde représentation a déclenché ce travail. Dans une étude ultérieure,
il conviendrait de transformer cette situation, afin de diminuer les inter-
ventions de l’enseignant. L’ajout d’autres nombres voisins du nombre 205
(ex.: nombres 185 et 195) pourrait mieux préparer la représentation du
nombre 205 dans la seconde représentation.

2. Coordination des connaissances sur les nombres, la numération et les


opérations dans une première construction de procédés d’addition et de
soustraction (Situations B-1.3, B-1.4)
La grande majorité des élèves s’acquitte sans problèmes des tâches de la
situation B-1.3; les élèves se situent bien dans un espace de résolution de
problèmes additifs et savent utiliser avec profit le tableau de nombres pour
effectuer les calculs requis et résoudre les problèmes.
Dans la situation B-1.4, nous voulions que les élèves jettent un re-
gard nouveau sur les écritures de calcul, qu’ils puissent construire des
procédés d’addition et de soustraction économiques, par une coordina-
tion des connaissances sur les nombres, la numération et les opérations.
Plusieurs élèves se montrent capables d’effectuer les additions et les sous-
tractions demandées, effectuant d’abord les calculs les plus simples (ex:
ajouter 2 dizaines et 3 unités à 30) et procédant ensuite à des transforma-
tions additives des nombres ainsi trouvées pour effectuer les autres calculs.
Quelques élèves seulement ne parviennent pas à effectuer rapidement les
282 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE

additions, utilisant un procédé de comptage peu économique. L’analyse


des solutions des élèves permet à l’enseignant de pousser un peu plus
les analyses d’écritures. Il écrit au tableau 45, 46, 56, 66 et demande ce
qu’il doit ajouter à 45 pour arriver à 66. Des élèves proposent diverses
réponses et les expliquent: 2, 20, 29, 21, 11, 12; certaines de ces réponses
spontanées (ex: 2, 11, 12) semblent produites par une identification des
différences entre chacun des chiffres faisant abstraction de la valeur de
position de ces chiffres. L’enseignant invite alors les élèves à valider les
diverses réponses et à se prononcer sur les explications associées. Plusieurs
élèves parviennent ainsi à interpréter adéquatement les écritures. Cette
situation a permis un travail non négligeable sur l’interprétation additive
des différences entre les écritures des nombres, en regard de la valeur de
position des chiffres qui composent les nombres.
A l’exception de deux élèves, tous les élèves résolvent sans difficulté
les problèmes simples de transformation de mesures. L’interprétation des
problèmes semble bénéficier des choix de calcul. Ainsi, pour le troisième
problème de la série 2, les calculs C et D sont vite rejetés au profit du calcul
B. Dans une perspective de construction du sens des opérations, ce fait est
gênant. En effet, la tâche des élèves en est presque réduite à une tâche de
correspondance entre les nombres utilisés dans les problèmes et ceux des
calculs réalisés dans les tâches précédentes d’addition et de soustraction.

Les conduites des élèves et les interactions didactiques lors des situations
de la seconde phase de la séquence
Dans la seconde phase de la séquence, les élèves ont pour tâche d’examiner
divers procédés d’addition et de soustraction, dont les algorithmes usuels,
afin de pouvoir les utiliser dans d’autres calculs. Cette phase commence
avec des situations de représentations des nombres qui sont par la suite
utilisées dans l’enseignement des procédés et algorithmes.

1. Procédés d’addition des nombres 503 et 107: exploitation des


représentations de ces nombres (Situation A-2.1) et problème que pose un
des procédés d’addition (Situation B-2.2)
Dans la situation A-2.1, les élèves parviennent sans difficulté à trouver
diverses représentations des nombres 503 et 107, en respectant les con-
traintes imposées. Il est intéressant de relever que la tâche de représenter le
nombre 503, nombre supérieur aux nombres utilisés dans l’enseignement
en deuxième année, apparaît naturelle aux élèves. La maîtrise de cette
tâche était une condition pour la poursuite des situations. Cette condition
est donc satisfaite.
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 283

Comme nous l’avions prévu, la majorité des élèves (20 des 23 élèves)
trouve facilement la somme des nombres 503 et 107, se référant aux re-
présentations produites dans la situation A-2.1. Quelques élèves effectu-
ent une composition explicite des nombres, soit 500+3+100+7. D’autres
savent aussi appliquer l’algorithme usuel d’addition, algorithme non en-
seigné en classe. Un grand nombre d’élèves trouve la somme en procédant
d’abord par addition des centaines, puis des unités. En revanche, si on
inverse l’ordre d’exécution de ces additions, soit des unités aux centaines,
la majorité des élèves ne sait traiter les sommes partielles et produire une
réponse juste. Nous présentons un extrait de la discussion concernant le
problème que pose aux élèves la construction de ce dernier procédé 2 .
1. E-C: EL-3 et EL-12, j’aimerais que vous présentiez aux autres ce que
vous avez fait et que vous expliquiez ce qui vous dérange dans ce
calcul.
2. EL-3 et EL-12: On a fait 5+1, ça fait 6; 0+0, ça fait 0 et 3+7, ça fait
10. C’est le 10 qui nous dérangeait. C’est comme. . . on disait si on
enlevait le 3 ou le 7. On ne savait pas où mettre le 10. Puis si on
mettait le 1 ici, ça ferait 601.
3. E-C: Qu’est-ce qu’on fait avec ce 10 là? C’est votre question. Dites-
moi, pourquoi vous dérangeait-il ce 10? Si c’était un 9, est-ce que
vous auriez un problème?
4. EL-3 et EL-12: Non!
6. EL-9: Parce que c’était deux chiffres que ça les dérangeait.
7. E-C: Est-ce que quelqu’un peut me dire si elles auraient pu faire
‘6010’?
8. EL-T: Non!
9. E-C: Alors c’était ça leur problème! Elles ne pouvaient pas écrire
6010.
– EL-15 n’est pas d’accord avec le fait énoncé par certains élèves
que les zéros ne servent à rien. Il dit que ça sert à compter. EL-18 dit
qu’il faut enlever le zéro –.
10. E-C: Attention! EL-18 dit que zéro, ça ne vaut rien! Si on les enlève
tous, ça donne 53+17! – Les élèves disent qu’on ne peut faire cela,
parce que c’est 503 et 107 pas 53 et 17 –.
11. EL-9: On entre 10 en bas mais on enlève le 0 de 0+0
– Plusieurs élèves sont d’accord.
2 Lorsque nous présentons des extraits d’interactions, nous utilisons la lettre E-C pour
parler du premier auteur de cet article; nous désignons les élèves par les lettres EL suivies
d’un chiffre de 1 à 23. Lorsque nous ne pouvons identifier les élèves qui prennent parole,
nous utilisons les codes suivants: EL-S: un élève; EL-P: plusieurs élèves; EL-T: majorité
des élèves.
284 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE

Les interactions à propos du problème soulevé par les élèves EL-3 et EL-
12 sont nombreuses. Ce problème se pose parce que ces élèves savent que
la somme ne peut être 601 ou 6010. Ils envisagent, de garder seulement
le 1 du 10 dans l’inscription de la somme (ligne 2), puisque ce nombre
compte plus que le 0. Les connaissances des élèves à propos du 0 font par
la suite l’objet d’un examen. Dans un rapport à ce nombre fondé sur des
connaissances sur les opérations (a – a = 0, 0 élément dans une collection;
a + 0 = a; a – 0 = a), certains élèves pensent que l’on doit ignorer le 0 qui
n’est rien; dans un rapport à ce nombre fondé sur des connaissances sur la
numération (écritures des nombres), d’autres élèves pensent au contraire
que l’on doit inscrire ce 0. En poussant le raisonnement relevant du premier
rapport (ligne 10), l’enseignant entraîne les élèves dans une discussion
qui se solde par la proposition d’un élève (EL-9; lignes 11), acceptée par
plusieurs, qui est de ne pas inscrire le 0 de l’addition des nombres de
la seconde colonne. Cette accommodation relève d’une coordination de
connaissances sur le rôle du 0 dans l’écriture des nombres et sur l’addition
en colonnes, en regard de la somme attendue. La connaissance de cette
somme contrôle ainsi les ‘inventions ou rafistolages’ des élèves.
Le choix de nombres composés du chiffre 0 dans une même position
semble heureux. Une meilleure analyse des conséquences de ce choix aurait
peut-être permis à l’enseignant de saisir la situation d’accommodation pour
amener les élèves à valider la proposition de l’élève EL-9 (ligne11) dans
des additions de nombres qui ne présentent pas ces caractéristiques spéci-
fiques.

2. Procédés de soustraction des nombres 503 et 107: le jeu complexe des


connaissances sur les nombres, la numération et les opérations dans la
construction de procédés exploitant les représentations de ces nombres
(Situation B-2.2)
Comme nous l’avions envisagé, il est moins évident de construire un procé-
dé de soustraction utilisant les représentations produites dans la situation
A-2.1. En effet, si les élèves choisissent le même type de représentation
que pour l’addition (500+3) – (100+7), faire 3–7 peut causer problème et
engendrer des erreurs typiques. Le nombre 400 peut être obtenu dans le cas
où l’élève ne voit pas de possibilité d’effectuer 3–7 et inscrit 0 en position
des unités. L’élève peut aussi trouver des solutions originales. L’analyse
des conduites des élèves permet d’éprouver ces différentes hypothèses.
Une équipe ne produit aucun calcul. Trois équipes procèdent en décom-
posant les nombres de la même façon que pour l’addition et produisent les
erreurs prévues; trois autres effectuent une addition. Deux équipes et un
autre élève parviennent à trouver la réponse juste; ce dernier élève applique
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 285

l’algorithme usuel. Enfin, une équipe trouve la réponse ‘496’ mais n’inscrit
rien sur papier.
L’enseignant organise ainsi la gestion des solutions des élèves. Il les
invite à expliquer leur façon de calculer et à réagir aux solutions et ex-
plications des autres. Lorsque des élèves produisent des erreurs ou ne
parviennent pas à dénouer une impasse, l’enseignant essaie de ne pas in-
tervenir, demandant aux autres élèves de faire ce travail. Il ne fut pas
possible de poursuivre le travail amorcé au cours de cette période, en raison
d’événements imprévus à l’école où nous intervenions. Nous avons dû
passer outre à une des situations initialement prévues (comme nous l’avons
indiqué lors de la description des situations A-2.1 et B-2.2) compromettant
grandement les possibilités de construction de procédés de soustraction. Il
nous apparaît important d’examiner des extraits du travail amorcé, afin de
montrer la complexité du jeu de coordination des connaissances sur les
nombres, la numération et les opérations dans la construction de procédés
de soustraction.
1. E-C: J’aimerais que tu nous dises EL-4 comment tu as fait ton calcul?
2. EL-4: J’ai enlevé le 3 puis le 7. C’est 500 –100, ça fait 400. Alors
avec le 3, ça fait 403; –7, je me suis dit que ça faisait 396 parce que
7, ça égale à 3+4; là on dit –3 puis là, on a juste à dire – 4.
3. E-C: Peux-tu écrire tout cela?
4. EL-4: Je fais 500 –100 = 400 , j’ajoute 3; 400+3 = 403; j’enlève 7
parce que 107; 403 –7 = 396.
5. EL-S: Je ne comprends pas pourquoi elle ne fait pas après 500 –100,
7–3.
6. EL-S: Parce que c’est 3 –7, pas 7–3. On ne peut enlever 7 à 3.
7. EL-4: C’est pour ça que j’ai calculé en moins . . . c’est – 4; je l’enlève
à 400.
– Tous les autres élèves disent ne rien comprendre à ce qu’a fait EL-
4-.
8. E-C: EL-6 et EL-14, vous nous expliquez ce que vous avez fait.
9. EL-6: On a essayé de le faire avec des centaines. On a fait 500 (dessine
5 plaques), après on a enlevé une. Puis, on a fait des unités (dessine
10 unités). On en a enlevé 7. On a une dette de 4. . . Il en restait 3. Ça
fait 403. On avait mis 404. On ne sait pas ce qui est bon.
10. E-C: On va regarder cela ensemble. – Les élèves discutent sur leur
représentation des dizaines et centaines. La cloche signalant le début
de la récréation marque la fin de cette période de travail. –
Les rapports des élèves à la soustraction mettent en cause des connais-
sances sur la numération, les nombres et les opérations. Ces connaissances
assurent un traitement séquentiel des chiffres composant les nombres: sous-
286 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE

Tableau III
Procédés d’addition des élèves pour les nombres 497 et 98

Élèves Premier calcul réalisé Deuxième calcul réalisé Troisième calcul réalisé

EL-2 490 + 7 90 + 8 496 + 1 491 + 6

EL-3 595
EL-4 595 400 + 97 (compo-add)
90 + 8
400 + 90 = 490
97 + 8 = 105
490 + 105 = 595 595

EL-6 594 594 594

EL-7 400 + 90 + 4 + 3 = 497 600 – 100 + 91 – 1 + 4 + 1 = 595 500 + 10 + 90 + 5 = 595


50 + 40 + 4 + 4 = 98 (compo-add)
500 + 90 + 5 = 595
(compo-add)

EL-9 5 + 9 d. + 7 u. + = 110

EL-10 497 + 98 = 4 18 15

EL-12 595 (lignes tracées pour 400 + 97


marquer les colonnes) 90 + 8
400 + 90 + 97 (compo-add)

EL-13 – – – 400 + 49 + 54
505

EL-14 503 + 107 500 + 3 500 + 110

EL-16 595 (algo) 400 + 97 497 + 202 = 602


400 + 90 = 490
90 + 8 = 97 + 8 = 115
602 (compo-add)

EL-17 505 (algo) 400 + 97


90 + 8
97 + 8 = 105
400 + 90 = 490
(compo-add)

EL-18 595 (algo)

EL-19 497 + 98 = 435


EL-20 595 (algo) 400 + 97 497 + 202 = 602
90 + 8
400 + 90 = 490
97 + 8 = 105
497 + 98 = 602
(compo-add)

EL-21 595 (algo)

EL-23 497 + 98 = 158


UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 287

traction des centaines, puis des unités. Chez la majorité des élèves, ces
soustractions sont effectuées indépendamment soit ‘500 –100 = 400 et 3
–7 = 4’. Puisque les pratiques de soustraction en classe ont été associées
à des écritures convenables (le plus grand des nombres en premier), c’est
sur elles que se greffe naturellement l’inversion des nombres 3 et 7.
Les conduites des élèves EL-6 et EL-14 semblent davantage sous le
contrôle du sens de l’opération. Ces élèves (ligne 9) effectuent une re-
présentation du nombre 503 sur la base de l’écriture positionnelle; puis,
ils enlèvent 100. Puisqu’il faut enlever 7 unités, c’est naturellement sur la
partie unités du nombre obtenu (403) que ces élèves tentent d’effectuer
l’opération. Sur la base de connaissances sur le sens de la soustraction,
ils savent que si on a uniquement 3, on ne peut prendre 7; ils parlent
d’une dette de 4, faisant référence à des situations bancaires du manuel
Défi mathématiques (Lyons, 1989) en usage dans la classe. Ils font alors
10 unités (ligne 9) pour pouvoir en prendre 7. Ils ne parviennent pas à
coordonner ces différents états (dette de 4, reste de 3, emprunt de 10).
Une équipe enfin (lignes 1 à 4) réussit la soustraction par un procédé qui
utilise une composition des nombres. Cette composition permet facilement
de soustraire d’abord 100, trouvant 400+3, 403. La soustraction de 7 à
403 est étonnante. Le procédé décrit fait intervenir une composition de 7
qui utilise 3, le chiffre en position des unités dans 403; soustraire 7 est
alors interprété ‘–3 et –4’. L’élève EL-4 conclut alors qu’il doit enlever 3
à 403, puis 4 à 400. Ce procédé décrit bien l’ouverture des représentations
des nombres et des opérations que la coordination de connaissances rend
possible.
L’analyse de cette situation montre la complexité de l’enseignement
des procédés de calcul et les problèmes que pose la gestion didactique de
situations. Les études sur l’analyse didactique des erreurs des élèves en
calcul montrent les voies multiples et opaques qu’empruntent les solutions
des élèves (Brun et al., 1994a, 1994b; Brown et Van Lehn, 1980, 1982). En
ne proposant qu’une seule soustraction, en raison d’événements imprévus
mentionnés antérieurement, nous avons toutefois peu permis aux élèves de
s’interroger sur le sens des opérations et de valider leurs solutions.

3. Construction du sens des actions intervenant dans l’application de


procédés et des algorithmes usuels d’addition et de soustraction
(Situations C-2.3, C-2.4)
Dans cette dernière partie de la séquence, les élèves doivent étudier des
procédés d’addition et de soustraction des nombres 503 et 107, afin de les
appliquer aux nombres 497 et 98. Notre analyse portera davantage sur les
procédés et algorithmes d’addition puisque nous n’avons pu terminer le
288 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE

travail sur les procédés de soustraction dans les situations antérieures. De


plus, même si nous n’avons pu présenter la situation de généralisation à
d’autres nombres des procédés construits dans la situation B-2.2, le travail
sur l’addition a été plus consistant que celui effectué sur la soustraction.

• Sens des actions dans les procédés et l’algorithme usuel d’addition


(Situation C-2.3)
Dans la situation C-2.3, l’algorithme usuel ainsi que deux autres procédés
d’addition sont appliqués aux nombres 503 et 107. Les élèves doivent
donner un sens aux actions exécutées dans ces applications, de manière
à pouvoir appliquer ensuite cet algorithme et ces procédés aux nombres
497 et 98. Le tableau suivant indique les calculs effectués par les élèves
pour additionner ces nombres.
Cinq élèves appliquent l’algorithme usuel (EL-16, 17, 18, 20, 21) et
quatre de ces élèves produisent une réponse juste. Ils reconnaissent utiliser
le procédé 1 (algo). Six élèves effectuent une composition des nombres
et des additions tenant compte de ces compositions (EL-4, 7, 12, 16, 17,
20); ils déclarent utiliser le procédé 2 (compo-add). Cinq élèves produisent
une réponse sans montrer les calculs effectués (EL-3, 6, 13, 19, 23); quatre
de ces réponses sont erronées. Deux élèves produisent des compositions
de nombres et des additions particulières (EL-2, 9). Quatre élèves ne font
aucun travail (EL-5, 8, 11, 15). Trois élèves utilisent plus d’un procédé de
calcul (EL-16, 17, 20). Aucun élève ne déclare utiliser le procédé 3 (trans-
add), qui est pourtant fort économique. Toutefois, il semble que ce procédé
ait affecté les calculs de quelques élèves qui effectuent des compositions
additives particulières des nombres ou de la réponse (EL-7, 16, 20).
Les échanges entre l’enseignant et les élèves à propos des procédés
qu’ils ont utilisés permettent de mieux comprendre comment les élèves
ont pu lire les écritures de calcul dans les procédés proposés et comment
ils parviennent à corriger leurs erreurs en donnant un sens aux écritures
et transformations qui interviennent dans le déroulement des algorithmes.
Ce que montrent ces échanges est aussi l’enrichissement mutuel de divers
procédés. Nous présentons quelques extraits de ces échanges, en y insérant
au fur et à mesure quelques commentaires. La numérotation des échanges
respecte l’ordre d’apparition de ceux-ci. Nous avons retenu les échanges
les plus significatifs, d’où l’absence de certains numéros.

Épisode 1: algorithme – quelques erreurs typiques


1. E-C: Quel nombre avais-tu trouvé?
2. EL-23: 41815
3. E-C: Et tu avais refusé de poursuivre. . . Que faire avec 4, 18 et 15?
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 289

6. E-C: EL-9, tu avais un petit problème qui ressemblait à cela la dernière


fois. Penses-tu que tu peux sortir du pétrin EL-23? Il a comme réponse
41815. Ça fait un gros nombre !
7. EL-9: 4, c’est comme 4 parce qu’il n’y a pas d’autre nombre en des-
sous. Donc, il est 4 tout seul. Tu mets 18, mais vu que l’on est déjà
dans les 100, 100 ça prend trois chiffres et 18, ça en prend deux; on a
une addition, donc on met juste le premier chiffre de 18 et 15, on met
le 1. Ça fait 411.
8. E-C: Penses-tu que ta réponse est correcte?
9. EL-9: Non pas celle-là.
10. E-C: EL-14, pensez-vous que la règle de EL-9 est juste? Pouvez-vous
l’examiner et si vous n’êtes pas d’accord, corriger cette réponse. –
Les élèves essaient de voir comment on peut arriver à une réponse
juste avec les chiffres 4 18 15; ils trouvent comment corriger pour
obtenir 595 (ce qui est assez facile) mais ne peuvent expliquer leurs
corrections. –
Les erreurs produites par les élèves EL-23 et EL-9 à partir de l’addition
séparée des chiffres sont des erreurs typiques. Ces élèves savent que leurs
réponses sont erronées. S’il est possible de produire l’écriture 595 avec 4
18 15, cela ne signifie pas que les transformations réalisées acquièrent un
sens.

Épisode 2: interprétation des erreurs précédentes en faisant appel à


des connaissances sur la numération résultant de l’examen d’autres
procédés d’addition
11. E-C: EL-7 tu as utilisé un procédé différent; peux-tu nous en parler
pour nous aider?
12. EL-7: 7+8 =15, j’écris le dernier numéro, c’est 5 et j’ajoute 1 ici –
colonne des dizaines – parce que c’est supposé d’avoir un 15 avec
un 1 mais je prends celui-là pour mettre ici. 1+9+9 =19 alors j’écris
encore le dernier numéro et j’ajoute ça et 5.
14. EL-7: Je connais que 7+8=15. Mais on ne peut pas écrire deux numéros
alors moi j’écris le dernier numéro comme dernier chiffre et je mets
un 1 ici– colonne des dizaines. – Après, j’additionne tout ça et ça fait
19. J’écris le dernier chiffre, j’ajoute 1 et ça fait 5.
15. E-C: Cela ressemblerait à quel procédé? – Les élèves disent le premier
(algo). Y a-t-il quelqu’un qui comprend ce procédé là ? C’est quoi ces
petits ‘1’? – les retenues. – EL-6, viens nous voir!
16. EL-6: C’est les unités qu’on ajoute parce qu’il a dit que ça, c’est 18.
Il a dit: ‘Ça fait 19, alors c’est une unité de plus; c’est comme une
unité mais ça va donner une centaine.’
290 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE

17. E-C: Est-ce vrai qu’on ajoute 1? On calcule 9+9=18 et on ajoute 1, ça


fait 19. S’agit-il de 19 unités?
18. EL-6: Non, c’est des dizaines.
19. E-C: Penses-tu que ce petit 1 là, c’est aussi des dizaines? C’est 19
quoi selon toi?
20. EL-6: 19 dizaines, parce que c’est placé dans les dizaines.
21. E-C: Vous avez vu des petites choses qui se passent; comprenez-vous
le procédé de EL-7?
22. EL-6: Ce que j’ai fait dans ma tête, 497+98, ça ressemble. Je com-
mence comme ça. Ça fait 18 et ça, c’est 15. Quand c’est plus que 10,
il faut enlever les unités et après les remplacer par ces deux là; ils ne
peuvent pas être là parce que c’est une dizaine qui est là – en montrant
le 1 de 18 – et quand c’est plus que 10, ça fait trop, on ne peut pas
dépasser parce que c’est dans les cent.
23. E-C: Alors que fais-tu? Que vas-tu faire EL-6?
24. EL-6: J’efface ceux-là – les deux 1 de la réponse de EL-23, soit 41815
(ligne 2) – et je prends 5+8=13. Et puis là, ça fait encore plus. . . je ne
me comprends plus.
25. E-C: Alors tu es mal prise! Y a-t-il quelqu’un qui pourrait venir l’aider
en respectant un peu son procédé? En essayant de suivre comment elle
a démarré? EL-15, viens, il faut que tu suives un peu son procédé.
Comprends-tu où elle veut en venir?
26. EL-15: Oui. Elle a dit que 9+9 = 18 et elle l’a mis en bas. 7+8=15,
elle l’a mis en bas; c’est 7 unités plus 8 unités. On calcule les unités,
ça fait 15. Mais 9+9 =18 sauf que c’est des dizaines.
27. E-C: EL-6, comprends-tu? C’est 9 dizaines plus 9 dizaines, ça fait 18
dizaines. Après?
28. EL-15: On efface ça – en parlant du 1 de 18 –. Ça fait 9 dizaines
plus 9 dizaines, ça fait 18 dizaines. . ., ça fait plus 1 centaine; alors on
remplace le 4 par un 5 et là on s’approche plus de la fin. On est rendu
à la solution. Maintenant on a 8 dizaines. Ça fait 80. Et ça, c’est 15
unités. Il y a une dizaine là-dedans; on l’ajoute à 8, ça fait 9 dizaines
et là on enlève le 1, ça fait 595.
29. E-C: Il a commencé comme toi, EL-6. Il avait 41815. Alors que fait-
on avec ce nombre là?
30. EL-20: Ici, il y a 18 dizaines, ok! Alors 15, ici c’est une dizaine. On
ne peut pas mettre dans la rangée des unités, parce qu’une rangée, ça
ne peut pas être comme deux chiffres alors on échappe le 1, on ajoute
1 dans les dizaines. Et là, on fait la même chose. Ici on est rendu à 19.
L’élève EL-7 réfère au troisième calcul qu’il a réalisé pour trouver un sens
aux transformations dans l’addition selon l’algorithme. Ce travail amène
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 291

l’élève EL-6 à référer à l’écriture positionnelle pour poser le problème de


la transformation de chacune des sommes, affirmant qu’on ne peut mettre
dans chacune des positions un nombre plus grand que 10; les aména-
gements qu’il propose montrent qu’il ne veut entrer qu’un chiffre par posi-
tion. L’élève EL-15 qui n’avait pas réalisé de calcul, décrit les transforma-
tions à réaliser pour obtenir 595 en référant aux valeurs de position. L’élève
EL-20 effectue une description des actions qui semble relever d’un schème
procédural (Vergnaud, 1991; Inhelder et al., 1992) comportant des actions
qui ne prennent sens que dans l’exécution de l’algorithme.

Épisode 3: adaptation du procédé 2


31. EL-17: Je vais montrer comment j’ai fait et on va comprendre pour-
quoi la réponse est 595! L’addition, c’était 497+98; je me suis dit
que j’étais pour prendre la façon de la feuille. Le procédé 2 (compo-
add). Je l’ai changé un petit peu. Il n’était pas assez clair; il manquait
quelque chose.
32. E-C: Ensuite tu as dit 9+9 =18, mais pourquoi tu as écrit 180, si ça
fait 18?
33. EL-17: Parce que 10 dizaines égalent 100. 18 dizaines égalent 180.
Ça fait 580! – montrant l’addition de 400+180 – J’ai additionné mes
deux unités 7+8 =15. J’ajoute mes deux réponses, 580+15 = 595.
Ce dernier épisode montre une adaptation du procédé 2 (compo-add) ef-
fectuée par un élève et tenant compte des différences entre les nombres
utilisés dans la présentation de ce procédé et ceux qui sont utilisés dans
une application. Il ne fait aucun doute que cet élève fait intervenir des
connaissances sur les nombres, sur leurs compositions additives prenant
appui sur la numération et, en particulier, sur les valeurs de position des
chiffres qui composent ces nombres.

• Effet de l’interruption de la situation B-2.2 sur les possibilités de


construction et d’application des procédés et de l’algorithme usuel de
soustraction (Situation C-2.4)
Les conduites des élèves dans la situation C-2.4 montrent le poids impor-
tant de l’interruption de la situation B-2.2 sur les possibilités de construc-
tion et d’application des procédés et de l’algorithme de soustraction. Nous
présentons dans le tableau IV, un bref aperçu des réponses des élèves.
Quatre élèves ne produisent aucune réponse. Parmi les neuf élèves qui
donnent une réponse, deux seulement produisent une réponse juste, ne lais-
sant aucune trace du procédé utilisé. Chez les autres, les procédés utilisés
sont variés. Seul l’élève EL-20 utilise l’algorithme usuel (algo) produisant
une écriture voisine de celle montrée dans la présentation de ce procédé.
292 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE

Tableau IV
Procédés de soustraction des élèves pour les nombres 497 et 98

Élèves Premier calcul réalisé Deuxième calcul réalisé Troisième calcul réalisé

EL-1 396

EL-2 396
EL-3 495 – 98 = 397

EL-4 498 – 98 = 400 480 + 17 . . . 399


400 – 1 = 399
(trans-add)

EL-5 ––– ––– –––


EL-6 490 – 104 = 396 400 – 4 = 396

EL-7 400 + 97 497 – 80 = 417


90 + 8 417 – 8 = 409
400 + 9 = 409
(compo-add)

EL-8 316

EL-9 ––– ––– –––

EL-10 399
EL-11 –––
EL-12 399 – 397 + 2 = 399
(trans-add)

EL-13 498 – 98 = 400 → 396


497 – 98 = 399
(trans-add)

EL-14 Absent Absent Absent

EL-15 490 – 104 = 396

EL-16 498 – 98 – 15 = 385 490 – 90 – 15 = 385 498 – 8 – 90 – 7 = 385


(compo-add) (compo-add)
EL-17 399

EL-18 409

EL-19 –––

EL-20 3 9 17 399 497 – 8 = 593


497 (5 et 9 écrit
–98 au-dessus de 4 et 9)
3 9 9 (algo) 593 – 5=

EL-21 401

EL-22 396
EL-23 401
(9 est barré;
1 est inscrit au-dessus du 7)
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 293

Bien qu’elle soit inappropriée, il trouve la réponse juste. Les élèves EL-7
et EL-16 recourent à deux occasions à un procédé similaire au procédé 2
(compo-add), réalisant une composition des nombres prenant en compte
l’écriture positionnelle. Leurs réponses sont incorrectes et leurs erreurs
difficiles à interpréter. Trois élèves (EL-4, 12, 13) appliquent un procédé
similaire au procédé 3 (trans-add), montrant une analyse des différences
entre les écritures et une transformation des nombres réduisant le calcul à
effectuer (ex: 497-98, 498-98, 400-1). Il est possible que les deux élèves
qui produisent une réponse juste sans faire aucun calcul aient recours à un
procédé similaire au procédé 3 (trans-add), puisque sa gestion peut se faire
facilement sans écriture des calculs. N’ayant pu disposer d’une période
supplémentaire pour interroger les élèves, nous ne pouvons discuter du
bien-fondé de cette hypothèse.

C ONCLUSION

Dans l’enseignement que nous avons réalisé, nous avons choisi de présenter
les procédés et les algorithmes usuels d’addition et de soustraction comme
de petits systèmes de sélection et de contrôle de connaissances sur la numé-
ration, sur les nombres et sur les opérations qui peuvent intervenir dans la
réalisation d’autres procédés. Nous avons ainsi créé des situations visant
la construction et la coordination de connaissances débouchant sur divers
procédés de calcul. C’est par la création d’un tel milieu que nous avons
pu, par la suite, proposer aux élèves d’autres procédés de calcul, dont les
algorithmes usuels, en leur donnant la responsabilité de donner un sens
aux actions intervenant dans l’exécution de ces procédés, afin de pouvoir
les appliquer à d’autres nombres. Ce dispositif s’inscrivait dans un contexte
d’utilisation des résultats des études sur les erreurs de calcul.
L’analyse des conduites des élèves montre la pertinence de plusieurs
des situations qui ont permis de concrétiser les idées précédentes. La réa-
lisation des situations de la première étape a permis un travail essentiel
sur les nombres et leurs compositions additives; ce travail a mis en cause
diverses connaissances très typées sur la numération. Ces connaissances
ont été transformées dans un processus de coordination avec d’autres con-
naissances sur les nombres et les opérations. L’analyse de ces situations a
montré la complexité de la construction de la numération. Ces résultats
rejoignent ceux obtenus par plusieurs chercheurs (Kamii, 1990; Fuson,
1992; Bednarz et Dufour-Janvier, 1986).
Notre analyse a également montré comment la construction des procé-
dés d’addition et de soustraction et plus spécifiquement, celle des procédés
de calcul en colonnes fait intervenir des problèmes de composition et
294 CATHY ARSENAULT AND GISÈLE LEMOYNE

d’écriture des nombres qui ne peuvent être résolus que par une coordina-
tion de connaissances multiples. Comme le montrent plusieurs recherches
(Brun et al., 1994a, 1994b; Conne, 1988, 1987), les erreurs des élèves dans
l’application des algorithmes de calcul sont des accommodations de con-
naissances sur la numération et les opérations; leur traitement didactique
doit prendre en compte ces connaissances. Les situations que nous avons
construites montrent qu’un tel traitement est possible. Nous avons mis
en évidence plusieurs moments dans lesquels les élèves étaient engagés
dans un processus d’examen et de confrontation de leurs connaissances et
qui ont résulté en de nouvelles connaissances permettant de corriger les
premières erreurs produites.
L’examen des situations a été aussi un révélateur très important des
problèmes d’enseignement des algorithmes. Le sens des écritures et des
transformations d’écritures qui marquent l’application de ces algorithmes
est apparu difficilement accessible aux élèves. Plusieurs, du moins pour
l’addition, avaient pourtant construit des procédés qui reposaient sur des
compositions et des transformations des nombres comparables à celles
réalisées dans ces algorithmes. Par ailleurs, les échanges subséquents aux
tentatives d’application de l’algorithme usuel d’addition se sont avérés
fructueux, la construction du sens des transformations bénéficiant alors du
sens des écritures dans les autres procédés utilisés.
Dans le cas de l’algorithme de soustraction, le problème d’interprétation
des écritures est apparu encore plus sérieux; la majorité des élèves n’est pas
parvenu à lier le sens des écritures aux transformations qui interviennent
dans le déroulement de cet algorithme. Il faut nuancer ce résultat, car
nous n’avons pu mener à terme les situations préparatoires à ce travail
d’interprétation. Mais ce fait n’est pas seul en cause. En effet, comme
le montre Fasser (1993), les transformations intervenant dans le dérou-
lement de cet algorithme sont nombreuses et la construction de leur sens
s’en trouve fortement compliquée. Nos résultats amènent ainsi à ques-
tionner notre choix de présenter ces algorithmes dans leur forme stan-
dard. Il conviendrait d’examiner davantage nos situations d’enseignement
des procédés de calcul et de concevoir des écritures moins denses des
algorithmes, plus transparentes qui permettraient de rendre compte expli-
citement de chacune des actions de composition et de transformation qui
interviennent dans la réalisation de ces algorithmes. Il serait donc essentiel
d’étudier attentivement le problème du passage des procédés de calcul aux
algorithmes. Des situations variées de formulation des procédés de calcul
et des situations comportant diverses écritures des algorithmes pourraient
être construites et soumises à une expérimentation didactique. Il serait
également important de demander explicitement aux élèves de réaliser
UNE INTRODUCTION NON CLASSIQUE AUX ALGORITHMES 295

les calculs, à leur manière, avant d’examiner et d’appliquer les procédés


et algorithmes présentés dans la dernière situation, de telle sorte que les
élèves puissent prendre appui sur les résultats de ces calculs pour réaliser
les calculs en recourant aux procédés et algorithmes présentés.

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