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Louvain
Didactiques et formation des enseignants | Bernard
Calmettes, Marie-France Carnus, Claudine Garcia-Debanc, et al.
Démarches
scientifiques et
démarches
d’investigation en
sciences
expérimentales
Représentations d’enseignants stagiaires de l’IUFM
Texte intégral
1. Contexte
1 La focalisation nouvelle sur une démarche d’investigation
(programmes du collège et du lycée des disciplines
scientifiques MEN, 2008a, 2010) fait de son développement
un enjeu fort de la formation des enseignants. Elle implique,
au-delà d’une réflexion sur les pratiques à mettre en œuvre,
un travail sur les représentations des jeunes enseignants au
sujet de cette démarche, aux plans épistémologique et
didactique.
2 La présente recherche s’intéresse ainsi aux représentations
de trois groupes d’enseignants stagiaires1 en formation
initiale : sciences physiques, sciences de la vie et de la terre,
et mathématiques, ce dernier groupe faisant l’objet d’une
autre communication dans le cadre de ce colloque2. Elle
s’inscrit dans le projet européen S-TEAM (Science Teacher
Education Advanced Methods).
3 Diverses études portant sur les enseignements
expérimentaux ont montré que c’est souvent une approche
linéaire et inductive qui est développée en classe (Johsua &
Dupin, 1993 ; Darley, 1994 ; Coquidé et al., 1999). Plusieurs
études relient ces pratiques aux représentations des
enseignants, lesquelles seraient fondées sur des modèles
épistémologiques proches du sens commun
(Lakin & Wellington, 1994 ; Nott & Wellington, 1996 ;
Roletto, 1998 ; Abd-El-Khalick & Lederman, 2000).
2. Méthodologie
4 Nous avons procédé à un recueil de données par
questionnaire (Q-Sort) en début de formation (fin octobre ;
effectif : 32) et au terme de celle-ci (mai ; effectif : 33).
L’étude de que nous présentons vise à repérer les
représentations des enseignants stagiaires sur trois
domaines : l’épistémologie propre à la discipline, son
enseignement et son apprentissage. Pour ce travail nous
avons utilisé un questionnaire de type Q-Sort comprenant
une quinzaine d’items par domaine. Ceux-ci se présentent
sous la forme d’affirmations sur lesquelles le sondé doit se
positionner en cochant une parmi cinq cases : +2 signifie
« tout à fait d’accord », +1 correspond à « plutôt d’accord »,
0 à « avis partagé », -1 à « plutôt d’accord » et -2 à « pas du
tout d’accord ».
5 En nous fondant sur notre analyse épistémologique et sur
une étude de la littérature didactique nous avons défini a
priori, pour chaque domaine, deux conceptions
« antagonistes » (C et C’). Nous avons postulé qu’il pouvait
exister des adhésions (A) et surtout des rejets (R) d’items,
qui lorsqu’ils sont effectués de manière simultanée,
témoignent ensemble d’une certaine conception.
6 Sur chacun des domaines, nous avons regroupé ainsi dix
items caractérisant ensemble une même conception : une
moitié d’items acceptés, une autre moitié d’items rejetés ; et
inversement pour la conception antagoniste. Par rapport à
chacune de ces deux conceptions, C et C’, nous avons évalué
comment se situe chacun des professeurs stagiaires, en
début et en fin de formation. Nous avons examiné pour cela,
dans chaque réponse, le nombre de contradictions (les items
rejetés, alors qu’ils sont acceptés dans la conception, ou bien
acceptés, alors qu’ils ne font pas partie de la conception),
mais aussi le nombre d’adhésions (les items acceptés dans la
conception), enfin le nombre de non prises de position (les
réponses 0 ou les absences de réponse). Nous considérons
ainsi qu’à partir de six contradictions (sur dix items) en
sciences expérimentales, la conception C est rejetée. Elle est
acceptée, en étant considérée comme forte, si le nombre
d’adhésions est strictement supérieur à cinq, mais avec au
plus deux contradictions. Avec la même condition que
précédemment sur le nombre d’adhésions, elle est acceptée
en étant considérée comme faible, si, dans le même temps, la
réponse comporte plus de trois contradictions.
3. Premiers résultats
12 Nous présentons une comparaison des résultats issus des
données recueillies en début de formation et à l’issue de
celle-ci. Le but est ici de pouvoir repérer, au terme de l’étude,
des effets possibles de l’année de stage comprenant des
modules de formation à l’IUFM et un stage en établissement
de six à huit heures par semaine. Notre présentation se
limitera à dégager les principales conceptions exprimées,
domaine par domaine.
25 et acceptent l’item :
C3 : l’erreur est constitutive du processus de construction de
connaissances,
4. Conclusion
28 L’étude que nous avons menée a permis de repérer à la fois
des points pouvant faire obstacles dans les conceptions de
jeunes enseignants stagiaires et des leviers possibles. Le
point faible concerne sans conteste le domaine de
l’épistémologie pour lequel ces enseignants n’ont bénéficié
que de très peu de formation. L’approche inductive est
présentée comme le mode de production des savoirs dans la
sphère de la recherche à l’inverse de ce qui se produirait
dans l’enseignement. Si cette disjonction appelle un travail
de clarification, elle permet néanmoins de relativiser
l’obstacle que constitue a priori la conception
épistémologique de type « inductiviste », demeurée
relativement stable au cours de l’année. En ce qui concerne
les deux autres domaines, le « terreau » se révèle plus
favorable pour une mise en œuvre des démarches
d’investigation, même si les conceptions attendues ne sont
pas encore unanimement partagées et si des incohérences
ont pu être révélées. Un renforcement est donc nécessaire ; il
passe, selon nous par une mise en œuvre « en situation » de
démarches d’investigation privilégiant une entrée par la
complexité7 et la prise en compte des propositions des élèves,
quand bien même celles-ci sont erronées. De ce point de vue,
un travail épistémologique sur le statut occupé par l’erreur
dans la production scientifique de recherche trouvera toute
sa place. Il est essentiel, nous semble-t-il, qu’il soit mené en
lien et en cohérence avec la réflexion didactique sur les volets
« enseignement » et « apprentissage » des démarches
d’investigation.
Notes
1. Lauréats des concours de recrutement suivant une formation dans les
Instituts universitaires de Formation des Maîtres et parallèlement
enseignants en responsabilité pour 6-8 heures dans un établissement.
2. Communication et article de Michèle Gandit.
3. Conception forte, faible.
4. Pour reprendre une expression utilisée par Robardet dans sa thèse.
5. Trois heures seulement dans les deux disciplines sur la démarche
scientifique, auxquelles s’ajoutent quelques heures d’histoires des
sciences (6).
6. Point particulièrement travaillé dans les séminaires d’Analyse de
pratiques en sciences de l’éducation.
7. Le socle commun de connaissances et de compétences pour le collège
(2009) insiste sur le travail autour de tâche complexes pour ce qui
concerne les compétences d’une « culture scientifique et technologique ».
Auteurs
Éric Triquet
Jean-Claude Guillaud