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l'éducation
Résumé
Le projet central de ce numéro thématique des Dossiers des Sciences de l''Education qui consiste à faire le point sur les
connaissances relatives aux relations qu’entretiennent les processus d''enseignement et les processus d’apprentissage
peut, à l''évidence, emprunter des formes plurielles. Celle que nous avons choisie d''adopter ici interroge la notion de
situation et l''étendue de son périmètre, débat qui paraît central quant aux liens entre " enseigner" et " apprendre" que la
recherche en éducation est susceptible d''éclairer. Pour ce faire, l''approche sociologique est questionnée dans sa
capacité à élargir cette notion pour mieux cultiver, in fine, un dialogue fructueux avec les didactiques.
Abstract
The central project of this thematic number of this review, which consists in reviewing the knowledge relative to the
relations which maintain the processes of teaching and the processes of learning can, obviously, take many forms. The
one that we chose to adopt here questions the notion of situation, discusses which seems central as for the links " to
teach" and " to learn" that the research in education may enlighten. To do it, the sociological approach is questioned in its
capacity to widen this notion to cultivate better, in fine, a fruitful dialogue with the didactics.
Tupin Frédéric, Dolz Joaquim. Du périmètre des situations d’enseignement-apprentissage. In: Les dossiers des sciences
de l'éducation, N°19, 2008. Les pratiques d’enseignement-apprentissage : état des lieux. pp. 141-156;
doi : https://doi.org/10.3406/dsedu.2008.1135
https://www.persee.fr/doc/dsedu_1296-2104_2008_num_19_1_1135
Frédéric Tupin
CREN, Université de Nantes
& Joachim Dolz
GRAFE, Université de Genève
frederic.tupin@wanadoo.fr
joaquim.dolz-mestre@pse.unige.ch
Abstract
The central project of this thematic number of this review, which consists in reviewing
the knowledge relative to the relations which maintain the processes of teaching and
the processes of learning can, obviously, take many forms. The one that we chose to
adopt here questions the notion of situation, discusses which seems central as for the
links "to teach" and "to learn" that the research in education may enlighten. To do it,
the sociological approach is questioned in its capacity to widen this notion to cultivate
better, in fine, a fruitful dialogue with the didactics.
Keywords : Situation of teaching and learning, contexts, structural constraints, interactions, scientific exchanges.
Propos introductifs
La justification du choix de ce thème relève vraisemblablement de plusieurs fac-
teurs conjoints. Le premier d’entre eux concerne une nécessaire clarification quant
aux liens à tisser entre “phénomènes externes” et “phénomènes internes” à la
classe, liens qui invitent, en force, la question de la pluridisciplinarité. Trop long-
temps les travaux sociologiques (pour emprunter une première entrée discipli-
naire) se sont cantonnés à une posture empreinte d’extériorité, impuissante à
mettre en évidence les phénomènes tels qu’ils se déroulent et se construisent in
situ, dans l’urgence de l’agir (Châtel, 2001), entre maîtres et élèves dans la quo-
tidienneté de la classe. La génération des travaux “déterministes” qu’ils soient
d’orientation conflictualiste (Baudelot et Establet, 1971, 1975), ou néo-webérienne
(Bourdieu et Passeron, 1970) a été, de ce point de vue, archétypique.
Aujourd’hui encore, et ce malgré un renouvellement profond des cadres théoriques,
les travaux à orientation sociologique consacrés aux pratiques enseignantes, aux
situations de classe, à l’activité sociale des maîtres et des élèves ne sont pas légion...
Parallèlement, (pour emprunter une seconde entrée disciplinaire), les didactiques
ont produit un important corpus de travaux nous permettant de mieux appréhender
les conditions nécessaires au “bon” déroulement du processus d’apprentissage. Pour
autant, ces réelles avancées buttent sur la régularité des réalités statistiques qui lais-
sent à penser que globalement, la tendance reproductrice de l’école perdure et que
les apports de la didactique semblent insuffisants à y répondre. Aussi, l’une des
façons de repenser le schéma d’ensemble qui gouverne les phénomènes
d’enseignement-apprentissage, et les limites de chaque approche disciplinaire, sup-
pose de poser ou re-poser la question des “frontières”, qu’il s’agisse des frontières
théoriques, conceptuelles, ... ou de celles qui interrogent la place et l’impact des
contextes dans une séquence ordinaire d’enseignement-apprentissage.
La notion de situation s’y prête, de notre point de vue, particulièrement bien.
Cette question des frontières est dépendante du niveau de conceptualisation atteint
par chacune des disciplines convoquées. Ici, s’agissant du “concept” de situation
(ou de la notion, suivant les cas) il est clair qu’il évoque vraisemblablement, en
première instance, dans les représentations partagées des chercheurs en éduca-
tion, le champ des didactiques au sein duquel il a été (re)construit, débattu, arbi-
tré... de façon centrale. Il peut cependant susciter d’autres orientations complé-
mentaires et appeler, de façon non exclusive, à une lecture sociologique de
l’enseignement-apprentissage. Tel est, en tout cas, l’un des points de vue que nous
tenterons de décliner dans cet article.
Pour entamer cette lecture, le parti pris adopté dans ce texte consiste à visiter dif-
férentes approches situationnistes attachées aux théories de l’acteur dont l’ab-
sence d’unité vient nourrir le débat. Ce faisant, quatre aspérités principales émer-
gent. La première a trait à l’étendue de la notion de situation. La seconde concerne
les conditions théoriques et pragmatiques de la prise en compte simultanée des
conditions objectives de l’ordre du social et de la subjectivité du sujet appréciant
la situation et agissant pour la transformer. La troisième se limite à interroger
Cadrage Théorique
“Nouvelles” sociologies, nouveaux regards sur les pratiques
d’enseignement-apprentissage
L’exploration de la situation et de sa définition nécessitent, pour en comprendre toute
la portée et les enjeux, de repositionner ces notions dans un environnement plus large,
celui du renouvellement des approches sociologiques des deux dernières décennies.
Alain Touraine, dans son article « Sociologies et sociologues » (in M. Guillaume
(dir.), 1986), décrit la sociologie française des années quatre-vingt comme un qua-
drilatère dont les angles successifs sont représentés par l’individualisme méthodolo-
gique de Raymond Boudon, le structuralisme critique de Pierre Bourdieu, l’analyse
stratégique de Michel Crozier et la sociologie de l’action d’Alain Touraine. Le pay-
sage théorique dont la structure était composée de ces quatre points cardinaux a laissé
place à une diversification des approches durant les années quatre-vingt-dix.
Toutes les synthèses qui portent sur ces évolutions, ou les mettent en scène, sont
globalement convergentes (Corcuff, 1995 ; De Queiroz, 1995 ; Van Haecht, 2006,
etc). Ces publications soulignent, quasiment “à l’unisson “, que ces “nouvelles
tendances” se concentrent autour de quelques dominantes, que l’on peut aisément
identifier et que nous retraduisons sous forme d’alternatives utiles à la réflexion
dédiée à l’objet des pratiques d’enseignement-apprentissage : univocité versus
pluralité ; habitus versus choix actualisés ; routines versus interactions normées ;
subjectivité du sujet versus déterminismes ; stratégies versus savoirs pratiques,
situation versus disposition... Nous proposons de récapituler ci-après ce que sont
les traits saillants de ces tendances de façon à rendre ce propos plus lisible en tant
qu’étape du raisonnement en cours.
L’individu social n’est plus nécessairement considéré comme un être “homogène”
pétri par son habitus dont l’architecture est construite, compacte, cohérente et
donnant lieu à des manifestations prévisibles. Au contraire, certains sociologues
plaident pour une pluralité des schèmes de comportement chez un même indi-
vidu « confronté à des choix permanents ». C’est l’exposition à ces choix qui fon-
derait son « expérience sociale » (Dubet, 1994). D’autres, comme Bernard Lahire,
peignent de façon plus nuancée, l’Homme pluriel (1998), image qui renvoie à un
acteur ayant incorporé des principes d’actions divers, voire contradictoires. L’uni-
vocité des conduites sociales ne semble donc, plus de mise.
Dans ces approches “renouvelées“ , une seconde tendance se 쑺 Ce qui signifie qu'elles ne sont pas
dégage. Le constructivisme y occupe une place importante -sinon nécessairement nouvelles et qu'elles
prépondérante- (Corcuff, 1995), sachant qu’au-delà des diffé- peuvent parfois correspondre à la
redécouverte, par la communauté
rences portées par les auteurs que l’on pourrait réunir sous ce scientifique, d'auteurs anciens comme
substantif, il est possible, malgré tout, de dégager un dénomina- Georg Simmel, Norbert Elias ou Alfred
teur commun. C’est ce à quoi s’essaie Corcuff en posant les bases Schütz (tous nés dans la seconde moitié du
19ème siècle), déjà attentifs aux interactions
d’une formulation synthétique : « Dans une perspective construc- et au sens que les individus donnent à leur
tiviste, les réalités sociales sont appréhendées comme des action, comme moteurs de la vie sociale.
constructions historiques et quotidiennes des acteurs individuels
et collectifs » (idem : 17).
liée à la pratique dans laquelle il est impliqué, par l’action « qui obéit à une logique
qui n’est pas celle de la logique » car elle s’inscrit dans une compétence particulière
que Bourdieu conceptualise en la qualifiant de « sens pratique ».
Ce sens pratique, également incorporé, partie intégrante de l’habitus, ne s’exer-
cerait qu’en situation, dans le cadre de la résolution de problèmes pratiques. Il y
aurait donc, si l’on entre dans la posture de Bourdieu, une logique particulière de
la pratique située en dehors de l’action consciente rationnelle.
Le concept de sens pratique semble, lui aussi, intéressant à convoquer lors de
recherches futures car il occupe un espace intermédiaire entre « routines », « interac-
tions » et « actions rationnelles » et qu’il vient ainsi compléter la palette des possibles
et la coexistence simultanée de tous ces moteurs de l’activité du sujet-enseignant. En
revanche, avancer sur ce chemin fait courir le risque d’occulter la dimension réflexive
des pratiques, certes non systématiquement mobilisée par les enseignants dans l’action,
mais également, présente dans l’espace de la classe et non exclusive du sens pratique
lors de l’observation de séquences de classe (Genelot et Tupin, 2002). Il faut donc
penser toutes ces manifestations de la pratique sous l’angle de moments alternés dans
le cours de l’action enseignante en train de se dérouler.
Il est à noter que plusieurs auteurs formulent des réserves à l’égard de la théori-
sation de Bourdieu (Ladrière, 1983 ; Caillé, 1988, par exemple) en s’interrogent
sur la part qu’il accorde à la réflexivité de l’acteur. On est donc en présence d’une
sociologie « constructiviste » limitée par le poids contraignant des « structures
objectives ». Bref, un « constructivisme structuraliste » selon l’expression de
Bourdieu (Choses dites, 1987 : 151).
La dimension opératoire du concept d’habitus ne doit pas occulter ce débat sou-
tenu par un récent article d’Yves Lenoir (2007) qui défend, de façon fouillée, la
pertinence de la théorie de la pratique de Bourdieu pour analyser les pratiques
d’enseignement en modulant son adhésion par une critique adressée à l’excès
déterministe de cette théorisation.
Il est tentant de souscrire à cette position et nous avons pu argumenter ailleurs
(Tupin, 2006) l’intérêt qu’il y aurait à recourir pour l’analyse des pratiques
d’enseignement-apprentissage à un cadre théorique apte à ménager un équilibre
interprétatif entre la lecture des pratiques d’enseignement-apprentissage dans leur
dynamique interne et les incidences de leurs contextes. C’est ce à quoi le socio-
logue Anthony Giddens se consacre dans La constitution de la société, éléments
d’une théorie de la structuration, (1987).
La théorie de Giddens
Dans l’ouvrage précité, Giddens s’essaie à conjuguer une sociologie de l’action et une
sociologie des structures sociales qu’il conçoit, dans un même élan, par le mouvement
d’un « équilibre circulaire ». Point central de cet équilibre, le concept de structuration
envisage les structures sociales comme produit dynamique, c’est-à-dire comme « pro-
cès des relations sociales qui se structurent dans le temps et dans l’espace, via la dua-
lité du structurel » (idem : 444). Cette « dualité du structurel » constitue le noyau dyna-
mique de la théorie de Giddens en ce sens que « les propriétés structurelles des systèmes
sociaux sont à la fois les conditions et les résultats des agents qui font partie de ces
systèmes » (idem : 15). Le “structurel” se situe donc en amont de l’action humaine et
en constitue l’une des composantes ; il se situe également, de façon insécable, en aval
de l’action, comme produit de celle-ci. La construction du monde social intègre donc
les structures qui modèlent l’action autant qu’elle les modèle. Elles forment conjointe-
ment les conditions structurantes de l’action et le produit de celle-ci. En allant plus loin
dans la découverte de cette construction dialectique, l’on comprend que : « outil abs-
trait forgé par le sociologue afin de saisir ce qui, stabilisé, ne s’invente pas dans chaque
nouvelle interaction, le structurel n’a toutefois de réalité empiriquement saisissable
qu’actualisé dans l’action et l’interaction » (Corcuff, 1995 : 49).
Cette proposition théorique paraît particulièrement intéressante pour le travail du
chercheur en sciences de l’éducation qui tente de démêler ce qui, dans une situa-
tion d’enseignement-apprentissage -intégrée dans son environnement- relève de
relations stables, stabilisées ou en passe de se stabiliser dans le temps scolaire et
l’espace de la classe, de ce qui se joue ou se rejoue en situation dans l’action
immédiate, ces éléments de stabilité et d’action constituant les deux faces d’un
même phénomène. En prenant appui sur cette double dimension de la construc-
tion sociale, on comprend mieux pourquoi le couple stabilité/variabilité (Bru,
2002 ; Altet, 2003) émerge de nombre d’enquêtes en diachronie et en synchronie
qui se fondent sur l’observation des pratiques d’enseignement-apprentisage.
Elément supplémentaire prolongeant la dualité inhérente à cette construction théo-
rique, pour Giddens, « le structurel est toujours à la fois contraignant et habili-
tant » (ibid. : 226) mettant ainsi en scène les notions de 쑺 « Pour lui, la contrainte structurelle procède
« contrainte » et de « compétence ». La notion de compé- du caractère contextuel de l'action, "c'est
tence, tant débattue par ailleurs en sociologie de l’éducation et, à dire du caractère donné des propriétés
plus largement, en sciences de l’éducation (Ropé et Tanguy structurelles, pour des acteurs situés (dans
l'espace-temps)" (Giddens, ibid. : 234). Si
(dir.), 1994), est ici employée dans un sens particulier. Il s’agit forte soit-elle, la contrainte structurelle ne
de « tout ce que les acteurs connaissent (ou croient), de façon s'impose pas indépendamment des
tacite ou discursive, sur les circonstances de leur action et de raisons et des motifs qu'ont les agents
pour se comporter comme ils le font »
celle des autres, et qu’ils utilisent dans la production et la (Van Haecht, ibid. : 127).
reproduction de l’action » (ibid. : 440).
Cette notion de compétence intéresse également l’analyse des pratiques ensei-
gnantes car elle s’inscrit dans une sociologie de l’action. La compétence suppose
une capacité réflexive des enseignants que Giddens (abordant cette question de
façon générale sans traiter du cas des enseignants) distingue en une conscience
pratique et une conscience discursive. Ce distinguo renvoie, d’une certaine
façon, à l’idée de rationalité limitée évoquée précédemment. Dans l’ouvrage
de Giddens, la conscience discursive concerne « tout ce que les acteurs peu-
vent exprimer de façon verbale, orale ou écrite » tandis que la conscience pra-
tique concerne « tout ce que les acteurs connaissent de façon tacite, tout ce
qu’ils savent faire dans la vie sociale sans pouvoir l’exprimer directement de
façon discursive ». Cette conscience pratique, renvoie conjointement à l’idée
de routine et, par une série de translations, à la limitation des compétences des
acteurs sociaux via la notion de « conséquences non intentionnelles de
l’action », dès lors que « les propriétés structurées des systèmes sociaux s’en-
tendent, dans le temps et dans l’espace, bien au delà du contrôle que peut en
exercer chaque acteur » (ibid. : 75).
Ce partage ténu entre intentionnalité de l’action et conséquences non intentionnelles
nous semble, là aussi, apte à éclairer certains choix immédiats de l’enseignant qui,
agissant “en tension” (Chatel, 2001), faisant face à des objectifs pluriels et contra-
dictoires entre gestion de la classe et accompagnement de l’apprentissage des élèves
est contraint par la trame temporelle de l’action qui limite à la fois : son recours à
une réflexion préalable à la prise de décision, son adaptation aux contextes et sa
mise en perspective de l’impact de ses choix. Bref, pour reprendre la terminologie
de M. Altet (2002), l’enseignant doit en permanence s’investir en situation, dans
un travail interactif d’ajustement (Tardif et Lessard, 1999), de négociations, de tran-
sactions et de compromis. Il doit agir dans l’immédiateté et même, nous l’avons
dit, dans l’urgence, en mobilisant un savoir pratique, des compétences en actes qui
rejoignent la notion de « conscience pratique » introduite par Giddens.
Discussion
Quelle définition retenir de la notion de situation ?
In fine, on pourrait concevoir la situation comme la résultante des rapports dia-
lectiques entre, “l’ici et maintenant” de la classe -habitée par la micro-société
constituée par l’enseignant et les apprenants- et “les différents cercles contex-
tuels” qui marquent de leur empreinte les conditions d’expression du sens pra-
tique qui relèvent d’une hybridation entre habitus individuel, habitus de classe et
habitus professionnel.
La définition de cette situation, passage préliminaire à l’ouverture du procès des
interactions entre maîtres et élèves, est rendue nécessaire par le fait que les signi-
fications sociales attribuées à l’objet constitué par l’espace social de la classe ne
sont pas inhérentes à cet objet indépendamment des acteurs. Cela signifie que
simultanément et conjointement aux contraintes (relatives) qu’imposent les struc-
tures externes, à l’empreinte des contextes, au filtre des habitus, l’acteur est appelé,
par la mise en oeuvre de sa rationalité -fréquemment limitée-, à interpréter ce qui
se produit dans le “micro-contexte situationnel” socio-scolaire dans lequel il évo-
lue. Cette interprétation ne peut se construire que via une dynamique interactive
avec les alter qui l’entourent sur le mode d’une recherche croisée d’anticipations
des motifs de “l’autre” et d’une adaptation à ces intentions supposées. Elle ne
peut se réaliser que dans un dosage subtil entre actions/évaluations indépendantes
et actions/évaluations inter-dépendantes.
Pour autant, la définition de la situation ne s’opère pas nécessairement sur un
mode “actif”, elle n’est pas nécessairement portée par des stratégies mais peut
être assumée par le sens pratique issu d’un “système social réflexe” porteur d’at-
titudes incorporées. Dans ce cas, la définition de la situation relève d’un proces-
sus implicite ou infra-conscient.
acquisitions. En bref, elle « aseptise le social » (Ropé : 42) tandis que la sociolo-
gie néglige (pour une large part) les « mécanismes cognitifs qui interviennent
dans une situation particulière de la transmission/appropriation des savoirs qu’est
la situation didactique » (idem : 42).
Si les questions que tentent de résoudre les sociologues de l’éducation ne sont
pas réductibles aux questions auxquelles les didacticiens s’attèlent, les espaces
de dialogue sont à conforter au profit d’une connaissance plus fine des processus
d’enseignement-apprentissage. Cette remarque nous semble d’actualité concernant
le renforcement de la pertinence de l’entrée par la notion de situation.
Ces limites étant posées et, tenant compte des éléments du débat que nous avons
tenté de réunir dans ce texte, il semble possible de s’accorder sur une fécondité
(relative) de la notion de situation entendue comme système conjoint de
contraintes et de ressources. Adoptant une première perspective sociologique,
sans s’y limiter, l’analyse d’une situation d’enseignement-apprentissage, devient
alors, en première instance, une situation sociale que les acteurs en co-présence
se doivent de (re)définir. Ce faisant, élèves et maîtres doivent gérer dans leurs
interactions successives, par le biais d’adaptation à des postures qu’ils déclinent,
un double système (socio-temporel) constitué d’une prédéfinition sociale de la
situation, des “contraintes objectives” qu’elle impose, et dépendant de la signifi-
cation qu’ils donnent à cette dernière dans l’immédiateté de l’action. Les travaux
sur l’action conjointe du professeur et des élèves en didactique (Sensevy
& Mercier, 2007) vont dans cette direction.
Partant, se pose la question des savoirs et des attributions de l’enseignant (Schneuwly
& Dolz, à paraître). Ces dernières ne se limitent pas aux fonctions de médiations
sociales ou culturelles ; le maître assume, simultanément, le rôle d’interface entre
le savoir et l’apprenant. Cette médiation mobilise à l’évidence le registre didac-
tique qui se devrait d’être exploré en synergie avec les variables pré-cités.
Reste à penser ce modèle articulé pour le rendre opérant, ce qui n’est pas la
moindre des entreprises, et à le traduire par les méthodologies appropriées afin
d’être à même de tester à nouveau, sur la base de matériaux empiriques, la fécon-
dité de cette notion. Ce n’est qu’à ce prix qu’il deviendra envisageable de mettre
en relation les dynamiques qui président à la (re)définition de la situation, les
modèles d’action que celle-ci induit et accompagne et les conditions
d’enseignement-apprentissage qu’elle potentialise ou inhibe.