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Laurence Ndong
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Laurence Ndong, « Didactique des sciences et formation des enseignants de sciences de la vie et de
la Terre », RDST [En ligne], 3 | 2011, mis en ligne le 15 octobre 2013, consulté le 02 février 2017. URL :
http://rdst.revues.org/420 ; DOI : 10.4000/rdst.420
RÉSUMÉ : Dans cette recherche que nous avons menée au Gabon et en France, dans le
cadre de notre doctorat en sciences de l’éducation, nous nous sommes posé la question
suivante : quelle place est accordée à la didactique des sciences dans la formation des
professeurs de lycée et collège de sciences de la vie et de la Terre et quel est le contenu
de cette formation ? Pour répondre à cette question, nous avons sélectionné un certain
nombre d’établissements de formation des professeurs de lycée et collège (Instituts
universitaires de formation des maîtres, École normale supérieure de Libreville) dont
nous avons analysé les plans de formation et interrogé les formateurs chargés d’assurer
la formation de didactique. Il ressort qu’en France, comme au Gabon, la didactique
des sciences a une faible place dans la formation des professeurs de lycée et collège de
sciences de la vie et de la Terre, mais pour des raisons différentes.
MOTS-CLÉS : didactique, enseignement secondaire, centre de formation
des enseignants, Gabon, sciences de la vie, sciences de la Terre.
Introduction
La didactique est une science relativement jeune, née au début des années
soixante-dix. Son objet peut être représenté par un triangle dit didactique (Astolfi
et al. 1997, p. 71) aux sommets desquels on trouve l’enseignant, l’élève, le contenu
d’apprentissage ou le savoir. La didactique ne conçoit pas l’objet d’apprentissage
de façon générale, mais en fonction des contenus propres à chaque discipline
d’où le terme didactique des disciplines. Cette prise en charge des contenus
spécifiques d’enseignement constitue une des caractéristiques fondamentales de
la didactique (Simard, 1993). La didactique d’une discipline s’intéresse aux processus
de transmission et d’appropriation des savoirs relevant de cette discipline (Clément,
2000). Ainsi, en explorant les savoirs et leur intériorisation par les apprenants,
la didactique cherche à mieux comprendre et éventuellement à guider l’action
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Alors, quels sont, précisément les savoirs didactiques qui sont utilisés dans la
formation des professeurs des lycées et collèges (PLC) ? Il semblerait comme
l’affirme Cosnefroy (2004, p. 12) « qu’on peine à formaliser les savoirs nécessaires
à l’exécution des tâches qu’implique le métier d’enseignant, alors même que la
recherche en éducation produit de nombreux savoirs qui restent peu utilisés par
les praticiens ».
Parmi les recherches qui ont été réalisées en didactiques des sciences, nous
avons sélectionné les concepts que nous avons souvent retrouvés dans les ouvrages
destinés à faire connaître la didactique des sciences (Astolfi et al. (1997a et 1997b),
Johsua & Dupin (1993).
1.1.2 Les concepts didactiques retenus dans le cadre de cette recherche
Pour résoudre les problèmes qu’elles étudient, les didactiques des disciplines
ont été amenées à construire des concepts propres, certains ont été empruntés aux
champs voisins et souvent rectifiés pour de nouveaux usages (Astolfi, 2005) – c’est
le cas par exemple du concept de représentations ou de conceptions emprunté à la
sociologie de Durkheim et à la psychologie sociale – d’autres créés en fonction des
besoins de la recherche (Astolfi et al., 1997a). Nombre de ces concepts sont devenus
des classiques, c’est le cas des représentations ou conceptions, de la transposition
didactique (Chevallard, 1985), de trame conceptuelle (Astolfi et al., op. cit.) ou encore
« d’objectif-obstacles » (Martinand, 1989), de contrat didactique (Brousseau, 1986) et
de la modélisation en sciences (Martinand, op. cit.). Ce sont ces concepts que nous
retenons dans le cadre de cette recherche 2. Et c’est particulièrement leur emploi
dans la formation des PLC de SVT qui retient notre attention. Ils ne sont pas, en
effet, mobilisés de façon équivalente selon que l’on se situe dans le domaine de la
recherche en didactique ou dans celui de la formation des enseignants et ce dans
la mesure où leurs contenus respectifs ne sont pas de même nature (Astolfi, 2005).
Toutefois, Astolfi (2005.) présente dans un tableau, les enjeux de chacun de ces
concepts, d’où l’intérêt que nous leur trouvons pour la formation des enseignants.
Il classe ces concepts selon quatre enjeux : l’interprétation de la logique de pensée
des apprenants ; l’analyse des savoirs et contenus enseignés ; la construction de
situations et dispositifs didactiques et la compréhension du fonctionnement des
disciplines scolaires.
Dans le contexte particulier du Gabon où les programmes scolaires sont
systématiquement calqués sur ceux de la France, trois concepts retiennent
particulièrement notre attention. Ce sont les conceptions des élèves, la transposition
didactique, telle que développée par Chevallard, et les pratiques sociales de
référence, concept développé par Martinand. La figure suivante est empruntée à
Develay (1992, 1995) avec quelques commentaires de notre part.
2 Ces concepts ont été retenus à partir de trois ouvrages : Johsua & Dupin, 1993 ; Astolfi et al., 1997a et 1997b.
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Les programmes et les manuels scolaires en vigueur au Gabon étant les mêmes
que ceux de la France, le contexte de production de ces programmes et de ces
manuels est complètement différent de leur contexte d’utilisation. 3 4 5 6 7 8
Nous pensons que si les enseignants étaient sensibilisés au mode de production
des savoirs scolaires, ils comprendraient que – d’un certain point de vue – ces
derniers ne sont pas universels et qu’il est nécessaire de réfléchir sur des savoirs
scolaires qui devraient prendre en compte l’environnement immédiat des élèves et
leurs conceptions. En effet, l’un des problèmes auquel l’éducation est confrontée
aujourd’hui est que les élèves n’intègrent pas dans leur quotidien ce qu’ils
3 Concept mis au point par Gérard Vergnaud (1990). Les champs conceptuels correspondent à des espaces
de problèmes relevant d’une même famille, pour lesquels apparaissent d’importants écarts temporels dans
la réussite, aussi réguliers que significatifs (Astolfi, op. cit.).
4 Les trames conceptuelles sont constituées par l’ensemble des notions qui, mises en synergie, donnent sens
à celles que l’on souhaite enseigner.
5 Les niveaux de formulation sont les différentes façons d’exprimer une même notion, selon son contexte
d’apparition et le niveau d’enseignement considéré (De Vecchi, 1994).
6 Le concept de transposition didactique, introduit par Verret (1975), un sociologue, et systématisé par
Chevallard (1982), un didacticien des mathématiques, fait référence aux mutations ou aux transformations
que subit le savoir lorsque, d’objet de « savoir savant », il devient objet de « savoir à enseigner » puis objet
de « savoir enseigné » (Vincent, 2001). La transposition didactique analyse le passage d’un contenu de savoir
précis à une version « didactisée ».
7 La matrice disciplinaire est le principe d’intelligibilité d’une discipline donnée, son paradigme. C’est
le moule, le creuset qui en constitue le fondement, l’essence (Develay, 1992, 1995).
8 Une matrice curriculaire caractérise la structure dynamique des disciplines scolaires, au-delà de la définition
de leurs éléments constitutifs. Les tâches scolaires sont soumises, d’une part, aux visées curriculaires qui
assurent leur authenticité et, d’autre part, aux visées éducatives qui assurent leur légitimité (Lebeaume
2000, cité par Astolfi, op. cit.).
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apprennent à l’école. Il y a des savoirs pour l’école et des savoirs pour « la maison »
ou le quotidien 9.
9 En 1996, nous avons mené une étude sur l’enseignement de la nutrition au secondaire au Gabon
et nous avions remarqué à l’époque que les enseignants mentionnaient dans leur cours tous les principes
d’une alimentation saine et équilibrée. Mais, au moment de composer des menus équilibrés,
ils distribuaient aux élèves des tables d’aliments issus des manuels français utilisés dans les établissements.
Ce fait avait deux implications dans la vie des élèves. Le premier est que les élèves ne connaissaient pas
du tout la composition des aliments dont ils disposaient chaque jour et ne pouvaient donc pas composer
des menus équilibrés à partir de ces derniers. Deuxièmement, cela véhiculait la représentation selon
laquelle manger équilibrer c’est manger les aliments de France. Nous avons réalisé une nouvelle enquête
cette année pour voir s’il y a eu un changement dans cet enseignement depuis cette étude.
10 Halté (1992, p. 16-17) identifie trois orientations données aux travaux des didacticiens : une réflexion
sur les objets d’enseignement, une réflexion sur les conditions d’appropriation des savoirs et une réflexion
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sur les interventions de l’enseignant. Il semblerait que la didactique praticienne permette aux professeurs
stagiaires, par des observations d’enseignants en exercice, de repérer des pratiques parfois non théorisées
mais qui « marchent » avec les élèves.
11 Pour Chevallard (op. cit.), le souci général de l’école est de « faire la vie bonne » ou plutôt la vie qu’on croira
bonne. Le Gabon a fait de l’éducation une des priorités majeures pour sortir du sous-développement.
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Simard (op. cit.) décrit la didactique comme une discipline carrefour, au centre
des trois grands pôles de l’acte éducatif. En effet, la complexité de son objet pousse
la didactique à puiser à diverses sources. La didactique des sciences, de par son
ancrage sur les contenus scientifiques, établit un lien direct entre elle-même,
l’histoire et l’épistémologie des sciences. L’histoire des sciences, par exemple,
peut aider l’enseignant et le didacticien dans l’analyse des productions des élèves
pour y repérer les obstacles didactiques s’inspirant des obstacles épistémologiques
historiques. Elle leur donne des outils permettant de pointer les principales
difficultés qu’ont surmontées les scientifiques et d’analyser ensuite celles qui
peuvent être source d’obstacles pour les élèves (Audigier & Fillon, 1991). C’est
pourquoi, nous avons décidé de voir si, dans les plans de formation des enseignants
de SVT de notre échantillon, une place est faite à l’histoire des sciences et/ou à
l’épistémologie.
En rapport avec notre expérience personnelle nous avons émis l’hypothèse selon
laquelle les concepts de la didactique des sciences restent peu ou pas utilisés dans
la formation des PLC de SVT, pour le cas du Gabon et, qu’en France, compte tenu
du développement des recherches en didactiques et de l’implication de certains
formateurs d’IUFM dans ces recherches, les concepts de la didactique des sciences
sont plus présents dans la formation des enseignants.
1.3 Les raisons d’une étude comparée entre le Gabon et la France
À l’instar d’autres pays d’Afrique, le Gabon est une ancienne colonie
française devenue indépendante le 17 août 1960. Cela a une incidence réelle sur
l’enseignement ou l’éducation dans ce pays, en particulier, et dans les anciennes
colonies en général car, comme l’affirme Erny (1977, p. 13), l’enseignement « en
Afrique n’a pas été conçu, au départ, pour répondre aux besoins de la société locale,
mais pour fournir aux agents de la colonisation des auxiliaires et des interlocuteurs
façonnés à leur image, d’autant plus appréciés qu’ils étaient plus déculturés et de
ce fait plus assimilables ». La colonisation française a ainsi répandu à travers l’école,
les mêmes programmes, les mêmes méthodes et les mêmes manuels que dans la
métropole favorisant ainsi l’émergence d’une élite à son image (Oliviéri, 1991).
De nos jours, le système éducatif gabonais reste encore entièrement calqué
sur celui de la France dans ses modes de fonctionnement, de formation et
d’administration. L’organisation institutionnelle, les cycles de formation, depuis
la maternelle jusqu’à l’université, les différents enseignements dispensés (et leur
dénomination), se fondent sur le modèle français (Eyeang, 1997). Le français y
est enseigné comme langue de première socialisation (Cuq, 1991). Les spécificités
propres au pays sont souvent ignorées.
Le fait que le système éducatif gabonais soit entièrement calqué sur celui de
la France nous a amenée à envisager une étude comparative de l’utilisation des
concepts issus de la recherche en didactique dans la formation des PLC de SVT,
afin de faire ressortir les biais qu’entraîne ce « copier-coller » dans la formation
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15 « L’épistémologie constitue aujourd’hui l’une des bases les plus solides de la didactique des sciences, et plus
largement de toute réflexion pédagogique préoccupée de l’enseignement et de l’appropriation des savoirs
scientifiques » (Astolfi et al., 1997a, p. 77) « la réflexion épistémologique, en tant qu’elle permet d’élucider
les conditions de production du savoir, est une condition de possibilité pour la réflexion pédagogique »
(Astolfi, 1985, p. 199).
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16 ALCESTE est un logiciel d’analyse de données textuelles. Son objectif est de quantifier un texte pour
en extraire les structures signifiantes les plus fortes, afin de dégager l’information essentielle contenue
dans les données textuelles. La classification descendante hiérarchique qui est le cœur d’Alceste débouche
sur une série de classes construites de manière formelle. La signification et la cohérence de ces vocabulaires
étant laissées à l’appréciation du chercheur.
17 Nous ne relaterons pas ici dans les détails les résultats de l’analyse des mémoires professionnels.
18 Plusieurs IUFM n’avaient pas conservé les mémoires de 1995.
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2. Résultats
2.1 Les plans de formation
Le tableau 2 relate les résultats obtenus. 19 20
On pourrait dire que la formation des enseignants se déroule dans les IUFM 21
sur une année, mais en réalité, cette année se résume à quelques journées de
cours, comme nous l’avons écrit précédemment. Pour Chevallard (2005, p.11-12 22),
« la faible qualification du métier de professeur est une donnée historique lourde,
qui permet seule d’assumer sans rougir une formation – initiale et continue –
dont le volume réduit est un aveu. Même si la création des IUFM a concrétisé le
franchissement d’un seuil historique, il n’en reste pas moins qu’un métier auquel
on peut – en droit comme en fait – se former en quelques mois (en deuxième année
d’IUFM), à raison de quelques 12 heures par semaine en dehors du travail de terrain,
un métier qu’au demeurant on exerce en toute responsabilité sitôt le concours de
recrutement réussi, ne saurait être regardé comme qualifié, quand bien même ceux
qui y entrent auraient fait de longues études supérieures non professionnelles ».
S’agissant de la forme que prend la formation de didactique, l’existence d’un
cours théorique suppose que l’on y dispense des bases théoriques de la discipline et
qu’en travaux dirigés, l’on y voit des applications concrètes de ces bases théoriques.
Or, dans les IUFM de notre échantillon, la didactique est dispensée sous forme de
travaux dirigés et pas sous forme de cours 23.
19 Quand nous avons réalisé cette recherche, l’ensemble de la formation comptait en moyenne 280 heures
(288 pour l’IUFM de Montpellier), soit en moyenne 8 heures hebdomadaires.
20 Pour l’ENS de Libreville, la formation est en moyenne de 25 à 30 heures de cours par semaine.
21 Ce constat est valable pour des IUFM autres que ceux de notre échantillon. Chevallard dans ce propos cite
en exemple l’IUFM de Marseille.
22 <http://yves.chevallard.free.fr/spip/spip/article.php3?id_article=63>.
23 D’ailleurs au cours des entretiens, il nous a été clairement demandé de ne pas parler de « cours »
de didactique, mais plutôt de formation.
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24 Cela nous a été rapporté par les formateurs au cours des entretiens.
25 À l’IUFM d’Amiens par exemple, le module s’intitule « travailler à partir des représentations des élèves »,
à Bordeaux, « les conceptions des élèves ».
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classification de Robardet (op. cit.), ce sont tous des non-didacticiens, mais deux
d’entre eux peuvent être considérés comme des professeurs ayant une « culture
didactique ». Parmi ces deux professeurs l’un a passé sa formation d’inspecteur sous
la tutelle de Guy Rumelhard, didacticien français des SVT et à ce titre revendique
son appartenance à la communauté des didacticiens. L’autre lit beaucoup et tente
de prendre en compte ce qui est publié dans des revues et ouvrages de didactique
des sciences.
Ainsi, en tenant compte de l’ensemble de notre échantillon, nous avons interrogé
les trois catégories de formateurs d’enseignants identifiés par Robardet.
Nous avons réalisé dix entretiens semi-directifs, cinq en France et cinq au Gabon.
Le tableau 3 précise le profil des formateurs interrogés. 26
France Gabon Total
Didacticiens 526 0 5
Formateurs ayant une culture didactique 0 2 2
Non-didacticiens 0 3 3
Total 5 5 10
Tableau 3. Profil des formateurs interrogés.
26 Dans l’un des IUFM, nous avons interrogé deux formateurs au lieu d’un seul parce que le premier que
nous avons interrogé nous a suggéré de faire une autre interview avec un collègue recruté avant lui pour
un complément d’information.
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27 Les formateurs de terrain sont des professeurs de lycée et collège qui enseignent à la fois dans les lycées
et collèges et à l’IUFM. Les formateurs permanents proviennent en général des anciennes écoles normales.
Souvent, la formation des professeurs des écoles (PE) étaient réservée aux formateurs permanents, alors que
celle des PLC revenait aux formateurs de terrain.
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Une seule formatrice parmi ceux que nous avons interrogés a reconnu que
la didactique pratiquée dans la formation des enseignants dans son IUFM était
restée pendant longtemps de type prescriptive. Sans rejeter cette didactique, elle
reconnaît et affirme que l’apport de la didactique dite « critique et prospective » ou
de « troisième génération » permet de mieux éclairer les prescriptions que reçoivent
les professeurs stagiaires. La didactique critique et prospective permet la prise en
compte des résultats de la recherche pour mieux comprendre « le pourquoi du
comment » :
0n a voulu absolument/en tout cas certains d’entre nous/euh euh euh/ouvrir/
proposer/offrir aux jeunes professeurs de lycée et collège des/des éléments de didactique
qui soient issus de la recherche ou en lien avec la recherche/et non pas uniquement
basés sur la pratique et euh/euh et se résumant à des prescriptions euh que les
stagiaires devaient suivre sans tout à fait bien comprendre d’ailleurs l’origine ou le
sens de ces prescriptions/euh les bien fondés de ces prescriptions/ (prof D)
En dépit du fait que cette formatrice voit l’intérêt de l’introduction de la
didactique dite « de la recherche » dans la formation des PLC, elle reconnaît
cependant que ses résultats doivent être transposés pour être utilisés dans cette
formation.
En fait dans les propos de l’ensemble des formateurs que nous avons interrogés
dans les IUFM, les résultats des travaux de recherche en didactique des SVT doivent
être transformés pour pouvoir être utiles à la formation des PLC. Mais, alors, l’autre
question qui se pose est de savoir qui doit se charger de cette transformation. Est-ce
les chercheurs ou les formateurs ?
À ce niveau, les avis sont partagés. Pour certains formateurs, ce travail ne saurait
revenir aux chercheurs. Demander aux chercheurs de réfléchir sur l’utilisation
qui devrait être faite des résultats de leurs travaux en formation des enseignants
serait nuisible à l’esprit même de la recherche. Les chercheurs font de la recherche
fondamentale. Par contre, ce sont les formateurs qui devraient puiser dans les
travaux de recherche, ce qui pourrait être utile à la formation des enseignants. Pour
d’autres, c’est aux chercheurs de réfléchir à l’utilisation de leurs recherches dans le
domaine de la formation, s’ils ne veulent pas que ces dernières restent lettre morte.
Le contenu de la formation de didactique dépend plus du formateur que de
l’institution. L’importance du profil du formateur a souvent été mentionnée. Les
formateurs didacticiens doivent se « débrouiller » pour introduire les concepts
didactiques dans la formation. Le temps imparti à la formation en didactique étant
très court, certains formateurs ont affirmé qu’ils se servaient du temps dédié à
l’encadrement des mémoires professionnels pour introduire certains concepts de la
didactique des sciences auprès des professeurs stagiaires. Ce que semblent attester
les propos suivants :
On ne dit pas ça c’est un cours de didactique/ça c’est un cours de pédagogie/mais
en fait/il y a des cours faits par des didacticiens et des cours faits par des personnes
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qui n’ont pas une formation en didactique/donc nous comme on a une formation en
didactique/forcément on amène des choses comme ça quoi (prof C)
Moi j’ai dit deux mots du contrat didactique (prof B)
Mais c’est aussi parce que les enseignements de didactiques sont pris en charge par
des formateurs qui ont un doctorat en didactique//qui se réfèrent à un corpus qui est
un corpus de la didactique/donc là il y a pour nous aucun problème//Maintenant c’est
vrai qu’à certains moments, les collègues qui ne sont pas didacticiens peuvent utiliser
parce qu’ils connaissent quand même un peu la littérature des éléments de didactique
quand ils sont sur les modules qui sont plus des modules de pédagogie (prof B).
À l’ENS de Libreville, les concepts issus de la recherche en didactique sont
complètement absents de la formation de didactique, même si une formatrice
nous a dit qu’elle mentionnait les conceptions des élèves. Elle nous a dit qu’elle
parlait aussi de la transposition didactique, qu’elle définit comme une simplification
du savoir savant pour aboutir au savoir scolaire. C’est la représentation du savoir
scolaire que nous avions retrouvé chez les professeurs sortis de l’ENS lors d’une
recherche antérieure. Mais, ce n’est pas la définition de la transposition didactique
proposée par Chevallard.
Le contenu de la formation porte sur : la fiche de leçon, l’évaluation, comment
faire un cours, comment faire une bonne leçon, la gestion du temps, la gestion du
tableau, la lecture du programme, l’élaboration d’une progression, la formulation
des objectifs, les différentes catégories d’objectifs, etc. Les formateurs de l’ENS
insistent aussi sur l’approche par résolution de problèmes. Ce qui a retenu notre
attention, c’est d’une part, l’absence totale d’un questionnement sur les contenus
d’enseignement, et d’autre part, le fait que les enseignants de didactique trouvent
qu’il y a un « double emploi » entre didactique et pédagogie. Ils affirment qu’il n’y
a pas de différence entre leurs cours de didactique et le cours de pédagogie qui est
dispensé dans le module sciences de l’éducation ; la didactique faisant partie de
la formation disciplinaire. Alors, s’interrogent-ils pourquoi deux cours différents,
sous deux appellations différentes, au sein de deux départements différents, si leur
contenu est le même ?
Par ailleurs, les enseignants de l’ENS se sont plaints de l’absence d’un programme
de didactique des sciences. Là aussi, le profil du formateur semble jouer un rôle
important, car tous ceux qui assurent la formation de didactique à l’ENS de Libreville
ne sont pas des didacticiens. Ce sont des conseillers pédagogiques et des inspecteurs
de l’Éducation nationale.
3. Discussion
Dans ce travail, nous avons adhéré au postulat de Johsua et Dupin (op. cit.) à
savoir que la « discipline » didactique a suffisamment muri pour être à son tour
enseignée.
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28 La mastérisation de la formation des enseignants prévoit la création d’un master d’enseignement (bac + 5),
une filière spécifique dont le débouché est le concours (professeurs des écoles ou CAPES). Des voix se sont
élevées contre cette réforme affirmant qu’elle ne rallongeait pas la durée de la formation qui est déjà
de 5 ans. C’est oublier que la première année de formation à l’IUFM n’est pas une année de formation
professionnelle en tant que telle. Par ailleurs, la mastérisation semble prévoir de donner une place plus
importante à la didactique et à la connaissance du système éducatif.
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29 Nous rajoutons l’adjectif « didactiques » parce que ce sont ces savoirs qui nous intéressent dans ce travail.
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exemple, l’adoption d’ingénieries didactiques en classe, Robert (op. cit.) fait état de
travaux montrant la résistance de nombreux enseignants à adopter dans les classes
de mathématiques des scénarios jugés pourtant optimaux pour l’apprentissage des
élèves par les chercheurs. Les causes de cette résistance sont multiples.
À la question de savoir qui doit travailler à la « transposition » des concepts issus
de la recherche pour qu’ils soient utilisés dans la formation, nous avons vu que deux
positions se sont dégagées auprès de notre échantillon : pour les uns, cette tâche
revient aux chercheurs, tandis que pour les autres, elle revient aux formateurs.
Par rapport à ces deux points de vue, l’une des pistes de réflexion pourrait être
la mise en place d’une sorte de « noosphère » 30 pour réfléchir sur les contenus de
la formation en didactique des SVT des PLC, si elle veut continuer d’exister en tant
que discipline à part entière dans le domaine de la formation des enseignants 31. En
sachant que de cela aussi dépendent les postes de didacticiens et le financement
des recherches en didactique des SVT car, comme l’affirme Bkouche (2005), « c’est
la place des savoirs dans l’enseignement qui permet de donner à ceux qui les
enseignent la pleine conscience de leur métier ». Cette noosphère, pourrait être
constituée à la fois des chercheurs en didactique, des formateurs de terrain et
pourquoi pas des responsables de l’administration. Elle pourrait essayer de dresser
une sorte de canevas pour les formateurs en sachant que nous sommes dans le
domaine universitaire, les formateurs auraient la liberté de l’exploiter selon leur
sensibilité. Ce canevas pourrait servir de base de travail aux formateurs. 32
Robert (2003) propose le modèle de la « double transposition », au sein duquel
les formateurs sont le pivot entre les chercheurs, qui leur transmettent les résultats
des recherches en effectuant une première transposition, et les enseignants auxquels
les formateurs s’adaptent grâce à une deuxième transposition de leur cru.
Ainsi, un groupe de travail comprenant des chercheurs et des formateurs pourrait
permettre de travailler à cette double transposition.
Une réflexion pourrait aussi être menée en rapport avec les travaux de la
didactique professionnelle, dans la mesure où cette dernière cherche à articuler
de façon très forte la dimension théorique et la dimension opératoire. En effet, la
dimension théorique permet d’éviter un discours empirique qui se contenterait de
relater un certain nombre d’opérations réussies d’analyse, sans en marquer ni les
30 Noosphère : terme introduit par Y. Chevallard, 1982, op. cit (2e éd. 1991, p. 25). C’est la « sphère » dans
laquelle se construisent les savoirs scolaires. Telle que décrite par Chevallard, elle comprend de manière
générale, des représentants du système d’enseignement, des représentants de la société (parents d’élèves,
les spécialistes de la discipline qui militent autour de son enseignement, les émissaires de l’organe
politique).
31 En prenant le cas de l’ENS de Libreville, si la didactique continue d’être confondue avec la pédagogie
dans leurs contenus, le risque de voir la didactique disparaître au profit de la pédagogie reste important.
32 En émettant cette idée, nous pensons surtout aux enseignants de l’ENS de Libreville qui se sont plaints de ne
pas savoir quoi enseigner quand on leur confie l’enseignement de didactique. Ils ont émis le souhait de voir
l’école se doter « d’un programme » de didactique.
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Conclusion
À l’heure où le travail de l’enseignant ne peut plus se réduire à la transmission
des savoirs ; à l’heure où il doit faire face à des fonctions comme l’écoute, l’aide
pédagogique, l’accompagnement des élèves, la différenciation des situations
d’apprentissage (Astolfi, 2005), le professeur, aujourd’hui, a besoin d’autres
compétences. Il a besoin de connaître l’épistémologie de sa discipline, son histoire,
la genèse de ses concepts ainsi que les problèmes qui se posent à elles actuellement
afin de comprendre les difficultés d’apprentissage que ressentent certains élèves
ainsi que leurs erreurs. Il a également besoin de connaître les relations que les
élèves entretiennent avec la discipline enseignée (leurs conceptions, les difficultés,
les obstacles couramment rencontrés, leur rapport à ces connaissances scolaires).
33 Nous ne disons pas que la dimension opératoire de ces concepts n’existe pas. Elle pourrait simplement
ne pas être perçue par les formateurs de notre échantillon.
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BIBLIOGRAPHIE
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