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UHPFRC 2009 – November 17 & 18 – Marseille, France

Introduction : Qu’est ce qu’un BFUP

Jacques Resplendino
Ingénieur en Chef des
Travaux Public de l’État
Direction Interdépartementale des
Routes Méditerranée
MEEDDM
Marseille, France

thierry.sedran@lcpc.fr
Résumé
Après un rappel de la définition des Bétons Fibrés à Ultra hautes Performances (BFUP), cet article
détaille les éléments de base de leur composition. Il présente les principaux produits disponibles sur
le marché et trace un bref historique du développement de ces bétons.
L’article détaille ensuite les principales caractéristiques des BFUP en mettant en évidence ce qui les
distingue des bétons traditionnels : traitements thermiques, effets différés, résistance en
compression et en traction, performances en terme de durabilité et de qualité des parements.
L’article analyse ensuite les évolutions dans les techniques de conception et de mise en oeuvre que
le développement des BFUP appelle et se termine par une présentation de l’intérêt de ces matériaux
vis-à-vis des problématiques du développement durable.

Mots clefs : Béton Fibré Ultra Performant, BFUP, formulation, caractéristiques mécaniques,
durabilité, conception, mise en œuvre.

1. Introduction – Qu’est ce qu’un BFUP


Les bétons fibrés à ultra-hautes performances sont des matériaux à matrice cimentaire, de résistance
caractéristique à la compression comprise entre 150 MPa et 250 MPa. Ces matériaux sont
additionnés de fibres métalliques, en vue d'obtenir un comportement ductile en traction et de
s'affranchir si possible de l'emploi d'armatures passives.
Les BFUP se distinguent des bétons à hautes et très hautes performances :
- par la non-fragilité du matériau qui peut permettre de s'affranchir au recours classique aux
armatures actives et passives,
- par leur résistance en compression en général supérieure à 150 MPa,
- par leur composition et leur fort dosage en liant qui conduit à l'absence de toute porosité
capillaire,
- par leur résistance en traction directe de la matrice systématiquement supérieure à 7 MPa.
On recherche avec les BFUP un fonctionnement basé sur la résistance propre à la traction des fibres après
fissuration de la matrice cimentaire. Lorsque cette résistance est suffisante, selon le fonctionnement de la
structure et les charges auxquelles elle est soumise, on peut se dispenser d'armatures classiques.
De façon générale, on supprime toute cage de ferraillage passif traditionnel pour ne mettre en œuvre que
les armatures passives ou actives principales requises dans le cas où la résistance aux efforts principaux ne
peut être apportée par les fibres.
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2. Les principes de base de formulation des BFUP


Dans les bétons ordinaires, le rapport eau sur liant (E/L) est de l’ordre de 0,4 à 0,6. Pour obtenir un
béton à haute performance, on diminue ce rapport E/L en dessous de 0,4 (de 0,3 à 0,35). Cet
abaissement est possible grâce à l’ajout d’un adjuvant de type super plastifiant qui permet de
défloculer le liant et d’hydrater le ciment avec des quantités moindres d’eau. Dans un béton à haute
performance, on peut ou non compléter l’abaissement du rapport E/L par une fermeture du spectre
granulaire au travers d’Ultra Fines constituées généralement de fumée de silice (FS), de taille
micrométrique, cinq à dix fois plus réduite que la taille des grains de ciment.
Pour obtenir un Béton à Ultra-hautes Performances (BFUP), il convient de diminuer encore le
rapport E/L à des valeurs inférieures à 0,25 (de l’ordre de 0,16 à 0,2), abaissement obtenu
généralement au travers d’une augmentation importante de la quantité de liant, sachant que la
quantité globale d’eau est sensiblement la même que dans un béton traditionnel. Dans les BFUP, on
rajoute par ailleurs systématiquement un taux important d’ultra fines (généralement de la fumée de
silice) avec des quantité de l’ordre de 20% de la masse cimentaire.
La taille des granulats d’un BFUP est également très réduite par rapport à un béton ordinaire (taille
du plus gros grain de l’ordre de quelques millimètres), et une attention particulière est apportée à la
nature des granulats qui doivent avoir une résistance mécanique suffisante pour ne pas constituer
les points faibles du mélange. Le matériau ainsi obtenu est extrêmement compact ce qui lui confère
des performances mécaniques et de durabilité tout à fait remarquables.
Avec une telle formulation on obtient assez facilement des résistances en compression supérieures à
150 MPa, mais le matériau devient fragile : ruptures en compression explosives avec disparition
complète de tout palier plastique une fois la limite du domaine élastique linéaire atteinte.
Pour éviter ce problème, il est nécessaire de rajouter des fibres qui redonnent un comportement plus
ductile en compression. Pour les utilisations structurelles du matériau (lorsque l’on sollicite les
performances mécaniques du BFUP pour assurer la résistance de la structure) les fibres utilisées
sont métalliques et le taux de fibres nécessaire pour garantir la non fragilité du matériau en flexion
est très important (de l’ordre de 2 à 3% en volume soit entre 160 et 240 kg d’acier par mètre cube
de béton, voire jusqu’à 10% en volume dans des formulations très performantes dans lesquelles on
cherche à garantir un comportement parfaitement écrouissant en traction pure).
Pour pouvoir mettre en œuvre de tels taux de fibres, celles-ci sont généralement rectilignes et non
crantées pour éviter la formation d’oursins et garantir une rhéologie correcte du BFUP. Les fibres
sont constituées de petites aiguilles en acier de très haute résistance. Leur taille est adaptée à celle
des granulats afin de limiter les chocs et la gêne granulats-fibres : longueur de 12 à 20mm, diamètre
de 0,1 à 0,3mm. Certains BFUP comportent plusieurs tailles de fibres qui peuvent avoir des
comportements complémentaires (micro fibres améliorant l’ancrage des fibres de taille plus
importante, et intervenant également pour la couture des premiers réseaux de micro-fissuration).
Les taux de fibres mis en œuvre dans les BFUP leur confèrent des performances de résistance à la
traction et au cisaillement tout à fait intéressantes (environ 8 à 11 MPa en traction directe, 25 à 40
MPa en traction par flexion) qui permettent de s’affranchir des cages d’armatures passives
traditionnelles. Les aciers de renfort actifs ou passifs éventuels sont limités aux efforts principaux
agissant sur les sections de grande dimension. Pour permettre la conception de structures en béton
sans armatures qui sortent du domaine d’application des règlements de calcul, il a fallu mettre au
point des règles de calculs spécifiques. Cet objectif indispensable pour permettre de réaliser un
ouvrage sur le domaine public a été une des motivations principales qui ont conduit à la rédaction
des recommandations AFGC sur les BFUP.

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3. Les principaux BFUP disponibles sur le marché

Les BFUP actuellement disponibles sur le marché en France sont :


- les différents bétons DUCTAL®, incluant le BPR, issus du programme de recherche entre
BOUYGUES, LAFARGE et RHODIA et commercialisés en France par LAFARGE,
- le BSI/CERACEM® développé par le groupe EIFFAGE avec la société SIKA,
- le BCV® développé par le cimentier Vicat et le groupe Vinci.
D’autres BFUP ont fait l’objet d’applications diverses :
- le CEMTEC ® développé par le LCPC, mis en œuvre sur plusieurs ouvrages en
multiscale
Suisse et au Canada,
- des matériaux de laboratoire développés par EDF, par le CERIB.
A l’étranger on peut noter la technologie CRC développée par Aalborg Portland Cement (Densit) au
Danemark. Quelques produits se développent en Allemagne et au Japon, sachant que ce sont
essentiellement les technologies BSI/CERACEM® et Ductal® qui sont utilisées en Europe de
l’Ouest, et que Ductal® constitue la technologie principale diffusée en Asie, en Australie, et en
Amérique du Nord (USA, Canada).

4. Bref historique du développement des BFUP


Les premières recherches sur les BFUP ont été effectuées par le Pr Bache dans les année 1970 au
Danemark dans le cadre du développement de la technologie CRC. Cette technologie est encore
aujourd’hui très active et constitue probablement la plus grosse production mondiale en volume de
BFUP. Il s’agit d’une technologie toutefois très particulière dans lequel un pourcentage important
de fibres métalliques est mis en œuvre dans une matrice cimentaire pour réaliser des structures
préfabriquées de bâtiment (balcons, escaliers) qui sont renforcées par des armatures traditionnelles
calculées sans prendre en compte la participation mécanique des fibres.
En France, les premières recherches sur les BFUP ont été développées dans les années 1990 sous
l’impulsion de Pierre Richard (Groupe Bouygues) dans le cadre de la technologie des Bétons de
Poudres Réactives (BPR). Le concept a été ensuite optimisé au centre de recherche Lafarge de l’Isle
d’Abeau dans le cadre d’un partenariat Bouyghes-Rhodia et Lafarge pour élaborer le Ductal®,
premier BFUP commercialisé, qui a été lancé à la fin des années 90. Cette technologie est diffusée
tant en Europe de l’Ouest [15] [24], qu’en Asie [8], en Australie [7], et aux Etats-Unis. Elle se
développe dans tous les domaines tant au niveau des applications structurelles d’ouvrages d’art et
de bâtiment que dans des applications non structurelles d’habillage de structures, de mobiliers
urbains et/ou d’objet de décoration et de design.
Sous l’impulsion d’EDF qui a été un maître d’ouvrage très moteur dans le développement des
BFUP, la technologie BSI/CERACEM® a été mise au point par le groupe EIFFAGE à la fin des
années 90 puis développée avec le concours de la société SIKA. Cette technologie donne lieu à la
réalisation d’un nombre croissant d’applications structurelles marquantes tant dans le domaine des
ouvrages neufs [4] [5] [6] [10] [11] [19] [21] qu’en réparation ou renforcement de structures [9],
essentiellement en France et en Europe de l’Ouest.
Dans les années 2000, le cimentier Vicat avec l’appui du groupe Vinci a développé le BCV qui a
fait également l’objet de réalisations structurelles significatives [16] [17].

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Fort de son expérience et de son potentiel sur ces matériaux [13] [20], la France a été le premier
pays à publier des recommandations en 2002 [1] [2] [3] permettant de formaliser les méthodes de
caractérisation des performances de ces matériaux et de donner des règles de calculs de structures
en BFUP sans aucune armature de renfort autre que les fibres ce qui constitue l’innovation majeure
de ce type de matériau.
Dans les années 2000, plusieurs pays se sont lancés dans la recherche sur les BFUP. Les Japonais
très actifs ont publié des recommandations en 2004. Ils ont réalisé plusieurs ouvrages remarquables
[14] (passerelles piétons, ponts routiers et ferroviaires) et ont actuellement d’importantes
applications structurelles (composants de bâtiments de grande hauteur, ouvrages aéroportuaires en
site maritime).
En Australie, une activité significative se développe axée sur la réalisation d’ouvrages d’art [7] et
l’utilisation du matériau dans des boucliers de protection contre les explosions.
Les Allemands ont démarré depuis 2005 un ambitieux programme de recherche (10 M€) sur 6 ans
qui mobilise un nombre important d’universités sous le pilotage de l’université de Kassel. Ils ont
par contre peu d’expérience de conception et d’utilisation réelle du matériau par manque
d’entreprises et de maîtres d’ouvrages impliqués dans le développement de ces technologies.

5. Les principales caractéristiques des BFUP


Cet article n’a pas pour objet de présenter l’ensemble des caractéristiques mécaniques des BFUP
mais plutôt de mettre en évidence les performances spécifiques qui les distinguent des bétons
traditionnels.

5.1. Traitement thermiques


Certains BFUP font l’objet d’un traitement spécifique (dit de type BFUP ou de type 2 dans les
nouvelles recommandations) qui s’applique plusieurs heures après la prise du béton et consiste à
porter les éléments à une température relativement élevée (environ 90°C) et à un degré d’humidité
proche de la saturation pendant environ 48 h. Ce traitement permet d’augmenter sensiblement les
caractéristiques de durabilité et diminue de façon très importante les effets différés ultérieurs : plus
de retrait de dessiccation, réduction très importante du fluage.
Des traitements plus traditionnels de type « étuvage », appliqués dès les premières heures
permettent éventuellement d’anticiper le début de prise et d’accélérer le durcissement initial du
BFUP. Ils s’effectuent à une température modérée (de l’ordre de 40 à 50°C) et ont une influence
beaucoup moins importante sur les effets différés ultérieurs.
Beaucoup de BFUP sont également mis en œuvre sans aucun traitement thermique, ce qui ne les
empêche nullement de monter en résistance très rapidement (résistance supérieure à 70 MPa au bout
de quelques heures). On constate par contre assez souvent des phases dormantes avant le début de
prise qui peuvent être plus longues que pour un béton traditionnel. Par contre une fois que la prise
démarre la montée en résistance est très rapide.

5.2. Retrait, fluage


Contrairement aux bétons ordinaires, le rapport E/L très faible des BFUP provoque un retrait
endogène très important (de l’ordre de 550 µm/m) et un retrait de dessiccation très réduit (de
l’ordre de 150 µm/m pour les BFUP avec traitement thermique, retrait nul après le traitement
thermique).
Le coefficient de fluage des BFUP non traités thermiquement est comparable au coefficient obtenu
pour des BHP avec fumée de silice (coefficient de fluage à long-terme Φ compris entre 0,8 et 1,0).
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Avec un traitement thermique ce coefficient de fluage diminue de façon très importante (compris
entre 0,2 et 0,5).
Ces caractéristiques ont plusieurs conséquences sur les performances et modalités d’utilisation des
BFUP :
- Toute pièce bridée doit être coffrée avec des conceptions de coffrage qui permettent au
mieux la libre rétraction de la pièce lors de la prise afin d’éviter des contraintes internes
importantes liées à l’effet du retrait endogène gêné,
- Les BFUP sont parfaitement adaptés à la préfabrication : une fois que le béton a fait sa prise
les effets différés ultérieurs (retrait, fluage) sont très réduits par rapport à un béton
traditionnel. On dispose ainsi d’éléments de structure qui ne « bougent plus ». Cela est
d’autant plus vrai lorsque les éléments sont soumis à un traitement thermique de type BFUP,
- A noter que dans le cas de précontrainte par prétension, le traitement thermique n’a que peu
d’influence vis-à-vis d’une limitation des pertes de précontrainte : en effet le traitement
thermique n’intervenant que plusieurs heures après la fin de prise, il est réalisé après le
relâchement des câbles et la mise en précontrainte, de telle sorte que l’ensemble du retrait
endogène intervient dans les pertes de précontrainte,
- Par contre dans le cas de pièces précontraintes par post-tension, l’application d’un traitement
thermique type BFUP avant la mise en précontrainte, tend à réduire de façon très sensible
les pertes de précontrainte sous l’effet conjugué de l’absence de retrait de dessiccation et de
la diminution très importante des déformations de fluage.
Toutes ces remarques restent valables dans le cas d’une utilisation d’éléments en BFUP connectés à
une charpente métallique [12] [22] [23] ou à un autre matériau [18] : les déformations différées
réduites du BFUP (retrait, fluage) limitent les efforts internes liés à la connexion métal/béton.

5.3. Résistance en compression


Les lois de comportement en compression des BFUP sont quasi rectilignes et ne présentent pas de
réel palier plastique. Les dispersions obtenues sur les résistances en compression sont généralement
faibles grâce à la qualité et à l’homogénéité des prémix utilisés pour la réalisation des gâchées.
A noter que les très grandes résistances obtenues en compression (de 150 à 250 MPa) obligent à
réduire la taille des éprouvettes par rapport aux bétons ordinaires (capacité des presses oblige) et
requièrent un soin particulier pour leur confection. Ces exigences conduisent certaines entreprises à
réaliser pour les contrôles des essais sur cubes qui sont plus simples à confectionner. Cette
démarche est acceptée par les recommandations sous réserve d’avoir bien calibré et justifié au
préalable les courbes de correspondance entre les résistances obtenues sur cubes et celles obtenues
sur cylindres.

5.4. Résistance en traction


Le plus gros enjeu pour les BFUP et ce qui les distingue radicalement des autres bétons est la
résistance en traction qui concerne d’une part la résistance du matériau avant fissuration et la
résistance post fissuration qui mobilise essentiellement la résistance des fibres.
La résistance en traction avant fissuration ne pose pas de réel problème. En effet, si on maîtrise
correctement les paramètres de mise en œuvre (formulation, temps de malaxage), on obtient une faible
dispersion de la résistance en traction de la matrice cimentaire qui gouverne la résistance avant fissuration.

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Par contre, l’enjeu fondamental des BFUP est d’arriver à maîtriser et garantir la résistance post-
fissuration dans une structure quelconque sachant que cette résistance dépend de l’orientation des
fibres, laquelle orientation dépend des conditions de mise en œuvre :
− Tout écoulement éventuel lors de la mise en œuvre tend à orienter les fibres dans le sens de
l’écoulement,
− Les fibres proches des parois sont naturellement orientées parallèlement aux coffrages. Ce
phénomène n’intervient que sur une profondeur inférieure ou égale à la longueur des fibres. Il a
ainsi d’autant plus d’influence sur la résistance en traction effective des pièces que l’on dispose
d’épaisseurs de structure proches de la dimension des fibres.
− Une orientation privilégiée des fibres dans le sens de la gravité peut parfois se produire, liée au
comportement naturel des fibres dans la phase liquide visqueuse que constitue le béton avant la
prise.
Pour maîtriser au mieux l’orientation des fibres lors de la mise en oeuvre, le principe général est de
couler les pièces en mettant le BFUP directement « à sa position finale », afin d’éviter au mieux les
écoulements. Si on n’arrive pas à supprimer les écoulements on phase les opérations de bétonnage
pour compenser et/ou orienter les écoulements dans le sens des efforts principaux. En tout état de
cause, pour valider le processus de mise en œuvre, on réalise systématiquement une épreuve de
convenance consistant à réaliser en amont de la structure réelle un élément témoin de taille
représentative de la structure réelle, réalisé avec le même matériau et suivant les mêmes procédés
que ceux envisagés pour l’exécution de la structure réelle. On vient découper dans cet élément des
prismes permettant de réaliser des essais afin de déterminer la loi de comportement en traction
réelle dans la direction du prisme, et de la comparer à la loi théorique initiale issue des éprouvettes
de laboratoire.
L’analyse statistique des résistances en traction obtenues dans l’élément témoin permet de corriger
la loi de comportement théorique initiale (notion de coefficient correctif K).
L’ensemble de ces essais est réalisé sur des éprouvettes testées généralement en flexion.
Pour les structures d’épaisseur importante pour lesquelles l’effet des parois est limité, la taille des
éprouvettes pour réaliser les essais de traction par flexion doit être relativement importante par
rapport à la dimension des fibres. En effet, il ne faut pas que les éprouvettes soient de taille trop
réduite, sinon l’effet de paroi tend à peigner les fibres dans le sens de l’éprouvette (elles se mettent
parallèlement aux bords) et on surestime la résistance réelle du matériau en laboratoire. A contrario,
si la taille des éprouvettes prélevées dans la structure est trop petite, on obtient une dispersion sur
les prélèvements de l’élément témoin très importante qui tend à sous estimer très fortement la
résistance réelle dans la structure, voire à rendre impossible l’analyse statistique de ces
prélèvements.
Par contre pour les éléments minces dans lesquels l’effet de paroi est fondamental (épaisseur de
l’élément inférieure à trois fois la longueur des fibres, tendant à privilégier une orientation 2D des
fibres), on teste directement des éléments de même épaisseur que la structure réelle tant au niveau
des essais de laboratoire préalables qu’au niveau des épreuves de convenance lors de la réalisation
de l’élément témoin.

5.5. Durabilité des BFUP


Les BFUP sont par définition des matériaux extrêmement fermés et compacts. Ils présentent une
structure poreuse particulière caractérisée par une absence de porosité capillaire et une porosité à
très petite échelle non interconnectée (figure 1).

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700

600

C80/95
500

C100/115
400
Dv/log(dr)

BFUP
300

200

100

0
1 10 100 1000
Diamètre des pores (nm)

Figure 1 : Distribution de la taille des pores pour différents bétons, source CERIB

Cette caractéristique leur confère des performances en terme de durabilité tout à fait exceptionnelles
avec des porosités à l’eau, perméabilités à l’air, coefficients de diffusion des ions chlore très réduits
par rapport aux bétons ordinaires et aux BHP.
Ces performances les rendent pertinents pour toutes les applications de structures soumises à des
ambiances extérieures agressives [25].
Par ailleurs leur résistance à l’abrasion (test CNR) et leur résistance aux effets dynamiques [26] [27]
les rendent particulièrement pertinents pour des applications de protection d’ouvrage hydraulique
ou de protection de structures soumises à des effets de chocs ou d’explosions. A noter que lors des
chocs, la présence de fibres de taille réduite limite considérablement les projections d’éclats qui
peuvent parfois poser des problèmes de sécurité aux personnes.

5.6. Parements, aspects esthétiques des BFUP


Les caractéristiques très compactes des BFUP et la finesse du matériau permettent d’obtenir des
surfaces coffrées de très grande qualité architecturale, avec la possibilité d’utiliser des matrices de
très grande finesse.
Des problèmes esthétiques peuvent par contre apparaître au niveau des surfaces non coffrées et au
niveau de traces d’oxydation liés à la présence de fibres en surface des parements, dans le cas de
béton de teinte claire observable à des distances réduites.
Concernant le traitement des surfaces non coffrées, le plus grand soin doit être apporté à la cure.
Plusieurs techniques de nivellement et/ou de lissage des surfaces non coffrées permettent d’obtenir
des parements soignés et d’éviter que les fibres dépassent en surface. Parmi ces traitements, on peut
citer l’application de rouleaux en matière plastique ou en caoutchouc munis de picots permettant
d’enfoncer les fibres et de régler la surface en évitant les problèmes d’adhérence liés à la viscosité
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du matériau. Des techniques de bâches glissantes permettent d’obtenir des résultats similaires, tout
en apportant des solutions intéressantes pour la cure.
Concernant la limitation des fibres apparaissant en surface des parements coffrés, un travail doit
être fait sur la formulation et la nature des parois de coffrage afin d’éviter toute fibre apparente en
surface, ce qui supprime les risques de points de rouille ultérieurs. Les joints entre panneaux de
coffrage doivent être parfaitement étanches. Si un nombre important de fibres apparaît des
traitements de surface peuvent être mis en œuvre pour éviter la corrosion ultérieure des fibres.
A noter que dans les applications architecturales réalisées avec un premix blanc, la technologie
CRC prévoit la mise en œuvre de fibres en inox. Cette technologie n’est pas courante et n’a jamais
été testée pour un BFUP structurel sans armatures passives (la technologie Danoise CRC allie un
BFUP très fortement fibré à un ferraillage passif traditionnel).
De même, pour certaines applications en préfabrication on peut réaliser des panneaux sandwich
constitués de BFUP à fibres métalliques bordés en surface par une couche de BFUP à fibres
organiques.
Concernant l’aspect esthétique et architectural, le principal intérêt des BFUP est bien–sûr de
pouvoir réaliser des formes quelconques sachant que l’on n’est plus soumis aux contraintes de
façonnage des cages d’armatures.

6. Le BFUP : un matériau qui nécessite de révolutionner les techniques de


conception et de mise en oeuvre
La conception et la réalisation d’ouvrages en BFUP nécessitent de sortir des réflexes attachés aux
structures traditionnelles en béton armé ou en béton précontraint.
Les volumes de structures sont complément modifiés avec des épaisseurs qui peuvent devenir très
réduites ce qui peut faire peur à des non initiés mais est souvent parfaitement pertinent, la réduction
d’épaisseur tendant à favoriser l’orientation des fibres et à augmenter la résistance du matériau.
L’absence d’armatures rend notamment complètement caduque la notion d’épaisseur minimale
nécessaire à l’enrobage d’aciers de béton armé qui doivent par ailleurs conserver un bras de levier
suffisant.
La possibilité de réaliser des pièces très élancées nécessite d’être vigilant sur les vérifications de
déformations et d’efforts dans les phases transitoires de manutention et d’assemblage. Par ailleurs,
plus les pièces sont élancées plus les tolérances dimensionnelles doivent être réduites. Les
processus de fabrication et de contrôle doivent être adaptés en conséquence.
La forme des coffrages doit être complètement revue. Dans une structure traditionnelle on privilégie
les angles permettant un façonnage aisé des armatures. Avec les BFUP on a tout intérêt à ne pas
mettre d’angle mais plutôt des surfaces arrondies qui facilitent la mise en œuvre du matériau et
évitent les discontinuités d’écoulement.
L’absence de ferraillage permet d’envisager toutes les formes de structures pour peu que la
géométrie soit cohérente et pertinente avec un bon cheminement des efforts.
La technologie des coffrages devrait évoluer. On voit se développer des solutions de coffrage en
plastique ou polystyrène découpé automatiquement pour permettre des formes tridimensionnelles
quelconques.
Le développement de la préfabrication devrait aller de pair avec des recherches de conception sur
les connexions entre les éléments permettant d’assurer au mieux la transmission des efforts,
l’étanchéité et la pérennité de l’assemblage.
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Le BFUP en tant que matériau fibré quasi inerte devrait se développer dans la conception de
structures composites et/ou pour des solutions de connexion entre éléments de charpente et de
structures traditionnelles armées.
Un frein important au développement du matériau est probablement lié aux méthodes de calculs qui
sortent des usages traditionnels des bureaux d’études. Les calculs de résistance des bétons fibrés
sont peu connues. Il en est de même pour les méthodes d’essais de résistance en traction par flexion
qui sont peu connues des laboratoires et requièrent des outils numériques d’exploitation peu
courants (méthode inverse).

7. Intérêt des BFUP vis-à-vis des problématiques du développement durable


Un volume de BFUP comporte environ deux fois plus de ciment qu’un béton traditionnel, et donc
produit deux fois plus de CO2 et consomme deux fois plus d’énergie pour être produit. Par contre
l’expérience sur les réalisations en BFUP montre que s’ils sont utilisés de façon pertinente, ils
permettent de diviser les quantités de matière mises en œuvre dans une structure par deux ou trois.
L’ouvrage en BFUP permet ainsi un léger gain en termes d’empreinte initiale de CO2 et d’énergie
par rapport à une solution classique, mais offre par ailleurs un gain important en termes de
durabilité, légèreté, économie globale de matière. Il est donc important d’intégrer une anticipation
du gain de durabilité permis par les solutions BFUP, particulièrement pertinentes lorsqu’on
recherche des éléments ou structures « inusables » ou évolutifs, compte tenu des coûts
économiques, d’image, de niveau de service opérationnel et des coûts environnementaux des
opérations d’entretien et maintenance requis par les solutions traditionnelles.

8. Conclusion et perspectives
La conception et la réalisation de structures en BFUP nécessitent de sortir des réflexes attachés aux
structures traditionnelles en béton armé ou en béton précontraint.
Les BFUP ne sont pas des matériaux économiquement révolutionnaires dans le sens ou leur coût de
production et de mise en œuvre reste élevé et nécessitent une recherche d’optimisation pour garantir
un réel gain financier.
Mais les niches existent et les applications performantes tendent à se développer de plus en plus
d’autant que la durabilité, l’esthétique des structures, la rapidité d’exécution, l’évolutivité possible
des aménagements, le gain de matière première sont des préoccupations qui iront croissant et
auxquelles les BFUP permettent d’apporter de réelles réponses novatrices.
Les recherches et projets importants en cours vont par ailleurs conforter leur développement à
moyen terme et contribuer à en faire percevoir un peu plus tout le potentiel structurel et
architectural.

9. References
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[17] J.Resplendino, S Bouteille, O Delauzun, E Maleco, C Dumont, P Cantrelle, G Chanliaud, C
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[18] J.Resplendino, S. Bouteille «Etude de solutions de tabliers de ponts réalisés en Béton Fibré
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10
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