Vous êtes sur la page 1sur 12

Art et

artisanat
89

art et artisanat
À l’œuvre on connaît l’artisan
L’artisanat fait partie des activités quotidiennes des minerai de fer. Grâce notamment aux découvertes
fribourg au temps des mérovingiens

communautés rurales du Haut Moyen Âge. Les tra- de Boécourt, on peut restituer le fonctionnement
vaux agricoles, artisanaux et domestiques néces- des bas-fourneaux (086). Ils se présentent sous la
sitent tout un éventail d’outils et d’ustensiles en forme de fosses d’environ 1 m de diamètre pour une
métal, en bois, en terre cuite ou encore en os, dont profondeur de 20 à 40 cm, entourées de murets en
la fabrication requiert un certain savoir-faire. La pierre. Un ou plusieurs soufflet(s) placé(s) à leur base
métallurgie, la tabletterie, la vannerie, le tissage, permet(tent) d’alimenter le foyer en oxygène à tra-
le travail du verre et du cuir, pour n’en citer que vers des tuyères en argile. Une ouverture sommitale
quelques-uns, font partie, dans les sites d’habitat, permet d’introduire successivement le minerai et le
des activités artisanales courantes, dont les traces charbon de bois, et une seconde ouverture à la base
plus ou moins fugaces sont difficilement percep- du fourneau permet l’écoulement des déchets de
tibles par les archéologues. réduction, les scories. Ces fourneaux fonctionnent
selon la méthode de réduction directe : le minerai
La production de fer est un artisanat très important est chauffé par combustion de charbon de bois qui,
pour la manufacture d’outils et d’ustensiles agraires en libérant du monoxyde de carbone, va permettre
et domestiques, mais aussi d’armes, d’accessoires du de réduire les oxydes de fer présents dans le mine-
vêtement et d’autres parures. Les gisements de fer rai. Ce processus permet également la liquéfaction
du Jura comptent parmi les plus importants de nos d’une majorité des impuretés qui s’écouleront hors
régions et vont approvisionner tout le Plateau suisse du fourneau sous forme de scories. Le reste du métal
durant le Haut Moyen Âge. La région connaît donc non fondu formera un bloc de structure spongieuse
à cette période un développement important des constitué d’un mélange de fer, de charbon et de
centres sidérurgiques où est réalisée la réduction du scories. Ce produit brut, l’éponge de fer, extrait

90 086
rante des habitants (087). Une forge emploiera tout
un choix d’outils pour le travail du métal (enclumes,
marteaux, pinces, ciseaux, ciselets, poinçons, limes),
tandis que l’ouvrage du bois nécessitera des scies,
haches, ciseaux, mèches et fers de rabot. L’artisan

art et artisanat
du cuir aura recours à des poinçons, couteaux et
du fourneau, fera ensuite l’objet de toute une série paroirs. Enfin, le tisserand, généralement équipé
de travaux de la forge à l’objet fini : le raffinage par d’outils en bois, en os ou en terre cuite, utilisera
des étapes successives de chauffage et martelage également certains ustensiles en fer comme des
et le forgeage qui se fera également à chaud, tout aiguilles ou encore des lames pour tasser les fils sur
comme l’assemblage de pièces différentes par sou- le métier à tisser.
dure. Certains objets seront façonnés en acier, un La métallurgie du bronze utilise un alliage cuivre-
alliage de fer et de carbone, plus dur et plus résis- étain qui sera fondu dans des creusets en terre avant
tant, dont le trempage à chaud dans un liquide froid d’être coulé dans des moules aux décors variés.
permet d’augmenter encore la dureté. Cette tech- Le décor ainsi obtenu peut être rehaussé par une
nique est particulièrement recherchée pour les outils dorure ou un étamage de la surface ou encore par
et les armes, mais, souvent, seul le tranchant est en niellage ou émaillage. Dans nos régions existaient
acier. Ce n’est qu’une fois la mise en forme terminée probablement maints ateliers de bronziers, même
que l’on procédera aux travaux de finition comme le si pour l’instant aucune trace de ces lieux de pro-
polissage, le décor et l’ajout de manches. duction n’a été repérée en fouille. Seuls quelques
Les outils en fer produits durant le VIIe s. sont liés creusets et moules en terre cuite ou en pierre
aux différentes activités pratiquées dans la vie cou- signalent la présence de ces artisans spécialisés. Le

087 91
fribourg au temps des mérovingiens

089 a b

bronze est adopté surtout pour la création d’acces- dorées rondes ou quadrilobées (voir 077a) se dis-
soires de vêtements (boucles, plaques-boucles), de tinguent tout particulièrement. Les travaux d’as-
parures (fibules (088), épingles, bracelets, bagues, semblage et de montage de ces fibules ainsi que
boucles d’oreilles), de décorations de sacoches, leur décor nécessitent des procédés techniques
etc. et, dans une moindre mesure, pour la fabrica- très élaborés qui témoignent du grand savoir-faire
tion d’éléments liés à l’armement. Les fameuses des orfèvres. Ces bijoux d’une qualité exception-
garnitures de ceinture illustrant des scènes chré- nelle sont ornés de feuilles et de filigranes d’or, avec
tiennes font partie des créations les plus célèbres. des pierres semi-précieuses – grenats par ex. –, ver-
roteries ou nacre serties dans des bâtes (chatons).
L’orfèvrerie est l’un des fleurons de l’artisanat du Dans la collection fribourgeoise, les broches qua-
Haut Moyen Âge. Les parures, généralement en drilobées comme celles de Fétigny sont constituées
bronze, en fer, en argent parfois, en or rarement, d’un noyau d’argile ou de chaux sur lequel sont
sont rehaussées et serties. Les grandes fibules soudés des montants formés de bandes en alliage
métallique doré. La face supérieure, recouverte
d’une feuille d’or, est rehaussée par un cabochon
central de pierre semi-précieuse ou de verre, encer-
clé par un ruban hachuré. Les angles et les lobes
du bijou sont décorés de bâtes soudées, dans les-
quelles s’insèrent des éléments de verre de couleur
verte et de nacre blanche, entre lesquels s’interca-
lent des grenats en forme de gouttes. La touche
finale est apportée par des filigranes dessinant des
formes circulaires, en fer à cheval ou encore en S,
enserrant chaque bâte. Au dos, le système d’attache
92 088 constitué de l’ardillon et du ressort montés sur un
porte-ressort est fixé sur une
plaque en alliage métallique qui
constitue le fond de la fibule.

La tabletterie regroupe les artefacts

art et artisanat
en os (089), ivoire, corne et défense.
Avec ces matériaux, l’on fabriquait
pions et jetons, étuis, manches de cou-
teau, boîtes/reliquaires, perles et penden-
tifs, épingles à cheveux, peignes, poinçons,
fusaïoles, etc. Représentatifs du savoir-faire de
ces artisans, les peignes (voir 063), sans conteste
l’un des objets en os les plus fréquemment retrou-
vés dans les tombes, sont fabriqués à partir de
090
plusieurs lamelles rectangulaires extraites d’os
longs. Les différents éléments étaient assemblés
à l’aide de petits rivets en fer ou en bronze avant verdâtre ou jaunâtre parfois décorés de lignes gra-
l’entaillage des dents. Ces peignes étaient parfois vées, de côtes, de dépressions ou encore de filets
rangés dans des étuis pliables décorés de cercles blancs opaques disposés horizontalement ou en
concentriques. festons. Ces décors ont été appliqués soit après
le soufflage, soit en soufflant les verres dans un
La production mérovingienne de verre est reconnue moule mono valve à côtes. Petite particularité des
pour son originalité et la maîtrise de ses verriers. gobelets mérovingiens (voir 037), leur fond convexe
Les perles, ayant moins subi les affres du temps exige qu’ils soient vidés de leur contenu avant de
que les récipients très fragiles, ont couramment été pouvoir être posés… santé !
retrouvées (090). En verre opaque ou translucide, Fiona McCullough
monochrome ou polychrome, leurs formes, décors
et couleurs sont très variés. Les perles multico-
lores, appelées millefiori, sont fabriquées à l’aide 086 Reconstitution d’un bas-fourneau, 550-650. Boécourt/
de baguettes de verre polychromes découpées Les Boulies JU
en pastilles, ramollies et enroulées autour d’une 087 Couteaux (en haut), dont un éventuel rasoir, pince,
ciseau et poinçons en fer (en bas), VIIe s. Riaz/
tige en métal pour obtenir le décor souhaité. Des Tronche-Bélon, Arconciel/Es Nés, Fétigny/La Rapet-
cabochons en pâte de verre sont également utili- taz et Vuippens/La Palaz
sés pour décorer les fibules ainsi que les chatons 088 Fibule en forme de cheval en alliage cuivreux,
2e moitié VIIe s. Fétigny/La Rapettaz
de bagues. 089 Exemples d’objets de tabletterie : a) éléments de
En pays fribourgeois, la vaisselle, qu’elle soit en reliquaires en os à entrelacs, rosaces et cannelures,
verre ou en céramique, nous est rarement parve- VIIIe s. Belfaux/Pré St-Maurice et Vallon/St-Pierre de
Carignan ; b) bourse-reliquaire d’Adalric en os sculpté
nue, mais en ce qui concerne les récipients en verre, et plomb (Royaume franc ?), VIIIe s. Sion/St-Théodule VS
le spectre des autres régions comprend principa- 090 Collier de perles en verre aux formes et couleurs
lement des bols, des gobelets, des bouteilles et variées, unies et à décor multicolore (millefiori),
2e moitié VIe s. Riaz/Tronche-Bélon, tombe 206
des flacons en verre soufflé de coloration bleue, 93
Le fer sublimé
L’époque mérovingienne est réputée pour ses arts
fribourg au temps des mérovingiens

des métaux et tout particulièrement pour sa tech-


nique du damasquinage, qui consiste à incruster
des fils métalliques et à plaquer des feuilles d’argent
sur un objet en fer afin de créer des motifs décora-
tifs (091). Pour réaliser les incrustations, l’artisan gra-
vait sur la surface métallique, à l’aide d’un burin, un
sillon rectangulaire profond de quelques dixièmes
de millimètres. Cette fine rainure était ensuite com-
blée par martelage à l’aide d’un fil en argent ou en
alliage de cuivre. Le placage entre les fils damasqui-
nés était réalisé sur des surfaces où de fines stries
peu profondes et entrecroisées avaient d’abord été
gravées à main levée à l’aide d’une pointe (092). De
fins feuillets ou des lamelles d’argent étaient ensuite
déposés côte à côte sur la plaque, puis martelés afin 091

d’incruster l’argent dans les microsillons, donnant


ainsi un effet de placage uni. Pour créer des motifs hache. Les exemplaires les plus anciens remontent
en relief, l’artisan exécutait le décor au préalable sur au IIe s. av. J.-C. Le damassage de l’acier se décline
une feuille d’argent au repoussé, avant de fixer cette selon deux procédés principaux : le damas d’assem-
dernière sur la surface de la plaque en fer (093). blage et le damas torsadé.
Finalement, le fer subissait un assombrissement Une lame en damas d’assemblage est constituée
par le feu, permettant de faire ressortir le contraste de paquets de lamelles de fer et d’acier soudées
entre plaque et décor damasquiné. en alternance (094). Le nombre de lamelles utilisées
varie, tout comme la teneur en carbone de l’acier.
Largement diffusée tout au long du Haut Moyen Ces paquets sont pliés sur eux-mêmes puis martelés,
Âge, la technique de l’acier damassé, combinant laissant apparaître à la surface de la lame des motifs
acier et fer, est utilisée principalement pour la linéaires ou ondulés. Dans le cas du damas torsadé,
confection des lames d’épée, de couteau et de ces mêmes bandes de fer et d’acier sont non seule-

a b c d

94
094
art et artisanat
092 093

ment pliées, mais aussi torsadées, en laissant ainsi ments supplémentaires de la surface du métal tels
apparaître un motif en V. En règle générale, le damas que des attaques aux acides naturels ou un brunis-
constitue la partie centrale de la lame, tandis que sage par le feu, qui donneront aux motifs une teinte
le tranchant en acier pur est ajouté dans un second foncée ou claire selon la teneur en carbone des dif-
temps. La dureté superficielle du matériau et sa résis- férents métaux. Ce décor variera également selon
tance à l’usure seront augmentées grâce au tranchant, les différents types d’aciers utilisés et les impuretés
mais une certaine élasticité sera maintenue grâce au présentes dans le métal. Sublimées par un polissage
damas formant le cœur de l’ouvrage. final, les armes ainsi façonnées, formidables produits
Une fois les tranchants soudés sur l’âme damassée, la de la métallurgie, témoignent de l’impressionnant
lame est martelée et modelée à chaud sur l’enclume, savoir-faire des forgerons mérovingiens.
pour obtenir l’épaisseur et la forme désirées. La mise
en valeur du décor du damas nécessitera des traite- Fiona McCullough

e f 091 Plaque damasquinée d’argent, 1er tiers VIIe s.


Vuippens/La Palaz, tombe 36
092 Détail d’un décor damasquiné bichrome sur plaque-
boucle, 1re moitié VIIe s. Belfaux/Pré St-Maurice,
tombe 560
093 Détail d’une plaque-boucle à décor plaqué et
ornements repoussés, 2e moitié VIIe s. Grossgurmels/
Dürrenberg, tombe 318
094 Chaîne opératoire de damas soudé et torsadé.
a-c) bloc de bandes d’acier et de fer forgé en une
barre, puis torsadé ; d) lame formée de plusieurs
bandes ; e-f) meulage et polissage mettant en valeur
le décor damassé
95
Entre géométrie et extravagance
Caractérisée par un savant mélange de thèmes ins- L’iconographie animalière constitue l’un des
fribourg au temps des mérovingiens

pirés des mondes animal et végétal et de motifs aspects les plus marquants de l’art de l’époque
empruntés à la géométrie, l’iconographie des mérovingienne. Le répertoire est vaste, chaque
objets de parure et, surtout, des éléments de gar- forme dévoilant une multitude de variations plus ou
nitures de ceinture de la fin du Haut Moyen Âge moins stylisées. Le serpent, les oiseaux et le sanglier
évolue tout au long du VIIe s. On distingue quatre sont les motifs figuratifs les plus fréquemment uti-
périodes stylistiques. Les deux premières sont défi- lisés, la place prépondérante étant occupée par le
nies par des motifs géométriques (095) : hachures, serpent, enroulé sur lui-même ou enlacé à un autre
pointillés, frises de losanges, chevrons ou nids serpent, et mordant souvent son propre corps ; à
d’abeille, entre autres, peuvent couvrir toute la titre d’exemple, on peut citer les fibules en forme
surface de la plaque ou encadrer un motif central, de S avec leurs têtes de serpent ou d’oiseau (096).
généralement un entrelacs plus ou moins complexe L’une des pièces fribourgeoises les plus saisissantes
qui peut prendre la forme de tresses et de torsades à ce propos est une plaque-boucle découverte à
ou imiter des motifs de tissus et de vannerie à brins Fétigny, sur laquelle figure un entrelacs complexe
entrecroisés. Les interstices entres les brins sont formé de multiples serpents accompagnés, dans le
parfois comblés d’un plaquage d’argent rehaussant champ extérieur, de têtes de sangliers et d’aigles,
l’entrelacs central. Toujours dans le courant de la un face-à-face très fréquent sur les garnitures de
deuxième période apparaît la bichromie, à savoir ceinture (097). Ces divers animaux sont toujours
la combinaison de fils de laiton et de fils d’argent, représentés de profil et reconnaissables grâce à
ainsi que les motifs animaliers qui connaissent leur certaines caractéristiques : un bec crochu pour
apogée au cours de la troisième période (entre 650 l’aigle, une défense pour le sanglier, une patte pour
et 675). Durant la quatrième et dernière période le quadrupède, une gueule allongée et ouverte
stylistique, qui caractérise le dernier quart du pour le serpent. Au cours de la 2e moitié du VIIe s.,
VIIe s., les garnitures arborent un décor dominé par la complexité de l’entrelacs devient telle qu’à pre-
le placage d’argent rehaussé de symboles chrétiens mière vue, le décor ressemble à une mêlée repti-
et de rinceaux végétaux, parfois encore mêlés à des lienne désordonnée, alors qu’en réalité, l’ensemble
motifs animaliers très stylisés. est toujours régi par une stricte symétrie. Vers la fin

96 095
096

art et artisanat
098

du VIIe s., l’évolution du décor animalier entraîne païennes, leur utilisation dans l’art du Haut Moyen
une stylisation extrême des corps, rendant leur Âge témoigne de leur intégration dans l’art chré-
identification particulièrement difficile. Les corps tien où, associés ou non à des représentations de la
se déforment, s’allongent et se disloquent, les croix, ils ont revêtu une signification nouvelle pour
têtes et les éléments caractéristiques de chaque devenir symboles d’immortalité, voire de résurrec-
animal disparaissent, pour ne laisser qu’un unique tion, ou encore emblèmes apotropaïques destinés
segment de cercle à l’emplacement de l’œil, par- à conjurer le mal.
fois remplacé par des incrustations. Ce sont ces Fiona McCullough
restes stylisés de corps d’animaux entrelacés qui
donneront naissance à l’entrelacs carolingien. En
parallèle, on voit apparaître de petites vignettes
enserrant des quadrupèdes, tête tournée vers l’ar-
095 Plaque-boucle à motifs géométriques, début VIIe s.
rière et mordant parfois leur queue (098). Ces créa- Riaz/Tronche-Bélon, tombe 138
tures fantastiques sont composées d’un mélange 096 Fibules en forme de S à têtes d’animal retrouvées
de détails anatomiques empruntés à différentes dans une sépulture féminine, début VIIe s. Riaz/
Tronche-Bélon, tombe 416
espèces, mais on peut néanmoins reconnaître ici et 097 Plaque-boucle à entrelacs de serpents, milieu VIIe s.
là le corps d’un griffon ou d’un cheval, des pattes Fétigny/La Rapettaz
ou des griffes, et parfois des ailes. Si l’origine de 098 Plaque-boucle avec vignette de quadrupède, 4e quart
VIIe s. Fétigny/La Rapettaz
ces motifs remonte à des traditions ornementales

097 97
De la fibre à la tunique
fribourg au temps des mérovingiens

099

Avant de pouvoir fabriquer un tissu, toute une série


de travaux doivent être réalisés depuis la culture
de la plante (lin, chanvre) et l’élevage de l’animal
(laine) jusqu’au filage, en passant par le rouissage
des tiges puis l’extraction des fibres et la tonte des
moutons puis le lavage et le cardage de la laine.
Si l’on considère que la fabrication d’un costume
complet nécessite environ 3,5 km de fil, les gens
devaient consacrer une très large partie de leur
temps à la production de textiles domestiques.

Au Haut Moyen Âge, le filage se fait à l’aide du


fuseau, selon une technique qui n’a pas changé
pendant des millénaires ; le sens de torsion et
l’épaisseur des fils ont une influence sur l’aspect
final du tissu, apportant parfois des effets déco-
ratifs. Une fois sa production terminée, le fil est
monté sur un métier à tisser vertical à poids (100)
ou à deux ensouples (099). Les métiers verticaux
sont formés de deux montants maintenus par une
poutre transversale (ensouple) située dans la partie
supérieure de l’appareil ; la barre de lisses, qui per-
met d’écarter les fils verticaux pour laisser passer
98 la navette, se trouve au milieu du métier, parallèle
100
b) SERGÉ CPT-FD T.20

a b 101
a) TOILE AR-NE
à l’ensouple. Les fils verticaux sont maintenus sous
tension au moyen des pesons, et le tissage est réa-
lisé de haut en bas. Ces installations ne laissant que
peu de traces au sol, il est difficile de se prononcer
sur leur fréquence dans les habitats ; les pesons,

art et artisanat
en argile ou en pierre, en sont généralement les
seuls vestiges conservés, parfois associés à des
outils spécifiques (fusaïoles, aiguilles, poinçons ou
broches, peignes et cardes). Dans le cas du métier
à deux ensouples, les fils sont tendus entre deux
barres horizontales et ne requièrent pas de pesons.
Le tissage se fait de bas en haut, et c’est sur ce type
de dispositif que sont réalisées les tapisseries. Les
deux poteaux verticaux sont fixés au sol, dans des
fosses d’ancrage qui sont souvent encore visibles
dans les fonds de cabane. 102
Les différents styles de tissage, appelés armures, soit directement tissées sur le bord de l’étoffe. En
requièrent jusqu’à quatre barres de lisses qui per- plus de jouer un rôle décoratif, ces galons servent
mettent le croisement des fils à intervalles pré- à renforcer les lisières du vêtement. L’art du tissage
cis, créant ainsi des tissus de qualités différentes aux plaquettes (ou planchettes, ou encore tablettes)
– surtout au niveau de la souplesse – et aux motifs est connu au moins depuis l’âge du Bronze et il est
caractéristiques. Les armures textiles de la période encore pratiqué aujourd’hui dans certaines régions
mérovingienne se divisent en deux groupes princi- (pays nordiques et de l’Est). Le nombre de pla-
paux : la toile et le sergé (101). L’armure toile, la plus quettes utilisées ainsi que le sens d’enfilage des fils
rudimentaire, consiste en un simple croisement des dans les perforations et de rotation des plaquettes
fils verticaux (fils de chaîne) et horizontaux (fils de (vers l’avant ou vers l’arrière) permettent la création
trame). Les tissus ainsi produits sont généralement d’un nombre infini de motifs. D’autres techniques
utilisés pour les sous-vêtements. L’armure sergée décoratives peuvent être mises en œuvre pendant
existe sous de nombreuses formes et les différents le tissage du textile (broché ou tapisserie p. ex), ou
schémas de croisement des fils permettent la créa- être ajoutées par après (broderies), transformant le
tion de motifs variés tels que des lignes diagonales, tissu le plus simple en un précieux vêtement.
des chevrons, des losanges et des rosettes, mais
aussi des plissés. Permettant la confection d’habits Fiona McCullough
à la fois souples et résistants, les tissus sergés sont
choisis pour les tuniques et les manteaux.
099 Scène de tissage sur un métier vertical à deux
ensouples, Psautier d’Utrecht (vers 820-835), fol. 84r
Les galons ou rubans décorant les manches, les 100 Métier à tisser à poids
cols et le bas des vêtements sont fabriqués à l’aide 101 Armures les plus utilisées durant le Haut Moyen
de petites plaquettes en bois, os ou cuir perforées Âge : a) armure toile ; b) armure sergée
102 Tissage aux plaquettes en cours de réalisation ;
de deux à six trous (102). Les bandes polychromes copie d’un galon du VIIe s. découvert à Chelles
obtenues sont ensuite soit cousues sur le vêtement 99

Vous aimerez peut-être aussi