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LA BIJOUTERIE

DÉFINITION

On entend d'une façon générale sous le nom de bijouterie l'art de


fabriquer en toutes sortes de matières, depuis les métaux les plus
fins, or et argent, les pierres les plus précieuses, jusqu'aux matières
les plus vulgaires, telles que le bois, les coquillages, les insectes,
des objets destinés à la parure, bagues, colliers, bracelets, pen-
dants d'oreilles, broches, etc., à les enrichir par des ciselures, des
gravures ou par l'adjonction de matières différentes comme les
diamants, les perles, le corail. L'art de la bijouterie fabrique un
nombre considérable d'objets ayant tous le même aspect et la des-
tination commune d'orner la personne, mais différant essentielle-
ment les uns des autres par la nature des matériaux mis en oeuvre.
Ainsi prenons un simple anneau, on trouvera ce même bijou
d'abord en or ou en argent, plein on évidé à l'intérieur, mais ne con-
tenant que ce seul métal; puis on pourra s'en procurer un autre de
forme et d'aspect identiques, mais le métal précieux ne composera
que le revêtement extérieur, le corps de la pièce étant en cuivre ou
en alliage de ce métal plein ou creux lui-même.
Enfin l'industrie fabrique encore des bijoux où les objets, bien
qu'exécutés sur des dessins analogues à ceux des bijoux dont nous
venons de parler, sont établis en métaux différents, acier, fonte,
etc., conservés sous leur aspect naturel. Tous ces genres peuvent
être divisés en deux grandes classes, la bijouterie en vrai et la bi-
jouterie d'Incitation, celle-ci comprenant un assez grand nombre de
subdivisions. Nous parlerons donc de la bijouterie en or, en acier,
en argent, en aluminium, en corail, en imitation de vieil argent, en
jayet et verroterie pour deuil, en doré, en doublé, en fil de fer, en
écaille, en ivoire et en nacre, en bois durci, en buffle et même en
cheveux.

En réalité, la nomenclature que nous donnons ici : des divers gen-


res de fabrication de la bijouterie est incomplète en ce sens que
dans le commerce, les bijoutiers offrent encore à leur clientèle une
foule d'autres objets dont nous n'avons pas fait mention et qui for-
ment une partie des plus considérables de leur fabrication ; ce sont
les bijoux enrichis de pierres différentes, pierres précieuses,
comme le diamant, le rubis, le saphir, etc., de pierres d'imitation, de
matières diverses ; mais alors la bijouterie s'allie forcément à la
joaillerie, car il faut non seulement fabriquer la pièce en métal qui
forme le corps du bijou, mais encore tailler ces pierres, les monter;
nous renvoyons pour l'étude de ces matières à l'article Joaillerie.
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Industries auxiliaires

Outre les émailleurs qui fournissent las motifs décoratifs des bijoux avec les émaux
de Limoges ou qui viennent ajouter au fini du travail le charme de couleurs harmo-
nieuses ; en dehors des ciseleurs et des graveurs, qui pétrissent l'or et l'argent
sous leurs ciselets d'acier, il est une industrie qui prête un secours puissant à la bi-
jouterie courante, c'est celle des apprêteurs-découpeurs-estampeurs. L'industrie
des apprêts pour la bijouterie, née en France, inconnue à l'étranger, a été créée en
1853 et a considérablement aidé l'accroissement de la vente du bijou français, en
fournissant à la bijouterie fine comme à la bijouterie d'imitation des apprêts de toute
espèce, tels que ornements, galeries, chatons. Ces produits épargnent du même
coup la façon et le déchet sur le métal ; en effet, au lieu d'avoir à tracer sur un mor-
ceau d'or une pièce entière, puis à la scier, la limer, la travailler à l'échoppe, lais-
sant malgré soi se perdre des parcelles d'un métal précieux, grâce à des procédés
mécaniques extrêmement variés la pièce est obtenue instantanément par un dé-
coupoir, qui lui donne ses contours, sa forme, ses reliefs, en refoulant la matière de
côté ou d'autre, et en épargnant absolument tout déchet. Et ces apprêts ainsi obte-
nus ne sauraient porter obstacle à l'exécution de bijoux délicats; car ceux qui peu-
vent être employés dans ce cas ne subissent qu'un simple dégrossissage, suppri-
mant seulement un travail long et aride. Cette branche d'industrie se développe en-
core chaque jouret présente des produits fort intéressants. (L. Knab, c. 1900).

Aperçu historique

L'art de la bijouterie est en quelque sorte aussi ancien que le


monde; en remontant. dans l'histoire, on retrouve chez les peuples
les plus anciens l'habitude de se parer avec des bijoux faits de mé-
taux précieux, avec des décorations plus ou moins riches; naturel-
lement poussé par un penchant invincible, l'homme rechercha des
l'enfance de l'humanité, tout ce qui pouvait concourir à orner et à
faire remarquer sa personne. Chez les peuples les plus sauvages,
que les navigateurs découvrirent dans l'intérieur des Amériques et
des îles de l'Océanie, on retrouve encore cet instinct de la parure;
et lorsque l'art de travailler les métaux est inconnu, on y voit sup-
pléer par l'emploi de matières plus simples, plumes, bois travaillé,
coquillages. Mais sans vouloir remonter à ces sources si primitives,
il-est certain que l'art de la bijouterie a tenu chez tous les peuples
civilisés une place considérable. Pendant longtemps la bijouterie ne
fut qu'une branche de l'orfèvrerie; c'étaient alors les orfèvres seuls
qui, depuis l'antiquité jusqu'à la fin du XVe siècle, fabriquaient et
vendaient les bijoux en même temps que les pièces de table et les
objets de toilette et d'ameublement. Depuis cette époque les orfè-
vres fabriquèrent des bijoux d'or concurremment avec les bijoutiers
devenus également joailliers par suite de la vogue qu'obtinrent les
pierres précieuses, particulièrement au XVIIe siècle, lorsque les re-
lations commerciales établies avec l'Inde et la Perse eurent répan-
du davantage en Europe le luxe des perles et des diamants.

A l'époque reculée que l'on appelle l'âge de le pierre, les contempo-


rains des grands pachydermes et des armes de silex semblent
avoir éprouvé une certaine satisfaction à se parer d'objets dans
lesquels ils entrevoyaient quelque beauté. Plus tard, quand les mé-
taux firent leur apparition, l'homme ne se contenta plus d'ornements
aussi simples; vers la fin de l'âge du bronze, ce métal, rare encore
chez quelques peuples éloignés, servit pour la confection des ob-
jets de parure et remplaça les substances primitives. L'or lui-même
fut mis à contribution ainsi que l'ambre; mais l'argent n'apparut que
dans la période suivante, connue sous le nom d'âge du fer. Un
grand nombre de bijoux de cette époque sont conservés au musée
de Saint-Germain, au Princess-Palais de Copenhague et dans les
principales collections de l'Europe. Les Mexicains et les Péruviens,
qui jouissaient à l'époque de la conquête d'une civilisation relative-
ment avancée, étaient déjà très habiles à travailler les pierres pré-
cieuses. Dans les temps de leur prospérité, les femmes s'ornaient
les bras de bracelets enchâssés de pierreries, de bagues délicate-
ment ciselées, de pendants d'oreilles dont certaines familles nobles
se faisaient un signe distinctif; mais ce n'étaient là que les premiers
pas d'un art à son berceau, tandis que chez les nations célèbres de
l'Orient et de l'antiquité classique, cet art avait déjà pris un essor in-
connu. Les Orientaux, en général, éprouvent la plus vive passion
pour les parures; Chinois, Tibétains, Indous, Siamois, Cambod-
giens, Arabes, Persans, Tunisiens; Turcs, etc., tous à l'exception
des Japonais font usage des bagues, des pendants d'oreille, des
broches, des colliers, des bracelets, dans la fabrication desquels ils
déploient souvent un luxe extraordinaire. On peut citer la collection
remarquable des bijoux du musée chinois au Louvre; les uns ont
été taillés dans le jade, l'agate, la malachite, le lapis-lazuli; les au-
tres sont en cuivre ciselé, verni, bruni et doré, tels que les épingles
à cheveux, en filigrane monté sur branlant. Quant à la bijouterie
fine, celle-ci est ornée de nacre, de plumes, de brillants, de nom-
breuses perles fines ou fausses. La bijouterie indienne, de son cô-
té, présente une variété infinie de combinaisons merveilleuses, joi-
gnant à l'éclat du métal, les nuances des émaux, la damasquinure,
les nielles et la dorure; à côté des riches parures en filigrane de Ma-
theran, qui semblent façonnées avec des herbes coupées et tres-
sées et que les Anglais appellent parures de gazon, on voyait des
colliers en or tailladé, faits de fragments d'or pur en forme de lo-
sange ou affectant la forme cubique. En supprimant les angles, on
obtient des octaèdres et on les enfile sur de fa soie rouge : c est la
plus belle bijouterie archéologique des Indes.

Les Égyptiens firent de très bonne heure usage des bijoux ; les
peintures murales du tombeau de Beni-Hassan prouvent que les
Égyptiens de haute classe portaient à l'époque de leur édification
des bijoux d'or de toutes sortes, et plusieurs inscriptions parlent dé-
jà d'un grand commerce de pierres précieuses qui se faisait avec
l'Arabie méridionale. Les splendides bijoux trouvés dans le cercueil
de la reine Aah-Hotep, mère d'Ahmosis, bijoux déposés dans les vi-
trines du musée du Caire, montrent à quel point de perfection dans
le travail, de grâce dans les arrangements, d'harmonie dans les
formes, l'art de la bijouterie était alors parvenu, au commencement
du nouvel empire, il y a plus de trois mille cinq cents ans. Les Égyp-
tiens, dans leur industrie primitive, découpaient et estampaient
dans des feuilles d'or, des animaux, des feuillages; souvent, sur les
bords du Nil, ils puisaient les motifs principaux de leurs bijoux, de
leurs colliers, dans la fleur du lotus, dans les scarabées qui glis-
saient entre ces feuilles. Tels sont les pendants d'oreille, les bagues
et les bracelets égyptiens conservés au musée du Louvre, présen-
tant un intérêt historique. Les Grecs, qui reçurent les premières no-
tions des arts par l'entremise de l'Asie, eurent de bonne heure une
bijouterie très intéressante dont les fouilles récentes, surtout celles
entreprises par , à Hissarlik, dans la Troade et à Mycènes ont révé-
lé le style particulier.

Ce n'est que plus tard que la bijouterie grecque subit l'influence di-
recte des Asiatiques; l'art chypriote, propre à éclairer les origines de
l'art grec, prouve que les arts sont venus en Grèce surtout de grec,
prouve et d'Assyrie. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à examiner le
trésor découvert à Chypre par le général de Cesnola et devenu la
propriété du musée métropolitain de New-York; bien que renfermant
des objets affectés au service du culte, ce trésor contient des bijoux
nombreux, anneaux d'or, pendants d'oreilles de toutes formes,
chaînes, agrafes, colliers, bracelets d'or massif formant des ser-
pents enroulés; on y voit aussi des perles de cristal et d'or reliées
par un fil d'or. Mais les bijoux grecs les plus gracieux étaient les fi-
bules ou broches et les pendants d'oreilles dont de charmants spé-
cimens provenant de l'ancienne collection Durand figurent actuel-
lement parmi les précieux antiques du musée du Louvre.

Abandonnant les types conventionnels, l'art devient plus pur, plus


élevé; comme les Grecs étaient admirateurs passionnés de la
beauté dans le corps humain, leurs bijoux s'adaptaient merveilleu-
sement aux formes humaines; le sentiment du beau, des justes
proportions était développé chez ce peuple d'élite par l'étude de la
nature, et le goût public imposait à l'ouvrier, même pour les objets
les plus simples appliqués aux besoins de la vie, une perfection ex-
trême. L'art et l'industrie étaient liés d'une façon indissoluble. Les
Étrusques allèrent chercher l'art en Grèce et s'adonnèrent à la fa-
brication des bijoux; si le goût n'était pas inné en eux, la pratique
des arts était générale ; ils surpassèrent les Grecs surtout dans le
travail du granulé qu'ils portèrent à un tel degré de perfection que
l'on peut les regarder comme les auteurs des chefs-d'oeuvres de la
bijouterie antique. Dans les bijoux étrusques les parties unies et les
fonds sont couverts de petits grains d'or, tous d'égale grosseur, se-
més avec une régularité merveilleuse. Les bijoux du musée Cam-
pana et de la collection du Vatican, témoignent que les ouvriers de
l'Italie centrale, il y a vingt-quatre siècles, savaient travailler l'or
avec la plus grande adresse; ils le filaient en perles, le tressaient en
chaînes et le réduisaient en feuilles impalpables.

C'est par l'intermédiaire des Etrusques que l'art grec pénétra dans
l'ancienne Rome. Les conquêtes des Romains les menaient dans le
monde entier : on trouve donc chez eux un certain mélange de sty-
les différents. L'influence de l'art grec prédomine pourtant dans
l'exécution de leurs bijoux et de leurs camées. Dès les premiers
temps, l'usage des ornements d'or était relativement restreint, car
lorsqu'on envoya à Delphes l'offrande que Camille avait promise à
Apollon pendant le siège de Véies, une grande coupe fut tout ce
que produisit la fusion des bijoux que les dames romaines avaient
offerts généreusement à la patrie. Mais à partir de la seconde
guerre punique, le luxe romain prit une extension si rapide que la loi
Oppia défendit aux femmes de porter sur elles plus d'une demionce
d'or; cette loi fut abrogée vingt ans après sa promulgation; la mode
des bijoux qui jusque-là avaient été d'une grande simplicité, ne fit
qu'augmenter sous le régime impérial, époque où les Romains, plus
que tout autre peuple, eurent la frénésie de l'or et des pierreries.

L'art se ressentit de cet abaissement et à part quelques spécimens


d'un bon style, la bijouterie décèle une pauvreté de travail et un
manque d'élégance tels, que les orfèvres tombèrent dans les lour-
deurs en voulant racheter ces défauts par une excessive profusion
de pierreries.

Les objets de parure dont les Romains se servirent le plus étaient


les anneaux qu'ils mirent indistinctement à Pane on l'autre main,
tant qu'ils ne les ornèrent pas de pierres précieuses; mais lorsque
la mode contraire eut prévalu, ils les portèrent à la main gauche et
ce fut une élégance extrême de les avoir à la main droite; le doit
auquel on mettait les anneaux varia aussi plusieurs fois, on les por-
ta d'abord au quatrième doigt seulement, on en mit ensuite à l'in-
dex, puis à l'auriculaire, enfin à tous les doigts indistinctement à
l'exception de celui du milieu. A Rome, sous l'empire, on portait des
anneaux aux deux mains et même plusieurs à chaque doit. Au IVe
siècle, l'art tombait en décadence à Rome et émigrait à Byzance;
sous le splendide soleil d'Orient, il se transforma par la couleur et
l'ornementation, par un certain mode d'agencement des formes
géométriques et des nuances harmonieuses des émaux; la bijoute-
rie emprunta surtout un nouvel éclat aux pierreries appliquées en
relief sur la surface de l'or. Elle prit un grand essor au temps de
Charlemagne, et les reliquaires, les objets de fabrication diverses
que nous pouvons retrouver encore nous permettent de juger de
l'habileté des artistes de cette époque.

Les Byzantins excellèrent aussi dans le bijou filigrané. Le luxe des


bijoux s'accrut de plus en plus à partir du IXe siècle ; à cette époque
d'après les différents auteurs du Liber pontificalis, on obtenait cer-
tains bijoux à l'aide du repoussé, ils étaient ensuite ciselés, on les
reperçait quelquefois à jour, puis enfin on appliquait la nielle ou
l'émail, antérieurement appelé électrum et désigné au IXe siècle
sous le nom qu'il porte aujourd'hui. Avec la période romane, l'émail
remplaça de plus en plus les pierreries; on sait par la Diversarum
artium schedula, écrite par le moine Théophile vers la fin du XIIe
siècle, que les Toscans excellaient dans le nielle et dans les émaux,
mais au XIIIe siècle, les orfèvres parisiens firent entrer la ciselure
pour une plus grande part dans l'ornementation des bijoux , dont les
plus recherchés étaient particulièrement les bagues ou anneaux
appelés annelets dont on portait alors plusieurs à chaque main.
Viennent ensuite les bracelets on armilles, les agrafes ou fermaux ,
etc. Effrayé du progrès toujours croissant du luxe, Philippe Le Bel
promulgua en 1294 une ordonnance contre "les superfluités de tou-
tes personnes", mais l'usage des bijoux reprit une grande vogue
dans le courant du XIVe siècle. C'est alors que commença la mode
des bijoux ornés de devises; il y avait à la cour de Charles V , des
anneaux différents pour chaque jour de la semaine. Les colliers
étaient également rehaussés d'émaux et de pierres précieuses en-
cadrant de galantes devises.

Les collections et les musées nous offrent de l'époque de la Re-


naissance un grand nombre d'ouvrages, aussi remarquables par
l'ampleur et la grâce de la composition que par un savant emploi
des couleurs; oeuvres dans lesquelles se fusionnent heureusement
le style du Moyen âge et celui des anciens. Une série de peintres-
orfèvres s'illustrèrent à Florence, il en sera parlé à l'article Orfèvre-
rie; nous rappellerons seulement que Ghirlandajo était célèbre par
l'habileté avec laquelle il enlaçait les guirlandes destinées aux ma-
riées. Un édit de Louis Xll, publié en 1506, régla les rapports entre
les orfèvres et les jouailliers non fabricants, qui étaient confondus
avec les tabletiers, merciers, etc.; ceux-ci ne pouvaient vendre que
les menus ouvrages d'or et d'argent, comme ceintures, demi-ceints,
hochets , bagues, cchaînettes d'or. Du contact de l'art flamand avec
l'art italien naquit un art plus délicat c'est vers 1541 que Pierre
Woeiriot publia des modèles de bagues et de pendants d'oreilles
gravés à l'eau-forte dont ont tant profité les bijoutiers de l'époque.
L'émail rouge et blanc devint l'élément essentiel du bijou de luxe,
mais une ordonnance de 1540, rapportée du reste en 1543, défen-
dit l'emploi des émaux que les fabricants déposaient en couches
plus épaisses que de raison. François Ier encouragea grandement
la rénovation en attirant Benvenuto Cellini, qui fit passer dans la fa-
brication française la délicatesse de son talent; sous son influence
une multitude de bijoux ou affiquets furent exécutés par plusieurs
orfèvres, composés dans le goût franco-italien et qui font encore
aujourd'hui l'admiration des connaisseurs.

D'après le Traité de l'orfèvrerie de Benvenuto Cellini, les objets


étaient tous travaillés au ciselet, rien n'était ni fondu, ni estampé.
On faisait des bracelets, des pendants, des anneaux, mais les bi-
joux les plus à la mode étaient certains médaillons qui s'agrafaient
au chapeau ou dans les cheveux. Sous le règne de Henri II et de
ses successeurs, époque où l'art commença à pâlir devant l'éclat
des pierres précieuses, les dames partaient, comme par le passé,
des bagues, des colliers, des bracelets, composés d'après les mo-
dèles d'Etienne Delaulne, d'Androuet Ducerceau , de Théodore de
Dry et de René Boyvin. Les dernières années du XVIe siècle mar-
quent en France les débuts de l'art nouveau et elles sont caractéri-
sées par l'introduction des pierres taillées dans la composition des
bijoux. A la cour de Henri IV, hommes et femmes se couvraient les
doigts de happes, les poignets de bracelets et. le cou de chaînes à
plusieurs rangs ornés de perles et de pierreries; mais c'est surtout
au XVIIe siècle que l'art de la bijouterie reçoit un nouvel élan de
l'amour du luxe auquel obéissaient les privilégiés de la fortune.

De grandes richesses étaient accumulées dans un petit nombre de


mains et comme le goût ne manquait pas chez ces fastueux sei-
gneurs, l'industrie ne pouvait, en présence d'une clientèle exi-
geante, se séparer de l'art. L'importance toujours croissante
qu'avaient acquis les diamants, perles et les pierreries de toute
sorte dans la pratique de la bijouterie, arriva à son apogée lorsque
l'art de tailler et de monter les pierres précieuses eut le pas sur ce-
lui de ciseler l'or et l'argent. La perle devint, sous le règne de Marie
de Médicis , l'élément principal du bijou. Sous Louis XIV une puis-
sante organisation des arts et de l'industrie avait permis aux indus-
triels d'épurer les formes, de perfectionner les procédés d'exécu-
tion; les modèles publiés par Gille Légaré, en 1663 et 1692, en of-
frent des témoignages. Ses cachets, ses anneaux sont décorés de
chiffres et d'emblèmes; ses chaînes sont formées le plus souvent
de noeuds combinés avec les feuilles d’acanthe et les nielles qu'il
dessina pour décorer les médaillons, les montres et les croix figu-
rent des semis de fleurs qui conservent encore quelque chose
d'oriental dans le contour de leurs feuilles. A côté de cet art tradi-
tionnel, il en montre un plus personnel qui consiste à couvrir la
pièce de fleurs naturelles, tournesols, jacinthes, roses, tulipes, etc.,
semées avec goût et heureusement agencées sur leurs tiges. Par
les bijoux, agrafes, tabatières, bottes de montres qui se sont trans-
mises dans certaines familles, nous pouvons apprécier les diverses
transformations du goût et du style au XVIIe et au XVIIe siècle.

Sous Louis XIV, la cour recherchait avec la richesse une grande


largeur de style ; sous Louis XV la fortune vint aux mains de finan-
ciers; ils sont grands dépensiers, mais le goût cède à l'éclat, les or-
nements se contournent, s'alourdissent. Énfin sous Louis XVI le
goût s'épure, la forme devient plus simple et les bijoux de cette
époque présentent avec des oppositions harmonieuses obtenues
par l'emploi d'or de diverses couleurs, une grande finesse de tra-
vail. Pendant toute cette période, la bijouterie française étend sa
domination sur l'Europe entière. Un fait important, la découverte
d'Herculanum, eut une grande influence sur la transformation de
l'art à cette époque; préoccupés de l'art antique et lassés du con-
tourné, du rococo, du rocaillé, les ouvriers en métaux précieux
créèrent le style Louis XVI en s'inspirant des oeuvres du bijoutier
Lempereur. Rien n'égalait la variété, l'originalité, la délicatesse des
bijoux qui rehaussaient alors la toilette des femmes; ce fut le règne
des bracelets de diamant, des colliers, des boucles d'oreilles, des
aigrettes, des noeuds de corsage et des plaques. Les hommes por-
taient de larges bagues appelées firmaments, des boutons de pier-
reries à leurs habits, des boucles d'or à leurs souliers, des tabatiè-
res, des boites et des étuis d'or dans toutes les poches. C'était
l'époque des portraits en miniature enchâssés dans les bijoux.

Les tempêtes de la Révolution de 1789 arrêtèrent pour un moment


les arts de luxe; la coquetterie féminine se contentait alors à peu de
frais. La Bastille démolie devint une mine où s'alimenta la bijouterie
patriotique; des fragments de pierre de l'ancienne forteresse servi-
rent à monter des colliers, des bracelets et des bagues, qu'on appe-
la bijoux de la Constitution. Cependant l'or devait bientôt reparaître;
les femmes de Nantes portèrent à leurs oreilles de petites guilloti-
nes en vermeil et les démocrates élégants ornaient leurs doigts de
bagues en or ou en cuivre rouge dites à la Marat. La bijouterie re-
devint presque florissante sous le Directoire, mais les chaînes d'or
et les bracelets étaient rares; en messidor on donnait la préférence
à des coeurs de cristal montés en or, suspendus au cou avec une
ganse. A ces bijoux trop simples, succédèrent les cercles diaman-
tés dont les femmes s'entouraient le bas de la jambe ; bientôt enfin
le goût de l'antique prédomina et l'on porta des bijoux à la grecque,
ornés de camées et d'intailles, ainsi que des anneaux d'or aux
pieds et aux orteils. Pendant les quinze années du Consulat et de
l'Empire, la bijouterie produisit des ouvrages d'un genre nouveau;
on portait alors des armilles en forme de serpents, des bagues plei-
nes, des colliers de corail, de camées et de scarabées. Les bijou-
tiers de cette époque avaient l'invention lourde et surtout monotone.
Le mouvement qui se produisit dans l'art aux approches de 1827
tendit à rompre avec les formes classiques dont l'Empire et la Res-
tauration avaient abusé, on rajeunit les types vieillis, on améliora
les conditions de l'exécution matérielle. Un grand mouvement social
s'était opéré, la fortune s'était divisée rie plus en plus. Le désir du
luxe se répand chez tous, mais les moyens de s'en procurer les
jouissances est diminué pour chacun, et l'éducation artistique man-
que à la plupart des acheteurs. Par suite, l'industrie flotte longtemps
entre tous les styles ; la division se fait entre l'artiste et l'ouvrier; le
fabricant s'occupe de renouveler sans cesse des modèles, éphé-
mères comme la mode qui les a fait naître. Il faut pour une chose si
fragile, si peu durable, viser au bon marché, car à mesure que se
vulgarise le bijou, le nombre des consommateurs augmente. Pour-
tant, Charles Wagner en entrant dans l'atelier de Mention, apportait
les procédés de fabrication des nielles qu'il avait appris en Russie; il
s'adonnait à l'étude du bijou et l'ornait de ciselures et d'émaux. Il
devint le chef d'uns école d'où sortirent immédiatement à ses côtés
Morel et Froment-Meurice; des artistes de premier mérite ne dédai-
gnaient pas de prêter leur concours au bijoutier, et c'est de Pradier,
de Cavelier, de Feuchères, de Liénard, de Klagmann, de Triquety,
de Geoffroy de Chaumes et de Barye qu'étaient signés les figuri-
nes, les animaux, les ornements, les chimères qui s'incrustaient ou
se relevaient en bosse sur les bijoux d'alors. Froment-Meurice, le
père, tint pendant vingt ans la première place que lui avait recon-
nue, en 1839, le jury de l'exposition nationale; beaucoup d'artistes
lui doivent d'avoir dépassé les zones moyennes du succès; en leur
empruntant leur talent, il les encourageait, les instruisait et les ren-
dait aptes à s'élever jusqu'à l'art pur où plusieurs ont atteint.

Si quelques amateurs s'intéressaient à la renaissance du bijou, la


masse des acheteurs préférait les ingénieuses fantaisies et les ca-
pricieuses parures qui vers 1840 mirent à la mode le magasin de
Mme Jannisset; les éléments de ces bijoux étaient empruntés au
règne végétal, la feuille et la fleur se prêtaient, variées aux perles et
aux pierres précieuses, à des combinaisons mariées. L'or sans un
décor de gravure et d'émail était peu recherché; ce n'est que depuis
qu'on s'est mis à fabriquer des bijoux unis et qu'est venu le goût de
l'or mat. De 1840 à 1850 on fit des bijoux de style moresque. Après
1848 la prospérité du commerce des bijoux reprit rapidement et
nous pouvons le constater dans le rapport que fit sur les industries
des métaux précieux, le duc de Luynes, après l'exposition de 1851
de Londres. C'est de cette période qu'il faut dater l'introduction du
goût anglais dans la bijouterie française : colliers, bracelets, pen-
dants d'oreilles, broches, bagues et crochets de montre prirent l'ap-
parence de massives parures; l'émail ne sert qu'à marquer d'un filet
noir les contours d'une forme, les pierres sont incrustées à fleur d'or
dans des champs unis artificiellement matés et jaunis aux acides
pour imiter l'apparence de l'or fin. Duval et Auguste Halphen furent
les initiateurs de cette mode en France; elle occupa tous les ateliers
et rendit facile aux fabricants d'or bas de Pforzheim, de Hanau, de
Stuttgart et de Birmingham la copie des bijoux d'or à 750 millièmes.
Ces bijoux grossiers purent être livrés à bon marché aux commis-
sionnaires et l'exportation des bijoux allemands s'accrut dans des
proportions prodigieuses. Dès lors des tentatives souvent renouve-
lées furent faites par un groupe de fabricants pour obtenir l'abroga-
tion de la loi du 17 brumaire an VI relative aux titres des matières
d'or et d'argent. Heureusement quelques années plus tard une cir-
constance particulière détourna sensiblement le goût des bijoux
anglais; Napoléon III avait acheté une partie des collections for-
mées à Rome par le marquis Campana, un choix assez considéra-
ble de bijoux étrusques faisait partie de cette collection, En outre,
vers le même temps, Castellani, de Rome, apporta à Paris ses
merveilleux ouvrages. Cette double cause amena dans la composi-
tion des parures une profonde modification et les bijoutiers adoptè-
rent rapidement le genre grec qu'on désigna sous le nom de style
néo-grec et qui eut, dans plusieurs sections de l'art et de industrie,
d'heureuses adaptations.

La guerre et la Commune avaient paralysé la fabrication des bijoux


parisiens, qui reprit avec la paix une activité prodigieuse. Définir ce
qu'a été le caractère des bijoux dans ces dernières années n'est
pas chose aisée; esclave du caprice, le bijou n'a plus même la du-
rée d'une mode, il subit l'humeur de la femme et obéit au goût va-
riable du fabricant qui copie tous les styles, les mêle et les trans-
forme. Il n'appartient qu'aux maisons de premier ordre dont la fabri-
cation coûteuse est un obstacle à l'imitation facile, d'échapper à
une banalité forcée de production. C'est dans ces quinze dernières
années que se prenant d'amour pour l'art japonais, Falize a étudié
et reproduit d'abord les dessins de leurs albums dans des émaux
cloisonnés et des bijoux d'or varié, d'argent et de bronze patiné.
Quelque habiles que soient au Japon tes ouvriers du métal, c'est
moins à leurs procédés de fabrication qu'au style de leurs dessins
que nos orfèvres et nos bijoutiers ont fait des emprunts. Les Améri-
cains ont introduit dans leurs ateliers des ouvriers qu'ils ont été
prendre à Kyoto et à Kanasarva et l'orfèvrerie américaine a fait,
grâce à cette éducation de l'outil, des progrès rapides et extraordi-
naires. Falize, en introduisant dans sa fabrication le travail des
émaux cloisonnés, a copié d'abord les travaux des Japonais et des
Chinois, puis les vieux émaux byzantins translucides; il a exercé
aux délicatesses de ce travail deux hommes habiles, Pye et
Houillon et, sûr de ses procédés, il a créé un art nouveau qui parti-
cipe autant des ornementations de la Renaissance que des coloris
de l'Orient et où la finesse du cloisonné s'allie aux richesses des
émaux translucides. A l'imitation des bijoux d'or rouge repercé qui
furent remarqués en 1867, dont l'introduction est due à Boucheron
et qui conservèrent leur vague plus de dix années, la mode des bi-
joux ajourés prend une faveur plus grande ; l'or rouge permet par
sa rigidité plus grande les finesses des dentelles d'or et le poli ac-
quiert par cette combinaison un éclat plus grand et contraste
agréablement sur les parties d'argent serties de diamant.

Le commerce de la bijouterie tend à un développement considéra-


ble. Si autrefois l'usage des bijoux était restreint aux familles riches,
a :x privilégiés de la fortune, aujourd'hui, par suite d'un grand mou-
vement commercial et industriel, d'étonnantes facilités de transmis-
sion, les conditions économiques sont changées, et, le goût des
jouissances élevées se propageant, la production doit s'adresser à
la masse du publie dans le monde entier. Comme la bijouterie du
doublé, la bijouterie d'or a mis en oeuvre l'outillage mécanique pour
se créer de puissants moyens de production, à bon marché, et arri-
ver ainsi au développement de l'industrie. Si ces perfectionnements
peuvent par leur nature causer à l'homme délicat quelques regrets
de ne plus retrouver dans tous les produits de la bijouterie la même
finesse, la même recherche artistique, il faut reconnaître que cela
est largement compensé quand on voit les produits de la bijouterie
pénétrer de plus en lus dans les masses, faire l'objet d'un com-
merce plus étendu et aider puissamment à l'accroissement de la
fortune publique. Mais pour conserver la supériorité du bijou fran-
çais si bien établie, il ne suffit pas que l'homme dirigeant, le dessi-
nateur, avec quelques instincts de goût, une certaine habileté de
main aille, dès que la mode s'accuse dans un sens, puiser dans les
anciennes publications ce qui peut s'y adapter; il ne fournira ainsi
que des créations banales. Il doit être au contraire nourri des prin-
cipes sérieux de l'art, en état de puiser dans son propre fonds. Nos
fabricants ne sauraient oublier qu'il faut toujours tendre à se rap-
procher de l'art, dont les bijoux de toute valeur doivent conserver la
trace; que, dans le bijou le plus courant, il faut développer le goût
chez l'acheteur par des créations correctes; que, dans une fabrica-
tion plus soignée, il faut faire son éducation par des présentations
d'itées multiples, originales, toujours en le poussant au beau. Le
goût public grandissant en mime temps que la richesse, des ama-
teurs se formeront alors qui rechercheront les belles choses et
permettront par la suite aux fabricants de faire les sacrifices néces-
saires pour produire des bijoux de style et des objets d'art.

(L. Knab,c. 1900).

Procédés généraux de fabrication

Les procédés de fabrication de la bijouterie ont beaucoup d'analo-


gie avec ceux de l'orfèvrerie et s'y rattachent intimement; nous ne
parlerons donc que des particularités que présente la confection
des bijoux proprement dits. On peut distinguer deux sortes de tra-
vaux, l'un qu'on peut appeler le travail à la main, qui a été incontes-
tablement le seul employé dès la plus haute antiquité et le travail
mécanique qui ne date que de nos jours, grâce aux perfectionne-
ments de tons genres apportés aux machines. Sans remplacer le
travail à la main, le travail mécanique est venu s'y adjoindre, pre-
nant bientôt un développement beaucoup plus considérable que le
premier et qui a permis à la bijouterie de produire à des prix relati-
vement peu élevés des bijoux de toute nature dont l'usage s'est tant
vulgarisé. En général, les bijoux se fabriquent avec des plaques,
des rubans, des fils d'or et d'argent, martelés, ciselés, repoussés
d'après des dessins on la fantaisie d'artistes habiles. Sans pouvoir
entrer dans le détail d'exécution de toutes les pièces que l'on peut
produire, il est aisé pourtant de se rendre compte des diverses opé-
rations qu'exécute un bijoutier pour établir un bijou; ayant découpé
dans une plaque, de métal, une pièce de grandeur convenable, ou
ayant choisi un ruban, un fil en rapport avec les éléments du mo-
dèle, oui consistera en un dessin ou en un objet modelé en plâtre,
l'ouvrier met ces pièces en ciment, c.-à-d. les fixe sur une plaque de
ciment contenu dans le creux d'une pièce en fer, ordinairement de
la forme d'une calotte sphérique creuse, forme qui lui permet d'ins-
taller cet appareil sur un bourrelet, sur son établi et de le tourner en
tous sens suivant les besoins du travail. Puis, empruntant aux di-
vers arts de l'estampage fait à la' main ou à la mécanique, de la ci-
selure et de la gravure, leurs ressources et leurs procédés, il couvre
ces parties de métal d'ornements de toute nature.

La plupart des bijoux se composent de différentes parties qu'on


prépare séparément et qui seront ensuite réunies, soit d'une ma-
nière fixe, soit par des attaches conservant la mobilité relative de
ces diverses parties. Cette dernière partie du travail consiste dans
la monture, pour laquelle le procédé le plus général est la soudure
qui permet de lier invariablement entre elles les diverses parties ou
d'y fixer des anneaux entre lesquels on dispose des crochets, des
anneaux brisés ou toute autre disposition reliant tout l'ensemble,
mais en laissant du jeu entre les parties principales de l'ouvrage.
Aujourd'hui, la ciselure est moins employée qu'autrefois, l'emploi
des machines assure une fabrication bien plus prompte et à bien
meilleur marché; ainsi la plupart des bijoux offrant des dessins en
relief sont frappés dans un moulematrice représentant les objets
qu'on veut avoir. Les laminoirs permettent de contourner suivant
des formes définies, sur ruban ou sur plaque de métal, plus facile-
ment que le martelage. Il est même dans la classe de la bijouterie
une classe spéciale de façonniers désignés sous le nom d'estam-
peurs, qui ne font que frapper ces objets au moyen d'un balancier
ou d'un mouton; un bijou peut ainsi étire obtenu à l'aide de feuilles
excessivement minces et qui seraient incapables de résister à
l'usage si elles n'étaient remplies intérieurement d'une substance
résineuse qui s'oppose à leur écrasement pendant les manipula-
tions du travail. La soudure est d'une importance capitale dans le
travail de la bijouterie, elle assure seule mie jonction convenable et
durable vies diverses portions d'un bijou.
--

Moulage d'objets pour bijoux.

Un procédé de moulage dû à Karmarsch peut rendre des services aux bijoutiers


dans la fabrication des bijoux dits de fantaisie; il s'applique surtout à la décoration
des broches et des coffrets riches que le bijoutier peut avoir à garnir extérieure-
ment. Les objets naturels, plantes, insectes, etc., servent eux-mêmes de modèles;
voici comment il convient d'opérer : on suspend le modèle dans une petite caisse

en bois ou en carton, et on l'y fixe à l'aide de quelques tours d'un fil fin en métal.
D'autres fils d'un plus fort diamètre et qu'on retire plus tard, sont disposés, pour
constituer les évents. Sur le point le plus élevé de l'objet, on pose une petite pièce
de bois conique pour servir de canal de coulée lors du moulage, puis on remplit
avec précaution la petite caisse avec Une bouillie composée avec trois parties de
plâtre, une de poussière très fine de brique et une solution d'alun ou de sel ammo-
niac, d'abord en enduisant la petite pièce conique, puis en coulant. Lorsque la
bouillie est prise on enlève la caisse, on chauffe la forme modérément, ce qui réduit
le modèle en cendres que l'on enlève en lavant l'intérieur avec du mercure, on
chauffe la forme une seconde fois et l'on coule. Pour démouler, on mouille la forme,
ce qui la ramollit, et on l'enlève avec précaution par parties. Ce moulage se fait eu
or et en argent en vue d'orner un bijou vrai ou un objet de valeur; il peut se faire
avec un alliage d'une valeur moindre et servir à la décoration du bijou faux.

Bien que l'exécution des soudures des bijoux se fasse en se con-


formant aux règles générales qui président à ce genre de travail, on
comprend que par suite de la ténuité qu'offrent souvent les pièces à
réunir, le contour sinueux des assemblages, la nécessité d'obtenir
une jonction exacte sans laisser de points vides, l'opération de la
soudure est très délicate et exige une grande habileté. L'emploi du
chalumeau est général, il permet de chauffer au degré voulu des
parties très restreintes et d'assurer la fusion de la soudure, tout en
pouvant suivre la marche plus aisément que sur un grand feu. La
soudure ne doit pas être prodiguée, car au point de vue de la valeur
vénale des objets fabriqués, l'introduction de la soudure qui, pour
être plus fusible que les matières à réunir, est toujours à un titre
bien inférieur, augmente le poids de la pièce, et cette addition ne
peut être comptée dans les transactions à la valeur du métal qui
constitue l'objet proprement dit. Dans la bijouterie fine, on ne fait
guère usage que de trois sortes de soudure, désignées sous les
noms de soudure au quart, au tiers, à deux, suivant la proportion de
métal fin et d'alliage, on de cuivre employé. L'alliage employé est
ordinairement uniforme et se compose de 2/3 d'argent fin et de 1/3
de cuivre. Les soudures doivent être bien homogènes, résultat
qu'on ne peut obtenir qu'on les faisant fondre à plusieurs reprises
avant d'être employées; le fondant dans ce cas est toujours le bo-
rax.

En France, l'or employé par les bijoutiers est à 750 mil. lièmes,
c.-à-d. qu'il contient 750 parties d'or au sur 250 d'alliage. Dans
presque tous les autres pays les bijoutiers sont libres de fabriquer à
des titres inférieurs; aussi sur les marchés étrangers se sert-on de
l'appellation or français pour distinguer nos produits de ceux des
autres nations. Il y a deux titres pour les bijoux d'argent premier titre
950 de fin et 50 d'alliage; deuxième titre 800 de fin et 200 d'alliage.
Le poinçonnage indique le titre particulier de chaque bijou. La cou-
leur du bijou diffère sensiblement d'aspect avec l'or pur; elle serait
même moins agréable à l'ail que les bijoux dorés. Aussi s'est-on
préoccupé de corriger cet inconvénient, en passant les objets dans
des liquides corrosifs qui n'agissent qu'à la superficie, dissolvent la
cuivre et mettent l'or cri relief; c'est là ce qu'on nomme la mise en
couleur. La belle couleur jaune mat est due à l'action de trois sels
qui constituent la couleur à bijoux et, qui entrent dans la composi-
tion dans les proportions suivantes : salpêtre 40 parties, chlorure de
sodium 35 parties et alun 29 parties.

Les objets à mettre en couleur sont préalablement recuits et déro-


chés dans de l'eau additionnée d'un peu d'eau forte et plongés en-
suite dans une dissolution contenant 800 grammes de la couleur à
bijoux dissous dans un litre et demi d'eau pour 100 grammes de bi-
joux, et amenés à l'état d'ébullition. On retire du feu le vase conte-
nant le liquide et on y plonge alternativement et on en sort les bi-
joux suspendus à un fil d'or, jusqu'à ce que la couleur commence à
se sécher sur les objets en travail. Une seconde opération sembla-
ble est souvent nécessaire, mais l'emploi de l'eau régale en propor-
tion de 25 grammes pour les doses précédentes, permet d'obtenir
le résultat cherché, en une seule fois. Les bijoux rincés à l'eau tiède
sont séchés dans la sciure de bois. D'autres formules ont été pro-
posées et employées pour mettre les bijoux en couleur, ammonia-
que liquidé étendue d'eau, azotates alcalins et sel marin, bromure,
etc. La mise en couleur peut avoir quelquefois un but complètement
opposé au précédent et doit donner aux bijoux un aspect moins
terne et moins pale que celui de l'or vierge; c'est ce qu'on nomme
rehausser la couleur. On y parvient en les étamant avec des cires
ou des céments et en les lavant dans des liqueurs chaudes que les
orfèvres appellent sauces et que chacun d'eux compose à sa ma-
nière. Ces cires et sauces sont des mélanges de terres bolaires, de
sel marin, d'alun calciné et de vert-de-gris; c'est à la revivification
du cuivre de ce dernier ingrédient que ces sauces doivent leur pro-
priété de rehausser l'éclat de l'or, par la belle couleur rouge qu'elles
lui donnent. (L. Knab, c. 1900).
Types de bijoux

Bijouterie d’or

Dans le bijou, la monture joue le rôle principal; la matière se dé-


coupe, se contourne, se régie, les ornements se superposent et le
bijou apparaît. La gravure , la ciselure, l'émail, les pierres de cou-
leur et les diamants viennent ensuite en rehausser la valeur et l'ef-
fet. La matière première, l'or est soumis en France aux trois titres
légaux de 920, 840 et 750 millièmes, c'est ce dernier qu'on emploie
de préférence, comme nous l'avons dit ; suffisamment malléable, il
offre plus de consistance et est susceptible d'un beau poli. La bijou-
terie d'or proprement dite traverse en ce moment une crise qui en
arrête les progrès; l'invasion des diamants du Cap en est certaine-
ment la cause principale. Le public préfère du diamant dont le prix
est devenu plus abordable et qui lui représente une valeur, à des bi-
joux appelés à se démoder d'une année à l'autre; par suite, beau-
coup de maisons de bijouterie ont complètement changé leur fabri-
cation et ont été amenées à faire de la joaillerie. Pourtant il nous
reste encore dans la bijouterie de style bien des fabricants gardiens
des bonnes traditions, cherchant le progrès.
La mode est à l'or rouge, dont le ton n'est pas plus séduisant que
les formes unies dans lesquelles se tient en général la fabrique. Il y
a lieu de distinguer entre la bijouterie riche proprement dite et celle
où tout en n'employant que l'or, par divers artifices, tels que de faire
les bijoux creux, on ne produit que des objets de peu de valeur.
Quant aux bijoux entièrement pleins, on n'en fabrique qu'un très pe-
tit nombre, soit pour des anneaux de doigt, des bracelets, des
maillons do chaînes, mais on comprend que par suite du poids rela-
tif élevé de l'or, en dehors de la dépense même qu'entraîne l'emploi
du métal, le poids de la pièce peut offrir une certaine gêne quand il
s'agit de le porter. La bijouterie, en outre des alliages aux titres lé-
gaux qui servent à fabriquer la bijouterie d'or proprement dite, em-
ploie encore divers alliages destinés soit à fournir des métaux de
coloration différente, soit à fabriquer de la bijouterie plus commune,
destinée à l'exportation et dont les titres inférieurs aux titres légaux
constituent des objets rentrant dans la bijouterie d'imitation. On dis-
tingue ces alliages par leurs couleurs.
La fabrication du bijou vrai, tout en ayant su tirer un grand profit. de
tous les perfectionnements mécaniques modernes, st. celle qui a
cependant conservé le plus des anciens procédés de travail manuel
exclusivement employés autrefois. La transformation mécanique,
éminemment intéressante au point de vue économique et commer-
cial, est naturellement peu favorable au côté artistique, car seul le
travail manuel peut se plier au goût, à l'inspiration de l'artiste. Les
deux arts de la gravure et de la ciselure sont intimement liés à celui
de la bijouterie et lui permettent de décorer des façons les plus mul-
tipliées des objets se rapportant au même type comme forme primi-
tive, mais différant pourtant considérablement d'aspect. Si lorsqu'il
s'agit de contourner une bande de métal, de découper une pièce de
profil déterminé dans une plaque, en un mot d'exécuter les opéra-
tions fondamentales de
mise en forme, l'outillage mécanique offre de grandes ressources
aux fabricants, et leur permet de simplifier considérablement les
anciennes pratiques de la bijouterie basées uniquement sur le mar-
telage, la belle bijouterie cependant exige des ouvriers habiles soit
pour orner, soit pour terminer les bijoux
Enfin et ce qui constitue particulièrement cette branche de cet art,
c'est la variété des modèles qu'elle produit; alors que dans les au-
tres variétés dont nous parlons plus loin, un même modèle sert à
fabriquer un nombre considérable de pièces identiques, cette répé-
tition est beaucoup moins fréquente dans les bijoux riches, dont le
prix plus élevé, en dehors de la valeur même du métal employé,
permet aux fabricants de choisir des types plus compliqués et plus
difficiles à établir. C'est ici qu'intervient le rôle de l'artiste propre-
ment dit, du compositeur qui imagine une nouvelle forme de bijoux
et qui, tout en cherchant de nouveaux modèles, ne doit jamais,
dans ses conceptions, perdre de vue les applications particulières
de l'objet qu'il s'agit d'établir, et ne pas oublier les conditions néces-
saires matérielles pour que l'on puisse exécuter son invention avec
les moyens dont dispose le fabricant. Dans un atelier de bijouterie,
tous les ouvriers ne sont pas tenus de posséder à ce point de vue
une éducation très développée, il leur suffit ordinairement de bien
savoir lire un dessin; mais si ces connaissances complètes ne sont
pas indispensables à la généralité des ouvriers, elles le sont pour
ceux en petit nombre qui ont la direction des travaux, et c'est de là
que résulte le prestige qu'a toujours présenté cette industrie clas-
sée avec raison parmi les plus élevées.

Bijouterie d’argent

Les titres légaux sont, comme nous l'avons dit, au nombre de deux
: 950 et 800 millièmes. La bijouterie d'argent se prête à tous les
genres de bijoux ; mais elle se distingue particulièrement depuis
quelques années dans les articles de fumeur, où l'on trouve des
étuis soit niellés (V. Nielles), soit à dorure polychrome d'un heureux
effet et de formes heureusement appropriées à l'usage. Elle produit
également en grande quantité l'article religion. Les procédés de fa-
brication sont les mêmes que pour la bijouterie d'or.

Bijouterie de platine

Sans avoir la valeur intrinsèque de l'or, le platine en a une bien su-


périeure à l'argent. On en fait divers bijoux, tels que boucles, chaî-
nes, bracelets, etc. Ces bijoux sont d'un éclat argentin un peu
bleuàtre, qu'ils conservent longtemps, parce que le platine est bien
moins oxydable que l'argent et l'or. Les procédés de fabrication sont
ceux que nous avons indiqués pour la bijouterie d'or. Nous signale-
rons une fraude sur laquelle nous appelons l'attention de nos lec-
teurs : ou trouve dans le commerce des tabatières et divers petits
objets, dits Articles de Paris, décorés au moyen du niellage, qui
sont offerts comme étant en platine, tandis qu'ils ne sont réellement
qu'en argent niellé. L'acheteur, s'il n'y prend garde, paie ce dernier
métal au prix du platine, qui est beaucoup plus élevé.

Bijoux creux

Depuis longtemps on fabrique des bijoux creux en or et en argent.


Les bijoux creux en argent ne sont que la réunion de deux coquilles
réunies par l'estampage, reliées ensemble par la soudure. Ce pro-
cédé peut s'appliquer également pour les bijoux en or, mais il existe
pour celte seconde classe un autre procédé qui permet de les éta-
blir sous une épaisseur très faible, épaisseur sans laquelle le métal
résisterait mal au travail de l'estampage ; il consiste à prendre un
cylindre creux en or, à le remplir d'un noyau de cuivre ou de laiton
et à allonger ce bloc, soit à la filière, soit par le laminoir ou tout au-
tre procédé, de manière à obtenir une matière suffisamment résis-
tante et où cependant l'or n'existe qu'à l'état d'une couche très
mince. On contourne ensuite cette matière, on la coupe, on la di-
vise, on la prépare en pièces qui, soudées ensemble, formeront le
bijou qu'il s'agit de fabriquer ; mais avant de pratiquer la soudure, il
faut enlever la doublure intérieure de l'or, ce qui est facile grâce à la
propriété qu'offre l'acide nitrique de dissoudre le cuivre sans agir
sur l'or. La bijouterie creuse d'argent, ainsi que celle du doublé en
or, ne possédait pas cette ressource si précieuse; Payen a indiqué
un procédé qui permet d'arriver à un excellent résultat pour ces bi-
joux, tout en laissant à la bijouterie creuse d'or elle-même une dou-
blure intérieure en cuivre, à l'aide de laquelle on a pu diminuer en-
core l'épaisseur de la surface en or véritable sans compromettre la
solidité des bijoux. L'artifice imaginé consiste à remplacer, dans la
bijouterie creuse en argent, le noyau de cuivre ou de laiton par un
noyau en fer, et dans les deux sortes de bijouterie en or, à intro-
duire un noyau de fer intérieur que recouvre d'abord la couche de
cuivre, puis ensuite celle de l'or. Ce noyau de fer, une fois les piè-
ces préparées, se détruit aisément par l'acide sulfurique étendu
d'eau, sans que pour cela l'or, l'argent ou le cuivre soient attaqués.

Bijoux en filigrane

On appelle bijoux en filigrane ceux qui sont faits avec des fils d'or
ou d'argent; ce qui les distingue surtout, c'est leur grande légèreté,
aussi sont-ils très appréciés dans tous les pays chauds. C'est le
genre adopté surtout par les peuples orientaux, en Turquie, aux In-
des, en Afrique, en Amérique, où les ouvriers de ces pays jouissent
d'une habileté remarquable pour ce genre de travail. Le filigrane fut
fort en honneur au moyen âge et l'on en trouve de nombreux
exemples dans les objets précieux de cette époque qui sont parve-
nus jusqu'à nous, notamment dans l'orfèvrerie religieuse. L'Italie et
surtout Venise ont fabriqué de très beaux bijoux en ce genre qui,
sous le rapport technique, n'offre pas de grandes difficultés, mais
exige beaucoup de dextérité et de goût. Benvenuto Cellini a donné
une description complète de cette fabrication, et ses procédés sont
encore, sauf quelques modifications, ceux que l'on emploie de nos
jours. Les matières employées sont des fils d'or ou d'argent, de dif-
férentes grosseurs, et des grenailles obtenues en, versant l'or ou
l'argent en fusion dans un petit vase rempli de charbon en poudre.
La soudure est au tiers, elle se compose de deux parties d'argent et
d'une de cuivre rouge.
La France tient encore la première place pour la fabrication du fili-
grane, non pas tant par les procédés spéciaux de fabrication, que
par le gent apporté dans la confection de ces objets et surtout par
l'heureuse alliance du filigrane proprement dit avec les matériaux
ordinaires de la bijourie, qui donnent alors à ces bijoux un caractère
vraiment original. C'est ainsi que la combinaison de parties en fili-
granes et de pièces pleines, mais très légères, obtenues par le re-
poussé ou l'estampage, ainsi que l'addition de parties colorées, soit
par incrustation de pierres ou par émaillage permettent de varier les
effets à l'infini. Les filigranes de Gênes, de Naples et de Rome, véri-
tables toiles d'araignées, ont conservé leur art merveilleux tout en
restant d'un grand bon marché. Le Danemark fabrique des objets
en filigrane d'argent dont le travail, d'une grande finesse, se ratta-
che à une nervure solide offrant une décoration d'un excellent effet.
En Norvège, les bijoux en filigrane d'argent ont un cachet tout spé-
cial au pays, c'est une foule de petites pampilles, rondelles conca-
ves, croix de Malte, découpures diverses suspendues à des an-
neaux, qui, polies, scintillent en se balançant sur la surface entière
du bijou dont le fond est de filigrane.
L'Amérique du Sud offre des filigranes représentant des oiseaux,
paons, dindons, des animaux, des paniers, produits bizarres, aux-
quels on ne peut refuser le mérite de l'originalité. En Afrique, c'est le
filigrane qu'on rencontre constamment, le filigrane qui est comme le
début de la bijouterie en Orient et en Occident; seulement, tandis
qu'ailleurs on a marché et qu'on a cherché à faire mieux et autre-
ment, en développant l'outillage, là le travail s'accomplit encore
avec la même simplicité de moyens, Les Arabes exécutent le bijou
sous la lente, avec les outils les plus primitifs, suivant la tradition,
sans souci du progrès ; on trouve pourtant une saveur particulière
dans les produits de l'Algérie, de la Kabylie.
Les nécessités de la Production et de la concurrence ont fait cher-
cher à employer dans cette fabrication les moyens mécaniques afin
d'en abaisser le prix de revient; divers procédés ont été imaginés à
cet effet. Ainsi pour faire une feuille un peu étendue, on commen-
çait par en établir le contour et les nervures principales, puis à l'aide
d'un mandrin conique, sur lequel on enroulait un fil, on obtenait une
série d'anneaux de diamètre décroissant se présentant chacun en
deux pièces qui avaient à remplir les nervures d'une façon très
agréable à l'oeil. On a fabriqué aussi une sorte de toile à jour en fil
d'or ou d'argent, dont il suffisait de découper une portion suivant le
patron de la feuille et qu'on soudait après la carcasse. C'est ce pro-
cédé qui, au point de vue du bon marché, est le plus avantageux.

Bijouterie en doublé

Dans cette partie le fabricant prépare presque toujours lui-même le


métal qu'il emploie. Ce métal est formé d'une feuille d'or très mince,
au titre ordinaire du bijou d'or et au besoin d'une coloration diffé-
rente obtenue par l'alliage, que, par une pression énergique à
chaud, on fait adhérer à une plaque beaucoup plus épaisse d'un
métal composé de cuivre, de zinc, d'étain et de nickel, appelé chry-
socale . On fait aussi du doublé d'or sur argent par les mêmes pro-
cédés, on lamine ensuite et la feule de doublé amenée au point dé-
sirable, puis polie à un certain degré, subit au moyen de moutons,
de découpoirs, de matrices, les transformations que nécessite la
fabrication. La lamelle d'or excessivement mince qui recouvre tou-
jours la surface du bijou reproduit toutes les finesses du travail des
matrices, et susceptible d'un beau poli, elle ne laisse pas soupçon-
ner l'existence du métal secondaire qu'elle recouvre. Cette branche
d'industrie toute française et éminemment parisienne ne remonte
pas au delà de l'année 4828; à cette époque Huiart mit à profit des
essais tentés avant lui et il commença à fabriquer en doublé quel-
ques bagues, croix, cours et pendants d'oreilles ronds. Sa fabrica-
tion fut entravée par la longue lutte qu'il eut à soutenir avec le ser-
vice de la garantie qui s'opposait à la fabrication des bijoux en dou-
blé dont la similitude avec ceux en or devait, selon lui, encourager
la fraude; enfin Huiart obtint gain de cause et le doublé put se pro-
duire au grand jour. La fabrication du bijou en doublé a eu un mo-
ment de défaveur parce que la couche d'or qui revêtait le cuivre
était tellement mince que le bijou n'avait pour ainsi dire pas plus de
valeur réelle que le cuivre, l'aspect seul étant modifié. Mais plu-
sieurs industriels, en tête desquels il faut citer Savard, par des tra-
vaux persévérants, n'ont pas tardé à relever cette fabrication en
France et non seulement ont pu lutter avec la concurrence étran-
gère, mais encore l'ont rapidement dépassée. Mais ce qui fut polir
le doublé le commencement d'une ère de grande prospérité, ce fut
l'application à sa fabrication de l'estampage par la matrice en acier,
substituée à l'estampage par le poinçon en fer sur le plomb. Ce sys-
tème appliqué par Savard, de 1845 à 1850, diminuait des cinq
sixièmes au moins le prix de revient en perfectionnant le travail,
aussi valut-t-il à son auteur de longues et préjudiciables grèves. Le
système toutefois triompha et depuis lors il est adopté par tous les
fabricants de doublé, toute concurrence devenant impossible dans
son emploi. Cette branche d'industrie a pris en peu d'années une
très grande importance ; sa production peut atteindre de sept à huit
millions pour une quinzaine de maisons; elle occupe de trois à qua-
tre mille ouvriers, y compris les femmes qui ont dans cette fabrica-
tion la spécialité du polissage. Ces grandes fabriques sont do véri-
tables usines, dont l'outillage est fort important; des machines à va-
peur mettent en mouvement: laminoirs, tours à polir, découpoirs,
bancs à tirer, tours de mécanicien. Ces moyens d'exécution méca-
nique permettent d'établir, avec un degré de perfection difficile à
dépasser, des objets d'un extrême bon marché, susceptibles de lut-
ter avec succès contre l'industrie allemande, malgré l'avantage que
donnent à celle-ci le bas prix de la main-d'oeuvre et celui de l'or à
bas titre.
Pendant longtemps la bijouterie en doublé n'avait utilisé que l'or et
l'argent, alors quo dans l'industrie du bijou en plein, le platine, métal
précieux par son inoxydabilité, offrait des ressources considérables.
Savard a comblé cette lacune et le doublé de platine peut s'obtenir
à froid ou à chaud. Pour doubler le platine avec du cuivre par
exemple, on commence par nettoyer aussi bien que possible une
série de feuilles de ces métaux, puis on les dispose l'une sur l'autre
en formant ainsi un seul paquet où toutes les feuilles sont de même
dimension, et en interposant entre toutes les feuilles de cuivre en
contact, des plaques de tôle préalablement frottées d'ail pour em-
pêcher l'adhérence. Le tout est solidement fixé entre deux plaques
de fer ou d'acier et la masse est fortement chauffée dans un four-
neau jusqu'au rouge, et soumise à l'action d'une presse énergique
fonctionnant par pression et par percussion. Les feuilles de platine
doublées sont ensuite laminées et travaillées, comme si elles
n'étaient formées que d'un seul métal. Le travail à froid exige des
presses dont l'action est beaucoup plus considérable.
Les chaînes de montres ou autres en doublé sont fabriquées avec
un fil plaqué d'or; toutefois il existe dans ce plaquage une circons-
tance embarrassante, qui consiste en ce que le cuivre ne se laisse
pas plaquer avec l'or, parce qu'à la température qu'il est nécessaire
d'atteindre, le cuivre seul ou le cuivre allié à l'argent ont leur surface
convertie en oxyde noir, mettant obstacle à l'union de l'or avec le
cuivre ou l'argent allié. Voici alors comment on procède : on coule
de petites baguettes rondes d'argent fin, ou bien on prend un fil de
cuivre bien argenté ; on porte ce fil ou ces baguettes à la chaleur
rouge et on les introduit en cet état dans une forme appropriée et
osée verticalement et l'on verse aussitôt dans la forme alliage d'or
qu'on avait pendant ce temps porté au point de fusion. Cet alliage
entoure le fil on les baguettes et y produit un plaqué très uniforme,
très adhérent d'or allié dont l'épaisseur dépend de l'espace libre
qu'on avait réservé dans la forme. Après refroidissement, les ba-
guettes plaquées d'or sont tirées au blanc à la manière ordinaire
pour les amener au diamètre voulu. Aujourd'hui on préfère souvent
opérer autrement : le fil doublé est obtenu au moyen d'un tube en
plané fort ayant une légère couche de soudure à l'intérieur. Ce pla-
né est obtenu en terminant une plaque de doublé de manière à en
former un ruban. On introduit dans le tube de plané une baguette
de chryso le remplissant complètement ; ces deux pièces, tube et
baguette, sont soudées par la fusion de la soudure qui revêt l'inté-
rieur du tube.

Bijouterie en doré ou en argenté

Dans la bijouterie en doré, comme dans la bijouterie en doublé


d'or, le chrysocale fait le fond du bijou; mais les moyens sont tout
différents pour la fabrication : car la couche d'or, pour le bijou doré,
n'est appliquée au moyen de la dorure qu'après l'exécution. com-
plète; dès lors la matière première peut se tourner, se modeler à la
lime, à la tenaille, à toutes les formes que comporte l'objet mis en
oeuvre, sans tous les ménagements que nécessite absolument le
doublé. L'habileté de la main, le goût peuvent amener le bijou doré
à un grand degré de perfection, et on rencontre dans les fabriques
françaises des pièces qui rivalisent avec les meilleurs travaux de la
bijouterie d'or. Les apprêts des graveurs-estampeurs permettent de
livrer des bijoux d'imitation aux prix les plus modiques et pourtant
d'une assez bonne exécution. Il se fait, outre le bijou doré, des bi-
joux en métal argenté ou nickelé. La bijouterie dorée, qui remonte à
la plus haute antiquité, est entrée aujourd'hui dans les parures des
femmes de toutes les classes de la société; l'industrie parisienne
qui excelle dans lafabrication des objets où le goût doit dominer, a
pu par des efforts successifs donner, comme nous l'avons dit, à
l'imitation un cachet, un fini susceptible de tromper quelquefois l'oeil
le plus exercé. Quelques bijoutiers artistes, et Parmi eux Piel, ont
su faire faire de notables progrès à a bijouterie dorée par une cons-
tante préoccupation de la forme artistique. L'Angleterre, l'Allemagne
et l'Amérique nous font une concurrence acharnée ; mais c'est en
copiant nos modèles, c'est en tirant de chez nous les graveurs-es-
tampeurs, les bâtes préparées ou les cuivres frappés, qu'ils peu-
vent entamer notre chiffre d'exportation toujours considérable; il y a
là cependant un danger contre lequel la bijouterie doit lutter sans
relâche, et ce sont les écoles de dessin seules qui peuvent fournir
les armes, car elles développeront chaules jeunes générations les
grandes qualités qui font la supériorité de notre pays dans les in-
dustries d'art. La bijouterie d'imitation occupe à paris seulement un
grand nombre d'ouvriers et d'ouvrières ; les graveurs, estampeurs,
doreurs, sertisseurs, lapidaires, reperceuses, peintres en miniature,
brunisseuses, polisseuses et graveurs-ciseleurs, forment environ lin
total de cinq mille personnes, dont les salaires varient de 3 fr. 50 à
5 francs pour les femmes, et de 5 à 8 francs pour les hommes.
Quant aux procédés généraux du travail, ils sont assez simples:
c'est surtout par l'application des méthodes d'estampage, de re-
poussage, de découpage, etc., qu'on obtient facilement, soit avec
des feuilles de cuivre, soit avec des feuilles de certains alliages, les
diverses parties d'un même bijou. Celles-ci, réunies ensuite par la
soudure, forment les objets définitifs qu'il n'y a plus qu'à passer
dans les bains de dorure, à mettre en couleur, à brunir. Les alliages
permettent d'obtenir un métal d'une couleur naturelle analogue à
celle de l'or, offrant d'ailleurs des qualités sous le rapport de la duc-
tilité, qui en rendent le travail aussi aisé que s'il s'agissait de l'or lui-
même. Ces dernières matières permettent à la rigueur de se passer
de la dorure, mais on comprend aisément que de tels bijoux s'altè-
rent toujours assez promptement à l'air, ce qui en rend la production
limitée.
Voici trois alliages de platine qui ressemblent à l'or sous le rapport
de la couleur, de l'éclat, de la durée et très employés dans la bijou-
terie d'imitation :
1° platine 3 parties, cuivre 13 parties;
2° platine 2 parties, argent 1, laiton 2, nickel 1, cuivre 5;
3° cuivre pur 3 1/2, parties, nickel 1, zinc 1/2.
Les alliages de cuivre et de zinc, analogues d'ailleurs au bronze
jaune employé dans la fabrication des bronzes d'art lorsqu'on a en
vue d'établir des pièces dorées, sont très nombreux. Il est bien éta-
bli que le cuivre ainsi allié est plus apte à bien prendre la dorure
que le cuivre pur ou que le cuivre rouge. On fabrique en Angleterre
un alliage connu sous le nom d'or de Manheim et qui se compose
de cuivre 3 parties, zinc 1 partie, étain en très petite quantité. On a
découvert en Angleterre que l'or au titre de douze carats et au-des-
sous, allié avec du zinc au lieu de l'être avec une quantité convena-
ble d'argent, présentait une couleur à peu près semblable à celle de
l'or à 2 1/2 ou 3 carats audessus. Il en résulte qu'on a fabriqué une
quantité considérable de bijoux avec l'or ainsi allié, et que ces bi-
joux ont été mis dans le commerce au grand détriment des mar-
chands et du public. Toutefois il se produit, au bout d'un certain
temps, une action galvanique chez l'or allié de cette façon ; il arrive
que le métal se divise ou se sépare en portions distinctes et que les
pièces ainsi fabriquées sont mises hors de service.
Les alliages imitant l'argent sont nombreux, un des plus connus a la
composition suivante : sur 100 parties, cuivre 71, nickel 16,50. co-
balt 1,75, étain 2,50, fer 1,25, zinc 7. Les avantages de cet alliage
sont, à ce qu'on assure, principalement dus au cobalt qui lui donne
un éclat argentin particulier. Garker a donné quelques formules
pour les compositions d'alliages imitant l'argent; l'une d'elles, qui of-
fre l'avantage de se laisser buriner et marteler à chaud, est celle-ci :
cuivre 70, manganèse 30, zinc 25 à 35. Nous ne nous étendrons
pas sur la composition des divers alliages, dits métal blanc.
Le décor des bijoux en métal autre que l'or et l'argent ressort des
opérations ordinaires du doreur-argenteur. Il y a trois sortes de do-
rure : la dorure au mercure, la dorure par immersion et enfin la do-
rure par les procédés électro-chimiques à l'aide de la pile. Les deux
premiers sont les plus employés pour le travail de la bijouterie, et
encore sont-ils une variété de la dorure au mercure à laquelle on a
généralement recours, dite dorure au santé. L'adhérence de l'amal-
game d'or n'aura lien qu'autant que la surface du métal à dorer sera
parfaitement nette; la première opération est donc de mettre à nu
les surfaces métalliques que l'on veut dorer, c'est ce que l'on
nomme le décapage. Pour décaper une pièce, on la trempe dans
un baquet contenant de l'acide sulfurique étendu d'eau et on l'y
frotte avec une brosse afin de dissoudre et d'enlever la couche
d'oxyde formée par l'action de la chaleur. La pièce décapée est la-
vée et séchée; sa surface est encore irisée. On la trempe alors
dans de l'acide nitrique à 36 degrés et on l'y frotte avec un pinceau
à longs poils. Pour rendre ensuite le métal blanc, comme on dit
dans le métier, on passe enfin la pièce dans un bain d'acide nitrique
à 36 degrés auquel on ajoute un peu de suie ordinaire et du sel ma-
rin. Quand la pièce est bien dérochée, on la lave à plusieurs eaux,
on l'essuie avec un linge fin et on la fait sécher dans du son, de la
sciure de bois ou de la tannée sèche afin d'éviter l'oxydation. La
pièce ainsi préparée doit avoir une belle teinte jaune pâle, et sa sur-
face doit être légèrement dépolie et un peu grenue, afin que l'or
puisse mieux y adhérer. Les pièces décapées sont passées immé-
diatement dans des bains spéciaux, avant de procéder à la dorure,
suivant qu'on voudra obtenir une dorure brillante ou une dorure
mate, d'où les noms de bains, à brillanter et de bains à mater. Pour
le premier : on emploie acide sulfurique 40 parties, acide nitrique 40
parties, sel marin 1 partie. Le bain à mater est formé de parties
égales d'acide sulfurique et nitrique, avec addition d'un peu de sul-
fate de zinc. Au sortir des bains, on lave à l'eau pure et on procède
à la dorure. Nous ne parlerons pas de la façon dont on prépare
l'amalgame; nous dirons seulement que cet amalgame doit contenir
33 par. ties de mercure et 67 parties d'or.
Les objets à dorer et l'amalgame sont placés dans une terrine en
bois ou en fer, puis on les saute, c.-à-d. qu'on les secoue pour
amener un contact parfait de toutes les parties du bijou et de
l'amalgame. Lorsqu'on juge que les objets sont convenablement
couverts, on les retire, on les rince à l'eau pure et on les dépose
dans une passoire en cuivre rouge où ils sont sautés de nouveau
au-dessus d'un feu de charbon, jusqu'à ce que tout le mercure soit
volatilisé. Quand les objets ont une teinte d'un jaune terreux. on les
passe dans de l'eau contenant 1/10e d'acide sulfurique, puis après
les avoir brossés et séchés, on les brillante soit par le gratte-bros-
sage, soit par le brunissage, soit par le sassage, quand les objets
seront de si petites dimensions, que les opérations précédentes se-
raient impraticables. Ce sassage s'obtient en mettant les bijoux
dans un sac qu'on tient par les deux bouts et auquel on donne un
mouvement de va-et-vient. La dorure par immersion ou au trempé
est basée sur cette propriété que si dans nue dissolution de sel d'or,
on vient à plonger un morceau de cuivre par exemple, une certaine
portion de ce cuivre est dissoute et en même temps il se précipite
sur la surface du cuivre, de l'or qui reste adhérent. La dorure ainsi
obtenue est bien inférieure à la première; les bijoux décapés,
brillantés ou matés sont plongés dans la dissolution suivante chauf-
fée à environ 100 degrés : eau 10 litres, pyrophosphate de soude
800 gr., acide cyanhydrique 8 gr., or laminé 10 gr. Les procédés
employés pour obtenir différentes tonalités de l'or sont les mêmes
que pour les bijoux vrais.
L'argenture se pratique peu en bijouterie; on comprend en effet que
la valeur des bijoux en argent vrai est déjà si peu élevée que les bi-
joux faux trouveraient peu de débouchés, d'autant plus que cette
nature de bijoux noircit rapidement. L'on opère en général par la
méthode d'immersion; la pièce de cuivre décapée est plongée dans
un bain de nitrate d'argent dissous dans l'eau. Quand on juge la
précipitation complète; on retire la pièce, on l'essuie avec un linge
fin et on la frotte avec un morceau de peau imbibé d'une poudre
composée de : eau O kil. 975, crème de tartre 3 kil. 55, sel marin 3
kil. 540, alun 4 kil. 950. La pièce suffisamment chargée, on la
plonge dans de l'eau tiède, tenant en solution un peu de cendre
gravelle qui sert à faire développer l'argenture;' on la lave ensuite
promptement et successivement dans l'eau tiède et dans l'eau
froide et on l'essuie soigneusement avec un linge bien fin.
-
Bijouterie en aluminium

L'emploi de l'aluminium dans les arts est assez récent et n'a peut-
être pas pris toute l'extension qu'on espérait. Toutefois, il présente
un certain intérêt, et bien que la fabrication de la bijouterie n'offre
que très peu de choses à signaler en dehors de l'application des
méthodes générales qui la régissent, nous donnerons quelques
renseignements sur les soins à prendre .pour travailler cette ma-
tière. L'aluminium peut se fondre et se monter sans aucune difficul-
té; on a seulement observé, à propos de la fusion, qu'il ne fallait pas
en mettre de trop grandes quantités à la fois dans le creuset, il vaut
mieux n'opérer que par petites fractions, en laissant chaque lois re-
froidir un peu après une nouvelle addition. La fusion est très facili-
tée par l'emploi d'un peu de benzine. Si l'on opère sur des déchets
du métal qui peuvent être souillés par la soudure,, il faut les en dé-
barrasser complètement, ce qui se fait facilement avec de l'acide
azotique. L'aluminium se lamine facilement, seulement il faut le re-
cuire fréquemment et conduire ce recuit jusqu'au moment où l'alu-
minium va passer au rouge; ce degré s'apprécie en enduisant la
pièce d'un corps gras et en observant le moment où il disparaît.
L'aluminium peut être soumis à la rétreinte sur le tour ou par l'es-
tampage, en ayant soin de tremper les outils d'un vernis composé
avec quatre parties d'essence de térébenthine et d'une d'acide
stéarique. De même pour graver ou pour guillocher, il faut tremper
le burin dans la même composition, sinon l'outil glisse sur la pièce
sans y mordre. Le placage de l'aluminium est réalisable, mais il est
sans utilité, car autant l'aluminium à l'état compact résiste le l'oxy-
dation, autant il y résiste peu à l'état divisé. L'agent qui sert de base
pour la soudure, c'est le zinc : Moncey emploiyait un alliage ternaire
de zinc, d'aluminium et, de cuivre et remplace le fer à souder ordi-
naire par un instrument de même forme, mais en aluminium. Le po-
lissage se pratique à l'huile ou à la pierre ponce pour le début, mais
pour obtenir le fini et l'éclat, il faut recourir à un mélange d'huile et
de rhum. Gaudin, qui a fait de nombreuses recherches sur la fu-
sion de la silice et de l'alumine, a trouvé dans l'application de ses
expériences, un perfectionnement pour le polissage, par une pou-
dre de ces substances amenées à l'état de fusion, par conséquent
sous la forme la plus dure possible. Il a eu l'idée d'incorporer cette
poussière à du tissu qui, dans ces conditions, imite le papier à
l'émeri, mais avec une grande supériorité d'effet et de durée. Ce
tissu ainsi fabriqué polit l'aluminium en lui donnant même un éclat
miroitant et persistant; il suffit pour cela de frotter vivement pendant
un instant l'objet à polir avec le tissu en question, soit sec, soit légè-
rement humecté, et de bien sécher ensuite avec un linge doux et
sec. Les objets, une fois polis, sont entretenus dans tout leur éclat,
en les repassant de temps en temps avec le tissu polisseur sec.
Pour les objets guillochés on repoussés, après avoir mouillé légè-
rement une brosse douce, on la promène sur le tissu et par ce
moyen elle s'imprègne suffisamment pour polir par le simple bros-
sage. Tout en restant blanche; la surface des pièces de bijouterie
en aluminium prend souvent à la longue un aspect mat et terne peu
agréable; pour leur rendre leur éclat primitif, on les traite par une
lessive de potasse caustique, Il y a dégagement d'hydrogène libre à
la surface du métal qui prend Jle suite un grand éclat; ainsi traité
l'aluminium n'est plus guère exposé à se ternir à l'air. Il est possible
de dorer l'aluminium; Tissier indiquait le procédé suivant : il fait dis-
soudre 8 grammes d'or dans l'eau régale, étend d'eau la solution et
la met digérer vingt-quatre heures dans un petit excès de chaux. Le
précipité d'aurate de chaux et de chaux en excès bien lavé est traité
à la chaleur douce par une dissolution de 20 grammes d'hyposulfite
de soude dans un litre d'eau. La liqueur filtrée est propre à dorer à
froid, sans le secours de la pile, l'aluminium qu'on y plonge après
l'avoir préalablement décapé, par l'action successive de la potasse,
de l'acide nitrique et de l'eau pure. On emploie dans l'industrie de la
bijouterie deux alliages d'aluminium, le bronze d'aluminium et l'ar-
gent d'aluminium; le bronze d'aluminiurn, alliage de cuivre et d'alu-
minium, fournit un métal très peu attaquable par les influences at-
mosphériques, offrant par lui-même une couleur assez voisine de
l'or, ce qui permet de l'employer àla confection de médaillons, de
chalnes, de bottiers de montre, etc. Son éclat répond à une inalté-
rabilité fort remarquable; la teneur en cuivre varie entre 90 et 95%,
le reste en aluminium. Sa ténacité surpasse celle du fer et ce métal
se martèle à chaud. On peut le fabriquer dans des creusets bras-
qués chauffés soit dans des fourneaux prismatiques, soit dans des
fours à moufle. Le bronze d'aluminium prend facilement la dorure.
L'argent d'aluminium s'obtient en fondant une partie d'argent avec
trois ou quatre parties d'aluminium; on travaille facilement cet al-
liage parcequ'ilse laisse bien tourner et limer, ce qui n'est pas le cas
pour l'aluminium pur, qui est trop noir et encrasse les limes.

Bijouterie en acier

La bijouterie d'acier, dont la vogue fut si grande au XVIIIe siècle,


avait repris faveur à la fin du siècle suivant, mais les changements
de la mode paraissent avoir ensuite ralenti cette fabrication si inté-
ressante. L'acier, grâce à sa dureté, est susceptible d'un beau poli ;
un en forme des demi-perles très finement facettées, et ces pointes
d'acier sont rivées les unes contre les autres sur des plaques de
cuivre argenté percées de mille trous, qui reproduisent en silhouette
les dispositions que l'on veut exécuter. On obtient ainsi de l'éclat et
du scintillement; pourtant on reproche à ces milliers de petites poin-
tes facettées de ne refléter la lumière que d'une façon monotone; il
faudrait peut-être chercher la silhouette heureuse et les effets dis-
tincts par des dessins plus amples et moins confus. Les bijoux
d'acier que l'on fabrique actuellement n'atteignent pas tout le fini
que l'on trouvait dans les ouvrages du XVIIIe siècle (boutons, gar-
des d'épée, chaînes de montre, etc.) ; mais il faut tenir compte de
ce fait qu'aujourd'hui cette industrie, restée toute française, est
soumise aux caprices de la mode et qu'en temps ordinaire sa pro-
duction est forcément limitée, tandis que, vienne la vogue, elle
prend une extension considérable et doit produire vite et à bon
marché; les moyens de fabrication se sont perfectionnés dans ce
but. Pour obtenir la bijouterie et autres petits objets d'acier on se
sert ou de fer malléable dont on trempe et on acière la surface, ou
d'acier qu'on adoucit avant le travail et on durcit par cémentation
quand le bijou est terminé. a laminoirs portant en creux l'empreinte
des reliefs, et des matrices d'acier trempé sont les principaux outils
de cette fabrication.
Les menus objets découpés dans des tôles de fer ou d'acier sont
amenés à la forme voulue par estampage; on ébarbe et on termine
à la lime ou plus communément à la meule artificielle composée de
deux parties essentielles, l'agglomérant et le mordant qui dans ce
cas particulier est l'émeri de Naxos bien pulvérisé. On emploie sur-
tout la meule pour obtenir les pointes de diamant. II faut alors pro-
céder au polissage afin d'arriver à l'éclat indispensable à cette fa-
brication. Pendant longtemps on se servait pour les parties saillan-
tes de moules de bois et d'étain portant de l'émeri pulvérisé pour
donner le premier poli et du rouge d'Angleterre pour parachever.
Les parties creuses se frottaient avec des brosses rudes trempées
dans de l'émeri délayé à l'eau. Aujourd'hui en emploie le polissage
mécanique plus rapide et surtout moins coûteux. Les objets à polir
sont introduits dans un cylindre creux animé d'un mouvement de ro-
tation peu rapide et contenant un mordant mélangé à de l'eau pour
former une pâte molle. Le mordant employé est de l'émeri de Naxos
ou de l'émeri corindon extrait des sables de Bretagne ou encore do
la bauxite cuite au four Siemens et contenant 60 % d'alumine. Par
une rotation prolongée et tente de 48 à 72 heures, les objets ont
pris un assez beau poli; on termine en lavant et en introduisant
dans un autre cylindre contenant du rouge d'Angleterre. Dans la bi-
jouterie d'acier les ouvriers se divisent en blantiers qui soudent et
préparent les carcasses, en riveurs qui couvrent ces carcasses de
petites pointes à facettes d'acier poli, en monteurs qui assemblent
toutes ces pièces, et en polisseurs. En 1878 on comptait près de 1
500 ouvriers occupés à cette fabrication.

Bijouterie de fonte

Les bijoux, les ornements et les autres articles de luxe obtenus par
le moulage de la fonte de fer et désignés sous le nom de bijouterie
en fonte de Berlin sont obtenus par des procédés qui n'ont rien de
particulier et ressortissent de la fonderie ordinaire; ils se moulent en
sable gras afin que les empreintes soient parfaitement nettes, que
la fonte ne se fige pas trop promptement, qu'elle remplisse bien tou-
tes les parties du moule, qu'elle ne devienne pas aigre et ne se fis-
sure pas en se refroidissant. Il faut d'habiles mouleurs pour obtenir
des arêtes de même vivacité que celles du modèle, ils commencent
par saupoudrer le modèle avec la terre la plus fine de manière à le
couvrir en entier, ils remplissent ensuite le châssis de terre ordinaire
ou de sable de Fontenay-auxRoses auquel on a mélangé 1/8e de
charbon, et noircissent à l'instant même les empreintes obtenues
en les tenant au-dessus de la flamme d'un morceau de bois de pin
dont la fumée se dépose sur le sable. Les moules sont desséchés
si fortement que frappés avec le doigt ils rendent un son très clair.
Pour obtenir une grande netteté il faut chauffer le moule au moment
de s'en servir, et couler le métal à une température fort élevée; les
fontes contenant une certaine proportion de phosphore prennent
admirablement les empreintes. On a la précaution de détacher les
jets lorsqu'ils sont encore rouges.

Bijouterie de corail

Ce genre de bijouterie est soumis aux fluctuations de la mode, mais


il jouit pourtant toujours d'une certaine faveur. Le corail est suscep-
tible d'un beau poli et se prête bien à la sculpture; on en façonne
des colliers, des bracelets, des broches, des pendants, d'oreilles.
Ce bijou se distingue par son élégance, sa légèreté, sa solidité
dans le collage et la façon de le fixer dans les montures; on l'ac-
compagne de perles fines, d'émaux ou de diamants. Les Italiens,
qui ont presque le monopole de la pêche du corail, ont aussi la
spécialité de la taille; c'est à Naples surtout et dans les environs
que le corail est façonné pour l'usage de la bijouterie; on l'expédie
de là sur les grands marchés européens, principalement à Paris et
à Londres; en France, d est monté à Paris, à Lyon et à Marseille.
Dans les bijoux anglais, le corail est monté solidement, mais sans
grâce; en Allemagne les fabricants copient le genre français.

Bijouterie de deuil

Les matières employées et la fabrication sont de différentes natu-


res. Le jais naturel se travaille hors de France; il est au contraire
fort employé en Angleterre, principalement pour en faire des colliers
de boules facettées. En France on se sert d'une imitation de jais en
émail ou en verre; on la prépare en appliques de formes diverses,
taillées à facettes ou à biseaux, plates en dessous, qu'on fixe avec
de la cire noire sur des fonds en fer découpé; on arrive à exécuter,
en les juxtaposant, des dessins très variés et l'éclat miroitant de
cette bijouterie relève heureusement la monotonie d'une toilette en-
tièrement noire. Ces morceaux de verre, dont la valeur est faible,
sont taillés et façonnés par les mêmes procédés que ceux em-
ployés pour le, jais, de manière à leur en donner l'apparence. Le
bas prix auquel on livre ces parures au public peut déjà les faire re-
connaître par l'acheteur, mais indépendamment de ce moyen de les
différencier de la matière qu'on a cherché à imiter, la taille peut en-
core les faire reconnaître. En effet, elle est beaucoup moins soi-
gnée, 'en raison du bénéfice qui doit être assez faible pour faire
préférer l'objet imité à la pierre vraie. Un oeil assez exercé ne s'y
méprendra pas. Le même moyen de contrôle peut servir à différen-
cier les objets autres que les bijoux de deuil et les parures pour les-
quels on a employé le verre, au lieu du jais véritable.
L'emploi de la corne de buffle, matière très malléable, a pris une
grande extension, surtout pour la fabrication des chaînes qui, en se
substituant aux chaînes en caoutchouc étrangères et même au jais
anglais, est devenue l'objet d'une exportation assez importante. En-
fin on utilise encore le bois durci, composé de sciure de bois et
d'albumine, principalement de palissandre et de sang de boeuf, qui
se moule comme l'écaille.

Bijouterie en cheveux

L'usage des bijoux en cheveux parait remonter seulement à la Re-


naissance, et c'est au XVIe siècle qu'on voit paraître pour la pre-
mière fois, les bracelets de cheveux portés indistinctement par les
hommes et par les femmes. On trouve à ce sujet dans les Mémoi-
res de d'Aubigné un trait caractéristique; durant les guerres de Hen-
ry IV , d'Aubigné, dans une bataille combattait corps à corps contre
le capitaine Dubourg. Au plus fort de l'action, d'Aubigné s'aperrut
qu'une arquebusade avait mis le feu à un brâcclet des cheveux de
sa maîtresse, qu'il portait à son bras; aussitôt, sans songer à l'avan-
tage qu'il donnait à son adversaire, il ne s'occupa que d'éteindre le
feu et de sauver ce précieux bracelet qui lui était plus cher que la
liberté et la vie. Le capitaine Dubourg, touché de ce sentiment, le
respecta; il suspendit ses coups, baissa la pointe de son épée et se
mit à tracer sur le sable un globe surmonté d'une croix. Tallemant
des Réaux parle des bijoux en cheveux dans plusieurs de ses His-
toriettes. Mais c'est à partir du XIXe siècle que la bijouterie en
cheveux prit le plus d'extension.
"Notre époque est si sentimentale, disait à ce sujet Genlis, dans son Dictionnaire
des étiquettes, qu'il n'y en a certainement jamais eu où l'on ait tant fait de bracelets,
de bagues, de chiffres, de chaînes de cheveux. On a vu des femmes porter des
ceintures de cheveux de leurs amants. Nos grands-pères et nos grand'mères
étaient loin de cette touchante prodigalité de cheveux. "
La mode de porter, par affection ou par superstition, des bracelets
de toute sorte est assez ordinaire en Russie parmi les hommes,
beaucoup portent des bracelets en cheveux; ces bracelets sont
simplement tressés et ont un fermoir en or. Les bagues en cheveux
ont en général la forme des bagues celliers de chien, mais plus
étroite; dans la concavité que présente tout le tour, on colle une
liasse mince de cheveux. Elle est aussi unie qu'une plaque. Il en est
qui sont montées en chevalières et qui ont au-dessus une plaque à
charnière qui s'ouvre afin de pouvoir placer des cheveux au de-
dans. (L. Knab, c. 1900).

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