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Alertes À La Bombe Et Terreur Au Lycée
Alertes À La Bombe Et Terreur Au Lycée
La
remontée du terrorisme.
Au lycée Arago de Villeneuve Saint-Georges, dix professeurs ont fait valoir leur droit de
retrait. Depuis deux semaines, pas un jour ne se passe sans une alerte à la bombe.
L’anxiété monte.
« On nous a dit que si on avait peur, nous n’avions qu’à changer de métier ». Mercredi 18
octobre à 23 heures, une petite dizaine de professeurs du lycée Arago de
Villeneuve-Saint-Georges se réunissent par visioconférence, sur un portail numérique fourni
par l’éducation nationale qu’on leur refusait, jusqu’ici, le droit d’utiliser. Ils sont au pied du
mur. Dix alertes à la bombe en deux semaines. En calendrier scolaire, cela signifie une par
jour. Ils ont fait valoir leur droit de retrait, mais l’administration ne veut rien entendre. Ainsi
donc, le risque fait désormais partie, aujourd’hui, du métier de professeur. L’Éducation
nationale, tu obéis, ou tu la quittes.
Deux semaines plus tôt, Marine*, professeure dans le lycée, s’apprêtait à commencer son
cours avec une classe de terminale quand la proviseure adjointe se met à courir de salles en
salles. « Alerte à la bombe ! », crie-t-elle. Les élèves gagnent la cour. Les consignes sont
confuses. Certains les somment de gagner l’arrière du lycée, d’autres, le gymnase.
Finalement, les quelque 2 000 élèves de l’établissement se réunissent devant le portail
d’entrée. « Certains élèves étaient très stressés. Il a fallu les rassurer alors que
nous-mêmes, nous ne savions pas ce qu’il se passait », soupire Marine.
Les jours passent et la situation se répète. Telegram, mail, appels anonymes… Les auteurs
rivalisent d’inventivité pour annoncer que l’établissement va sauter. Comme une petite
maladie qui se répand, depuis la rentrée, dans l’Éducation nationale. Lundi 16, le ministre de
l’Éducation Gabriel Attal comptait 168 alertes à la bombe, partout en France. Le parquet a
précisé ce même jour que plus de 25 établissements dans le Val-de-Marne étaient
concernés et que sept mineurs soupçonnés d’être à l’origine de ces alertes malveillantes
avaient été arrêtésn. ij
Une blague potache ? Peut-être, peut-être pas. Suffisant, en tout cas, pour créer un état de
tension insupportable au sein de l’établissement. « Est-ce que ce sont nos propres élèves ?
Des anciens élèves ? Des personnes venues de l’extérieur ? Comment savoir ? »,
s’interroge Camille, une professeure. Reste que les alertes à la bombe se multiplient sans
qu’aucun protocole ne soit mis en place. Vendredi 13, élèves et enseignants apprennent la
mort de Dominique Bernard dans un attentat à Arras alors qu’eux-mêmes sont en train
d’évacuer. Ils sont alors réunis en plein air, devant le gymnase. « Un collègue m’a attrapé le
bras et m’a dit “ça ne rigole plus. Si un fou débarque avec un fusil ou avec sa voiture, nous
sommes totalement exposés”, se souvient Camille. Nous étions très inquiets. Un avion est
passé très bas au-dessus de nous et nos cœurs se sont tous arrêtés de battre. C’est vous
dire l’état de stress dans lequel nous étions. »
Il faut attendre le mardi suivant pour que la consigne d’évacuation soit claire : en cas d’alerte
à la bombe, tous doivent se réunir en plein air, dans le stade. Un protocole en inadéquation
avec celui pour le risque d’intrusion dans le lycée, qui enjoint, lui, à se confiner dans les
classes. C’est alors que dix professeurs, syndiqués pour la plupart, se sont résolus à faire
valoir leur droit de retrait. D’autres décident, eux, de se mettre en arrêt maladie. « Certains
songent à démissionner. On n’est pas préparés à cela. Chacune des alertes à la bombe
nous rend un peu plus vulnérables, soupire Émile, un professeur, pendant la réunion
d’urgence en visioconférence. Il est 23 heures et je continue à rassurer mes élèves. La
vérité, c’est qu’on ne peut pas assurer leur sécurité ou la nôtre. »
CharlieHebdo.fr 19.10.23