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Chimie,
dermo-cosmétique
et beauté
Cet ouvrage est issu du colloque « Chimie, dermo-cosmétique et beauté »,
qui s’est déroulé le 17 février 2016 à la Maison de la Chimie.
« COLLECTION CHIMIE ET ... »
Collection dirigée par Bernard Bigot
Président de la Fondation internationale de La Maison de la Chimie
Chimie,
dermo-cosmétique
et beauté
Patrice André, Jean-Marie Aubry, Sabine Berteina-Raboin, Claire Bouix-Peter,
Sandra Del Bino, Philippe Humbert, Jacques Leclaire, Laurent Marrot,
Christophe Masson, Isabelle Pélisson, Philippe Piccerelle, Philippe Walter.
Imprimé en France
ISBN : 978-2-7598-2077-1
EDP Sciences
17, avenue du Hoggar, P.A. de Courtabœuf, BP 112
91944 Les Ulis Cedex A, France
Ont contribué à la rédaction
de cet ouvrage :
Partie 1
La dermo-cosmétique et la beauté :
des enjeux de R&D communs
Partie 2
La chimie au service
de la santé de la peau
Partie 3
La chimie au service
de la beauté de la peau
Partie 4
La dermo-cosmétique :
quelques voies d’évolution ouvertes
par la recherche
8
Danièle Olivier et Paul Rigny, Fondation de la Maison de la Chimie
Avant-
propos
La Fondation de la Maison utilisatrices de la chimie,
de la Chimie s’attache à faire mais aussi étudiants venus
prendre conscience à tous de en grand nombre prendre
ce que nos vies quotidiennes la dimension des avenirs
doivent à la chimie. Elle se que leur offrent les sciences
penche ainsi sur la réalité de chimiques, leurs applications
ce qui nous entoure – les objets et leur développement.
quotidiens, les vêtements, nos Les colloques sont l’occasion
habitations, nos loisirs, nos pour les participants d’écou-
médicaments, etc. Certains ter des spécialistes des sujets
de ces objets et de ces usages traités : représentants des
sont, pourrait-on dire, « vieux laboratoires à la pointe des
comme le monde », mais applications concernées et
aujourd’hui, tous, sans excep- représentants des industries
tion, sont le fruit des progrès engagées dans la fabrication
de la recherche – recherche et la promotion des objets ou
technologique naguère mais l’élaboration des méthodes
de plus en plus aujourd’hui qui en permettent la mise en
recherche scientifique. Ils œuvre. Chaque présentateur
résultent des travaux accom- fait l’effort de se mettre à la
plis par les laboratoires de portée des non spécialistes,
recherche en chimie et mis sans cacher sa passion per-
en œuvre par les industriels. sonnelle pour le sujet.
La Fondation a ainsi créé, en Les messages des colloques
2007, un cycle de colloques sont trop élaborés pour qu’on
« Chimie et… », qui traitent ne veuille pas les conserver
successivement de domaines pour s’y reporter. C’est pour-
d’application de la chimie. quoi une collection de livres
De « La chimie et la mer », « Chimie et… » a été ouverte
le premier colloque, au plus en 2009, par la Fondation de
récent, « Chimie Dermo-cos- la Maison de la Chimie. Elle
métique et beauté », le pre- reprend les contenus des col-
mier de l’année 2016, ce sont loques et met les conférences
quinze colloques qui se sont sous forme de chapitres de
ainsi déroulés. Chacun a réuni livres qui pourront être dif-
près de 1 000 personnes, fusés à toute une variété de
acteurs dans le domaine de la lecteurs : citoyens intéres-
recherche en chimie ou dans sés au progrès technique et
les entreprises industrielles ayant une certaine formation
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
13
Philippe Walter
Dermo-
cosmétique
et beauté
à travers les âges
Philippe Walter est Directeur de Recherche au CNRS et spé-
cialiste du domaine « la chimie et l’art ». Il a étudié les fards
des pharaons, regardé comment faisaient les Romains pour se
teindre les cheveux en noir grâce aux sels de plomb, montrant au
passage qu’ils utilisaient des nanotechnologies. Philippe Walter
dirige le laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale à
l’Université Pierre et Marie Curie (Paris).
1 Le regard des
civilisations passées
sur le vieillissement
des Pharaons avec l’analyse
chimique des matières qui
nous été transmises depuis
de la peau l’Antiquité, il nous est possible
de préciser le regard des civi-
1.1. De la chimie dans lisations du passé sur ces pro-
l’Égypte ancienne blèmes de vieillissement de la
peau et de nous éclairer sur la
Un rêve éternel : « transformer
manière dont la science cos-
un vieillard en jeune homme » !
métique occidentale, inven-
Déjà un papyrus égyptien de
tée dans l’Antiquité égyp-
l’école pharaonique, le papy-
tienne, puis développée dans
rus Smith, donne quelques l’Antiquité gréco-romaine, a
recettes (Encart : « Pour trans- guidé notre point de vue sur
former un vieillard en jeune la beauté et le vieillissement
homme »). Lisons la conclu- ainsi que sur les manières d’y
sion : « Si l’on se frotte la peau remédier. Ces considérations
avec ce produit, elle devient se sont construites progressi-
parfaite de teint. La calvitie, vement grâce, dans une large
toutes les taches de rousseur, mesure, à la mise en œuvre de
toutes les marques fâcheuses préparations chimiques et au
de l’âge, et toutes les rougeurs développement d’une science
qui gâtent l’épiderme sont gué- sophistiquée de la formula-
ries par le même moyen ». Ces tion.
préoccupations sont toujours Si l’on revient au début de cette
les nôtres… éternelles. recette du papyrus Smith, on
En associant l’étude des textes remarque que le rédacteur
et des images de l’époque explique qu’il faut se procurer
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
« Se procurer environ deux hectolitres de gousses fraîches de fenugrec. Concasser ces gousses
et les exposer au soleil. Quand elles sont sèches, [...] séparer les graines des gousses. [...]
Mélanger les deux quantités de graines et de débris de gousses, y ajouter de l’eau et en faire une
pâte assez fluide. [...] Faire chauffer. Cesser le chauffage lorsque l’on constatera la présence
de petites nappes d’huile surnageant sur la masse. Puiser cette huile à l’aide d’une cuiller. [...]
Si l’on s’en frotte la peau, elle devient parfaite de teint. La calvitie, toutes les taches de rousseur,
toutes les marques fâcheuses de l’âge et toutes les rougeurs qui gâtent l’épiderme sont guéries
par le même moyen. [...] Ce remède a été appliqué avec succès des millions de fois. »
« Pour transformer un vieillard en jeune homme (Papyrus Smith XIX, 9-XX, 10) ».
Dans Mélanges Maspero, t. I, MIFAO, t. 66/1. Le Caire, 1935-1938, p. 853-877.
Figure 1
Scène de préparation d’un onguent parfumé suivant une recette très précise.
Chapelle funéraire de la tombe anonyme TT 175, XVIIIe dyn., Gournah (d’après M. el-Shimy, in Molecular and Structural
Archaeology: Cosmetic and Therapeutic Chemicals, Volume 117 of the series NATO ASI Series pp 29-50).
18 Source : Mohamed El-Shimy.
Dermo-cosmétique et beauté à travers les âges
être lue comme une recette dans une tombe avait sans
qui représente une séquence doute pour fonction d’insister
de gestes assez semblable à sur la revitalisation du défunt
celle du papyrus Smith. Un permise par cet onguent.
homme commence par écra- L’ époque gréco -r omaine
ser ou concasser la matière ; nous a également transmis de
un autre la filtre ; deux autres nombreuses informations sur
la mélangent alors qu’un der- ce sujet par l’intermédiaire
nier la remue dans un large de traités médicaux souvent
vase posé sur un braséro. Les copiés durant la période
vases à col long représentés médiévale. Ces recettes, éla-
entre ces gestes semblent borées par des médecins, ont
signifier que l’on peut lais- produit un véritable savoir
ser le mélange reposer ou scientifique du soin médical
macérer pour en extraire un et dermo-cosmétique.
parfum dont la nature semble
caractérisée avec les fleurs
de lotus. 1.2. Une notion de soin
médical
L’Égypte ancienne a ainsi mis
en place une série de recettes Sur un manuscrit (Figure 2)
pour améliorer les conditions datant du vie siècle et conservé
de vie et protéger la peau tout à la bibliothèque nationale
aussi bien de l’action du Soleil, d’Autriche à Vienne, on peut
de la sécheresse du désert voir l’un de ces médecins,
que du vieillissement natu- Dioscoride, en train d’écrire.
rel. Ici cette représentation En face de lui un peintre, avec
Figure 2
Un peintre, la figure allégorique
de l’Epinoia et le médecin
Dioscoride, guidé par le pouvoir
de la pensée.
Dioscoride, De Materia Medica.
Vienne, Österreichische
Nationalbibliothek, Cod. Med. Gr. 1,
début du vie siècle. 19
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 3
Flacons (aryballes, flacon
de Mercure, bouteilles) contenant
des formules datant de l’Antiquité
et pouvant avoir diverses
fonctions.
Mise en scène dans le cadre de
l’exposition « Le bain et le miroir »
organisée en 2009 Musée national
du Moyen-Âge – Thermes de Cluny
à Paris.
Source : cliché Philippe Walter. 21
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 4
Préparation du parfum de lys,
vie siècle avant J.-C.
Calcaire, fragment du décor d’un
tombeau, Égypte. H. : 25,80 cm.
22 Musée du Louvre.
Dermo-cosmétique et beauté à travers les âges
le jus. Il s’agit vraisembla- Figure 5
Huile / Baume / Onguent / Emplâtre
blement de la technique de
l’enfleurage, qui consiste à consistance plus épaisse Natures des formules antiques
appliquées sur la peau.
placer des fleurs dans de la
graisse animale ou de l’huile
végétale, puis de les laisser
macérer afin d’en extraire
leur huile essentielle. L’étape
finale consiste alors à filtrer
Figure 6
le liquide afin de retirer les
pétales. Huile et sport : les onctions
Les différentes formules pré- et le massage.
Aryballe contenant de l’huile pour
sentes dans les textes médi- le sport, époque gallo-romaine.
caux sont celles d’huiles, Verre, H. : 6,5 cm, Cologne,
de baumes, d’onguents ou Römisch Germanisches Museum,
d’emplâtres (voir le para- inv. 629.
graphe 2.4.), dont les ingré-
dients principaux étaient des
devait donc être de conserver
huiles (Figure 5). Leurs consis-
des onguents ou des produits
tances étaient variables, une
médicaux. Un tel objet retrouvé
matière plus visqueuse ou
près de tombes romaines à
collante pouvant être appli-
Omal (Belgique) et daté du iiie
quée et rester sur la peau plus
siècle ou du début du ive siècle
longtemps. Les huiles pour le
contient encore une matière
sport, souvent contenues dans
grasse, de couleur beige, légè-
des flacons appelés aryballes
rement translucide, encore très
(Figure 6), étaient utilisées
collante et qui a pu être analy-
pour se couvrir le corps et
sée avec différentes techniques
pour le massage : l’athlète
de spectroscopie infrarouge,
s’en oignait le corps avant de
de chromatographie en phase
racler avec un strigile toutes
gazeuse et spectrométrie de
les salissures présentes sur
masse. Malheureusement ces
sa peau après la sudation
analyses ne nous ont permis
obtenue par l’effort ou la cha-
de détecter que la présence
leur thermale. Les emplâtres
pouvaient quant à eux adhérer
et fixer ainsi différents prin-
cipes actifs médicamenteux
qui diffusaient dans le corps
à travers l’épiderme.
Une forme particulière de
flacon était ainsi associée au
dieu Mercure (Figure 7) : de
section carrée et présentant Figure 7
un long goulot, il tient son nom Onguent médical : flacon de
à la marque imprimée sur sa Mercure contenant une substance
base qui représente le dieu homogène marron translucide,
Mercure ou un caducée, l’un pâteuse et collante. L’analyse
(FTIR et GC/MS) montre qu’il s’agit
de ses attributs lorsqu’il est
d’une huile végétale polymérisée
considéré comme le dieu des (iiie-début du ive siècle).
médecins. La fonction pre- Verre de teinte vert clair,
mière de cette forme de vase H. 27,3 cm. Liège, Musée Curtius. 23
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Fibre revêtue
Absorption
Figure 8
A) Microextraction de molécules volatiles sur phase solide permettant leur identification ;
B) analyse par chromatographie en phase gazeuse (V. Manzin, L’Oréal Recherche).
24
Dermo-cosmétique et beauté à travers les âges
avec les archéologues et notamment l’égyptologue Gaston Maspero, qui lui confia une série
de petites boules rondes découvertes dans un tombeau et qui pouvaient avoir été destinées à
purifier et à parfumer l’environnement. Au moment de la découverte, l’archéologue observa que
ces boules exhalaient une odeur musquée assez violente. Il les a donc emmenées à Paris pour
permettre à Marcelin Berthelot de déterminer ce qu’était ce parfum. Les analyses qui ont été
effectuées n’ont pas permis d’identifier de molécules de parfum mais uniquement le substrat
inorganique de ces composés, constitué de verre pilé très riche en silice et de calcaire. Aucune
particule de matière susceptible d’avoir été liée à ces parfums ! On peut retenir le commentaire
de Maspero : « il est possible que cette odeur se soit réduite à rien au cours du voyage, ou que la très
petite quantité de matière qui la produisait se soit évaporée au premier coup de feu ».
Injecteur
chromatographe
en phase gazeuse
Désorption
Figure 9
Chromatogrammes révélant les composés de dégradation des huiles (analyse par GC-MS/SPME, V. Manzin,
L’Oréal Recherche).
Figure 10
M. Berthelot (1901) - Sur l’or égyptien. Annales du Service des antiquités de l’Égypte, 2, pp. 157-163.
25
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
diminution augmentation
0 min de la bande des bandes C = O
15 min C = O ester carboxylates
30 min (RCO2R’) (RCO2–)
Absorbance
45 min
1h
Figure 11 1 h 30
Mise en évidence de la formation
d’emplâtres de plomb par 1800 1600 1400
saponification des esters de l’huile Nombre d’onde (cm ) –1
LES EMPLÂTRES
Définition
Les emplâtres sont des produits pharmaceutiques qui, grâce à leur consistance épaisse et
à leur adhérence, peuvent demeurer longtemps appliqués sur le corps et permettre ainsi
aux principes actifs qu’ils contiennent de produire leur effet.
Les réactifs
Matière grasse, sels de plomb.
Les conditions expérimentales
Proportion des composés, agitation, chauffage, ajout éventuel d’eau.
26
Dermo-cosmétique et beauté à travers les âges
procédés mis en œuvre dans universelle, contenant toutes les
ces recettes, de mesurer la compositions de pharmacie qui
vitesse des réactions chimiques sont en usage dans la médecine,
qui permettaient de fabriquer tant en France que par toute
un bon produit, d’évaluer les l’Europe : leurs vertus, leurs
propriétés finales, par exemple doses, les manières d’opérer les
d’adhésion à la peau ou les dan- plus simples et les meilleures
gers dermo-cosmétiques, en en 1697, cita ainsi 42 recettes
évaluant la capacité du plomb différentes d’emplâtres, tou-
contenu dans ces produits à jours sur le même principe de
diffuser à travers les couches base : on cuit un oxyde de plomb
superficielles de l’épiderme avec une huile en ajoutant de
(stratum corneum). l’eau pour empêcher la dété-
rioration de la préparation par
Les ouvrages de Celse, méde-
la chaleur, diminuer l’oxyda-
cin romain du ier siècle, ne four-
tion et obtenir un produit plus
nissent pas moins de 19 recettes
pur, qui va résister mieux au
d’emplâtres (Figure 12), et dans
temps et mieux coller à la peau
quasiment toutes, le chauffage
(Figure 13).
d’une huile et d’un sel de plomb
est préconisé, sans ajouter D’autres (et rares) découvertes
d’eau. Cette méthode de prépa- archéologiques, qui ne sont
ration de l’emplâtre fera l’objet pas d’emplâtres, mais très
de changements profonds au probablement de crèmes de
xvie siècle (dans les ouvrages de beauté, ont été faites. Il s’agit
Valerius Cordus, en 1548, et de par exemple de la découverte
Laurence Joubert, en 1574) puis en 2002, lors de fouilles de sau-
au xviie siècle, les préparateurs vetage à Londres, d’une petite
considérant qu’il est important boite en étain, qui date du iie
d’ajouter de l’eau au mélange siècle. Cette pyxide était encore
initial, pure ou sous forme de hermétiquement fermée et
mucilage 4 , Nicolas Lemery, remplie d’une crème blanche
auteur d’une Pharmacopée sur laquelle on peut encore
voir une empreinte digitale. La
4. Mucilage : substance végétale matière avait au moment de la
employée en pharmacologie, qui découverte une forte odeur de
gonfle au contact de l’eau. soufre. L’analyse du contenu
Figure 12
Évolution au fil du temps
de la recette de préparation
des emplâtres par ajout d’eau.
À sec Avec de l’eau Avec musclage ou décoction Source : d’après la thèse de
doctorat de Marine Cotte, 2004.
chauffage
Figure 13
huile / graisse (2) + eau (2) + PbO (1) emplâtre simple Nouvelle formulation d’emplâtre
apparue au xvie siècle avec ajout d’eau. 27
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
A B
Figure 15
A) Lékanis contenant des pastilles de blanc de plomb, synthétisées dans l’Antiquité (Eleusis) ;
B) Pyxide ayant conservé les traces d’usage de l’époque antique (cimetière de Démétrias, Volos).
Source : clichés Philippe Walter. 29
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
A B
Figure 16
Observation par microscopie électronique à balayage de pigments blancs sous formes de plaquettes (A)
et modélisation de la forme moyenne des grains le constituant (B).
Tableau
Résultats de mesures et de pesées des pastilles de pigments provenant de tous les sites grecs étudiés révélant
une incroyable standardisation.
Site Échantillon Masse moy. (g) Diamètre moy. (cm) Épaisseur moy. (cm)
n° inv. 11332
Tanagra pastille conservée 6,48 ± 0,96 2,70 ± 0,07 0,72 ± 0,14
sans contenant
* D'après Themelis, P. Touratsoglou (1997). Les ensembles de pastilles étudiés (encore entières) sont inégaux :
KER1 : 5 pastilles ; KER3 : 5 pastilles ; EL01 : 5 pastilles ; EL02 : 1 fragment de pastille ; EL12 : 1 fragment de pas-
tille : E32a : d'après publication ; Pyxide tripode 13676a : 9 pastilles (diamètre) dont 5 entières (masse et épaisseur) ;
Pyxide 13676b : 13 pastilles. 31
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 18
Phryné, plus belle femme de l’Antiquité dont le teint était jalousé par les autres femmes.
32 Jean-Léon Gérôme, Phryné devant l’Aréopage, 1861, Hamburg Kunsthalle.
Dermo-cosmétique et beauté à travers les âges
taches, tels des épouvantails ». « Elle seule, Phryné est appa-
De vilaines taches induites par rue encore plus belle, authen-
les réactions entre la peau tiquement, sans avoir besoin
et ces composés de plomb ! d’aucune ruse cosmétique ».
33
Philippe Humbert
Les enjeux de la
vectorisation
et de la pénétration
transcutanée
pour les actifs
cosmétiques
Le Professeur Philippe Humbert est dermatologue et Directeur
du Centre d’études et de recherche sur le tégument/CERT CHU
de Besançon 1.
1 Les cosmétiques
parmi les médecins derma-
tologues, mais également
chercheurs, chimistes, ou en
1.1. Définition et distinction charge de la sécurité.
cosmétique/médicament Les cosmétiques font
La cosmétologie est un sujet aujourd’hui partie de notre
qui intéresse tout le monde, vie et nous devons les com-
mais nous avons une vision prendre. Ce chapitre donnera
différente des cosmétiques quelques exemples de tous
selon que nous sommes les champs abordés dans le
consommateurs, pharma- domaine de la cosmétologie
ciens, médecins, voire même par le dermatologue et les
1. www.cert-besancon.com
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
QUELQUES DÉFINITIONS
Figure 2
38 Embellissement par le maquillage : avant et après.
Les enjeux de la vectorisation et de la pénétration transcutanée pour les actifs cosmétiques
est un produit destiné à être
appliqué sur la peau ».
Mais un produit peut être
appliqué sur la peau et péné- Figure 3
trer dans la peau comme le Lèvres gercées justifiant le besoin
montrent les chapitres de cet d’un cosmétique de soin.
ouvrage Chimie, dermo-cos-
métique et beauté, consacrés
au traitement des pathologies avoir des effets biologiques,
par voie topique. et ce n’est pas parce qu’il
pénètre qu’il doit être consi-
On voit donc de plus en plus déré comme un médicament.
des industriels des cosmé- Ce passage à travers la peau
tiques, qui, il y a à peine vingt est suivi par des méthodes
ans, n’osaient pas revendi- pharmacologiques. La micro-
quer des effets biologiques dialyse 9 (Figure 4) est une
de leurs produits, venir dans méthode invasive10 qui per-
les colloques pour montrer un met de mesurer in vivo chez
effet en profondeur d’un actif un individu la pénétration d’un
cosmétique sur le fibroblaste6 cosmétique : il suffit d’intro-
voire même sur l’adipocyte7. duire la sonde de microdialyse
Comment imaginer qu’une dans la peau, d’appliquer sur
crème cosmétique anticel- la peau le produit cosmétique,
lulite (cellulite considérée et d’analyser ce qui se passe
comme un fait physiologique à l’intérieur du derme11 pour
et non pas pathologique) évaluer la pénétration.
puisse être active si elle ne La Figure 5 montre l’im-
pénètre pas au moins jusqu’à por tance de la formula-
un ou deux centimètres de tion (voir aussi le Chapitre
profondeur pour aller agir de J.-M. Aubry dans Chimie,
jusqu’à l’hypoderme8 ? dermo-cosmétique et beauté)
La Figure 3 présente un autre
exemple de besoin de cosmé-
tique de soin : il s’agit de la
réparation par un cosmétique
de lèvres gercées. C’est un
cosmétique parce qu’on consi- Figure 4
dère que les lèvres gercées ne Mesure de la pénétration d’un actif
sont pas une pathologie mais cosmétique par un dispositif
un effet de dessèchement ou de la microdialyse.
un effet de vieillissement.
Un cosmétique peut donc 9. Microdialyse : technique dans
pénétrer à travers la peau pour laquelle on introduit dans la peau
une sonde semi-perméable (per-
méable à l’eau et aux petits com-
6. Fibroblaste : cellule de soutien posés), afin de mesurer selon un
dans le derme responsable de gradient de concentration la pré-
l’élasticité et de la cohésion de sence de la molécule recherchée.
la peau. 10. Méthode invasive : méthode
7. Adipocyte : cellule de stockage qui nécessite une lésion de l’orga-
de la graisse. nisme, plus qu’une simple prise de
8. Hypoderme : troisième couche sang ou injection.
la plus profonde de la peau après 11. Derme : deuxième couche de
l’épiderme et le derme. la peau, avant l’hypoderme. 39
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
206
Concentrations en acide ascorbique
204 A
202
200
dans le derme
198
196
Figure 5 194
192
Influence de la formulation d’un B
190
cosmétique sur l’évolution de la
concentration en actif dans la 188
peau au cours du temps : passage 186
transcutané de l’acide ascorbique 0 1 2 3 4 5 6 7
à partir d’un sérum (A) et d’une Temps (h)
40 crème (B).
Les enjeux de la vectorisation et de la pénétration transcutanée pour les actifs cosmétiques
en deux ou trois mois cette éle c tr onique de s f ibr e s
peau âgée en une peau plus de collagène15 du derme
jeune (Figure 6B), et au bout de (Figure 7A), on voit qu’avant
six mois en une peau encore traitement, les fibres de col-
plus jeune (Figure 6C). Si ce lagène sont peu abondantes
n’était qu’un effet hydratant et dispersées, la cellule – ici
de surface, cet effet serait le fibroblaste – est très peu
visible dans les quinze pre- active. Le faisceau de col-
miers jours, mais un effet lagène est reconstitué et le
qui se poursuit au-delà d’un fibroblaste réactivé après
mois, deux mois, trois mois, six mois de traitement par ce
jusqu’à six mois, signifie que cosmétique (Figure 7B).
des fonctions biologiques ont L’activation de la cellule de
été mises en œuvre avec ce fibroblaste après traitement
cosmétique. est confirmée : sur son image
L’effet biologique de cet actif de microscope électronique
cosmétique est confirmé (Figure 8B), le noyau, qui
par l’étude des biopsies14 . apparaît comme plurinucléé,
Sur l’image en microscopie
A B C
AVANT APRÈS 3 MOIS APRÈS 6 MOIS
60
60
60
0 20 40
0 20 40
2 µm
2 µm
- 60 - 40 - 20
- 60 - 40 - 20
2 2 2
1,8 1,8 1,8
- 70
2 mm
2 mm
2
1 1 1
0,8 0,8 0,8
0,6 0,6 0,6
0,4 0,4 0,4
0,2 0,2 0,2
0 0 0
2,4 2,2 2 1,8 1,6 1,4 1,2 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 mm 2,4 2,2 2 1,8 1,6 1,4 1,2 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 mm 2,4 2,2 2 1,8 1,6 1,4 1,2 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 mm
90 90 90
120 60 120 60 120 60
Figure 6
Effet antivieillissement en profondeur d’un actif cosmétique : évolution de l’indice d’anisotropie :
A) avant traitement ; B) au bout de trois mois ; C) au bout de six mois.
Relief analysé par le Pr. H. Zahouani (Lyon). 41
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
A B
Figure 7
Reconstitution des faisceaux
de collagène et activation du
fibroblaste par traitement
cosmétique : image de microscopie
électronique du derme : A) avant
traitement (les fibres de collagène
sont dispersées et le fibroblaste
est peu actif) ; B) après six mois
de traitement (le fibroblaste est
très actif, produisant d’importants
faisceaux de collagène).
A B
Figure 8
Image de microscopie électronique
du derme par traitement
cosmétique antivieillissement :
A) avant traitement ; B) après
six mois de traitement, on
observe la présence de noyaux
de fibroblastes polynucléés,
témoignant d’une grande activité
cellulaire.
2 Les enjeux
de la cosmétologie
disparaître si cette barrière
n’existait pas. Cette fonction
barrière limite la perte en eau
Les enjeux de la cosmétologie transcutanée à 500 g/jour, soit
sont socialement et écono- ½ litre d’eau, sans compter la
miquement très importants. sueur et l’eau perdue par la
Aujourd’hui on ne peut pas respiration ou dans les urines.
vivre dans nos civilisations
sans cosmétiques. Et même Les cosmétiques anti-âge
dans les pays en voie de déve- agis s ent de dif fér ente s
loppement, une des priorités manières : stimuler la fabri-
d’une femme après avoir nourri cation de collagène ou d’acide
ses enfants sera la parure, ou hyaluronique 21, avoir des
de se protéger la peau du soleil effets antioxydants, camou-
ou de l’environnement. fler les effets de l’âge et
dépigmenter les taches pig-
2.1. Classification mentées, agir sur les cernes.
des cosmétiques Par exemple pour agir sur les
Les cosmétiques peuvent être cernes, il faut comprendre
classés selon leurs effets ou que ceux-ci sont en partie dus
selon leurs origines. à un ralentissement du flux
sanguin dans les paupières, et
2.1.1. Classification les cosmétiques doivent donc
selon les effets agir sur la stimulation du flux
Le premier effet d’un cos- sanguin au niveau de la peau.
métique est avant tout d’être Les cosmétiques sont aussi
hydratant. Une peau déshy- des amincissants, et il existe
dratée perd ses propriétés de des actifs qui raffermissent le
défense, de souplesse, ses corps. D’autres produits sont
propriétés mécaniques. La blanchissants et homogé-
peau est une enveloppe qui néisent la couleur de la peau,
se dessèche. Plus la peau se ou régulateurs de la sébor-
dessèche, plus elle devient rhée22. Mais bien sûr, un état
hydrophobe : une peau sèche hyperséborrhéique qui dépasse
n’aime pas l’eau. Ce serait les attentes d’un cosmétique
tellement simple, lorsqu’on a doit faire l’objet d’une prise
une peau sèche, de se tremper en charge médicale avec des
dans un bain pour l’hydrater, médicaments (voir le Chapitre
mais il faut l’éviter car la peau de C. Bouix-Peter dans Chimie,
va se déshydrater davantage. dermo-cosmétique et beauté).
Pour réhydrater une peau
sèche, il faut lui apporter des
cosmétiques qui contiennent 21. Acide hyaluronique : constituant
des émulsions ou des subs- naturel du derme, qui agit comme
tances grasses (Tableau 1). éponge en captant et maintenant
l’eau, participant à l’hydratation et
Il existe différentes façons la cohésion des tissus. Sa qualité
d’hydrater la peau et donc et sa quantité diminuent avec l’âge,
de renforcer sa fonction bar- c’est pourquoi de nombreux pro-
rière qui nous empêche de duits cosmétiques contiennent de
l’acide hyaluronique, ainsi que les
perdre notre eau, ce qui est
produits de comblement des rides.
très important quand on sait 22. Séborrhée : augmentation
que 70 % de notre corps est de anormale de la sécrétion de
44 l’eau et que cette eau pourrait sébum, rendant la peau grasse.
Les enjeux de la vectorisation et de la pénétration transcutanée pour les actifs cosmétiques
À cette longue liste il faut ajou- origine : origine marine,
ter les antioxydants, avec les biotechnologique (avec utili-
anti-radicalaires, et les anti- sation de micro-organismes)
inflammatoires, ainsi que tous ou synthétique. Aujourd’hui
les produits pour les phanères on s’intéresse beaucoup aux
(cheveux et ongles) lorsqu’ils cosmétiques d’origine végé-
sont abimés de manière phy- tale, et aussi à ceux d’ori-
siologique et non pathologique. gine marine, néanmoins sans
méconnaitre tout l’intérêt
2.1.2. Classification des cosmétiques d’origine
selon les origines chimique, qui ont fait la
On peut aussi classer les preuve de leur intérêt et de
co sm éti qu e s s el o n l eur leur efficacité.
Tableau 1
Classification des principes actifs de cosmétiques. 45
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Rayons UVC
Les plus courtes
VC
Rayons U
ondes, ne
pénétrant
habituellement
pas la couche
d’ozone de
la Terre
longues
atteignant la
Rayons U
surface de la peau,
pouvant causer le
bronzage, les
brûlures et des signes
du vieillissement
Longueur d’onde 320 nm
Longueur d’onde 400 nm
Rayons UVA
Ondes encore plus longues,
pouvant pénétrer profondément
dans la peau, causant la libération de radicaux
libres, provoquant des modifications
de l’ADN qui peuvent entraîner
des cancers de la peau
Long. d’onde 100 nm Long. d’onde 290 nm Long. d’onde 320 nm Long. d’onde 400 nm
Figure 9
Rayons Rayons Rayons
Les effets des différents rayons UV UVC UVB UVA
100 nm – 290 nm 290 nm – 320 nm 320 nm – 400 nm
46 sur la peau.
Les enjeux de la vectorisation et de la pénétration transcutanée pour les actifs cosmétiques
des UV au printemps, en hiver L’ é quip e du CER T a pu
ou en automne, car durant ces constater les mêmes signes
trois saisons nous recevons de photo-vieillissement sur
la moitié des UV de l’année. des personnes qui travail-
S’exposer aux UV n’est pas laient pendant vingt ans en
seulement s’exposer sur une exposant au soleil tout ou
chaise longue au bord d’une partie du visage : il s’agis-
piscine, c’est aussi être dehors sait de chauffeurs de poids
dans la rue et aller faire ses lourds, de visiteurs médi-
courses, c’est être exposé au caux ou de chauffeurs de taxi
soleil. L’exposition, c’est aussi (Figure 11). L’effet unilatéral
travailler à côté d’une fenêtre, d’un photo-vieillissement
voire même toute la journée est mis en évidence sur les
face à un ordinateur, qui lui- visages, sur lesquel s on
même diffuse des UV. Nous voit clairement que le coté
sommes donc en permanence exposé de façon plus impor-
exposés aux UV, sauf dans une tante aux rayons du soleil
salle où tout est fermé, mais est beaucoup plus ridé que
encore y a-t-il les néons ! l’autre côté.
Cette exposition aux U V Si on reconstitue le visage de
entraîne des dégâts signifi- la Figure 11B d’une part avec
catifs sur la peau, comme on la moitié qui était la moins
le voit dans le cas de cette altérée et d’autre part avec
institutrice qui, durant toute la moitié exposée au soleil
sa carrière, a fait ses cours (Figure 12), et si l’on demande
dans la même salle de classe à des observateurs l’âge de
où se trouvaient sur sa gauche cette personne, on donne cinq
les fenêtres (Figure 10). Sur à sept ans de plus au visage
le côté gauche de son visage exposé au soleil. Ce photo-
(Figure 10A), le vieillissement vieillissement est mainte-
est apparu plus vite avec les nant étudié et mesuré (voir
signes qui témoignent des le Chapitre de L. Marrot dans
agressions du soleil sur la Chimie, dermo-cosmétique et
peau. beauté).
A B
Figure 10
Photo-vieillissement du visage
d’une institutrice dans une salle
exposée unilatéralement au soleil :
A) profil gauche ayant été exposé
au soleil ; B) profil droit non exposé
et moins vieilli.
Source : courtoisie du Pr. Moulin
(Lyon) : Moulin et coll. (1994).
Arch Dermatol Venereol,
121 : 721-23. 47
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 11
Les effets à long terme (une
vingtaine d’années) de l’exposition
au soleil, mettant en évidence
un effet unilatéral.
Source : courtoisie de la société
Skinexigence. Mac-Mary et coll.
(2010). Assessment of cumulative
exposure to UVA through
the study of asymmetrical facial
skin aging, Clin Interv Aging,
5 : 277-84.
Figure 12
S’exposer une vingtaine d’années
au soleil fait vieillir de cinq à sept
ans. À gauche : visage reconstitué
à partir de la moitié non exposée
au soleil ; à droite, visage
reconstitué à partir de la moitié
exposée au soleil.
Source : courtoisie
de la société Skinexigence.
Figure 14
Visages de trois femmes de même
âge mais d’apparence plus ou
moins jeune selon le mode de vie.
Source : courtoisie Skinexigence.
3
des télomères d’une personne Évaluation des effets
qui a vingt ans de plus. La souf- et indications
france morale de tous les jours, des cosmétiques
25. Télomères : extrémités des Les dermatologues et les cli-
chromosomes ne contenant aucune niciens s’intéressent main-
information génétique. Lors de la tenant à la cosmétologie, qui
réplication de l’ADN, ils ne sont pas peut paraître un domaine plus
recopiés à l’identique : une partie
anodin que la médecine, mais
des télomères n’est pas répliquée.
Ainsi avec le temps, les télomères qui est devenue une science,
se font de plus en plus courts. Leur avec de la rigueur à toutes
longueur s’associe donc à notre âge. les étapes et le respect des
Figure 15
La biométrologie sur volontaire
permet de tester l’efficacité
50 des cosmétiques.
Les enjeux de la vectorisation et de la pénétration transcutanée pour les actifs cosmétiques
utilisateurs. Aujourd’hui, un
cosmétique qui revendique
un effet doit en apporter la
preuve. Il existe des méthodes Figure 16
dites biométrologiques
(Figure 15) pour tester in vivo Évaluation de l’hydratation
par la mesure de la conductivité
sur des volontaires l’efficacité
électrique de la peau avec
de tel ou tel cosmétique. un cornéomètre.
Figure 17
Appareil de mesure de l’éclat du teint, mise en pratique sur le patient.
Source : Eclascope® développé par le CERT. 51
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Vidéocapillaroscopie
Figure 18
Laser doppler
Évaluation de la microcirculation
sanguine : méthodes d’analyses
en fonction de la profondeur de
la couche de vaisseaux étudiée.
Ordinateur
Acquisition
Analyse d’image
peau
Vidéocapillaroscope
Figure 19
52 La technique de vidéocapillaroscopie (à droite : principe de fonctionnement).
Les enjeux de la vectorisation et de la pénétration transcutanée pour les actifs cosmétiques
front patte d’oie avant-bras main
Figure 20
Images vidéocapillaroscopiques
selon l’âge. En haut : vaisseaux
d’une peau jeune ; en bas :
vaisseaux d’une peau âgée.
Figure 22
Peau présentant les symptômes
de la couperose. 53
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
10 128 156
A
Actif
Figure 23
Évolution dans le temps d’un Véhicule
visage atteint de couperose :
A) traité par cosmétique ou
B) non traité.
A B
Figure 24
Analyses vidéocapillaroscopiques du visage : A) avant traitement ; B) après traitement.
10 128 156
A
Actif
Véhicule
Figure 25
Évolution dans le temps de
l’analyse vidéocapillaroscopique :
A) moitié du visage traitée ;
54 B) moitié du visage non traitée.
Les enjeux de la vectorisation et de la pénétration transcutanée pour les actifs cosmétiques
A
Figure 26
Analyse des images de
vidéocapillaroscopie avant et après
traitement anti-couperose.
A) moitié du visage traitée ;
B) moitié du visage non traitée.
A B
20 100
Temps de relaxation : τ (sec)
90
Élasticité : UR/UE
15
80
70
10
60
5 50
5 15 25 35 45 55 65 75 90 5 15 25 35 45 55 65 75 90
ÂGE ÂGE
Figure 28
Évolution des propriétés mécaniques de la peau avec l’âge.
A) Diminution du temps de relaxation : B) diminution de l’élasticité. 55
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 29
Mesure du relief de la peau
par prise d’empreinte.
Figure 30
Mesure du relief de la peau
par la méthode de projection
56 de franges.
Les enjeux de la vectorisation et de la pénétration transcutanée pour les actifs cosmétiques
B
C D
56
93
40
4,5 3,5
50
50
4
20
3
3,5
0
2,5
0
3
6 mm
- 40 - 20
0
- 50
2,5
2 µm
2 µm
2 µm
2
1,5
- 100
1,5
- 60
- 50
1
1
- 195 - 150
- 80
0,5 0,5
- 103
0
- 100
0
4,5 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 mm 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 mm
Figure 31
Principe de la méthode de projection de franges : A) franges projetées ; B) principe de la méthode ; C) évaluation
de relief de la peau par la méthode de projection des franges : quantification de la rugosité par décodage des
franges ; D) comparaison de la rugosité d’une peau jeune (à gauche) et d’une peau âgée (à droite).
Source : courtoisie Pr. H. Zahouani (Lyon).
A B
Figure 32
Reconstitution informatique du
relief de la peau en 3D : A) une
peau jeune ; B) une peau âgée.
Source : courtoisie
Pr. H. Zahouani (Lyon).
SUJET A
Figure 33
Évolution des pattes d’oie T0 T 1 mois T 2 mois T 3 mois
de deux sujets, l’un traité par SUJET B
un cosmétique (A), l’autre
non traité (B).
Figure 34
Laboratoire travaillant in vitro sur les dermes
reconstruits.
Source : laboratoire d’Ingénierie et de Biologie
58 Cutanée de Besançon.
Les enjeux de la vectorisation et de la pénétration transcutanée pour les actifs cosmétiques
disque de peau reconstruite, La diminution de la tension de
du moins pour la partie der- la peau entraîne une rétrac-
mique, là où se trouvent les tion qui est visible en quelques
fibroblastes, cette par tie jours sur un échantillon de
fibreuse contenant le col- peau fabriqué en laboratoire
lagène. La tension physio- (Figure 35). L’évolution du
logique de la peau diminue diamètre de l’échantillon de
avec l’âge, et cette diminution derme reconstruit permet
entraîne une perte de mobilité de comparer l’efficacité des
des médiateurs chimiques qui cosmétiques pour stimuler
ne permettra plus aux fibro- cette tension et diminuer cette
blastes de transférer leurs rétraction.
informations à d’autres cel- La tension de la peau se
lules. Maintenir ou restaurer mesure en utilisant la GlaS-
la tension physiologique de box® (Figure 36). Des échan-
la peau est donc une priorité tillons rectangulaires de
pour les cosmétiques. der me r e cons tr uit s ont
70
Diamètre des lattices (mm)
60 FS 72 ans
FDR 72 ans
50
***
40
***
30 ***
*** ***
***
20 *** ***
10
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Journées en culture (Jours)
Figure 35
Mesure des effets d’un cosmétique sur la tension physiologique de la peau à partir de la rétractation
d’un échantillon de peau reconstruite.
Mesure de
variation de
résistance
∆R
Glissière
flexible dans
le silicium
Treillage de Force
collagène développée
Figure 36
Mesure des forces développées dans une peau reconstituée maintenue sous tension. Dispositif et principe
de mesure de la GlaSbox®. 59
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
A B
Figure 37
Étude de la tension de la peau dans la GlaSbox®.
A) Un échantillon de derme confiné entre deux lames ; B) comparaison d’échantillons de derme.
2e+5
Forces (Unité arbitraire/million de cellules)
2e+5
2e+5
1e+5
1e+5
1e+5
8e+4
6e+4
4e+4
2e+4
Figure 38 0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48
Figure 39
Clichés microscopiques des filaments musculaires aSM actin des fibroblastes : A) au sein d’une peau mature
non traitée ; B) au sein d’une peau mature traitée ; C) au sein d’une peau normale.
Poil
Pore
Couche papillaire
Épiderme
Corpuscule Meissner B
Petits nerfs
Couche réticulée VOIE TRANSÉPIDERMIQUE VOIES ANNEXES
Glandes sébacées
intercellulaire transcellulaire transglandulaire transfolliculaire
Derme Muscle arrecteur
Nerf sensitif
Corpuscule de Paccini
Hypoderme Artère
Veine
Tissu adipeux Cornéocyte
Racine du poil Follicule pileux
Follicule pileux Plexus nerveux
Glande eccrine
Glandes eccrines
Figure 40
Processus d’adsorption d’une substance.
A) Structure et composants de la peau ; B) les différents modes de pénétration.
Milieu receveur
Port
d’échantillonnage
Figure 41
Double enveloppe Dispositif d’évaluation
thermostatée de l’adsorption cutanée de cellules
de Franz.
la distance x de la membrane.
(mg)
60
Pente à l’équilibre
Le coefficient de perméabilité 40
Figure 42
Temps de latence
P est défini par : P =Jss/Cf, Jss
20
Figure 43
Influence de la formulation sur
la biodisponibilité (modélisation
de la couche cornée) : A) spray
hydro-alcoolique : biodisponibilité
courte ; B) spray microémulsion :
biodisponibilité prolongée.
64
Les enjeux de la vectorisation et de la pénétration transcutanée pour les actifs cosmétiques
La cosmétologie, un champ
transdisciplinaire en développement
La cosmétologie est un champ disciplinaire large
et passionnant qui fait travailler des milliers de
personnes dans de nombreux domaines, qui
vont de l’agriculteur ou du marin qui récolte-
ront les sources de principe actif, jusqu’à tous
ceux qui en font l’extraction, qui en démontrent
les propriétés, puis jusqu’à l’emballage et la
commercialisation de ces produits. C’est une
chaîne qui est contrôlée de façon extrême-
ment rigoureuse par des agences. Il y a une
très grande exigence de rigueur, de sécurité
et de suivi pour les cosmétiques, qui sous
diverses formes sont utilisés chaque jour par
chacun d’entre nous : en cas de toxicité d’un
produit cosmétique, vu le nombre important de
consommateurs, les risques seraient grands
de voir toute une population touchée.
Tous ceux qui travaillent dans la cosmétique
ont une grosse responsabilité, à tel point que
le pharmacien qui signe la sortie d’un produit
ou qui valide sa non-toxicité prend un risque
énorme, et fait appel à des agences d’experts
pour pouvoir garantir la sécurité des consom-
mateurs.
Il faut savoir faire la différence entre les
cosmétiques et les médicaments. Les produits
cosmétiques sont biologiquement actifs mais il
faut choisir les actifs, choisir les formes galé-
niques et les formulations, et évaluer les effets.
Ceux-ci peuvent être importants, mais les effets
sont limités dans le temps.
65
Patrice André
Les enjeux
de la
cosmétologie
Patrice André est actuellement président de Botanicosm’Ethic,
une société d’études, de concepts, de conseils et de critiques
en matière végétale pour la cosmétologie. Après avoir été pro-
fesseur de biologie à Tours, il a travaillé en recherche et déve-
loppement chez Christian Dior puis chez LVMH sur les parfums
et cosmétiques. Il a participé à la mise en place de l’approche
développement durable dans ces sociétés.
1 Comment était
la cosmétique avant-
hier ? (Figure 1)
déjà des produits commer-
cialisés de façon industrielle
comme la gamme Euder-
mine de Shiseido, la gamme
1.1. Quelques produits « Secret de Bonne Femme »
mythiques qui ont jalonné de chez Guerlain (Figure 4),
le temps (Figure 2) l’incontournable Nivea de 1911
(Figure 5) et les premiers pro-
La Cosmétothèque (Figure 2)
duits de chez Lancôme. La
est une association qui a été
cosmétique existait, mais elle
montée par Jean Claude Le
Joliff, pour centraliser et
conserver le savoir-faire des
années antérieures en cos-
métique (Figure 3). Ses sites
contiennent quantité de don-
nées précieuses pour com-
prendre les origines de la cos- Figure 1
métologie, résumées dans ce
paragraphe. Comment était la cosmétique
avant-hier ? Il est important
« Avant-hier » commence à de connaître de qui a déjà été fait,
la fin du xixe siècle. Il y avait pour mieux innover.
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 2
La Cosmétothèque centralise tout
le savoir-faire de la cosmétique.
Source : Cosmétothèque.
Figure 5
Évolution du design du pot de
68 crème Nivea entre 1924 et 2010.
Les enjeux de la cosmétologie
société ; les consommateurs anti-âge qui a marqué l’en-
ont peur du temps qui passe et trée véritable de la science
veulent en masquer les effets. dans les cosmétiques (c’est
La peau commençait à être vrai aussi pour Night Repair
connue de façon un peu plus et Niosome). Chez Dior, on est
précise et les cosmétiques parti sur une théorie scien-
cherchaient à agir dessus. Ces tifique, la théorie de fluidité
années ont vu le lancement membranaire 3, développée à
de grands produits, comme l’époque et encore extrême-
Night Repair chez Estee Lauder, ment importante aujourd’hui,
Niosome chez L’Oréal, et Cap- bien que souvent passée sous
ture chez Dior. Le progrès des silence. Cette théorie enseigne
connaissances scientifiques que la fluidité membranaire
et des méthodes d’études a est apportée par la présence
transformé la démarche de de phospholipides à chaînes
conception des cosmétiques, carbonées insaturées parmi
qui est largement devenue en les chaînes saturées pré-
une science elle-même : la sentes dans les membranes
cosmétologie. naturelles. Un « vecteur », le
La suite de l’histoire est illus- liposome, tout à fait nouveau à
trée avec un exemple de chez l’époque (voir la partie supé-
Dior, non pas parce que le rieure de la Figure 6), capable
reste n’était pas intéressant d’encapsuler des molécules
mais parce que l’auteur l’a et de les faire pénétrer dans
vécu directement. En 1986, la membrane cellulaire, est
Dior a lancé un produit, Cap- utilisé. On insère ainsi des
ture, complexe liposome 2 phospholipides d’origine végé-
tale dans les membranes de
2. Liposome : vésicule artificielle la peau, ce qui leur apporte la
formée à partir de lipides amphi- fluidité recherchée.
philes (constituée d’une partie
polaire hydrophile et d’une par-
tie hydrophobe) pour minimiser 3. Fluidité membranaire : possi-
leurs interactions avec la solution bilité de déplacement des lipides
aqueuse extérieure. dans une membrane cellulaire.
Peptides de Thymus
Protéine canal
(protéine de transport) Glucides
Milieu extracellulaire Têtes
Protéine globulaire
Glycoprotéine hydrophiles
phospholipidique
Bicouche
Figure 6
Protéine transmembranaire
Cholestérol Phospholipide
(structure globulaire) Schéma d’une membrane
Glycolipide
Protéine de surface de cellule. En partie supérieure
Protéine périphérique
Protéine transmembranaire (à échelle beaucoup plus grande)
Filaments de cytosquelette (structure en hélice alpha)
est figuré un vecteur liposome qui
Cytoplasme Chaînes hydrophobes
encapsule un peptide de Thymus. 69
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 7
Des plantes utilisées
70 en cosmétique.
Les enjeux de la cosmétologie
Figure 8
Les deux plantes, plectranthus barbatus et noix de cola, combinent leurs effets pour activer la décomposition
(lipolyse) des triglycérides par la production de deux molécules, la forskoline et la caféine.
2 La cosmétique et les
plantes aujourd’hui
On peut aussi dire que l’ob-
jectif de la cosmétique est
d’« Apporter à la femme le luxe
2.1. Définition d’être ce qu’elle souhaite être
et/ou paraître ». On parle ici de
Il existe, bien sûr, une défini- « la femme » et non pas de « la
tion réglementaire du « pro- peau ». La grande question
duit cosmétique » (voir le qui se pose alors est : « Est-ce
Chapitre de P. Humbert dans que le cosmétique est fait pour
cet ouvrage Chimie, dermo- la peau ou pour la personne
cosmétique et beauté, EDP qui le porte ? ». On touche ce
Sciences, 2017). Une défini- qu’on appelle le « cosmetic
tion plus simple est la sui- minding », une expression qui
vante : résume l’état d’esprit de pro-
fessionnels convaincus qu’on a
beau avoir des connaissances
DÉFINITION DU scientifiques, des connais-
PRODUIT COSMÉTIQUE : sances technologiques, tout
CODE DE LA SANTÉ
un savoir-faire, etc., fabriquer
PUBLIQUE (LÉGISLATION
un produit cosmétique, c’est
FRANÇAISE)
une mission totale, qui demande
On entend par produit cos- qu’on y mette sa personnalité,
métique toute substance son émotion, son expérience.
ou préparation destinée à La cosmétique s’adresse
être mise en contact avec cependant majoritairement
les diverses parties super- à la peau. Son objectif est
ficielles du corps humain, bien de faire des produits qui
notamment l’épiderme, agissent sur la peau tout en
les systèmes pileux et maintenant l’homéostasie
capillaire, les ongles, les cutanée, c’est-à-dire en fai-
lèvres et les organes géni- sant que la peau soit toujours
taux externes, ou avec les dans son meilleur état phy-
dents et les muqueuses siologique.
buccales, en vue, exclu-
sivement ou principale-
ment, de les nettoyer, de 2.2. Des plantes pour
les parfumer, d’en modi- entretenir notre peau
fier l’aspect, de les pro-
La Figure 10 reproduit une
téger, de les maintenir en
photo obtenue par microsco-
bon état ou de corriger les
pie de transmission à balayage
odeurs corporelles.
d’un échantillon de peau. Elle
fait comprendre à quel point la
peau est un organe complexe,
qui ressemblerait à une sorte
de tissu avec un petit mille-
Figure 10 feuille au-dessus.
La Figure 11 explicite la struc-
Échantillon de peau vu
ture observée. On reconnait
par microscopie de transmission
à balayage. Le segment en bas des cellules de Langerhans,
de l’image indique une dimension les cellules de l’immunité,
72 de 50 microns. des adipocytes grossis, un
Les enjeux de la cosmétologie
Cellule de Langerhans
Couche
cornée
Épiderme
Cornéocyte
Kératinocyte
Mélanocyte
Jonction
dermo-
épidermique
Derme
Fibroblaste
Partie zoomée
Fibres
de collagène
Hypoderme
Apidocyte
Fibroblaste
Figure 11
Apidocyte
Schéma d’un fragment de peau.
N
S
+
P
Cycle de
Calvin oligoéléments
Métabolites primaires :
Sucre
• Polysaccharides
Membrane • Protéines
Membrane intérieure Stroma Réactions en phase Réactions
• Lipides
extérieure Espace inter- lumineuse dans indépendantes
membranaire les thylakoïdes de la lumière dans • Acides nucléiques
le stroma
Métabolites secondaires :
• Alcaloïdes
• Terpènes
• Polyphénols
Mais aussi :
• Vitamines
• Acides aminés essentiels
Lumen
Granum (pile Lamelle (intérieur de • Acides gras essentiels
Thylakoïde
de thylakoïdes) thylakoïdes) Chlorophylle • ...
Figure 12
Mécanisme de la photosynthèse. La formule développée représentée en bas à droite de la figure est celle
de la chlorophylle, molécule clef de la photosynthèse.
Figure 13
La démarche ethnobotanique
s’inspire de ce qui existait, grâce
à une démarche qui permet de
tracer des plantes et de pouvoir
aller jusqu’à des utilisations
cosmétiques de ces plantes de
74 façon raisonnée.
Les enjeux de la cosmétologie
Figure 14
Patrice André avec des habitants
locaux dans un pays étranger :
« Avant de travailler sur des
plantes, on travaille d’abord
avec d’autres personnes ». La
recherche des traditions est une
véritable enquête ethnobotanique,
une aventure digne d’Indiana Jones !
L a Figure 16 illustre l a
démarche ethnobotanique :
on a identifié cette plante,
on a vu que les principes Figure 15
actifs se trouvaient plutôt L’Aframodial a été découvert
dans les fruits ou dans les dans une plante malgache,
graines, on a caractérisé les Aframomum Angustifolium.
molécules actives ; à partir 75
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 16
Le chemin de la démarche
ethnobotaniste.
b1 intrégrine Cytokeratin 1
MMP-1
PDGF
MMP-9
Acide hyaluronique
Figure 17 TIMP-9
O
HISTIDINE
OH
N
NH2
N CO2
H
HISTIDINE
DECARBOXYLASE N
NH2
N
MASTOCYTE H
HISTAMINE Figure 19
Décarboxylation de l’histidine
par l’histidine décarboxylase 77
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 22
Malva sylvestris
La puce à ADN a permis de mettre
en évidence des similitudes entre
la Malva Sylvestris et l’acide
78 rétinoïque.
Les enjeux de la cosmétologie
Figure 23
Des plantes pour le cœur !
Les fleurs sont très symboliques
en termes de ressenti, faisant
de la cosmétique un miroir
de l’hédonisme.
Figure 24
Dior a développé une gamme de produits contenant des extraits de rose de Granville. 79
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
A B
Dosage ATP Naolys 3 000
Vitesse de la respiration basale cellulaire
6E-10
2 500
(pixodomes min/106 cellules)
Molécule d’ATP libérée
5E-10
par µg de protéine
35 %*
4E-10 2 000
3E-10 1 500
2E-10
1 000
1E-10
0 500
KSFM Nao 0,5 %
Série 1 3,24869E-10 4,37008E-10
0
Extrait et témoin (* p < 0,05) Témoin 0,1 % 0,5 % 1%
Figure 25
Résultats d’analyses sur peaux utilisant un produit contenant de l’extrait de rose de Granville : on observe
une augmentation de la consommation en O2 et de la synthèse d’ATP dans les kératinocytes, indicateurs
de son activité biologique. A) Synthèse d’ATP dans les kératinocytes (+ 35 % à 0,5 %) ; B) consommation
de l’oxygène par les kératinocytes (+15 % à 0,5 %).
polarité
1-2 %
5-30 % AcOEt
0,1-1 %
EtOH/H2O sphingolipides
Heptane
Figure 26 polyphénols
sucres tocophérols
Synoptique de l’analyse chimique glycolipides
d’extraits de rose « Jardin de stérols
Granville » et de ses résultats. acides
Plus de 120 molécules différentes aminés triglycérides
ont été identifiées et isolées. acides
acides gras
Source : thèse de Ludivine triterpéniques pigments
chlorophylles
Riffault Valois (soutenance caroténoïdes
80 12 décembre 2014).
Les enjeux de la cosmétologie
l’éco-responsabilité ; on doit nouvelles matières et nou-
faire des cosmétiques qui veaux concepts cosmétiques.
soient porteurs de toutes ces Il s’agit des « forums inter-
grandes notions aujourd’hui nationaux Afrique&Beauté »,
populaires : l’équitable, le dont je participe activement
durable, le soutenable, le res- à l’animation avec mon ami
ponsable, et mettre de côté Marc Olivier (Figure 28).
un peu le profitable, le ren- Pour résumer la situation d’au-
table, etc. (Figure 27). Un cos- jourd’hui dans la profession de
métique doit être porteur de cosméticien, il faut dire que
ces messages que la société la première contrainte, c’est
moderne réclame. la législation. On réglemente
À titre d’exemple, mention- tout, et toute innovation doit
nons que des relations per- livrer un véritable parcours
manentes existent entre les du combattant. Les préoccu-
cosméticiens et des groupes pations de sécurité (un produit
d’africains, pour réfléchir sur cosmétique n’est pas là pour
la meilleure façon de travail- vous donner des boutons ou
ler ensemble, développer une vous créer des allergies) ou de
économie qui soit plus res- qualité de la formulation pour
pectueuse de l’environnement favoriser l’utilisation passent
et des gens, et bien sûr en en quelques sorte au second
tirer des bénéfices en tant que plan (Figure 29).
2010
Actifs
1 – Législations Storytelling
Ingrédients
Packaging
2 – Sécurité
produit
Revendications
Figure 29
Le développement d’un produit R&D 3 – Formulation
cosmétique rencontre de Temps = 3 ans
nombreuses contraintes et défis.
Aujourd’hui, les impératifs de Marketing
respect de législations complexes
sont devenus dominants.
3 La cosmétique
du futur
fabriquer le matin le cosmé-
tique idéal pour le jour J – pas
le même que celui de la veille
On examine quelques-unes ou du lendemain. Est-ce une
des nouvelles tendances tendance qui fait vraiment
qui vont gouverner les pro- rêver ? Les clients futurs,
duits cosmétiques du futur : puisque de plus en plus ils
la cosmétique connectée, aiment être « connectés », le
l’approche écosystémique, diront, une nouvelle cosmé-
la « locavore » attitude et la tique pourrait voir le jour.
cosmétique hybride.
Figure 30
La biodiversité microbienne recèle quelque 10 000 espèces connues à côté de plus de quinze millions d’espèces
82 à découvrir.
Les enjeux de la cosmétologie
La peau est un écosystème Sang Yeux
1% 0%
très riche en terme micro-
Urogénital Tractus
bien, et c’est peut-être une 9% gastro-intestinal
29 %
facette qu’on a trop négligée Aérien
14 %
auparavant (Figure 31). Avant
même d’atteindre la peau
(dans l’air sur les objets), on
rencontre des tas de bacté-
ries, puis sur la peau 10 6 par
Figure 31
cm², et plus de 500 espèces
Peau
déjà réper toriées sur des 21 % Oral Répartition des bactéries
26 %
peaux saines. Il y a donc un dans le corps.
microbiote extrêmement actif
sur notre peau, que l’on doit
portées par un individu. On
comprendre et étudier, parce
voit que les différentes par-
qu’il fait par tie de nous-
ties du corps n’abritent pas
même.
les mêmes bactéries. Par
S’il est connu que nous ailleurs, on observe que le
sommes constitués de 1013 microbiote diffère d’un indi-
cellules qui portent notre
vidu à l’autre ; il constitue
ADN propre, on sait moins que
donc un écosystème à part
nous portons également 1014
entière, avec son ADN et
cellules qui portent des ADN
avec son « organe micro-
différents – ce sont les bac-
biote ». Cette réalité est
téries. C’est ce qu’on appelle
aujourd’hui bien connue en
le microbiome, dont on étu-
ce qui concerne le microbiote
die maintenant l’ADN dans
intestinal, dont on connaît
son ensemble, comme une
entité à part entière, grâce à bien l’utilité ; on découvre
la méthode dénommée méta- aujourd’hui qu’il en est de
génomique15. même pour le microbiote
de la peau. Cela ouvre une
La Figure 32 donne le résultat
nouvelle voie de recherche :
d’une analyse des bactéries
il faut désormais prendre
en compte l’activité de ce
15. Métagénomique : procédé étu- microbiote dans des nou-
diant le contenu génétique d’un velles approches cosmé-
échantillon. tiques.
A B
Figure 34
En contraste avec la tendance actuelle à délocaliser (A), se développe un « locavore attitude », avec par exemple
84 la relocalisation des huiles, avec leur utilisation dans les pays où elles sont produites (B).
Les enjeux de la cosmétologie
La cosmétique pour toujours !
Mr Dior disait qu’« Après les femmes, les fleurs
sont les créations les plus divines ». On peut
aussi dire : « Les fleurs et les femmes sont
l’avenir de l’homme ». La cosmétique, c’est une
certitude, continuera à jouer un grand rôle dans
les futures sociétés humaines. Ses possibilités
d’évolution sont considérables.
On l’a vu, les plantes sont utiles et passion-
nantes de nombreux de points de vue : scien-
tifiques, biologiques. Elles le sont aussi d’un
point de vue psychologique et sociologique.
Mais gardons en tête la qualité princeps de la
cosmétique : elle doit faire plaisir à la peau,
mais également au cœur et à la raison.
85
Philippe Piccerelle
Le vieillissement
cutané :
prévention et
réparation
Philippe Piccerelle est chef de service du Laboratoire de phar-
macie galénique, bio-pharmacie et cosmétologie de l’Université
Aix Marseille 1.
1 Le vieillissement
cutané
de bonnes conditions, est un
défi possible.
Pour traiter le vieillissement Pour comprendre les effets
cutané, il faut préalablement du vieillissement cutané, il
en comprendre les méca- faut comprendre ce qui se
nismes. Le vieillissement n’est passe au niveau cellulaire et
pas une maladie, c’est une au niveau moléculaire.
évolution normale (Figure 1),
inscrite dans les gènes, qui
nous concerne tous et toutes,
mais nous ne sommes pas
tous égaux devant le vieillis-
sement cutané.
Cependant, d’autres facteurs Figure 1
que génétiques interviennent
Le temps altère de façon visible
notre corps : teinte, éclat, texture
1. http://pharmacie.univ-amu.fr de la peau et des cheveux.
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 2
Comment l’étude du vieillissement
intrinsèque, mais surtout
extrinsèque, permet-elle de mieux
appréhender le vieillissement
90 cutané ?
Le vieillissement cutané : prévention et réparation
Figure 3
Les facteurs d’accélération du vieillissement cutané.
ou hyperpigmentation) ou
des problèmes au niveau de
la microcirculation cutanée.
3 La prévention du
vieillissement cutané
Il faut se protéger des rayon-
La peau est en fait un organe nements UV, mais il est égale-
complexe. Elle est contient ment essentiel de bien hydra-
des vaisseaux sanguins mais
ter la peau, car l’hydratation
également des neurones, et
intervient non seulement dans
cette structure est importante
la mécanique de la peau, mais
car en résultent tous les pro-
également dans tous les phé-
blèmes concernant les pro-
nomènes inflammatoires et
priétés mécaniques de la peau
d’hyperpigmentation.
dus au vieillissement : la peau
devient plus lâche, moins per- Il est aussi nécessaire d’utili-
formante aux chocs, etc. ser des facteurs qui puissent
Tous ces problèmes résultent protéger les cellules non seu-
de ce qui se passe au niveau lement sur le plan structu-
cellulaire, et les cibles du ral mais aussi la circulation
vieillissement cellulaire sont sanguine autour des tissus et
résumées dans l’Encart : « Les dans les tissus.
cibles du vieillissement cellu- Enfin, il ne faut pas négli-
laire cutané ». ger l’aspect neurologique,
*
Matrice extracellulaire : aussi appelée ciment intercellulaire, il s’agit de l’ensemble des macromolé-
cules extracellulaires qui remplissent l’espace entre les cellules et assurent de nombreuses fonctions :
consolidation, cohésion, interaction, adaptation aux besoins. Elle est majoritairement constituée de
glycoprotéines et de protéines.
92
Le vieillissement cutané : prévention et réparation
c’est-à-dire l’aspect sen- corneum7, c’est-à-dire de la
soriel. En effet, nous avons couche la plus superficielle
tous entendu parler de l’effet de la peau. Dans ces lipides,
« botox-like » 6, qui agit niveau les céramides 8 sont impor-
neuronal pour obtenir une tants puisqu’ils constituent
amélioration de l’apparence le ciment cellulaire. Il existe
de la peau et notamment des d’autres acteurs dont les
rides. squalènes9, que l’on retrouve
Ce paragraphe sera centré notamment dans les sécré-
sur la « prévention », mais il tions sébacées, et enfin, le
existe des produits (actifs) qui film hydrolipidique recouvrant
servent à la fois à la préven- notre peau (Figure 4).
tion et à la réparation. Un autre facteur de l’hydrata-
tion est le facteur d’hydratation
cutanée naturelle. Il existe,
3.1. L’hydratation : premier au niveau de l’épiderme, une
geste de prévention fabrication continue d’un
Il est très important de rap- « ensemble » permettant de
peler que le premier principe
fondamental pour bien s’hy- 7. Stratum corneum : couche la plus
drater est avant tout de boire. externe de la peau et de l’épiderme.
Il faut ensuite connaître les Elle se compose des cellules
mortes et sans noyau (appelées
acteurs de l’hydratation, résu-
cornéocytes) reliées entre elles
més dans la Figure 4. par une matrice riche en lipides
La peau est naturellement permettant leur cohésion.
recouverte d’une émulsion 8. Céramide : molécule de lipide
résultant de la combinaison d’un
composée de lipides et de
acide gras avec la sphingosine via
substances hydrophiles. Il une liaison amide, présente dans
s’agit des lipides du stratum les membranes cellulaires.
9. Squalènes : hydrocarbures insa-
6. Effet botox-like : effet provoqué turés, liquides contenus dans de
par certaines gammes de produits nombreux tissus animaux (foie
dits « botox-like », inventées par des requins et squales majo-
les laboratoires en s’inspirant des ritairement). Le squalène est
dernières techniques d’injection utilisé dans les cosmétiques et
d’acide botulique (le botox) en plus récemment comme adjuvant
chirurgie esthétique. immunologique dans les vaccins.
Acide hyaluronique
pH cutané
Derme ++ et épiderme
Film hydrolipidique
Composants
NMF
Acides aminés
Forme cosmétique
AHA
Urée ➢ Émulsion II/E
Sucres Filmogènes hydrophiles ➢ Microémulsions
➢ Polysaccharides ➢ Nano-émulsions
Figure 5 ➢ Liposomes
➢ Collagène, élastine
Les familles de produits (actifs) ➢ Acide hyaluronique
94 utilisées pour hydrater la peau.
Le vieillissement cutané : prévention et réparation
La formulation des cosmé- et beauté). C’est le cas pour les
tique est importante : l’eau, agriculteurs, les chauffeurs de
seule, n’est pas intéressante, taxi, les pêcheurs, etc., qui ont
l’huile seule non plus : ce sont une peau vieillie particulière
surtout les émulsions qui sont à cause de la surproduction
intéressantes. d’élastine14. Il faut donc arrêter
ces rayonnements grâce à des
molécules appliquées sur la
3.2. La protection solaire peau : les filtres solaires, qui
Le deuxième point très impor- vont soit absorber soit disper-
tant dans la prévention est la ser ou réfléchir ces rayonne-
protection solaire. Les UVB/ ments.
UVA sont les rayonnements La Figure 8 résume les condi-
les plus dangereux. Il s’agit tions d’une bonne photo-
des rayonnements situés protection. Il est important de
entre 280 et 400 nanomètres notifier qu’il ne suffit pas d’uti-
car les autres rayonnements liser les bonnes molécules
UV ne pénètrent pas au travers sur notre peau : il faut que
de l’atmosphère (Figure 6). ces dernières soient stables,
De plus, ce sont surtout les UVA et notamment qu’elles soient
et les UVB qui entraînent des stables à la lumière.
dégâts cutanés : les UVB au
niveau de l’épiderme, les UVA
au niveau du derme (Figure 7). 14. Élastine : protéine sécrétée
Ils vont occasionner, pour les par les fibroblastes, qui compose
uns ou pour les autres, soit des la plus grande partie des fibres tis-
érythèmes (le coup de soleil sulaires jaunes présentes dans dif-
classique), soit des problèmes férentes parties du corps comme
dans l’oreille externe, le canal
d’héliodermie13 (voir les Cha-
auditif ou la gorge. Sa synthèse
pitres de L. Marrot et J. Leclaire diminue avec l’âge et l’élastine se
dans Chimie, dermo-cosmétique trouve remplacée par du collagène
inextensible. Les vergetures sont
13. Héliodermie : vieillissement un exemple visible de ce processus,
cutanée souvent prématuré dû qui est lié à des contraintes méca-
à des expositions solaires chro- niques. Le vieillissement cutané en
niques et/ou prolongées. est un deuxième exemple.
Figure 6
Sur le spectre du rayonnement
UVC UVB UVA solaire les rayonnements UVB
et A sont situés entre 280 et
Forte énergie Forte énergie Énergie < UVB 400 nm et donc invisibles. Alors
Couche ozone 5-10 % UV/terre 90-95 % UV/terre que les UVC sont fortement
stoppés par l’atmosphère,
STOP STOP les UVA et B la franchissent et
interagissent avec nos cellules. 95
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Tableau 1
96 Propriétés des filtres solaires organiques.
Le vieillissement cutané : prévention et réparation
Écrans minéraux Avantages Inconvénients
Dioxyde titane Large spectre Indice réfraction élevé
Oxyde de zinc Photo-stables Aspect peu esthétique
Peu allergisants Sensation granuleuse
Non toxiques Texture
Tableau 2 Efficaces
Propriétés des filtres solaires Absorption
minéraux. systémique nulle
la forme pharmaceutique, de
la formule cosmétique ou des
problèmes rhéologiques, les
facteurs de protection solaire Associations de filtres +/– antioxydants
peuvent être complètement Optimisation par extraits végétaux
Optimisation en fonction des huiles/émulsions
différents. La formulation Utilisation d’épaississants phase grasse Figure 9
Paramètres rhéologiques
des produits solaires n’est Formulation et hydro-résistance Les paramètres de formulation
Type de formulation
pas simple, et pour obtenir de Taille et dispersions écrans minéraux pour avoir des filtres solaires
bons résultats, il est néces- efficaces.
saire de jouer sur plusieurs
« célibataire » qui, pour s’as-
paramètres (Figure 9).
socier à un autre électron, va
essayer de réagir avec tout, et
3.3. Les antioxydants très rapidement. La Figure 10
présente quelques exemples
On sait depuis quelques de ces radicaux libres, notam-
années qu’il est intéressant ment les peroxydes ROO˚, le
d’ajouter des antioxydants peroxyde d’hydrogène H2 O 2 ,
puisque les radicaux libres les r adic aux hydrox y les
participent à la synergie d’ac- OH˚, les ions oxygène O˚2-,
tion, soit des rayonnements, les superoxydes O˚2 - … Ces
soit du produit engendré par espèces sont nécessaires
les rayonnements (voir le Cha- puisqu’elles participent par
pitre de L. Marrot dans Chimie, ailleurs à la protection du
dermo-cosmétique et beauté). corps contre les bactéries
Les radicaux libres sont ou les cellules cancéreuses,
des molécules très réac- mais quand elles sont en sur-
tives, possédant un électron production, elles entraînent
H2O2 ROO°
OH° O° 2–
Figure 10
Les radicaux libres (H2O2, OH°,
ROO°, O°2 -), quand ils sont trop
nombreux, sont à l’origine
de dégâts au niveau cellulaire
et génétique. 97
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 11
A
Schéma des mécanismes
d’action des antioxydants (AO) :
A) piégeage des espèces
radicalaires ; B) piégeage des
produits d’oxydation de la réaction
de glycation ; C) action sur C
les enzymes de dégradation B
98 du collagène.
Le vieillissement cutané : prévention et réparation
QUELQUES ANTIOXYDANTS CONNUS
Acide Rétinoïque
RA
Rétinol
RA tt CRABP RA 9-cis
RA tt RA 9-cis
RAR RXR
Figure 14
Les rétinoïdes, en se fixant sur RA 9-cis RA 9-cis
les récepteurs RAR ou RXR des
cellules, impactent directement RXR RXR
l’ADN.
Figure 16
Σ GAG et Vascularisation Σ Collagène
dermique Les actions cutanées des alpha
hydroxy acides. 101
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Tableau 5
102 Les propriétés des vitamines A, C et du bêta-carotène en dermo cosmétique.
Le vieillissement cutané : prévention et réparation
Propriétés Cibles
Activité anti-glycante Teint jaunâtre
Précurseur NADPH Rigidification collagène
Réduction TWL Barrière cutanée
Stimulation synthèse céramides
Réduction hyperpigmentation (transfert mélanosomes) Tâches cutanées
Accélération différenciation kératinocytes Vieillissement
Réduction GAGs en excès Photo-vieillissement
Augmentation synthèse collagène (fibroblastes culture) Rides
Tableau 6
Propriétés dermo-cosmétique de la vitamine B3.
Activité métabolique
Matrice
Extracellulaire Figure 17
Actions des peptides
de signalisation.
Figure 19
La libération de molécules
d’acétylcholine entre deux
neurones permet de transmettre le
message nerveux. Notre visage est
composé de nombreux muscles,
et les neurotransmetteurs
jouent un rôle essentiel dans la
dépolarisation et la contraction de
ces muscles.
Tri-peptide synthétique
Waglerine
Figure 20
Un exemple de peptide « botox-
like » : la waglerine, un polypeptide
présent dans le venin de certains
serpents et utilisé dans des
crèmes cosmétiques.
Tableau 7
104 Tous les peptides ont la même finalité : diminuer les contractions musculaires pour réduire les rides.
Le vieillissement cutané : prévention et réparation
mécanisme d’action est sché- Neurone
MSH
ACTH
Tyrosine
Tyrosinase
Kératinocytes
DOPA
Tyrosinase Actif
Dopaquinone
Dopachrome
Figure 22
Les actifs dépigmentant inhibent
Eumélanine Phéomélanine la tyrosinase et donc limitent
la synthèse la mélanine ou bien
Mélanocytes empêchent les mélanosomes
de migrer vers les kératinocytes. 105
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Action différentes
Accélération turn over
étapes mélanogenèse
épiderme (exfoliation)
(synthèse, transfert)
✓ Rétinoïdes ✓ Hydroquinones S
✓ Acide Glycolique ✓ Arbutine S
✓ Acide Salicylique ✓ Aloesine S
Tenir compte composante ✓ Acide Azélaique S
inflammatoire ✓ Niacinamide T
(hyperpigmentation, traitement) ✓ Extraits soja t
✓ Acide tranexamique AI
✓ Acide kojique Chélateur Cu
✓ Acide ellagique Chélateur Cu
✓ Acide ascorbique AO
Figure 23 ✓ Resvératrol AO
✓ Aloesine AI AO
Les voies principales pour limiter ✓ Pro-Lys-Glu-Lys AI (MSH)
l’hyperpigmentation.
OH
HO
trans-Resvératrol OH
Protection
ostéoporose VIEILLISSEMENT CUTANÉ
➣ Hydydratation cutanée
Figure 24 ➣ % glycosaminoglycane
Propriétés des produits ➣ Élasticité cutanée
œstrogène-like tels que les ➣ % collagène
isoflavones et le trans resvératrol ➣ Rides
106 sur le vieillissement cutané.
Le vieillissement cutané : prévention et réparation
connu que les isoflavones28, observer une demi-vie de la
le resvératrol 29 (Figure 24) ou molécule très courte entraî-
certains polyphénols peuvent nant un temps d’action très
se fixer sur les récepteurs à bref. Enfin, la pénétration
l’œstrogène et entraîner une transcutanée ou le ciblage
amélioration de la qualité de cellulaire peuvent être mau-
la peau. Les femmes méno- vais. Il faut remédier à tous
pausées ont souvent des pro- ces problèmes.
blèmes d’ostéoporose et, au Pour cela, il faut agir sur :
niveau cutané, dessèchement, la formulation (voir le Cha-
amincissement de la peau. pitre J.-M. Aubry dans Chimie,
Ces produits ont une action dermo-cosmétique et beauté),
sur ces phénomènes dus au la composition chimique des
vieillissement, leur action est actifs et surtout sur la notion
certes plus ou moins impor- d’encapsulation pour stabili-
tante en fonction de la concen- ser, cibler, amener la molé-
tration et de la formulation, cule à l’endroit où elle doit
mais elle reste bénéfique pour être active et pouvoir augmen-
la peau. ter la pénétration.
Le choix est large entre
les formes d’encapsula-
5 L’optimisation de
l’efficacité des actifs
cosmétiques
tion qu’on appelle nanomé-
triques, qui mesurent entre
50 et 200 nanomètres. Ces
Un de s der nier s p oint s formes regroupent les lipo-
à abor der concer ne le s somes 30 mais aussi les nano-
p r o b l è m e s d ’e f f i c a c i t é émulsions et les dendri-
( Figure 25 ), même avec mères 31 (Figure 26).
la meilleure molécule du
monde. Tout d’abord, cette
molécule peut être oxydable
ou hydrolysable. Il peut éga-
lement y avoir des problèmes
de stabilité physico-chimique
(cas très fréquent). On peut
30. Liposome : vésicule constitué
28. Isoflavones : substances chi d’une double couche de lipides et
miques naturelles provenant de d’un compartiment aqueux. Les
plantes. liposomes sont utilisés en nano-
29. Resvératrol : polyphénol pré- médecine pour enrober un médi-
sent dans certains fruits comme cament.
les raisins, les mûres ou les caca- 31. Dendrimères : molécule dont la
huètes. On le retrouve en quantité forme reprend celle des branches
notable dans le vin. d’un arbre.
– Oxydation hydrolyse
– Stabilité physico-chimique Type de formulation
– ½ vie de la molécule Composition chimique
– Pénétration transcutanée Notion d’encapsulation Figure 25
– Prolongation de l’action Notion de vecteurs
Les problèmes de l’efficacité
– Ciblage cellulaire ou tissulaire
réelle des actifs : les méthodes
d’optimisation. 107
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Microcapsules
Figure 26
Les différentes techniques de micro-encapsulation des actifs.
peau et sa
modulation
par
l’environnement
Laurent Marrot est ingénieur et docteur en biophysique molé-
culaire, senior expert et responsable d’un pôle de recherche
sur l’homéostasie redox au sein de la Recherche Avancée de
L’Oréal 1.
L’oxygène, indispensable à
notre vie, peut aussi devenir, 1 Le stress oxydant
dans la peau : acteurs
chimiques et cibles
dans certaines conditions, une
forme de poison pour notre
organisme s’il est en excès. 1.1. Les acteurs chimiques
Dans le cas de la peau, nous du stress oxydant
allons voir qui sont les acteurs
de ce déséquilibre, quelles en Le stress oxydant est une
sont les cibles, pourquoi et situation dans laquelle la cel-
comment il est nécessaire de lule ou l’organe, la peau dans
s’en protéger. notre cas, n’est plus capable
de faire face à toutes les
agressions liées aux espèces
réactives de l’oxygène. Nous
1. www.loreal.fr
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 1 O2
1
Figure 3
Le stress oxydant produit par les
UV s’explique par des réactions
photochimiques impliquant
des chromophores, molécules
naturellement présentes dans
la peau qui s’activent en absorbant
le rayonnement (P*). Le retour
à la normale se fait en cédant
de l’énergie ou des électrons
à l’oxygène. Il se forme alors
des espèces réactives oxydantes
qui agressent la cellule.
Squalène
UV
Dommages
Thréonyle α-Amino-β-cétobutyryle
Propyle sulfénique
Semialdéhyde glutamique
Arginyle
sulfinique
C Figure 4
thymine thymine lycol Les cibles biologiques du stress
Rupture d’un oxydant dans la peau : lipides
simple brin (ici le squalène) (A), protéines (B)
dommage
oxydant et ADN (C). Les protéines de la
guanine 8-oxoguanine (GO) couche superficielle de la peau
Rupture d’un s’oxydent sous l’effet des UV
double brin
dommage et de la pollution en donnant
oxydant lieu à des radicaux sulfoniques,
sulfiniques et sulféniques.
Figure 6
Oxydation de l’ADN dans l’épiderme exposé au soleil. A) La comparaison entre une peau exposée aux UV et une
peau non exposée est frappante : de nombreux sites présentent la base guanine oxydée ; B) l’analyse HPLC d’une
biopsie d’un patient dont la peau a été exposée aux UV révèle la présence de la base guanine oxydée.
Source : adapté d’Ahmed et coll., (1999), British Journal of Dermatology.
Figure 7
L’action pro-oxydante des UV
casse l’ADN. Le test des comètes
consiste à isoler le noyau des
cellules et à détecter les cassures
dans un champ électrique. Cela
permet de visualiser facilement les
altérations dans l’ADN cellulaire. 115
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 8
Les UVA à des doses
environnementales cassent l’ADN
des cellules cutanées. L’échantillon
exposé à droite révèle des morceaux
d’ADN de différentes tailles au vu
116 de l’allongement de tâche.
L’homéostasie redox dans la peau et sa modulation par l’environnement
teneurs élevées (de l’ordre dans la cellule, soit par cer-
du millimolaire dans cer- taines oxydases, soit par l’ac-
tains organes comme le foie) tivité mitochondriale, soit par
(Figure 9). certains produits chimiques
Ce système de défense basal réactifs à la lumière solaire.
peut cependant se révéler Il est converti en eau oxygé-
insuffisant en cas d’un stress née (peroxyde d’hydrogène)
aigu, ou de longue durée. La par des enzymes de la famille
cellule met alors en route un des superoxydes dismutases
second système de protec- présents dans l’ensemble
tion en stimulant la produc- des organelles cellulaires.
tion d’enzymes (en vert dans (Figure 10). L’eau oxygénée est
la Figure 9), qui catalysent la elle-même convertie en eau
destruction ou la transforma- et oxygène par des enzymes
tion chimique des radicaux telles que la GSH-peroxydase
libres ou des molécules pro- ou la catalase. La détoxifica-
oxydantes. tion est ainsi complète.
Cependant, le niveau de stress
peut solliciter encore d’avan-
2.1. Exemple d’un contrôle tage la détoxification natu-
endogène : l’élimination relle. C’est ce qui se passe
du superperoxyde sur la plage sous un soleil
L’anion superoxyde O 2 °- est intense, quand on passe de
généré de façon endogène la campagne à la ville et que
LIPIDES
SOD
CATALASE
GSH-PÉROXIDASE ADN
THIORÉDOXINE RÉDUCTASE
HÈME OXYGÉNASE
…
O2
1
H2O2
GLUTATHION
VITAMINE E Figure 9
OH2 VITAMINE C
FERRITINE Pour se protéger, la cellule
O2°– …
fait appel à des molécules
antioxydantes (glutathion,
vitamine C…) puis à des enzymes
PROTÉINE
spécialisées contre le stress (SOD,
catalase…), qui neutralisent les
espèces oxydantes.
Figure 10
Détoxification par SOD et Catalase/
GSH-peroxydase, ou comment
éliminer les espèces oxydantes
O2°- et H2O2. La superoxyde
dismutase permet de convertir,
au sein de la cellule, l’anion
superoxyde O2°- en eau oxygénée
H2O2. La GSH-peroxydase permet
ensuite la conversion de l’eau
oxygénée en eau et en oxygène. 117
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 11 • UVA
• Stress Oxydant
Nrf2 est une protéine cellulaire • Produits électrophiles
qui contrôle les défenses
antioxydantes naturelles. Sous
l’effet du stress oxydant (mais
aussi de molécules naturelles),
Nrf2 s’active, se libère de sa Molécules naturelles
protéine « répresseur » Keap1, ex : RESVERATROL
et passe dans le noyau où elle
stimule l’expression des gènes
qui contrôlent les défenses
antioxydantes en se fixant sur DÉTOXIFICATION, PHASE 2
la séquence génétique ARE • MÉTABOLISME du GLUTATHION (GCL, GSR
SLC7A11)
(« Antioxidant Responsive • ENZYMES ANTIOX/DÉTOX : H01, NQO1,
Element »). La cellule se GPX, GST…
118 « renforce » !
L’homéostasie redox dans la peau et sa modulation par l’environnement
niveau d’ox ydo-réduction
intracellulaire. En situation
pro-oxydante, ces cystéines
3 Amélioration de
la protection cutanée
par activation de Nrf2 :
sont modifiées, la struc- l’exemple du resvératrol,
ture de Keap1 change et il une molécule d’origine
ne séquestre plus Nrf2. En naturelle.
outre, Nrf2 peut être lui-
Il est assez tentant de stimu-
même modifié par l’addition
ler les défenses naturelles
de groupes phosphate sur sa
de la peau en lui apportant
surface qui lui sont conférés
des stimuli naturels. On uti-
par des enzymes kinases en
lise ainsi le savoir-faire des
charge de la réponse générale
cellules cutanées, et on a
au stress. Au final, il se libère
ainsi la garantie d’être dans
complètement, migre dans le
les bonnes conditions de
noyau et réagit alors immé-
protection. Il existe dans les
diatement avec l’ADN, à un
plantes des molécules qui sont
endroit très précis qui est la
capables d’activer l’action de
séquence appelée « Antioxy-
Nrf2, comme nous allons le
dant Responsive Element
voir sur l’exemple du resvé-
ARE ». Celle-ci est une sorte
ratrol (polyphénol présent
d’interrupteur moléculaire qui
dans le raisin par exemple).
déclenche la fabrication de
Celles-ci vont donner à la
tout un ensemble d’enzymes
cellule l’impression qu’il y a
permettant de résister au
une alerte d’oxydation (parfois
stress oxydant, notamment
d’ailleurs par l’induction d’un
celles qui fabriquent le glu-
très faible stress sans dan-
tathion dont nous avons parlé
ger), et la préparer pour des
précédemment.
agressions environnementales
ultérieures de forte intensité.
2.2. Les enzymes
de détoxification 3.1. Étude in vitro des
effets d’un prétraitement
L’Encart présente quelques
au resvératrol
exemples d’enzymes antioxy-
dantes libérées par l’action Les études sont conduites in
de Nrf2. vitro sur de la peau prétraitée
Figure 12
Démonstration qu’une stimulation
de Nrf2 (sans stress) dans la peau
permet de la renforcer contre
l’oxydation (ici par le peroxyde
de cumène, CHP). Le resvératrol
stimule Nrf2 dans différents types
de cellules. Une pré-incubation
avec la peau reconstruite in vitro
confère-t-elle une résistance
accrue à un puissant stress
120 oxydant ?
L’homéostasie redox dans la peau et sa modulation par l’environnement
A B
Figure 13
A) Graphe montrant que la peau « préparée » par le resvératrol (RSV) résiste au stress oxydant aigu du peroxyde
de cumène (CHP) : son antioxydant naturel, le glutathion (GSH), est préservé, et sa structure dermo-épidermique
profonde est protégée. B) Vues au microscope électronique de la peau révélant les effets du stress oxydant sur la
peau en comparant les échantillons traités avec l’oxydant uniquement et ceux traités avec l’oxydant et différentes
doses de resvératrol.
Figure 14
Les cellules qui meurent suite
au stress oxydant par le CHP
(fluorescentes vertes) sont
beaucoup moins nombreuses si
la peau a été prétraitée par le
resvératrol. L’épiderme est donc
bien « renforcé » par la stimulation
de Nrf2.
A B
(nmol/mg)
6
Concentration de glutathion (GSH)
3
GSH Contrôle 8 heures après CHP (800 μM)
1
RSV + BSO pré-traitement
0 RSV pré-traitement (100 μm) (100 μm + 50 μm)
Contrôle BSO 50 µM Puis CHP (800 μM) Puis CHP (800 μM)
Figure 15
A) L’ajout de BSO inhibe la production de glutathion au sein des cellules de la peau ; B) les photographies
à l’échelle microscopique d’une couche de peau montrent que le traitement au resvératrol n’a plus d’effet
122 bénéfique contre l’oxydation des cellules lorsque la production de glutathion est inhibée.
L’homéostasie redox dans la peau et sa modulation par l’environnement
Figure 16
Le resvératrol RSV apporte une
protection efficace contre le stress
oxydant en mobilisant les défenses
antioxydantes naturelles de la
cellule par l’activation de Nrf2.
Figure 18
La mélanine est synthétisée
naturellement dans les cellules
à partir de la L-tyrosine par deux
voies : l’une conduit à l’eumélanine
noire, l’autre conduit à la
phéomélanine rousse. Dans les
deux cas, des espèces oxydantes
124 sont produites.
L’homéostasie redox dans la peau et sa modulation par l’environnement
Figure 19
La mélanine s’active sous les
rayonnements UV du soleil pouvant
donner lieu à la production de
radicaux libres.
Figure 20
L’effet de la mélanogenèse couplé
avec celui de l’irradiation aux UVA
entraîne l’induction d’un stress
oxydant et des dommages plus
important au sein de l’ADN sous
irradiation aux UVA
A B
UV Produits de dégrada-
tion de la mélanine
Synthèse de
INOS NADH Oxydase mélanine
Excitation chimique
(NOX)
(min à heures)
Enzymatique
(μs à heures)
Thermolyse
Monomères de
mélanine
Carbonyle excité à l’état triplet
NOYAU
Photochimique
Mélanine
Associé aux espèces
d’oxygène réactives
Lumière Chaleur
Oxyde Superoxide
Transfert d’énergie
nitrique
DBAS Sorbate
Produits de dégrada-
(µs)
tion de la mélanine
ADN normal CPD
Peroxynitrite Pyr Pyr Pyr Pyr
Diffusion
Figure 21
A) L’exposition aux UV conduit à des espèces réactives au sein des cellules (NO° et O2°-), même après l’exposition,
ce qui conduit au peroxynitrite ; B) action génotoxique de la mélanine : en présence de péroxynitrite et de
mélanine, il se forme des radicaux carbonyles qui conduisent à une attaque de l’ADN via la formation de dimères
de pyridine, précurseurs de mutation de mélanomes, donc de cancer.
126 Source : adaptée de Premi et coll. (2015), Science.
L’homéostasie redox dans la peau et sa modulation par l’environnement
convient donc de la protéger des molécules endogènes.
avec encore plus de précau- Ces écrans peuvent cepen-
tions. dant être insuffisants, d’abord
De ce chapitre, il faut donc parce qu’on en applique sou-
retenir que la pigmentation de vent trop peu et ensuite car
la peau n’est pas une garantie cer taines oxydations sont
contre les méfaits du soleil aussi activées par des radia-
et que le bronzage constitue tions du visible (lumière bleue)
plutôt une alerte pour ne plus et de l’infrarouge. La seconde
s’exposer qu’une protection stratégie consiste à piéger
fiable contre le mélanome, les radicaux libres en appor-
surtout pour les peaux claires. tant des antioxydants au bon
moment et au bon endroit. On
peut aussi imaginer appor-
5 Stratégies de
protection contre le
stress oxydant cutané et
ter de quoi réparer les dom-
mages, mais c’est souvent
un peu plus compliqué. Il
ses effets existe toutefois des formules
Plusieurs stratégies peuvent solaires ou de soin quotidien
être combinées afin de se pro- contenant des enzymes qui
téger efficacement (Figure 22). vont réparer l’ADN ou les pro-
téines (Figure 22). Cependant,
La première pour lutter contre
il faut être certain que ces
les effets du soleil est évi-
molécules vont pénétrer et
demment d’appliquer des
agir là où il faut, ce qui n’est
filtres solaires, chimiquement
pas évident !
stables, capables de filtrer le
plus loin possible dans les UVA Enfin, on peut prévenir le
de façon à éviter un surplus stress ox ydant en stimu-
de ces photons qui activent lant les propres défenses
de sa peau : à ce niveau, on
Figure 22
Plusieurs stratégies sont envisageables pour se protéger du stress oxydant causé par les rayonnements
du soleil. Il s’agit d’associer des approches complémentaires pour être encore plus efficace. 127
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
1. www.galderma.fr
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
1 La conception d’un
nouveau médicament
administré par voie orale
formule, une gélule, un com
primé, un sirop... Quand elle
est absorbée, elle passe la
barrière gastro-intestinale,
Le Drug Design est la concep
atteint la circulation sanguine,
tion de nouvelles molécules
passe par le cœur et est fina
comme candidats médica
lement distribué dans les tis-
ments. Le chimiste médici
sus, et en particulier la peau.
nal en charge de ces acti
Dans la peau, elle rencontre
vités de Drug Design a la
sa cible biologique, mais elle
possibilité de contrôler via la
rencontre aussi tout au long
structure chimique le chemin
de ce trajet d’autres cellules,
d’une molécule, du moment
et entre autres, des noyaux
où elle est administrée chez
d’ADN.
l’homme jusqu’à ce qu’elle
ait atteint sa cible biologique En plus d’être active sur sa
pour conduire à une efficacité cible biologique et non toxique,
thérapeutique. de nombreuses autres pro
priétés sont attendues pour la
molécule médicament telles
1.1. La voie orale
que la solubilité aqueuse, la
Prenons l’exemple, par voie perméabilité à travers des
orale, d’une molécule médi membranes physiologiques
cament appelée CD99999 et la stabilité métabolique
(Figure 1) contenue dans une (Figure 2).
CD99999
Peau
CD99999
CD99999
CD99999
Peau
Activité
CD99999
CD99999 CD99999
Non génotoxique Solubilité aqueuse
Figure 2
Sang Perméabilité
CD99999
Propriétés physico-chimiques, CD99999
toxicologiques et fonctionnelles Stabilité
attendue d’une molécule Non cardiotoxique métabolique
administrée par voie orale pour
130 garantir une efficacité clinique.
La découverte de nouvelles solutions thérapeutiques pour le traitement de pathologies de la peau
1.2. L’optimisation entre une molécule et une
de l’activité de la molécule cible biologique est la cristal-
médicament lographie des protéines. Elle
permet d’obtenir la structure
1.2.1. Interactions
tridimensionnelle et de com
de la molécule avec la cible
prendre les interactions clés
biologique
au niveau atomique.
L’activité de la molécule médi
cament est due à des interac 1.2.2. La lipophilie et
tions moléculaires très spéci l’hydrophilie d’une molécule
fiques entre cette molécule et La lipophilie d’une molécule
sa cible biologique (Figure 3). est un critère extrêmement
Ainsi, il s’agit dans un pro important. La lipophilie est
gramme de Drug Design un paramètre (log D) qui per
d’identifier les motifs struc met de savoir si la molécule
turaux essentiels à l’activité a plus tendance à être hydro
d’une première génération de phile, à aimer l’eau, ou plus
molécules appelées têtes de tendance à être lipophile et
série (hits) dans le but d’en à aimer ce qui est graisseux.
treprendre les modifications Cette lipophilie est capitale
structurales judicieuses à pour de nombreuses proprié
l’amélioration de l’activité des tés, notamment les molécules
molécules. trop lipophiles ont beaucoup
Plusieurs interactions chi plus de chances d’être ins
miques peuvent être utili tables métaboliquement,
sées pour améliorer l’activité d’avoir des problèmes de toxi
des molécules, comme par cité, d’avoir des problèmes
exemple des liaisons hydro de faible solubilité aqueuse
gène, ou des interactions et de cardiotoxicité (Figure 4).
entre des noyaux aroma À l’inverse, une molécule trop
tiques. Une des technologies hydrophile aura d’autres pro
très utiles pour rationaliser et blèmes comme par exemple
comprendre ces interactions une faible perméabilité des
Figure 3
Activité : interactions molécule
(ligand)-cible biologique (protéine). 131
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Espace de
Faible Perméabilité « Design » Clairance hépatique
Toxicité
Clairance rénale Faible solubilité Cardiotoxité
MW MW
HBD
Figure 4 HBA HBA
HBD
PSA PSA
pKa
Importance de la lipophilie dans
logD
la conception d’un futur candidat Pour un motif (structure chimique) donné
médicament.
Perméabilité
Solubilité
aqueuse
Figure 5
Amélioration de la permeabilité
132 et de la solubilité aqueuse.
La découverte de nouvelles solutions thérapeutiques pour le traitement de pathologies de la peau
2 La conception d’un
nouveau médicament
administré par voie
dans une crème, un onguent,
un gel, une solution… Quand
on l’applique sur la peau, il
topique faut en premier lieu qu’elle
soit libérée de sa formule,
La voie topique en dermatolo
qu’elle pénètre la peau pour
gie est l’administration cuta
atteindre sa cible biologique.
née d’une molécule active.
À nouveau, elle rencontrera
C’est une façon élégante de
d’autres cellules, d’autres
concevoir de nouveaux médi
noyaux d’ADN, puis elle attein
caments, puisqu’on a ainsi la
dra la circulation sanguine, où
chance d’avoir accès direc
elle sera éliminée.
tement aux compartiments
ciblés. Donc on utilisera la
voie topique si l’actif est suffi 2.2. Les différences
samment efficace, ce qui évite principales avec la voie orale
d’exposer la totalité de l’orga
nisme en traitant de manière La Figure 7 compare les pro
locale uniquement les zones priétes recherchées dans
atteintes par la pathologie. l’administration par voie orale
et celles par voie topique. La
solubilité aqueuse est sur
2.1. La voie topique
tout importante pour la voie
Cette fois-ci, la molécule médi orale, la voie topique s’inté
cament CD9999 (Figure 6) sera resse surtout à la stabilité de
CD99999
CD99999 Peau
Stratum
Corneum
Epidermis
Dermis
CD99999
Figure 6
CD99999 Sang
L’administration par voie topique :
le chemin d’une molécule
médicament.
Oral
Topique
Oral & Topique
Pénétration
Non phototoxique CD99999
cutanée
« Formulabilité » Peau
Activité
CD99999
CD99999 CD99999
Non génotoxique Solubilité aqueuse
A B
Stratum Corneum
MW Espace de
HBD « Design » MW HBA
HBA HBA
logD
Pour un motif (structure chimique) donné
Figure 8
A) Chemin intercellulaire souvent privilégié pour la majorité des médicaments ; B) passage à travers
134 des céramides hydrophobes et de l’eau. La lipophilie est un critère essentiel pour une bonne pénétration cutanée.
La découverte de nouvelles solutions thérapeutiques pour le traitement de pathologies de la peau
MW Espace de
HBD « Design » MW HBD
HBA HBA
logD
Pour un motif (structure chimique) donné
Figure 9
Pénétration
cutanée
Amélioration de la solubilité par
diminution du point de fusion :
Formulabilité – par diminution du poids
moléculaire (à gauche) ;
– par élimination du groupement
urée (en haut à droite), qui
augmente la densité du réseau
cristallin.
Non
génotoxique
Non
phototoxique
Développement interne
B
In silico photocytotocity/QSPR model :
Test set Accuracy
600 RP 0 1
Number of Compounds
Figure 10 500
Photocytotoxique 0
1
83
7
23
54
0.82
Non Photocytotoxique
Étude de la toxicité dans 400
Concentration
efficace
Pénétration cutanée
temps Instabilité
Metabolic Hotspot
[ ] dans le plasma « Formulabilité » Métabolique
Métabolisme
temps
Figure 11
Pénétration cutanée et effets indésirables. A) Évolution de la concentration efficace d’une molécule active
dans la peau au cours du temps. La concentration de la molécule active dans le plasma doit constamment rester
en dessous du seuil critique d’effets d’indésirables systémiques ; B) exemple d’ajout de Metabolic hotspot
pour favoriser la destruction rapide de la molécule dans le sang par le foie.
Non
Stables phototoxique Perméabilité Pas Stable
dans les d’inhibition dans la flore
kératinocytes CYP450 intestinale
Figure 12
Propriétés recherchées des molécules actives selon le mode d’administration souhaité (oral ou topique).
A B
Stabilité
Activité métabolique
Espace
chimique
Oral
Espace Espace
chimique Toxicité chimique
Topique Pénétration Topique
cutanée « Formulabilité »
Figure 13
A) L’optimisation multiparamétrique : variation de plusieurs paramètres en parallèle pour rapidement identifier
le meilleur compromis et proposer une molécule efficace ; B) selon la voie d’administration choisie – orale
ou topique –, le programme de l’optimisation multiparamétrique est différent.
Figure 15
Processus de découverte
d’un nouveau médicament,
à partir d’un criblage haut-débit ou
d’une approche rationnelle basée
sur la littérature : les différentes
phases de la recherche menant
à un unique candidat aux tests
cliniques.
Follicule
du cheveu Épiderme
Derme
Sébum
Tableau 1
Traitements actuellement disponibles pour l’acné, le plus efficace étant l’isotrétinoïne, un agoniste du RAR.
Figure 18
L’ichthyose lamellaire autosomique
récessive, maladie rare
de la kératinisation, caractérisée
par la présence de squames sur
tout le corps.
Rétinoïdes
Figure 19
Les rétinoïdes : des molécules aux
activités variées.
Figure 20
Le défi de la sélectivité : seuls
trois acides aminés sur le site actif
diffèrent pour les trois types de
142 récepteurs à acide rétinoïque.
La découverte de nouvelles solutions thérapeutiques pour le traitement de pathologies de la peau
Figure 21
Molécule sélective du récepteur
RARγ : CD437 (en vert) ; en blanc
l’acide aminé du site actif du
récepteur RARγ.
Figure 23
Exploitation des informations
structurales : l’activité et la
sélectivité pour le sous-type γ
dépendent du substituant R3 de
l’oxygène du composé CD5789. 143
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
nature du motif OR3 est clé outil très utilisé pour tester
dans la sélectivité des molé l’efficacité par voie topique des
cules pour le sous-type γ ver molécules agonistes RARγ.
sus α et β. La molécule candi Les effets de l’administration
dat médicament est le CD5789 de ces molécules par voie
(Trifarotène) OR3=O(CH2)2OH. topique sur l’expression de
Le trifarotène est donc une deux types de gènes respon
molécule active et sélective sables de la différenciation
pour le sous-type γ par rapport des kératocytes (en jaune) et
aux sous-types α et β ; cette de l’inflammation (en orange),
sélectivité réceptorielle est qui sont des phénomènes
beaucoup plus importante que importants dans l’acné, sont
celle des molécules aujourd’hui reportés sur la Figure 25B.
sur le marché (Figure 24).
On voit que la molécule sélec
4.3.2. Effet pharmacologique tionnée CD5789 diminue l’ex
de la molécule Trifarotène pression de ces gènes et qu’elle
Le modèle d’épiderme recons a un effet similaire, voire même
truit in vitro (Figure 25A), meilleur, que les molécules
expliqué dans le Chapitre de existantes sur le marché.
L. Marrot dans Chimie, dermo- L a modulation de ces
cosmétique et beauté, est un mêmes gênes est également
Figure 24
CD5789 : une molécule hautement
puissante et sélective pour
le récepteur RARγ de l’acide
rétinoïque.
Traitement topique
A B Groupe de gènes de différenciation
C50/ Groupe de gènes d’inflammation
IC50 nM
1 000
Milieu nutritif
100
Expression de l’ARN Histologie
Quantification
des cytokines
10
Adapalène Tazarotène Acide CD5789
tazaroténique
Figure 25
Étude de l’efficacité pharmacologique la molécule CD 5789. A) L’activité par voie topique sur l’expression
des gènes est testée sur un modèle d’epiderme in vitro ; B) l’expression des gènes sélectionnés est diminuée
144 en présence du lead CD5789.
La découverte de nouvelles solutions thérapeutiques pour le traitement de pathologies de la peau
mesurée après application In vitro, on considère que les
par voie topique sur de la peau molécules sont stables pour
humaine ex vivo (Figure 26A). des temps de demi-vie supé
La Figure 26B montre que l’ac rieurs à 24 h. Le CD5789 rem
tivité de la molécule CD 5789 plit le cahier des charges ini
est similaire au produit qui tial : stable dans la peau > 24 h
est aujourd’hui sur le marché. et instable dans le foie < 5 min.
La stratégie chimie pour obte
4.3.3. Étude des effets nir cette dégradation rapide
secondaires : limitation est celle précédemment expli
de l’exposition systémique quée des Metabolic Hotspots.
Le Tableau 2 résume les don Un exemple est le groupement
nées sur la stabilité, expri hydroxyle -OH (Figure 27),
mée en temps de demi-vie, de métabolisé en un acide inactif
CD5789 et des autres molé qui sera ensuite rapidement
cules du marché, d’une part éliminé.
dans les kératinocytes, cellules
cibles dans la peau, et d’autre
4.4. Première étude clinique
part dans les hépatocytes
chez l’homme
(cellules du foie responsables
d’une des voies d’élimination La première étude clinique
principales) chez l’homme. conduite chez l’homme a été
A B
Figure 26
A) Protocole du test d’activité par voie topique ex vivo (peau humaine) : application topique, biopsie, puis
extraction d’ARN ; B) courbes dose-réponse de CD5789 et de l’acide tazaroténique sur les gènes sélectionnés
(moyenne de trois donneurs. L’activité du candidat CD5789 est similaire à celle des compétiteurs du marché).
TLDA : TaqMan Array basse densité.
T½ T½
kératinocytes humains hépatocytes humains
Adapalène > 24 h 89 min
Tazarotène 0,5 h 10 min
Acide tazaroténique > 24 h 74 min
CD5789 > 24 h 5 min
Tableau 2
Données de stabilité (temps de demi-vie) sur les molécules des kératinocytes. 145
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 27
RAR a, b, γ : IA
Metabolic Hotspots du CD5789.
147
Sabine Berteina-Raboin
Nouveaux
actifs et
nouveaux
ingrédients
Sabine Berteina-Raboin est Professeur à l’Institut de Chimie
Organique et Analytique (UMR 7311, Université d’Orléans-CNRS).
Figure 3
Les produits cosmétiques se déclinent en plusieurs types de produits : produits de soin, de maquillage, d’hygiène
152 corporelle, produits capillaires, parfums…
Nouveaux actifs et nouveaux ingrédients
Si on se focalise sur les pro- Comme beaucoup d’autres
duits de soin « anti-âge » équipes de recherche, nous
qui inondent le marché nous efforçons de respec-
aujourd’hui, leur apparition ter le plus grand nombre
remonte à la fin des années des « principes de la chimie
1980. Ils sont le résultat d’une verte », qui sont au nombre de
connaissance de la biologie douze, et nous faisons appel à
cutanée combinée à l’utilisa- la richesse des constituants
tion de technologies sophis- naturels issus de plantes
tiquées dans le domaine des terrestres ou aquatiques
actifs et de la formulation. pour découvrir de nouveaux
Hydrater sa peau est le pre- composés et isoler les nom-
mier geste de soin anti-âge. breuses structures com-
Longtemps traditionnelle, la plexes que la nature met à
cosmétologie se caractérise notre disposition (voir aussi
aujourd’hui par une approche le Chapitre de P. André dans
très technologique. Le domaine Chimie, dermo-cosmétique et
des cosmétiques est particu- beauté).
lièrement actif en recherche Les douze principes de la
et innovation d’autant que chimie verte, selon P.T. Anas-
désormais, les femmes, ainsi tas et J.C. Warner, sont les
que les hommes, recherchent suivants :
dans les cosmétiques de soin 1) Réduction des déchets
ou de maquillage des perfor- 2) Conception de produits
mances avec, de préférence, chimiques efficaces avec peu
un retour à la nature. Le devoir ou pas de toxicité
des industries cosmétiques, 3) Conception de synthèses
reconnues pour leur dyna- moins nocives
misme économique, est de 4) Utilisation de ressources
répondre à toutes ces attentes renouvelables
dans des contextes règlemen- 5) Utilisation de catalyseurs
taires et environnementaux de recyclables (et non de réactifs
plus en plus exigeants. Il est stœchiométriques)
donc impératif d’intégrer les 6) Limitation de groupements
notions de « chimie verte », de protecteurs
« développement durable » et 7) Favoriser les approches à
de « REACH »1. économie d’atomes
8) Utilisation des solvants
et de réactions peu ou pas
1. Voir Chimie et expertise, santé
et environnement, coordonné par toxiques
M.-T. Dinh-Audouin, D. Olivier et 9) Amélioration du rendement
P. Rigny, EDP Sciences, 2016. énergétique
Figure 4
La nature recèle une richesse de
molécules complexes que l’on peut
isoler ou dont on peut s’inspirer
pour concevoir de nouveaux
cosmétiques. 153
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
2 Apporter une
meilleure
connaissance scientifique
ronnement seront appliquées.
Il y a aussi de nombreuses
des plantes endémiques contraintes réglementaires
ou typiques marocaines pour l’utilisation d’extraits :
comme source l’efficacité et l’innocuité des
de nouveaux actifs produits doivent être garanties
et encadrées par une légis-
Ces travaux ont été réalisés
dans le cadre d’un partenariat lation car, ne l’oublions pas :
entre la région Centre et la « Tout ce qui est naturel n’est
région de Meknes Tafilalet au pas forcément bon ». Il est donc
Maroc (Figure 5). indispensable d’avoir une bonne
connaissance de la composition
de l’extrait, et il y a nécessité du
2.1. Étude phytochimique « scientifiquement prouvé » :
de plantes du Maroc activité démontrée de l’extrait
L’engouement actuel pour les ou de la molécule impliquée
plantes à usage médicinal et dans l’activité visée et dévelop-
cosmétique entraîne une dimi- pement des actifs ou ingrédients
nution des ressources, d’où avec des procédés verts.
Figure 5
On trouve au Maroc une grande biodiversité de plantes à usage médicinal et cosmétique, dont il est nécessaire
154 d’assurer une gestion éco-responsable.
Nouveaux actifs et nouveaux ingrédients
Pour ce t ype d’étude, la Il a une très forte odeur aro-
démarche mise en œuvre est matique et se rencontre géné-
la suivante : ralement dans les dépres-
−− sélection d’une dizaine de sions sablo-argileuses. C’est
plantes typiques du Maroc sur un excellent pâturage pour les
la base de leurs usages tradi- chameaux et les chèvres.
tionnels ; De premières études phyto-
−− récolte, identification bota- chimiques menées par des
nique et essais de domestica- procédés conventionnels –
tion végétale ; extraction par macération
−− criblage de l’activité biolo- au chloroforme, purification
gique des extraits ; des composés sur colonne
ouverte de silice – ont per-
−− meilleure connaissance
mis de détecter la présence
analytique de la composi-
de composés dérivés de par-
tion phytochimique de ces
thénolides (Figure 6B). Ces
plantes ;
molécules sont particulière-
−− développement de procé- ment intéressantes puisque
dés d’extraction, d’analyse, de décrites comme étant les
purification et d’identification premières petites molécules
« verts » et performants ; sélectives contre les cellules
−− hémisynthèse et pharma- souches cancéreuses2. Leur
comodulation des molécules synthèse est ardue et l’extrac-
extraites pour obtenir des tion est un bon moyen d’ob-
analogues à haute valeur tenir ces précurseurs phar-
ajoutée. Les synthons chiraux maco-modulables. Il convient
modulables peuvent ainsi de noter qu’une des études
conduire à des molécules plus sur cette plante a montré la
complexes, limitant de fait présence de composés phé-
l’impact environnemental du noliques.
chimiste organicien puisque
limitant considérablement le
2.2. Méthodes d’analyse
nombre d’étapes de synthèse
et de purification
et donc l’utilisation de solvants
et autre réactifs plus ou moins 2.2.1. Fractionnement-
toxiques. purification
Anvillea radiata coss. & dur. La séparation des composés
est un petit arbrisseau endé- peut se faire de façon gros-
mique saharien, reconnais- sière par des extractions
sable à ses feuilles vert bleuté
en forme de triangle allongé 2. Drug Discovery Today (2013), 18 :
et à bords dentés (Figure 6A). 894-904.
1 9
10
2 8
5
14
7
Figure 6
3 6 13
4
a- Des composés dérivés de
méthylène parthénolides ont été identifiés
O 12 11
O
15 dans l’arbrisseau endémique
Époxyde saharien Anvillea radiata coss.
O
& dur. 155
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
2.2.3. Chromatographie
Phase organique légère
Heptane : Acétate
de Partage Centrifuge (CPC)
d’éthyle La CPC est fondée sur le prin-
Phase aqueuse lourde cipe d’équilibre hydrostatique
Eau : Méthanol utilisant un champ centrifuge
autour d’un axe. On a deux
phases liquides, l’une servant
Figure 7
de phase mobile et l’autre ser-
Fractionnement grossier vant de phase stationnaire,
par extraction liquide-liquide. maintenue en place par la
force centrifuge (Figure 11).
Le système est amovible et
peut s’équiper d’une colonne
Phase mobile de 50 mL, 200 mL ou 1 L.
L’intérieur de la colonne est
Figure 8 composé d’un assemblage
La séparation par chromatographie Phase
de disques et de joints inter-
sur colonne est très stationnaire disque en polytétrafluoroéthy-
consommatrice de solvants et solide lène (PTFE). La phase mobile
peut engendrer des pertes de est pompée à travers la phase
matière par adsorption irréversible stationnaire (pompe HPLC) et
de composés sur la phase
stationnaire. Elle nécessite en
va occuper un volume appelé
outre une gestion de grandes volume mort, tandis que le
Gestion de déchets solides de silice
quantités de déchets solides de Adsorption irréversible de composés
reste de la phase stationnaire
156 silice. reste statique.
Nouveaux actifs et nouveaux ingrédients
1-CHCI3 2-MeOH
HPLC-UV
HPLC-DEDL
Figure 10
Exemples d’extraction par solvant accélérée par fluide pressurisé.
Figure 11
Colonne
La Chromatographie de Partage 50,100, 1 000 mL
Force
Centrifuge (CPC) permet la centrifuge
séparation des composés à l’échelle
semi-préparative, en utilisant deux
liquides biphasiques : une phase
stationnaire (force centrifuge)
et une phase mobile (poussée par Colonnes
50, 200 mL
une pompe HPLC).
HPLC : « High performance Purification de composés majoritaires
liquid chromotography »,
ou chromatographie en phase Développement de couplages innovants avec SM
FCPC Kromaton (Annonay, France)
158 liquide haute performance.
Nouveaux actifs et nouveaux ingrédients
Phase supérieure Kd > 1
légère
A sup
Kd = Kd = 1
A inf Kd < 1
Phase inférieure
lourde 0,5 < Kd < 5
Échantillon
Kd > 1
Kd = 1
Kd < 1
Phase lourde (phase mobile)
Figure 12
La chromatographie de partage
centrifuge peut être équivalente
à des purifications successives
à l’aide de plusieurs ampoules à
décanter en série.
Figure 13
160 Le fractionnement-purification.
Nouveaux actifs et nouveaux ingrédients
Figure 14
Séparation de trois composés parthénolides, F1, F2 et F3, détectés avec un détecteur à diffusion de la lumière
(DEDL).
Colonne CPC : 50 mL ; mode descendant 2 000 rpm, 3 mL.min-1 ; injection 150 mg extrait.
Système arizona F hept/AcOEt/MeOH/H2O (1:5:1:5 v/v/v/v).
Source : Journal of Chromatography B (2015), 985: 29-37.
Figure 15
Purification des composés majoritaires et minoritaires d’un extrait d’Anvillea radiata.
Système arizona F hept/AcOEt/MeOH/H2O (1:5:1:5 v/v/v/v)
Système arizona P hept/AcOEt/MeOH/H2O (6:5:6:5 v/v/v/v); Injection 350 mg d’extrait.
Figure 16
Dittrichia viscosa, une plante
répandue dans tout le bassin
méditerranéen, source de
composés biologiquement actifs
aux propriétés multiples : anti-
inflammatoire, antiseptique,
antipyrétique et antioxydante.
Na2CO3 saturée
Colonne chromatographique
Figure 17
Extractions de synthons chiraux, acide isocostique et acide ilicique, à partir d’extraits de Dittrichia viscosa.
A
7 étapes 9 étapes
2-méthyleresorcinol a-costal
Figure 18
6 étapes
Synthèse totale de l’α-costale et
de la β-costale. A) par l’équipe
de Hsing-Jang Liu (16 étapes,
(R)-(-)-10-Méthyle-1 b-costal
(9)-octal)-2-one rendement global 0,9 %) ; B)
par l’équipe de J.A. Marshall (12
B étapes, rendement global 6,9 %). 163
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
TMSCHN2 DIBAL
75 % 84 %
Acide isocostique
Figure 19
Oxydation Rendement global 47 %
Hémisynthèse de l’α-costale en de Swern
75 %
trois étapes, avec un rendement
global de 47 %.
Figure 20
164 Synthèse d’une librairie de composés ayant la tomentosine comme structure de base.
Nouveaux actifs et nouveaux ingrédients
La phytochimie, une voie d’avenir pour
les cosmétiques
La nature offre une très grande diversité molé-
culaire dont la valorisation représente un
potentiel économique important. Cependant, il
est nécessaire d’assurer un approvisionnement
végétal suivi et contrôlé (protocole de Nagoya)
et de séparer les composés bioactifs de la
matrice végétale. Pour cela, de nombreuses
étapes restent nécessaires : extraction, isole-
ment par des essais bio-guidés, identification.
Ces processus restent actuellement longs et
coûteux, ce qui est un frein au développement
industriel.
Les défis majeurs actuels de la phytochimie
sont l’innovation technologique dans le déve-
loppement de nouvelles méthodes d’extraction,
de séparations chromatographiques rapides, de
miniaturisation, et des méthodes de couplage
entre les procédés de séparation et de déter-
mination structurale des molécules.
Cette innovation technologique devra s’ins-
crire dans une démarche de « chimie verte »
et de respect de l’environnement. Les solu-
tions technologiques minimiseront l’utilisation
de solvants, rechercheront des alternatives aux
solvants polluants et aux auxiliaires de synthèse
et permettront la production rentable d’extraits
de grande qualité.
165
Sandra Del Bino
Diversité des
peaux du monde :
de la clinique à la
chimie, en passant
peaux
par les
reconstruites
Sandra Del Bino est biologiste et travaille dans les laboratoires
de recherche de L’Oréal 1 depuis 1994. Sa spécialité est de
comprendre l’impact du rayonnement solaire sur la peau, et en
particulier sur les peaux du monde dans leur diversité. Ses études
l’ont entre autres conduite à travailler sur des peaux reconstruites.
1 Les caractéristiques
de la pigmentation
constitutive de la peau
humains ; il résulte d’une
adaptation aux expositions
aux ultra-violets (UV). Avant
les grandes migrations
1.1. Évolution historique humaines, la sélection natu-
de la couleur de peau dans relle a favorisé les peaux
la population mondiale foncées dans les populations
vivant proche de l’Équateur
L a v ar iation de l a cou - (Figure 1), qui étaient expo-
leur de la peau est le plus sées à un niveau élevé d’UV,
visible des polymorphismes 2 en particulier d’UVB, et les
peaux plus claires dans les
1. www.loreal.fr
populations plus éloignées
2. Polymorphisme : variations entre
individus d’une même espèce dues de l’Équateur, plus proches
à l’existence de plusieurs allèles des pôles et donc recevant
pour un même gène. moins d’UVB.
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Cercle Arctique
Figure 1
Tropique du Cancer
Répartition des différentes
couleurs de peau dans le monde. Équateur
Données collectées par Renato
Biasutti pour les populations Tropique du Capricorne
natives avant 1940. 1-12 15-17 21-23 27-29
Figure 3
Répartition sur la surface du globe des fréquences alléliques de deux gènes impliqués dans la couleur
de la peau. En jaune sont les fréquence alléliques associées aux peaux claires.
Source : adapté de Norton et coll. (2007). Mol. Biol. Evol. 169
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
B) L’épiderme
A) La peau
couche cornée
couche granuleuse
épiderme
couche spineuse
hypoderme
mélanocyte cellule de Langerhans
kératinocyte
mélanosome
mélanocyte
kératinocyte
C) L’unité de pigmentation
Figure 4
170 Composition et structuration de la peau, de l’épiderme et de l’unité de pigmentation.
Diversité des peaux du monde : de la clinique à la chimie, en passant par les peaux reconstruites
la nature des mélanines qui position UV. Par contre, la
sont synthétisées. La méla- phéomélanine est non seu-
nine est un mélange de poly- lement peu protectrice mais
mères issus d’un précurseur elle est phototoxique parce
commun, la tyrosine, qui, sous qu’elle augmente la produc-
l’action de l’enzyme tyrosi- tion des espèces radicalaires
nase, est convertie en dopa- après l’exposition UV. C’est
chinone ; à partir de la dopa- ce mélange, cette qualité des
chinone, on a deux voies de mélanines, qui détermine
synthèse indépendantes selon principalement la couleur
qu’il y a ou non présence de de la peau – bien qu’il y ait
cystéine (Figure 5). En absence aussi d’autres composantes :
de cystéine, il y a formation les caroténoïdes12 , l’oxyhé-
de l’eumélanine, un pigment moglobine et la désoxyhémo-
brun-noir, et en présence de globine, qui jouent un certain
cystéine, synthèse de phéo- rôle. Finalement, ce qui fait
mélanine, un pigment jaune- la couleur de la peau ce sont
orangé. Ces deux mélanines la nature et la quantité des
ont des propriétés différentes. mélanines produites ainsi que
Il est communément admis leur distribution (Figure 6).
que l’eumélanine est photo- Une peau claire a des méla-
protectrice puisqu’elle limite nosomes plus petits, formés
la pénétration des UV dans en agrégats, présents surtout
l’épiderme et piège les radi- au niveau de la couche basale,
caux libres11 créés par l’ex- alors que les peaux foncées ont
des mélanosomes beaucoup
11. Radicaux libres : espèces plus grands, plus fortement
chimiques instables et donc très
réactives produites par l’organisme
notamment lors de l’exposition 12. Caroténoïdes : pigments
solaire. Ces espèces pourraient jaune-orange naturellement pré-
être impliquées dans le vieillisse- sents dans de nombreux orga-
ment de la peau. Voir le Chapitre de nismes vivants et aux propriétés
L. Marrot, dans cet ouvrage Chimie, antioxydantes. Les caroténoïdes
dermo-cosmétique et beauté, EDP comprennent entre autres le bêta-
Sciences, 2017. carotène, présent dans les carottes.
Tyrosine
Mélanosome
Cystéine
DOPAquinone
O2 5SCD ou 2SCD
CycloDOPA DQ
DOPA
DOPA
Polymère CD-quinones Polymère de
d’eumélanine DOPAchrome phéomélanine
o-Quinoéimine
CO2
DHI DHICA Figure 5
DQ O2 O2 Intermédiaires de 1,4-benzothiazine
Deux types de mélanine :
ou
DOPA l’eumélanine (à gauche
Eumélanine Phéomélanine en marron) photoprotectrice
et la phéomélanine (à droite
en jaune-orange) phototoxique. 171
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
A B C D
Zone photo-exposée Zone protégée
Photocancers
(origine épidermique)
Coup de soleil Photovieillissement Taches
Figure 7
Conséquences cliniques des expositions UV.
172 Source : 7B : Pr. Moulin (Lyon).
Diversité des peaux du monde : de la clinique à la chimie, en passant par les peaux reconstruites
les UVA, passent à travers aux UV. En ce qui concerne le
le verre, et l’autre moitié est photocancer par exemple, on
protégée. On voit la super- sait, par les données épidé-
position des effets du photo- miologiques, qu’il y a un lien
vieillissement au vieillisse- fort entre la couleur de la peau
ment chronologique ; la partie et la sensibilité aux photocan-
exposée paraît environ vingt cers. Une étude américaine
ans plus vieille que la partie a montré qu’aux États-Unis,
protégée ; elle présente éga- l’incidence des carcinomes
lement les signes cliniques de basocellulaires et spinocel-
photovieillissement, aspect lulaires est cinquante fois
tanné comme du cuir, avec des plus élevée dans la population
rides très profondes. caucasienne à peau claire que
Une autre conséquence de chez les afro-américains, et
l’exposition UV est l’appari- que l’incidence du mélanome
tion dans les zones exposées était treize fois supérieure à
– donc le visage ou les mains – celle des afro-américains.
de taches d’hyper- ou d’hypo- En termes de photovieillis-
pigmentation (les désordres sement, on sait que l’élas-
pigmentaires) (Figure 7C). tose solaire, les altérations
Plus dramatique, l’exposition dermiques et la formation
aux rayons UV est à l’origine des rides varient avec la pig-
des cancers photo-induits mentation constitutive. Les
(Figure 7D) : les carcinomes, signes du photovieillissement
qui sont d’origine kératinocy- apparaissent plus tôt dans les
taire, ou le mélanome d’ori- peaux claires que dans les
gine mélanocytaire, un can- peaux foncées, et les popu-
cer beaucoup plus agressif lations caucasiennes déve-
avec un pronostic vital beau- loppent des rides plus tôt que
coup moins bon et qui encore les africaines. Des études in
aujourd’hui occasionne de vivo chez l’homme ont montré
nombreux décès. la variabilité de la dose mini-
Nous ne sommes pas tous male érythémale (DEM), qui
égaux par rapport à l’expo- est la dose capable d’induire
sition solaire et les consé- un érythème juste perceptible,
quences des expositions UV une rougeur de la peau. Cette
ont une grande variabilité DEM varie avec la pigmenta-
individuelle. De nombreux tion constitutive et l’origine
facteurs entrent en compte : ethnique de l’individu : elle
la pigmentation constitutive, est plus faible pour les peaux
qui est notre couleur de peau plus claires ; également à la
naturelle, également l’âge DEM, on a beaucoup plus de
(les enfants ou les personnes dégâts à l’ADN chez les peaux
âgées sont plus sensibles à claires que chez les peaux fon-
l’exposition UV), la prise de cées. Par ailleurs, on sait que
médicaments (certains médi- les désordres pigmentaires
caments sont photosensibili- sont liés à la pigmentation
sants), et notre polymorphisme constitutive ; l’apparition de
génétique. Dans tout cela, la ces dégâts est plus fréquente
pigmentation constitutive est dans certaines populations à
un des facteurs majeurs de la peau modérément pigmen-
cette sensibilité individuelle tée comme les asiatiques. 173
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Phototype Caractéristique
I brûle, ne bronze pas
II brûle, bronze légèrement
caucasiens
III brûle légèrement, bronze bien
IV ne brûle pas, bronze intensément
asiatiques, amérindiens,
V modérément pigmenté mexicains, portoricains
VI fortement pigmenté africains
Figure 8
174 Classification des six phototypes de Fitzpatrick.
Diversité des peaux du monde : de la clinique à la chimie, en passant par les peaux reconstruites
coloration de Fontana Masson L = 100
Blanc
(Figure 10B), qui est une colo-
ration argentique spécifique
des grains de mélanine, on +b
peut observer que la classi- Jaune
fication de prélèvements en –a +a
Vert Rouge
fonction de l’ITA correspond à
–b
des différences de quantité et Bleu
de distribution de la mélanine. Figure 9
L’ITA est totalement quantita-
L=0 Représentation tridimensionnelle
tif et complètement objectif. Noir
du système L*, a*,b*.
Il affranchit complètement de
l’origine ethnique de l’individu
et permet une classification caucasiennes vivant aux
adaptée à tous les types de États-Unis ou en France ont
peaux. la peau claire, intermédiaire
Pour valider la pertinence et mate ; les femmes d’ori-
de cette classification, on a gine africaine qui vivent aux
mesuré l’ITA sur les joues de États-Unis ou en France ont
3 500 femmes dans le monde la peau plutôt intermédiaire
dans leur pays de résidence : jusqu’à foncée, et les femmes
en France, aux États-Unis, au hispaniques ou brésiliennes
Brésil, au Mexique, en Russie, ont une peau plus hétérogène
en Chine, en Corée, au Japon, puisqu’elle couvre les typo-
en Thaïlande et en Inde. logies de couleur de peau de
La cartographie des ITA des claire à brune.
femmes du monde est résumé En regardant de façon plus
sur la Figure 11: les femmes détaillée les mesures d’ITA
A B
80 claire
Très claire
75 55°
Claire
70 41° intermédiaire
65
Intermédiaire C
28°
60 Mate Angle Typologique
Classification
individuel
L* (luminance)
55 10° mate
50 Brune ITA° > 55° Très claire
45
brune
41° > ITA° > 55° Claire
40
– 30° 28° > ITA° > 41° Intermédiaire
35
30
Foncée 10° > ITA° > 28° Mate
foncée
25 – 30° > ITA° > 10° Brune
20 ITA° > 30° Foncée
0 5 10 15 20 25 30 35 40
b* (jaune chrom.)
Figure 10
A) Volume des couleurs de peau sur le plan L*et b*; B) Coloration Fontana Masson ;
C) Correspondance entre les valeurs de l’ITA et le type de peau.
Source : Chardon et coll. (1991). Int. J. Cosmet. Sci. ; Del Bino et coll. (2006).
Pigment Cell. Res., 19 (6) : 606-14. 175
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
L*
L*
45 brune 45 brune
40 40
35 35
30 foncée 30 foncée
25 25
20 20
0 5 10 15 20 25 30 35 40 0 5 10 15 20 25 30 35 40
b* b*
Peau afro-Africaine Peau Afriquaine en France
très claire (n = 101)
80
très claire (n = 126)
80
75 75
claire claire
70 70
65
intermédiaire intermédiaire
65
60 60
mate mate
55 55
50
L*
50
L*
45 brune 45 brune
40 40
35 35
30 foncée 30 foncée
25 25
20 20
0 5 10 15 20 25 30 35 40 0 5 10 15 20 25 30 35 40
b* b*
Peau hispanique aux États-Unis Peau brésilienne
très claire (n = 126)
80
très claire (n = 101)
80
75 75
claire claire
70 70
intermédiaire 65
intermédiaire
65
60 60
mate mate
Figure 11 55 55
50
L*
50
L*
dans les pays d’Asie (Figure 12), une réalité. Elle permet éga-
on voit qu’au Nord (Japon, lement de prendre en compte
Chine et Corée), on trouve plu- la diversité des pigmentations
tôt des peaux claires : entre des populations du monde afin
claire, intermédiaire et mate, de proposer une photoprotec-
alors que la classification de tion personnalisée et adaptée à
Fitzpatrick les classait toutes chaque type de peau.
dans un phototype V, donc
plutôt pigmenté ; les peaux
indiennes sont en revanche
beaucoup plus hétérogènes 2 Quel est le lien
entre pigmentation
constitutive et sensibilité UV ?
puisqu’elles couvrent des typo-
logies qui vont de claire à fon-
2.1. Analyse de l’impact
cée. Ce travail permet d’établir
des UV sur la peau
que cette nouvelle classifica-
tion est pertinente physiologi- Lorsque la peau est exposée
176 quement et correspond bien à aux U V, l ’ADN absorbe le
Diversité des peaux du monde : de la clinique à la chimie, en passant par les peaux reconstruites
Peau japonaise Peau chinoise Peau coréenne Peau indienne
80 (n = 164) 80 Shaghai (n = 682) 80 (n = 48) 80 (n = 150)
très claire très claire (Guangznou n = 400) très claire très claire
75 75 75 75
claire claire claire claire
70 70 70 70
65
intermédiaire 65
intermédiaire 65
intermédiaire 65
intermédiaire
60 60 60 60
mate mate mate mate
55 55 55 55
50 50 50 50
L*
L*
L*
L*
45 brune 45 brune 45 brune 45 brune
40 40 40 40
35 35 35 35
30 foncée 30 foncée 30 foncée 30 foncée
25 25 25 25
20 20 20 20
0 5 10 15 20 25 30 35 40 0 5 10 15 20 25 30 35 40 0 5 10 15 20 25 30 35 40 0 5 10 15 20 25 30 35 40
b* b* b* b*
Figure 12
Classification colorimétrique de la peau de femmes vivant dans les pays d’Asie grâce à la mesure de l’ITA.
Source : Del Bino, Bernerd (2013). British. J. Dermatol., 169 (S3) : 33-40.
claire
intermédiaire
mate
Figure 14
Mise en évidence du lien entre brune
couleur de peau (ITA, angle
typologique individuel) et (BED,
dose biologiquement efficace) foncée
basée sur l’apparition de « sunburn
cells »
Source : Del Bino et coll. (2006).
178 Pigment. Cell. Res. 19(6) : 606-14.
Diversité des peaux du monde : de la clinique à la chimie, en passant par les peaux reconstruites
peuvent donc potentiellement 0 J/cm2 BED
causer le développement de Claire
cancers photo-induits, car-
cinomes, mél anomes ou
de taches de pigmentation. 6,8 J/cm2
L’atteinte du derme super-
Intermédiaire
ficiel pourrait expliquer la
plus grande sensibilité de
ces peaux claires au photo- 7,1 J/cm2
vieillissement.
Mate
Dans les peaux brunes et
foncées, on trouve des CPD
dans les couches supraba- 9,8 J/cm2
sales, mais la couche basale
n’est pas marquée. Un dégât Brune
présent dans les couches
suprabasales de l’épiderme Figure 15
11,9 J/cm2
(qui va être éliminé par des-
Foncée Comparaison des dégâts à l’ADN
quamation14 ) n’aura pas la après exposition UV en fonction
même impor tance qu’un du type de peau.
dégât au niveau de la couche Source : Del Bino et coll. (2006).
basale qui, elle, contient les 17,0 J/cm2 Pigment. Cell. Res., 19(6) : 606-14.
kératinocytes prolifératifs, les
cellules souches, les mélano-
en ciblant les dimères spé-
cytes. Cependant, même les
cifiquement accumulés
peaux mates (celles qui sont
dans les mélanocytes. Pour
moins propices au dévelop-
cela, on a réalisé un double
pement de coups de soleil) ne
sont pas immunes aux dégâts marquage CPD-TRP1, TRP1
créés par les UV – c’est le cas étant une enz yme clé de
de certains individus d’origine la mélanogenèse qui per-
caucasienne, mais également met de marquer les méla-
asiatique, d’Amérique Latine nocytes en rouge. Tous les
ou certaines personnes afri- mélanocy tes étaient ainsi
caines. marqués en rouge et ceux
qui avaient accumulé des
Parce que la couche basale
dégâts au sein de leur ADN
de l’épiderme contient éga-
(« CPD positifs ») étaient
lement les mélanocytes et
double-marqués rouge et
que des dégâts à l’ADN de
vert (Figure 16).
ces cellules peuvent être à
l’origine du développement Sur une quarantaine de pré-
de désordres pigmentaires lèvements, on a mis en évi-
(taches d’hyper- ou d’hypo- dence une accumulation de
pigmentation) ou, beaucoup mélanocytes « CPD positifs »
plus grave, du mélanome sur peaux claires, intermé-
malin, on a mené une étude diaires et mates alors que
dans les peaux brunes et
foncées, les mélanocy tes
14. Desquamation : perte de la é t a i e nt m a j o r i t a i r e m e nt
couche superficielle de l’épiderme,
le stratum corneum, sous formes « CPD négatifs » donc épar-
d’amas cornéocytaires visibles gnés. À la BED, dans les
appelés « squames ». peaux claires on a plus de 179
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
A B
Claire 0 J/cm2 BED
TRPI
Intermédiaire
Brune
Figure 16
A) Accumulation des CPD dans les mélanocytes après exposition UV.
B) Quantification des mélanocytes CPD positifs à la BED.
Source : Del Bino S., Sok J., Bernerd F. (2013). British J. Dermatol., 168 (5) : 1120-3.
Eumélanine
HO HOOC HOOC
H2O2/OH–
(COOH)
COOH
+
HO N HOOC N HOOC N
H H H
PTCA POCA
Phéomélanine produit de dégradation
OH
de l’eumélanine (DHICA)
OH
N (COOH)
N HOOC HOOC
(COOH)
H2O2/OH– N N
COOH
S S +
HOOC S HOOC S
H2N COOH
H2N COOH TTCA TDCA
Unité benzothiazine Unité benzothiazole
produit de dégradation
H2O2/OH– de la phéomélanine
HI OH
OH
N
(COOH) Figure 17
NH2
S
IM dans l’épiderme Index mélanique (IM) = marque mélanique en FM/surface IM dans la couche
basale
intermédiaire intermédiaire
mate mate
Très claire Claire Int. Mate Brune Foncée Très claire Claire Int. Mate Brune Foncée
brune brune
foncée foncée
Figure 18
Corrélation entre l’ITA et la quantité de mélanine obtenue par le calcul de l’index mélanique dans la couche
basale et dans l’épiderme.
Source : Del Bino S., Ito S., Sok J., Nakanishi Y., Bastien P., Wakamatsu K. and Bernerd F. (2015).
Pigment Cell Melanoma Res., 28(6) : 707-17. 181
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
p < 0,0001
MT par HPLC
p < 0,0001 20
12
10 15
8
6 10
4 5
2
0 Très claire Claire Int. Mate Brune Foncée
0 Très claire Claire Int. Mate Brune Foncée
ITA ITA
Figure 19
Corrélation entre la couleur de la peau et la mélanine totale déterminée par HPLC ou par spectrophotométrie.
Source : Del Bino S., Ito S., Sok J., Nakanishi Y., Bastien P., Wakamatsu K. and Bernerd F. (2015).
Pigment Cell. Melanoma Res., 28(6) : 707-17.
PTCA (y) vs ITA (x) 4-AHP (y) vs ITA (x) TTCA (y) vs ITA (x)
0,7
25 y = – 0,002x + 0,2853 5
0,6 R2 = 0,2376 y = – 0,0285x + 1,907
20 y = – 0,1089x + 6,7344 p < 0,003 4 R2 = 0,7192
0,5
R2 = 0,8486 p < 0,0001
15 p < 0,0001 0,4 3
0,3
10 2
0,2
5 1
0,1
0 Très claire Claire Int. Mate Brune Foncée
0 Très claire Claire Int. Mate Brune Foncée
0 Très claire Claire Int. Mate Brune Foncée
Figure 20
Corrélation entre la couleur de peau et la quantité d’eumélanine (PTCA) et de phéomélanine (4-AHP ou TTCA).
Source : Del Bino S., Ito S., Sok J., Nakanishi Y., Bastien P., Wakamatsu K. and Bernerd F. (2015).
182 Pigment Cell Melanoma Res., 28(6) : 707-17.
Diversité des peaux du monde : de la clinique à la chimie, en passant par les peaux reconstruites
Grâce à l’amélioration des quelle que soit sa pigmen-
méthodologies chimiques, on tation constitutive, est com-
a également pu mesurer le posé à ~ 75 % d’eumélanine
TTCA, un produit de dégra- (la mélanine photoprotec-
dation de la phéomélanine trice) et à ~ 25 % de phéo-
de type benzothiazol. Ici, on mélanine, avec évidemment
a pu montrer une très bonne d e g r a n d e s d i f f é r e n ce s
corrélation (Figure 20C). d’échelles entre peau claire
Sur la Figure 21 sont reprises et peau foncée, représenta-
les contributions de l’eumé- tives des quantités respec-
lanine et de la phéomélanine tives.
(mesurée par les deux mar- Sur la Figure 22, on a repré-
queurs cités ci-dessus) en senté les descripteurs de la
fonction de la pigmentation mélanine issus de l’analyse
constitutive. On observe que d’images, de la spectro-
la mélanine totale ainsi que photométrie ou de la HPLC
l’eumélanine et un type de en fonction de la pigmenta-
phéomélanine augmentent tion constitutive. En rouge,
avec la pigmentation consti- les descripteurs qui ont un
tutive. L’épiderme humain, niveau élevé, en bleu ceux
Ratio = 3,7
Total
16000 Ratio = 2,5 = 15,08
Total
Contenus en mélanine
12000
= 12,01 Figure 21
Récapitulatif du contenu en
8000 Ratio = 2,6
EM (PTCA)
eumélanine et en phéomélanine
BZ-PM (TTCA)
Ratio
Ratio = 2,8
Ratio = 2,7
Total BH-PM (4-AHP)
pour chaque type de peau.
EM/PM Total
= 2,8 Total = 3,67
= 4,20 Source : Del Bino S., Ito S.,
4000
Total
= 2,40 Sok J., Nakanishi Y., Bastien P.,
= 0,91
Wakamatsu K. and Bernerd F.
0 (2015). Pigment Cell Melanoma
Très claire Claire Intermédiaire Mate Brune Foncée
Res., 28(6) : 707-17.
Sensitibilité UV
Pigmentation constitutive
foncée
foncée
foncée
foncée
brune
brune
brune
brune
brune
foncée
foncée
brune
brune
brune
mates
mates
intermédiaire
intermédiaire
mate
intermédiaire
intermédiaire
claire
intermédiaire
intermédiaire
claire
claire
claire
claire
claire
claire
claire
très claire
très claire
très claire
très claire
Descripteurs reliés
aux mélanines :
A500 (TM)
TM par spectroscopie
A650
PTCA
TM par HPLC
PTeCA
TTCA
MI épiderme Figure 22
MI couche basale
4-AHP
3-AHP
Représentation des différents
descripteurs des mélanines en
fonction de la couleur de la peau.
Source : Del Bino S., Ito S.,
Sok J., Nakanishi Y., Bastien P.,
Wakamatsu K. and Bernerd F.
(2015). Pigment Cell Melanoma
Res., 28(6) : 707-17. 183
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
À partir d’un prélèvement de peau, on isole les trois types cellulaires, on les amplifie. On
démarre la reconstruction avec un mélange de fibroblastes et de collagène. Pendant trois
jours, les fibroblastes vont contracter le collagène pour former ce qu’on appelle un équiva-
lent dermique ou lattice (Figure 23). À l’aide d’un anneau métallique, on ensemence sur la
lattice un mélange de kératinocytes et de mélanocytes. On laisse pendant une semaine en
condition submergée par le milieu de culture pour permettre aux kératinocytes de proliférer,
recouvrir le support et donc reconstituer la couche basale (Figure 23).
Les peaux sont ensuite montées sur une grille métallique pour permettre le contact avec
l’air : c’est la phase dite d’émersion qui va permettre la différenciation terminale. Toutes
les couches de l’épiderme jusqu’à la couche cornée sont ainsi reconstituées.
Amplification
~ 1 mois
Figure 23
Schéma de fabrication d’une peau reconstruite pigmentée selon le modèle de Duval et coll. (2012) Tissue Eng.
Source : L’Oréal R&I.
184
Diversité des peaux du monde : de la clinique à la chimie, en passant par les peaux reconstruites
A HES
B FM
Peau humaine
normale
Figure 24
Comparaison entre une peau
Peau reconstruite reconstruite pigmentée obtenue
Pigmentée in vitro et une peau humaine
normale. A) Coloration HES ;
B) coloration Fontana Masson.
Source : L’Oréal.
re
ire
Fontana Masson
e
rm
ai
cé
cla
Cl
te
n
Fo
In
ès
Tr
Figure 26
Obtention de peaux reconstituées de pigmentation variable en modifiant le phénotype des donneurs
de mélanocytes.
Source : L’Oréal.
187
Jean-Marie Aubry
Les 12 principes
de la chimie
verte comme
moteur
d’ innovation pour
la formulation
des parfums
Jean-Marie Aubry est professeur en Chimie de Formulation à
l’École Nationale Supérieure de Chimie de Lille.
1 Qu’est-ce que
la chimie
de formulation ?
1.2. Le chimiste formulateur :
un chimiste pas comme les
autres !
Il existe trois t y pes de
1.1. La formulation, l’art
chimistes parmi ceux chargés
de faire coexister des
de concevoir une molécule ou
constituants incompatibles
un matériau :
L a formulation recouvre −− le chimiste de synthèse, dont
toutes les opérations néces- l’objectif est d’obtenir, le plus
saires pour aboutir à un efficacement possible, une
molécule aussi pure que pos-
1. Au sujet de la « chimie verte »
et du « développement durable », 2. La formulation : présentation
voir Chimie et expertise, santé et générale. J.-M. Aubry, G. Schorsch
environnement, chapitre d’I. Rico- (1999). Techniques de l’Ingénieur,
190 Lattes, EDP Sciences, 2016. J 2110, 1-20
Les 12 principes de la chimie verte comme moteur d’innovation pour la formulation des parfums
Figure 1
La formulation concerne quasiment tous les secteurs du marché : agroalimentaire, pharmaceutique, produits
d’hygiène, cosmétique, textile, matériaux, carburants, produits énergétiques, phytosanitaires, peintures, etc.
A B
Figure 2
A) Le chimiste de synthèse prépare
et étudie des composés bien Oxyde de rose
définis qui peuvent être parfois très
complexes tel que la vitamine B12 ;
B) le chimiste de spécialité conçoit C
des composés « fonctionnels »
(tensioactifs, parfum, colorant,
conservateur…) tels que l’oxyde
de rose ; C) le formulateur
associe les spécialités chimiques
pour élaborer un « produit
prêt à l’emploi » répondant à
un cahier des charges précis
(cosmétique, détergent, peinture, Vitamine B12
médicament…).
Figure 3
L’évolution de la chimie de formulation à travers les âges. 193
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 4
L’image de la chimie a évolué :
194 de l’angélisme à la diabolisation.
Les 12 principes de la chimie verte comme moteur d’innovation pour la formulation des parfums
les plus connus. Ces risques des composés fluorés volatils4
ne sont pas spécifiques aux en 1987 a permis de stopper
produits de synthèse car cer- le processus, et les dernières
tains produits naturels pré- mesures montrent que la
sentent eux aussi des dangers. couche d’ozone se restaure.
Ainsi l’essence de bergamote Plus récemment, on s’est
naturelle, utilisée auparavant inquiété des « perturbateurs
pour accélérer le bronzage ou endocriniens », soupçonnés
apporter une fragrance parti- d’entraîner une diminution de
culière, contient du psoralène. la fertilité humaine. Ils sont
Ce composé est maintenant effectivement ominiprésents
classé parmi les composés dans nombre de produits qui
CMR (catégorie des produits nous entourent : les alkyl-
Cancérogènes, Mutagènes ou phénols éthoxylés (tensioac-
Reprotoxiques) car, sous l’in- tifs maintenant interdits), les
fluence de la lumière solaire, parabènes (conser vateurs
il réagit avec l’ADN selon antibactériens et antifon-
des cycloadditions photochi- giques), certains phtalates
miques 3 [2+2]. Plus récem- (plastifiants de matières plas-
ment, on s’est aperçu que les tiques), etc. Certaines aller-
éthers de glycol, omniprésents gies cutanées sont elles aussi
dans nombre de produits de soupçonnées d’avoir des ori-
la vie quotidienne, sont repro- gines chimiques par exemple
toxiques et ils sont mainte- via les parfums et les huiles
nants interdits. essentielles naturelles. C’est
Certains des désordres occa- la raison pour laquelle l’am-
sionnés par la chimie, peuvent bitieux programme REACH
être corrigés avec succès. À (Registration, Evaluation and
cet égard, le traitement du Authorization of CHemicals)
« trou d’ozone » est exem- a été mis en place en 2006
plaire. Les prévisions de 1974 par l’Union européenne pour
étaient catastrophiques car
en 2020, la couche d’ozone
4. Composés fluorés volatils :
devait avoir complètement les chlorofluorocarbures (CFC),
disparu. En fait, l’interdiction autrefois utilisés dans les bombes
aérosols et les systèmes de réfri-
3. Cycloadditions photochimiques : gération, sont interdits par l’Union
réactions d’addition permettant la européenne depuis 1990 en rai-
formation de cycle, catalysées par son de leur impact négatif sur la
la lumière. couche d’ozone.
Figure 5
Un certain nombre de produits
dangereux doivent être remplacés,
tout en gardant une grande
vigilance vis-à-vis des nouveaux
composés. 195
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 6
Les 12 principes de la chimie verte,
edictés par P. Anastas et John
196 C. Warner en 1998.
Les 12 principes de la chimie verte comme moteur d’innovation pour la formulation des parfums
Transport
Fabrication
Matières
premières
LE CYCLE DE VIE
D’UN PRODUIT
Distribution
Valorisation
Utilisation Figure 7
A B C
Figure 8
Une partie de la population
est particulièrement sensible
aux produits chimiques.
Sources : B) M.-T. Dinh-Audouin ;
C) E. Carret. 197
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 10
Chanel n° 5, le parfum rendu célèbre par Marilyn Monroe, contenait à l’origine un certain nombre de molécules
198 relativement toxiques.
Les 12 principes de la chimie verte comme moteur d’innovation pour la formulation des parfums
au parfum et un effet longue
durée puisqu’après quinze
jours, l’odeur musquée est
encore perceptible.
Le progrès des connaissances
en toxicité a conduit à une évo-
lution de la règlementation qui
a contraint les parfumeurs
à corriger la composition
de tous ces grands parfums
anciens. Les « nez », conseil-
lés par les services techniques
et réglementaires, ont eu la
redoutable tâche de proposer
Figure 11
des molécules de substitution.
O
Il s’agit de remplacer telle Le chevrotain porte-musc produit
ou telle molécule interdite le musc naturel le plus recherché
qui contient, entre autres, une
par une ou plusieurs autres
cétone macrocyclique, la muscone.
molécules, conformes à la CH3 Source : Wikipédia licence
réglementation en vigueur. CC-BY-SA-3.0, Николай Усик
Celles-ci doivent apporter au
parfum la même signature
bombes. Ainsi la plus puis-
olfactive caractéristique du
sante des bombes H jamais
parfum originel de façon à ce
testées était équivalente
que l’utilisateur ne perçoive
à 57 millions de tonnes de
pas la différence.
TNT. Le TNT fut découvert
Il existe plusieurs muscs en 1863 par J. Wilbrand et un
naturels, mais le plus connu dénommé Bauer, qui, essayant
contient une cétone macrocy- d’améliorer ses propriétés
clique, la muscone. Ce musc, explosives, l’a simplement
produit naturellement par le « terbutylé », en greffant sur
chevrotain porte-musc en le noyau benzénique un petit
période de rut (Figure 11), est groupe à quatre carbones. En
très coûteux (150 000 €/kg) et mettant son nez au-dessus
très recherché en médecine du produit résultant, selon le
traditionnelle chinoise. Sa réflexe naturel des chimistes
rareté, son prix considérable de l’époque, il décela une
et son grand intérêt olfactif forte odeur musquée. Comme
ont conduit les parfumeurs Perkin qui avait découvert la
à le remplacer par des molé- mauvéine en voulant synthé-
cules de synthèse. tiser la quinine, il se dit qu’un
L’évocation de l’histoire des composé possédant une odeur
muscs de synthèse nous de musc pouvait intéresser
amène à faire un détour le monde de la parfumerie
vers la chimie des explo- et il commercialisa donc ce
sifs (Figure 12). L’explosif nouveau composé en 1888 en
chimique le plus célèbre est tant que substitut au musc
le TNT (abréviation de trini- naturel hors de prix. Les
trotoluène) car il sert à défi- années suivantes, il prépara
nir l’unité de mesure de base divers composés apparentés
de la puissance explosive des dont en particulier le fameux 199
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 12
Des explosifs aux muscs nitrés.
A)
B)
Figure 13
A) Muscone, le graal des muscs
C)
naturels ; B) les muscs nitrés,
problématiques pour la santé,
n’ont été remplacés qu’en 1990 ! ;
C) les muscs polycycliques, un D)
premier pas vers la chimie verte ;
D) les muscs macrocycliques
sont peu dangereux, mais encore E)
200 biopersistants.
Les 12 principes de la chimie verte comme moteur d’innovation pour la formulation des parfums
pas toxiques, ni explosifs car ils de phénomène d’anosmie, il
ne comportent plus de groupes n’est pas toxique, mais encore
nitro mais ils sont biopersis- un peu biopersistant.
tants et bioaccumulables ; La saga des muscs n’est donc
−− les chimistes se sont égale- pas encore achevée.
ment inspirés de la nature en Le cas particulier des muscs
préparant, avec beaucoup de est emblématique mais ce
difficulté, des muscs macrocy- n’est pas la seule famille de
cliques ressemblant à la mus- composés parfumés à pré-
cone (Figure 13D). La molécule senter des risques potentiels
présente l’avantage de com- pour les utilisateurs. Comme
porter deux fonctions ester, évoqué précédemment, le
facilement clivables, qui la parfum est, après le nickel,
rendent biodégradable. Outre le deuxième déclencheur
leur prix élevé, ces composés d’allergies cutanées parmi
présentent un inconvénient la population. C’est pourquoi
majeur : une grande partie de les autorités ont interdit les
la population, entre 10 et 50 %, composés les plus dange-
sont anosmiques, c’est-à-dire reux et ont rendu l’étiquetage
ne sont pas capables de les obligatoire de 88 composés
détecter. C’est pourquoi les potentiellement allergisants.
formulateurs de parfum uti- La Figure 14 montre la com-
lisent des cocktails de muscs position d’un gel douche
pour être sûrs de toucher actuel. On y voit la liste des
olfactivement tous les utilisa- ingrédients classés par ordre
teurs ; d’importance pondérale ainsi
−− le m u s c h e lv é t o l i d e que la liste des molécules
(Figure 13E), créé en Suisse de parfums potentiellement
comme son nom l’indique, allergisantes alors même
est le représentant le plus lorsqu’elles sont parfois pré-
connu des muscs qualifiés de sentes en quantité infime.
« linéaires », bien qu’il pos- Conscient s de ces pro-
sède un cycle dans sa structure blèmes, les producteurs
moléculaire. Il ne présente pas de parfums et les grandes
Figure 14
Liste de molécules potentiellement allergisantes présentes dans la composition du gel douche et dont l’affichage
est obligatoire pour informer les utilisateurs. 201
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 15
CH2 O CO R3 CH2 OH
Action des lipases sur les graisses
Triglycéride Acide gras Glycérol
(triglycérides).
Figure 16
A) Le succinate de géranyle,
premier précurseur de parfums,
ou comment faire du propre
avec du sale ? B) Association
par une liaison chimique de
deux molécules parfumées mais
volatiles pour obtenir une base de
Schiff non volatile mais capable de
libérer les deux molécules sous
l’influence d’un déclencheur.
A B
Figure 17
A) Le papier carbone, ancêtre
de la photocopie ; B) le papier
autocopiant, ingénieuse utilisation
de l’encapsulation dans le domaine
204 de l’imprimerie.
Les 12 principes de la chimie verte comme moteur d’innovation pour la formulation des parfums
Figure 18
Les propriétés acido-basiques
du « crystal violet lactone » sont
mises à profit pour obtenir une
copie d’un texte sans papier
carbone.
207
D’après la conférence d’Isabelle Pélisson
La peau :
exemples
de pathologies
et solutions
thérapeutiques
Après avoir mené des recherches sur les cancers cutanés des
greffes d’organes, puis sur des séquences rétrovirales dans les
cancers du sein, Isabelle Pélisson a intégré le centre de R&D
des laboratoires Galderma 1 situé à Sophia Antipolis, où elle est
actuellement chef de projet.
1 La peau et les
pathologies cutanées
et physiques (température,
chocs, rayonnement UV).
La peau a également une
1.1. Principales fonctions fonction immunitaire : elle
de la peau possède un certain nombre de
cellules sentinelles2 capables
La peau est l’organe le plus de renseigner notre système
étendu et le plus lourd du immunitaire sur la présence
corps humain, qui représente d’antigènes 3 contre lesquels il
environ 2 m² de surface et 5 kg faut induire une réponse.
chez un adulte (Figure 1). Sa
fonction de protection contre
2. Cellules sentinelles : cellules
les agressions externes est immunitaires qui résident en per-
fondamentale : elle nous manence dans les tissus, même
protège des attaques micro- lorsqu’ils ne sont pas infectés.
biennes et par asitaires, 3. Antigènes : macromolécules
des agressions chimiques (protéine, polysaccharide,…) recon-
nues comme étrangères par le sys-
tème immunitaire qui va réagir à
1. www.galderma.fr leur présence.
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Stratum
Corneum Poil
Épiderme
Capillaire Glande
Sébacée
Derme Muscle
Arrecteur
Plexus Vasculaire
Glande
Superficiel
Sudoripare
Eccrine
Hypoderme
Plexux Vasculaire
Figure 2 Profond
Glande Suporipare Follicule Pileux
Organisation de la peau en trois
Apocrine
couches structurées avec une
212 constitution et une utilité propres.
La peau : exemples de pathologies et solutions thérapeutiques
de fréquence – l’acné est très dépigmentation comme le
fréquente par exemple –, en vitiligo, ou au contraire des
termes de sévérité et égale- maladies dans lesquelles
ment en termes de formes cli- on a une hyperpigmentation
niques. Cette grande diversité comme le mélasma, carac-
des pathologies cutanées qui térisé par des taches brunes
peuvent affecter des compar- sur le visage. Cer taines
timents différents est illus- pathologies concernent des
trée sur la Figure 3. problèmes de différenciation
Une pathologie très cou- de l’épiderme. C’est le cas
rante est l’acné, qui touche des ichthyoses liées à des
le follicule pilo-sébacé 7. mutations dans cer taines
D’autres pathologies touchent protéines des kératinocytes,
le s ystème pigmentaire, et qui vont conduire à une
avec des pathologies de la différenciation anormale. Il
y a énormément de formes
cliniques derrière ce simple
7. Follicule pilo-sébacé (ou folli- terme d’ichthyoses. Nous
cule pileux) : cavité dans laquelle parlerons dans ce chapitre
le poil prend naissance.
A B C
D E F
G H I
Figure 3
Principales pathologies de la peau : A) carcinome épidermoïde ; B) mélanome ; C) acné ; D) vitiligo ; E) mélasma ;
F) dermatite atopique ; G) psoriasis ; H) rosacée ; I) ichthyose.
Source : I) AIF - http://ichtyose.fr 213
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 4
Image de microscopie d’une coupe de peau : A) une peau saine ; B) manifestation cutanée du psoriasis
par l’épaississement de l’épiderme et de la couche cornée, et l’inflammation chronique du derme.
A) Peau saine
squames
plaques Figure 5
couche cornée peau
épiderme
inflammée Derme et épiderme d’une peau
glande sudoripare
follicule pileux saine (A) et d’une peau affectée
derme de psoriasis (B) pour laquelle
hypoderme la multiplication des kératinocytes
est favorisée par le développement
B) Psoriasis 215
du système vasculaire.
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Tableau 1
Les traitements topiques du psoriasis. 217
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Tableau 2
218 Les immuno-modulateurs et immunosuppresseurs pour le traitement systémique du psoriasis.
La peau : exemples de pathologies et solutions thérapeutiques
protéines recombinantes16 , l’interleukine 17, le recul reste
qui vont aller cibler la cytokine limité sur leur sécurité à long
elle-même ou son récepteur. terme. Ils sont donc réservés
Les médicaments biologiques aux patients les plus sévères
aujourd’hui disponibles pour en échec thérapeutique sous
le traitement du psoriasis ont traitement oral. Ils sont admi-
initialement été développés nistrés par voie injectable et
dans l’arthrite rhumatoïde, la première prescription se
qui a des caractéristiques fait en milieu hospitalier après
communes avec le psoriasis. un bilan complet pour vérifier
Ils ciblent soit le TNF alpha17, entre autres qu’il n’y a pas de
soit une sous-unité commune risque infectieux sous-jacent
aux interleukines18 12 et 23, asymptomatique.
soit l’interleukine 17. Ces traitements ont aidé à
Ces traitements présentent mieux comprendre quelles
une forte efficacité et sont très étaient les cytokines clés dans
chers. Pour les plus récents la physiopathologie du psoria-
comme ceux qui ciblent sis : TNF alpha, IL-12, IL-23 et
IL-17 (Figure 6). Cette informa-
tion est très importante car
16. Protéine recombinante : pro-
téine produite par une cellule dont
elle ouvre la porte à de nou-
le matériel génétique a été modi- velles voies thérapeutiques.
fié par recombinaison génétique, En effet, si on est capable de
et qui peut être utilisée à des fins cibler ces cytokines par des
thérapeutiques. approches plus classiques
17. TNF alpha : Tumor Necrosis avec de petites molécules
Factor, cytokine impliquée dans les
chimiques, on peut espérer
réactions inflammatoires.
18. Interleukines : groupe de cyto- avoir un bénéfice dans la
kines qui stimulent les réponses pathologie, en particulier chez
du système immunitaire. des patients moins sévères
Activation et
prolifération
des kératinocytes
Brodakinumab IL-17A
(IL-17 IL-17F
récepteur) IL-22
Stress
de la peau
Secukinumab
brekinumb
Figure 6
Th17
IL-2
IFNу IL-17A Th17
Identification des cytokines
IL-1ß
IL-6
Etanercept TNF IL-17F
Th17 intervenant dans la
infliximab
TNF Adalimunab
TR1 TR17
Th17
physiopathologie du psoriasis
grâce aux médicaments
Th17
Ustekinumab
A B C
Figure 7
Les manifestations cutanées des différents types de rosacée : A) type 1 : érythème persistant, télangiectasies
et flushs ; B) type 2 : érythème persistant, papules/pustules et brûlures/picotements ; C) type 3 : peau épaisse,
220 pores dilatés, télangiectasies et rhinophima.
La peau : exemples de pathologies et solutions thérapeutiques
transcriptomique 21 permet des cellules qui synthétisent
d’identifier, à l’échelle molé- ces différentes protéines
culaire, les gènes qui sont (Figure 8).
fortement modulés dans les La Figure 9 présente le résultat
différents sous-types, ce qui de l’analyse transcriptomique
permet de formuler de pre- à large échelle, c’est-à-dire
mières hypothèses. Celles- l’analyse de l’expression de
ci sont ensuite confirmées à l’ensemble du génome dans
l’échelle de la protéine, pour les différents sous-types de
vérifier que les ARN surexpri- rosacée par rapport à la peau
més vont bien conduire à la saine. Chaque ligne corres-
surexpression de la protéine pond à l’expression des gènes
correspondante. d’une biopsie, et chaque petit
Un certain nombre de tra- trait vertical correspond à
vaux ont également été réali- l’expression d’un gène : plus
sés par immunohistochimie22 la couleur est bleue, moins le
pour s’assurer de l’identité gène est exprimé, plus elle est
rouge plus le gène est exprimé.
21. Transcriptomique : étude de Cette analyse montre que
l’ensemble des ARN messagers chaque groupe d’échantil-
produits lors du processus de lons (peau saine, rosacée de
transcription d’un génome. type 1, 2 ou 3) possède sa
22. Immunohistochimie : méthode
propre signature d’expres-
de localisation de protéines dans
les cellules d’une coupe de tissu, sion génique. Ainsi, les gènes
par la détection d’antigènes au surexprimés dans une peau
moyen d’anticorps. saine sont peu exprimés dans
Figure 8
Méthodes utilisées pour
la caractérisation des types
de rosacée et l’identification
de cibles thérapeutiques.
Figure 9
L’analyse transcriptomique montre
les différences d’expression
des gènes dans les différents sous-
types de rosacée par rapport
à la peau saine.
Source: Steinhoff et coll. (2011).
J. Invest. Dermatol. Symp.
Proc., 15 : 2-11. 221
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 12
Rosacée type 2 et acné : analyse
comparative des gènes les
plus modulés. Dans l’acné, les
cytokines les plus modulées sont
impliquées dans le recrutement
des neutrophiles (code bleu),
tandis que la rosacée de type 2
est dominée par des cytokines
impliquées dans le recrutement de
lymphocytes T (code orange).
Source : Déret et coll. (2013).
J. Invest. Dermatol., 133 : S131.
Figure 13
Le processus de recherche et sélection de cibles thérapeutiques.
Figure 14
Les coûts augmentent de manière
exponentielle dans les phases
de recherche et de développement
d’un médicament.
Figure 16
Recherche de hits/leads et
optimisation en chimie médicinale. 225
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Histologie
Modèle d’efficacité
orienté psoriasis
Epidermes
reconstruits Peau humaine Score clinique
Différentiation 6
lymphocytes T CD4 ex vivo 5
Meal+/-SEM
4 Placebo
105 0.53 3 Placebo Hypogranulosie Parakeratosis
FoxP3 Alexa 647-A
104
2 IMQ
1 Epidermal hyperplasia
103 0
2 3 4 5
102 In vitro 3D Days
0 IMQ
16.82 40.82
-102
0 103 104 105
(tissulaire)
CD25 BV421-A In vivo
(animal)
Tests fonctionnels In vitro
Evaluation Photo cytotoxicité
(cellulaire)
100
Prolifération kératinocytes Pénétration
120 eADMET 80
% viabilité
+ UV
In vitro cutanée - UV
60
% control
80
(moléculaire) 40
40 20
- Activité
0 0
0.1 100
- Sélectivité 0,01 1 100
nM Dose (uq/mL)
Figure 17
Recherche de hits/leads et optimisation. Processus itératif d’évaluation des molécules dans la recherche
226 de médicaments contre les maladies de la peau.
La peau : exemples de pathologies et solutions thérapeutiques
études, on évalue en général développement des médica-
l’efficacité de plusieurs doses ments est d’évaluer et maî-
pour choisir la dose qui sera triser le risque le plus tôt
utilisée dans les études de possible, avant d’entamer les
phase 3. Celles-ci sont des phases les plus coûteuses.
études sur un grand nombre Dès les étapes précoces, il
de patients, qui confirment à faut s’assurer que les résul-
la fois l’efficacité et la sécu- tats générés dans les modèles
rité, et qui souvent comparent non cliniques seront repro-
le nouveau médicament à un duits dans la peau humaine
standard déjà sur le marché. pour gagner en confiance dans
En parallèle de ces études cli- le mécanisme d’action qui est
niques, se déroule tout un pro- en train d’être évalué. Dans
gramme de développement non ce but, des études de « preuve
clinique, qui évalue la toxicité de mécanisme » sont réali-
de la molécule chez l’animal et sées le plus tôt possible afin
permet de calculer une marge de s’assurer que le candidat
de sécurité pour s’assurer que médicament atteint bien sa
les patients sont en sécurité au cible dans la peau. Cela peut
être mené par exemple en
cours de ces essais.
utilisant des biomarqueurs
L’ensemble de tout ce plan d’engagement de la cible. Par
de développement clinique et exemple, si la cible est une
non clinique est construit en enzyme et qui doit diminuer la
lien direct avec les autorités quantité de TNF alpha, on peut
de santé et servira de support mettre en place un modèle
pour le dossier d’enregistre- pharmacologique clinique
ment. dans lequel le TNF alpha est
Le pr incipal enjeu dans induit par un stimulus chez le
les phases précoces de volontaire sain, et vérifier que
Non clinique
Phase I
Carcinogénicité
Volontaires sains Phase II Photo-carcinogénicité
Tolérance Patients
Clinique
Pharmacocinétique Efficacité/sécurité
Phase III
Choix de dose
Grand nombre de patients
Figure 18
Les phases de développement d’un médicament. 227
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
228
Jacques Leclaire
L’ aventure
des produits
inoffensifs :
une approche
pionnière
de la sécurité
en
cosmétique
Jacques Leclaire est le directeur scientifique international du
groupe L’Oréal 1. Il est un expert de toxicologie moléculaire
pour prédire les effets secondaires potentiels et les interactions
inter-médicamenteuses. Il est aussi membre de l’Académie des
Technologies et membre du jury international du prix L’Oréal
UNESCO pour les femmes et la science.
1. www.loreal.fr
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
1 La cosmétique n’est
pas une discipline
futile
des partenaires académiques
dans le monde, et au prix de
beaucoup d’énergie et d’in-
vestissements, a réalisé,
1.1. L’enjeu des produits comme nous allons le voir,
inoffensifs un parcours immense qu’il
L’enjeu des produits inoffen- reste encore à achever. Nous
sifs représente quarante ans allons voir en quoi ces efforts
de détermination de l’indus- et ces contraintes ont contri-
trie cosmétique, qui est la bué très fortement, et c’est le
seule à essayer de suppri- plus important, à l’innovation.
mer l’expérimentation ani- L’aventure des produits inof-
male dans un certain nombre fensifs, c’est aussi l’histoire du
de domaines, notamment Groupe L’Oréal avec son fonda-
dans certains champs toxi- teur Eugène Schueller qui, dès
cologiques. Au départ, cela 1909, inventa la teinture inof-
pouvait paraître comme une fensive pour cheveux (Figure 1).
utopie, mais c’est quasiment Et cette obsession de la sécurité
la seule industrie qui, avec restera ancrée dans les gènes
de l’entreprise qui prendra très
tôt la décision de se lancer dans
la recherche et le développe-
ment de méthodes alternatives
à l’expérimentation animale
pour aborder plus finement et
plus précocement les aspects
de sécurité dans le processus
de recherche (Figure 2). Ce
combat pour essayer de trou-
ver des solutions alternatives à
Figure 1 l’expérimentation animale a été
initié dès les années 1970 en se
Eugène Shueller fonde L’Oréal lançant dans le très grand défi
en créant la première teinture
inoffensive.
Figure 2
L’Oréal s’est lancé, dès les
années 1970, le défi des peaux
reconstruites afin de développer
une méthode alternative à
230 l’expérimentation animale.
L’aventure des produits inoffensifs : une approche pionnière de la sécurité en cosmétique
Figure 3
Le maquillage et les soins dans
la préhistoire et l’Égypte ancienne.
2 Le combat pour
la suppression de
l’expérimentation animale
Figure 6
232 La diversité de la beauté à travers le monde.
L’aventure des produits inoffensifs : une approche pionnière de la sécurité en cosmétique
historiquement motivé dès le stratégiques : l’absorption
milieu des années 1970 par cutanée et les réactions d’into-
deux convictions fortes : lérances locales.
−− une conviction éthique, basée
sur le fait qu’il fallait antici-
2.2. Modèle de peau
per les aspirations sociétales
et technologies d’étude
vis-à-vis de la suppression de
de l’absorption cutanée
l’expérimentation animale ;
−− une conviction scientifique, En toxicologie, pour évaluer
basée sur le fait qu’il était le risque et pour avoir une
impératif de modéliser la idée de l’exposition, il était
peau humaine pour mieux la essentiel de pouvoir prédire
comprendre et mieux abor- le plus tôt possible le passage
der la diversité des peaux. Ce transcutané chez l’homme de
n’étaient pas les peaux d’ori- nouveaux ingrédients (formu-
gine animale qui apporteraient lés ou non), après application
la solution. topique sur la peau.
For ts de ces convictions, Les premiers travaux dans ce
nous avons relevé le défi dès domaine se sont concentrés
le milieu des années 1970 sur la recherche du meilleur
où nous avons initié les pre- modèle pour réaliser cette
mières recherches de recons- évaluation. Des peaux de dif-
truction de la peau humaine férentes origines animales
(Figure 7). ont été testées et évaluées.
Mais la peau humaine excisée
Quand on se lance le défi de provenant de résidus opéra-
supprimer l’expérimentation toires de chirurgie esthétique
animale dans le champ de la s’est avérée être le modèle
sécurité des produits, on com- le plus intéressant. Cette
mence par les priorités et, en peau, montée sur une cellule
cosmétique, la priorité c’est dynamique de Franz (voir le
l’application topique. Et c’est Chapitre de P. Humbert dans
la raison pour laquelle dès le Chimie, dermo-cosmétique et
début, les efforts méthodo- beauté), permet d’étudier le
logiques et de recherche ont devenir des ingrédients.
démarré sur deux domaines :
Près de quinze ans de
le premier était l’absorption
recherche ont été néces-
percutanée (voir le Chapitre
saires, ne serait-ce que pour
de P. Humbert dans Chimie,
mettre au point un modèle
dermo-cosmétique et beauté),
pertinent pour l’évaluation
le second domaine était celui
in vivo chez l’homme de l’étude
de la tolérance locale, qui
de l’absorption percutanée en
couvre plusieurs domaines
(irritation cutanée et oculaire,
corrosion, inconfort et picote-
ments, allergie, phototoxicité,
etc.).
Il y a quarante ans, nous nous
sommes donc lancés dans Figure 7
la recherche et le dévelop- Les peaux reconstruites
pement de méthodes alter- participent à la suppression
natives dans deux domaines de l’expérimentation animale. 233
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 8
Observation par microscopie
234 biphoton.
L’aventure des produits inoffensifs : une approche pionnière de la sécurité en cosmétique
ingrédients. Par tolérance on avec des progrès majeurs,
entend les phénomènes d’irri- les recherches dans ces
tation et d’inconfort. domaines se poursuivent pour
L’inconfort est une notion améliorer en particulier leur
essentielle en cosmétique. Il pouvoir prédictif.
s’agit de toutes ces sensations À titre d’exemple, un phéno-
et ces petits signes de tiraille- mène aussi simple que l’in-
ment, picotements, échauffe- confort implique les récep-
ments, etc. Ce sont des mani- teurs nociceptifs et correspond
festations sensorielles sans à une cascade mécanistique
signes cliniques visibles mais complexe impliquant l’activa-
qui peuvent être rédhibitoires tion de récepteurs et canaux
pour l’acceptabilité d’un pro- ioniques comme le récep-
duit cosmétique. Les sensa- teur TRPV1, exprimé dans les
tions d’inconfort impliquent le kératinocytes7 (Figure 9).
système nerveux périphérique Ce type d’études de l’activa-
et les médiateurs de l’inflam- tion du récepteur via l’influx
mation. La mise au point de calcique tourne maintenant en
modèles pertinents dans ce routine dans les laboratoires
domaine est complexe. de L’Oréal, mais nous travail-
L’irritation cutanée et oculaire, lons aussi sur la modélisa-
mais aussi les phénomènes de tion d’un certain nombre de
phototoxicité et les allergies de
contact, sont une réaction à la
fois locale et systémique. 7. Kératinocytes : cellules qui
constituent 90 % de la couche
Bien qu’initiées il y a plu- superficielle de la peau et des
sieurs dizaines d’années cheveux, ongles, etc.
réaction immunitaire
lésion tissulaire neutrophile mastocyte
RCPG
TrKA récepteur
TRPV ASIC P2X opioïde
protéine G lésion chaleur
protéine G pression DOULEUR
Ca2+ 1 acide
potentiel membranaire Centres
supérieurs
canaux Na+ potentiel froid 2
dépenndants 5
Ca2+ du voltage d’action
Na+
K+ Nocicepteurs périphériques
vers la moelle 6
3 4
Moelle épinière
Figure 9
Mécanismes régissant l’inconfort au niveau de la peau : récepteurs et canaux ioniques impliqués. 235
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
1959 Premier ouvrage paru sur les principes de prise en compte et de respect du bien-être
de l’animal avec la première présentation de la fameuse règle des 3Rs (réduction, raffine-
ment et remplacement) par Russell W.M.S. et Burch R.L.
1979 L’Oréal décide de supprimer toute expérimentation animale pour les produits finis.
1976 Première mise en application de la règle des 3Rs dans la législation.
2003 Entrée en vigueur du 7e amendement qui introduit un échéancier sur la suppression
de l’expérimentation animale.
2004 Décision de suppression de l’expérimentation animale pour les produits finis (L’Oréal
l’a fait quinze ans plus tôt).
2009 Décision de suppression de l’expérimentation animale pour les ingrédients dans les
domaines de la tolérance et la toxicité aiguë, et de commercialisation de tous produits
contenant des ingrédients cosmétiques ayant été testés sur ces critères.
2013 Décision de suppression de l’expérimentation animale pour les ingrédients dans les
domaines de la toxicité systémique et interdiction de commercialiser tous produits contenant
des ingrédients ayant été testés sur l’animal à des fins cosmétiques.
2018 Dernière étape du programme REACH initié en 2006 pour l’enregistrement des
substances chimiques entre 1 et 100 tonnes par les industriels producteurs, importateurs,
utilisateurs, avec une recommandation de privilégier les méthodes alternatives disponibles
(Figure 10).
Figure 10
Évolution de la réglementation sur l’expérimentation animale.
Figure 11
État des réglementations pour
les cosmétiques dans le monde
238 en 2016.
L’aventure des produits inoffensifs : une approche pionnière de la sécurité en cosmétique
Figure 12
L’Oréal s’est engagé depuis
plusieurs décennies dans
la reconstruction de la peau.
En 2000, L’Oréal construisait dans la technopole de Gerland à Lyon une unité de produc-
tion de peau reconstruite. Il s’agissait alors d’industrialiser une technologie maîtrisée des
laboratoires depuis vingt ans, et qui était utilisée pour la recherche en biologie, pour le
développement de méthodes alternatives et l’évaluation de la tolérance cutanée. Le bâti-
ment de 2 000 m² hébergeait alors quinze personnes et produisait 12 000 unités de peaux
reconstruites par an aux normes de qualité ISO 9001. Dix ans plus tard, L’Oréal double la
superficie, multiplie les effectifs par quatre, produit plus de 120 000 unités par an de tissu
biologique reconstruit, peau et cornée, et y développe toute une activité d’évaluation de la
sécurité et de l’efficacité. Le « vaisseau biotechnologique » de production industrielle de
peaux humaines reconstruites a changé, c’est désormais un véritable centre d’évaluation
prédictif de la sécurité et de l’efficacité. Une plateforme unique au monde dans l’industrie
cosmétique qui illustre l’engagement sans relâche de L’Oréal en faveur d’un virage éthique
inéluctable : le renoncement à l’animal de laboratoire pour l’activité de test.
Pourquoi une telle accélération ? Parce que les technologies progressent, les équipes ont
l’ambition de relever ce défi, mais surtout parce qu’une révolution profonde de l’évaluation
de la toxicité et de l’efficacité est en cours. L’évaluation pure et simple fait place à l’évalua-
tion prédictive. Autrement dit, il s’agit de prédire un effet toxique ou bénéfique à partir de la
structure moléculaire d’une substance et d’un cortège de données provenant de la modé-
lisation mathématique des modèles in vitro, des plateformes génomiques et protéomiques
et des études in vivo et cliniques antérieures.
Pour comprendre l’évolution et l’accélération de cette démarche, entrons dans ce centre
d’évaluation prédictive. Au cœur du bâtiment, les salles de production des tissus recons-
truits : épiderme* Episkin RHE, cornée HCE**, peau complète. On y cultive des cellules
de peau et de cornée avec lesquelles on reconstruit à la demande un épiderme, une peau
complète ou une cornée oculaire. Les espaces de cultures sont des salles blanches à atmos-
phère contrôlée pour éviter toute contamination. Ces tissus reconstruits sont de fabuleux
outils, car ils permettent d’évaluer des produits dans les conditions réelles d’application à la
surface de l’épiderme, qu’il s’agisse d’un gel, d’une crème, d’un liquide, d’une pâte ou d’une
poudre. Tous ces modèles in vitro ont joué un rôle clé dans le développement de méthodes de
239
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
remplacement total des tests sur l’animal pour les substances chimiques. Trois méthodes
ont déjà été validées en Europe pour la corrosion, l’irritation cutanée et la photo-toxicité sur
les modèles Episkin et RHE, et une quatrième méthode est en passe de l’être pour l’irritation
oculaire sur le modèle HCE. Tout autour se déploient toutes les activités et technologies
qui permettent de construire les méthodes et les stratégies prédictives pour la sécurité
et l’efficacité des ingrédients et des formules. Des milliers de substances et de produits y
sont testés. On y trouve des équipements d’analyse chimique et biologique, des outils de
simulation numérique, les modèles de tissus in vitro, des plateformes de criblage rapide
et d’imagerie avancée. Les nouvelles données enrichissent le patrimoine constitué depuis
cent ans et permettront à terme, à partir de structures chimiques et sans animal, de passer
sans risque à la clinique chez l’homme.
Une révolution, symbole d’un monde qui change. L’Oréal concrétise ainsi sa vision d’anti-
cipation, son ambition d’une beauté sans animal et son pacte de confiance vis-à-vis des
consommateurs. Offrir aux femmes et aux hommes du monde entier le meilleur de la cos-
métique en termes de qualité, d’efficacité et de sécurité, pour satisfaire tous les besoins et
les envies dans leur infinie diversité.
Figure 13
L’ingénierie tissulaire chez L’Oréal.
Figure 14
Industrialisation des peaux
reconstruites. 241
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 15
242 Les étapes de l’évaluation de l’irritation cutanée à l’aide des peaux reconstruites.
L’aventure des produits inoffensifs : une approche pionnière de la sécurité en cosmétique
HISTORIQUE DES MÉTHODES VALIDÉES ET RECONNUES PAR LES INSTANCES
EUROPÉENNES
4 Les méthodes
prédictives d’évaluation
des cosmétiques
luation du risque intrinsèque,
et ne permettent pas (ou très
rarement) de discriminer fine-
En avançant tout au long de ces ment le potentiel des ingré-
années, il est apparu néces- dients, ce qui est essentiel
saire d’utiliser des méthodes pour un évaluateur du risque ;
prédictives intégrées plutôt −− une seule méthode, même
que des méthodes alterna- validée, pour certains types d’in-
tives. Il faut associer plusieurs grédients, ne suffit pas à tester
méthodologies pour être plus la très grande diversité physi-
prédictif, pour deux raisons : co-chimique des ingrédients et
−− le concept de méthodes produits (liquide, crème, pâte,
alternatives est basé histori- gel, poudre, produits et ingré-
quement sur la mesure avec dients colorés, etc.).
une seule méthode d’un seul On en trouve par exemple
critère biologique ou chimique, une illustration dans le cas
comme par exemple la cyto- des colorants capillaires
toxicité11 ou l’inflammation, ce (Figure 16). Ces ingrédients
ne faisaient pas partie des
11. Cytotoxicité : propriété d’un ingrédients validés dans les
agent chimique ou biologique à méthodes d’irritation recon-
être toxique pour les cellules. nues en 1998 et 2004, tout 243
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
Figure 16
L’évaluation des colorants
capillaires.
Figure 17
Stratégie intégrée de l’étude
244 de l’allergie de contact.
L’aventure des produits inoffensifs : une approche pionnière de la sécurité en cosmétique
Figure 18
Les stratégies d’évaluation
intégrée permettent de prévoir
le risque intrinsèque.
Figure 19
L’évaluation toxicologique des ingrédients.
Figure 20
246 L’évaluation toxicologique des produits finis.
L’aventure des produits inoffensifs : une approche pionnière de la sécurité en cosmétique
complexe. C’est un très gros rhododendrol, qui, après trois
travail réalisé dans le cadre ans de mise sur le marché et
des programmes (TOXCAST) une période de surveillance
avec l’US EPA aux États-Unis post-marketing rigoureuse,
et SEURAT en Europe. a déclenché une réaction de
Pour découvrir les méthodes leucodermie (destruction des
les plus pertinentes d’études mélanocytes et apparition
de la toxicité systémique et de taches de dépigmenta-
chronique, nous poursui- tion quasiment irréversibles)
vons des collaborations de chez les consommateurs avec
recherche d’envergure comme plus de 14 000 cas remontés
par exemple avec l’Université et une prévalence estimée de
de Floride et le Professeur 1 % ! Le produit a été retiré
Hickman pour mettre au point du marché mi-2013, ce qui est
les outils organ-on-a-chip dramatique.
basés sur la microfluidique Il faut savoir par ailleurs
permettant d’évaluer la toxi- que les agents d’éclaircisse-
cité et les effets biologiques ment du teint ou permettant
sur plusieurs types cellulaires d’éclaircir les taches brunes
(quatre organes différents). (taches de vieillesse) sont très
utilisés par toute l’industrie
4.1.4. Les effets secondaires cosmétique. Sur le plan de la
graves chimie, ce sont deux familles
P ar mi le s gr ands déf is de produits que l’on trouve
scientifiques auxquels nous en majorité : les dérivés de
devons faire face figure la résorcinol comme le Luci-
prédiction des effets secon- nol, ou les dérivés du phénol
daires graves pouvant (Figure 21). De nombreuses
conduire au retrait du produit études mécanistiques réali-
du marché, ce qui est assez sées par les industriels eux-
répandu dans le domaine du mêmes et d’autres équipes
médicament si on regarde académiques dans le monde
le nombre de médicaments ont montré que les effets
retirés pour effets secon- secondaires observés sont
daires graves dans le monde sans doute attribuables à une
ces vingt dernières années. interaction particulière de la
Mais c’est exceptionnelle- molécule avec la tyrosinase,
ment rare dans le domaine l’enz yme responsable de
cosmétique. Il s’agit en géné- la synthèse de la mélanine
ral d’effets inattendus que dans l’usine à pigment qu’est
rien ne le laissait prévoir le mélanocyte. En fait, cette
par les processus classiques
d’évaluation de la sécurité.
A HO OH
C’est pourtant ce qui peut
arriver. À cet égard, je sou-
haite citer un cas récent sur-
venu en 2013 qui est dans le Figure 21
domaine public et qui a été B CH3
Molécules de lucinol (A)
publié dans plusieurs revues et rhododendrol (B), ayant un rôle
OH
scientifiques. Il s’agit d’un dans les effets secondaires
agent dépigmentant utilisé de leucodermie rencontrés en Asie
HO
en Asie, dérivé du phénol, le en 2013. 247
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
250
Christophe Masson
La chimie
au cœur de
l’innovation
enparfumerie-
cosmétique :
le contexte
économique et
réglementaire et les
défis de la recherche
1. www.cosmetic-valley.com
Chimie, dermo-cosmétique et beauté
1 La cosmétique au
cœur de l’économie
française
sûrs, performants, innovants
et durables.
12,8 %
Maquillage
Decorative cosmetics 25,5 %
Soins de la peau
Skin care
MARCHÉ
EUROPÉEN
15,4 % DES C&T 2011.
Parfums PART DE MARCHÉ
Fragrances PAR CATÉGORIE
DE PRODUITS (%) – RSP.
EUROPEAN C&T
MARKET 2011.
MARKET SHARE
BY PRODUCT
CATEGORY
Figure 1 (% - RSP)
21,2 % 25,1 %
Part de marché des différentes Soins capillaires Produit d’hygiène
Hair care Toiletries
252 catégories cosmétiques.
La chimie au cœur de l’innovation en parfumerie-cosmétique : le contexte économique et réglementaire et les
Design Injection plastique
Les métiers de la Cosmetic Valley
Culture
de plantes
aromatiques Emballage Emballage
primaire secondaire
• Flacons verre, • Cartonnerie,
• Bouchons, pots, • Etiquettes,
• Spray/pompes, • Sérigraphie,
• Echantillons. • PLV.
Matières
premières
aromatiques
(huiles essentielle,
principe actif ) Fabrication / Conditionnement
Formulation
• Poudres/Maquillage,
• Crèmes/lotions
Matières • Produits de toilette,
premières • Parfums,
non aromatiques • Cosmeto textiles.
aromatiques Distribution
(chimie, oléochimie,
chimie verte) Produits Cosmétiques Finis Logistique
Recherce et Formation
Figure 2
Filière industrielle à l’origine du produit cosmétique.
Nombre de consommateurs :
2013 : 4,5 milliards ➞ 2030 : 6,3 milliards
Dépense nette/habitant :
Pays développés : 100 €
Brésil : 60 € (➞ 120 € en 2025)
Chine : 11 € (➞ 40-50 € en 2025)
Inde : 3 € (➞ 10 € en 2025)
Source : cosmétiquemag, Janvier 2014
7%
(76)
Seine-Maritime
20 % ROUEN
LE HAVRE
(27)
A1 Eure
3% 50 % 3
CERGY-PONTOISE
EVREUX
PARIS
VERSAILLES/
ST QUENTIN (77)
RAMBOUILLET Seine-et-Marne
CHARTRES
(91)
Essonne
A10
(La Seine)
(28)
1
LE MANS A1 Eure-et-Loire
RENNES A19 A6
4% ORLÉANS (45)
5% LE MANS Loiret AUXERRE
ALENÇON
A2
8
100 km BLOIS A7
7 LYON
60 mi (41) ITALIE
A85
NANTES TOURS Loir-et-Cher SUISSE
VILLES DU PÔLE
SUISSE
1
A10
AUTOROUTES
ESPAGNE
BORDEAUX TGV
0
0 25 50
A2
Figure 3
254 La Cosmetic Valley leader dans l’exportation de produits cosmétiques en France.
La chimie au cœur de l’innovation en parfumerie-cosmétique : le contexte économique et réglementaire et les
développement de l’ensemble le marché, avec le besoin de
de la filière nationale. développer des produits adap-
L’association Cosmetic Valley tés aux consommateurs des
a été créée par la profession quatre coins du monde ; le
en 1994 à Chartres. Elle a été troisième pilier est la régle-
labellisée « pôle de compé- mentation, notamment euro-
titivité » par l’État en juillet péenne, qui est la plus exi-
2005 avec pour mission le geante au monde et aussi un
développement économique levier formidable pour inciter
de la filière cosmétique et nos entreprises à innover
parfumerie. Elle se carac- (REACH2, mais aussi le règle-
térise par une gouvernance ment européen cosmétique
mixte qui associe l’industrie, n°1223/2009).
la recherche et la forma- L’innovation est évidemment
tion, l’État et les territoires essentielle pour permettre
(Figure 4 et Encart : « La Cos- à nos entreprises de se
metic Valley en chiffres »).
En cosmétique l ’innova- 2. REACH : règlement de l’Union
européenne sur l’enregistre-
tion est impulsée par trois
ment, l’évaluation, l’autorisation
piliers (Figure 5) : le premier et les restrictions des substances
est l’évolution des sciences chimiques entré en vigueur au
et techniques ; le second est 1er juin 2007.
INDUSTRIE
COSMÉTIQUE
RECHERCHE
FORMATION
ÉTAT Figure 4
TERRITOIRES La Cosmetic Valley, un pôle
de compétitivité alliant
une diversité d’acteurs.
Extraits végétaux
Lipides, peptides, sucres
Fragrances, Pigments
Polymères et Matériaux
Sciences et Colloïdes, encapsulation
Techniques Revêtements, couches minces
Marqueurs
Procédés
Ecocatalyse
Marchés Réglementations
Figure 5 Analyse
Caractérisation
L’innovation cosmétique française,
fruit des sciences et techniques, Naturel, Personnalisé REACH, Nagoya
256 du marché et de la réglementation.
La chimie au cœur de l’innovation en parfumerie-cosmétique : le contexte économique et réglementaire et les
amorcé en 2009 sous l’acro- respectant toutes les garan-
nyme Skin-o-flor, s’est inté- ties de sécurité.
ressé au microbiote de la Autre projet sur la pigmen-
peau. En associant dès 2009 tation : Cosme-MIP. Ce pro-
des universités et des entre- jet académique por té par
prises sur ce sujet, ce projet l’université d’Orléans vise
a permis de mettre sur le à développer les polymères
marché des produits cosmé- à empreintes moléculaires
tiques bioactifs en lien avec « mips » (Figure 6) pour la
la flore cutanée. Il a ouvert cosmétique. Cette chimie
toute une ère d’innovation per met par exemple de
aujourd’hui très florissante mimer les sites de reconnais-
autour de la population de sance des enzymes, créant
micro-organismes vivant sur ainsi des outils synthétiques
la peau en homéostasie avec pour faire du criblage d’actifs
elle. tels que les dépigmentants.
Le second projet, nommé Ces outils sont également
Aloca, adresse le domaine intéressants dans des pers-
du soin capillaire. Le vieil- pectives de vectorisation et
l is s ement du cheveu s e libération contrôlée d’actifs,
tr aduit par deux phéno - ou encore pour faire de l’ex-
mènes : d’une part l’alopé- traction sélective de biomo-
cie (la chute des cheveux) lécules.
et d’autre part la canitie (le
blanchiment des cheveux 2.2.3. Néobulles et Perfugard :
et des poils). Ici encore, on des parfums
a associé plusieurs entre- Dans le programme Néo-
prises, des PME, des grands bulles, l’idée était d’utiliser
groupes, des laboratoires la microfluidique3 (technolo-
de recherche, et cela a per- gie de pointe qui a conduit en
mis la découverte de nou- 2015 à la création de l’Institut
veaux actifs (des peptides) Pierre Gilles de Gennes) pour
aujourd’hui inclus dans des
produits de soins capillaires 3. Microfluidique : science rela-
anti-âge. tive à des systèmes composés
de fluides dont une dimension
2.2.2. Bêta-Clear et Cosme- caractéristique est de l’ordre du
MIP : pigmentation de la peau micromètre.
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