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FRANÇAIS - Epreuve orale

I. REMARQUES GENERALES

L'épreuve orale de français commence par l'étude d'un texte contemporain de réflexion choisi par
l'examinateur en dehors du programme, d'une longueur de 700 mots environ (une page). Il peut
s'agir d’un texte traduit d’une langue étrangère.
L'épreuve dure environ trente minutes et comporte trois phases successives : une analyse, un
commentaire ou "développement personnel" et un entretien.
Le candidat dispose de trente minutes pour préparer l'épreuve. Il peut se servir d'un dictionnaire
(noms communs et noms propres). Il ne doit pas écrire sur le document fourni.

A – Analyse
Durée préconisée : 5 à 7 minutes.
L'introduction doit présenter le texte et l'auteur, dégager le thème, la thèse et le plan du texte.
L'analyse suit alors l'enchaînement argumentatif qui a été repéré.
Il s'agit, simultanément, de reformuler brièvement les idées et exemples présents dans le texte,
mais aussi et surtout de prendre la distance nécessaire pour faire observer la façon dont l'auteur
organise sa réflexion (ce qui distingue l'analyse du résumé) :
- Envisage-t-il des points de vue opposés sur la question avant de trancher ?
- Approfondit-il pas à pas l'explication des causes d’un phénomène qu'il a d’abord
simplement décrit ?
- Commence-t-il par exposer un point de vue qu’il va réfuter ensuite ?
Ce ne sont là que des exemples de "stratégie argumentative" parmi tant d'autres possibles.
L'analyse doit faire apparaître, au fil du texte, la stratégie choisie par l'auteur, en observant
précisément les moyens employés.
Le candidat marquera par une transition claire et rapide le passage de l'analyse au commentaire.

B - Commentaire ou "développement personnel »


Durée préconisée: 10 à 15 minutes.
Sous la forme d'un développement structuré, le candidat expose son point de vue sur l'un des
thèmes importants du texte.
L'introduction énonce et justifie à partir du texte le sujet choisi : ce peut être l'enjeu principal du
texte si par exemple le candidat juge nécessaire de contester la thèse de l'auteur. Ce peut être aussi
un thème ou une idée secondaire, mais qui nécessiterait un approfondissement et une discussion. Il
convient aussi d'annoncer clairement le plan qui sera suivi.
Le développement est de type dissertatif, c'est-à-dire qu'il répond à la question posée dans
l'introduction en procédant par étapes, en suivant un plan que le candidat doit clairement
souligner. Il n'existe pas de plan "type", la seule obligation est que le parcours choisi permette de
répondre au problème posé, de façon convaincante, sans redondance, avec ordre et méthode. Le
propos doit être argumenté et constamment illustré d'exemples variés faisant référence à
l'actualité, à l'histoire, aux arts et à la littérature, au gré du candidat.
Les allusions aux œuvres des deux programmes sont interdites.
Une conclusion fait le bilan de la réflexion.

C - Entretien
Durée dépendant de celle des deux premières parties
Cette troisième partie de l'épreuve est un dialogue mené par l'examinateur. Son contenu dépend
évidemment de celui des deux parties précédentes, mais peut aussi évoluer librement en fonction
des réponses apportées par le candidat.
Le cas échéant, ce dernier peut être amené à rectifier ou à compléter son analyse et/ou son
commentaire. Il peut aussi avoir à approfondir un point particulier révélé par la discussion. Il peut
enfin avoir à préciser le sens d'un mot ou d'une expression figurant dans le texte.
Outre sa culture générale et ses capacités de réflexion, l'entretien permet d'évaluer l'aptitude au
dialogue du candidat et notamment son sens de l'écoute et de la répartie.
L'épreuve permet donc d'apprécier les capacités d'expression, la correction de la langue orale, la
capacité à comprendre la pensée d'autrui et à en rendre compte (analyse), l'aptitude à développer
sa propre pensée de façon argumentée, ordonnée et convaincante (commentaire), et le sens du
dialogue (entretien), toutes qualités précieuses non seulement pour un futur ingénieur mais encore
pour un "honnête homme".

II CONSEILS AUX CANDIDATS


Modalités pratiques
Nous avons constaté que la plupart des élèves ont bien préparé l’épreuve et qu’ils maîtrisent ses
contraintes (interdiction d’écrire sur le texte ; temps de préparation limité ; usage des bouchons
d’oreille pour examiner un texte dans le bruit)
La plupart des étudiants arrivent un quart d’heure avant l’heure figurant sur la convocation et
relisent le rapport du concours. Ils se sont munis d’une montre ou d’un réveil (l’usage du
téléphone étant interdit)
Un petit nombre de candidats cependant ne semblent pas avoir préparé l’épreuve. Ils ne savent pas
organiser leur temps et leurs notes, parfois très brèves, leur sont de peu de secours. Ils produisent
alors une analyse et un exposé très courts, plus ou moins lestés par des citations non commentées.

Rappelons que l’analyse du texte doit éviter deux écueils :


- l’étude formelle qui se réduit à un inventaire des procédés sans évoquer les idées du texte
- la paraphrase qui évoque le contenu du texte sans s’intéresser au mouvement qui les porte.

Les meilleurs candidats savent montrer comment progresse la pensée de l’auteur. Ils distinguent
les thèses de l’auteur de celles qu’il rapporte.
Analysons, par exemple, l’extrait suivant de Serge Latouche : « La NASA, pour justifier auprès des
citoyens ses budgets exorbitants, publie des listes interminables et impressionnantes des retombées civiles
de ses recherches. Dans ce palmarès, citons le fait de trouver un nouveau système de vannes pour les
oléoducs, de mettre au point des procédés de brasage au four, de réaliser un système logique qui détecte et
répare automatiquement les pannes, de fabriquer des verres antiéblouissement qui s'obscurcissent quand la
luminosité augmente, d'obtenir une peinture qui résiste aux hautes températures, de créer de nouveaux
polymères qui supportent de fortes irradiations, de construire de petits réacteurs radioactifs utilisables en
océanographie, etc., sans oublier que la recherche spatiale a permis d'améliorer les armatures des soutiens-
gorge »
Un candidat étourdi pourrait commenter ainsi : « l’auteur dit que la recherche a fait des trouvailles très
utiles » Ce serait oublier la précision initiale de l’auteur attribuant à la NASA l’évocation de ce
« palmarès ». Si cette mention explicite avait fait défaut, il aurait fallu être attentif à l’emploi de termes
comme « exorbitants » pour apprécier la distance entre les propos rapportés et la thèse de l’auteur. Et noter
aussi que la « progression » de l’énumération ne va pas sans quelque malice…
Les candidats avisés savent aussi montrer comment certaines expressions, particulièrement
heureuses ou volontairement paradoxales, marquent une étape importante dans le raisonnement
d’un auteur. Lorsque Michel Serres décrivant un tableau de Goya évoque « une couple de
lutteurs », il ne faut pas se hâter de relever une faute de frappe mais chercher dans le dictionnaire
le sens de ce substantif féminin afin de comprendre les raisons de cet emploi.
Rappelons à ce sujet la nécessité d’un usage raisonné du dictionnaire. Il aurait évité à un candidat,
trop sensible aux effets de la publicité pour une enseigne de la grande distribution, de dire qu’un
positiviste était « quelqu’un qui voyait le bon côté des choses » et lui aurait permis de
comprendre qu’il s’agissait d’une conception du monde.
Les examinateurs s’étonnent de voir que le sens des mots « sceptiques », « retors » « nostalgie »,
« fanatisme », « ludique » ignorés de certains candidats, n’a pas été recherché. Bien entendu le
dictionnaire n’est pas en mesure de livrer le sens contextuel d’un mot utilisé par l’auteur en un
point précis de sa démonstration.
Prenons par exemple l’extrait de HI Marrou consacré au métier d’historien :
« Je me rallierai volontiers à la formule, sans prétention ni paradoxe, qu'a proposée un de nos confrères
britanniques, le professeur V. H. Galbraith de Cambridge : History, I suppose, is the Past - so far as we
know it, « l'histoire, c'est le passé, dans la mesure où nous pouvons le connaître ».
Oui, beaucoup mieux que l'orgueil du philosophe idéaliste, assuré de construire (comme il dit) le réel avec
les seules ressources de la pensée, beaucoup mieux que la myopie consciencieuse de l'érudit positiviste,
content d'accumuler des « faits » dans sa boîte à fiches, la modestie, et la précision logique, de cette
formule me paraît apte à résumer l'essentiel de notre expérience d'historiens : elle ne saurait être décrite
comme le paisible labeur de l'un ni comme l'expansion triomphante de l'autre ; elle est quelque chose de
beaucoup plus risqué, en un sens de tragique, d'où nous sortons haletants, humiliés, toujours plus qu'à demi
vaincus... L'histoire est un combat de l'esprit, une aventure et, comme toutes les équipées humaines, ne
connaît jamais que des succès partiels, tout relatifs, hors de proportion avec l'ambition initiale; comme de
toute bagarre engagée avec les profondeurs déroutantes de l'être, l'homme en revient avec un sentiment
aigu de ses limites, de sa faiblesse, de son humilité. »
Dans ce texte, où l’auteur cherche à définir l’expérience de l’historien, l’attitude positiviste,
associée à « l’érudit », à son « paisible labeur » et à « sa boîte à fiches » ne prend tout son sens
que par rapport à l’attitude « idéaliste » qui prétend « reconstruire le réel ».
On voit par cet exemple qu’il n’est pas possible d’isoler un mot de son contexte ni de comprendre
un texte sans connaître le paysage théorique dans lequel il s’inscrit (on ne peut analyser un texte
d’historien comme un article sur la mode). Seule la fréquentation assidue de textes variés peut
procurer la culture nécessaire à cette perception.
Il peut arriver aussi que l’auteur recoure à un néologisme pour préciser sa pensée. C’est ce que
fait Paul Veyne dans l’extrait ci-dessous :
« Le peuple romain, qui, en d'autres temps, distribuait magistratures, faisceaux, légions, s'est fait plus
modeste : ses voeux anxieux ne réclament plus que deux choses, son pain et le cirque.» En ces vers fameux,
Juvénal déplore que Rome, jadis cité-État prétendument gouvernée par ses citoyens, ne soit plus que la ville
capitale d'une monarchie. Ces vers sont devenus proverbiaux en un sens différent, ou plutôt en deux sens :
le pain et le cirque auraient été donnés à Rome, soit en échange du pouvoir de la classe dirigeante, soit en
échange des privilèges de la classe possédante; c'est l'idée confuse de dépolitisation.
En un sens droitiste, qui est celui de Juvénal, les satisfactions matérielles plongent le peuple en un sordide
matérialisme où il oublie la liberté ; en un sens gauchiste, des satisfactions congrues ou illusoires
détournent les masses de lutter contre l'inégalité. »
Devant l’expression « droitiste » utilisée par l’auteur pour évoquer une interprétation de
l’expression «le pain et le cirque » de Juvénal, les plus habiles se sont avisés qu’elle faisait
pendant à l’expression « interprétation gauchiste » exposée plus bas alors que les plus obtus ont
dénoncé l’emploi d’un mot qui n’était pas dans le dictionnaire.
Certains candidats sont attentifs à la composition d’un mot et réussissent ainsi à mieux préciser le
sens d’une expression. Trop nombreux sont ceux qui, invités à le faire lors de l’entretien, se livrent
à un découpage fantaisiste ou s’abritent derrière leur ignorance de la langue latine ou grecque pour
justifier leur incapacité à expliquer un mot comme « démocratie ». Une connaissance précise du
sens des préfixes et suffixes les plus souvent utilisés nous paraît un utile bagage.
Trop d’analyses restent vagues et ne renvoient pas avec assez de netteté aux passages considérés
(les lignes des textes offerts à la sagacité des élèves sont numérotées pour permettre des renvois
précis).
La caractérisation des procédés utilisés par l’auteur est souvent indigente. Trop de candidats se
contentent de dire que l’auteur « appuie sur » telle ou telle idée en employant un terme « fort »
au lieu de montrer par quels procédés précis il sert sa pensée. D’autres, au contraire croient
pouvoir forger leurs propres outils d’analyse évoquant une « thèse *détractée ou *valorifiée ».
Est toujours vain et redondant l’arpentage du « champ lexical », aboutissant généralement à la
conclusion que l’auteur emploie des mots qui ont un rapport avec son sujet. A cette tâche
d’exécution un peu simple, il faut toujours préférer l’exigeante quête du sens et établir avec
précision et nuance la thèse de l’auteur. Trop de candidats font insuffisamment ce travail liminaire
(et devraient mieux s’y entraîner dans l’année en revoyant également le maniement des
subordonnées interrogatives indirectes)
La caractérisation du ton –qui ne saurait se réduire à la seule ironie- n’a d’intérêt que si elle
permet de préciser les intentions de l’auteur. Il faut de la perspicacité pour expliquer un texte Des
questions comme « Quel(s) point(s) de vue le texte présente-t-il ? S'agit-il de la réfutation d'une
autre thèse explicitement ou implicitement présente ? Le texte est-il polémique, satirique, ironique
- où, comment, pourquoi ? Quel est le degré d'implication ou d'engagement de l'auteur dans ses
propos ? Comment organise-t-il sa réflexion ? Fait-il une ou plusieurs concessions ? Répond-il
par avance à une objection ? Quels sont ses arguments? Comment s'enchaînent-ils ? Y a-t-il des
paradoxes ? Des sous-entendus ? Quelle est la fonction des exemples ou des citations ? » sont de
précieux auxiliaires quand elles sont posées au bon moment et à bon escient ; elles ne doivent pas
être posées a priori. Il n’existe pas de grille universelle livrant le secret de tous les textes et il n’est
pas de bonne analyse sans le discernement que procure une culture authentique.
Le développement personnel ou « commentaire »
Ce que le rapport 2013 définit comme une « dissertation orale » doit être annoncé clairement
comme une nouvelle étape de l’exercice.
Le lien avec le texte doit être explicité et l’on ne doit pas prendre prétexte d’un mot pour plaquer
un exposé appris à l’avance (en passant par exemple de la résistance des matériaux à la Résistance
durant l’Occupation). Des connaissances de seconde main, associées à des lieux communs sur des
thèmes à la mode ne peuvent produire une réflexion personnelle.
Certains candidats croient devoir fournir à l’examinateur ce qu ils pensent qu’il a envie
d’entendre (la publicité, c’est mal, les réseaux sociaux, c’est dangereux). Rappelons à ce sujet
qu’aucune position idéologique n’est attendue. L’examinateur -qui ne partage pas forcément le
point de vue du texte qu’il propose- n’attend pas d’un futur ingénieur qu’il soit technophobe ! Il se
réjouit au contraire de voir à l’œuvre ses capacités à pondérer, nuancer expliquer et illustrer les
propos tenus. Ceux qui allient hardiesse et honnêteté intellectuelle et font œuvre personnelle sont
toujours récompensés.
Le commentaire ne peut être pris au sérieux s’il s’appuie sur une méconnaissance de l’histoire
littéraire et de l’histoire du monde (Exemple d’affirmation un peu sommaire : « sous la
Monarchie, les paysans ne mangent pas »). On ne peut prétendre se présenter à un tel concours
sans avoir la culture générale d’un bon bachelier (les candidats qui se trouvent une excuse dans le
fait qu’il y a plusieurs années qu’ils ont passé le baccalauréat achèvent au contraire de se
déconsidérer aux yeux de l’examinateur). Il est fort maladroit de s’appuyer sur des connaissances
trop approximatives (par exemple en appelant M. Bovary « Charly » ou en prononçant le mot
« cogito » comme s’il s’agissait d’un cocktail à base de rhum) car ces divagations ruinent
l’ensemble du propos. On se prépare efficacement à cette partie de l’exercice non par une
accumulation de références toutes prêtes mais par la connaissance approfondie de textes
fondamentaux.
C’est l’engagement personnel du candidat qui fait l’unité de son commentaire et qui devrait
exclure les exposés où les parties n’ont aucun lien entre elles. Ces fourre-tout sont toujours
sanctionnés par une basse note.

L’entretien
L’entretien n’est pas destiné à piéger le candidat mais à l’amener à préciser et à approfondir son
propos.
Deux types d’attitude sont à déconseiller :
- la persistance dans l’erreur par laquelle le candidat obstiné croit montrer sa résolution.
- l’excessive humilité qui amène le candidat à changer complètement d’avis en voyant se
plisser la glabelle de l’examinateur.
L’attitude la plus pertinente consiste à savoir se placer dans la perspective ouverte par la question
et à proposer des réponses nuancées et illustrées.
Les plus habiles vont jusqu’à évoquer rapidement dans l’exposé personnel quelques points dont ils
sont sûrs pour pouvoir les reprendre et les amplifier lors de l’entretien. Tant de maîtrise enchante !
Les efforts faits pour articuler, régler le débit et proscrire les américanismes sont toujours portés
au crédit des candidats.
Si, lors de l’entretien, certains d’entre eux révèlent l’étendue d’une ignorance que l’exposé laissait
supposer, d’autres, au contraire, manifestent une profonde culture, une réelle aptitude au dialogue
et une grande vivacité d’esprit.
Le jury leur sait gré de leur curiosité intellectuelle, de leur louable souci de convaincre et même
d’émouvoir.

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