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RAPPELS MÉTHODOLOGIQUES : LA DISSERTATION

I. Présentation générale de l’exercice

Écrire une dissertation littéraire, c’est produire un discours sur la littérature. Ce n’est ni faire
soi-même de la littérature, ni parler du monde en général. Vous devez donc maintenir votre
discours dans un registre de langue neutre, soutenu, le plus objectif et le plus logique possible,
tout en restant au plus près du sujet imposé, qui concerne un aspect précis de l’œuvre au
programme. Tout sujet portant sur une œuvre doit être considéré comme une clef de lecture
possible : le risque majeur est d’élargir la réflexion au point de noyer l’étude au sein d’un
développement trop vaste et de glisser vers le hors-sujet.

La dissertation est un exercice de réflexion, non un contrôle de connaissances. On n’attend pas


de vous que vous repreniez mot à mot des notes de cours pour les plaquer artificiellement sur le
sujet, mais que vous sachiez sélectionner et mobiliser vos connaissances en les mettant au service
d’un raisonnement. Ce raisonnement se déploie selon une forme rhétorique et contrainte, dont il
faut respecter les conventions : toute dissertation doit être composée d’une introduction, d’un
développement (en trois parties, dans l’idéal), et d’une conclusion.

Dans une dissertation, vous devez donc réfléchir, raisonner, et non pas affirmer simplement
votre opinion : il s’agit de dépasser la spontanéité de votre avis personnel, votre point de vue
subjectif ou vos préjugés, pour atteindre la raison commune. Il s’agit de communiquer avec votre
lecteur et de lui permettre de comprendre et de prendre en considération les arguments que vous
avancez, voire d’y souscrire.

Dans une dissertation, vous ne devez pas non plus développer l’opinion d’un autre. Même si le
sujet qu’on vous présente est une citation d’auteur ou d’un critique, vous ne devez pas l’envisager
comme une opinion indépassable à laquelle vous devriez forcément vous rallier, mais comme
l’énoncé d’une thèse (c’est-à-dire un jugement défendable et démontrable) qui s’adresse à votre
raison et exige d’être examiné, évalué et discuté. Un sujet de dissertation postule qu’il peut être
envisagé rationnellement, mais aussi débattu. Il est une invitation à exercer notre pensée ; il exige

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que nous réfléchissions au problème qu’il soulève et que nous organisions et présentions notre
réflexion selon cadre argumentatif rigoureux.

La dissertation ne procède donc pas d’une déférence ou d’une soumission à une parole
antérieure (celle du cours, des manuels,des ouvrages critiques,de l’énoncé): vous n’avez pas à
adopter servilement le point de vue présenté, maisvous n’avez pas à le rejeter en bloc non plus.
On attend de vous que parveniez à faire émerger, par la discussion, la mise en débat, un point de
vue nuancé et convaincant sur l’œuvre et la question examinée. Face à la thèse qui vous est
proposée par l’énoncé du sujet, vous devez vous situer et vous déterminer.

II. Le travail préparatoire

A : l’analyse du sujet

Il faut passer du temps à analyser le sujet. La plupart des échecs proviennent de ce qu’il n’a
pas été compris ou pas entièrement compris. Parfois, certaines copies, parce qu’elles n’ont pas
examiné tous les termes avec exactitude, ont tendance à privilégier dans l’énoncé un mot ou une
notion, qui sont isolés et surexploités au détriment des autres. D’autre part, la tentation est grande
de plaquer sur le sujet les souvenirs d’une autre dissertation, dont l’énoncé du sujet présentait
quelques rapports avec le sujet proposé. La méthode de la dissertation consiste précisément à
dégager la spécificité irréductible d’un propos critique, à mettre en évidence la singularité de la
formulation proposée, et cela en évitant toujours de ramener l’inconnu au connu.

Ce que vous ne devez absolument pas faire : parler de l’œuvre au programme en négligeant
complètement le propos spécifique soumis à votre réflexion (c’est-à-dire placer votre devoir hors-
sujet).

Ce que vous devez faire : vous devez lire le sujet plusieurs fois. Vous devez le recopier au
brouillon puis le soumettre, et cela quelles que soient sa longueur et sa forme (même s’il est très
bref et vous semble très simple), à une petite explication de texte précise. Un sujet est un
concentré argumentatif : chacun de ses termes compte. Il faut donc vérifier que vous les

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comprenez tous. Vous ne devez pas vous contenter d’une perception approximative des concepts
et notions. Quand c’est possible (devoir à la maison), utilisez systématiquement un dictionnaire
de langue française, mais aussi, éventuellement, un dictionnaire des genres ou notions littéraires.

Pour faire cette explication on peut procéder ainsi :


1. Commencer par se demander, très simplement, de quoi parle le sujet, quel est son
champ d’application, quels sont les aspects de l’œuvre au programme qui sont concernés.

2. Sélectionner les termes essentiels, les définir, les expliquer. Il peut être utile de les
comparer avec des mots proches (par exemple, distinguer l’ironie et l’humour; la vérité et
la réalité).

3. Étudier les relations logiques qui unissent ou désunissent les termes du sujet. Une
analyse grammaticale sommaire permet d’identifier les mécanismes selon lesquels les
mots, les propositions ou les phrases s’enchaînent. La juxtaposition, la coordination et ses
différentes valeurs (addition, exclusion, opposition, explication), la subordination et le
type de relations qu’elle établit (de cause, de conséquence, etc.) renseignent sur la façon
dont l’auteur de la citation classe ses arguments.

4. Observer la ponctuation : le point-virgule, les deux points, les tirets, les parenthèses
indiquent par exemple des atténuations, des ellipses, des doutes. Ils permettent également
de distinguer l’essentiel et l’accessoire.

5. Repérer les marques d’énonciation, les signes de modalisation (« il semble », « peut-


être ») et la tonalité de l’énoncé pour déterminer la manière dont son auteur prend position
(ou évite de prendre trop nettement position). Se demander par exemple si l’énonciateur
porte un jugement définitif, catégorique ; s’il est animé d’une intention polémique ; s’il
avance avec prudence une possibilité, une hypothèse ; s’il se livre à une tentative
d’élucidation ; s’il se contente de formuler des suggestions ; s’il indique des pistes à
explorer…

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6. Ne pas oublier de prêter attention aux formules apparemment anodines et
conventionnelles qui précèdent (« Tel auteur affirme » ou « selon tel critique », etc.) et
suivent la citation (« Dans quelle mesure ce jugement vous paraît-il rendre compte de
l’œuvre au programme ? » ou « cette définition vous paraît-elle éclairer l’œuvre au
programme ? », ou encore « commentez et discutez » etc.). Ces formules donnent souvent
des informations utiles pour orienter votre démarche et la construction du plan en invitant
à considérer le sujet comme une conception qui peut être critiquée, parce qu’elle s’avère
trop partiale ou lacunaire par exemple ; ou bien à aborder le sujet comme l’expression
d’un point de vue qui doit être relativisé et replacé dans son contexte ; ou encore, à
appréhender le sujet comme une proposition qui doit être précisée et complétée…

7. Enfin, ne pas omettre de reformuler le sujet avec ses propres mots, pour se l’approprier
et s’assurer que le travail d’analyse a été correctement effectué.

B : l’élaboration de la problématique

La problématique ne doit pas être rapidement et artificiellement amenée à la fin de


l’introduction. Elle correspond à une véritable proposition personnelle de lecture de l’œuvre à la
lumière du sujet. Elle est donc le résultat de l’analyse que l’on a faite du libellé de celui-ci et
consiste à révéler toutes les perspectives ouvertes par le sujet en indiquant ce qui, dans ces
perspectives, peut et doit servir de support à une discussion, à une mise en débat. Même si elle
peut, pour certains de ses aspects, être énoncée sous une forme interrogative, elle ne se réduit pas
à une question ou à un ensemble de questions. En effet, le sujet doit toujours poser problème pour
l’élève. Le problème peut venir des paradoxes, des contradictions ou des insuffisances que l’on a
repérés dans sa formulation. Il peut aussi, à ce stade de la réflexion, être lié à la difficulté ou à la
complexité qu’il présente. La problématique est ainsi l’énoncé de ces difficultés, de ces
limitations que l’on décèle. Élaborer une problématique revient à mesurer la pertinence ou
l’efficacité du jugement sur l’œuvre que produit le sujet. Elle doit mettre en avant les modalités
selon lesquelles on pourra valider ce jugement, en apprécier l’intérêt et la justesse, mais elle doit
tout autant préparer une comparaison ou une confrontation avec une lecture un peu différente,
plus nuancée, plus subtile, voire contradictoire. Ou encore, pour le dire très simplement, la

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problématique fait apparaître que quelque chose « coince » dans le sujet. Elle sert à identifier la
nature du problème que le développement va s’employer à résoudre. C’est pourquoi la
problématique ne devra jamais être perdue de vue lors de la rédaction : elle constitue le fil
conducteur de la dissertation. C’est en général quand on lâche ce fil que l’on glisse vers le hors-
sujet.

C : la construction du plan

Pour construire son plan, on évitera absolument de se rabattre sur le schéma analytique qui
consiste à illustrer dans chacune des parties l’un des aspects du sujet proposé. Par exemple, pour
un sujet du type « Ce n’est pas ce qui est regardé qui définit la poésie de tel auteur, c’est le regard
que le poète porte sur les choses », un mauvais plan consisterait à aborder dans une première
partie « ce qui est regardé », les « choses » observées par le poète, la réalité à laquelle il s’attache,
puis, dans une deuxième partie, le « regard » du poète. Il n’y a là aucune problématisation, tout
au plus la simple juxtaposition des fragments tirés d’un découpage mécanique du sujet. Or ce
dernier appelle au contraire à une réflexion sur les relations qu’entretiennent la réalité et sa
reconfiguration poétique dans l’œuvre, ou encore, sur la façon dont la subjectivité poétique se
confronte aux objets du monde. Cette mise en relation, cette confrontation doivent être posées et
étudiées dans l’ensemble du devoir. De façon conventionnelle, on distingue plusieurs types de
plans utilisables dont :
1. Le plan dialectique (thèse, antithèse, dépassement de la thèse).
2. Le plan en « éventail » (il s’agit d’un plan qui obéit à un élargissement progressif)
3. Le plan « par approfondissement » qui organise les arguments du plus évident, du plus
immédiat, au plus élaboré…

Dans l’immédiat, pour une dissertation de littérature française sur œuvre au programme, je
vous conseille plutôt d’adopter le premier type de plan, le plan dialectique, à condition de bien
comprendre ce que recouvre cette appellation. La tentation souvent manifestée par les copies
consiste en effet à traiter la thèse et l’antithèse sur la base d’une opposition caricaturale (avancer
une chose puis son contraire ; énoncer un point de vue puis le contredire radicalement sans souci
de cohérence), avant d’en venir à une synthèse relevant d’une réconciliation artificielle des deux

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termes que l’on avait d’abord placés dans une relation conflictuelle. Le plan dialectique ne
consiste pas dans le fait d’affirmer une idée, pour ensuite adopter une position inverse, avant
d’inventer une troisième voie vaguement mitigée. Le plan dialectique n’obéit pas à la logique du
oui/non, mais à la logique du oui/mais qui doit permettre d’organiser les deux premières parties.
La première partie étudie et montre la pertinence du sujet, analyse le champ d’application et
les conditions d’application de la formule proposée. Dans cette partie, on ne met pas en pièces le
sujet : on l’explique, on l’exploite en ayant à l’esprit sa totalité. On en dégage une interprétation
globale et on voit en quoi elle est ou peut être légitime. En d’autres termes, on apprécie la
rentabilité de la formule proposée pour rendre compte de l’œuvre au programme.
La seconde partie soulève des objections, observe des cas où la formule ne s’applique pas
vraiment, ou pas tout à fait, ou s’applique mal, et en examine les raisons. Elle correspond à la
recherche des limites, des erreurs, des lacunes, des restrictions de l’énoncé. La seconde partie
entre ainsi en dialogue, en débat avec les propositions et les constats de la première partie. Elle
mesure la relativité du sujet ou cerne son déficit et explique pourquoi le sujet n’a pu être pensé ou
formulé autrement : quel parti-pris il véhicule, quelle idée reçue il reproduit, quelle polémique il
entend alimenter. La deuxième partie permet alors de mettre en avant les aspects de l’œuvre que
l’on juge importants et que le sujet néglige ou occulte. On montre là que le sujet n’est que
partiellement juste.
La troisième partie se déduit très naturellement de la précédente : elle fait bouger les
présupposés du sujet, revoit sa formulation afin d’en donner une version plus satisfaisante, ou
bien propose une problématique plus nuancée, plus équilibrée, ou encore dégage des enjeux plus
subtils, approfondit la réflexion, complète la lecture. Bref, la troisième partie fait apparaître une
manière plus pertinentede lire l’œuvre au programme, de la comprendre et d’en percevoir les
effets. Ce qui ne signifie pas renvoyer dos à dos les deux premières parties, mais indiquer
comment on peut articuler ce qu’elles ont permis d’avancer et l’utiliser pour produire une
solution convaincante.

S’il est vrai que la construction du plan correspond à une activité de classement des idées et de
mobilisation des connaissances, il serait réducteur de le ramener à cette double fonction. Le plan
ne constitue pas une grille statique, immuable, dans laquelle on distribue les idées et exemples. Il
correspond au mouvement de la pensée qui se construit et s’affirme en produisant des arguments.

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Le plan est un tracé et un balisage pour un cheminement, une avancée. Il donne un cadre logique
à un processus dynamique. D’où une exigence majeure à respecter : la nécessité de la progression
et des enchaînements. Les transitions logiques entre les parties et entre les différentes sous-parties
sont donc obligatoires. Il est fortement conseillé de les établir et de les rédiger au moment de
construire le plan détaillé au brouillon. Ces transitions logiques garantissent la qualité et
l’efficacité du plan et faciliteront grandement la rédaction du développement à l’étape suivante.

III. La rédaction de la dissertation

A : l’introduction

Elle doit être de longueur raisonnable (une demi-page environ et au maximum). Il faut amener
le sujet avant de donner la citation et de l’analyser brièvement, puis dégager de la citation un
questionnement pertinent (montrer en quoi elle pose problème, tout en évitant la série de
questions), et enfin annoncer en toute clarté un plan en trois parties, sans résumer par avance le
devoir.
Elle comporte quatre points, successivement :
1. On s’approche du sujet, à partir de quelques généralités sur l’œuvre.
2. On pose le sujet.
3. On énonce la problématique.
4. On annonce le plan du devoir.

Reprenons chacun de ces points dans le détail :

1. On attend de l’approche du sujet qu’elle constitue une « accroche » pour capter et retenir
l’attention du lecteur. C’est aussi le cadre dans lequel le sujet viendra s’inscrire avec pertinence.
Cette accroche peut être une référence culturelle ou historique, qui restitue le contexte dans lequel
doit se lire l’œuvre. Elle peut aussi être plus précise, partir d’une référence spécifiquement
littéraire ou d’une dimension particulièrement importante de l’œuvre elle-même, ou de sa
réception. On peut également partir d’un exemple bien choisi, que l’on met en avant et dont on
dégage la portée, l’importance et la signification. Dans sa forme, cette approche du sujet peut être

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affirmative et relever du simple constat, ou bien soulever d’emblée un problème, faire émerger
une question, relever un paradoxe, émettre un doute ou une incertitude, mais doit absolument être
en rapport très net avec le sujet et avec l’œuvre au programme.
Attention : ici pas de biographie, pas d’éloge de l’auteur, pas de banalités sur la littérature en
général, pas de généralités qui pourraient s’appliquer aussi bien à un tout autre sujet.

2. On pose le sujet, c’est-à-dire qu’on le cite, on l’analyse, on le présente, on l’explicite. Pour le


citer, s’il s’agit d’une brève citation, on l’introduit et on la cite dans sa totalité. Si la citation est
longue, on ne la reproduit que partiellement, en la coupant et en alternant citation stricte et
reformulation explicative. La présentation du sujet est un temps fort de l’introduction. Il ne s’agit
pas, dans ce moment essentiel, de proposer une simple redite ou une paraphrase de la citation, ou
encore une traduction mot à mot des termes employés par son auteur. L’analyse doit permettre de
faire surgir les enjeux et les questions esthétiques engagées dans le propos. On préfère toujours
une copie qui s’attaque directement aux problèmes posés par le sujet, aux ambiguïtés et aux
zones d’ombres que sa formulation peut comporter, à celle qui évite soigneusement d’affronter la
complexité de la pensée proposée. On indique donc la nature du sujet, son intérêt, on accentue ses
termes essentiels. On en donne une reformulation claire, mais non restrictive, pour montrer qu’il
est bien compris, mais aussi pour indiquer de quelle façon et dans quelle perspective il va être
abordé dans le devoir.

3. On énonce la problématique en donnant les pistes de réflexion et d’élaboration dégagées lors


du travail de préparation. Il ne suffit pas pour cela de faire éclater l’énoncé en une série de
questions, ni d’anticiper sur la conclusion du devoir, en annonçant d’emblée le résultat du travail.
Il faut expliquer ici quel sera le problème que le devoir va s’attacher à résoudre et donc quel sera
son fil conducteur tout au long du développement. Il est préférable d’éviter les formulations du
type : « Les propos de untel nous amènent donc à poser cette question centrale… ». Il vaut mieux
partir des notions ou des caractéristiques de l’œuvre mises en jeu par le sujet. Pour trouver une
formulation plus adéquate, on peut s’aider des termes du sujet qui accompagnent la citation : le
plus souvent, ils suggèrent une ébauche de problématique.
Par exemple un libellé du type « dans quelle mesure ces propos vous semblent-ils convenir à
l’œuvre au programme ? » indique implicitement que l’on devra envisager des cas où l’énoncé ne

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fonctionnera pas, pour des raisons qu’il conviendra d’identifier. Ou bien « cette formule vous
semble-t-elle suffisante pour caractériser l’œuvre au programme ? », qui suggère déjà que
l’énoncé est trop réducteur. Attention, dans cette étape de l’introduction, à ne pas être trop
catégorique. C’est le moment où l’on se pose des questions et où l’on émet des hypothèses. Le
moment où l’on met en doute le sujet, et où l’on envisage peut-être la possibilité d’un autre
positionnement relativement à l’œuvre.

4. On annonce le plan, c’est-à-dire le programme de travail que l’on se fixe, en prenant soin de
faire apparaître les enchaînements logiques qui conduisent d’une partie à l’autre et permettent de
faire progresser le raisonnement. Ne pas perdre de vue le fait que le plan est ce qui va nous
conduire progressivement vers la réponse à la question posée, vers une solution satisfaisante au
problème qui vient d’être mis en évidence, ou encore vers une vérification des hypothèses
formulées. Il est important que cette annonce soit claire et convaincante (mais aussi élégante). Il
faudrait, dans l’idéal, s’interdire les annonces du type : « Nous examinerons dans un premier
temps... puis nous verrons dans une seconde partie que..., avant de consacrer une troisième
partie à… ». Ce type d’annonce escamote précisément les enchaînements et la progression, en
fixant les grandes lignes du développement dans des cases numérotées. Le contenu des
différentes parties peut être révélé sans ces artifices scolaires que sont les numérotations de
parties. Les parties du plan doivent en quelque sorte parler d’elles-mêmes et se déduire les unes
des autres.

B : le développement

Le développement ne doit jamais perdre de vue la citation (ou, plus généralement, le sujet)
qu’il s’agit d’expliciter, de commenter, de discuter. Celle-ci doit donc rester au centre de la
réflexion et non servir de prétexte à la récitation d’un cours. C’est pourquoi il est souhaitable de
l’élucider et de l’illustrer avec précision, avant de formuler des réticences ou des réserves. Cet
examen doit être organisé avec soin, en deux ou trois parties de longueur équilibrée, clairement
séparées les unes des autres, et subdivisées en paragraphes de longueur raisonnable, balisés par
des alinéas. L’examen critique de la citation débouche en conclusion sur une évaluation nuancée
de sa validité.

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* Les paragraphes

Chacune des parties comporte deux ou trois sous-parties qui peuvent elles-mêmes être
subdivisées en paragraphes. Formellement, le paragraphe est marqué par un alinéa (retour à la
ligne en retrait). Dans son contenu, le paragraphe est l’unité de base du devoir, chargée de
présenter, de développer et d’illustrer un argument distinct de ceux qui précèdent et de ceux qui
suivent. Il est constitué de quatre éléments :
1. Une formule d’introduction ou de liaison logique qui rattache le paragraphe à son
contexte dans le développement. Cette « agrafe » montre le rapport que tout nouveau
paragraphe entretient avec la problématique et manifeste l’orientation donnée au débat.

2. L’énoncé de l’idée principale, qui est expliquée, mais aussi justifiée, en montrant
qu’elle répond au sujet.

3. L’idée est illustrée par un ou deux exemples rapidement analysés, qui ont valeur de
preuve. Il faut éviter de déséquilibrer la place donnée à l’idée et celle qui est ménagée
pour les exemples : en particulier, éviter d’entasser des exemples trop nombreux, ou des
listes de citations qui restent inexploitées. On le répète, l’exemple fonctionne comme une
preuve : il n’a pas à être utilisé seul, coupé de l’argument qu’il doit venir étayer et
appuyer.

4. Un bilan provisoire qui, sous la forme d’une phrase finale, vient valider la
démonstration. On se situe ainsi à l’intérieur de la progression, on mesure l’avancée de
l’argumentation. Ce bilan peut se terminer sur ou être suivi par une transition logique
appelant le paragraphe suivant ou la sous-partie suivante. Attention: un paragraphe ne
peut développer qu’un seul argument.

* Le traitement des exemples et des illustrations

On aura compris que les exemples empruntés au texte au programme sont là pour soutenir les
idées émises au sujet de ce texte (d’où la nécessité de la connaissance parfait de l’œuvre, et de la

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constitution d’une fiche de citations à apprendre). Ces exemples doivent être sélectionnés : on ne
pourra pas les convoquer tous, mais ils doivent également être variés, et ne pas se limiter aux
passages, aux extraits ou aux poèmes les plus connus. Même si certains textes ou certains extraits
sont incontournables et si on doit nécessairement y avoir recours à un moment ou à un autre dans
la dissertation, ils sont à compléter par un ensemble diversifié d’autres exemples, si possible
originaux, pour éviter de donner les mêmes illustrations que celles qui figureront dans la plupart
des copies. Il ne faut pas oublier que le travail porte sur une œuvre intégrale : le choix des
exemples doit prouver que l’œuvre a été lue dans sa totalité et qu’elle est bien connue.
Les exemples sont en général donnés sous forme de citations (donc entre guillemets). Une
bonne citation est courte. Elle est bien insérée, c’est-à-dire annoncée et intégrée dans le
développement, mais aussi exploitée et justifiée, ce qui signifie qu’elle fait l’objet d’une brève
analyse qui la replace dans son contexte et indique clairement ce qu’elle apporte à la
démonstration. Si des références extérieures à l’œuvre au programme sont produites (autres
œuvres, commentaires critiques, propos théoriques…), elles doivent être clairement référencées,
grâce à l’auteur, le titre de l’ouvrage, et si possible la date.
Les titres des œuvres et ouvrages sont soulignés dans une copie manuscrite. Les titres de
parties, de chapitres, de sections, de poèmes ou d’articles sont à mettre entre guillemets. Si une
citation doit être coupée, les coupes sont signalées par des points de suspension entre crochets:
[…].

* L’expression

Il s’agit de rédiger une dissertation de littérature française et donc de répondre aux exigences
liées à ce type d’exercice, or la correction de l’expression est une exigence essentielle. La durée
de l’épreuve (4h) le jour de l’examen ne permet pas de rédiger intégralement le brouillon.
Ce dernier sera utilisé pour le plan détaillé (indications des parties, sous-parties, paragraphes),
pour les transitions entre les différentes parties et les différentes sous-parties, pour l’introduction
et la conclusion. Tout ce qui relève de l’argumentation et de l’illustration par les exemples
n’apparaît que de manière abrégée, sous forme de notes. Le fait de passer du brouillon à la copie
demande une attention plus soutenue quant à la qualité de l’orthographe, de la syntaxe, de la

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ponctuation, du vocabulaire, mais aussi de la lisibilité et de la présentation (pas de ratures,
d’additions dans les marges ou les bas de pages...).
Lorsque la dissertation est faite à la maison, il est nécessaire de limiter le temps passé à
rédiger (s’entraîner à gérer le temps de l’épreuve fait partie de l’apprentissage de la dissertation),
mais il cependant possible et recommandé d’utiliser un dictionnaire, un manuel de grammaire, un
précis de conjugaison, entre autres, et d’y avoir recours dès que se manifeste un doute ou une
hésitation.
Dans votre développement, vous ne devez pas utiliser la première personne. Même s’il s’agit
pour vous d’élaborer et de présenter une thèse et une lecture personnelles, vous ne devez pas
marquer votre développement par une présence subjective appuyée. Pas de « je », mais pas non
plus de jugement de valeur, ni de déballage d’opinions, de lyrisme envahissant ou d’ironie
grinçante. Vous avez à construire un point de vue équilibré et à l’exprimer de façon persuasive :
ce qui doit être éloquent, c’est la qualité du travail fourni pour atteindre ce double objectif.
Attention enfin au registre de langue : il est soutenu. Pas de familiarité, pas d’expressions
triviales, de jeux de mots faciles. Pas de clichés, de banalités non plus, qui montreraient que vous
vous réfugiez derrière des formules toutes faites au lieu de chercher à penser par vous-même.

C : la conclusion

Elle représente, comme l’introduction, une étape fondamentale du travail. La conclusion est
obligatoire et doit être substantielle : pas de conclusion bâclée en deux ou trois lignes ; pas de
répétition rapide et mécanique de formules déjà utilisées dans le corps du devoir. C’est à la
conclusion que s’en remet le correcteur pour déterminer le point d’aboutissement de votre
raisonnement et le résultat de votre travail. Si l’on a bien compris que la dissertation est une
argumentation structurée dont le but est de répondre à une question soulevée au début du devoir,
on voit que la conclusion est tout simplement ce qui permet d’apporter la réponse à la fin du
parcours. Elle comporte trois éléments :

1. Un bilan, une récapitulation : il s’agit de résumer le parcours effectué dans le


développement, de manière synthétique et globale, sans se répéter. Rappeler les
principales étapes et les principaux résultats des parties.

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2. La réponse au problème ou à la question que la problématique avait permis de mettre en
avant dans l’introduction. On énonce clairement cette réponse, sans toutefois émettre de
jugement incisif et sommaire sur l’énoncé du sujet (on ne dit par exemple que la citation
est erronée, que son auteur se trompe, qu’il a tort, ou au contraire, entièrement raison…).
On montre plutôt où l’on se situe par rapport à cet énoncé.

3. La fameuse « ouverture », qui paraît souvent difficile à faire habilement. En fait, il


s’agit ici de ne pas rester bloqué sur le sujet proposé et de montrer que l’on est capable
d’avoir une perception plus large et plus ambitieuse de l’œuvre, autrement dit que l’on est
tout à fait susceptible de poursuivre la lecture et l’analyse au-delà du cadre strict fixé par
la dissertation que l’on vient de rédiger. C’est le moment où le droit est enfin donné de
sortir, et de sortir librement, du sujet. On élargit donc les perspectives à l’intérieur
desquelles le développement s’était nécessairement cantonné. Il est par exemple possible
de dépasser le sujet par des considérations sur le genre littéraire dont relève l’œuvre, par
une appréciation plus subtile des modalités d’écriture propres à l’auteur ou par la prise en
compte de son évolution. On peut aussi opérer ce dépassement par des aperçus
esthétiques, culturels, idéologiques ou historiques qui font apparaître l’œuvre ou l’auteur
sous un autre jour ; par l’indication d’un thème complémentaire que le sujet proposé
aurait conduit à laisser dans l’ombre ; par le rappel de la réception ultérieure de l’œuvre
par le public ou la critique, ou encore par l’influence que l’œuvre et l’auteur ont pu
exercer sur d’autres écrivains, d’autres créateurs.

Attention : cette dernière étape ne doit pas servir à poser une nouvelle question (on ne finit pas
sur une interrogation) ou à mentionner un aspect, un argument qui auraient été oubliés dans le
développement. On ne part pas non plus dans une direction qui n’aurait absolument rien à voir
avec ce qui vient d’être traité.

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