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‫الجمهورية الديمقراطية الشعبية الجزائرية‬

‫وزارة التعليم العالي والبحث العلمي‬


People’s Democratic Republic of Algeria
Ministry of Higher Education and Scientific Research
Université Benyoucef BENKHEDDA Alger1

Faculté des Sciences


Département des Sciences de la Nature et de la Vie (SNV)
Domaine : Sciences de la Nature et de la Vie (SNV)
Filière : Sciences Biologiques
Spécialité : Master 2 Microbiologie Appliquée

Cours

Enzymologie et Génie Enzymatique

Dr Naïma RAAF

Année universitaire : 2022 / 2023


Avant-propos

Ce polycopié est destiné aux étudiants en Master 2 microbiologie appliquée. Il a pour


objectif d’approfondir les bases de l'enzymologie précédemment acquises et de
découvrir les biotechnologies appliquées aux enzymes. Le cours est structuré en trois
parties : la première est consacrée à l’enzymologie fondamentale (cinétique
enzymatique à un et deux substrats et inhibition enzymatique) ; la seconde aborde
l’aspect industriel (production industrielle des enzymes d’intérêt ainsi que leurs
domaines d’utilisation) ; et la troisième partie s’intéresse au génie enzymatique
(amélioration des propriétés enzymatiques en laboratoire et optimisation de leur
utilisation industrielle). La première partie du cours sera complétée par des exercices en
TD et une expérimentation en TP. La seconde et la troisième partie seront consolidées
par des traitements d’articles qui illustrent des exemples concrets.

Etablissement : Université Benyoucef BENKHEDDA Alger1


Faculté: Faculté des Sciences
Département : Science de la Nature et de la Vie
Public cible : 2ème année Master Microbiologie Appliquée
Unité d’enseignement : Méthodologique
Intitulé du module : Enzymologie et Génie Enzymatique
Crédit : 02
Coefficient : 02
Volume horaire semestriel : 45h (1h30 cours et 1h30 TD / semaine)
Modalité d’évaluation : Contrôle Continue 40%, Examen Moyenne Durée 60%

Objectifs : Approfondir les bases de l'enzymologie et découvrir les biotechnologies


appliquées aux enzymes.
Prérequis : Les notions de base de la biochimie, la microbiologie industrielle, la
biochimie microbienne et la chimie.

Enseignante : Naïma RAAF


E-mail : raaf.naima@gmail.com
Enzymologie et Génie Enzymatique Dr N. RAAF M2 Microbiologie Appliquée

Sommaire

Avant-propos0

Introduction générale ........................................................................................................ 1


Chapitre 1: Rappels et notions de base ........................................................................... 3
Chapitre 2: Cinétique enzymatique et activité catalytique............................................ 10
Chapitre 3: Les enzymes d’intérêt industriel ................................................................ 34
Chapitre 4: Domaines d’utilisation des enzymes .......................................................... 47
Chapitre 5: Production industrielle des enzymes .......................................................... 58
Chapitre 6: Génie enzymatique ..................................................................................... 75
Bibliographie .................................................................................................................. 97
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Introduction générale
Les enzymes ont joué un rôle important dans plusieurs aspects de la vie depuis
l'aube du temps. Celles-ci sont d'une importance vitale pour l'existence de la vie. Les
civilisations les ont utilisées pendant des milliers d'années sans connaitre leur nature et
comprendre leur fonctionnement. La science a peu à peu déverrouillé le mystère des
enzymes et a appliqué les nouvelles connaissances pour mieux les exploiter dans des
domaines divers et variés allant de la production alimentaire à la dépollution de
l’environnement en passant par la production d’agents thérapeutiques.

Durant les XVIIIe et XIXe siècles plusieurs scientifiques comme Lazzaro


Spallanzani, Constantin Kirchhoff, Anselme Payen, Jean-François Persoz, Theodor
Schwann, Louis Pasteur, Justus von Liebig, Marcellin Berthelot et Wilhelm Kühne
rapportent que des composants, des substances ou des molécules sont impliqués dans la
transformation de la matière ou les changements chimiques. Contrairement à Louis
Pasteur qui pensait que les changements chimiques lors de la fermentation résultent des
processus de la vie au sein des levures impliquées dans la fermentation, Justus von
Liebig privilégiait une théorie purement chimique impliquant une substance chimique «
un ferment » produite par un organisme en décomposition. C’est finalement le chimiste
allemand Eduard Buchner qui met fin à cette opposition avec sa découverte qui lui a
valu le prix Nobel en 1907.

Eduard Buchner s’intéressait aussi aux extraits de levure dans un but thérapeutique.
les moyens de conservation étant limités à l’époque, il choisit de les garder
précieusement dans du sucre. Il observa que l’adjonction de saccharose entraînait la
formation de bulles de gaz carbonique dans le mélange. Le point important fût de
vérifier qu’il n’y avait présence d’aucune cellule ou débris membranaires dans les
extraits de levure préalablement broyés. En publiant ses observations, Eduard Buchner
conclut : « La complexité de la levure n’est pas indispensable au déroulement de ce
processus. Le ferment actif du jus n’est probablement qu’une substance dissoute, sans
aucun doute une protéine : nous la baptiserons zymase. ». La démonstration fût ainsi
faite que la fermentation n’est pas le résultat de « principes occultes vitaux » mais celui
d’une succession de réactions biochimiques contrôlées par des catalyseurs biologiques
contenus dans les cellules. On sait maintenant que la « zymase » des extraits de levure
obtenue par Eduard Buchner est en fait un mélange des enzymes qui catalysent les
réactions de la glycolyse.

Au début du XXe siècle, de gros efforts furent fournis pour purifier des enzymes,
élucider les voies métaboliques et décrire l’activité catalytique des enzymes en termes
mathématiques. Des années 20 aux années 50, des centaines d’enzymes furent purifiées
et cristallisées, permettant ainsi l’élucidation de nombreuses voies métaboliques. Franz
Hofmeister, Victor Henri, Adrian Brown, Leonor Michaelis, Maud Menten, George
Briggs, James Haldane, Daniel Koshland, Wallace Cleland, Daniel Koshland, George
Nemethy, Ron Laskey et John Ellis ont largement contribué à ces avancés.
L’identification des enzymes impliquées dans ces voies métaboliques et l’élucidation

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des réactions qu’elles catalysent sont à l’origine de nombreux Prix Nobel : Archibald
Hill a obtenu le Prix Nobel en 1922 pour la description de la courbe en forme de
sigmoïde de fixation du dioxygène sur l’hémoglobine, James Sumner et John Northrop
en 1946 pour la cristallisation de nombreuse enzymes, Frédéric Sanger en 1958 pour la
mise en évidence de la séquence complète en acides aminés de l’insuline, Jacques
Monod en 1965pour le modèle cinétique pour les enzymes allostériques, Christian
Anfinsen, Stanford Moore et William Stein en 1972 pour avoir établi la relation
structure-fonction de la ribonucléase, Martin Karplus, Michael Levitt et Arieh Warshel
en 2013 pour le développement de modèles multi-échelles pour des systèmes chimiques
complexes...

De nos jours, de nouvelles disciplines viennent compléter les connaissances


acquises en enzymologie: la génomique structurale, la génomique fonctionnelle, la
métagénomique, l’épigénomique, l’interactomique, la fluxomiquel, la transcriptomique
et la protéomique.

Le développement de la biotechnologie a ouvert une nouvelle ère d’applications


enzymatiques dans plusieurs processus industriels et de recherche. C’est le cas
notamment de la biotechnologie blanche qui tend à substituer l’utilisation des bactéries
par les enzymes. Cela a abouti à la création de nombreux nouveaux produits mais aussi
à l’amélioration de la performance de processus existants.

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Rappels et notions de base

I. Définitions

1. Enzyme
Le mot enzyme est emprunté de l’allemand « Enzym », composé du préfixe « en », et du
radical du grec « zumê » qui veut dire levain.

Les enzymes sont des protéines qui interviennent dans tous les processus de biosynthèse,
de dégradation, de régulation et de reproduction et qui accélèrent les réactions métaboliques
d’un organisme. Ce sont des catalyseurs qui augmentent la vitesse des réactions chimiques
106 à 1012 fois par rapport aux réactions spontanées.

Les enzymes agissent à de toutes petites quantités et chaque enzyme est spécifique d’une
réaction. Elles agissent sur le même substrat pour donner le(s) même(s) produit(s), et à la fin
de la réaction, les enzymes ne sont pas consommées et sont restituées (Fig.1).

Figure 1. Schéma d’une réaction enzymatique

2. Substrat
Un substrat est toute molécule qui entre dans une réaction pour y être transformée grâce à
l’action catalytique d’une enzyme.

3. Produit
Le produit est la molécule qui résulte de la réaction catalysée par une enzyme.

4. Cofacteur
Un cofacteur est un élément chimique intervenant obligatoirement dans une réaction
enzymatique :
- Pour transporter ou compléter un substrat.
- Pour accepter un produit.
- Comme participant à la structure d’une enzyme.

En effet, certaines réactions enzymatiques se produisent simplement entre un substrat et


l’enzyme, aboutissant à la formation d’un produit. Mais pour d’autres réactions, un troisième

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corps chimique est indispensable, c’est le cofacteur (Fig.2). Les cofacteurs peuvent être des
ions ou de petites molécules minérales habituellement présentes dans les milieux biologiques.
Chaque enzyme reconnaît spécifiquement les cofacteurs dont elle a besoin.

Figure 2. Activation d’une enzyme par son cofacteur

Certains cofacteurs sont des molécules plus complexes synthétisées par les cellules, ils
sont alors appelés coenzymes.

5. Coenzyme

Un coenzyme est une molécule biologique intervenant comme cofacteur indispensable


dans la catalyse enzymatique d’une réaction. Les coenzymes se divisent en deux types :

- Lorsque les coenzymes sont liés à l’enzyme par des liaisons de type
électrostatique ou plus faiblement encore, cette liaison est renouvelée à chaque
réaction effectuée. La concentration des coenzymes doit être du même ordre de
grandeur que celle du substrat (stœchiométrique). Ces coenzymes sont appelés
coenzymes libres parce qu’ils se dissocient de l’enzyme à chaque réaction catalysée.
- Lorsque au contraire les coenzymes sont liés aux enzymes par des liaisons
fortes de type covalente, leur concentration est nécessairement la même que celle de
l’enzyme, c’est à dire très petite (catalytique). Ces coenzymes sont appelés coenzymes
liés parce qu’ils ne se dissocient pas de l’enzyme.

II. Spécificité des liaisons et des réactions enzymatiques


Les enzymes se replient dans une conformation tridimensionnelle fonctionnelle unique et
c'est dans cette conformation qu'elles acquièrent leur pouvoir de catalyseur. Cette structure
globale permet à une région particulière, le site actif, d'adopter elle aussi une structure spatiale
qui est reconnue par le substrat (Fig.3). Le site actif a deux fonctions : fixer le substrat et
catalyser la réaction chimique l’impliquant.

Les enzymes ne fixent pas seulement un substrat. Elles le transforment en un produit lors
d'une réaction chimique. Certains acides aminés du site actif ont pour fonction, non pas de
fixer le substrat, mais de fournir les groupements chimiques nécessaires à la réaction catalysée
par l'enzyme. On distingue donc au sein du site actif :

- Les acides aminés qui constituent le site de fixation (pas de fonctions


chimiques impliquées dans la réaction).
- Les acides aminés qui constituent le site catalytique.

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Figure 3. Changement de conformation du site actif de l’enzyme après la fixation de son


substrat (substrat représenté en rouge)

Ce site actif est constitué d'un petit nombre d'acides aminés qui le plus souvent ne sont
pas contigus dans l'enchaînement de la chaîne polypeptidique. Ces acides aminés sont
caractérisés par une chaîne latérale dont à la fois la nature chimique et la structure sont
spécifiquement adaptées à la reconnaissance du substrat. C’est la stéréochimie qui résulte de
cet agencement unique des acides aminés qui constituent le site actif est la cause de
la stéréospécificité de reconnaissance entre ces acides aminés et le substrat. Ceci est définit
par les différentes structures de l’enzyme (Fig.4) :

- Structure primaire : C’est l’agencement des acides aminés qui constitue la


structure primaire de l’enzyme. C’est cette structure qui conditionne le repliement de
la protéine.
- Structure secondaire : Elle est représentée par l’arrangement dans l’espace
selon la structure. C’est le repliement en hélice.
- Structure tertiaire : Elle est constituée par l’arrangement des éléments de la
structure secondaire et définit la représentation spatiale de l’enzyme. Cette torsion est
stabilisée par des liaisons généralement de nature covalente comme les ponts
disulfures.
- Structure quaternaire : C’est l’association de plusieurs polypeptides possédant
chacun sa propre structure tertiaire qui peut être parfois nécessaire pour conférer à une
enzyme sa fonction biologique.

Figure 4. Structures tridimensionnelles des enzymes.

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Théoriquement, une seule réaction est possible sur un seul substrat pour chaque enzyme.
Il existe une spécificité des liaisons coupées ou transformées lors de la réaction enzymatique :

- Chimio-sélectivité : Spécificité liée au type de liaison. Ex : les protéases qui


coupent les liaisons peptidiques NH-CO et séparent les acides aminés…
- Régio-sélectivité : la trypsine coupe après un acide aminé basique, la
chymotrypsine après un acide aminé aromatique…
- Stéréo-sélectivité : La stéréochimie qui résulte de l’agencement unique des
acides aminés qui constituent le site actif est la cause de la stéréospécificité de
reconnaissance entre ces acides aminés et le substrat. Ex : la L-amino-oxydase ou la
D-amino-oxydase, la α ou la β galactosidase…

A noter qu’il est fréquent qu’une enzyme intervienne non sur une molécule unique, mais
sur une classe de substrats. Par exemple lors de la ß - oxydation des acides gras, les enzymes
prennent en charge des acyl-CoA. A chaque dégradation, perte d’un motif à 2 carbones, mais
les mêmes enzymes fonctionnent sur le nouvel acyl-CoA, le même motif est reconnu.

III. Principaux types de réactions catalysées par des enzymes


Les diverses réactions chimiques catalysées par les enzymes (Fig.5) peuvent être
regroupées en 4 grands types :

1. Réactions de transfert de groupes

Une partie électrophile du substrat (un groupe acyle, phosphoryle ou glycosyle) est
transférée à un accepteur nucléophile qui peut être l’oxygène de la molécule d’eau. Ce
mécanisme est impliqué dans les processus d’hydrolyse enzymatique de macromolécules
(protéines, chaines d’ADN et d’ARN, polysaccharides, lipides) et aussi dans l’hydrolyse de
plus petites molécules. Par contre dans la cellule, d’autres molécules portant un groupe
nucléophile tel l’oxygène, azote ou le soufre servent d’accepteur dans les processus de
synthèse.

2. Réactions d’oxydoréduction

Dans la plupart des réactions enzymatiques, les processus d’oxydoréduction sont


possibles selon que la réaction s’effectue en deux étapes à un électron ou en une étape à deux
électrons. Ces dernières représentent les réactions les plus classiques. C’est le cas dans les
réactions faisant intervenir le NAD+ et le NADP+.

3. Réactions d’élimination, d’isomérisation et de réarrangement

Les réactions enzymatiques qui catalysent des réactions d’élimination transforment des
carbones saturés en carbones insaturés, comme la perte d’eau ou d’ammoniac. Les réactions
d’isomérisation sont catalysées par des isomérases spécifiques. Elles impliquent le
déplacement d’hydrogène en 1,1 ou en 1,2 ou en 1,3.
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4. Formation ou rupture de liaisons carbone-carbone

Beaucoup de réactions impliquent la formation de liaison C-C représentent des étapes


clés dans les voies de biosynthèse de molécules biologiques. D’autres enzymes catalysent la
rupture de la liaison C-C comme les décarboxylases qui ont aussi un rôle très important dans
le métabolisme.

Figure 5. Principales réactions catalysées par les enzymes.

IV. Nomenclature des enzymes


Un certain nombre d’appellations traditionnelles existent. En effet, chaque enzyme est
caractérisé par un nom usuel simple (exemple: carboxypeptidase A), un nom systématique
plus informatif de la réaction catalysée (exemple: peptidyl-L-amino acide hydrolase) et un
numéro de code à quatre nombres séparés par des points précédé de EC (EC « Enzyme
Commission » exemple: 3.4.17.1). Ce numéro est spécifique pour chaque enzyme. L’emploi
des numéros de code est aujourd’hui obligatoire dans toutes les publications scientifiques et
les documentations techniques et commerciales.

1. La nomenclature fonctionnelle

Elle est très utilisée. Elle prend en compte le nom du substrat de l’enzyme et le type de
réaction catalysée. Pour désigner une enzyme on indique d'abord le nom du substrat puis le
type de réaction catalysée et on ajoute enfin le suffixe ase. Par exemple : glucose-6-phosphate
isomérase, Isocitrate lyase, pyruvate carboxylase. Lorsque l'enzyme utilise 2 substrats on les
désigne tous les deux en indiquant le substrat donneur de radicaux, puis le substrat accepteur
du radical libéré, le radical échangé, le type de réaction et on ajoute enfin ase. Par exemple :
ATP-glucose phosphotransférase, UDPglucose-fructose glucosyltransférase, Glutamate
pyruvate aminotransférase. Dans le cas d'une réaction équilibrée réversible, on peut former les
noms à partir des substrats ou des produits (Fig.6).

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2. Nomenclature internationale officielle

C’est une classification définie par la Commission des enzymes (EC, Enzyme
Commission) de l'Union internationale de biochimie et de biologie moléculaire (NC-
IUBMB). L'appellation officielle d'une enzyme, EC, y est suivie d'une série de 4 chiffres
(Fig.7) :
- Le premier de ces nombres désigne le type de la réaction catalysée. Ces
réactions comportent sept classes depuis septembre 2018 :
1. oxydoréductase (Réaction oxydation – réduction)
2. transférase (Transfère des groupements fonctionnels)
3. hydrolase (Réactions hydrolytiques)
4. lyase (Réaction d’élimination pour former des liaisons doubles)
5. isomérase (Isomérisation)
6. ligase (Union de molécules couplées avec l’utilisation de nucléotides
tri-phosphorés)
7. translocases (translocation des hydrons, des cations et anions
inorganiques, des acides aminés et des peptides, des hydrates de carbone et leurs
dérivés)
- Le deuxième le type de fonction du substrat métabolisé.
- Le troisième le type de l’accepteur.
- Le quatrième nombre est un numéro d’ordre.

Figure 6. Exemple de différentes nomenclatures d’une enzyme.

Figure 7. Exemple d’une nomenclature internationale d’une enzyme.

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Tableau 1. Exemples des 7 classes d’enzymes

EC Classe d’enzyme Réactions Enzymes industrielles Industries les utilisant


1 Oxydoréductase Induire l’oxydation et la réduction entre les molécules Alcool déshydrogénases, Biocarburants,
catalases, laccases, pharmaceutique,
peroxydases… alimentaire, chimie
2 Transférase Induire le transfert de groupements fonctionnels d’une Transcétolases, Pharmaceutique,
molécule à une autre acétyltransférases, alimentaire
transaminases,
glycosyltransférases…
3 Hydrolase Catalyser l’hydrolyse d’un substrat dans la réaction Protéases, amylases, Alimentaire,
cellulases, pectinases, pharmaceutique,
xylanases, lipases, cosmétique, détergents,
phosphatases… textile, papier

4 Lyase Catalyser l’addition ou l’élimination d’eau, d’ammoniac Décarboxylases, fumarases, Pharmaceutique,


ou de dioxyde de carbone vers et depuis les doubles déshydratases… alimentaire, textile, papier
liaisons
5 Isomérase Catalyser le réarrangement géométrique des atomes dans Glucose isomérases, Pharmaceutique,
une molécule topoisomérases, mutases, alimentaire
épimérases…

6 Ligase Joindre deux molécules avec hydrolyse d’un diphosphate Synthétases, synthases, Pharmaceutique
dans l’ATP ou de triphosphate similaire carboxylases…

7 Translocases Translocation des hydrons, des cations et anions ATP synthase, NADH Pharmaceutique
inorganiques, des acides aminés et des peptides, des ubiquinone réductase…
hydrates de carbone et leurs dérivés

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Cinétique enzymatique et activité catalytique

I. Notion de cinétique
La cinétique nous renseigne sur la vitesse d’une réaction c'est-à-dire la variation de la
concentration en fonction du temps.

La vitesse d’une réaction est définie comme étant la vitesse d’apparition ou de disparition
d’une espèce moléculaire caractéristique de la réaction (Fig.8).

La connaissance de la vitesse de réaction est d’un grand intérêt sur le plan pratique. Elle
permet de déterminer avec précision le degré d’avancement, la durée et le rendement d’une
réaction.

Figure 8. Représentation graphique de la vitesse d’une réaction.

Quand la vitesse d’une réaction est proportionnelle à la concentration des corps


réagissant, elle est élevée à une certaine puissance, la somme des puissances est appelée ordre
de la réaction :

k : constante de vitesse
α : ordre partiel par rapport à A
β : ordre partiel par rapport à B
α + β : ordre global de la réaction

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La vitesse de réaction peut être déterminée par la pente de la courbe obtenue en portant,
la disparition du substrat ou l’apparition du produit, la concentration en fonction du temps.
L’allure de la courbe est fonction de l’ordre.

L’évolution de la vitesse de la réaction en fonction de la concentration est aussi


dépendante de l’ordre. Ainsi pour mesurer l’ordre, on fait varier la concentration du substrat
et on mesure la nouvelle vitesse de la réaction puis on trace la courbe.

L'étude expérimentale des différentes courbes v= f([S]), permet de déterminer les ordres
partiels de la réaction. La manière la plus simple de déterminer l'ordre d'une réaction consiste
à mesurer la vitesse v pour différentes concentrations de substrat [A]. Ensuite, en traçant le
graphique de log v en fonction de log [A], on obtient une droite dont la pente est égale à
l'ordre de la réaction (Fig.9) :

• Réactions d’ordre 0
La vitesse de la réaction ne varie pas en fonction de la concentration du substrat.

• Réaction d’ordre 1
La vitesse de la réaction est dépendante de la concentration.

Figure 9. Détermination de l’ordre d’une réaction.

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II. Enzymes et énergie d’activation


Les propriétés catalytiques des enzymes sont essentiellement dues aux caractéristiques du
site actif au sein de la structure tridimensionnelle. Le site actif étant constitué d’acides aminés
polaires à forte réactivité pouvant s’ioniser dans des conditions particulières formant des
anions ou cations. Ces derniers peuvent alors participer à de fortes interactions
électrostatiques avec des groupes de charge opposée appartenant au substrat.

Il faut savoir que toute molécule qui effectue un travail, quel qu'il soit, possède une
énergie cinétique et à l'inverse, une molécule qui n'effectue pas de travail possède une énergie
intrinsèque ou énergie potentielle. Cette énergie potentielle résulte de la structure même des
molécules, c'est-à-dire des liaisons intramoléculaires :

• Selon le premier principe de la thermodynamique, il n'y a ni création, ni perte


d'énergie, mais uniquement des transformations d'énergie. Ainsi, dans une cellule, la
différence du contenu d'énergie du système entre l'état final et l'état initial doit être
compensée par une différence du contenu d'énergie du milieu extérieur. La variation
d'énergie interne se résume à la chaleur de la réaction absorbée à pression constante
qp: ΔU = qp = ΔH. Cette quantité de chaleur absorbée à pression constante est
appelée enthalpie ou H.

• Selon le deuxième principe de la thermodynamique, Tous les systèmes tendent


spontanément vers un état d'équilibre, car cet état est plus stable. La spontanéité d'un
processus ne préjuge en rien de la vitesse à laquelle va s'effectuer ce processus.
L'entropie ou S, régit la spontanéité d'un processus. Tout échange ou transformation
d'énergie dans un système ouvert augmente son entropie, c'est-à-dire le degré de
désordre de ce système. Cette augmentation de l'entropie vient du fait qu'au cours de la
plupart des transformations énergétiques, une partie de l'énergie est convertie en
chaleur qui est perdue en se dispersant dans le milieu extérieur, ce qui augmente son
degré de désordre.

• L'entropie n'est pas une fonction directement utilisable puisqu'il est impossible
de mesurer l'entropie de l'Univers. L'énergie libre de Gibbs ou enthalpie libre ou G
mesure la partie de la variation d’un système qui est utile. Elle permet de prévoir le
sens de la réaction à une température et une pression constante. ΔG = ΔH – TΔS.
- Quand ΔG est négatif, le système est instable et la réaction se déroule
spontanément. En effet: ΔG < 0 alors ΔH < TΔS. Ce qui signifie que le terme
entropique est plus grand que le terme enthalpique, donc l'entropie du système
augmente, ce qui est la condition pour qu'une réaction s'effectue spontanément. Un
tel processus est qualifié d'exergonique.
- A l'inverse, si ΔG est positif, il faut un apport d'énergie du milieu
extérieur au système pour rendre ce terme globalement négatif et que le processus
ait lieu. Un tel processus est qualifié d'endergonique.
- A l'équilibre, le système ne peut plus fournir de travail : ΔG=0.

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La différence d'énergie libre de Gibbs entre les produits et les substrats est
la variation d'énergie libre de Gibbs de la réaction ΔGréaction. Elle est également appelée
énergie d’activation.

Les enzymes agissent sur l’énergie d’activation des réactions. L’énergie d’activation ou
énergie libre est l’énergie qui doit être absorbée par les réactifs pour que les liaisons soient
brisées aboutissant à un état de transition instable. Les enzymes abaissent l’énergie
d’activation pour que les réactions se fassent mais sans modifier les constantes d’équilibre des
réactions catalysées, impliquant la préservation des produits d’une réaction donnée (Fig.10).
La vitesse de la réaction dépend fortement de l’énergie d’activation (Fig.11).

Figure 10. Abaissement de l’énergie d’activation par les enzymes.

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Enzymologie et Génie Enzymatique Dr N. RAAF M2 Microbiologie Appliquée

Figure 11. Différence de l’énergie d’activation d’une réaction sans catalyseur, avec un
catalyseur chimique et un catalyseur biologique.

Une réaction simple comme celle du transfert du dioxyde de carbone à une molécule
d’eau, s’effectue sans catalyseur à une vitesse modérée de formation de 0.13 mole d’acide
carbonique par seconde. L’enzyme anhydrase carbonique catalyse cette réaction mais à une
vitesse beaucoup plus élevée, 106 moles d’acide carbonique par seconde.

Pour la réaction : H2O2 ↔ H2O + ½ O2 , sans catalyseur ni enzyme Ea = 18 Kcal/mole,


avec le catalyseur chimique platine Ea = 11,7 Kcal/mole, et avec l’enzyme catalase Ea = 2
Kcal/mole.

III. Cinétique enzymatique à un substrat (cinétique de


Michaelis-Menten)
Grâce au modèle proposé par les deux biochimistes Michaelis et Menten qui a le mérite
de s’appliquer à un grand nombre de mécanismes enzymatiques, il est possible de déterminer,
en fonction du substrat, les paramètres cinétiques propre à chaque enzyme et d’en tirer des
informations très utiles.

Les deux chercheurs ont étudié l’effet de la concentration de substrat ou de la


concentration d’enzyme sur la vitesse de la réaction. En se positionnant en début de réaction,
ils ont obtenu des courbes typiques d’une cinétique enzymatique.

Contrairement aux réactions d’ordre 0 et d’ordre 1, la vitesse d’une réaction enzymatique


évoluera selon une relation hyperbolique en fonction de la concentration en substrat. Les
réactions enzymatiques ont un ordre mixte (Fig.12).

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Figure 12. Relation hyperbolique entre la concentration en substrat et la vitesse de réaction

Ce modèle montre qu’une molécule d’enzyme E s’associe réversiblement avec une


molécule de substrat A pour former un complexe substrat-enzyme ES, lequel est
irréversiblement transformé en enzyme libre E et en produit de réaction P (Fig.13).

Figure 13. Modèle d’une cinétique enzymatique michaelienne.

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A partir de ce modèle, on obtient les formules suivantes :

Km : constante de Michaelis (constante de dissociation du complexe ES)

1. Constante de Michaelis (Km)


La constante de Michaelis Km permet d’évaluer l’affinité de l’enzyme pour son substrat.
C’est la concentration initiale en substrat pour laquelle Vi=1/2 Vmax (Fig.14).

Figure 14. Détermination graphique de la constante de Michaelis.

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Enzymologie et Génie Enzymatique Dr N. RAAF M2 Microbiologie Appliquée

Nous constatons qu’avec une augmentation de la quantité de l’enzyme, Vmax augmente


et Km reste constante (Fig.15).

Figure 15. Impact du changement de concentration du substrat sur les paramètres


cinétiques d’une enzyme.

Avec cette représentation la détermination de Vmax est peu précise. La représentation


linéaire en double inverse donne de meilleurs résultats (représentation de Lineweaver et
Burk). Elle permet de mieux déterminer les paramètres clefs de toute réaction enzymatique
Vmax et Km (Fig.16).

Figure 16. Représentation en double inverse de Lineweaver et Burk.

2. Efficacité de l’enzyme (Kcat)


L’efficacité d’une enzyme est mesurée par kcat qui représente le nombre de moles de P
formées par seconde et par mole d’enzyme. Kcat est également appelé nombre de turn-over de
l’enzyme. Le rapport Kcat/Km permet de mesurer l'efficacité catalytique car il correspond à
une constante de vitesse pour de basses concentrations de substrat.

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Avec [Et] = [E] + [ES]

L’activité enzymatique est souvent exprimée en unité internationale (UI) qui correspond à
la quantité d’enzyme qui catalyse la transformation d’une micromole de substrat par minute.
Le passage du katal (millikatal, microkatal et nanokatal) à l’UI, ou inversement, peut se faire
de cette façon : UI = 1μmol/min = 10–6/60 mol/sec = 10–6/60 kat = 0,01667 μkat = 16,67 nkat

D’autres unités dérivées sont également utilisées comme :


- La concentration d’activité catalytique exprimée en UI/ml ou Kat/ml.
- L’activité spécifique (AS) exprimée en UI/mg, kat/mg, UI/mol ou kat/mol

IV. Cinétique enzymatique à deux substrats


Hormis quelques exemples de cinétique enzymatique à un seul substrat, la plupart des
réactions biochimiques catalysées par une enzyme mettent en œuvre deux ou plusieurs
substrats, ce qui conduit à l’apparition de plusieurs produits. Lorsqu’une réaction enzymatique
implique deux substrats ou un substrat et un coenzyme libre : on parle de cinétique à deux
substrats.

Les enzymes adoptant ce modèle catalysent généralement le transfert du groupement G:

GX + Y -------- X + GY
XG: 1er substrat, Y: 2ème substrat, X: 1er produit, GY: 2ème produit

Pour représenter les réactions enzymatiques, nous suivrons la nomenclature introduite par
W.W. Cleland.

- Les substrats sont désignés par les lettres A, B, C et D dans l’ordre de leur
liaison à l’enzyme.
- Les produits sont désignés par P, Q, R et S dans l’ordre de leur séparation de
l’enzyme.
- Le nombre de substrats et de produits dans une réaction donnée est spécifié,
dans l’ordre, par les termes Uni (un), Bi (deux), Ter (trois) et Quad (quatre). On
appelle Une réaction qui utilise deux substrats et forme deux produits réaction Bi Bi.

L’étude cinétique des réactions enzymatique à deux substrats est plus complexe que la
cinétique à un substrat. Elle a pour but de déterminer, l’ordre de fixation des substrats, les
constantes cinétiques caractérisant la fixation de chacun d’eux en présence et en absence de
l’autre et la vitesse maximale de la réaction qui est mesurée quand la concentration des deux
substrats est saturante.

Les mécanismes à deux substrats sont de plusieurs types :

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1. Mécanisme séquentiel au hasard


Deux substrats, A et B, se fixent de manière aléatoire sur l'enzyme libre E, il n’y a donc
pas de fixation privilégiée de l'un ou l'autre des deux substrats, avec une constante de
dissociation KA et KB, respectivement. Parfois la fixation de l'un des deux substrats modifie
la constante d'équilibre de dissociation de l'autre substrat de l'enzyme libre d'un facteur α.

Trois cas de figures se présentent :

- α <1 : La fixation du premier substrat augmente l’affinité de l’enzyme pour le


deuxième substrat (fixation au hasard dépendante)
- α = 1 : La fixation du premier substrat ne modifie pas l’affinité de l’enzyme
pour le deuxième substrat (fixation au hasard indépendante)
- α > 1 : La fixation du premier substrat diminue l’affinité de l’enzyme pour le
deuxième substrat (fixation au hasard dépendante)

Les paramètres : α, KA et KB sont déterminés à partir des graphes primaires pour le


substrat A (Fig.17) et pour le substrat B (Fig.18).

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Figure 17. Représentation primaire pour le substrat A : 1/V = ƒ (1/B)

Figure 18. Représentation primaire pour le substrat B : 1/v = ƒ (1/B)

- Ces graphes primaires représentent le cas de α <1.


- Dans le cas de α > 1, la différence est que le point de croisement des droites se
situe au-dessous de l'axe des abscisses.
- Dans le cas de α = 1, Le croisement se fait sur l’axe des abscisses.

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Les graphes primaires permettent de déterminer de nouvelles valeurs. Ces valeurs sont
reportées dans le graphe secondaire pour le substrat A (Fig.19) et le graphe secondaire pour le
substrat B (Fig.20). Elles permettent de déterminer : VM, KMA et KMB.

Figure 19. Représentation secondaire pour le substrat A : 1/V = ƒ (1/B)

Figure 20. Représentation secondaire pour le substrat B : 1/v = ƒ (1/B)

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2. Mécanisme séquentiel ordonné


Dans ce cas, l'ordre de fixation est obligatoire : le substrat A doit se fixer à l'enzyme libre
E avant le substrat B. Le substrat B ne peut ainsi se fixer qu'au complexe EA. Un complexe
ternaire EAB est toujours formé. C’est le cas dans les réactions à deux substrats ou un substrat
et un coenzyme libre.

• Dans le cas où [A] est constante et [B] variable :

KA et KB : constantes d’équilibre des deux premières étapes

Il faut tracer 1/V = ƒ (1/[B]) pour différentes concentrations de A, on obtient ainsi un


ensemble de droites qui se croisent sur l'axe des ordonnées (Fig.21). Du moment que B ne se
fixe que sur le complexe EA, sa présence en excès déplace l'équilibre entre E et A vers les
formes complexées. La totalité de l'enzyme est alors sous la forme EA-B.

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Figure 21. Représentation primaire 1/V = ƒ (1/B)

• Dans le cas où [B] est constante et [A] variable :

Ensuite, il faut tracer 1/V = ƒ (1/A) pour différentes concentrations de B, on obtient un


ensemble de droites qui coupent sur l'axe des ordonnées (Fig.22). Du moment que B ne se
fixe que sur le complexe EA, sa présence en excès déplace l'équilibre entre E et A vers les
formes complexées et tout l'enzyme est alors sous la forme EA-B; on mesure ainsi la vitesse
maximale.

Figure 22. Représentation primaire 1/V = ƒ (1/A)

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3. Mécanisme à double déplacement appelé "Ping Pong"


Ici, un ou plusieurs produits sont relargués avant que tous les substrats ne soient fixés à
l'enzyme. Ce mécanisme est caractérisé par la formation obligatoire d'une forme intermédiaire
modifiée de l'enzyme (E*) qui est un acyl-enzyme. Il n’y pas de formation du complexe
ternaire EAB.

Il faut tracer 1/ V = f(1/ [A]) pour différentes [B], on obtient un ensemble de droites
parallèles de pente KA / Vmax (Fig.23).

Figure 23. Représentation primaire 1/V = ƒ (1/A)

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Ensuite, il faut tracer 1/v = f(1 / [B])pour différentes [A], on obtient un ensemble de
droites de pente KB /Vmax (Fig.24).

Figure 24. Représentation primaire 1/V = ƒ (1/B)

Ensuite Il faut tracer les présentations secondaires. On lit les valeurs de 1 /V aux points
d’intersection avec l’axe des ordonnées pour chaque concentration. Si on porte 1/νA =ƒ (1/B),
on obtient la représentation secondaire, celle-ci permet de mesurer Vmax et KB (Fig.25).
Idem pour KA

Figure 25. Représentation secondaire 1/vA = ƒ (1/B)

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V. Facteurs influençant la catalyse enzymatique


Les réactions enzymatiques sont influencées par divers facteurs. Les facteurs intrinsèques
à la réaction : intégrité de l’enzyme, concentration de l’enzyme, activation de l’enzyme,
intégrité du Substrat, concentration et des facteurs extrinsèques liés à l’environnement
réactionnel comme l’action des gants physique.

1. Facteurs physiques

• pH

Le pH du milieu réactionnel influence de manière très importante l’activité catalytique


des enzymes. Dans la plupart des cas, la courbe de l’activité par rapport au pH montre un
profil en forme de cloche. Il est admis qu’à 2 unités du pH optimum, l’activité de l’enzyme est
réduite de 100 fois. Chaque enzyme a un pH optimal c’est-à-dire un pH pour lequel son
activité est maximale (Fig.26). L’amylase par exemple a un fonctionnement maximal pour un
pH de 7, mais certains enzymes nécessitent un pH acide et d’autres un pH basique. L’action
du pH résulte du plusieurs effet :

- Le pH peut affecter la stabilité de l’enzyme qui dans certains cas peut être
inactivée irréversiblement.
- Il peut aussi affecter les paramètres cinétiques en modifiant les états
d’ionisation du substrat ou de l’enzyme.

Figure 26. Impact de la variation du pH sur l’activité enzymatique

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• Température

L’activité de l’enzyme augmente avec l’augmentation de la température jusqu’à un


certain seuil. Généralement la vitesse d’une réaction double lorsque la température augmente
de 10°C. Toutefois, les enzymes peuvent être dénaturées par de fortes températures. La
température de dénaturation peut varier, mais seules quelques exceptions s’éloignent vraiment
de la gamme 40 - 60°C (protéines thermostables). Mais aux basses températures,
l’inactivation est réversible : les enzymes sont inhibées par le froid mais non dénaturées
(Fig.27).

Il est toutefois important de préciser l’importance de l’effet combiné de la température et


du pH sur l’activité de l’enzyme. Ces deux paramètres, température optimale et pH optimal
dépendent des enzymes et des organismes concernés.

Figure 27. Impact de la variation de la température sur l’activité enzymatique.

2. Les activateurs enzymatiques


Un activateur est un effecteur qui augmente l'activité enzymatique. Ils s’associent à
l’enzyme ou au complexe enzyme-substrat pour augmenter la vitesse de la réaction. Ils
peuvent être nécessaire à l’activité catalytique de l’enzyme, tels que des groupements
prosthétiques ou des cofacteurs (Un groupement prosthétique est le composant non-
acide aminé qui fait partie de la structure des hétéropotéines ou des protéines conjuguées,
étant lié de manière covalente à l'apoprotéine. Il ne doit pas être confondu avec
le cofacteur qui se lie à l'enzyme apoenzyme par liaison non-covalente.), ou ils peuvent
augmenter l’activité spécifique d’une enzyme qui est déjà active comme les ions
inorganiques. Les activateurs peuvent être classés en différentes catégories :

- Les activateurs vrais : Ce sont en général des ions métalliques. Ex : Zn++, Mg++
- Les agents protecteurs ou ions anti-inhibiteurs. Ex : l'ion cyanure CN- lève
l'inhibition exercée sur l'uréase par les sels de cuivre.
- Les activateurs de proenzymes (zymogènes).

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3. Les inhibiteurs enzymatiques


Un inhibiteur est un effecteur qui diminue l'activité enzymatique. C’est un ligand, non
transformé par l’enzyme, qui modifie le comportement de cette dernière. De nombreux types
d’inhibitions ont été décrits. Une classification basée sur le mode d’association des inhibiteurs
a été proposée.

Les inhibiteurs peuvent agir de manière irréversible en se liant à l’enzyme pour la rendre
inactive. Le caractère irréversible est dû à la formation d’un lien covalent entre l’inhibiteur et
l’enzyme. C’est l’inhibition irréversible.

D’autres inhibiteurs sont capables de se fixer fortement à l’enzyme en modifiant de


manière quasi permanente l’activité, c’est l’inhibition par liaisons fortes.

Mais la plupart des inhibiteurs se lient réversiblement à l’enzyme, l’association comme la


dissociation s’effectuent avec une vitesse élevée. C’est l’inhibition réversible.

• Inhibition compétitive
Lorsque la liaison d’un inhibiteur sur l’enzyme a pour effet d’empêcher la liaison enzyme
substrat, on parle d’inhibition compétitive vis à vis de ce substrat. Concurremment à la liaison
enzyme-substrat il y a une liaison enzyme-inhibiteur qui aboutit à un complexe EI inactif
(Fig.28).

Figure 28. Mode d’action d’un inhibiteur compétitif.

La constante de dissociation du complexe EI est Ki. Elle est définie par rapport aux
concentrations de l’enzyme libre, de l’inhibiteur et du complexe EI.

L’équation de la vitesse, qui ne dépend que du complexe ES puisque le complexe EI est


inactif, reste inchangée. Les calculs conduisent à une équation de Michaelis dans laquelle le
facteur Km est affecté d’un coefficient qui dépend de la concentration de l’inhibiteur et de
l’inverse de la constante Ki c’est à dire l’affinité de l’enzyme pour l’inhibiteur.

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K'M : constante de Michaelis apparente en présence de l’inhibiteur

Figure 29. Représentation en double inverse en présence et en absence de l’inhibiteur


compétitif.

On constate que Vmax ne change pas et Km change (il augmente) donc l’affinité diminue
(Fig.29 et Fig.30).

Figure 30. Cinétique enzymatique en absence et en présence de l’inhibiteur compétitif.

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• Inhibition incompétitive
L'inhibiteur incompétitif ne peut se fixer que sur l'enzyme préalablement complexée au
substrat (ES) et empêche la formation du produit (Fig.31).

Figure 31. Mode d’action d’un inhibiteur incompétitif.

La constante de dissociation de ce complexe ESI, soit Ki est définie par rapport aux
concentrations de ES, de l’inhibiteur et du complexe ESI.

Ce type d'inhibition est connu cinétiquement par une diminution parallèle de Vmax et de
Km (augmentation de l'affinité de E pour S). La diminution de Km s’explique par le fait que
le complexe ES est susceptible à l’inhibition ; l’équilibre de liaison est donc déplacé vers ES
par la diminution de sa concentration lors de la formation du complexe ESI d’où
l’augmentation de l’affinité de E pour S (Fig.32 et Fig.33).

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Figure 32. Représentation en double inverse en présence et en absence de l’inhibiteur


incompétitif.

Figure 33. Cinétique enzymatique en absence et en présence de l’inhibiteur incompétitif.

• Inhibition non compétitive


Dans ce cas, l’inhibiteur se fixe à un autre site que celui où se fixe le substrat. Lorsque la
liaison d’un inhibiteur sur l’enzyme se fait sur un site indépendant du site actif, il n’y a
évidemment aucune compétition entre le substrat et l’inhibiteur. L’inhibiteur en se liant rend
la molécule d’enzyme incapable de catalyser la réaction on parle alors d’inhibition non
compétitive (Fig.34).

Figure 34. Mode d’action d’un inhibiteur non compétitif.

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La constante Km de l’enzyme vis à vis du substrat représente toujours la constante de


dissociation du complexe ES mais aussi celle du complexe ESI en EI et substrat libre. La
constante Ki de l’enzyme vis à vis de l’inhibiteur représente toujours la constante de
dissociation du complexe EI mais aussi celle du complexe ESI en ES et inhibiteur libre.
L’équation de la vitesse, qui ne dépend que du complexe ES puisque les complexes EI et ESI
sont inactifs, reste donc inchangée.

Les calculs conduisent à une équation de Michaelis dans laquelle la vitesse maximum est
affectée d’un coefficient qui dépend de la concentration de l’inhibiteur et de l’inverse de la
constante Ki. La constante Km, au contraire reste la même que dans le cas général (Fig.35 et
Fig.36).

Figure 35. Représentation en double inverse en présence et en absence de l’inhibiteur non


compétitif.

Figure 36. Cinétique enzymatique en absence et en présence de l’inhibiteur non compétitif.

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Pour résumer (Tableau 2) :

Tableau 2. Impact des inhibiteurs sur les paramètres cinétiques d’une réaction
enzymatique.

Le tableau suivant montre quelques cas particuliers de la cinétique enzymatique :

Tableau 3. Cas particuliers de cinétiques enzymatiques.

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Les enzymes d’intérêt industriel

Les caractéristiques générales des enzymes comme la haute spécificité, la rapidité des
réactions, l’utilisation de petites quantités et la non consommation de l’enzymes à la fin de la
réaction et en particulier les caractéristiques spécifiques de certaines enzymes comme leur
résistance à des conditions extrêmes de température et de pH rendent leur utilisation attractive
pour différentes industries. Les hydrolases représentent la classe d’enzymes la plus utilisée en
industrie. Les autres classes peuvent occuper une part très importante dans certains domaines
comme les isomérases dans l’industrie pharmaceutique.

I. Les enzymes protéolytiques


Les enzymes protéolytiques ou protéases sont classées parmi les hydrolases (EC
3.X.X.X). Elles assurent la dégradation des protéines (protéolyse) en catalysant l’hydrolyse
des protéines dans des sites bien spécifiques en scindant la liaison peptidique.

Les protéases représentent environ 60% des ventes totales d’enzymes sur le marché
mondial et sont d’origines diverses :

• Protéases d’origine végétale


Papaïne (latex), bromélaine (ananas), kératinases et ficine (figue) sont certaines des
protéases les plus connues. Leurs productions à partir de sources végétales est un processus
chronophage. D'autant plus que la concentration des protéases dans les tissus est généralement
basse.

• Protéases d’origine animale


Les plus familières sont la chymotrypsine, la trypsine pancréatique, l'élastase, la pepsine
et la rennine. Seules les protéases sécrétées par l’estomac des ruminants présentent un intérêt
Industriel comme la présure préparée à partir de l’estomac des veaux ainsi que les pepsines
bovines et porcines. L’activité non spécifique des enzymes pancréatiques, trypsine et
chymotrypsine, les rendent moins importantes que les enzymes gastriques.

• Protéases microbiennes
La communauté microbienne est privilégiée par rapport aux animaux et aux plantes pour
la production de protéases à grande échelle, en raison de leur croissance rapide et de la
simplicité de leur cycle de vie pour la génération de nouvelles enzymes recombinantes avec
des propriétés modifiées. Les protéases microbiennes représentent les 2/3 de la production
commerciale de protéases et jouent un rôle capital dans les détergents, l'industrie
pharmaceutique, l'industrie agricole et l’industrie du cuir. Les protéases alcalines sont le
groupe majeur des protéases produites par les bactéries, les champignons, les levures et les

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actinomycètes. On porte un intérêt croissant aux protéases fongiques en raison de la forte


diversité et spécificité de substrat et de leur stabilité dans des conditions extrêmes. Elles
présentent l'avantage d'être purifiées du mycélium par simple filtration. Les protéases
fongiques peuvent être produites par processus de fermentation à l'état solide. Les protéases
alcalines bactériennes ont une grande importance commerciale dans les industries de
blanchisserie, alimentaires, du cuir et de la soie en raison de leur forte production et de leur
forte activité à pH alcalin (pH 8 à pH 12), avec une température optimale entre 50°C et 70°C.
Ces propriétés expliquent leur utilisation dans l'industrie des détergents. Les enzymes issues
des Archae peuvent aussi représenter le futur de la biotechnologie. C’est le cas pour l’espèce
Pyrococcus furiosa qui a une température optimale de 113°C et croit moins bien lorsque la
température est en dessous de 100°C.

1. Classification
Les protéases peuvent être classées selon plusieurs critères :

• Selon la position de coupure de la chaine peptidique


- Les exopeptidases ou exoprotéases clivent l'extrémité de la protéine. Les
aminopeptidases coupent la liaison entre le premier et le second acide aminé, libérant
l'acide aminé N-terminal. Les carboxypeptidases coupent entre la liaison entre l'avant-
dernier et le dernier acide aminé de la chaîne, libérant l'acide aminé C-terminal.
- Les endopeptidases ou endoprotéases clivent une liaison à l'intérieur de la chaîne
protéique.

• Selon le mécanisme d’action et la nature des résidus catalytiques


- Les protéases à acide aspartique (A).
- Les protéases à cystéine (C) aussi appelées protéases à thiol.
- Les protéases à sérine (S).
- Les métalloproteases (M) utilisant un cation bivalent Zn++, Co++, Mn++.
- Les protéases à thréonine (T).
- Les protéases à acide glutamique (G).
- Les protéases à asparagine (N) utilisant une asparagine pour effectuer une réaction
d'élimination qui n'utilise pas de molécule d'eau.

Certaines protéases ont évolué à partir d'un ancêtre commun et forment une superfamille
évolutive qui contient des familles utilisant différents nucléophiles dans leur triade catalytique
(PA clan). Une famille est un groupe de protéases dans lequel chaque membre possède une
relation évolutive avec au moins un autre membre, soit sur l'ensemble de la séquence en
acides aminé, soit au moins dans la partie de la séquence liées à l'activité catalytique. Chaque
famille est identifiée par une lettre majuscule qui représente le type catalytique (S :
sérine……) suivi d'un numéro unique. Un clan est un groupe de familles considérées comme
ayant des ancêtres communs. Les membres sont le plus souvent regroupés par similitudes de
structure tertiaire, mais l'ordre des résidus catalytiques dans la séquence peut être utilisé.

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Enzymologie et Génie Enzymatique Dr N. RAAF M2 Microbiologie Appliquée

Chaque clan est identifié par 2 lettres majuscules : la première lettre spécifie le type de
catalyse (comme pour les familles) / la deuxième lettre est propre au clan. Le clan PA contient
les protéases à sérine et les protéases à cystéine. Exemple : chymotrypsine, trypsine : famille
= S01 (A) / clan = PA (S). P signifie "Protéases à nucléophile mixte" et A indique que c'était
le premier clan identifié (il y a eu ensuite les clans PB, PC, PD et PE).

2. Mode d’action
Les protéases à sérine et à cystéine suivent un mécanisme à 2 étapes en utilisant d'abord
ce type d'acide aminé (respectivement) pour promouvoir une attaque nucléophile de la liaison
peptidique par un autre acide aminé du site actif. Les métallo-protéases et les protéases à
acide aspartique (ou aspartyl-protéases) suivent un mécanisme à 1 étape où une molécule
d'eau est directement activée pour jouer le rôle de nucléophile. Toutefois, l'ensemble du
processus de l'hydrolyse de la liaison peptidique est essentiellement la même pour toutes les
classes de protéases.

• Attaque par un résidu nucléophile


Un nucléophile (qui aime les noyaux, donc les charges positives) est un composé
chimique attiré par les espèces chargées positivement : il donne une paire d'électrons à des
composés électrophiles pour former une liaison chimique.
Un électrophile est un composé chimique déficient en électrons : il possède une charge
élémentaire positive (e+eX+) ou une charge partielle (δ+δX+). Il attaque les aires riches en
électrons comme les liens C=CC=C.
Un radical libre possède un électron libre qu'il veut apparier à un autre et est donc très
réactif chimiquement avec d'autres composés : c'est la troisième forme d'attaque classique,
mais qui n'intervient pas dans les protéases.

Le résidu nucléophile est polarisé et déprotonaté par la base (en général l'histidine, mais
aussi quelquefois, la lysine ou le groupe amide dans les protéases à thréonine) qui accroît
ainsi son activité. Ce résidu n'est pas indispensable dans certaines protéases car l'histidine peut
être orientée d'une autre manière, par exemple par l'asparagine dans la papaïne, ou une
molécule d'eau pour certaines protéases de virus.

- Le nucléophile force l'oxygène du groupe carbonyle (C=O) à accepter un


électron, conduisant à un premier intermédiaire tétraédrique.
- Un intermédiaire acyl catalytique (ou intermédiaire acyl-enzyme) est
formé dans lequel le groupe carboxyle (C(=O)OH) est lié de manière covalente au
nucléophile catalytique après le clivage du reste du substrat protonaté par la base. Cet
intermédiaire est stabilisé par des résidus donneurs d'hydrogène, qui forment un trou
oxyanion. Un trou oxyanion est une cavité dans la structure d'une enzyme qui stabilise
un atome d'oxygène ou un alcoolate (alkoxide) déprotoné, souvent en le plaçant à
proximité d'un résidu chargé positivement. Cette poche est le plus souvent formée
d'amides ou de résidus chargés positivement.

36
Enzymologie et Génie Enzymatique Dr N. RAAF M2 Microbiologie Appliquée

- Puis, cet intermédiaire acyl catalytique est attaqué par un autre substrat pour
former un second intermédiaire tétrahédrique qui éjectera le nucléophile pour
régénérer la protéase et libérer le produit. Ce second substrat peut être une molécule
d'eau qui hydrolyse le produit ou une molécule organique qui se transfère au produit :
la protéase agit alors comme une transférase, dans ce cas une acyltransférase.

• Attaque par une molécule d’eau


L'attaque nucléophile peut être effectuée par une molécule d'eau activée (protéases A, M,
G) pour former un ion hydroxyde (OH−) qui est alors capable d'attaquer la liaison
isopeptidique. Dans le cas des métalloprotéases, c'est un cation divalent, en général Zn++, qui
active H2O. L'ion métallique est maintenu en bonne place par des résidus d'acides aminés, en
général 3 dont les plus fréquents sont l'histidine, le glutamate, l'aspartate ou la lysine. La
molécule d'eau est un ligand supplémentaire du zinc. Cette molécule d'eau établit une liaison
hydrogène avec un Glu qui lui arrache un proton et permet ainsi l'attaque. L'ion zinc stabilise
l'oxyanion.

3. Intérêt industriel
Les protéases occupent une grande part du marché des enzymes industrielles. La plupart
des enzymes utilisées industriellement sont des endopeptidases. Les industries alimentaires
constituent aujourd’hui l’un des principaux domaines d’application des technologies
enzymatiques. L’application majeure des protéases dans l’industrie alimentaire est dans la
fabrication de fromages mais aussi dans la boulangerie et pour la préparation des produits à
base de soja et la synthèse de l’aspartam. La grande diversité et spécificité des protéases est
un avantage qui permet à ces enzymes d’être utilisées dans le développement des agents
thérapeutiques efficaces. Par exemple, des collagénases provenant de Clostridium sp. ou des
subtilisines sont utilisées en combinaison avec des antibiotiques dans le traitement des
brulures, plaies et des ulcères dermiques. Les protéases sont ajoutées comme des ingrédients
clé dans la formulation des détergents pour usage domestique et industriel. La plupart des
protéases ajoutées dans les détergents sont produites par des souches de Bacillus. Elles sont
également utilisées en tannerie depuis le début du siècle dernier pour leurs capacités à libérer
les poils et la laine.

II. Les enzymes amylolytiques


Les enzymes amylolytiques sont classées parmi les hydrolases. Elles catalysent
l’hydrolyse de l’amidon comme les exo et endoglucanases dont le clivage s’effectue
respectivement aux extrémités et à l’intérieur de la chaine (Fig.37).

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Enzymologie et Génie Enzymatique Dr N. RAAF M2 Microbiologie Appliquée

Figure 37. Enzymes utilisées pour l’hydrolyse de l’amidon.

La production industrielle de glucose à partir de l'amidon nécessite trois enzymes


différentes: une α-amylase, une glucosidase et une pullulanase.

Les enzymes amylolytiques sont produites par des plantes, des animaux et des micro-
organismes. Cependant, les sources microbiennes sont les plus préférées pour la production à
grande échelle notamment par Bacillus licheniformis, Bacillus stearothermophilus, Bacillus
amyloliquefaciens, Bacillus subtilis, Aspergillus oryzae, Aspergillus niger, Penicillium
brunneum…

1. α-amylase
L’ α-amylase (EC 3.2.1.1), appelé aussi α,1-4-glucanohydrolase est une endoclycosidase
hydrolysant, avec rétention de la configuration anomérique, les liaison α-1,4 ce qui entraine
une diminution rapide de la viscosité et de la masse moléculaire de l’amidon. Le site actif de
l’enzyme est constitué par une crevasse capable d’accueillir une longueur de 4 à 10 résidus de
glucose. Chaque résidu étant lié à un sous-site du site actif de l’enzyme par des interactions
faibles contribue au positionnement correct du substrat par rapport au site de clivage et à une
régulation de l’hydrolyse lorsque la chaine saccharidique est courte. Le raccourcissement de
la chaine tend à diminuer l’hydrolyse, voire à l’arrêter (Fig.38). L’activité et la stabilité de
l’enzyme sont renforcées par la présence d’ions calcium.

Figure 38. Liaison de la chaine saccharidique au site actif de l’ α-amylase.

38
Enzymologie et Génie Enzymatique Dr N. RAAF M2 Microbiologie Appliquée

L’action prolongée de l’ α-amylase sur l’amylose aboutit à la libération de maltose,


maltotriose et de courts ligosaccharides. L’hydrolyse de l’amylopectine conduit à la formation
de glucose, maltose, malto-oligosaccharides et de structures branchés appelées α-dextrines
limites ne possédant qu’une longueur de 4 à 5 résidus du glucose au voisinage du
branchement.

2. Glucoamylase
Appelé également amyloglucosidase (EC 3.2.1.3) libère du glucose à partir de l’extrémité
non réductrice de l’amylose ou de l’amylopectine. Elle hydrolyse moins rapidement les liens
α-1,6 que les liens α-1,4. Lorsque la concentration de glucose libéré dans le milieu réactionnel
excède 30 à 35%, la glucoamylase catalyse la réaction inverse en formant principalement du
maltose et de l’isomaltose dont la conséquence est une baisse du rendement de la
transformation.

3. β-amylase
La β-amylase (EC 3.2.1.2) agit à partir de l’extrémité non réductrice, avec inversion de la
configuration non réductrice, et libère des unités de β-maltose. Toutefois, elle est incapable
d’hydrolyser les liaisons α-1,6 responsables des branchements.

4. Pullulanase
La pullulanase (EC 3.2.1.4) clive uniquement les liens α-1,6 à l’intérieur des chaines
polysaccharidiques. Libérant des oligosaccharides linéaires α-1,4.

La figure 39 et le tableau 4 résument les modes d’action des enzymes amylolytiques.

Figure 39. Sites d’action des enzymes amylolytiques.

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Tableau 4. Caractéristiques des enzymes amylolytiques.

5. Intérêt industriel
Les amylases jouent un rôle majeur dans les applications biotechnologiques telles que
l'industrie alimentaire et de fermentation. Elles sont utilisées notamment pour la fabrication de
sirops de sucres. L’utilisation d’enzymes thermostables issues des micro-organismes
thermophiles a permis d’accroitre le rendement et de diminuer le temps de transformation.
Elles sont aussi utilisées dans l’industrie du textile et pour la fabrication du papier…

III. Les enzymes lipolytiques


Les lipases sont l'un des biocatalyseurs les plus adaptables et polyvalents et le troisième
groupe d'enzymes le plus important. Ce sont une sous-classe d'estérases et appartiennent à la
famille des hydrolases qui agissent sur les liaisons esters carboxyliques. Elles catalysent un
large éventail de réactions telles que l'hydrolyse du triacylglycérol pour former des acides
gras libres et du glycérol. Une caractéristique unique de la lipase est sa capacité à hydrolyser
des substrats hétérogènes et à synthétiser des esters d'acides gras dans un milieu aqueux et
non aqueux. Les enzymes lipolytiques peuvent être classées en huit familles différentes en
fonction de la différence de séquences d'acides aminés à l'intérieur ou autour de leur site actif.

Les lipases se trouvent en abondance dans la nature. La plupart des applications


commerciales, elles sont obtenues à partir de sources microbiennes, les plus utilisées sont
Bacillus pumilus, Bacillus coagulans, Aeromonas hydrophila, Burkholderia cepacia,
Pseudomonas sp., Rhizopus sp., Aspergillus sp….

L'industrie des détergents est l'un des domaines d'application commercialement les plus
importants pour les lipases microbiennes. Toute lipase détergente doit avoir une faible
spécificité de substrat, être stable dans des conditions de lavage et présenter une résistance
aux agents oxydants et chélatants. En industrie alimentaire, les lipases sont utilisées
principalement pour améliorer la teneur en saveur des produits de boulangerie, pour les
raffineries et la production d'huiles et de graisses d'une valeur commerciale et nutritionnelle
plus élevée à partir de substrats de faible valeur et pour hydrolyser les matières grasses du lait
et donner la saveur caractéristique au fromage. Elles sont également exploitées dans
l’industrie cosmétique, textile et du cuire.

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IV. Les enzymes pectolytiques


Les enzymes pectolytiques ou pectinases participent à l’hydrolyse des pectines, principal
constituant de la paroi cellulaire primaire des plantes. Les pectinases sont classées selon leur
action. La pectate lyase (EC 4.2.2.10) dépolymérise la pectine avec une affinité élevée pour
les longues chaines méthylées. Elle agit sur les α-galacturonanes méthylésselon un mécanisme
de β-élimination avec la formation d’oligo-uronides insaturés. La petinestérase (EC 3.1.1.11)
libère les groupes méthyles de la pectine en donnant du méthanol et une pectine de moins
bonne affinité pour la pectate lyase. L'une des pectinases les plus étudiées, et les plus utilisées
commercialement est la polygalacturonase qui se divise en deux sous-groupes, les
endopolygalacturonases (EC 3.2.1.15) et les exopolygalacturonases (EC 3.2.1.67). Ces deux
sous-groupes sont divisés selon leur mode d'action sur le substrat, soit une hydrolyse interne
ou externe.

Ces enzymes sont produites et sécrétées par divers microorganismes majoritairement par
des souches du genre Aspergillus. Elles sont aussi produites par les plantes au niveau
intracellulaire.

Les pectinases sont des enzymes largement exploitées dans l'industrie alimentaire. Elles
sont majoritairement utilisées pour clarifier les jus et diminuer le temps de filtration. Le
traitement des pulpes de fruits avec des pectinases permet également d’extraire plus de jus.
Elles sont aussi employées pour l'extraction d'huile à partir de légumes et d'agrumes ainsi que
dans l'industrie du papier et de la pâte à papier.

V. Les cellulases, hémicellulases et ligninases


Ces enzymes font partie des enzymes lignocellulolytiques. Elles sont capables
d’hydrolyser les chaînes linéaires ainsi que les chaînes de ramification. Les exo-hydrolases
clivent les liaisons terminales et libèrent des unités de monosaccharides à partir des extrémités
réductrices et non réductrices, alors que les endo-hydrolases attaquent les liaisons de façon
aléatoire ou à des positions spécifiques. Les endo-enzymes provoquent une diminution initiale
dans le degré moyen de polymérisation du substrat avec formation de courtes chaînes
d’oligosaccharides solubles qui sont dégradées à leur tour par les exo-enzymes.

L’hydrolyse complète de la cellulose nécessite l'action synergique de trois types de


cellulases. Elles sont classées en fonction de l'endroit où elles agissent au niveau de la fibre
cellulosique. Les endoglucanases commencent l’hydrolyse, les exoglucanases agissent au
niveau des extrémités générées par les endoglucanases, suivie par les b-glycosidases qui
agissent sur le produit de catalyse des exoglucanases, pour libérer enfin des monomères de
glucose.

Les hémicellulases hydrolysent principalement les liens engagés avec des résidus de
pentose comme ceux des arabinanes, arabinogalactanes et xylanes. Elles agissent à l’intérieur
des chaines et aux extrémités non réductrices.

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Les ligninases sont généralement des métallo-enzymes qui oxydent les phénols
composant les chaînes ramifiées des lignines. Elles sont classées en deux catégories: les
phénols oxydases qui sont des oxydoréductases glycosylées à cuivre qui utilisent l’O2 pour
oxyder divers composés aromatiques et non aromatiques ; et les peroxydases à hème comme
les lignines peroxydases qui sont des glycoprotéines contenant un groupement hème et qui
jouent un rôle crucial dans la biodégradation de la lignine. Elles catalysent la réaction
générale, dépendante du H2O2, de dépolymérisation oxydante de composés non phénoliques.

Les applications industrielles des cellulases, hémicellulases et ligninases sont multiples.


Elles sont utilisées dans les phénomènes de bioblanchiment de pâtes à papier. Elles réduisent
ou remplacent les méthodes chimiques de rouissage du lin, du jute et du chanvre dans
l’industrie du textile. Elles permettent aussi de réduire la viscosité et le maintien en
suspension des pulpes dans la fabrication de jus de fruits. En association avec des protéases
notamment, elles sont utilisées pour produire des suppléments diététiques ou pour améliorer la
digestibilité.

VI. Les glucose-isomérases, lactases et invertases


La glucose isomérase (EC 5.3.1.5), également connue sous le nom de xylose isomérase
est une isomérase isomérisant l’aldose, telle que la D-xylose, D -glucose, D-ribose,..., au
cétose correspondant. La glucose isomérase a un large éventail de sources tels que des
bactéries, des champignons et des actinomycètes, ainsi que des plantes et des animaux. C’est
une enzyme clé dans la production industrielle de sirop de maïs à haute teneur en fructose et
d'éthanol.

La lactase (EC 3.2.1.108) hydrolyse le lactose en glucose et galactose. Elle peut être
utilisée comme complément alimentaire contre l’intolérance au lactose du lait.

L’invertase ou β-fructofuranosidase hydrolyse le saccharose en glucose et fructose.


L’extraction pour une utilisation industrielle se fait majoritairement à partir de levures.

VII. Les enzymes artificielles


Les enzymes artificielles sont des molécules mimant l'action d'une enzyme naturelle,
mais dépourvues de la structure complexe de celle-ci. En effet, les enzymes naturelles sont
des protéines, macromolécules de plusieurs milliers d'atomes. Or seule une petite partie de
l'enzyme, une cavité dans laquelle se loge un substrat, intervient dans une réaction
enzymatique. Les chimistes ont donc synthétisé des composés ne possédant d'analogue à la
structure protéinique que des cavités tridimensionnelles dans lesquelles viennent se loger, puis
se transformer, des molécules hôtes de dimensions moléculaires modérées. Le terme
d'enzyme artificielle peut être ambigu, il ne s'agit absolument pas de produire des enzymes
par synthèse chimique, ni de synthétiser des molécules capables de se substituer aux enzymes
naturelles dans leur fonction, mais de fabriquer des catalyseurs inspirés des enzymes, aussi
efficaces mais différent fondamentalement des catalyseurs usuels par leur organisation dans
l'espace.

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Même si les systèmes artificiels sont capables d´accélérer une réaction par un facteur
1000, leurs performances restent encore très en dessous des performances réalisées par les
enzymes naturelles (x106 ).

1. Cyclodestrines
Ce sont des composés de faible masse moléculaire qui ont été synthétisés pour mimer les
mécanismes de catalyse enzymatique. Ce sont des oligosaccharides cycliques naturelles issus
de la dégradation enzymatique de l’amidon. Elles sont constituées de sous-unités
glucopyranose liées en α-(1,4). Les trois cyclodextrines naturelles les plus courantes se
composent de 6, 7 ou 8 unités α-D-glucopyranose en configuration chaise reliées entre elles
par des liaisons α-1,4. Elles sont dénommées respectivement α-, β- et γ-cyclodextrine
(Fig.40).

Grace a cette structure amphiphile, les cyclodextrines sont solubles dans l’eau et
possèdent une activité internes hydrophobe. Cette cavité est susceptible de représenter la
poche hydrophobe du site actif de la plupart des enzymes. Toutefois, cette poche ne contient
aucun élément capable de catalyser une réaction. La modification d’une cyclodextrine grâce
au greffage covalent d’un groupe chimique externe peut faire apparaitre une propriété
catalytique originale. Ainsi pour mimer le mécanisme des métalloenzymes comme la
carboxypeptidase A, un groupe chélatant le zinc ou le nickel a été greffé sur une α-
cyclodextrine en bordure de la cavité. L’utilisation d’un dérivé de β-cyclodextrine fait
augmenter le taux de conversion d’alcool benzylique en aldéhyde. Il a également été rapporté
un effet important dans l’augmentation de l’énantiosélectivité.

Figure 40. Structure des α-cyclodextrines.

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Leur récente production industrielle à coûts modérés, leur disponibilité fondée sur des
productions agricoles abondantes ainsi que leur caractère biodégradable confèrent à ces
molécules de grandes potentialités économiques. Elles connaissent déjà d’importantes
applications dans les domaines médical, agricole, alimentaire, cosmétique, chimique et
pharmaceutique. D’autant plus que ces molécules ne sont pas toxiques. Elles s’hydrolysent
lentement dans l’organisme pour libérer des unités de glucose.

2. Abzymes
Les abzymes sont des anticorps produits artificiellement possédant un effet catalytique.
Comparés à une enzyme normale, ils possèdent une meilleure spécificité du substrat. L’idée
qu’un anticorps pourrait posséder une activité catalytique a été énoncée en 1942 et confirmée
en 1975. La production des premiers anticorps catalytiques ou abzymes a débuté en 1986. Les
méthodes de production des abzymes peuvent être divisées en deux catégories :

• Production par immunisation à l’aide d’haptènes


La grande majorité des « abzymes » a été produite par immunisation à l’aide d’haptènes
qui sont des analogues stables d’états de transition de réactions chimiques. Cette stratégie qui
dépend essentiellement de la synthèse chimique d’haptènes a permis la production d’anticorps
catalysant des réactions telles que les réactions d’addition électrophile- élimination, de
racémisation, d’isomérisation, d’hydrolyse et de formation de liaisons carbone-carbone. Un
des intérêts majeurs de l’utilisation d’analogues d’états de transition est la possibilité de
produire des abzymes qui catalysent des réactions thermodynamiquement ou cinétiquement
défavorables, qui ne sont pas catalysables par les enzymes naturelles connues ou par les
méthodes chimiques disponibles (Fig.41).

Figure 41. Production des abzymes par immunisation à l’aide d’aptènes.

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• Production par manipulation du réseau idiotypique


C’est une approche plus biologique qui fait intervenir la notion d’image interne
constitutive du réseau idiotypique. Des animaux sont immunisés à l’aide d’une enzyme avec
pour objectif la production d’un anticorps monoclonal (Ab1) dont le site de liaison à
l’antigène possède des structures complémentaires à celles du site actif de l’enzyme. Des
anticorps monoclonaux (Ab2) dirigés contre le site de liaison à l’antigène de l’Ab1, sont alors
produits. Certains des Ab2 portent une image du site actif de l’enzyme et miment la fonction
catalytique de cette enzyme. Cette approche a permis la production d’anticorps doués d’une
activité estérase, amidase ou sérine protéase, en utilisant respectivement
l’acétylcholinestérase, la β-lactamase et la subtilisine comme immunogènes. Les paramètres
cinétiques des anticorps catalytiques sont la Vmax, le Km, le Kcat et l’efficacité catalytique
sont plus faibles que ceux des enzymes d’origine, mais sont toutefois plus élevés que ceux
d’abzymes de même activité produits par les analogues d’états de transition (Fig.42).

Figure 42. Production des abzymes par manipulation du réseau idiotypique.

Aujourd'hui, des recherches sont menées dans l´espoir de pouvoir utiliser des abzymes à
des fins thérapeutiques. En effet, il a été découvert que des abzymes sont produits de manière
naturelle par le système immunitaire, en l’absence d’immunisation délibérée. Il a été proposé
que ces anticorps catalytiques naturels pourraient participer directement à l’élimination des
débris qu’engendre le métabolisme de l’organisme dans les conditions physiologiques. On
observe une augmentation de production dans des conditions pathologiques, en cas de
déséquilibres du système immunitaire, lors de la grossesse ou de désordres auto-immuns sans
pour autant trancher si les abzymes détectés chez les patients jouent un rôle dans l’étiologie de
la maladie, et si leur apparition résulte de la maladie ou est à l’origine des manifestations
cliniques.

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Tableau 5. Exemples de quelques enzymes d’intérêt industriel.

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Domaines d’utilisation des enzymes

L’utilisation des enzymes sous leurs principales formes (préparation enzymatique ou


purifiée) connait son essor essentiellement au XXe siècle. Aujourd’hui le marché mondial des
enzymes industrielles se développent rapidement grâce au développement et la maîtrise des
procédés d’extraction des enzymes des cellules (microbienne, végétales et animale). Le
marché était valorisé de 2 milliards d’euros par an en 2005, 6 milliards en 2016 et devrait
dépasser les 9 milliards d’euros en 2024. Les principaux secteurs sont les détergents, le
traitement de l’amidon et la production d’aliments pour animaux, mais les enzymes sont
désormais utilisées dans de nombreuses applications très diverses, allant du blanchiment
biologique du papier jusqu’au techniques plus efficaces pour l’extraction du pétrole et du gaz
naturel en passant par le domaine pharmaceutique et thérapeutique (Fig.43). En général,
l’utilisation des enzymes est rentable, sans danger et reconnue comme technologie verte.

Figure 43. Secteurs d’utilisation des enzymes.

I. Recherche scientifique
L’utilisation des enzymes pour réaliser des travaux de recherche scientifique dans les
méthodes de biologies moléculaire est bien ancrée dans les principes analytiques de la
biologie moléculaire. Les propriétés extraordinaires que possèdent certaines enzymes, en
l’occurrence leur action sur les acides nucléique font d’elles des outils incontournables dans le
génie génétique.

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1. PCR
La PCR a révolutionné la biologie moléculaire par l’utilisation d’une ADN polymérase
thermostable (EC 2.7.7.7).

2. Enzymes de restriction (endonucléases)


La découverte des enzymes de restrictions dans les années 60 a constitué une étape
décisive pour le clonage des gènes. Elles agissent au niveau de site bien précis au niveau de
l’ADN et sont classées en trois types (I, II et III). Elles sont principalement utilisées pour
cartographier les molécules d’ADN sous forme de carte de restriction.

3. Marquage enzymatique
La fixation covalente de certaines enzymes à des molécules biologiques permet
notamment de réaliser des dosages. La peroxydase, la β-galactosidase ou la phosphatase
alcaline sont utilisées pour les quantifications des tests ELISA. Une réaction colorée est
obtenue grâce à l’utilisation des substrats adéquats.

4. Dosage par voie enzymatique


Divers composés biologiques peuvent être dosés par voie enzymatique, souvent grâce à
un couplage de plusieurs réactions du métabolisme. Beaucoup de ces méthodes utilisent des
réactants chromogènes qui permettent l’emploi de spectrophotomètre. Certains de ces dosages
sont commercialisés sous forme de kits pour faciliter la mise en œuvre et la répétabilité. Le
dosage du cholestérol se fait par exemple par des méthodes chimiques, mais le dosage par
voie enzymatique par l’utilisation de la cholestérol estérase (EC 3.1.1.13) ou la cholestérol
oxydase (EC 1.1.3.6) permet d’augmenter très significativement la sensibilité du test.

5. Lyse cellulaire
Pour purifier des macromolécules biologiques solubles il est souvent nécessaire
d’effectuer une lyse cellulaire. Les techniques mécaniques laborieuses utilisées notamment
pour lyser les cellules bactériennes aboutissent souvent à une lyse incomplète. L’utilisation de
lysozyme constitue une alternative simple et efficace qui se dispense d’un équipement
spécifique.

6. Synthèse organique
La synthèse de molécules par voie enzymatique est de plus en plus utilisée bien que la
synthèse chimique soit économique, rapide et conduise généralement à de bons rendements.
Les enzymes ont l’avantage d’effectuer des réactions douces, d’obtenir un produit défini et
d’éviter les solvants aux effets toxiques. Les aldolases sont capables de catalyser la formation
d’une liaison C-C hautement stéréospécifique par une réaction de condensation.

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II. Applications médicales


Les enzymes constituent un outil précieux pour la médecine. Elles sont employées
essentiellement pour comme indicateurs de la concentration d’enzymes dans les fluides
biologiques pour déceler des pathologies, comme réactifs pour l’analyse de composés non
enzymatiques ou comme agents thérapeutiques.

1. Diagnostic
Les essais enzymatiques sont fréquemment pratiqués par les laboratoires d’analyse
médicale. Beaucoup de réactions enzymatiques peuvent être suivies par un changement de
densité optique à 340 nm. Le rapport des activités des différentes enzymes associées à un tissu
ou un organe malade peut varier et permettre d’affiner le diagnostic comme dans le cas
d’hépatite avec l’ALAT ou la phosphatase alcaline. La détermination de la concentration du
glucose dans le sérum sanguin est réalisée grâce à un dosage par voie enzymatique.

2. Enzymes thérapeutiques
Les enzymes utilisées en thérapeutique peuvent remplacer une enzyme défectueuse, voire
manquante, ou compléter une quantité insuffisante d’enzyme sécrétée par un organe.
Certaines enzymes sont utilisées comme aide digestive comme la β-galactosidase (EC
3.2.1.23) chez les personnes intolérantes au lactose. La thrombine humaine (EC 3.4.21.5) est
souvent utilisée comme activateur de la coagulation. Le recours à des protéases comme la
trypsine (EC 3.4.21.4), la chymotrypsine (EC 3.4.21.1), la papaïne (EC 3.4.24.7) et la
collagénase (EC 3.4.24.7) dans des crèmes ou des pansements est fréquent pour le
débridement des plais et des brulures. Les enzymes sont aussi employées dans les traitements
anticancéreux par des prodrogues. Une prodrogue est un médicament activable dans certaines
conditions. Les prodrogues sont utilisées contre des cibles cellulaires précises, pour la plupart
des cellules tumorales. La stratégie des prodrogues repose sur la destruction très spécifique
d’une cellule cible en dirigeant vers elle un médicament à l’état de précurseur qui, une fois
activé par une enzyme, devient un composé hautement toxique (Fig.44).

Figure 44. Utilisation des enzymes dans des thérapies impliquants des prodrogues.

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Le lysozyme (EC 3.2.1.17), la chitinase (EC 3.2.1.14) et des enzymes de bactériophages


sont utilisés pour traiter les maladies infectieuses. En effet, le lysozyme est antibactérien
naturel qui peut être trouvé dans beaucoup d’aliments et de produits de consommation. En
clivant les liens osidiques β(1,4) des chaines saccharidiques de la paroi cellulaire entre les
résidus d’acide N-acétylmuraminique et N-acétylglucosamine, cette enzyme permet de
détruire un grand nombre de micro-organismes pathogènes. Il est notamment ajouté aux
pommades pour traiter les infections de la peau et administré en collyre pour les infections de
l’œil. La chitinase hydrolyse la chitine ou le chitosane qui est un constituant de la paroi
cellulaire des levures, protozoaires ou des vers comme les helminthes. Les enzymes de
bactériophages peuvent être utilisées pour dégrader la paroi d’organismes pathogènes comme
S. pneumoniae, B. anthracis ou C. perfringens. L’endolysine constitue une alternative pour
traiter les infections cutanées causées par des souches bactériennes résistantes aux
antibiotiques.

III. Industrie pharmaceutique


Pour obtenir des composées spécifiques, l’industrie pharmaceutique emploie des enzymes
comme catalyseurs. Comparée à la préparation par synthèse chimique, l’usage des enzymes
permet de diminuer le nombre d’étapes nécessaires à la production d’un médicament. Cet
avantage est dû à la haute spécificité des réactions enzymatiques. Les acylases et les estérases
figurent parmi les enzymes les plus stéréospécifiques. Elles apportent une solution à la
difficulté de production de médicaments qui consiste à l’obtention de mélanges
d’énantiomères. La synthèse d’antibiotiques fait également appel aux enzymes. L’ampicilline
et la céphalexine par exemple sont obtenues grâce à l’action de la pénicilline G acylase
(Fig.45).

Figure 45. Action de la pénicilline G acylase

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IV. Industrie des détergents


Le secteur des lessives représente 30 à 40% de l’utilisation des enzymes. Ces enzymes
doivent relever des défis difficiles comme pouvoir agir à des températures élevées (50 à
80°C), dans un milieu hautement alcalin (pH 9 à 12) et en présence d’inhibiteurs ou de
désactivateurs. La plupart des enzymes sont obtenues à partir de Bacillus subtilis et Bacillus
licheniformis.

1. Les protéases
Les protéases représentent la plus grande fraction des enzymes dans les détergents. Elles
sont utilisées dans les lessives principalement pour éliminer les protéines des taches de sang,
de mucus, d’œuf ou de sauce. Ces protéines sont particulièrement insolubles et adhérentes aux
tissus. Sous l’action des protéases, les protéines sont hydrolysées en peptides qui sont
facilement dissous et dispersés dans le milieu liquide. Les protéases sont essentiellement des
endoprotéases à sérines clivant les protéines au niveau de résidus hydrophobes du coté
carboxylique. Les protéases à sérines sont les seules à pouvoir être utilisées car les protéases à
thiol comme la papaïne sont oxydées par les agents de blanchiment. Les protéases acides ne
sont pas actives dans les conditions employées tandis que les métalloprotéases comme la
thermolysine perdent leur cofacteur métallique par complexation avec les agents anticalcaires.
Ainsi, l’enzyme la plus fréquemment utilisée est la subtilisine qui est capable de cliver de
nombreux liens peptidiques avec une préférence pour les résidus hydrophobes dans une
gamme de pH s’étalant de 8 à 10,5.

2. Les lipases
Les lipases dans les lessives ont pour rôle d’éliminer les corps gras provenant des fritures,
beurre, sauces, soupes, certains cosmétiques…. Une lipase hydrolyse les triglycérides en
mono et diglycérides, en glycérol, et en acide gras libres, tous ces produits étant plus solubles
que les corps gras d’origine. La lipolase est la première lipase à être utilisée dans les
détergents.

3. Les amylases
L’amylase facilite la dissolution des taches contenant de l’amidon telles que les pâtes
alimentaires, les pommes de terre, sauces, chocolats, aliments pour nourrissons…Dans les
conditions de lavages, l’amidon se comporte comme une colle capable de fixer les particules
solides. L’enzyme permet d’hydrolyser l’amidon en dextrines et oligosaccharides qui sont
facilement dissous.

4. Les cellulases
Les cellulases permettent d’éviter la formation de bouloches en éliminant les courtes
fibres sans apparemment modifier la structure principale. Elles contribuent aussi à la
protection de la couleur des vêtements.

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V. Applications agroalimentaires
L’utilisation des enzymes en industrie agroalimentaire est très large et s’étend de
l’industrie laitière à l’extraction d’huiles végétales en passant par la fabrication de jus de fruits
et de viandes…

1. Aide à la transformation des aliments


Les applications des enzymes dans les transformations agroalimentaires sont très
étendues et variées. Les principales concernent l’hydrolyse de l’amidon par l’α-amylase
permettant d’obtenir les dextrines qui sont ensuite transformées par la glucoamylase et la
pullulanase en sirop de glucose. Grâce à la glucose isomérase, le glucose est converti en sirop
de fructose. Chaque année environ 60 millions de tonnes d’amidon sont transformées en
édulcorants et ingrédients. L’industrie de l’amidon est devenue la deuxième industrie à utiliser
des enzymes après l’industrie des détergents. La conversion de l’amidon suit les étapes
suivantes (Fig.46) :

- La gélatinisation : Elle implique la dissolution des granules d’amidon de la


taille d’un nanogramme pour former une suspension visqueuse.
- La liquéfaction : implique l’hydrolyse partielle de l’amidon avec une
diminution de la viscosité.
- La saccharification : implique la formation de glucose et de maltose par
hydrolyse supplémentaire.

Les lipases et phospholipases améliorent aussi les propriétés des farines. La fabrication
du fromage repose essentiellement sur l’hydrolyse du caséinomacropeptide par la chymosine
conduisant à la coagulation des micelles de caséine. Des pectinases aux spécificités
différentes assurent l’hydrolyse des constituants des parois végétales en facilitant l’obtention
de jus de fruit. Les protéases comme la papaïne sont employées pour attendrir la viande qui
peut être restructurée grâce aux transglutaminases. De même le poisson peut être traité par des
peptidases pour faciliter le dépeçage. Les lipases catalysent des réactions de transestérification
peuvent être mise à profit pour remplacer des constituants naturels comme le beurre de cacao
par des substituants.

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Figure 46. Enzymes utilisées pour la transformation de l’amidon

2. Amélioration de la perception des arômes naturels


Les enzymes sont aussi capables de libérer des arômes et de corriger le gout en diminuant
l’amertume de certains constituants alimentaires. La bioconversion de substrat aromatique
pour la synthèse de nouvelles molécules aromatiques peut prétendre à la substitution de la
production d’arômes de synthèse chimique.

3. Alimentation animale
L’alimentation animale peut recevoir des xylanases et des β-glucanases qui augmentent la
digestibilité. Des peptidases comme la subtilisine (EC 3.4.21.62) sont utilisées pour accroitre
la valeur nutritionnelle.

4. Conservation des aliments


Les utilisations dans l’alimentaire ne se restreint pas à l’exploitation des propriétés
catalytiques des enzymes, elle regroupe également les opérations visant à contrôler voire
inhiber des enzymes pouvant altérer les qualités organoleptiques comme les brunissements

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enzymatiques observés dans certains aliments (pomme de terre, banane tranchée) dû à la


formation des quinones issus de l’oxydation des polyphénols. Les procédés appliqués dans les
IAA font souvent appel au « vide », absence d’oxygène ou aux procédés de dénaturations
d’enzymes indésirables.

VI. Industrie du textile


La présence d’enzymes dans l’industrie du textile tend à se renforcer pour des raisons
d’efficacité, de sélectivité et de protection de l’environnement. Elles permettent aussi aux
industriels de faire des économies par la réduction des quantités d’énergie et d’eau utilisées.
Parmi les enzymes les plus utilisées :

1. Les cellulases
Les cellulases sont utilisées pour maintenir l’aspect et le toucher des étoffes de coton
même après plusieurs lavages. Elles dégradent la cellulose en clivant les liens glucosidiques
(β-1,4) et en libérant des oligosaccharides et du glucose. La plupart des cellulases utilisées
sont un mélange d’endoglucanases (EC 3.2.1.4), de cellobiohydrolase (EC 3.2.1.91) et de β-
glucosidase (EC 3.2.1.21). Leur action est résumée dans la figure suivante :

Figure 47. Action des cellulases sur le coton.

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L’accessibilité de la cellulose du tissu constitue un facteur important influençant l’action


des cellulases. Les réactions enzymatiques s’effectuent préférentiellement sur de la cellulose
amorphe puisque le structure de la cellulose cristalline, plus compacte, n’offre pas un accès
suffisant aux macromolécules. Ainsi, les cellulases agissent principalement à la surface des
tissus.

Les cellulases sont également utilisées pour le bio-délavage des vêtements. Le traitement
rend les vêtements moins sensibles à l’usure produite par des lavages fréquents et moins aptes
à fixer les salissures par rapport à l’utilisation de la pierre ponce (Fig.48). Environ 80% des
pantalons jeans produits sont traités par les cellulases.

Figure 48. Action des cellulases sur les jeans.

2. Les peroxydases
Les peroxydases sont utilisées pour éliminer le peroxyde d’oxygène utilisé pour blanchir
le coton, et dont les résidus peuvent influencer l’obtention des couleurs souhaitées (Fig.49).

Figure 49. Comparaison de l’action des peroxydases et des voies traditionnelles pour
blanchir le coton.

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VII. Industrie du cuir


C’est l’une des industries les plus polluantes. Les enzymes participent à la diminution de
la pollution durant les différentes étapes de production avec l’obtention d’un cuir de meilleure
qualité. L’utilisation de laccases pendant le trempage accélère le processus en éliminant
l’acide hyaluronique, facilitent la réhydratation et participent à l’élimination des excréments.
La papaïne est utilisée pour ces propriétés dépilatoires pour obtenir un meilleur résultat par
rapport aux précédés chimiques. Les enzymes lipolytiques remplacent les solvants à base de
paraffine pour le dégraissage des peaux et permettent de diminuer la durée du traitement et les
coûts de production d’au moins 25% tout en obtenant un cuire de meilleure qualité. Des
protéases sont utilisées dans l’étape de confitage qui procure au cuir la souplesse requise
avant le tannage.

VIII. Industrie du papier


Le bois, matière première pour l’industrie de papier, est constitué de 40 à 55% de
cellulose correspondant à des enchainements β-1→4 relient des résidus de glucose, de 25 à
35% d’hémicellulose (courts polymères branchés de pentose comportant une petite quantité
d’hexoses) et de 15 à 30% de lignine (réseau de polyphénols).

La xylanase et la laccase (polyphénol oxydase) sont utilisées dans les étapes de


blanchiment car elles facilitent l’élimination de la lignine responsable du jaunissement de la
pulpe de papier mais la technique reste encore à améliorer. Environ 10% du papier subit une
étape de pré-blanchiment utilisant une xylanase. Les laccases sont hautement spécifiques de la
lignine (objectif de blanchiment), il n’y a ainsi ni perte ni dommage de la cellulose et peut
produire des économies plus importantes que pour l’utilisation de xylanases mais le procédé
n’est pas encore assez développé pour une utilisation à grande échelle.

Les cellulases et hémicellulases attaquent les fibres fines et courtes et favorisent ainsi le
drainage de l’eau du papier en formation. Le drainage est une étape clé de la chaine de
fabrication du papier. L’utilisation de ces enzymes nommées « aide de drainage » permet de
diminuer la quantité d’énergie nécessaire au séchage du papier.

IX. Industrie cosmétique


Les produis cosmétiques intègrent dans leur composition des enzymes pour obtenir des
produits à haute performance, aux propriétés ne pouvant être atteintes avec les constituants
traditionnels ou obtenir la mention « bio ». Les enzymes oxydatives rajoutées au dentifrice
permettent de combattre la plaque dentaire et d’éviter les gingivites et les caries. La glucose
oxydase (EC 1.1.3.4) transforme le glucose en gluconolactone et peroxyde d’hydrogène qui
est utilisé par le peroxydase de la salive pour produire de l’hypothiocyanate, ce dernier ayant
un pouvoir antibactérien élevé.

Les oxydases, peroxydases et tyrosinases permettent de rendre le procédé de coloration


des cheveux plus doux en limitant la concentration d’H2O2.

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X. Préservation de l’environnement
S’effectuant généralement à pH neutre et nécessitant une énergie inférieure à celle
utilisée en synthèse chimique, les réactions enzymatiques sont de plus en plus appliquées à
l’obtention de composés sans rejets toxiques pour l’environnement.

1. Traitement des déchets


Les déchets des industries utilisant des matières biologiques notamment peuvent subir
une valorisation par voie enzymatique. Les protéases à cystéine de plantes sont employées
pour extraire des protéines à partir des déchets provenant des abattoirs, et les protéases
alcalines bactériennes et la papaïne sont employées pour solubiliser ou fluidifier les déchets
de poisson.

2. Traitement des effluents


Dans le cas de problèmes spécifiques du traitement industriel des eaux usées, l’utilisation
des enzymes isolées peut être préférée à l’utilisation de micro-organismes produisant
l’enzyme pour améliorer l’efficacité. Ainsi, des levures et des champignons peuvent effectuer
une décoloration partielle des effluents toxiques de l’industrie du textile mais dernièrement
l’utilisation d’enzymes comme les peroxydases et les laccases a été envisagé pour décolorer
ces effluents.

L’utilisation des lipases est généralement conseillée pour le traitement des eaux usées
provenant des cantines et restaurants qui contiennent des matières grasses abondantes.

3. Traitement des odeurs


Beaucoup d’odeurs domestiques et industrielles sont causées par des sulfures, thiols,
ammoniaque…En oxydant divers thiols et composés contenant du souffre, les laccases ont des
propriétés désodorisantes qui supplantent le simple masquage des odeurs nauséabondes par
des parfums.

4. Réchauffement climatique et énergie renouvelable


Accélérant le réchauffement climatique, l’accumulation de CO2 peut être combattue grâce
à l’action de l’anhydrase carbonique. Les enzymes peuvent également être employées dans la
production d’énergie renouvelable comme le biodiesel obtenu par transformation des huiles
végétales et graisses par les lipases. De même le bioéthanol dont la production est facilitée par
l’action des cellulases au cours de la saccharification permet le remplacement partiel des
carburants d’origine fossile. La laccase peut aussi être utilisée comme catalyseur biologique
dans une pile à combustible et contribuer à la production d’électricité.

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Production industrielle des enzymes

Pour la production industrielle des enzymes on distingue deux catégories :


- Les enzymes d’extraction à partir d’organismes végétaux ou animaux.
- Les enzymes de fermentation issues de microorganismes eucaryotes ou
procaryotes.

Les enzymes de fermentation présentent de nombreux avantages par rapport aux enzymes
d’extraction, les principaux sont :
- Production en grande quantité en fermenteur.
- Production indépendante des contraintes géographiques et saisonnières.
- Matière première bon marché.
- Manipulation génétique plus facile.
- Purification plus facile en cas d’enzymes extracellulaires.

Il n’est pas réaliste de penser d’emblée à réaliser la production des quantités de produit
d’intérêt nécessaires à la commercialisation. Cette production doit être essayée en mettant en
œuvre des quantités croissantes de matières premières, c’est à dire en réalisant des mises au
point successives à des échelles croissantes. Classiquement, ces échelles sont dites :
laboratoire, pilote et production.
- Echelle laboratoire : C’est le stade de la recherche dont le but est
principalement d’étudier la faisabilité de la production.
- Echelle pilote : C’est le stade du développement du projet. A cette étape on
précède à la mise au point des conditions industrielles.
- Echelle industrielle : C’est le stade de la production. Une fois les paramètres
optimisés lors des étapes précédemment citées, on passe à la mise en œuvre des
conditions industrielles et une production à grande échelle.

I. Choix du microorganisme producteur


Le choix de la souche productrice est une étape cruciale. La souche doit répondre à un
certain nombre de critères :
- Fournir une bonne production d'enzymes.
- Taux de croissance important.
- Morphologie adaptée à la culture en réacteur.
- Les enzymes extracellulaires sont préférables aux enzymes endocellulaires
dont l'extraction est difficile à réaliser.
- Une activité spécifique de l’enzyme élevée avec une régulation réduite et une
résistance à la répression catabolique.
- La souche doit pouvoir se développer sur des substrats peu couteux.
- Souche non pathogène pour une utilisation alimentaire (Concept GRAS
« Generally Recognized As Safe »).

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Les microorganismes extrêmophiles sont structurellement adaptés au niveau moléculaire


pour résister à ces conditions difficiles (Températures élevées, pH extrêmes, besoin de petites
quantités d’eau…) des avantages très intéressants à exploiter en fermentation industrielle. De
plus, les enzymes produites par ce type de microorganismes fonctionnent dans des conditions
extrêmes également. Une stabilité qui présente un grand intérêt dans les processus
biotechnologiques.

Comme il est difficile de trouver toutes ces caractéristiques chez le même organisme, la
majorité des souches servant à la production d’enzymes industrielles ont été améliorées par
mutagénèse ou génie génétique. De plus, il est préférable pour certaines enzymes industrielles
utilisées ensemble dans le même but (comme l'amylase, la lipase et la protéase utilisées dans
la formulation des détergents) d’être coproduites en une seule fermentation pour réduire le
coût et maintenir la stabilité de l'enzyme.

Les espèces Bacillus et Aspergillus sont connues pour être les principaux producteurs
d'enzymes industrielles. La plupart des espèces de ces genres sont sûres et ne produisent
aucune toxine, se développent sur des substrats peu coûteux et sécrètent des quantités
extracellulaires adéquates et sécrètent une quantité extracellulaire adéquate d'enzymes dans un
délai raisonnable. Ils peuvent également être facilement manipulés génétiquement pour
donner de nouvelles enzymes industrielles aux caractéristiques souhaitables. Le tableau
suivant représente les principales espèces microbiennes productrices d’enzymes.

Tableau 6. Principaux microorganismes producteurs d’enzymes.

Enzymes Microorganismes producteurs (Milieu de culture bon marché)


Invertase Saccharomyces cerevisae
Kluyveromyces lactis
Aspergillus usamii (écorces d’orange et mélasses)
Lipase Mucor javanicus
Rhizopus arrhizus
Aspergillus effusus
α-amylase Baccilus subtilis (déchets organiques de cuisine)
Baccilus licheniformis
Aspergillus niger
Glucose Streptomyces albus
isomérase Baccilus coagulans
Laccase Kluyveromyces lactis
Kluyveromyces fragilis
Protéase Bacillus amyloliquefaciens
Mucor
Cellulase Penicillium sp (sciure de bois)
Pseudomonas fluorescens (paille de canne à sucre, son de blé,sciure de
bois)
Kératinase Bacillus megaterium (plumes de poulet)
Aspergillus niger (son de blé)

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II. Choix du milieu de production


Les milieux de production peuvent être des milieux synthétiques ou complexes. Ils
doivent contenir tous les éléments nutritifs dont la souche a besoin (énergie, carbone, azote,
phosphore, soufre, vitamines…) et en même temps couter le moins cher possible. Les
matières premières comptent pour 60 à 80 % du prix de revient dans une production d’enzyme
par fermentation. L’utilisation des déchets agricoles et des industries alimentaires peut être
une solution. L'utilisation de sous-produits ou de résidus agricoles bon marché ne rend pas
seulement la fermentation et la production rentables, mais réduit également la pollution de
l'environnement. En effet, si un substrat bon marché est choisi avec soin pour faire croître le
micro-organisme, un tiers du coût du processus peut être réduit. Par exemple, la kératinase
peut être produite en quantité importante par Bacillus megaterium avec des plumes de poulet
utilisées à la fois comme sources de carbone et d'azote (Tab.7).

Tableau 7. Substrats utilisés pour la croissance des microorganismes producteurs


d’enzymes industrielles.

Eléments nutritifs Matières premières les contenant

Farine de céréales, farine de soja, amidon de maïs, pomme de


Source de carbone
terre, lactosérum, mélasses

Source d’azote Farines de poissons, farine de soja, caséine, arachides, maïs

Sels minéraux, Extrais de levures, huiles végétales, farines des graines


vitamines… oléagineuses

L’optimisation de la composition du milieu de culture vise à maintenir l'équilibre entre


les différents ingrédients, évitant ainsi le nombre de composants inutilisés à la fin du
processus de fermentation. Il n'existe pas de milieu de croissance spécifique pour la
production industrielle optimale d'enzymes par des bactéries ou des champignons. Chaque
espèce bactérienne ou fongique a ses propres conditions de croissance pour produire des
enzymes industrielles en quantité importante.

En plus des composés indispensables à la croissance du microorganisme, les inducteurs


doivent être présents dans les milieux de production comme l'amidon pour l'amylase, l'urée
pour l'uréase, la xylose pour la xylose isomérase…. Il faut aussi faire attention à la
concentration car certaines molécules agissent comme inducteurs à faible concentration et
comme répresseur à fortes doses comme la cellobiose pour les cellulases. Un effet inducteur
peut être obtenu par des analogues de substrats comme l’isopropyl-béta-D-thiogalactoside,
analogue du lactose pour la β-galactosidase. Les coenzymes peuvent aussi avoir un effet
inducteur, c’est le cas de la thiamine qui augmente la production du pyruvate carboxylase.

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III. Choix du type de fermentation


Les deux types de fermentation en milieu liquide ou solide sont utilisables pour la
production d’enzymes. Chaque type présente des avantages et des inconvénients. En effet, la
fermentation en milieu liquide est souvent utilisée pour produire des enzymes microbiennes
industrielles, elle permet la sécrétion d'enzymes industrielles extracellulaires en quantités
importantes dans le milieu de production et donc la récupération d'enzymes industrielles est
élevée. De plus, les paramètres de culture sont facilement contrôlés. Cependant, l'un des
inconvénients est qu'elle utilise des supports synthétiques coûteux. Par contre, la fermentation
en milieu solide utilise des substances peu coûteuses comme des sous-produits agro-
industriels et le processus en aval n'est pas coûteux. Le rendement enzymatique industriel est
également plus élevé et est obtenu en un court laps de temps. Cependant, les paramètres
physico-chimiques ne sont pas facilement surveillés et régulés. En règle générale, la
fermentation sur milieu liquide peut être utilisée pour les bactéries et les champignons et la
fermentation sur milieux solide est préconisée pour les champignons.

La fermentation peut être réalisée soit, en discontinu (batch) ou le milieu est apporté
initialement en un seul lot, en semi-continu (fed- batch) ou en continu où est mis en jeu un
nouvel apport d’un composant essentiel du milieu pendant la fermentation. Les fermentations
en continu et en semi-continu sont plus efficaces pour la production d’enzymes que la
fermentation discontinue.

Quand l’enzyme est extracellulaire, on peut utiliser un fermenteur jusqu’à 450 m3. Dans
le cas d’enzymes intracellulaires, la nécessite de traitements pour l’extraction impose une
limite du volume jusqu’à 30 m3.

IV. La fermentation
Avant de passer à la production industrielle proprement dite, il est nécessaire de
commencer par une étape de préculture en laboratoire pour la régénération de la souche, puis
une multiplication dans un bioréacteur de faible volume et enfin l’étape de production dans le
bioréacteur industriel. Le passage d’une échelle à une autre (passer d’une production de
quelques millilitres en laboratoire, environ 250 ml en erlenmeyer, environ 5 m3 pour l’ échelle
pilote à un bioréacteur de plus 100 m3 parfois) est une opération délicate. Le défi est de
maintenir la prospérité du microenvironnement de la petite culture malgré l’accroissement du
volume de la culture. C’est la mise à l’échelle ou « scale up » (Fig.50).

Suivant les enzymes et les procédés, la fermentation dure de 30 à 150 heures. Elle se fait
dans un milieu où les paramètres physico chimiques sont régulés en continu et la mesure de
l'activité enzymatique est effectuée à intervalles réguliers comme le montre le tableau suivant.

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Tableau 8. Conditions optimales pour la production de certaines enzymes bactériennes et fongiques

Microorganisme Enzyme pH T Agitation (rpm) Incubation Source C Source N


(°C)

Bacillus cereus Amylase 10 20 120 96 heures Glycerol Acetate d’amonium

Bacillus cereus Pullulanase 6 50 200 48 heures Pullulane soluble Tryptone

Bacillus subtilis Amylase 6 35 150 60 heures Amidon Extrait de boeuf

Bacillus megaterium Keratinase 10 37 / 72 heures Farine de plume Farine de plume et


extrait de levure

Bacillus megaterium Cellulase 7 37 120 24 heures Saccharose Extrait de levure

Pseudomonas fluorescens Cellulase 10 40 / 24 heures Glucose Sulfate d’ammonium

Acinetobacter calcoaceticus Lipase 9 37 180 48 heures Paille, huile Farine de maïs

Staphylococcus arlettae Lipase 8 35 100 48 heures Huile de soja

Aspergillus niger Pectinase 4,5 30 150 7 jours Pectine Peptone

Aspergillus sojae Invertase 8 37 / 5 jours Ecorces d’oranges Extrait de boeuf


et méllasse

Saccharomyces cerevisiae Invertase 7 30 / 2 jours Amidon Urée

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Figure 50. Etapes de production des enzymes industrielles.

V. Extraction de l’enzyme
Dès que la fermentation est terminée, la culture est refroidie entre 3 et 5°C. Les
enzymes doivent alors être séparées des cellules et du milieu par décantation,
centrifugation ou filtration. Dans le cas des enzymes endocellulaires, la récupération est
plus difficile et implique une étape supplémentaire de broyage ou de lyse des cellules
microbiennes par des moyens physiques (sonication, haute pression, perles de verre) ou
chimiques (solvants organiques). Parmi les méthodes d’extraction les plus utilisées :

1. Méthodes mécaniques

• Broyage ou agitation avec des abrasifs


L’agitation avec des microbilles de verre désintègre les parois cellulaires. Il est
important de remplir complètement le contenant pour éviter la formation de mousse et
d’effectuer la manipulation dans un contenant plongé dans de la glace car l’agitation
produit beaucoup de chaleur (Fig.51).

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Figure 51. Schéma d’un broyeur avec des abrasifs.

• Utilisation d’une haute pression suivie de dépression « French-


press »
Les cellules sont traitées avec de l’azote haute pression dans une chambre
pressurisé. L’azote se solubilise dans les cellules, et la dépression brutale fait reprendre
à l’azote son état gazeux ce qui fait éclater les cellules.

• Sonication
L’application d’ultrasons aboutit à la lyse cellulaire. L’efficacité est liée à plusieurs
paramètres comme la fréquence des ultrasons, le pH, la température, la force ionique du
milieu de suspension et la durée d’exposition.

2. Méthodes physiques

• Choc osmotique
Utilisation de solutions hypertoniques pour éclater les cellules. C’est une technique
très douce.

• Choc thermique
Les cycles de congélation brusques et de décongélations provoquent la formation
de cristaux intra et extracellulaires entrainant la lyse cellulaire.

3. Méthodes chimiques

• Utilisation de détergents ioniques ou non ioniques


Ils se combinent aux lipoprotéines rendant la membrane perméable. L’inconvénient
est la possibilité de dénaturation des enzymes sous l’effet des détergents. Ex : triton,
teepol…
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• Lyse alcaline
Hydrolyse de la membrane cellulaire à un pH situé entre 11,5 et 12,5. Cette
technique est simple et peu couteuse mais n’est applicable que si l’enzyme est stable à
pH alcalin.

• Utilisation des solvants organiques


Le choix du solvant est déterminant pour l’efficacité. Il doit répondre à plusieurs
critères comme la stabilité du produit en phase organique et la sélectivité du solvant.
Les solvants les plus utilisés sont le toluène, le butanol, le chloroforme… La méthode
est peu utilisée à cause du cout du solvant, de sa toxicité et de la possibilité de
dénaturation des enzymes.

4. Méthodes enzymatiques
Les parois cellulaires des bactéries peuvent être lysées par le lysozyme. Pour les
levures, on utilise la β-glucanase. Cependant, les méthodes enzymatiques coûtent cher.

Ensuite il faut séparer les débris cellulaires pour obtenir une préparation
enzymatique brute. Cette opération est difficile lorsque la densité des cellules
bactériennes de petite taille est proche de la densité du milieu de fermentation.
Différentes méthodes peuvent être utilisées : la décantation qui est adaptée aux cellules
de grande taille comme les levures, la filtration continue qui largement utilisée en
industrie et des centrifugeuses continues qui sont de plus en plus utilisées.

VI. Concentration de l’enzyme


La quantité de l’enzyme dans le milieu est souvent très faible. La concentration est
réalisée via les méthodes thermiques, la précipitation et la filtration sur membrane.

1. Traitement thermique
Pour les enzymes thermosensibles, un bref traitement thermique est appliqué par
des évaporateurs avec des composants rotatifs. Dans le cas où les enzymes
thermostables, un traitement thermique à une température plus haute, entre 60 et 80°C,
pendant quelques minutes peut être appliquée.

2. Précipitation
Dans cette technique c’est le caractère de solubilité des enzymes qui est exploité.
Les enzymes ont une importante affinité pour les molécules d’eau ce qui leur permet
d’être hautement hydrosolubles et elles interagissent généralement avec un solvant. En
conséquence, elles peuvent être amenées à s’agglomérer et, finalement, à précipiter en
modifiant leur environnement par substitution des molécules d’eau avec d’autres

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molécules ayant une plus grande affinité pour l’enzyme. Parmi ces agents de
précipitation il y’a les sels comme le sulfate d’ammonium, les solvants organiques
comme l’acétone ou l’éthanol, les polymères comme les polyéthylèneimines. Les acides
peuvent également être utilisés pour précipiter les enzymes à pH. L’avantage des
techniques de précipitation est leur simplicité mais elles ne peuvent pas être utilisées sur
de grands volumes de milieu.

3. Filtration sur membrane


La concentration de l’enzyme, une molécule plus grosse que le reste des
constituants du milieu, peut se faire grâce des membranes semiperméables.

A ce stade, un extrait brut d’enzyme est obtenu. Les enzymes sont traitées de façon
à obtenir une préparation commerciale répondant aux critères de pureté et de stabilité
souhaités. L'enzyme peut être commercialisée brute ou très purifiée, sous forme solide
ou liquide.

VII. Purification de l’enzyme


Pour certaines utilisations comme dans le domaine médical ou de la recherche
scientifique, les extraits bruts des enzymes ne sont pas adaptés. Les enzymes doivent
être purifiées pour répondre aux exigences particulières de ce type d’utilisation. La
purification est un ensemble d’opération visant à enlever toutes les impuretés d’un
extrait brute contenant l’enzyme d’intérêt. Elle devra mettre en œuvre plusieurs
techniques successives et/ou complémentaires pour avoir un maximum de rendement de
l’enzyme, le maximum de pureté possible et de garder un maximum de l’activité
catalytique. Les techniques chromatographiques restent les mieux adaptées et les plus
utilisées. L’utilisation des techniques chromatographiques en industrie repose
principalement sur l’utilisation de gels filtration et de résines échangeuses d’ions. Des
colonnes en verre, en plastique ou en métal peuvent aussi être utilisées.

1. Procédés basés sur la taille moléculaire

• Dialyse
C’est une technique qui sépare des substances en utilisant leur capacité respective à
franchir les pores de la membrane de dialyse semi-perméable (Fig.52).

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Figure 52. Principe de la dialyse.

• Filtration membranaire
En utilisant une membrane à perméabilité sélective avec la possibilité de
l’utilisation d’une pompe.

• Chromatographie d’exclusion moléculaire


La technique est basée sur l’utilisation de granules de gel poreux permettant
l’élution des molécules dans l’ordre inverse des masses moléculaires (Fig.53).

Figure 53. Principe de la chromatographie d’exclusion moléculaire.

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• Centrifugation en gradient de densité


Le saccharose est généralement utilisé pour créer le gradient de densité. Une
centrifugation isocinétiquel ou isopycnique est réalisée en fonction du poids moléculaire
ou de la densité de l’enzyme à purifier (Fig.54).

Figure 54. Principe de la centrifugation en gradient de densité.

2. Procédés basés sur les différences de solubilité

• Précipitation fractionnée
Le sulfate d’ammonium est utilisé comme un sel favorisant la précipitation. C’est
un sel très soluble dans l’eau permettant d’atteindre des forces ioniques très élevées. A
faible concentration les sels augment la solubilité de nombreuse protéine ; phénomène
appelé la dissolution par les sels ou salting-in, l’action des sels sur les protéines est en
fonction de leur force ionique qui mesure à la fois la concentration et la charge sur les
cations et les anions fournis par les sels. L’effet salting-in est dû à des modifications de
la tendance d’ionisation des chaines latérales dissociables sur la protéine par ailleurs
lorsque la force ionique augmente la solubilité commence à diminuer, lorsque la force
ionique est suffisamment élevée une protéine peut être complètement précipitée, Cet
effet est appelé salting-out ou relargage. C’est une technique douce qui préserve la
structure et la fonction des enzymes (Fig.55).

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Figure 55. Principe de la précipitation fractionnée.

• Précipitation isoélectrique
Le pH modifie l’ionisation des groupes de charge ou pHi. Le pHi isoélectrique est
défini comme le pH pour lequel il n’existe pas de répulsion électrostatique entre les
molécules protéiques voisines, la stabilité est minimale et la charge globale nulle ce qui
favorise la formation des agrégats et la précipitation.

3. Procédées de séparation basée sur la spécificité du ligand

• Chromatographie d’affinité
La chromatographie d’affinité repose sur des interactions spécifiques qui peuvent
exister entre deux molécules (enzyme-inhibiteur par exemple). L’essentiel de la
technique repose par la fixation par des liaisons covalentes entre l’enzyme et la phase
solide. On observe la formation d’un complexe stable mais réversible, alors que les
autres impuretés de la solution traversent la colonne. Le changement des conditions
d’élution favorise la dissociation avec le ligand (Fig.56).

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Figure 56. Principe de la chromatographie d’affinité.

4. Procédés basés sur la charge électrique

• Chromatographie échangeuse d’ions


La technique sépare les enzymes sur la base de leur charge globale. La colonne de
chromatographie est formée de longs tubes remplis de particules synthétiques contenant
des groupements fixés chargée (Fig.57) .

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Figure 57. Principe de la chromatographie échangeuse d’inons.

• Electrophorèse
C’est une technique très efficace pour séparer des protéines. Elle est notamment
utilisée pour vérifier la pureté des enzymes purifiées par les techniques précédemment
citées (Fig.58).

Figure 58. Principe de l’électrophorèse.

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VIII. Commercialisation
Avant la commercialisation, l’enzyme produite doit subir quelques tests pour
vérifier et mesurer son activité. Les paramètres généralement déterminés sont :
L’activité (A), l’unité internationale (UI), l’activité spécifique (AS), le facteur de
purification, le rendement de purification et la cinétique enzymatique. Le tableau
suivant montre le changement des paramètres d’activité de la D-aminoacide oxydase de
Rhodoturala gracilis avec les différentes étapes de purification.

Tableau 9. Changement des paramètres d’activité enzymatique avec différentes


étapes de purification.

Etape de purification Activité Quantité Activité Facteur de Rendement


(UI) de spécifique purification (%)
protéines (UI/mg)
(mg)
Extrait brut 7286 11050 0,66 1,00 100

Précipitation au 5959 4018 1,48 2,24 82


sulfate
d’ammonium (30-
60%)
Chromatographie 4346 530,4 8,19 12,41 60
DEAE-Sephacel
Chromatographie 2968 274 10,84 16,42 41
Ultragel AC A34
Chromatographie 1748 19,9 87,91 133,2 24
Phenyl-Sepharose
Chromatographie 1224 6,9 177,4 268,8 17
Mono Q FPLC

Les enzymes sont ensuite commercialisées sous forme de concentré liquide


stabilisé ou de solide (poudre ou particules). La formule de la préparation enzymatique
comporte différents éléments à objectifs différents :
- Stabilisation : la formulation a comme première tâche de minimiser la
perte d’activité enzymatique durant le transport, le stockage et l’utilisation.
Certains producteurs d’enzymes ajoutent à l’enzyme séchée un sucre, un alcool
polyhydrique ou bien des sels pour s’associer avec l’eau qui hydrate la surface
de la protéine et rendre ainsi la protéine plus rigide donc plus stable.
- Eviter l’inactivation : le meilleur moyen de combattre l’inactivation du
site actif est d’ajouter à la formule un cofacteur ou un inhibiteur réversible qui
s’associent au site actif et limitent sa transformation essentiellement par
oxydation.
- Préservation contre la contamination microbienne.
- Minimiser la formation de poussière.
- Optimisation de critères esthétiques.

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- Standardisation : une standardisation du produit industriel est nécessaire pour


garder la même qualité d’une même préparation enzymatique.

Les enzymes sont utilisées en vrac dans les détergents, l’industrie du textile, du
papier, et dans l'industrie des biocarburants. L’usage pour le cuir et le bioéthanol est
responsable des chiffres de vente les plus élevés mais selon les projections, les ventes
les plus élevées devraient se situer sur le marché des biocarburants. Actuellement, près
de 4000 enzymes sont connues, et parmi celles-ci, environ 200 types de
microorganismes sont utilisés commercialement. Cependant, seulement environ 20
enzymes sont produites à une échelle véritablement industrielle. La demande mondiale
d'enzymes est satisfaite par environ 12 grands producteurs et 400 petits fournisseurs.
Près de 75% des enzymes sont produites par trois grandes sociétés d'enzymes :
Novozymes A/S (Danemark), DuPont (USA) et Roche (Suisse) (Tab.10).

Tableau 10. Principaux producteurs d’enzymes.

Société Pays
Novozymes Bagsveard Danemark
Genzyme Cambridge USA
New England Biolabs USA
Prodigene College Station USA
Amano Pharmaceutical Co. Nagoya Japon
BASF Ludwigshafen Allmagne
Biocon India Bangalore Inde
Biozym Laboratories South Wales Angleterre
Danisco Copenhagen Danemark
DSM Delft Pays-Bas
Finnzymes Espoo Finlande
Gist Brocades Pays-Bas
Rhone France

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Figure 59. Schéma récapitulatif des étapes de production industrielle des enzymes.

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Génie enzymatique

L’utilisation des enzymes présente de très nombreux avantages comme:


- L’utilisation de petites quantités de catalyseurs assure l’obtention des produits de
la réaction.
- Des réactions en conditions douces.
- Des bio-ressources renouvelables et biodégradabilité des enzymes.
- La diversité des enzymes impliquant une investigation continue.
- La très haute spécificité de la réaction à catalyser.
- La possibilité de recyclage des enzymes.
- Les risques de toxicité très faibles.
- Des procédés non polluants et avec peu de sous-produits.

Mais ces enzymes présentent aussi des limites d’utilisation car les enzymes
naturelles ne sont que très rarement adaptées aux exigences des procédés industriels.
Leur utilisation à l’état naturel est souvent compromise par :
- Une stabilité limitée dans les conditions de température et de chaleur utilisées.
- Une solubilité restreinte de certains substrats dans un milieu donné.
- Une inhibition par les produits de la réaction.
- Une spécificité trop étroite pour un substrat particulier.
- L’existence de réactions parasites ou compétitrices.
- Le recyclage des enzymes n’est pas systématique.
- Etroitesse de la marge de manœuvre pour le maintien des conditions de catalyse.
- Un coût de production parfois élevé.
- Des procédés d’extraction et de purification laborieux.

Heureusement, même s’ils sont spécifiques, de nombreux biocatalyseurs tolèrent


des variations structurales plus ou moins limitées de leur substrat, ce qui a conduit
souvent à rechercher dans la biodiversité naturelle des enzymes reconnaissant par
hasard un substrat non naturel d’intérêt. Néanmoins, dans de tels cas, l’activité est
souvent suboptimale et les conditions de solvant et de température que souhaite le
chimiste pour de telles réactions sont souvent éloignées des conditions tolérées par
l’enzyme. L’ingénierie des protéines permet d’optimiser les enzymes qui sont de plus en
plus employées dans les industries agroalimentaires, chimiques ou pharmaceutiques. Le
génie enzymatique a pour but de modifier de façon plus ou moins importante la
structure de ces protéines afin d’optimiser leurs propriétés fonctionnelles. Ces
applications constituent un enjeu majeur dans les procédés industriels. On estime
actuellement que le nombre cumulé de biotransformations effectuées par des enzymes
double tous les dix ans.

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I. Optimisation génétique

1. Techniques conventionnelles

• Mutagenèse dirigée (rational design)


La mutagenèse dirigée s’est parfois révélée puissante, mais conduit souvent à des
résultats difficilement prévisibles et finalement décevants. Elle peut aussi être
relativement longue à mettre en œuvre, car elle nécessite une parfaite connaissance de la
structure 3D de la protéine, et surtout du rôle précis de chaque acide aminé. Les mutants
sont choisis après modélisation, réalisés, exprimés puis testés. Le problème majeur est
qu’il est encore extrêmement difficile de prévoir l’influence de la modification d’un
acide aminé ou d’un groupe d’acides aminés sur le repliement de la protéine et donc sur
le processus catalytique ou sur la stabilité globale de l’enzyme juste avec des test in
silico (Fig.60 et Fig.61).

Figure 60. Principales étapes d’une expérience de mutagénèse dirigée par l’utilisation
d’oligonucléotides

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Figure 61. Principales étapes d’une expérience de mutagénèse dirigée par l’utilisation
de nucléases

• La mutagenèse aléatoire
Dans le cas de la mutagenèse aléatoire, la connaissance de la structure 3D n’est plus
un pré- requis. Le gène est muté de façon aléatoire. Les clones sont triés et la mutation
peut être identifiée. Si cette méthode permet de trouver des mutants qui échappent à
l’analyse par modélisation, elle est cependant très lourde à mettre en place : au mieux
un mutant sur 1000 à 10000 se révèle intéressant. Le nombre de variants possibles pour
une protéine même de taille moyenne est considérable.

2. L’évolution dirigée
L’évolution dirigée est une méthode qui vise à reproduire au laboratoire et en un
temps limité les mécanismes aléatoires de l’évolution. Les outils de la biologie
moléculaire et les méthodes de criblage à haute efficacité lui ont permis de prendre son
véritable essor. Elle se distingue néanmoins de l’évolution naturelle sur deux points
primordiaux : son objectif final est clairement établi et les moyens d’y parvenir sont
contrôlés par l’expérimentateur. En effet, le principe consiste à imiter la nature en
enchaînant, à l’échelle de temps du laboratoire, des cycles de mutation, de sélection et
de recombinaison de l’information génétique. Une diversité moléculaire maximale est
engendrée par des techniques de biologie moléculaire au niveau du gène codant pour
l’enzyme d’intérêt qui est alors exprimée sous une forme sélectionnable. Un crible,
conçu en fonction de la propriété recherchée, permet alors de ne retenir que les enzymes
améliorées dont les caractéristiques et les propriétés se rapprochent de l’objectif fixé.
77
Enzymologie et Génie Enzymatique Dr N. RAAF M2 Microbiologie Appliquée

Jusqu’à ce stade, l’évolution moléculaire ressemble à une optimisation par mutagenèse


et criblage. Néanmoins, trois différences majeures apparaissent à ce niveau :

- On ne cherche pas à sélectionner le meilleur mutant mais toute une série de


variants présentant chacun une forme d’amélioration fonctionnelle
- L’information génétique de l’ensemble des variants retenus est remélangée afin
de créer une nouvelle banque de mutants dans laquelle les mutations positives
présentes dans chacun des variants sélectionnés auront une chance d’être réunies
dans une même structure et, à l’inverse, où les mutations négatives auront une
chance d’être éliminées
- Le cycle mutation-sélection-recombinaison est recommencé plusieurs fois
jusqu’à aboutir à la solution optimale. Si l’on suppose par exemple que le
variant optimisé d’une protéine d’une centaine d’acides aminés doit porter cinq
mutations distinctes, le calcul montre qu’il faudrait cribler une banque de l’ordre
de 1015 mutants pour examiner toutes les possibilités dans une approche par
mutagenèse-criblage classique. En revanche, si l’on sélectionne d’abord
individuellement des molécules portant chacune l’une des cinq mutations
avantageuses, puis que l’on recombine au hasard ces séquences entre elles, il
suffira alors de cribler quelques milliers de variants par cycle d’évolution
combinatoire pour avoir une chance de trouver le quintuple mutant recherché en
moins de cinq cycles. Le gain d’efficacité est donc considérable et confère à
cette approche un intérêt considérable.

Les approches d’évolution dirigée nécessitent ainsi deux parties essentielles : la


sélection dans la biodiversité naturelle d’une enzyme susceptible d’effectuer une
réaction mettant en œuvre une chimie adaptée au problème ; et l’adaptation de la
séquence de cette enzyme naturelle pour optimiser son activité sur des substrats et dans
les conditions souhaitées. Pour cela, une expérience d’évolution dirigée se décline en
six étapes. La première étape consiste à modifier aléatoirement, in vitro, le gène codant
pour la protéine que l’on souhaite optimiser. L’étape suivante consiste à créer une
banque de variants par différentes méthodes (recombinaison, mutagenèse…). Les gènes
modifiés sont clonés dans un vecteur d’expression pour être produits dans un organisme
hôte approprié (bactérie, levure). Un criblage haut débit ou une sélection permettent
d’identifier les clones exprimant les enzymes améliorées. Les gènes codant ces enzymes
optimisées sont isolés et peuvent être soumis à un nouveau cycle d’évolution dirigée. Il
est souvent bénéfique d’enchaîner plusieurs cycles de ces six étapes afin d’accumuler
les mutations avantageuses (Fig.62).

78
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Figure 62. Principales étapes d’une expérience d’évolution dirigée d’une enzyme

Trois prérequis sont nécessaires pour mettre en œuvre une expérience d’évolution
dirigée : l’existence d’une cellule hôte (en général bactérie ou levure) où l’enzyme à
optimiser peut-être exprimée sous forme fonctionnelle, l’identification d’une stratégie
d’évolution efficace et la disponibilité d’un crible ou d’une méthode de sélection
sensible adaptée à la propriété d’intérêt.

Si la stratégie de diversité génétique correspond à des méthodes générales, à


l’opposé, la méthode de sélection ou de criblage doit être adaptée ou modifiée pour
chaque protéine cible. La création et la recherche de la diversité génétique peuvent être
accomplies en utilisant des différentes techniques reposant sur la mutagenèse et/ou la
recombinaison.

• Techniques de création de la diversité in vitro


Générer une biodiversité artificielle comprenant un très grand nombre de variants
(de 103 à 1013) d’une molécule est la première étape de tout processus d’évolution
dirigée. La distribution des mutations peut être aléatoire et impliquer la totalité de la
séquence d’intérêt ou seulement des segments ciblés si l’on dispose, par exemple,
d’informations structurales permettant de prédire un rôle plus particulier de certains
segments de séquence. Pour mimer l’évolution in vitro, le processus naturel doit être
accéléré pour que la diversité soit créée puis criblée dans un temps compatible avec les
exigences expérimentales. Les méthodes de génération de diversité les plus

79
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communément utilisées sont la mutagenèse aléatoire et la recombinaison. Différentes


méthodes existent, le choix d’une stratégie pour atteindre un but choisi n’est pas soumis
à des règles précises, mais chaque méthode comporte des avantages et des limites.

- Mutagénèse chimique

Plusieurs agents chimiques peuvent être utilisés pour générer des mutations. Parmi
ces agents l’ethylméthane sulfonate (EMS) qui agit sur les bases guanines ce qui induit
des erreurs lors de la réplication de l’ADN et l’acide nitrique (HNO2) qui agit en
désaminant les adénines et les cytosines causant une mutation ponctuelle par
transversion (A/T en G/C). D’autres techniques plus complexes peuvent aussi être
appliquée comme la DuARCheM (Dual Approach to Random Chemical Mutagenesis)
qui permet l’introduction de mutations aléatoires dans un fragment d’ADN bien défini.
Elle comporte une étape de mutagenèse chimique in vivo et des manipulations
génétiques in vitro ce qui procure un meilleur spectre de mutants et permet de
contourner les inconvénients associés aux mutagenèses chimiques aléatoires. Enfin, de
nouvelles propriétés chimiques peuvent être obtenues par l’incorporation d’UAAs
(Unnatural Amino Acids) dans les protéines soit par remplacement des acides aminés
naturels, lors de la traduction in vitro par le biais d’ARNt chimiquement aminoacétylés
soit par génération d’ARNt / aminoacyl-ARNt synthétase pour l'incorporation
spécifique d’acides aminés in vivo (Fig.63).

Figure 63. Schéma d’incorporation des UAAs

- Error Prone PCR

Le principe est basé sur une amplification par PCR de la séquence à modifier dans
des conditions favorisant l’augmentation de la fréquence globale des erreurs de l’ADN
polymérase. Le taux d’erreur peut être augmenté par :

- L’ajout de Mn2+ : diminution de l’efficacité de l’hybridation des bases.


- L’augmentation de la concentration en Mg2+ : stabiliser les paires de bases non

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complémentaires.
- L’utilisation d’un mélange de dNTP non équilibré : induire des non-
appariements.
- L’augmentation de la concentration en polymérase : augmenter la probabilité
d’élongation des terminaisons sans amorces.
- L’utilisation des ADN polymérases Polβ et Polη à très faible fidélité
(MutaGen) : engendrer des substitutions de bases et des délétions de codons
rarement obtenus par les autres méthodes.
- L’utilisation de l’ADN polymérase de famille Y (frame shuffling) : changer les
cadres de lectures des gènes.

- Rolling Circle Amplification (RCA)

C’est une technique d’amplification circulaire in vitro qui résulte d’une forte
activité de déplacement de la Φ29 ADN polymérase. Elle est réalisée à température
constante et n’utilise pas d’amorces spécifiques mais un mélange d’hexamères
aléatoires susceptibles d’amorcer la synthèse en tout point d’un ADN simple brin déjà
produit. Une variante de la technique consiste à augmenter la fréquence de mutations
aléatoires par l’ajout de MnCl2 ayant pour effet de réduire la fidélité de la polymérase
(error-prone RCA) (Fig.64). Les avantages de la RCA sont la simplicité et la rapidité de
la mise en œuvre car on se passe du design d’amorces particulières et de l’optimisation
des cycles de température.

Figure 64. Représentation schématique de la RCA

81
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- Site Saturation Mutagenesis (SSM)

La SSM ou mutagénèse à saturation permet de substituer dans des sites précis un


acide aminée critique pour la fonction de l’enzyme par un acide aminé idéal. La
technique peut être réalisée de deux manières différentes.

La première manière nécessite une seule étape de PCR avec 2 amorces contenant
des codons mutés. Les séquences des amorces sont ainsi en partie complémentaires aux
brins opposés du plasmide et contiennent des mésappariements au niveau des codons à
muter. Le plasmide est amplifié par PCR produisant ainsi des plasmides avec des
mésappariements ou « mismatch » à la position désirée. Les mésappariements des
plasmides sont réparés, après transformation, in vivo par la machinerie bactérienne
(Fig.65).

Figure 65. Mutagenèse à saturation en une seule étape de PCR

La deuxième manière est la méthode des extrémités chevauchantes. Elle nécessite


deux amplifications du gène d’intérêt avec deux paires d’amorces. La première paire (2-
3) contient les codons portant la mutation et les amorces vont s’hybrider formant un
mésappariement (mismatch) alors que la deuxième paire (1-4) est entièrement
complémentaire à la séquence cible. Les 2 PCR sont réalisées indépendamment et sont,
par la suite, mélangées. Après dénaturation et réhybridation, une population d’ADN
double-brins hétérogènes hybridés au niveau de la région mutée et comprenant des
bouts cohésifs, est générée. Les bouts manquants sont, alors, complétés par simple
polymérisation à l’aide de l’ADN polymérase. Le produit obtenu est amplifié par PCR
avec les amorces (1-4) (Fig.66).

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Figure 66. Etapes de la méthode des extrémités chevauchantes

• Techniques de création de la diversité in vivo


Les paramètres intracellulaires comme la présence de modifications post-
traductionnelles, le pH et la concentration en ions, peuvent influencer l’état fonctionnel
des enzymes. De ce fait, il est intéressant de générer de la diversité pour une enzyme
d’intérêt puis de sélectionner directement dans des cellules vivantes. Les techniques in
vivo permettent ainsi la simplification du processus de mutagénèse et la procuration
d’un environnement naturel et physiologique lors de la sélection du phénotype
recherché.

- Systèmes procaryotes

La bactérie la plus utilisée est E. coli du fait des connaissances disponibles, de la


simplicité de sa manipulation et de la rapidité de sa croissance. Mais comme le taux de
mutations naturel reste très insuffisant, des souches mutagènes ont été créées afin
d’augmenter la fréquence spontanée de mutagenèse. Ces souches présentent
généralement une déficience dans la réparation de l’ADN telle que la souche
commerciale XL1-Red de E. coli. Suite à la transformation des bactéries par un
plasmide contenant le gène d’intérêt, les mutations sont accumulées au cours de chaque
cycle de réplication d’ADN avec une fréquence pouvant s’élever à 1 base pour 2000
nucléotides. D’autre souches plus mutagènes ont aussi été développées telles que la
souche de E.coli exprimant des ARN antisens ce qui conduit à une augmentation de
2000 fois de la fréquence des mutations spontanées. L’inconvénient avec ce type de
souches est qu’elles ne permettent que l’évolution d’un gène à la fois. Mais plus
récemment, l’utilisation de la souche de E. coli EcNR2 permet de cibler et d’optimiser
simultanément une série de gènes impliqués dans une voie de biosynthèse complexe par
l’approche MAGE (Multiplex Automated Genome Engineering).

83
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Ces techniques impliquant des microorganismes procaryotes, sont intéressantes


grâce à la simplicité des conditions de culture et le temps de génération réduit. De plus
ces méthodes présentent un mode de sélection ou de criblage simple. Il est en effet basé
soit sur la capacité des clones d’intérêt à résister à un antibiotique soit sur leur aptitude à
produire une coloration. Cependant, elles sont limitées au niveau du type de gènes
ciblés en particulier quand il s’agit de gènes de protéines eucaryotes exigeantes pour les
conditions de repliement et les modifications post-traductionnelles d’où le recours à des
cellules hôtes eucaryotes.

- Systèmes eucaryotes

Le système eucaryote le plus simple et le plus connu est la levure. Une variante de
la technique MAGE utilisé chez les bactéries peut être appliquée. L’utilisation de
cellules incapables de réparer les mésappariements au niveau de l’ADN est également
applicable. Mais ce système reste non spécifique sans cibler le gène d’intérêt. Afin de
remédier à ce problème, des stratégies inspirées de mécanismes naturels de
l’amélioration de l’affinité des anticorps par hypermutation somatique et conversion
génique ont été développées. En effet, l’hypermutation somatique est un mécanisme qui
a lieu lors de la mise en place de la réponse immune, suite à l’activation des cellules B
et leur rencontre avec l’antigène. Ce processus est hautement spécifique. Il résulte d’une
augmentation de la fréquence des mutations ponctuelles au niveau des séquences qui
correspondent aux régions hypervariables des chaînes lourdes et légères des
immunoglobulines. Le taux de mutations est 106 fois plus élevé que dans le reste du
génome.

• Techniques de criblage in vivo


A chaque cycle d’évolution, l’expérimentateur peut décider soit de tester
individuellement un nombre plus ou moins élevé de variants (approche de criblage), soit
de tester globalement l’intégralité de la population de variants afin d’en extraire une
sous-population qui satisfait le critère de sélection choisi (approche de tamisage).

Les techniques in vivo nécessitent une étape préalable de clonage des gènes mutés dans
des plasmides ou des phagemides appropriés pour la transformation cellulaire.

- Protein Fragment complementary assay (PCA)

Le principe de la PCA est le suivant : 2 protéines à tester sont fusionnées chacune à


un fragment d’une protéine rapporteuse et sont exprimées dans une même cellule. Si ces
deux protéines interagissent la protéine rapporteuse est alors reconstituée rétablissant
ainsi sa fonction naturelle et permettant la détection des cellules ayant les deux
partenaires d’interaction. La protéine rapporteuse peut être, soit une enzyme ayant une
activité vitale soit une protéine fluorescente (Fig.67).

84
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Figure 67. Schéma de la PCA

Cette technique permet de détecter directement des interactions protéines –


protéines dans tous type cellulaire. Elle a l’avantage d’exprimer les protéines sous leur
forme native, avec les modifications post-traductionnelles si le système d’expression le
permet, et de les localiser dans les cellules.

- Cell Display

Un plasmide d’expression est transfecté dans l’hôte. Le gène est alors transcrit et
traduit, puis la protéine est exposée à la surface des cellules. Selon la nature des
protéines à faire évoluer et du système d’expression mis en œuvre, les cellules support
utilisées peuvent être des bactéries, des levures ou encore des cellules de mammifères.
La sélection peut se faire par l’utilisation de séquences signal particulières ou par
l’émission d’une fluorescence par exemple.

- Phage Display

Cette technique permet l’expression de peptides ou de protéines exogènes à la


surface des particules de phages, dans le but de sélectionner et d’amplifier un
polypeptide capable d’interagir avec une molécule cible choisie. Le principe consiste à
l’insertion d’un ADN étranger entre le domaine N-terminal et le domaine C-terminal
d’une protéine virale sans perturber son fonctionnement. Les phages les plus utilisés
sont des phages filamenteux spécifiques des entérobactéries de type M13, fd ou f1,
choisis pour les différents avantages qu’ils présentent :

- Un génome de petite taille qui peut être purifié très facilement soit sous forme
double brin à partir de cellules infectées soit sous forme simple brin à partir des
particules virales.
- La taille de l’ADN encapsidé peut être de taille variable, ainsi l’encapsidation
n’est pas perturbée par insertions de séquences exogènes dans le génome viral.
- Les protéines de l’enveloppe sont modifiables et peuvent être exprimées, dans
certaines conditions, sous forme de protéines de fusion sans affecter
l’infectiosité des phages.
- Les particules virales sont très résistantes et tolèrent une large gamme de pH, de
température ou de dénaturant.
- Les phages filamenteux ne lysent pas les cellules infectées qui continuent de
croître après infection.

Le phagemide est un plasmide qui comporte d’une part la séquence nécessaire à la


réplication de l’ADN viral et à son encapsidation au sein des virions, et d’autre part le

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gène des protéines à exposer, sous forme fusionnée avec le gène de la protéine virale
utilisée . Les autres gènes, indispensables à la réplication et à l’assemblage du phage,
sont apportés par un phage auxiliaire ou helper phage. Une bactérie, co-infectée par le
phagemide et le phage helper va produire des particules virales sauvages et d’autres
hybrides exposant des protéines exogènes (Fig.68) .

Figure 68. Principe de la technique du phage display

Ces différentes approches de criblage in vivo présentent des limites comme la taille
des librairies construites qui est au maximum de l’ordre de 1010 clones indépendants
pour les librairies transformées dans E. coli et une taille plus réduite lors que la
transformation est réalisée dans la levure. De plus, il ne faut pas négliger le phénomène
de présélection imposé par l’environnement des cellules hôtes. En effets le nombre de
variants d’une banque peut être réduit par une éventuelle toxicité des protéines
exprimées qui entraine un ralentissement de la croissance cellulaire ou peut même avoir
un effet létal. Un clone qui croit plus vite est un clone qui est plus représenté dans la
banque. Ceci peut biaiser le processus de sélection. Ces inconvénients peuvent être
contournés par les méthodes de sélection in vitro.

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• Techniques de criblage in vitro


Le criblage in vitro est inspiré de la technique évolution systématique de ligand par
enrichissement exponentiel (Systematic Evolution of Ligands by EXponential
Enrichement : SELEX). La technique SELEX consiste à réaliser plusieurs cycles
comportant une étape de transcription d’un pool d’acide nucléique aléatoires, suivie
d’une étape de sélection par contact avec la molécule cible et finalement une étape de
RT-PCR permettant une amplification exponentielle des acides nucléiques sélectionnés.
Après les cycles de sélection, les interacteurs obtenus sont clonés, séquencés et
caractérisés. Elle présente l’avantage d’avoir l’information génotypique et phénotypique
sur la même molécule et d’obtenir rapidement des interacteurs hautement spécifiques à
partir de très larges librairies initiales (1015 à 1016 séquences).

- Ribosome Display

Le principe est de construire, par transcription et traduction in vitro, une banque de


variants d’une protéine, en empêchant la dissociation du ribosome au terme de la
traduction ; chaque molécule d’ARN messager demeure ainsi associée à la protéine qui
lui correspond. Lorsque les protéines capables de se fixer sur la cible sont sélectionnées,
c’est un complexe associant la protéine, son ARN messager et le ribosome qui est
retenu (Fig.69).

Figure 69. Représentation schématique de la technique ribosome display

- RNA-Peptide fusion

Dans cette technique, l’ARNm est transcrit in vitro puis purifié et par la suite lié par
son extrémité 3’, à une séquence ADN linker marquée à la puromycine puis traduite in
vitro. Une fois la région ADN atteinte, les ribosomes se détachent du complexe
permettant ainsi à la puromycine d’atteindre le site de la peptidyltransférase et de se lier
de façon covelente au peptide. Les complexes hybrides obtenus sont utilisés dans

87
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l’étape suivante de sélection, ceux qui reconnaissent la cible sont élués et le matériel
génétique est amplifié par RT-PCR (Fig.70).

Figure 70. Représentation schématique de la technique RNA-Peptide fusion

- Compartimentation in vitro

Le principe de la compartimentation est qu’une population d’enzyme pourra faire


l’objet d’un processus de sélection à la condition que le produit accumulé par l’activité
de chaque variant du catalyseur soit séquestré dans le compartiment qui contient ce
variant ainsi que le gène qui le code. La sélection peut être réalisée par un système de
traduction-transcription dans des émulsions d’eau dans l’huile. On considère qu’une
émulsion contient un gène et une enzyme. Les enzymes synthétisées transforment les
substrats en produit qui restent liés aux gènes. Ces produits sont récupérés par affinité
permettant ainsi de collecter des gènes correspondant aux enzymes actives. Les gènes
récupérés sont utilisés pour une analyse de séquences ou encore amplifiés pour être
réinjectés dans un deuxième tour de sélection (Fig.71).

Figure 71. Représentation schématique de la sélection par compartimentation

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Un aperçu d’exemples d’utilisation de différentes techniques pour créer la diversité


génétique est présenté dans le tableau suivant :

Tableau 11. Quelques techniques de création de la diversité génétique.

Une des principales limitations à l’évolution dirigée est résumée par la règle
suivante : on n’obtient que ce que l’on sélectionne. La réussite de la méthode dépend de
la combinaison délicate entre la qualité de la diversité biologique dans la banque de
variants, la taille de la banque et l’aptitude du test à détecter efficacement les
améliorations de la fonction désirée. Il apparaît également que le point de départ utilisé
pour le gène parent soit essentiel.

3. Techniques assistées par ordinateur (in silico)


Les besoins de produits chimiques complexes dans diverses industries entraînent
fortement la personnalisation d'enzymes capables de catalyser des réactions difficiles,
même non naturelles. Les outils informatiques permettent de réduire les coûts
expérimentaux grâce au criblage à haut débit in silico. Sur la base de la prémisse que la
biochimie et la biophysique des protéines sont bien comprises, la découverte assistée
par ordinateur des mécanismes catalytiques asymétriques des enzymes et ainsi la
manipulation de la sélectivité enzymatique sont des approches efficaces pour libérer
l'énorme potentiel des enzymes et de créer de nouvelles molécules.

89
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Dans l'ingénierie des protéines, le cycle DBTL (Design-Build-Test-Learn) est très


bénéfique pour l'extraction de nouvelles enzymes et obtenir des biocatalyseurs hautes
performances. En particulier dans les modules d'apprentissage et de conception, une
série de méthodes de calcul, telles que la prédiction structurelle et le doking moléculaire
faciles à manipuler, les simulations de dynamique moléculaire (MD) à grande échelle,
les calculs de mécanique quantique (QM) de haute précision, les calculs basés sur les
données l'apprentissage automatique et des outils Web aident considérablement
l'ingénierie des protéines à améliorer et même à personnaliser diverses fonctions :

- Dans l'ingénierie des protéines basée sur la connaissance, une structure de haute
qualité est une condition préalable pour obtenir des informations mécanistes
crédibles. La cristallisation enzymatique a nettement progressé, mais c'est un
processus beaucoup plus lent que l'accumulation de séquences. Pour répondre à
la demande, il existe une variété d'approches de prédictions informatisées qui
peuvent efficacement obtenir des structures enzymatiques acceptables.

- Toutes les enzymes exercent leur fonction catalytique en interagissant avec le


substrat. Le doking moléculaire vise à prédire le meilleur mode de liaison de
ligands et d'enzymes.

- En pratique, une seule structure "instantanée" statique est souvent insuffisante


pour analyser les processus dynamiques catalysés par les enzymes, impliquant la
liaison du substrat, le clivage et la formation de liaisons chimiques et la
libération du produit. La simulation MD, un puissant schéma de calcul basé sur
la mécanique classique, est continuellement améliorée pour échantillonner des
ensembles conformationnels dynamiques.

- Face à l'immense quantité des séquences générées lors d’une expérience


d’évolution dirigée, de nombreuses stratégies évolutives ont été développées
avec des réalisations remarquables en matière de sélectivité enzymatique,
d'activité fonctionnelle et de thermostabilité. Les protocoles informatiques basés
sur les connaissances sont une alternative intéressante pour réduire les efforts de
criblage.

90
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4. Quelques exemples d’optimisations possibles

• Stabilité thermique
La température constitue pour les enzymes un facteur physique primordial. La
modification d’un seul acide aminé permet le plus souvent d’augmenter la température
de fusion (Tm) de l’ordre de 1 à 2 °C. Mais combiner plusieurs mutations conduit à des
augmentations plus significatives de la stabilité thermique, par exemple deux mutations
seulement ont permis d’augmenter la Tm de la kanamycine nucléotidyltransférase de
15°C.

• Activité et spécificité de substrat


L’activité et la spécificité sont également des critères qui ont une importance
particulière pour une application industrielle. L’amélioration de l’efficacité catalytique
s’obtient la plupart du temps par une diminution de la valeur de la constante de
Michaelis-Menten (Km). Il s’agit de modifier les résidus constituant le site de liaison du
substrat à l’enzyme. La lipase de Candida antarctica a vu son activité augmentée de 16
fois vis-à-vis de son substrat par la méthode du family shuffling.

• Stabilité et activité dans des milieux artificiels


Pour faciliter la solubilisation des substrats et favoriser la réalisation d’une réaction
par rapport à une autre, l’utilisation de solvants organiques est souvent utile. Cependant,
les enzymes « sauvages » perdent généralement leur activité dans les milieux contenant
des solvants organiques, sans que la conformation de l’enzyme soit nécessairement
atteinte. La subtilisine E a ainsi été optimisée telle que son activité soit amplifiée d’un
facteur 500 dans le diméthylformamide, alors que la forme sauvage était très peu active
dans les mêmes conditions. Des travaux ont par ailleurs abouti à la modification des
exigences de certaines enzymes vis-à-vis des cations métalliques. Ceci a tout son intérêt
dans le domaine de la blanchisserie où les détergents contiennent à la fois des agents
chélatants et des protéases dont l’activité est fortement liée à la concentration en ions
dans le milieu.

• Enantiosélectivité
Des transaminases ont été optimisées afin d’orienter préférentiellement la
production de l’énantiomère de l’autre série chirale. L’énantiosélectivité a même été
parfois inversée, comme dans le cas de la D-hydantoinase d’Arthrobacter sp.

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II. Immobilisation enzymatique


Les enzymes sont utilisées en industrie ou en recherche sous plusieurs formes, et
ce, afin de répondre à des contraintes technologiques et de coût. L’utilisation des
enzymes non immobilisées est la première utilisation, l’utilisation directe est toujours
appliquée essentiellement par l’utilisation des préparations enzymatiques
(agroalimentaire et textile). Cependant beaucoup d’inconvénients sont constatés :
- Recyclage difficile voire impossible
- Elimination des enzymes et purification des produits de bioconvertion
- Environnement catalytique difficile à maitriser
- Cout des enzymes

Les procédés d’immobilisations sont une solution à ces inconvénients. Une enzyme
immobilisée est une enzyme liée par des moyens physico-chimiques en surface ou à
l’intérieur d’un support solide. L’immobilisation des enzymes conduit souvent à un
changement de leurs propriétés physiques, chimiques et cinétiques :

- Propriétés physico-chimiques: Une des propriétés importantes et


caractéristiques de l’immobilisation est l’amélioration de la stabilité dans le
temps et de la résistance vis-à-vis de la dénaturation. La stabilité de l’enzyme
immobilisée dépend beaucoup du microenvironnement imposé par le support.
Ainsi, les enzymes fixées par la liaison sulfonamide sont moins stables que
celles fixées par liaison azotés

- Propriétés cinétiques: L’immobilisation des enzymes affecte leurs propriétés


cinétiques. En effet, à la vitesse de la réaction enzymatique proprement dite, il
faut ajouter l’effet du microenvironnement qui conditionne toute l’activité
catalytique. Ainsi, les phénomènes de diffusion l’accès du substrat au niveau du
site actif. Ceci a pour conséquence une variation de la vitesse maximale Vm et
de la constante de Michaelis Km de l’enzyme ; cette dernière constante pouvant
avoir une valeur 10 fois supérieure. De même, le pH de l’enzyme peut être
modifié, en particulier lorsque la réaction enzymatique met en jeu une libération
ou une consommation de protons.

Il existe différentes techniques d’immobilisation pouvant être aussi bien chimiques


que physiques. Ces méthodes, couramment utilisées, présentant chacune leurs avantages
et leurs inconvénients.

1. Immobilisation par adsorption


C’est la méthode la plus simple et la plus rentable. Il s'agit de retenir l'enzyme à la
surface d'un support insoluble, par interaction faible (intermédiaire ou secondaire) entre
les groupes fonctionnels de l’enzyme et du support. L’interaction enzyme-support
pourrait impliquer l’ensemble des liaisons non covalentes ou secondaires de bas niveau
énergétique tel que les liaisons de Vander Waals, les liaisons hydrogènes et des

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interactions hydrophobes ou hydrophiles (Fig.72). Les matières utilisées sont


organiques (les polyosides comme l’acétate de cellulose, nitrate de cellulose, dextrane,
agarose, alginate et les polymères comme le polystyrène et le polyéthylène) ou
minérales qui sont généralement plus stables et résistent aux agents chimiques et aux
bactéries (argiles, verre poreux ou silice poreuse).

Figure 72. Schéma de l’immobilisation par adsorption

Les avantages sont :


- C’est une méthode très simple à mettre en œuvre nécessitant seulement de
mettre en contact l’enzyme et le support dans des conditions de pH, température
et de force ionique données.
- Possibilité de régénérer les complexes enzyme-support. Si l’enzyme perd son
activité en cours de son fonctionnement, il est possible de la remplacer par une
préparation active.
- Méthode économique et ne requiert aucun réactif chimique pouvant dénaturer
l’enzyme.

Les inconvénients sont :


- La fragilité de la fixation. les enzymes peuvent facilement se désorber sous
l’action de variation de pH, température…
- L’orientation de l’enzyme et mauvaise accessibilité au site actif (Fig.73).

Figure 73. Orientation de l’enzyme dans l’immobilisation par adsorption

2. Immobilisation par inclusion


Les molécules d’enzyme sont retenues dans le réseau tridimensionnel d’un
polymère insoluble dans l’eau (réseau tridimensionnel d’une matrice), ou emprisonnées
dans des microcapsules délimitées par une membrane semi perméable dont les pores
sont suffisamment larges pour permettre le passage des molécules du substrat ou des
produits de la réaction.

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• Inclusion dans un gel


L’enzyme est incorporée dans un gel insoluble. Ce gel peut être constitué d’une
matrice organique (polymère) ou inorganique. L’enzyme est retenue à l'intérieur du
réseau tridimensionnel d'une matrice. Les mailles de la matrice assurent de manière
purement physique la rétention de l’enzyme tout en permettant la diffusion du substrat
jusqu’au site actif de l’enzyme grâce à une porosité du gel suffisante (Fig.74). Les
matières les plus utilisées sont les gels: de polyacrylamide, d'alginates, d'amidon et les
fibres de polyacétate de cellulose.

Figure 74. Schéma de l’inclusion dans un gel

• Encapsulation
Elle consiste à inclure l’enzyme à l’intérieur d’une membrane semi-perméable dont
le diamètre peut varier de quelques microns à une centaine de microns. Les membranes
semi-perméables assurent la rétention des molécules d’enzyme dans un volume
déterminé en vue d’une utilisation continue. Les produits obtenus après hydrolyse
peuvent franchir les membranes, ce qui permet de les récupérer dans l’effluent (Fig.75).
L’immobilisation dans ce cas se fait de manière physique. Ces membranes peuvent être
inorganiques (gels de silice), organiques (nafion), polymères (polyacrylamide,
polyuréthanes) ou composites (pâte de carbone).

Figure 75. Immobilisation par encapsulation

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L’immobilisation par inclusion présente les avantages suivants :


- Réaction de polymérisation et de gélification bien connues.
- Réactions chimiques avec l’enzyme limitée.
- Application à toutes les enzymes avec la possibilité d’utilisation de mélanges.
- Obtention de supports de forma adaptables (films, billes, fibre…)
- Elle permet en une seule étape d'immobiliser la totalité de l'enzyme
- Elle ne met pas en jeu les groupements actifs de l'enzyme.

Les inconvénients sont :


- La localisation de l'enzyme à l'intérieur du polymère pose des problèmes
stériques à cause de l’accès délicat du substrat vers l'enzyme.
- Certaines polymérisations font appel à des agents dénaturants.

3. Immobilisation par liaison covalente


Le principe de cette méthode d’immobilisation est de faire réagir un groupement
fonctionnel libre de l’enzyme avec un groupement fonctionnel du réactif. En général,
les groupements fonctionnels du réactif sont des fonctions carboxyliques, thiols,
hydroxyles ou encore amines. Ces groupements sont très peu réactifs et doivent de ce
fait être activés afin de pouvoir réagir avec les groupements de l’enzyme, n’intervenant
pas dans la catalyse enzymatique, dans des conditions douces afin de ne pas dénaturer la
biomolécule.

• Immobilisation par liaisons covalentes sur support


L’immobilisation est réalisée par l’intermédiaire de liaisons irréversibles et
covalentes entre les groupements fonctionnels de l’enzyme et les groupes réactifs du
support. Ces groupes, en général insuffisamment réactif, nécessiteront une activation
préalable. il faut alors activer soit l’enzyme, soit le support mais l’activation des
groupes fonctionnels de l’enzyme peut conduire à sa dénaturation (Fig.76).

Figure 76. Immobilisation par liaisons covalentes

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• Immobilisation par réticulation


La réticulation repose sur l’utilisation d’agents dit réticulants qui vont permettre de
lier les enzymes entre elles par des liaisons chimiques. Il existe deux méthodes de
réticulation, soit les enzymes sont reliées entre elles par des agents réticulants de façon
directe, soit en plus de l’agent réticulant une protéine inerte est utilisée afin de faciliter
ou améliorer la réticulation, on parle alors de co-réticulation. Les enzymes, après avoir
été adsorbées sur un support, sont mises en contact avec un agent réticulant afin de
donner un réseau enzymatique tridimensionnel et qui contrairement à l’enzyme seule est
insoluble (Fig.77).

Figure 77. Immobilisation par réticulation

L’immobilisation par des liaisons covalentes présente plusieurs avantages :


- La stabilité accrue à cause de la liaison covalente.
- La grande variété de support minéraux (verre, silice, céramique…) et organiques
(cellulose, polymère synthétiques…).
- La possibilité d’effectuer l’immobilisation en présence de substrat pour éviter
l’inactivation de l’enzyme (protection du site actif).

Les inconvénients sont :


- La mise en œuvre de réactions chimiques souvent complexes à réaliser et le
passage par plusieurs étapes de réalisation.
- Le risque non négligeable de modifications chimiques de l’enzyme et donc la
perte d’activité par certaines techniques.
- La nécessité de purification de l’enzyme préalablement.
- Le rendement d’immobilisation est inferieur par rapport aux autres méthodes.

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