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Electricité au Maroc : Pourquoi pas une Stratégie Energétique 2030 version 2.0
?

Technical Report · January 2019


DOI: 10.13140/RG.2.2.22031.84646

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Amin Bennouna
Cadi Ayyad University
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Electricité au Maroc : Pourquoi pas une
Stratégie Energétique 2030 version 2.0 ?
13 Janvier 2019
par Amin BENNOUNA (sindibad@uca.ac.ma)

L'équipement de production électrique du Maroc à l'horizon 2030 est contraint par un


chiffre : "l'objectif de 52%", annoncé à Paris en 2015 dans le Discours de Sa Majesté Le Roi
adressé à la COP 21. Or, lorsqu'on décortique comment cet objectif est décomposé
aujourd'hui, force est de constater que les chiffres communiqués sont un peu cacophoniques,
même s'ils paraissent harmonieux à prime abord. Tentative de décryptage…

• "Objectif de 52%" : quelques clarifications


► D'abord qu'est-ce que "l'objectif de 52%" ?
- En 2030, il faudra que la puissance des centrales électriques utilisant des sources d'énergie
renouvelables atteigne 52% du total des capacités de production électrique.
100%
Electricité de
sources non-
renouvelables
:
Charbon, Gaz
Naturel et
Pétrole
50% Electricité de
sources
renouvelables
:
Eolien,
Solaire et
Hydraulique
classique
0%
2030

Figure 1 L'objectif de 52% en capacités renouvelables dans le parc de production d'électricité en 2030
La centrale nucléaire et celle à base de schistes bitumineux, qui figuraient dans les détails de
la stratégie énergétique version 2008, ont disparu des prévisions les plus récentes.
► Oui, mais que sera, en 2030, ce total des capacités de production électrique?
- Le total des capacités électriques dépend du mix électrique avec lequel on souhaite
satisfaire la demande à la pointe annuelle de puissance électrique (en MW, million de Watt).
Comme montré dans la Figure 2, cette pointe annuelle est liée à la consommation annuelle
d'électricité (en TWh annuels, ou milliard de kWh).
6 000 MW
2018
2010

Pointe de puissance appelée


2015

5 000 MW
2005

4 000 MW

3 000 MW
1995

2000
1985

2 000 MW
1990

1 000 MW
5 TWh/an 1980

0 MW
0 TWh/an

10 TWh/an

15 TWh/an

20 TWh/an

25 TWh/an

30 TWh/an

35 TWh/an

Electricité nette appelée (E.N.A.)

Figure 2 Dépendance de la pointe de demande électrique à l'égard de l'électricité nette appelée


► Soit, alors que serait cette consommation annuelle d'énergie électrique en 2030 ?
Représentée par l'électricité nette appelée (E.N.A., en GWh, million de kWh), la
consommation annuelle d'énergie électrique du Maroc dépend fortement du Produit Intérieur
Brut et très faiblement d'autres phénomènes conjoncturels, tels que la météorologie.
Le dépendance à l'égard du PIB constant peut être exprimée par des modèles dont deux sont
montrés dans la Figure 3 (B en trait bleu et H en trait rouge).

2017
40 000 Total électricité nette appelée (GWh)

2015
E.N.A. Modèle H [1977-2017]
E.N.A. Modèle B [1977-2017]
E.N.A. Modèle intermédiaire

2010
30 000

2005
20 000

2000
1995
1990
1985
10 000
1980

0
0 200 000 400 000 600 000 800 000 1 000 000
PIB (MDh constants 2012)

Figure 3 Variation de l'E.N.A. réelle et modélisée (H et B) avec le P.I.B.


Entre 1977 et 2017, les barres d'erreur de la Figure 4 montrent que les valeurs réelles sont
toujours simulées à mieux que 4% pour les deux modèles B (en trait bleu) et H (en trait
rouge), leur facteur de corrélation étant de 99,97% pour B et de 99,80% pour H.
40 000
E.N.A. Modèle B [1977-2017]
Modèle d'E.N.A. calculée (GWh/an)

E.N.A. Modèle H [1977-2017] 2017


2015

30 000
2010

y = 99,82%x
20 000
2005

y = 99,99%x
2000

10 000
1995
1990
1985
1980
1977

0
0 10 000 20 000 30 000 40 000
Electricité nette appelée réelle, E.N.A. (GWh/an)

Figure 4 Deux modèles d'estimation de l'E.N.A. (H et B) à partir du PIB comparés aux valeurs réelles
Le modèle bas (B) serait imperceptiblement meilleur que le modèle prospective plus haut
(H), mais nous nous référerons au modèle haut dans la fin de cet article.
► En bref, une prévision de PIB constant suffirait-elle à prévoir le reste ?
- Oui, au moins dans un Maroc dont les revenus évolueraient en mode "business-as-usual",
représenté par le graphique de gauche de la Figure 5.
70 000
PIB et prospective (MDh constants 2012 ) Total électricité nette appelée (GWh)
1 400 000 sa croissance durant les 5 années précédentes
7%
60 000 Modèle H [1977-2017]
1 200 000 6% Modèle B [1977-2017]
50 000 Modèle intermédiaire
1 000 000 5%
40 000
800 000 4%
30 000
600 000 3%

400 000 2% 20 000

200 000 1% 10 000

0 0% 0
1975

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

2020

2025

2030

1975

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

2020

2025

2030

Figure 5 Historique et prospective : PIB en Dh constant (gauche) et électricité nette appelée (droite)
Ainsi donc, si le PIB constant venait à évoluer comme dans le graphe de gauche de la Figure
5, les modèles H et B donneraient les projections montrées dans le graphe de droite.
• 2030 : obsolescence des prévisions réalisées en 2008
La Figure 6 permet de faire une confrontation visuelle entre les projections du scénario H
proposé aujourd'hui et les deux scénarios envisagés pour la préparation de la stratégie
énergétique, version 2008.
100 000
Stratégie énergétique 2008 cas disruptif (GWh) 95 000
Stratégie énergétique 2008 cas de base (GWh)
80 000 E.N.A. Modèle H [1977-2017]

68 808

60 000 61 000

52 000

40 000 43 941
34 000
31 000

20 000 26 580

13 143
8 652
0
1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

2020

2025

2030
Figure 6 Comparaison des projections de 2008 à celles d'aujourd'hui
Cette Figure 6 montre comment les prévisions faites dans le cadre de la stratégie énergétique
de 2008, sont devenues complètement obsolètes tant elles surestiment la réalité depuis 2013
en terminant à 95'000 GWh en 2030 pour le "cas de base" (en bleu) au lieu de 68'800, soit
28% de moins, pour le modèle H (en vert) ou 54'200 pour le modèle B, soit 43% de moins.
Le modèle "disruptif", terminant à 133'000 GWh en 2030 ne nécessite pas de commentaire.
La future consommation annuelle d'énergie électrique étant estimée à partir du PIB (graphe
de droite de la Figure 5), la corrélation de la Figure 2 donne les futures pointes annuelles de
demande électrique et on peut enfin décider des capacités totales à mettre en œuvre en
2030… mais encore faut-il les répartir de façon pertinente !
• 2030 : obsolescence des détails communiqués sur la stratégie énergétique
Le graphique de gauche de la Figure 7 montre ce qu'il est maintenant officiellement appelé
"la transition énergétique accélérée". La segmentation en puissance du graphique de droite
de cette même Figure 7 est calculée sur la base de pourcentages (graphe de gauche) et
capacités globales encore communiqués par des officiels du Ministère de tutellei.
Charbon Gaz naturel Pétrole Hydraulique Eolien Solaire Charbon Gaz naturel Pétrole Hydraulique Eolien Solaire
2015 2020 2025 2030 25 000
(8129 MW) (15946 MW) (20070 MW) (24800 MW)
4 960 MW
100% 2%
10% 14% 16% 20 000
20% 3 211 MW
4 960 MW
80% 22% 15%
18% 15 000 2 232 MW 3 613 MW
20%
14% 2 976 MW
60% 2 392 MW 2 609 MW
13% 744 MW
24% 11% 12% 10 000 2 232 MW 1 004 MW
5% 163 MW
3% 1 754 MW
6% 813 MW 3 211 MW 6 200 MW
40% 16% 957 MW
11% 1 788 MW
25% 5 000 1 951 MW
20% 40% 894 MW 6 378 MW 6 422 MW
4 960 MW
31% 32% 2 520 MW
20% 0
0% 2015 2020 2025 2030

Figure 7 L'accélération de la transition énergétique du Maroc telle qu'imaginée par le


Ministère de l'Energie, des Mines et du Développement Durable
Or, force est de constater :
- que la puissance des centrales thermiques à mettre en œuvre dépasse à elle seule, de
1'802 MW, la pointe annuelle prévue par le modèle H en 2030, et même dès 2020 (de
1'918 MW) pour laquelle l'erreur d'estimation est minime,
- que, la pointe annuelle prévue par le modèle H reste inférieure même à la puissance
des centrales thermiques sans même celles au fuel et au gasoil,
- que, dans les variantes de la segmentation 2030 qui circulent, on continue encore à
trouver la répartition arbitraire initiale : 20% éolien, 20% solaire et 12% hydraulique,
- que les chiffres réels de 2015 confirment que les stations de transfert d'énergie par
pompage (STEP) sont intégrées dans l'hydraulique renouvelable ; or, les STEP doivent
en être isolées puisqu'elles ne sont "renouvelables" que si elles sont chargées avec de
l'eau pompée par une source renouvelable, ce qui n'était pas le cas en 2015,
- qu'on laisse glisser des "coquilles" : en l'espace de 10 ans [2020, 2030], on va installer
puis démanteler près de 1'400 MW de centrales thermiques au charbon (6'378 MW en
2020 à 4'960 MW en 2030) !
Nous pensons que ces erreurs, essentiellement causées par l'obsolescence des estimations de
2008 exigent une Stratégie Energétique Version 2.0 et, pourquoi pas l'ébauche qui suit.
• 2030 : ébauche de Stratégie Energétique Version 2.0
La Figure 8 montre une possible transition énergétique version 2.0 pour le Maroc. Cette fois-
ci, ce sont les pourcentages du graphe de gauche qui ont été calculés en fonction de la
segmentation en puissance du graphique de droite.
Charbon Gaz naturel Pétrole STEP* Hydraulique Eolien Solaire Charbon Gaz naturel Pétrole STEP* Hydraulique Eolien Solaire
2015 2020 2025 2030
(8163 MW) (13719 MW) (15927 MW) (17264 MW)
100% 2,2% 15 000 4 047 MW
9,8% 12,0% 3 389 MW
21,3% 23,4% 1 647 MW
80% 16,0% 20,1% 2 755 MW
2 755 MW 2 755 MW
5,7% 17,3% 16,0% 10 000 1 785 MW
60% 11,6% 182 MW 1 591 MW 1 707 MW
24,9% 3,4% 10,7% 10,3% 796 MW 464 MW 814 MW 1 414 MW
5,1% 8,2% 1 306 MW 2 122 MW 2 122 MW 2 122 MW
15,5% 464 MW
40% 13,3% 5 000
10,2% 6,3% 12,3% 2 034 MW 860 MW 860 MW 860 MW
5,4% 5,0% 837 MW
20% 4 281 MW 4 281 MW 4 281 MW
31,2% 31,2% 26,9% 2 545 MW
24,8%
0
0% 2015 2020 2025 2030

Figure 8 Une transition énergétique alternative possible pour le Maroc


Précisons que la planification des puissances du graphique de gauche a été exclusivement
établie à partir de projets de centrales individuellement identifiés et officiellement
communiqués. Cette planification a été faite sur la base des contraintes suivantes :
- plus de centrales électriques au charbon après celle de Safi (1'686 MW en 2018),
- introduction progressive et au fil des besoins :
o de 3 centrales à cycle combiné au gaz naturel (CCGN) prévues dans le plan
gazier du Marocii : une nouvelle à Jorf Lasfar (1'200 MW) puis substitution de
fuel à Mohammedia (par 450 MW de CCGN) et à Kenitra (par 450 MW),
o des 3 grandes STEP identifiées : Abdelmoumen (350 MW), Ifahsa (300 MW) et
Menzel 2 (300 MW)iii,
o de 12 centrales hydroélectriques privées autorisées cumulant 196 MWiii,
o de 14 parcs éoliens : les 6 du PMIEE (1080 MW) et les 8 autres de Taza
(150 MW), de Koudia Al Baïda (320 MW), de JHBK (135 MW), de Oualidia
(35MW), d'Aftissat (201 MW) et de Dakhla (36 MW)iii,
o des fermes solaires NOOR de MASEN (3'075 MW) et Tafilalet (3 fermes),
Atlas (8 fermes) et Argana (3 fermes) cumulant 440 MW de l'ONEE-BEiii,
o d'installations solaires connectées aux réseaux BT et MT pour 1'054 MW.
Cette proposition de "Stratégie Energétique Version 2.0" n'est qu'à 45,8% de renouvelables
en 2030 mais à 53,3% lorsque l'on y intègre les stations de transfert d'énergie par pompage
(STEP). La Figure 9 est là pour vérifier la viabilité de ladite proposition.
10 000 70 000
Hydroélectricité hors STEP (MW) Déficit de production (GWh)
Solaire (MW) Hydraulique (GWh)
Éolien (MW) 60 000 Solaire (GWh)
8 000
Puissance installée (MW)

STEP (MW) Éolien (GWh)


Pétrole (MW) Pétrole (GWh)
50 000 Gaz naturel (GWh)
Gaz naturel (MW)
Charbon (MW) Charbon (GWh)
6 000 Total électricité nette appelée (GWh)
Pointe de puissance appelée, modèle H 40 000

4 000 30 000

20 000
2 000
10 000

0 0
1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

2020

2025

2030

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

2020

2025

2030
Figure 9 Une transition énergétique alternative possible pour le Maroc
Finalement, la proposition semble "tenir la route", au moins des deux points de vue suivants :
- le graphique de gauche de la Figure 9 montre que jusqu'à 2030, la pointe annuelle du
modèle H ne devrait plus dépasser la puissance des centrales thermiques et STEP,
- le graphique de droite montre qu'il ne sera plus indispensable de faire appel à
l'importation d'électricité pour satisfaire les besoins du Maroc, même si elle devait
continuer pour des raisons commerciales ou conjoncturelles ; à l'inverse, le Maroc
devra exporter les légers excédents d'électricité produite à partir de 2019.
La Figure 10 montre l'évolution de l'énergie électrique "verte" exportable et de son cumul.
Excédent de
53 594

53 594

10 000 50 000
52 879

production exportable
49 597

(GWh)
46 986
37 617

Son cumul (GWh)


8 000 40 000
41 792

6 000 30 000
10 452

8 308

4 000 20 000
6 121

5 194
5 079

4 175
3 934
3 723

2 000 10 000
3 282
2 611

716

0 0
2015

2020

2025

2030

Figure 10 Potentiel d'électricité verte exportable au départ du Maroc


Entre 0,50 et 1,00 Dh par kWh (selon les heures et les saisons), ceci pourrait représenter un
chiffre d'affaires entre 27 et 54 milliards de Dh sur une dizaine d'années… et en devises.
• Alors pourquoi à communiquer des chiffres 2030 obsolètes et surestimés ?
Les consignes de Sa Majesté sont claires : au moins 52% des capacités en énergies
renouvelables en 2030. En gardant des prévisions élevées, on pourra abandonner ou se
permettre (encore une fois !) de prendre du retard à la mise en œuvre des centrales fossiles en
atteignant plus facilement l'objectif de 52% de renouvelables. Quoi de plus confortable dans
une période où la reddition de compte est en vogue !
• Probables conséquences du maintien de ces chiffres obsolètes surestimés.
Dans les circonstances actuelles, la seule conséquence qui vienne à l'esprit relève de la
"langue de bois" qui va en résulter, plus tard, en termes de communication. Je ne dirais pas
qu'il vaut mieux s'abstenir que de mal communiquer mais on pourrait au moins faire l'effort
de communiquer des chiffres prévisionnels corrigés en vertu des données les plus récentes.
Il m'est difficile de clore ce "dazibao" sans rappeler que, depuis Avril 2014, le Ministère de
l'Energie continue à priver les médias de la publication web des chiffres clés mensuels.
i
"L'Economiste" N°5259 du 25 Avril (2018)
ii
"Energie et Stratégie" N°50 du 3e trimestre (2018)
iii
Zohra ETTAÏK, "Energies renouvelables au Maroc", Diaporama de présentation (2014)

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