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EXOMORPHOSES

LIVRE I

1793, Marie-Antoinette
Transmutation Cosmique
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Traductions (anglais, allemand, latin, grec) :
©2021, Zaor & Viera, 2021
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Dépôt légal : avril 2021


ISBN 978-2-492922-00-8
ZAOR & VIERA

AUTRES PUBLICATIONS

Français

Exomorphoses • Livre I I ARTIFICIELLE

Exomorphoses • Livre I I I PREMIERS CONTACTS

Anglais

Exomorphoses • Book II
ARTIFICIAL

Exomorphoses • Book III


FIRST CONTACTS
ZAOR & VIERA

EXOMORPHOSES

LIVRE I

1793, Marie-Antoinette
Transmutation Cosmique
PRÉAMBULE

ommes-nous seuls dans l'univers ? La science affirme que jusqu'à


S présent, aucune civilisation non-terrestre n'a été observée sans
équivoque et la question demeure sans réponse. Près de cinquante ans
d'écoute des transmissions spatiales n’ont pas donné de résultats convaincants
malgré les calculs initialement réalisés par le physicien Enrico Fermi qui, en
1950, suggèrait, lors d’un débat avec des amis, que la vie devrait être
répandue dans toute la galaxie [11]. Nombre de chercheurs appellent cette
incohérence le paradoxe de Fermi ou le grand silence (11) qu’ils n’arrivent
pas à combler, malgré la pléthore de preuves irréfutables, l'accumulation de
rapports de police, les enregistrements radar militaires, les attestations
médico-légales d'extractions d'implants révélant une technologie avancée, les
traces chimiques d'atterrissages ou le passage dans nos cieux d'engins non-
identifiés.

Pourtant les observations d'affrontements dans l'espace aérien international


témoignent de ces phénomènes à grande échelle qui parsèment l'Histoire
humaine depuis des millénaires. Des guerres sanglantes étaient déjà relatées
dans la mythique épopée des Mahābhārata ou du Rāmāyana de la littérature
sacrée hindoue, qui présentent des Vimãnas, des chars célestes pourvus de
flancs de fer et vêtus d'ailes ou des aéronefs circulaires munis d'un double
pont, de hublots et d'une coupole. Ces véhicules aériens sont similaires à ceux
décrits des milliers d'années plus tard en 1561 dans une confrontation spatiale
de plus d'une heure, sous le regard de centaines d’observateurs frappés de
stupeur, au dessus de la ville de Nuremberg en Bavière. Les faits furent
rapportés par Hans Les faits furent rapportés par Hans Glaser dans un Flugblatt,
un avis public, en ces termes :

« Tout autour du soleil on voyait de nombreuses sphères, de


couleur bleuâtre ou ferreuse ou noire […]. D'autres encore sont
apparues par rangs de trois, d'autres par rangs de quatre […]. À
cette vision se mêlaient des cylindres souples et creux. Il y avait
aussi trois grands cylindres […]. Tous ceux-là ont commencé à se
battre entre eux : on rapporte que les sphères sont d'abord entrées
dans le soleil, et en sont ressorties pour s'entrechoquer, les grands
cylindres ont commencé à se tirer dessus […]. Après ce spectacle,
on raconte qu'est apparue dans le ciel une chose semblable à un
grand et large fer de lance noir, son emmanchement orienté à l'est
et sa pointe à l'ouest. (11) »

Ces véhicules ressemblent en tous points à ceux plus récents de la bataille


qui eut lieu au dessus de Los Angeles aux États-Unis d'Amérique en 1942, ou
du crash de plusieurs engins volants à Roswell et dans les environs, en 1947.

Quelques années plus tard, le 28 mars 1950, à 04h17m03s à l'insu des


militaires et de toute la population encore endormie, trois nefs inconnues
atterrissent sur les contreforts du Pic du Cheval Blanc, au dessus de Digne-
les-Bains, dans les Alpes de Haute Provence, sur le sol français. Il fait encore
nuit ; les trois vaisseaux de treize mètres de diamètre portent sur le ventre le
symbole des Oummains, un H avec une petite barre verticale au milieu ]+[ ;
des ouvertures rondes s’ouvrent dans un murmure pneumatique, un manchon
se déploie et vingt-six individus, hommes et femmes, de type norvégien hauts
en taille, en sortent rapidement et descendent des caisses de matériel et
d’outillage léger aux volumes réduits. Puis les nefs repartent et l’équipe
déploit les opérations terrestres sous le commandement du Chef d'Expédition,
feu † OEOEE 95, fils d'OEOEE 91, biologiste, 31 ans, quatre enfants (11).
Puis l'équipage se prépare à la rencontre avec les natifs de cette planète
récemment découverte qu'ils appellent Oyagaa, la Planète au carré (11) et dont
ils ignorent encore tout : les Terriens.

Les lettres dactylographiées qu'ils adresseront par la suite à plus de


quarante destinataires strictement sélectionnés à travers le monde, sont encore
de nos jours, très sérieusement étudiées par des scientifiques et universitaires
de haut niveau qui en dégagèrent de nouveaux concepts scientifiques, tels
l'astrophysicien Jean-Pierre Petit : un nouveau modèle cosmologique JANUS
l'univers-jumeau (11) ou le linguiste Jean Pollion, la notion de sonsept (11).

Ce n’était pas la première fois que des vaisseaux spatiaux ou des individus
se présentaient en personne à des Terriens interloqués, en disant qu'ils
venaient d'une autre planète. De nombreux témoignages continuèrent à
affluer et à faire la une des journaux à la suite d'enlèvements comme celui de
Barney et Betty Hill en 1961 ou des témoignages de pilotes d'avion de ligne
qui déclarent dorénavant ouvertement, avoir croisé des PANs, des
Phénomènes aérospatiaux non-identifiés. Malgré leur attente de l'évolution
de notre humanité vers plus d'autonomie, de sagesse et de maturité, nos
voisins stellaires continuent de s'affronter dans l'espace aérien terrestre,
émaillant leurs passages de preuves matérielles tenues secrètement à l'écart
du regard curieux de l'humanité.

La vacuité qui semble curieusement entourer notre planète conduit les


scientifiques à émettre diverses hypothèses ; celle, par exemple que les autres
civilisations, à part la nôtre, ont disparu ou qu'elles sont peut-être trop loin de
notre champ de détection, ou du moins que l'intelligence est rare et donc peu
distribuée dans toute la galaxie. Les autres idées émises seraient que la
croissance exponentielle est un modèle de développement pour les
civilisations intelligentes et qu’elles ont fait face à un effondrement
écologique après la colonisation de la galaxie, analogue au sort des
civilisations qui se sont succédé sur Terre. Et enfin que les peuples non-
terrestres sont en fait déjà répandus dans toute la galaxie mais se rendraient
volontairement invisibles grâce à des technologies furtives ou non détectées
par les Terriens.

L'absence de communications entre les terriens et leurs voisins de l'espace


pourraient également être la conséquence d'autres préoccupations à ce jour
non divulguées — comme vous allez le découvrir au fil des parutions des
EXOMORPHOSES — de notre humanité protégée des interférences de
civilisations plus avancées et colonisatrices ou prédatrices, grâce à un champ
électromagnétique qui entoure la Terre ; et enfin que cette 'bulle'
technologique ait été mise en place par des peuples non-terrestres, non
seulement par respect pour les populations autochtones, mais pour se
prémunir de la nature primitive et violente des Terriens avec lesquels ils
redoutent d'entrer ouvertement et officiellement en contact.

La conquête spatiale et notre rêve d'atteindre d’autres planètes ainsi que les
fréquences des contacts non-terrestres qui s'intensifient, nous font fort
heureusement, remettre en question notre compréhension de la vie sur notre
planète et notre place dans le cosmos. Qui sommes-nous en réalité ? La
confirmation de la vie biologique sur d'autres planètes devrait être un facteur
important pour la prise de conscience de l'exogénèse de nos origines en
transcendant le créationnisme ou l'évolutionnisme darwinien.
Cependant, la présence ou l’absence de voisins stellaires ne devrait pas
oblitérer la nécessité d’un approfondissement des valeurs humaines, des
relations que nous entretenons les uns avec les autres et avec la planète et de
saisir l’opportunité de changer notre manière de vivre.

C’est précisément ce qui vous est proposé dans la série des Exomorphoses.
PROLOGUE

e premier chercheur à avoir formulé l’idée de l’existence de mondes


L semblables au nôtre, s’appelait Filippo dit Giordano Bruno, moine
dominicain, philosophe et polymathe du XVIe siècle qui écrivait :

« Il y a dans l'espace des constellations sans nombre,


d'innombrables soleils et un nombre infini de terres tournant autour
de ces soleils, à l'instar des planètes que nous voyons tourner autour
du Soleil qui nous est proche ... aucun esprit raisonnable ne peut
affirmer que ces corps célestes, peut-être mille fois plus beaux que
le nôtre, ne portent pas des créatures semblables aux hommes, ou
peut-être plus parfaites … Nous affirmons qu'il existe une infinité
de terres, une infinité de soleils et un éther infini. (11) »

Quatre cents ans plus tard, nous constatons qu'il avait vu juste. La Voie
Lactée comprend à elle seule 200 à 400 milliards de soleils et au minimum
100 milliards de planètes tous dispersés autour d'un trou noir supermassif. Le
compteur en ligne du CAW, le Club d'Astronomie de Wittelsheim, dans la
banlieue de Mulhouse, en Alsace, dénombre à ce jour 4687 planètes
extrasolaires, ou exoplanètes, dont 218 auraient une atmosphère et pourraient
abriter de l'eau et la vie. En conséquence, il n'est pas déraisonnable de penser
que la vie est aussi foisonnante dans le cosmos qu'elle l'est sur Terre et que
c'est la norme dans l'univers, pas l'exception.

En supposant qu'il y ait un million d'habitants par exoplanète, nous


pourrions faire basculer le paradoxe de Fermi vers une quasi-certitude, car ce
serait 218 millions d'individus qui auraient pu développer une civilisation sur
218 planètes différentes ; certaines seraient moins développées que la nôtre et
n'auraient pas encore atteint l'ère industrielle ; d'autres seraient beaucoup plus
avancées et navigueraient à bord de vaisseaux spatiaux interplanétaires aussi
aisément que nous utilisons des navettes pour faire des allers-retours entre les
grandes villes de la planète.

Les témoignages mythiques ou historiques et les extraits d'archives


gouvernementales déclassifiées semblent soutenir le postulat que nous ne
sommes pas seuls dans l'univers. Ils font état de voyageurs interstellaires qui
nous rendraient régulièrement visite et vivraient incognito sur notre planète
pour faciliter notre évolution dans un but scientifique. Les équipages de
gigantesques vaisseaux spatiaux qui seraient actuellement stationnés derrière
la Lune, se présentent du reste comme des hommes et des femmes de
multiples origines stellaires ayant des caractéristiques similaires à la
physiologie humaine, une longévité plus importante, une intelligence et un
Q.I. élevés, une compréhension non-duelle de l’univers et des technologies
plus avancées que les nôtres.

Au fil de leurs communications, ils soulignent que nos connaissances


historiques, scientifiques, psychologiques et spirituelles doivent tenir compte
de notre place au sein d’un univers et d'une communauté cosmique plus
larges. Autant de sujets à réexaminer auxquels la série des Exomorphoses est
consacrée et qui propose de nouvelles perspectives d'études, une relecture
incisive et inclusive de notre Humanité en mettant en lumière sa nature
exogène, un univers invisible par-delà la mort, la réincarnation, la
synchronicité des lignes temporelles et la synergie Science-Conscience.
Mais quel est le lien commun entre Marie-Antoinette et nos voisins de
l'espace ?

Selon leurs bases de données holographiques alimentées par une


Intelligence Artificielle qui enregistre la vie de chacun, minute par minute
depuis la naissance, les personnages emblématiques bâtisseurs de l’Histoire
se réincarnent sous de multiples identités. Marie-Antoinette de Habsbourg-
Lorraine, reine de France et des Français de 1774 à 1792 en fait partie et sous
cet angle, sa vie transmutée prend un tout autre sens et une tournure
inattendue.

Découvrez le côté stellaire de son histoire.

Nous sommes à Paris, à l'aube du 16 octobre 1793, il est 4h30 du matin...


4H30

est mercredi aujourd'hui ; le 25 vendémiaire de l'an II sur le nouveau


C calendrier de Fabre d'Églantine ; pour les passants, c'est un jour comme
les autres, imprégné des senteurs sucrées du raisin et des arômes des
châtaignes grillées que l'on grignote, debout près du brasier. Sous les touches
carmin du soleil levant, la nuit se dissipe et la vie lentement s'éveille.

C'est le tout dernier jour de mon existence.

Si ce n'est pour la nuit blanche que je viens de passer et qui en suit deux
autres, je me serais levée sans hâte, en baillant mollement, pour regarder
poindre les premières lueurs de l'aube, écouter les caquetages des volatiles
entassés dans les paniers du marché aux volailles et les cris affamés des
mouettes en quête d'une ripaille au-dessus de la Seine. J'aurais perçu les
clapots huileux de l'eau, les harangues des bateliers, les tambours des crieurs,
et le bourdonnement des métiers à tisser de la bonneterie près du Pont au
Change ; j'aurais entendu les chuchotements sous ma fenêtre, ravir à la nuit
les secrets étouffés des nouveaux conquérants de Paris.

Mais je suis épuisée, ma résistance est brisée.

Des chiens jappent en poursuivant les grelots d'une bicyclette, un verrou


crisse, des talons bottés claquent sous des ordres ; je suis emmenée dans la
salle d'audience et, dans un silence de plomb, trois mots glacés cinglent
l'espace :

— Condamnée à mort !
À mort !? pensai-je, en état de choc.

Dans dix jours, j'allais avoir trente-huit ans.

Je n'avais pas encore fini de rêver.

Je n'avais pas fini de vivre.


4H45

ans les heures améthystes de ce matin étoilé, Saturne traverse mon


D signe astral : je suis du signe du Scorpion, cuirassée sur chair tendre,
fléchée de venin sous l'ourlet d'un regard de velours, pudique et bleuté.

Je me demande pourquoi enfant, j'avais été choisie pour rallier l'un des
plus beaux fleurons de l'Europe et pourquoi ma vie était si tragique. À cette
question, mes parents traditionalistes auraient répondu qu'il est absurde de se
la poser. Autre que le sang et Dieu, c'était la Providence. Ma mère, en
particulier, celle qu'on avait fini par surnommer La Grande, n'avait cessé de
me brimer et pour des raisons géopolitiques d'extension de territoire et de
pouvoir qui me paraissaient maintenant superfétatoires, elle m'avait offerte en
cadeau d’alliance à la monarchie française, sans même me consulter.

Ce que je ne leur avais jamais confié cependant, c'est que j'avais le


sentiment de ne pas appartenir à ce monde. J'avais toujours été solitaire et
étrangère à la condition humaine que je trouvais déroutante et brutale. Je ne
savais pas pourquoi j'étais née ou d'où j'étais mais j'étais persuadée que je
n'étais pas d'ici, j'étais d'ailleurs.

Toute mon enfance fut traversée par les souvenirs vivaces d'autres lieux
éclatants, avec de l'eau pure dans laquelle je me baignais sans tabous, nue
comme une naïade, de l'air cristallin, des paysages encore vierges et
sauvages, une nature luminescente, des animaux dociles et aimants et des
arbres qui bougeaient et se replantaient d'eux-mêmes dans des terres plus
fertiles.
La nuit, en regardant les étoiles, je me demandais qui les habitait et il
m'arrivait de voir des anges aux larges ailes déployées ou des formes
discoïdales évoluer au dessus de ma tête : des voiliers entourés de halos de
lumières, anciens ; j'entendais des voix murmurer des langues inconnues et je
voyais des êtres transparents à la limite de mon spectre visuel, me sourire et
me guider sur ce chemin difficile que j'empruntais. J'étais perdue.

Qu'étais-je venue faire sur Terre ?

Quelle était ma mission ?


5H00

espérais au procès, que les curieux, les femmes surtout, hurleraient leur
J dégoût ; que des sifflets et des cris de protestation s'élèveraient à la
lecture de la sentence. J'espérais des mains tendues, des cœurs compatissants,
la clémence des jurés malgré leur suffisants petits rires burlesques,
inconscients de l'impact de leurs décisions sur l'ensemble de l'humanité, à en
juger par ce qu'ils venaient de statuer.

Je guettais en vain un pardon. J'attendais une forme de reconnaissance pour


les combats que j'avais menés. Je comptais sur un sursaut, une réalisation, un
volte-face audacieux car ce que le monde exigeait de nous, en ces temps de
bouleversements, ce n'était pas du courage, non... mais de l'audace. Car il faut
de l'audace pour être soi-même et créer.

Je n'en manquais pas ; j'étais restée sur mes positions et déclarais


ouvertement mon parti-pris pour un régime qu'ils voulaient éradiquer et que
j'avais tenté de maintenir à tout prix parce que je ne voyais, autour de moi,
que haine et violence.

Je pense qu'ils ont tous été trompés. Non seulement le peuple, mais les
intellectuels et les révolutionnaires aussi. J'avais du ressentiment pour ces
derniers parce que ce sont eux qui avaient mené le peuple à sa perte, et moi à
la mienne. C'était des fanatiques, persuadés que leur idéologie allait changer
la société et transformer le monde.

Et voyez où nous en sommes aujourd'hui.


5H15

are est l'encre posée sur ma mémoire qui en pénètre le cœur. Exercice
R perdu d'avance, me direz-vous, si l'on considère la rareté des documents
signés de ma main. Tout ce qui m'était associé, a été effacé ipso facto : une
grande partie de mes écrits, ma garde-robe, mes bijoux, ma demeure, mes
symboles et mes objets personnels furent détruits ou réutilisés pour la
construction de machines de guerre. Les poissardes et les bandits ont tout
avili, saccagé, lacéré, arraché, enterré, violé, saigné, tué et brûlé avec une
rage et une détermination telles, que lorsque les cris de la terreur cessèrent, la
France était exsangue et défigurée.

Malgré leur authenticité, les documents originaux archivés pour la plupart à


la Bibliothèque Nationale de France à Paris, ne répondent pas aux critères
recherchés pour ce que vous êtes en train de lire, pour la simple raison que les
évènements et les faits historiques sont relatés au travers de multiples filtres
culturels, religieux, politiques ou juridiques d'époques différentes qui
inhibent une lecture juste des évènements tels qu'ils se sont produits.

Nuls documents historiques — pas même les lettres dont certaines, au


demeurant, ont été créées par d'habiles faussaires et qui font l'objet de
collections jalousement gardées dans plusieurs pays d'Europe et aux États-
Unis d'Amérique — ne peuvent en restituer l'exacte réalité.

Sans les documents originaux écrits de ma plume, raconter ce que j'ai vécu,
partager mes pensées et mon ressenti, n'est pas crédible si l'on se place du
point de vue d'une réalité historique d'une autre époque.

Seuls, les détails, pour peu que l'on fasse l'effort de les étudier
soigneusement, présentent une réalité plus juste ; celle relatée par les notes
manuscrites à main-levée sur des croquis de couturières ou le lexique, la
syntaxe et des exclamations dans des pamphlets. Il faut aimer glaner des
informations dont le sens, à première vue, échappe aux historiens ; il faut
aimer se pencher sur les mouvements lents et appliqués des calames sur un
codex enluminé, traquer les déliés d'une consonne calligraphiée sur un
papyrus.
Je me suis donc immiscée dans les cryptes du souvenir pour retrouver la
palpitation du mot, entendre battre les phrases, m'introduire au cœur du sens
qui colorent à notre insu les paysages mémoriels.

Il faut savoir rester immobile. Ne rien faire.

Se laisser emporter par les tonalités du vent, sentir le toucher de l'air.

Il faut attendre le moment précis et le temps de la patience pour se poser au


point de départ, et suivre le tracé sombre et assuré qui encercle le vide, la
vacuité et l'achèvement, comme un ensō japonais.

Il faut étudier avec attention la direction de chaque coup de pinceau sur un


tableau presque effacé ; percevoir l'infinitésimal instant entre la fin du
crépuscule et le lever de l'aube ; écouter l'éveil d'une ville dans les sons du
passé ; la naissance de la révolte, les pulsations de la vie entre deux
bruissements, après chaque expiration. Et avant chaque nouvelle inspiration.
Il faut incarner l'impertinence, l'insoumission, la résistance.
Il faut oser s'abandonner suspendu au vertige, dans le vide et l’ultranoir.

Il faut aimer entendre s'écouler les heures lentes des prisons, écouter les cris
dans les rires, la souffrance dans le silence.

Il faut aimer le latin et le thé à la bergamote que l'on consomme sans


modération chaque jour en attendant l'inspiration, pour comprendre - aussi
anodin que cela puisse paraître - l'importance de la longueur des robes et la
hauteur des talons dans une révolution.
5H30

u Hameau, insouciante à l’époque des faits, je prenais des bains de


A pleine lune comme on prend des bains de soleil, enveloppée de la
fragrance des roses, les pieds dans la rosée. Je déambulais jusqu'au temple,
une petite rotonde qui abrite, en son centre, une sculpture de l'Amour par
Louis-Philippe Mouchy. La statue avait essuyé les critiques les plus sévères,
car elle offrait sans détour l'image d'une sexualité jugée trop suggestive. Elle
n'était pas seulement belle, le dieu sculpté paraissait vivant. Il défiait le
marbre, faisait craquer les membranes, faisait battre les veines et palpiter les
chairs. Ses fesses rebondies, ses roustons glabres et son pénis dénudé
suscitaient les remarques enflammées des femmes scandalisées et les
moqueries d'adolescentes qui s'enfuyaient en pouffant.

Mon caractère rebelle était sensible à cette esthétique candide


malheureusement moquée par la pudeur moralisatrice et contrairement à
nombre de femmes, j'utilisais les balançoires, chevauchais ma jument, fumais
le cigare, m'enivrais et jouais au billard comme un homme ; autant d'actes
voluptueux pour lesquels je suis maintenant condamnée.

Prendre un bain était réprimé par les meurs, réprouvé par l'église ; l'eau était
dangereuse ; elle évoquait les plaisirs du raffinement érotique ; il fallait se
déshabiller, se caresser la peau, effleurer des parties secrètes et intimes ; oser
regarder ce corps objet de tous les refoulements. Ma sensualité est si
mythique, qu'à travers les siècles, elle ne cesse de provoquer la matière grise
d'auteurs et de metteurs en scène qui perpétuent sans réserve l'image d'une
nymphomane.

Or, changer et faire évoluer la société pour lui faire adopter des valeurs de
haute éthique, de bonheur, de sérénité et de service à autrui avait été et serait
toujours ma mission et si vous pensez qu'en construire les fondations
s'effectue sous la coupe du clitoris, c’est que vous n'avez jamais accompli
l’exercice !
5H45

ors de mon procès, je fus forcée de changer de perspective : percevoir la


L réalité intemporelle et le côté historique ; puis les deux à la fois. Qu'elle
était la réalité ? Était-elle subjective et relative ? changeait-elle d'apparence
comme dans une anamorphose ?

La zincographie intitulée Où est sa grand-mère ? (1) présente une singulière


perspective non duelle. Deux femmes -une jeune et une vieille- sont
judicieusement juxtaposées mais, on ne distingue pas la seconde qui est au
premier abord, imperceptible. On ne voit qu'une femme aux cheveux sombres
et au profil romantique, une citadine au collier, vêtue de fourrure. Pour
discerner la vieille paysanne, verrue sur nez busqué, menton en galoche, traits
renfrognés coiffée de dentelles enrubannées, il faut déplacer le regard en
alternant les perspectives, dans un mouvement de balancier visuel. Et une fois
la vieille femme découverte, le cerveau refuse de retourner au premier dessin
; il faut consciemment centrer l'attention pour le recouvrer.

Outre l'effet de surprise et le sentiment d'avoir été berné, l’œil trompé et les
mécanismes cérébraux bouleversés, ce n'est pas la pluralité
fondamentalement contradictoire des figures que leurs sens devraient
éloigner, comme une «obscure clarté» plus complexe, que la métaphore
classique de Jana, Janus au masculin, la déesse aux deux visages, ce n’est pas
la femme âgée ou les traits de crayon qu'elles partagent avec la jeune qui
suscitent l'intérêt, ce n'est pas l'effet visuel de l'illusion d'optique auxquels il
faut s'attacher, mais aux processus cognitifs et aux changements successifs de
polarité.

Cent milliards de neurones établissent des réseaux, chacun de plusieurs


milliers de contacts, qui muteront et oscilleront en changeant l'angle
d'observation. Le regard en se rabattant dans l'image entraîne une
décapitation du sens : de sonore il devient temporel.

Des glissements du temps, de l'espace ou de la fiction migrent vers de


multiples réalités juxtaposées : littéraires, musicales ou graphiques. Les
anamorphoses linguistiques, le lapsus, les barbarismes, les métaphores
langagières sont elles aussi autant de délices qui suscitent la pâmoison des
auteurs ; et en les regardant ou en les comprenant, au niveau physiologique et
psychologique, de nouveaux cheminements synaptiques s'installent en
dénudant les cortex.

L'anamorphose trépane le vide et s'installe dans une lecture où le sens


simultané se dérobe. De nombreux artistes l'ont illustrée : Da Vinci dans le
Codex Atlanticus ; Holbein dans Les ambassadeurs ; Shakespeare dans La
douxième nuit ; Lacan dans son schéma optique et dans sa démonstration de
la quatrième dimension ; Escher dans ses Tesselations ; Vasarely dans la
totalité de son œuvre ; Dali, Magritte, Schaeffer et Schöffer dans leurs
anamorphoses sonores et Enki Bilal, qui l’a développé dans ses
métamorphoses biologiques et ses dédoublements cybernétiques. Maîtres du
genre, ils en ont fait des démonstrations vertigineuses pour essayer de rendre
visible la vraie nature d'une réalité qui semble nous échapper.
6H00

l ne me reste que six heures et quinze minutes à vivre. Vous avez dû


I passer des dizaines de fois à la Conciergerie à Paris, devant cette fenêtre
noircie par le temps, dissimulée derrière un escalier de pierres, sans
remarquer qu'elle existait et sans savoir que c'est l'endroit où j'ai vécu mes
dernières heures. Elle donne sur une pièce qui est devenue un musée avec une
porte basse, fermée de pesants verrous ; un lit, un fauteuil canné, deux
chaises, une table, une tapisserie murale et une fenêtre, étroite, armée de
barreaux qui donne sur la cour des femmes.

Le Palais existait probablement déjà au temps de la domination romaine,


occupé par les rois et les princes mérovingiens ; à l'époque, c'était une
forteresse entourée d'épaisses murailles crénelées qui ceignaient la cour
intérieure en protégeant la maison du roi.

Lorsque l'on passait l'imposante grille, on trouvait du côté droit, des


bâtiments pour les officiers, les cuisines et les écuries et tout le côté gauche
était réservé à la justice.
Une grande salle de soixante-quinze mètres de long occupait tout le rez-de-
chaussée, divisée en deux nefs, consolidées par des piliers rehaussés d'or et
les statues des rois, entourés de boutiques et de marchands. Quelques bancs
de pierre et plusieurs cheminées permettaient aux défenseurs et aux accusés
de se préparer avant les audiences ; l'un des piliers, malgré le fait qu'il ait la
même taille que les autres, était appelé le gros pilier parce qu'il servait de
point de rendez-vous aux plus célèbres avocats du Palais. D'autres salles
servaient de cachots pour les condamnés à mort qui attendaient leur
exécution.

Au milieu du XIVe siècle, à l'angle Nord-Est du Palais, fut construite la


Tour de l'Horloge. Elle avait été conçue comme une tête de pont militaire
pour protéger l'angle saillant de l'enceinte, bien plus exposée à cause de la
proximité du pont au Change, maintenant dégagé, après que l'on eut démoli
les maisons des changeurs qui l'occupaient sur toute sa longueur et sa largeur.
Une horloge de grande dimension -la première horloge publique de Paris- fut
placée sur l'un des étages inférieurs et on y adapta une cloche créée par Jean
Jouvente, forcée à l'étain et au son clair, que l'on baptisa Tocsin du palais.
Mais le peuple ravi par son timbre cristallin, l'appela la Cloche d'Argent.

L'horloge ne sonnait qu'en de rares occasions : incendie, naissance ou mort


des rois et de leur fils aîné ; elle retentissait alors pendant trois jours et trois
nuits, sans discontinuer, et la dernière fois fut à la naissance de mes deux fils
Louis-Joseph et Louis-Charles puis au décès du premier il y a quelques
années.

La Tour de l'Horloge servait autant comme bouclier de défense pour la


demeure royale que dans un but de surveillance et de guet contre les
mouvements de foule en temps de révolte. La haine vouée au régime en place
et l'anarchie furieuse se vengèrent en détruisant tout ce qui leur tombait sous
la main ; la cloche d'argent et son cadran furent brisés et le métal converti en
monnaie.

Enfermée dans l'un des cachots avant mon exécution, je n'entendais plus
que la petite cloche de la cour qui rythmait les dernières heures des
condamnés. La pièce, comme une cellule de moine, était privée de tout
confort et d'intimité mais contrairement à elle, elle n'avait pas le luxe du
silence. À quelques pas de moi, séparés par un simple paravent, des
gendarmes tapaient le carton en s'enivrant, pendant que d'autres, affalés dans
un coin, ronflaient doucement en soufflant l'air, les lèvres retroussées.

Que le temps ne rebondisse ! J'aurais tellement aimer l'arrêter, le figer,


comme on étouffe une bougie, d'un petit coup de mouchoir, plat et bref, le
tuer, l'écraser, le faire éclater comme une baie de myrtillier, sentir le jus
pourpre et suave couler le long de ma paume, l'anéantir, le crever, ou me
catapulter, me treuiller à rebours, vers ce point où je n'étais pas encore née.

Et tout recommencer.
6H15

utre leurs intérêts politiques, mes parents ne voulaient que mon bien,
O disaient-ils. Adolescente, j'avais l'esprit rempli de rêves, de jeu, de joie,
d'insouciance et d'éclats de diamants ; j'étais plutôt impertinente et moqueuse,
tout autant que timide, pudique, mélancolique et secrète ; je croyais au prince
charmant, j'aspirais à l'autonomie et je fus surprise et fière d'avoir été choisie
pour rallier la France ; j'étais le N° 15, l'avant-dernière de la fratrie. Dix-huit
ans me séparaient de ma soeur aînée. Je savais que j'avais tous les attraits
d'une vraie femme. J'aimais plaire, comme les filles séduisent à quatorze ans,
qu'elles succombent à l'appel de leurs désirs, sans s'interroger, parce que c'est
ce que les femmes font, ce que leurs mères leur ont appris, leurs grand-mères
et leurs arrières-grand-mères, et toutes les générations de femmes qui
suivront ; parce que c'est ainsi que les femmes sont femmes, moulées par la
tradition, endoctrinées par la société, sans s'interroger, parce qu'elles n'ont
jamais appris à poser les bonnes questions, ou parce que par timidité ou
paresse elles n'ont jamais osé se demander quelles seraient leurs réponses à
l'appel de leurs hormones, quand leurs seins gonflent, que leur vulve glisse
vers l'entre-jambe et que des poils commencent à faire leur apparition.

Les filles, de toute façon, n'avaient pas leur mot à dire. J'étais mineure et
hormis fuguer pour me soustraire à l'autorité à laquelle j’ai résisté toute ma
vie, je n'avais pas eu le choix.
6H30

rançois, mon père protecteur et aimant décéda d'un accident vasculaire


F cérébral, à l'âge de cinquante-six ans ; j'en avais dix. Marie-Thérèse, ma
mère manipulatrice autoritaire, avec laquelle j'étais souvent en désaccord et
en conflit, en avait quarante-huit.

Nos valeurs nobiliaires, la charge financière et morale de sa nombreuse


progéniture la poussèrent à marier rapidement les enfants qui vivaient encore
sous son toit. C'était une fratrie de seize enfants, cinq frères et onze sœurs.
C'était un véritable clan à table, lié par les liens du sang, un protocole royal,
des discussions animées. Il en restait encore huit à caser. Dont moi, la petite
avant-dernière, la quinzième. Malgré ma position désavantageuse en fin de
ligne de production, c'est moi qui fus choisie.

L'un de mes frères, Joseph, garçon difficile et vindicatif, jaloux de ma


pensée libre, m'appelait tête à vent ; et moi, je l'ai surnommé Empereur
sacristain car il était toujours prêt à légiférer. Je regrette de ne pas lui avoir
rendu la monnaie de sa pièce en son temps, en l'appelant Despote Éclairé
parce qu'il admirait Voltaire.

Plusieurs de mes frères et sœurs furent destinés aux hauts services ; d'autres
à des conjoints désirés ; les derniers furent mariés contre leur gré. Pour ma
part, je redoutais l'idée du mariage et celle de devoir quitter notre foyer
malgré mes rêves d'aventure. Ma mère, despote qu'il ne fallait pas contrarier,
dirigeait la famille avec l'énergie d'un stratège envahisseur, surveillant le
déploiement de son armée et la conquête des avant-postes. Pendant les
négociations qui précédèrent mon mariage, Louis, le père de mon futur époux
-qui s'appelait aussi Louis- et son grand-père -un autre Louis- imposèrent des
conditions suspensives : que je sois capable de parler correctement le français
et que je sois attentive à mon image.

Je ne souhaitais pas m'exprimer dans une autre langue car les mots
n'avaient pas le même sens et malgré toutes les années vécues en France,
j'avais gardé un léger accent dont je n'ai jamais réussi à me défaire et qui fut,
plus tard, raillé par le peuple français. Je dus étudier assidûment pour acquérir
les premières notions d'une culture exigeante ainsi que le sens de l'honneur, le
respect de la parole donnée et la droiture ; des valeurs séculaires, qui ne m'ont
jamais quittée - n'en déplaise à mes détracteurs et malgré les ragots - qui nous
étaient inculquées, de génération en génération dès le berceau et que je devais
transmettre, coûte que coûte.

Enfant j'avais aimé la compagnie de ma nourrice Constance Weber, mes


courses folles et mes jeux insouciants avec mon frère de lait. J'étais
facilement distraite, incapable de me rompre aux traditions familiales, tout
comme je peinerai, plus tard, à me plier aux règles qui entraveront ma liberté.
Apprendre l'allemand, les rudiments de français et d'italien, en plus des bases
du latin, du protocole et du savoir-vivre fut vraiment un apprentissage
difficile.

Puis, il fallut attendre l'arrivée de ma menstruation -avec de l'appréhension


comme c'est le cas pour de nombreuses adolescentes- car ma virginité et ma
fertilité de sang royal rhésus négatif, étaient le modus operandi des
négociations. Mon mariage fut ensuite célébré par procuration. Je n'avais
jamais rencontré mon mari lorsque je mis le pied en terre française.
6H45

e me sentais désemparée, sans repères, objet d'un mariage arrangé contre


J mon gré, avec un gringalet de 15 ans, qui était probablement imberbe,
timide et acnéique comme tous les garçons de son âge. Le jour du départ, je
pressais toute ma famille contre mon cœur, et le visage de ma nourrice entre
mes mains ; je lui rappelais que je l'aimerais toute ma vie et je lui demandais
de ne pas m'oublier. Des amis, leur famille et un cortège de cinquante-sept
voitures m'accompagnèrent ; nous nous dirigions vers Kehl, à la frontière
franco-autrichienne. Enfoncée au fond du siège, je ne pouvais réprimer mes
larmes en jetant un dernier regard vers ce paysage que je ne reverrais jamais.
Kehl et Strasbourg, deux villes de chaque côté du Rhin, étaient reliées par
un pont, chevauchant une île au beau milieu du fleuve, sur laquelle était
construit un long bâtiment que je devais traverser de bout en bout. C'était
mon droit de passage : l'entrée se trouvait à Kehl et la sortie, du côté français,
à Strasbourg.

La structure en bois était composée de cinq petites pièces : deux pour Kehl
et deux autres pour Strasbourg. Au centre, se trouvait un salon destiné à me
remettre aux autorités françaises, et au milieu, une table recouverte de velours
cramoisi, où passait la frontière symbolique. Je dus ôter mes vêtements et,
après avoir franchi la frontière, on me remit de jolis atours à la française mais
à la coupe un peu trop étriquée, à mon goût. Ils me comprimaient la taille et
j'avais du mal à respirer.

Ce pas sur le sol français et sur la première marche de la jolie berline jaune
paille qui m'attendais, je n'aurais jamais dû le faire. Mais, je me sentais si
femme, si attendue, si belle, aimée et admirée que je n'ai rien tenté. Tout au
contraire, j'étais une princesse de sang royal, je devais garder la tête haute.
Un soldat en uniforme remonta le marche-pieds, salua doigts à la tempe et
ferma la portière aux glaces biseautées. Nous nous mîmes en route avec un
sentiment de tristesse, sous le frimas et une pluie battante qui commençait à
tomber. Sombre présage sifflaient les mauvaises langues ; elles avaient
raison, mais aucun de nous ne daigna pousser cette pensée plus loin.

Je jetais un dernier coup d’œil vers l'horizon obscur car devant l’équipage,
s’ouvrait la route vers Versailles et vers ma nouvelle vie. Je ne savais pas
alors que je quittais l’Autriche pour ne jamais y revenir.
7H00

lottie au fond du siège tendu de mes couleurs favorites, le bleu et le


B blanc, je fus prise de somnolence et me vis courant les bois, libre à en
perdre haleine, humant à pleins poumons l'odeur du pétrichor quand la pluie
commençait à tomber sur un sol sec. J’observais les papillons, jouais à la
fermière, tressais des plessis ou écoutais, attentive, la cymbalisation des
cigales.
Somnolante sous le roulis de la calèche, je fus submergée par des rêves
violents. Des images de l’Égypte antique superposées à d’autres du XIIIe
siècle, mêlées comme dans la zincographie et l’anamorphose Où est sa
grand-mère envahirent mon esprit endormi ; j’étais enchaînée dans un donjon
humide, froid et inhospitalier dont je réussissais à m'échapper. Mais traquée
par des légions romaines à ma poursuite, je traversais la mer Méditerrannée et
me réfugiais dans les montagnes cathares au Sud de la France, sous la
protection des Parfaits et des Templiers de Reine-le-Château, Bugarach et
Montségur ; mais je fus finalement arrêtée, enchaînée, condamnée, et donnée
en pâture aux lions. Les époques semblaient se superposer mais les
circonstances et les évènements ainsi que leurs dénouements étaient en tous
points semblables.
Je ressentis cette peur sourde et profonde que j'éprouvais souvent d'un
destin tragique qui m'attendait et auquel je ne pouvais échapper. Je me savais
la descendante en ligne directe de reines mythiques déchues, trahies,
condamnées et tuées ; cette même femme à la fois puissante, audacieuse et
aimante qui se réincarne au fil des siècles sous de multiples identités —
Inanna, Ishtar, Isis, Pattini, Astarté, Aphrodite, Vénus, Arsinoé, Marie-
Madeleine et moi— la représentation de l'amour, la créatrice de la Terre
vivante, prima materia qui revient sous forme humaine pour présider à la
destinée d'un peuple, aux dépends de sa propre vie. Divine Grâce féminine.
Amoureuse. Fertile. Amante abandonnée dans les bras de son seul amour.

Il s'était appelé Lhude, Dhumuzid, Azazel, et Axel au fil des époques, fidèle
et protecteur, toujours prêt à se battre pour moi, me rêvant plus douce que ses
rêves les plus fous, me cherchant partout. Et une fois trouvée, il me voyait
m'éloigner dans la nuit, échappant à son amour qu'il continuait de prodiguer
au fil des siècles. Preux chevalier, blason et gonfanon, honneur et
dévouement ; il ira jusqu'à protéger mon mari et mes enfants, parce que sa
passion est inaltérable : un amour inconditionnel qui ne connaît pas de
mesure et qui ne peut être comblé, non pas parce qu'il est vide, mais parce
qu'il est vivant.

Son cœur est près du mien.


Mon destin lié au sien.
Je sais qu'il m'attend.
7H15

vec des murs d'un mètre d'épaisseur, l'humidité dans mon cachot était à
A son comble ;
Me voici de nouveau prisonnière dans une tour fortifiée ! pensais-je, de
nouveau faisant face à la haine, à l’arrestation, à la condamnation et à
l’exécution. L’histoire en spirale, inlassablement se répétait. Il fallait que j’en
sorte, coûte que coûte.
Mes doigts s'engourdissaient sous l'effet du froid et mes accusateurs se
hâtèrent de boucler mon procès avant que je ne disparaisse de mort naturelle,
car j'étais atteinte d'une grave maladie. Ils organisèrent une mise en scène
judiciaire, au nom d'une république qui naissait dans la barbarie ; j'en étais le
sacrifice expiatoire, suppliciée sur l'autel d'une idéologie dont le slogan
«Liberté, Egalité, Fraternité» avait rassemblé les plus vils assassins et les
bassesses les plus ignobles.

Mon procès dura deux jours, pendant lesquels je fus assistée par deux
avocats commis d'office la veille de la séance, dans un délai si court qu'il leur
fut impossible d'instruire mon dossier et en quelques heures seulement, les
modalités d'application de ma condamnation et de mon exécution furent
fixées. Avant même l'ouverture de la séance, mon sort était scellé : «Ce n’est
qu’en extirpant toutes les racines de la royauté que nous verrons la liberté
prospérer sur le sol de la République. Ce n’est qu’en frappant l’Autrichienne.
(4)»

Comme l'indique le compte-rendu, je fus reconnue coupable de cinq chefs


d'accusation principaux : dictature, espionnage, terrorisme, haute trahison, et
crimes contre l'humanité.

En d'autres temps, j'aurais pu requérir l'acquittement, faute de preuves, mais


tout s'est déroulé si brutalement, dans la violence et le déchaînement des
passions, que j'ai perdu le contrôle de ma vie.
Comment se défend-on lorsque l'on n'a jamais côtoyé le crime ?
Il ne se trouva ni juge, ni avocat, ni juré avec un sens du devoir si absolu,
qu'ils auraient pu arrêter la machine, l'eussent-ils voulu. Les regards étaient
aveuglés par l'impérieux besoin du pouvoir et les moyens mis en œuvre,
délétères, ceux d'une justice oblitérée par le patriotisme et une idéologie
implacable, plus que par l'équilibre dynamique de sa balance.
Plus douloureux que les procédés employés, fut d'avoir été calomniée
quand je dus répondre sur la nature incestueuse de mes relations avec mon
jeune fils. Interrogé sans le contrôle d'un adulte avisé, on lui avait fait répéter
des rumeurs populaires, sans qu'il les comprenne. Mon cœur de mère était
déchiré, torturé et blessé. Mon fils, ma chair, mon sang, ma douceur, celui
que j'aimais plus que tout, avait dû faire face à la haine de ces ivrognes, à
leurs sentiments de vengeance sans respect pour l'innocence de ses huit ans et
sans que je sois présente.

De mon point de vue, aucune des accusations n'aurait résisté avec plus de
temps, à un travail de défense sérieux, impartial et attentif. Il n'y avait aucune
preuve tangible à cet effet et aucun aveu. Ma défense soulevait des questions
d'éthique et surtout de procédure dans un contexte politique instable où la tête
des défenseurs pouvait tout aussi facilement tomber que celle de leurs
clients ; en plus de ma défense, la question qui se posait à eux était : « que
doit faire un défenseur face à une juridiction d’exception qui sert le pouvoir
avant de respecter le droit ? (4) »
7H30

ai essayé de repousser leurs tentatives veules en faisant jouer mes


J connaissances, mes relations et mes amis, puis en répondant aux
accusations avec sincérité. Mais en retour, les juges firent semblant de ne pas
comprendre mon accent qu’ils méprisaient depuis toujours.

Les instances judiciaires visaient quelque chose au-delà de moi, un but


secret, peut-être une unité mondiale, un culte et une religion unique, une
illumination que la Terre ne possédait pas encore et que l'humanité
recherchait.

Ce n'était pas un procès impartial dont la nature même aurait dû dicter la


plus grande rigueur et le plus grand respect du Droit. Le Juge, les jurés,
l'auditoire savaient parfaitement ce à quoi ils me destinaient. Ils me
regardaient me débattre comme des enfants titillent une petite couleuvre
parce qu'il en ont peur et pour voir, avec satisfaction, qu'ils peuvent arriver à
leurs fins sans se faire piquer. Ma vie contre la leur, parce que j'étais reine,
femme, étrangère ; ils me regardaient avec curiosité comme un insecte
prisonnier d'un bocal, duquel ils ne me feraient sortir que pour m'écraser. Je
sentais leur avidité de prédateurs-tueurs ; elle transpirait sur leur visage, se
lisait dans leurs regards.

Je n'ai pas peur de la mort même si je redoute de sentir ma vie ôtée par la
volonté de l'autre et le sentiment d'impuissance à pouvoir l'arrêter. Je crains
les idéologies émises dans des buts personnels et les motivations cachées, les
bas-fonds de l'humanité que nourrissent les ignorances, les vulgarités, les
hébétudes noyées par l'alcool.

Est-ce cela la vie ? Vivre au sein d'une Humanité sans scrupules,


endoctrinée par une idéologie et des buts secrets, manipulée et poussée vers
cette folie terrifiante par une meute de beaux loups intellectuels ?

Comment en étions-nous arrivés là ?

Comment avaient-ils pu m'exécuter, sans un geste, en finissant par me haïr,


m'abandonnant, dans l'indifférence de ce qui se produisait, en me poussant
vers l'impensable, en hurlant leur joie dans la liesse, endoctrinés par ce
mouvement d'intellectuels qui les avaient manipulés et en laissant leurs
voisins s'enliser dans la même fange ?

Comment avaient-ils pu continuer leur vie, en chantant et en me laissant me


vider de mon sang ?

Comment est-ce possible qu'après avoir grandi dans la pensée Gnostique,


les Lumières, la Raison, le Renouveau, nous, l'Humanité, en sommes-nous
encore rendus à cet acte inqualifiable ?

Tuer d'autres êtres humains ?

Et faire à travers les siècles cette même terrifiante erreur de le faire en


masse ! ? Refaire ce pas éternellement en arrière dans des circonstances
politiques similaires, pour un monde que l'on tente de globaliser, des
religions, des patries, des idéologies, des ressources, un dieu suprême, la
conquête de l'espace ou celle de la Galaxie ?

Comment pouvons-nous perpétrer cet acte destructeur depuis la naissance


de l'Humanité et depuis la nuit des temps et penser que c'est un acte
institutionnellement acceptable ?

Comment est-ce encore possible ? Avec notre vécu, notre intelligence,


notre technologie, notre savoir faire, notre connaissance et notre sagesse ?
Pourquoi l'invitons-nous encore à se désaltérer à la profondeur de notre être ?
7H45

près mon arrivée en France, pendant vingt-quatre ans et avant d'être


A emprisonnée il y a quatre ans, j’avais habité le château de Versailles.
Mais c'est au Hameau, un ensemble de bâtiments éloignés de Paris que je
préférais passer le plus clair de mon temps où je me sentais chez moi.

C’est un tout petit village d'une dizaine de bâtiments chacun agrémenté d'un
verger, d'un potager ou d'un jardin, coupés de sentiers serpentins. Je m'y fis
construire une chaumière et un petit boudoir qui me permettaient de m'isoler
et de rompre avec les contraintes de mon quotidien, haut en responsabilités et
en intrigues. Il y avait un moulin, une laiterie, une grange, des ruches, un
pigeonnier, un poulailler, une ferme. Les champs et pâturages environnants,
cultivés de céréales et de vignes me rappelaient à la simplicité de la vie et aux
valeurs ancestrales de mon Autriche natale.

J’étais férue de Beaux-Arts mais aussi de nature et une écologiste avant


l’heure. Tout ce que nous cultivions, les légumes et les cultures de pomme-
de-terres alors encore inconnues en France, les fruits, les baies, les herbes et
surtout le lait et les fromages étaient consommés par les occupants du
Hameau, les jardiners, les serviteurs, les enfants, les visiteurs et moi-même.

Il s’y trouvait aussi un lac avec des brochets et des carpes et une grotte et
un peu plus loin, un petit temple avec le dieu Amour, entouré de roses, de
lilas, de bleuets cyan et de pommiers Paradis Malus Sentii. Partout
abondaient fruitiers, légumes, plantes médicinales et tinctoriales regroupées
par couleur ou en fonction de leurs intérêts thérapeutiques. Et le soir, je
surveillais ma fleur préférée, le Selenicereus grandiflorus, originaire des
Antilles, car elle n'éclot qu'une seule fois, du crépuscule à l'aube et j'attendais
avec impatience son parfum puissant vanillé pour la faire peindre sous la
lueur blafarde de la lune.

Le plus souvent possible, je me transformais en bergère ; je dénouais mes


pensées et mes lacets, je m'y sentais libre, proche des enfants que j'avais
adoptés en plus des miens. J'y retrouvais ma créativité et me consacrais à
développer une mode vestimentaire dénuée d’artifices, pour libérer le corps
des femmes tout en tenant compte des règles de l'étiquette.

J'avais conscience, bien entendu, des limites de mon statut, mais j'espérais
faire évoluer les esprits au sein de cette société française emprunte d'elle-
même, amoureuse des règles protocolaires. Dans des tourbillons tendres et
riants de mousseline, dentelles, et rubans, j'aimais faire quelques pieds-de-nez
poudrés à Rousseau, au penseur du contrat social, l’inspirateur philosophique
de l'idéologie révolutionnaire. Ce fut l'un des premiers théoriciens de la
libération de la femme, un opposant déclaré, tout autant que je l'étais, à la
mode barbare du corpus balaenatum, le corps à baleine, un corset rigide avec
lequel les femmes se serraient la poitrine et la taille pour paraître plus minces.
Mon frère Joseph s'était, lui aussi, mis en croisade contre ce sous-vêtement
que Rousseau appelait le pressoir des corps. Il me plaît à penser que j'ai été, à
ma manière, la muse de la libération des femmes.

Tel était mon caractère qui me fit remettre en question tout ce qui
cadenassait ma liberté, mes pensées et mon corps ; j'utilisais des corsets
souples, des tenues plus courtes, des lignes naturelles, mutines et douces, et
des sandales plates quand je ne marchais pas pieds nus, qui autorisaient dans
mon environnement champêtre, la course sur la terre meuble des jardins ;
avec l'aide de mon parfumeur, Fargeon, je fis créer de nouveaux cosmétiques,
et des eaux de fleurs intensifiées avec du musc, de l'ambre ou de l'opopanax
pour éveiller les sens des hommes.

Les femmes, de leur côté, s'emparèrent de mes gestes, de mes pieds nus, de
mes bains parfumés, de mes comportements libérés ; tout était épié, imité et
chaque mouvement, chaque nouvelle création faisait sensation.

J'avais été éduquée en ce sens et aux exigences liées à mon apparence et


j'avais parfaitement compris, très jeune, l'importance de l'image personnelle
et de l'image publique et politique. J'en jouais comme l'on se joue du vent en
faisant immortaliser certaines de mes idées par ma peintre préférée, Elisabeth
Louise Vigée-Le Brun.

Je l'appréciais en tant que femme et artiste ; nous étions du même âge et


elle avait, comme moi, une sensibilité féminine à fleur de peau ; sous son
pinceau, le derme devenait translucide, les veines traçaient leur chemin vers
le cœur de l'être. Elle conviait l'élégance, la légèreté et une profonde
spiritualité souvent dissimulée sous les traits d'une frivole indolence. Dans
chacun des portraits et pour peu qu'on sache le voir, sont exprimées une
attente et une insoumission, comme une sourde colère, la rébellion de la
femme en train d'éclore.

J'analysais chacun de mes portraits avec une très grande attention pour
orienter les regards vers une image de moi naturelle, sincère et proche de ma
vraie nature, celle que je ne pouvais dévoiler publiquement, mais que chacun
pouvait décrypter dans ces toiles révélatrices.

Après en avoir discuté toutes deux et choisi chaque élément avec beaucoup
de soin, elle m'immortalisa un jour coiffée d'un chapeau de paille emplumé,
souligné d'un ruban de satin gris, vêtue d'une tenue du matin, légère, en
mousseline blanche, avec des manches ballonnées, serrée à la taille par une
simple ceinture de voile transparent et doré. De toute évidence, je ne portais
pas de corset à baleine. Nous en avions ri, car cet instantané était aussi
choquant que de publier une photo de la Reine Elizabeth II d'Angleterre, en
peignoir, au saut du lit. Nous savions toutes deux que ce tableau allait faire
scandale et il fut effectivement rapidement décroché d'une exposition à
laquelle participait ma portraitiste.
Malheureusement, les choses virèrent au cauchemar lorsqu'un jour, le
peuple réalisant que le pays était au bord de la banqueroute me choisit
comme bouc-émissaire. La populace commença à me reprocher mes
excentricités et mes dépenses pensant qu'elles poussaient inexorablement le
pays au fond du gouffre. Mais c'était un constat inexact et non renseigné. Je
fis preuve d'économie dès que la nécessité s'en était fait sentir et je ne
dépensais pas plus d'argent que le commun de mes semblables. Bien sûr, mon
statut, ma position et ma Maison étaient onéreux mais je n'étais pas
responsable de ces frais de représentation, pas plus que de ceux de ma garde-
robe que j'essayais de limiter sans compter que je faisais aussi vivre de
nombreux artistes et artisans et pourvoyais à nombre d'emplois.

J'aurais aimé être aimée pour le simple fait d'être ce que je suis... une
femme, une immigrée, une étrangère, une réfugiée, une activiste, une
féministe, une libératrice, dans un pays qui n'était pas le mien. Un pays pour
lequel j'ai donné ma vie.
J'ai lutté contre le racisme dont je faisais l'objet. J'ai lutté pour que mes
droits soient reconnus, car je comprenais mieux que quiconque, le joug des
règles imposées et je considérais les femmes avec respect, pour avoir eu le
courage d'être sur le devant de la scène, pendant les évènements qui suivirent,
même si c’était contre moi.

À partir de ce point, la foule, les médias, les pamphlets et la moquerie


commencèrent à m'affubler de noms d'oiseaux et malgré la blancheur de ma
peau, je ne fus jamais appelée colombe.
8H00

epuis cinq heures du matin, le rappel est battu dans Paris et la force
D armée est sur pied, mais aucun bruit ne pénètre au fin fond de cette
geôle ; le moment approche. Je le ressens dans toutes les fibres de mon corps,
mais je me suis faite à l'idée de la mort ; je me suis entraînée à l'apnée jusqu'à
l'étouffement pour avoir une idée de ce que cela fait de mourir.

On me sort du cachot, les grilles de la Cour du Mai s'ouvrent, la charrette à


ridelles attelée à un percheron y stationne déjà ; j'y monte et le convoi se met
en marche sur un signal du bourreau. Le cortège démarre, devancé par des
gardes nationaux et des gendarmes à cheval.

Je tourne le dos à la foule qui, d'abord hurlante, devient profondément


silencieuse ; au passage du Pont au Change, les barques s'arrêtent, les
bateliers se signent et se découvrent avec le plus grand respect. La distance à
parcourir est de trois kilomètres, mais la foule est dense et le convoi
progresse très lentement ; beaucoup de personnes suivent la charrette et la
garde renforcée a du mal à les écarter. Le trajet va durer près de deux heures.

J'en profite pour jeter un dernier coup d'oeil à la vie le long des rues que
nous suivons ; c'est le même trajet pour tous les condamnés qui rejoignent la
guillotine située sur la Place de la Révolution [Place de la Concorde], Rue de la
Barillerie [Boulevard du Palais], Pont au Change, Quai de la Mégisserie, Rue de la
Monoye [Rue de la Monnaie], Rue du Roule, Rue Honoré [Rue Saint Honoré], Rue de
la Révolution [Rue Royale].
Derrière les fenêtres de la maison au 366, rue Honoré, trois personnes,
Robespierre, l'homme qui fut à l'origine de ma condamnation, Danton et
Camille Desmoulins, me regardent passer. Probablement satisfaits de la
tournure que prennent les évènements, ils ne peuvent encore imaginer que
tout comme moi, après avoir eux aussi été condamnés, ils frémiront de terreur
lorsqu'ils chevaucheront la charrette jusqu'à la guillotine.

Il flotte dans l'air de Paris un sentiment d'étrangeté qui me transperce le


cœur. Tout semble irréel. Sous l'effet d'un apport d'iode de la Seine, mes
pensées s'animent mais je ne ressens plus rien. Je ne sais plus qui je suis. Ce
nom que je porte ? Ce corps ? Ces émotions, mes pensées ?

C'est à peine si j'entends. Les sons me parviennent, palpables et


pénétrables, comme une matière épaisse qui me submerge et la sensation de
m'enfoncer lentement dans une colle à prise lente.
8H15

l ne me reste que cent-vingt minutes, remplies d'attente, de peur, de


I désespoir à me demander ce que j'aurais pu faire pour inverser le cours
des évènements. Des minutes interminables et des souvenirs bruyants d'un
Paris en proie au chaos et la frange grandissante des intellectuels, qui se
dirigent vers la perdition entraînant avec eux, le reste de la population.

Paris avait toujours été un gouffre, engorgé et pollué, occupé par de petites
échoppes, des artisans, des ouvriers et de petits gagne-pains enchaînés à leur
vie de misère, l'esprit noyé par l'alcool, le sexe et la fierté de leur douloureux
labeur.

Des rumeurs firent état d'une conspiration et tout Paris bruissait d'une
atmosphère de complot. On disait que le pouvoir central tentait d'affamer les
citoyens, que des troupes de mercenaires, payés sur le tas, qui acceptaient les
meilleures offres, stationnaient aux abords de la capitale et allaient entrer en
force pour emprisonner et tuer de nombreux civils.

La nouvelle éclate comme une bombe et ce jour du 14 juillet ne s’est pas


encore levé que les rues commencent à s'agiter et que des émeutes éclatent.
L'excitation est à son comble.

Déjà à cette époque, on évoquait la dépopulation.


8H30

orsque vous dirigez un pays et que de par la loi, vous pouvez décider du
L sort de ses habitants, si vous le décidiez, vous pourriez les tuer tous,
jusqu'au dernier. D'ailleurs c'est ce qui les attend, mais l'ordre n'est pas venu
de moi. Il a été prononcé par leurs propres frères, leurs voisins, leurs amis, les
institutions auxquelles ils avaient fait confiance. Outrée, le poing levé,
manipulée par des figures de l'ombre, la population s'empara de toutes les
armes disponibles et donna l'assaut à la Bastille pour récupérer des munitions
dont elle manquait. Les émeutiers détruisirent tout ce qu'ils trouvaient sur
leur chemin et déclenchèrent une flambée de violence.

La foule mourrait de faim et contrairement à ce qui est rapporté, je ne leur


ai pas dit de manger de la brioche : j’avais fait cultiver la pomme-de-terre qui
composait tous les repas du Hameau et je m'apprêtais à développer sa culture
à grande échelle.
8H45

es renforts militaires se mirent en place à la Bastille, mais deux


D détachements de soldats professionnels chargés de protéger Paris,
retournèrent leurs vestes et rejoignirent les rangs des émeutiers en leur
assurant la victoire.

La forteresse tomba.

Coups de canons, incendies, hurlements.

Des têtes plantées sur des piques déambulèrent dans Paris, suivies d'une
foule en liesse.

Des coupables sont démembrés, piétinés et lynchés. C'est le début de


l'horreur.
9H00

a trahison était palpable. Les victimes collaboraient à leur propre destin


L quand huit cents ouvriers nus jusqu'à la ceinture, chemise autour de la
taille, se mirent à démolir la Bastille et qu'ils firent tomber la vieille
forteresse, pierre par pierre, au rythme scandé des chants patriotiques, dans
l'odeur de la sueur et le bruit des masses.

« Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates à la lanterne ! Ah ! ça


ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates on les pendra ! V'la trois cents
ans qu'ils nous promettent qu'on va nous accorder du pain. V'la
trois cents ans qu'ils donnent des fêtes et qu'ils entretiennent des
catins.

V'la trois cents ans qu'on nous écrase… Assez de mensonges et de


phrases ; on ne veut plus mourir de faim. »

Des marchands ambulants s'installèrent, et proposèrent des boissons


rafraîchissantes, des pommes d'amour et des souvenirs.

Des grappes de curieux s'y agglomérèrent et les commérages allèrent bon


train. Des voitures paradaient et des femmes élégantes, accompagnées par les
jeunes intellectuels en vogue, posèrent les pieds sur les ruines, comme de
nouveaux conquérants, à la fin d'une victoire bien méritée.
9H15

algré la parade des élégantes, les femmes n'avaient aucune place dans
M la société et leur infériorité intellectuelle et psychologique était
considérée comme acquise. Elles étaient décrites de «raison limitée, de
constitution délicate, avec des nerfs fragiles. (1&8) » Elles n'existaient que
comme mères, ménagères ou filles de joie. Dans ce contexte de remise en
question du régime politique, Olympe de Gouges devint la figure de proue
d'un mouvement de femmes qui se voulaient les égales des hommes. Elle
publie la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, (1) mais les
hommes occultèrent rapidement cette tentative et institutionnalisèrent
l’infériorité de la femme qui devra encore longtemps obéissance à la gente
masculine.

C'est avec l'espoir de transformer le regard des hommes et des autres


femmes, que les plus téméraires se politisèrent. Elles avaient l'habitude de se
réunir et couraient de réunions en salons privés réclamant leurs droits, leur
place à part entière dans la vie civile et politique, le droit au divorce, leur part
d'héritage, leur nom sur un acte de propriété, une vie meilleure. Elles se
confortaient mutuellement dans l'illusion qu'elles allaient bientôt voir naître
une société à leur écoute, où leurs droits seraient enfin reconnus. Ah ! La
Liberté ! La soie, le pouvoir et l'or ! C'était le temps des grandes espérances.

Plus on parlait de liberté, plus implacable devenait l'oppression. Tous ceux


qui faisaient mine de protester, ou faisaient un geste compatissant envers le
régime sortant, étaient condamnés et exécutés sans délai. Si vous n'étiez pas
révolutionnaires, vous étiez contre la démocratie. On coupait les têtes comme
on entame un gâteau dans le mou ; le plus effrayant était la calomnie qui
naissait, grandissait, montait et ceux qui osaient en arrêter le cours étaient
chassés, emprisonnés, condamnés et exécutés ; ceux qui ne l'étaient pas
avaient la bouche close, muets de terreur. La peur de mourir, la peur de
souffrir. Les échoppes se vidaient, manquaient des produits de base, de pain,
de sucre, de sel, de viande. La famine s'installa plus profondément encore.
Excédées, les femmes finirent par se rebeller. Elles se rassemblèrent un jour
en brandissant tout ce qui pouvait tuer : des couteaux à saigner, des broches à
rôtir, des épieux, des piques, des fauchards, des guisarmes et des hallebardes
auxquels elles accrochèrent leurs vieilles culottes en étendard.

Révoltées, elles hurlaient et gesticulaient, les cheveux collés par une pluie
fine qui commençait à tomber. Elles dansaient, elles riaient les poings sur les
hanches, surprises elles-mêmes d'oser défier la mort, épatées par leur
bravoure. Des femmes de pauvre condition, crottées, harassées, mais des
jeunes aussi, poudrées et joliment vêtues, s'égosillaient avec des voix de
crécelles, haut perchées, comme seules les femmes en ont le secret. Elles
apostrophaient les curieux , invectivaient les passants éberlués et tétanisés,
apeurés par tant de hardiesse et de violence. Elles cassaient tout ce qui leur
barrait le chemin. Les boulangères, les bouchères, les cuisinières, les
domestiques, auxquelles se joignirent ensuite les libraires, les barbiers, les
valets, les laquais, les vagabonds, les sans-abris, les sans métiers, tous armés.
Au passage de la manifestation, les rideaux des magasins furent baissés mais
certains furent envahis et saccagés, les réserves de vin volées. Tous sont
trempés par la pluie, mais rien ne les rebute, crottés, harassés, ivres de colère.

Cette horde hurlante d'au moins sept à huit mille manifestants était conduite
par l'un de ces hommes en noir qui semblent traverser les siècles, tambour
battant ; le mouvement avançait, d'un pas rythmé et cadencé, en rangs serrés,
et se dirigeait vers Versailles.
9H30
étais au Hameau, lorsque j'entendis un bruissement, une sorte de rumeur
J sourde qui enflait. Le brouhaha se transforma progressivement en un
roulement de tambours, une vague déferlante, le roulis d'une marée en furie.
J'entendais des chants et des cris, une foule se dirigeait vers moi.

Mon Dieu, je vous en conjure, protégez-nous, murmurai-je en saisissant


mes enfants pour rejoindre rapidement mon mari à Versailles et me réfugier
dans l'une des salles du Palais. La horde approcha dans le crépuscule, à la
lueur blafarde des torches ; elle se rassembla dans la cour, devant nous,
compacte, poings armés, salive rougie, haleine alcoolisée. Après avoir mis
mes enfants à l'abri, je me présente seule sur le balcon, pâle, immobile,
tranquille, la tête haute mais sans fierté. Un garde national me met en joue
pour m'abattre, mais je ne lui donnerai pas le plaisir de me voir paniquer.
Une partie des assaillants ont enfoncé les portes, des meubles sont brisés ou
jetés par les fenêtres, les tableaux et mon matelas sont lacérés, les glaces
volent en éclats.

Dans la cohue, je remarque un homme qui brandit la reproduction d'une


potence avec une poupée pendue ; un autre, un écriteau avec une poignée de
pénis en pâte à papier où on lit : «pour l'autre chienne» !

Enfin, un jeune homme plus hardi s'approche de moi et m'offre sur un


plateau, un morceau de viande en forme de coeur.

De la rumeur grondante, des cris s'élevaient déchirés par les passions et les
affres de la terreur :

— À mort ! L' Autrichienne, À mort ! Sale immigrée ! Coupons-lui le cou,


faisons une fricassée avec son coeur et ses tripes !
La terreur me submergea et à ce moment précis la planète cessa de tourner ;
je compris que ma vie, celle de ma famille et de mes enfants, étaient en train
de basculer. Née en Autriche, mariée à quatorze ans, je fus sacrée reine et
assise au pouvoir, à dix-huit ans, puis je donnais naissance, à vingt-trois ans,
à mon premier enfant. Mes efforts pour résister à la révolte et éviter que la
France ne bascule vers la terreur, furent dérisoires. Je n'avais pas de
compétences politiques. Plus j'essayais d'intervenir dans le conflit national,
plus je m'y enlisais et plus je scellais ma destinée, en précipitant ma chute,
vers un abîme dont jamais je n'ai pu me relever.
Être reine pour moi signifiait être l'épouse d'un roi. Je ne dirigeai pas le
pays, contrairement à mon mari. À cause du statut des femmes, je ne pouvais
jouer qu'une petite partie du rôle qu'ont les Premières Dames dans les
démocraties modernes. Lorsqu'il fut sacré roi, Louis avait dix-neuf ans. C'est
lui qui dirigeait le pays. Il ne m'a jamais permis d'intervenir au niveau
politique et il était très rigoureux à ce sujet. D'ailleurs, une femme sait très
bien se tenir et malgré certaines formes de liberté qui lui sont concédées, les
femmes de mon rang savent se tenir et ne dérogent pas aux traditions
ancestrales.

Diriger un pays tout entier et dix-huit millions d'êtres humains, à dix-neuf


et dix-huit ans, c'était de la folie !

Qu'avaient-ils eu en tête, mes parents qui m'avaient placée dans l'arène ? Ma


mère qui se lamentait de mes grossesses tardives avait-elle seulement imaginé
ce qui aurait pu m'arriver ? Si elle était encore en vie, elle serait horrifiée
j'imagine, de savoir sa fille condamnée par la main de son ennemi héréditaire,
un pays si peu digne de recevoir la chair de sa chair ! Ou peut-être étais-je
considérée comme perte collatérale, et ma mort, risque du métier ?
9H45

e peuple mourait de faim et les caisses de l'État étaient vides. Elles


L l'étaient depuis bien avant que je n'arrive au pouvoir et que je ne tente,
tant bien que mal, de redresser la situation, après le décès de mon mari.

Le dialogue et les changements qu'il avait entrepris auraient pu être


poursuivis. Il avait rétabli les parlements, réformé le droit des personnes,
abolit la torture, le servage. Il prônait la tolérance envers les protestants. Ce
n'est que lorsqu'il s'attaqua aux finances et essaya de mettre en place un impôt
direct égalitaire, que ses pairs, les privilégiés, la noblesse de robe, le
Parlement de Paris et la cour de Versailles, se retournèrent contre lui.

Il tenta de passer outre leur avis, mais c’est en butte à une opposition de
plus en plus hostile et après avoir tenté de quitter Paris où nous avions été
conduits sous la contrainte populaire, qu'il déclencha, malgré lui, une guerre
entre les révolutionnaires et les monarchistes. Jugé coupable, il fut condamné
à mort et exécuté.
10H00

'exécution par décapitation fut institutionnalisée lorsque les grands


L penseurs de la révolution développèrent le concept d'égalité des droits,
notamment l'égalité dans la mort. Dans les années 1789, un groupe de
révolutionnaires, le chirurgien militaire Antoine Louis, secrétaire perpétuel de
l’Académie de Chirurgie, l'architecte Giraud, le charpentier Guidon, le
faiseur, Tobias Schmidt, facteur de clavecins et de pianoforte qui fabriquait
des instruments dans son atelier de la cour du Commerce, rue Saint-André-
des-Arts, dans les odeurs de bois de tilleul et d'épicéa, et un Maître Exécuteur
Charles-Henri Sanson, sans bien mesurer les relations de cause à effet à court
et long termes, sous la direction du docteur Joseph Ignace Guillotin, allaient
devenir les concepteurs, les maîtres d'ouvrage et les constructeurs d'une
technologie révolutionnaire.

Nonobstant le respect ou l'empathie qu'ils portaient à l'humanité, ces six


hommes vont penser, concevoir, construire, tester et institutionnaliser une
machine qu'ils destinaient à garantir l'égalité dans l'exécution de la peine
capitale pour donner naissance un jour, espéraient-ils, à un futur où la peine
de mort serait abolie.

Au moment précis où leurs chemins allaient se croiser, l'un d'entre eux se


consacrait à l'écriture des premiers grands textes sur lesquels reposerait
l'avenir de ses concitoyens et il proposa une nouvelle loi pénale.

Pour que le peuple soit pris en considération dans son ensemble et devienne
un pouvoir à part entière, les comportements, les mentalités, les lois surtout
ne pouvaient plus traiter les riches et les aristocrates avec bienveillance et
piétiner les pauvres, les manants comme de vulgaire chiens. L'égalité devait
s'installer non seulement du point de vue social, culturel et politique mais
également par une prise de position pénale. Or la grande question qu'il se
posait était : « comment faire en sorte que la peine capitale, la mise à mort de
certains condamnés, soit appliquée de manière égale pour les riches et pour
les pauvres, sans discrimination ? ».

Dans un premier temps, ce discret passionné d'anatomie, ne supportant ni


l'injustice, ni les terribles tortures infligées aux condamnés, commença par
lancer une pétition dans laquelle il fit changer les modalités du système de
vote : un nombre égal de députés et de représentants de la noblesse ou du
clergé et des votes par tête. Le point particulier des lois sur lequel il travaillait
était un décret sur la peine capitale et son application. Comment la définir ?
c'est-à-dire sur quels critères le pénal devait-il condamner un individu à la
peine capitale ? devait-on l'institutionnaliser et quel moyen utiliser pour que
la mort soit égale pour tous ?

Le bûcher, la noyade, la potence, la roue, la mutilation, la dislocation du


squelette, la distension des membres, les tenailles, le feu ardent, l'huile
bouillante, le plomb fondu : l'ingéniosité de l'application des peines était aussi
riche que la cruelle imagination des êtres humains qui les inventaient et des
juges qui en décidaient.

Les nobles bénéficiaient d'une mort prompte par décollation au sabre, les
roturiers à la hache, les régicides et les criminels d'état étaient écartelés, les
hérétiques brûlés au bûcher, les voleurs roués ou pendus, les faux-
monnayeurs bouillis vifs dans un chaudron (10).

Dans le cas du sabre ou de la hache, il fallait quelquefois trancher plusieurs


fois le cou avant que la tête ne tombe, et les tortures pouvaient durer des
heures, devant les yeux horrifiés du condamné suivant qui attendait son tour.

Or, si la Loi condamne, la justice ne cherche pas vengeance.

Selon le principe d'égalité des droits dictés dans l’article premier de la


Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen « les Hommes naissent et
demeurent libres et égaux en droits » et si l’égalité ne s'étendait pas à la peine
capitale, ce principe ne pouvait prévaloir en droit pénal. Il fallait réformer le
droit. Guillotin déposa donc un projet de loi visant à institutionnaliser la
peine de mort et, après en avoir discuté avec son collègue chirurgien, une
mise à mort plus rapide qui remplacerait toutes les autres formes d'exécution.

Par humanisme, sans doute ému par la douleur des victimes, pour qu'elles
n'aient pas à subir ces atrocités et fort de son serment d'Hippocrate, le
Docteur Joseph décida un jour, de mettre fin à ces pratiques humiliantes et un
terme à la boucherie. Il commença à réfléchir à un procédé qui soit plus
équitable, moins douloureux, donc plus efficace ; un moyen plus prompt, qui
pouvait donner la mort sans causer ces nombreuses tortures aux condamnés.

Un procédé mécanique.

On utiliserait une force motrice au lieu de la force humaine.

Une même force qui ne dépendrait plus de l'état de santé de l'Exécuteur ou


d'un verre de trop bu la veille, mais qui serait nette, rapide, directe, sans
reprises et sans bavures. On ne pouvait plus faire appel à des techniques
artisanales et le projet d'exécution fut géré comme un projet logistique.

Rationalité, économie de moyens, économie de douleur, économie de


dignité, uniformisation et légalisation de la peine de mort. Égalité pour tous.
Égalité dans la mort.

Dans le contexte du développement technique qui continuait sa course


depuis Florence au XIVe siècle et inspiré par une machine qui existait déjà en
Allemagne, en Italie, en Écosse et en Grande-Bretagne, la partie pensante du
groupe tira les premiers plans et le premier prototype fut construit.

Un vendredi après-midi, la machine fut montée dans la cour du Commerce


à Paris et les premiers essais fonctionnels et cliniques effectués sur des
poulets, des moutons et des veaux, morts puis vivants, pour définir les
différents stades de la mort et les effets de la décollation ; tous travaillèrent de
concert pour affiner les détails et l'efficacité de la construction, et l'Exécuteur
Public donna son avis pour aborder les questions sensibles de la procédure,
de la douleur, des difficultés qui seraient rencontrées lors de la mise à mort
effective. C'était son travail, c'est lui qui ferait fonctionner la machine, sur le
terrain. Puis les questions médicales, déontologiques, éthiques de la mort
furent étudiées. De leurs points de vue, des connaissances et des pratiques au
moment de l'invention, la mort semblait plus douce et rapide. La loi fut alors
votée et promue, la machine construite à la chaîne et acheminée vers tous les
départements français où elle ne cessa d'être utilisée qu'en 1977.

Parfois la ligne de démarcation entre vouloir faire le bien de l'humanité et


entraîner l'être humain vers sa perte, est extrêmement ténue. Chacun d'entre
nous a le choix de franchir cette ligne. Que nous le voulions ou non, nos
actions, aussi minimes soient-elles, se propagent sur nos consciences et sur
tout ce qui vit, comme des ondes mécaniques à la surface de l'eau, parce que
tout dans l'univers est interconnecté.

Cette réflexion ne fut pas menée à l'époque et le succès de la machine


échappa au contrôle de ses concepteurs. Les exécutions s'accélérèrent et
eurent lieu par dizaines de milliers à Paris et sur tout le territoire français. Les
décapitations se faisaient à la chaîne ; rien qu'à Paris, 3000 personnes
perdront la tête en 2 ans : c'est 1500 personnes par an, et plus de quatre
personnes par jour.

Face à ces dérives, le docteur Guillotin lutta ensuite pour l'abolition de la


peine de mort institutionnelle, d'autant que la fameuse machine portait
maintenant son nom. Il travailla à la Déclaration des Droits de l'Homme et
installa le premier programme national de santé publique en France. Jusqu'à
sa mort il regrettera amèrement d'avoir participé à l'invention de la
machine et sera hanté par les conséquences terribles qui perdurèrent pendant
des siècles.

L'Exécuteur Public Charles-Henri Sanson continua son travail de mise à


mort, fier de sa lignée, au bord du vomissement chaque fois qu'il faisait
tomber la lame. Lui aussi oeuvra pour l'abolition de la peine de mort.

Le bois de justice fut d'abord appelé Louisette ou Louison d'après le nom du


chirurgien Antoine Louis. Elle fut affublée de toutes sortes de sobriquets :
grand rasoir national, moulin à silence, massicot, bécane. Mais la foule,
l'Histoire et la grande mémoire de l'humanité préféreront l'appeler guillotine.
10H15

oulagé par la mise en place de la nouvelle machine, Charles-Henri


S Sanson se concentrait sur le roulis du touret à affûter. Il avait cinquante
ans. Il pensait que son supplice était long et douloureux car il s'incrémentait
avec chaque exécution. Il aimait son statut mais son cœur se serrait ; il
redoutait son métier parce que l'exécuteur de la sentence capitale, celui qui
devait donner la mort à un semblable et retirer la vie à des personnes qui
paraissaient quelquefois si jeunes, si belles et si innocentes, c'était lui.

C'était lui le bourreau.

Il pensait que malgré les belles idées de liberté et ce qui avait poussé les
grands penseurs de la révolution à améliorer les exécutions capitales, aucune
méditation profonde ne le sortirait jamais des abîmes de la terreur qu'il
ressentait. L'utilisation abusive de la guillotine n'avait pas encore démontré la
nécessité de l'abolition de la peine de mort. Il faudra attendre 1981, presque
deux cents ans après cette réflexion, pour qu'elle soit votée en France. Elle est
encore appliquée dans de nombreux pays et certains pratiquent le tranchage
de tête, de membres, de mains et de doigts quotidiennement, au sabre ou au
couteau.

Avant l'invention de la Guillotine, la décapitation était faite à la hache sur


un billot. Il fallait souvent donner plusieurs coups pendant que la tête pendait,
à moitié sectionnée. Si vous étiez chanceux vous aviez droit à une épée ultra-
coupante, à genoux, le torse penché en avant, la tête baissée. La tête tombait
du premier coup si le bourreau visait bien et y mettait la force requise et une
seconde épée était prévue dans les villes qui avaient un budget suffisant.

Lorsque l'épée n'était pas cassée, il fallait de nouveau l'aiguiser, ce qui


prolongeait le temps d'attente et les affres de la mort, pour le condamné
suivant qui attendait son tour à quelques mètres. S'il n'y avait pas de seconde
épée, le bourreau devait finir le travail. Il fallait être suffisamment adroit pour
asséner le coup fatal au premier essai, avoir des outils performants et du
personnel qualifié, bien payé.

Charles-Henri Sanson se préparait pour le lendemain. Il était en train


d'aiguiser son couperet. Cette fois, il ne s'agissait plus d'une épée, mais d'une
lame taillée en diagonale d'une trentaine de centimètres de large sur une
cinquantaine de haut. Son aide tournait lentement la manivelle de la meule
d'affûtage qui baignait dans un bac d'eau, et lui, tenant la lame à deux mains
et s'aidant d'un guide, l'aiguisait dans un mouvement souple et léger, sans
résister. Il passa le tranchant contre la pierre pour aiguiser la lame sans brûler
l'acier, car sinon la tête du condamné serait arrachée plus que coupée. Les
voisins, en entendant le sifflement crissant et aigu de l'acier contre la pierre,
savaient qu'une exécution se préparait. Mais, cette fois, tout le monde
connaissait la condamnée. Il y avait de la fébrilité dans l'air, de l'excitation et
de l'appréhension, de la peur. Qui sait ? Leur tour était peut-être le prochain.

On était bourreau de père en fils dans la famille ; son grand-père avait formé
son père qui l'avait fait pour lui et Charles-Henri formait son fils qui
l'accompagnait et prenait petit à petit part à la mise à mort. Ils étaient formés
dès le plus jeune âge car, comme pour tout métier, il fallait développer des
compétences et des gestes précis ; savoir gérer le stress des condamnés, leur
violence quelquefois, ou la terreur et leurs plaintes lorsqu'on les installait sur
la bascule. Il fallait pouvoir supporter l'odeur et la vue du sang frais qui
jaillissait des carotides quelquefois jusqu'à un mètre ; il fallait avoir le cœur
accroché pour manipuler les morts encore chauds, saisir les têtes par les
cheveux pour les brandir à bout de bras et les montrer à la foule, en étant
éclaboussé ou sentir le sang couler le long de l'avant-bras, puis finir le
processus en jetant des seaux d'eau pour nettoyer la scène. Quelquefois il
fallait couper la tête à dix ou quinze condamnés les uns après les autres. À
raison de cinq litres de sang par personne, ça faisait entre cinquante à
soixante quinze litres de sang qui stagnait en larges et profondes flaques au
pied de l'échafaud. Le sol en était imbibé et les passants imprudents rentraient
en ville, les semelles épaissies et durcies par le sang séché. Les chiens
venaient s'y nourrir et la place était d'une puanteur insoutenable.
10H30

a ne suffit plus de vivre comme si de rien n'était, de prendre ce que le


Ç monde nous donne et de suivre le flot. On devrait se poser des
questions ; nous devrions tous nous en poser, considérer que nos
connaissances, la perception que nous avons de la société ou de l'humanité
sont sujettes à rétraction, à réfutation ou à remise en question. Mais il ne
suffit plus d'accepter sans réagir que ce monde de violence et de souffrance
soit considéré comme l'ordre naturel des choses.

Faire évoluer notre propre regard n'est pas chose aisée ; j'ai failli parfois par
méconnaissance, mais je n’ai jamais renié qui et ce que je suis.

Si je n'ai pas fait ce qu'il était attendu de moi, du moins pas complètement,
c'est pour cette raison. Je suis une insoumise, je l'ai toujours été. Mais à mon
courage a probablement manqué la prudence, en ces temps chaotiques, car
dans le système existant, pour aller jusqu'au bout, il fallait que je sacrifie une
partie de moi. Plus j'en donnais, plus je me perdais et plus je devenais un
symbole vide et exsangue.

Mais ce qu'ils ne savaient pas encore, ces Parisiens si arrogants, c'est que
tous, même les plus ardents fondateurs de la République qui naissait, seraient
exécutés et la question qui me brûlait les neurones était « comment se faisait-
il que les Français, les Parisiens, des hommes et des femmes d'ordinaire
généreux, capables de se dépasser, d'accepter autrui et maintes rigueurs, des
gens de mesure, comment ont-ils été amenés à ces excès d’horreurs et de
cruauté calculée ?
Comment se fait-il que les êtres humains, l'Humanité dans son ensemble,
acceptent encore, à notre époque, des actes et des pensées aussi avilissants ?
Pourquoi ne voient-ils pas que toute tentative de libération de soi, de la
société, par la violence, par les idéologies, l'intellectualisme ou l'idéalisme,
est un échec et le sera toujours ?

Ne faudrait-il pas adopter une compréhension du monde totalement


différente ?
10H45

st-elle libre l'espèce qui tue ses semblables


E au nom d'un mot,
fût-il le mot ‘liberté’ ?
11H00

ssise sur mon lit, faible, les membres raidis par le froid, le corps
A endolori, j'entends dans la rue l'écho des sabots d'un cheval heurtant le
sol, suivi par le roulis de roues en bois et le roulement d’un tambour.
L’Huissier ouvre les verrous ; la porte s'ouvre. Des soldats précèdent le
greffier, suivi du bourreau Charles-Henri Sanson et de son fils Henri.

— C'est l'heure ! Vous avez été condamnée à la peine capitale par le


Tribunal révolutionnaire. Vous allez être exécutée ! vocifère-t-il d'une voix
rigide, dont le ton se durcit au fur et à mesure qu'il profère ses injonctions.

— Avez-vous compris ?

Mon regard droit dans ses pupilles, je le fixe sans broncher, lasse.

Puis il m'ordonne de quitter mes vêtements noirs et de m'habiller en blanc.


Ma chemise de nuit en lin fera l'affaire. L'un des gendarmes qui
l'accompagne, s'allonge sur mon lit, me dévisage, épie mes gestes, laisse
glisser son regard sur mes seins, mon ventre et mes hanches.
Je lui demande de se retourner.

Cet officier de police prenait un malin plaisir à défier sa reine, d'éluder mes
requêtes, qu'il aurait dû, en temps ordinaire, exécuter sans protester, pour
répondre aux fonctions de sécurité et d'ordre, qui constituent son statut et la
protection des prisonniers. Toutes les dérives étaient permises.
— Escortez la condamnée, rasez-la et emmenez-la à l'échafaud !

J'avais déjà coupé mes cheveux pour leur retirer le plaisir de le faire. Mais
sur l'ordre de son père, Henri s'avança vers moi d'un pas puissant et appuyé ;
il apprenait le métier, les gestes, les attitudes, le vocabulaire. Il paraissait
maladroit et avait encore les manières douces et tendres d'un jeune homme à
peine éveillé à la vie. Je sentais ses mains sur mon cou, ses doigts contre ma
peau, la chaleur de son corps, son souffle retenu. Il avait peur.

Il coupa ce qui me restait de cheveux, rasa ma nuque sur laquelle je jetais


un fichu de mousseline d'un geste rapide et malgré mes protestations, il
m'attacha les poignets derrière le dos.
11H15

l ne me reste que quelques minutes à vivre. Un sentiment profond m'invite


I à plonger vers l'inconnu, à me dire que ce n'est pas la fin, que ce n'est au
contraire que le commencement.

Était-ce raisonnable ? Jamais je n'aurais choisi d'être de la chair à canon ou


de me sacrifier ; je ne tuerais même pas une mouche ; ce choix avait été fait à
ma place, par la foule, par le tribunal et par les jurés qui m'ont catapultée vers
une fin brutale. Je n'avais pas attendu ce destin fatal sans rien faire et j'avais
tenté de m'évader ; mais je fus, par deux fois, ramenée vers ce moment
mortel, replacée à cet endroit particulier par une main invisible.

Sur la charrette, je constatais que tous les signes de mon statut et de ma


lignée avaient été soustraits. Il fallait s'y attendre : pas de couronne, pas de
blason. Mais je jubilais, car le symbole auquel ils n'avaient pas suffisamment
réfléchi, dont je pouvais encore me servir c'était mon corps et mon image que
j'avais améliorés avant d'arriver en France. J'avais toujours été un symbole et
ce défilé vers l'échafaud me donnait l'occasion de le rappeler. Les grands
esprits de la démocratie me forçaient à parader dans une charrette, en
déshabillé de lin, sur un parcours de plusieurs kilomètres, vers une guillotine
qui décollerait ma tête. Ils avaient peur aussi, les Révolutionnaires, ils
n'étaient que de simples humains, après tout.

Ils craignaient les marques de respect au passage de la carriole et


redoutaient la dernière image que je présenterais aux spectateurs. Ils auraient
dû me laisser croupir dans une cellule, me laisser trépasser de mort naturelle,
en résidence surveillée. Ce que je représentais, embrasserait l'éternité, je le
savais. Je ne suis pas célèbre parce que je suis reine, non ! Mais à cause d'un
détail, un tout petit détail, fragile, qui est la seule chose dans ce monde qui ait
de la valeur. Il est là, en moi, je ne l'ai jamais perdu, je ne l’ai jamais renié,
jamais abandonné et personne, quoiqu'il m'arrive ne pourra me le retirer. Je
l'ai porté jusqu'à la dernière seconde. Ce détail c’est l’Amour.
11H30

es soldats, alignés en rangs serrés autour de l'échafaud, virent apparaître


L la charrette ; c'était le signal. Dans quelques minutes, elle sera là. Il
regardaient d'un air amusé, le bourreau et ses deux aides s'affairer fébrilement
et vérifier que tout était bien à sa place : les paniers pour la tête, la solidité
des cordes, le glissement de la bascule, les seaux d'eau car il fallait nettoyer le
couperet et faire le ménage après-coup. Le couteau que le bourreau utiliserait
pour couper la peau si la tête restait accrochée au tronc, était attaché par un
lien en cuir, noué à sa ceinture. Il le saisit machinalement pour s'assurer qu'il
ne l'avait pas oublié et le lissa avec le pouce, comme on le ferait d'un
talisman. Soudain, la foule se tut ; on n'entendit plus que les sabots des
chevaux qui trottaient et la marche des tambours.
Surpris par le silence, tous trois se retournèrent d'un seul tenant et virent au
loin le tombereau entouré de gardes armés. Charles-Henri aperçut son fils
Henri, debout un peu en retrait et la condamnée de dos, assise à côté du prêtre
; si tout se passait comme prévu, que le spectacle se déroulait sans encombre,
son fils deviendrait célèbre et officierait à sa place d'ici deux ans. C'était un
grand jour, un moment important, une date qui marquerait sa carrière. La
charrette s'arrêta.
M'y voici ! c'est donc ici que je vais finir ma vie, pensai-je avec rancœur et
un sentiment d'injustice.

Ce fut un choc de voir l'échafaud en levant les yeux. Il se dressait de toute


sa hauteur, massif, avec un escalier menant à la plateforme et en haut, au
beau milieu, la guillotine avec une grande lame en diagonale qui reflétait la
lueur du jour. La peur noua mes entrailles. D'ici quelques minutes, elle serait
sur mon cou. Une « mort douce et rapide » avaient dit les spécialistes.
J'espère qu'ils avaient raison et que je serais assommée sous l'impact. Je
m'avançais, l'air solennel pour cacher ma terreur, en faisant des efforts pour
avoir l'air digne.

Il ne sert à rien de se lamenter, c'est trop tard. Autant leur montrer que je
ne crains pas la mort, pensai-je.
Je perdis une chaussure en écrasant les orteils du bourreau mais peu
importe, je bredouillai une excuse et j’escaladai les marches à toute vitesse.
Qu'on en finisse !

Leurs regards m'épiaient, je le savais. Ils interprétaient chacune de mes


faiblesses, chacun de mes gestes comme des signes d'orgueil et de reddition
mais jamais, jamais, je ne courberais le front, quoi qu'il arrive. Ils arrachèrent
mon bonnet et le fichu qui couvrait mes épaules, m'allongèrent sur la bascule,
me sanglèrent fermement ; la planche fut avancée à l'horizontale et la lunette
fermée autour de mon cou. Sous moi, sur le plancher encore maculé du sang
séché des victimes précédentes, était posé un panier d'osier rempli de sciure.

Ma vie va finir ici, entre les mains de ces hommes qui n'osaient même pas
me regarder dans les yeux. Dans quelques minutes elle va s'arrêter. J'y suis.

Les guides en chêne raclèrent leurs supports, j'entendis le souffle rapide et


stressé du bourreau en sueur qui saisissait la corde qui retenait la lame ; un
couteau attaché à sa ceinture se balançait de gauche à droite, comme un
pendule de Foucault entraîné par les mouvements de la planète ; le vent
s'engouffra entre les montants de bois et me lécha le visage. Mon cœur battait
à tout rompre prêt à éclater hors de ma poitrine, le sang pulsait dans mes
veines ; je sentis un froid glacial m'envahir, des fourmis dans les pieds, les
sphincters de ma vessie qui cédaient, l'urine chaude qui coulait et que je
n'arrivais plus à retenir et je pensai en hurlant :

Non ! Pas encore, pas encore ! Attendez ! Je n'ai pas fini de vivre ! Vous
n'avez pas le droit ! Arrêtez !!!!!!
11H45

omment se prépare-t-on à être exécutée ?


C Comment accepter d'être jugée coupable à partir de chefs d'accusation
qui ignorent ou maquillent votre version des faits ?

Comment se prépare-t-on à la sentence finale, sans recours possible, sans


que quelqu'un n'intervienne et ne dise : « Ça suffit ! On arrête ! » ?

Comment se prépare-t-on à mourir condamné par une logique d'éradication


d'un système, d'une race, d'une couleur de peau, d'une nationalité, d'une
religion, d'un territoire ?

Comment se prépare-t-on lorsque l'on regarde la foule et qu'elle demeure


silencieuse, sans même un sourcil levé ? Pire, qu'elle participe au massacre
par la délation ?

Pourquoi, sous de sombres prétextes d'efficacité, continue-t-on à créer au fil


des siècles et des guerres, des technologies de plus en plus sophistiquées pour
tuer et éradiquer nos semblables ?

Comment fait-on pour accepter de mourir exécuté froidement par


quelqu'un qui est payé pour le faire par nos gouvernements ?

Alors que sur la planète Terre il y a suffisamment de place, suffisamment


de terre, suffisamment de ressources, suffisamment de tout, pour tout le
monde.
12H00

'acier allait se mettre en mouvement ; le bourreau n'avait plus qu'une


L idée en tête : que la tranche se fasse d'un seul coup car il redoutait de
devoir finir le travail à la main ; il jeta un coup d’œil rapide à son fils et aux
aides ; tout était prêt. Il transpirait lorsqu'il dénoua la corde qui se libère dans
un froissement rugueux, le mouton bouge, le couperet est dégagé.

Un roulement de tambours retentit, puis j'entends le bruit sec d'un déclic. Le


bourreau se concentre, il ouvre les doigts, comme à regret et lâche la corde.

La peur expulse dix mille joules d'énergie d'un seul coup dans mon corps,
un torrent d'adrénaline déferle dans mes veines, et comme s'il le pouvait, tout
mon être tente de s'échapper de sa prison de chair ; je suis au bord de
l'évanouissement, j'étouffe, j'ai l'impression que mon cœur va exploser ;
j'essaie de retirer ma tête coincée dans la lunette, de libérer mes poignets, en
vain ; tous mes muscles se contractent pour me protéger de l'impact ; le
tranchoir descend d'un seul jet, avec un crissement de fer, le chuintement lent
et doux d'une lame qu'on passe sur une pierre, le frottement du couteau le
long des rainures sur les poteaux, comme le bruissement de skis qui glissent
sur la neige fraîche, un jour d'hiver lumineux et ensoleillé. Ça dure, ça dure et
ça n'en finit pas. J'aurais voulu pouvoir suspendre cet instant et ne jamais le
vivre.

Aiguisée d'un seul côté, la lame passe près de la lunette et agit à la manière
d'énormes ciseaux. Je sens son souffle mortel sur ma peau ; sa pointe me
pique puis incise mon derme, tranche mes chairs, sectionne mes vertèbres,
taille ma gorge, et finit par sectionner mes cordes vocales ; puis elle s'arrête
abruptement en fin de course, acier contre bois ; ma tête ainsi libérée, tombe
sur la sciure dans le panier en-dessous de moi, avec le son mat d'un déchet
biologique que l'on vient de jeter sur un tas de compost.

Expulsé de ma tête, le sang épais et chaud se met à jaillir accompagné des


odeurs âcres et mêlées de sève et de fer. Ma conscience commence à se
dissiper ; la vie s'échappe de mon corps. J'essayais de clignoter des paupières
dans un effort désespéré pour les maintenir ouvertes et j'aperçois le bord
supérieur du panier et quelques nuages.

J'existe ! me dis-je, n'en revenant pas. J'existe !

Le bourreau me saisit par les cheveux et brandit ma tête en hurlant :

— Vive la République !

Pendant quelques dixièmes de seconde, la foule raidie d'horreur et de


plaisir eut le souffle coupé et ne vit plus que ce ballon ridicule qui se dandine
au bout de son bras. La planète a arrêté sa course. L'Histoire se recroqueville
sous le regard encore vif de cette tête qui se balance dans les airs, les
paupières grandes ouvertes, le visage serein, un sourire narquois aux lèvres.

— Vive la République ! reprit le bourreau.


La foule, sortie de sa léthargie, se mit à hurler, criant victoire et
applaudissant à tout rompre. Quelques personnes baissèrent les paupières,
tristes et honteuses. Aux premiers rangs, des éclaboussures de sang
atteignirent les spectateurs. Ma tête se balançait sous les mouvements du
bourreau et oscillait de droite à gauche, au rythme de ses pas sur la
plateforme ; je vis nettement la place basculer, le ciel tourbillonner, les
bâtiments et les maisons vaciller, les soldats et les canons à l'arrêt. Dans un
ultime effort j'essayai de parler pour leur dire qu'ils ne devaient pas se sentir
coupables, que ce choix d'accepter le couperet, je l'avais fait avec eux, pour
que ce monde, que j'avais aidé à façonner, et qu'ils avaient fini par haïr,
prenne fin.

Ce que je voulais leur dire c'est que la mort ce n'est pas la fin, c'est le
commencement.
Ils avaient tout compris à l'envers.
12H07

orsque le corps s'arrête physiquement et que la mort clinique survient, il


L reste environ cinq minutes avant que des lésions cérébrales graves
surviennent, et malgré le fait que ma tête fût séparée de mon corps, ma
conscience ne s'arrêta pas immédiatement.

En réponse aux premiers moments de l'agonie, mes poumons avaient


synthétisé de la diméthyltryptamine (DMT) produite naturellement en très
petites quantités par l'épiphyse, la glande pinéale. Le cerveau n'a pas
beaucoup de temps et il la prélève du sang, la fait passer à travers les
membranes neurales et la concentre dans les cellules nerveuses pour
maintenir le cerveau en vie plus longtemps. Une succession d'arrêts et de
reprises de conscience suivait, en rythme, chaque contraction et les
jaillissements du sang. Mon acuité visuelle augmenta. Des formes qui
semblaient subaquatiques, aux couleurs vives, enveloppèrent mon
environnement et furent accompagnées d'acouphènes doux, prolongés, aux
notes sourdes et profondes.

Je pensais qu'il n'y avait rien après la mort, que c'était un grand trou noir et
béant. Mais je m'étais trompée. Je constatais au contraire, que j'étais en
suspension entre deux états, comme un enfant en train de naître : plus tout à
fait fœtus et pas encore nouveau-né, un anima, la Vie, le souffle, du verbe
grec psuchein, souffler, en hébreu Nèphèsh, respirer, le principe vital
d'Aristote.
Fait étrange, j'avais encore l'impression de vivre alors que je n'appartenais
plus au monde physique et je pouvais voir, entendre, sentir et toucher, tous
sens amalgamés. La réalité était fluide , l'espace pulsait au ralenti, comme s'il
était vivant, rempli de lueurs et de sons diffus ; il semblait muer, s'étendre et
s'effondrer tout à la fois, dans une dimension hors du temps qui s'était,
d'ailleurs, subitement arrêté. Tout semblait latent et manifeste.

L'autonomie de ma conscience perdura suffisamment pour sentir la vie me


quitter : mon cerveau finit par battre à vide, en systole puis vint l'arrêt
cérébral, l'arrêt cognitif, l'arrêt énergétique, l'arrêt fragmenté de ma
conscience. Mes lèvres s'agitèrent dans un balbutiement silencieux.
À ma grande surprise, je réalisai que je me baladais dans l'espace, à
l'extérieur de mon corps. Je flottais, légère au dessus de la guillotine ; je
regardais la scène, le bourreau et ses aides ; je voyais ma tête dans le panier,
mon corps qu'on faisait disparaître par une trappe au plancher, les seaux d'eau
jetés pour le nettoyage.

La place se vidait ; les tambours, les soldats et la foule s'en allaient.

Je sentais mon énergie glisser lentement de la matière vers l'impalpable,


comme l'on passe de l'eau à l'air, en sortant d'un bain. C'était un sentiment
très curieux, quelque chose de nouveau que je n'avais jamais ressenti
auparavant. J'évoluais dorénavant dans une réalité alternative.

Je me sentais chez moi, immergée dans un liquide ambré que je respirais,


comme un fœtus dans le ventre de sa mère, entourée d'un décor d'un bleu
Klein, transcendantal et cosmique.
12H15

e bourreau vit mon corps pris de spasmes sporadiques ; une onde


L physique intense me traversa de part en part et tous mes circuits
électriques se déconnectèrent simultanément : ce fut ma mort cellulaire
clinique définitive.

Dans le cercueil d'osier où mon corps fut déposé, ma tête fut placée entre
mes pieds. Les cris et les injures cessèrent. La foule se tut. Tout était
terminé ; les révolutionnaires avaient gagné ; sous l'égide de leur pensée
illuminée, le peuple était allé jusqu'au bout ; l'inéluctable venait de se
produire, sous les feux de la passion, pour un régime plus adapté, pensait-on ;
parce qu'on avait faim, pour qu'il y ait moins de différences entre les riches et
les pauvres, ou entre les hommes et les femmes, pour que les droits de
l'Homme et de la Femme soient reconnus, pour donner un sens nouveau à la
vie.

Libre.
Être

Libre, comme le mot Liberté avec un L majuscule.

On pensait inclure de l'amour dans le mot Fraternité, l'équité impartiale dans


le mot Égalité.
Mais les choses s'étaient développées, de causes à conséquences, jusqu'à cet
acte irréversible, sur lequel personne ne pourrait jamais revenir, qu'aucun
système ne pourrait jamais inverser, quelle que soit sa nature, qu'aucune
gomme ne pourrait effacer, qu'aucune nuit sombre ne pourrait dissimuler,
qu'aucune amnésie ne pourrait jamais oublier.

Cet acte compromettait la nature même de l'humanité.


Sa destinée.

Il spoliait le sens du mot liberté de sa véritable signification. Il déstabilisait


les fondations de la vie car un monde germait déjà, ensemencé par la graine
qu'il venait de produire et qui, lui aussi, en produirait un autre, contenant des
informations issues d'elles-mêmes qui se répétaient.

À chaque nouvelle ère, ces actes ultimes de destructions et de tueries


massives se reproduisent. C'était une sorte de génotype inscrit dans les
racines archétypales de notre civilisation terrestre.

Le silence revint.
Les soldats sur leurs chevaux et les piétons se dispersèrent en piétinant le
sang. Quelques attardés, ne craignant ni l'odeur, ni de glisser, y trempèrent
leurs mouchoirs qu'ils conserveraient comme des reliques ; la faim poussant,
des bandes de chiens affamés accoururent en aboyant, et se mirent à le laper,
jusqu'à la nuit.

Mon décès fut prononcé le 16 octobre 1793, à 12h15.

Je m'appelle Marie-Antoinette Josèphe Jeanne de Habsbourg-Lorraine.


Je suis votre dernière reine.
ÉPILOGUE

u cours de mon passage dans l'au-delà, je relevais les moments


A important de ma vie et les questions restées sans réponse, comme on
fait le tour des choses pour s'assurer de ne rien oublier avant un long voyage.

Que se passerait-il en France dans les siècles à venir ? La nouvelle


démocratie serait-elle un succès ? Les femmes seraient-elles les égales des
hommes comme elles l'avaient si ardemment souhaité ?

Naître pour régner et finir rejetée de la manière la plus brutale qui soit, me
paraissait d’une d'une grande inefficacité et une perte de sagesse humaine. La
violence nourrit la violence. J'avais certainement omis quelque chose quelque
part ; peut-être était-ce parce que je ne m'étais jamais posé la
question fondamentale du véritable but de la vie ? ou sur la naissance de
l'histoire et des origines de l'humanité ?
Un délicieux sentiment de calme submergea mes pensées. Mes souvenirs
s'organisèrent en palimpseste : photos, sentiments, émotions, visages des
êtres que j'aimais, mes roses du Hameau, mes jolies robes, mon intérêt pour
les arts, la couleur de mes yeux, mes couleurs préférées, mon amour pour les
animaux, cette Lumière secrète, en moi, dont il fallait découvrir la source.
C'était la chose la plus importante. Je le savais. J'emportais aussi avec moi le
souvenir du comte suédois, Hans Axel de Fersen, mon favori et mon
compagnon de toujours. Quelque part, dans le lointain, des ombres
commençaient à se profiler. Je n'avais pas peur. Au contraire, l'endroit me
paraissait familier, déjà-vu. Au travers d'une paroi de cristal, je vis se profiler
le visage translucide d'un homme qui m'observait, souriant, l'air serein.

Ah ! Daz est là ! me dis-je, heureuse ! Il m’attend.


Après un dernier message codé que j’adressai à tous les peuples de France
et d’ailleurs :

« u e e p & e q e l r t n t e c e c o f
s k i t i x e c u e q f a f a o o n t o
e u h s r s h & z q i b l c m n n k t
y o r c u s h v c t u e f e p l u l n b
s r b r o a n i u a i t c i p e a t a »*

je quittai ce monde de violence et de peur, en sachant qu'il me faudrait


revenir car j'avais failli à ma mission : elle avait été interrompue brutalement
et je n'avais pas réussi à implémenter la nouvelle société et le bonheur que
l’humanité méritait.

Ce n'était pas un adieu, ce n'était qu'un au revoir.

◆ ◆ ◆

Table de déchiffrement Patarin & Nachef - Code clé : identique à celui de la Lettre du 29 Juin 1791

TABLE DES MATIÈRES

Épigraphe
Préambule
Sommes-nous seuls dans l'Univers ?
Prologue
La Vie dans l'Univers est la norme, pas l'exception
4h30
Mercredi, 25 vendémiaire, An II
4h45
Quelle est ma mission ?
5h00
J'espérais un pardon
5h15
Détails d'une autre réalité
5h30
Sculpture de l'Amour par Mouchy
5h45
L'anamorphose décapite le sens
6h00
La Conciergerie, le cachot et la Cloche d'Argent
6h15
Adolescence
6h30
Famille
6h45
Départ et traversée Kehl-Strasbourg
7h00
Souvenirs d'un autre monde
7h15
Mon procès
7h30
Objet de discriminations
7h45
Ma vie au Hameau
8h00
Sortie du cachot, parcours du condamné
8h15
Le 14 juillet, le complot
8h30
Assaut de la Bastille
8h45
La Bastille tombe
9h00
Démolition de la Bastille
9h15
Droits de la femme
9h30
La foule déferle à Versailles
9h45
Changements sociétaux
10h00
Institutionnalisation de la peine capitale
10h15
Charles-Henri Sanson et Henri, son fils
10h30
La cruauté calculée
10h45
Notion de liberté
11h00
Préparée pour l'exécution
11h15
Ce n'est pas la fin mais le commencement
11h30
Arrivée au pied de l'échafaud
11h45
Comment se prépare-t-on à être exécuté ?
12h00
La lame tombe
12h07
Mort imminente, voyage astral
12h15
Décès prononcé le 16 octobre 1793, à 12h15
Épilogue
Adieu et dernier message codé
Table des matières
Bibliographie Thématique

◆ ◆ ◆

BIBLIOGRAPHIE THÉMATIQUE
MARIE-ANTOINETTE de HABSBOURG-LORRAINE

1. Famille, caractère enfant et adulte, apparence physique, taille, corps, mains, pieds, yeux,
cheveux, couleurs-fleurs et parfums préférés, vie amoureuse, robes, chaussures, corsets, berlines
et autres détails, Droits des femmes

Berlines : www.attelage-patrimoine.com.
Corsets : Dictionnaire des Sciences Médicales, Paris, C.L.F. Planckoucke, 1813.
Divers : Le Boudoir de Marie-Antoinette - maria-antonia.justgoo.com/forum.
Fleurs : ALSAGARDEN : Selenicereus, La Plante Préférée de la Reine Marie-Antoinette ! - Publié
par Lucas – www.alsagarden.com.
Hameau de la Reine : Contributeurs de Wikipédia. Hameau de la Reine, Wikipédia, L'encyclopédie
libre. Wikipédia, L'encyclopédie libre, 05 déc. 2020. Web. 05 déc. 2020.
Métiers : www.vieuxmetiers.org.
Robes et Chaussures : donarussia.ek.la.
DECKER, de, Michel, Marie-Antoinette, les dangereuses liaisons de la reine, Paris, France Loisirs,
2005, p. 20.
FEYDEAU, de, Elizabeth, Jean-Louis Fargeon, Parfumeur de Marie-Antoinette, collection « Les
métiers de Versailles », Paris, Perrin, 2004.
FUNCK-BRENTANO, Frantz, Les derniers jours de Marie-Antoinette, Paris, Flammarion, 1933.
GONCOURT, de, Edmond et Jules, Histoire de Marie-Antoinette (1858). Paris, BNF – Gallica,
Hachette, 2013.
GOUGES, de, Olympe, Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, Paris, 1791 et
www.vie-publique.fr/politiques-publiques/droits-femmes/chronologie.
HAROCHE-BOUZINAC, Geneviève, Louise Élisabeth Vigée Le Brun, Histoire d’un regard,
coll. Grandes Biographies, Paris, Flammarion, 2011, p. 688.
LEVER, Evelyne, Marie-Antoinette, correspondance (1770-1793), Coll. Moderne, Paris, Tallandier,
2011.
PELLERIN, Jean-Charles, Où est sa grand-mère, zincographie, Musée d’Épinal, Arts et Traditions,
Collection Pellerin, 1901.
VIGÉE LE BRUN, Elisabeth Louise, Souvenirs 1755-1842 (Bibliothèque des correspondances,
mémoires et journaux), texte établi, présenté et annoté par Geneviève Haroche-Bouzinac, Paris, Honoré
Champion, 2008 - et Exposition, 23 septembre 2015 - 11 janvier 2016 – Paris, Grand Palais, Galeries
Nationales.
WEBER, Joseph, (frère de lait de la reine). – Mémoires concernant Marie-Antoinette (1804) Londres,
Daponte et Vogel, 1804 et Paris, BNF - Gallica, 2015.

2. Passage à la frontière (de Kehl à Strasbourg)

Acte de remise de l'Archiduchesse Marie-Antoinette d'Autriche à la Cour de France, 7 mai 1770,


AVCUS, AA 1950, France Archives, Portail National des Archives de la République française,
francearchives.fr, 2021.
ROBERT, George, Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine à propos de son passage à Toul le 10
mai 1770 et LAIR, de, et DESMARAIS, Monseigneur « Passage de Madame La Dauphine à
Strasbourg » 2 mai 1770, Sources historiques provenant des archives de Bar-le-Duc, Soissons, Nancy
et Strasbourg, PDF auto-édité, pp. 22-25, études-touloises.fr.

3. Lettres authentiques, cryptage, code clé, table de déchiffrement

CRYPTAGE et TABLE de Déchiffrement PATARIN & NACHEF: PATARIN, Jacques, et


Nachef, Valérie, Je vous aimerai jusqu’à la mort (Marie-Antoinette à Axel de Fersen) Université de
Versailles, CNRS (UMR 8088) et Département de Mathématiques Université de Cergy-Pontoise.
FOUQUIER de TINVILLE, Antoine Quentin, Acte d'accusation de Marie-Antoinette, Veuve Capet,
BNF – Gallica, 2015 (1793).
MARIE-ANTOINETTE, Dernier Mot, Paris, 1793, BNF-Gallica, 2015 - et Lettre codée du 29 juin
1793 avec la clé de cryptage.
ROCHETERIE, de la, Maxime, et Marquis de BEAUCOURT, Lettres de Marie-Antoinette : recueil
des lettres authentiques de la reine et lettres codées T2 / publié, pour la Société d'histoire
contemporaine - Auteur : Marie-Antoinette (reine de France ; 1755-1793) – Paris, A. Picard et fils,
1895-1896 – BNF – Gallica 2015 (1865-1896).

4. Procès, défense, évasions

BELAICHE-DANINOS, Paul, Les 76 jours de Marie-Antoinette à la Conciergerie Tome I : La


Conjuration de l’Oeillet, Paris, Actes Sud, 2007.
BERTIN, Claude, Les grands procès, Marie Antoinette, Paris, Cremille, 1995.
CHAN - Ministère de la Culture, Acte d’accusation du procès de Marie-Antoinettedevant le Tribunal
révolutionnaire. 1793 – manuscrit conservé au Centre historique des Archives Nationales (Paris) Ref
de l'image : W/290/179/pce 50 - www.histoire-iage.org. DESTREMAU, Noëlle, Les Évasions
Manquées de la Reine Marie-Antoinette, Fascicule n° 5 – noelle.destremau.free.fr.
DUVERGNIER, J.B., Avocat à la Cour dans Lois, décrets, Ordonnances, Réglemens, Paris, A. Guyot
et Scribe, 1830.
IMPRIMERIE NATIONALE, Original, Peine de mort, définition : loi donnée à Paris le 25 mars
1792, imprimé 6pp. in-4°, vignette fleurdelysée. Transcrite par
LOISELEUR, Jules, Les crimes et les peines dans l’antiquité et dans les temps modernes, Paris,
Hachette. 1863.
Internet Archive - archive.org.
OZANAM, Yves, Archiviste, Ordre des Avocats de Paris Comment défendre Marie-Antoinette ? La
reine devant le Tribunal criminel révolutionnaire (1793) Un article de la Grande Bibliothèque du
Droit, le droit partagé, Paris, 2015 - www.lagbd.org.

5. Acte de décès

ÉTAT CIVIL, Archives de la Ville de Paris, double registre des actes d'état civil de la municipalité de
Paris, folio 95 verso (registre détruit en 1871), cité par Émile Campardon dans Marie-Antoinette à la
Conciergerie, Paris, Jules-Gay Éditeur, 1864, p. 241, et Auguste Jal dans son Dictionnaire critique de
biographie et d'histoire, Paris, Henri Plon, 1867, p. 836, L'intermédiaire des chercheurs et curieux, vol.
30, Paris, 1894, p. 352.

PARIS AU XVIIIe SIÈCLE


6. Calendrier de l'année 1793, dates, jours

DESTEFANIS, Calendrier des Français, pour la seconde année de la République, rédigé


conformément aux décrets de la Convention Nationale; Avec la déclaration des droits de l'homme & du
citoyen, le décret sur l'organisation de l'instruction publique, ceux concernant l'Ère des Français, & un
choix de chansons républicaines, Commune-Affranchie, Chez le Sans-culotte Destefanis, Imprimeur
aux halles de la Grenette, Second étage, janv. 1793.
FABRE, Philippe-François-Nazaire, dit Fabre d'Églantine, Calendrier de la république française, une
et indivisible, au nom de la commission chargée de sa confection, Bruyères, imprimerie de Vve Vitot et
fils, 1794, BNF Gallica, p. 6. - gallica.bnf.fr

7. Horloges extérieures, intérieures, mécaniques

COCHRANE, Rexmond C., Measures For Progress, History of the National Bureau of Standards,
Chap. The New World of Physics and radio propagation, NBS Special Publication, Arno Press 1976.
HAVEN, Randall, 100 Greatest Inventions of All Time, Wesport CT, Libraries Un limited, 2006, p. 65.
HORLOGE Astronomique, Cathédrale de Strasbourg, Strasbourg, France.
cathedrale-strasbourg.fr et Mouvements des automates, YouTube.com réalisée par strasbourg
photo.com.
LAROUSSE, Horloge, Grande Encyclopédie, Ed. 1971-1976, p. 6721.
LYONS, Harold, First Atomic Clock, Baltimore, MD. US Department of Commerce, 1966, p. 476.
SYRTE, Systèmes de Référence Temps-Espace, Unité mixte de recherche (UMR 8630) du CNRS, de
l’Observatoire de Paris - PSL Research University et de l’Université Pierre et Marie Curie - Sorbonne
Universités.
syrte.obspm.fr/spip/presentation/article/le-syrte.
TROCHE, M. La Tour de l'Horloge, Détails historiques et archéologiques sur le Palais de Justice à
Paris – Revue Archéologique - 6e Année, No. 2 (15 octobre 1849 au 15 mars 1850) – Presses
Universitaires de France, pp. 401-416.
ZORN, Jens, Michigan and the First Atomic Clock, Ann Arbor, MI, Randall Laboratory of Physics,
University of Michigan, 2016.
8. Architecture, rues, bruits, animations, échoppes, marchés, activités, métiers, outils

BOUCHOT, Henri, « Histoire Anecdotique des Métiers avant 1789 » - Paris, H. Lecène et H. Oudin,
1888, pp. 13-53.
PARDOEN, Mylène, Projet Bretez : une expérience scientifique et originale dans les rues du Paris du
XVIIIe siècle - Université Lumière Lyon II, Nantes, CNRS / EHESS - www.univ-lyon2.fr avec le
Centre interdisciplinaire de réalité virtuelle (Cireve), le groupe Évolution des procédés et des objets
techniques (Epotec), le Centre de recherches historiques-Laboratoire de démographie et d’histoire
sociale.
PITRA, L.-G. Électeur de Paris en 1789 «La journée du 14 juillet 1789» Fragments des Mémoires
inédits, paru en 1892 - «Revue rétrospective», paru en 1834 et «Mémoires d’outre-tombe» (tome I),
paru en 1848 - www.france-pittoresque.com.

9. Histoire de la révolution, prise de la Bastille, évènements du quotidien

ACTE Constitutionnel du peuple français, reproduction numérisée de l'exemplaire original imprimé


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