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Sorbonne Université Licence de Mathématiques L2

2MA241 – Introduction aux probabilités Année 2019–2020

Feuille de TD no 3. Probabilité conditionnelle et indépendance


Une étoile ? désigne un exercice important (à savoir faire), un pique  désigne un exercice difficile.

Exercice 3.1. Montrer, en utilisant des exemples, que les inégalités P(A | B) > P(A) et
P(A | B) < P(A) sont toutes les deux possibles.
Solution. Par exemple, prenons ⌦ = {0, 1}, muni de la probabilité P uniforme (modélisant
un pile ou face). Prenons A = {0} l’événement d’avoir pile, et notons que P(A) = 12 . Si
B = A, on a P(A | A) = P(A \ A)/P(A) = 1 > P(A). D’autre part, si B = Ac , on a
P(A | Ac ) = P(A \ Ac )/P(A) = 0 < P(A).

? Exercice 3.2. On propose un QCM à un étudiant : 5 réponses possibles sont proposées.


L’étudiant connaît (et donne) la bonne réponse avec probabilité p, et s’il ne la connaît pas, il
choisit une des 5 possibilités au hasard.
a) Quelle est la probabilité que la réponse donnée par l’étudiant soit la bonne ?
b) Le correcteur, une fois la copie en main, voit que l’étudiant a donné la bonne réponse.
Quelle est la probabilité que l’étudiant connaissait en effet la bonne réponse ?
Solution.
a) On décompose la probabilité :

P(bonne réponse) = P(connaît) + P(ne connaît pas mais choisit la bonne par hasard)
1 4p + 1
= p + (1 p) =
5 5

b) On cherche

P(connaît \ bonne réponse) 5p


P(connaît | bonne réponse) = =
P(bonne réponse) 4p + 1

? Exercice 3.3. (Paradoxe des trois cartes) On place dans un sac trois cartes : une qui a
deux faces rouges, une qui a deux faces noires, et une dernière qui a une face rouge et une
face noire. Les yeux fermés, on tire une carte au hasard, et on la dépose sur la table sur une
face au hasard. À ce moment-là, on ouvre les yeux. Si la face que l’on voit est rouge, quelle
est la probabilité que l’autre face soit rouge ?
Solution. Une réponse intuitive donnerait que la probabilité vaut 1/2, car seulement deux
cartes peuvent être sur la table (on voit la couleur rouge, ce qui exclut la troisième carte), et
une seule d’entre elle est rouge de l’autre côté. Mais cette réponse n’est pas correcte...
Faisons le calcul. Notons R l’événement “le côté visible de la carte déposée devant moi
est rouge”, et A1 l’événement “on tire la carte qui a deux faces rouges”. On cherche alors à
calculer P(A1 |R). On va utiliser la formule de Bayes :

P(A1 )P(R|A1 )
P(A1 |R) = ,
P(A1 )P(R|A1 ) + P(A2 )P(R|A2 ) + P(A3 )P(R|A3 )

1
où A2 =“on tire la carte qui a une face rouge et une face noire”, A3 =“on tire la carte qui a deux
faces noires”. On a clairement P(A1 ) = P(A2 ) = P(A3 ) = 13 , et P(R|A1 ) = 1, P(R|A2 ) = 12 ,
1/3
P(R|A3 ) = 0. On en conclut donc que P(A1 |R) = 1/3+1/6 = 23 .

Exercice 3.4. On a deux dés réguliers : le dé ↵ possède six faces, numérotées de 1 à 6, et le


dé possède douze faces, numérotées de 1 à 12. On choisit un des deux dés au hasard, avec
la même probabilité, et on le lance n fois, où n 2 N est un nombre fixé.
a) Quelle est la probabilité que tous les lancers donnent le chiffre 3 ?
b) Quelle est la probabilité que tous les lancers donnent le même numéro ?
c) Si tous les lancers donnent le chiffre 3, quelle est la probabilité que le dé choisi soit le ↵ ?
Montrer qu’une telle probabilité (conditionnelle) est toujours strictement plus grande
que 1/2, et en étudier le comportement quand n ! 1.
Solution.
a) Introduisons les événements A =“on choisit le dé ↵”, et Cn =“les n lancers donnent le
chiffre 3. On a alors P(Cn ) = P(A)P(Cn |A) + P(Ac )P(Cn |Ac ), et clairement P(A) =
P(Ac ) = 12 , P(Cn |A) = ( 16 )n , P(Cn |Ac ) = ( 12
1 n
) . On en conclut donc que P(Cn ) =
1 1 n 1 1 n
(
2 6 ) + (
2 12 ) .
b) Soit Dn l’événement “les n lancers donnent le même chiffre”. On a de la même manière
que précédemment P(Dn ) = 12 P(Dn |A)+ 12 P(Dn |Ac ). Notons ici que P(Dn |A) = 6⇥( 16 )n
(on écrit Dn comme l’union des événements “les n lancers donnent i” pour i de 1 à 6),
et P(Dn |Ac ) = 12 ⇥ ( 12
1 n
) . On obtient donc P(Dn ) = 12 ( 16 )n 1 + 12 ( 12
1 n 1
) .
c) On cherche à calculer la probabilité
1 1 n
P(A \ Cn ) ( ) 1
P(A|Cn ) = = 1 1 n2 6 1 1 n = .
P(Cn ) 2 ( 6 ) + 2 ( 12 ) 1 + ( 12 )n
Notons que pour tout n 0 on a ( 12 )n  1, ce qui implique que P(A|Cn ) 2.
1
En
prenant n ! 1, on trouve aussi que P(A|Cn ) ! 1.

Exercice 3.5. Soit S = {1, 2, . . . , n}, ⌦ := P(S) ⇥ P(S), et P la probabilité uniforme sur ⌦.
Ainsi, les éléments de ⌦ sont des couples (A, B), où A, B sont des sous-ensembles de S. On
considère l’événement E := {(A, B) 2 ⌦ : A ✓ B}.
a) Pour C ✓ S, on pose FC := {(A, B) 2 ⌦; B = C}. Déterminer P(E | FC ).
b) Montrer que P(E) = ( 34 )n .
Solution.
a) Pour C ⇢ S, on a P(E|FC ) = P(E\F C) |E\FC |
P(FC ) = |FC | (on a utilisé que P(G) = |G|/|⌦| pour
tout G ⇢ ⌦). On peut maintenant calculer |FC | = |{(A, C), A ⇢ S}| = |P(S)| = 2n ,
et aussi |E \ FC | = |{(A, C) 2 ⌦ : A ✓ C}| = |P(C)| = 2|C| . On en conclut donc que
P(E|FC ) = 2|C| n .
b) Pour calculer P(E), on va utiliser la formule des probabilités totales : en remarquant
que (FC )C⇢S est une partition de ⌦, et en utilisant que P(FC ) = |F|⌦|
C|
n
= 2n2·2n = 2 n ,
X X n X n ✓ ◆
n k n 1 X n k 1
P(E) = P(FC )P(E|FC ) = 2 ⇥2 = n 2 = n 3n ,
4 k 4
C⇢S k=0 C⇢S,|C|=k k=0

2
où on a utilisé le binôme de Newton pour la dernière égalité. On a donc bien P(E) = ( 34 )n .

Exercice 3.6. (Paradoxe de Simpson) Soient A1 , A2 et B trois événements d’un espace


probabilisé (⌦, F, P).
a) Si P(A1 | B) P(A2 | B) et P(A1 | B c ) P(A2 | B c ), montrer que P(A1 ) P(A2 ).
b) On se donne un autre événement C, et l’on suppose maintenant que P(A1 | B)
P(A2 | C) et P(A1 | B c ) P(A2 | C c ). A-t-on toujours P(A1 ) P(A2 ) ?
c) Deux politiciens s’affrontent lors d’un débat. Le premier affirme que le taux de réussite
en L2 a augmenté aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Le deuxième répond
que le taux de réussite globale a diminué. L’un des deux ment-il ?
Solution.
a) Si P(A1 |B) P(A2 |B) et P(A1 |B c ) P(A2 |B c ), alors on peut écrire

P(A1 ) = P(B)P(A1 |B) + P(B c )P(A1 |B c ) P(B)P(A2 |B) + P(B c )P(A2 |B c ) = P(A2 ).

b) Ce n’est pas toujours le cas. Prenons un exemple simple : ⌦ = {1, 2}, muni de la
probabilité P définie par la densité discrète p(1) = p, p(2) = 1 p, où p 2 ]0, 12 [. Alors,
en prenant A1 = {1}, A2 = {2}, B = A1 , C = A2 . On a P(A1 ) = p < P(A2 ) = 1 p,
mais P(A1 |B) = 1 = P(A2 |C) et P(A1 |B c ) = 0 = P(A2 |C c ).
c) Pas nécessairement ! Il se peut que les taux de réussite augmente dans chaque groupe de
la population mais que le taux de réussite globale diminue : par exemple si la proportion
des différents groupes dans la population change. Prenons un exemple. Supposons que
l’année 1 il y ait 50 hommes et 50 femmes, et que 20 hommes et 30 femmes réussissent
leur L2 : cela donne un taux de réussite de 40% chez les hommes, de 60% chez les
femmes, et de 50% globalement. Si l’année 2 il y a 80 hommes et 20 femmes, et que
34 hommes et 13 femmes réussissent leur L2 : cela donne un taux de réussite de 42, 5%
chez les hommes, de 65% chez les femmes (en augmentation dans les deux groupes) ;
mais le taux de réussite globale est de 47%, en diminution !

Indépendance

Exercice 3.7. Soient A, B, C trois événements dans un espace de probabilité (⌦, F, P). On
suppose que A, B, C sont indépendants. Montrer que a) A\B est indépendant de C ; b) A[B
est indépendant de C.
Solution. a) On a P(A \ B \ C) = P(A)P(B)P(C), par définition de l’indépendance de
A, B, C. Maintenant, par définition de l’indépendance, on a aussi P(A \ B) = P(A)P(B). On
en déduit donc que P(A \ B \ C) = P(A \ B)P(C), ce qui montre que A \ B est indépendant
de C.
b) On a aussi P((A [ B) \ C) = P((A \ C) [ (B \ C)) = P(A \ C) + P(B \ C) P(A \
C \ A \ C). Par indépendance de A, B, C, on obtient donc P((A [ B) \ C) = P(A)P(C) +
P(B)P(C) P(A)P(B)P(C) = P(C)(P(A)+P(B) P(A)P(B)). Comme P(A)P(B) = P(A\B)
par indépendance, on a donc P((A[B)\C) = P(C)(P(A)+P(B) P(A\B)) = P(C)P(A[B),
ce qui montre que A [ B est indépendant de C.

? Exercice 3.8. Que peut-on dire d’un événement qui est indépendant de lui-même ?

3
Solution. Si A est indépendant de lui-même, alors P(A) = P(A \ A) = P(A)P(A). Comme
les seules solutions de l’équation x = x2 sont 0 et 1, on en déduit que P(A) = 0 ou P(A) = 1.

? Exercice 3.9. Dans une urne qui contient k boules rouges et n boules vertes (n, k 1),
on tire une première boule, puis sans la remettre dans l’urne, on en tire une deuxième. On
considère les événements A1 := “la première boule tirée est rouge”, A2 := “la deuxième boule
tirée est rouge”. Montrer que les événements A1 et A2 ne sont pas indépendants.
Solution. On peut calculer les différentes probabilités : on trouve que P(A1 ) = k+n ,
k
et aussi
k(k 1)
que P(A2 ) = k
k+n ; de plus P(A1 \ A2 ) = (k+n)(k+n 1) .
On en conclut que P(A1 \ A2 ) 6=
P(A1 )P(A2 ), ce qui signifie que A1 et A2 ne sont pas indépendants.

Exercice 3.10. On effectue des lancers successifs (indépendants) de dés : pour le ne lancer,
on utilise un dé à n + 1 faces équiprobables.
S
a) On note An l’événement “le ne dé tombe sur 1”. On note A = n 1 An . Interpréter
l’événement A et montrer que P(A) = 1.
T S
b) On note B = k 1 n k An . Interpréter l’événement B et montrer que P(B) = 1.
Solution.
a) S
L’événement A s’interprète comme : “au moins un dé tombe sur 1”. Notons CN :=
N
n=1 An : la suite d’événements S
(CN )N 1 est croissante, et par continuité par le bas
des probabilités, on a P(A) = P( N 1 CN ) = limN !1 P(CN ). Il reste donc à calculer
P(CN ). En passant au complémentaire et en utilisant l’indépendance des événements
(An )n 1 , on obtient

⇣\
N ⌘ N
Y N
Y n
P(CN ) = 1 P Acn =1 P(Acn ) =1
n+1
n=1 n=1 n=1

où on a utilisé que P(Acn ) = 1 P(An ) = 1 n+1 .


1
Par télescopage, on a donc P(CN ) =
1 N 1+1 , et P(A) = limN !1 P(CN ) = 1.
b) L’événement B est l’événement que pour tout k, il y ait après le k-ème lancer au moins
un dé qui
S tombe sur 1 ; autrement dit, il y a une infinités de dés qui donnent 1. Notons
Bk := n k An : la suite d’événements (Bk )k T 1 est décroissante et on a donc, par
continuité par le haut des probabilités P(B) = P( k 1 Bk ) = limk!1 P(Bk ). Montrons
maintenant que pour tout k 1 on a P(Bk ) = 1, ce qui démontrera que P(B) =
limk!1 1 = 1 (on pourrait aussi utiliser qu’une intersection dénombrable d’événements
de probabilitéS1 est de probabilité 1). Notons que Bk est égal à l’union (croissante)
des Ck,N := k+N n=k An pour N 1 : par continuité par le bas des probabilités, on a
P(Bk ) = limN !1 P(Ck,N ). Mais comme précédemment, en passant au complémentaire
et en utilisant l’indépendance des An , on trouve que
k+N
Y k+N
Y n k
P(Ck,N ) = 1 P(Acn ) =1 =1
n+1 k+N +1
n=k n=k

par télescopage. On trouve bien que quel que soit k 1, limN !1 P(Ck,N ) = 1, c’est-à-
dire que P(Bk ) = 1.

4
 Exercice 3.11. Soit s 2 ]1, +1[. On considère l’espace probabilisé ⌦ = N⇤ = {1, 2, . . .},
F = P(N⇤ ) et la probabilité P définie par sa valeur sur les singletons : P({n}) = ⇣(s)
1 1
ns pour
P+1 1
tout n 1, où ⇣(s) = m=1 ms 2 ]0, 1[ est la fonction zeta de Riemann.
a) Pour tout k 1, on note Mk := {k, 2k, 3k, . . .} = kN⇤ l’ensemble des multiples de k.
Montrer que P(Mk ) = k1s .
b) Montrer que si p1 , . . . , p` sont des nombres premiers distincts, alors on a Mp1 \ Mp1 \
. . . \ Mp` = Mp1 p2 ···p` . En déduire que les événements (Mp )p2P sont indépendants, où
P désigne l’ensemble des nombres premiers.
c) On énumère les nombres premiers P = {p1 , p2 , . . .}, montrer que pour tout n 1 on a
n ⇣
c c c
Y 1⌘
la relation P Mp1 \ Mp2 \ . . . \ Mpn = 1 .
psi
i=1
Q
d) En déduire, par continuité (par le haut) des probabilités, que P({1}) = p2P (1 p1s ).
Q
Conclure que l’on a la formule ⇣(s) = p2P (1 p1s ) 1 , connue sous le nom de produit
eulérien.
Solution.
a) On a, par -additivité
1
X 1 1
1 X 1 1 1 X 1 1
P(Mk ) = P({ik}) = s
= s
⇥ s
= s.
⇣(s) (ik) k ⇣(s) i k
i=1 i=1 i=1

b) Notons que si p et q n’ont pas de diviseurs communs, alors Mp \ Mq , l’ensemble des


multiples à la fois de p et q, et égal à Mpq . Par récurrence sur `, on montre facilement
que si p1 , . . . , p` sont des nombres premiers distincts, alors Mp1 \ · · · \ Mp` = Mp1 ···p` .
On en déduit donc que pour tous p1 , . . . , p` nombres premiers distincts,
1 1 1
P Mp1 \ · · · \ Mp` = P Mp1 ···p` = s
= s
··· = P M p 1 · · · P Mp ` ,
(p1 · · · p` ) (p1 ) (p` )s
ce qui démontre l’indépendance des événements (Mp )p2P .
c) Les événements Mp1 , . . . , Mpn étant indépendants, leurs complémentaires sont aussi in-
dépendants, et on a donc
n ⇣
1⌘
n
Y n
Y Y
P Mpc1 \ ··· \ Mpcn = P Mpci = 1 P(Mpi ) = 1 .
psi
i=1 i=1 i=1
T
d) Notons Dn := ni=1 Mpci , qui est l’ensemble des entiers naturels qui ne sont multiplse
d’aucun
T (pi )1in : il s’agit d’une suite d’événements décroissante, et de plus on a
n 1 Dn = {1}, car 1 est le seul entier naturel qui n’est multiple d’aucun nombre
premier. Par continuité par le haut des probabilités, on obtient que
n ⇣
Y 1⌘ Y⇣ 1⌘
P({1}) = lim P Mpc1 \ · · · \ Mpcn = lim 1 = 1 .
n!1 n!1 psi ps
i=1 p2P

D’après la définition de laQprobabilité P, on a P({1}) = 1/⇣(s), ce qui nous donne, en


passant à l’inverse ⇣(s) = p2P (1 p1s ) 1 .

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