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Ouvrage réalisé à l'occasion des

DEUXIEMES RENCONTRES INTERNATIONALES ART CINÉMA/ VIDÉO/ ORDINATEUR


organisées par AS T.A.R T.I. pour l'Art Audiovisuel à la Vidéothèque de Paris du 2 au 6 mars 1994.

Avec le soutien de : Ministère de la Culture el de la Francophonie (D.D F; D.A.P , DRAC lle-de:France, DAI., C.N C.),
Vidéothèque de Paris, Comm1ss1on des Communautés Européennes/Programme Kaléidoscope. Avec le concours de
: Gouvernement de !'Ontario (Ministère de la Culture. du Tourisme et des Loisirs), Fondation pour la Culture Hellénique,
Gœthe Institut, Gouvernement du Canada, British Council, Institut c��turel autrichien, Service culturel de !'Ambassade du

Canada, Ministère des Affaires Etrangères de Finlande, Institut culturel ita­lien, Institut culturel néerlandais. Avec l'aide de:
Arts Council or Great Brilain, London Filmmakers' Coop, London V1deo Access, I.N.A. L1ghl Cone, V Tape, C.E.R A.P. Paris
1. C.R.E.CA Par(ê 1, Ecole d'art de Chalon-sur-Saône,

REMERCIEMENTS pour leur soutien et leur collaboration : Michel Aubert, Fabienne Bernard, Martine Bour, Valérie
Bourgoin, Sylvie Faivre d'Arcier, Michel Reilhac. Denis Roche, Claude Schiffmann, Jean-Christophe Théobalt\ Enrica
Varese ainsi que Rudolf Altmüller, P1ntta Asunmaa, Catherine Bédard, ofutni Boudouri, Ed Craanen, Barbara Dent, Anna
Doni, Paolo Fabri, Catherine Ferbos-Nakov, K Georgoulis, Dafni Gondlka, Mary-Lou Harrison, Yves Pépin, Simone
Suchet, Michael Thoss, Kelly Tseken1 , pour leur conseil à la sélection : Roger Bourdeau, David Curtis, Sara Diamond,
Martine Dionne, Claude Faure, Vera Frenkel, Marco Mana Gazzano, Birgit Hein, Derrick De Kerckhove, Louise
Lillefeldt, WIiiiam Moritz, Susan Oxtoby, Gary Thomas, Kim Tomczak, Dot Tuer, Tony Warcus , pour leur
collaboration, les organismes de diffusion : Canadian Filmmakers' 01stribut1on Center, London Filmmakers' Coop, London
Video Access. L1ght Cone, V Tape Art Metropole, British Film lnstitute, Channel 4, Paris Film Co-op, Les Films Singuliers,
Sociéte Agave, Les Documents Cinématographiques, Sixpack Film, Focus, E1kona Electronic Arts lnterm1x, Normal
Films, Maya Vision Heure Exquise, Argos : pour avoir mis à notre disposi­tion des copies de films et de bandes vidéo:
Pyra�îde CICV Montbéliard. Ex-Nihilo, C.N.A.P., Cinémathèque de la danse, Agence du court-métrage, Délégation d!J

Québec . pour leur accueil : Dot Tuer, Gray Watson, Montage Rochester, Osnabrùck European Media Art Festival .
Nous tenons à reme�cier également: Yann Beauvais, Patrick Bensard, Annick Bureaud/Chaos. Anne-Marie Chaulet, Yvon
& Michèle Ch1ch, Pip Chl'.l'Clorov, David Craig, Sabine Foeppl, Mane-Ange Garrandeau, N1kos Giannopoulos, Isabelle
G1re. Pierre Hénon, Laura Hudson, Anny Leroux, Miles McKane, Stéphane Marti, Gérard Ménigou, Michel Nedjar,
Giust1na Ostun1. Giorgios Papaconstantinou, Julien Pappé, Bernard Rémy, Alfred Rotert, Manthos Santorinéos,
Ralf Sausm1kat, Gorka Sist1aga, Patrie!{ Sobelman, Société 16/gemes Lionel Soukaz�'chantal Soyer,

Jànos-Sugàr, Nicolas Villodre, Angus Walker.

EQUIPE DES RENCONTRES


Conception, d1rect1on artistique, organisation Maria Klonaris, Katerina Thomadak1
Responsablet echniquè Deke Dus1nberre.
Assistante à l'organisation Cécile Ch1ch
Avec l'aide de Catherine Bareau, Myriam Blœdé, Christine Rey et Jean Rey
Remerciements à Véronique Boutroux, Michèl'e Brandin1, Fabienne Oeroux.
Vass1hk1 Hatz1georg1ou. Blandine Molin1er
Presse Yvette Sautour.
MUTATIONS DE L'IMAGE
ART CINÉMA/ VIDÉO/ ORDINATEUR
Conception de l'ouvrage : Maria Klonaris et Katerina Thomadaki
Secrétariat de rédaction : Myriam Blœdé
Documentation, secrétariat : Cécile Chich
Maquette Michelle Thomas

Remerciements
aux artistes·, auteurs et photographes qui nous ont permis de reproduire leurs textes
et leurs photos,
à Ryszard W. Kluszczynski, Vibeke Sorensen, Mikl6s Peternak. William Moritz et Mike Hoolboom
pour leur contribution au dictionnaire,
à Light Cane, Arts Council of Great Britain, London Video Access, London Filmmakers'Coop,
Béla Balazs Studio, Canadian Filmmakers' Distribution Center, V Tape pour nous avoir permis d'utili�er
des documents provenant de leurs catalogues ou archives,
à Catherine Bareau, Giliane Bordère, Michèle Brandinî, Sabine Foeppl et Christine Rey pour leur aide.

Photo de couverture
Jose Antonio Sistiaga, Impressions en haute atmosphère

© A.S.T.A.R.T.I. pour l'Art Audiovisuel


71, rue Leblanc
75015 Paris
Tél 44 26 08 73 Fax 40 60 07 16

ISBN 2-9508292-0-1
OUV RAGE RÉALISÉ SOUS LA DIRECTION DE MARIA �LONARIS ET KATERINA THOMADAKI

MUTATIONE� DE L'I.MAGE
ART CINÉMA/ VIDÉO/ ORDINATEUR

MARIA KLONARIS ET KATERINATHOMADAKI


GU\DYS FABRE
CATHE1:,1NE RICHARDS
ANNE-MARIE DUGUET
KARE:N O'ROURKE
DÉMOSTHÈNE AGRAFIOTIS
DOTTUER
GRAY WATSON
10 Maria Klonaris et Katerina Thomadaki, MUTATIONS DE L'IMAGE

25 Gladys Fabre, L'ESTHÉTIQUE DE LA MACHINE

38 Catherine Richards (traduction Myriam Blœdé), CORPS VIRTUELS

44 Anne-Marie Duguet, A PROPOS DE QUELQUES IMPLICATIONS ARTISTIQUES DE

L'INTERACTIVITÉ

52 Karen O'Rourke , ART, RÉSEAUX, TÉLÉCOM MUN !CATIONS

60 Démosthène Agrafiotis (traduction Katerina Thomadaki et Mynam Blœdé ), ÉQUIVALENCES

OU ISOMORPHISMES A PROPOS DES ARTICULATIONS ENTRE PRATIQUES, ARTISTIQUES ET

NOUVELLES TECHNOLOGIES.

68 Dot Tuer (traduction Mynam Blœdé ), EMPREINTES FRAGILES/ LIEUX INTERMÉDIAIRES,

RÉFLEXIONS SUR LES TECHNOLOGIES LÉGÈRES DE L'IMAGE

74 Gray Watson (traduction Mynam Blœdé), LA VIE CONTRE LA MORT AU SECOURS DE

L'AVANT-GARDE

89 DICTIONNAIRE D'ARTISTES

140 INDEX PHOTOGRAPHIQUE

142 NOTES
En 1990, dans Technologies et imaginaires, nous nous étions situées sous le signe du
décloisonnement des technologies de l'image animée (film, vidéo, ordinateur), cherchant à
abolir toute discrimination quant aux sl)pports et formats utilisés par les artistes.

Avec Mutations de l'image, nous poursuivons la réflexion de synthèse que nous avions
inaugurée alors en inclua·nt des technologies de pointe comme la réalité virtuelle ou les
réseaux de communication interactifs et surtout, en nous penchant sur une nouvelle priorité.

Actuellement, les technologies numériques sont en train de bouleverser profondément


notre monde. En Amérique du Nord, le mot cyborg (organisme cybernétique) qui fait déjà
partie du vocabulaire quotidien, tend à remplacer la notion d'être humain.-L'Europe est au
seuil de transformations qui risquent de balayer les principes fondateurs de nos cultures.

Le présent et le futur ne pouvant pas être dissociés du passé, nous tentons d'éclairer
l'actuel par son histoire, de tisser un réseau de connexions transversales et horizontales
entre supports technologiques et périodes historiques, de faire communiquer les polarités
technologies sophistiquées/technologies légères, recherches formelles/recherches socio-
critiques, démarches abstraites/démarches corporelles, haute culture/contre culture - puisque
la force de l'art peut surgir de tout territoire.

Cette mosaïque, cette vue mosaïque, est en somme une proposition de conscience,
de mémoire, de résistance.

Maria Klonaris / Katerina Thomadaki


MARIA KLONARIS
KATERINA THOMADAKI

MUTATIONS DE L'IMAGE

C'est avec une acuité particulière que tes arts sur


supports technologiques reflètent les mutations en cours dans nos
sociétés. Mutations provoquées notamment par l'invasion de la
techno­science. Les nouveaux d1sposit1fs numériques (image de
synthè­se, interactivité, réalité virtuelle) promettent de
bouleverser radi­calement notre rapport à l'image, au corps, au
monde.
Stratégies de relance économique dans des sociétés en cnse.
les nouvelles technologies s'entourent d'une mythologie
média­tique. Elle deviennent ainsi porteuses, non seulement de
l'idée de "progrès", mais aussi de celle d'une "révolution" : elles
rendraient désuète l'image pré-cybernétique. Plus encore, le sujet
pré-cyber­nétique.
Au-delà de la fascination liée à l'apparition de nouveaux dis­
positifs technologiques, une étape de critique créative et
d'ana­lyse esthétique comparative semble maintenant
indispensable.

L'art écranique
Nous nous préoccupons ici de l'image en mouvement telle
qu'elle se manifeste non pas dar_is le cinéma industriel ou dans la
production télévisuelle. mais dans l'art visuel. Sous le terme d'art
écranique, nous réunissons les œuvres qui sont destinées à être
vues sur un écran - écran de projection cinématographique. écran
vidéo, écran ordinateur L'écran est ici le catalyseur.
Tout en maintenant la référence au tableau, l'écran la trans­
gresse en introduisant un schisme entre le support de la
projec­tion et le support de l'œuvre.

L'écran blanc du cinéma, réceptacle de l'image en mouve­


ment, est le paradigme du vide. C'est ainsi que pour la première
fois, la question de l'immatérialité de l'image s'est posée, boule­
versant. à tel point l'économie de l'art plastique, que l'étonnante
pensée visuelle mise en œuvre dans l'art écranique au xxe
siècle s'est vue repoussée à la périphérie de l'institution
artis­tique. Ceci. en revanche. lui a permis de garder le privilège
vital de /'indépendance. De là, des pratiques pluri e lles,
person­nelles, radicales, librement hétérogènes.

Construit à partir de deux notions fondamentales pour ce


siècle, le temps comme quatrième dimension et le mouvement.
l'art écranique est un champ de forces dans lequel transparais­
sent les paradoxes de l'identité mutante de notre temps. Ars
Magna Lucis et Umbrae 1.
Traversée de l'écran
Graduellement, l'écran change de matière, de dimension, de fonction, de lieu. Il se déplace
et se rapproche du corps. De la toile blanche à la surface de verre, de l'écran/mur à
l'écran/meuble, de la proiection à distance à la proximité du moniteur vidéo, puis à la proximité
augmentée de l'écran ordinateur jusqu'à l'écran/masque inverti posé contre les yeux des
"participants" en réalité virtuelle, une longue distance a été parcourue : celle qui mène de la
projection à la prothèse.

L'impact de l'image sur l'inconscient du spectateur, propre au dispositif cinématogra­


phique, se transforme ici en emprise sur le corps même, sur la sensorialité de la vision.
L'image est directement imposée sur l'œil et suppose une privation sensorielle. Sans repères,
comme dans une chambre noire, le regard se met sous la dépendance des écrans minia­
tures qui l'enferment. L'écran n'est plus perçu comme une surface. Il devient l'agent d'une
1llus1on . celle de pénétrer dans la tri-dimensionnalité. Ainsi. le spectateur peut-il partager
l'expérience du pilote de guerre à l'ère cybernétique, aveugle à l'environnement, la vision
assistée par ordinateur, il ne perçoit plus que des simulations.

L'œil lumifère
Stefan Themerson, Varsovie, 1936 • "Dans leur quête de vIsIons, certains ont chois, la voie
de la camera obscura, d'autres celle de la lanterne magique - et ia synthèse des deux + l'élé­
ment principal de ce monde en mutation : le mouvement. La nature nous a dotés de cordes
vocales. mais a négligé de nous donner un organe producteur de lumière. Nous avons dû le
construire nous-mêmes: l'œ1I projectif lum1fère 2.
L'œil est ici considéré comme émetteur, principe actif. Le projecteur, lu,, est considéré
comme métaphore de l'œil. Des p�emières machines à réfracter le monde visible (camera
obscura) aux machines à projeter des simulacres 1mmaténels (lanterna mag,ca), du cinéma­
tographe au cinéma élargi, la notion de projection comme double phénomène - mental et
lumineux - traverse les derniers siècles.

A la prolifération des dispositifs de projection que connut le xIxe siècle (polyorama, fan­
tasmagories, prax1noscope-théâtre, vitascope, chronoproJecteur, etc.) succède la standardi­
sation de la projection - consequence de l'industrialisation du cinématographe au xxe si�cle.
L'image automatique se détache alors de son créateur/opérateur Elle se diffuse selon les
modalités standardisées du marcl"le c:11 ,ematographIque.

L 1nd1ssoc1abil1té du créateur et de la proiect,on sera maintenue dans le champ de l'art visuel


où l'artiste conserve un rapport direct avec son matériau. La pluralité et la personnali­sation des
dispositifs, l'approche manuelle de Jp, _proje_ction_soumise_aux risques du vivant� la
_combinaison de divers types et de diverses_ sourçes d'images seront autant de paramètres
auxquels se sont attachés, pendant les trois dernières décennies, le cinéma élargi, la
perfor­'mance, les environnements et les 1nstallat1ons (Stan VanDerBeek - multi-projections et
Movie- Drame-, Carolee Schneemann - Kinetic Theater-, Jordan Belson, Robert Whitman, Jeff
Keen, Malcolm Le Grice, Maurice Lemaître, Giovanni Martedi, Klonaris/Thomadak1).
En référence directe à des dispositifs du XIXe siècle, la pratique de quelques artistes
concrétise la liaison diachronique : _Graham T. Smith ou Steve Farrer s'intéressent aux pano­
ramas et inventent des dispositifs de vision panoramique. Nikos fait allusion à la projection
primitive par des tableaux d'ombres, les Phantasmagories de l'identité.

Ombres, doubles, simulacres


L'origine des dispositifs optiques de projection est hantée par la capture des reflets. Si "la
naissance de l'image a partie liée avec la mort" ("l'eidôlon archaïque désigne l'ame du mort
-qui s'envole [ ... ] sous la forme d'une ombre insaisissable"), l'image projetée, plus que toute
autre image opaque, est directement liée à l'opération magique de la création de doubles.
"L'image est l'ombre et ombre est le nom commun du double3." Le Grand Art de la lumière et
de l'ombre contient le fondement d'une métaphysique du simulacre.
Le caractère magique de la projection, très présent au XIXe siècle, se transforme en
déterminisme illusionniste au cours du xxe. Toute "l'évolution" technique du cinématographe
en tant que dispositif industriel sera marquée par une course au réalisme comme
reconstitution "fidèle" de la perception.
Ceci entraînera la disparition des figures de style qui ont fondé l'esthétique des deux pre­
mières décennies du cinématographe, figures perçues comme "imperfections techniques"
dans la logique illusionniste : l'instabilité de l'image, la granulation, la cadence, et surtout deux
abstractions perceptuelles majeures, déclenchant' un puissant impacf surl'imaginaire, le noir
et blanc et le silence.
L'obsession du simulacre rebondit avec l'apparition des images de synthèse. Elle devient
particulièrement intense dans la mesure où l'attention est centrée sur le visage et le cmps-
humains. Le projet de reconstituer l'apparence humaine par simple calcul mathématique et
sans capture d'image du monde extérieur pourrait être une version de l'application du
principe de la projection mentale -une version fort réduite étant donné le système binaire qui
fonde l'intelligence artificielle. Evidemment, nous sommes très loin du principe de la
matérialisation par projection mentale, appliqué depuis longtemps par les mystiques
orientaux.
Le désir morphogénétique cristallisé par les images de synthèse pourrait être assimilé aux
mécanismes de l'imaginaire, de la mémoire et du rêve. De fait, les images qu'on nous montre
le contredisent. Dépourvues de toute conscience esthétique ou poétique, sans mémoire, les
images de synthèse sont le simple avatar de certains lieux communs de la culture mass­
médiatique (dessin animé américain, bande dessinée, science-fiction, publicités
télévisuelles).

Néanmoins, le projet de "simulation" étant à un stade d'inachèvement. certaines de ces


tentatives, les plus austères. ébauches de visages automates sur fond uni, peuvent paraître
suffisamment unheimliche pour éveiller une émotion d'ordre esthétique. Car ce que le regard
leur attribue, ce par quoi il les charge, c'est l'archétype d'un être non humain à l'apparence
humaine, ce qui nous ramène au fondement métaphysique du simulacre.
"L'Unheimfiche (inquiétante étrangeté) surgit souvent et aisément chaque fois où les limites
entre imagination et réalité s'effacent, où ce que nous avions tenu pour fantastique s'offre à
nous comme réel, où un symbole prend l'importance et la force de ce qui était symbolisé4"

Quoi qu'il en soit, entre les doubles tremblants projetés par une lumière de bougie dans le
théâtre optique de Robertson et la nettE3té implacable, froide, sans âme, des simulations
numériques, la magie a été abolie

Le poétique, le rêve
Paradoxalement, on constate aujourd'hui qu'au sein d'une technologie comme la réalité
virtuelle surgissent des projets désirant renouer avec le poétique, l'imaginaire, la mémoire, le
rêve (Catherine Richards, Kathleen Rogers). Comme si cette technologie à l'état d'enf-ance
appelait à un retour à des dimensions refoulées par la rationalité massive des systèmes
cybernétiques.
"Le rêve nous pousse à une compréhension plurie.lle de la puissance imagiste de l'esprit
humain. L'une des implications de la réalité virtuelle est qu'à travers une transduction senso­
rielle, elle peut permettre une perception directe de phénomènes jusqu'ici associés au para­
normal et au rêve5."
Les fondements scientifiques de la réalité virtuelle seraient-ils proches des intuitions de la
pensée quantique qui lui ont valu tant de parallélismes avec le mysticisme ?
"Le cerveau et l'univers sont devenus un immense espace de projection cognitive multi­
dimens1onnelle6."

Alba d'Urbano opère une connexion diachronique entre les procédés digitaux et le sym-
bole de la rose (Rosa Binaria, 1993). Un symbole abordé en tant que concept alchimique
dans notre film Jardins de /'Hermaphrodite endormi/e (1985) qui est construit autour des
mécanismes du rêve.
Le moment est peut-être venu de redécouvrir les univers de Gregory Markopoulos, Maya
Oeren, Jack Chambers qui ont élaboré une poétique de l'inconscient.

Le poétique surgit aussi comme verbe. Certaines oeuvres récentes mettent en images le
langage de poètes comme Sylvia Plath (Lady Lazarus de Sandra Lahire), Constantin Cavafy
(Trojans de Constantine Giannaris), Jean Genet (Miracle de fa rose de Young-Jin Kim) ou
Nick Cave (The News. Mutiny m Heaven de Manthos Santorinéos).
Sans texte, articulée dans la plasticité même de l'image, la poétique du regard se transforme
en plaisir visuel chez des artistes tels que Teo Hernandez, Patrick Bokanowsk1, Michael
Mazière, Tina Keane. L'image se fond dans la sensation.

Mosaïque
Un réseau de lignes croisées rendrait compte de la richesse de l'image en mouvement en
tant qu'art visuel.
J__e_ciQéma abstrait et les procédés-pict1.:Jmux...y -occupent une place notable : du dispositif
inventé par Oskar Fischingfil._gour la réalisation de Wachs Experimente (1923) aux animations
géométriques de Dwinnel Grant ( 1945). des peintures sur pellicule de Harry SmiJ.b (__1952) à
celles de Jose Antonio S1stiaga ( 1970 et 1989), des at:istracti0r-1s-sf:)eG-trales-d@ St@fan et
Franciszka Themerson ( 1945) aux diaphanies et compositions musicales sur ordinateur du
peintre Tonino Casula ( 1993), des images re-traitées par la peinture (l<ayla Parker, Françoise
Thomas) à celles corrodées par intervention chimique (Jürgen Reble). des peintures-textes
analogiques de Lis Rhodes (Oeadline, 1993) à la peinture numérique de Tamâs Waliczky
(The Garden, 1993) et jusqu'au mélange d'images analogiques et de volumes de synthèse
opéré par Nil Yalter.

Une autre ligne pourrait relier les procédés stéréoscopiques, des pionniers (Oskar Fischinger,
Norman McLaren. Dwinnel Grant, Harry Smith) aux recherches contemporaines en vidéo
(Vibeke Sorensen). jusqu'à la réalité virtuelle

Situant les outils dans un rapport dialectique, nous pourrions également opposer les "nou­
velles technologies" aux technologies légères qui permertent un accès direct à l'acte créatif.
notamment le Super 8 (Teo Hernandez, Stéphane Marti, Céline Baril, Cécile Ravel, Catherine
Bareau), la caméra F1scl1er Pnce (Sadie Benning) ou le VHS (Anna Margarita Albelo).

L'écho du cinéma commercial se perçoit à travers une dimension critique dans les films
construits à parlff de metrage trouvé. A l'origine de cette tendance, le film-assemblage de
Joseph Cornell, Rose Hobart (1939) Al Razutis et Martin Arnold retravaillent les images trouvées
par des procédés optiques de leur InventIon. Matthias Müller et AbigaH Child procèdent par
des détournements de montage.

Un autre axe pourrait rattacher animations optiques (collages de Larry Jordan, Stan
VanDerBeek, Eve Ramboz), animations digitales (Peter Callas) et effets dé déformation ou de
morphing (Taka l1mura. Bé-riou). Enfin, chez Peter Greenaway, les eflets analogiques sont
mélangés à des techniques de haute définition et de palette graphique (Prospero's Books).

Europe, fin de siècle


En ces temps où l'Europe est suspendue entre la crise économique, la guerre en Bosnie­
Herzégovine, l'épidémie du sida et l'amnésie de l'ère cybernétique, les discours critiques des
artistes remontent à la surface. L'énergie refoulée des années quatre-vingt se libère. La jonc­
tion de l'art et de la technologie risque de ne pas rester sage.
Compensation indispensable à l'apathie, les démarches artistiques socio-critiques et cor­
porelles tentent d'intervemr dans la trame des répressions médiatiques, sociales, culturelles,
sexuelles.

Le corps rebelle�des act1onnistes viennois (Günter Brus et Otto Muehl filmés par Kurt Kren)
trouve un héritier cybernétique chez Stelarc qui exalte le corps robotisé ·'vidant ses organes
dans l'électronique".
Mara Mattuschka, autrement héritière dE3 l'art corporel, filme ses performances dadaesques,
affichant une insolence outrancière.
Sadie Benning, Abigail Child, K. Dayrnond, Isaac Julien, Wrik Mead, Matthias Müller et
Lionel Soukaz explorent les désirs et fantasmes homosexuels, tandis que la question du
transsexualisme féminin est posée par Annie Sprinkle.
Toï Curty et Jean-Louis Le Tacon, John Greyson, Isaac Julien, Yann Beauvais, Métamkine,
Miles McKane réalisent des films de protestation, des vidéos autobiographiques, des requiems
poétiques autour du sida.
Marikki Hakola attaque la destruction de l'environnement dans un poème écologique sur
la forêt.
Antoni Muntadas déconstruit le discours télévisuel.
Igor et Gleb Aleïnikov dressent la satire des actualités télévisées tandis qu'Andras Solyom
accompagne de poésie sonore les enterrements successifs des dirigeants soviétiques -
évocation de l'enterrement du communisme.
Marina Grzinic et Aina Smid construisent des métaphores de la guerre en ex-Yougoslavie.
Wilhelm Hein se penche sur la mémoire traumatique des camps d'extermination nazis, La
purification ethnique reste d'actualité
Vera Frenkel, Beth B., Atsushi Ogata, I\Jil Yalter abordent la condition d'étranger. Déracine­
ments, déplacements forcés, identité culturelle brisée.

Fin de siècle.
Avons-nous le sentiment d'un nouvel exil ?

Persiste l'urgence de créer des visions7.


GLADYS FABRE

L'ESTHÉTIQUE DE LA MACHINE

A DANY BLOCH

"Nous chantons les grandes foules agitées par le travail, le


plaisir de la révolte : les ressacs multicolores et polyphoniques
des révolutions dans les capitales modernes : la vibration noc­
turne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes
�lectriques, [ ... ] les paquebots aventureux flairant l'horizon, les
locomotives au grand poitrail qui piaffent sur les rails, et le vol
glissant des aéroplanes dont l'hélice a des claquements de dra­
peau et des applaudis�;ements de foule enthousiaste."
Ce texte extrait du Manifeste des peintres futuristes, publié par
Marinetti dans le Fïgaro du 20 février 1909, s'illustre par la
modernité emphatique du contenu, la forme sonore et ryt11-
mique, l'accumulation fragmentaire des images. L'ensemble
s'apparente à une scénographie cinématograph1que.J;rl bref,
sont déjà là tQUS les inç1rédients de l'esthétique de la machine.
Celle-ci s'élabore au cours des années dix grâce aux interac­
tions qui s'opèrent entre les mouvements artistiques d'avant-
garde, eux-mêmes soumis· à un environnem�nt socio-poiitique
dans lequel le développement de la science et la guerre ·de
1914-18 furent des facteurs prédominants.
L'âge d'or de cette esthétique se situe dans les années vingt,
comme l'illustre l'exposition Machine Age à New York en 1927. La
crise de 1929. la Seconde Gue1-re mondiale mettront bien du sable
dans ses rouages, mais n'interrompront pas pour autant son
développement. Loin de se limiter à une représentation béate
de la machine, cette esthétique�prime une vision du monde
en mouvement et, à.ce titre, elle s'accommodera de cer­taines
révisions.

Le sujet moderne
Le futurisme italien, premier à s'en saisir, est le seul mouve­
ment à promouvoir la machine comme symbole du vitalisme de
l'époque tandis que les cubistes, qui s'intéressent principale­
ment à la traduction du temps, du mouvement el de la lumière, ne
s'y attacheront que partiellement.
La position de Marcel Duchamp est plus complexe. L'appro­
priation d'objets ready-made industrialisés, l'adoption âu dessin
industriel et de l'iconographie mécaniste -dans les études pour La
Mariée mise à nu par les célibataires, Aéroplane ( 1912), puis
Broyeuse de chocolat et Machine célibataire -répondent à
d'autres intentions. Duchamp désire abolir les frontières entre l'art
et la vie, entre la création et l’œuvre d'art, �terdisant ainsi la
possibilité de défini l'art métaphysiquement ou sur des règles
absolues. Partageant les idées développées par Poincaré1 au sujet de l'impossibilité d'une
connaissance ob1ect1ve en sciences, 11 tente de démontrer par le ready-made et l'iconogra­phie
mécaniste l'illusion d'une est11ét1qu,a basée sur les qualités intrinsèques de l'œuvre d'art. Le
phénomène esthétique sera donc expérimenté comme système interactif de pro­jections, tant
chez le créateur que chez le regardeur

Mouvement, lumière et simultanéité


Severini résume la situation "Les premières rechercl1es sur le mouvement étaient dans le
prolongement de l'impress1on1sme , mais en approfondissant le problème, les peintres ont
compris que ce n'était pas le but de la peinture d'exprimer un corps qui se déplace,
puisque le cinéma pouvait le faire 2"
Aux expériences de traduction chronophotographique du mouvement chez Kupka, Balla
et Duchamp, à l'expression de la vitesse, se surajoute chez les futuristes la préoccupation
pour la simultanéité des impressions visuelles et des émotions psychiques, ainsi que pour la
répercussion temporelle où souvenir et devenir s’entrechoquent dans le présent.
Parallèlement, certains travaux de Balla, l'orphisme de Delaunay, le rayonnisme de Larianov
et de Gontcharova se focalisent sur la lumière comme symbole de l'énergie, mais aussi
radia­tion de la matière et source d'un Jeu d'impressions optiques.

Fragmentation et abstraction
Par la fragmentation, la géométrisation et l'abstraction des réalités visibles ou invisibles, les
artistes d'avant-garde cherchent à rendre les différentes facettes d'un même objet en opérant
un mouvement rotatif de la vision et en multipliant les points de vue : ils tentent de structurer
une vision interne, intellectuelle, voire spirituelle, qu'ils ont de la réalité (Kupka, Klee,
Kandinsky, Malévitch, etc.).
Dès 1912-13, les futuristes reconsidèrent la décomposition cinématographique pour
englober le fragmentisme dans un mouvement elliptique plus apte à synthétiser le
dynamisme plastique de la modernité
Il faut s'interroger sur l'origine de toutes ces innovations plastiques qui expriment la
multidimensionnal1té du réel dans l'espace et le temps. Elles sont liées à une nouvelle
conception du monde mise en place par les sciences et techniques.

De l'œi/ mécanique au mécanisme de la perception


Réalité visible/réalité invisible
En libérant les arts plastiques de la représentation naturaliste, la photographie et ses appli­
cations scientifiques (radio-, chrono-, micro- et macro-photographies) les entraînent progres­
sivement vers l'abstraction et la non-objectivité. Cette évolution passe par une meilleure
connaissance des lois de la perception et de l'optique, qui favorise une prise de conscience des
différents sens que recouvre le mot "réalité", à savoir : apparence, avoir ou être, visible ou invisible,
vérités _scientifiques. spirituelles, conceptions philosophiques ou données concrètes du
monde moderne. Elle débouche enfin sur la notion de ,relativité, selon laquelle un point de vue
peut être vrai tout en étant relatif, en fonction de la position de l'observateur ou du créateur.
Cette conscience des différents angles de vision se développe avec les progrès de la
science et de la technologie. Les machines vont apparaître, non seulement comme
sym­boles de puissance. moyens d'accroître le bien-être matériel, mais aussi comme outils
privilégiés d'une connaissance de l'au-delà : spirituelle, psychique, voire cosmique.
En démontrant les limites de la perception, les nouvelles découvertes - les rayons X 1895). la
radioactivité (1896}, le radium (1898) l'électron et son mouvement (1897) - ont bouleversé
toutes les notions classiques de la matière ainsi que les positions positivistes/
matérialistes sur les sens. Les vibrations suprasensibles du spectre électromagné11que et les
rayons X vont par ailleurs servir de justification scientifique à la clairvoyance et à a télépathie
pour l'occultisme très en vogue dans les milieux artistiques mondiaux. tant chez les
symbolistes. les çub1stes et les futuristes que dans l'avant-garde russe. La radio­graphie est
appréhendée comme le révélateur d'une réalité invisible et l’œil mécanique. plus
perfectionné que l'œil humain se voit i nv,est1 du .pouvoir de capter l'aura, les projections
psyd\iques et les esprits.
Kupka, par exemple, considère la création comme un phénomène d'émission/réception.
Avec les progrès de la science, il entrevoit des moyens nouveaux de transmission artistique.
une ,"transmission, plus directe. par ondes magnétiques comme celles des hypnotiseurs".
"L'avenir sur ce point nous réserve des surprises, déclare-t-il ; il faut s'attendre à voir surgir des
X ... graphes ou X ... graphies, dont la disposition fera se dérouler les événements invisibles.
subtils, encore mal élucidés, tant du monde extérieur que de la psyché de l'artiste. Par ces
moyens, de plus en plus perfectionnés. l'artiste pourra peut-être faire voir au spec­tateur le film
de son riche domaine subjectif, sans être obligé comme aujourd'hui, d'œuvrer laborieusement
quand il réalise une peinture ou une sculpture 3"

Temps et quatrième dimension


La chronophotographie de Muybridge et Marey a permis d'étudier la décomposition des
mouvements rapides sous forme de photographies sériées. Il faudra attendre 1910 pour voir
apparaître, en France, un appareil capable de réaliser des prises de vue à grande vitesse.
Avec lui naît le cinéma scientifique • grâce au ralenti, on peut apprécier la décomposition
des mouvements rapides en évitant toute cadence saccadée et surtout, grâce à l'accéléré,
on étudie pour la première fois les mouvements lents en biologie et en astronomie. Le
facreur temps devient un élément indissociable de l'observation.
Simultanément, la connaissance des lois optiques et des phénomènes
psycho-physiologiques de la perception s'enrichit. Les théories de Chevreul, Charles
Henry, Adolf Hè:izel, Runge, Odgen Road vont être étudiées par les artistes, les amenant
à construire leurs œuvres suivant ces principes, ce qui contribue à déconnecter les
couleurs de la réalité objectale.
Le symbolisme ancestral des couleurs et la théorie des correspondances jouent aussi un
rôle. Selon cette théorie à laquelle ont adhéré Gœthe, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé,
Charles Blanc et les écrivains théosophes et franc-maçons dans la mouvance de Jean
d'Udine et Saint-Yves d'Alveydre, les couleurs sont des équivalents plastiques des nombres,
des sons et des mots. Pour ces auteurs, la musique est l'étalon de mesure de tous les arts.
De fait, reprenant la hiérarchie de Schopenhauer, !'écrivain italien Canudo, personnage
éminent de l'avant-garde artistique tant italienne que parisienne, milite en faveur de la fusion
de tous les arts sur le modèle de la musique. Si les musicalistes se limitent à "visualiser les
sons", les rayonnistes, cubistes, futuristes, orphistes préfèrent voir dans la musique un
modèle de création en raison de trois caractéristiques essentielles : l'abstr action : la
musique s'affranchit du réel (les bruits) pour n'être que construction cérébrale alliée à la
sensibilité psychique ; la synthèse du temps et de l'espace (sonore) : le rythme est vu
comme expression du mouvement, de la pensée, de l'énergie vitale et cosmique ;
/'unanimisme ou expression de l'âme collective.
La connaissance des mécanismes de la structure du réel invisible et la prise de conscience
du temps comme une des données de ce réel trouvent leur synthèse dans l'idée de quatrième
dimension. "L'intérêt pour la quatrième dimension, écrit Linda Dalrymple Henderson, était né
du .çéveloppement des géométries à n dimensions durant la première moitié du xIxe siècle
la notion de quatrième dimension devint très populaire au tournant du siècle. A cette
époque, le terme a accumulé une grande variété d'associations non-mathématiques, la
première étant une interprétation philosophique idéaliste la considérant comme réalité
supérieure aux trois autres dimensions de la perception visuelle. En fait, le concept se
trouva en symbiose avec la tradition mystique en fournissant un moyen de rendre
l'ineffable plus concret 4."
De la fin du 0Ixe siècle à 1920, date à laque!le la théorie d'Einstein se vulgarise, la notion
de quatrième-dimension englobera tour à tour l'infini, l'unité esprit/matière, la conscience
psychique ou cosmique, et enfin le temps. Max Weber, Apollinaire, Van Doesburg,
Malév1tch, Matiouchine, les cubistes de Puteaux, les futuristes, Varèse et Breton étudient et
commentent les ouvrages de !'Anglais Howard Hinton (A New Era of Thought, 1888, The
Fourth Dimension, 1904), du Russe Oupensky (Tertium Organum, 1911) et du Français
Gaston de Pawloski (Voyage au pays de la quatrième dimension). Eren 1921, El Lissitzky
déclare: "La mathéma­tique des anciens est la stéréométrie. Elle appréhende les objets
en tant que quantité, en dehors du temps. Elle est une sorte de statique mathématique. La
science moderne a vu que le monde existait dans le temps et elle a induit le temps comme
quatrième coordonnée. Elle est devenue dynamique et a détruit beaucoup d'absolus.
L'absolu de toutes les mesures et de tous les standards est détruit 5_"
Cette révolution accompagnera, d'une manière ou d'une autre, tout l'art d'avant-garde du
xxe siècle

Transfert de modèle: de la musique à la machine


Cadrage et cadence des événements
1912 : Léger, Brancusi et Marcel Duchamp visitent le Salon de la locomotion aérienne.
Duchamp s'adresse à Brancusi: "C'est fini la peinture. Oui ferait mieux que cette hélice ?
1914-18 : La guerre accroît l'impact de la technologie. La machine devient le symbole de
la puissance et entraîne une vogue d'américanisme. Dans le camp des vaincus, la machine
devient davantage l'objet d'une fascination/répulsion.

Etats-Unis : à New York, Picabia et Marcel Duchamp utilisent l'iconographie mécaniste à


des fins de dérision, comme anti-art et support de fantasmes sexuels. Paradoxalement, le
public américain y voit une apologie de lia modernité.
Le précisionnisme américain (Demuth, Scheeler, Murphy, O'Keeffe) fait l'éloge du nou­
veau monde. Le photographe Paul Strand affirme : "La nouvelle Trinité du monde occidental
est Dieu la machine, l'empirisme-matérialiste le Fils et la science le Saint-Espnt ï."

Allemagne : l'iconographie mécaniste est exploitée par les dadaïstes allemands et l'avant­
garde marxiste comme symbole de destruction, d'asservissement et de chaos (collages de
Hannah Hoch, Hausman, Heartfield, tableaux de Grosz et du groupe Asso ; Métropolis de
Fritz Lang). Chez Max Ernst, onirisme de la machine.
Le Bauhaus adhère au progressisme en prônant l'application de la technologie à l'art et
l'expression plastique de la modernité philosophique et scientifique.
1922 : Van Doesburg publie la revue Mécano.
1929 : Baumeister publie l'album Sport et machines.

Italie : le second futurisme d'après-guerre poursuit ses objectifs antérieurs tout en déve­
loppant la pluridisciplinarité.
1923: Manifeste de l'art mécanique signé par Pannagi, Paladini, Prampolini.
192 9: Manifeste de l'aéropei nture signé par Balla, Depero, Benedetta, Dottori, Fillia,
Prampolin1, Tato, Somenzi.

URSS et pays de l'Est : après la révolution de 1917, remise en cause des conceptions
académiques de l'art. "Mort de la peinture", "inutilité sociale de l’œuvre" sont les nouveaux
slogans et l'artiste prend modèle sur l'ingénieur. L'art de laboratoire des constructivistes
russes, tout comme les prototypes productivistes débouchent sur l'industrie et la
propagande politique et commerciale. Idem en Pologne avec le groupe Black.
1920 : Tatlin réalise le Monument à la /118 Internationale, une tour en fer avec mouvement
mécanique rotatif de la structure intérieure. El Lissitzky conçoit Victoire sur le soleil, un spec­
tacle électromécanique cosmique où l'ingénieur est identifié à Dieu. Popova. et Exter produi­
sent des décors de théâtre mécanistes.
1922 : sculpture cinétique de Gabo.

France : Le Corbusier et Ozenfant publient L 'Esprit nouveau (1920-24). Construire


est l'impératif premier de cette nouvelle ère de la modernité basée sur les principes
de Rationalité, d'Ordre, de Sobriété et de Fonctionnalité. "La Guerre est finie, tout
s'organise, tout se clarifie et s'épure", écrivent-ils dans Après le Cubisme (1918), reprenant à
leur compte les critiques formulées à l'égard de la fragmentation cubiste et futuriste,
considérée comme source de confusion, chaos individualiste et émotionnel.
De fait. pendant et après la guerre, le cubisme, comme le futurisme, devient plus
synthéiique. se simplifie voire se mécanise. "Je ne me suis jamais amusé à copier la machine
J'invente des images de machines, comme d'autres font d'imagination des paysages
L'élément mécanique n'est pas pour moi un parti pris, une attitude, mars un moyen pour
arriver à donner une sensation de force et de puissance'·, écrit Léger dans son
article /'Esthétique de la machine, l'ordre géométrique et le Vrai a
Comme outil, la machine est un instrument de connaissance inestimable mais aussi un
moyen de parfaite exécution, d'organisation du rendement (chaînes de montage), en vue
d'une économie sociale. Comme produit/objet, elle est le résultat exemplaire d'une
conception mathématique et fonctionnaliste, inaugurant des formes standards,
géométriques et pures (sans ornement). Avions, paquebots, automobiles, moteurs,
hélices, bielles, roule­ments à bille deviennent les nouvelles icônes de l'avant-garde.
Mis à part les précisionnistes américains, Léger et ses élèves, quelques artistes de la
Nouvelle Objectivité allemande qui ont représenté la machine dans sa staticité et son inté­
grité objectale, la majorité des avant-gardes préfère exprimer sa puissance de rendement
ou sa dynamique de mouvement : répétition, cadence, vitesse. La technique de mixage des
images en peinture et celle du photomontage traduiront plastiquement ce nouveau rythme.
On assiste en fin de compte à un transfert de modèle • la machine détrône la musique car
elle actualise les critères d'abstraction, de mouvement et d'expression sociale.

Le modèle du modèle : le cinéma


r=iim des étapes, gros plans fragmentaires
1911 : les futuristes G1nna et Cora réalisent quatre petits films abstraits, Accord de
cou­leurs, Étude d'effets avec quatre couleurs, Champs du printemps, Les Fleurs, en
peignant directement sur la pellicule après avoir enlevé la gélatine.
1912-13: Rythmes colorés, film d'animation de Survage.
1913 : projets non réalisés de deux films abstraits de Kandinsky et Schônberg, Der gelbe
Klange et Die glückliche Hand.
1916 : La Vie futuriste, long métrage de Nerino Nannetti, Venna et Spinna, comportant
des effets spéciaux. Parution du Manifeste de la cinématographie futuriste :
compénétratIons des temps et des lieux, simultanéité, recherches musicales des
dissonances, états d'âme scéniques, libération de la logique, reconstruction irréelle du
corps humain, synthèse de tous les arts, tels sont les objectifs de ce nouvel art.
1916-30 : Charlot devient la star-automate des temps modernes9. En 1918, Aragon ·lui
consacre un poème ; en 1920, Yvan Goll écrit La Chapelinade dont les illustrations par Léger
s'inspirent du Kinéographe pour traduire le mouvement (Léger créera ensuite une marionnette
mobile pour son film Charlot cubiste dont deux séquences seulement furent tournées) : en
1921, Darius Milhaud publie Le Bœuf sur le toit, musique d'accompagnement des films de
Charlot. Toutes les revues d'avant-garde se saisissent de cette image médiatique.
1920 : constructions optiques de Marcel Duchamp suivies des Roto-reliefs et de Anémie
cinéma (1926).
1922 : George Antheil publie dans la revue De Stijl, le Manifeste de la musique mécanique.
En 1924, il composera la musique des Ballets mécaniques de Léger.
1923 : parution à Berlin de la revue G, à laquelle collaborent Graff, Lissitzky et Richter, et
qui est consacrée à la pluridisciplinarité.

"L'usine aux images"


Ricciatto Canudo, par ses écrits et son action 10 , va assurer en France la passation de
pouvoir de la musique au cinéma. En 1908, il publie Lettre d'art - Triomphe du cinéma et en
1911 La Naissance d'un sixième art 11. li considère en effet le cinéma comme l'art suprême,
qui concilie la science et l'art, les rythmes du temps et ceux de l'espace.
Pour Canudo, ce n'est qu'après la guerre que le cinéma supplante la musique par sa
capacité fusionnelle. En 1921, il fonde le Club des Amis du Septième Art dont le président
est Abel Gance, et introduit au Salon d'automne une section Cinéma où sera projeté La
Roue d'Abel Gance. Sous une forme dépouillée de tout pathos sentimental, une version
mécaniste, La Chanson du rail, fascine tous ses amis, son collaborateur Blaise Cendrars,
Léger, Moussinac, Epstein, Germaine Dulac, Ezra Pound, Honneger, etc.
L'intérêt que Léger et Blaise Cendrars portent au cinéma se manifeste dans La Fin du
monde filmée par l'ange Notre-Dame, conçu comme un scénario et une suite de gros plans
typographiques ou iconographiques. Après avoir réalisé quelques décors et costumes qui
tendent à géométriser/mécaniser le corps, à animer l'abstraction, Léger se lance dans le
tournage des Ballets Mécaniques (1924 ). L'emphase .est donnée aux objets quotidiens :
bouteilles, chapeau, batterie de cuisine, machine à écrire, moteur. La personne humaine, en
l'occurrence Kiki, est robotisée et fragmentée comme la marionnette de Charlot cubiste. Par
ailleurs, fragmentations, gros plans, rythmes saccadés font l'originalité de ce film qui
cherche à transcender le réel en pure énergie mécanique.
Pour Léger : "Nous sommes à une époque de mise au point, de mise en valeur des
objets. On a des projecteurs qui fouillent et illuminent les coins les plus reculés - on voit au
travers des corps. Ces moyens nouveaux nous ont créé une mentalité nouvelle. On veut voir
clair, on veut comprendre les mécanismes, les fonctions, les moteurs. Les ensembles ne
nous suffisent plus, on veut sentir les détails de ces ensembles et on s'aperçoit que ces
détails, ces fragments, si on les isole, ont une vie totale et particulière. Les gros plans du
cinéma sont une consécration de cette vision nouvelle. [ ...] Tous les détails mis en valeur
dans l'ensemble, c'est cela la caractéristique de notre époqueï2."

Interaction avec les arts plastiques


Si le cinéma a influencé les arts plastiques, ces derniers marquent en retour la nouvelle
écriture cinématographique par la fragmentation cuba-futuriste, la correspondance et le
rythme musical, l'expression de la vitesse, la simultanéité des impressions visuelles et psy­
chiques, le mode de construction fait de lignes de force, de contrastes de formes et de
couleurs, l'abstraction et la non-objectivité.
La machine y est aussi objet de fascination. "On devrait comparer la phalange des fragments
du montage - les cadres - à la série d'explosions d'un moteur à combustion interne se mul­
tipliant en dynamique de montage par des poussées d'une automobile en pleine course ou
d'un tracteur 13", explique Eisenstein.
L'œil de la caméra est aussi un œ1I réflexif sur la caméra. L'accéléré, le ralenti, la répét1tIon
du rythme et des images, la multiplication kaléidoscopique d'un objet à l'aide de miroirs, le
gros plan, le cadrage, le hors-cadre, la surimpression, le montage par brisure/ collision,
l'opposition de l'ordre à ''l'a-forme" ou au désordre etc., sont les moyens cinématographiques
utilisés dans Metropolis de Fritz Lang, Le Cuirassé Potemkine d'Eisenstein, Thème et
variations de Germaine.Dulac, Kipho de Guido Seeber (1925), L'Homme à la caméra de
Dziga Vertov (1929), Berlin, Symphonie d'une grande ville de Walter Ruttman (1927), De Brug
de Joris Ivens (1927).
Par ailleurs, le cinéma abstrait va se développer au cours des années vingt. Dès 1917, le
Suédois Viking Eggeling réalise une peinture sur un rouleau de papier où des éléments
linéaires géométriques et fluides s'organisent selon une suite harmonique de points/contre­
points. Puis de 1919 à 1921, 11 travaille avec le dadaïste Hans Richter à la réalisation de
films abstraits. La firme allemande U.F.A. leur accorde un financement grâce à l'intervention
d'Albert Einstein. Ainsi naît Symphonie diagonale (1921-23) d'Eggel1ng et Rythmus 21 avec
ses variations: Rythmus 23, 25, Filmstudie (1926). Ces travaux, tout comme Opus I (1921),
Il, Ill, IV(1924-25) de Walter Ruttmann ou Spiralen (1926) d'Oskar Fischinger, sont encou­
ragés par le groupe De Stijl, les artistes du Bauhaus, les constructivistes russes, hongrois et
polonais comme de très belles extensions de l'art non-objectif
Tusalava (1928) du Néo-Zélandais Len Lye mixe l'abstraction à l'art, aux rêves et à la
transe des arborigènes.
Dans les années trente, le cinéma abstrait, musicaliste ou non, passe du noir et blanc à la
couleur, avec tout d'abord un film abstrait du peintre Schwab qui brûle lors de la première
projection au Studio des Ursulines, puis Komposition in blau ( 1935) et Radio Dynamics
(1943) de Fischinger. et ColorBox(1935) de Len Lye

Machine, sculpture, lumière


Flash
1900: orgue optique présenté à !'Exposition universelle de Paris.
1916 : La Cathédrale sans mur, projections de Bragdon à New York.
1922-24: étude de jeux de lumières de Hirschfeld-Mack au Bauhaus.
1923 : le peintre Baranof-Rossiné joue de son pIano-optophonique (1912-20) à Moscou.
1922-30 : recherches de Lâszl6 Moholy-Nagy pour le Modulateur-espace-lumière. En
1923, il publie dans la revue new-yorkaise Broom, La Lumière, nouveau moyen d'expression
de l'art plastique.
1925 : Sândor Lâszl6 présente à Kiel Composition Musique-Couleur-Lumière. La même
année, parution de son livre Farbenlichtmusik. Thomas Wilfred présente le Clav,lux à
!'Exposition internationale des arts décoratifs de Paris.
1933 : Palette musicale d'Henri Monvoisin.
1936 : Cyclorama et Chromophonte du peintre musicaliste Blanc-Gatti.
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Vers un arî cosmique

Moholy-Nagy est, avec le Hongrois N. Braun (auteur de reliefs géométriques lumineux), le Georgien
Kakabadzé (inventeur de tableaux électriques et d'un procédé de stéréo-cinématographe), le
Tchèque Pésanek (clavecin à couleurs et sculpture lumineuse installée au poste de transformation
Edison à Prague en 1930), l'un des pionniers de l'art de la lumière.

Professeur au Bauhaus, il concrétise ses recherches en 1929-30, par la construction du


modulateur-espace-lumière qui présente "des phénomènes lumineux et des mouvements".
Le jeu d'ombres et de lumières projetées dédouble les formes et dématérialise la matière
sculpturale dans l'espace et le temps. Conçu comme une sculpture mobile, l'appareil relève
a la fois du formalisme mécaniste et de l'art non-objectif. En 1930-31, Moholy-Nagy réalisera
plusieurs films
dont Lichtspiel - Schwarz-weiss-grau, montage rapide et synthétique de scènes de la vie
quotidienne et du Modulateur en mouvement.

La démarche de l'artiste hongrois s'est toujours attachée à intégrer la totalité de la vie dans
l'art. Il invente donc des moyens adéquats et emprunte à toutes les disciplines dans l'espoir de
parvenir à un "art total". En 1934, il imagine, par exemple, un système de projections lumineuses
sur des écrans gazéiformes ou sur les nuage�. Enfin, il signe avec Marcel :Juchamp, Kandinsky,
Calder, Kobro, P A. Birot, Prampolini entre autres, le Manifeste arnensioniste (1936) qui
programme et rêve l'art futur en poussant les recherches artistiques à la pointe du progrès.

Pour ces visionnaires qui refusent de se laisser abattre par les événements politiques,
changer le monde" est plus que jamais une urgence. Après avoir fait référence à l'espace &
quatre dimensions de Minkovsky, ils proclament l'éclatement des disciplines vers "un art
absolument nouveau", "l'art cosmique", dans lequel "'la matière rigide est abolie et remplacee
par des matériaux gazéifies. L'homme au lieu de regarder les objets d'art devient luimême le
centre et le sujet de la création, et la création consiste en des effets sensoriels diri­gés dans
un espace cosmique fermé."

D'Apollon à Dionysos
Les Acid Party, la Dream Machine de Brion Gysin et le psychédélisme en général ont
incarné cet art total de percussion de tous les sens par le synchronisme lumière/son, les
vibrations sonores entrant dans le corps, les drogues popularisant les recherches musicalistes et
cinétiques antérieures. A l'expression d'une âme collective se substitue le battement (the beat) qui
est à la base du rock et qui devient l'agent symbolique d'une communi­cation non-verbale, d'un
orgasme collectif.

Cette sortie de soi de la post-beat génération peut être vue comme la forme mécaniste ou techno
du spiritualisme. Etre synchro revient à être à l'unisson avec le monde. Or ce monde est désormais
vécu comme l'ère de la lumière artificielle14 , de la violence, voire du chaos. Dans son film Rock, my
Religion {1984), Dan Graham perçoit bien ce phénomène d'aspira­tion à la totalité par les voies
dionysiaques d'aujourd'hui, au détriment de l'ordre apollinien, fondement de l'esthétique de la
machine.

La Seconde Guerre mondiale est à l'origine de ce renversement des valeurs : l'ordre et la


technologie poussés à leur paroxysme s'avérent être les agents morbides du totalitarisme,
de la "Solution finale", d'Hiroshima et de Nagasaki.
L'art élitiste poursuit la course technologique dans des directions opposées et ambiva­
lentes de fascination/répulsion.

Au-delà du formalisme
Le formalisme rétinien du cinéma abstrait se prolonge dans les films expérimentaux
d'après-guerre et dans la vidéo, en poussant à l'extrême l'artificialité et l'abstraction.
Comme le note Virilio, avec Nam June Paik, Woody Vasulka, Douglas Trumbull, on passe du
cinéma mouvement au cinéma-vitesse : "Le cinéma, après la photo, c'était le passage du
non-mouvement au mouvement. La vidéo c'est le passage du mouvement au mouvement
du mouvement. La limite de la vitesse intéressante ici, c'est la limite de sensibilisation de la
conscience à l'image, autrement dit: le dépassement des 60 images/seconde 15 ."
Au-delà du formalisme, cette reconstruction d'un espace-temps artificiel est aussi une
tentative de contrôle de la conscience, comme l'attestent les images subliminales ou, avant
elles, l'art psychédélique recherchant l'hallucination optique (Ed Emshwiller). Enfin,
musiciens de formation, la plupart des expérimentateurs vidéo (Nam June Paik, Stephen Beck,
Steina Vasulka) et les créateurs de performances mixed-media (La Monte Young) ou de
cinéma élargi, partiront du signal son pour créer de nouvelles images synchroniques. Ainsi,
ils prolongent les rapports initiaux et privilégiés de la musique et de l'abstraction.
Bien que marginale, la résurgence du sacré sous sa forme techno et syncro existe aussi
dans la high culture. Les auteurs de projections lumineuses et de cinéma expérimental,
comme Charles Dockum, James Witney, Harry Smith, Harry BertoIa, sont imprégnés d'un spiri­
tualisme attaché à la quatrième dimension, aux philosophies orientales et à une interprétation
métaphysique des découvertes scientifiques. Le Tao de la Physique (1975) de F. Capra vul­
garisera cette vision holistique du monde.
Enfin, l'interactivité des produits multimédias (CD-ROM, COI, Viewing System et gant
numérique) et les images de synthèse révolutionnent le mode de production de l'imaginaire.
L'interactivité donne une extension matérielle au propos de Duchamp, "c'est le regardeur
qui fait le tableau", en projetant l'intervenant dans un monde virtuel. Les images de synthèse
font du mythe constructiviste de l'artiste/ingénieur une réalité. Ici, intelligence artificielle et
simulation de l'esprit se rejoignent pour constituer un nouveau défi progressiste qui fascine
bon nombre d'artistes (Jeffrey Shaw, Stelarc, Matt Mullican et les défenseurs de l'art fractal).
Mais au revers de cette face optimiste de la médaille moderniste, se profile sa décons­
truction et une renaissance hors des normes jusqu'ici appliquées

Déconstruction, reconstruction
Contrairement à l'avant-garde précédant la Seconde Guerre mondiale, pour qui la machine
était un instrument de construction d'une totalité supérieure exprimant les multiples facettes
du sensible et de l'esprit, beaucoup d'artistes contemporains se bornent à déconstruire le
réel. L'œuvre d'art est dite "ouverte", comme si elle n'était qu'un témoin archéologique du
présent, un prélèvement de l'esprit du temps dans un ensemble appréhendé comme non-
maîtrisable
et chaotique. "L'homme s'émiette, écrit Edgar Morin. Comme l'homme, le monde est
disloqué entre les sciences, émietté entre les disciplines, pulvérisé en informations16."
Fragmentation, brièveté, rapidité, gros plan, simultanéité, surimpression, robotisation du
corps deviennent les moyens d'exprimer la déréliction de l'homme et l'agressivité de son
environnement technologique. Au rythme du montage ordonné selon les contrastes de
formes, les lignes de force et l'intensité de lumière, se substitue le plus souvent le brouillage
accéléré d'une consommation imposée d'images médiatiques. Les exemples sont nom­
breux, que l'on songe aux vidéos de Gorewitz ou de Joël Hubaut, aux spectacles de Laurie
Anderson et, avant eux, aux films de William Burroughs, Brian Gysin, Anthony Balch (The
Cut-ups et Towers Open Fire, 1964). Le procédé du cut-up, tant en littérature, en peinture
qu'au cinéma, est symbolique de cette approche. Issu du collage et de la fragmentation
dadaïste, il déconstruit la logique et tente de faire émerger du hasard et du chaos, par un
montage purement mathématique, un sens nouveau. Ces artistes entendent ainsi lutter
contre la dictature du langage et de l'information considérées comme un virus.
Les clips musicaux, l'advocacy television et une bonne moitié de l'art vidéo des années
quatre-vingt adoptent l'esthétique de la machine pour mieux faire passer un contenu sub­
versif: critique des feuilletons télévisés (Kojak, Wonder Woman de Dara Birbaum), du stress
moderne (Deadline) uu du marketing politique (The Perfect Leader de Max Almy). "Je dois
penser en formes simples, efficaces, rapides, résume Pier Marton, afin de combattre le
message publicitaire." Ces œuvres sont enfermées dans· un séduisant paradoxe - à l'image
de la complexité contemporaine -, à savoir que le médium comme message contredit le
propos subversif.
Aussi n'est-ce pas un hasard si les œuvres de Bill Viola, Marina Abramovic et Ulay, Dan
Reeves, Gary Hill tentent de reconstituer la vision holistique perdue, en adoptant une esthé­
tique contraire. Surimpression, fondu enchaîné, flou, effets de traces, changements d'éclai­
rage et d'angle de prise de vue, montage dans une continuité linéaire subjective se focali­
sent sur l'imperceptible, le fugitif, dans une durée lente. A l'aide du métissage des cultures
et de la philosophie orientale, ces artistes cherchent à saisir la partie comme tout et non
comme fragment et l'infime est conçu comme une entité quasi holographique. On peut pen­
ser avec Vinlio que la lenteur, considérée comme "accélération négative", est aussi du cinéma­
vitesse. Si la lenteur de Bob Wilson ou parfois de Godard peut dénoter l'absence et l'absurde.
l'adoption d'un tel rythme correspond le plus souvent à une nouvelle sensibilité "écologique"
(réévaluation du vivant, du corps, des cinq sens, de la nature) où la machine n'est plus ni
dieu, ni démon, mais redevient un instrument sophistiqué de connaissance.

N'en déplaise aux critiques post-modernes, l'esthétique de la machine a apporté une


dynamique inestimable dans la création artistique. Sa capacité d'auto-déconstruction attes­
te encore aujourd'hui de sa vitalité et, sur ces cendres, on peut espérer une renaissance.
De la destruction de cette esthétique surgira peut-être une vision plus riche du réel et de la
dimension bio-anthropo-sociale de l'être humain, dont les machines et l'ordinateur seront les
indispensables outils. A l'inverse, si le mythe de la machine est remplacé par celui de l'ordi­
nateur sans conscience ni distance, nous dirons tous en chœur: "Bonjour monsieur Orwell."
Or, quitte à "voyager dans le temps, il vaudrait mieux que le temps soit beau 17 ."
CATHERINE
;'What a blow that phantom gave me" 1
Je ne vois rien. Une voix me demande de lever ma main gantée. Vac1/lant
RICHARDS devant mot, le dessin d'une main flottant librement. "Serre le poing·•. J'obéis. Le
dessin attend. :serre te poing. "Maintenant, tends l'index. le majeur.. /'annu/a,re...
/'auriculaire. et enfin le pouce • Je m'exécute, le dessin suit "Le format semble
bon." Ma main virtuelle est prête.

CORPS VIRTUELS La réalité virtuelle paraît extrêmement lourde de


significations. Elle représente une constellation technologique
d'idées -pleine de contradictions et dilemmes nombreux. L'une
des questions les plus aiguës que soulève la réalité virtuelle
concerne le traitement contradictoire du corps. D'un côté, en tant
qu'ex­périence idéalisée, désincarnée, elle promet
implicitement la toute-puissance. De l'autre, le corps réel lui-même
est presque dépossédé sur le plan sensoriel. soumis comme il
pourrait l'être à quelque expérimentation médicale.
Virtuellement, je vole telle une superwoman, je traverse des
murs sans dommage, je me réduis à l'échelle d'une structure
moléculaire, j'agrippe des mondes et les modifie selon mon
point de vue, pourtant ma chair est prisonnière et mes sens sont
aveugles. Cette reconstruction de la dichotomie entre l'esprit et
le corps est stupéfiante, pour ne pas dire plus, même si ladite
dichotomie constitue un paradigme périmé pour la science et
démodé dans les cercles médicaux conventionnels.
Comme le diraient nombre de ses défenseurs, la réalité virtuel­
le laisse espérer une liberté qui n'aura pour limites que celles de
nos imaginations et, de surcroît, le sensorium artificiel que nous
pouvons nous fabriquer sera plus satisfaisant que ne le sont nos
relations avec le monde réel. Un spectateur (participant) a la
p_romesse d'accéder à la maîtrise d'un monde de création (ou de
destruction, comme on le vit avec la couverture médiatique de la
guerre du Golfe), d'un royaume de la pensée - apparemment
abstrait, calme, propre et sans effusion de sang, idéaliste, pur,
faisant peut-être partie de l'esprit. un royaume enfin qui laisse à
distance le malpropre et pénible corps, le monde matériel déla­
bré. Loin, cE?pendant, d'être dépassée, la chair constitue le terrain
essentiel de la réalité virtuelle. Elle est le terrain de fictions maté­
rialisées, des fictions qui sont les projections de notre subjectivité
-comment nous savons ce que nous sommes.
Comment le corps est-il appréhendé ?
A ce stade de développement technologique, ce qui me séduit
dans la réalité virtuelle, c'est la manière dont ses entrailles pendent
sans contrainte. Si elle veut faire le tracé du corps, elle le fait aussi simplement que possible.
On installe un capteur, relié par un câble à l'ordinateur. Je mets un casque ou des lunettes et
la machine suit les mouvements de ma tête. Si j'enfile un gant, elle décrypte les mouvements
élémentaires de ma main. Et évidemment, si Je porte une combinaison, elle interprétera
d autant mieux le mouvement C'est une visualisation manifeste de la relation être
humain/machine, trop évidente sinon à des niveaux élémentaires de développement. D'ores
et déjà, des tentatives ont été faites pour rendre de tels processus aussi invisibles que
possible. Ainsi, une chambre spéciale a été construite pour pouvoir suivre un corps
portant un chapeau particulier. Mais peu importe le degré d'imperceptibilité atteint, nous
portons tou jours, de fait, ces gants, ces combinaisons et ces chapeaux. Ce sont des
couches intimes qui observent en permanence

Mon corps est une source de données.

Voyons un instant à quel type de corps s'applique ur:ie telle lecture. Il s'agit du corps d'un
assistant comparable, à tout le moins, à un centre nerveux, à un conducteur de signaux
C'est un nœud à partir duquel des impulsions peuvent être traduites, réinterprétées, orien­
tées telles des signaux sur une ligne téléphonique et représentées sous n'importe quelle
forme - son, image, mouvement, action. Par bien des aspects, la lecture est assez similaire
aux méthodes médicales courantes de contrôle des s1çJnes vitaux par exemple. A la
différence que les signaux émis par le corps sont collectés non pas simplement pour être
ana­lysés, mais pour être employés en tant que source numérique déclenchant des
événements dans le monde virtuel.

A bien des égards, le corps, en tant que phénomène d'information universellement codé,
est trop familier pour qu'on y prenne garde Ceci est endémique dans notre culture et nous
en avons de nombreuses illustrations, parmi lesquelles la recherche en cours sur le
Génome humain qui s'efforce de cataloguer le code génétique. Il est instructif de
considérer ceci comme une métaphore moderne du corps. Bien que nombre de
combinaisons d'idées et de pratiques complémentaires, à travers toute la société
occidentale, aient cultivé cette puissante représentation du corps, je voudrais m'arrêter à
une période particulière de manière à mettre en valeur ce modèle des sens.

L'historien d'art Jonathan Crary 2 a étudié la rupture radicale survenue au milieu du x1xe
siècle, entre les conceptions classique et moderne du rapport observateur/corps. A mon
sens, dans la représentation moderne du corps, on peut trouver quelques-unes des
prémisses de la réalité virtuelle - le rêve consistant à percevoir et à isoler tous les sens.
Crary prétend que le statut de l'observateur a été transformé dans la première moitié du x1xe,
avec l'effondrement des modèles traditionnels de la vision. Le modèle classique de la vision
était conditionné par les optiques géométriques, une relation 117corporelle entre le sujet et
l’objet de la perception, un processus externe entrepris par un individu avec des limites
claires entre intérieur et extérieur, sujet et objet, au sein d'un espace stable Pour
l'observation moderne transformée, la vision est devenue un processus corporel et elle est
conditionnée
par des optiques physiologiques . L'observateur a été repositionné sur un terrain sans
démarcation, où la distinction entre sensation interne et source externe a été irrémédiable-
ment gommée.
La clé de cette transformation est le travail entrepris par le scientifique Helmholtz au
rrnl1eu du XIX8 siècle. Helmholtz a comparé le système nerveux humain à un réseau
télégraohiqtJe qui, indépendant de tout stimulus ou de tout dispositif, répond en tous
points de la même manière. Il s'est montré catégorique quant à la capacité du corps
d'établir des connections multiples avec d'autres agents - humains ou mécaniques.
Pour lui, l'obser­vateur était un conducteur neutre, une sorte de poste de relais parmi
d'autres, assurant des conditions optima de circulation et d'échange. Ceci a posé les
fondements de l'image d'un corps auquel il était possible de se connecter.
Si l'on revient à aujourd'hui, on peut voir des élaborations et des extensions logiques à
cette convaincante représentation Si le cerveau est un ordinateur et la colonne vertébrale
un câble coaxial3, comme l'ont suggéré certains scientifiques tel Marvin Minsky, on peut
élargir la représentation du système nerveux à celle d'un réseau d'information. Ainsi,
renonçant à la perspective diois-neuvièmiste selon laquelle le corps est un organisme
autonome, le corps ne peut plus désormais être dissocié de l'information qui lui est
nécessaire pour fonc­tionner. En conséquence, il est illogique de l'envisager séparément
de son environnement, de le maintenir, comme on le faisait, dans l'ignorance.

Trouver le meilleur moyen de se connecter au corps, évidemment par l'intermédiaire du


système nerveux, devient aujourd'hui l'objet de spéculations technologiques conditionnées
par des images métaphoriques du corps. La combinaison employée en réalité virtuelle
produit des images saisissantes, mais c'est un outil très peu approprié pour collecter
des données corporelles. Et elle est encore plus inefficace lorsqu'il s'agit de réintroduire
des données dans le corps. Minsky, professeur au Massachussets lnstitute of
Technology (MIT)
dont il est cofondateur du laboratoire d'intelligence. artificielle, a envisagé l'implantation d'un
micro-ordinateur dans le cerveau de manière à améliorer la circulation interne et externe de
signaux entre le corps et des environnements virtuels. Bien que ce concept soit relativement
original pour la population civile, il a été étudié par l'armée de l'air comme moyen technique
permettant d'augmenter le temps de réaction des pilotes. Le projet de Minsky suppose aussi
l'implication du corps médical. En Californie, depuis plusieurs années maintenant, un
chirurgien a introduit dans des mains endommagées de petites "chips" destinées à conduire la
repousse des nerfs. Il est donc en mesure de les relier aux nerfs existants. Minsky prévoit la
découverte, d'ici trente ou quarante ans, du moyen d'intervenir directement sur les nerfs4. Il
voit là une évolution décisive, non seulement pour les individus, mais pour l'humanité : "On
peut fabriquer des mondes intelligents. Le problème, en ce qui concerne le monde dans
lequel nous sommes, est qu'il ne se soucie pas des êtres humains et qu'il ne prend pas à
cœur nos intérêts "
L'image s'est développée au point que le corps digital fait désormais partie de la
conception évolutionr;iiste, selon laquelle tous les corps doivent s'améliorer en tant
qu'espèce ou disparaître. A l'évidence, quelque chose va mal pour nos vieux corps.
vraiment très mal et
contre cela, nous ne pouvons pas lutter. Est-ce parce que nous sommes dépassés par nos
machines ? Est-ce parce que nous sommes mortels ? Est-ce parce que le monde nous
apparaît imparfait ? Est-ce parce que nous avons rendu le monde imparfait ? En tout cas, nos
corps ne font pas que s'améliorer, ils évoluent. Ils évoluent en se branchant à de puissantes
machines, en ressemblant de manière toujours plus évidente aux organismes cybernétiques
que nous sommes désormais, ainsi que George Grant l'a traduit de façon si imagée, moitié
métal, moitié chair, bien que nos machines soient en silicone, faite de lumière solaire6. Grant a
une· conception qui diverge de la position de Minsky en ce qu'il attire l'attention, une fois
encore, sur la puissante impulsion d'une image et fait référence à sa propre théorie sur
l'implication politique de celle-ci : "Les hommes modernes ont été extrêmement violents dans
leur commerce avec les autres hommes (sic) et avec les autres êtres. L'idéologie libérale ne
nous prépare pas à cette violence, en ce qu'elle identifie la techno­logie à l'évolution, et
qu'elle identifie cette évolution à un mouvement de la course à une moralité de plus en plus
élevée"

Mais revenons à l'analyse que fait Minsky de cette image puisqu'il y ajoute un nouveau
développement particulièrement intéressant pour les artistes. Nous devrions "aller au-delà
de ces instruments de la réalité virtuelle, dit-il, et implanter dans le cerveau un petit ordina­
teur à partir duquel nous pourrions envoyer et recevoir des signaux, ce qui nous permettrait
d'élargir notre propre zone d'influence afin que des signaux émis à l'intérieur de nous puis­
sent produire des effets dans le monde extérieur." La conséquence, entrevoit-il, est que
"peut-être, la plupart d'entre nous qui ne sommes pas des artistes pourraient l'être si nous
pouvions exprimer nos désirs subconscients 8 "

Relier l'artiste au développement de la science et de la technologie n'est pas nouveau.


Dans le domaine spécifique dont je traite ici, autrement dit celui des images numériques et
de la réalité virtuelle, la relation a eu une ambiguïté singulière qui est parfois difficile à préci­
ser. La communauté scientifique et technologique a abondamment incité les artistes à
exploiter ces puissants outils de manipulation d'images, en les employant pour créer des
œuvres vivantes qui se rapprochent de l'être humain de manière difficilement formulable.
Les artistes, pour la plupart, sont tout à fait disposés à tenter l'expérience. Mais dans ce
domaine des techniques, la relation est compliquée par la simulation des créateurs
d'images humains. En ce sens, les artistes ne sont que les experts d'une connaissance de
la représentation rapidement assimilée et reproduite. La mécanisation des compétences
artistiques en matière de représentation, compétences jusqu'ici totalement non-mécanisées,
est en train de se mettre en place à un rythme rapide.

Mais ce n'est pas à ce type de relations que Minsky fait allusion. Je pense qu'il défend la
position de l'artiste comme l'un des stades ultimes à atteindre, stade que ce corps évolué ren­
drait possible. Cependant. pour définir le terme d'artiste, je pense qu'il est plus utile de réflé­
chir ici aux nuances qu'il recouvre dans la culture contemporaine - une image qui reste ali­
mentée par des idéaux du XIX8, tels ceux de liberté, de créativité et d'individualisme. Il donne
l'image d'un individu qui agit directement sur son environnement tout en restant indépendant
dudit environnement, qui façonne à dessein cet environnement en un objet-signifiant.
Minsky accorde implicitement au scientifique le rôle d'un créateur ultime, créateur de l'état
être artiste, créateur d'un créateur, l'artiste cybernétique.

Il est difficile, à mon sens. de concilier cette image de l'artiste/machine -en tant que personne
définitivement maîtrisée et indépendante - avE3C celle du corps lisible et dispersé sur
laquelle elle est basée. Ce corps -est intimement connecté en· tous points, il fonctionne dans
un univers où la liberté de créer des mondes nouveaux suppose une Ci1Uantité équivalente
d'étroite surveillance. C'est une entité connectée au point d'en devenir indissociable de son
environnement, au point de rendre contestable toute, notion d'identité corporelle en rapport
avec une acception du moi.

C'est exactement cette contestation des notions conventionnelles du moi qui me sembla
la plus provocante lorsqu'en 1985, on commença à l'introduire dans la réalité virtuelle. Il
s'agissait là, me semblait-il, d'une technologie qui ouvrait un territoire pour l'exploration du
corps, entité, à défaut de pouvoir le qualifier autrement, qu'on ne pouvait plus désormais
définir comme autonome. Dans la dynamique mêrne de son 1nterface technologique et
numaine, elle suscitait une notion de subjectivité qui n'avait guère à voir avec l'image
derm,tes et qui se rapprochait peut-être davantage d'une écologie des intensités ou des
envi­ronnements fluctuants d'entités interdépendantes

Ce que je découvris là, c'était un terrain d'expérimentation pour des projets relatifs à la
nouvelle biologie. aux débats post-moderne et féministe, ainsi qu'à l'invention d'images
dans lesquelles, plus qu'ailleurs, le corps serait un seuil dans un continuum plutôt qu'une
mo1t1é de la dualité esprit/corps. La recherche visant à redessiner des subjectivités
féminines semblait dès lors pouvoir investir une conception de la subjectivité dispersée au
sein d'un tissu de relations, d'un réseau d’interconnexions - artificiel, abstrait et en même
temps parfaitement concret, opératoire 9_

Les recherches scientifiques et technologiques ne vont pas nécessairement à l'encontre


de ces efforts. En pratique, aucune n'est rigoureusement rationaliste, toutes prennent en
compte l'activité onirique, l'inconscient et l'imagination. Minsky rêve que nous atteindrons,
grâce à la réalité virtuelle, un degré suprême de créativité. Tout en postulant une entité
cybernétique, il éprouve de la nostalgie à l'égard de la claire autonomie de l'être singulier,
indépendant, volontaire.

La réalité virtuelle, dans toute sa virtualité et sa simulation, demeure, ironiquement, une


réalité matérielle, un tissu de relations technologiquement structuré. Dans sa dynamique,
dans ses intersections, je vois quant à moi la possibilité de reconfigurer d'autres figures
fictionnelles.

Ce texte paru en anglais dans le livret Angles of Incidence. Video Heflections of Multimedia Artworks (dirigé par Sara
J1amond) est publié 1c1 avec l'aimable autorisation du Banff Centre for the Arts (Alberta, Canada).
ANNE-MARIE DUGUET Que l'interactivité fasse l'objet d'une promotion étonnante sur
la scène médiatique actuelle est certes lié au développement
technologique et aux intérêts économiques que celui-ci permet
de relancer. Principe qui fonde les hyper- et multimédias ainsi
À PROPOS DE QUELQUES que les "réalités virtuelles", il concerne autant le processus de la
création que la pratique du spectateur, et devient quasi
IMPLICATIONS incontournable aujourd’hui dans les domaines de la science,
de la pédagogie, de la culture ou du divertissement.
ARTISTIQUES Tout en s'interrogeant sur ce qui est aussi un nouvel avatar
de la participation, avec son train d'illusions et de démagogies,
DE L'INTERACTIVI TÉ force est de constater que le champ artistique croise ici les
données d'une de ses préoccupations fondamentales : celle dµ
spectateur et de ses relations à l'œuvre, deux notions qui sont
largement remises en cause et repensées depuis quelques
décades. De telles relations ont été diversement formulées au
cours de l'histoire des arts et. qu'il s'agisse du théâtre antique
ou de la peinture de la Renaissance, la place et le point de vue
assignés au spectateur sont, de tait, des enjeux majeurs de la
représentation.

Ce qui se joue dans les pratiques artistiques depuis le milieu


de ce siècle et n'a cessé de s'affirmer est la manifestation
insistante de cette relation et de ses implications idéologiques
et psychiques. Mise en scène de diverses manières; elle devient le
propos même de quelques ,œuvres autoréflexives des années
soixante/soixante-dix.
Protestan t contre l'importance exorbitante accordée à
l'auteur - "On cherche à établir ce que l'auteur a voulu dire et
nullement ce que le lecteur entend1" -, Roland Barthes
revendique un lecteur qui ne soit plus consommateur mais
"produc­teur du Texte". Dans toutes les formes d'art de cette
époque se joue le double procès de l'éclatement de l'œuvre et
d'une impli­cation plus active du spectateur. C'est précisément
parce que la belle unité organique de la première est
ébranlée que le second peut y évoluer, assumer un rôle qui ne
le relègue plus dans une position d'extériorité, du seul côté de
la contempla­tion ou de l'interprétation. C'est parce qu'il y a du
jeu dans les rouages du texte, des écarts et des flottements, que
le lecteur ou le spectateur peut y jouer librement. Du côté de
l'œuvre s'imposent les notions de discontinuité, de
distribution, de combinatoire, de processus. A celui que l'on
désigne alors de plus en plus comme acteur ou opérateur, on
propose des promenades,
des investigations, une activité ludique2 qui deviendront "navigation" ou "buti nage" dans
tes projets interactifs actuels ...

Ce que l'interactivité présuppose avant tout est une mobilisation du spectateur, une attitude
qui se définisse par une volonté d'intervenir, d'entrer en relation avec une œuvre et, à tra­
vers elle, éventuellement avec d'autres personnes.
Le théâtre a toujours été une pratique d'interaction par excellence ou plutôt par définition.
Quelle que soit sa forme, par la convention qui l'instaure, il se fonde sur la complicité des
acteurs avec les spectateurs et celle des acteurs et des spectateurs entre eux, il n'existe
qu'à travers une suite de rétroactions. Le théâtre expérimental des années soixante/soixante­
dix s'empare de ce nécessaire rapport et l'exacerbe, le rejoue en repoussant et
transgres­sant une série de limites : celle de la salle et de la scène d'abord, par
l'éclatement des zones de jeu parmi le public et l'élaboration de divers dispositifs qui
l'environnent ou le traver­sent, ou encore par certaines techniques de prises à partie.
Les happenings ont tenté d'abolir l'ultime limite qui fonde la représentation, la distinction
même de l'acteur et du spec­tateur, de la réalité et de I? fiction, au profit d'un événement
à la création duquel tous les participants collaborent Approche que Fluxus, posant
l'équivalence de l'art et de la vie, va systématiser dans ses concerts et actions diverses.
Certaines performances développeront aussi cette proximité de l'artiste et du public dans
un même espace, et le sens d'une responsabilité partagée, en impliquant diversement
celui-cî dans des rituels, en l'incluant dans la représentation par des jeux de miroir ou le
feed-back électronique, ou encore en en faisant un "moteur" essentiel de l'action.

Le paramètre temporel qui s'introduit largement dans les œuvres des années soixante les
ouvre à la variation et au hasard, engage la relativité des perceptions,_exige désormais de
les explorer autrement. Ni sculptures, ni architectures (on les appellera par la suite instal­
lations ou environnements), les pièces réalisées par des artistes tels Robert Morris, Donald
Judd ou Richard Serra, ne se livrent qu'à partir d'une multiplicité de points de vue, dans la
durée d'une expérience qui implique à la fois un déplacement physique et une activité men­
tale d'association, de mémorisation. Elles se définissent avant tout comme un ensemble de
relations dont le spectateur devient un pôle essentiel et où sa perception est sollicitée de
manière nouvelle, mise à l'épreuve, parfois objet premier de l'expérience.
La plupart des œuvres de l'art cinétique de la même époque supposent l'intervention du
spectateur pour les activer, en révéler la structure, ou se prêtent à des manipulations et à des
ré-agencements d'éléments discrets. Elles ont par ailleurs largement contribué au
développement du concept d'environnement, d'espace polysensoriel, visant à produire
certains effets perceptifs et psychologiques par la couleur, la lumière et le mouvement.
L'œuvre réagit à la présence du visiteur,. à un geste, à la vitesse d'un déplacement, au son,
à la charge électrique du corps, tels les "champs d'interaction" de Piotr Kowalski ou les
"sculptures cybernétiques" de Tsai3. Le mode est celui du déclenchement, d'un rapport
direct de cause à effet.
Si la notion d'activité prend une telle importance, devient urgence dans les années
soixante, c'est aussi parce qu'elle est liée au mythe de· la passivité du spectateur devant
son écran de télévision, qui a pour corollaire ce lieu commun tout aussi répandu qu'être actif
c'est être mobile, c'est intervenir. L'activité se mesurerait à des manifestations physiques
perceptibles, aussi élémentaires soient-elles. Combien de fois n'a-t-on pas dit que le
zapping était le premier modèle de télévision interactive ?
La non-réciprocité de la parole que le système télévisuel impose, ses effets d'absorption et
d'acculturation ont nourri la réflexion et la critique de plusieurs artistes, en premier lieu des
pionniers de la vidéo. Vostell écrit en 1959 la partition d'un happening, Dé-collage TV pour
des millions, où il donne des instructions pour accomplir chez soi quelques actions absurdes
devant son récepteur4. Fred Forest annonce au téléspectateur qu'il le photographie et lui
propose de demander la photo à la station de télévisions, Douglas Davis l'invite à placer ses
mains contre les siennes (Austrian Tapes). Quant à Nam June Paik, il ironise sur l'idée de
participation dans Electronic Opera n° 1 ( 1968-69), en donnant au-spectateur des consignes du
type "Close your eyes, open your eyes, 3/4 open your eyes etc ... this is partici­pation TV" qui
accompagnent l'évolution de danseuses nues ou le portrait distordu de Nixon.

Certaines installations vidéo ont impliqué le spectateur dans des environnements com­
posés d'images multiples l'invitant à produire son propre montage, à son rythme, en com­
mençant par où il le désire, ou à associer des images et d'autres éléments comme autant
de collages dans un espace à parcourir, à composer mentalement. Le regard n'y a plus le
privilège de la perception et c'est le corps entier qui est mobilisé par l'œuvre, sollicité de
toutes parts.
Un autre niveau d'implication, autorisé par le direct électronique, est la saisie de l'image
du propre corps du visiteur, réinjectée dans l'œuvre en "temps réel", et parfois confrontée à
d'autres temps, d'autres lieux. Mais il s'agit généralement d'une image piégée, déceptive,
qui échappe. Elle participe d'une investigation critique sur la représentation et ses condi­tions
de possibilité, sur le rapport du corps à un espace et la conscience de soi-même à laquelle le
dispositif oblige, loin d'un "art de participation"

Interface ( 1972) de Peter Campus est une installation particulièrement intéressante à


confronter aux développements actuels de l'interactivité. Sur une grande vitre placée dans un
espace obscur, se reflète l'image du spectateur qui s'approche au centre de la pièce dans la
zone de lumière. S'y projette en même temps son image vidéo prise par une caméra placée
de l'autre côté de la vitre. Cette dernière devient ainsi à la fois miroir et écran. Si elle est le lieu
d'une coexistence entre deux représentations, elle n'est pas celui de leur coïncidence rendue
impossible par l'inversion du reflet que produit la vidéo. En outre l'image électronique semble
fuir vers l'arrière de la vitre et le reflet flotter vers l'avant, proposant un second ajustement à
tenter dans la profondeur, dans l'épaisseur du recouvrement. La vitre, espace duplice par
excellence, est ainsi l'interface, le lieu d'échange de deux autres espaces, dont la rencontre
problématique oblige à faire l'expérience étrange d'une dissociation de soi-même. Une telle
installation exige la présence d'un spectateur qui en révèle les enjeux par son activité, par
une investigation qui en est la condition même. Celui-ci ne modifie pas l'œuvre, il la joue.
Ce que certains artistes explorent dans les pratiques actuelles liées à l'informatique,
c'est­oréc1sément la question de l'interface, où se confrontent et s'intègrent des espaces
hétérogènes, des perceptions contradictoires, où le réel s'hybride avec le virtuel, où le corps
se branche sur la machine. Le terme peut désigner aussi bien les logiciels de navigation
dans un hypermédia que les multiples senseurs et prothèses donnant accès aux "réalités
virtuelles. L'interface est le concept même de certaines œuvres, comme peut l'être le
dispo­sitif pour une installation vidéo, c'est-à-dire un agencement particulier des paramètres
de la représentation qui détermine des positions du regard, suggère ou impose certains
compor1ements et logiques de cheminement, produit divers effets et sensations spécifiques,
suscite des investissements psychiques particuliers etc.
Michael Naimark, Jeffrey Shaw, Peter Weibel, parmi les pionniers de l'installation interactive,
avaient déjà exploré cette question avec la vidéo ou le film. Mais il ne s'agit plus tant des
conditions de projection dans la scène, que d'un espace et de modalités de négociation
entre des expériences, des termes et des mondes étrangers, d'un procès de transformation,
de traduction de données de diverses natures en langage intelligible pour l'ordinateur.
L'image n'est plus seulement relativisée, simple pôle d'un système, elle devient absolu­
ment dépendante de la décision et de l'action du spectateur qui la fait advenir par l'intermé­
diaire d'une interface dont le système, l'importance, la fonction et le statut, peuvent êtr.e très
différents selon les projets et pratiques.

Face à l'écran d'un hypermédia, le spectateur redevient le voyageur immobile du cinéma


ou de la lecture , renvoyé à un état de sous-motricité relatif, il clique, touche, presse. parle
pour sélectionner les données et organiser son évolution dans la scène. Une toute autre
expérience est celle de son immersion dans un univers de données auquel il accède
d'autant plus pleinement qu'il est coupé, en partie du moins, de la réalité physique dans
laquelle il se trouve. Mais le branchement sur le virtuel impose des contraintes, en particulier
celle du temps de calcul de l'ordinateur qui force le corps à une certaine lenteur, à adapter
son rythme et ses exigences aux possibilités de la machine.
L'interface choisie peut avoir des conséquences radicales telle que l'abolition du cadre
avec les lunettes de visualisation, annulant de ce fait la notion même d'image au profit de
celle de scène. Par ailleurs, la tendance à alléger les prothèses, à rendre imperceptibles les
capteurs qui connectent réel et virtuel, dérobe le procès d'interprétati on au profit d'une
impression d'action directe du corps devenu l'interface privilégiée, toute puissante. Le
spectateur se sent moins opérateur et davantage magicien. Ainsi le regard peut-il détruire
ce qu'il fixe et le fait de caresser une plante vivante engendrer la simulation de sa croissance
sur un écran 6.

Un nouveau type de performance, d"'art corporel" se trouve-t-il relancé par ces connexions
du corps avec les circuits électroniques et informatiques ? Ainsi Stelarc met-il en scène son
corps bardé de senseurs et de prothèses (en particulier un troisième bras artificiel) : sa
respiration, la tension de ses muscles, ses battements de cœur génèrent un certain nombre
d'effets el définissent les changements de plans des caméras qui le saisissent en direct.

Une approche radicalement opposée est celle d'Agnés Hegedüs qui a inventé une interface
originale pour Handsight (1992). Une boule, tel un gros globe oculaire doté d'un senseur, se
tient dans la main et doit être plongée dans une sphère en plexiglas transparente pour
explorer la base de données. Au-delà de l'esthétique et de l'ingéniosité du procédé, c'est la
relance de celui-ci dans un réseau subtil de -métaphores (l'œil dans la main) et de
paradoxes (l'investigation endoscopique d'une transparence) qui en fait tout l'intérêt; c'est
aussi la mise en résonance qu'il opère entre deux mémoires, deux espaces symboliques :
celui contenu dans une bouteille de verre, sorte d'ex-voto de la tradition populaire hongroise,
et celui qui lui fait face, l'image virtuelle projetée sur un écran circulaire et se référant aux
élé­ments de cette bouteille. Entre les deux, l'interface, emboîtement d'un globe dans l'autre,
ne livre aucune donnée directement perceptible au regard extérieur.

De telles œuvres situent l'enjeu de l'interface et du mode d'interactivité qu'elle implique


au-delà d'une question de comportement, de manipulation ou de perception. Certaines
remettent en perspective, par la citation et l'ironie, l'institution artistique autant que
l'entreprise du divertissement électronique, elles travaillent avec les concepts de
'découverte, de mémoire et de jeu, avec ce fait qu'une image numérique n'est jamais déjà
donnée, jamais définitive.
C'est aussi l'interactivité entre plusieurs personnes qui constitue l'enjeu des projets
d'artistes comme Brian Reffin Smith, Roy Ascott ou Fred Forest. Ils en finissent avec le
problème de l'esthétique de l'image (mais celui de son réalisme par exemple
s'est déplacé depuis longtemps du côté du réalisme des sensations éprouvées par
l'opérateur) pour res­saisir le dispositif dans une fonction de mise en relation, pour élaborer
des modes de circu­lation transversale, rhizomatique, et ceci à une toute autre
échelle avec les réseaux téléma­tiques.
Le désir d'images, la stimulation de la pulsion exploratoire restent encore des questions
face à des univers qui se donnent à transformer en permanence, où il manque du corps, de
la nuance, le trouble du double, l'action du temps sur les êtres et les choses, le sens de
l'histoire. C'est ce que les recherches de Michael Naimark ou de Kathleen Rogers visent à
retrouver en hybridant la saisie optique : photos, films, vidéos et des structures numériques
permettant de les parcourir. S'ouvre peut-être là aussi une voie féconde pour la création
d'œuvres interactives.
KAREN O'ROURKE s, l'on accorde que les systèmes symboliques sont des prodwts sociaux qw
prodursent le monde, qu'ils ne se contentent pas de refléter les rapports
sociaux mais qu''1/s contnbuent à les constituer, force est alors d'admettre que
l'on peut. dans certaines lim,tes, transformer le monde en transformant sa repré-
sentation.
ART, RÉSEAUX, L Wacquant 1

TÉLÉCOM MUN !CATIONS

Ils se disent artistes. Pour réaliser leurs œuvres, ils utilisent


fax. minitels ou micro-ordinateurs reliés en réseau. A part cela,
qu'ont-ils en commun ?
Pour la plupart d'entre eux, un point de ralliement, un credo :
la conviction que la communication construit le réel autant qu'elle
le décrit. Au-delà de ce consensus minimal, ils divergent. tant
par leurs pratiques que par leurs théories. Certains mettent en
scène la communication dans des performances ou des
installations éphémères. Il s'agit pour eux de créer des
événements où la présentation (même médiatisée) prime sur la
représentation. D'autres. au contraire, utilisent ces technologies
pour réali­ser ou pour diffuser des représentations (images,
textes, sons) au sein d'un réseau télématique. D'autres encore
cherchent plutôt à provoquer des situations de
communication entre per­sonnes éloignées, entre artistes et
publics dispersés. Un quatrième groupe s'emploie à construire
des dispositifs interactifs où le spectateur devenu utilisateur
communique avec une machine. Enfin, quelques-uns vont
jusqu'à créer des 171achines qui communiquent entre elles.

Cet art s'inscrit dans la tradition d'une interrogation


socI0cntique qui revendique pour l'artiste une responsabilité
intellec­tuelle et sociale, Il a derrière lui - déjà - toute une
préhistoire.
Pour une utilisation artistique du téléphone, il faut remonter aux
origines mêmes Alexander Graham Bell, dès 1879, employait son
invention pour transmettre la musique d'une scène de New York à
une maison de Yonkers. A Paris, en 1881, une salle pour­vue de
vingt récepteurs téléphoniques permettait à quatre mille personnes
par jour d'entendre quelques minutes d'œuvres trans­mises en
direct de l'Opéra2. Le téléphone s'est même mis à l'écoute de la
peinture lorsque Moholy-Nagy l'employa pour com­mander une
série de tableaux à un fabricant d'enseignes indus­trielles en
192:23.
Très tôt les artistes ont utilisé la radio en tant que nouvel espace acoustique
capable de susciter à distance des images mentales4: ainsi Walter Ruttmann (Week-
End, 1928, un documentaire sonore monté comme un film) ou Bertolt Bmcht et
Kurt Weill (Der Undberghflug Ozeanflug, cantate radiophonique, 1929). Les œuvres
des futuristes Pino Masnata et Filippo Marinetti ont été diffusées sur Radio Milano à
partir de 1933. En 1938, Orsan Welles a réalisé une version radiophonique de The
War of the Worlds (la Guerre des mondes) où, détournant les codes en vigueur pour
la radiodiffusion des informations en direct, les comédiens persuaderent nombre de
leurs auditeurs qu'un vaisseau spatial avait atterri à Grover's Mill, New Jersey.

Ces expériences avaient toutes en commun la transmission d'un message à sens


unique, soit pour faire exécuter l'œuvre d'un artiste. soit pour la diffuser à un
auditoire éloigné . Jamais leurs auteurs n’envisageaient de prendre l'écouteur pour
recevoir des informations en retour. Il fallut attendre 1951 pour entendre lmaginary
Landscape n°4 de John Cage, joué par douze radios réglées sur des fréquences
différentes. Il fallut l'exposition Art by Telephone organisée par le musée d'Art
contemporain de Chicago en 1969, pour voir plusieurs artistes construire des
dispositifs exploitant le potentiel interactif de ce medium : Robert Huot, par
example, proposait aux visiteurs de téléphoner, dans vingt-six villes, à vingt-six
hommes prenommés Arthur ("Art'') pour une conversation improvisée.

_es réseaux internationaux de Fluxus ont été à l' origine du mail art: Ray Johnson fonda la
• New York Correspondence School en 1963. D'autre part. certains peintres et
cinéastes comme Ben F. Laposky (dès 1952), Vera Molnar, Manfred Mohr, John et James
Whitney se sont tournés vers l'ordinateur pour mettre au point des programmes capables
de réaliser des séries combinatoires d'images, des "reproductions sans original", qu'on
allait pouvoir, avec le développement des modems, transmettre à distance.

Il y eut Mai 68. On Kawara envoyait des cartes postales: 1 got up (1968-69). Robert Barry
•réalisait" une Telepathic Piece (1969). Hans Haacke installait le téléscripteur d'une agence
de presse dans la Kunsthalle de Düsseldorf (Nachrichten, 1969). En juillet 1969, Seth
Siegelaub constituait l'art conceptuel lui-même en réseau lorsqu'il invitait "onze artistes
situés dans autant de lieux géographiquement différents à y réaliser un travail et à faire par­
venir le compte-rendu pour publication dans le catalogue-expositions.·•
Les années soixante-dix ont vu les artistes "sociologiques" parodier et parasiter les
réseaux constitués des mass média. En 1972, Fred Forest introduisait dans le Journal Le
Monde un espace blanc. Les pionniers de l'art vidéo 1·éalisaient des performances média­
tisées : dans C/a1m ( 1971), l'image sur un moniteur montrait en direct Vito Acconc1, les yeux
bandés, menaçant physiquement quiconque oserait franchir la porte qui le séparait du
public. On recherchait pour les livres d'artistes et autres "multiples" de nouveaux réseaux
de distribution, hors des circuits traditionnels du marché de l'art. Très tôt les artistes se sont
servis de télécopieurs. Stan VanDe1-Beek transmettait urn3 œuvre de Cambridge à Minneapolis.
C'était Panels for the Walls of the World (1970). A Chicago, Sonia Sheridan intervenait sur le
lecteur sonore pour modifier ses images. Les informaticiens fréquentaient les ingénieurs des
télécommunications. En 1976, Steve Wozniak et Steve Jobs ont commercialisé le premier
micro-ordinateur "convivial".
C'est vers la fin de cette décennie que des artistes comme Carl Loeffler, Sharon Grace,
Liza Bear et Willoughby Sharp (Two-Way Demo, 1977), Kit Galloway et Sherrie Rabinowitz
(Satellite Arts Project, 1977), Douglas Davis (The Last Nine Minutes, 1977) ou B111 Bartlett
(Sat-Tel-Comp Collaboratory, 1978) ont commencé à exploiter systématiquement les possi­
bilités interactives des télécommunications alors en plein essor. Leurs premiers projets, qui
faisaient appel à des équipements coûteux et à des liaisons par satellite, les obligeaient à
collaborer avec des ingénieurs et des scientifiques. Ainsi Satellite Arts Project, où deux
danseurs séparés par quatre mille kilomètres étaient réunis sur un écran en temps réel, a
été réalisé grâce au concours de la NASA. Le développement du fax, du télex et des
transmet­teurs à balayage lent (Slow-Scan}, ainsi que l'usage d'ordinateurs personnels
qu'on organi­sait en réseaux après les avoir reliés au téléphone, ont mis ces
technologies à la portée d'autres artistes intéressés par l'idée d'une collaboration à
distance.

C'était l'époque des grands projets éphémères comme Die Welt in 24 Stunden (Le Monde
en 24 heures), mis en œuvre par Robert Adrian pour Ars Electronica en 1982, ou La Plissure
du texte (conte de fées planétaire) proposé par Roy Ascott ·lors de l'exposition Electra en
1983. Par la suite, certains de ces artistes ont fondé des réseaux autonomes qu'ils
concevaient comme des "œuvres d'art en tant que systèmes organiques de
communication6" (Anna Couey ). Il s'agissait de structures plus ou moins permanentes,
plus ou moins ouvertes telles Artbox, lancé par Robert J�drian sur le réseau canadien I.P.
Sharp à partir de 1980, ou Art Corn Electronic Network (ACEN), fondé à San Francisco en
1986 par Carl Loeffler, Fred Truck et Anna Couey. L.'ACEN propose une revue mensuelle
(Art Cam Magazine) et une "galerie d'art électronique" où l'on peut consulter par
téléphone des œuvres comme The First Meeting of the Satie Society ( 1985-86), un hommage
au composi­teur conçu par John Cage, ou The Bac/ Information Base de Judy Malloy
(1987-88), une base de données réunissant des informations "mauvaises, fausses, sottes ou
susceptibles d'être mal interprétées". En France, les artistes ont été parmi les premiers à
employer les messageries vidéotex (minitel) pour réaliser des œuvres {Image la Vallée,
1987-88, de Jean­Claude Anglade) ou pour les diffuser (Vertiges, "roman interactif sur pages
écrans à options multiples7" de Jacques-Elie Chabert, 1984 }, ou même pour fonder des
revues (Art Accès de Frédéric Develay, 1984 ).

Il

Du fait qu'ils dépendent des technologies mises en œuvreB, les réseaux diffèrent entre
eux par leur genèse et leur fonctionneme11t temporel. On peut répartir les dispositifs en deux
groupes. Certains utilisent les modes de communication "de point à point" (téléphone, fax,
Slow-Scan, visiophone, etc.), d'autres mettent en œuvre des structures plus complexes
grâce aux réseaux d'ordinateurs qui proposent des services de messagerie et de courrier
électronique permettant l'échange de données entre de nombreux usagers. Les premiers
favorisent des manifestations éphémères, le plus souvent en temps réel. C'était le cas pour
Le Bras de fer transatlantique (1986) qui opposa Norman White à Paris et Doug Back à
ïoronto. Le second type de dispositifs, en introduisant la possibilité de décalage temporel,
oeut être le support de projets de plus longue durée, comm_e The Couey Virtual Museum of
Descriptions of Art (1990) d'Anna Couey. Mais jusqu'où peut-on aller dans la description? Il
peut arriver que l'œuvre soit inventée de toutes pièces par celui qui la décrit, à l'instar de Borgès
ou de Robert Morris qui, dans Artforum ( 1971 ), signait un article sur trois "Extra-visual Artists ".

Dans certains projets, le dispositif est plus important par sa structure que par les résultats
qu'il permet d'obtenir. Le rôle des participants est alors réduit par rapport à la prégnance du
dispositif : souvent, ils ne sont guère plus que des figurants. On pense ici aux badauds de
i\Jew York découvrant sur l'écran vidéo placé dans la vitrine d'un magasin les passants de
_os Angeles (et vice-versa) grâce à une liaison satellite (Hale in Space, 1980, de Kit Galloway
et Sherrie Rabinowitz9). Dans Connect de Gilbertto Prado {1991), c'est le rouleau de papier
fax qui, lors de son passage entre les télécopieurs récepteurs et émetteurs de chaque site,
décrit, de Paris à Pittsburgh et à Sâo Paulo, une boucle dans l'espace télématique.
Fred Forest, dans son Message planétaire (1991 ), va jusqu'à présenter un réseau ,sans
::orrespondants : un message on ne peut plus minimal, car il consiste à composer un numéro
•je suis là"), doit faire le tour de la terre par une cascade de répondeurs automatiques pour
actionner, à son retour, un robinet d'eau. Le Banquet télématique de Michel Suret-Canale et
1arie-Dominique Wicker (1992) surcharge les lignes téléphoniques d'informations de toutes
sortes (textes théoriques ou poétiques, photos, diagrammes, dessins), venues de toutes
::,arts pour converger sur un télécopieur seul, isolé derrière une vitre, inaccessible au public :
es nombreux "convives" ne peuvent communiquer ni avec lui, ni entre eux.

D'autres œuvres laissent davantage de place au dérou1ement de l'expérience, à l'imprévu,


-nais aussi à la forme et à la qualité des traces. Ici l'apport des participants est essentiel. En
exigeant d'eux un investissement plus grand, plus soutenu, ces projets dépendent aussi plus
etro1tement de leur contribution. Ainsi Aspects of Gaia, Digital Pathways Across the Whole
:=arth ( 1989) de Roy Ascott, juxtaposait des envois d'artistes européens, amérindiens et
aus­:raliens (comme, d'ailleurs, l'exposition parisienne Les Magiciens de la terre la même
année). :)ans City Portraits (1989-90) du groupe Art-Réseaux, des artistes situés dans dix
villes réparties sur trois continents utilisaient les documents faxés par leurs
correspondants pour construire le portrait de cités qu'ils n'avaient jamais vues 10.
ls Anyone There ? (1992) de Stephen Wilson s'est déroulé dans plusieurs quartiers de San
Francisco : un ordinateur composait le numéro d'un téléphone public et lorsqu'un passant
décrochait. il s'entretenait avec lui du sens de la vie et du rôle de l'art ; leur conversation était
enregistrée puis présentée sous forme d'installation, avec des images vidéo prises sur le site.
Dans Metaphora I et // (1991-92) de Liliane Terrier, "transports" et "chimères" servaient de
:Jdéclencheurs à une série d'échanges entre les membres d'un réseau parisien ; les
retouches successives d'images numériques étaient cataloguées dans un hypertexte
permettant à �haque pixel de conserver son histoire.
Patchwork (1992) d'Isabelle Millet rangeait dans les cases d'un mot croisé mural des
images faxées : chaque participant devait choisir la destination de son envoi en précisant les
coordonnées et les images ainsi accumulées. sédimentées, formaient un gigantesque
palimpseste. Dans ln Fest (1991-92), Christophe Le François proposait un moyen symbolique
de conjurer les miasmes de notre fin de siècle : les participants avaient pour mission de créer
des "virus artistiques" aux noms et aux actions spécifiques, pour infecter, puis pour désinfecter
voire immuniser les ''documents privés" des uns et des autres.

Dans la plupart de ces projets, on s'intéresse autant au processus qu'au contenu de


l'interaction. Ce qui importe, ce n'est pas seulement le corpus des images, des textes et des
sons échangés, mais la façon dont les envois des uns sollicitent, provoquent ou laissent
indifférents les autres qui, à leur tour, répliquent avec de nouvelles propositions, créant ainsi
ùne polyphonie complexe où le résultat est bien plus que la somme des parties.

Ill

Sur les réseaux, il est difficile d’adopter un point de vue extérieur. Dès qu'on s'arrête pour
�egarder, pour "naviguer" dans l'espace télématique, on se trouve quelque part sur le
réseau, flottant, dirait-on, dans le cyberspace, mais quelque part tout de même. Cette posi­tion
colore la façon dont on perçoit l'œuvre : Duchamp insistait sur la contribution du regardeur qui
devait "affiner" l'art "à l'état brut" livré par l'artiste. De loin en loin, on en arrive à évincer le
spectateur On est artiste ou on ne l'est pas.
Toutefois, cet espace ne peut servir de support à l'art que s'il se place dans le champ
artistique. Dans ce milieu, l'instance officielle de légitimisation est le musée, dont la mission
de conserver certains objets l'oblige à en écarter d'autres. Que faire alors des réseaux qui
proposent non pas un objet actuel (un tableau ou même 50 centimètres cube d'Air de Paris),
mais un objet virtuel. un art en puissance, potentiel, imprévisible?

En fait, les réseaux posent problème surtout dans la mesure où l'œuvre résiste aux défini­
tions qu'on voudrait lui attribuer. Selon quels critères l'apprécier? Les praticiens eux-mêmes
ne sont pas d'accord. L'art est-il dans les images, les textes ou les sons échangés ? Mais
ce ne sont que des traces d'autre chose. Est-il dans le dispositif mis en place par l'artiste ?
Certains projets prennent la forme d'un spectacle joué devant un public "à telle heure". Mais
qu'en est-il des réalisations plus expérimentales dont les résultats sont pour le moins impré­
visibles ? Des manifestations qui mélangent le direct et le différé, le temps réel de l'échange
immédiat et le temps plus long, plus élastique des messageries télématiques ? Doit-on por­ter
son attention sur la performance, l'interprétation d'une "partition" ? ou sur le réseau lui-
même? D'aucuns insistent sur sa morphologie • arborescence (organigramme ou distribu­tion
hiérarchique), cercle (jeu de télépt1one arabe) ou étoile (lorsqu'un nœud centralise les envois).
Mais ils confondent l'œuvre avec son auteur.
En réalité, ce sont de faux débats. Car, tout comme les ondes électromagnétiques qu'il
emprunte, l'art des réseaux est à la fois matière et énergie Il conjugue le minitel et le fax, le
direct et le différé, la présentation et la représentation, l'acte et la trace de cet acte, le pro­
cessus et le résultat. Le travail de l'artiste consiste à articuler ces différentes composantes
en un ensemble signifiant. C'est lui qui structure l'événement de façon à susciter des
inter­ventions significatives. Et comme il ne suffit pas de poser la bonne question. encore
faut-il penser à écouter la réponse. Les réseaux ne peuvent: fonctionner que si l'artiste
émetteur devient à son tour récepteur. Une façon d'être "à l'écoute" des images est de se
les appro­prier : en les critiquant, en les interprétrant, en les réemployant pour en
fabriquer d'autres, ou autre chose, en les renvoyant transformées.

Cette façon de multiplier les images produit une quantité considérable d'archives. C'est
pourquoi l'une des tâches essentielles des artistes qui s'intéressent aux traces de l'échange
est de mettre en forme ces matériaux. Beaucoup d'entre eux tendent aujourd'hui à prolon­
ger et à compléter les manifestations éphémères par la pratique de l'édition électronique.
Certains s'attachent, dès la conception d'un projet, à organiser les données reçues en
couches sédimentaires (/ayering), qui seront accessibles depuis de multiples points, pour
évoquer "plastiquement" la façon dont le cerveau traite les informations venues du monde
extérieur. Reconstitué en hypertexte lui-même diffusé sur un réseau électronique, l'échange
garde un peu de son caractère mouvant, car tous ceux qui à leur tour consulteront cette
base de données pourront contribuer à une expérience en perpétuel devenir.
DÉMOSTHÈNE Une géographie esthétique concernant l'eidos (genre) et le
topos (lieu) permettrait de dresser la carte des multiples points de
AGRAFIOTIS jonction qui existent d'une part entre image fixe (peinte,
photographiée), image mobile (cinématographique. électronique,
informatique). son, musique et texte (poétique, théorique,
usuel), d'autre part entre les lieux d'exposition, universités,
ÉQUIVALENCES OU bâtiments anciens, monuments historiques ... et espaces
extérieurs. Ces réseaux de relations semblent ressortir à des
ISOMORPHISMES tendances multiples et hétérogènes telles que la modernité,
l'expérimentation, le dépas­sement de l'innovation technologique,
voire la réalité virtuelle.

À PROPOS DES ARTICULATIONS


Quelles sont les logiques qui détermine nt ces Babel­
ENTRE PRATIQUES ARTISTIQUES Babylone ? Dans quelle mesure la notion de créativité n'est-elle
pas devenue un écran à l'arbitraire ? Les combinaisons de mots,
ET NOUVELLES TECHNOLOGIES de sons et d'images possèdent-elles des caractères propres à
produire du sens ? Sont-elles capables de susciter une pensée
et des interrogations chez le destinataire ? Parviennent-elles à
provoquer le jaillissement du plaisir ? De quelle conjoncture
soc10-cullurelle - à l'échelon international, national, régional,
local - sont-elles les symptômes ou les stimulateurs ?
On pourrait continuer à énumérer les questions. Quant aux
réponses, elles formeraient un répertoire parallèle de caractère
historique (transcription de chacune des combinaisons et des
conditions qui ont favorisé leur émergence), anthropologique
(l'image, le langage, la musique. le mouvement dans les sociétés
sans écriture ou dans celles qui, comme la tradition chinoise,
associent poésie, calligraphie et peinture), esthétique (traces,
gestuelles et substrats en tant que sources primordiales de pro­
duction de sens).

Nous nous situons ici dans une double perspective qui relève
d'une part de la modernité en tant qu'expérience "mûrie"
pendant près de deux siècles ( dont les artistes phares sont
Baudelaire et Mallarmé pour la poésie, Wagner pour la musique
et Cézanne pour la peinture), d'autre part du défi de la
techno-science contem­poraine.
La référence à la modernité menaçant d'être amalgamée
avec le débat superficiel qui a cours à propos du
post-moder­nisme, un minimum de précision s'impose quant à
l'emploi que nous faisons de ce terme. Etant entendu que le
"moderne" n'est
ni opposé, ni évalué en fonction du "contemporain" puisque ce qui nous préoccupe ici
consiste à cerner la spécificité de sa substance, une démarche artistique sera jugée "moder­
ne" à condition qu'elle réponde aux principes suivants
- la question centrale n'est pas "qu'est-ce que le beau ?" mais "qu'est-ce que l'art ?" ;
- la temporalité n'est pas envisagée uniquement dans la succession avant/après, mais
comme une conjonction du passé, du présent et du futur avec une priorité relative accordée
au futur;
- la quête de l'avenir ne se fait pas uniquement au nom de l'innovation, elle s'accompagne
d'une volonté de puiser aux sources primitives et primordiales
- au-delà de leurs limites, cette démarche devra intégrer le dépassement des genres et des
moyens d'expression artistique.
Pendant ses cent cinquante ans d'existence, la modernité a connu force expérimenta­
tions, annulations, fanatismes, surestimations, sous-estimations, évaluations. renversements,
ce qui l'autorise aujourd'hui à accéder à des approches plus sereines.
La techno-science a contribué efficacement à la production de technologies nouvelles
(informatique, robotique, communications) et de matériaux nouveaux, sons et images. Les
systèmes technologiques de pointe ne consistent pas seulement en un ensemble de compé­
tences, d'outils prolongeant le corps, d'appareils et de machines alimentés par diverses
sources d'énergies. Ils tendent également à devenir des dispositifs qui donnent corps à de
nouvelles réalités et revendiquent de ce fait le statut de langage ou de code capable d'inter­
ve111r sur le terrain socio-culturel. C'est pourquoi les technologies sont devenues porteuses
de bipolarités telles que continuité/discontinuité, mémoire/imaginaire, espace/temps, pos­
sible/impossible, interne/externe, proche/lointain.

Une pratique qui conjugue l'art et la technologie n'assure automatiquement nI sa recon­


naissance ni son acceptation en tant qu'œuvre d'art. D'aucuns restent donc indifférents ou
opposés à de telles pratiques. D'autres la voient comme une apocalypse, catastrophique ou
à l'inverse infiniment féconde. D'autres enfin partent de l'hypothèse fondamentale selon
laquelle l'art a toujours affaire avec des matériaux (couleurs, encres, papiers), des tech­
niques et des institutions et considèrent qu'en tant que tel, il ne peut que se confronter,
directement ou indirectement, aux nouvelles technologies. Pour les tenants de cette
conception, le problème peut être formulé ainsi : à partir de quel moment la combinaison
des pratiques socio-culturelles que sont les arts et les nouvelles technologies parvient-elle à
produire des œuvres d'art plutôt que des artefacts ? Existe-t-il des critères. des indices
capables de déterminer si de telles combinaisons relèvent ou non de l'esthétique ? Sans
prétendre couvrir l'intégralité de la problématique initiale, nous allons proposer quelques
'3Iéments de réponse.
Les premiers reposent sur la nature des relations qui s'opèrent au sein de ces initiatives
artistiques scientifico-technologiques. On peut distingue1' trois modes de relation et
d'articulation entre les différentes disciplines artistiques ou entre l'art et les nouvelles
technologies. Ces trois modes -analogie, homologie, isomorphisme -sont, à l'origine, des
catégories mathématiques.
1. L'analogie
Il y a analogie lorsque la relation d'équivalence biunivoque s'établit entre les différents
constituants d'une œuvre : entre des mots et des couleurs par exemple, ou entre des lettres
et des formes. Ainsi, lorsque Manthos Santorinéos ch1arche à évoquer la guerre dans sa
vidéo The News. Mutiny in Heaven. il a recours au poème de Nick Cave, Mutiny in Heaven,
tiré du recueil The King lnk. L'utilisation du poème lui permet de démontrer que les mass
média, sans pour autant la "représenter", créent une fiction de guerre qui se caractérise par
le spectaculaire, le sensationnel, mais aussi la méconnaissance de la souffrance et de
l'horreur. En déformant le visage de l'acteur quf lit le poème, il met en image une atteinte
à la dignité humaine due à la guerre. La vidéo se termine sur le geste désespéré d'une
hache détruisant un écran de télévision : la violence de cette action renvoie à la violence de
l'image qui renvoie à son tour à la violence de Cave et à la violence de la guerre.

2. L'homologie
Ici, l'équivalence biunivoque s'établit entre les fonctions des constituants de l'œuvre dans
sa portée globale. On trouve une relation d'homologie chez Mallarmé par exemple, dans la
signification du blanc de la page par rapport au silence, ou entre la place du mot au sein du
poème et la composition typographique de la page.
Autre exemple : traduisant la violence avec laquelle Arnulf Rainer intervient sur la
représentation photographique de son corps ou de son visage (Faces, Farces, 1990), Peter
Kubelka réalise un flux discontinu de photogrammes en noir et blanc. Cette construction
élimine toute représentation métaphorique et toute identification d'Arnulf Rainer. Elle permet
en revanche d'appréhender l'impact de sa démarche artistique, une démarche dans
laquelle le corps est un champ d'intervention, un matériau pour l'élaboration d'œuvres d'art.
Phantasmagories de Nikos fournit un autre exemple d'homologie. Cette œuvre qui est en
réalité un processus de production artistique met en évidence la relation qui existe entre le
support blanc de la peinture, celui de la photographie et l'écran blanc du cinéma.
Concrètement, un écran dissimule des objets ou des personnes ét les révèle en tant que
formes qui se superposent au moyen de jeux de lumière ; l'enregistrement photographique
ou vidéographique fixe ces ombres fuyantes. Ainsi l'icono-poïétique emprunte à la
représentation clas­sique et à la perspective tout autant qu'aux moyens tedmiques et
scientifiques de restitution optique de la réalité ; et simultanément, on assiste à des
métamorphoses de gestes et d'images.

3. L'isomorphisme
Il y a isomorphisme lorsque l'équivalence biunivoque s'établit non pas entre les consti­
tuants de l'œuvre, non pas entre leur fonction, mais entre les principes qui fondent la
substance des œuvres et son expressivité ou sa fonctionnalité globale.
La peinture moderne a l'ambition d'exister en tant que langage. L'image info-
graphique animée tend à devenir le véhicule privilégié de l'exploration de l'imaginaire dans
un monde dominé par la technologie et la globalisation ; elle revendique du même
coup la qualité
1cono-poïétique pour toute image produite dans les sociétés d'aujourd'hui et de demain.
Un travail comme celui de Maria Klonaris et Katerina Thomadaki constitue un champ où
s'affrontent images fixes, projections de transparences et images animées ; ce champ est
prétexte à démontrer comment une "thématique" peut soumettre à une épreuve mutuelle
toutes ses possibilités expressives (Puerta del Angel, Night Show for Angel, Théorème).
Notre œuvre 24, Pidéo Voésie est un autre champ de mise à l'épreuve de différents
moyens d'expression : elle a pour objet de découvrir comment la poésie peut devenir
musique. comment la peinture peut devenir écriture ou comment, à l'inverse, elle est écriture à
l'origine, comment l'image animée de la vidéo régit des mots, des images et des sons.
Dans les deux exemples qui précèdent - les œuvres de Klonaris/Thomadaki et celles
d'Agrafiotis -, le défi esthétique surgit de la mise à l'épreuve par une thématique transversale
(respectivement "l'ange" et la bipolarité écriture/image) des éléments constitutifs et des fon­
dements des moyens d'expression employés.

Les relations entre domaines artistiques ou entre art et technologie reposent donc sur le
trinôme isomorphisme/homologie/analogie tel que défini ci-dessus Il n'existe pas pour autant
de hiérarchie entre ces termes du point de vue de l'esthétique.
La nature des relations qui s'opèrent entre les genres n'est pas une condition suffisante
pour définir si leurs produits relèvent ou non du domaine de l'art A ce premier critère, décisif,
fondamental, s'en ajoutent trois autres.

Le deuxième critère consiste en ceci qu'une fois réalisée la combinaison, si l'on considère
chaque genre isolément du tissu de relations qui en résulte, il en sorte modifié, influencé par
son articulation avec les autres. Pour employer une métaphore, chaque genre devra incorpo­
rer des questions, des attentes, des possibilités nouvelles et s'en trouver profondément modi­
fié par rapport à son état initial.
Combiner la poésie à la vidéo ne se résume pas à substituer l'écran électronique au blanc
de la page, mais permet d'éprouver la poésie en tant que geste visuel et spatial. Si tel est le
cas, la combinaison pourra être considérée comme "esthétiquement légitime et productive",
d'autant plus que la qualité d'outil de la vidéo et que la linéarité de l'écriture auront été
dépassées.

La mise en relation des arts et des technologies ne doit pas faire perdre de vue l'hétéro­
généité des processus qui caractérisent ces deux "lieux" de la vie sociale. Ainsi, une déci­
sion relative aux nouvelles technologies et une proçiosition esthétique nouvelle se produisent
dans des lieux d\s\inc\s, selon des logiques e\ des orientations différentes. Plutôt que de
masquer ces disparités, l'articulation des processus artistiques et technologiques devrait au
contraire s'attacher à les mettre en valeur, à leur rendre une intensité maximale. L'artistique et
le technologique constituent des défis réciproques et équivalents, mais également de nature
différente. La réciprocité de ces défis et l'accentuation de l'hétérotopie sont donc un troisième
critère lorsque les nouvelles technologies interviennent dans la combinaison.
Dire qu'il a tou1ours existé un dialogue entre les arts est un lieu commun. La spécificité de l'art
moderne, c'est le fait que ce dialogue est devenu un champ d'exploration systématique. Cette
exploration tend à démontrer la limite des genres ainsi que la fragilité et l'arbitraire de l'entreprise
qu, consiste à les recomposer. Accepter tous les risques d'échec et l'incertitude inhérente à
cette entreprise de remodelage est le quatrième critère de la recomposition des genres.
Les quatre critères énoncés plus haut sont des coordonnées élémentaires pour l'étude
des "hybrides" inter-artistiques ou artistico-technologiques. Un ensemble de questions
(hétérogènes et résistant à la hiérarchisation) reste sous-1acent et menace la stabilité de
ces quatre critères
La recherche relative à la combinaison des genres est-elle le symptôme d'une approche
logocentrique de l'art? Le découpage en genres ne suppose-t-il pas une régularité logique?
et ne débouche-t-il pas sur un schéma de "clarté et de déviation" ? Enfin, des catégories
d'analyse pré-modernes ne sont-elles pas en train de réapparaître, menaçant la matérialité
immédiate de l'art?

Dans l'histoire, à chaque fois qu'une possibilité nouvelle, scientifique et technique, est
apparue dans le domaine de l'art - qu'il s'agisse de la photographie au début du x1xe siècle,
du cinéma au début du xxe, de la vidéo dans les années s01xante-dix ou de l'image de syn­
thèse à la fin du xxe siècle -, s'est posée la question de savoir si le "nouveau" devait être
évalué avec des grilles d'analyse anciennes ou selon les paramètres de l'innovation en
cause. Ce danger nous guette encore aujourd'hui. Autrement dit, abordons-nous l'articulation
de l'art à la technologie avec des notions suffisantes pour appréhender la nature du défi qui
est en jeu?

On entend fréquemment affirmer "la mort des idéologies'', "la perméabilité des frontières"
Ces théories peuvent-elles être transposées dans le domaine de l'art ? L'apport des nou­
velles technologies justifie-t-il que les mutations que subissent les pratiques artistiques se
produisent sans réflexion ni méthode?
Peut-être enfin, la comb1na1son des genres satisfait-elle le désir d'un système de réfé­
rences commun à toutes les pratiques sociales (artistique, cognitive, technologique) ? Ou au
contraire est-elle le reflet de la quête d'une cellule génératrice, d'un noyau matriciel qu'on
pourrait nommer "esprit humain", "nature" ou "créativité humaine", et qui se situerait au-delà
de toute référence sociale?
Une rupture dans un paradigme culturel est précédée par un
DOT TUER silence, un pénible silence dans lequel le discours se frag­
mente, des frontières se déplacent, le matériau social qui
soustend un contextE3 de réception se fracture. Le cinéma Super
8, comme moyen d'expression artistique et de vision collective,
EMPREINTES FRAGILES/ semble se trouv13r dans un semblable vide étrange. Les
difficultés croissantes pour acquérir des matières premières
LIEUX INTERMÉDIAIRES et la désintégration du réseau de diffusion et de distribution sont
les manifestations concrètes de la crise que connaît cet art Le
dia­gnostic de ces symptômes est moins tangible, plus obscur.
Tel un malade entre la vie et la mort qui, sous une tente à
RÉFLEXIONS oxygène, s'efforce d'interpréter les signes d'un battement de cœur,
l'artiste praticien en Super 8 est captif d'un cocon de
SUR LES TECHNOLOGIES celluloïd, il se débat afin de déchiffrer le crépitement des
câbles de télécommunication et le chuintement des
LÉGÈRES DE L'IMAGE transmissions par satellite, bruits blancs d'un feed-back
électronique, signaux d'un passé qui s'effiloche, d'un futur non
encore tissé.
Noyée sous la statique de la révolution de l'information,
l'image Super 8 semble fragile et ancienne, nostalgique et
dépassée. Le potentiel qu'ont ces images saturées de couleurs
et inondées de rêve d'exalter la dialectique entre illusion et
imagination recule à l'horizon comme un pâle mirage. L'attente
idéaliste d'une pratique culturelle qui romprait les structures
verti­cales d'un cinéma commercial, qui démystifierait la toile
dans laquelle s'enchevêtrent l'idéologie et la technique,
s'évapore telle l'eau dans la chaleur desséchante d'un désert.
Porteur de la vulnérabilité d'une pratique artistique dont la
dépendance à l'égard d'une technologie marchande a
simultanément en­gendré les promesses et élaboré la
disparition, le cinéma Super 8 en tant qu'art devient à la fois un
anachronisme à l'ère digitale et une clé pour une (autre)
conscience cinématographique.

Format spécifique du cinéma familial dans les années soixante-


dix, le Super B doit son héritage artistique à l'émergence d'un
mouvement de cinéma indépendant dans l'Amérique après-
guerre dans lequel la technologie légère de la caméra portable
Bolex 16 mm (initialement mise au point pour enregistrer la
Deuxième Guerre mondiale) était employée par les artistes dans
le cadre d'une recherche sur l'image filmique comme matériau
destiné à décomposer et recomposer les paramètres structu­
raux du temps et de l'espace cinématographiques. Comme
produit de consommation courante, le Super 8 offrait la
possibilité
de damer le pion à la fois à un modèle industriel et à l'austérité sensible du cinéma d'art, de
mettre littéralement tête en bas l'illustration de la réalité avec un médium si bon marché
qu'un chômeur pouvait faire un film, et une caméra si légère qu'on pouvait l'accrocher à une
canne à pêche ou la serrer contre son corps pour produire une synchronicité continue.
Avec une caméra Super 8 à la main, l'artiste devient un chroniqueur du quotidien, un
prestidigitateur de l'extraordinaire : il fait tournoyer l'illusion, il joue des tours à la
perception, il escamote une atmosphère carnavalesque, un kaléidoscope de mémoire.

Dans l'œuvre de la cinéaste québécoise Céline Baril, Barcelone, un mot de neuf lettres,
un film en neuf épisodes ( 1989). tourné en Super 8 et gonflé en 16 mm, la référence à l'artiste
comme magicien des images ponctue une médiation fantasque sur l'architecture du langage
et du regard cinématographiques. Divisé en neuf séquences-lettres, Barcelone donne à
l'artiste le rôle d'un visionnaire enjoué : ses entrées en scène dans le corps du film
orchestrent une rafale de calembours visuels et dirigent le flux d'un montage de temps et
d'espace. Analyste de ses propres fétiches, inventrice de son propre vocabulaire
cinématographique, Baril construit chaque épisode-lettre comme un glissement de la
représentation du langage à l'image. La lettre R pour Regard se déroule au travers de
l'eau que verse Baril dans des lunettes de tir fixées sur ses propres lunettes, puis est
coupée par une chute en cascade. Dans la lettre A comme up m the Air (du haut des
Airs), on la trouve enchâssée dans une lune en papier découpé. La lettre C comme Cinéma
la montre prise au piège dans un décor de film, de l'encre noire coulant de ses lunettes de
tir, avec en plans de coupe les pages feuilletées de fanzines consacrés aux stars des
débuts du cinéma, ou des métrages trouvés de Zéro de conduite.

Pour les lettres intermédiaires, des images oniriques de la cathédrale de Gaudi et des
personnages embrasés qui fuient se rencontrent. Des images en noir et blanc des rues de
Barcelone sont juxtaposantes avec des découpes en trou de serrure sur des scènes du
vieil Hollywood. Une vue aérienne découvre un site en démolition. Un Napoléon en
plastique envahit l'Espagne en 1808. Maîtresse de la caméra, maître du regard, Baril
grimpe méta­phoriquement dans le train des Lumière au cours des séquences d'ouverture
du film : elle construit une vue à vol d'oiseau sur un train plongeant d'un rail ferroviaire
accroché au flanc escarpé d'une montagne. Telle une voyeuse, une narratrice, elle
affronte activement les structures de la représentation: plutôt que d'en être spectatrice, elle
participe à l'événement que constitue l'arrivée en gare du train des Lumière. Pourtant,
tandis que Barcelone se déploie, il devient clair que son regard est déterminé non
seulement par les images qui l'ont précédée, non seulement par l'histoire du cinéma,
mais qu'il est également pris dans un réseau cybernétique de réception,

Il n'y a pas de séquence T comme Télévision parmi les neuf épisodes-lettres de


Barcelone, mais la télévision n'est pas pour autant absente de l'équation linguistique.
Chaque lettre écrite qui annonce un épisode de Barcelone est cadrée par une métaphore
visuelle de bruit blanc, un écran de télévision n'émettant aucun signal distinct, comme si
Baril "zappait" dans le vide fantomatique du feed-back électronique. Dans l'épisode C
comme Cinéma, une scène d'un film de John Wayne passe sur un écran de télévision
monté à l'avant d'un autobus, au-dessus de la tête du chauffeur, comme pour interrompre
l'action du regard avec une machine à image perpétuelle. Séparant ces références d'un
paysage sur lequel l'électronique gagne sans cesse du terrain, la façon dont Baril s'empare
du Super 8 inscrit le chuintement des transmissions par satellite dans l'architecture du
regard cinématographique. Repoussant au bord du cadre le spectre du réseau
cybernétique, elle bouleverse radicalement la pass1v1té de la condition post-moderne en
privilégiant l'imaginaire par rapport au filet de réception symbolique, grâce à son cinéma
bouleversé d'expression personnelle.

Avec la prolifération des technologies de vidéo légère qui visait, dès les années quatre­
vingt, à remplacer le Super 8 comme format familial, la vidéo serait apparue pour reproduire
le potentiel culturel qu'avait représenté le Super 8 : réaliser une promesse d'accessibilité,
une immédiateté d'expression personnelle Comme celles du Super 8. les origines de la
vidéo se situent dans un complexe militaro-industriel et son 17éritage artistique réside dans
l'appropriation du médium en tant qu'outil d'expression personnelle. Cependant, le contexte
de réception de ces deux médias est tout à fait différent : le Super 8 est déterminé d'une
part par l'histoire du cinéma d'art, de l'autre par le cinéma familial comme évocation de la
mémoire , la vidéo est intriquée au sein du terrain télévisuel en tant que flux unidirectionnel
de communication

Développée pour être employée à des fins de reconnaissance militaire aéroportée


pendant la guerre du Vietnam, la caméra vidéo portable a été détournée par des artistes
désireux d'explorer les qualités sculpturales du play-back instantané, d'inventer les
possibilités d'un système interactif entre le corps et la communication. Relié à l'idéologie
de la guérilla télévisuelle, l'art vidéo allait devenir la servante de Mac Luhan dans une
tentative d'épous­setage des toiles d'araignées poussiéreuses de la tradition muséale
afin de pénétrer les living-rooms de la nation. Des artistes se mirent à la vidéo afin de
combl�r les manques au sein du système de représentation dominant et de révéler les
mécanismes de manipulation et d'exploitation propres aux mass média. Investie par les
artistes comme terrain d'expéri­mentation et de différence, la technologie vidéo s'est
avérée plus habile à faire progresser les intérêts de l'industrie culturelle qu'à disloquer les
arènes institutionnelles de l'art et de la communication. Avec les vidéos rock, les artistes
vidéastes ont vu leurs innovations esthé­tiques récupérées en parfait formalisme
médiatique. La vidéo familiale en tant que jouet de consommation et la surveillance
publique en tant que protection des consommateurs sont devenus les pôles circulaires
du réseau cybernétique : sous-produits commerciaux d'une communication de masse et
d'un système de satellites militarisé.

Tandis que la statique de la révolution de l'information s'accroît en volume jusqu'à


atteindre des proportions mondiales, ce spectre du réseau cybernétique occupe de plus en
plus l'horizon digital, il pèse de plus en plus sur les structures de la représentation. Comme
un trou noir engloutissant à la fois l'image et sa réception, il menace d'avaler l'artiste tout
entier dans un labyrinthe électronique. Une fois pris dans ce labyrinthe, d'après le théoricien
Jean Baudrillard, il n'existe pas de théorie des médias appropriée pour rendre compte des
implications en spirale d'une technologie qui évolue à une vitesse d'accroissement qui va
au-delà de la conscience humaine. Présentant Mac Luhan comme un mystique social et
Marx comme un matérialiste idéaliste, Baudrillard estime que leurs positions, aux antipodes
l'une de l'autre, sont toutes deux incapables de rendre compte des paradoxes d'une
éco­nomie en voie de désintégration, d'une inflation pathologique de la consommation de
produits, de la prolifération d'une télévision qui enchaîne le spectateur dans une position
de réception passive où la trame rugueuse de l'expérience vécue et la fantasmagorie
édulcorée de la simulation sont inextricablement enchevêtrées au travers du système
médiatique.

C'est dans cette cosmologie technologique où se heurtent l'humain et la machine, où


s'estompent les frontières entre le réel et le simulé, que Sadie Benning, artiste vidéaste
amé­ricaine, pénètre avec un Jouet pour enfants, une caméra vidéo Fischer Price.
Contrastant avec le Barcelone de Bani, ce n'est pas l'architecture d'un imaginaire
cinématographique qui élabore un contexte pour la réception de ses vidéos du début des
années quatre-vingt-dix, mais le croisement de la vidéo avec les autoroutes électroniques
du village mondial où les couches successives de transmissions décomposent et
recomposent les paramètres structuraux de la représentation. Là où Baril cherche, avec le
Super 8, à mettre sens dessus dessous la condition post-moderne, Benn1ng choisit de la
retourner sur elle-même avec sa caméra vidéo Fischer Price : elle clame "je suis née ici",
comme pour dire qu'elle est née à l'intérieur du dédale électronique, à l'intérieur de la
télévision, à l'intérieur d'une imitation claustrophobe et enfantine de la réalité

Dans l'univers de transmissions par satellite et de bruits blancs de Benning, ce n'est pas
la présence positive du corps, mais son empreinte négative qui dessine la carte des
relations entre l'artiste et la technologie, entre le genre et l'identité. De ses yeux qui
fixent le spectateur depuis l'intérieur du minuscule cadre distordu, lequel est à son tour
imbriqué dans le cadre plus vaste de l'écran de télévision, Benning s'adresse au
spectateur comme si elle lui tendait un miroir à sens unique, elle parle de ses désirs à tous
et à aucun des huit cents millions de récepteurs qui forment la trame du réseau
cybernétique. Telle une mystique médiévale à qui son confesseur ordonne de se
remémorer ses visions, non comme un acte d'auto-représentation, mais comme une
exégèse collective d'un désir social de fusion, Benning devient un médium au travers
duquel un (autre) discours émerge. Pris dans une infrastructure de simulation, ses gestes
suscitent une forte sensation de prise au piège et ses paroles annoncent la résistance à
sa propre absence en tant que lesbienne au sein du système médiatique. Démêlant la
trame rugueuse de l'expérience humaine de la fantasma­gorie édulcorée de la simulation,
elle matérialise le corps au sein de la technologie au tra­vers du plaidoyer pour un corps
politique

Si Benning considère la chimère de l'auto-représentation comme une dissolution du


regard, en tournant celui-ci vers l'intérieur comme sujet de médiation et vers l'extérieur pour
braver cette médiation, l'artiste vidéaste canadienne Kate Thomas braque l'œil de la caméra
sur son propre corps de manière à reconfigurer la relation entre l'artiste et la technologie en
un enlacement simultané du moi et de la médiation. Montage alterné d'images de son
propre torse nu et de photographies prises par l'artiste Francesca Woodman peu avant son
suicide à un âge précoce, l'étreinte du moi à laquelle procède Thomas dans Francesca
Woodman (1990) réfléchit sa propre image au travers du corps d'une (autre) femme,
réfléchit le vivant au travers du mort. Privilégiant la mémoire sur la présence, la médiation
sur l'expérience, Thomas expose un corps qui n'est ni illusion, ni matérialité, ni simulation,
ni réalité, mais qui est enveloppé dans ses propres constructions fragmentaires de
significa­tion. Manifestation poignante de perte, signe provocant d'ambiguïté, Francesca
Woodman trouve dans la chimère de l'auto-représentation un acte médiatisé d'affirmation
de soi. un paysage visuel de machines désirantes.

Cherchant à reconstituer un corps fracturé par la technologie, fragmenté par le réel dis­
solvant, Benning et Thomas matérialisent le moi au sein d'un labyrinthe électronique au
moyen de structures d'expression intériorisées, intimes, presque confessionnelles. Oracles
plutôt que techniciennes de l'univers cybernétique, elles deviennent les augures d'un futur
incertain : elles s'efforcent d'articuler la conscience à la technologie. de déchiffrer le
crépitement des câbles de télécommunication et le chuintement des transmissions par
satellite, le bruit blanc d'un feed-back électronique. En faisant leur la technologie légère,
elles font ressortir la possibilité de désarmer le spectre totalitaire d'un simulacre de futur
parfait au travers de la chimère de l'auto-représentation, de l'association étroite de la source
et du récep­teur, de l'hétérogénéité de la représentation.

Comme Céline Baril qui grimpe dans le train de Lumière pour privilégier l'imaginaire sur le
tissu symbolique de la réception. Benninç1 et Thomas pénètrent à l'intérieur du labyrinthe
électronique de manière à engager une étreinte intime entre le corps et la technologie, à
rendre visibles les tissus invisibles de la simulation. Plutôt que de capituler dans la fin de
partie qui se joue entre le capitalisme tardif et la technologie, ces trois artistes érigent à
l'intérieur de pratiques apparemment obsolètes un site de résistance au vide étrange qui
précède une rupture dans un paradigme culture!. Que ce soit en évoquant les fragiles
empreintes du Super 8. les images passées d'une photographie. ou l'étrange
claustrophobie d'un viseur d'enfant, chacune d'entre elles recourt à la technologie pour
construire une métaphore de soi et de l'autre qui délocalise à la fois l'artiste et le spectateur.
pour recadrer la fusion du corps et de la technologie comme le nœud des problématiques
relatives au silence et à la parole. En tant que telle, chaque artiste met en évidence l'importance
de politiser l'architecture du simulacre, de retisser un matériau de médiation dans lequel ce
serait l'artiste plutôt que l'ingénieur, le corps plutôt que son fantôme simulé, qui définirait la
dialectique entre la technologie et la conscience.

Des passages de ce texte ont été adaptés d'une communication laite lors d'une table ronde 1nt1tulée L 'Apport
d'une technique légère, le Super 8, à l'art du cinéma, à l'occasion des premières Rencontres Internationales Art
Cinéma/ Art Vidéo/ Art Ordinateur qui se sont tenues à Pans en 1990.
GRAY WATSON Un certain pessimisme règne quant à la possibilité pour l'art,
l'art d'avant-garde en particulier, d'exercer une quelconque
influence sur le monde. De fait, nombre d'artistes et autres
protagonistes du monde artistique sont fascinés, précisément,
LA VIE CONTRE par cette prétendue impuissance de l'art. L'illustration
peut-être la plus flagrante en est l'art plastique en faveur dans
LA MORT les galeries de l'axe New York-Cologne-Milan. Chez un Jeff
Koons, ce nihilisme s'exprime au moins avec une certaine
outrance vivifiante et un certain panache ; mais les artistes
mineurs du même circuit, ainsi que toute la pléthore des
AU SECOURS critiques et la majorité des spécialistes de la culture et de l'art
contemporains ont une ten­dance sournoise à sombrer dans
DE L'AVANT-GARDE ce que Camille Paglia a (art justement nommé "le désespoir
chic" 1.
Le meilleur art d'avant-garde, toutes disciplines confondues,
conserve cependant un énorme potentiel pour modifier
fondamentalement notre vision du monde et donc, à terme, pour
agir sur lui. Ceci est aussi vrai aujourd'hui que ça l'a été au cours
du dernier, voire des deux derniers siècles. (Nous sommes encore
loin d'avoir mesuré toute la portée des intuitions que recèlent, par
exemple, les œuvres de Goya, de Blake, d'Hôlderlin ou de
Büchner.) Il serait vraiment triste de considérer que le
post­modernisme soit essentiellement un renoncement aux
aspirations révolutionnaires qui ont animé tous les grands
créateurs, écrivains, metteurs en scène, interprètes et artistes de
l'époque moderne. Pourtant, à en croire la servilité avec laquelle les
théories discutables de certains penseurs comme Derrida ou
Baudrillard sont érigées en vérités canoniques, c'est bel et bien ce
qui ressort.

Le renoncement à toute réelle finalité de l'art, l'abandon en


tout cas de toute visée culturelle d'envergure, reflète fatalement
les déceptions passées. Il est indéniable que la capacité de l'art
d'avant-garde à révolutionner le monde n'a jamais ne serait-ce
que commencé à se réaliser. (Gardons-nous pour autant
d'éprouver de la nostalgie à l'égard du constructivisme et des
premières avant-gardes soviétiques : elles furent un échec
particulièrement retentissant et la seule valeur qu'on puisse
leur reconnaître aujourd'hui est de nous enseigner ce qu'il faut
ne pas faire.) Mais les raisons de cet inaccomplissement n'ont
encore jamais été soumises à une analyse sérieuse. Ni la théorie
selon laquelle l'éclosion des mass média a rendu stériles les
œuvres d'art non-commerciales, ni la croyance de droite selon
laquelle l'âge des masses entraîne inévitablement le philistinisme,
n1 la croyance de gauche selon laquelle le capitalisme entraîne inévitablement le
philistinisme n'est vraiment satisfaisante - même si chacune contient une parcelle de
vérité. En fait, l'une des raisons majeures de l'inaccomplissement du potentiel artistique
d'avant-garde tient à l'impropriété du cadre théorique et critique dans lequel il a été analysé
dans le passé et dans lequel il continue à être analysé aujourd'hui.

Longtemps, l'art d'avant-garde a été étudié à l'aide de concepts qui relevaient soit du
formalisme, soit du marxisme. Maintes critiques se déclarant anti-formalistes restent. de fait.
formalistes dans l'esprit, dans la mesure où elles sont prisonnières d'une fascination
narcissique à la Duchamp à l'égard du contexte artistique institutionnel De même, si de
nombreux écrits relatifs aux implications sociales, historiques et politiques de l'art semblent
rejeter l'orthodoxie marxiste, ils n'en continuent pas moins à tenir pour certaines les valeurs et
les catégories de l'establishment politique de gauche. L'éclosion du post-structuralisme en
tant qu'académisme contemporain, loin d'offrir une alternative originale à ce choix
ridiculement limité entre forma­lisme (ou post-formalisme) et marxisme (ou post-marxisme),
n'a, pour l'essentiel, fait guère plus que conjuguer ces deux traditions, héritant des faiblesses
de chacune.
Deux considérations s'imposent. Tout d'abord, il est remarquable que la plupart des plus
éminents auteurs post-structuralistes soient, si l'on se réfère à leur parcours, des marxistes
déçus. Leur pessimisme ressemble fortement à de l'aigreur : "Si cela n'a pas marché, rien
ne marchera." Par ailleurs, marxisme et formalisme en tant que doctrines ont en commun un
certain attrait psychologique : toutes deux affichent une aspiration (subjective et irrationnelle)
à l'objectivité et au rationalisme. Il est symptomatique que, même lorsque la psychanalyse
est mise au centre des débats, elle tend à être réinterprétée via Jacques Lacan, attendu
que : (a) le laconisme s'est avéré relativement facile à relier au marxisme ; (b) ses formules
algébriques et abstraites sont fort utiles pour transformer le propos le plus dangereux et le
plus dérangeant en un inoffensif jeu intellectuel

En réalité, la psychanalyse est absolument essentielle à tout cadre théorique intelligent en


matière d'avant-garde. Elle ne doit pas pour autant être utilisée à titre défensif : elle doit être,
au contraire, un moyen de pénétrer efficacement et en toute conscience le redoutable trésor
qu'est l'expérience humaine dans toutes ses dimensions - rationnelle, émotionnelle, intuitive
et sensuelle. L'apport de Mélanie Klein est bien plus pertinent que celui de Lacan 2. Quant à
Norman O. Brown, absurdement négligé parce qu'associé sans doute à une période
particulière de la contre-culture, il a énormément à offrir. Dans Love's Body3 notamment,
l'imagi­natif système de correspondances que Brown établit entre la psychanalyse et
d'innom­brables autres disciplines, de la théorie poliiique à l'anthropologie en passant par
la poésie et la mystique, n'est pas seulement, en lui-même. d'une époustouflante clarté, il
est aussi admirablement à même de verbaliser les multiples propositions
esquissées par les meilleures expressions récentes en matière d'art, de cinéma et de
vidéo.
On pourrait en dire autant de Paul Ricœur qui, dans De !'interprétation : essai sur Freud 4,
montre que Freud, s'il fut un grand démystificateur recherchant la signification des symboles
jusque dans leurs racines archaïques et pathologiques, reconnut aussi, dans sa théorie de la
sublimation, une fonction positive et progressiste à la fabrication des symboles, ce qui le
rattache fondamentalement à la pensée de Mircea Eliade entre autres, dont l'approche de
l'interprétation, au sens de redécouverte de la possibilité d'écoute de la vérité inhérente aux
symboles, se situe à l'opposé de la démythification. Cette ambivalence, cette tension
dialectique que Ricœur découvre chez Freud, est une clé essentielle pour comprendre la
portée philosophique de presque toutes les œuvres récentes et effectivement
post-romantiques qui utilisent l'imagerie symbolique.

Les formes d'art qu, ont le plus souffert de l'indigence continuelle de l'appareil théorique et
critique en vigueur ainsi que de la tendance à utiliser la psychanalyse comme un palliatif
plu­tôt que comme un stimulant, sont celles qui sont concernées par les grands thèmes
humains : la naissance, la sexualité, la mort, l'amour, la guerre, et les confins de l'expérience
humaine - celles qu'on pourrait le mieux qualifier d'imaginatives, de poétiques ou de
visionnaires. Et ce sont précisément ces formes d'art qui ont, virtuellement, le plus à apporter
à notre culture.
Stan Brakhage, par exemple, est indéniablement, toutes disciplines confondues, l'un des
plus grands artistes depuis la Deuxième Guerre mondiale : si l'on faisait l'inventaire des
mul­tiples implications présentes dans ses films, on pourrait démontrer que leur importance
pour notre culture est au moins égale à tout ce qui a été produit dans le domaine des arts
visuels au cours de la même période. Il est donc déplorable que son travail soit encore
si peu connu, sinon des spécialistes. En partie, bien sûr, cela n'est qu'une expression du
problème auquel est confronté tout le cinéma expérimental ou d'avant-garde, problème lié
au pouvoir massif du cinéma commercial et de la télévision, ainsi qu'aux préjugés latents que
nourrit le monde des galeries à l'égard du cinéma ; mais la faute en revient également en
partie au mini-establishment qui règne sur le ghetto du cinéma expérimental et
d'avant-garde. En rejetant systématiquement, au cours des années soixante-dix, la
pénétrante vision psychologique et métaphysique de Brakhage, en optant de préférence
pour l'esthétique plutôt mince et cérébrale caractérisée par la sinistre théorie du cinéma
"structurel-matérialiste", il a réussi à éloigner un large public potentiel, avide de conceptions
du monde authentiquement radicales et nouvelles, mais que les films et les théories de
gens comme Peter Gidal ont, c'est compréhensible. ennuyé à mourir. Une fois perdu, ce
public n'a jamais été reconquis.

Sur le plan de la production cependant. il est satisfaisant de constater que, tout comme
Brakhage lui-même et certains autres artistes authentiques de sa génération qui continuent à
produire des films d'une qualité exceptionnelle, un nombre croissant d'artistes plus jeunes se
sont mis, à nouveau, à produire des œuvres cinématographiques et vidéo-graphiques,
excellentes pour certaines, dans le même esprit d'ouverture poétique Il n'est pas étonnant
que plusieurs d'entre elles - Lady Lazarus de Sandra Lahire (1991) à propos de Sylvia Plath
par exemple, ou Trojans ( 1989) de Constantine Giannaris au su Jet de Constantine Cavafy -
soient de sensibles portraits filmés de poètes contemporains Si le cinéma abstrait, comme la
peinture abstraite, a une affinité naturelle avec la musique. pour ce genre de films, qui cherchent
à rompre avec le modèle narratif conventionnel tout en conservant les résonances de
signification qui sont indissociables de personnes et de choses désignables et identifiables,
la poé­sie a toujours constitué une forme de modèle.
En outre, même si le modernisme essaye d'échapper à ce principe, toute exploration pro­
fonde des sentiments et de l'imaginaire entraîne largement dans la voie du Romantisme ; un
mouvement pour lequel, en littérature, la poésie était l'expression suprême. Dans son
classique Visionary Film, P. Adams Sitney a parfaitement raison de situer Brakhage dans
une tradition poétique romantique qui remonte à Blake et Wordsworth et se manifeste,
pour sa génération, chez Wallace Stevens ou dans l'expressionnisme abstrait en peinture.

Si en littérature, la poésie fut la contribution majeure du Romantisme, en peinture, ce fut


l'art du paysage. Dans le cinéma et dans la vidéo, l'idée que le paysage puisse permettre
d'9ppréhender la perception, qu'on pourrait à Juste titre qualifier de métaphysique, d'un
univers qui se situe au-delà de la réalité quotidienne, apparaît par exemple dans l'essentiel
de la production de Klaus Wyborny - Pictures of the Lost Ward ( 197 4) et la séquence
onirique du Jeder für sich und Gott gegen a/le (19 74) de Werner Herzog-, dans le Fata
Morgana de Werner Herzog, dans nombre de films d'Andreï Tarkovski, la plupart des
œuvres de Bill Viola, de nombreuses séquences de films ou de vidéos de David Larcher
- Monkey's Birthday (1973-75), E. ETC (1986) -, une partie de la production de Cordelia
Swann - Out West (1992) -, L’Arpenteur des mers de Jean-Louis Le Tacon (1992) et The
Red Sea de Michael Maziere (1992).
Bien sûr, le paysage dépeint dans-ces œuvres est aussi bien urbain que rural ; en outre,
tandis que la tradition romantique du paysage puisait véritablement dans le culte de la
Nature et dans le panthéisme, l'étrangeté qui émane de ces films et de ces vidéos résulte
du fait qu'ils reflètent au moins autant l'aspect le plus obscur de l'esprit humain tel qu'il se
manifeste dans sa relation au monde non-humain, que n'importe lequel des pouvoirs
curatifs que la Nature intacte est supposée posséder.
Originellement contemporain de la révolution industrielle, le Romantisme contient les
germes d'une critique du capitalisme industriel infiniment plus radicale et plus avancée que
tout ce dont Marx a jamais pu rêver. Une théorie de Klein, selon laquelle l'agression
écono­mique est en partie une agression envers "mauvaise" mère Nature, trouve un écho
considérable chez plusieurs peintres de cette époque parmi lesquels Joseph Wright of
Derby et John Martin. Plus récemment, des œuvres d'art sont allées plus loin dans cette
conception de la technologie comme aventure de l'esprit humain, une aventure parfois
néfaste, mais pas systématiquement. En sculpture, le travail de Robert Smithson comme
celui d'Alice Aycock en donne quelques aperçus particulièrement éclairants ; en cinéma,
Safaris de Tarkovski (1972), unique film de science-fiction qui soit indiscutablement un chef-
d'œuvre, emploie de manière obsédante une courte référence à La Chute d’Icare de
Breughel dans le cadre d'une réflexion sur la valeur p sychologique du vol comme l'une des
aspirations humaines les plus fondamentales ; quant à la vidéo d'Andrew Stones, A History of
Oisasters with Marvels (1992), sans être un chef-d’œuvre elle nourrit de façon fine et
intelligente le débat grandissant sur les dessous initialement cachés du rationalisme
scientifique.
La technologie peut être mise en relation avec les aspects les plus cruels et les plus vils
de la domination de l'homme sur la nature ; mais elle peut être aussi mise en relation avec
les aspirations spirituelles les plus sublimes de l'humanité. Dans le champ de la sexualité,
on peut également retrouver cette dialectique dans le sadomasochisme. Considérer le
sadomasochisme comme une simple affaire de goût s1exuel personnel est une vaste erreur ;
de même, plus généralement, il serait une vaste erreur de considérer que la psychanalyse
ne s'applique qu'à l'individuel. Hautement théâtrale, la manière dont le sadomasochisme
met en scène les rapports de force humains peut larç1ement aider à comprendre les
dynamiques politiques et sociales. C'est pourquoi il est regrettable qu'au même titre
que Brakhage, nombre de conceptions pertinentes issues de ce considérable courant de
laper­formance qui, depuis les années soixante et soixante-dix, fit un usage intensif de
l'imagerie sadomasochiste - et dont les actionnistes viennois furent les
représentants les plus fameux - aient été négligées ; et l'absence d'un cadre critique
suffisamment souple et clair­voyant pour en tirer parti, en est largement responsable. Il est
heureux que quelques-unes des actions de Günter Brus et Otto Muehl aient été, au moins
en partie, enregistrées grâce aux films brillamment évocateurs de Kurt Kren : créations
artistiques parallèles à ces actions, tls atteignent leur objectif là où des documentaires
plus conventionnels auraient totalement échoué.
Alors que Brus, comme son confrère viennois Hermann Nitsch. comme Gina Pane, traite
de la violence, avec Mano Oestra, Cleo Uebelmann explore l'esthétique de la froideur
sadomasochiste. Cette froideur est également prééminente dans l'esthétique
néo-classique, par opposition au classicisme proprement dit, ainsi que dans ce que
Nietzsche désignait comme "le plus froid de tous les monstres froids, l’Etat". Des
monuments funéraires de Canova au mausolée de Lénine, de la peinture propagandiste
de David à l'affiche réaliste socialiste, la fascination qu'exerce la froideur est déterminante
pour la compréhension du pouvoir de séduction inconscient du totalitarisme. Sortir cette
fascination pour la froideur du champ létal de la politique et en faire une source de plaisir
sexuel est un acte hautement créatif : l'importer dans le champ de l'art serait, en matière
de progrès de l'entendement, plus pos1t1f encore.

Dans un esprit très différent de l'examen, forcément limité, que fait Uebelmann de la froi­
deur sadomasochiste, Annie Spnnkle se livre à une exploration détendue et chaleureuse de
toutes sortes de délices sexuels. Artiste de performance, cinéaste et vidéaste, Sprinkle qui
se décrit elle-même comme une ·post-porn-modernist" est par dessus tout une
démystificatrice de la sexualité ; non qu'elle en ôte toute magie. mais en ce sens qu'elle
fait passer au filtre de la drôlerie et de l'humour intelligent toutes ces inhibitions qui
empoisonnent la vie. Son Linda/Les & Annie - The First Female to Male Transsexua/ Love
Story (1990) relate la véritable histoire de sa propre relation aujourd'hui révolue, avec Les
Nichais, un homme d'apparence très virile, qui naquit femme. mars fut doté d'un pénis
réalisé chirurgicalement en plus de ses organes génitaux féminins Le naturel et la
simplicité avec lesquels cette vidéo aborde aussi bien les détails physiques que les
facteurs émotionnels, sociaux et inter­personnels en cause, font paraître absolument
normal un contexte des plus singuliers. En
revanche, elle omet d'établir les relations symboliques, métaphysiques ou mystiques que
cette situation réell� entretient avec l’androgyne.
Pour nombre d'artistes et de cinéastes cependant. la figure de l'androgyne s'est avérée être
un moyen notable de concilier, souvent dans une contradiction apparemment violente, le
monde de l'expérience extérieure, régi par des codes sociaux tels la médecine, la justice etc.,
et le monde de l'expérience intérieure tel qu'il apparaît dans des symboliques ésotériques
fortes et souvent anciennes. La façon dont Maria Klonaris et Katerina Thomadaki ont fait
d'une photographie médicale d'hermaphrodite, trouvée par Klonaris dans les archives de
son père, gynécologue-obstétricien, le point de départ de leur cycle d'œuvres sur le thème
de l'Ange en est une parfaite illustration. Plus largement, la relation entre l'érotique et le
sacré est prédominante chez la plupart des meilleurs artistes de performance, de cinéma et
de vidéo, depuis les pionniers comme Carolee Schneemann, jusqu'aux divers praticiens
contemporains : c'est particulièrement manifeste chez Nina Danino dont le Now I am yours
(1993) prend pour point de départ la Sainte-Thérèse de Bernini ; c'est tout aussi sensible
chez Akiko Hada, par exemple. qui mêle, dans The Leap (No Leap) (1993), les thèmes de
l'androgyne et de la Déesse avec des images de flagellation et de vagues marines.

Plus que toute autre, peut-être, l'exploration de la relation entre le sacré et l'érotique - à
laquelle s'applique directement la dialectique dégagée par Ricœur, tout comme
l'interpréta­tion poétique et non-partisane que donne Brown de la psychanalyse - devrait
nous permettre de dépasser la dichotomie entre positivisme scientifique et croyance
religieuse. qui continue à paralyser grandement notre conception de la culture. A ce niveau
comme à bien d'autres, l'avant-garde, le cinéma et la vidéo d'avant-garde en particulier, a
beaucoup à apporter Mais tant qu'elle laissera des théoriciens - qui sont de fait des ennemis
de la vision - détourner son approche authentique et radicale, elle ne pourra espérer être
prise au sérieux. Pour tout dire, elle ne pourra espérer être prise au sérieux tant que ceux qui
sont supposés la promouvoir clameront son impuissance. Ceci est essentiel, non pour la
sauve­garde du métier d'artiste, mais parce que notre culture ne peut pas supporter que les
conceptions que l'avant-garde a à offrir soient plus longtemps dévastées.
DICTIONAIRE D'ARTISTES
AGRAFIOTIS DÉMOSTHÈNE Grèce ALEÏN I KOV IG0R & GLEB Russie

Théoricien, poète et plasticien né en 1946, il vit à Athènes. Cinéastes moscovites, Igor (né en 1963) et Gleb (né en
Auteur de plusieurs ouvrages, dont Isomorphismes (poé- 1967) réalisent des films depuis 1984. Figures du mou­
s1e, 1973), Discontinuités culturel/es (essai, 1987), Cahier vement de cinéma parallèle qui a émergé au milieu des
chinois (poésie, 1989), Modern;té, représentation (essai, années 80, ils collaborent à la revue d'avant-garde
1989), L'image mobile (essai, 1991 ), Déviations (poésie, indépendante Ciné-Fantôme, référence importante pour
1991). Animateur et directeur de la revue Clinamen et éd1- les cinéastes et théoriciens de Moscou. Avec l'équipe
teur de livres-objets 24, P1déo-Voés1e est sa première de Ciné-Fantôme ils proposent des événements et des
œuvre vidéograph1que. séminaires. En 1987, ils ont organisé le premier festival
de cinéma parallèle d'Union Sov1ét1que
"Mon travail constitue un champ de mise à l'épreuve
des différentes poss1b1l1tés artistiques. mais aussi une "Une tradition moscovite forte et constante, celle de la
occasion d'examiner comment la poésie se transforme réflexion conceptuelle appliquée au cinéma, est à l'œuvre
en musique, comment la peinture se veut écriture et dans les constructions filmiques des frères Aleïnikov,
comment la vidéo régit les lettres, les mots, les sons et dans lesquelles se combinent un langage visuel clair et
les images." DA un sens prononcé de la mesure." D.A Pngov

24, Pidéo-Voésie Films: Tracrors (1987) - Revolutionary Etude (1987) -


1993, vidéo, couleur, sonore, 20' Monstrum Exosse ( 1988) - Waiting for the Bill ( 1990)
"Lettres, mots, images, sons. musique pour les vingt­ Vidéo: Mirag1s (1989)
quatre lettres de l'alphabet grec . un univers hétéro­
gène inventé pour chaque lettre. Abécédaire de l'imagi­ Metastasis
naire et 1magina1re de l'abécédaire Les matériaux pro­ 1984, 16mm, N&B, sonore, 16'
viennent de différentes périodes historiques et de diffé­ "Film de montage réalisé à partir d'images téÎév1suelles
rentes cultures (Japonaise, indienne, égyptienne) et de métrages originaux. Parodie féroce de la machi­
Plusieurs articulations entre lettres, discours, images et nerie étatique du film de propagande En provenance
sons sont entreprises pour que le multiple rayonne dans directe de l'underground le plus véridique de 1984 . les
sa frag1l1té." DA masques à gaz et le bonheur familial, l'Union Soviétique
et les Etats-Unis, le positif et le négatif - les ulcères
relèvent d'un diagnostic unanime." 1.&G.A
ALBELO ANNA MARGARITA Etats-Unis

Née en 1969 à Los Angeles, elle a commencé à faire de


ARNOLD MARTIN Autriche
la vidéo à l'âge de quatorze ans. Diplômée de la Florida
State University, elle a également étudié à Londres et à
Né en 1959. 11 vit à Vienne. Etudes de psychologie et
Pans ou elle vit actuellement Elle réalise des vidéos
d'histoire de l'art. Ayant assisté aux sém1na1res de Peter
sculptures et des performances incluant diapos111ves,
Kubelka, il entreprend une recherche sur la segmenta­
lumières, danse et chant.
tion de la perception au cinéma (1986-87) Il réalise des
films depuis 1985, utilisant une tireuse optique de sa
Vidéo : Welcome /o the Camai Pharmacie ( 1993)
fabrication En 1990, 11 a co-organisé le festival de ciné­
Film: Your Fruit, Please Pay Here (1994)
ma lm Off der Geschichte Il a participé à de nom­
Vidéo sculpture: Jesus Was a V1rgin (1992)
breuses manifestations internationales,
Performance : Camai Pharmacie ( 1993)

"Mon intention, interroger et défier l'identite du specta­ FIims: O.T-1 (1985) - O.T- 2(1986) - Passage à /'acte
teur en mêlant réel art1f1c1el et artifice réel ' A MA (1993)
Reflexlbn /s ldentity /s Reflexion
1993, vidéo, N&B, sonore, 11' Mes films interrogent, dans la représentation des
Musique Ashra espaces des acteurs et des actions, les rêves, espoirs
Cette vidéo est une représentation symbolique de 1·1nd1- er 1abous de l'époque et de la société qui les a créés.
v1du et du double à travers des "jeux de mains" Je suis îasc,né par les tics et les bégaiements ce sont

"La plupart des filmo-vidéograph1es sont sélecuves


des manifestations du refoulé. Le cinéma hollywoodien Paris-Réseau
est un cinéma d'exclusion, de déni et de répression. "Il s'agit d'une oeuvre de réseau en plusieurs étapes.
J'inscris le symptôme du tic dans ce langage pour lais­ Dans un premier temps, six personnages confrontent
ser remonter à la surface des aspects de ce qu'il a leurs souvenirs au cadre implacable de l'appareil pho­
réprim� ou, plus modestement, pour laisser transpa­ tographique . de la place de l'Ecole à la rue des Arts,
raître, derrière le monde unitaire représenté, un territoire de la rue Pierre et Mane Curie à la rue Merlin, des mots
beaucoup plus éclaté.'' tvl A. et des images retracent leurs parcours passés et pré­
sents. A\partir de là, de nouveaux réseaux se forment,
Pièce touchée de nouveaux itinéraires se superposent aux anciens
1989, 16mm, N&B. sonore, 16' Deuxième temps . à la Vidéothèque de Paris. un atelier
Une séquence de dix-huit secondes d'un film hollywoo­ de base fonctionne pendant la manifestation Mutations
dien de série 8 . cadrage fixe, symétrie, harmonie ; un de l'image. A tour de rôle. plusieurs envoyés spéciaux
salon, une femme assise dans un fauteuil, une lampe, quittent la Vidéothèque, camescope au poing, pour
des fleurs , le mari ouvre la porte. embrasse sa femme, rentrer chez eux. Le tracé de leurs 1t1néraires permet de
sort du champ, sa femme le suit. Reproduite photo­ baliser le territoire parisien. Arrivé à destination. chacun
gramme par photogramme sur tireuse optique, cette envoie par modem les images captées en route Ces
scène a été manipulee dans tous les sens • en avant, prises de vue servent de mati ère première à des
en arrière, de côté, à l'envers ... Cela a demandé un an séquences vidéo montées par l'équipe de l'atelier de
et demi de travail intensif, 148 000 photographies et base en collaboration négociée avec les témoms ocu­
une ·'partition" de 200 pages. Multiplication des photo­ latres dispersés. Les deux séries d'images ainsi fabri­
grammes, d1slocat1on de l'espace et du temps, rythmes qoées sont ensuite agencées en un Gwde hypermedia
cadencés analyse des gestes, ieux de miroir, de dis­ à multiples entrées." K.O'R.
torsions. de ralentis... Le film parvient à une réelle dis­
section sémantique des codes cinématographiques et
du stéréotype du couple dans le cinéma américain des ASCOTT ROY Grande-Bretagne
années 50.
Pionnier en matière de projets interactifs 1mpllquant la
connectivite aux réseaux planétaires. il se préoccupe de
ART-RÉSEAUX France
-------------------- l'application créative des nouvelles technologies à l'art
Il publie et donne de nombreuses conférences à tra-
Né sur les lignes téléphoniques en 1988. le groupe Art­ vers l'Europe et l'Amérique du Nord Conseiller auprès
Réseaux vit et travaille dans le cyberspace entre Paris d'universités. institutions et organismes. ainsi que pour
et Saint-Denis. Amiens. Aix-en-Provence, Nîmes, Rio de des publ1cat1ons relatives à l'art. à la science et à la
Janeiro, Campinas. Sao Paulo. Mexico San Francisco, technologie, ses écrits théoriques sont traduits dans
Seattle, Vancouvér, Chicago, Pittsburgh, Philadelphie, plusieurs langues Directeur de la section des arts
Madrid, Bristol, Caerleon, Kassel, Düsseldorf, Vienne. 1nteract1fs au Gwent College of H1gher Education, il a
Graz, Linz Budapest, Prague, Tokyo Art-Réseaux enseigné la théorie de la communication à l'Univers1te
regroupe Christophe Le François, Isabelle Millet. Karen des Arts Appliqués de Vienne et a été doyen du San
O'Rourke, Gilbertto Prado. Michel Suret-Canale, Mane­ Francisco lnstitute of the Arts
Dominique Wicker
Projets : Termmal Art (1980) - La Plissure du texte un
Membre fondateur du groupe Art-Réseaux, Karen conte de fées planétaire (Electra, Paris, 1983) - Organe
O'Rourke est née à lthaca. New York Elle vit et travaille en et Fonclton d'Altce au Pays des Merveilles (1985)
France où elle est maître de conférences à l'Université Paris 1. P/anetan; Network . Laboratory UBIOUA (Biennale de
Venise. i986) - Digital Body Exchange (1987) - Makmg
Projets télématiques : Christophe Le François • City the Invisible Visible (1988) - Aspects of Gaia DIg1tal
Portraits (1989-91) - 12/17 Pans-télépathie (1990-91) - Pathways across the Whole Earth (Ars Electronica. Linz,
lnFest (1991-92) ; Isabelle Millet : Patchwork (1992) . 1989) - The Geometry of Silence {1991) • Teleno1a a
Karen O'Rourke . Villes ;maginaires (1991-92) - Image Global Networking Project for the E1ghth Day of the
itcale / Image globale (1991) - Témoignages (1992) • Week(1992)
Paris-Réseau ( 1994 ) ; Gllbertto Prado ; Connect (1991) -
Réaction en chaîne (1991-92) - Moone (1992) ; Michel "Nous nous trouvons à l'orée d;une transformation qui
Suret-Canale et Marie-Dominique W1cker Le Banquet affectera non seulement l'art et la culture. mais la
télématique {1991-92) conscience humaine. Nous sommes des organismes
cybernétiques dont la technologie transpersonnelle de 1991) - Le Double secret (images de synthèse, 1991)- Le
connectivité gfobale est en train de périmer non seule­ Pépin gé.9nt(irnages de synthèse, 1991)
ment les comportements, les institutions et les formes
du passé, mais tout ce que nous avons toujours su de Virtus
la nature �t de la réalité. En tant qu'artistes habitant le 1992, vidéo, couleur, sonore, 2'
réseau cybernétique, ce n'est plus la représentation qui "Fantaisiei en images de synthèse à propos des mondes
nous intéresse, mais la construction et la réalisation. Par virtuels. Moitié chevalier en armure, moitié crevette,
nos proJets, nous créons l'amour dans l'étreinte téléma­ Virtus, notre double virtuel. explore un labyrinthe, méta­
tique." RA phore du cyberspace. Il file comme le vent dans un
réseau doe tunnels et rencontre sur son parcours chi­
mères et lutteurs énigmatiques." C.B.
B. BETH Etats-Unis
Réalités •virtuelles
Cinéaste et vidéaste, elle vit à New York où elle a parti- 1992, vidéo, couleur, sonore, 26'
cipé au mouvement New Wave de la fin des années 70. Documentaire sur la réalité virtuelle. Regard sur l'éten-
Ses films et vidéos associent fiction et documentaire, due de ses possibilités en matière de perception,
questions personnelles et culturelles. lyrisme et horreur. d'exploration, de communication et de création.
La violence, qu'elle soit domestique, guerrière ou liée à
la drogue, est au centre de sa recherche qui vise à
mettre en évidence la part sombre du quotidien Ses
œuvres ont été largement présentées dans des musées
--------------------
BAES PASCAL France

(Whitney Museum, Contemporary Art Museum de New Né en 1959 à Nice. Etudes de biologie Il pratique la per­
Orleans) et dans de nombreux festivals en Europe et en formance de rue, la peinture cinétique, le cinéma d'ani­
Amérique du Nord mation, l'infographie, les mathématiques. Parallèlement, il
réalise des films publicitaires et des clips.
Films : The Offenders ( 1979) - The Trap Door (1981) -
Vortex(1983)- Salvarion ! (1987)- Two Small Bod1es(1993) Films: Te.st(1987)- Tapie 1 & 11(1989)
Vidéos: Bel/adonna (1989) - Thanatops1s (1991)
Installations· Under Lock and Key(1993) -Amnes,a (1994) 46 Bis
1988, 16mm, N&B. sonore, 3'
"La plupart de mes œuvres répertorient les façons dont Avec Sara Denizot et Laurence Rondoni . musique : un
nous perpétuons les préJugés et la violence par le tango de Lili Bonicho
simple fait de laisser se prolonger un état subtil et Un film vif, rapide, et ludique, tourné dans une cour
constant d'amnésie sociale." B B. d'immeuble de Belleville.
"Film d'animation appliqué à la danse, sur la qualité de
Amnesia vitesse, tourné avec deux danseuses qui s'animent en
1992. vidéo, couleur, sonore. 1' bougeant image par image, sur un trajet gradué prédé­
Vidéo produite dans le cadre de Trans-Voices. pro1et du terminé." P.B.
Centre culturel américain de Paris.
"Un bref rappel des horreurs du racisme et du nationalis-
me, largement réactivés à l'heure actuelle dans des orgies BAR EAU CATHERINE France
de purification ethnique et de guerres tribales.·· B.B.
Née en 1960. vit à Paris. Filme en Super 8 depuis 1980.

_ _B _I O_L_E _C_É_c_1_L_E
_BA Fr_a_n_ce
__________ "Sculptureis, lumières, eau Photographie et peinture.
Abstraction et matières. Eblouissements, violence,
Etudes de lettres D'abord musicienne au sein du groupe silence. cairesses, secousses.
Nox, elle travaille en vidéo depuis 1986, réalisant des Trouver le feu dans l'eau, l'extrême vitesse dans l'immo­
bandes. des clips, des performances Récemment, elle bilité, le regard dans l'inerte. Au centre de tout cela, il y
a abordé le:r images de synthèse et s'intéresse à la réa­ a un voile qui court et qui brûle." C.B.
lité virtuelle.
Bleu Météore •
Vidéos : Tournis (vidéo performance, 1986) - Ménagerie 1991, Supàr 8, couleur, sans son, 2'30
(1988) - Les Xons (série de fiction en images de synthèse, "Des éclats de pierre volent, pulvérisés. Erosion, écou-
ininterrompu de points, une danse continue de parti­ VO/ID (1985-86) - Amoroso (1983-86) - Divers-Epars
cules, un tissu mouvant de gouttes d'eau transpa­ (1987)- Quatre un (1975-91) - We've Got the Red Blues
rentes. La mer est sortie de ce courant d'images, cle {1991)
ces sursauts: implosion discrète, sous-marine." C.B.
"Mon travail se caractérise par une double approche
du cinéma. La première relève du cinéma sériel et pnvi-
BARIL CÉLINE
--------------------
Canada légie la partition et la rythmique dans la composition
d'un film. L'autre tendance envisage le cinéma comme
Cinéaste et plasticienne née au Québec en 1952, elle Iournal filmé faisant la part belle à 1'improv1sat1on et, au
vit et travaille à Montréal. Etudes d'arts plastiques. Elle 111 du temps et des lieux, tente d'élaborer une histoire
réalise des installations associant obJets, films, diaposi­ personnelle au moyen des souvenirs. Les préoccupa­
tives, photos, sculptures qui font souvent référence aux tions politiques s'inscrivent de plus en plus dans ces
débuts du cinéma. Elle a part1c1pé à des expositions au films Travailler des empilements d'images et de textes
musée du Québec, au Power Plant de Toronto, au à l'image afin de composer avec ces éphémères appa­
musée d'Art contemporain de Montréal ritions des vertiges et des sens paradoxaux." Y.B.

Film: La Fourmi et le volcan (1992) SIDA IDS


Installations : Le Septième jour (1984) • La Bête noire 1992, 16mm. couleur, sans son, 5'30
(1986) - Carrousel et chute (1989) - Ecrans avec vo//f1s, "L'apparition du sida a déclenché une hystérie média­
boîtes à diapositives et d1apos1t1ves (1989) tique en rapport avec un retour à l'ordre moral. Face à la
v1climisatîon et à la discrimination des malades ce film
"Mon travail prend forme a travers plusieurs médias tente. sous la forme du tract. d'articuler une dénoncia­
sculpture, photographie, vidéo, film Mélange des diffé­ tion de l'usage qui est fait de la maladie Le film se met
rentes sources de l'image avec ses moyens de diffu­ en scène par le discours ; il s'agit d'un film de mots.
sion. Critique du discours et des images. de la consomma­
Le voyage. le séjour en milieu étranger est souvent le tion des mots autour du sida, le film tente de favoriser
point de départ de mes projets : à partir de lieux géo­ l'émergence d'une réflexion par rapport à la maladie
graphiques précis s'élabore une réflexion qui va cj1.1 sans mettre hors jeu une pratique cinématographique
local à l'universel. d'un lieu spécifique à une perspectrve expérimentale• Y.B.
globale." C.B.

Barcelone
BENDKOWSKI KAZIMIERZ Pologne
1989, 16mm, N&B et couleur, sonore, 40'
"Tourné entièrement en Super 8, le film a été gonflé Gn
"Photographe, cinéaste et v1déaste, né en 1948 Il a fait
16mm. Barcelone est un mot de 9 lettres et un film en 9
ses études à l'Académie nationale de cinéma, d'audio­
épisodes : B comme Bâtir des cathédrales, A comme
visuel et de théâtre de L6dz et a fait partie d u
du haut des Airs, R comme Regard. C comme Cinéma,
Laboratoire d e la Forme Cinématographique d e 1971 à
E comme Espafia, L comme Langage, 0 comme
1975. Depuis 1980, 11 vit à Kassel
Origine, N comme Navigateur, E comme Espafia." C.B.
Dans ses films, Bendkowski analyse le potentiel d'expres­
sion de différentes combinaisons d'images et de sons en
mettant l'accent sur leurs capacités narratives. Ses
BEAUVAIS YANN France
vidéos, non moins structurelles et analytiques que ses
films, sont beaucoup plus ascétiques et minimales.'
Cinéaste né en 1953, il v11 à Paris. Fondateur de Lig1ht
R W Kluszczynski
Cone. coopérative de distribution de films expérimen­
taux et cofondateur avec Mlles Mc Kane des pro1ections
Scratch (1983), 11 a participé à l'organisation de festivals Films: Kolo (1973) - Punkt (1973)
tels que Cinéma des plasticiens (Cinémathèque françai­ Vidéos: 1/25 sek (1976) - Drink Image (1976)
se, 1985), Musique/Film (Cinémathèque française, 1986).
Mot D1�s, Image (MNAM, 1988). Il a également publié Obszar (Surface)
de nombreux articles. 1973. 35 mm, N&B, sonore, 4'30
"C'est le· premier d'une série de trois films qui abordenl
Films: R (1976) - Homov,e (1976-77) - Èliclipse (1982) • la p;oblémat1que de l'espace dans sa relation à la
Mi/es (1983). Sans Titre 84 {1984) - Journaux (1983-85) - structure narrative " RWK
BENNING SADIE Etats-Unis tique. le llhéâtre et le cinéma. En 1969. il co-signe le
manifeste Vers un groupe cinématographique soC1olo­
Fille du cinéaste expérimental James Benrnng. elle réa­ gique ! Membre du Béla Balàzs Studio à partir de 1971,
lise des vidéos avec une caméra Fischer Pnce depuis il organise en 1973 le premier projet de cinéma expéri­
l'âge de quinze ans. En l'utilisant comme un stylo avec mental, auquel se Joignent des plasticiens. des musi­
lequel elle tiendrait un journal intime, elle met en scène ciens et <iles écrivains, et fonde en 1976 le groupe d'art
son homosexualité. La simplicité, l'humour mars aussi la cinéma K/3. au sein duqu(êl._il poursuit des recherches
révolte sont caractéristiques de son style. Ses vidéos sur le film, l'ordinateur et le cinéma élargi. L'attribution
ont été présentées au Whitney Museum (1992) et à la du Grand Prix du festival de Mannheim (1975} lu, per­
Biennale de Venise (1993) met de participer à de nombreux festivals en Europe de
l'Ouest et aux Etats-Unis. En 1985-86, de nombreuses
Vidéos : New Year (1988) - Me and Rubyfruit (1988) -
rétrospectives commémoratives lui ont été consacrées
Jollies ( 1990) - A Place Called Love/y ( 1992) - Girl­
(Berlin Ouest, Berlin Est, Budapest. Oberhausen,
power (1993)
Cologne, Melbourne. Sydney, La Haye, Montréal }
lt Wasn't Love, But lt Was Something
1992, vidéo, N&B, sonore, 20'
Films: The Third (1971) - Hunting for the Little Fox
La bad girl des stéréotypes hollywoodiens • rebelle,
(Syntactic sequences) (film manifeste, 1972) - Four
blonde platine, gangster, crooner des années 50, vamp
Bagatell es ( 1975) - Mo tion Stu d ies 1880-1980 -
aux yeux langoureux. Poses à la cigarette et danses
Hommage to Edward Muybrid ge (1980) - The Dog·s
sentimentales sont mises en contraste avec des scènes
Night Song (1983) - The Anthology of Seduction (1984} -
de rue à l'action rapide. de façon à créer l'idée d'une
Bauhaus (1984) - Psychotechnikum (1984)
histoire d'amour. Mais au-delà du fantasme romantique,
Vidéos : Die Geschwister (1982) - Der Daman in Berlin
cette vidéo met en évidence certains aspects de
(1982) - De occulta philosophia (1983) - R1ttersrüstung
l'attraction physique comme la peur, la violence, la cul­
(1983)- Dancing Eurynome (1984)
pabilité et l'excitation sexuelle.

BÉRIOU France
------------------ Psychocosmos
1976, 35n1m. N&B, 12'
Plasticien, ri vît à Paris et travaille avec la société Expérime11tat1on de l'emploi de l'ordinateur pour l'étude
Agave Il réalise des animations en ,mages de syn­ des comportements. Trois systèmes ont été program­
thèse. des dessins et des photomontages Ses œuvres ont més • l'a9ressif, le défensif et l'indifférent. A partir de
été primées dans de nombreux festivals internationaux chaque système, la machine écrit une histoire et le film
(Imagina, S1ggraph, Images du Futur, Nrcograph} et ont enregistre son déroulement.
été diffusées par plusieurs chaines de télévision, dont
Canal+, Channel 4, ZDF. RAI Uno.

Vidéos: Colome mentale n° 531 (1990}- Etude choré­ BOKA��OWSKI PATRICK France
graphique ( 1991) - Digitaline ( 1991} - Salut l'artiste
(1993) - Alcootest (1993) Peintre et cinéaste né en 1943, il vit et travaille à Paris.
Ex Memoriam De 1962 ü 1966, il étudie la photographie, l'optique et la
1992, vidéo, couleur. sonore. 5' ch1m1e auprès du peintre Henri Dimier. Il développe
Infographie: Bénou et Daniel Barthélémy alors sa théorie du "subjectif", perception visuelle
"C'est un tableau, ou un éd1f1ce. ou mieux une machine... humaine, opposée à ''l'objectrf", technique d'ingénieurs
Réalisé à partir de mon album photo et des visages qui il dénonce l'optique conventionnelle et défend une
lui sont familiers, les images sont associées à différentes "optique psychologique" qui permet de "composer et
attitudes de mains spontanées D1g1tahsées. elles ont été faire vane·r l'aspect des images" A cette fin, il a mrs au
retravaillées à l'ordinateur avec des techniques parmi les point des appareils permettant d'atteindre, "avec des
plus récentes. telles que le morphing B images photographiques, la liberté des Images dessi­
nées ou peintes" Depuis 1970, il a réalisé srx films
demandant une préparation avec de nombreux dessins
BODY GÂBOR Hongrie
------------------- - et encres de cl1ine Indépendamment de son travail
crnémato,graphique. ses dessins. encres de chine et
Figure du cinéma expérimental hongrois. Gabor Bôdy pastels présentent des sujets imaginaires dont la plu­
(1946-1985) a étudié la philosophie. l'h1s10ire la hnguis- part om pour angine des projections de taches d'encre
Films: La Femme qw se poudre (1970-72) - Dé1euner imaginaires, où se mêlent de manière inextricable pré­
du malin ( 1972-7 4) - L 'Ange (1976-82) - La Pari du sent et passé. Lauréat de la Villa Médicis hors les murs
Hasard (1984) - Au Bord du lac ( 1993) pour l'année 1993.

La Plage Vidêns : Jean Teulé, alch1m1ste de l'image (1983) -


1992, 35mm. couleur. sonore, 14' Figures (1986) - Esquisses (1988)
Musique • Michèle Bokanowsk1 Installation· Triptyque de Bruges (1990)
Métamorphoses d'une plage en quatre mouvements.
Flux, reflets, silhouettes progressivement déformées.
"Cités anténeures : Siena, Bruges. Toledo. Trois villes
fragmentées. exaltation des couleurs et de la lumière.
mythiques ayant connu leur apogée au moyen-âge
Réalisé à partir des techniques de peinture de D1mier
Curieusement. ces cités ont eu des destinées ana­
logues et si elles conservent aujourd'hui leur supréma­
tie spirituelle. elles ne connaîtront plus jamais les fastes
BOLTANSKI CHRISTIAN France
du passé dont elles entretiennent le souvenir. mais
demeureront des cités d'art offrant leurs inestimables
Artiste plasticien né à Paris en 1944. Autodidacte. il pré­
chefs-d'œuvre." C.B.
sente en 1968 plusieurs courts métrages "autobiogra­
phiques" réalisés en 8mm et regroupés sous le titre La
Vie impossible de Christian Boltanski. Il crée des objets, Siena
des reconstitutions ready-made, des actions. De 7975 à 1992. vidéo, couleur. sonore, 8'
1984, il se consacre exclusivement à la photographie en Infographie : Eve Ramboz ; conception musicale et
couleur dans des formats de plus en plus grands. sonore : Cécile Le Prado
Christian Boltanski explore les différents moyens de pro­ Vision de la cité toscane. à travers la mémoire de sa terre
duction et de reproduction des images (photographie, aride, vergetée. Piazza del Campo ... des vagues de
cinéma. vidéo) en les mêlant aux conventions picturales fureur, de cris... Fusion d'images du présent et du passé.
du clair-obscur et du modelé. Ses objets et ses images autour de la préparation rituelle et de la parade du Palia.
touchent de façon parfois ludique aux événements de la
vie quotidienne et à la mémoire collective, rappelant la
présence de la mort derrière chaque instant. BRUSZEWSKI WOJCIECH Pologne

Films : La Vie impossible de Christian Boltansk, (1968) -


"Né en 1947, diplômé de l'Académie nationale de ciné­
Tout ce dont Je me souviens (1969) - Derrière la porte
ma. d'audiovisuel et de théâtre de Lôdz, il est l'un des
(1969) - L 'Appariement de la rue de Vaugirard (1973)
fondateurs du Labora toire de la Forme Cinéma­
Souvenirs de Jeunesse d'après 11 réc11s de Christian
tographique (1970-78), le groupe de cinéma expérimen­
Boltanski (1973) - La Vie c'est gai. la vie c·esttriste (1974)
tal le plus important de Pologne. Photographe, cinéaste,
vidéaste (films, installations) et acousticien (1nstallat1ons
L'Homme qui tousse
sonores). il pratique actuellement l'art informatique. Il
1969, 16mm. couleur, sonore, 3'30
enseigne depuis 1981 à l'Ecole nationale supérieure
Un homme, assis par terre dans une pièce vide, le visage
des beaux-arts de Poznan." R.W. Kluszczynsk1
masqué, tousse et crache du sang

L'Homme qui lèche Films; Yyyaaa (1973) - Pude/ka zapalek (1974)


1969, 16mm, couleur, sonore, 2'30 Vidéos: The V1deo Touch (1976-77) - 10 Works (1978) -
Deux personnages portant des masques : l'un, à genoux, Some Music ( 1981 )
lèche l'autre sur tout le corps .. Art informatique : The lnfmite Talk (1988) - Sonnets (en
cours)

BOUSTANI CHRISTIAN France Klaskacz


1971, 35 mm, N&B, sonore, 6'
Vidéaste d'origine libanaise, il enseigne à l'Université "Ce film, parmi les premiers de Bruszewski, est une
Paris I et fait partie de l'association de vidéo Grand sorte de compromis entre une approche formelle et
Canal. Il s'intéresse aux relations entre la vidéo et la pein­ émotionnelle du cinéma, et une préoccupation structu­
ture Avec la trilogie Cités anténeures, 11 cherche à donner relle pour les caractéristiques du médium cinématogra­
une vision onirique de villes trompe-l'œil, devenues phique." R.W.K.
BURE-SOH GWEK-NEO Chine/ France
-------------------- des modes d'éclairage permettant de modifier l'appa-
rence du corps des danseurs. La danseuse qui apparaît
dans ces films est l'une de ses d i sciples.
Plasticienne d'origine chinoise, née à Singapour, elle vit
à Pans depuis 1973 Biochimiste et peintre de forma­
tion, elle a étudié la peinture traditionnelle chino i se. Le Lys
Depuis 1985. elle concentre ses recherches sur les c. 1930, 16mm, N&B, sonore, 5'
nouvelles technologies de la communication. Pour ses Direction art1st1que Gab Sorère
performances interactives. elle utilise la caméra musicale, Danseuse : Miss Baker
un dispositif de traitement d'images en temps réel qui "Ciné-ballet" inspiré de La Danse de lys de Loïe Fuller
permet de Jouer du piano à d i stance. Elle a effectué en Le film, reconstitué par Renée L1chllg, a été synchronisé
1992 des séiours de recherche au Banff Centre for the avec l'aide de la danseuse Elisabeth Schwarz.
Arts, au Mc Luhan Program/Univers1té de Toronto, à
l'Université de Singapour. Ses œuvres interactives ont
été présentées en Europe, au Canada, en Australie et à CALLAS PETER Australie
Singapour

Né en 1952. il vit depuis 1982 entre Sydney et Tokyo. Il


Performances : P4 Phase 1 (1985) - Thoughts and
travaille dans le domaine des arts électroniques depuis
Action (1986) - Interactive Portrait (1987) - N2 Phase 18
plus de quinze ans. Artiste rés i dent à Tokyo en 1986.
(1987) - Interactive Music (1989) - Interactive Opera
son expérience au studio Maru1 lui a permis de définir
(1990) - lnterference Lrve (1991) - Jeux d'échecs (1993)
ses principes en matière de création vidéo • s'appro­
prier des images, les recombiner sur ordinateur en mul­
"Derrière la techn1c1té, Je cherche à inventer de nou­ tiples strates de couleurs, et les exploiter en milieu
velles regles du 1eu, des combinaisons esthét i ques urbain. Depu i s, sa recherche s'élabore autour de "la
Des notations sur un monde éphémère. Derrière les technologie comme terri toire". Il a réalisé un grand
ordinateurs, J'essaie de retrouver quelque chose nombre d'installations et des v1deodisques Ses œuvres
comme une âme. La communication, même très per­ ont été présentées dans le monde entier - rétrospect i ves
fectionnée, n'est 1ama1s qu'un outil. Il ne s'agit pas de à Berlin (1988). au MOMA de New York ( 1989), à
sophi stiquer les choses à tout prix. mais, au contraire, Londres (1990), Sydney (1990), Madrid (1990) et
de retrouver, par ces vecteurs-là. une substance. un Cologne (1991)-et ont obtenu de nombreux prix
corps originel Un monde virtuel, une totalité entre le
rêve et le vide.'' B.S. Vidéos • Singing Stone ( 1980) - The Esthelics of
Disappearance (1986) • Double Trouble (1986) - Neo­
Geo. An Amencan Purchase (1989) - Ernst Will's Pic/ure
Spatial Keyboard
Book (1993)
Performance interact i ve réalisée avec une caméra
Installations : Elementary Alphabetrcal (1981) - 1979
v i déo. deux ordinateurs. un piano. A distance, les
Animais (1984} - A Burn1ng Church (1985) - The
gestes dansés, min i maux de Bure-Sail déclenchent le
Fu1iyama Pyramid ProJect (1990) - Instructions to the
mouvement des touches du piano.
Double (1991) - A House Div1ded from Nlght's Hrgh
"La caméra musicale est un capteur qui pousse dans
Noon (1989) - Men of Vision (1993)
une invisible forêt de sons synthéllques, où vous jouez
Installations disques laser : If Pigs Could Fly (The Media
dans le vide, à l'oreille. J'ai connecté un piano à la con­
Machine) (1987) - Style (1988)
figuration, pour obtenir des sons acoustiques. Pouvoir
jouer du piano sans toucher le clavier est magique." B.S
Karkador
1986, vidéo. couleur, sonore. 3'
Callas revisite l'imagerie colorée du jeu de cartes 1apo-
_B_U_S_BY
_ G _ _O_R_G_ER
_ E _ ._ _______E_ t a_ _ts_-U_nr_ s_ nais Menko avec tous ses héros, et lu i fait tenir un autre
discours, fondé sur la d i alectique du maître et de
On ne connaît de ce réalisateur que La Féérie des bal- l'esclave.
lets fantastiques de Loie Fuller. Cet ensemble de neuf
courts métrages ou "ciné-ballets" a été réalisé bien après Night's High Noon; An Anti-Terrain
la mort de Loïe Fuller, danseuse et chorégraphe améri- 1988. vidéo, couleur, sonore, 8'
ca1ne qui fut la première à utiliser des jeux de lumière et Portrait d'une mémoire collect i ve ce qui a été subl i mé
oans la construction de l'identité contemporaine austra­ d, Urano (1991) - Orma Norma Forma (1991) - Luna
lienne. Chaque scène présente trois niveaux d'informa­ Piena a Dombosllawa (1992) - Un Giorno fortunato
tions, créant ainsi un Jeu de contrastes entre ce que la (1992)- Jacopo Barozzi(1993)
culture a retenu et les faits de !'Histoire Vidéos: A G,,nna,o (1993) - Un Minuta {1993) - Whi pa
cha Ira , p,ngu,n, (1993) - 30 Mmu/lo (1993)
Ambient Alphabet
1992. vidéo, couleur, sonore, 6' Stop
Callas s'interroge sur cette structure fondamentale qu'est 1993. vidéo. couleur, sonore, 13'40
l'alphabet en jouant sur la forme et la place des lettres. et ·•cette animation électronique est le prolongement.
tente de retrouver. dans la version anglaise des lettres dans 1e domaine de l'ordinateur, de la recherche que
latines. leurs possibles origines shamaniques j'ai entreprise: Il y a trente ans dans le domaine de la
peinture. Mon attention se porte principalement sur les
CARTMELL MIKE Canada problèmes de perception visuelle et sur les noeuds
sém1ot1ques déterminés par 1·emplo1 d'images sans
Cinéaste. 1ntent1on référentielle" T_C

Films : Prologue, lnfintte Obscure {1984) - Cartouche


(1986) CHAMBERS JACK Canada
ln the Form of the Lette, "X"
Peintre, dessinateur, cinéaste, poète né à London,
1985, 16mm, N&B, sonore, 5'30
Ontario (1931-1978) Il passa dix ans en Espagne, où il
"Ce film est basé sur la découverte quas1-!1ctive selon
fit ses études à la Real Academica des Sellas Arles de
laquelle le nom de Melville et mon nom ont la même
Madrid De retour au Canada en 1961, il acquit une
signification tous deux proviennent du vieux verbe
importante répulation, notamment en prenant position
français mesler qui signifie se réuntr, se rencontrer se
contre l'abstraction alors en vigueur C'est en 1964 qu'il
croiser, et tous deux sont des noms de villes et de car­
commença à réaliser des films pour utiliser un mode
refours. Par trans1t1v1té, je les réduis à "X", la lettre
d'expression indépendant des connaissances acadé­
grecque ch, (comme dans chimère) et le mode rhéto­
miques qu'il avait assimilées et pour intégrer le temps à
rique ch,asmus. La structure du film est en chiasme
ses images. Travaillant en 16mm sans se préoccuper
(c'est-à-dire qu'elle contient deux séquences paral­
des règles techniques, 11 explorait dans ses films, qu·11
lèles, mais la deuxième est reformée/déformée dans le
qualif1a1t de "personnels", "les dynamiques de la per­
sens inverse) et fonctionne comme une signature. Le
ception" ainsi que sa "propre expérience de la réalité"'
texte vient de Pierre de Melville et il est réécrit en chias­
Parallèlement. son intérêt pour la photographie l'amena
me dans la deuxième séquence Le film porte sur les
à réaliser une série de peintures d'argent démontrant
noms en général, sur la question du nom et de l'identité
les capacités de la lumière à créer des formes Il écnv11
et sur des problèmes relatifs au fait de nommer (cf. la
notamment Perceptual Rea/Jsm (1969). où 11 décrit l'art
paternité)" M.C
comme profondément ancré dans la perception de
l'expérience quotidienne, elle-même traversée par le
CASULA TONI NO //a/Je rythme cyclique de la vie et de la mort. Il participa acti­
vement à la défense des droits des artistes el à la fonda­
Peintre depuis 1948, il réalise des animations sur ordina­ tion, en 1971, de la Canadian Artists Representat1on Une
teur depuis 1990. Vit et travaille à Caglian (Sardaigne). rétrospective de toute son oeuvre picturale et cinématogra­
Mural1ste (1966-72), Il a travaillé pour la radio et la télévi­ pl1ique eut lieu en 1970 à la Vancouver Art Gallery et à la
sion (1966-90) et a fait partie de nombreux gr,oupes artis­ Ontario Art Gallery
tiques (Gruppo 58, Groupe Transat1onet, Centre de
Culture Démocratique, Centre d'Arts Visuels, Centre Films: LI/lie Red Riding Hood (1966) • Hybrid (1967) -
International d'Expérimentation d'Art Visuel) Il a égale­ R 34 (1967) -· C,rc/e (1968-69) CC C.I (posthume) •
ment publié Taccuino (Il Capatello), lmpara l'arte. Il L1bro Lite Still (posthume)
de, segni, Tra ved�re e non ttedere. Vedere e sapere
(Einaudi). Ses D1afanie (1990-93)ont été projetées dans "Le processus organique de la Nature qui constitue
des manifestations d'art électronique. également l'Homme. est aussi celui par lequel l'Hom'.'"'e
s'exprime spontanément au monde J'appelle real1 s --,.-2
Diaphanographies : Sa/ire su un treno ancora vuoto perceptuel la volonté d'imiter ce processus art- �-==-­
(1989)-Compagn, (1990) - Manhattan (1990) - La Luna lement
Plus on se familiarise avec les 13xpériences de la per­ voulais utiliser la couleur, les lignes et l'espace comme
ception, plus il devient évident qu'il existe, entre soi­ en peinture .. Finalement, cela m'a amenee à réaliser
même et les choses, une inhérente douceur. Cette cjou­ des productions combinant sculpture, danse et film.
ceur est telle qu'elle est aussi une communion qui influe Les sculptures danses sont des architectures définies
sur le monde extérieur En fin de compte, la perception dans l'espace qui deviennent des environnements
devient une conscience oubliée qui simplement est, fluides lorsqu'y intervient le corps Les danseurs se fon­
tout aussi naturellement que sont les choses qui nous dent dans les formes el' les lransforment. les transcen­
entourent." J.C dent par le mouvement. Ils ont l'impression que la
sculpture est un prolongement de leur corps. Je pense
Mosaic quant à moi que ce sont eux qui aioutent à la sculpture
1966, 16mm, N&B, sonore, 9' Un nombre infini de formes différentes peut donc naître
''La plupart des films de Jack Chambers évoquent le de la même sculpture." D C
cycle naissance-mort-renaissance. Mosa1c. son prerrner
film, est en grande partie constitué d'images extraites de Tal/ Arches
ses peintures sur la naissance et la mort. Leur alternance 1972, 16mm, couleur, sonore. 8'
rythmée suggère l'équilibre entre processus de création Sculptures Doris Chase, chorégraphie Mary Staton
et processus de destruction. A première vue, le film Les sculptures danses sont trois arches concentriques
semble décousu et fragmentaire mais. peu à peu, on en forme de 111d qui se déplacent et s'emboîtent comme
distingue ce motif d'alternance qui donne au film sa un puzzle chinois, La chorégraphie suit la logique des
collérence.On acquiert a1ns1 une compréhension de sculptures . unité, mult1pl1cité, emboîtement, disper­
l'ordre souterrain des choses . un ordre où la naissance sion ... Grâce à la tireuse optique, le film Joue sur la dif­
et la mort agissent en forces qui s'équilibrent mutul3lle­ fraction des couleurs et la démultiplication des formes.
ment Le film met en balance l'ordre artistique. l'ordre
perceptuel et l'ordre métaphysique." B. Eider
CHEVALIER MIGUEL Mexique/ France

CHASE DORIS Etats-Unis Plasticien, 11 est né en 1959 à Mexico et a fait ses études
--------------------
à Paris Il utilise l'ordinateur pour créer des ,mages fixes.
Cinéaste et vidéas1e, Doris Chase est considérée comme des objets. des bandes vidéo et des installations. Des
p1onn1ère de la vidéo-danse. Peintre à l'ong,ne, elle aborde bourses lu1 ont permis de travailler au Pratt lnstîtute of
la sculpture dans les années 60. en créant de petites com­ V1sual Art de New York (1985), à l'Université Musashino
pos1t1011s cinétiques purs des formes suffisamment grandes de Tokyo (1989) et au Musée international de l'hologra­
pour y incorporer la figure humaine. Elle entreprend é1lors phie à Madrid (1991).
une collaboration avec la chorégraphe Mary Staton et crée
des spectacles combinant danse et sculpture, qu'elle réin­ Vidéos : L'ord re et le chaos ( 1984) - Téléscopages
terprète par le film. En 1972, à New York, son travail sur le (1988) - Game Over (1989) - Pixels de neige (1990) -
film de danse s'élargit de l'apport de la vidéo, notamment Etat binaire (1991)
des synthétiseurs vidéo et de l'a111mation par ordinateur Installations : Serre (1987) - Podium (1988) - Totem
avec lesquels elle crée des hybrides danse-peintur,9 el (1989) - Attente (1989) - Croix (1992) - Arc (1990) -
explore de multiples effets visuels. Sa production filmo,gra­ Invasion (1992)
phique et vidéographique est très importante.
"L'ordinateur s'impose à moi comme support et outil de
Films: C"c/es / (1971) - Moon Gate Ill (1974) - Dance base Il ne s'agit pas d'exploiter la capacité industrielle de
Ntne (1975) - lmprov1sat1on (1977) - Dance Outline cet outil, mais de réfléchir sur la nature même de l'art
(1978) - Moon Redefined(1979) dans sa relation au réel
Vidéo-danses : M etting Statues (1976) - Dance F1ve Ces options manifestent l'intérêt que je porte à la commu-
(1976) - Jazz Dance (1979) - Wtndow (1980) - Skyfish 111cat1on el aux médias Avec l'ordinateur, qui se situe
(1981) - Elecrra Tnes to Speak (1982) - Dear Papa d'emblée au carrefour de la peinture, de la photographie
(1986) - St,// Fr.me (1988), et de la vidéo, nous penétrons en quelque sorte dans une
Sculptures vidéos : Mov1ng Forms (1974) - Rocker (1977) - culture numérique." M.C.
C1rcitng(1979) - Moon Redefined(1979) - P!ext Gate(1981)
Le Combat des images
J'utilisais le film pour capturer des instants de la danse 1986, vidéo, couleur sonore, s·
J'ai commencé à expérimenter les effets spéciaux car je Musique Jean-Luc Bardyn
''Raccourci des émissions sporlives d'un dimanche à la Sade et par les propos de Vertov sur une publicité
télévision La suraccumulation et la vitesse de défile­ parodiant les séries B, Mayhem est une tentative de
ment des images (70 par seconde) entraînent leur dis­ film dans lequel le son serait un protagoniste et qui se
parition par saturation. Cette pièce vidéo/numérique est focaliserait sur l'érotisme. Pas tant pour déjouer son
une recherche sur le processus du zapping, la multipli­ propre piège (avoir peur de ce qu'on désire/désirer ce
cité des écrans. la télévision dans la télévision. Le sport dont on a peur). que pour circonscrire son destin en
est utilisé ici comme métaphore de notre société de démontrant son caractère changeant, en transgressant
compétition où il faut touiours aller plus vite, plus haut. l'ordinaire et en trouvant satisfaction au-delà de ses
plus fort." M.C. propres ccntradictions "A.C.

CHILD ABIGAIL Etats-Unis COR NELL JOSEPH Etats-Unis

Après des études d'histoire. de littérature et d'art. Ab1ga1I Peintre ( 19D3-1972), auteur de collages, d'assemblages
Child réalise quelques films documentaires. C'est en d'ob1ets, de "boîtes", 11 prend part dès les années vingt
1979 qu'elle opte pour un cinéma personnel. Elle à la vie artistique de New York. En 1932, il rencontre les
enseigne la réalisation et l'h1sto1re du cinéma dans plu­ surréalistes en exil et participe à l'exposition Minutie,
sieurs écoles d'art. donne des conférences et s'occupe cloches de verre, coups d'œil et 1ouets surréalistes à la
de programmation de films, écrit de nombreux articles et galerie Julien Levy. Amateur fervent de cinéma, il collec­
essais parmi lesquels From Solids et Climate/Plus. Ses uonne des films, des photogrammes, des bouts d'essai.
travaux, qui sont essentiellement des détournements de Sa première approche du cinéma est un projet de film
métrage trouvé. sont largement diffusés aux Etats-Unis stéréoscopique En 1939, il réalise Rose Hobart, le pre­
et en Europe et appartiennent aux collections perma­ mier film de l'histoire du cinéma qui soit une compilation
nentes du MOMA (New Y ork) et du Centre Georges de métrage trouvé Par la suite, il continuera à pratiquer
Pompidou le ré-assemblage, en s'inspirant pour le remontage des
films de ses techniques de collage d'objets, et récipro­
Films : Except the People (1970) - Tar Garden (1975) - quement. Dans les années 50-60, 11 a pour assistant
Peripete1a ( 1977-78) - Ornamentals ( 1979) - ls This Larry Jordan. qui termine sous ses indications la trilogie
What You Were Born For ? (1981-89) des courts métrages lyriques commencés, pu,s aban­
Vidéos: Swamp Sangs (1989) - Swamp (1990) - E1ght donnés en 1930. Juste avant sa mort. il organise une
expos,t,on de ses œuvres "réservée aux enfants"
Mi/Iton (1991)

"La série /s This What You Were Born For ? est une syn­ Films : Coti/lion ( 1930-1970) - The Chtldren 's Party
thèse de mes recherclles cinématographiques dans le (1930-1970) - The M1dmgl1t Party (1930-1970) - The
contexte agressif de la hn du xx e siècle. Le titre est Av,ary ( 1954) - Centunes of June ( 1955) - Gmr Rednow
emprunté à une eau-forte de la série Les Désastres de (1955) . What Mozart Saw on Mulberry Street (1978) -
fa guerre de Goya Chacun des sepi cllap1tres est en A Fable foi Fountains (1957-1970)
soi une enl!té, avec une relation ,mage/son spécifique et
se penche sur un aspect particulier du cllamp social 11
n'y a pas de continuité entre les films qui dressent plutôt Rose Hobart
une cartographie des recoins de l'1mag1na,re là où se 1939. 16mm. couleur sonore. 20·
ioue le traitement de l'image. son exploration formelle, De la production de série B East oi Borneo ( 1931),
sa place dans le montage et là ou. finalement. survient Joseph Cornell a retenu en ma1orité les plans où appa­
(inévitablement) quelque chose d'imprévu AC rait racuice Rose Hobart et a incorporé dans ce drame
oe la 1ungle, des extraits de documentaires scienti­
Mayhem /101.,es Selon 1u,. ce film contenait "des passages rap­
1987. 16mm, N&B. sonore. 20' oe ar>I combien le cinéma muet a le pouvoir d'évoquer
''Sixième partie de 16 Th,s What You Were Born Fo- ? .r -r.onde idéal de beauté". Son re-montage disloque
melange d'images originales et de métrage trouvé e •écr.. inverse les plans. Joue insolemment de faux­
(films noirs, thrillers télévisuels bandes d�ssinées ·êccorcs, de contradictions, d'ellipses. Noir et blanc
mexicaines), le film fait appel au voyeurisme au o aIs1r :ei'l:é proieré à la vitesse du muet pour étirer les gestes,
à la mascarade et à l'érotisme pour célébrer de iaçor s:iu'.enu oar une musique brésilienne, il oscille entre
fragmentée, la sexualité Inspiré à la fois par Jusune ce rrysœre onirique et humour nostalgique
CUCCIA SALVO lialie raçon de dépasser la maladie de Toi, peintre infectei:
par le virus du sida. Il s agit de contrebalancer le qu0i1-
V1déaste, il v,t à Palerme où il travaille en tant qu'arch1- d1en noir et blanc, les passages a l'hôpital, par la cot.­
viste à la Cinémathèque En 1984, 11 cofonde Arte Vis1va leur et de développer des échappées oniriques:· T C
Elettronica, assocIa11on consacrée à la promotion et à la
d1ffus1on de productions vidéo indépendantes. Première
de ce genre en S,c,le, l'assocIalion a également organi- ----- ------------
DAYM ON D K. Canada
sé à Palerme des manifestations internationales • Video
Performrng Arts (1984). Personale di Bob Wilson (1986), Née en 1958, elle v,t à Toronto. Etudes de théâtre.
The Elusive Sign (1989). En 1987, Salvo Cuccia fonde sciences politlques. ph1losoph1e et cinéma. Nice Girls
Avalon, coopérative vidéo. Par ailleurs. 11 organise des Don't Do Il est son premier film. Elle travaille actuelle­
manifestations aud1ov1suelles au cinéma Cucc1a de ment à un court métrage expérimental sur le thème de
Palerme (salle créée par son grand-père à la fin des l'hymen.
années 40) et gère depuis 1990, un cinéma ambulant
qui circule entre plusieurs communes siciliennes En tant "Je ne suis pas artiste. Je fa,s très rarement des films et
qu'auteur, 11 a réalisé depuis 1986 une vingtaine de en général â contre-cœur, dans la mesure où la réal1sa­
vidéos, parmi lesquelles des documentaires et des fic­ tIon indépendante sans moyens est très emmerdante
tions. Depuis 1990 il s'oriente vers la vidéo de création. Cependant s, le sujet est important ou amusant. Je
peux m'en donner la peine. Lesbienne féministe, Je su,s
Vidéos: Se, /avale ,!lustrale (1990) - Ad ltbitum (1992) - intéressée par tout ce qui sort de la norme en matière
Syrena (1992) - Sex Without Me (1993) - Evidence de de sexualité." K D.
O,onysos (1993) - lmmaterial Love (1993) - Toccare
(1993) Nice Girls Don't Do tt
1990, 16mm, N&B, sonore. 13'
Shiki "Hippocrate croyait qu'elle avait une fonction reproduc­
1993, vidéo. N&B et couleur, sonore, 1T trice, Aristote la voyait comme une forme de pla1s1r par­
Danse Buta Tadash, Endo ticulièrement créative, Freud l'a classée dans la catégorie
"Sh1k1, c'est le temps du commencement, mais aussi des pathologies et le milieu médical contemporain
celui de la mort, des saisons. des célébrations et du continue à la réduire à une rncontinence urinaire Elle.
courage La danse, la musique et la caméra vidéo don- c'est l'éjaculation féminine - et 11 est clair que les Ieunes
nent lieu à une cosmogorne qui se transforme en cycle femmes bien élevées n'ont pas ce genre de pratiques
vital. Scandée en trois parties, comme la performance Quoique.. Utilisant les élements de d1tferents genres
conçue par Tadashi Endo (Tonnerre. Métamorphose, cinématographiques sans jamais se conformer à aucun,
Eau), la vidéo renvoie, avec son langage électron que le film s'aliaque aux idées conventiornellement atta­
et à travers un montage circulaire, aux grandes QJes­ chées aux sexualités masculine et féminine et déJoue
.
tions posées par le Buta . S C. les connotations qui entourent certaines images du corps
des femmes L'économie sexuelle masculine hégémo­
nique, progression linéaire Jusqu'à la dépense, est recon-
CURTY Toï France figurée dans le corps féminin en dépense multiforme. Le
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film se veut surtout une célébration susceptible de créer
Peintre, née en France en 1964 un espace où puisse s'énoncer autrement cet aspect
de l'expérience féminine longtemps réduit au silence el
"Vivante mais mortelle. Après des passages éc airs à l'ignominie." l<.D.
dans diverses universités (sciences économiques,
langues orientales, faculté d'anglais), se lance dans le
dessin alimentaire et la peinture Scotchée par le sida, DEVAUX FRÉDÉRIQUE France
elle a envie de donner son interprétation personnelle
par la vidéo et la palette électrornque. Elle souhaite une Née à Paris en 1956, elle participe depuis 1980 à la plu­
mort sereine" T _.;. part des marnfestations du mouvement lettriste dans
l'esprit duquel elle a réalisé diverses œuvres expérimen-
Le Rôdeur tales : travail sur pellicule ou quête d'un alphabet c,né-
1993, vidéo, couleur, sonore. 20' matographique. Elle est l'auteur de cinq documentaires.
En collaborat,on avec Jean-Louis Le Tacon. de romans. de nouvelles et d'écrits sur le cinéma (Vertov
·cr, de rage. de désespoir, mais aussi d'espoir Une le cinéma lettriste) et l'art contemporain (photographie)
Films : Film avec pellicule (1980) • lmagog,e (1981) - films abstraits. sur les effets lumineux notamment. et
F1l{m)age (coréalisat1on Michel Amarger, 1985) - invente en 1950 le lum1graph. A partir de 1961, 11 se
Cinègraphique (1987) - Strates (1988) - Lettnsmes consacre uniquement à la peinture. Ses œuvres ont
Le/lostes (coréallsation M Amarger, 1988) - Post-scnp­ énormément influencé les cinéastes de la côte Ouest
tum (1992) qui lui ont succédé

"Je travaille dans la voie cIselante de déconstructIon de Films : Staffs - Orgel stabe ( 1923-27) - R-7. ein
la matière ou dans le sens de la recl1erche d'une écrilure Formsp1el ( 1927) • Müncilen-Berlin Wanderung ( 1927) •
infinie faisant fréquemment retour aux origines. donc à Sludie nr.5 ( 1930) • Stud1e nr 6 ( 1930) • Llebessp1e/
l'h1sto1re du cinéma et de l'écriture Le cinéma, à tra­ (1931) - Squares (1934) - Kompos1tion ,n Blau (1935) -
vers ses créateurs et ses chefs-d'œuvre, serait-il un Allegretto (1936) - Radio Dynam1cs (1943) - Motion
alphabet universel?" F.O. Pa,nt,ng nr 1 (1947) Muntz TV(1953)

Altergraphies 1 Wachs-Experimente
1981. 16mm N&B, sans son, 10· 1923, 16mm couleur sans son, 9'
"Sur une pellicule transparente, ces signes (français, "Fisch1nger dessina en 1921 un stand d'an1mat1on où 11
latins, d'or1g1ne hébràique, etc ) défilent tels quels ou synchronisa l'obturateur de la caméra avec une lame
après avoir été transformés selon des rythmes variables coupante Il créa l'imagerie en modelant un bloc de
L'œuvre était 1n1t1alement projetée sur un écran hyper­ formes avec de la cire et du kaolin de couleur. Ce bloc
graphique." F.O. était ensuite 1ntroduIt dans la machine tranchante. et à
chaque nouvelle frne tranche correspondait une image
pour la caméra. On trouve une grande variété de motifs
FAR KAS GABOR Hongrie dans l'imagerie de ces séquences, qui vont de simples
lignes en mouvement à des vagues de lignes parallèles
Plasticien, v1déaste, photographe, né à Szombathely en ondoyant à la surface de l'écran dans des flux latéraux
1965. Membre du groupe artIstIque Ujlak, Budapest. souples et s'imbriquant dans des couches de mandalas,
réminiscence de fleurs s'ouvrant et se fermant. Lune de
Lagging Behind ces fleurs est peut-être la rose alchimique.'' W Moritz
1991. vidéo, 4'
"Peut-être est-il nécessaire de transgresser les rythmes Spira/en
contraignants qui pèsent lourdement sur nous, afin que 1926. 16mm, N&B, sans son, 4'
notre respiration intérieure se réaffirme - G.F 'Alors que FischInger utilisera des spirales comme fond
pour de nombreux films tardifs, pendant la période
munichoise, il créa au moins un film composé unique­
FISCHINGER OSKAR Allemagne/Etats-Unis ment des variations optiques obtenues pa- des motifs
moirés et par des vortex tournoyants La durée de cer­
Dans les années 20, Oskar Fisch1 nger (1900-1967) taines séquences suggère la concentration méditative
abandonne son métier de facteur d'orgues pour se des mandalas. alors que d'autres parties préfigurent
consacrer à la recherche d'un cinéma abstrait basé sur les délices spirituels de l'Op Art Cette copie est com­
le mouvement des lignes et des formes pures Après les posée de trois fragments W M.
Studien, variations d'ombre et de lumière fondées sur la
recherche de "rythmes coloriés'', il s·1ntéresse a l'aspecr Untitled
visuel des bandes sonores cinématographiques e, cree 1952. ;ilm stéreoscopIque. couleur. sans son, 1'
des sons synthétiques. En 1926. Il s'installe è Ser Ir ·Auss1;61 après avoir terminé Motion Painting (1947),
dans un studio indépendant et obtient un comrei avec a Fischmger emrepnt des expériences pour étudier la
U F.A. pour les effets spéciaux du film Frau 1m Mo10 ce callrgraph,e des phénomènes en trois dimensions. en
F Lang En 1932 se tient à Munich le premier ies:.va ce _.:ilisant des photographies successives pour calculer
ses films, tandis qu'il invente le son dessine. transcno­ o.;s déolacements en profondeur. Il peIgnIt une série
tion du son en for�s abstraites En 1936. iuya'li 'e oe canevas sur lesquels les informations pour l'œII droit
nazisme, il part s'installer à Hollywood ou Perarr:::iun, ,u. e: arl gauche figuraient sur deux images côte à côte.
propose un contrat. Il peint, dessine et tourne R.'leos:;a_v :', 1951 11 construisit un banc-titre spécial qui lui per­
in Blue de Gerschwin, collabore brièvemem ê:\ec rr enai1 oe peindre et de filmer deux images
Disney pour Fantasia et partIcIpe à un pro1e1 r.on réa. ·se a,01e1gauct1E à la fois, selon la technique utilisée dans
d'Orson Welles Il continue également à réalise� Ces ·.to11on ?a,nung .. V Sorensen
FOREST FRED France vient de publier The Bar Report Artiste en résidence au
Mc Luhan Program (Culture et Technologie) de l'Université
Après avoir été peintre et dessinateur, Fred Forest se de Toronto en 1994, elle enseigne à la York Un1vers1ty.
consacre à la recherche de moyens d'expression artis­
tique relevant des nouveaux médias dispos1t1fs de Vidéos et installations : String Garnes • Improvisations
communication technologiques et interventions diverses for Inter-City Video (1974) - Signs of a Plot: A Text. True
utilisant les mass média. Pionnier de l'art vidéo 11 est le Story & Work oi Art (1978) - The Las/ Screening Room .
premier artiste en France à créer des environnements A Valentine (1984) - Lost Art A Cargo Cult Romance
méd1at1ques Cofondateur de l'art soc1olog1que en 1974, ( 1986) - Censored . or the Makmg of a Pornographer
il réalise différentes expénences sur la presse, de portée (1987) - This is Your Mess/ah Speakmg (1990)
symbolique, esthétique et critique Dans sa pratique
artistique, il utilise le téléphone, la vidéo, la radio, la télé­
"Les questions relatives à l'exil et au déplacement sour­
v1s1on. les réseaux télématiques, l'ordinateur, les satel­
dent dans mon œuvre. depuis les premières
lites, la robotique, le câble, la presse écrite, les journaux
bandes/installations sur l'artiste en exil Jusqu'aux tra­
lumineux ... Il a représenté la France à la Biennale de
vaux qui rattachent la censure, le consumérisme et le
Venise et à la Documenta de Kassel (1987).
messianisme en tant que phénomènes, au pouvoir d'exi­
ler le moi des sens. Cette œuvre vise les idées reçues
Œuvres : lnterrogat1on 69 (installation vidéo interactive,
enfouies dans la culture et emprunte des formes pluri­
1969) - Archéologie électronique du présent(installat1on
di sc i pl ina1 res (installations, performances, textes
vidéo interactive, 1973) - Le Réseau Passé-Présent
publiés aussi bien que bandes vidéo) qui proposent de
(performance action multimédia. 1984) - Rituels téléma­
fructueus,es contradictions internes, afin de les sou­
trques pour cinq nuits blanches (1989) - La Bible élec­
mettre à un examen minutieux " V.F
tronique (environnement sable et 1ournal lumineux,
1991) - Fred Forest Président (action multimedia, 1991) -
From the Transit Bar
Les MJradors de la Paix (installation de communication
1992, vidéo, couleur. sonore, 30'
à la frontière de l'ex-Yougoslavie 1993)
"Quinze récits personnels de déplacement d'une culture
'·Ma démarche constitue un travail sur la communica/1on à une autre. livrés au spectateur comme s'il était un
tenancier de bar L'intimité transitoire qui amène des
elle-même Démarche qui s'illustre non plus par la pro­
étrangers, protégés par l'anonymat. à se raconter des
duction d'œuvres sous forme d'objets. mais sous forme
fragments de leur vie, permet d'expérimenter un genre
de communications diverses Dans une situation histo­
qui se situe entre le documentaire et la fiction La voix
rique de rupture sans précédent, 11 faut inventer d'autres
off s'expnrne soit en polonais, soit en y1dd1sh, c'est-à­
arts et non pas tenter d'adapter des modèles périmés
dire dans des langues qui sont marginalisées en
aux nécessités du 1our Ce que l'artiste de la commun1-
cat1on vise à exprimer par ses actions, c'est que nous Allemagn,e. Les sous-titres sont alternativement en
anglais, en français et en allemand" V.F
sommes situés au centre d'un processus global d'infor­
mation dont le fonctionnement complexe place l'individu
dans une position 1néd1te qui doit être exprimée par des
formes 1néd1tes Son but n·est pas de produire des signi- GÂBOR' ÂRON Hongrie
ficat1ons au premier niveau mais de nous faire prendre
conscience comment la pratique généralisée de la com­ Plasi1c1en. cinéaste. v1déaste. ne à Budap.est en 1954.
munication interagit finalement sur l'ensemble des sys­ Erudes de peinture à l'Académie des beaux-arts de
tèmes sensibles." F. F Budapest (1981-82) Il réalise des films en Super 8
enIrs 198�' et 1985 puis, à partir de 1989, des vidéos
ir'ograph11ques et des c1bachromes. Titulaire de la
FRENKEL VERA Canada Bourse Di�rkov1ts ( 1983-86) et de la Bourse Jôzsef
Eôtvos f 19187-88). lauréat de Ars Electronica en 1988,
Née à Bratislava et élevée en Angleterre. elle vn 5 ïc•c�;o ses œuvr,es ont été présentées en Allemagne en
Artiste pluri-d1sc1plinairc11. elle utilise la v1deo. te fllrr.. ·es = nlarde e•n Espagne et à San Francisco.
enregistrements sonores. les textes pour créer d� 1rs.2 E­
tions ou des interventions dans le cadre urbar. Soï 3.- - Films : Expenmental Ftlm Making in Hungary (1982) •
mation Messia/1 Speakmg a été présentée sur 1€ :Jar-ieE:_ =x'l1boon and Pro1ect10n (1983) - Installations on a
électronique de Piccad1lly Circus (Londres) en 1991. â e a Tao'e{198-4l
représenté le Canada à Documenta IX (l<assel) en 1992 s.: Vidéos: Ouerv Sertes (1989)
"L'utIllsat1on de l'ordinateur dans les arts graphiques me Vidéos : Technopop in Wonder/and (1982) - Andazona
semble encore à ses balbutiements : ce n'est pas encore (1983) - Cloud s of Glory (1984) - Fugll,ves m Black &
un art autonome .. Les dessins parfaits obtenus par l'uti­ White (1985) - Fuck your Oreams th,s ,s Heaven (1986) -
lisation d'une technologie sophistiquée ne sont que des H,dmg ,n Oust ( 1987) • De doute et de grâce ( 1989) - A
contrepoints à un monde organique mais constituent, en capella ( 1990) - Les Contammat,ons (1992) - En pire
cela même, d'importants points de repère. (1993)
Dans mes réalisations, Ie m'intéresse pnncipalement aux
distorsions, aux lentilles et aux miroirs, aux lumières qui Par d'autres mains manipulé
peuvent transformer la fonction orrgrnale de l'objet·• A.G 1992, vidéo, couleur, sonore, 1·
Query IV "Un constat en dix tableaux en hommage à Barbara
1991. vidéo. couleur sonore, s· Kruger " P G./C W
"Cette vidéo entrelace la réalité à la rêverie. J'ai utilisé
l'ordinateur pour dessiner sur des photos et proposer
une expérience autre de l'espace. Cette caractéristique GIANNAR1S CONSTANTINE Grèce/G.-B
autre ne peut être obtenue que par la modification de
l'espace pictural à l'arde d'un pinceau électronique Né en Grèce en 1959, il part en Angleterre à la fin des
Ce qui m'intéresse. c'est la problématique du temps, années 70, Jarre des études d'l1istoire et d'économie, A
l'autre moment, celur d'un nouveau monde spatial, la Londres, ri milite dans différents groupes politiques et
brièveté dans la duree et l'rnfinr dans l'éclair." A.G. re1oint le Lesbian & Gay Video Project Entre 1984 et
1986, il réalise des clips pour London Records (Bronski
Beat, The Communards) C'est en 1987 qu'il envisage
GAUMNITZ MICHAËL France
sérieusement de faire des films, "en partie à cause de
Né à Dresden en 1947, il a acquis la nationalité française. mon am, mort du sida, en partie à cause du sentiment
Formation à l'Ecole des beaux-arts de Berlin, puis de de ma propre mortalité • pour tirer le meilleur parti du
Parjs. Peintre, il se consacre depuis 1984 à la création peu de temps que l'on passe sur Terre" Devenu depuis
sur palette graphique. Il réalise des bandes annonces une figure importante du cinéma indépendant anglais, il
pour la télévision et des manifestations diverses En a obtenu en 1992 le prrx du magazine Gay Times pour
1991-92. 11 collabore au Coumer des Téléspectateurs son exploration de thèmes gays au crnérna
(La SepVFrance 3) En 1993, 11 se consacre à la création
Les Ruba'1yat, srx poèmes d'Omar Khayyâm recréés en
Frlms • Frame Youth (1984) - Jean Genet , s Oead
six enluminures graphiques. Ses réalisations ont obtenu
(1987)-A Man and a Woman (1987) · 01sco·s Revenge
de nombreux prrx.
(1988) - A Malter of Lde and Dea/11 (1989) - A
Vidéos : Carnets d'esquisses (1985) - Portraits (1987) - Desperate V1tal1ty ( 1990) • Silences ( 1990) - Caught
Pans,enne (1988) - Portrait de JC. Averty (19!:10) - En Lookmg ( 1991) - North of Vortex ( 1991) - Obsessions
passant par l'hôpital (1991) - Résister (1991) - L 'Art en (1993)
jeu (1991)

La Femme qui tricote Trojans


1992, vidéo. N&B, sonore. 3' 1989, 16mm, N&B, sonore, 35'
Extrait du Coumer des téléspectateurs. illustration et Avec Cyril Epstein et Rupert Cole
animauon sur palette graphique de lettres éloq1euses "La vie et l'œuvre revisitées du poète grec Constantin
ou courroucées des téléspectateurs de La Sept Cavaty (186 3-1933, Alexandrie, Egypte) Les biogra­
"Les lettres parlaient de la télév1s1on, Je fa1sa1s mon phies et exégèses officielles de Cavafy. admrré pour
choix puis Je les illustrais en les recopiant sur palette sa contribution à la littérature grecque et même élevé
graphique et en les a111mant. J'obéissais à quelques cn­ au rang de poète national, passent souvent sous silen­
tères le respect. la tendresse même, vis-à-vis de ceux ce son homosexualité. A travers une reconst1tut1on
qui écrivaient, et la sobriété dans ma réalisation.' M,G mythique de l'Alexandrre du poète. le film propose une
vIsron lyrique rnsprrée de quelques-uns de ses poèmes
les plus célèbres. Trojans inscrit la sexualité de l'écri­
GEETE�E {DE) PATRICK
vaIn au cœur de son œuvre, permettant ainsi une plus
WAGNER CATHY France
Juste relecture de sa poésre et de ses passions Mais
VIdéastes vivant à Paris, ils produisent des clips, des Tro1ans n'est pas une simple lecture nostalgique. C'est
génénques el des vidéos industrielles parallèlement à aussi une réflexion contemporaine sur le désir et la tra-
leur travail artistique personnel gédie." C.G.
GOFF JOHN Grande-Bretagne
-------------------- pro1etées et les filtrer par des verres polarisants Gram
réussit à créer des mouvements réguliers et des inter­
Auteur de vidéos cfepuls 1983, il explore à travers actions réalistes entre ces figures abst1•aites en transior­
l'image électronique de nouvelles formes d'abstractions mat1on." V. S.
visuelles. Il travaille aussi comme monteur ou technicien
pour des films narratifs ou documentaires
GREENAWAY PETER Grande-Bretagne
Vidéos : One Earth, one Humanity, one Future (1982) -
Study of Two Sleepers (1983) - Transitive /-IV (1984-86) - Figure majeure du cinéma anglais, il entreprend dans les
Ce/ebnties (1985) - Alap (1985) - Memento Mari (19856) - années 60, alors qu'il étudiait la peintur,e aux Beaux-Arts
/ncomplet e ( 1987) - lntenor Machine ( 1987) - Fl1ght la réalisation de films expérimentaux en 8mm avec des
(1988)- Vibrant-Matrix (1991) préoccupations structuralistes. Vers 1975, il intègre à ses
films son goût pour la tradition picturale anglaise du pay­
Radio Image sage C'est à cette époque que commence sa collabora­
1989, vidéo, couleur, sonore, 4' t1on avec le compositeur Michael Nyman. A partir de
Grâce à un tube cathodique et un ordinateur, le son 1982, il réalise des longs métrages de fiction, ainsi que
d'une radiation électro-magnétique est rendu visible des émissions de télévision. Depuis 1985, il explore le
L'image rad i o, dans son mouvement même, révèle ses potentiel des technologies de pointe et de l'interface
sources à la fois visuelles et sonores film/vidéo.

Films : Train (1966) - Révolu tion ( 1967) - lntervals


GRANT DWINNEL Etats-Unis (1969) - Erosion (1971) - Windows {1975) - One to One
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Hu n dre d (1978) - Vertical Features l'1emake (1978) -
·'C'est en 1940, dans l'Ohio, que Ow1nell Grant (1912- Zandra Rhodes (1979)
1991) commença à faire des films d'animation abstraits Vidéos: The Palis (1980) - Act of Gad: Lightning (1981} -
dans le prolongement de ses peintures. Ses neufs com­ A TV Dante Gantas 1-8 (1985-90) - Les Morts de la
pos1 t1on s cinématogra phiques abstraites vont de Seine ( 1989)
Contrathemis (1941) avec ses configurations géomé­
triques intriquées dans le style de Fischinger à Co/or Propero's Books (générique)
Sequence (1943) qui se compose intégralement d'aplats 1992. 35mm, couleur, sonore, 15'
de couleurs pures ,en alternance dynamique. Il réalisa Infographie • Eve Ramboz
également des films de vulgarisation scientifique ainsi Réalisé avec la collaboration de l'infograph1ste Eve
que des films publicitaires pour financer sa création pic­ Ramboz, ulilisant la Paint-Box et les dern ières technolo­
turale abstraite et sa production cinématographique.'· gies télévisuelles Japonaises, ce générique mélange des
V. Sorensen images haute et basse définition et travaille sur l'inter­
face film/vidéo En intégrant ces techniques, Greenaway
Films : Them1s (1940) - Abstract Experiments (1942) - élargit le vocabulaire cinématographique
Composition n° 3 ( 1942) - Co/or Sequence ( 1943) -
Compos1t1on n°5 ( Hl49)
GREGOR LUTZ Allemagne
Contrathemis : Composition Il
1941, 16mm, couleur, sans son, 3' Cinéaste né en 1952, il vit à Cologne et travaille au
Des lumières d'intensité variable se déplacent sur des département i mage de Tanzperformanz Depuis 1984, Il
formes colorées abstraites et en transformation enseigne à l'Institut de sémiotique de l'Université Libre
de Berlin.
3 Themes in Variaition : Composition IV
(Stereoscopic Stuc/y n° 1) Vidéo-danse : Der Gehangre 1m Garren der Venus
1945. 16mm N&B, sans son, 4' (1988)
"Composit1Qn 4 prolonge l'1mager1e complexe de Film-danse: Ange/us Novus (1991)
$
Contrathem,s (Compos1tion 2) dans le monde de la
perspective au sens littéral et illus1onrnste du ierme. Les Kontakt Triptychon
informations de l'ceil droit et de l'œil gauche om été 1992, 16mm, N&B, sonore, 30-
animées côte à côte sur le même cadre filmique eë 1..n Danseurs Nien Marie Chatz, Dieter Heitkamp, Kurt Kôgel.
pnsme était employé pour faire se chevaucher les images Ka Rustler musique : Michael Rodach, Giuseppe Verdi
"Trois histoires d'amour parallèles (un homme/une Aina Smid est née en 1957 à L1ubljana, où elle a fan des
femme, un homme/un homme, une femme/une femme) études d'histoire de l'art. Elle travaille en tant que 1our­
racontées exclusivement par la danse et le mouvement naliste indépendante et réalise des vidéos depuis 1982,
Je filme la tendresse, la violence, les relations entre les Grzinic & Smid ont collaboré sur plus d'une v1ngta1ne de
êtres... J'ai demandé aux acteurs-danseurs d'avoir des projets videos et programmes télévisuels. En 1990. elles
rapports très forts pour que l'image parle d'elle-même. étaient "artistes invitées" par le Banff Centre for the Arts
Par le mouvement de la caméra et celui d'une scène de (Canada) Leurs œuvres ont été présentées en Europe
théâtre tournante. Je souhaite que le spectateur entre et en Amérique du Nord Rétrospective à Ljubljana en
dans la danse, qu'il sente lui-même l'énergie, le mouve­ 1992
ment dans son propre corps. Il s'agit d'un transfert d'un
corps à un autre " L G Vidéos • l kone glamour1a • Odmevi smrt, (1982) -
Grozn1a Pr,hodnos11 (1983) • Dama (1987) • Oeklica z
oranzo (1987) - Viz1orama - Zed (1989) - Tn sestre
GREYSON JOHN Canada ( 1992) • Zenska, ki nenehno govon (1993)
Installations: Trenutki odlocitve (1985) • Moskovsk1 por­
Cinéaste et vidéaste né à Nelson (British Columbia) en tret, (1990) - Sejalec ( 1991)
1960. Etudes d'arts visuels à London, Ontario. A partir
de 1991, il est membre du Canadian Film Centre de "En cette fin de si ècle, dans les soi-disant pays
Toronto. Il a enseigné au Cahforrna lnstitute of the Arts d'Europe centrale et orientale de l'après-socialisme. la
et à !'Ontario College of Arts. Organisateur de nom­ vidéo s'est développée en tant que regard spécifique,
breux programmes vidéo, 11 a notamment coordonné le qui nous permet de lire !'Histoire, de voir au travers de
pro1et AIDS (Angry lrnt1atives/Deflani Strategies) pour la surface de l'image et peut-être de pressentir le futur.
une chaîne de télévision californienne Il a publié de Nous insérons des images de reportage dans le maté­
nombreux articles et, récemment. une anthologie d'écrits riau fict1onnel. La structure des procédés électroniques
sur le sida. Ses films et vidéos ont été présentés en nous permet un montage paradoxal et non-linéaire. Nos
Amérique du Nord et en Europe. vidéos tentent de créer une empathie ou règne l'apa·
thie, de créer une angoisse sans extase." M.G.
Vidéos: The First Draft (1980) • The Pertls of Pedagogy
(1984) • The Jungle Boy (1985) • Moscow Does Not
Labirint
Bel1eve in Queers (1986) - The ADS Epldem,c (1987) -
1993, vidéo, couleur, sonore, 11'30
The World ls Siek ( 1989) • No Way Charlie Brown
''Ce projet de vidéo-danse consiste en une sorte de
(1990)
regard poétique condensé et cynique sur la situation
actuelle dans l'ex-Yougoslavie Des mouvements de
The Pink Pimpernel
danse hystériques et trépidants sont juxtaposés à une
1989, vidéo, couleur, sonore, 32'
imagerie/architecture surréaliste et art1f1c1ellement
Inspiré de The Scar/et Pimpernel, The Pink Pimperne/
construite et a des images de camps de réfugiés bos­
met en scène un dandy apolitique et son amant. Leur
niaques de Lubljana. Le motif central de cette œuvre
drame est mis en parallèle avec des entretiens de mili­
v1déograph1que est l'installation du corps dans des lieux
tants d'Action Now et quatre publicités détournées pour
traumatiques du monde 1nténeur et extérieur·· M.G /A.S
le safer sex. Ces "spots public1ta1res" font référence,
entre autres, au film de Jean Genet. Un chant d'amour.
et à celui d'Andy Warhol, Blow Job, tous deux considé­
rés comme des manifestes homosexuels HADA AKIKO Japon/ Allemagne

Née au Japon en 1961 elle a vécu en Angleterre entre


GRZINIC MARINA/ SMID AINA Slovème 1979 et 1989. Actuellement, elle vil et travaille à Berlin.
Vidéaste depuis 1982, elle est aussi productrice et
Manna Grz1nic est née à Rijeka en 1958. Etudes de monteuse pour des travaux commerciaux ou indépen­
soc1olog1e de la culture à la Faculté des Arts de dants. parmi lesquels trois productions pour Channel 4,
Ljubljana••./i�éaste, critique, théoricienne, elle participe ainsi qu'une piece audiovisuelle éd1tee en CD vidéo
également, depuis 1982, à la mise en place de nom­ (Mute Records) Travaillant souvent en collaborat1on
breuses expositions et proiets d'art contemporain Elle étroite avec des musiciens. ses bandes les plus récentes
a bénéficié en 1988 d'une bourse de recherches aux explorent notamment les relations image/son sous
Etats-Unis diverses formes expérimentales.
Vidéos: The Branks (1982) - Double lndemmty (1983) - Forester interroge, dans le contexte de la Communauté
Flowers (1985) - James Bank ,n Matt Blackfinger (1988) - Européenne, la tendance qu'a la Finlande à créer des
Oh, Ho Bang Bang the Two (1988) -Art Maderna Cha mythes sur sa propre forêt M H
Cha Cha (1989) - The Fa/1 of a Oueen, or the Taste of
the Frwt to Come (1991) Transver.sum
1993, v1dEio, couleur, sonore, 20'
The Leap - No Leap Chorégraphie Come Ou,ckly for l'm Seemg Stars de
1992, vidéo, couleur, sonore, 22'30 lsmo-Pekl<a Heikinhe1mo
Avec Cassandra, Kathy Kenny, David Dawson "Les Imaçies de la danse ont été travaillées de façon
"Observation de mon corps en proie à différents troubles très abstraite Les dimensions de la scène et les mouve­
de l'alimentation. Réflexion sur mes réactions, mes diffi­ ments des danseurs ont été transformés en un langage
cultés à assumer l'âge adulte et ma sexualité de femme d'images animées électroniques Les effets visuels sont
Quelque chose en moi aspirait à l'unité, à la réunion de aussi importants que le langage des corps " M H
toutes les parties de moi-même, à l'aboiltIon d'une frontière
Mon moi "rationnel" luttait désespérement pour garder le
contrôle de mon corps - autant dire de la nature Bien HANSEN INGER-LISE Norvège / G -8
que tous mes efforts fussent vains et épuisants, l'intellect
ne cessa de résister. Confusion. peur et désespoir sont Cinéaste vit à Londres
tout aussi présents que mon 1ncapac1té à plonger dans
les eaux sombres de l'inconnu '" A H •J'utilise les technologies d'animation pour exprimer des
idées per sonnelles relevant souvent d'une approche
intuitive. Mes films sont des structures conceptuelles éla-
HAKOLA MARtKKI Finlande borées dans un cadre où, consciemment, sont 1ntegrés
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l' i mprovisation et le hasard. Mon IntentIon est de créer des
Née en 1960 Etudes de peinture à l'Académie des structures organiques en interaction avec des éléments
Beaux-Arts de Hels1nk1. En 1982 elle aborde la vidéo et la de l'expérience quotidienne.' !-L.H.
performance avec le groupe Turpp1. Depuis 1984, elle se
Ta/king to a Stone
consacre à des œuvres personnelles. réalisées parfois
1993, 16mm, couleur. sonore, 6'
en collaboration avec d'aut,e::; artistes. Parallèlement, elle
"Le film ut i lise la dimension c1némaiographIque du temps
ense i gne et s'occupe de la production et de la diffusion
pour explorer la désintégrat i on du paysage urbain par
d'œuvres indépendantes au sein des groupes artistiques
une invisible InterventIon humaine. L'image ne s'arrête
et écologistes Muury et Avark. Son travail est largement
pas à la surface de l'écran, mais nous entraine dans un
présenté en Europe et en Amérique du Nord
monde intérieur tactile, sensuellement éclairé pour mettre
en valeur l.a couleur et la réal té tn-d1mensionnelle Ta/king
Vidéos : Cricket ( 1988) - Gyrus ( 1989) - Sulleben,
to a Stone• crée un équilibre fragile et illus1onn1ste entre
Milena's Journey (1989) - Telephone (1990)
les forces de création et les forces de destruction dans
lnstallatIons vidéo: The T1me is Righi for... (1984) - The
le royaume du temps qui passe " L. Hudson
Ecstasy of St. Teresa (1988) - Lucy ,n the Sky (1990)
Sculptures vidéo: Satell,te (1986) - Ferris Whee/(1991)
Performances : XXth Century Sch1zo1d Man (1986) -
HARRIS HILARY Etats-Ums
PIIPAA (1987}
Installations diapositives . L,ght Wave ( 1991) - F/y,ng
Cinéaste new-yorkais. Hliary Harris appartient au cou­
Lucy (1991)
rant du Neiw American Cinema dont Stan Brakhage, Hy
Hirsch et Gregory Markopoulos ont également fait par­
Forester
tie Il fut primé dans la section cinéma expérimental de
1991, vidéo, couleur. sonore. 9'
l'Expos111on Universelle de Bruxelles en 1958. à l'occa­
"Commentaire sur la destruction de la forêt. Forester
sion de laquelle des cinéastes underground américains
étudie ies polarités • eau/feu, obscunté/lum1ere, infé­
furent, pour la première fois. présentés en Europe.
rieur/extérieur Toute� ne renvoient f,naremem qu'à une
Particulièrement préoccupé par te mouvement, 11 colla­
seule la polarité n'ature/culture, la orem1ere étant un
bora dans les années 70 avec la chorégraphe, danseuse
environnement, la seconde un environner-iem média­
et v1deaste Amy Greenfield
tique. Ce que l'être humain fait de la nature es: lé reilet
de ce que la culture a fait de lui La cnse êco cg,ot.e es, Films : Longhorn (1951) - Generat,on (1956) - H1ghway
parallèle à la cnse de l'égo, à la dés1ntégra:1cr cu sq,;;1 (1958) - The Squeeze (1964) - The Draft Gard Burners (1966)
N D E X P H O T O G R A P H Q U E *

Couverture : Jose Antonio Sistiaga, Impressions en haute atmosphère, 1989

Pages
8. John Goff, Radio Image, 1989, courtesy London Video Access
13. Werner Nekes, Cinémagica, 1985
17 _ Stéphane Mart i, L 'Esprit de Canova, 1992
18. Nil Valter, Calligraphie, 1993, Les Rites CJrcula1res, 1992
19 Peter Callas Amb1ent Alphabet 1992, Karkador, 1986
20. Démosthène Agrafiotis, 24, Pidéo Voésie, 1993, courtesy Eikona
21. Manthos Santorinéos, The News_ Mutiny in Heaven, 1992. courtesy Eikona
22. Hy H1rsh, Come Gloser, 1952, courtesy William Moritz
23. Vibeke Sorensen, Maya, 1993
24 Catherine Richards, Spectral Body, 1991, masque de réalité virtuelle
Stelarc, Virtual Arm, 1992, photo: T. F1gallo
29. Laszlô Moholy-Nagy, Lichtspiel, 1930
34. Graham T. Smith, Oisp/aced Perspective, 1984
40. Cécile Ravel, De l'autre côté du miroir I & Il, 1992
47. Antoni Muntadas, Video 1s Television ? 1989
Vera Frenkel, From the Transit Bar, 1992
48. Catherine Richards. Virtual Body, 1993
51. Tonrno Casula, Stop, 1993
58. Oskar Fisch1nger, Spiralen, 1926. courtesy F1schinger Archives et L1ght Cone
59. Oskar F1sch1nger, Spiralen, 1926, courtesy Fischinger Archives et Light Cone
62. Nikos, Phantasmagories, 1964
66. Kathleen Rogers, Hopscotch, 1992
67. Vouta Kostak1, Echo, 1993
73. Mara Mattuschka, Kugelkopf. 1985
76. Sandra Lahire, Lady Lazarus, 1991, photo Liane Harris
81. Maria Klonaris et Katerina Thomadaki, Night Show for Angel, 1992
82. Tina Keane, Neon Oiver, 1990
83. Manna Grz1nîc et Aina Smid, Lab1rint, 1993, photo . Skerlep
Miles McKane, Broken B/ossoms, 1992
84. Tamas Waliczky, The Garden, 1992
85. Kayla Parker, Unknown Woman, 1991
86, Akiko Hada, The Leap (No Leap), 1992
Françoise Thomas, Grapholetti, 1991
87 Marikki Hakola, Forester, 1991
Lis Rhodes, Deadline, 1993
88. Rosi S.M., Requiem für Requisiten, 1993
95. George B. Busby, Le Lys, 1930, courtesy Cinémathèque de la Danse
102. Métamkine, Acidfilmda, 1992, courtesy Light Cane
Frédérique Devaux, Altergraphies, 1981, courtesy Light Cane
108. Teo Hernandez, La vie brève de la flamme, 1981, photo • Jean-Marie Ferber courtesy Michel NedJar
114. Toï Curty, Jean-Louis Le Tacon, Le rôdeur, 1993
120. Matthias Müller, Sleepy Haven, 1993
127 Yann Beauvais, Sid A Ids, 1992
Isaac Julien, This ls Not an Aids Advertisement, 1988, courtesy London Video Access
133 Annie Sprinkle, photo: Amy Ardrey, courtesy London Video Access
139. Alba d'Urbano, Rosa Binaria, 1993
141 Céline Baril, Barcelone, 1989
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- Pour les pages comportant deux photographies, les indications sont données de haut en bas et de gauche à droite.

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