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Avec le soutien de : Ministère de la Culture el de la Francophonie (D.D F; D.A.P , DRAC lle-de:France, DAI., C.N C.),
Vidéothèque de Paris, Comm1ss1on des Communautés Européennes/Programme Kaléidoscope. Avec le concours de
: Gouvernement de !'Ontario (Ministère de la Culture. du Tourisme et des Loisirs), Fondation pour la Culture Hellénique,
Gœthe Institut, Gouvernement du Canada, British Council, Institut c��turel autrichien, Service culturel de !'Ambassade du
Canada, Ministère des Affaires Etrangères de Finlande, Institut culturel italien, Institut culturel néerlandais. Avec l'aide de:
Arts Council or Great Brilain, London Filmmakers' Coop, London V1deo Access, I.N.A. L1ghl Cone, V Tape, C.E.R A.P. Paris
1. C.R.E.CA Par(ê 1, Ecole d'art de Chalon-sur-Saône,
REMERCIEMENTS pour leur soutien et leur collaboration : Michel Aubert, Fabienne Bernard, Martine Bour, Valérie
Bourgoin, Sylvie Faivre d'Arcier, Michel Reilhac. Denis Roche, Claude Schiffmann, Jean-Christophe Théobalt\ Enrica
Varese ainsi que Rudolf Altmüller, P1ntta Asunmaa, Catherine Bédard, ofutni Boudouri, Ed Craanen, Barbara Dent, Anna
Doni, Paolo Fabri, Catherine Ferbos-Nakov, K Georgoulis, Dafni Gondlka, Mary-Lou Harrison, Yves Pépin, Simone
Suchet, Michael Thoss, Kelly Tseken1 , pour leur conseil à la sélection : Roger Bourdeau, David Curtis, Sara Diamond,
Martine Dionne, Claude Faure, Vera Frenkel, Marco Mana Gazzano, Birgit Hein, Derrick De Kerckhove, Louise
Lillefeldt, WIiiiam Moritz, Susan Oxtoby, Gary Thomas, Kim Tomczak, Dot Tuer, Tony Warcus , pour leur
collaboration, les organismes de diffusion : Canadian Filmmakers' 01stribut1on Center, London Filmmakers' Coop, London
Video Access. L1ght Cone, V Tape Art Metropole, British Film lnstitute, Channel 4, Paris Film Co-op, Les Films Singuliers,
Sociéte Agave, Les Documents Cinématographiques, Sixpack Film, Focus, E1kona Electronic Arts lnterm1x, Normal
Films, Maya Vision Heure Exquise, Argos : pour avoir mis à notre disposition des copies de films et de bandes vidéo:
Pyra�îde CICV Montbéliard. Ex-Nihilo, C.N.A.P., Cinémathèque de la danse, Agence du court-métrage, Délégation d!J
Québec . pour leur accueil : Dot Tuer, Gray Watson, Montage Rochester, Osnabrùck European Media Art Festival .
Nous tenons à reme�cier également: Yann Beauvais, Patrick Bensard, Annick Bureaud/Chaos. Anne-Marie Chaulet, Yvon
& Michèle Ch1ch, Pip Chl'.l'Clorov, David Craig, Sabine Foeppl, Mane-Ange Garrandeau, N1kos Giannopoulos, Isabelle
G1re. Pierre Hénon, Laura Hudson, Anny Leroux, Miles McKane, Stéphane Marti, Gérard Ménigou, Michel Nedjar,
Giust1na Ostun1. Giorgios Papaconstantinou, Julien Pappé, Bernard Rémy, Alfred Rotert, Manthos Santorinéos,
Ralf Sausm1kat, Gorka Sist1aga, Patrie!{ Sobelman, Société 16/gemes Lionel Soukaz�'chantal Soyer,
Remerciements
aux artistes·, auteurs et photographes qui nous ont permis de reproduire leurs textes
et leurs photos,
à Ryszard W. Kluszczynski, Vibeke Sorensen, Mikl6s Peternak. William Moritz et Mike Hoolboom
pour leur contribution au dictionnaire,
à Light Cane, Arts Council of Great Britain, London Video Access, London Filmmakers'Coop,
Béla Balazs Studio, Canadian Filmmakers' Distribution Center, V Tape pour nous avoir permis d'utili�er
des documents provenant de leurs catalogues ou archives,
à Catherine Bareau, Giliane Bordère, Michèle Brandinî, Sabine Foeppl et Christine Rey pour leur aide.
Photo de couverture
Jose Antonio Sistiaga, Impressions en haute atmosphère
ISBN 2-9508292-0-1
OUV RAGE RÉALISÉ SOUS LA DIRECTION DE MARIA �LONARIS ET KATERINA THOMADAKI
MUTATIONE� DE L'I.MAGE
ART CINÉMA/ VIDÉO/ ORDINATEUR
L'INTERACTIVITÉ
NOUVELLES TECHNOLOGIES.
L'AVANT-GARDE
89 DICTIONNAIRE D'ARTISTES
142 NOTES
En 1990, dans Technologies et imaginaires, nous nous étions situées sous le signe du
décloisonnement des technologies de l'image animée (film, vidéo, ordinateur), cherchant à
abolir toute discrimination quant aux sl)pports et formats utilisés par les artistes.
Avec Mutations de l'image, nous poursuivons la réflexion de synthèse que nous avions
inaugurée alors en inclua·nt des technologies de pointe comme la réalité virtuelle ou les
réseaux de communication interactifs et surtout, en nous penchant sur une nouvelle priorité.
Le présent et le futur ne pouvant pas être dissociés du passé, nous tentons d'éclairer
l'actuel par son histoire, de tisser un réseau de connexions transversales et horizontales
entre supports technologiques et périodes historiques, de faire communiquer les polarités
technologies sophistiquées/technologies légères, recherches formelles/recherches socio-
critiques, démarches abstraites/démarches corporelles, haute culture/contre culture - puisque
la force de l'art peut surgir de tout territoire.
Cette mosaïque, cette vue mosaïque, est en somme une proposition de conscience,
de mémoire, de résistance.
MUTATIONS DE L'IMAGE
L'art écranique
Nous nous préoccupons ici de l'image en mouvement telle
qu'elle se manifeste non pas dar_is le cinéma industriel ou dans la
production télévisuelle. mais dans l'art visuel. Sous le terme d'art
écranique, nous réunissons les œuvres qui sont destinées à être
vues sur un écran - écran de projection cinématographique. écran
vidéo, écran ordinateur L'écran est ici le catalyseur.
Tout en maintenant la référence au tableau, l'écran la trans
gresse en introduisant un schisme entre le support de la
projection et le support de l'œuvre.
L'œil lumifère
Stefan Themerson, Varsovie, 1936 • "Dans leur quête de vIsIons, certains ont chois, la voie
de la camera obscura, d'autres celle de la lanterne magique - et ia synthèse des deux + l'élé
ment principal de ce monde en mutation : le mouvement. La nature nous a dotés de cordes
vocales. mais a négligé de nous donner un organe producteur de lumière. Nous avons dû le
construire nous-mêmes: l'œ1I projectif lum1fère 2.
L'œil est ici considéré comme émetteur, principe actif. Le projecteur, lu,, est considéré
comme métaphore de l'œil. Des p�emières machines à réfracter le monde visible (camera
obscura) aux machines à projeter des simulacres 1mmaténels (lanterna mag,ca), du cinéma
tographe au cinéma élargi, la notion de projection comme double phénomène - mental et
lumineux - traverse les derniers siècles.
A la prolifération des dispositifs de projection que connut le xIxe siècle (polyorama, fan
tasmagories, prax1noscope-théâtre, vitascope, chronoproJecteur, etc.) succède la standardi
sation de la projection - consequence de l'industrialisation du cinématographe au xxe si�cle.
L'image automatique se détache alors de son créateur/opérateur Elle se diffuse selon les
modalités standardisées du marcl"le c:11 ,ematographIque.
Quoi qu'il en soit, entre les doubles tremblants projetés par une lumière de bougie dans le
théâtre optique de Robertson et la nettE3té implacable, froide, sans âme, des simulations
numériques, la magie a été abolie
Le poétique, le rêve
Paradoxalement, on constate aujourd'hui qu'au sein d'une technologie comme la réalité
virtuelle surgissent des projets désirant renouer avec le poétique, l'imaginaire, la mémoire, le
rêve (Catherine Richards, Kathleen Rogers). Comme si cette technologie à l'état d'enf-ance
appelait à un retour à des dimensions refoulées par la rationalité massive des systèmes
cybernétiques.
"Le rêve nous pousse à une compréhension plurie.lle de la puissance imagiste de l'esprit
humain. L'une des implications de la réalité virtuelle est qu'à travers une transduction senso
rielle, elle peut permettre une perception directe de phénomènes jusqu'ici associés au para
normal et au rêve5."
Les fondements scientifiques de la réalité virtuelle seraient-ils proches des intuitions de la
pensée quantique qui lui ont valu tant de parallélismes avec le mysticisme ?
"Le cerveau et l'univers sont devenus un immense espace de projection cognitive multi
dimens1onnelle6."
Alba d'Urbano opère une connexion diachronique entre les procédés digitaux et le sym-
bole de la rose (Rosa Binaria, 1993). Un symbole abordé en tant que concept alchimique
dans notre film Jardins de /'Hermaphrodite endormi/e (1985) qui est construit autour des
mécanismes du rêve.
Le moment est peut-être venu de redécouvrir les univers de Gregory Markopoulos, Maya
Oeren, Jack Chambers qui ont élaboré une poétique de l'inconscient.
Le poétique surgit aussi comme verbe. Certaines oeuvres récentes mettent en images le
langage de poètes comme Sylvia Plath (Lady Lazarus de Sandra Lahire), Constantin Cavafy
(Trojans de Constantine Giannaris), Jean Genet (Miracle de fa rose de Young-Jin Kim) ou
Nick Cave (The News. Mutiny m Heaven de Manthos Santorinéos).
Sans texte, articulée dans la plasticité même de l'image, la poétique du regard se transforme
en plaisir visuel chez des artistes tels que Teo Hernandez, Patrick Bokanowsk1, Michael
Mazière, Tina Keane. L'image se fond dans la sensation.
Mosaïque
Un réseau de lignes croisées rendrait compte de la richesse de l'image en mouvement en
tant qu'art visuel.
J__e_ciQéma abstrait et les procédés-pict1.:Jmux...y -occupent une place notable : du dispositif
inventé par Oskar Fischingfil._gour la réalisation de Wachs Experimente (1923) aux animations
géométriques de Dwinnel Grant ( 1945). des peintures sur pellicule de Harry SmiJ.b (__1952) à
celles de Jose Antonio S1stiaga ( 1970 et 1989), des at:istracti0r-1s-sf:)eG-trales-d@ St@fan et
Franciszka Themerson ( 1945) aux diaphanies et compositions musicales sur ordinateur du
peintre Tonino Casula ( 1993), des images re-traitées par la peinture (l<ayla Parker, Françoise
Thomas) à celles corrodées par intervention chimique (Jürgen Reble). des peintures-textes
analogiques de Lis Rhodes (Oeadline, 1993) à la peinture numérique de Tamâs Waliczky
(The Garden, 1993) et jusqu'au mélange d'images analogiques et de volumes de synthèse
opéré par Nil Yalter.
Une autre ligne pourrait relier les procédés stéréoscopiques, des pionniers (Oskar Fischinger,
Norman McLaren. Dwinnel Grant, Harry Smith) aux recherches contemporaines en vidéo
(Vibeke Sorensen). jusqu'à la réalité virtuelle
Situant les outils dans un rapport dialectique, nous pourrions également opposer les "nou
velles technologies" aux technologies légères qui permertent un accès direct à l'acte créatif.
notamment le Super 8 (Teo Hernandez, Stéphane Marti, Céline Baril, Cécile Ravel, Catherine
Bareau), la caméra F1scl1er Pnce (Sadie Benning) ou le VHS (Anna Margarita Albelo).
L'écho du cinéma commercial se perçoit à travers une dimension critique dans les films
construits à parlff de metrage trouvé. A l'origine de cette tendance, le film-assemblage de
Joseph Cornell, Rose Hobart (1939) Al Razutis et Martin Arnold retravaillent les images trouvées
par des procédés optiques de leur InventIon. Matthias Müller et AbigaH Child procèdent par
des détournements de montage.
Un autre axe pourrait rattacher animations optiques (collages de Larry Jordan, Stan
VanDerBeek, Eve Ramboz), animations digitales (Peter Callas) et effets dé déformation ou de
morphing (Taka l1mura. Bé-riou). Enfin, chez Peter Greenaway, les eflets analogiques sont
mélangés à des techniques de haute définition et de palette graphique (Prospero's Books).
Le corps rebelle�des act1onnistes viennois (Günter Brus et Otto Muehl filmés par Kurt Kren)
trouve un héritier cybernétique chez Stelarc qui exalte le corps robotisé ·'vidant ses organes
dans l'électronique".
Mara Mattuschka, autrement héritière dE3 l'art corporel, filme ses performances dadaesques,
affichant une insolence outrancière.
Sadie Benning, Abigail Child, K. Dayrnond, Isaac Julien, Wrik Mead, Matthias Müller et
Lionel Soukaz explorent les désirs et fantasmes homosexuels, tandis que la question du
transsexualisme féminin est posée par Annie Sprinkle.
Toï Curty et Jean-Louis Le Tacon, John Greyson, Isaac Julien, Yann Beauvais, Métamkine,
Miles McKane réalisent des films de protestation, des vidéos autobiographiques, des requiems
poétiques autour du sida.
Marikki Hakola attaque la destruction de l'environnement dans un poème écologique sur
la forêt.
Antoni Muntadas déconstruit le discours télévisuel.
Igor et Gleb Aleïnikov dressent la satire des actualités télévisées tandis qu'Andras Solyom
accompagne de poésie sonore les enterrements successifs des dirigeants soviétiques -
évocation de l'enterrement du communisme.
Marina Grzinic et Aina Smid construisent des métaphores de la guerre en ex-Yougoslavie.
Wilhelm Hein se penche sur la mémoire traumatique des camps d'extermination nazis, La
purification ethnique reste d'actualité
Vera Frenkel, Beth B., Atsushi Ogata, I\Jil Yalter abordent la condition d'étranger. Déracine
ments, déplacements forcés, identité culturelle brisée.
Fin de siècle.
Avons-nous le sentiment d'un nouvel exil ?
L'ESTHÉTIQUE DE LA MACHINE
A DANY BLOCH
Le sujet moderne
Le futurisme italien, premier à s'en saisir, est le seul mouve
ment à promouvoir la machine comme symbole du vitalisme de
l'époque tandis que les cubistes, qui s'intéressent principale
ment à la traduction du temps, du mouvement el de la lumière, ne
s'y attacheront que partiellement.
La position de Marcel Duchamp est plus complexe. L'appro
priation d'objets ready-made industrialisés, l'adoption âu dessin
industriel et de l'iconographie mécaniste -dans les études pour La
Mariée mise à nu par les célibataires, Aéroplane ( 1912), puis
Broyeuse de chocolat et Machine célibataire -répondent à
d'autres intentions. Duchamp désire abolir les frontières entre l'art
et la vie, entre la création et l’œuvre d'art, �terdisant ainsi la
possibilité de défini l'art métaphysiquement ou sur des règles
absolues. Partageant les idées développées par Poincaré1 au sujet de l'impossibilité d'une
connaissance ob1ect1ve en sciences, 11 tente de démontrer par le ready-made et l'iconographie
mécaniste l'illusion d'une est11ét1qu,a basée sur les qualités intrinsèques de l'œuvre d'art. Le
phénomène esthétique sera donc expérimenté comme système interactif de projections, tant
chez le créateur que chez le regardeur
Fragmentation et abstraction
Par la fragmentation, la géométrisation et l'abstraction des réalités visibles ou invisibles, les
artistes d'avant-garde cherchent à rendre les différentes facettes d'un même objet en opérant
un mouvement rotatif de la vision et en multipliant les points de vue : ils tentent de structurer
une vision interne, intellectuelle, voire spirituelle, qu'ils ont de la réalité (Kupka, Klee,
Kandinsky, Malévitch, etc.).
Dès 1912-13, les futuristes reconsidèrent la décomposition cinématographique pour
englober le fragmentisme dans un mouvement elliptique plus apte à synthétiser le
dynamisme plastique de la modernité
Il faut s'interroger sur l'origine de toutes ces innovations plastiques qui expriment la
multidimensionnal1té du réel dans l'espace et le temps. Elles sont liées à une nouvelle
conception du monde mise en place par les sciences et techniques.
Allemagne : l'iconographie mécaniste est exploitée par les dadaïstes allemands et l'avant
garde marxiste comme symbole de destruction, d'asservissement et de chaos (collages de
Hannah Hoch, Hausman, Heartfield, tableaux de Grosz et du groupe Asso ; Métropolis de
Fritz Lang). Chez Max Ernst, onirisme de la machine.
Le Bauhaus adhère au progressisme en prônant l'application de la technologie à l'art et
l'expression plastique de la modernité philosophique et scientifique.
1922 : Van Doesburg publie la revue Mécano.
1929 : Baumeister publie l'album Sport et machines.
Italie : le second futurisme d'après-guerre poursuit ses objectifs antérieurs tout en déve
loppant la pluridisciplinarité.
1923: Manifeste de l'art mécanique signé par Pannagi, Paladini, Prampolini.
192 9: Manifeste de l'aéropei nture signé par Balla, Depero, Benedetta, Dottori, Fillia,
Prampolin1, Tato, Somenzi.
URSS et pays de l'Est : après la révolution de 1917, remise en cause des conceptions
académiques de l'art. "Mort de la peinture", "inutilité sociale de l’œuvre" sont les nouveaux
slogans et l'artiste prend modèle sur l'ingénieur. L'art de laboratoire des constructivistes
russes, tout comme les prototypes productivistes débouchent sur l'industrie et la
propagande politique et commerciale. Idem en Pologne avec le groupe Black.
1920 : Tatlin réalise le Monument à la /118 Internationale, une tour en fer avec mouvement
mécanique rotatif de la structure intérieure. El Lissitzky conçoit Victoire sur le soleil, un spec
tacle électromécanique cosmique où l'ingénieur est identifié à Dieu. Popova. et Exter produi
sent des décors de théâtre mécanistes.
1922 : sculpture cinétique de Gabo.
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Vers un arî cosmique
Moholy-Nagy est, avec le Hongrois N. Braun (auteur de reliefs géométriques lumineux), le Georgien
Kakabadzé (inventeur de tableaux électriques et d'un procédé de stéréo-cinématographe), le
Tchèque Pésanek (clavecin à couleurs et sculpture lumineuse installée au poste de transformation
Edison à Prague en 1930), l'un des pionniers de l'art de la lumière.
La démarche de l'artiste hongrois s'est toujours attachée à intégrer la totalité de la vie dans
l'art. Il invente donc des moyens adéquats et emprunte à toutes les disciplines dans l'espoir de
parvenir à un "art total". En 1934, il imagine, par exemple, un système de projections lumineuses
sur des écrans gazéiformes ou sur les nuage�. Enfin, il signe avec Marcel :Juchamp, Kandinsky,
Calder, Kobro, P A. Birot, Prampolini entre autres, le Manifeste arnensioniste (1936) qui
programme et rêve l'art futur en poussant les recherches artistiques à la pointe du progrès.
Pour ces visionnaires qui refusent de se laisser abattre par les événements politiques,
changer le monde" est plus que jamais une urgence. Après avoir fait référence à l'espace &
quatre dimensions de Minkovsky, ils proclament l'éclatement des disciplines vers "un art
absolument nouveau", "l'art cosmique", dans lequel "'la matière rigide est abolie et remplacee
par des matériaux gazéifies. L'homme au lieu de regarder les objets d'art devient luimême le
centre et le sujet de la création, et la création consiste en des effets sensoriels dirigés dans
un espace cosmique fermé."
D'Apollon à Dionysos
Les Acid Party, la Dream Machine de Brion Gysin et le psychédélisme en général ont
incarné cet art total de percussion de tous les sens par le synchronisme lumière/son, les
vibrations sonores entrant dans le corps, les drogues popularisant les recherches musicalistes et
cinétiques antérieures. A l'expression d'une âme collective se substitue le battement (the beat) qui
est à la base du rock et qui devient l'agent symbolique d'une communication non-verbale, d'un
orgasme collectif.
Cette sortie de soi de la post-beat génération peut être vue comme la forme mécaniste ou techno
du spiritualisme. Etre synchro revient à être à l'unisson avec le monde. Or ce monde est désormais
vécu comme l'ère de la lumière artificielle14 , de la violence, voire du chaos. Dans son film Rock, my
Religion {1984), Dan Graham perçoit bien ce phénomène d'aspiration à la totalité par les voies
dionysiaques d'aujourd'hui, au détriment de l'ordre apollinien, fondement de l'esthétique de la
machine.
Au-delà du formalisme
Le formalisme rétinien du cinéma abstrait se prolonge dans les films expérimentaux
d'après-guerre et dans la vidéo, en poussant à l'extrême l'artificialité et l'abstraction.
Comme le note Virilio, avec Nam June Paik, Woody Vasulka, Douglas Trumbull, on passe du
cinéma mouvement au cinéma-vitesse : "Le cinéma, après la photo, c'était le passage du
non-mouvement au mouvement. La vidéo c'est le passage du mouvement au mouvement
du mouvement. La limite de la vitesse intéressante ici, c'est la limite de sensibilisation de la
conscience à l'image, autrement dit: le dépassement des 60 images/seconde 15 ."
Au-delà du formalisme, cette reconstruction d'un espace-temps artificiel est aussi une
tentative de contrôle de la conscience, comme l'attestent les images subliminales ou, avant
elles, l'art psychédélique recherchant l'hallucination optique (Ed Emshwiller). Enfin,
musiciens de formation, la plupart des expérimentateurs vidéo (Nam June Paik, Stephen Beck,
Steina Vasulka) et les créateurs de performances mixed-media (La Monte Young) ou de
cinéma élargi, partiront du signal son pour créer de nouvelles images synchroniques. Ainsi,
ils prolongent les rapports initiaux et privilégiés de la musique et de l'abstraction.
Bien que marginale, la résurgence du sacré sous sa forme techno et syncro existe aussi
dans la high culture. Les auteurs de projections lumineuses et de cinéma expérimental,
comme Charles Dockum, James Witney, Harry Smith, Harry BertoIa, sont imprégnés d'un spiri
tualisme attaché à la quatrième dimension, aux philosophies orientales et à une interprétation
métaphysique des découvertes scientifiques. Le Tao de la Physique (1975) de F. Capra vul
garisera cette vision holistique du monde.
Enfin, l'interactivité des produits multimédias (CD-ROM, COI, Viewing System et gant
numérique) et les images de synthèse révolutionnent le mode de production de l'imaginaire.
L'interactivité donne une extension matérielle au propos de Duchamp, "c'est le regardeur
qui fait le tableau", en projetant l'intervenant dans un monde virtuel. Les images de synthèse
font du mythe constructiviste de l'artiste/ingénieur une réalité. Ici, intelligence artificielle et
simulation de l'esprit se rejoignent pour constituer un nouveau défi progressiste qui fascine
bon nombre d'artistes (Jeffrey Shaw, Stelarc, Matt Mullican et les défenseurs de l'art fractal).
Mais au revers de cette face optimiste de la médaille moderniste, se profile sa décons
truction et une renaissance hors des normes jusqu'ici appliquées
Déconstruction, reconstruction
Contrairement à l'avant-garde précédant la Seconde Guerre mondiale, pour qui la machine
était un instrument de construction d'une totalité supérieure exprimant les multiples facettes
du sensible et de l'esprit, beaucoup d'artistes contemporains se bornent à déconstruire le
réel. L'œuvre d'art est dite "ouverte", comme si elle n'était qu'un témoin archéologique du
présent, un prélèvement de l'esprit du temps dans un ensemble appréhendé comme non-
maîtrisable
et chaotique. "L'homme s'émiette, écrit Edgar Morin. Comme l'homme, le monde est
disloqué entre les sciences, émietté entre les disciplines, pulvérisé en informations16."
Fragmentation, brièveté, rapidité, gros plan, simultanéité, surimpression, robotisation du
corps deviennent les moyens d'exprimer la déréliction de l'homme et l'agressivité de son
environnement technologique. Au rythme du montage ordonné selon les contrastes de
formes, les lignes de force et l'intensité de lumière, se substitue le plus souvent le brouillage
accéléré d'une consommation imposée d'images médiatiques. Les exemples sont nom
breux, que l'on songe aux vidéos de Gorewitz ou de Joël Hubaut, aux spectacles de Laurie
Anderson et, avant eux, aux films de William Burroughs, Brian Gysin, Anthony Balch (The
Cut-ups et Towers Open Fire, 1964). Le procédé du cut-up, tant en littérature, en peinture
qu'au cinéma, est symbolique de cette approche. Issu du collage et de la fragmentation
dadaïste, il déconstruit la logique et tente de faire émerger du hasard et du chaos, par un
montage purement mathématique, un sens nouveau. Ces artistes entendent ainsi lutter
contre la dictature du langage et de l'information considérées comme un virus.
Les clips musicaux, l'advocacy television et une bonne moitié de l'art vidéo des années
quatre-vingt adoptent l'esthétique de la machine pour mieux faire passer un contenu sub
versif: critique des feuilletons télévisés (Kojak, Wonder Woman de Dara Birbaum), du stress
moderne (Deadline) uu du marketing politique (The Perfect Leader de Max Almy). "Je dois
penser en formes simples, efficaces, rapides, résume Pier Marton, afin de combattre le
message publicitaire." Ces œuvres sont enfermées dans· un séduisant paradoxe - à l'image
de la complexité contemporaine -, à savoir que le médium comme message contredit le
propos subversif.
Aussi n'est-ce pas un hasard si les œuvres de Bill Viola, Marina Abramovic et Ulay, Dan
Reeves, Gary Hill tentent de reconstituer la vision holistique perdue, en adoptant une esthé
tique contraire. Surimpression, fondu enchaîné, flou, effets de traces, changements d'éclai
rage et d'angle de prise de vue, montage dans une continuité linéaire subjective se focali
sent sur l'imperceptible, le fugitif, dans une durée lente. A l'aide du métissage des cultures
et de la philosophie orientale, ces artistes cherchent à saisir la partie comme tout et non
comme fragment et l'infime est conçu comme une entité quasi holographique. On peut pen
ser avec Vinlio que la lenteur, considérée comme "accélération négative", est aussi du cinéma
vitesse. Si la lenteur de Bob Wilson ou parfois de Godard peut dénoter l'absence et l'absurde.
l'adoption d'un tel rythme correspond le plus souvent à une nouvelle sensibilité "écologique"
(réévaluation du vivant, du corps, des cinq sens, de la nature) où la machine n'est plus ni
dieu, ni démon, mais redevient un instrument sophistiqué de connaissance.
Voyons un instant à quel type de corps s'applique ur:ie telle lecture. Il s'agit du corps d'un
assistant comparable, à tout le moins, à un centre nerveux, à un conducteur de signaux
C'est un nœud à partir duquel des impulsions peuvent être traduites, réinterprétées, orien
tées telles des signaux sur une ligne téléphonique et représentées sous n'importe quelle
forme - son, image, mouvement, action. Par bien des aspects, la lecture est assez similaire
aux méthodes médicales courantes de contrôle des s1çJnes vitaux par exemple. A la
différence que les signaux émis par le corps sont collectés non pas simplement pour être
analysés, mais pour être employés en tant que source numérique déclenchant des
événements dans le monde virtuel.
A bien des égards, le corps, en tant que phénomène d'information universellement codé,
est trop familier pour qu'on y prenne garde Ceci est endémique dans notre culture et nous
en avons de nombreuses illustrations, parmi lesquelles la recherche en cours sur le
Génome humain qui s'efforce de cataloguer le code génétique. Il est instructif de
considérer ceci comme une métaphore moderne du corps. Bien que nombre de
combinaisons d'idées et de pratiques complémentaires, à travers toute la société
occidentale, aient cultivé cette puissante représentation du corps, je voudrais m'arrêter à
une période particulière de manière à mettre en valeur ce modèle des sens.
L'historien d'art Jonathan Crary 2 a étudié la rupture radicale survenue au milieu du x1xe
siècle, entre les conceptions classique et moderne du rapport observateur/corps. A mon
sens, dans la représentation moderne du corps, on peut trouver quelques-unes des
prémisses de la réalité virtuelle - le rêve consistant à percevoir et à isoler tous les sens.
Crary prétend que le statut de l'observateur a été transformé dans la première moitié du x1xe,
avec l'effondrement des modèles traditionnels de la vision. Le modèle classique de la vision
était conditionné par les optiques géométriques, une relation 117corporelle entre le sujet et
l’objet de la perception, un processus externe entrepris par un individu avec des limites
claires entre intérieur et extérieur, sujet et objet, au sein d'un espace stable Pour
l'observation moderne transformée, la vision est devenue un processus corporel et elle est
conditionnée
par des optiques physiologiques . L'observateur a été repositionné sur un terrain sans
démarcation, où la distinction entre sensation interne et source externe a été irrémédiable-
ment gommée.
La clé de cette transformation est le travail entrepris par le scientifique Helmholtz au
rrnl1eu du XIX8 siècle. Helmholtz a comparé le système nerveux humain à un réseau
télégraohiqtJe qui, indépendant de tout stimulus ou de tout dispositif, répond en tous
points de la même manière. Il s'est montré catégorique quant à la capacité du corps
d'établir des connections multiples avec d'autres agents - humains ou mécaniques.
Pour lui, l'observateur était un conducteur neutre, une sorte de poste de relais parmi
d'autres, assurant des conditions optima de circulation et d'échange. Ceci a posé les
fondements de l'image d'un corps auquel il était possible de se connecter.
Si l'on revient à aujourd'hui, on peut voir des élaborations et des extensions logiques à
cette convaincante représentation Si le cerveau est un ordinateur et la colonne vertébrale
un câble coaxial3, comme l'ont suggéré certains scientifiques tel Marvin Minsky, on peut
élargir la représentation du système nerveux à celle d'un réseau d'information. Ainsi,
renonçant à la perspective diois-neuvièmiste selon laquelle le corps est un organisme
autonome, le corps ne peut plus désormais être dissocié de l'information qui lui est
nécessaire pour fonctionner. En conséquence, il est illogique de l'envisager séparément
de son environnement, de le maintenir, comme on le faisait, dans l'ignorance.
Mais revenons à l'analyse que fait Minsky de cette image puisqu'il y ajoute un nouveau
développement particulièrement intéressant pour les artistes. Nous devrions "aller au-delà
de ces instruments de la réalité virtuelle, dit-il, et implanter dans le cerveau un petit ordina
teur à partir duquel nous pourrions envoyer et recevoir des signaux, ce qui nous permettrait
d'élargir notre propre zone d'influence afin que des signaux émis à l'intérieur de nous puis
sent produire des effets dans le monde extérieur." La conséquence, entrevoit-il, est que
"peut-être, la plupart d'entre nous qui ne sommes pas des artistes pourraient l'être si nous
pouvions exprimer nos désirs subconscients 8 "
Mais ce n'est pas à ce type de relations que Minsky fait allusion. Je pense qu'il défend la
position de l'artiste comme l'un des stades ultimes à atteindre, stade que ce corps évolué ren
drait possible. Cependant. pour définir le terme d'artiste, je pense qu'il est plus utile de réflé
chir ici aux nuances qu'il recouvre dans la culture contemporaine - une image qui reste ali
mentée par des idéaux du XIX8, tels ceux de liberté, de créativité et d'individualisme. Il donne
l'image d'un individu qui agit directement sur son environnement tout en restant indépendant
dudit environnement, qui façonne à dessein cet environnement en un objet-signifiant.
Minsky accorde implicitement au scientifique le rôle d'un créateur ultime, créateur de l'état
être artiste, créateur d'un créateur, l'artiste cybernétique.
Il est difficile, à mon sens. de concilier cette image de l'artiste/machine -en tant que personne
définitivement maîtrisée et indépendante - avE3C celle du corps lisible et dispersé sur
laquelle elle est basée. Ce corps -est intimement connecté en· tous points, il fonctionne dans
un univers où la liberté de créer des mondes nouveaux suppose une Ci1Uantité équivalente
d'étroite surveillance. C'est une entité connectée au point d'en devenir indissociable de son
environnement, au point de rendre contestable toute, notion d'identité corporelle en rapport
avec une acception du moi.
C'est exactement cette contestation des notions conventionnelles du moi qui me sembla
la plus provocante lorsqu'en 1985, on commença à l'introduire dans la réalité virtuelle. Il
s'agissait là, me semblait-il, d'une technologie qui ouvrait un territoire pour l'exploration du
corps, entité, à défaut de pouvoir le qualifier autrement, qu'on ne pouvait plus désormais
définir comme autonome. Dans la dynamique mêrne de son 1nterface technologique et
numaine, elle suscitait une notion de subjectivité qui n'avait guère à voir avec l'image
derm,tes et qui se rapprochait peut-être davantage d'une écologie des intensités ou des
environnements fluctuants d'entités interdépendantes
Ce que je découvris là, c'était un terrain d'expérimentation pour des projets relatifs à la
nouvelle biologie. aux débats post-moderne et féministe, ainsi qu'à l'invention d'images
dans lesquelles, plus qu'ailleurs, le corps serait un seuil dans un continuum plutôt qu'une
mo1t1é de la dualité esprit/corps. La recherche visant à redessiner des subjectivités
féminines semblait dès lors pouvoir investir une conception de la subjectivité dispersée au
sein d'un tissu de relations, d'un réseau d’interconnexions - artificiel, abstrait et en même
temps parfaitement concret, opératoire 9_
Ce texte paru en anglais dans le livret Angles of Incidence. Video Heflections of Multimedia Artworks (dirigé par Sara
J1amond) est publié 1c1 avec l'aimable autorisation du Banff Centre for the Arts (Alberta, Canada).
ANNE-MARIE DUGUET Que l'interactivité fasse l'objet d'une promotion étonnante sur
la scène médiatique actuelle est certes lié au développement
technologique et aux intérêts économiques que celui-ci permet
de relancer. Principe qui fonde les hyper- et multimédias ainsi
À PROPOS DE QUELQUES que les "réalités virtuelles", il concerne autant le processus de la
création que la pratique du spectateur, et devient quasi
IMPLICATIONS incontournable aujourd’hui dans les domaines de la science,
de la pédagogie, de la culture ou du divertissement.
ARTISTIQUES Tout en s'interrogeant sur ce qui est aussi un nouvel avatar
de la participation, avec son train d'illusions et de démagogies,
DE L'INTERACTIVI TÉ force est de constater que le champ artistique croise ici les
données d'une de ses préoccupations fondamentales : celle dµ
spectateur et de ses relations à l'œuvre, deux notions qui sont
largement remises en cause et repensées depuis quelques
décades. De telles relations ont été diversement formulées au
cours de l'histoire des arts et. qu'il s'agisse du théâtre antique
ou de la peinture de la Renaissance, la place et le point de vue
assignés au spectateur sont, de tait, des enjeux majeurs de la
représentation.
Ce que l'interactivité présuppose avant tout est une mobilisation du spectateur, une attitude
qui se définisse par une volonté d'intervenir, d'entrer en relation avec une œuvre et, à tra
vers elle, éventuellement avec d'autres personnes.
Le théâtre a toujours été une pratique d'interaction par excellence ou plutôt par définition.
Quelle que soit sa forme, par la convention qui l'instaure, il se fonde sur la complicité des
acteurs avec les spectateurs et celle des acteurs et des spectateurs entre eux, il n'existe
qu'à travers une suite de rétroactions. Le théâtre expérimental des années soixante/soixante
dix s'empare de ce nécessaire rapport et l'exacerbe, le rejoue en repoussant et
transgressant une série de limites : celle de la salle et de la scène d'abord, par
l'éclatement des zones de jeu parmi le public et l'élaboration de divers dispositifs qui
l'environnent ou le traversent, ou encore par certaines techniques de prises à partie.
Les happenings ont tenté d'abolir l'ultime limite qui fonde la représentation, la distinction
même de l'acteur et du spectateur, de la réalité et de I? fiction, au profit d'un événement
à la création duquel tous les participants collaborent Approche que Fluxus, posant
l'équivalence de l'art et de la vie, va systématiser dans ses concerts et actions diverses.
Certaines performances développeront aussi cette proximité de l'artiste et du public dans
un même espace, et le sens d'une responsabilité partagée, en impliquant diversement
celui-cî dans des rituels, en l'incluant dans la représentation par des jeux de miroir ou le
feed-back électronique, ou encore en en faisant un "moteur" essentiel de l'action.
Le paramètre temporel qui s'introduit largement dans les œuvres des années soixante les
ouvre à la variation et au hasard, engage la relativité des perceptions,_exige désormais de
les explorer autrement. Ni sculptures, ni architectures (on les appellera par la suite instal
lations ou environnements), les pièces réalisées par des artistes tels Robert Morris, Donald
Judd ou Richard Serra, ne se livrent qu'à partir d'une multiplicité de points de vue, dans la
durée d'une expérience qui implique à la fois un déplacement physique et une activité men
tale d'association, de mémorisation. Elles se définissent avant tout comme un ensemble de
relations dont le spectateur devient un pôle essentiel et où sa perception est sollicitée de
manière nouvelle, mise à l'épreuve, parfois objet premier de l'expérience.
La plupart des œuvres de l'art cinétique de la même époque supposent l'intervention du
spectateur pour les activer, en révéler la structure, ou se prêtent à des manipulations et à des
ré-agencements d'éléments discrets. Elles ont par ailleurs largement contribué au
développement du concept d'environnement, d'espace polysensoriel, visant à produire
certains effets perceptifs et psychologiques par la couleur, la lumière et le mouvement.
L'œuvre réagit à la présence du visiteur,. à un geste, à la vitesse d'un déplacement, au son,
à la charge électrique du corps, tels les "champs d'interaction" de Piotr Kowalski ou les
"sculptures cybernétiques" de Tsai3. Le mode est celui du déclenchement, d'un rapport
direct de cause à effet.
Si la notion d'activité prend une telle importance, devient urgence dans les années
soixante, c'est aussi parce qu'elle est liée au mythe de· la passivité du spectateur devant
son écran de télévision, qui a pour corollaire ce lieu commun tout aussi répandu qu'être actif
c'est être mobile, c'est intervenir. L'activité se mesurerait à des manifestations physiques
perceptibles, aussi élémentaires soient-elles. Combien de fois n'a-t-on pas dit que le
zapping était le premier modèle de télévision interactive ?
La non-réciprocité de la parole que le système télévisuel impose, ses effets d'absorption et
d'acculturation ont nourri la réflexion et la critique de plusieurs artistes, en premier lieu des
pionniers de la vidéo. Vostell écrit en 1959 la partition d'un happening, Dé-collage TV pour
des millions, où il donne des instructions pour accomplir chez soi quelques actions absurdes
devant son récepteur4. Fred Forest annonce au téléspectateur qu'il le photographie et lui
propose de demander la photo à la station de télévisions, Douglas Davis l'invite à placer ses
mains contre les siennes (Austrian Tapes). Quant à Nam June Paik, il ironise sur l'idée de
participation dans Electronic Opera n° 1 ( 1968-69), en donnant au-spectateur des consignes du
type "Close your eyes, open your eyes, 3/4 open your eyes etc ... this is participation TV" qui
accompagnent l'évolution de danseuses nues ou le portrait distordu de Nixon.
Certaines installations vidéo ont impliqué le spectateur dans des environnements com
posés d'images multiples l'invitant à produire son propre montage, à son rythme, en com
mençant par où il le désire, ou à associer des images et d'autres éléments comme autant
de collages dans un espace à parcourir, à composer mentalement. Le regard n'y a plus le
privilège de la perception et c'est le corps entier qui est mobilisé par l'œuvre, sollicité de
toutes parts.
Un autre niveau d'implication, autorisé par le direct électronique, est la saisie de l'image
du propre corps du visiteur, réinjectée dans l'œuvre en "temps réel", et parfois confrontée à
d'autres temps, d'autres lieux. Mais il s'agit généralement d'une image piégée, déceptive,
qui échappe. Elle participe d'une investigation critique sur la représentation et ses conditions
de possibilité, sur le rapport du corps à un espace et la conscience de soi-même à laquelle le
dispositif oblige, loin d'un "art de participation"
Un nouveau type de performance, d"'art corporel" se trouve-t-il relancé par ces connexions
du corps avec les circuits électroniques et informatiques ? Ainsi Stelarc met-il en scène son
corps bardé de senseurs et de prothèses (en particulier un troisième bras artificiel) : sa
respiration, la tension de ses muscles, ses battements de cœur génèrent un certain nombre
d'effets el définissent les changements de plans des caméras qui le saisissent en direct.
Une approche radicalement opposée est celle d'Agnés Hegedüs qui a inventé une interface
originale pour Handsight (1992). Une boule, tel un gros globe oculaire doté d'un senseur, se
tient dans la main et doit être plongée dans une sphère en plexiglas transparente pour
explorer la base de données. Au-delà de l'esthétique et de l'ingéniosité du procédé, c'est la
relance de celui-ci dans un réseau subtil de -métaphores (l'œil dans la main) et de
paradoxes (l'investigation endoscopique d'une transparence) qui en fait tout l'intérêt; c'est
aussi la mise en résonance qu'il opère entre deux mémoires, deux espaces symboliques :
celui contenu dans une bouteille de verre, sorte d'ex-voto de la tradition populaire hongroise,
et celui qui lui fait face, l'image virtuelle projetée sur un écran circulaire et se référant aux
éléments de cette bouteille. Entre les deux, l'interface, emboîtement d'un globe dans l'autre,
ne livre aucune donnée directement perceptible au regard extérieur.
_es réseaux internationaux de Fluxus ont été à l' origine du mail art: Ray Johnson fonda la
• New York Correspondence School en 1963. D'autre part. certains peintres et
cinéastes comme Ben F. Laposky (dès 1952), Vera Molnar, Manfred Mohr, John et James
Whitney se sont tournés vers l'ordinateur pour mettre au point des programmes capables
de réaliser des séries combinatoires d'images, des "reproductions sans original", qu'on
allait pouvoir, avec le développement des modems, transmettre à distance.
Il y eut Mai 68. On Kawara envoyait des cartes postales: 1 got up (1968-69). Robert Barry
•réalisait" une Telepathic Piece (1969). Hans Haacke installait le téléscripteur d'une agence
de presse dans la Kunsthalle de Düsseldorf (Nachrichten, 1969). En juillet 1969, Seth
Siegelaub constituait l'art conceptuel lui-même en réseau lorsqu'il invitait "onze artistes
situés dans autant de lieux géographiquement différents à y réaliser un travail et à faire par
venir le compte-rendu pour publication dans le catalogue-expositions.·•
Les années soixante-dix ont vu les artistes "sociologiques" parodier et parasiter les
réseaux constitués des mass média. En 1972, Fred Forest introduisait dans le Journal Le
Monde un espace blanc. Les pionniers de l'art vidéo 1·éalisaient des performances média
tisées : dans C/a1m ( 1971), l'image sur un moniteur montrait en direct Vito Acconc1, les yeux
bandés, menaçant physiquement quiconque oserait franchir la porte qui le séparait du
public. On recherchait pour les livres d'artistes et autres "multiples" de nouveaux réseaux
de distribution, hors des circuits traditionnels du marché de l'art. Très tôt les artistes se sont
servis de télécopieurs. Stan VanDe1-Beek transmettait urn3 œuvre de Cambridge à Minneapolis.
C'était Panels for the Walls of the World (1970). A Chicago, Sonia Sheridan intervenait sur le
lecteur sonore pour modifier ses images. Les informaticiens fréquentaient les ingénieurs des
télécommunications. En 1976, Steve Wozniak et Steve Jobs ont commercialisé le premier
micro-ordinateur "convivial".
C'est vers la fin de cette décennie que des artistes comme Carl Loeffler, Sharon Grace,
Liza Bear et Willoughby Sharp (Two-Way Demo, 1977), Kit Galloway et Sherrie Rabinowitz
(Satellite Arts Project, 1977), Douglas Davis (The Last Nine Minutes, 1977) ou B111 Bartlett
(Sat-Tel-Comp Collaboratory, 1978) ont commencé à exploiter systématiquement les possi
bilités interactives des télécommunications alors en plein essor. Leurs premiers projets, qui
faisaient appel à des équipements coûteux et à des liaisons par satellite, les obligeaient à
collaborer avec des ingénieurs et des scientifiques. Ainsi Satellite Arts Project, où deux
danseurs séparés par quatre mille kilomètres étaient réunis sur un écran en temps réel, a
été réalisé grâce au concours de la NASA. Le développement du fax, du télex et des
transmetteurs à balayage lent (Slow-Scan}, ainsi que l'usage d'ordinateurs personnels
qu'on organisait en réseaux après les avoir reliés au téléphone, ont mis ces
technologies à la portée d'autres artistes intéressés par l'idée d'une collaboration à
distance.
C'était l'époque des grands projets éphémères comme Die Welt in 24 Stunden (Le Monde
en 24 heures), mis en œuvre par Robert Adrian pour Ars Electronica en 1982, ou La Plissure
du texte (conte de fées planétaire) proposé par Roy Ascott ·lors de l'exposition Electra en
1983. Par la suite, certains de ces artistes ont fondé des réseaux autonomes qu'ils
concevaient comme des "œuvres d'art en tant que systèmes organiques de
communication6" (Anna Couey ). Il s'agissait de structures plus ou moins permanentes,
plus ou moins ouvertes telles Artbox, lancé par Robert J�drian sur le réseau canadien I.P.
Sharp à partir de 1980, ou Art Corn Electronic Network (ACEN), fondé à San Francisco en
1986 par Carl Loeffler, Fred Truck et Anna Couey. L.'ACEN propose une revue mensuelle
(Art Cam Magazine) et une "galerie d'art électronique" où l'on peut consulter par
téléphone des œuvres comme The First Meeting of the Satie Society ( 1985-86), un hommage
au compositeur conçu par John Cage, ou The Bac/ Information Base de Judy Malloy
(1987-88), une base de données réunissant des informations "mauvaises, fausses, sottes ou
susceptibles d'être mal interprétées". En France, les artistes ont été parmi les premiers à
employer les messageries vidéotex (minitel) pour réaliser des œuvres {Image la Vallée,
1987-88, de JeanClaude Anglade) ou pour les diffuser (Vertiges, "roman interactif sur pages
écrans à options multiples7" de Jacques-Elie Chabert, 1984 }, ou même pour fonder des
revues (Art Accès de Frédéric Develay, 1984 ).
Il
Du fait qu'ils dépendent des technologies mises en œuvreB, les réseaux diffèrent entre
eux par leur genèse et leur fonctionneme11t temporel. On peut répartir les dispositifs en deux
groupes. Certains utilisent les modes de communication "de point à point" (téléphone, fax,
Slow-Scan, visiophone, etc.), d'autres mettent en œuvre des structures plus complexes
grâce aux réseaux d'ordinateurs qui proposent des services de messagerie et de courrier
électronique permettant l'échange de données entre de nombreux usagers. Les premiers
favorisent des manifestations éphémères, le plus souvent en temps réel. C'était le cas pour
Le Bras de fer transatlantique (1986) qui opposa Norman White à Paris et Doug Back à
ïoronto. Le second type de dispositifs, en introduisant la possibilité de décalage temporel,
oeut être le support de projets de plus longue durée, comm_e The Couey Virtual Museum of
Descriptions of Art (1990) d'Anna Couey. Mais jusqu'où peut-on aller dans la description? Il
peut arriver que l'œuvre soit inventée de toutes pièces par celui qui la décrit, à l'instar de Borgès
ou de Robert Morris qui, dans Artforum ( 1971 ), signait un article sur trois "Extra-visual Artists ".
Dans certains projets, le dispositif est plus important par sa structure que par les résultats
qu'il permet d'obtenir. Le rôle des participants est alors réduit par rapport à la prégnance du
dispositif : souvent, ils ne sont guère plus que des figurants. On pense ici aux badauds de
i\Jew York découvrant sur l'écran vidéo placé dans la vitrine d'un magasin les passants de
_os Angeles (et vice-versa) grâce à une liaison satellite (Hale in Space, 1980, de Kit Galloway
et Sherrie Rabinowitz9). Dans Connect de Gilbertto Prado {1991), c'est le rouleau de papier
fax qui, lors de son passage entre les télécopieurs récepteurs et émetteurs de chaque site,
décrit, de Paris à Pittsburgh et à Sâo Paulo, une boucle dans l'espace télématique.
Fred Forest, dans son Message planétaire (1991 ), va jusqu'à présenter un réseau ,sans
::orrespondants : un message on ne peut plus minimal, car il consiste à composer un numéro
•je suis là"), doit faire le tour de la terre par une cascade de répondeurs automatiques pour
actionner, à son retour, un robinet d'eau. Le Banquet télématique de Michel Suret-Canale et
1arie-Dominique Wicker (1992) surcharge les lignes téléphoniques d'informations de toutes
sortes (textes théoriques ou poétiques, photos, diagrammes, dessins), venues de toutes
::,arts pour converger sur un télécopieur seul, isolé derrière une vitre, inaccessible au public :
es nombreux "convives" ne peuvent communiquer ni avec lui, ni entre eux.
Ill
Sur les réseaux, il est difficile d’adopter un point de vue extérieur. Dès qu'on s'arrête pour
�egarder, pour "naviguer" dans l'espace télématique, on se trouve quelque part sur le
réseau, flottant, dirait-on, dans le cyberspace, mais quelque part tout de même. Cette position
colore la façon dont on perçoit l'œuvre : Duchamp insistait sur la contribution du regardeur qui
devait "affiner" l'art "à l'état brut" livré par l'artiste. De loin en loin, on en arrive à évincer le
spectateur On est artiste ou on ne l'est pas.
Toutefois, cet espace ne peut servir de support à l'art que s'il se place dans le champ
artistique. Dans ce milieu, l'instance officielle de légitimisation est le musée, dont la mission
de conserver certains objets l'oblige à en écarter d'autres. Que faire alors des réseaux qui
proposent non pas un objet actuel (un tableau ou même 50 centimètres cube d'Air de Paris),
mais un objet virtuel. un art en puissance, potentiel, imprévisible?
En fait, les réseaux posent problème surtout dans la mesure où l'œuvre résiste aux défini
tions qu'on voudrait lui attribuer. Selon quels critères l'apprécier? Les praticiens eux-mêmes
ne sont pas d'accord. L'art est-il dans les images, les textes ou les sons échangés ? Mais
ce ne sont que des traces d'autre chose. Est-il dans le dispositif mis en place par l'artiste ?
Certains projets prennent la forme d'un spectacle joué devant un public "à telle heure". Mais
qu'en est-il des réalisations plus expérimentales dont les résultats sont pour le moins impré
visibles ? Des manifestations qui mélangent le direct et le différé, le temps réel de l'échange
immédiat et le temps plus long, plus élastique des messageries télématiques ? Doit-on porter
son attention sur la performance, l'interprétation d'une "partition" ? ou sur le réseau lui-
même? D'aucuns insistent sur sa morphologie • arborescence (organigramme ou distribution
hiérarchique), cercle (jeu de télépt1one arabe) ou étoile (lorsqu'un nœud centralise les envois).
Mais ils confondent l'œuvre avec son auteur.
En réalité, ce sont de faux débats. Car, tout comme les ondes électromagnétiques qu'il
emprunte, l'art des réseaux est à la fois matière et énergie Il conjugue le minitel et le fax, le
direct et le différé, la présentation et la représentation, l'acte et la trace de cet acte, le pro
cessus et le résultat. Le travail de l'artiste consiste à articuler ces différentes composantes
en un ensemble signifiant. C'est lui qui structure l'événement de façon à susciter des
interventions significatives. Et comme il ne suffit pas de poser la bonne question. encore
faut-il penser à écouter la réponse. Les réseaux ne peuvent: fonctionner que si l'artiste
émetteur devient à son tour récepteur. Une façon d'être "à l'écoute" des images est de se
les approprier : en les critiquant, en les interprétrant, en les réemployant pour en
fabriquer d'autres, ou autre chose, en les renvoyant transformées.
Cette façon de multiplier les images produit une quantité considérable d'archives. C'est
pourquoi l'une des tâches essentielles des artistes qui s'intéressent aux traces de l'échange
est de mettre en forme ces matériaux. Beaucoup d'entre eux tendent aujourd'hui à prolon
ger et à compléter les manifestations éphémères par la pratique de l'édition électronique.
Certains s'attachent, dès la conception d'un projet, à organiser les données reçues en
couches sédimentaires (/ayering), qui seront accessibles depuis de multiples points, pour
évoquer "plastiquement" la façon dont le cerveau traite les informations venues du monde
extérieur. Reconstitué en hypertexte lui-même diffusé sur un réseau électronique, l'échange
garde un peu de son caractère mouvant, car tous ceux qui à leur tour consulteront cette
base de données pourront contribuer à une expérience en perpétuel devenir.
DÉMOSTHÈNE Une géographie esthétique concernant l'eidos (genre) et le
topos (lieu) permettrait de dresser la carte des multiples points de
AGRAFIOTIS jonction qui existent d'une part entre image fixe (peinte,
photographiée), image mobile (cinématographique. électronique,
informatique). son, musique et texte (poétique, théorique,
usuel), d'autre part entre les lieux d'exposition, universités,
ÉQUIVALENCES OU bâtiments anciens, monuments historiques ... et espaces
extérieurs. Ces réseaux de relations semblent ressortir à des
ISOMORPHISMES tendances multiples et hétérogènes telles que la modernité,
l'expérimentation, le dépassement de l'innovation technologique,
voire la réalité virtuelle.
Nous nous situons ici dans une double perspective qui relève
d'une part de la modernité en tant qu'expérience "mûrie"
pendant près de deux siècles ( dont les artistes phares sont
Baudelaire et Mallarmé pour la poésie, Wagner pour la musique
et Cézanne pour la peinture), d'autre part du défi de la
techno-science contemporaine.
La référence à la modernité menaçant d'être amalgamée
avec le débat superficiel qui a cours à propos du
post-modernisme, un minimum de précision s'impose quant à
l'emploi que nous faisons de ce terme. Etant entendu que le
"moderne" n'est
ni opposé, ni évalué en fonction du "contemporain" puisque ce qui nous préoccupe ici
consiste à cerner la spécificité de sa substance, une démarche artistique sera jugée "moder
ne" à condition qu'elle réponde aux principes suivants
- la question centrale n'est pas "qu'est-ce que le beau ?" mais "qu'est-ce que l'art ?" ;
- la temporalité n'est pas envisagée uniquement dans la succession avant/après, mais
comme une conjonction du passé, du présent et du futur avec une priorité relative accordée
au futur;
- la quête de l'avenir ne se fait pas uniquement au nom de l'innovation, elle s'accompagne
d'une volonté de puiser aux sources primitives et primordiales
- au-delà de leurs limites, cette démarche devra intégrer le dépassement des genres et des
moyens d'expression artistique.
Pendant ses cent cinquante ans d'existence, la modernité a connu force expérimenta
tions, annulations, fanatismes, surestimations, sous-estimations, évaluations. renversements,
ce qui l'autorise aujourd'hui à accéder à des approches plus sereines.
La techno-science a contribué efficacement à la production de technologies nouvelles
(informatique, robotique, communications) et de matériaux nouveaux, sons et images. Les
systèmes technologiques de pointe ne consistent pas seulement en un ensemble de compé
tences, d'outils prolongeant le corps, d'appareils et de machines alimentés par diverses
sources d'énergies. Ils tendent également à devenir des dispositifs qui donnent corps à de
nouvelles réalités et revendiquent de ce fait le statut de langage ou de code capable d'inter
ve111r sur le terrain socio-culturel. C'est pourquoi les technologies sont devenues porteuses
de bipolarités telles que continuité/discontinuité, mémoire/imaginaire, espace/temps, pos
sible/impossible, interne/externe, proche/lointain.
2. L'homologie
Ici, l'équivalence biunivoque s'établit entre les fonctions des constituants de l'œuvre dans
sa portée globale. On trouve une relation d'homologie chez Mallarmé par exemple, dans la
signification du blanc de la page par rapport au silence, ou entre la place du mot au sein du
poème et la composition typographique de la page.
Autre exemple : traduisant la violence avec laquelle Arnulf Rainer intervient sur la
représentation photographique de son corps ou de son visage (Faces, Farces, 1990), Peter
Kubelka réalise un flux discontinu de photogrammes en noir et blanc. Cette construction
élimine toute représentation métaphorique et toute identification d'Arnulf Rainer. Elle permet
en revanche d'appréhender l'impact de sa démarche artistique, une démarche dans
laquelle le corps est un champ d'intervention, un matériau pour l'élaboration d'œuvres d'art.
Phantasmagories de Nikos fournit un autre exemple d'homologie. Cette œuvre qui est en
réalité un processus de production artistique met en évidence la relation qui existe entre le
support blanc de la peinture, celui de la photographie et l'écran blanc du cinéma.
Concrètement, un écran dissimule des objets ou des personnes ét les révèle en tant que
formes qui se superposent au moyen de jeux de lumière ; l'enregistrement photographique
ou vidéographique fixe ces ombres fuyantes. Ainsi l'icono-poïétique emprunte à la
représentation classique et à la perspective tout autant qu'aux moyens tedmiques et
scientifiques de restitution optique de la réalité ; et simultanément, on assiste à des
métamorphoses de gestes et d'images.
3. L'isomorphisme
Il y a isomorphisme lorsque l'équivalence biunivoque s'établit non pas entre les consti
tuants de l'œuvre, non pas entre leur fonction, mais entre les principes qui fondent la
substance des œuvres et son expressivité ou sa fonctionnalité globale.
La peinture moderne a l'ambition d'exister en tant que langage. L'image info-
graphique animée tend à devenir le véhicule privilégié de l'exploration de l'imaginaire dans
un monde dominé par la technologie et la globalisation ; elle revendique du même
coup la qualité
1cono-poïétique pour toute image produite dans les sociétés d'aujourd'hui et de demain.
Un travail comme celui de Maria Klonaris et Katerina Thomadaki constitue un champ où
s'affrontent images fixes, projections de transparences et images animées ; ce champ est
prétexte à démontrer comment une "thématique" peut soumettre à une épreuve mutuelle
toutes ses possibilités expressives (Puerta del Angel, Night Show for Angel, Théorème).
Notre œuvre 24, Pidéo Voésie est un autre champ de mise à l'épreuve de différents
moyens d'expression : elle a pour objet de découvrir comment la poésie peut devenir
musique. comment la peinture peut devenir écriture ou comment, à l'inverse, elle est écriture à
l'origine, comment l'image animée de la vidéo régit des mots, des images et des sons.
Dans les deux exemples qui précèdent - les œuvres de Klonaris/Thomadaki et celles
d'Agrafiotis -, le défi esthétique surgit de la mise à l'épreuve par une thématique transversale
(respectivement "l'ange" et la bipolarité écriture/image) des éléments constitutifs et des fon
dements des moyens d'expression employés.
Les relations entre domaines artistiques ou entre art et technologie reposent donc sur le
trinôme isomorphisme/homologie/analogie tel que défini ci-dessus Il n'existe pas pour autant
de hiérarchie entre ces termes du point de vue de l'esthétique.
La nature des relations qui s'opèrent entre les genres n'est pas une condition suffisante
pour définir si leurs produits relèvent ou non du domaine de l'art A ce premier critère, décisif,
fondamental, s'en ajoutent trois autres.
Le deuxième critère consiste en ceci qu'une fois réalisée la combinaison, si l'on considère
chaque genre isolément du tissu de relations qui en résulte, il en sorte modifié, influencé par
son articulation avec les autres. Pour employer une métaphore, chaque genre devra incorpo
rer des questions, des attentes, des possibilités nouvelles et s'en trouver profondément modi
fié par rapport à son état initial.
Combiner la poésie à la vidéo ne se résume pas à substituer l'écran électronique au blanc
de la page, mais permet d'éprouver la poésie en tant que geste visuel et spatial. Si tel est le
cas, la combinaison pourra être considérée comme "esthétiquement légitime et productive",
d'autant plus que la qualité d'outil de la vidéo et que la linéarité de l'écriture auront été
dépassées.
La mise en relation des arts et des technologies ne doit pas faire perdre de vue l'hétéro
généité des processus qui caractérisent ces deux "lieux" de la vie sociale. Ainsi, une déci
sion relative aux nouvelles technologies et une proçiosition esthétique nouvelle se produisent
dans des lieux d\s\inc\s, selon des logiques e\ des orientations différentes. Plutôt que de
masquer ces disparités, l'articulation des processus artistiques et technologiques devrait au
contraire s'attacher à les mettre en valeur, à leur rendre une intensité maximale. L'artistique et
le technologique constituent des défis réciproques et équivalents, mais également de nature
différente. La réciprocité de ces défis et l'accentuation de l'hétérotopie sont donc un troisième
critère lorsque les nouvelles technologies interviennent dans la combinaison.
Dire qu'il a tou1ours existé un dialogue entre les arts est un lieu commun. La spécificité de l'art
moderne, c'est le fait que ce dialogue est devenu un champ d'exploration systématique. Cette
exploration tend à démontrer la limite des genres ainsi que la fragilité et l'arbitraire de l'entreprise
qu, consiste à les recomposer. Accepter tous les risques d'échec et l'incertitude inhérente à
cette entreprise de remodelage est le quatrième critère de la recomposition des genres.
Les quatre critères énoncés plus haut sont des coordonnées élémentaires pour l'étude
des "hybrides" inter-artistiques ou artistico-technologiques. Un ensemble de questions
(hétérogènes et résistant à la hiérarchisation) reste sous-1acent et menace la stabilité de
ces quatre critères
La recherche relative à la combinaison des genres est-elle le symptôme d'une approche
logocentrique de l'art? Le découpage en genres ne suppose-t-il pas une régularité logique?
et ne débouche-t-il pas sur un schéma de "clarté et de déviation" ? Enfin, des catégories
d'analyse pré-modernes ne sont-elles pas en train de réapparaître, menaçant la matérialité
immédiate de l'art?
Dans l'histoire, à chaque fois qu'une possibilité nouvelle, scientifique et technique, est
apparue dans le domaine de l'art - qu'il s'agisse de la photographie au début du x1xe siècle,
du cinéma au début du xxe, de la vidéo dans les années s01xante-dix ou de l'image de syn
thèse à la fin du xxe siècle -, s'est posée la question de savoir si le "nouveau" devait être
évalué avec des grilles d'analyse anciennes ou selon les paramètres de l'innovation en
cause. Ce danger nous guette encore aujourd'hui. Autrement dit, abordons-nous l'articulation
de l'art à la technologie avec des notions suffisantes pour appréhender la nature du défi qui
est en jeu?
On entend fréquemment affirmer "la mort des idéologies'', "la perméabilité des frontières"
Ces théories peuvent-elles être transposées dans le domaine de l'art ? L'apport des nou
velles technologies justifie-t-il que les mutations que subissent les pratiques artistiques se
produisent sans réflexion ni méthode?
Peut-être enfin, la comb1na1son des genres satisfait-elle le désir d'un système de réfé
rences commun à toutes les pratiques sociales (artistique, cognitive, technologique) ? Ou au
contraire est-elle le reflet de la quête d'une cellule génératrice, d'un noyau matriciel qu'on
pourrait nommer "esprit humain", "nature" ou "créativité humaine", et qui se situerait au-delà
de toute référence sociale?
Une rupture dans un paradigme culturel est précédée par un
DOT TUER silence, un pénible silence dans lequel le discours se frag
mente, des frontières se déplacent, le matériau social qui
soustend un contextE3 de réception se fracture. Le cinéma Super
8, comme moyen d'expression artistique et de vision collective,
EMPREINTES FRAGILES/ semble se trouv13r dans un semblable vide étrange. Les
difficultés croissantes pour acquérir des matières premières
LIEUX INTERMÉDIAIRES et la désintégration du réseau de diffusion et de distribution sont
les manifestations concrètes de la crise que connaît cet art Le
diagnostic de ces symptômes est moins tangible, plus obscur.
Tel un malade entre la vie et la mort qui, sous une tente à
RÉFLEXIONS oxygène, s'efforce d'interpréter les signes d'un battement de cœur,
l'artiste praticien en Super 8 est captif d'un cocon de
SUR LES TECHNOLOGIES celluloïd, il se débat afin de déchiffrer le crépitement des
câbles de télécommunication et le chuintement des
LÉGÈRES DE L'IMAGE transmissions par satellite, bruits blancs d'un feed-back
électronique, signaux d'un passé qui s'effiloche, d'un futur non
encore tissé.
Noyée sous la statique de la révolution de l'information,
l'image Super 8 semble fragile et ancienne, nostalgique et
dépassée. Le potentiel qu'ont ces images saturées de couleurs
et inondées de rêve d'exalter la dialectique entre illusion et
imagination recule à l'horizon comme un pâle mirage. L'attente
idéaliste d'une pratique culturelle qui romprait les structures
verticales d'un cinéma commercial, qui démystifierait la toile
dans laquelle s'enchevêtrent l'idéologie et la technique,
s'évapore telle l'eau dans la chaleur desséchante d'un désert.
Porteur de la vulnérabilité d'une pratique artistique dont la
dépendance à l'égard d'une technologie marchande a
simultanément engendré les promesses et élaboré la
disparition, le cinéma Super 8 en tant qu'art devient à la fois un
anachronisme à l'ère digitale et une clé pour une (autre)
conscience cinématographique.
Dans l'œuvre de la cinéaste québécoise Céline Baril, Barcelone, un mot de neuf lettres,
un film en neuf épisodes ( 1989). tourné en Super 8 et gonflé en 16 mm, la référence à l'artiste
comme magicien des images ponctue une médiation fantasque sur l'architecture du langage
et du regard cinématographiques. Divisé en neuf séquences-lettres, Barcelone donne à
l'artiste le rôle d'un visionnaire enjoué : ses entrées en scène dans le corps du film
orchestrent une rafale de calembours visuels et dirigent le flux d'un montage de temps et
d'espace. Analyste de ses propres fétiches, inventrice de son propre vocabulaire
cinématographique, Baril construit chaque épisode-lettre comme un glissement de la
représentation du langage à l'image. La lettre R pour Regard se déroule au travers de
l'eau que verse Baril dans des lunettes de tir fixées sur ses propres lunettes, puis est
coupée par une chute en cascade. Dans la lettre A comme up m the Air (du haut des
Airs), on la trouve enchâssée dans une lune en papier découpé. La lettre C comme Cinéma
la montre prise au piège dans un décor de film, de l'encre noire coulant de ses lunettes de
tir, avec en plans de coupe les pages feuilletées de fanzines consacrés aux stars des
débuts du cinéma, ou des métrages trouvés de Zéro de conduite.
Pour les lettres intermédiaires, des images oniriques de la cathédrale de Gaudi et des
personnages embrasés qui fuient se rencontrent. Des images en noir et blanc des rues de
Barcelone sont juxtaposantes avec des découpes en trou de serrure sur des scènes du
vieil Hollywood. Une vue aérienne découvre un site en démolition. Un Napoléon en
plastique envahit l'Espagne en 1808. Maîtresse de la caméra, maître du regard, Baril
grimpe métaphoriquement dans le train des Lumière au cours des séquences d'ouverture
du film : elle construit une vue à vol d'oiseau sur un train plongeant d'un rail ferroviaire
accroché au flanc escarpé d'une montagne. Telle une voyeuse, une narratrice, elle
affronte activement les structures de la représentation: plutôt que d'en être spectatrice, elle
participe à l'événement que constitue l'arrivée en gare du train des Lumière. Pourtant,
tandis que Barcelone se déploie, il devient clair que son regard est déterminé non
seulement par les images qui l'ont précédée, non seulement par l'histoire du cinéma,
mais qu'il est également pris dans un réseau cybernétique de réception,
Avec la prolifération des technologies de vidéo légère qui visait, dès les années quatre
vingt, à remplacer le Super 8 comme format familial, la vidéo serait apparue pour reproduire
le potentiel culturel qu'avait représenté le Super 8 : réaliser une promesse d'accessibilité,
une immédiateté d'expression personnelle Comme celles du Super 8. les origines de la
vidéo se situent dans un complexe militaro-industriel et son 17éritage artistique réside dans
l'appropriation du médium en tant qu'outil d'expression personnelle. Cependant, le contexte
de réception de ces deux médias est tout à fait différent : le Super 8 est déterminé d'une
part par l'histoire du cinéma d'art, de l'autre par le cinéma familial comme évocation de la
mémoire , la vidéo est intriquée au sein du terrain télévisuel en tant que flux unidirectionnel
de communication
Dans l'univers de transmissions par satellite et de bruits blancs de Benning, ce n'est pas
la présence positive du corps, mais son empreinte négative qui dessine la carte des
relations entre l'artiste et la technologie, entre le genre et l'identité. De ses yeux qui
fixent le spectateur depuis l'intérieur du minuscule cadre distordu, lequel est à son tour
imbriqué dans le cadre plus vaste de l'écran de télévision, Benning s'adresse au
spectateur comme si elle lui tendait un miroir à sens unique, elle parle de ses désirs à tous
et à aucun des huit cents millions de récepteurs qui forment la trame du réseau
cybernétique. Telle une mystique médiévale à qui son confesseur ordonne de se
remémorer ses visions, non comme un acte d'auto-représentation, mais comme une
exégèse collective d'un désir social de fusion, Benning devient un médium au travers
duquel un (autre) discours émerge. Pris dans une infrastructure de simulation, ses gestes
suscitent une forte sensation de prise au piège et ses paroles annoncent la résistance à
sa propre absence en tant que lesbienne au sein du système médiatique. Démêlant la
trame rugueuse de l'expérience humaine de la fantasmagorie édulcorée de la simulation,
elle matérialise le corps au sein de la technologie au travers du plaidoyer pour un corps
politique
Cherchant à reconstituer un corps fracturé par la technologie, fragmenté par le réel dis
solvant, Benning et Thomas matérialisent le moi au sein d'un labyrinthe électronique au
moyen de structures d'expression intériorisées, intimes, presque confessionnelles. Oracles
plutôt que techniciennes de l'univers cybernétique, elles deviennent les augures d'un futur
incertain : elles s'efforcent d'articuler la conscience à la technologie. de déchiffrer le
crépitement des câbles de télécommunication et le chuintement des transmissions par
satellite, le bruit blanc d'un feed-back électronique. En faisant leur la technologie légère,
elles font ressortir la possibilité de désarmer le spectre totalitaire d'un simulacre de futur
parfait au travers de la chimère de l'auto-représentation, de l'association étroite de la source
et du récepteur, de l'hétérogénéité de la représentation.
Comme Céline Baril qui grimpe dans le train de Lumière pour privilégier l'imaginaire sur le
tissu symbolique de la réception. Benninç1 et Thomas pénètrent à l'intérieur du labyrinthe
électronique de manière à engager une étreinte intime entre le corps et la technologie, à
rendre visibles les tissus invisibles de la simulation. Plutôt que de capituler dans la fin de
partie qui se joue entre le capitalisme tardif et la technologie, ces trois artistes érigent à
l'intérieur de pratiques apparemment obsolètes un site de résistance au vide étrange qui
précède une rupture dans un paradigme culture!. Que ce soit en évoquant les fragiles
empreintes du Super 8. les images passées d'une photographie. ou l'étrange
claustrophobie d'un viseur d'enfant, chacune d'entre elles recourt à la technologie pour
construire une métaphore de soi et de l'autre qui délocalise à la fois l'artiste et le spectateur.
pour recadrer la fusion du corps et de la technologie comme le nœud des problématiques
relatives au silence et à la parole. En tant que telle, chaque artiste met en évidence l'importance
de politiser l'architecture du simulacre, de retisser un matériau de médiation dans lequel ce
serait l'artiste plutôt que l'ingénieur, le corps plutôt que son fantôme simulé, qui définirait la
dialectique entre la technologie et la conscience.
Des passages de ce texte ont été adaptés d'une communication laite lors d'une table ronde 1nt1tulée L 'Apport
d'une technique légère, le Super 8, à l'art du cinéma, à l'occasion des premières Rencontres Internationales Art
Cinéma/ Art Vidéo/ Art Ordinateur qui se sont tenues à Pans en 1990.
GRAY WATSON Un certain pessimisme règne quant à la possibilité pour l'art,
l'art d'avant-garde en particulier, d'exercer une quelconque
influence sur le monde. De fait, nombre d'artistes et autres
protagonistes du monde artistique sont fascinés, précisément,
LA VIE CONTRE par cette prétendue impuissance de l'art. L'illustration
peut-être la plus flagrante en est l'art plastique en faveur dans
LA MORT les galeries de l'axe New York-Cologne-Milan. Chez un Jeff
Koons, ce nihilisme s'exprime au moins avec une certaine
outrance vivifiante et un certain panache ; mais les artistes
mineurs du même circuit, ainsi que toute la pléthore des
AU SECOURS critiques et la majorité des spécialistes de la culture et de l'art
contemporains ont une tendance sournoise à sombrer dans
DE L'AVANT-GARDE ce que Camille Paglia a (art justement nommé "le désespoir
chic" 1.
Le meilleur art d'avant-garde, toutes disciplines confondues,
conserve cependant un énorme potentiel pour modifier
fondamentalement notre vision du monde et donc, à terme, pour
agir sur lui. Ceci est aussi vrai aujourd'hui que ça l'a été au cours
du dernier, voire des deux derniers siècles. (Nous sommes encore
loin d'avoir mesuré toute la portée des intuitions que recèlent, par
exemple, les œuvres de Goya, de Blake, d'Hôlderlin ou de
Büchner.) Il serait vraiment triste de considérer que le
postmodernisme soit essentiellement un renoncement aux
aspirations révolutionnaires qui ont animé tous les grands
créateurs, écrivains, metteurs en scène, interprètes et artistes de
l'époque moderne. Pourtant, à en croire la servilité avec laquelle les
théories discutables de certains penseurs comme Derrida ou
Baudrillard sont érigées en vérités canoniques, c'est bel et bien ce
qui ressort.
Longtemps, l'art d'avant-garde a été étudié à l'aide de concepts qui relevaient soit du
formalisme, soit du marxisme. Maintes critiques se déclarant anti-formalistes restent. de fait.
formalistes dans l'esprit, dans la mesure où elles sont prisonnières d'une fascination
narcissique à la Duchamp à l'égard du contexte artistique institutionnel De même, si de
nombreux écrits relatifs aux implications sociales, historiques et politiques de l'art semblent
rejeter l'orthodoxie marxiste, ils n'en continuent pas moins à tenir pour certaines les valeurs et
les catégories de l'establishment politique de gauche. L'éclosion du post-structuralisme en
tant qu'académisme contemporain, loin d'offrir une alternative originale à ce choix
ridiculement limité entre formalisme (ou post-formalisme) et marxisme (ou post-marxisme),
n'a, pour l'essentiel, fait guère plus que conjuguer ces deux traditions, héritant des faiblesses
de chacune.
Deux considérations s'imposent. Tout d'abord, il est remarquable que la plupart des plus
éminents auteurs post-structuralistes soient, si l'on se réfère à leur parcours, des marxistes
déçus. Leur pessimisme ressemble fortement à de l'aigreur : "Si cela n'a pas marché, rien
ne marchera." Par ailleurs, marxisme et formalisme en tant que doctrines ont en commun un
certain attrait psychologique : toutes deux affichent une aspiration (subjective et irrationnelle)
à l'objectivité et au rationalisme. Il est symptomatique que, même lorsque la psychanalyse
est mise au centre des débats, elle tend à être réinterprétée via Jacques Lacan, attendu
que : (a) le laconisme s'est avéré relativement facile à relier au marxisme ; (b) ses formules
algébriques et abstraites sont fort utiles pour transformer le propos le plus dangereux et le
plus dérangeant en un inoffensif jeu intellectuel
Les formes d'art qu, ont le plus souffert de l'indigence continuelle de l'appareil théorique et
critique en vigueur ainsi que de la tendance à utiliser la psychanalyse comme un palliatif
plutôt que comme un stimulant, sont celles qui sont concernées par les grands thèmes
humains : la naissance, la sexualité, la mort, l'amour, la guerre, et les confins de l'expérience
humaine - celles qu'on pourrait le mieux qualifier d'imaginatives, de poétiques ou de
visionnaires. Et ce sont précisément ces formes d'art qui ont, virtuellement, le plus à apporter
à notre culture.
Stan Brakhage, par exemple, est indéniablement, toutes disciplines confondues, l'un des
plus grands artistes depuis la Deuxième Guerre mondiale : si l'on faisait l'inventaire des
multiples implications présentes dans ses films, on pourrait démontrer que leur importance
pour notre culture est au moins égale à tout ce qui a été produit dans le domaine des arts
visuels au cours de la même période. Il est donc déplorable que son travail soit encore
si peu connu, sinon des spécialistes. En partie, bien sûr, cela n'est qu'une expression du
problème auquel est confronté tout le cinéma expérimental ou d'avant-garde, problème lié
au pouvoir massif du cinéma commercial et de la télévision, ainsi qu'aux préjugés latents que
nourrit le monde des galeries à l'égard du cinéma ; mais la faute en revient également en
partie au mini-establishment qui règne sur le ghetto du cinéma expérimental et
d'avant-garde. En rejetant systématiquement, au cours des années soixante-dix, la
pénétrante vision psychologique et métaphysique de Brakhage, en optant de préférence
pour l'esthétique plutôt mince et cérébrale caractérisée par la sinistre théorie du cinéma
"structurel-matérialiste", il a réussi à éloigner un large public potentiel, avide de conceptions
du monde authentiquement radicales et nouvelles, mais que les films et les théories de
gens comme Peter Gidal ont, c'est compréhensible. ennuyé à mourir. Une fois perdu, ce
public n'a jamais été reconquis.
Sur le plan de la production cependant. il est satisfaisant de constater que, tout comme
Brakhage lui-même et certains autres artistes authentiques de sa génération qui continuent à
produire des films d'une qualité exceptionnelle, un nombre croissant d'artistes plus jeunes se
sont mis, à nouveau, à produire des œuvres cinématographiques et vidéo-graphiques,
excellentes pour certaines, dans le même esprit d'ouverture poétique Il n'est pas étonnant
que plusieurs d'entre elles - Lady Lazarus de Sandra Lahire (1991) à propos de Sylvia Plath
par exemple, ou Trojans ( 1989) de Constantine Giannaris au su Jet de Constantine Cavafy -
soient de sensibles portraits filmés de poètes contemporains Si le cinéma abstrait, comme la
peinture abstraite, a une affinité naturelle avec la musique. pour ce genre de films, qui cherchent
à rompre avec le modèle narratif conventionnel tout en conservant les résonances de
signification qui sont indissociables de personnes et de choses désignables et identifiables,
la poésie a toujours constitué une forme de modèle.
En outre, même si le modernisme essaye d'échapper à ce principe, toute exploration pro
fonde des sentiments et de l'imaginaire entraîne largement dans la voie du Romantisme ; un
mouvement pour lequel, en littérature, la poésie était l'expression suprême. Dans son
classique Visionary Film, P. Adams Sitney a parfaitement raison de situer Brakhage dans
une tradition poétique romantique qui remonte à Blake et Wordsworth et se manifeste,
pour sa génération, chez Wallace Stevens ou dans l'expressionnisme abstrait en peinture.
Dans un esprit très différent de l'examen, forcément limité, que fait Uebelmann de la froi
deur sadomasochiste, Annie Spnnkle se livre à une exploration détendue et chaleureuse de
toutes sortes de délices sexuels. Artiste de performance, cinéaste et vidéaste, Sprinkle qui
se décrit elle-même comme une ·post-porn-modernist" est par dessus tout une
démystificatrice de la sexualité ; non qu'elle en ôte toute magie. mais en ce sens qu'elle
fait passer au filtre de la drôlerie et de l'humour intelligent toutes ces inhibitions qui
empoisonnent la vie. Son Linda/Les & Annie - The First Female to Male Transsexua/ Love
Story (1990) relate la véritable histoire de sa propre relation aujourd'hui révolue, avec Les
Nichais, un homme d'apparence très virile, qui naquit femme. mars fut doté d'un pénis
réalisé chirurgicalement en plus de ses organes génitaux féminins Le naturel et la
simplicité avec lesquels cette vidéo aborde aussi bien les détails physiques que les
facteurs émotionnels, sociaux et interpersonnels en cause, font paraître absolument
normal un contexte des plus singuliers. En
revanche, elle omet d'établir les relations symboliques, métaphysiques ou mystiques que
cette situation réell� entretient avec l’androgyne.
Pour nombre d'artistes et de cinéastes cependant. la figure de l'androgyne s'est avérée être
un moyen notable de concilier, souvent dans une contradiction apparemment violente, le
monde de l'expérience extérieure, régi par des codes sociaux tels la médecine, la justice etc.,
et le monde de l'expérience intérieure tel qu'il apparaît dans des symboliques ésotériques
fortes et souvent anciennes. La façon dont Maria Klonaris et Katerina Thomadaki ont fait
d'une photographie médicale d'hermaphrodite, trouvée par Klonaris dans les archives de
son père, gynécologue-obstétricien, le point de départ de leur cycle d'œuvres sur le thème
de l'Ange en est une parfaite illustration. Plus largement, la relation entre l'érotique et le
sacré est prédominante chez la plupart des meilleurs artistes de performance, de cinéma et
de vidéo, depuis les pionniers comme Carolee Schneemann, jusqu'aux divers praticiens
contemporains : c'est particulièrement manifeste chez Nina Danino dont le Now I am yours
(1993) prend pour point de départ la Sainte-Thérèse de Bernini ; c'est tout aussi sensible
chez Akiko Hada, par exemple. qui mêle, dans The Leap (No Leap) (1993), les thèmes de
l'androgyne et de la Déesse avec des images de flagellation et de vagues marines.
Plus que toute autre, peut-être, l'exploration de la relation entre le sacré et l'érotique - à
laquelle s'applique directement la dialectique dégagée par Ricœur, tout comme
l'interprétation poétique et non-partisane que donne Brown de la psychanalyse - devrait
nous permettre de dépasser la dichotomie entre positivisme scientifique et croyance
religieuse. qui continue à paralyser grandement notre conception de la culture. A ce niveau
comme à bien d'autres, l'avant-garde, le cinéma et la vidéo d'avant-garde en particulier, a
beaucoup à apporter Mais tant qu'elle laissera des théoriciens - qui sont de fait des ennemis
de la vision - détourner son approche authentique et radicale, elle ne pourra espérer être
prise au sérieux. Pour tout dire, elle ne pourra espérer être prise au sérieux tant que ceux qui
sont supposés la promouvoir clameront son impuissance. Ceci est essentiel, non pour la
sauvegarde du métier d'artiste, mais parce que notre culture ne peut pas supporter que les
conceptions que l'avant-garde a à offrir soient plus longtemps dévastées.
DICTIONAIRE D'ARTISTES
AGRAFIOTIS DÉMOSTHÈNE Grèce ALEÏN I KOV IG0R & GLEB Russie
Théoricien, poète et plasticien né en 1946, il vit à Athènes. Cinéastes moscovites, Igor (né en 1963) et Gleb (né en
Auteur de plusieurs ouvrages, dont Isomorphismes (poé- 1967) réalisent des films depuis 1984. Figures du mou
s1e, 1973), Discontinuités culturel/es (essai, 1987), Cahier vement de cinéma parallèle qui a émergé au milieu des
chinois (poésie, 1989), Modern;té, représentation (essai, années 80, ils collaborent à la revue d'avant-garde
1989), L'image mobile (essai, 1991 ), Déviations (poésie, indépendante Ciné-Fantôme, référence importante pour
1991). Animateur et directeur de la revue Clinamen et éd1- les cinéastes et théoriciens de Moscou. Avec l'équipe
teur de livres-objets 24, P1déo-Voés1e est sa première de Ciné-Fantôme ils proposent des événements et des
œuvre vidéograph1que. séminaires. En 1987, ils ont organisé le premier festival
de cinéma parallèle d'Union Sov1ét1que
"Mon travail constitue un champ de mise à l'épreuve
des différentes poss1b1l1tés artistiques. mais aussi une "Une tradition moscovite forte et constante, celle de la
occasion d'examiner comment la poésie se transforme réflexion conceptuelle appliquée au cinéma, est à l'œuvre
en musique, comment la peinture se veut écriture et dans les constructions filmiques des frères Aleïnikov,
comment la vidéo régit les lettres, les mots, les sons et dans lesquelles se combinent un langage visuel clair et
les images." DA un sens prononcé de la mesure." D.A Pngov
"Mon intention, interroger et défier l'identite du specta FIims: O.T-1 (1985) - O.T- 2(1986) - Passage à /'acte
teur en mêlant réel art1f1c1el et artifice réel ' A MA (1993)
Reflexlbn /s ldentity /s Reflexion
1993, vidéo, N&B, sonore, 11' Mes films interrogent, dans la représentation des
Musique Ashra espaces des acteurs et des actions, les rêves, espoirs
Cette vidéo est une représentation symbolique de 1·1nd1- er 1abous de l'époque et de la société qui les a créés.
v1du et du double à travers des "jeux de mains" Je suis îasc,né par les tics et les bégaiements ce sont
(Whitney Museum, Contemporary Art Museum de New Né en 1959 à Nice. Etudes de biologie Il pratique la per
Orleans) et dans de nombreux festivals en Europe et en formance de rue, la peinture cinétique, le cinéma d'ani
Amérique du Nord mation, l'infographie, les mathématiques. Parallèlement, il
réalise des films publicitaires et des clips.
Films : The Offenders ( 1979) - The Trap Door (1981) -
Vortex(1983)- Salvarion ! (1987)- Two Small Bod1es(1993) Films: Te.st(1987)- Tapie 1 & 11(1989)
Vidéos: Bel/adonna (1989) - Thanatops1s (1991)
Installations· Under Lock and Key(1993) -Amnes,a (1994) 46 Bis
1988, 16mm, N&B. sonore, 3'
"La plupart de mes œuvres répertorient les façons dont Avec Sara Denizot et Laurence Rondoni . musique : un
nous perpétuons les préJugés et la violence par le tango de Lili Bonicho
simple fait de laisser se prolonger un état subtil et Un film vif, rapide, et ludique, tourné dans une cour
constant d'amnésie sociale." B B. d'immeuble de Belleville.
"Film d'animation appliqué à la danse, sur la qualité de
Amnesia vitesse, tourné avec deux danseuses qui s'animent en
1992. vidéo, couleur, sonore. 1' bougeant image par image, sur un trajet gradué prédé
Vidéo produite dans le cadre de Trans-Voices. pro1et du terminé." P.B.
Centre culturel américain de Paris.
"Un bref rappel des horreurs du racisme et du nationalis-
me, largement réactivés à l'heure actuelle dans des orgies BAR EAU CATHERINE France
de purification ethnique et de guerres tribales.·· B.B.
Née en 1960. vit à Paris. Filme en Super 8 depuis 1980.
_ _B _I O_L_E _C_É_c_1_L_E
_BA Fr_a_n_ce
__________ "Sculptureis, lumières, eau Photographie et peinture.
Abstraction et matières. Eblouissements, violence,
Etudes de lettres D'abord musicienne au sein du groupe silence. cairesses, secousses.
Nox, elle travaille en vidéo depuis 1986, réalisant des Trouver le feu dans l'eau, l'extrême vitesse dans l'immo
bandes. des clips, des performances Récemment, elle bilité, le regard dans l'inerte. Au centre de tout cela, il y
a abordé le:r images de synthèse et s'intéresse à la réa a un voile qui court et qui brûle." C.B.
lité virtuelle.
Bleu Météore •
Vidéos : Tournis (vidéo performance, 1986) - Ménagerie 1991, Supàr 8, couleur, sans son, 2'30
(1988) - Les Xons (série de fiction en images de synthèse, "Des éclats de pierre volent, pulvérisés. Erosion, écou-
ininterrompu de points, une danse continue de parti VO/ID (1985-86) - Amoroso (1983-86) - Divers-Epars
cules, un tissu mouvant de gouttes d'eau transpa (1987)- Quatre un (1975-91) - We've Got the Red Blues
rentes. La mer est sortie de ce courant d'images, cle {1991)
ces sursauts: implosion discrète, sous-marine." C.B.
"Mon travail se caractérise par une double approche
du cinéma. La première relève du cinéma sériel et pnvi-
BARIL CÉLINE
--------------------
Canada légie la partition et la rythmique dans la composition
d'un film. L'autre tendance envisage le cinéma comme
Cinéaste et plasticienne née au Québec en 1952, elle Iournal filmé faisant la part belle à 1'improv1sat1on et, au
vit et travaille à Montréal. Etudes d'arts plastiques. Elle 111 du temps et des lieux, tente d'élaborer une histoire
réalise des installations associant obJets, films, diaposi personnelle au moyen des souvenirs. Les préoccupa
tives, photos, sculptures qui font souvent référence aux tions politiques s'inscrivent de plus en plus dans ces
débuts du cinéma. Elle a part1c1pé à des expositions au films Travailler des empilements d'images et de textes
musée du Québec, au Power Plant de Toronto, au à l'image afin de composer avec ces éphémères appa
musée d'Art contemporain de Montréal ritions des vertiges et des sens paradoxaux." Y.B.
Barcelone
BENDKOWSKI KAZIMIERZ Pologne
1989, 16mm, N&B et couleur, sonore, 40'
"Tourné entièrement en Super 8, le film a été gonflé Gn
"Photographe, cinéaste et v1déaste, né en 1948 Il a fait
16mm. Barcelone est un mot de 9 lettres et un film en 9
ses études à l'Académie nationale de cinéma, d'audio
épisodes : B comme Bâtir des cathédrales, A comme
visuel et de théâtre de L6dz et a fait partie d u
du haut des Airs, R comme Regard. C comme Cinéma,
Laboratoire d e la Forme Cinématographique d e 1971 à
E comme Espafia, L comme Langage, 0 comme
1975. Depuis 1980, 11 vit à Kassel
Origine, N comme Navigateur, E comme Espafia." C.B.
Dans ses films, Bendkowski analyse le potentiel d'expres
sion de différentes combinaisons d'images et de sons en
mettant l'accent sur leurs capacités narratives. Ses
BEAUVAIS YANN France
vidéos, non moins structurelles et analytiques que ses
films, sont beaucoup plus ascétiques et minimales.'
Cinéaste né en 1953, il v11 à Paris. Fondateur de Lig1ht
R W Kluszczynski
Cone. coopérative de distribution de films expérimen
taux et cofondateur avec Mlles Mc Kane des pro1ections
Scratch (1983), 11 a participé à l'organisation de festivals Films: Kolo (1973) - Punkt (1973)
tels que Cinéma des plasticiens (Cinémathèque françai Vidéos: 1/25 sek (1976) - Drink Image (1976)
se, 1985), Musique/Film (Cinémathèque française, 1986).
Mot D1�s, Image (MNAM, 1988). Il a également publié Obszar (Surface)
de nombreux articles. 1973. 35 mm, N&B, sonore, 4'30
"C'est le· premier d'une série de trois films qui abordenl
Films: R (1976) - Homov,e (1976-77) - Èliclipse (1982) • la p;oblémat1que de l'espace dans sa relation à la
Mi/es (1983). Sans Titre 84 {1984) - Journaux (1983-85) - structure narrative " RWK
BENNING SADIE Etats-Unis tique. le llhéâtre et le cinéma. En 1969. il co-signe le
manifeste Vers un groupe cinématographique soC1olo
Fille du cinéaste expérimental James Benrnng. elle réa gique ! Membre du Béla Balàzs Studio à partir de 1971,
lise des vidéos avec une caméra Fischer Pnce depuis il organise en 1973 le premier projet de cinéma expéri
l'âge de quinze ans. En l'utilisant comme un stylo avec mental, auquel se Joignent des plasticiens. des musi
lequel elle tiendrait un journal intime, elle met en scène ciens et <iles écrivains, et fonde en 1976 le groupe d'art
son homosexualité. La simplicité, l'humour mars aussi la cinéma K/3. au sein duqu(êl._il poursuit des recherches
révolte sont caractéristiques de son style. Ses vidéos sur le film, l'ordinateur et le cinéma élargi. L'attribution
ont été présentées au Whitney Museum (1992) et à la du Grand Prix du festival de Mannheim (1975} lu, per
Biennale de Venise (1993) met de participer à de nombreux festivals en Europe de
l'Ouest et aux Etats-Unis. En 1985-86, de nombreuses
Vidéos : New Year (1988) - Me and Rubyfruit (1988) -
rétrospectives commémoratives lui ont été consacrées
Jollies ( 1990) - A Place Called Love/y ( 1992) - Girl
(Berlin Ouest, Berlin Est, Budapest. Oberhausen,
power (1993)
Cologne, Melbourne. Sydney, La Haye, Montréal }
lt Wasn't Love, But lt Was Something
1992, vidéo, N&B, sonore, 20'
Films: The Third (1971) - Hunting for the Little Fox
La bad girl des stéréotypes hollywoodiens • rebelle,
(Syntactic sequences) (film manifeste, 1972) - Four
blonde platine, gangster, crooner des années 50, vamp
Bagatell es ( 1975) - Mo tion Stu d ies 1880-1980 -
aux yeux langoureux. Poses à la cigarette et danses
Hommage to Edward Muybrid ge (1980) - The Dog·s
sentimentales sont mises en contraste avec des scènes
Night Song (1983) - The Anthology of Seduction (1984} -
de rue à l'action rapide. de façon à créer l'idée d'une
Bauhaus (1984) - Psychotechnikum (1984)
histoire d'amour. Mais au-delà du fantasme romantique,
Vidéos : Die Geschwister (1982) - Der Daman in Berlin
cette vidéo met en évidence certains aspects de
(1982) - De occulta philosophia (1983) - R1ttersrüstung
l'attraction physique comme la peur, la violence, la cul
(1983)- Dancing Eurynome (1984)
pabilité et l'excitation sexuelle.
BÉRIOU France
------------------ Psychocosmos
1976, 35n1m. N&B, 12'
Plasticien, ri vît à Paris et travaille avec la société Expérime11tat1on de l'emploi de l'ordinateur pour l'étude
Agave Il réalise des animations en ,mages de syn des comportements. Trois systèmes ont été program
thèse. des dessins et des photomontages Ses œuvres ont més • l'a9ressif, le défensif et l'indifférent. A partir de
été primées dans de nombreux festivals internationaux chaque système, la machine écrit une histoire et le film
(Imagina, S1ggraph, Images du Futur, Nrcograph} et ont enregistre son déroulement.
été diffusées par plusieurs chaines de télévision, dont
Canal+, Channel 4, ZDF. RAI Uno.
Vidéos: Colome mentale n° 531 (1990}- Etude choré BOKA��OWSKI PATRICK France
graphique ( 1991) - Digitaline ( 1991} - Salut l'artiste
(1993) - Alcootest (1993) Peintre et cinéaste né en 1943, il vit et travaille à Paris.
Ex Memoriam De 1962 ü 1966, il étudie la photographie, l'optique et la
1992, vidéo, couleur. sonore. 5' ch1m1e auprès du peintre Henri Dimier. Il développe
Infographie: Bénou et Daniel Barthélémy alors sa théorie du "subjectif", perception visuelle
"C'est un tableau, ou un éd1f1ce. ou mieux une machine... humaine, opposée à ''l'objectrf", technique d'ingénieurs
Réalisé à partir de mon album photo et des visages qui il dénonce l'optique conventionnelle et défend une
lui sont familiers, les images sont associées à différentes "optique psychologique" qui permet de "composer et
attitudes de mains spontanées D1g1tahsées. elles ont été faire vane·r l'aspect des images" A cette fin, il a mrs au
retravaillées à l'ordinateur avec des techniques parmi les point des appareils permettant d'atteindre, "avec des
plus récentes. telles que le morphing B images photographiques, la liberté des Images dessi
nées ou peintes" Depuis 1970, il a réalisé srx films
demandant une préparation avec de nombreux dessins
BODY GÂBOR Hongrie
------------------- - et encres de cl1ine Indépendamment de son travail
crnémato,graphique. ses dessins. encres de chine et
Figure du cinéma expérimental hongrois. Gabor Bôdy pastels présentent des sujets imaginaires dont la plu
(1946-1985) a étudié la philosophie. l'h1s10ire la hnguis- part om pour angine des projections de taches d'encre
Films: La Femme qw se poudre (1970-72) - Dé1euner imaginaires, où se mêlent de manière inextricable pré
du malin ( 1972-7 4) - L 'Ange (1976-82) - La Pari du sent et passé. Lauréat de la Villa Médicis hors les murs
Hasard (1984) - Au Bord du lac ( 1993) pour l'année 1993.
CHASE DORIS Etats-Unis Plasticien, 11 est né en 1959 à Mexico et a fait ses études
--------------------
à Paris Il utilise l'ordinateur pour créer des ,mages fixes.
Cinéaste et vidéas1e, Doris Chase est considérée comme des objets. des bandes vidéo et des installations. Des
p1onn1ère de la vidéo-danse. Peintre à l'ong,ne, elle aborde bourses lu1 ont permis de travailler au Pratt lnstîtute of
la sculpture dans les années 60. en créant de petites com V1sual Art de New York (1985), à l'Université Musashino
pos1t1011s cinétiques purs des formes suffisamment grandes de Tokyo (1989) et au Musée international de l'hologra
pour y incorporer la figure humaine. Elle entreprend é1lors phie à Madrid (1991).
une collaboration avec la chorégraphe Mary Staton et crée
des spectacles combinant danse et sculpture, qu'elle réin Vidéos : L'ord re et le chaos ( 1984) - Téléscopages
terprète par le film. En 1972, à New York, son travail sur le (1988) - Game Over (1989) - Pixels de neige (1990) -
film de danse s'élargit de l'apport de la vidéo, notamment Etat binaire (1991)
des synthétiseurs vidéo et de l'a111mation par ordinateur Installations : Serre (1987) - Podium (1988) - Totem
avec lesquels elle crée des hybrides danse-peintur,9 el (1989) - Attente (1989) - Croix (1992) - Arc (1990) -
explore de multiples effets visuels. Sa production filmo,gra Invasion (1992)
phique et vidéographique est très importante.
"L'ordinateur s'impose à moi comme support et outil de
Films: C"c/es / (1971) - Moon Gate Ill (1974) - Dance base Il ne s'agit pas d'exploiter la capacité industrielle de
Ntne (1975) - lmprov1sat1on (1977) - Dance Outline cet outil, mais de réfléchir sur la nature même de l'art
(1978) - Moon Redefined(1979) dans sa relation au réel
Vidéo-danses : M etting Statues (1976) - Dance F1ve Ces options manifestent l'intérêt que je porte à la commu-
(1976) - Jazz Dance (1979) - Wtndow (1980) - Skyfish 111cat1on el aux médias Avec l'ordinateur, qui se situe
(1981) - Elecrra Tnes to Speak (1982) - Dear Papa d'emblée au carrefour de la peinture, de la photographie
(1986) - St,// Fr.me (1988), et de la vidéo, nous penétrons en quelque sorte dans une
Sculptures vidéos : Mov1ng Forms (1974) - Rocker (1977) - culture numérique." M.C.
C1rcitng(1979) - Moon Redefined(1979) - P!ext Gate(1981)
Le Combat des images
J'utilisais le film pour capturer des instants de la danse 1986, vidéo, couleur sonore, s·
J'ai commencé à expérimenter les effets spéciaux car je Musique Jean-Luc Bardyn
''Raccourci des émissions sporlives d'un dimanche à la Sade et par les propos de Vertov sur une publicité
télévision La suraccumulation et la vitesse de défile parodiant les séries B, Mayhem est une tentative de
ment des images (70 par seconde) entraînent leur dis film dans lequel le son serait un protagoniste et qui se
parition par saturation. Cette pièce vidéo/numérique est focaliserait sur l'érotisme. Pas tant pour déjouer son
une recherche sur le processus du zapping, la multipli propre piège (avoir peur de ce qu'on désire/désirer ce
cité des écrans. la télévision dans la télévision. Le sport dont on a peur). que pour circonscrire son destin en
est utilisé ici comme métaphore de notre société de démontrant son caractère changeant, en transgressant
compétition où il faut touiours aller plus vite, plus haut. l'ordinaire et en trouvant satisfaction au-delà de ses
plus fort." M.C. propres ccntradictions "A.C.
Après des études d'histoire. de littérature et d'art. Ab1ga1I Peintre ( 19D3-1972), auteur de collages, d'assemblages
Child réalise quelques films documentaires. C'est en d'ob1ets, de "boîtes", 11 prend part dès les années vingt
1979 qu'elle opte pour un cinéma personnel. Elle à la vie artistique de New York. En 1932, il rencontre les
enseigne la réalisation et l'h1sto1re du cinéma dans plu surréalistes en exil et participe à l'exposition Minutie,
sieurs écoles d'art. donne des conférences et s'occupe cloches de verre, coups d'œil et 1ouets surréalistes à la
de programmation de films, écrit de nombreux articles et galerie Julien Levy. Amateur fervent de cinéma, il collec
essais parmi lesquels From Solids et Climate/Plus. Ses uonne des films, des photogrammes, des bouts d'essai.
travaux, qui sont essentiellement des détournements de Sa première approche du cinéma est un projet de film
métrage trouvé. sont largement diffusés aux Etats-Unis stéréoscopique En 1939, il réalise Rose Hobart, le pre
et en Europe et appartiennent aux collections perma mier film de l'histoire du cinéma qui soit une compilation
nentes du MOMA (New Y ork) et du Centre Georges de métrage trouvé Par la suite, il continuera à pratiquer
Pompidou le ré-assemblage, en s'inspirant pour le remontage des
films de ses techniques de collage d'objets, et récipro
Films : Except the People (1970) - Tar Garden (1975) - quement. Dans les années 50-60, 11 a pour assistant
Peripete1a ( 1977-78) - Ornamentals ( 1979) - ls This Larry Jordan. qui termine sous ses indications la trilogie
What You Were Born For ? (1981-89) des courts métrages lyriques commencés, pu,s aban
Vidéos: Swamp Sangs (1989) - Swamp (1990) - E1ght donnés en 1930. Juste avant sa mort. il organise une
expos,t,on de ses œuvres "réservée aux enfants"
Mi/Iton (1991)
"La série /s This What You Were Born For ? est une syn Films : Coti/lion ( 1930-1970) - The Chtldren 's Party
thèse de mes recherclles cinématographiques dans le (1930-1970) - The M1dmgl1t Party (1930-1970) - The
contexte agressif de la hn du xx e siècle. Le titre est Av,ary ( 1954) - Centunes of June ( 1955) - Gmr Rednow
emprunté à une eau-forte de la série Les Désastres de (1955) . What Mozart Saw on Mulberry Street (1978) -
fa guerre de Goya Chacun des sepi cllap1tres est en A Fable foi Fountains (1957-1970)
soi une enl!té, avec une relation ,mage/son spécifique et
se penche sur un aspect particulier du cllamp social 11
n'y a pas de continuité entre les films qui dressent plutôt Rose Hobart
une cartographie des recoins de l'1mag1na,re là où se 1939. 16mm. couleur sonore. 20·
ioue le traitement de l'image. son exploration formelle, De la production de série B East oi Borneo ( 1931),
sa place dans le montage et là ou. finalement. survient Joseph Cornell a retenu en ma1orité les plans où appa
(inévitablement) quelque chose d'imprévu AC rait racuice Rose Hobart et a incorporé dans ce drame
oe la 1ungle, des extraits de documentaires scienti
Mayhem /101.,es Selon 1u,. ce film contenait "des passages rap
1987. 16mm, N&B. sonore. 20' oe ar>I combien le cinéma muet a le pouvoir d'évoquer
''Sixième partie de 16 Th,s What You Were Born Fo- ? .r -r.onde idéal de beauté". Son re-montage disloque
melange d'images originales et de métrage trouvé e •écr.. inverse les plans. Joue insolemment de faux
(films noirs, thrillers télévisuels bandes d�ssinées ·êccorcs, de contradictions, d'ellipses. Noir et blanc
mexicaines), le film fait appel au voyeurisme au o aIs1r :ei'l:é proieré à la vitesse du muet pour étirer les gestes,
à la mascarade et à l'érotisme pour célébrer de iaçor s:iu'.enu oar une musique brésilienne, il oscille entre
fragmentée, la sexualité Inspiré à la fois par Jusune ce rrysœre onirique et humour nostalgique
CUCCIA SALVO lialie raçon de dépasser la maladie de Toi, peintre infectei:
par le virus du sida. Il s agit de contrebalancer le qu0i1-
V1déaste, il v,t à Palerme où il travaille en tant qu'arch1- d1en noir et blanc, les passages a l'hôpital, par la cot.
viste à la Cinémathèque En 1984, 11 cofonde Arte Vis1va leur et de développer des échappées oniriques:· T C
Elettronica, assocIa11on consacrée à la promotion et à la
d1ffus1on de productions vidéo indépendantes. Première
de ce genre en S,c,le, l'assocIalion a également organi- ----- ------------
DAYM ON D K. Canada
sé à Palerme des manifestations internationales • Video
Performrng Arts (1984). Personale di Bob Wilson (1986), Née en 1958, elle v,t à Toronto. Etudes de théâtre.
The Elusive Sign (1989). En 1987, Salvo Cuccia fonde sciences politlques. ph1losoph1e et cinéma. Nice Girls
Avalon, coopérative vidéo. Par ailleurs. 11 organise des Don't Do Il est son premier film. Elle travaille actuelle
manifestations aud1ov1suelles au cinéma Cucc1a de ment à un court métrage expérimental sur le thème de
Palerme (salle créée par son grand-père à la fin des l'hymen.
années 40) et gère depuis 1990, un cinéma ambulant
qui circule entre plusieurs communes siciliennes En tant "Je ne suis pas artiste. Je fa,s très rarement des films et
qu'auteur, 11 a réalisé depuis 1986 une vingtaine de en général â contre-cœur, dans la mesure où la réal1sa
vidéos, parmi lesquelles des documentaires et des fic tIon indépendante sans moyens est très emmerdante
tions. Depuis 1990 il s'oriente vers la vidéo de création. Cependant s, le sujet est important ou amusant. Je
peux m'en donner la peine. Lesbienne féministe, Je su,s
Vidéos: Se, /avale ,!lustrale (1990) - Ad ltbitum (1992) - intéressée par tout ce qui sort de la norme en matière
Syrena (1992) - Sex Without Me (1993) - Evidence de de sexualité." K D.
O,onysos (1993) - lmmaterial Love (1993) - Toccare
(1993) Nice Girls Don't Do tt
1990, 16mm, N&B, sonore. 13'
Shiki "Hippocrate croyait qu'elle avait une fonction reproduc
1993, vidéo. N&B et couleur, sonore, 1T trice, Aristote la voyait comme une forme de pla1s1r par
Danse Buta Tadash, Endo ticulièrement créative, Freud l'a classée dans la catégorie
"Sh1k1, c'est le temps du commencement, mais aussi des pathologies et le milieu médical contemporain
celui de la mort, des saisons. des célébrations et du continue à la réduire à une rncontinence urinaire Elle.
courage La danse, la musique et la caméra vidéo don- c'est l'éjaculation féminine - et 11 est clair que les Ieunes
nent lieu à une cosmogorne qui se transforme en cycle femmes bien élevées n'ont pas ce genre de pratiques
vital. Scandée en trois parties, comme la performance Quoique.. Utilisant les élements de d1tferents genres
conçue par Tadashi Endo (Tonnerre. Métamorphose, cinématographiques sans jamais se conformer à aucun,
Eau), la vidéo renvoie, avec son langage électron que le film s'aliaque aux idées conventiornellement atta
et à travers un montage circulaire, aux grandes QJes chées aux sexualités masculine et féminine et déJoue
.
tions posées par le Buta . S C. les connotations qui entourent certaines images du corps
des femmes L'économie sexuelle masculine hégémo
nique, progression linéaire Jusqu'à la dépense, est recon-
CURTY Toï France figurée dans le corps féminin en dépense multiforme. Le
---------------------
film se veut surtout une célébration susceptible de créer
Peintre, née en France en 1964 un espace où puisse s'énoncer autrement cet aspect
de l'expérience féminine longtemps réduit au silence el
"Vivante mais mortelle. Après des passages éc airs à l'ignominie." l<.D.
dans diverses universités (sciences économiques,
langues orientales, faculté d'anglais), se lance dans le
dessin alimentaire et la peinture Scotchée par le sida, DEVAUX FRÉDÉRIQUE France
elle a envie de donner son interprétation personnelle
par la vidéo et la palette électrornque. Elle souhaite une Née à Paris en 1956, elle participe depuis 1980 à la plu
mort sereine" T _.;. part des marnfestations du mouvement lettriste dans
l'esprit duquel elle a réalisé diverses œuvres expérimen-
Le Rôdeur tales : travail sur pellicule ou quête d'un alphabet c,né-
1993, vidéo, couleur, sonore. 20' matographique. Elle est l'auteur de cinq documentaires.
En collaborat,on avec Jean-Louis Le Tacon. de romans. de nouvelles et d'écrits sur le cinéma (Vertov
·cr, de rage. de désespoir, mais aussi d'espoir Une le cinéma lettriste) et l'art contemporain (photographie)
Films : Film avec pellicule (1980) • lmagog,e (1981) - films abstraits. sur les effets lumineux notamment. et
F1l{m)age (coréalisat1on Michel Amarger, 1985) - invente en 1950 le lum1graph. A partir de 1961, 11 se
Cinègraphique (1987) - Strates (1988) - Lettnsmes consacre uniquement à la peinture. Ses œuvres ont
Le/lostes (coréallsation M Amarger, 1988) - Post-scnp énormément influencé les cinéastes de la côte Ouest
tum (1992) qui lui ont succédé
"Je travaille dans la voie cIselante de déconstructIon de Films : Staffs - Orgel stabe ( 1923-27) - R-7. ein
la matière ou dans le sens de la recl1erche d'une écrilure Formsp1el ( 1927) • Müncilen-Berlin Wanderung ( 1927) •
infinie faisant fréquemment retour aux origines. donc à Sludie nr.5 ( 1930) • Stud1e nr 6 ( 1930) • Llebessp1e/
l'h1sto1re du cinéma et de l'écriture Le cinéma, à tra (1931) - Squares (1934) - Kompos1tion ,n Blau (1935) -
vers ses créateurs et ses chefs-d'œuvre, serait-il un Allegretto (1936) - Radio Dynam1cs (1943) - Motion
alphabet universel?" F.O. Pa,nt,ng nr 1 (1947) Muntz TV(1953)
Altergraphies 1 Wachs-Experimente
1981. 16mm N&B, sans son, 10· 1923, 16mm couleur sans son, 9'
"Sur une pellicule transparente, ces signes (français, "Fisch1nger dessina en 1921 un stand d'an1mat1on où 11
latins, d'or1g1ne hébràique, etc ) défilent tels quels ou synchronisa l'obturateur de la caméra avec une lame
après avoir été transformés selon des rythmes variables coupante Il créa l'imagerie en modelant un bloc de
L'œuvre était 1n1t1alement projetée sur un écran hyper formes avec de la cire et du kaolin de couleur. Ce bloc
graphique." F.O. était ensuite 1ntroduIt dans la machine tranchante. et à
chaque nouvelle frne tranche correspondait une image
pour la caméra. On trouve une grande variété de motifs
FAR KAS GABOR Hongrie dans l'imagerie de ces séquences, qui vont de simples
lignes en mouvement à des vagues de lignes parallèles
Plasticien, v1déaste, photographe, né à Szombathely en ondoyant à la surface de l'écran dans des flux latéraux
1965. Membre du groupe artIstIque Ujlak, Budapest. souples et s'imbriquant dans des couches de mandalas,
réminiscence de fleurs s'ouvrant et se fermant. Lune de
Lagging Behind ces fleurs est peut-être la rose alchimique.'' W Moritz
1991. vidéo, 4'
"Peut-être est-il nécessaire de transgresser les rythmes Spira/en
contraignants qui pèsent lourdement sur nous, afin que 1926. 16mm, N&B, sans son, 4'
notre respiration intérieure se réaffirme - G.F 'Alors que FischInger utilisera des spirales comme fond
pour de nombreux films tardifs, pendant la période
munichoise, il créa au moins un film composé unique
FISCHINGER OSKAR Allemagne/Etats-Unis ment des variations optiques obtenues pa- des motifs
moirés et par des vortex tournoyants La durée de cer
Dans les années 20, Oskar Fisch1 nger (1900-1967) taines séquences suggère la concentration méditative
abandonne son métier de facteur d'orgues pour se des mandalas. alors que d'autres parties préfigurent
consacrer à la recherche d'un cinéma abstrait basé sur les délices spirituels de l'Op Art Cette copie est com
le mouvement des lignes et des formes pures Après les posée de trois fragments W M.
Studien, variations d'ombre et de lumière fondées sur la
recherche de "rythmes coloriés'', il s·1ntéresse a l'aspecr Untitled
visuel des bandes sonores cinématographiques e, cree 1952. ;ilm stéreoscopIque. couleur. sans son, 1'
des sons synthétiques. En 1926. Il s'installe è Ser Ir ·Auss1;61 après avoir terminé Motion Painting (1947),
dans un studio indépendant et obtient un comrei avec a Fischmger emrepnt des expériences pour étudier la
U F.A. pour les effets spéciaux du film Frau 1m Mo10 ce callrgraph,e des phénomènes en trois dimensions. en
F Lang En 1932 se tient à Munich le premier ies:.va ce _.:ilisant des photographies successives pour calculer
ses films, tandis qu'il invente le son dessine. transcno o.;s déolacements en profondeur. Il peIgnIt une série
tion du son en for�s abstraites En 1936. iuya'li 'e oe canevas sur lesquels les informations pour l'œII droit
nazisme, il part s'installer à Hollywood ou Perarr:::iun, ,u. e: arl gauche figuraient sur deux images côte à côte.
propose un contrat. Il peint, dessine et tourne R.'leos:;a_v :', 1951 11 construisit un banc-titre spécial qui lui per
in Blue de Gerschwin, collabore brièvemem ê:\ec rr enai1 oe peindre et de filmer deux images
Disney pour Fantasia et partIcIpe à un pro1e1 r.on réa. ·se a,01e1gauct1E à la fois, selon la technique utilisée dans
d'Orson Welles Il continue également à réalise� Ces ·.to11on ?a,nung .. V Sorensen
FOREST FRED France vient de publier The Bar Report Artiste en résidence au
Mc Luhan Program (Culture et Technologie) de l'Université
Après avoir été peintre et dessinateur, Fred Forest se de Toronto en 1994, elle enseigne à la York Un1vers1ty.
consacre à la recherche de moyens d'expression artis
tique relevant des nouveaux médias dispos1t1fs de Vidéos et installations : String Garnes • Improvisations
communication technologiques et interventions diverses for Inter-City Video (1974) - Signs of a Plot: A Text. True
utilisant les mass média. Pionnier de l'art vidéo 11 est le Story & Work oi Art (1978) - The Las/ Screening Room .
premier artiste en France à créer des environnements A Valentine (1984) - Lost Art A Cargo Cult Romance
méd1at1ques Cofondateur de l'art soc1olog1que en 1974, ( 1986) - Censored . or the Makmg of a Pornographer
il réalise différentes expénences sur la presse, de portée (1987) - This is Your Mess/ah Speakmg (1990)
symbolique, esthétique et critique Dans sa pratique
artistique, il utilise le téléphone, la vidéo, la radio, la télé
"Les questions relatives à l'exil et au déplacement sour
v1s1on. les réseaux télématiques, l'ordinateur, les satel
dent dans mon œuvre. depuis les premières
lites, la robotique, le câble, la presse écrite, les journaux
bandes/installations sur l'artiste en exil Jusqu'aux tra
lumineux ... Il a représenté la France à la Biennale de
vaux qui rattachent la censure, le consumérisme et le
Venise et à la Documenta de Kassel (1987).
messianisme en tant que phénomènes, au pouvoir d'exi
ler le moi des sens. Cette œuvre vise les idées reçues
Œuvres : lnterrogat1on 69 (installation vidéo interactive,
enfouies dans la culture et emprunte des formes pluri
1969) - Archéologie électronique du présent(installat1on
di sc i pl ina1 res (installations, performances, textes
vidéo interactive, 1973) - Le Réseau Passé-Présent
publiés aussi bien que bandes vidéo) qui proposent de
(performance action multimédia. 1984) - Rituels téléma
fructueus,es contradictions internes, afin de les sou
trques pour cinq nuits blanches (1989) - La Bible élec
mettre à un examen minutieux " V.F
tronique (environnement sable et 1ournal lumineux,
1991) - Fred Forest Président (action multimedia, 1991) -
From the Transit Bar
Les MJradors de la Paix (installation de communication
1992, vidéo, couleur. sonore, 30'
à la frontière de l'ex-Yougoslavie 1993)
"Quinze récits personnels de déplacement d'une culture
'·Ma démarche constitue un travail sur la communica/1on à une autre. livrés au spectateur comme s'il était un
tenancier de bar L'intimité transitoire qui amène des
elle-même Démarche qui s'illustre non plus par la pro
étrangers, protégés par l'anonymat. à se raconter des
duction d'œuvres sous forme d'objets. mais sous forme
fragments de leur vie, permet d'expérimenter un genre
de communications diverses Dans une situation histo
qui se situe entre le documentaire et la fiction La voix
rique de rupture sans précédent, 11 faut inventer d'autres
off s'expnrne soit en polonais, soit en y1dd1sh, c'est-à
arts et non pas tenter d'adapter des modèles périmés
dire dans des langues qui sont marginalisées en
aux nécessités du 1our Ce que l'artiste de la commun1-
cat1on vise à exprimer par ses actions, c'est que nous Allemagn,e. Les sous-titres sont alternativement en
anglais, en français et en allemand" V.F
sommes situés au centre d'un processus global d'infor
mation dont le fonctionnement complexe place l'individu
dans une position 1néd1te qui doit être exprimée par des
formes 1néd1tes Son but n·est pas de produire des signi- GÂBOR' ÂRON Hongrie
ficat1ons au premier niveau mais de nous faire prendre
conscience comment la pratique généralisée de la com Plasi1c1en. cinéaste. v1déaste. ne à Budap.est en 1954.
munication interagit finalement sur l'ensemble des sys Erudes de peinture à l'Académie des beaux-arts de
tèmes sensibles." F. F Budapest (1981-82) Il réalise des films en Super 8
enIrs 198�' et 1985 puis, à partir de 1989, des vidéos
ir'ograph11ques et des c1bachromes. Titulaire de la
FRENKEL VERA Canada Bourse Di�rkov1ts ( 1983-86) et de la Bourse Jôzsef
Eôtvos f 19187-88). lauréat de Ars Electronica en 1988,
Née à Bratislava et élevée en Angleterre. elle vn 5 ïc•c�;o ses œuvr,es ont été présentées en Allemagne en
Artiste pluri-d1sc1plinairc11. elle utilise la v1deo. te fllrr.. ·es = nlarde e•n Espagne et à San Francisco.
enregistrements sonores. les textes pour créer d� 1rs.2 E
tions ou des interventions dans le cadre urbar. Soï 3.- - Films : Expenmental Ftlm Making in Hungary (1982) •
mation Messia/1 Speakmg a été présentée sur 1€ :Jar-ieE:_ =x'l1boon and Pro1ect10n (1983) - Installations on a
électronique de Piccad1lly Circus (Londres) en 1991. â e a Tao'e{198-4l
représenté le Canada à Documenta IX (l<assel) en 1992 s.: Vidéos: Ouerv Sertes (1989)
"L'utIllsat1on de l'ordinateur dans les arts graphiques me Vidéos : Technopop in Wonder/and (1982) - Andazona
semble encore à ses balbutiements : ce n'est pas encore (1983) - Cloud s of Glory (1984) - Fugll,ves m Black &
un art autonome .. Les dessins parfaits obtenus par l'uti White (1985) - Fuck your Oreams th,s ,s Heaven (1986) -
lisation d'une technologie sophistiquée ne sont que des H,dmg ,n Oust ( 1987) • De doute et de grâce ( 1989) - A
contrepoints à un monde organique mais constituent, en capella ( 1990) - Les Contammat,ons (1992) - En pire
cela même, d'importants points de repère. (1993)
Dans mes réalisations, Ie m'intéresse pnncipalement aux
distorsions, aux lentilles et aux miroirs, aux lumières qui Par d'autres mains manipulé
peuvent transformer la fonction orrgrnale de l'objet·• A.G 1992, vidéo, couleur, sonore, 1·
Query IV "Un constat en dix tableaux en hommage à Barbara
1991. vidéo. couleur sonore, s· Kruger " P G./C W
"Cette vidéo entrelace la réalité à la rêverie. J'ai utilisé
l'ordinateur pour dessiner sur des photos et proposer
une expérience autre de l'espace. Cette caractéristique GIANNAR1S CONSTANTINE Grèce/G.-B
autre ne peut être obtenue que par la modification de
l'espace pictural à l'arde d'un pinceau électronique Né en Grèce en 1959, il part en Angleterre à la fin des
Ce qui m'intéresse. c'est la problématique du temps, années 70, Jarre des études d'l1istoire et d'économie, A
l'autre moment, celur d'un nouveau monde spatial, la Londres, ri milite dans différents groupes politiques et
brièveté dans la duree et l'rnfinr dans l'éclair." A.G. re1oint le Lesbian & Gay Video Project Entre 1984 et
1986, il réalise des clips pour London Records (Bronski
Beat, The Communards) C'est en 1987 qu'il envisage
GAUMNITZ MICHAËL France
sérieusement de faire des films, "en partie à cause de
Né à Dresden en 1947, il a acquis la nationalité française. mon am, mort du sida, en partie à cause du sentiment
Formation à l'Ecole des beaux-arts de Berlin, puis de de ma propre mortalité • pour tirer le meilleur parti du
Parjs. Peintre, il se consacre depuis 1984 à la création peu de temps que l'on passe sur Terre" Devenu depuis
sur palette graphique. Il réalise des bandes annonces une figure importante du cinéma indépendant anglais, il
pour la télévision et des manifestations diverses En a obtenu en 1992 le prrx du magazine Gay Times pour
1991-92. 11 collabore au Coumer des Téléspectateurs son exploration de thèmes gays au crnérna
(La SepVFrance 3) En 1993, 11 se consacre à la création
Les Ruba'1yat, srx poèmes d'Omar Khayyâm recréés en
Frlms • Frame Youth (1984) - Jean Genet , s Oead
six enluminures graphiques. Ses réalisations ont obtenu
(1987)-A Man and a Woman (1987) · 01sco·s Revenge
de nombreux prrx.
(1988) - A Malter of Lde and Dea/11 (1989) - A
Vidéos : Carnets d'esquisses (1985) - Portraits (1987) - Desperate V1tal1ty ( 1990) • Silences ( 1990) - Caught
Pans,enne (1988) - Portrait de JC. Averty (19!:10) - En Lookmg ( 1991) - North of Vortex ( 1991) - Obsessions
passant par l'hôpital (1991) - Résister (1991) - L 'Art en (1993)
jeu (1991)
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