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PRÉSENTE
A BOUT DE SOUFFLE
Agnès n’a pas bougé. Une larme puis deux s’écrasent sur le sol
carrelé des toilettes. On entend toujours sa respiration forte et
saccadée (hors champ).
Agnès est assise dans le bus sur une rangée de deux, du côté de la
fenêtre. Elle est toujours habillée toute en noir. Elle regarde
par la fenêtre. On aperçoit les tours du quartier d’affaires de La
Défense qui s’éloignent. Agnès a le regard perdu dans le vague.
Elle pleure en silence. On entend le reste des passagers vivre en
fond. On voit et entend un bébé pleurer. Deux adolescentes assises
devant Agnès discutent de leurs problèmes de collégienne.
ADOLESCENTE 1
Non mais j’te jure… Elle me soule trop Cassandra.
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ADOLESCENTE 2
Eh mais pareil meuf, j’peux plus me la voir.
ANNONCE RATP
(jingle ratp hors champ)Nous informons les voyageurs de la ligne
360, que le bus est arrivé à son terminus : Hôpital de Garches.
Nous vous invitons à descendre du bus et vous souhaitons une bonne
soirée. A très bientôt sur le réseau RATP ile de France.
CONDUCTEUR DE BUS
Madame, vous allez bien?
AGNES
Oh ! Oui, pardon excusez-moi je vais y aller.
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sixième personne est debout en face d’eux devant un écran de
vidéoprojecteur avec un petit laser à la main.
HOMME 1 A LA TABLE
Oui, tu as raison, c’est ce qui paraît le plus rentable.
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HOMME 3 A LA TABLE
Moi non plus mais bon, faut pas chercher à comprendre. On ne peut
pas tout gérer.
Dans un petit café au style parisien, Agnès est assise sur une
banquette à une table. Elle porte un pull gris de la même couleur
que les cernes qui lui dévorent le visage. D’une main, elle
soutient sa tête et de l’autre, elle touille sa tasse de thé à
l’aide d’une cuillère.
La porte du café s’ouvre, ce qui fait retentir la clochette qui y
est accrochée. Une femme de grande taille, les cheveux roux et les
traits anguleux entre (JOSEPHINE). Elle balaye la salle du regard
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et s'arrête sur Agnès. Elle sourit puis se dirige vers elle. Elle
tourne la tête vers le serveur qui vient d'apparaître de derrière
le comptoir.
LE SERVEUR
Bonsoir Madame. Je peux vous servir quelque chose ?
JOSEPHINE
La même chose que la dame au fond (en désignant Agnès)!
LE SERVEUR
Tout de suite Madame.
JOSEPHINE
Alors mon Agnès ? Comment tu vas ? Ça fait un moment.
JOSEPHINE
Tout le monde va bien à la maison ?
AGNES
Oui, oui. Et toi Jo ?
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Joséphine regarde longuement Agnès.
AGNES
Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai de la salade entre les dents ? (petit
rire)
JOSEPHINE
Tu dors mal en ce moment ?
AGNES
Pas très bien c’est vrai mais ça va. Je récupérerai plus tard ou
en faisant une petite sieste ce week-end.
JOSEPHINE
T’as vu tes cernes ? Je ne t’ai jamais vu comme ça. (pause) T’es
sûre que ça va ?
AGNES
Mais oui, c’est une phase, ça va passer. Je suis juste fatiguée en
ce moment.
JOSEPHINE
Tu as pensé à voir un médecin pour qu’il te donne des plantes ou
même des pilules pour t’aider à dormir ?
AGNES
Non et puis quoi encore Jo ? Je ne suis pas malade, pas besoin
d’aller voir le médecin. (pause) Et puis je n’ai pas le temps de
toute façon.
JOSEPHINE
Et un psy ?
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AGNES
Un psy ?! Comment ça un psy ?
JOSEPHINE
Oui un psy. Ce n’est pas la mort tu sais. (pause) Si tu ne dors
pas, c’est pas pour rien. Si tu ne veux pas en parler à moi
d’accord, mais avec un professionnel ça pourrait te faire du bien.
AGNES
Pas sûre que ça change quelque chose.
JOSEPHINE
J’en ai vu un il y a quelques années. Ça m'avait fait beaucoup de
bien.
AGNES
Je ne savais pas.
JOSEPHINE
Tu me promets d’y penser ?
AGNES
Moui d’accord. On peut changer de sujet maintenant ?
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sentir. Sa respiration s’encombre et est de plus en plus forte en
s’accélérant. Elle n’arrive plus à respirer. Elle tourne sur
elle-même et tente d’interpeller des hommes et femmes d'affaires
qui vont rentrer dans les tours. Elle n’arrive plus à parler, son
souffle est coupé. Personne ne fait attention à elle.
Elle s’écroule sur le sol bétonné du parvis. Sa tête cogne le sol.
Bruit aigu d'acouphène (hors champ). Son corps forme une tache
noir sur le sol du parvis gris. Les passants continuent de passer
à côté d’elle en l’évitant, sans jamais s'arrêter.
Bureau d’un médecin à l'hôpital. Agnes est assise sur une chaise
d'hôpital bleu molletonnée. Elle a le teint livide et un bleu
violet sur le côté droit de son visage. Sa jambe rebondit
frénétiquement sur le sol. Elle se triture nerveusement les
cuticules et se mord les lèvres. Le téléphone fixe du bureau
sonne.
La porte blanche du bureau s’ouvre et un médecin en blouse blanche
y rentre. Agnès se lève.
DOCTEUR LAVANDIER
Je vous en prie Madame, asseyez vous. Bonjour.
DOCTEUR LAVANDIER
Madame Terny, c’est bien ça ?
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AGNES
Oui, c’est moi.
DOCTEUR LAVANDIER
Bien Madame, savez-vous pourquoi vous êtes là ?
AGNES
Parce que j’ai fait un malaise ?
DOCTEUR LAVANDIER
Entre autres oui.
DOCTEUR LAVANDIER
Comment vous sentez-vous ?
AGNES
J’ai un peu mal à la tête. (pause) Et je suis fatiguée.
DOCTEUR LAVANDIER
Vous êtes épuisée Madame Terny. Votre cerveau vous a dit stop.
AGNES
Je… Je ne comprends pas.
DOCTEUR LAVANDIER
Savez-vous pourquoi vous avez fait un malaise ?
AGNES
Je n’arrivais plus à respirer. Et après (pause) je ne me souviens
plus.
DOCTEUR LAVANDIER
Vous étiez à bout de souffle. Au sens propre. Vous avez fait une
attaque de panique.
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AGNES
Ah oui peut-être.
DOCTEUR LAVANDIER
C’était la première fois ?
AGNES
Je ne sais pas. Je suis juste fatiguée en ce moment et je pleure
souvent. Sans arriver à m'arrêter.
DOCTEUR LAVANDIER
Je vois. (pause) Et ça vous arrive dans un contexte particulier ?
On vous a retrouvé devant votre lieu de travail. Ça pourrait avoir
un lien vous pensez ?
AGNES
C’est compliqué avec mes collègues en ce moment et je n’arrive
plus à rien là bas. Quand je rentre, je suis vidée et je n’arrive
pas à dormir malgré la fatigue.
DOCTEUR LAVANDIER
C’est bien ce que je pensais.
AGNES
C'est-à-dire ?
DOCTEUR LAVANDIER
Ce que je vais vous dire ne va pas être facile à entendre mais il
ne va pas falloir s'inquiéter Madame Terny.
(il lui fait un sourire rassurant)
Vous allez être entourée. Par le corps médical et par vos proches
dans le but d’aller mieux.
AGNES
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Dites-moi.
DOCTEUR LAVANDIER
Au vu de votre surmenage physique et de votre état de fatigue
psychique, je pense que vous souffrez d’un épuisement
professionnel qui affecte votre quotidien, qu’on appelle plus
communément le burnout.
FIN
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