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SORBONNE UNIVERSITE

PRÉSENTE

A BOUT DE SOUFFLE

Écrit par Margaux Cazelles

Numéro étudiant : 28700683


TD du lundi 16h
Séquence 1 – Int - Cabine de toilettes - Jour

On voit une femme (AGNES), la cinquantaine, les cheveux poivres et


sels, assise sur la cuvette des toilettes avec la tête entre les
mains. Ses mains agrippent ses cheveux. Elle est habillée tout en
noir. On la voit de haut puis de face à la hauteur de sa tête.
Elle tremble et on entend sa forte respiration qui s'accélère de
plus en plus. Un premier sanglot puis un deuxième. Soudain on
entend trois coups toqués contre la porte (hors champ). Elle
sursaute mais ne change pas de posture.

INTERLOCUTEUR 1 (voix de femme)


Agnès ? (pause) C’est toi?
Deux nouveaux coups sur la porte (hors champ).

INTERLOCUTEUR 2 (voix d’homme)


Agnès,ça va ?

Agnès n’a pas bougé. Une larme puis deux s’écrasent sur le sol
carrelé des toilettes. On entend toujours sa respiration forte et
saccadée (hors champ).

Fond noir pour l’annonce du titre “A bout de souffle”. Son aigu


type acouphène (hors champ).

Séquence 2 - Int - Bus ratp - Nuit

Agnès est assise dans le bus sur une rangée de deux, du côté de la
fenêtre. Elle est toujours habillée toute en noir. Elle regarde
par la fenêtre. On aperçoit les tours du quartier d’affaires de La
Défense qui s’éloignent. Agnès a le regard perdu dans le vague.
Elle pleure en silence. On entend le reste des passagers vivre en
fond. On voit et entend un bébé pleurer. Deux adolescentes assises
devant Agnès discutent de leurs problèmes de collégienne.

ADOLESCENTE 1
Non mais j’te jure… Elle me soule trop Cassandra.

1
ADOLESCENTE 2
Eh mais pareil meuf, j’peux plus me la voir.

Agnès demeure immobile derrière les deux adolescentes. Toujours le


regard dans le vide.

ANNONCE RATP
(jingle ratp hors champ)Nous informons les voyageurs de la ligne
360, que le bus est arrivé à son terminus : Hôpital de Garches.
Nous vous invitons à descendre du bus et vous souhaitons une bonne
soirée. A très bientôt sur le réseau RATP ile de France.

Tous les passagers descendent du bus sauf Agnès qui ne bouge


toujours pas. Elle pleure encore. Le conducteur du bus arrive vers
elle.

CONDUCTEUR DU BUS (en élevant la voix)


Madame, c’est le terminus il va falloir descendre.

Il continue d’avancer vers elle comme elle ne bouge pas.

CONDUCTEUR DE BUS
Madame, vous allez bien?

Agnès revient soudainement à elle.

AGNES
Oh ! Oui, pardon excusez-moi je vais y aller.

Elle se lève brusquement, enfile son sac en bandoulière et sort


précipitamment du bus. Le conducteur la regarde partir, perplexe.

Séquence 3 - Int - Salle de réunion - Jour

Un groupe de quatre hommes est assis autour d’une table en train


de pitcher sur un projet. Agnès fait partie de ce groupe. Une

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sixième personne est debout en face d’eux devant un écran de
vidéoprojecteur avec un petit laser à la main.

HOMME PRÉSENTATEUR REUNION


Donc, comme je vous disais, c’est cette stratégie que je pense
qu’on devrait adopter en vue de notre bilan compta de l’année
dernière.

HOMME 1 A LA TABLE
Oui, tu as raison, c’est ce qui paraît le plus rentable.

HOMME PRÉSENTATEUR REUNION


Donc nous sommes tous d’accord ?

LES HOMMES EN COEUR


Oui, d’accord.

Agnès ne répond pas. Le reste du groupe se retourne vers elle.

HOMME PRÉSENTATEUR REUNION


Agnès ? Tu es avec nous

Agnès sursaute puis se lève précipitamment. Elle regarde ses


collaborateurs un par un avant de se mettre à pleurer en silence.
Elle quitte la pièce sans se retourner.

HOMME PRÉSENTATEUR REUNION


Agnès ?!

Les hommes se regardent les uns les autres en mimant


l’incompréhension (lever les épaules, mimiques faciales).

HOMME 2 A LA TABLE (se racle la gorge)


Je ne comprends vraiment pas ce qu’elle a. Ce n’est pas la
première fois en plus.

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HOMME 3 A LA TABLE
Moi non plus mais bon, faut pas chercher à comprendre. On ne peut
pas tout gérer.

HOMME PRÉSENTATEUR REUNION


Bon, non pas que ce soit palpitant mais on peut reprendre
maintenant ?

Séquence 4 - Int - Cabine de toilette - Jour

Agnès est de nouveau dans la même cabine de toilette. Assise sur


la cuvette, les coudes sur les genoux et la tête dans les mains.
Elle pleure bruyamment. On l’entend renifler. Sa respiration est
forte. Elle relève la tête et se mouche avec du papier toilette.
Elle se lève puis se fait craquer le cou. Elle déverrouille la
porte et sort de la cabine.

Agnès se retrouve devant le grand miroir des lavabos et se regarde


un instant. Elle essuie les larmes et les trainées noires de
mascara à l’aide des manches de son pull (toujoirs noir). Elle se
lave les mains frénétiquement tout en continuant à se regarder.
Elle se tapote ensuite le visage avec ses mains humides. Après
s’etre essuyé les mains sur son pantalon (toujours noir), elle
quitte les toilettes avec un dernier regard pour le miroir en
soufflant.

Séquence 5 - Int - Café - Nuit

Dans un petit café au style parisien, Agnès est assise sur une
banquette à une table. Elle porte un pull gris de la même couleur
que les cernes qui lui dévorent le visage. D’une main, elle
soutient sa tête et de l’autre, elle touille sa tasse de thé à
l’aide d’une cuillère.
La porte du café s’ouvre, ce qui fait retentir la clochette qui y
est accrochée. Une femme de grande taille, les cheveux roux et les
traits anguleux entre (JOSEPHINE). Elle balaye la salle du regard

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et s'arrête sur Agnès. Elle sourit puis se dirige vers elle. Elle
tourne la tête vers le serveur qui vient d'apparaître de derrière
le comptoir.

JOSEPHINE (toujours en souriant)


Bonsoir !

LE SERVEUR
Bonsoir Madame. Je peux vous servir quelque chose ?

Joséphine regarde à nouveau Agnès.

JOSEPHINE
La même chose que la dame au fond (en désignant Agnès)!

LE SERVEUR
Tout de suite Madame.

Elle arrive à la hauteur d'Agnès et les deux femmes se font la


bise tout en se faisant une accolade. Joséphine s’assoit en face
d’Agnès sur une chaise. Joséphine enlève sa grosse écharpe puis
son manteau.

JOSEPHINE
Alors mon Agnès ? Comment tu vas ? Ça fait un moment.

AGNES (en faisant un petit sourire)


Oh tu sais, entre les enfants et le travail je n’avais pas
beaucoup de temps.

JOSEPHINE
Tout le monde va bien à la maison ?

AGNES
Oui, oui. Et toi Jo ?

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Joséphine regarde longuement Agnès.

AGNES
Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai de la salade entre les dents ? (petit
rire)

JOSEPHINE
Tu dors mal en ce moment ?

AGNES
Pas très bien c’est vrai mais ça va. Je récupérerai plus tard ou
en faisant une petite sieste ce week-end.

JOSEPHINE
T’as vu tes cernes ? Je ne t’ai jamais vu comme ça. (pause) T’es
sûre que ça va ?

AGNES
Mais oui, c’est une phase, ça va passer. Je suis juste fatiguée en
ce moment.

JOSEPHINE
Tu as pensé à voir un médecin pour qu’il te donne des plantes ou
même des pilules pour t’aider à dormir ?

AGNES
Non et puis quoi encore Jo ? Je ne suis pas malade, pas besoin
d’aller voir le médecin. (pause) Et puis je n’ai pas le temps de
toute façon.

Agnès fuit son amie du regard.

JOSEPHINE
Et un psy ?

Agnès est étonnée, elle écarquille les yeux.

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AGNES
Un psy ?! Comment ça un psy ?

JOSEPHINE
Oui un psy. Ce n’est pas la mort tu sais. (pause) Si tu ne dors
pas, c’est pas pour rien. Si tu ne veux pas en parler à moi
d’accord, mais avec un professionnel ça pourrait te faire du bien.

AGNES
Pas sûre que ça change quelque chose.

JOSEPHINE
J’en ai vu un il y a quelques années. Ça m'avait fait beaucoup de
bien.

AGNES
Je ne savais pas.

JOSEPHINE
Tu me promets d’y penser ?

AGNES
Moui d’accord. On peut changer de sujet maintenant ?

Josephine hoche la tête et sourit à son amie en lui prenant la


main.

Séquence 6 - Ext - Parvis des tours Société Générale (La Defense)


- Jour

La Défense, les trois énormes tours de la Société Générale, avec


leurs multiples étages prennent tous les espaces. Le carré rouge
du logo est omniprésent sur la devanture. Le ciel est gris. Dix
mètres devant, une silhouette noire, aux cheveux courts poivrés et
sels est immobile. On reconnaît Agnès. Elle ne bouge pas, droite
comme un I. Elle finit par regarder le sommet des tours. Ses yeux
sont écarquillés. Elle pose sa main droite sur son cœur pour le

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sentir. Sa respiration s’encombre et est de plus en plus forte en
s’accélérant. Elle n’arrive plus à respirer. Elle tourne sur
elle-même et tente d’interpeller des hommes et femmes d'affaires
qui vont rentrer dans les tours. Elle n’arrive plus à parler, son
souffle est coupé. Personne ne fait attention à elle.
Elle s’écroule sur le sol bétonné du parvis. Sa tête cogne le sol.

Bruit aigu d'acouphène (hors champ). Son corps forme une tache
noir sur le sol du parvis gris. Les passants continuent de passer
à côté d’elle en l’évitant, sans jamais s'arrêter.

Séquence 7 - Int - Bureau de médecin - Jour

Bureau d’un médecin à l'hôpital. Agnes est assise sur une chaise
d'hôpital bleu molletonnée. Elle a le teint livide et un bleu
violet sur le côté droit de son visage. Sa jambe rebondit
frénétiquement sur le sol. Elle se triture nerveusement les
cuticules et se mord les lèvres. Le téléphone fixe du bureau
sonne.
La porte blanche du bureau s’ouvre et un médecin en blouse blanche
y rentre. Agnès se lève.

DOCTEUR LAVANDIER
Je vous en prie Madame, asseyez vous. Bonjour.

Il lui serre la main.

AGNES (d’une voix tremblante)


Bonjour docteur.

Le médecin s’assied sur sa chaise derrière le bureau. On peut lire


sur le badge épinglé sur sa blouse “Serge Lavandier - Psychiatre
des Hôpitaux de Paris”.
Il s’accoude au bureau et regarde fixement Agnès.

DOCTEUR LAVANDIER
Madame Terny, c’est bien ça ?

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AGNES
Oui, c’est moi.

DOCTEUR LAVANDIER
Bien Madame, savez-vous pourquoi vous êtes là ?

AGNES
Parce que j’ai fait un malaise ?

DOCTEUR LAVANDIER
Entre autres oui.

Agnès ne répond rien. Elle regarde ses pieds.

DOCTEUR LAVANDIER
Comment vous sentez-vous ?

AGNES
J’ai un peu mal à la tête. (pause) Et je suis fatiguée.

DOCTEUR LAVANDIER
Vous êtes épuisée Madame Terny. Votre cerveau vous a dit stop.

AGNES
Je… Je ne comprends pas.

DOCTEUR LAVANDIER
Savez-vous pourquoi vous avez fait un malaise ?

AGNES
Je n’arrivais plus à respirer. Et après (pause) je ne me souviens
plus.

DOCTEUR LAVANDIER
Vous étiez à bout de souffle. Au sens propre. Vous avez fait une
attaque de panique.

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AGNES
Ah oui peut-être.

DOCTEUR LAVANDIER
C’était la première fois ?

AGNES
Je ne sais pas. Je suis juste fatiguée en ce moment et je pleure
souvent. Sans arriver à m'arrêter.

DOCTEUR LAVANDIER
Je vois. (pause) Et ça vous arrive dans un contexte particulier ?
On vous a retrouvé devant votre lieu de travail. Ça pourrait avoir
un lien vous pensez ?

AGNES
C’est compliqué avec mes collègues en ce moment et je n’arrive
plus à rien là bas. Quand je rentre, je suis vidée et je n’arrive
pas à dormir malgré la fatigue.

Le docteur prend des notes et hoche la tête.

DOCTEUR LAVANDIER
C’est bien ce que je pensais.

AGNES
C'est-à-dire ?

DOCTEUR LAVANDIER
Ce que je vais vous dire ne va pas être facile à entendre mais il
ne va pas falloir s'inquiéter Madame Terny.
(il lui fait un sourire rassurant)
Vous allez être entourée. Par le corps médical et par vos proches
dans le but d’aller mieux.

AGNES

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Dites-moi.

Agnes se triture les mains et scrute le docteur.

DOCTEUR LAVANDIER
Au vu de votre surmenage physique et de votre état de fatigue
psychique, je pense que vous souffrez d’un épuisement
professionnel qui affecte votre quotidien, qu’on appelle plus
communément le burnout.

Bruit d'acouphène aigu (hors champ). La caméra sort de la pièce.

FIN

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