Vous êtes sur la page 1sur 25

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET UNIVERSITAIRE

UNIVERSITÉ CATHOLIQUE LA
SAPIENTIA DE GOMA

UCS
Cours de Communication littéraire, musicale et
plastique

Promotion : Deuxième licence SIC

Dispensé par Prof. Dr NDOVYA MUNDALA Jah

Année universitaire 2022-2023


COURS DE COMMUNICATION LITTÉRAIRE, MUSICALE ET
PLASTIQUE

I. COMMUNICATION LITTÉRAIRE

I.1 Les éléments de la communication littéraire

Reprenant le schéma général de la communication de Roman


Jakobson et explicitons ses éléments en les rapportant à la
communication littéraire :

 Le destinateur est un individu : l’ « auteur ». Il est


l’inventeur, créateur, producteur d’idées. Il est surtout celui
qui met en forme et en structure le texte selon un plan qu’il
a lui-même déterminé. Le fait que cet auteur soit « double »
ou « collectif » ne modifie pas en profondeur son rôle
d’organisateur du texte ;
 Le destinataire est virtuel, à la fois précis et imprécis,
c’est le « public ». Il peut-être cependant défini à l’intérieur
de certaines limites tracées.
 Par l’auteur : il a son public et cherche à le satisfaire
 Par le genre : un roman d’aventures ne touche pas le
même public qu’un roman d’amour, un essai
philosophique ne touche pas le même public qu’un
recueil de poèmes, etc. ;
 Par le type de production et de distribution : grande
diffusion, livres de poche, ouvrages de luxe, tirages
limités, etc.

La production littéraire s’inscrit donc dans un processus


intellectuel et dans un processus économique, ces processus
étant eux-mêmes historiquement situés : comment un lecteur
actuel « reçoit »-il un poème du XVe Siècle ? Comment un
étudiant financièrement défavorisé a-t-il connaissance d’un
ouvrage de luxe à tirage limité ou d’une édition originale ? Etc. ;

 Le canal de la communication le plus commun est le


livre. Le livre est le support du message, mais il est aussi
un objet porteur de significations par son format, son
apparence, son organisation, sa maniabilité, son épaisseur,
etc.

Le contact du lecteur avec le livre est physique avant d’être


intellectuel. Toucher un livre, sa couverture, tourner les
pages, faire aller son regard-en Occident- de haut en bas et de
gauche à droite, sont des activités physiques que certains
facteurs favorisent ou défavorisent : la lecture est un acte
concret, l’aspect physique du livre oriente le lecteur.

Par ailleurs, le contact psychologique entre le destinateur et


le destinataire est différé. Le dialogue entre l’auteur et le lecteur
est impossible et les tentatives pour l’établir se sont révélées
illusoires (correspondance, conférence, signatures, etc.). Seul le
théâtre réalise un certain type de communication entre l’auteur
et son public, mais par l’intermédiaire de la mise en scène et du
travail des comédiens. D’une façon générale, l’auteur est séparé
de son lecteur par l’espace et le temps. Le message littéraire est
diffusé ;

 Le contenu du message est en principe fixe. Sa pérennité


est assurée par l’imprimerie, la conservation dans les
bibliothèques, etc. Dans les faits et c’est là une
caractéristique spécifique du message littéraire, le contenu
du message varie :
 Suivant les dispositions psychologiques et l’expérience
propre à chaque lecteur
 Suivant la sensibilité et les valeurs propres à chaque
époque.

L’auteur émet un message dont une partie seulement,


d’ailleurs variable sera reçue et dont une partie sera modifiée,
reconstruite selon de nouveaux systèmes de significations. Selon
Francis Vanoye (1973), toute lecture est plus ou moins une
traduction, donc une trahison. Mais c’est à cette condition que
l’œuvre continue de « parler » aux lecteurs. Ainsi, la société
décrite dans un roman sera-t-elle interprétée par un lecteur
moderne au travers de ses connaissances sur sa société, par
exemple ;

 Le code est l’élément le plus complexe de la


communication littéraire. Le message littéraire comporte
une partie sémantique ; il a un sens compréhensible au
même titre que le sens d’un message utilitaire quelconque ;
il utilise le code de la langue commun à l’auteur et aux
lecteurs : la langue française, par exemple.

Mais le message littéraire a une visée esthétique. Son but


n’est pas utilitaire. Il n’établit pas une communication ordinaire
mais une communication se situant à un autre niveau : le niveau
esthétique. Dans cette perspective il superpose au code de la
langue utilisée un code esthétique plus ou moins complexe.

I.2 Message littéraire et référent

On aura noté, dans le schéma ci-dessus, l’absence de


référent. En effet, si l’on considère que le référent est le contexte
situationnel, réel, force est de constater qu’il est absent de la
communication littéraire, unilatérale et différée. Restent les
référents textuels engendrés par le texte lui-même et renvoyant
au texte. Ainsi une table, dans un roman, ne renvoie pas à une
table réelle ; c’est un objet textuel qui pourra servir dans la suite
de l’action : c’est autour de cette table que les protagonistes
discuteront, c’est avec elle qu’ils édifieront une barricade, etc.

Le langage littéraire n’est donc référentiel (ou dénotatif) que


du point de vue conceptuel (le mot table renvoie à un concept
connu du lecteur, non à un objet variable).

Le message littéraire se constitue dans un système clos dans


lequel les éléments prennent leur signification et leur valeur dans
leurs rapports mutuels. Il crée ses propres conventions à partir
du code esthétique adopté par l’auteur. On ne peut lire les
éléments séparés du message sans les intégrer dans l’ensemble
clos que constitue l’œuvre. Au-delà des référents conceptuels
communs à l’auteur et aux lecteurs nécessaires à la lecture et à
la compréhension du texte, il va sans dire que l’œuvre crée son
propre système de référents textuels.

Certains auteurs, des poète surtout, se sont appliqués à


restreindre, voire à supprimer, les référents conceptuels pour
bâtir des œuvres dont les éléments n’ont plus de signification que
dans leurs rapports. Ils réalisent ainsi le rêve de Flaubert : bâtir
une œuvre sur rien, qui tienne debout toute seule par le seul jeu
de ses constituants. Œuvre qui ne vise plus à la communication,
mais qui n’a plus d’autres raisons que d’être. Œuvre hermétique,
gratuite, inutile, mais création totale. Néanmoins ce projet n’est
jamais réalisé. Les poètes ne peuvent faire autrement qu’utiliser
des mots et par là même n’échappent pas à la signification. Créer
un langage entièrement neuf resterait le seul moyen de bâtir
l’œuvre totale ; certains poètes s’y sont essayés. Pour ceux-là,
bien sûr, la communication compte moins que l’expression pure
et que la création.

I.3 La connotation

On désigne par ce terme tout ce qu’un mot peut suggérer,


impliquer, clairement ou confusément, en dehors de sa
signification proprement dite (ou dénotation). C’est l’ensemble des
valeurs affectives que l’on donne au mot, ou encore des valeurs
que lui donne le contexte où il est employé.

Or le langage littéraire, comme nous venons de le voir, se


constitue en système de significations clos sur lui-même. Il crée
et développe à partir du langage commun des sens seconds qui
lui sont propres. Il est donc fortement connotatif. Ce qui importe
avant tout dans un texte littéraire est moins la signification
évidente des mots (dénotation) que leur pouvoir de suggestion
(connotation). Ainsi, au réseau des significations, se superpose-t-
il un réseau de connotations qui donne son « sens » véritable au
texte.

Le régime connotatif du texte littéraire impose une lecture à


plusieurs niveaux. La communication littéraire n’est pas directe,
simple, elle est ambiguë, complexe. Elle réclame un effort
particulier et ne se soucie évidemment pas des critères de
lisibilité. Notons toutefois qu’il existe une « sous-littérature », de
grande consommation, soucieuse de ménager les capacités de
lecture du plus grand nombre. Les connotations ne sont pas pour
autant absentes de ces genres d’œuvres. Mais elles se limitent en
général à quelques stéréotypes d’accès facile. Ces œuvres ne
créent pas vraiment de nouveaux systèmes de signification, elles
font appel à des systèmes acceptés et reçus par tous. Elles
utilisent en fait des sortes de codes esthétiques latents, de
structures simples, des archétypes, des clichés littéraires.

Le roman policier et le roman d’amour (roman « écrit » ou


roman-photo), le théâtre de boulevard, la chanson sont les grands
consommateurs d’archétypes littéraires. Ce n’est pas le genre qu’il
faut mettre en cause –il existe de grands romans policiers et de
très belles chansons- mais l’utilisation qu’en font certains
« écrivains » non pas créateurs mais fabricants d’œuvres suivant
certaines recettes éprouvées.

C’est dire que la connotation n’est pas l’apanage des textes


littéraires à visée esthétique. La plupart des mots que nous
utilisons ont des connotations, parfois multiples et subtiles.
L’ensemble de ces connotations constitue un message qui se
superpose au message dénotatif. Toutefois, dans un texte
littéraire, les connotations sont organisées de manière à se faire
écho ou opposition, et à constituer un réseau à valeur
significative. Dans un message ordinaire, la connotation à valeur
expressive ou conative, dans un message littéraire elle a valeur
poétique.

I.4 La fonction poétique, fondement du message littéraire

Le message littéraire étant centré sur lui-même, l’effort de


l’auteur portera sur la structure et la forme de ce message. C’est
dire que la fonction poétique y est prédominante. C’est par elle
que se manifeste le code esthétique et que les éléments du code
de la langue se transfigurent pour prendre des significations
nouvelles. La fonction poétique impose une réévaluation totale du
langage courant.
Rythme, sonorités, images manifestent leurs valeurs
significatives de façon évidente dans un sonnet (nombre de vers
fixé, vers réguliers, rimes, allitérations, comparaisons ou
métaphores, etc.), mais sont tout aussi importants dans un
roman (découpage en chapitres de longueurs relatives imposant
son rythme à l’action, distribution des séquences par opposition
ou symétrie, répétition des situations ou des descriptions, etc.) :
on peut faire rimer des situation comme on fait rimer des mots.

À ce titre la fonction poétique est à considérer au niveau de


l’architecture d’ensemble de l’œuvre comme un niveau de l’une
des pages.

I.6 Le poème

Par rapport à la prose ordinaire, le poème se définit à partir


de certaines contraintes et de certaines libertés.

Contraintes sur le plan métrique : on confond trop souvent


la poésie avec le vers. À l’origine le vers a une fonction
mnémotechnique ; les textes narratifs, lyriques et même
historiques ou didactiques se communiquent oralement, et le
vers, retour d’un même nombre de syllabes ou d’un nombre fixe
d’accents toniques et, éventuellement, suite de mots délimitée par
le retour d’une même sonorité (rime), faciliteraient la
mémorisation. Puis le vers est devenu un moyen d’ « orner » le
discours, moyen qui s’est peu à peu dévalué : la poésie
contemporaine est rythmée, mais rarement versifiée. En fait, la
valeur poétique du vers ressort de ses rapports avec le rythme, la
syntaxe, les sonorités, le sens des mots. Un poème est un tout.

La contrainte constituée par les vers peut être augmentée


d’une contrainte portant sur la combinaison des strophes et des
rimes : ainsi, se sont-ils créés les poèmes à forme fixes (sonnets,
rondeaux, etc.), des poèmes à forme limitée et des poèmes à
formes libres.

Au cours de l’histoire de la poésie, on assiste à deux


mouvements contraires :
- augmentation des contraintes, créations de poèmes à formes
fixes, acrobaties poétiques diverses (rimes léonines,
acrostiches, etc.) ;
- assouplissement (juxtaposition de mètres différents : cf. La
Fontaine) et libération (affranchissement à l’égard des règles,
de la rime, poèmes en « vers libres », poèmes en prose.)

Liberté sur les plans syntaxiques et sémantiques : les poètes


assouplissent la syntaxe, la plient aux exigences du vers et de
l’expression poétique. Sans se permettre de véritables
incorrections grammaticales, ils s’autorisent des « licences »
poétiques.

D’autre part, ils « travaillent » le sens des mots, dans des


directions d’ailleurs contraires :

- soit en donnant à certains termes une extension ou une


indétermination inusitée.
- soit en utilisant des sens rares, disparus ou nouveaux.
- soit en créant de nouveaux mots.

Ces libertés apparaissent plus particulièrement dans


l’utilisation des images.

I.7 Le problème de l’écart

Dans la description que nous avons faite du langage


littéraire, et plus particulièrement du langage poétique, il semble
que leur caractéristique essentielle est de se séparer du langage
commun. En d’autres termes, le langage littéraire serait un écart
par rapport à la norme, il cultiverait l’anomalie syntaxique,
sémantique, rythmique, sonore, etc. Dans la mesure où il exprime
la personnalité d’un auteur, le style serait une déviation des
habitudes de la langue, une distorsion.

Si d’un point de vue général, il est pratique d’opérer la


distinction vers/prose, par exemple, chaque œuvre devra être
étudiée d’un point de vue particulier en tenant compte de la
double face du message qu’elle constitue :
- l’œuvre est une création, et comme telle « porte » le message
individuel de l’auteur par l’intermédiaire de son système de
significations ;
- l’œuvre est communication et comme telle utilise le code
commun à un groupe social (code du langage, code du
genre).

C’est du rapport entre création et communication que naît la


valeur de l’œuvre. Une œuvre qui n’est que création et
incompréhensible, elle se coupe du public ; une œuvre qui n’est
que communication est banale, statique, œuvre morte. C’est en
renouvelant le rapport création-communication que l’auteur fait
œuvre vivante.

I.8 Le récit

Le récit a ses conventions. La critique contemporaine a


systématisé la recherche de la description de ses « codes ». Ainsi
a-t-elle tenté d’établir une liste de situations narratives et de
fonctions que peuvent jouer les personnages et a montré que ces
situations et fonction sont en nombre limité. La démonstration
est particulièrement convaincante lorsqu’on étudie des contes
populaires, des légendes ou des récits appartenant à la sous-
littérature (romans policiers de grande consommation, roman-
photo, films commerciaux, etc.)

I.9 Le théâtre

La communication théâtrale est assez complexe. L’auteur


d’une pièce établit bien un contact avec le public, mais de
manière assez indirecte, par l’entremise de la scène (décors,
comédiens).

Durant le déroulement d’une pièce de théâtre, la


communication s’établit :

- entre les personnages de la pièce, au niveau de l’intrigue,


sur scène
- entre les comédiens et le public, de la scène à la salle.
Mais on sait qu’une des conventions majeures du théâtre
consiste pour l’acteur à ignorer le spectateur (nous laissons ici de
côté les nouvelles formes de théâtre dans lesquelles l’acteur se
mêle au spectateur, établit un dialogue avec lui, voire l’agresse ou
le détermine à jouer à son tour. Il y a, entre la scène et la salle,
un mur virtuel.

Par ailleurs le public est ignorant :

- de la situation au départ de la pièce


- des événements passés ou présents qui surviennent en
dehors de la scène.

Le dialogue théâtral a donc recours à certaines conventions


destinées à apporter au spectateur les informations nécessaires à
la compréhension des événements. Il diffère du dialogue réel en ce
qu’il fait des fréquentes références à la situation des personnages.
D’autre part, c’est un dialogue orienté vers l’accomplissement
d’une intrigue.

II. LA COMMUNICATION MUSICALE ET PLASTIQUE

L’expression écrite et orale se conjugue bien souvent à d’autres


moyens d’expression : sonores, visuels, audio-visuels. Nous
tenterons ici de définir, à propos de quelques cas particuliers, les
rapports entretenus entre le langage-écrit et/ou parlé- et ces
autres techniques d’expression. Nous ne prétendons pas à
l’exhaustivité, mais essaierons de proposer des directions d’étude
et de recherche.

La lecture et l’écoute des mots s’accompagnent presque


constamment aujourd’hui de la vision d’images et de l’écoute des
sons. Plusieurs codes se superposent alors, et les rapports des
uns aux autres sont parfois subtils. Apprendre à « lire » une
chanson, un dessin humoristique, une affiche, un film suppose
une prise de conscience de ces différents codes et des modalités
de leur imbrications.
II.1 Langage et musique

À l’origine langage et musique sont inséparables : chants


(prières, incantations), récits psalmodiés, mélopées et chansons
populaires expriment des sentiments religieux ou profanes. Peu à
peu s’opère une séparation nette entre musique instrumentale et
musique vocale. Cette dernière s’illustre par des œuvres de
factures diverses : messes, cantates, oratorios, opéras, comiques,
chants (lieder), chansons, etc.

La musique vocale peut « illustrer » des textes religieux


(versets de la Bible, prières diverses) ou littéraires (poèmes). Mais
dès les « débuts » de la musique vocale, des textes sont écrits
spécialement pour être mis en musique. Dans ce cas, la
musique ne suit plus le langage, elle ne se superpose pas à lui :
musique et texte sont élaborés quasi simultanément et dans
l’optique de leurs rapports réciproques.

Nous étudierons d’un peu plus près la chanson.

Elle se compose de paroles et d’un air. L’air est le plus


généralement écrit pour une seule voix. On dit qu’il accompagne
les paroles, ce qui indiquerait une prééminence du texte sur la
musique.
Paroles riches Paroles Pauvres

Musique riche Paroles et musiques Chanson mélodique, ou


s’enrichissent mutuellement rythmée. La musique compte
de nuances plus que les paroles.

Musique La musique accompagne les Mauvaise chanson oui, mais


paroles, joue le simple rôle de aussi chanson à fonction
pauvre
soutien. Les paroles sont au rythmique simple.
premier plan.

Les paroles et musiques de chansons sont relativement


simples. Toutefois il est intéressant d’étudier leurs rapports ;
ainsi des paroles « pauvres » (contenu réduit, vocabulaire très
simple) peuvent être « rachetées » par une mélodie riche en
harmonie ou un rythme entraînant, et inversement.

Par ailleurs la structure musicale de la chanson étant


simple, la structure syntaxique du texte doit l’être aussi. Les
textes des chansons se composent généralement de phrases
courtes, surtout nominales et sans trop de subordonnées.

Les « licences poétiques » sont nombreuses notamment les


contactions de mots, les ruptures de construction, le vocabulaire
familier.

En revanche, la fonction poétique joue un rôle important


dans les textes de chanson. Sans parler des rimes, des
allitérations, et des procédés communs à la poésie, soulignons
que les textes des chansons recourent souvent aux onomatopées
ou aux syllabes vides de sens destinées à être soutenues par la
musique et ayant une fonction purement poétique en dehors de
toute signification. La chanson, surtout populaire, est le lieu
d’une sorte d’enivrement verbal au cours duquel se donne libre
cours le plaisir de jongler avec les mots, les sons, les assonances,
consonances et dissonances, les rimes, les images absurdes, les
non-sens. La chanson, c’est souvent la parole en liberté.
Toutefois, la liberté de la chanson est limitée par le souci de
sa réception et de sa mémorisation. Une bonne chanson est aussi
une chanson qui se comprend facilement et qui se retient. C’est
pourquoi la chanson recourt naturellement aux formes fixes
(strophes, refrains,…). Les tentatives d’adaptation de textes plus
complexes n’ont pas conduit à des chansons vraiment populaires.

II.2 Les mots et la peinture

Les rapports entre les mots et la peinture (ou le dessin) se


situent à trois niveaux :

- la désignation, les mots servent à désigner un tableau


ou un dessin par un titre ;
- la description, les mots servent au critique d’art pour
décrire le tableau et analyser ses composants ;
- l’illustration, la peinture ou le dessin servent à illustrer
un texte.

Le Titre d’une œuvre picturale (mais les remarques qui


suivent sont en grande partie valables pour les œuvres littéraires,
cinématographiques, etc.) renvoie :

- aux personnages réels ou mythiques représentés;


- à l’anecdote mise en scène;
- au lieu représenté réel ou mythique ;
- à l’attitude du personnage ;
- à un concept abstrait, à un symbole;
- au tableau en tant qu’œuvre picturale.

Dans les quatre premiers cas le titre renvoie à tout ou partie


d’éléments peints : il a une fonction référentielle, le référent étant
constitué par la scène représentée.

Dans le cinquième cas, le titre interprète le tableau, il


indique une signification : il a une fonction métalinguistique.

Dans le sixième cas, le titre renvoie à la peinture même et à


son langage propre : il a une fonction référentielle, le
référent étant constitué par l’objet réel que constitue le
tableau.

Les artistes modernes ont volontairement cherché à atténuer


la fonction référentielle du titre ; le public cherchait trop
volontiers dans le titre d’une œuvre une « explication » au tableau
et se contentait alors de considérer l’œuvre dans son rapport de
ressemblance avec le titre proposé. Or ce qui fait la spécificité du
langage pictural n’était plus perçu. C’est pourquoi on a d’abord
forgé des titres qui avaient, avec le contenu de l’œuvre, des
rapports ambigus, énigmatiques, ou franchement contradictoires.

Dans certains cas, on peut affirmer que le titre a une


fonction poétique dans la mesure où les messages iconiques et
verbaux « jouent » les uns avec les autres.

Puis les titre, à mesure que la peinture s’éloigne du figuratif,


ne renvoient plus qu’à la matière peinte. En fait le titre conduit à
modifier l’attitude du public face à l’œuvre : il ne cherche plus à
comparer l’œuvre à une réalité extérieur, il tente de la
comprendre de l’intérieur et de saisir son fonctionnement interne.

 La description d’une œuvre graphique ou picturale nécessite


de rendre compte par les mots d’images qui s’imposent de
façon globale à la perception. Il s’agit d’exprimer dans un
discours qui se développe dans le temps une réalité
immédiate. Le discours verbal organise les éléments du
tableau, les dispose les uns par rapport aux autres, les relie
mais, ce faisant, les sépare aussi : noter que telle couleur
s’harmonise à telle autre c’est les relier dans le discours,
mais les séparer dans la perception qui était, à l’origine,
globale. En d’autres termes, la description analyse (sépare)
ce que la perception synthétise (unit, en fait il ne s’agit pas
exactement d’unir mais de percevoir globalement).
 La description d’une toile remplit donc une fonction
référentielle, en ce qu’elle rend compte des éléments du
tableau et de leur disposition, et une fonction
métalinguistique, en ce qu’elle constitue bien un discours
sur un autre langage, le langage pictural, et qu’elle privilégie
une certaine manière de voir (de « lire », puis de « dire ») le
tableau.

Par ailleurs, la description d’un tableau nécessite la


maîtrise du vocabulaire spatial et le sens des proportions et
des couleurs.

L’illustration est plus du domaine de l’art pur que de


l’expression. Disons simplement que les mots apportent
parfois des informations à l’intérieur même du tableau, et
leur rôle s’apparente alors à celui qu’ils jouent dans les
bandes dessinées (voir plus bas) ou bien qu’ils se confondent
aux matières picturales en perdant leur fonction signifiante.

II.2.1 Le dessin humoristique

Le comique du dessin humoristique naît d’une rupture avec


l’ordre normal des choses. Le dessin contient des éléments
neutres et un élément dissonant générateur du rire.

Dans cette perspective le rôle du texte est variable :

1er cas : le dessin se suffit à lui-même ; le « gag » est purement


visuel. Le dessin est « sans légende » ou « sans paroles ».

2e cas : le dessin se suffit à lui-même, mais une légende existe qui


n’ajoute rien et constitue une redondance verbale.

3e cas : le dessin et la légende créent le « gag » dans leurs


rapports ; deux cas peuvent se présenter :

- le dessin reflète la normalité et la dissonance comique


provient de la légende ;
- la légende est neutre, mais crée le comique dans son
rapport au dessin reflétant la normalité.

Le comique naît alors d’une tension (contradiction, absurdité,


etc.) entre le dessin et la légende. Le dessin sans la légende n’est
pas drôle et inversement.

4e cas : la légende se suffit à elle-même ; c’est au fond une


histoire drôle que le dessin vient illustrer.
On voit que le dessin humoristique communique un message
particulier (le gag) suivant deux canaux : le graphisme et la
légende ; c’est dans le « jeu » de ces deux canaux que résident
l’art et la technique de l’auteur.

II.2.2 Les mots dans la bande dessinée

Les rapports de mots à la bande dessinée sont plus


complexes. La bande dessinée est une technique narrative : elle
raconte une histoire. À l’origine, le texte de l’histoire était
important ; il est situé (il l’est encore dans certaines bandes) sous
le dessin, ce dernier ne constituant que l’illustration du récit.

La bande dessinée communique un message narratif selon


deux canaux : l’image et le texte. On peut considérer qu’en fait
ces deux canaux véhiculent deux messages : un message
iconique (du grec eikôn : « image ») et un message linguistique. Ce
sont les rapports entre ces deux messages qui constituent le
message global. Dans le dessin humoristique, on a vu que ces
rapports étaient variables suivant la plus ou moins grande
richesse des messages respectifs. Le message linguistique de la
bande dessinée comprend deux aspects :

- L’aspect narratif (description du cadre, de la situation,


des actions) : cet aspect est réduit dans la mesure où les
informations sont apportées par le dessin ;
- Le dialogue. Il est rapporté au style direct. Toutefois il
s’apparente aux dialogues de roman ou de théâtre, il ne
s’agit pas véritablement d’une retranscription de la langue
parlée mais d’un langage chargé des conventions
inhérentes au récit et à sa communication à un lecteur.
Les personnages des bandes dessinées parlent beaucoup,
s’expliquent beaucoup, non pour eux-mêmes mais pour le
lecteur…On trouvera donc dans le dialogue de bande
dessinée les mêmes conventions, en gros, que dans le
dialogue romanesque et théâtral.

Toutefois, du point de vue technique, la bande dessinée a


recours, pour communiquer les dialogues, à des moyens
spécifiques : ballons (ou « phylactères »), appendices, symboles
divers. Le ballon marque l’incorporation du texte à l’image. Alors
que la technique du texte sous l’image sépare nettement le
message iconique du message linguistique et accorde la
prééminence au second, la technique du ballon amorce la fusion
des deux messages et favorise d’infinies variations sur leurs
rapports. Il va sans dire que le dessinateur doit avoir le souci
d’harmoniser texte et image et en particulier de ne pas « étouffer »
l’image sous un texte trop lourd.

Peu à peu s’est constitué un véritable code propre à la bande


dessinée, dont nous indiquerons quelques éléments :

- disposition des ballons : la localisation des ballons dans


l’espace du dessin indique la chronologie des répliques (de
haut au bas, de gauche à droite, de l’arrière-plan au
premier plan).
- la forme des ballons : le ballon bien fermé indique la
réalité des paroles prononcées ; le ballon en lignes brisées
indique le désarroi, la peur, la douleur ; le ballon au
pourtour ondulé indique un message provenant d’un
appareil (radio, poste émetteur).
- appendice : relié à la bouche du personnage, il indique la
provenance des paroles et le fait même de parler ;
constitué par une série de ronds, il indique la pensée non
formulée.

- caractères : des mots, des onomatopées ou des signes


(point d’exclamation, d’interrogation) peuvent flotter dans
le dessin, en dehors de tout ballon : ils apportent des
informations diverses (bruits, sentiments, etc.) ; la
grosseur des caractères a une fonction expressive (indique
l’intensité de la voix).

- symboles : certains sont rigoureusement codés (la scie et


le morceau de bois = sommeil profond, la tête de mort
avec un nuage noir= forte colère, désir de tuer) ; d’autres
sont plus variables, mais leur signification est claire (une
suite de signes gribouillés des paroles de colères, des
injures, impossibles à retranscrire)

Du fait que la bande dessinée peut transformer des signes


verbaux en signes iconiques, ses possibilités d’exprimer les traits
spécifiques du langage parlé sont grandes. Inscrite dans un grand
ballon couvrant le quart du dessin, en gros caractères dont
certains sont « tremblés », elle exprime l’intensité vocale et la
peur.

II.3 Langage et photographie

Nous n’étudierons pas ici les techniques spécifiques de la


photographie mais les rapports s’instituant entre la photographie
et le langage écrit ou parlé.

II.3.1. Le mot et l’image

Une photographie renvoie à un référentiel réel : objet,


personne. Elle véhicule un message dénotatif (nous laisserons ici
de côté le cas de la photographie non figurative).

De même que pour le dessin humoristique et la bande


dessinée, à ce message iconique s’ajoute le plus souvent un
message linguistique : légende, textes divers, dialogues,
commentaires. Or le message iconique est analogique : la
photographie d’un objet ressemble à cet objet, elle est figurative.
Alors que le message linguistique est symbolique : le mot servant
à désigner un objet ne ressemble pas à cet objet. Les deux
« langages » sont donc totalement différents. Sont-ils pour autant
inconciliables ? L’image exclut-elle le mot ?

Cette attitude appelle plusieurs remarques :

- La photographie ne véhicule pas seulement un message


référentiel ; son agencement (cadrage, proportions
respectives d’objets, luminosité, couleurs, etc.) Son
montage (ses rapports éventuels avec d’autres
photographies qui la suivent ou la précèdent) la
« chargent » de connotations multiples et complexes. Ainsi
la photographie, sur une grande affiche, d’une belle
automobile blanche roulant sur une plage déserte au
coucher du soleil n’a pas la même signification qu’une
photographie d’amateur sur le même sujet. L’image ne
doit pas être confondue avec l’objet. L’image n’est pas
l’objet mais bien l’image de cet objet et constitue elle-
même un autre objet. Et nous ne parlons pas des
trucages… ;
- la « vérité » d’une image est-elle immuable ? En fait elle
varie dans le temps et l’espace. Ainsi les découvertes sur
la perspective ont modifié en leur temps notre
appréhension de l’espace et notre idée de la
« ressemblance ». Encore la perspective n’est-elle qu’une
convention, puisqu’elle n’est rien d’autre qu’un moyen de
donner l’illusion de la troisième dimension sur un espace
à deux dimensions.

Par ailleurs des cultures différentes ont des conceptions


différentes de la ressemblance : nous considérons comme
« ressemblante » la photographie d’une mouche en gros plan dans
un documentaire ; le même plan sera rejeté par une peuplade
« primitive » non familiarisée avec les conventions de l’image : il
n’existe pas de mouche aussi grosse… ;

- que penser de la « vérité » des images d’objets qui


n’existent pas ?...à partir d’un certain nombre de données
(sources d’éclairage, lois de la perspective) un ordinateur
peut créer des « photographies » !
- l’image existe rarement en dehors des mots. La plupart
des images s’accompagnent de messages écrits ou parlés.
Ces messages, dits « visuels » sont en réalité « mixtes »
(télévision, photographie de presse, etc.). Les images des
films muets étaient doublés d’intertitres et d’un
accompagnement musical ;
- l’image « brute » ou « pure » renvoie elle-même à des mots,
elle conduit au commentaire, à l’interprétation, à la
production d’un métalangage. Une exposition de
photographies donnera lieu à des commentaires parlés et
à des articles.

En conséquence, le discours iconique et le discours verbal


ne doivent pas être dans des rapports d’exclusion ou d’opposition.
Ils interfèrent, se superposent, se combinent. Il s’établit une
véritable dialectique de l’image et du mot.

II.3.2. L’image fixe isolée : affiche, photographie de presse

Les rapports texte-image varient suivant la prééminence


accordée à l’un ou à l’autre :

1er cas : le texte se suffit à lui-même ; la photographie vient


l’agrémenter ou l’illustrer : l’agrémenter, et elle ne constitue dans
ce cas qu’une sorte de repos pour l’œil (certains journaux
agrémentent leurs textes de photographies à peu près inutiles
mais qui « éclaircissent » la page) ; l’illustrer, et dans ce cas la
photographie n’est qu’une redondance par rapport au texte ; elle
n’apporte aucune information supplémentaire ; tout au plus
cautionne-t-elle par sa « vérité » les faits rapportés.

2e cas : photographie et texte apportent des informations


complémentaires. Dans ce cas, il s’établit un va-et-vient du texte
à l’image : leurs informations s’ajoutent et se complètent.

3e cas : le texte sert la photographie :

- titre (cf. Peinture)


- description ou explication des éléments. Notons ici que le
texte peut « informer » la photographie, c’est-à-dire lui
donner une signification qu’elle ne livre pas de façon
évidente ;
- commentaires, interprétation ;
- mises en valeur par la présentation ou la qualification.

4e cas : texte et photographie se complètent et se valorisent


mutuellement ; c’est le cas général de l’image publicitaire et du
texte l’accompagnant, destinés à informer et à séduire.
5e cas : texte et photographie se séparent, apportant des
informations parallèles ou contradictoires ; ici, nous quittons le
domaine de l’utilité ou de l’efficacité pour le domaine de l’art ou
de la parodie.

II.3.3. Les images fixes successives : montage, roman-photo

Le montage des images influe, comme nous l’avons vu, sur


leurs significations. Mais l’adjonction du texte modifie également
l’information fournie. Les rapports entre texte et photographie
varient suivant l’objectif visé. Prenons quelques exemples :

Le montage sonorisé des diapositives. Il s’effectue avec un


appareillage relativement simple permettant de synchroniser le
défilement des photographies et le déroulement d’une bande
magnétique. On peut, bien sûr, se contenter d’un commentaire
non enregistré, mais les possibilités et les effets sont différents.
Les rapports du texte aux images sont déterminants :

- Le texte commente les images, prolonge leurs


significations (compte rendu de voyage : détails
géographiques ou sociologiques, anecdotes, etc.). Dans ce
cas, il a une fonction référentielle ;
- le texte explique les images : description, explication
(communication scientifique). Il a une fonction
métalinguistique ;
- le texte dialogue avec l’image, de manière poétique,
satirique, etc. Texte et images se fondent pour constituer
un objet nouveau dont la fonction est poétique, au sens
large du terme.

L’essentiel est de « faire passer » le double message, iconique


et linguistique, sans privilégier l’un par rapport à l’autre. La
technique du montage des diapositives est utilisable au cours
d’un exposé, comme au cours d’un spectacle. Le contrepoint
texte-image (et, éventuellement, musique ou sonorités diverses)
est un moyen d’enrichir le message.

Le roman-photo est une technique narrative reposant sur la


superposition d’un message iconique et d’un message linguistique
qui peut être double : narratif et/ou dialogué. Il s’apparente par
certains points à la bande dessinée ; toutefois le caractère
« réaliste » de la photographie interdit de recourir à ces moyens
d’expression particuliers que sont les symboles ou les
onomatopées. Le roman-photo comprend trois aspects :

- les photographies et leur montage


- le texte narratif inscrit en dessous ou sur les côtés de la
photo, le dialogue inscrit dans une « bulle », d’ailleurs
rectangulaire, et indiqué par des appendices.

On retrouve dans le roman-photo les conventions de


dialogue inhérentes au récit et à la bande dessinée. Ajoutons
qu’en France, les romans photos sont le plus souvent traduits de
l’italien. L’Italie est grand producteur de cette forme d’art, et qu’ils
sont de ce fait remplis d’italianismes savoureux. Jusqu’à présent
le roman-photo fait partie de la sous-littérature (ou para-
littérature) vouée à la grande consommation. C’est-à-dire qu’il est
fortement codé et chargé de stéréotypes.

Notons qu’il est parfois utilisé en publicité de manière


satirique ou parodique.

II.3.4. Les images mouvantes : le cinéma

La cinématographie est un art visuel. Toutefois ses rapports


au langage verbal sont multiples ; ils se situent à plusieurs
niveaux :

- Publicité : un film est d’abord connu du public


verbalement :
 le titre. Le premier contact du public avec le film se fait par
le titre. Ce titre est choisi, la plupart du temps, en fonction
de l’impact souhaité sur la clientèle. Les problèmes posés
par le titre d’un tableau ou d’un roman se retrouvent ici ;
mais ils sont compliqués par la nature commerciale du
cinéma. On observera des « modes » : celle des titres longs,
puis des titres courts, l’utilisation de certaines tournures
syntaxiques (ex : « l’homme de… »), de termes étrangers
(anglais, espagnol, italien, allemand), etc.

D’une façon générale, la fonction poétique est fortement à


l’œuvre dans les titres de films (rythmes, sonorités, jeux de mots,
mots riches en connotations, etc.)

 Par les annonces publicitaires (affiches, « press-book »)


 Par les critiques
- Conception : un film est d’abord conçu verbalement :
 Le synopsis est un résumé de l’action ;
 Le scénario et les dialogues développent le synopsis sans
tenir compte de l’aspect technique ;
 Le découpage divise le scénario en séquences, précise le
nombre et la nature des plans, les mouvements de la
caméra, etc.
- Communication : un film est un message mixte :
 Visuel (images, montage)
 Sonore (musique, sons divers)
 Verbal (textes dits, textes écrits)

Aujourd’hui les cinéastes de talent savent tirer parti des infinies


ressources de la dialectique image/verbe :

- utilisation des intertitres, du commentaire, des voix « off »,


des dialogues ;
- harmonie, décalage ou dissonance entre message iconique
et message verbal (le texte « dit » parfois le contraire de ce
que « dit » l’image).

II.3.5. La télévision

À première vue, il semblerait qu’on pût répéter pour la


télévision ce qui a été dit pour le cinéma. En fait, la télévision fait
un usage beaucoup plus important que le cinéma de
l’enregistrement direct. Le langage verbal de la télévision sera
donc fortement marqué des contraintes du direct, il sera moins
élaboré, souvent improvisé et influencé par les circonstances. Le
texte au cinéma est écrit préalablement, prévu, organisé, travaillé,
au même titre qu’un texte littéraire (nous laissons de côté le
« cinéma vérité » ou le documentaire en direct, dont les textes
sont plus ou moins improvisés, mais qui sont d’ailleurs marqués
par l’influence de la télévision). Le texte de télévision est
également écrit pour les « dramatiques » et quelques autres
émissions, mais la plupart du temps il s’improvise à partir d’un
thème ou d’un canevas (débats, journaux télévisés, jeux, etc.).

Réservons par ailleurs une place à part à la télévision en


circuit fermé pour laquelle la transmission des émissions se fait
par câbles reliant la caméra aux récepteurs. Le magnétoscope
permet d’enregistrer sur bandes des émissions au circuit ouvert
pour les rediffuser ensuite sur des récepteurs individuels. Mais il
permet aussi de réaliser des films ou des émissions avec une
petite caméra électronique sur laquelle est monté un
microphone ; le tout est relié à un magnétoscope portable. La
caméra enregistre directement l’image et le son. Elle est chargée
avec une bande magnétique que l’on peut lire ensuite, sans
passer par la phase de « développement ». La reproduction de
l’enregistrement s’effectue sur un autre magnétoscope. On peut
effacer les bandes et effectuer de nouveaux enregistrements. Ainsi
les images et les sons enregistrés sont projetés presque
immédiatement.

Le magnétoscope offre d’immenses possibilités. On est en


droit de penser qu’il permettra, dans un avenir assez proche, de
pallier à la passivité actuelle du spectateur de télévision :

- en lui redonnant la faculté de choisir (le magnétoscope


enregistrera les émissions en l’absence de la personne qui
pourra ensuite sélectionner le programme de son choix et
le voir où et quand il lui plaira ; la contrainte spatio-
temporelle disparaît) ;
- en lui ouvrant l’accès à la création.
Conclusion

Nous n’avons fait qu’indiquer des directions d’étude. On


complétera ces esquisses par des lectures appropriées. L’essentiel
était d’indiquer que la littérature est bien un phénomène de
communication spécifique en ce qu’elle a engendré ses propres
codes esthétiques. L’incompréhension, l’agacement ou le refus
catégorique de la littérature viennent le plus souvent d’une
ignorance de ses codes. On les perçoit bien confusément, et alors
on rejette la littérature comme artificielle. Or c’est justement à
partir du code esthétique que se fonde le phénomène littéraire et
se manifeste la créativité des écrivains et des poètes. Bref, la
créativité des artistes.

Vous aimerez peut-être aussi