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Mathématiques pour tous, ou

Mathématiques pour les nuls ?

A propos de certaines vidéos qui pullulent de nos jours les réseaux


sociaux présentant quelques débris mathématiques élémentaires:

Exemple 1:

Soit à factoriser l'expression :

6x2-11x+3

On calcule le produit ac
Ici P=6x3=18
On décompose ce P en produit de deux entiers naturels :
1x18 2x9 3x6
Parmi ces produits, on cherche celui dont la somme de ses facteurs est
11;

1+18=19
2+9=11
3+6=9

On trouve donc le couple (2,9).


On divise chacun de ces termes par a, ici 6.
Ce qui donne 2/6 et 9/6 c'est-à-dire ⅓ et 3/2.
D'où on écrit :

6x2-11x+3=6(x-⅓)(x-3/2)
Ou encore :
6x2-11x+3=(3x-1)(2x-3)

C'est astucieux comme méthode. Seulement, elle ne marche que si


l'équation ax2+bx+c=0 admet deux solutions rationnelles et non
irrationnelles, encore moins des nombres complexes comme solutions.
Sinon, ça ne marche pas.
Cette méthode serait rapide si le produit P se décompose en un petit
nombre d'entiers premiers. Dans le cas contraire, il vous faudrait
toute une page pour faire les décompositions. Et ça, c'est du
tâtonnement, une question de "bûchettes", ce n'est pas mathématique.
Prendre l'exemple de x2-1033x+25200 et essayer pour voir !
Il est à rappeler que parmi les soucis d'un mathématicien, c'est de
trouver la méthode générale de résolution, et non d'énumérer des
méthodes valables pour des cas particuliers ni d'allonger la liste des
cas à apprendre. "Rassembler ce qui se ressemble".
Se rappeler de la théorie du fameux Evariste Galois, à ce propos.
Didactiquement parlant, le problème des trinômes du second degré est
plutôt l'inverse pour ceux qui s'enthousiasment à utiliser cette
méthode de tâtonnement. Le vrai problème qu'on propose en classe et
dans les examens c'est de trouver deux nombres dont on connaît la
somme S et le produit P. Un lycéen du tronc commun scientifique ou
technique, sait comment faire en se ramenant à l'équation du second
degré x2-Sx+P=0.
Il faut noter que sur leurs vidéos, en présentant cette méthode très
particulière, les auteurs manquent de rigueur mathématique, encore
moins de soucis pédagogique, hélas ! Le pire, on pourrait les voir
passer de l'expression
6x2-11x+3
à une autre totalement différente (!!?)
x2-11x+18

Au passage, l'Histoire des Mathématiques nous apprend que la


méthode générale de la résolution d'une équation du second degré à
été élucidée depuis les Babyloniens. Et ce n'est pas en 2022 que l'on va
réinventer la roue ! Le 3ème degré a été résolu pendant la
Renaissance. Peu de temps après, on élabora la méthode générale du
4ème degré (Ferrari). Mais il a fallu attendre jusqu'au début du
19ème siècle pour mettre fin à la tentative de formuler une méthode
générale pour résoudre une équation algébrique du 5ème degré ou
plus, puisqu'il n'y en a pas. Évariste Galois (1811-1832) a mis sur
pieds une théorie qui en plus de répondre à plusieurs questions
mathématiques en suspens et d'ouvrir de nouvelles voies dans la
recherche mathématique, prouva qu'il existe des équations
algébriques de degré 5 non résolubles par radicaux.

Pour terminer, je me pose la question sur le public-cible des auteurs


de telles vidéos et de telles "découvertes".

🤣
○ S'agit-il d'un public large ?
Un grand nombre s'en fichent de résoudre une équation du
deuxième degré !!
○ S'adresse-t-on aux lycéens scientifiques ?
Eh bien ! On se trempe d'approche pédagogique ! Ce qui attend ces
futurs étudiants dans le supérieur ne leur ferait que du mal; l'échec
scolaire serait cuisant !
○ Ou bien, de telles méthodes sont indiquées pour des lycéens moyens
ou moins bons. Dans ce cas, l'approche est inutile puisque pour cette
classe de lycéens l'occasion ne se présentera jamais pour résoudre une
équation algébrique dans leur vie professionnelle ni simplement dans
leur quotidien.

….

Annexe 1:
Soient a, un entier naturel non nul et b et c deux entiers relatifs.
Supposons que les racines de X2+bX+ac existent et soient des entiers
relatifs.
En notant X1 et X2 ces deux racines, alors on déduit le produit X1X2=ac
et la somme X1+X2=-b
Posons x1=X1/a et x2=X2/a. Alors le produit x 1x2=c/a et la somme
x1+x2=-b/a et par suite, x1 et x2 sont bien les racines de ax2+bx+c.
La méthode est vérifiée et justifiée.
Mais dans quels cas s'applique-elle ?
En plus du fait que les trois coefficients a, b et c sont des entiers, il faut
et il suffit que le discriminant b2-4ac soit un carré parfait, ie b2-4ac=d2 où
d est un entier naturel, puisque b2-4ac=(X1 -X2)2.
Sans cela, cette méthode ne marche aucunement !

Annexe 2:
Soient a, un entier naturel non nul et b et c deux entiers relatifs. On
pourrait supposer que ces entiers sont premiers entre eux dans leur
ensemble.
Et puisque la tendance pour ces créateurs de contenus pédagogiques
sur les réseaux sociaux privilégient le tâtonnement, pourquoi ne
cherche-t-on pas les racines de ax2+bx+c plutôt sous la forme p/q avec p
un entier relatif et q un entier naturel non nul et premier avec p ?
Ça lève au moins le niveau requis même si ça reste du tâtonnement
quand même !
Ainsi, on sera amené à résoudre dans l'ensemble des couples des
entiers relatifs, l'équation ap2+bpq+cq2=0. (Et voilà que l'arithmétique
s'invite !)
Pour chercher p et q, on commencera par comparer a et c, et on
entamera avec celui qui admet le moins de diviseurs. En supposant que
c'est a, soit q l'un des diviseurs positifs de a. En remplaçant, on
continuera avec p, le bon diviseur de c qui vérifie l'équation. Etc

Exemple : 6x2-11x+3=0
On a: p divise 3 et q divise 6 en étant premiers entre eux.
On commence par 3 et donc p divise 3.
Cas1: p=1
Alors on tombe sur
6-11q +3q2=0 qu'on peut écrire 3(q2+2)-11q=0 et par suite 3 divise q
puisque premier avec 11. Mais q divise 6. Donc q=3 ou q=6.
Vérifions !
Pour q=3, 6-11q+3q2=6-33+27, le compte est bon.
Pour q=6,
6-11q+3q2=6-66+108, cas exclu.
D'où une première solution ⅓.
Cas2: p=3
Alors en remplaçant, on aboutit à 18-11q+q2=0 après avoir simplifié par
3.
D'abord q divise 6 et q premier avec 3. Et donc q=1 ou q=2. En plus,
comme on a q(q-11)=18, q doit être pair, et donc q=2.
Vérifions.
18-11q+q2=18-22+4 ; l'égalité est bien vraie.
D'où une deuxième solution 3/2.


Voir la suite de ce billet où l'on se propose d'étudier d'autres exemples les plus fréquents
sur le Web, autres que les trinômes du second degré …

Farid Mita
Ex-enseignant-formateur au CRMEF de Safi (1986-2015)

Horizon Maths Plus


@horizonmathsplus

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