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Relativité
Générale
L’ESSENTIEL
c 2021 Adelphi Edizioni S.p.A. Milano
c Dunod, 2022 pour la traduction française
11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-084993-2
TABLE DES MATIÈRES
Préambule .......................................................... 11
I Bases 13
II La théorie 81
5 L’action.............................................................. 91
8
TABLE DES MATIÈRES
9 Cosmologie......................................................... 127
9.1 La géométrie à grande échelle de l’univers ........... 131
9.2 Les modèles cosmologiques de base ................... 135
9
PRÉAMBULE
1. Un bon étudiant motivé consulte de nombreux livres sur le même sujet. Deux classiques
que j’utilise toujours comme références sont la : Relativité Générale de Bob Wald orientée mathé-
matiquement, elle met l’accent sur la perspective géométrique et contient beaucoup de matériel
avancé ; et aussi Gravitation et cosmologie de Steven Weinberg, qui met l’accent sur la géométrie.
Parmi les manuels modernes, Espace-temps et géométrie de Sean Carroll et Introduction à la rela-
tivité générale de Lewis Ryder sont beaucoup plus complets que la simple introduction donnée
ici. Un bon texte orienté mathématiquement est Introduction to General Relativit, Black Holes and
Cosmology de Yvonne Choquet-Bruhat. En français, une belle introduction est Relativité générale :
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Cours et exercices corrigés par Aurélien Barrau. Je mentionne ici seulement les quelques livres que
je connais le mieux.
2. Par exemple Thomas A. Moore, A General Relativity Workbook, University Science Books,
Etats-Unis, 2012.
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PREMIÈRE PARTIE
BASES
La relativité générale est notre meilleure théorie actuelle décrivant
(1) l’interaction gravitationnelle et (2) les aspects géométriques de
l’espace et du temps. Le fait que ces deux thèmes aillent ensemble
est un aspect caractéristique du contenu physique de la théorie.
La théorie a été développée par Albert Einstein, avec l’aide de
quelques amis, pendant une dizaine d’années, entre 1907 et 1917.
Elle trouve aujourd’hui de vastes applications en astrophysique et
cosmologie, et quelques applications technologiques, notamment
pour la technologie GPS (Global Positioning System), qui a changé
notre façon de voyager.
La théorie a fait des prédictions étonnantes. Celles-ci incluent
les trous noirs, les ondes gravitationnelles, l’expansion de l’univers,
le décalage gravitationnel vers le rouge et la dilatation du temps.
Elles ont toutes été spectaculairement confirmées par des expé-
riences et des observations. Jusqu’à présent, la théorie n’a reçu que
soutien et n’a jamais été prise en défaut. De nombreuses théories
gravitationnelles alternatives ont été étudiées, mais un siècle d’ob-
servations a constamment favorisé la relativité générale, excluant un
grand nombre d’alternatives. La dernière occurrence en a été la dé-
tection presque simultanée, en 2017, de signaux gravitationnels et
électromagnétiques émis par la fusion de deux étoiles à neutrons ;
cette détection a vérifié avec une précision d’une partie sur 1015 la
prédiction de la relativité générale, selon laquelle les deux signaux
se déplacent à la même vitesse, écartant un grand nombre d’autres
théories qui donnaient des prédictions différentes.
Le domaine de validité de la théorie est limité par le fait qu’elle
ne tient pas compte des effets quantiques. Ceux-ci sont attendus à
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
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1
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1. PHYSIQUE : UNE THÉORIE DES CHAMPS ...
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
temps B
A C
espace
Structure de l’espace-temps intuitif
Deux événements (A et B) se déroulent au même point.
Deux événements (A et C) se déroulent au même moment.
Relativité galiléenne
« Au même point » n’a pas de signification absolue.
B se déroule au même point que A du point de vue de la Terre.
B’ se déroule au même point que A du point de la Galaxie.
C
A
Relativité restreinte
« Au même moment » n’a pas de signification absolue.
C se déroule au même moment que A du point de vue de la Terre.
C’ se déroule au même moment que A du point de la Galaxie.
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1. PHYSIQUE : UNE THÉORIE DES CHAMPS ...
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
1.2. Champs
La relativité restreinte et la loi de Coulomb
Une conséquence de cette découverte est qu’il n’y a aucun sens
à dire qu’une force agit à distance instantanément : le terme
« instantanément », sans qualificatif, n’a aucun sens.
Cela peut sembler contredire la loi de Coulomb, qui stipule que
deux charges e et e , éloignées de r, agissent l’une sur l’autre avec une
force répulsive
e e
F= 2. (1.5)
r
[Avant de poursuivre la lecture, essayez de répondre vous-même à la ques-
tion suivante : comment cette loi peut-elle être compatible avec la relativité
restreinte ?]
Si la loi de Coulomb était une loi universelle, elle serait en contra-
diction avec la relativité restreinte. Mais ce n’est pas le cas : elle n’est
valable que dans la limite statique uniquement, où les charges ne
bougent pas ou se déplacent lentement l’une par rapport à l’autre.
Dans ce cas, elles définissent elles-mêmes le système de référence
dans lequel la loi s’applique.
Pour comprendre pourquoi la validité de la loi de Coulomb ne
peut être universelle, considérez ce qui se passe si nous enlevons ra-
pidement l’une des deux charges. L’autre cesse-t-elle immédiatement
de ressentir la force électrique ?
La réponse est bien sûr négative, car l’information ne voyage
pas plus vite que la lumière : la charge restante continue de res-
sentir la force pendant une durée t = r/c. Pendant ce temps, une
perturbation du champ électromagnétique traverse l’espace entre les
charges, à la vitesse de la lumière, et ce n’est que lorsqu’elle atteint la
deuxième charge que la force agissant sur elle se modifie. Ainsi, la loi
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1. PHYSIQUE : UNE THÉORIE DES CHAMPS ...
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Électromagnétisme Gravitation
ee mm
F= F =G
Limite statique r2 r2
loi de Coulomb loi de Newton
théorie de champs de
Théorie complète relativité générale
Maxwell
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1. PHYSIQUE : UNE THÉORIE DES CHAMPS ...
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2
lées « relatives »), il est pratique de supposer qu’il existe une sorte
d’entité spatialement étendue, qui existe par elle-même, même s’il
n’y a rien d’autre autour, et une sorte d’entité temporellement éten-
due, qui passe en elle-même, même si rien d’autre ne se produit. Il
a appelé « espace absolu » et « temps absolu » ces entités qui existent
par elles-mêmes indépendamment des choses. Nous les appelons
« espace newtonien » et « temps newtonien ».
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2. PHILOSOPHIE : QUE SONT L’ESPACE ET LE TEMPS ?
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
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2. PHILOSOPHIE : QUE SONT L’ESPACE ET LE TEMPS ?
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
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2. PHILOSOPHIE : QUE SONT L’ESPACE ET LE TEMPS ?
Phase 1 : Phase 2 :
L’eau ne tourne pas par rapport à l’espace absolu. L’eau tourne par rapport à ’espace absolu.
Elle tourne par rapport au seau. Elle ne tourne pas par rapport au seau.
La surface n’est pas concave. La surface est concave.
Figure 2.2 Argument de Newton pour l’existence de l’espace absolu : l’effet phy-
sique (la concavité de la surface de l’eau) est dû à la rotation par rapport à l’espace
absolu, et non à la rotation relative par rapport au récipient.
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
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2. PHILOSOPHIE : QUE SONT L’ESPACE ET LE TEMPS ?
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
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MATHÉMATIQUES :
LES ESPACES COURBES
c c
b
c
b a b
a
a
Figure 3.1 À gauche : un triangle sur une surface plane. Au centre : un triangle
sur une surface courbe. À droite : un triangle sur une sphère. La surface du panneau
central et la sphère sont toutes deux extrinsèquement courbes, mais la première est
intrinsèquement plate, tandis que la seconde est intrinsèquement courbe.
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Géométrie intrinsèque
La « géométrie intrinsèque » d’une surface est la géométrie définie
par la longueur des lignes dessinées sur elle. Si cette géométrie est
la même que celle des lignes sur un plan, on dit que la surface est
« intrinsèquement plate », elle n’a pas de « courbure intrinsèque ».
Si, au contraire, la géométrie définie par ces lignes est différente de
la géométrie des lignes d’un plan, nous disons que la géométrie est
« intrinsèquement courbe », ou qu’il y a une « courbure intrinsèque ».
L’importance de cette intuition de Gauss est que de cette ma-
nière, nous pouvons parler de la « courbure » d’une surface en
utilisant uniquement la géométrie des distances sur la surface elle-
même, sans avoir besoin de regarder comment la surface est intégrée
dans un espace plus grand. C’est exactement ce que nous allons faire
en relativité générale.
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
donne une définition qui utilise le plongement, et prouve qu’elle est indé-
pendante du plongement. La définition de Gauss est extrêmement belle :
tout point p d’une surface plongée dans R 3 détermine une direction
np perpendiculaire à en p ; étant donné une région R ⊂ , l’ensemble
des directions np , pour tous les p ∈ R, dessine une région R0 de la sphère
de rayon unitaire de toutes les directions possibles. La courbure de en
p est alors définie comme la limite, pour une petite surface, du rapport
des surfaces de R0 et de R. Gauss a appelé Teorema Egregium, ce qui signi-
fie « théorème remarquable, ou exceptionnel », le théorème affirmant que
cette courbure est indépendante de l’immersion. Ce théorème est la base
conceptuelle des mathématiques de la relativité générale : la courbure est
un concept indépendant de l’immersion.
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
: x a → X I (x a ). (3.4)
z = cos θ. (3.6)
x̃ a = x̃ a (x a ). (3.8)
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Figure 3.3 Une surface incurvée : la surface de l’astéroïde Rosetta. Il n’existe pas
de coordonnées « naturelles » pour cette surface.
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
Y Y
X X
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
Inversion
Si les quantités x a sont de bonnes coordonnées autour de p, le dé-
terminant du Jacobien, et donc le déterminant de la matrice 2x2
que forment les eai ne s’annule pas. On peut donc considérer la ma-
trice inverse, que l’on note eia (indices permutés). C’est bien sûr le
Jacobien de la transformation inverse : des coordonnées cartésiennes
vers les coordonnées arbitraires
∂x a (X i )
p
eia = . (3.10)
∂Xpi i
Xp =0
Figure 3.5 Un repère mobile orthonormé, ou diade, est un choix de deux vecteurs
tangents orthonormés eia (x) = (e1 (x), e2 (x)), en chaque point de la surface. La
connaissance de ce champ sur la surface est suffisante pour déterminer sa géométrie
intrinsèque, sans avoir besoin de savoir comment la surface s’inscrit dans un espace à
trois dimensions.
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
(Ne pas confondre les coordonnées θ, φ où le champ est calculé avec les
coordonnées θ , φ dans le voisinage de ce point.)
La jauge SO(2)
La définition du repère conserve une certaine liberté, car les coor-
données cartésiennes ne sont pas uniques sur chaque plan tangent.
Pour un point p donné, de coordonnées x a , nous pouvons choisir
différentes coordonnées cartésiennes X̃ i . Deux d’entre elles sont re-
liées par X̃ i = Rji X j , où R est une matrice de rotation du groupe
SO(2). Il est clair qu’un changement de repère modifie la codiade
j
comme : eai → Rji ea . Et puisque nous pouvons choisir les systèmes
cartésiens arbitrairement en chaque point, c’est le champ de codiade
entier que l’on peut changer comme
j
eai (x) → Rji (x) ea (x). (3.13)
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
∂X i (x a ) a
dX i = dx = eai (x) dx a , (3.14)
∂x a
et leur distance ds s’exprime en fonction des coordonnées carté-
siennes, comme
La métrique
Il est pratique d’écrire (3.16) sous la forme
où
j
gab (x) = eai (x) eb (x) δij . (3.18)
Le champ gab (x) est appelé la métrique de Riemann, ou simplement
la « métrique » de la surface . Elle est manifestement symétrique
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
L[γ ] = gab (x(τ )) ẋ ẋ dτ ≡
a b gab ẋ a ẋ b dτ . (3.21)
Angles
La métrique permet également de calculer les angles entre vecteurs
de la surface. Un vecteur V , en un point x a de la surface, est un
vecteur de l’espace tangent en x a . Si ses composantes par rapport aux
coordonnées cartésiennes X i sont V i , ses composantes par rapport
aux coordonnées générales x a sont données par
V a ≡ eia (x)V i . (3.22)
Entre deux vecteurs de l’espace tangent en un point p, de longueurs
unité, et de composantes V i et W i en coordonnées cartésiennes X i ,
l’angle θ est donné par la géométrie élémentaire :
cos θ = V · W = δij V i W j . (3.23)
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
∂x b j
eai (x) → ẽai (x̃) = e (x(x̃)) ; (3.29)
∂ x̃ a b
et le champ métrique change comme suit
∂x a ∂x b
gab (x) → g̃cd (x̃) = gab (x(x̃)). (3.30)
∂ x̃ c ∂ x̃ d
Deux métriques liées par cette transformation décrivent la même
surface, dans des coordonnées différentes. Par conséquent, ce qui
importe pour la géométrie de la surface n’est pas le champ gab (x),
mais plutôt la classe d’équivalence de ces champs sous l’équivalence
définie par (3.30). Ces classes d’équivalence sont appelées géomé-
tries à deux dimensions. Par exemple, une sphère (métrique) est une
géométrie bidimensionnelle, et elle peut être décrite par différents
gab (x).
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
r 2 dr 2 dr 2
ds2 = dr 2 + r 2 dφ 2 + = + r 2 dφ 2 , (3.44)
1 − r2 1 − r2
où r ∈ [0, 1]. Si nous changeons de coordonnées en introduisant r = sin θ,
nous obtenons (3.34).
Remarquez que les coordonnées (r, φ) dans (3.44) se comportent mal
sur l’équateur r = 1, où la composante grr (r, φ) de la métrique devient infi-
nie. Il s’agit d’un exemple de « singularité de coordonnées » : une divergence
de la métrique qui reflète un mauvais comportement des coordonnées,
et non quelque chose de particulier qui se produirait dans la géométrie
réelle de l’espace. Le problème peut être résolu en changeant simplement
de coordonnées (ici : r → θ).
La 3-sphère
La 2-sphère est un espace 2d homogène (tous les points ont les mêmes
propriétés) et isotrope (toutes les directions en tout point ont les mêmes
propriétés), de volume fini, et sans frontières. L’espace 3d homogène et
isotrope, de volume fini et sans frontières, est appelé « 3-sphère ».
Pour écrire la métrique de la 3-sphère, nous pouvons suivre la même
procédure que celle utilisée ci-dessus pour dériver la métrique de la 2-
sphère, mais dans une dimension supérieure. La 3-sphère est l’hypersurface
définie par
X 2 + Y 2 + Z2 + U2 = 1 (3.45)
dans un espace euclidien à quatre dimensions, de métrique
ds2 = dX 2 + dY 2 + dZ 2 + dU 2 . (3.46)
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
dr 2
3-sphère unité : ds2 = + r 2 (dθ 2 + sin2 θ dφ 2 ). (3.49)
1 − r2
En termes de coordonnées toutes angulaires (en utilisant r = sin ψ) cela
devient
3-sphère unité : ds2 = dψ 2 + sin2 ψ (dθ 2 + sin2 θ dφ 2 ), (3.50)
où ψ ∈ [0, π], θ ∈ [0, π], φ ∈ [0, 2π]. La métrique d’une sphère plus
grande est simplement obtenue en multipliant les composantes du tenseur
métrique par une constante positive a2 . C’est-à-dire
dr 2
3-sphère : ds2 = a2 + r 2 (dθ 2 + sin2 θ dφ 2 ) , (3.51)
1 − r2
et la quantité a est appelée le rayon.
Une façon de visualiser la 2-sphère conventionnelle consiste à dessiner
deux disques égaux (l’hémisphère nord et l’hémisphère sud) collés par
leur frontière commune (l’équateur : un cercle). Une façon de visualiser
une 3-sphère est d’imaginer deux boules égales (les hémisphères nord et
sud) collées par leur limite commune (l’équateur : une 2-sphère). Voir la
figure 3.6.
Figure 3.6 À gauche : une 2-sphère est obtenue en collant deux disques selon leur
frontière commune (un cercle). Au centre : une 3-sphère est obtenue en collant deux
boules par leur limite commune (une 2-sphère). À droite : l’univers décrit par Dante
est une 3-sphère.
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
Dante Alighieri
Pour autant que je sache, la première visualisation d’une 3-sphère se trouve
dans un poème du Moyen Âge, la Divine Comédie du plus grand poète ita-
lien Dante Alighieri. Dante dépeint l’univers comme formé de deux boules
collées par leur frontière commune : la première est centrée sur la Terre, et
délimitée par la sphère des étoiles fixes. Dans l’autre, Dieu siège au centre,
des sphères d’anges l’entourent, et elle est également délimitée par la même
sphère des étoiles fixes. Selon les mots de Dante, les deux boules « s’en-
tourent l’une l’autre », comme c’est précisément le cas pour une 3-sphère.
Voir la figure 3.6.
Brunetto Latini
Il est surprenant que Dante ait pu, au XIVe siècle, avoir l’intuition de
l’existence de cet objet mathématique, mais deux considérations rendent
ce fait un peu plus plausible. La première est que, avant Newton, l’idée
d’un espace infini avec la structure métrique de la géométrie euclidienne
59
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
3.2.1. Géodésiques
Les lignes de plus court chemin entre deux points donnés, à savoir
les lignes « intrinsèquement droites », sont appelées « géodésiques ».
Elles jouent, en géométrie riemannienne, le même rôle que les
droites en géométrie euclidienne. Elles sont définies par le fait
que, parmi toutes les courbes ayant les mêmes extrémités, elles
minimisent (3.21).
L’équation géodésique
Les géodésiques satisfont une équation locale, appelée équa-
tion géodésique, qui joue un rôle central en relativité générale.
60
3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
(3.54)
Il est commode de paramétrer la courbe γ avec un paramètre
τ égal à la longueur, c’est-à-dire de poser dτ = ds. Avec cette
paramétrisation,
|ẋ| = gab ẋ a ẋ b = 1, (3.55)
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RELATIVITÉ GÉNÉRALE
ẍ d + ab
d ẋ a ẋ b = 0 (3.59)
où le champ ab
d est défini par
d = 1 g dc ∂ g + ∂ g − ∂ g
ab 2 a cb b ca c ab . (3.60)
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3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
Champs vectoriels
Si la définition des champs scalaires sur un espace de Riemann est
immédiate, celle des champs vectoriels est plus délicate. La raison
en est qu’un vecteur en un point p, d’une surface immergée dans
R 3 , appartient à l’espace Tp , tangent à en p. Cet espace tangent est
un plan dans l’espace R 3 dans lequel est plongée. Mais un espace
de Riemann est défini indépendamment de tout plongement. Alors,
qu’est-ce qu’un vecteur en un point de l’espace ?
La définition du champ vectoriel que l’on trouve couramment
dans les manuels de physique est un peu tordue. Je vais commencer
par deux exemples.
Premier exemple. Considérons les quantités wa (x) définies comme
les dérivées d’un champ scalaire :
∂ϕ(x)
wa (x) ≡ . (3.62)
∂x a
Il est facile de voir, en utilisant la règle de Leibniz pour la dérivation
[faites-le !], que dans des coordonnées différentes, cela donne
∂x b
w̃a (x̃) = a wb (x(x̃)). (3.63)
∂ x̃
Tout champ qui, sous un changement de coordonnées, se transforme
comme wa est appelé un champ vectoriel covariant. Il est indiqué par
un indice en bas.
Deuxième exemple. D’autre part, imaginons un flux de parti-
cules se déplaçant dans l’espace, avec en chaque point x une vitesse
a
va (x) = dxdt . Si nous changeons de coordonnées, la règle de Leibniz
donne maintenant [faites-le !]
∂ x̃ a b
ṽa (x̃) = v (c(x̃)), (3.64)
∂x b
ce qui est différent de (3.63) (les nouvelles coordonnées sont en haut
dans le Jacobien, pas en bas). Tout champ qui se transforme comme
63
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Champs tensoriels
Par définition, un « tenseur » est un champ avec des indices en bas
(qui se transforment comme dans (3.63)) et des indices en haut (qui
se transforment comme dans (3.67)).
∂ x̃ a ∂x d c...
T̃ a... b... (x̃) = ... T̃ d ... (x(x̃)) ; (3.65)
∂x c ∂ x̃ b
La métrique gab est un tenseur : (3.30) est un cas particulier de
(3.65).
Une équation entre tenseurs est appelée une équation tensorielle.
Si une équation tensorielle est valable dans un système de coordon-
nées, elle le reste dans tous les systèmes de coordonnées, car puisque
la transformation d’un tenseur est linéaire, un tenseur qui disparaît
dans un système de coordonnées disparaît dans tous les systèmes de
coordonnées.
Attention : tous les champs avec indices ne sont pas des tenseurs.
Par exemple, le symbole de Christopher bc a n’est pas un tenseur.
64
3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
maladroite. Aussi, pour une fois, je préfère mentionner une définition plus
propre donnée par les mathématiciens.
Intuitivement, l’espace tangent est l’espace des « directions avec une
longueur » au point considéré. Pour rendre cette notion précise, le mathé-
maticien définit un vecteur (contravariant) v, en un point p, comme un
opérateur de dérivation agissant sur les champs scalaires ϕ(x) en p, qui me-
sure l’intensité de son changement selon une certaine direction. Sa forme
générale, en termes de coordonnées x a , est la suivante
a ∂
v≡v , (3.66)
∂x
a
xp
65
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
La dérivée covariante
Les tenseurs sont importants car une équation entre tenseurs vraie
dans un système de coordonnées est vraie dans tout autre système de
coordonnées. Une telle relation ne dépend donc pas d’un système de
coordonnées particulier.
Il est important de noter qu’en général, les dérivées des com-
posantes d’un tenseur ne forment pas un tenseur. Par exemple, les
∂va
quantités ∂a vb ≡ ∂x b ne sont pas les composantes d’un tenseur. Ceci
est dû au fait que la dérivée du tenseur transformé inclut éga-
∂ x̃ a
lement la dérivée du jacobien ∂x b , qui en général n’est pas une
constante. Cependant, un calcul explicite [faites-le !] peut montrer
que la quantité
Da vb ≡ ∂a vb + ac b c
v (3.68)
est bien un tenseur, que l’on appelle la « dérivée covariante » de va .
La dérivée covariante d’un tenseur covariant est définie avec un signe
moins :
c
Da wb ≡ ∂a wb − ab wc . (3.69)
Et la dérivée covariante d’un tenseur à plusieurs indices comporte
un tel terme pour chaque indice. Par exemple,
Da wb c ≡ ∂a wb c + ad
b d d b
w c − ac w d. (3.70)
La dérivée covariante est une notion indépendante des coordon-
nées. Si un champ tensoriel T b a = Da vb est la dérivée covariante
du champ vectoriel va dans un système de coordonnées, il l’est dans
tout système de coordonnées. Ce n’est pas vrai pour une relation
comme ∂a vb = Tab .
Si un vecteur a une dérivée covariante nulle le long d’un chemin
γ , ce qui s’exprime comme γ̇ a Da vb = 0, l’angle entre le vecteur et la
tangente au chemin reste constant le long du chemin. Ceci découle
directement du fait que cette équation ne dépend pas des coordon-
nées, et qu’elle est vraie en coordonnées localement cartésiennes.
Nous disons qu’un tel vecteur est « transporté parallèlement » le
long du chemin. Ce résultat clarifie la signification de bc a : il nous
66
3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
Da gbc = 0. (3.71)
définit une géométrie plate, car dans ce cas les distances sont données
par
ds2 = δab dX a dX b , (3.73)
ce qui signifie que les coordonnées X a sont les coordonnées car-
tésiennes d’un espace euclidien. Mais si nous introduisons de
nouvelles coordonnées x a , la métrique résultante
∂X c ∂X d
gab (x) = δcd (3.74)
∂x a ∂x b
est également plate, puisque la géométrie intrinsèque ne change pas
en changeant les coordonnées. Comment savoir si un gab (x) donné
définit une géométrie intrinsèque plate ?
Pour répondre à cette question, calculons le commutateur de
deux dérivées covariantes agissant sur un champ vectoriel [faites-le !].
On obtient
Da Db vc − Db Da vc = R c dab vd . (3.75)
où
R a bcd = ∂c bd
a − ∂ a + a e − a e .
d bc ce bd de bc (3.76)
67
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
68
3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
La déviation géodésique
Considérons deux géodésiques proches momentanément parallèles,
ce qui veut dire que la dérivée de leur distance est nulle. Dans un
espace plat, ce sont des lignes droites parallèles, et elles ne se rap-
prochent donc jamais. Dans un espace-temps riemannien, comme
une sphère, ce n’est évidemment plus vrai. Si on appelle δx a leur sé-
paration, ẋ a la tangente et Dvb /Dτ = dvb /dτ + ẋ a ac
b vc la dérivée
D2 a
2
δx = R a bcd δx c ẋ b ẋ d . (3.77)
Dτ
Cela montre que la courbure de Riemann capture précisément la
convergence des géodésiques dans l’espace courbe.
69
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
sont les seuls tenseurs que l’on peut construire à partir de la métrique
et de ses dérivées premières et secondes. Le premier est appelé le
tenseur de Ricci, le second est appelé le scalaire de Ricci, du mathé-
maticien italien Gregorio Ricci-Curbastro. Comme nous le verrons,
ils jouent un rôle en relativité générale.
Enfin, un calcul explicite montre que le tenseur de Riemann
vérifie les identités différentielles
De R abcd + Dd R abec + Dc R abde = 0. (3.79)
Elles sont appelées les identités de Bianchi et sont l’analogue
de l’identité ∂e Fcd + ∂d Fec + ∂c Fde = 0, vérifiée par le tenseur de
Maxwell.
Formes différentielles
Les formes différentielles offrent un langage mathématique alternatif pra-
tique pour la relativité générale. Elles simplifient la notation, et offrent une
perspective mathématique utile. Je les présente ici par souci d’exhaustivité,
même si je ne les utiliserai pas beaucoup.
Un tenseur covariant Tabc... , avec ses p indices entièrement antisymé-
triques, est également appelé une p-forme différentielle, et notée de manière
compacte
1
T = Tabc... dx a ∧ dx b ∧ dx c ... (3.80)
p!
où dx a ∧ dx b ≡ dx a dx b − dx b dx a . La dimension d requiert 0 ≤ p ≤ d,
puisqu’il n’existe pas de tenseur entièrement antisymétrique avec plus
de d indices. Le produit extérieur V = T ∧ U , d’une p-forme avec une
(p + q) !
q-forme, donne le tenseur Vabc...def ... = T[abc... Udef ...] , antisymé-
p!q!
trique dans tous les indices. Par exemple le produit extérieur de T = Ta dx a
par S = Sa dx a s’écrit
70
3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
F ≡ T ∧ S = (Ta Sb − Tb SA ) dx a ∧ dx b . (3.81)
L’opérateur différentiel d, défini par son action sur une p-forme,
(dT ) = (p + 1) ∂a Tbcd... dx a ∧ dx b ∧ dx c ∧ dx d ... (3.82)
transforme une p-forme en une p + 1-forme, et satisfait l’équation fonda-
mentale
d2 = 0 (3.83)
[montrez-le !]. Les fonctions scalaires sont des 0-formes et les vecteurs
covariants sont des 1-formes. En trois dimensions, les 2-formes sont
des vecteurs polaires et les opérateurs gradient, courbure et divergence
sont les opérateurs d agissant respectivement sur les 0-, 1- et 2-formes
[montrez-le !]. Ainsi, ce langage apporte de l’ordre dans la structure bizarre
du calcul vectoriel.
L’intégrale d’une p-forme T sur une surface p-dimensionnelle p
I= T≡ Tabc... dx a dx b dx c ... (3.84)
p p
ne dépend pas des coordonnées. C’est donc une quantité bien définie
géométriquement. Un théorème important généralise plusieurs résultats
similaires du calcul vectoriel en 3d :
dω = ω, (3.85)
∂
où ω est une p-forme, une (p + 1)-surface et ∂ sa frontière.
Le champ de cotétrade eai définit les 1-formes
ei = eai dx a . (3.86)
Les 1-formes sont duales aux vecteurs, dans le sens où elles se contractent
avec des vecteurs pour donner un nombre : T (v)(x) ≡ Ta (x) va (x).
L’équation géodésique, en notation de formes, se lit
d i
e (ẋ) + ωi j (ẋ) ej (ẋ) = 0, (3.87)
dτ
où ωij est une 1-forme appelée la connexion de spin, définie par l’équation
dei + ωi j ∧ ej = 0. (3.88)
La connexion de spin définit une dérivée covariante sur des tenseurs à
indices internes
Da vi ≡ ∂a vi + ωi j vj , (3.89)
71
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Géométrie de Cartan
Le mathématicien Élie Joseph Cartan a défini une extension de la géomé-
trie riemannienne, aujourd’hui appelée géométrie de Cartan. Elle est définie
par deux champs indépendants ei et ωij . Puisqu’ils sont indépendants,
(3.88) ne tient pas. Au lieu de cela, nous pouvons définir une quantité,
appelée torsion par
T i = dei + ωi j ∧ ej . (3.92)
Les deux équations (3.92) et (3.90) définissent la torsion et la courbure.
Elles sont appelées première et deuxième équations de structure de Cartan.
Une géométrie de Cartan à torsion nulle est une géométrie de Riemann.
L’extension de la géométrie de Riemann à une géométrie de Cartan
est souvent envisagée lors de l’étude du couplage du champ gravitationnel
aux fermions, mais elle n’a jusqu’à présent joué aucun rôle direct dans les
applications physiques.
72
3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
73
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
3.3. Géométrie
Considérons un espace 3d, muni d’un champ triade eai (x) et d’une
métrique gab (x). Les grandeurs géométriques peuvent être exprimées
comme suit.
Comme nous l’avons déjà vu, la longueur d’une ligne γ définie
par x a (τ ) est
dx a dx b
L[γ ] = gab dτ = ei (ẋ)ej (ẋ)δij dτ . (3.105)
γ dτ dτ γ
= i E i ẋ a x̂ b ẋ c x̂ d dσ dτ
Eab cd
S
≡ |E|, (3.108)
S
où la 2-forme
1
E i = Eab
i
dx a ∧ dx b = ijk ej ∧ ek (3.109)
2
74
3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
75
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
76
3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
Coordonnées de Rindler
Sur un espace-temps à deux dimensions, avec les coordonnées de
Minkowski t, x, et la métrique ds2 = −dt 2 + dx 2 , il existe un analogue im-
portant de la description en coordonnées polaires pour un espace-temps :
les coordonnées τ ∈ [−∞, ∞], ρ ∈ [0, ∞] définies par
ds2 = dρ 2 − ρ 2 dτ 2 . (3.113)
77
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
x = t que lorsque τ tend vers l’infini. Cette métrique ne couvre donc pas
tout l’espace-temps. La portion couverte est délimitée par deux lignes dis-
tinctes : le rayon lumineux nul sortant, x = t > 0, et le rayon lumineux
nul entrant, x = −t > 0. Ce rappel sera très utile lors de l’étude des trous
noirs.
Coordonnées nulles
Dans les espaces lorentziens, il est parfois utile d’utiliser des coordon-
nées nulles. Ce sont des coordonnées qui suivent les rayons lumineux.
Par exemple dans un espace-temps de Minkowski 2d, de métrique ds2 =
−dt 2 + dx 2 , on peut introduire les coordonnées nulles
U = t − x, V = t + x. (3.114)
Il est clair que U = constant et V = constant sont des lignes nulles, suivies
par des rayons lumineux. En les différenciant, et en insérant dans l’élément
de longueur, nous obtenons
où r = r(U , V ) = (V − U )/2.
Les coordonnées nulles qui couvrent uniquement le quadrant de
Rindler sont données par
78
3. MATHÉMATIQUES : LES ESPACES COURBES
U u V v
0
=
∞
U
=
u v
= 0
V
−∞
=
Figure 3.9 Les coordonnées nulles U , V couvrent l’espace-temps de Minkowski
complet. Les coordonnées nulles u, v couvrent uniquement le quadrant de Rindler (en
gris).
et
ds2 = −du2 + 2du dr + r 2 d2 . (3.120)
Des coordonnées analogues à celles-ci joueront également un rôle dans la
compréhension de la géométrie des trous noirs.
Coordonnées de rotation
Considérons une plate-forme tournant lentement avec une vitesse angu-
laire ω. Soit t, r, φ les coordonnées temporelles et spatiales polaires. La
métrique dans ces coordonnées est
79
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
80
DEUXIÈME PARTIE
L A THÉORIE
4
être trouvée dans la littérature : avoir gab (x) sans dimension et insister
pour attribuer des dimensions aux coordonnées. Cela peut se justifier avec
les coordonnées orthonormées de la métrique de Minkowski. Cela l’est
beaucoup moins, par exemple, si l’on utilise des coordonnées polaires.
Important. La relation des règles et des horloges avec gab (x) n’a pas be-
soin d’être postulée, comme on le dit parfois : elle découle de la dynamique
de ces dispositifs physiques, couplés au champ gravitationnel. En fait, les
tiges et les horloges ne sont que ces dispositifs qui se couplent à la gravité
en mesurant ds. Ce point est important sur le plan conceptuel : la géomé-
trie n’est pas un a-priori kantien, nécessaire à la conception du monde : la
géométrie est un épiphénomène du champ gravitationnel.
84
4. LES ÉQUATIONS DE BASE
ẍ d + ab
d a b
ẋ ẋ = 0 (4.5)
d 1
ab = g dc ∂a gcb + ∂b gca − ∂c gab . (4.6)
2
Le deuxième terme de l’équation géodésique (4.5) peut être consi-
déré comme le « terme de force gravitationnelle », ou comme l’effet
de la géométrie de l’espace-temps sur le mouvement. Les deux
notions sont identifiées. Une particule se déplaçant le long d’une
géodésique est dite en « chute libre ». Si d’autres forces agissent sur
la particule, elles s’ajoutent à (4.5). Par exemple, si la particule est
chargée,
e
ẍ d + ab
d a b
ẋ ẋ − F d a ẋ a = 0, (4.7)
m
où Fab est le champ électromagnétique.
La trajectoire des rayons lumineux est simplement déterminée
par ds = 0. Autrement dit, les rayons lumineux (trajectoires des
fronts d’ondes électromagnétiques dans la limite des hautes fré-
quences) se déplacent le long de lignes nulles : leurs lignes d’univers
x a (τ ) vérifient
ds
= |ẋ| = gab (x) ẋ a ẋ b = 0. (4.8)
dτ
L’effet de la gravité sur tout autre système (en dehors des parti-
cules) peut être obtenu en remplaçant ηab par gab (x) et les dérivées
∂a par les dérivées covariantes Da dans les équations du mouvement
85
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Da F ab = ∂a F ab + ad
a db b ad
F + ad F = 4π J b . (4.9)
L’interaction avec un champ de Dirac ne peut pas être écrite en
termes de métrique, elle nécessite la tétrade. Pour cette raison, le
formalisme de la tétrade, bien qu’historiquement plus tardif, est plus
fondamental. L’équation de Dirac en présence de gravité devient
jk
γ i eia (∂a ψ + ωa γj γk ψ) = 0, (4.10)
où les γi sont les matrices de Dirac. La notation peut être rendue
compacte comme suit
/ = 0.
Dψ (4.11)
86
4. LES ÉQUATIONS DE BASE
87
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
89
5
L’ACTION
L’action d’Einstein-Hilbert
Toutes les équations dynamiques de la section précédente dé-
coulent d’un principe d’action. Quelques semaines, ou peut-être
même quelques jours, après qu’Einstein eut terminé les équations
de champ, David Hilbert, qui était en compétition avec Einstein
pour compléter la théorie, a trouvé une action à partir de laquelle les
équations d’Einstein peuvent être dérivées. Elle est très simple :
1
S[g] = −g (R − 2λ) d 4 x, (5.1)
16πG
avec g = det(gab ). La dérivation des équations de champ à partir de
la variation de cette action est rapportée dans de nombreux ouvrages
et je ne la reproduirai pas ici.
Les mêmes équations de champ peuvent également être dérivées en no-
tation avec des formes, en considérant le champ de triade e et la connexion
de spin ω comme variables indépendantes, en écrivant l’action
S[e, ω] = ijkl R ij ∧ ek ∧ el (5.2)
Explicitement
dx a (τ ) dx b (τ )
S[x] = m gab (x(τ )) dτ . (5.5)
dτ dτ
Remarquez que la trajectoire physique est un maximum de l’action
(comme cela est clair dans le cas de Minkowski) : la trajectoire iner-
tielle est la trajectoire où une horloge mesure la plus longue durée
entre deux points de l’espace-temps.
L’action de tout système interagissant avec la gravité s’obtient à
partir de l’action du système en relativité restreinte, en remplaçant
92
5. L’ACTION
93
6
SYMÉTRIES
ET INTERPRÉTATION
Symétrie
D’un point de vue mathématique, la liberté de choisir les coordon-
nées se traduit par une sous-détermination de l’évolution dans les
équations de champ. Si gab (x) est une solution des équations d’Ein-
stein, il en va de même pour g̃ab (x) définie dans (3.30), que je répète
ici pour être complet :
∂x a ∂x b
gab (x) → g̃cd (x̃) = gab (x(x̃)), (6.1)
∂ x̃ c ∂ x̃ d
pour toute fonction lisse inversible x a (x̃). Il s’agit d’une symé-
trie de la théorie. On l’appelle covariance générale, ou invariance
par difféomorphisme, selon la façon dont on la considère (voir
ci-dessous).
La jauge
Si le changement de coordonnées x a → x̃ a (x) se réduit à l’iden-
tité antérieurement à un certain temps, on voit immédiatement
que le même champ gravitationnel peut évoluer dans le futur en
deux métriques différentes (gab et g̃ab ), en respectant les équations
d’Einstein dans les deux cas. Cela ne signifie pas que la théorie est
indéterministe. Cela signifie seulement que la symétrie (6.1) doit
être interprétée comme une invariance de jauge : c’est-à-dire que
les solutions des équations d’Einstein liées par (6.1) décrivent le
même espace-temps physique. Dans les applications, nous verrons
explicitement comment différentes métriques décrivent en fait la
même physique.
96
6. SYMÉTRIES ET INTERPRÉTATION
L’indépendance du fond
L’invariance par difféomorphisme reflète le fait qu’en relativité géné-
rale, il n’existe pas d’« espace-temps de fond » fixe, par rapport auquel
les événements seraient localisés.
Ceci est dû au fait que la transformation (6.1) peut être interpré-
tée de deux manières différentes :
1. Covariance générale (ou « vision passive »). La carte x a →
x̃ a (x) peut être interprétée comme un changement de co-
ordonnées, c’est-à-dire comme un simple réétiquetage des
points : le point de coordonnées x a est étiqueté avec de
nouvelles coordonnées x̃ a . Interprétée de cette manière, la
symétrie (6.1) est appelée covariance générale.
2. Invariance par difféomorphisme (ou « vision active »).
Alternativement, la carte x a → x̃ a (x) peut être interprétée
comme définissant une application M , de la variété vers
elle-même. Dans ce cas, les coordonnées ne changent pas,
mais l’application envoie le point p de coordonnées x a
vers le point différent p̃ = M (p), de coordonnées x̃ a (x).
Vu de cette manière, les coordonnées n’ont aucune perti-
nence. Dans un langage indépendant des coordonnées, une
métrique riemannienne g attribue une distance dg (p, q) à
97
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
98
6. SYMÉTRIES ET INTERPRÉTATION
P P
Q Q
99
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Figure 6.2 Laquelle des deux horloges mesure le temps réel ? Laquelle mesure le
temps le plus long ?
100
6. SYMÉTRIES ET INTERPRÉTATION
par l’horloge dans votre main, et T2 le temps propre mesuré par l’horloge
lancée. Question : la théorie nous dit-elle comment évolue T1 en fonction
du temps propre T2 , ou plutôt comment évolue T2 en fonction du temps
propre T1 ? La question n’a aucun sens car il n’existe aucun « temps réel ».
La théorie nous indique la relation entre ces deux grandeurs.
101
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
102
TROISIÈME PARTIE
APPLICATIONS
7
L A LIMITE NEWTONIENNE
106
7. LA LIMITE NEWTONIENNE
φ = 4πGρ, (7.6)
où = ∂ 2 /∂x 2 + ∂ 2 /∂y2 + ∂ 2 /∂z 2 est l’opérateur de Laplace.
C’est précisément l’équation (de Poisson) satisfaite par le potentiel
newtonien ! Pour une masse M concentrée à l’origine, cela donne
le potentiel φ = −GM /r [Montrez que cela satisfait (7.6)] et donc
la force (1.6) entre deux masses. Ainsi, la relativité générale resti-
tue la gravitation universelle newtonienne complète, dans la limite
statique du champ faible.
Autour d’une masse M , le potentiel newtonien est φ = − GM r , où
r est la distance à la masse. Par conséquent, dans cette approxima-
tion, la géométrie de l’espace-temps autour de cette masse est donnée
par la métrique
2GM
ds2 = − 1 − c 2 dt 2 + dx 2 + dy2 + dz 2 , (7.7)
c2r
dans laquelle j’ai réintroduit c = 1 (d’une manière fixée par l’analyse
dimensionnelle). À la surface de la Terre, M = M⊕ et r = r⊕ , et cela
donne
2GM⊕ 2×6.67×10−8 cm3 /gs2 ×5.972×1024 kg
= ∼1.3×10−9 .
c 2 r⊕ (3×108 m/s)2 ×6, 371 km
(7.8)
Par conséquent, la correction à la métrique de Minkowski dans
notre environnement est de l’ordre du milliardième. Comme le
montrent les équations de ce paragraphe, c’est suffisant pour pro-
voquer la chute des corps : celle-ci correspond aux géodésiques de
cette métrique aussi légèrement altérée.
107
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
altitude
t temps
Figure 7.1 Le temps passe plus vite en altitude : deux horloges égales sont séparées
et maintenues à des altitudes différentes. Lorsqu’elles sont remises ensemble, celle du
bas retarde par rapport à l’autre.
108
7. LA LIMITE NEWTONIENNE
109
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
sans aucun effet physique. Ce qui compte ici est le gradient de φ(x) et,
multiplié par le déplacement h considéré, cela donne la valeur la plus faible.
Exercice : le GPS
Le système de positionnement global (GPS) fonctionne avec des hor-
loges de précision embarquées à bord de satellites en orbite autour de la
Terre. Une horloge embarquée tourne plus vite que les horloges terrestres,
en raison de la dilatation du temps indiquée par la relativité générale étu-
diée dans ce chapitre. Mais comme une horloge en orbite se déplace par
rapport à la Terre, elle tourne aussi plus lentement à cause de la dilatation
temporelle de Lorentz. Les deux effets, de signes opposés, dépendent dif-
féremment de l’altitude. Il pourrait donc y avoir une altitude où les deux
effets s’annulent. Trouvez cette altitude !
Solution. A une distance r du centre de la Terre, un satellite a une ac-
célération gravitationnelle a = GM /r 2 . En supposant son orbite circulaire,
cette accélération est compensée par l’accélération centrifuge a = v2 /r.
Donc GM /r 2 = v2 /r si bien que la vitesse à l’altitude r est v2 = GM /r.
La dilatation temporelle cinématique, donnée par la relativité restreinte
comme (1.4), vaut
1 v2 1 GM
TRR /T = 1 − γ = 1 − 1 − v2 /c 2 ∼ 2 = . (7.13)
2c 2 rc 2
La dilatation temporelle gravitationnelle est donnée par la relativité géné-
rale ; mais pas par la formule (7.10), car un satellite orbite en dehors de
l’approximation où le potentiel newtonien est gh. Le potentiel newtonien
est plutôt φ = GM /r. Par conséquent, (7.10) devient
110
7. LA LIMITE NEWTONIENNE
t
GM
Tup = (1 + 2φ)dt 2 ∼ (1 + φ)t = 1 − t > Tdown
0 r
(7.14)
GM
= 1− t,
R
où R est l’altitude de l’horloge inférieure, soit ici le rayon de la Terre. Il
s’ensuit que
Tup − Tdown GM GM
TRG /T = = 2 − 2. (7.15)
Tdown rc Rc
Les deux dilatations temporelles s’équilibrent lorsque
1 GM GM GM
− = 2 − 2. (7.16)
2 rc 2 rc Rc
ce qui donne
3
r = R. (7.17)
2
Le rayon de la Terre étant de ∼ 6000km, l’altitude de l’orbite où la
dilatation temporelle disparaît est de h = r − R ∼ 3000km. Sur des orbites
plus basses, la vitesse orbitale est plus élevée, et l’effet cinématique (rr) est
donc plus fort, tandis que l’effet gravitationnel (relativité générale) est plus
faible, car la différence de potentiel est moindre. Les horloges tournent
donc plus lentement. Sur les orbites supérieures, elles tournent plus vite.
111
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
112
8
ONDES LES
GRAVITATIONNELLES
∂a F ab = 0, (8.1)
∂ a ∂a Ab − ∂b ∂a Aa = 0. (8.2)
Ãa = Aa + ∂a λ (8.3)
sont jauge–équivalents (ce qui veut dire qu’ils sont reliés par une
transformation de jauge et donc physiquement équivalents). En sé-
lectionnant λ de manière appropriée, nous pouvons donc choisir
une jauge où ∂a Aa = 0, ce qui réduit l’équation à
∂ a ∂a Ab = 0. (8.4)
∂ a ∂a A = 0, div A = 0. (8.5)
114
8. LES ONDES GRAVITATIONNELLES
· k = 0, (8.7)
ce qui exprime que la polarisation de l’onde est transversale par
rapport à la direction de propagation. Par exemple, une onde se
propageant dans la direction z a deux composantes :
A(x, t) = (x , y , 0) sin(k(z − t)). (8.8)
Remarquez que l’onde reste inchangée si nous la faisons pivoter d’un
angle π le long de l’axe de propagation. C’est une façon de dire
qu’elle a un spin 1.
Nous pouvons maintenant revenir à la gravité, en utilisant les
ondes électromagnétiques comme modèle.
115
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
∂ d ∂d hab = 0. (8.15)
Cette dernière est résolue par des combinaisons linéaires d’ondes
planes
hab (x, t) = ab eik·x−ωt (8.16)
où, comme ci-dessus, ω2 = |k|2 ; tandis que ab est symétrique, n’a
que des composantes spatiales, est sans trace (ηab ab = 0) et transver-
sal (ka ab = 0). Par exemple, une onde se déplaçant dans la direction
z est de la forme
⎛ ⎞
0 0 0 0
⎜ 0 + × 0 ⎟
hab (x, t) = ⎜ ⎟
⎝ 0 × −+ 0 ⎠ sin(k(z − t)). (8.17)
0 0 0 0
116
8. LES ONDES GRAVITATIONNELLES
et
ẍ a + oo
a
= 0. (8.20)
Il est immédiat de voir que oo a disparaît pour une onde gra-
117
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
La solution de l’énigme
La solution de l’énigme consiste à rappeler que les coordonnées ne
signifient rien en relativité générale. Le fait que les coordonnées
restent constantes n’a aucune signification physique. Tout objet en
mouvement peut être décrit par des coordonnées qui ne changent
pas : il suffit de définir les coordonnées à partir de l’objet lui-même.
Pour comprendre ce qui se passe, nous devons considérer deux
masses. Supposons une masse à l’origine (x = y = z = 0), et une
masse aux coordonnées y = z = 0, mais avec x = L = 0. Alors même
si aucune des deux masses ne se déplace dans ces coordonnées, leur
séparation change. Elle est en effet donnée par
L
√ L
D= gxx dx = 1 + + sin(k(z − t))L ∼ L + + sin(ωt).
o 2
(8.21)
La distance physique, géométrique, entre les deux particules oscille
avec le temps !
Considérons par exemple une règle, et deux masses libres de se
déplacer près d’elle. La règle est (approximativement) rigide, si bien
que les contraintes gravitationnelles (autrement dit, les forces de
marée) ne la déforment pas beaucoup. La distance entre ses deux
extrémités reste la même. Mais les masses sont écartées par la gravité
et se déplacent par rapport à la règle.
Est-ce la règle qui s’étire et se comprime alors que les masses ne
bougent pas, ou bien la tige reste-t-elle immobile alors que les masses
bougent ?
La question n’a aucun sens !
118
8. LES ONDES GRAVITATIONNELLES
temps
Figure 8.1 L’effet d’une onde gravitationnelle sur deux masses à côté d’une règle.
À gauche : les masses ne bougent pas et la règle, qui mesure la distance, oscille. À
droite : la règle garde sa forme et les positions des masses oscillent. Ces deux images
représentent la même réalité physique : le mouvement des masses par rapport à la tige.
Étudiez l’image avec soin : si elle vous est claire, l’indépendance du fond vous est claire.
119
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
x
y
×
Figure 8.2 Le mouvement d’un anneau de particules sous l’effet d’une onde
gravitationnelle se déplaçant perpendiculairement au plan du papier. En haut : la
polarisation +. En bas : la polarisation ×. Remarquez que les deux sont tournées
de 45 degrés l’une par rapport à l’autre.
120
8. LES ONDES GRAVITATIONNELLES
puis le dipôle
i
d (t) = ρ(x, t)x i d 3 x. (8.24)
Une variation temporelle de q(t) produirait une onde à symétrie sphérique,
mais la conservation de la charge interdit la variation de q(t). Par consé-
quent, il n’existe pas d’ondes électromagnétiques à symétrie sphérique et,
à l’ordre suivant, les ondes électromagnétiques sont dipolaires. Elles sont
générées par un dipôle d i (t) variant dans le temps. Un dipôle oscillant est
par exemple produit par des charges se déplaçant de haut en bas dans une
antenne.
Le quadripôle gravitationnel
Une onde gravitationnelle est produite par une distribution variable
de masse-énergie. Une distribution d’énergie ρ(x, t) peut elle aussi
être soumise à un développement multipolaire. Les termes les plus
bas sont l’énergie totale et le dipôle. La conservation de l’énergie
interdit à l’énergie totale de varier dans le temps. Mais la conserva-
tion de la quantité de mouvement interdit également au dipôle de
varier, car sa dérivée temporelle s’identifie précisément à la quantité
de mouvement totale. Par conséquent, les ondes gravitationnelles ne
sont générées que par l’ordre suivant de l’expansion : le quadripôle
q (t) = ρ(x, t)x i x j d 3 x.
ij
(8.25)
121
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
122
8. LES ONDES GRAVITATIONNELLES
La détection
Les détecteurs actuels d’ondes gravitationnelles comparent les dis-
tances entre un point central et deux masses, placées aux extrémités
des deux bras orientés à angle droit. Les masses, suspendues, sont
libres de se déplacer dans le plan horizontal. Lorsqu’une onde arrive
de la verticale, les longueurs des deux bras oscillent en opposition de
phase, comme quatre masses perpendiculaires l’une à l’autre dans la
figure 8.2.
La difficulté de la mesure est due à la petitesse de l’amplitude
des ondes arrivant sur la Terre : h ∼ 10−21 . Cela veut dire que nous
devons mesurer une variation relative de longueur d’une partie sur
1021 . Pour ce faire, on utilise un interféromètre. Ce dernier compare
les phases de deux faisceaux laser voyageant le long des deux bras,
chacun entre le point central et une des deux masses-test. Au pas-
sage d’une onde gravitationnelle, les deux axes de l’interféromètre
123
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
1.0
0.5
0.0
-0.5
-1.0 L1 observed
Strain (10-21)
1.0
0.5
0.0
-0.5
-1.0 Numerical relativity Numerical relativity
Reconstructed (wavelet) Reconstructed (wavelet)
Reconstructed (template) Reconstructed (template)
0.5
0.0
-0.5 Residual Residual
Frequency (Hz)
512
Normalized amplitude
256
128
64
32
0.30 0.35 0.40 0.45 0.30 0.35 0.40 0,45
Time (s) Time (s)
Figure 8.3 Le signal de la première onde gravitationnelle, mesurée par les deux
détecteurs LIGO. L’image montre la forme de l’onde détectée (« Strain » est la com-
posante pertinente de hij ), celle attendue à partir des calculs numériques, et une
représentation des évolutions de la fréquence et de l’intensité. Remarquez l’allure
caractéristique du « gazouillis » [chirp en anglais].
124
8. LES ONDES GRAVITATIONNELLES
125
9
COSMOLOGIE
128
9. COSMOLOGIE
129
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Georges Lemaître
Le premier à comprendre toutes les implications cosmologiques de
la relativité générale, et à entrevoir des preuves de l’expansion dans
les données astronomiques sur les décalages vers le rouge des galaxies
(appelées « nébuleuses » à l’époque), fut Georges Lemaître.
Aujourd’hui, les preuves de l’expansion sont accablantes.
À partir de la vitesse d’expansion observée, les équations de la re-
lativité générale nous permettent de calculer l’âge de l’univers, et
son évolution passée complète depuis un état initial très petit et
comprimé que Lemaître appelait l’« atome primitif » et que nous
appelons aujourd’hui le « Big Bang ».
Lemaître s’est également rendu compte que la physique de
cet atome primitif était susceptible d’impliquer des effets quan-
tiques. Aujourd’hui, il est communément admis que l’étude de ce
qui se passe autour du Big Bang nécessite une gravité quantique.
J’aborderai cette question dans le dernier chapitre. Pour l’instant,
décrivons la géométrie à grande échelle de l’univers et les équations
qui la régissent.
130
9. COSMOLOGIE
dr 2
ds2 = −dt 2 + a2 (t) + r 2 d2 . (9.1)
1 − r2
C’est la métrique étudiée par Einstein dans son article de 1917. Elle
est déterminée par une seule fonction a(t). L’espace-temps qu’elle
décrit est un espace 3d homogène et isotrope de rayon a qui varie
dans le temps t. On peut imaginer chaque galaxie immobile dans ces
coordonnées. Ce qui change au cours de l’expansion, c’est la distance
entre les galaxies, donnée par la métrique qui évolue.
Pour une masse immobile dans ces coordonnées, le temps t est
égal au temps propre. Ainsi les horloges qui ne bougent pas dans
ces coordonnées (appelées coordonnées « comobiles ») restent syn-
chronisées et mesurent un temps propre commun, que l’on peut
appeler « temps cosmique ». La possibilité de définir le temps cos-
mique est perdue si l’on sort de l’approximation d’homogénéité.
(Évidemment, c’est une approximation : Andromède entrera bien-
tôt en collision avec la Voie Lactée et la « durée écoulée depuis le Big
Bang » sera différente pour les deux galaxies, quand elles entreront
en collision.)
De manière plus générale, nous pouvons considérer la métrique,
dépendante du temps, qui décrit un espace 3d homogène générique :
dr 2
ds2 = −dt 2 + a2 (t) + r 2 d2 . (9.2)
1 − kr 2
où k = 0, ±1.
La taille réelle de l’univers est inconnue : il existe des preuves
observationnelles qu’il est bien plus grand que la partie que nous
pouvons observer. Il s’avère que l’approximation d’un espace à la
3-géométrie plate est suffisamment bonne dans la cosmologie
131
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
La loi de Hubble-Lemaître
En supposant que k = 0, la distance entre deux galaxies, séparées de
r en coordonnées comobiles varie comme
D = a(t)r. (9.3)
H ∼ 72km/s/Mpc. (9.6)
Elle est donnée dans les unités particulières qu’affectionnent les as-
tronomes : kilomètres par seconde par mégaparsec (un parsec vaut
∼ 3 × 1018 cm, ou ∼ 3, 2 années-lumière. C’est la distance d’une
étoile dont la parallaxe, c’est-à-dire son mouvement apparent dû à
132
9. COSMOLOGIE
V = HD (9.7)
L’équation de Friedmann
En supposant que la matière est uniformément distribuée avec une
densité ρ(t), et stationnaire dans les coordonnées comobiles, et en
insérant cette métrique dans les équations d’Einstein, nous obtenons
l’équation différentielle suivante pour a(t) :
ȧ2 k λ 8
2
+ 2 − = πGρ. (9.8)
a a 3 3
Cette équation, originellement dérivée par Alexander Friedmann,
est appelée équation de Friedmann1 . Elle régit la dynamique à
grande échelle de la géométrie de l’univers.
La densité d’énergie
Pour résoudre l’équation de Friedmann, nous devons savoir com-
ment la densité d’énergie ρ évolue en fonction du facteur d’échelle,
à savoir avec l’expansion de l’univers. Cela peut être déterminé à
partir des termes de pression dans Tab et d’autres composantes des
équations d’Einstein, ou plus directement comme suit.
Pour la matière ordinaire (que les cosmologues qualifient de
« poussière »), l’énergie totale ρV contenue dans une région de vo-
lume V ∼ a3 reste constante lorsque V varie, donc ρ = ρm /a3 avec
ρm constante dans le temps.
1. Friedmann, A. (1922). « Über die Krümmung des Raumes ». Zeitschrift für Physik. 10
(1) : 377-386. Traduction anglaise dans : Friedmann, A. (1999). « Sur la courbure de l’espace ».
Relativité générale et gravitation. 31 (12) : 1991-2000.
133
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
ȧ2 kc 2 λ 8 ρm ρg
+ 2 − = πG + 4 . (9.9)
a2 a 3 3 a3 a
L’âge de l’univers
Les données astrophysiques indiquent que, pendant la majeure par-
tie de la vie passée de l’univers, a est resté suffisamment petit pour
que la décélération domine. Cela implique que le taux d’expansion
était plus faible qu’aujourd’hui dans le passé, et donc que l’univers
ne peut pas avoir eu une vie plus longue que H −1 = a/ȧ, ce qui
donne, étant donnée la valeur de H ,
1
TH < ∼ 14 milliards d’années. (9.11)
H
134
9. COSMOLOGIE
Platitude
Les données indiquent que le terme k est petit. Cela signifie que
l’univers est beaucoup plus grand que la partie que nous observons
directement. Cela ne signifie pas nécessairement que k = 0 et que
l’univers est spatialement plat : déduire que l’univers est plat par
la petitesse actuelle de ce terme reviendrait à faire la même erreur
que de déduire que la Terre est plate simplement parce que nous ne
parvenons pas à détecter sa courbure à notre échelle habituelle.
ȧ2 8 ρom
= πG . (9.12)
a2 3 a3
Elle est résolue par
2
a(t) = ao t 3 . (9.13)
Il s’agit d’une expansion qui décélère. La constante a0 peut être choi-
sie arbitrairement, en redimensionnant les coordonnées spatiales. Il
est conventionnel d’utiliser des coordonnées comobiles, qui donnent
la distance physique maintenant. De sorte que a(maintenant) = 1.
135
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
L’univers de De Sitter
Si, au contraire, nous négligeons tous les termes à l’exception du
terme cosmologique, l’équation devient
λ
ȧ = a (9.14)
3
qui se résout facilement par
λ
t
a(t) = a0 e 3 . (9.15)
136
9. COSMOLOGIE
qui est fini. Il existe donc des galaxies auxquelles nous ne pourrons
jamais envoyer un « bonjour ». Pire que cela, ce rayon diminue avec
le temps. Ainsi, au fur et à mesure que le temps passe, nous allons
devenir de plus en plus enfermés dans notre propre galaxie.
Il semble aujourd’hui que cette géométrie pourrait décrire l’uni-
vers dans un futur lointain. Mais nous sommes loin d’en être
certains : les opinions sur l’avenir cosmologique de l’univers n’ont
cessé de changer au cours des dernières décennies, et rien ne nous
assure que nous avons aujourd’hui la réponse définitive.
L’histoire cosmique
Ce que les données indiquent avec un certain degré de confiance,
c’est que l’univers a traversé une phase dominée par le rayonnement,
puis une phase dominée par la matière, et semble se diriger vers une
phase de de Sitter. Avant ces phases, les choses sont beaucoup plus
incertaines.
Il semble y avoir des indices indirects que l’univers aurait éga-
lement pu connaitre une phase de Sitter à ses débuts, bien que
tout le monde n’en soit pas convaincu. Cette phase hypothétique,
appelée « inflation », aurait été générée par un champ scalaire très
hypothétique appelé « inflaton » (ou un ensemble de tels champs).
Celui-ci serait resté pendant un certain temps dans un état d’éner-
gie potentielle élevée, qui aurait agi à la manière d’une constante
cosmologique transitoire.
À un stade encore plus précoce, la relativité générale classique
échoue parce que les effets quantiques devaient dominer, comme
l’avait soupçonné Lemaître. Il existe deux idées principales à propos
de ce qui a pu se passer dans cette phase quantique : une véri-
table naissance quantique de l’univers, ou bien un rebond cosmique
quantique à la fin d’une phase antérieure de contraction. J’aborderai
brièvement ces deux idées dans le dernier chapitre.
137
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Effet
dominant gravité constante cosmologique
Inflation ? rayonnement matière
la dynamique quantique
?
? ?
Transitions 10-32 10-1000 47 K 380 K 1G 9.8 G 13.8 G
seconde ? secondes années années années années années
Événements Big Bang ou formation formation des formation des maintenant
majeurs rebond des noyaux atomes et galaxies
cosmique atomiques fond diffus
cosmologique
138
10
LE CHAMP CRÉÉ
PAR UNE MASSE
140
10. LE CHAMP CRÉÉ PAR UNE MASSE
Figure 10.1 Un entonnoir. Par rapport à un espace plat en 2d, les distances
radiales sont étendues, et plus encore à l’approche du centre.
que la différence entre la géométrie intrinsèque de l’entonnoir et la
géométrie intrinsèque d’un plan est précisément le fait que la dis-
tance radiale augmente, par rapport à celle dans le plan, à mesure
que l’on s’approche du centre. La distance entre le cercle de rayon r1
et le cercle de rayon r2 est supérieure à r2 − r1 , ce qui est la distance
entre deux cercles concentriques de ce type sur un plan.
La géométrie spatiale autour d’une masse est donc un analogue
tridimensionnel de l’entonnoir : la distance géométrique entre deux
sphères, de coordonnées radiales r et r + dr, qui ont des aires
géométriques de 4πr 2 et 4π(r + dr)2 , n’est pas dr, mais plutôt
1
ds = dr > dr. (10.3)
1 − 2GM
r
Par conséquent, la distance entre la sphère de rayon r1 et la sphère
de rayon r2 est de
r2
1
D= dr > r2 − r1 . (10.4)
r1 1 − 2GMr
Elle est plus grande que la distance entre deux sphères concentriques
équivalentes dans l’espace tridimensionnel euclidien. L’espace autour
d’une masse est comme un entonnoir tridimensionnel.
141
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
142
10. LE CHAMP CRÉÉ PAR UNE MASSE
(dépendant du moment
cinétique)
qui détermine la force centrifuge.
V a un minimum dV /dr r=r = 0) à
∗
L2
r∗ = (10.9)
GM
À ce rayon, il existe une orbite où le rayon reste constant, une or-
bite circulaire. La variation de l’angle dans le temps est directement
donnée par l’intégration de (10.5) :
L G 2M 2
φ(t) = 2 t = t, (10.10)
r∗ L3
ce qui donne une vitesse angulaire
G 2M 2
ωφ = . (10.11)
L3
Les orbites des planètes du système solaire ne sont pas circulaires,
mais sont proches de l’être. Nous pouvons les étudier comme des
perturbations des orbites circulaires. Le rayon n’est plus constant,
mais reste proche de r∗ . Nous pouvons approximer la dynamique
en développant le potentiel autour du minimum et en ne gardant
que le terme quadratique. Autour de r∗ nous avons V (r) = Vmin +
1 2
2 ω (r − r∗ ) , avec
2
2 d 2 V G 4M 4
ω = = . (10.12)
dr 2 r=r∗ L6
Le mouvement du rayon est donc une oscillation harmonique, de
vitesse angulaire
G 2M 2
ωr = . (10.13)
L3
Remarquez que cette fréquence est la même que (10.11).
ωr = ωφ . (10.14)
Par conséquent, le rayon oscille exactement une fois pendant une or-
bite complète. Celle-ci se referme donc, et le périhélie reste constant
143
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
à la même position angulaire. Ces orbites fermées sont bien sûr des
ellipses képlériennes.
Étudions maintenant le même problème en relativité générale.
∂L r 2 φ̇
L=− =− . (10.18)
∂ φ̇ L
144
10. LE CHAMP CRÉÉ PAR UNE MASSE
145
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
r
r*
Figure 10.2 Le potentiel effectif d’une particule massive autour d’une masse
centrale. En gris clair, le potentiel newtonien.
potentiel effectif newtonien (10.8), plus un terme ajouté, terme qui
correspond à une force d’attraction
3GML2
F =− . (10.27)
c2r 4
L’effet relativiste de la gravité sur un objet en orbite autour d’une
masse centrale M se résume à cette force attractive supplémentaire.
146
10. LE CHAMP CRÉÉ PAR UNE MASSE
L2 6GML2 6GM
ωr2 = 4
− 5
= ωφ2 1 − 2 (10.30)
r∗ 2
c r∗ c r∗
L’effet relativiste rompt donc l’égalité newtonienne entre ωφ et ωr .
Pendant une oscillation complète du rayon, c’est-à-dire pendant le
temps Tr = 2π/ωr , l’angle change d’une quantité
2π 6πGM
φ = ωφ /Tr = ∼ 2π + . (10.31)
1− 6GM c 2 r∗
c 2 r∗
147
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
148
10. LE CHAMP CRÉÉ PAR UNE MASSE
qui passe près du Soleil, par rapport à ce qui se passe à plus grande
distance. Par conséquent, pour minimiser le temps de parcours, un
rayon lumineux doit se maintenir à une certaine distance de l’étoile.
Mais pas trop, car sinon son chemin deviendrait trop long. Mettons
cela en équation.
Dans des coordonnées arbitraires, la vitesse de la lumière n’est pas
c, mais elle est donnée par l’équation ds = 0. Comme la majeure par-
tie de la trajectoire de la lumière qui passe près du Soleil est presque
radiale, adoptons l’approximation d = 0. Cela donne
2GM 1
ds2 = − 1 − c 2 dt 2 + dr 2 = 0, (10.35)
rc 2 1− 2GM
rc 2
`
`
s b
r
149
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
0 0 0
ds ds ds
τ= = = .
∞ v(r) ∞ 2GM
c 1 − rc2 ∞ c 1− √ 2GM
b2 +s2 c 2
(10.37)
En développant pour de petits c −2 , on obtient
0
ds 2GM
τ= 1+ √ . (10.38)
∞ c b2 + s 2 c 2
La variation du temps de transit total par rapport à b est le double
de la variation de τ
dτ 2GM 0 2b 4GM 0 1
= 3 ds 3 = dx
db velocity c ∞ (b2 + s2 ) 2 bc 3 ∞ (1 + x 2 ) 32
4GM
=− 3 . (10.39)
bc
√
(La dernière étape est (d/dx) x/ 1 + x 2 = (1 + x 2 )−3/2 .) En aug-
mentant b, l’effet relativiste diminue le temps de parcours de cette
quantité.
D’un autre côté, l’accroissement de b augmente également la dis-
tance parcourue. Celle-ci peut être estimée simplement (voir figure
10.3) par L ∼ b sin α ∼ b α, donc franchie en un temps T ∼ bα/c ;
si bien que la variation du temps de parcours due au changement de
longueur est
dT α
= . (10.40)
db length c
D’après le principe de Fermat, le rayon que suit la lumière est celui
où la variation totale s’évanouit, c’est à dire
dT dT dT 4GM α
= + = − 3 + = 0. (10.41)
db db velocity db length bc c
Il en résulte
4GM
α= . (10.42)
c2b
150
10. LE CHAMP CRÉÉ PAR UNE MASSE
α ∼ 1.75". (10.43)
151
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
152
10. LE CHAMP CRÉÉ PAR UNE MASSE
Il est parfois affirmé que, dans la limite non relativiste, la lumière est
attirée par la matière. Ce n’est pas correct : dans la limite non relativiste,
2
le terme relativiste GML
c2 r 3
devient nul, et seul le terme centrifuge subsiste.
Cela donne des rayons lumineux droits.
r
r
Figure 10.4 Le potentiel effectif pour un rayon lumineux autour d’un trou noir.
153
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
154
10. LE CHAMP CRÉÉ PAR UNE MASSE
155
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
L’entraînement de l’espace
Pour illustrer l’effet d’un corps en rotation, considérons cette mé-
trique au pôle Nord de la Terre. La charge totale de la Terre est
négligeable (Q = 0) et, au pôle Nord, nous pouvons écrire cos θ = 1.
Fixons la valeur du rayon au rayon terrestre, et considérons la mé-
trique 3d résultante, en coordonnées t, θ, φ. Ne conservons que le
second ordre en θ, et utilisons R = ρθ. Nous obtenons
2
2GM 2 a 2GMa
ds2 = 1− +R dt 2 −dR 2 −R 2 dφ 2 +2R 2
dt dφ,
ρ2 ρ4 ρ4
(10.55)
où ρ est une constante, proche du rayon terrestre. La parenthèse
dans le terme en dt 2 est une petite modification de la dilatation
156
10. LE CHAMP CRÉÉ PAR UNE MASSE
157
11
160
11. LES TROUS NOIRS
11.1. À l’horizon
Reconsidérez l’exemple à la fin de la section 3.1.3, illustré dans
la figure 3.4. Il illustre ce qui se passe avec les coordonnées de
Schwarzschild. Dans l’espace-temps physique réel, il existe une sur-
face r = rS , mais les coordonnées de Schwarzschild l’évitent, tout
comme les coordonnées y, x de l’exemple évitaient la ligne X = 0.
Plus précisément, cette surface n’est atteinte que lorsque t → ∞.
Inversement, la droite entière (r = rS , t, θ, φ) de la métrique de
Schwarzschild, avec des valeurs fixes de θ et φ, correspond à un point
unique de l’espace-temps physique, comme tous les points de coor-
données polaires (0, φ), pour toutes les valeurs de φ, représentent le
même pôle nord.
Pour voir que c’est le cas, il faut passer à de meilleures coordon-
nées, semblables aux « bonnes » coordonnées cartésiennes X , Y de
l’exemple de la section 3.1.3.
Coordonnées de Painlevé-Gullstrand
Un meilleur système de coordonnées est obtenu simplement en
changeant la coordonnée temporelle, en définissant
√
√ r/2m − 1
t∗ = t + 2 2mr + 2m ln √ . (11.2)
r/2m + 1
161
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
t t
r r
2m 2m
Figure 11.1 À gauche : les lignes de coordonnée t constante, vues dans les coordon-
nées r, t∗ . La ligne sombre représente une trajectoire en chute libre. Remarquez qu’elle
ne traverse r = rS qu’à t = ∞. À droite : la même trajectoire dans le plan des
coordonnées de Schwarzschild r, t. Remarquez que dans ces coordonnées, la trajectoire
n’atteint jamais r = 2m.
162
11. LES TROUS NOIRS
dr
∗
= ±1 − 2m/r. (11.6)
dt
Pour de très grands r, on a
dr
∼ ±1. (11.7)
dt∗
C’est le résultat standard de Minkowski : la lumière voyage le long de
rayons sortants r = t et de rayons entrants r = −t : le signe + donne
les rayons sortants, le signe - donne les rayons entrants. Lorsque
le rayon r diminue, dtdr∗ diminue. Pour les rayons entrants, le signe
de dtdr∗ reste toujours négatif. C’est ce qui est attendu : les rayons
entrants ont un rayon décroissant. Mais pour les rayons sortants, le
signe de dtdr∗ change à r = 2m. Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela signifie que pour r < 2m les rayons « sortants » sont vers
l’intérieur, dans le sens où ils se déplacent vers une valeur de r plus
petite.
Autrement dit, supposons que l’on éclaire pendant un instant
une sphère de rayon constant r. Deux fronts lumineux quittent la
sphère et s’en éloignent : un vers l’extérieur et un vers l’intérieur. Ils
sont représentés par deux rayons nuls dans le plan (r, t∗ ). Si r est
supérieur à 2m, l’un des rayons se déplace vers les grandes valeurs de
r et l’autre vers les petites. Mais si r est inférieur à 2m, les rayons se
déplacent tous deux vers des valeurs de r plus petites ! (Si la sphère
était constituée de matière, elle se déplacerait également vers une
valeur de r plus petite, restant entre les deux rayons). La gravité est
si forte que la lumière ne peut pas s’échapper : la gravité l’oblige à
tomber à l’intérieur, quoi qu’il arrive.
Ce phénomène est résumé dans la figure 11.2. Elle illustre claire-
ment de nombreuses caractéristiques de la solution de Schwarzschild
étendue, en montrant la forme des cônes de lumière lorsque nous
nous déplaçons à travers l’horizon. Puisque la matière ne peut se dé-
placer que dans des directions temporelles, nous voyons sur l’image
que, à l’intérieur de r = 2m, il est impossible de rester à une valeur
fixe du rayon r : toute matière est forcée de tomber à l’intérieur :
163
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
t
*
2m r
la gravité est si forte que cela est impossible. Il est encore moins
possible d’en sortir. La lumière elle-même ne peut éviter de tomber
vers des valeurs de r plus petites.
164
11. LES TROUS NOIRS
165
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
166
11. LES TROUS NOIRS
La forme de l’intérieur
L’intérieur d’un trou noir est décrit par l’élément linéaire (11.4)
avec r < 2m. Nous pouvons oublier le changement de coordonnées
(11.2) et revenir aux coordonnées de Schwarzschild. Par conséquent,
pour r < 2m, l’élément de métrique de Schwarzschild (10.2) décrit
l’intérieur du trou noir : c’est seulement la frontière entre les deux
régions qui est mal décrite par ces coordonnées.
Comme les composantes métriques gtt et grr changent de signe à
r = 2m, r devient une variable temporelle et t une variable spatiale
à l’intérieur du trou noir. Ceci n’a aucune signification physique
particulière : il s’agit seulement d’une dénomination arbitraire des
coordonnées locales.
Les symétries de la métrique sont différentes à l’intérieur et à l’ex-
térieur. L’indépendance des coefficients de la métrique vis-à-vis de la
variable t a une signification différente à l’extérieur et à l’intérieur.
À l’extérieur, cela dénote une symétrie de translation temporelle :
l’espace-temps y est statique. À l’intérieur, il s’agit d’une symétrie
de translation dans une direction spatiale. La dépendance de la mé-
trique par rapport à la variable temporelle r, à l’intérieur, signifie
que la métrique n’y est plus indépendante du temps. Les surfaces
r = constant, sont des surfaces de genre espace, avec une métrique 3d
(définie positive) donnée par
2m
ds2 = − 1 dt 2 + r 2 d2 . (11.10)
r
C’est la métrique d’un cylindre 3d : une sphère (bidimension-
nelle)
de rayon
r multipliée par une droite d’élément métrique
2GM
r − 1 dt . Au fur et à mesure que le temps passe, r diminue.
2
167
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Figure 11.3 La géométrie de l’intérieur du trou noir : une surface à temps constant
(constante r) est un cylindre tridimensionnel formé par une 2-sphère multipliée par
une ligne. Au fur et à mesure que le temps passe (r diminue), le cylindre devient plus
long et plus étroit.
En chute
Que se passe-t-il en pénétrant dans le trou noir ?
Traverser l’horizon n’implique aucune difficulté : localement,
l’espace-temps est toujours plat, et donc un point sur l’horizon est,
localement, complètement normal. Que se passe-t-il ensuite ?
La chute est une chute libre, de sorte qu’un petit vaisseau in-
terstellaire en chute ne ressentirait aucune force. Cependant, la
courbure augmente à mesure qu’il se rapproche du centre. (Les
composantes de la métrique de Schwarzschild, comme le poten-
tiel de Newton, croissent comme 1/r lorsque r → 0, leurs dérivées
premières comme 1/r 2 et leurs dérivées secondes, et donc la cour-
bure, comme 1/r 3 ). Plus la courbure est grande, plus la région dans
laquelle l’espace-temps peut être approximé par Minkowski se res-
treint. Lorsque le rayon de courbure devient de l’ordre de la taille du
vaisseau spatial, les mouvements inertiels de ses différentes parties ne
respectent plus la géométrie du vaisseau spatial : en d’autres termes,
il subit des forces « de marée » qui le déforment. Comme l’attraction
vers le centre est plus forte aux petits rayons, l’intérieur du vaisseau
accélère plus que l’extérieur, si bien que les forces de marée l’étirent
168
11. LES TROUS NOIRS
Vers le centre
L’ordre de grandeur de la courbure est, comme nous l’avons vu,
de GM /c 2 r 3 . La courbure atteint une valeur planckienne, à savoir
GM c3
∼ G lorsque
2
c r 3
3 G M
2
r∼ . (11.12)
c5
Lorsque le rayon atteint cette échelle, les effets quantiques sont sus-
ceptibles de devenir pertinents. Ils ne peuvent plus être négligés et
la relativité générale classique ne s’applique plus. Remarquez que
(11.12) indique que cela peut se produire à un rayon bien plus grand
169
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
170
11. LES TROUS NOIRS
t
*
2m r
exactement comme celui d’un trou noir : il a une masse, il est at-
tractif, les choses peuvent tourner autour de lui, etc. Ce n’est qu’à
l’horizon lui-même que les choses diffèrent.
Les emplacements relatifs du trou noir et du trou blanc par rapport à l’extérieur
Ce qui précède est déroutant au premier abord. Comment les choses
peuvent-elles différer en arrivant à l’horizon, si tout est identique
à l’extérieur de l’horizon ? La réponse est que la métrique (10.2)
peut être prolongée vers deux régions distinctes : l’une dans le futur,
l’autre dans le passé.
La clé est de se rappeler qu’une ligne r = 2m en coordonnées
de Schwarzschild, pour des θ et φ fixes et un t arbitraire, ne re-
présente qu’un point unique dans l’espace-temps physique. C’est
un point où se rencontrent deux limites nulles de la géométrie de
Schwarzschild externe. La coordonnée temporelle de Schwarzschild,
t, passe à moins l’infini à la frontière avec le trou blanc, et à plus
l’infini à la frontière avec le trou noir. Ces infinis ne sont que des
pathologies de la coordonnée : la géométrie est régulière aux fron-
tières de la région externe de Schwarzschild. La région externe de
Schwarzschild est donc délimitée par deux horizons. L’un est à grand
t positif, l’autre à grand t négatif. Voir la figure 11.5.
171
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Trou noir
Extérieur
Trou blanc
Figure 11.5 L’extérieur du trou peut être continué dans deux directions : vers
un trou noir, à travers la surface r = 2m, t = +∞ ; et vers un trou blanc, à
travers la surface r = 2m, t = −∞. Les lignes droites grises sont des surfaces
t = constant. La ligne pointillée est une surface à rayon constant. Remarquez que
toutes les sphères r = 2m, pour toute valeur arbitraire finie t, représentent en fait
la même sphère unique dans l’espace-temps, indiquée ici par le point reliant les deux
horizons (lignes en gras).
172
11. LES TROUS NOIRS
Schwarzschild et Rindler
La similitude entre les espaces-temps de Schwarzschild et de Rindler
est plus qu’une analogie. En effet, il s’avère que, près de r = 2m, la
métrique de Schwarzschild (réduite au plan t, r) est précisément la
métrique de Rindler ! Pour s’en convaincre, il suffit d’écrire
r = 2m + x, (11.15)
et de supposer que nous observons la métrique pour x 2m, c’est-
à-dire très près de r = 2m. Nous pouvons alors développer
1 − 2m/r = 1 − 2m/(2m + x)
= 1 − 1/(1 + x/2m) ∼ 1 − (1 − x/2m) = x/2m,
(11.16)
de sorte que la métrique de Schwarzschild (avec d2 = 0) se lit
comme
x 2m 2
ds2 = − dt 2 + dx . (11.17)
2m x
Un changement de variables x = ρ 2 /(8m) = et t = 4mτ nous donne
ds2 = dρ 2 − ρ 2 dτ 2 , (11.18)
qui est précisément la métrique de Rindler. C’est-à-dire qu’au voisi-
nage de l’horizon, si nous ne regardons que les coordonnées radiales
et temporelles, la métrique de Schwarzschild s’identifie précisément
à une métrique de Rindler.
Ceci est physiquement compréhensible de la manière suivante.
Imaginez que vous restiez à une très petite distance de l’horizon.
Pour vous y maintenir sans tomber, vous avez besoin de fusées,
car vous n’êtes pas en chute libre : vous avez besoin d’une accélé-
ration constante. En première approximation, toute métrique est
plate. Par conséquent, en première approximation, vous accélérez
uniformément dans une métrique plate, ce qui est précisément la si-
gnification physique des coordonnées de Rindler : ρ = constant est
la ligne d’univers d’un objet en accélération constante et les lignes
τ = constant sont les surfaces de simultanéité changeantes de cet
observateur accéléré.
173
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
L’extension maximale
Les coordonnées qui couvrent à la fois l’extérieur, le trou noir, et le
trou blanc, ont été trouvées par Martin Kruskal et Georges Szekeres.
Il s’agit de coordonnées nulles (sans dimension) u, v qui vont de
−∞ à +∞, avec les coordonnées angulaires habituelles θ, φ. Nous
pouvons arriver à ces coordonnées en deux étapes. Introduisons
d’abord les coordonnées nulles
u = t − r − 2m log |r/2m − 1|, v = t + r + 2m log |r/2m − 1|.
(11.19)
Celles-ci ne couvrent que l’extérieur du trou noir (elles divergent
sur r = 2m), mais elles mettent la métrique de Schwarzschild sous la
forme simple
2m
ds2 = − 1 − du dv + r 2 d2 , (11.20)
r
où r = r(u, v) est compris comme la fonction de u et v implicite-
ment définie par
v − u = 2r + 4m log |r/2m − 1|. (11.21)
Il est maintenant immédiat d’étendre l’espace-temps au-delà de u =
−∞ et au-delà de v = ∞. Il suffit de définir
U = −e−u/4m , V = ev/4m . (11.22)
Dans ces coordonnées, la métrique s’écrit
32m3 − r
ds2 = e 2m dU dV + r 2 d2 , (11.23)
r
où r = r(U , V ) est maintenant compris comme la fonction de U et
V définie (implicitement) par
r
UV = (2m − r) e 2m , (11.24)
où r est la coordonnée-rayon de Schwarzschild. La coordonnée-
temps de Schwarzschild t est lié à ces coordonnées par
v−u
t = 4m arctanh . (11.25)
v+u
174
11. LES TROUS NOIRS
175
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
r=0
Trou noir
Extérieur
2m
r=
t=0
Extérieur
r=
2m
Trou blanc
r=0
r=0
Trou noir
2m
r=
Extérieur
Ét
r=
oi
0
le
t=0
Exterior
r=
m2
White hole
r=0
177
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
r=0
2m
r=
t=0
Exterior
Exterior
se
Éxterieur
r=
lo
2m
xp
ie
0
r=
r=
qu
2m
le
oi
White hole
Ét
Trou blanc
r=0
178
12
ÉLÉMENTS DE GRAVITÉ
QUANTIQUE
G G
LPl = 3
∼ 10−33 cm, TPl = , ∼ 10−44 s, (12.1)
c c5
c 5 c
EPl = ∼ 1019 GeV , MPl = ∼ 20μg, (12.2)
G G
c5
ρPl = ∼ 1093 g/cm3 . (12.3)
G 2
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
180
12. ÉLÉMENTS DE GRAVITÉ QUANTIQUE
181
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Base théorique
Nous nous attendons à ce que le champ gravitationnel présente des
propriétés quantiques dans le domaine approprié, comme tous les
champs physiques. Mais les théories quantiques des champs qui
décrivent efficacement la physique non gravitationnelle reposent
sur l’existence d’une structure métrique fixe de l’espace-temps.
Celle-ci intervient dans pratiquement toutes les équations d’une
théorie quantique des champs conventionnelle. Si nous prenons en
compte les propriétés relativistes de la gravité, cette structure devient
elle-même un champ quantique dynamique. Par conséquent, la mé-
trique fixe utilisée dans la construction conventionnelle de la théorie
quantique des champs n’est plus disponible. Il s’ensuit que la plupart
des méthodes classiques de la théorie quantique des champs ne sont
pas appropriées à la gravité. Cette difficulté est appelée le problème
de l’« indépendance du fond » de la gravité quantique.
En termes plus simples, la relativité générale n’est pas une théo-
rie des champs sur une géométrie de l’espace-temps, mais plutôt
une théorie de la géométrie de l’espace-temps elle-même. Et la
gravité quantique n’est pas une théorie quantique des champs sur
une géométrie de l’espace-temps, mais plutôt la théorie quantique
de la géométrie de l’espace-temps elle-même. Voyons ce que cela
implique.
182
12. ÉLÉMENTS DE GRAVITÉ QUANTIQUE
183
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Géométrie quantique
Dans une théorie quantique, le champ tétrade devient un opérateur
quantique, et donc les quantités Eai sont des opérateurs quantiques.
184
12. ÉLÉMENTS DE GRAVITÉ QUANTIQUE
185
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
186
12. ÉLÉMENTS DE GRAVITÉ QUANTIQUE
187
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Figure 12.1 Le graphe d’un réseau de spins et les quanta d’espace qu’il représente.
188
12. ÉLÉMENTS DE GRAVITÉ QUANTIQUE
2. S. Bose et al., « Spin Entanglement Witness for Quantum Gravity », Phys. Rev. Lett. 119,
240401 (2017). C. Marletto, V. Vedral, « Gravitationally Induced Entanglement between Two
Massive Particles is Sufficient Evidence of Quantum Effects in Gravity », Phys. Rev. Lett. 119,
240402 (2017).
189
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
1 2
1L 1R 2L 2R
t d
1L 1R 2L 2R
1 2
191
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
peut être considéré comme une preuve que la géométrie peut être en
superposition.
Gm2
δE = − , (12.23)
d
et l’état non relativiste évolue avec la phase φ = e−iET / . Cela
donne, pareillement, (12.20). Bien sûr, dans la nature, l’interaction
n’est pas instantanée, et est transmise par le champ gravitationnel :
cette connaissance est nécessaire pour tirer la conclusion ci-dessus.
Cette expérience ne teste donc pas le régime de gravité quan-
tique relativiste. La détection de l’intrication induite par la gravité
implique que l’espace-temps est dans une superposition de géomé-
tries quantiques, uniquement en conjonction avec le fait (énoncé
par la relativité générale) que le potentiel gravitationnel newtonien
est une manifestation de la géométrie dynamique de l’espace-temps.
La masse de Planck
Remarquez que (12.20) peut être écrit sous la forme
m2 cT
δφ = . (12.24)
m2Pl d
192
12. ÉLÉMENTS DE GRAVITÉ QUANTIQUE
193
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
3 G 2 M M
r∼ = 3
LPl . (12.25)
c5 MPl
De même, une étoile en effondrement entre en régime quantique
lorsque la densité atteint l’ordre de la densité de Planck, ce qui se
produit à cette même valeur du rayon, car courbure et densité y sont
du même ordre de grandeur (à un facteur c 2 près). Pour un trou
noir macroscopique M MPl , et donc r LPl , si bien que l’étoile
et le trou noir entrent dans un régime quantique avec des rayons
beaucoup plus grands que la longueur de Planck LPl . Une étoile qui
atteint cette densité est appelée « étoile de Planck ».
Que se passe-t-il ensuite ?
Une possibilité qui a été étudiée récemment est que le stade tardif
d’un trou noir puisse passer, par effet tunnel quantique, au stade
précoce d’un trou blanc.
L’espace-temps complet, incluant la transition, peut alors être
représenté par le diagramme de Carter-Penrose (Figure 12.3 page
suivante). La région blanche du diagramme satisfait les équations
d’Einstein du vide classique. (À première vue, cela est surprenant,
car cette région ne peut pas être immergée globalement dans la
métrique de Schwarzschild étendue : mais elle peut être intégrée lo-
calement [H. Haggard, C Rovelli, Phys. Rev. D (2015) 92.104020.
arXiv :1407.0989].) La région gris foncé est la région où la courbure
est planckienne et où la gravité quantique est donc pertinente. Dans
cette région, les équations classiques d’Einstein sont violées, et nous
devons utiliser les amplitudes de transition quantiques pour calculer
la probabilité que la transition se produise, en fonction de la géomé-
trie de la limite de la région de transition (ou plutôt des paramètres
qui la caractérisent).
Les calculs utilisant les amplitudes de transition selon la gra-
vité quantique à boucles indiquent effectivement que la probabilité
de transition devient significative vers la fin de l’évaporation de
194
12. ÉLÉMENTS DE GRAVITÉ QUANTIQUE
étoile en
rebond
ho
riz
on
espace
du
externe
tr
trou
ou
blanc
bl
région de
an
étoile de
c
Planck transition
quantique
ir
no
trou
noir ou
tr
espace
du
externe
n
effondrement rizo
étoile en ho
Hawking du trou noir. Il est donc possible que les trous noirs se
transforment en trous blancs vers la fin de leur évaporation3 .
Cosmologie quantique
Comme nous l’avons vu au chapitre 9, la cosmologie très pri-
mordiale est une autre situation physique qui nous fait sortir du
domaine de validité de la théorie classique. L’application de la gra-
vité quantique à boucles à la dynamique cosmologique est appelée
« cosmologie quantique à boucles ». Une certaine approximation de
la dynamique quantique (que je ne passe pas en revue ici) conduit
à une équation de Friedmann effective, modifiée à forte densité : au
lieu de (9.8), on obtient
3. Voir par exemple E. Bianchi et al., Class. Quant. Grav. 35 (2018) no.22, 225003. arXiv :
1802.04264, et ses références.
195
RELATIVITÉ GÉNÉRALE
ȧ2 8 ρ
= πG 1 − ρ (12.26)
a2 3 ρmax
où √
3
ρmax = ρPl (12.27)
32π 2 γ 3
est une constante de l’ordre de la densité de Planck ρPl 4 . La
constante cosmologique et le terme en k de l’équation de Friedmann
sont négligeables dans l’univers primordial.
Le deuxième terme dans la parenthèse est la correction quan-
tique. Il ne devient important que lorsque la densité est extrême-
ment élevée, ce qui se produit dans l’univers très primordial, lorsque
la petitesse du facteur d’échelle comprime l’énergie de la matière.
Dans ce cas, ce terme contrecarre l’attraction gravitationnelle et agit
comme un terme répulsif, permettant au facteur d’échelle de rebon-
dir. L’implication est que le Big Bang pourrait avoir subi une phase
de contraction préalable de l’univers, suivie d’un « Grand rebond », à
l’échelle où la densité est devenue planckienne. Cela aurait pu laisser
des traces mesurables dans le « Fond diffus cosmique ».
4. Voir par exemple I. Agullo, P. Singh, « Loop Quantum Cosmology : A brief review », in
100 Years of General Relativity (World Scientific 2017), arXiv :1612.01236.
196
12. ÉLÉMENTS DE GRAVITÉ QUANTIQUE
197
INDEX
200
INDEX
201