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Logique

Ce chapitre est assez abstrait en première lecture, mais est (avec le chapitre suivant « Ensembles ») probablement le
plus important de l’année car il est à la base de tous les raisonnements usuels (ou de la plupart des erreurs de raisonnement
usuelles) de premier cycle d’études. Par suite, il ne faudra pas hésiter à le relire et le réapprendre de nombreuses fois,
quand plusieurs chapitres auront défilé et que vous aurez gagné en maturité. Vous devrez chercher à en cerner l’aspect
pratique et en particulier à bien maîtriser les quelques exercices corrigés.
Le programme officiel de mathématiques supérieures prévoit que les notions apparaissant dans les trois premiers
chapitres (logique, ensembles et applications, structures) soient acquises progressivement au cours de l’année, au fur et à
mesure des exemples rencontrés. Vous pouvez donc sauter ces trois premiers chapitres dans un premier temps. Néanmoins,
ils sont à disposition dès le début et j’y ferai souvent référence.

Plan du chapitre
1 (Très) brève description des mathématiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 1
2 Vocabulaire usuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 1
3 Calcul propositionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 2
3.1 Définition d’une proposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
3.2 Equivalence logique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
3.3 Négation d’une proposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
3.4 Les connecteurs logiques « et » et « ou » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3
3.5 Implication logique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 4
3.5.1 Définition de l’implication logique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 4
3.5.2 C.N.S., ssi, il faut et il suffit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .page 5
3.5.3 Négation, contraposée et réciproque d’une implication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 6
4 Les quantificateurs « ∀ » et « ∃ » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 6
4.1 Définition des quantificateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 6
4.2 Propriétés des quantificateurs avec une variable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 8
4.3 Propriétés des quantificateurs avec deux variables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 10
5 Les grands types de raisonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 11
5.1 Le raisonnement déductif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page11
5.2 Le raisonnement par l’absurde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page11
5.3 Le raisonnement par contraposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page12
6 Erreurs classiques à ne pas commettre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 12

1 (Très) brève description des mathématiques


Les mathématiques actuelles sont bâties de la façon suivante :
⋄ on part d’un petit nombre d’affirmations, appelées axiomes, supposées vraies à priori (et que l’on ne cherche donc pas
à démontrer) ;
⋄ on définit ensuite la notion de démonstration (en décidant par exemple de ce qu’est une implication, une équiva-
lence...) ;
⋄ on décide enfin de qualifier de vraie toute affirmation obtenue en fin de démonstration et on appelle « théorème » une
telle affirmation (vraie).
A partir des axiomes, on obtient donc des théorèmes qui viennent petit à petit enrichir la théorie mathématique. En raison
des bases (les axiomes) non démontrées, la notion de « vérité » des mathématiques est sujette à débat.

2 Vocabulaire usuel
⋄ Axiome. Un axiome est un énoncé supposé vrai à priori et que l’on ne cherche pas à démontrer.
Ainsi, par exemple, Euclide a énoncé cinq axiomes (« les cinq postulats d’Euclide »), qu’il a renoncé à démontrer et qui
devaient être la base de la géométrie (euclidienne). Le cinquième de ces axiomes a pour énoncé : « par un point extérieur
à une droite, il passe une et une seule droite parallèle à cette droite ».
Un autre exemple d’axiomes est fourni par les (cinq) axiomes de Peano. Ceux-ci définissent l’ensemble des entiers naturels.
Le cinquième axiome affirme que : « si P est une partie de N contenant 0 et telle que le successeur de chaque élément de

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P est dans P (le successeur de n est n + 1), alors P = N ». Cet axiome est appelé « l’axiome d’induction » ou encore
« l’axiome de récurrence ».
Ces énoncés ont en commun d’être « évidents » pour tout le monde.
⋄ Proposition (ou assertion ou affirmation). Une proposition est un énoncé pouvant être vrai ou faux. Par exemple,
« tout nombre premier est impair » et « tout carré de réel est un réel positif » sont deux propositions. Il est facile de
démontrer que la première est fausse et la deuxième est vraie. Le mot proposition est clair : on propose quelque chose,
mais cela reste à démontrer.
⋄ Théorème. Un théorème est une proposition vraie (et en tout cas démontrée comme telle). Par abus de langage, le
mot proposition désigne souvent, dans la pratique des cours de mathématiques, un théorème intermédiaire ou de moindre
importance, et même on a tendance à appeler proposition la plupart des théorèmes pour réserver le mot théorème aux
plus grands d’entre eux (théorème de Pythagore, . . . ). C’est d’ailleurs ce dernier point de vue que nous adopterons
dans les chapitres ultérieurs (mais pas dans ce premier chapitre où le mot « proposition » aurait alors deux significations
différentes).
⋄ Corollaire. Un corollaire à un théorème est un théorème qui est conséquence de ce théorème. Par exemple, dans le
chapitre « continuité », le théorème des valeurs intermédiaires dit que l’image d’un intervalle de R par une fonction
continue à valeurs réelles, est un intervalle de R. Un corollaire de ce théorème affirme alors que si une fonction définie et
continue sur un intervalle de R à valeurs réelles, prend au moins une valeur positive et au moins une valeur négative alors
cette fonction s’annule au moins une fois dans cet intervalle.
⋄ Lemme. Un lemme est un théorème préparatoire à l’établissement d’un théorème de plus grande importance.
⋄ Conjecture. Une conjecture est une proposition que l’on suppose vraie sans parvenir à la démontrer.
Les conjectures sont le moteur du progrès des mathématiques. Tel ou tel mathématicien a eu l’impression que tel ou tel
résultat important était vrai et l’a énoncé sans pouvoir le démontrer, laissant à l’ensemble de la communauté mathématique
le soin de le confirmer par une démonstration convaincante ou de l’infirmer.
Les conjectures suivantes sont célèbres :
✦ (conjecture de Fermat) Si n est un entier supérieur ou égal à 3, il n’existe pas d’entiers naturels tous non nuls x,
y et z tels que xn + yn = zn (cette conjecture date du XVIIe siècle et il a été démontré récemment que ce résultat
était vrai).
✦ (conjecture de Bertrand énoncée en 1845) Pour tout entier naturel non nul n, il existe un nombre premier p tel
que n < p < 2n (dans un premier temps, on ne sût pas si cette affirmation etait vraie ou fausse et le problème resta
ouvert pendant 5 ans jusqu’à ce que Tchebychev en démontre la véracité en 1850).
✦ En arithmétique toujours, une conjecture très célèbre est la suivante : pour un réel x ≥ 2, on note π(x)Z x le nombre de
1
nombres premiers inférieurs ou égaux à x (par exemple, π(3, 2) = 2 et π(10) = 4) et Li(x) le nombre dt (Li(x)
2 ln t
s’appelle le logarithme intégral de x). On a découvert avec le temps que ces deux expressions sont « proches » l’une
de l’autre quand x est « grand ». On s’est alors intéressé à la différence π(x) − Li(x). A partir d’un grand nombre de
calculs numériques, on a conjecturé que pour tout réel x ≥ 2, on avait π(x) < Li(x). On a longtemps pensé que ce
résultat était vrai, mais un mathématicien du nom de Skewes a démontré un jour que ce résultat était faux pour
7,5
ee
au moins un réel x inférieur à ee (nombre de Skewes). Puis on a découvert que le résultat était faux pour une
infinité de valeurs de x.
Les considérations précédentes sont au-dessus du niveau d’une première année d’études supérieures. Si on les a citées,
c’est pour fournir un exemple de résultat que l’on pensait « intuitivement » vrai et qui s’est pourtant avéré faux.
Dans l’histoire, on trouve de très nombreux exemples de problèmes où l’intuition des mathématiciens a été mise en
défaut.

⋄ Définition. Une définition est un énoncé dans lequel on décrit les particularités d’un objet. On doit avoir conscience
que le mot « axiome » est quelquefois synonyme de « définition ». Par exemple, quand vous lirez « définition d’un espace
vectoriel », vous pourrez tout autant lire « axiomes de la structure d’espace vectoriel » et vice-versa.

3 Calcul propositionnel
Dans ce paragraphe, on étudie les propositions en tant que telles, et les liens qui peuvent exister entre elles, sans se
préoccuper du contenu de ces propositions (ce qui sera l’objet de tous les chapitres ultérieurs).

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3.1 Définition d’une proposition
On rappelle qu’une proposition est un énoncé pouvant être vrai ou faux. On dit alors que les deux valeurs de vérité
d’une proposition sont « vrai » et « faux ». A partir d’une ou plusieurs propositions, on peut en construire d’autres. C’est
l’objet des paragraphes suivants.

3.2 Equivalence logique


Définition 1. Deux propositions équivalentes P et Q sont deux propositions simultanément vraies et simultanément
fausses.
On dira par la suite que deux propositions équivalentes sont deux propositions ayant les mêmes valeurs de vérité.
Cette phrase peut se visualiser dans un tableau appelé table de vérité dans lequel on fait apparaître les différentes
valeurs de vérité possibles pour le couple (P, Q) (Vrai et Vrai, Vrai et Faux, ...) et, en correspondance, les valeurs de vérité
de la proposition P ⇔ Q. Ainsi, la table de vérité de l’équivalence logique P ⇔ Q est :

P Q P⇔Q
V V V
V F F
F V F
F F V

Vous devez lire en première ligne de ce tableau que si les propositions P et Q sont vraies, la proposition P ⇔ Q est
vraie, et en deuxième ligne, que si P est vraie et Q est fausse, P ⇔ Q est fausse.
L’équivalence logique joue pour les propositions, le rôle que joue l’égalité pour les nombres. Les expressions 3 + 2 et 5
ne sont pas identiques et pourtant on écrit 3 + 2 = 5. De même, les propositions (x2 = 1) et (x = 1 ou x = −1) ne sont
pas identiques et pourtant on écrit (x2 = 1) ⇔ (x = 1 ou x = −1).

3.3 Négation d’une proposition


Soit P une proposition. On définit sa négation, notée P (ou aussi nonP ou ⌉P), à partir de sa table de vérité.

P P
V F
F V

Cette simple table contient en germe un très grand nombre d’erreurs de raisonnement à venir et ceci dans à peu près tous
les chapitres. On doit déjà avoir conscience que la négation de « ce chat est blanc » est, non pas « ce chat est noir », mais
tout simplement « ce chat n’est pas blanc » ou que le contraire de la phrase « f est la fonction nulle » est, non pas « f
ne s’annule pas », mais « f n’est pas la fonction nulle » ou encore « f ne s’annule pas en au moins un point ». Enfin, le
contraire de la phrase « x ≥ 0 » est « x < 0 », et non pas « x ≤ 0 ».
Théorème 1. Soit P une proposition. P ⇔ P.
Démonstration . Il est clair que P et P ont les mêmes valeurs de vérité. ❏

3.4 Les connecteurs logiques « et » et « ou »


Soient P et Q deux propositions. On peut définir les propositions « P ou Q », notée P ∨ Q, et « P et Q », notée P ∧ Q
par les tables de vérité ci-dessous.

P Q P∨Q P Q P∧Q
V V V V V V
V F V V F F
F V V F V F
F F F F F F

➾ Commentaire .
⋄ On peut noter que P ∨ Q est fausse si et seulement si P et Q sont fausses alors que P ∧ Q est vraie si et seulement si P et Q
sont vraies.

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⋄ Il existe en français deux significations du mot « ou ». Il y a le « ou exclusif » qui signifie « soit l’un, soit l’autre, mais pas les
deux » et le « ou inclusif » qui signifie « soit l’un, soit l’autre, soit les deux ». ∨ est le « ou inclusif ».

Théorème 2. Soit P une proposition. P ∧ P ⇔ P et P ∨ P ⇔ P.


Démonstration . P ∧ P et P ∨ P sont vraies quand P est vraie et fausses sinon. ❏

Théorème 3. (Lois de de Morgan) Soient P et Q deux propositions. P ∧ Q ⇔ P ∨ Q et P ∨ Q ⇔ P ∧ Q.


(Le contraire de « et » est « ou » et le contraire de « ou » est « et »).
Démonstration . On démontre ces équivalences à l’aide de tables de vérité.

P Q P∧Q P∧Q P Q P∨Q P Q P∨Q P∨Q P Q P∧Q


V V V F F F F V V V F F F F
V F F V F V V V F V F F V F
F V F V V F V F V V F V F F
F F F V V V V F F F V V V V

Dans chaque table, on lit effectivement les mêmes valeurs de vérité dans les quatrième et septième colonnes. ❏

➾ Commentaire . A partir de ces résultats, on peut se convaincre que tout énoncé peut s’écrire en utilisant uniquement la
conjonction ∧ et la négation (par exemple, au paragraphe suivant, on verra que la proposition P ⇔ Q est la proposition (P ∧ Q) ∧
(Q ∧ P)). Ce résultat a une importance en électronique et en informatique.

Théorème 4. Soient P, Q et R trois propositions.


➊ P ∧ Q ⇔ Q ∧ P et P ∨ Q ⇔ Q ∨ P.
➋ (P ∧ Q) ∧ R ⇔ P ∧ (Q ∧ R) et (P ∨ Q) ∨ R ⇔ P ∨ (Q ∨ R).
➌ (P ∧ Q) ∨ R ⇔ (P ∨ R) ∧ (Q ∨ R) et (P ∨ Q) ∧ R ⇔ (P ∧ R) ∨ (Q ∧ R).
(On dit que le « ou » et le « et » sont commutatifs, associatifs et distributifs l’un sur l’autre.)
Démonstration . Démontrons par exemple la première équivalence de ➌ à l’aide d’une table de vérité (vous démontrerez le
reste de manière analogue à titre d’exercice).

P Q R P∧Q (P ∧ Q) ∨ R P∨R Q∨R (P ∨ R) ∧ (Q ∨ R)


V V V V V V V V
V V F V V V V V
V F V F V V V V
V F F F F V F F
F V V F V V V V
F V F F F F V F
F F V F V V V V
F F F F F F F F
On lit effectivement les mêmes valeurs de vérité dans les cinquième et huitième colonnes. ❏

Vous noterez la manière dont on a rempli les trois premières colonnes. Cette méthode de remplissage permet de n’oublier
aucune situation.

3.5 Implication logique


3.5.1 Définition de l’implication logique
Si P et Q sont deux propositions, on définit l’implication logique : P ⇒ Q par sa table de vérité.

P Q P⇒Q
V V V
V F F
F V V
F F V
Théorème 5. Soient P et Q deux propositions. (P ⇒ Q) ⇔ (P ∨ Q).
Démonstration . P ⇒ Q est fausse dans l’unique cas où P est vraie et Q est fausse ou encore quand P et Q sont toutes deux
fausses. P ⇒ Q a donc les mêmes valeurs de vérité que P ∨ Q. ❏

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Vient maintenant une règle essentielle pour mener des démonstrations.
Théorème 6. (Transitivité de l’implication) Soient P, Q et R trois propositions.
((P ⇒ Q) ∧ (Q ⇒ R)) ⇒ (P ⇒ R).

Démonstration . Vous démontrerez ce théorème à l’aide d’une table de vérité à 8 lignes. ❏

On relie l’équivalence logique à l’implication logique par le théorème suivant :


Théorème 7. (Propositions équivalentes) Soient P et Q deux propositions. Alors, (P ⇔ Q) ⇔ ((P ⇒ Q) ∧ (Q ⇒ P)).

Démonstration . Il s’agit de vérifier que les deux propositions P ⇔ Q et (P ⇒ Q) ∧ (Q ⇒ P) ont les mêmes valeurs de vérité.
P Q P⇔Q P⇒Q Q⇒P (P ⇒ Q) ∧ (Q ⇒ P)
V V V V V V
V F F F V F
F V F V F F
F F V V V V
On lit bien les mêmes valeurs de vérité dans les troisième et sixième colonnes, ce qui démontre le théorème. ❏

C’est un moment important. Une équivalence signifie deux implications, l’une de « gauche à droite » et
l’autre de « droite à gauche ».

Quand vous écrivez P ⇔ Q, vous devez être convaincu que la proposition de gauche P entraîne
la proposition de droite Q et aussi que la proposition de droite Q entraîne la proposition de gauche P.

Occupons nous maintenant d’analyser la table de vérité de l’implication. Les deux dernières lignes de cette table de
vérité peuvent paraître surprenantes (comment peut-il être vrai qu’une phrase fausse implique une phrase fausse ou aussi
une phrase vraie ?) L’exemple suivant fera comprendre « (Faux⇒Faux) est vraie ».
Vérifions que, pour tout entier naturel n, [(10n + 1 divisible par 9) ⇒ (10n+1 + 1 divisible par 9)].
Soit n ∈ N. La condition « 10n + 1 divisible par 9 » fournit un entier naturel K tel que 10n + 1 = 9K. Maintenant,
puisque
10n+1 + 1 = 10 × 10n + 1 = 10 × (10n + 1) − 10 + 1 = 10 × (10n + 1) − 9 = 10 × 9K − 9 = 9(10K − 1),
on obtient comme conséquence de l’hypothèse initiale le fait que l’entier 10n+1 + 1 est divisible par 9. L’implication
proposée est totalement exacte et pourtant, aucune des deux phrases encadrant cette implication ne sont vraies (puisque
les nombres 2, 11, 101, 1001... ne sont à l’évidence pas divisibles par 9). D’ailleurs, en écrivant cette implication, nous ne
nous sommes jamais demandé si la première phrase écrite était vraie. Il est important de le comprendre pour être capable
le moment venu de gérer correctement le raisonnement par récurrence.
Pour comprendre « (Faux⇒Vrai) est vraie », on se contentera de l’exemple suivant :
2 = 3 et 2 = 1 ⇒ 2 + 2 = 3 + 1 ⇒ 4 = 4.
L’affirmation de départ est fausse et on en déduit (tout à fait par hasard mais par un raisonnement tout à fait juste) une
affirmation vraie. L’affirmation finale est vraie, mais ce ne sont pas les implications écrites qui la démontrent.
Une conséquence pratique de cette étude est que, si votre hypothèse de départ est fausse bien que par la suite vous
teniez des raisonnements entièrement justes, vous n’avez aucune idée en fin de raisonnement de la véracité ou de la fausseté
des conclusions auxquelles vous êtes parvenu(e) (réfléchissez-y avant d’aller réclamer à votre professeur des points pour
un résultat final et un raisonnement intermédiaire entièrement justes).

3.5.2 C.N.S, ssi, il faut et il suffit


Les expressions « Condition nécessaire et suffisante (CNS) », « si et seulement si (ssi) », « il faut et il suffit » signifient
toutes « logiquement équivalent » ou encore « ⇔ ». Mais plus précisément, dans chacune de ces expressions, quel morceau
correspond à « ⇒ » et quel autre morceau correspond à « ⇐ » ? La réponse est fournie par le tableau suivant :

⇒ ⇐
condition nécessaire condition suffisante
il faut il suffit
seulement si si

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Considérons par exemple l’implication vraie : (n ≥ 3 et n premier) ⇒ n impair. Si on cherche à l’énoncer dans le
langage courant, on dira : pour que n soit un nombre premier supérieur ou égal à 3, il est nécessaire, il est obligatoire, il
faut que n soit impair, mais on peut dire aussi que n peut être un nombre premier supérieur ou égal à 3 seulement si n
est impair.
Mais si l’on considère l’implication contraire (qui est fausse) à savoir : n impair ⇒ (n ≥ 3 et n premier), on dira que
pour que n soit un nombre premier supérieur ou égal à 3, il n’est pas suffisant, il ne suffit pas que n soit impair ou encore,
si n est impair, n n’est pas nécessairement un nombre premier supérieur ou égal à 3.
Considérons encore l’implication vraie : (x + 1)2 = 9 ⇐ x + 1 = 3. Pour que (x + 1)2 soit égal à 9, il suffit, il est
suffisant que x + 1 soit égal à 3, ou encore (x + 1)2 vaut 9 si x + 1 vaut 3. Mais, pour que (x + 1)2 soit égal à 9, il n’est pas
nécessaire, il n’est pas obligatoire que x + 1 soit égal 3 (car x + 1 peut aussi être égal à −3) ou encore l’égalité (x + 1)2 = 9
ne se produit pas seulement si x + 1 vaut 3 (l’implication (x + 1)2 = 9 ⇒ x + 1 = 3 est fausse).

3.5.3 Négation, contraposée et réciproque d’une implication


Théorème 8. (Négation d’une implication) Soient P et Q deux propositions. P ⇒ Q ⇔ P ∧ Q.
Démonstration . D’après les lois de De Morgan (théorème 3, page 3) et le théorème 5, page 4, on a :

P ⇒ Q ⇔ P ∨ Q ⇔ P ∧ Q ⇔ P ∧ Q.

Théorème 9. (Contraposée d’une implication) Soient P et Q deux propositions. (Q ⇒ P) ⇔ (P ⇒ Q).


Démonstration . La proposition Q ⇒ P est fausse si et seulement si Q est vraie et P est fausse ou encore si et seulement si P
est vraie et Q est fausse. Ainsi, Q ⇒ P a les mêmes valeurs de vérité que P ⇒ Q. ❏

Définition 2. (Contraposée d’une implication) Soient P et Q deux propositions. L’implication Q ⇒ P s’appelle la


contraposée (ou l’implication contraposée) de l’implication P ⇒ Q.
La contraposée d’une implication est équivalente à celle-ci. Ceci fournira plus loin un type de raisonnement usuel : le
raisonnement par contraposition.
Définition 3. (Réciproque d’une implication) Soient P et Q deux propositions. L’implication Q ⇒ P s’appelle la
réciproque (ou l’implication réciproque) de l’implication P ⇒ Q.

La négation de (P ⇒ Q) est (P ∧ Q).


La contraposée de (P ⇒ Q) est (Q ⇒ P).
La réciproque de (P ⇒ Q) est (Q ⇒ P).

Par exemple, (pour n ≥ 2), l’implication (n premier et n 6= 2) ⇒ (n impair) (I) est vraie.
La contraposée de l’implication (I) est : (n pair) ⇒ (n = 2 ou n non premier) et est (obligatoirement) vraie.
La réciproque de l’implication (I) est : (n impair) ⇒ (n premier et n 6= 2) et est fausse (puisque 9 n’est pas premier).
Enfin, la négation de l’implication (I) est : (n premier et n 6= 2 et n est pair) et est (obligatoirement) fausse.
De manière générale, la contraposée de P ⇒ Q à savoir Q ⇒ P est équivalente à P ⇒ Q et a donc même valeurs de
vérité, la négation de P ⇒ Q à savoir P ∧ Q a des valeurs de vérité contraires. La véracité de la réciproque de P ⇒ Q à
savoir Q ⇒ P n’a quant à elle aucun rapport avec celle de P ⇒ Q. Ces deux implications sont vraies ou fausses de manière
totalement indépendantes.

4 Les quantificateurs ∀ et ∃
4.1 Définition des quantificateurs
On se donne un ensemble E et P(x) une proposition dont les valeurs de vérité sont fonction des éléments x de E.
Par exemple, considérons la proposition « x2 = 1 » dépendant d’un réel x. On ne peut pas dire que la phrase x2 = 1 est
vraie ou fausse tant qu’on ne sait pas ce que vaut x. Une telle proposition, dont les valeurs de vérité sont fonction d’une
(ou plusieurs) variable(s)s’appelle un prédicat. Nous n’utiliserons plus ce terme par la suite. Cette proposition est vraie
quand x = 1 ou quand x = −1 et est fausse dans les autres cas ou encore, la proposition « x2 = 1 ⇔ (x = 1 ou x = −1) » est
vraie pour tout choix du réel x.
De manière générale :
Définition 4.
⋄ La proposition : « Pour tous les éléments x de E, la proposition P(x) est vraie » s’écrit en abrégé : « ∀x ∈ E, P(x) ».

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⋄ La proposition : « il existe au moins un élément x de E tel que la proposition P(x) est vraie » s’écrit en abrégé : « ∃x ∈
E/ P(x) » ou aussi « ∃x ∈ E, P(x) ».
⋄ La proposition : « il existe un et un seul élément x de E tel que la proposition P(x) est vraie » s’écrit en abrégé : « ∃!x ∈
E, P(x) ».
(Dans « ∃x ∈ E/ P(x) » ou « ∃x ∈ E, P(x) » , le / ou la virgule se lisent donc « tel que »).
Définition 5. ∀ s’appelle le quantificateur universel et ∃ s’appelle le quantificateur existentiel.
➾ Commentaire . Les symbôles ∀ et ∃ sont le A (initiale de « all » (tous en anglais)) et le E (« exists ») que l’on a retournés.

Exercice 1. Ecrire avec des quantificateurs les propositions suivantes :


1) f est la fonction nulle (où f est une fonction de R dans R).
2) Le dénominateur D de f s’annule au moins une fois sur R.
3) f est l’identité de R (c’est-à-dire la fonction qui, à chaque réel, associe lui-même).
4) Le graphe de f coupe la droite d’équation y = x.
5) f est croissante sur R (où f est une fonction de R dans R).
6) L’équation sin x = x a une et une seule solution dans R.
7) Pour tout point M du plan P, M est sur le cercle C de centre Ω et de rayon R si et seulement si
la distance de M à Ω vaut R.

Solution.
1) ∀x ∈ R, f(x) = 0.
2) ∃x ∈ R/ D(x) = 0.
3) ∀x ∈ R, f(x) = x.
4) ∃x ∈ R/ f(x) = x.
5) ∀(a, b) ∈ R2 , (a ≤ b ⇒ f(a) ≤ f(b)).
6) ∃!x ∈ R/ sin(x) = x.
7) ∀M ∈ P, (M ∈ C ⇔ ΩM = R).

➾ Commentaire . En 5), il ne faut pas lire que pour tout couple (a, b) de réels, on a a ≤ b ou encore, il ne faut pas lire
(∀(a, b) ∈ R2 , a ≤ b) ⇒ f(a) ≤ f(b). Mais, il faut lire que pour tout couple (a, b) de réels, l’implication (a ≤ b ⇒ f(a) ≤ f(b))
est vraie.
De la même façon, en 7), il ne faut pas lire que tout point du plan est sur le cercle (ou encore il ne faut pas lire (∀M ∈ P, M ∈
C ) ⇔ ...) mais il faut lire que pour tout point du plan, il est équivalent de dire que M est sur le cercle et que ΩM = R. Dans cette
phrase, le point M a la possibilité de ne pas être sur le cercle.

Exercice 2. Montrer que : ∃x ∈ R/ sin(x) = x.

Solution.
sin(0) = 0. Donc, ∃x ∈ R/ sin(x) = x.

➾ Commentaire . Pour montrer la phrase ∃x ∈ E/ P(x), la plupart du temps, on fournit explicitement un élément précis
x0 de E vérifiant la propriété désirée.
Il est certain que, dans l’ensemble du cours de mathématiques, vous aurez à disposition un petit nombre de théorèmes qui affirment
l’existence d’un objet sans le fournir explicitement. Par exemple, le théorème exposé au lycée : « toute suite réelle croissante et majorée
converge » affirme qu’il existe une limite sans pour autant la fournir. Citons aussi le théorème fondamental de l’algèbre exposé en
maths sup : « toute équation polynômiale de degré supérieur ou égal à 1 à coefficients dans C admet au moins une solution dans
C ». Ce théorème affirme l’existence d’une solution sans pour autant fournir cette solution. Citons encore un corollaire du théorème
des valeurs intermédiaires qui affirme que « si f est une fonction continue sur un intervalle I de R à valeurs dans R qui prend une
valeur positive en un réel a de I et une valeur négative en un réel b de I, alors l’équation f(x) = 0 admet au moins une solution
dans I ». Redisons-le néanmoins, dans de très nombreux cas,

Montrer qu’il existe un élément x de E vérifiant une certaine propriété,


c’est fournir explicitement un tel élément.

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4.2 Propriétés des quantificateurs avec une variable
Théorème 10. Soient E un ensemble et P(x) une proposition dont les valeurs de vérité sont fonction des éléments x de
E.
1) (∀x ∈ E, P(x)) ⇔ (∃x ∈ E, P(x)).
2) (∃x ∈ E, P(x)) ⇔ (∀x ∈ E, P(x)).
(« Le contraire de ∀ est ∃ et le contraire de ∃ est ∀ »).
Par exemple, nous écrirons plus tard la définition d’une fonction f continue en un réel x0 :

f est continue en x0 ⇔ (∀ε > 0, ∃α > 0/ ∀x ∈ Df , (|x − x0 | < α ⇒ |f(x) − f(x0 )| < ε).
Le théorème précédent permettra de fournir mécaniquement la définition de : « f n’est pas continue en x0 », en niant
la phrase précédente.

f n’est pas continue en x0 ⇔ (∃ε > 0/ ∀α > 0, ∃x ∈ Df / (|x − x0 | < α et |f(x) − f(x0 )| ≥ ε).
(0n rappelle que la négation de P ⇒ Q est P ∧ Q et que la négation de < est ≥. D’autre part, la négation de ∀ε > 0, est
∃ε > 0/ et non pas ∃ε ≤ 0/. De manière générale, la négation de ∀x ∈ E, . . . est ∃x ∈ E/ . . .).
Exercice 3. Ecrire avec des quantificateurs les propositions suivantes :
1) f n’est pas nulle (où f est une fonction de R dans R).
2) Le dénominateur D de la fraction ne s’annule pas sur R.
3) f n’est pas l’identité de R (où f est une fonction de R dans R).
4) f n’est pas croissante sur R (où f est une fonction de R dans R).

Solution.
1) ∃x ∈ R/ f(x) 6= 0.
2) ∀x ∈ R, D(x) 6= 0. Vous constaterez que les phrases « le dénominateur ne s’annule pas » et « le dénominateur
n’est pas nul » n’ont pas du tout la même signification.
3) ∃x ∈ R/ f(x) 6= x.
4) ∃(a, b) ∈ R2 / (a ≤ b et f(a) > f(b)). Ici, il a fallu nier l’implication (a ≤ b ⇒ f(a) ≤ f(b)). Cette négation a
été fournie par le théorème 8, page 6.

Exercice 4.
1) Montrer que la fonction sin n’est pas nulle.
2) Montrer que la fonction valeur absolue n’est pas dérivable sur R.

Solution.
1) sin( π2 ) = 1 6= 0. Donc, sin 6= 0.
2) La fonction valeur absolue n’est pas dérivable en 0 et donc n’est pas dérivable sur R.

➾ Commentaire .
⋄ Dire qu’une fonction f est la fonction nulle équivaut à dire : ∀x ∈ R, f(x) = 0. Dire que f n’est pas nulle équivaut donc à
dire : ∃x ∈ R/ f(x) 6= 0. Dire qu’une fonction f est dérivable sur R équivaut à dire : ∀x ∈ R, f est dérivable en x. Dire que f n’est
pas dérivable sur R équivaut donc à dire : ∃x ∈ R/ f n’est pas dérivable en x.
⋄ Comme nous l’avons dit plus plus haut, pour montrer une phrase du type : ∃x ∈ R/ . . ., on fournit explicitement un réel x tel
que . . .. En 1., nous avons fourni le réel π2 et en 2., le réel 0.

Passons maintenant aux rapports qu’entretiennent les quantificateurs ∀ et ∃ avec les connecteurs logiques et et ou.
Théorème 11. Soient E un ensemble et P(x) une proposition dont les valeurs de vérité sont fonction des éléments x de
E.
➊ (∀x ∈ E, P(x) ∧ Q(x)) ⇔ ((∀x ∈ E/ P(x)) ∧ (∀x ∈ E, Q(x))).
;
➋ (∀x ∈ E, P(x) ∨ Q(x)) ((∀x ∈ E/ P(x)) ∨ (∀x ∈ E, Q(x))).


➌ (∃x ∈ E, P(x) ∧ Q(x)) ((∃x ∈ E, P(x)) ∧ (∃x ∈ E, Q(x))).
:
➍ (∃x ∈ E, P(x) ∨ Q(x)) ⇔ ((∃x ∈ E, P(x)) ∨ (∃x ∈ E, Q(x))).

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Dans ➋ et ➌, on ne trouve pas d’équivalence mais seulement une implication. Pour le comprendre, commençons par
analyser le langage courant. La phrase « dans la classe, il existe une personne qui est un garçon et une autre personne qui
est une fille » est vraie mais une même personne ne peut jouer les deux rôles à la fois ou encore la phrase « il existe un
élève qui est un garçon et une fille » est fausse. De même, la phrase « dans la classe, tout élève est un garçon ou une fille »
est vraie mais la phrase « dans la classe, tout élève est un garçon ou tout éléve est une fille » est fausse.
Etudions un exemple « plus mathématique », et pour cela, considérons les deux propositions

(∃x ∈ R/ cos x = 0) et (∃x ∈ R/ sin x = 0),

et
(∃x ∈ R/ cos x = 0 et sin x = 0).
π
La première proposition est vraie car 0 est un réel x tel que sin x = 0 et est un réel x tel que cos x = 0. Ainsi, dans les
2
deux affirmations (∃x ∈ R/ cos x = 0) et (∃x ∈ R/ sin x = 0), la lettre x utilisée deux fois ne désigne pas forcément
un même nombre. La deuxième proposition est clairement fausse (car par exemple ∀x ∈ R, cos2 x + sin2 x = 1 6= 0).
Etudions un autre exemple. On rappelle qu’une fonction f de R dans R est monotone si et seulement si elle est croissante
ou décroissante sur R. Ceci s’écrit avec des quantificateurs :

(∀(a, b) ∈ R2 , (a ≤ b ⇒ f(a) ≤ f(b))) ou (∀(a, b) ∈ R2 , (a ≤ b ⇒ f(a) ≥ f(b))),

et ne s’écrit sûrement pas


(∀(a, b) ∈ R2 , (a ≤ b ⇒ f(a) ≤ f(b) ou f(a) ≥ f(b)),
cette deuxième phrase étant, elle, vérifiée par toute fonction de R dans R.
Encore un exemple. On considère deux fonctions f et g de R dans R. On suppose que f×g = 0. Peut-on affirmer que l’on
a f = 0 ou g = 0 ? La réponse est non. Il suffit de considérer deux fonctions non nulles f et g telles que, à chaque fois que
f ne s’annule pas, ce soit g qui s’annule. Par exemple, f : R → R et g : R → R .
x si x ≥ 0 x si x ≤ 0
x 7→ x 7→
0 si x < 0. 0 si x > 0.
Pour ces fonctions f et g, si x est un réel élément de ] − ∞, 0[, f(x)g(x) = 0 × x = 0 et si x est un réel élément de [0, +∞[,
f(x)g(x) = x × 0 = 0.
Revenons à des fonctions quelconques f et g et exprimons ce qui précède avec des quantificateurs.

fg = 0 ⇔ ∀x ∈ R, f(x)g(x) = 0 ⇔ ∀x ∈ R, (f(x) = 0 ou g(x) = 0) (I),

alors que

f = 0 ou g = 0 ⇔ (∀x ∈ R, f(x) = 0) ou (∀x ∈ R, g(x) = 0 (II).

Les propositions (I) et (II) ne sont pas les mêmes et encore une fois, on ne peut donc pas distribuer ∀ sur le mot ou.
Dans la phrase (I), « le mot ou est une fonction de x » et en faisant varier x, c’est tantôt f(x) qui peut être nul et tantôt
g(x). Ce n’est pas le cas dans la phrase (II).

On peut distribuer ∀ sur « et » et ∃ sur « ou »


mais on ne peut pas distribuer ∀ sur « ou » et ∃ sur « et ».

Pour mémoriser ce dernier cas (les autres cas s’en déduisent), on pourra se rappeler que dans un lycée, il existe un
garçon beau et il existe un garçon intelligent mais qu’il est plus difficile de trouver un (même) garçon beau et intelligent
à la fois.
Exercice 5. Ecrire avec des quantificateurs les propositions suivantes :
1) a) Tout entier naturel est pair ou impair.
b) Tout entier naturel est pair ou tout entier naturel est impair.
2) a) f est strictement monotone sur R (où f désigne une foncftion de R dans R).
b) f n’est pas strictement monotone sur R.

Solution.
1) a) ∀n ∈ N, (n est pair ou n est impair).
b) (∀n ∈ N, n est pair) ou (∀n ∈ N, n est impair).
2) a) (∀(a, b) ∈ R2 , (a < b ⇒ f(a) < f(b))) ou (∀(a, b) ∈ R2 , (a < b ⇒ f(a) > f(b))).
b) (∃(a, b) ∈ R2 / (a < b et f(a) ≥ f(b))) et (∃(a, b) ∈ R2 / (a < b et f(a) ≤ f(b))).

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➾ Commentaire .
⋄ Le 1) doit de nouveau convaincre que l’on ne peut pas distribuer ∀ sur « ou ». En a), chaque fois que l’on se donne un entier n,
ou bien la phrase « n est pair » est vraie, ou bien la phrase « n est impair » est vraie. Par suite, la phrase « n est pair ou n est
impair » est vraie.
Par contre, en b), la phrase « ∀n ∈ N, n est pair » est fausse et la phrase « ∀n ∈ N, n est impair » est fausse. En conséquence, la
phrase « (∀n ∈ N, n est pair) ou (∀n ∈ N, n est impair) » est fausse. Les affirmations a) et b) ne sont pas les mêmes.
⋄ Une fois que l’on est mis en garde sur l’utilisation de ∀ et « ou », la définition correcte d’une fonction monotone doit sortir
naturellement. Cette définition n’est en aucun cas : ∀(a, b) ∈ R2 , (a ≤ b ⇒ (f(a) < f(b) ou f(a) > f(b)).
La négation de cette définition s’obtient alors mécaniquement. Il s’agit d’un calcul sur les symboles ∀, ⇒, ∧ ... et le chapitre en
cours a pour but d’en exposer les règles. Une fois, ces règles et leurs significations acquises, il n’est plus besoin de réfléchir pour
manipuler ces différents objets, de même que l’on ne réfléchit plus depuis longtemps (à tort) à la signification d’égalités du genre
1 1 3+2
9 × 8 = 72 ou 2(x + y) = 2x + 2y ou + = .
2 3 6

4.3 Propriétés des quantificateurs avec deux variables


Dans ce qui suit, P(x, y) désigne une proposition dont les valeurs de vérité dépendent de deux variables x et y comme
par exemple la proposition 2x + y > 0 pour x et y réels donnés. Cette affirmation est vraie si le point de coordonnées
(x, y) est strictement au-dessus de la droite d’équation y = −2x et fausse sinon.
Théorème 12.
➊ ((∀x ∈ E), (∀y ∈ E), P(x, y)) ⇔ ((∀y ∈ E), (∀x ∈ E), P(x, y)).
➋ ((∃x ∈ E), (∃y ∈ E), P(x, y)) ⇔ ((∃y ∈ E), (∃x ∈ E), P(x, y)).

On peut permuter des quantificateurs de même nature.

➾ Commentaire . On verra au chapitre suivant que l’on note E2 l’ensemble des couples d’éléments de E. La phrase ((∀x ∈
E), (∀y ∈ E), P(x, y)) peut alors s’écrire plus simplement ∀(x, y) ∈ E2 , P(x, y) et la phrase ((∃x ∈ E), (∃y ∈ E), P(x, y)) peut alors
s’écrire plus simplement ∃(x, y) ∈ E2 , P(x, y)

On vient d’affirmer que l’on peut permuter des quantificateurs de même nature mais

On ne peut pas permuter des quantificateurs de natures différentes.


Théorème 13.((∃x ∈ E)/ (∀y ∈ E, P(x, y))) (∀y ∈ E, ∃x ∈ E/ P(x, y)).
:

Quand on écrit ∃x/ ∀y l’élément x est fourni une bonne fois pour toutes avant les y et est donc
constant quand y varie.
Quand on écrit ∀y, ∃x l’élément x est fourni après chaque y.
Il dépend de y et peut donc varier quand y varie.

Par exemple, en algèbre linéaire, vous aurez un jour à résoudre l’exercice suivant (dont vous ne pouvez pas necore
comprendre le contenu) : « Soient E un espace vectoriel et f une application linéaire de E dans lui-même vérifiant ∀− →u ∈

→ −
→ −
→ −

E, ∃λ ∈ R/ f( u ) = λ u (∗). Montrer que f est une homothétie vectorielle (c’est-à-dire ∃λ ∈ R/ ∀ u ∈ E, f(~u) = λ u )) ».
Résoudre cet exercice consistera à montrer que le réel λ fourni dans (∗) est en fait indépendant du vecteur −

u ou encore
que ce réel ne varie pas quand ~
u varie.

Exercice 6. Ecrire avec des quantificateurs les propositions suivantes :


1) a) f est constante sur R (où f est une fonction de R dans R).
b) f n’est pas constante sur R.
2) a) f est une homothétie (où f est une transformation du plan P).
b) f n’est pas une homothétie.
3) a) Pour chaque entier, on peut trouver un entier strictement plus grand (cette affirmation est vraie).
b) Il y a un entier plus grand que tous les entiers (cette affirmation est fausse).

Solution.
1) a) ∃C ∈ R/ ∀x ∈ R, f(x) = C, ou encore plus simplement, ∀x ∈ R, f(x) = f(0).
b) ∀C ∈ R, ∃x ∈ R/ f(x) 6= C, ou encore plus simplement, ∃x ∈ R/ f(x) 6= f(0).

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−−−−→ −−→
2) a) ∃k ∈ R, ∃Ω ∈ P/ ∀M ∈ P, Ωf(M) = k.ΩM.
−−−−→ −−→
b) ∀k ∈ R, ∀Ω ∈ P, ∃M ∈ P/ Ωf(M) 6= k.ΩM.
3) a) ∀n ∈ N, ∃m ∈ N/ m > n.
b) ∃m ∈ N/ ∀n ∈ N, m > n.

➾ Commentaire .
⋄ La définition correcte d’une fonction constante, donnée en 1., est à mémoriser. Elle sera par exemple utile pour calculer des
primitives ou plus généralement pour résoudre certaines équations différentielles. Cette définition n’est sûrement pas ∀x ∈ R, ∃C ∈
R/ f(x) = C (*). Cette dernière affirmation est vérifiée par toute fonction de R dans R, car malheureusement, l’ordre ∀x, ∃C permet
au nombre C de changer de valeur quand x change lui-même de valeur. Accessoirement, on doit noter que le phrase ∀x ∈ R, f = cte
est une version catastrophique de la phrase (∗), phrase qui était déjà fausse.
⋄ Le problème est identique en 2.a) et en 3.. En 2.a), le centre Ω et le rapport k doivent être indépendants du point variable M. Le
bon ordre est donc ∃k, ∃Ω/ ∀M.... En 3., on sait bien que seul a) est vrai. Ainsi, pour chaque n, on peut fournir un m dépendant
de n et strictement plus grand que n, et c’est ce que l’on a fait : l’entier m = n + 1 est effectivement variable quand n varie.

5 Les grands types de raisonnement


5.1 Le raisonnement déductif
Le schéma du raisonnement déductif est le suivant :

Quand P est une proposition vraie, et P ⇒ Q est une proposition vraie, on peut affirmer que
Q est une proposition vraie.

Un résultat connu comme étant vrai (c’est à dire un théorème) ne peut entraîner qu’un autre résultat vrai. Cette règle
est connue sous le nom de « modus ponens ».
C’est le raisonnement de base que vous reproduirez un grand nombre de fois. Et même, vous tiendrez ce raisonnement
tellement de fois (ou encore, vous serez tellement souvent dans la situation où l’hypothèse P est vraie) que vous risquez à
terme de commettre une confusion entre la phrase simple « P ⇒ Q est vraie » et la phrase plus complète « P est vraie et
P ⇒ Q est vraie ». Seule la deuxième permet d’affirmer que Q est vraie.
Sachant de plus que l’implication est transitive, une démonstration prend très souvent la forme suivante : P est vraie
et P ⇒ Q ⇒ R ⇒ ... ⇒ S ⇒ T est vraie, et on a donc montré que T est vraie.

5.2 Le raisonnement par l’absurde


On veut montrer qu’une proposition P est vraie. On suppose que c’est sa négation P qui est vraie et on montre que
cela entraîne une proposition fausse. On en conclut que P est vraie (puisque Q est fausse, l’implication P ⇒ Q ne peut
être vraie que si P est fausse ou encore si P est vraie). Le schéma du raisonnement par l’absurde est le suivant :

Quand P ⇒ Q est une proposition vraie, et Q est une proposition fausse, on peut affirmer que
P est une proposition vraie.


Exemple. Montrons que 2 est irrationnel.
√ √ a
Supposons par l’absurde que 2 ∈ Q. Il existe alors deux entiers naturels non nuls a et b tels que 2 = ou encore
b
a2 = 2b2 . Maintenant, dans la décomposition en facteurs premiers de l’entier a2 (qui est à l’évidence supérieur à 2), le
nombre premier 2 apparaît à un exposant pair (si a = 2α × ... alors, a2 = 22α × ...) alors qu’il apparaît à un exposant
impair dans 2b2 (si b = 2β × . . . alors, 2b2 = 22β+1 × . . .). Si l’on admet l’unicité de la décomposition en facteurs premiers
d’un entier naturel supérieur à 2 (unicité qui sera
√ démontrée plus tard dans ce cours), l’égalité des nombres √ a2 et 2b2 est
donc impossible. Par suite, l’hypothèse faite ( 2 ∈ Q) est absurde et on a montré (par l’absurde) que 2 ∈ / Q.

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5.3 Le raisonnement par contraposition
Le schéma est le suivant :

Pour montrer que P ⇒ Q est une proposition vraie, il (faut et) il suffit de montrer que
Q ⇒ P est une proposition vraie.

Exemple. Soient k et k ′ deux entiers naturels non nuls. Montons que (kk ′ = 1 ⇒ k = k ′ = 1). Supposons que k 6= 1
ou k ′ 6= 1. Alors, on a (k ≥ 2 et k ′ ≥ 1) ou (k ≥ 1 et k ′ ≥ 2). Dans les deux cas, on a kk ′ ≥ 2 et en particulier, kk ′ 6= 1.
Donc,

(k 6= 1 ou k ′ 6= 1) ⇒ (kk ′ 6= 1).
Par contraposition, on a montré que

(kk ′ = 1) ⇒ (k = 1 et k ′ = 1).

6 Erreurs classiques à ne pas commettre


⋄ Croire que le contraire de x ≥ 0 est x ≤ 0. Le contraire de x ≥ 0 est x < 0.
⋄ Confondre ⇒ et ⇔. Une équivalence est constituée de deux implications.
⋄ Refuser l’usage des quantificateurs ∀ et ∃. Par exemple, la phrase sin(x) 6= x n’a pas de sens. Signifie-t-elle ∀x ∈
R, sin(x) 6= x, auquel cas elle est fausse car sin(0) = 0, ou signifie-t-elle que la fonction sinus n’est pas la fonction x 7→ x,
auquel cas elle devrait être proprement écrite sous la forme ∃x ∈ R/ sin(x) 6= x ou aussi sin 6= IdR ? De manière générale,
tout résultat contenant une variable doit être précédé du quantificateur adéquat.
⋄ Placer n’importe où des quantificateurs. Par exemple, la phrase f(x) 6= 0, ∀x ∈ R n’est pas vraiment correcte car dans
cette phrase, la première fois que l’on parle de x (f(x) 6= 0), on ne sait pas ce que x représente et on doit attendre encore
le ∀x ∈ R pour savoir qu’il s’agit d’un réel ou encore, la première fois que l’on parle de x, x n’est pas défini. La bonne
phrase est ∀x ∈ R, f(x) 6= 0 et se lit de manière naturelle : pour tout réel x, f(x) est différent de 0. Une phrase du genre « ∀
point M ∈ au plan, . . . » n’est pas correcte non plus, car elle mélange deux langages. On doit l’écrire ou bien « ∀M ∈ P »,
ou bien « pour tout point M du plan ».
⋄ Penser que les phrases ∀n ∈ N, ∃m ∈ N/ m > n et ∃m ∈ N/ ∀n ∈ N, m > n signifient la même chose et donc, ne
prêter aucune attention à l’ordre des quantificateurs.
⋄ Penser que les phrases ∀x ∈ R, (f(x) = 0 ou g(x) = 0) et ((∀x ∈ R, f(x) = 0) ou (∀x ∈ R, g(x) = 0) signifient la même
chose. Encore une fois, on ne peut pas distribuer ∀ sur ou.

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CHAPITRE 2

Sommes et produits

X
2.1 Sommes : symbole

2.1.1 Indices muets


Dénition 1
Soient p ∈ N∗ et soient u0 , u1 , u2 , . . . , up des réels. La somme S = u0 + u1 + +u2 + · · · + up se note aussi
X
p
S= uk
k=0

Remarques :

R 1  La lettre k peut en réalité être remplacée par n'importe quelle autre lettre (qui n'est pas déjà
utilisée !). On dit que c'est une lettre muette, appelée l'indice de sommation. On peut ainsi
écrire :
X
p X
p X
p
S= uk = ui = uj
k=0 i=0 j=0

X
p
R 2  Dans la somme uk , il y a n + 1 termes. P+1
k=0
X
n
Plus généralement, dans la somme uk , il y a n − p + 1 termes.
k=p
R 3  On peut parfois séparer une somme en deux. Soit n > 1 et soit p ∈ J1, n − 1K. On a :

X
n X
p X
n
ak = ak + ak
k=0 k=0 k=p+1

et
X
n X
n X
p−1
ak = ak − ak
k=p k=0 k=0
2/8 2. Sommes et produits

2.1.2 Propriétés
Proposition 2
Soient p ∈ N et soient u1 , . . . , up , v1 , . . . , vp des réels. Alors

X
p X
p X
p
(uk + vk ) = uk + vk
k=1 k=1 k=1

• Pour tout λ ∈ R,
X
p X
p
λuk = λ uk
k=1 k=1

X
p
1=p
k=1

Remarques :

R 1  Attention aux valeurs minimale et maximale de l'indice de sommation. On a par exemple

X
100 X
100
1 = 100, 1 = 101
k=1 k=0

R 2  Parfois certaines sommes peuvent se simplier en dominos : c'est le cas lorsque le terme dans la
somme est de la forme vn+1 − vn :

X
p
(vk+1 − vk ) = (v2 − v1 ) + (v3 − v2 ) + · · · + (vp+1 − vp ) = vp+1 − v1
k=1

On dit qu'on a une somme télescopique

2.1.3 Changements d'indices


Remarque :

X
n
Lorsqu'on a une somme ak , on peut réaliser pour convenance deux types de changements d'indice :
k=p
• un changement par décalage d'indice : on pose ` = k + j ⇐⇒ k = ` − j où k est un entier xé.
• un changement où on inverse l'ordre d'énumération : on pose ` = n − k ⇐⇒ k = n − `.
Après un changement d'indice, le nombre de termes dans la somme doit rester inchangé !
Exemples :

E1 
X
p
1 X1
p−1
1 1 1
= =1+ + + ··· +
k=2
k − 1 `=1
` 2 3 p−1
E2 
X
n−1
1 Xn
1
=
k=0
n − k `=1
`
2. Sommes et produits 3/8

2.1.4 Sommes classiques


Théorème 3 Somme des entiers, des carrés, des cubes
Soit n un entier naturel. On a :
X
n X
n X
n ‚ Œ2
n(n + 1) 2 n(n + 1)(2n + 1) 3 n(n + 1) n2 (n + 1)2
k= , k = , k = =
k=0 2 k=0 6 k=0 2 4

Démonstration :

X
n
n(n + 1)
1. • Notons pour tout n ∈ N, P(n) : " k= ".
k=0
2
X
0
0(0 + 1)
• Pour n = 0, vérions que la propriété est vraie. On a , donc P(0) est vraie.
k=0=
k=0
2
• Soit n > 0. Supposons que la propriété P(n) est vraie, montrons qu'alors P(n + 1) est vraie, i.e. montrons
X
n+1
(n + 1)(n + 2)
que k= . Alors
k=0
2

X
n+1 X
n
HR n(n + 1)  n ‹ (n + 1)(n + 2)
k= k + (n + 1) = + (n + 1) = (n + 1) +1 =
k=0 k=0
2 2 2

• Par récurrence, la propriété P(n) est donc vraie pour tout n > 0.
Xn
n(n + 1)(2n + 1)
2. • Notons pour tout n ∈ N, P(n) : " k2 = ".
k=0
6
X
0
0(0 + 1)(0 + 1)
• Pour n = 0, vérions que la propriété est vraie. On a k2 = 0 = , donc P(0) est vraie.
k=0
6
• Soit n > 0. Supposons que la propriété P(n) est vraie, montrons qu'alors P(n + 1) est vraie, i.e. montrons
X 2 (n + 1)(n + 2)(2n + 3)
n+1
que k = . Alors
k=0
6

X
n+1 X
n
HR n(n + 1)(2n + 1)

n(2n + 1)

k2 = k 2 + (n + 1)2 = + (n + 1)2 = (n + 1) n + 1 +
k=0 k=0
6 6
2n2 + 7n + 6 (n + 1)(n + 2)(2n + 3)
= (n + 1) =
6 6
• Par récurrence, la propriété P(n) est donc vraie pour tout n > 0.
Xn
n2 (n + 1)2
3. • Notons pour tout n ∈ N, P(n) : " k3 = ".
k=0
4
X
0
02 (0 + 1)2
• Pour n = 0, vérions que la propriété est vraie. On a , donc P(0) est vraie.
k3 = 0 =
k=0
4
• Soit n > 0. Supposons que la propriété P(n) est vraie, montrons qu'alors P(n + 1) est vraie, i.e. montrons
X 3 (n + 1)2 (n + 2)2
n+1
que k = . Alors
k=0
4

X
n+1 X
n
HR n2 (n + 1)2
‚ Œ
3 3 3 n2 (n + 1)2 (n + 2)2
k = k + (n + 1) = + (n + 1)3 = (n + 1)2 +n+1 =
k=0 k=0
4 4 4

• Par récurrence, la propriété P(n) est donc vraie pour tout n > 0.
4/8 2. Sommes et produits

Conséquence 4 Somme des termes d'une suite arithmétique


Si (un ) est une suite arithmétique, alors :
X
n
(up + un )(n − p + 1)
up + up+1 + up+2 + · · · + un−1 + un = uk =
k=p 2

Remarque :

Schématiquement, on peut retenir la formule suivante pour la somme des termes d'une suite arithmétique :

X
n
(1er terme + Dernier terme) × (Nombre de termes)
uk =
k=p
2

Théorème 5 Somme des puissances


Soit n un entier naturel et soit q un réel diérent de 1. Alors :
X
n
1 − q n+1
qk =
k=0 1−q

Démonstration :

X
n
1 − q n+1
• Notons pour tout n ∈ N, P(n) : " qk = ".
k=0
1−a
1−q X
0
• Pour n = 0, vérions que la propriété est vraie. On a , donc P(0) est vraie.
qk = 1 =
k=0
1−q
• Soit n > 0. Supposons que la propriété P(n) est vraie, montrons qu'alors P(n + 1) est vraie, i.e. montrons
X k 1 − qn+2
n+1
que q = . Alors
k=0
1−q

X
n+1 X
n
HR 1 − q n+1 1 − q n+1 + (1 − q)q n+1 1 − q n+2
qk = q k + q n+1 = + q n+1 = =
k=0 k=0
1−q 1−q 1−q

• Par récurrence, la propriété P(n) est donc vraie pour tout n > 0.

Conséquence 6 Somme des termes d'une suite géométrique


Si (un ) est une suite géométrique de raison q 6= 1, alors :
X
n
1 − q n−p+1
up + up+1 + up+2 + · · · + un−1 + un = uk = up ×
k=p 1−q

Remarque :

Schématiquement, on peut retenir la formule suivante pour la somme des termes d'une suite géométrique
de raison q 6= 1 :
X
n
1 − (raison)Nombre de termes
uk = (1er terme) ×
k=p
1 − raison
2. Sommes et produits 5/8
Y
2.2 Produits : symbole

2.2.1 Produits
Dénition 7
Y
p
Soient u1 , u2 , . . . , up des réels. on note leur produit u1 × u2 × · · · × up = uk .
k=1
Un cas particulier, le produit n × (n − 1) × (n − 2) × · · · × 2 × 1 se note n! et se prononce "factorielle n".

Remarques :

R 1  Les règles de changements d'indices marchent de la même manière que pour les sommes. Par exemple,
Q
la variable k n'a de sens que dans le symbole et pas en dehors.
R 2  Pour tous réels a0 , a1 , . . . , an , b0 , b1 , . . . , bn , on a :

Y
n Y
n Y
n
(ak bk ) = ak × bk
k=0 k=0 k=0

R 3  Pour tout λ ∈ R et pour tous réels a0 , . . . , an , on a :

Y
n Y
n
λak = λn+1 ak
k=0 k=0

R 4  Pour 1 6 p 6 n − 1, on a :
Y
n Y
p Y
n
ak = ak × ak
k=0 k=0 k=p+1

2.2.2 Factorielles
Dénition 8
Pour tout n entier, n > 1, on dénit le nombre "factorielle n" par :
Y
n
n! = n × (n − 1) × (n − 2) × · · · × 3 × 2 × 1 = k
k=1

et par convention 0! = 1

Exemples :

E 1  0! = 1.
E 2  1! = 1.
E 3  2! = 2 × 1 = 2.
E 4  3! = 3 × 2 × 1 = 6.
E 5  4! = 4 × 3 × 2 × 1 = 24.

Proposition 9
Pour tout n > 1, on a :
n! = n × (n − 1)!
6/8 2. Sommes et produits

Remarque :

Attention, que la formule


n! = n × (n − 1)!
n'est vrai que pour tout entier n > 1.
Pour n > 0, on peut la réécrire par :
(n + 1)! = (n + 1) × n!

2.2.3 Coecients binomiaux


Dénition 10
!Pour tous entiers n et p tels que 0 6 p 6 n, on dénit le coecient binomial "p parmi n", noté
n
par :
p
!
n n! n × (n − 1) × · · · × (n − p + 1)
= =
p p!(n − p)! p × (p − 1) × · · · × 2 × 1

Remarque :

On peut aussi ‚ Œ le coecient binomial lorsque les entiers n et p ne vérient pas 0 6 p 6 n : par
dénir
n
convention on pose = 0 dès que soit n < 0, soit p < 0, soit n < p
p

Proposition 11 !
n
• Pour tout n > 0, = 1.
0!
n
• Pour tout n > 1, = n.
1!
n n(n − 1)
• Pour tout n > 2, = .
2 ! 2
n
• Pour tout n > 1, = n.
n!− 1
n
• Pour tout n > 1, =1
n
• Pour tous entiers n et p tels que 0 6 p 6 n, on a :
! !
n n
=
n−p p

• Pour tous n et p tels que 1 6 p 6 n, on a :


! !
n n−1
p =n
p p−1
2. Sommes et produits 7/8

Démonstration :

Il sut de remplacer avec les factorielles et de simplier les expressions. Quelques exemples :
‚ Œ
n n! 1
= = =1
0 0! × n! 0!
‚ Œ
n n! n × (n − 1)!
= = =n
1 1! × (n − 1)! (n − 1)!
‚ Œ
n n! n(n − 1) × (n − 2)! n(n − 1)
= = =
2 2! × (n − 2)! 2! × (n − 2)! 2
‚ Œ ‚ Œ
n n! n! n
= = =
n−p (n − p)! × (n − (n − p))! p! × (n − p)! p
‚ Œ ‚ Œ
n n! n! (n − 1)! n−1
p =p× = =n× =n
p p! × (n − p)! (p − 1)!(n − p)! (p − 1)!((n − 1) − (p − 1))! p−1

Théorème 12 Formule de Pascal


Pour tous entiers n et p, on a :
! ! !
n n n+1
+ =
p p+1 p+1

Démonstration :

On a :
‚ Œ ‚ Œ  
n n n! n! n! 1 1
+ = + = +
p p+1 p!(n − p)! (p + 1)!(n − p − 1)! p!(n − p − 1)! n − p p + 1
‚ Œ
n! n+1 (n + 1)! n+1
= × = =
p!(n − p − 1)! (n − p)(p + 1) (p + 1)!(n − p)! p+1

Remarque :

Cette formule nous aide à construire le Triangle de Pascal qui contient tous les coecients binomiaux.

degré
0 1
1 1 1
2 1 2 1
3 1 3 3 1
4 1 4 6 4 1
5 1 5 10 10 5 1
.. .. .. .. .. .. .. ..
. . . . . . . .
‚ Œ ‚ Œ
n n .
n 1 ··· · · · · · · · · · ..
p ‚p + 1Œ
n+1 .
n + 1 1 ··· · · · · · · · · · · · · ..
p+1
8/8 2. Sommes et produits

2.2.4 Formule du binôme de Newton


Théorème 13
Soient a et b deux nombres réels et n un entier. Alors
!
n
X
n
n
(a + b) = ak bn−k
k=0 k

Démonstration :

Posons a et b deux réels. Démontrons la formule par récurrence sur n.


Xn ‚ Œ
n
• Posons pour tout n ∈ N : P(n) : "(a + b)n = ak bn−k ".
k
0 ‚ Œ
k=0
X 0
• n = 0. Alors (a + b) = 1 =
0
a0 b0−0 , donc P(0) est vraie.
k=0
0
• Soit n > 0. Supposons la propriété P(n) vraie. Montrons qu'alors la propriété P(n+1) est vraie égalemement,
X ‚n + 1Œ k n+1−k
n+1
autrement dit que (a + b) n+1
= a b
k=0
k

n ‚ Œ
! n ‚ Œ n ‚ Œ
n+1 n
HR X n k n−k
X n k+1 n−k
X n
(a + b) = (a + b) × (a + b) = (a + b) a b = a b + ak bn+1−k
k k k
X ‚ Œ X‚ Œ
k=0 k=0 k=0
n+1 n
n n ` n+1−`
= a` bn+1−` + ab
`=1
`−1 `=0
`
n ‚‚ Œ ‚ ŒŒ
`=k+1

n+1 n+1
X n n
=a +b + + a` bn+1−`
`−1 `
X ‚n + 1Œ X ‚n + 1 Œ
`=1
n n+1
n+1 n+1 ` n+1−`
=a +b + ab = a` bn+1−`
`=1
` `=1
`

Ainsi, si P(n) est vraie, alors P(n + 1) est encore vraie.


• Par récurrence, la propriété P(n) est donc vraie pour tout entier n > 0.

Remarque :

Cette formule généralise l'identité remarquable (a + b)2 que l'on connaît déjà bien :

(a + b)2 = a2 + 2ab + b2
(a + b)3 = a3 + 3a2 b + 3ab2 + b3
(a + b)4 = a4 + 4a3 b + 6a2 b2 + 4ab3 + b4
(a + b)5 = a5 + 5a4 b + 10a3 b2 + 10a2 b3 + 5ab4 + b5
Les nombres réels

Vidéo „ partie 1. L'ensemble des nombres rationnels Q


Vidéo „ partie 2. Propriétés de R
Vidéo „ partie 3. Densité de Q dans R
Vidéo „ partie 4. Borne supérieure
Fiche d'exercices ‡ Propriétés de R

Motivation
Voici une introduction, non seulement à ce chapitre sur les nombres réels, mais aussi aux premiers chapitres de ce
cours d’analyse.
Aux temps des Babyloniens (en Mésopotamie de 3000 à 600 avant J.C.) le système de numération était en base 60,
b
c’est-à-dire que tous les nombres étaient exprimés sous la forme a + 60 + 60c 2 + · · · . On peut imaginer que pour les
applications pratiques c’était largement suffisant (par exemple estimer la surface d’un champ, le diviser en deux parties
égales, calculer le rendement par unité de surface,...). En langage moderne cela correspond à compter uniquement
avec des nombres rationnels Q.
p p
Les pythagoriciens (vers 500 avant J.C. en Grèce) montrent que 2 n’entre pas ce cadre là. C’est-à-dire que 2 ne
p p
peut s’écrire sous la forme q avec p et q deux entiers. C’est un double saut conceptuel : d’une part concevoir que 2
est de nature différente mais surtout d’en donner une démonstration.
p
Le fil rouge de ce cours va être deux exemples très simples : les nombres 10 et 1, 101/12 . Le premier représente par
exemple la diagonale d’un rectangle de base 3 et de hauteur 1 ; le second correspond par exemple au taux d’intérêt
p
mensuel d’un taux annuel de 10 %. Dans ce premier chapitre vous allez apprendre à montrer que 10 n’est pas un
p
nombre rationnel mais aussi à encadrer 10 et 1, 101/12 entre deux entiers consécutifs.

Pour pouvoir calculer des décimales après la virgule, voire des centaines de décimales, nous aurons besoin d’outils
beaucoup plus sophistiqués :
• une construction solide des nombres réels,
• l’étude des suites et de leur limites,
• l’étude des fonctions continues et des fonctions dérivables.
Ces trois points sont liés et permettent de répondre à notre problème, car par exemple €nous verronsŠ en étudiant la
fonction f (x) = x 2 − 10 que la suite des rationnels (un ) définie par u0 = 3 et un+1 = 12 un + 10
un tend très vite vers
p p
10. Cela nous permettra de calculer des centaines de décimales de 10 et de certifier qu’elles sont exactes :
p
10 = 3, 1622776601683793319988935444327185337195551393252168 . . .
LES NOMBRES RÉELS 1. L’ENSEMBLE DES NOMBRES RATIONNELS Q 2

1. L’ensemble des nombres rationnels Q

1.1. Écriture décimale


Par définition, l’ensemble des nombres rationnels est
§ ª
p
Q= | p ∈ Z, q ∈ N∗ .
q
On a noté N∗ = N \ {0}.
Par exemple : 52 ; −7 3 1
10 ; 6 = 2 .
a
Les nombres décimaux, c’est-à-dire les nombres de la forme 10n , avec a ∈ Z et n ∈ N, fournissent d’autres exemples :
1234 345
1, 234 = 1234 × 10−3 = 0, 00345 = 345 × 10−5 = .
1000 100 000

Proposition 1.
Un nombre est rationnel si et seulement s’il admet une écriture décimale périodique ou finie.

Par exemple :
3 1
= 0, 6 = 0, 3333 . . . 1, 179 325 325 325 . . .
5 3 ←→ ←→ ←→
Nous n’allons pas donner la démonstration mais le sens direct ( =⇒ ) repose sur la division euclidienne. Pour la
réciproque (⇐=) voyons comment cela marche sur un exemple : Montrons que x = 12, 34 2021 2021 . . . est un
←−→ ←−→
rationnel.
L’idée est d’abord de faire apparaître la partie périodique juste après la virgule. Ici la période commence deux chiffres
après la virgule, donc on multiplie par 100 :
100x = 1234, 2021 2021 . . . (1)
←−→ ←−→
Maintenant on va décaler tout vers la gauche de la longueur d’une période, donc ici on multiplie encore par 10 000
pour décaler de 4 chiffres :
10 000 × 100x = 1234 2021, 2021 . . . (2)
←−→
Les parties après la virgule des deux lignes (1) et (2) sont les mêmes, donc si on les soustrait en faisant (2)-(1) alors
les parties décimales s’annulent :
10 000 × 100x − 100x = 12 342 021 − 1234
donc 999 900x = 12 340 787 donc
12 340 787
x= .
999 900
Et donc bien sûr x ∈ Q.

p
1.2. 2 n’est pas un nombre rationnel
Il existe des nombres qui ne sont pas rationnels, les irrationnels. Les nombres irrationnels apparaissent naturellement
p
dans les figures géométriques : par exemple la diagonale d’un carré de côté 1 est le nombre irrationnel 2 ; la
circonférence d’un cercle de rayon 12 est π qui est également un nombre irrationnel. Enfin e = exp(1) est aussi
irrationnel.

p
2

1
2

p
Nous allons prouver que 2 n’est pas un nombre rationnel.
LES NOMBRES RÉELS 1. L’ENSEMBLE DES NOMBRES RATIONNELS Q 3

Proposition 2.
p
/Q
2∈

p
Démonstration. Par l’absurde supposons que 2 soit un nombre rationnel. Alors il existe des entiers p ∈ Z et q ∈ N∗
p p
tels que 2 = q , de plus –ce sera important pour la suite– on suppose que p et q sont premiers entre eux (c’est-à-dire
p
que la fraction q est sous une écriture irréductible).
p p
En élevant au carré, l’égalité 2 = q devient 2q2 = p2 . Cette dernière égalité est une égalité d’entiers. L’entier de
gauche est pair, donc on en déduit que p2 est pair ; en terme de divisibilité 2 divise p2 .
Mais si 2 divise p2 alors 2 divise p (cela se prouve par facilement l’absurde). Donc il existe un entier p0 ∈ Z tel que
p = 2p0 .
Repartons de l’égalité 2q2 = p2 et remplaçons p par 2p0 . Cela donne 2q2 = 4p02 . Donc q2 = 2p02 . Maintenant cela
entraîne que 2 divise q2 et comme avant alors 2 divise q.
Nous avons prouvé que 2 divise à la fois p et q. Cela rentre en contradiction avec le fait que p et q sont premiers entre
p
eux. Notre hypothèse de départ est donc fausse : 2 n’est pas un nombre rationnel.

Comme ce résultat est important en voici une deuxième démonstration, assez différente, mais toujours par l’absurde.
p p p
Autre démonstration. Par l’absurde, supposons 2 = q , donc q 2 = p ∈ N. Considérons l’ensemble
p
N = n ∈ N∗ | n 2 ∈ N .

p
Cet ensemble n’est pas vide car on vient de voir que q 2 = p ∈ N donc q ∈ N . Ainsi N est une partie non vide de N,
elle admet donc un plus petit élément n0 = min N .
Posons
p p
n1 = n0 2 − n0 = n0 ( 2 − 1),
p
il découle de cette dernière égalité et de 1 < 2 < 2 que 0 < n1 < n0 .
p p p p
De plus n1 2 = (n0 2 − n0 ) 2 = 2n0 − n0 2 ∈ N. Donc n1 ∈ N et n1 < n0 : on vient de trouver un élément n1 de
N strictement plus petit que n0 qui était le minimum. C’est une contradiction.
p
Notre hypothèse de départ est fausse, donc 2 ∈ / Q.

Exercice 1.
p
/ Q.
Montrer que 10 ∈

On représente souvent les nombres réels sur une « droite numérique » :


p
2 e π

−3 −2 −1 0 1 2 3 4 5
p
Il est bon de connaître les premières décimales de certains réels 2 ' 1, 4142 . . . π ' 3, 14159265 . . . e ' 2, 718 . . .

Il est souvent pratique de rajouter les deux extrémités à la droite numérique.


Définition 1.
Droite réelle achévée
R = R ∪ {−∞, ∞}

Mini-exercices.
1. Montrer que la somme de deux rationnels est un rationnel. Montrer que le produit de deux rationnels est un
rationnel. Montrer que l’inverse d’un rationnel non nul est un rationnel. Qu’en est-il pour les irrationnels ?
2. Écrire les nombres suivants sous forme d’une fraction : 0, 1212 ; 0, 12 12 . . . ; 78, 33 456 456 . . .
p p ←
→ ←→
3. Sachant 2 ∈ / Q, montrer 2 − 3 2 ∈ / Q, 1 − p12 ∈
/ Q.
a 1
4. Notons D l’ensemble des nombres de la forme 2n avec a ∈ Z et n ∈ N. Montrer que 3 / D. Trouver x ∈ D tel

que 1234 < x < 1234, 001.
p
5. Montrer que p2 / Q.

3
/ Q (log 2 est le logarithme décimal de 2 : c’est le nombre réel tel que 10log 2 = 2).
6. Montrer que log 2 ∈
LES NOMBRES RÉELS 2. PROPRIÉTÉS DE R 4

2. Propriétés de R

2.1. Addition et multiplication


Ce sont les propriétés que vous avez toujours pratiquées. Pour a, b, c ∈ R on a :

a+b= b+a a×b= b×a


0+a = a 1 × a = a si a 6= 0
a + b = 0 ⇐⇒ a = −b ab = 1 ⇐⇒ a = 1b
(a + b) + c = a + (b + c) (a × b) × c = a × (b × c)

a × (b + c) = a × b + a × c
a × b = 0 ⇐⇒ (a = 0 ou b = 0)

On résume toutes ces propriétés en disant que :


Propriété (R1).
(R, +, ×) est un corps commutatif.

2.2. Ordre sur R


Nous allons voir que les réels sont ordonnés. La notion d’ordre est générale et nous allons définir cette notion sur un
ensemble quelconque. Cependant gardez à l’esprit que pour nous E = R et R =6.
Définition 2.
Soit E un ensemble.
1. Une relation R sur E est un sous-ensemble de l’ensemble produit E × E. Pour (x, y) ∈ E × E, on dit que x est
en relation avec y et on note xR y pour dire que (x, y) ∈ R.
2. Une relation R est une relation d’ordre si
• R est réflexive : pour tout x ∈ E, xR x,
• R est antisymétrique : pour tout x, y ∈ E, (xR y et yR x) =⇒ x = y,
• R est transitive : pour tout x, y, z ∈ E, (xR y et yRz) =⇒ xRz.

Définition 3.
Une relation d’ordre R sur un ensemble E est totale si pour tout x, y ∈ E on a xR y ou yR x. On dit aussi que
(E, R) est un ensemble totalement ordonné.

Propriété (R2).
La relation 6 sur R est une relation d’ordre, et de plus, elle est totale.

Nous avons donc :


• pour tout x ∈ R, x 6 x,
• pour tout x, y ∈ R, si x 6 y et y 6 x alors x = y,
• pour tout x, y, z ∈ R si x 6 y et y 6 z alors x 6 z.
Remarque.
Pour (x, y) ∈ R2 on a par définition :
x 6 y ⇐⇒ y − x ∈ R+
x < y ⇐⇒ (x 6 y et x 6= y) .
Les opérations de R sont compatibles avec la relation d’ordre 6 au sens suivant, pour des réels a, b, c, d :
(a 6 b et c 6 d) =⇒ a + c 6 b + d
(a 6 b et c > 0) =⇒ a × c 6 b × c
(a 6 b et c 6 0) =⇒ a × c > b × c.
LES NOMBRES RÉELS 2. PROPRIÉTÉS DE R 5

On définit le maximum de deux réels a et b par :


¨
a si a > b
max(a, b) =
b si b > a.

Exercice 2.
Comment définir max(a, b, c), max(a1 , a2 , . . . , an ) ? Et min(a, b) ?

2.3. Propriété d’Archimède

Propriété (R3, Propriété d’Archimède).


R est archimédien, c’est-à-dire :
∀x ∈ R ∃n ∈ N n > x
« Pour tout réel x, il existe un entier naturel n strictement plus grand que x. »

Cette propriété peut sembler évidente, elle est pourtant essentielle puisque elle permet de définir la partie entière
d’un nombre réel :
Proposition 3.
Soit x ∈ R, il existe un unique entier relatif, la partie entière notée E(x), tel que :

E(x) 6 x < E(x) + 1

Exemple 1.
• E(2, 853) = 2, E(π) = 3, E(−3, 5) = −4.
• E(x) = 3 ⇐⇒ 3 6 x < 4.
Remarque.
• On note aussi E(x) = [x].
• Voici le graphe de la fonction partie entière x 7→ E(x) :
y

y = E(x)

E(2, 853) = 2

0 1 2, 853 x

Pour la démonstration de la proposition 3 il y a deux choses à établir : d’abord qu’un tel entier E(x) existe et ensuite
qu’il est unique.

Démonstration.
Existence.
 Supposons x > 0, par la propriété d’Archimède (Propriété R3) il existe n ∈ N tel que n > x. L’ensemble
K = k ∈ N | k 6 x est donc fini (car pour tout k dans K, on a 0 6 k < n). Il admet donc un plus grand élément
kmax = max K. On a alors kmax 6 x car kmax ∈ K, et kmax + 1 > x car kmax + 1 ∈
/ K. Donc kmax 6 x < kmax + 1 et on
prend donc E(x) = kmax .

Unicité. Si k et ` sont deux entiers relatifs vérifiant k 6 x < k + 1 et ` 6 x < ` + 1, on a donc k 6 x < ` + 1, donc par
transitivité k < ` + 1. En échangeant les rôles de ` et k, on a aussi ` < k + 1. On en conclut que ` − 1 < k < ` + 1, mais
il n’y a qu’un seul entier compris strictement entre ` − 1 et ` + 1, c’est `. Ainsi k = `.
LES NOMBRES RÉELS 2. PROPRIÉTÉS DE R 6

Le cas x < 0 est similaire.

Exemple 2.
p
Encadrons 10 et 1, 11/12 par deux entiers consécutifs.
p p
• Nous savons 32 = 9 < 10 donc 3 = 32 < 10 (la fonction racine carrée est croissante). De même 42 = 16 > 10
p p p p
donc 4 = 42 > 10. Conclusion : 3 < 10 < 4 ce qui implique E 10 = 3.
• On procède sur le même principe. 112 < 1, 10 < 212donc en passant à la racine 12-ième (c’est-à-dire à la puissance
1
12 ) on obtient : 1 < 1, 1 < 2 et donc E 1, 11/12 = 1.
1/12

2.4. Valeur absolue


Pour un nombre réel x, on définit la valeur absolue de x par :
¨
x si x > 0
|x| =
−x si x < 0

Voici le graphe de la fonction x 7→ |x| :


y
y = |x|

0 1 x

Proposition 4.
1. |x| > 0 ; | − x| = |x| ; |x| > 0 ⇐⇒ x 6= 0
p
2. x 2 = |x|
3. |x y| = |x|| y|
4. Inégalité triangulaire |x + y| 6 |x| + | y|

5. Seconde inégalité triangulaire |x| − | y| 6 |x − y|

Démonstration des inégalités triangulaires.


• −|x| 6 x 6 |x| et −| y| 6 y 6 | y|. En additionnant − (|x| + | y|) 6 x + y 6 |x| + | y|, donc |x + y| 6 |x| + | y|.
• Puisque x = (x − y)+ y, on a d’après la première inégalité : |x| = (x − y)+ y 6 |x − y|+| y|. Donc |x|−| y| 6 |x − y|,
et en intervertissant les rôles de x et y, on a aussi | y| − |x| 6 | y − x|. Comme | y − x| = |x − y| on a donc
|x| − | y| 6 |x − y|.

Sur la droite numérique, |x − y| représente la distance entre les réels x et y ; en particulier |x| représente la distance
entre les réels x et 0.
|x| |x − y|

| | |
0 x y

De plus on a :
• |x − a| < r ⇐⇒ a − r < x < a + r.
• Ou encore, comme on le verra bientôt, |x − a| < r ⇐⇒ x ∈]a − r, a + r[.
— ”
/ / / / / / /|/ / / / / / /
a−r a a+r
LES NOMBRES RÉELS 3. DENSITÉ DE Q DANS R 7

Exercice 3.
Soit a ∈ R\{0} et x ∈ R tel que |x − a| < |a|. Montrer que x 6= 0 et ensuite que x est du même signe que a.

Mini-exercices.
1. On munit l’ensemble P (R) des parties de R de la relation R définie par AR B si A ⊂ B. Montrer qu’il s’agit d’une
relation d’ordre. Est-elle totale ?
2. Soient x, y deux réels. Montrer que |x| > |x + y| − | y| .
3. Soient x 1 , . . . , x n des réels. Montrer que |x 1 + · · · + x n | 6 |x 1 | + · · · + |x n |. Dans quel cas a-t-on égalité ?
4. Soient x, y > 0 des réels. Comparer E(x + y) avec E(x) + E( y). Comparer E(x × y) et E(x) × E( y).
E(x) E(x)
5. Soit x > 0 un réel. Encadrer x . Quelle est la limite de x lorsque x → +∞ ?
6. On note {x} = x − E(x) la partie fractionnaire de x, de sorte que x = E(x) + {x}. Représenter les graphes des
fonctions x 7→ E(x), x 7→ {x}, x 7→ E(x) − {x}.

3. Densité de Q dans R

3.1. Intervalle

Définition 4.
Un intervalle de R est un sous-ensemble I de R vérifiant la propriété :
∀a, b ∈ I ∀x ∈ R (a 6 x 6 b =⇒ x ∈ I)

Remarque.
• Par définition I = ∅ est un intervalle.
• I = R est aussi un intervalle.
Définition 5. 
Un intervalle ouvert est un sous-ensemble de R de la forme ]a, b[= x ∈ R | a < x < b , où a et b sont des
éléments de R.

Même si cela semble évident il faut justifier qu’un intervalle ouvert est un intervalle ( !). En effet soient a0 , b0 des
éléments de ]a, b[ et x ∈ R tel que a0 6 x 6 b0 . Alors on a a < a0 6 x 6 b0 < b, donc x ∈]a, b[.

La notion de voisinage sera utile pour les limites.


Définition 6.
Soit a un réel, V ⊂ R un sous-ensemble. On dit que V est un voisinage de a s’il existe un intervalle ouvert I tel
que a ∈ I et I ⊂ V .

V V I
[ ] [ ] | [ ]
a

3.2. Densité

Théorème 1.
1. Q est dense dans R : tout intervalle ouvert (non vide) de R contient une infinité de rationnels.
2. R\Q est dense dans R : tout intervalle ouvert (non vide) de R contient une infinité d’irrationnels.

Démonstration. On commence par remarquer que tout intervalle ouvert non vide de R contient un intervalle du type
]a, b[, a, b ∈ R. On peut donc supposer que I =]a, b[ par la suite.
LES NOMBRES RÉELS 4. B ORNE SUPÉRIEURE 8

1. Tout intervalle contient un rationnel.


On commence par montrer l’affirmation :
∀a, b ∈ R (a < b =⇒ ∃r ∈ Q a < r < b) (3)
p
Donnons d’abord l’idée de la preuve. Trouver un tel rationnel r = avec p ∈ Z et q ∈ N∗ , revient à trouver de tels
q,
entiers p et q vérifiant qa < p < q b. Cela revient à trouver un q ∈ N∗ tel que l’intervalle ouvert ]qa, qb[ contienne
un entier p. Il suffit pour cela que la longueur qb − qa = q(b − a) de l’intervalle dépasse strictement 1, ce qui
1
équivaut à q > b−a .
Passons à la rédaction définitive. D’après la propriété d’Archimède (propriété R3), il existe un entier q tel que
1
q > b−a . Comme b − a > 0, on a q ∈ N∗ . Posons p = E(aq) + 1. Alors p − 1 6 aq < p. On en déduit d’une part
p p p p
a < q , et d’autre part q − 1q 6 a, donc q 6 a + 1q < a + b − a = b. Donc q ∈]a, b[. On a montré l’affirmation (3).
2. Tout intervalle contient un irrationnel.
p p
Partant de a, b réels tels que a < b, on peut appliquer l’implication de l’affirmation (3) au couple (a − 2, b − 2).
p p p
On en déduit qu’il existe un rationnel r dans l’intervalle ]a − 2, b − 2[ et par translation r + 2 ∈]a, b[. Or
p p p
r + 2 est irrationnel, car sinon comme les rationnels sont stables par somme, 2 = −r + r + 2 serait rationnel, ce
qui est faux d’après la proposition 2. On a donc montré que si a < b, l’intervalle ]a, b[ contient aussi un irrationnel.
3. Tout intervalle contient une infinité de rationnels et d’irrationnels.
On va déduire de l’existence d’un rationnel et d’un irrationnel dans tout intervalle ]a, b[ le fait qu’il existe une
infinité de chaque dans un tel intervalle ouvert. En effet pour un entier N > 1, on considère l’ensemble de N
sous-intervalles ouverts disjoints deux à deux :
— b − a” — b−a 2(b − a) ” — (N − 1)(b − a) ”
a, a + , a+ ,a+ , ... a+ ,b .
N N N N
Chaque sous-intervalle contient un rationnel et un irrationnel, donc ]a, b[ contient (au moins) N rationnels et N
irrationnels. Comme ceci est vrai pour tout entier N > 1, l’intervalle ouvert ]a, b[ contient alors une infinité de
rationnels et une infinité d’irrationnels.

Mini-exercices.
1. Montrer qu’une intersection d’intervalles est un intervalle. Qu’en est-il pour une réunion ? Trouver une condition
nécessaire et suffisante afin que la réunion de deux intervalles soit un intervalle.
a
2. Montrer que l’ensemble des nombres décimaux (c’est-à-dire ceux de la forme 10n , avec n ∈ N et a ∈ Z) est dense
dans R.
3. Construire un rationnel compris strictement entre 123 et 123, 001. Ensuite construire un irrationnel. Sauriez-vous
en construire une infinité ? Et entre π et π + 0, 001 ?
4. Montrer que si z = e iα et z 0 = e iβ sont deux nombres complexes de module 1, avec α < β, il existe un entier
n ∈ N∗ et une racine n-ième de l’unité z = e iγ avec α < γ < β.

4. Borne supérieure

4.1. Maximum, minimum

Définition 7.
Soit A une partie non vide de R. Un réel α est un plus grand élément de A si :
α∈A et ∀x ∈ A x 6 α.
S’il existe, le plus grand élément est unique, on le note alors max A.
Le plus petit élément de A, noté min A, s’il existe est le réel α tel que α ∈ A et ∀x ∈ A x > α.

Le plus grand élément s’appelle aussi le maximum et le plus petit élément, le minimum. Il faut garder à l’esprit que
le plus grand élément ou le plus petit élément n’existent pas toujours.
LES NOMBRES RÉELS 4. B ORNE SUPÉRIEURE 9

Exemple 3.
• max[a, b] = b , min[a, b] = a.
• L’intervalle ]a, b[ n’a pas de plus grand élément, ni de plus petit élément.
• L’intervalle [0, 1[ a pour plus petit élément 0 et n’a pas de plus grand élément.
Exemple4.
Soit A = 1 − 1n | n ∈ N∗ .
Notons un = 1 − 1n pour n ∈ N∗ . Alors A = un | n ∈ N∗ . Voici une représentation graphique de A sur la droite


numérique :

0 = u1 1
= u2 u3 u4 u5 1
2

1. A n’a pas de plus grand élément : Supposons qu’il existe un plus grand élément α = max A. On aurait alors un 6 α,
pour tout un . Ainsi 1 − 1n 6 α donc α > 1 − 1n . À la limite lorsque n → +∞ cela implique α > 1. Comme α est le
plus grand élément de A alors α ∈ A. Donc il existe n0 tel que α = un0 . Mais alors α = 1 − n10 < 1. Ce qui est en
contradiction avec α > 1. Donc A n’a pas de maximum.
2. min A = 0 : Il y a deux choses à vérifier tout d’abord pour n = 1, u1 = 0 donc 0 ∈ A. Ensuite pour tout n > 1, un > 0.
Ainsi min A = 0.

4.2. Majorants, minorants

Définition 8.
Soit A une partie non vide de R. Un réel M est un majorant de A si ∀x ∈ A x 6 M .
Un réel m est un minorant de A si ∀x ∈ A x > m.

Exemple 5.
• 3 est un majorant de ]0, 2[ ;
• −7, −π, 0 sont des minorants de ]0, +∞[ mais il n’y a pas de majorant.
Si un majorant (resp. un minorant) de A existe on dit que A est majorée (resp. minorée).
Comme pour le minimum et le maximum il n’existe pas toujours de majorant ni de minorant, en plus on n’a pas
l’unicité.
Exemple 6.
Soit A = [0, 1[.

minorants A majorants
[ [
0 1

1. les majorants de A sont exactement les éléments de [1, +∞[,


2. les minorants de A sont exactement les éléments de ] − ∞, 0].

4.3. Borne supérieure, borne inférieure

Définition 9.
Soit A une partie non vide de R et α un réel.
1. α est la borne supérieure de A si α est un majorant de A et si c’est le plus petit des majorants. S’il existe on le
note sup A.
2. α est la borne inférieure de A si α est un minorant de A et si c’est le plus grand des minorants. S’il existe on le
note inf A.
LES NOMBRES RÉELS 4. B ORNE SUPÉRIEURE 10

Exemple 7.
Soit A =]0, 1].
1. sup A = 1 : en effet les majorants de A sont les éléments de [1, +∞[. Donc le plus petit des majorants est 1.
2. inf A = 0 : les minorants sont les éléments de ] − ∞, 0] donc le plus grand des minorants est 0.

Exemple 8.
• sup[a, b] = b,
• inf[a, b] = a,
• sup]a, b[= b,
• ]0, +∞[ n’admet pas de borne supérieure,
• inf]0, +∞[= 0.

Théorème 2 (R4).
Toute partie de R non vide et majorée admet une borne supérieure.

De la même façon : Toute partie de R non vide et minorée admet une borne inférieure.
Remarque.
C’est tout l’intérêt de la borne supérieure par rapport à la notion de plus grand élément, dès qu’une partie est bornée
elle admet toujours une borne supérieure et une borne inférieure. Ce qui n’est pas le cas pour le plus grand ou plus
petit élément. Gardez à l’esprit l’exemple A = [0, 1[.

Proposition 5 (Caractérisation de la borne supérieure).


Soit A une partie non vide et majorée de R. La borne supérieure de A est l’unique réel sup A tel que
(i) si x ∈ A, alors x 6 sup A,
(ii) pour tout y < sup A, il existe x ∈ A tel que y < x.

Exemple 9.
1

Reprenons l’exemple de la partie A = 1 − n | n ∈ N∗ .

0 = u1 1
= u2 u3 u4 u5 1
2

1. Nous avions vu que min A = 0. Lorsque le plus petit élément d’une partie existe alors la borne inférieure vaut ce
plus petit élément : donc inf A = min A = 0.
2. Première méthode pour sup A. Montrons que sup A = 1 en utilisant la définition de la borne supérieure. Soit M un
majorant de A alors M > 1 − 1n , pour tout n > 1. Donc à la limite M > 1. Réciproquement si M > 1 alors M est un
majorant de A. Donc les majorants sont les éléments de [1, +∞[. Ainsi le plus petit des majorants est 1 et donc
sup A = 1.
3. Deuxième méthode pour sup A. Montrons que sup A = 1 en utilisant la caractérisation de la borne supérieure.
(i) Si x ∈ A, alors x 6 1 (1 est bien un majorant de A) ;
1
(ii) pour tout y < 1, il existe x ∈ A tel que y < x : en effet prenons n suffisamment grand tel que 0 < n < 1 − y.
Alors on a y < 1 − 1n < 1. Donc x = 1 − 1n ∈ A convient.
Par la caractérisation de la borne supérieure, sup A = 1.

Démonstration.
1. Montrons que sup A vérifie ces deux propriétés. La borne supérieure est en particulier un majorant, donc vérifie la
première propriété. Pour la seconde, fixons y < sup A. Comme sup A est le plus petit des majorants de A alors y
n’est pas un majorant de A. Donc il existe x ∈ A tel que y < x. Autrement dit sup A vérifie également la seconde
propriété.
2. Montrons que réciproquement si un nombre α vérifie ces deux propriétés, il s’agit de sup A. La première propriété
montre que α est un majorant de A. Supposons par l’absurde que α n’est pas le plus petit des majorants. Il existe
donc un autre majorant y de A vérifiant y < α. La deuxième propriété montre l’existence d’un élément x de A tel
que y < x, ce qui contredit le fait que y est un majorant de A. Cette contradiction montre donc que α est bien le
plus petit des majorants de A, à savoir sup A.
LES NOMBRES RÉELS 4. B ORNE SUPÉRIEURE 11

Nous anticipons sur la suite pour donner une autre caractérisation, très utile, de la borne supérieure.
Proposition 6.
Soit A une partie non vide et majorée de R. La borne supérieure de A est l’unique réel sup A tel que
(i) sup A est un majorant de A,
(ii) il existe une suite (x n )n∈N d’éléments de A qui converge vers sup A.

Remarques historiques
• Les propriétés R1, R2, R3 et le théorème R4 sont intrinsèques à la construction de R (que nous admettons).
• Il y a un grand saut entre Q et R : on peut donner un sens précis à l’assertion « il y a beaucoup plus de nombres
irrationnels que de nombres rationnels », bien que ces deux ensembles soient infinis, et même denses dans R.
D’autre part, la construction du corps des réels R est beaucoup plus récente que celle de Q dans l’histoire des
mathématiques.
• La construction de R devient une nécessité après l’introduction du calcul infinitésimal (Newton et Leibniz vers
1670). Jusqu’alors l’existence d’une borne supérieure était considérée comme évidente et souvent confondue avec
le plus grand élément.
• Ce n’est pourtant que beaucoup plus tard, dans les années 1860-1870 (donc assez récemment dans l’histoire des
mathématiques) que deux constructions complètes de R sont données :
— Les coupures de Dedekind : C est une coupure si C ⊂ Q et si ∀r ∈ C on a r 0 < r =⇒ r 0 ∈ C .
— Le suites de Cauchy : ce sont les suites (un )n∈N vérifiant la propriété
∀ε > 0 ∃N ∈ N (m > N , n > N ) =⇒ |um − un | 6 ε .
Les réels sont l’ensemble des suites de Cauchy (où l’on identifie deux suites de Cauchy dont la différence tend
vers 0).
Mini-exercices.
1. Soit A une partie de R. On note −A = {−x|x ∈ A}. Montrer que min A = − max(−A), c’est-à-dire que si l’une des
deux quantités a un sens, l’autre aussi, et on a égalité.
2. Soit A une partie de R. Montrer que A admet un plus petit élément si et seulement si A admet une borne inférieure
qui appartient à A.
3. Même exercice, mais en remplaçant min par inf et max par sup.
n

4. Soit A = (−1)n n+1 | n ∈ N . Déterminer, s’ils existent, le plus grand élément, le plus petit élément, les majorants,
les minorants, la borne supérieure et la borne inférieure.
 1
5. Même question avec A = 1+x | x ∈ [0, +∞[ .

Auteurs du chapitre Arnaud Bodin, Niels Borne, Laura Desideri


Nombres complexes

Vidéo „ partie 1. Les nombres complexes, définitions et opérations


Vidéo „ partie 2. Racines carrées, équation du second degré
Vidéo „ partie 3. Argument et trigonométrie
Vidéo „ partie 4. Nombres complexes et géométrie
Fiche d'exercices ‡ Nombres complexes

Préambule
L’équation x + 5 = 2 a ses coefficients dans N mais pourtant sa solution x = −3 n’est pas un entier naturel. Il faut ici
considérer l’ensemble plus grand Z des entiers relatifs.
p
x+5=2 2x=−3 x 2 = 12 x 2 =− 2
N ,−−−−−→ Z ,−−−−−→ Q ,−−−−−→ R ,−−−−−→ C

De même l’équation 2x = −3 a ses coefficients dans Z mais sa solution x = − 32 est dans l’ensemble plus grand des
p p
rationnels Q. Continuons ainsi, l’équation x 2 = 12 à coefficients dans Q, a ses solutions x 1 = +1/ 2 et x 2 = −1/ 2
p p p
dans l’ensemble
pp des réels R. Ensuite l’équation x 2 = − 2 à ses coefficients dans R et ses solutions x 1 = + i 2 et
x2 = − i 2 dans l’ensemble des nombres complexes C. Ce processus est-il sans fin ? Non ! Les nombres complexes
sont en quelque sorte le bout de la chaîne car nous avons le théorème de d’Alembert-Gauss suivant : « Pour n’importe
quelle équation polynomiale an x n + an−1 x n−1 + · · · + a2 x 2 + a1 x + a0 = 0 où les coefficients ai sont des complexes (ou
bien des réels), alors les solutions x 1 , . . . , x n sont dans l’ensemble des nombres complexes ».

Outre la résolution d’équations, les nombres complexes s’appliquent à la trigonométrie, à la géométrie (comme nous
le verrons dans ce chapitre) mais aussi à l’électronique, à la mécanique quantique, etc.

1. Les nombres complexes

1.1. Définition

Définition 1.
Un nombre complexe est un couple (a, b) ∈ R2 que l’on notera a + i b
NOMBRES COMPLEXES 1. LES NOMBRES COMPLEXES 2

iR

a+ib
b

0 1 a R

Cela revient à identifier 1 avec le vecteur (1, 0) de R2 , et i avec le vecteur (0, 1). On note C l’ensemble des nombres
complexes. Si b = 0, alors z = a est situé sur l’axe des abscisses, que l’on identifie à R. Dans ce cas on dira que z est
réel, et R apparaît comme un sous-ensemble de C, appelé axe réel. Si b = 6 0, z est dit imaginaire et si b 6= 0 et a = 0,
z est dit imaginaire pur.

1.2. Opérations
Si z = a + i b et z 0 = a0 + i b0 sont deux nombres complexes, alors on définit les opérations suivantes :
• addition : (a + i b) + (a0 + i b0 ) = (a + a0 ) + i(b + b0 )
iR
z + z0

z0

i z

0 1 R

• multiplication : (a + i b) × (a0 + i b0 ) = (aa0 − bb0 ) + i(ab0 + ba0 ). On développe en suivant les règles de la
multiplication usuelle avec la convention suivante :
i2 = −1

1.3. Partie réelle et imaginaire


Soit z = a + i b un nombre complexe, sa partie réelle est le réel a et on la note Re(z) ; sa partie imaginaire est le
réel b et on la note Im(z).
iR

i Im(z) z

Im(z) i

0 1 Re(z) R
Re(z)

Par identification de C à R2 , l’écriture z = Re(z) + i Im(z) est unique :



 Re(z) = Re(z )
0
0
z=z ⇐⇒ et
Im(z) = Im(z 0 )

NOMBRES COMPLEXES 1. LES NOMBRES COMPLEXES 3

En particulier un nombre complexe est réel si et seulement si sa partie imaginaire est nulle. Un nombre complexe est
nul si et et seulement si sa partie réelle et sa partie imaginaire sont nuls.

1.4. Calculs
Quelques définitions et calculs sur les nombres complexes.

λz

z
i

0
1

−z

• L’ opposé de z = a + i b est −z = (−a) + i(−b) = −a − i b.


• La multiplication par un scalaire λ ∈ R : λ · z = (λa) + i(λb).
• L’ inverse : si z 6= 0, il existe un unique z 0 ∈ C tel que zz 0 = 1 (où 1 = 1 + i ×0).
Pour la preuve et le calcul on écrit z = a + i b puis on cherche z 0 = a0 + i b0 tel que zz 0 = 1. Autrement dit
(a + i b)(a0 + i b0 ) = 1. En développant et identifiant les parties réelles et imaginaires on obtient les équations
aa0 − bb0 = 1 (L1 )


ab0 + ba0 = 0 (L2 )


En écrivant aL1 + b L2 (on multiplie la ligne (L1 ) par a, la ligne (L2 ) par b et on additionne) et −bL1 + aL2 on en
déduit
a
a = a2 +b

a a + b2  = a
 0 2  0
2
donc b
b a + b = −b
0 2 2
b = − a2 +b
0
2

L’inverse de z, noté 1z , est donc


1 a −b a−ib
z0 = = 2 +i 2 = 2 .
z a +b 2 a +b 2 a + b2
z 1
• La division : z 0 est le nombre complexe z × z 0 .
• Propriété d’intégrité : si zz 0 = 0 alors z = 0 ou z 0 = 0.
1 n 1

• Puissances : z 2 = z × z, z n = z × · · · × z (n fois, n ∈ N). Par convention z 0 = 1 et z −n = z = zn .

Proposition 1.
Pour tout z ∈ C différent de 1

1 − z n+1
1 + z + z2 + · · · + z n = .
1−z

La preuve est simple : notons S = 1 + z + z 2 + · · · + z n , alors en développant S · (1 − z) presque tous les termes se
télescopent et l’on trouve S · (1 − z) = 1 − z n+1 .
Remarque.
Il n’y pas d’ordre naturel sur C, il ne faut donc jamais écrire z ¾ 0 ou z ¶ z 0 .

1.5. Conjugué, module


Le conjugué de z = a + i b est z̄ = a − i b, autrement dit Re(z̄) = Re(z) et Im(z̄) = − Im(z). Le point z̄ est le symétrique
du point z par rapport à l’axe réel.
p
Le module de z = a + i b est le réel positif |z| = a2 + b2 . Comme z × z̄ = (a + i b)(a − i b) = a2 + b2 alors le module
p
vaut aussi |z| = zz̄.
NOMBRES COMPLEXES 1. LES NOMBRES COMPLEXES 4

z z = a+ib
i

0 |z|
b
1

z̄ 0 a

Quelques formules :
• z + z 0 = z̄ + z 0 , z̄ = z, zz 0 = z̄z 0
• z = z̄ ⇐⇒ z ∈ R
2
• |z| = z × z̄, |z̄| = |z|, |zz 0 | = |z||z 0 |
• |z| = 0 ⇐⇒ z = 0
Proposition 2 (L’inégalité triangulaire).

|z + z 0 | ¶ |z| + |z 0 |

z + z0

z0

|z + z 0 |
0
|z |
z

|z|
0

Avant de faire la preuve voici deux remarques utiles. Soit z = a + i b ∈ C avec a, b ∈ R :


p
• | Re(z)| 6 |z| (et aussi | Im(z)| 6 |z|). Cela vient du fait que |a| 6 a2 + b2 . Noter que pour un réel |a| est à la fois
le module et la valeur absolue.
• z + z̄ = 2 Re(z) et z − z̄ = 2 i Im(z). Preuve : z + z̄ = (a + i b) + (a − i b) = 2a = 2 Re(z).

Démonstration. Pour la preuve on calcule |z + z 0 |2 :


|z + z 0 |2 z + z 0 (z + z 0 )

=
= zz̄ + z 0 z 0 + zz 0 + z 0 z̄
= |z|2 + |z 0 |2 + 2 Re(z 0 z̄)
6 |z|2 + |z 0 |2 + 2|z 0 z̄|
6 |z|2 + |z 0 |2 + 2|zz 0 |
6 (|z| + |z 0 |)2

Exemple 1.
Dans un parallélogramme, la somme des carrés des diagonales égale la somme des carrés des côtés.
Si les longueurs des côtés sont notées L et ` et les longueurs des diagonales sont D et d alors il s’agit de montrer
l’égalité
D2 + d 2 = 2`2 + 2L 2 .
NOMBRES COMPLEXES 2. RACINES CARRÉES, ÉQUATION DU SECOND DEGRÉ 5

z + z0
0
|z − z | |z|
L
z0
|z + z | 0 |z 0 |
`
d |z 0 |
` D z

|z|
L 0

Démonstration. Cela devient simple si l’on considère que notre parallélogramme a pour sommets 0, z, z 0 et le dernier
sommet est donc z + z 0 . La longueur du grand côté est ici |z|, celle du petit côté est |z 0 |. La longueur de la grande
diagonale est |z + z 0 |. Enfin il faut se convaincre que la longueur de la petite diagonale est |z − z 0 |.

2 2
D2 + d 2 = z + z 0 + z − z0 z + z 0 (z + z 0 ) + z − z 0 (z − z 0 )
 
=
= zz̄ + zz 0 + z 0 z̄ + z 0 z 0 + zz̄ − zz 0 − z 0 z̄ + z 0 z 0
2
= 2zz̄ + 2z 0 z 0 = 2 |z|2 + 2 z 0
= 2`2 + 2L 2

Mini-exercices.
i
1. Calculer 1 − 2 i + 1−2 i.

2. Écrire sous la forme a + i b les nombres complexes (1 + i)2 , (1 + i)3 , (1 + i)4 , (1 + i)8 .
3. En déduire 1 + (1 + i) + (1 + i)2 + · · · + (1 + i)7 .
4. Soit z ∈ C tel que |1 + i z| = |1 − i z|, montrer que z ∈ R.
5. Montrer que si | Re z| 6 | Re z 0 | et | Im z| 6 | Im z 0 | alors |z| 6 |z 0 |, mais que la réciproque est fausse.
6. Montrer que 1/z̄ = z/ |z|2 (pour z 6= 0).

2. Racines carrées, équation du second degré

2.1. Racines carrées d’un nombre complexe


Pour z ∈ C, une racine carrée est un nombre complexe ω tel que ω2 = z.
p p
Par exemple si x ∈ R+ , on connaît deux racines carrées : x, − x. Autre exemple : les racines carrées de −1 sont i et
− i.
Proposition 3.
Soit z un nombre complexe, alors z admet deux racines carrées, ω et −ω.

Attention ! Contrairement au cas réel, il n’y a pas de façon privilégiée de choisir une racine plutôt que l’autre, donc
pas de fonction racine. On ne dira donc jamais « soit ω la racine de z ».
Si z 6= 0 ces deux racines carrées sont distinctes. Si z = 0 alors ω = 0 est une racine double.
Pour z = a + i b nous allons calculer ω et −ω en fonction de a et b.

Démonstration. Nous écrivons ω = x + i y, nous cherchons x, y tels que ω2 = z.

ω2 = z ⇐⇒ (x + i y)2 = a + i b
x − y2 = a
 2
en identifiant parties
⇐⇒
2x y = b et parties imaginaires.
NOMBRES COMPLEXES 2. RACINES CARRÉES, ÉQUATION DU SECOND DEGRÉ 6

Petite
p astuce ici : nous rajoutons l’équation |ω|2 = |z| (qui se déduit bien sûr de ω2 = z) qui s’écrit aussi x 2 + y 2 =
a2 + b2 . Nous obtenons des systèmes équivalents aux précédents :
p  pp
1
 x −y =a  2x = pa2 + b2 + a  x = ± p2 p a2 + b2 + a
 2 2
 2 
p
2x y = b ⇐⇒ 2 y 2 = a2 + b2 − a ⇐⇒ y = ± p12 a2 + b2 − a
p
x + y 2 = a2 + b2 2x y = b
 2 
2x y = b
 

Discutons suivant le signe du réel b. Si b ¾ 0, x et y sont de même signe ou nuls (car 2x y = b > 0) donc
1
qp qp ‹
ω = ±p a + b +a+i
2 2 a +b −a ,
2 2
2
et si b ¶ 0
1
qp qp ‹
ω = ±p a2 + b2 + a − i a2 + b2 − a .
2 p p
En particulier si b = 0 le résultat dépend du p
signe de a, si a ¾ 0, a2 = a et par conséquent ω = ± a, tandis que si
p p
a < 0, a2 = −a et donc ω = ± i −a = ± i |a|.

Il n’est pas nécessaire d’apprendre ces formules mais il est indispensable de savoir refaire les calculs.
Exemple 2. p p
Les racines carrées de i sont + 22 (1 + i) et − 22 (1 + i).
En effet :
ω2 = i ⇐⇒ (x + i y)2 = i
x − y2 = 0
 2
⇐⇒
2x y = 1
Rajoutons la conditions |ω|2 = | i | pour obtenir le système équivalent au précédent :
1
 x = ± p2
  
 x − y =0  2x = 1
2 2 2

2x y = 1 ⇐⇒ 2 y 2 = 1 ⇐⇒ y = ± p12
x + y2 = 1 2x y = 1
 2
2x y = 1
 

Les réels x et y sont donc de même signe, nous trouvons bien deux solutions :
1 1 1 1
x +i y = p +i p ou x + i y = − p − i p
2 2 2 2

2.2. Équation du second degré

Proposition 4.
L’équation du second degré az 2 + bz + c = 0, où a, b, c ∈ C et a 6= 0, possède deux solutions z1 , z2 ∈ C éventuellement
confondues.
Soit ∆ = b2 − 4ac le discriminant et δ ∈ C une racine carrée de ∆. Alors les solutions sont

−b + δ −b − δ
z1 = et z2 = .
2a 2a

p
Et si ∆ = 0 alors la solution z = z1 = z2 = −b/2a est unique (elle est dite double). Si on s’autorisait à écrire δ = ∆,
on obtiendrait la même formule que celle que vous connaissez lorsque a, b, c sont réels.
Exemple 3. p
p −1 ± i 3
• z + z + 1 = 0, ∆ = −3, δ = i 3, les solutions sont z =
2
.
2 p

1−i
p
2
−1 ± 22 (1 + i) p
• z + z + 4 = 0, ∆ = i, δ = 2 (1 + i), les solutions sont z =
2
= − 12 ± 2
4 (1 + i).
2
On retrouve aussi le résultat bien connu pour le cas des équations à coefficients réels :
Corollaire 1.
Si les coefficients a, b, c sont réels alors ∆ ∈ R et les solutions sont de trois types :
b
• si ∆ = 0, la racine double est réelle et vaut − ,
p 2a
−b ± ∆
• si ∆ > 0, on a deux solutions réelles ,
2a
NOMBRES COMPLEXES 3. ARGUMENT ET TRIGONOMÉTRIE 7

p
−b ± i −∆
• si ∆ < 0, on a deux solutions complexes, mais non réelles, .
2a

Démonstration. On écrit la factorisation


b 2
 
b2
 ‹ ‹
b c c
2
az + bz + c = a z + z + 2
=a z+ − 2+
a a 2a 4a a
‹2 ‹2
∆ δ2
   
b b
= a z+ − 2 =a z+ − 2
2a 4a 2a 4a
δ δ
 ‹ ‹  ‹ ‹
b b
= a z+ − z+ +
2a 2a 2a 2a
−b + δ −b − δ
 ‹ ‹
= a z− z− = a (z − z1 ) (z − z2 )
2a 2a
Donc le binôme s’annule si et seulement si z = z1 ou z = z2 .

2.3. Théorème fondamental de l’algèbre

Théorème 1 (d’Alembert–Gauss).
Soit P(z) = an z n + an−1 z n−1 + · · · + a1 z + a0 un polynôme à coefficients complexes et de degré n. Alors l’équation
P(z) = 0 admet exactement n solutions complexes comptées avec leur multiplicité.
En d’autres termes il existe des nombres complexes z1 , . . . , zn (dont certains sont éventuellement confondus) tels que
P(z) = an (z − z1 ) (z − z2 ) · · · (z − zn ) .

Nous admettons ce théorème.


Mini-exercices.
1. Calculer les racines carrées de − i, 3 − 4 i.
2. Résoudre les équations : z 2 + z − 1 = 0, 2z 2 + (−10 − 10 i)z + 24 − 10 i = 0.
p p p p
3. Résoudre l’équation z 2 + (i − 2)z − i 2, puis l’équation Z 4 + (i − 2)Z 2 − i 2.
4. Montrer que si P(z) = z 2 + bz + c possède pour racines z1 , z2 ∈ C alors z1 + z2 = −b et z1 · z2 = c.
5. Trouver les paires de nombres dont la somme vaut i et le produit 1.
6. Soit P(z) = an z n + an−1 z n−1 + · · · + a0 avec ai ∈ R pour tout i. Montrer que si z est racine de P alors z̄ aussi.

3. Argument et trigonométrie

3.1. Argument
Si z = x + i y est de module 1, alors x 2 + y 2 = |z|2 = 1. Par conséquent le point (x, y) est sur le cercle unité du plan,
et son abscisse x est notée cos θ , son ordonnée y est sin θ , où θ est (une mesure de) l’angle entre l’axe réel et z. Plus
généralement, si z 6= 0, z/|z| est de module 1, et cela amène à :
Définition 2.
Pour tout z ∈ C∗ = C \ {0}, un nombre θ ∈ R tel que z = |z| (cos θ + i sin θ ) est appelé un argument de z et noté
θ = arg(z).
NOMBRES COMPLEXES 3. ARGUMENT ET TRIGONOMÉTRIE 8

iR

|z|
i
arg(z)

0 1 R

Cet argument est défini modulo 2π. On peut imposer à cet argument d’être unique si on rajoute la condition
θ ∈] − π, +π].
Remarque.

cos θ = cos θ 0

θ ≡ θ 0 (mod 2π) ⇐⇒ ∃k ∈ Z, θ = θ 0 + 2kπ ⇐⇒
sin θ = sin θ 0

Proposition 5.
L’argument satisfait les propriétés suivantes :
• arg (zz 0 ) ≡ arg(z) + arg (z 0 ) (mod 2π)
• arg (z n ) ≡ n arg(z) (mod 2π)
• arg (1/z) ≡ − arg(z) (mod 2π)
• arg(z̄) ≡ − arg z (mod 2π)

Démonstration.
zz 0 |z| (cos θ + i sin θ ) z 0 cos θ 0 + i sin θ 0

=
zz 0 cos θ cos θ 0 − sin θ sin θ 0 + i cos θ sin θ 0 + sin θ cos θ 0

=
zz 0 cos θ + θ 0 + i sin θ + θ 0
 
=
donc arg (zz ) ≡ arg(z) + arg (z 0 ) (mod 2π). On en déduit les deux autres propriétés, dont la deuxième par récurrence.
0

3.2. Formule de Moivre, notation exponentielle


La formule de Moivre est :

(cos θ + i sin θ )n = cos (nθ ) + i sin (nθ )

Démonstration. Par récurrence, on montre que


(cos θ + i sin θ )n = (cos θ + i sin θ )n−1 × (cos θ + i sin θ )
= (cos ((n − 1) θ ) + i sin ((n − 1) θ )) × (cos θ + i sin θ )
= (cos ((n − 1) θ ) cos θ − sin ((n − 1) θ ) sin θ )
+ i (cos ((n − 1) θ ) sin θ + sin ((n − 1) θ ) cos θ )
= cos nθ + i sin nθ

Nous définissons la notation exponentielle par

ei θ = cos θ + i sin θ
La notation polaire est z(rho,theta)
et donc tout nombre complexe s’écrit

z = ρei θ
NOMBRES COMPLEXES 3. ARGUMENT ET TRIGONOMÉTRIE 9

où ρ = |z| est le module et θ = arg(z) est un argument.

Avec la notation exponentielle, on peut écrire pour z = ρei θ et z 0 = ρ 0 ei θ


0

zz 0 = ρρ 0 ei θ ei θ = ρρ 0 ei(θ +θ )
 0 0

n n
z = ρei θ =ρ n ei θ = ρ n ei nθ

 n  


 1/z = 1/ ρei θ = ρ1 e− i θ
z̄ = ρe− i θ

n
La formule de Moivre se réduit à l’égalité : ei θ = ei nθ .
Et nous avons aussi : ρei θ = ρ 0 ei θ (avec ρ, ρ 0 > 0) si et seulement si ρ = ρ 0 et θ ≡ θ 0 (mod 2π).
0

3.3. Racines n-ième

Définition 3.
Pour z ∈ C et n ∈ N, une racine n-ième est un nombre ω ∈ C tel que ωn = z.

Proposition 6.
Il y a n racines n-ièmes ω0 , ω1 , . . . , ωn−1 de z = ρei θ , ce sont :

i θ +2 i kπ
ωk = ρ 1/n e n , k = 0, 1, . . . , n − 1

Démonstration. Écrivons z = ρei θ et cherchons ω sous la forme ω = r ei t tel que z = ωn . Nous obtenons donc
n
ρei θ = ωn = r ei t = r n ei nt . Prenons tout d’abord le module : ρ = ρei θ = r n ei nt = r n et donc r = ρ 1/n (il s’agit


ici de nombres réels). Pour les arguments nous avons ei nt = ei θ et donc nt ≡ θ (mod 2π) (n’oubliez surtout pas le
modulo 2π !). Ainsi on résout nt = θ + 2kπ (pour k ∈ Z) et donc t = θn + 2kπ n . Les solutions de l’équation ω = z
n
i θ +2 i kπ
sont donc les ωk = ρ 1/n e n . Mais en fait il n’y a que n solutions distinctes car ωn = ω0 , ωn+1 = ω1 , . . . Ainsi les n
solutions sont ω0 , ω1 , . . . , ωn−1 .

Par exemple pour z = 1, on obtient les n racines n-ièmes de l’unité e2 i kπ/n , k = 0, . . . , n − 1 qui forment un groupe
multiplicatif.

i i
j = e2 i π/3 ei π/3

0 1 = e0 −1 = ei π
0 1

j 2 = e4 i π/3 e− i π/3

Racine 3-ième de l’unité (z = 1, n = 3) Racine 3-ième de −1 (z = −1, n = 3)

Les racines 5-ième de l’unité (z = 1, n = 5) forment un pentagone régulier :


NOMBRES COMPLEXES 3. ARGUMENT ET TRIGONOMÉTRIE 10

i e2 i π/5

e4 i π/5

0 1

e6 i π/5

e8 i π/5

3.4. Applications à la trigonométrie


Voici les formules d’Euler, pour θ ∈ R :

ei θ + e− i θ ei θ − e− i θ
cos θ = , sin θ =
2 2i

Ces formules s’obtiennent facilement en utilisant la définition de la notation exponentielle. Nous les appliquons dans
la suite à deux problèmes : le développement et la linéarisation.

Développement. On exprime sin nθ ou cos nθ en fonction des puissances de cos θ et sin θ .


Méthode : on utilise la formule de Moivre pour écrire cos (nθ ) + i sin (nθ ) = (cos θ + i sin θ )n que l’on développe avec
la formule du binôme de Newton.
Exemple 4.

cos 3θ + i sin 3θ = (cos θ + i sin θ )3


= cos3 θ + 3 i cos2 θ sin θ − 3 cos θ sin2 θ − i sin3 θ
 
= cos3 θ − 3 cos θ sin2 θ + i 3 cos2 θ sin θ − sin3 θ
En identifiant les parties réelles et imaginaires, on déduit que
cos 3θ = cos3 θ − 3 cos θ sin2 θ et sin 3θ = 3 cos2 θ sin θ − sin3 θ .

Linéarisation. On exprime cosn θ ou sinn θ en fonction des cos kθ et sin kθ pour k allant de 0 à n.
€ i θ − i θ Šn
Méthode : avec la formule d’Euler on écrit sinn θ = e −e2i . On développe à l’aide du binôme de Newton puis on
regroupe les termes par paires conjuguées.
Exemple 5.

3
ei θ − e− i θ

3
sin θ =
2i
1
(ei θ )3 − 3(ei θ )2 e− i θ + 3ei θ (e− i θ )2 − (e− i θ )3

=
−8 i
1
e3 i θ − 3ei θ + 3e− i θ − e−3 i θ

=
−8 i
1 e3 i θ − e−3 i θ ei θ − e− i θ

= − −3
4 2i 2i
sin 3θ 3 sin θ
= − +
4 4
NOMBRES COMPLEXES 4. NOMBRES COMPLEXES ET GÉOMÉTRIE 11

Mini-exercices.
1. Mettre les nombres suivants sont la forme module-argument (avec la notation exponentielle) : 1, i, −1, − i, 3 i,
p p 1
p
1 + i, 3 − i, 3 − i, p3−i , ( 3 − i)20x x où 20x x est l’année en cours.
2. Calculer les racines 5-ième de i.
p
3 i π π
3. Calculer les racines carrées de 2 + 2 de deux façons différentes. En déduire les valeurs de cos 12 et sin 12 .
4. Donner sans calcul la valeur de ω0 + ω1 + · · · + ωn−1 , où les ωi sont les racines n-ième de 1.
5. Développer cos(4θ ) ; linéariser cos4 θ ; calculer une primitive de θ 7→ cos4 θ .

4. Nombres complexes et géométrie


On associe bijectivement à tout point M du plan affine R2 de coordonnées (x, y), le nombre complexe z = x + i y
appelé son affixe.

4.1. Équation complexe d’une droite


Soit
ax + b y = c
l’équation réelle d’une droite D : a, b, c sont des nombres réels (a et b n’étant pas tous les deux nuls) d’inconnues
(x, y) ∈ R2 .
Écrivons z = x + i y ∈ C, alors
z + z̄ z − z̄
x= , y= ,
2 2i
donc D a aussi pour équation a(z + z̄) − i b(z − z̄) = 2c ou encore (a − i b)z + (a + i b)z̄ = 2c. Posons ω = a + i b ∈ C∗
et k = 2c ∈ R alors l’équation complexe d’une droite est :

ω̄z + ωz̄ = k

où ω ∈ C∗ et k ∈ R.

C
r
D
ω

i i

0 1 0 1

4.2. Équation complexe d’un cercle


Soit C (Ω, r) le cercle de centre Ω et de rayon r. C’est l’ensemble des points M tel que dist(Ω, M ) = r. Si l’on note ω
l’affixe de Ω et z l’affixe de M . Nous obtenons :
dist(Ω, M ) = r ⇐⇒ |z − ω| = r ⇐⇒ |z − ω|2 = r 2 ⇐⇒ (z − ω)(z − ω) = r 2
et en développant nous trouvons que l’équation complexe du cercle centré en un point d’affixe ω et de rayon r est :

zz̄ − ω̄z − ωz̄ = r 2 − |ω|2

où ω ∈ C et r ∈ R.
NOMBRES COMPLEXES 4. NOMBRES COMPLEXES ET GÉOMÉTRIE 12

|z−a|
4.3. Équation |z−b| =k
Proposition 7.
MA
Soit A, B deux points du plan et k ∈ R+ . L’ensemble des points M tel que MB = k est
• une droite qui est la médiatrice de [AB], si k = 1,
• un cercle, sinon.

Exemple 6.
Prenons A le point d’affixe +1,B le point d’affixe −1. Voici les figures pour plusieurs valeurs de k.
Par exemple pour k = 2 le point M dessiné vérifie bien M A = 2M B.

B A

1
k=3 k= 3

1
k=2 k= 2

4 3
k= k=
3 k=1 4

|z−a|
Démonstration. Si les affixes de A, B, M sont respectivement a, b, z, cela revient à résoudre l’équation |z−b| = k.
|z − a|
= k ⇐⇒ |z − a|2 = k2 |z − b|2
|z − b|
⇐⇒ (z − a)(z − a) = k2 (z − b)(z − b)
⇐⇒ (1 − k2 )zz̄ − z(ā − k2 b̄) − z̄(a − k2 b) + |a|2 − k2 |b|2 = 0
Donc si k = 1, on pose ω = a − k2 b et l’équation obtenue z ω̄ + z̄ω = |a|2 − k2 |b|2 est bien celle d’une droite. Et
2
bien sûr l’ensemble des points qui vérifient M A = M B est la médiatrice de [AB]. Si k 6= 1 on pose ω = a−k b
1−k2 alors
−|a|2 +k2 |b|2
l’équation obtenue est zz̄ − z ω̄ − z̄ω = 1−k2 . C’est l’équation d’un cercle de centre ω et de rayon r satisfaisant
−|a| +k |b|
2 2 2 2
|a−k b| 2
−|a|2 +k2 |b|2
r − |ω| =
2 2
1−k2 , soit r =
2
(1−k2 )2 + 1−k2 .

Ces calculs se refont au cas par cas, il n’est pas nécessaire d’apprendre les formules.
Mini-exercices.
1. Calculer l’équation complexe de la droite passant par 1 et i.
2. Calculer l’équation complexe du cercle de centre 1 + 2 i passant par i.
|z − i |
3. Calculer l’équation complexe des solutions de = 1, puis dessiner les solutions.
|z − 1|
|z − i |
4. Même question avec = 2.
|z − 1|

Auteurs du chapitre Arnaud Bodin, Benjamin Boutin, Pascal Romon

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