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Année universitaire 2021/2022
Université de Rennes 1
2
Table des matières
3 Théorème d’Ascoli 33
3.0.1 Prolongement des applications uniformément continues . . . . . . . . . . . . . . 33
3.0.2 Théorème d’Ascoli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4 Séries de Fourier 39
4.1 Coefficients de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
4.1.1 Définition et règles de calcul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
4.1.2 Décroissance et régularité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
4.1.3 Noyau de Dirichlet et noyau de Fejér . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
4.2 Théorème de Fejér . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
4.3 Théorème de Dirichlet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
5 Espaces de Hilbert 49
5.1 Espaces préhilbertiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
5.2 Espaces de Hilbert et théorème de projection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
5.2.1 Espaces de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
5.2.2 Théorème de projection sur un sous-espace vectoriel de dimension finie . . . . . 54
5.2.3 Théorème de projection sur un convexe fermé non vide . . . . . . . . . . . . . . 56
5.3 Conséquences du théorème de projection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
5.3.1 Théorème du supplémentaire orthogonal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
5.3.2 Théorème de représentation des formes linéaires continues de Riesz . . . . . . . 61
5.4 Bases hilbertiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
5.4.1 Définition, existence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
3
4 TABLE DES MATIÈRES
8 Différentielle 99
8.1 Différentiabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
8.1.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
8.1.2 Exemples classiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
8.1.3 Propriétés élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
8.1.4 Théorème de différentiation des fonctions composées et ses conséquences . . . . 108
8.1.5 Différentiabilité et inversion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
8.1.6 Inégalité des accroissements finis et conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
8.1.7 Gradient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
8.1.8 Différentiabilité de suites ou séries de fonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
8.2 Différentielles partielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
8.2.1 Différentielles partielles d’ordre 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
8.2.2 Différentielles partielles d’ordre 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
8.2.3 Différentielles partielles d’ordre n . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
8.3 Différentielles d’ordre supérieur ou égal à 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
8.3.1 Différentielles d’ordre 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
8.3.2 Différentielle d’ordre supérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
8.4 Formules de Taylor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
TABLE DES MATIÈRES 5
1.1 Normes
1.1.1 Définition et exemples
Définition 1.1 (Norme, espace vectoriel normé) Une norme sur E est une application
k · k : E → R+ ,
définissant une structure d’espace métrique (E, d) et une topologie sur l’espace vectoriel normé (E, k ·
k). Sauf mention contraire, c’est toujours cette topologie qui est utilisée pour cet evn. La topologie
dépend du choix de la norme. L’inégalité triangulaire induit que l’application norme k · k : E → R+
est 1-lipschitzienne
∀x, y ∈ E, kxk − kyk ≤ kx − yk,
donc continue sur E.
Détails 1.1
Exemples :
1) (Kn , k · kp ), où kxkp = ( nk=1 |xk |p )1/p si x = (x1 , ..., xn ) ∈ Kn et 1 ≤ p < +∞
P
2) (Kn , k · k∞ ), où kxk∞ = max1≤k≤n |xk | si x = (x1 , ..., xn ) ∈ Kn
p 1/p si x =
P+∞
3) (lp (N, K), k · kp ) ou (cc (N, K), k · kp ) suites à support fini, où kxkp =
n=0 |xn |
(xn )n∈N et 1 ≤ p < +∞
4) (l∞ (N, K), k · k∞ ) ou (cc (N, K), k · k∞ ), où kxk∞ = supn∈N |xn | si x = (xn )n∈N
R1 1/p
5) (C 0 ([0, 1], K), k · kp ), où kf kp = 0 |f (t)|p dt si 1 ≤ p < +∞
6) (C 0 ([0, 1], K), k · k∞ ), où kf k∞ = supt∈[0,1] |f (t)|
7
8 CHAPITRE 1. ESPACES VECTORIELS NORMÉS
Pk
7) (C k ([0, 1], K), k · k), où kf k = j=0 kf
(k) k
∞
1 1 xp y p 0
p p0
∀x, y > 0, ln(xy) = ln x + ln y = ln(x ) + 0 ln(y ) ≤ ln + 0 ,
p p p p
puis la croissance de la fonction exponentielle donne
0
xp y p
∀x, y > 0, xy ≤ + 0 .
p p
La formule ci-dessus est trivialement vérifiée si x = 0 ou y = 0. On en déduit pour tout x = (xn )n∈N ∈
0
lp (N, K) et y = (yn )n∈N ∈ lp (N, K) tels que x 6= 0, y 6= 0,
+∞ +∞ +∞ 0
X |xn | |yn | 1 X |xn |p 1 X |yn |p 1 1
≤ p + 0 p 0 = + 0 =1
kxkp kykp0 p kxkp p p p
n=0 n=0 n=0 kykp0
i.e.
+∞
X
|xn yn | ≤ kxkp kykp0 .
n=0
+∞
X +∞
X +∞
X
kx + ykpp = |xn + yn ||xn + yn | p−1
≤ |xn ||xn + yn | p−1
+ |yn ||xn + yn |p−1
n=0 n=0 n=0
+∞
!1/p +∞
!1/p +∞ !1/p0
0 0
X X X
≤ |xn |p + |yn |p |xn + yn |p (p−1) ≤ (kxkp + kykp )kx + ykp/p
p ,
n=0 n=0 n=0
p
car p0 (p − 1) = p. Comme p − p0 = 1, on en déduit kx + ykp ≤ kxkp + kykp .
Détails 1.2
Remarque 1.3 Deux normes équivalentes sur un espace vectoriel définissent la même topologie
(même famille de sous-ensembles ouverts donc même famille de sous-ensembles fermés par passage au
complémentaire et même famille de sous-ensembles compacts puisque la propriété de Borel-Lebesgue
est uniquement caractérisée par les ouverts de la topologie).
Détails 1.3
1.1. NORMES 9
Théorème 1.4 Dans un R-ev E de dimension finie, toutes les normes sont équivalentes. Tout R-ev
E de dimension finie peut être muni d’une topologie canonique définie à partir d’une norme quelconque
(existe toujours) sur E et ne dépendant pas du choix de cette norme.
Remarque 1.5 Un C-evn de dimension n est un R-evn de dimension 2n donc le théorème s’applique
aux C-evn.
et
x
∀x ∈ Rn \ {0}, C1 ≤ , (1.2)
kxk∞
On déduit de (1.1) avec x = 0, et (1.2) que
Détails 1.4
Corollaire 1.6 Dans un K-evn de dimension finie où K = R ou C, les compacts sont les fermés
bornés.
Preuve : Le cas de la dimension zéro est trivial. Supposons que (E, k · k) est un R-evn de dimension
finie n ≥ 1 et (e1 , ..., en ) est une base de E. Comme tout compact de (E, k · k) est un sous-ensemble
fermé borné de (E, k · k), il suffit de vérifier que tout sous-ensemble fermé borné de (E, k · k) est un
compact de (E, k · k). Soit F un sous-ensemble fermé borné de (E, k · k). On considère la nouvelle
norme sur E donnée par
n
X
∀x ∈ E, N (x) = N xj ej = sup |xj |.
j=1 1≤j≤n
Par équivalence des normes, F un sous-ensemble fermé borné de (E, N ). Comme l’application
ϕ : (Rn , k · k∞ ) → (E, N ),
définie par ϕ(x1 , ..., xn ) = nj=1 xj ej est un isomorphisme isométrique donc continu, le sous-ensemble
P
ϕ−1 (F ) est fermé borné dans (Rn , k · k∞ ) donc compact dans (Rn , k · k∞ ). On en déduit que F =
ϕ(ϕ−1 (F )) est un compact de (E, N ) comme image continue d’un compact et aussi un compact de
(E, k · k) par équivalence des normes. Le cas complexe se déduit directement du cas réel en utilisant
que tout C-evn de dimension finie a une structure de R-evn de dimension finie.
10 CHAPITRE 1. ESPACES VECTORIELS NORMÉS
Détails 1.5
Proposition 1.7 Dans un evn (E, k · k) sur K = R ou C, tout sev F de dimension finie est fermé.
Preuve : Soit (xn )n∈N ∈ F N une suite convergente vers x ∈ E dans (E, k · k). Elle est donc bornée
dans (E, k · k) mais aussi dans (F, k · k). Comme F est un evn de dimension finie, elle reste donc
incluse dans un compact de (F, k · k). On peut donc en extraire une sous-suite (xϕ(n) )n∈N convergente
vers x̃ ∈ F dans (F, k · k). L’unicité de la limite de (xϕ(n) )n∈N implique x = x̃ ∈ F .
Détails 1.6
1) Pour tous 1 ≤ p < q ≤ ∞, l’inclusion lp ⊂ lq est satisfaite avec injection continue : k·kq ≤ k·kp .
En effet, k · kqq ≤ k · kq−p p q
∞ k · kp ≤ k · kp . Les normes k · kp et k · kq ne sont pas équivalentes
p
sur l (N, K), car il n’existe pas de constante C > 0 telle que k · kp ≤ Ck · kq . Par l’absurde,
supposons ∃C > 0 telle que k·kp ≤ Ck·kq . En appliquant cette inégalité à x(n) = (1l[1,n] (k))k∈N ,
on obtient l’estimation n1/p ≤ Cn1/q qui ne peut être vérifiée dans l’asymptotique n → +∞
car p1 > 1q .
Détails 1.7
2) Pour tous 1 ≤ p < q ≤ ∞, l’inclusion Lq (0, 1) ⊂ Lp (0, 1) est satisfaite avec injection continue :
k · kp ≤ k · kq . En effet, pour tout f ∈ Lq (0, 1), l’inégalité de Hölder montre que
Z 1 Z 1 pq Z 1 r10
p pq r0
kf kpp = p
|f (x)| dx ≤ |f (x)| dx 1 dx = kf kpq
0 0 0
avec r = pq ∈ (1, +∞) et r0 ∈ (1, +∞) tel que 1r + r10 = 1. Les normes k · kp et k · kq ne sont
pas équivalentes sur Lq (0, 1) car il n’existe pas de constante C > 0 telle que k · kq ≤ Ck · kp .
Dans le cas p = 1 et q = ∞, il suffit de considérer la suite de fonctions « triangle »fn (x) =
1
(1 − nx)1l[0, 1 ] (x), satisfaisant kfn k∞ ≡ 1 et kfn k1 = 2n → 0 si n → +∞ ; ou la suite de
n
1
fonctions gn (x) = xn satisfaisant kgn k∞ ≡ 1 et kgn k1 = n+1 .
Exercice : Traiter le cas général 1 ≤ p < q ≤ ∞.
3) Pour tous 1 ≤ p < q ≤ ∞, il n’y a pas d’inclusion entre les espaces Lp (R) et Lq (R) et aucune
des inégalités k · kp ≤ Ck · kq ou k · kq ≤ Ck · kp n’est satisfaite sur Lp (R) ∩ Lq (R). Dans le cas
p = 1 et q = 2, on remarque que x1 1l[1,+∞) (x) ∈ L2 (R) mais ∈ / L1 (R) et √1x 1l(0,1] (x) ∈ L1 (R)
mais ∈/ L2 (R) d’où l’absence d’inclusions. D’autre part, fn (x) = n1 1l[0,n] (x) −→ 0 dans L2 (R)
√
mais pas dans L1 (R) car kfn kL1 (R) = 1 et gn (x) = n1l[0,1/n] (x) −→ 0 dans L1 (R) mais pas
dans L2 (R) car kgn kL2 (R) = 1. Les normes k · k1 et k · k2 ne sont donc pas équivalentes sur
L1 (R) ∩ L2 (R).
Preuve : Si (E, k · k) est un evn de dimension finie, la boule unité fermée de (E, k · k) est un
sous-ensemble fermé borné de (E, k · k) donc un compact de (E, k · k). Réciproquement, supposons
B = B E (0, 1) est compacte. Par la propriété de Borel-Lebesgue, du recouvrement ouvert
[ 1
B⊂ BE x, ,
2
x∈B
Montrons que le sous-espace vectoriel F = Vect{x1 , ..., xN } coïncide avec E. Par l’absurde, supposons
qu’il existe x ∈ E \F . Comme (F, k·k) est un evn de dimension finie, toutes les boules fermées B F (0, r)
sont compactes. On vérifie alors que la fonction continue ϕ : (F, k · k) → R+ définie par ϕ(y) = ky − xk
atteint son minimum sur F en point y0 ∈ F tel que d = dist(x, F ) = kx − y0 k > 0. Comme x−y d ∈ B,
0
x−y0 1
il existe 1 ≤ j ≤ N tel que d − xj < 2 . On obtient une contradiction car y0 + dxj ∈ F et
d
kx − (y0 + dxj )k < 2 .
Détails 1.8
Exemple de suite bornée dans un R-evn de dimension infinie qui n’admet pas de sous-
suite convergente :
1) Pour n ∈ N, on note en = (δk,n )k∈N . La suite (en )n∈N est bornée dans (l2 (N, R), k · k2 ).
S’il existe x = (xn )n∈N ∈ l2 (N, R) et une extraction φ tels que keφ(n) − xkl2 → 0 alors
kxkl2 = lim ken kl2 = 1 et ken − xk2l2 = kxk2l2 + 1 − 2xn −→ 2 car x ∈ l2 (N, R) implique xn → 0
n→∞
si n → +∞.
2) Considérons l’espace vectoriel E = L2 ((0, 2π), C) muni de la norme
Z 2π 1/2
1 2
kf kL2 = |f (t)| dt ,
2π 0
et g = 0 p.p. sur R, puisque le fait que la suite (|1l[ϕ(n),ϕ(n)+1] − g|2 )n≥0 soit de limite nulle
dans L1 (R) implique qu’elle admet une sous-suite convergeant vers 0 p.p. sur R.
12 CHAPITRE 1. ESPACES VECTORIELS NORMÉS
1.3 Complétude
Définition 1.9 (Suite de Cauchy) Soit (E, k · k) un evn. Une suite (xn )n∈N de E est de Cauchy
si
∀ε > 0 , ∃n0 ≥ 0, ∀p, q ≥ n0 , kxp − xq k < ε.
La notion de suite de Cauchy dépend de la norme considérée sur l’espace vectoriel. Deux normes
équivalentes sur un espace vectoriel définissent les mêmes suites de Cauchy.
Preuve : Soit (xn )n∈N une suite d’un evn (E, k · k).
(i) On suppose que (xn )n∈N converge vers x dans (E, k · k). Soit ε > 0. Par définition de la
convergence, il existe n0 ≥ 0 tel que pour tout n ≥ n0 , kxn − xk < 2ε . Pour tous p, q ≥ n0 , on
déduit de l’inégalité triangulaire kxp − xq k ≤ kxp − xk + kx − xq k < ε.
(ii) Si (xn )n∈N de Cauchy dans (E, k·k), il existe n0 ∈ N tel que pour tous p, q ≥ n0 , kxp −xq k ≤ 1.
Pour tout n ≥ n0 , l’inégalité triangulaire justifie kxn k ≤ kxn − xn0 k + kxn0 k ≤ 1 + kxn0 k. Si
M = 1 + max0≤j≤n0 kxj k, on a kxn k ≤ M pour tout n ∈ N.
(iii) On suppose que (xn )n∈N est de Cauchy dans (E, k·k) et qu’elle admet une sous-suite (xφ(n) )n∈N
convergente dans (E, k · k) de limite x. Soit ε > 0. Il existe n0 ≥ 0 tel que pour tous p, q ≥ n0 ,
kxp − xq k ≤ 2ε , et, pour tout n ≥ n0 , kxφ(n) − xk < 2ε . On a alors pour tout n ≥ n0 ,
ε ε
kxn − xk ≤ kxn − xφ(n) k + kxφ(n) − xk ≤ + = ε,
2 2
car φ(n) ≥ n ≥ n0 . Toute la suite (xn )n∈N converge donc vers x.
(iv) Soit (xn )n∈N une suite de Cauchy dans un evn (E, k · kE ). Soit (F, k · kF ) un autre evn et
f : E → F une application uniformément continue. Soit ε > 0. Par uniforme continuité de f ,
il existe δ > 0 tel que, pour tous x, y ∈ E vérifiant kx − ykE < δ alors kf (x) − f (y)kF < ε.
Comme (xn )n∈N est de Cauchy dans (E, k · kE ), alors il existe n0 ∈ N tel que, pour tous
p, q ≥ n0 , kxp − xq kE < δ. Il s’ensuit que pour tous p, q ≥ n0 , kf (xp ) − f (xq )kF < ε.
Définition 1.11 (partie complète) Dans un evn (E, k · k), une partie A est complète si toute suite
de Cauchy (xn )n∈N ∈ AN de A converge dans A, i.e.,
∃a ∈ A, lim kxn − ak = 0.
n→+∞
(iii) Le produit cartésien fini (ou dénombrable) de partie complètes est complet (pour la topologie
produit), en particulier Rn est complet
(iv) Dans un evn complet, les sous-ensembles complets sont les sous-ensembles fermés
(v) Toute partie complète est fermée
(vi) Toute partie compacte est complète
(vii) Dans un evn (E, k · k), une partie A est complète si et seulement si toute suite décroissante
(Fn )n∈N de fermés de A dont le diamètre tend vers zéro, diam(Fn ) → 0, a une intersection
non vide (et réduite à un point)
Exemples :
1) Si K = R ou C, Kn et plus généralement tout K-ev de dimension finie est un espace de
Banach quelque soit la norme considérée (utiliser la compacité des ensembles fermés bornés en
dimension finie)
2) Pour tout p ∈ [1, ∞], (lp (N, K), k · klp ) est un espace de Banach
3) Pour tout p ∈ [1, ∞], (Lp (R, K), k · kLp ) est un espace de Banach (voir cours d’intégration)
4) Soient (E, k · kE ) un evn et (F, k · kF ) un espace de Banach. L’espace
Détails 1.9
Preuve de la complétude de (lp (N, R), k · klp ) pour 1 ≤ p < ∞ (resp. p = ∞) : Soit (xk )k∈N une
suite de Cauchy dans lp (N, R) :
(i) Pour tout k ∈ N, xk = (xkn )n∈N est une suite de nombres réels vérifiant +∞ k p
P
n=0 |xn | < +∞
(resp. une suite bornée de nombres réels),
(ii) ∀ε > 0 , ∃k0 ∈ N, ∀j, k ≥ k0 , kxk − xj klp < ε, i.e.,
+∞
X
∀ε > 0 , ∃k0 ∈ N, ∀j, k ≥ k0 , |xkn − xjn |p < εp , (1.3)
n=0
Étape 2 : Montrons que x∞ ∈ lp (N, C) et que kxk − x∞ klp → 0 quand k → +∞. Soit ε > 0, k0 = k0 (ε)
fourni par l’hypothèse de Cauchy et k ≥ k0 . En passant à la limite quand j → +∞ dans (1.3), on
déduit du lemme de Fatou (cf. cours intégration),
+∞
X +∞
X +∞
X
|xkn − x∞ p
n | = lim inf |xkn − xjn |p ≤ lim inf |xkn − xjn |p ≤ εp .
j→+∞ j→+∞
n=0 n=0 n=0
∀n ∈ N, ∀k ≥ k0 , |xkn − x∞ k j
n | = lim |xn − xn | ≤ ε.
j→+∞
Alternative à l’utilisation du lemme de Fatou. On peut aussi se limiter à manipuler des sommes finies
pour éviter de justifier un passage à la limite dans une somme infinie. Soit ε > 0, k0 = k0 (ε) fourni
par l’hypothèse de Cauchy et k ≥ k0 . Soit N ∈ N. Pour tout j ≥ k0 , on a
N
X +∞
X
|xkn − xjn |p ≤ |xkn − xjn |p < εp .
n=0 n=0
implique par passage à la borne supérieure (la somme d’une série de termes positifs est la borne
supérieure de ses sommes partielles),
+∞
X
|xkn − x∞ p p
n | ≤ε .
n=0
la suite (fn (x))n∈N est de Cauchy dans l’espace de Banach (F, k · kF ) donc convergente de limite notée
f (x) = limn→+∞ fn (x). Ceci définit une application f : E → F telle que (fn )n∈N converge simplement
vers f .
Étape 2 : Montrons que f ∈ Cb0 (E, F ) et que kfn − f k∞ → 0 quand n → +∞. Soient ε > 0 et
n ≥ n0 (ε). Un passage à la limite dans (1.5) donne
La fonction fn − f est donc bornée et kfn − f k∞ ≤ ε pour tout n ≥ n0 (ε). Il s’ensuit également que
kfn − f k∞ → 0 quand n → +∞. La fonction f est limite uniforme d’applications continues donc
continue, d’où finalement f ∈ Cb0 (E, F ).
La méthode utilisée dans les deux démonstrations précédentes est classique. Elle s’applique dans
nombre de situations comme par exemple pour montrer la complétude de l’evn (C00 (R, R), k · k∞ ) des
fonctions continues qui tendent vers zéro en ±∞.
Contre-exemples :
1) Pour tout p ∈ [1, ∞], (cc (N, R), k·klp ) n’est pas un espace de Banach car le sous-espace vectoriel
cc (N, R) n’est pas fermé dans lp (N, R) (dans un espace de Banach, les sous-espaces complets
sont les sous-espaces fermés).
1l[0,k] (n) p ∞ = 1
En effet, la suite (n+1) 2 n∈N ∈ cc (N, R) converge dans l (N) vers x (n+1)2 n∈N
qui n’est
pas à support fini.
2) Pour tout p ∈ [1, ∞), (C 0 ([0, 1], R), k·kLp ) n’est pas un espace de Banach car C 0 ([0, 1], R) n’est
pas fermé dans (Lp ([0, 1], R), k · kLp ) puisqu’il est dense dans (Lp ([0, 1], R), k · kLp ) et distinct
de Lp ([0, 1], R) (cf. cours d’intégration).
Détails 1.10
La notion de convergence d’une suite ou d’une série est une notion purement topologique alors
que celle de suites de Cauchy nécessite un cadre métrique. La notion de convergence normale est elle
propre aux espaces vectoriels normés.
Proposition 1.15
(i) Dans un evn, une série convergente satisfait le critère de Cauchy
(ii) Dans un evn, le terme général d’une série satisfaisant le critère de Cauchy tend vers zéro, i.e.
xn −→ 0 dans E
n→+∞
(iii) Un evn est un espace de Banach si et seulement si toute série satisfaisant le critère de Cauchy
est convergente
16 CHAPITRE 1. ESPACES VECTORIELS NORMÉS
(iv) Dans un espace de Banach, la convergence normale d’une série implique sa convergence. La
réciproque est fausse
P
(v) Si E est un espace de Banach,
P xn une série absolument
P+∞convergente
P+∞ et σ : N → N une
bijection, alors la série xσ(n) converge absolument
P et x
n=0 σ(n) = n=0 xn (sommabilité
commutative). On note alors cette somme n∈N xn pour indiquer que l’ordre de sommation
n’importe pas
(iii) Si E est un espace de Banach, toute série satisfaisant le critère de Cauchy converge car par
définition, la suite des sommes partielles est de Cauchy dans un espace de Banach donc conver-
gente. Réciproquement, supposons que toute série satisfaisant le critère de Cauchy de l’evn
(E, k · k) converge. Soit (xn )n∈N une suite de Cauchy dans (E, k · k). On considère la suite
télescopique (yn )n∈N donnée par y0 = x0 et yn = xn − xn−1 si n ∈ N∗ . Comme
n+p
X
∀n ∈ N∗ , ∀p ∈ N, yk = xn+p − xn−1 ,
k=n
P
la série yn P satisfait le critère de Cauchy et donc est convergente dans E. Il existe donc a ∈ E
tel que xn = nk=0 yk converge vers a dans E.
P
(iv) Soient (E, k · k) est un espace de Banach et xn une série absolument convergente. Pour
établir
P+∞ la convergence, il suffit de vérifier quePcette série satisfait le critère de Cauchy. Comme
n=0 kx n k < +∞, la série à termes positifs kx k
n converge dans R (vers la borne supérieure
de ses sommes partielles) et satisfait donc le P critère de Cauchy. Pour tout ε > 0, il existe
n+p
n0 ∈ N tel que pour tous n ≥ n0 et p ∈ N, k=n kxn k < ε. Pour tous n ≥ n0 et p ∈ N,
P Pn+p
l’inégalité triangulaire établit que la série xn satisfait le critère de Cauchy k k=n xn k ≤
Pn+p
k=n kx n k < ε. Comme (E, k · k) est un espace de Banach, cette série est donc convergente.
P (−1)n
Contre-exemple à la réciproque : Dans R, la série n converge par le critère des séries
alternées mais ne converge pas absolument par divergence de la série harmonique.
P
(v) Soient (E, k · k) un espace de Banach, xn une série absolument convergente et σ : N → N
une bijection. Comme
N
X X +∞
X
∀N ∈ N, kxσ(k) k = kxn k ≤ kxn k < +∞,
k=0 n∈σ({0,...,N }) n=0
P P
la série xσ(k) converge absolument. Comme E est un Banach, la série xn est convergente
P+∞
dans E de limite L = n=0 xn . Soit ε > 0. On cherche N0 ∈ N tel que
N
X
∀N ≥ N0 , xσ(k) − L < ε.
n=0
1.6. ALGÈBRE DE BANACH 17
P P
D’après les convergences de la série xn dans E et de la série à termes positifs kxn k dans R,
il existe n0 ∈ N tel que
n0 +∞
X ε X ε
xn − L < et kxn k < .
2 2
n=0 n=n0 +1
N n0
X X X X ε ε
xσ(k) − L = xn − L ≤ xn − L + kxn k < + = ε.
2 2
k=0 n∈σ({0,...,N }) n=0 n∈σ({0,...,N })\{0,...,n0 }
Remarque 1.16
P
1) Le théorème de réarrangement de Riemann assure que si xn est une série de nombres réels
semi-convergente, i.e., convergente dans R mais non absolument
P convergente alors pour tout
L ∈ R, il existe une bijection σ : N → N telle que la série xσ(n) soit convergente de limite L.
xn , +∞
P P P P
2) Il convient de ne pas confondre les notations
P+∞n=0 xn et n∈N xn . La notation xn
désigne la série de terme général (xn )n∈N , alors que n=0 xn désigne la somme de cette série
P+∞ PN P
lorsqu’elle converge n=0 xn = limN →+∞ n=0 xn . La notation n∈N xn est réservée aux
séries commutativement convergentes, i.e. aux séries dont la somme ne dépend pas de l’ordre
de sommation des termes
X N
X
∀σ ∈ S(N), xn = lim xσ(n) .
N →+∞
n∈N n=0
Détails 1.11
∀x , y ∈ A, kxyk ≤ kxkkyk.
Exemples :
- L’algèbre des matrices carrées Mn (R) munie d’une norme subordonnée est une algèbre de
Banach
- L’algèbre des fonctions C 0 ([0, 1], R) muni de la norme uniforme k · k∞ est une algèbre de
Banach.
Proposition 1.18 Si (A, +, ·, k · k) est une algèbre de Banach, l’ensemble Inv(A) des éléments in-
versibles de A est un ouvert de A.
18 CHAPITRE 1. ESPACES VECTORIELS NORMÉS
il s’ensuit
N
X N
X
(1A − x) xn − 1A = xn (1A − x) − 1A = kxN +1 k ≤ kxkN +1 −→ 0
N →+∞
n=0 n=0
et
+∞
X +∞
X
(1A − x) xn = xn (1A − x) = 1A .
n=0 n=0
P+∞
L’élément 1A − x ∈ A est donc inversible dans A et (1A − x)−1 = n=0 x
n.
1 1
Étape 2 : Montrons ∀x ∈ Inv(A), B(x, kx−1 k
) ⊂ Inv(A). Pour tout y ∈ A tel que kyk < kx−1 k
,
−1
on remarque que x + y = x(1A + x y) est un élément inversible comme produit de deux éléments
inversibles car kx−1 yk ≤ kx−1 kkyk < 1.
Une application ϕ : [a, b] → E est dite en escalier s’il existe une subdivision σ = {x0 , x1 , ..., xn } de
[a, b] telle que la fonction ϕ soit constante sur (xj−1 , xj ). Une telle subdivision est dite bien adaptée
à ϕ. Rb
On définit l’intégrale sur [a, b] de la fonction en escalier ϕ : [a, b] → E notée I(ϕ) ou a ϕ(x)dx
par la valeur
Xn
I(σ, ϕ) = (xj − xj−1 )cj ∈ E,
j=1
où σ = {x0 , x1 , ..., xn } est une subdivision bien adaptée à ϕ et ϕ|(xj−1 ,xj ) = cj ∈ E. Cette définition
est indépendante du choix de la subdivision bien adaptée à ϕ. On vérifie facilement les propriétés
suivantes :
1) L’ensemble E des fonctions en escalier sur [a, b] est un K-ev, et l’application I : ϕ ∈ E →
I(ϕ) ∈ E est K-linéaire
2) Pour toute fonction escalier ϕ : [a, b] → E, la fonction x ∈ [a, b] 7→ kϕ(x)k ∈ R est une fonction
en escalier à valeurs réelles vérifiant kI(ϕ)k ≤ I(kϕk)
1.7. INTÉGRALE DE RIEMANN DE FONCTIONS À VALEURS BANACHIQUES 19
3) Si ϕ et ψ sont des fonctions en escalier à valeurs réelles sur [a, b] vérifiant ϕ ≤ ψ sur [a, b],
alors I(ϕ) ≤ I(ψ)
Définition 1.19 (Fonction Riemann-intégrable) Soient (E, k·k) un espace de Banach sur K = R
ou C, et [a, b] un intervalle compact de R, où a, b ∈ R, a < b. Une fonction f : [a, b] → E est dite
Riemann-intégrable (ou intégrable si le contexte de l’intégration au sens de Riemann est clair) si pour
tout ε > 0, il existe deux fonctions en escalier ϕ : [a, b] → E et µ : [a, b] → R telles que
Z b
∀x ∈ [a, b], kf (x) − ϕ(x)k ≤ µ(x) et 0≤ µ(x)dx < ε.
a
Soient I un intervalle non vide de R et une application f : I → E. On dit que f est localement
intégrable sur I si f est intégrable sur tout segment inclus dans I.
Rb
La suite (un )n∈N ∈ E N définie par un = a ϕn (x)dx est alors de Cauchy dans E, donc convergente.
R b du choix des fonctions en escalier ϕn et µn vérifiant les conditions ci-dessus.
Sa limite ne dépend pas
On note cette limite a f (x)dx, et on l’appelle l’intégrale de f sur [a, b].
Détails 1.12
Proposition 1.21 Soient E un evn de dimension finie sur K = R ou C, B = (e1 , ..., Penn ) une base
de E et f : [a, b] → E une application, où a, b ∈ R, a < b. On peut écrire f = j=1 fj ej , où
fj : [a, b] → K. L’application f est intégrable sur [a, b] si et seulement si chacune des applications fj
est intégrable sur [a, b]. Dans ce cas, on a
Z b n Z b
X
f (x)dx = fj (x)dx ej .
a j=1 a
Détails 1.13
Ce résulat montre que toute limite uniforme de fonctions en escalier sur [a, b], i.e. toute fonction
réglée sur [a, b], est intégrable sur [a, b]. En particulier, toute fonction continue sur [a, b], continue par
morceaux sur [a, b], ou monotone sur [a, b], est intégrable sur [a, b].
1.8 Séparabilité
On rappelle qu’une suite est nécessairement indexée par l’ensemble des entiers naturels alors qu’une
famille peut être indexée par un ensemble quelconque d’indices non nécessairement dénombrable.
Définition 1.25 (séparabilité, famille totale) Un espace topologique (E, O) est séparable s’il existe
une partie de E dénombrable et dense dans (E, O). Dans un K-evn (E, k · k) où K = R ou C, une
famille (fj )j∈J est totale dans E si le sous-espace vetoriel engendré VectK {fj : j ∈ J} est dense
dans E.
Il faut noter que VectK {fj : j ∈ J} désigne l’ensemble des combinaisons linéaires finies de vec-
teurs fj et que son adhérence n’a pas forcément de caractérisation en terme de séries. En effet, si
(fj )j∈J est une famille totale de (E, k · k), alors, pour tout x ∈ E, il existe une suite (xn )n∈N ∈ E N
telle que kx − xn k →n→+∞ P 0 et, pour tout n ∈ N, xn est une combinaison linéaire finie des vecteurs
{fj : j ∈ J}, i.e., xn = j∈Jn xjn fj où Jn est une partie finie de J et xjn ∈ R. Il n’y a a priori aucun
lien entre xjn et xjn+1 , et la suite (xjn )n∈N n’a aucune raison d’être stationnaire.
Exemples :
1) Rn est séparable car Qn est dénombrable et dense dans Rn .
2) Pour tout 1 ≤ p < +∞, lp (N, R) est séparable car le sous-espace vectoriel VectQ {ek : k ∈ N},
où ek = (δk,n )n∈N , est dénombrable et dense dans lp (N, R) et (ek )k∈N est une famille totale de
lp (N, R).
3) L’espace de Banach (C 0 ([0, 1], R), k·kL∞ ) est séparable d’après le théorème de Stone-Weierstrass.
Détails 1.15
Le lemme suivant donne un critère de non séparabilité
Lemme 1.26 Soit (E, O) un espace topologique. S’il existe une famille non dénombrable (Oj )j∈J
d’ouverts non vides, deux à deux disjoints de E, alors l’espace topologique E n’est pas séparable.
Preuve : Par l’absurde, supposons qu’il existe une suite (gn )n∈N ∈ E N dense dans (E, O). Par densité,
il existe nj ∈ N tel que gnj ∈ Oj pour tout j ∈ J. Comme les ouverts Oj sont deux à deux disjoints,
l’application j ∈ J 7→ nj ∈ N est injective ce qui contredit la non-dénombrabilité de J.
Exemples d’espaces non séparables :
1) (l∞ (N, R), k · kl∞ ) n’est pas séparable
2) (L∞ (R, C), k · kL∞ ) n’est pas séparable
Détails 1.16
Proposition 1.27 Un evn sur K = R ou C, est séparable si et seulement si il admet une famille
dénombrable totale
Détails 1.17
22 CHAPITRE 1. ESPACES VECTORIELS NORMÉS
Chapitre 2
Preuve : L’implication (i) ⇒ (ii) se déduit de la linéarité alors que (ii) ⇒ (i) est triviale. Si l’assertion
(i) est satisfaite, la continuité de f en 0 implique l’existence de δ > 0 tel que kf (y) − f (0)kF =
kf (y)kF ≤ 1 pour tout y ∈ E vérifiant ky − 0kE = kykE ≤ δ. La linéarité de f et l’homogénéité de la
norme
kxkE δx kxkE
∀x ∈ E \ {0}, kf (x)kF = f ≤ ,
δ kxkE F δ
montre que l’assertion (iii) est satisfaite avec M = δ −1 car l’estimation (iii) est triviale si x = 0.
L’implication (iii) ⇒ (i) est évidente. Si (E, k · k) est un K-evn de dimension finie n ≥ 1 et (e1 , ..., en )
une base de E, la norme donnée par
n
X
∀x ∈ E, N (x) = N xj ej = sup |xj |,
j=1 1≤j≤n
est équivalente à la norme k · kE . En particulier, il existe C > 0 telle que N (x) ≤ CkxkE pour tout
x ∈ E. La linéarité de f et l’inégalité triangulaire justifient que
n
X n
X
∀x = xj ej ∈ E, kf (x)kF = xj f (ej ) ≤ C0 N (x) ≤ C0 CkxkE ,
F
j=1 j=1
PN
où C0 = j=1 kf (ej )kF < +∞, et que f est continue sur E.
Détails 2.1
Exemples :
23
24 CHAPITRE 2. APPLICATIONS LINÉAIRES ENTRE ESPACES VECTORIELS NORMÉS
1) Pour f ∈ L1 (T), i.e. fonction 2π-périodique, localement intégrable sur R (1lK f ∈ L1 (R) pour
tout compact K de R), on définit les coefficients de Fourier
Z 2π
1
∀n ∈ Z, cn (f ) = f (t)e−int dt.
2π 0
Le lemme de Riemann-Lebesgue assure que lim|n|→+∞ cn (f ) → 0 (voir chapitre sur les séries
de Fourier), et l’application
est linéaire continue vérifiant kF(f )kl∞ (Z) ≤ kf kL1 (T) pour tout f ∈ L1 (T), où
Z 2π
1
kf kL1 (T) = |f (t)|dt
2π 0
Contre-exemples :
1) Si E = R[X] est muni de la norme k nk=0 ak X k k = nk=0 |ak |, l’application dérivation L :
P P
E → E définie par L(P ) = P 0 est linéaire mais pas continue sur E. En effet, si Pn (X) = X n ,
on remarque que [L(Pn )](X) = nX n−1 et que la quantité kL(P n )k
kPn k = n n’est pas bornée quand
n → +∞
2) Si E = C 0 ([0, 1], R) est muni de la norme k · kL1 ([0,1]) , la forme linéaire f ∈ E 7→ f (0) ∈ R
n’est pas continue (voir exercice)
Définition 2.2 Soient (E, k·kE ), (F, k·kF ) des evn sur K, où K = R ou C. On note L(E, F ) l’espace
vectoriel des applications linéaires de E dans F , et Lc (E, F ) l’espace vectoriel des applications linéaires
continues de E dans F . Si E = F , on note Lc (E) l’espace Lc (E, E).
kf (x)kF
sup = sup kf (x)kF = sup kf (x)kF
x∈E\{0} kxkE x∈E, x∈E,
kxkE =1 kxkE ≤1
et leur valeur commune est notée kf kLc (E,F ) . La borne inférieure ci-dessus est atteinte pour
kf kLc (E,F ) . Les bornes supérieures apparaissant dans les quantités ci-dessus sont atteintes si E
est un evn de dimension finie. Si E est un evn de dimension infinie, ce n’est pas nécessairement
le cas (voir exemples ci-dessous)
2.1. NORME SUBORDONNÉE 25
Preuve : Les propriétés (i) et (ii) se vérifient élémentairement. La propriété (iv) se déduit de la
caractérisation de kg ◦ f kLc (E,G) comme borne inférieure dans (i), et (v) résulte de (iv). La propriété
(vi) découle de (iii), (v) et de la proposition 1.18. Pour montrer la propriété (iii), on considère (fn )n∈N
une suite de Cauchy dans (Lc (E, F ), k · kLc (E,F ) ), i.e.,
ε
Étape 1 : Convergence simple. Soient x ∈ E \ {0}, ε > 0, et n0 = n0 kxkE comme en (2.2). Comme
la suite (fn (x))n∈N est de Cauchy dans l’espace de Banach (F, k · kF ) donc convergente dans F de
limite notée f (x) = limn→+∞ fn (x) ∈ F . La linéarité des applications fn induit celle de l’application
f : E → F ainsi définie. En effet, pour x, y ∈ E et λ, µ ∈ K, un passage à limite quand n → +∞ dans
l’identité fn (λx+µy) = λfn (x)+µfn (y) satisfaite pour tout n ∈ N, donne f (λx+µy) = λf (x)+µf (y).
Étape 2 : Montrons que f ∈ Lc (E, F ) et que kfn − f kLc (E,F ) →n→+∞ 0. Soient ε > 0, n0 = n0 (ε) ∈ N
comme dans (2.2) et n ≥ n0 . Comme pour tout x ∈ E,
Ceci montre que fn − f ∈ Lc (E, F ) et donc f ∈ Lc (E, F ) d’après la structure d’espace vectoriel. On
en déduit également
∀n ≥ n0 , kfn − f kLc (E,F ) ≤ ε,
Détails 2.2
Définition 2.4 (Norme subordonnée) Si (E, k · kE ) et (F, k · kF ) sont deux evn sur K, où K = R
ou C, la norme k · kLc (E,F ) est appelée norme d’opérateur ou norme subordonnée aux normes k · kE et
k · kF . Si (E, k · kE ) = (F, k · kF ), la norme k · kLc (E) est appelée norme subordonnée à la norme k · kE .
Exemples :
26 CHAPITRE 2. APPLICATIONS LINÉAIRES ENTRE ESPACES VECTORIELS NORMÉS
1) Si (par abus de notation) k · kp désigne la norme sur Mn (K) subordonnée à la norme k · kp sur
Kn , où K = R ou C, on a pour tout A = (ai,j )1≤i,j≤n ∈ Mn (K),
n
kAxk1 X
kAk1 = sup = max |ai,j |,
x∈Kn \{0} kxk1 1≤j≤n
i=1
n
kAxk∞ X
kAk∞ = sup = max |ai,j |,
x∈Kn \{0} kxk∞ 1≤i≤n
j=1
kAxk2 p
kAk2 = sup = ρ(A∗ A),
x∈Kn \{0} kxk2
où ρ(M ) = maxλ∈σ(M ) |λ| est appelé rayon spectral de M , avec σ(M ) l’ensemble des valeurs
propres de M dans C
Preuve dans le cas de la norme subordonnée k · k1 : P
Soient (e1 , ..., en ) la base canonique
de Kn , et 1 ≤ j0 ≤ n tel que m = max1≤j≤n ni=1 |ai,j | = ni=1 |ai,j0 |. L’inégalité triangulaire
P
montre que kAk1 ≤ m car
n
X n
X n X
X n Xn n
X
n
∀x ∈ K , kAxk1 = ai,j xj ≤ |ai,j ||xj | = |xj | |ai,j | ≤ mkxk1 ,
i=1 j=1 i=1 j=1 j=1 i=1
Pn
Comme d’autre part kAej0 k1 = i=1 |ai,j0 | = m, on obtient que kAk1 = m.
2) RSoient E = C 0 ([0, 1], R) muni de la norme uniforme k · k∞ et la forme linéaire L : f ∈ E 7→
1
0 f (t)dt ∈ R. Cette forme linéaire est continue car
Z 1 Z 1
∀f ∈ E, |L(f )| = f (t)dt ≤ |f (t)|dt ≤ kf k∞ ,
0 0
quand n → +∞ pour tout t ∈ (0, 1), et que l’intégrande (1−2t)fn (t) satisfait à une domination
|(1 − 2t)fn (t)| ≤ |1 − 2t| indépendante de n ≥ 1 et intégrable sur (0, 1). Il s’ensuit
1 |L(fn )| 1
= lim sup ≤ kLkLc (E,R) ≤ .
2 n→+∞ kf k
n ∞ 2
Quelques remarques :
1) Une norme subordonnée k·kLc (E) sur Lc (E) est toujours sous-multiplicative d’après la propriété
(iv) de la Proposition 2.3. Les normes sous-multiplicatives sur Mn (K) sont appelées normes
matricielles sur Mn (K). A contrario, les normes sous-multiplicatives sur Mn (K) ne sont pas
nécessairement subordonnées à une norme de Kn . C’est par exemple le cas de la norme de
Frobenius v
u n
uX
p
∗
kAkFr = Tr(A A) = t |ai,j |2 ,
i,j=1
d’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz, n’est pas subordonnée à une norme de Kn dès que n ≥ 2,
√
car kIn kFr = n > 1
2) Il existe également des normes sous-multiplicatives sur Mn (R) vérifiant kIn k = 1 mais qui ne
sont pas des normes subordonnées à une norme de Rn (voir exercice)
3) La norme sur Mn (R) donnée par kAk = max1≤i,j≤n |ai,j | si A = (ai,j )1≤i,j≤n ∈ Mn (R), n’est
pas une norme d’algèbre sur Mn (R) dès que n ≥ 2, car la matrice A = (1)1≤i,j≤n vérifie
kAk = 1 et kA2 k = n
Proposition 2.5 Soient (E1 , k · kE1 ), ..., (En , k · kEn ), (F, k · kF ) des evn et f : E1 × ... × En → F une
application n-linéaire. Si le produit cartésien E1 × ... × En est muni de la norme
∀(x1 , ..., xn ) ∈ E1 × ... × En , kf (x1 , ..., xn )kF ≤ M kx1 kE1 ...kxn kEn
Preuve : L’implication (ii) ⇒ (i) est triviale. Si l’assertion (i) est satisfaite, la continuité de f en
0E1 ×...×En assure l’existence de δ > 0 tel que kf (x)kF = kf (x) − f (0E1 ×...×En )kF ≤ 1 pour tout
x = (x1 , ..., xn ) ∈ E1 × ... × En vérifiant kxk = kx − 0E1 ×...×En k ≤ δ. Il s’ensuit que pour tout
x ∈ (E1 \ {0}) × ... × (En \ {0}),
et implique donc l’assertion (iii) qui est triviale si l’un des xj = 0. Réciproquement, si l’assertion (iii)
est satisfaite, on remarque que pour tous x, h ∈ E1 × ... × En ,
et que le terme
kf (x+h)−f (x)kF ≤ kf (h1 , x2 +h2 , ..., xn +hn )kF +kf (x1 , h2 , ..., xn +hn )kF +...+kf (x1 , ..., xn−1 , hn )kF
n
X j−1
Y n
Y
≤M khj kEj kxk kEk kxk + hk kEk ≤ M (kxk + khk)n−1 khk
j=1 k=1 k=j+1
tend vers zéro quand khk → 0. Cette propriété induit la continuité sur E1 × ... × En .
On note Lc (E1 , ..., En ; F ) l’espace vectoriel des formes n-linéaires continues de E1 × ... × En dans
F muni de la norme
kf (x1 , ..., xn )kF
kf kLc (E1 ,...,En ;F ) = sup .
x1 ∈E1 \{0},..., xn ∈En \{0} kx1 kE1 ...kxn kEn
Comme dans le cas linéaire, on vérifie que cet evn est un espace de Banach si F est un espace de
Banach (exercice).
Proposition 2.6 Soient E1 , E2 , F des evn, (xn )n∈N une suite de E1 et (ym )m∈N une suite de E2 .
P
(i) Si
P la série xn converge (resp. converge absolument) dans E1 et f ∈ Lc (E1 , F ) alors la série
f (xn ) converge (resp. converge absolument) dans F et
+∞
X +∞
X
f (xn ) = f xn
n=0 n=0
X +∞
X +∞
X
f (xn , ym ) = f xn , ym .
n,m∈N n=0 m=0
La somme du membre de gauche est à comprendre au sens des familles sommables. En par-
ticulier, cette série peut être sommée dans n’importe quel ordre sans que sa somme en soit
modifiée
Preuve de (ii) : Soit A une partie finie de N2 . Il existe p ∈ N tel que A ⊂ {0. ..., p}2 . On remarque
X X
kf (xn , ym )kF ≤ kf kLc (E1 ,E2 ;F ) kxn kE1 kym kE2
(n,m)∈A (n,m)∈A
p p
! ! ! !
X X X X
≤ kf kLc (E1 ,E2 ;F ) kxn kE1 kym kE2 ≤ kf kLc (E1 ,E2 ;F ) kxn kE1 kym kE2 .
n=0 m=0 n∈N m∈N
2.3. DUALITÉ (RUDIMENTS) 29
Comme F est un espace de Banach, la famille (f (xn , ym ))(n,m)∈N2 est sommable dans F et sa somme ne
dépend pas de l’orde de sommation. La bilinéarité et la continuité de f jointes à l’absolue convergence
des séries impliquent
X +∞
X +∞
X +∞
X N
X +∞
X +∞
X
f (xn , ym )−f xn , ym ≤ f xn , ym + f xn , ym
F F F
(n,m)∈[0,N ]2 n=0 m=0 n=N +1 m=0 n=0 m=N +1
+∞
h X X X +∞
X i
≤ kf kLc (E1 ,E2 ;F ) kxn kE1 kym kE2 + kxn kE1 kym kE2 −→ 0 .
N →+∞
n=N +1 m∈N n∈N m=N +1
P+∞ P+∞
La somme de la famille (f (xn , ym ))(n,m)∈N2 est donc égale à f n=0 xn , m=0 ym .
Le dual topologique d’un evn (E, k · kE ) a une structure d’evn pour la norme
kf kE 0 = sup |f (x)|.
x∈E,
kxkE ≤1
Un dual topologique (E 0 , k · kE 0 ) est toujours un espace de Banach (même si E n’est pas complet
car K = R ou C est complet et seule la complétude de l’espace d’arrivée est nécessaire). L’ensemble
des formes linéaires (non nécessairement continues) sur un evn (E, k · kE ) noté E ∗ est appelé son
dual algébrique. Ces deux notions d’espace dual coïncident, i.e., E 0 = E ∗ , si et seulement si E est de
dimension finie (voir Exercice 1.2).
Proposition 2.8
(i) Si (E, k · kE ) est un evn de dimension finie, E est isomorphe à son dual topologique E 0 , et
en particulier dimK E = dimK E 0 (cet isomorphisme ϕ est alors nécessairement bicontinu, i.e.,
ϕ ∈ Lc (E, E 0 ) et ϕ−1 ∈ Lc (E 0 , E))
(ii) En dimension infinie, un evn et son dual topologique ne sont pas nécessairement bicontinûment
isomorphes
Preuve de l’assertion (i) : Le cas E = {0} est trivial. Si E 6= {0}, on considère B = (e1 , ..., en ) une
base de E. Pour 1 ≤ j ≤ n, on définit uniquement la forme linéaire e∗j par la donnée de son image
d’une base
∀1 ≤ k ≤ n, e∗j (ek ) = δj,k .
Comme E est de dimension finie, ces formes linéaires sont nécessairement continues e∗j ∈ E 0 . Comme
B est une base de E, l’application
Φ: PE → E0
n
Φ(x) = nj=1 xj e∗j ,
P
x= j=1 xj ej 7 →
30 CHAPITRE 2. APPLICATIONS LINÉAIRES ENTRE ESPACES VECTORIELS NORMÉS
est bien définie et est linéaire. Φ est injective car si Φ(x) = 0 dans E 0 alors 0 = [Φ(x)](e
P k ) = xk dans
K pour tout 1 ≤ k ≤ n et donc x = 0. D’autre part, si ψ ∈ E 0 , on vérifie que ψ = nj=1 ψ(ej )e∗j , i.e.
P
n
ψ=Φ j=1 ψ(e j )e j . L’application Φ est surjective et réalise donc un isomorphisme entre E et son
dual topologique E 0 . Ces deux K-evn sont donc de même dimension et la famille B ∗ = (e∗1 , ..., e∗n ) forme
une base de E 0 appelée base duale de (e1 , ..., en ). L’isomorphisme Φ est bicontinu, i.e., Φ ∈ Lc (E, E 0 )
et Φ−1 ∈ Lc (E 0 , E), car E et E 0 sont des evn de dimension finie.
Remarque 2.9 Si E = Rn est muni de la norme euclidienne k·k et (e1 , ..., en ) est une base orthonor-
mée de Rn , l’application Φ ci-dessus est une isométrie car on remarque que dans ce cas e∗j (·) = h·, ej i,
où h·, ·i désigne le produit scalaire euclidien sur Rn , et
n
X n
X
∀x ∈ E, kΦ(x)k(Rn )0 = sup hx, ej ie∗j (y) = sup hx, ej ihy, ej i = kxk,
kyk≤1 j=1 kyk≤1 j=1
d’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz. Dans le cas général, Φ n’est pas nécessairement isométrique.
En effet, si E = R2 est muni de la norme euclidienne, on remarque que la base duale (ε∗1 , ε∗2 ) de la base
(ε1 , ε2 ) définie par ε1 = (1, 0) et ε2 = (1, 1), est donnée par ε∗1 (·) = h·, (1, −1)i et ε∗2 (·) = h·, (0, 1)i, et
kx1 ε1 + x2 ε2 k2 = x21 + 2x22 + 2x1 x2 , kΦ(x)k2(R2 )0 = kx1 ε∗1 + x2 ε∗2 k2(R2 )0 = 2x21 + x22 − 2x1 x2 ,
Détails 2.3
Preuve de l’assertion (ii) : Pour démontrer l’assertion (ii), on va montrer que le dual topologique
de (l1 (N, C), k · kl1 ) est isométrique à (l∞ (N, C), k · kl∞ ). On conclura que (l1 (N, C), k · kl1 ) n’est pas
isomorphe à son dual topologique car l1 (N, C) est séparable alors que l∞ (N, C) ne l’est pas. En effet,
s’il existait un isomorphisme bicontinu
l’ensemble dénombrable VectQ {(ϕ(ek ))k∈N } serait dense dans (l∞ (N, C), k · kl∞ ) car VectQ {(ek )k∈N }
est dense dans (l1 (N, C), k · kl1 ), où ek = (δk,n )n∈N . On remarque en effet que si ε > 0 et x ∈ l∞ (N, C),
il existe par surjectivité u ∈ l1 (N, C) tel que x = ϕ(u), et par densité v ∈ VectQ {(ek )k∈N } tel que
ε
ku − vkl1 < ,
kϕkLc (l1 ,l∞ )
impliquant
kx − ϕ(v)kl∞ = kϕ(u) − ϕ(v)kl∞ = kϕ(u − v)kl∞ ≤ kϕkLc (l1 ,l∞ ) ku − vkl1 < ε.
Détails 2.4
est un isomorphisme isométrique (en particulier bicontinu) permettant d’identifier l∞ (N, C) au dual
topologique de l1 (N, C).
2.3. DUALITÉ (RUDIMENTS) 31
Preuve :
Étape 1 : Montrons que l’application Φ est bien définie et isométrique, i.e., kΦ(u)k(l1 )0 = kukl∞ pour
tout u ∈ l∞ (N, C). Si u = (uP ∞ 1
n )n∈N ∈ l (N, C), on remarque que pour tout x = (xn )n∈N ∈ l (N, C),
|un xn | ≤ kukl∞ |xn |. La série xn un est absolument convergente donc convergente dans C. Il s’ensuit
que Φ(u) définit une forme linéaire continue sur l1 vérifiant kΦ(u)k(l1 )0 ≤ kukl∞ car
Soit ε > 0. Il existe N ∈ N tel que kukl∞ − ε ≤ |uN | ≤ kukl∞ . Comme keN kl1 = 1 et |[Φ(u)](eN )| =
|uN | ≥ kukl∞ − ε, on a kΦ(u)k(l1 )0 ≥ kukl∞ − ε. Il s’ensuit kΦ(u)k(l1 )0 = kukl∞ , et en particulier que
Φ est injective.
Étape 2 : Montrons que Φ est surjective. Soit f ∈ (l1 )0 \ {0}. En posant un = f (en ) ∈ C pour n ∈ N,
montrons que u = (un )n∈N ∈ l∞ (N, C) et f = Φ(u). Comme |un | = |f (en )| ≤ kf k(l1 )0 ken kl1 =
kf k(l1 )0 < +∞ pour tout n ∈ N, on a u ∈ l∞ (N, C). Soient x ∈ l1 (N, C) et ε > 0. Il existe N ∈ N tel
que
+∞
X ε
|xn | < .
kf k(l1 )0
n=N +1
Il s’ensuit
n
X X n n
X +∞
X
∀n ≥ N, f (x)− uk xk = f x− xk ek ≤ kf k(l1 )0 x− xk ek = kf k(l1 )0 |xk | < ε ,
l1
k=0 k=0 k=0 k=n+1
J : (E, k · kE ) → (E 00 , k · kE 00 )
n J(x) : E 0 → K
x 7→
f 7→ f (x),
est une isométrie (non nécessairement surjective) permettant d’identifier E au sous-espace vectoriel
J(E) de E 00 .
Preuve :
Étape 1 : Montrons que l’application J est bien définie, linéaire et continue. Pour x ∈ E, l’application
f ∈ E 0 7→ [J(x)](f ) = f (x) ∈ K est une forme linéaire sur E 0 , et |[J(x)](f )| = |f (x)| ≤ kf kE 0 kxkE
pour tout f ∈ E 0 . Il s’ensuit que J(x) ∈ (E 0 )0 = E 00 et kJ(x)kE 00 ≤ kxkE pour tout x ∈ E.
Étape 2 : Montrons que J est une isométrie. Ce résultat découle d’un corollaire du théorème de
Hahn-Banach (résultat admis conséquence de l’axiome du choix) qui donne la caractérisation duale
suivante de la norme
∀x ∈ E, kxkE = max0 |f (x)|.
f ∈E ,
kf kE 0 ≤1
32 CHAPITRE 2. APPLICATIONS LINÉAIRES ENTRE ESPACES VECTORIELS NORMÉS
L’application linéaire isométrique canonique de la proposition précédente est injective mais pas
nécessairement surjective. Dans le cas où cette application est surjective, E est nécessairement un
espace de Banach (car E 00 est toujours un espace de Banach comme dual topologique), et ces espaces
sont dits réflexifs. Cette propriété de réflexivité est très importante car elle assure la compacité de la
boule unité fermée pour une topologie plus faible que celle définie par la norme.
Chapitre 3
Théorème d’Ascoli
L’objet de ce chapitre est d’établir le Théorème d’Ascoli qui caractérise les parties relativement
compactes d’espaces de fonctions continues définies sur un espace métrique compact à valeurs dans
un espace métrique complet.
Théorème 3.1 (Théorème de prolongement) Soient (E, dE ), (F, dF ) des espaces métriques avec
(F, dF ) complet, et D une partie dense de E. Si f : (D, dE ) → (F, dF ) est une application unifor-
mément continue, cette fonction admet un unique prolongement par continuité fe : E → F . De plus,
cette fonction fe : (E, dE ) → (F, dF ) obtenue par prolongement est uniformément continue sur E.
Preuve : Soient x ∈ E \ D et (xn )n∈N une suite de D convergente vers x dans (E, dE ). La suite
(xn )n∈N est de Cauchy dans (E, dE ). Comme f est uniformément continue sur D, la suite (f (xn ))n∈N
est de Cauchy dans (F, dF ). Comme (F, dF ) est complet, la suite (f (xn ))n∈N converge dans (F, dF ).
Pour que la fonction fe soit bien définie en posant fe(x) = limn→+∞ f (xn ), il faut vérifier que cette
limite ne dépend que de x et pas de la suite (xn )n∈N choisie. Soient (x̃n )n∈N une autre suite de D
convergente vers x, et ε > 0. Par uniforme continuité de f : (D, dE ) → (F, dF ), il existe δ > 0 tel que
Comme les suites (xn )n∈N et (x̃n )n∈N convergent vers x, il existe n0 ∈ N tel que
Il s’ensuit
∀n ≥ n0 , dF (f (xn ), f (x̃n )) < ε.
En passant à la limite quand n → +∞, on obtient
∀ε > 0, dF lim f (xn ), lim f (x̃n ) < ε,
n→+∞ n→+∞
i.e.,
lim f (xn ) = lim f (x̃n ).
n→+∞ n→+∞
33
34 CHAPITRE 3. THÉORÈME D’ASCOLI
où (xn )n∈N une suite quelconque d’éléments de D convergente vers x. La fonction fe : E → F prolonge
f sur E, et est continue sur E par construction. La propriété de continuité assure l’unicité d’un tel
prolongement. Il reste à montrer que fe est uniformément continue sur E. Soit ε > 0. Il existe δ > 0
tel que
∀y, z ∈ D, dE (y, z) < δ, dF (f (y), f (z)) < ε.
Si x, y ∈ E vérifient dE (x, y) < 2δ , on peut trouver des suites (xn )n∈N et (yn )n∈N de D convergentes
respectivement vers x et y dans E. Il existe n0 ∈ N tel que
δ δ δ
∀n ≥ n0 , dE (xn , yn ) ≤ dE (xn , x) + dE (x, y) + dE (y, yn ) < + + = δ.
4 2 4
Il s’ensuit
∀n ≥ n0 ,
dF (f (xn ), f (yn )) < ε.
En passant la limite quand n → +∞, on obtient dF (fe(x), fe(y)) ≤ ε. La fonction fe est donc unifor-
mément continue sur E.
Quelques applications :
Détails 3.1
Théorème 3.2 (Théorème d’Ascoli) Soient (E, dE ) un espace métrique compact, (F, dF ) un es-
pace métrique complet et A une partie de l’espace métrique (C 0 (E, F ), d∞ ), où C 0 (E, F ) désigne
l’ensemble des fonctions continues de E dans F muni de la distance
∀f, g ∈ C 0 (E, F ), d∞ (f, g) = sup dF (f (x), g(x)).
x∈E
Ax = {f (x) : f ∈ A} ⊂ F,
Ax = {f (x) : f ∈ A} ⊂ F,
soit borné dans F . Cette caractérisation s’explique par le fait que dans un evn de dimension finie,
les parties relativement compactes correspondent exactement aux sous-ensembles bornés, puisque les
parties compactes sont les sous-ensembles fermés bornés.
L’ensemble [
D= {xn,k : 1 ≤ k ≤ Nn },
n∈N∗
est une partie dénombrable de E comme union dénombrable de parties dénombrables. D est également
une partie dense de E. En effet, si x ∈ E et ε > 0, il existe n0 ∈ N∗ tel que 0 < n10 < ε. Comme
[ 1
E⊂ BE xn0 ,k , ,
n0
1≤k≤Kn0
il existe 1 ≤ k0 ≤ Kn0 tel que x ∈ BE xn0 ,k0 , n10 , ce qui implique que d(x, xn0 ,k0 ) < ε.
Pour établir que A est une partie relativement compacte de (C 0 (E, F ), d∞ ), la Proposition ??
assure qu’il suffit de considérer (fn )n∈N une suite de A, et de montrer que cette suite admet une
sous-suite convergente dans (C 0 (E, F ), d∞ ).
Étape 2 : Extraction d’une sous-suite simplement convergente sur D. Si x ∈ D, la suite (fn (x))n∈N
est à valeurs dans le sous-ensemble compact Ax de (F, dF ) d’après la propriété de ponctuelle relative
compacité. La suite (fn (x))n∈N admet donc une sous-suite convergente dans (F, dF ). Comme D est un
ensemble dénombrable, on peut utiliser un procédé d’extraction diagonale pour obtenir une extraction
ψ : N → N telle que pour tout x ∈ D, la suite (fψ(n) (x))n∈N converge dans (F, dF ) vers une limite
notée f (x).
36 CHAPITRE 3. THÉORÈME D’ASCOLI
Étape 3 : Prolongement unique de la fonction f initialement définie sur D en une fonction uniformé-
ment continue de E dans F . Soit ε > 0. L’hypothèse d’équicontinuité de A implique l’existence de
δ > 0 tel que
∀n ∈ N, ∀x, y ∈ D, dE (x, y) < δ, dF (fψ(n) (x), fψ(n) (y)) < ε.
Par passage à la limite quand n → +∞ et convergence simple sur D, on obtient l’uniforme continuité
de l’application f : (D, dE ) → (F, dF ),
Comme (F, dF ) est un espace métrique complet, le théorème de prolongement des applications uni-
formément continues permet de prolonger la fonction f par continuité sur E. Ce prolongement unique
encore noté f par abus de notation est en fait uniformément continue de E dans F .
Étape 4 : La sous-suite (fψ(n) )n∈N converge uniformément vers f sur E. Soit ε > 0. Par uniforme
continuité de f et équicontinuité de A, on peut trouver δ > 0 tel que
ε
∀x, y ∈ E, dE (x, y) < δ, dF (f (x), f (y)) <
3
et
ε
∀g ∈ A, ∀x, y ∈ E, dE (x, y) < δ, dF (g(x), g(y)) < .
3
La densité de D dans (E, dE ) assure [
E⊂ BE (x, δ).
x∈D
La compacité de E permet d’en extraire un sous-recouvrement fini, i.e., il existe N ∈ N et x1 , ..., xN ∈
D tels que [
E⊂ BE (xj , δ).
1≤j≤N
La convergence simple de (fψ(n) )n∈N vers f sur D assure qu’il existe n0 ∈ N tel que
ε
∀n ≥ n0 , ∀1 ≤ j ≤ N, dF (fψ(n) (xj ), f (xj )) < .
3
Soient n ≥ n0 et x ∈ E. Il existe 1 ≤ j ≤ N tel que x ∈ BE (xj , δ). Il s’ensuit
dF (fψ(n) (x), f (x)) ≤ dF (fψ(n) (x), fψ(n) (xj )) + dF (fψ(n) (xj ), f (xj )) + dF (f (xj ), f (x)) ≤ ε,
ce qui implique
∀n ≥ n0 , d∞ (fψ(n) , f ) ≤ ε.
La sous-suite (fψ(n) )n∈N converge donc uniformément vers f sur E. On en déduit que la sous-suite
(fψ(n) )n∈N converge vers f dans (C 0 (E, F ), d∞ ). La partie A est donc relativement compacte dans
(C 0 (E, F ), d∞ ).
On établit maintenant l’implication (i) ⇒ (ii). Soit A une partie relativement compacte de
(C 0 (E, F ), d∞ ).
Soient x ∈ E et (yn )n∈N une suite de Ax . Il existe (fn )n∈N ∈ AN tel que (yn )n∈N =
(fn (x))n∈N . Comme A est une partie relativement compacte de (C 0 (E, F ), d∞ ), il existe une ex-
traction ψ : N → N telle que (fψ(n) )n∈N converge uniformément (et donc simplement) sur E. En
particulier, la sous-suite (yψ(n) )n∈N = (fψ(n) (x))n∈N est convergente dans F . La partie A est donc
ponctuellement relativement compacte dans (C 0 (E, F ), d∞ ). Il reste à montrer que A est une partie
équicontinue de (C 0 (E, F ), d∞ ). Soit ε > 0. Comme A est compact dans (C 0 (E, F ), d∞ ), l’extraction
d’un sous-recouvrement fini du recouvrement d’ouverts,
[ ε
A⊂ Bd∞ f, ,
3
f ∈A
37
où Bd∞ (f, r) désigne une boule ouverte de l’espace métrique (C 0 (E, F ), d∞ ). Si 1 ≤ j ≤ N , la fonction
fj est continue sur le compact E. Elle est donc uniformément continue sur E d’après le théorème de
Heine. On peut donc trouver δ > 0 tel que
ε
∀1 ≤ j ≤ N, ∀x, y ∈ E, dE (x, y) < δ, dF (fj (x), fj (y)) < .
3
Soient x, y ∈ E tels que dE (x, y) < δ et f ∈ A. Il existe 1 ≤ j ≤ N tel que f ∈ Bd∞ fj , 3ε . Il s’ensuit
dF (f (x), f (y)) ≤ dF (f (x), fj (x)) + dF (fj (x), fj (y)) + dF (fj (y), f (y)) < ε.
Détails 3.2
Contre-exemple : Si f ∈ Cc0 (R, R) est une fonction non identiquement nulle, la famille (f (· + n))n∈N
est équicontinue et ponctuellement relativement compacte dans C 0 (R, R). Cependant, elle n’admet
aucune sous-suite uniformément convergente sur R. Cet exemple montre que l’hypothèse de compacité
de l’espace de départ est nécessaire.
Détails 3.3
Remarque : Soient (E, dE ) un espace métrique compact, (F, dF ) un espace métrique et A une partie
de l’espace métrique (C 0 (E, F ), d∞ ). Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) A est une partie équicontinue en tout point de E, i.e.,
Cette remarque justifie que l’on utilise plus simplement la terminologie d’équicontinuité plutôt que
celle d’uniforme équicontinuité qui serait plus appropriée pour l’énoncé du théorème d’Ascoli.
Preuve : Soit A une partie équicontinue en tout point de E. Soit ε > 0. Pour tout x ∈ E, il existe
ηx > 0 tel que
ε
∀f ∈ A, ∀y ∈ E, dE (x, y) < ηx , dF (f (x), f (y)) < .
2
La compacité de l’espace métrique (E, dE ) permet d’extraire du recouvrement d’ouverts
η
x
[
E⊂ BE x, ,
2
x∈E
38 CHAPITRE 3. THÉORÈME D’ASCOLI
un sous-recouvrement fini [ ηx
E⊂ BE xn , n ,
2
1≤n≤N
Séries de Fourier
Les séries de Fourier sont un outil fondamental pour l’étude des fonctions périodiques. L’étude
d’une fonction périodique à l’aide des séries de Fourier comprend deux volets :
(i) Une partie analyse qui consiste en la détermination de la suite des coefficients de Fourier de
la fonction périodique
(ii) Une partie synthèse qui permet de retrouver la fonction initiale en un certain sens à partir
de la suite de ses coefficients de Fourier
L’objet de ce chapitre est de mettre en place le cadre de l’analyse de Fourier et de démontrer les
résultats classiques de nature non hilbertienne concernant les séries de Fourier et leurs convergences.
La théorie hilbertienne des séries de Fourier sera développée au chapitre suivant comme une illustration
importante de la théorie des espaces de Hilbert et de la notion de base hilbertienne.
Dans ce chapitre, on désigne par L1 (T), respectivement L2 (T), l’espace vectoriel des fonctions
2π-périodiques localement intégrables, respectivement localement de carrés intégrables, (i.e., 1lK f ∈
L1 (R), resp. 1lK f ∈ L2 (R) pour tout K compact de R) muni de la norme
Z 2π
1 1
∀f ∈ L (T), kf kL1 (T) = |f (t)|dt,
2π 0
respectivement
1 Z 2π 1
2 2
∀f ∈ L (T), kf kL2 (T) = |f (t)|2 dt .
2π 0
Ces deux espaces vectoriels normés sont des espaces de Banach. On considère les exponentielles
complexes
en : R → C
t 7→ eint ,
pour n ∈ Z. On remarque que ces fonctions 2π-périodiques satisfont en ∈ L1 (T)∩L2 (T) et ken kL1 (T) =
ken kL2 (T) = 1 pour tout n ∈ Z. Dans ce chapitre, l’espace vectoriel C k (T) désigne l’ensemble des
fonctions C k (R, C) qui sont 2π-périodiques.
Définition 4.1 Si f ∈ L1 (T), les coefficients de Fourier de la fonction f sont définis par
Z 2π
1
∀n ∈ Z, cn (f ) = f (t)e−int dt.
2π 0
39
40 CHAPITRE 4. SÉRIES DE FOURIER
Exemples :
1) Les coefficients de Fourier de la fonction en sont donnés par ck (en ) = δn,k pour tous n, k ∈ Z
2) Si P est un polynômeP trigonométrique, i.e. P ∈ VectC ((en )n∈Z ), il existe N ∈ N et (an )−N ≤n≤N ∈
C 2N +1 tels que P = N n=−N an en . Ses coefficients de Fourier sont alors donnés par
∀ − N ≤ n ≤ N, cn (P ) = an , ∀|n| ≥ N + 1, cn (P ) = 0
3) Si 0 < ε < π, les coefficients de Fourier de la fonction 2π-périodique vérifiant σε |[−π,π) = 1l[−ε,ε]
appelée fonction signal sont donnés par
sin(nε) ε
∀n ∈ Z∗ , cn (σε ) = , c0 (σε ) =
πn π
Détails 4.1
Proposition 4.2
(i) Si f ∈ L1 (T), la fonction translatée
τa f : R → C
t 7→ f (t − a),
∀n ∈ Z, cn (τa f ) = e−ina cn (f )
∀n ∈ Z, cn (Mk f ) = cn−k (f )
est bien défini pour presque tout t de R. La fonction f ∗ g ainsi définie appartient à L1 (T), et
ses coefficients de Fourier sont donnés par
∀n ∈ Z, cn (f ∗ g) = cn (f )cn (g)
∀n ∈ Z, cn (f 0 ) = incn (f )
Détails 4.2
L’assertion (iii) montre que l’application qui à une fonction de L1 (T) associe ses coefficients de
Fourier transforme un produit de convolution de fonctions dans l’algèbre L1 (T) en un produit (usuel)
de leurs coefficients de Fourier.
4.1. COEFFICIENTS DE FOURIER 41
Exemple : Si 0 < ε < π3 , on remarque que la fonction triangle ∆ε définie comme la fonction 2π-
périodique vérifiant ∆ε |[−π,π) = 1 − |x| |x|
ε + = max(1 − ε , 0 satisfait l’identité
π
∆2ε = σε ∗ σε .
ε
Comme la fonction signal σε appartient à L1 (T), l’assertion (iii) implique que ∆2ε ∈ L1 (T), et
π
∀n ∈ Z, cn (∆2ε ) = cn (σε )2 .
ε
i.e., (
sin(nε)2
πεn2
si n 6= 0
cn (∆2ε ) = ε
π si n = 0.
Détails 4.3
Proposition 4.3
(i) Si f ∈ L1 (T), ses coefficients de Fourier vérifient l’asymptotique
lim cn (f ) = 0.
n→±∞
Preuve :
(i) Si f ∈ C 1 (T), le lemme de Riemann-Lebesgue s’obtient en utilisant l’assertion (iv) de la
proposition 4.2 et le fait que |cn (g)| ≤ kgkL1 (T) pour tous n ∈ Z et g ∈ L1 (T). Pour le cas
général, on procède par approximation en utilisant le résultat établi pour les fonctions C 1 (T)
et la densité de C 1 (T) dans (L1 (T), k · kL1 (T) ).
42 CHAPITRE 4. SÉRIES DE FOURIER
1
∀n ∈ Z∗ , |cn (f )| ≤ |cn (f 0 )|2 + ∈ l1 (Z),
n2
car f 0 ∈ L2 (T).
Détails 4.4
est bien définie. Cette application est linéaire continue de norme kFkLc (L1 (T),c0 (Z)) = 1 (norme atteinte
notamment pour les en ). Le théorème de Fejér démontré dans la suite de ce chapitre assure que cette
application est injective. En revanche, cette application n’est pas surjective. Ce défaut de surjectivité
sera établi ultérieurement comme conséquence d’un théorème abstrait, le théorème d’isomorphisme de
Banach, lorsque nous aurons développé la théorie de Baire.
est bien définie. Cette application est linéaire continue de norme kFkLc (L2 (T),l2 (Z)) = 1 (norme atteinte
notamment pour les en ). La théorie hilbertienne développée au chapitre suivant va montrer que cette
application est en fait un isomorphisme isométrique
+∞
X 1/2
2
∀f ∈ L (T), kf kL2 (T) = |cn (f )|2 .
n=−∞
Remarque 4.6 L’assertion (iii) souligne que la décroissance des coefficients de Fourier est liée à la
régularité de la fonction. On remarque en effet que plus la fonction est régulière, plus ses coefficients
de Fourier décroissent vite en ±∞.
4.1. COEFFICIENTS DE FOURIER 43
n=−N
2N + 1 si t ∈ 2πZ,
pour tout t ∈ R. Le noyau de Fejér est défini comme la moyenne de Cesàro du noyau de Dirichlet
1
N
X −1 1 sin2 ( N2t ) si t 6∈ 2πZ
∀N ∈ N∗ , ∀t ∈ R, KN (t) =
2 t
Dn (t) = N sin ( 2 )
N N si t ∈ 2πZ.
n=0
Les formules ci-dessus se démontrent par des calculs simples de sommes géométriques et l’utilisa-
tion d’interversions entre des sommes finies et des intégrales.
Détails 4.5
Proposition 4.8
(i) Le noyau de Fejér (KN )N ∈N∗ est une approximation de l’unité, i.e., KN ≥ 0,
Z 2π
∗ 1
∀N ∈ N , kKN kL1 (T) = KN (t)dt = 1
2π 0
et Z
∀0 < δ < π, lim KN (t)dt = 0.
N →+∞ δ<|t|≤π
(ii) Le noyau de Dirichlet (DN )N ∈N n’est pas une approximation de l’unité car DN n’est pas de
signe constant. Il satisfait la condition
Z 2π
1
∀N ∈ N, DN (t)dt = 1,
2π 0
mais
lim kDN kL1 (T) = +∞.
N →+∞
44 CHAPITRE 4. SÉRIES DE FOURIER
Preuve : Les propriétés ci-dessus se déduisent facilement sauf la dernière. Concernant cette dernière,
on remarque
| sin((N + 12 )t)| 1 π | sin((N + 21 )t)|
Z π Z
1
kDN kL1 (T) = dt = dt,
2π −π | sin( 2t )| π 0 sin( 2t )
(N + 12 )π N −1 Z
π | sin((N + 12 )t)| | sin τ | 2 X (k+1)π | sin τ |
Z Z
2 2
kDN kL1 (T) ≥ dt = dτ ≥ dτ
π 0 t π 0 τ π kπ τ
k=0
N −1 Z (k+1)π N −1
2 X 1 4 X 1
≥ | sin τ |dτ = 2 −→ +∞.
π (k + 1)π kπ π k+1 N →+∞
k=0 k=0
Détails 4.6
La théorie de Baire que nous verrons ultérieurement dans ce cours va montrer qu’une fonction
continue 2π-périodique n’est pas toujours la somme de sa série de Fourier et que les séries de Fourier
de fonctions continues 2π-périodiques peuvent diverger ponctuellement. La question de l’éventuelle
convergence ponctuelle de la série de Fourier [SN (f )](t) = (DN ∗ f )(t) d’une fonction continue 2π-
périodique f , et dans le cas de convergence de l’adéquation de cette limite avec la valeur de la
fonction initiale f (t) est donc une question délicate. Le théorème de Fejér montre que les propriétés
de convergence des séries de Fourier sont bien meilleures si l’on s’intéresse à leurs convergences en
moyenne de Cesàro
N −1
1 X
[Sn (f )](t) = (KN ∗ f )(t),
N
n=0
puisque ce théorème assure la convergence uniforme sur R vers la fonction initiale de la moyenne de
Cesàro de la série de Fourier de toute fonction continue 2π-périodique. La raison de cette différence
entre les propriétés de convergence des deux produits de convolution (DN ∗f )(t) et (KN ∗f )(t) tient au
fait que contrairement au noyau de Fejér KN , le noyau de Dirichlet DN n’est pas une approximation
de l’unité du fait de son absence de signe constant. Ce défaut de signe constant du noyau de Dirichlet
explique à lui seul la difficulté de la théorie de la convergence ponctuelle des séries de Fourier.
Preuve du Théorème de Fejér, version uniforme : Soient f ∈ C 0 (T) et ε > 0. En utilisant
le théorème de Heine sur un intervalle compact de longueur strictement plus grande que 2π et la
propriété de 2π-périodicité, on vérifie facilement que f est uniformément continue sur R. Il existe
donc δ > 0 tel que
ε
∀x ∈ R, ∀|t| < δ, |f (x) − f (x − t)| < .
2
∗
On choisit N0 ∈ N tel que
2kf kL∞ (T) ε
2 δ
< .
N0 sin ( 2 ) 2
4.2. THÉORÈME DE FEJÉR 45
Comme Z π
∗ 1
∀N ∈ N , KN (t)dt = 1,
2π −π
la positivité du noyau de Fejér permet d’obtenir que pour tous N ≥ N0 et x ∈ R,
Z π Z π
1 1
|f (x) − (KN ∗ f )(x)| = (f (x) − f (x − t))KN (t)dt ≤ |f (x) − f (x − t)|KN (t)dt
2π −π 2π −π
sin2 ( N2t )
Z Z
1 1
≤ |f (x) − f (x − t)|KN (t)dt + |f (x) − f (x − t)| dt.
2π |t|<δ 2πN δ<|t|<π sin2 ( 2t )
Il s’ensuit
ε 2kf kL∞ (T)
∀N ≥ N0 , ∀x ∈ R, |f (x) − (KN ∗ f )(x)| ≤ + < ε.
2 N sin2 ( 2δ )
Ceci implique
lim kf − KN ∗ f kL∞ (T) = 0.
N →+∞
Détails 4.7
on a nécessairement f = 0 dans L1 (T). Ceci implique que l’application linéaire F : L1 (T) → c0 (Z)
est injective.
Corollaire 4.12
(i) Si la série de Fourier d’une fonction f ∈ C 0 (T) converge simplement sur R vers une fonction
S : R → C, i.e.,
∀t ∈ R, lim [SN (f )](t) = S(t),
N →+∞
Preuve :
(i) Le lemme de Cesàro assure que la convergence implique la convergence au sens de Cesàro.
Comme
∀t ∈ R, lim [SN (f )](t) = S(t),
N →+∞
on en déduit
N −1
1 X
∀t ∈ R, lim [Sn (f )](t) = lim (KN ∗ f )(t) = S(t).
N →+∞ N N →+∞
n=0
f (x+ ) + f (x− )
lim [SN (f )](x) = .
N →+∞ 2
D’après la définiton 4.7 et la proposition 4.8, ces mêmes propriétés assurent également que
π π π sin((N + 12 )t)
Z Z Z
1 1 1
1= DN (t)dt = DN (t)dt = dt.
2π −π π 0 π 0 sin( 2t )
4.3. THÉORÈME DE DIRICHLET 47
Il s’ensuit
f (x+ ) + f (x− ) π
f (x − t) − f (x− )
Z
1 1
[SN (f )](x) − = sin N + t dt
2 2π 0 sin( 2t ) 2
Z π
1 f (x + t) − f (x+ ) 1
+ sin N + t dt.
2π 0 sin( 2t ) 2
f (x + t) − f (x+ ) f (x − t) − f (x− )
∀0 < t ≤ δ, + ≤ M.
t t
En utilisant l’inégalité de convexité
π 2
∀0 ≤ t ≤ , sin t ≥ t,
2 π
on en déduit
f (x + t) − f (x+ ) f (x − t) − f (x− )
∀0 < t ≤ δ, + ≤ M π.
sin( 2t ) sin( 2t )
D’autre part, comme la fonction t 7→ | sin( 2t )| est bornée inférieurement par sin( 2δ ) > 0 sur [δ, π], la
locale intégrabilité de f sur R assure que les fonctions
f (x ± t) − f (x± )
t 7→ f± (t) = ,
sin( 2t )
f (x+ ) + f (x− ) 1
[SN (f )](x) − = (c̃−N (f1,+ ) − c̃N (f2,+ ) + c̃−N (f1,− ) − c̃N (f2,− )),
2 4i
où c̃n (·) désigne les coefficients de Fourier des fonctions intégrables π-périodiques
it it it it
f1,+ (t) = f+ (t)e 2 , f2,+ (t) = f+ (t)e− 2 , f1,− (t) = f− (t)e 2 , f2,− (t) = f− (t)e− 2 .
Le lemme de Riemann-Lebesgue (appliqué dans ce cas pour des fonctions intégrables π-périodiques)
implique alors
f (x+ ) + f (x− )
lim [SN (f )](x) = .
N →+∞ 2
48 CHAPITRE 4. SÉRIES DE FOURIER
Chapitre 5
Espaces de Hilbert
La théorie hilbertienne est une généralisation de la théorie euclidienne en dimension infinie. Comme
les espaces euclidiens en dimension finie, les espaces de Hilbert sont des espaces vectoriels munis d’une
structure de produit scalaire. Cependant, à la différence de la dimension finie, cette seule hypothèse
géométrique n’est pas suffisante pour développer cette théorie en dimension infinie, et il faut ajouter
une hypothèse topologique de complétude de l’espace vectoriel normé. Dans tout le chapitre, le corps
de base des espaces de Hilbert K est R ou C.
Définition 5.1 (Produit scalaire, espace préhilbertien) Un produit scalaire sur un espace vec-
toriel E sur K = R (resp. C), est une forme (x, y) ∈ E × E 7→ hx, yi ∈ K bilinéaire (resp. sesquili-
néaire), i.e.,
∀x, y, z ∈ E, ∀λ, µ ∈ K, hλx + µy, zi = λhx, zi + µhy, zi, hx, λy + µzi = λhx, yi + µhx, zi,
définie
∀x ∈ E, hx, xi = 0 ⇔ x = 0,
positive
∀x ∈ E, hx, xi ≥ 0.
Un espace vectoriel muni d’un produit scalaire (E, h·, ·i) est appelé un espace préhilbertien. Si K = R,
un espace préhilbertien de dimension finie est appelé un espace euclidien.
Exemples
1) Le R-espace vectoriel Rn muni du produit scalaire euclidien
n
X
∀x = (x1 , ..., xn ) ∈ Rn , ∀y = (y1 , ..., yn ) ∈ Rn , hx, yi = x j yj ,
j=1
49
50 CHAPITRE 5. ESPACES DE HILBERT
Détails 5.1
est satisfaite avec égalité si et seulement si les vecteurs x et y sont colinéaires, i.e., si le système
(x, y) est K-lié
p
(ii) L’application x ∈ E 7→ kxk = hx, xi ∈ R+ définit une norme sur E. Sauf mention contraire,
la topologie considérée sur l’espace préhilbertien E est la topologie définie par cette norme
(iii) L’identité du parallèlogramme
est satisfaite
(iv) Si K = R (resp. K = C), la formule de polarisation
1 1
∀x, y ∈ E, hx, yi = (kx + yk2 − kxk2 − kyk2 ) = (kx + yk2 − kx − yk2 ),
2 4
est satisfaite, respectivement,
1
∀x, y ∈ E, hx, yi = (kx + yk2 − kx − yk2 + ikx + iyk2 − ikx − iyk2 )
4
5.1. ESPACES PRÉHILBERTIENS 51
Détails 5.2
Preuve :
(i) On remarque que l’inégalité de Cauchy-Schwarz est trivialement satisfaite comme une égalité
si x = 0 ou y = 0. En effet, la linéarité par rapport à la première composante et la linéarité
(resp. l’antilinéarité) par rapport à la deuxième composante du produit scalaire assurent alors
Si x 6= 0, y 6= 0 et que le système (x, y) est K-lié, il existe alors λ ∈ K∗ tel que y = λx.
L’inégalité de Cauchy-Schwarz est alors une égalité car
car kyk2 = hλx, λxi = |λ|2 kxk2 . L’inégalité de Cauchy-Schwarz est donc une égalité si les
vecteurs x et y sont colinéaires. Soient x, y ∈ E des vecteurs non colinéaires. Supposons tout
d’abord que hx, yi ∈ R. On remarque alors que le polynôme de degré 2 en la variable réelle t,
est strictement positif sur R, car l’hypothèse de non colinéarité assure que x + ty 6= 0 pour
tout t ∈ R. Ce polynôme de degré 2 en t n’admet donc pas de racines dans R. Ceci implique
que son discriminant est strictement négatif, i.e.,
ce qui implique l’inégalité de Cauchy-Schwarz. Supposons maintenant que hx, yi ∈ C\R. Ce cas
est possible uniquement si K = C. Il existe alors θ ∈ R tel que |hx, yi| = eiθ hx, yi = heiθ x, yi.
On remarque alors que les vecteurs eiθ x et y sont non colinéaires et vérifient heiθ x, yi ∈ R. On
peut appliquer le résultat démontré au cas précédent pour obtenir
kx + yk2 = hx + y, x + yi = kxk2 + 2Re(hx, yi) + kyk2 ≤ kxk2 + 2kxkkyk + kyk2 = (kxk + kyk)2 .
(iii) Il suffit de développer le carré des normes kx + yk2 et kx − yk2 en utilisant les propriétés du
produit scalaire et de constater les simplications qui s’opèrent.
(iv) Il suffit de développer le carré des normes apparaissant dans les formules de polarisation en
utilisant les propriétés du produit scalaire et de constater les simplications qui s’opèrent.
52 CHAPITRE 5. ESPACES DE HILBERT
Détails 5.3
Définition 5.3 (Famille orthogonale, famille orthonormée) Soient (E, h·, ·i) un espace préhil-
bertien sur K = R ou C, et (xj )j∈I ∈ E I une famille de vecteurs. Cette famille est orthogonale (resp.
orthonormée) si
∀j, k ∈ I, j 6= k, hxj , xk i = 0,
respectivement si
∀j, k ∈ I, hxj , xk i = δj,k ,
Exemples :
1) La base canonique (ek )1≤k≤n de Cn est une famille orthonormée de Cn
2) (en )n∈N est une famille orthonormée de l2 (N, C), où en = (δn,k )k∈N
3) (e√2iπnt )n∈Z est une 2
√ famille orthonormée∗ de L ((0, 1), C)
4) { 2 cos(2πnt), 2 sin(2πkt) : n, k ∈ N } est une famille orthonormée de L2 ((0, 1), R).
5) (e2iπnt 1l[k,k+1] )(n,k)∈Z2 est une famille orthonormée de L2 (R, C)
Détails 5.4
Proposition 5.4 (Théorème de Pythagore) Si (E, h·, ·i) est un espace préhilbertien sur K = R
ou C, et (xk )1≤k≤n est une famille orthogonale finie de vecteurs de E, alors
n n
X 2 X
xk = kxk k2 .
k=1 k=1
Preuve : Il suffit de développer le carré de la norme du membre de gauche et de constater que les
termes croisés sont nuls par orthogonalité.
Détails 5.5
Définition 5.5 (Orthogonal d’une partie) Soient (E, h·, ·i) un espace préhilbertien sur K = R ou
C, et A une partie de E. L’orthogonal de A est défini comme l’ensemble
A⊥ = x ∈ E : ∀a ∈ A, ha, xi = 0 .
Proposition 5.6 Si (E, h·, ·i) est un espace préhilbertien sur K = R ou C, et A, B sont des parties
de E, les propriétés suivantes sont satisfaites :
(i) A⊥ est un sous-espace vectoriel fermé de E
(ii) A ⊂ B ⇒ B ⊥ ⊂ A⊥
⊥
(iii) A⊥ = A = (Vect A)⊥
Preuve :
5.2. ESPACES DE HILBERT ET THÉORÈME DE PROJECTION 53
ϕa : E → K
x 7→ hx, ai.
La linéarité par rapport à la première composante du produit scalaire montre que ϕa est
une forme linéaire. L’inégalité de Cauchy-Schwarz assure ensuite que cette forme linéaire est
continue
∀x ∈ E, |ϕa (x)| = |hx, ai| ≤ kakkxk.
La définition de l’orthogonal permet d’écrire cet ensemble comme l’intersection suivante de
sous-espaces vectoriels fermés de E,
\
A⊥ = Ker ϕa .
a∈A
⊥ ⊥
(iii) Comme A ⊂ A, l’assertion (ii) assure que A ⊂ A⊥ . Il reste à établir l’inclusion A⊥ ⊂ A .
Si x ∈ A⊥ et a ∈ A, il existe une suite (an )n≥0 ∈ AN convergente dans E de limite a. La
continuité des formes linéaires assure
⊥ ⊥
car x ∈ A⊥ et an ∈ A. Il s’ensuit que x ∈ A , et donc A⊥ = A . Comme A ⊂ Vect(A),
l’assertion (ii) assure que (Vect A)⊥ ⊂ A⊥ . Il reste à établir l’inclusion A⊥ ⊂ (Vect A)⊥ .
Si xP ∈ A⊥ et y ∈ Vect(A), il existe n ∈ N, (λj )1≤j≤n ∈ Kn et (aj )1≤j≤n ∈ An tels que
y = nj=1 λj aj . On remarque
n
X
hy, xi = λj haj , xi = 0,
j=1
Définition 5.7 (Espace de Hilbert) Un espace de Hilbert estpun espace préhilbertien (H, h·, ·i)
complet pour la norme k · k associée à son produit scalaire kxk = hx, xi.
Exemples :
1) Rn (resp. Cn ) muni du produit scalaire euclidien (resp. hermitien) est un espace de Hilbert
2) l2 (N, K) muni de son produit scalaire canonique est un espace de Hilbert
3) L2 ((0, 1), K) muni de son produit scalaire canonique est un espace de Hilbert
54 CHAPITRE 5. ESPACES DE HILBERT
4) Si (H, h·, ·i) est un espace de Hilbert et F est un sous-espace vectoriel de H, alors (F, h·, ·i) est
un espace de Hilbert si et seulement si F est un sous-espace vectoriel fermé de H
Contre-exemple : L’espace C 0 ([0, 1], K) muni du produit scalaire de L2 ((0, 1), K) n’est pas un
espace de Hilbert car C 0 ([0, 1], R) n’est pas un sous-espace vectoriel fermé de L2 ((0, 1), K). En effet,
ce sous-espace vectoriel ne peut pas être fermé dans L2 ((0, 1), K), car il est dense dans L2 ((0, 1), K),
et distinct de L2 ((0, 1), K).
Preuve :
(i) Pour tout x ∈ E, on définit
n
X
pF (x) = hx, εk iεk ∈ F.
k=1
On commence par remarquer que x − pF (x) ∈ F ⊥ , car pour tout (λj )1≤j≤n ∈ Kn ,
D n
X E n
X n
X n
X
x − pF (x), λ j εj = λj hx − pF (x), εj i = λj hx, εj i − hx, εk ihεk , εj i = 0,
j=1 j=1 j=1 k=1
puisque (εj )1≤j≤n est une base orthonormée de F . Le théorème de Pythagore assure que pour
tout y ∈ F ,
kx − yk2 = k(x − pF (x)) + (pF (x) − y)k2 = kx − pF (x)k2 + kpF (x) − yk2 ≥ kx − pF (x)k2 ,
La distance du point x au sous-espace vectoriel F est donc atteinte au point pF (x). On obtient
en développant le carré de la norme, et en utilisant le théorème de Pythagore et le fait que le
système (εj )1≤j≤n soit orthonormé
n n n
X 2 D X E X 2
2 2
d(x, F ) = x − hx, εk iεk = kxk − 2Re x, hx, εk iεk + hx, εk iεk
k=1 k=1 k=1
n
X Xn n
X
= kxk2 − 2Re hx, εk ihx, εk i + 2 2
khx, εk iεk k = kxk − |hx, εk i|2 .
k=1 k=1 k=1
Il s’ensuit
∀x ∈ E, kpF (x)k2 = kxk2 − d(x, F )2 ≤ kxk2 .
On en déduit que kpF kLc (E) ≤ 1. Si de plus F 6= {0}, il existe y ∈ F tel que kyk = 1. Il s’ensuit
Ceci implique que kpF kLc (E) = 1. Si F = {0}, l’application pF est l’application nulle et sa
norme est nulle.
(iii) On remarque que le caractère défini du produit scalaire assure que F ∩ F ⊥ = {0}, car
∀x ∈ F ∩ F ⊥ , hx, xi = 0,
implique x = 0. La somme des sev F ⊕ F ⊥ est donc directe. D’autre part, tout x ∈ E s’écrit
x = pF (x) + (x − pF (x)) avec pF (x) ∈ F et x − pF (x) ∈ F ⊥ . Il s’ensuit que E = F ⊕ F ⊥ .
Quelques exemples et conséquences
1) Existence d’un polynôme P ∈ Rn [X], où n ≥ 0, de meilleure approximation d’une fonction
f ∈ L2 ((0, 1), R) pour la norme k · kL2 (0,1) ,
Ce minimiseur au sens des moindres carrés s’obtient comme la projection orthogonale dans
l’espace euclidien Rn de y sur F = Vect{x, z}, où z = (1, ..., 1) ∈ Rn après le choix d’une
base orthonormée de F . Le théorème suivant assure l’unicité du minimiseur de cette régression
linéaire.
56 CHAPITRE 5. ESPACES DE HILBERT
Théorème 5.9 (Théorème de projection sur un convexe fermé non vide) Soient (H, h·, ·i) un
espace de Hilbert sur K = R ou C, et C une partie convexe fermée non vide de H.
(i) Pour tout x ∈ H, il existe un unique point pC (x) ∈ C tel que
pF : H → H,
est linéaire continue de norme satisfaisant kpF kLc (H) ≤ 1, avec égalité si et seulement si
F 6= {0}. D’autre part, la projection de x sur F est uniquement caractérisée par les deux
conditions :
pF (x) ∈ F et x − pF (x) ∈ F ⊥
Exemple : On considère l’espace de Hilbert L2 ((0, 1), R) et f0 = 1l(0, 1 ) ∈ L2 ((0, 1), R). Les proposi-
2
tions 5.6 et 5.8 montrent que
L2 ((0, 1), R) = (Vect f0 ) ⊕ f0⊥ ,
et que F = f0⊥ est un sev fermé de dimension infinie de L2 ((0, 1), R). Le théorème de projection sur
le convexe fermé non vide F assure que pour tout f ∈ L2 ((0, 1), R), il existe un unique pF (f ) ∈ F tel
que
d(f, F ) = kf − pF (f )kL2 (0,1) .
Cette projection de f sur F est uniquement caractérisée par les conditions pF (f ) ∈ F et f − pF (f ) ∈
F ⊥ . Cette caractérisation permet d’établir
En effet, on remarque
ensuite que la distance d(f, G) n’est atteinte pour aucune fonction f ∈ C 0 ([0, 1], R) \ G. En
effet, soit f ∈ C 0 ([0, 1], R) \ G. En utilisant les notations et les résultats établis dans l’exemple
précédent, on montre
d(f, G) = d(f, F ) = kf − pF (f )kL2 (0,1) .
Comme G ⊂ F , l’inégalité d(f, G) ≥ d(f, F ) est triviale. Soit ε > 0. Par densité de C 0 ([0, 1], R)
dans L2 ((0, 1), R), il existe g ∈ C 0 ([0, 1], R) tel que
ε
kpF (f ) − gkL2 (0,1) ≤ .
4
D’autre part, on remarque
Z 1 Z 1 Z 1 Z 1
2 2 2 2
g(t)dt = [pF (f )](t)dt − g(t)dt ≤ |[pF (f )](t) − g(t)|dt
0 0 0 0
Z 1 Z 1 1 Z 1 1
2 2 2 ε
≤ |[pF (f )](t)−g(t)|dt ≤ |[pF (f )](t)−g(t)| dt 12 dt = kpF (f )−gkL2 (0,1) ≤ ,
0 0 0 4
R 21
car pF (f ) ∈ F . La fonction g̃ = g − 2 0 g(t)dt ∈ G vérifie
Z 1
2
kpF (f ) − g̃kL2 (0,1) ≤ kpF (f ) − gkL2 (0,1) + 2 g(t)dt
0 L2 (0,1)
Z 1
2
= kpF (f ) − gkL2 (0,1) + 2 g(t)dt ≤ ε.
0
Il s’ensuit
d(f, G) ≤ kf − g̃kL2 (0,1) ≤ kf − pF (f )kL2 (0,1) + kpF (f ) − g̃kL2 (0,1) ≤ d(f, F ) + ε.
Ceci étant vérifié pour tout ε > 0, on conclut
d(f, G) = d(f, F ) = kf − pF (f )kL2 (0,1) .
On remarque que pF (f ) = f − 2hf, f0 if0 6∈ G car f ∈ C 0 ([0, 1], R), f0 = 1l(0, 1 ) 6∈ C 0 ([0, 1], R)
2
et hf, f0 i =
6 0 car f 6∈ G. Comme G ⊂ F et que le théorème de projection assure l’unicité du
minimiseur de la distance d(f, F ) dans F , la distance d(f, G) ne peut être réalisée pour un
élément de G,
∀g ∈ G, kf − gkL2 (0,1) > d(f, G).
58 CHAPITRE 5. ESPACES DE HILBERT
2) On considère l’espace de Hilbert L2 ((0, 1), R) et son sev F = C 0 ([0, 1], R). Le sev F n’est pas
fermé dans L2 ((0, 1), R), car il est dense dans L2 ((0, 1), R), et distinct de L2 ((0, 1), R). Soit
f ∈ L2 ((0, 1), R) \ F . La propriété de densité implique d(f, F ) = 0. Cependant, il n’existe pas
de g ∈ F tel que d(f, F ) = kf − gkL2 = 0, car f 6∈ F .
Preuve : Les pierres angulaires de la démonstration du théorème de projection sont l’identité du
parallélogramme et la complétude de l’espace de Hilbert.
(i) Soient x ∈ H et d = d(x, C). Cette distance 0 ≤ d < +∞ est finie, car C est un ensemble non
vide. Comme C est fermé, on remarque que d > 0 si et seulement si x 6∈ C.
Étape 1 : Existence d’un minimiseur. Si x ∈ C, le point x est un minimiseur car kx − xk =
d(x, C) = 0. On peut donc supposer que x 6∈ C. La distance d > 0 est alors strictement
positive. Soit (xn )n∈N ∈ C N une suite telle que limn→+∞ kxn − xk = d = d(x, C). L’identité
du parallélogramme assure que pour tous n, k ≥ 0,
ε2
∀n ≥ n0 , d2 ≤ kx − xn k2 ≤ d2 + .
4
Il s’ensuit
∀n, k ≥ n0 , kxn − xk k ≤ ε.
La suite (xn )n∈N est de Cauchy dans l’espace de Hilbert H. Par complétude de H, cette suite
est convergente de limite xC ∈ H. Comme la suite est à valeurs dans C, la limite vérifie
xC ∈ C = C puisque C est fermé. Comme limn→+∞ kxn − xk = d, on obtient kx − xC k = d.
Dans tous les cas, on a ainsi démontré l’existence d’au moins un point xC ∈ C réalisant la
distance d(x, C).
Étape 2 : Unicité du minimiseur. Soient x ∈ H et xC , x̃C ∈ C vérifiant
En utilisant la décomposition
i.e.,
∀0 < t ≤ 1, 0 ≤ tky − pC (x)k2 − 2Re(hx − pC (x), y − pC (x)i).
En considérant ensuite l’asymptotique t → 0+ , on constate que la projection de x sur C
satisfait la condition de l’angle obtus
Il s’agit de vérifier que x̃C = pC (x). Pour ce faire, on remarque en développant le carré de la
norme que pour tout y ∈ C,
car
Re(hx − pC (x), pC (y) − pC (x)i) ≤ 0,
puisque pC (y) ∈ C, et
Re(hy − pC (y), pC (x) − pC (y)i) ≤ 0,
puisque pC (x) ∈ C. L’application projection pC : H → C est donc 1-lipschitzienne sur H.
(iv) Soit x ∈ H. Si l’ensemble convexe F a une structure de sev fermé de H, on remarque
F = {y − pF (x) : y ∈ F },
d’après la structure de sous-espace vectoriel car pF (x) ∈ F . Il s’ensuit que la projection pF (x)
est l’unique point de F vérifiant
Si K = R, on obtient
∀y ∈ F, hx − pF (x), yi = 0,
i.e., x − pF (x) ∈ F ⊥ . Si K = C, la structure de C-sev assure que y ∈ F si et seulement si
iy ∈ F . En remplacant y par iy, on obtient
car y − x̃F ∈ F . Il s’ensuit que x̃F = pF (x). Pour vérifier que pF : H → H définit une
application linéaire, on remarque que pour λ, µ ∈ K et x, y ∈ H, on a λpF (x) + µpF (y) ∈ F
car F est un sev. D’autre part, on a
(λx + µy) − (λpF (x) + µpF (y)) = λ(x − pF (x)) + µ(y − pF (y)) ∈ F ⊥ ,
Remarque 5.10 On peut remarquer que la démonstration du théorème de projection utilise unique-
ment la complétude de la partie convexe fermée non vide C. La complétude de tout l’espace H n’est
pas nécessaire. L’énoncé de ce théorème est donc encore valide si H est un espace préhilbertien et C
une partie convexe complète non vide de H.
∀x ∈ F ∩ F ⊥ , hx, xi = 0,
∀x ∈ F, ∀y ∈ F ⊥ , hx, yi = 0.
Théorème 5.13 (Théorème de représentation de Riesz (Fréchet-Riesz)) Soit (H, h·, ·i, k·kH )
un espace de Hilbert sur K = R ou C. Si φ ∈ H 0 est une forme linéaire continue sur H, alors il existe
un unique x0 ∈ H tel que
∀x ∈ H, φ(x) = hx, x0 i.
De plus, l’application
Φ: H → H0
x0 7→ ϕx0 ,
où ϕx0 (x) = hx, x0 i, si x ∈ H, est une application bijective
∀φ ∈ H 0 , ∃!x0 ∈ H, φ = ϕ x0 ,
anti-linéaire
∀λ, µ ∈ K, ∀x, y ∈ H, Φ(λx + µy) = λΦ(x) + µΦ(y),
isométrique entre l’espace de Hilbert H et son dual topologique H 0 ,
montre ensuite que cette forme linéaire est continue de norme kϕx0 kH 0 ≤ kx0 kH . Soit φ ∈ H 0 .
Montrons qu’il existe x0 ∈ H tel que φ = ϕx0 . Si φ = 0, le choix x0 = 0 convient. Si φ 6= 0, la
62 CHAPITRE 5. ESPACES DE HILBERT
continuité de la forme linéaire assure que son noyau Ker φ est un sev fermé de H vérifiant Ker φ 6= H.
Le théorème du supplémentaire orthogonal assure
Comme Ker φ 6= H, on a nécessairement que (Ker φ)⊥ 6= {0}. Il existe x̃ ∈ (Ker φ)⊥ \ {0} tel que
kx̃kH = 1. Montrons que
H = (Ker φ) ⊕ VectK (x̃).
L’inclusion Ker φ ⊕ VectK (x̃) ⊂ H est triviale. D’autre part, si x ∈ H, on peut écrire
φ(x) φ(x)
x= x− x̃ + x̃ ∈ (Ker φ) ⊕ VectK (x̃).
φ(x̃) φ(x̃)
Cette décomposition est licite car φ(x̃) ∈ K∗ . Si ce n’était pas le cas, on aurait x̃ ∈ (Ker φ) ∩
(Ker φ)⊥ = {0}, ce qui contredit le fait que x̃ 6= 0. Ceci démontre que H = (Ker φ) ⊕ VectK (x̃). Si
on remarque que
D φ(x) φ(x) E D φ(x) E
∀x ∈ H, hx, x0 i = x− x̃ + x̃, x0 = x̃, φ(x̃)x̃ = φ(x)kx̃k2H = φ(x),
φ(x̃) φ(x̃) φ(x̃)
car
φ(x)
x− x̃ ∈ Ker φ.
φ(x̃)
L’application Φ : H → H 0 est donc surjective. Soient x0 , x̃0 ∈ H tels que Φ(x0 ) = Φ(x̃0 ). Il s’ensuit
En considérant x = x0 − x̃0 , on obtient kx0 − x̃0 k2H = 0, i.e., x0 = x̃0 . L’application Φ : H → H 0 est
donc bijective. La propriété d’anti-linéarité se déduit directement de l’anti-linéarité par rapport à la
seconde composante du produit scalaire. Il reste à établir que Φ : H → H 0 est isométrique. Il suffit
de vérifier
∀x0 ∈ H, kϕx0 kH 0 = kx0 kH .
On a déjà établi l’inégalité kϕx0 kH 0 ≤ kx0 kH . Par ailleurs, l’estimation
implique que kx0 kH ≤ kϕx0 kH 0 , ce qui permet de conclure que kϕx0 kH 0 = kx0 kH .
Définition 5.14 (Base hilbertienne) Soit (E, h·, ·i) un espace préhilbertien sur K = R ou C. Une
base hilbertienne de E est une famille orthonormée et totale, i.e., un sytème orthonormé (xj )j∈I
vérifiant E = VectK ((xj )j∈I ).
5.4. BASES HILBERTIENNES 63
Il faut bien distinguer les notions de base algébrique et de base hilbertienne. Une famille (ej )j∈I
est une base algébrique d’un espace vectoriel E si tout vecteur de E s’écrit comme une combinaison
linéaire finie des vecteurs (ej )j∈I . Si (ej )j∈I est une base hilbertienne d’un espace préhilbertien E,
tout vecteur de E est seulement limite de combinaisons finies de vecteurs (ej )j∈I .
Théorème 5.15 Si (E, h·, ·i) est un espace préhilbertien sur K = R ou C, non réduit à {0}, alors E
est séparable si et seulement si E admet une base hilbertienne dénombrable.
Preuve : La proposition 1.27 assure qu’un evn est séparable si et seulement si il admet une famille
dénombrable totale. Comme une base hilbertienne est une famille totale, un espace préhilbertien
admettant une base hilbertienne dénombrable est séparable. Réciproquement, si E est un espace
préhilbertien séparable, il admet une famille dénombrable totale (xn )n∈N . Le système (xn )n∈N est
un système générateur de l’espace vectoriel F = VectK ((xn )n∈N ). Quitte à en extraire une sous-
famille, on peut supposer que (xn )n∈N est une base de F . Le système (xn )n∈N est alors famille
dénombrable libre et totale de E. On obtient ensuite une base hilbertienne de E en appliquant le
procédé d’orthonormalisation de Gram-Schmidt à cette famille dénombrable libre et totale (xn )n∈N .
Détails 5.6
Théorème 5.16 Tout espace de Hilbert sur K = R ou C, non réduit à {0}, admet une base hilber-
tienne.
Détails 5.7
Proposition 5.17 (Inégalité de Bessel) Si (E, h·, ·i) est un espace préhilbertien sur K = R ou C,
et (en )n∈N est une famille orthonormée de E, alors
+∞
X
∀x ∈ E, |hx, en i|2 ≤ kxk2 .
n=0
vérifie
N
X
∀N ∈ N, ∀x ∈ E, d(x, FN )2 = kx − pFN (x)k2 = kxk2 − |hx, en i|2 ≥ 0.
n=1
Il s’ensuit
+∞
X
∀x ∈ E, |hx, en i|2 ≤ kxk2 ,
n=0
par passage à la limite quand N → +∞.
Théorème 5.18 (Formule de Parseval) Soient (E, h·, ·i) un espace préhilbertien sur K = R ou C,
et (en )n∈N une famille orthonormée de E. Les assertions suivantes sont équivalentes :
64 CHAPITRE 5. ESPACES DE HILBERT
on en déduit que limN →+∞ kx − pFN (x)k = 0. Comme pFN (x) ∈ Vect((en )n∈N ), on en déduit que la
famille (en )n∈N est totale, et donc que (en )n∈N est une base hilbertienne de E, car (en )n∈N est un
système orthonormé par hypothèse.
(ii) ⇒ (iii) : Il suffit d’utiliser les formules de polarisation. Par exemple si K = R,
+∞ +∞
1 2 2 1 X 2
X
∀x, y ∈ E, hx, yi = (kx + yk − kx − yk ) = |hx + y, en i| − |hx − y, en i|2
4 4
n=0 n=0
+∞ +∞
1 X X
= hx + y, en i2 − hx − y, en i2 = hx, en ihy, en i,
4
n=0 n=0
car pour tout n ∈ N,
hx + y, en i2 − hx − y, en i2
= (hx, en i + hy, en i)(hx, en i + hy, en i) − (hx, en i − hy, en i)(hx, en i − hy, en i) = 4hx, en ihy, en i.
Le cas K = C se traite de manière similaire.
(iii) ⇒ (ii) : Il suffit de prendre x = y et d’utiliser la définition de la norme kxk2 = hx, xi.
5.4. BASES HILBERTIENNES 65
Théorème 5.19 Soient (E, h·, ·i) un espace préhilbertien sur K = R ou C, et (en )n∈N une base
hilbertienne de E.
(i) L’application linéaire
J : E → l2 (N, K)
x 7→ (hx, en i)n∈N ,
est isométrique (donc injective), i.e., kxkE = k(hx, en i)n∈N kl2 (N) pour tout x ∈ E
(ii) Pour tout x ∈ E, la série +∞
P
n=0 hx, en ien est commutativement convergente dans E de somme
égale à x, i.e.,
+∞
X
∀σ ∈ S(N), x = hx, eσ(n) ieσ(n) ,
n=0
où la série ci-dessus est convergente dans E
(iii) L’application linéaire isométrique
J : E → l2 (N, K)
x 7→ (hx, en i)n∈N ,
est surjective si et seulement si E est un espace de Hilbert
Remarque 5.20
En particulier, ces séries ne sont pas nécessairement convergentes pour d’autres normes que la
norme préhilbertienne de E P+∞
2) Dans l’énoncé ci-dessus, les séries n=0 hx, eσ(n) ieσ(n) sont convergentes dans E mais pas
nécessairement absolument convergentes. Il est donc possible que +∞
P
n=0 |hx, eσ(n) i| = +∞
3) Les résultats du théorème ci-dessus sont également vérifiés dans le cas d’un espace préhilbertien
non séparable en substituant aux séries des sommes de familles sommables indexées par un
ensemble non dénombrable
Preuve :
(i) La linéarité de l’application
J : E → l2 (N, K)
x 7→ (hx, en i)n∈N ,
est une conséquence de la linéarité par rapport à la première composante du produit scalaire,
alors que la propriété d’isométrie découle de la formule de Parseval.
(ii) Soit σ ∈ S(N). On remarque que (eσ(n) )n∈N est une base hilbertienne de E, car (en )n∈N est
une base hilbertienne et
Vect((eσ(n) )n∈N ) = Vect((en )n∈N ).
On considère le sev de dimension finie FN = Vect((eσ(n) )0≤n≤N ). D’après la proposition 5.8,
l’application définie par
N
X
∀N ∈ N, ∀x ∈ E, pFN (x) = hx, eσ(n) ieσ(n) ,
n=0
66 CHAPITRE 5. ESPACES DE HILBERT
vérifie
N
X
∀x ∈ E, d(x, FN )2 = kx − pFN (x)k2 = kxk2 − |hx, eσ(n) i|2 ≥ 0.
n=0
La formule de Parseval assure
∀x ∈ E, lim d(x, FN ) = 0.
N →+∞
Il s’ensuit
N
X
∀x ∈ E, x− hx, eσ(n) ieσ(n) = kx − pFN (x)k = dist(x, FN ) −→ 0.
N →+∞
n=0
P+∞
La série n=0 hx, en ien est donc commutativement convergente dans E de somme égale à x,
i.e.,
+∞
X
∀σ ∈ S(N), x= hx, eσ(n) ieσ(n) ,
n=0
où la série ci-dessus est convergente dans E.
(iii) Supposons que l’application linéaire isométrique J : E → l2 (N, K) soit surjective. Cette appli-
cation est donc bijective car les propriétés de linéarité et d’isométrie assurent l’injectivité. Soit
(xn )n≥0 une suite de Cauchy de E. Les propriétés de linéarité et d’isométrie impliquent que la
suite (J(xn ))n≥0 est de Cauchy dans l2 (N, K), car
on en déduit que la suite (xn )n≥0 est convergente dans E de limite J −1 (y) ∈ E. On conclut
que E est un espace de Hilbert. Réciproquement, supposons que E soit un espace de Hilbert.
Soit u = (un )n∈N ∈ l2 (N, K). On définit
n
X
∀n ≥ 0, xn = uj ej ∈ E.
j=0
On remarque que la suite (xn )n≥0 est de Cauchy dans E. En effet, le théorème de Pythagore
assure
n+p n+p
X 2 X
∀n, p ≥ 0, kxn+p − xn k2E = uj ej = |uj |2 ,
E
j=n+1 j=n+1
car le système (en )n≥0 est orthonormé. Soit ε > 0. Comme u = (un )n∈N ∈ l2 (N, K), il existe
n0 ≥ 0 tel que
X+∞
|uj |2 < ε2 .
j=n0 +1
Il s’ensuit
∀n ≥ n0 , ∀p ≥ 0, kxn+p − xn kE < ε.
5.4. BASES HILBERTIENNES 67
Comme E est un espace de Hilbert, la suite (xn )n∈N converge dans E vers une limite x ∈ E.
On remarque ensuite que hxn , ej i = uj si 0 ≤ j ≤ n, et hxn , ej i = 0 si j ≥ n + 1. Comme
il s’ensuit que hx, ej i = uj pour tout j ≥ 0. Ceci implique que J(x) = u. L’application J est
donc surjective.
On considère l’espace de Hilbert L2 (T, C) des fonctions 2π-périodiques localement de carré inté-
grable, (i.e., 1lK f ∈ L2 (R) pour tout K compact de R) muni du produit scalaire
Z 2π
1
hf, giL2 (T) = f (t)g(t)dt
2π 0
et de la norme associée
1 Z 2π 1
2 2
kf kL2 (T) = |f (t)| dt .
2π 0
On considère les exponentielles complexes
en : R → C
t 7→ eint ,
pour n ∈ Z. Un simple calcul montre que le système dénombrable (en )n∈Z est orthonormé
Z 2π
1
∀m, n ∈ Z, hem , en iL2 (T) = ei(m−n)t dt = δm,n .
2π 0
On remarque que les coefficients de Fourier d’une fonction f ∈ L2 (T, C) sont donnés par les produits
scalaires Z 2π
1
∀n ∈ Z, cn (f ) = hf, en iL2 (T) = f (t)e−int dt.
2π 0
Théorème 5.21 Le système (en )n∈Z est une base hilbertienne de l’espace de Hilbert L2 (T, C).
Preuve : Comme le système (en )n∈Z est orthonormé dans L2 (T, C), il suffit de vérifier qu’il est total
dans L2 (T, C), i.e.,
L2 (T, C) = VectC ((en )n∈Z ).
Pour établir que le sous-espace vectoriel VectC ((en )n∈Z ) est dense dans (L2 (T, C), k · kL2 (T) ), on se
donne f ∈ L2 (T, C) et ε > 0, et on commence par utiliser la densité de l’espace C 0 (T, C) dans
(L2 (T, C), k · kL2 (T) ),
ε
∃g ∈ C 0 (T, C), kf − gkL2 (T) < .
2
Par ailleurs, le théorème de Féjer assure que limN →+∞ k(KN ∗g)−gkL∞ (T) = 0. Il existe donc N0 ∈ N∗
tel que
ε
k(KN0 ∗ g) − gkL∞ (T) < .
2
On remarque
N0 −1 X n
1 X
KN0 ∗ g = ck (g)ek ∈ VectC ((en )n∈Z ).
N0
n=0 k=−n
68 CHAPITRE 5. ESPACES DE HILBERT
et
ε
kf − (KN0 ∗ g)kL2 (T) ≤ kf − gkL2 (T) + k(KN0 ∗ g) − gkL2 (T) ≤ + k(KN0 ∗ g) − gkL∞ (T) .
2
Ceci établit la densité de VectC ((en )n∈Z ) dans (L2 (T, C), k · kL2 (T) ).
Corollaire 5.22
(i) Pour tout f ∈ L2 (T, C), la série de Fourier cn (f )en est convergente dans L2 (T, C) de
P
somme f , i.e,
N
X
lim kf − SN (f )kL2 (T) = lim f− cn (f )en = 0.
N →+∞ N →+∞ L2 (T)
n=−N
On note alors
+∞
X
f= cn (f )en ,
n=−∞
dans L2 (T, C), où la série ci-dessus est convergente dans (L2 (T, C), k · kL2 (T) ). Plus générale-
ment, la convergence suivante est satisfaite
N
X
2
∀f ∈ L (T, C), lim f− cn (f )en = 0.
N,M →+∞ L2 (T)
n=−M
On note alors X
f= cn (f )en ,
n∈Z
dans L2 (T, C), où la série ci-dessus est convergente dans (L2 (T, C), k · kL2 (T) )
(ii) L’application linéaire qui à une fonction f ∈ L2 (T, C) associe ses coefficients de Fourier
F : L2 (T, C) → l2 (Z)
f 7→ (cn (f ))n∈Z ,
et Z 2π
1 X
kf k2L2 (T) = |f (t)|2 dt = |cn (f )|2
2π 0 n∈Z
Si f ∈ L2 (T, C), le corollaire ci-dessus assure que cette fonction est somme de sa série de Fourier
+∞
X
f= cn (f )en ,
n=−∞
où la série est convergente dans L2 (T, C). Il faut prendre garde que cette convergence n’assure pas la
convergence ponctuelle de cette série de Fourier vers f (t) en un point t ∈ R.
Preuve : Les énoncés (i), (ii) et (iii) sont des conséquences directes du fait que le système (en )n∈Z
forme une base hilbertienne de l’espace de Hilbert L2 (T, C). Soit x = (xn )n∈Z ∈ CZ tel que la série
2 2
P
n∈Z xn en soit convergente dans L (T, C) de somme S ∈ L (T, C). On remarque
N
D X E
∀n ∈ Z, ∀N ≥ |n|, xk ek , en = xn ,
L2 (T)
k=−N
car le système (en )n∈Z est orthonormé. Comme l’inégalité de Cauchy-Schwarz assure
D N
X E
∀n ∈ Z, ∀N ≥ |n|, |hS, en iL2 (T) − xn | = S − xk ek , en
L2 (T)
k=−N
N
X N
X
≤ S− xk e k ken kL2 (T) ≤ S − xk ek ,
L2 (T) L2 (T)
k=−N k=−N
on en déduit
x = (xn )n∈Z = (hS, en iL2 (T) )n∈Z = (cn (S))n∈Z = F(S) ∈ l2 (Z),
par passage à la limite quand N → +∞. Réciproquement, soient x = (xn )n∈Z ∈ l2 (Z) et ε > 0. Il
existe n0 ∈ N tel que X
|xn |2 < ε.
|n|≥n0
n+p n
X X 2 X 2
∀n, m ≥ n0 , ∀p, q ≥ 0, xk ek − xk e k = xk ek
k=−m−q k=−m n+1≤k≤n+p
−m−q≤k≤−m−1
X
= |xk |2 < ε.
n+1≤k≤n+p
−m−q≤k≤−m−1
La suite ( nk=−n xk ek )n∈N est donc de Cauchy dans l’espace de Hilbert L2 (T, C). Cette suite
P
P est donc
convergente de limite S ∈ L2 (T, C). Les estimations précédentes assurent que la série n∈Z xn en
converge dans L2 (T, C) vers S.
Soit f ∈ L2 (T, C) une fonction telle que sa série de Fourier (SN (f ))N ∈N converge simplement sur
R vers une fonction S. Comme (SN (f ))N ∈N converge vers la fonction f dans L2 (T, C), la réciproque de
théorème de Lebesgue assure qu’il existe une sous-suite convergeant simplement [Sφ(N ) (f )](t) −→ f (t)
pour presque tout t ∈ R, quand N → +∞. Par unicité de la limite, on en déduit que f = S presque
partout sur R.
70 CHAPITRE 5. ESPACES DE HILBERT
Chapitre 6
Preuve : Soit (On )n∈N une suite d’ouverts de (E, d), denses dans (E, d). Pour établir que Ω = ∩n∈N On
est dense dans (E, d), il suffit de montrer que ω ∩ Ω 6= ∅ pour tout ouvert non vide ω de (E, d). Soit
ω un ouvert non vide de (E, d).
Étape 1 : Construction par récurrence d’une suite (xn )n∈N ∈ E N et d’une suite de rayons (rn )n∈N tels
que B(x0 , r0 ) ⊂ ω et pour tout n ∈ N,
rn
0 < rn+1 < et B(xn+1 , rn+1 ) ⊂ B(xn , rn ) ∩ On .
2
Pour le cas n = 0, on choisit x0 ∈ ω. Ceci est possible car ω 6= ∅. Comme ω est ouvert, il existe r0 > 0
tel que B(x0 , r0 ) ⊂ ω. Supposons que les premiers termes des suites (xk )0≤k≤n et (rk )0≤k≤n pour
n ∈ N aient déjà été déterminés. Comme On est un ouvert dense de (E, d), l’ouvert B(xn , rn ) ∩ On
est nécessairement non vide. Soit xn+1 ∈ B(xn , rn ) ∩ On . Comme B(xn , rn ) ∩ On est ouvert, il existe
rn+1 > 0 tel que B(xn+1 , 2rn+1 ) ⊂ B(xn , rn ) ∩ On , ce qui implique
x ∈ B(x1 , r1 ) ⊂ B(x0 , r0 ) ⊂ ω
et \ \
x∈ B(xn+1 , rn+1 ) ⊂ On = Ω,
n∈N n∈N
71
72 CHAPITRE 6. THÉORIE DE BAIRE ET APPLICATIONS
car par construction B(xn+1 , rn+1 ) ⊂ On pour tout n ∈ N. Ceci démontre l’assertion (i). L’assertion
(ii) se déduit directement de l’assertion (i) par passage au complémentaire en utilisant que E \ F =
E \ Int(F ) si F ⊂ E.
L’hypothèse de complétude est nécessaire. Par exemple, si on considère l’espace vectoriel des suites
de réels à support compact E = cc (N, R) muni de la norme k · kl∞ . Cet evn n’est pas un espace de
Banach car c’est un sous-espace vectoriel non fermé de (l∞ (N, R), k · kl∞ ). Pour n ∈ N, l’ensemble
On = {(xk )k∈N ∈ E : xn 6= 0} est un ouvert dense de E. En effet, si x ∈ E \ On alors x + εen ∈ On
pour tout ε > 0 et kx − (x + εen )kl∞ = ε, mais ∩n∈N On = ∅ n’est pas dense dans E.
Application : Soient H un espace de Hilbert sur K = R ou C, et (xn )n∈N une suite de H \ {0}.
Montrer que l’ensemble {x ∈ H : ∀n ∈ N, hx, xn i =
6 0} est une partie dense dans H.
Détails 6.1
6.2.1 Énoncé
alors
sup kTj kLc (E,F ) < +∞.
j∈I
Ce résultat est remarquable car il permet de déduire une estimation uniforme à partir d’estimations
ponctuelles.
Preuve : Si (n, j) ∈ N × I, on considère les sous-ensembles de E,
Ces sous-ensembles sont fermés dans (E, k · kE ) comme image réciproque du fermé [0, n] de R par
l’application continue x ∈ E 7→ kTj (x)kF ∈ R comme composée de fonctions continues. Si n ∈ N, le
sous-ensemble \
Fn = {x ∈ E : ∀j ∈ I, kTj (x)kF ≤ n} = Fn,j ,
j∈I
est fermé dans (E, k · kE ) comme intersection de fermés. Les estimations ponctuelles
implique [
E= Fn .
n∈N
Comme (E, k · kE ) est complet et d’intérieur non vide, le théorème de Baire assure l’existence de
n0 ∈ N tel que Fn0 soit d’intérieur non vide, i.e., il existe x0 ∈ E et r > 0 tel que BE (x0 , r) ⊂ Fn0 . Il
s’ensuit
∀z ∈ BE (0, 1), ∀j ∈ I kTj (x0 + rz)kF ≤ n0 .
6.2. THÉORÈME DE BANACH-STEINHAUS 73
1
∀z ∈ BE (0, 1), ∀j ∈ I, kTj (z)kF = Tj (x0 + rz) − Tj (x0 )
r F
kTj (x0 + rz)kF + kTj (x0 )kF 2n0
≤ ≤ .
r r
Il s’ensuit
2n0
∀j ∈ I, kTj kLc (E,F ) ≤ ,
r
i.e.,
2n0
sup kTj kLc (E,F ) ≤ < +∞.
j∈I r
Comme précédemment, on remarque que l’hypothèse de complétude est nécessaire. En effet, on
peut considérer à nouveau l’espace vectoriel des suites de réels à support compact E = cc (N, R) muni
de la norme k · kl∞ . Cet evn n’est pas un espace de Banach. Pour tout n ∈ N, on considère la forme
linéaire continue Tn : E → R définie par Tn (x) = nxn si x = (xk )k∈N ∈ E. On vérifie que kTn kE 0 = n,
et que la suite (Tn (x))n∈N est stationnaire à zéro à partir d’un certain rang pour tout x ∈ E. On en
déduit
∀x ∈ E, sup |Tn (x)| < +∞,
n∈N
alors que
sup kTn kE 0 = +∞.
n∈N
Corollaire 6.3 Soient (E, k · kE ) un espace de Banach sur K = R ou C, (F, k · kF ) un evn sur K,
et (Tn )n∈N une suite d’applications linéaires continues de E dans F . Si la suite (Tn )n∈N converge
simplement vers T sur E, i.e.,
alors
sup kTn kLc (E,F ) < +∞, T ∈ Lc (E, F ), kT kLc (E,F ) ≤ lim inf kTn kLc (E,F )
n∈N n→+∞
Détails 6.2
Proposition 6.4 Il existe une fonction f ∈ C 0 (T) dont la série de Fourier diverge en t = 0
Preuve : On considère l’espace de Banach (C 0 (T), k · kL∞ (T) ) noté E. Pour tout N ∈ N, on définit
ΛN : C 0 (T) → C
1
R2π
f 7→ [SN (f )](0) = 2π f (t)DN (−t)dt.
0
74 CHAPITRE 6. THÉORIE DE BAIRE ET APPLICATIONS
Étape 1 : Pour tout N ∈ N, ΛN est une forme linéaire continue sur E de norme kΛN kE 0 = kDN kL1 (T) .
Soit N ∈ N. Pour tout f ∈ C 0 (T), la parité du noyau de Dirichlet implique
Z 2π Z 2π
1 1
|ΛN (f )| = f (t)DN (t)dt ≤ |f (t)||DN (t)|dt ≤ kDN kL1 (T) kf kL∞ (T) .
2π 0 2π 0
Il s’ensuit que ΛN est une forme linéaire continue vérifiant kΛN kE 0 ≤ kDN kL1 (T) . Dans la série
d’inégalités ci-dessus, le cas d’égalité est réalisé pour la fonction 2π-périodique f = sgn(DN ) qui
n’est pas continue sur R. Pour montrer que kΛN kE 0 = kDN kL1 (T) , on approche la fonction discon-
tinue sgn(DN ) par des fonctions 2π-périodiques continues affines par morceaux (fn )n∈N telles que
fn (t) −→ sgn(DN )(t) p.p. sur R quand n → +∞, et kfn kL∞ (T) ≤ 1 pour tout n ∈ N. Le théorème
n→+∞
de convergence dominée montre alors
de toute fonction f ∈ C 0 (T) admette une limite dans C. Ces suites sont en particulier bornées
établie dans la proposition 4.8. On en déduit qu’il existe au moins une fonction f ∈ C 0 (T) dont la
série de Fourier en t = 0 diverge.
6.3.1 Énoncés
Théorème 6.5 (Théorème de l’application ouverte) Soient (E, k · kE ) et (F, k · kF ) des espaces
de Banach sur K = R ou C. Si T est une application linéaire continue surjective de E dans F , alors
il existe c > 0 tel que
BF (0, c) ⊂ T (BE (0, 1)).
Plus généralement, si Ω est un ouvert de E, alors T (Ω) est un ouvert de F
Preuve :
Étape 1 : Il existe c > 0 tel que BF (0, 2c) ⊂ T (BE (0, 1)). Si n ∈ N∗ , le sous-ensemble
Comme F est complet et d’intérieur non vide, le théorème de Baire assure qu’il existe n0 ∈ N∗ tel
que Fn0 soit d’intérieur non vide. En remarquant que la linéarité de T implique
Fn = T (BE (0, n)) = T (nBE (0, 1)) = nT (BE (0, 1)) = nT (BE (0, 1)),
−y0 ∈ −T (BE (0, 1)) = −T (BE (0, 1)) = T (−BE (0, 1)) = T (BE (0, 1)).
BF (0, 4c) = −y0 + BF (y0 , 4c) ⊂ T (BE (0, 1)) + T (BE (0, 1)) ⊂ T (BE (0, 2)) = 2T (BE (0, 1)).
Il s’ensuit
BF (0, 2c) ⊂ T (BE (0, 1)).
Étape 2 : Montrons que BF (0, c) ⊂ T (BE (0, 1)). Soit y ∈ F tel que kykF < c. On cherche x ∈ BE (0, 1)
tel que y = T (x). On construit par récurrence sur n ∈ N∗ une suite (zn )n∈N∗ de E telle que pour tout
n ∈ N∗ ,
1 c
kzn kE < n et ky − T (z1 + ... + zn )kF < n .
2 2
Dans le cas n = 1, le fait
2y ∈ BF (0, 2c) ⊂ T (BE (0, 1)),
ze1
assure qu’il existe ze1 ∈ BE (0, 1) tel que k2y − T (e
z1 )kF < c. En considérant z1 = 2, on obtient
1 c
kz1 kE < , ky − T (z1 )kF < .
2 2
Supposons que les termes (zk )1≤k≤n soient déjà déterminés pour n ∈ N∗ . Comme
1 c
kzn+1 kE < , ky − T (z1 + ... + zn+1 )kF < .
2n+1 2n+1
P
Il s’ensuit que P
la série zn converge absolument donc converge dans l’espace de Banach (E, k · kE ).
On note x = +∞ n=1 z n ∈ E la somme de cette série. En passant à la limite quand n → +∞ dans
l’estimation
c
ky − T (z1 + ... + zn )kF < n ,
2
76 CHAPITRE 6. THÉORIE DE BAIRE ET APPLICATIONS
Soient Ω un ouvert de E et y0 ∈ T (Ω). Il existe x0 ∈ Ω tel que y0 = T (x0 ). Comme Ω est un ouvert
de E, il existe r > 0 tel que BE (x0 , r) ⊂ Ω. Il s’ensuit
BF (y0 , rc) = y0 + rBF (0, c) = T (x0 ) + rBF (0, c) ⊂ T (x0 ) + rT (BE (0, 1)) = T (BE (x0 , r)) ⊂ T (Ω).
Théorème 6.6 (Théorème d’isomorphisme de Banach) Soient (E, k·kE ), (F, k·kF ) des espaces
de Banach sur K = R ou C. Si T est une application linéaire continue bijective de E dans F , alors
l’application réciproque T −1 est linéaire continue de (F, k · kF ) dans (E, k · kE )
D’après ce résultat, pour qu’une application linéaire entre espaces de Banach soit un isomorphisme
bicontinu, il suffit de vérifier les propriétés de bijectivité et de continuité de l’application linéaire. La
continuité de l’inverse est alors automatiquement satisfaite.
Preuve : On vérifie facilement que la linéarité et la bijectivité de T assure que l’application réciproque
T −1 : F → E est linéaire. Le théorème de l’application ouverte assure qu’il existe c > 0 tel que
2kykF
∀y ∈ F, kT −1 (y)kE ≤ ,
c
puisque cette inégalité est trivialement vérifiée si y = 0. Ceci démontre que T −1 ∈ Lc (F, E).
Proposition 6.7 L’application qui à une fonction 2π-périodique localement intégrable associe ses
coefficients de Fourier
F : (L1 (T), k · kL1 (T) ) → (c0 (Z), k · kl∞ )
f 7→ (cn (f ))n∈Z ,
est linéaire continue injective non surjective
Preuve : Les espaces (L1 (T), k · kL1 (T) ) et (c0 (Z), k · kl∞ ) sont des espaces de Banach. On a déjà
établi dans la remarque 4.4 et le corollaire 4.11 que F est une application linéaire continue injective.
Si cette application était de plus surjective, le théorème d’isomorphisme de Banach assurerait que
l’application réciproque F −1 est linéaire continue
∀f ∈ L1 (T), kf kL1 (T) = kF −1 (Ff )kL1 (T) ≤ kF −1 kLc (c0 (Z),L1 (T)) k(cn (f ))n∈Z kl∞ .
6.3. THÉORÈMES DE L’APPLICATION OUVERTE ET D’ISOMORPHISME DE BANACH 77
L’objet de ce chapitre est de rappeler les résultats importants sur les fonctions d’une variable
réelle. Ces rappels se justifient essentiellement pour les deux raisons suivantes :
a) De nombreux résultats sur les fonctions de plusieurs variables
f : (E, k · kE ) → (F, k · kF ),
i.e. définies sur tout ou partie de Rn ou plus généralement d’un evn de dimension infinie
(E, k · kE ), se déduisent en se ramenant au cas d’une fonction auxiliaire d’une variable réelle à
valeurs dans l’evn (F, k · kF ),
t ∈ R 7→ u(t) = f (a + th),
où a, h ∈ E.
b) Certains résultats nécessitent plus d’hypothèses que d’autres sur l’espace d’arrivée des fonc-
tions. En particulier, lorsque l’énoncé ou sa preuve utilise une intégrale, l’espace d’arrivée doit
être un espace de Banach pour que l’intégrale de Riemann soit bien définie. Il sera ainsi né-
cessaire d’éviter au maximum dans les démonstrations le recours à des intégrales pour obtenir
des résultats pour des fonctions à valeurs dans un evn non nécessairement complet.
7.1 Dérivabilité
7.1.1 Définitions
79
80 CHAPITRE 7. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE
(ii) La fonction f est dérivable sur I si elle est dérivable en tout point x ∈ I
(iii) La fonction f est de classe C 1 sur I si f est dérivable sur I et f 0 ∈ C 0 (I, E). On note alors
f ∈ C 1 (I, E)
(iv) Par récurrence, on définit la dérivée nième de f notée f (n) pour n ∈ N sous réserve d’existence.
Dans ce cas, la fonction f est de classe C n sur I si f (n) : I → E est bien définie et continue
sur I
Remarque 7.2
1) La notion de dérivabilité nécessite que l’intervalle de définition de f soit ouvert pour pouvoir évaluer
la fonction f sur un intervalle ouvert du type (a − h0 , a + h0 ), où h0 > 0, et calculer la limite des taux
d’accroissement
2) Lorsque E est un evn de dimension infinie, toutes les normes sur E ne sont pas équivalentes. Il
faut remarquer que la notation
f (a + h) − f (a) − hL = o(|h|),
quand h → 0, peut induire en erreur puisqu’elle ne spécifie pas la norme utilisée sur E.
Exemple : Soit x = (xn )n∈N ∈ l2 (N, C). Pour tout t ≥ 0, la suite (e−nt xn )n∈N appartient à l2 (N, C)
car |e−nt | ≤ 1 si n ∈ N et t ≥ 0. Montrons que l’application
T : [0, +∞) → l2 (N, C)
t 7→ T (t) = (e−nt xn )n∈N ,
est dérivable sur (0, +∞). Soit t > 0. On étudie la limite des taux d’accroissements
−nh
T (t + h) − T (t) e − 1 −nt
∀h ∈ (−t, +∞) \ {0}, = e xn ,
h h n∈N
dans l2 (N, C) quand h → 0. On remarque que la suite y = (−ne−nt xn )n∈N appartient à l2 (N, C) car
(ne−nt )n∈N ∈ l∞ (N, C). On va montrer que
+∞ −nh
T (t + h) − T (t) 2 X e −1 2
−y = + n e−nt xn −→ 0,
h l2 h h→0
n=0
ce qui justifiera que T est dérivable en t et que T 0 (t) = y. La formule de Taylor avec reste intégral
appliquée à la fonction x 7→ ex ∈ C ∞ (R, R) montre
Z x
x |x|2 |x|
∀x ∈ R, |e − 1 − x| = (x − t)et dt ≤ e .
0 2
Comme
e−nh − 1 n2
∀n ∈ N, ∀h ∈ R∗ , + n e−nt xn ≤ |h|e−n(t−|h|) |xn |,
h 2
on obtient
+∞ 4
t T (t + h) − T (t) 2 X n
∀|h| < , h 6= 0, −y 2
≤ |h| e−nt |xn |2 −→ 0 ,
2 h l2 4 h→0
n=0
nt nt
car la suite (n2 e− 2 xn )n∈N appartient à l2 (N, C) puisque (n2 e− 2 )n∈N ∈ l∞ (N, C).
Il s’avère parfois nécessaire de considérer des fonctions définies sur des intervalles fermés. La bonne
notion de régularité est alors la suivante :
7.1. DÉRIVABILITÉ 81
Définition 7.3 Soient a, b ∈ R tels que a < b, n ∈ N∗ et (E, k · k) un evn sur R. Une fonction
f : [a, b] → E est dite de classe C n sur l’intervalle fermé [a, b], si elle vérifie l’une des deux propriétés
équivalentes suivantes :
(i) La fonction f est la restriction à l’intervalle [a, b] d’une fonction f˜ de classe C n sur un voisi-
nage ouvert de [a, b], i.e.,
∃ε > 0 , ∃f˜ ∈ C n ((a − ε, b + ε), E), f = f˜|[a,b]
(ii) f ∈ C 0 ([a, b], E)∩C n ((a, b), E), la fonction f admet des dérivées à droite en a (resp. à gauche
en b) jusqu’à l’ordre n et f (k) est continue sur [a, b] pour k = 1, .., n
Preuve : L’implication (i) ⇒ (ii) est triviale. Pour démontrer l’implication (ii) ⇒ (i), on utilise le fait
que si une fonction h ∈ C 0 ([a, b], E) est dérivable sur (a, b) telle que la limite l = limx→a h0 (x) existe
x>a
dans E, alors h est dérivable à droite en a et h0d (a) = l. Ce résultat est une conséquence de l’inégalité
des accroissements finis (Théorème 7.12) et sera démontré au théorème 7.19. On construit ensuite
explicitement un prolongement C n de f sur un voisinage ouvert de [a, b]. La fonction f˜ : R → E
définie par P
n (k) (x−a)k
k=0 fd (a) k! si x < a
˜
f (x) = f (x) si a ≤ x ≤ b
Pn
(k) (x−b)k
k=0 fg (b) k! si x > b
est clairement de classe C n sur (−∞, a), (a, b) et (b, +∞). En raisonnant par récurrence sur k ∈
{0, ..., n − 1} et en considérant séparément les cas h > 0 et h < 0, on obtient
f˜(k) (a + h) − f˜(k) (a) f˜(k) (b + h) − f˜(k) (b)
−→ f (k+1) (a), −→ f (k+1) (b).
h h→0 h h→0
Pour la propriété (iv), il est nécessaire que c appartienne à l’intérieur de l’intervalle de définition.
En effet, on remarque que la fonction f : x ∈ [0, 1] 7→ x ∈ R admet un maximum local sur [0, 1] en
x = 1 et f 0 (1) 6= 0.
Preuve :
(i) La fonction x ∈ R 7→ |x| est continue sur R, mais elle n’est pas dérivable en x = 0, car
f (h) − f (0) f (h) − f (0)
lim = 1 6= −1 = lim .
h→0+ h h→0 − h
∀x ∈ (c − ε, c + ε) ⊂ I, f (x) ≤ f (c).
Comme
f (c + h) − f (c) f (c + h) − f (c)
∀h ∈ (0, ε), ≤ 0, ∀h ∈ (−ε, 0), ≥ 0,
h h
un passage à la limite quand h → 0± montre que f 0 (c) ≤ 0 et f 0 (c) ≥ 0, i.e. f 0 (c) = 0. Le cas
d’un minimum local se traite de manière similaire.
(v) Comme pour tout h ∈ R∗ tel que a + h ∈ I,
kεf (h)k
f (a + h) = f (a) + hf 0 (a) + εf (h) où −→ 0
|h| h→0
et
kεg (h)k
g(a + h) = g(a) + hg 0 (a) + εg (h) où −→ 0,
|h| h→0
la structure d’algèbre de E permet de multiplier les deux termes ci-dessus
avec un reste
satisfaisant
kεf g (h)k kεg (h)k kεf (h)k
≤ kf (a)k + kf 0 (a)k(|h|kg 0 (a)k + kεg (h)k) + kg(a + h)k −→ 0,
|h| |h| |h| h→0
f (f 0 g−f g 0 )(a)
quand h → 0. Le quotient de fonctions g est donc dérivable en a et ( fg )0 (a) = g(a)2
.
(vii) La formule de Leibniz se démontre par récurrence en utilisant la dérivation d’un produit et la
formule de combinatoire Cnk + Cnk−1 = Cn+1
k .
(viii) Comme
kεf (h)k
f (g(a) + h) = f (g(a)) + hf 0 (g(a)) + εf (h) où −→ 0
|h| h→0
et
|εg (h)|
g(a + h) = g(a) + hg 0 (a) + εg (h) où −→ 0,
|h| h→0
on a
= f (g(a))+ hg 0 (a)+εg (h) f 0 (g(a))+εf hg 0 (a)+εg (h) = (f ◦g)(a)+hg 0 (a)f 0 (g(a))+εf ◦g (h),
avec le reste
εf ◦g (h) = εg (h)f 0 (g(a)) + εf hg 0 (a) + εg (h) ,
satisfaisant
kεf ◦g (h)k |εg (h)| 0 kεf (hg 0 (a) + εg (h))k |hg 0 (a)| + |εg (h)|
≤ kf (g(a))k + −→ 0.
|h| |h| |hg 0 (a) + εg (h)| |h| h→0
Théorème 7.5 (Théorème de Rolle) Soient a, b ∈ R tels que a < b. Si f : [a, b] → R est une
fonction continue sur [a, b], dérivable sur (a, b) vérifiant f (a) = f (b), il existe c ∈ (a, b) tel que
f 0 (c) = 0
84 CHAPITRE 7. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE
Preuve : Si f est constante sur [a, b] alors tout point c ∈ (a, b) convient. Si f n’est pas constante sur
[a, b], alors
−∞ < inf f < sup f < +∞,
[a,b] [a,b]
et l’une au moins de ces deux quantités est distincte de f (a) = f (b). Quitte à remplacer f par −f ,
on peut supposer qu’il s’agit de sup[a,b] f . Comme la fonction f est continue sur le compact [a, b],
il existe c ∈ [a, b] tel que f (c) = sup[a,b] f > f (a) = f (b). Le point c appartient nécessairement à
l’intervalle ouvert (a, b) et réalise un extremum local de la fonction dérivable f . La propriété (iv) de
la proposition 7.4 implique que f 0 (c) = 0.
Remarque 7.6 L’hypothèse que la fonction soit à valeurs réelles est essentielle pour la validité du
théorème de Rolle comme le montre l’exemple de la fonction à valeurs complexes f (t) = eit continue
sur [0, 2π], de classe C 1 sur (0, 2π) vérifiant f (0) = f (2π), mais pour laquelle f 0 (t) = ieit 6= 0 pour
tout t ∈ (0, 2π).
Théorème 7.7 (Formule des accroissements finis) Soient a, b ∈ R, a < b. Si f : [a, b] → R est
une fonction continue sur [a, b] et dérivable sur (a, b), il existe c ∈ (a, b) tel que
f (b) − f (a) = (b − a)f 0 (c).
Proposition 7.8 Soient a, b ∈ R, a < b et f : (a, b) → R une fonction dérivable. Les propriétés
suivantes sont satisfaites :
(i) f est croissante sur (a, b) si et seulement si f 0 (x) ≥ 0 pour tout x ∈ (a, b)
(ii) Si f 0 > 0 sur (a, b), alors f est strictement croissante sur (a, b)
Preuve : Soit f : (a, b) → R une fonction dérivable. L’assertion (iii) de la proposition 7.4 montre
que si la fonction f est croissante sur (a, b), alors f 0 ≥ 0 sur (a, b). Réciproquement, si f 0 ≥ 0
(resp. f > 0) sur (a, b), on remarque que pour tous a < x < y < b, il existe c ∈ (x, y) tel que
f (y)−f (x) = f 0 (c)(y −x) donc f (y) ≥ f (x) (resp. f (y) > f (x)), i.e. f est croissante (resp. strictement
croissante) sur (a, b).
Remarque 7.9
1) Dans l’énoncé (i), il est important que l’ensemble de départ soit connexe pour que l’implication
⇐ soit satisfaite. En effet, x ∈ R∗ → −1/x a une dérivée strictement positive sur R∗ , mais
n’est pas monotone sur R∗
2) Dans l’énoncé (ii), la réciproque est fausse. En effet, la fonction x 7→ x3 est strictement
croissante sur R, mais sa dérivée s’annule en x = 0
7.3. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE À VALEURS VECTORIELLES 85
Théorème 7.10 Soient a, b ∈ R, a < b et n ∈ N. Si f ∈ C n ([a, b], R) est une fonction (n + 1) fois
dérivable sur (a, b), il existe c ∈ (a, b) tel que
n
X f (k) (a) (b − a)n+1 (n+1)
f (b) = (b − a)k + f (c) .
k! (n + 1)!
k=0
Remarque 7.11 On rappelle que l’hypothèse f ∈ C n ([a, b], R) signifie que f peut être prolongée sur
un voisinage ouvert (a − ε, b + ε) de [a, b] en une fonction de classe C n sur (a − ε, b + ε).
ϕ : [a, b] → R
f (k) (a) n+1
− a)k − C (x−a)
Pn
x 7→ f (x) − k=0 k! (x (n+1)! ,
qui s’annule en a par construction, où la constante C ∈ R est choisie telle que ϕ(b) = 0, i.e.,
n
X f (k) (a)
(n + 1)! k
C= f (b) − (b − a) .
(b − a)n+1 k!
k=0
Montrons par récurrence sur 1 ≤ j ≤ n + 1 que, pour tout 1 ≤ j ≤ n + 1, il existe cj ∈ (a, b) tel
que ϕ(j) (cj ) = 0. Si j = 1, on remarque que la fonction ϕ est continue sur [a, b], dérivable sur (a, b)
et vérifie ϕ(a) = ϕ(b) = 0. Le théorème de Rolle donne l’existence de c1 ∈ (a, b) tel que ϕ0 (c1 ) = 0.
Supposons la propriété vraie au rang 1 ≤ j ≤ n, i.e., ∃cj ∈ (a, b) tel que ϕ(j) (cj ) = 0. Comme la
fonction ϕ(j) est continue sur [a, cj ], dérivable sur (a, cj ) et vérifie ϕ(j) (a) = ϕ(j) (cj ) = 0 car
n
X (x − a)k−j (x − a)n+1−j
ϕ(j) (x) = f (j) (x) − f (k) (a) −C ,
(k − j)! (n + 1 − j)!
k=j
le théorème de Rolle assure l’existence de cj+1 ∈ (a, cj ) tel que ϕ(j+1) (cj+1 ) = 0. En considérant
c = cn+1 , on obtient 0 = ϕ(n+1) (c) = f (n+1) (c) − C, d’où la conclusion en utilisant que ϕ(b) = 0.
Théorème 7.12 (Inégalité des accroissements finis) Soient a, b ∈ R, a < b et (F, k · kF ) un evn
sur R. Si f ∈ C 0 ([a, b], F ) et φ ∈ C 0 ([a, b], R) sont deux fonctions admettant des dérivées à droite en
tout point t ∈ (a, b) telles que
∀t ∈ (a, b), kfd0 (t)kF ≤ φ0d (t),
alors
kf (b) − f (a)kF ≤ φ(b) − φ(a).
86 CHAPITRE 7. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE
Remarque 7.13 Il est tentant de démontrer l’inégalité des accroissements finis en déduisant de la
formule intégrale
Z b
f (b) − f (a) = f 0 (t)dt, (7.1)
a
l’estimation Z b Z b
0
kf (b) − f (a)kF ≤ kf (t)kF dt ≤ φ0 (t)dt = φ(b) − φ(a) .
a a
Cet argument n’est pas satisfaisant car :
a) La formulation intégrale (7.1) n’a a priori de sens que si (F, k·kF ) est un espace de Banach pour
que l’intégrale de Riemann de fonctions [a, b] → F Riemann intégrables soient bien définies.
Cette hypothèse de complétude de F ne figure pas dans l’énoncé ci-dessus
b) Comme nous le verrons par la suite, la démonstration de la formulation intégrale (7.1) repose
sur l’inégalité des accroissements finis. Il est donc nécessaire d’être en mesure de proposer
une démonstration de l’inégalité des accroissements finis qui ne repose pas sur la formulation
intégrale.
L’ensemble A est non vide car a ∈ A. Par continuité de f et φ en a, l’ensemble A contient un intervalle
[a, a + δ], où δ > 0. Par construction, A est nécessairement un intervalle, donc du type A = [a, m) ou
[a, m] avec m = sup(A) ∈ (a, b]. Par continuité de f et φ, m ∈ A, et donc A = [a, m]. Montrons que,
si x ∈ A ∩ [a, b) alors il existe δ = δ(x) > 0 tel que x + δ ∈ A. Soit x ∈ A ∩ [a, b). Comme f et φ sont
dérivables à droite en x alors il existe δ = δ(x) > 0 tel que x + δ < b,
εt
∀t ∈ [0, δ], kf (x + t) − f (x) − tfd0 (x)kF ≤ (7.2)
2
et
εt
∀t ∈ [0, δ], φ(x + t) ≥ φ(x) + tφ0d (x) −
. (7.3)
2
En utilisant l’inégalité triangulaire et le fait que x ∈ A, on déduit de (7.2) et (7.3) que pour tout
t ∈ [0, δ],
εt
kf (x+t)−f (a)kF ≤ kf (x+t)−f (x)kF +kf (x)−f (a)kF ≤ tkfd0 (x)kF + +φ(x)−φ(a)+ε(x−a)+ε
2
0
t
≤ tφd (x) + φ(x) − φ(a) + ε x − a + + ε ≤ φ(x + t) − φ(a) + ε(x + t − a) + ε.
2
Ceci montre que x + δ ∈ A. Il s’ensuit que m = b et A = [a, b]. En particulier, on obtient
On a ainsi montré
∀ε > 0, kf (b) − f (a)kF ≤ φ(b) − φ(a) + ε(b − a) + ε.
En passant à la limite quand ε → 0, on obtient l’inégalité des accroissements finis
L’inégalité des accroissements finis permet d’établir le résultat fondamental suivant de calcul
différentiel pour l’intégrale de Riemann :
7.3. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE À VALEURS VECTORIELLES 87
Théorème 7.14 Soient a, b ∈ R tels que a < b, (F, k · kF ) un espace de Banach sur R. Si ϕ ∈
C 0 ([a, b], F ) ∩ Cpm
1 ([a, b], F ), alors la formule fondamentale du calcul différentiel est satisfaite
Z b
ϕ(b) − ϕ(a) = ϕ0 (t)dt
a
Preuve : Quitte à utiliser une subdivision adaptée et la relation de Chasles, il suffit de démontrer
cette formule dans le cas où ϕ ∈ C 1 ([a, b], F ). Soit ε > 0. Comme ϕ0 est continue sur le compact [a, b],
le théorème de Heine assure que ϕ0 est uniformément continue sur [a, b],
Soit a = x0 < ... < xN = b une subdivision de [a, b] de pas inférieur à δ. En utilisant un argument
télescopique, on peut écrire
N
X −1 N
X −1
(xj+1 − xj )ϕ0 (xj ) = ϕ(xj+1 ) − ϕ(xj ) − hj ϕ0 (xj ) ,
ϕ(b) − ϕ(a) − (7.4)
j=0 j=0
avec hj = xj+1 − xj .
Étape 1 : Montrons
Si 0 ≤ j ≤ N − 1, on remarque que
où
Gj : [0, 1] → F
t 7→ ϕ(xj + thj ) − thj ϕ0 (xj ) .
Comme d’après la propriété d’uniforme continuité
∀t ∈ [0, 1], kG0j (t)kF = kϕ0 (xj + thj )hj − ϕ0 (xj )hj kF ≤ εhj ,
l’estimation (7.5) se déduit de l’inégalité des accroissements finis en utilisant φ(t) = εhj t.
Étape 2 : Conclusion. On déduit de (7.4) et (7.5) que
N
X −1 N
X −1
0
ϕ(b) − ϕ(a) − (xj+1 − xj )ϕ (xj ) ≤ εhj = ε(b − a).
F
j=0 j=0
Comme F est un espace de Banach, un passage à la limite quand le pas de la subdivision tend vers
zéro donne Z b
ϕ(b) − ϕ(a) − ϕ0 (t)dt ≤ ε(b − a).
a F
Ceci est vrai pour tout ε > 0. Par passage à la limite quand ε → 0, il s’ensuit
Z b
ϕ(b) − ϕ(a) = ϕ0 (t)dt.
a
88 CHAPITRE 7. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE
Soit h0 ∈ [−δ, δ]. On considère tout d’abord le cas h0 > 0. On veut appliquer l’inégalité des accrois-
sements finis à la fonction
n+1
X hk (k)
F : h ∈ [0, h0 ] 7→ f (a + h) − f (a) ∈ E,
k!
k=0
n+1
avec φ(h) = ε hn+1 , a = 0 et b = h0 . Les fonctions F et φ sont continues sur [0, h0 ], dérivables sur
(0, h0 ), et vérifient
n+1
0 0
X hk−1 (k)
∀h ∈ (0, h0 ), kF (h)k = f (a + h) − f (a) ≤ ε|h|n = φ0 (h).
(k − 1)!
k=1
Le cas h0 < 0 se traite de manière similaire. L’hypothèse de récurrence H(n) est donc satisfaite.
La formule de Taylor-Young découle donc directement de la définition de la dérivabilité et du
fait que la dérivée (n + 1)-ième de f existe au point a. Cette formule est valable pour des fonctions
à valeurs dans tout evn sans qu’aucune hypothèse de complétude ne soit nécessaire. La formule de
Taylor-Young assure ainsi que toute fonction C n admet un développement limité à l’ordre n. La
réciproque est fausse.
7.3. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE À VALEURS VECTORIELLES 89
vérifie pour tout n ∈ N, f (x) = o(xn ) quand x → 0, sans qu’elle soit de classe C n . La fonction f n’est
en fait pas C 1 sur R. En effet, f est dérivable en x = 0 et f 0 (0) = 0, car
f (h) − f (0) 1 −1 1
= e |h| sin(e |h| ) −→ 0,
h h
1
quand h → 0, car | sin(e |h| )| ≤ 1, mais
sgn(x) − |x|
1 1 1
∀x ∈ R∗ , f 0 (x) = 2
e sin(e |x| ) − cos(e |x| ) ,
x
ne converge pas vers f 0 (0) = 0 quand x → 0.
Théorème 7.16 (Formule de Taylor avec reste intégral) Soient a, b ∈ R tels que a < b, n ∈ N
et (E, k · k) un espace de Banach sur R. Si f est une fonction de classe C n+1 ([a, b], E), alors
n b
(b − a)k (b − t)n (n+1)
X Z
(k)
f (b) = f (a) + f (t)dt
k! a n!
k=0
Remarque 7.17 L’hypothèse de complétude de l’evn (E, k · k) est nécessaire pour que le reste intégral
soit bien défini comme une intégrale au sens de Riemann d’une fonction continue de [a, b] à valeurs
dans l’espace de Banach E
Détails 7.1
Application 1 : Si f ∈ C ∞ (R, Rn ) est une fonction vérifiant f (0) = 0, alors la fonction h définie par
f (x)
x si x 6= 0
h(x) =
f 0 (0) si x = 0 ,
et le théorème de dérivation des intégrales à paramètre justifie que le membre de droite définit une
fonction de classe C ∞ (R, Rn ).
Application 2 : Développement en série entière
La fonction de Bessel J0 définie par
Z π
2 2
∀x ∈ R, J0 (x) = cos(x cos θ)dθ,
π 0
90 CHAPITRE 7. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE
est de classe C ∞ sur R d’après le théorème de dérivation des intégrales à paramètre et vérifie
(k)
|J0 (x)| ≤ 1 pour tout k ∈ N et x ∈ R. La formule de Taylor avec reste intégral assure
n (k)
X J (x) |h|n+1
∀x, h ∈ R, J0 (x + h) − 0
hk ≤ .
k! n!
k=0
Ceci montre que la fonction J0 est développable en série entière en tout point x ∈ R, et
+∞ (k)
X J (x)
∀x, h ∈ R, J0 (x + h) = 0
hk .
k!
k=0
P f (n) (a) n
Remarque 7.18 La série de Taylor n! (x − a) au point a d’une fonction régulière f ne
converge pas nécessairement vers f (a). Il peut arriver que la série de Taylor converge mais que sa
1
somme ne coïncide pas avec la fonction. Par exemple, la fonction régulière x ∈ R 7→ 1l(0,+∞) (x)e− x ∈
R admet une série de Taylor identiquement nulle en zéro. Il peut également se produire que la série
de Taylor soit divergente.
Preuve : Soit ε > 0. Il existe 0 < h0 < b − a tel que kf 0 (a + h) − Lk < ε pour tout h ∈ (0, h0 ). Soit
h ∈ (0, h0 ). Les fonctions
F : t ∈ [0, h] 7→ f (a + t) − tL ∈ E, φ : t ∈ [0, h] 7→ εt ∈ R,
sont continues sur [0, h], dérivables sur (0, h), et vérifient
Corollaire 7.20 Soient a, b, c ∈ R, a < c < b, n ∈ N∗ et (E, k·k) un evn sur R. Si f ∈ C 0 ((a, b), E)∩
C n ((a, c) ∪ (c, b), E) est une fonction telle que f (k) (x) admette une limite Lk dans E quand x → c
pour tout 1 ≤ k ≤ n, alors f ∈ C n ((a, b), E) et f (k) (c) = Lk pour 1 ≤ k ≤ n
Preuve : Le théorème précédent montre que f ∈ C 1 ((a, b), E) et f 0 (c) = L1 . Des applications
successives du théorème précédent à f 0 , ..., f (n−1) montre que f ∈ C n ((a, b), E) et f (k) (c) = Lk pour
1 ≤ k ≤ n.
Le résultat précédent permet de donner la caractérisation suivante des fonctions de classe C n sur
un intervalle fermé :
7.4. DÉRIVABILITÉ ET SUITES/SÉRIES DE FONCTIONS 91
Corollaire 7.21 Soient a, b ∈ R, a < b, (E, k · k) un evn sur R, et f : [a, b] → E une fonction. Les
assertions suivantes sont équivalentes :
(i) La fonction f est de classe C n ([a, b], E)
(ii) f ∈ C 0 ([a, b], E) ∩ C n ((a, b), E), et f (k) admet une limite dans E quand x → a+ et x → b− ,
pour tout 1 ≤ k ≤ n
est de classe C ∞ sur R. En effet, il existe une fraction rationnelle Fn telle que
1
∀x > 0, g (n) (x) = Fn (x)e− x ,
h: R → R
x 7→ g(x)g(1 − x),
est de classe C ∞ sur R à support compact supp h = [0, 1]. Il s’ensuit que la fonction
k: R → R
R x
h(t)dt
x 7→ R01 ,
0 h(t)dt
est de classe C ∞ sur R de support [0, +∞) vérifiant k = 1 sur [1, +∞), et que la fonction
f: R → R
x 7→ k(x)k(3 − x)
est de classe C ∞ sur R, à support compact dans [0, 3] vérifiant f = 1 sur [1, 2].
Proposition 7.22 Soient a, b ∈ R, a < b, (E, k · k) un espace de Banach sur R, et (fn )n∈N une suite
de fonctions de classe C 1 ((a, b), E). Si
(i) Il existe x0 ∈ (a, b) tel que (fn (x0 ))n∈N converge dans E
(ii) La suite (fn0 )n∈N converge uniformément sur (a, b) vers une fonction g : (a, b) → E
alors la suite (fn )n∈N converge uniformément sur (a, b) vers une fonction f ∈ C 1 ((a, b), E), et f 0 = g
sur (a, b)
Un énoncé analogue peut être donné pour les séries de fonctions en considérant la suite des sommes
partielles.
Preuve : Comme fn0 ∈ C 0 ((a, b), E), la convergence uniforme sur (a, b) de ces fonctions implique que
la fonction limite g ∈ C 0 ((a, b), E) est également continue sur (a, b). Notons α ∈ E la limite de la
suite (fn (x0 ))n∈N . On définit
Z x
∀x ∈ (a, b), f (x) = α + g(t)dt.
x0
92 CHAPITRE 7. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE
Cette intégrale au sens de Riemann est bien définie car g ∈ C 0 ((a, b), E) et E est un espace de Banach.
On montre que la fonction f est dérivable sur (a, b), et f 0 = g sur (a, b). Soient x1 ∈ (a, b) et ε > 0.
La continuité de la fonction g assure qu’il existe δ > 0 tel que [x1 − δ, x1 + δ] ⊂ (a, b), et
∀t ∈ [x1 − δ, x1 + δ], kg(t) − g(x1 )k ≤ ε.
Il s’ensuit
Z x1 +h
∀|h| ≤ δ, kf (x1 + h) − f (x1 ) − hg(x1 )k = (g(t) − g(x1 ))dt
x1
Z x1 +h
≤ kg(t) − g(x1 )kdt ≤ ε|h|.
x1
La fonction f est donc dérivable sur (a, b), et f 0 = g sur (a, b). Comme g ∈ C 0 ((a, b), E), la fonction
f est de classe C 1 ((a, b), E). Le théorème 7.14 implique
Z x
∀n ∈ N, ∀x ∈ (a, b), fn (x) = fn (x0 ) + fn0 (t)dt.
x0
Remarque 7.23 La convergence uniforme d’une suite de fonctions (fn )n∈N ∈ C 1 ((a, b), E)N ne suffit
pas pour préserver la régularité C 1 de la limite. Par exemple, la fonction
r
1
fn (x) = x2 + , x ∈ (−1, 1),
n+1
est de classe C 1 sur (−1, 1) pour tout n ∈ N, et la suite (fn )n∈N converge uniformément sur (−1, 1)
vers la fonction f (x) = |x|, où x ∈ (−1, 1), car
1
(x2 + n+1 ) − x2 1
∀n ∈ N, ∀x ∈ (−1, 1), fn (x) − |x| = q ≤√ ,
1 n+1
p
x2 + n+1 + |x|2
Exemples :
1) Les fonctions affines sont convexes mais pas strictement convexes
2) La fonction x 7→ x2 est strictement convexe sur R
On montre facilement par récurrence sur n ≥ 2 que si f : I → R est une fonction convexe, resp.
strictement convexe, alors : ∀n ≥ 2, ∀x1 , . . . , xn ∈ I, ∀λ1 , . . . , λn ∈ (0, 1), λ1 + · · · + λn = 1,
f (λ1 x1 + · · · + λn xn ) ≤ λ1 f (x1 ) + · · · + λn f (xn ),
resp.
f (λ1 x1 + · · · + λn xn ) < λ1 f (x1 ) + · · · + λn f (xn ).
Détails 7.2
Remarque 7.27 Il est important de se restreindre à un sous-intervalle compact [a, b] de I pour que
l’assertion (i) soit satisfaite. Par exemple, la fonction x 7→ x2 est convexe sur R, mais elle n’est pas
lipschitzienne sur R (car de classe C 1 et de dérivée non bornée sur R),
Preuve :
(i) Soient a0 , b0 ∈ I tels que a0 < a < b < b0 . La croissance des taux d’accroissement implique
Il s’ensuit
∀x, y ∈ [a, b], |f (x) − f (y)| ≤ M |x − y|,
où f (a) − f (a0 ) f (b0 ) − f (b)
M = max , .
a − a0 b0 − b
(ii) Soit x ∈ I. Comme I est un intervalle ouvert, il existe x̃ ∈ I tel que x < x̃. La croissance des
taux d’accroissement implique
assure que fg0 (x) ≤ fg0 (y). La fonction fg0 est donc croissante sur I. En passant à nouveau à la
limite quand h → 0+ , la croissance des taux d’accroissements
f (x) − f (x − h) f (x + h) − f (x) f (y) − f (y − h) f (y + h) − f (y)
∀0 < h ≤ h0 , ≤ ≤ ≤ ,
h h h h
montre
fg0 (x) ≤ fd0 (x) ≤ fg0 (y) ≤ fd0 (y).
Dans le cas strictement convexe, les inégalités strictes
h0 f (x + h) − f (x) f (x + h0 ) − f (x) f (y) − f (y − h0 ) f (y) − f (y − h)
∀0 < h ≤ , < < < ,
2 h h0 h0 h
induisent à la limite quand h → 0+ ,
f (x + h0 ) − f (x) f (y) − f (y − h0 )
fd0 (x) ≤ < ≤ fg0 (y).
h0 h0
(iv) En utilisant l’assertion (iii), on remarque que l’ensemble D des points de I en lesquels f n’est
pas dérivable
D = {x ∈ I : fg0 (x) < fd0 (x)},
satisfait l’inclusion
D ⊂ {x ∈ I : la fonction fg0 est discontinue en x}.
Cet ensemble des points de discontinuité de la fonction croissante fg0 : I → R est fini ou infini
dénombrable d’après le lemme suivant :
Preuve :
(i) Soient x ∈ I et ε > 0 tel que (x − ε, x + ε) ⊂ I. Comme la fonction t 7→ f (x + t) est croissante
sur (−ε, 0) et majorée sur (−ε, 0) par f (x), elle admet donc une limite quand t → 0− notée
fg (x). On justifie de manière similaire l’existence d’une limite à droite fd (x).
(ii) Soient x, y ∈ I tels que x < y. Comme I est un intervalle ouvert, il existe 0 < δ < y−x2 tel que
[x − δ, y + δ] ⊂ I. La croissance de la fonction f implique
∀0 < t < δ, f (x − t) ≤ f (x) ≤ f (x + t) ≤ f (y − t) ≤ f (y) ≤ f (y + t),
et un passage à la limite quand t → 0+ donne
fg (x) ≤ f (x) ≤ fd (x) ≤ fg (y) ≤ f (y) ≤ fd (y).
(iii) Si x ∈ D, alors on a nécessairement fg (x) < fd (x) et par densité des rationnels, il existe
qx ∈ Q ∩ (fg (x), fd (x)). On peut alors construire une injection de D dans Q,
J: D → Q
x 7→ qx .
L’application J est injective car si x1 , x2 ∈ D, x1 < x2 alors
fg (x1 ) < qx1 < fd (x1 ) ≤ fg (x2 ) < qx2 < fd (x2 ).
Ceci implique que l’ensemble D est fini ou infini dénombrable.
96 CHAPITRE 7. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE
Preuve :
1) Soient a, b ∈ R, a < b, et f : (a, b) → R une fonction dérivable sur (a, b).
(i) ⇒ (ii) : La convexité et la dérivabilité de f implique que f 0 = fg0 . La propriété (iii) de la
proposition 7.26 montre que f 0 = fg0 est une fonction croissante.
(ii) ⇒ (iii) : Soient x, y ∈ (a, b). On peut supposer que x 6= y et noter I = (x, y) (resp.
I = (y, x)) si x < y (resp. x > y). Comme f est continue sur l’intervalle compact I et dérivable
sur I, la formule des accroissements finis montre
f (y) − f (x)
∃c ∈ I, = f 0 (c).
y−x
Considérons tout d’abord le cas où x < y. Comme x < c < y, la croissance de f 0 sur (a, b)
implique que f 0 (x) ≤ f 0 (c), et
car y − x > 0. On considère maintenant le cas où x > y. Comme y < c < x, la croissance de
f 0 sur (a, b) implique que f 0 (c) ≤ f 0 (x), et
car y − x < 0.
(iii) ⇒ (i) Soient x, y ∈ I, x < y et λ ∈ (0, 1). L’assertion (iii) implique
et
f (y) ≥ f (λx + (1 − λ)y) + f 0 (λx + (1 − λ)y)λ(y − x).
Après multiplication de la première inégalité par λ, et de la seconde par 1 − λ, la somme des
deux nouvelles inégalités obtenues donne
2) Comme la fonction f 0 est dérivable sur (a, b), il suffit d’appliquer le résultat précédent en
remarquant que f 0 est croissante sur (a, b) si et seulement si sa dérivée f 00 est positive sur (a, b)
d’après la proposition 7.8.
Preuve :
(i) Utiliser la concavité de la fonction x 7→ sin x sur [0, π2 ]
(ii) Utiliser la concavité de la fonction logarithme x 7→ ln x sur (0, +∞), et la croissance de la
fonction exponentielle x 7→ ex sur R
(iii) Résultat démontré précédemment en utilisant la concavité de la fonction x 7→ ln x sur (0, +∞)
Détails 7.3
f (c) = inf f
(a,b)
(ii) Le point c est un point critique de f sur (a, b), i.e. f 0 (c) = 0
2) Si la fonction f est strictement convexe sur (a, b), alors f admet au plus un minimum sur
(a, b)
98 CHAPITRE 7. FONCTIONS D’UNE VARIABLE RÉELLE
Preuve :
1) Soient a, b ∈ R, a < b et f : (a, b) → R une fonction convexe et dérivable sur (a, b).
(i) ⇒ (ii) Un extremum intérieur est nécessairement un point critique sans que l’hypothèse de
convexité soit nécessaire
(ii) ⇒ (i) La convexité implique
2) Par l’absurde, supposons qu’il existe x, y ∈ (a, b), x < y tels que
Différentielle
Cette fonction admet des dérivées partielles nulles par rapport à x et par rapport à y en (0, 0), car
ab
∀a, b ∈ R∗ , lim f (ah, bh) = 6= f (0, 0).
h→0 a2 + b2
Dans cet exemple, on constate que la fonction n’admet pas des dérivées dans toutes les directions
de R2 puisque la quantité
f (ah, bh) − f (0, 0)
h
∗
diverge quand h → 0, dès que a, b ∈ R . On pourrait alors penser que la bonne définition est de
demander qu’une fonction soit dérivable dans toutes les directions. L’exemple suivant montre que
cette définition est encore insuffisante pour garantir la continuité.
Exemple 2 : Considérons la fonction g : R2 7→ R définie par
(
x5
(y−x 2 )2 +x8 si (x, y) 6= (0, 0),
g(x, y) =
0 si (x, y) = (0, 0).
Cette fonction n’est pas continue en (0, 0), car g(x, x2 ) = x13 ne tend pas vers zéro quand x → 0.
Cependant, la fonction g admet des dérivées à l’origine suivant tout vecteur, car pour tout (a, b) ∈
R2 \ (0, 0),
h2 a5
g(ah, bh) − g(0, 0) 0 si b 6= 0 ,
= −→
h 2 2 6 8
(b + ha ) + h a h→0 a si b = 0 et a 6= 0 .
99
100 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
8.1 Différentiabilité
8.1.1 Définition
Définition 8.1 (Différentielle) Soient (E, k · kE ), (F, k · kF ) des evn sur R, Ω un ouvert de E,
a ∈ Ω et f : Ω → F .
(i) La fonction f est différentiable en a s’il existe L ∈ Lc (E, F ) telle que
Sous réserve d’existence, l’application linéaire continue L est unique, et est appelée différentielle
de f en a, notée L = df (a). On note indifféremment [df (a)](h) ou df (a).h pour l’évaluation
en h ∈ E de la différentielle de f au point a
(ii) La fonction f est différentiable sur Ω si f est différentiable en a pour tout a ∈ Ω
(iii) f ∈ C 1 (Ω, F ) si f est différentiable sur Ω et sa différentielle
est continue
Par linéarité, on en déduit que k(L1 − L2 )(x)kF ≤ εkxkE pour tout x ∈ E, i.e., kL1 − L2 kLc (E,F ) ≤ ε.
Ceci étant vérifié pour tout ε > 0, on obtient L1 = L2 .
Remarque 8.2
1) Il faut s’assurer de bien comprendre le sens de la notation
i.e.,
∀ε > 0, ∃δ > 0, ∀h ∈ E, khkE < δ, kf (a + h) − f (a) − L(h)kF ≤ εkhkE .
8.1. DIFFÉRENTIABILITÉ 101
Détails 8.1
La définition des fonctions de classes C k (Ω, F ) pour k ≥ 2, se fait en itérant la définition donnée
pour la classe C 1 (Ω, F ). Par exemple, la notation f ∈ C 2 (Ω, F ) signifie que f ∈ C 1 (Ω, F ) et df ∈
C 1 (Ω, Lc (E, F )). Plus précisément, si la fonction
f : Ω ⊂ (E, k · kE ) → (F, k · kF ),
est continue sur Ω. Il faut essayer de bien saisir la nature des différents objets manipulés et remarquer
que la dimension des espaces sur lesquels ils agissent augmente à chaque nouvelle différentiation.
Exemple : Si f ∈ C 2 (Rn , R), alors df : Rn → Lc (Rn , R), où Lc (Rn , R) ' Rn , et d2 f : Rn →
Lc (Rn , Lc (Rn , R)), où Lc (Rn , Lc (Rn , R)) ' Lc (Rn , Rn ) ' Mn (R), car les formes linéaires continues
sur Rn s’identifient à la donnée d’un vecteur appelé gradient, et les endomorphismes continus de Rn
s’identifient aux matrices Mn (R) après le choix de bases.
Détails 8.2
Exemple 1 : Différentielle d’une fonction constante. Si f est une fonction constante sur Ω, alors
df = 0. Le théorème 8.11 montrera que la réciproque est vraie seulement si Ω est un ouvert connexe
Exemple 2 : Différentielle d’une application linéaire continue. Si f ∈ Lc (E, F ), alors df (a) = f
pour tout a ∈ E, car f (a + h) = f (a) + f (h) pour tous a, h ∈ E. L’application différentielle d’une
application linéaire continue est donc constante sur E
Exemple 3 : Différentielle d’une application bilinéaire continue. Soient (E1 , k · kE1 ), (E2 , k · kE2 ),
(F, k · kF ) des evn sur R. On munit le produit cartésien E1 × E2 de la norme
ou de toute norme équivalente. Si f ∈ Lc (E1 , E2 ; F ) est une application bilinéaire continue de E1 ×E2
dans F , alors f ∈ C 1 (E1 × E2 , F ) et
De plus, on obtient l’estimation de norme kLkLc (E1 ×E2 ,F ) ≤ 2kf kLc (E1 ,E2 ;F ) k(a1 , a2 )kE1 ×E2 . La bili-
néarité de f permet de développer
car
kf (h1 , h2 )kF ≤ kf kLc (E1 ,E2 ;F ) kh1 kE1 kh2 kE2 ≤ kf kLc (E1 ,E2 ;F ) k(h1 , h2 )k2E1 ×E2 .
La fonction f est donc différentiable en (a1 , a2 ), et (df )(a1 , a2 ) = L pour tout (a1 , a2 ) ∈ E1 × E2 . La
fonction f est donc différentiable sur E1 × E2 , et
df : E1 × E2 → Lc (E1 × E2 , F )
(a1 , a2 ) 7→ df (a1 , a2 ),
est linéaire vérifiant kdf (a1 , a2 )kLc (E1 ×E2 ,F ) ≤ 2kf kLc (E1 ,E2 ;F ) k(a1 , a2 )kE1 ×E2 pour tout (a1 , a2 ) ∈
E1 × E2 . L’application df : E1 × E2 → Lc (E1 × E2 , F ) est donc continue et f ∈ C 1 (E1 × E2 , F ).
Quelques conséquences :
1) Dans une R-algèbre normée (E, +, ·, k·k), le produit de deux éléments (x, y) ∈ E×E 7→ x·y ∈ E
est une application de classe C 1 sur E × E. En utilisant le théorème de différentiation des
fonctions composées énoncé par la suite, on peut en déduire que l’application carré x ∈ E 7→
x2 ∈ E, est de classe C 1 sur E
2) Dans un espace préhilbertien (E, h·, ·i, k · k) sur K = R ou C, le produit scalaire de deux
éléments (x, y) ∈ E × E 7→ hx, yi ∈ K, est une application de classe C 1 sur E × E. En utilisant
à nouveau le théorème de différentiation des fonctions composées, on peut en déduire que la
norme au carré x ∈ E 7→ kxk2 = hx, xi ∈ K, est une application de classe C 1 sur E
Exemple 4 : Différentielle d’une application multilinéaire continue. Soient n ≥ 2, (E1 , k · kE1 ), ...,
(En , k · kEn ), (F, k · kF ) des evn sur R. On munit le produit cartésien E = E1 × · · · × En de la norme
k(x1 , ..., xn )kE = max1≤j≤n kxj kEj , ou de toute norme équivalente. Si f ∈ Lc (E1 , . . . , En ; F ) est une
application multilinéaire continue de E1 × · · · × En dans F , alors f ∈ C 1 (E, F ) et
n
X
df (a1 , ..., an ).(h1 , ..., hn ) = f (a1 , ..., ak−1 , hk , ak+1 , ..., an ).
k=1
L : E1 × · · · × En → F Pn
(h1 , ..., hn ) 7→ k=1 f (a1 , ..., ak−1 , hk , ak+1 , ..., an ),
n−1
De plus, on obtient l’estimation de norme kLkLc (E,F ) ≤ nkf kLc (E1 ,...,En ;F ) kakE . Un argument té-
lescopique et la multilinéarité de f donnent
f (a + h) = f (a1 + h1 , ..., an + hn )
= f (a1 , ..., an )
+f (a1 + h1 , a2 , ..., an ) − f (a1 , a2 , ..., an )
+f (a1 + h1 , a2 + h2 , a3 , ..., an ) − f (a1 + h1 , a2 , a3 , ..., an )
...
+f (a1 + h1 , ..., an−1 + hn−1 , an + hn ) − f (a1 + h1 , ..., an−1 + hn−1 , an )
= f (a) + f (h1 , a2 , ..., an ) + f (a1 + h1 , h2 , a3 , ..., an ) + f (a1 + h1 , ..., an−1 + hn−1 , hn ).
Il s’ensuit
dont la norme dans F est majorée par 2kf kLc (E1 ,...,En ;F ) khk2E (kakE + khkE )n−2 . En procédant ainsi
pour chaque terme, on montre qu’il existe une constante C(n) > 0 ne dépendant que de la dimension
telle que
∀h ∈ E, kf (a + h) − f (a) − L(h)kF ≤ C(n)kf kLc (E1 ,...,En ;F ) khk2E (kakE + khkE )n−2 .
En utilisant le même type d’argument télescopique, on montre qu’il existe une constante C 0 (n) > 0
ne dépendant que de la dimension telle que
∀a, b, h ∈ E, k(df (a) − df (b)).hkF ≤ C 0 (n)kf kLc (E1 ,...,En ;F ) ka − bkE max(kakE , kbkE )n−2 khkE ,
ce qui implique
kdf (a) − df (b)kLc (E,F ) ≤ C 0 (n)kf kLc (E1 ,...,En ;F ) ka − bkE max(kakE , kbkE )n−2 → 0,
est une application de classe C 1 sur E n . En utilisant le théorème de différentiation des fonctions
composées énoncé par la suite, on peut en déduire que la puissance nième , x ∈ E 7→ xn ∈ E, est une
application de classe C 1 sur E
Exemple 5 : Calcul de la différentielle d’une fonction en utilisant des développements limités. La
fonction
f : R2 → R
x
(x, y) 7→ y+1 ,
est définie et différentiable sur l’ouvert R × (R \ {−1}), et
h1 xh2
∀(x, y) ∈ R × (R \ {−1}), ∀(h1 , h2 ) ∈ R2 , df (x, y).(h1 , h2 ) = − .
y + 1 (y + 1)2
En effet, si (x, y) ∈ R × (R \ {−1}), un développement en série entière donne pour tout (h1 , h2 ) ∈ R2 ,
avec |h2 | < |y + 1|,
+∞
x + h1 x + h1 1 x + h1 X n hn2
f (x + h1 , y + h2 ) = = h2
= (−1) .
y + h2 + 1 y + 1 1 + y+1 y+1 (y + 1)n
n=0
8.1. DIFFÉRENTIABILITÉ 105
Il s’ensuit
x + h1 h2 x h1 xh2
f (x + h1 , y + h2 ) = 1− + O (h22 ) = + − + O (h2 )
y+1 y + 1 h2 →0 y + 1 y + 1 (y + 1)2 h2 →0 2
x h1 xh2 x h1 xh2
= + − 2
+ O (k(h1 , h2 )k2 ) = + − + o (k(h1 , h2 )k),
y + 1 y + 1 (y + 1) k(h1 ,h2 )k→0 y + 1 y + 1 (y + 1)2 k(h1 ,h2 )k→0
ce qui démontre le résultat annoncé.
Exemple 6 : Différentielle de l’inverse. Soient (E, +, ·, k · k) une R-algèbre de Banach et Inv(E)
l’ensemble des éléments inversibles de E. On a déjà vu que cet ensemble est un ouvert de (E, k · k).
L’application inverse
f : Inv(E) → Inv(E)
x 7→ x−1 ,
est de classe C 1 sur Inv(E), et sa différentielle est donnée par
On rappelle que l’on a démontré dans la preuve de la proposition 1.18 que BE (1E , 1) ⊂ Inv(E) et
+∞
X
−1
∀y ∈ E, kyk < 1, (1E + y) = (−1)n y n ,
n=0
où la série ci-dessus est absolument convergente dans E, donc convergente dans E, car E est un espace
de Banach. Il s’ensuit que pour tout h ∈ E vérifiant kx−1 kkhk < 21 ,
+∞
X
−1
(x + h)−1 = x(1E + x−1 h) = (1E + x−1 h)−1 x−1 = (−1)n (x−1 h)n x−1
n=0
= x−1 + L(h) + o (khk).
khk→0
La fonction f est donc différentiable en x et df (x) = L. Il s’ensuit que f est différentiable sur l’ouvert
Inv(E) de E, et
∀x ∈ Inv(E), ∀h ∈ E, df (x).h = −x−1 hx−1 .
En particulier, la fonction f est continue sur Inv(E). Comme
on obtient
Φ: E → R
R1
f 7→ 0 ϕ(f (x))dx,
est différentiable sur E, et
Z 1
∀f, h ∈ E, dΦ(f ).h = ϕ0 (f (x))h(x)dx. (8.1)
0
L : (E, k · k∞ ) → (R, | · |)
R1
h 7→ 0 ϕ0 (f (x))h(x)dx,
est linéaire continue car
Z 1 Z 1
0
∀h ∈ E, |L(h)| = ϕ (f (x))h(x)dx ≤ khk∞ |ϕ0 (f (x))|dx,
0 0
où la dernière intégrale est bien finie comme intégrale sur [0, 1] d’une fonction continue sur [0, 1]. Soit
ε > 0. Pour établir que dΦ(f ) = L, il faut trouver δ > 0 tel que
Z 1
∀h ∈ E, khk∞ < δ, ϕ(f (x) + h(x)) − ϕ(f (x)) − ϕ0 (f (x))h(x)dx ≤ εkhk∞ . (8.2)
0
Comme la fonction ϕ0est continue sur le compact [−kf k∞ − 1, kf k∞ + 1], elle est uniformément
continue sur [−kf k∞ − 1, kf k∞ + 1],
∃0 < δ < 1, ∀x, y ∈ [−kf k∞ − 1, kf k∞ + 1], |x − y| < δ, |ϕ0 (x) − ϕ0 (y)| < ε. (8.3)
L’intégration de l’estimation précédente par rapport à x sur [0, 1] établit l’inégalité (8.2). La fonction
Φ est donc différentiable en f , et dΦ(f ) = L. La fonction Φ est différentiable sur E et la formule (8.1)
est démontrée. Soient f ∈ E et ε > 0. Pour établir la régularité C 1 , il suffit de trouver δ > 0 tel que
i.e., Z 1
∀f˜ ∈ E, kf˜ − f k∞ < δ, ∀h ∈ E, ϕ0 (f (x)) − ϕ0 (f˜(x)) h(x)dx ≤ εkhk∞ .
0
Soit 0 < δ < 1 un module d’uniforme continuité de la fonction ϕ0 sur [−kf k∞ − 1, kf k∞ + 1] comme
en (8.3). Il s’ensuit
Z 1
˜ ˜ ϕ0 (f (x)) − ϕ0 (f˜(x)) h(x)dx
∀f ∈ E, kf − f k∞ < δ, ∀h ∈ E,
0
Z 1
ϕ0 (f (x)) − ϕ0 (f˜(x)) h(x) dx ≤ kϕ0 ◦ f − ϕ0 ◦ f˜k∞ khk∞ ≤ εkhk∞ .
≤
0
8.1. DIFFÉRENTIABILITÉ 107
Φ: E → R
R1
f 7→ 0 f (x)2 dx,
Exemple 8 : Différentielle du déterminant sur Mn (C). L’application det : Mn (C) → C est de classe
C 1 sur Mn (C), et
∀A, H ∈ Mn (C), d(det)(A).H = tr((Com A)T H),
2
est polynomiale sur Mn (C) ' Cn , donc de classe C 1 sur Mn (C). On cherche à calculer la différentielle
de l’application déterminant en l’identité In . La formule précédente donne
X
∀H = (hi,j )1≤i,j≤n ∈ Mn (C), det(In + H) = ε(σ)(δσ(1),1 + hσ(1),1 )...(δσ(n),n + hσ(n),n ).
σ∈Sn
det(In + H) = (δ1,1 + h1,1 )...(δn,n + hn,n ) + o(kHk) = 1 + h1,1 + ... + hn,n + o(kHk),
quand kHk → 0. Comme l’application H ∈ Mn (C) 7→ tr(H) ∈ C est linéaire continue et det(In ) = 1,
on a établi d(det)(In ).H = tr(H). On souhaite maintenant calculer la différentielle en une matrice
A ∈ GLn (C). Pour ce faire, on remarque
Si A ∈ Mn (C), on utilise la densité de GLn (C) dans Mn (C), et la continuité de la différentielle d(det)
sur Mn (C) pour obtenir
Proposition 8.3 Soient (E, k·kE ), (F, k·kF ) des evn sur R, Ω un ouvert de E, a ∈ Ω et f, g : Ω → F .
(i) Si la fonction f est différentiable en a, alors f est continue en a
(ii) Si f et g sont différentiables en a, alors d(λf + µg)(a) = λdf (a) + µdg(a) pour tous λ, µ ∈ K
(iii) Soient (Fj , k · kj ) des R-evn et fj : Ω → Fj pour 1 ≤ j ≤ n. On munit le produit cartésien
F = F1 ×...×Fn de la norme k(y1 , ..., yn )kF = max1≤j≤n kyj kFj , ou de toute norme équivalente.
L’application
f : Ω → (F, k · kF )
x 7→ (f1 (x), ..., fn (x)),
est différentiable en a ∈ Ω (resp. C 1 sur Ω) si et seulement si fj est différentiable en a ∈ Ω
(resp. C 1 sur Ω) pour tout 1 ≤ j ≤ n, et
Détails 8.3
d’où la conclusion.
i.e.,
∀h ∈ E, d(g ◦ f )(a).h = dg(f (a)).(df (a).h)
8.1. DIFFÉRENTIABILITÉ 109
(g ◦ f )(a + h) = (g ◦ f )(a) + dg(f (a)). (df (a).h + khkE ε1 (h)) + kk(h)kF ε2 (k(h)). (8.6)
On remarque
kk(h)kF ≤ (kdf (a)kLc (E,F ) + kε1 (h)kF )khkE −→ 0,
quand khkE → 0. Il s’ensuit kε2 (k(h))kG → 0 quand khkE → 0. Soit ε > 0. Il existe δ > 0 tel
que pour tout h ∈ E, khkE < δ,
kdg(f (a))kLc (F,G) kε1 (h)kF + kdf (a)kLc (E,F ) + kε1 (h)kF kε2 (k(h))kG < ε.
Théorème 8.7
(i) (Arc) Soient I un intervalle ouvert de R, t0 ∈ I, (E, k · kE ) un evn sur R, ΩE un ouvert de
E, γ : I → ΩE et f : ΩE → F . Si la fonction γ est dérivable en t0 et f est différentiable en
γ(t0 ), alors la fonction f ◦ γ est dérivable en t0 , et
d
(f ◦ γ)(t0 ) = df (γ(t0 )).γ 0 (t0 )
dt
110 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
(ii) (Fonction auxiliaire) Soient (E, k · kE ), (F, k · kF ) des evn sur R, Ω un ouvert de E et
f : Ω → F une fonction différentiable sur Ω. Pour tous x, y ∈ Ω vérifiant
[x, y] = {(1 − t)x + ty : t ∈ [0, 1]} ⊂ Ω,
la fonction auxiliaire
u : [0, 1] → F
t 7→ f (x + t(y − x)),
est dérivable sur (0, 1) et
∀t ∈ (0, 1), u0 (t) = df (x + t(y − x)).(y − x)
(iii) Sous les mêmes hypothèses que (ii) en supposant de plus que f ∈ C 1 (Ω, F ) et (F, k · kF ) est
un espace de Banach alors
Z 1
f (y) − f (x) = df (x + t(y − x)).(y − x)dt, (8.7)
0
où l’intégrale ci-dessus est définie au sens de Rieman pour une fonction continue de [a, b]
dans F
(iv) Les deux derniers énoncés s’appliquent pour tout x, y ∈ Ω, lorsque Ω est un ensemble ouvert
convexe de E
(v) Soient (E, k · kE ) un evn sur R, Ω un ouvert de E, a ∈ Ω, (F, k · kF ) une R-algèbre normée (pas
nécessairement commutative), f1 , f2 : Ω → F des fonctions différentiables en a (resp. C 1 (Ω)).
Le produit f1 f2 est une fonction différentiable (resp. C 1 (Ω)) et
∀h ∈ E, d(f1 f2 )(a).h = (df1 (a).h)f2 (a) + f1 (a)(df2 (a).h)
Nous verrons que l’utilisation de fonctions auxiliaires permet d’établir des propriétés pour des
fonctions de plusieurs variables en se ramenant à l’étude de fonctions d’une variable réelle. Concernant
la dernière formule donnant la différentielle d’un produit, il faut bien comprendre les objets et les
opérations qui interviennent. Comme dfj (a) ∈ Lc (E, F ) et h ∈ E, les termes dfj (a).h sont des éléments
de l’algèbre F qui peuvent bien être multipliés avec les éléments fj (a) de l’algèbre F .
Preuve :
(i) Il suffit d’appliquer le théorème de différentiation des fonctions composées à la fonction f ◦ γ,
∀h ∈ R, d(f ◦ γ)(t0 ).h = df (γ(t0 )).(dγ(t0 ).h) = hdf (γ(t0 )).γ 0 (t0 ),
car dγ(t0 ).h = hγ 0 (t0 ), i.e., (f ◦ γ)0 (t0 ) = df (γ(t0 )).γ 0 (t0 ).
(ii) Il suffit d’appliquer le théorème de différentiation des fonctions composées à la fonction t ∈
(0, 1) 7→ u(t) = f (x + t(y − x)),
∀t ∈ (0, 1), ∀h ∈ R, du(t).h = df (x + t(y − x)).(h(y − x)) = hdf (x + t(y − x)).(y − x),
i.e., u0 (t) = df (x + t(y − x)).(y − x) pour tout t ∈ (0, 1).
(iii) Comme la fonction auxiliaire u est de classe C 1 ([0, 1], F ), la formule fondamentale du calcul
différentiel donnée par le théorème 7.14 permet d’écrire
Z 1 Z 1
0
f (y) − f (x) = u(1) − u(0) = u (t)dt = df (x + t(y − x)).(y − x)dt.
0 0
(iv) Résultat trivial
(v) On utilise le théorème de différentiation des fonctions composées et la formule démontrée pour
la différentielle de l’application bilinéaire continue (u, v) ∈ F 7→ uv ∈ F .
Détails 8.4
8.1. DIFFÉRENTIABILITÉ 111
IdE = d(f −1 ◦ f )(a) = d(f −1 )(f (a)) ◦ df (a), IdF = d(f ◦ f −1 )(f (a)) = df (a) ◦ d(f −1 )(f (a)),
Théorème 8.8 Soient (E, k·kE ) et (F, k·kF ) des espaces de Banach sur R, ΩE un ouvert de (E, k·kE ),
ΩF un ouvert de (F, k · kF ), a ∈ ΩE et f : ΩE → ΩF un homéomorphisme de ΩE sur ΩF (bijection
bicontinue). Si la fonction f est différentiable en a, et df (a) est une bijection de E sur F , alors f −1
est différentiable en b = f (a), et
−1
d(f −1 )(b) = df (a) .
i.e.,
−1
f −1 (y) − f −1 (b) − df (a) .(y − b) = ky − bkF ε(y), (8.9)
où
kf −1 (y) − f −1 (b)kE −1
ε(y) = − df (a) .e ε(f −1 (y)).
ky − bkF
Il existe δE > 0 tel que BE (a, δE ) ⊂ U et
1
∀x̃ ∈ BE (a, δE ), ke
ε(x̃)kF < −1 .
2 df (a) Lc (F,E)
112 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
−1
d(f −1 )(b) = df (a) .
Définition 8.9 (C 1 -difféomorphisme) Soient (E, k · kE ), (F, k · kF ) des evn sur R, ΩE un ouvert
de E et ΩF un ouvert de F . Une application f : ΩE → ΩF est un C 1 -difféomorphisme de ΩE sur ΩF
si
(i) f est une bijection de ΩE sur ΩF
(ii) f est de classe C 1 sur ΩE
(iii) f −1 est de classe C 1 sur ΩF
Si E et F sont des espaces de Banach sur R, le théorème précédent montre que f est un C 1 -
difféomorphisme de ΩE sur ΩF si et seulement si
(i) f est un homéomorphisme de ΩE sur ΩF
(ii) f est de classe C 1 sur ΩE
(iii) df (a) est une bijection de E sur F pour tout a ∈ ΩE
Détails 8.5
Cette caractérisation sera utilisée pour démontrer le théorème d’inversion locale dans le chapitre
suivant.
Théorème 8.10 (Inégalité des accroissements finis pour des fonctions de variable vectorielle)
Soient (E, k · kE ), (F, k · kF ) des evn sur R, Ω un ouvert de E, x, y ∈ Ω tels que [x, y] ⊂ Ω, f : Ω → F
une fonction différentiable sur Ω.
(i) Si φ : [0, 1] → R est une fonction continue sur [0, 1], dérivable sur (0, 1) telle que
alors
kf (y) − f (x)kF ≤ φ(1) − φ(0).
8.1. DIFFÉRENTIABILITÉ 113
Preuve :
(i) Il suffit d’appliquer à la fonction auxiliaire
u : [0, 1] → F
t 7→ f (x + t(y − x)),
l’inégalité des accroissements finis établie au chapitre précédent pour les fonctions d’une va-
riable réelle (Théorème 7.12), car sa dérivée est donnée par
(ii) Soient x, y sont deux points distincts de Ω tels que [x, y] ⊂ Ω. Il suffit d’appliquer l’assertion (i)
avec la fonction
∀t ∈ [0, 1], φ(t) = t sup kdf (z)kLc (E,F ) kx − ykE .
z∈[x,y]
(iii) Soit x ∈ Ω. Comme Ω est ouvert, il existe r > 0 tel que B E (x, r) ⊂ Ω. Comme E est un evn
de dimension finie, l’ensemble fermé borné B E (x, r) est compact. L’application df est continue
sur le compact B E (x, r) donc bornée
Théorème 8.11 Soient (E, k · kE ), (F, k · kF ) des evn sur R, Ω un ouvert connexe de E et f : Ω → F
une application différentiable sur Ω. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) f est une fonction constante sur Ω
(ii) La différentielle df (x) = 0 est nulle pour tout x ∈ Ω
Preuve : L’implication (i) ⇒ (ii) est triviale. Réciproquement, supposons que la différentielle soit
nulle df (x) = 0 pour tout x ∈ Ω. Soient a ∈ Ω et b = f (a). On remarque que l’ensemble f −1 ({b})
est :
a) Un sous-ensemble non vide de Ω car a ∈ f −1 ({b})
b) Un sous-ensemble fermé de Ω comme image réciproque du fermé {b} par l’application conti-
nue f
114 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
8.1.7 Gradient
Théorème 8.12 Soient (H, h·, ·i, k · k) un espace de Hilbert sur K = R ou C, et Ω un ouvert de H.
Si f : Ω → K est une application à valeurs scalaires différentiable sur Ω, alors
Cet unique vecteur v ∈ H est appelé gradient de f en x, noté ∇f (x). On peut ainsi définir l’application
gradient
∇f : Ω → H
x 7→ ∇f (x),
vérifiant
∀x ∈ Ω, f (x + h) = f (x) + hh, ∇f (x)i + o (khk).
khk→0
Preuve : Il s’agit d’une conséquence directe du théorème de représentation des formes linéaires
continues de Riesz puisqu’en tout point x ∈ Ω, la différentielle df (x) définit une forme linéaire continue
sur H.
Théorème 8.13 Soient (E, k · kE ) un evn sur R, Ω un ouvert connexe de E, (F, k · kF ) un espace de
Banach sur R, et (fn )n∈N une suite de fonctions différentiables de Ω dans F . On fait les hypothèses
suivantes :
(i) Il existe x0 ∈ Ω tel que (fn (x0 ))n∈N converge dans (F, k · kF )
(ii) Pour tout x ∈ Ω, il existe L(x) ∈ Lc (E, F ) telle que la suite des différentielles (dfn )n∈N
converge vers L dans Lc (E, F ) uniformément sur Ω, i.e.,
La suite de fonctions (fn )n∈N converge alors simplement sur Ω vers une fonction f : Ω → F différen-
tiable sur Ω de différentielle
∀x ∈ Ω, df (x) = L(x).
De plus, la convergence est uniforme sur toute boule fermée contenue dans Ω ; et si de plus, fn ∈
C 1 (Ω, F ) pour tout n ∈ N, alors f ∈ C 1 (Ω, F ).
Lemme 8.14 Sous les hypothèses du théorème précédent, soient x̃0 ∈ Ω et r > 0 tel que BE (x̃0 , r) ⊂
Ω. Si la suite (fn (x̃0 ))n∈N est convergente dans (F, k · kF ), alors (fn (x))n∈N est convergente dans
(F, k · kF ) pour tout x ∈ BE (x̃0 , r).
Preuve du Lemme : Comme (F, k · kF ) est un espace de Banach, il suffit de vérifier que (fn (x))n∈N
est une suite de Cauchy dans (F, k · kF ) pour tout x ∈ BE (x̃0 , r). Soit ε > 0. La suite (fn (x̃0 ))n∈N est
convergente dans (F, k · kF ), donc de Cauchy dans (F, k · kF ),
ε
∃n0 ∈ N, ∀n ≥ n0 , ∀p ≥ 0, kfn+p (x̃0 ) − fn (x̃0 )kF ≤ . (8.10)
2
Comme [x̃0 , x] ⊂ BE (x̃0 , r) ⊂ Ω si x ∈ BE (x̃0 , r), l’inégalité des accroissements finis montre que pour
tous n ≥ n1 , p ≥ 0, x ∈ BE (x̃0 , r),
ε ε
k(fn+p − fn )(x) − (fn+p − fn )(x̃0 )kF ≤ sup kd(fn+p − fn )(y)kLc (E,F ) kx − x̃0 kE ≤ r = .
y∈[x̃0 ,x] 2r 2
∀n ≥ n1 , ∀p ≥ 0, ∀x ∈ BE (x̃0 , r),
k(fn+p − fn )(x)kF ≤ k(fn+p − fn )(x̃0 )kF + k(fn+p − fn )(x) − (fn+p − fn )(x̃0 )kF ≤ ε.
Preuve du théorème :
Étape 1 : Montrons que la suite de fonctions (fn )n∈N converge simplement sur Ω. Par connexité de
Ω, il suffit de montrer que le sous-ensemble
A = x ∈ Ω : la suite (fn (x))n∈N converge dans (F, k · kF ) ,
Il s’ensuit que A = Ω, et que l’on peut définir une application f : Ω → F telle que pour tout x ∈ Ω,
f (x) soit la limite de la suite (fn (x))n∈N dans (F, k · kF ).
Étape 2 : Montrons que la fonction f est différentiable sur Ω et df = L. Soient x̃0 ∈ Ω et ε > 0. Il
suffit de montrer
Pour ce faire, on utilise la décomposition suivante pour un entier n ∈ N à choisir assez grand
f (x̃0 + h) − f (x̃0 ) − L(x̃0 ).h = fn (x̃0 + h) − fn (x̃0 ) − dfn (x̃0 ).h
+ (f − fn )(x̃0 + h) − (f − fn )(x̃0 ) + dfn (x̃0 ).h − L(x̃0 ).h . (8.12)
La principale difficulté vient du deuxième terme du membre de droite pour lequel on utilise l’inéga-
lité des accroissements finis. Comme Ω est ouvert, il existe r > 0 tel que BE (x̃0 , r) ⊂ Ω. D’après
l’hypothèse (ii), il existe n0 ∈ N tel que
ε
∀n ≥ n0 , ∀x ∈ Ω, kdfn (x) − L(x)kLc (E,F ) ≤ . (8.13)
6
L’inégalité triangulaire implique
ε
∀n, k ≥ n0 , ∀x ∈ Ω, kdfn (x)−dfk (x)kLc (E,F ) ≤ kdfn (x)−L(x)kLc (E,F ) +kdfk (x)−L(x)kLc (E,F ) ≤ .
3
L’inégalité des accroissements finis donne alors
ε
∀n, k ≥ n0 , ∀h ∈ BE (0, r), k(fn − fk )(x̃0 + h) − (fn − fk )(x̃0 )kF ≤ khkE ,
3
car le segment [x̃0 , x̃0 + h] est contenu dans BE (x̃0 , r) ⊂ Ω par convexité de la boule. En prenant
n = n0 , et en considérant l’asymptotique k → +∞, on obtient
ε
∀h ∈ BE (0, r), k(fn0 − f )(x̃0 + h) − (fn0 − f )(x̃0 )kF ≤ khkE , (8.14)
3
car la suite de fonctions (fn )n∈N converge simplement vers f sur Ω. Par ailleurs, la fonction fn0 est
différentiable en x̃0 . Il existe 0 < δ < r tel que
ε
∀h ∈ BE (0, δ), kfn0 (x̃0 + h) − fn0 (x̃0 ) − dfn0 (x̃0 ).hkF ≤ khkE . (8.15)
3
En utilisant la décomposition (8.12) avec n = n0 , l’inégalité triangulaire, (8.13), (8.14) et (8.15)
permettent d’obtenir
∀n ≥ n0 , ∀x ∈ B E (x̃0 , r), k(fn − f )(x)kF ≤ k(fn − f )(x̃0 )kF + k(fn − f )(x) − (fn − f )(x̃0 )kF ≤ ε.
La suite de fonctions (fn )n∈N converge donc vers f uniformément sur B E (x̃0 , r).
Étape 4 : Si fn ∈ C 1 (Ω, F ) pour tout n ∈ N, alors les différentielles dfn : Ω → Lc (E, F ) sont
continues. La convergence uniforme sur Ω de la suite des différentielles (dfn )n∈N vers L assure que la
limite L : Ω 7→ Lc (E, F ) est continue, i.e. f ∈ C 1 (ΩE , F ) car df = L.
Application : Si (E, k · k) est une R-algèbre de Banach, l’application exponentielle
exp : E → E
P+∞ xn
x 7→ n=0 n! ,
+∞ +∞
X xn X kxkn
≤ = ekxk < +∞.
n! n!
n=0 n=0
donc converge dans (E, k · k), car E est un espace de Banach. Pour montrer queP exp ∈ C 1 (E, E), on
applique le théorème précédent avec la suite des sommes partielles (SN )N ∈N = ( Nn=0 fn )N ∈N , où
fn : E → E
n
x 7→ xn! .
Il s’ensuit
n−1 n−1
1 X k n−1−k 1 X kxkn−1
∀n ≥ 1, ∀x, h ∈ E, kdfn (x).hk ≤ kx hx k≤ khkkxkn−1 ≤ khk,
n! n! (n − 1)!
k=0 k=0
i.e.,
kxkn−1
∀n ≥ 1, ∀x ∈ E, kdfn (x)kLc (E) ≤ .
(n − 1)!
Soient R > 0 et Ω = BE (0, R). La boule ouverte Ω est connexe car convexe. La suite des sommes
partielles (SN )N ∈N est une suite de fonctions de classe 1
P C (Ω, E) qui converge simplement vers l’ap-
plication exponentielle exp sur Ω. Comme la série dfn converge normalement sur Ω dans Lc (E),
+∞ +∞ n
X X R
sup kdfn (x)kLc (E) ≤ = eR < +∞,
n!
n=0 x∈Ω n=0
elle converge uniformément et a fortiori simplement sur Ω dans l’espace de Banach Lc (E). Il s’ensuit
+∞
X
∀x ∈ Ω, dfn (x) ∈ Lc (E)
n=0
118 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
et
P+∞que la suite des différentielles des sommes partielles (dSN )N ∈N converge uniformément sur Ω vers
1
n=0 dfn . Le théorème précédent montre que exp ∈ C (Ω, E) et
+∞
X
∀x ∈ Ω, ∀h ∈ E, d(exp)(x).h = dfn (x).h
n=1
Ceci étant satisfait pour tout R > 0, on en déduit que exp ∈ C 1 (E, E) et
+∞ n
X 1 X
∀x, h ∈ E, d(exp)(x).h = xk hxn−k .
(n + 1)!
n=0 k=0
Détails 8.6
Définition 8.15 La fonction f admet une différentielle partielle par rapport à la variable xj en a si
l’application
xj 7→ f (a1 , ..., aj−1 , xj , aj+1 , ..., an ) ∈ F,
définie dans un voisinage ouvert de aj dans Ej , admet une différentielle en aj , alors notée
∂f
(a) ∈ Lc (Ej , F ).
∂xj
∂f
f (a1 , ..., aj−1 , aj + hj , aj+1 , ..., an ) − f (a) − (a).hj = o (khj kEj ),
∂xj F khj kEj →0
∂f
f (a1 , ..., aj−1 , aj + hj , aj+1 , ..., an ) − f (a) − (a).hj ≤ εkhj kEj .
∂xj F
Proposition 8.16 Si f est différentiable en a ∈ Ω, alors f est différentiable par rapport à chacune
de ses variables xj en a, et
n
X ∂f
∀h = (h1 , .., hn ) ∈ E, df (a).h = (a).hj .
∂xj
j=1
8.2. DIFFÉRENTIELLES PARTIELLES 119
Lj : hj ∈ Ej 7→ df (a).e
hj ∈ F,
Comme ke
hj kE = khj kEj , la différentiabilité de f en a permet d’écrire
∂f
∀hj ∈ Ej , (a).hj = df (a).e
hj .
∂xj
Preuve : L’implication (i) ⇒ (ii) est une conséquence directe de la proposition précédente car avec
les notations introduites dans la preuve précédente
∂f ∂f ∂f ∂f
(x) − (y) = sup (x).hj − (y).hj
∂xj ∂xj Lc (Ej ,F ) hj ∈Ej , ∂xj ∂xj F
khj kEj ≤1
L: E → F
Pn ∂f
h = (h1 , ..., hn ) 7→ j=1 ∂xj (a).hj ,
120 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
où pour tout 1 ≤ j ≤ n − 1,
∂f
∆j (h) = f (a1 , ..., aj−1 , aj +hj , aj+1 +hj+1 , ..., an +hn )−f (a1 , ..., aj , aj+1 +hj+1 , ...., an +hn )− (a).hj ,
∂xj
∂f
∆n (h) = f (a1 , ...., an−1 , an + hn ) − f (a) −
(a).hn .
∂xn
La continuité des différentielles partielles de f en a donne l’existence de δ > 0 tel que BE (a, δ) ⊂ Ω
et
∂f ∂f ε
∀1 ≤ j ≤ n, ∀b ∈ BE (a, δ), (b) − (a) < . (8.16)
∂xj ∂xj Lc (Ej ,F ) n
Si h ∈ BE (0, δ), l’inégalité des accroissements finis implique
∀1 ≤ j ≤ n, k∆j (h)kF = kGj (hj ) − Gj (0)kF ≤ khj kEj sup kdGj (h0j )kLc (Ej ,F ) ,
h0j ∈[0,hj ]
8.2. DIFFÉRENTIELLES PARTIELLES 121
∂f
Théorème 8.18 (Lemme de Schwarz) Soient 1 ≤ j, k ≤ n. Si les différentielles partielles ∂x∂ j ∂x k
∂ ∂f ∂2f ∂2f
et ∂xk ∂xj , notées par la suite respectivement ∂xj ∂xk et ∂xk ∂xj , existent et sont continues sur Ω, alors
∂2f ∂2f
= sur Ω,
∂xj ∂xk ∂xk ∂xj
Pour préciser et bien comprendre cet énoncé, il faut expliciter plus avant les objets qui y sont
∂f
manipulés. On peut supposer que j = 1 et k = 2. Pour tout a ∈ Ω, ∂x 2
(a) ∈ Lc (E2 , F ) désigne la
différentielle en a2 de l’application
Ω2 → F
x2 7→ f (a1 , x2 , a3 , ..., an ),
définie dans Ω2 un voisinage ouvert de a2 de E2 . On suppose que cette différentielle partielle est bien
définie sur Ω,
∂f
: Ω → Lc (E2 , F )
∂x2
et que cette nouvelle application admet en a une différentielle partielle par rapport à la variable x1 ,
i.e., que l’application
Ω1 → Lc (E2 , F )
∂f
x1 7→ ∂x 2
(x1 , a2 , ..., an ),
définie dans Ω1 un voisinage ouvert de a1 de E1 , soit différentiable en a1 . Il s’ensuit que
∂ ∂f
(a) ∈ Lc E1 , Lc (E2 , F ) .
∂x1 ∂x2
Les hypothèses du lemme de Schwarz supposent donc l’existence et la continuité sur Ω des deux
fonctions
∂ ∂f
: Ω → Lc (E1 , Lc (E2 , F )),
∂x1 ∂x2
∂ ∂f
: Ω → Lc (E2 , Lc (E1 , F )).
∂x2 ∂x1
Le lemme de Schwarz assure l’égalité des deux objets ci-dessus. Comme ils sont a priori de nature
différente, il faut préciser cette identification. C’est l’objet du lemme suivant :
est un isomorphisme isométrique qui par symétrie permet ainsi d’identifier les trois evn Lc (E1 , Lc (E2 , F )),
Lc (E2 , Lc (E1 , F )) et Lc (E1 , E2 ; F ).
122 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
L’espace vectoriel Lc (E1 , Lc (E2 , F )) est muni de la norme subordonnée aux normes k · kE1 et k ·
kLc (E2 ,F ) ,
kφkLc (E1 ,Lc (E2 ,F )) = sup kφ(x1 )kLc (E2 ,F ) .
x1 ∈E1 ,
kx1 kE1 =1
Preuve de la proposition : On commence par vérifier que l’application J est bien à valeurs dans
Lc (E1 , Lc (E2 , F )). Si α ∈ Lc (E1 , E2 ; F ) et x1 ∈ E1 , l’application α(x1 , ·) est linéaire de E2 dans F
par bilinéarité de α, et continue car
∀x2 ∈ E2 , kα(x1 , x2 )kF ≤ kαkLc (E1 ,E2 ;F ) kx1 kE1 kx2 kE2 .
Il s’ensuit
kα(x1 , ·)kLc (E2 ,F ) ≤ kαkLc (E1 ,E2 ;F ) kx1 kE1 .
L’application x1 ∈ E1 7→ α(x1 , ·) ∈ Lc (E2 , F ) est linéaire par bilinéarité de α, et continue d’après
l’estimation précédente. Ceci montre que J(α) ∈ Lc (E1 , Lc (E2 , F )) et
On constate que l’application J est trivialement linéaire. On va maintenant établir son caractère
isométrique ce qui impliquera son injectivité. Soit α ∈ Lc (E1 , E2 ; F ). On veut montrer
Soit ε > 0. Par définition du supremum définissant la norme, il existe (x̃1 , x̃2 ) ∈ E1 × E2 tels que
kx̃1 kE1 = kx̃2 kE2 = 1 et
kα(x̃1 , x̃2 )kF ≥ kαkLc (E1 ,E2 ;F ) − ε.
Il s’ensuit
kJ(α)kLc (E1 ,Lc (E2 ,F )) ≥ kJ(α)(x̃1 )kLc (E2 ,F ) = kα(x̃1 , ·)kLc (E2 ,F )
≥ kα(x̃1 , x̃2 )kF ≥ kαkLc (E1 ,E2 ;F ) − ε.
α : E1 × E2 → F
(x1 , x2 ) 7→ φ(x1 ).x2 ,
∀(x1 , x2 ) ∈ E1 × E2 , kφ(x1 ).x2 kF ≤ kφ(x1 )kLc (E2 ,F ) kx2 kE2 ≤ kφkLc (E1 ,Lc (E2 ,F )) kx1 kE1 kx2 kE2 ,
8.2. DIFFÉRENTIELLES PARTIELLES 123
vérifiant J(α) = φ.
La proposition précédente permet d’expliciter la conclusion du lemme de Schwarz qui assure que
l’égalité suivante
∂ ∂f ∂ ∂f
∀a ∈ Ω, ∀h1 ∈ E1 , ∀h2 ∈ E2 , (a).h1 .h2 = (a).h2 .h1 ,
∂x1 ∂x2 ∂x2 ∂x1
∂2f ∂2f
est satisfaite dans F , et que les différentielles d’ordre deux ∂x1 ∂x2 (a) et ∂x2 ∂x1 (a) qui s’identifient
respectivement aux deux formes bilinéaires continues
∂2f ∂ ∂f
(h1 , h2 ) ∈ E1 × E2 7→ (a).(h1 , h2 ) = (a).h1 .h2
∂x1 ∂x2 ∂x1 ∂x2
et ∂2f ∂ ∂f
(h1 , h2 ) ∈ E1 × E2 7→ (a).(h1 , h2 ) = (a).h2 .h1 ,
∂x2 ∂x1 ∂x2 ∂x1
sont égales.
Preuve du lemme de Schwarz : Soient a ∈ Ω et ε > 0. Il suffit de montrer
∂2f ∂2f
(a) − (a) ≤ ε. (8.17)
∂x1 ∂x2 ∂x2 ∂x1 Lc (E1 ,E2 ;F )
où
ϕh1 : BE2 (0, r) → F
∂2f
t 7→ f (a1 + h1 , a2 + t, a0 ) − f (a1 , a2 + t, a0 ) − ∂x1 ∂x2 (a).(h1 , t).
Comme [0, h2 ] ⊂ BE2 (0, r), l’inégalité des accroissements finis donne
k∆(h1 , h2 )kF = kϕh1 (h2 ) − ϕh1 (0)kF ≤ kh2 kE2 sup kdϕh1 (t)kLc (E2 ,F ) .
t∈[0,h2 ]
∂f ∂f ∂2f
∀τ ∈ E2 , dϕh1 (t).τ = (a1 + h1 , a2 + t, a0 ).τ − (a1 , a2 + t, a0 ).τ − (a).(h1 , τ ).
∂x2 ∂x2 ∂x1 ∂x2
Si τ ∈ E2 , on remarque
dϕh1 (t).τ = θt,τ (h1 ) − θt,τ (0),
124 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
où
θt,τ : BE1 (0, r) → F
∂f ∂2f
s 7→ ∂x 2
(a1 + s, a2 + t, a0 ).τ − ∂x1 ∂x2 (a).(s, τ ).
Comme [0, h1 ] ⊂ BE1 (0, r), l’inégalité des accroissements finis donne
∂2f ∂2f
∀σ ∈ E1 , dθt,τ (s).σ = (a1 + s, a2 + t, a0 ).(σ, τ ) − (a).(σ, τ ).
∂x1 ∂x2 ∂x1 ∂x2
Comme s ∈ [0, h1 ] ⊂ BE1 (0, r) et t ∈ [0, h2 ] ⊂ BE2 (0, r), on déduit de (8.18) que pour tout σ ∈ E1 ,
ε
kdθt,τ (s).σkF ≤ kσkE1 kτ kE2 .
2
Il s’ensuit
ε
∀s ∈ [0, h1 ], kdθt,τ (s)kLc (E1 ,F ) ≤ kτ kE2 .
2
Ceci induit
ε
∀τ ∈ E2 , kdϕh1 (t).τ kF ≤ kh1 kE1 kτ kE2 ,
2
puis
ε
∀t ∈ [0, h2 ], kdϕh1 (t)kLc (E2 ,F ) ≤ kh1 kE1
2
et finalement
ε
∀h1 ∈ BE1 (0, r), ∀h2 ∈ BE2 (0, r) k∆(h1 , h2 )kF ≤ kh1 kE1 kh2 kE2 .
2
On a ainsi montré que pour tous h1 ∈ BE1 (0, r), h2 ∈ BE2 (0, r),
En échangeant les rôles des variables x1 et x2 , on obtient de même que pour tous h1 ∈ BE1 (0, r),
h2 ∈ BE2 (0, r),
Il s’ensuit
∂2f ∂2f
∀h1 ∈ BE1 (0, r), ∀h2 ∈ BE2 (0, r), (a).(h1 , h2 ) − (a).(h1 , h2 ) ≤ εkh1 kE1 kh2 kE2 .
∂x2 ∂x1 ∂x1 ∂x2 F
Par bilinéarité, cette inégalité est satisfaite pour tout (h1 , h2 ) ∈ E1 × E2 . Ceci établit l’estimation
(8.17) et termine la démonstration du lemme de Schwarz.
8.3. DIFFÉRENTIELLES D’ORDRE SUPÉRIEUR OU ÉGAL À 2 125
Sous réserve d’existence, on a expliqué dans la section précédente comment une différentielle
partielle d’ordre 2,
∂2f
(a) : Ej × Ek → F, 1 ≤ j, k ≤ n,
∂xj ∂xk
définit une forme bilinéaire continue. Si cette application différentielle partielle d’ordre 2,
∂2f
: Ω 7→ Lc (Ej , Ek ; F ),
∂xj ∂xk
admet une différentielle partielle par rapport à la variable xl , on peut itérer l’étude précédente
∂3f
(a) ∈ Lc El , Lc (Ej , Ek ; F )
∂xl ∂xj ∂xk
et montrer que les espaces Lc El , Lc (Ej , Ek ; F ) et Lc (El , Ej , Ek ; F ) s’identifient par un isomorphisme
isométrique. Cette différentielle partielle d’ordre 3 de f en a,
∂3f ∂ ∂ ∂f
∀(hl , hj , hk ) ∈ El × Ej × Ek , (a).(hl , hj , hk ) = (a).hl .hj .hk ,
∂xl ∂xj ∂xk ∂xl ∂xj ∂xk
définit donc une application 3-linéaire continue de El × Ej × Ek dans F , et sous réserve d’existence,
on peut considérer l’application différentielle partielle
∂3f
: Ω → Lc (El , Ej , Ek ; F ),
∂xl ∂xj ∂xk
de Ω à valeurs dans l’espace des applications 3-linéaires continues de El ×Ej ×Ek dans F . En itérant ce
procédé sous réserve d’existence, on peut considérer pour tout m-uplet (α1 , ..., αm ) ∈ Nm de longueur
L = α1 + ... + αm , la différentielle partielle d’ordre L de f en a,
∂Lf
(a) ∈ Lc (E1α1 , ..., Em
αm
; F ),
∂xα1 1 ...∂xαmm
qui définit une application L-linéaire continue de E1α1 × ... × Emαm dans F , et l’application différentielle
partielle
∂Lf
α1 : Ω → Lc (E1α1 , ..., Em
αm
; F ),
∂x1 ...∂xαmm
de Ω à valeurs dans l’espace des applications L-linéaires continues de E1α1 × ... × Em
αm dans F . L’ordre
dans lequel sont prises les différentiations successives peut être changé sous réserve que les propriétés
de continuité adhoc des différentielles partielles soient vérifiées pour pouvoir appliquer le lemme de
Schwarz.
si A ∈ GLn (C). En utilisant le théorème de différentiation des fonctions composées et le calcul explicite
de la différentielle de l’inverse donné précédemment, on en déduit
si A ∈ GLn (C).
Détails 8.7
f : Inv(E) → Inv(E)
x 7→ x−1 ,
est de classe C 1 (Inv(E), E), et que df (x).h = −x−1 hx−1 pour tous x ∈ Inv(E) et h ∈ E. En utilisant
le théorème de différentiation des fonctions composées, on montre que f ∈ C 2 (Inv(E), E) et
∀x ∈ Inv(E), ∀h, k ∈ E, (d2 f (x).k).h = x−1 kx−1 hx−1 + x−1 hx−1 kx−1 .
Détails 8.8
Proposition 8.21 Soient (E, k·kE ) et (F, k·kF ) des evn sur R, Ω un ouvert de E, a ∈ Ω et f : Ω → F
une fonction. Si f est deux fois différentiable en a, alors la différentielle seconde d2 f (a) définit une
forme bilinéaire continue symétrique de E × E dans F .
Pour ce faire, on va montrer que l’on peut approcher à une précision arbitraire chacun de ces deux
termes par un même terme symétrique en h et h0 . Soit ε > 0. Il existe δ > 0 tel que BE (a, δ) ⊂ Ω et
ε
∀s ∈ BE (0, δ), kdf (a + s) − df (a) − d2 f (a).skLc (E,F ) ≤ kskE .
4
Pour tous h, h0 ∈ BE (0, 2δ ), l’inégalité des accroissements finis donne
où
G : BE (0, 2δ ) → F
h̃ 7→ f (a + h̃ + h0 ) − f (a + h̃) − (d2 f (a).h0 ).h̃.
Le théorème de différentiation des fonctions composées montre que pour tout h̃ ∈ [0, h],
En échangeant les rôles de h et h0 dans la formule ci-dessus, on obtient pour tous h, h0 ∈ BE (0, 2δ ),
ε
kf (a + h + h0 ) − f (a + h) − f (a + h0 ) + f (a) − (d2 f (a).h).h0 kF ≤ (khkE + kh0 kE )2 .
2
On déduit de l’inégalité triangulaire
0
δ
∀h, h ∈ BE 0, , k(d2 f (a).h0 ).h − (d2 f (a).h).h0 kF ≤ ε(khkE + kh0 kE )2 .
2
Il s’ensuit que pour tous h, h0 ∈ E,
1
k(d2 f (a).h0 ).h − (d2 f (a).h).h0 kF = k(d2 f (a).ρh0 ).ρh − (d2 f (a).ρh).ρh0 kF
ρ2
ε
≤ 2 (kρhkE + kρh0 kE )2 = ε(khkE + kh0 kE )2 .
ρ
Proposition 8.22 Soient (E1 , k · kE1 ), ..., (En , k · kEn ) et (F, k · kF ) des evn sur R. On note E =
E1 × ... × En le produit cartésien muni de la norme k(x1 , ..., xn )kE = max1≤j≤n kxj kEj , Ω désigne un
ouvert de E, a = (a1 , ..., an ) ∈ Ω et f : Ω → F une fonction. Si f est deux fois différentiable en a,
alors la fonction f admet des différentielles partielles d’ordre 2 en a, et
n
X ∂2f
∀h = (h1 , ..., hn ), h0 = (h01 , ..., h0n ) ∈ E, d2 f (a).(h, h0 ) = (a).(hj , h0k ).
∂xj ∂xk
j,k=1
X ∂2f n
∂
(df )(a).hk = (a).hk ◦ pj ,
∂xk ∂xk ∂xj
j=1
dans Lc (E, F ). Dans cette formule, la composition est bien définie comme un élément de Lc (E, F )
2f
car pj ∈ Lc (E, Ej ) et ∂x∂k ∂x j
(a).hk ∈ Lc (Ej , F ). En appliquant la formule (8.19) à df , on obtient
n
X ∂
d2 f (a).h = d(df )(a).h = (df )(a).hk ,
∂xk
k=1
dans F .
Proposition 8.25 Soient (E, k·kE ) et (F, k·kF ) des evn sur R, Ω un ouvert de E, a ∈ Ω et f : Ω → F
une fonction. Si f est k fois différentiable en a avec k ≥ 2, alors dk f (a) est une application k-linéaire
continue symétrique de E k dans F .
On procède ensuite par récurrence sur k ≥ 2. La propriété de symétrie a déjà été établie dans le
cas k = 2. Soient k ≥ 3 et (h1 , ..., hk ) ∈ E k . supposons la propriété de symétrie satisfaite au rang
k − 1. Soit σ ∈ Sk . On distingue deux cas selon que σ(1) = 1 ou σ(1) 6= 1. Si σ(1) = 1, il existe
σ̃ ∈ S({2, ..., k}) tel que σ(j) = σ̃(j). L’hypothèse de récurrence montre
Supposons que σ(1) 6= 1. Ceci implique que 1 ∈ {σ(2), ..., σ(n)}. Il existe σ̃ ∈ S({σ(2), ..., σ(k)}) tel
que (σ̃ ◦ σ)(2) = 1. L’hypothèse de récurrence montre
Proposition 8.26 Soient (E1 , k · kE1 ), ..., (En , k · kEn ) et (F, k · kF ) des evn sur R. On note E =
E1 × ... × En le produit cartésien muni de la norme k(x1 , ..., xn )kE = max1≤j≤n kxj kEj , Ω désigne
un ouvert de E, et f : Ω → F une fonction. La fonction f est de classe C k (Ω, F ) si et seulement si
f admet des différentielles partielles jusqu’à l’ordre k et que toutes ces différentielles partielles sont
continues sur Ω
Proposition 8.27 Soient (E, k · kE ) et (F, k · kF ) des evn sur R, ΩE un ouvert de E, ΩF un ouvert
de F et f : Ω → F une fonction.
(i) Pour tout k ∈ N ∪ {∞}, l’espace C k (Ω, F ) a une structure d’espace vectoriel
(ii) Les applications affines continues sont de classe C ∞
(iii) Les applications multilinéaires continues sont de classe C ∞
(iv) La composée d’applications C k est C k sous réserve que cette composition soit bien définie
(v) Si F est une R-algèbre normée, le produit d’applications de classe C k (Ω, F ) est de classe
C k (Ω, F )
130 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
(vi) Si E est une R-algèbre de Banach, l’application inverse f : x ∈ Inv(E) 7→ x−1 ∈ Inv(E) est de
classe C ∞
(vii) Si f est un C 1 -difféomorphisme de ΩE sur ΩF et f ∈ C k (ΩE , F ), alors f −1 ∈ C k (ΩF , E)
Preuve :
(i) Résultat trivial.
(ii) Les applications affines continues ont des différentielles constantes et des différentielles d’ordre
deux nulles.
(iii) Si f : E1 × E2 → F est une application bilinéaire continue, on a montré que df : E1 × E2 →
Lc (E1 × E2 , F ) est linéaire continue. D’après (ii), df est de classe C ∞ sur E1 × E2 . La fonction
f est donc de classe C ∞ sur E1 × E2 , et d3 f = 0. Si f : E1 × ... × En → F est un application n-
linéaire continue, on montre que f est de classe C ∞ sur E1 ×...×En en utilisant que dn+1 f = 0
(exercice).
(iv) On procède par récurrence sur k et on utilise le théorème de différentiation des fonctions
composées.
(v) On procède par récurrence sur k et on utilise la formule pour la différentielle d’un produit.
(vi) Si x ∈ Inv(E), on a montré que df (x).h = −x−1 hx−1 pour tout h ∈ E, et
∀n ≥ 2, ∀h1 , ..., hn ∈ E,
X
dn f (x).(h1 , ..., hn ) = (−1)n x−1 hσ(1) x−1 hσ(2) x−1 ...x−1 hσ(n) x−1 .
σ∈Sn
(vii) On procède par récurrence sur k. On utilise la formule d(f −1 )(b) = df (a)−1 si b = f (a), et la
continuité de l’inversion.
Théorème 8.28 (Formule de Taylor-Young) Soient (E, k · kE ), (F, k · kF ) des evn sur R, Ω un
ouvert de E, a ∈ Ω, n ∈ N∗ et f : Ω → F une fonction. Si la fonction f est n fois différentiable en
a, alors
1 2 1
f (a + h) = f (a) + df (a).h + d f (a).(h, h) + ... + dn f (a).(h, ..., h) + o (khknE )
2! n! khkE →0
Preuve : La démonstration se fait par récurrence sur n ∈ N comme dans le cas où E = R. Il faut
cependant veiller à n’utiliser que l’inégalité des accroissements finis et pas de formulation intégrale
car il n’y a pas d’hypothèse de complétude pour l’evn F . Pour n = 1, la formule correspond à la
définition de la différentiabilité en a. Soit n ≥ 2. Supposons la formule de Taylor-Young satisfaite au
rang n − 1. Pour montrer qu’elle est satisfaite au rang n, il suffit de montrer
1 2 1
H(h) = f (a + h) − f (a) − df (a).h − d f (a).(h, h) − ... − dn f (a).(h, ..., h) = o (khknE ).
2! n! khkE →0
8.5. EN DIMENSION FINIE 131
Exemple : Si f est une fonction de classe C 2 (R2 , R), alors
∂f ∂f
∀(x0 , y0 ) ∈ R2 , f (x0 + h, y0 + k) = f (x0 , y0 ) + h (x0 , y0 ) + k (x0 , y0 )
∂x ∂y
h2 ∂ 2 f k2 ∂ 2 f ∂2f
+ (x 0 , y0 ) + (x 0 , y0 ) + hk (x0 , y0 ) + o(k(h, k)k2 ),
2 ∂x2 2 ∂y 2 ∂x∂y
quand k(h, k)k → 0.
Preuve : Il suffit d’appliquer la formule de Taylor avec reste intégral pour les fonctions d’une variable
réelle donnée par le théorème 7.16 à la fonction auxiliaire de classe C k ([0, 1], F ),
u : t ∈ [0, 1] 7→ f (a + th),
dont les dérivées soient données par
∀1 ≤ l ≤ k, ∀0 ≤ t ≤ 1, u(l) (t) = dl f (a + th).(h, ..., h).
f : Ω → Rq
x 7→ (f1 (x), ..., fq (x)).
132 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
F → Lc (R, F )
n R → F
y 7→
t 7→ ty,
est un isomorphisme isométrique de (F, k · kF ) dans (Lc (R, F ), k · kLc (R,F ) ). Cet isomorphisme isomé-
trique permet d’identifier les evn F et Lc (R, F ). Les différentielles partielles de f : Ω → F appelées
dérivées partielles s’identifient donc à un élément de F ,
Sous réserve d’existence, on peut donc considérer les applications dérivées partielles
∂f ∂2f
: Ω → F, : Ω → F.
∂xj ∂xk ∂xj
Corollaire 8.30 Soient Ω un ouvert de Rn et (F, k · kF ) un evn sur R. Les assertions suivantes sont
équivalentes :
(i) La fonction f est de classe C 1 (Ω, F )
(ii) La fonction f admet des dérivées partielles par rapport à toutes les variables xj sur Ω, et ces
∂f
dérivées partielles ∂x j
sont continues de Ω dans F
Détails 8.9
Détails 8.10
La formule ci-dessus permet d’obtenir les dérivées partielles de la fonction réciproque f −1 sans
avoir à expliciter f −1 .
8.5.3 Gradient
8.5.4 Hessienne
La formule
n
X ∂2f
∀h, h0 ∈ Rn , d2 f (a).(h, h0 ) = (a).(hi , h0j ),
∂xi ∂xj
i,j=1
implique
∂2f
Hess(f )(a) = (a) ; ∀h , h0 ∈ Rn , d2 f (a).(h, h0 ) = hT [Hess(f )(a)]h0 .
∂xi ∂xj 1≤i,j≤n
134 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
Détails 8.11
Définition 8.38 Soient (E, k · k) un evn sur R, et Ω un ouvert convexe de E. Une application
f : Ω → R est convexe (resp. strictement convexe) si
resp.
∀x, y ∈ Ω, x 6= y, ∀λ ∈ (0, 1), f (λx + (1 − λ)y) < λf (x) + (1 − λ)f (y)
La proposition suivante permet de ramener l’étude de fonctions convexes définies sur un ouvert
convexe d’un evn à celle de fonctions convexes d’une variable réelle.
Proposition 8.39 Soient (E, k · k) un evn sur R, Ω une partie convexe de E et f : Ω → R une
fonction à valeurs réelles. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) La fonction f est convexe (resp. strictement convexe) sur Ω
(ii) Pour tous x, y ∈ Ω, x 6= y, la fonction auxiliaire
u : [0, 1] → R
t 7→ f (x + t(y − x)),
Preuve : On peut supposer que Ω est une partie convexe non vide car le résultat est trivial si Ω = ∅.
(i) ⇒ (ii) : Soient x, y ∈ Ω, x 6= y. On remarque
∀t1 , t2 ∈ [0, 1], ∀λ ∈ [0, 1], u(λt1 + (1 − λ)t2 ) = f (x + (λt1 + (1 − λ)t2 )(y − x))
= f (λ(x + t1 (y − x)) + (1 − λ)(x + t2 (y − x))).
∀t1 , t2 ∈ [0, 1], ∀λ ∈ [0, 1], u(λt1 + (1 − λ)t2 ) ≤ λf (x + t1 (y − x)) + (1 − λ)f (x + t2 (y − x))
= λu(t1 ) + (1 − λ)u(t2 ),
respectivement
car
x + t1 (y − x) = (1 − t1 )x + t1 y ∈ Ω, x + t2 (y − x) = (1 − t2 )x + t2 y ∈ Ω
par convexité de Ω, et
x + t1 (y − x) 6= x + t2 (y − x),
si t1 6= t2 .
(ii) ⇒ (i) : Soient x, y ∈ Ω, x 6= y et λ ∈ (0, 1). La convexité (resp. la stricte convexité) de u implique
respectivement
Cette réduction à une fonction auxiliaire permet de déduire les propriétés suivantes des caracté-
risations des fonctions convexes (resp. strictement convexe) d’une variable réelle établies au chapitre
précédent.
Preuve : On utilise la caractérisation de la convexité donnée par la proposition 8.39 et les résultats
démontrés précédemment pour les fonctions convexes d’une variable réelle dans le théorème 7.29. Il
suffit alors de remarquer que la fonction auxiliaire
u : [0, 1] → R
t 7→ f (x + t(y − x)),
136 CHAPITRE 8. DIFFÉRENTIELLE
Preuve : On utilise les mêmes arguments que ceux donnés pour la démonstration de la proposition
précédente.
Preuve :
1) (i) ⇒ (ii) Ce résultat est une conséquence du fait qu’un extremum intérieur est nécessairement
un point critique même sans hypothèse de convexité.
(ii) ⇒ (i) La convexité de f implique que f (x) ≥ f (c) + df (c).(x − c) = f (c) pour tout x ∈ Ω.
2) Par l’absurde, si la fonction f était minimale en deux points distincts x1 , x2 ∈ Ω, x1 6= x2 , la
stricte convexité de f fournit la contradiction suivante
Chapitre 9
Définition 9.1 (C 1 -difféomorphisme) Soient (E, k · kE ) et (F, k · kF ) des evn sur R, V un ouvert
de E, W un ouvert de F . Une application f : V → W est un C 1 -difféomorphisme de V sur W si
(i) La fonction f est bijective de V sur W
(ii) La fonction f est de classe C 1 sur V
(iii) La fonction réciproque f −1 est de classe C 1 sur W
Théorème 9.2 (Théorème d’inversion locale) Soient (E, k·kE ), (F, k·kF ) des espaces de Banach
sur R, Ω un ouvert de E et a ∈ Ω. Si f est une fonction de classe C 1 (Ω, F ) telle que df (a) soit un
isomorphisme de E sur F , alors il existe un voisinage ouvert V de a dans Ω et un voisinage ouvert
W de f (a) dans F tels que f soit un C 1 -difféomorphisme de V sur W . Si, de plus f est de classe
C k (Ω, F ), alors la fonction réciproque f −1 est de classe C k (W, V )
137
138 CHAPITRE 9. THÉORÈMES D’INVERSION LOCALE ET DES FONCTIONS IMPLICITES
φy : B E (0, r) → E
x 7→ x − df (0)−1 .(f (x) − y) = −df (0)−1 .(f (x) − f (0) − df (0).x − y),
kx1 − x2 kE = kφy1 (x1 ) − φy2 (x2 )kE = kdf (0)−1 .(f (x1 ) − f (x2 ) − df (0).(x1 − x2 ) − (y1 − y2 ))kE
Z 1 1
≤C (df (x2 +t(x1 −x2 ))−df (0)).(x1 −x2 )dt +ky1 −y2 kF ≤ C kx1 −x2 kE +ky1 −y2 kF ,
0 F 2C
car
Z 1
kf (x1 ) − f (x2 ) − df (0).(x1 − x2 )kF = (df (x2 + t(x1 − x2 )) − df (0)).(x1 − x2 )dt
0 F
Z 1 Z 1
≤ k(df (x2 +t(x1 −x2 ))−df (0)).(x1 −x2 )kF dt ≤ k(df (x2 +t(x1 −x2 ))−df (0))kLc (E,F ) kx1 −x2 kE dt.
0 0
Notons que la formule intégrale ci-dessus est bien définie car F est un espace de Banach. La fonction
inverse est 2C-lipschitzienne sur W ,
Il s’ensuit que la fonction f −1 est de classe C 1 (W, V ), car sa différentielle est continue comme composée
d’applications continues. Si, de plus f ∈ C k (Ω, F ), la proposition 8.27 assure que f −1 ∈ C k (W, V ).
Détails 9.1
Exemples et contre-exemples :
1) Le résultat du théorème d’inversion locale est uniquement local. Par exemple, l’application
f: R2 → R2
(x, y) 7→ (x2 − y 2 , 2xy),
est de classe C 1 (Ω, R2 ) de jacobien non nul en tout point de Ω = R2 \ {(0, 0)},
2x −2y
∀(x, y) ∈ Ω, Jac(f )(x, y) = = 4(x2 + y 2 ) 6= 0.
2y 2x
2) La régularité de classe C 1 est nécessaire pour obtenir le résultat du théorème d’inversion locale.
En effet, la fonction f : R → R définie par
n x + x2 sin π si x 6= 0
f (x) = x
0 si x = 0,
est de classe C 1 sur R∗ . Comme f (x) = x + o(x) quand x → 0, la fonction f est dérivable
en 0 et f 0 (0) = 1. On remarque néanmoins que la fonction f ne peut être bijective sur aucun
voisinage ouvert de 0, car elle n’est monotone sur aucun voisinage ouvert de 0,
1 2k 1 1 1 2k + 32
∀k ∈ N∗ , f = < f = < f = .
2k + 1 (2k + 1)2 2k 2k 2k + 12 (2k + 21 )2
Théorème 9.4 Soient (E, k · kE ), (F, k · kF ) des espaces de Banach sur R, et ΩE un ouvert de E.
Si f est une fonction de classe C 1 (ΩE , F ) injective telle que df (a) soit un isomorphisme de E sur F
pour tout a ∈ ΩE , alors ΩF = f (ΩE ) est un ouvert de F et f est un C 1 -difféomorphisme de ΩE sur
ΩF
Preuve : On commence par montrer que ΩF est un ouvert de F . Soit b ∈ ΩF . Il faut montrer qu’il
existe W un voisinage ouvert de b dans F tel que W ⊂ ΩF . Il existe a ∈ ΩE tel que b = f (a). Comme
df (a) est un isomorphisme de E sur F , le théorème d’inversion locale montre qu’il existe V un voisinage
ouvert de a dans ΩE et W un voisinage ouvert de b dans F tels que f soit un C 1 -difféomorphisme
de V sur W . En particulier, W est contenu dans l’image de f , i.e. W ⊂ ΩF . D’après l’hypothèse
d’injectivité, l’application f : ΩE → ΩF est bijective. Pour tout b ∈ ΩF , le théorème d’inversion
locale montre que la fonction réciproque f −1 est de classe C 1 au voisinage de b. La fonction f −1 est
donc de classe C 1 sur ΩF .
Théorème 9.5 Soient (E, k · kE ), (F, k · kF ) et (G, k · kG ) des espaces de Banach sur R. On considère
le produit cartésien E × F muni de la norme k(x, y)kE×F = max(kxkE , kykF ). Soient U un ouvert de
(E × F, k · kE×F ) et (a, b) ∈ U . Si f est une fonction de classe C 1 (U, G) vérifiant f (a, b) = 0 dont la
différentielle partielle ∂f
∂y (a, b) est un isomorphisme de F sur G, alors il existe
(i) Un voisinage ouvert V de a dans E
(ii) Un voisinage ouvert W de b dans F tels que V × W ⊂ U
(iii) Une fonction ϕ ∈ C 1 (V, W )
9.2. THÉORÈME DES FONCTIONS IMPLICITES 141
tels que
(x, y) ∈ V × W, f (x, y) = 0 ⇐⇒ x ∈ V, y = ϕ(x).
Si de plus f ∈ C k (U, G), alors ϕ ∈ C k (V, W )
Ce résultat exprime le fait qu’une courbe définie implicitement par l’équation f (x, y) = 0 peut
localement être vue comme le graphe d’une fonction ϕ définie implicitement par la fonction f . Il
est important de noter que l’on peut calculer explicitement la différentielle de la fonction implicite.
En effet, le théorème d’isomorphisme de Banach assure que ∂f ∂y (a, b) ∈ Glc (F, G). Comme l’ensemble
1
Glc (F, G) est ouvert dans Lc (F, G), la régularité C de f permet de supposer
∂f
∀(x, y) ∈ V × W, (x, y) ∈ Glc (F, G),
∂y
quitte à réduire les ensembles ouverts V et W . En différenciant l’identité suivante à valeurs dans G,
∀x ∈ V, f (x, ϕ(x)) = 0,
on obtient la formule suivante satisfaite dans Lc (E, G),
∂f ∂f
∀x ∈ V, (x, ϕ(x)) + (x, ϕ(x)) ◦ dϕ(x) = 0,
∂x ∂y
ce qui implique
∂f −1 ∂f
dϕ(x) = − (x, ϕ(x)) ◦ (x, ϕ(x)).
∂y ∂x
Preuve : On munit le produit cartésien E × G de la norme k(x, z)kE×G = max(kxkE , kzkG ). L’ap-
plication
g: U → E×G
(x, y) 7→ (x, f (x, y)),
est de classe C 1 (U, E × G), et
∂f ∂f
∀(h, k) ∈ E × F, dg(a, b).(h, k) = h, (a, b).h + (a, b).k .
∂x ∂y
Si (u, v) ∈ E × G et (h, k) ∈ E × F , on remarque
(
h=u
dg(a, b).(h, k) = (u, v) ⇐⇒ −1
k = ∂f
∂y (a, b) v− ∂f
∂x (a, b).u .
On en déduit que la différentielle dg(a, b) est un isomorphisme entre les espaces de Banach E × F et
E × G. D’après le théorème d’inversion locale, il existe ΩE×F un voisinage ouvert de (a, b) dans U
et ΩE×G un voisinage ouvert de (a, 0) dans E × G tels que g soit un C 1 -difféomorphisme de ΩE×F
sur ΩE×G . On peut alors trouver V un voisinage ouvert de a dans E et W un voisinage ouvert de b
dans F tels que V × W ⊂ ΩE×F et V × {0} ⊂ ΩE×G . Par restriction, g est un C 1 -difféomorphisme
de V × W sur g(V × W ). On considère
ϕ: V → W pF : E × F → F
où
x 7 → pF (g −1 (x, 0)) (x, y) 7→ y.
La fonction ϕ est de classe C 1 (V, W ) comme composée de fonctions C 1 et vérifie